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REVUE
LES
SCIENCES ECCLÉSIASTIQUES
IMPRIMATUR :
Atrebaii, die 20 Janiiaiii iSG'i,
L.-Li.^ "Y , Episc. Atrebutensis , Bolonien.
et Audomaren.
REVUE
DES
SCIENCES ECCLESIASTIQUES
DIRIGEE
PAR M. L'ABBÉ D. BOUIX.
rvso
RKCUKIL. AIEIVSVRL,
Paraissant avec l'autorisalion de Mgr Partsis, cvêque d'Arras.
Ubi Petrus, ibi Ecclèaia. (St^Ambroise.
Tome IX. — 1" ©eoiestre l^G^.
ARHAS :
imwm ROlJSSEAlJ-LEliOÏ, ÉLlTEUa,
(kuiîeaux le la revue)
riie'^it-Maiirir.ri, 2'<
PARIS •
CHEZ MM. GimiC FliÈi\îS tî DUPKEY,
LIBRAIRES -ÉDITFAIHS,
lue Cssseltû, i.
1864
QUESTION DE DROIT CANONIQUE.
L'ordination des prêtres, dans laquelle des parties ont été
omises, doit-elle être réitérée en entier, ou bien suffit-il de
suppléer ce gui a été omis ?
I.
Rappelons avant tout les trois diverses opinions des théo-
logiens sur la matière sacramentelle poui' l'ordre de la prê-
trise.
La première opinion^ qui paraît être celle de saint
Thomas (1) , la faitconsister dans \a.porrectiondes instruments,
c'est-à-dire du calice avec du vin, surmonté de la patène
avec une hostie. Voici les paroles du Docteur angélique :
« Materia hujus sacramenti est illud materiale, per cujus
traditionem conferturordo. Quilibetordo traditur per colla-
lionem illius rei quœpraecipue pertinetad ministerium illius
ordinis. » (Opusc. 5, deSacram. Eccles.) — «Quia principalis
actus sacerdotis est consecrare corpus et sanguinem Chri-
sti, ideo in ipsa datione calicis sub forma verborum determi-
nata character sacerdotalis imprimitur. » {In supplemento
partis 3; quœst. 37, art. 5.)
La seconde opinion, à laquelle se sont rattachés un grand
(I) Les défenseurs de la 3e opinion, qui fait consister la matière sacra-
mentelle tout à la fois dans la porrection des instruments et dans l'im-
position des mains, ne laissent pas d'interpréter aussi saint Thomas dans
leur sens. (Voir Theologia Wirceburgensium, tome 5, p. 37C, édition
de Paris, 1854.)
6 QUESTION
nombre d'érudits, n'admet, comme matière essentielle à la
validité, que f imposition des mains. La porrection des ins-
truments n'est à leurs yeux qu'une partie intégrante, insti-
tuée par l'Église comme symbole plus expressif du pouvoir
conféré au prêtre. Ils apportent en preuve ces deux faits,
qu'ils croient péremptoires : l" pendant les neuf premiers
siècles de l'Église, les ordres sacrés ont été conférés par la
seule imposition des mains. Il n'est fait mention de la por-
rection des instruments ni dans les saintes Écritures, ni
dans les écrits des Pères, ni dans les anciens Rituels, ni
même dans les anciens auteurs qui ont traité ex professa des
formes rituelles à suivre dans la collation des ordres sacrés,
comme Amalaire, Fortunat, Raban Maur et Walafrid Stra-
bon. 2° L'Église grecque n'a jamais fait usage que de l'im-
position des mains. On peut s'en convaincre par YEucologe
des Grecs et par l'ouvrage d'Arcudius. {Concord. lib. 6, c.
2.) Néanmoins, l'Église romaine n'ajamais mis en question
la validité de ces ordinations. Telle est, en sul^stance, l'ar-
gumentation qui sert d'appui à ce sentiment.
La troisième opinion part de ce principe que Jésus-Christ
n'a pas voulu déterminer complètement par lui-même cette
matière sacramentelle, mais en a laissé la détermination à
son Église, et s'est contenté d'attacher l'effet du sacrement
au rit que l'Église prescrirait comme nécessaire. La consé-
quence de ce principe est que la seule imposition des mains
peut suffire chez les Grecs, et a pu suffire pendant des
siècles en Occident, parce que l'Église n'aurait pas prescrit
davantage ; mais qu'aujourd'hui, dans l'Église latine, la
porrection des instruments et l'imposition des mains peu-
vent se trouver toutes deux nécessaires à la validité, si
l'Église a prescrit les deux cérémonies comme conditions
nécessaires pom' la réception du sacrement. Les défenseurs
de cette troisième opinion ajoutent que, de fait^ l'Église a,
depuis plusieui'S siècles, rendu nécessaire la porrection des
DE DROIT CANONIQUE. 7
instruments aussi bien que l'imposition des mains, en lais-
sant toutefois en dehors de cette mesure les Églises du rit
grec. Ils en donnent pour preuve le paragraple 15 du décret
du Concile de Florence pour V instruction des Arméniens^ où il
est dit : Sextvni sacraînenfum est ordinis, cujus materia est
illud, per cujus iraditionemconferiur ordo; sicut presbyteratus
traditur per caliciscum vinoy et patenœ cum pane porrectionem.
Us invoquent aussi le texte du Ponii/îcal. Gomme on le voit,
cette troisième opinion concilie jusqu'à un certain point les
deux précédentes.
Inutile d'ajouter que la même divergence d'opinions existe
par rapport à la forme sacramentelle requise pour la validité.
Ceux qui assignent pour matière la porrection des instru-
ments font consister la forme dans les paroles prononcées
par l'évêque au moment où il met ces instruments aux
mains de l'ordinand. Au contraire, dans l'opinion qui assi-
gne pour matière l'imposition des mains, la forme consiste
dans les paroles de l'évêque qui accompagnent cette céré-
monie. Remarquons ici en passant qu'il y a pour l'ordina-
tion du prêtre trois impositions des mains : l'une après les
litanies, et celle-là n'est point accompagnée de paroles ; la
seconde immédiatement après la précédente, avec la prière
par laquelle l'évêque implore pour l'ordinand les dons du
Saint-Esprit ; la troisième après la communion, avec la for-
mule Accipe Spiriium 6a«c/t«w, etc. Enfin, ceux qui assignent
pour matière adéquate la porrection des instruments et l'im-
position des mains, font consister la forme requise dans les
paroles qui accompagnent tant la première que la seconde
cérémonie.
Telle est la controverse des théologiens. L'Église ne l'a
pas encore dirimée. Aucune de ces opinions n'a été déclarée
la véritable ; aucune n'a été condamnée. lien résulte que la va-
lidité de l'ordination du prêtre est rendue au moins douteuse
par l'omission de l'une des huit cérémonies suivantes : 1° la
8 QUESTION
première Imposition des mains ; 2» la seconde imposition
des mains ; 3 Ma prière qui accompagne cette seconde im-
position ; Zi" l'onction des mains (car il y a aussi des théo-
logiens qui la tiennent pour nécessaire à la validité) ; 5° la
porrection du calice (contenant du vin et de l'eau) , ainsi que
de la patène (avec une hostie superposée) , en sorte que
l'ordinand les touche physiquement de ses mains ; 6" la
formule qui accompagne cette cérémonie ; 7° la troisième
imposition des mains ; 8° la formule Accipe Spirition, etc.,
qui l'accompagne.
II.
Lors même qu'une partie omise n'entraînerait que pro-
bablement la nullité de l'ordination, elle doit être suppléée.
C'est là une règle certaine, admise d'un commun accord par
les docteurs. Ils se fondent sur ce principe, qu'en ce qui
concerne la validité des sacrements, on est tenu de suivre
l'opinion la plus sûre, quand même elle serait moins probable.
(( Pour le baptême, le sacerdoce et l'épiscopat (dit le car-
dinal de Lugo) , il n'est pas permis de suivre des opinions
probables par rapport à la validité: la raison en est l'impor-
tance extrême d'assurer cette validité. On doit donc s'en
tenir aux opinions les plus sûres, quand même elles seraient
moins probables. Il résulterait les plus graves inconvénients,
par cela seul qu'on pourrait élever un doute prudent sur la
valeur des sacrements en question, et qu'il y aurait une
opinion probable concluant à leur nullité. » {Resp. moral.
1. I. dub. 33, n. 2.) La même règle est appuyée par deux
textes de di'oit canonique : la décrétale Pastoralis et la dé-
crétale Presbyter, titre de Sacramentis non iterandis. Elle se
déduit en outre de la première des propositions condamnées
par Innocent XI, le 2 mars 1679 : ISon est illicitvm in sacra-
mentis conferendis sequi opinionem probabilem de vnlore sacra-
menti, relicta tiitiore,nisiid veiet lex, conventio, aiit pericvlvm.
gravis damni incurrendi.
DE DROIT CANONIQUE. 9
Reste la question, s'il suffit de suppléer les parties omises,
ou s'il est nécessaire de réitérer intégralement l'ordination
sub condittone. Vav exemple, lorsqu'une indisposition a forcé
l'évêque de laisser l'ordination inachevée, cette ordination
doit-elle être reprise seulement à l'endroit où elle avait été
interrompue, ou bien faut-il recommencer toute l'ordination,
et réitérer, par conséquent, celles des huit parties énoncées
ci-dessus , qui avaient été régulièrement accomplies ? Par
exemple encore, lorsque, dans une ordination non inter-
rompue, on constate que quelqu'une des huit parties sus-
dites a été omise pour l'un des ordinands, faut-il pour cet
ordinand recommencer toute l'ordination sm6 conditioner ou
bien suffit-il de suppléer la partie omise? C'est la difficulté
que nous nous sommes proposé d'éclaircir.
III.
Les anciens canonistes, en assez grand nombre, ont pensé
qu'il fallait seulement suppléer la partie omise, sans réitérer
intégralement l'ordination. Une décrétale d'Innocent III et
une autre de Grégoire IX, paraissaient autoriser ce sen-
timent.
La décrétale Pastoralis d'Innocent III est ainsi conçue :
« Vous nous avez consulté pour savoir si celui qui a été
ordonné sous-diacre sans l'imposition des mains peut être
admis à l'exercice de cet ordre ; de plus, s'il faut de nouveau
administrer {iterari) le sacrement de Confirmation à celui
qui, par erreur, a été oint avec de l'huile et non avec le
chrême. Nous répondons brièvement qu'en de tels cas il ne
faut rien réitérer, mais suppléer prudemment ce qui a été
omis par erreur. (Breviter duximus respondendum, quod in
talibus non estaliquid iterandum, sedcaute supplendum quod
incaute fuerat praetermissum. » — Caput Pastoralis. de Sa-
cramentis non iterandis. )
La décrétale Presbyter de Grégoire IX s'exprime dans le
10 QUESTION
même sens : « Dans lem' ordination, le prêtre et le diacre
reçoivent l'iniposition des mains par contact physique. Si ,
cette cérémonie (qui vient des Apôtres) a été omise, il ne
faut pas réitérer, mais au temps marqué pour les ordinations,
il faut suppléer prudemment ce qui a été omis par erreur.
Non est aliquatenus iterandum, sed statuto, etc. » (Caput
Presbîjter, de Sacramentis non iterandis.)
En commentant cette dernière décrétale. Innocent IV s'ex-
prime ainsi : « Il ne faut pas réitérer, mais suppléer, lorsque
les actes sont distincts, comme sont, pour l'ordination du
prêtre, l'imposition des mains, la porrection du calice et de
la patène, l'onction. Si l'un de ces rites a été régulièrement
accompli, il ne faudra pas le recommencer. » (Voir ce texte
cité par Fagnan, adC. Cum venisset, de Sacra Unctione, n. li.)
Le célèbre abbé de Palerme se prononce dans le même
sens: « Si in uno actu aliquid est omissum, non ideo alii
actus penitus separati iterari debebunt, sed tantum illa
quœ ei actui inhœrent. » (Voir ce texte à l'endroit cité de
Fagnan.)
C'est aussi le sentiment du canoniste d'Ostie : « Ubi di-
versi sunt actus, sicut in ordinatione sacerdotis, ubi alius
actus est tenere manus super caput, alius ei dare calicem,
alius dare patenam, alius inungere, si aliquis eorum omit-
tatur, non est ordo iterandus, sed actus qui omissus est
caute supplendus. » (Ad caput Preshyter, de Sacramentis non
iterandis, n. 9.)
Ces citations suffisent pour constater que cette opinion a
été réellement celle de plusieurs anciens canonistes.
Néanmoins déjà les ouvrages de saint Antonin nous mon-
trent cette opinion combattue et abandonnée. Il traite ex
professo la question qui nous occupe dans la 3* partie de sa
Somme théologique, titre IZi, chap. 16, § 5. « Que doit-on
faire, dit-il, quand une des cérémonies prescrites a été
omise ? » Il commence par avertir que les docteurs ne s'ac-
DE DROIT CANONIQUE. 11
cordent pas sur ce point. Puis il résume ainsi leurs opinions :
« Pierre Lombard (le Maître des sentences) pense qu'on
ne doit rien recommencer de ce qui a été régulièrement
fait dans l'ordination, mais seulement suppléer la partie
omise...
« Mais le sentiment de Piaymond (saint Raymond de
Pennafort) est plus sûr. En cette matière, dit-il, voici, selon
moi, la règle à laquelle on doit foitement s'attacher: les
cérémonies au sujet desquelles il y a doute si elles sont ou
non essentielles à la validité de l'ordination, et qui se
trouvent expressément prescrites par le droit, il faut les
tenir pour essentielles, à moins qu'on ne trouve exprimé
dans le droit qu'elles ne le sont pas. (In hujusmodi, de quibus
non constat quse sint de substantia vel quœ non, inveniuntur
tamen in jure quod debeant fieri, intelligas omnia esse de
substantia, nisi invenias expressum in jure quod non sit de
substantia.) En conséquence, lorsqu'on a omis une de ces
parties douteusement nécessaires à la validité, on pe-w^ réitérer
l'ordination intégralement, comme si elle n'avaitfpas eu lieu.
Car on n'est pas censé réitérer ce qu'on ne sait pas avoir
été fait : Non intelligitur iteratum quod nescitur factum.
(Can. Solenmitaies, de Consecr.) Si au contraire la partie
omise est de celles que le droit déclare non essentielles pour
la validité, l'ordination ne doit pas être recommencée, mais
il faut seulement suppléer la partie omise. »
Saint Antonin cite trois canonistes, comme se rattachant
au sentiment de saint Raymond. Enfin, lui-même conclut
par rapport aux parties omises, dès lors qu'elles sont au
moins douteusement nécessaires à la validité, qu'il faut re-
commencer toute l'ordination : « Quin imo totum videtur
iierandim, etiam aliud factum, secundum Raymundum, et
Petrum de Palude, Hostiensem et Goffridum. »
C'est la doctrine qui a prévalu. Les canonistes modernes
l'ont généralement embrassée, et la Sacrée-Congrégation du
12 QUESTION
Concile l'ayant confirmée par plusieurs décisions, elle est
devenue la règle dont on ne doit point s'écarter. Il nous
suffira, pour le prouver, de rapporter les passages des cano-
nistes les plus distingués, et les documents qui constatent
les décisions mentionnées.
IV.
1° Le canoniste Fagnan: — « Généralement, toutes les fois
qu'on doute si la partie omise est nécessaire à la validité
(sit de substantia ordinis), dès lors qu'elle est du nombre de
celles dont le droit prescrit l'exécution, on doit la réputer
essentielle (œstimari débet de substantia) ; et toute l'ordina-
tion doit être recommencée (et totalis ordinatio est repetenda) .
La raison en est qu'on n'est pas censé réitérer un acte, quand
on doute s'il a eu déjà lieu. » Fagnan, sur le chapitre
Cum venisset, titre de Sacra Unctione, n. bli.) Appliquant
ce principe au cas qu'il discute en cet endroit (l'ordination
d'un prêtre avec un calice où l'on avait oublié de mettre
du vin), le même auteur s'exprime ainsi: « Dans le cas
présent, ou bien il est certain que le caractère sacramentel
n'a pas été imprimé, parce qu'il n'y avait pas de vin dans le
calice, ou du moins on ne peut pas nier que ce ne soit fort
douteux. Il faut donc refaire toute l'ordination (ergo tota
ordinatio est repetenda) . » Plus loin (n^s 97 et 98) ,il enseigne
que cette réitération doit se faire sous condition : « Quam
repetitionem sub conditione fieri debere, satis etiam proba-
tm* etc. ))
2° Benoit XIV, — dans son traité de Synodo diœcesana
(1. 8, c. 10, n. 1), rapporte ainsi un cas d'ordination dou-
teuse que la Sacrée-Congrégation du Concile venait de dis-
cuter et de décider : (( Dans une ordination, l'un de ceux
qui devaient être ordonnés prêtres reçut toutes les impositions
des mains ; mais au moment de la porrection des instru-
ments, il fut distrait et ne s'approcha pas pour toucher le
DE DROIT CANONIQUE. 18
calice et la patène. Comme on doutait sur ce qu'il y avait à
faire, on consulta la Sacrée-Congrégation. » Benoît XIV,
après avoir discuté les difficultés, rapporte ainsi quelle fut
la décision : « La Sacrée-Congrégation... répondit que toute
l'ordination devait être réitérée sous condition : Sacra
Congregatio. . . totam ordinationem sub conditioneiterandam
rescripsit. » (Ibid., n. 13.)
^Giraldi. — Dans son Exposition du droit pontifical
(partie I, titre xvi, section 11/i), ce canoniste, commentant
la décrétale Presbyter de Grégoire IX, s'exprime ainsi :
« Il est vrai que cette décrétale dit qu'il ne faut pas réitérer
l'ordination du prêtre et du diacre pour lesquels l'imposition
des mains aurait été omise, mais seulement suppléer cette
cérémonie au temps voulu. Néanmoins, la validité de l'or-
dination restant dans ce cas sujette à un doute grave (vu la
controverse des canonistes et des théologiens sur la question
si l'imposition des mains est ou non nécessaire à la validité) ,
il est plus sûr de faire intégralement l'ordination sous condi-
tion (tutiusest ut tota iteretur, saltem sub conditîone). Ce
qui est vrai surtout pour l'ordination du prêtre, à cause du
détriment des âmes qui serait à craindre dans le sacrement
de pénitence administré par un prêtre dont le pouvoir sa-
cerdotal resterait incertain. C'est la pratique de la Sacrée-
Congrégation du Concile (et ista est praxis Congregationis
Concilii). Dans ces sortes de cas, elle a répondu qu'il fallait
réitérer l'ordination. C'est la décision qui fut donnée, par
exemple, le 11 février 1708. Elle se trouve relatée au livre
58* des Décrets (1). U s'agissait d'un capucin dont l'ordination
avait été faite avec une patène sans hostie. La Sacrée-Con-
(l) Les décisions de la Sacrée-Congrégation du Concile jusqu'à l'année
1718 n'ont point encore été éditées. Elles se trouvent dans les tomes
manuscrits qu'on désigne sous le nom de Libri decretorum. Pendant
mon séjour à Rome, j'ai pu compulser ce précieux recueil. Les décisions,
à partir de l'aunéc 1718 jusqu'à nos jours, sont publiées dans la collection
intitulée : Thésaurus re<!olutio>iiim, etc.
ill QUESTION
grégation répondit encore de même (ainsi que le rapporte
Benoît XIV, de Sijnodo, 1. 8, c. 10) pour l'ordination d'un
prêtre qui, par distraction, ne s'était pas approché, au
moment de la porrection des instruments, poiu' toucher la
patène et le calice. »
4° Dans le rapport de la cause Santandriensis, du 18 mai
1796 (tome LXV au Thesanrus resolutionum, page 110 et
111, Romœ, 1796), on mentionne l'objection que, d'a-
près les décrétales Pastoralis et Presbyter, il ne faudi'ait
pas refaire toute l'ordination, mais seulement suppléer la
partie omise ; puis on y répond ainsi : « Le texte de ces
décrétales, si on le pèse attentivement, n'exclut pas la réi-
tération de toute l'ordination. D'après les canonistes, Gré-
goire IX prend en cet endroit le mot iterare dans le sens
strict, c'est-à-dire pour la réitération du sacrement déjà
certainement conféré. Or, on nest pas censé réitérer un acte
quand il y a doute s'il a eu lieu : Non intelligitur iteratum.
quod ambigitur esse factum. » Après avoir cité divers textes
de droit et le passage de Fagnan transcrit plus haut, le
rapporteur de la cause, c'est-à-dire le secrétaire de la
Sacrée- Congrégation du Concile, atteste à son tour la pra-
tique de cette Congrégation, de faire recommencer condi-
tionnellement toute V ordination : « His omnibus accedit
praxis sacrse hujusCongregationis, quœin similibus casibus
decrevit totam ordinationem sub conditionne iterandam esse
ad cautelam. »
Dans cette cause il s'agissait de l'ordination d'un prêtre
qui avait touché la patène, mais non le caHce. La Sacrée
Congi'égation décida ainsi : Quon écrive à l'évéque la pensée
de la Congrégation: scribatur episcopo juxta nientem. Cette
formule nous laisserait ignorer ce que prescrivirent les Émi-
nentissimes Cardinaux, si l'on n'avait eu soin de l'expliquer
dans la table du volume cité, page 325. On y lit : « Ordina-
tionem cujusdam presbyteri Santandriensis diœcesis, qui
DE DROIT CANONIQUE. 15
unam tetigit patenam, non item calicem, per rescriptum
Scribatur episcopojuxta mentem^ iterandam esse praescribitur
sub conditione. » Ainsi, dans ce cas encore, c'est toute
l'ordination que la Sacrée Congrégation fit recommencer.
Nous ne croyons pas nécessaire de pousser plus loin les
citations. Les autorités alléguées suffisent, ce semble, pour
résoudre la difficulté avec une entière certitude, au point
de vue pratique. Voici notre conclusion.
V.
Il est vrai que, relativement à l'omission des parties qui
intéressentla validité, il y a eu autrefois divergence d'opinions
parmi les docteurs. Les uns pensaient qu'il suffisait de sup-
pléer seulement la partie omise : les autres enseignaient que
toute l'ordination devait être recommencée sub conditione.
Mais il est vrai aussi que depuis longtemps ce dernier senti-
ment a prévalu de manière à devenir une règle. Non-seule-
ment les auteurs les plus accrédités se sont prononcés dans
ce sens, mais la pratique de la Congrégation du Concile de
faire, en pareil cas, recommencer toute l'ordination, est
aujourd'hui un fait notoire ; et l'on sait la maxime de droit
canonique, Uijluscuriœ facitjus. En présence de cette auto-
rité, il n'y a plus à hésiter.
Qu'on le remarque bien, cette autorité suffit au moins
pour rendre plus sûre^ relativement à la validité, la réitéra-
tion intégrale. Or, quand il s'agit de la validité des sacre-
ments, on est obhgé de suivre le plus sûr. La doctrine
contraire a été condamnée par Innocent XI.
Ainsi dans le cas des omissions mentionnées, il ne semble
pas qu'il y ait à hésiter ni à consulter le Saint-Siège. On
peut suivre, en toute sécurité, la règle de la réitération
intégrale.
D. Bouix.
GOMMENTARIUS
m
PROŒMIUM BREYIAEII ET MISSALIS
DE COMPUTO ECCLESIASTICO.
CANONES DE COMPUTO DISCENDO.
Computum^ quem Walterus Awelianensis ^&[iQY?^\Smcalcu-
landi periiiam dixit, scriptores ecclesiastici cum Durando {Ra-
iional. lib. VIII. c. I.) defmiunt notitiam cursus lunœ ac
kalendarum, seu scienUam certificandi tempus secundum solis
et lunœ progressum. Quae quidem methodus a Graecis ^l^icpiffixoç
Ttov Toïï "JiXiou xa\ TV)? Gùrrc^r^c Itwv dicituF. Iii computo autem
prœsertim declarantur tempus Paschatis, cyclus decemno-
vennalis, epactae, bissextus, quatuor tempora, kalendae,
idus, et alla hujusmodi.
Dici vix potest, quanta cum soUicitudine curatum per
veteres çanones sit, ut presbyteri notum haberent computum
ecclesiasticum ; etenim statuta ecclesiastica pêne omnia illum
clericis summa cura ediscendum praescripserunt, nimirum
DE COMPUTO ECCLESIASTICO. 17
Ut eo pacto invenire facile possent epactas, literas domini-
cales, festum Paschatis et alia festa mobilia per annum.
Unde strictum imperium Capituiaris Caroli M. ut veraciter
discant om?ies. {Capit. lib. VI. c. 226. coll. lib. I. c. 68. et
Vb. IV.addit. 1. § 5. — Patrolog. Migne, tom. 97.^fl$r. 283.)
Quod breviter et Herardus, archiepiscopus Turonensis, in
suis Capitulis inculcat, cap. 125. prœscribens, ut presbijteri
compiitum discant. [Patrolog. Migne., tom. 121. pag. 773.)
Gum Carolo M. atqueHerardo mire consentiunt quotquot
per ea tempora ac deinceps ecclesiasticae disciplinas régulas
tradiderunt, ut adeo Ludovicus Cellotius in notis ad c. 22.
Cap. Walteri Aurel. vere dixerit, episcopos notitiam computi
ecclesiastici presbyteris et clericis pêne non minus neces-
sariam censuisse, quam orationem dominicam et symbolum.
Ex eorum statutis hœc attulisse sufficiat.
Ratherius, Episcopus Veronensis, in Synodica ad presbytères
statuit, ut compiitum minorem, id est epactas, concurrentes,
regulares, terminuni Paschalem et reliquos^ si est possibile^
sapiant. [Patrolog. Migne, tom. 136. p. 564.)
Eegino, abbas Pru^newses, in capitulis inqiiisitionis., cap. 92.
per visitatorem inquiri jubet, si computum minorem, id est
epactas, concurrentes, regulares, terminos Paschales et reliques
sapiat presbyter ? [Patrolog . Migne, tom. 132. p. 191.)
Hincmarus, archiepiscopus Rhemensis, in Capitulis synodicis
an. 852. cap, 8. vult, ut presbyteri de computo etiam neces
sario plenissime instruantur. [Patrolog. Migne, tom. 125.
p. 775.)
Walterus sive Gualterus, episcepus Aurelianensis, in Ca-
pitul. cap. 22. , quod est de Computo discendo, a presbyteris
exigit, ut calculandi peritiam habeant et stios (clericos) m
idipsum studiese erudiant. [Patrol. Migne, tom. 119. p. 7A/j.)
Ahyto (qui aliis Haito, Heite, Haide nuncupatur), epi-
scopus Basileensis, in Capitulari Ecclesias suae, quod viginti
quatuor constat capitulis, déclarât sexto, quœ ipsis sacerde-
Revue des Sciences ecclésiastiques, t. ii. 2
18 COMMENTARIUS
tibus necessaria sunt an discendum, id est: Sacramentarium^
Lectionariiim, Antiphonarium, Baptisterium, CoMPUTUS, Canon
pœmlentialis... Ex quitus omnibus si unum defuerit sacer-
dotis nomen vix in eo constabit. {Patrol. Migne, tom. 115.
p. 11.) Qui canon etiam prostat Si]}ud Burehardum, episco-
pum Wormatiensem , tum Décret, lib. IL c. 2: Quœ presbyteri
necessario discere et scire debeant? [Patrol. Migne, tom. lAO,
p. 625.), tum Décret, lib, XIX. c. 8. ubi sic proponitur :
Nunc ergo, o fratres, qui voluerit sacerdotis nomen habere,
in primis propter Deum cogitet, ut discat ea quœ necessaria
sint, ant(quam tnanus episcopi caput ejns tangat, id est Psal-
terium... Compvtum... Istud est simpliciorum, quia si unum
defuerit, etc. (/. c. p. 979.) Habetur item apud 5. Ivonem,
episcopum Carnotensem, Décret, part. VI. c. 22. (Patrol,
Miy7ie, tom. 161. p. Zi50.), et Patiorm. lib. III. c. 2Zi. (/. c.
p. 1135.), ac tandem relatus est in Décret. Gratiani c. 5.
disf. 38. his verbis : Quœ sint sacerdotibus necessaria ad dis-
cendum ? Quœ ipsis sacerdotibus necessaria sunt ad discendum,
id est liber sacramentorum, lectionariusj antiphonarius, baptis»
terium, COMPUTUS, canon pœnitentialis, psalterium, homiliœ...
Ex quibus omnibus si unum defuerit, sacerdotis nomen vix in
eo constabit : quia valde periculosœ sunt evangelicœ jninœ^
quibus dicitur : « Si cœcus cœco ducatum prœstet, ambo in
foveam cadunt. »
Episcopos porro nunquam non solerter providisse ut ca-
nones servarentur utque nullus presbyterorum ignoraret
computum, varias admonitiones synodales testantur, quas ex
antiquissimis libris Pontificalibus collectas exhibet Migne,
Patrolog. tom. 132. a pag. ù58. ad pag. Zi62. Harum prima
seu antiqua, a diacono post Evangelium legenda, sic habet :
Computum, si nonmajorem, saltem tninorem, id est epactas,
concurrentes, regulares, terminos Paschales et reliquos, si est
possibile, sapiat (/. c. p. /i58). Aliae duse, nova et noviseijna,
quae ab ipso episcopo se dente in faldistorio legebantur,
DE COMPUTO ECCLESIASTICO, 19
clericis illud ipsum injunxerunt hisce omnino verbis : Ut
computnm minorem ad inveniendum literam dominicalem,
tempus intervalli diei Paschœ et majorum mobilium festorvm
non ignorarent {L c. pp. Zi60. et liQl.).
Nec alienam ab ecclesiasticis sanctionibus legem vitse
doctrinœque secuta est schola ; cujus rei locupletîssimos
testes habemus celeberrimarum Universitatum statuta, peri-
tissimorum juris interpretum commentarios, doctissimorum ,
qui per ea saecula floruerunt, virorum elogia. E singulis
hisce testium ordinibus unum produxisse satis sit,
Antiqua statuta Facultatis artium academiœ Vindobonensis
tu. XII., qui est de Us, ad quœ Baccalo.rn Facidtatis artium
tenentur, § vit. sic habent : Baccalarii nostrœ Facultatis dis-
putent, legant gratis et propter Deum computos et alia mathc'
maticalia, prœcipue tamen Ecclesiœ Catholicœ deservientia,
{Pet. Lambec. Bibliothec. Cœs. lit, il. p. 212.)
Guilielmus Durandus^ juris utriusque doctor celeberrimus
et episcopus Mimatensis in Gallia Aquitanica, ob Spéculum
juris tribus voluminibus editum Speculator vulgo dictus (1) ,
in eximio suo Rationali divinorum officiorvm, quod absolu-
tum est an. 1286, ut ex lib. viii. c. 9. apparet (2), doctrinam
canonis Decreti Gratiani citati « Quœ ipsis » suam faciens,
lib. vui. c, J, Sacerdotes, inquit, computum scire tenentur,
alioquin vix eis nomen sacerdotis constabit.
Demum adeo laudata illa computi peritia in venerabili
Beda, in Eabano Mauro aliisque palam facit, in ea magnam
scientiœ partem scriptoribus ecclesiasticis visam esse con-
sistere. Sic et Joannes, abbas S. Arnulphi Metensis, in
cœteris laudibus, quibus beatum/oawwem, abbatem Gorzien-
(1) Cfr. Doujat Prœnot. canon, lib. v. cap, 5.
(2) De antiquissima versione Ralionalis Durandi in linguam germa**
nicam an. 1384. [Die Auzlegunge und Sache der gotleichen Ample) videsia
Lambec. de Bibliothec. Cœsar, lib. u. c. vni. p. 778.
20 COMMENTARILS
sem, cumulât, et illud reponit, quod régulas snppiitatiomim
temporalium meitioriœ vivaciter ut nemo superius commenda-
verit. [Patrol, Migne, torn. i37. pag. 251 .)
Et hase quidem de jure antiquo. kàjus novum quodspe-
ctat, res quoque testatissima est, computi ecclesiastici, ka-
lendarii, termini Paschalis atque ordinandorum festorum
notitiam hodieque a clericis exigi. Jnvenes in seminariis
réceptif — verba sunt concilii Tridentini sess. 23. c. 18. de
Beformat., — cantus, computi ecclesiastici aliarumque bonarum
artium disciplinam discent.
De valore hujus Tridentinse sanctionis autem nihil esse
per contrariam consuetudinem detractum, ex variis Sum-
morum Pontificum constitutionibus, necnon ex continuis
prœstantissimorum jurisperitorum commentariis intelligi-
mus.
Pontifices quippe epistolis suis commonitoriis ad episcopos
Tridentini decreti executionem urgere nunquam omiserunt.
Sic Benedictus PP, XIII. Comtitut. Creditœ nobis \ii Mus
maj. 1725. de studiis clericorum in seminariis agens, hune
in modum statuit : Postremo saluberrimœ prœfati Concilii
dispositioni inhœrentes volunais, prœcipimus et sancimus, ut in
omnibus seminariis tam hactenus erectis, quam imposterum
erigendis alumni gramrnatices, cantus Gregoriani , computi
ecclesiastici aliarumque bonarum artium tantum disciplina eru-
diantur. Cujus constitutionis diligentem observationem in-
culcat Concilium Romanum ejusdem anni Ht. 30. de
Magistris, eamque, accuratein omnibus sequendam, in Ap-
pendice exhibet sub «.27. pag. 287. seqq. Habetur etiam
apud JSicollis Praxis canonica tom. i. de Censibus, n. 23. Conf.
quoque Benedict. PP. XIV. Constitut. 2. tom. i, Bullar.
Benedict. XIV.
Ex doctoribus tandem qui, rationem studiorum in cleri-
cis instituendis déclarantes, ex mente concilii Tridentini
computum ecclesiasticum doceri in seminariis debere ex-
U£ COMPUTO ECCLESIASTIGO. 21
pressîs verbis tradunt, legî pfœter alios possunt Barbosa ad
cit. c. ; Ant. Posscvin. Bibliothec . sélect, lib. iv. e. 12. § 6i
coll. C. 16. § ult. ; Corel. Brancati de Laurea, Epitome cano-
mnn, verb. Clericorum seminaria, § Pneri autem ; Rodrig.
Fermosini tract, i. Critn. in C. Quia nonnultis i. de Magistris
(V, 5), gvœst. \. n. 19; Zeroli Praor. Ep. part. i. verb.
Seminarium ; Leop. Pilati Origin. furis Pontificii lib, m.
tit. 9; Devoti Institut, lib. il. Ht. il. § m.
Jure optimo igitur prassules nostri in seminariorum sta-
tutis prœscribunt , ut clerici sacrœ Theologiœ auditores
computo instituantur, in priinis vero illis materiis summa
cum cura erudiantur, quae ad usus ecclesiasticos atque ordi-
nanda festa mobilia necessaria sunt.
DE ZODIACO C-^TERISQUE DEGEM CIRCULIS
COELUM AMBIENTIBUS.
CAPUT prj;ambulum.
1. Circulas, diCircus diminutive dictus, generatim omnem
rotundum ambitum seu figuram planam ex linea in orbera
ductam significat, ut in illo Ciceron. de Nat. T). II.\^: Quum'
que duœ forma' prœstantissimœ sint : ex solidis globus, sic enim
spheram interpretari placet ; ex pUnis autem circulus seu orbis.
Astronomis autem circuli sunt zonse seu orbes in cœlo, quos
ipsi constituunt ad certes cœlorum fines describendos et
siderum motus explicandos.
Circi seu circuli cœlestes undecim numerantur, nimirum
Zodiacus seu Signifer^ Lacteus, JLquinoctialiSy duo Tropici^
duo Polares, duo Coluri, Meridianus et Horizon. {Macrob. in
SomniumScipionis lib.l, c. 15.)
2. Zodiacus, ÇojSiaxoç, ÇcotSioç, Çojocpôpoç, est circulus in cœlo
ex numéro maximorum, vel potiuszona aut armillaquaedam,
22 COMMENTARIUS
quœ duodecim illa signa continet, quae sol et luna et alii
planetas motu proprio perçu rrunt.
Rationem vocabuli zodiaci declarans Macrobiua 1. c. cap.
21. ait : Quia signa grœco nomine i^wota nuîicupantur, circitm
ipsum zodiacum quasi signifenim vocaverunt.
Alii a Çwov zodiacum deducunt, quod signa aliquo nomine
animalis vocentur atque ita disponantur constellationes, ut
animalis, a quo nomen habent, formam referre videantur.
Animalium nomina hisce versibus comprehenduntur :
Sunt Aries, Taurus, Gemini, Cancer, Léo, Virgo,
Libraque, Scorpius, Arcitenens, Caper, Amphora, Pisces.
Hœc sunt signa poli, quœ semper sunt via cœli.
Rationem vero, cm' singula zodiaci signa ab istis anima-
libus denominentur, ex eo ducunt quod sol per anni decur-
sum illius animalis proprietates sortiri videatur, cujus si-
gnum ingreditur, ut pluribus exponit Guilelm. Durand.
Rational. divin. 0/fic. lib. VIII. c. 3. Alii zodiacum appel-
lasse videntur àTro Tîiç Cw^ç, a vita^ quod sol per hanc cœli
fasciam vectus lumen vivificum creatm'is prœbeat et sit ^c.)o-
çopo;, id est non tantum siguifer, verum etiam vitœ lator
et dater.
Zodiacum zonam aut armillam quamdam cœlum aml)ientem
diximus ; quamvis enim natura cœlestium circulorum incor-
poralis sit linea, quaî ita mente concipitur, ut sola longitu-
dine censeatm', latum habere non possit, in zodiaco tamen
latitudinem signorum capacitas exigebat. Quantum igitur
spatii lata dimensio porrectis sideribus occupabat, duabus
lineis limitatum est, et tertia ducta per médium ecliptica
vocatur, quia quum cursum suum in eadem linea pariter
sol et luna conficiunt, alterius eorum necesse est venire
defectum : solis, si ei tune luna succédât ; lunae, si tune
adversa sit soli. Quamvis igitur trium linearum ductus zo-
diacum et claudat et di vidât, unum tamen circumauctor voca-
DE COMPUTO ECCLESIASTICO. 23
bulorum dici voluit antiquitas, teste Macrobio L c. cap. 15.
Zodiacus igitur astronomis et mathematicis proprie est
circulas major, obliquo meatu ambiens cœlum, super pro-
priis polis descriptus, ita ut et duobus locis aequinoctialem
intersecet ad angulos obliquos tangatque una parte tropicum
Cancri, ex altéra tropicum Capricorni in uno puncto, habens
item longitudinem sectam in duodecim partes seu sidéra,
quse vocantur signa, in animalium formam plerumque for-
mata, et latitudinem tribus lineis parallelis comprehensam ,
quarum média ( ecliptica ) octonis graduum intervallis ab
utraque extremitate distat.
Goncipiunt autem hune circulum ex motu solis prascipue,
quod is quotidie fere unum gradumin eoabsolvatet triginta
diebus prope integrum signum percurrat. Sub eo tamen et
alii planetse perpetuo moventur ; nam cohihet vario labentia
sidéra cursu, ut ait Manilius, lib. i., ubi zodiacum, quem
stellatum halteum vocat, prolixe describit.
Ingressus solis in signa zodiaci hic esse censetur : Signum
Arietis sol ingreditur 21. martii ; signum Tauri ^1. aprilis;
signum Geminonim 22. maii ; signum Cancri 22. junii ; si-
gnum Leonis 23. julii ; signum Virginis^l. augusti; signum
Librœ 23. septembris ; signum Scorpii 2li. octobris ; signum
Sagittarii 22. novembris ; signum Capricorni 22. decembris ;
signum Aqiiarii 1\, januarii ; signum Piscium 19. februarii.
Legatur Ven, Beda de Ternponim rationecap, 16. [Edit. Migne.
Op. iom. l.pag.ZbS. seqq.) (1).
(1) Quo die cujuslibet mensis sol in signa Zodiaci ingrediatur, veteres
chronographi usitatis hisce versibus expresserunl :
InclUa laus justis impenditur : hœresis horrel ;
Grandie gesta gerens felici gaudet honore.
Duodcciua harum dictlonum prima inservit januario, secunda februario,
tertia martio, etc. Jam vero, si nnmerus. quem prima litera in alpha-
beto habet, ex 30 subtrahalur, restât ipse dies quo sol signum zodiaci
ingreditur. Sic quum prima litera tcrtice dicliouis justis uonum locum
2ll COMMENTARIUS
3. Circulns seu or bis lacteus, via lactea, est veluti fascia in
cœlo, in meridiem porrecta, candidior cseteris partibus,
unde et nomen habet. {Ovid Metamorphos. i, 168; et Cic.
Somnium Scipionis.) Macrobius, Ciceronis verba exponens, de
causis candoris viœ lacteœ plura dissent in Somn. Scip. Le.
cap. 15.
h. Quinque alii circuli, qui axem mundi habent pro
centro omnique ex parte a se invicem œqualiter distant,
paralleli \ocB.ntur. {Macrob. L c.) Horum médius etmaximus
est œquinoctialis ; duo extremitatibus seu polis vicini atque
ideo brèves, quorum unus polaris septentrionalis seu arcti-
cus dicitur, alter aust rails seu antarcticus, priori recta oppo-
situs. Girculus arc tiens nobis, quibus sphaera obliqua est et
latitudo septentrionalis, conspicuus est ; antarcticus non
apparet. Inter hos et médium duo sunt tropiei, majores
polaribus, œquinoctiali minores.
5. Mquinoctialem circulum œquatorem vocant astronomi,
quod dies œquat noctibus.
Mquinoctialis circulns in cœlo, inquit post Varr. [Ling. lat.
VIII, 1 8. ) 5. Is/doriis [Etijmol. lib. m . 44), ideo appellatur, quod
sol, quum ad eumorbempervenerit^ œquinoctimn facit . lEqui-
noctium, lffy,[i£pia (proprie œquidium [1]) enim tempus il*
lud dicitur, quo dies et noctes horarum spatio aequales
sunt. Duo sunt autem œquinoctia : vernum ]uxtB. kalenda-
rium Julianum circa VIII. kalend. apriles, h. e. 25. mar-
tii (2), quod in signe Arietis conficitur : autumnale X.
in alphabeto obtineat, si subtrahantur 9 ex 30, rémanent 21. Sol ergo
in Arieleni ingreditur 21 martii.
(1)Si verbum ipsum redderemus, circulas îcrjaîpivd? Y>o\.\ni œquidialis,
quam œquinoctialis nomiuaretur, quo modo antiquos locutos tradlL
Fostus his verbis : JEquidiale apud antiquos didum est, quod nunc dicimus
œquinodiole, quia nox diei potius, qnfnn dies nocti adnumerari débet.
Grœci quoque in hoc consentiunt î(J/,[JL£piaVj j^ est œquidiale dicentes. Sed
Lalini jam œquinoctium dicunt, non œquidium. Graeci a die, Lalini a nocte
nomen fecerunt.
(2) Tempore Coucilii Niceeni sequinoctium circa 21. martii contigit ;
DE COMPUTO EGCLfiSIASTICO. 25
kalend. octobres, id est 22. septembris in signo Librae,
ob id etiam nomine Librae designato, quod dies veluti bi-
lance ponderatas noctibus asquentur.
6. Tropici astronomis duo circuli sunt in sphaera, quorum
alter zodiacum in signo Cancri tangit, alter in signo Capri-
corni. Dicuntur autem tropici a TpÉTrw, verto, quia nimirum
sol, quum ea signa tetigit, revertitur et anni mutationem
facit. Eos Plinius (ii, 70.) solsiitialemetbriimalemvocQX.
7. Coiiiri duo circuli sunt in cœlesti sphaera, transeuntes
per polos mundi seque mutuo ibi rectis angulis sécantes, quo-
rum alter transit per puncta œquinoctialia Arietis et Libres, et
dicitur colurua œquinoctiorum, alter solstitialia tangit Cancri
et Capricorni, et vocatur colurus solstitiorum. Dicti sunt
xoXoupoi quasi x-ôlo: T/jv oupav, h. c. cauda mutili, quia eorum
pars in Antarcticum vergens nobis inconspicua est et
quasi trunca. Eïsnomen dédit, ut ait Macrobius {Le. cap. 15.),
imperfecta conversio.
8. Meridiamis circulus est, quem sol, quum super homi-
num verticem venerit, ipsum diem meclium efficiendo dé-
signât [Macrob. l. c). Mendies autem juxta 5. Isidor. (/. c.
cap. 42.), vocatur, vel quod ibi sol facit médium diem, quasi
MEDIDIES, vel quia tune purius micat œther. merum enim PU-
RUM dicitur. Prius etymon meridiei a medio die Varronis,
Ciceronis et aliorum sententia comprobatur ; sed aliis phi-
lologis non displicet, quod meridies a mero, h. e. pleno et
sincero die deducatur, quod illo tempore nulla accessio ad
lucem amplius fiat. {Joachim. Camerar. Problem. etym.)
9. Horizon, ôpi'Cojv, ab ô'poç, terminus, vox est grœca ad-
jectiva, et circulus vel linea subintelligitur. Horizontem Hij-
ginus de Astron. defmit circulum, qui terminât ea, quœ per-
spici aut non videri possunt . Cic. {Divin II, lill.)finientem, Mart.
Capella finitorem appellat. Dupliciter autem intelligi potest
atque hinc est curkalendaria ecclesiastica illud diei 21. martii tauquan
Bedi proprise affixeriat. Sed de bac quaestioûe postea, n. 89.
26 COMMENTARIUS
vel circulus terrain dividens in duas œquales partes quas
cum Isidor. (/. c. cap. 43. [1]) hemisphœria dicunt, et qua-
rum una supra sit, infra altéra ; vel eam partem tantum-
modo circumscribens, quas aspectui nostro patet, quae
multo minor dimidia est. Posteriori hac ratione accipitur
a Macrobio l, c.
DE ANNO ET EJUS PARTIBUS.
CAPUT I.
Textus procemii. Annus menses habet duodecim, hebdomadas duas et
quinquaginta, et diem unum: dies vero irecentos sexaginla quinque
et fere sex horas : tanto enim temporis intervallo sol zodiacum
perlustrat. Qiiater autem sex horae singulis quaternis annis diem
constitiuint : hinc annus ille intercalaris, D'issextiis vel Bissextilis
dicitur.
COMUIE.^TiVKIUS.
ANNUS.
10. Etymologia. Anni quatuor notationes etymologi affe-
runt : unam deductam ab am veteri, quod circum interpre-
tantur (2), et wo, quod idem est quod fluo, sicque annus
juxta Archidiacon. (in C. Si propter derescript., i7i6.) quasi
circumiens atque assidue circumfluens appellatur ; alteram
ducunt ab annulo, eo quod instar annuli in seipsum redeat
{Varro lib. v, 2. deLingiia latin.), et ^ua hora incipit, resol-
vatur ac finiatur {Bar toi. aliique DD. in leg, 3. libellorumff.
(1) Op. s. Isidor. Edit. Migne. tom. i. pag. 174.
(2) Am, praepositio loquelaris, ut Feslus loquitur, h. e. inseparabilis,
quae per se posita uiliil significat, iu compositione idem valet ac circum,
ex Graeco àj/.çi coutracto. Gomposita cum ea sunt ambire, amplecti,
anquirere, etc.
DE COMPUTO EGCLESIASTICO. 27
de accusât, et inscriptionibus XLVIII. 2.);aliis dictus videtur
a grœco àvaveOw, renovo, quia semper ac continuo fluens
renovatur ; juxta alios demum etymon habet a verbo avw,
perficio, litera n geminata. Etymologis itaque annus proprie
est id quod perfecte redit in se, vel quod m se per sua ve-
siiqia volvitur, ut ait Virgil. Georg. ii. 401. (1). Indeque est,
quod et ab ^gyptiis ante inventas literas annus hieroglyphice
indicaretur picto dracone caudam suam mordente et a Grœcis
diceretur Iviauxoç, quasi in seipsum rediens, quœ naturaper-
fecto circulo est.
11. HoMONYMiA. Annus generatim acceptus sumitur uni-
versim pro toto illo temporis spatio, quo astra quaeque
integrum suum sub zodiaco cursum conficiunt, docente
Macrobio in Somnium Scipionis : Annus non est is solum, quem
nunc communis omnium nsus appellat, sed singulorum seu lumi-
num seu stellarum emenso omni cœli circuitu et certo loco in
eumdemlocum redi tus annus suus çst. [Lib. II. c. 11.) Itaque
annnm planétarium vocamus quamlibet cujusque planetae
periodicam revolutionem, h. e. tempus illud quo quilibet
planeta suiimcœlum decurrit.
Pressius acceptum anni vocabulum significat solis conver-
sionein, qua ab aliquo cardine ad eumdem, aut a zodiaci
puncto ad idem revertitur, h. e. totum illud temporis inter-
vallum, quo sol zodiacum perluslrat (2), quod spatium est
12 mensium, seu 365 dierum, 5 horarum, /i8 minutorum
primariorum et 36 minutorum secundarioium (3) . Spatium
illud quod vocamus annum solarem, Romani annum magnum
dicebant, auctore Censorino {deDie nat. 119.) vel etiam annum
longum, ut apud Ovid. Metamorph. i. 273. Tertio demum
(1) Redit agricolis labor actus in orbem, Atque in se sua per vestigia
volvitur annus.
(2) Doctriua temporum prorsus abstrabil ab aslrouoinia systematica ;
hioc non loquimur nisi de apparentiis, quaî etedem in omni systemale
SUDt.
(3) Cfr. tamen quae de média anni longUudine dicuntur u. 17,
28 COMMENTARIUS
sumitur annus pro tempore intra quod luna duodecies cir-
culum suum per terram absolvit. Huic spatio anni lunaris
denominationem fecerunt.
12. Annus lunaris (communis) , anno solari breviorest 11
diebus et aliquot fiagmentis, quura non exœquet nisi 35 A
dies, 8 horas, 48 minuta primaria et 37 minuta secundaria
circiter. Inde vero est, quod eum veteres annum parvum vel
brevem dicerent, teste Plinio\u, hS.
13. Divisio ANNI LUNARIS. Aunus lunaris in commmiem et
embolimœumàisimgmtwY. Annus lunaris communis duodecim
lunœ orbibus, quos lunafiones seu menses lunares vocant,
constat ; embolimœus vero, qui ab inserta illa lunatione di-
citur, quam supra communem annum habet quamque
l[jL6o)a[X5(îov, £aêo)aaov, scu intercalarevii , insertam , interposi-
tam vocant, tredecimlunationes complectitur diesque subinde
continet 383, horas 21, minuta primaria 3â.
là. Annus lunaris item dividitur in naturalem et civilem
seu politicum, h. e. usui societatis civilis accommodatum.
Plerique omnes populi , qui annis lunaribus utuntur,
annum suum per embolimœos seu intercalares menses redu-
cere ad spatium anni solaris soient, exceptis Turcis, qui
numerare pergunt annos lunares suœ Hegirœ duodecim men-
sibus seu diebus Zhk vel 355 constantes (i). Menses vero
semper ab ipsis noviluniorum diebus exorsi sunt et contenti
lunari periodo neglexerunt solarem ; hinc factum est, ut
spatio 33 annorum menses omnes per totum annum vaga-
rentur, nec certi hiberni aut aestivi menses essent, quamyis
initie annum suum in œquinoctio vernali inchoassent.
(1) Censent Arabes annum perfîci diebus 334, horis 8, et minutis
primariis 48 ; jam vero horas, quse singulis annis cum minutis primariis
residuae sunl, spatio 30 annorum in dies 11 contrabuul, et quolies horae
coliectae duodeuarium excedunt, tolies unum diem insernnt, quem
hyperbolicum vocant. De hegira Turcarum conf. Petav. de Doctr. tenip.
l. i. ce. 38. et 39./. 4. c. 10. et l, 7. c. 22.
DE COMPUTO ECCLESIASTICO. 29
15. Methodus inveniendi annos embolimaeos post exco-
gitatum cycluin novemdecennalem Metonis, de quo infra,
cap. IV. hœc est :
Lunaris annus commimis anno solari commuiii (Juliano) ,
minor est diebus 11. li per annos collecti quum ad 30 dies
excreverint, solidus mensis intercalatur. Primus annus resi-
duas dies relinquit 11, addit secundus alios totidem itidem-
que tertius. Confmnt ex iis dies 33, ex quibus excerpti 30
mensem e'ixêdXiiJLov anno tertio constituunt : reliquuin est
triduum, ex quo et ex trium insequentium annorum residuis
diebus conflantur dies 36, unde mensis integer in anmim
sextum redundat. Restant dies 6, quibus accedunt trium
annorum superflui dies fiuntque 39, itaque nonus annus
embolimœus est (1). Porro reliqui dies 9 ad solidum men-
sem explendum duorum tantum annorum superfluos dies
requirunt, ut anno undecmo, interjecto mense, unus dies
supersit. Tum aîino xiv. alius mensis intercalatur, reliquique
sunt dies h, necnon an7io xvii. rursus intercalatur, quando
et dies reiinquuntur 7 qui cum residuis diebus anni xviii. et
XIX. mensem unum dierum 29 efficiunt. Colliguntur hac ra-
tions anni embolimœi in cyclo decemnovennali septem m,
VI, IX, XI, XIV, XVII, XIX.
Dies isti residui epactœ, iTraxTai -^jijLspai yulgo nominantur,
quasi addititii dies, quod ad aetatem lunae pronuntiandam
(1) Veteres chronographi auno octavo, quando dies nonnisi 28 super-
flu! sunt, embolismum prsecipitaïunt, teste Petavio, de Doctr, temp. lib. vi,
c. 6 ; et hoc vel ex ipso illo versu colligimus, quem statueruut ad decla-
randam aunorum inlercalarium dispositionem :
Cur fies has lachrymas ? odiosum quœre tyrannu7n.
In isto versu, inquit Durayid. lib. viii. c. 10, sunt septem dictiones septem
anuis embolismalibus servientes, prima primo, secunda secundo et sic
per ordinem, ita quod quota est prima litera alicujus istarum dictionum
in alpLabeto, totus annus cycli epactalis erit annus embolismalis. Cur
est prima dictio et servit primo anno embolismali, etc est prima litera
illius dictionis, quae est tertia in alphabeto ; ergo tertius annus cycli luna-
ris est embolisntalis ; et ita de aliis.
30 COMMENTARIUS
quotannis adjici debeant. Sed de epactis cap. \. n. 7/1.
Septem mensium intercalarium primi sex tricenarii ple-
nique sunt, unus cavus dierum 29 ; hinc fit, ut in primis
sex embolismis annus embolimœus dies colligat 38Zi, in
ultima intercalatione autem 383. Annus lunaris politicus
communis enim constare censetur diebus solidis 35 A, ne-
glectis nimirum ac dissimulatis horis S cum caeteris minutis
tum primariis tum secundariis, quas anno lunari naturali ul-
tra dies 35Zi excurrere docuimus ex Petavio lih. yii. cap. h.
16. Menses illi, qui prseter ordinem anno lunari emboli-
mœo inculcantur, varium in kalendario situm obtinuerunt.
Eos Alexandi'ini proxime ante paschalem mensem coUocari
jusserunt, postea vero per varios anni solaris menses vagari
cœperunt, solis duobus pristina in statione perseveranti-
bus, cyclo Yiii. et xix. In Gregoriana methodo in finem po-
pularis anni conjecti sunt, ita ut omnes in decembrem aut
ineuntem januarium incidant, de qua re Petavius de Doctr.
iemp. lib. Vi. cap. 7.
17. Divisio ANNI SOLARIS multiplex instituitur. Primo qui-
demsecundum yvôjctv ab astronomisconsideratus asfronomicus
dicitur e^wa^M? "//is- et vertens ; a politicis vero secundum xpa^iv
consideratus pjliticus appellatur et civiiis, et popnlaris seu
mundanus.
Annus solaris naturalis alius sidereus seu aslricus, iropicus
alius dicitur.
Astricus annus est, quo sol emensus totam zodiaci longi-
tudinem ad idem punctum sive stellam eamdem fixam, a qua
discesserat, regreditur. Hujus anni modus neque semper
aequalis est sibi, neque satis exploratae magnitudinis ; Coper-
nicus illi supra dies 365 horasque 6, minuta primaria 9,
secundaria 39 attribuit. Hinc communiter tempus médium
esse dicitur d. 365, h. 6, m. 9 cum fractionibus.
Tropicus annus est, quo sol ab utrovis sequinoctio vel
solstitio digressus eodem, integro circuitu zodiaci confecto,
DE COMPUTO EGCLESIASTICO. 31
redit (1) . Nunccommaniter annum tropicum a verno cardine
seu solstitio, etinitio Arietis ordiuntur astronomi.
Quoniam in computo de anno tropico potissimum agitur,
— in ejus cognitione enim determinatio anni civilis fundatur,
— hœc insuper annotanda de eo sunt.
Intervallum temporis, quod intercedit inter instans quo
sol est in puncto intersectionis eclipticœ et aequatoris, — •
inchoante vere, — usqne ad instans quo, absoluto integro
circuitu, ad idem punctum redit quodque annmn tropicum
dicimus, non est mathematice idem singulis annis, sed mo-
dicissima quaedam habetur differentia, quse tamen negligi
non potest, quin decursu saeculorum magna confusio indu-
catur in annum civilem, qui ex anno tropico pendet.
Cseterum, quum modicœ illae variationes non sint con-
stantes, oportuit longitudinem anni mediam determinare.Hoc
ut adamussimfieret, profecto opuseratobservationibus exa-
ctissimis ope exquisitorum instrumentorum institutis et per
longam annorum seriem continuatis. Sunt ex recentioribus
astronomis, qui eam faciant dierum 865, hdr. 5, min.
/i8, secund. 51 ; juxta alios est d. 365, h. 5, Zi8', 50".
Auctores kalendarii Gregoriani eam œstimarunt d. 365, h.
5, 49'. Differentia inter hune valorem et primum quum non
sit nisi 9 secund. , ea intra 9600 annos unum diem efficiet,
qui proinde, — in hypothesi quod prima longitude vera
sit, — post lapsum illius annorum periodi posset subtrahi :
computatis singulis 10,000 annis quatuor annis sœcularibus
pro non bissextilibus, quod fieri debere infra dicemus n.
(I) Quatuor sunt signa Iropica zodiaci : Aries, Cancer, Lihra et Capri-
cornus, ita dicta, quod sol quum ad ea in zodiaco pervenerit, conversionem
cursus sut et anni mutatioDem facit ; nam quum est in signe Cancri, quo
tempore dies iongissimi sunt, solstitium aestivum facit paulatiraque
revertitur, descendilque usque ad Capricornum , ubi solstitium liiemale
efficit diesque brevissimos. Similiter quum est in signo Arietis, noctes
diebus aequales reddit et ver inducit; quum vero Libram ingressus est,
tune quoque dies œquat noctibus et aflert antumnum.
35 COMMENTARIUS
61. Ex dictis etiam patet, annum astricum longiorem esse
anno tropico, cujus differentise causam in prœcessione œqui-
nociiorum astronomi ponunt. yEquinoctia autem prœcedere
dicuntur, quia sol pervenit ad punctum œquinoctiale an-
tequam integram revolutionem absolvent respectu ejusdem
stellœ, itaque fit ut puncta œquinoctialia soli quodammodo
obvïam veniarit, ac juxta directionem oppositam seu moiu
rétrograda moveantur. Hinc duo haec inter se conciliari
videmus, mxmvnm.œquinoctia'prœcederey puncta œquinoctialia
vero retrogradi.
DE ANNO SOLARI CIVILI SEU POLITICO.
18. Anni naturalis dimensio quuin in intègres diesneuti-
quaiii cadat, sed in dierum minutissima scrupula desinat,
quœ hominum vulgus non assequitur, idcirco ejus usus socie-
tati civili non est idoneus. Hinc factum, ut politici aliud genus
anni usui'parent, quod certo integrorum dierum numéro de-
terminatum facile percipi ac retineri ab hominibus posset.
Hoc anni genus civile seu politicum dicimus.
Anni civilis diverses formée a Censorino traditse sunt ; ex
omnibus porro ea praestantlor ac probata maxime, quœ ab
auctore Julio Cœsare Juliana appellatur. Hic enim impera-
tor quum anni civilis rationem ob vitiatam saeculorum de-
cursQ intercalationem ac imprimis pontificum incuria, quo-
rum erat eam statis temporibus prœconis voce promulgare,
interruptam et depravatam, admodum impeditam reperis-
set, ita ut neque messium ferlas œstati neque vindemiarum
autumno amplius competerent, Sosigenis mathematici arte
et industria adjutus confusionis incommoda sustulit ac no-
(I) Quum intercalalio libidini pontificum relicta esset, Li autem a pu-
blicanis corrumperentur, vel affectu crga raagistratuiu, — ad ejus officium
anuuum prorogandum, — ferrentur, factum est, ut sub specieobservationis,
ut ait Macrob, Sat. i. 14. emergeret major confusionis occasio.
DE COMPUTO ECCLESIASTICO. 33
vam plane anni designationem, intercalationem, inensium
distributionem et lunationum investigationem introduxit,
quœ res pertricosa satis pluribus capitibus declarata est a
Petavio, de Dôcîrina temp. lib. lY.
Annos itaque singulos communes diebus 365 circum-
scripsit (1), quod sol eo temporis spatio circulum suum
per zodiacum absolvere videtur. Quia vero anni naturalis
justa magnitude 365 dies senis pêne horis superat, idcirco
ne earum neglectu quolibet quadriennio et tropœ et reliquse
feriœ stabiles e suis sedibus uno die retro ferrentur, inter-
calationis remedio usus constituit, ut tribus quibuslibet
annis succedentibus excrescentium illarum horarum nulla
ratio haberetur, sed quarto demum anno collectœ quater
sex horœ, diem naturaleni constituentes, unius diei adje-
ctione compensarentur, sicque civilium annorum cum natu-
ralibus congruentia iterum obtineretur. Ei insertioni locuni
fecit post Tcnninalia, seu ante quinque dies ultimos mensis
Februarii, utpote brevissimi, ubi proinde quarto quolibet
anno fluente ob intercalarem diem sexto kalendas marlias
bis numeratur, undeetB/ise,r;«7(snomen meruit (2). Anim-
advertendum vero est , supplementum hoc intercalare,
quod integrum diem conficit, ex mente kalendarii Juliani
non numerari pro die singulari, sed ita ad diem 24. fe-
bruarii alligari, ut eum augeat eique spatium /i8 horarum
attribuât. \]\\àQ mensis intercalarisYxomdiUOVwm, licet habeat
viginti novies 24 horas, non tamen e viginti novem, sed
e viginti octo diebus constare dicitur l. Cum Bissextum 98. § 2,
(1) L, Cum hœres 4. § 4. ff, de Statuliberis.
(i) Miram Bissexti appellationem et magis nairaru ejus formationem
habes ex notalione, quam post alios couficit Durand. Rat. lib. viii. c. 3.
«. 17. Dies iissextilis, inquit, dicitur bissexlilis quasi ex bisse momentorum
collecta; quod deinde pluribus diiclarat. NotaDduin autem S. Isidorum,
quem Durand, laudat, expressis verbis docere, bissextum appellari, quod
bis sexto kal . mart. dicamus, atque ita addito bissexto alio die vi. kal.
martias itevemus.
Revue des sciences ecclésiastiques^ T; ix. 3
34 COMMENTARIUS
fF. de Verb. Signif. fL, 16.), quia, ut ibidem additur, id bi-
duum pro uno die habetur,
Quae animadversio quam sit ad vitam utilisdocebitur infra
in declaratione kalendarii Gregoriani n. 61.
In kalendario Christiano diei insertse locum assignant
versus :
Biisextum sextoe Martis tenuere kalendœ,
Postei'iore die celebrantur festa Mathice.
Quamvis optatum fmem consequi videretur Julius Caesar,
ejus anni ratio tamen labis expers non fuit, sed immo évi-
dentes quosdam errores induxit, quibus demum Gregorius
PP. XIII. remedium attulit. De Gregoriana correctione ca pli.
19. De reliquis anni formis longam quaestionem habet
Petavius quatuor prioribus libris de Doctrina Temporum. Ex
ea paucis hœc accipe.
Hebr^i annum habuere duplicem, historieum scilicet et
politîciim. Historieum quidem in dies festos et profestos
distributum, publicis congressibus accommodatum,quonu-
merabant seriem annorum et historias notabant. Eum or-
diebantur ab aequinoctio verno, mense Nisan, martio re-
spondente ac interdum aliquam aprilis partem occupante ;
polilicum vero et œconomicum post messem et vindemiam
collectam inchoabant mense Tizri^ qui nostro septembri
respondet et aliquando etiam octobrem attingit juxta legem
lunationum. Inserviebat autem decimarum annuœ solutioni,
privatis contractibus, anno item sabbatino septimo, que
terra feriabatur, anno deniquequinquagesimOj^wôîïœo dicto,
ex septem annorum hebdomadibus exurgente, quo, omissa
prorsus cultura, prœcedentis anni proventibus et sponte
natis fruebantur.
Aliquot ante Christum sseculis saltem a Judseis lunarem
observatum esse annum extra controversiam habetur; ab
initio autem atque ex Moysis instituto idem esse factl-
DE COMPUTO ECGLESIASTICO. 35
tatum Petavhts, lib. II. cap. 27. crédit^ tametsi nihil ex
Scripturis evinci posse videatur.
Gr^ci annos lunares usurpantes, ne ob defectum 11
dierum œquinoctia anticiparent et noviluniorum teinpora
per omnes anni partes (ut in anno yEgyptio, de quo Petav.
lib. III. c. 2.), vagarentur, intercalationibus lunares annos
solaribus adaequarunt, sedesque asquinoctiorum et solsti-
tiorumnsdemmensibus, licetnon iisdem diebus, retinuerunt.
[Petav. lib. I. ce. 5., 6. et 7.)
A Mahometanis sive Arabibus annum lunarem ex 12 men-
sibus vel diebus 35/i compositumobservari, supra monuimus.
Quae forma anni fuerit ante Urbem conditam apud anti-
quissimos Italiae populos, sive ii Umbrii, sive Hetrusci,
Sabini aut alii fuerint, divinare non est facile, quum ejus
rei tractatio nullis historicis monumentis tradita sit.
20. Romuhfs annum ab aequinoctio verno incipiens ex
30Zi diebus (1) et mcnsibus 10, inter quos martius primus
esset, composuit : ut aprilis, junius, sextilis, september,
november et december 30 dierum essent, reliqui quatuor,
martius, maius, quintilis et october, dierum 3L Cœterum
quum numerusiste neque soliscursuinequelunaerationibus
conveniret, nonnunquam usu veniebat, ut frigus œstivis
mensibus, e contra calor hiemalibus proveniret. Ergo tune
tantum dierum patiebantur sine ullo mensis nomine absumi,
quoad cœli habitus instanti mensi aptus rediret. {Rosin,
lib, IV. Antiquitat.)
Numa initium anni ad Brumam (2) transtulit et a januario
(1) Quamvis communis sit opinio, non plures quam et mensea 10, et
dies 304, Romuli anno compeiisse, Petavio tamen probabile videtur,
etiam setate Romuli anno 360 dies allributos esse. {De Dodrina lemp,
lib. II. cap . lit.)
(•2) Periliores etymologi brumam diclam docent cum Varr. Ling.
lat. v,2. a brevissimis diebus : nempe brumam esse per syncopeu a breuis-
sima, unde brevima, breuma, bruma; quae eadem contraclionis ratio est
infimus et imus.
36 COMMENTARIUS
inchoavit. Februarium item attexuit. Deinde Grsecos imi-
tatus annum 35/i diebus, sive 12 mensibiis luparibus cir-
cumscripsit. Verum quia confusa remansit anni ratio, neque
mensium initia noviluniis responderent, cura intercalandi
pontificibus demandata fuit usque adjulianam castigationem,
de qua dictum est. Cfr. Petavius, lib. II.
Alias anni civilis formas ab aliis populis receptas variis
in locis operis citati déclarât Petavius^ et .Egyptiorum. annum
quidem explicat lib. m. cap. 2 ; Chaldœorum lib. m. cap. 4.
seqq. ; Persarmn lib. m. ce. 8. 9. 1 0. et lib. vu.
cap. 1 5.
21. Prœter expositam anni divisionem in natiiralem et
eivilem, quam chronographi usurpant, et alia occurrit anni
civilis distinctio,qua jurisconsulti utuntui\ Eam vero silentio
prœterire non possumus, tametsi ad rem propositam minus
pertinere videatur.
Annus itaque in legibus vel naturaliter intelligitur, vel
eiviliter, vel ecclesiastice.
Annus naturaiia jurisconsultis is est, qui a momento ad
momentum computatur, ut in /. Anniculus. \32./f.de Verb.
signif. (L, 16.). Naturaliter computandus est in nuptiisA^oy,
79. et KiO. ; in pupillis et minoribus l. Indecoram. itlt.C.
quando tut. vel cur, esse desin. (v, 60.); in praescriptionibus
actionum temporariarum /. In omnibus. Q.ff. deOblig. et
act. (xLiv, 7.)
Civilitcr vero intelligitur annus, quum a die ad diem com-
putatio ita fit, ut qui ad extremum anni diem pervenerit,
annum absolvisse videatur, ut in /. Anniculus. 134. ff. de
Verb. signif. Atque hic annus civilis seu legalis exigitur in
mmieribus et honoribus, in manumissione , in usucapione
/. 5. et 7. ff. de Usurpât, (xli, 3.). Eadem ratione si cui his
verbis libertas relicta sit : duodecimo anno liber esto, in prin-
cipio anni duodecimi liber erit.
Annus ecclesiasticus tandem in collatione ordinum servan-
DE COJVIPUÏO EGCLliSIASTlCO. 37
dus moraliter computatur, utputa, ab una Quadragesima ad
aliam, a Pentecoste ad Pentecosten, etc. (1).
Sed hœc satis de variis formis, quas sub anni génère sunt.
Transeamus jam ad anni partitionem, quanimirum in partes
suas quasi in membra discerpitur. Posteriori hoc modo
autem anni divisio est in dies, tum in hebdomadas et menues ;
namque ex diebus collectis menses, ex mensibus anni con-
stituuntur ; et quamvis divisio in bebdomadas mensibus non
tribuatur, annum ipsumtamen in hebdomadas partimur. De
singuhs anni partibus ex ordine dicemus.
DIES.
22. Etymologia. Diem alii immédiate deducunt a dio, quod
aperlum et manifestum significat, eo quod radiis solaribus seu
sole super terram lucetite, ut ait Isid. Etijmolog. lib. v. c. 30.
cuncta sensibiUa manifesta fieri videamus ; ahi vero a Aïo'ç,
Jovis, eo quod Jupiter aucior lucis habeatur indeque Lncetius
et Diespiter, quasi diei pater, dicatur. Ahi denique dictum
volunt diem a Suo, duo, quod contineat duo tempora, diem
etnoctem, et quod vocetur dies a meliori parte sine commemo-
rutione noctis jitxia illud,: Et jnctum est vcspere et mane dies
unus; quam miram diei notationem conficit Durand. Rational.
lib. VIII, c. 6. n. I.
Dies generatim acceptus pro illo temporis spatio sumitur,
quo sol terras illuminât quoque motu cœli ab ortu in occa-
sum defmitur ; is propterea motus diurnus vocatur.
23. Divisio. Diem astronomi dividunt in naturalem et
artificialem.
Naturalis est sohs ab uno puncto ad idem punctum fixum
conversio : velut a meridiano circulo ad eumdem reditus.
(1) Ast in requisita aetate ad ordines sacros suscipiendos, item ad
annum novitiatus compleuduni non altendilur anuus ecclesiasticus, sed
naturalis.
38 COMMENTARÎt'S
Motus iste non simplex, sed compositus est. Oies naturalis
horas 24 complectitur.
Artificialis dies est solis supra horizontem commoratio,
cui 710X ex adverso respondet. Etenim nociis vocabulum, a
grœca voce vu; dictum (1), illud temporis spatium désignât,
quo solinfra horizontem moratur ac tenebris terra obtegitur.
Dies artificialis propter sphserœ obliquitatem pro temporum
et locorum varietate insequalis est. Alii tamen diem natu-
ralem vocant, quem nos arlificialem dicimus, et vicissim
quem nos appellamus artificialem ipsi denominant naturalem.
[Censorin. de Die natal, c. iO.)
2Zi. Judasi olim triplex genus dierum observabant ; ha-
behant enim diem legalem, a vespera ad vesperam duran-
tem, eumque tum civilibus, tum sacris rébus destinatum (2) ;
naturalem ab ortu solis usque ad ortum, et iisualem a média
nocte ad mediam noctem.
25. Dies alii dicuntur intercalares, l(i.ê())a(xo'., iTraxTai, qui
12 mensibus supersunt ; alii caniculares, a caniculee sidère
tum prsedominante; alii solstitiales, dividentes ex œquo diem
et noctem, uti et œquinoctiales juxta notos versiculos :
Lamberti, Gregori nox est œquata diei :
Vitus, Lucia sunt duo solstitia ;
vel juxta alios hosce, qui in eamdem sententiam leguntur :
Solstitium decimo Christum piœit atque Joannem ;
Mqua Crucis Festum tempora, Martis idus.
26. Dies C2ï'?7/s isest, cujus initiumet fmem quœque gens
suo arbitratu définit. Babylonii diem auspicabantur ab ortu
solis ; Judœi, Athenienses, Itali, Sinenses multique alii po-
(1) Sunt etiam qui noc/em a verbo nocenrfj ducant, quod oculis noceat:
[S. îsidor. Etymol, lib. V. e. 31) ; sive quod in ea fures nocendi occasionem
nanciscantur , ut ait Raban. lib. De computo, c. 21.
(2) Moyses nullum inter civilis et sacrée diei initiuoi et finein discrimen
notât. Vesperam, quum diem describit, usque quoque priorem Dominât.
Sic Gen. i. primum diem creationis describens ait: Factumque est ves-
père et mane dies primus.
DE COMf'tJtÔ' èedLtSlASTICO. 39
puli, qui menses lunares habent,initmm dant dieiab occasu
solis, ea forte ducti ratione, quod ortus lunœ, quam obser-
vant, tempore occasus solis fiat (j). Hs ergo tempus solis
occasum prsevertens finis est horse ultimse diei prœcedentis.
Romani olim et Europœi hodie pleriqae omnes initium su-
munt diei a média nocte, illumque in duas partes œquales
ita dividunt, ut numerent horas duodenas usque ad meri-
diem, et rursus a meridie ad mediam noctem alias duode-
nas (2) . Umbri denique olim atque nunc Arabes diem a
meridie incipiunt.
Ex his quatuor diei initiis tertium vel quartiim astrono-
mi sibi sumpserunt, quod ambo a meridiano circulo profi-
ciscantur, qui quum fixus sit atque immutabilis cerlum
diei principium désignât ; quae autem ab occasu vel ortu re-
petuntur identidem mutari necesse est. Tycho Brahe velut
januarii primum diem exorditur a meridie quœ in kalen-
das ipsas incurrit, Copernecws Romanorum consuetudine a
média nocte ad mediam noctem.
Varium apud varios populos diei exordium veteres ut-
cûnque expresserunt hisce versibus :
Grœci manediem capiebant solis ab ortu,
Vespere Judai: servantes sidéra cœli
Dum sol in medio fulget nitidissimus orbe ;
Christicolœ incipiunt medio sub tempore noctis.
Quod postremo hoc versu universalis regulae instar pro-
ponitur, Romanum morem nimirum a Ghristianis servari,
id ut rite intelligatur cum aliqua distinctione accipi débet.
(1) Memoratu digna est ratio, ob quam diem ab occasu solis ad occasum
alatutum fuisse tradit Jul. Cœ^ar de Bello gallico, lib. vi. c. 18. his verhis :
Gain se omnes ab Dite pâtre prognatos prœdicant : ob eam cuusam spatia
omnis temporis non numéro dierum sed noctium finiunt, et dies natales et
mensium et annorum initia sic observant, ut noctem dies subsequalur.
(2) L. More Romano. 8. ff. de Feriis. More Romano dies a média nocte
incipit, et sequentis noctis média finilur : itaque quidquid in his viginti
quatuor horis {id est duabus dimidiatis noctiùus et luce média) actum est
perinde est quasi quavis hora lucis actum esset.
40 COMMENTARIUS
Quod atdnet ad prœceptum colendi dies festos, ohservandi
iejunia ecclesiasUca aliosque ritus de jui'e peragendos, qui-
<fis dies a média nocte initium œediaque nocte quœ sequi-
tur finem accipit, juxta kg. More Romano. cit., quam etiam
Innocentius PP. III. ab Aul. Gellio {Ub IL c. 1. ISoct. Attic.)
illustratam récitât in C. Consuluit nos. 24. de Offic. et potest.
delegat. fl, Q^.j. Itaque non solum in celebratione jejuniorum
ac festorum, sed etiam in aliis actibus viginti quatuor horse
diei computantur a média nocte in aliam mediam noctem.
Sic, V. g., in mensibus papalibus computandis accidit,ut qui
ultimo die januarii paulo ante horam noctis duodecimam
decedit, adhuc in 7nense pnpali decessisse intelligatur.
Ad dies dominicos quod spectat, statutum quidem sacris
canonibus erat, ut eorumdem dierum veneratio inciperet
pridie vespere et desideret vespere sequenti (1) , nisi aliud
regionum consuetudo (2) haberet [C Quoniam in part. 2.
de Feriis, 11^ 9.) ; ast verba a vespera ad vesperam, inter-
prète nunc consuetudine, intelligenda potius sunt de anti-
que Ecclesiae usu, quo fidèles diobus dominicis et festis
interesse horis canonicis solebant, prout testatur S. Au-
gust. serm. 251, de Temp., ubi ait : Veniant ergo, cuicimque
possibile sit ad vespertinam atque nocturnam celebrationetn,
et orent ibi in conventu ecclesiœ pro peccatis suis.
Quod deinde pertinet ad horas canonicas, ecclesia hodie-
que diem Hebrœorum assumit atque officia divina a (primis)
vesperis ad (secundas) vesperas célébrât, diem ecclesia-
sticum ita a vespera in vesperam computando.
Tandem ad diem natalem aiicujus Sancti quod pertinet, tri-
(1) Can. Quod dies. 5. dist. 73. Cui {diei dominico) a vespera sabbati ini-
tium constat adscribi. Can. Pronuntiandum. 1 de Consecrat. dist. 3. Sciant
tempora feriandi per annum... omnem dominicam a vespera usque ad
vesperam. Et C. Omnes dies, 1. de feriis: Dies Dominicos a vespera in
vesperam cum omni veneratione decernimus observari.
(2) De contraria hac consueludiue conferri possuut quae habet Gon-
zalez in C. Quoniam cit.
DE COMPUTO EGCLESIASTICO. l\i
plicem ejus computandi methodutn post P. Carol. Guyetum
adducunt auctores : primam aprimisad secundas vesperas ;
sic enim suadere videtur oflîcioruiu ratio, quœ quum ad
sancti cujusque felicissimum ex hac vita transitum instar se
habeat triumplii ad victoriam, illum certe hanc non praece-
dere sed sequi, aut ad summum comitari œquum est. Prae-
cederet autem, si totum officium vel plenior illius pars
absoluta fuerit ante horam qua sanctus ex hac vita nii-
gravit, quod in simplici maxime festo contingit, cujus totum
ofiicium completur ad nonam.
Altérant computandi methodmn, quae est a solis occasu ad
solis occasvm adhiberi volunt, quando illorum sanctorum
dies natalis est determinandus, quos post horam comple-
torii, inchoatajam nocte decedere contigerit, eo quod illo-
rum transitum eo potissimum die celebrari deceat, quo is
hominibus primum vulgatus ac cognitus fuit.
Terfiam tandem plerique omnes sequuntm", qui diem
more Romanorum incipiendum docent diemque illum cuique
natalem assignant, in cujus aliqua hora a média nocte ad
mediam noctem contigit ipsum ex hac vita transire.
Verum quum nostrum non sit, — verba sunt doctissimi
Cavalieri varias has computandi methodos referentis, — na-
talem diem sanctis praescribere, sed Sedis apostolicae, idcirco
quamcunque ex dictis rationibus computandi haec secuta
fuerit, dies illa, quœ pro natali ab eadem Apostolica Sede
determinata fuerit, censeri debebit natalis dies, in eaque
dicendus erit versus Meruit beafas et non in sequenti, nisi
adtramites decreti S. G. R. 13 junii 1682 (1), si ad se-
quentem transferatur diem, cui juxta aliam computandi
(l) An quando contingit transferri festutn alicujus sancti confessons
a die sui obitus in diem proxime sequentem, debeat tune in primis
vesperis dici in bymuis Meruit beatas et in matuliuo et secundis vesperis
Meruit supremosl
R. In casu proposito Imu in vesperis, tuua in relique oflicio continuan-
dum versum Meruit beatas.
/i2 COMMENTARIUS
rationem consignari poterat natalis sancti qui transfertur.
Sic, licet S. Franciscus de Paula obierit die secunda aprilis
hora circiter vigesima prima, etconsequenter,juxtaprimam
computandi rationem, natalis ejusdem tradi potuisset die 3.
aprilis, adhuc quia juxta rationes alias consignatus fuit diei
secmidœ, in hac dici debebit Meruit beatas, non autem si
transferatur ad diem tertiam, nisi primas intégras vel di-
midias habeatvesperas. SimiliterS.Philippus Benitius die 22.
augusti ad vitam evolavit œternam hora 24. ad pulsationem
salutationis Angelicœ, etiuxtsb secundam computandi rationem
natalis ejusdem statutus fuit die 23. sequenti, et ideo in hoc
dicitur 31eniit beatas, qui versus etdiceretur die 22. si juxta
tertiam computandi rationem natalis ejusdem prœdictae diei
22. [non impeditse consignatus extitisset. Hœc Caval. iom. II.
dec. 33Zi. n. h. Eadem prorsus ratione 5. Pétri Damiani
diem natalem habemus die 23. februarii, tametsi Breviarium
eum ad Christum migrasse référât die 22. ; item s. Alphonsi
de Ligor. dies natalis statutus est 2. augusti, licet — teste
Breviario — expiraverit Kalendis Ausgusti (1).
27. Dies in legibus accipiendus est secundum subjectam
materiam; nam quum aliquid est agendum, quod aliam
rationem in luce et aliam in tenebris habet, antiqua et
vulgaris diei appeliatio retinenda est, qua dies in duodecim
horas divisus sumitur ab ortu ad occasum solis (2), et contra
nox in alias duodecim horas divisa accipitur ab occasu ad
ortum solis, uti reipsa habitantes sub sequatore toto anno
diem noctemque retinent sequalem. Atque hue referri ea
possunt, quae habentur tum Gen. I : Deus divisit lucem a te-
nebris appellavitque lucem diem et tenebras noctem; tum
Joan. XI : Nonne duodecim sunt horœ diei ? Si quis ambulaverit
in diCj non offendit, quia lucem hujus mundi videt.
Et quamvis dies Romanus a média nocte inciperet et
(1) Revue des Sciences ecclésiastiques, juin 1863. t. va, p. 572.
(2) C, Consuluit nos. 24, rfe Offic. et potest. delegati cit. nuru, praeced.
DE COMPUTO ECCLESIASTICO. A3
sequente nocte finiretur, diei horas tamen ab ortu solis
dinumerabant , duodecim diei totidemque nocti tribuentes.
Atqaeita. primam, sextam, septimam horam, quoties in cor-
pore juris occurrit accipere debemus. (£. Placuit. 1. fj. de
Manumissionibus; l. Via. 5. ff. de Servitutibits ; l. Titlus, 25.
ff. de Liberis et posthumis; L Non minorem. 20. Cod. de Trans-
actionibus.)
Si autem sermo sit de continuo temporis successu, obser-
vai! da est Romana institutio lerjis More Romano 8. de Feriis
{II, 12.).Sicin materiapraescriptionum, ubi tempus ita noctu
proceditac dieadcomplendamusucapionem juxta /. Ideoquel .
ff. de Usurpationib. et usucapionib.: Qui hora sexta diei kalen-
darum januarianim possidere cœpif, hora sexta noctis pridie
katendas jannarias implet usiœapionem. Quod si partes diei
considerentur, eum nunc in varias horas distribuimus.
Olim Hebrsei diem in horas non dispescebant, sed in
quatuor partes, W2a«escilicet, meridiem, primiim et secundum
vespenim. Noctem etiam in très partes dividebant vespera,
médium noctis et vigilia matutina. Si quando apud Se-
tuaginta horarum nomen occurrat, illud vel denotando certo
cul dam tempori vel designandis anni tempestatibus usur-
patum est.
Hesychiits tradit, veteres pedibus umbras dimensos diem
divisisse ; unde et tempus cœnae modo hac modo illa pedum
dimensione designabant. Decem pedum aToî/ou; multi me-
minerunt : eratque ea hora corpori curando opportuna.
[Pollux, lib. VI. c. 8.) Parasiti tempus cœnœ exacte curabant
observare et nuntiare, quia mensis inhiabant potentiorum (1) ,
(1) Hiuc est, quod esuriens parasita in Bœolia Plauti illi imprecetur,
qui primus horologium statuisset, his verbis :
Ut illum DU perdant, primus qui horas repperit,
Quique adeo primus hic statuit solarium,
Qui mihi comminuit misera articalatim diem;
Nam me puero utérus hic erat solarium,
Multo omnium istorum optumum et verissimum...
Nunc eCiam quod est, non est, nisi soli lubet.
A4 COMMENTARIUS
immo în sedibus magnatum uniservorum commissum, varia
diei tempora nuntiare; eum wpoXoYrjTr,v vocabant.
Turcœ Talismanrwi habent hominum genus templorum
ministerio dicatum. Hi mensuris utuntur ex aqua, quibus
postquam adventare auroramcognoverunt, claiiiorem tollunt
e celsa turri in euin usum constructa, quo homines ad ve-
nerandum Deum hortantur etaccersunt. Idemfaciunt medio
tempore inter exortum solis et meridiem, et item inter
meridiem et occasum : postremo sole occidente voce utuntur
acutissima eatn non injucunda modulatione vibrantes,
quse longius quam credi possit exauditur. Sic totus dies
Turcis in quatuor spatia dividitur majora aut contractiora,
ut anni fert tempus: noctis omnetempusincertum est, teste
Busbeq. in Itinerario. Post inventam diei in varias horas
distinctionem-diversae diei noctisque partes horarum voce
significantur. De hac partitione autem distinctius agendum.
N. N., Sacrorum canonum Piof.
(La suite au prochain uuméro.)
LA THÉOLOGIE DES CATACOMBES.
Premier article.
La naissance de l'Église chrétienne est très-différente de
la formation des sociétés humaines. Rien ne manqua dès
l'abord à son autorité, à sa constitution, à son dogme, à sa
morale ; ses éléments furent créés et harmonisés tous en-
semble, et elle n'a point connu les difficultés et les lenteurs
d'une organisation progressive. Or, ce caractère .est surna-
turel et certainement divin. Aussi , les ennemis de l'Église
veulent le lui arracher, et effacer le sceau dont son Fondateur
l'a marquée au front. Elle s'est dégagée, disent-ils, d'un
mélange d'idées, de principes, de forces contradictoires :
le cours des âges a amené cet immense conflit de l'esprit
sémitique et de l'esprit occidental , des tendances judaïques
et exclusives de Pierre, et des aspirations larges et gréco-
romaines de Pau ; puis, après quatre siècles d'essais, de
luttes et de déchirements intérieurs, après le combat tumul-
tueux des flots, l'Église est née de leur écume.
L'Église catholique répond à cette philosophie menteuse
par une déclaration puissante et une claire exposition de ses
origines. De ses mains, elle a ouvert son mystérieux berceau,
et nous a rendu la Rojne souterraine. Nous savons que ce
soin n'a pas été vain et stérile. La vérité a jailli des pro-
fondeurs de la terre comme un rayon lumineux : et il y a
àG LA THÉOLOGIE DES CATACOMBES.
paru que la société chrétienne ne s'est pas formée pénible-
ment d'éléments impurs et mêlés, mais que l'Eglise de
Pie IX est identiquement l'Église de saint Pierre, de Jésus-
Christ, de Dieu. Les Catacombes romaines ont donc leur
théologie, grande et illustre entre toutes. Nous en avons
entendu quelques échos, et nous les redirons ici d'une voix
inhabile, mais émue d'amour et de foi.
Cependant, Rome souterraine n'est pas, comme on le
pourrait croire , exclusivement catholique. Ses h^■pogées
parlent plusieurs langages : un bras du cimetière de Pré-
textât et d'importantes inscriptions appartiennent aux sectes
gnostiques ou rappellent les schismes et hérésies qui se sont
élevés contre la chaire du prince des Apôtres ; les cata-
combes juives de Rome fournissent encore une classe spé-
ciale de monuments dont il faut tenir compte dans l'étude
de l'antiquité chrétienne. Nous avons pensé que le spectacle
de trois sociétés ennemies du Paganisme, et se disputant
entre elles le titre de véritable Église de Dieu, offrirait un
sérieux intérêt ; qu'on aimerait à connaître leurs rapports,
et à suivre dans la Synagogue et l'Hérésie, la ruine de la
vérité et les envahissements de l'erreur. Et puisque leur
témoignage vient souvent appuyer celui de l'Église romaine
et attester la divinité de ses croyances, nous avons voulu
que notre Théologie des catacoi/ibes renfermât l'étude succes-
sive : 1° des catacombes juives; 2° des catacombes héré-
tiques et des inscriptions qui s'y rattachent; 3° enfin, des
catacombes catholiques.
PREUIÈBE PARTIE-
LA SYNAGOGUE ET SES CATACOMBES.
Les catacombes de Collerosato sur la via Portwsnsis , et
du Plante Verdc i\ l'extrémité méridionale du Janicule. les
LA THÉOLOGIE DES CATACOMBES. 47
inscriptions juives qui en furent extraites, ou qui, dispersées
parmi les ruines de Rome, ont été recueillies dans des publi-
cations spéciales , des pierres gravées et symboliques, les
verres et coupes imagées de la Synagogue , et surtout la
remarquable catacombe de la Vigna Randanini, avec ses
richesses de sculpture, de peinture et d'épigraphie, tels sont
les monuments hébraïques que Rome souterraine offre à
nos études. Le sujet est neuf, et partout hérissé de diffi-
cultés : qu'on nous pardonne d'y apporter moins de lumières
que de dévoûment. Nous suivrons les découvertes et les
savants commentaires du R. P. Garrucci, dont nous appré-
cions vivement et l'immense érudition, et la haute bienveil-
lance pour les travaux archéologiques de la Jîevue des
Sciences ecclésiastiques (1).
I.
La colonie juive de Rome s'y établit dans le siècle qui
précéda l'ère chrétienne, et les auteurs contemporains nous
disent qu'elle avait pris racine en un excellent quartier,
celui du Transtévèi'e. Une inscription latine publiée par
Mommsen (2) donne à croire qu'avant le règne de Néron,
la Synagogue avait déjà pénétré à la cour des Césars. Elle
s'étendit bientôt dans toutes les régions de la ville et se
subdivisa en plusieurs communautés dont nous connaissons
les dénominations. C'étaient les Campenses^ peut-être fixés
(I) Cfr. Cimitero degli antkhi Ebrei, scoperto recentemente in Vigna
Randanini, illuntralo psr Raffaele Garrucci, d. C. d. G. Roma, Civillà cat-
tolica, in-8o. 1862. — Descrizione del Cimitero Elraico di Vigna Randa-
nini sulla Via Appia. Roma, ibid., iû-S" 1862. — Nuove Epigrafi Giiidaiche
di Vigna Randanini. Roma, ibid., iii-8°. 1862. — Veiri ornati di figure
in oro trovaiinei cimiteridei Cristiani. Roma, ibid., in-P. 1858. — Aringhi,
Roma siibterranea, t. ï, p. 390 et suiv. — IP Spencer Norlhcote, les Ca-
tacombes romaines. Rome, iri-12, 1853. (Paris, Poussielgue) . — Voyez aussi
celle Revue, nov. 1862, l' Archéologie sacrée à Rome.
(i) Inscript. Neapol. lat., u. 6'i67.
48 LA THÉOLOGIE DES CATACO.MBES.
au Champ de Mars, les Augusfenses, Agrippenses, Siburenses,
Vohimnenses, Elœenses, Calcarienses et les /7e&/-ff?/ proprement
dits (1). Lem* acthité prit de rapides et hardis dévelop-
pements et mérita les épigrammes de Martial, en même
temps qu'elle inspirait des plaintes amères à Stace et à Ju-
vénal. La vallée fameuse qui s'ouvre non loin de la porte
Capène, où Numa rêvait à ses lois et écoutait les leçons
d'Egérie, où les Muses régnaient en un temple de marbre
à l'ombre d'un bois sacré, cette vallée était affermée aux
Juifs ,
.... Quorum copbinus fœnumque supellex (1).
Là, sans doute, habitaient les plus riches d'entre eux, si
nous en jugeons par la catacombe qu'ils y creusèrent et que
nous avons récemment retrouvée. Car, si le cimetière hé-
braïque du Monte Verde avait, au témoignage de Bosio, un
aspect très-misérable, celui delà Vigna Randanini est com-
parable à nos belles catacombes. H atrium y est pavé de
mosaïques et revêtu de marbre : les portes des cubicula et
les sépulcres étaient oi-nés avec un soin pareil ; des fresques
de valeur décorent deux chambres et plusieurs urcosolia où
l'on voit des sarcophages sculptés et parfois dorés.
Si la liberté de culte dont jouissaient les Juifs romains,
et les intelligences qu'ils avaient à la cour impériale n'ex-
pliquaient pas assez l'importance que saint Paul leur accorda
toujours, les catacombes hébraïques en donneraient toutes
seules la raison : elles témoignent clairement de la prospé-
rité matérielle, de la richesse et par conséquent de l'influ-
ence de la Synagogue (3) ; elles nous en diront plus tard la
(1) Cimitero. p. ci8 seq.
(2) Juveo., Sut. III, V. 17. — Cfr. Statius, i Sih., passim. — Martialis,
I, Ep. 35; XII, Ep. 46, etc.
(3) « Victoresque suos natio vicia premit, » disait d'elle Rutllius Cle-
meulianus.
LA THÉOLOGIE DES CATACOMBES. 49
forte et puissante organisation. L'Apôtre devait donc compter
avec elle, et la prudence plus encore que la charité, lui pres-
crivait d'insister longuement en son épitre aux Romains,
sur le rôle des Juifs dans le monde surnaturel. Il devait
combattre des préjugés de race, et les dangereuses attaques
du pharisaïsme austère ou de l'esprit grec, inquiet et subtil,
qui parait avoir dominé dans la colonie juive des bords du
Tibre. Celle-ci, en eflet, parlait presque exclusivement le
grec, surtout le dialecte vulgaire d'Alexandrie : elle se sert
à peine dans les inscriptions de la langue latine et toujours
avec une grande inhabileté ; ses noms propres sont très-
souvent grecs, plus rarement hébreux ou romains, d'où
l'on voit quelle était la prépondérance des Juifs hellénistes
dans son sein.
Cependant, si toutes les épitaphes judaïques de Rome
eussent, comme celle de Claudia Aster de Jérusalem,
d'Ammias deLaodicée, ou d'Ursacia d'Aquilée (1), pris le
soin de marquer la partie des personnages auxquels elles
sont consacrées, à coup sûr, toutes les nations de la terre y
seraient rappelées. On y trouve des noms venus d'Athènes,
d'Alexandrie, de l'Afrique et de Garthage, de la Palestine,
des régions les plus illettrées de la Grèce ou du Latium (2) ,
(1) Cimitero, pp. 1k, t(,, 62,
(2) Citous parmi les uoins grecs: Theodora, Deuterus, Eterus, Staphti'
lus, Basileus, Poimenis, Parlhenos, Pancharis, Dijonistas, Zoticus, etc.; —
parmi les Alexandrins : Castricius ou Custrikis. — D'aulres sont em-
pruntés à la basse grécité : Gurgilia, Caluiius, Mannacius. — Marosa se
retrouve dans les inscriptions numidiques sous la forme Ï^ÎDII^Û.
Plusieurs sont hébraïques, comme Sabbatius, Noumenis, dont le rapport
avec les « Néoménies» est apparent, Aimas (niûPi?), Leos et Lea, assez
voisins de « Lcvi », Abùas, Judas, Jonala, Joses, Zabouttas (Zebedaeus?),
etc. — La latinité vulgaire a fourui : Decembrus, Cocotio, etc.; Aster,
Asteria, Meletiiun, Sijnhelica, Ëparchia, Provincia, etc., sont parliculiera
à la Synagogue. Mais il faut laisser celte étude à la philologie, qui trou-
vera dans les travaux du R. P. Garrucci une belle moisson à recueillir.
Plusieurs exemples qae nous y avons remarqués indiqueraient que les
Juifs de Rome prenaient deux uoms^ l'un latin, et l'autre hébreu. C'est
Revue pes Sciences ecciJ:si astiques, t. is. 4.
50 LA THÉOLOGIE DES CATACOMBES.
et même de la sainte et catholique Église de Rome. Car,
on lit sur une tombe de la Vigna Randanini :
CABBATlÂ
PENATÛ
AAEA<I)i2
(-)HhEN (1)
«ôabbatia a posé (ce monument) à René, son frère. »
Le nom de Renatus n'est-il pas essentiellement chrétien ?
N'est-ce pas l'expression delà régénération par le baptême,
et l'abrégé de ces paroles évangéliques : « Si quelqu'un ne
renaît de nouveau, il ne peut voir le royaume de Dieu? »
Quel est donc ce René, frère de Sabbatia, et d'où lui vient
un nom consacré par la foi catholique ? Peut-être était-il un
transfuge des autels chrétiens, qui conservait dans la honte
de son apostasie ce nom de gloire et de lumière ; peut-être
encore un prosélyte sorti du paganisme, et à qui la Syna-
gogue, par une imitation mensongère de nos dogmes et de
nos usages, avait imposé avec le joug intolérable de la loi,
ce titre de lienalvs, qui signifie la liberté et l'affranchisse-
ment des enfants de Dieu. Le judaïsme faisait alors quelques
conquêtes à Rome et les Catacombes en donnent un double
exemple. Le sarcophage de Veturia Paulina nous apprend
qu'elle mourût à l'âge de quatre-vingt-six ans et six mois,
ainsi qne firanl saiul Paul : 2avî>o; ce 6 x.a\ ITauXoç (Act. xiii , 9. Cf.
Nuove epigy., p. 15 : AiMAXIS O KAI IIPIMOIl), Barsabas, fjui cogno-
minatus est Justus (Act.- I, 53) ; Simou, qui vocabatur Niger (Act. xiir, 1) ;
Jean, qui cognoniinntas est Marcus (Act. xii, 12), etc.
(1) Cimiteio, p. 4G. Dans les inscriptions gréco-judaïques que nous
citerons, le 2i est d'ordinaire remplacé par le C ; l'E ressemble fort à
l'e oucial du moyen-âge; l'iî est plutôt un m minuscule allongé; l'A
est quelquefois modifié- mais le but do notre travail n'exige pas la con-
servation exacte do tontes ces formes.
LA THÉOLOGIE DES CATACOMBES. 51
« prosélyte depuis seize années. » Mannacius, sans doute
prosélyte lui-même, voua l'inscription suivante à la mé-
moire de sa sœur (J ) :
MANNACIVS
SORORI CRYSIDI
DVLCISSIME
PROSELYTl
Telle était la colonie juive de Rome, qui s'efforçait de
vivre et de grandir, étouffée d'une part soug le mépris hai-
neux du paganisme, de l'autre, déjà vaincue par le Chri-
stianisme qui lui tendait encore les bras pour la sauver.
Nous l'avons montrée sous un aspect général ; nous avons
décrit en peu de mots son origine et comme son essence :
avant de dessiner plus clairement les traits de son caractère,
précisons l'époque où nous la prenons pour sujet d'étude,
et où se rattachent les monuments qu'elle nous a laissés.
Ses inscriptions funèbres sont rarement datées : nous sa-
vons, toutefois, que l'une d'elles appartient à l'âge d'Au-
guste ; une autre, découverte dans le cimetière de la voie
Appienne, est certainement du temps de Gallien et prouve
que ce cimetière existait au milieu du troisième siècle de
notre ère; d'autres devraient être attribuées au règne d'A-
lexandre Sévère, si d'excellentes conjectures ne restaient
nécessairement en deçà de la certitude (2). Au reste, toutes
s'accordent bien avec le style, les coutumes et l'histoire de
la fin du second siècle et du troisième tout entier (3) . Les
peintures, les sarcophages sont contemporains de ceux qui
'furent exécutés dans les catacombes chrétiennes, au deu-
xième et au troisième siècle, quand les bonnes traditions de
(1) Nuove epiyr., p. 15.
(2) Cimitero, pp. 24, 32, /i8. Descrizione, p. l2, note 1".
(3) Descrizione, p. 12.
52 LA THÉOLOGIE DES CATACOMBES.
l'art antique ne s'étaient pas tout-à-fait perdues. La période
historique que ce travail embrasse, s'étend donc du règne
d'Auguste à celui de Constantin, de la naissance du Christ
au triomphe de son Église.
II.
Le langage figuré du symbolisme, qui s'efface et s'oublie
de plus en plus dans les sociétés modernes, fut toujours
l'expression préférée de l'esprit oriental et des vérités reli-
gieuses ; aussi les catacombes hébraïques sont richement
pourvues de symboles. Parfois, ils ont seulement pour objet
({uelque personnage ignoi-é : c'est une allusion à son nom,
l'image emblématique de son caractère, une énigme dont
sa vie donne le secret , l'attribut de sa profession. Ainsi,
l'inscription funèbre du scribe Deuterus est accompagnée du
hvre de la loi (1) ; au nom du scribe Castricius on a joint
une tablette à écrire ou à calculer (2). Ce petit enfant, âgé
de deux années, d'un mois et de trois jours, « qui aimait
son père, qui aimait sa mèi-e, » est figuré par un oiseau qui
s'envole aux cieux (3). Une scène champêtre, des arbres,
une chaumière, des poussins qui environnent leur nid,
ornent la sépulture q\i Alexandra Severa prépara à Notus son
nourrisson et son fils adoptif (â) , disant ainsi le bonheur et
la joie de leur vie commune. Le scribe Ursns est désigné par
un oiseau et un rayon de miel ; et ces alvéoles gravés sur
sa tombe rappellent peut-être la loi divine, objet constant
de son étude et plus douce qu'un rayon de miel (5). Sur le
(1) Cimitcro, p. 4ô et suiv,
(2) Nuove epigr. \\, 14.
f3) Cimit., p. 47.
(4) Ib., p. 48.
(5) Psalm. xviii, 11. Cf. Chniiero, p. 59. Peut-êlie aussi le double sym-
bole de l'oiseau cl du rayon de miel fut consacré à l'innocence et à
la (jQuceur d'Ursus par sa fiancée, qui lui donna le sépulchre où il re-
LA THÉOLOGIE DES CATACOMBES. Ôb
marbre voué à h mémoire du petit enfant Salpingius (1) ,
deux cornes de bélier font allusion à son nom dérivé du
grec ffâXTriy;. Les fruits et les feuillages, les poissons, des
vases et ampoules, Vascia, la corbeille de fleurs, les feuilles
de lierre, si elles ne sont point un pur signe de ponctuation,
appartiennent au même ordre de symbolisme « civil « que
la foi religieuse n'inspire point toujours, il est vrai, mais
que nous ne pouvons négliger dans ce tableau des catacombes
juives : tout ce qui appartient à l'antique synagogue touche
de près à la théologie chrétienne.
A un degré plus élevé se placent les peintures allégoriques
des deux cubiada découverts le 18 mai 1862 dans le ci-
metière de la voie Appienne. Leur caractère tout national
et la solution qu'elles apportent à une grave controverse
théologique, méritent un peu d'attention. L'existence et
l'emploi de figures d'êtres animés sur les monuments hé-
braïques, sont des faits désormais acquis à l'histoire : il ne
saurait non plus y avoir aucun doute sur la légitimité de cet
usage. L'esprit judaïque est trop soucieux de la discipline
légale, trop jaloux de ses traditions et de ses préceptes pour
les enfreindre à ce point. La Bible, nous l'avons dit ailleurs,
et c'est l'opinion de théologiens de renom (2), ne condamne
ni les emblèmes, ni les représentations d'hommes et d'ani-
maux ; et Origène expose en ces termes la raison qui portait
les Juifs à s'en abstenir : « In civitate eorum nullus pictor
« admittebatur, nullus statuarius, legibus totum hoc arcen^
pose. (M^JEIA TOY MEAAONYMailOV, dit l'épilaphe.) Le R. P.
Garrucci voit dans le miel uue allusion au nom d'Ursus, empruntée de
Pline et des naturalisles anciens.
Il) Descrizione, p. 7.
(•2) Gabriel Vasqaez, Jacques Bonfrère, etc. Saint Thomas 1. 2. q, 102,
a. 4. ad 6"° remarque que le culte idoldtrique des ij^ages était défendu par
le premier précepte, mais non {"emploi des images. Terlullieu parle
dans le même seu3 {contra Marc, u, àî). Cf. Nitove cpigr., p, 2 etsuiv.
V. Reçue d'.'s Se. eccl., novembre 1862, p. 451.
54 LA THÉOLOGIE DES CATACOMBES.
« tibus, neoccasio praeberetur hominibus crassis (1). » Lors
donc que ce motif perdit son importance et sa valeur, ils
admirent dans leurs édifices et leurs hypogées les images
longtemps proscrites, et accordèrent, dans la paix, une sé-
pulture honorable aux peintres qui les retraçaient sur les
parois des galeries souterraines et à la voûte des chaml^res
funéraires. Ainsi, on lit sur un sarcophage de marbre de la
Vigna Kandanini :
EN0AAE
KITE EYAO
Eioc zwr
PAa>OC EN
EIPHNH HK
«i'[x/,ai<; cou
« Ici dort Eudoxius , peintre ; ton sommeil dans la
« paix (2) ! »
Le premier des Cubiculu signalés plus haut est orné de
fresques inspirées de l'art antique : l'apothéose de la victoire
et du commerce en est le thème. La Victoire apparaît au
centre, aîlée et portant une palme ; debout à son côté, un
jeune homme nu et le front ceint de lauriers, lui présente
une sorte de carquois sur lequel elle dépose la couronne du
triomphe. Des paons qui se dressent orgueilleusement sur
de larges sphères ; deux pégases aîlés ; le coq placé entre le
diadème que les Grecs donnaient aux vainqueurs du cirque,
et un trophée de couronnes ; cent oiseaux divers rem-
. plissent les compartiments architectoniques dessinés sur la
voûte et les parois de la salle. Parmi ce luxe de décors, les
(1) Lib. lY. contra Celsum.
(2) Nuove epigr. p. 3. Il est probable que cet Eudoxius fut l'auteur
des peintures dont nous allons parler. Puisqu'on lui souhaite le repos
dans la paix de Dieu, évidemment il n'était pas regardé comme un
trausaresseur de la Loi.
LA THÉOLOGIE DES CATACOMBES. 55
attributs de Mercure viennent eux-mêmes symboliser le
commerce : le peintre n'a pas hasardé la figure du dieu ;
il s'est contenté du caducée qui repose sur un pilastre, et
du bélier qui rêve à la bourse étendue à ses pieds.
Mais quelle est cette victoire célébrée par Eudoxius ? Les
aptitudes et les instincts guerriers étaient certainement trop
peu développés dans la colonie judéo-romaine pour que ses
peintres pussent songer à une épopée militaire. La présence
des attributs de Mercure exclut une intention religieuse
comme le souvenir des victoires de l'éternité. Et encore que
chez les anciens, le paon, la palme et le coq aient été les
emlDlêmes des triomphes du cirque, nous les croyons subor-
donnés ici à une autre pensée, et cet ensemble de figures
symboliques nous paraît une allégorie du commerce. Dans
cette arène tranquille où les meilleures armes sont la soif
du gain et l'habileté des transactions, le génie d'Israël pou-
vait remporter de vraies victoires. Eudoxius a peint au na-
turel les armoiries de sa nation ; car si elle a imaginé de
ressaisir son sceptre et sa suprématie d'autrefois, elle n'a
fait aucun fond sur les forces de l'intelligence, du glaive ou
de l'art, mais sur la souveraine eflicacité de l'or.
Les fresques du second cuhlciihnn ne sortent pas de cet
ordre d'idées. L'abondance, drapée dans son patlivm, cou-
ronnée comme une reine, tient d'une main sa corne clas-
sique, et de l'autre une large coupe d'où elle épand sur la
terre cette enivrante ambroisie des biens temporels que la
Synagogue a toujours désirée et savourée. Les génies des
quatj-e saisons avec leurs attributs, et des figures semblables
à celles que nous décrivions tout à l'hem'e, forment la cour
de la déesse aimée.
Or, toutes ces peintures sont le commentaire visible des
reproches que les Livres saints adressent si souvent au
peuple Juif : ils en attestent la justesse et en constatent
l'opportunité. L'abbé J. D.
ASSEMBLÉE DES SAVANTS CATHOLIQUES
A MUNICH,
du 28 septembre au l^"" octobre 1863.
Verhaudlungen der \ ersammlung '^katholischer Gelehrlen in Mûnchen
8». Regcusburg, Mauz, 1863.
L — l'assemblée.
C'était une grande pensée qui animait les docteurs l)œl-
linger, Alzog^ Haiiebenj, lorsqu'au mois d'août dernier, ils en-
voyèrent une circulaire aux savants catholiques de l'Alle-
magne pour les appeler à un congrès. Jamais peut-être le
moment ne fut plus opportun pour une pareille assemblée.
A mesure que le mouvement des idées devient plus vaste, et
que le travail journalier des savants isolés prépare de nou-
velles pierres à l'édification de la science catholique, le
besoin de réunir tous ces efforts, d'ajuster toutes ces par-
ties de l'édifice se fait sentir plus vivement. L'histoire est
en quelque sorte une science qui ne fait que de naître, tant
l'érudition moderne a jeté de lumière sur les hommes et sur
les événements des temps anciens ; les sciences naturelles
ont acquis un développement qui intéresse de très-près la
théologie, et elles apportent à la science générale des élé-
ments nouveaux. La philosophie a reçu, surtout chez nos
voisins, une impulsion puissante des erreurs mêmes que de
grands esprits dévoyés ont cherché à y introduire. La
ASSEMBLÉE DES SAVANTS CATHOLIQUES A MUNICH. 57
théologie participe à l'élan imprimé à toutes les sciences qui
lui paient leur tribut, et si, comme le D'"Dœllinger la définit,
elle n'est que la « conscience scientifique que l'Église a
d'elle-même, de son passé, de son présent et de son avenir,
de sa doctrine, de sa constitution et de sa morale, » cette
conscience ne peut que grandir, quand les savants appliquent
aux sources de la théologie, à l'Écriture, aux écrits des Pères
et des théologiens, ces mêmes méthodes d'analyse critique,
de recherches profondes qui les ont conduits à de si" grands
résultats pour leurs autres travaux.
Mais plus ce travail des esprits est grand, plus aussi la
division des efforts et la diversité des tendances peut
devenir funeste. Et, de fait, l'arme de la science n'est que
trop souvent maniée par des hommes qui ne se contentent
pas de satisfaire leur désir de savoir, mais qui obéissent
surtout à leur aversion pour la vérité. « On ne peut nier,
dit le rapport que nous avons sous les yeux, qu'en face de la
foi et de la science positive, les tendances de négation et de
destruction gagnent tous les jours plus de terrain dans la
littératm-e, lascience et la vie. «Ainsi le besoin d'unité, basé
déjà sur les nécessités de la science, devient plus vif encore
en présence de la lutte de jour en jour plus acharnée qui
se livre contre l'Église.
Un congrès était donc important, surtout dans cette Alle-
magne où la science a ses représentants les plus honorés,
où les esprits s'agitent davantage dans l'élaboration de tous
les grands problèmes, et dont l'influence sur le monde
savant est aujourd'hui si grande. Quand les hom]nes, sur-
tout les hommes à esprit supérieur, se rapprochent les
uns des autres ; quand ils commencent par se tendre une
main amie, par se saluer en frères, par réciter ensemble,
comme cela s'est fait à la deuxième session, la profession
de foi catholique, ils sont bien près de s'entendre sur les
questions de science, comme ils s' entendent sur les questions
58 ASSEMBLÉE DES SAVANTS CATHOLIQUES
de foi. Us apprennent à se comprendre mieux; les diver-
gences s'effacent; les explications de toute nature se donnent
et s'acceptent. On apprend surtout à s'estimer et à s'aimer
mutuellement, et quand les savants catholiques s'aiment les
uns les autres, ils évitent ces luttes acerbes où la divergence
des idées et la division des cœurs réagissent l'une sur l'autre
pour creuser un abîme de plus en plus profond. On pourra
ne pas tomber d'accord sur toutes les questions, sur l'appli-
cation de tous les principes ; mais les luttes qui subsisteront
seront de ces luttes fécondes qui font briller la vérité d'un
éclat de plus en plus vif; et, au lieu de paralyser les forces
dans le combat contre l'ennemi commun, elles ne feront que
les augmenter.
L'assemblée de Munich nous paraît donc un des événe-
ments les plus consolants de notre temps. Dans la pléiade
de savants dont elle s'honore ajuste titre, l'Allemagne a des
hommes assez grands pour que tous les autres aient pu,
sans déroger et sans avoir à surmonter aucune susceptibilité,
serendi'e à leur convocation. D'un autre côté, l'esprit catho-
lique qui les anime leur a permis de répondre promptement
et en grand nombre à cet appel. La réunion comptait quatre
vingt-quatre membres parmi lesquels nous remarquons
plusieurs noms connus en France: MM.Sepp, l'auteur delà
Vie de Jésus-Christ; Reithmayer, Reusch, dont l'ouvrage
sur la création est analysé dans la Revue; Denzinger, dont
la Revue fera bientôt connaître les u Ritiis orientales » ;
Scheeben, Hulskamp, rédacteur du Litemrischer Handwei'
ser; Heinrich et Moufang, les savants rédacteurs du Catho-
lique de Mayehce, etc, etc. C'était un véritable aréopage,
où .manquaient sans doute plusieurs des noms les plus dis-
tingués (entre autres les savants professeurs de Tubingue) ,
mais où tous les assistants avaient gagné par de glorieux
laideurs le droit de siéger dans la salle du chapitre de
l'abbaye de Saint-Boniface.
A MUNICH. 59
Les délibérations roulèrent sur un double objet:
1» Aviser aux moyens de donner à la science une valeur
plus grande, et d'en répandre les résultats.
2° S'entendre sur lés principes propres à faire marcher la
science dans le vrai chemin, et lui poser des digues qui
l'empêchent de se perdre dans des sentiers trompeurs. De
part et d'autre on côtoyait un écueil qui a été plusieurs fois
signalé dans les délibérations. Etablir des principes, poser
des règles, donner une impulsion, toutes ces choses ne sont
pas du ressort d'une assemblée de savants qui n'a de mis-
sion que celle qu'elle s'attribue elle-même. Quelque admi-
rablement qu'une telle réunion soit composée, elle n'est pas
revêtue de cette autorité supérieure qui ne compète qu'à
l'Église et à son Chef. Mais, à côté de cette autorité essen-
tiellement infaillible dans les questions de son ressort, il y a
l'autorité de la science qui est parallèle à la première, bien
que placée à un degré inférieur. Quand elle reste dans sa
voie, elle ne peut que donner la main- à l'autorité surna-
turelle de l'Église, et les mêmes vérités se trouvent dou-
blement établies et confirmées. Ainsi le livre de Renan a
été l'objet d'une condamnation motivée, mais qui partait
d'un principe essentiellement différent de celui sur lequel
s'appuie la condamnation des évèques et du Saint-Siège.
L'autorité ecclésiastique l'a condamné comme contraire à
la foi au premier chef ; l'assemblée de Munich l'a con-
damné comme étant contraire à toute science, dans son ob-
jet, dans sa méthode et dans ses moyens. Il faut entendre
d'une manière analogue les considérations qui ont été émises
sur la direction à donner tant aux travaux des écrivains
qu'aux instructions pastorales des curés.
Commencée sous les auspices de la plus franche cordialité
et dans le désir sincère de travailler unanimement au bien et
au triomphede l'Église, l'assemblée s'est continuée pendant
sept sessions. Quand les savants se sont retirés, ils étaient
60 ASSEMBLÉE DES SAVANTS CATHOLIQUES
convenus de se réunir désormais chaque année, et plusieurs
questions avaient été ajournées à la prochaine réunion. Les
statuts de ces assemblées étaient posées et plusieurs résolu-
tions importantes étaient prises. Plaise à Dieu que rien ne
vienne entraver le bien que cette première réunion permet
d'espérer ! Plaise à Dieu que nous puissions assister désor-
mais chaque année à ce même spectacle, et que ces réu-
nions se continuent toujours dans le même esprit qui n'a
cessé d'inspirer la première pendant tout le cours de ses
délibérations !
Avant de rendre compte des travaux de l'assemblée,
nous aimons à émettre un autre vœu. L'état de la France
ne diffère peut-être pas aussi profondément de celui de
l'Allemagne, qu'on veut bien le dire quelquefois. En France
aussi nous possédons un grand nombre d'esprits, et d'esprits
fort éminents, auxquels le président Dœllinger a rendu un
solennel hommage, qui s'occupent de la science, et de la
science chrétienne. Nous les comptons avec bonheur dans
les rangs du clergé, peut-être avec plus de bonheur encore
dans les rangs des laïques. Toutes les questions trouvent
leurs hommes spéciaux, qui les étudient avec amour et
passion. Mais en France, non moins qu'en Allemagne, il y a
des Idiyisions malheureuses. Les catholiques sont partagés
en deux camps, et trop souvent les uns essuient le reproche
de s'attacher au passé sans se préoccuper de l'avenir, tandis
que les autres sont censés s'attacher à l'avenir, au détri-
ment du passé. Les deux tendances seraient funestes si elles
existaient réellement, mais nous sommes convaincus que
pas un de ceux qui passent pour appartenir, soit à l'un,
soit à l'autre camp, ne voudi-ait accepter le reproche dont
lui ou les siens peuvent être l'objet. Les uns et les autres
aiment l'Eglise et sont d'accord sur la soumission qui lui
est due. Les uns et les autres veulent sa gloire pom* le
passé et son triomphe pour l'avenir. Que ne cherchent-ils
A MUNICH. 61
donc à se donner la main dans ces réunions, qui amènent la
paix dans les esprits en la faisant régner dans les cœurs ?
Ne pourraient-ils donc pas organiser quelque réunion
comme celle de Munich, où les points de division s'efface-
raient devant l'accord sur les vérités fondamentales? Nous
avons vu de ces conférences de charité organisées autre-
fois par la société de Saint-Vincent de Paul, et tous ceux
qui y ont jamais pris part, savent quelle surabondance
de joie, de cordialité et de fraternité, s'y répandait chaque
fois. Nous avons vu ce magnifique congrès de Malines,
où l'on s'est occupé de toute espèce d' œuvres catholiques,
et nous avons lieu d'espérer qu'il aura porté ses fruits.
Eh bien, une réunion semblable, qui aurait pour but de s'en-
tendre sur les idées, sur le s travaux de science ecclésiastique,
sur les combats à livrer à l'ennemi, sur l'attitude à prendre
en face des attaques de l'impiété, une réunion de ce genre
ne serait -elle pas possible? Nous ne faisons que poser la
question. D'autres plus haut placés et plus influents la mû-
riront peut-être, et si jamais pareille réunion était provo-
quée par des hommes assez grands dans la science et dans
leur dévouement à l'Église pour se mettre à la tête de
cette grande entreprise, nous pensons que leur appel serait
entendu et que ce jour serait un jour de bénédiction pour
l'EgUse de France.
II. VOEUX ET RÉSOLUTIONS.
Parmi les résolutions prises par l'assemblée, nous ne
mentionnerons que les principales. On émit d'abord la
pensée d'établir, plutôt en appropriant à cet usage une
feuille existante, qu'en en créant une nouvelle, un organe
central pour la science cathohque. Dans la pensée du D"
Pieinkens, cet organe devait être ouvert à toutes les opinions
pour les questions nouvelles qui viendraient à surgir, et
62 ASSEMBLÉE DES SAVANTS CATHOLIQUES
former alors comme une salle de conversation. C'est ainsi
que, depuis quinze ans, il existe en Angleterre, un journal
Notes and guéries (Notes et questions). — Après différentes
observations échangées par divers membres, on s'aiTèta à la
résolution mentionnée dans la chronique du dernier numéro
de la Revue. On décida à une grande majorité que le cadre
de(( r Indicateur litttéraire» , Literarischer Hanclweiser, serait
élargi dans le sens de la motion, ce qui augmentera en-
core considérablement le grand intérêt qu'offre cette excel-
lente petite feuille.
Une deuxième résolution, selon nous la plus impor-
tante de la réunion, a été prise à l'occasion d'une proposi-
tion de M. Alzog. L'illustre docteur avait proposé la
formation d'une société pour repousser les attaques du
protestantisme et en particulier des erreurs propagées par
la Eealencyclopedie de Herzog.- L'assemblée se montra d'ac-
cord avec lui sur la nécessité de publier une série de
brochures ou d'ouvrages propres à former une bibliothèque
apologétique ou scientilique à l'usage du peuple, où l'on
utiliserait les meilleurs travaux modernes, tels que l'ou-
vrage de Kurz, pour l'histoire de la Création; celui de
Héfelé, pour l'histoire de l'Inquisition; les ouvrages de
Dœllinger et de Cobbett, pour l'histoire de la Réforme en
Allemagne et en Angleterre ; les travaux des « Feuilles histo-
riques et politiques» sur Huss et Galilée. A côté de ces livres
doivent prendi'e place d'autres écrits moins sérieux, capables
d'offrir un aliment sain à cette grande soif de lecture qui
se généralise toujours davantage. L'idée d'une société à
former fut écartée, vu que tout catholique capable de manier
une plume et animé de l'amour de l'Eglise, est membre né de
cette société, qui, du reste, se trouverait au besoin formée
par les membres présents de l'assemblée. Puis, le président
fit valoir la nécessité d'élaborer à neuf le Kirchenlexikon de
Wetzer et Welte. Ce gigantesque travail est aujourd'hui
A MUNICH. 63
connu en France, grâce à la traduction que la librairie Gaume
publie sous la direction de M. Goschler. Il forme à lui seul
une encyclopédie, où sont traitées toutes les questions qui,
de près ou de loin, rentrent dans le domaine de la théologie,
et il fut publié, il y a environ douze ans, avec le concours
et la collaboration des savants catholiques les plus distingués
de l'Allemagne. Cependant, M. Dœllinger reconnaît que ce
travail a été surpassé plus tard par l'encyclopédie de Herzog.
« Aujourd'hui, continue-t-il, que la librairie Herder va mettre
la main à une nouvelle édition, ce doit être une question
d'honneur pour l'assemblée et pour l'Allemagne catholique,
de ne rester en arrière d'aucune entreprise de ce genre. Il
faut que les jeunes savants concourent aussitôt et en grand
nombre à ce travail, pour y faire leurs premières armes lit-
téraires. » Puis il se déclare prêt à leur fournir les livres et
les matériaux dont ils auront besoin, et l'assemblée vote à
l'unanimité qu'elle appuiera la nouvelle édition dvCKirchen-
lexikon. Un grand nombre de membres s'empressèrent
d'apposer lem's noms sur la liste des futurs coHaborateurs,
Nous saluons avec bonheur cette décision de l'assemblée,
et nous espérons que la librairie Gaume n'aura pas de diffi-
culté à nous faire connaître dans un ou deux volumes sup-
plémentaires les principales améhorations qui am'ont été
apportées dans la nouvelle édition. Elle permettra ainsi au
public français de suivre les progrès de la science allemande,
inabordable à ceux qui n'en connaissent pohit la langue.
Nous n'aurions qu'un vœu à ajouter: c'est que l'édition
française s'appliquât à réfuter les trop nombreuses erreurs
de la Bioijraphie yénérale, publiée par la librairie Didot,
dans laquelle les grands événements de l'histoire sont
trop envisagés sous le point de vue rationaliste ou protes-
tant.
Une troisième grande résolution fut proposée par M. Dœl-
linger. Elle consiste en une invitation faite au clergé de pé-
6/i ASSEMBLÉE DES SAVANTS CATHOLIQUES
nétrer davantage dans l'étude de l'économie politique et des
questions sociales. Nous ne croyons pas dépasser les limites
assignées à la lieviie par notre législation sur la presse, en
signalant les principaux motifs développés par l'illustre pré-
sident de l'assemblée. « La situation de l'Europe et de l'Al-
lemagne en particulier donne aujourd'hui aux questions
sociales et économiques une importance et une actualité
qu'elles n'avaient pas autrefois. Ce sont les questions brû-
lantes du moment, et aucun de ceux qui occupent une posi-
tion publique ne peut y rester étranger, les membres du
clergé moins que tous les autres. Le paupérisme toujours
croissant, l'abîme qui tend à séparer la société en deux
camps, le camp de ceux qui possèdent et de ceux qui con-
voitent ; la transition qui s'accomplit de la petite à la grande
industrie, la transformation toujours plus profonde de la \ie
civile et des anciennes institutions, tous ces éléments pénè-
trent profondément dans la vie de l'Église, et créent des
devoirs nouveaux, tant pour les prêtres appliqués au saint
ministère, que pour les hommes de science et d'étude. La mo-
rale, la pastorale, même l'instruction catéchétique ou homi-
létique devraient insister désormais sm'ces divers sujets plus
que par le passé. Car, dans toutes ces questions, le bien de
l'individu et celui del'Éghse dépend delà solution chrétienne
qui sera présentée au peuple pour ces problèmes, non-seule-
ment en général et dans les principes premiers, mais dans
le détail ; de manière que, dans chaque question isolée, dans
chaque cas particulier on puisse montrer à chacun la solu-
tion donnée par la religion chrétienne, et lui indiquer l'atti-
tude à garder en présence de toute proposition ayant pour
objet de remédier à un malaisé social, ou de fonder une insti-
tution nouvelle. » Parmi les questions que désigne M. Dœl-
linger, nous remarquons surtout ie souci que l'Eglise a tou-
jours eu des pauvres, et les résultats simplement malheureux
qu'on obtient, lorsqu'on remédiant à leurs misères on n'a
A MUNICH. 65
pas en même temps soin de leurs âmes. 11 termine en faisant
l'éloge de la Revue d'économie chrétienne, qui se publie à
Paris sous la direction de M. le vicomte de Melun.
Cette proposition reçoit de l'assemblée l'accueil le plus
favorable. Elle est appuyée par divers orateurs au point de
vue de la morale, du droit canonique, de la pastorale, de
l'état actuel des esprits en Allemagne, et tout en invitant
dès maintenant les moralistes, les catéchistes et les publi-
cistes à tourner leur attention vers ces questions, on décide
que leur introduction dans les catéchismes formera l'objet
de nouvelles délibérations, de nouvelles résolutions dans
l'assemblée prochaine.
A voir l'insistance avec laquelle M. Dœllinger revient sur
cette question, il semble qu'il y voie la condition du triom-
phe de l'Église dans la société moderne, et qu'il a surtout
été guidé dans la convocation de l'assemblée par le désir
de faire partager cette persuasion. Il constate que toutes les
questions sociales sont avant tout des problèmes théologiques,
et il déplore qu'on ait jusqu'ici négligé de les traiter parce
qu'on les considérait comme n'appartenant pas à la théolo-
gie. Selon lui, le moment presse: Carpe diem, dit-il à l'as-
semblée. Pas une voix ne s'éleva contre cette déclaration
si solennelle et ces instances si pressantes, et cependant ce
n'était pas le respect dû à l'un des plus vénérables repré-
sentants de la science qui empêchait de parler. 11 y avait
eu dans le discours d'ouverture des propositions qui ne
paraissaient point satisfaisantes à quelques membres. Huit
d'entre eux signèrent une note tendant à faire établir que
ce discours ne pouvait en aucune manière être considéré
comme le programme de l'assemblée; plusieurs proposi-
tions furent relevées et discutées; mais, sur la question
présente, il n'y eut pas la moindre opposition. Tout le
monde fut d'accord sur la nécessité d'aborder les pro-
blèmes soulevés par les économistes, et si la proposition
Kevue nr.s SclE^•cl•:3 ecclésiastiouks, t. ix. B
66 ASSEMBLÉE DES SAVANTS CATHOLIQUES
d'élaborer un dictionnaire d'économie politique fut écartée,
elle ne le fut que parce que les éléments ne paraissaient pas
encore suffisamment préparés. On proposa de faire de ces
questions comme une spécialité du Kirchenlexikon, et le D'"
Vering offrit ses Archives de Droit canonique "^ouy les travaux
que les membres de l'assemblée jugeraient utile de faire
paraître sur ce sujet.
Il semble que s'il j a ici une différence entre l'Allemagne
et la France, elle est dans le sens d'une nécessité plus im-
périeuse encore, relativement à notre pays. N'avons-nous
pas vu surgir en France les attaques les plus violentes contre
l'ordre de choses que l'Église a de tout temps sanctionné?
N'avons-nous pas vu publier en France de volumineux ou- .
vrages pour établir que sur toutes les questions sociales, oui
sur toutes, l'Église n'a jamais su donner que des solutions
vicieuses, eiTonées, absurdes ? N'avons-nous pas vu se pu-
blier en France l'ouvrage De la Justice dans la révolution et
dtns l'Église, qui a pour but de substituer des principes
nouveaux de philosophie pratique aux principes que l'Église
a sanctionnés par ses lois et sa discipline ! Il est trop com-
mode de répondre : Utopie, utopie ; quand les principes
sont attaqué un à un par des arguments spéciaux, il faut
que les théologiens se mettent en mesure de les défendre de
même. C'est un vaste champ qui s'ouvre, et il faudra de
grands travaux et de puissants esprits pour l'explorer en
entier. Mais de même que l'ÉgUse est appelée à sauver la
société dans son institution, de même elle a pour mission de
sauver les principes de la société par sa doctrine. Nous pou-
vons attendi'e le résultat, c'est-à-dire le triomphe, avec
pleine confiance. Cette nouvelle lutte ne sera pas plus terri-
ble que toutes celles qui sont consignées dans les annales
ecclésiastiques, et, d'un autre côté, les promesses faites à
l'Église sont illimitées non moins qu'immortelles. Aujour-
d'hui comme toujours, l'attaque ne servira qu'au triomphe
A MUNICH. 67
de l'Eglise, et nous verrons les problèmes économiques ne
recevoir leur pleine solution que lorsqu'ils seront pénétrés
des lumières de la théologie, de cette science par excellence
dont les trésors sont loin de nous être encore entièrement
connus.
Ici viennent se placer plusieurs autres propositions faites
à l'assemblée touchant la théologie. Le chanoine Eberhard
demande que l'on y introduise, surtout dans la théologie
dogmatique, un élément plus spéculatif. « On se contente,
dit-il, d'établir simplement la formule du dogme : on y ajoute
quelques textes de l'Écriture ou des Pères, et l'on en a fini
pour toujours. Il manque absolument un point de vue plus
élevé, la connexion spéculative des dogmes isolés. Le prêtre
entrant dans la vie avec cette dogmatique toute de formules,
il lui manque la profondeur mystique, et par suite, la puis-
sance d'attirer le peuple quand il monte en chaire. Sans cette
profondeur il n'offre pas davantage un intérêt suffisant à la
contemplation des esprits cultivés. Il est donc important que
les étudiants en théologie s'appliquent à développer en eux
un germe mystique. » — D'autres demandent et que le cadre
de l'enseignement philosophique soit élargi, et que les
sciences naturelles, géologie, astronomie, anthropologie,
soient étudiées par le théologien, le juriste et le philosophe,
etc., etc. Heureusement que toutes ces propositions reçoi-
vent ce correctif qu'on n'exige pas que les jeunes théolo-
giens soient de parfaits astronomes, de parfaits géologues,
etc. Ce qu'on leur demande, c'est avant tout de bien étudier
leur théologie, et les exigences indiquées ne concernent
pas les jeunes théologiens, mais les vieux, ceux qui doivent
être des théologiens consommés.
III. — IDÉES ET PRINCIPES.
Ici nous devons mentionner tout d'abord le discours d'où-
68 ASSEMBLÉE DES SAVANTS CATHOLIQUES
verture, dans lequel Dœllinger fait un exposé sommaire de
l'histoire de la théologie pour conclure, selon nous avec
raison, que c'est en Allemagne que la théologie a aujourd'hui
le plus d'avenir. « Ce sont les Allemands, dit-il, qui possèdent
le mieux les deux yeux de la théologie, l'histoire et la philo-
sophie, et qui cultivent ces deux sciences avec le plus de
soin, d'amour et de profondeur. »
Puis il indique les conditions que doit remplir la théologie
pour amener la grande réconciliation des diverses confessions
chi'étiennes dans l'unité, l® Elle doit, avec tous les nîoyens
dont elle dispose, et qui sont aujourd'hui plus nombreux
que jamais, triompher de ce que les sectes renferment de
véritablement hétérodoxe, c'est-à-dire de contraire à la
conscience générale de l'Église de tous les siècles, à sa
tradition toujours vivante ; sur ce premier point il reste
beaucoup à faire.
2° Elle doit nous montrer la doctrine catholique dans sa
plénitude, dans ses rapports avec la vie de l'Eglise, dans son
unité organique, et séparer avec soin ce qui est essentiel et
permanent, d'avec ce qui est accidentel, passager ou para-
site.
3° La théologie, et par elle l'Église, doit réaliser la fable
de cette montagne d'aimant qui attirait à elle tout le fer d'un
vaisseau voisin, de manière à le faire tomber en morceaux ;
elle doit séparer soigneusement d'avec les erreurs qui y sont
mêlées, tout ce que les communions séparées ont découvert
ou produit de vrai ou de bien dans la doctrine, l'histoire et
la vie, l'accepter franchement et hautement, le revendiquer
comme le bien propre de l'Église. Car l'erreur ne vit que
des germes de vérité qu'elle contient, comme aussi elle n'est
bien souvent que la caricature d'une vérité cachée.
En faisant la revue de la situation des pays chrétiens sous
le rapport des études théologiques, l'illustre président
fut amené à examiner l'état de la France. II rendit l'hommage
A MUNICH. 69
que nous avons dit aux hommes éminents que nous possé-
dons, mais il constata en même temps que nous n'avons pas
de vrais théologiens, pas d'émulés de ceux qui, jusqu'au
XVIP siècle, et au XVIP siècle surtout, ont porté si haut
la gloire théologique de notre pays. Il en voit la raison dans
l'aJjsence d'une haute école théologique. « La France, dit-il,
n'a que quatre-vingts ou quatre-vingt-cinq séminaires
qui peuvent être fort bons, et en partie excellents comme
maiions de préparation à la vie pastorale, mais qui, d'après
nos idées allemandes du moins, peuvent difficilement passer
pour des institutions scientifiques. Cette préparation insuf-
fisante fait qu'il est impossible par la suite à la plupart des
élèves, d'éta])lir sur une base si faible l'édifice d'une véri-
table et solide science théologique. »
Ce jugement est bien sévère assurément ; mais il faut con-
venir qu'cà part quelques exceptions honorables, l'ensei-
gnement de nos séminaires est susceptible d'être grandement
perfectionné. Puis, l'enseignement supérieur n'existe pas en
France pour la théologie, et quand un jeune théologien veut
se préparer par des études approfondies à cultiver sérieu-
sement la science, il est obligé de sortir de son pays. Nous
n'avons en réalité qu'une maison de hautes études théolo-
giques pour la France, c'est le Séminaire français de Rome.
Quand donc viendra le temps où ce vide sera comblé? Quand
donc posséderons-nous en France ce que nous admirons
tant, par exemple en Belgique, une Université catholique?
Quand aurons-nous, du moins, une école de théologie? C/est
là certainement un des besoins les plus urgents de l'Église
de France.
Parmi les propositions formulées et agréées par l'assem-
blée, nous en remarquons six du D"" Werner sur la théologie
spéculative tant ancienne que moderne. Nous les reprodui-
sons parce qu'elles nous semblent exprimer le plus exac-
tement le jugement général que portent les Allemands sur
70 ASSEMBLÉE DES SAA AIS'TS CATHOLIQUES
les deux grandes époques philosophiques, le moyen-âge
et l'époque moclerne. Elles établissent que la doctrine de
saint Thomas est le point culminant de la philosophie sco-
lastique; — qu'elle contient des idées et des propositions qui
doivent être considérées comme une conquête définitive et
la possession immuable de la science spéculative chrétienne ;
— que le progrès général des études scientifiques et philoso-
phiques a fait naître des questions et des problèmes dont la
scolastique ne s'occupait pas, et pour lesquels on ne peut,
par conséquent, en appeler aux solutions scolastiques. —
Parmi ces questions il en est spécialement deux, celle de
l'origine des idées, et des rapports de la raison individuelle
avecla raison universelle manifestéepar l'histoire, auxquelles
se rattachent deux séries de développements philosophiques
qui doivent profiter l'un et l'autre à la philosophie chrétienne.
— Bien que la philosophie moderne ait mérité le double
reproche, et d'avoir renouvelé les erreurs anciennes déjà
réfutées par la scolastique, et d'en avoir ajouté de nouvelles
plus graves encore, quand elle a alDandonné ou combattu
l'esprit du christianisme, néanmoins on ne peut nier le
progrès de la culture philosophique en général, progrès qui
constitue un fait historique. — Le trait caractéristique de la
philosophie nouvelle est la tendance à approfondir les idées,
d'où résulte dans l'examen des questions et des problèmes
philosophiques, la nécessité d'une méthode différente de la
forme démonstrative de la philosophie scolasticpie. Revenir
aux traditions que celle-ci nous a laissées, c'est tout sim-
plement une impossibilité. )>
Ces propositions furent accueillies « avec grande satisfac-
tion » par l'assemblée, sans aucune discussion. Il n'en fut
pas de même d'une question plus brûlante, celle qui a été
décidée par le bref du Pape à l'archevêque de Munich pour
k condamnation de Frohschammer, savoir la question des
rapports de la lil^erté et de l'autorité dans le domaine de la
A MUNICH. 71
science ; des rapports de la liberté de la science avec l'auto-
rité de l'Église, ou encore la question de la philosophie dite
séparée. Les deux résolutions proposées furent les su».-
vantes :
1° L'union intime avec la vérité révélée qu'enseigne
l'Ljghse cathohque est une condition importante et indispen-
sable du développement progressif d'une vraie et profonde
spéculation en général, et, en particulier, de la réfutation des
erreurs présentement régnantes.
2" Pour celui qui se trouve sur le terrain de la foi catho-
lique, c'est un devoir de conscience de se soumettre dans
toutes ses recherches scientifiques aux décisions dogma-
tiques de l'infaillible autorité de l'Église.
Ces deux thèses avaient été formulées sur la proposition
du D"" Michelis par une commission des membres de l'assem-
blée. Elles furent l'objet de deux discours rapportés dans
le compte-rendu, et dont nous allons donner la substance.
Le D' Deutinger commence par constater que, pour pro-
spérer l'une et l'autre, la philosophie et la théologie doivent
être unies plus intimement que deux autres sciences quel-
conques. Cette union est plus troublée aujourd'hui que
jamais, et parce que les divers systèmes de philosophie
viennent uniformément aboutir à des résultats plus ou
moins panthéistiques, et parce que ces mêmes systèmes sont
morcelés, au point que pas un ne voudrait se surbordonner
aux autres, ni ne pouiTait se subordonner les autres à lui-
même. Lem' commune racine est l'effort de la philosophie
pour s'émanciper de toute influence étrangère, se rendre
indépendante et ne pas recevoir du dehors les derniers prin-
cipes de la connaissance. Elle ne voulut reconnaître que
deux des trois principes de toute connaissance philosophi-
que ou théologique, la perception sensible et la présence
immédiate de l'idée dans la raison. En essayant de les unir
directement sans l'intervention du troisième, la philosophie
72 ASSEMBLÉE DES SAVANTS CATHOLIQUES
moderne n'a abouti qu'a les identifier et à faire absorber,
tantôt l'esprit par la matière, tantôt la matière par l'esprit;
et comme elle a reproduit ses essais sous toutes les formes,
il ne reste qu'à désespérer de la philosophie ou à lui cher-
cher une base nouvelle.
La solution donnée par la philosophie du moyen-âge
paraît plus commode; il ne lui manque qu'une chose, c'est
d'être une solution. Le problème autour duquel elle s'agite
consiste à redi'esser la raison humaine par la soumission à
la vérité surnaturelle que lui présente la foi. Les mystiques
cherchent à rendre l'esprit humain susceptible de recevoir
l'illumination divine même pour les vérités d'ordre natu-
rel. Les scolastiques, au contraire, cherchèrent à pénétrer
dans l'ordre surnaturel par une philosophie empruntée pour
le fond à Platon et pour la forme à Aristote ; mais, ni les
uns ni les autres ne surent résoudi-e les différences qui exis-
taient entre eux, et qui les fractionnaient les uns et les autres
en diverses écoles. Ils ne voyaient partout que forme et ma-
tière, universel et particulier, et n'eurent pas conscience du
véritable principe de l'individuation.
On ne peut donc ni se ranger avec les deux écoles,
puisqu'elles ne surent pas trouver le principe de leur union,
ni les rejeter toutes les deux, puisque de chaque côté il y a
eu et la tolérance de l'Eglise et de véritables principes scien-
tifiques.
Ne pouvant donc ni nous contenter de la philosophie mo-
derne, ni remonter à celle du moyen-âge, il est nécessaire
d'en trouver une nouvelle pom* répondi'e aux exigences de
la religion et de la science, et on ne la trouvera qu'en re-
connaissant théoriquement la valeur du troisième principe
de toute connaissance qui est la volonté, en créant la philo-
sophie de la volonté !
Ce principe a été en partie reconnu par toutes les philo-
sophies : par Socrate, par les mystiques et les scolastiques,
A MUNICH. 73
qui transportaient la volonté dans la connaissance philoso-
phique, les uns par l'ascèse, les autres par la foi; par
Kant, qui fait dériver de la volonté la certitude de la con-
naissance théorique, et par SchelUng, qui voit dans la volonté
le dernier élément de la connaissance de la raison. En outre,
ce principe résoud, toujours d'après le D"" Deutinger, le dua-
lisme de la philosophie moderne, et en faisant dériver l'ori-
gine des idées de la conscience de la liberté, il prévient éga-
lement le matérialisme et le faux spirituahsme. De plus il
nous montre par quel côté nous touchons à la vie naturelle
et à la vie surnaturelle, comment nous pouvons les comparer
et les comprendre en pai-tie. De même nous trouvons dans
la volonté le principe de l'individuation, aussi bien en Dieu
que dans la création dont elle, est la raison d'être. Le seul
principe possible et la suprême fin des créatures est
l'amour: or, l'amour est un acte de la volonté.
C'est en reconnaissant que la volonté est un principe de
connaissance que la philosophie cesse de se présenter à nous
comme un développement non hbre de la nature, et qu'elle
se montre, comme elle l'est véritablement, douée de hberté
morale. Elle devient la sœur de la foi, et l'on voit ces deux
sources de connaissance procéder d'une même faculté de
notre âme, de la volonté.
La philosophie acquiert ainsi une valeur morale; elle de-
vient une puissance responsible. Le philosophe n'obéit plus
seulement à la loi de la nature et de la pensée, il devient
responsable devant la société, et l'on comprend ce senti-
ment universel qui nous fait voir, dans les grandes aberra-
tions philosophiques, des crimes contre la société non
moins que contre la vérité. Il est surtout placé dans un
rapport moralement libre avec la religion; ce rapport le
rend responsable devant la société la plus haute de toutes,
devant l'Eglise; et dès qu'il a le bonheur de lui appartenir,
il y a pour lui une obligation morale de reconnaître, dans
74 ASSEMBLÉE DES SAVANTS CATHOLIQUES
les vérités qu'elle définit, la règle de ses propres pensées.
L'autorité de l'Eglise est donc une limite pour la liberté
de la pensée qu'elle circonscrit de deux manières : en inter-
disant de proclamer certaines doctrines, et en ordonnant de
croire ses dogmes. Mais cette limite de la liberté ne nuit
point aux progrès de la science. Quand l'Église défend de
proclamer une doctrine, cette défense n'est qu'un jugement
sur l'opportunité d'une profession publique qui n'entrave
en rien les recherches privées. D'un autre côté, la nécessité
d'admettre les décisions dogmatiques peut bien restreindre
subjectivement la liberté, mais non point objectivement.
Elle peut empêcher ma volonté d'admettre une doctrine
vers laquelle je me sens attiré ; mais elle ne peut ni me
détourner d'une vérité, ni me faire embrasser une erreur,
puisqu' entre la vérité naturelle et la vérité surnaturelle, il
ne saurait y avoir opposition. L'autorité de l'Eglise n'est
donc en aucun cas une entrave pour la science, elle n'est
qu'un préservatif et un auxiliaire; car cette soumission de
l'intelligence par la volonté élève et augmente la puissance
de notre esprit, sanctifie la volonté dont elle fortifie la li-
berté; et, loin d'exclure l'exercice de la raison, ne fait que
lui donner une nourriture plus salutaire et plus divine.
Telles furent les raisons par lesquelles le D' Deutinger
appuya les deux propositions soumises à l'assemblée. Déjà
dans le discours d'ouverture, le président Dœllinger avait
comparé le philosophe soumis à l'Église à l'homme engagé
dans les liens du mariage. Celui-ci aussi a posé une limite à
sa liberté, et en la restreignant il l'a élevée à une plus haute
puissance. Il se voit bien plus libre dans la soumission à la
loi que le malheureux qui s'affranchit vis-à-vis de la loi pour
tomber sous l'esclavage de ses passions. Mais tout en main-
tenant énergiquement le droit absolu de l'Église et le de-
voir al)solu de la soumission pour le philosophe chrétien, les
deux savants docteurs exprimèrent le désir de ne voir inter-
A MUNICH. 75
venir l'autorité suprême qu'après que la discussion pure-
ment scientifique aura mis dans tout son jour l'opposition
formelle d'une doctrine avec le dogme catholique.
Cependant le D*" Mayr crut devoir formuler les deux
contre-propositions suivantes :
1" La science est indépendante dans les limites de son
domaine ; elle n'est responsable qu'envers elle-même et
a en elle les moyens d'éliminer ses erreurs. Cette indépen-
dance se rapporte à toutes les questions théoriques.
2° Lorsqu'on abuse des propositions scientifiques avec
intention pour des fins pratiques contre l'Église, et par suite
contre la destinée de l'humanité, la résistance pratique est
un droit et un devoir.
Il essaya de justifier la première proposition par la diffé-
rence essentielle qu'il y a entre l'idée même de foi et l'idée
de science. La foi ne peut, sans cesser d'être elle-même, se
borner à des raisons naturelles ; la science ne peut, sans se
suicider, admettre des vérités qui reposeraient sui' l'autorité.
Introduire l'autorité dans la science, c'est supprimer la
science. Il nous semble que le savant professeur se place ici
à côté de la question. Les décisions dogmatiques de l'Église
qui condamnent certaines conclusions de la science ne pren-
nent pas rang pour cela dans le domaine de la science ; elles
restent ce qu'elles sont, décisions dogmatiques. Mais puis-
qu'une même proposition ne peut être en même temps vraie
et fausse, du moment où une conclusion scientifique est
contraire aux décisions de l'Église, il est par là même dé-
montré qu'elle n'est pas une vraie proposition scientifique,
et qu'elle n'appartient pas à la science. Nous avons donc là
un premier critérium de sa fausseté, critérium extrinsèque
dont il faudra provisoirement nous contenter, en attendant
que les savants, devenus plus savants, soient à même de
fournir une démonstration scientifique directe. Oui ,
nous croyons, nous aussi, que la science a en elle-même
76 ASSEMBLÉE DES SAVANTS CATHOLIQUES A MUNICH.
de quoi redresser les erreurs commises par les savants;
mais comme ces derniers ne connaissent pas tous les secrets
de la science, et que souvent ils se laissent conduire par des
apparences de vérité, il est important qu'ils trouvent en
dehors de leurs investigations un point de repère pour leur
faire connaître s'ils font fausse route ou non. Les savants ne
sont que trop tentés de voir l'expression et la formule der-
nière de la science dans leurs idées toujours mobiles, fugi-
tives, et sujettes à mille causes d'erreur.
Cette faiblesse de raisonnement, ou plutôt ce sophisme
auquel il est nécessaire de recourir pour infirmer les deux
propositions mentionnées plus haut, en fait mieux com-
prendre l'importance et la vérité. Aussi furent-elles admises
à l'unanimité moins trois voix.
Nous terminons ce compte-rendu en citant les paroles par
lesquelles le D"" Heinrich termina la septième et dernière ses-
sion , et qui devraient être le programme de toutes les réunions
catholiques : a Nous nous sommes réunis dans un esprit de
concorde ; séparons-nous dans le même esprit. Que la grande
unité cathohque nous unisse par un lien supérieur à toute
divergence d'opinions et de sentiments! Que son nom soit le
dernier qui retentisse dans cette assemblée ! »
J.-I. SiMONIS.
DES ORNEMENTS DE FORiME GOTHIQUE.
Lettre de S. E. le Cardinal-Préfet de la S, C, des Rites,
Le Cardinal-Pri'fet de la B.C. des Rites vient d'adresser aux évêques
de divers pays une lettre relative à l'iisage liturgique des ornements
de forme gothique. Nous donnons cette pièce d'après une circulaire de
S. E. le Cardinal-Archevêque de Malines, dont voici également le
texte.
Parochis omniumque ecclesiamm et sacellorum tam sxcularium quatn
regularium recloribus diœcesis Mechliniensis.
FrATRES DlLECTlSSlMI,
Abhinc paucis diobus accepimus abEminentissimo ac Reverendissi-
mo Domino Cardinali Patrizi, sacrae Rituum Congregationis Praefecto,
litteras sequentis tenoris :
Eme el Rme Dne Dne Ohsme,
Quuni, renunciantibus noimuHis Rmis Episcopis, aliisque Ecclesia-
sticis, et laicis virisj Sanctam Scdem non lateret quasdam in Anglia,
Galliis, Germania, et Belgio diœccses immutasse formam sacrarum
vcstium, quae in celebratione Sacrosancti Missae Sacrificii adhibentur,
easque ad slylum, quem dicunt gothicum, eleganliori quidem opère
conformasse; itomque in nonnnllis B.^lgii c'clesiis vel orntnriis au-
78 DES ORNEMENTS
gustissiinum Eucharistise Sacramentum non in medio altaris, verum
aut in dextero aut lœvo pariete in cuslodia servari eodem modo, qno
sacra Olea recondi soient ; Sacra Gongregatio legilimis pro Uicndis
Riiibus praeposita super liiijusraodi iramulalionibus accuratum examen
instituere liaiid prœtermisit.
Ex hoc porro examine quamvis eadem Sacra Gongregatio probe no-
sceret sacras illas vestes stylum golbicom prae se ferentes praecipiie
sseculis Xill, XIV, et XV obtinuisse, aeque tamen animadvertit Eccle-
siam Roraanam, aliasque latini rilus per orbem Ecclesias, Sedo Apo-
stolica minime réclamante, a saeculo XVI, nempe ab ipsa propemodum
Concilii Tridentini œtate, usque ad nostra haec lempora illarum reli-
quisse usum ; proindeque, eadem perdurante disciplina, necnon Sancta
Sede inconsulta, niliil innovari posse censuit; uii pluries Summi Pon-
lifices in suis edocuere Gonstitutionibus safiienter monenles immutationes
istas, utpote probalo Ecclesias raori contrarias, saepe perturbationes
producere posse, et fidelium animos in admirationem inducere.
Sed quoniam Sacrorum Rituum Gongregatio arbitratur alicujus pon-
deris esse posse rationes, qnae praescntem immutalionem persuaserunt,
hinc, audito Sanctissirai Domini Nostri PII PAP/E IX oraculo, verbis
amantissimis invilare censuit Eniiucntiara Vestram ut, quatenus in sua
diœcesi hujusmoii immutationes locura habuerint, rationes ipsas expo-
nere velil, quae illis caussam dederunt.
Quod vero attinet ad custodiam Ssmi Sacramenti, eadem Sacra
C4ongregatio Sanctilatis Suaî nomine omnino proliibct illud alio in loco
servari praeterquam in tabernaculo in medio altaris posito.
Intérim Eminentiaî Vestrae Manus humillime deosculor.
Eminenliae Vestrae,
Romae die 21» Augusti 1863.
Emo et Bmo D. Cardinali
EXGELBERTO STERGKX, Archiepiscopo Mechliniensi.
Humill. devmus scrvus verus,
G. Epus Portuen. et S. RUFIN^ Gard. PATRIZI Pr^f.
D. BART0LIN1, S. R. G. Secretarius.
Ex his liileris patet, Praires dilectissirai, vestes sacras ad stylum
quera vocant golhicum conformatas prassenti Ecclesiae Romanae alia-
ruraque latini ritus ecclesiarum usui et disciplinai non esse conformes,
nosque adeo earumdem usum meiito semper dissuasisse; que factum
DE FOR-AÎE GOTHIQUE. 79
est, ut in ecclesiis aut sacellis diœcesis nostrae vix aut ne vix adhibeantur
vestes quae ad stylum istura proprie pertineant. Si tamen ejusmodi vestes
aliaeve modernae disciplinas minus congriiae in ecclesiis vel sacellis vobis
commissis exstont, horlamur ut ipsas ad debitam formam reduci sata-
gatis, sicque ex hac etiain parte divina officia juxta usum SanctaeRomanae
Ecclesiae celebrentiir. Porro si aliciijus ponderis rationes adsint quae
forniae golhicae vestes retinere persuadeant, raliones istas nobis intra
mensem exponere oportebit, ut Eminenlissimo Cardinali Prœfecto
transmiltantur.
Quod attinet prohibitionem a sacra Congregatione Sanclitatis suse
nomine factam, ne sanclissimiim Sacranientum alio in loco servetur
pra3terquam in tabernaculo in medio altarisposilo, non dubitamus quin
ipsam religiose observaturi sitis.
In vera dilectione permanemus,
FrATRES DlLECTiSSIMI,
Obsequentissimus famulus vester,
ENGELBERTUS, Gard. Arch. Mechl.
Mechliniaj, die 17 Octobris 1863.
LIVRES MIS A L'INDEX.
Décret du 15 déc. 1863.
La Mort de Jésus. Révélations historiques sur le véritable genre de
mort de Jésus, traduites du latin en allemand et de l'allemand en
français, d'après le manuscrit d'un frère de l'Ordre sacré des Essé-
niens, contemporain de Jésus. Paris, 1863.
La Papauté schismalique, ou Rome dans ses rapports avec l'Eglise
orientale, par M. l'abbé Guettée. Paris, 1863.
De Rodakow, etc. Ad Concives exsul exsilii finem auspicatus.
Parisiis, 1863. Libellus in-32.
George Sand. Opéra omnia hue usque in lucem édita.
Dell'ultima persecuzione délia Chiesa, e délia fine del Mondo, per
P. B. N. B. Volumi sei. Fossombrone, 1863.
Auctor operis cui titulus : Enseignement pratique dans les Salles
d'asile, par Mme Marie Pape-Carpentier, directrice ducours pratique des
salles d'asile, proscripti decr. 22 junii 1863, hivdabiliter se subjecit.
BIBLIOGRAPHIE.
De Matrimonîo Christiano libri Ircs, auctore J. Perrone. —
Leodii, H. Dcssaiu, 18G1. — 3 vol. in-8» de xyi-418, 467, 548 pp.
Le nom du R. P. Perrone esl un de nos grands noms théo'.ogiques.
Professeur et ensuite préfet des éludes au Collège romain, le savant re-
ligieux n'a pas renfermé son action dans les limites de celte illustre
école : il l'a étendue à tout le monde catholique par des publications
fort estimées. Ses Prœlecl'wnes theologicx ont un succès remarquable.
Son Protestantisme el la règle de foi, son Catéchisme, etc., etc., font
fort appréciés en tous pays. Ce qui domine dans ses œuvres et en forme
le trait saillant, c'est la polémique. Et comme depuis le XVI* siècle,
c'est le prolestanlisme et l'cspril protestant qui ont attaqué la sainle
doctrine, c'est aussi le prolestanlisme et l'esprit protestant que le célèbre
théologien n'a cessé de poursuivre. L'Italie, celle terre de la foi catho-
lique, es-t envahie depuis un siècle et plus, au nord et au midi, par des
systèmes régaliens, issus direclemciit de la fausse réforme. Le protes-
tantisme veut aussi la souiller : ce danger imminent explique eu partie
la direction et le caraclère des œuvres Ihéologiques sorties de la plume
du R. P. Perrone.
Or, parmi tous les dogmes catholiques, celui que l'esprit protestant
des faux politiques a le [Jus attaqué, le plus dénaturé, le pins dégradé,
c'est le dogme relatif au sacrement de Mariage. Le mariage chrétien
est la pierre angulaire de la société. S'il esl vraiment digne de son nom,
honorable et sans tache, comme parle l'apôtre, quelles grâces il alliie
sur les époux el les enfants ! Ce point de vue de la sainteté avec laquelle
on doit vivre dans un état autrement si dangereux, n'est pas celui du
livre du P. Perrone, et on comprend facilement qu'il devait en être
ainsi.
Les passions humaines, que rien ne peut satisfaire ou régler, ont at-
taqué le mariage. C'est le sens de tous ces livres malheureux qui ont
si tristement pullulé dans nos conlroes, livres coupables et insensés,
BIBLIOGRAPHIE. SI
malsains et dangereux, où le sacrement est conspué, où le mari est
moqué, où les infidélilés les plus coupables sont exaltées et célébrées.
C'est la portée de ces pièces de théâtre bien plus destructives qu'on
n'a l'air de le croire, de tout principe religieux et social. C'est le venin
de tous ces systèmes qui proclament ce qu'on appelle Vémaîicipation de
la femme, et qui seraient au fond son asservissement le plus abject à
de hideuses passions. La jéfutation de ces publications immondes n'est
pas le but que s'est proposé l'illustre auteur. Néanmoins, le dogme
fondamental qu'elles attaquent est solidement établi dans son livre.
C'est aux moralistes, c'est à ceux qui ont à cœur l'ordre public qu'il
appartient de combattre ces théories et de bien faire comprendre
quel antre horrible de luttes, de carnage, de sang et de débauches serait
la société, si jamais on arrivait à y détruire le mariage chrétien !
La réforme ôta au mariage son caractère de sacrement. Déoouronné
de cet auguste caractère, il devint comme une chose politique et, au nom
delà sécularisation, les politiques s'arrogèrent sur lui toutes sortes de
droits. C'est à ce point de vue dogmatique et polémique que s'est placé
le P. Perrone : il veut surtout rendre à l'union conjugale son titre re-
ligieux. Et en vérité,, c'est là le point culminant à traiter aujourd'hui.
Si l'on rend au mariage son caractère de sacrement, si l'on montre qu'il
est chose essentiellement ecclésiastique, ou le restitue jà l'Eglise et à
ses pasteurs, et, conséquemment^ on l'arrache à toutes les erreurs et â
toutes les passions pour le confier à la vigilance et aux soins de ceux
que Dieu a chargés de faire traiter saintement les choses saintes.
Le traité de Malrimonio chrisliano, dans la réimpression de Liège
comme dans l'édition originale de Rome, se compose de trois volumes
in-octavo.
L'édition belge, três-convenable sous le rapport typographique, a
l'avantage d'avoir été revue et même augmentée par l'auteur. Les ad-
ditions toutefois ne sont ni très-nombreuses ni très-importantes. Ce
qui lui donne une utilité spéciale, ce sont des tables détaillées et bien
faites qui facilitent singulièrement l'usage d'un traité aussi étendu et
qui renferme tant de choses.
La matière est divisée en trois livres : i" de Matrimonio sacra^
mento et de mairmonio civiJi; 2" de Potestaie légiféra ecclesiastica
et civili in matrijnonium christiaîuim ; 3° de Unitate ac indissolulili'-
late matrimonii. Chacun de ces livres occupe un volume.
L'ouvrage est dédié à N. S. Père le Pape Pie IX. Dans une courte
préface, l'auleur, après quelques rapides considérations sur le sacrement
de Mariage, expose les erreurs qui ont soumis l'union conjugale aux
ReVDE des sciences ECCLESIASTIQUES, T. IX. 6
82 BIBLIOGRAPHIE.
princes séculiers, indique la division qu'il a adoptée et la marche qu'il
a suivie. Neque is ego sum, dit-il, qui nova et splendlda pro certis
et verJs persequi voluer'un, id unice satagens, ut quxstwnem ardiiam
sanealqnc difpcilem ineJ'wri qua possem luce perfuuderem. Ce résultat
a été pleinement atteint. Qui aura lu le traiié de Matr'imonïo, aura vu
ce grand sujet sous un jour satisf.iisant et complet. Ce sont les mômes
idées qui étaient déjà dans les Prxkct'wnes; mais ici, ces idées sont
présentées avec tous les développements qu'elles réclament. Itaque
eo libentiori animo hune alterum laborem snscepi, quod gratum
omnibus me factvrum jmlarem, si qux vel brevitatis causa essent
misse, vel qux majori egerent declaratior.e, vel qux condilio tem-
porum et nécessitas postularet, fusius in hoc opère adjicerern ac cumu-
larem. Quant à la forme, abandonnant la rigueur de l'argumenlalion
scolastique, l'auteur expose d'un seul trait la doctrine, docet etsuadet.
Il unit l'abondance à la brièveté, tout en évitant la longueur et l'obscu-
rité. 11 a atteint son but, il a déposé son large tribut dans le trésor
commun, eniti omnes debemus, ut in communem sapentix Ihesaurum
ahqmd semper conferamns. Quant à certains bommes, moins instruits
qu'il ne faudrait des droits du Saint-Siège, qui obfîrmata ammi pravi-
tate contrarias prorsus opiniones sectantur, il s'attend à leurs critiques ;
in quanta invidia futurus sim, non est cur dicam : ipse plane sentio
atque inielligo. Nous croyons que cfs hommes sont peu nombreux au-
jourd'hui. A part quelques légistes obstinés, tous ceux qui ont sérieu-
sement approfondi la question adoptent les principes du P. Perrone, et
son livre lui-même est de nature à les faire partager de tous : suadet
et docet.
Nous avons vraiment joui en parcourant ces thèses si largement es-
quissées et développées d'une manière si complète et si sûre; mais
notre embarras est grand quand il s'agit d'en rendre compte. Nous
voudrions tout dire et citer un grand nombre de passages : c'est ce
que ne permettent pas les limites d'un compte-rendu. Bornons-nous
donc à indiquer les principaux points.
I. Que le mariage soit un véritable sacrement, l'auteur le démontre
lont'uement par la doctrine et la pratique de l'Eglise, par l'enseigne-
ment de tous les théologiens et par le sens toujoui s et pai tout donné
au fameux et profond passage de l'épître aux Ephésiens : Ce sacrement
est grand, oui, je le dis, en Jésus-Christ et en l'Eglise (Éph. v, 32j.
Le mariage est un sacrement. Il doit donc avoir un ministre. Quel
e.st ce ministre? Question très-importante, car si c'est le prêtre, on
jonne lieu à cette distinction fatale et inouïe, exitialis ac inaudila hac-
BIBLIOGRAPHIE. 83
tenus dislinctio inter contractum et sacramenttim in conjugiis chris-
tianorum (p. 46). Quel est l'auteur de celte opinion? On l'attribue à
Guillaume de Paris {De Sacr. matiim., c. ix),à Pierre Paludan ;niais,
re bene perpensa, cesl Melchioi' Cano(Z)e Locis theoL, 1. viii, c. v) qui
l'a inventée et l'attribue à tort aux auteurs que nous avons cités, et à
saint Thomas lui-même. Le P. Perrone justifie par des citations ce point
inlt'ressant ip. 48-6(;). 11 montre ensuite les progrès de cette opinion
du prêtre mmistre. Au concile de Trente, elle eut fort peu de défen-
seurs {Pallav.., 1. XX, c. iv, n. 1); quelques théologiens l'adoptèrent,
mais tous ils reconnaissaient avec Tournely: Si ex aticloritate eu numéro
scoîaslicorum pugnandum hic foret, vinceret haud dubie opposila sen-
tentia {de Matr., p. )-24, éd. Paris). La plupart des théologiens sont
contre elle^ tandis que selon la remarque de Libermann {Insl. theol.,
tom.v, p. 357, ap. F^err.) tous ceux qui étaient aigris contre l'autorité
ecclésiastique, les jansénistes et leurs amis, tous les parlementaires et
les politiques la palronèrent avec éclat. Vix dici potest, quoi qnantaque
exCanisentenlia perniciosissimacciisectariadeductasintadtemerandam
sanam de matrimonio chi^tiano dodrinam (p. 71), Ces conséquences,
l'auteur les déroule, et elles expliquent l'attachement que certains
écrivains ont affecté pour le principe qui les renferme. Pour s'opposer
à ce principe pernicieux, perniciosse doctrinx, l'autejir examine, en
commençant par ceux de Cano et des auteurs qui l'ont suivi, tous les ar-
guments apportés en faveur des deux sentiments : belle et attrayante
dissertation, dont la conclusion est celle-ci : Nemo igilur, quin sibi
repugnare velit, ihit inficias sententiam, qux tenet contrahentes solos
esse sacramenti matrimonii minislros, esse uniee veram, imo et Ecclc'
six calholicx dodrinam (p. 165). Que cette conclusion reste désormais
acquise ! Les partis contractantes sont seules ministres du sacrement
de mariage. La rédaction de nos Cours élémentaires de théologie a
besoin d'être retouchée en ce point. Le P. Perrone complète sa lumi-
neuse dissertation par deux principes importants. Dans le mariage
chrétien, le contrat et le sacrement ne peuvent être séparés, et là où
il n'y a pas de sacrement, il n'y a pas de contrat.
En théorie, in abslracto, l'esprit conçoit une différence entre l'un et
l'autre. De hoc nulla qusestio est, al disceplalio nostra tola in co«-
creto versalur. Mais de fait, en réalité, le sacrement et le contrat ne peu-
vent se sé|)arer, tanquam res a re (page 166). Cette inséparahilité est
une doctrine inattaquable et résultant des actes les plus exprés de rE>
glise (page 181).
Le P. Perrone examine logiquement ensuite le mariage ci vil, ^ Aidé
8ZI BIBLIOGRAPHIE.
les lumières de la théologie, il montre ce qu'il faut penser de cette
institution toute récente, il en déroule les conséquences religieuses et
sociales (p. 193-512). Nous regrettons de ne pouvoir nous appesantir
sur cette discussion, qui est une des parties les plus intéressantes elles
plus utiles de tout l'ouvrage.
II. Dans le second livre, ainsi que nous l'avons déjà indiqué, se trouve
traitée la question du pouvoir législatif concernant le mariage. L'Eglise
a pouvoir sur le mariage chrétien. Ce pouvoir de droit divin, suprême
et indépendant, est propi'eexdiisivemenl à la sainte Eglise (p. 32). Tou-
jours l'Eglise l'a exercé en établissant des empêchements, ce qui en est
la plus évidente démonstration. Mais l'esprit d'erreur a trouvé moyen,
ici comme partout, d'attaquer la puissance ecclésiastique. Les protes-
tants nièrent les empêchements canoniques, ne reconnaissant que ceux
qui se liseot au chapitre xviii du Lévitique. Marc-Antoine de Dominis
attribua le pouvoir d'établir des empêchements diriraanls à la puissance
séculière. Launoy, hic lulheranus larvalus, soutint que ce pouvoir était
exclusivement propre à la puissance séculière ; il y aurait usurpation si
l'Eglise en établissait sans le consentement des princes. Une foule ôe
juristes, de canoniales, le synode de Pistoie, les rationalistes, les po-
litiques-athées, ont adopté cette pernicieuse doctrine. Mais la vérité est
que l'Eglise a ce pouvoir de droit divin, qu'elle le possède en propre,
d'une manière indépendante et suprême. Les canons m et iv de la
session xxiv du saint Concile de Trente le démontrent (p. 3iO, 78).
Le Pontife romain peut seul, en vertu de sa suprême autorité dans
l'Église, dispenser des empêchements dirimants du mariage. Lesévêques
individuellement pris ou considérés en conciles particuliers ne le
peuvent pas (p. 30, 78, 146). Le pouvoir du Pontife s'étend jusqu'à
guérir les mariages dans leur principe, in radiée.
Non-seulement le pouvoir d'établir des empêchements dirimants et
celui d'en dispenser, mais encore toutes les causes concernant la na/wre
intime du mariage et les épousailles, a[)parti3nnenl exclusivement aux
juges ecclésiastiques, ad solos ecclesiasticos judices. Et ceci doit s'en-
tendre non pas seulement des mariages entre catholiques, mais aussi
des mari;jges entre catholiques et hérétiques, unions appelées mixtes.
Ces mariages mixtes, s'ils se célèbrent sans la présence du curé et des
témoins requis par le saint Concile de Trente, là où le décret de ce
Concile a été promulgué, sont nuls, ce qui doit pareillement s'entendre
des mariages des hérétiques entre eux. Cette doctrine est largement
développée par l'auteur ; les arguments qui la combattent entièrement
réfutés, et toutes les importantes conclusions qui en découlent
BIBLIOORAPHIE. S5
nettement précisées. Car il ne faut pas confondre riliégitimité de ces
mariages, que le Saint-Siège évite parfois de trop ouvertement déclarer,
avec la bonne foi des contractants. Un mariage de ce genre, nul dans
le principe à cause de la non-observation de la forme exigée par le
Concile de Trente, peut devenir valide, si les contractants renouvellent
leur consentement devant un ministre ou officier public, dans un pays
où le décret du Concile n'aurait pas été promulgué. Celte discussion
théorique réclamait impérieusement, on le voit, une dissertation his-
torique. Si la publication du décret Tometsi du Concile de Trente
amène des résultats si particuliers, rien de plus nécessaire que de con-
naître dans quels pays ce décret aura été promulgué. Car ce canon a
cela de particulier qu'il devait être publié dans chaque paroisse Aussi,
le R. P. Perrone donne une liste assez détaillée, anssi détaillée que
possible, des pays où la publication a été faite (p. 2V0 et suivantes).
Dans cette liste figurent la France, l'Espagne, le Portugal, la Pologne,
etc. Elle n'a pas eu lieu en Angleterre, en Kcosse, en quelques parties
de l'Irlande, en Prusse, en Suéde, etc. 11 y a des contrées où celte
promulgation avait été faite dans le principe, mais ces mêmes contrées
ayant été envahies par l'hérésie et soumises à des hérétiques, de gra-
ves inconvénients résultaient de cet état de choses. Pour y obvier, Be-
noît XIV décida, en ce qui concerne la Hollande, qiw; les mariages
mixtes ou entre hérétiques seraient valides quoique non coniractés selon
la forme du Concile. Cette déclaration fut étendue à quelques autres
contrées. Le P. Perrone les indique (p. 255). Le Saint-Siège n'a ja-
mais voulu l'étendre aux contrées soumises à des princes catholiques ;
mais il a apporté quelques adoucissements à celte rigeur en ce qui con-
cerne les mariages mixtes.
Un catholique peut épouser une hérétique ; il pourrait môme, avec les
dispenses voulues, épouser une infidèle. Une supposition conduit à une
autre. Le R. P. Perrone parle du mariage avec les inlidèles, et en-
enseigne, que, quandiu amho in inlidelitate permanent, ipsorum
coujugium verum ac Icgllimum esse, quamvis sub aliqua ratione im-
perfedum, ut animadvertït sanctus Thomas (p. 279). S'ils se con-
vei tissent tous les deux à la foi catholique, leur mariage est-il élevé
parle baptême à la dignité de sacrement? /îes ùt ancipiti versatur,
prœsertm ann Romani Pontifices quœstionem hanc dirimere minime
volnerint (p. 280). Les théologiens sont partagés. Il y en a qui le
nient, il y en a qui raffirmenl: le P. Perrone l'affirme avec eux et ap-
pelle ce sentiment /oz/^ie verisimiliorem ac solidiorem (p 288). Mais
si un des époux se coinertit seul, l'autre demeurant infidèle, pourcelui
86 BIBLIOGRAPHIE.
qui devient catholique, le mariage prendra-t-il le caractère de sacre-
ment? Négative, car cette union peut être dissoute, et un nouveau lien
contracté, si la partie infidèle ne veut pas cohabiter pacifiquement.
Reste une dernière supposition. Si un catholique épouse une infidèle
avectouteslesaulorisationsrequises, cetleunionaura-t-elle, relativement
à lui, le caractère et la dignité de sacrement? lYi/fi^od eamdmmendam
nohis suppelit, sive ex sacrls Litleris, sive ex apostolica traditione ;
theologi vero et in hoc valde inter se dissentiunt (p. 290). Rile om-
7}ibus perpensis verior nobis videlw sententia affmnans (291). Dans
ce cas, l'Eglise n'a jamais permis le divorce, qu'elle a autorisé dans
le précédent.
Cette question en amène d'autres que l'auteur examine avec sa
science et sa netteté habituelles. Quelle est la manière d'agir de l'Eglise
dans la dissolution du mariage, un des époux infidèles se convertissant,
l'autre restant dans son infidélité? Comment agit-elle quand les ma-
riages des infidèles ont été contractés avec un empêchement dirimant?
Comment encore, quand il s'agit d'accorder la dispense de l'empêche-
ment de la disparité de culte?
Par toutes ces questions est épuisé le grand chapitre du pouvoir de
l'Eglise relativement au mariage. Pour le compléter il faut examiner
le pouvoir des princes. Une distinction jette un grand jour sur toute la
matière. Ce qui esi intrinsèque au mariage, sa nature, sa substance,
son lien, tout cela est du ressort exclusif de l'Eglise. Civile regi-
men nilul potest circa conjiigalem christianorum cotitraclum, qui a
sacramentonon distinguitur, adeoque civilis autoritatis leges attingere
nequeunt matrimonii christiani naluram, proprietates essentiales el
vinculum, sed neque contvahentes prout sacramentumefficiunt, quorum
idoneifas ad contrahendum seu ad sacramentiim confîciendnm, non
est statuenda a civili poteslate (p. 326). Restât igilur ut unice convc-
niat auctoritati politicse potestas circa ea quse extrinseca sunl... Ejus
geueris sunt causxdolis, atque hxredilatis, item successionis, admis-
sionis aut exclusionis ab o/Jiciisac muniis publicisaut privatis, illegi-
timitatisprolis in forocivili, aliaque ejusmodi, qux in codicibusunius-
cujusque regni continentur {^. 527). Les princes n'ont aucun droit
originaire et exclusif de constituer des empêchements; ils n'ont pas ce
pouvoir avec la sainte Eglise. Le sentiment opposé, quelque étrange
qu'il soit, pour ne rien dire de plus, avait été soutenu par un théolo-
gien français qui l'a enfin rétracté, ce qui n'en donne que plus de
poids à ces jiaroles du R. P. Perrone : Verum pace tanli auctoris, hatc
omnia tie speciem quidem verilalishabere videntur, sedabsona prorsus
BIBLIOGRAPHIE. 87
sunt ac paralogistica (p. 369)... Ast, quomodopoluit D. Carrière, vir
cœteroquin dodus et diligens, his 7iugis illudi (p. 37:2) ?Lcs princes ne
peuvent accorder aucune dispense d'empêchement : ce serait en vain
qu'on porlerait au for civil les causes matrimoniales. Même pour les
infidèles, les princes ne peuveiitpasélablirdes empêchements dirimants.
!i est vraiment intéressant de voir quelle bonne justice le savant re-
ligieux fait de tous ces sentiments erronés, émanés de sources impures,
mal étayés de faux raisonnements, soutenus par les hérétiques ou des
hommes de mauvaise doctrine, imposés quelquefois par la force, et in-
troduits même dans l'enseignement Ihéologique par je ne sais quelle
routine ou quelle inexplicable bonne foi.
m. Le mariage est un sacrement, il dépend do l'Eglise^, car le con-
trat est inséparable du sacrement ; il ne dépend que de l'Église; les
princes n'ont pas, n'ont jamais eu le moindre droit sur la nature du
lien conjugal. Resie à examiner quelles sont les propriétés du mariage
chrétien. Avec les théologiens, le R. P. Perrone assigne ï imité et Yin-
dissolubililé.
L'unité ! Le mariage, en effet, — le cœur, la raison et l'expérience
le proclament, — est et doit être l'unité de deux cœurs et de deux âmes,
l'union de deux personnes. Il est l'amour légitime à l'état de sacre-
ment. La polyandrie est directement opposée, de droit naturel, à
la notion même du mariage, et la détruit d'une manière complète. La
polygamie simultanée ne lui serait pas aussi radicalement contraire que
la polyandrie, mais évidemment elle lui est moins conforme. Et comme
cette polygamie n'était pas, avant l'Evangile, absolument défendue de
droit divin, il ne semble pas nécessaire do recourir à une dispense di-
vine pour excuser les anciens de péché contre la nature ou contre la
volonté de Dieu. Mais cette faculté d'avoir plusieurs épouses à la fois a
été entièrement abolie dans la loi évangélique ; et la première, l'invio-
lable propriété du mariage chrétien, c'est Vunité. C'est une thèse
logiquement et solidement démontrée par notre auteur. Jamais l'Église,
jamais le Pape, n'ont autorisé la bigamie : c'est la réforme protestante
seule qui a donné ce scandale dans la lumière évangélique. L'Eglise a
si peu favorisé la polygamie, que tout en tenant dogmatiquement pour
valides les secondes et troisième noces, elle se m.onlrait, disciplinaire-
vient moins indulgente pour celles qui se renouvelaient quand l'un
.des époux, son' conjoint étant mort, contractait de nouveaux liens.
Cette sévérité envers les noces subséquentes se remarque surtout dans
l'Église grecque, non qu'elle les regarde comme absolument illicites,
mais in detestationem incontinetitix, quani prx se ferre videbantur.
88 BIBLIOGRAPHIE.
L'indissolubilité, si elle n'appartient pas au précepte essentiel et
absolu de la loi naturelle, est réclamée par ses principes secondaires.
L'affection porte les époux à se donner l'un à l'autre pour toujours.
L'éducation de l'enfant demande la permanence de l'union des auteurs
de ses jours. L'amour des enfants pour leurs parents, et des parents
pour leurs enfants, réclame aussi pour s'exercer complètement, que la
société domestique demeure sous le môme toit et y retienne toujours
les mêmes personnes. Les besoins du père et de la mère, dans un âge
plus avancé, font du même lien une impérieuse nécessité. Le divorce,
au contraire, bouleverse toutes les relations domestiques et sociales. La
raison le dit, l'expérience le proclame. Atque exhide faclum'est,
ut quo nationes ad divortia magis proclives sese ostenderunt, eo
etiam magis pênes eas incresceret morum corruptio, et e conversa,
quo magis nationes corruptx cssent, eo faciliores ac propensas se
ad divortia perhibuerunt (p. IIJ). Le divorce, à tous les points de
vue, serait une plaie. Rien dans l'Écriture ne le justifie. Agar était l'é-
pouse d'Abraham {Gen. xvi, 5) ; Abraham ne se sépare pas d'elle
quoad vinculum, et c'est Dieu qui donne ici l'ordre exprès de la ren-
voyer {Gen., XXI, 10, 12). Le libelliis repudii dont parle la loi de
Moïse {Deut., xxiv, 1-4), fut, aux termes mêmes de Notre-Sei-
gneur, une tolérance, une permission accordée aux Hébreux ob
dnritiam cordis. Le dogme catholique est que l'adultère n'est pas une
raison de rompre le mariage guoad vinculum. Le texte du chapitre V
de saint Mathieu • Qui dimiserit uxorem suam, excepta fornica-
TiONis CAUSA, doit (ionc s'interprélcr de la séparation, en cas d'adul-
tère, quoad torum et habitalioneni, ou en ce sens qu'on peut renvoyer
l'épouse coupable, sans en épouser d'aulre tant qu'elle vivra. Cette in-
terprétation est la seule authentique, le vénérable auteur le démontre
fort au long, et avec une doctrine admirable. La discussion des textes
bibliques, les témoignages des Pères, la pratique des âges anciens, tout
se réunit pour assurer cette conclusion (148-359).
La pratique de l'Église grecque, qui, pour le cas d'adultère, permet
les secondes noces du vivant même de l'épouse infidèle, se présentait
ici comme objection. Le R. P. Perrone montre que cet usage des
Grecs n'est pas une doctrine proprement dite, mais une pratique ou
mieux un abus, dont l'origine se tire des lois civiles et de la mobilité
orientale, et contre lequel l'Église latine pas cessé de réclamer, toutes les
foisque l'occasion s'en est présentée. Que si pour ménager les Grecs, le
Concile de Trente employa, dans le canon VIII de la session XXIV, une
tournure indirecte, la vérité que le divorce n'est pas permis pour cause
BIBLIOGRAPHIE. 80
d'adultère, n'en resle pas moins siiifisamnient établie. Les novateurs,
si partisans du divorce, auraient dû, ce semble, se contenter du canon
du Concile, qui permet dans certains cas la séparation des époux,
sali'o vincnlo. Mais il n'en a rien été. Ils ont signalé cette permis-
sion comme une nouveauté téméraire , immorale et hardie. C'est à
justifier l'Église de ce reproche que s'attaclie l'auteur (p. 399). Ces
mêmes novateurs, en haine des vœux religieux^ ont crié contre la
dissolution du mariage ratum non consommatum, que la profession
solennelle de la religion peut amener. Cest à examiner ce dernier ar-
ticle, sous tous les points de vue, que l'auteur a consacré les dernières
pages de son traité.
Il est un point traité dans le premier volume que nous aurions voulu
développer à part, mais que nous allons indiquer ici. Quelle a été la
pensée de Benoît XIV sur le ministre du sacrement de mariage ? Dans
sa decrélale à l'archevêque dcGoa, Paiicis ah hinc, il enseigne que ce
sont les contractants. Dans son livre de Synodo, que les partisans de
Cano citent pour leur opinion, le docte auteur n'appelle le prêtre que
testem authorizabilem (iib. xiii. c. 23. n. 6). Dans son instit. xxxin,
n. 2, il est pour les contractants comme ministres. La probabdité qu'il
a reconnue à l'opinion de Cano n'est donc qu'une probabilité extrin~
sèque, doctorum snffragiis communita, qui a depuis per^u toute appa-
rence de vraisemblance. (Perr., tom. i, p. 126.)
Tel est l'ensemble de l'ouvrage du P. Perrone, telles en sont les
principales assertions, tel en est le but. Les trois livres de Matrimonio
christiano ont fait une profonde sensation : ils répondent à un besoin né
des circonstances malheureuses où nous vivons. Qu'on les lise donc,
qu'on les médite, et que l'on en fasse passer la doctrine d'une manière
complète dans l'enseignement de nos séminaires. Il faut qu'en ce sujet,
comme en bien d'autres, le P. Perrone nous rende le service de faire
disparaître pour toujours ces erreurs, ces mauvaises tendances que le
passé nous avait léguées comme un triste héritage. Scopulosum pro-
feclo pelagus, ac multa syrti periculosum navi^iamHS. Ce n'est pas nous
qui nous permettrons de dire au révérend religieux q:nl a tracé entre
tous les écueils une route sûre et facile. Sa doctrine, sa longue expé-
rience, sa position aux sources mêmes 'le la vérité, parlent bien plus
haut que notre modeste jugement.
H. Girard.
90 BIBLIOGRAPHIE.
Casus Conscientiie in praecipuas quaesUoDcs Theologiae moralis, au-
ciore P. Joauae Petro Gury, S. J. — Lugdani et Parisiis, apud J.-B.
Pelagaud. 2 vol. in-12. viil-721, 778 pp.
Ce nouvel ouvrage du P. Gury vient se placer dignement à côté du
Compend'mm Iheologise rnoralis, dont les éditions nombreuses en France,
en Belgique, en Allemagne, en llalie, attestent suffisamment le succès
et l'utilité.
L'auteur avait manifesté autrefois Tintention d'écrire iiu cours com-
plet et développé de théologie morale. 11 est vivement à regrelter que les
circonstances ne lui aient pas permis de mettre à exécution ceprojet : il
paraît que nous devons accepter comme une compensation les Casus
conscientice et renoncer à l'espoir d'oblcnir autre chose. Peut-être
cependant cette détermination n'est-elle pas irrévocable. Nous le sou-
haiterions beaucoup pour notre part.
Le recueil de cas de conscience que nous avons sous les yeux peut
être regardé comme un commentaire et un complément du Compendium.
Ce sont des applications multiples qui éclairent les principes et pré-
sentent les questions sous tous leurs aspects: la partie théorique et
doctrinale n'est reprise que d'une manière trés-succincle, pour amener
la solution des cas proposés. Du reste, l'ordr e général des traités et des
questions est le même que dans le Compendium : c'est de part et
d'autre la même brièveté, la même clarté, la même exactitude. On trou-
vera ici bien des développements utiles que n'offre pas le Compendhm,
quelquefois même des questions entièrement nouvelles, dont plusieurs
sont nées de circonstances toutes récentes. Citons quelques exemples.
Les dispenses de Carême sont généralement accordées en France
sous la condition d'une aumône à faire ou d'une prière à réciter. Y a-
t-il péché mortel à omettre ce qui est ainsi prescrit, bien que la matière
considérée en elle-même ne soit pas grave ? Le P. Gury répond :
Generatim non videntur episcopi velle rigorosam commutalioncm
facere ; sed probabilius dicendum est eos intendere \mï]c\fâ\\[er dispen-
sare, et accessorie aliquod opus phim in quamdam satisfactionem
levem imponere. Sic generatim a fideiibus dispensatio apprehendilur,
ita ut illi mirenlar si mentio de culpa gravi fiât pro omisswne rei in
se levis (i, 526). Et il ajoute d'après saint Alphonse de Liguori maté-
riau levem non esse capacem oblignt'ionis gravis, etiam probabilius si
hxc maleria levis locum operis gravis leneret, quia obligalio secundum
màteriam mensuratur etmagisattenditur ad maleriamin se spedatam
quam ad ejus causain (ib.).
BIBLIOGRAPHIE. 91
Cornélius, aubergiste, habile un diocèse où la faculté de faire gras
le samedi est accordée à tous ceux qui en font la demande. Peut-il
l'étendre 1° à sa famille, à ses parents et amis ; 2° aux étrangers qui
mangent à leurs frais dans son établissement? 3** Peut-il en user hors
du diocèse?
Le premier point ne fait pas difficulté : la doctrine et la pratique
universelle admettent que le père de famille communique ce privilège à
ceux qui mangent d'ordinaire à sa table, ou qu'il y admet occasionnel-
lement. Mais le second a donné lieu a des divergences. La réponse du
P. Gury est catégorique. Négative. Peregrini qui propriis expensis in
hospitio reficiuntur, ejusdem dispensationis participes fieri neqneunt,
quia de mensa palrisfamilias non edunt, cum ipsimel pecuniam pro
victu rétribuant, nec proinJe de familia, etiani in tatissimo sensu,
esse censenlur. Ergo caupones dispensali ut carnes die sa'obati edant,
eodem titulo carnes hospitibus suis minislrare nequeunt (i, 3'28). La
troisième question doit être aussi résolue d'une manTère négative : au
reste, toute difficulté sur ce dernier point est tranchée par une ré-
ponse du S. Office aux évoques de Belgique (10 juin 1855), dont
le texte est ici rapporté ([, 527-329).
On fera bien de rapprocher la solution donnée t. i, p. 326, n. 494,
de la décision récente de la S. Pénitencerie reproduite par la Revue
dans le n" de novembre 1863 (p. 457).
Signalons encore une explication claire et une appréciation raisonnée
de cette opération de bourse aujourd'hui fort usitée sous le nom de
report, et que le P. Gury déclare licite (i, 640-645). Le Gompendium
contenait à peine quelques mots là-dessus dans une note (10" éd. i,
703, n. 906). Les cas sur les comptes courants (i, 670-674), le
crédit ouvert (675-676), le simple prêt dissimidé par le banquier
(676-678), abordent aussi des difficultés nouvelles que personne, à
notre connaissance du moins, n'avait encore examinées.
Ces quelques lignes suffisent pour annoncer un livre dont l'auteur
a fait depuis longtemps ses preuves. D'ailleurs, nous n'avons pu étu-
dier encore l'ouvrage dans tous ses détails, et cependant nous tenions
à signaler de suite son apparition.
L'exécution typographique est satisfaisante. Espérons que l'éditeur,
quand il réimprimera le Compendium, nous le présentera aussi sous
une forme convenable. C'est une amélioration depuis longtemps récla-
mée, et que rend bien facile un des plus grands succès de la librairie
contemporaine. E. Hautcœur.
CORRESPONDANCE.
Monsieur le Rédacteur,
Un de vos correspondants vous a dernièrement adressé une letlre
signée des initiales F. J., dans laquelle, à de justes louanges décernées
aux travaux philosophiques du R. P. Liberatore, il joint une censure
sévère des ouvrages d'un autre écrivain de la Compagnie de Jésus, le
R. P. Salvatore Tongiorgi.
Votre correspondant vous assure que ces censures, aussi bien que
ces louanges, lui ont été dictées par son amour pour la doctrine de
saint Thomas. 11 se félicite du mouvement de retour qui se manifeste
dans toutes les écoles catholiques vers les traditions de la philosophie
chrétienne, et il voit dans ce mouvement le prélude d'une grande
restauration philosophique et théologique.
Je massocie de grand cœur à ces espérances, et je crois avoir assez
fait mes preuves pour que personne ne puisse suspecter mon dévoue-
ment à la doctrine de saint Thomas. Comme M. F. J., je suis per-
suadé que l'étude sérieuse de cette doctrine est la condition essen-
tielle et infaillible de la régénération des hautes études ecclésiastiques,
et c'est cette persuasion qui m'a déterminé à soutenir, en faveur de la
philosophie scolastique, de pénibles luttes contre des hommes pour
lesquels je professe le plus affectueux respect.
Mais précisément parce que je désire le triomphe de cette doctrine,
je crains des exagérations qui ne peuvent que lui être nuisibles. Ce
qui compromet les réactions les plus heureuses, ce sont les excès aux-
quels elles sont exposées à se porter. Le triomphe de la doctrine sco-
lastique est certain, et il sera définitif; mais c'est à la condition que
nous ne demanderons pour elle que ce que nous avons le droit de
demander. Que si les partisans de celte doctrine oubliaient les condi-
tions essentielles de la science, s'ils proscrivaient toute liberté de
discussion même sur les points les plus discutables, s'ils exigeaient la
même adhésion pour les théories purement probables et pour les
CORRESPONDANCE. 93
dogmes évidemment démontrés, de pareilles prétentions fourniraient à
nos adversaires les armes qu'ils ne peuvent plus emprunter à leurs
systèmes, et nous aurions opposé à la cause que nous croyons servir
le seul obstacle qui puisse désormais relarder son triomphe.
Votre correspondant me permettra de lui dire qu'il s'est laissé
pousser contre cet écueil par l'excès de son zèle pour saint Thomas.
S'il s'était contenté de manifester ses sympathies pour les tendances
philosophiques du R. P. Liberatore, je n'aurais certes rien à dire. A
la liste des séminaires qui ont adopté pour l'enseignement philoso-
phique lecours composé par le docte rédacteur de la Civiltà,, M. F. J.
aurait pu ajouter celui auquel j'apparliens ; et je serais bien heureux
que, dans toutes nos écoles, on donnât assez de temps à l'étude de la
philosophie pour que ce cours pût être mis entre les mains des élèves.
Malheureusement, il n'en est pas ainsi dans la plupart des collèges
catholiques, et même dans un certain nombre de séminaires, on con-
sacre à peine une année à cette étude si importante, f^our tout' renfer-
mer dans un espace si étroit, il faudrait pouvoir mettre entre les mains
des élèves un abrégé très-succinct, et pourtant assez complet. Rien ne
serait donc plus important, dans l'intérêt de la saine philosophie, qne
de pouvoir offrir à nos écoles un livre semblable, au moment où par-
tout on sent l'insuffisance des traités dont on s'était servi jusqu'à ce
jour.
Or, je n'hésite pas à le dire, ce livre existe; c'est l'abrégé que le
R. P. Tongiorgi a fait lui-môme de son cours complet de philosophie.
Tandis que ce dernier ouvrage sera pour les maîtres d'une grande uti-
lité, l'abrégé clair, lumineux, méthodique, que les élèves auront entre
les mains leur suffira pour retenir la substance de la doctiine et fixer
les enseignements donnés en classe par les maîtres. Ce livre m'a paru
si bien approprié aux besoins de l'enseignement dans notre pays qu'il
m'a déterminé a faire un sacrifice dont je ne parle que pour montrer
combien je suis désintéressé dans cette question. J'ai renoncé à faire
paraître un cours [»lus étendu de philosophie que j'avais composé, et
j'ai demandé au R. P. Tongiorgi l'autorisation d'éditer en Fiance son
Co7npe7}dinm.
Mais, s'il fallait en croire M. F. J., je me serais trompé, et l'adoption
de ce livre dans nos écoles serait un recul dans le mouvejtient qui s'o-
père en faveur du Dodenr angélique. C'est là un verdict bien sévère :
heureusement il n'est pas sans appel. Je veux bien admettre que l'au-
torité deM. F. J. est très-grande, quoiqu'il soit en général très-permis
de faire peu de cas des autorités anonymes, mais je ne serai peut-être
9/i CORRESPOMDANCE.
pas trop téméraire en supposant qu'elle n'est pas plus grande que celle
de Mfc''"iMalou, celte lumière de l'Episcopat belge. Ce prélat si savant et
si romain a adopté le cours du P. Tongiorgi pourson petit séminaire,
précisément parce qu'il y a reconnu les qualités que lui refusa M. F. J.,
une supériorité incontestable de fond et de forme, et de plus un discer-
nement exquis dans le choix des opinions. Tanto pondère doctrinœ, taiita
ratiociiiii vi et perspicmtale sermonis eminent, quinimo tam exiinio
opinionum deicc.tu prsestant ui ea prx cxterh.. adoptaverimiis.
M^r l'évêque de Liège est encore plus exprès : il adopte l'ouvrage
du P. Tongiorgi parce que, en ontologie et en psychologie, cet auteur a
su éviter la vaine nouveauté et s'est attaché à la tradition de l'école
catholique. Prsestanl enim, dit cet illustre Prélat, illss inslilniiones
facUitale sermonis, rotiocinii perspicuitate et firmitate, sana atque
exirnia doctr'ma : eas opiniones psycJiologicas et ontologicas exhibent,
non qiix vanam noviiateni redolent, sed quas dotta scholss eathoHcse
coronatradit, tacente vel approbanleEcclesia.
Je pourrais encore citer en faveur du liv-re du P. Tongiorgi bien
d'antres autorités Ne parlons pas, si l'on veut, du Collège romain où
ce livre est enseigné depuis plusieurs années par l'auteur lui-même.
Au moins, ne saurait on avoir aucun motif de récuser le suffrage du
Collège de la Propagande,, qui n'est plus sous la direction de notre
Compagnie, et où ce même cours vient tout récemment d'être adopté.
M. F. J. me permettra de croire qu'en se mettant de niveau avec ces
deux grandesècoles, nos séminaires mrecnleraient en aucune manière
et qu'ils accompliraient au contraire un véritable progrès.
Mais enfin, quel est, aux yeux de ce sévère censeur, le crime du
P. Tongiorgi? C'est qu'en certains points, qu'il plaît à M. F. J. d'ap-
peler fondamentaux, cet auteur a cru pouvoir s'écarter de la doctrine de
saint Thomas. Ces points fondamentaux on veut bien nous les indiquer.
Ce sont les questions de la matière et de la forme, de l'essence et de
l'existence, de la substance et del'accident. Sur ces trois questions, je
puis en écarter au moins une : celle de l'essence et de l'existence ; je nie
que le P. Tongiorgi ait à ce sujet une doctrine différente de celle de
saint Thomas. 11 ne nie pas que dans les êtres contingents, l'exigence
soil réellement distincte de X essence possible ; ce qu'il nie, c'est que,
même dans ces êtres, l'existence soit distincte de l'essence actuée.
Mais n'est-ce pas une chose évidente ? Qu'est-ce donc que l'existence
sincn l'actualion d'une essence possible ? M. F. J. prétendrait il, par
hasard, comme un thomiste de mes amis, qu'il conçoit très-bien Tes-
sence du monde actuée dès l'éternité sans que pour cela le monde exis-
corhespondancf. ô5
tât ? Et est-ce bien en mettant sur le compte de saint Thomas des absur-
dités pareilles, que nous nous imaginerons favoriser la restauration de sa
doctrine ?
Restent deux grosses questions, celle de la substance et de l'accident,
et celle de la matière et de la forme. Ces questions, il ne peut entrer
dans ma pensée de les traiter ici en quelques lignes. Si mes occupations
me le permettent, je vous demanderai la permission, Monsieur le Rédac-
teur, d'exposer à vos lecteurs au moins la seconde qui est moins connue
en France el sur laquelle ailleurs s'agitent d'ardenis débals. J'espère
que de cette étude résultera pour eux tous la convictiou que cette ques-
tion doit être regardée dans les écoles catholiques comme une question
ouverte au sujet de laquelle il est parfaitement loisible de soutenu' le
pour et le contre, sans qu'aucune des deux parties ait encore le droit
de condamner absolument la pailie adverse.
Que le R. P. Liberatore et M. F. J. soutiennent à ce sujet l'opi-
nion de saint Thomas, qu'ds fassent valoir les arguments qui militent
en faveur de cette opinion el résolvent de leur mieux les difficultés qu'on
lui oppose ; nous applaudirons à leurs efforts el nous leur souhaiterons
de tout notre cœur un plein succès. Mais ils nouspermettront d'attendre
pour donner une adhésion absolue à celte théorie qu'on ait apporté en
sa faveur des preuves évidentes. La révélation divine a seule le droit
de se passer de semblables preuves, et encore l'assenlinîent que nous
lui donnons esl-d autorisé par des motifs de crédibilité pleinement satis-
faisants pour notre laison.
Mais pour une théorie purement philosophique, il ne saurait suffire
de l'appuyer sur Faulorité d'un nom, ce nom fût-il même celui de
saint Thomas. On a beau nous dire que la doctrine de ce grand maître
est tout d'une pièce el qu'il faut la prendre ou la rejeter tout entière.
De semblables injonctions ne trndraient à rien moins qu'à faire régner
dans nos écoles VIpse dixil qu'on nous a tant reproché. Nous ne sau-
rions y consentir. Nous donnerons, même en philosophie, une grande
part à l'autorité ; mais jamais nous ne la substituerons à l'évidence.
Nous lui accorderons le droit d'incliner l'esprit, mais non pas celui de
commander un assentiment absolu. Nous défendrons les intérêts de la
tradition, mais nous mainliendions ceux du progrès : nous ne serons
pas novateurs, mais nous ne serons pas non plus rétrogrades ; nous
serons partisans de l'unité dans les choses certaines, mais nous ne
permettrons pas qu'on restreigne la liberté dans les choses douteuses.
C'est ainsi que nous concilierons à noire noble cause les sympathies de
tous les vrais amis de la science et que nous ôterons à nos adversaires
96 CORRESPONDANCE.
tous les prétextes dont ils pounaienl se servir pour nous combattre.
Or c'est aussi de la sorte que nous demeurerons fidèles à l'esprit de
saint Thomas, tout en nous écartant peut-être en quelques points de la
lettre de son enseignement. Quoi qu'on en dise, nous demeurons per-
suadé que s'il revenait parmi nous, cet esprit si large, qui sait si bien
concilier le platonisme de saint Augustin avec le péripatétisme d'Aris-
tote, ne tiendrait pas pour non avenus tous les travaux que l'esprit
humain a accomplis depuis cinq siècles. Nous croyons qu'il reconnaîtrait
pour son héritierl'incomparableSuarez, malgré les modificationsdedétail
que ce père de la scolastique moderne s'est permis d'introduire dans
la doctrine traditionnelle. Quand ce grand homme parut, il se trouva
aussi des partisans trop zélés de la tradition qui l'accusèrent d'innover.
Qu'on me dise maintenant si la doctrine de saint Thomas ne lui a pas
bien plus d'obligations qu'à ces thomistes plus rigoureux qui n'ont
jamais voulu consentir à laisser discuter le moindre iota de la doctrine
du maître.
C'est ainsi que le Père Tongiorgi entend en pratique le respect pour
la tradition, et nous ne pensons pas qu'on lui en demande davantage.
Nous demeurons donc convaincu que sa philosoj^hie aura en France un
grand succès, et, quoi qu'en dise M. F, J., nous sommes également
persuadé qu'elle contribuera puissanunent à la grande restauration que
nous désirons aussi ardemment que lui.
Veuillez agréer, etc.
H. Ramière, s. J.
Comme l'estimable auteur de cette lettre, nous croyons que l'étude
de la scolastique ne peut être féconde qu'à la condition d'être intelli-
gente : malgré notre admiration pour l'Ange de l'Ecole, nous ne pen-
sons pas qu'il faille le suivre aveuglément et sans discussion, ce qui
serait la négation de h science. Nous devons nous borner ici à cette
déclaration assurément bien simple, et à laquelle M. F. J. adhérera
sans aucun doute. Le temps ne nous a point permis de lui communi-
quer la lettre du R. P. Ramière avant sa publication.
E Hautcœor.
Arra3. — Typ. Rousseau-Leroy, rue Saint- Maurice,
LA THEOLOGIE DES CATACOMBES.
Dt'uxièmo aiticle.
in.
Au faîte du symbolisme des catacombes juives, nous ren-
controns les emblèmes qui voilent la croyance et les espé-
rances sacrées. Le nombre en est grand, et quoique nous
voulions nous borner tout d'abord aux symboles qui con-
cernent le temps , et réserver ceux qui expriment le dogme
delà vie éternelle, le champ demeure vaste et fécond. On le
diviserait à bon droit en trois parts : l'une se rapporte à la
fête des Tabernacles ; la seconde au livre de la Loi, et la der-
nière aux sacrifices Mosaïques.
Les habitants de Jérusalem et de la Judée mandant à leurs
frères d'Egypte la mort d'Antiochus et la réconciliation du
temple, les invitaient à célébrer, par une nouvelle scéno-
pégie, dans le prochain mois de Casleu, la fête de la Dédi-
cace (1) . Cette solennité se conserva par la suite : elle appa-
raît comme un lien de foi et d'amour entre les Juifs disper-
sés, et nous sommes assurés que ceux de Rome en jugeaient
ainsi. En effet, leurs sarcophages et inscriptions reproduisent
souvent une série d'emblèmes qui s'y rapportent.
(1) II Macchab., i, 9 seqq.
HEVLE DF.S SCiENCES ECCLÊSIISTIQUES, T. IX, 7
98 LA TllÉOLGGlE DES CATACOMBES.
Le candélabre est le plus usité de ces signes mystérieux,
et sa forme rappelle exactement celle que lui prête le bas-
relief de l'arc de Titus. Sans doute, une religieuse émotion
agitait la main qui grava si fréquemment cette image aimée
et sainte. Le candélabre était là, dans l'enceinte du Capitole,
partageant la captivité des douze tribus. Ses lampes ne
s'allumaient plus pour les solennités d'Israël (1), mais
son souvenir se liait encore aux espérances messianiques,
à l'attente de Celui qui est lumière, et que saint Jean
vit au milieu de sept candélabres d'or. Hélas! vain espoir
et attente inutile! La lumière avait lui dans les ténèbres,
et Israël ne l'avait pas comprise.
Le candélabre est quelquefois accompagné des ciseaux
destinés (*>) à en aviver les flaumies; mais dépoun'u d'une
signification spéciale et mystique, cet instrument est plus
ordinairement omis par le sculpteur. Il en eût été de même
du vase de l'huile bénite, si la tradition n'y eût attaché une
importance singuhère. On racontait sous les tentes de
l'exil (3) qu'au jour où les Asmonéens vainquirent les op-
presseurs de la nation et délivrèrent le temple, ils entrèrent
dans les saints parvis pour célébrer la fête des Tabernacles.
Or, les vases qui contenaient l'huile nécessaire au candélabre
pendant les huit journées de la solennité, avaient été pro-
fanés par les Gentils, un seul excepté qui se trouva encore
muni du sceau sacerdotal. 11 servit donc au ministère divin,
et, chose miraculeuse! seul, il alimenta durant la semaine
entière les lampes du chandelier sacré : en mémoire de ce
prodige, les princes du peuple avaient institué des actions de
grâces annuelles et ajouté à l'antique splendeur de la fête
des Encénies. Ce récit merveilleux d'une des dernières fa-
veurs que Dieu eût accordées à la race d'Abraham, était trop
(]) II Macch , I, 8.
(i) Exod., XXV., 38.
{3^ Cimilero, p. 42.
LA THÉOLOGIE DES CATACOMBES. Ôô
consolant sur la terre étrangère, pour qu'on le négligeât et
que le symbolisme ne s'étudiât pas à le perpétuer. Mais, en-
core une fois, Celui dont le nom est une huile épandue, avait
paru en Bethléem de Juda; la source d'huile qui annonçait
sa naissance avait jailli parmi les juifs du Transtévère (i),
et la synagogue insensée s'obstinait à le rejeter, à ne pas
recevoir cette huile céleste en sa lampe éteinte et obscure.
Les descriptions que la Bible, les commentateurs rabbi-
niques et l'usage traditionnel lui-même nous ont transmises
de la fête des Tabernacles , disent avec quelle joie le peuple
se rassemblait sous les tentes de feuillage, au son de la
trompe ou corne de bélier, et agitait les palmes vertes, les
rameaux de citronnier, le hdah. Tous ces emblèmes sont
fréquemment reproduits dans le cimetière de la Via Appia^
mais surtout le dernier. Qu'on imagine un petit faisceau de
plantes aromatiques, fortement serrées l'une contre l'autre
de manière à ressembler au fruit du citronnier et de l'oran-
ger; au milieu s'élève un rameau vert de palmier: tel est
exactement le iJlb [ItdabJ que divers auteurs n'ont pas bien
compris. Celui de noti-e hypogée hébraïque diffère un peu du
lid'ib des monnaies de Simon l'Asmonéen et se rapproche
davantage de la forme que lui prêtent les verres et coupes
publiés par le R. P. Garrucci. Peut-être est-ce là le bouquet
de myrrhe que l'épouse des Cantiques pressait sur son cœur,
comme un poétique symbole de son bien-aimé ("2) . Dans les
cérémonies prophétiques du temple, le même signe sacré dut
rappeler le Rédempteur du monde , le Roi de toute paix et
de toute justice. Car la fête des Tabernacles est la fête du
désert et de la terre promise, du servage et du triomphe, de
la captivité suivie d'un empire universel, la fête nationale
par excellence, l'union intime des tribus et des familles.
(1) La basilique de Sainte-Marie trant- Tiberim conserve ce fons olei^
[.rès du tombeau de saint Jules I.
(2) Cantic. i, 12.
iOO LA THÉOI.GCÎF. DKi CATACOMBES.
I.a colonie juive de Rome en a désiré et rêvé le retour, mais
il ne lui sera pas donné d'en revoir les magnificences jusqu'à
l'heure où elle entrera sous les pavillons bénis de la sainte
Eglise romaine.
La seconde idée génératrice du symbolisme judéo-romain,
est l'idée de la Zo/, et à vrai dire elle tient étroitement à la
première, puisque Moïse (1) ordonna de lire les saints Livres
au peuple assemblé à l'ombre des tentes du Seigneur, en
l'année de la rémission. Aussi, les monuments hébraïques
réunissent souvent le livre de la Loi au candélabre et aux
emblèmes analogues. Quelquefois le volume sacré apparaît
lui-même, connue dans l'inscription funèbre du scribe Deu-
iéru<, sous une forme cylindrique ou rectangulaire. D'autres
fois, le sculpteur a gravé au trait l'image d'une cassette
munie d'une serrure et d'un couvercle à bâtière : c'est le
vy.Macô/.oij.'jv des Grecs, le coffret où les particuliers gardaient
le i manuscrits de la Bible (2) . Un sarcophage décrit par le
R. P. Garrucci, offre encore la représentation très-distincte
des riclies édicules destinés dans les synagogues aux Livres
saints. Deux colonnes et un fronton triangulaire encadraient
la table sur laquelle reposait l'arche du volume sacré. Cette
arche était ornée de tentures dont les plis gracieux environ-
naient la table; de longs rideaux recouvraient l'édicule tout
entier (3).
La dernière classe de syml)oles comprend les têtes de bélier
et de taureau, isolées ou juxtaposées, le veau des holocaustes
ou cette génisse rousse dont les peintures chrétiennes des
catacombes révèlent le sens allégorique quand elles la repré-
(1) Deuter., xxxi. 10-U. Cf. II Esdr., vUl.
(2) Ci'Kit., p. f.9. — Vetri., p. 35 et lali. XIV, n. 6.
^5) Ciiiiit., p. IG, et la lilhographio jointe au même onvra.t^e. — Cette
descrii'tion est appuyée par les verres des catacombes et explique Lien
le nom do PS'^H {'idificiun allum et maynificam, pal it:um) qic les rab-
bins donnent so'.iv^nl à l'urmoire de la Loi.
r.A THÉOLOGIE DES CATACOMRES. 101
sentent aux pieds du Bon-Pasteur. Ce sujet est parfaitement
traité dans l'épitre connue sous le nom de S. Barnabe (1),
et les développements auxquels se livre l'auteur montrent
l'importance que les Hébreux de l'âge apostolique atta-
chaient à ce symbole.
Les symboles de la fête des Tabernacles, de la Loi, des
Sacrifices, sont parfois réunis tous ensemble, comme sur le
sarcophage que nous avons cité plus haut, et alors ils com-
posent un grand et solennel tableau qui rappelle cette con-
clusion de saint Barnabe : « Ces allégories, qui sont claires
« et manifestes pour nous, demeurent obscures pour les
(( Juifs, parce qu'ils n'ont pas écouté la voix du Sei-
« gneur (2). » Les catacombes juives de Rome prouvent
ainsi l'accomplissement et la divinité des prophéties où fu-
rent annoncés l'aveuglement et l'endurcissement d'Israël :
c'est un argument théologique qui a sa gravité et sa valeur.
IV.
Les inscriptions des cimetières hébraïques aident beaucoup
à l'intelligence des véiités cachées sous levoiledusymbohsme.
(t) Eji. Cathol. S. Barnabœ aposloli, n. viii. « Voyez, dit-il, comme le
« Scii:;ncur nous parle en parabole : celte victime est Jésus ; les pécheurs
« qui font l'oblaliou sont les Lommcs qui l'ont offert à la mort; mais
« maintenant ils ne sont plus pécheurs et ne sont plus réputés pécheurs.
« Les ministres qui répandent la cendre sur le peuple sont ceux qui
« nous annoncent la rémission des péchés et la puiificalion du cœur, et
« à qui il a donné la puissance de prêcher l'Évangile ; et ils sont douze
« pour le témoignage des tribus, car il y a douze tribus eu Israël. Mais
« pourquoi trois miniaires font-ils cette aspersion ? Pour témoigner
« qu'Abraham, Isaac et Jacob furent grands devant le Seigneur. Mais
« pourquoi la laine élevée sur le bois? Parce que la royauté de Jésus a
« apparu sur le bois Et pourquoi la laine et l'hysope réunies?
« Parce que, dans son règne, viendront des jours mauvais et impurs dans
« lesquels nous serons sauvés, car l'iiysope guérit la corruption de la
« chair malade. »
(2) Fp S. Baril., 'oe. cil.
102 LA THÉOLOGIE DES CATAGOMRES.
Prêtons notre attention à cette antique parole, et nous y re-
connaîtrons sans doute un écho lointain de la grande voix
du Sinaï et de Jérusalem : la main divine qui frappait la
harpe sacrée s'est retirée aux cieux, mais les cordes frémis-
sent et vibrent encore, et de leur harmonie qui s'éteint,
saluent l'Eglise naissante dont il est écrit:
« Lève-toi, ô ma gloire, éveille-toi, psaltérion et cithare!
« Je m'éveillerai dès l'aurore, je confesserai vos louanges
parmi les peuples, Seigneur!
« Et je vous dirai un hymne au milieu des nations (1). »
Or, toute l'épigraphie judaïque de la Rome souterraine (2)
semble l'expression d'une double pensée: l'idéal du véritable
fils d'Israël, el le grand problème de la mort.
L'épithète de Bcncincrens donnée par les Gentils, les Juifs
et les chrétiens aux personnes ravies à leur amour, prend un
sens très -différent suivant le principe qui l'inspire. Dans
le style païen, elle incUque l'urbanité des relations civiles,
(1) Psalm. LV[, 9 srq.
(2) Toutes les iuscriplions juives publiées jusqu'à ce jour se partagent
LD deux classes. 1» Celles qui précèdent le X"^' siècle sont grecques et
latine.-; on n'y voit rien d'iiébreu, sinon de très-courtes formuli's, des
acclamations en sigles (n). et alors les caractères sont empruntés à
l^tilphaijet rtibbinique ou dérivés du palmyrénicîn el du phénicien cursif.
2° Lorsque, au X' siècle, les-étudef do littérature et d'iiistoire nationales
reprirent faveur dans les synagogues d'Occident, les épitaplies furent par-
fois écrites en hébreu, mais on n'en connaît point de date certaine an-
lérienro au XII= siècle; ainsi l'inscriplioG trilingue de Tortose, dont
M. Uenau (i) faisait naguère assez grand bruit en l'attribuant au
VI" siècle, semble au R. P. Garrucci plus jeune d'au moins quatre cents
ans. Les inscriptions de la catacombe Raudanini appartiennent sans au-
cune exception à la première catégorie. Voyez Ciintero, p. 23 et suiv.,
et cette Revue, tome vi, p. 452.
(a) Une inscription grt'fquo du musée do Lalran donne le singulier exemple d'une seule
lettre liébraïqiie inscrce dans un nom hellénique : BAl'5rh.0A.\ . De pareils exemples
serviraient utilement à déterminer l'iiacicnno proiioaciatiuD àm lanj;ucs sémitiques.
(6) Revue areh-, 1860.
LA THÉOLOGIE DES CATACOMBES. 103
une apparente vertu, tout au plus une prudence vaniteuse
et drapée dans un lambeau de philosophie stoïque. Pour
l'Église du Christ, c'est le synonyme des biens de la grâce,
des charmes de l'innocence, de l'énergie de notre foi, des
infinies tendresses de la charité surnaturelle. La synagogue,
instruite h, l'école de la révélation, nourrie des saintes Lettres
et des traditions patriarcales, se faisait une idée presque in-
termédiaire du bien et du mcrile. Elle semble quelquefois le
réduire à d'étroites proportions, mais elle l'agrandit souvent.
Si elle s'arrête parfois à la sainteté légale, aux cérémonies,
aux rites figuratifs, aux œuvres extérieures, elle entrevoit
aussi à travers cette ombre, la justice intérieure qui orne et
sanctifie l'âme, même dès cette vie ; et par-delà, une justice
plus haute, une sainteté d'un nouvel ordre, une perfection
souveraine et inhérente à l'intelligence, au cœur, à la vo-
lonté (1). Suivons dans le détail cette théorie théologique.
Les épitaphes judéo-romaines louent fréquemment la dou-
ceur et la beauté de la vie: dulcis, xaXw; pio')aa,-,i'.aÀwî £^r,7ai;;
ce caractère heureux qui donne à l'esprit tant de charme,
d'aménité, de fraîcheur : sOl/u/r^c ; ce mélange de qualités
naturelles et de grâces divines qui compose une bonne âme,
Anima bona (2), expression évidemment empruntée à la
Bible: « Puer autem eram ingeniosus etsortitus ^umanimam
bonavi (3). » Cette sorte d'emprunts faits au texte sacré, et,
nous le verrons, dans une large mesure, marrtue bien la su-
périorité morale d'Israël sur les Gentils: la Bible, en effet,
parle d'une bonté plus excellente que la bonté simplement
humaine, et la Synagogue répétant dans ses hypogées obscurs
les enseignements de Salomon, y est plus docte et plus sage
que les philosophes applaudis au Forum. Citons le beau
(1) Voyez plus loiu, n* v.
(2) Cimitero, p. *4.
(3) Snp. VIII, 19.
lOÛ LA THÉOLOGIE DES CATACOMDES.
commentaire qu'elle nous a laissé de ce mot si aimable : xaXw;
ZiniKOC • APXQN • ENC-)AAE
KEIME • KAAiiC BEIQGAC
DAvTÛN • tKXOG KAIIWOCIOC
ttACI £ÔnPeiT£i'Ai • ANAPIAl
lîNHCI asTATiîN AIKAION
II KOIiMHCIC COV
« Zoticos, archonte, je dors ici, ayant noblement vécu,
« ami de tous, connu de tous pour (ma) distinction de
« mœurs, (ma) force virile, (ma) bienfaisance. Parmi les
« justes ton sommeil 1 (1) »
C'est encore l'éloge que mérita Alexandre (2) : « Anima
bona et omniorum {sic) amicus ; » il est dit de Sabine et de
plusieurs autres, qu'ils étaient « aimés de tous, ennemis de
« personne (3),» et nous rencontrerons entre les magistrats
de la colonie judéo-romaine, le Prostates Caius, patron des
étrangers et des pauvres. — Il y a là quelque étincelle de la
charité des premiers temps, quand ce peuple était le peuple
de Dieu. — Mais les livres sapientiaux distinguent si soi-
gneusement les hommes qui sont dignes et ceux qui sont in-
dignes de notre amitié, ils condanment si hautement l'affec-
tion accordée au pécheur et à l'insensé, que les inscriptions
de la catacoml^e Randanini sont très-prudentes en ce
point.
(1) A'MOi'e Epigr., p. ]2. Les reslituliouj proposées par le R. P. Gir-
rucci t^ont fort justes et savamment imaginées. 11 n'est pas besoin de
signaler les erreurs du texte lui-même.
(2) Cimit., p. 44.
(3) Ibid., p. 55. Cette formule se retrouve dans les monumeuls chré-
tieus. Voyez Esquisse de Home chiélienne, par Mgr Gerbet, t. i, p. 193.
LA TIlEOLOCli: DES CATACOMBES. 105
En voici la preuve :
evBAAE KEITE
lïWrXIANO APXONTI
CINBIO A^lilN EVU^YXI
META TON AIKEÛN
H. RVMHCiG Arrov
« Ici gît Eutichien, archonte, ami [œiiviva) des jiisles,
âine bonne. Avec les saints son sommeil ! » (1) Il n'est pas
difficile de remarquer dans ces paroles une imitation d'un
passage de l'Ecclésiastique (2) : «Virijusti sinttibi convivœ,
et in timoré Dei sit tibi gloriatio. »
La fermeté, la constance, une vie irréprochable, une in-
nocence qui n'a pas connu de souillures, sont encore louées
sur les monuments hébraïques et d'après la même inspira-
tion biblique. La qualité d'à'ixsjx-nr-oç donnée à un docteur de
la loi, celles d'ô'sioç, d'aasaTUToç, de Oîooeo/^c, de sanctissimus,
sont tout autant d'allusions au texte sacré. Qui sait si l'apôtre
saint Paul, élevé aux pieds de Gamaliel et connaissant
l'emploi fréquent de ces expressions dans la langue de la
sépulture et des tombeaux, ne les a point réunies à dessein
pour célébrer « notre Pontife, saint, sans péché, sans souil-
(( lure, séparé des pécheurs, exalté par dessus les cieux, qui
« n'a pas besoin de se purifier lui-même par les sacrifices
« légaux ?» (3)
(1) On remarquera avec le P. Garrucci {Cimit., p. 35), que le graveur
a confondu deux formules et les a mêlées ensemble, au lieu d'employer
constamment ou le nominatif on le datif.
(2) G. IX, 22.
(3) lUbr. vu, 26 seqq. Los trois premières épithètes se retrouvent
identiquement dans nos inscriptions gréco-jud.iïques; la quatrième a son
équivalent dans le convioa juHoruni, et la cinquième est parallèle au
souhait : cum justis dormitio tm ! Ce rapprochement est d'autant plus
singulier que toutes les expressions qui, dans les épilaphes, désignent la
sainteté, sont comprises dans le texte de l'Apôlre. Saint Paul y ajoute
106 LA THÉOLOGIE DES CATACOMBES.
La sainteté légale est symbolisée sur une tombe par l'urne
destinée aux ablutions figuratives, et sur une autre, par le
couteau de la circoncision. Aussi, si les enfants eux-mêmes
reçoivent le titre de « justes » et de « saints » , n'accusons
pas la Synagogue d'errer touchant la faute originelle : elle
en confesse l'existence en rappelant le ''ite de la circonci-
sion ; et en même temps elle enseigne le dogme de la répa-
ration de l'homme déchu, de sa justification par la grâce
divine et le ministère sacerdotal.
A voir la famille et la société conjugale telles que le pa-
ganisme les avait faites, on n'\ saurait reconnaître l'œuvre
immédiate de Dieu, l'effet de sa volonté particulière, l'objet
de ses enseignements et de ses ordres formels. Au contraire,
la théologie des catacombes judaïques leur garde une place
d'honneur et les environne de respect : pour elle, la femme
est la compagne et l'aide de l'homme, semblable à lui,
élevée jusqu'à ses pensées et ses sentiments les plus sacrés.
Le mariage conserve un rayon de sa noblesse et de sa dignité
primitives : l'épouse partage la vie même de l'époux, et
comme pour rendre plus évidente la force de ce lien, AUianus
donne à Marcia son épouse, le nom de cjaêioç ïoio; (1), qui
dit clairement l'intimité et l'indissolubilité de cette société
surnaturelle (2). Plusieurs fois nous lisons sur le sépulcre
des lemmes juives quel amour pieux elles consacraient à
leurs maris : ainsi
H AOEA
COa>FONI
OY • AOYKIA
AA EVAOrH
MENH •
un Irait absolument spécial an Christ pour moulrer l'excellence et la di-
vinité de ce Pontife éternel.
(1) Nuove Epigr., p. 7.
i'i) Oui, surnaturelle : nous espérons développer c<'tle haute vérité
dans la troisième partie de noire Théologie de-i Catacombes.
LA THÉOLOGIE DES CATACOMBES. 107
« La gloire de Sophronius ! Lucilla ! Qu'elle soit
bénie ! (1) » Ainsi encore : « Tharsis Julia Emilia, (âgée)
« de 40 années. Tu as bien vécu avec ton époux ! Merci de
« tes soins prévoyants et affectueux ! (2) » Accents vraiment
touchants, touchantes actions de grâces qui se complètent
par ces autres paroles plus graves et plus solennelles :
CKMnpiîMOVC BAGEl
AEVG AÏPHAIAl KAMLPEIN.VI
KOZOlTEi DON.U-KT
AlCREiriOVAlNAI RON^^
KOVN KOÏA BI;EITANNE1G XZ
<1>HRIT
ROZOlTEl BM.
« Sempronius Basiléus à Aurélia Camérina, épouse bonne
« et de discipline bonne, avec laquelle il a vécu 17 ans. 11 a
« fait (ce tombeau) à son épouse bien méritante (3). »
Nous devons rapporter au même ordre de pensées, l'éloge
si fréquent que les parents font de leurs enfants « très-
doux, » — «très-aimables,» — «pleins d'amour pour leur
père, leur mère, leurs frères ; » mais surtout l'honneur
rendu à la viduité et à la virginité. — Le loculus d'Agen-
lia {II) marque qu'elle n'eut qu'un mari : MONANAPOC, et
montre ainsi que la polygamie, même successive, n'était
guère en estime chez les Juifs d'Italie. On aimait aussi à
rappeler la virginité comme un des charmes de la vie, et on
(1) Cimitcro, p. 68.
(2) Ibid.
(3) Ibid., p. 67. Cette inscription pst d'un latin Irès-corrompu, mais
écrite en caractères grecs.
(4) IbiJ., p. 6S.
108 LA THÉOLOGIE DES CATACOMBES.
déposait ce souvenir comme une couronne sur le lit de la
mort :
« A Dulcitia, vierge, fiancée. Pancharis, gérusiarque a
fait (ce sépulcre) à sa fdle. En paix ton sommeil ! » (1)
Cette esquisse de la sainteté judaïque n'est assurément
qu'une ombre de la vie chrétienne; mais rapprochée de la
justice et de la philosophie païennes, elle apparaît comme
une lumière dans la nuit, comme l'aube du grand jour,
jaillissant d'une source que la main de l'homme n'a pas
creusée, de la révélation de Dieu par les patriarches, Moïse,
et les prophètes. Le plein midi date du moment où le Fils de
Dieu commença la prédication de l'Évangile, et réunit autour
de lui les éléments de son Église. Alors Jésus vit Nathanaël
venant à lui, et il dit : a Voici vraiment un Israélite en qui il
n'y a point de fraude. » Et Nathanaël lui répondit : « Maître,
tu es le fils de Dieu, tues le roi d'Israël (2). » Or, Ton ren-
contre dans la catacombe hébraïque de la voie Appienne,
une inscription qui oflre un rapprochement avec cette scène
biblique :
A
MÂRCIA BON IV
DE A DORMI • TV
AI- BONJS
« Marcia, bonne juive, que ton sommeil soit parmi les
biens (3). » L'analogie entre verc hraelita et bona Judœa,
outre qu'elle peut servir à f exégèse du nouveau Testament,
(1) Cimitero, p. C9.
(-2) Joau. 1, 47.
(3) Cimit ro, p. ^4. La même idée esl oxpriinéc sur la tombe de Poi-
menis,(\\x\ est nommée H OCIA, la s mite par excellente. {Cimitero,
p. 43.)
LA THÉOLOGIE DES CATACOMBES. 109
inspire au chrétien vivement pénétré de la charité catholique
une idée très-belle et très-vraie. De même que Nathanaël
représente le judaïsme national de la Palestine, ainsi Marcia,
ensevelie avec les emblèmes de sa foi, peut être considérée
comme le type du judaïsme dispersé dans l'univers. L'un et
l'autre sont appelés véritables et bons Israélites, mais celui-là
confesse la royauté et la divinité du Christ dans les plaines
de la Galilée, sur la terre où reposent ses pères : celle-ci
meurt dans l'aveuglement et l'exil. Car si Dieu, vérité infi-
nie, ne proclame lui-même notre justice, il nous est inutile
d'être justifiés par les hommes, et leur louange ne nous sau-
vera pas des ténèbres extérieures. Donc, que ceux qui lisent le
témoignage rendu par la Synagogue à la juive Marcia, prient
Dieu qui seul est bov^ de donner à Israël la justice et la bonté
de la grâce, de le tirer de son sommeil mortel, et de lui faire
reconnaître au-delà du candélabre figuratif, la lumière vi-
vante et vivifiante.
O Israël ! dormilio lua in bonis!
Nous l'avons dit, les catacombes juives renferment des
figures et des promesses de la vie future. Creusées d'après
le système et la manière des catacombes chrétiennes, elles
ont leurs galeries longues et étroites, principales ou secon-
daires, superposées en plusieurs étages : dans leurs parois
s'ouvrent les loculi, les arcosolia et les portes qui donnent
accès dans les chambres sépulcrales. Mais tandis que nos
fossores emploient un seul mode de sépulture (le loculus par-
fois orné d'un arc surbaissé, d'où il prend le nom d'nrcoso-
lium), les Juifs romains pratiquaient d'autres sortes de tom-
beaux dont les caractères particuliers détermineront désor-
110 LA THÉOLOGIE DES CATACOMBES.
mais les hypogées hébraïques (1). Notre plan n'en comporte
pas une description, que 'es archéologues trouveront fort
complète clans les pubhcations successives du R. P. Gar-
rucci.
Les corps reposaient en ces fosses, sans bandelettes ni
aromates ; mais l'un d'eux avec une amulette représentant
la tête de Gorgone entourée de serpents : un autre avec un
fragment de candélabre; plusieurs avec des vases, des
coupes et patères antiques. Même par une disposition bien
contraire à l'orgueil des Gentils, l'épitaphe s'est quelquefois
ti'ouvée à la tête du cadavre, renfermée comme lui dans son
cercueil de tuf et de pierre.
Les inscriptions funèbres, inconnues en Palestine avant
l'historien Josèphe, qui en voulut imaginer une, d'assez faible
mérite, pourEléazar et les sept frères ("2), sont ici très-nom-
breuses. Gravées ou seulement peintes en rouge, elles disent
le nom, les vertus, les dignités du personnage qu'elles re-
couvrent ; le père, l'époux, le fds, la sœur, la fiancée, etc.,
qui apris soin de l'ensevelissement ; elles parlent aux vivants
le langage des symboles et du texte sacré; elles souhaitent
enfin la paix du Seigneur à l'âme délivrée de la chair, ou
encore la paix sur Israël, vœu touchant qui sera exaucé, mais
au jour où les derniers enfants de Jacob glorifieront le sé-
pulcre de Celui qu'ils crucifièrent et dont le sang, qui est
sur nous un signe de paix et d'espoir, est sur eux une marque
de réprobation.
Un intérêt historique s'attache à deux épitaphes où les
mœurs judaïques ontlaissé leur empreinte. Claudia Aster (3),
(1) Mais parmi ces formes mnllipliées de sépullure, on n'a poiul trouvé
do tombe verticale : la Palestine n'en olTrj pas «J'exemple noa plus, et
ainsi l'opinion de Nicolaï, et de ceux qui ont attribué cet usage aux Juifs,
est insoutenable.
[i) De Macchab., c. xvn.
(3) Cimitao, p. 24.
LA THÉOLOGIE DES CATACOMBES. lll
contemporaine d'Auguste, demande au nom de la loi qu'on
protège son lilulus contre de sacrilèges violations : « Rogo
vos, ''acite per legem nequis mihi titulum dejiciat! » , prière
qu'on voit aussi dans les catacombes chrétiennes, tant
l'homme désire échapper au tourbillon du temps, et trouver
le repos dans l'immobilité du cercueil. Et comme le voya-
geur se console des peines du chemin par l'espérance de
s'asseoirenfin parmi ses amis et entre ses frères, ainsi faisait
Julia Aphrodisia, quand elle réclamait (1) instamment une
place dans la tombe de son mari, lorsque...
IVLIA-AFUODISIA
AVR • HERMIATI COIVGI
niNEMEKliiNTl • FECIT • ET
l'ETlT ET ROGA'l' VTI LOG
E! RESI^RVETVll VT CViM
COIVGK SVO PONA'IVR
QVAM DONEC
Ce qvnm doncc, est expliqué dans une épitaphe de l'âge
des Antonins, publiée par Grïiter (2). On y lit : « Ut quan-
done qumi(hcuwque) ego esse desiero, pariter cum eis
ponar. » Mais notre formule, avec sa réticence pleine de
mystère, éveille dans l'âme de plus hautes pensées : le temps
qu'elle indique n'est pas seulement l'heure fatale de la mort
coiiinie pour les païens, c'est plutôt l'heure où commence la
vie bienheureuse, où l'on échange la terre contre le ciel et
les ombres de l'une contre les splendeurs de l'autre.
La synagogue, en effet, enseignait l'immortalité de l'âme,
et les grandes destinées qui naissent de la tombe. On entend
soutenir aujourd'hui que « le rôle d'Israël n'était pas de
(1) Nuove Epigr., p. 7.
(i) Tome l. p. 607.
112 T,A THÉOLOGIE DES CATACOMBES.
résoudre le problême de l'âme individuelle; qu'aux époques
mêmes où les Juifs imposèrent leur pensée au monde, ils
ignoraient l'immortalité pliilosophique ; que le dogme de
l'immortalité de l'âme, dans le sens philosophique du mot,
n'apparut qu'assez tard dans le christianisme, car l'utopie
d'Israël, continuée bien réellement par l'Église naissante, ne
consistait pas à créer un monde pour servir de compensation et
de réparation au monde présent, mais a changer les condi-
tions de celui-ci {1\ n
Or, à cette date où l'on rapporte l'invention chrétienne
du dogme de la vie future, la Synagogue le professait claire-
ment. Sa haine envers l'Église exclut la possibilité d'un
emprunt que les rabbins auraient fait à nos saints Docteurs,
et son inertie intellectuelle, souvent invoquée par nos ad-
versaires, nous force de reconnaître dans la théorie d'une
existence future et personnelle de l'âme humaine, la tradi-
tion antique et constante d'Israël, (-ertes, l'Ancien Testa-
ment suffit à se venger lui-même et à confondre les ratio-
nalistes qui l'accusent d'un matérialisme grossier, mais l'on
aimera d'entendre sur ce point la théologie des catacombes
juives.
Pour elle, l'homme ne meurt pas tout entier : il ne se
dissipe pas comme une ombre, ne disparaît pas sans retour,
ne s'évanouit pas à jamais; mais, à son dernier jour, il
s'endort, son corps sommeille pour un temps, et l'âme qui
veille et vit dans une sphère surnaturelle, redescendra enfin
jusqu'à lui et dissipera les ténèbres de la nuit où ii est en-
seveli. Ainsi dans les inscriptions judaïques de Rome, le
mot lugubre de mort ne se rencontre pas, mais bien celui
de sommeil, de repos, de dormi/ ion {dormitio, xoit;i7ic7ti;). Le
mort est couché , son cercueil est un lit (xoir/)). Un langage
(1) Voyez le Livre de J<b, traduit de l'hénrou par E. Reuau,pawj»2 et
surtout pp. Lxxxv, L^xxvi et suiv.
LA THÉOLOGIE DES CATACOMBES. 113
si remarquable et si différent des coutumes de la gentilité,
ne peut avoir sa raison que dans des croyances et des senti-
ments particuliers sur la mort : or, ces croyances sont celles
de l'Église catholique; ces sentiments, ceux de nos martyrs:
en un mot le dogme net et précis, le dogme philosophique
de l'immortalité.
En effet, c'est à l'âme séparée et affranchie du corps,
esprit libre et indépendant, que s'adressent le cri de Û1^ï7,
pax ! trois et quatre fois répété sur un même tombeau ; —
l'acclamation : In pace ! Amen ! comprise dans les sigles
S^ : î!î : 3 ; — la formule : Et illi sit pax et pax ! (1) , — et
surtout le souhait habituel : Dormitio tua in pace, Ivsip'^ivyj
y\ xoi'|xrjGi<; Gou. Il répugne de ne voir là que la paix du
néant absolu ou le calme du rien. Souhaiter ce repos est à
la fois ridicule, absurde, contraire aux plus chères aspirations
du cœur humain, dont la soif d'infini ne s'apaise point par la
pensée d'un complet anéantissement. Il répugne également
de restreindre cette paix à l'immobilité d'un cadavre et au
silence d'un cimetière : donnez ce sens aux expressions que
nous avons citées, vous aurez un concert de voix éperdues
et presque blasphématoires. La Synagogue contemplait un
plus sublime idéal ; elle appelait sur ses fils la bénédiction
souveraine de Dieu, la « paix » où le psalmiste espérait
dormir et reposer (2) , la paix où Tobie voulait que son âme
fût reçue (3) , la paix dont Siméon disait : « Maintenant,
« Seigneur, vous renvoyez votre serviteur, suivant votre
« parole, dans la paix {k) ; » repos éternel de l'esprit dans
l'infinie perfection, ravissement des puissances de l'homme
(1) Cimitero, pp. 26, 27, etc.
(2) Psalm. lY, V. 9. La formule funèbre : £v eipiiv/) y) xo([ayi(7i<; goUj
est identique au texte grec de ce passage : Iv etpvivrj,... xoi(xyiOr^(iO{A«i
xai UTTVoWw.
(3) Et prœcipe in pace recq/i spiritum meum. Tob. ni, 6.
(4) Luc. Il, 29,
REVDE des PCiENCES ECCLESIASTIQUES, T. IX. 8
114 LA THÉOLOGIE DES CATACOMBES.
par les puissances divines, merveilleuse abondance de toutes
les joies et biens spirituels.
Les cimetières hébraïques nous l'apprennent ainsi.
Le lecteur se souvient de Marcia, à qui l'on souhaite le
f>ommeil dans les biens , in bonis ! Ce vœu est exprimé
dans les inscriptions gréco-judaïques par les mots èv
ocYaôoiî (1), et n'est que l'abrégé de ce texte biblique : « Anl-
u ma ejus in boni.^ demoràbitur et semen ejus haereditabit
« terrâita (2), » où l'on remarque une opposition bien dé-
clarée entre le bonheur des âmes séparées de lem's corps^
et la félicité terrestre. — L'un des biens signalés par le psal-
miste est assurément la société des chœurs célestes,, la,
possession de la ierre des justes^ XSlPATiiN àlKlîiîN, comme
parle une inscription probablement juive (3) avec le Pro-
phète : « Je crois voir les bieris du Seigneur dans la terre
« des. vicants {h). » Lors donc que nous lisons sur les
tombeaux de la catacombe Randanini : « Que son sommeil
« soit avec les justes ! « — «(}ue ton sommeil soit parmi les,
« justes! w- — que devons-nous entendre? S'agit-il du corps?
Mais il est mêlé aux restes des pécheurs comme à ceux des
justes. Ou bien, l'assemblée des justes n'est-elle qu'un arnas^
de cadavres ? Personne ne se résoudi-ait à le croire. Ces
«, justes », sont des esprits immortels, des âmes saintes,
vivant réellement d-ans un séjour de bonheur. — Leur nom
est incommunicable aux saints de la. terre; ce sont ks Suaioi,
l€3 justes pav excellence ; et la, sainteté de cette vie, pour
(1) Le R. P. Garrucci observe. (A'Moue Ep.,. p. 8) que leà Juifs, qui em-
phorect si souvent Iti locutiion : £V etp'/l^Vï), ne la traduisent jamais dans
les iuscriptioLs latines par in pace, mais par in bonis. Par coutre,les épi-
laplies chrétiennes, où la formule in pace est si fréquente, offrent à
peine un exemple de sa correspondante : £v £ipr,w,. N'y a-l-il pas là
une précaution inspirée par la muluell.3 aulipathie de l'Éi^lLse et de la
SJ^agog^e,?
(2) Vsalm. xxiv, 13.
(3) Corpus inscri^t. grœcarum, no 9i72.
;_ (4) l'ualm. XXYI, 12. Cf. Is. xxxviii, 11 ; Psalm. cxLl, 6, etc.
LA THÉOLOGJE DES CATACOMBES, 115
accomplie et élevée qu'elle puisse être, reçoit les seuls titres
cVoffioç et d'a^iûç. Il existe donc une perfection plus haute
que celle qu'il est possible d'atteindre ici-bas, et la théologie
catholique la nomme vision béatifique et lumière de
gloire.
Peut-être ne sortirions-nous pas des limites de la vérité,
si considérant l'origine de la formule : « Que son sommeil
« soit parmi les justes ! » nous voulions y reconnaître un
hommage implicite au dogme de la résurrection de la chair.
Car cette formule est tirée du psaume premier, où l'idée de
la résurrection est assez visiblement contenue pour donner
à penser que les Juifs de Rome l'y avaient aperçue, et qu'ils
rappelaient ces accents de David dans leurs épitaphes
comme un gage et une assurance de triomphe à venir.
Us envisageaient encore la mort comme un passage qui
mène à la véritable patrie. L'acclamation EVOAE était
donc bien placée sur le sépulcre de Rufilia Pietas (3) : à
l'exilé qui reprend le chemin de sa demeure, iiladresse-t-on
pas une félicitation et un souhait d'heureux voyage ?
La synagogue savait que le repos des justes en Dieu n'est
pas une sorte d'absorption panthéistique où l'homme perd
réellement sa personnalité et son existence, mais une vie ac-
tive et puissante, alimentée par l'essence même de Dieu.
«Vis bien, sois bien placée avec les justes,» dit Honoratus à
son épouse Petronia (2); et Rebbit à sa fille : « Et paix, et
« paix soit à elle ! Qu'elle se lève dans l'assemblée, et qu'elle
(1 vive dans l'éternité ! » (3)
nb(n)pa (n)i2pi mbœi ûibt» (s)nn nbi
(1) Cimitero, p. 52.
(2) Cimitero, p. 68 ; Nuove Ep., p. &.
(3) Mommsen : Inscrip. Neapol, lut., 3492. Nous donnons cette in-
scription telle que la lit et l'interprète le R. P. Garriicci.
116 LA THÉOLOGIE DES CATACOMBES.
Au 15' siècle une inscription de Bénévent, consacrée à
la mémoire du rabbin Jacob, développe un peu plus ces
textes laconiques : « Il quitta cette terre, réunit son âme
« au petit faisceau des vivants (1), et il vit avec \e'& justes
« de l'éternité (2). »
C'est pourquoi, lorsque les juifs romains déposaient les
corps de leurs frères sur les bords de la Voie Appienne ou
dans les flancs du Monte Verde, ils ne croyaient pas que
les relations de l'amitié se fussent brisées à l'heure de la
mort ou au seuil de la catacombe. Ecoutez ces nobles
paroles :
VOMOMA0HG
àrraXsuTOî AMIANTOG
str.aîv Itt)... HMEPAC IB
AE MIMHCÛ HATEP
TÔiV TSXVWN.... Ti>N
COU a£Ta.... AIRAIUN
« , docteur de la loi, [cotistant), pur : {il vécut
« .... années et) douze jours. Souviens-toi, ô père, {de tes
« enfants ; avec) les justes ! » (3)
11 n'est donc point mort tout entier; son âme vit dans le
conseil des saints ; il peut se souvenir Zi) de ses enfants,
veiller sur eux, les aider de ses vœux et de sa protection.
Qu'est-ce cela sinon l'intercession de l'Église du ciel pour
(1) On pourrait tirer de là une interprétatiou très-belle et très-juste
du Lulab. (Voyez plus bout.)
(S) Cimit., p. 28. Reinarquonà ici que plusieurs symboles judaïques :
le coq, la palaio, la corbeille de fruits... pourraient s'entendre parfois
des victoires du ciel; mais parfois, nous l'avons dit, ils semblent appar-
tenir au symbolisme purement civil.
(3) Cimit,, p. 56. Quand même ou n'admetlrait point les excellentes
restitutions proposées par le savant auteur dont nous suivons les traces,
les fragments autbenliques de cette inscription suffiraient à notre but.
(4) MIMHCSÎ est évidemment mis dans l'épitapbe pour [j.£u.vv]<70.
LA THÉOLOGIE DES CATACOMBES. 11 7
l'Église de la terre? En retour, celle-ci pénètre jusque dans
l'autre monde et sa prière y accompagne les morts :
EN0AAE REITAI
1S2CHC TO iXHniON
HAYN ET 13 HH nPO
KOniC 0 nATHP KPIG
niNA AE MHï nPOG
EÏXOIO EN EiPHNH
THN RYMHG[N AYTOV
«Ici repose Joses, le doux enfant! (âgé) de deux ans et
« huit jours. Procope (était) son père et Crispina sa mère.
« Adresse à Dieu des prières, pour que son sommeil soit
« dans la paix ! » (1) Ce texte est vraiment théologique.
C'est un témoignage formel de l'usage où était la synagogue
romaine du deuxième et du troisième siècle, de prier pour
les morts. C'est encore, entre beaucoup d'autres, une preuve
que la formule : In pace donnitio tua ! n'est pas seulement
la constatation d'un fait , le repos de nos cendres dans
le cercueil (2), mais une vraie invocation, un souhait, une
suppUcation, qui monte de la terre vers Dieu.
Une doctrine aussi consolante que celle de l'immortalité
de l'âme dans le sens philosophique du mot, ne put manquer
d'inspirer aux juifs romains une ferme résignation en face des
coups que frappe la mort. Et de fait, on leur appliquerait à
bon droit une remarque du D^'Northcote (3) sur les chrétiens
de l'âge des martyrs. On sera frappé « de ce qu'il y a de
« contenu et de modéré dans l'expression de leur douleur,
« comparée aux sorties violentes et passionnées que se per-
(Ij Nuove Ep., p. 8. Noire traduction diffère un peu de celle du R. P.
Garrucci, qui voit dans Trpodsu/oTo une corruption de TrpoG£u/£Tc<i.
Le sens demeure également remarquable dans l'une et l'autre versions.
(3) C'est là une erreur de Norlbcoîe, op. eit , p. 179,
(3) Op, cit., p. 166.
118 LA THÉOLOGIE DES CATACOMBES.
« mettent souvent les païens. Parmi ces derniers, nous
« voyons des parents privés de leurs enfants ou des veufs
« se répandre en reproches très-amers et pour ainsi dire
« délirer en levant les mains contre les dieux qui les ont
« privés des chers objets de leurs affections. » Parmi les
juifs romains une seule plainte s'est rencontrée jusqu'aujour-
d'hui : « Conjugi benemerenti sed sic non merenti. » Mais
elle est calme et douce, et tout nous persuade qu'elle n'a
guère trouvé d'écho dans les catacombes hébraïques.
L'abbé J. D.
GOMMENTARIUS
PROŒMIUM BREVIARII ET MISSALIS
DE COMPUTO ECCLESIASTICO.
CAPUT I.
De Anno et ejus partibus [finis ' ).
HORA.
39. Etymologia. Mucrobiiis, Ub. I. c. 21. Saturnalinm.
docet, solem lingua ^Egyptia horion vocari, inde Jiorœ
nomen esse. Ajmd eosdem, inquit, Apollo, qui est sol, Horus
vocatur, ex quo et horai 2/i, quibus dies noxque conficitiir
nomen acceperunt. Sed verius est, horam a voce graeca wpot
deduci.
40. Horarum nomen per trecentos annos Romanis igno-
ratum fuisse credibile est. Divisio eniui diei artificialis in
hoi-as 12, et noctis in totidem Romae non censetur inducta
nisi post reperta horologia solaria, quorum primum in foro
illud fait, quod M. Valerius ex Sicilia advectum ad rostra
in columna posuit, uti videre est apud Livium H. Ub. XVI.
c. h7. ad annum U. C. ZiOl.
Frirais igitur temporibus Romani, quum horologia non
haberent, noctem quadrifariam, h. e. in pr imam, secundum,
(l) Vid. supra, p. 16 ss.
120 COMMENTARIUS
tertiam, guartam vigiliam dividebant, petito nomine a re
militari (1) ; diem vero bifariam, ante et post meridiem.
Plura noctis et diei tempora aliis etiam discreta nomi-
nibus apud veteres leguntur.
Sic olim Romanis, diem suum civilem a média nocte
auspicatis, hœ ex ordine partes erant : 1. De média nocte seu
mediœ noctis inclinatio ; 2. Gallicinium ; 3. Conliciiiium,
quum Galli conticescunt ; h. Ante lucem; 5. Diluculum ;
6. Mane, cujus vocis duas notationes Macrob. Sat. lib. I. c. 3.
affert ; 7. Ad meridiem, h. e., ad mediam diem, seu dies
clarus ; 8. Meridies ; 9. De nieridie h. e. tempus occiduum ;
10. Occasus solis; 11. Suprema tempestas ; 12. Vespera. quod
a Grœcis tractum esse Macrohius docet /. c; 13. Crepnsculitm ;
IZi. Face prima ; Ib. Concubium ; 16. Intempesta seu multa
noce, quae se. non habet idoneum tempus rébus gerendis ; 17.
Ad mediam noctem seu silentium noctis; 18. demum Medianox.
liSi Macj'ob. Sat. lib. I, c. 3. et Censorin. de die nat. in fin.
Ast solario (2) primum , postea aquario (3) horologio in
(1) Unicuique ex quatuor islis quadrautibus, in quos noctem par-
tiebanlur, très horas tribuebant ; uimirum ii, qui hostium metu excu-
babant et vigilias agebant, per très horas vigilabant. Et finita quidem
prima vigilia alii excubitores rursus in secundam vigiliam seu in très
alias horas succedebant, et secunda finita vigilia alii similiter in terliam
et a tertia alii in quarlam, dum illucesceret.
(2) Eorologium solare, quod appellant (7xio6ï)pixov, quasi venatorem
(Ovipa) seu indagatorcm umbrœ (axia) et yvcjfxova, a yivcôuxto, h. e.
stilum, ex cujus umbra horœ diei cognoscuntur in sole, non primum ab
Anaximene Milesio, Anaximandri discipulo, fuisse inventum, ut ex Plin.
lib. II, c. 76. recentiores falso tradunt, ex eo palet, quod jam tempore
Ezechiae (a. Ch. 7lî ; U. C. 42), in tali horologio decera lineis recessisse
sol legatur. Hanc umbrarum rationem a Judaeis ad Jigyptios, ab his ad
Grsecos devenisse, ex horologio Ezecliice colliguntC/a!)îU5 lib. i. Gnomon,
p. 7 et Cornel. a Lap. in Is. cap. 38. Romaj vero nonnisi mullo post
tempore primum ejusmodigeneris horologium statutum fuisse in publico
secundum Rostra, in columua, bello Punico primo ex Liv. l. c. intelli-
gimus. Qjum autem non satis congrucrent ad horas iineee ejus, quia
ad cliraa Siciliae descriptse fuerant, post centum fere annos Q. Marcius
aliud diligentius ordinalum juxtaposait.
(3) Horologiun aquarium quod vulgo et xX£'}uopav dicunt a xaÉtttw et
DE COMPUTO ECCLESIASTICO. 121
foro positis inventa est lioraruuidistributio. Porroquumtum
diem artificialem quam noctem seorsim in duodecim horas
œqiialiter dividerent, ipsœ horae diurnas nocturnaeve ita
distribuebantur, ut longiores essent œstate diu, breviores
noctu, contrariaque ratione perbreves hieme lucis horœ,
noctis longissimas. PUn. lib. VII. c. 60.
lii. In libris Novi Testamenti diei distributio in duodecim
œquales horas more Grascorum et Romanorum apertissime
intelligitur [Joan. 11, 9; Mai th. 20, 3). Omnium /^nmam ab
ortu solis horam ducebant, quœ sextœ horœ matutinas apud
nos respondet in œquinoctio ; tertiam horam numerabant,
quam nos nonam maiutinam in aequinoctio dicimus. Sexta
semper in meridiem cadebat, et sic de aliis. Consuevisse
etiam tune Judaeos Romanorum more noctem in quatuor
vigilias distribuere, ex scripturis N. T. intelligimus [Matth.
IZi, 25 ; Marc. 6, Zi8 ; 13, 35).
Judœi quatuor prœsertim horas diei orationi destinatas
habebant , scilicet prùnam , quae incipit ab ortu solis ;
tertiam, respondentem circiter nostrae horae nonas matutinse ;
sextam, quae convenitcum meridie; et nonam, quœ respondet
horas tertiœ pomeridianœ.
/i2. Divisio. Horœ aliae diei sunt, aliae noctis : l. A qua
œtate. 5. jf. Qui testamenta facere possint ; l. Ideoqiie. 7. de
usurpât, et iisucap. cit. Illae diurnœ, hœ nocturnœ vocantur :
l. Si diurnarum. 2. ff.de aqua quotidiana ; l. Capite. 25. ff. ad
legem Juliam, de Adulteriis.
uûtop, qviia paulatim et quasi furtim aqua detrahitur, est vas vitreum
exiguuni in fundo foramou liabens guUatim aquam destillans, ex cujus
diminntione labentis temporis mensura copnoscilur. Quum enini nubilo
die inccrtae essent horae, Scipio Nasica primus Romœ aqua divi^it horas
œque noctium ac dierum idque horologium sub tecto dicait anno Urbis 595.
Hœc Plin. vu, 60. Apud veteres oratoribus acturis causas foreuses
prœscribebatur tempus dicendi dalis clepsydris, quibus finitis vel decur-
sis ultra loqui vetabantur. Atque etiam bodie nonnuUis ia scholis usuâ
oblinet, ut stiidiosi ad clepsydram exaroinentiir.
122 COMMENTARIUS
Horaa tam dinrnœ, quam nocturnse aliss sunt œquales, aliœ
inœquales. Horas œquales eas dicimus, quarum unaquaeque
est vicesima quarta pars diei naturalis œqualiter divisi,
iEquales etiam œquinoctiales vocamus, quia totum aequi-
noctialis ambitum in 2^ partes asquales dividunt, quo fit,
ut horis singulis gradus 15 competant.
Horœ inœquales illse dicuntur, quarum unaquaeque est
pars duodecinia tum diei artificialis œqualiter divisi, tmn
noctis siniiliter in 12 partes fequaliter divisae. Appellantur
autem inœquales et temporariœ, quod pro diversis anni tem-
poribus productiores contractioresve sint.
Jamveroinsequalibus hisce ac temporariis horis fere ubi-
que obsoletis a plerisque omnibus populis totum illud diei
spatium, quod a média nocte ad mediam noctem statui di-
ximus in horas 24 œquales distribuitur. Singulas autem
horas insexaginia horaria scrupula seuminuta prima aequa-
lia, hœc in totidem (minuta) secunda, rursus haec in tertia
et reliqua ad eumdem modum sexagenaria divisione par-
tiuntur.
43. Horae aequales ahae dicmitur Babijlonicœ, quarum pri-
ma ab ortu solis inchoatm' ; ahœ Jtalicœ, quœ ab occasu
solis; ahae astronomicœ, quas a meridie; alise denique Euro-
pœœ, quae tum a meridie, tum a média nocte incipiunt, ita
ut tam in meridie quam in média nocte semper hora duo-
decima compléta habeatur. Fere omnes Europœi enim
horologia sua ita dispensant, ut diei horas 24 in duas œqua-
les partes dividant, h. e. in duodecim, quot se. horologia
sonitu significant et média nocte et meridie ; post quœ
tempora hora prima auditur : prima scilicet a meridie, et
prima a média nocte ; et sic pergitur a secunda ad tertiam,
dum ad duodecimam veniatur ; secundum quam suppu-
tandi rationem in œquinoctio sol hora sexta oritur et sexta
etiam occidit. \^Lalemant. de Anno.)
DE COMPUTO EGCLESIASTICO. 123
HEBDOMADAS.
A/i. Etymologia. Hebdomas sive hebdomada secundum
Isidor. Etijm. lib. v. c. 32. dicta est a numéro septem (Éirtâ)
dierum, quorum repetitione constituitur. Hebdomas genera-
tim suQiitur pro numéro septenario, sicut ogdoas pro octo-
nario, enneas pro nonario, quia non solum de diebus dicitur,
sed etiam de annis et quibuscunque rébus, quae septenario
numéro comprehenduntur.
In monumentis sacris modo tempus ex septem annis com-
positum, ut Gen. 29, 28; Levitic. 25, 8 ; modo brevius
temporis spatium ex septem diebus naturalibus constans
désignât. {Calmet, de Judœonim chronologia dissertatio com-
mentariis ad Genesim prœfixa.)
A 5. In veteri Lege prœter hebdomadas primarum festi-
vitatum maxime celebrabantur illse, quarum meminit Dan.
cap. 9, Cfr. Pefavins, de Doctrin. temp, lib. xii.
In nova Lege una est hebdomada solemnis, quae major
hebdomada appellatur, estque ea quaa antecedit Pascha,
olim pœnosa vocata, quod sit rememorativa Dominicas pas-
sionis : vere magna, in qua humanae redemptionis myste-
rium persoluto illius pretio consumatur. {Durand. Rational.
offic. divin, lib. vi.)
hQ. Chronologi, aliis hèbdomadum generibus neglectis,
continuam septem dierum successionem simpliciterAe^âfo-
madam vocant. Hinc et Latini septimanam dicunt, quasi
septem mawe, h. e. luces; maneenimlux est. {Isidor. l.c.)
Haec ipsum Deum institutorem habere videtur, quia die
septimo a creatione mundi quievitatque Hebrœi, a quibus
hebdomadarum usum profluxisse credibile est, pariter die
illo seu sabbato (1) quiescere jubebantur.
- (1) Sabbati nomine non solum dies septimiis cujusque hebdomadis
venit, sed interdum eliam quivis die» solemuis et fesUvus, eo quod
i2ll COMMENTARIUS
In pluribus Scripturarum locis sabbati vocabulum pro tota
hebdomade accipitur, reliqui dies autem a sabbato nomi-
nantur, ni prima sabbati Matth. 20, 1, hoc est, primus dies
post sabbatum, qui Dominicus nobis. (S. Hieronymus epist
120. ad Hedibiam.)
Sabbatum sumptum pro ultimo hebdomadis die, quatenus
is erat dies lestus Judœorum, abrogatum fuit apud Chris-
tianos (1), qui propter Ghristi Domini resurrectionem die
Dominico feriantur (2) . Dies dominicus proin feria i. hebdo-
madis est ; ei exordine ita succedunt feria ii, feria m, etc.,
ut more ecclesiastico singuli dies hebdomadis feriœ (3)
vocentur, retento tamen nomine sabbati et diei Domini-
cœ [h).
Dies hebdomadis apud Ethnicos appellationem habebant
a diis, quorum nomina Romani quibusdam sideribus sacra-
verunt. Primiim enimdiem aso/eappellaverunt, qui princeps
est omnium siderum,sicutetidem dies caput est cunctorum ;
secundiim a hina, quœ soh splendore proxima est et ex eo
mutuat lumen ; tertium a Stella M^r^/s, quae vesper vocatur ;
quartum a Stella Mercurii ; qiiintum a Stella /ovï.s, Phaetontem
sabbati solemnitas rnaxima esset elreliqiias suœ vocisambitu involveret,
ut palet Levitic. 23. e/24. Immolotaui hebdomadaiii hocnomiiie vocarunt
Judael a digniore parle. Iliuc Pharifœus iu Evaugelio (Lmc 8,12) : Jejuno
bis in sabbato,, h. e. hebdomada.
(1) C. Percenit. 12. D. 3; de Coiisecrat . ; C. Oinnes. 1. di Feriis.
(Il, 9.)
(2) Gard. Ursin. (Benedict. xill.), in suis lectionibu.s supra Exod.qnm-
decim rationes et mysleria assignat pro mutatioue sabbali ia diera
Dominicum.
(3) Feriœ, diès cessationum ab opère, allquibus dictée videnlur a
fariendis victimis, aliis ab epulis ferendis, qnod in iis fiebant epulationes
ex provenlu fœtus pecudum et frugum. Apud Clirislianos autem ouincs
dies voeantur feriœ, ut se cogitent omni die feriari debere, li. e. a
vitiis abstinere. Quoad clericos et officia divina dies appellantur fciœ,
quia alteri rei, quam diviuo cultui vacare non debent. ItaJos/a/Ms.
CO Primum hebdomatlis diem jam olira vocarunt Domitiicum, non
aolum quod peculiariter cultui divino esset depulatus : sed ob id potis-
Biniuni quod maximis Dci operibus esset veuerabilis ac fuisset dies Domi-
uica resurrectionis.
DE COMPUTO ECCLESIASTICO.
125
aiunt ; sextiima, Stella Veneris (1) , quam Lnciferum asserunt,
quia inter omnia sidéra plus lucis habere videtur ; septimum
a Stella Saturni. fisidor. Etymol, lib. v, cap. 30, — Patrol.
Migne, tom. 82. pag. 215.)Eadem plane ratione apud astro-
nomes singuli hebdomadis dies a planeta dicuntur, quem
primum cujuscunque diei horaî praeesse cum Pvomanis tin-
gunt. Quœ omnia ut uno in conspectu facile videri possint,
hic velut in tabella descripta reperies.
DIES HEBDOMADIS.
Astronomoram.
Cliristianorum.
Judœornra.
I
Dies Solis.
Dies Dominicus.
Prima Sabbati.
II
« Lunas.
Feria ii.
Secunda Sabbati.
III
« iVlartis.
Feria m.
Tertia Sabbati.
IV
« Mercurii.
Feria iv.
Quarta Sabbati.
V
« Jovis.
Feria v.
Quinta Sabbati.
VI
« Veneris.
Feria vi.
Sexta Sabbati.
VII
« Sabbati.
Sabbatum.
Sabbatinn.
/i7. Hebdomas comparate ad annum considerata. Anni
partitionem in hebdomadas quod spectat, ex ordine notanda
hœc sunt :
1" Eam dividendi rationem, quss originitus Judasorum
propria erat, postea Romanis ac cseteris Gentibus ignoratam
non fuisse, ea probant quas habet Tertullianus Apol. lib, i.
cap 13 : Vos certe estis, qui etiam in laterculum septem dierum
Solem recepistis,
2° Nulli menses cum plenis hebdomadibus adœquantur,
excepto februario, quando litera dominicalis est D in anno
communi ; caeteri menses quippe supra quatuor hebdomadas
biduum vel triduum excurrunt.
(1) Judœi diera ante sabbatum TrapKffxsuyjv, parascevc, h. e. prœpara-
tionem vocabauf, quia eo die parabaniur necessaria, ue praeceptum
cessaodi ab opère die festo sabbati violaretur.
126 COMMENTARIUS
3° Quamvis anni dies septenarium numerum non effîciant.
annum nihilominus constare dicimus hebdomadibus 52,
cum uno die superfluo in annis simplicibus seu communibus,
in bissextilibus cum biduo.
li° In kalendario dies signantur septem prioribus alpha-
beti literis, quae totidem diebus hebdomadis respondent. Si
primus januarii dies, qui primalitera A signatur, dies domi-
nicus sit,omnes totius anni dies hac litera affecti,non exclu-
so 31. decembris, dies dominici erunt : unde sequens annus
initium sumet a feria ii, tertius a feria m, etc. Porro litera
eadem A, quœ primum diem januarii semper afficit, omni-
bus illis feriis vicissim serviet, ac proin literœ G, F, E, ex
ordine dominicales erunt juxta technicum istumversiculum;
Gdudet Francus Eqvo, Daeus Cane, Barbarus Arcu.
Sed de literis dominicalibus postea cap. vi.
MENSIS.
A8. Etymologia. Mensis a Grœcis vocatur (r/">, quod a
fxr^vv), liina, descendit, quia est plus minus spatium illud,
quo luna zodiacum percurrit. Ita Varro Liny. lat. v, 2. At
juxta Ciceronem vocabulum etymon habet a verbo metior;
dicit enim de Nat. Deor. II, 27 : Qui, quia mensa spatia
confichmt, merises nominantur.
Mensium duo sunt gênera ; nam alii astronomici seu
naturales sunt, alii civiles seu politici : naturalium species
duse, quod partim solis (.so/ares) , partim lunae [lunares) esse
dicuntur.
/i9. Secundmn solem fit nïensis, dum sol unumquodque in
zodiaco orbe signum percurrit, estque naturalis solis tran-
situs ab uno zodiaci sigiio ad aliud signum. Haec lib. Ylly
c. I, de Doctr. Temp. Petavius post Censorin. c. 22.
Quia vero sol proprio motu ab occidente in orientem se
promovens singula zodiaci signa non sequali tempore pera-
DE COMPUTO ECCLESIASTICO. 127
grat, sed longius in Ariete, Geminis, cœterisque signis sep-
tentrionalibus moralur, quam in Sagittario, Capricorno et
aliis signis australibus ; idcirco menses solares astronomici
asquales sibi non siint, sed œstivi longiores sunt hyemalibus
et omnium maximus est solstitiarius aestivus, qui compre-
hendit dies3.l, horas 11, minut. prim. 36 ; e contrario om-
nium brevissimus est solstitiarius hybernus, quum solillius
signi portionem enietiatur intervallo dierum 29, hor. 8,
minut. pr. bli.
Prœter hune niensem vcrum et /wœg!^7/fw,spatiahabentem
inœqualia , aliud genus fecerunt astronomi , mensem
me;Uum sive œquabilem^ quando sol œquali niotu zodiaci
signa peragrare fmgitur.
50. Mensis ianaris astronomicus est temporis quoddam
spatium, quo luna orbem unum conficit. Mensis lunaris non
unius generis est ; alius enim periodiais, alius mjnodicus,,
alius apparitionis seu illuminationis dicitur. Mensis lunaris
periodicus, quem etiam comwrsionis, peragrationis, ambula-
tionis et circulum liinœ appellant, est hujus sideris conver-
sio, qua ab aliquo zodiaci puncto circuitu suo peracto ad
idem revertitur, quod fit spatio dierum 27, hor. 7, minut.
prim. AS et minut. secund. 7. Mensis lunaris sijnodicus, qui
kalendario inservit quique a conjunctione lunas cum sole
congressus lunœ vocatur, illud temporis intervallum est,
quod luna inter accessum a sole et reditum ad ipsum insu-
mit. Quoniam intérim dum a sole digressa luna ad eundem
revertitur, sol proprio motu gradus aliquot emensus est,
biduum fere ad solem assequendum requiritur, unde fit,
ut diebus constet 29, horis 12, min. prim. hh, secund. 3,
tert. 11 (1). Mensis synodicus ipse et inmedium et in verum
itidem subdividitur.
(1) Cfr. Clav. Lib. n,cap. 1. Recentiores astronomi mensi luaari syno-
d.ico tribmmt flies 29, hor. 12, 44', 2", 85'". Differontia ergo, quiE sin-
gulis luoatioaibiis est 20'", singulis anuis — 12 luiiationibus constantibus
128 COMMENTARIUS
Tandem mensis lunaris apparitionis sive illuminationis
tempus nominatur a primo conspectii novœ lunœ in eodem
mense usque ad conspectum alterius, quod spatium diebus
28 comprehendi putant chronographi. [Petav. l. c. cap. 4.)
51, îdenses civiles seu politici, juxta Censorin. c. 10, sunt
numeri quidam dierum, quos unaquasque civitas suo insti-
tuto, ad negotia sua tum sacra tum profana accommodâtes
observât, ut Roma a kalendis in kalendas, Graecia a neo-
meniis seu noviluniis in neomenias, non autem a kalendis
in kalendas, quarum usu carebant (1), tametsi halenda-
rum appellatio grœca sit.
Rationem mensium, quos varii populi observarunt, multis
déclarât Petavius in suo opère de Doctrina temporum. Nos
de solis Grsecis et Romanis mensibus pauca hœc notasse
satis habemus.
52, De Mensibus Grœcontm. Grœci mensem quemlibet in
très décades distribuunt : quarum primam decadem !J.ri\6(;
lUxauiÉvou , secundam [x-^ivoç [JLsaouvTOi; , tertiam [ji.v)voi; cpOîvovxo;
vocabant : quasi dicas décade mensis instaniis, décade mensis
medii et décade mensis desinentis. Deinde primœ decadis pri-
mum diem voy[jiY,vt«v, secundum oeuTEoav taraijLsvou, tertium
Tpir>,v îffTaaÉvou , et sic deiocepS usque ad SExarviv i(jTâ[jt.£vou ,
et similiter aliaram decadum dies numéro sui ordinis expri-
munt. Cfr. Theod. Gaza et Poil, primo ôvoa.a(7Tixcov.
Sunt qui dies illunes appellant eos qui sunt a vicesimo
nono ad secundam novam. Id tempus alii coitum, ut inquit
Plinius, alii interluniutn, alii silentis lunœ conjunctionem, alii
— evadet 4", alque iula 2I,C00 annos unum diem efficiet, qui postlapsum
hujus periodi annorum subtrahi potest firma semper manente forma
kalendarii. Cfr. supra u. 17. Unde ex receotiori computo moveri non
potest scrupulus coutra correclionem kalendarii Gregoriani, de qua
infra n, 59.
(1) Hanc ob causam Augustus, quum aliquos nunquam débita soluturos
significare vult ad kalendas grœcas soluturos ait. Suet. Aug. 87. Romani
enim débita solvere tenebautur kalendarum inilio.
DE COMPUTO ECCLESIASTICO. 129
juyiim^ alii et novilunium: Grœci vou[AV)vtav, gu^uy'»^^ cuvoSov,
utetprimamlunam fAvivoeiSTî, h. e. corniculatam et falcatam,
nondum semiplenaiu, sed cavam et cornutam, septimam
vocant Si/ÔToaov xai ■^[xi'To;a.ov, h. 6. semiplenam, dimidiatam,
dividuam, rectam. Undecimam vocant dp-iixopTov h. e. ,gibbo-
sam, gibberosam, turgidam et tumidam. Decimam quintani
Travc£Xr,vov, h. 6., plenilunium et oppositionem dicunt. Apleni-
luniorursum fit ài/cpt^up-ro;, gibbosa , exin rursum 5ixo'to[ao<;,
et tandem fit [ji.vivo£tS7]ç, dum iterum ad cuvooov seu conjun-
ctionem redeat.
Omnes hse lunœ faciès seu Siaôédeiç, visitationes Latinis (1),
Graecis cpacen; etiam dicuntur.
Haec de divisione mensis lunaris a Grœcis adhibita. Ad
formam vero quod spectat, ex prolixa lunationum descri-
ptione, quam habet Petavhis, bas régulas, quœ etiam usui
sunt in kalendario ecclesiastico, excerpsisse pro commentarii
nostri ratione satis erit.
I. In kalendario lunationes civiles, non astronomicae
spectantur (2) . Hinc lunationibus, quae in decemnovennali
cyclo digeruntur,non semper accuratus ille dierum numerus
imputatur, qui syzygiis cœlestibus competit. {Peiav. l. V.
C.9.)
II. Lunatio ejus est mensis, in quo terminatur. Itaque
lunationes omnes, quae v. g. in decembri cœptœ in januario
(1) Luna, ait Vitruv. iv, 4. quoniam cum sole est, nova vocatur; postera
autem die, quo numeralur secunda, praeleriens a sole visitationem facit
leuuem extrrmœ lotnnditatis.
(2) Ejus rei plures a Christ. Clavio [Novi Calend, Apol. lib. i, c. 4.)
afferunlur ratioues. e quibus potissima ea est, quod regionum ac meri-
dianoruna varietas efficit^ ut Ecclesia veris siderum molibus negleclis,
medios seu potius cyclos assumere debeat. Si enim, v. g., luna 14. iiici-
dat ia dieru 21. martii, juxta computum astronomicum ea luna paschaiis
erit in parte orientali; in occidentaii autem non erit. Cseternm sitoinpus
astronomicum verum attendendum esset, annus civilis, qui in kalendario
describitur, exordium sumere debercl ab aliqua fractione diei, horcc
vel minuti, quod ab usu universaliter recepto quam maxime abliorrere
nemo non vidot. Cfr. n. C2.
Revue pes sciences ecclésiastioues, t ix. 9
JùO C0iMMti\TAniU3
desinunt, ipsi januaiio, in quo clauduntur, tribuuntur
(/. c. c. 13.).
III. Lunationes plenœ (h. e. 30 cUerum) cavœque (h.
e. 29 dieruiii) alternis ita disponuntur in kalendario, ut
quo3 in piinmm et impares deinceps menses desinant, plenœ
sint, quœ autem in paribus finiantur, cavœ, paucisexceptis,
/. c. Unde versus :
Luna paris mensis nuriquam trigesima flei,
Iiiipar Iriceno nunqitnm nisi fine carebii.
IV. Lunationes omnes, quœ a februario cœptœ et in mar-
tium desinentes tricenarise alioqui sunt, anno bissextili uno
die auctiores fiimt (/. c. c. 9.).
V. Inilia mensiuui lunariuai varia esse vel ex ipsa mensis
Innaris divisione (num. 50.) adducta patet. Sic lunaris
mensis epocha vel ab ipsa synodo seu coitu luminarium,
vel a cp'^îcTct ac secundo die, vel a cornicutataillius effigie die-
que tertio ducitur. Postrenium hoc initiuui maxime Arabes
adsciverunt : primum vero Judœi in vulgari recentiorique
computo ; secundumolim,stante templo, eosdem observasse,
libro II. docet îetavius. Ex his diversis initiis accidit, ut XV.
luna mensis civilis alias in plenilunium ipsum médium in-
currat, alias uno die saltem antevertat, alias uno item die
velaltero etiam subsequatur. Sed nec illud omittendum est,
quum syzygia lunaris média diebus constet 29, horis j.2,
minutis prim. hh ; dimidiata vero diebus 4A, horis 18
minutis prim. 22, si noviluniorum calculus ab ipso dierum
initio procederet, plenilunium médium decimum quintum
mensis lunaris diem occupaturum fuisse ; sed eumdem
tamen inclinantem ac plus dimidia jam parte confectum.
Verum, quum raro ab ipsodiei civilis exordio neomeniarum
initia colligantur, fit, ut plenilunium médium in XVI. diem
lunationis interdum incidat. Uœc Pefavius lib. V.c. Ih. Cfr.
infra cap. VIII.
53. De Mcnsibui Romanis. Uomulus annum in decem
DE GOMPUTO EGGLESIASTIGO. 131
menses divisit, quorum primus ei-at marthis, secundus
aprilis, tertius mains, quBi'tiisjitnhis; reliqui sex a numéro
suo nomen trahebant vocabanturque guintUis, sextilis, sep^
teinber, octohcr, november, december.
Numa Pompilius, quum Romuli anoum ex decem men-
sibus compositum nec solis nec lunœ cursui congruere cer-
neret, duos menses addidit januarium et februarium (1),
constituitque, ut hic duodecini menslum annus a januario
deinceps exordiumhaberet, eo quod hic mensis fuerit Jano
bicipiti sacer, sicque tanquam bicipitis dei mensis aUer Janus
biceps videretur, respiciendo fmem anni antecedentis et
initium sequentis. [hidor. Etijmol. lib. V. c. 33. n. 3. —
Patrol. Mifine, tom. %'l. p. 219.)
Jdius Cresar, qui ad sohs cursum annum direxit atque
idcirco ex 365 diebus et sex horis constituit, dierum nu-
merum quibusdam mensibus auxit, ut, v. g. , september et
november, qui antea habebant 29, constarent ex triginta, et
sic de rehquis [Siiet. in Vita Aug. et Macrob. Sadjrnal. /, là.),
ita ut annum adhuc inclioando a mense martio, mensibus
imparibus, nerape mrt;//o, inaio, quintili sen julio, septembh,
novembri, januario dies tribuerit 31 ; aliis vera sex paribus,
videlicet aprili, junio, sextili seu auguste, ociobri, decembri,
februario dies solum 30 dederit.
Ad complendum januarium, uhimum mensem imparem,
diem unum subtraxit februario, ultimo mensi pari, cui
proinde reUcti dies 29. Deinde Augustus imperator, œgre
fereus mensem sibicognominem uno die minorem esse juho,
unum adhuc diem subtraxit februario et augusto adjecit,
sicque februario, ut nuncin anno communi, superfuere dies
tantum 28, quasi inferis, quibus erat sacer, et diniinutio et
(I) Hinc Ooid. Liii. i. Fusl. sic canit:
Morlis erat T>rmiis mensis Venerisque secundus,
Hœc generis princepa, ipsius ille pater.
Al ISuma nec Janum nec Avila prœteril Umbra^,
MemUius antiquis prœposiiiliiie duoi.
132 nOMMENTARTUS
par numerus conveniret. [Maci-ob. Saiurnal. lib. I, c. iZ.) Ne
vero très menses continui dierum 31 essent, unum idem
Augustus detraxit septembri et addidit octobri, ac unum
item surripuit novembri et adjecit decembri. [Pnrchot. In-
stitut, pkilosoph. tom. III. p. 2. sect. 2.)Etista quidem ratione
constitutum dierum Tiunierum complectuntur versus hi,
quos pueri didicimus :
Aprile ter ileuos. junius, seplemquo, novembcr;
Uiio plus reliqui : viginli februus octo,
Sod si bissextus fuerit, superadditur unus.
Duodecim menses juliarii vere civiles sunt, quia neque
numéro dierum neque capite cum naturalibus congruunt.
5/i. Romani mensium dies in très ordines distribuebant,
in kalendas^ nonas et idus, a quibus nominibus dies ipsi de-
nominationem acceperunt.
Kalendœ, quas appellationem habere diximus a grœco
verbo /.uI-m, calo, primo cujuslibet mensis accidunt ; nonœ
autem vel in quintum vel in septimum diem cadunt.
Nonarnm. vocabulum varii varie exponunt. Sunt qui
nonas sic dictas putent vel a particula non, eo quod dii non
colerentur nonis, vel a niindinis, eo quod teste Macrob. Sa-
iurnal. 1, 16. nundinœ per novemdies agerentur. Alii contra
putant nonas |dictas esse a nonus, quia a die quinto vel
septimo inclusive usque ad idus, h. e. diem XIII. vel XV.
inclusive norem dies numerantur (1). Alii dcnique nona.s a
novus deducunt, quasi novae initium observationis, c[uia post
novam lunani nonarum die populares, qui in agris erant,
confluebant in Urbem accepturi causas feriarum a rege sa-
crorum scripturique quid esset eo mense faciendum. [Fore.
(1) Addit Macrob. l. c. ex Rulilio, Romanos instiluisse nundinas ul ocio
quidem diebus rustici in agris opiis facerent, no)io autem die, intermisso
rure, ad mercaluram legesque accipiendas Romam veairent. Nundinœ
ergo sudI quasi novendince, noveiii dies, quod idem certe videtur esse
nonarum otymon.
DE COMPUTO EGCI.ESIASTICO. 133
ad. V. Nonœ.) Duas has posteriores notationes adducit Varro
Ling. lai. F, Ix.
fdus, h. e. nonus dies mensis a îiotiis numeratus, vel
in XIII. vel in XV. mensis contingunt. Vocabulum ab an-
tique verbo iduare, quod est dividere, deduci creditur, quia
cii'ca médium mensem occurrunt eumque veluti in duas
partes œquales dividunt, juxta Horal. lib. IS . can/i. od J1 ;
Idus tibi sunt agendœ.
Qui dies mensem Veneris viarinœ
Findit aprilem.
Qui cujusque mensis dies appellationem Kulendarum,
ISonaruni^ Idmim sortiantur, hi versus docent :
Prima dies mensis cujusque est dicta KALEND.E,
Sex Maius nonas, October, Julius et Mars,
Quatuor at reliqui : tenet IDUS quilibet octo ;
Inde dies reliquos omnes dtc ante kalendas,
Quas relro nominans sûmes a mense sequenti.
55. Dies in ter kalendas, nonas et idus medii ab his ipsis
diebus rétro numerantur, usque ad dieni alterius deno-
minationis, v. g., dies 31. julii {dies ante seu) pridie kalendas
augusli; dies tricesimus, tertio kalendas augusti; dies vicesi-
mus nonus quarto kalendas augusti dicitur, et sic porro rece-
ditur usque ad 15. julii, qui idus appellatur. Ab hoc iterum
rétro numeratur, ita ut Ih. sit [dies ante seu) pridie idus
julii; 13. tertio idus julii etc., donec ad 7. julii deveniatur,
qui nonœ vocatur, ac eadem prorsus ratione usque ad pri-
nmm diem mensis, cui kalendarum nomen est, perveniatur.
Si dies Romanos ad nostri kalendarii rationem revocare
velis, observanda hœc sunt :
Si de nonis, aut idibus sermo sit, quis dies nonse, quis idus
in illo mense dicatur, inquire. Huic numéro unitatem addes
atque a summanumerum, quo dies Romanus eflertur, sub-
duces ; residuum dabit diem nostro kalendario respon-
dentem. V. g. quinto idus décembres si invenias, scias 13.
13Zj COMMEMARIUS
dieui dici idus. Huic adde i, suinma erit Ih ; a qua sub-
trahes 5, et novenarius residuus indicabit, esse nomnn
decembris kalendarii nostri.
Quodsi halendœ in veterum Romanorum scriptis vel in
kalendario Romano occurrant, v. g. 13 kalendas jnlia^,
meminisse oportet, quot dies habeat Juniiis (supra n. 53.) :
numéro dierum mensis, v. g. junii, adde duo et habebis 32,
a quibus si 13 subduxeris, dabit residuum 19. diem junii
kalendarii nostri.
Contrarium obtinet, si denominationes dierum in kalen-
dario nostro receptas Romano more exprimere velis. Viden-
dum nimirum, utrum diesdatu? in nonas, idus an kalendas
incidat ; si vero in nonas aut idus cadat, numéro nonarum
aut iduum addes unitatem, asummasubtrahesdiem dictum
et residuum indicabit dieni nonarum aut iduum. Si v. g.
quœratur, qua ratione 2. julii Romano more exprimatur,
quum nonœ hujus mensis incidant in 7. diem, dies 2. Julii
in nonis collocandus erit. Tum7 augebis unitateetsummaeS
demes dictum diem 2. Julii : quod supererit indicabit nonas
julii, nempe 6 nonas julii. Eadem ratione de idibus disse-
rendum.
Si vero dies propositus ad kalendas pertineat, numerus
dierum mensis per 2 augendus, a summa datus numerus
subtrahendus, residuoque kalendarum nomen erit, addita
denominatione a mense sequente. Sic 2/i. oclobris expri-
metur nono kalendas novembres. Si enim numéro dierum
mensis octobris duo adjunxeris, habebis 33 : demptis"2ii,
superfluus erit numerus nonarius. [Petav. l. c. lib. vu.
cap. ?.)
Ex dictis etiam patet, formas quarto lalendas, tertio
nonas etc. ellipticas esse ; plena oratio enim foret quarto,
tertio die ante lalendas, nouas, etc.
56. De nomenclafura mensium Romanorum hœc docent,
qui originem et rationem verborum exponunt.
DE COMPUTO ECGLESIASTir.O. ]lVl
Januarius, olim undecimus, deinde piimus anni luensis,
a Jano iDicicipite, cui sacer ej'at, nonien habet. S. Hieronymm
Ezcch. 28. Januarium tamen dictuin putat, quod anni sit
janua et limes.
Februarius dictus est a fehniis. (1), quod lum februaretur
popidiis, h. e. expurgaretur. Nam Luperci primo die, qui
febniatus dice])atur, omnem Urbem veterem pelles caprinas
iu manibus gestantes circumcursabaiit idquepiamen cense-
balui*. Prseterea duodecim diebus continuis pro defunctoruui
manibus fcbrun, h. e. sacrificia expiatoria fiebant (2). Puta-
bant enim antiqui Romani, supertitiosis suis sacrificiis ani-
mas corpore jam exutas purgari purgatasque cum inferorum
diis sic placari posse, ne sibi, ut timebant, apparerent et
nocumentuiii afferrent. Alii tamen Februariuni dictum putant
a deo Februo, id estPlutone vel Plutonis pâtre, cui eo uiense
sacrificabatur. [Macrob. Saturnal. i, 13. S. Isidor. Etymol.
lib. V. c. 33.)
Murtius primus olim ipsius anni mensis Marti parenti
dicatus a Piomulo, ut est apud Ovid. Fast. l. c. : Martis cral
primus mensis.
Apriiis ita dictus, quasi aperilis , quod terram apeiiat ad
producendas herbas et fruges [Varro. Ling. lat. v, h.
Macrob. Sat. i, 12) ; vel quasi Aphrilis ab àf ioî;, spuma, quod
Venus, cui sacer erat, ex spuma maris orta dicitur,ex que et
'AyfocÎTV) appellatur. (Oy/f/. /. c.) Alii tandem a nomine aper
deducunt, quod eo uienseporcus sacrifical3atur.
(>) Fehrua dicntiautur sacra cxpialoria et omne id, quod olim vim
purgaDdihaljere existimnbalur. Vocalinliim clymon liabola verbe ferbeo
sGii fcrveo ; unde ferbuum et trajefUs lileris fcbrunm ; nam hislralio fic-
hât plurimum igné aiU uudis fervenlibus.
;2) Hinc Ovid. Fast. 2 :
« Ipse sacerdotem jactanlem
Ffbvua vidi,
h. e. vidi aspergcuLem purgaliones. [Tostat. p. m. Defcmorii, c. 81.)
1S6 COMMENTARIUS
Maius iiomen haJDet a majoribns natu , in quorum gratiam
erat consecratus, sicut sequens Junius a junioribus (1) , qui-
bus erat dicatus, majoribus nimirum rempublicam gerenti-
bus consilio, minoribus vero armis; juxta nonnuUos
etymologos autein nomeri habet a Dea Mam, matre Mercurii,
cui hoc mense sacrificabant, vel a Maio Deo, h. e. Jove.
Junius a junioribus vocatur, quos Romulus voluit régie
corpori adesse et armis rempublicam defendere, ut dictum
est. Alii tamen putant, appellatum esse a Juventute seu
Hebe, filia Junonis, quam Romani in Deorum numéro vene-
rati sunt. Alii censent a Junone vocatum esse et primo di-
ctum fuisse Junionalem vel Junionium, deinde Junium per
syncopen. Alii a Junio Bruto,qui primus consul fuit et civi-
tatem regio dominatu liberavit. Alii a jungo, extrito g, in
memoriam illius unionis, qua Romulus et T. Tatius, rex
Sabinorum, regnum et populum junxerunt.
Julius, olim Quintilis, h. e. quintus mensis a Martio, ita
appellatus est in honorem Julii Cœsaris, legem ferente
Marco Antonio consule, quod eo mense a. d. IV. Idus natus
esset, ut apud Macrob. Sat. i, 12 legitur.
Augustus olim a ioco quem a Martio obtinebat Sextilis
dictus, in Octavii Gaesaris honorem Augusti nomen adeptus
est, quia eo mense primum consulatum inierat, ter trium-
phator in Urbem ingressus fuerat,yEgyptum in ditionem
populi Romani redegerat fmemque imposuerat bellis, ut
est in ipso senatus consulte hac de re lato quod a Macrobio
Sat. I, 12 refertur.
Reliqui quatuor menses September (2) , October, November,
(1) Unde Ovidius l. c. :
Tertius a senibJis, juvenum de nomine quartus.
(î) Respublica Gallicana ex decrelo 24. novemb. 1793. inilium auni
ad 22. septembris Iransferens duodecim menses ita vocavit : Vendémiaire,
Brumaire, Frimaire; Nivôse, Ventôse, Pluviôse; Germinal, Floréal, Prai-
rial ; Messidor, Thermidor, Fructidor. Et hac mutatio quidem adhiberi
DE COMPUTO ECCLESIASTICO. 137
Decemhei\, siiiipliciter nouien liabeiit a loco queiu a Martio
Romulei anni exordio, obtinent. {Varro Ling. lat. v, Zj.
Auson. de tnensibus.) Et quavis er sive ber nihil nisi terminatio
esse videatur, sunt tamen, qui nomen etymologica ratione
resolvendum putent in voces septem, octo, novem, decem^ et
ùnber eo quod, ut aiunt ipsi, ab itnbre vocarentur Septeni-
ber, October, Noveuiber, December, quippe his mensibus
notato intervallo pluviam ad vinderaiam et serendum perne-
cessariam prisca œtas sibi proniittebat : a Decembri vero
desinunt menses ab imbre, quoniam refert agricoias hiemes
optare serenas. Ita Fore. Hinc Cassiodorus, Variarum sive
epistolarum lib. i, 35. ait : Quod ab ipsis quoque mensibus
datur intelligi, qiiando ex numéro imbrium futitrorum compe-
tenter nomina susceperuni . Et S. hidor. Eltjmol. l. v. c. 33.
cit. : Sepiember, inquit, nomen habet a numéro et imbre, quia
septimns est a Martio et imbres habet. Sic et October, JSovember
atque December ex numéro et imbribus acceperunt vocabula.
De Ronianorum mensibus etiam scripsit Beda Venerabilis
de Temporum ratione ce. 12. et 13. iPatrol. Migne, tom. 90.
png. 3Zi7.), quem vide, si plura vis de his cognoscere.
N. N., Sacrorum ca7ionum Prof.
(La suite au prochain numéro.)
aKepublica cœpta esta. 1792, sed inox, b. e. a. 1806, nomina prisliua
suis reddita mensibus fuerrnt, ut adeo dici de gallicana innovatione
possit, quod priori illi raulationi accidisse narrât Mlius Lampridius,
quam Commodus Antoninus facere lenlaverat, nimirum post obilum ejus
in senatu acclamatum; menses his nominibus nuncupandos, quibus nuu-
cupabantur, quum primum illud malum in rempublicam incubuit. [.■El.
Lamp. in Vita Commodi Antonini.)
LA BIBLE
ET LA SCIENCE DE LA NATURE
UiBEL UND NATLJR. Vorlesunp;en iiber dio mosaiclie Urgescliichte und
ilir Verliaeltniss zu deu Ergobnis-eii der Natiirforschung. Von D' F.
H. Reusch. Freihnrjj, Herder, 1862. — CûsmogoiNIA natuhale comparala
col Gcucsi, del P. G. 15. PlANCiANi, D. C. D. G. Roma, coi tipi dclla
Civiltà cattolica, 1862. — Études géologique^?, pliiloloi^iqaes et scrip-
turales sur la Co?mo!ïouie de Moïse, par lo I'. Laurent, prov. des
FF. Min. Capucins. Paris, Mme vcuve Paussi>Mgue-Rusaad, 1863.
yualri'iae arliolc (1)
VI.
Les bases étant maintenant posées pour l'interprétation
complète du premier chapitre de la Genèse, et les princi-
pales difficultés résolues, nous passerons rapidement sur le
reste. Il nous suffira de traduire le texte, en y ajoutant
quelques courtes observations destinées à faire ressortir le
système cosmogonique de la Bible. G'e^t là, en effet, qu'on
ne l'oublie point, tout ce que nous nous proposons actuel-
lement. Après avoir recherché ce que la Bible enseigne sur
les questions d'origine, nous verrons ce que la science dit
à son tour, et nous comparerons ce double enseignement.
(( 6. Et Dieu dit : Que le firmament se forme au milieu
des eaux, et qu'il sépare les eaux d'avec les eaux.
(1) V. lome VIII, p. 193 ss., 101 ss,, 515 ss.
r.A RIRLE ET LA SCIENCE UE l.A NVTURE. 130
« 7. Et Dieu lit le firniameiit, et il divisa les eaux qui
sont sous le firmament d'avec celle? qui sont sur le firma-
ment. Et il en fut ainsi.
f( 8. Et Dieu donna au firmament le nom de ciel. Et le
soir vint, puis le matin : ce fut le second jour. »
A.près le premier jour et la création de la lumière, l'abîme
porte encore dans son vaste- sein les principes des choses.
Le chaos cédera peu à peu devant l'action créatrice. D'abord,
le firmament apparaît, les eaux se divisent, une partie s'é-
lève vers les espaces supérieurs, tandis que l'autre immerge
toujours le globe. Il est souvent question clans l'Ecriture
des eaux qui sont au-dessus des cicux, qui remplissent les
nues et qui en descendent sous forme de pluie (1), Qu'est-
ce que le firmament ou les cieux qui les divisent d'avec les
eaux inférieures, et leur servent en quelque sorte de récep-
tacle? Le mot grec employé par les LXX, ff-cspïwfjia, et le mot
latin de la Vulgate, fuiaamentum, expriment l'idée de sup-
port, de soutien. L'hébreu présente une notion tin peu dif-
férente, celle d'étendue (l^'^pl, diduclum, extenmm,expanxiim,
de la racine ^pl, lutudit, tundendo crpandit). C'est un voile,
ou, selon l'expression du Psalmiste, une tente jetée sur la
terre (-2) ; c'est cette voûte que nous apercevons au-dessus
de nos tètes. L'auteur a dû employer nécessairement le
langage usuel de son époque, langage qui du reste ne s'est
point modifié avec les progrès de la science, et que nous
employons encore aujourd'hui. Peu importe le sens que
ses contemporains et lui ont pu attacher à ces formules. Il
suffit que leur usage soit ici justifié, et que par là même
elles n'impliquent point une erreur (3) .
(1) Ps. cm {Héb. civ% 3. c^Lviii, 4. — Jer. x, 13. — Job. xxvi, 8. —
P3. Lxxvi (Héb. Lxxvii), 18, etc.
(2) Ps. cm (Héb. civ), a. — Is. xl, 22.
(3) V. mou premier article, tomo vni de celte Revue, p. 206 s.
J llO L\ BIBLE
« 9. Et Dieu dit : Que les eaux qui sont sous les deux se
rassemblent en un même endroit, et que l'aride apparaisse.
Et il en fut ainsi.
« 10. Et Dieu donna à l'aride le nom de terre, et la
réunion des eaux, il l'appela mer ; et Dieu vit que cela
était bon.
« 11. Et il dit: Que la terre produise à sa surface de
l'herbe, des plantes donnant leur semence selon leur espèce,
et des arbres donnant des fruits qui renferment leur semence
selon leur espèce. Et il en fut ainsi.
« 12. Et la terre produisit de l'herbe, des plantes donnant
leur semence selon leur espèce, et des arbres donnant des
fruits qui renfermaient leur semence selon leur espèce. Et
Dieu vit que cela était bon.
« 13. Et le soir vint, puis le matin : ce fut le troisième
jour. »
Les eaux qui recouvrent la terre sont à leur tour concen-
trées sur une partie de sa surface ; la portion émergée se
recouvre d'une riche végétation qui la prépare à devenir le
séjour des êtres vivants et spécialement de l'homme. Les
produits du règne végétal sont ici rapportés à trois caté-
gories, d'après leurs caractères les plus saillants, ou plutôt
d'après l'aspect général qu'ils présentent à l'extérieur. Il
y a l'herbe, '^ISI, c'est-à-dire cette couche de verdure, cet
amas de petits végétaux qui recouvrent le sol comme d'un
tapis ; atZ??, les plantes à tige plus élevée, celles dont la
floraison et la fructification est bien visible ; ■}*!? enfin, les
arbres proprement dits. A propos des plantes et des arbres
seulement, il est question de la semence qu'ils produisent :
c'est que pour les cryptogames et autres petits végétaux
appartenant à la première catégorie, la semence existe bien,
mais elle se dérobe à l'observation vulgaire, ou du moins
elle ne peut être facilement aperçue. Il était tout simple
que l'histoire sacrée laissât dans l'ombre un détail tout
ET LA SCIENCE DE LA NATURE. illl
scientifique, lequel d'ailleurs n'a rien de commun avec le but
de la révélation.
Au V. 11, j'ai traduit : « Que la terre produise à sa sur-
face, etc. » J'ai voulu rendre par là les mots f"lï;n"b9 {super
te/ram), qui modifient le verbe ïSfTn {germinet) placé en
tête de la phrase, en ce sens que les trois catégories de
végétaux énumérées serviront à revêtir le sol. D'autres les
rapportent aux arbres, qui élèvent fièrement au-dessus de
la terre leurs fruits et leur semence. Mais cette manière de
traduire est bien moins naturelle ; les mots n'impliquent
pas une idée d'élévation, de haute stature ; il faudrait tout
au moins flïiiïTb?», et encore la construction conserverait
je ne sais quoi de forcé.
L'œuvre des trois premiers jours est achevée ; la scène
est prête pour devenir le séjour de la vie : il ne reste plus
qu'à lui donner des habitants. Ce sera l'œuvre des trois
derniers jours. Ceux-ci répondent aux trois premiers par un
parallélisme exact : il y a deux groupes ternaires de créations
coordonnées avec une frappante harmonie. Au premier jour,
la lumière est créée : au quatrième, les astres en deviennent
les dispensateurs et commencent à briller dans la voûte des
cieux. Au second jour, le firmament apparaît, les eaux su-
périeures se séparent des eaux inférieures : au cinquième,
les oiseaux et les poissons sont créés, les hôtes des airs, ou
du firmament, et ceux des eaux. Au troisième jour, la terre
émerge du fond de l'abîme restreint dans ses limites et les
plantes en ornent la surface : au sixième, les animaux
viennent prendre possession de ce séjour, et l'homme, le
roi de la création, apparaît pour y dominer.
Étudions ce complément de l'œuvre divine.
« 1/i. Et Dieu dit : Qu'il y ait des luminaires dans le
firmament, pour diviser le jour et la nuit ; qu'ils servent de
signes, et qu'ils marquent les époques, les jours et les
années.
Iii2 L'i BlCLli
« 15. Et qu'ils servent de luminaires clans le firmament,
afin d'éclairer la terre. Et il en fut ainsi.
« 16. Et Dieu fit les deux grands laminaires : le plus
grand, afin de régner sur le jour, et le plus petit, afin de
présider à la nuit, ainsi que les étoiles.
« 17. Et Dieu les plaça dans le firmament, afin d'éclairer
la terre,
« 18. De régner sur le jour et sur la nuit, et de diviser
la lumière et les ténèbres. Et Dieu vit que cela était bon.
« 19. Et le soir vint, puis le matin : ce fut le quatrième
jour. »
Oui, le soleil et la lune sont bien les deux asti-es par
excellence, les deux luminaires qui tour-à-tour nous servent
et éclairent notre monde. Et que m'importe qu'il y ait des
astres en réalité cent fois, mille fois plus considérables, s'ils
apparaissent à mon regard comme un point lumineux perdu
dans les profondeurs de l'espace? Par rapport à moi, par
rapport à cette terre et à ses habitants, ils sont peu de
chose et leur influence est à peu près nulle. Le jugement
de l'œil, ici, a bien sa parfaite vérité. Après cela, que la
science fasse ses calculs sur la grandeur absolue et la dis-
tance respective des corps célestes, je ne m'y oppose en au-
cune façon, ni la Bible non plus, car c'est un ordre de re-
cherches tout-à-fait en dehors du cercle d'idées qu'elle
embrasse.
Les corps célestes sont destinés en outre à servir de signes
pour diriger le voyageur et le nautonnier, pour indiquer la
pluie et le beau temps, quelquefois aussi pour annoncer les
conseils divins (1). Ils marquent les épocfiesào,?) fêtes et des
travaux, de tout ce qui revient à intervalle fixe : c'est enfin
d'après leur cours qu'est réglée la division du temps en
jours, mois et années.
(1; MaUli XXIV, 29. — Aijoc. VI, 13. viii, 10. — Ji;r. x, 2, etc.
ET LA SClENCt: DE LA NATURE. I/|3
La Genèse représente les astres comme placés dans le fii-
niament, locution usuelle, basée sur les apparences, que
Moïse emploie comme tout le monde et d'où, par consé-
quent, on ne'peut rien conclure par rapport à ses connais-
sances astronomiques. Au reste, rien ne nous oblige à croire
qu'il ait eu en astronomie des idées autres que celles de
son époque.
(( 20. Et Dieu dit : Que les eaux pullulent d'une quantité
d'êtres vivants, et que les oiseaux voltigent au-dessus de la
terre, à la surface du lir manient.
« 21. Et Dieu créa les grands poissons, et tous les ani-
maux rampants que les eaux firent pulluler selon leur espèce,
et tous les oiseaux ailés selon leur espèce. Et Dieu vit que
cela était bon.
« 22. Et Dieu les bénit en disant : Produisez, multipliez-
vous, et remplissez les eaux de la mer, et que les oiseaux
se multiplient sur la terre.
« 23. Et le soir vint, puis le matin : ce fut Je cinquième
jour. »
La vie commence par les degrés inférieurs pour s'élever
par la suite aux plus parfaits : les poissons et les oiseaux
d'abord, puis les animaux terrestres et enfin, l'homme,
le, chef-d'œuvre du Créateur. Le texte ne dit nullement que
les animaux furent créés par couples uniqiies et en un seul
endroit. On peut croire au contraire qu'ils commencèrent à
exister en grand nombre, et sur tous les points du globe:
c'est ce que semble dire expi-essément, du moins pour la
quantité, le texte du v. 20 : Que les eaux pullulent d'une
quantité d'êtres vivants, el que les oiseaux voltigent au-dessus
de la terre, à la surface du firmament.
« 2Zi. Et Dieu dit : Que la terre produise des êtres vivants
selon leur espèce, les quadrupèdes, les reptiles et les bêtes
des champs selon leur espèce. Et il en fut ainsi.
« 25. Et Dieu fit les bêtes des champs selon leur espèce,
1A4 LA BIBLE
et les quadrupèdes selon leur espèce, et tous les reptiles
terrestres selon leur espèce. Et Dieu vit que cela était
bon. »
Le règne animal, à l'exception des oiseaux et des poissons,
créés au cinquième jour, est rangé sous trois catégories :
1° M'cna, qui désigne les grands quadrupèdes, mais spécia-
lement les animaux domestiques, comme le bœuf, la brebis,
la chèvre ; 2» ©"CI, tout ce qui rampe, tout ce qui n'a
point de pattes ou n'en a que d'imperceptibles, car l'hé-
breu étend cette catégorie des reptiles un peu au-delà de
ses limites naturelles ; 3° 'j^l^n'n'^n, les bêtes des champs,
tous les animaux sauvages qui ne sont pas directement
destinés au service de l'homme, mais qui vivent en liberté
dans les bois et dans les plaines.
Une remarque déjà faite trouve ici de nouveau son appli-
cation. Le texte ne dit point que les animaux furent créés
par couples, de telle sorte qu'il n'ait existé à l'origine que
deux individus de chaque espèce d'où les autres soient des-
cendus. Il est plus probable qu'ils furent créés simultané-
ment et en grand nombre sur tous les points du globe alors
habitables. Mais le genre humain devait avoir ce privilège
d'une dérivation unique, qui rapproche tous les hommes
issus d'une même souche par les liens d'une fraternité uni-
verselle. L'enseignement de la Bible est on ne peut plus
exprès à cet égard : c'est une leçon que Dieu a tenu à nous
inculquer, parce qu'elle devait avoir la plus grande influence
rehgieuse et sociale, et qu'elle est d'ailleurs la base de l'é-
conomie de la rédemption. En effet, pour que tous les
hommes soient rachetés par le Christ, il faut que tous aient
péché en Adam, et par conséquent que tous descendent
de lui.
<( 26. Et Dieu dit : Faisons l'homme à notre image, selon
notre ressemblance, et qu'il domine sur les poissons de la
mer, sur les oiseaux des cieux, sur les animaux domestiques
ET LA SCIENCE DE LA NATURE. 145
et les bêtes des champs (1), et sur tous les reptiles qui
rampent sur la terre.
« 27. Et Dieu créa l'homme à son image : il le créa selon
l'image de Dieu ; il le (2) créa mâle et femelle.
« 28. Et Dieu les bénit, et il leur dit : Produisez, multi-
pliez-vous, remplissez la terre et soumettez-la à votre
empire ; dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux
des cieux et sur tous les animaux qui se meuvent sur la
terre.
« 29. Et Dieu dit : Voilà que je vous ai donné toutes
les plantes produisant leur semence qui sont sur toute la
surface de la terre, ainsi que tous les arbres ayant des
fruits garnis de leur semence : cela vous servira de nour-
riture.
« 30. Et à toutes les bêtes des champs, à tous les oiseaux
du ciel, à tout ce qui rampe sur la terre et est animé, j'ai
donné pour nourriture toutes les plantes verdoyantes. Et il
en fut ainsi.
« 31. Et Dieu vit que tout ce qu'il avait créé était très-
bon. Et le soir vint, puis le matin : ce fut le sixième
jour. '»
On a remarqué bien des fois la solennité de ce récit, ce
conseil que Dieu tient avec lui-même et qui indique la gran-
deur de l'œuvre future. On a remarqué aussi que ce pluriel :
Faisons l'homme à notre image, est un indice du dogme de la
Trinité, qui appartient à la révélation du Nouveau-Tes-
tament, mais dont on trouve aussi des vestiges dans l'An-
(1) Le Clerc, Ilgon, Ewald, D°lilz5cli, suivant eu cela la version
syriaque pensent qu'il faut rétablir dans le texte le mot Vi^Tl entre
bSDI et 'J'I^M. Cette conjecture, qui e^t très-plausihle, n'a cependant
nas fiour elle l'autorité des témoins critiques. Knol>el traduit de la même
manière, sans rien changer au texte, en comparant l'usage du mot
V^ïiin dans Gen. ix, 13, 19; XI, 1, et Job. xu, 8.
(•2) Mot à mot, il les créa mûl-i et femelle, formule qui indique la
dualité et la séparation. V. le récit plus détaillé du ch. a.
llbWlK itS SclE.NXtS £:CCl.f.S;A;TiQL't?, T. IX ^^^-
ihQ LA BIDLE
cien (1). La création de l'homme est reprise et racontée
avec plus de détails dans le chapitre second : il est donc
nécessaire d'y recourir afin d'avoir quelque chose de com-
plet. Ici, le fait est exposé d'une manière sommaire, et
qui laisse dans l'ombre des circonstances très-importantes,
le sommeil d'Adam, l'origine particulière et distincte de la
femme, l'état primitif des pères du genre humain, l'insti-
tution du mariage avec son caractère d'unité et d'indisso-
lubilité. En revanche, il y a un point de vue qui ressort
plus particulièrement au chapitre premier: c'est l'empire de
l'homme sur les animaux. Dieu l'établit roi de la création.
Et bien que par sa chute il ait perdu beaucoup de son au-
torité, il continue toujours à exercer une sorte de domination
sur les animaux, alors même qu'ils sont doués d'avantages
physiques supérieurs aux siens. Il les subjugue par les in-
ventions de son génie : que dis-je ? Sa présence seule suffît
souvent pour les intimider: les plus farouches, dans les cir-
constances ordinaires, quand ils ne sont point pressés par
l'aiguillon impérieux de la faim, prennent la fuite à l'aspect
de l'homme.
Le verset 29 donne lieu à une difficulté spéciale. En assi-
gnant pour nourriture à nos premiers pères les produits du
régne végétal. Dieu a-t-il voulu leur interdire la chair
des animaux? Le texte ne contient pas de défense expresse
et directe. Peut-être les hommes les plus pieux s'abstinrent-
ils jusqu'à la concession positive faite après le déluge (2).
Mais les troupeaux nourris parAbel semblent indiquer des
habitudes contraires : le lait et la laine n'étaient sans doute
pas les seuls produits recherchés par ceux qui, dès lors,
réunissaient un grand nombre de brebis et de chèvres. Puis
l'usage des sacrifices existait déjà; et n'est-il pas probable
(Ij V. mon tleuxièaie article, t. viii, p. 404.
(2) Gon. IX, 3.
ET LA SCIENCE DE LA NATURE. l/l?
que ceux qui en offraient prenaient part à la victime? En
tout cas, le texte de la Genèse i, 29, ne nous paraît pas
impliquer une prohibition proprement dite (1).
A plus forte raison ne faut-il pas urger dans un sens res-
trictif le verset 30, comme si tous les animaux, avant le
péché du premier homme, avaient été herbivores. Saint
Thomas ne craint pas de qualifier cette prétention comme
absurde (2). Il n'est pas plus exact d'enseigner avee les pié-
tistes qu'avant la révolution opérée parla chute primitive, les
animaux étaient comme l'homme exempts de la maladie et de
la mort, qu'ils ne s'attaquaient point les uns les autres, etc.
C'est là une imagination qui n'a aucun, fondement dans le
texte sacré. Il est bien dit dans l'épître aux Romains que la
mort est entrée dans le monde par le péché : mais il est
clair qu'il s'agit là, comme dans le troisième chapitre de la
Genèse, delà mort relativement à l'homme.
« II, 1. Alors furent achevés les cieux, la terre et tout ce
qui les peuple.
« 2. Et Dieu termina au septième jour le travail qu'il
avait accompli, et il se reposa le septième jour du travail
qu'il avait accompli.
(1) « Hinc cominuiiior Patrum et Docloruiu soiitcnlia esl, homines
usqiie ad ililuviuui in ciljo ila fiugales fuis3(", ut herbis et fruclibus
vescereulur, carnibus vero, aeque ac viiio, abstiuercnt, idque non ob
aliquod Dei prœceptum, sed ob religionem quamdaui inde ualam, qnod
uecdum Dcus carLium et viui usum expresse et diserte coticessisset. »
Cornel'us a Lapide, in L. 1.
(2) Hoc esl oiunino irrationabiUi : non euim p <r peccatum liominls na-
tuia auimaliuin est luutala, ut quibiis nuuc ualurale est comedere alio-
rum auimalium caruos, tune vixisscnt de herbis, sicut leones et falcones.
Nec Glos. Bed.'P, dicilGen. i, quod ligua, et herbaedatœsunt omnibusauima-
libus et avibas in cibum, sed quibnsdam. Fuisset erfjo naturalis discordia
inter quaedam auimalia. Nec tamen propter boc subtraherentur dominio
houiinis, sicut nec nuuc propter hoc subtrahuutur dominio Dei, cujus
provideutia hoc totum dispensatur. Ethujiis provideutiœ homoexecutor
fuisset; ut eliani nunc apparet iu animalibus domesticis. Miuistrantur
enlta fulcouibus domesticis per homines gallinae in cibum. » S. Thom.,
I p., q. 9»;, a. i, ad 2.
148 LA BIBLE
« 3. Et Dieu bénit le septième jour, et il le sanctifia,
parce qu'en ce jour il se reposa de tout son travail qu'il
avait accompli en créant. )>
Dieu termina son travail au septième jour, c'est-à-dire
qu'il le cessa : son œuvre avait été achevée pendant les six
jours qui précédèrent. Nous touchons ici à l'un des points
culminants de la narration. Ce repos divin est le type du
repos prescrit à l'homme après les travaux de la semaine,
qui courbent son front vers la terre, et qui l'empêchent de
songer d'une manière suffisante à sa destinée supérieure,
aux moyens de l'atteindre. Comme Dieu se renferma le
septième jour dans le repos de son éternité, ainsi nous de-
vons ce jour-là renoncer à toute occupation extérieure et
absorbante pour vaquer plu^ spécialement à la prière et
nous occuper des intérêts de notre âme.
VII.
Tel est le système cosmogonique exposé dans la Genèse
comme introduction à l'histoire de l'humanité déchue et
régénérée par le Christ. Quand je dis système cosmogonique,
il faut entendre ce mot dans un sens large, car la Bible n'a
pas prétendu nous renseigner sur les questions d'origine,
si ce n'est accessoirement et en tant qu'elles se rapportent
à son but religieux. Il y a donc des données éparses, point
de système proprement dit, et encore moins de système
scientifique. Ces données sont comprises en entier dans
Gen. I, 1 — II, 3. Ce qui suit n'y ajoute rien d'essentiel.
L'historien sacré reprend en quelques mots la création des
plantes, afin de parler du paradis de délices planté par Dieu
dès l'origine ; il raconte en détail la création de l'homme ;
il joint à ce récit celui de la chute originelle avec ses con-
séquences. Tout cela est d'un importance suprême au point
de vue de l'économie divine, mais ne touche plus à la
ET LA SCIENCE DE LA NATURE. 140
science profane que par des côtés très - accessoires. Je
ne vois guère surgir ici qu'une question géographique
relative aux fleuves du paradis terrestre. Je le répète, sur
les origines du monde, le chapitre premier de la Genèse
renferme d'une manière complète les notions qu'il est pos-
sible de tirer de la Bible. Nous pouvons et nous devons nous
en tenir là.
Si, en nous appuyant sur les recherches précédentes,
nous voulons résumer d'une manière exacte ce qui est
renfermé dans ce chapitre, nous distinguerons l'enseigne-
ment religieux qui en forme le contenu essentiel, — et le
cadre ou les accessoires avec lesquels cet enseignement se
présente.
Les doctrines religieuses fondamentales sont celles-ci :
1° Dieu est l'auteur de tout ce qui est, non-seulement de
la matière qu'il a créée, tirée du néant, mais aussi de toutes
les formes de l'existence sans exception. Tout est l'œuvre
de sa puissance, tout est sorti bon et pur de ses mains.
2" Le repos du Sabbat est d'institution divine : les six
moments ou les six jours de la création couronnés par le
repos, sont le type de la semaine d'ici-bas.
Ainsi un Dieu distinct du monde, personnel, auteur de
toutes choses ; un jour par semaine consacré à un repos
religieux, à un repos sanctifié, voilà les deux grandes leçons
inscrites au frontispice de nos Livres saints.
Cet enseignement se meut dans un cadre qui touche à
beaucoup de questions du ressort de la science humaine.
Voici, à cet égard, les données qui resscii"tent du récit.
1" Une période anté-historique, pendant laquelle règne un
chaos dont nous ignorons les causes et la durée : ténèbres
complètes comme sur la surface de l'abîme.
2° L'histoire et les indications chronologiques commencent
avec la parole qui fait jaillir la lumière comme premier élé-
ment de l'ordre de choses qui va naître par des inter-
ventions multiples de la cause créatrice.
ibO LA BIBLE
3" L'œuvre ^totale s'accomplit en six jours, selon une
marche naturelle ascendante, qui est indiquée d'une manière
précise et dont il faut évidemment tenir compte. D'après
les ternies et le sens général du récit, ces jours sont, non
pas des périodes indéterminées, mais des jours ordinaires
de vingt- quatre heures.
A" A la différence des espèces animales, qui ne semblent
point procéder d'un couple unique, un seul homme est créé
avec sa compagne pour devenir la souche commune du genre
humain.
Ainsi, la durée hmitée de la création, l'ordre suivi par le
Créateur, l'unité de l'espèce humaine, voilà, ce semble, les
trois points qui mettent le récit mosaïque en contact avec
la science profane. Sur le premier, les exégètes sont loin
d'être d'accord. Beaucoup, nous l'avons dit, donnent au
mot jour une signification plus étendue, qu'ils cherchent à
établir par des arguments philologiques ou autres. Nous
avons dit combien leur argumentation est défectueuse.
Nous ne croyons point que les principes d'une saine exégèse
permettent de changer ainsi la signification constante d'un
mot, signification qui est confirmée encore par des preuves
tirées du contexte immédiat et du but du récit.
Au reste, nous n'hésitons pas à déclarer que c'est une
question purement exégétique, à résoudre par des arguments
exégétiques. C'est à ce point de vue que nous nous sommes
placé. On a tort d'invoquer ici l'autorité de la tradition,
d'abord parce que ce n'est pas une question doctrinale, et
que le suffrage des Pères, tout respectable qu'il est, n'a une
force décisive que in rébus fidci et moruni ; ensuite, parce
que les Docteurs de l'Église ne sont même pas d'accord sur
ce point, et que l'École le regarde comme abandonné à la
libre discussion. Pour ne parler que du plus illustre des
Pères, saint Augustin proclame qu'il nous est difficile ou
même impossible de dire ce que sont les jours de la création :
ET LA SCIENCE DE LA NATURE. 151
Qui (lies ciijusmodi sunt, aut perdifficile nobis, aul etiam impos-
sibile est cogilnre^ quanto magis dicere (l). Il va jusqu'à en-
seigner en plusieurs endroits de ses ouvrages que l'œuvre
entière de la création s'est accomplie en un instant, et il
explique les six jours d'une manière allégorique (2). Certes,
cette hardiesse d'interprétation, que l'Ecole est loin de
repousser (3) , laisse loin derrière elle l'hypothèse des jours-
époques.
E. HAUTCcœuR.
(1) De civil. Dei, xi, G.
(2) De civit. Dei, xt, 7, 99. 30.— Dt- Gcn. ai litt. 1. iv, 52 ss. pr. 2G, 27,
33. 1. V, 1, 3, 5.
(3^ Cf. S. Tliom., \ p., qiiaesl. «6 ss. — Alensis, ii p., quaeit. 44,
mcmbr. 3, et qutcàl. 46. — Albeiius iMagii., ia 2, disl. 15, art. l.
LETTRE
de S. E. le C ardinal- Archevêque de Lyon au cler<jé de
son diocèse, touchant la question liturgique.
RoinCj le 4 février J804.
Nos chers coopérateurs,
J'ai conduit aujourd'hui à l'audience de Sa Sainteté les
curés du diocèse de Lyon qui étaient venus lui présenter une
supplique relative à notre liturgie. Le Pape a exigé que je
fusse présent à cette audience. Sa Sainteté a reçu MM. les
curés avec son affabilité ordinaire. Il n'a pu être question
de la supplique ; le Souverain-Pontife n'a pas voulu la rece-
voir.
Voici les paroles qu'il a adressées à WSi. les curés :
« Vous avez désiré, Messieurs, conserver votre ancienne
u liturgie. Rien de plus juste : vous la conserverez. Nous
« avons seulement rétabli, en quelques points presque im-
« perceptibles, ce qu'on avait changé dans vos rites. Ainsi,
« par exemple, le samedi saint, à la bénédiction du feu,
« l'archevêque ou le prêtre célébrant, au lieu d'être revêtu
« de l'habit de chœur, sera revêtu de la chape ou pluvial. Il
« en sera ainsi de quelques autres changements de ce genre
« dans votre liturgie.
« Mais votre bréviaire et votre missel n'appartiennent pas
« à votre antique liturgie. M. de Montazet et le Parlement
LETTRE DE S. E. LE GARD. DE DONALD. 153
« VOUS les ont donnés, et par ce fait avaient déshonoré votre
« magnifique liturgie. Il faudra, peu à peu et avec prudence,
« faire disparaître ces taches.
« Je vous avoue, Messieurs, que mon cœur a été blessé
« de l'agitation qui s'est produite dans le clergé de Lyon,
« de ce diocèse qui nous donne tant de consolation, et qui
« est si cher à notre cœur. Nous avons été profondément
u aflligé, lorsque nous avons lu dans les journaux ces ar-
ec ticles qu'on y a insérés au sujet du changement de bré-
(( viaire, et surtout lorsque nous avons appris qu'on avait
« eu recours à l'autorité civile. Le ministre a écrit à l'am-
« bassadeur, comme si l'autorité civile avait quelque chose
(( à voir dans ces questions liturgiques. Ces questions ne
« regardent que l'Église, le Vicaire de Jésus-Christ et votre
a Archevêque. On ne pouvait pas me faire une plus grande
« peine que de suivre cette marche. Imitez cet admirable
« épiscopat français, si obéissant à notre autorité, si dévoué
« aux intérêts de l'Église, si appliqué à ses devoirs, et qui,
« dans nos malheurs, nous a donné de si touchantes preuves
« de son attachement et de sa fidélité.
« Du reste. Messieurs, on ira avec prudence dans l'intro-
« duction du bréviaire et du missel romains. On commen-
ce cera par donner le nouveau bréviaire aux nouveaux sous-
(( diacres, et peu à peu tout rentrera dans l'ordre. Vous
« n'oublierez jamais l'obéissance que vous devez au Vicaire
« de Jésus-Christ et à votre Archevêque. Que la bénédiction
« du Père, du Fils et du Saint-Esprit descende sur vous. »
Voilà, mes chers coopérateurs, les paroles que le Pontife
suprême nous a adressées ce matin. Nous les conservons
dans notre cœur, pour en faire la règle de notre conduite.
Agréez, mes chers coopérateurs, l'assurance de mon
inviolable attachement.
t L.-J.-M. Card. de Donald,
Archev. de Lyon.
ÉTUDES SUR LA PRÉDICATION (r
De l'Étnde des Pères, nécessaire aux î»rérticalcurs.
Après les saintes Écritures on doit étulier les écrits des Pères : Po!^(
Scripltiras sacras, doctorum homintim tractatus lege, dit saint Jt^-
rôme(2). Sans doute, les Pères n'ont pas le caractère divin des Écri-
tures, ils ne sont pas, individuellement et sur toutes choses, à l'abri de
l'erreur; ils sont néanmoins nos guides, et le concile d'Ephèsc les
appelle luminarla mundi.
Presque tous ont été pasteurs des âmes ; tous ont enseigné la doctrine
chrétienne ; on ne saurait trouver des modèles plus accomplis du pré-
dicateur évangélique. La sainteté de vie, le zèle à travailler au salut
des peuples, l'orthodoxie de l'enseignement, la profondeur de la science,
l'éclat de l'éloquence, tels sont les titres avec lesquels ils se présentent
à nous ; en est-il de plus dignes de fixer l'attention de tous ceux qui
veulent exercer avec fruit le ministère de la parole?
C'est surtout quand il s'agit de prêcher les austères devoirs du
Christianisme, que l'orateur doit être le vii' probus ; on exige de lui
impérieusement qu'il commence par faire avant d'enseigner ; le prêtre
qui pourrait être soupçonné d'avoir lui-même les faiblesses et les vices
qu'il reproche au peuple, serait d'avance assuré de voir ses travaux
frappés de stérilité.
Selon l'usage des premiers temps, les fidèles choisissaient eux-mêmes
leurs pasteurs. Les saints Pères durent à leuréminente sainteté d'être
(1) V. loin? VIII de celia Reiue. p. 381, 538.
{ï) Ep'stola nd Furiam viduam.
ÉTUDES SUR LA PRÉDICATION. 155
élevés sur la chaire épiscopale ; leur mérite ctnitsi éclatant que souvent
on les nommait par acclamation ; loin Je désirer les dignités et les
honneurs, ils ne les envisageaient qu'avec effroi ; il fallait employer la
violence pour triompher des répugnances qu'ils manifestaient toujours
et que quelquefois ils poussèrent jusqu'à l'excès. Mais à quelle école se
formèrent les Pères? Ils étaient persuadés que c'est dansl'éloignement
du monde qu'il faut apprendre à le haïr et à le combattre ; aussi la
plupart demandèrent-ils à la solitude du désert et à l'austérité de la
vie monastique le secret des vertus qui excitèrent l'admiration univer-
selle. Saint Jean Chrysoslôme à peine baptisé et fait lecteur de l'Église
d'Antioche, songea à aller s'unir aux pieu.x solitaires de la Syrie ; les
larmes de sa mère retardèrent, il est vrai, pour un temps, l'accom-
plissement de son dessein, mais bientôt, pour se dérober aux in-
stances des chrétiens qui voulaient le faire évoque, il so relira dans
une solitude voisine d'Antioche. C'est au fond d'une caverne qu'il com-
posa le traité du Sacerdoce, manuel admirable de perfection ecclésia-
stique, ainsi que divers ouvrages sur la vie religieuse, où il peint de la
manière la plus touchante les avantages et les joies ineffables de cette
sainte profession.
Saint Basile avait aussi habité le désert, et il y avait poussé jusqu'à
l'excès les rigueurs de la pénitence. Saint Grégoire de Nazianzo, son
ami, disait de lui, à l'ocrasion de son extrême pâleur, que son corps pa-
raissait presque inanimé. Saint Basile nous apprend lui-môsnc qu'il
traitait sa chair comme une esclave toujours prête à se révolter (I), Par
suite de ces austérités il était sujet à des infirmités fréquentes et même
continuelles. Rien ne nous apprend que saint Augustin ail [)ratiqué la
vie cénobitique, mais presque immédiatement après sa conversion, il se
relira dans la solitude des champs, pour s'y livrer, dans la société de sa
pieuse mère et de ses amis, à l'étude et à la prière.
Elevés à l'Episcopat et placés souvent sur les sièges les plus illustres,
les saints Pères ne se crurent pas autorisés à sortir de leur simplicité
apostolique.
Tandis qu'il enrichissait Césarée de monuments somptueux, et
(1.) Godescard, Vie de saint liasilc, t. vi, p. 250.
150 ÉTUDES SUR LA PRÉDICATION.
notamment d'un hospice qui ressemblait à une ville, Basile n'avait
qu'une seule tunique et se nourrissait de légumes grossiers.
La vie de Chrysostôme à Conslanlinople devint la censure des prêtres
mondains, des courtisans et des riches matrones, qui se liguèrent pour
le perdre. C'est le saint qui nous l'apprend lui-même dans l'homélie
qu'il prononça avant de partir pour l'exil. « Vous savez, dit- il, vous
« savez mes amis la véritable cause de ma perte : c'est que je n'ai point
« tendu ma demeure de riches tapisseries, c'est que je n'ai point re-
« vêtu des habits d'or et de soie, c'est que je n'ai point flatté la mol-
n lesse et la sensualité de certaines gens (1). »
Le plus illustre des prédécesseurs de saint Chrysostôme, saint Gré-
goire de Nazianze, s'était exprimé dans le même sens pour répondre à
ceux qui lui reprochaient de porter trop loin la simplicité de son exté-
rieur, a Je ne savais pas, dit-il, qu'il fût de mon devoir de le disputer
(( en faste aux consuls, aux gouverneurs et aux généraux d'armée,
a J'ignorais qu'on put se servir du bien des pauvres pour se couvrir
a délicatement, pour monter un beau cheval, pour se faire traîner
« dans un char pompeux, jiour entretenir une foule de do-
« mesli jues ('2). »
Quand saint Augustin fut faitévéqued'Hippone, il vécut en commu-
nauté avec ses clercs, et la règle qu'il avait adoptée est si parfaite, que
la plupart des congrégations qui ont été fondées dans la suie, l'ont
pratiquée sur la recommandation du Saint-Siège, et à la grande édifi-
cation des fidèles.
Après ce qui a été dit, nous ne nous étonnerons pas que les saints
Pères aient été placés dans l'Église pour être comme Jérémie, in
dv'italem viunUam, et in columnam ferream, et in miirim œreum, su-
per omneni terrain^ regibus Juda, pnncipibns ejus, et sacerdotibus, et
populo lerrx (5) ; nous saurons pourquoi ils ont exercé avec une sainte
intrépidité et une noble indépendance, le ministère dt3 la prédication.
L'antiquité sera toujours la source pure où devra s'inspirer le
prêtre qui voudra se rendre digne de sa vocation ; c'est à cette source
(1) Tora. 3, p. 415.
(2) Ov. 32.
(3) Jcr. I, 18.
ÉTUDES SUR LA PRÉDICATION. 157
qu'ont puisé les Charles Borromde et les Vincent de Paul, quand ils
ont entrepris de réformer le clergé, et de [iréparer à l'Église des mi-
nistres selon le cœur de Dieu. En lisant les ouvrages des Pères, nous
sommes singulièiement touchés d'y retrouver les sainles règles qui ont
dirigé notre éducation cléricale, et les pieuses maximes que suivaient
avec tant de générosité ces vénérables anciens du sanctuaire que dans
notre jeunesse nous aimions à regarder comme nos pères et nos mo-
dèles. S'il ne nous est pas permis d'égaler des vertus poussées jusqu'à
l'héroïsme, les grands exemples que l'étude des Pères retracera à nos
yeux, nous ins|)ireront un nouveau courage pour édifier les peuples
par une conduite paifailcment régulière, par une vie toute sacerdotale ;
c'est la première disposition nécessaire à celui qui veut annoncer avec
fruit la parole de Dieu.
Sanctifié à l'école des P. res, le prédicateur trouvera dans leurs
écrits tous ce qu'il est obligé d'enseigner aux peuples. L'interprétalion
de l'Écriture y occupe la première place : soit qu'ils l'expliquent dans
le sens moral, ou dans le sens littéral, leurs discours offrent les dé-
tails les plus ingénieux, les plus louchants, et les principes les plus
sûrs pour établir les dogmes de la foi chrétienne. Si les explications
morales n'ont rien de rigoureux pour l'enseignement catholique, le
consentement des Pères sur les points de doctrine est un des lieux théo-
logiques les plus solides, les plus féconds ; c'est l'organe infaillible de
la Tradition.
Les premiers protestants n'osèrent le nier ; ils furent forcés de con-
venir que la doctrine des premiers siècles était pure de toute erreur, et
on sait avec quel succès les défenseurs de la foi romaine ont tourné
contre les sectaires, les témoignages qu'ils avaient essayé d'mvoquor
en faveur de leur cau.'îe. Bossuet a dit quelque part, que l'amour de
l'église anglicane pour l'antiquité finirait par la ramener à l'unité.
Les membres les plus doctes des universités de Cambridge et d'Oxfotd
se sont livrés de toui temps, mais surtout dans ce siècle, à l'élude des
Pères, et on sait ce qui est arrivé ; les nombreuses conversions qui
s'opèrent chaque jour, principalement parmi les ministres les plus cé-
lèbres, commencent à faire croire que l'évèque de Meaux a été pro-
158 ÉTUDES SUR LA PRÉDICATION.
pliéle. Il sufDraif, du rebte, de lire le seul ouvrage de ce grand homme
sur la Défense de la Tradition, pour comprendre qu'avec les écrits des
saints Docteurs on peut victorieusement réfuter toutes les hérésies.
Ce n'est pas seulement sur ce point important, que l'étude des Pères
nous fournit de précieuses richesses. Ils ont traité de la manière lapins
admirable el la plus complète tout ce qui peut intéresser la Religion.
Écrits apologétiques ou réfutations des calomnies des ennemis du
Christianisme, ouvrages contre les philosophes, les Juifs et les payens,
exposé des fondements de la Foi, et notamment des mirales et des pro-
phéties, tableau de la morale chrétienne depuis les principes les plus re-
levés jusqu'aux éléments les plus simples ; explication particulière et
détaillée de l'oraison Dominicale, du Symbole, des Commandements
de Dieu ; discours aux confesseurs qui se préparaient au martyre, et
aux chrétiens faibles qui étaient tombés durant la persécution, exhor-
tations aux vierges et aux veuves, règles de la vie ascétique, devoirs
des prêtres et des évèques: tout se trouve dans les Pères, et il ne serait
pas difficile de citer parmi leurs ouvrages des écrits spéciaux sur cha-
cun des chefs que nous venons d'indiquer.
II.
Déjà nous avons montré que l'Écriture sainte renferme tout ce que
le prédicateur doit enseigner, mais en un sens on le trouve encore
mieux dans les Pères. Dans l'Écriture, les choses ne sont le plus sou-
vent qu'à l'état de principes : les Pères ont développé les conséquences
et en ont fait l'application aux différents besoins de la société chrétienne,
aux exigences diverses des temps et des circonstances, et il y a cela de
remarquable dans les saints Docteurs, — ce qui se trouve rarement dans
l'Écriture et jamais dans les auteurs théologiques,— il y a cela de remar-
quable que l'enseignement est le plus ordinairement présenté avec les
formes et les détails oratoires ; les Pères étaient presque tous pasteurs
des âmes et conséquemment prédicateurs ; car, dans les premiers âges,
on ne concevait pas qu'on pût être chargé du gouvernement des peuples
sans leur rompre le pain sacré de la parole de Dieu,
ÉTUDES SUR LA PRÉDICATION. 159
Ce qui frappe peut-être le plus dans les Pères, c'est l'esprit de foi
qui les anime et les Iranspoite. On voit, pour se servir de l'expression
de Bossuet, on voit couler dans leurs écrits la première sève du chri-
stianisme. Dieu est toujours présent à leur esprit; ils ne cessent d'élever
le fidèle au-dessus de cette vie des sens que le paganisme avait divi-
nisée ; ils tonnent contre les richesses, les plaisii-s, le luxe, les spec-
tacles ; à la place des jouissances grossières de la chair qu'ils anathé-
matiscnt, des biens matériels et périssables qu'ils commandent de
mépriser, ils offrent les joies pures de la conscience, les riches trésors
de l'éternité. Ils n'est guère de discours où ils ne reviennent sur ces
grands et puissants mobiles de la perfection chrétienne.
Dans un siècle où le culte frénétique des intérêts matériels envahit
les âmes, et menace de faire descendre la société à l'abrutissement du
paganisme, il est d'une souveraine importance pour le prédicateur de
se pénétrer de la lecture des Pères.
On a reproché au clergé français d'exagérer les principes de la mo-
rale. Ce reproche peut être fondé ; mais aussi n'est-il pas à craindre
qu'à force de vouloir faire plier les règles, on ne finisse par les aban-
donner et les anéantir ?
Les Pères, eux aussi, nous offient des exemples d'indulgence et de
modération, mais il ne transigent jamais avec le monde, que Jésus-
Christ a chargé de ses anathèmes, et pour lequel il refusait de prier.
Quoiqu'on puisse dire, Bourdaloue, qui est tout rempli de la doc-
trine et de l'esprit des saints docteurs, sera pour toutes les époques le
moraliste le plus exact et le plus sûr, comme il est le prédicateur le
plus solide.
Pénétrés de l'esprit des Écritures, les Pères connaissaient parfaite-
ment l'importance et les devoirs de la charge pastorale : ils n'ignoraient
pas que le premier point de leur mission était d'enseigner les vérités
saintes, de prêcher à temps et à contretemps, d'accuser, de conjurer,
de reprendre en toute patience et doctrine. Il serait difficile de trouver
des pasteurs qui aient mieux rempli cette importante obligation. Le plus
grand nombre de leurs écrits ne sont que des instructions adressées à
leurs peuples du haut de la chaire, et on s'étonne que parmi les immenses
travaux etles.innombrables sollicitudes qui les accablaient, ils aient pu
160 ÉTUDES SUR LA. PRÉDICATION.
rompre et distribuer avec «ne si grande prodigalité le pain de la di-
vine parole. Ah ! certes, ils ne nous eussent pas donné cet éclatant
exemple s'ils fussent venus in suhlimitale sermonis, in persuasibilibus
humanœ sapientix verbis ; si, esclaves d'une vaine réputation, ils eussent
songé à autre chose qu'à établir le règne de Jésus-Christ dans lésâmes.
Les Pères exposaient la suite de la religion, ils expliquaient les
différents livres de rKcrilure, réfutaient les erreurs du temps^ atta-
quaient les vices qui dominaient ou menaçaient leurs auditeurs : ils re-
commandaient les vertus essentielles du christianisme. Leur langage
était presque toujours simple et familier, non-seulement dans les cam-
pagnes et les bourgades, mais dans les villes les plus illustres, à
Alexandrie, à Antioche, à Gonslantinople et à Rome. Parjii le grand
nombre de leurs instructions, c'est à peine si l'on trouve quelques
discours solennels et conformes à la rigueur des règles. Cette méthode
leur permettait de pourvoir aux besoins du moment; de prendre et de
re|)rendre la vérité à démontrer, la vertu à inculquer, jusqu'à ce qu'ils
les eussent fait entrer dans les esprits et dans les cœurs. Pour atteindre
ce but, i's employaient toutes les formes, ils suivaient toutes les im-
pressions , ils se mettaient à la portée même des intelligences les plus
vulgaires. Comme nous le verrons bientôt, ils s'élevaient souvent à la
plus haute éloquence, qui consiste bien moins à étonner et à plaire
qu'à convaincre et à persuader ; mais quand il le fjllait, ils ne craignaient
pas de descendre aux détails les plus communs et d'employer les ex-
pressions les moins correctes ; ils aimaient mieux, comme nous l'apprend
le plus savant et le plus profond d'entre eux, saint Augustin (i), être
critiqués par les grammairiens, que de n'être pas compris par le peuple,
meliîis est ut nos reprehendant grammatici, quam non intelliyant po-
piiH. C'est dans le même sens que le bon et pieux cardinal de Cheverus,
disait en parlant du genre simple qui convient à la prédication : • 11
» vaut mieux être compris par une bonne femme, que loué par un
» académicien. »
Les répétitions ne coûtaient pas aux Pères ; dans presque tous leurs
écrits ils ramenaient quelque point qui leur paraissait avoir une impor-
tance particulière, parce qu'ils savaient que le peuple est comme les
(l) S. August. Enurrat. in psal. 138, col. 1543.
ÉTUDES SUR LA PRÉDICATION. 161
enfants, et que ce n'est qu'à force de répéter les choses qu'on parvient
à les fixer dans son esprit. Dans ses belles homélies aux fidèles d'An-
tioche, saint Chrysostôme, voulant inspirer l'horreur des jurements,
revient neuf jours de suite sur le même texte : Nolite jiirare ; il n'hésite
pas à abandonner son sujet pour terminer par une exhortation contre
ce vice, ua discours souvent riche des tableaux les plus animés et des
mouvements les plus entraînants.
On conçoit comment, en prêchant de la sorte,les Pères instruisaient
solidement les chrétiens et les poussaient à l'héroïsme de toutes les ver-
tus; on conçoit comment ils pouvaient fréquemment annoncerla parole de
Dieu. L'ofûce public ne se célébrait jamais sans qu'il y %ti une in-
struction ; toutes les liturgies et l'histoire en font foi. Les saints Docteurs
ne se contentaient pas de prêcher le dimanche, ils prêchaient plusieurs
fois durant la semaine, et même chaque jour à certaines époques, comme
on peut le voir par l'Hexaéméron de saint Basile, les homélies de saint
Chrysostôme et les sermons de saint Augustin.
Les historiens de l'Évêque d'Hippone nous apprennent que, non
contents de l'avoir écouté dans l'église, les fidèles l'arrêtaient dans les
rues et sur les places publiques pour lui demander de leur parler de
Dieu et de leur salut ; ce qu'il faisait toujours avec joie et bonheur,
sans prétexter, pour s'en défendre, ses nombreuses occupations, et la
composition des ouvrages les plus importants et les plus profonds.
On ne peut qu'être touché et confondu, quand on songe qu'un aussi
célèbre docteur passait la plus grande partie de sa vie à instruire et à
gouverner un pauvre troupeau qui se composait presque en entier de
laboureurs, de petits marchands et de bateliers. On le vit rarement dans
les chaires des villes si illustres de Madaure et de Carthage, oii il eût
pu déployer toutes les ressources de l'esprit le plus cultivé, et de l'âme
la plus fortement trempée. A l'avantage de recueillir des louanges et
des applaudissements, Augustin préféra la douce et utile jouissance de
réserver les accents de sa voix et les tendresses de son cœur, au cher
peuple d'Hippone que le souverain Pasteur l'avait chargé de nourrir
de la parole de vie.
On ne sait ce qu'il faut admirer le plus dans ce grand docteur, de la
REVDE des sciences ECCLESIASTIQUES, T. IX. 1 ^
i(î2 KTUDES SUR LA PRÉDICATION.
profondeur de sa science, ou de la simplicité avec laquelle il s'abaisse
jusqu'au langage le plus vulgaire. Quel speclacle que celui du célèbre
rhéteur, du grand philosophe, du génie le plus vaste et le plus sublime,
qui s'entretient familièrement avec des gens grossiers et ignorants,
pour leur développer les premiers éléments de la foi et de la morale
chrétiennes ! Quelle leçon pour ceux qui, après de faibles et rapides
études, se croiraient appelés à paraître dans les premières chaires et
regarderaient comme une humiliation d'être employés à évangéliser
nos petites villes auxquelles peut-être n'aurait pu éti e compai'ée la ville,
disons mieux, la pauvre bourgade d Hippone !
Je ne puis ici me défendre d'un rapprochement qui se présente à
mon esprit, et qu'on me pardonnera, quoiqu'il ne rentre qu'imparfaite-
ment dans mon sujet. On admire avec raison dans Bossuet lesdiscoursj
les oraisons funèbres, les savants écrits de controverse et de critique;
on célèbre en lui le grand orateur, le théologien profond, le pontife
illustre,, et on oublie son plus beau titre, celui de directeur des âmes;
on lit de ce sublime écrivain les ouvrages qne le monde exalte et pré-
conise, et on ne daigne pas ouvrir ses lettres spirituelles, monument im-
périssable de sa patience surhumaine, de sa charité sans bornes. C'est
là qu'on le voit entrer dans les détails les plus minutieux de la vie chré-
tienne et de la vie religieuse ; c'est là quon l'entend reprocher à ses
chères filles de lui faire injure, quand elles craignaient de fatiguer par
leurs questions multipliées le grand prélat dont les plus importantes
affaires de rÉsflise semblaient réclamer tous les soins et tous les
moments. Qu'on lise les lettres spirituelles de Bossuet, et on verra
qu'il n'était pas moins pieux qu'éloquent, ni moins versé dans les my-
stères de la vie intérieure et dans les secrets du cœur humain, que dans
les sciences les plus abstraites et les plus relevées.
Loin d'être un obstacle à l'éloquence, la méthode des Pères donnait
au contraire un plus grand éclat à leur génie en kii laissant toute sa
liberté, et lui permettant de saisir toutes les occasions heureuses que
fournissent les circonstances du moment, el les dispositions présentes
des esprils.
Pour des hommes solidement instruits, nourris de fortes études,
ÉTUDES SUR LA PRÉDICATION. 163
pleins de convictions ardenles^ et doués de sensibilité et d'imagination,
comme étaient les Pères, les mouvements spontanés et les inspirations
soudaines se présentaient à chaque instant dans le discours. N'est-ce
pas là la véritable éloquence, et oserait-on comparer ces tours et ces
mouvements préparés d'avance à la vive expression du sentiment qui
s'exalte, au cri subit de la passion qui l'enflamme? Sans prétendre
que les Pères se soient toujours livrés à l'improvisation, il est certain
qu'ils s'astreignaient rarement à donner des morceaux écrils, et il est
permis de croire qu'ils parlaient fort souvent sous l'impression du
moment.
Ces considérations et le mauvais goût du siècle où ils vécurent pour
la plupart, expliquent les défauts nombreux qui se remarquent dans
leurs écrits ; mais faut-il s'étonner de trouver la diffusion et l'abondance
chez des hommes accablés de mille sollicitudes et qui parlaient presque
tous les jours et à tout propos ? Quand les études étaient déchues, et
que les maîtres de l'art de bien dire, sprès avoir fait naître des préjugés
déplorables, préconisaient le genre le plus vicieux, pouvait- il se faire
que les plus beaux talents évitassent tous les défauts de leur siècle ? Ne
devait-on pas nécessairement trouver une métapho're dure dans l'un,
une période enflée dans l'autre, des antithèses subtiles et rimées dans
celui-ci, des jeux de mots et des endroits obscurs dans celui-là?
Barciet,
Chanoine, Archi prêtre d'Aucb.
(La suite prochainement.)
MINISTÈRE PASTORAL.
Nécessité de confesser les enfants avant la première
communion. — Manière de le faire.
Un des principaux devoirs du ministèie pastoral est le soin de la
jeunesse et même de l'enfance : sur les enfants repose en effet l'espoir
de l'Église, et c'est par l'éducation chrétienne qu'on s'appliquera à
leur donner, qu'on pourra parvenir à régénérer les paroisses et la société
tout entière. L'action du prêtre, quelque zélé qu'il soit, à moins qu'il
ne soit un homme de prodiges, un saint à vertus héroïques, ne se fait
sentir sur les personnes arrivées à un certain âge, que dans des pro-
portions ordinairement très-restreintes. Un bon nombre ne viennent
pas l'entendre : la grande généralité de ceux qui ont écouté ses paroles
ne se met pas en peine de mettre en pratique les enseignements qu'elles
renferment ; presque tous se laissent absorber pur les préocupations de
la terre ; on a des habitudes et on ne veut pas les rompre. Et c'est
ainsi que les avertissements des prêtres sont oubliés et mis entièrement
de côté. La jeunesse seule est accessible : l'enfant aime le prêtre ; ses
mauvaises habitudes ne sont point encore profondément enracinées ;
les intérêts et les préoccupations de cette vie ne le rendent pas encore
insensible aux biens et aux magnifiques promesses de l'éternité.
Un pasteur des âmes doit donc vouer à la jeunesse un intérêt tout
particulier. Et à celui qui lui donnera des soins assidus, nous osons pro-
mettre une ample moisson dans la portion de l'héritage du Seigneur
qui lui aura été confiée.
MINISTÈRE PASTORAL. 165
1. Parmi les moyens propres à régénérer la jeunesse et à faire fleurir
la piété dans le cœur des enfants, il n'y en a certainement pas de plus
efficace que l'usage fréquent du sacrement de Pénitence. C'est en effet
là que ces jeunes âmes encore faibles et inexpérimentées se purifient des
souillures dont elles n'ont pas su se préserver ; c'est là qu'elles trou-
vent les lumières et les salutaires conseils dont à cette époque de la
vie elles ont un grand besoin ; c'est là qu'elles renoncent efficacement
aux mauvaises habitudes avant qu'elles a'entpu jeter de trop profondes
racines ; là qu'elles prennent des résolutions généreuses contre l'entraî-
nement des passions ou des occasions dangereuses; c'est là enfin qu'elles
s'affermissent dans le bien et dans la pratique de toutes les vertus.
11 n'y a donc pas à mettre en doute un seul instant l'obligation pour
un pasteur des âmes de faire approcher les enfants du tribunal sacré :
le précepte de se confesser les regarde aussi bien que les grandes
personnes, ils en ont un aussi grand besoin qu'elles et, comme elles,
ils doivent se confesser au moins une fois l'an.
Mais un curé doit-il plusieurs fois par an confesser les enfants confiés
à sa sollicitude pastorale? —Ceux-ci n'étant obligées par le précepte de
l'Église que de se présenter une fois annuellement à confesse, il sem-
blerait difficile de voir pour les pasteurs une obligation stricte de les
entendre plus fréquemment, à moins que ces enfants n'eussent d'eux
mêmes recours à leur ministère : car, sans doute, dans ce cas, il ne
serait pas plus permis de refuser de confesser les enfants que cela n'est
licite à l'égard du reste des ouailles. Les auteurs enseignent générale-
ment qu'un prêtre à charge d'âmes est obligé d'administrer les sacre-
ments à ses paroissiens toutes les fois que ceux-ci le demandent
raisonnablement (1). Mais quand même il aurait rempU strictement son
devoir en écoutant une fois par an les enfants au sacré tribunal, celui
qui a du zèle, et qui a par conséquent à cœur le bien des âmes, n'a pas
de peine à comprendre quil ne doit passe borner à cela : il sait ce que
veulent dire ces paroles saltem semel in anno : il n'ignore pas que, d'a-
près le grand sai nt Charles Borro mée : « Optimt consuetudinis erit puellos
(1) Voir mon Manuate iotius Juris canonici, a. 1504J
166 MINISTÈRE PASTORAL.
« etpiiellulasetiamsisex tanturn annoruni,arcersere,utpaulatimapri-
« ma setate edoceanlur et ad hiijus sacraraeiUi usum et cogniiionem as-
« suefiant(J).)) Or Userait difficile que les enfants acquissent une aussi
louable habitude par la seule confession annuelle, a Un pasteur qui aime
« son troupeau, dit la Méthode de Besançon, devrait, si sa paroisse n'est
« pas fort nombreuse, tâcher de confesser les enfants tous les mois ou
« toutes les six semaines ; et si elle est plus nombreuse^ tous les deux
« mois (2). » Les bons curés font cela au moins trois ou quatre fois l'an,
aux quatre-temps, par exemple. » C'est un devoir pour MM. les curés,
0 disent les ordonnances synodales de Montpellier (3), d'accoutumer de
« bonne heure les enfants à s'approcher du tribunal de la pénitence.
« Ils doiventsurtout lesyattirer /j/î<sîcîirs fois rfrtns/'anMee, dès qu'ils
« ont atteint l'âge de discrétion.» — « Sciant parochi, dit le Concile
« provincial d'Avignon en 1849 (4)se, vimunerissui, teneri ad excipi-
« endas confessiones pu'^rorum qui annos discretionis attigerunt et qui
• nondum ad sacram synaxim accesserunt .... Exhorlamur etiam pa-
« rochoSj ut illos pueros inducant ad fréquenter va anno contiten-
« dum.» Celte fréquence suppose bien au moins, sans doute, trois ou
quatre confessions par an (5).
Ils sont donc bien coupables^ ces pasteurs négligenls et vraiment
mercenaires qui attendent l'époque de la première communion pour
confesser les enfants. Us sont responsables de la violation du précepte
(1) Ad. Eccles. Med., pars iv, Inslr. couf., p. G48.
(2) Tom. I, p. 255.
(3) Pag. i28, édition de 1853.
(4) lit. IV, cap. 5.
(5) C'est la règle posée par les statuts syûodaax du diocèse de Cambrai:
«PfiEcipimus ut eos (pueros), a sepleunio salteni, ad minus ter in anno, ad
confitendum alliciaut parochi, plurimumque iîortamur ut fiant haeconfe^
sioof^s quater, scilicet quatuor anui temporibus, ut in mullis parochiis
landabiliter ordinatum est et usu receptuni. Singulis bis vicibus pueri,
ad rite pieque faciendam coufessionem, catcchesi eorum aîtati et caplui
accommodata praeparautur. » ( Statuta synodalia Ârcliidiœceseos Came-
racensis. Cameraci, 1856, u. loi.) Plus loin, les mêmes statuts, adoptant
une règle posée par le Concile de Bordeaux, en 1850, ordonnent de con-
fesser les enfants tous les mois pendant l'année qui précède leur pre-
mière communion. {Ibid., u. 171. Cfr. Orutio habita ab III. et Rev.
Archiep. Carnerac. ùi Sijn. diœces,, die 17 septembris 1858, p. 29 as.)
DE LA CONFESSION DES ENFANTS. 167
de l'Église, qui atteint les enfants à partir de lâge de discernement,
c'csl-à-dire à partir de sept ans. « Oimiis utriusque sexiis fîdelis,
« poslqnam ad annos discretionis pervenerit, omnia sua solus peccala
« confiteatur fideliler, saltem seniel in anno : » ce sont les propres paroles
du Canon 21 du iv* concile de Latran. Et que peuvent-ils attendre de
bon d'un délai semblable? Les premières années passées loin de Dieu
dans l'habitude du péché mortel sont-elles donc une bonne préparation
à la première communion ? Le démon, demeurant si longtemps maître
de ces jeunes âmes, n'aura-t-il pas toute liberté de leur inoculer et en-
raciner tous les vices? Et faut -il s'étonner après cela que les généra-
tions nouvelles se montrent si précoces pour le mal, si tôt impies, et
fassent la douleur des pasteurs en même temps que des parents qui
conservent encore quelques sentiments de religion?
H. Mais comment doit-on confesser les enfants ? — « 11 faut, envers
« les enfants, dit un saint et très-habile confesseur, saint Alphonse de
« Liguori (l), il faut user d'une grande charité et employer autant que
a possible les procédés les plus suaves. » Il faut les aider dans leur
confession par des interrogations discrètes : ils ont besoin souvent de
ce secours, soit parce qu'ils ne savent pas discerner leurs fautes, soit
parce qu'une fausse honte pourrait les empêcher de les découvrir. On
doit bien se garder de leur adresser des reproches quand ils ont fait
l'aveu de quelque péché, surtout s'il était honteux, de peur de leur
fermer la bouche. On peut voir, dans la même auteur, à l'endroit sus
indiqué, quelles sont les principales interrogations qu'il faut adresser
aux enfants.
Non-seulement il faut user de beaucoup de charité dans ces interro-
gations, mais on doit y apporter une grande circonspection, surtout dans
ce qui regarde le 6« précepte, de peur d'apprendre le mal à ceux qui
ont peut-être le bonheur de l'ignorer. On doit, certes, interroger sur
ces matières, car ce mal est fréquent, même dans l'enfance, et il importo
extrêmement de s'en préserver de bonne heure. « Le silence est sans
« doute le parti le plus commode, dit le Miroir du clergé ['i), mm qu'il
(1) Praxis confess., n. 90.
(2) Tom. n, p. -255, édit. do 18-23.
168 MINISTÈRE PASTORAL.
« est funeste! o — Comment donc procéder dans ces interrogations?
On peut l'apprendre du même Miroir du clergé, qui traite ce point avec
une grande sagesse. Nous nous contenterons de citer ici saint Liguori^
dont l'autorité est encore d'un plus grand poids (ib.) : «In liac materia
« (turpij, confessarius sit valde cautus ininterrogando : incipiat inter-
« rogaredelongoetverbisgeneralibus : etpriusan dixerint malaverba?
(( an jocati fuerint cum aliis pueris, aut puellis? Et si jocos illos clam
t exercuerlnt? Deinde interroget an commiserint res turpes? iMultoties,
« etiarasi pueri negent, prodest uti cum eis interrogationibus sugges-
« tivis^ V. g.: Et mine die mihi quoties hœcfecisti? quinqiiies ? decies?
« Interroget quocum dormiant , et si in lecto manibus jocati fuerint?
a Puellas interroget si aliquem juvenem amore fuerint prosecutae, et
« an adfaeriiit pravae cogitationes, verba, aut tactus ? Et a responsis
(.( procédât ad ulteriores interrogationes, sed caveat ab exquirendo a
(( puellis, vel a pueris an adfueril serainis effusio : cum liis enim me-
{( lius est déesse in integritatematerialiconfessionis , quam esse causam
a utapprehendant quai nondum noverint, vel ponantur in curiositate
a addiscendi. »
Le confesseur doit se tenir en garde contre les exagérations donnant
à penser qu'il y a du mal là où il n'y en a point; qu'il y a péché mortel
là où il n'est que véniel : son devoir est même de redresser les con-
sciences, sans quoi il aurait à s'imputer les fautes commises par suite
d'une conscience erronée. Si donc il voyait un enfant convaincu, par
exemple, qu'il pèche mortellement chaque fois qu'il omet sa prière du
matin ou du soir, ou qu'il manque à vêpres le dimanche, ou qu'il com-
met un mensonge, quoiqu'il ne soit pas pernicieux, ou un petit vol^ ou
qu'il profère certaines paroles inconvenantes, appelées jurements, qui ne
sont pas pourtant des blasphèmes, il devrait tirer cet enfant de ces faux
préjugés, de peur que, n'évitant pas ces manquements, il ne se rendît
dans la réalité coupable de faute grave en les commettant avec la
conscience qu'ils sont mortels. On doit donc bien se garder de dire aux
enfants sans restriction que ceux qui sont désobéissants, menteurs,
etc., iront en enfer; que c'est un grand péché de jurer, ett
On ne doit pas imposer aux enfants des pénitences longues, difficiles ,
I
DE LA CONFESSION DES ENFANTS. 169
de peur qu'ils n'aient pas le courage de les accomplir ou que, ne les
exécutant pas de suite, ils ne viennent à les oublier. Si un enfant avait
manqué notablementau respect dû à ses parents, il pourrait êlre néces-
saire de lui prescrire de leur demander pardon, même en présence des
témoins de son irrévérence ; toutefois il y a des précautions à prendre à
cet égard. « NonnuHi confessarii parura cauti, dit saint Liguori (1), in
« eo casu pro satisfaclione imponunt filiis, ut cum domum pervenerint
« pedes parentum deoscularentur, et absolûtes dimittunt ; sed illi po-
a stea hoc adimplere non curant, et novuni peccatum admittunt. Sa-
« tius est curare utante absolutionem hanc veniam poscant ; sed quin
« eis imponatur ut pedes aut raanum deoscularentur ; quia illi filii,
a quibus hoc faciendi consuetudo nunquara fuit, difficillime hoc exe-
« quuntur. Si autem non possit commode hic aclus ab illis exigi, ut
« veniam postulent ante absolutionem, non imponatur hoc sub gravi
« obligatione, sed potius ut consilium insinuetur, dum certe praesu-
« rauntur, saltem ut plurimum, parentes remittere filiis hanc obliga-
« tionem, ne fihi iterum in Dei offensam incurrant. »
m. Peut-on et doit-on donner l'absolution aux enfants avant leur
première communion ? — Cette question devrait paraître étrange, au
moins de prime abord. Si les enfants sont capables de commettre des
fautes, si on croit (et comment souvent en douter ?) qu'ils peuvent être
coupables même de péché mortel, peut-on mettre en doute qu'on ne
puisse et même qu'on ne doive les absoudre? — Mais, dira-t-on, l'abso-
lution exige des dispositions, et lorsque, ces dispositions manquent,
loin d'être un bienfait et un remède salutaire, elle est plutôt un poison
dangereux ; au lieu de purifier l'âme, elle la couvre d'une nouvelle
lèpre et ajoute le sacrilège à tous ses autres péchés. — Il en est ainsi,
sans doute, mais pourquoi les enfants, que l'on suppose capables de
commettre des fautes et de perdre la grâce divine, seraient-ils donc in-
capables de se repentir sincèrement et d'entrer véritablement dans les
dispositions requises pour en recevoir le pardon ? S'ils sont tombés
dans le péché mortel, le salut leur est-il donc impossible avant l'époque
(1) Praxis, n, 34.
1"0 MINISTÈRE PASTORAL.
de leur première communion? Qui oserait soutenir une pareille propo-
siiion et se croire exempt d'une erreur Irôs-dangerouse en fuit de doc-
trine ? — L'Eglise, certes, ne le pense pas ainsi, elle qui impose aux
enfants l'obligalion de se confesser au mains une fois l'an, quand ils
sont parvenus à l'âge de discrétion. Et sans doute ce précepte, pour eux
comme pour les adultes, a pour but essentiel de les purifier de leurs
fautes, et par conséquent, elle veut qu'on leur accorde^ à eux comme
aux adultes, le bienfait de l'absolution. Tous les auteurs sont una-
nimes à cet égard. Les synodes diocésains, les conciles provinciaux
statuent dans ce sens de la manière la plus formelle. « Comme il s'en
« trouve (des enfants), disent les Constitutions synodales d'Annecy
« imprimées en 1828 (2), qui, même dans le jeune âge, se sont
« rendus coupables de péchés mortels, les confesseurs, bien loin de
(( leur différer l'absolution jusqu'au temps do leur première communion,
« mettront tout en œuvre pour les y disposer, et la leur accorderont
« le plus tôt qu'il se pourra, afin qu'ils ne croupissent pas dans un état
« si dangereux et si funeste à leur àme. » — Le Concile d'Avignon,
à l'endroit cité plus haut, établit que les pasteurs, vi muneris sni,
sont tenus de confesser les enfants qui n'ont pas encore fait leur pre-
mière communion, et que, de plus, ils doivent les préparer à l'abso-
lution, et la leur donner s'il n'y a pas d'obstacle. Adeoqne ad^psos rite
disponendos et ad ahsohitionem , iibi mh\l ohstat, iinpertiendam.
Comment se fait-il donc qu'il y ait des curés assez oublieux des prin-
cipes pour établir en règle de ne donner l'absolution qu'à l'époque de
la première communion? — Mais il faui^ dira-t-on, que rien ne
s'oppose à l'absolution, et comment faire entrer les enfants dans les
dispositions requises à cette fin'? — Il nous semble que la chose n'est
pas aussi dilTicile qu'on se le figure : les enfants sont susceptibles, et
même plus souvent que les grandes personnes, d'impressions religieuses;
o-n peut, en s'en donnant la peine, leur faire comprendre la grandeur
del'offense divine, les funestes effets qu'elle produit dans l'âme qui a
le malheur de s'y laisser entraîner. Ils ne sont pas toujours sourds
à la voix de la grâce : si on parvient à leur ouvrir le cœur, et cela
(1) Pag. 165.
DE LA CONFESSION DES ENFANTS. 171
n'est pas si difficile d'ordinaire, on peut assez facilement les faire entrer
dans des sentiments d'un repentir sincère de leurs fautes et d'un ferme
propos de s'amender. Nous parlons par expérience, et nous avons pu
nous convaincre par nous-même qu'il y a souvent plus de fidélité à
éviter le péché et à se conserver dans !a grâce de l'absolution dans les
enfants, que dans la plupart des grandes personnes déjà habituées au
vice et esclaves de leurs passions. Il faut sans doute une grande atten-
tion quand il s'agit d'absoudre les enfants, mais il la faut aussi, celte
attention, quand il s'agit d'absoudre de grandes personnes. Or, voici,
d'après saint Liguori (I), en quoi consiste cette grande attention qui
est ici requise :
« Si constet quod ipsi (pueri) sufficientem usum rationisjam ha-
« bcant, prout si distincte confitenlur, veladaequate interrogationibus
« rcspondent, el app'areal quod ipsi jani comprehendantcum peccato
« offendisse Deum et meruisse infernum ; tune si satis videantur dis-
« positi, absolvantur. At si in peccatis lelhalibus sunt recidivi, ipsi
« Iractandi sunt sicut adulti. » Il faut les traiter dans ce cas comme
on traite les adultes; il n'est pas nécessaire d'exiger d'eux plus de
garanties, « Unde, continue le saint, si non praebeant extraordinaria
signa doloris, absolulio eis differri débet. » Quels sont ces signes
extraordinaires, le saint les énumère au livre vi, n. 460 de sa Théo-
logie morale. « Si autem dubium sit, continue-t-il dans le passage cité
« du Praxis, an puer perfectum usum rationis habeat, prout si ille in
« actu confessionis non maneret compositus, sed oculos in gyrum age-
« ret, manibus jocaretur, impertinentia interponeret ; tune si est in
« periculo mortis, aut in obligatione implendi praeceptum paschale.
Cl a'nsolvendus est sub conditione ; et tanto magis si confessus fuerit
« aliquod dubium mortale...; bene enira potesl adininistrare sacra-
« mentum sub conditione, quando justa adest causa, ut esset haec
« liberandi hune puerum a statu damnationis si unquam in illura est
• lapsus.... Idque agendum, etiamsipuer sitrecidivus : dum ideodif-
« terri débet absolutio iisqui perfectam discretionem habent, quia spes
(1) Praxis conf., n. 91.
172 MINISTÈRE PASTORAL.
a est quod ex tali dilatione ipsi redeant dispositi : sed spes haec diffi-
« culter haberi potesta puerisqui perfecto usu rationis carenl, » Ainsi,
d'après saint Alphonse, loin qu'il faille se montrer plus difficile pour
absoudre les enfants, on doit au contraire se montrer moins exigeant,
et le saint regarde même comme probable ce que disent plusieurs
théologiens, « quod pueri isli duhie dispositi absolvi possunt (saltem
« post duos vel très menses) sub conditione, licet sola venïalia affer-
« rent^ ne careant diu gralia sacramentali,et forte etiam sanctificante^
« si forte aliquam gravem culpara haberent ipsis occultam. » Et il ne
faudrait pas qu'on trouvât une difficulté sérieuse à suivre cette ligne de
conduite, sous prétexte qu'on devrait, dans ce cas, donner l'absolution
sous condition : car, d'après Benoît XIV (1), on ne peut rien alléguer de
décisif pour prouver que l'absolution sous condition est prohibée.
« Oportet autem curare, ajoute- saint Alphonse [ih.), ut hi pueri
et eliciant actum doloris necessarium ad suscipiendam absolutionem,
et modo respectu ipsorum magis proprio ; exempli gratia ; Amasne
« Deum qui est Dominus tuus tam magnus et tam bonus, qui te creavit,
« 'pro te est mortuus, etc ? Hune Deum tu offendisti. Ipse tibi veniam
• dure vult, et tu spera quod propter sanguinein J. C. Filii sui tibi
c ignoscat. Sed oportet te pœnitere. Qnid dicis ? Pœnitet te nnnc eum
« offendisse, etc. Istis injuriis quas Deo in'ogasti,scis quod infernum
« meruisti? Displicet tibi quod ipsas commiseris ? — Deus meus,
« nunquam amplius voJo te offendere, etc.
(( Curet etiam confessarius magnopere pueris insinuare devolionem
« erga Deiparam, utqae recitent quotidie rosarium et 1er Ave, mane et
f sero, semper hanc precem adjungendo : Mater Mea, libéra me a
a peccato mortali. »
Craisson, ancien vicaire-général. .
(1) De Synodo, lib. vu, cap. 15.
QUESTION LITURGIQUE.
Du classement des différentes fêtes de l'année relativement à la
j solennité extérieure.
Plusieurs fois déjà nous avons fait connaître les motifs qui nous obli-
gent de différer parfois les réponses aux difficultés qui noussontadres-
sées. Un bon nombre de questions restent encore à traiter : elles au-
ront successivement leur tour. Nous parlerons cette fois du classement
des différentes fêles de l'année, lelativement à la solennité extérieure.
Si nous en jugeons par la manière dont cette difficulté nous a été
po=ée, nous devons en conclure qu'il s'est glissé dans un Certain nombre
d'églises, des irrégularités assez notables sous ce rapport. 11 ne sera
donc pas inutile de tracer les régies à suivre sur ce points et la chose
nous sera d'autant plus facile que notre travail sur les fondions ponti-
ficales, t. VII, p. 438, renferme toute la solution de cette question,
surtout s'il est mis en regard de quelques textes du Cérémonial des
Évêques, ayant un rapport direct et immédiat au sujet qui nous occupe.
Ces régies sont les suivantes :
PREMIÈRE RÈGLE. Il y a quatre degrés de solennité extérieure. Le
premier comprend les fêles les plus solennelles, savoir : Noël, l'Epipha-
nie, le dimanche de Pâques, l'Ascension, le dimanche de la Pentecôte,
la fête du très-saint Sacrement, celles des saints Apôlres Pierre et
Paul, de l'Assomption de la sainte Vierge, de la Toussaint, du Titulaire,
du Patron, et de la Dédicace. On donne le deuxième degré de solen-
nité aux deux jours qui suivent Noël, Pâques et la Pentecôte, aux fêtes
de la Circoncision de Notre-Seigneur, de l'Immaculée Conception, de
la Purification, de l'Annonciation, de la Visitation et de la Nativité de
la bienheureuse Vierge JMarie, et à celles de la très-sainte Trinité et de
la Nativité de saint Jean-Baptiste. Le troisième convient aux dimanches,
17/i LITURGIE.
aux fêtes du ril double-majeur et à toutes les fêtes doubles de seconde
classe auxquelles on ne doit pas donner le deuxième degré suivant ce
qui vient d'être dit. Le quatrième degré appartient à toutes les fériés et
fêtes du rit double-mineur et au-dessous tombant dans la semaine.
Cette classification ressort du texte du Cérémonial des Evêques indi-
quant le nombre de chapiors qui convient aux différentes solennités dans
les grandes églises, et d'un décret de la S. G. déclarant que ce texte
indique la proportion à suivre.
Nous lisons dans le Cérémonial des Évêques 1. JI, c. m, n. 16 et
17, où il est traité des vêpres solennelles: « Eodem modo et ordine
« semper, diebus dorainicis et festivis quae a populo observantur, a cano-
« nico bebdomadario, lam in coUegiatis quam in calhedralibus Eccle-
« siis, absente episcopo^ vesperarum officia celebrantur : ea tamen
a n:oderatione adhibita, quod in festis solemnioribus,ut in NataliDo-
« mini nostri Jesu Christi, Epipbania,Paschate Resurrectionis,Ascen-
« sione, Pentecostc, in testo Corporis Christi, SS. Apostolonira Pctri
« et Pauli, Assumptionis B. M. V. et omnium Sanctoruni, sancti Tita-
« laris ecclesiae, et Palroni civitalis, vel Ecclcsiae Dedicationis, sex
« pluviaiia a presbyteris,seuclericistotidem,bebdomadarioassistentibus
• sumanlur. In aliis festis immédiate subsequentibus diera Nativitaiis
« DominijPaschaeelPentecostes ; item in festis Circumcisionis Domini,
« Purificationis, Annuntiationis, et Nativitaiis B. M. V., sanctissimae
c( Trinitatis, et S. Joannis Baplistae, quatuor tantum pluviaiia sumantur;
« in dominicis vero^, et aliis festis, duo. In duplicibus autem minoribus,
« semiduplicibus, simpiicibus et feriis, non oportet celebrantera^ seu
« hebdomadarium esse paratum, seufieri Ihurificationes. »
Ce texte montre clairement le degré relatif de solennité des diffé-
rentes fêtes. 1° La fêle de saint Jean-Baptiste etlesdeux premiers jours
dans l'octave de Pâques et de la Pentecôte, quoique rangésparmi les fêles
du ritdoublede première classe, sont considérés comme des jours moins
solennels que les autres du même rit. 2° Parmi les fêtes du rit double
de seconde classe, les fêtes de la Circonsision de N.-S., de la Purifica-
tion, de l'Annonciation, de la Nativité de la sainte Vierge, et les deux
fêtes qui suivent la fête de Noël, sont considérées comme plus solen-
nelles que les autres du même degré.
Si nous rapprochons ce texte de celui que nous avons cité,
t. VII, page 439, et de ce qui est dit au ch. xxxiv.u. 4 du Cérémonial,
nous remarquons la même classification lorsqu'il s'agit de déterminer
les jours où l'évêque diiit officier dans sa cathédrale, assister paré
ou non paré. Ici seulement, le dimanche de l'octave de Pâques est
LITURGIE. 175
mis au nombre des fêtes d'une solennité secondaire. Nous justifions
aussi par ce même texte ce que nous avons indiqué relativement aux
deux fêles qui suivent le jour de Noël. Le Cérémonial des Evêques
(1. II, c. III, n. 17) portant seulement jn aliis festis immédiate subse-
qnetitibtis Nalivitalem Domini, on en aurait peut-être conclu que la fête
des Saints-Innocents y serait comprise. Mais on voit assez, par le texte
même du Cérémonial, que si les fêtes de saint Etienne et de saint Jean
l'Évangéliste sont mises au nombre des fêtes de solennité secondaire,
c'est qu'elles sont considérées comme seconde .et troisième fêtes de
Noël.
Les fêtes du rit double de seconde classe qui sont célébrées avec une
solennité plus grande que les autres du même degré, sont celles qui ont
pour objet un mystère de la vie de Notre-Seigneur ou de la très-sainte
Vierge. On n'y énumère pas, à la vérité, rimmacidée Conception et la
Visitation, mais ces deux fêles ont été élevées au rit double de seconde
classe, la première par la constitution In excelso d'Innocent XII, du 15
mai 1G95 ; la deuxième [lar un décret de Pie IX, du 31 mai 1850. Les
dates sont, il est vrai, postérieures au Cérémonial des Évoques, et la
seconde, à h révision faile en 1752; mais la fête de la Conception
n'avait pas la solennité qu'on lui donne aujourd'hui. Le cardinal-préfet
de la S. C. des Rites, consulté sur ce point, a fait répondre que l'on
peut avoir deux ou quatre chapiers, suivant la solennité qu'on a cou-
tume de donner à ces fêtes.
Nous avons pu nous procurer le texte de cette consultation :
« Utrum in vesperis lmmaculata3 Gonceptionis et Visifationis B.M. Y.
« assumi debeant quatuor pUivialia? Ratio dubitaudi est,quod in Caere-
« moniaii Episcoporum (1. Il, c. m, n. 17) enumerantur cœteri dies
« in quibus ritu duplicis secundae classis celcbratur festum in honorera
« alicujus mystcrii vita3 lum Domini, tum Bealai Mariae, praeter duo
« prœdicta, quibus tune eadem ac hodienon tribuebatur solemnilas? »
Le cardinal-préfet a répondu : « Pendere a solemnilate qua festum
a peragitur in qualibet ecclesia. » (3 Oct. 1861.)
Nous voyons assez clairement par ces textes, la classification des
fêtes sous le rapport du degré de. solennité qui doit leur être donné.
Une décision delà Sacrée Congrégation des Rites, nous le montre d'une
manière non moins explicite. Monseigneur l'évêque de Vaison ayant
demandé si la rubrique du Cérémonial des évêques relative au nombre
des chapiers, astreignait toutes les églises, la Sacrée Congrégation a
répondu que toutes les églises ne sont pas tenues à en avoir autant,
mais qu'on doit garder la proportion indiquée par le Cérémonial : « Li-
176 LITURGIE.
• cere, altentis peculiaribus ecclesi* circumstantlis (1), quatuor
« assuraere pluvialia in festivitatibus primae classis, duo in aliis secundae
a classis, observata proportionead formam Caeremonialis. Cum autem
« proportio haec omnino servanda sit , decernimus, ac declaramus
« juxta dispositionem Caeremonialis (quatenus cathedralis Vasionensis
« ecclesia sufficienti numéro ministrorum instructa sH, sacra indumenta
f habeanturunius ejusdemque coloris, proutrubric3eexigant,indiYer-
« sitate festorura) quatuor a ministris assiimenda esse pluvialia in festis
a solemnioribus, scilicet, Natali D. iN. J. C, Epiphania, Paschate
€ Resurrectionis, Ascensione, Pentecoste, in festo Corporis Christi,
« SS. Apostolorum Pétri et Pauli, Assumptione B. M. V.,el omnium
or Sanctorum, S. Tilularis Ecclesiae, et Patroni Civitatis, et ecclesiae
a Dedicationis : duo vero pluviaba adhibenda esse in aliis festis im-
• médiate sequenlibus diem Nativitatis Domini, Pasebse et Pentecostes ;
a item in festis Circumcisionis Domini, Purificationis, Annuntiationis
« et Nativitatis B. M. V., SS. Trinitatis et S. Joannis Baptistaj :
« tandem in dominicis, aliisque festis unum tanlum pluviale erit ad-
a hibendum a célébrante, aut dignitas sit, aul canonicus, aut hebdo-
« madarius. lia decernimus et declaramus, ut ea servetur proportio
« q uam requirit Caeremoniale Episcoporum, quae sane proportio tenenda
« est, nulle habito discrimine intercelebrantiurn personas, cum eadem
« numéro pluvialia, eadem pretiosa, aut pretiosiora indumenta assu-
« menda sint, prout exigunt isti dies qui recurrunt, vel dignitas, vel
« canonicus, juxta ecclesiae Vasionensis ordinera, consuetudinera, at-
« que statuta sacra peragere debeat. » (Décret du 12 Juillet 1777,
n° 4384.)
DEUXIÈME RÈGLE. Parmi les fêtes auxquelles appartient le premier
degré de solennité, les plus solennelles sont celles de Noël, de Pâques,
de la Pentecôte, du Titulaire et du Patron.
Ce principe ressort de ce qui a été dit, t. vu. p. 441 et suivantes,
relativement aux fondions pontificales.
TROISIÈME RÈGLE. Parmi les fêtes auxquelles doit appartenir le deu-
xième degré de solennité, la plus solennelle est celle de l'Annonciation
de la sainte Vierge. Le mardi de Pâques et le mardi de la Pentecôte
sont les moins solennelles.
La première partie de cette régie est suffisamment prouvée dans
l'article déjà cité, t. vu, p. 446. Quant à la seconde, elle est appuyée
(1) Attentis pecularibm circumstanliis . 11 y avait alors quelques discus-
sions entre les prélrcs de cette cathédrale.
LITURGIE. 177
sur la rubrique qui assigne au mardi de Pâques la translation de la
procession des grandes litanies, si le dimanche de Pâques arrive le 25
avril.
QUATRIÈME RÈGLE. Parmi les jours où l'office doit avoir le
troisième degré de solennité, le plus solennel est le dimanche de
l'octave de Pâques. Ce jour est plus solennel que les fêtes doubles de
seconde classe auxquelles on n'attribue pas le deuxième degré de so-
lennité.
Ce jour, en effet, comme il a été dit ci-dessus, l'évêque assiste en
chape à la messe solennelle, dans sa cathédrale, comme aux fêtes de
solennité secondaire, et rien n'est spécifié à cet égard pour les fêtes
doubles de seconde classe, autres que celles énumérées dans la même
rubrique.
CINQUIÈME RÈGLE. Il est louablc de tenir compte des principes énon-
cés dans la deuxième, la troisième et la quatrième règles ; il ne paraît
cependant pas à propos de changer la proportion indiquée dans la
première règle pour le nombre de chapiers, s'il est facile de ne pas le
faire.
Cette proportion, en effet, est indiquée, dans le Cérémonial desÉvê-
ques, d'une manière positive. Cette rubrique et le décret cité sont
très- explicites sur ce point. C'est assez pour en faire l'objet d'une
attention spéciale. On pourra donc, aux fêles de Noël, de Pâques, de 1
Pentecôte, du Titulaire de l'Église, du Patron du 'lieu, décorer l'é-
glise avec plus de soin qu'à toutes les autres fêtes, employer des chants
plus solennels, des ornements plus précieux, etc. Mais si le personnel
du clergé de l'église le permet, et si rien ne s'y oppose, on fera bien
de prendre le même nombre de chapes aux vêpres des autres fêtes
auxquelles le Cérémonial attribue le premier degré de solennité.
SIXIÈME RÈGLE. 11 ne paraît pas contraire aux règles de la liturgie de
célébrer certaines fonctions avec un degré de solennité plus élevé que
pelui qui devrait leur appartenir, à raison d'une circonstance particu-
lière, et même d'augmenter le nombre des chapiers.
Il faut, sans aucun doute, respecter la lettre du Cérémonial, et tel
est le sens de la règle précédente. Pour en comprendre l'esprit, il faut
se rappeler quelques autres principes. D'abord, comme nous l'avons
vu t. VI, p. 356, il est permis de célébrer les vêpres d'une fête du
rit double majeur ou mineur, ou même les vêpres semi-doubles du di-
manche, avec la solennité qui convient à une fête dont on aurait chanté
la Messe votive à raison d'une solennité transférée ; de plus, la réponse
du cardinal - préfet de la sacrée Congrégation rapportée ci-dessus
Revue des sciences eccLÉsiASTiQUES, t. ix. 12
178 LITURGIE.
montre suffisamment qu'on peut user à cet égard d'une certaine latitude.
D'après le Cére'monial, l'évêque assiste en chape, dans sa cathédrale,
non-seulement aux fêtes du deuxième degré de solennité, mais encore
« in aliquibus principalibus festivitalibus ecclesiae cathedralis, et pro
« aliqua re gravi, ad universalem vel propriam Ecclesiam spectante. »
On pourrait donc maintenir, ce me semble, l'usage de quelques églises
de célébrer avec une pompe extérieure d'un rit plus élevé, même en
augmentant le nombre des chapiers, certaines fêtes ou certains offices.
Telles sont certaines coutumes sur lesquelles on désire connaître notre
sentiment. Ainsi, dans quelques endroits, les officesont coutume d'être
célébrés avec une grande pompe à quelques fêles de Confrérie, le jour
de la première communion des enfants, le jour où un prêtre nouvelle-
ment ordonné vient pour la première lois l'aire les offices dans une
église, etc. Nous ne voyonsaucune raison d'improuver ces usages; nous
faisons toutefois les observations suivantes : 1° Jamais il n'est permis de
changer le rit d'un olBce, et quand même il serait célébré avec pompe
extérieure, on ne doit y supprimer aucun mémoire ; s'il est du rit
serai-double, on ne double point les antiennes. Ce principe résulte de
ce qui a été dit t. vu, p. 356. 2" Nous ne pouvons admettre que l'on
puisse à volonté, comme l'ont prétendu certaines personnes, changer
la nature ou l'ordre de l'office dans les églises oii il n'est pas d'obliga-
tion , si les vêpres se célèbrent avec solennité ; tout au plus peut-on
tolérer l'usage de chanter seulemer.t une partie de l'office, si l'on n'y
lait aucune cérémonie. 3° On ne peut pas célébrer l'office avec une so-
lennité extérieure plus grande pour faire honneur à un prêtre en par-
ticulier, comme on le voit par le décret cité. Le cas d'un prêtre nou-
vellement ordonné n'y paraît pas compris.
SEPTIÈME RÈGLE. Quoiqu'on puisse suivre l'usagededonneràccrtaines
fonctions une pompe extérieure plus grande que ne comporterait le rit
de l'office, il est bon cependant de faire une distinction entre la solen-
nité qu'un y donne et celle des fêtes auxquelles elle appartiendrait.
Cette distinction peut se faire surtout par le nombre des chapiers.
Celle règle est appuyée sur la lettre du Cérémonial, et sur les ré-
flexions que nous avons faites au sujet de la cinquième règle.
P.K.
DÉCISION
DK LA SACRÉE CONGRÉGATION DU CONCILE.
(26 septembre 1863.)
PataTina. — Amovibiliiatis Vicariorum coadjutorum.
La S. Congrégation da Concile, dans une de ses dernières séances,
s'est occupée d'une cause qui offre un intérêrgénéral, et touche à cer-
tains points très-importants de la jurisprudence canonique. La question
de l'inamovibilité, qui a donné lieu autrefois en France à d'assez vives
controverses, presque toujours aussi vaguement déterminées que con-
duites avec peu d'intelligence des principes du droit canoni^ne, est
touchée dans cette affaire. Bien que les points qui chez nous seraient
pratiques, ne soient point déterminés dans celte décision, néanmoins le
canoniste pourra tirer des réflexionsdu rapporteur delà S. Congrégation
un utile enseignement. Voici le fait qui a donné lieu à cette décision :
La ville de Padoue était autrefois divisée en 30 paroisses, adminis-
trées seulement par 28 curés titulaires, dont deux par conséquent
étaient chargés du soin de deux paroisses. Mais cet état de choses fut
modifié ou troublé en 1804 par un décret impérial qui réduisait à 12
les 30 paroisses, dont l'existence remontait à un temps immémorial.
Toutefois les curés dépossédés purent jusqu'à la mort jouir de leur an-
cienne prébende.
Or, la disparition de ceux-ci faisant sentir le besoin d'ouvriers dans
la vigne du Seigneur, un décret (13 janvier 1808) du pouvoir civil
arrêta qu'on adjoindrait aux curés quelques vicaires coadjuteurs qui,
sur la proposilion du Préfet, seraient nommés par l'ordinaire. On
assigna à ceux-ci 500 livres de traitement annuel payables sur les
revenus du bénéfice, et quelques-uns obtinrent en outre les anciennes
maisons paroissiales. Il importe aussi de rappeler que 10 églisesdes pa-
roisses supprimées furent renversées de fond en comble.
180 DÉCISION
Tuutefuis, parmi les 23 vicaires créés, les uns retinrent l'ancienne
prébende avec la maison et l'église parroissiales, d'autres ne reçurent
que la prébende sans la maison, et enfin quelques-uns furent payés par
l'État.
Après cette perturbation des biens et des droits ecclésiastiques,
l'évêque de Dondis ab Orologio donna à cette organisation des paroisses
une forme définitive : il accorda à 4 de ces vicaires des lettres de col-
lation et d'institution in prsebendam sen beneficium, sans rien spécifier
sur l'amovibilité et l'inamovibilité, en désignant toutefois ceux-ci sous
le nom de vicaires adjoints avec charge d'àmes, sous la direction et la
dépendance de leurs curés respectifs. Mais les deux évéques Farina et
Manfredini, successeurs du précédent, ayant dans leurs lettres de colla-
tion fait mention expresse de l'amovibilité, les vicaires coadjnteurs ré-
clamèrent, et adressèrent, en 1859, une supplique au saint Père, afin
d'être déclarés inamovibles dans leurs propres fonctions et prébendes.
Sa Sainteté ayant renvoyé cette affaire à la S. Congrégation, celle-
ci, par l'organe de son secrétaire, demanda l'avis de l'Évêque de Padoue
sur la nature des bénéfices en question. Le prélat se contenta d'abord
de transmettre les réclamations amères dos curés titulaires contre les
prétentions des coadjuteurs, en donnant d'ailleiTS son adhésion au vœu
des dits curés, qui concluaient minime expedire ut bénéficia snpradi-
ctortim sacerdolum inamovibilia declarentur. A cela toutefois, lÉvê-
que ajoute une raison d'opportunité : His prseferlim temporibus,
qnibus etiam in clerum quamdam snhjeclionis inlolerantiam irrepsisse
dolendum est.
Le même évêque, invité de nouveau par la S. Congrégation à vouloir
bien donner des renseignements plus explicites, répond, par sa lettre
du ^'-2 juin 1865, « qu'aucun des vicaires coadjuteurs n'a la juridiction
'proprement dite, mais qu'ils exercent la charge d'àmes sous l'entière
dépendance des curés ; que ces vicaires n'ont aucun territoire détermi-
né ou distinct; qu'ils ne reçoivent point Pinvestiture, mais des lettres
patentes ; et qu'ils n'ont pas la libre administration des sacrements, ni
l'assistance aux mariages, ni le jus funerandi, decimandi.
A l'interrogation, si les changements opérés dans ces paroisses par
le pouvoir civil avaient été ratifiés par l'autorité ecclésiastique, l'Évê-
que répond que le fait n'est pas certain, mais que la pratique a approuvé
et confirmé cet éiat de choses.
Avant d'aborder la question de droit sur l'inamovibilité des vicaires
coadjuteurs, il importe encore de faire une observation préalable.
D'après la €onstitution Decernil d'Innocent III, le pouvoir civil, desa
DE LA S. Ç. DU CONCILE. 181
propre autorité, ne peut rien statuer « quod Ecclesiarum etiara respi«
cial coramodum et favoreni. » Il résulte donc de là que la suppression
des paroisses dans la ville de Padoue, est un acte de nulle valeur. La
S. Congrégation du Concile s'est exprimée plusieurs fois sur ce point.
{//) Fossanen. Capell. 18 dec. iSAl. Casertana Reinlegr. diei 8 aug.
1863.) Et celte loi, qui concerne tous les bénéfices ecclésiastiques,
doit être encore plus strictement observée lorsqu'il s'agit des (laroisses,
jusqu'à ce point que la Congrégation ratifie difficilement lessuppressions
opérées même par l'autorité ecclésiastique : il faut pour cela qu'il y ait ou
utilité évidente ou nécessité manifeste. Les décisions sur ce point sont
nombreuses et précises, et la supfircssion des paroisses est considérée
comme tellement opposée au droit, que l'Évêque ne peut l'effectuer en
vertu de son seul pouvoir ordinaire. C'est du moins renseignement
commun des canonistes, qui se fondent sur les paroles du Concile de
Trente. (Sess. 25, c. [Q,de Ref.;Borb. alleg. 68, n. 9 ; Leiiren. sect. 2
de Alleral. et suppr. henef. qtisesl. 964, n. 6 : Ricc. in praxi rer. quo»
tid. For. Eccles. part. 4, resol. 553 : Lotter. de re henef. l. 1 , c. 28,
n. 78 &€qq. : Turrkell. de Union, c. 1, n. 6 seqq. : Rota in Cracov.
Canonicalus, \bjan. 1825.)
Et même en vertu de leurs pouvoirs extraordinaires, comme délé-
gués du Siège Apostolique [Conc. Trid. Sess. 24, c. iZ de Réf.), i\s ne
peuvent opérer celte suppression qu'autant qu'ils emploieront les solen-
nités proscrites par les saints canons. Le droit propre el originaire
d'opérer ces supfiressions n'appartient qu'au Pontife romain.
Comme le rétablissement des anciennes paroisses de Padoue semble
aujourd'hui impossible, il ne reste qu'une double alternative : ou de
régulariser l'étal de choses actuel, ou d'attendre que les circonstances
permettent de rcédifier les églises supprimées.
Mais comme il s'agit surtout ici de l'amovibilité des vicaires coad-
juleurs, nous allons discuter la question de droit, en apportant d'abord
les raisons alléguées par les parties.
1. Les curés qui forcent opposition à la demande des vicaires coac}-
juleurs, invoquent : 1° le décret du pouvoir civil qui a voulu créer des
vicaires amovibles. Cet argument est de nulle valeur, ainsi qu'il résulte
de ce qui a été dit plus haut.2''Arriyant ensuite à des raisons plus sé-
rieuses, ils font remarquer que les évêques §e sont conformés à ce
décret du pouvoir civil, décret qu'ils ont mis à exécution, et que les
deux derniers, Farina et Manfredini font mention e.xpressede l'amovi-
bilité dans leurs lettres patentes. L'évôqne àp Ponfjis lui-n^êmc adopte
pour les lettres patentes des vicaires une formule différente de celle qui
182 DÉCISION
est employée dans les bulles des curés. Dans les premières on lit: Tibi
assignatnus prœbendajn seuheneficuim. Dans les nominations des curés
on se sert des expressions suivantes : Tibi ecclesiam conferimns et
assignamiis et de ea investimus. Il y a donc toute la difTérence entre
la collation d'un office et d'une prébende, et celle de la juridiction.
3° Jamais les évêques n'ont voulu admettre ces prébendes comme titre
d'ordination.
Les curés opposants terminent on alli'guant uns raison de convenance.
Les évêques^ disent-ils^ en ne reconnaissant que des vicaires amovibles,
se sont moins fondés sur les exigences du pouvoir civil que sur l'utilité
des églises. L'amovibilité d'ailleurs n'a jamais été nuisible soit aux dits
vicaires, qui quelquefois sont devenus curés^ soit aux prébendes elles-
mêmes, qui se sont bien conservées entre les mains de leurs recteurs
amovibles. Cette amovibilité, d'autre part, est grandement utile aux
paroisses: d'abord les ecclésiastiques, par l'exercice du saint ministère
dans les vicariats, deviennent plus tard des curés habiles et expéri-
mentés; si, au contraire, les vicariats étaient inamovibles, ilrésulterait
de cet état de choses que les jeunes prêtres nouvellement ordonnés,
qui deviennent coadjuteurs, une fois pourvus d'une prébende inamovible,
« in eadem inertes lorpescerent, studiis valedicentes, ac propria numera
oscitanter obeuntes, prout quolidiana experientia docet hoc in ils locis
evenire, ubi recens ordinatiprcsbyteri ad parochialemunus exercendum
illico admissi non per vicarise administrationis gradum ad parochias,
ascendunt. »
H. A toutes ces raisonS; les vicaires coadjuteurs opposent les argu-
ments suivants .
1° Le décret du gouvernement, qui à la vérité n'a en lui-même au-
cune valeur, fait mention expresse de l'institution canonique et d'un
titre paroissial. 2° L'évêque de Dondis, qui gouvernait l'Église de Pa-
doue an moment de la suppression, et qui,*par conséquent, mieux que
ses successeurs, connaissait les besoins des églises, n'a jamais fait
mention de l'amovibilité : bien plus, en 1816, il émit le vœu que le
gouvernement autrichien considérât les vicaires coadjuteurs comme
inamovibles. Et dans ce vœu, il rappelle que les dits vicaires ne peu-
vent être, comme des chapelains ordinaires, dépossédés par la seule
volonté des curés, mais que cette dépossession exige l'assentiment de
l'évêque et l'approbation du gouvernement. Il résulte donc de là que
les vicaires coadjuteurs, bien que n'ayant pas été originairement insti-
tués en titre, ne peuvent cependant être dépossédés sans raisons cano-
niques. Donc, conclut le défenseur, ces côadjuloreries seraient à la fois
DE LA S. G. DU CONCILE. 183
amovibles et inamovibles, ce qui est anormal : les vicaires sont d'ailleurs
assujettis à l'examen, à la profession de foi exigée par le concile de
Trente {Sess. 24, c. 12 (fe Réf.) pour les curés. Dans l'acte de mise en
possession, ils doivent baiser l'autel, s'asseoir au confessional, etc., en
un mot remplir toutes les formalités des véritables bénéficiers. S'ils
viennent à ôlre dépossédés, on exige un acte de renonciation en les me-
naçant des censures. Or tout cela e&t incompatible avec l'amovibilité, et
contraire à toute la discipline ecclésiastique. Pour faire disparaître ces
anomalies, il serait donc opportun que la S. Congrégation déclarât l'in-
amovibilité des coadjuteurs de Padoue.
Enfin, l'avocat des réclamants insiste aussi sur ce que l'évêque Oro-
logio se servait dans ses lettres de collation des termes de bénéfice,
prébende, invefliliire, etc., termes qui, selon les requérants, indique-
raient un bénéfice véritable. Or, il est de la nature du bénéfice d'être
perpétuel, non-seulement en lui-même, mais encore dans les bénéfi-
ciers, ainsi que l'enseignent Reiff. in décret, l. 3, lit. 4, § 4, n. 6;
Barh. l. 5, Jus: eccl. cap. 5, ti. 8 ; Vallensis, eod. tit. §1,7). 5;
Engel. ibi, n. 2; Layman, Tlieol. mor. tract. 2, cap. 1, n. d.
Les vicaires coadjuteurs, après avoir invoqué ces raisons de droit,
descendent ensuite à deux raisons de convenance :
1° L'utilité du peuple : le pasteur a soin des brebis qui lui appar-
tiennent, tandis que le mercenaire considère les fidèles comme n'étant
pas ses ouailles, easque mactat et perdit.
2° Le bénéficier inamovible apporte plus de soin et d'intérêt à amé-
liorer la situation de ce bénéfice, qu'il possède à litre perpétuel.5
Au surplus, ajoutent-ils, la Sacrée Congrégation a déjà eu à statuer
sur une question semblable, en conservant l'inamovibilité des six man-
sionnaires coadjuteurs de l'archiprêlre, auxquels le mêmeévêque Farina
voulait la ravir.
La requête des coadjuteurs se termine en rappelant l'article 27 du
dernier concordat entre le Saint-Siège et l'empereur d'Autriche, ar-
ticle dans lequel il est déclaré que tous ceux qui auront été nommés à
un bénéfice quelconque, ne pourront prendre l'administration des biens
temporels annexés à ce bénéfice qu'en vertu d'une institution canonique.
Le rapporteur de la Sacrée Congrégation, après avoir énuméré toutes
ces raisons, ajoute : « 11 semble en effet plus conforme au droit, que le
gouvernement des âmes soit exercé par des recteurs perpétuels plutôt
que pardes pasteurs amovibles : cap. unic.de Capell. monach. et can.
Sanclorum, dist. 70, et cap. Cnm ignores \^ deprxb. cap. Exlirpandx
30 eod. lit. § Qui vcro etca?». \,quœst. I , caus. 13; Conc. Trid. Sess. 7
18A DÉCISION DE LA S. C. DU CONCILE.
c. 7 et Sess. 24^ c. 13, de Réf. En outre, l'enseignement des docteurs
est unanime sur ce point : Fagnan. in cap. Ex parte n. 9 et seq. de
Off. Yic. ; Monaceî. Form. eccL, part. 4, in siipplem. n. 172 ; Card.
de Luca in Conc. Trid. dhc. 9, n. 1 et 2; Corrad. Prax. benef. 1. 3,
n. 6; Ferraris, v. Parochia, n. 14, et Sacr. Congregatio Concil. in
Narnien. Curx animar. (9 se/)M848), § ex tUrinque ; in Ravennaten.
parœciarum [l2dec.\ii29);inAtrien. ciir se animar. C^'l febr. 1862),
ad. I dub.^ et in VernJana dismembrationis et erectionis parœciarum
(10 maii 1862), § Generaliora.
Il est beaucoup mieux pourvu au soin des âmes par des vicaires
perpétuels que par des vicaires amovibles {Narnien. 9 sept. 1848) ; il
répugne souverainement à l'Eglise de considérer ses ministres, surtout
quand ils ont charge d'âmes, comme des mercenaires, qui opéras suas
locent pro mercede diurnâ.
Toutefois, malgré ces raisons, comme le Concile de Trente {Sess. 7,
c. 7, de Réf.) ne défend point absolument de confier le gouvernement
des âmes à des curés amovibles, il faut surtout, lorsqu'il s'agit d'intro-
duire l'inam.ovibilité, examiner les circonstances et spécialement l'uli-
IXlé des églises : et ce motifdoit principalement être pesé avec maturité,
lorsqu'il s'agit, non des curés en titre, mais de ceux qui remplissent
les fonctions de coadjuteurs.
DuBiUM. An et quomodo amovibiles vel inamovlbiles renunciandi
sint vicarii coadjutores in casu ?
Resp. Affirmative in ornnibusad primam partem, juxta votum Epi-
scopi ; Négative ad secundam.
E. Grandclaude.
BIBLIOGRAPHIE.
Discours du D'' Dœlling^er à l'assemblée de Munich.
En rendant compte des travaux de l'Assemblée de Munich dans le
dernier numéro de la Revue, nous avons passé un peu rapidement sur
le discours du président Dœllinger. Nous n'avons fait qu'indiquer le
jugement qu'il porte sur la situation de la France au point de vue théo-
logique^ et les conditions qu'il assigne à la théologie pour atteindre sa
grande fin, l'union des esprits dans la connaissance toujours plus appro-
fondie de la vérité.
Ce discours vient d'être publié séparément (1). Il mérite d'être étu-
dié et discuté sérieusement. Nous ne pouvons entreprendre ce travail
dans la Revue. Trop de questions y sont soulevées, trop de jugements
y sont portés sur les divers mouvements intellectuels qui se sont pro-
duits aux différents âges de l'Église et dans les différents pays chré-
tiens.
Pour se rendre compte du discours de Dœllinger et de certaines appré-
ciations qu'il y formule, il faudrait connaître profondément l'Allemagne,
et les courants d'idées qui ont passé sur ce pays depuis le commence-
ment du siècle. Ce qu'on appelle la science de l'Allemagne s'est déve-
loppé en grande partie sous une influence protestante. Les catholiques
qui sont entrés dans le courant scientifique n'ont pas toujours su se
défendre de cette influence, et ont trop souvent cédé à des tendances
de suhjedivisme. La vieille philosophie catholique, qui eût été d'un si
grand secours dans ce vaste développement inlellecluel, était générale-
ment ou tout-à-fait inconnue, ou jugée avec des préventions déplo-
rables. Quelques-uns croyaient pouvoir se passer entièrement de phi-
losophie en envisageant toutes les questions au point de vue de l'his»
(1) Die Vergangenheit und Gegenwart der kathoUschen Théologie. Voq
I. von Dœllinger. Regensburg, Manz, 1863. 8'. 36 pp.
186 BIBLIOGRAPHIE.
toire ou de la théologie. Les autres, au lieu de se rattacher aux grandes
et fécondes traditions du moyen-âge, se sontlaissésséduire par des sys-
tèmes que rp]glise a dû condamner, tels que ceux de Hermès, de Baa-
der, de Guntlier, et récemment encore de Frohschammer. Ce n'est que
depuis un petit nombre d'années que s'est manifesté en Allemagne un
retour vers la philosophie du moyen-âge. L'école néo-scolastique,
comme on l'a appelée, y a trouvé de grands et nobles représentants,
entre autres dans les savants rédacteurs du Catholique do, Mayence ;
mais d'autre part son développement a renrontré bien des malentendus,
souvent de rhoslilité, dont le principe se trouve moins dans la spécu-
lation philosophique considérée en elle-même, que dans la manière
d'envisager les rapports de la philosophie avec l'autorité de l'Église.
Les néo-scolastiques admettent comme leurs prédécesseurs le droit de
l'Église d'intervenir dans les questions philosophiques. Les autres se
sentent moins disposés à reconnaître cette autorité, et il n'est pas rare
d'entendre même des esprits très-droits, des hommes fort inslruits et
très-attachés à l'Église, se plaindre des restrictions posées par les dé-
cisions de l'Église à la liberté de la science.
Les deux partis étaient représentés à Munich. Si cette réunion a
amené un grand résultat pour les idées, c'a été certainement celui de
faire prédominer de plus en plus le principe do la soumission à l'Église.
Il nous semble que c'est au point de vue de cette situation et de ce
résultat qu'il faut se placer pour apprécier le discours qui nous occupe.
Nous y distinguerons la partie relative à ces dispositions d'esprit si
diverses des auditeurs, d'avec les idées toutes personnelles de l'illustre
président. Pour les jugements qu'il porte sur plusieurs des plus
importantes questions, nous les trouvons marqués au coin de la puis-
sante originalité que donnent à tous les travaux de Dœllinger son gé-
nie supérieur, son vaste savoir (1) et la tournure particulière de son
esprit. Mais précisément à cause de cette originalité, nous ne voudrions
en aucune manière en accepter la responsabilité. Plusieurs même,
comme nous l'avons indiqué dans notre dernier numéro, ont rencontré
immédiatement des contradicteurs au sein de l'assemblée. Nous regret-
tons en particulier le jugement qu'il a ex[)rimé sur l'état de la théologie
en Italie, et si, dans l'article déjà cité, nous avons rappelé avec
(I) Nous sipçualeronsspéfialenient à nos lecteurs sa dernière brochure
intitulée : DiePapst-Fabeln de^ Mtlte/alters, Fables touchant la papauté
au D^oyen-àge, et dont une traductioa par M. l'abbé Reiuhard est sous
presse chez Ad. Le Clère, à Paris. Cette remarquable étude est détachée
d'une grande histoire de la papauté qui est en voie de préparation.
BIBLIOGRAPHIE. 187
bonheur que la France possède une maison de hautes études Ihéologiques
à Rome, nous l'avons fait spécialement pour nous séparer de lui sur
ce point. 11 y a aussi des phrases bien dures sur l'Espagne, non-seule-
ment d'aujourd'hui, mais encore sur l'Espagne de Suarez et Vasquez,
pour ne citer que ces deux noms. En général, il nous semble que son
amour pour le mouvement scientifique qui s'est, de nos jours, déve-
loppé chez les Allemands, le rend dur et pour les pays et pour les
époques qui ne ressemblent point à l'Allemagne contemporaine.
La scolaslique lui déplaît pour deux raisons. « Son procédé
analytique, dit-il, ne lui permettait pas de créer une science harmo-
nique qui répondît véritablement aux riches profondeurs des vérités
révélées. Mais ce qui influa surtout d'une manière décisive sur les ré-
sultats de la scolastique, c'est que tout le côté exégétique et historique
delà théologie restait à l'arrlère-plan et dans l'ombre. Ce qui man-
qua le [lins à cette époque, ce fut le don des recherches et des repro-
ductions historiques; même les conditions essentielles de ces études, la
linguistique et la critique historique, faisaient défaut. »
Saint Thomas lui-même ne reçoit pas de lui les hommages que
depuis tant de siècles on lui rend dans l'Eglise. La seule phrase
qu'il lui consacre est celle-ci : « D'autre part, ce fut seulement alors
qu'une des branches les plus importantes de la théologie, la morale,
fut, avec une puissance véritablement créatrice, élovée par saint Thoraa^
à l'état de science, bien qu'il l'appuyât sur une base aristotéUcienne. »
Assurément, on peut trouver dans ces jugements quelque chose de
trop absolu et de trop partial. Ils ne rendent pas assez justice à la vraie
grandeur de la théologie du moyen-âge, et donnent aux lacunes qu'elle
présente une importance excessive.
Nous ne voudrions pas davantage assumer la responsabilité de plu-
sieurs autres assertions de Dœllinger. Les grands esprits ont leur ma-
nière particulière d'envisagés les choses, et la hauteur même à laquelle
ils s'élèvent constitue quelquefois pour eux un danger tout particulier.
Pour eux plus encore que pour les autres, la suprême autorité de l'É-
glise est nécessaire, afin que la liberté de leurs jugements ne tourne
point à leur détriment ou au détriment de la science. Aussi, c'est de
la bouche de Dœllinger lui-même, que nous aimons à recueillir la dé-
monstration de celte absolue nécessité, et si quelques-uns de ses juge-
ments peuvent surprendre, surtout en France, nous ne craignons pas
de le voir s'égarer quand nous l'entendons proclamer si haut la néces-
sité pour la science d'être libre et indépendante, quand nous lui en-
tendons dire que « la liberté est aussi nécessaire à la science que l'air
l'est au corps. »
188 BIBLIOGRAPHIE.
Quel est donc l'esprit qui animait Dœllinger et que comme président
il a imprimé au\ travaux de l'assemblée ? Il s'agissait des relations des
savants avec l'autorité. 11 s'agissait de proclamer hautement le devoir
absolu, pour eux comme pour les autres fidèles, de se soumettre à tous
ies jugements de l'Église. 11 y avait à vaincre, chez plusieurs de ses
auditeurs, ces préjugés qui montraient dans la soumission à l'Église un
obstacle à l'essor de la science. Nious avons vu dans notre dernier nu-
méro comment le sentiment catholique triompha sur ce point. Les deux
propositions de Michelis furent adoptées par l'Assemblée presque tout
entière, et nous apprenons d'un des savants les plus distingués qui y
assistèrent, qu'elles trouvèrent en Dœllinger un de leurs plus chauds
défenseurs. C'est donc en ce sens profondément catholique que nous
paraissent devoir être expliquées les propositions de son discours rela-
tives à la liberté de la science.
La liberté qu'il aime et qu'il défend chaudement, c'est la liberté, non
sur les questions définies par l'Eglise, mais sur les opinions controver-
sées jusqu'aujourd'hui, et celte liberté il no l'étend pas au-delà dujour
où l'Église aura parlé. C'est dans cette soumission qu'il trouve la paix
et le repos de son âme tout entière. 11 y reconnaît le phare qui doit
guider la science, et la préserver de dangereux errements.
Il met en présence un savant étranger à l'Église, et un théologien
catholique ; le premier, faisant valoir haut la liberté de ses opinions
religieuses et son droit de penser et de [)rofesser tout ce qu'il voudra ;
le catholique lui répondant fièrement avec le poète anglais :
Me Ihis vnchastened freedom tires
I feel the weight of chance desires.
« Cette liberté sans frein me donne le dégoût, je sens le poids de
désirs déréglés. « Puis il prête à celui-ci ce discours : « C'est préci-
sément parce que je suis saturé et fatigué d'opinions, parce que mon
âme a faim et soif de la paix, de celte certitude tranquille que la foi
seule peut donner, que je me suis soumis à l'Église, la seule autorité
qui, sur la terre, me demande et a le droit de me demander ma foi. Je
ne puis croire qu'à l'autorité vivante en dehors et au-dessus de moi; et
non à un texte interprété et commenté par moi ou par un autre homme
sujet à se tromper comme moi ; ce qui ne eerait, en fin de compte, que
transporter dans le texte ma propre opinion, qu'à mon insu je cherche-
rais et je désirerais toujours ; et c'est précisément pour échapper à cette
illusion inévitable, pour ne pas me reconnaître moi et mes pensées comme
BIBLIOGRAPHIE. 189
autorité, c'est-à-dire comme l'idole de mon idolâtrie, que je me suis
réfugié dans le sein de cette Église à qui il a été proniisque jamais son
enseignement ne sera modifié ou dominé par les vœux impurs ou les
pensées égoïstes des hommes. Car ceux-ci se font toujours une doctrine à
leur convenance^ quand ils en ont lepouvoir, pour en faire un coussin où
leur conscience dormira en paix. C'est ainsi seulement que je suis en
môme temps libre et soumis ; c'est ainsi que, comme théologien, je suis
écolier et maître ; mais pour devenir maître, j'ai pris le seul chemin
possible, j'ai commencé par me soumettre avec une confiance pleine
d'abandon, et les années de mon apprentiL^sage ne se termineront pas
en cette vie. Que d'autres méprisent l'autorité au lieu de lui donner
leur reconnaissance et leur confiance! Il n'est que trop naturel à
l'homme de traiter avec dédain le' bien qu'il a perdu ; il ferme les yeux
de l'âme aussi facilement que ceux du corps. Que d'autres plient comme
le jonc du marais à chaque nouveau courant de l'atmosphère, ainsi que
cela s'est vu depuis trois cents ans. Pour nous, nous nous souviendrons
des hommes de notre nation qui nous ont précédés, et qui ont déjà
passé à une vie meilleure, de Gugler, Drey, Mœhler, Klee, Stauden-
maier, et nous renverrons à eux nos jeunes théologiens comme à des
maîtres et à des modèles. Ceux-là ont su unir la fidélité à l'Eglise avec
cette libre indépendance qce réclament les investigations de la science.
Je serais tenté de dire que les qualités Ihéologiqdes de ces cinq
hommes, dont chacun avait reçu du Ciel son don propre, se complètent
si bien que, réunies en une seule personne, elles nous présenteraient
l'idéal du théologien allemand. Mais ils avaient tous ceci de commun,
que si leurs recherches scientifiques eussent abouti à un résultat non
conforme à la doctrine de l'Église universelle, ils eussent aussitôt cher-
ché ferreur de leur côlé, et non du côté de l'Église. Us fussent partis
du principe que la méthode suivie dans leurs recherches devait conte-
nir un vice qui se manifesterait infaiHiblement à la suite d'un nouvel
examen consciencieusement fait ; cet examen, ils l'eussent aussitôt en-
trepris, et tôt ou tard, mais sûrement enfin, ils eussent découvert
l'erreur commise dans leur calcul scientifique. »
Ce sont là de bien nobles paroles que nous sommes heureux d'enre-
gistrer, et nous pensons que si de légitimes réclamations ont pu s'élever
dans l'Assemblée contre diverses propositions du discours, l'esprit
général n'en doit être apprécié que par les principes généraux que
l'orateur lui-même y a si magnifiquement développés. En tout cas,
quand on pense et que l'on s'exprime ainsi, on a rétracté d'avance
tout ce qu'il peut y avoir d'excessif et de hasardé dans certaines opi-
nions. J--I. SiMONIS,
190 BIBLIOGRAPHIE.
Traité des Irrég^ularités, du docteur Bœnninghausen.
Ce traité, dont nous avons la première livraison sous les yeux, es'
ainsi intitulé : Tradalus juridico-canoniciis de irregularitatibus, auctore
Fr. E. a Bœnninghausen, juris ulriusque doctore et preshyterocurato,
— Ciitn permissu R. D. Episcopi Monasleriensis. — Monastern,typi$
et sumptibtis Theissingianis. 1865. La première partie, de irregularï-
talïhus in génère, développe, dans une série de six chapitres, les points
suivants : 1" Importance du sujet. 2° Notions sur la nature de l'irré-
gularité et de l'incapacité. 3° Du mot irrégularité, et de sa partition
en différentes espèces. 4» Sa cause efficiente. 5° Ses effets, tant par
rapport aux saints ordres, que par rapport aux bénéfices. 6« De la dis-
pense des irrégularités. La seconde partie, de irregidaritalibiis ex
delicto, traite des irrégularités qui proviennent 1° de quelque man-
quement en ce qui concerne le baptême ; 2" de l'hérésie, du schisme
et de l'apostasie ; 3" de la violation des excommunications, des suspenses
et des interdits ; 4° de l'exercice d'un des ordres sacrés par celui à qui
cet ordre n'a pas été conféré. Là s'arrête la première livraison, qui
remplit WS pages. Ce travail nous paraît solide, méthodique, et suffi-
samment complet. Nous n'en avons pas fait encore un examen assez
attentif pour pouvoir nous prononcer sur la parfaite exactitude doctrinale
dans les détails. Mais nous avons cru devoir le signaler sans retard au
clergé, et en particulier aux professeurs des séminaires. Nous nous
proposons de l'examiner d'une manière plus complète quand le reste
aura paru.
Nous regrettons que l'éditeur de Munster n'ait pas indiqué des
libraires correspondants, pour faciliter l'acquisition de l'ouvrage dans
les pays étrangers. D. Bouix.
CHRONIQUE.
i . Le scandale donné au monde chrétien par la publication du roman
aussi superficiel qu'impie de M. Ernest Renan, a été couvert par d'abon-
dantes compensations. Sans parler des manifestations qui ont eu lieu
en beaucoup d'endroits et dont les journaux ont donné le récit, que
de protestations par la voie de la presse dans les journaux, dans les
revues, dans des brochures et des livres spéciaux ! Les dernières se-
maines nous ont apporté encore deux œuvres de première importance:
La vraie Vie de Jésus. Seconde instruction pastorale de Mgr l'E-
vêque de Nîmes contre le livre intitulé : Vie de Jésus par E. Renan.
(Nîmes, Souslelle, S» de 232 pp.) — La Divinité de Jésus-Christ, dé-
CHRONIQUE. 1P1
monstration nouvelle tirée des dernières attaques de l'incrédulité, par
M. Auguste Nicolas, auteur des Etudes philosophiques sur le Chris-
tianisme. (Paris, Vaton. 8° de iv-460 pp. 6 fr.)
2. L'Université de Louvain, où les sciences bibliques sont cultivées
avec un si grand éclat, ne pouvait manquer de dire son mot sur la ques-
tion du jour. M. le professeur Lamy s'est dignement acquitté de cette
tâche. Son opuscule : Examen de la Vie de Jésus, de M. E. Renan
(Louvain, Fonteyn, 1863, 8° de 76 pp.), est un des plus savants etdes
plus solides qui aient paru. On annonce qu'il va être traduit en allemand.
Un collègue de M. Lamy, connu par d'excellents travaux apologé-
tiques, dogmatiques et philosophiques, a examiné à un point de vue
général ce mouvement d'incrédulité qui fait tant de victimes dans notre
société moderne: Pourquoi l'on ne croit pas, on des principales causes
de l'incrédulité en madère de religion, par N. J. Laforêt. (Louvain,
Peters ; Paris, Lelhielleux. ln-12 de x-276 pp.)
3. Les Quatre Evangiles. Traduction nouvelle accompagnée de notes
et de dissertations par l'ahbé A . Crampon. (Paris, Tolra et Halon, 8°
de xvi-580 pp. 7 fr. 50.) Cette traduction annotée des Évangiles
est un travail consciencieux et bien fait sur lequel nous reviendrons très-
prochainement.
4. 11 vient de paraître une traduction française de l'admirable ou-
vrage de Dœliinger : Le Christianisme et l'Eglise a l'époque de leur
fondation (trad. par M. l'abbé Bayle, Paris et Tournai, Casterman ;
in-12 de xvi-520 pp. 3 fr. 50 c). C'est la première partie d'une
histoire do l'Eglise, mais cette partie forme un tout complet, et il en
sera de même des suivantes. En présence des produits hâtés d'une
érudition facile et légère, nous ne saurions trop recommander une
œuvre qui est le résultat de toute une vie de travaux sérieux et appro-
fondis. C'est un de ces livres qui devraient se trouver bientôt dans
toutes les mains. Les questions relatives aux premières origines du
christianisme y sont traitées de main de maître.
5. La même librairie a publié aussi dans notre langue l'opuscule si
pieux, si intéressant, si instructif où le D'' Laemmer fait l'histoire de
ses idées et de ses sentiments, de son intelligence et de son cœur
jusqu'à l'époque de son retour au catholicisme. {Misericordias Domini.
Histoire de ma conversion au catholicisme, ln-12 de vi-210pp.
1 fr. 20.) Le célèbre converti, dont nous avons à plusieurs reprises
fait connaître les travaux, a en ce moment sous presse, chez Herder,
à Fribourg, un ouvrage trés-étendu : Scriptorum Grxcige orthodoxx
Bibliolheca selecta. Les deux premières parties doivent paraître sous peu.
192 CHRONIQUE.
6. Nous nous reprocherions de ne pas annoncer un remarquable écrit
de Mgr Doney qui touche à des questions interdites pour nous, mais
sur lesquelles du moins nous pc^uvons appeler l'aUenlion. Cet écrit est
intitulé : Lettre de Mgr. l'Evêqiie de Montauban au clergé de son
diocèse, au sujet de l'enseignement de la philosophie dans Us collèges
de l'Etat et de la liberté de conscience. (Montauban, Berluot ; Paris,
Palmé 1863. 2= éd. 8" de 89 pp.)
7. Monseigneur l'Evêque d'Angers a publié sur la famille une série
d'instrucliijns pastorales que beaucoup de fidèles désiraient voir
réunies et mises à la portée de tous. Cédant à des instances réitérées,
le vénérable Prélat a autorisé cette réimpression : il a même permis
d'y comprendre quelques autres mandements. Nous ne doutons pas que
ce volume ne trouve bien au delà des limites du diocèse d'Angers, un
accueil sympathique^ et qu'il ne serve à raviver cet esprit de famille
dont la décadence est un des signes les plus inquiétants de l'époque,
[Recueil d'Instructions pastorales , par Mgr Angebault, évéque
d'Angers. Paris, A. Le Clère ; Angers, Barassé. In- 12 de 430 pp.)
8. Pie XI et les Erreurs contemporaines, par le R. P. Dechamps.
(Tournai, Castcrman ; Paris, Letliielleux. ln-12 de iv-509 pp.)
C'est un exposé et un commentaire des déclarations récentes du Saint-
Siège sur les rapports de la raison et de la foi. — D'un genre tout
différent est le petit volume du même auteur qui paraît en môme temps
et qui contient trois opuscules énumérés dans le titre : Saint Vincent
de Paul et les misérables. — Les origines de la Fête-Dieu. — Le
Pèlerinage de Saint- Hubert. (ïonrmi, Casterman ; Paris, Lelheilleux.
In-18de268pp.)
9. Nous recevons enfin le compte-rendu de l'Assemblée de Malines,
que son étendue considérable n'a pas permis de publier plus tôt. Il ne
forme, en effet, pas moins de deux volumes grand in-8, d'une impres-
sion compacte, comprenant vi-488et 415 pages. Le titre en indique
bien le contenu et la division : Assemblée générale des catholiques en
Belgique.— Première session à Malines, 18-22 août 1863. — Tome i :
Avant-propos. — Statuts. — Règlement. — Programme des questions
pour la deuxième session. — Compte-rendu des séances générales. —
Discours et rapports. — Banquet d'adieu. — Résolutions. — Tome ii:
Compte-rendu des sections. — Annexes. (Bruxelles, H. Goemaere.
Paris, Pélagaud. 10 fr.)
E. Hautcœur.
Arras. — Typ. Rousseau-Leroy, rue Saint- Maurice. 20.
ORIGINES DES EGLISES DE FRANGE.
APOSTOLAT DE SAINT RIEUL.
Preniier article.
Le sujet que j'entreprends de traiter touche à une ques-
tion générale d'histoire des plus importantes, celle de la
prédication du Christianisme dans les Gaules. Il s'y rattache
par tant de points, qu'il serait nécessaire, pour le mettre en
pleine lumière, de ne pas trop l'isoler. Maiâ on ne saurait,
sans une solide érudition et un temps considérable, traiter
avec quelque autorité cette question générale, la plus discu-
tée peut-être de toutes les questions où s'exerce la critique.
Aussi m'efforcerai-je de borner la discussion à Senlis, ne
touchant à l'origine des autres Églises que forcé par la con-
nexion des faits, et autant qu'il sera nécessaire pour les
apprécier sainement.
Je me propose de faire rapidement l'histoire des deux
opinions qui ont successivement prévalu sur la date de la
prédication de saint Rieul. L'une la place à la fin du
I" siècle, l'autre à la fin du III*. J'exposerai ensuite les
fondements de chacune de ces opinions, afin de voir si de
la comparaison et de l'opposition des preuves sortira assez
de lumière, pour que l'on puisse se déterminer en faveur de
l'une ou de l'autre.
Revue des sciences ecclésiastiques, t. ix. 13
194 ORIGINES DES ÉGLISES DE FRANCE.
I.
COUP-d'œiL HISTORIQUE SUR LA QUESTION.
Un peu avant le milieu du XVII« siècle, il y eut un jour
grand émoi au chapitre de Notre-Dame de Senlis.
Charles Jaulnay, doyen du chapitre de Saint-Rieul, avait
publié en 1642, une Histoire de saint Rieul et une Histoire des
évêques de Senlis {!). C'était, paraît-il, la première fois qu'on
imprimait pour le peuple la vie de saint Rieul. Ce livre n'é-
tait au fond qu'une mauvaise amplification faite sans goût et
sans intelligence des temps, sur un vieux manuscrit trouvé à
Arles. Pour l'ensemble des faits, il était parfaitement d'ac-
cord avec les leçons, la prose et tout l'office alors en usage
pour la fête de St Rieul. Jusqu'ici donc, rien qui pût émou-
voir le chapitre de Notre-Dame. Même en plein XVIP siècle,
un livre mal fait n'était certes pas un événement. Mais, dans
ce livre mal fait, le doyen de St-Rieul avançait (2) que,
tandis que Notre-Dame n'avait été d'abord qu'une chapelle
consacrée sur un temple d'idoles, son église, fondée par saint
Rieul lui-même, avait, dès l'origine du diocèse, servi de
cathédrale : il affirmait qu'elle avait joui de cet honneur
depuis sa fondation au commencement du II* siècle (3),
(1) Le pai'faict Prélat, ou La vie et miracles de saint Rieuîe, second
Evesque d'Arles, depuis second Evesque de Paris, et ensuite premier Evesque,
Apostre et Patron de la ville et du diocèse de Senlis^ et Histoire ou Annales
contenant plusieurs remarques particulières des choses plus we'morables
arrivées depuis plus de quinze cens ans en diverses parties du monde, tant
au faict ecclésiastique que séculier, sous l'épiscopat de chacun Evesque de
Senlis, au nombre de quatre vingts et huict .
3 édit. ; — 1642. iD-12; — 1648, in-8o de beaucoup augmenté, par la
mesme aulheur ; — 1653. Nous citons toujours l'édition de 1648.
(2) Vie de saint Rieule, chap. X, pages 45, 47 et 64 ; et Histoire des
Evesques, chap. LI, page 424 et suiv.
(3) Jaulnay donne pour l'arrivée de saint Rieul à Senlis, la date de 121.
Histoire des Evesques, chap. 1, page 136.
APOSTOLAT DE SAINT RIEUL. 195
jusqu'en 1184, et énumérait avec complaisance les privi-
lèges qui en étaient restés à cette église. Dès lors, pour
Messieurs de Notre-Dame, Jaulnay n'était plus seulement
un mauvais auteur, c'était un rival. Mais ce fut bien pis,
quand le doyen, jaloux de conserver les titres de sa collégiale,
et pour remplacer, disait-il, certaines peintures qui repré-
sentaient la suite des évêques depuis St Rieul, eut fait pla-
cer dans le chœur un tableau portant le nom de cinquante
et un prélats qui y avaient siégé (1).
Alors l'irritation fut à son comble. On parla de procès.
La première assignation fut même lancée, et Deslions, le
doyen de Notre-Dame, nous apprend qu'on n'arrêta l'affaire
que par pitié pour la simplicité de ce bon M. Jaulnay. Le
tableau, paraît-il, disparut du chœur de St-Rieul après la
mort du doyen (2).
Nous regrettons vivement que, si près de faire triompher
leur cause, le chapitre de Notre-Dame, et surtout Deslions,
champion ardent qui s'était fait retrancher de la Sorbonne
plutôt que de signer la condamnation du Port-Royal, aient
eu cette foi plus de considération pour les personnes que
pour la vérité. Au lieu du seul témoignage de Deslions sur
(1) Est à remarquer que tous les Evesques de Senlis, depuis sainct
Rieule jusques à celuy qui suit (Gaufridus, le Sî^ évêque), estoient en
peinture dans le chœur de l'église du mesnae sainct, au-dessus des chaires
des chanoines, comme y ayans eu leurs sièges: mais pource qu'ils
estaient gastez et corrompus par la longueur des années, on a repeint le
mur seulement, et s'est-on contenté de mettre un tableau auquel sont
escrits leurs noms. Page 428.
(2) Voyez Deslions, dans Afforty, page 5701, tome X; et le Gallia
Christiana in provincias distributa, t. X, col. 1379. — Charles-François
Afforty, doyen de Saint-Rieul de Senlis, passa sa longue vie (1706-1786)
à coUiger toutes les chartes qui existaient dans l'ancien diocèse de
Senlis. Il a laissé vingt-cinq volumes in-folio écrits entièrement de sa
main, et d'une écriture serrée. Ses Collecianea Sylvanectemia sont une
source, désormais unique, où l'on trouve copie ou analyse de tout co
qu'il avait pu rencontrer, dans ses immenses recherches, qui eût trait &
l'histoire de ce pays.
196 ORIGINES DES ÉGLISES DE FRANCE.
les raisons qui arrêtèrent le procès, au lieu de sa seule
opinion sur le fond de l'affaire, nous aurions eu une discus-
sion contradictoire sur les origines de nos églises : c'eût été
une cause pleine d'intérêt; les détails sans doute nous en
seraient restés, et aujourd'hui nous n'aurions plus à faire
des recherches devenues si difficiles.
Quoi qu'il en soit de notre regret peu charitable, si on
laissa faire M. Jaulnay, le mécontentement n'en fut pas
moindre, et son pauvre livre, qui n'avait guère besoin de
cela, en porta la peine. Deslions, qu'on regardait comme
l'orateur de Senlis, monta en chaire. Jaulnay riposta par
des brochures (1). Il n'y avait pas là de quoi arrêter celui
qui, en dépit d'une exclusion solennelle et toujours mainte-
nue, avait conservé quand même son titre de docteur, et
usurpé même bientôt celui de « doyen de la faculté et sénieur
de la maison de Sorbonne » (2). A voir DesHons, tout en
protestant de son respect pour le caractère et les vertus de
son rival, recommencer par trois fois la préface de sa dis-
sertation sur saint Rieul (3), comme si jamais il ne croyait
avoir assez bien exprimé son mépris pour l'opinion du pauvre
auteur, on serait tenté de croire qu'il y avait quelque autre
chose que le pur amour de la vérité dans le zèle du doyen
de Notre-Dame à établir la date de l'apostolat de saint Rieul.
(1) Sous le nom de Défense de Jaulnay on les trouve à la bibliothèque
Ste-Geneviève (iu-8*, H. 633), réunies en un volume qui a pour titre :
Recueil de plusieurs discours, titres et pièces authentiques servons d'apolo-
gie pour la défense de M. Jaulmnj, doyen et chanoine de l'église de Saint-
Rieule de Senlis, sur ce qu'il a mis en avant dans son Histoire et Anii-
quitez de la ville de Senlis, touchant l'ancienne dignité de l'église dudit
Saint-Rieule, et comme elle a esté autrefois la cathédrale, et où saint
Rieule son premier Evesque a tenu son siège épiscopal. — Servons pour la
seconde fois de réponse sans réponse à celuy qui, en chaire de vérité et en
public, a osé soutenir le contraire. 1653.
(2) P. NiceroQ, Mémoires pour servir à l'histoire des hommes illustres.
Tomes xi et xx.
(3) Voyez Â^orty, pp. 5708, 5704 et 5705, tome x.
APOSTOLAT DE SAINT RIEUL. i&7
La question se trouvait donc vivement posée à Senlis
même. D'ailleurs elle l'était déjà implicitement par le renou-
vellement entre les savants de la grande discussion qu'on a
pu appeler la guerre de l'Aréopagitisme, Bellum Areopagiti-
cMm(l). Saint Denys de Paris est-il le même que saint Denys
l'Aréopagite, et, par conséquent, est-il du P"" siècle ? Sont-
ce deux saints différents, et celui de Paris n'est-il venu en
Gaule qu'au III® siècle? Telles sont les deux questions sur
lesquelles, à cette époque, on discutait, ou même on se dis-
putait, avec une ardeur fébrile (2). Or, saint Rieul avait tou-
jours été regardé comme un des compagnons de saint Denys:
il se trouvait donc de fait intéressé dans cette discussion. De
plus, la question, en ce qui le concernait directement, devait
bientôt se trouver vivement avancée par une puissante inter-
vention. Jean de Launoy, le janséniste exclu de la Sor-
bonne, le critique acerbe qui refusait de reconnaître saint
Thomas comme auteur de la Somme, celui qu'on allait ap >
peler le dénicheur de saints, et qui devait faire un si déplo-
rable usage de V argument négatif et de celui de la supposition
des titres (3) , Jean de Launoy avait paru. Il avait commencé
(1) Deslions, dans Afforty, p. 57] 1, t. x, et le Gallia Christiana, t. x,
appeudix 166, col. 510, G.
(2) Voir l'histoire abrégée de celte querelle au XVIIe siècle, dans dom
Féiibien, Histoire de l'abbaye de Saint-Denys, in-folio, 1706, page 2.
(3) Deux traits peignent au vif le personnage et sa méthode. Un jour
que, dans une bibliothèque, il discutait avec le célèbre Antoine Pagi
sur l'apostolat de Marie-Madeleine en Provence, il défia son savant adver-
saire, d'un ton ironique et triomphant, de produire sur cette question
un titre ayant plus de trois cents ans d'existence. Pagi s'étant levé
sur-le-champ pour prendre des lettres patentes de Charles-le-Chauve,
qu'il connaissait : Si vous en trouiez, dit Launoy, surpris de son assu-
rance, elles seront supposées par quelques moines. — Dans cette même
discussion, Pagi vint à prononcer le nom du savant Suarez, évoque de
Vaisou. Or, de Launoy avait écrit à cet évêque deux lettres où il
disait qu'il eût rétracté son opinion sur l'apostolat de Marie-Made-
leine, si le P. Raynaud ne l'avait maltraité dans ses livres. Il craignit
donc que Pagi n'eût vu ces lettres, et se hâta de dire : « Si M. de
Vaisoa vous a montré quelques lettres de moi, louchant sainte Made-
198 ORIGINES DES ÉGLISES DE FRANCE.
d'attaquer toutes les traditions des Églises des Gaules sur
la prédication de leurs premiers apôtres; or, bien que mises
à l'index par Rome (1) , ses dissertations, dans un temps
où, même au sein du clergé, on ne se croyait pas obligé de
tenir compte des avis de Rome, devaient avoir une grande
influence sur l'esprit de ses contemporains. De Launoy
n'était pas sans relations avec Senlis. En 1659, il se trou-
vait, en compagnie du médecin Chicot, au monastère de la
Victoire. Là d'abord, puis à Senlis même, on discuta la date
delà prédication de saint Rieul. Les avis furent partagés. Lau-
noy, interrogé par son ami, refusa de répondre, manquant^
nous dit-il lui-même, de temps et de beaucoup d'autres condi-
tions favorables (2). Serait -il téméraire de voir dans
cette modération de Launoy, un indice des sentiments
de la majorité? On serait tenté de croire que non, lorsqu'on
l'entend dire qu'il est des gens doués du talent de tout voir
comme il leur plaît, qu'il laissera bêler dans leur parc (3),
et lorsqu'on remarque que Deslions, aidé des efforts de
Launoy, se plaignait amèrement, quelques années après, de
n'avoir pu faire abandonner dans une nouvelle édition du
Bréviaire, la tradition qui met saint Rieul au premier siècle :
leine, elles sont supposées. — Après ces exemples, on ne s'étonnera point
que les auteurs du Nouveau traité de diplomatique aient souvent signalé
l'inanité de la critique de Launoj-, et que Benoît XIV ait dû le flétrir
de l'épilbète d'impudent menteur, « Launoyium impudentissime turpis-
sirneque mentitum, » Monuments inédits de M. Paillon. Tome J, col.
1341 et suiv.
(1) L'Index de 1758, édité après révision par ordre de Benoît XIV,
ne renferme pas moins de vingt-sept ouvrages de Launoy condamnés
par Rome. — Monum. inéd. lljid.
(2) Ego, cum et tempus et opportunitatcs aliœ mihi deessent multœ, con-
ticui. — Afforty, page 5718, tome X, et Gallia Christiana, tome X, app.
col. 504, B.
(3) Non nullos esse scio quorum animus jamaliqua pe>'suas!one occupatus,
sibi omnia concinere ut cupit, itu etretur;...dant facile locum aliorum fa-
bulis, dummodo placitis servire possint... Sed genus hominum istius modi
intra caulas suas balare facile patior. — Afforty, pages 5722 et 5724, t. X;
Gallia Christiana, app. col. 507-509.
r
APOSTOLAT DE SAINT RTEUL. 199
«De plus puissants, dit-il, s'y opposèrent (1). » Mais si
Launoy ne parla point, il promit, paraît-il, d'écrire. Le
médecin Chicot reçut en effet (1659) deux lettres contre les
traditions relatives à saint Rieul. Afforty en a communiqué
les autographes aux Bénédictins de St-Maur pour leur Gallia
Christiana, et lui-même nous en a conservé (2) une troisième
écrite à Deslions, en date du 20 septembre 1671, et qui peut
se résumer ainsi : Iln'y apasd' écrits contemporains sur saint
Rieul: donc, de lui ni de ses successeurs, avant St Levain,
on ne peut rien dire. Enfin, Launoy eut à donner son avis
sur la Remontrance adressée par Deslions à l'évêque Denys
Sanguin, relativement au Bréviaire de 1670. Deslions, en
effet, travaillait avec plus d'ardeur que jamais à faire aban-
donner l'ancienne tradition sur saint Rieul. En 1656, Messieurs
d'Arles, désirant faire réimprimer l'office de saint Rieul dans
le nouveau Bréviaire de leur diocèse, avaient demandé
communication de l'office de Senlis. Deslions leur avait
répondu, le 3 juillet de cette année, par u*n Mémoire (3)
contre le légendier manuscrit d'Arles, et il était parvenu à
faire retirer à St Rieul le titre de disciple de St Jean. Il eut
moins de succès à Senlis. Employé à la rédaction des nou-
velles légendes, il fut condamné à écrire lui-même celle de
saint Rieul conformément aux traditions anciennes. Il en
marque son dépit : « Ils m'ont forcé, dit-il, à écrire trois
erreurs en trois lignes... Maintenant je les rétracte autant
que possible (4). » C'est vers cette époque qu'il écrivait ses
Antigua et selecia Ecclesiœ Sylvanectensis monumenta... (5).
(1) Sed repugnarunt qui potentiores erant. — Afforty, page 5726,
tome X.
(2) Cotlectanea, 882, tome ii, p. 307.
(3) Afforty, p. 1960, tome iv, 231.
(4) Et tribus lineis très errorei describere me coegerunt.. . Quod possum
nunc retaxo scriptum et revoco. Afforty, 5720, X.
(5) Antiqua et sekcta ecclesiœ syluaw.cttinsis monumenta liturgica, canonica,
hislorica, cum notis brevibus et exquisids pcrJoannem Deslions Pontesianum
200 ORIGINES DES ÉGUSES DE FRANCE.
Là, après quarante ans, disait-il, de compilations et de re-
cherches, il insérait sa dissertation sur la date de l'apostolat
de saint Rieul : il prétend, sans trancher la question, donner
tout ce qu'on peut dire pour les deux opinions; mais il est
évident qu'il combat avec ardeur, et même avec colère, en
faveur de la date de 280.
Au siècle suivant, les partisans de cette opinion étaient
encore plus prononcés et furent plus heureux.
L'abbé du Ruel, auteur d'une Histoire manuscrite de
r Église et du diocèse de Senlis, gros volume in-folio écrit en
1735, trouve à peine M. DesUons assez sévère (1). Et ce que
n'avait fait ni celui-ci, ni même Launoy, il déclare simple-
ment apocrj^he un passage souvent cité du concile de Paris
de 825. Ce texte gênait sa thèse, parce que, dans une lettre
adressée au pape Eugène II, tous les évêques des Gaules
réunis, à l'exception d'un seul, rappellent au Souverain-
Pontife que saint Denys avait été envoyé par saint Clément
avec douze compagnons. Or saint Rieul avait toujours passé
pour un des disciples de l'apôtre de Paris.
Un chanoine auteur de Remarques sur les Évêques de
Senlis (2) , professe plus nettement encore la même doc-
trine.
Pour l'abbé CarUer (3), les légendes de saint Rieul ne
sont que des Romans, et son épiscopat doit être placé vers
l'an 295.
Et enfin, en 1766, l'opinion était assez avancée pour que
le chantre Rouyer, dans son Essai sur les Antiquités, l'his-
toire ecclésiastique, civile et naturelle du diocèse de Senlis, ait
cru suffisant d'affirmer que les textes connus de Sulpice-
ejusdem ecclesiœ theologum et capituli decamim, socictatis Sorbonicœ doc-
torem. — Dans Afforty, 5697, X.
(1) Folios 2-9.
(2) Dans Afforty, page 5728. tome X,
(3) Histoire du duché de Valois, 1764; tome 1, pages 27 et 28.
APOSTOLAT DE SAINT RIEUL. 201
Sévère et de Grégoire de Tours établissent nettement que
saint Rieui n'a pu venir qu'au IIP siècle.
Aussi le Bréviaire de Senlis, imprimé en 1776, par ordre
de M. de Roquelaure, ne contient plus qu'une légende
timide, où, sans rejeter les sources de la première opinion,
on donne cependant gain de cause à la seconde, en faisant
de saint Rieul un compagnon de saint Quentin, ce qui le ra-
mène nécessairement au IIP siècle. Et suivant cet exemple, les
Almanachs historiques de la ville et du diocèse de Senlis de
1787 et 1788, placent le commencement de l'église de
Senlis, l'un en l'an 281, l'autre en l'an 296, sans même
indiquer la raison de cette variante.
Désormais donc, il était admis que St Rieul était venu à
la fin du IIP siècle, et peut-être même au commencement
du IV^: du moins on n'osait plus soutenir le contraire. Aussi
ne nous étonnons-nous pas d'entendre M. Broisse (1) affir-
mer simplement en 1835, que la mission de l'apôtre de
Senlis date de 290; M. Graves (2), en ISZil, le reporter
jusque vers 312, et M. Vatin (3), en 18/i7, le ramènera
295. Ces estimables auteurs n'avaient évidemment pas exa-
miné spécialement ce point. Ils acceptaient simplement,
telle qu'elle se trouvait faite, l'opinion des deux siècles pré-
cédents.
Mais si ces deux siècles avaient apporté beaucoup de
critique dans l'étude des monuments anciens, le nôtre ne
leur céda en rien. Il n'accepta point sur parole l'histoire
telle que ses prédécesseurs l'avaient arrangée. A son tour
il recourut aux sources, et appliqua la critique à l'œuvre
(1) Recherches historiques sur la ville de Senlis, par J.-F. Broisse. Un
volume in-8*, 1835, page 6.
(2) Précis statistique sur le canton de Senlis, extrait de l'Annuaire du
département pour 1841, page 124.
(3) Senlis et Chantilly, anciens et modernes, ia-8*, Senlis, 1847,
page 9,
202 ORIGINES DES ÉGLISES DE FRANCE.
des critiques. Des monographies très-solides et armées de
toutes pièces, comme les Monuments^ inédits de M. Faillon,
et la Dissertation sur saint Martial^ de l'abbé Arbellot, ont
produit dans les esprits un revirem^ent assez prononcé.
L'impulsion est donnée et suivie. Hier, M. Salmon re-
plaçait saint Firmin au I" siècle (1). Aujourd'hui, on
revendique le même honneur pour saint Front, de Péri-
gueux (2). Nous n'avons pas eu d'écrivain qui ait exa-
miné la question de saint Rieul (3) : mais son histoire fut
étudiée pour le Propre du diocèse de Beauvais, publié en
1856. Il est dans ce Propre reporté aux temps apostoliques.
Notre liturgie, en ce point aussi, se remettait d'accord avec
la doctrine de Rome ; car, fidèle à ses traditions, comme
aux enseignements des Baronius et des Benoît XIV, Rome
n'a jamais varié sur ces questions d'histoire, et aujour-
d'hui elle refuse son approbation à tout Office qui tenterait
de reproduire la doctrine de Launoy.
II.
EXAMEN DES DEUX OPINIONS QUI ONT SUCCESSIVEMENT RÉGNÉ
SUR l'époque de la PRÉDICATION DE SAINT RIEUL.
Si maintenant nous voulons examiner les pièces de ce
procès, nous trouvons :
l** En faveur du III" siècle ;
(1) Histoire de saint Firmin, martyr, premier évêque d'Amiens, patron
de la Navarre et des diocèses d'Amiens et de Pampelume, beau volume
iD-4o, Arras, 1861, chez Rousseau-Leroy.
(2) La vie de saint Front, apôtre, premier évêque de Périgueux, par
l'abbé Pergot. Un volume in-8», Périgueux, 1861.
(3) M. l'abbé Gordières, curé de Machemont, autrefois professeur à
Senlis, avait rassemblé les éléments d'une Vie de saint Rieul. Mais ce
travail, qui devait venger l'ancienne tradition, n'a jamais été terminé.
Souhaitons de lui avoir redonné, par notre propre étude, une impulsion
définitive.
APOSTOLAT DE SAINT RIEUL. 203
1. Deux textes célèbres de Sulpice-Sévère et de saint
Grégoire de Tours, qu'on rappelle sans cesse dans
les discussions du genre de celle-ci.
2. Les Actes des SS. Fuscien et Victoric, et les Actes
de saint Quentin. Nous ne parlons pas de ceux des
SS. Crépin et Crépinien, et de certains Actes de saint
Lucien, parce qu'ils sont eux-mêmes trop sujets à
controverse .
3. Le petit nombre de noms que renferment, pour
les premiers siècles, les diptyques de l'église de
Senlis.
2° En faveur de la tradition :
1. Trois Vies de St Rieul, qui paraissent remonter à
peu près au IX^ siècle.
2. Un texte de saint Ambroise, antérieur à l'an 397.
3. L'ancienne liturgie senlisienne.
h. Les liturgies conformes de l'abbaye de Saint-Denys
près Paris, et de l'église d'Arles.
5. Les diptyques de cet évêché.
Mais avant d'entrer dans l'examen de ces preuves, d'en
peser la valeur relative, et de nous prononcer, s'il y a lieu,
entre les deux doctrines, il ne nous semble point inutile de
rappeler quelques principes qui paraissent devoir dominer
toute la discussion.
Quelques principes,
1. Un fait n'est pas nécessairement faux, par cela seul qu'il
n'est pas prouvé. Autant il serait déraisonnable d'affirmer
un tel fait, autant il serait illogique de le nier. On aie devoir
de ne pas croire une chose incertaine ; on n'a pas le droit de
la déclarer fausse.
204 ORIGINES DES ÉGLISES DE FRANCE.
Il pourra sembler étrange que nous invoquions un tel
principe : c'est une protestation qu'il fallait faire contre
la méthode d'une certaine école critique des deux siècles
précédents.
Quand on se trouve en face de faits de cette nature, il
faut les conserver pour ce qu'ils sont, pour incertains.
Pierres disjointes d'un édifice écroulé, ils attendent la re-
stauration de la science. N'allons point les briser sous le
marteau, comme des jeux du hasard ou des créations de la
fantaisie. Conservons, recueillons pour de plus érudits ! Le
jour peut-être se lèvera sur ces ruines ; on saura leur valeur.
Ne nous défions pas trop des ruines simulées : elles sont
rares après tout, et n'ont guère jamais trompé que ceux qui
voulaient être trompés.
2. L'absence de monuments contemporains d'un fait
n'empêche pas toujours d'arriver à la certitude sur l'exis-
tence de ce fait. S'il s'agit d'événements publics, ayant dû
attirer l'attention d'un grand nombre ; s'il est constant qu'à
une époque ancienne ils ont été généralement admis ; s'il
est impossible d'assigner à l'établissement de cette croyance
une origine postérieure ; si les faits dont il s'agit ont une
connexion marquée avec d'autres événements, de sorte que
l'erreur soit devenue d'autant plus difficile qu'elle aurait dû
s'étendre à plus de faits et de Heux différents; s'il est cons-
taté que l'absence des monuments contemporains ne résulte
pas du silence des âges passés, mais au contraire de pertes
ou de destructions dont on peut assigner l'époque; si aucune
raison valable ne s'oppose d'ailleurs à ce qu'on admette ces
faits, il pourra y avoir là un ensemble de considérations
suffisantes pour conquérir l'adhésion d'un esprit sage et
prudent.
« Les anciennes histoires, dit Fréret (1), dont le témoi-
(1) Mémoires de litte'rature, tirés des registres de rAcadémie royale
des Inscriptions et Belles-Lettres^ VI, 152.
APOSTOLAT DE SAINT RIEUL. 205
gnage ne paraîtra pas suspect, celles même qui n'étaient
fondées que sur la simple tradition, ont, à ce que je crois,
un certain degré de certitude, moins fort, à la vérité, que
celui des histoires contemporaines, mais tel cependant, que
malgré l'éloignement des temps et des lieux qui nous cachent
une partie des circonstances, et qui altèrent souvent la vérité
de plusieurs autres, les esprits vraiment justes ne se croient
point en droit de les rejeter entièrement pour le gros des
faits, lorsqu'ils n'ont point de preuves positives de leur
fausseté. »
3. La présence dans un récit de quelques détails inadmis-
sibles, n'autorise pas à conclure à la fausseté de l'ensemble
des faits. Parce qu'un auteur aura laissé la trace de son
esprit ou de ses préoccupations dans l'exposition de quelques
circonstances accessoires, il n'en résulte pas qu'il mente ou
qu'il se trompe sur les points essentiels. Gela sera vrai sur-
tout si les critiques que l'on peut faire de son récit ne
portent que sur l'absence de goût, la pauvreté du style,
l'emploi d'amplifications trop naïves, l'usage d'expressions
qui, pour être empruntées au siècle de l'auteur, donnent aux
faits une couleur un peu différente de celle qu'ils ont dû avoir
dans un âge plus reculé. Tous ces défauts peuvent prouver
que l'auteur ne fut pas un habile écrivain ; mais on n'en
saurait conclure rien contre les faits eux-mêmes. Où en
serions- nous s'il fallait rejeter tous les documents historiques
que souillent quelques défauts ? Toutes les inscriptions
chrétiennes dont fourmille le sol de Rome sont pleines de
barbarismes. En résulte-t-il que l'histoire des catacombes
ne soit qu'une chimère?
A. Quand il y a divergence entre diverses traditions sur
un même fait, on doit donner la préférence aux auteurs de
la contrée sur ceux des autres pays ; aux auteurs qui trai-
tent directement de ce fait sur ceux qui n'en parlent que très-
accessoirement. C'est une des règles de critique données
206 ORIGINES DES ÉGLISES DE FRANCE.
par le P. Honoré de Ste-Marie dans ses Réflexions sur les
règles et Viisaqe de la critique.
« Il semble qu'il est de l'équité de préférer toujours les
anciens auteurs d'un pays aux étrangers : il est très difficile,
en effet, de savoir ce qui se passe dans les lieux éloignés, et
nous voyons souvent quelesbruitspopulaires qui se répandent
d'une nation dans une autre et que les récits qui viennent
de loin ont trompé beaucoup d'écrivains, dans un temps
surtout où le commerce des lettres était rare et difficile (1) . »
5. L'accord des traditions de deux contrées très-distantes,
sur un même fait qui a intéressé les deux contrées, est un
argument sérieux en faveur de ces traditions, à moins qu'on
ne prouve positivement que l'une d'elles ne doit sa naissance
qu'à l'autre. Si surtout ces contrées sont sans relations or-
dinaires ; si cependant le fait en question se relie bien avec
l'ensemble des histoires locales, cet accord deviendra une
preuve solide que pourront seuls détruire des arguments
sérieux et convaincants.
Ces principes posés, et nous ne pensons pas qu'il puisse
y avoir de difficulté sur leur admission, nous passons à
l'examen des arguments qu'on apporte en faveur de chaque
opinion, en commençant parla plus récente.
S 2.
Arguments en faveur du IIP siècle.
Nous appelons opinion la plus récente celle qui ne place
qu'à la fin du IIP siècle la mission de l'apôtre de Senlis.
Il est reconnu et admis par tous que, depuis 825 jusque
vers 1636, l'opinion qui recule jusqu'au IIP siècle la pré-
Ci) I, 2* partie, dissert. VII, §3, p. 302; cité par Arbellot; Dissertation
sur saint Martial, p. 33.
APOSTOLAT DE SAINT RIEUL. 207
çlication de l'Évangile dans les Gaules, ne vécut qu'à l'état
de germe dans quelques textes isolés. Launoy s'efforça de
lui donner la priorité en affirmant qu'avant le IX* siècle elle
avait seule régné, et qu'il avait fallu pour la détrôner toutes
les supercheries d'Hilduin (1) . Malheureusement, affirmation
pour affirmation, celle d'Hilduin vaut bien celle de Launoy,
et cent fois mieux. Launoy fait une hypothèse ; Hilduin cite
ses autorités (2). D'ailleurs, nous allons voir par la discus-
sion des documents sur lesquels s'appuie cette opinion pos-
térieure, qu'elle est insoutenable, et le fruit d'erreurs
historiques palpables.
I.
Discussion des textes de saint Grégoire de Tours et de SulpicC'
Sévère.
Ces deux textes forment le fondement sur lequel bâtis-
sent iQ\i]QVirQ\QsArdi-traditionalistes, Pas un qui ne présente
ces textes pour prouver que les apôtres de nos Eglises sont
postérieurs à 250 : pour tous, c'est la principale preuve;
pour quelques-uns, c'est la seule preuve solide. Que
deviendra donc leur système, si nous démontrons que le
premier de ces textes contient une erreur manifeste et n'a
pas la moindi'e valeur ; et que le second ne saurait avoir la
portée qu'on s'est plù à lui donner?
Commençons par saint Grégoire de Tours.
Dans son Histoire ecclésiastique des Francs^ saint Grégoire
(530-595) a écrit ce qui suit ;
« Sous Dèce (vers 250), sept évêques furent ordonnés
pour venir prêcher dans les Gaules, ainsi qu'il est raconté
(1) !'• lettre: Afforty, 5119-20, X, et Gallia Christiana, IX, col. 504
et suiv.
(2) Voyez dom Féliblen, Histoire de l'abbaye de Saint'Denys, page 74.
208 ORIGINES DES ÉGLISES DE FRANCE,
dans l'histoire de la passion du saint martyr Saturnin.,..
Voici donc ceux qui furent envoyés: à Tours, Tévêque
Catien : à Arles, l'évêque Trophime; à Narbonne, Tévêque
Paul ; à Toulouse, l'évêque Saturnin ; à Paris, l'évêque
Denys ; en Auvergne, l'évêque Austremoine ; l'évêque Mar-
tial fut destiné aux habitants de Limoges... (1). »
Nous pourrions commencer par dire cueGiégoire de
Tours n'est pas une autorité infaillible. <( Il écrit, dit Cantù,
sans aucun ordre chronologique, comme un homme qui
raconte au fur et à mesure ce qu'il entend dire. Il n'a ni
l'ingénuité des anciens, ni la critique des modernes ; négli-
geant les faits importants, il en accepte de faux ou de dou-
teux (2). » — « Sans vouloir manquer de respect à Grégoire
de Tours, écrivait Baronius, nous avons montré plusieurs
fois qu'il ne s'est pas seulement trompé sur les choses
anciennes, mais qu'il a erré même pour les faits arrivés en
son temps (3). » Et en effet, Grégoire de Tours fait mourir
après St Irénée des confesseurs martyrisés avec St-Pothin.
Il met en 250 l'hérétique Valentin, réfuté en 179 par saint
Irénée. Il fait souffrir sous Dèce, avant 251, le pape saint
Sixte, appelé au siège pontifical en 257 {li) . Nous voilà loin
de cette infaillibilité à laquelle Launoy se plaisait à croire
quand il en avait besoin, sauf à la rejeter ensuite lui-même
à l'occasion.
(I) .... Hu}us {Decii) tempore, septem liri episcopi ordinati ad prœdi"
candum in Gallius missi sunt, sicut historia passionis sancti martyris Sa-
turnini denan-at. Ait enim : a Sub Decio et Grato consulibus, sicut fideli
recordatione retinetur, primum ac summum Tholosana civitas S. Saturni'
num liabere cœperat sacerdotem, » Hi ergo missi swit : Turonicis , Gatianus
episcopus ; Arelntensibus, Trophimus episcopus ; Narbonœ, Paulns episco-
pus; Tholosœ, Saturninus episcopus ; Parisiacis, Dionysius episcopus; Ar-
vernis, Stremonius episcopus ; Lemovicis Martialis est destinatus episco-
pus... » — Hist. eccl. Franc. Ub. i, cap. XXX, al. XXYIII.
(î) Hist. univ. IX, p. 477. Cilée par la Revue des Sciences ecclùiastiques,
janvier 1863, page 29.
(3) Revue des Sciences ecclésiastiques, l. c. p. 30.
(4) Ibid., p. 31.
I
APOSTOLAT DE SAINT FxIEUL. 209
Aussi ne nous étonnons-nous pas d'entendre encore ce
témoignage du dernier éditeur de Grégoire de Tours, M.
Guizot : « Malgré l'enchaînement chronologique des dix
livres de Y Histoire des Francs, il s'en faut de beaucoup que
les événements y soient bien classés et toujours rapportés à
leur vrai temps ; il y règne au contraire une exti'ême con-
fusion, et l'on rencontre sans cesse, dans chaque livre, des
récits qui devraient appartenir aux libres antérieurs ou pos-
térieurs (1). » Et l'illustre historien dit spécialement du
premier livre, que c'est un « résumé absurde et confus, qui
serait aussi dépourvu d'intérêt que de vérité chronologique,
s'il ne contenait quelques détails sur l'établissement du
Christianisme dans les Gaules ; détails de peu de valeur, il
est vrai, quant à l'histoire des événements.... (2). »
Mais peu nous importe l'autorité de cet historien en gé-
néral ; il s'agit spécialement du texte relatif aux sept
évêques. Voyons donc quelle est la valeur de ce texte.
Il y a près de mille ans qu'on en a démontré la caducité;
aussi, bien que toujours connu, il n'avait jamais ébranlé
les convictions de nos ancêtres jusqu'au XVIP siècle. Mais
de nouvelles critiques ont récemment rendu l'erreur plus
palpable.
Elle est palpable, puisque tandis que Grégoire fait
venir saint Trophime au IIP siècle, avant luile pape Zozime,
en /il7, et tous les évêques de la contrée, en A50, recon-
naissaient qu'Arles avait reçu cet apôtre de saint Pierre.
Elle est palpable, puisque l'auteur se contredit lui-même.
Dans deux autres ouvrages, en effet, il fait ordonner par les
disciples des apôtres saint Ursin de Bourges et saint Satur-
nin de Toulouse, qu'ici il place au IIP siècle.
(1) Histoire des Francs. Tradaction de M. Guizot. Notice, page Xll, édi-
tion d'Alfred Jaccobs, 1802.
(2) Ibid., page xi.
REVL'E DF.S SCIENCE3 GCCr.É3IASTIQUES, T. IX. 14
210 ORIGINES DES ÉGLISES DE FRANCE.
Elle est palpable, puisqu'il fait envoyer de Rome sous
Dèce mie troupe de sept évêques, accompagnés d'un certain
nombre de disciples, et que précisément alors la papauté
était vacante ; telle était la terreur inspirée par le tyran,
que pendant seize mois, c'est-à-dire jusqu'à sa mort, le
clergé romain, connaissant sa fureur contre les évêques,
n'osa point faire d'élection, et laissa innoccupé le siège de
saint Fabien (1).
Enfin l'erreur est palpable, parce qn' il est démontré que
Grégoire a pris sa phrase à deux sources ; à l'une, aux Actes
desaint Saturnin, il a pris la date, le règnede Dèce; à l'autre,
à la Légende de St Ursin, il a pris le nom des sept évêques.
Il a réuni le tout sous le couvert des Actes de saint Saturnin.
Malheureusement, si ces Actes ne parlent nullement des
sept évêques, en revanche ceux de saint Ursin, où il a trouvé
leurs noms, les disent positivement envoyés par les apôtres.
D'ailleurs, M. Faillon a découvert depuis peu un docu-
ment inédit de l'église d'Arles, qui remonte précisément
au temps de Grégoire de Tours, et dans cette pièce il est
dit expressément que Trophime, Paul, Martial, Austre-
moine, Catien, Saturnin et Valèfe, furent envoyés par
l'apôtre St Pierre.
Ainsi en contradiction avec lui-même, en contradiction
avec des écrivains antérieurs, abandonné de ses propres
partisans, qui reconnaissent qu'on doit séparer les évêques
qu'il réunit, et reculer de trente ans au moins, pour
quelques-uns, la date qu'il assigne, convaincu d'erreur sur
les noms et les dates, saint Grégoire de Tours est ici sans
autorité. Son texte caduc est sans valeur.
Va-t-il être relevé par le secours de Sulpice-Sévère? C'est
ce que nous allons voir.
(1) Voyez Arbellot s Dissertation sur l'apostolat de saint Martial, cb. T>
et Faillon : Monuments inédits, lome ii, col. H49 el suiv.
APOSTOLAT DE SAINT RIEUL. 211
L'Histoire sainte de Sulpice-Sévère (363-429), est un
abrégé tellement rapide, qu'en moins d'une page l'auteur a
raconté toutes les grandes persécutions qui sévirent pendant
trois cents ans contre le Christianisme naissant ; c'est dire
qu'il ne fait que les énumérer.
Dans un résumé aussi succint, Sulpice ne s'attache donc
pas aux faits particuliers, il ne donne que les grands traits,
les linéaments principaux de l'histoire. C'est à ce point de
vue qu'il faut se placer, pour ne pas outrer le sens de sa
phrase : « Sous Marc- Aurèle, fils d' Antonin, sévit la cinquième
persécution, et alors, pour la première fois dans les Gaules,
on vit des martyres, le culte du vrai Dieu n'ajant été reçu
qu'assez tard au-delà des Alpes (1). » Sulpice-Sévère ne
s'occupe pas de faits isolés : il ne dit donc pas qu'il n'y avait
pas eu en Gaule de martyrs avant Marc- Aurèle; il veut
dire qu'il n'y avait pas encore eu de massacres nombreux,
de persécutions générales, marlyria ; et la raison pour la-
quelle il signale cette persécution pour ]es Gaules, c'est
qu'elle y sévit, en effet, d'une façon particulière, comme en
Asie. C'est ce que prouve le témoignage d'Orose : « Pour
la quatrième fois depuis Néron, les ordres de Marc -Aurèle
firent éclater de cruelles persécutions contre les chrétiens
en Asie et en Gaule, et une foule de saints furent couronnés
du martyre (2). » Avec ce témoignage, on comprend la
pensée de Sulpice-Sévère. La cinquième persécution sévit
spécialement en Gaule. Il signale ce fait et l'explique : les
autres persécutions n'avaient pas eu la même intensité dans
les Gaules, parce que le Christianisme n'y avait été accueilli^
(1) Sub Aurelio deinde, Antonini fiUo, persecutio quinta agitata. Ac tum
primum intra Gallias martyria visa, serius trans Alpes Dei religione
suscepta.— Hisloria sacra, lib. ir, édit. des Eizévir, 1656, p. 99.
(2) Persecutiones chrisiianorum, quarta post Neronem vice, in Asia et in
Gai lia graves prœcepto ejus exstiterunt, mu l tique sanctorum marlyrio co-
ronati sunt, — Orose, vu, 15.
212 ORIGINES DES ÉGLISES DE FRANCE,
embrassé {Dei rcUgione suscepta), que plus tard. Il ne dit
pas que le Christianisme ne fut prêché en Gaule que très
tard : il dit qu'il mit plus de temps qu'ailleurs à triompher.
Ce qui arriva à Senlis, où St Rieul en fut quitte pour une
seule menace de persécution, à laquelle mit fin de suite la
conversion miraculeuse du magistrat romain, et où les habi-
tants se montrèrent aussitôt sensibles à la parole de l'apô-
tre, est un fait tout exceptionnel. Presque partout, les
premiers missionnaires eurent à souffrir, et, après leur
mort, leurs églises délaissées restèrent probablement sans
pasteurs. Le Christianisme prêché et établi put donc ne pas
prendre en Gaule un développement aussi nettement pré-
dominant que dans les autres contrées.
Et d'ailleurs, comment ne pas voir qu'en voulant trop
presser ce texte, les Grégoriens se combattent eux-mêmes ?
Comment ! pour prouver que nos premiers apôtres ne sont
venus qu'en 250, vous nous citez un historien qui affirme
que les premiers massacres ont eu lieu en 177! Mais si en
177 l'église des Gaules pouvait déjà fournir une foule de
martyrs (1), elle existait donc dès lors assez développée
pour s'attirer particulièrement la colère du maître : il faut
donc admettre que bien avant l'époque fixée par vous, des
apôtres étaient venus fonder ces églises!
Et puis si l'on voulait ainsi outrer le sens de la phrase
de Sulpice-Sévère, on aurait contre soi une foule d'autres
témoignage positifs. D'abord, celui de Grégoire de Tours,
qui fait de saint Eutrope de Saintes un martyr envoyé par le
pape saint Clément (2); et puis celui de l'église de Vienne,
qui en 177 envoyait des lettres aux églises d'Asie ; celui de
St Irénée, qui en 190 invoquait comme preuve la croyance
et l'enseignement des Germanies et de la Celtique, c'est-à-
(1) Multique sanctorum martyrio coronati sunt. Orose vir, 15.
(2) De Gloria martyr. G. LVf.
APOSTOLAT DE SAINT RIEUL, 213
dire du nord et du centre des Gaules : texte considérable,
dit Ozanam, et qui accuse non pas une croyance incertaine
et flottante, mais un dogme immuable, un enseignement
discipliné, une église enfin qui a ses évêques, puisque ses
traditions font autorité (1) ; celui de Tertullien, qui avant
220 en appelait à la foi des diverses nations des Gaules, et
Galliarum diversœ nationes (2) ; celui d'Eusèbe, qui d'accord
avec saint Épiphane et Théodoret, fait de saint Grescent,
évêque de Vienne, un disciple de saint Paul (3) , et parle de
deux conciles tenus en Gaule par saint Irénée [h).
Ainsi le passage de Sulpice-Sévère invoqué contre l'an-
cienneté de nos églises, n'a pas et ne saurait avoir le sens
qu'on lui prête. Il est au fond plus opposé que favorable à
l'opinion qui ose s'en prévaloir.
Voilà donc ces fameuses preuves générales sur l'autorité
desquelles on a persifllé la crédulité de nos ancêtres. Arri-
vons aux preuves particulières qui concernent Senlis et son
apôtre.
II.
Discussion de V objection tirée des Actes de saint Quentin et de
cevx des SS. Fuscien et Vicioric.
Dans les Actes des SS. Fuscien et Victoric, il est dit
qu'au temps où le terrible Maximien régnait en Gaule (280) ,
Rictius Varus reçut le titre de préfet ; qu'alors douze saints
compagnons, le vénérable évêque Denys, avec Fuscien et
Victoric, Plat, Rufm, Grépin, Crépinien, Valère, Lucien,
(1) Civilisation chrétienne chez les Francs, chap. i, p. 3.
(2) Adv. Judeos, vil.
(3) Hist. cccles., lib. m, c. IV. V. Noël Alcxaudre Hist. eccles., dis-
serl. XIV in i sœculum.
(4) Hisl. ecclcs., 1, v, c. xxui et xxiv.
214 ORIGINES DES ÉGLISES DE FRANCE.
Marcel, Quentin et Rieul, partirent de Rome, vinrent dans
les Gaules jusqu'à Paris, et là choisirent les lieux où ils
devaient prêcher. Il est dit en outre , que le bienheureux
Uieul partit pour la ville de Senlis, et que tout rempli de la
grâce d' en-Haut, il amena de suite le peuple païen du culte
des idoles à la foi catholique, et devint le pasteur de ce
nouveau siège (1).
Quelques-uns des manuscrits d'où on a tiré ces Actes ont
subi des altérations : tous ne portent pas le nom de saint
Denys. C'est la version qu'ont adoptée les BoUandistes (2).
Dans les Actes de St Quentin (3) , il est dit de même que
sous le règne de Dioclétien et de Maximieu, une terrible
persécution sévit contre les chrétiens; qu'alors vinrent de
Rome en Gaule le bienheureux Quentin et saint Lucien, et
qu'il est attesté par le récit de leurs combats, qu'avec eux
étaient venus les SS. Crépin et Crépinien, Rufm, Val ère,
Marcel, Eugène, Victoric, Fuscien, Piat et Rleul.
Il y a sur ces Actes une première difficulté.
S. Denys doit-il être mis, oui ou non, parmi les douze
missionnaires qu'ils signalent? Cet apôtre ayant toujours
été regardé comme le chef de la mission, il est important
d'avoir la réponse à cette question.
Les Actes donnés par les BoUandistes {h) portent douze
noms parmi lesquels saint Denys ne figure pas. Du Bosquet,
évêque de Montpellier, les avait précédemment publiés
en y mettant saint Denys (5). Germain Millet et le Bréviaire
parisien de 15/i5 les avaient donnés sans ce nom. C'est
une altération, s'écrie Launoy! les aréopagites en sont les
auteurs ! Demandez-lui sa preuve ; la voici : La preuve que
(1) Gallia Chrisliana in provincias distribuia. Appendlx, col. 504.
(2) Acta sandorum. xxx Martii, col. 817.
(3) Ibid.
(4) Ihid.
(5) Historiarum eccles. Gallic. lib. l.
APOSTOLAT DE SAINT RIEUL. 215
les Actes anciens portaient le nom de saint Denys, c'est que
le Martyrologe cVUsuard (850) fait de saint Piatun compa-
gnon de St Denys; or, saint Piat figure parmi les douze mis-
sionnaires ; donc St Denys devait y figurer (1) .
On ne peut mieux résoudre la question par la question.
S'il était démontré, contre l'opinion de Baronius (Mart. rom.
kal. oct.), que saint Piat de Tournay ait été compagnon de
saint Denys, il faudrait se demander encore : mais à quelle
époque? Launoy, qui cite le martyrologe d'Usuard, où
nulle date n'est donnée, aurait bien dû citer aussi le mar-
tyrologe antérieur d'Adon, qui, selon quelques-uns, por-
tait : Divas Piatus jiissn Areopagitœ sanctissimi docuit féroces
ac barbares Nervios (2). Et pense-t-il que le saint Denis
qu'on appelle ici l'Aréopagite est venu à la fm du III" siècle?
D'ailleurs ces deux martyrologes s'accordent à placer la
mort de saint Denys sous la préfecture de Fescennius
Sisinnius : or il est impossible de ne pas reconnaître que
celui-ci vivait sous Adrien (117-138).
Deslions a insisté sur ce point (3) . S. Denys est pour
lui un des douze. Mais de preuves positives, il n'en donne
pas, car il s'appuie sur les ratures subies par un vieux lec-
tionnaire de l'église de Senlis, où le nom enlevé devait selon
lui être le nom de S. Denys, et chose étonnante ! lui-même
nous fait lire ailleurs dans ce même lectionnaire douze
noms, parmi lesquels ne figure pas celui dont il est ques-
tion (II),
Voilà donc un premier point sur lequel l'autorité des
Actes ne parait guère sérieuse. Si d'ailleurs saint Denys
(1) Première lettre, AffortyA. 5719, x; et Gallia Christiana, appendix,
col. 505, A.
(2) Cité par Doublet, Histoire de rabbaija de Saint- Den ijs ; iu-4, 1625,
p. 65.
(3) Afforty, pages 5725 et 5789, x.
(4) Affbrtij, page 5725, ligne 30, x.
216 ORIGINES DES ÉGLISES DE FRANCE.
était venu avec S. Quentin en 280, sous Maximien, il y aurait
encore là une contradiction avec Grégoire de Tours, qui le
fait venir en 250, et dont cependant on veut invoquer le
témoignage. Ajoutons de suite, en passant, que des preuves
directes ne permettent point de mettre si tard la mission
de S. Denys. Ce sont des Actes antérieurs à 621, un hymne
de Fortunat mort en 609, un diplôme du roi Thierry IV de
723, etc. (1).
Que si l'on ne peut se fixer sur le chef de ces douze mis-
sionnaires, la liste de leurs noms sera-t-elle bien certaine?
Deslions afiirme que, sur ce point, la tradition de tout le
Nord est positive ; qu'il l'a longuement consultée, qu'il y
eut bien douze missionnaires en 280, parmi lesquels S.
Rieul figure toujours (2).
A un janséniste qu'animait le zèle des réformes litur-
giques, nous ne pouvons mieux faire qu'opposer un jansé-
niste de ses amis. Voici ce que lui écrivait le célèbre
Jacques de Ste-Beuve, le 21 octobre 1669, précisément à
propos du nouveau bréviaire auquel travaillait Deslions;
c'est Afforty qui nous a conservé la lettre (3) :
« J'ai lu les leçons propres du IP nocturne pour la fête
des SS. martyrs Fuscien et Victoric. Mon sentiment est
qu'il faudrait s'abstenir de parler de la mission des douze,
du nombre desquels on met ces deux saints, parce qu'il n'y
a point de fondement sur lequel on puisse l'appuyer avec
certitude .
« Les fondements sur lesquels on l'appuie sont : une épî-
tre écrite par les évêques du concile de Paris, assemblé sur
(I) Voir un volume publié depuis la compoâition de ce mémoire, par
M. l'abbé J.-E. Darras : Samt Denys l'aréopagite, premier évéque de Pcrris^
études sur les origines chrétiennes des Gaules, in-8* de xY-376 pages.
Paris, Vives.
{i) Afforty, page 5727, x.
(3) Collectaneu Sylvanectensia. page 32 i. t. ii, 347.
APOSTOLAT DE SAINT RIELL. 217
le sujet des images, en 825, à Eugène II ; les Actes du mar-
tyre de S. Fuscien et de S. Victoric, chez Du Bosquet; les
Actes du martyre de S, Quentin.
(( Pour ce qui est de cette épître, elle dit seulement qu'il y
eut une mission de douze, sous le pape S. Clément, en France,
l'un desquels S. Denys était. . .
«Pour ce qui est des Actes de ces saints chez Du Bosquet,
ce ne sont pas les véritables. J'en ai trois preuves princi-
pales : la première est que les véritables y sont cités : Nam
ut historiœ (/esta commémorant . M. de Launoy en convient,
et c'est pour cela que, quand il eii parle, il se sert de ces ter-
mes : A scripioribus qui, ut apparet, Fusciani et Victorici his-
toriam reconcinnarunt, etc.
« Pom' ce qui est des Actes du martyre de S. Quentin, il
y en a de plusieurs sortes. Dans ceux qui sont chez Suri us,
il n'y est point parlé de la mission des douze, mais seule-
ment de S. Lucien. Il y en a qui parlent de cette mission
des douze, et ceux-là sont de deux sortes.» Quelques-uns
mettent dans ce nombre S. Denys, S. Piat, et S. Rieul, pre-
mier évêque d'Arles, et puis évêque de Senlis... D'autres
ne mettent point S. Denys dans ce nombre. Quels sont les
véritables?... »
Et Sainte-Beuve conclut en donnant ce conseil :
« On ne parlera point de la mission des douze, mais on
dira seulement que ces deux saints (Fuscien et Victoric)
sont venus en France au même temps, sous l'empire de
Maximien, que S. Quentin, et SS. Crépin et Grépinien,
sn7is parler des autres. »
Nous croyons qu'appuyée sur de mauvaises raisons, cette
conclusion de Sainte-Beuve est excellente.
Nous croyons qu'il est certain que S. Denys vint à la tête
d'une compagnie de douze missionnaires; mais à l'époque
marquée i)ar le concile de Paris de 825, c'est-à-dire sous le
pape S. Clément, dès la un du I" siècle. Sainte-Beuve rejette
218 ORIGINES DES ÉGLISES DE FRANCE.
cette épître du concile de Paris, parce qu'elle est en oppo-
sition avec Grégoire de Tours. Pour nous qui sommes
éclairés sur le témoignage de saint Grégoire de Tours,
cette raison n'en est pas une. Nous n'admettons pas si faci-
lement, sur le témoignage d'un seul homme, que tous les
évêques des Gaules réunis à Paris, à l'exception d'un seul,
aient pu se tromper unanimement sur les traditions du
pays, ou s'accorder pour les travestir (1).
Nous pensons donc que cette tradition des douze mission-
naires existait réellement dans nos contrées. Les auteurs
des Actes que nous examinons auront fait sur cette vénérable
tradition quelque chose de semblable à ce qu'a fait S. Gré-
goire de Tours, en prenant des noms d'un côté, des dates
de l'autre, et réunissant le tout ensemble. Connaissant la
mission des douze, sachant que les martyrs du règne de
Dioclétien étaient venus plusieurs en compagnie, ils auront
confondu les deux missions, et associé des prédicateurs
appartenant à deux époques différentes. Ces Actes une fois
répandus auront été conservés et transcrits dans les bré-
viaires tels qu'ils étaient.
Deslions insiste beaucoup sur l'unanimité de nos églises
du Nord à présenter les douze noms, parmi lesquels S.
Rieul figure toujours. Quand vingt bréviaires auraient cité
les mêmes Actes, cela ne nous donne jamais qu'une source.
Toutes ces églises du Nord faisaient ce que faisait elle-
même l'église de Senlis. Elles acceptaient les Actes pour
(I) Voici le passage de cette lettre où il est fait allusion aux douze
missionnaires : « ... Nec vobis tœdiurn fiât si, ad ostendendam rationem
veritatis vcritatemque rationis, sese paulo longius sermo protraxerit , dum-
modo linea veritatis, quœ ab antiquis pairibus nosfris usque ad tios in~
flexibiliter ducta est, B. Dionyno scdicet, qui a S. Clémente, qui B. Pétri
in aposiolatu primus ejus successor exstitit, in Gullias cum duodenario nu-
méro primus prœdicator directus est, et post aliquod tempui, una cum
sociis hue illucque prœdicalionis gratin per idem regnum dispersis, marty-
rio coronatus est... » Baron, ad ann. 825, n. 31.
APOSTOLAT DE SAINT RIEUL. 219
l'ensenible, sans prétendre en adopter les circonstances
accessoires. C'est ainsi qu'à Senlis, où on lisait tout au
long la Vie de S. Rieul, qui raconte sa jeunesse et son édu-
cation sous S. Jean, on ne craignait pas de lire aussi, au
jour de S. Fuscien, les Actes de ce saint avec leur liste des
douze missionnaires du IIP siècle, où paraît St Rieul. Des-
lions voit là une insigne contradiction. Pour nous qui n'ad-
mettons pas que le sens commun date du XVIP siècle, nous
y voyons au contraire un admirable respect des sources, et
un signe de sécurité et de force dans les convictions. Et de
même qu'en lisant ces Actes, l'église de Senlis n'abandonnait
pas son antique tradition qu'elle affirmait au contraire très-
nettement, de même en les répétant à lem* tour, lei églises
voisines ne faisaient qu'accepter une rédaction ancienne,
sans prétend/e élever la voix pour étouffer la croyance de
leur sœur.
Nous n'admettons donc pas que les Actes cités et leur
introduction dans un certain nombre de bréviaires prouvent
l'existence d'une tradition contraire à la nôtre. En tout état
de cause, pour ces églises, c'était là une chose accessoire et
indifférente, et ce serait le cas de nous rappeler le quatrième
principe établi précédemment.
III.
Discussion de robjection tirée des diptyques de f église de
Senlis.
On trouve ces diptyques dans un vieux sacramentaire
manuscrit certainement antérieur, dit Deslions, au X*'
siècle, decimo sœculo longe vetustiorem (1), L'abbé du
Ruel dit qu'on s'en servait au milieu du IX* siècle (2).
(I) Afforty, pages 5706 et 5781, x.
(2J Histoire de l'église de Senlis et du diocèse, folio 8, verso.
220 ORIGINES DES ÉGLISES DE FRANCE.
C'était une copie du sacramentaire de S. Grégoire, envoyé
de Rome à Charlemagne par le pape Adrien IL La copie
avait été acquise par l'évêque Hadebert (871-897). Au
canon de la messe on avait inséré en marge le nom de
trente évêques, jusqu'à Bernuin, sacré en 937. La liste
des successeurs de Bernuin jusqu'à Henri, était d'une autre
main (1).
Or, la liste commence ainsi :
Regulus,
Nicenus,
Mansuetus,
Vetustus,
Tanitus,
Jocundus,
Protratus,
Modestus,
Levangius.
Ce dernier est S. Levain, qui assista, en 511, au concile
d'Orléans. Il n'y aurait donc eu que sept évêques entre S.
Rieul, mourant dans le courant du II» siècle, et S. Levain,
qui fut sacré tout à la fin du V^. Ces diptyques s'opposent
donc, pensent quelques-uns, à ce qu'on recule aussi loin
l'apostolat de S. Rieul.
La difficulté n'est pas considérable.
Comment admettre, nous dit-on, qu'entre S. Rieul, que
vous faites mourir au plus tard au milieu du IP siècle, et S.
Levain, sacré en li96, il n'y ait eu que sept évêques ?
Il ne faut pas oublier que les diptyques sont une simple
liste de noms, sans date ni commentaires. L'antiquité de
ceux de l'église de Senlis est assez considérable f)Our qu'on
accepte les noms qu'ils portent. Mais rien ne prouve que
cette liste soit complète. On a rencontré souvent des dip-
(1; Dcslious, chez A/fort^, 5781, x, et Gullia Christiana, col. 1379.
APOSTOLAT DE SAINT RIEUL. 221
tyques où plusieurs noms, d'ailleurs connus, manquaient.
C'est ce qui a lieu dans les nôtres mêmes, pour les noms
d' Alo et de S. Amand (687) (1) , qui se trouvent omis, ainsi
que ceux de Gondebertus et de Ivo 1 (2). Or, si la 'série a pu
être incomplète pour des siècles moins éloignés, pourquoi
n'aurait-elle pu l'être pour des siècles plus reculés ?
D'ailleurs, cette liste contînt-elle réellement tous les
noms des évêques qui ont siégé entre saint Rieul et
saint Levain, leur petit nombre ne serait pas encore une
difficulté sérieuse. Dans les temps de persécutions et de
formation où ont vécu ces évêques, rien ne prouve que les
sièges fussent vite occupés, après le décès d'un titulaire.
Pendant ces jours de labeurs et de conquêtes, l'église des
Gaules ne pouvait être organisée comme dans les temps
pacifiques, et bien que le Christianisme semble avoir eu
relativement peu de combats à livrer dans ce pays, puisque
nous n'avons d'autre martyre que Ste Prothaise ; cependant
la situation si précaire, si lamentable même, des églises
de la province, a pu amener des vacances de siège assez
considérables. On sait que l'église de Tours fut trente-sept
ans vacante avant S. Livoire, prédécesseur de S. Martin
(3) . En outre, si nous remarquons que le troisième évêque
de Senlis, Mansuetus, porte le même nom que le troi-
sième évêque du siège de Meaux (/i) , fondé aussi par un
compagnon de S. Denys, ne pourrons-nous pas penser que
probablement il arrivait alors souvent qu'un évêque se trou-
vât chargé de plusieurs églises, ou qu'un diocèse vacant fût
dirigé pendant quelque temps par des évêques voyageurs,
comme on le dit de saint Rieul, qui serait resté deux
(1) Gallia Chrisliam, x, col, 1384.
(2) Ibid.. col. 1388.
(3) Arbdlot, page 152.
('.) Affortij, 5728 et 5780, x.
222 ORIGINES DES ÉGLISES DE FRANCE.
ans peut-être à Paris, et comme nous le voyons par
l'exemple de St Firmin, qui partit de Pampelune, s'arrêta
successivement à Agen, en Auvergne, en Anjou, à Beau-
vais, avant de venir terminer son apostolat à Amiens (1).
Ainsi le petit nombre d' évoques inscrits aux diptyques
entre saint Pvieul et saint Levain, ne peut servir de fonde-
ment solide à aucune objection contre nos traditions. Il n'est
pas certain que la liste soit complète, et, le fût-elle, son peu
d'étendue s'expliquerait facilement, sans qu'on fût réduit
à rapprocher de 150 ans la prédication de notre premier
apôtre.
Nous regrettons ici que Jaulnay ait cru pouvoir, dans son
Hisfoire des Évêques, fixer la date de l'avènement et de la
mort de chacun de ces premiers évêques, dont les diptyques
nous ont conservé le nom. Deslions se vante de l'avoir en
vain sommé de montrer ses documents (2), Nous n'osons pas
croire que Jaulnay ait inventé : mais, en l'absence des
preuves, ses dates ne nous paraissent nullement admissibles.
On sait bien que les saints Pères ont remarqué cette dispo-
sition de la Providence qui, dans les premiers siècles, a
souvent fait vivre plus que centenaires ceux des prédicateurs
de l'Évangile qu'elle n'appelait pas au martyre. Mais si les
traditions donnent en effet un grand âge à S. Rieul, rien
n'indique que ses successeurs aient partagé cet avantage,
et on ne peut consentir à leur accorder une moyenne de
plus de cinquante années d'épiscopat. C'est le plus sérieux
reproche que mérite Jaulnay, quant aux faiis ; pour tout le
reste, il se fait l'écho des légendes déjà écrites, et il doit
être entendu que tout le mal que nous en avons justement
dit, porte plus en général sur la forme et sur certaines pué-
(1) Ch. Salmon, Histoire de saint Firmin. Passim.
(2) Afforty, 5702, X.
APOSTOLAT DE SAINT RIEUL. 223
rilités (1) de son livre, que sur l'ensemble des faits qu'il
rapporte.
Quoi qu'il en soit de Jaulnay, on voit que l'objection
tirée des diptyques ne saurait seule troubler un esprit sans
préventions. En présence de la faiblesse des deux autres
difficultés, et de l'inanité de celle-ci, nous sommes donc en
droit de conclure que c'était aller bien vite que d'abandon-
ner pour ces seuls motifs l'ancienne tradition. Evidemment
en y renonçant dans leur liturgie, M. de Roquelaure et nos
Chapitres cédaient plus à l'esprit de leur époque qu'aux
exigences de la vérité.
Mais il est temps d'étudier à son tour cette ancienne tra-
dition, et de sonder les fondements sur lesquels elle
s'appuie.
L'abbé H. Blond.
(1) En voici un exemple. 11 raconte que saint Clément, premier évêque
de Metz, était Romain et de la famille des Flavcs; et il ajoute : « des
Flaves, que l'on appelle maintenant Je^ Jatlnai/s. » — Histoire des Évéques
de Senlis, page 143.
I
GOMMENTARIUS
m
PROŒMIUM BPvEVIArvTI ET MISSALIS
DE COMPUTO ECCLESIASTICO.
DE ANM CORRECTIONE, EJLSQUE NECESSITATE,
AG KALENDARIO GREGORIANO.
CAPUT II.
Tektus Proœmii. Qiiod dictum est, arinum continerc trecentos et
sexaginla quinque dies, et fere sex lioras, intelligendiim est, sex
lioras non esse intégras, cura ad earum coinplemenlura aliqua mi-
nuta deficiant. Ex quorum minutoriim neglcclu progressum est, ac
si annus, ultra dies 365, conlineret intégras sex horas : et factura
est, ut minuta, quse ultra debitara quantitatem annis singulis tri-
buebantur, tractu teraporis ita excreverint, ut invicem juncta con-
stitiierint dies decem, qui causara dederuntut .^quinoctium vernuni
sedem suara rautaverit.
Gui malo occurrens GregûriusXIU. non solura ^Equinoctium vernuni
restituit in pristinani sedem, a qua jam a Concilio Nicaeno, decem
circiter diebus in anno correctionis 1582. prsecedendo recesserat,
quod a Concilio ad Xll. Kal. apriiis- fuerat constiluluin, et XIV.
lunam Pasclialem suc in loco reposuit; sed viam quoque tradidit, et
rationera, qua caveretur ut in posterum et iEquinociiura vernum,
et XIV. luna Paschalis a propriis sedibus numquam removerenlur.
Utenim ^Equinoctium vernum ad Xil. Kal. apriiis restitueretur, statuit,
utdicli decem dies in mense octobris ipsius anni 1582. eximerentur,
ut post qiiartam diem octobris S. Francisco sacram, sequensdies non
COMMENTARIUS. 225
esset quinta, sed décima qiiinta oclobris. Etitaerror, qui in praeleri-
tum tôt annorum circulis irrepserat, in momento temporis fuit
correctus.
Ut auterain posterumidem errbr vitaretur, ne a XII. Kal. aprilisiEqui-
noctium vernum recederet, statuitidem Gregorius, Bissextum quarto
quoque anno (uti mos est) continuari debere, praeterquam in cente-
simis annis : qui quamvis Bissextiles antea semper fuerint, qualem
etiam esse voluitannum 1600, anno correctionis proximum, post
eum tamen, qui deinceps consequentur centesinni, non omnes Bis-
sextiles essent, sed in quadringentis quibusque annis primi quique
très centesimi sine Bissexto Iransigerentur : qiiartus vero quisque
' centesimus esset Bissextilis, ila ut annus 4700, 1800, 1900, Bis-
sextiles non sint, anno vero 2000, more consueto, dies Bissexlus
intercaletur, Februario dies 29 continente : idemque ordo intermit-
tendi intercalandique Bissextum diem in quadringentis quibusque
perpétue conservaretur.
COUtMEXTAtt.njS,
KALENDARIUM.
57. Etymologia. Notationes vocis etymologi 1res con-
ficiunt, primam atque alteram rejiciendas, tertiam pro-
bandam.
Sunt igitur, qui — litera vocali a mutata in o — Kalen-
dario Colendarium substituentes, appellationis originem a
cultu festorum, vocabuli notationem vero a colendo dedu-
cant, quia, inquiunt, primus cujusque mensis dies Junoni
sacer erat, ut docent Ovidius{Fast. i, 55) et Macrobius [Sat.
I, 15) ubi plura hac de re. Alii Kalendarium etymon habere
volunt a )taXûv, quod est bonnm omen per totum mensem ha-
bendum : tune enim sibi mutuo encsenia transmittebant Ro-
mani, quasi boni fati mujiirio, uti habeturcan. Non observetis
16. G. XXVI, Q. VII. Durand, lib. viii, c. h. n. 15.
Ast vero propius accedit, quod alii docent, Kalendarium
nimirum a. Kalendis dici, Kalendas autem a verso xaXeïv, a
quo ca/o, as factum est.
Revue des Sciences ecclésiastiques, t. ix. 15
226 COMMENTARIUS
Jam vero verbum calo, quod purum putumque ex graeco
est (1), très habet significationes vocamii, nominandi et
invocandi : totidemque notionibus a priscis Latinis usurpa-
tum est. Utebantur enim voce calandi, quum vocabant po-
pulum ad comitia, ut dies Nonarum cujusque mensis indice-
rent. Primis reipublicœ temporibus sciiicet, antequam Fasti
vulgarentur, solebat Pontifex populum calare, h. e. convo-
care in Capitolium, ibiqueperactosacrificiopronuntiare inter
alia, quot numéro dies a primo ad Nonassuperessent, quin-
quene an septem? Et quintanas quidem juxta Macrobium {Saf.
I, 15) quinquies pronuntiato verbo calo, septimanas autem
repetito septies praedicabat, et idée plurali numéro Kalendœ a
pluribus vocationibus appellatœ sunt : juxta Varronem [Ling.
lot. y, h vero hac altéra formula in calandis diebus utebatur
Pontifex : Quinqve dies te calo Juno novclla ; Septem die a te
cala Juno novella, id est : hoc mense per quinque vel septem
dies invoco te Juno novella. Quia enim primi cujusque mensis
dies Junoni sacri erant, juxta illud Ovidii :
Vindicat Ausonias Satwma Juno Kalendas,
ideo in iis diebus pronuntiandis Junonem invocabat An-
tistes, atque itidem verbum calo adhibebat. Varr. l. c (2).
Hinc factum, ut primo diei mensis Kalendarum appellatio
tributa sit.
Gonscriptis postea Fastis et Kalendario constituto, cessa-
tum est a populi calalione, mansit tamen Kalendarii voca-
bulum.
58. Kalendarium generatim sumitur pro libro, in quo
\^\) Et hoc quidem iu causa est, cur eliain per K grœcam literam Kalo
E(dendœ, Ka/cndanum, scripla reperiantur. Sed qnum pro ea Latiui pas-
sim C subsliluerinl iu aliis verbis, uon est cur Calare, Calendœ, Calen-
darium scribere non liceat.
(2) Ad hune paganorum ritum atque ad velitas Kalendarum observa-
liones referuntur con. Non Itcel. 13. Signio: ca^endas 14. Non observelis
16. c. XXVI q. VU.
DE COMPUTO ECCLESIASTICO. 227
anni, mensium, hebdomadum, dierum ac lunarium muta-
tionum ratio perscribitur, atque omnium illorum, quae
diebus ac mensibus adjuncta sunt, ordinatio exhibetur (1).
In Kalendario ecclesiastico observari insuper oportet
Epactas, Literas Dominicales^ atque ex his ortuni Cychtm
solarem^ Indictionem caeteraque omnia, quœ ad temponim
cognitionem spectant.
Kalendarium etiam Mvivoàôyiov lopxadTixov dicunt ; ast Me-
nologii appellatio libris iis maxime tribuitur, qui Sancto-
rum cœlitum vitas, mensium ordine servato, complectuntur.
Grœci autem seriem hanc dierum festorum Kalendarium^ sive
KaXavôoloyiov non dixere, quod apud eos profana vox esset,
nec eam Latinorum more ad sacra traduxissent : quemadmo-
dum déclarât canon m. Nicephori confessons : Apocalypsin
Pauli, et ea, quœ dicunlur Brontologia et Selenodromia aut
Kalandologia^ suscipere non opoi tet : profana enim sunt : ^ip-rikx
Yotp TTtxvTa (2). [Morcelli Kalendar. tom. i. g. 2.)
KALENDARII CORREGTIO EJUSQUE NECESSITAS.
59. Ghristiani, Romanorum ditioni subjecti, leges anni
Juliani usurparunt atque, ut ipsorum religioni et dierum
festorum celebrationi serviret, pluribus inventionibus locu-
pletarunt, de quibus cfr. Pelav. lib. de Doctrin. Temporum.
(1) Kalendarium librutu fœnebris pecuniae creditae, seu codicem, in
quem nomiua debitorum referunlur, in Jure significat : /. Ejus, qui
41. ff. de Rébus creditis. {XII, \.), l. Uni ex hœredibus. 58, ff, de Peculio
{XV, 1.) et aliis locis. Divilem illum putas, ait Seneca [Epist.SO.) qui in
omnibus provinciis aval, quia magnus illi Calendarii liber volvitw . Hoc
autem DOtncn ex eo descendit, quod in Kalendas veteres fœnorari sole-
reut, ideoque Kaleudarum nomine ejusmodi librorum paginis prieposito,
quae deinde nouiina fecisscnt, adscribere solebant. Hinc locutiones: Ka-
lendarium exercere, Kalendarii actio, Kalendario destinatœ pecunice, Ex
Kalendario nomina, et aliaî hujusmodi, quae paséiin in Gorpore juris oc-
Currunt ; eas tamen nec vacat nec ad prœsentis commentarii inglilutum
opu3 est hoc loco distinclius explicare.
{i) Hardouin, tom. \\, pag. 1052.
228 COMMENTARICS
Etsi autem Juliana cum intercalandi tum lunationes in-
veniendi methodus initio optatum fmem consequi videba-
tur : quia tamen utraque labis expers non fuit, duo evidentia
vitia progressu temporis invexit, ut supra monuimus n. 20.
Horum primum est anticipatio œquinoctii vernalis ac
proinde reliquorum etiam solis graduum. Quum enim dies
'Ea6oXt|j.aio(; quolibet quadriennio insertus 11 ferme minuta
primaria temporis plus ingérât, quam rei veritas deposcat,
idcirco spatio 134 annorum sequinoctia et solstitia in diem
mensis antecedentem proximum rejicit : sic ut sequinoctium
vernum, quod.Julii Cœsaris œvo 2Zi. circiter martii tenuit,
circa annuui correctionis Kalendarii 1582. in 11. martii
remearit. Unde rébus hujus mundi durantibus consequere-
tur, vernos tandem dies in februarium et ultra retrola-
psuros. Hanc œquinoctiorum anticipationem, quam etiam
solarem -rtforiY-ziaiv vocant (1) , pluribus describit Peiavius [de
Doctrina Temp. lib. v. cap. 2).
Alterum Juliani Kalendarii vitium fuit Noviluniormn et
Pleniluniorum antecessio et ah aurei numeri sede divulsio.
Quum enim J. Gsesar supposuisset, lunationes omnes sin-
gulis 19 annis exactis in pristina loca, h. e. eosdem men-
sium dies atque horas reverti, calculus vero doceat, Ennea-
decateridem lunarem, 235 Lunae orbes continentem, se-
squihora fere minorem esse cyclo novemdecennali Metonico,
a J. Cœsare assumpto : tanta fuit tempore Gregorii PP.
XIII. iXovUunioncm antecessio, ut ea citius quatuor diebus
contingerent, quam aureus numerus illa in Kalendario de-
monstraret. Singulis 30i!i annis enim Novilunia omnia
{\)Uiec œquinoctiorum prœcessio, quam Kalendarium Julianum invexit,
confundi non débet cum nalurali illa œquinocliorum anticipalione, quae
ex eo provenit, quod puucta in quibus sose inleraecant aequator et ec-
cliptica non sinl fixa. Sol quippe ad puncta interseclionis jam pervenif,
anleqiiam ad eamdem stellam, a qua discesserat, regrediatur, sicqne
aquiuodia prcecedere dicuntur. Causa hujus priEcessionis, generatim lo-
queudo, ex gravitatione universali repetenda est.
DE COMPUTO ECGLESIASTICO. 229
aurei numeri sedemhor. 23, minut. pr. 21, id est unum fer-
me diem antevertere debebant, ut propositis ac collatis inter
se tabulis palam facit Petavius [L c. cap. 1) .
60. His incommodis jamdudum quœrebatur remedium.
Pelrus de Alliaco, Cardinalis Cameracensis, obtulit Joanni
XXtlL et Synodo Romaiiœ an. l/il2. libellum de Einendatlonc
Kalendarii: formavit quidem Pontifex decretum, illud tamen
noluit exécution! mandari, usquequq sedato schismate Deus
Ecclesiae suas unionem dedisset. Schismaticis ^igitur Ponti-
ficibus sede motis, idem Cardinalis euindem libellum ad-
jecta formula decreti Pontificii exhibuit concilio Consian-
iiensi an. 1417. Quum autem nec hoc loco res perfecta fuis-
set, JSicolaus Cusanus'm Coimlio Basileensi idem argumentum
erudito opuscule tractavit, quod cum aliis ejus libellis ma-
thematicis inserlum est operum volumini II. et inscribitur :
Réparât io Calendarii.
Rursus constitutum erat Leoni PP. X. negotio huic finem
imponere in Concilio Lateranensi V. ; scripsit igitur ad ila~
ximilianum Imperatorem, ut ejus jussu praestantes mathe-
matici vel Romam venirent, vel per literas mentem suam
aperirent in décima Concilii sessione Kalendis decembribus
lôiii. habenda. Joannes Eckiiis, doctor Ingolstadiensis,
libellum inscriptum : De vera Paschœ celebratione Joannis'
Eckii theologi Diorthosis ad Leonem X. Pont, iilax., adPonti-
ficem misit, sed gloriam confecti hujus negotii Deus reser-
vavit Gregorio PP. XIII. qui, iit res, quœ omnium communis
est, communi etiam omnium consilio perficeretur, an. Ihll.
compendium novœ rationis resiituendi Kalendarii (1) juxta
Cyclum Epactarum ab Afoyuo Lilio ordinatum, misit ad
Principes Christianos et celeberrimas quasque Academias
adhortans mathematicos, ut re diligenter considerata, aut ea
(1) Ex BuUa Mer grçivissimas. §. 6.
230 COMMENTARIUS
quae a Lilio proponebantur, probarent, aut si quid istis
rectius nossent, candide impertiri vellent, promittens insu-
per, quas ratio majori doctorum virorum parti aptior con-
venientiorque visa fuisset, eam quasi totius Christiani orbis
consensum se esse probaturum ac secuturum. Auditis igitur
ponderatisque doctorum hominum sententiis, negotium hoc
féliciter absolutum et Kalendarium novum per orbem Chri-
stianum promulgatum fuit adjecta Bulla Inter gravissimas,
VI. kal. martii 1582. (i) in qua operis sui rationem sic
déclarât Pontifex : Inter gravissimas Pastoralis officii nosiri
curas ea postrema non est, ut qi'iœ a sacro Tridentino Concilio
Sedi Apostolicœ reservata siint, illa ad finem optatum, Deo
adjutore, perducantur.
Sane ejusdem Concilii Patres quum ad reliqvam cogitationem
Breviarii quoqiie curam adjungerent, tempore lamen exclusif
rem totamex ipsius Concilii décréta ad auctoritatem et judicixim
Romani Pontificis retulerimt.
Duo autem Breviario prœcipue continentur, quorum unum
preces laudesque divinas^ festis profestisque diebus persoiven-
das, complectitur ; alterum pertinet ad annuos Paschœ festO'
rumque ex eo pendentium recursus, Solis et Lunœ motu me-
tiendos.
Atque illud quidem fel. record. Pius V. prœdecessor noster
absolvendum curavit atque edidit.
Hoc vero, quod nimirum exigit legitiinam Calendarii refor-
inationem, jamd'u a Rotnanis Pontificibus prœdecessoribus nos-
tris et sœpius tejitatuyn est, verum absolvi et ad exitum perduci
ad hoc usque tempus non potuit, quod rationes emendandi Ca-
lendarii^ quœ a cœlestium. motuum peritis proponebantur, prop-
ter magnas et fere inextricabiles difficultates, quas hujusmodi
emendatio semper habuit , neque perennes erant, neque antiques
(1) BuUar. Magn. Edit. Luxemburg. tom. II, p. 487.
DE COMPUTO ECCT.ESJASTICO. 231
EcclesiaHicos ritus incoluni^s [quod in primis hnc in re curan-
duni erat) servabant.
Narrât deinde Pontifex, quomodo ipse in hac cogitatione
curaque versatus peritissimos viros emendationi Kalendarii
prœposuerit,eorum industria adhibita confusionem omnem
sustulerit, menses diesque prœcurrenles retraxeril ac laban-
tem festorum normani juxta œcumenicœ Synodi Nicœnae
normam restituent certis datis regulis in œternum duraturis.
Hinc Kalendarium, quod antea a Julio Gassare Julianum
dicebatur, passini nunc appellatur Gregorianum, qaod cor-
rectione Gregoriana errores Juliani Kalendarii emendati
fuerint.
61. Etprimum quidem errorem de anticipatione œquinoctii
verni ita correxit Gregorius: dicto anno correctionis 1582.
decem dies detraxit statuitque, ut post quartum diem oc-
tobris mox sequens dies non esset quintus, sed pro decimo
quinto eo anno haberetur sicque œquinoctium suœ pristinœ
sedi (21. martii) restituit (1). Dicti dies alitem de mense
octobri detracti sunt, quia in ipsis pauci dies festi occurrunt.
Hac ratione igitur tempestates omnes et solemnitates ad
destinatas sedes in Kalendario Gregoriano revocatœ sunt.
In Galliis vero mense novembri anni novi emendatio pro-
mulgata est, exemptis decem diebus sancitum, ut, qui de-
cimus dies decembris erat, vicesimus numeraretur et ita
decimo quinto decembris Natalis Domini eo anno celebratus
est.
Ad praecavendam autem eamdem Trpor'yridiv œquinoctiorum
statutumest, ut quadringentis quibusqueannisomitterentur
dies très intercalares, ita ut annus 1600. fuerit bissextilis,
très centenarii autem qui sequuntur (1700. , 1800. , et 1900. )
contra, qui secundum leges Kalendarii Juliani bissextiles
esse deberent, pro couimunibus habendi sint,necintercalari
(l) Bulla Inter gravissimas. §. 7.
232 COMMENTARIUS
die augendi (1). Unde versus in hanc sententiam con-
scripti :
Bissextilis adest annus quicunque quaternus,
Centenus tollet, quadringentesimus addet,
Ipsam formam insertionis diei intercalaris quod attinet,
nihil emendandum censuit Gregorius XIII. Quod Julius
Caesar igitur statuerat quodque Ecclesia ad novam emenda-
tionem usque servaverat, ut nempe intercalatio ^h. mensis
februarii ita fieret, ut dies addititius cum 2ii. confunderetur
ac pro uno eodemque die haberetur (2^, id hodieque ex
constjtutione citata servandum est.
Ex declarata Zi8 horarum in unura dieni civilem bissex-
tum conjunctione confusioneque Jurisconsulti plura confi-
ciunt, ex quibus nonnulla nos esse hic memoraturos polliciti
sumus n. 18.
Fieri itaque I. ex systemate Kalendarii Pxomani potest, ut
duo œtate différant, et tamen eodem momento majorennes
fiant. Titius v. g. natus sit 2Zi. februarii mane, Caius vero
25. feb. vespere anni bissextilis : uterque inchoante 2/i. fe-
bruarii anni 25. majorennis erit, licet aetate vix non duobus
integris diebus naturalibus différant. ISihil quippe interest
— verba sunt leg. 98. ff. de V. S. cit. — sive priore sive poste-
riore die natus est.
(Ol.c. §. 9.
(2) De die inlercalari in anno bisscxtili dignum est quod legatur cap.
Qucpsivit. 14 de Verb. Signif. {V, 40.), cujus summa baec est : Quum fes-
tum S. Malhise debeat celebiari 24. feb. quâe?ivit Carnotensis Episcopus
ab Alexandro PP. III., quum aiino bissexlo eo die iniercalatio fiât, quo
die esset jejunandum ? Respondit Poutifex, die 23. jejuuandum esse, non
24. sive Yl. Kal. Mart., quia ille dies festivus est uec propter bissexlum
mulatur, duo enim quasi pro uno reputantur. De ipso etiam festo cele-
brando Alexandium cousuluiL Episcopus, quonam videlicet die celebran-
dum esset [part, decis.). sexto? au bissexlo? an ulroque, quia hi duo
pro uno computantur et in utroque sislitur in una eademque litera Ka-
lendarii? Respondit Papa, sublato omni computationis errore, posse
celebrari alterutro ex his duobus diebus juxla piam Ecclesiae consuetu-
dinem.
DE COMPUTO ECCLESIASTICO. 233
IL Quamvis id hiduum pro uno die civili haheatur, in favo-
rabilibus tamen aligna ratione computatio fit temporis inter-
calaris (1). Exemplum. Titius nascitur 25. februarii anni
communis 1855 : quaeritur, quando fiât majorennis ?
R. Quum 25. annus œtatis incidat in an. bissextilem 1880.
in quo dies 2U. et 25. naturales unum diem civilem efîiciunt,
majorennis erit 24. februarii inciioante in favorabilibus, in
odiosis vero 25. feb. finiente.
Dixi autem aligna ratione temporis bissextilis ratio habetur;
quando nimirum sermo est de uno dumtaxat anno seu die
bissextili. Si enim agatur de multis annis explicite vel im-
plicite continuis, v. g. de spatiolO, 20, 30, âO, etc., anno-
rum in se multos annos bissextiles comprehendentium , in-
terjecti dies intercalares non computantur seu pro mornento
temporis observaniur. Leg. 98. //. F. S. Ita contra Franc.
Pellizarium m Manuali regularium tract. 8. c. 2. n. 170. P,
Georg. Gobât op. mor. tract. 8. nn. 546. segg., ubi nostram
hanc thesim pluribus argumentis vide confirmatam ac con-
trarias Pellizarii rationes disjectas.
Hujus regulae quotidianus usus est in computandis annis
requisitis ad professionem religiosam, ad usucapionem, ad
ordines sacros, ad episcopatum, ad Jubilœum, h. e. quin-
quagesimum annum sacerdotii, monachatus, matrimonii
cum eadem uxore, servitii cum eodem hero. Certe nemo ex
jubilariis in computando anno suo quinquagesimo cogitavit
unquam de numerandis duodecim diebus intercalaribus, qui
in lapsu quinquaginta annorum intercurrerunt.
III. Ad Kalendaria civilia quod attinet, notandum hoc
est : Quum ejusmodi Kalendaria, quœnunc recepta commu-
niter sunt in societate civili, rejecto more Romano nume-
rum 28. dierum non retineant , sed post 28. dies naturales
(1) Jurisconsulti ei favorem a jure indultum censent, cui vel jus com-
mune, vel beneficium logis particularis adsistit.
23/l COMMENTARIUS
ulterius numerando adjiciant vicesimum nonum, afîirmari
non sine veri specie potest , in nostris Kalendariis civilibus
diem intercalarem juridiciim h. e. diem , cui favor juris ap-
plicetur,ut supra, non esse 24. februarii, sed vero 29., licet
Kalendaria ipsa adhuc 2h feb. intercalarem dicant. Etenini
ex mente legislatoris dies intercalaris is est, que differentia
inter annum communem et bissextum exhibetur ac supple-
menti instar mensi februario inseritur. Atqui in Kalendariis
nostris civilibus differentia illa non in alium , quam in ulti-
mum mensis diem rejicitur ; ergo quae quoad usum juridi-
cum de die '2l\. et 25. nat. in Kalendario Romano dicta sunt,
€a applicari 28. et 29. feb. in nostris Kalendariis civilibus
debent. Ponatur exemplum. In excusatione a muneribus
etiam aetas de jure civili inspicitur. Quum ergo œtati favor
hic sit indultus leg. manifesti juris vit. CoJ. Qui œlate {rel
professione) se excusant (x, 49), diei intercalaris ultimi
computationem fieri debere manifestum est. Licet igitur
natus sit 29. februarii anni 1812 , nihilominus 28. feb.
an 1882. pro septuagenario habebitur. Haec de forma inser-
tionis diei intercalaris.
62. Alterum Juliani Kalendarii vitium de antecessione
JSoviluniorum et Pleniluniorum Gregorius XIII. castigavit
sanciendo, ut amoto numéro aureo de Kalendario in ejus locum
substituer etur cij dus Epactarum (1) abAloysio Lilio conscriptus,
qui ad certain avrei numeri forrnam directus efficit, ut Novi-
lunia vera loca semper retineant (2). Sed de Epactis postea
cap. V. nn. 74, seqq. Error praeteriti temporis autem emen-
datus est diebus 3 de anno lunari rejectis.
Quoniam nimirum numeri aurei in Kalendario Gregoriano
(1) Licet veleres quidam chroaologi antiquas Epactas JUianas dixe-
rint easque cum respectivis numeris aureis peromues auni meuses suis
diebus iu Kalendario tribuerint, ab ipso Kalendario Julii Caesaris tamen
aberant, de qua re vide Clav. Lit, II, cap. Novi Kalendarii Apologta.
(2) Bulla cit. §, 10.
DE COMPUTO ECCLESIASTICO. 235
novilunia aliquot diebus serius indicabant, quam evenirent,
gravis sub Gregorio PP. XIII. exortg est contre versia , quot
;dies (num très, an quatuor ?) pro illa vice resecandi ex anno
lunari essent? P. Christoph. Clavins , qui omnibus congre-
gationibus de Kalendarii reformatione'habitis interfuerat,
existimabat , nonnisi très dies resecandos esse, ejusque sen-
tentia praavaluit. Controversiadeinde sub Clémente PP. XI.
denuo invalescente totoque negotio ad novum examen revo-
cato (1), decretum iterum fuit, nihil esse immutandum.
P. Clavium ea ratione niti vidimus, n. 52, i. not., quod
opus non esset, ut medii motus per cyclos indicati originem
computi sui ab aliquo puncto astronomico ducerent ; immo
quod nec expediret,ne sciiicet ad diversitatem meridianorum
esset attendendum et ex hac ipsa meridianorum discrepantia
aliquando evenisset, ut luna aequinoctialis in certis mundi
partibus incideret in sabbatum, in aliis in dominicum diem,
et, quod consequens est , Pascha in nonnullis locis intégra
hebdomada, quin et intégra lunatione discrepVet. Unde me-
lius visum fuit, ut medii motus cyclorum cum veris motibus
astrornm non adamussim responderent, sed eos potius non-
nihil subsequerentur ; et si quando plus minus recédè-
rent — quod in Kalendario perpétue evitari nequit — tamen
(1) Congregationi super hœc negotia constitutae praeficiebatur Cardi-
ualis Norisius; secretarium agebat Bianchini. Communicabautur consilia
cum Cassini, celeberrimo Astronomo in Galliis, et cum Maraldi, qui
tune Romae versabatur. Ca^f^mî censebat, KalendariumGregorianum nuUa
iudigere re formation e, sed solummodo mentem Gregorii exacte esse
implendam et XIV. lunam Paschalem suo in loco, a quo 4 et co am-
plius dies eo tempore distabat, reponendam : per emendationem aulem
sub Gregorio XlII. factam tantum per 3 dies lunam Pascbalem retroces-
sisse ad tempus, quo fuerat se/ate Concilii Niceeni. Cf. ejusdem auctoris
commentarii : De la Correction Grégorienne des mois lunaires ecclésiasti -
ques {Diar. Academ. Reg. Paris, ad an 1701.) et : Des Équations des mois
lunaires et des années solaires {Diar, cit. ad an, 1704.) Ast Congregatio
omnibus astronomorum rationibus exacte perpensis iisque inter se rite
comp isstatuit, formam Kalendarii Grcgorianinon esse mulandam.
236 COMMENTARIUS
perpétue illuc revocarentur. Patris Glavii consilium proba-
tum postea vel ab ipsa Academia Regia Parisiensi fuit. Quum
enim Filial anno 1731. exhibuisset librum inscriptum :
Nouvelle distribution politique du temps , ubi dies Paschatis
per calculum ex tabulis astronomicis deductum determina-
batur, laudavit quidein Academia diligentiain et eruditionem
auctoris, censuit tamen, subtilitates astronoaiicas in hoc
negotio esse nec uecessarias nec possibiles, quum astronomi
nondum exacte convenerint circa veros motus astrorum.
Cfr. Histoire de V Académie Rotjale, ad an. 1731.
63. Kalendarium sic ordinatum magna gratulatione a
plerisque omnibus Europœ regibus et principibus receptum
ac in usum deductum fuit, exceptis nonnullis hœreticis ac
schismaticis, qui magis odio Pontificis et religionis, cujus
ipsecaputest, quam quod factum culparent, emendationem
illam non receperunt. Hinc autem diversus temporis com-
putus diversaque Paschatis aliorumque festorum celebratio
orta ; hinc etiam in actis ab anno 1582. (post 15. octob.)
usque ad 1. martii an 1700. duo styli, novus et vêtus, obser-
vati : ita dum Cathohci v. g. numerarent 30. augusti an. 1600,
Protestantes signabant 20. aug. styli veteris, quœ varietas sic
exprimi solebat f^ augusti vel 20. aug. styli veteris, vel per
literas initiales tantum 20. aug. st. v., vel simpliciter 20.
aug. s. V.
Negotio de tollenda Kalendarii varietate pluries jam in
comitiis proposito, tandem an. 1699. status protestantici per
conclusum d. 23. Septemb. (1) GathoUcis ita accesserunt,
ut omissis 11. diebusidem dierum numerus in utroque Ra-
lendario Gregoriano (Gatholicorum) et Juhano (Protestan-
tium) anno 1700. concurreret, sola respectu Paschatis ré-
manente differentia; Protestantibus enim adhuc fixum man-
(1) Conclusum exhibet Schmausius Corp. Juris Publici acad, éd. 1745.
B. 110.
DE COMPUTO ECCLESIASTICO. 237
serat, rejectis Epactonim cyclis plenilunium paschale ad
astronomicas observationes determinanduni esse (1) .
Kalendario Gregoriano ita ex parte a Protestanlibus re-
cepto, iidem 30. januarii 1723. statuerunt, ut si ipsorum
ac Judœorum Pascha in unum diem incideret, Pascha cum
Catholicis celebrarent, ne scilicet decretis Concilii Nicœni
adversarentur. Quod conclusuin an. lllih. quo termini
paschalis diflerentia iterum occurrit, repetierunt.
Quœ omnia quum intérim tantum 'ac pro occurrentibus
casibus fuissent constituta, tandem anno 1775. Rex Borus-
siœ voluit, ut in suo regno ac ditionibus Protestantes anno
1778. non. 12. aprilis (cum Judaeis), sed vero 19. aprilis
(cum Catholicis) Pascha haberent ; ahis principibus simi-
liter auctor fuit, ut idem in suis territoriis fieri juberent.
Quare Protestantes consiho ea de re inter se habito, demum
anno 1776. concluserunt^ se Pascha juxta Kalendarium
Gregorianum cum Catholicis super esse celebraturos, sicque
concordia circa Kalendarium etiam in Germania fuit resti-
tuta.
Schismaticos Graecos quod attinet, iidem promoveri hu-
cusque non potuerunt ad recipiendam correctionem Grego-
rianam, ne scilicet revereri Pontificis auctoritatem videren-
tar (2) . Quœ jam sit utriusque Kalendarii differentia, omni-
bus totius anni diebus descriptis atque inter se collatis sub
fmem commentarii docebimus. Haec Xav. Zech: De Calenda-
(1) Quum objervalioues aslroaomicte in diversis regionibus ob diver-
ses circulos meridianos doq sint conformes, juxta Gonclusuui ^ Jan.
1700. Spécula Malhematica Uranoburgica aliis provinciis legera praescri-
bere debebat. Schauroih, fom. I. p. 19\.
(2) Rossiaci per eam, quœ immauium Schismaticorum propria est, cru-
delitalem, Calliolicos Imperii Rossiaci adegerunt, ut relicta correctione
Gregoriana Kalendarium Julianum denuo sequerentur. Itaque per vim
obtrusus iterum vêtus slylus est arcbidiœcesi Mofiiloviensi asiensque scx
diœcesibus suffragaueis Vilnensi, Samogittensisea Felsensi, Luceorio-Zyto-
miriensi, Camenecensi, Minscensi et Kirospoliensi. Tantum schismaticos
eorum cepit odium, qnae profecta a Sede Apostolica sunt!
238 COMMENTARIUS
rio Ecdesiastico post Chrisioph. Clavium: Romani Calendarii
explicat.;Paal. Gulden. adversus Sethum Calvisium; Dionys.
Petav. : de Doctrina Temporum lïb v.; Sacrabosco : de Computo
Ecdesiastico; Edmund. Purchot. Institut. Philosoph. tom.in,
sect. II. c. 9. et Mangold. Philosoph. iom. m. Dissertât v. sect.
h.;Jos. Falck : Chrisiianum Pascha ; Franc. Schiich : DiS'
quisitio Aslronomica de Correctione Ca'endarii. Ingolstad. an.
1699.
Rationibus Kaleiidarii Gregoriani ita declaratis id unura
restât, ut celebrem illam disputationem breviter attingamus,
qua computistœ catholici restitutam temporum rationem mi-
raculorum calculo a Deo 0. M. confirmatam asserunt, obla-
terantibuslicethœreticiscalumniamquemaM^ZeVœsî/persifzYîonw
inferentibus. Catholicorum arguuientum situm in eo est,
quod Deus miracula, quœ perpetuo adhuc in Ecclesia vigent,
transtulit in dies anni Gregoriani saltu dierum 10 facto
siccpie Kalendarii castigationem suffragio suo obsignavit ;
sectariorum injuria contra in eo consistit, quod ecclesiasticos
scriptores dicunt et superstitionibus occupatos et simpliciorum
mentes per insolentissima, ab ipsis ficta portenta supersti-
tione imbuere obligareque conatos. Injuriam adversariorum
primum refellemus , argumentum catholicorum deinde
adducto insigniori aliquo exemplo clarius exposituri.
Itaque prœtensam miraculorum novitatem quod spectat,
tantum abest, ut in tenenda hac probandi methodo inauditis
superstitionibus obnoxii scripserint computistœ ecclesiastici,
ut potius luculentam probabilemque Patrum viam secuti
argumenta sua ad certissimœ traditionis ecclesiasticœ nor-
mam expressisse dicendi sunt. Ecclesiastici scriptores enim
in de ab initio exortarum de computo controversiarum sibi
persuasum habebant, leges chi'onographicas ab Ecclesia
catholica de Paschatis atque inde cœterorum festorum mobi-
lium supputatione latas, ita in Dei Omnipotentis tutelam esse
collatas, ut eas perfectissima miraculorum sanctione eviden-
DE COMPUTO ECCLESIASTICO. 239
ter confirmasse censendus sit. Chrislianœ traditionis me-
thodum ex iis auctoribus colligere impriuiis placet, qui
fontes baptismales in Paschate aqua divinitus impletos tes-
tantur.
Quum anno Ch. hi7. errore supputationis factum esset,
ut Pascha non suo legitimo die celebraretur in Ecclesia,
divino sane miraculo compertum esse errorem, Paschasinus
Episcopus Lihjbelanus narrât in epistola an. Ixlx^. ad S. Leonem
papam data, quae in editione }li<jne[Patrol. tom. blx. p. 606.)
est 3. inter epistolas S. Leonis. JSon ergo — verba sunt
Paschasini — nos dies %ma longius posita terreat, ne cum hanc
vitamus, incurramus errorem, sicut evenit tempore... Zozimi.
Tuncenim... error gravissimiis est ortus in tantum., vt mijsterio
certo, quod dono Sancti Spiritus rninistratnr, hœc veritas pro-
barelur... Ciijus mysterii miraculum taie est. Qiiœdam vilissi-
ma possession Meltinas appellatur in montibus arduis ac silvis
densissimis constituta, illicque perparva atqiie vili opère con-
stritcta est ecclesia. In cvjus baptisterio nocte sucrosancta pas-
chah\ baptizandi hora, cum nulius canalis, nulla sit fistnla,
nec aqua omnino vicina^ fons ex se repletur paucisque qui fue^
rinty consecratis, cum deductorium nullum habeat^ ut aqua
venerut ex sese discedit. Tune ergo, sicut supra diximus, cum
apud Occidentales error ortus fuisset^ consuetis lectionibus
nocte sancta decursis, cura presbyter secundum morem bapti-
zandi horam requireret, usque ad lucem aqua non veniente, non
consecrati qui baptizandi fuerant, recesserunt. . . Evidenti ergo
miraculo claruit Occidentalium purtium fuisse errorem.
Huic plane simile descriptum exstat apud Magn. Aurel.
Cassiodorum miraculum. Dum Marciliani fontis virtutes col-
laudat , divinum signum hisce exequitur verbis Variar.
lib. VIII. epistola 33 : Lo7iga sunt illius fontis memoranda de-
scribere. Veniamus ad illud singulare munus sanctumque mira-
culum. JSam cum die sacratœ noctis precem baptismatis cœperit
sacerdos effundere et de ore sancto sermonum fontes emanare^
2ZiO COMMENTARIUS
mox in altnm unda prosiliens aqiias suas non per meahis solitos
dirigit, sed in altitudinem cumulmnque transmittit. Erigitur
brutum elementum sponte sua et quadam devotione solemni
prœparat se miraculis ut sanctificatio Majestatis possit ostendi,
Nam quum fons ipse quinque gradus tegat eosque tantum sub
tranquillitate possideat, aliis duobus cernitur crescere quos nun-
quam prœter illud tempus cognoscitur occupare. Magnum stu-
pendumque miraculum fliienta labentia sic ad humanos sermones
vel stare, vel crescere, ul eis credas audiendi studium minime
de fuisse. {Migne, Patrol. tom. Q9. pag. 765.)
Siiiiilia narrât de fontibus miraculose repleri solitis tem-
pore paschali S. Gregorius Turonensis Histor, Franc, tum
lib. Yi. c. 43. {Migne, Patrol tom. 71 . pag. 409.), tum lib. x.
c. 23. (/. c. p. 554.); item De Gloria Confessorum c. 69. (/. c.
p. 878.) ac denique Miraculorum lib. i. De Gloria martyrum,
c. 2h addens cap. sequenti, Theodegisilum regem, fraudem
subesse ratum, diligenter custodes adhibuisse, nihilominus
fontem baptismalem semper impletum sicque miraculi veri-
t<item vel ex ipsius régis pervestigatione confirmatam fuisse
{Migne, l. c. p. 726.). Adde, quœ de fontibus Hispaniœ, qui
in sabbato sancto paschœ ad baptizandum divinitus sponte re-
pleri soient, anno 573. non in Hispanorum sed in Francorum
pascha repletis refert Sigebertus Gemblacensis in Chronic. ad
an 573, {Migne, Patrol. tom, 160. page 107.)
Sed nec caruerunt cœterce orbis partes hisce adeo insigni-
bus editis divina virtute miraculis. Sic illustre portentum de
fonte 5. Marcellini apud civitatem Ebredunensem in Galliis
memorat S. AdoViennensis in Martijrologio ad diem 20. april.
{Migne, Patrol. tom. 123. page 249.) aliaqueduo in Oriente,
in provincia Lyciae, singulis annis baptismi occasione fieri
solita affirmât auctor Prati spiritualis, additque : Si quis au^
ton hœc ita esse non crédit, usque ad Lyciam, non grande iter
est^ pergat, et rei veriias fidem illi faciet.
Allud miraculi genus, nempe cœlestem cœci illumina-
DE COMPUTO ECCLESIASTICO. 2/j l
tionem, coram doctoribus et episcopis Britonuni precibus
S. Augnstini factum ad rectam paschatis celebrationem
comprobandaai habes apud Ven. Bedam Histor. Eccl. geniis
Anglorum lib. il. c. 2, {Migne, Patrol. tom. 95. pag. 82.)
Quod ergo calumniandœ Kalendarii instaurationi non raro
praetenderunt haeretici, catholicos, dum ostenta ac prodigia
a Deo facta agnoscunt ad rectam Ecclesise temporum sup-
putationem confîrmandam, novia insolentibusqiie supersti-
iionibiis obnoxios degere, tribuendum id esse improbse
sectariorum cupiditati injuriœ faciendse manifestum est.
Ad cœlestia signa Gregorianum temporum ordinem obsi-
gnantia quod pertinet, scriptores ecclesiastici novœ corre-
ctionis divinitus confirmatœ prœ cœteris testem adhibent
nobilem illum cruorem, qui Neapoli quotannis coram vene-
rando S. Januarii capite liquescens ebullit die 19. mensis
septembris, sed illa, quœ in Kalendario Gregoriano est 19.
anticipât© nimirum per 10. aut 12. dies miraculo: perinde
ac si sanguis in Romanae fidei testimonium semel profusus,
iterum ac saepius — ut ait Ricciol. Almag.'nov. prœf. art. i,
— pro Romani Pontificis auctoritate fundatur.
N. N. , Sacrorum canonum Prof.
(La suite au prochaio numéro.)
RE/rE r-ES Sciences icccLÉsusTiouEs, t. ii. 16.
LA QUESTION LITURGIQUE A LYON.
Encore une apologie de MM. les curés lyonnais ; celle-ci
est intitulée : Défense de la Liturgie de Lyon, par MM.
[Lyon, imprimerie administrative de Chanoine, place de la
Charité, 1864). Comme la précédente {Quelques mots) , elle
est anonyme; mais aussi, comme dans la précédente,
MM. les curés y parlent ouvertement en leur nom; en sorte
qu'à moins de désaveu de leur part, elle doit leur être at-
tribuée. Les hommes qui ont tenu la plume dans cet écrit
se mettent eux-mêmes suffisamment à découvert par ces
lignes de la page 152 : « Notre Archevêque et son chapitre,
qui tiennent à notre rite, agiront selon leurs droits cano-
niques et selon leur sagesse. Pour nous, simples prêtres, à
qui les saints canons n'accordent pas d'intervenir officielle-
ment dans les questions de changement de liturgie, nous
ferons entendre au Père commun des chrétiens des suppli-
cations et des gémissements. » C'est bien là, nous semble-
t-il, le langage de MM. les curés de Lyon ; n'étant pas cha-
noines, ils ne s'attribuent le droit d'intervenir que par voie
de gémissement. Ils ont déjà beaucoup gémi, et passable-
ment fort. Leur nouvel écrit paraît avoir pour but de gémir
encore, et cette fois sur un diapason plus solennel et mieux
LA QUESTION LITURGIQUE 2/l3
nourri, dont nous entendrons tout à l'heure quelques ac-
cents (1).
Les publications anonymes et sans V imprimatur de l'Or-
dinaire sont interdites par les lois de l'Église. Elles l'ont
été de nouveau en termes exprès au clergé de la province
de Lyon par le concile de 1850. Comment MM. les curés
lyonnais arrangent-ils leur conscience avec une prohibition
si manifeste? Ils n'ont pas encore jugé à propos de l'expli-
quer. Toujours est-il qu€ ce goût prononcé pour l'anonyme
fait naturellement soupçonner quelque habileté diploma-
tique. Que la brochure soit attribuée à MM. les curés en
général^ ils le trouvent bon. Mais qu'on pût dire nommé-
ment à l'un d'eux : Cest vous qui parlez ainsi , vous avez
signée ce serait sujet à des inconvénients auxquels ces mes-
sieurs ne jugent pas nécessaire de s'exposer. Puis, si nous
sommes bien informés, n'y a-t-il pas à Lyon un arsenal qui
fonctionne secrètement pour le compte de certaines causes,
comme autrefois Port-Royal fonctionnait pour certain parti ;
et ne serait-ce pas là une autre raison de tenir si fort au
masque de l'anonyme?
On nous demande si nous réfuterons la nouvelle Défense
de MM. les curés. Elle est déjà réfutée. Dans les Recherches
de M. de Conny, et dans notre opuscule la Question Uîur-'
gique à Lyon, on trouvera discutées et mises à néant toutes
les bases du nouveau plaidoyer. Ceux qui n'ont pas suivi
attentivement le débat s'imagineront sans doute que MM. les
curés, reprenant la plume après avoir été réfutés, auront au
moins essayé de combattre les documents et les preuves de
la réfutation. Il n'en est rien. Ces messieurs n'ont pas cru
devoir s'astreindre à cette règle si simple de toute loyale
(1) Si Mm. les curés de Lyon venaieul à se déclarer étrangers à cette
nouvelle défense, il va sans dire qu'au lieu de contester leur affirmation,
nous serions heureux de l'enregistrer.
2hll A LYON.
controverse. De nos ai'guments, des 150 pages de no+re
dissertation, ils ne citent pas une ligne; ils évitent avec
soin de les discuter ; on dirait qu'ils ont tremblé de les por-
ter à la connaissance de leurs lecteurs. Au point de vue
stratégique, nous ne saurions les blâmer. Nos preuves trop
désagréablement péremptoires, il valait mieux les taire :
notre écrit étant peu connu,du clergé de Lyon, il valait mieux
lui jeter un linceul de silence. De là sans doute la détermi-
nation de nos honorables contradicteurs, de reproduire im-
perturbablement et de répandre à profusion un thème dé-
montré faux jusqu'à l'évidence; de lui donner la forme
attendrissante de gémissements dont les vibrations émussent
les fidèles et retentissent jusqu'à Rome ; d'empêcher enfin,
à force de bruit, que la vérité n'arrivât jusqu'à ces admi-
rables catholiques lyonnais, à qui l'on a fait prendre le
change. Nous nous réservons, au besoin, d'infliger à la
nouvelle Défense de MAI. les curés les honneurs d'un exa-
men. Mais ce n'est pas l'objet de cet article. Aujom'd'hui
nous nous contenterons de constater un fait trop affligeant
pour que nous puissions le passer sous silence : les auteurs
de la nouvelle Défense de la liturgie de Lyon ne craignent
pas de se mettre en contradiction directe et formelle avec
les paroles et les actes du Souverain-Pontife. Nous ne dis-
cutons pas, nous citons :
Lellre du Cardinal-Préfcl Les auteurs de la Défense
de la Congrégation des Rites. de la Liturgie de Ljoq.
«Dès l'année 1854, Pie IX, « Ne semble-t-il pas qu'on sorte
par une lettre adressée à Votre d^in songe, lorsqu'on entend dire
Eminence, à déclaré de la manière que la liturgie de Lyon n'est pas
la plus explicite que le Bréviaire légitime, et que Lyon n'a pas droit
et le Missel de Lyon n'émanent de la garder !! » (Page 108.)«Le
nullement d'une autorité légitime, cardinal Fesch, archevêque de
et que par conséquent il faut ab- Lyon, n'élait-il pas autorisé par la
LA oL'EbTlOiN
soinmciil les clianger. — Qui
(SunimiisPonlifex),abaiinol854,
litleris datis ad Erninentiam Ves-
tram, aperlissime declaravit, Bre-
viarium et Missale Lugdunense a
egitima auctoritale minime pro-
dire, ac proinde omnino immu-
tanda. » (Lettre du cardinal Pa-
trizi, du 23 janvier 1863, au
cardinal de Donald, archevêque
de Lyon.)
AllocutioD de Pie IX .
litl'ug'ql'l: '2^5
Biil'e du Concordat à donner à son
diocèse le Bréviaire et le Missel
qu'il lui plairait? S'il choisissait le
Bréviaire de Mgr de Montazet...,
ce Bréviaire n'était-il pas légitimé
sans retour? Et lorsque le cardinal
de Donald publiait de nouveau ce
Bréviaire, après l'avoir corrigé, ne
publiait-il pas un Dréviaire légiti-
me? » (P. 108.)
« Votre Bréviaire et votre Mis-
sel n'appartiennent pas à votre
antique liturgie. M. de Montazet
et le Parlement vous les ont don-
nés, et par ce fait avaient désho-
noré voire magnifique liturgie. »
(Allocution de Pie IX du A février
186i, publiée dans une lettre du
cardinal de Donald au clergé de
son diocèse.)
« Vous avez désiré, Messieurs,
conserver votre antique liturgie.
Rien de plus juste -. vous la con-
serverez... Mais votre Bréviaire
et votre Missel n'appartiennent pas
à votre antique liturgie. M. de
Montazet et le Parlement vous les
ont donnés, et par ce fait avaient
déshonoré voire magnifique litur-
gie. Il faudra, peu à peu et avec
prudence, faire disparaître ces
taches. » (Allocution du 4 février
18G4, publiée par le cardinal de
« L'éditii>n du Bréviaire Tcncin-
Montazet... continuait la chaîne de
nos traditions. » (Page 90.) • Ce
Missel (celui de Montazet)..., c'é-
tait toujours l'ancien Missel corrigé
par l'Archeyêque et le Chapitre,
consenti par le Chapiîre, Missel
aussi canonique et entrant de«plpin
droit dans la chaîne légitime des
Missels de Lyon. » (Page 99.)
« C'est une puérilité de préten-
dre qu'on peut' séparer les diverses
parties d'une liturgie. » (Page 92.)
« Conçoit-on la possibilité de cé-
rémonies lyonnaises avec une messe
et un office romains? Les cérémo-
nies habillent les paroles; les pa-
roles ôtées, les cérémonies sont
vides, inutiles ou à contre-sens...
Il faudriiit les abandonner ou bien
donner le spectacle grimaçant d'un
peu de romain avec un peu de
lyonnais^ bigarrure ridicule, où
246
A LYON.
Donald.) — a Mais pour votre
Bréviaire et votre Missel, il faut
prendre le romain, n (Même allo-
cution, d'après le texte publié par
les curés députés.)
(( Du reste, Messieurs, on ira
avec prudence dans l'introduction
du Bréviaire et du Missel romains.
On commencera par donner le
nouveau Bréviaire aux nouveaux
sous-diacres, et peu à peu tout
rentrera dans l'ordre. » (Allocu-
tion publiée par le cardinal de Bo-
nald.)
« Mon cœur a été blessé de
l'agitation qui s'est produite dans
le clergé de Lyon... Nous avons
été profondément affligé lorsque
nous avons lu dans les journaux
ces articles qu'on y a insérés au su-
jet du changement de Bréviaire...
On ne pouvait me faire une plus
grande peine que de suivre cette
marche. » (Allocution du 4 fé-
vrier 1864, publiée par le cardi-
nal de Bonald.)
l'unité elle-même ne se trouverait
pas. • (P. 142.)
a Le projet d'insinuer peu à
peu le romain dans le diocèse de
Lyon est le plus fâcheux qu'on
puisse mettre en œuvre. » (Titre
du chapitre XXIIL) « Bien n'est
plus fâcheux que de donner peu
à peu le romain, comme serait de
faire prendre le Bréviaire romain
aux sous-diacres, et le Missel ro-
main aux nouveaux prêtres, en
laissant les Bréviaires et Missels
lyonnaisaux prêtredéjà ordonnés. . .
Et combien de temps durera celte
anarchie dans nos paroisses ? s>
(P. 136-137.)
« La seule chose affligeante
pour nous, c'est la perte de notre
liturgie !!!... Cette affliction est
naturelle et légitime ; le monde
catholique la comprendra, le Sou-
verain-Pontife ne la blâmera pas...
Celui qui défend une cause qu'il
regarde comme son affaire person-
nelle, est justifié par la tâche même
qu'il remplit. Si la douleur lui ar-
rache des paroles qui excèdent les
limites de la véhémence, Dieu et
les hommes les excusent... Le dé-
fenseur affligé d'une cause n'a
qu'un danger à craindre, celui de
la perdre! » (Page 6 )
LA QUESTION LITUKGIQUE 2'l7
Qu'on le remarque bien : MM. les curés lyonnais ne
craignent quun danger^ celui de perdre leur cause. Mais le
danger de soutenir une cause déplorable^ ils ne le craignent
pas du tout, quoique toute la question soit là. Luther, par-
tant de l'hypothèse obstinée que sa cause était bonne, au-
rait dit volontiers : « Le défenseur affligé d'une cause n'a
qu'un danger à craindre, celui de la perdre. » Nous ne vou-
lons par ce rapprochement que faire toucher au doigt le
paralogisme. A ])ieu ne plaise que nous fassions planer le
moindre nuage sur l'orthodoxie de ces pieux et vénérés ec-
clésiastiques, dont les vertus, le zèle et les intentions ne
sont pas en question.
Parmi les faits trop négligemment rapportés dans leurs
écrits, il en est un que nous croyons devoir signaler. Déjà,
dans leur apologie. Quelques mots (pages 17 et 21) , MM. les
curés avaient allégué en leur faveur l'approbation et les
encouragements des prélats qui ont fait autrefois partie du
clergé lyonnais : For li fiés même dans nos pensées, disaient
ils, par les illustres évêques que notre diocèse a fournis à la
France. La proposition est universelle ; Son Ém, le cardinal
Villecourt ayant appartenu au diocèse de Lyon, s'en trouve
atteint. Dans leur lettre au Courrier de Lyon, les cinq curés
députés, racontant les faits qui concernent leur députation,
s'expriment ainsi : A son arrivée à Rome, elle a été très-bien
accueillie par Son Em. le cardinal Villecourt. Du rapproche-
ment de ces deux affirmations, en les supposant exactes, le
public a dû conclure que Son Eminence approuve et encou-
courage la conduite de MM. les curés de Lyon. Eh bien !
c'est exactement le contraire qui est vrai. Nous sommes en
mesure d'affirmer que l'éminent prélat a flétri dans les
termes les plus énergiques l'égarement de MM. les curés
lyonnais; qu'il a exprimé aux cinq députés eux-mêmes
toute l'amertume de son âme, et leur a reproché de s'être
faits les ambassadeurs d'une cause qui pouvait être regar-
248 A LYo:>.
dée comme une rébellion à l'égard du Saint-Siège. C'est
dans ce sens que la députation a été très-bien accueillie par
Son Éminence. ^ous avons en main un document qui ne
permet aucun doute à cet égard (1) . MM. les curés députés
n'auront sans doute employé cette expression que relative-
ment aux formes de politesse, dont on sait que le cardinal
Villecourt ne s'écarte jamais. Nous ne voulons pas grossir
cet article-préambule : à plus tard l'inventaire et l'appré-
ciation des valeurs entassées par MM. les curés dans leur
nouvelle défense.
D. Bouix.
A.VISt
C'est par un regrettable oubli que I'HIPRIMAXUR n'a
pas été mis en tète de ma brochure î LA QUESTIOIV LI-
TURGIQUE A. LYOIV. Cet IMi>RIlUA.XUR a été donné; il
est entre le» mains de l'imprimeur, BI. Rousseau, qui a
l'ordre depuis longtemps de ne rien imprimer de moi
sans l'autorisation de Monseigneur l'Évèque d'Arras.
Cette déclaration se trouvant elle-même comprise sous
l'imprimatur du présent numéro, rectifiera suflisam-
ment une omission indépendante de ma volonté et que
Je ne pouvais prévoir.
L'abbé I>. BOUIXc
(l) Des témoins dignes de foi nous assurent avoir entendu plusieurs
autres des illustres évêques que le Jiocèae de Lyon a fournis à la France,
blâmer éacrgiquemcnt les écrits et la conduite des défenseurs de la li-
turgie de Lyon.
DU CHANT ECCLÉSIASTIQUE.
Premier article.
Sur la demande de quelques-uns de nos abonnés, nous publiâmes,
dans le numéro de mars 1860, 1. 1, p. 232, un article sur le chant
ecclésiastique considéré sous le rapport purement canonique et litur-
gique. En d'autres termes, nous avons traité celte question : Quelles
conditions doit avoir le chant ecclésiastique pour être en harmonie
avec les règles de l'Eglise ? La publication de cet article a soulevé
d'autres difficultés dont la solution ne peut être donnée d'une manière
satisfaisante que par des personnes qui, à la science canonique et litur-
gique, joignent la connaissance théorique et prartique du chant de l'É-
glise. Nos lecteurs comprendront, par cette explication, le relard que
nous avons rais à aborder celte question, 11 nous a fallu prendre des
renseignements auprès des personnes compétentes : pendant ce délai,
d'autres questions nous étaient posées, qui absorbaient à la fois le temps
que nous pouvons consacrer à ce travail, et le nombre de pages assez
restreint que notre Revue peut donner aux articles liturgiques.
Nous pouvons résumer ainsi les difficultés qui nous ont été présen-
tées : i" En tenant compte des observations faites dans l'article cité
relativement à la variation du chant de certaines parties de la messe,
la liturgie peut-elle fournir des principes pour tracer un règlement à
suivre pendant toute l'année ? Ne pourrait-on pas aussi avoir quelques
règles, au moins directives, pour l'usage des messes ad libitum ?
2° Quelles règles suivre pour le chant de Vile missa est, pour celui du
Benedîcatnus Domino à la messe ou aux vêpres? 3" Comment concilier
avec le Direclorium chori de Guidetti les chants des hymnes donnés
250 DU CHANT ECCLÉSIASTIQUE.
par la plupart des livres imprimés en France, et, parmi ceux-ci, quels
sont ceux qu'il convient d'adopter? 4° Peut-on, sans violer les règles
de la liturgie, conserver le chant usité en Franc* pour certains versets,
pour les litanies, pour certains tons de psaumes, pour les lamentations
de Jérémie? 5° Faut-il nécessairement chanter les psaumes sur le ton
indiqué dans le livre d'office? Que penser de l'usage de chanter en mu-
sique ou en plain-chant musical certaines parties de la messe ou de
l'office ?
Sans prétendre jeter une lumière complète sur ces diverses ques-
tions, nous allons essayer de les éclaircir de notre mieux, soit au point
de vue des régies hturgiques, soit au point de vue de celles du chant
ecclésiastique. Avant d'entrer dans le détail, il nous paraît nécessaire
de revenir un peu sur la question générale des rapports du chanl ec-
clésiastique avec les règles de l'Église, pour compléter, mieux préciser
et rectifier s'il est nécessaire, les principes posés dans l'article cité.
Pour mettre plus d'ordre dans ces matières, nous divisons noire tra-
vail en dix paragraphes.
§ 1. — Observations générales .
Nous avons discuté, t. i, p. 239 et suivantes, les rapports du chant
ecclésiastique avec les règles liturgiques. Des principes posés il ré-
sulte : 1" que les règles liturgiques relatives au chant sont moins sé-
vères que celles qui ont rapport au cérémonial ; S-' que ces règles im-
posent seulement, d'une façon relative et directive, la manière de chanter
les différentes pariies de la messe ou des saints offices ; 3° que cepen-
dant il ne paraît point conforme à ces règles d'employer arbitrairement
un chant pour un autre, s'il s'agit de modulations désignées pour un rit
ou une fête en particulier; 4° que l'on ne peut appliquer strictement la
même règle aux chants qui ne sont spécialement désignés pour aucun
rit ni aucune fête (nous examinerons s'il est possible de tracer à cet
égard, comme on le désirerait, quelques règles directives); 5° nous
avons terminé l'article en parlant d'une confrontation à faire entre le
Dïreclorïum ehori et les livres d'office que nous avons entre les mains.
DU CHANT ECCLÉSIASTIQUE. 251
Par cette confrontation, on voit qu'un ordre bien marqué a été suivi
dans l'indication de toutes les modulations à employer pour toutes les
parties de la messe ou de l'office qui doivent être chantées ; mais la
substitution de beaucoup d'autres modifications a souvent apporté dans
cet ordre des changements qui rendent les diverses éditions des livres
notés assez divergentes entre elles, et apportent une certaine confusion
dans un ordre de choses qu'il faudrait laisser subsister.
11 faut donc, pour tracer des règles sur ce point, faire abstraction de
tous les chants qui ne sont pas dans les livres proprement liturgiques.
Nous comprenons ici, sous le titre de livres liturgiques, le Directorium
chori aussi bien que le Missel, le Bréviaire, le Pontifical, le Martyro-
loge, le Cérémonial des Évêques. Le Diredorhim chori^ il est vrai,
n'est point publié par bulle pontificale ; mais il est suivi à Rome, et le
Cérémonial des Évéques (1. I, c. xvu) renvoie à cet ouvrage pour le
ton des épîtres et évangiles, des capitules, des antiennes, etc.
Nous appellerons donc chants liturgiques ceux qui se trouvent indi-
qués dans ces livres ou qui^ d'après une coutume ancienne et géné-
rale, peuvent être considérés comme tels ; et chants non liturgiques,
ceux qui ont été ajoutés aux premiers en divers temps et en divers
lieux.
Les prières qui ont ainsi été notées sur des chants non liturgiques
sont, pour la messe, le Kyrie, le Gloria in excelsis, le Credo, le San-
cius, X'Agnus Dei et Vite missa est. Jusqu'à ces derniers temps, on
n'avait point introduit de chants non liturgiques dans d'autres parties
delà messe. Par le défaut d'entente qui existe malheureusement chez
nous, depuis environ quinze ans, les messes nouvellement concédées
par le Saint Siège ont été notées sur des modulations qui diffèrent com-
plètement entre elles.
On trouve encore des chants non liturgiques pour les hymnes, les
psaumes, les versets, les répons brefs, les lamentations de Jérémie, les
4itanies ; et comme nous l'avons annoncé, nous allons parler successi-
vement de l'usage de ces diverses mélodies.
252 DU CHANT ECCLÉSIASTIQUE.
§ 2. — Des divers chants du Kyrie eleison, du Gloria in excelsis,
du Credo, du Sanclus et de TAgnus Dei.
Les chants liturgiques sont au nombre de six pour le Kyrie eleison,
de cinq pour le Sanctus et YAgnus Dei, de quatre pour le Gloria in
excelsis. Il n'y a qu'un seul chant pour le Credo. Aucun livre litur-
gique ne garantit comme tels les chants du Sanclus et de YAgnus Dei,
sauf aux messes des fériés et à la messe de Requiem, comme nous le
verrons ci-après. Nous nous en sommes rapporté, pour ce qui con-
cerne les autres, à l'accord des divers livres entre eux. Pour le chant
du Kyrie eleison, nous avons considéré comme liturgique celui que
nous avons trouvé conforme au rythme de Vite missa est marqué pour
le même rite, suivant ce qui est dit au paragraphe suivant.
On n'admettait pas primitivement une très-grande variété. Cette uni-
formité, qui ne plairait pas aujourd'hui à tout le monde, n'était pas
sans avantages. Le peuple, habitué à entendre les mêmes iiodulations,
se familiarisait plus facilement avec elles ; les chantres eux-mêmes les
exécutaient mieux. On aimait le cachet de ces rythmes antiques, que
n'ont jamais pu égaler ceux des temps modernes. Sans vouloir dépré-
cier ceux-ci, nous sommes forcés d'avouer que les meilleurs composi-
teurs de nos jours ne trouvent pas de meilleurs thèmes que les rythmes
anciens.
La première messe est intitulée, dans le Missel : In dupliclbus et
solemnibus festis, et dans le Directorium chori : de Apostolis, et in
festo dupHci. Ce chant appartient à toutes les fêtes du rit double aux-
quelles on ne doit pas employer celui de la deuxième messe.
Le chant de la deuxième messe appartient à toutes les messes de la
sainte Vierge, même aux plus solennelles, et à celles du rite simple.
En suivant l'indication donnée par la plupart des livres d'office, ce
même chant doit être employé pendant les octaves de Noël et du Saint-
Sacrement. Le Directorium chori l'insinue pour cette dernière, en in-
diquant le chant des hymnes sur le rythme qui convient aux fêtes de la
sainte Vierge ; mais s'il appartient à l'octave de Noël, nous nous espli-
DU C^A^■T FCCLl':SUSTIQUE. 253
quons (liiïîcilomciU rindicalion du clianl commun des fêtes doubles pour
\c Benedtcamus Domino à la mes^e des saints Innocents, comme il se
trouve dans le Missel. Quoi qu'il en soit, on pourrait conclure, au moins
en général, que ce chant serait corrélatil à la doxologie Jesu tibi s^
gloria, qui natus es de Virgine, en ce sens que si l'on doit dire cette
doxologie, à l'office, on chante aussi cette mosse, outre les deux fêtes
de la sainte Vierge qui ont une doxologie particulière, savoir : la fête
des Sept-Douleurs el la fête de privilège, intitulée Expeclatio. En
suivant celte règle, on devrait n'en jamais chanter aucune autre pendant
les octaves de la sainte Vierge, môme aux fêtes qui s'y rencontrent;^
Elle conviendrait aussi à la messe du dimanche de l'Avent qui se
trouve dans l'octave de l'Immaculée-Conception. On ne remplace, en
effet, dans la liturgie les prières spéciales à certains temps, que si des
prières plus spéciales sont indiquées pour une fête en particulier ou
pour son octave, quand elle est plus digne que la première. Or, comme
nous le verrons ci-après, le chant liturgique du Kyrie eleison pour
les dimanches de l'Avent est celui des dimanches ordinaires de
l'année.
La troisième messe est pour les dimanches elles fêtes semi-doubles.
On l'emploie à toutes les messes, sauf celles auxquelles on doit chanter
la deuxième messe, suivant les règles données ci-dessus. Ce chant con-
vient aux messes des dimanches de l'Avent et du Carême, comme à
celles des autres dimanches, et le chant usité en France pour ces di
manches en particulier est un chant ad libitum. Autrement on n'ajou-
terait pas, dans le Diredorium chori et partout dans les livres d'office,
au Benedicamus des vêpres, ettain tempore AdventusetQuadragesimx.
Car, comme il est dit plus bas, le chant du Benedicamus des
vêpres comme celui de l'Ile missa est et du Benedicamus Domino,
quand on le dit à la fin de la messe, est corrélatif au chant du Kyrie.
Un passage du Directoriiim chori (édit. 1665) nous éclairera sur cette
question : « Unum aulera nolandum est, eliam quod siculi dictum est
il superius, cum de tonis Benedicamus Domino agerelur, unicum to-
« num esse debere, quo cantatur Benedicamus Domino in omnibus
f dorainicis, eliam Advenlus et Quadragesimae, el festis semiduplici-
254 Df CIIA^T ECCLÉSIASTIQUE.
« bus, ac iiifra omnes octavas, quae non sunt Beatae Mariae Virginis,
« quoad vesperas et malutinum, nec non in missis dominicalibus in
a quibus non didiur Ite missa est. Sic eliara affirmandum est, quoad
c tonura Kyr-ie eleison omnium praedictorum temporum, ut unicum
a tantura genus adhibeatur, videlicel tonus ex quo exceptus est Bene-
« dicamus Domino de quo tractatum est. Et hoc enarralura fuit, ut
« nonnullorum consuetudo obliteretur, qui tempore Adventus et Qua-
a dragesiraae, necnon infra octavas quae non sunt Beatae Virginis, et
a festis semiduplicibus, diversis tonis utuntur, quibus uti penitus non
a debent, sed queraadmodum conmiuniter Romana servat Ecclesia, ut
a dictum est. »
La quatrième messe est celle des fêtes simples.
La cinquième est celle des fériés. On n'y met pas de chant spécial
pour le Gloria in ea;ce/sls. Comme cependant on dit l'hymne angélique
aux fériés du temps pascal, il semble qu'alors le Gloria in excelsis se
chante comme il est indiqué pour les fêtes simples, et peut-être doit-on
chanter la quatrième messe aux fériés du temps pascal. Le Gloria in
excelsis n'étant point indiqué à la cinquième messe, on pourrait légiti-
mement supposer qu'elle ne convient pas aux messes où l'on chante
l'hymne angéUque.
La sixième enfin convient aux messes des morts. Le chant du Sanctus
et celui de YAgnns Dei sont ici conformes à celui des fériés, sauf les
paroles Miserere nobis et Dona nobis pacem, que l'on change en celles-
ci : Dona eis requietn, Dona eis requiem sempiternam. Le Directorium
chori s'exprime d'une manière positive. L'édition de 1665 ne contient
pas l'office des morts en entier comme les précédentes, mais seulement
le chant du Kyrie, du Sanctus et de VAgnus Dei pour la messe de
Requiem, en le faisant précéder de cette rubrique : « Kyrie eleison
« vero pro defunctis, ac Sanctus, et Agnus Dei tonum non abs re ap-
« paret postponere,ut aliquarum ecclesiarum abusum aliquod deleatur,
« in quibus non recte cantatur tonus ad Sanctus, facientes a prima
« nota ad secundara semitonum, et non tonum, quemadmodum grâ-
ce dualia incorrupla et codices emendati docent, etut quislibet qui cura
« praesenti aut alio bono exemple consueludinem comparabit, faciliter
DU CHANT ECCLÉSIASTIQUE. 255
« dignoscet quanla sit differenlia, etquam magis sic quadrat. » L'édi-
tion de 1549 ne contient pas les fautes signalées ici, mais les éditions
françaises contiennent pour la plupart l'omission de plusieurs noies.
Le Graduel parisien contient la faute indiquée pour le chant du Sandws.
Après le chant du Sandus et de VAgnus Dci aux messes de Requiem,
nous lisons encore cette rubrique : « Praedicfo tono utimur ad
« Sandus et Agnus Deï in ferialibus missis totius anni, etiaraterapore
o jejuniorura, mutando solura verba Dona m requiem in Miserere
a nobis. »
II. — Chants non liturgiques.
Outre les chants dont nous venons de parler et que nous appelons
liturgiques comme appartenant spécialement à la liturgie, et soumis à
certaines rubriques ; d'autres chants sont assez généralement répandus
et l'usage n'en a jamais été réprouvé, comme nous l'avons vu. Nous
parlerons seulement des plus connus. Telles sont les trois messes de
Henri Dumont, la messe des Anges, celle de J.-B. de Lulli,dite Impé-
riale, une messe du huitième ton, dont le Kyrie est attribué aux fêtes
semi-doubles dans les livres de Dijon et autres, et qui se trouve en
entier dans l'édition Rémo-Cambrésienne, sous le titre tertia ad libitum.
Cette édition donne encore le Kyrie fons bonitatis et une autre messe
intitulée secunda ad libitum, un Kyrie et un Gloria in excelsis du
sixième ton ; enfin tous les livres que nous avons entre les mains con-
tiennent un chant spécial pour les dimanches de l'Avent et du Carême,
et un autre pour les dimanches et les fêtes du temps pascal. Une pu-
blication intitulée Chants divers, tirés des manuscrits du dixième,
onzième et douzième siècle, en contient encore un bon nombre. On
met à la fin de ce recueil une messe appelée messe Bordelaise, assez
populaire dans le midi de la France.
Messes de Dumont. Les trois messes de Dumont contiennent chacune
toutes les parties communes de la messe, savoir : le Kyrie, le Gloria in
excelsis, le Credo, le Sandus et VAgmis Deï. Toutes ces pièces sont
notées sur le même ton et dans le même rythme. La première, connue
256 pu CHANT F.CÇLÎSIASTIQUE.
SOUS le nom de messe royale, est du premier Ion : le chanl en esl so-
lennel et majestueux, et est exécuté, d'après un usage à peu prés géné-
ral, aux plus grondes fêtes de l'année. La deuxième est du deuxième
ton. Le chant de celte messe est presque syllabique , mais d'une grande
richesse d'expression : son rythme grandiose et majestueux nous paraît
pouvoir convenir aux grands mystères de notre sainte religion, tels que
l'Annonciation de la sainte Vierge, la messe de la nuit de Noël, et
autres fêtes solennelles, principalement quand le chanl de l'introït est
en rapport avec le rythme de celte messe. La troisième est du sixième
ton. Le chant de cette messe est plein d'harmonie, comme, d'ailleurs,
toutes les pièces de chant notées dans ce mode, il peut exprimer une
joie douce et calme, même une joie mélangée de tristesse. Sous le
premier rapport, elle peut convenir à toute fête de grande dévotion, et
dans laquelle on semble exprimer le sentiment de la piété, comme par
.exemple à la fête de saint Jean l'Évangélisle ; sous le second rapport,
elle peut convenir à la messe du jeudi-saint, età celle du Précieux-Sang.
Dans ces messes, on s'est appliqué à l'uniformité du rythme entre
les divers morceaux qu'elles renferment, et elles différent en cela des
messes anciennes. Cette manière de faire, assez gotîtée de nos jours,
S sans doute sa raison d'être; cependant elle n'est pas sans présenter
(quelques inconvénients. Jamais nous ne voyons dans les modulations
anciennes un rythme syllabique appliqué au Sanctus et à VAgmis Dei,
et les Agnm Dei de ces messes ressemblent plutôt à la terminaison
jdes litanies qu'à VAgnus Deï de la messe solennelle. Personne ne
peut dire que le chant d'une messe dans laquelle on aura su'ostitué au
chant du Sanctus et de VAgmis Dei de la deuxième messe de Duraont
ceux de la messe Hector cosmi pie, dite deuxième ad libitum dans l'édi-
tion Rémo-Carabrésienne, n'aura pas été plus satisfaisant que si l'on
n'eût pas fait cette substitution. Nous ne voyons pas bien clairement
d'ailleurs, la nécessité de cet ensemble. On pourrait peut-être aussi
vouloir noter sur un même rythme l'intro'it, le graduel, l'offertoire et
la communion d'une même messe : et ce serait impossible, sans
renoncer à conserver à chaque morceau le degré de richesse qui lui
convient.
DU CHANT ECCLÉSIASTIQUE. 257
Messe de J.-B. Je LuÏÏi. La messe de J.-B. de Lulli, appelée wesse
Baplisle ou messe impériale, est également du sixième ton. Elle est
plus chargée de notes que la troisième messe de Dumont, et peut con-
venir aux mêmes fêles.
Messe des Anges. La messe connue sous ce nom est plus populaire
que les trois précédentes. Le Kyrie et le Gloria in excehis sont du
cinquième ton, ou plutôt du treizième, le Credo est du même rythme,
paraît avoir été composé à une époque plus récente et n'a pas été aussi
universellement répandu que le Kyrie et le Gloria in excehis. On y a
joint un Sandus et un Agmis Dei du sixième ton, ou plutôt du quator-
zième, dont le rythme est en rapport avec celui d'un autre Kyrie et
d'un Gloria in excehis moins populaire, mais qui se trouve dans le
recueil indiqué ci-dessus et dans le livre intitulé : Offices de l'Eglise,
suivant le rit romain. Le rythme est celui de l'antienne 0 quam
suavis est.
Messe de l'Avent et du Carême. Le chant du Kyrie eleison en usage
chez nous pendant le temps du carême est fort ancien et très-
expressif. On y sent les gémissements du pécheur dont la prière
d'abord humble et timide prend bientôt et peu à peu l'accent de la plus
vive confiance. Ce chant est à peu près généralement en usage en
France pour le temps du carême ; il est adopté aussi en quelques
diocèses pour le temps de l'Avent et les dimanches de Septuagésime,
Sexagésime et Quinquagésime .
La rubrique du Directorium chori indiquant pour ces jours le Kyrie
eleison des dimanches pendant l'année, a seulement pour but, ce
semble, d'exclure de ces dimanches les autres chants que nous avons
appelés liturgiques. Le Sanctus et l'Agnus Dei qui les suivent se trou-
vent dans les anciens livres édités en France pour les diocèses où la
liturgie romaine avait été conservée.
Messe du temps pascal. Cette messe se trouve aussi dans la plupart
des livres édités en France pour l'usage des diocèses qui ont conservé
la liturgie romaine. Elle se rencontre également dans des manuscrits
fort anciens.
Quant aux autres messes dont nous avons parlé, on peut les chanter
REVDE des sciences ECCLESIASTIQUES, T. IX. 17
258 nr chant ecclésiastique.
quand on le juge à propos aux fôtes doubles mineures et majeures, si
l'on tient à varier un peu.
Il nous reste à parler des chants du Kyrie eleison dont les neumes ne
sont autre chose que les noies qui s'appliquaient à des paroles que l'on
avait coutume au moyen -âge d'intercaler entre les mots Kyrie ou
Christe et eleison. La liturgie de S. Pie V n'a pas toléré ces interca-
lations. «Laudanda est, dit Muralori [de Relus liturgicis t. i, p. 99)
a Ronianorum Pontificum sapientia , quae sublatis hisce peregrinis
a raercibus, quibus onerata potius quand ornata fuerat sacra liturgia,
« in antiquam puritatem ac moderationam pensum Romans Missae
0 restiluit. Sed severitate etiam non mediocri in posterum opus est.
a Nimis enim hominum genus ad novitatem proclive se prodit, et nisi
« obices inveniret, quotidie novaret. » Parmi ces chants se trouvent le
Kyrie appelé fous bonitatis et quelques autres. 11 ne sera pas sans in-
térêt d'en citer ici quelques-uns. Le cardinal Bona {Rerum lilurgica-
rum 1. II, c. IV ) en parle en ces termes sous ce tiire : Qiio ritu cari'
tari Kyrie eleison consueverii. Ipsi addita aliquot verba.
« In quorumdam monasteriorum libris rass. ad usum chori vidi
• Ipsum Kyrie interpositis quibusdam clauiulis interpolalum , quas
t privata auctoritate introductas puto. Legi in chronico Angliae sub
« noraine Joannis Bromptoris, abbatis Cisterciensis, inter decem scri-
a ptores rerum Anglicarum edito, pag. 879, B. Dunstanum semel sopo-
• ralum Angeles audivisse cum suavi nota Kyrie eleison psallentcs,
a cujus modules harmonise adhuc, inquit, continet tropus ille apud
« Anglos famosus Kyrie rex splendens, qui in majoribus festis sanc-
• torum cantari solet. Sed de harmonia, non de tropis bic sermo est.
« Nam sseculo X quo Dunstanus vixit, non credo hujusmodi tropos
• in usu fuisse, quorum nulla mentio ante sa?culum X!1I reperitur. »
L'auteur ajoute ici en note : o Amalarius de Div. Offic. (1, m, c. i.) sic
« canendum scribit, cura invocatione sanctissimae Trinitatis : Kyrie
« eleison., Domine Pater miserere; Christe eleison miserere, qui nos
aredemisti sanguine tuo ; Kyrie eleison, Domine Spiritu s miserere. »
Nous reprenons la suite du leste : « Insulsi sunt, nec bene sensui cohae-
B rent. Quidam extant in Missali Romano sub pontificatu Pauli JII
DU CHANT ECCLÉSIASTIQUE. 259
«edito Lugduni hac praefixa inscriptione : Sequuntur quxdam devota
« verba super K'^rle eleison, Sanclusd Agnus Dei, ibi ob nonnullorum
« sacerdotum pascendnm devotionem posita, licet non siut de ordina-
' rio Romanx Ecclesiss, tamen in certis missis ibidetn annotatis licite
a dicenda. » On en donne alors quelques exemples donl le premier est
le Kyrie fons bonitatis. Ces exemples sont les suivants.
lu festis solemnibus.
Kyrie fons bonitatis, a que bona cuncta procedunt, eleison.
Kyrie, qui pati natum mundi pro crimine, ipsum ut salvaret misisti,
' eleison.
Kyrie, qui septiformis das dona Pneumatis a quo cœlum et terra re-
plentur, eleison.
Christe, unice Patris Genite, quem de Virgine nasciturum mundo mi-
rifice sancti praedixerunt Prophetse, eleison.
Christe agie, cœli compos regige, cui melos glori^ semper astans pro
munere Angelorum décantât apex (1), eleison.
Christe, cœlitus adsis nostris precibus, quem pronis mentibus in ter-
• ris dévote colimus, ad te pie Jesu (2) clamantes, eleison.
Kyrie, Spiritus aime cohaerens Patri Natoque^ unius usiae consistendo,
flans ab utroque, eleison.
Kyrie, qui baptizato in Jordanis unda Christo effulgens specie colura-
bina apparuisti, eleison.
Kyrie, ignis divine pectora nostra succende, ut digni pariter procla-
mare omnes possimus semper, eleison.
In festivitatibus Christi Domini nostri.
Kyrie cunctipotens genitor Deus omnicreator,, eleison.
Fons et origo boni, pie, luxque perennis, eleison.
Salvificet pietas tua nos bone rector, eleison.
(1) D'anciens missels donnent cette autre leçon : Christe agie cœli
compar regise, melos gloriae, cui semper pro mundi crimine Angelorum
décantât apex, eleison.
{■i) D'autres éditions portent rex.
260 DU CHANT KflCLÉSIASTIQUE.
Christe, Dei spleiiiior, viilus, l^alrisqiie sophia, eleison.
Plasmalis humani sator (1), lapsis reparator, eleison.
Ne tua damnetur Jesu factura bénigne, eleison.
Amborum sacrum spiraraen, nexus, amorque, eleison.
Purgalor culpîB, veniae largitor opime, eleison.
Offensas dele, sacro nos munere reple, Spiritus aime, eleison.
In festis Beatx Marix Virginis.
I.
Kyrie Virginitatis amator, inclite Pater, et Creator Mariae, eleison.
Kyrie, qui nasci Nalum volens de Virgine, corpus elegisli Mariae,
eleison.
Kyrie, qui sepliformi repletum Pneumate (2) pectus consecrasti Ma-
rias, eleison.
Christe, unice de Maria genite, quem de Virgine nasciturum stirpis
Davidicae sancti praedixerunt Prophetae, eleison,
Christe, usiae gigas fortis gerainae, qui pro homine homo sine virili
semine prodisti de ventre Mariae, eleison.
Christe, cœlitus adsis nostris laudibus, quas pro viribus ore, corde,
actuque psallimus, proies pie Jesu Mariae, eleison.
Kyrie, Spiritus aime, amborum nexus, amorque, cœlestis gratiae rorem
infudisli Mariae, eleison.
Kyrie, qui incarnato de Mariae carne Christo sub nostra specie semper
floreni servas Mariae (5), eleison.
Kyrie, simplex et summe (4), chrismate sacro nos reple, ut digno car-
mine decantemus laudes Mariae, eleison.
II.
Kyrie, ter Virginum amator Deus Mariae decus, eleison.
Kyrie, qui de stirperegia claram producis Mariam, eleison.
(1) Dans d'autres éditions ou lit factor lapsi.
(2) Ailleurs on dit sepliformis gratiœ.
(3) Ou trouve aussi cette autre leçon ; super florem requievisti,
(4) On lit ailleurs irine.
DU CHANT ECCLESIASTIQUE. 261
Kyrie, preces pjus suscipe dignas pro miindo fusas, eleison.
Chrisie, Deus de Pâtre, homo nalus de Maria maire, eleison.
Cliriste, quera ventre beata Maria edidit mundo, eleison.
Christe, sume laudes nostras Mariae almae dicatas, eleison.
Kyrie, o Paraclite obiimbrans pectus Mariae, eleison.
Kyrie, qui facisdignuin tiialamum pectus MariiB, e/eison.
Kyrie, qui supra cœlos Spiritus levas Mariae, fac nos post ipsani scan-
dere tua virtute Spiritus aime, eleison (1).
In aliis festivitatihus.
Kyrie, rex genitor ingenite, vera essentia, eleison.
Kyrie, luminis fons, rerumque conditor, eleison.
Kyrie, qui nos tuae imaginis signasti specie, eleison.
Cliriste, Deus formas humanae parliceps, eleison.
Christe, lux oriens, per quem sunt omnia, eleison.
Christe^ qui perfecta es sapientia, eleison.
Kyrie, Spiritus vivifice, vitae vis, eleison.
Kyrie, utriusque vapor, in quo cuncta, eleison.
Kyrie, expurgator scelerum, et largitor graliae, quaesumus, propler
nostras offensas noli nos relinquere , consolalor dolentis animai,
eleison.
Dominicis diebus.
Orbis factor, rex aeternc, eleison.
Pietatis fons immense, eleison.
Noxas nostras omnes pelle, eleison.
Christe, qui lux esraundi, dator \[[x, eleison.
Arte laesos daemonis intuere, eleison.
Conservans te credentes confirmansque, eleison.
Patrem, Natura, teque Flamen utrorumque, eleison.
Deum scimus unuui atque trinum esse, eleison.
Clemens nobis adsis Paraclite, ut vivamus in te, eleison.
(1) Ce deuxième Eijrie pour les fêtes de la sainte Vierge, a été trouvé
dans un missel du monastère de Saint-Martin d'Aiuay, diocèse de [,you,
imprimé eu 1531.
262 DU CHANT DES HYMNES.
On en trouve encore d'autres dans d'anciens monuments, et en par-
ticulier celui-ci en vers hexamètres, rapporté par Muratori, c. vu :
Kyrie eleison. Omnipotens genitor, et lucis origo.
Kyrie eleison. De nihilo jussu verbi, qui cuncta creasti.
Kyrie eleison. Humano generi peccali pondère presse.
Christe eleison. Ad cœlum terrae missus Genitoris ab arce.
Christe eleison. Indueras carnem casta de Virgine natus.
Christe eleison. Tu mundi culpam mundasti sanguine fuso.
Kyrie eleison. ^Equalis Patri, seu Nato Spiritusalmus.
Kyrie eleison. Trinus personis Deus, in deitate sed unus.
Kyrie eleison. Canamus cuncti
Laudes hymniferas,
Soli Deo placide,
Qui plus salvet
Seraper et protegat,
Te sequentes in aevum.
Le manuscrit de Saint-Gall renferme cet autre :
Kyrie eleison. Pater infantiura.
Kyrie eleison. Refectio lactantium.
Kyrie eleison. Consolatio pupillorum.
Christe eleison. Imago Genitoris.
Christe eleison. Abolitio facinoris.
Chrisie eleison. Restauratio psalmatis.
Kyrie eleison. Fornax charitatis.
Kyrie eleison. Plénitude probitatis.
Kyrie eleison.
Gerbert (1. II, c. i) de Cantu et Musica sacra, cite encore cet
autre :
Kyrie, magne Deus potenti3e,liberator hominis transgressons mandati,
eleison.
Christe, sumrai Patris hostia, nostra salus et vita, eleison.
Kyrie, Homo natus Emmanuel hic restaura quœ Adam primus homo
perdidit, e/ezson.
DU CHANT ECCLÉSIASTIQUE. 263
g 5. — Da chant de /'Ile missa est et du Benedicaraiis Domino.
Le Dïrectorïnm chori indique le chant liturgique de Vite missa est
et du Benedicainus Domino suivant les différentes fêles. Ce chant est
généralement le môme que celui du Kyrie eleison. Le Benedicainus
Domino des laudes et des vêpres se chante aussi, en règle générale,
sur le même rythme que Vite missa est ouïe Benedicamus Domino de
la messe à laquelle correspond l'office que l'on cliante. Nous disons ce-
pendant généralement, en règle générale : celte règle, en effet, souffre
quelques exceptions. Le chant de Vite missa est et celui du Benedica-
mus Domino indiqué pour les grandes solennités, ne correspond à au-
cun chant du Kyrie eleison; le Directorium chori, toutefois, l'indique
avec cette réserve : Tamen Romana Ecclesia non solet uti simili tono
commnniter. Le chant de Vite missa est et du Benedicamus Domino
de la semaine de Pâques ne peut correspondre à aucun^ et celui des
fêles simples et des fériés n'a pas de rapport avec le Kyrie eleison. Un
Benedicamus Domino spécial se trouve aussi dans le Missel pour les
dimanches de l'Avent et du Carême (1) ; mais il correspond à un chant
du Kyrie eleison usité en certaines églises de Rome pour ces. diman-
ches ; le Directorium indique le Benedicamus sur le chant du Kyrie
eleison des dimanches.
Il suffit de jeter un coup d'œil sur le Directorium chori pour com-
prendre ce rapport. C'est pour la même raison que le Benedicamus
Domino corrélatif au Kyrie eleison des dimanches pendant l'année est
indiqué aux vêpres pour les dimanches de l'Avent et du Carême. On
suppose, en effet, comme nous l'avons observé ci-dessus, que c'est
aussi le chant du Kyrie eleison. Cette indication paraît donc exclure les
seuls chants chants liturgiques des Benedicamus Domino différents de
celui-ci, et non les chants non liturgiques ou ad libitum ; et si l'on
(1) Nous l'avious doané, t. i, p. 238, comme appartenant exclusive-
ment à la Messe. De nouvelles reclierches nous ont fait modiûer ce
seutiment. Il conviendrait aussi aux Vêpres et aux Laudes.
20/i LITURGIE.
adopte un chant spécial du Kyrie eleison en usage pendant ce temps de
l'année, il est rationnel de chanter le Benedicamns de la messe et des
vêpres sur ce chant du Kyrie eleison. De même^ on pourrait chanter
Vite missa est et le Benedicamus sur le chant de chacun des Kyrie non
liiurgiques. Cette manière de faire paraît conforme aux règles tradition-
nelles, quoique les chants non liturgiques ne puissent jamais, à propre-
ment parler, être soumis à des règles invariables.
P. R.
QUESTIONS LITURGIQUES.
Des Rubriques de la sainte Messe.
1. Est-il convenable de poser sur le coin de Vanlel le tnanuterge qui,
dans certaines églises, est attaché à la nappe et y demeure suspendu, 1
— 2. Est-il obligatoire de sonner la clochette au Sanctus et à l'élé-
vation, même quand il n'y a point d'assistants"! — 3. Un simple
prêtre peut-il yorter une ceinture comme celle de l'Evêqv.e? —
4. Pendant la Messe chantée en présence du très-saint Sacrement
exposé, le célébrant et les ministres sacrés doivent-ils s'asseoir ou se
tenir debout pendant le chant du Gloria in excelsis et du Credo? —
5. Est-il permis de chanter 0 Salutaris ou un motet après l'éléva-
tion ? — 6. La Messe Pro sponso et sponsa jouit-elle de quelque
privilège lorsqu'elle n'est pas chantée ?
1. Usage de mettre lemanuterge sur l'autel. Cet usage, outre qu'il
est fort peu convenable, est contraire à la rubrique du Missel (part. i.
tit. XX : « Ab eadem parte epistolae. . . ampullae vitreae vini et aqufe , cum
a pelvicula et manutergio mundo in fenestella, seu in parva raensa ad
« haec pra?parata. Super altare nihil omnino pouatur, quod ad Missae
« S3crificium vel ipsius altaris ornalura non perlineat. »
2. Obligation de sonner la clochette. Le son de la clochette pendant
la sainte Messe a pour but unique de donner un signal aux fidèles.
LITURGIE. 266
« Ad excitandos circumstantes, dil Gavantus (t. i. part. i. tit. XX, 1. c),
0 ad laelitiam exprimendam et ad cultum sanctissimi Sacramenti adhi-
« betur campaniila. » Les autres auteurs s'expriment à peu près de la
même manière. 11 paraît donc naturel de supprimer le son de la clo-
chette, s'il n'y a point d'assistants et s'il n'y a pas lieu de donner un
signal De plus, toutes les fois qu'il n'y a pas de signal à donner, les
auteurs et même la Sacrée Congrégation des Rites enseignent qu'on ne
doit pas sonner la clochette. Ainsi, on supprime le son de la clo-
chette pendant qu'on célèbre un office au chœur, au moins en certaines
circonstances, d'après la décision suivante. Question :« Exposito in S.
a R. C. ecclesiam collegiatam civitatis Senarum habere chorum adeo
« subjeclum oculis populi, et tali loco positum, ut canonici dicto choro
« pro divinis celebrandis, et praecipue Missae cantatse assistentibus,
« omnino altaria ejusdem collegiatae pernecesse inspiciantur, et exposito
« quoque tempore, quo canonici choro, ut supra, assistunt , con-
a suevisse in dictis altaribus celebrari Missas privatas et sine scandalo
a prohiber! non posse : ideo supplicatum fuit pro declaratione : an ipsi
€ canonici in elevationibus quae fiunt in Missis privatis, genuflecte re
a teneantur ? » fle'powse. « Non esse genuflectendum, ne sacra, quibus
a assistunt, per actum privâtum interrumpantur, sed ad evitandum
0 scandalum, quod in populo et adstantibus causari posset ob non ge-
a nuflexionem, esse omittendara pultationem'çampanulse in elevatione
« Sanctissimi, in dictis Missis privatis. » (Décret du 5 mars 1667,
n° 2397.) On supprime encore le son de la clochette, en règle géné-
rale, quand le Saint-Sacrement est exposé : il est inutile alors, en effet,
d'avertir les fidèles d'adorer le très-saint Sacrement: « Nelle Messe
« private, dit l'Instruction clémentine, che si celebreranno durante l'es-
« posizione, non si suoni il campanello ail' elevazione. » Cavalieri,
commentant ce passage, dit : « Ex riibricarum praescripto minister
« intra Missam bis campanulam puisât: primo nempe ad Sanctus, ad
« excitandos adstantium animos ad proxima mysteria, et secundo ad
« elevationem SS. Sacramenti, ut fidèles commonefiant ad illud ado-
« randum. Quoties Sacramentum est in altari patenter expositum,
« ejusmodi signa ad elevationem (a fortiori utique etiam ad Sanctus,
« etsi hujus instructio minime meminerit) dari interdicuntur. » L'au-
teur ajoute que l'instruction disant A^e/ie Messe private, la règle en
question n'a pas son application aux Messes solennelles. Gardellini
combat cette assertion et témoigne, à cette occasion, de l'usage existant
à Rome de ne pas sonner au Sanctus de la Messe solennelle, puisque
le chant du Sanctus est un signal suffisant. On le fait cependant, dit •
266 LITURGIE.
il, aux Messes de Requiem, auxquelles on ne touche pas l'orgue. • Non
« erat, dit-il (n" 5), cur instructio etiara Missas solemnes commemo-
t raret, pro quibus Rubrica non jubet, ul in privatis, eadera pulsari
« ad finem praefationis, et ad elevationem Sacramenli. Romae saltera
a in majoribus ecclesiis obtinet raos etiam non pulsandi, praeterquara
« in Missis soleninibus pro defunctis : gravis organorum sonitus supplet
« vices tinlinnabuli, et populi adslantis excitât attentionem. » On voit
par là que le son de la clochette est supprimé toutes les fois qu'il n'y
a pas lieu de donner un signal. Or^ quand il n'y a pas d'assistants,
c'est le cas, ou jamais.
3. Usage de [a ceinture pour un simple prêtre.
Pour répondre à cette question, il faut observer d'abord que les
ornements de l'évêque ne sont pas différents de ceux du simple prêtre,
et en particulier nous voyons dans le (Cérémonial des évêques (1. ii, c.
VIII, n, 15) la ceinture ou cordon de l'évêque désigné par le mot
dngnlwn comme la ceinture ou cordon du prêtre dans la rubrique du
Missel. Cet ornement peut être en fil ou en soie, mais il est mieux qu'il
soit en fil. 11 peut être blanc ou de la couleur des ornements. Ces
règles sont exprimées dans deux décrets de la Sacrée Congrégation.
J"' DÉCRET. Question, a An sacerdotes in sacrificio Missas uli pos-
(( sint cingulo serico ? » Réponse, u Congruentius uti cingulo lineo. »
(Décret du 22 janvier 1701, n" 3573, q. 7.)
2^ DÉCRET, Question. « An cingulum, tertium indumentum sacer-
« dotale, possit esse coloris paramentoruni ; an necessario debeat esse
« album? » Réponse. « Posse uti cingulo colore paramenlorum. »
(Décret du 8 juin 1709, n° 3809, q. 4.)
Aucune règle positive ne détermine la forme de cet ornement. Mais,
s'il est permis de faire usage d'une ceinture en soie de plusieurs doigts
de largeur, on ne peut le tolérer pour les simples prêtres : un prêtre,
en effet, ne peut avec une pareille ceinlure observer la rubrique du
Missel, qui prescrit de mettre le cordon après l'aube, puis le manipule,
puis l'étole qu'il faut croiser et assujettir avec les extrémités du cordon.
Il faudrait alors mettrel'étole avant la ceinture, ou bien comme il arrive
parfois, mettre à la fois le cordon et la ceinture.
4. Usage de la banquette à la Messe chantée en présence du Saint-
Sacrement exposé.
D'après la rubrique du Cérémonial des évêques, il est louable de ne
pas s'asseoir au chœur pendant que le saint Sacrement est exposé, mais
on peut le faire. Au chapitre qui traite de la fête et de l'octave du
saint Sacrement, nous lisons cette rubrique (1. ii. c. xxxiii, n. 33) :
LITURGIE. 267
« Et quia solitum est per totam hanc oclavam ponere super altare
« tabernaculum cum SS. Sacramento discooperto, dum Vesperae etOffi-
« cia divina r6citantur,ad quœ magna populi frequentia solet accedere,
« conveniens esset, ut ob reverentiani tanti Sacramenti, tam Episco-
« pus, quam canonici, et onines praesentes, et in choro assistentes,
« durante officio starent semper, capiledeteclo, et nunquam sederent;
« quod si ob iongitudinem officii praestare non poterunt, non omiltant
« saltem in signum reverenliae détecte capite, existente SS. Sacra-
« mento super altari, divinis Officiis assistere. » Les ministres sacrés,
comme on le voit par tout l'ensemble des règles liturgiques, se confor-
ment toujours au chœur quand ils ne sont pas occupés; il y a donc pour eux
liberté comme pour les autres. D'après les auteurs, ils ne s'asseyent pas
pendant le Kyrie eleison. Le chœur pourrait aussi rester debout
à certains moments où il ne s'assied que pour peu de temps aux
autres messes et offices, comme pendant le chant de l'antienne de la
communion, pendant le chani de l'antienne de Magnificat, etc.
2° S'il n'était pas permis au célébrant et à ses ministres de s'asseoir à
cette Messe, on ne lirait pas dans l'Instruction clémentine (§ xxv) que
leur siège doit être une banquette : « Il célébrante non dovra usare la
« sede camerale, secondo il décrète délia sacra Congregazione de riti,
« ma un banco ... in cui sederà insieme coUi minisiri sacri. » Après
avoir observé que celte règle est commune à toutes les Messes, Gardel-
lini passe à la question présente et s'exprime comme il suit(n. 4, Set 6).
« Ex ea autem instructionis sanctione circa scamnum praeterea colligi-
« mus célébrantes juxta solitum sedere posse ad hymnum angelicum
« et symbolum. » L'auteur ajoute que le texte du Cérémonial des évo-
ques (1. 1, c. XII, no 9 ) qui prescrit à l'Évêque de rester debout et dé-
couvert en présence du saint Sacrement, s'applique au jeudi et au ven-
dredi saints et à la Messe de la fête du très-saint Sacrement, et dans ces
jours le saint Sacrement n'est pas exposé pendant le chant du Gloria in
excelsis et du Credo. Passant au texte du Cérémonial des évêques cité
plus haut, il fait observer qu'il n'est pas préceptif. Enfin, dit-il, les
rubricistes n'en ont jamais fait une règle particulière.
5. Chant d'une strophe ou d'un motet après l'élévation.
Cette pratique est autorisée; mais ce motet se chante pendant l'élé-
vation et doit être fort court pour permettre qu'on puisse chanter ou
au moins réciter Benedictus qui venit.
La première partie de cette règle est appuyée sur cette décision.
Question. « An in elevatione SS. Sacramenti in Missis solemnibus
« cani possit Tantum ergo vel aliqua antiphona tanti Sacramenti pro-
268 LITURGIE.
a pria ? » Réponse. « Affirmative, et amplias. » (Décret du 14 avril
1753, n" 4233, q. 6.)
La seconde repose sur le décret suivant : Question. « Ubi cantus
c( chori non producitur usque ad elevationera Hostiae, Benedictus qui
a venil canlari débet post elevationem, an immédiate post priraum
(( Hosannainexcelsîs '^r) Réponse. « Gantari débet post elevationem. »
(Décret du 12 novembre 1831, n° 4669, q. 33.)
6. Privilège de la Messe de mariage.
La Messe de mariage jouit du privile'ge de pouvoir être célébrée dans
les fêtes doubles majeures et au-dessous, sauf les fêtes de précepte. 11
n'est pas nécessaire qu'elle soit chantée, et môme plusieurs auteurs
soutiennent qu'on ne devrait pas la chanter. On peut voir ce que nous
avons dit sur ce point t. m de cette Revue, p. 353 ss.
P. R.
QUESTION DE THÉOLOCxIE MORALE.
Un prêtre peut-il absoudre avec une juridiction probable^
en supposant que l'Eglise supplée?
On nous propose diverses questions de théologie morale dont nous
nous occuperons d'autant plus volontiers que nous croyons obliger, en
les traitant, un grand nombre de nos lecteurs..
Celle que nous abordons aujourd'hui offre un intérêt pratique in-
contestable. D'après le sentiment de plusieurs théologiens, dit saint
Alphonse de Liguori, un prêtre peut absoudre avec une juridiction
probable, et cette opinion est, à leur avis, la plus commune: « Hanc
senlentiam vacant communissimam » (S. Lig., I. i, n. 50). Cependant
saint Liguori lui-même enseigne ailleurs que tout cela n'est point
permis, à moins qu'une cause juste et raisonnable n'intervienne (lib. vi,
t. 4, cap. 2, n. 573). Tel est aussi le sentiment du P. Gury qui
ajoute: « Hxc senteniiain praxi omnino tenenda videtur. » {Compen-
dium, t. II, n. 423.)
Nous adoptons volontiers cette conclusion, et nous souscrivons à
toutes les raisons graves communément assignées par les auteurs pour
que l'usage d'une juridiction probable soit réputé juste et légitime.
Mais s'il nous est ainsi démontré d'une part qu'il ne faut point légère-
ment présumer de la bonté de l'Église, et de l'autre que dans certains
cas spécifiés il peut être permis d'agir, nous ne voyons pas cependant
que cela nous donne une règle de conduite sûre, universelle et pra-
tique, telle que la science théologique l'exige. Car si la théologie mo-
270 QUESTION DE THÉOLOGIE MORALE.
raie est une science, elle doit avoir, comme toute autre science, ses
principes, ses preuves et ses conclusions, qui nous tracent des régies
sûres et répondent à tous les problèmes qui s'agitent dans sa sphère.
Nous voulons donc essayer de ramener cette question à son expres-
sion la plus véritable, en nous demandant d'abord en quel sens il est
permis de suivre une opinion probable, et en examinant ensuite, au
point de vue positif, ce que l'Église permet de présumer en pareille
circonstance.
1. Or, tout le monde est obligé de convenir qu'il n'est pas plus
permis de suivre une opinion probable à cause de sa seule probabilité,
qu'il n'est possible de construire un édifice solide sur une base chan-
celante et ruineuse. L'homme a nécessairement besoin pour agir
dans les cas difficiles, où la certitude lui échappe, d'une règle
qui le rassure du moins sur la valeur morale de ses actions. Apud
omnes mconcussum est, dit Muzzarelli, qiiod uUmum didamen pra-
cticum ex quo conscicntia detenninatur ad hk et mine agendum
débet esse moraliler certum (I). Mais cette règle sûre où la pren-
drons-nous ? Ce n'est pas la probabilité, à quelque degré qu'on la
conçoive, qui pourra nous la fournir, puisque de sa nature la probabi-
lité n'exclut jamais la crainte de se tromper, formidinem opposili.
Il faut donc, afin de pouvoir agir sans crainte, un motif déterminant
conseillé, comme dit Benoît XIV, par la raison et confirmé par l'auto-
rité (1), lequel nous rende moralement certains que nous ne faisons
pas mal en suivant telle ou telle opinion probable. Et c'est dans ce
sens seulement, qu'il faut entendre celte règle du droit si connue et
souvent si mal appliquée: Qui probahUUer agit prndenter agit. Suivre
une opinion probable rien que parce qu'elle est probable, ce n'est pas
de la prudence, c'est un abus; mais suivre une opinion probable
quoique seulement probable, lorsqu'on ne peut dans tel cas donné
arriver à la certitude et qu'on a d'ailleurs quelques bonnes raisons de
croire que l'on ne commettra point de péché, c'est encore agir proba-
biliter, mais c'est agir avec prudence, piiidenter.
Tels sont les principes d'où nous concluons qu'il n'est point permis
à un prêtre d'absoudre avec une juridiction probable, s'il n'a pas des
motifs sûrs de croire qu'il ne commet point de péché en agissant.
Or, peut-on légitimement présumer que l'Église supplée lorsqu'on
agit avec une juridiction probable, et cette présomption est-elle un
(1) Muzz. Régula opinionum moral.
(3) Quod suadet ratio ac firmat aucloritas. Bened. Xiv, C. Apostolica,
t. m, n. 19, §21.
QUESTION DE THÉOLOGIE MORALE. 271
motif déterminant assez sur pour autoriser un prêtre à en faire usage ?
C'est ce qu'il faut encore examiner.
II. Il existe parmi les théologiens trois opinions diverses toutes
également atfirmatives sur ce point. Les uns autorisent la présomption
en invoquant la coutume généralement reçue dans l'Eglise et en s'ap-
puyant sur le G. CoDtingat, de Foro compelenti, avec cette glose qui
l'accompagne : Qiiod consiietudo dat jurisdictionem . Or, ce motif nous
paraît peu fondé, par la raison d'abord que l'universalité de cette cou-
tume n'est pas suifisamment démontrée, et ensuite parce que la dé-
crétale s'énonce elle-même d'une manière si dubitative, qu'elle semble
plutôt vouloir poser la question que la résoudre : Nisi forte, dit-elle,
hi quibus delinquentes ijm deserviunt ex indulgentia vel consueUidine
speciali jurisdictionem hujusmodi valeant vindicare. D'autres pensent
que l'Église supplée toujours comme une bonne et tendre mère à l'in-
digence de ses enfants lorsqu'il y a erreur commune, et ils veulent
justifier leur opinion en s'appuyant sur la première proposition con-
damnée par Innocent XI : Non est illicitum in sacramenlis conferendis
nii opinione probabili de valore sacramcnti tïisi id vetat lex, con-
ventio, aut periculum gravis datnni incnrrendi. Hinc sentenlia pro~
babili tantum utendum non est in collatione baptismi, ordinis sacer-
dotalis vel episcopalis. Cette proposition, disent-ils, ne concerne que
des points auxquels l'Église ne peut rien changer, tandis qu'il en est
tout autrement de la juridiction, sur laquelle l'Église a des droits qui
lui permettent de suppléer comme elle le juge convenable. Mais ce
second sentiment n'établit pas mieux ses preuves en faveur de la pré-
somption que le premier. Il ne suftU pas, en effet, que l'Église ait le
pouvoir de suppléer, ni qu'elle aime tendrement les âmes pour qu'il
nous soit aussitôt permis de conclure qu'elle supplée en effet, ou qu'elle
autorise en suppléant la pratique qu'on invoque. Aussi de graves au-
teurs, tels que Busenbaum, que saint Liguori cite avec éloge et qui
est encore aujourd'hui suivi comme auteur classique au Collège ro-
main, ont-ils pensé que l'Église exposerait les âmes et encouragerait
bien des abus si, pour cause de simple erreur commune, elle per-
mettait de présumer qu'elle supplée à une juridiction probable.
C'est pourquoi d'autres théologiens en grand nombre et d'une
grande autorité, enseignent comme opinion certaine que l'Église ne
supplée que dans le cas d'erreur commune avec titre coloré. Mais il
faut s'entendre. La question n'est point de savoir ici si l'Église supplée
en faveur des fidèles qui se trompent de bonne foi, en s'adressant à un
272 QUESTION DE THÉOLOGFE MORALE.
prêtre qui n'a qu'une juriiliction probable ; mais on veut s'assurer si
le prêtre qui n'a qu'une juridiction probable peut tranquillement pré-
sumer que l'Égiise supplée à ce qni peut lui manquer de ce côté ? La
question est différente^ et nous pensons que saint Liguori a raison
quand il exige, comme nous l'avons \u, qu'il y ait nécessité grave ou
grande utilité, sentiment qui nous semble devoir être adopté dans la
pratique, comme étant le seul conforme à une célèbre décision de Be-
noît XIV, et à la pratique des Congrégations romaines.
Benoît XIV, encore archevêque de Bologne, fut un jour informé par
un vicaire forain que certains prêtres venus d'un diocèse voisin où ils
avaient été approuvés, s'étaient permis de confesser à Bologne sans
avoir préalablement demandé la permission, et que des prêtres mêmes
du diocèse dont la juridiction était périmée, en avaient fait autant. Il
répondit que tous ces prêtres avaient mal fait, et qu'ils méritaient une
sévère punition. Puis il rapporta, îi l'appui de sonjugement, la décision
suivante de la Congrégation du Concile.
A l'occasion d'un grand Jubilé, dit-il, trois religieux de Padoue
avaient confessé publiquement sans avoir été ni approuvés, ni autorisés
par l'évêque. Le prélat les ayant fait venir pour s'informer de la raison
de leur conduite, ils répondirent qu'ils avaient agi de la sorte en verlu
d'une opinion probable, l'un parce qu'il était prélat régulier, l'autre pour
avoir été approuvé dans un autre diocèse, le troisième parce qu'il avait
été autrefois approuvé dans le diocèse même de Padoue. L'évêque ju-
geant cette conduite opposée aux Constitutions apostoliques d'Urbain
VIII, d'Innocent X, d'Alexandre VII, de Clément X,et de Grégoire XV,
s'adressa à la S. Congrégation du Concile et demanda:
1 . Si ces religieux avaient confessé licitement?
2. S'ils avaient confessé validemeKtl
La Sacrée Congr^ation, en date du il décembre 1683, répondit :
Ad I. Illicite.
Ad II. Invalide.
Elle recommanda toutefois de ne pas inquiéter les fidèles qui s'étaient
confessés de bonne foi à ces religieux ; mais de faire réitérer la con-
fession à tous ceux qui auraient reconnu leur erreur ou conçu des doutes
sur la validité de leur absolution (I).
Giraldi rapporte un cas semblable proposé en 1760, par l'évêque
d'Hildesheim, à la même Congrégation :
(1) Bened. xiv. histit. 84, n. 14.
QUESTION DE THÉOLOGIE MORALE. 273
i . An confessiones faclaî a Uegularibus sacerdoti simplici (non
approbato) etiam de licentia suorum Superiorum /ici/a; sinl?
2. An ignorante Episcopo validas fuerint?
3. An Episcopo scientc et contradicente in posterum peragendse
validae futurae sint ?
La Sacrée Congrégation répondit : Négative in amnibus (1).
Ces décisions nous démontrent clairement que si l'Église fait quel-
quefois des réserves dans Tintérêt des âmes et au profit de la bonne
foi, elle n'entend autoriser ni prescription, ni coutume, ni arbitraire
en faveur des ministres du sacrement de Pénitence, et elle exige de ses
prêtres qu'ils n'usent d'une juridiction probable que pour des motifs
justes et légitimes. Hinc non prxstimilur Ecclesia, dit saint Liguori ,
velle connivere merx libertati sacerdotum (2) .
P. P. Armand.
(1) Giraldi, Expositio juris pontif,, p. Il, lect, 105.
(2) S. Lig. 1. VI, t. 4, u. 573.
Revue des Sciences ecclésiastiques, t. ix.
18
DU DOMICILE
Requis par rapport au mariage.
« N..., désirant (épouser sa belle-sœur, va dans un diocèse étran-
« ger (son évéquc se refusant à solliciter à Rome la dispense néces-
a saire) ; il y passe, ainsi que sa future, six ou sept mois. En arrivant
« dans la paroisse, ils ont soin d'aviser M. le curé du lieu qu'ils
« viennent s'y fixer provisoirement avec, l'intention de contracter ma'
a riage, et de rentrer ensuite dans leurs foyers. Six ou sept mois
a s'étarit écoulés, l'évêquedu lieu, à qui M. le curé a expliqué l'affaire
« en question, l'ecourt à Rome. La dispen^^e est accordée ; le mariage
« se conclut. En se fixant dans le nouveau diocèse avec l'intention de
(I le q^litter après avoir contracté mariage, onl-ils acquis un vrai do-
rt micile? Le mariage est-il valide aux yeux de la conscience? »
Le mariage dont il s'agit dans la consultation qui précède est valide
et licite.
Le seul point qui puisse faire difficulté en apparence, c'est la ques-
tion de domicile, transféré provisoirement et in fraudejnàans une
autre paroisse, pour échapper à l'autorité ecclésiastique du lieu précé-
demment habité.
Or, pour contracter validement et licitement mariage, outre le rfo-
micile, outre le quasi -domicile, qui suffisent pleinement, il y a encore
la simple habitation, qui suffit de même.
Cette simple habitation doit être un séjour réeleA actuel d'au moins
un mois. Après un mois, elle est acquise.
Quant à l'intention, il sutTit qu'on veuille habiter, résider hic et
nunc. 11 n'est pas requis de vouloir rester une majeure partie de l'an-
née. 11 n'est pas requis non plus de ne pas avoir l'intention d'échapper
à son curé. Par conséquent, si l'on se rend dans une province étrangère,
avec l'intention de l'habiter réellement, mais provisoirement, quand ce
CONSULTATION. 275
serait dans l'intention expresse d'échapper à son curé, après un séjour
d'nn mois, on peut contracter. Le mariage est alors valide si vere
transférai, etsi in fraudem prioris parochi, dit saint Liguori, qui s'ap-
puie sur l'autorité de Lacroix, Fagnan, Sanchez, Barbosa et autres.
(Lib. Vf, tract, vi, De Mairim., n" 1086.)
Saettler {Theologia moral, univ., tom. iv, p. 505, erfi^. Gratianop.
1841) cite, d'après Fagnan, une réponse de la Sacrée Congrégation du
Concile entièrement conforme au cas qui nous occupe.
« Cum vir et mulier Trajectenses, ûmentes impedimentum a paro^
« cho, ad vicinara urbem Aquisgranensem se contulissent, et ibi ali-
« quandiu morati matrimonium contraxissent, S. Congregatio consulta
« super validitate, censuit exprimendum tempus quo contrahentes
« Aquisgrani manserunt : quod si fuerit saltem unius mensis, dandara
« esse decisionem pro validitate. »
Billuart, Collet, Benoît XIV, citent cette réponse. La Sacrée Con-
grégation elle-même y a renvoyé, le 5 avril 1841, pour un cas pareil
arrivé dans le diocèse de Grenoble.
Doù Billuart, Zamboni et Ssetller tirent cette conclusion : Ad ma-
trimonium valide ineundum salis esse, lit conjnges unius saltem men-
sis spatio habilaverint in loco tibi fuit celebratum.
11 serait facile de citer bien d'autres auteurs ; ceux que nous venons
de nommer suffisent.
Les époux dont il s'agit ont donc simplement usé d'un droit ; ils ont
agi validement et licitement.
H. Girard.
BREF DE N. S. P. LE PAPE
A MONSEIGNEUR l' ARCHEVÊQUE DE MUNICH,
Sur le Congrès des Savants catholîqnes de l'Allemagne,
tenu en cette ville au mois de septembre 1863.
Venerabili Fratri Gregorio archiepiscopo Monacensi et Fmingensi.
Plus PP. IX.
Venerabilis Frater, salutem et apostolicani benedictionem. Tuas
libenter accepimus litteras die 7 proxime elapsi mensis octobris
datas , ut Nos cerîiores faceres de conventu in ista Monacensi
civitate iiroximo mense seplembri a nonnuUis Gernianiai iheologis,
doctisque calholicis viris habito de variis arguraentis, quae ad theo-
logicas praesertim ac pbilosophicas tradendas disciplinas pertinent.
Ex litteris libi Noslro jiissu scriptis a Venerabili Fratre Matlbaso
archiepiscopo Neocaesariensi , Noslro et Apostolicœ hujus Sedis
apud islam regiam aulam nuntio, vel facile noscere potuisti, Vene-
rabilis Frater, quibus Nos sensibus &ffecti fuerimus, ubi primum de
hoc proposito conventu nuntium accepimus, et postquam agnovimus
quomodo commemorati theologi et viri ad hujusmodi conventum in-
vitât! et congregati fuere. Nihil certe dubitare volebamus de laudabili
fine, quo hujus conventus auctores ffautoresque permoti fuere, ut
scilicet omnes calholici viri doclrina praestantes, collatis consiliis, con-
junctisque viribus, germanam calholicse Ecclesiae scientiam promove-
rent, eamqiie a nefariis ac perniciosissimis tôt adversariorum opinio-
nibus conatibusque vindicarent ac defenderent. Sed in hac sublimi
Principis Apostolorum cathedra, licet immerentes, collocati asperrimis
hisce temporibus quibus sacroruni antistilum auctoritas, si unquam
BREF DE N. S. V. LE PAPE 277
alias, ad unitatem et inlegritatem catliolicae doclringe cuslodirndam
vel maxime est necessaria, et ab omnibus sarta tecla scrvari débet,
non potuimus non vehemenler mirari videntes memorali conventiis in-
vitationem privato nomine factam et promulgatam, quin uUo modo in-
tercederei impulsus, auctoritas, et missio ecclesiasticae polestatis, ad
quam proprio ac nalivo jure iinice pertinet advigilare ac dirigere
theoiogicarum praesertim rerum doctrinam. Quae sane res, ut oplime
noscis, omnino nova, ac prorsus inusitala in Ecclcsia est. Atque
idcirco voliiimus, te , Venerabilis Frater , noscere hanc Nostram
fuisse sententiam, ut cum a te, tum ab aliis Venerabilibus Fratri-
bus sacrorum in Germania Antistitibus probe judicari posset de
scopo per convenlus programma enunciato, si nempe laiis csset, ut
veram Ecclesiae utiliialem afferret. Eodem autem lempore certi eramus,
te, Venerabilis Frater, pro pastorali tua sollicitudinc ac zelo omnia
consilia et sludia esse adhibiturum, ne in eodem conventu tum ca-
tholicse fidei ac doctrinae integritas, tum obedientia, quam omnes cu-
jusque classis et conditionis catholici homines Ecclesiae auctoritati ac
magisterio praeslare omnino debent,vel minimum detrimentumcaperent.
Ac dissimulare non possumus, non le^ibus Nos angusliis affectos
fuisse, quandoquidcm verebamur, ne hujusmoili conventu sine eccle-
siastica auctoritate congregato exemplum praeberetur sensim usurpandi
aliqiiid ex jure ecclesiastici regiminis et autbentici magisterii, quod
divina institutions proprium est Romano Pontifici, et episcopis in unione
et consensione cum ipso S. Pétri successore, atque ita, ecclesiaslico
ordine perturbato, aliquando unitas et obedientia fidei apud aliquos
iabefactaretur. Atque etiam timebamus, ne in ipso conventu quaedam
enunciarenlur ac tenerentur opiniones et placita, quae in vulgus prae-
sertim emissa,et catliolicae doctrinae puritalem,et debitam subjectionem
in periculum ac discrimen vocarent. Summo enim animi Nostri dolore
recordabamur, Venerabilis Frater, banc Apostolicam Sedem pro gra-
vissimi sui muneris officio debuisse ultimis hisce teinporibus censura
notare, ac prohibere nonnullorum Germaniae scripforum opéra, qui cum
nescirent decedere abaliquo principio, seu methodo falsae scientiae, aut
hodiernae fallacis philosophiae, praeter voluntatem, uti confidimus, in-
278 BREF DE N. S. P. LE PAPE
ducti fuere ad proferendas ac docendas doctrinas dissenlientes a vero
nonnullorum sanctissimae fidei nostrae dogmatum sensu et interpreta-
tione, quique errores ab Ecclesia jam damnatos e tenebris excilarunt,
et propriam divinae revelationis et fidei indolem et naturam in alienura
omnino sensum explicaverunt. Noscebaraus etiam, Venerabilis Frater,
nonnuUos ex catholicis, qui severioribus disciplinis excolendis operam
navant.humani ingeniiviribus nimium fidenles.errorum periculis haud
fuisse absterritos, ne in asserenda fallaci et minime sincera scientiae
libertate abriperentur ultra limites, quos praetergredi non sinit obe -
dientia débita erga magisterium Ecclesiae ad totius revelatae veritatis in-
tegritatem servandam divinitus institutum. Ex quo evenit, ut hujus-
modi catholici misère decepti et iis saepe consentiant, qui contra bujus
Apostolicae Sedis ac Noslrarum. Congregationum décréta déclamant, ac
blaterant ea liberum scientiae progressum impedire, et periculo se
exponunt sacra illa fragendi obedientiae vincula, quibus ex Dei volun-
tate eidera Apostolicaibuicobstringuntur Sedi, quae aDeo ipso veritatis
magislra et vindex fuit constituta. Neque ignorabamus, in Germania
etiam falsam invaluisse opinionem adversus veterem scholam, et adver-
sus doctrinam summorum illorum doclorum, quos propter admirabi-
lem eorum sapieniiara et vitae sanctitatem universalisveneratur Eccle-
sia. Qua falsa opinione ipsius Ecclesiae auctoritas in discriraen vocatur,
quandoquidem ipsa Ecclesia non solum per tôt continentii sœcula per-
misit, ut ex eorumdem doctorum raethodo, et ex principes communi
omnium catholicarum scholarum consensu sancitis iheologica excolere-
tur scienlia, verum etiam sa3pissime summis laudibus iheologicam eo-
rum doclrinam extulit, illamque veluli fortissimum fidei propugnacu-
lum et formidanda contra suos inimicos armavehementercommendavit.
Haec sane omnia pro gravissimi supremi nostri Apostolici rainislerii
munere, ac pro singulari illo araore quo omnes Germaniae calholicos,
carissimani Dominici gregis partem,prosequimur, nostrum sollicitabant
et angebant animum tôt aliis pressum angustiis, ubi, accepte memo-
rati convenlus nuntio, res supra expositas tibi significandas curavimus.
Postquam vero per brevissimum nuntium ad Nos relatum fuit, te, Ve-
nerabilis Frater, hujusce conventus auctorum precibus annuentera tri-
A MONSEIGNEUR L ARCHEVÊQUE DE MUMCII. 279
biiissc veniam celebrandi eumdem conventum, ac sacrum solemni ritu
peregisse, et consultationes in eodem conventu jiixta calholicae Kcclesiae
doctrinam habitas fuisse, et posiquam ipsius convenlus viri per eum-
dem nuntium Apostolicam Nostram imploraverunt benediclionem,nulla
interposita mora, piisillorum volisobsecundavimus. Summa veroanxie-
tate tuas expectabamus lilleras, ut a te, Venerabilis Frater, accura-
tissime noscere possemus ea omnia, qui3e ad eumdem conventum quo-
vis modo possent pertinere. Nunc aulem cum a te acceperimus quae
scire vel maxime cupiebamus, ea spe nitimur fore ut hujusmodi nego-
tiura, quemadmodum asseris, Deo auxiliante, in majorem calhoiicae in
Germania Ecclesiae utilitatem cédai. Equidem cum omnes ejusdem con-
venlus viri, veluti scribls, asseruerint, scientiarum progressum et
felicem exitum in devilandis ac refulandis miserrimae nostrae aetatis er-
roribus omnino pendere ab intima erga veritatcs revelatas adiiaesione
quas catliolica docet Ecclesia, ipsi noverunt, ac professi sunt illam ve-
ritatem, quara veri calhoiici scientiis excolendis et evol vendis dediti
semper tenuere ac tradiderunt, Alque hac verilate innixi.pûluerunt
ipsi sapienles ac veri catholici viri scientias easdem tuto excolere,
explanare, easque utiles certasque reddere. Quod quidem obtineri non
potest, si humanae ralionis lumen finibus circumscriptura, eas quoque
veritates investigando quas propriis viribus et facultatibus assequi po-
test, non venerelur maxime, ul par est, infaUibile et increatum divini
inlellectus lumen, quod in christiana revelatione undique mirifice clu-
cel Quamvis enim naturales illae disciplinas suis propriis ralione co-
gnilis principiis nitantur, catholici tamen earum cultores divinam re-
velationem veluti rectricem stellara prae oculis habeant oportet, qua
praelucente sibi a syrtibus et erroribus caveant, ubi in suis investiga-
tionibus et coraraentationibus animadvertant, posse se illis adduci, ut
saepissime accidit, ad ea proferenda, quae plus minusve adversentur
inlallibili rerura veritati quae a Deo revelatae fuere. Hinc dubitare
nolumus, quin ipsius convenlus viri commemoratam veritatem noscen-
tes ac profitentes, uno eodemque tempore plane rejicere ac reprobare
vûluerint recentem illam ac praeposteram philosophandi ralionom,
quai etiamsi divinara revelationem veluti historicum factum admittat,
280 BREF DE K. S. P. LE PAPE
tamen ineffabiles veritales ab ipsa divina revelatione proposUas
huraanae rationis investigationibussupponit, perinde ac si illae veritates
ralioni subjectae essent, vel ratio suis viribus et principiis possel Con-
sequi intelligentiara et scientiaoi omnium supernarum sanctissiraae fidei
nostrae veritatum et mysteriorum, quse ita supra hiimanam rationera
sunt, ut haec nunquam effici possit idonea ad illa suis viribus et ex
naturalibus suis principiis intelligenda, aut demonstranda.
Ejusdera vero conventus viros debilis prosequiraur laudibus, prop-
terea quod rejicientes, uti existimamus^, falsam inter philosophum et
philosophiam distinctioneni,dequa in aliis Nostris litteris ad te scriptis
loquuti sumus, noverunt et asseruerunt omnes catholicos in doctis
suis commentationibus debere ex conscientia dograaticis infallibilis
catholicae Ecclesias obedire decrelis. Dum vero débitas illis deferimus
laudes, quod professi sint veritatem qiiae ex catholicae fidei obligatione
necessario oritur, persuadere Nobis voiumus, noluisse obligationem,
qua catholici magislri ac scriptores omnino adstringuntur, coarclare
in iis tanlum quae ab infallibili Ecclesiae judicio veluli fidei dogmata
ab omnibus credenda proponuntur. Atque etiam Nobis persuademus,
ipsos noluisse declarare, perfeclam illam erga revelatas veritates adhae-
sionem, quara agnoverunt necessariam omnino esse ad verura scientia-
rum progressum assequendum, et ad errores confutandos, oblineri
posse, si dumtaxat dogmatibus ab Ecclesia expresse definitis fides et
obsequium adhibeatur. Namque etiamsi ageretur de illa subjectione
quae fidei divinae actu est praestanda, limilanda tamen non esset ad ea
quse expressis œcumenico'rum conciliorum autRomanorum Pontificum,
hujusque Apostolicœ Sedis decretis definita sunt, sed ad ea quoque
extendenda quae ordinario totius Ecclesiae per orbem dispersae magis-
terio lanquam divinitus revelata traduntur, ideoque universali et con-
stanti consensu a catholicis theologis ad fidem pertinere retinentur.
Sed cum agatur de illa subjectione, qua ex conscientia ii omnes catho-
lici abslringuntur qui in contemplatrices scientias incumbunt, ut novas
suis scriptis Ecclesiae afferant utilitates, iccirco ejusdem convenlus viri
recognoscere debent^ sapientibus catholicis haud satis esse ut prsefala
Ecclesiae dogmata recipiant ac venerenlur, vcrum etiam opus esse ut
A MONSEIGNEUR l'aRCHEVÉQUE DE MUNICH. 281
se subjiciant tum decisionibus, quae ad doctrinam pertinentes a Ponti-
ficiis Congregationibus proferuntur, tum iis doctrinae capitibus, quae
communi et constanti catholicorum consensu retinentur ut theolo-
gica3 veritates et conclusiones ita certae, ut opiniones eisdera doctrinae
capitibus adversas^ quamquam hereticae dici nequeant, tamen aliam
theologicam raerentur censurara. Itaque haud existimamus viros, qui
commemorato Monacensi interfuere convenlui, ullo modo potuisse aut
voluisse obstare doctrinae nuper exposilae quae ex verae Iheologiae prin-
cipiis in Ecclesia relinetur, quin immo ea fiducia snstentaraur fore ut
ipsi in severioribus excolendis disciplinis velint ad enuncialae doctrinae
normam se diligenter conformare. Uuae Nostra fiducia praesertim nitilur
iis litteris, quas per te, Venerabilis Frater^ Nobis miserunt. Si quidem
eisdem litteris cum summa animi Nostri consolatione ipsi profîtentur,
sibi in cogendo conventu mentem nunquam fuisse vel minimam sibi
arrogare auctoritatem, quae ad Ecclesiam omnino pertinet, ac simul
testantur noluisse euradem diraittcre conventum, quin primum decla-
rarent summam observnntiara^ obedientiam, ac filialera pietalem^ qua
Nos et banc Pétri calhedram catholicae unitatis centrum prosequunlur.
Cum igitur hisce sensibus supremam Nostram et Apostolicae hujus
Sedis potestatem, auctoritatemque ipsi recognoscant, ac siraul intelli-
gent, gravissimum officium Nobis ab ipso Christo Domino commissum
regendi ac moderandi universam suam Ecclesiam, ac pascendi omnem
suum gregcm salutaris doctrinae pascuis, et continenter advigilandi,
ne sanctissima fides ejusque doctrina ullum unquara detrimenlum
paliatur, dubitare non possumus, quin ipsi severioribus disciplinis ex-
colendis, Iradendis, sanaeque doctrinae tuendae operam navantes, uno
codemque tempore agnoscant, se debere et religiose exsequi régulas
ab Ecclesia semper servatas, et obedire omnibus decretis quaî circa
doctrinam a Suprema Nostra Pontificia auctoritate cduntar.
Haec autcm omnia tibi communicamus^ ac summopere optamos ut
ea iis omnibus signifiées viris, qui in meraorato cnnventu fuere^ dura,
si opportunum esse censuerimus, haud omittemus alla tibi, et Vene-
rabilibus Fralribus Germaniae sacrorum Antistitibus liac super re
significare, postquam tuam et eoruradem Anlistitum sententiam Intel-
232 BREF DE N. S. P. LE PAPE.
lexcrirausde hujusmodi conventuum opportunitate. Demura pasloralem
tiiam soUicitiidinem ac vigilantiam iterum vehemenler excitamus, ut
una cum aliis Venerabilibus Fratribus sacrorum in Germania Antisti-
tibus , curas omnes cogitationesque in tuendam et propagandam
sanam doctrinara assidue conféras. Neque omittas omnibus inculcare,
ut profanas omnes nov.tates diligenter devilent, neque ab illis se deci-
pi unquam p-itiantur, qui faUam scienliae libertatera, ejusque non
solum verum profectura, sed etiara errores tamquam progressus ira-
pudenter jactant. Atque pari studio et contentiooe ne desinas omnes
hortari, ut maxima cura et industria in veram chrislianam et cathoii-
cam sapientiam incumbant, atque, uti par est, in summo pretio habeant
Teros solidosque scientiae progressus, qui sanctissinia ac divina fide
diicc et magisira in catholicis scholis habiti fuerunl, utque Iheologi-
cas praesertim disciplinas excolant secundum principia et constantes
doctrinas, quibus unanimiter innixi sapientissiini doctores immortaiem
sibi norainis laudem, et maximara Ecclesiae et scientiae utililatera ac
splendorem pepererunt. Hoc sane modo catholici viri in scientiis exco-
lendis poterunt, Deo auxiliante, magis in dies quantum liomini fas est,
noscere, evolvere^ et explanare veritatum thesauruin, quas in naturae
et gratiae operibus Deus posuit, ut liorao, postquam illas rationis et fi-
dei lumine noverit suamque vitam ad eas sedulo conformaverit, possit
in aeternae gloriae ciaritate summam veritalem, Deum scilicet, sine ullo
velamine intueri, eoque felicissime in œlernum perfrui et gaudere.
Hanc autem occasionem libentissimo animo amplectimur, ut denuo
testemur et confirraemus praecipuam Nostram in te caritatem. Cujus
quoque pignus esse voluraus Apostolicam benedictionern quam effuso
cordis affectu tibi ipsi, Venerabilis Frater^ et gregi tuae curai commisso
peramanter inipertimus.
Dalura Roniaî apud Sanclum Pelrum die 21 decemhris anno 1865,
Pontificalus Nostri anno decinio octavo.
Plus PP. IX.
DECRET
DE LA SACRÉE CONGRÉGATION DES RITES
Relatif à la palme et à la fiole de sang considérées comme
signes du martyre.
Postquani s^culo XVI, laboribus praesertim et studiis Anlonii Bosi
iterum sacra suburbana patuere Cœmeteria, quae a saeculo VIII exeiinte
Summorum Pontificum cura penilus interclusa remanserant ne barbari
Romanum soliiin dévastantes ibi aliquam inferrent profanationem, in
lis conquiri cœperunt Martyrum corpora qus adhuc ibidem permane-
bant in loculis abscondita. Tutissimum dignoscendi sacra haec pignora
signum a majorum traditione receptum erant pbialaB vilreae vel fign-
linae cruore tinctae, aut crustas saltem sangi>ineas occludentes, quae
vel intra vel extra loculos sepuUorum affixae manebant. Altamen ali-
quibus visura fuit viris eruditis alias praeter sanguinem adniittere no-
tas, quibus ipsi Martyres distingui aulumabant. Verum ut in re tanti
momenli inoffenso procederetur pede, plaçait Cleraenti IX Suinmo
Pontifici singularem debgereCongregalionem, quae exSanctae Ronianae
Ecclesiae Cardinalibus, aliisque doctissimis viris constaret, eique hac
super re gravissimum comraisit examen. Haec Congregatio quae postea
a Sacris Reliquiis et Indulgentiis nomen habuit, argumentis omnibus
perpensis, die 10 aprilis anni 1668 decrelum hoc luHt : « Cum in
Sacra Congregalione Indulgentiis, Sacrisque Reliquiis prxposila de
nolis disceptaretur, ex quibus verx Sanclorum Martyrum Reliquix
a falsis et dubiis dignosci posiint; eadem Sacra Congregatio, re dili-
genter examinata, censuit, Palmam et Vas illorum sanguine tinetum
pro signis cerlissimis hahenda esse : aliorum vero signorutn examen
in aliud tempus rejecit. » Decretum hujusraodi duorum fere saeculo-
rum decursu fideliter servalum est, quamvis praeterito vertente saeculo
nonnolli selecli scriptores de Phialae sanguineas signo diversiraode
dubilaverint; quibus praecipue gravissima Benedicti XIV auctoritas
28/( DÉCRET DE LA S. DES RITES.
obslitit, quum in Literis Aposlolicis ad Capilulum Melropolitanae Ec-
clesiae Bononiensis de S. Proco M;irtyre ex Cœmeterio Thrasonis ciim
vasesanguinis effosso edoceret : «Ipsi debetur cultus et lilulus Sandi,
quia procul dubio nulli unquam venit in mentem quantumvis acuto
ingenio is fuerit, et cupidus quxrendi, ut a'tunt, nodum in scirpo,
nulli, inquam, venit in mentem dubitatio, qnod Corpus in Catacumbis
Romanis inventum cumvascnlo sanguinis aut pleno, ant tinclo, non
sit Corpus alicujus qui morlem pro Christo sustinuerit. » At noslris
hisce diebiis alii supervenere viri eruditione seque pollenles, et in sa-
crai Archeologiae studiis valde periti, qui vel scriptis, vel etiani volu-
minibus edilis adversus Phialam sanguineam utpote indubium Martyrii
signum decertarunt. Sanctissimiis autem Dominos Noster PiUS
PAPA IX, de Decreli illus robore et austoritale haud haesitans, quum
viderct tamen eruditorum dilficuUales in epliemeridibus tuin catholicis,
tum heterodoxis divulgari, ad praecavendum quodlibet inter fidèles
scandalum sapientissime censuiî, «t hujusmodi difficultates in quadam
peculiari Sacrorum Rituum Congregatione severo subjicerentur exa-
mini. Peculiaris vero Congregatio haec nonnuUis ex ejusdem Sacrorum
Rituum Gongregationis Cardinalibus, Praelatis Officialibus, ac selectis
ecclesiasticis viris pietate, doctrina, prudentia, rerumque usu exiraie
praeditis consliluta prae oculis habens universara argumentorum se-
riem, nec non fidelem ejusdem Secretarii relationem, quum omnia
accuratissima ponderaverit disquisitione die 27 Novembris vertentis
anni duobus his propositis dubiis :
I. An Phialse vitrex, aut figulinx sanguine tindx qux ad la-
culos sepultorum in Sacris Cœmeteriis vel intus vel extra ipsos re-
pei'iuntur^ censeri debeant Martyrii signum ?
II, An ideo sil standum vel recedendum a Decreto Sucrx Gongre-
gationis Indulgenliarum^ et Reliquiarum, diei 10 Aprilis 1668?
Respondit ad primum : «AFFIRMATIVE»;
Respondit ad secundum : « PROVISUM IN PRIMO ».
Ideoque declaravit confirmandum esse decretum anni 1668.
Fada autem de praemissis Sanctissimo Domino Nostro PIO PA-
?M IX a subscripto Secretario accurata omnium expositione, Sanclitas
Sua senlentiam Saerae Gongregationis ratam habuit et confirmavit,
atque praesens decretum expediri praecepil.
Die 10 decembris 1863.
C. Episcopus Portuen. et s. Rufin^e GARD. PATRIZI,
S. R. C. PR.CT.
D. Barloliui S. R. G. secrelarius.
BIBLIOGRAPHIE.
liCS quatre Évangflles. TraJucliou nouvelle, accompagnée do notes
et de dissertations, par M. l'abbé A. Crampon. Paris, Tolra et Haton.
In-8o de xvi-o80 pp. 7 fr. 50 c.
Voici, après tant d'autres, une nouvelle traduction des Evangiles.
Quelle est sa raison d'être? Répond-elle au but de l'auteur et
et à ce que l'on pouvait raisonnablement lui demander? Telles sont
les questions qui se présentent d'elles-mêmes^ et que nous allons
nous efforcer de résoudre autant que le permettent les bornes resser-
rées d'un compte-rendu bibliographique.
M. Crampon s'est imposé une double tâche, celle de traducteur et
celle d'annotateur : il ne nous a pas donné un texte nu, mais il y a
joint tout ce qui est nécessaire pour en rendre la lecture intelligente et
utile.
Or, sous ces deux points de vue, sous le second principalement, il
y avait quelque chose à faire. Rien de plus difficile et par conséquent
de plus rare qu'une bonne traduction. Si l'on est trop littéral, il en
résulte une phrase barbare, incorrecte, heiu'tée, souvent peu intelli-
gible. En voulanl échapper à ce défaut, on tombe facilement dans
l'excès contraire : on ne suit son auteur que de loin ; de la traduction,
on tombe dans l'imitation. Les difficultés sont plus grandes encore
quand il s'agit de la Bible où tout, la forme comme le fond, contribue
à rendre plus délicate la tâche du traducteur. M. Crampon s'est efforcé
d'être littéral et en même temps français ; d'avoir partout une phrase
régulière, coulante, intelligible, et cependant de rendre toutes les par-
ticularités du style biblique en lui conservant sa couleur et ses nuances.
Il traduit d'après la Vulgate, comme cela était convenable dans une
traduction destinée aux fidèles, mais il a recours sans cesse au texte
grec, et il en indique en note les particularités.
Si notre modeste suffrage peut être ici de quelque poids, nous ne
craignons pas de le donner à la nouvelle traduction des Évangiles.
286 BIBLIOGRAPHIE,
C'est à noire avis un excellent travail. Dans l'iinpossibilité de lui em-
prunter beaucoup de citations, nous voulons du moins en extraire un
court morceau, ie cantique Benedidiis (Luc. i, G8-79). Il n'était pas
facile, sans altérer la forme, de rendre clairement les idées qu'il ex-
prime, d'en faire bien sentir l'enchaînement et la suite. Voici comment
traduit M. Crampon :
« Béni soit le Seigneur, le Dieu d'Israël, de ce qu'il a visité et
G racheté son peuple, el nous a suscité un puissant Sauveur dans la
« maison de David, son serviteur, — selon ce qu'il a dit par la bouche
« de ses saints prophètes aux siècles passés, qu'il nous sauverait de
« nos ennemis et des mains de tous ceux qui nous haïssent : — pour
« accomplir la miséricorde promise à nos pères, et se souvenir de
« son alliance sainte ; serment qu'il a juré à Abraham notre père, de
« nous faire cette grâce, qu'étant délivrés des mains de nos ennemis
« nous le servions sans crainte, dans la sainteté et la justice en sa
« présence, tous les jours de notre vie. Et toi, enfant, tu seras ap-
a pelé prophète du Très-Haut; car tu marcheras devant la face du
« Seigneur pour lui préparer les voies ; pour donner à son peuple la
« science du salut, afin qu'il obtienne la rémission de ses péchés par
a les entrailles de la miséricorde de notre Dieu, selon lesquelles le
« soleil levant est venu nous visiter d'en haut, pour éclairer ceux qui
« sont assis dans les ténèbres et l'ombre de la mort, et pour diriger
« nos pieds dans la voie de la paix. »
Ce morceau présente un caractère trop spécial et offrait trop de dif-
ficultés à vaincre, pour qu'il puisse donner une idée complète du genre
de la traduction. II permettra peut-être du moins d'apppécier une in-
novation empruntée aux éditions allemandes. Dans les Evangiles de
M. Crampon, le texte, au lieu d'être coupé, morcelé comme dans les
éditions ordinaires, forme un tout suivi qui se partage en alinéas d'a-
près le sens : la division usuelle en versets est indiquée en marge
par des chiiTres. Ainsi le sens n'est jamais brisé, on peut le suivre
d'un bout à l'autre sans être interrompu par des coupures qui viennent
le troubler si désagréablement. Peut-être aurait-on pu indiquer par un
signe typographique l'endroit précis où commence et finit chaque
verset. Sans doute cela résulte souvent de la ponctuation, mais il est
des cas où l'on peut être embarrassé.
Ce qui donne à la traduction nouvelle une valeur toute spéciale, ce
sont les annotations qu'elle renferme. On y trouve résumés sous une
forme concise et claire les meilleurs travaux anciens et modernes.
L'auteur est versé dans les langues bibliques, il possède les connais-
DIBLIOGRAPHIE. 287
sances accessoires qui sont nécessaires pour interpréter les Livres
saints. La préface nous apprend que, formé à l'école de M. Le Hir, il a
continué à recevoir les conseils du maître ; de plus, le savant profes-
seur de Saint-Sulpice a bien voulu revoir en entier sa traduction. C'est
là une garantie d'un grand poids auprès de ceux que des circonstances
heureuses ont mis à même d'apprécier le talent beaucoup trop modeste
de M. Le Hir.
Il est bien clair qu'il ne faut pas chercher ici un appareil d'érudition
qui serait fort déplacé dans un livre destiné au grand public. M. Cram-
pon a néanmoins réuni dans ses notes tout ce qui est nécessaire pour
que l'homme du monde et le simple fidèle puissent lire avec intérêt et
avec fruit le texte sacré. 11 a fait de fréquents emprunts aux Pères
de l'Eglise, qui sont toujours nos maîtres quand il s'agit de pé-
nétrer le sens profond des Ecritures : il en a fait aussi beaucoup au
grand évêque de Meaux. C'est dire assez que le côté historique et ar-
chéologique ne l'a point seul occupé. L'élément dogmatique et l'élé-
ment ascétique ont aussi leur part.
A la fin du volume, on trouve sous forme de vocabulaire un certain
nombre de notes plus étendues et d'une portée plus générale. Ce sont
des éclaircissements historiques et géographiques, c'est la discussion
de certaines difficultés spéciales ou la concordance des Évangiles rela-
tiv ement à quelques points plus obscurs que les autres (Cène pascale,
recensement de Cyriniis, Frères de Jésus, Généalogie de Jésus-Christ,
Logos, Royait ne de Dieu, etc.). L'ordre alphabétique a été adopté
pour faciliter .et recherches.
Nous n'avons rien dit encore de l'introduction générale, et des in-
troductions particulières placées en tête de chaque Evangile. Ce sont de
bons morceaux : ils résument fidèlement l'état de la science et ses
principaux résultats. Cependant nous sera-t-il permis de formuler un
vœu? Nous voudrions voir établi fortement dans l'introduction générale
le caractère historique des Évangiles. Dans un siècle comme le nôtre et
quand on s'adresse à l'ensemble du public, ce soin n'est pas superflu.
C'est du reste ce qu'ont fait tous les auteurs d'introductions. Il eût été
bon de poser d'avance des principes relatifs aux difficultés historiques
qui se rencontrent dans le texte des évangélistes et aux apparentes con-
tradictions qui les séparent. Trop de lecteurs superficiels se laissent ar-
rêter par des points de détail, et s'imaginent que tout est perdu parce
qu'une solution ne les satisfait pas. Ils n'ont jamais réfléchi qu'une ou
plusieurs difficultés non résolues dans un document de ce genre ne
peuvent nuire à son autorité, pas plus que des difficultés analogues
'i88 BIBLIOGRAPHIE.
OU beaucoup plus grandes ne font rejeter les récits des historiens pro-
fanes. Ainsi^ au point de vue simplement humain comme au point de
vue de la foi, ces nœuds plus ou moins compliqués peuvent rester un
problème pour la science sans qu'il soit possible d'en tirer la moindre
induction contre l'autorité des récits évangéliques.
Notre rôle de critique est terminé, car nous ne voulons pas relever
les passages, en fort petit nombre du reste, où nous eussions désiré
quelque chose de plus précis ou de plus complet. Quand on sait com-
bien est difficile et délicate la tâche du commentateur des Livres saints,
on n'a pas de peine à répéter avec le poète :
Non ego paucis offendar maculis.
Et puis, il y a ici une certaine latitude d'appréciation qui fait que
deux esprits se rencontreront difficilement, ou plutôt ne se rencon-
treront jamais sur tous les points.
En somme, et pour conclure, nous nous faisons un devoir de recom-
mander les Evangiles traduits et annotés par M. Crampon. Nous dé-
sirons beaucoup que ce livre se répande parmi les classes éclairées de
la société, dont une partie notable connaît si peu Jésus-Christ et
l'Évangile. Les notes dont la traduction est accompagnée et l'approba-
tion dont elle est revêtue conformément aux sages prescriptions de
l'Église, permettent de la placer entre les mains des lldèles. Ajoutons
que cette publication emprunte aux circonstances présentes une oppor-
tunité toute particulière. A ceux qui blasphèment Jésus-Christ, que
pouvons-nous opposer de mieux que ces écrits où l'on sent malgré soi
l'impression du divin, où l'on voit en quelque sorte paraître et agir
sous ses yeux l'adorable personne du Sauveur !
Ë. Hautcœur.
Arras. — Typ. Rousseau-Leroy, rue Saint- Maurice, 26.
LA TÏIKOLOGIE DES CATACOMBES.
Troisième arlicli
VI.
Nous avons étudié les monuments dogmatiques des cata-
combes juives : nous voulons y recueillir aussi les éléments
-d'un tableau complet de la Synagogue romaine au point de
vue social et hiérarchique. Moins étroitement lié à l'ensei-
gnement révélé, ce sujet offre pourtai^t un intérêt historique
qu'on nous blâmerait à bon droit de négliger.
1° Dans les provinces où la main de Dieu l'avait dis-
persé, le peuple juif relevait d'un sanhédrin civil (1) que
présidaient plusieurs archontes (2) soumis peut-être eux-
mêmes à « l'Archonte du peuple » , ap/wv xoîi Xaoû, le Patri-
archa illustris ou clarissimus dont parlent les lois de l'empire.
2' Un rescrit de Constantin (3) met au premier rang de
la hiérarchie religieuse les prêtres {Hierei), qu'Arcade et
Honorius {li) rejettent au troisième. Quoi qu'il en soit, nous
(1) Il répondait au sénat ou yepoudia qu'Auguste établit à Alexandrie,
quand il y supprima l'ethnarque.
(2) Parfois nommés seniores, ap-^wv twv TouSaiojv ( Joan. m, 1) ; mais
plus communément proceres, primates, TtpioToi, Leur nombre était indé*
terminé.
(3) Cod. T/teod., 1. 4, de Jud.
(4) Ibid., 1. 13, de Jud.
REYUF, des sciences KCCLÉSIASTinUES, T- )X. — AVRIL 1 864, 19
290 LA THÉOLOGIE DES CATACOMBES.
possédons l'épitaphe d'un Constantin qui fut prêtre et pas-
teur : la seconde de ces charges était de l'ordre civil et ré-
pondait sans doute à l'archontat du peuple (1). Ce fait de
la réunion de l'autorité temporelle et du pouvoir spirituel
en une seule main n'était pas rare chez les Juifs, aux pre-
miers siècles de notre ère ; ainsi, il apparaît dans l'inscrip-
tion suivante:
STAFVLO ARCONTI
ET ARCHISYNAGOGO
HONORIBVS OMNIBVS
FVNCTVS RESTITVTA CONIVX
BENËMERENTI FECIT
ENEIPHNH H KOIMHCICCOY
(( A Stafulus, archonte et chef de la synagogue, revêtu de
« tous les honneurs et bien méritant, Restituta, son épouse,
H a fait (ce monument.) En paix ton sommeil (2) ! » Puis-
qu'il rempUt toutes les charges, et que Tarchontat fut sa
plus haute dignité, Stafulus dut être ensemble le prince
civil et le chef religieux de sa colonie, continuant en quelque
façon les anciennes traditions théocratiques d'Israël.
Au dessous des prêtres, le code impérial plaçait le chef
de la synagogue {archisynagogus) , qui prend encore les
noms ô! archonte, ou ô! archonte de la synagogue. Tel était
Stafulus; tel, ce Jaïre que saint Mathieu appelle simplement
archonte, tandis que saint Marc et saint Luc remarquent
qu'il était chef et archonte de la synagogue. Ce personnage
était entouré d'un conseil d'anciens (3) (D'^SpT, seniores,
Yepouaia) présidés 'par un chef spécial (Yspouaiapyr)?). Nous
connaissons trois de ces gérusiarques : Pancharius, qui pré-
(1) Nuove Epigrafi, p. 13. Nous suivons ici très-fidèlement les études
du R. P. Garrucci.
(2) Cimihio, p. 67.
(3) Ils paraissent avoir aussi porté ]c nom d'archontes.
LA THÉOLOGIE DES CATACOMBES. 291
para un tombeau à sa fille Dulcitia; Ursace, originaire
d'Aquilée,et/l5^mM.'î, à qui son fils l'archonte Astérius voua
une longue et belle inscription. C'est à eux probablement
que le rescrit d'Arcade donne le titre de Patriarches (1), et
Constantin celui de Pères de la synagogue (2) .
Les archontes reposent en très-grand nombre dans l'hy-
pogée hébraïque de la voie Appienne, mais il surgit une
vraie difficulté si l'on veut déterminer à quelle classe ils
appartenaient, au gouvernement civil ou à la hiérarchie
religieuse. Des raisons scientifiques que nous ne devons
pas discuter ici rendent assez probable la seconde hypo-
thèse ; et la plupart des archontes dont on a retrouvé les
épitaphes ont fait partie du conseil sacré de la Synagogue,
en qualité de présidents ou de membres (3) . Leur archontat
était temporaire et durait une année, de septembre à sep-
tembre. On pouvait remplir cette charge plusieurs fois, et
une inscription de Saint-Paul -hors-les-murs témoigne
qu'un certain Sabbatius fut deux fois archonte. Les enfants
eux-mêmes en étaient revêtus, ainsi 'qu'on le voit dans les
deux monuments suivants :
ENeAAE KEITE ANNIANOG APX12N niOG
YÎOG • lOYAIANOY nATPOGYNAmrHC RAMOH
GliîN AITiiN H MHMiN ~B ENElPHiNH H KOLMHGIC AYTOÏ
« Ici repose Annianus, archonte, enfant, fils de Julien,
(1) Par opposition aux Patriarches illusires dont nous avons fait men«
tiOD.
(2) Cette qualification se retrouve deux fois dans la calacombe Randa-
nini (Cimit ro, p. 52). A la même page, le savant auteur donne un
fragment d'inscription où il lit le nom d'une mère de la Synaçjoyue. Bien
que nous partagions son sentiment, nous n'insistons pas sur un texte
encore problématique. Nous en dirons autant du fragment (p. 51) où
l'Ange du conseil serait peut-ôtre menliounô.
(3) Ce principe ne doit admettre d'exceptions qu'en des cas particu-
liers, comme en ce qui concerne Stafulus. Pour plus de détails, recourir
aux travaux du R. P. Garrucci.
292 LA THÉOLOGIE DES CATACOMBES.
« père de la synagogue des Campeuses. îl\ mourut) âgé de
« 8 ans et 2 mois. En paix soit son sommeil (1) ! »
QAE KEITE IOKA0
INOG ÂPXiiN NHniOG
« Ici repose Jocathinus, archonte, enfant (2). »
D'autres enfants étaient destinés à cette dignité et rece-
vaient sans doute une éducation toute spéciale : c'étaient
les « futurs archontes » :
MARCVS CVYNT
VS ALEXVS GRA
MMATEVS EGO T
ON AVGVSTASIO
N MELLARCON
ECCION AVGVSTESl
ON AN Xfl
<( Marcus Quintus Alexus, scribe (de la synagogue) des
« Augustenses, archonte futur des Augustenses, (âgé) de 12
« ans (3). ))
AAE2ANAP0C APXiiN
DACHC TEIMHC ÏERNÎi
rAYKYTAÏÎÎ AAEZAN
APii MEAAAPXONTI
EXEIPBNH H EOIMHCIC COY
« Alexandre, archonte de tout honneur, à son enfant très-
ce doux, Alexandre, futur archonte. En paix ton som-
« meil (^) ! »
(1) Nuove Ep., p. 10.
(î) Ibid.
(3) Nuove Ep., p. 10. A la froi^iôme et à la sixième ligne il faut lire :
EK TON.
14) lôid., p. 11.
LA THÉOLOGIE DES CATACOMBES. 293
L'expression : « archonte de tout honneur, de toute ma-
gistrature » (iraariç ttjXTiç), est fort remarquable ; elle a sa
parallèle dans l'inscription de Stafulus, honoribus omnibus
functus, et dans l'épitaphe suivante on la retrouve sous un
énorme barbarisme : « A Aurélia Flavia, épouse bien méri-
« tante, Jonatas, archonte de toute dignité (PASES ÏES-
« SIMEN), a fait (ce monument) (1). Les archontes de (ont
/iowneMr jouissaient donc d'une autorité absolue dans l'ordre
pohtique et dans la communauté religieuse ; saint Paul les
a pris pour terme imphcite de comparaison quand en sa
première épître à Timothée (2) il écrit : Quicumque sunt sub
jiKjo servi, dominos siios omni honore (Trac/iç xtiji^!;) dignos arbi-
trentuTy ne nomen Domini et doctrina blasphemetur, indiquant
par cette formule solennelle et familière aux Juifs et à son
disciple, combien la soumission des esclaves chrétiens envers
leurs maîtres devait être profonde.
Les Scribes (Ypaî^i^-arsiç) touchaient de près aux archontes,
et non pas tant par l'analogie de leurs fonctions que par le
sang et la parenté. Car les inscriptions judaïques nous
montrent que les plus hautes charges se perpétuaient souvent
dans une même famille; on y voit des fils d'archontes deve-
nir scribes, et les fils des grammateis recevoir les honneurs
del'archontat (3). 11 arrivait aussi que des scribes obtenaient
une dignité supériem^e, comme on lésait de M . Q. Alexus.
Plusieurs enfants étaient agrégés au collège des scribes :
« Certainement, dit le R. P. Garrucci {h) , ils devaient être
« élevés à l'école des lettres sacrées, apprendre à bien copier
« les sentences de l'Écriture sur les phylactères, et à rédi-
(1) Nuove Ep., p. 12.
(â) C. VI, V. 1.
(3) Ainsi : «Justus, scribe, plein d'amour pour sou père et ses frères :
« Maron, deux fois archonte, à soa tils chéri, âgé de 37 ans. » [Cimit,,
p. 47-)
(4J Cimitero, p. 61,
29/i LA thEolo(;]e des catacombes.
« ger les actes de la synagogue... On peut estimer que
« de tout jeunes écoliers obtenaient d'être admis parmi les
« aspirants, et qu'il leur était permis de prendre, encore
(( enfants,«le nom de cette dignité, comme on accordait
« l'honneur du decurionatus aux enfants dans les muni-
<( cipes et colonies romaines. »
Les catacombes juives renferment aussi quelques vestiges
des docteurs préposés à l'explication et à la prédication de
la loi : ils y sont appelés voaoy.aeiei<: (1) , et il est question
d'eux en divers endroits de l'Écriture sous les noms de vo.ao-
ûiôdçxaXoi, de Ypx[j.ij.aT£ï; (2), OU, suivant Saint Matthieu, de
Ypau.(xaTeùç [jiaôrjTEuOciç (3).
Un monument épigraphique de la Vigna Randanini rend
témoignage à la vérité et à l'exactitude du récit où saint
Luc parle du ministre de la synagogue :
<I)AÂBIOG 10 Y Al
ANOC VnPETHG
a>AABlA lOVAIANH
©YIATHP nATPI
EN EIPHNH H KOI
MHCIG COY
« Flavius Julianus, ministre (serviteur). Flavia Juhana,
u fille, à son père ! En paix ton sommeil [h) ! » L'évangé-
liste dit : « Et Jésus ayant reployé le hvre et le rendant au
(( ministre (-t^w u7rr,p£Tyi), il s'assit, et dans la synagogue, les
(( regards de tous étaient fixés sur lui (5). » En un temps
(1) Cimilero, pp. 5G, 57.
(2) Luc. V, 17, 21. L'ÊvangélisLe semble prêter le même seus à ces
deux expressions, cl par conséquenl entendre le mot scriba, des scribes
du premier rang Q'^S^Sn) > qui expliquaient la loi, taudis que les scribes
inférieurs donl nous avons parlé id'^Ï^ISID ne pouvaient prétendre à
ce ministère.
(3) Matth. XIII, 52. Saint Matthieu s'exprime ainsi, pour indiquer les
scribes de l'ordre le plus élevé.
(4) Nuove Epigr,, p. 14.
(5) Luc. IV, 20.
LA THÉOLOGIE DKS CATACOMBES. 295
OÙ l'exégèse incrédule relève avec un scrupule merveilleux
jusqu'au dernier accent du texte biblique, on nous pardon-
nera un peu d'attention à ces harmonies de détails entre
l'Ecrivain sacré et les inscriptions judaïques.
Enfin, les rapports de la synagogue romaine avec les
juifs étrangers à la colonie, exigeaient qu'elle leur offrît un
guide, un avocat, un hôte, un patron; elle y pourvut par
l'institution du Prostates :
EN0AAE KEITE
rAIGnPOClATHC
OGIOG EZHGEN
ETH OB EN EIPH
KOIMHCIG GOr
« Ici repose Caïus, prostates^ saint. Il vécut 72 ans. En
paix ton sommeil (1) ! » Saint Paul (2), remerciant Phébé
de ses bons et pieux services, la nomme Prostatis, ce que
Théodoret a justement expliqué des soins de l'hospitalité.
Caïus, le saint, eut donc en partage ce touchant ministère,
et sa maison fut peut-être comme un portique de l'Église
romaine : qui sait, en effet, si ses hôtes, frappés de la grâce
et de la lumière de l'Évangile, n'échangèrent pas plus d'une
fois sa demeure pour les Catacombes où les pontifes chré-
tiens enseignaient et baptisaient ? Et le peuple hébreu tout
entier n'est-il point ce ministre de la sijnagogue de Nazareth
ou de Rome ? Sa destinée ne fut-elle pas de garder le livre
de la Révélation et de le transmettre un jour à l'Église,
pour qu'elle en lût le texte et en accomplît les mystères ? Un
rôle aussi considérable, une mission aussi providentielle l'ont
enchaîné au monde surnaturel, et nous autorisent à insister
(1) Descrizione, p. 13.
Il) Rom. XVI, 2,
296 LA THÉOLOGIE DES CATAGOAIBES.
sur les moindres traits de son histoii'e dans cette Théologie
des Catacombes % et si notre voix lui témoigne quelque sym-
pathie mêlée de tristesse, nous n'en rougissons pas, nous
souvenant que David pleurait la mort d'un rebelle : « Et la
« victoire se changea en deuil pour tout le peuple^ car le
'< peuple ouït dire en ce jour là : u Le roi pleure sur son
« lils (1) !»
VII.
Les fouilles de la Vigna Randanini ont amené la décou-
verte d'un édifice important où la pensée peut très-bien
réunir et replacer les membres de la hiérarchie judaïque,
considérer leurs œuvres, pénétrer leurs desseins et presque
surprendre un écho de leur langage. Nous voulons parler
de cette synagogue souterraine de pierre et de marbre qui
sert de vestibule aux galeries du cimetière.- Elle consiste en
une salle rectangulaire, pavée de mosaïques, divisée dans
sa longueur par un petit mur haut d'une palme et demie, et
revêtu de 'marbre blanc sur ses deux faces. La partie méri-
dionale se termine par deux absides arrondies (2) auxquelles
répondent du côté opposé (3) deux niches peintes en bleu
d'azur. Un atrium voisin contenait un puits destiné aux pu--
rifications que les Juifs avaient accoutumé de faire avant
d'entrer dans la maison de prière. Ce monument, qui fut
transformé en cuhiculum sépulcral au moins dès le troisième
siècle, doit remonter à une date fort ancienne et peut-être
est-ce là que se passa la grande et fameuse scène que nous
allons redire [k) .
(1) II Reg. XIX, 2.
"(•2) C'est là que les Pharisiens aimaient à se placer, comme le leur re-
proche le Sauveur (MatUi. xxiii, 6). Cf. Cimitero, p. 5 et suiv.
(3) La partie contigue à la double abside était réservée aux hommes,
et l'autre aux femmes, suivant Eusèbe et Philou.
(4) Àct. xxvui. La coutume de salut Paul était de réunir les Juifs dans
LA THÉOLOGJE DES CATACOMBES. 297
Trois jours après son arrivée à Rome, saint Paul convoqua
les premiers d'entre les Juifs. Ils s'assemblèrent en la syna-
gogue. Au centre des absides, le chef de la synagogue et le
gérusiarque étalaient leurs orgueilleux phylactères ; les
archontes les environnaient avec les docteurs et les scribes.
Des lampes marquées au chiffre de la synagogue brûlaient
de toutes parts (1). Le Prostates et un soldat romain paru-
rent et introduisirent l'Apôtre : les enfants destinés aux
charges et aux dignités, le contemplaient d'un regard sur-
pris et inquiet. Et il leur disait : « Seigneurs et frères ! in-
« nocent de toute faute contre le peuple ou la tradition des
« Pères, j'ai été enchaîné à Jérusalem, puis livré aux mains
« des Romains qui m' ayant fait subir un interrogatoire,
« voulurent me renvoyer parce qu'ils ne me trouvaient
« coupable d'aucuncrime capital. Mais les Juifs s'y opposant,
(( j'ai été forcé d'en appeler à César, non pas que je veuille
« accuser mon peuple près de lui. C'est donc pour cela
« que j'ai demandé de vous voir et de vous adresser la pa-
« rôle. Car c'est pour l'espérance dl'Israël que je suis lié
« de cette chaîne. » Mais eux lui dirent : « Pour nous, nous
« n'avons point reçu de lettres à ton sujet quand tu étais
(( en Judée, et aucun frère n'est venu nous prévenir ou
u parler mal contre toi. Or, nous jugeons à propos d'ap-
« prendre de toi ce que tu penses ; car nous savons de cette
(( secte qu'elle rencontre partout des contradictions. » Ils
lui fixèrent un jour pour l'entievue et comme beaucoup
refusaient d'embrasser la foi, ils discutaient entre eux, et
Paul rappela les oracles où l'endurcissement du peuple a
été prophétisé, et les Juifs quittèrent sa maison, divisés par
d'interminables disputes.
leurs synagogues, et le soin que saint Luc prend de marquer (v. 23) que
lors de leur deuxième entrevue avec l'Apôtre les Juifs se rendirent ad
eum in hospitium, montre que !a première s'était faite dans la syna-
gogue ; il y a donc une vraie probabilité dans notre hypothèse.
(I) Voirie dessin qu'en donne Ai-inghi, t. i, p. 397.
29S LA THÉOLOGIE DES CATACOMBES. I
A couj) sûr, la synagogue de la voie Appienne les a abri-
tées pendant de nombreuses années; et parmi les prières,
les repas sacrés dont plusieurs coupes imagées et symboli-
ques indiquent l'existence, parmi les commentaires subtils
et l'explication cabalistique des Écritures, elle a entendu
la profession de foi de ceux qui passaient au christianisme,
les anathètues de leurs ennemis, et les blasphèmes de la
foule contre l'Église catholique qui, à quelques pas de là,
grandissait dans les cimetières ensanglantés de Calixte et de
Prétextât. Un jour vint où cette Église sauva Israël des
colères de l'Occident, et les catacombes juives de la ruine
et de l'oubli.
VIII.
Lorsqu après d'incroyables fatigues dont le récit touche
au romanesque, Bosio découvrit, le 1^ décembre 1602, la
catacombe hébraïque de CoUerosato sur la voie Portuensis,
tout le monde se prit à nier obstinément que cet hypogée
eût été creusé et occupé par des Juifs : la nouvelle en était
si étrange et tellement inattendue qu'elle devait exciter
beaucoup de défiance. Mais l'illustre Bosio, Luc Holstein,
chanoine de la basilique Vaticane, et Aringhi réfutèrent
toutes les objections et surent contraindre leurs adversaires
au silence. En même temps, ils élevaient cette découverte
à la hauteur d'un événement religieux, et l'on peut voir
dans la Roma subterranea d' Aringhi (1) , les actions de grâces
qu'elle leur dictait envers la divine Providence. Car ils
établissaient dès lors sans réplique, que nos cimetières
chrétiens ne furent jamais profanés par la présence et la
sépulture des infidèles. Le doute, impossible en ce qui con-
(1) Tom. I, p. S90 et suiv.
LA THÉOLOGIE DES CATACOMBES. 299
cerne les païens (l), subsistait peut-être pour ce qui
regarde les Juifs, auxquels la loi défendait de brûler les
cadavres et prescrivait de les ensevelir dans des souterrains
éloignés des villes. Mais l'existence de cimetières spécia-
lement et exclusivement hébraïques, décidait la question en
vengeant l'honneur virginal de nos Catacombes.
Les mêmes contradictions ont accueilli, deux siècles et
demi plus tard, en 1860, les découvertes du R. P. Garrucci
et de M. Ignazio Randanini. Quelle en fut la cause secrète ?
Certes, ce ne fut pas seulement l'amour de la vérité, ou le
dévouement à la science ; et quoi qu'il en soit, l'autorité ridi-
cule d'un rabbin du Ghetto, ou de visiteurs peu versés dans
les antiquités grecques et judaïques (2), n'infirmera point
le témoignage évident des catacombes juives elles-mêmes.
Il n'est pas besoin de faire ressortir la force de cet argu-
ment : l'absence complète de symboles spécialement chré-
tiens ; les emblèmes figuratifs de l'ancienne loi répandus à
profusion sur les inscriptions et les sépultures ; le nom de la
synagogue, de ses chefs et de ses meiïibres ; des expressions
semblables à celle de bonne juive , en un mot toutes les
images, tous les textes que nous avons cités, nous obligent
d'attribuer cet hypogée, non pas aux chrétiens qui luttaient
sans cesse contre l'esprit judaïque ; non pas à des chrétiens
judaïsants qui eussent mêlé les traits caractéristiques de la
nouvelle alliance à ceux de l'Ancien Testament, non pas
aux sectateurs de la gnose, ennemis jurés du mosaïsme;
encore bien moins aux gentils et idolâtres, mais uniquement
à la synagogue judéo-romaine.
(1) Voyez sur ce sujet la solide cl savante démonstration de Mgr Ger-
bet {Esquisse de Rome chrétienne, t. i, p. 205 seqq.).
(2) M. Herzog, de l'Institut de France, s'est occupé, dans la fievwe dMr-
chéologie, du cimetière Randanini ; on peut voir, dans les ouvrages du
R. P. Garrucci, avec quelle légèreté, quelles distractions, quelle inexac-
titude, le docte académicien a procédé.
..300 LA THÉOLOGIE DES CATACOMBES.
Le résultat que Bosio se félicitait de recueillir des fouilles
de Coller osato est donc confirmé par celles de la Vigna Ran-
danini, et l'inviolable sainteté des cimetières de nos mar-
tyrs, devient l'un des théorèmes les plus certains delà
théologie des Catacombes.
iMais d'où vint aux juifs de Rome le dessein d'ouvrir des
catacombes? Leur est-il propre et les chrétiens furent-ils
leurs imitateurs, comme on l'a dit (1) ? Cette question mé-
rite l'attention des archéologues, et son caractère tout scien-
tifique nous interdirait de nous y arrêter, si sa solution
n'était une louange nouvelle à l'Église catholique (2).
Les Catacombes chrétiennes et judaïques sont tout d'abord
l'ensemble de galeries souterraines où les loculi et les arco-
solia se succèdent réguUèrement et horizontalement disposés
-dans les parois. Mais ce caractère, qui leur est commun, se
retrouve bien avant l'ère impériale dans le sépulcre des
Scipions (sur la voie Appienne), et spécialement dans les
hypogées des monts Falisques. Ainsi les premiers chrétiens
n'eurent pas à en demander l'idée aux Juifs : l'Éghse et la
synagogue l'empruntèrent immédiatement aux usages et
aux monuments de l'antique Italie.
- Les Catacombes chrétiennes et hébraïques se ressemblent
encore, lorsqu'en réservant à chaque cadavre une place
distincte, elles offrent cependant à tous, aux pauvres et aux
riches, aux faibles et aux puissants, un asile unique qu'ils
partagent en frères, un dormitorium où toutes les séparations,
même de famille, disparaissent; où le plébéien repose à côté
du consul, et l'esclave près du citoyen libre. Cette commu-
nauté de cimetière, cette promiscuité de sépultures qui ne
se confondent pas comme chez les Romains, cette institution
d'une signification si haute, d'un caractère si noble et si
(1) D' Spencer Northcote, Catacombes romain-^s, pp. 25 et 27.
(2) Nous adoploua celle que propose et défend le R. P. Garrucci.
LA TTll^lOror.lE DES nATACOMBES. 301
nouveau (1), est-elle un produit de l'esprit judaïque ou de
la charité chrétienne ?
« Il me semble, dit le R. P. Garrucci (2) , qu'avant l'ère
« chrétienne, les Juifs de Rome avaient accoutumé d'enter-
« rer leurs morts dans des cryptes ou souterrains, suivant
« leur usage national; il me semble aussi qu'on ne doit
« pas faire difiiculté d'admettre qu'ils se soient dès lors
« conformés à la coutume italienne de creuser plusieurs
)) rangs de loculi sur les parois de leurs catacombes. Mais
« quant à la promiscuité de sépultures, je ne trouve aucune
« raison de penser de même : je vois qu'au contraire, en
« Palestine, les sépulcres de famille étaient d'un usage
« général ; et l'on ne peut supposer que les synagogues ou
« sanhédrins chargés du gouvernement des Hébreux hors
« de la Palestine, aient introduit ici cette nouveauté con-
« traire aux traditions paternelles qu'ils gardaient avec tant
« de ténacité. D'où il suit qu'en ce point nous ne pouvons
« attribuer l'initiative aux cimetières juifs, et que le mérite
« d'en avoir conçu la première idée revient de droit à
« l'Église chrétienne. Cela paraîtra encore plus vrai si l'on
« remarque que les autres caractères des catacombes hé-
« braïques dérivent manifestement d'usages étrangers au
« peuple d'Israël. C'est une chose nouvelle chez les Juifs
« et inouïe en Palestine, que des inscriptions funèbres ; à
« plus forte raison c'est chose nouvelle pour eux que l'em-
« ploi des sarcophages ornés de bas-reliefs sur la face
« antérieure (ces monuments n'étant que d'invention ro-
« maine et à peu près du temps d'Adrien). D'ailleurs, on
« ne doit pas être surpris que les Juifs, ennemis déclarés
« de l'Eglise chrétienne, lui aient pourtant fait des em-
(1) La Palestine ne renferme que [des tombeaux de famille ou des
sépulcres isolés ; jamais un cimetière consacré à des juifs de familles et
de conditions diverses. On y connaît Varcosolium, mais non le loculuf.
Cf. Cimilero, p. 10 et suiv.
(2) Cimttero, p. 15.
302 LA THÉOLOGIE DES CATACOMBES.
« prunts : car nous savons que les idolâtres et les héréti-
« ques tentèrent de tromper par ce moyen ceux qui se
« convertissaient à l'Eglise, comme à l'unique réparatrice
« de l'humanité corrompue (1). »
Mais nos cœurs ne prévenaient-ils pas le jugement de la
science? Seule, l'Épouse du Christ a pu songer à réunir sur
son sein maternel tous les hommes jusque-là divisés, à les
nourrir du même lait et à les déposer tous ensemble en un
même berceau d'où ils s'éveilleront à l'appel du premier-né
d'entre les morts.
' IX.
Les rationalistes allemands insistent beaucoup sur les
rapports des monuments archéologiques avec la sainte
Ecritm'e, et sauf l'abus inévitable où les préjugés et le mé-
pris des vrais principes d'interprétation biblicjue les con-
duisent, leur méthode est précieuse et serait utilement
suivie par les savants catholiques. Aussi pensons-nous que
la théologie des Catacombes doit faire une large part à
l'exégèse sacrée, et mettre en lumière les points de contact
qu'elle aperçoit entre les cimetières hébraïques et le texte
inspiré. Nous avons pris ce soin dans les pages qui précè-
dent, et nous compléterons ici nos remarques en ajoutant
le dernier trait au tableau que nous avons entrepris d'es-
quisser.
La Bible est comme un des éléments de l'esprit judaïque,
une forme particulière" qui le détermine, un prisme surna-
turel à travers lequel il envisage le monde des idées ; et la
parole reflétant toujours les propriétés de la pensée, le lan-
gage de la synagogue est tout pénétré de réminiscences
(1) Nous espérons éclaircir ce fait important dans la seconde partie de
notre travail.
LA THÉOLOGIE DES CATACOMBES. 30S
bibliques. Tantôt ce sont des allusions plus ou moins claires
à quelque verset des saints Livres, comme les acclamations
funèbres que nous avons signalées et expliquées, ou comme
les titres et les éloges accordés aux morts. Ce sont encore
des formules consacrées par la littérature des prophètes :
enfin, de véritables citations qui se présentent sous forme
de sentences, comme dans cette épitaphe :
TO NOMir A....
MHMH AIRAIOu CuN
ENRiiMIiî
EN IPHiNH H KOIMHGIG COÏ (1)
La deuxième et la troisième ligne sont tirées du livre des
Proverbes, au chapitre X, v. 7, où on lit : « Memoria
« justi cum laudibus. » Citons une autre inscription juive,
tout analogue :
EN0AAE KEITE AMAXIC
O KAl nPIMOG MNHMH
AlKAIOr ..G EYAOriAN
or AAH0H TA ENRii
.lA EN IPHNH NH
KOIMHGIG GOr
« Ici repose Amachius, surnommé Primus. La mémoire
du juste est en bénédiction, et ses louanges sont vraies ; en
paix ton sommeil (2) !,.. »
Cette sentence est de la même source que la précédente,
et toutes deux se rapprochant beaucoup plus du texte hé-
braïque et de la version d'Aquila que de la traduction
des LXX, portent à croire que les Juifs de Rome se servaient
d'une version très-littérale. Cependant le texte scripturaire
(1) DesciHzione, p. 12.
(2) Nuove Epiyr., p. ]5.
3(>â LA THÉOLOGIE DES CATACOMBES.
dut être parfois modifié dans les inscriptions juives, ou
parce qu'on le reproduisait de mémoire, ou parce qu'un
motif puisé dans le système doctrinal l'exigeait ainsi (1).
Transcrivons en terminant une épitaphe qui rappelle la
langue du Nouveau Testament :
COCOTIA QVI E IV
DA FECIT FRATRIET
CONCRESCONIO ET
CONLABORONIO MEO
ABVNDANTiO QVl BI
XIT • ANN • XVIII BENE ME
RENTI IREN • CVBIS • AVT •
(( Cocotia, surnommé Juda, a fait (ce sépulcre) au bien
« méritant Abundantius; à mon frère, mon compagnon
« d'âge et de travail, qui vécut 18 ans. En paix ton som-
« meil (2) ! » Le R. P. (iarrucci met en parallèle avec ce
monument, une inscription chrétienne inédite qu'il a vue
dans le cimetière des SS. Pierre et Marcellin, et que P ri mus
dédia à Léontia CVM'LABORONE SVE, Les mots concresco-
nius, conlaboronius, conlaboronia étaieni inconnus jusqu'ici,
même des lexiques de la basse latinité.
Or, dans un récent et excellent article du R. P. H. Mertian,
directeur des Études religieuses , historiques et littéraires
publiées par les PP. Jésuites (3) , nous voyons signaler
comme une note spéciale de la grécité de saint Luc, l'usage
des verbes composés avec la préposition cuv. On peut en dire
autant des épitres de saint Paul, où les mots dans la forma-
tion desquels entre cum ou auv, sont fort nombreux. Ce
caractère original distingue toujours le style de l'Apôtre ;
(1) Par exemple, la distinction, même nominale, entre les justes de la
terre elles justes du ciel. V. plus haut § iv, l'épitaphe d'Eulychianus.
(2) Nuove Epigr., p. 9.
(3) Juillet-août 1803. Philologie des Actes des Apôtres, p. 774 etsuiv.
LA THÉOLOGIE DES CATACOMBES. 305
ainsi : concnplivus^ commilifo, coœtaneus, conqiiisitor , com-
particeps, concorporalis ; consrpelire, commori, conregnare^
condelectari, com/audere... et d'autres encore qui se trouvent
exclusivement ou plus souvent qu'ailleurs dans les écrits
de saint Paul. Cet usage particulier et cher aux écrivains
grecs du Nouveau Testament, se comprend très-bien quand
on le rapproche de notre inscription juive. Élevés à l'école
de la synagogue, ils y ont pris sa manière propre de parler
le grec, et adopté les idiotismes de son dialecte : l'accent
de leur voix accuse leur communauté d'origine et d'éduca-
tion avec la colonie hébraïque de Rome.
Quand Dieu eut donné la paix à l'Église persécutée, et
que le César Constantin eut confessé la divinité, la victoire,
le règne éternel du Christ, alors nos Catacombes chrétiennes
commencèrent à fleurir. Les basiliques du Vatican et de la
voie d'Ostie, du diacre Laurent et du glorieux martyr
Sébastien, de saint Etienne et de la bienheureuse Agnès,
s'élancèrent du sépulcre des martyrs et des vierges, parées
de leurs corps sanglants, comme d^une couronne de lys et
de roses ; et ces fleurs efïeuillées par la main pieuse des
pontifes allèrent embellir et parfumer Rome et le monde.
Or, il y eut en ce jour-là des catacombes qui se fermèrent
tristement. Elles n'entendirent point les hymnes du triom-
phe ; l'Évêque de Rome n'y parut pas, moissonnant les restes
sacrés de ses prédécesseurs et les recueillant dans un lin-
ceul de pourpre et d'or (1). Saint Jérôme n'y vint jamais
prier et rêver ; elles n'ont pas été le germe et la racine de
nobles basiliques, et pendant de longs siècles la trace même
en fut perdue.
Ah ! dans ces catacombes, nous n'avons rencontré ni le
nom, ni le souvenir symbolique du Christ qui est la vie, ni
(\) Il est conservé à lu basilique Valicane où il est exposé durant le
temps pascal, alors que l'Église célèbre le triorophe de sou Christ et da
BOû peuple.
Revde des sciences ecclesiast., t. u.— avril 1864. 20
300 LA THÉOLOGIE DES CATACOMBES.
le sang des martyrs (1) qui a fécondé nos cimetières; ni
l'image de la Vierge qui nous donna le Sauveur ; ni les
allégories merveilleuses du pain mystique, de l'eau qui ré-
génère, du paralytique guéri, de Lazare délivré des liens
de la mort. Et pourtant l'espérance, la lumière, la force.
Dieu, est dans ce nom, avec ce sang, sous ces images et ces
emblèmes ! Mais dans ces catacombes flétries nous avons
retrouvé un cadavre : la Synagogue ! Elle avait ouvert ces
galeries ainsi qu'une mine d'attaque contre l'Église, et elle
y demeure ensevelie parnai les ténèbres, jusqu'à ce que
l'Esprit divin souffle sur elle et lui inspire la vie de Jésus-
Christ.
On voit souvent aux abords d'une citadelle un rempart
que l'ennemi a élevé, des fossés qu'il a creusés dans les
guerres d'autrefois. Mais la cité y a dressé sa bannière, et
les ouvrages qui avaient préparé sa ruine, lui servent au-
jourd'hui de défense. 11 en est de même des catacombes
juives de Rome; nous avons va quelle haine du nom chré-
tien elles ont abritée dans leur sein : et maintenant la foi
chrétienne les possède, les domine, les emploie au service
de sa vérité et à la défense de ses dogmes.
L'abbé J. D.
(1) Voyez dans Aringbi (/oc. cil.) la fablo ridiciile desmarttjrs juif^s f«-
sevelis sur la voie d'Oslie.
ORIGINES DES EGLISES DE FRANCE.
APOSTOLAT DE SATNT RIEUL.
Deuxième et dernier article.
§111.
ARGUMENTS EN FAYEUR DE L ANCIENNE TRADITION.
I.
Prescription*.
Et d'abord^ avant que nous entrions directement danr,
cet examen, une question se présente naturellement à nous :
la prescription a-t-elle en histoire quelque valeur ?
11 est évident qu'on ne prescrit point contre la vérité. Un
fait existe ou n'existe pas, et une opinion fausse ne saurait
rien changer au passé. En ce sens, il n'y a pas de prescrip-
tion en histoire.
Mais, supposé que l'étude intrinsèque d'un événement ne
permette pas de déterminer d'une manière positive s'il
faut, ou non, lui donner place dans l'histoire, dans ce cas,
une croyance antérieure, longue et ancienne, ne serait-elle
pas un argument puissant qui devrait influencer un esprit
libre de toute prévention? Il nous semble qu'il est impossible
d'en douter.
308 ORIGINES DES ÉGLISES DE FRANCE.
Ainsi, dans l'hypothèse où des arguments péremptoires
ne nous permettraient point de prouver que saint Rieul est
venu au temps du pape saint Clément, la longue tradition
qui, du IX® au XVII^ siècle, a considéré ce Saint comme
disciple des apôtres, devrait, en présence de la faiblesse des
raisons qui lui sont opposées, conserver tous les droits que
lui donne la priorité. Cela est tellement vrai, que Launoy (1)
a senti qu'il devait présenter sa manière de voir comme an-
térieure à la tradition reçue. Pour lui, la nouveauté, c'est
ce qu'on croit depuis 825 : la vraie tradition, c'est son opi-
nion, qui régnait, pense-t-il, avant le concile de Paris. Mais
il faudrait établir ce point. On voit clairement, et de l'aveu
de tous, quelle croyance est admise communément du lX''au
XVII* siècle; mais on ne voit pas de même quelle fut celle
des siècles antérieurs. Que l'opinion de Launoy se soit trou-
vée alors en germe dans le texte erroné de saint Grégoire
de Tours, dans les Actes de saint Victoric, et dans ceux de
saint Quentin, s'ils remontent à cette époque, cela est clair;
mais qu'il y ait eu là une opinion établie et acceptée, c'est ce
qu'il est impossible d'accorder, en présence de textes non
moins nombreux et aussi positifs qui favorisent l'opinion
contraire.
Ainsi, en l'absence de preuves, nous croyons plus sage de
nous ranger avec huit siècles rapprochés des événements,
qu'avec deux siècles postérieurs.
Ces réflexions faites, nous examinons les titres de l'opi-
nion qui attribue à saint Rieul une plus haute antiquité.
II.
Anciennes Vies manuscrites de saint Rieul.
Elle sont au nombre de trois.
1° La première a été tirée par Bollandus d'un manuscrit
(1) Première lettre, Afforitj, 5720, X; et Gallia Chrisliana, &iiTpend.
col. 305.
APOSTOLAT DE SAINT RIELT.. 309
de Saint-Oiner. Il n'en fixe point l'âge, et se borne à la dire
plus ancienne que la seconde, attribuée par lui au X% et
peut-être au IX* siècle. Les Bénédictins auteurs de Y Histoire
littéraire (J), et Tillemont (2), déclarent qu'elle ne peut
être antérieure à la moitié du IX" siècle ; mais la raison
qu'ils gn donnent ne prouve rien. Elle n'est pas antérieure,
disent-ils, parce qu'elle partage les erreurs supposées à cette
époque par les Aréopagites. Or, comme l'aréopagitisme re-
monte certainement au-delà de cette époque (3) ; comme d'ail-
leurs c'est a peu près là le point en litige, cette réponse dé-
cide la question par la question. Nous devons regretter que
des érudits compétents n'aient pas déterminé l'âge de ce
manuscrit d'après l'écriture, et nous ne comprenons pas le
silence des critiques sur ce point.
Quoi qu'il en soit d'ailleurs de l'âge de cette Vie, elle en
suppose d'autres antérieures, et même très-anciennes, sur
lesquelles elle aurait été faite, comme le prouvent les deux
passages suivants : « L'athlète du Christ, Rieul, était sorti
d'une noble faniille de Grèce, comme nous le voyons par de
très-anciens documents et mémoires (A).» — « L'histoire et la
peinture nous le montrent doué d'une taille haute et bien pro-
portionnée (5). ))
Ainsi ce document en suppose d'autres antérieurs.
Il est d'ailleurs, malgré l'emphase et la redondance du
style, assez sobre de détails. On peut dire qu'il se borne à
développer les quatre points suivants : la mission de notre
apôtre avec saint Denys, par le pape saint Clément ; les
(l) Histoire litt&aire de la France, V, 628-9.
(•2) Mémoires pour servir à Vhistoire ecclésiastiquti des six premiers siè-
cles, t. IV, p. 192.
(3) Arbellot, page 143. — Noël Alexandre, Historia eccleiiastica, dissert.
in I sœculum,
[h] Ut antiqaissimis reperimus pittaciis et chariis... — Vita ex codice
ms. Audomarensi , n. I, Acta sanclorum, XXX Marlii.
(5) Scripturaque et pictura insinuante, corporis quantilate decenter com-
posUus... Scienter coltmus illum doctiloquum, — Ibicl, u. 3,
310 ORIGINES DES LGLISES DE FRANCE.
succès rapides obtenus par son zélé et par ses miracles ; son
voyage vers l'Église persécutée de Beauvais ; le miracle de
Rully. L'histoire n'est pas toujours conduite avec beaucoup
d'ordre. En lisant avec attention, on se trouve porté par le
style et par l'ordonnance des faits à y voir plutôt une sorte
d'éloge qu'une vie proprement dite. Le début pourrait faire
croire que c'est un extrait de quelque autre œuvre plus éten-
due : (( Donc le bienheureux et généreux athlète du Christ,
Rieul, sorti d'une noble famille de la Grèce, comme nous
le voyons dans de très-antiques documents et mémoires,
vint enfin k Rome, etc. (1). » L'auteur, absolument et de
tout point inconnu (2), considère l'apôtre du Beauvaisis
comme n'ayant pas eu le caractère épiscopal, opinion tou-
jours rejetée par l'Eglise de Beauvais. Il ne fait pas la moin-
dre allusion au passage de saint Rieul à Arles, et le pré-
sente même comme envoyé directement, par saint Denys,
de Paris à Senlis.
Voilà donc un document très-ancien, étranger à Senlis,
où il était inconnu, puisque Deshons, qui a étudié les deux
autres Vies, n'en a point parlé, d'accord pour le gros des
faits avec la tradition de notre pays, différant cependant
assez pour ne paraître pas s'en être directement inspiré : il
dépose très-explicitement de l'envoi de saint Rieul par le
pape saint Clément au I" siècle. Ce témoignage nous pa-
raît avoir sa valeur. En vain objecterait-on qu'ici est omise
une des circonstances principales de la vie de saint Rieul,
(Ij Beatissimus igitur egregiusque Christi athleta Regulus, ArgoUca de-
rivatus et exor tus nobihter prosapia , ut ùi antiquiisimis reperu/ius pittaciis
et chnrtis, largifluo divinœ gratiœ perfusus rore, Romani, oh accensum
cœlitus amorem apostolorum Pétri et Paiili, tandem adiit, socialus venera-
bilium collegarum Dionysii, Ru^tici, Eteuiherii el Eugenii ceterorumque
contuiernio. Ibid, n. 1.
(i) Le V* volume de l'Histoire littéraire, p. 61:8, porte que l'auteur se
donne comme un inconnu de Senlis. Il y a là saas doute confusion avec
l'une des autres Vies ; car il n'y a pas un mot de celle-ci qui fasse allu-
sion soit à la personne, soit à rorigine de l'écrivain.
APOSTOLAT DE SAI\T UILIL. 311
telle qu'on la lisait à Senlis : l'épiscopat d'Arles. N'oublions
pas que peut-être nous n'avons là qu'un extrait d'une œuvre
plus générale ; que l'auteur n'écrit pas une vie détaillée ;
que sans doute il était étranger ; qu'en lui nous trouvons une
preuve que la prétendue tradition du Beighnn, sur les douze
missionnaires du III^ siècle, ne régnait pas seule dans le
Nord; qu'enfin, si c'était volontairement qu'il eût omis
l'épiscopat d'Arles, l'indépendance de ses idées sur ce point
prouverait qu'il n'était pas préoccupé de se conformer aux
opinions régnantes, et donnerait d'autant plus de poids à son
témoignage sur l'époque de la mission de son héros.
2" La deuxième Vie, donnée aussi par les Bollandistes, a
été tirée par eux de différents manuscrits trouvés au mona-
stère de Saint-Germain-des-Prés de Paris (1) ; à Senlis ;
chez les Chanoines Réguliers de Rougeval, près Bruxelles;
au monastère de Longpont; dans une collection des Vies des
Saints préparée par Louvet, l'historien de Beauvais; chez
les Célestins âeSoissons; à Saint-Sauveur d'Utrechl. Ils au-
raient pu en trouver un de plus à Châlis (2) . De ces manus-
crits, quelques-uns s'arrêtent à la mort de saint Rieul ; d'au-
tres après l'ouverture de son tombeau sous Clovis; les plus
longs racontent en outre différents miracles, et la guérison de
Judith, fille de Gharles-le-Chauve. Ils ont été reproduits ou
analysés par Guidon, abbé deSaint-Denys (3), Vincent de
Beauvais, Ribadeneira, et autres.
Cette Vie, d'après les Bollandistes, serait du XP ou du
X'' siècle, et d'après l'Histoire littéraire, du X" ou de la fin
du IX" siècle. Ici, en effet, cette date est la plus reculée
qu'on puisse admettre, puisqu'àla fin de la Vie se trouve
relatée, comme nous venons de le dire, une guérison ob-
tenue par Judith, fille de Charles-le-Chauve : à moins qu'on
(1) Affortij, p. 1910, IV, 131.
(i) AfforUj 1287, 111, 138.
(3) A/fortij 1956, IV, 227.
312 0"RirTlNES DES ÉGLISES DE rRA>XE.
neveuille supposer que la seconde partie ait été ajoutée après
coup. L'auteur est également inconnu. On pense que ce
doit être quelque Senlisien qui aura écrit après l'incendie
de l'église de Saint- Rieul (1) , sur des manuscrits arrachés
au feu, ou des renseignements recueillis ailleurs. Il déplore,
en effet, la perte de documents nombreux : « Nous appre-
nons, dit-il, par la relation des fidèles, que la prévoyance de
nos ancêtres avait, pour l'édification de la postérité, confié à
des livres divins beaucoup de détails sur le saint confesseur
du Christ (Rieul) ; mais, par la néghgence des gardiens, et
pour punir les fautes des habitants, un accident déplorable
et soudain, un violent incendie a consumé son église, d'une
si jolie structure, et avec elle tout le mobilier... Notre
humble récit a donc dû omettre des témoignages insignes
de sa puissance (2). » Et plus loin il invoque encore d'autres
documents : « Nous croyons devoir ajouter à notre œuvre
un autre fait du même genre dont la prévoyance de nos an-
cêtres nous a laissé le récit, etc. (3). » — « Il en est un
autre que la dévotion de nos pères a laissé à la connaissance
de leur postérité... (4). »
Le récit est ici plus régulièrement conduit ; il se divise
en deux parties : dans la première est la vie du saint, dans
la seconde l'histoire des miracles obtenus par lui. C'est na-
(1 Jauliiay, Histoire des Évêques, p. 373. — Graves, p. 130.
(2) Sicut enim fidelium relatione priscornui devotoruni studio Deum
timentium suscepimus, quamplura hujus conf'esiori^ Christi Reguli ob poste-
rorum œdificationem tua forum so'ertia divinis ind-dit libris, quœ post
custoduin negligentia, inhabitanliumque maxime peccidii promerentibus,
cuin ipsa S'dis honesto: compositio^v's ecclesia, omnique ipsim supellectîli,
infelici et tvpentino casu ignis vorax comumpiit... Quod ergo de innti
Prœsulis laudibus dœmonis invida incensio deniperat. sanctarimi fides
mentiitm spiriiali calamo ejus sancfii prœconiis restituai ; quia antiquio-
ntm virlutum suarum insignia nostrœ relut io parcitutis jam dicto prce-
valente casu prœteriif, etc. Gap. Ill, u. 20.
i'3j Quodda n prœcedenti pêne simile, mojorum solertia scriptis derelic-
tum, noslro addendum operi œqutan duximus. Cap. V, n. 26.
(4) Aliud siquidem post hoc miraculum antiquorum devotio posterorum
notiticB dereliquxt... n. 20,
APOSTOLAT DE SAINT RIEUL. 313
turellenient dans la première partie que se trouve raconté
l'envoi dans les Gaules, au P"" siècle, de la mission con-
duite par saint Denys, le passage des apôtres à Arles, et le
premier établissement de saint Rieul dans cette ville, jus-
qu'au moment où, apprenant le martyre de saint Denys, il
confie son siège à Félicissime, se dii'ige vers Paris, travaille
quelque temps à fortifier cette Eglise persécutée, et enfin
arrive aux lieux qui doivent être définitivement le théâtre de
son zèle.
Ainsi, plus détaillée que la précédente sur une foule de
points, cette Vie est parfaitement d'accord avec elle sur le
temps de la prédication de saint Rieul. C'est bien le pape
saint Clément qui envoie les missionnaires. Saint Rieul est
à Paris au moment où l'on apprend la mort de Domitien,
assassiné l'an 96 (1).
Quelques exagérations déparent le récit. Les miracles
qui y trouvent place ont été un des principaux motifs qui
l'ont rendu suspect à quelques-uns. Mais, quoi qu'il en soit
de chacun de ces miracles en particulier, il faut se rappeler
pour l'ensemble que la ti-adition locale était tellement fixée
sur ce point, qu'on avait établi deux fêtes des miracles de
saint Rieul (2) ; et enfin, dans l'hypothèse n^ême où l'histo-
rien eût été, sous ce rapport, trop crédule, on n'en saurait
conclure qu'il n'est pas digne de foi lorsqu'il témoigne de
ce que l'on pensait à son époque, ou de ce qu'il trouvait
écrit sur la date de l'apostolat de notre Saint.
3" Une troisième Vie .a été tirée d'un manuscrit d'Arles,
où elle se trouvait réunie à celles de saint Trophime, de
saint Honorât, de saint Hilaire, de saint Césaire et de Vir-
il) Gap. I, n. 5.
(2) 7 février et ] 5 juillet. — VJI Idus Fehruarii. Hue die fiunt novem
lediones de Mirarulis B, Reguli, cum oratione propria ; cœtern omnia de
comm. Conf. — Mus Julii. Hue die fiunt novem lect. de MiraeuUs B. Re-
guli, cum oratione propria ; cœtern omnia de comm. Conf. — Ancien né-
crologe de saint Rieul. Affort'j. 1921, IV, 192.
Mh ORIGINES DES ÉGLISES DE FRANCE.
gile. Une copie en fut donnée par Pierre de Saxi au cha-
noine Deslions. Celui-ci en fit présent au chapitre de
Saint-Rieul, et il résulte de son récit que cette Vie était
alors inconnue à Senlis. Plus tard, il la retrouva dans
un vieux légendier de la ville, où manquait la fin, et dans
un autre manuscrit de Saint-Arnould de Crépy. Elle fut
éditée par Jaulnay (1). Les BoUandistes, n'ayant connu
cette Vie que par riinprimé très-défectueux de Jaulnay, et
considérant qu'elle ne donne pas d'autres faits que la précé-
dente, dont elle leur semblait une amplification, ne l'ont
point admise dans leur collection. Deslions, qui l'avait pro-
duite dans les premiers temps de son arrivée à Senlis, en a
fait plus tard une critique impitoyable et qui manque cer-
tainement de calme : cette critique a été introduite dans
le Galtia Christiana àes Bénédictins de Saint-Maur, dont l'ar-
ticle Senlis a été rédigé d'après ses notes, communiquées
par Afforty.
Les BoUandistes semblent regarder cette Vie comme pos-
térieure aux précédentes. Deslions, au contraire, suppose
que c'est par honte de ses défauts qu'on aura composé la
seconde, afin d'en former les leçons des trois nocturnes de
l'office de saint,Rieul 2). Il avait jugé le manuscrit d'Arles
assez antique (3) , satis antiqui. M. Faillon {h) nous a appris
la date, il ne dit pas de la Vie, mais du manuscrit, en re-
marquant qu'à la fin se trouvaient les noms des évêques
d'Arles; que tous ces noms, jusqu'à, celui de Raymond de
Bolène, sacré en 1163, sont tous peints du même caractère
et de la même main que le manuscrit, tandis qu'à partir de
(1) C'est par erreur que M. Faillon [Monumenls inédits, 11, col. 361)
attribue cette publication àDeslions. DeBlions lui-iuême daus sa cr.tique
[Gailia Christiana, X, Instr. p. 511), renvoie à la brochure de Jauluay.
(4) Âfforty, folio 5713, X.
(3) i6irf. 5712.
;'4) Monuments inédits, II, col. 359.
APOSTOLAT DE SAINT RIKLL. 315
Raymond, chacun des autres noms accuse une main difFé-
rente. Quant au récit lui-même, il se prétend d'une belle
antiquité, car en tête il porte ce qui suit:
« Commencement de la Vie ou des Actes du bienheureux
Rieul, évêque, et confesseur du Christ, dont la fête se cé-
lèbre le 23 avril. Le vénérable et chéri du ciel Célestin, ori-
ginaire de la province d'Hibernie, inspiré par la clémence
divine, s'est efforcé de la dicter, pour obéir aux ordres du
très-glorieux roi Clovis, qui, ayant reçu le baptême à la
prédication des saints confesseurs Rémi et Vaast, s'est con-
verti fidèlement au service de Dieu. Le roi ayant conçu le
désir d'obtenir quelque chose des reliques de saint Rieul,
trouva, par une révélation divine, sa vie gravée en deux
pierres sur son tombeau, et voulut qu'elle fût portée à la
connaissance de tous(l) . »
Deslions s'est laborieusement et longuement moqué de
ces prétentions à l'ancienneté et des défauts d'une rédaction
souvent inintelhgible.
Nous lui concédons tout ce qu'il voudra sur le mérite
littéraire de l'œuvre, et, sans même plus en défendre l'ori-
gine, nous nous contentons de remanfuer que, de quelque
date qu'elle soit, cette Vie est comme les deux autres très-
explicite sur la mission de saint Rieul, qu'elle attribue aussi
au pape saint Clément.
Ainsi toutes les sources traitant directement de saint
{\) Inripit Vita vel Actus Bealissimi Reguli episcopi et confe^isoris
Chrixti, quœ celebraiiir IX cal. niaii, quam veneroôilis Dominrxjue amabilis
Cœlestinns ex nobili Hiherniarum provincia exortm, divina inspirante cle-
mentia, spiritulitev dictare cunatu'i est, oh g/oriosissimi régis jussionem
C/odovœ>, gui snnctorum confessorum Christi Remigii et Vedasti exhorta'
iiotie piaque prœdicotione baptizrdus et ad fidèle servitium est conversus ;
ille enim cum denderio fuisset excitatus aliquod part'culntim de prcefati
sanctissiini Confessoris reliquiij accipere. Domino révélante, super sarcopha-
gum ejus duabus tabulis Inptdeisvifam ejus inscriptam invenit, et ad agni-
tionem omnium diffamari prœccpit. — Recueil pour la défense de M.
Jaulnay. — Gallia ChristianayX. app. p. 512,
316 ORIGINES DES ÉGLISES DE FRANGE.
Rieul, et qui ont fourni aux Vincent de Beauvais, Guidon
de Saint-Denys, Ribadeneira, Giry et autres, les données
de leurs histoires, sont unanimes sur ce point.
I
m.
Un Texte de saint Ambroise.
Le témoignage des trois Vies se trouve appuyé par un
texte de saint Ambroise, antérieur à 397. Voici ce qu'écrivait
le saint évêque de Milan dans son traité de Virginibiis, livre
III, chapitre III, n" ih (1) :
« Tout le monde raconte qu'un jour, comme les cris d'un
grand nombre de grenouilles étourdissaient les oreilles d'une
religieuse population, le ministre de Dieu leur commanda
de se taire et de respecter la parole sainte. Alors, tout à
coup, et de tous côtés, cessa le bruit. Les marais se taisent
donc, et les hommes ne se tairont pas ! Un animal sans rai-
son reconnaît par son respect ce qu'il ignore naturellement,
et telle est l'immodestie des hommes, que la plupart n'ac-
cordent pas à la religion et à leur âme ce qu'ils accordent
aux jouissances de l'ouïe! »
Il y a là une allusion manifeste au miracle par lequel saint
Rieul confirma la foi des habitants de Rully. Car, bien que
saint Ambroise ne nomme ni l'auteur, ni le lieu du prodige
qu'il rappelle, comme il n'existe aucun autre Saint auquel
soit attribué le même fait, comme d'ailleurs il n'est pas
étonnant que saint Ambroise, élevé dans notre Nord, où sou
(1) Freqiiens sermo est, cum plurirna ranarum murmura reliyiosœ au-
ribus plebis obstreperent, sacerdotem Dei prcecepisse ut conticescerent ac
reverentiam sacrœ déferrent orationi ; tune subito circumfusos stretipus
quievisse. Silent igitur paludes, hommes non siiebu?itl Et irrationabile
animal per reverentiam recognoscit quod per naturam ignorât ; hominum
trtnta est ioimodestia ut plerique déferre ncsciant nienHum religioni quod
d'ferunt aurium voluptati !
APOSTOLAT DE SAINT RIEUL. 317
père était préfet, en ait connu les traditions populaires,
nous ne pouvons nous empêcher de voir dans son texte la
plus antique rédaction du fait conservé dans les souvenirs
du pays et raconté unanimement par les trois Vies. Cette
confirmation anticipée, donnée plusieurs siècles à l'avance,
à une telle distance et par une telle bouche, à un des récits
communs de nos Actes, et à celui qu'on serait le plus tenté
de regarder comme légendaire, témoigne en faveur de la
conformité de ces Actes avec la tradition. Ce texte leur
prête donc l'appui de son autorité, et nous dispose à accepter
leur témoignage. Sans doute il n'y a rien dans l'allusion de
saint Ambi'oise qui permette de conjecturer directement la
date du prodige. Mais, parce que ses paroles servent de
contrôle à la vérité d'une des pages de ces documents an-
tiques, elles disposent à accepter pour ce prodige l'époque
que nos manuscrits sont unanimes à fixer. Il n'y a pas là
une preuve, mais il y a une présomption favorable.
Quoi qu'il en soit d'ailleurs de ce texte de saint Ambroise,
l'enseignement des trois légendes est^^ encore appuyé de
l'accord existant entre les liturgies anciennes de Senlis,
d'Arles et de l'abbaye de Saint-Denys.
IV.
Les Liturgies de Senlis, d'Arles, de Saint-Denys.
A Senlis, même encore du temps de Deslions, on lisait
tout au long, aux leçons des matines, la seconde des Vies
dont nous avons parlé (1). Plusieurs autres parties de
l'office indiquaient clairement qu'on croyait venu au I" siècle
l'apôtre du pays. Ainsi la prose le faisait disciple de saint
(1) Affbrty, p. 5713, X.
318 ORIGLXES DES ÉGLISES DE FRANCE.
JeaD, compagnon de saint Denys, évêque d'Arles (1);
l'hymne des vêpres marquait très nettement qu'il reçut sa
mission de saint Clément (2). Les leçons d'un ancien bré-
viaire de Senlis, citées par Doublet, Histoire de l'abbage de
Saint-Denys, 1625, in-Zi",page 62, n'étaient pas moins expli-
cites sur ce point.
Le même auteur nous a conservé les leçons de l'ancienne
égli se archiépiscopale d'Arles. Elles ressemblaient com-
plètement à celles de Senlis, et portaient aussi que saint
Rieul fut avec saint Derys et ses ccmpagnons destiné par
saint Clément à porter l'Evangile dans les Gaules. Les
légendaires et bréviaires manuscrits de l'abbaye royale de
Saint-Denys présentaient une rédaction presque identique à
celle des bréviaires d'Arles et de Senlis, et sur un des vi-
traux de la célèbre abbaye était représentée l'apparition
miraculeuse qui fit connaître à saint Rieul le martyre de
(1) Hic Cït il!c Regulus,
Cui dédit Discipulus
Fidei primordia.
Romam, caput urbium,
Quœreus Dionysium,
A Myceua venerat.
Cum quo \e\ cum cseleri?,
Sociu>î itiueris,
Arelatam properat.
Ubi pastor residens
Signum videt evideus
De sanctorum gloria.
Jaulnay, le Parfaicl Prélat, p. 128.
(2) Pétri successor clara mente Clemeus
Hune velut Dei anpjolum suscepit,
Gralias Ghristo ofîerens devotas
Poplite curvo.
Ciim cœtu stalini Patruni beatorum
Ad Galliaruni liorrida îpineta
,Ritu j^enlili quEE niinis infecta)
Miserat illnra.... Jbid, p. 130.
APOSTOLAT ni: SAINT RIEUL. 310
l'apôtre de Paris (1), détail qui, par son accord avec les
leçons du bréviaire, confirmait leur assertion sur l'époque
du Saint.
Ainsi, sur la question qui nous occupe, les anciennes
liturgies rendaient le uiême témoignage que les Vies de saint
Rieul.
V.
Diptyquc$ iV Arles.
Mais ce n'était pas seulement par l'ancien bréviaire d'Arles,
que se trouvait confirmée la tradition de Senlis, elle l'était
aussi par les diptyques de cette illustre Église. Ces dip-
tyques, soit ceux qu'a édités MabilJon, soit ceux qu'on trouve
à la suite du recueil de Vies de Saints de l'Église d'Arles, et
qui furent peints à la fin du XII® siècle, s'accordent à mettre
saint Rieul parmi les évêques d'Arles, et à la suite de saint
(1) La légende rapporte que, le jour même du martyre de Saint-Denys et
de ses compagnons, il éclia^ipa à saint Rieul, qui célébrait la messe à
Arles, de joindre inopinément leur nom à celui des martyrs dont l'É-
glise fait mémoire au canon. Etonné de cette méprise singulière, saint
Rieul en chercLail l'explication, quand lui apparurent trois colombes
posées sur la croix de l'autel, et portant les noms des trois martyrs de
Paris. 11 conclut que c'était un avertissement du ciel, et c'est alors qu'il
prit Je parti de quillt-r Arles pour venir fortifier l'Église persécutée de
Paris, et puis fonder celle de Senlis. — Le même prodige va être de
nouveau reproduit à Notre-Dame de Senlis. Un habile peintre sur verre,
t rès-connu par ses œuvres et ses critiques d'art religieux, M. Claudius
Lavergne, vient de composer pour cette cathédrale un vitrail dont les
neuf médaillons résumeront l'histoire de Saint Rieul. I^'artisle chrétien se
range pleinement du côté de la tradition, car il a pris les sujets suivants :
Ordination par saint Jean ; — Mission donnée par saint Clément à saint
Denys, à saint Rieul, etc.; — L'idole de Mercure renversée à Arles ; —
La messe miraculeuse ; — La visite au tombeau de saint Denys ; — L'en-
trée à Senlis;— Construction de l'église ;— Miracle de UuUy ;— Couronne-
ment du Saint. — Tous ceux qui ont vu les cartons do cette nouvelle com-
position s'accordent à^la placer encore au dessus de son aiuée, l'histoire
de saint F-ouis, qu'on regardait déjà comme un chef-d'œuvre.
320 ORIGINES DLS ÉGLISKS DE FRANCE.
Trophime. Or, puisqu'il est constant, par une lettre de saint
Gyprien (1), que vers 250 l'évêque d'Arles était un héré-
tique nommé Marcien, dont on demandait la déposition au
pape saint Etienne, il faut nécessairement que le premier et
le second évèques d'Arles, saint Trophime et saint Pxieul,
aient été bien antérieurs au milieu du III* siècle.
C'est donc un fait clair et constant qu'il y avait sur cette
question d'histoire uniformité de croyances entre les deux
Églises d'Arles et de Senlis.
Sans doute la science des XVII* et XVIIP siècles a voulu
rompre cet accord, et accumuler les nuages devant ce point
lumineux. On a argué d'un procès entre les deux Eglises,
relativement aux reliques de saint Rieiil, pour conclure qu'il
pouvait y avoir eu deux saints de ce nom. Mais il est étonnant
qu'une pareille supposition, si facilement admise parla cri-
tique janséniste, ne soit pas même venue à l'idée de ceux
qui étaient intéressés dans la question. Nous regrettons de
n'avoir pu jusqu'à présent rien retrouver de ce procès. Til-
lemont et Baillet se sont prononcés pour la séparation des
deux saints, entraînant après eux les auteurs du nouveau
Gallia Christiana. Ceux-ci, en effet, dans l'histoire du dio-
cèse d'Arles, ne reconnaissaient qu'un saint Rieul; plus
tard, dans leur étude sur celui de Senlis, ils acceptèrent la
séparation: mais dans cette question ils paraissent, et ils
l'avouent même, avoir moins recherché et travaillé person-
nellement, qu'accepté des notes toutes faites. La preuve en
est que se moquant, eux aussi, et évidemment d'après Des-
lions, de l'œuvre de Jaulnay, ils disent que c'est en 16/i8
que son livre parut et excita la risée des contemporains,
comme s'ils ignoraient que la première édition parut en
1642, et que la lutte à laquelle ils font allusion et que nous
avons rappelée, avait éclaté bien avant la réimpression de
(1) Epist. 68 ad Siephanum.
APOSTOLAT DE SAINT RIEUL. 321
1648. Quant à Tillemont et à Baillet, nous avons voulu sa-
voir quelles raisons avaient pu décider ces auteurs de re-
nom. En les lisant, nous avons été étonné qu'on ait osé
invoquer sur ce point leur autorité. « On aura sans doute
confondu ensemble deux saints du même nom (1). »
Voilà toutes les raisons de Tillemont : pas un mot de plus.
Pour ce qui est de Baillet, lui qui affectait de n'admettre
rien que de très-prouvé, fabrique à son tour, ici comme
ailleurs, des hypothèses. Voici ce qu'il dit : « Il est moins
aisé de le croire (que le même saint ait été évêque d'Arles
et de Senlis) , que de se persuader que ce seraient deux saints-
qu'un même nom aurait fait confondre, ou que notre saint
aurait été citoyen d'Arles avant sa conversion (pure hypo-
thèse!). Car ceux qui cherchent de la vraisemblance dans
ces Actes supposent, — il ne cache pas son procédé, —
supposent que quand les sept évêques missionnaires vinrent
de Rome dans les Gaules, avant le milieu du III* siècle, ils
s'arrêtèrent à Arles, où saint Trophime, l'un d'eux, fut éta-
bli évêque; que saint Rieul y fut con-verti (pure hypothèse
encore que rien absolument n'autorise!) puis ordonné évê-
que, etc. (2). » Tout le passage est un échantillon parfait
de la méthode de Baillet : accumuler les doutes autour d'une
question; ajouter de son fonds quelques hypothèses inad-
missibles aux difficultés, réelles ou non, déjà soulevées, et
puis conclure... qu'il est impossible de conclure, non tou-
tefois sans insinuer, ou du moins laisser penser, quele mieux
sera de ne rien croire du tout! Mais ce passage ne nous
donne réellement pas une seule raison qui combatte l'identité
des deux saint Rieul. Il n'y en a pas davantage dans l'arti-
cle de Godescard, fait à l'imitation du précédent (3). Nous
(1) Tillemont, Mémoires pour servir à l'histoire ecclésiastique des six
prei/iiers sièc/es, ioiae IV, note XIII, sur saint Denys de Paris ;pa{»e 75 de
l'édilion ia 4» de Bruxelles, 1732.
(2) Baillet, Vies des Suints, au 30 mars.
(3) Vies des SaitUs, au 30 mars.
Revue des sciences eccLÉsusTiQuriS, t, ix. âl
32*2 ORIGINES DES tGLISES DE FRANCE.
ne vayons\lonc nullement qu'il faille renoncer à l'antique
croyance des deux Eglises. Si l'on veut que nous la rejetions,
nous demandons des raisons positives. En l'absence de rai-
sons et de preuves, nous nousemparons de l'aveu que l'his-
toire arrache à Baillet : «S'il avait été véritablement évêque
de cette ville (Arles) , avant que de passer à Senlis, et s'il
avait succédé immédiatement à saint Trophime, on serait
obligé de le placer avant le milieu du III^ siècle. « Seulement
de cet aveu nous tirons plus encore que ne voudrait l'auteur.
Car, pour lui, forcé par l'évidence à placer saint Trophime
avant la date donnée par saint Grégoire de Tours, et tenant
toutefois à ne pas abandonner le fameux texte de cet histo-r
rien, il suppose, — c'est toujours le même procédé (1), —
que saint Trophime sera venu seulement quelque peu avant
la moitié du IIP siècle. Mais pour notre époque, il n'y a
plus de doute possiljle; saint Trophime est très-certaine-
ment du I" siècle, et fut envoyé par saint Pierre; donc saint
Rieul, successeur de Trophime, est aussi de la fin de ce
siècle, ou tout au plus tard des premières années du suivant.
Tel est, jusqu'à preuve du contraire, ce qui nous semble
la vérité.
Nous ne pouvions songer, dans ce premier travail et en
l'absence de sources importantes, à faire une démonstration
définitive. Qu'il nous suffise actuellement d'avoir montré
que l'esprit de parti, ou, si l'on veut, la précipitation et
l'absence de critique, ont eu plus de part que la vérité au
changement survenu dans l'opinion; et que l'antique tra-
dition était pour le juoins aussi fondée que la croyance qui
prétend s'appuyer sur le texte boiteux de saint Grégoire de
Tours.
L'abbé H. Bloxd.
(1) Au 30 luari.
LA BIBLE
KT LA SCIENCE DE LA NATURE.
BiBEL UND NATUR. Vorlesuugen ûber dio mosaiche Urgesclucbte und
ihr Verhaeltniss zu deu Ergebnissen der Nahirforichung. Von D^ F.
H. Reusch. Freiburg, Herder, 18G-i,— Cosmogonia natukale comparata
col Gcneai, del P. G. B. PiANcrANi, D. G. D. G. Ronia, coi tipi délia
Civillà catlolica, 1862. — Etudes géologiques, philologiques et scrip-
lurales sur la Cosmogouio de Moïse, par le P. Laukent, prov. des
FF. Min. Capucins". Paris. Mme veuve Poussielgue-Rusand, 1803.
(.'inqu6m' et ilernier article
v[n.
Nous avons expliqué avec un certain détail le récit de
la création, parce que la partie exégétique nous a satisfait
moins que le reste, dans les livres que le lecteur fiançais
peut avoir communément à sa disposition. Pour ne pas
prolonger cette étude au-delà des limites raisonnables,
nous allons jeter un simple coup d'œil sur les résultats de
la scieiice profane, généralement d'après les auteurs cités
en tête de cet article (1), et nous les comparerons avec les
d' On pourra consulter également avec fruit la Cosmogonie île la Bible
devant les sciences j.erfaclionnéts, par M. l'abbé Soriguet (Paris, 1S54), où
l'bisloire el la crili(iue des systèmes géologiques esl faite d'une manière
très-déiailiée. Nous citerons encore un opuscule qui a pour auteur un an-
cien magistral, M. Grevin [Une nouveheelv.de sur le chapdru preniicr de la
Genèse, Paris 1859). Ce travail, conçu à un point de vue tout différent
do celui qui précède (il admet les jours-époques, re jetés par M. Soriguet),
ce travail, dis-jo, contient de très-bonnes observai ions. Il a le tort, selon
nous, de vouloir trop prouver, en clierchaut dans la Genèse les théorie»
de la science modiruc.
3:>^ L\ BIBLE
donnces de la Bible. Cela suffira pour notre but. Ceux qui
voiidroiil aller plus avant dans l'examen des questions
pourront recourir aux livres spéciaux.
Le fait primordial de la création, nous l'avons fait re-
marquer déjà, est placé en dehors de toute expérience et,
par conséquent, il n'est point du ressort des sciences expé-
rimen laies ,1;. C'est un fait attesté par riiistoire la plus
ancienne et la plus autorisée, non moins que par les don-
nées les plus incontestables de la philosophie et de la théo-
logie. Les autres sciences, comme telles, n'ont point a s'en
occuper. En se renfermant dans leurs procédés et leur mé-
thode, il est impossible qu'elles arrivent a le contredire.
Elles n'y arriveront que par la discussion philosophique et
théologiqne, ou plutôt par des hypothèses sans base, comme
celle qui a été ressuscitée par M. Darwin, et dont l'illustre
secrétaire-de l'Académie des sciences a fait une si bonne et
si prompte justice (2). Après avoir établi le caractère tixe
des espèces par des arguments péremptoires, établis sur des
expériences décisives, il aborde la question de leur ori-
gine, rs'os lecleurs nous sauront gré de leur ciier ce passage
où ils verront comment la science, la science vraie, et non
la science de fantaisie et d'hypothèses, trouve dans le
livre de la nature Vin principio creavit de la Genèse.
« Je l'ai déjà dit, pour les" êtres organisés, il n'y a que
deux origines possibles: la génération spontanée ou la main
de Dieu.
« La génération spontanée! mais comment l'admettre ?
Tout la repousse.
« Ce n'est que dans les siècles de la plus affreuse igno-
rance qu'on a pu l'admettre pour les animaux supérieurs,
pour l'homme. Aristote ne l'a jamais admise qu'à son corps
(1) V. t. VIII de celte Revue, p. 202 s.
{i.) Ex'imen du livre do M. Darwin ù'ur l'orif/ine des espèces, par P.
Floui-Piis. Paris, 1864.
ET I.A SGlENCi: DE I.A NATUUE. 325
défendant, même pour les animaux inférieurs, même pour
les insectes.
« Il reconnaît que la plupart vies insectes : les araignées,
les sauterelles, les criquets, les cigales, les scorpions, etc.,
naissent d'un œuf et viennent de parents de la même espèce.
C'est qu'il avait étudié la génération de ceux-là. Pour les
autres, l'observation lui manque, et ici ce n'est que par
l'observation seule qu'on arrive a la vérité.
« La question de h génération spontanée e^îl une ques-
tion expérimentale, et ce n'est que lorsqu'on a su faire des
expériences, que les tentatives l\iites pour la résoudre ont
en une valeur réelle.
(( Redi a commencé. Le XVII* siècle n'a rien, en ce
genre, de plus beau que les admirables expériences de Uedi
sur la génération des insectes. Personne n'ose dire, de-
puis Redi, que les insectes viennent de génération spon-
tanée (1).
« On le disait encore, il y a quelques années, des vers
parasites ; depuis M. Van Beneden,- on ne le dit plus ;2}.
« On le disait, il y a quelques jours a peine, des infu-
soires; depuis M. Balbiani, on ne le dit plus 3).
« On ne le dit plus du tout, et pour aucun animal, de«
puis M. Pasteur.
« M. Pasteur a vidé la question.
« En effet, d'oîi les animalcules, prétendu [>roduit de la
génération spontanée^ peuvent-ils venir?
« De l'air? Mais, de l'air pur, on ne tire rien. Des li-
queurs putrescibles qu'on y expose? Mais et c'est la l'expé-
rience propre de M. Pasteur M. Pasteur a prouvé « qu'il
« est toujours possible de prélever, en un lieu déterminé,
1) lisperienze inlorno alla genermione degl'insetti. 1068.
(?) Du Mode et du développimunt dc'i vers intestinaux et de leur trans-
mission d'un animal à l'autre. 1853.
'3} htémoire sur les phénomènes sexuels des infusoires. 18tj2.
326 LA BIBLE
(( un volume iiolable, mais limité, d'air ordinaire n'ayant
« subi aucune csoècede modification physique ou chimique,
« et tout-a-!ail impropre néanmoins a provoquer une allé-
« ration quelconque dans une liqueur éminemment putres-
« cible (1). )'
« Évidemment, ou il n'y a point àe génération spontanée,
ou ii doit y avoir des animaux générés^ des animaux /jro-
fl?«<//5, partout où se trouvent a la t'ois de iairet des rujueurs
putrescibles.
<c La génération spontanée n'est donc pas.
a Des deux origines que j'ai posées pour tout être orga-
nisé, il n'en reste donc qu'une : la main de Dieu.
« Mais dès qu'on remonte à la main de Dieu, tout change.
Ce n'est plus une vaine nature, une wiXm^ personnifiée^ et
que chacun personnifie comme i! lui plaît, que l'on a en
face, mais un art et un grand art. On passe des systèmes
puérils des hommes a la réalité des choses^ et, dès qu'on
en est la, on voit bien vite ce que l'on sait, ce qu'on peut
savoir, ce qu'on ii^aiore : il n'y a plus d'illusion pos-
sible ("2). »
Voila le langage de la science appuyée sur les faits, de la
véritable science expérimentale. Il résout la grande ques-
tion des origines dans le même sens que la Révélation. El
cet accord se retrouve partout où l'on est en présence de
résultats certains, constatés, et non pas de constructions
arbitraires et de SYStèmes.
IX.
Une opinion fort répandue parmi les astronomes admet
que la matière a existé primitivement à l'état gazeux, et
(1) Comptes-rendus, t LVli, p. 724.
(2) FloureDs, Examen du livre de M. Darwin, \i. 65 ss.
ET LA SCIENCI' »!• LA NATL'RE. 327
SOUS une tenipéraiure très-élevée -, que, par suite ilu refroi-
dissement graduel de la température, cette masse s'est
condensée, puis divisée de manière à former les étoiles et
les planètes. Laplace est l'auteur de cette théorie. Voici
comment un membre de l'Institut, M. Babinet, la résume
en quelques mots :
K La matière des soleils, et spécialement celle du nôtre,
s'est agglomérée en vertu d'une moindre chaleur ou re-
froidissement qui a permis aux particules disséminées de
se réunir en une vaste masse enveloppée d'une atmosphère
qui était d'autant plus étendue que la chaleur primitive était
plus grande. La condition de la formation du soleil semble
ainsi être identique avec l'idée de refroidissement de l'es-
pace céleste -, puisque si la chaleur, force essentiellement
opposée a la condensation d'une masse gazeuse, n'eût pas
été en faiblissant, on ne voit pas de raison d'admettre la
condensation de la matière chaotique en soleil. iSous parti-
rons donc avec Laplace d'un refroidissement graduel.
« En plaçant l'origine de nos déductions au moment où
le soleil formait une vaste masse tournante, enveloppée
d'une atmosphère que sa chaleur primitive maintenait très-
compacte, on voit qu'à mesure que le refroidissement s'o-
pérera, cette atmosphère diminuera de hauteur et se rap-
prochera de la masse centrale.
« Tournant alors dans un cercle plus petit, elle devra
aller plus vite, ainsi que l'exige la loi infaillible de la
conservation du mouvement^ enfin il arrivera un moment
où ce mouvement sera tellement rapide, qu'il contreba-
lancera la pesanteur dans I équateur de la masse tour-
nante, et qu'alors toutes les parties qui forment un an-
neau dans cet équateur, resteront suspendues et ne sui-
vront pas le mouvement du reste de la masse.
« C'est ainsi, qu'aux distances où sont maintenant Sa-
turne, Jupiter, la Terre, etc., le soleil, en se refroidissant,
328 r,A BIBLE
a abandonné des bandes annulaires de vapeurs, lesquelles
ont toutes gardé, dans le sens du zodiaque, le sens du mou-
vement primitif dirigé suivant léquateur solaire, de l'oc-
cident à l'orient-, ce qui explique admirablement ce fait,
si merveilleux, que toutes les planètes tournent dans le
même sens autour du soleil, et a peu près dans le même
plan, suivant la route que l'on appelle zodiaque, et qui
traverse le ciel d'occident en orient.
« Une fois ces bandes circulaires abandonnées et sus-
pendues par leur mouvement même, à diverses distances
du soleil, la matière de chacune s'est, en vertu de l'at-
traction, réunie en une seule masse arrondie, et la ))lanète
a commencé d'exister sous une forme isolée a peu près
semblable à ce qu'elle est maintenant.
ce II serait un peu long et assez difficile, sans l'iiide de
figures, de suivre Laplace dans ses déductions ultérieures ^
il explique très-heureusement comment les planètes, ainsi
formées, se sont mises îi tourner sur elles-mêmes dans le
sens de leur rotation autour du soleil, ce qui, après leur
avoir donné leurs années, a fait leurs jours, et des jours
d'autant plus courts, que la planète est plus grosse. De
plus, et ceci est capital, a mesure que les planètes se sont
refroidies, leur atmosphère a fait autour d'elles ce que
celle du soleil a fait autour de cet astre, en donnant nais-
sance aux planètes.
« L'atmosphère des planètes, en se contractant, est
restée suspendue en anneaux circulaires qui, plus tard, ont
produit leurs lunes ou satellites, qu'on voit tourner autour
de la terre, de Jupiter, de Saturne, d'Uranus et de Nep-
tune. Enfin le système solaire nous offre un exemple de ces
anneaux qui se formaient autour des planètes; car Saturne,
indépendamment de huit lunes, ou satellites, possède tou-
jours un anneau ou plutôt un ensemble de trois anneaux
ET LA SCIENCE DE LA. NATURE. 329
qui ne se sont point encore brisés pour former d'autres
satellites a la planète (1). »
Ce système est assurément trè^-beau, très-régulier, ifa
l'avantage d'expliquer beaucoup de faits, mais ce n'est
après tout qu'une hypothèse, et une hypothèse qui est loin
d'être sans difficultés ,2;. Au surplus, rien n'est plus facile
que de renvoyer tqute cette formation, supposé qu'on l'ad-
mette, dans la période antéhistorique. Entre la création
de la matière et l'œuvre des six jours, il y a un intervalle
que l'on peut supposer aussi long que l'on voudra, puisque
la lettre du récit ne détermine rien a cet égard 3). Que
Messieurs les astronomes prennent la, s'ils le veulent, les
siècles dont ils ont besoin pour leurs savantes construc-
tions.
Ils nous permettront toutefois de penser que l'auteur de
la nature a pu agir d'une manière plus simple, nous serions
presque tenté de dire plus digne de sa puissance et de sa
majesté. Dès lors que l'on admet l'acte créateur, pourquoi
l'amoindrir? Sans doute, Dieu aurait*pu créer les éléments
des choses, puis les abandonner a l'action des lois établies
par sa sagesse et qui auraient déterminé leur développe-
ment progressif, en dehors de toute intervention nouvelle
et spéciale de la cause première. Mais il a pu agir aussi au-
trement. Et de fait, l'homme n'a pas été créé a l'état
d'embryon : il s'est trouvé de suite a l'âge adulte, capable
de se suffire à lui-même et de se reproduire. Il faut en dire
autant des animaux et des plantes. Par conséquent, dans
le règne animal et dans le règne végétal, le développement
qui résulte d'ordinaire de l'action lente et continue des
causes naturelles, a été produit pour la première fois en un
instant et d'une manière immédiate par l'action créatrice.
(1) Revue des Deux-Mondes, 15 mai 1855.
(i) V. Reusch, Btôel und tiutur, p. 133 35.
(3) V. Revue, t. viii, p. 408 ss.
330 LV BIBLK
Pourquoi ne dirait-on pas la même chose du soleil, des
étoiles, des planètes? Les théories ingénieuses des astro-
nomes établissent tout au plus comment les choses ont pu,
ou auraient pu se passer a l'origine. Leur nature purement
hypothétique permet de leur opposer d'autres hypothèses
et d'autres conjectures : a plus forte raison ne peuvent -
elles prévaloir contre des données historiques, telles que
celles de la Genèse, si tant est qu'elles leur soient con-
traires.
Il n'y a pas plus a s'embarrasser d'une autre difficulté
tirée du temps que la lumière met à parcourir l'espace.
D'après les lois ordinaires (1), les étoiles les plus rappro-
chées de la terre n'y seraient devenues visibles qu'au bout
de huit à douze ans, les étoiles de douzième grandeur
après des milliers d'années, les nébuleuses enfin et celles
qui composent la voie lactée après des millions d'années.
Ces calculs, dont il serait possible de contester la jus-
tesse, puisque nous manquons de données pour apprécier la
vitesse de la lumière en dehors de notre sphère immédiate
d'observation 2 , ces calculs, dis-je, nontrien qui impiique
une opposition réelle avec le récit génésiaque. Car, dit un
savant anglais ^3', pourquoi Dieu n'aurait-il point pu créer
les étoiles avec leurs rayons lumineux prolongés jusqu'au
point le plus extrême.»^ Pour quiconque croit h la création,
il n'y a rien là que de naturel et de probable. De cette
manière, tous les corps célestes amont été immédiatement
visibles sur notre globe. Si l'on admet la théorie de Laplace,
et qu'on renvoie à la période antéhislorique le procès
qu'elle implique, la chose est tout aussi simple : on peut
(1) Ou sait que la vilesse de la lumière est ae 310,200 kllotnèticà par
seconde.
(2) V. daus l'abbé Soiignet, p. 171 ss. le résumé des travaux de MM.
Auguste Comte et Aube sur les doDuées de ce problème.
i.'i) G. B. Geology. elc. p. in, cité par Reusch, p. 133.
ET LA SCIENCE DE LA NATURE. 331
prendre, non-seulement le tem))s nécessaire à la formation
des astres, mais encore celui qui s'est écoulé avant que
leurs rayons lumineux eussent traversé l'espace.
Les autres dilllcultés astronomiques, création de la lu-
mière placée avant celle des astres, primauté du soleil et
de la lune entre tous les corps célestes, ont été suffisamment
résolues dans les articles précédents i ' pour (jue nous
n'ayons pas a y revenir.
X.
Aucune science n'a été plus fertile eu hypothèses que la
géologie (2) . Le temps a lait justicod'un bon nombred'entre
elles, mais la science est encore loin d'être constituée sur
des bases solides et définitives. Quoi qu'il en soit, rien
dans son état présent ne peut nous créer des difticultés
réelles, et l'on peut affirmer qu'il en sera de même par la
suite, du moins pour ce qui concerne les résultats bien et
dûment acquis par la méthode expérimentale.
Les géologues s'accordent a reconnaître dans l'écorce de
notre globe des formations ignées et des formations
aqueuses : ils discutent scidement sur l'action plus ou
moins étendue de ces deux ordres de causes (3). C'est là un
débat qui n intéresse en rien la théologie. Laissons Pluto-
(1) V. R>;vue, t. V!II. p. 204 Si., 5ifi s. ; t. IX, [i. Ul s.
(2) Guïier disait déjà, en 180G, dans ud rapport àriuslitut de France:
« Faute de poser la première base de la géologie dans la recherche
exacte des faits, on a changé celte science en un tissu d'hypollièses et
de conjectures tellement vaines, et qui se sont tellement tombatlues les
ui>e« les autres, qu'il est devenu presque impossible de prononcer son
nom sans exciter le rire. Le nombre de syslèmes s'est tellement aug-
naeulé. qu'il y eu a aujourd'hui plus de quatre-vingts. Ces cliàleaux aé-
rien? disparaissent comme de vaines apparences. » (Cité par le K. P.
Laurent, Ètuchs, p. 20.) On peut voir, dans l'estimable ouvrage de
&L l'abbé Sorignet, une histoire complète et une appréciation de tous
ces syslèmes. (Sorignet, Co^nnogonic, i>. 1--21G.I
13) Reusch, 169 ss.
332 LA BIBLE
niens et Neptuniens discuter en paix leurs hypothèses, et
gardons-nous d'intervenir, au nom de la Bible, dans une
question où elle est étrangère. En effet, la Bible ne dit
qu'une seule chose : au moment où commencent les six
jours génésiaques, notre globe était enseveli sous les eaux.
Or cette donnée unique, encore une fois, est compatible
avec tous les systèmes géologiques, puisque tous recon-
naissent des terrains d'origine neptunienne.Si l'on prétend
après cela que le feu a joué un rôle plus ou moins considé-
rable et plus ou moins long, si l'on veut que les deux causes
aient alterné ou agi simultanément pendant des centaines
ou des milliers de siècles, cela n'est en rien contraire au
récit de la création. Il y a place pour tout dans la période
an téhis torique.
Nous sommes donc ici complètement désintéressés. Nous
pouvons assister d'une manière indifférente a des discus-
sions qui ne nous touchent pas : nous pouvons et nous
devons laisser la science achever en paix son œuvre, d'après
ses procédés et sa méthode, sans limiter en rien sa liberté.
Cependant, il y a une observation a faire. C'est qu'ici les
inductions de la science ne dépassent point les limites
d'une simple possibilité. Elles établissent comment les
choses ont pu se passer, en supposant que Dieu ail simple-
ment créé la matière, fixé les lois qui la régissent, et aban-
donné à l'action lente et continue de ces mêmes lois tout le
développement ultérieur. Mais on voudra bien convenir du
moins que Dieu a pu créer la terre tout d'un coup avec sa
configuration actuelle, sauf les détails qui manifestent une
origine particulière, comme les fossiles, et peut-être aussi
certaines autres formations que la géologie déterminera par
des indices certains. Pour le reste, encore une fois, l'acte
créateur explique tout : l'idée de création étant reçue, il
n'y a pas de raison pour admettre un long procès où les
forces de la nature sont seules en jeu ; du moins cela n'est
ET LA SGll'NCE DE LA NATURE. 335
en aucune façon nécessaire, et dès lors il ne peut résulter
de la une difficulté quelconque contre le récit mosaïque.
Nous nous associons volontiers ici aux réllexions d'un
auteur dont nous avons le regret de ne point approuver
toujours la méthode et les idées. « La nature n'a point agi
par elle-même, dit-il, elle a obéi a la voix de son Créateur.
Les actes de chaque jour, a i)artir de la création du ciel et
de la terre, jusqu'à celle de l'homme, ont tous été accomplis
en dehors des lois qui régissent aujourd'hui le monde
physique. Ainsi, tous les êtres du règne végétal et du règne
animal ont été créés a l'état de développement parlait; les
végétaux, les plantes, les arbres n'ont pas été créés a l'état
de graine, ou de germe, ou de rejeton, mais dans leur dé-
veloppement complet, propre a produire des semences et à
porter des fruits. Les animaux de chaque espèce, quadru-
pèdes, reptiles, poissons, oiseaux, tous ont été créés dans
un état de formation et de croissance assez avancée pour
qu'ils pussent se reproduire immédiatement. L'iiommc lui-
même, Dieu l'a créé dans la plénitude dt l'âge, dans l'entier
exercice de ses facultés physiques, intellectuelles et mo-
rales. Mais s'il en est ainsi des végétaux, des animaux, et
enfin de l'homme, ce prototype du monde créé, pourquoi
en serait-il autrement de la terre, du ciel, des astres, de la
mer, des montagnes, etc. ? Pourquoi Dieu aurait-il eu
besoin d'un temps plus long, de siècles indéfinis pour les
former? Assurément, dès lors que tout ici est miraculeux,
le prodige ne sera pas plus grand d'un côté que de
l'autre (i). »
La paléontologie semble fournir des indices plus posi-
tifs pour déterminer l'anliquité des couches diverses qui
conjposent l'enveloppe extérieure de notre globe. Il y a 1^
(I) Le R. p. Laurent, la Cosmogonie de Moïse, p. 3H. V. aussi ce»
considérations parfaitcuient développées dans Reusch, p. 205 sa.
33 A LA BIRI.F.
des végétaux dont l'espèee est anjourd'Jiui perdue, ii y a
tout un monde d'animaux aux formes étranges, fantas-
tiques, débris d'une Flore et d'une Faune très-différentes de
la Flore et de la Faune actuelles. Si l'on vent se faire une
idée de ce monde antédiluvien, comme on l'appelle, on
peut parcourir le livre de M. Louis Figuier qui a pour titre :
La Terre avant le délufje A). Étrange énigme qui longtemps
encore servira d'exercice aux naturalistes! Mais que feront
pendant ce temps les théologiens? Iront-ils s'évertuer à
établir que touics ces espèces, animales et végétales, ap-
partiennent a la création des six jours? C'est une thèse qui
a été soutenue par un géologue anglais '2 , P^'" l'abbé
Sorignet (3\ et plus récemment par le R. P. Laurent 4),
Si elle parvient à s'accréditer dans la science, l'accord de
la paléontologie avec la Bible sera on ne peut plus facile h
établir. Si les hommes spéciaux continuent a la repousser
comme ils l'ont fait jusqu'à présent, laissons-les vider en-
semble leur querelle et terminer une question qui est exclu-
sivement de leur compétence. Notre tort est souvent dans
ces occasions de faire du zèle apologétique, et de compro-
mettre ainsi la cause que nous voulons défendre.
Que dirons-nous donc a ceux qui voient dans les fossiles
les restes de vingt ou trente créations successives accumu-
lées pendant une longue suite de siècles, dans un ordre tout
différent de celui qu'indique Moïse ^5'? Ce sont la les pré-
tentions de ceux qui n'admettent point l'opinion concor-
diste, assez peu accréditée jusqu'ici, comme nous venons
(1) Paris, Haciielte, 1863. l,e texte e^t accompagaé d'uu grand nom-
bre de gravures.
(2) C. B., Geology in ils relation to nroealed religion. Dublin 1834.
(3) Op. cit.
.4) Op. cit.
(5) Reusci;, p. 527. Cet auteur a traité la mitière avec beaucoup de
soin et d'une manière trôs-complèle dans sa 22- cl 23*^ leçons, p. 258-
281.
ET LA SCIKXCli DE LA NATURE. 336
de le dire. Nous ignorons ce que valent au juste ces pré-
lenlions, et comme théologiens nous n'avons pas a nous en
occuper. Si réellement elles vienr.ent a être justifiées par
les progrès O.e la science, s'il est démontré qu'elles repo-
sent sur des arguments positifs, alors nous aurons a établir
leur accord avec le récit biblique de l'œuvre des six jours.
Ce ne sera pas bien d'fiicile. En elTet, les termes si larges
dans lesquels il est conçu permettent de sous-entendre
bien des choses. Il y a une période antéhistorique indiquée
sans aucun détail dans les deux premiers versets de la Ge-
nèse, où nous trouvons place pour toutes ces créations pri-
mitives, su|)posé que leur réalité soit établie.
Au point de vue tliéologique, il n'y a point de difficulté
à faire valoir contre cette manière d'envisager les choses^
nous l'avons lait voir dans nos articles précédents. Il n'y en
a pas non plus au point de vue paléontolopique : la science
trouve ainsi un cadre aussi vaste qu'elle le jugera néces-
saire, et elle peut s'y mouvoir a l'aise.
Il y a cependant un l'ail qui vicntirait déranger cette
théorie, s'il était démontré : c'est la présence de fossiles
humains, ou d'objets qui attestent l'industrie de l'homme,
tels que les haches de silex ou de pierre, dans les terrains
où se trouvent ensevelis les restes de cette Flore et de cette
Faune appartenant à l'époque antéhistorique.
Mais toutes les découvertes de ce genre ont été jusqu'ici
conteslées, ou du moins on a prétendu que ce mélange, dû
à des causes accidentelles, a un ébranlement de terrain, à
une inondation, etc., ne démontre en aucune façon que
l'homme ait été contemporain des espèces perdues (1).
(1) On s'esl beaucoup occupé l'an dernier de la màclioirc bumaine
et des baclies de silex trouvt!ies par M. Boucberde Perlhes, à Moiilin-Qui-
gnon, près rrAbbeville. Plusieurs membres de l'Académie des sciences
(séance du 18 mai 186::^), W. de Qualrefages entre autres, soutenaient
avtfc ardeur et uon sans succès, à la suite d'un examen et d'uue discus-
sion sérieuse, que cette mâchoire et ces haches de silex étaient contem-
336 f^A BIBLE
Après tant d'explorations^ il n'esî pas probable que l'on
fasse des découvertes plus décisives. Mais si la science,
appuyée sur des faits, se prononçait enfin d'une manière
positive, nous aurions évidemment à tenir compte de son
arrêt. En attendant, rien ne nous oblige à sortir de la posi-
tion que j'ai essayé d'indiquer dans les pages précédentes.
Laissons les géologues et les paléontologistes confinuer
leurs recherches sans nous en émouvoir, certains d'avance
qu'elles tourneront au profit de la vérité.
poraines de la forma! ion dos terrains où elles avaient été trouvées, liais
un bomiue d'uuf grande autorité dans ces matières, M. Éiie de Beau-
mont, détruisit en quelques mots toute leur ar!,'umentatiGij. \oici com-
ment M. l'abbé iMoigno, dans sou journal intitulé les Mondes (t. i, 21 mai
1863, p. 414), résume l'avis motivé de l'illuslre géologue :
« Vous avez appelé diluvium le terrain de Mouliu-Qniguon, et cepen-
dant, dans ma co'jvicliou, ce terraiu n'est pas un diluvium, ce n'est pas
même uu terrain d'alluvion résultant de l'atlerrissemcnt desfleuves;
c'est simiilemeut un terrain meuble des pentes eutraùié par les pluies
torreuiiellesd'uu de ces orages extraordinaires qui se produisent à épo-
ques Irès-distanles, de mille ans eu millt; ans, et dont l'histoire garde
uu vague souvenir. L'état de conservation de la mâchoire trouvée par
M. Boucher de Perthes, et qui contraste avec l'état des os vraiment
fossiles d'éléphants, do rhinocéros, d'ours mêlés aux liadies ou autres
animaux disparus, s'accorde parfaitement avec la nature de ces terrains
meubles. La grande iuoudalion, eu renversant et entraînant uu atelier
de fabrication de haches en pierre ; en enlevant à quelque tombe les os
d'un des aborigènes ; en creusant plus iirofondément et mellaut à uu
pour les emporter à leur tour des os fossiles d'animaux antédiluviens,
rend parfaitement compte de tous les faits observés, saus qu'il soit nul-
lement név:esiaire de recourir à une[irélecdue coutemporanéité des êtres
humains et non humains trouvés ensemble dans ces lerrams de trans-
port. L'homme dont la mâchoire est apparue à Abbevjjle, n'est donc pas
un homme antédiluvien ou fossile, c'est tout au plus uu homme appar-
tenant à Yà-2.e de pii-rre et ne remontant pas au delà de la période ac-
tuelle. Ce u'est pas d'aujourd'hui, njoute M. Klie de Beaumont, que da-
tent les convictions que j'exprime sur la nature des lerrams de Moulin-
Quignon. Dans la grande carte géologique que nous avons rédigée, Du-
frènoy et moi, ci qui figurait à l'exposilion universelle de 1855, ces ter-
rains sont figurés comme terrains meubles; ou les retrouve sous la
même rubrique dans la carte géologique du Pas-de-Calais. » D.re la sen-
sation produite par le lanjage si convaincu de M. Elie de Beaumont, la
plus grande autorité géologique de France, ajoute M. Moigno, serait
impossible.
r.T r,\ snrKNCi; dl r.\ nature. .53/
XI.
Reste un dernier point de contact avec la science de la
nature : l'unité de l'espèce humaine, si clairement affirmée
dans la Genèse. Eh bien I cette unité, non-seulement le
sentiment du genre humain la proclame, mais la science,
appuyée sur l'observation, la constate d'une manière irré-
fragable.
Buffon définissait déjà l'espèce une succession constante
a ndividus semblables et qui se reproduisent y\). C'est l'idée
qu'en donnent Linné, Laurent de Jussieu, de Candolle, de
Blainville (2).
M. Flourens s'est livré, sur ce point de physiologie, à des
expériences décisives, qu'il résume ainsi lui-même dans
son dernier ouvrage :
« Mes expériences sur les métis, persévéramment pour-
suivies, nous donnent les caractères précis de X espèce et du
genre.
« Le caractère de \ espèce est la fécondité continue.
« Le caractère du genre est la fécondité bornée.
« On a déjà des métis de plusieurs espèces. On sait que
les espèces du cheval, de l'âne, du zèbre, de l'hémione,
peuvent se mêler et produire ensemble-, celles du loup, du
chien, du chacal, se mêlent et produisent aussi, comme on
vient de voir ^ il en est de même de celles de la chèvre et
de la brebis, de la vache et du bison, du bouc et du bélier.
Le tigre et le lion ont produit à Londres, fait remarquable
et qui renverse ce principe que l'on s'était trop hâté de po-
ser, savoir, que pour que le croisement de deux espèces
(i) ÂDt. Espèce, dans V Encyclopédie de Diderot et d'Alembert.
(2) V. les citations dans le remarquable Traite' d'Anthropologie physio*
logique et philosophique du docteur Frédauit (Paris 18G3), p. 29-32.
. Revue des Sciences ecclé,, t. is. — avril 186'i, 22
338 i.\ m BLE
fût fécond, il fallait au moins que lune d'elles fût domes-
tique.
« Rien de ce qu'on a dit sur les prétendus métis de chien
iêt de renard, de chien et d'hyène, de lièvre et de lapin, à
plus forte raison, de taureau et de jument ou de cheval et
de vache, n'est prouvé. J'ai souvent tenté, et quelquefois
ohtenu l'union de ces animaux; jamais elle n'a été fé-
conde.
« On connaît, dans la classe des oiseaux, les unions
croisées de plusieurs espèces: du serin avec le chardonne-
ret, avec la linotte, avec le vcrdier, etc., des faisans dorés,
argentés et communs, soit entre eux, soit avec la poule,
etc., etc.
« Je donne au produit des unions croisées le nom de
métis, parce que le métis me paraît fait, par moitié, de cha-
cune des deux espèces productrices.
« Le métis du chacal et du chien tient à peu près égale-
ment du chacal et du chien. Il a les oreilles droites, la
queue pendante \ il n'ahoie pas : il est aussi chacal que
chien.
« Voilk pour la première génération. Je continue à unir,
de génération en génération, les produits successifs avec
l'une des deux espèces productrices, avec celle du chien,
par exemple,
<( Le métis de seconde génération n'ahoie pas encore ;
mais il a déjà les oreilles pendantes par le bout \ il est moins
sauvage,
« Le métis de la troisième génération aboie -, il a les
oreilles pendantes, la queue relevée-, il n'est plus sau-
vage,
« Le métis de la quatrième génération est tout-a- (ait
chien.
« Quatre générations m'ont donc suffi pour ramener l'un
des deux types primitifs, le type chien -, et quatre généra-
KT LA SCir^CE Di: LA XATURE. ^"9
tiens me suffisent de même pour ramener l'antre type, le
type chacal.
« Linné disait avec une sagacité profonde : Naturœ opus
est semper species et genus ; culturœ sœphts varietas; artis
et naturœ classis et orcJo.
« En effet, Vespèce el le genre sont toujours l'œuvre de
la nature -, la variété est souvent l'œuvre de la culture -, et la
classe et Vordre sont a la fois l'œuvre de l'art et de la na-
ture : de la nature qui donne aux espèces les ressemblances
et les apparences, et de Vart qui les juge et les apprécie.
« Au milieu de tous les autres groupes de la méthode,
Vespèce et le genre se distinguent en ce qu'ils ne se fondent
pas seulement sur la comparaison des ressemblances^ mais
sur des rapports directs et effectifs de génération et de fé-
condité. . .
« Il y a deux sortes de fécondité : une fécondité continue ;
c'est le caractère de \ espèce. Toutes les variétés de chevaux,
de brebis, de chèvres, etc., se mêlent et produisent ensemble
avec une fécondité continue.
« Et il y a une fécondité bornée; c'est le caractère du
genre. Si deux espèces distinctes, le chien et le chacal, le
loup et le chien, le bélier et le bouc, l'âne et le cheval, etc.,
se mêlent ensemble, ils produisent des individus bientôt
inféconds, ce qui fait qu'il ne s'établit jamais d'espèce m-
termédiaire durable. On unit le cheval et l'âne depuis des
siècles, mais le mulet et la mule ne donnent point d'espèce
intermédiaire; on unit depuis des siècles les espèces du
iK)uc et du bélier-, ils produisent des métis, mais ces métis
n'ont pas donné d'espèce intermédiaire.
« On cherchait le caractère du genre; où le trouver? Il
est dans les deux fécondités distinctes.
« La fécondité continue donne l'espèce -, la féconditéôorwee
donne le genre '\]. »
(1) FloureDs, Examen du livre de M. Daivoin, p. 108 ss.
3/lO LA BIBLE
La conclusion de tout ceci, c'est que les races humaines
répandues dans le monde entier,quelquediversifiéesqu'elles
puissent être sous le rapport des caractères extérieurs et
accidentels, ne constituent cependant qu'une seule et même
espèce. En effet, elles peuvent s'unir entre elles, et leur
union est toujours féconde, et elle l'est d'une manière con-
tinue. C'est un fait trop patent pour qu'il soit possible de
le révoquer en doute; il se reproduit en Amérique, depuis
trois siècles et plus, dans des proportions immenses. Quant
aux variétés dans l'espèce humaine et aux causes généra-
trices de ces variétés, la question a été très-bien résumée,
au point de vue physiologique et philosophique, par le
D' Frédault ^1;. >'ous devons nous contenter de renvoyer
à son livre et a quelques autres où l'on trouvera, si on le
veut, des développements plus considérables ('2).
Terminons par une remarque empruntée à un homme
spécial, et qui est applicable à tous les cas du même genre :
c'est que, parmi les savants qui ont nié l'unité de l'espèce
humaine, aucun ne s'est occupé sérieusement de l'étude
des espèces soit animales, soit végétales, considérées comme
types primitifs.
M. Godron (c'est lui qui nous fournit cette observation)
leur oppose des noms tels que ceux de Buffon, Camper,
J. Hunier, Blumenbach, Forster, G. Cuvier, Weber, Tie-
demann, Prichard, Al. de Humboldt, J. Mùller, Flourens,
Serres, de Quatrefages, etc.
Puis il ajoute : « Il est remarquable que dans une ques-
tion scientifique difficile et chaudement controversée, un
ensemble d'hommes aussi illustres et aussi spéciaux par la
nature de leurs études, se prononcent unanimement en fa-
(1) Traité d'Anthropologie,^. 63-102.
(2) Unité de l'espèce humaine, par M. de Quafrefa^ïes. Paris, 1861. —
De l'unité des races humaines d'après les données de la psychologie et de
la physiologie, \nv M. Lidevi-Roche. Paris, 1862.
ET L\ S(;ii:Nr;E ni; LA WTL'KK. Mil
veiir de la doctrine de runitc primitive du genre iuimain -,
et si nous n'en sommes plus aujourd'hui à considérer une
question comme délinitivement résolue lorsqu'elle est tran-
chée par les maîtres de la science, il nous semble toutefois
que leur accord constitue déjà une présomption grave en
faveur de leur doctrine, et qu'il y aurait une témérité presque
juvénile a les accuser d'erreur, sans avoir étudié à fond cette
question difficile (1). »
C'est un avis dont les demi-savants et les dilettanti feraient
bien de profiter. La science profane y gagnerait, et la théo-
logie rencontrerait sur sa route beaucoup moins de ces ten-
tatives qui ont pour but d'établir une contradiction entre
l'enseignement de nos Livres saints et les investigations de
la science.
E. Hautcoeur.
(Ij M. Godrou,(/e C Espèce et des races dans les êtres organisés, ut spé'
riahment de F unité de l'espèce huniain". [Vàni, 1859, i vol. iu-8'''), t. il,
p. 370, cité par le docteur Frédiult, np. cit*. p. 73 s.
DE L'ELECTIOX DU SOUVERAIN - PONTIFE
et (les tondiliou^ requises
POUR qu'elle soit LEGITIME.
Premier article.
Dans la prévision d'une vacance du Saint-Siège, qui sera,
nous l'espérons, bien éloignée, quelques esprits ont émis
récemment des idées plus qu'étranges, et qui pourraient
devenir un danger, si elles étaient prises au sérieux. On ne
concevrait pas que de telles aberrations aient pu se produire,
si l'on ne savait à qnel point certains hommes de notre
époque, distingués d'ailleurs à bien des titres, se trouvent
arriérés dans l'étude qui importe le plus à l'humanité, celle
de la science sacrée. Heureusement qu'il suffit ici du plus
simple exposé de l'enseignement catholique, pour démasquer
l'erreur et déjouer toute sinistre tentative. Portons la lu-
mière de cet enseignement sur les points qui résument l'es-
sentiel de la question, savoir: 1° pouvoir du Souverain-
Pontife de déterminer par qui et avec quelles formalités doit
se faire l'élection de ses successeurs; 2» en vertu de quel
droit et depuis quelle époque cette élection appartient -elle
exclusivement aux Cardinaux ; 3" quelle est, pendant la
vacance du Siège, l'étendue de leur juridiction ; li° forme
prescrite pour le Conclave.
DE r'tttCTio.x i)L .sj:vi:hvi.\ [' r> iiFE. o/jS
§1.
Au Souveraiii-Ponlife appariieiu le pouvoir di tielef miner par qui, et dans
quelle fordie, doit être faite l'clection de ses successeurs.
1° Il est certain et hors de controverse, que le mode de cette
élection n'a pas été déterminé pa"- Jésus-Christ lui-même.
Ni les saintes Ecritures, ni la tradition ne renferment aucune
trace du divin décret qui aurait statué en cette matière.
D'autre part, la forme de cette élection a varié : c'est un
fait attesté par l'histoire, et ce fait n'aurait pu se produire
si le divin Sauveur lui-même avait révélé et commandé une
règle à suivre sous peine de nullité. De là, ce point de
départ unanime de tous les théologiens orthodoxes, que
Jésus-Christ a laissé à son Église le soin et le pouvoir de
dresser la charte de cette importante élection. « Le mode
d'élire le Pape, dit Suarez, n'a pas été prescrit par le Christ
Notre Seigneur; il l'a confié à l'Église. Il est certain que ce
mode a varié: or, s'il eût été prescrit par Jésus-Christ, il
n'y en aurait jamais eu qu'un seul dans l'Église, et toujours
le même. » {De Fide, disput. 10, sect. A, n. 6, page 309,
tome XII, édition Vives, Paris 1858.) On peut voir, sur le
même sujet, le cardinal Petra (tomeiv. Commentaire sur la
cinquième Constitution de Clément VI, n. 35).
2" En laissant ce pouvoir à son Eglise, sans désigner par qui
il devait être exercé, Jésus-Christ fa par cela même confié au
Soiioerain-Pontife. — Que Jésus-Christ ait investi le Pontife
romain, dans la personne de saint Pierre, du plein pouvoir
de gouverner l'Église universelle, c'est un article de foi, ex-
pressément défini par le concile oecuménique de Florence.
Cette plénitude de pouvoir est proclamée aussi par le concfie
œcuménique de Trente, qui l'appelle autorité souveraine ou
suprême (supremam potestatem) sur toute l'Église. Un tel
3àh DE LtLECTION DL' SOL V£RAIN-P0NT1FF.
pouvoir du Pape renferme évidemment celui de prescrire la
manière d'élire ses successeurs, et de frapper de nullité
toute élection dépourvue des conditions par lui exigées.
Car la forme requise pour la validité de l'élection des
Papes n'ayant pas été réglée et révélée parle divin Sauveur,
il est nécessaire au bon gouvernement de l'Église que quel-
qu'un puisse la déterminer, sans quoi on ne saurait jamais
si le Pape est légitime. Contester au Souverain-Pontife ce
pouvoir, serait par là même lui dénier le pouvoir plein, sou-
verain ^ si//jm«é', de gouverner l'Eglise universelle; il lui
manquerait une portion importante de ce pouvoir; cette
portion aurait été confiée à d'autres. Donc, point de milieu:
ou il faut dire que le Pontife romain n'a pas le plein pouvoir
de gouverner l'Eglise, ce qui est hérétique : ou il faut con-
fesser qu'il a aussi le pouvoir de statuer par qui et avec
quelles formalités ses successeurs doivent être élus, et de
rendre nulles les élections accomplies contrairement à ses
décrets.
Autre preuve, !^i le Pape n'était pas réellement investi
de ce pouvoir, à qui appartiendrait-il? On ne peut pas sup-
poser que Jésus-Christ l'ait confié à tous les membres de
l'Église, y compris les laïques ; en d'autres termes qu'il l'ait
subordonné au suffrage universel. S'il en était ainsi, le sut-
frage universel n'ayant jamais été pratiqué, il faudrait dire
que l'Église n'a plus eu de chef légitime à partir de saint
Pierre, qu'elle n'a plus été la véritable Église de Jésus-
Christ, que les portes de l'enfer ont prévalu contre elle dès
le commencement, et que les promesses immortelles du divin
Sauveur ne se sont point réalisées. D'ailleurs, en requérant
le suffrage universel pour régler la manière d'élire les Papes,
le divin Sauveur aurait imposé une condition moralement
impossible, inconciliable par conséquent avec la sagesse di-
vine. Le pouvoir de statuer sur cette élection n'appartient
donc pas aux laïques, ni même aux clercs non préposés au
DE l'ÉLECTIOX du SOL VtRAIN-PONTIFE. 3/io
gouvernement de l'Église. Reste l'hypothèse que Jésus-
Christ l'ait confiée aux évêques pris collectivement, en
d'autres termes au concile œcuménique ; mais elle n'est pas
plus admissible. Aucun décret des conciles généraux ne
peut avoir force de loi, si le Pape ne le confirme. C'est en-
core là un dogme catholique. Il est donc certain que le
Concile ne peut rien en cette matière que dépendamment
du Pape. D'autre part, la pratique de l'Eglise prouve que
le Pape peut statuer sans le concile œcuménique. De fait,
pendant bien des siècles, les conciles généraux n'ont rien
décrété sur ce point, et les Papes, au contraire, font réglé
et déterminé en dehors des conciles généraux-. Si le Souve-
rain-Pontife n'avait pas eu ce pouvoir, pendant de longs
siècles la validité de l'élection des Papes serait restée incer-
taine; attendu que Jésus-Christ n'en aurait pas réglé lui-
même les conditions, que le Pape n'aurait pas pu les régler
seul, et que le concours nécessaire des conciles œcuméniques
aurait fait défaut. La conséquence est inadmissible ; donc,
le principe l'est aussi. On peut resserrer ainsi l'argument :
Jésus-Christ a confié à quelqu'un dans l'Église le pouvoir
de régler la manière d'élire les Papes ; il ne l'a point confié
à tous les membres de l'Église; il ne l'a pas confié non
plus à l'action collective des évêques. Donc, il l'a confié au
Pontife romain, à celui-là même qu'il a établi chef suprême
de son Eglise, avec une pleine puissar.ce de la gouverner.
Autre preuve : la pratique de l'Église. En fait, l'Église a
procédé en cette matière d'après les décrets des Papes.
Avant que des conciles œcuméniques aient confirmé ces dé-
crets, ils avaient déjà longtemps servi de règle ; et d'autres
décrets pontificaux, postérieurs aux dernières lois des con-
ciles œcuméniques, ont été reconnus et suivis en pratique
comme également obligatoires, comme ayant la même au-
torité. Cette pratique de l'Église présuppose la croyance
que le Pontife romain a réellement reçue de Jésus-Christ
346 DE l'élection du SUUVERAIN-POMIFE.
l'autorité en cette matière, et la croyance de l'Église ne
peut jamais être une erreur.
Autre preuve : le consentement commun des docteurs ca-
tholiques. — Suarez s'exprime ainsi: « Ad Sedem Aposto-
licam praecipue spectat praescribere et ordinare modum eli-
gendi Summum Pontificem Probaturque primo: quia
modus eligendi Pontificem qui nunc est in Ecclesia, prœci-
pue fundatur in legibus et statutis ipsoram Pontificum ;
ergo ipse usus Ecclesiaa docet hoc pertinere ad summum
Pontificem. Secundo, cum Papa sit Exlesiae cap ut, in eo
est suprema potestas gubernandi Ecclesiam. Ad eum
ergo spectat providere in rébus maxime necessariis. Una
vero ex his, et gravissima, est electio Summi Pontificis ;
ergo, etc. Tertio, quia vix alla ratione potuisset conti-
nuari légitima successio Pontificum ab initio Ecclesiae us-
que ad hoc tempus. Nam si solus Pontifex non potuisset
modum electionis praescribere, pertinuisset hoc ad univer-
sam Ecclesiam, seu concilium générale. Nunquam autem
per longam annorum seriem quidquam est de hac re statutum
aut ordinatum in conciUis generalibus. Signum ergo est a
principio Pontifices Summos auctoritate propria statuisse
modum electionis, qui pro ratione aut necessitate temporum
retentus fuerit, veleadem auctoritate mutatus ; tandemque
perrnanserit is qui nunc viget in Ecclesia, atque in conciliis
generalibus estconfirmatus, duobus videlicet Lateranensibus
sub Nicolaol et Alexandro 111, et in LugJunensi uno, alte-
roque Viennensi. » {De Fide, disput. 10, sect. h, n. XI.)
Suarez se fait cette objection : « Si heec potestas apud Pon-
tificem resideret, posset utique nunc sua auctoritate hune
eligendi ritum abrogare, et novum introducere. » Et il la
résout ainsi : « Respondeo, non videri dubium quin possit
Papa modum eligendi, qui nunc viget in Ecclesia, mutare...
Quia non est minor potestas hodie in Pontificibus quam lue-
rit in antiquioribus ; ergo, sicutilli mutaruntantiquam eli-
DE l'élection DL SOL V LUAlN-POiVriFE. 3^7
gendi formam , ita et hi mutare poterunt. Item forma haee
sive modus eligendi non est divini juris, ut ostensum est ;
ergo positivi. Potest autem Papa mutare omne positivum
jus. » (Ibidem, n. 12 et 13.)
Le dominicain Passerini, dans son Traité de l'Élection du
Souverain-Pontife^ enseigne la même doctrine : « Certum
mihi est, dit-il, quod potestas dirigendi electionem Summi
Pontificis est in eodem Summo Pontifice principaliter, et ita
ut ad ipsum spectet, nedum prœscribere locum, tempus et
foi'mam eligendi, sed determinare personas quibus haec
electio conveniat. Et ita quod, licet ex divina institutione
jus eligendi Pontificem sit inEcclesia, nihilominus determi-
natio niodi et formas exercendi hujus juris est Pontifici
commissa, cui etiam competit decernere a quibus Pontifex sit
eligendus, et secundum quod sibi bene visum fuerit dirigere
per suas leges hujusmodi electionem, » Après avoir cité à
l'appui Suarez et six autres auteurs, Passerini continue
ainsi : « Quod evidens est, primo ex usu. Nam Symmachus,
Nicolaus II, Alexander III, Gregorius X, Glemens V, Cle-
mens VI, Julius II, Paulus IV, Plus IV, Gregorius XV, et
Urbanus VIII pontifices, per suas constitutiones plura sta-
tuerunt in electione Summi Pontificis observanda. Tum quia
Pontifex habet universalem totius Ecclesiœ curam, ad
eumque spectat eidem Ecclesiae in necessariis providere :
unum vero ex necessariis est electio Summi Pontificis. Tum
tertio quia aliter maxima inconvenientia sequerentur, et lé-
gitima Pontificum successio fuisset interrupta, et schismata
superinundassent, nisi Pontifices suis legibus electionem
hujusmodi direxissent. Tum quarto ; nain Ghristus qui
Petro et suis successoribus totam Ecclesiam commendavit,
hanc facultatem prascipue concessit, ut. successionis légi-
timée in officio pontificatus curam haberent, et invigilarent
ad hoc ut secure et breviter Ecclesiae viduatae de légitime
sponso provideretur. Unde indubitatura est, quod Pontificis
3/18 DE l'élection DC SOLVERAJN-POTriFE.
Summi est, suorum successorura electionem dirigere, et
prout Ecclesi'i^ bono videt esse necessai'iuûi, formam ab
Ecclesia in successoruQi electionibus servandam praescribere,
et vel antiquam formam tollere, vel mutare, vel illi super-
addere. » [Traciatus de Electione Summi Pontificis, quaestione
A, n. 14, pag. 7, edit. Rom. 1670.)
On trouvera le même enseignement dans Caraarda,
évèque d:? Riéti, de l'ordre de Saint-Dominique. Son ou-
vrage est intitulé: Constitutionum Apostolic:irum una ciim
Cœremoniuli Gregoriano, de pertinentibusad electionem Papœ., .
Beaie \ IVj . (Voir en particulier dissert itio cjuarta, pag. J 07.)
Le passage suivant, où le cardinal Petra dit expressément
que c'est là le sentiment commun des docteurs catholiques,
recepiissima sententia, nous dispensera de multiplier les ci-
tations : « Non est autem cur dubitandum sit, an... Summi
Ecclesiae Praesules suam potestatem explicare .valeant in hac
constituenda forma Pontificiae electionis, etiam cum décrète
irritanti. Quippe cum Ghristus Dominus jus collativum
Papalis dignitatis reliquerit in Ecclesia, nec certœ formas,
nec determinatis personis affixum, reliquum est quod ejus-
dem Vicarius in terris possit eam regulare et prasscribere,
et secundum temporum vicissitudines variare ; ita tamen
quod ab Ecclesia eam non abstrahat, puta laicis committen-
do, vel inquemcumque modumqui in manifestum Ecclesias
totius detritnentum et perniciem vergeret. Quapropter varie
et pluries mutatus fuit mos eligendi Pontifices, Apostolica
interveniente auctoritate. . . Atque tandem est recepiissima
sententia, etiam ab his qui Papam successorem eligere sibi
non posse autumant. » (Tome h, commentaire sur la 5* con-
stitution de Clément VI, n. 35.)
3° Le pouvoir papal en cette matière ne s étend pas aux décrets
qui seraient manifestement préjudiciables à V Eglise; mais à
cause du privilège de l'infaillibilité, il ne peut pas arriver
qu aucun Pape publie jamais de pareils décrets. — Il répugne
i>K l'éi.ection du sorvERAiN -pontife. 3'|9
que le divin Sauveur ait conféré à son Vicaire en terre un
pouvoir destructif de l'Église. Toute puissance papale est,
selon l'adage des théologiens, in cediftcationcm, non in de-
structionem. Nous venons de voir que le cardinal Petra, tiput
en affirmant le pouvoir du Pape de régler le mode d'élection
de ses successeurs, y met cette limite : Néanmoins le Souve-
rain-Pontife ne peut pas transporter hors de l'Église le droit
de faire cette élection, en l'attribuant, par exemple, à des laï-
ques, ou en décrétant un mode d'élection gui tourne manifeste-
ment au détriment et à la ruine de l'Église. On trouvera la
même restriction dans les autres théologiens qui ont traité
cette matière. Mais s'ensuit-il que, quand un Pape a publié
des décrets relatifs au mode d'élection de ses successeurs,
il y ait lieu à examiner s'ils sont illégitimes et nuls, pour
avoir dépassé la limite en question, et statué au préjudice
de l'Église? Non, parce que le cas de décrets nuisibles à
l'Église, en cette matière, ne saurait arriver.
En [effet, le Souverain-Pontife n'est pas seulement infail-
lible en définissant le dogme ex cathedra. Il l'est, en outre,
dans la discipline universelle, en ce sens qu'il ne peut jamais
sanctionner pour toute l'Église une loi disciplinaire morale-
ment mauvaise, ou qui de sa nature, et dans des circonstan-
ces données, entraînerait la ruine des âmes, le dépérisse-
ment de l'Église. En portant une loi de discipline univer-
selle, le Pape déclare par là même et définit implicitement,
qu'elle est bonne en soi et utile à l'Église dans les circon-
stances présentes. Errer en cette déclaration, ce serait errer
sur le dogme. En sorte que l'infaillibilité en matière dogma-
tique implique nécessairementl'infaillibilité dans ladiscipline
générale dans le sens expliqué. Une fois ce principe admis,
comment ne pas étendre l'infaillibilité aux décrets pontifi-
caux qui règlent la manière d'élire les Papes? Évidemment,
ces décrets intéressent toute l'Église, puisqu'il s'agit de
l'élection légitime de son chef. Ils sont incontestablement
;]50 m. l'élection dl souveraix-poxtife.
des lois de dùcipline générale. Il est donc impossible qu'un
Pape y formule jamais ce qui, relativement aux circon-
stances, serait moralement mauvais ou préjudiciable à
l'Église.
li° La controverse si le Pape peut nommer lui-même son suc-
cesseur ^ est pratiquement sans utilité. — On peut la voir assez
longuement discutée dans Suarez {De Fide, iïisp. 10, sect. h,
n. 14 ss.) ; dans Passerini {Tractatus de electione Siimmi
Pontifias, q. Zi, p. /j-18), et dans l'ouvrage cité de Camar-
da (p. 93-99). Le cardinal Petra l'expose ainsi : «Descendus
dans cette arène, les docteurs se partagent en trois camps,
et se combattent chaleureusement. Les uns soutiennent que
le Pape peut toujours se donner un successeur : d'autres
prétendent qu'il ne le peut en aucun cas. Enfin il en est qui,
tenant une ligne intermédiaire, enseignent qu'il le peut ex-
ceptionnellement pour cause d'urgente nécessité ou d'une
notable utilité de l'Eglise, mais non ordinairement, non rero
per modum ordinarium. » (Tome A, commentaire sur la 5^
constitution de Clément VI, n. 5.) Suarez est pour le der-
nier de ces trois sentiments. [Loc. cit., n. 16.)
Nous disons que cette controverse est pratiquement sans
utilité. Car, s'il est préjudiciable à l'Eglise que le Pape
nomme son successeur, il ne peut pas arriver qu'un Pape
s'arroge cette nomination. Dans cette hypothèse, le décret
par lequel un Pape enjoindrait de reconnaître pour son suc-
cesseur celui qu'il aurait désigné, serait mauvais, et par
conséquent une erreur en matière de discipline générale ;
erreur inconciliable avec le privilège de l'infaillibilité dont
il est revêtu, comme nous l'avons dit plus haut. D'autre
part, si le Pape venait à nommer son successeur, à cause
de cette même infaillibilité en matière de discipline générale,
on devrait conclure qu'il en a le droit et que ce pouvoir n'est
pas in destructionem , mais in œdificationem. En d'autres ter-
mes, si le Pape n'a pas ce pouvoir, il ne peut pas arriver
DE L'ftLKflTTON DU SOrVEnAIiN-PONTlFE. 35i
qu'il se l'attribue. S'il se l'attribuait, ce serait une preuve
qu'il l'a. Nous avons contre tout faux-pas du Saint-Siège
en cette matière, la même garantie qui assure son infailli-
bilité clans les définitions <?a^ cathedra^ la promesse et l'action
invisible de Notre divin Sauveur Jésus-Christ, auquel soit
gloire et honneur dans tous les siècles, pour cette admirable
constitution de son Église !
Concluons. La thèse fondamentale du pouvoir législatif
du Saint-Siège en ce qui concerne la manière d'élire les
Papes, n'est pas une simple opinion, mais un dogme certain.
La proposition qui le nierait serait téméraire, erronée,
tendant au schisme et à l'hérésie. Les lois qui règlent le
mode de cette élection, soit celles que les Papes ont publiées
seuls, soit celles qu'ils ont publiées avec le concours des
conciles œcuméniques, sont et demeurent obligatoires, tant
que le Saint-Siège ne les a point abrogées ou changées.
Comme chacun de ses prédécesseurs. Pie IX a le pouvoir
de les modifier. Après sa mort, elles obligeront selon la
teneur où il les aura laissées. Dans l'élection qui suivra,
si l'on procédait contrairement à un seul des points présents
sous peine de millité, l'élection serait nulle ; on n'aurait pas
élu un Pape, mais un intrus. Nous spécifions à dessein la
catégorie des formes prescrites sovs peine de mdlité. Car il
en est d'autres dont l'omission ne rend pas l'élection nulle,
quoiqu'elles soient imposées aussi par les décrets pontifi-
caux, parce que ]a clause annulatoire ne s'y trouve point
apposée. Si l'on viole les prescriptions de cette seconde ca-
tégorie, l'élection est illicite, mais vahde : la violation des
premières entraînerait la nullité.
Qu'on juge maintenant de l'effroyable écart des esprits
qui rêveraient pour la prochaine vacance du Saint-Siège,
et croiraient possible après la mort de Pie IX, un remanie-
ment du code actuel de l'élection des Papes. Ils ne voient
pas, qu'une fois le siège de Rome vacant, il n'y a personne
35'î! DE l'élection m '^OLVLRAIN-PONTIFE.
au monde qui ait le pouvoir de changer un iota aux lois de
l'élection, telles que le dernier Pape les a laissées. Bon gré
mal gré, elles restent obligatoires, et sous peine de nullité,
quant aux points revêtus de cette clause. Si donc on désire
des modifications dans cette charte de l'élection des Papes,
si l'on croit utile, vu les temps modernes, qu'elle soit élar-
gie dans un sens plus libéral (nous ne partageons pas ces
idées, nous les mentionnons seulement) , qu'on s'adresse au
Pape vivant. Une fois qu'il aura expiré, toute modification
sera impossible relativement à l'élection de son succes-
seur.
Vainement on songerait ici à l'intervention d'un concile
général, convoqué pendant la vacance du Saint-Siège. Un
pareil concile ne pourrait être légitimement convoqué, que
dans le cas où la canonicitéde l'élection serait restée incer-
taine, et que la difficulté de discerner le vrai Pape entre
plusieurs qui auraient été élus, aurait amené un désaccord
dans les Églises de la catholicité. Et alors sa mission et son
pouvoir serait uniquement de pourvoir à ce que l'Église eût
un Pape certain.
Mais un concile général, avant l'élection, et à l'effet d'en
modifier le code, serait anticanonique. Tout ce qu'il sta-
tuerait resterait frappé de nullité. A la mort du Pape, les
électeurs sont déterminés. Leur droit est certain, et nulle
puissance au monde ne peut les en dépouiller.
D. Bouix.
UNE ETUDE
SUU LA PHILOSOPHIE SCOLASTIOUE
On a Souvent fait le reproche à noire siècle d'aimer peu la philosn-
pliie. La Bévue des Deux-Mondes a elle-niôme confirmé cette accusa-
tion en disant : L'hisloire des faits a remplacé la science des prin-
cipes. On ne s'élève plus comme autrefois ati-dessus de la multiplicité
des phénomènes pour chercher la loi qui les produit, on se plonge nu
contraire dans le courant des choses contingentes, et cest à travers ce
flot perpétuel, comme disait Heraclite, qu'on poursuit la vérité im-
muable (2).
L'appréciation est sévère, et il convient d^ajouter que, depuis vingt
ans, d'honorables efforts ont été tentés pour réhabiliter les éludes pu-
rement spéculatives. Les sciences naturelles, l'histoire, la médecine,
la littérature, sont entrées sur plusieurs points dans une voie meil-
leure et font ctTort pour se rattacheràla philosophie comme à leur centre
et à leur souveraine légitime. Mais la philosophie elle-même, la
vraie et bonne philosophie, où est-elle et à qui faut-il la demander?
Est-ce à l'antiquité, au mo3en âge, ou aux temps modernes qu'il faut
accorder la palme du vrai savoir philosophique? Hélas ! l'orgueilleuse
raison de l'hamme n'a-t-ello pas, à toutes les époques de l'histoire,
décoré du nom pompeux de philosophie les systèmes les plus exlrava-
ganls et les |)lus absurdes théories? Et ce que l'on appelle quelquefois
la philosophie chrétienne, est-ce vraiment un corps de doctrine à part
() ) Die Philosophie der Vorzeil vertheidigi von J. Kleutgen, Priester der
Gesellschoft Jesu. Mûusler, Tbeissinfî. 1860-1863. 2 Bde, 912, 967 pp.
(2) Revue des Deux-Mondes, 15 oclobre 1838, p. 721.
Revue des Sciences kcclé., t. ix.— avril 1864- 23.
354 l >"?• l'iTUDK
et clairement défini? On ne saurait le dire, car la philosophie n'est de
sa nature ni chrétienne ni païenne ; elle est une science humaine, et
comme telle, siijelic à l'erreur aussi bien que susceptible de perfection-
nement et de progrès. Cependant, il est vrai de dire qu'à l'apparition
du christianisme la philosophie a rapidement grandi, sous la garde de
la foi chrétienne et au contact des esprits puissants connus sous le
nom de philosophes chrétiens, sans toutefois avoir cessé d'être elle-
même, c'est-à-dire variable et faillible comme la' pensée humaine qui
lui donne la vie. Au surplus, les [ireuvessont faites. Platon et Aristote
ont tour à tour régné dans les écoles chrétiennes avec des destinées
diverses; puis, à un moment donné, on a rompu avec tout le passé sous
prétexte de mieux servir la science divine en l'affranchissant de la phi-
losophie, essai qui ne fut pas heureux, puisqu'un subjeclivisme épais
a aussitôt envahi la science posiiive au point de faire naître jusque
parmi les philosophes chrétiens les mieux intentionnés de profondes et
regrettables dissidences.
Ce fut dans le but louable d'apaiser ces éternels conflits et d'en
prévenir le retour, qu'on imagina alors de revenir aux principes de
cette philosophie qui fut autrefois en honneur dans l'Eglise, comme
devant offrir plus de garantie à la foi et plus de satisfaction à la raison.
Or, quand on interroge les divers essais qui furent successivement ten-
tés, on découvre sans peine qu'une double tendance se manifeste au-
jourd'hui parmi les maîtres de la théologie. Les uns voudraient pou-
voir, sans rompre avec la scolaslique, donner à la philosophie moderne
une part prépondérante; les autres, rejetant les principes de la phi-
losophie moderne, inclinent avec force vers la scolaslique comme point
de départ et comme base de leurs opérations. Parmi ces derniers, com-
munément appelés les véo-scolasUques, figure avec éclat le R. P. Kleut-
gen, auteur de deux remarquables écrits, l'un sur la théologie an-
cien/ie (1), et l'autre que, nous nous proposons de faire maiiitenanl
connaître à nos lecteurs, sur la \h\losoph\e du passé.
Avant d'entrer en matière, l'auteur expose brièvement dans quel
(l) Die Théologie der V' rzeit.
SUR LA PHILOSOPHIE SCOLASTIQUE. 355
but il a entrepris son second ouvrage, qui sert d'appendice au premier.
C'est afin de justifier, dit-il, celte grande philosophie qui a générale-
ment régné dans les écoles catholiques depuis l'origine du christia-
nisme jusqu'auXYIll' siècle, contre les reproches de certains |)hilo
sophes cliréiiens particulièrement dévoués à la philosophie inaugurée
par Descaries. Il discute ensuite avec une profondeur de vues et une
habileté de critique incontestable quelques-unes des questions les plus
fondamentales et les plus agitées de la philosophie, celles de la connais-
sance intellectuelle, du réalisme et du nominalisme, de la certitude,
des principes, de la méthode, de l'être, de la nalure, etc.
La théorie des idées, cet éternel écueil de la philosophie, semble
avoir été, de la part de l'auteur, l'objet d'une élude particulièrement
approfondie. Mais avant d'aborder les graves questions de la nalure et
de l'origine de nos idées, il a voulu rappeler par une exacte el pro-
fonde analyse, les principes de la scolustique sur la connaissance en
général, comme base de tout l'édifice, el comme réponse à toutes les
difficultés que fait naître la question. Ons;iit, en effet, combien les plus
grands philosophes ont erré sur ce point. Malebranche a prétendu que
la faculté de connaître est purement passive, et que l'acte de notre
connaissance est directement l'œuvre de Dieu. Maissi Malebranche avait
raison, ne faudrail-il pas dire aussi que nos idées sont immédiatement
l'œuvre de Dieu, ou que Dieu lui-môme est notre connaissance, notre
idée? 11 s'ensuivrait aussitôt, sans nul effort de logique, que l'homme
n'a pas non plus une vie propre, une existence personnelle, ou qu'il est
une simple modification de l'être divin. Dieu merci, lesscolasliquesont
évité cet effrayant écueil, en établissant comme fondement de leur
doctrine que la connaissance a lieu selon la similitude de l'objet connu
dans le sujet connaissant : Omnis cognitio fît secundum simili ludinem
cognili in cognoscente. Us entendaient par ce principe une double
activité, l'une de la part de notre esprit, l'autre du côté de l'objet lui-
même, concourant l'une el l'autre à reproduire l'image de l'objet
[1) s. Thotu., Contra Gent., 1. il, c. t?.
35(î UNE ÉTIDE
connu dans le sujet connaissant : Ab utroque notitia paritur, a cogno-
scente et cogmto (1 1.
Mais comment, leur répliqua-t-on, une intelligence toute spirituelle
peut-elle connaître les objets sensibles? Ou comment une faculté sen-
sible peut-elle conduire à la connaissance des choses spirituelles? Autre
problème ardu qui a beaucoup exercé la patience des philosophes, esti-
mant tous que l'acte doit être confurme à la nature de l'être qui le
produit et que le semblable ne peut être connu que parle semblable (2).
Platon, parti du fait que les objets pensés sont matériels et variables,
tandis que les idées sont immatérielles et immuables, accorda à ces
dernières une existence séparée, en dehors de notre intelligence.
D'autres philosophes ont enseigné, en s'a|)puyant sur lesmèmes raisons,
que l'ànie est matérielle: c'est précisémentparce que, de part et d'autre,
on se trompait sur le vrai caractère de la similitude que l'imugo doit
avoir avec l'ubjet qu'elle représente. Les scolastiques, sans répudier
le principe admis par toutes les écoles, que l'acte doit être conforme à
l'être qui le produit, et que le semblable n'est connu que par le sem-
blable, ont prudemment passé entre ces deux conclusions extrêmes,
également condamnables, et ils ont dit que l'objet connu se retrouve
dans le sujet connaissant, non pas tel qu'il est en lui-même, mais selon
le mode du connaissant: cogni/Mm est in cofiîiosceute, secnndnm modum
cognoscentis (5). Ce principe fécond de leur philosophie se déroule
dans l'acte de la connaissance avec une rigueur constante et invariable.
L'activité suppose, en effet, de la part du sujet, une raison quelconque
qui le détermine à passer de la puissance en ade, et cette laison, c'est
la disposition inhérente à la faculté de connaître, de reproduire l'image
de l'objet connu. C'est pourquoi elle est elle-même appelée image ou
spec'ies : species impressa, en tant que sin)ple disposition à l'acle de
connaître, et species expressa, considérée dans l'acte même de la con-
naissance. Or celle disposition, ou cette forme de notre faculté de con-
naître, peut être envisagée par rapport à l'âme, ou relativement à
(1) s. Aiig., de Trinit.. 1. IS, c. 12.
(2) S, Tlioiu., de Venl., q. ii, a, 3.
(3) S. Tlioiu , ibid.. ([. X, a. 4.
SLR LA PHILOSOPHIE SGOLASTIQUE. 357
l'objet. Dans le premier cas, elle est le principe d'activité de notre
faculté inlelleduelle, et dans le second, elle incline cette faculté active
à connaître tel objet déterminé, à l'excltision de tout autre, en vertu de
l'alTinité de ressemblance qu'elle a avec lui (1). El voilà comment la
science simple et correcte de l'école, dont on a quelquefois essayé de
lire en la qualifiant de docte enfantillage et dont M. Cousin a entendu
le bruit sourd et confus entrecoupé de subtilités monastiques ("2), servi-
rait un peu mieux la sagesse moderne dans ses luttes contre l'incrédu-
lité que toutes les théories nouvelles plus propres à élargir l'abîme qu'à
le combler.
On a aussi accusé la scolastique de n'avoir jamais su opposer qu'une
faible barrière au panthéisme et d'aboutir elle-même à de dangereux
résultats. Le P. Kleutgen démontre sans peine que ce reproche n'est
point fondé et analyse un autre principe des scolastiques en vertu duquel
la connaisr^ance serait d'autant plus parfaile que le sujet est plus éloigné
de l'imperfection de la matière : Ratio cognitionis ex opposilo se hahet
ad rationem 7na(erialilatis (5). Et en vérité, si la connaissance est un
acte, elle ne peut avoir lieu sans que l'objet connu passe d'une façon
quelconque dans le sujet connaissant. Or 'l'acte le plus imparfait est
sans contredit celui qui s'exerce sur les objets extérieurs qu'il modifie,
comme le feu qui communique la chaleur, l'eau qui féconde, etc
Moins imparfait, au contraire, est l'acte immanent par lequel le sujet agit
sur lui-même, car un tel acte c'est la vie : vie végétative, si le sujet
vivant s'assimile les objels hétérogènes d'une manière matérielle, et
connaissance sensible, lorsque le sujet ne s'unit aux objets que parleur
image ou forme idéale. Une telle connaissance, quoique par elle-même
plus parfaite que l'activité végétative, reste cependant toujours impar-
faite, comme ne cessant point d'être enchaînée à la matière. Or il n'en
est pas ainsi de l'activité intellectuelle. Au moyen de celle-ci, le sujet
pensant reproduit en soi des images qui n'ont rien de matériel. C'est
un acte plus immanent et plus parfait que les premiers, qui n'acquiert
(1) Les modernes, en disant simplemeut idé^, lu; distinguent pas assez
ces d'-'ux clioses, et l'on ne sait s'ils entendent pnr là l'acte cognilif
lui-même ou ce qui le délermiu''.
(2) Fragments philosophiques.
13) S. Thom., p. J, (j. 84, a, 2.
358 UNE ÉTUDE
cependant b plénitude de sa liberté que dans les purs esprits complè-
tement affranchis des liens de la matière.
Cette vaste théorie, on le voit, n'a besoin que d'être comprise pour
être acceptée avec confiance. Loin de favoriser le panthéisme, cil 3 en
est, au contraire, la réfutation la plus péremptoire : elle est le dissolvant
le plus actif de toutes los thrones malsaines, car elle creuse un abîme
profond entre l'erreur et la vériié, entre le système des émanations et
la doctrine de ceux qui ne proclament la faculté de connaître universelle
que parce qu'elle embrasse les idées de tous les objets connaissables.
Après avoir ainsi rétabli et vengé les grands principes de la philo-
sophie scolastique, l'auteur explique la nature de la connaissance in-
tellectuelle, et insiste en particulier sur la valeur des idées universelles
pour la science. 11 s'applique aussi à faire remarquer que les scola-
stiques distinguaient avec soin la faculté naturelle de connaître, de la
connaissance habituelle et de la connaissance actuelle. En soi, dit-il
avec Aristote (1), la faculté de connaître n'est jamais qu'en puissance,
tandis que la connaissance habituelle est en acte pai rapport à la faculté,
et en puissance par rapport à la connaissance actuelle; d'où il faut con-
clure qu'au sens delà philosophie scolastique, la connaissance habituelle
est tout à la fois en puissance et en acte, selon la manière diverse dont
on l'envisage.
Cela posé, la question de l'origine des idées s'agite tout entière autour
de la connaissance habituelle, et l'auteur se trouve ainsi tout naturel-
lement amené à rechercher de quelle manière noti'e intelligence- parvient
à réaliser la connaissance actuelle, si c'est par l'essence môme de notre
esprit, ou par quelque forme extérieure, telle que les idées innées, le
langage, les idées éternelles. La première hypothèse ne paraît point
vraisemblable, puisque l'objet propre de la faculté intellectuelle est l'être
connaissable tout entier, et dépasse par conséquent les bornes de tout
esprit fini. A son tour l'expérience s'élève contre les idées innées, et la
parole extérieure suppose oécessairement la préexistence de la parole
intérieure en nous ('2). Restent les idées éternelles que Dieu produirait
selon quelques-uns en notre esprit toutes les fois que nous pensons. Or
(1) De Anima, 1. m, 1. 11 .
(2) S. Aug., in Dan., m, q. 4 ; S. Thom. Quest. disput. de Verbo, a- i.
SUR LA PHILOSOPHIE SCOLASTIQUE. 869
c'est là une hypothèse toute gratuite qui ne s'accorde ni avec la nature
de l'homme composé d'une âme et d'un cjrps, ni avec les lois de la
création, d'après lesquelles les créitures reçoivent comme apanage de
l'essence qui les constitue des propriétés conformes à leur nature. On
ne peut prétendre que Dieu seul agisse en nous dans l'acte de notre con-
naissanci', sans amoindrir les créatures en même temps que le Créateur,
et rendre toute science humaine impossible Cet écueil fatal, la philo-
sophie ancienne l'a encore soigneusement évité (1), et quand saint
Augustin lui-môme parle de la connaissance de l'immuable Vérité, il a
seulement voulu dire, au jugement de saint Thomas, que nous pouvons
connaîtie la vérité parce que notre esprit est fait à l'image de Dieu^
qui est la Vérité immuable (2). L'auteur en conclut que la connaissance
sensible nous conduit, comme cause instrumentale^ à la connaissance
intelleciuelle, par le moyen de l'abstraction dont il analyse le procédé
et la valeur philosophique souvent mal comprise et injustement
calomniée. Il répond ensuite à toutes les difficultés qui furent, depuis
Descartes jusqu'à nos jours, accumulées coitre cette théorie, et fait
voir par que! lien intime cette doctrine de la connaissance intellectuelle
se rattache à la question importante de la réalité de nos connaissances,
qui a soulevé ces grands débats connus dans l'histoire de la philosophie
sous le nom de nominaiisme et de réalisme. Il résulte clairement
des démonstrations de l'auteur, que le réalisme a toujours été défendu
dans l'école, et que certaines erreurs modernes bien connues doivent
précisément leur origine à ce nominaiisme du moyen âge que les sco-
lastiques n'avaient cessé de condamner et de flétrir.
Il serait intéressant Je suivre l'auteur dans ses savantes discus-
sions sur la certitude, les principes, la méthode, où il touche suc-
cessivement à toutes les grandes controverses de la philosophie; mais
ce livre n'est point de ceux que l'on analyse en quelques pages. Ce
S(rait une véritable élude à entreprendre, et nous avons l'espoir de vot
bientôt se réaliser poi;r la France, ce que l'on fait déjà pour l'Espagne
et pour l'Italie : une bonne et fidèle traduction qui reproduise toute la
beauté énergique de l'original. P. P. Abmand.
fl' s. Thom. p. I, q. 70, a. 4. Qto;st. ili\/,ti( d>> Spirit. créât., a. x.
i;i) S. Thoin., Contra Gant., l. m, c. 47. De Verit., q. x, a. U.
Opwc. 70. Boet. de Trinit.
QUESTIONS LITURGIQUES,
(I. — ■ Des cérémonies a observer au salut du très-saint
SACREMENT.
1. Doit-on s incliner pendant qu'on c/ia/i/eTantiim ergo sacramentura
veneremur cermii, ou bien seulement à ces deux derniers mots ? —
II. Quelles sont les cérémonies à observer par le diacre ou le prêtre
assistant, s'il donne l'ostensoir à loffu-'iant avant la bénéd'iction, et
le reçoit après, comme le permet un décret du [-2 septembre 1831?
— m. Est-il prohibé de sonner lacloihette pendant la bcnéd'ic-
tion? — IV. Le thurféra'ire peut-il encenser le saint Sacrement
pendant la bénéd'iction ? — V. Peut-on conserver V usage d'encenser
le saint Sacrement après la bénéd'iction ? — VI. L'af^sistnnt peut-il
passer entre fofficiant et l'autel pour retourner à la sacristie ? —
VII. Quel est l'ordre à suivre pour les prières, versets et oraisons?
!. — Doit-on s'incliner pendant qu'on chante Taritum ergo sacra-
mentiim veneremur cernui, on seulement à ces deux derniers mots?
Il est hors de doule que l'inclinatiori doit se faire pendant le chant
de Tantum ergo sacramentum Veneremur cernui, et si l'usage de le faire
seulement à veneremur cernui a prévalu en quelques églises, la raison
en est que si l'officiant entonne ran/»//i ergo sacramentum, il s'incline
seulement après l'intonation. Les ministres qui l'enloureni ont pris,
mais à tort, l'habitude de faire comme r.fiiciant. « Tum in officio di-
« vino, dit Caviilieri, t. iv, c. vin, Inst. Clem., fî 35, n. 49, quam
« in precibus omnibus coram SS. Sacramenlo, dura praedictus versus
« Tantum ergo dicitur, ab omnibus onmlno persistenduiii eril in
« inclination'^, usque ad rernuï. ilaec est, dit Gardcllini [Inst. cl. ibid.
« 11. 19), praxis quae oblinet in majoribus Urbis busilicis, » Celte doc-
trine est suivie par les auteurs modernes.
A cette question s'en rattache une autre. Il paraît facultatif de mettre
l'encens dans l'encensoir à Et antiquum documentum, ou à Genitori,
et d'après plusieurs auteurs, cette dernière pratique est préférable. L'^s
anciens auteurs discutent, en effet, la question de savoir si pendant le
chanl de l'hymne Pa/jiye Ungm, aux vêpres, en présence du tiès-saint
Sacrement, on doit demeurer à genoux pendant le chant de la strophe
Tantumergo tout entière, ou seulement jusqu'à cernui. On peut voir
LITLKGIE. 361
toute cette discussion dans Merati, t. ii, sect. x, c. i. Malgré le désir
qui nous a élé plusieurs fois exprimé de voir relatés en entier certains
textes qu'on ne pourrait se procurer autrement, nous pensons qu'il
serait trop long de reproduire celui-ci. Nous nous contentons de dire
avec Gardellini \ibid., ^ xxiv, n. Il) : « Standum videtur universali
a praxi, quœ genuflexiopiem prolrahit ad integram siropliam. » S'il
n'est pas obligatoire de rester à genoux pendant la sir.iplie entière, il
ne le sera pas non plus d'en attendre la fin pour mettre l'encens dans
l'encensoir.
2. — Cérémonies à observer par le diacre ou le prêtre assistant,
s'il donne l'o'^lensoir à l'ojfidant avant la bénélidion et le reçoit
après. — x" Avant de résoudre celte question, nous croyons utile de
faire d'abord deux remarques'.
La première est relative à la distinction du ministiTC du diacre de
celui de l'assistant. Si le prtMi'c ofliilant est acconipagne' d'un diacre
et d'un sons-diacre, la fonriion de l'assistant paraît se ré luire à
mettre l'ostensoir au lieu de l'exposition et à le descendre avant la
bénédiction. Il pourrait au.'^si tirer le saint Sacrement du tabernacle
avant l'exposition, cl le renfermer après la bénédiction. Ce ministère
d'un prêtre ou d'un diacre assislaut est. ce semble, une mesure
de pré:aLition : les lumières qui entourent le lieu de l'exposition pour-
raient atleiodre les vêlements du diacre, s'iF devait y mettre l'cstensoir
ou aller le prendre; le diacre pont aussi n'avoir pis i'us;)ge de faire
cette fonction, et être exposé à un accident. Il peut aussi, en certains
cas, pour tirer le saint Sacrement du tabernacle et le renfermer, avoir
quelques difficultés que n'éprouvera pas un prèti-e habitué à le faire.
Quant à ])iésenter rostensoirà l'isfOciant, on ne voit pas que cet office
puisse appartenir à l'assistant, s'il y a des ministres sacrés.
Observons, en outre, que si l'on s en tient au texte du Cérémonial
des évéques et de rinstriiction clémentine, le [)rêlre, ayant reçu le
voile pour donner la béuédioiion, monte seid à l'auiel et prend lui-même
le saint Sacrement. D'après les auteurs, le diacre et le sous-diacre, s'il
y en a, se mettent à genoux sur le plus haut degré pour recevoir la
bénédiction, et pendant ce. temps soutiennent la cb.ipe du prêtre. S'il
n'y avait pas de ministres sarré>, l'assistant et le cérémoniaire ou deux
clercs rempliraient cet office. Après la bénédiction, le prêtre, s'étant
tourné en achevant le cercle, remet lui-même le saint Sacrement sur
le corporal, fait la génuflexion, descend en bas des degrés avec le
sous-diacre, et le diacre va renfermer le très-saint Sacrement ; pendant
ce temps, lesou.s diacre ou le cérémoniaire ôfe le voile au prêtre, ou $i
362 LiTiHGii;.
l'assistant renferme le saint Sacrement, ie diacre descend avec le prêtre
et le sous-diacre. Si:ivant Baldesctii, le prêtre, ayant donné la béné-
diction, se met à genoux sur le marchepied, et on iui ôte le voile. H
se lève ensuite et descend avec le sous-diacre, pendant que le diacre
ou l'assistant renferme le saint Sacrement.
La rubrique du Cérémonial des évôqu-'^s (I. u, c. xxxiii, n. il , ne
fait aucune mention de l'assistant, suppose que le pontife prend lui-
même l'ostensoir sur l'aulel et dii expressément qu'il le remet lui-même
sur le corporal : a AcceJat ad altère et acceplo labernaculo seu osten-
a sorio cum sanclissimo Sacramento, iliud ambabus manibus velatis
a elevalum tenens, vertens se ad populum. cum i!lo signum crucis
a super popuUni ter fac.et niliil dicens. Quo facto iterurn deponet
(( sanctissimum Sacramentum super alîare. »
Noos lisons dans i Instruction clémentine g xxxi^ : a 11 célébrante...
a genuflesso prc-ndeià ii velu umeralc, ed ascendendo solo aU'altarc,
a faLtc le duvute riverenze, pjendeià nelle mani ricopcrte, come si
« disse, con I eslremiià del vélo umeraîe l'ostensorio, edaràcon esso la
t benedizione al popolo ; e riposlo il Sagramonto sopra il corporale, di-
« scenderà, e starà genuflesso ai suo luogo. Il diacono immediataroiinle,
a 0 un sacerdote con slola,fatte le dovute riverenze, chiudera ilSagra-
« menîo nel tabernacoio, » L'Instruction clémentine, comme on le
sait, a été commentée par Cavaiieri, Tetamo et Gardellini. Ces trois
auteurs s'expriment de la manière s-iivante : « Sacerdos. dit Cavaiieri
« (t. IV, c. ix), asci'ndit... ad altare, et ibi, ficta genuflexione unico
« genu accipit in manibus cooperiis per eju^dem veli exiremitaies
a ostmsoiium... Quando sacerdos ascendii ut supra altare, una cum
f eo ascendunt ilidem sacri ministri, sed bi genuflectunt poslea iu
« ore suppedanei, ubi inclinali élevant iiluviaiis ûmbrias dum sacerdos
« benedicit populum. In defeclu auLem minislrorjm sacrorum id
a praîstanl sacerdos adjulor et cicremoniarius, vel alii clerici hinc
« inde genuflexi... Telebrans data benedictione... super c rporale
G Sacrainenlum coilocat... et deinde iacta genuflexione unico genu,
c descendit cum subdiacono ad iniimurn altaris gradum, ubi itcrum
« cum eodem genuflcxus, per eumdein subdiaconuru, vel caereinonia-
a rium exuitur vélo b^merali. Diacjnus intérim accedit ad altare, et
• facta genuflexione unico genu, tabernacuUira ap rit et in eo reponit
f Sacramentum, cui gennfl*^xiorie iterum facta, surgens ostiolum claudit
€ et postea descendit ad locum suum, ad quera cum accesserit, sur-
a guntomnes... Quod si uUra sa^ros minislros adsislat sacerJos al-
a ter, hic imposila sibi sloia Sacramenlum ut supra recondtii, et dia-
LITIHGIE.
363
<i conus cum célébrante pariter descenclel, et ab eo removebit vélum
a humeraie. » Tetamo (Append., c. m, n. 48 et 49) parle en ces
termes : « Sacerdos a^cendil ad altare, el ibi r^cta gennllexione unico
« genu, ut expeilitius surgat, accipit in manibiis cooperlis pcr ejusdem
« veli extrcmitates, oslonsorium... Benedicit... Quando sacerdos as-
a cendit, ut supra, allarf', una cum coascendunt ilidem sacri rninistri,
« sed hi genufleclunl postfa in ore suppcdanei, ubi inolinati élevant
a pluvialis timbrias, duin sacerdos bencdicil populuin ; in dcfeclu au-
<r tem minislroruin sacroruiii,id praestaiit sicerdos adjul(tr el caeiemo-
« niarius, ve! alii clerici hinc in-le gonuflexi. Celcbrans, data bcnodi-
a clionc .. super corpurale Sacramentum collocal. » Gardcllini, dans
son commentaire sur le même texte (n. 12 et 13), s'exprime à peu
près de la même manière : « Quando aulem sacerdos ascendil ad altare,
« cum eo ascendunt etiam sacri minislri , scd hi gt nutlcctere
(I debent in ore suppt^danci, ubi i'nclinnti élevant pluvialis fiinbrias,
« dum sacerdos benedicit populum... Cclebrans, data bonedictione...
a collncat super corporale Sacnimentiun...; et deiiide, l'acta prius ge-
« nuflexionc. descendit cum subdiacono ad infimum allaris gradum,
a ubi genufloxi ambo manent, amoto intérim vélo a celebrantis hu-
« raeris a subdiacono, vel ut alii malunt, a caeremoniario. Interea dia-
d conus rcmanens in suppedaneo allaris, rcponit Sacramentum in
• tabernaculo, factis ante et posl debitis genufloxionibus... Quamvis
« vero dcceat et congruat hoc munus per diaconum expleri, non est
a tamen necessario per eum implendum : potest alter sacerdos cum
a superpelliceo et stola hoc fungi munere, idcirco instructio ait : //
a diaconn, o un sacerdotecon sloln, quemadmodum fieri débet in aliis
« exposilionibus, in quibus non parantur minislri sacri. » Tous les
anciens auteurs enseignent la même chose. « Responso a choro Amen,
« dit Bauldry (pari, iv, art. m, n. 33, 35 et 37), celebrans, nihil
« addens, asrendit ad altare, genuflcctit, et sine alterius ministerio
«t accipit veiatis manibus, ut prius, tabcrnaculum, verlens se ad popu-
« lum... benedicit..., et gyrum pcrtîciens, ostensorium collocat su-
ce per altare... Intérim dum celcbrans benedicit, minislri hinc iiide
*t gonidlexi, iH inclinati facie versa ad sanctissimum Sacramentum,
"i élevant parles antoriores pluvialis illius, quod et faciunt assistenles
« in pari casu... Deposito sanclissimo Sacraniento a célébrante super
« altare, ipse slatim, genuflexione facta descendit ad secundum gra-
« dum ut prius, ubi genuflexus manet. Tum poniiur, si opus sit, sca-
0 beiluui... pro diacono qui slatim amolo vélo ab eo per subdiaconum
« vel ciBreinoniarium ascendit ad altare, ubi, fada genuilexione, re-
36/| LITURGIE.
■ poiiil sanctissimum Sacramentura in tabernaculo. « Gatalani, par-
lant de la bénédiction donnée par l'évêque à la suite de la procession
du très-saint Sacrement (Cér. des cv., 1. ii, c. xxiiii, n. 27), dit ;
« Episcopus... accepto tab'TnacuIo sive ostensirio cum sanctissimo
« Sacramento, per se scilxet et sine alierius ministerio, ilUid amba-
(t bus mar.ibus velalis elevaium tenons, vertens se ad populum, cum
« ilio signum crucis super populum 1er faciet... D.ttaque benedic'.ione,
« Episcopiis deponet sanclissimuin Sacramentum super altare. » Ga-
« vantnsditla même chose (secl i, part, iv, lii, xii, n. 7) : «Asccn-
a dit (cdebraiis) ad allare, genuflcclit, et ipsemct nullo diaconi niini-
« sterio accipit velatis niiinibus, ut jiriiis, tabern^cnUim, benedicit
« cum eo pojtulum... nilnl dicens, et gyrum periicicns révère nter re-
« ponit. » Merati commente ainsi ce passage : a Celcbrans... ascen-
« dit ad allare... et absque alteiius ministerio accipit velatis manibus
« ostensorium. » Nuus lisons dans l Esposizione ddle sacre Cerimonie
de Baldfschi (Append i, art. V!i, n. 58) : a Premle (il célébrante) il
« vélo umerale, ed asteso suUa predella, fa genuflessione con un solo
« ginocchio, prende con ambe le mani velate il santissimo Sagra-
« mento .. standogli i miriistri gcnutlessi ai lati suH'orlo délia pre-
« délia, sollevandogli alquanto incliinali le fimbrie del piviale, si vol-
« lerà verso il popolo... e lo benedice.. Perfezioncrà il giro .. Posato
« l'ostensorio sul corporale, gemitlctli', nel quale tempo depone il vélo
ff omerale, o torna coi min st;i siill" infimo gradino... 11 diacono im-
« modialamente, o un sacerdote con slola, fatte lo dovule gcnuflessioni,
« chiude id Sagramento ne! labernacolo. «
Malgré ces autorités, il estd'u.>age en certaines églises que le diacre
monte à l'autel avec lo prêtre, prenne l'ostensoir, le remette au prêtre,
le reçoive après la béné'lic'ion et le re,jktce sur le coiporal. Cet usage
a été établi à Home, et est oiiflnné par un décret du i:2 août lbo4,
qui se trouve dans les Analecta. Le djute a élépioposé en ces termes:
« An liceai sacerdoti accipere ostensorinm per maniis diaconi istiid ex
« altaii acceplum porrigentis,. ut populo bénédictin impertiatnr, et
« post benedictionem remittere ostensorium diacono, qui super altare
« deponet, prout lit in nonnullisecclesiis? Vel ipsemet sacerdos debeat
« accipere ostensorium es. aitari, et data benedictione, super altare
« depoiiere, sicut expresse docent Gavanius in rubrica Miss. part, vi,
« tit. xiii, n. 7; Merati in Gavantum, etc.
La Sacrée Congrégation a répondu : « Quoad primam partem,
« licere etiam ex praxi ecclesiarum Urbis : quoad secundam partem,
« provisum in primo. » H semjle donc que les anciens auteurs
LITIRGIE. 365
avaient interprété d'une manière trop rigoureuse le texte du Cérémonial
des évéques et celui de l'instruclion clémentine. On peut choisir entre
les deux |)raliqties suivant la dispoi-ition de l'aulcl et la plus grande
facilité pour l'exécution des céiénionics. Te! est renseignement des au-
teurs modernes, se fondant sur l'usage de Rome et sur la décision que
nous venons de rapporter. De plus, ajoulenl ils, si le diacre doit re-
cevoir l'ostensoir des mains du piètre, relui-ci n'est plus tenu à se
retourner en achevant le cercle ; mais iiso retourne par le côté de l'é-
pître, où se lient le diacre, le décret du 21 mars 1676 permettant de
ne rien ajouter à la disposition du Céréniopial dos évéques. Ce décret
est le siif vant. Question. « An in benedicondopopuUim cum sanclissimo
« Sacra.iicnto sit sorvandus modus infrascriptns ; Cum sacerdos stat
« ante populum, oslensorium antepcclus tenel. luni elevatillud decenti
« niora non si'pia ca[iut, sed tanlum usqiie ad oculos, cl eodcm modo
« iilud dcmitlil infra peclus, niox ilerum recte illud allollilusque ad
« pectus, et deindc ad sinislrnni hiuiKM'imi ducit, cl reducit ad dex-
• terum, ei rursus anle peclus rcduci!,ibi(iiie aliquanlulum sisiilquasi
a peraita ad omnes mundi partes ciucc, eani etiam venerandam omni-
« bus pracbel : lune gyrum perficiens, colloca! ostensorium sujierallare?
Réponse. « Si plac't, potest observare supradictnm niodum. . . Sin
t minus, sorvandus est modus dispositus in Cser. Ep. I. h, c. xxxiii,
« ubi reqniriiur tantummodo ui cum ccdcm SS. Sacranienlo ceh brans
« producal signura crucis super popuium.» (Décret du 21 mars 1670,
n". 2776.)
Cela posé, il faut régler les cérémonies à observer si le diacre pré-
sente l'ostensoir au piètre et le reçoit api es la lénédiction. D'abord,
le trés-sainl Sacrement se reçoit toujours àgenoux, soit par le prêtre,
soil pisr le diacie. Toile esl toujours la prescription des règles liturgiques.
Nous lisons dans la rubrique du miss'l, le jeudi saint : « Finila Missa...
fit fit procossio. .. Celebrans indulus phivmli a!bo.... in medio genu-
« flcxîis.... acco|ilo calice cum ^arranicn!o de manu diaconi slantis.. .
« Cum auteih venliun fueril ad locum paraUim. diaconus gennflexus a
« sacerdete slanle aceipil caliccm cum Sacramenlo. » Dans le Céré-
monial des Evéques, il est dit pour le même jour (1. ii, o. xxiii, n. 12
et l~vl : « Diaconus assistons ... capii SS. "Sacramentuin de altaii, et
« ilhid, stans, offert C|iseopo genutlexo Cum pervenorit ad sai'el-
« lum ubi S.icramenlum deponi débet.... Cum erii episconus anle su-
« premum gradum altaris, diaconus accipiet de manu ipsius stai;tis SS.
« Sacramentum genuflexns. » On lit encore cette rubrique pour la pro-
cession de la fête du très-saint Sacrement (Ibid. c. xxxin, n°' 20 et
366 LITURGIE.
24) : « Diaconus assistens a dexleris accedct ad altare, et pum debilis re-
« verentiis accipiei labernaniUim sive ostensoriurii rum SS. Sacramento
(( lie a!uri, el illiui in inanibus Episcopi gciuiflexi collocpbit...Postqaam
« Episco|)iis iiei'vciieiitnd su|)rciiiiiiii altnris grailum, diaconus a dextris
a cnm débita reverenlia et genuflexiorie. .. accipiet de manu ipsiiis Ehi-
« scopi stanlis SS Sacramenlum. » Malgré cela, des auteurs tr(''s-re-
commandahles talèient la prdt;qu3de recevoir le S. Sacrement debout.
Tout en respoci;jr!t leur aulorilé, nous ne voyons pas sur quoi ce sen-
timent peut être appuyé. Quant au détail des cérémonies à observer,
il varie nécessairenunl un peu suivant la position et les dimensions de
l'autel. Voici comment, ce sfmble, on pourrait le régler. Le prc.re,
ayant reçu le voile, monte à l'autel avec ses ministres. Le prêtre et le
sous-diacre s'arrêtent sur le plus haut degré et se metlenlà genoux sur
le bord du marchepied ; le diacre monte sur le marchepied, fait la
génuflexion, prend l'ostensoir, le donne au piètre el se met à genoux sur
le marchepied du côté delcpître. Le prêtre ayant reçu l'ostensoir, se lève,
donne la bénédiction, rend l'ostensoir au diacre el se met de nouveau à
genoux sur le bord du marchepied. Le diacre, ayant reçu l'ostensoir,
se lève, met l'ostensoir sur le corporal et rcnfermele saint Sacrement.
On enlève en môme temps le voile au prêtre, et quand le saint Sacremenl
est renfermé, le prêtre descend au b.s des degrés avec ses ministres.
3. Esl-il défendu de sonner la doclietle pendant la bénédiclion ?
Aucun auteur ne parle de; cet usage. 11 ne paraît donc pas qu'il y
ail lieu de l'inliûduire. Nous n'oserions pas due qu'il doit nécessaire-
ment être supprimé. Cependant il paraît plus à propos de réserver l'u-
sage de la clucliettepour la Messe, et de sonner, pendant la bénédiction,
les cloches de l'église, suivant l'usage de Rome. Cette pratique donne
à la bénédiction du très-saint Sacrement une solennité bien autrement
imposante que la bénédiction chantée qu'ont paru regretter les partisans
des liturgies frai ç lises, surtout si l'on a soin de donner cette bénédic-
tion Irés-lenlemeut, comme il se pratique à Rome.
4. Le thuriféraire peut il encenser le saint Sacrement pendant la
bénédicfion'i
Pendant la bénédiclion, le thuriféraire peut encenser le saint Sa-
crement à genoux, comme à la I\le>se solennelle ; mais il est mieux
d'omettre cet encensement. Ces deux principes reposent, le premier
sur plusieurs décrets de la Sacrée Congrégation des Rites; ledeuxième
sur le seritiment des auteurs et en particulier de Gardellini. Nous rap-
portons ici ces autorites.
le' DÉCHET. Questions. « Cum non una sit auctorum senlentia, nec
LITURGIE. 367
" eadem Ecclesiae praxis qiinoil inrcnsalioncm SS. Sacramenti dum
« populoriim ipso impcriilur h'''np(iictio, R. P. Fr. Pasciialis a Platca
« l-iranculi saccrdos ordinis I\]moruiii S. R. C. scquenlia diibla
0 enodanda proposuil, nimirum : 1. Niim utraque auctorum senten-
« lia, vldelicel eonim qui afllrniuiilel eoiuiii quideneganl talem lliuri-
« ficatioiiem adhileiidam, lulo tencri possit? 2 3. Quatcnus ros-
« pondeatiirin sensu dcnegantiiim, an usus sive consupliido incensandi,
• ubi vigof, sit de meûïù toliendus?» Réponse. (( Servetur Riluale
a Roiiianum. )) (Uécreldu 11 septembre ih47, n^SlOS, q. \ et 3.)
2° DÉCKET. Question. « Utrurii convoniens sil, quod cseremoniarius
« vel Ihurifeniiiiis incenset SS. Eucliaristiae Sacramenliim cum populo
« benediciio imperlitur, uli lit in elevatioiie SS. Sacranieiili in Missa
« solemni ? » Réponse. « Non prœscribi. d (Décret du II septembre
1847, n" 5iri,q. 9.)
La rubrique du Rituel, à laquelle renvoie le premier décret, neparle
pas de cet encensement. Dans le deuxième, on paraît le tolérer, mais il
n'est pas prescrit, (^avalieri, sans le prescrire^ païaît préférer l'usage de
faire cet encensement. « Tliurificalionis omissio, dit-il (Ibid. Decr. vu,
a n° 7), non love fundainentum babet in sib'ntio quod super illam
a servat Cœr. Ep., Rituale Rom-uuim, et Inslrnctio clcmentina, atque
a auctores ; sed cum Missalis, lit. xin, in Missa solemni ad elevationem
« triplici duclu Sacramcntum incensandunj esse mandet, idipsum sa-
« tius praestai'i credimus dum dalur popolo bene iiclio. » Tetanio
(ibid. n. 45) suit absolument Cavalicri et admet après lui la parité
entre la bénédiction et l'élévation de la Messe solennelle. Laissons
parler Gardellini (ibid § xxxi, n" 23j. « Heic loci altéra se offtrt
« quaestio, num scilicct thuriferarius.dnm saeerdos benedicit populura,
« debeat incensare Sacramentmn ? Silentium, quoil lenent Caeremo-
» niale, Rituale, Inslructio clementina, et auctores 1ère omnes, qui
« caeteioquin nibilomiserunl de ils, quae in sacra hac actione servanda
a suol, plane suadet liane inceui-ationem esse omillendaiH.iMliilominus
a Cavalerius... et Tetamus, qui eum scquitur.... innixi quodamde-
a creto.... exislimant faciendam esso, vel sallem in arbilrio relinqui.
« Videlurtamcn magis congiui^rc conlrariam sententi;imconsentaneam
« silentio Caeremonialis, Uitualis,*el Instructionis. Cur enim in his,
« licet enumereniui- ritus et caercmoniae omnes servandae, de bac una
a ne vcibum quidem lit ? Non alia est ratio, nisi qaia lucum habere
« nequil. Si quaeris: ciir*? Dicam : quia dignior, id est saeerdos, jam
a Sacramentum thurificavit, nec inferior débet postea ihurificalionem
a iterare. Dum benedicitur populus, supplet vices incensi bonus adora-
368 UTiRGii:.
« tionis odor. Nec me commovent assprtum decretum et Missalis rii-
a brica. Nam ad iliud quod attinet, jain supra notavi decrelum illud
« non reperiri in regesiis S. R. C. ac penitns ignorari a qna congre-
« galione vel cujiis auciorilale datiim ftierit ; et forle niliil aliiid est,
« iiisi privaliiin responsiiin ad consiillalionem faclain alicui Rubrica-
« runfi perilo, qui poliiis variam ecclesiarum consueliidinem altendens,
a qiKim rafionuin vim, respondit : Servari possealieriitram. Quod vero
« s(icctat rubiicam Missalis, longe diversa militât ratio. Id^o enim ru-
« brica praesciibit in Missa soicmni : Thuriferarius genuflexus in
a cornu epistolx lerincemal Hoslîam,cum elevatui', etsim:itler cali-
a ce/n, fosïto incenso in thuribulo absquebenedidione, tiim quia unica
« haec est incensatio, quae ad Sacranienluin adolendum fit in Vlissaso-
« lemni, tum quia alius non est thunferario dignior, qui oo fungatur
a munere; nam sacerdos célébrât, diaconus ri ossislit, subdiaconus
a iinpedilus est patena, ca^.iemoniarius invigilat tit quisque suo fun-
a gatur olTicio. Id adeo verum t'st, ut in iMissa dcfunclorum cum di-
« gnior lliuriferario subdiaconus non sit impedilus, Sacramentum in-
«1 censat, jubenle rubiica: Sulidmconns non tenet patenain posl cele-
« hraiilem, scd tempère elevadoiiis Sficraineninn cornu eqnslolKilhid
fl incensal. Contra vero cuni bencdicendus est populus cum Sacra-
« nientn, curnam ileranda erit ihmincatio per acolylbum, si jam ab
« omnium in ea actione ininistranlium d'gniss'mo, célébrante scdicet,
(( peracta fuerat? Si bas rationes parvi tieri oporterc existimas^ haud
« conlcmnfndum ccnscas libroruni rilualium silentium. qui certe banc
n tburiticationcm demandassent, quemadmodiun jusstrunt lieri ad
* hymid canlum anie orationem. Haec dix!, ne quid magis congruum
« mihi videtur, pnelerirem : caeterum absil ut velim turbas movere,
a ac damnare consueiDdiiiem, q' ae licel minus conveniat, rituslamen
« subslaniiam nou ianlit. Cumautem eadem consuetndo in beneniullis
« ecclesiisoblineat, difTiciilimum esset eamdem penitns eliminare, »
5. Peiil-on conserver l'usage d' encenser le saint Sacrement après la
hénédïvlion ?
Aucun auteur ne parle de ce rit, excepté M. dellerdt, qui s'exprime
ainsi (t. Il, part, ii, n. 07) : « Si SS. Sacramenlum denuo inceusari
« soleat, diaconus depnsito oslensnuo geniifl c!it, descendit lateraliler
a et min'strat thuribnUun. » Comme l'Hutcur ne donne aticune preuve
de sou assertion, nous croyons devoir ri'pondre, en nous appuyant
sur les textes cités, que cet usage ne |ieut être conservé. Tout au plus
pourrait-on admettre un nouvel encensement, si le très-saint Sacrement
devait rester exposé, car alors il y aurait en quelque sorte une nouvelle
LITURfilF. 369
exposition. Malgré cela, Bauldry n'admet pas cet encensement, même
dans le cas présent. En parlant de la bénédiction qui suit la procession
delà Fête-Dieu, il dit (part, iv, c. xvi, art. m, n" 37) :o Deposito SS.
« Sacramento .. ponitur, si opus sit, scabellum... pro diacono... qui
« slatini.... reponit SS. Sacramentum in majori tabernaculo, vel in
< loco eminenti.... Et aroplius non incensatur: sufllcit enim unica in-
« censatio slatim post reditum processionis ut supra, contra multos
« qui multoties absque ratione valida illud incensant. »
6. L'assistant peut-il passer entre Vofficiant et l'autel, pour retour-
ner à la sacristie ?
Cette question demande à être généralisée. Si l'assisl.mt vient à
l'autel et retourne à la sacristie avec rolTiciant, il doit observer les
règles prescrites aux minisires de l'officiant. Or, il paraît peu conve-
nable qu'un ministre passe entre l'officiant et l'autel. Nous disons
toutefois, si l'assislanl accompagne l'officiant, car l'assistant pourrait
demeurer au chœur et venir à l'autel pour remplir ses fonctions ci-
dessus indiquées.
7. Quel est l'ordre à suivre pour les prières, versets et oraisons ?
Le point spécial sur lequel on demande notre sentiment est de savoir
s'il est convenable de chanter, après chaque antienne du salut, le verset
correspondant, sans oraison, et de réunir toutes les oraisons à celle du
très-saint Sacrement. Cette pratique n'est*en opposition avec aucune
régie liturgique ; mais elle ne nous parait point avoir les avantages de
celle que nous avons indiquée t. m, p. 27i1, et qui consiste à chanter à
la suite les unes des autres, par ordre de dignité, toutes les prières du
salut, sans versets ni oraisons ; on chanterait ensuite tous les versets, puis
toutes les oraisons qui y correspondent, excepté le verset et l'oraison
du très-saint Sacrement. Après ces oraisons, on ferait la réposition.
Cette méthode, comme nous l'avons dit, distingue parfaitement la
réposilion des prières qui la précèdent; elle n'a point avec les mé^
moires de l'office celte simiiiludeqiie .M. de Conny improuve; elle se
rapproche de celle qui est usitée dans les prières publiques ; elle ne
présente point enfin l'inconvénient d'être insolite comine celle que l'on
propose.
P. R.
Revue des sciences ecclés,, t. ix, — avril 1864. 24
ÉTUDES SUR LA PRÉDICATION.
De PÉtnde des Pères, nécessaire aux Prédicateurs.
Deuxième article.
« Si l'on veut avoir la [lalicnce d'examiner les écrits des Pères, dit
« Fénelon (1), on y verra des choses d'un grand prix. Saint Cyprien
« a une magnanimilé et une véhémence qui ressemble à la vigueur de
a Démosthène. On trouve dans saint Chrysostôme un jugement exquis,
« des images nobles, une morale sensible et aimable. Saint Augustin
« est tout ensemble sublime et populaire... Saint Bernard a été un pro-
« dige dans un siècle barbare... On esl étonné de tout ce qu'il y a de
a grand et de beau dans les Pérès quand on connaît les siècles où ils
« ont écrit... Pourquoi ne veut-on pas passer aux Pères l'enflure de
« leur temps, sous laquelle on trouve des vérités précieuses, exprimées
« par les traits les plus forts? »
« Quand on veut apprécier les mérites des Pères de l'Église, dit
« Fleury {il), il ne faut pas oublier le temps et le pays où ils ont vécu;
« il faut les confronter avec les contemporains les plus célèbres, saint
et Ambroise avec Symmaquc, saint Basile avec Libanius; » et alors
on voit combien ils ont été supérieurs à leur siècle.
Non-seulement, les Pères sont supérieurs à leur siècle, mais ils
(1) Lettre sur les occupations de l'Académie, édition de Lebel, tora. xxi,
pag. 183.
(2) Deuxième Discours sur l'histoire ecclésiastique.
ÉTUDES SUR LA PRÉDICATION. 371
prennent place pain:! les plus beaux génies des âges privilégiés, s'il»
ne les surpassent pas; les témoignages les plus compétents sont unani-
mes à cet -égard. Voici comment s'exprime La Harpe (1). « Lorsque
« îlomc n'était déjà plus la seule capitale du monde, quand les bar-
ce bares menaçaient de tous côtés h; peuple dominateur et corrompu,
« une éloquence naquit avec une nouvelle religion, qui des prisons et
« des échafauds venait de monter sur le trône des Césars. Cette voix
» auguste et puissante était celle des orateurs du christianisme. L'his-
« toire nous présente en eux les plus touchants modèles des plus pures
« vertus, les lettres les réclament à leur tour; elles aiment à se cou-
« vrir de l'éclat qu'ils ont répandu sur leur siècle et se croiront toujours
« en droit de dire qu'avant d'être des confesseurs et des martyrs, ils ont
« été de grands hommes, qu'avant d'être des saints, ils ont été des
« orateurs... Les zélateurs de l'ancie.ine religion n'étaient sous aucun
« rapport à comparer aux zélateurs de la fui chrétienne. 11 s'en fallait
« beaucoup que Celse, Porphyre, Symmaque pussent balancer la dia-
« lectique d'un Tertullien, la science d'un Origène, les talents d'un
« Augustin et d'un Chrysoslôuie. Ce dernier dont le nom seul rappelle
« la haute idée que les contemporains avaient de son éloquence, peut
« être opposé à tout ce que l'antiquité avait de plus grand. »
M . Villemain (2), parlant de l'époque à laquelle vécurent le plus grand
nombre et les plus célèbres des Pères, s'exprime en termes encore plus
magnifiques que La Harpe. « Dans le quatrième siècle, dit- il, la subli-
« mité de l'éloquence chrétienne semble croître et s'animer, en pro-
tf portion du dépérissement de tout le reste. C'est au milieu de
« l'abaissement le plus honteux des esprits et des courages, c'est dans
« un empire gouverné par des eunuques, envahi par les barbares,
« qu'un Athanase, un Chrysostôme. un Ambroise, un Augustin font
« entendre la plus pure morale et la plus haute éloquence. Leur génie
« seul est debout dans la décadence de l'empire, ils ont l'air de fon-
« dateurs au milieu des ruines ; c'est qu'en effet ils étaient les archi»
(I) Cours de Littérature, t. iv, p. Ifi9.
(4) Mélanges, t. ii, p. 141.
372 ÉTUDES SIR TA PP.ÉDICATIOX.
« tectes de ce grand édifice religieux qui devait succéder à l'empire
« Romain. » — « Ces hommes dont la voix s'élève et entraîne les peuples,
« étaient les premiers hommes de leur temps par le talent, parla vertu,
8 parla science. On cherche en vain qui leur comparer dans le domaine
a désert du polythéisme. Us sont les orateurs de la plus grande réforme
a du monde, les interprètes de la sublime nouveauté qui transporte tous
« les esprits. On croit leur porole, parce qu'on l'admire, et on l'admii-e
« d'autant plus qu'on la croit, fis ont eu tout ensemble plus de lumière
a et de foi que leurs contemporains, et ils les dominent par ce double
a empire 1). »
Mais nous ne pouvons mieux faire apprécier l'éloquence des Pères
qu'en citant des extraits de leurs écrits. Obligé de faire un choix,
nous nous bornerons à saint Basile, à saint Grégoire de Nazianze el à
saint Jean Chrysostôme. Les citations seront accompagnées de quelques
réflexions fort succinctes, destinées à donner une idée du caractère
particulier de chacun de ces Pères. Nous ajouteronsquelques notes sur
saint Augustin et saint Bernard.
La langue grecque se soutint dans sa pureté beaucoup plus longtemps
que la langue latine; aussi la littérature des Pères grecs laisse peu de
chose à désirer, sous le rapport du g(it!it. On n'iiésile pas à les classer
parmi les orateurs les plus remarquables qui ont écrit dans celte langue.
Saint Basile el Grégoire do Niiziarize sont sans contredit deux des
grandes gloires de l'Église grecque ; on sait avec quelle ardeur les deux
illustres amis étudièrent à Athènes les leltres sacrées et les lettres pro-
fanes, on sait aussi les espérances que tirent concevoir aux fidèles leurs
vertus, leurs travaux et leur génie précoce.
Érasme !2) appelle saint Basile l'oraieur le plus accompli, qui ait
jamais paiu ; il ajoute que son stsie doit servir de modèle à ceux qui
aspirent à la véritable éloquence. Le jugement d'F.rasme a été confirmé
par celui des critiques modernes. Rollin dit qu'on doit au moins placer
saint Basile dans la premièie cla.'^se des orateurs, et le regarder comme
un des plus habiles maîtres de l'éloquence.
(1) Mélanges, t. n, p. 445.
(2) Dans la préface placée en tête de son édition de S. BasÛe.
ÉTUDES SLIi l.V l'KÉDICATlON. 373
Mais écoutons Photius(l),dont l'intelligence elles talents sont aussi
célèbres que ses erreurs. « Quiconque, dit-il, veut devenir un panégy-
(( risle, ou un orateur accompli, n'aura besoin ni de Platon, ni de Dé-
« moslliène, s'il pren'l Basile pour modèle ; il n'y a point d'écrivain
« dont la diction soit plus pure, plus bêle, plus énergique, ni qui pense
« avec plus de force et de solidité. 11 réunit tout ce qu'il faut pour per-
« suader avec la douceur, la clarté et la précision. Son style toujours
« naturel^ coule avec la même facilité qu'un ruisseau qui sort de sa
« source. »
D'après tous les critiques, la gravité, la clarté, la pureté, la noblesse
forment le caractère distinctif des écrits de saint Basile. Le morceau
suivant fera apprécier l'exactitude de ce jugement. H sert comme d'in-
troduction aux homélies sur l'ouvrage des six jours, dans lesquelles
rarchevôque deCésarée élevait son peuple à Dieu par la contemplation
de la nature.
« Il est des villes, dit l'éloquent orateur, qui, depuis le lever du jour
« jusqu'au soir, repaissent leurs regards du spectacle de mille jeux
« divers; elles ne sciassent pas d'entendre les chants dissolus qui
« font germer la volupté dans les âmes ; e^souvent on nomme heureux
« de tels hommes, parce que, laissant les soins du commerce et les
« arts utiles à la vie, ils passent dans la mollesse et le plaisir le temps
« qui leur est assigné sur la terre. Us ne savent pas que le théâtre de
« ces jeux impurs est une école de vice pour ceux qui s'y rassemblent.
« Quelques autres qui sont passionnés pour les courses de chevaux
« attellent leurs chars, changent leurs écuyers, et, dans le sommeil,
« ils ne sont pas délivrés de la folie qui les tourmente le jour. Et nous
(( que le Seigneur, le grand artisan de l'univers, appelle à la contem-
« plalion de ses ouvrages, nous lasserons-nous de les regarder, ou
i< serons-nous paresseux pour entendre les paroles de l'Esprii-Saint ?
« Ne nous presserons-nous pas plutôt autour de ce grand atelier de la
« puissance divine, et reportés en esprit vers les temps passés, ne sau-
a rons-nous pas embrasser d'un regard tout l'assemblage de la créa-
(l CoJ. cxu.
37â ÉTUDES SUR LA PRÉDICATION.
« tion? » {\) Et puis, un peu plus bas^ saint Basile, continuant sur le
même sujet : « Si quelquefois dans la sérénité de la nuit, portant des
« yeux allenlifs sur l'inexprimable beauté des astres, vous avez pensé
« au Créateur de toutes choses; si vous vous êtes demandé quel est
« celui qui a semé le ciel de telles fleurs ; si quelquefois dans le jour
« vous avez étudié les merveilles de la lumière, el si vous vous des
« élevé par les chf>ses visibles à l'Eire invisible, alors vous êtes un
« auditeur bien préparé, et vous pouvez prendre place dans ce niagni-
« fique amphithéâtre. Venez! De môme que prenant par la main ceux
« qui ne connaissent pas une ville, on la leur fait [larcourir ; ainsi je
<( vais vous conduire comme des étrangers, à travers les merveilles de
« cette grande cité de l'univers (2). »
Quelques rhéteurs ont donné saint Grégoire de Nazianze comme le
plus grand des orateurs tant sacrés que profanes. Ce jugement ne s'est
pas confirmé ; l'opinion la plus reçue le classe après saint Basile: saint
Grégoire a moins de douceur et de fa' ilité que son ami, il a quelque
chose de moins persuasif, mais il est plus fleuri, plus majestueux.
Ces deux qualités de son style dégénèrent quelquefois en défaut :
on lui reproche de présenter à ses lecteurs trop de beautés, et de faire
un usage excessif des fleurs et des figures. Le savoir et les vertus de
saint Grégoire l'appelèrent sur le siège de Gonstantinople. Mais bientôt
des factions se formèrent contre lui. Ami du repos el de la solitude,
il n'essaya pas de lutter contre l'orage et donna sa démission ;
rassemblant le peuple dans l'église dite à'Anasfasie, où était la chaire
pontificale, il annonça sa résolution et sa retraite par un dernier dis-
cours. Jamais le génie de l'orateur ne parut plus élevé, plus majes-
tueux, plus touchant; on lit toujours avec ravissement les adieux du
saint Pontife, qui forment la péroraison de ce discours..
«Adieu, s'écrie Grégoire (5), adieu, église d'Anastasie; adinu peuple
« célèbre que le Ciiiist remplit maintenant d'une foule si nombreuse ;
« adieu à vous toutes, demeures saintes, les secondes en dignité, qui
(1) Saiut Dasile, Hexaéméron., lioinélie iv.
(2) Saint Basile, ffexae/?îe>oa., homélie vj.
(3) S. Gréij., tom. \, p. 766, orat. xxxii.
ÉTUDES SUR LA PUÉDIGATION. 375
« embrassez les diverses parties de cette ville et qui en êtes comme le
a lien et la réunion : adieu, saints Apôtres, céleste colonie, qui m'avez
« servi de modèle dans mes combats ; adieu, chaire pontificale, honneur
a envié et plein de périls, conseil des pontifes orné par la vertu et par
« l'àje des prêtres ; vous tous ministres du Seigneur à la table sainle,
« qui approchez de Dieu quand il descend vers vous, adieu chœur des
« Nazaréens, harmonie des psaumes, sainteté des vierges, modestie
a des femmes, assemblée des orphelins et des veuves, regards des
8 pauvres tournés vers Dieu et vers moi; adieu, maisons hospitalières,
« amies du Christ etsecourables à mon infirmité... Adieu, vous qni
« aimiez mes discours, foule empressée où je voyait briller les poin-
« çons furtifs qui gravaient mes paroles: adieu, barreaux de cette tri-
« bune sainte tant de fois forces par le nombre de ceux qui se préci-
« pitaient pour entendre la parole. Adieu, ô rois de la terre, palais des
« rois, serviteurs et courtisans des rois, fidèles à votre maître, je veux
« le croire, mais certainement la plupart infidèles à Dieu. Applaudissez,
(( élevez jusqu'au ciel votre nouvel orateur: elle s'est tue la voix qui
« vous incommodait ! Adieu, cité souveraine et amie du Christ, car je
« lui rends ce témoignage quoique son zèle ne soit pas selon la science ;
« et le moment de la séparation adoucit mes paroles. Approchez- vous
« de la vérité, quoique bien tard. Adieu, Orient et Occident, pour les-
« quels j'ai combattu et par qui je suis accablé... Mais je m'écrierai
« surtout : .\dieu, anges gardiens de cette église qui protégiez ma pré-
ce sence et protégerez mon exil ; et toi, Trinité sainle, ma pensée et ma
« gloire ! Puissent- ils te conserver, et puisses-tu les sauver, sauver
« mon peuple ! Que j'apprenne chaque jour qu'il s'est élevé en sagesse
« et en vertus ! Enfants, gardez-moi le dépôt sacré ; souvenez-vous de
« ma lapidation. Que la grâce de Notre-Seigneur Jésus-Christ soit
« avec vous tous (1) ! »
M. Villemain fait un bel éloge de saint Grégoire de Nazianze, quand
il dit que ce grand Dorteur « mêle toutes les grâces, toutes les déli-
a catesses du langage à l'éclat irrégulier de l'imagination ; toute la
^1) S. Greg., t. Il, p. 76(i, orat. xxxii.
376 ÉTUDES SUR LA PRÉDICATION.
« science d'un rhéteur à l'austérité d'un Apôtre, et quelquefois le luxe
« affecté de l'élcution à l'émotion la plus naïve et la plus profonde. »
a Cependant, continue le judicieux critique, après avoir lu saint Gré-
« goire, il est une sorte de grandeur, une paisible élévation de génie
« que l'on [leut chercher encore et qui est nécessaire à l'idée que l'on
« se forme de l'orateur vraiment sublime. Ce sont ces qualités plus
« hautes, ou plutôt c'est la réunion de tous les attributs oratoires, le
« naturel, la richesse, l'ordonnance, le pathétique et la grandeur, qui
(i ont fait de saint Jean Chrysostôme le plus grand orateur de l'Église
a primitive, le plus vivant témoin de cette mémorable époque. La pen-
sée reste confondue devant les prodigieux travaux de cet homme,
c( devant l'ardeur et la facilité de son génie (1) ! »
Bargiet,
Chanoine, Archiprôtre d'Auch.
(1; ViUeaiaiu. Nouveaux AIéianges,l. Il, p. 228 el 229.
MINISTÈRE PASTORAL.
Quand im péintenl,par un motif de foi, déleste sincèrement ses péchés,
au moins les mortels, et qu'il a le ferme propos de n'en plus com-
mettre, au moins de tels, le confesseur doit-il se mettre en peine
pour savoir si réellement ce pénitent commence à aimer Dieu comme
source de toute justice, et si ce commencement d'amour est un com-
mencement de cliarité véritable ?
Tout le monde convient que, pour recevoir l'absolution, le pénitent
doit détester tous ses péchés mortels ; et, s'il n'en avait confessé que
de véniels, en détester sincèrement au moins un, avec le ferme propos
de n'y plus retomber et de ne plus pécher mortellement. Mais faut-il
que cette détestalion du péché, si elle n'est que l'attrition, soit
accompagnée d'un commencement d'amour de Dieu, et quel doit être
cet amour ?
Le saint Concile de Trente (sess. vi, c. 6), parlant en général des
dispositions requises pour arriver à la justification, s'exprime de la
sorte: «Disp^nuntur autem ad ipsam justitiam, dum excitati divina
« gratia et adjuli, fidem ex auditu concipientes, libère moventur in
a Deum, credentes vera esse quaî divinitus revelala et promissa sunt ,
« atque illud in primis, aDeo juslificari impium per gratiam ejus, per
0 redemplionem, quae est in Christo Jesu ; et dum, peccatores se esse
a intelligentes, a divinœ juslitiae timoré, quo utiliter concutiuntur, ad
« considerandam Dei misericordiam se convertendo in spem eriguntur,
« fidentes Deum sibi propter Chrislum propiliura fore , illumque
« tanquam omnis justttix fontem diligere incipitmt, ac propterea
« moventur adversus peccata per odium aliquod et delestationem, hoc
378 MINISTÈRE PASTORAL.
« est, peream pœnitentiaraquamante baplismumagi oporiet; denique
« dum proponunt «uscipere baplismura, inchoare novam vitam et ser-
a Tare divina mandata. »
Plus loin (sess. xiv, c. 4), le môme Concile, traitant de la con-
trition, partie essentielle du sacreneat de pénitence, dit: « Conlrilio,
« qiiae primum locum inter diclos pœnilentis actus habet, animi dolor
« ac delestatio est de peccato commisso, cuni propnsito non peccandi
« de caetero. Fuitautem quovis tempore ad impetrandam veniam pec-
« catoriim hic contriiionis moins necessanus, et in homine post bap-
« tismum lapso ita demum praeparat ad remissionem peccalorum, si
« cum fiducia divinie misericordiae et voto praestandi reliqna con-
« junctus sit, quae ad ritesuscipiendum hoc sacramentum (pœnitenlise)
« requiruntur... Docet praeterea (S. Synodus), etsi contritionem banc
« aliquando cbaritale perfectam esse contingat , horainemque Dec
« reconciliare, priusquara hoc sacramentum actu suscipialur, ipsam
« nihilominus reconciliationem ipsi contritioni sine sacrarnenli voto,
« quod in iUa includitur, non esse adscribendam. lllam vero contri-
« tionem imperfectam, quae attrilio dicilur, quoniam vel ex turpitudi-
« nis peccati consideratione, vel ex gehennae et poenarura nielu com-
(( muniter concipilur, si voluntatem peccandi excliidat cum spe veni«,
a déclarât non solum non facere hominem hypncritam et niagis pec-
« caiorem, verum etiam donnm Dei esse et Spiritus Sancti irapulsum,
« non adhuc quidem inhabilanlis, sed tanlum moventis, quo pœnitens
« adjutus viam sibi ad justitiara parât. Et quamvis sine sacramento
« pœnitentiae per se ad justificationem perducere peccatorem nequeat,
a taraen eum ad Dei gratiani in sacramento pœniteniiae impetrandam
« disponit. »
D'après ces paroles i! est maniteste (jue la contrition parfaite justifie
immédiatement et avant que l'on ait reçu l'absolution, et que, par con-
séquent, cette contrition n'est pas nécessaire pour l'absolution. La con-
tritioû imparfaite est donc suffisante pour obtenir le pardon de ses
péchés dans le sacrement de baptême et dans celui de pénitence ; mais,
nous le répétons, cette contrition appelée communément atlrition, doit-
elle être accompagnée d'un commencement d'amour de Dieu? — 11
MINISTÈRE PASTORAL. 379
semble que si ce commencement d'amour de Dieu est entendu de tout
autre amour qne celui de charité proprement dite, l'alfirmalive n'est
pas douteuse, même à l'égard du sacrement de pénitence Car le saint
Concile de Trente exigeant celte disposition pour le baptême, elle ne
doit pas moins être requise dans le sacrement de pénitence, qui exige
de plus grands efforts et par conséquent une pénitence au moins égale
à celle exigée pour le baptême.
Mais en quoi consiste ce commencement d'amour de Dieu, et se
trouve-t-il toujours dans un pénitent qui, par un motif de foi, par
exemple, la crainte de l'enfer, la laideur surnaturelle du péché, le désir
d'aller au ciel, est sincèrement pénétré du regret de ses fautes, avec
le ferme propos de n'y plus retomber? — Ceitc question, depuis le
saint Concile de Trente, a suscité les plus longues et les plus vives
controverses |)armi les docteurs les plus renommés dans la science
Uiéologique, tels que François Victoria, Dominique Soto, Melchior
Cano, Suarez, Vasquez, etc., etc. (V. Bened. xiv^ de Syn. Ub. vu,
cap. 43.)
Les uns ont entendu ce commencement d'amour de Dieu, de l'amour
de Dieu à cause de lui-même, appréciativement grand: c'est-à-dire
au-dessus de tout, quoique dans un degré faible. Et de ce sentiment
est Biiluart {de Pœiiit. diss 4'. art. 7, § 3, colliges ^").
Les autres l'ont entendu de l'amour de concupiscence renfermé dans
l'acte d'espérance, par lequel nous aimons Dieu comme notre bien.
Et de ce sentiment est Touniély et même saint Liguori {Ub. 6,
n» 442, objic. 3").
D'autres encore veulent que ce commencement d'amour soit un
amour de Dieu à cause de lui-même, mais non appréciativement grand,
en sorte que pour être super omnia, l'attrilion a besoin du motif de la
crainte de l'enfer, ou de l'amour de la béatitude éternelle. De ce sen-
timent sont Hubert et plusieurs autres. (V. T}ieoL Ciirs. complet.
tora. XXII, col. 362, n° 679 etc.)
D'autres eniin, avec Bossuet (tom. vu, p. 517, éd. de Versailles),
entendent ce commencement d'amour de Dieu du désir seulement de
l'aimer pour lui-même et par-dessus tout.
380 MINISTÈRE PASTORAL.
Chacune de ces opinions peut certainement être soutenue, au moins
spéculativement, et Alexandre VII, le 5 mai 1667, défendit sous peine
d'excommunication encourue par le seul fait, « cunctis et singulis
« fidelibas... ut si deinceps de materia attritionis scribcnl, vel libros
« aut scripluras edent, vel docebunt, vel prœdicabunt, vel alio quovis
« modo pœnitentes, aut scholares caeterosve erudient, non audeant
« alicujus lheolûgic£e censura?, alteriusve injurias aut coniumelisB nota
« taxare alterain sententiam, sive negantem necessitatem aliqualis
(( dilectionis Dei in prœfala altritione ex nietu gehennae concepta,
« quae liodie inter scholasticos communior videtur, sive asserentera
t dictas dilectionis necessit.item, donec ab bac S. Sede fueril bac de re
« definitiim. » La question est donc encore pendante, selon l'expression
de Benoît XIV (ib. n'' 9) : Adhuc sub jndice Us est, et il en e^t ainsi
au inoins spéculativement. Mais n'v-a-l-il aucune difficulté pour la
pratique ? — On sait qu'Innocent XI a pruscrit la proposition suivante :
0 Non est illicitura in sacramenlis conferendis sequi opinionem proba-
a bilem de valore sacraraenti, relicla tutiore. » Quelque probables
donc que puissent être les sentiments qui nient la nécessité, dans
l'attrition, de l'amour de Dieu à cause de lui-même et par-dessus tout,
dès lors que ces sentiments ne seraient que probables, et ne sont pas
les plus sûrs, ils ne pourraient êlre suivis dans la pratique, si ce n'est
dans les cas de nécessité et lorsqu'on ne pourrait mieux a^ir. Mais
alors que faire ? et quelle conduite doit tenir le confesseur lorsqu'il
n'aperçoit dans le pénitent qu'une contrition imparfaite? Doit-il s'assurer
avant de l'absoudre, qu'il aime Dieu par-dessus tout et pour l'amour de
lui-même? Telle est précisément la difficulté que nous nous sommes
proposé de résoudre dans le présent article.
Or, 5 cet égard, nous croyons pouvoir répondi'e sans hésiter et sans
nous écarter d'aucune des opinions que nous avons exposées tout à
l'heure, que quand un pénitent, par un motif de foi quelconque, déteste
sincèrement ses péchés, ceux au moins qui sont uîortels, s'il a le ferme
propos de n'en plus co naiellre de tels, le confesseur n'a pas à se mettre
en peine si ce pénitent commence à aimer Dieu comme source de toute
justice, et comment il l'aime de cette sorte, si c'est par charité ou au-
MINISTÈRE PASTORAL. 38J
trement, étant suffisamment assuré que ce commencement d'amour,
tel que le requiert le Concile de Trente, se trouve renfermé dans la
contrition telle que nous venons de la décrire.
Nous avons supposé, en effet, que, par crainte de l'enfer ou par
amour de la béatilui'e céleste, gu pnr tontnutre motif pris dans l'ordre
de la foi, le pénitei't déteste sinièrement ses péchés, et par conséquent
ne conserve pour eux aucune affection, ni aucune volonté de les com-
mettre, même dans l'hypothèse qu'il n'y eût pas d'enfer ou de paradis;
(autrement la contrition n'existerait pas, il n'y aurait pas déteslation
véritable du péché, puisqu'il y aurait volonté de le commettre dans une
hypothèse donnée). Mais le pénitent qui est dans la susdite disposition,
qui recourt au prèlre pour être |>urifié de ses fautes, qui vient les ex-
pier par la pénitence, au moins par celle que lui imposera le ministre
du sacrement, celui-là ne montre-t-il pas évidemment qu'il com-
mence à aimer Dieu comme source de toute justice? N'est-ce pas com-
mencer au moins à aimer la justice divine, que de haïr ce que cette
justice déteste? que d'avoir à cœur ses intérêts et de chercher à la
satisfaire et à payer la dette contractée envers elle ? que de venir
puiser auprès de D'eu comme dans leur source les grâces du salut et
de la justification?
Billuart, qui veut un amour de bienveillance qui soit prédominant,
convient cependant que cet amour se trouve dans la déteslation sincère
du péché comme tel, c'esl-à-dire comme étant l'offense divine : « Hoc
« ipso enim, dit-il ^de Pœnit. diss. 4, art. 7, g 4, obj. *2°), quod
(( Concilium dixit conlritionem in commun), adeoque et altrilionem
« sub illa contentam, esse dolorem et odium peccati, utique qua pec-
« catum est et malum Dei,... implicuil aclum benevolentise, quia fîeri
« non potest quod qins odio habeot peccatum ut peccalum est et malum
i< Dei^ msi ex supposito amore Dei . » A la page suivante, le même
auteur dit que « exclusio contrarise volnntatis peccandi per odium et
« detestalionem peccati non habelur msi per umorem Dei benevoliim. »
S'il suffit de détester le péché comme tel, c'est-à-dire comme l'offense
divine, pour avoir, d'après Billuart, l'amour requis par le Concile de
Trente pour la justification; si tous ceux qui détestent positivement le
382 MINKTRRE PASTORAL.
péché et renoncent à le commettre, ont l'amour de bienveillance que
cet auteur dit êirt nécessaire dans l'allrilion pour qu'elle soit suffisante
à l'effet de recevoir l'absolution ; évidennneni, d'après Billuart, et par
conséquent d'après le sentiment qui paraît le jilus exigeant en matière
de conirilion, le pénitent qui se trouve dans les dispositions que nous
avons supposées, c'est-à-dire Je pénitent (jui, par un mohf de foi
quelconque, déteste sincèrement et positivement ses péchés, et a le
ferme propos de n'en plus commettre, au moins qui soient morlelsy
ce pénitent a les dispositions nécessaires pour être absous, et le con-
fesseur peut éire parfaitement tranquille à son égard. Il nous semble
indubitable qu'alors même que les pénitents n'ont été amenés à détester
leurs pécliés, à en l'aire pénitence et à y renoncer entièrement que par
la crainte de l'enfer, ils les détestent néanmoins C(mme l'offense divine,
le mal de Dieu ei le souverain mal, et qu'ils veulent par la pénitence
réparer cet outrage et satisfaire à la justice qu'ils ont offensée. Que le
mouvement qui les pousse amsi suit un sentiment de charité ou un
simple mouvement d'espérance, ce que nous ne voulons pas examiner,
toujours est-il qu'il existe, et que le saint Concile de Trente ne paraît
pas requérir autre chose. Ainsi le confesseur peut sans crainte donner
l'absolution.
Notre conclusion est d'autant plus légitime que Collet. lui-même, si
sévère d'ordinaire dans ses décisions, avoue que la controverse sur la
nature de l'amour initial requis pour la justification du pécheur dans
les Sacrements, controverse qui a si vivement agité les docteurs catho-
liques pendant plus d'un sièclC; n'a pas dans la pratique l'importance
qu'elle paraît avoir au preniier abord : et parmi les motifs que cet auteur
en donne, le principal est que même les pénitents ne savent pas d'or-
dinaire discerner si c'est l'amour ou la crainte qui les fait agir ; et il cite
à ce sujet, un propos du célèbre albé de Saint-Cyran qui avouait n'avoir
0 jamais parlé à qui que ce soit, si l'utlrilion ou contrition était nécessaire
« au sacrement de pénitence, sachant bien que le discernement de ces
« mouvements, à savoir attrition et contrition, est impossible (d aurait
« suffi de dire trop d.fficile) à celui qui prétend les avoir, à plus forte
« raison aux au^re^» [Theol. Curs. complet, tom. xxii, col. 528,529.)
MINISTÈRE PASTORVL. 383
Du reste, il sera toujours 1res bon que le confesseur s'efforce de
faire entrer son pénitent dans les sentiments de la contrition la plus
parfaite. En quoi tous les auteurs, même les moins exigeants sur le
point en question, sont entièrement d'accord. « Quis ncget, dit saint
• Liguori (lib. 6, n. 442 m fine), esse omnino expédions ut pœni-
« tentes pro viribus conentur elicere actum conlritionis perfectae, ulque
« confe.^sarii studeant semper eos ad illam excitare, ut tulius illi divi-
« nam gratiam consequantur ?» Et en cela on ne fera que se confor-
mer aux prescriptions du Rituel romain, où il est dit qu'après que le
confesseur a entendu la confession de son pénitent, et a sérieusement
examiné les pécbés confessés, il doit, avec toute la charité d'un père,
employer « oppoitunas correctioncs ac monitiones prout opus esse
a viderit, et ad dolorem et coniniionem efpcacihts verhis adducere
« conalur. » On doit surtout suivre cette régie de conduite à l'égard
des pénitents en danger de mort, et la raison en est manifeste.
Craîsson,
Ancien vicaire général de Valence.
BIBLIOGRAPHIE.
Vie de saint Saturnin, dis\;iple de saint Pierre, premier évêque de
Toulouse el martyr, précédée d'une dissertation sur son apostolat au
preuii.u' siècle, par al. Maxime Latou. In-S» de 314 pp. Toulouse,
Léopold Cluzon. 3 fr. par la poste.
La question dû rorigine apostolique des Églises de France est une
cause gagnée. La Bévue s'en est plusieurs fois occupée, et il serait
désormais superflu d"y revenir encore.
Avec la thèse générale, il fallait étudier les détails, il fallait vérifier
les traditions locales des Eglises particulières qui prétendaient remonter
aux apôtres el véiifier, le flambeau de la critique à la main, les titres
d'une prétention si glurieuse à la fuis et pour chaque Église spéciale, et
pour toute la France elle-même.
Depuis plusieurs années, cette grande œuvre s'accomplit progressive-
ment sous nos yeux. 11 n'y en a pas qui ne nous appoit<' quelque beau
et patriotique travail conçu et exécuté dans ce sens.
.Aujourd'hui, c'est la Vie de sainl Saturnin que nous signalons à nos
lecteurs. M. l'abbé Maxime Lalou est connu dant notie Revue. A diverses
reprises, il s'y est occupé de l'origine apostolique de nos Églises. Il vient
de nous donner le fruit deses recherches dans l'ouvrageci-dessus annoncé.
Ce livre est divisé en trois parties. Le savant auteur examine et
justifie le sentiment qui fait venir saint Saturnin à Toulouse au premier
siècle. De là, il est naturellement conduit à exposer et à réfuter l'opinion
qui place l'épiscopat de ce grand saint au IIl" siècle. Celte critique et
celte réfutation sont faites avec le plus grand suciès. Après cette partie
critique vient la vie de sainl Saturnin. Envoyé par saint Pierre, il arrive
à Toulouse. Son zèle ne se concentre pas dans cette grande cité, il
déborde dans les contrées voisines, en Novempopulanie, en Espagne
BIBLIOGRAPHIE, 385
même , et ce que le grand évéqtie ne peut faire par lui-même, il le fait
par saint Honeste, sou disi.Mple et son ami. Enfin, il rentre dans sa cité
épiscopale pour y subir le supplice dont les détails sont si connus.
L'ouvrage de M. l'abbé Lalou est donc digne de toute louange. Ndus
nous garderons bien de lui en donner après les félicitations qui lui ont
été adressées par Mgr l'Archevêque de Toulouse, juge si compétent,
N.-C Leroy.
Instructio pastoralis et «lecretnm Versalieusis episcopi,
die 3 martii 18G4.
Après tout ce qui s'est passé depuis vingt ans relativement à la
question liiuigique en France, la lumière s'est faite sur un point si
grave avec une telle abondance, qu'on pouvait penser qu'il éiait dé-
sormais impossible de n'être pas rallié à la cause de l'unité liturgique.
Mais il y a des esprits qui n'oublient rien et n!apprennent rien. Tel est
l'auteur des trois Lettres de Sophronius, répandues surtout dans le
diocèse de 'Versailles. C'est cette ciconstance qui a porté le vigilant,
pieux et savant évoque de celte ville à les réfuter et à les condamner.
Publiées à Paris, sans imprimatur, bien que le droit commun et le der-
nier concile de celte province le requièrent, ces lettres sont pleines
d'ignorance : Crassam prx se fert de iis qitas movet qnxstionibus
ignoi antiam ; pleines d'inconvenance : Impudenter in epi<coporum ac
vel ipsius Sedis Apostolicse gesta ac saluhriter décréta în&ectatnr ; pleines
de mensonges : Toi denique scatet apertissimis erroribus mcndaciisque
aciieniis. La belle instruction de Mgr Mabile, écrite dans un style [dein,
digne, calme et fort, met en évidence ce triple jugement. Nous vou-
drions pouvoir la ciler tout entière. Nous y remarquons d'abord l'état
des dioféses par rapport à la sainte et antique Liturgie romaine.
a En 1839, la Liturgie romaine était en usage dans douze diocèses
de France : Aix, Ajaccio, Alger, Avignon, Bordeaux, Cambrai, Mar-
seille, Montpellier, Perpignan, Rodoz, Saint- Floup et Strasbourg.
« Depuis cette époque, 59 diucèses ont adopté et suivent en effet la
Liturgie romaine. En voici l'énumération d'après l'ordre chronologique
Revue tes Sciences kcclé,, t. ii — avril 1864. 25.
"386 Bmi.HiciuPHiE.
de leur retour an ril romain : Langres, Gap, Quimpcr, Périgueux,
Rennts, Suint-niieue.Troyes, Angoiilérac, Digne, Wonlauban, Vannes,
Tarbcs. DoDrges, Beinis, La Rochelle, Arras, Fréjus, Sens, Soissons,
Agen, Aire, Amiens, Blois, Moulins, Nevers.Chàlons, Limoges, Saint-
Claude, S;:inl-r'ié, Valence, Veisailles, Cahors, Carcassonr.e, Luçon,
Nîmes, Le Mans Poilirr!:, Alli, Aucli. Peauvais Lav;il, Angers, Autun,
Bayonne, Évrenx. Meaiix, IVanles, Le Puv, Metz, Tours, Vi\iers, Cou-
tanres.Mende, Nancy, Rmen, Toulouse, Baveux, Séez et Dijon.
« Ln (lUlre, le retour à la Liturgie romaine a été décrété par les
évêques dans les neuf diocèses suivants : Orléans , Tulle, Paris,
Besançon, Verdun, Chartres, Grenoble, ClermontetPamiers. Bien plus,
nous avons ajpiis que parmi ces neuf diocèses plusieurs sont passés
de fait à la Liturgie romaine : cependant, comme nous ne le savons
pas d'une manière a^sez certaine, nous nous abstenons de Paftlrmer
(]). o, 6 . »
Restaient donc les seuls diocèses de Lyon et de Belley, par rapport
auxquels Mgr de Versailles expose l'état de la question, alors fort
brûlante, aujourd'liui, nous lespérons, éteinte et assoupie.
C'est donc à l'unanimité que nos évéques, imitant leurs prédécesseurs
du XVl" et du XVI1« siècle, et leurs collègues plus anciens du
IX' siècle, ont repris les usages de l'Eglise mère et maîtresse.
Mgr de Versailles expose ensuite avec sa science et sou exactitude
accoutumées le droit liturgique et la triste révolution qui (Il pullulor tant
de liturgies illégitin;es. IndiicLv jgUur ejiismod' ///«hmcT per upcrtis-
simam legi^ transgress'wn^m, l('g>s, inquam, a siiprema Ecilesix an-
toritatc sancilae. Citjiis tar.li errati, ex bona fide idcteroquin exctisaiidi,
si causas exquirere sineienl hitjusce paslorulis Inslnulionis l mites,
prxcipnam repeieremus ex ea quœ tune lemyoris passim per GalUas
invaluerat nequaqtiatn sana doctiiua theologica. Jam ad rjusmodi at-
tentatum qu'xd sedes Apo^tolica"! Dissimulavit, siluit, toUruvit ad
prœtentia fere usqite lempora. Ciijus lam diuturui sileiitii causas in-
dagare pariter prsctermittimus, utpole quas facile quisqiie vestrum,
rei ecclesiasticx in Giilliii }iisloriani remeanJo. introspicere poteril
;p. il'.
BIBLIOGRAPHIE. 387
Le droit canonique miinli'^nl [as liturgies orientales ; il autorisait
les liturgies qui, au temps de saint Pie V, avaieiit plus de deux cents ans
d'existence, il permet les.propres des diocèses et des religieux, approuvés
par la Sacrée Congrégation. 11 n'exclut donc pis la variété, mais il
proscrit la variété qui n'est pis légitiine. Telle était h variété d2 ces
liturgies particulières condamnées, non quia vaki/E et a Homana
diversx, eed quia rephobaT/E per sancitam a suprenia Ecclesix aiic-
torïlule legem (p. 13).
L'Insirudiou réfute aussiies autres raisons ou les misérables arguties
de Tauiejr. Le qu.ilifioatif romcin supposed'autres liturgies coexis/a'j.'es
et PAR CKLA MÊME avouées et reconnues!!! /Yo;<s étions en communion
acei', l Eglise romaine ! - Supponil anonymus, dari non passe culpabilem
actnm nlliim, quinstalim excommunicalionià gladiiim Sedes Aposlolica
exerat (p. lo,. Puis vient un argument de la môme force tiré du déciet
du cardinal Capiara, d'après lequel il est enjoint aux archevêques et
évéques d'établir ce qu'ils jugeront dans leur sagesse être nécessaiie
ou utile à la célébration des offices et à l'observance des rites el céré-
monies. — Vient ensuite celte affaire de Lyon dont la marche (p. 49-
23) a contrislé tous les bons prêtres : Quid tum Lugduuerises parochi?
Scriptum edidere, non ad retractanda errata, sed qno ea plane con-
firmarunt et auxerunt. etc. (p. i23).
Le reste de l'Instruction détruit à fond certaines imputations de
l'anonyme contre l'administration diocésaine de Versailles et condanme
les lettres de Sophronius.
Ce nouvel écrit de Mgr Mabile restera dans l'histoire de la rénovation
liturgique en France comme une belle page, un admirable monument
de science et de précision doctrinale. Nous n'avons pas eu l'idée de le
juger, Dieu nous en garde, nous avons voulu endonnerle résumée nos
lecteurs et nous réjouir avec eux.
Le pieux prélat termine par cette phrase : Prœsens autem decrelnm
nostriim Sedi Apostolicx cujus supremo jttdicio episcoporum judicia
omnia de jure subjiciuntur, transnùtli oplamus ac procurabimus.
H. Girard.
CHRONIQUE.
1. Livres mis a l'index. — Décret du 15 mai's 186i. — Franco
Mistrali. — Vita di Gesù, A Erneslo Renan. Milano, 1863.
Le Maudit, par l'abbé***. Paris, librairie inlernalionale, 1864.
La Parafa di Dio e i moderni Farisei. Appello al Sentimenlo cri-
stiano. Per Andréa Moretti, depulato al Parlamento Italiano. Ber-
gamo, 1864.
Guia de los Casados o Hisloria Natural de la Generacion ; Mentor
domestico para las personas de arnbos secsos. Por Don Federico
Hûllick. Nucva-York.
Auctor optMis cul tiliiliis : Il Clero Veneto nelFanno l^Q'i, per un
Testimonio di visla e di fatlo, Bologna 1862, Prohib. decr. 24 û«-
gusli 1803, laudubiliter se subjecit.
Auclor operis cui tilulus : DelVultima perseruzione délia Chiesa,
e délia fine del Mondo, per P. B. N. B. Volumi sel, Fossombrone
1803, Prohib. decr. 15 dccembris I863,lamiabililer se subjecit.
2. Nous devons notre première mention à une œuvre colossale, qui
ne le c^de point à la réimpression des Bollandtsles, qui même l'em-
porte encore par son caractère d'utilité plus générale et par les condi-
tions exceptionnelles de bon marché auxquelles elle est offerte 11 ne
s'agit de rien moins que de la réimpression des Annales de Baronius
et de ses continuateurs. Et ce n'est p.is uu simple projet, car déjà le
premier volume est sous presse : il pourra être livré prochainement
aux souscripteurs. On a choisi le format 10-4" à deux colonnes. L'exé-
cution typographique est très-belle, à en juger d'après le spécimen que
nous avons sous les yeux : il faut espérer que la coriection, si impor-
tante dans un ouvrage de ce genre, sera l'objet de soins particuliers.
La nouvelle édition n'aura pas seulement l'avantage de rendre acces-
sible à toutes les bibliothèques un ouvrage do cetle importance : outre
les critiques de Pagi et les notes de Mansi, outre les continuations de
Rainaldus et de Laderchi, elle contiendra encore la Conlintialion du
P. Theiner, qui conduit les Annales jusqu'à votre époque. Le savant
oratorien s'est chargé, en outre, de revoir le texte, de coDationnerles
CHRONIQUE. 38P
documents, el d'ajouter çà et U de nouvelles pièces. Cette édition
effacera donc toutes les autres, y compris celle de Lucques, si rare et
si chère, mnl^iré ses défauts et ses lacunes. Le prix du volume n'est
que de 12 fr. pour les souscripteurs : comme il doit y avoir environ
45 voldmes, cela porte à 500 ou 600 fr. le prix total de l'ouvrage.
La continuation du P. Tlieiner, si l'ôditiou in-folio de Rome avait été
achevée, eut coûté seule près du double do cette somme : les trois
pren)icrs Nclumes ne se vendent pas moins de 175 fr. C'est M. Louis
Guérin, éditeur à Bar-k'-Duc, qui ose réaliser cette gronde entre-
prise. Il promet de donner un volume par mois. Le travail du P.
Theiner est prêt jusqu'à Pie VI inilusivement.
5. M. Guérin a déjà fait ses preuves comme éditeur. Il a publié
d'excellents ouvrages : il a donné une édition de Bo.^suct en 12 vol.
§r, in-80 (8i fi'.) : il réimprime Bourdaloue (4 vol. gr. in-B" à 0 fr.,
dont le premier a paru', et. ce que nous approuvons nioins, il publie
une traduction français-e des œuvres complètes de saint Jean Chry-
sostôme et de saint Augustin. On connaît noire sentiment sur les tra-
ductions en général. L'idée surtout de traduire en entier saint Augus-
tin no nous semble pas très heureuse. Des traductions de Pères de
l'Église ne devraient être que partielles et destinées surtout aux gens
du monde. Toutes nos sympathies seraient acquises â la réimpression
(les Dogmata Iheologica du P. Petau, si une antre édition n'avait été
annoncée chez M. Vives. Nous ne savons qui a la priorité, mais il est
assez d'ouvrages utiles à réimprimer, pour que les éditeurs catho-
liques ne marchent pas ainsi sur les brisées les uns des autres. Quoi
qu'il en soit, le Petau de M. Guérin formera 8 vol. gr. in-S^, dont le
prix est de 8 fr. 50 c. pour les souscripteurs.
4. Le P. Gratry ne trouve pas, comme quelques éciivains de la
presse périodique, que l'on ait fait trop de réfutations de la Viede Jésus.
(I Toutes ces réfutations, dit-il, me paraissent bonnes et opportunes,
en ce sens qu'il n'y a peut-être pas un seul de ces écrits qui ne fasse
voir que le livre est faux. Il est arrivé à Cft auteur ce qui arrive, qu'on
me peiinelte colle comparaison, à un lépidoptère qui a eu le malheur
et le tort de pniétrer dans rinlérieur d'une ruche. Kn un instant, il
est cerné, percé, roulé, env^lopfié de cire, et précipité au dehors.
Toutes les abeilles preiment part, avec une grande indignation, à celte
petite alfaire. Laquelle de ces abeilles est ridicule? Aucune assuré-
ment. Ni celles qui ne font pas frémir et agiter leurs ailes^ ni celles
qui, comme moi, surviennent quand l'ennemi est dgà mort. » Le livre
de l'éminent oratorien^ du reste, ne se rapporte point uniquement à
•'^90 CHRONIQUE.
l'incident littéraire qui a déîerminé son apparition. La Vie de Jésus se
rattache à un vnste uioiivenienl d'iiicrédiilité que le P. Gratry étudie
dans son enemble et dans «es manifestations princii3ales. Un recueil
de textes, tués de MM. Schérer, Vachcrot, Mi;lipletde Berlin, Renan,
met le lecteur en mesure de se prononcer par lui-niê;ne et de juger
avec connaissance de cause. [Les Sophistes et la Critique ; 8" de iv-
460 pp. Paris, LecoftVe et Duuniol, 0 fr.)
5. Ce que vient de faire un théologien, un philosophe l'a entrepris
à son point de vue. L'Idée de Dieu et fes nouveaux critiques (P.iris,
Hachette; 8° de 50Bpp., 7 fr. 50), tel est le titre d'un travail remar-
quahle où M. Caro étudie la marche de la philosophie négative en
France pendant les quinze deriiièr;s années. A propos de l'école cri-
tique dont M, Uenan s'est constitué le représentant, il examine dans
un chapitre spécial cette fameuse Vie de Jésus qui a causé un si grand
émoi, précisément parce qu'elle touche au problème le plus fondamen-
tal de tous, parce qu'en ôlant au Christ s m auréole divine, on prétend
bien bannir jusqu'à l'idée du Dieu personnel et vivant qu'adore le genre
humain. Voilà pourquoi celte question, purement thé^logique en appa-
rence, a sa place dans le livre de M. Caro.
6. L'édnion populaire a, en France, porté le dernier coup à la ré-
putation de M. r\ena;i. Il devient évident iiour les plus aveugles qu'il y
a là une œuvre de spéculation et d ' scandale, pas autre chose. Mais, ce
que le monde savant et lettré a sifflé avec une si frappante unanimité,
le peuple, dans son bon sens, n'en voudra pas davantage. Non, ce ne
sont point dépareilles tentatives qui ébranleront d'une manière sérieuse
les convictions chrétiennes encure si vivaces dans notre pays, même
chez ceux qui ont le malheur de n'y être pas fidèles dans la pratique.
Cette dei'nière agression a été jugée, comme elle le mérite, par .M. l'abbé
Frcppel. qui a joué un si beau rôle dans ccile polémique. [Une Edition
populuire de la Vie de Jésus. Paris, V. Pabné ; 8° de 50 pp., 50 c ) —
M. Lamy, professeur à l'Université de Louvain, en éditant pour la se-
conde fois la savante brochure dont nous avons parlé déjà, l'a également
enrichie d'un nouveau chapitre sur l'édition populaire de la Vie de
Jésus. {L Evangile el la Critique. Examen de la Vie de Jésus de M.
Ernest Renan. Malines, Dessain ; in -12 de 130 pp.j
7. Nuus recevons à l'instant un nouveau livre du P. Matignon que
nous n'avons pu parcourir encore, mais que l'intérêt dn sujet et le nom
de l'auteur recommandent d'avance à l'attention des théologiens. Il est
intitulé: La Liberté de l'esprit humain dans la foi catholique. (Paris,
A. Le Clère ; iu-8 de 575 pp., 4 tV.) Nuus citerons encore : Le Sur-
CHRONIQUE. Soi
naturel, principe général d'explication pour servir à l'étude de& qve&-
lions philosophiques et religieuses, par M. l'abbé Caron. (Paris, Tolra
etHaion; in-l2 de viii-150 pp., 1 fr.)
8. Nous apprrnnns qu il va |iaraî!rochrz !\1.A. Bray une traduc'ion
d'un iniiioi'lanl ouvrage, sur les missions : Christian iVissions, Iheir
agents, iheir method und iheir results. Dy T.W. l\l . Marshall (Londoii,
i8G2; 3 vol. 111-8".) Celte traduction a été revue par l'auleur lui-même.
— M. l'altbé Dehaisnes, déjà bien connu des lecteurs de la Revue, a
traité, dans la Vie du P. Nicolas Trigavlt, un chapitre fort intéressant
de cette nifnie histoire des missions. (Tournai, Casierman ; Paris,
Lelhielleux ; in-12 de xxxix-312 pp., avec portrait et fac-similé.
1 fr. 75 c.) L'ouviage s'ouvre par une introduction sur les missions de
Chine, et se termine pr,r un appendice qui renferme plusieurs lettres
inédiles du c»''lèbre missionnaire.
9. Introduction aux Cérémonies romaines, ou Notions sur le ma-
tériel, le personnel et les actions lilurgiijurs, le chant, la musique et
la sonnerie, par A. Bourbon, chanoine et maître des cérémonies de
la cathédrale de Lucon. (l-iiçon, P.iiJeaux, 186i ; Paris, Bray, in-S",
573 pp.) Le savant et laborieux anli nr de ce livre, « épuisé par des
« travaux excessifs sur l'Ecriture sainte et la liturgie, n succombé le
« 28 juillet 1803, à l'âge de 45 ans, avant que l'impression en fût
« terminée. » {Préface.) C'est une perte pour la science et pour l'É-
glise. L'ouvrage a pour but de nous faire connaître un grand nombre
de principes dont l'ignorance, malheureusement trop répandue parmi
nous, est la causse d'une multitude de fautes liturgiques qui se glissent
involontairement dans les églises mémos où l'on apporte la plus minu-
tieuse attention à I observance régulière des rites sacrés. Une plume
compétente donnera bientôt dans la Revue un comptr-rendu détaillé de
ce livre important. On signalera ceitaines que.-^tions sur lesquelles l'au-
teur, si remarquable par sa science liturgique, eût pu s'étendre davan-
tage. Il l'aurait fait, si Dieu lui eût piété de plus longs jours; peut-
élie aussi eût il modillé son seiitinient sur qiiclques points particuliers
qui seront signalés et soigneusement discutés.
10. Le P». P. Levavasseur vient de donner une seconde édition de
son Cérémonial à l'uyaye des petites églises de paroisse, selon le rit
romain. (Paris, Lecoflre, in-12 de 340 pp ) L'auleur y a fait de no-
tables et importantes addiiions. 11 a retouché et complété le thapiire
relatif aux messes de Requiem, et a ajouté un autre chapitre sur les
fêtes dont la solennité est transféiée à un dimanche. On y trouve aussi
une dernière partie sur l'administration des sacrements.
$9i CdROMOUE.
< I . Le second volume du Dreviarhim phihsophix scolastieœ, de
M. Grandclauiie, amainlenant paru, de sorte que l'ouvi^geest achevé.
Nous lui consacrerons iirocliainement un article spécial. On peut se le
procurera Paris chez MM Gaume, fières et Dupiey, ou chez iM. Péla-
puii.
i"2. Un fameux discours, prononcé au congrès de iMalines, a ranimé
parmi les catholiques de n grctlables débat-. Les explications échan-
gées entre le Con espondant cih Cmltà ioui espérer pourj'avenir une
entente plus parfaite f-ur ces questions; s'il en était ainsi, nous n'aurions
pas trop à regretter l'incident qui aurait amené un résultat si dés-irable.
Ou connaît les deux lettres toutes récentes de S. E. le Cardinal-Arche-
vêque de iMalines à i\L Dechamps. Elles viennent d'être réunies en
une brochure, sous ce titre ; La Constiluiioii belge et l'Encyclique de
Grégoire A'V/. (Màlines, Van Velsen, ou Bruxelles, Goemare ; 8"
de 59 pp.) Tout le monde pourra ainsi les relire et les conserver. On
nous permettra d'mdiquer aussi à ceux de nos lecteurs qui veulent
suivre c»!S questions, la bs'lle et courageuse brochure de iM. 1^ comte
Edgar du Val de Beaulieu : L'Erreur libre dans l'Etat libre, et l'E-
glise opprimée dans l'Elat libéral . Obseivahons à fropos du Discours
de M. le comle de Montalemberl. (Bruxelles, Adriacns, 1863; 8° de
64 pp.)
15. Bien que la Revue des Sciences ecclésiastiques n'ait pas à
s'occuper d'ouvrages purement iiitéraires, nous pouvons consacrer
une mention à des livres qui. par un côté du moins, touchent à noire
spécialité. C'est à ce titre que nous rtcommandons ÏHintoire de la
Littérature française au XV II" siècle, par M. l'abbé Follioley. (Paris,
E. Belin, t. i ; in-12 de 1X-56G pp., 5 fr. L'ouvrage aura îl volumes.)
On y trouve une excellente étude sur Port-Royal, ses écrivains et
leurs productions ; ur.e autre sur Pascal, les Provinciales et les Pen-
sées.
14. Nos lecteurs savent tous qu'un bref pontifical est venu trancher
la question lyonnaise. Nous cs;iérons pouvoir donner dans le N° pro-
chain le texte de ce bref. Des circonstances iiidépendantes de notre
volonté nous forcent à en suspendre, quant à présent, ia publication.
E. Mautcœur.
Ariûs. — Typ. Rcuâseau-Leroy, rue Saiat- Maurice, î6.
I
DU DHOIT COUTUMIER DANS L'EGLISE.
Premier article.
§1
1 . L'Église, société universelle qui doit embrasser tous
les peuples et toutes les générations, présente a la fois le
spectacle de l'unité 'a plus ^orte , la plus absolue, la plus
compacte que puisse offrir une société, et en même temps
celui de la plus prodigieuse variété. Aussi, a cause de son
unité , est-elle appelée dans les saintes Écritures corims
Christi, anum ovile, etc. : et i'apôtre saint Pau' déclare fré-
quemment dans ses épîtres, que les ûdèles doivent consti-
tuer un seul corps (1) ^ enfin le divin Sauveur lui-même,
pour consolider à jamaib cette unité intérieure et extérieure
et en exprimer la vraie nature, adresse a son Père cette
prière : Serva eoa in nomine meo^ quos dedisti mihi, ut sint
UNUM, sicut et nos. Il s'agit donc de l'unité la plus parfaite,
la plus indissoluble, en un mot, de celle donl le type est
l'essence une des trois Personnes de l'adorable Trinité.
Dautre part, cette même Église, en tant que catholique
ou bercail universel destiné par le divin Pasteur h embras-
(1) Rom. xil, 4 et Ô. 1 Cor. x, 17 ; xil, 13, 14, etc.
Revue des Sciences ecclés., t. ix.— mai 1864, 20
394 DU DROIT COUTUMIER
ser tout le genre humain, doit aussi offrir dans ses membres
la plus prodigieuse variété 5 il résulte de sa loi même de
diffusion qu'elle ne peut tendre a détruire la diversité natu-
relle et inévitable qui existe entre ses enfants. L'unité de
l'Église ne peut évidemment être incompatible avec la dif-
férence de temps, de mœurs, de climats, d'institutions
politiques, etc. Il ne s'agit pas, en effet, d'une unité qui
violente et détruit l'ordre naturel des choses, mais de cette
unité qui harmonise et rassemble, en vue d'une fin com-
mune, les éléments les plus divers.
Nous voyons donc que la société chrétienne réunit à un
degré éminent tous les caractères de la beauté : l'unité dans
la variété. Et la constitution positive de cette société éta-
blit admirablement cette loi d'harmonie parfaite dans la
plus grande variété.
Le divin Sauveur, en donnant a l'Église, qui doit perpé-
tuer ici-bas l'œuvre de l'Incarnation, la forme monarchique
avec le privilège si sublime de l'infaillibilité dans le chef
visible, a pourvu a la conservation de l'unité j et d'autre
part, en conférant aux évéques dispersés dans le monde un
véritable pouvoir législatif, bien que subordonné, il a pourvu
aux exigences de la diversité : ce pouvoir étant subordonné
ne peut rompre ou affaiblir le lien d'unité. Et toutefois
chaque diocèse, régi par son évêque, qui pour son troupeau
reflète spécialement la personne adorable de Jésus-Christ,
constitue comme une société complète dans son genre.
On voit donc que l'Église universelle, considérée quant
à la forme intérieure de son gouvernement, peut être en-
visagée comme un système général résultant de l'harmonie
de plusieurs systèmes subordonnés, que constituent les
diocèses. Chaque système administratif particulier gravite
autour de l'évêque, qui en est le centre et le moteur -, et le
Pontife suprême ou l'évêque de Rome est le centre du sys-
tème général, en sorte que chaque diocèse ne peut appar-
DANS l'église. 3ô5
tenir véritablement à l'Église, qu'autant qu'il se meut
autour de ce centre universel. Toute séparation, tout
schisme avec le Souverain-Pontife brise la loi divine d'har-
monie, et projette loin du principe d'activité et de cohésion
l'élément séparé, qui alors doit périr dans l'isolement et le
vide.
Le Pontife romain, lieutenant de Jésus-Christ, est donc
le centre universel autour duquel gravite toute l'Église, et
l'évêque est a son tour un centre particulier, principe de
mouvement et de vie sociale dans une église particulière.
La primauté tend par son action au maintien de l'unité, et
l'évêque, en contact immédiat avec les peuples, doit adap-
ter les moyens particuliers aux besoins réels et variés des
enfants de la grande famille chrétienne. Jésus-Christ, dans
la constitution de son Église, a par conséquent organisé le
pouvoir de manière à conserver indissolublement l'unité,
et a pourvoir à tous les besoins qui naissent de la diversité.
2. Toutefois, il est bien évident que le pouvoir législatif,
malgré cette admirable organisation, ne pourra pas toujours
et dans toutes les circonstances, si on le considère in con-
creto, déterminer d'une manière absolue, parmi les moyens
indifférents, celui qui, dans telles conditions particulières,
aurait le plus d'opportunité et serait le plus efficace \ il est
donc absolument possible que le sujet du pouvoir législatif
à un degré quelconque, puisse parfois négliger certains
moyens accessoires plus efficaces ou mieux proportionnés
aux forces morales de cette personne juridique qu'on nomme
la société. Il pourra donc arriver que le choix et la déter-
mination exclusive d'un moyen soit le résultat de la force
naturelle des choses []), et d'une sorte d'instinct social de
la multitude : de là un usage, une coutume de fait, qui
peut devenir loi. La source primordiale ou éloignée du droit
(1) Taparelli, Droit naf., 1. v, ch. v.
396 DU DROIT COUTUMIER
coutumier se Irouve principalement dans les circonstances
particulières de temps, de lieu, de mœurs, d'institutions
politiques, etc. ; ces circonstancoo jjeuvent déterminer une
tendance régulière et uniforme vers la un sociale. En effet,
la diversité naturelle qui existe entre les enfants de la
grande famille chrétienne, tend inévitablement et par sa
nature même k produire une certaine variété, jusque dans
le choix de certains moyens accidentels de parvenir à la
fin commune : et le fait prouve surabondamment cette ten-
dance à introduire des coutumes plus ou moins en dehors
de la loi positive.
Plus une société est complexe, plus ses éléments sont
nombreux et divers, plus il sera difficile au législateur de
déterminer toujours, avec une parfaite opportunité, tous les
moyens particuliers de procurer aux individus la plus
grande participation possible au oien commun. Il est donc
indubitable que parfois, dans les grandes sociétés, le fait
devancera la prévoyance da législateur et viendra, avant
toute prescription positive, déterminer de nouveaux moyens;
il pourra même montrer que les lois anciennes sont, en
vertu des circonstances, devenues ou contraires au bien
commun, ou supérieures aux forces morales de la société.
L'expérience démontre cela fréquemment dans toutes les
sociétés, et l'étude des origines historiques du droit, soit
civil, soit ecclésiastique, nous fait assez connaître que plus
d'une fois des coutumes sont ensuite devenues lois posi-
tives.
Or, l'Église étant la société la plus vaste, la plus com-
plexe, la plus variée dans sa partie matérielle, il doit résul-
ter de la que le droit coutumier de temps à autre trouvera
place dans l'ensemble des lois qui constituent la discipline
ecclésiastique. Bien que l'assistance spéciale de l'Esprit-
Sainl confère au pouvoir législatif dans l'Église un caractère
spécial de prévoyance et un tact surnaturel des grands
DANS l'église. 397
besoins sociaux, bien que le législateur suprême soit infail-
lible^ dans tout ce qui est de la discipline générale, il est
vrai néanmoins que, pour ce qui est accidentel ou ac-
cessoire, l'Église n'est point soustraite entièrement aux
lois ordinaires des sociétés complexes. Il peut donc arriver
que des usages, douée de cette rectitude intrinsèque qui
est un des caractères de la loi, deviennent généraux ou des
coutumes de droit.
Nous n'entendons nullement, bien entendu, déclarer ici
que le titre d'autorité de la coutume soit sa rectitude, sa
convenance et son opportunité. Nous indiquerons, en son
lieu, en quoi consiste ce titre. Nous ferons cependant re-
marquer tout d'abord que, dans cette question si délicate,
il importe souverainement d'éviter deux excès opposés :
l'un, plus spéculatif que pratique, consiste a nier la réalité
de tout droit coutumier véritable dans l'Église, c'est-a-dire,
à n'admettre que le seul droit écrit. L'enseignement uni-
versel des canonisles et des théologiens est suffisamment
connu et explicite sur ce point pouV qu'il n'y ait pas lieu
d'y 'nsister. Au surplus, en déterminant la nature et les
conditions des coutumes légitimes, nous montrerons que
cettn théorie ne serait pas sans inconvénients ^ elle tendrait
en effet d'abord a détruire toutes les coutumes de droit,
et aurait ensuite pour résultat, sinon de scandaliser, du
moins d'étonner les fidèles, de venir troubler inutilement
une situatior œgulière,et de produire, par des changements
intempestifs et sans nécessité, un'> fâcheuse perturbation
dans les âmes simples. Et je ne parle pas même de l'at-
taque formelle et directe contre la loi, si la coutume est
légitime.
L'autre écueil, plus pratique et plus pernicieux, consiste
a légitimer toutes les coutumes de fait, jusqu'à celles qui
sont contraires, non-seulement a certaines prescriptions
canoniques, mais encore à toute l'économie du droit, mên^e
898 DU DROIT COUTtMIER
à l'exercice du pouvoir législatif dans l'Église, c'est-a-dire,
celles qui sont irrationnelles, abusives, corruptelœ juris.
Toute coutume de fait, c'est-a-dire, selon la définition de
saint Thomas et de Suarez (1), omnis frequentia actuum
humanorum similium tempore continuata, deviendrait ipso
facto coutume de droit.
Et c'est ce point surtout qui sera le côté pratique de
notre étude, et lui donnera un caractère spécial d'utilité.
Nous nous proposons en effet, non-seulement de détermi-
ner le plus nettement qu'il nous sera possible les véritables
conditions delà coutume légitime, mais encore d'examiner
les obligations de conscience des pasteurs par rapport aux
coutumes de fait.
Les âmes droites, qui cherchent avant tout le royaume
de Dieu et sa justice, les consciences délicates et timorées
qui se préoccupent uniquement de conformer toute leur
conduite a la volonté de Jésus-Christ, se trouvent souvent
dans une étrange perplexité sur ce point. Que résoudre en
effet, lorsqu'on se trouve d'un côté en présence d'un usage
invétéré, auquel on ne peut porter atteinte sans incon-
vénients, et de l'autre, d'une loi positive de l'Eglise, organe
de Jésus-Christ, prescrivant ce qui est positivement con-
traire a cet usage ? Nous tâcherons donc, pour préciser la
nature des obligations de conscience, d'étendre notre
examen, non-seulement aux coutumes qui sont certainement
légitimes, mais encore à celles dont la légitimité est dou-
teuse, et même à celles qui sont irrationnelles, abusives,
corruptelœ juris a divers degrés. En rappelant les principes
les plus rigoureux et l'enseignement des canonistes les plus
autorisés dans l'Église, nous dirons aussi quelques mots
des règles de prudence, des tempéraments a apporter dans
ces matières, règles qui peuvent également servir de prin-
cipes directifs au for de la conscience.
(Ij De Leg.., lib. v, c. 1, n. 4,
DANS l'église. 399
3. Tous les membres du clergé ont gardé souvenir d'un
certain mémoire sur les coutumes des églises de France
dans leurs rapports avec le Saint-Siège, mémoire « ensei-
gnant d'un bout a l'autre que le Souverain-Pontife peut
abuser de son pouvoir^ et par suite, quand, comment et
pourquoi on peut légitimement lui désobéir et lui résis-
ter (1). » Cette publication assez récente (1852) de quelques
gallicans attardés, « renfermant un germe pervers de pres-
bytérianisme, d'usurpation de pouvoir et de provocation à
l'insubordination, à la méfiance, même à la désobéissance
ouverte (2), » montre assez combien une étude approfondie
de la coutume pourrait être utile et opportune. Il ne suffit
pas, en effets que la volonté soit prémunie contre toute ten-
dance funeste ; il est de plus nécessaire que l'intelligence
soit à même de porter un jugement éclairé sur les erreurs
les mieux dissimulées.
Ceux-là surtout qui sont chargés de la conduite des âmes
doivent d'abord mettre leur conduite en harmonie avec
leurs convictions intimes, et ensuite rendre ces convictions
conformes à la vérité, à la saine doctrine. La première
condition suffit a la rectitude de la volonté, et la seconde
est requise a la rectitude de l'intelligence. Or, le mal peut
surgir de tout manque de rectitude sous le deuxième rap-
port non moins que sous le premier. Dieu exige des minis-
tres de son Église, non-seulement une volonté droite,
mais encore une doctrine pure, c'est-a-dire les lumières de
l'intelligence dans les choses de la foi et de la discipline.
Voila pourquoi nous avons pensé qu'il serait utile de rap-
peler les enseignements du droit canonique sur cette ma-
tière -, on sait en effet que c'est au nom d'un prétendu droit
coutumier que les auteurs du Mémoire voulaient porter
(1) Lettre cire, de Mgr l'Èvêqtte de Uontauban.
(2) Même L'ttre cire.
400 DU DROIT COUTLMIER
atteinteau droit véritable eta l'autorité même du législateur.
Il s'agissait dore de faire des coutumes, ou plutôt des
usages particuliers, la règle suprême qui pourrait être in-
voquée même contre les déclarations les plus formelles du
Souverain-Pontife (1). Faire de l'Église de France une
église indépendante ne relevan) plus, pour ainsi dire, que
d'elle-même, soustraire les administrations diocésaines à
toutes les constitutions disciplinaires de la Cour de ilome,
et, par voiede conséquence logique, rendre l'administration
paroissiale plus, ou moins indépendante de toutes les or-
donnances épiscopales, voila le système dont voulaient nous
gratifier les auteurs du libelle en question. Aussi Mgr l'Évê-
quede Montauban, dans sa lettre circulaire du imars 1853,
signale-t-il, en le flétrissant, avec énergie, les germes de
presbytérianisme renfermés dans cet écrit.
Le Concile provincial d'Amiens (Janvier 1833) fut le
premier 3 réprimer cette tentative pernicieuse, e( 'e Saint-
Père, dans son encyclique du 21 mars 1853, condamna le
mémoire, en ces termes : Hic autein haud possumits quin
Vobis exprimamus summum dolorem quo affecl'' fuùnus, ubi,
inter alla improba scripta istic vulguta nuper ad nos pervenil
libellus gallica lingua exaratus,.. et inscriptus : Sur la Situa-
tion présente de l'Église Gallicane relativement au droit
coutumier, cujus auctor Us plane adversatur,qîiœ vobis tante-
perç commendamus, atque Mculcamus. Quem tibellum nostrœ
Indicis Congregationi reprobandum et damnandum commi"
siinus.
Mais afin de montrer plus complètement le vice de toutes
ces théories erronées, et de donner une notion plus pré-
cise, plus complète et plus approfondie du droit coutumier,
il importe de remonter d'abord au concept primordial du
droit. Cette notion répandra la plus vive lumière sur toute
(1) Conc. prov. d'Amiens, c. v, 1.
DANS l'église. /iOl
notre exposition, et sera comme le principe général d'oii
nous tirerons toutes nos conclusions. Ce poini une fois
nettement déterminé, il sera en effet très-facile d'^ signaler
la différence entre les coutumes de fait, les usages plus ou
moins défectueux et les coutumes de droit- ensuite, il
nous sera également facile d'indiquer tous les caractères
essentiels de la coutume, ou de définir de la manière
la plus spéciale le droit coutumier proprement dit.
S II.
1 . Comme le langage est l'expression sensible des idées,
et que, d'autre part, les idées sont l'expression mentale des
choses, il arrive très-souvent que par la seule étude des
étymologies, nous sommes conduits à la connaissance des
principes des choses exprimées.
Nous allons donc commencer ici par étudier ]? loi de
dérivation du mot, afin d'y puiser quelque lumière sur la
source de la chose elle-même. Or, l'expression latine jus
(droit) vient, selon la plupart des jurisconsultes romains,
du mot jusmm^ ordre ou commandement: Jus ujussu seu
jnbendo. El Aristote, ''echerchant quelle est la source ra-
tionnelle du droit, lui avai^ aussi assigné pour cause l'ordre
ou le commandement positif. Ainsi, en rapprochant de
l'explication donnée pai Aristote cette première étymologie
latine, il résulterait que la dérivation matérielle du mot
révèle la source véritable ou le principe ontologique de la
chose elle même. A ce point de vue, le droit, qui est pris
dans le sens objectif, c'est-a-dire en lui-même e( abstrac-
tion faite du suje' qui l'exerce, signifierait rigoureusement
et directement ce qui esl ordonné ou la loi : Jus est id qiiod
jussîim est (1). Et cette définition est communément admise
parmi les juristes anciens et modernes (2) .
(l) Suarez. (2) RogroQ.
402 DU DROIT COUTDMIER
C'est de ce concept du droit que découle le principe :
Jubetur, ergo jusest: le droit découle de la loi ou du com-
mandement.
Selon saint Isidore de Séville, cité dans le décret de
Gratien (1), le mot fus viendrait par syncope du mot juste,
jus a justo, ou selon L'ipien (2) , il dériverait du mot justice,
jusa ;Ms^î7m. Ces deux étymoiogies ne diffèrent qu'en ce que
celle d'Ulpien est moins directe et moins immédiate que
celle de saint Isidore, tant au point de vue de la connexion
matérielle des termes, qu'à celui de la relation des choses
exprimées. Jus, en effet, quant a la dénomination, peut
dériver immédiatement de juste, comm^ juste vient immé-
diatement de justice ;3) -, ensuite, au point de vue ontolo-
gique, le droit, en tant que pris matériellement et pour ce
qui est juste et équitable, constituant, comme le démontre
saint Thomas ^4), l'objet de la vertu de justice, dérive par
conséquent de cette vertu.
D'après cette relation des termes et de la chose signifiée,
on voit que la vertu de justice peut être considérée, selon
que le dit Suarez 5;, comme cause efficiente du droit, car
toute vertu morale fait et constitue son objet -, mais le droit
considéré comme objet de la justice, est a son tour cause
finale ou formelle de cette vertu.
Entre cette deuxième dérivation étymologique et ration-
nelle et la première, il y a cette différence que celle de
saint Isidore et d'Ulpien pénètre plus profondément dans
la véritable raison du droit : le droit dans le sens objectif
à la vérité est la loi, mais la loi en tant qu'elle sera ce qui
est juste, et non un simple commandement arbitraire. Et
(1) Dist. I, can. 11.
(2) L. I ff. <ie Just. et Jur.
(3) Suarez, de Leg., lib. i, c. 1, n. 2.
(4) 2» 2*, q. 57, a. 1.
(5) De Legibus, lib, 1, c. 2, n. 2. -,
DANS l'église. 403
ainsi on peut légitimement renverser l'antique adage des
juristes païens ; et, considérant le droit comme le genre, et
la loi comme l'espèce de ce genre, dire : jus est, ergo juberi
potest: la loi découle du droit et en est la mesure (1).
Toutefois il importe d'ajouter que beaucoup de philoso-
phes et de jurisconsultes font de jus un terme primitif, qui
serait la racine même de juste et de justice (2). Bien que
l'ordre de dérivation, quant a la causalité, puisse être très-
différent de celui qui regarde la dénomination (3), ces
deux ordres néanmoins, ainsi que nous le faisions ob-
server en commençant, peuvent aussi concorder ou être
identiques. Mais s'il en est ainsi, d'après cette dernière
opinion, ce ne serait pas dans le concept de juste et de
justice qu'il faudrait rechercher la raison vraiment fonda-
mentale du droit, mais dans un principe antérieur et su-
périeur, qui serait la raison même du juste ou de l'équité.
2. En étudiant non plus exclusivement d'après l'ordre
grammatical, mais d'une manière directe la dérivation ra-
tionnelle du droit, afin d'en assigner la source vraiment pri-
mordiale, on peut examiner cette question de l'origine a un
double point de vue : d'abord au point de vue psychologique,
ce qui revient à chercher comment se produit en nous, ou
dans le sens moral, la première idée du droit ou de l'é-
quité -, ensuite au point de vue ontologique, en remontant
au premier fondement objectif du droit. Ces deux questions,
bien que distinctes en elles-mêmes, sont intimement liées,
et la solution de l'une conduit naturellement a la solution
de l'autre. Or, les étymologies, qui par leur nature tendent
à révéler l'ordre psychologique, indiquent déjà plus ou
moins directement de quelle manière se produit en nous
la première idée du droit ; et d'autre part l'examen de ce
(1) s. Isidor. de Orig., lib. v, c. 3 ; S. Thom. 2^ 2% q. 57, art. 1.
(2) Schmalzgrûber, Dissert, proœm.
(3) Suarez, de Leg., lib, i, c. 2, n. 2.
404 DU DROIT COL'ICMIER
qui fait naître en nous cette première idée, nous conduira
au premier fondement de la chose elle-même. Dans ce
procédé d'investigation, on remonte du terme à l'idée expri-
mée, et de l'idée a la chose.
Si donc nous considérons encore la source du mot droit
(dritto, drecho, right, etc.), lel qu'il se trouve danslalangue
française et dans la plupart des langues modernes, nous
voyons que ce terme dérive du mot latin dirigere (1) ; sa
signification primordiale indique conséquemment direction,
ordination. D'après cette élymologie, qui est conforme aux
deux précédentes, le droit consisterai- dans une direction
vers un but assigné ; or, toute direction morale est nécessai-
rement subordonnée a la tendance des êtres vers leur fin
essentielle -, l'idée de droit résultera ainsi de la con-
naissance de l'ordre primordial des choses vers leur fin
essentielle 2\ Aussitôt que l'intelligence perçoit cette
ordination des êtres vers leui an essentielle, le sens» moral
est averti que Tordre droit des opérations vers cette fin
ne peut être troublé ou entravé \ il sent que iout obstacle
à cette direction dco actes tend a détruire la nature des
choses, en entravant les aspirations régulières vers le bien
essentiel. L'idée du droit ou du pouvoir de poser des
actions en conforniité avec !a in assignée a la nature,
surgit donc dans le sens moral, aussitôt que la raison a
perçu l'ordination naturelle des choses ver» leur fin ; ces
deux perceptions sont simultanées, et l'une appartient à
l'intellect spéculatif, l'autre à l'intellect pratique.
Mais ces observations, dans l'ordre psychologique, nous
conduisent au premier fondement de l'ordre juridique. Le
droit, pris objectivement, étant conçu comme une direction
régulière vers une fin assignée, il faut bien que la fin, qui
est d'ailleurs le premier principe de tout l'ordre moral,
(1) Gousset, Principes du Droit can., ch. i.
(2) Taparelli, n. 124 et 345.
DANS l'église. A05
soit le fondement objectif du droit -, c'est cette fin seule
qu: est ic' le principe déterminant de la rectitude de cette
ordination ; le bu' détermine la régularité du mouvement
ou de la direction. Or, parmi les uns diverses qui peuvent
être assignées a un être, l'unf' doit être la "ègle et le but de
toutes les autres, e' par conséquent le premier fondement
du droit; cette lin ne peut être que la lin dernière ou la
fln essentielle de la nature, fin en regard de laquelle les
fins particulières ae peuvent avoir que la raison de moyens.
3. Ainsi, 'e premier fondement objectif de tous les droits
et de toutes le^ obligations est la sagesse divine, se donnant
pour fin a la créature et mouvant celle-ci vers ce terme *,
de la résulte pour la nature la nécessité de tendre vers
DieUj oui est la fin dernière 4).
Dieu, en créant les êtres raisonnables, a dû nécessaire-
ment déterminer la fin de son action créatrice : c'est le
propre de la sagesse a tous les degrés de ne rien faire
sans but, et un acte n'es; aisonnable qu'à "e prix. D'autre
part, la fin principale de toutes les ceuvres d- Dieu ne peut
être que Oieu, qui évidemment le saurait îrouver hors de
lui-même la cause déterminante de ses actes ou le motif
de son opération -, ensuite, comme la fin essentielle des
êtres est proportionnée a leur nature, il faut bien que la
fin essentielle d'un être créé se rapporte d'une manière
quelconque au Créateur, Il est donc indubitable que la fin
principale de tout être raisonnable, capable de droits et
de devoirs, est Dieu : l'athée seul pourrait lier cette vé-
rité. « La première 'oi de l'homme, dit Domat, est sa des-
tination a la recherche et a l'amour de cet objet qui doit
être sa fin et où il doit trouver sa félicité, et celte loi étant
la règle de toutes ses démarches, doit être le principe
de toutes ses lois (2). »
(1) s. Thomas, 1^ '1'^, q. 5, a. 2.
(2) Traité des lois, ch. I.
/i06 DU DROIT COUTUMIER
D'ailleurs, la règle primitive et vraiment fondamentale,
et par conséquent la raison première du droit ou de l'ordi-
nation des êtres, ne peut être que la volonté immuable de
l'ordonnateur suprême. Si le premier fondement objectif
du droit pouvait être autre chose que l'immuable et l'absolu,
le droit lui-même ne serait qu'un rapport arbitraire, chan-
geant avec les termes contingents qui lui sont assignés.
Il ne peut y avoir quelque chose d'absolu et d'immuable
dans le droit qu'autant que son fondement, c'est-a-dire, la
fin et la règle première de cette faculté morale d'agir régu-
lièremeK', sera l'absolu et l'immuable. Placer hors de
Dieu la raison fondamentale du droit, reviendrait a nier
que Dieu soit le Seigneur et le modérateur de ses créatures \
ce serait par suite détruire le droit lui-même pour lui
substituer je ne sais quelle légalité sans consistance; ce
serait anéantir le juste et l'injuste, au profit du légal, du
volontaire ou de l'arbitraire, et du changeant (1). Le droit
est absolu de sa nature, bien que contingent dans son ap-
plication (i2), et sa règle pratique est l'intellect de l'être
créateur. Merito igitur, dit Titius, jurisprudentia divina
pro fundamento cujusvis jurisprudentiœ particularis ha-
betur (3).
Le concept le plus général, le plus élevé, le plus abstrait
du droit sera donc de le concevoir comme direction régu-
lière à la fin assignée (4): fin essentielle et nécessaire pour
le droit absolu, fin accidentelle et particulière pour le
droit particulier et positif. Aussi saint Thomas (o), exa-
minant en quoi consiste le droit, objet de la vertu de
justice, rappelle d'abord que cette vertu implique un rap-
(1) Ventura, Essai sur le pouv. public, ch. x.
(2) ferez cite' par Tupp., vol. i, pag. 138.
(3) Prolegom. in Puffendorf., § XL.
(4) DomaL, Traité des lois, ch. i.
(5) 2» 2*, q. 57, art. 1.
DANS l'église. /|07
port et une certaine égalité entre des choses distinctes -, et
cette ordination droite d'une chose par rapport a son terme
se nomme rectitude, et de là vient la notion du droit; car,
ajoute le saint Docteur, dicuntur vulgariter ea quœ ad-
œquantur juhtari. Or, comme l'ordination fondamentale et
essentielle des choses est celle qui leur a été imposée par
le Créateur, premier principe et fin dernière de toute créa-
ture, il est clair que le fondement primordial du droit est
l'ordination naturelle des choses vers leur fin dernière; de
là résultent pour celles-ci l'obligation et le pouvoir de
tendre vers Dieu ^ et c'est ainsi que le devoir, comme dit
Vattel (1), engendre le droit (2).
D'après cette notion générale, nous trouvons le droit
dans la loi, de même que la loi dans ce qui est juste et
équitable, et enfin ce qui est juste et équitable dans la di-
rection régulière des choses vers leur fin dernière. Nous
envisageons ainsi le droit dans son principe véritable et
non dans ses eflets, dans son premier fondement et non
dans ses aspects particuliers.
II. Nous pouvons aussi, en prenant un autre point de dé-
part, arriver au même résultat, c'est-à-dire remonter à la
même source primordiale et à la même notion du droit. Si
donc nous examinons le concept le plus vulgairede laloi ou
du droit, nous voyons d'abord que celle-ci n'est autre chose
qu'une certaine règle des actions humaines; les lois civiles
dirigent les actions du citoyen en vue du bien public, et le
droit est la faculté pour chacun de rechercher son bien
propre conformément à cette règle. La loi est donc sim-
plement une direction morale vers un but ; et il en est de
même du droit qui découle delà loi.
Mais il est certain que la loi humaine positive ne peut
être opposée au droit naturel sans être réputée injuste,
(1) Droit des gens, x, m, § 3.
(2) Zallinger, Jus. pub., lib. i, c. 2.
408 DU DROIT COUTIIMIER
abusive, violente, en un mot sans cesser d'être une direc-
tion régulière ou une loi. Les lois positives des hommes ne
peuvent donc reposer uniquement sur le bon plaisir du lé-
gislateur, don. la volonté ordonnatrice peut rencontrer un
droit supérieur auquel ellene peut porter atteinte. El *e droit
est appelé supérieur quand la fln a laquelle il est ordonné
est plus élevée : la un des lois civiles est le bien public dans
l'ordre matériel, ou un bien accidentel par rapport aux in-
dividus ^ la fm du droit naturel estle bien essentiel de chacun
des individus, par conséquent le bien impérieusement,
absolument exigé par la nature. Donc la an des lois civiles
et politiques consistant en un bien moindre que celle du
droit naturel, le droit civil et politique est subordonné à
celui-ci. Aussi la législation qui porte plus ou moins
atteinte au droit naturel est-elle toujours appelée injuste
et barbare.
Ce n'est aonc point dans l'omnipotence morale d'un
pouvoir politique que réside la source primordiale di' droit;
la volonté de celui-ci est nécessairement subordonnée a la
volonté supérieure de l'auteur de la nature. Le droit na-
turel n'est, en effet, qu'une des manifestations de la loi
éternelle. Toute législation positive, non barbare, c'est-à
dire conforme au dictamen de la raison, doit reconnaître
implicitement un droit primordial supérieur, règle 'mmua-
ble, inflexible de toutes les lois civiles et politiques-, elle
reconnaît que la volonté divine, créatrice et ordonnatrice
de tous les êtres contingents, est la source première et la
règle suprême du droit. Toute autre volonté ordonnatrice
reste donc dépendante, et par la puise hors d'elle-même
sa règle d'action.
Kous ne pouvons par conséquent, en vertu du concept
même du droit, admettre cette légalité païenne et athée,
qui réclame l'obéissance a la loi, non parce qu'elle est
juste, mais parce qu'elle est loi.
DANS L ÉGLISE. /i09
S. Mais l'oMigation naturelle de tendre vers Dieu, ré-
side évidemment dans un snjct déterminé, etnepeut être,
à proprement parler, juridique, qu'autant que ce sujet est
lin être intelligent et libre (1)-, cette ordination essen-
tielle considérée, non plus abstractivement et objective-
ment, mais en tant qu'elle réside d'une manière inviolable
dans le sujet qui en jouit, constitue le droit formel ou pris
dans le sens subjectif. Le droit, ainsi envisagé, sera donc la
faculté morale d'agir régulièrement, c'est-à-dire de poser
des actes ordonnés a la tin prescrite; et comme personne
ne pourrait entraver cette faculté d'agir sans porter atteinte
à l'ordre normal, et que d'autre part la possession de la fin
constitue le bien propre de l'agent, cette faculté inviolable
de faire ou d'exiger quelque chose est ce qui constitue le
droit subjectif,
La direction juridique vers la liu, direction prise subjec-
tivement, ne peut être qu'une direction active; une direc-
tion passive ne saurait, dans celui qui en est l'objet, con-
stituer un droit formel, puisque le patient, comme tel,
étant tout entier au profit des autres., ne jouit pas et ne
possède pas.
Ici il s'agit spécialement du droit considéré objective-
ment-, nous montrerons, dans les procbains articles, quand
et comment la coutume réunit toutes les conditions du
droit, et devient par là même loi véritable.
E. Grandclaude,
(1; Libcratoro, Jus. mt., c. I, arL 1,
Kevuk des sciences ecclès., t. iX. — MA118G4. 27
COMMENTARIUS
m
PROŒMIUM BREVIAPJI ET MTSSALIS
DE COMPUTO EOCLESIASTICO.
Quatrième article.
DE QUATUOR TEMPORIBUS ET TEMPORE FERIATO.
CAPUT II[.
QUATUOR TEMPORA.
TEXTUS PROŒMii. Quatiior Tempora celebrantur quarta et sexîa
feria ac sabbato post tertiam dominicam Adventus, post primam
dominicam Quadragesima?, post dominicam Penlecostes, post festum
Exaltationis sanctae Crucis.
c;oj»oiE:ivxii.Rius.
6li. Tempora anni quatuor sunt, inquit 5. Isidor. EUjmoL
l. V. c. 35 : Ver, œstas, antummis et liiems. Hase et curricula
dicuntur, quia non stant ^^Hcurrunt.
Totus olim annus in œstatem tantum et hiemem divideba-
tur, quod innuit etiam Ulpîanus l. Prœtor. i. ff. de Itinere
acluque privato {XLIII, 19.). Postea vero anno in quatuor
partes diviso, ita distinctœ singulœ sunt, ut sole ingrediente
COMMEINTARIUS DE COMPUTO ECCLESIASTICO. 411
Arietem incipiat ver, in Cancro œstas^ in Libra auiumnus^
in Capricorno hiems incipiat juxta versus:
Sunt Ai'ie;, Taurus, Gemini HOi sideva Veris,
Mstatem Cancer, Léo irux cum Virgine compfeut j
Scorpius Antumnum, duplici cum Lance Sarjitla,
Hinc Hiiniem Pisces, Capricornus, Aquarius addunt.
Ecclesiastici scriptores principia quatuor temporuni anni
his versibus déclarant :
Festum démentis Iliemis caput est orientis ,
Cedit llicms rétro catliedralo Simone Petro;
Ver fugat Vrbanun, JEslalem Sgmphorianifi ;
Id tibi quod rejfans Autumni teoipora prœstat.
65. Quatuor anni tempora secundum S. Isidor. (/, c.) et
Ven. Bedam [de Temporum raiionecap. 35. Palrol. 31ignc, iom.
^0. parj. 457 .) , dicta sunta communionis iemperamenlo, quod
invicem se humore, siccitate, calore et frigore tempèrent.
Causa efficiens illius tempérament! est motus solis et aliorum
corporum cœlestium ac stellarum etiam erraticarum, juxta
iilud Gen. 1 : Dixit autem Deus: fiant luminariainfirmamenio
cœli, et dividunt diem ac noctem et sint in signa et tempora et
dies et annos, h. e. signa temporum, dierum, annorum.
Siiigula anni tempora in très partes dividuntur, in ver
novum sive primum^ adultum et prœceps. Namquum vernum
tempus sit trimestre, primus mensis primo sive novo veri
assignatur, secundus adulto tribuitur, tertius prœcipiti sive
cadenti. Sic et œstas in suis tribus mensibus nova, adulla et
prœceps ; item auturanus novm, adultiis et prœceps, et simi-
liter hiems nova, adulta et prœceps sive extrema dicitur. Ita
docet Serviiis ad illud Virgilii Georg, I : Vere novo gelidus
canis cum montibus humor Liquitur, et Georg. ii : Non alias
prima.
66. Fer dlctum putat Varro [Ling. lat. v^ 2.) a virco, quod
post hieniem virere incipiunt virgulta atque in Uoreui cuncta.
hi'2 COMMENTARIUS
erumpant; aliam etyQiologiam tanien ex grceco inniiit ad-
dendo : Nisi quod lones dicant p^p.
jEstatem Servius /En. il. ad vers. Propinsqne œstvs in-
cend. voit'. , et Varro 1. c. dictam volunt ab œstu, id est calore,
quod œstas quasi iista h. e. exusta, calida, aiida si t.
Pro autmnno quidam auctummim substituunt, cum Festo
docentes, vocem derivandam esse a supino auclum verbi
aïKjeo., quod eo tempore maxime augeantur liominum opes
coactis agrorum fructibus. Autumno enim vin demi œ et
majoris partis frugum collectio fit. Atque hac ratione iiitel-
ligenda sunt quœ habet S. fsidorus l. c. : Autumnus, ait, a
tempestate, h. e. tempestivitate vocatiir, quando omnia mat.:-
rescunt. Hiems, olim et hicinps^ varie deducitur.- Varro [Llng.
lat.\. c.) hiemem ab imbre dictum existimat, gwofZ ^wm muUi
imbres. Alii ab hio : alii a y-ip.-/:, alii ab L'ro, pluo, unde
et per y scribunt. Hiems autem aimi tempus humidum fri-
gidumque dicitur.
De quatuor anni temporibus dignus est qui legatur D.
Ambrosius lib. de Noe et Arca, c. l.{. Tempora sunt, inquit
S. Doctor, qnœ aut corrumpnnt aut reservant, proiit ipsa sut
habuerint qualitatem. Ideoqueannus ex contrariis ducitur : vere,
avluinno, œdate, hieme, sicut hai-monia caniilenœ permiriis
gravibus et acutis v'uletur comidcre.
Ex diversis igitur temporibus rerum omnium generatio,
ortus, frugum maturitas et humani corporis firmitas pro-
venit, de qua re Boet. [lib iv. de Consolât. Philos, métro 6.)
lisdem causis vere tepenfi
Spirat florifer annus adores :
xEstas Cerere/n farvida siccat :
Rement pomis gravis Autumnus :
Hijemem defluus irrigat imber.
Hotc lemperies alit, ac pro fer l
Quidquid viiam .spirnt in orhe,
Eadem rapiens condit et aufert
Obila mergens orta supreoio.
DE COMPUTO ECCLESIASTirO. 513
('oiiferantur Yen. Beda de Ixilinm Co'/ipitli cap. 0. {''dif.
Vir/nr, o/; fom. f . pag 588.), et H than. Mnunis lib de Corn-
pnto ai p. 31. {op. fom. 1. pay. GS7. cd'f. Micj'ie cit).
JEJUNIUM QUATUOR TEMPORUlVr.
()7. Jejunium quatuor temporuni respondet quatuor"
anni partibus, quibus insignes mutationes fieri consueve-
runt. Olini tribus tantuui jejunabatur, ut patet ex can.
Jejunium 1. Dis!. 76. Primis Fxclesia^ sceculis taraen addi-
tum luisse quartuni jejunium docent prœter cnn. Jejunium.
cil. tum plures alii canones ejnsdem distinctionis 76. , tuni
interprètes juris canonici in tit. /i6. libri m. Décret, de
Obsirvalione jejuniorum,
Ecclesia autem jejunium quatuor temporum triplici de
causa maxime célébrât ; 1° quia etiam Hebrœi quatuor in
anno jejuniahabebant, quamvis non eisdem onmino tempo-
ribiis, ut testatur S. Hieronymus can. Jejunium 7. cit. dist.;
2° ut in quatuor temporum partibus jejunia trîna pro men-
sium numéro Deo offerentes omnes totius anni actibnes et
eventus nostros a Deo pendere profiteatur, sicut indicat S..
Léo C'uwne Huju^ G. cit. dist. ; 3" ut, quia illis tempori-
bus ordinantur clerici, Deus illis majores conférât gratias
quibus o'Hentis melius Ecclesiae valeant inservire : cujus
jejunii exemplum sumptum est ab Apostolis Act. 13, 3.
Haec Schnalzgnieber \n lit. 46, x., n. 32. Prœter adductas
rationes plures aliae afferuntur a Beletho, Tint. cap. 13A.
68. Tempus jejunii quatuor temporum his versibus de-
monstrant :
Vult Crux, Lucia, cineres, charismata data
Ut det vota pia quarta sequens feria .
Hoc est : celebrandum est jejunium quatuor temporum feria
hill COMMEMARIUS
quarla post festum Exallationis Sanclœ Crucis (1), feria iv.
post fest. S. L'ic/œ, fer iv. primœ hcbdomadis Quadrar/esimœ
et fer. iv. post Pentecosten.
Fiunt auteui hœc jejunia in feria quarta, quia hac feria
Judas de traditione Domini cogitavit, ut habst Q.an. Jejunia
16. disl. o. de Consecrat., et sexta feria, quia in ea crucift-
xus est Salvator [can. Jejunium. cit.) ; etsabbato, quia constat,
verba sunt Innocentii PP. I. ep, 1. ad Decentium. c. \.
relat. in canone Sabbatho 13. dist. 3. cit.^ Âpostolos biduo
isto [fer. Vf. et Sabbato) in mœrore fuisse et propter meiiim
Judœorum ss occuluisse.
DE TEMPORE FERIATO, NUPTIyE QUANDO CELEBRARI NON
POSSINT JUXTA DECRETUM CONCILII TRIDENTINI.
H.
Textus proœ'MIi. A doiiiinica prima Adventiis usque in diem Epipha-
niae^ cl a feria quarta Cinerum usque in Octavam Paschatis inclusive
sancta Synodus solemnitates nupliarum proliibet; in aliis vero tein-
poribus nuplias solemniter celebrari permittit.
COAiaiEIVT'^RIÏJS.
69. Jam a primis Ecclesias sseculis nuptiarum solemni-
tates certis anni temporibus interdictas fuisse canonica statuta
déclarant. Ex concillo videlicet Ilerdensi, relato a Gratiano
in can. Non oportet 10. c. 33. q, 4 ., atque ex cap. CapeUanus
h. de Fer ils, edocemur, interdictas solenmes nuptias fuisse
1° toto illo tempore, quod intercedit inter primam domini-
(I) Si igitur festum Exaltalionis sanctae Crucis iccidat in feriarc iv.
(quod ils aouis contigere videmus, qui literam b Iiabcnt domiDicalem),
ipsa Leec ferio poni non potest pro feria iv. quatuor temporum, quia
proœtniuui quatuor tempora celebrari jubet feria iv post fesluui S. Crucis.
DE COMPUTO ECGLESIASTICO. /|'16
cam AdventusctEpiphaniam; 2" a domhiica Septuagesimae
usque ad Octavam Paschœ ; 3" a fcriaii. Rogationum usque
ad Octavam Pentecostes ; A° pneterea duabus vel tribus
hebdomadis antc festum Nativitatis S. Joannis Baptistœ, de
qiio postremo tempore feriato Clemens PP. m. dubium
solvit in cit. cap. Capellanu^, de Feriis.
Jure Tridentino tempus feriatum aiigustioribus terminis
conclusum est; eo enim nuptiarum solemnitates solum pro-
hibentur ab Adventu usque ad Epiphaniara et adieCinerum
usque ad Octavam Paschœ inclusive. Permittuntur ergo
temporibus Rogationum, Ascensionis et Pentecostes et
etiam Septuagesimœ, immo et benedictiones nuptiales dari
posse sabbato ante dominicam Adventus docent Sanchez
(de Matrim. lib. vu. disput. 7.), et Diana [p. ^. tract. 4. re-
sol. 202.).
70. Interdictumhocecclesiasticum, quo solemnes nuptiœ
tempore feriato prohibentur, gravi nititur ratione.
lis diebus enim, quibus fidèles jejunio, divinis officiis,
vigiliis, stationibus atque Eucharisties communioni vacare
debent, commessationibus et aliis lœtitiœ signis in nuptiis
intervenientibus operam dare non licet. Optimo consilio igi-
tur prohibita hisce temporibus est nuptiarum solemnitas,
qnœ nunquam non magnœ distractionis res esse cognoscitur.
Solutionem aliarum quœstionum, quœ ad tempus feria-
tum referuntur, petes ex interpretibus juris canonici tum
in c. Capellanus 4. de feriis cit., tum in titulum 16. lib m.
Décret, de Matrimonio contracto contra Interdictum Ecclesiœ,
tumdeniquein Conc. Tridenlin. sess. 1I\. de Réf. matr. c. 10.
De ultimo hoc capite legendi imprimis sunt congesti a Dar-
bosa in illud C, Covar. de Matrimonio u. p. c. 8 y Sanchez,
de Matrimonio lib. vu. /. c.
41(5 COJIMEin'ARlUS
DE CYCLO DECENNOVENNALI ALU\EI NUMERI,
CAPUÏ IV.
TEXTUS PROŒMU. Cyclus deceniiovennalis Aurei Nimieri est revoîulio
numeri 19 aniiorum ab '2. ivsquG ad 1';) : qiia revnlntione peracta.
iteriim ai unitalem re.litur. Verbi gratia: Anno lf>77. numerus
cycli decennoverinalis, quiiiicitur Anreiis, est 1, anno sequenti 1578.
est 2, et ila dcinceps in sequenlibus annis, uno semper aniplius
usque ad l9 qui Aureiis numerus cadel in annum 1395., postquem
ilerum ad unilatem redeundum est, ila ut anno 1595. Âureus nu-
merus sit rursus 1, et anno 1597, sil2. etc.
Igilur ut Aureiis niinirrus quolibet anno proposito invenistur, corapn-
sita est sequens Tabella Aureorum numerorura, ciijiis us;:s incipit
ab anna correctîonis 1582. inclusive, duratque in perpetuum. E.t
ea enim Aureus numerus cujuslibet anni post annum 1382. re-pe-
rielur hoe modo :
6. 7.
8. 9.
10.
M. 12.
1.3.
14
15. IG.
17. 18.
19.
1. 2. ?,.
4.
5.
Anno 1382. trîbuatur prim.us numerus labellae, qui est 6; sccundus
autem, qui est 7, sequenti anno 1585, et ita deineeps in infinitum,
donec ad annum, cujus Aureum numerum quaeris, perveniatur,
redeundo ad principium labellae, quotiescumque eam percurreris-.
Nam numerus, in quera annus proposilus cadit, dabit Aureum nu-
meium quœsitunK
GYGLUS LUNARIS.
71. Cî/cli /Mwarw appellatione spatium novemdecim aano-
rum venit, quod invenerunt astronomi ad conciliandam so-
laris lunarisque cursus congruentiam.
Veterum astronoinomm nimirum in conciliando solis lu-
nœque cursu perdiu laboravit industria ; nnde variae sta-
DE COMPUTO ECGLËSIASTICO. /|Î7
(utœ suiit annorum periodi, quibus peractis ad idem caput
quam accuratissime lediretit. Quuiii aiitem post multas ad
id excogitatas annorum revolutiones usu ipso vidissent, no-
vemdecim annis verteutibus liorum sideruni Cursuiu ita con-
gruere, ut fere ad idem loci temporisque punctum, in quod
cum Sole convenerat, novemdecim annis elapsis, luna revei"-
tatur, iMelone, illustri Atheniensi astronomo, auctore orbem
seucyclum 19 annorum statuerunt, emiiqueivvâaGc/t-.«c-:v^fica,
annum magnum Metonis, postea vero annum Romanmii dixe-
runt.
72. Utriusque enneadecaeteridis, solaris et lunaris, con-
gruentia hsec est : annus Solis Julianus dies continet 365,
horas 6. llnde novemdecim annorum orbis dies coliigit
6939, horas 18. Lunaiis cyclus autem in totum (1) explet
dies 6939, horas 16, minut. prim. 32, secund. 27. Desunt
igitur lunari cyclo ad Julianum exhauriendum hora 1, min.
27, secmid. 32. Sedambaruni enneadecaeteridum discrimen
propter exiguitatem, qua dissimulatum ac neglectum, qua
deinde penitus ignoratmii fuit, teste Petavio lib. vu. cap. k.
de Doctrina Tcmporvm. Igitur simphciter statutum, absoluto
19 annorum intervallo, Lunam semper redire ad eumdem
anni solaris diem. Paschalis methodi conditores hune cyclum
in Kalendariis suis hac ratione descripserunt. Initio a quo-
cunque anno facto observarunt, quosnam in januarii, fe-
(1) Menses lunares civiles aUeriiis '29 el 30 dieburf evoluli civilein lu-
narem conficiuul anuuui diorum 334 . li p«r 19 ducli dies culUyuct CTi'i.
His accediiuî. I^issexlUes dies ut miuiuamu 4, ialerdlm^ voro u;. nam
Juliaiia oiinoadocaeleris qnadrioi:nia qnalaor et très insnpcp nnnos
conlinol ; quars cyclus lunaris 19 anuoruiii cilra eraboiismos diobus
constat 6750, si bissextiles annos Julianos tautummodo 4 coiniirchcndat,
aut uno amplius, si 5 bissextiles babeal. Desuul igitur lunari cyclo IJ
annorum ad exhauriendum Julianum (composilum, ul diximus, cxdiebuà
6939 et boris I8j dies ?altem 209. Ex bis menses fiunt7, quorum primi
sex Iricenarii plonique sunt ; unns cavus diernm '29 fsnpra n. 15.).
Anni lunares communes 19 menses babent 2-28, quibus adjuucti 7 sum-
mam 235 mensium seu «939 dierum compouuut. Pelav.de Uuclr. lemij .
lib. vil. c. 't.
418 COMMENTARIUS
bruarii, marlii ac cœterorum mensium dies Neomenia qua-
draret. Quibiis diebus contingeret, ad eos unitatem adscrip-
serunt, utputa 23. januarii, 21. februarii^ 23. martii, et ita
in reliquis. Aimo sequeiite Neomenias animadveiterunt in
J2. januarii, 10. februarii, 12. martii transi tum fecisse ; ad
eos dies nuiu, 2. adnotarunt. Idem et annis sequentibus
fecerunt. Uude totis 19 annis numeri 19 variis per om-
nes menses diebus adjmicti sunt, quibus evolutis Lmia
idem ad principium rediit, ac deinceps in eosdem dies Neo-
meniœ concurrerunt : propterea 19 numei'i ex illorum opi-
nione perpetuo etconstanter lunares Neomenias indicabant.
Hœc Pelav. l. c. post Durand. Ration, lib. yiii. c. 11.
73. Hune numerum 19 ut ingeniose excogitatum in anno
Juliano aureis liieris notarunt, unde aurei mtmeri et cycli
novemdecennalis et Paschalh nomQïi meruit, quoniam verum
Paschatis celebrandi diem indicare videbatur.
Quemadmodum solaris, ita et lunaris cycli principium ex
humano arbitrio, non ex sideris naturalis revolutione pen-
deL Convenit autem inter chronographos, ut primus annus
hujus enneadecaeteridis lunaris in anno illo defigeretur,
qui proxime christianam œram antecessit. Quare si annis
Ghristi unitatem addideris et summam per 19 diviseris, si
quid residuum fuerit, id numerum aureum^ h. e. currentem
lunœ cyclum dabit; si nihil fuerit residuum, annus cycli lu-
naris erit 19. juxta distichon :
Unum addes annis Doniini summamque novenis
Et dénis triOues : Numerus tibi ut aureus adsit.
Quod jam pridem ita docuerat Durand, lib. viii. cap. 9 :
Annis adde \i.ovo:, Domini partire per undc-
Viginti : Lunœ cyclus et iride patet.
Quum numeri aurei incipiant ab unitate, atque ordine
naturali progrediantur usque ad 19 ac deinde ad unitatem
DE COMPUTO EGCLESIASTICO. /|19
redeatur, nianifeslmn est, numéro aureounius anni invenlo
inveniri facile posse numeruiii aureumanni proxiuie sequen-
tis. Sicut reperitur nuuierus aureus correspondens œrae vul-
garis, ita reperiri quoque potest numerus aureus annomm
ante Christum, ascendendo ad aunuin â39. a. Ch., quo
Meton enneadecaeteiidem publicavit. Nimimm ab anno pro-
posito deiuitur 1. Quod reliquum est per 19 dividitur ac
residuuui — qiioto neglecto — numerum aureum indicabit.
Itaque invenies luunerum aureum dicti anni Zi39. fuisse 1,
h. e. priiiium annum primi cycli.
DE EPACTIS ET NOVILUNIIS.
CAPUT V.
TEXTUS PROŒMFi. Epacta nihilaliud est, quam niiraerus dierum, qiiibus
annus solaris communis dieriim 365 annum commiinem lunarem
dierum 334 siiperat : ita ut Epacta primi anni sit 1 1 , ciim hoc numéro
annus solaris commimis lunarem annum communcm excédât, alque
adeo sequenti anno Novilunia contingant 1 1 diebus prius qnara anno
primo. Ex quo fit, Epactam secundi anni esse 22, cum eo anno
rursum annus solaris lunarem annum superet 11 diebus, qui addili
ad 11 dies primi anni efficiunt 22, ac proinde, finito hoc anno,
Novilunia contingere 22 diebus prius, quani primo anno : Kpactam
autem tertii anni esse 3, quiar,i rursus 1 1 dies ad 22adjiciantur, effi-
cietur numerus 33, a quo si rejiciantur 50 dies, qui unam hinatio-
nem embolismalem consliluunt, relinquentur 3 alque ita deinceps.
Progrcdiuntur enim Epactae omnes per continuum augmentum H
dierum, abjectis tamen 30 quando rejici possunt. Solum quand»
perventum eril ad ultiraam Epactam Aureonumero 19 respondentem,
quae est 29, adduntur 12 ut abjectis 30, ex composito num. 41,
habeatur rursus Epacta 11, ut in principio. Quod idco fit, ut ultima
lunalio embolismica, currente Aureo numéro 19 sit tantum 29 die-
rum. Sienim 30 dies contineret, ut aliae sexlunalioncs Embolismicae,
non redirent Novilunia post 19 annos solares ad eosdem dies, sed
/.20 COAnifiXTARIUS
versos c.;tlc(''in mcnslum prnlabcronlur, cniitiiigorenljue uno die In r-
diits qinm ante l9 anno^. Do qiin re pliira invciiies in liljio riov;p
rationis restitiiendi Kalendarii Romani. Siint aiitem novemdecim
Epaclœ, quoi et Aurei numeri respondebanlqiie ipsis Aiireis numcris
ante Kalendarii corredioiiem eu modo, quu in liac tabelia disposiiae
siint :
Taùella Epadarum respondenlinin Auieis nameris aitte Kalendaiii
correctionem.
AuR. Nuvi.
1.
2. 3. 4, 5. 6.
7.
8. 9.
Epact.
■^j-
xxij. iij. xiv. xxv. vj.
xvij.
Nxviij. ix.
10. 11.
1-2.
13. 14. 15. 1(5.
17.
18. 19.
XX. j.
xij.
xxiij. iv. XV. xxvj.
vij-
xviij. xxix.
Quia vero cycUis deconn n-enna!is Aurei numori imperfectus est, ciun
Novilunia post 19 annos solares non prsecise ad eadem loca redeant,
ut dictiim est, imperfectus etiam erit hic cyclus 19 Epaelarum.
Qiiamobreni ita emeiidatus est, ut in posteriim loco .Aurei numeri et
dictaruni 19 Epactarum, ulamur 50 numeiis Epactalibus ab 1 us-
que ad 50 ordiiie progredicnlibus, quamvis ullima l'^pacta, sive quaî
ordine est trii^csimaj iiotata numéro non sit, sed siyna hoc *; propte-
reaquod nulla Epactaessepo^sit .30. Variis autem temporibus ex his
30 Epaclis respondent decem et novem Aureisnumeris variae decem
et novem Epactœ, prout soiaris anni ac lunaris aequatio exposcit :
quae quidem deceni et novem Epaclœ progrediunlur;, ut olim, per
eumdem numerum 11, addunturque seraper 12 illi Epactye, quae
respondet Aureo numéro 19 uihabeatur sequens Epacta respondens
A ureo numéro l,obralionem paulo ante dictam. Idquod sequens ta-
belia perspicuum ra?iet,qua3 continet Aureos numéros et Epactas inter
se respondentes ab anno correct. 1582., post detractionem 1 0 dierum,
usque ad annum 1700. exclusive. Quamvis autem vulgares Epactae
mutentur in Maitio, reipsa tamen in principio anni mulandae sunt,
una cum Aureo numéro, in cujus locum ha3 nostras Epactae suc-
cédant.
\)E COI\Il'UTO ECCLESIASTICO.
521
EPAGT.E.
7/|. Epnclœ, iTrirxTcàab iTrayeiv, invehendo, inrhicrnclo, adji ■
riPTido, dictœ sujit apud astronomes et coniputistasunclecim
intercalares dies, quibiis solaris annus comniunis dieinm
3(>5 siiperat annum lunarem comraiineiu dienim 35/!.
Epacfas Isldorus [Efj/molof/. lib. vi. c. 17. n. 29.) cumPapia
aliisque Latinis définit ndjecliones annuas lunares, quœ per
undenarium numerum usqne ad tricenarium in serevolvun-
tur ; qiias ideo .'Egyptii, ut ipse ait, adjiciunt, ut lunaris
emensio rationi Solis requetur, un de et adjeclioncs vocantur.
75. Epactnrum nomine igitur excessus anni solaris supra
lunarem intelligitur. Undecim esse hos dies supra diximus,
ex quibus per plures annos superadditis conficiuntur
menses intercalares continentes dies 30, eo modo, quem
supra in declaratione anni. lunaris descripsimus n. 15.
Quum itaque epacta prima sit 11, secunda 22, tertia 3,
quarta là , quinta 25 , et sic deinceps per novemdecim
annoscycli lunaris, quos numerusAureus désignât, patet, no-
vemdecim epactas in toto cyclo lunari ante Kalendarii correc-
tionem hoc ordine decurrere ac numeris aureis respondere.
Aur. Nura.
Epaclœ.
Aiir. Niirti. Epaclse.
1 1 11
il 1 1
2 1 22
12 1 12
3 1 3
13 1 23
Il 1 1/4
U 1 A
5 1 25
15 1 15
6 1 6
16 1 26
7 1 17
17 1 7
8 1 28
18 1 18
9 1 9
19 1 29
10 1 20
622 COMMENTARIUS
Quum autem propter cursum lunœ non exacte compu-
tatum (n. 72.) novilunia et plenilunia post 19 annorum
spatium non accurate redeant ad suam priorem se-
dem (1), ideo inventas recens est ab Aloysio Lilto, Romano
medico et astronomo, cyclus triginta epactarum ( Telraco-
sieterida vocant ), qui in locum aurei niimeri Kalendario
appositus ad certam Aurei numeri nornmm directus est,
methodo Liliana tamen per P. Clavic.m paulo immutata,
quod pluribus continenter capitibus déclarât Petauius de
Doctrina Temp. lib. v. , ubi Tetracosieterida Lilianam uni-
versamqueRalendarii correctionem per Gregorium PP. XIII.
factam aScaligeri, Calvisii aliorumquc hwrelicorum calum-
niis strenue vindicat. Inventi igitur sunt triginta numeri
epactnles, qui rétrograde ordine singulis anni diebus in Ka-
lendario, in latere extrinseco, juxta literas feriales apponi
soient. Numerus quidem tricesimus non exprimitur, sed
ejus loco asteriscus *, ut consideranti patet.
Quod Epactarum artificium ut rite intelligas, paucis hœc
accipe :
Si novilunia post singulos cyclos lunares in idem tempo-
ris punctum inciderent, novemdecim Epactœ sufficerent :
tôt videlicet, quot sunt anni cycli, quaî in Kalendario po-
sita juxta dies in quos incidunt novilunia, constanter per
decursura saîcalorum eadem novilunia signarent; seu potius
Epactis omnino opus non esset, sed numeris aureis immé-
diate indicari possent. Verum ex dictis n. 72. manifestum
est, rem non ita se habere, sed vero novilunia sœculorum
série omnes totius anni dies percurrere.
Hinc in Kalendario Gregoriano singulis anni diebus suse
adscriptae sunt Epactse, licet non omnes singulis sœculis novi-
lunia s/g-wen^. Quœnam vero hoc vel altère sseculo Epactarum
(l) Post 19 aurios euiiu novilunia codeiu quidem die, sed lior. 1 et
mil) 28 cirL'itor priii.- rcdeunt. Cfr. n. 7-2.
DE COMPUTO ECCLliSlASTlCO. /i23
séries assiimencla sit, indicant literœ Indices^ quaruni usum
iii Appendice docebimus.
Quoniara novœ epactae, quœ online retrogrado juxtasin-
gulos anni dies ponuntur, sunt numéro 30, menses lunares
tamen non semper constant 30 diebus, sed alternis
vicibus 30 et 29 (1) , oportuit alternis mensibus, nempe
februario, aprili, junio etc. duas epactas xxv et xxiv m
iimim d/>in conjicere, prout videre est in ipso Kalendario et
pluribus déclarât Petav. lib. v. de Doctrina Temp.
Quando numerus aureus major est quam 11, et anni
epacta currit xxv, tune in Kalendario numenis arabicus 25
novilunia désignât. Hoc vero ideo fit, ne novilunia intra
eumdem cyclum 10 annorum ad eumdem diem re-
deant.
Numerus 19 positus juxta 31. decembris et epactam xx,
non inservit nisi pro anno cujus epacta et numerus aureus
est XIX. Tune enim duo novilunia habenturmense decembri,
nempe 2 et 31.
Quum primo anno cycli lunaris novilunium in diem 1.
januàrii incidat ac proinde initio anni solaris nullae sint
epactœ, hic epactarum defectus etiam per signum * sive
asteriscum exprimitur, licet alias in praesenti materia pro
XXX sumatur.
76. Epactas respondentes numeris aureis ab idibus octo-
bris anni correctionis 1582. usquead annum 1700. ipsum
proœmium Breviarii describit ; quœnam vero currente hoc
sœculo XIX. aureis numeris tribuantur, ex subjecto diagram-
mate disces.
(1) Cfr. u. 52. III.
un
COMMENTARTUS
i
NUMERI AUREI ET EPACTE
SECULO
XIX.
Ann. œrae
vulgaris.
Niim.
i aur.
Epactae
1801.
1820.
1839.
1858.
1877.
1896.
16
15
1802.
1821.
18^0.
1859.
1878.
189Â
17
! 26
1803.
1822.
ISIil.
1860.
1879.
1898.
18
1 7
180Zi.
1823.
18/|2.
1861.
1880.
1899.
19
18
1805.
182/|.
18/i3.
1862.
1881.
1
3f
1806.
1825.
ïSlih.
1 863.
1882.
9
11
1807.
1826.
18/i5.
186/1.
1883.
3
22
1808.
1827.
18/j6.
1865.
188/1.
h
3
1809.
1828.
1847.
1866.
1885.
6
U
1810.
1829.
18/|8.
1 867.
1886.
6
25
1811.
1830.
18/i9.
1868.
1887.
7
6
1812.
1831.
1850.
1869.
1888.
8
17
1813.
1832.
1851.
1870.
1889.
9
28
181/1.
1833.
1852.
1871.
1890.
10
9
1815.
183^.
1853.
1872.
1891.
1
11
20
1816.
1835,
ISbli.
1873.
1892.
1
12
1
^12^
1817.
1836.
1855.
187/1.
1893.
1
13 1
1818.
1837.
1856.
1875.
189/i.
1
U
23
1819.
1838.
1857.
1876.
1895.
15
à
Haec de correctione epactarum seu potius de propayatione
numeri aurei in 30 epactas dicta sufficiant (1).
(1) Licet C3clui epaclarum trigiiita nuiueros conlineat, non utimur
taraen omnibus triginfa eodem temnore ; sed tanlum decem et novem
adhibemus, qnot nimirum sunt aurei numeri, per quos hujusmodi Iri-
ginla nuaierj epactalesfieqiiautur progrediunturque. iLaque ii;de ab auno
170O. ir.clnsive usquc ad fincm anni 1899., utimnr epactis 11, 22, 3, 14,
etc.; ab anno 1900. autem usque ad an. 21P9. in epactarum cycle pro-
gredicntes adhibebunt epactas quae ordinc sequunlur, nimiium 10, 2i,
2, 13, 24, etc. etc. Ab anno 2200. usque ad an. 2299. epactae erunt 9,
20, 1, 12, 23, et cseterœ, quae per continuam additionem numeri 11 ad
praecedentem epactam eadem seœper ratione proRredinutur. Cfr. Ru-
àrica marljiol. Pium. el uiuâ literaruin Indician in capito addilitio.
DE COMPUTO ECCLES[ASTICO. 4*25
77. Qiiod ad usum epactarum pertinet, absque his, inquit
S. Isidorus [l, c. n. 31.), non invenies Ivnam quota sH
in quolibet anno et mense et die. Id quemadmodum sit
intelligendum, operîE pretium est breviter exponere. Pro
dignoscendis igitur ex epacta lunae diebus, addendi ipsi
siint tôt dies, quotus fuerit mensium numerus, non a janua-
rio, sed a martio inclusive numeratus. [S. hid. L c).
Per hanc additionem obtinetur epacta, seu œtas lunae
pro primo die illius mensis, in quo lunœ dies quœritur.
Si deinde collectaî huic summse etiam numerus dierun.
mensis adjiciatur, totalis summa œtatem lunae pro tali die
indicabit, dummodo dicta summa tricenarium numerum
non superet; tune enim luna non erit nisi tôt dierum
quot dies abjectis 30 ex illa summa supersunt. Si v. g. in-
venire velis astatem lunœ pro primo die augusti hujus anni
1863., sûmes epactam 11, quœ juxta diagramma propositum
anno currenti competit. Epactœ 11 addes numerum men-
sium a martio inclusive numeratum, h. e. 6: in collecta
summa 17 habebis diem lunœ pro pMmo die mensis augusti.
Si deinde dignoscere velis aetatem lunae pro festo Assump-
tionis B. AI. V. seu pro 15. ejusdem mensis augusti, summae
17 ex priori additione jam obtentse addes simul numerum
dierum seu 15, et detractis 30 ex summa 32, quœ ex ultima
additione exurgit, supererunt 2, qui diem lunœ pro 15. au-
gusti indicabunt. Hœc régula tamen lunœ œtatem non nisi
prœter propter indicat et quidem semper diem completum.
Vide quœ habet Petav. lib vi. c. 26, de Doctrina iempor.
Sed et alius est numerorum epactalium usus quoad Pas-
chatis atque inde reliquorum etiam mobilium festorum celé
brationem ; per introductum novum epactarum numerum
enim lunationes iis locis affixœ detinentur, ut satisiieri
priscœ Ecclesiœ canonibus possit; qua de re postea.
N. N., Sacrorum canonum Prof.
Revue tes Sciences kcclés., t. ix — mai 1864. 28.
DE L'ELECTION DU S0UVP:HAÎN- l^OXTIFE
tt diS Coîidilious requise!
POUR qu'elle soit le'gitime.
Deux cin' et dernier artiel i
§2.
En ver'.ii de qu^l Hroit et depuis f]uelle époque l'élection fies Papes app'iriien
aux Cardinaux.
I. }Jode (V élection des Papes pendant les quatre premiers siè-
cles, n On admet comme certain, dit le cardinal Petra, que,
dès le principe, l'élection du Souverain-Pontife se fit par les
prêtres et les diacres de la ville de Rome... A partir du
pontificat de saint Sylvestre, la profession de la religion
chrétienne étant devenue publique, tout le peuple romain
prit aussi quelque part à cette élection : il fut admis à in-
tervenir pour rendre témoignage à l'intégrité de vie et de
mœurs di l'élu... Tel fut le mode d'élection pendant les
quaire premiers siècles ; elle se faisait en toute liberté par
les prêtres et les diacres : puis le peuple assemblé y joignait
son suffrage » ^^tome h, commentaire sur la cinquième con-
stitution de Clément VI, n. 18 et suiv.) Suarez fait observer
que le peuple était admis, non nt suffragia ferrel in electione,
sed testiinonium vitœ et tnorum ejus qui eligebatur. (Tractatus
deFide, disp. 10, sect. Il, n. 9.)
lli I.'tLKGTlON 1)U SOUV£RA1]\-P0>rril-L. /l!27
IL }!o'le iVékcliondepuis le V^ jusqu au XI" siècle. — Pendant
celte longue période, les rois et les empereurs s'arrogèrent
fréquemment une grande part dans l'élection des Papes.
€e fait matériel n'est point contesté. Cette, intervention du
pouvoir laïque a pu avoir lieu légitimement, comme elle a
pu aussi E'être qu'une usurpation et une violence. Elle a
été légitime s'il y a eu acceptation et consentement de la
part de ceux à qui il appartenait de statuer sur l'élection.
Ceux-ci, en effet, ont pu consentir à ce que l'élection ne fût
définitive, que quand elle serait agréée par tel roi ou tel
■empereur. Quoiqu'une pareille concession soit des plus
dangereuses, on conçoit qu'eu égard à un ensemble de cir-
constances difliciles, le Saint-Siège ait cru opportun de l'ac-
corder transitoiremsnt à un prince et pour une prochaine
vacance de siège. Pai-eillement on conçoit que les électeurs
légitimes, pour éviter le péril imminent d'un schisme ou
■d'autres calamités, aient quelquefois consenti à ne fixer leurs
suffrages sur quelqu'un qu'autant qu'il serait agréé par tel
i'oi ou tel em])ereur. Le Saint-Siège n'aurait pas pu accorder
au pouvoir laïque à /j2/-/?e72«Yc; cette ingérence prépondérante.
Vïi pareil décret pontifical serait destructif de l'Eglise, et il
n'y en a jamais eu de tel. Mais rien ne prouve que la con-
cession n'ait pu avoir lieu transitoirement, pour des cas
particuliers, afin d'éviter des malheurs imminents.
En dehors de la concession mentionnée, il est certain
qne l'ingérence du pouvoir laïque aurait été une usurpation,
une injustice, une violence. Car dès lors la question se ré-
duit à ces termes : Le droit d'élire les Papes uppartlenl-il aux
laïques? L'enseignement unanime des théologiens ortho-
doxes y répond négativement. On peut en voir les preuves
dans Passerini ( Tractaius de Electione Summi Pontificis,
quest. 5, pag. 18, Romœ 1670). Le dominicain Camarda,
évêque de Riéti, s'exprime ainsi : « Utrum electio summi
Pontificis pertineat ad laïcos? — D'ico primo ^ nemo laïco-
/i28 DE l'élection Dr solvehatn-pontife.
runi sive sit siuiplex sœcularis, sive sit princeps, rex, impe-
rator aut monrtrcha, habet vel unquam habuit de jure divl-
110 jus eligendi Pontificem. Haecconclusio communis est inter
doctores... Dico secundo ; laïci neque jure ecclesiastico ha-
bent jus eligendi Pontificem: imo hoc est illis plenojure
prohibitum... » {Tractatus de Eleclione Pontificis, dissert. 2,
pag. 99, Reate 1737.)
Reste la question, si, en fait, l'ingérence du pouvoir
laïque pendant la période assignée, a eu lieu légitimement,
c'est-à-dire, en vertu d'une concession, ou si elle doit être
considérée comme une pure violence. INous pensons qu'après
une étude attentive des documents historiques on recop.-
naîtra que tantôt elle a été du premier genre et tantôt du
second. C'est aussi le sentiment de Suarez : «Postea vero,
dit-il, consensus imperatorum cœpit expectari, ita ut non
censeretur omnino firma electio, donec imperator assenti-
ret. QQod privilegium interdum fuit per tyrannidem usur-
patum, ut abHenrico V, tempore Paschalis secundi; inter-
dum falso confictum, ut de quodam Othone refertur (can.
In Si/nodo, di^.t. 63) ; interdum vere datum ab ipsis Ponti-
ficibus. {Tractatus de Fide, disput. 10, sect. 4, n. 9.) Suarez
toutefois n'appuie sa dernière assertion que sur la conces-
sion a Charlcmagne cl à Pëpin, attestée par les canons
Adrianus et Ego Ludovicus [à'ist. 63), canons reconnus au-
jourd'hui pour apocryphes.
Pour résumer ce qui concerne l'ingérence du pouvoir
laïque : 1" jamais elle n'a été accordée par forme de décret
perpétuel; 2° un pareil décret serait destructif de l'Église
et par conséquent nul ; 3" le Saint-Siège étant infaillible en
matière de discipline générale, dans le sens précédemment
expliqué, il ne peut pas arriver qu'il fasse jamais un tel
décret ; /i" même le privilège d'ingérence personnelle et tran-
sitoire doit être considéré comme généralement nuisible à
l'Église: l'histoire est là pour le prouver; 5° néanmoins,
DE L ÉLECTION DU SOU VliRAllV-POlNTlFE. ^29
absolument parlant, en de rares circonstances, il peut se
faire que le privilège personnel et transitoire d'intervention
laïque soit utile à l'Eglise et par conséquent légitime.
III. Mode d'élection statué par Nicolas II en 1059. — C'est
à ce Pape qu'on doit le célèbre décret, publié dans le Con-
cile de Latran, qui constitue seuls électeurs les cardinaux
évêques. Néanmoins ce décret laissa subsister comme aupa-
ravant les acclamations, les postulations et l'applaudisse-
ment du reste du clergé et du peuple. En voici les termes :
Electio Romani Pontificis in potestale cardinalium episcoporuni
sit ; ita ut si quis Apostolicœ Sedi sine prœmissa concordi et
cajionica élections eorum, ac deinde sequentiurn ordimim reli-
giosorum, clericorum et laicorum consen^u intronizetur, is non
Papavel Apostolicus, sed Apostaticas habeatur (can. Innomine,
distinct. 23).
IV. L'élection est attribuée entièrement et exclusivement aux-
cardinaux par Alexandre III, l'an 1178. — Le décret de
ce Pape, publié dans le concile de Latran de cette même
année, est conçu en ces tenues : « Statuimus ut si forte...
inter cardinales de subtituendo Summo Pontifice non poterit
esse plena concordia, et duabus partibusconcordantibuspars
tertia concordare noluerit. . , ille absque ulla exceptione ab
universali Ecclesia Ptomanus Pontifex habeatur, qui a dua-
bus partibus concordantibus electus fuerit et receptus »
(cap. Licet 6, de Eleciione) . A partir de cette époque, le droit
d'élire les Papes a toujours appartenu exclusivement aux
cardinaux. Et tandis qu'auparavant ce droit était encore
assujetti à la formalité de l'acclamation ou de l'assentiment
du peuple assemblé, il fut dès lors complètement affranclii
de toute restriction. « Ce fut, dit le cardinal Petra, un im-
mense bienfait pour l'Église. Le mode d'élection si sage-
ment établi par Alexandre III, est celui que nous voyons
aujourd'hui en vigueur, et il est à croire qu'il durera jus-
qu 4.1a fin des temps... . Pendant de longs siècles, la tumul-
Zi3 0 DE l.'Ér.liCTIO^ DU SOUVERAn' POMIFE'.
tueuse intervention du peuple et les violences du pouvoir
impérial avaient exercé sur ces élections une désastreuse in-
fluence. Grâce à la constitution d'Alexandre III, le fléau
séculaire fut enfin heureusement et définitivement écarté.
Le pouvoir d'élire le Pape demeura ainsi concentré tout
entier dans le Sacré-College des cardinaux » (/. c, n. S8),
V. Décréta ultérieurs du S'ii)iî'Siég?. — L'expérience avait
montré que le désaccord parmi les membres du sacré col-
lège pouvait retarder l'élection et prolonger notablement
la vacance du Saint-Siège, au grand préjudice de l'Eglise.
Pour obvier à cet inconvénient, Grégoire X, dans le con-
cile de Lyon, de Tan i27/i, établit l'usage du conclave, et
prescrivit entr'autros, que si les cardinaux ne s'accordaient
pas dans l'espace de trois jours, il ne seraitservi à leur table
qu'une espèce démets; et qu'après cinq jours, s'ils n'avaient
pas encore pu s'entendre, on ne leur donnerait ])lus pour
aliment que du pain, du vin et de l'eau, jusqu'à ce que l'é-
lection eût abouti. Plus tard Clément VI adoucit un peu la
rigueur de cette mesure»
La manière dont les cardinaux devaient procédei' fat suc-
cessivement prescriteet déterminée plus en détail par d'au-
tres Papes, savoir : par Clément V, Clément VI, Jules II,
Paul IV, Pie IV, Grégoire XV, Urbain VIII et Clément XII.
Le code législatif de ces élections a été ainsi amené à l'ad-
mirable degré de perfection où il est maintenant. 11 rend à
peu près impossibles les dissensions et les troubles qui
avaient autrefois si souvent ébranlé et déchiré l'Église.
VI. En verln de quel droit les cardinaux possèdent-ils la
2Jrérogative de l'élection des Papes ? — 1° Ce n'est pas en
vertu du droit divin. Le Sauveur du monde n'a pas déter-
miné lui-môme, du moins par forme de décret immuable,
quels seraient les électeurs de son Vicaire en terre, ni de
quelle manière ils auraient à procéder dans cette élection. Il
a voulu que le pouvoir de statuer en cette matière appartînt à
DE 1.'ÉLLCT10>( du SOLVERAlX-PO.MJlli. /\'iî
S'jii Église. Il ne s'ensuit nullement que saint Pierre n'ait pas
reçu à cet égard des instructions de son divin Maître. Rien
ue s'oppose à l'hypothèse d'une lumière divine, en vertu
de laquelle saint Pierre aurait établi que ses successeurs
devaient être élus par les prêtres et les diacres formant le
prcsbyteriumÙQ l'Evêque de Rome, jrresb'jtcn'vm dont le Sacré-
Collége des cardinaux est la continuation. Mais le fait de la
variation survenue, prouve que Jésus-Christ a laissé ce
point soumis à l'autorité préposée à son Église. Et dès lors
la prérogative des cardinaux ne rentre pas dans la catégorie
du droit strictement divin.
2' Que les cardinaux aient au moins la principale part
dans l'élection des Papes, on peut dire que c'est de droit
apostolique. Car, depuis le temps des Apôtres, nous voyons
les prêtres et les diacres de l'Église de Rome en possession
d'élire leur évêque, qui est en même temps le Chef suprême
de toute l'Église. Or, les cardinaux ne sont autre chose que
l'institution continuée du collège des prêtres et de celui des
diacres, ou du collège total dont se composait ce qu'on
nommait autrefois \q presbyteriiim de l'Evêque de Rome. On
peut le voir prouvé jusqu'à l'évidence par les érudits,
entr'autres par Thomassin. Il est vrai qu'on dispute sur la
part d'intervention laissée aussi au peuple pendant les
premiers siècles. Néanmoins, les liommes de la science
s'accordent à reconnaître que ce droit d'intervention du
peuple fut toujours secondaire^ et (\}iq\q principal appartint
toujours au clergé de Rome, aux prêtres et aux diacres in-
cardinés à l'Église romaine, comme s'exprimait l'anti-
quité»
o® Le dispositif qui a concentré exclusivement dans le
collège des cardinaux tout le pouvoir électif, en tant qu'il a
exclu toute intervention du peuple et de tous autres, n'est
que de droit ecclésiastique. C'est de l'autorité du Saint-Siège
que ce dispositif est émané, et il a remplacé une forme diffé-
Zi32 Di- l'élection du SaUVERAlX-POriFE,
rente, que le même Saint-Siège avait précédemment auto-
risée.
VII. Identité de la discipline actuelle avec la discipline tout-
à-fait primitive, quant au privilège exclusif des Cardinaux. —
Dans le rapide exposé que nous venons de mettre sous ses
yeux, le lecteur aura pu remarquer, qu'avant Constantin,
c'est-à-dire, durant les trois siècles de persécution qui
avaient précédé, l'intervention du peuple dans l'élection des
Papes n'est pas constatée. Tout fait présumer qu'elle n'eut
pas lieu. On n'aurait pas pu assembler le peuple pour accla-
mer l'élu, comme on le fit plus tard. L'étude des monuments
relatifs à ces trois premiers siècles conduit à cette concl usion :
le pouvoir d'élire était concentré tout entier dans le collège
des prêtres et des diacres incardinés à l'Eglise romaine. S'il
en est ainsi, il faut dire que le pape Alexandi'e ÏII, en attri-
buant entièrement et exclusivement l'élection aux cardinaux,
n'a fait que rétablir la discipline tout-à-fait primitive. Le
collège actuel des cardinaux n'est que la continuation non
interrompue de l'antique collège des prêtres et des diacres
incardinés à l'Église de Piome. Leur prérogative exclusive
d'aujourd'hui est donc celle-là même qu'ils possédèrent
primitivement.
Du pouvoir des Cardinaux pendant la vacance du Suint-Siége.
I. Ils ne peuvent exercer aucun acte delà juridiction papale ,
si ce 71 est en cas de nécessité, et sauf le pouvoir accoutumé des
Congrégations, qui continue à subsister. — Qu'en général la
juridiction ordinaire de l'évêque défunt passe au chapitre
cathédral, c'est un effet du droit ecclésiastique et non du
droit divin. L'Église pomTait donc modifier et restreindre
cette prérogative des chapitres, si elle le jugeait conve-
DE l'élection UU SOUVERAIN -PONTIFE. 4SS
nable. En ce qui concerne l'Église de Rome, la transmission
du pouvoir papal au Sacré-Collége des cardinaux, par la
vacance du siège, est pareillement subordonnée à la su-
prême autorité de l'Église, c'est-à-dire, au pouvoir du
Souverain-Pontife et du concile œcuménique. D'une part on
chercherait en vain le divin décret par lequel Jésus-Christ
lui-même aurait conféré aux cardinaux le pouvoir ordi-
naire du Pape, lors de la vacance du siège, sans le subor-
donner au suprême pouvoir législatif de l'Église. D'autre
part, les faits prouvent que ce divin décret n'a pas eu lieu.
Car il ne peut jamais arriver que l'Église décrète contrai-
rement à un décret divin. Et néanmoins elle l'aurait fait en
cette matièi'e, si les cardinaux tenaient de Jésus-Christ
même le pouvoir en question, sans dépendance de la su-
prême autorité de l'Église.
Le Pape Grégoire X dans le concile œcuménique de Lyon,
de l'an 'J273, a ainsi statué: « lidem quoque Cardinales
accelerandœ provisioni sic vacent att^ntius, quod se nequa-
quam de aho negotio introinittant : nisi forsan nécessitas
adeo urgens incideret, quod eos oporteret de terra ipsius
Ecclesiae defendenda vel ejus parte ahqua providere ; vel
nIsi aliquod tam grande et tam evidens periculum innnineret,
quod omnibus et singulis cardinalibus praesentibus concor-
diter videretur illi celeriter occurrendum. » (Cap. JJbi peri-
culum, 3 de Electione, in 6.) Aux termes de cette loi, le Sacré
Collège ne peut exercer la juridiction papale que dans le
cas exceptionnel d'une nécessité pressante, et que tous les
cardinaux aient unanimement reconnue telle. Le fait de
cette loi, qui n'aurait pu être portée par un concile œcumé-
nique si elle était contraire au droit divin, prouve à la fois
que la juridiction du Sacré-Collége pendant la vacance
est subordonnée au suprême pouvoir législatif de l'Église,
et qu'elle a été réellement restreinte et rendue moindre que
la juridiction ordinaire du Pape.
434 DK LÈLECnO.X du SOUVKUAiN-POMlfli.
11 est vrai que certains esprits prétendirent, au quator-
zième siècle, que le Sacré-Collége des cardinaux pouvait,
pendant la vacance du Saint-Siège, annuler ce décret du
concile de Lyon, et n'en tenir aucun compte. Ils s'appuyaient
sur riiypothèse, obstinément soutenue par eux, que la juri-
diction ordinaire du Pape défunt passait tout entière aux
cardinaux, et qu'ils ne pouvaient par conséquent être liés
par les décrets disciplinaires d'aucun Pape, ni d'aucun con-
cile. Mais Clément V proscrivit une erreur si dangereuse,
et les termes de son décret prouvent que la prohibition de
Grégoire X dans le concile de Lyon, n'entraîne pas seu-
lement VilUcilé des actes contraires, mais aussi la nullité :
Irrilnm et inane decerncnies quidquid potpslatis cuit jurisdic-
tionis ad Romanum, diim vivit, Pontificem perfinentis [nisi
quaiemis in coiutiivJione prœdicta — celle de Grégoire X —
permittitur) cœtus ipse duxerit, eadem vacante Ecclesia, exer-
cendiim. {Clément. ISe Romani, 2 de Elcctione.)
Ainsi, en dehors du cas exceptionnel de nécessité pres-
sante, le Sacré- Collège ne peut, ni licitement, ni validement,
exercer le pouvoir papal. Il ne peut donc, ainsi que les ca-
nonistes le concluent d'un commun accord, ni créer de nou-
veaux cardinaux, ni réintégrer les cardinaux déposés et
privés de leur office par le Pape, non plus que leur redonner
voix active; ni conférer les insignes aux cardinnux nou-
vellement créés; ni instituer des évêques ; ni confirmer
ceux qui auraient été précédemment élus ; ni conférer des
bénéfices ; ni mettre à exécution les décrets, soit de grâce,
soit de justice, prononcés par le Pape défunt. (Voir Fer-
raris, au mot Cardinales:, art. 5, n. 23 et suiv.) Toutefois
le pouvoir ordinaire des diverses congrégations cardina-
lices continue à subsister, comme nous le dirons bientôt.
II. La règle générale, que la juridiction ordinaire de l'é-
réque défunt passe au chapitre cathédral, nest pas appli-
cable av Sacré-Collége, du moins depuis le concile œcumé-
DE l'élection du SOrVERAIN-PO.MJI B. 4'^&
nique de 1273. — C'est la conséquence rigoureuse du
décret prononcé par ce concile et de la doctrine exposée sur
la force obligatoire de ce décret, même sous peine de nul-
liLé. Sur quoi Ferraris fait cette réflexion : « En cette
matière, le Sacré-Collégc des cardinaux est d'une condition
inférieure à celle des chapitres cathédraux. Ceux-ci entrent
en possession de la juridiction, lors de la vacance du siège
épiscopal ; mais il {l'^n est pas ainsi du Sacré-Collége par
rapport à la juridiction du Pape défunt. » (A l'endroit cité,
n. 3J.)
Nous avons dit, du moins depuis le concile œcuméniqv.e
de 1273. S'il s'agissait des temps antérieurs, et principa-
lement des premiers siècles de l'Église, il faudrait dire, au
contraire, que la juridiction du Pape défunt passait au
Sacré-Collége, comme celle des autres ôvêques passait à
leurs prcsbyteria ou chapitres cathédraux; avec cette dif-
férence, que la juridiction des prêtres et des diacres
de Rome comprenait le droit de gpuverner l'Église uni-
verselle. Les érudits qui ont traité de l'antique discipline
de l'Eglise, y compris Thomassin, s'accordent à le recon-
naître.
111. Le pouvoir des Conrjrécjations continue après li mort du
Pape, mais les cardinaux ont soin de ne pas V exercer par rap-
port aux affaires graves, à moins de cause vrgente. — 1° La
juridiction de ces congrégations de cardinaux n'est pas
déléguée, mais ordinaire^ attendu qu'elle émane de la loi.
A ce titre elle doit continuer pendant la vacance, à moins
d'une mesure contraire du législateur qui en prononce la
cessation. 2° Loin qu'aucun décret du Saint-Siège ait pro-
noncé cette cessation, la bulle Immensa de Sixte V exprime
assez clairement le contraire. 3° Si la juridiction cessait à
la vacance du siège, le nouveau Pape la renouvellerait, ce
qui n'a pas lieu. Pour ces raisons, les canonistes s'accordent
à regarder comme certain le pouvoir ordinaire des Congre-
436 DE l'élection du SOUVERAlN-POxYriFE.
gâtions pendant la vacance du Saint-Siège. (Voir Ferraris,
à l'endroit cité, n. AS.)
Ils ajoutent, il est vrai, que ces Congrégations doivent
alors sommeiller (conqulescere et dormitare) quant aux
causes qui s'expédient par la congrégation et la souscription
du cardinal-préfet, et se borner aux moins importantes qui
s'expédient par le secrétaire seul; mais il va sans dire que
la Congrégation peut agir autrement lorsqu'elle a des
raisons d'éviter les délais. On en a un exemple dans ces
lignes consignées au registre de la Sacrée- Congrégation
dite des Evêques et R/^gidiers : Sede vacante per obition Siimmi
Pontificis PU Vil sanciœ memorîœ, die '20 augusti 1823, hora
décima ciim dimidia. Rescriptaex fucultutibus ordinariis Sacrœ
Congregationi& et Eminentissimi Prœfecti, signala seii subs-
crijjta in conclave ab eodem Eminentissimo P/-œfec!o.
IV. Lorsqu'il y a incertitude sur le vrai Pape et que deux
ou plusieurs se disputent la papauté, c'est aux cardinaux qu'il
appartient de convoquer le concile général. A eux aussi appar-
tient le droit et le devoir d'anathématiser V intrus. — Nous
nous contenterons de reproduire le passage de Ferraris sur
ce sujet : « Dans le cas où deux se disputent la Papauté,
s'ils refusent de convoquer le concile général, le collège des
cardinaux peut faire la convocation (Cardinal Zarabella,
Fagnan,..), Car, ayant le droit d'élire le Pape, leur pou-
voir compi-end par cela même tout ce qui est nécessaire pour
assurer cette élection... Le Sacré-Collége peut aussi et doit
anathématiser et chasser le Pape intrus, selon le texte
formel du canon Si quis, de Electione in Sexto. Ce canon n'a
pas été abrogé, mais confirmé par le décret Ubi periculum,
de Electione, in 6. 11 est évident que la mission d'élire le
Pape comprend celle d'expulser les intrus. » (Au mot
Cardinales, art. 5, n. hO.)
1)L LKf.KCTION DU SOU M li \ IX-l'OMIFE. I\'i7
Lois acUu'lIement en vigueur par rapport au Conclave cl. îi la manière d'élire
le Souverain-Pontife.
Sous le titre de Cérémonial, Grégoire XV, par sa bulle
Decet liomanum Pontificem (12 mars 1622) publia et rendit
obligatoire le recueil ou résumé, tant des lois de ses pré-
décesseurs, confirmées par lui, que de celles qu'il avait ajou-
tées lui-même. Ce livre, avec les additions de Clément XII
(constitution Aposlolatiis officinm), est le code d'après le-
quel les cardinaux sont tenus, selon la discipline actuelle,
de procéder à l'élection du Souverain-Pontife. On leur en
distribue des exemplaires avant qu'ils entrent en conclave.
Les prescriptions qu'il renferme sont de deux sortes : celles
dont l'omission quoique illicite ne rend pas l'élection nulle ;
et celles qu'accompagne la clause de nullité. Relativement
à la valeur de ce code, on ne doit pas oublier ce que nous
avons dit plus haut. Chaque Pape, durant sa vie, peut le
modifier, mais sitôt qu'il a rendu le dernier soupir, per-
sonne au monde, durant la vacance du siège, ne peut y ajou-
ter ni en retrancher un iota. Tel que le dernier Pape l'a
laissé, il oblige toute l'Église. Nous nous bornerons à énu-
mérer les principales de ces prescriptions. Puis nous men-
tionnerons le cas où le Pape prévoit des obstacles à la célé-
bration régulière du conclave, et les précautions que Pie VI
avait prises en vue de cette éventualité.
I. Résumé des prescriptions principales. — 1^ Quand le
Pape a rendu le dernier soupir, les officiers sortent du palais
pontifical, à l'exception du cardinal camérier dont l'office
continue.
2» Les secrétaires remettent au cardinal camérier les
sceaux et l'anneau du pêcheur ; et on les brise.
A38 DE LKLKCTIO.N UV SOIJVF.R.VIN-PON ITFK .
3° Les cardinaux absents ne sont pas convociués, mais
seulement avei'tis de la mort du Pape, par le secrétaire du
S acre- Collège.
à" ils doivent être attendus pendant 10 jours. Néanmoins
si le3 cardinaux préssnts faisaient l'élection avant le 10«
jour, ou attendaient les absentsau-delà de ce terme, l'élec-
tion serait valide.
5" Ces dix jours sont employés à célébrer les funérailles
du Pape défunt.
(jo Si le Pape \ient à mourir hors de Rome et de la ban-
lieue, le Conclave doit être célébré dans l'endroit où il est
mort. Mais en prévision de ce cas, les Papes, avant de se
mettre en voyage, ont coutume de laisser un décret portant
que dans le cas où ils viendraient à mourir loin de Rome,
la prochaine élection doit se faire dans cette ville.
7^ Après les 10 jours consacrés aux funérailles, les car-
dinaux s'assemblent dans la basilique de Saint-Pierre et
assistent à la messe du Saint-Esprit. Puis au chant du Vent
Creator, ils se rendent au conclave, c'est-à-dire, au palais ou
édifice où ils doivent être renfermés jusqu'à ce qu'ils aient
fait l'élection. C'est d'ordinaire au Vatican. Le cortège étant
arrivé à la chapelle du conclave, l'oraison Deus qui corda est
prononcée par le doyen du Sacré-Collège.
8*^ On lit les constitutions pontificales qui prescrivent le
mode d'élection, et les cardinaux jurent de s'y conformer.
Une fois entrés au conclave ils ne peuvent plus en sortir que
l'élection ne soit terminée. Si quelqu'un d'eux en sort pour
cause de santé, il ne peut plus y rentrer, quand même il se
serait rétabli.
9° Le conclave est fermé en dedans et en dehors. Les clefs
sont confiées au cardinal-camérier, au maître des céré-
monies, et aux gardiens du conclave. Chaque cardinal peut
avoir quelques personnes à son service dans l'intérieur du
conclave, mais sans dépasser à cet égard ce qui est prescrit
DE l'f.Ll.CllOV !)L SOi;\KnAi:>-PO.\T{rE. i^i)
dans les constitutions Pontificales. La nourriliire est intro-
duite par des tours, comme ceux qu'on voit dans les commu-
nautés cloîtrées, (les tours sont surveillés par des gardiens
d'oflice, afin qu'on ne fasse parvenir de l'extérieur à aucun
conclaviste aucune nouvelle ni aucun écrit.
10" Les cardinaux qui arrivent après le commencement
du conclave sont introduits.
11° La défense d'envoyer et de recevoir des lettres ou
des messages atteint tous ceux qui sont dans le con-
clave.
12° Les cardinaux seuls ont voix pour l'élection. Ce droit
appartient à lous^ même aux cardinaux excommuniés, et à
ceux qui n'auraient pas encore reçu les insignes cardinalices.
Il a été ainsi statué pour prévenir les dissensions et les len-
teurs que pourrait entraîner la question préalable si tel
cardinal est, ou non, sous le coup de quelque excommu-
nication.
13° On peut élire pour pape, non-seulement un clerc,
mais même un laïque et un homme marié. Pour la validité,
il suffît qu'il ait reçu le baptême, qu'il ait l'usage de sa
raison, et qu'il ne soit ni hérétique, ni notoirement accusé
de crime.
lh° L'élection peut se faire validementde quatre manières :
par inspiration, par compromis, par scrutin, et par
accession.
15" Pour que l'élection par inspirution soit valide, il faut
qu'elle ait lieu après la fermeture des portes du conclave ;
qu'il y ait unanimité; qu'aucune déhbération relative à l'élu
n'ait précédé ; enfin qu'elle se fasse par ce mot eligo, clai-
rement prononcé ou écrit. Par exemple, si les portes étant
déjà fermées, et avant qu'il y ait eu sur la personne de l'élu
aucun entretien relatif à son élection, un des cardinaux dit,
à intelligible voix, félis un tel, et que tous les autres, sans
aucune exception, répètent aussitôt la même chose, l'élection
fi'iO DE l'élection du sot vkraîx-pomife.
sera certainement valide ; et elle aura eu lieu par inspiration,
attendu que ces mots désignent précisément la forme que
nous venons de décrire.
16° L'élection a lieu par compromis lorsque les Cardinaux
s'accordent à confier l'élection à quelques-uns désignés par
eux. Alors celui qui est élu par ceux qui ont été ainsi
chargés de l'élection, est le vrai Pape> Les formalités à
observer quand le Sacré-Collége veut procéder ainsi, sont
déterminées par le Cérémonial de Grégoire XV. L'élection a
rarement lieu par compromis, et plus rarement encore par
inspiration. D'ordinaire, elle^se fait par scnitin, ainsi qu'il
suit.
17" L'élection par simple scrutin (ainsi appelée par oppo-
sition à celle qui se fait per scrutinium cum accessu) est
assujettie par les décrets de Grégoire XV à un ensemble de
règlements d'une admirable sagesse. On peut les lire dans
le Cérénionid de ce Pape. Nous ne mentionnons que les prin-
cipaux. On distribue aux cardinaux des bulletins ou feuilles
imprimées, où des lignes forment divers compartiments.
Chaque cardinal y écrit son nom, et le nom de celui qu'il
élit pour Pape, avec cette formule : Ego cardinalis... eligo in
Summum Pontificem reverendissimum Dominum meum... Ces
bulletins plies et cachetés sont déposés dans un vase ayant
la forme d'un calice. Les scrutateurs en font le dépouillement
et proclament le nom inscrit dans chaque bulletin. Oii addi-
tionne les suffrages obtenus par chacun. Si aucun n'a obtenu
les deux tiers des suffrages, l'élection est nulle. S'il y en a
un qui ait ohiQnM jusle les deux tiers des suffrages, on ouvre
dans le bulletin de celui-là la partie qui renferme le nom de
l'électeur; et si l'on constate qu'il se soit donné le suffrage
à lui-même, l'élection est encore nulle; attendu que son
suffrage ne compte pas, et qu'il lui en manque un pour avoir
les deux tiers. Si plusieurs ont obtenu les deux tiers ou au-
delà, et qu'ils se trouvent avoir exactement le même nombre
DE l'élection du SOUVERAIN-PONTIFE, AAl
de suffrages, l'élection reste nulle. Si au contraire l'un dé-
passe les autres, ne fût-ce que d'une voix, tout est fini ;
c'est celui-là qui est Pape.
IS*' Dans le cas où l'élection n'a pas abouti par le simple
scrutin^ les cardinaux sont libres de recourir au quatiième
mode, celui de Y accession (scrutinium cum accessu) . On dis-
tribue alors d'autres bulletins, et chacun des cardinaux y
écrit le nom de celui auquel il vent cette fois donner son
suffrage, en employant la formule : Ego cardinalis... acceclo
Reverendissimo Domino meo N... Le bulletin Ôl accession doit
avoir, sous peine de nullité, les mêmes sceaux et les mêmes
signes, dont le cardinal qui le dépose avait muni son
bulletin de scnitin. On reconnaît ainsi et on rapproche les
deux bulletins du même cardinal, celui qu'il avait "Jéposé
au scrutin^ et celui qu'il a déposé ensuite àl' urne d'accession.
Si le nom de celui à qui il donne son suffrage est le même
dans les deux bulletins, le bulletin d'accession est tenu pour
nul. S'il est différent, le suffrage qui se trouve dans le
bulletin d'accession doit être compté.* Après le dépouillement,
on brûle les bulletins, quand même l'élection n'aurait pas
encore abouti.
19° Quand l'élection est terminée, le Sacré-Collége
demande à l'élu son consentement. Après qu'il l'a donné,
il choisit le nom qu'il veut porter comme Pape, et on le
revêt des habits pontificaux. Puis, assis sur son trône, il
reçoit les hommages Hes cardinaux. Chacun d'eux lui baise
les pieds, les mains et le visage. Le premier des cardinaux-
diacres se rend à l'endroit assigné pour annoncer l'élection
au peuple, et prononce cette formule : Je vous annonce une
grande joie : nous avons pour Pape le Réi>érendissime. . ., ; il a
pris le nom de
Les canonistes se sont préoccupés du cas, à peu près chi-
mérique, où la mort aurait moissonné tous les Cardinaux,
ou bien réduit le Sacré-Collégeà un seul membre. Résumons
Revue DES sciences ecclés., t. ix.— mai 1864. 29
ltii'2 DE l'élection du souverain-pontife.
aussi leur enseignement par rapport à ces deux hypo-
thèses.
Premièrement. Si le Sacré-Collége se trouvait réduit à un
seul membre, le droit de faire l'élection serait concentré tout
entier dans ce seul cardinal. C'est la conclusion unanime
des docteurs cathotiques. Ils se fondent sur le principe in-
contesté, que tout droit collégial appartient intégralement
"au dernier membre survivant. Mais ils ajoutent avec la même
unanimité, que, dans cette hypothèse, le cardinal survivant
ne pourraitpasdévènirPapepar sa propre élection, attendu
que les lois pontificales ont frappé de nullité le suffrage que
l'électeur se donne à lui-même.
Secondement. Dans le cas où la mort aurait enlevé tous
les cardinaux, les sentiments sont partagés. L'opinion la
plus suivie attribue encore pour lors l'élection au clergé de
Rome, c'est-à-dire, aux chanoines de Saint- Jean-de-Latran.
D'autres pensent qu'elle appartiendrait au concile général.
Un petit nombre ont pensé autrefois que la prérogative de
l'élection appartiendrait ^ux patriarches. Le cas ne s'est
jàïnais présenté et probablement ne se présentera jamais.
Uncas moins chimérique, puisqu'il s'est malheureusement
présenté, est celui de plusieurs élus se disputant la pa-
pauté. Dans l'hypothèse que la difficulté de discerner le vrai
ï^apè ait mis les Églises "éh dés'accbrd, que lé concile géné-
ral se soit asseinblé, et qile les prétendants aient été amenés
â se démettre, une question se présente: A qui appartient -il
d'élire un nouveau Pape ? C'eât au moins le sentiment le
plus probable que ce droit appartieht encofe^lors exclusi-
vement aux cardinaux. Néanmoins, dans le cbncile de
Constance, où la question fut discutée, on convint pour plus
de sûreté et pour éviter tout dissentiment, que les cardi-
naux feraient l'élection tant en leur propfe nom qu'en celui
du concile, et en s' adjoignant trente électeurs, membres du
mêiiie concile, et pris de diverses nations.
DE l'élection du souverain-pontife. 443
II. Précautions de Pie VI en prévision des obstacles qui
pouvaient empêcher la célébration régulière du conclave. —
En 1782, ce Pape voulant se rendre à Vienne, laissa dans
Rome un bref portant que s'il venait à décéder hors de cette
ville, les cardinaux devraient néanmoins y célébrer le con-
clave et y faire l'élection du nouveau Pape. Il suivait en
cela l'exemple de Clément VIII, lorsqu'il partit pour Fer-
rare, et de Benoit XIII se retirant à Bénévent.
Mais, en 1798, le même Pape eut à prendre des mesures
en vue d'une autre éventualité. Il avait été détrôné par
l'armée de la Piépublique française et conduit prisonnier à
la Chartreuse de Florence. Les cardinaux se trouvaient dis-
persés ; plusieurs étaient privés de leur liberté. Dans des
circonstances si difficiles, Pie VI, par sa bulle : Attentis pecu-
liaribus et deplorabilibus circumstantiis^ autorisa les cardi-
naux à faire l'élection dans la ville ou le lieu où ils pour-
raient se réunir en plus grand nombre. Il leur permit aussi
d'omettre, selon qu'ils le jugeraient opportun, les formalités
prescrites pour la célébration du conclave, sans observer
même le délai de 10 jours, qui doit précéder l'élection.
(Voir Moroni, au mot Conclave^ à la fin du § 1.)
Dans ce rapide exposé de l'enseignement catholique sur
l'élection des Papes, notre but a été d'écarter les idées
fausses de certains esprits, qui supposent la possibilité de
changer le code de ces élections pendant la vacance du
Saint-Siège.
Ils ne font pas réflexion qu'il ne reste plus alors sur terre
aucune autorité qui puisse abroger ou modifier les constitu-
tions pontificales laissées en vigueur par le dernier Pape, et
que les cardinaux, loindepouvoi ries changer, sont tenus de
les observer. Le serment qu'ils en font dans la première
congrégation après le décès du Pape, et qu'ils répètent après
leur entrée en conclave, n'est pas une formalité libre, mais
une loi qui les oblige. Quand même, traîtres à leur devoir.
hhli DE l'élection du souverain-pontife.
ils refuseraient de prêter ce serment, l'élection faite par eux
contrairement aux formes prescrites sous peine de nullité,
n'aurait aucune valeur. L'élu serait un faux Pape. A plus
forte raison l'élection serait-elle nulle, si les Cardinaux con-
sentaient à partager avec d'autres, par exemple avec les
évêques ou les députés des divers peuples catholiques, leur
droit d'électeurs. Vainement on objecterait que la forme a
été différente dans les premiers siècles. Elle l'a été, elle
pourrait le devenir de nouveau, mais par un acte législatif
du Saint-Siège. Le Pape mort, cet acte législatif est impos-
sible avant l'élection d'un nouveau Pape. Qu'on veuille donc
ne pas rêver !
§5.
De l'Exclusive.
i.On appelle ainsi la coutume, tolérée par le Saint-Siège,
qui autorise les trois Cours de Paris, de Vienne et de Ma-
drid, a demander chacune l'exclusion d'un cardinal. Lorsque
l'uu de ces trois gouvernements craint que les suffrages ne
se portent sur un cardinal dont la promotion ne lui serait
pas agréable, il notifie soit directement, soit par l'intermé-
diaire de ses ambassadeurs, qu'il donne l'exclusive a ce car-
dinal. La notifjcalion est adressée au cardinal-doyen, ou
bien a des cardinaux de la nation qui donne l'exclusive, et
ceux-ci en informent le Sacré-Collé-i^^e.
2. Cette coutume remonte à deux siècles, et peut-être
un peu plus haut. Jusqu'ici le Sainl-Siége l'a tolérée, mais
sans la consacrer par aucun texte de loi. C'est improprement
que quelques écrivains l'appellent le droit, le privilège de
l'exclusive, s'ils entendent par Ta un droit rigoureux e\. pro-
prement dit d'empêcher que le cardinal exclu ne puisse être
élu légitimement par le Sacré-Collége. Le droit des trois
DE J/ÉLECTION DU SOUVERAIN-PONTIFE. /j/jÔ
cours, acquis par elles en vertu de la coutume et de l'assen-
timent tacite du Saint-Siège, est seulement de formuler une
demande, d'exprimer un vœu. Il est vrai que cette demande
est souvent efficace : dans l'intérêt général de l'Église, le
Sacré-Collégea coutume de ne pas promouvoir au souverain
pontiilcat l'homme qu'une de ces trois grandes parties de
la catholicité a déclaré ne pas agréer. Mais la notification
de l'exclusive ne saurait être regardée comme une obligation
rigoureuse pour les cardinaux électeurs.
3. En droit, le code ou recueil des décrets pontificaux,
quixègle la manière d'élire les Papes, n'interdit nulle part
l'élection du cardinal déclaré exclu par l'un des trois gou-
Yernemenls mentionnés. Nulle part une pareille élection
n'est atteinte de la clause de nullité. Nulle part même il
n'est fait mention de cet usage de l'exclusive.
En fait, si bien des fois le Sacré-Collégea pris l'exclusive
en considération, d'autre fois aussi il a passé outre, comme
l'attestent les laits cités par Moroni {Dizionario de erudizione,
au mot eschisiva, t. xxii, p. 85).
4. Vainement, pour donner a l'usage de l'exclusive le
caractère d'un droit rigoureux, on s'efforce de la faire passer
pour une continuation de l'ancienne discipline, en vertu de
laquelle le peuple de Rome intervenait dans l'élection , Les
trois Cours ne sont pas le peuple romain ^ et d'ailleurs cette
intervention du peuple romain a été entièrement supprimée
par les lois subséquentes du Saint-Siège. On allègue encore
le décret d'Etienne IV {()uia sancta, dist. 63' statuant que
l'élection devra se faire en présence des ambassadeurs de
l'empereur. Mais ce décret a été pareillement abrogé pos-
térieurement ^ et d'ailleurs admettre la présence des ambas-
sadeurs n'est nullement leur accorder le droit de l'exclusive.
L'usage de l'exclusive n'a donc d'aulre fondement que
les actes des trois Cours mentionnées, par lesquels elles ont
demandé que tel ou tel cardinal ne fût pas élu Pape, et la
àh6 DE l'élection du souverain-pontife.
prudente tolérance du Saint-Siège, qui, sans rien statuer a
ce sujet, n'a pas interdit au Sacré-Coilége de prendre en
considération, s'il le jugeait à propos, ces notifications des
trois puissances catholiques. « L'uso dunque délie esclusive,
soggiunge il >'ovaes t. xviii, p. 9 degli Elem. délia storia
de' sommi Ponte fici\> fundasi nella conniveuza piutosto
che nella autorità Pontifîcia j dissimulazione di savia provvi-
denza, affiuchè il supremo capo del mundo cattolieo non
sia eletto con dispiacere de' sovrani, avendo sempre desi-
derato la santa sede, che a tutti sia accetto il loro padre e
pastore »(Moroni, au mot Esclusiva).
5, Le cardinal de Lugo, jésuite, traita la question dans
ce sens, au conclave de 16o5, où le cardinal Chigi fut élu
Pape et prit le nom d'Alexandre VII. Son écrit donna lieu
à des observations du cardinal Albizi voir Moroni, ibid.).
La famille des Chigi de Sienne possède, dit Moroni Jbid.)
un manuscrit de l'avocat Sozzini, intitulé : Discorso isiorico-
politico-legale e teologico sopra l'esclusiva dei Papi, avec des
additions du cardinal Zondadari.
On a sur la même matière un ouvrage de Jean-Georges
Estor, intitulé: Commentatiodejxireexclusivœ, lUappellant,
quo Cœsar Augustus uti potest ^ qiium patres purpuraii in
creando Pontifice sunt occupati ; Genuse, 1 740) .
Voir aussi le chapitre vu de l'ouvrage de Tamagna sur
l'Origine et les prérogatives des cardinaux. Moroni indique
encore un Discorso anonimo sopra l'esclusiva dei Papi Venise,
1722).
Ces quelques mots sur la question de Vexclusive sont bien
insuffisants, nous en convenons. Les documents et les livres
nous ont fait défaut. Nous y suppléons en priant les rédac-
teurs de la Civiltà callolica, dont le savoir est si remar-
quable et la doctrine si sûre, de nous donner un travail
complet sur toute cette importante matière de l'élection
des Souverains-Pontifes, et en particulier sur l'exclusive.
DE l'Élection du souverain-pontife. 447
Peut-être retrouveront -ils la dissertation inédite du
cardinal de Lugo. A défaut de cette pièce, leur érudition
et les bibliothèques de Rome leur fourniront avec abondance
les éléments d'un de ces écrits solides et achevés, tels qu'ils
savent les donner au public. Nous serions heureux qu'ils
voulussent rectifier dans le nôtre les inexactitudes qui nous
auraient échappé.
D. Bouix.
ÉTUDES SUR LA PRÉDICATION.
De l'Étude des Pères, nécessaire aux Prédicateurs.
Troisième et dernier article.
III.
Des autorités plus imposantes et plus précieuses pour le prêtre qui
étudie les Pères en vue de la prédication, avaient déjà placé en première
ligne saint Jean Chrysoslôme. Fénelon trouve en lui, ainsi que nous
Favons dit plus haut, « un jugement exquis, de nobles images, une
a morale doues et aimable, et il l'appelle le plus parfait modèle de
€ l'orateur chrétien. » Bossuet « cherchait à se familiariser avec sa
« douce et noble élocution, et il le regardait comme le plus grand pré-
ce dicateur de TÉglise » (I). « Saint Jean Chrysostôme, dit le cardinal
« Maury (2), mérite une préférence spéciale de la part d'un orateur
« sacré. Sa diction est pure et brillante, sa manière est tendre et
« persuasive, et il abonde tellement en idées ingénieuses ou en tableaux
et sublimes, qu'or, trouve à chaque page, dans ses sermons, de beaux
« Jraits à citer dans les chaires chrétiennes. »
En tête des extraits à citer pour faire connaître cet homme prodigieux,
admiré et exalté par les plus grands génies, il faut placer le discours
que la mèi'e de Chrysostôme adressa à son tlls pour le détourner de
(1) Histoire de Bossuet, par le cardinal de Bausset, t. i, p. 63.
(2) Essai sur l'éloquence, t. m, p. 225 et 226.
ÉTUDES SUR LA PRÉDICATION. ÙA9
s'enfuir au désert. « Lorsque ma mère, dit le fervent néophyte (1),
« lorsque ma mère eut appris ma résolution de me retirer au désert,
a elle me prit pW la main, me conduisit dans sa chambre, et m'ayant
« fait asseoir auprès d'elle, sur le même lit où elle m'avait donné
« naissance, elle se mit à pleurer, et ensuite me dit des choses encore
n plus tristes que ses larmes
« Mon fils, me dit-elle, ma seule consolation au milieu de ces mi
« sères, a été de te voir sans cesse et de contempler dans tes traits
« l'imaf'e de mon mari qui n'est plus. Cette consolalion a commencé
« dès ton enfance, lorsque tu ne savais pas encore parler, temps de la
« vie où les enfants donnent à leurs parents les plus grandes joies. Je ne
(S te demande maintenant qu'une seule grâce, ne me rends pas veuve
« une seconde fois; ne renouvelle pas un deuil qui commençait à s'ef-
« facer; attends au moins le jour de ma mort; peut- être me faudra- t-il
« bientôt sortir d'ici ; car ceux qui sont jeunes peuvent espérer de
« vieillir ; mais à mon âge on n'attend que la mort. Quand tu m'auras
« ensevelie et réuni mes cendres à celles de ton père, entreprends alors
« de longs voyages, et passe telle mer q^ue tu voudras ; personne ne
a t'en empêchera ; mais pendant que je respire encore, supporte ma
a présence et ne t'ennuie pas de vivre avec moi ; n'attire pas sur toi
« l'indignation de Dieu en m'accablant de si grands maux, sans avoir
« été offensé par moi »
Quel accent de douleur et de vérité! C'est la simplicité d'Homère,
ou plutôt celle delà nature. Les sentiments exprimés dans cette prière,
sont, i" est vrai, sortis du cœur d'une mère, mais celui qui les a si
bien saisis, était digne de les concevoir, et il n'y a qu'un talent de
premier ordre qui ait pu leur donner celte forme si pure, si naïve et si
noble.
Mais rien ne saurait égaler le discours que Chrysostôme met dans
la bouche de Flavien implorant la clémence de Théodose, qui voulait
détruire la ville d'Antioche, en punition du renversement de ses statues.
Admis en présence du prince, l'évêque s'arrête loin de lui, les yeux
baissés et pleins de larmes. L'empereur, lui adressant la parole, rappelle
(1) s. Jeaa Ghrysosl. Du Sacerdoce, liv. i, chap. 2.
450 ÉTUDES sua la prédication.
les faveurs qu'il a faites à ses concitoyens, et se plaint de leur in-
gratitude. Flavien retrace alors lui-rraêrae avec vivacité les bienfaits de
Théodose ; puis, reveniint sur la colère môme du prince, il lui adresse
ces mémorables paroles (1) : « On a renversé tes statues ; mais tu peux
« t'en élever à toi-même de plus glorieuses. Pardonne aux coupables.
« Ils ne te dresseront pas dans les places publiques des statues d'airain
• ou d'or parées de diamants, mais ils te consacreront dans leurs cœurs
« un monument plus précieux, le souvenir de ta vertu. Tu auras autant
a de statues vivantes qu'il y a d'hommes sur la terre, et qu'il y en aura
a jusqu'à la fin du monde ; car non-seulement nous, mais tous nos
« successeurs et leur postérité connaîtront cette action si royale et si
« grande, comme s'ils en avaient eux-mêmes profité.
« Mais, afin que mes discours ne semblent pas une flatterie, je te
« rapporterai une aocienno parole, qui montre que les légions, les
« trésors et le nombre des sujets n'illustrent pas les princes, autant
(( que la sagesse et la clémence. Le bienheureux Constantin, apprenant
« que l'une de ses statues avait été défigurée à coups de pierres, comme
« toute la cour l'exhortait à se venger et à punir l'outrage fait à son front
« royal, il passa légèrement la main sur son visage, et répondit en
0 souriant qu'il ne sentait aucune blessure. Couverts de confusion, les
* courtisans se désistèrent de leurs sinistres avis, et cette parole est
« encore célèbre par tout le monde ; le temps ne l'a pas fait vieillir et
« n'a pas éteint la mémoire d'une telle vertu. A combien de trophées
« n'est-elle pas préférable ! Ce prince a relevé plusieurs villes, et a
« vaincu beaucoup de barbares, mais nous n'en avons point souvenir.
« Cette parole, au contraire, est dans toutes les bouches; ceux qui
« viennent après nous et ceux qui les suivent l'entendront, et il n'est
a personne qui puisse l'écouter sans se récrier avec éloge et sans faire
« mille vœux pour la mémoire du prince qui l'a dite. Que si cette
« parole est glorieuse devant les hommes, combien n"aura-t-elle pas
« mérité de couronnes devant Dieu, qui est l'an^i des hommes !
« Mais est-il besoin de rappeler Constantin, et des exemples étran-
(1) s. Ghrysost, Homélie xx^ au peuple d'Antioche.
ÉTUDES SUR LA PRÉDICATION. 45j
« gers, lorsque pour l'encourager, il ne faut que toi-même, et tes
« propres actions? Souviens-toi de cetédit proclamé dans tout l'empire,
« lorsqu'aux approches de la fête de Pâques, annonçant aux criminels
« leur pardon et aux prisonniers leur délivrance, tu disais dans tes
« lettres, comme si cet édit n'avait pas encore assez signalé ta clémence :
0 Que n'ai-je aussi le pouvoir de ressusciter les morts? Souviens-
« toi maintenant de ces paroles : voici le moment de ressusciter les
« morts à la vie. Même avant que la sentence soil portée, Antioche est
« maintenant descendue près des portes de l'enfer; retire-la de cet
« abîme. 11 ne faut m trésor, ni temps, ni travail, il suffit d'un seul
« mot et tu ranimes une ville ensevelie dans les ombres de la mort.
« Permets qu'elle soit appelée désormais la ville de la miséricorde.
« Songe que tu délibères non sur une ville, mais sur le Christia-
« nisme tout entier Si la sentence est humaine et généreuse, les
« Juifs et les Grecs, le monde civilisé et les barbares, la célébreront et
« rendront goire à Dieu. Ils se diront : 0 ciel ! qu'elle est grande la
« puissance du Christianisme! Cet homme qui n'avait pas d'égal sur la
« terre, qui pouvait tout perdre et tout détruire, elle l'a dompté, elle
« l'a soumis, elle lui a donné une sagesse que les plus distingués
« n'auraient pas. Il est grand le Dieu des chrétiens ! des hommes il
« sait faire des anges ; il les élève au-dessus de la nature....
« Regarde combien il sera beau dans la postérité que l'on sache, qu'au
« milieu des périls d'un si grand peuple dévoué à la vengeance et aux
« supplices, quand tous frissonnaient de terreur, quand les chefs, les
« préfets, les juges étaient saisis de crainte et n'osaient élever la voix
« pour les malheureux, un vieillard s'est avancé paré du sacerdoce de
« Dieu, et par sa seule présence, par ses simples paroles, a vaincu
« l'empereur, et qu'alors une grâce que l'empereur avait refusée à tous
« les grands de sa cour, il l'accorda aux prières d'un vieillard, par
« respect pour les lois de Dieu. En effet, ô prince! mes concitoyens
« n'ont pas cru te rendre un médiocre honneur en me choisissant pour
« cette mission ; car ils ont jugé (et ce jugement fait ta gloire) que tu
« préfères la religion dans ses plus faibles ministres à toute la puis-
« sance du trône. Maisje ne viens pas seulement de leur part ; je vien s
452 ÉTUDES SUR LA PRÉDICATION.
« au nom du Souverain des Cieux, pour dire à ton âme clémente et
« miséricordieuse ces paroles de l'Évangile : Si vous remettez aux
« hommes leurs offenses; Dieu vous remettra les vôtres.
c< Souviens-toi de ce jour où nous rendrons compte de nos actions,
a et songe que si tu as commis des fautes, tu peux les effacer toutes
« par un pardon, sans combat, sans efforts. — Les autres envoyés
«r apportent de l'or, de l'argent, et d'autres offrandes semblables ;
« moi je m'approche de ta puissance avec les livres de notre sainte Loi
« dans les mains. Je te les présente au lieu de tous les dons, et je te
« conjure d'imiter ton souverain Maître, qui, chaque jour offensé par
c nos fautes, ne se lasse pas de prodiguer ses bienfaits. Ne confonds
« pas mes espérances, ne démens pas mes promesses ; je veux que tu
« le saches ; si tu veux bien appaiser ta colère, si tu rends à notro
(( ville ton ancieimeamitié, je m'en retournerai plein de confiance ; mais
« si tu as banni Antioche de ta pensée, je n'y retournerai pas, je ne
c< verrai plus son territoire, je le renierai pour jamais, je deviendrai
« citoyen d'une autre ville ; je ne voudrais plus d'une patrie pour la-
« quelle toi, le plus humain, le plus clément des hommes, tu serais
« devenu cruel et sans pitié. »
Inutile de dire que cette éloquence persuasive toucha l'empereur. 11
fit grâce aux coupabi.'s, et en même temps il pressa le vieillard de re-
partir pour porter cette joie au peuple d'Aniioche à la fôte de Pâques.
Je ne sais si les lettres profanes pourraient offrir un morceau digne
d'être comparé à l'éloquent discours de Flavien, ou plutôt de saint
Chrysoslôme. Toutes les règles y sont observées de la manière la plus
admirable. Précautions oratoires, choix des motifs les plus propres à
toucher l'empereur, arrangement des parties, gradation toujours ascen-
dante du discours, alliance dans la personne de Flavien de l'humilité
du suppliant à l'indépendance du Pontife, idées simples et naturelles,
sentiments d'une vérité frappante, d'une délicatesse exquise ; expression
toujours pure, grave, noble, phrases habilement coupées, périodes ad-
mirablement variées, rien n'y manque. 11 n'y a qu'un des plus grands
maîtres de l'art d'écrire, et un orateur consommé qui ait pu nous
léguer ce glorieux et impérissable monument de l'éloquence chrétienne.
ÉTUDES SUR LA PRÉDICATION. A 53
On fait à saint Jean Chrysostôme certains reproches : on dit qu'il
u'a pas un style assez serré, qu'il est trop ai)0Ddanl, qu'il multiplie
les images et les détails; que les citations trop fréquentes de l'Écriture
surchargent l'esprit de l'auditeur et nuisent à l'harmonie des périodes;
que ses homélies manquent d'unité et présentent beaucoup de re-
dites.
Je répondrai i» que, quoique ces reproches ne soient pas toujours
sans fondement, il n'est guère de discours du saint Docteur où l'on ne
trouve de grands mouvements et des beautés de premier ordre. Je
dirai 2° que saint Chrysostôme a été ce qu'il a voulu être. Ce que ies
littérateurs appellent une imperfection, je l'appellerai une gloire. 11 est
beau, il est surhumain pour un grand génie de s'oublier lui-même
pour ne songer qu'à ses auditeurs; de s'abaisser jusqu'aux petits et aux
pauvres pour éclairer leur faible intelligence, guérir toutes les plaies de
leurs âmes, satisfaire à tous les besoins de leurs cœurs. Il était digne
d'un des plus grands orateurs de l'antiquité de foudroyer les préten-
tions de la sagesse humaine et les vains ajustements de l'éloquence pro-
fane. Il pourrait venir in suhUmilale sermonis, in persuabiUbtis hu-
manx sapienlise verbis; il vient avec la vertu de Lieu, au nom de Celui
qui a été un scandale pour les Juifs, une folie pour les gentils : comme
saint Paul, qu'il appelle son maître et son guide, il se glorifie de ne
savoir autre chose que Jésus, et Jésus crucifié.
Bossuet avait raison de dire que Chrysostôme était non pas le plus
grand orateur, mais le plus grand prédicateur de TÉglise !
Si tous ceux qui s'exercent au ministère de la parole choisissaient
ce grand docteur pour leur premier modèle, comme le recommande
Fénelon, on verrait s'introduire partout le véritable genre, le genre
solide, le genre utile, la manière des bons missionnaires, la prédication
vraiment apostclique ; on n'aurait pas à déplorer l'invasion deec genre
vain, prétentieux; mondain, et conséquemmcnt stérile, que cherchent à
faire prévaloir d'une part la légèreté, l'orgueil et l'esprit du siècle, et
de l'autre, la sincère bonne foi de certains hommes solidement instruits
et ardemment désireux du bien, mais qui n'ont ni l'expérience du
ministère pastoral, ni l'intelligence des besoins des peuples.
llbh ÉTUDES SUR LA PRÉDICATION.
Les idées que nous venons d'énoettre vont trouver un nouvel appui
dans ce que nouî avons à dire sur saint Augustin.
Si saint Chrysostôme est le plus éloquent des Pères^ saint Augustin
en est le plus profond et le plus savant. Écriture sainte, théologie, con-
troverse, métaphysique, histoire, antiquités, science des mœurs, il avait
tout embrassé. Il a écrit sur la musique comme sur le libre-arbitre ; il
explique le phénomène intellectuel de la mémoire, comme il raisonne
sur la décadence de l'empire romain ; son caractère propre est celui
de l'universalité : c'est le génie le plus étonnant dont s'honore la reli-
gion. Et cependant les sermons de saint Augustin, qui sont en très-grand
nombre, sont les pliis simples de ses ouvrages ; il n'y a nul art, nulle
méthode ; c'est le cœur d'un père qui s'ouvre à ses enfants. « Il monte,
0 dit Fénelon (l), aux principes les plus élevés par les expressions les
o plus familières ; il interroge, se fait interroger et répond ; sa prédi-
te cation est une conversation entre lui et son auditoire; les comparai-
« sons s'offrent à lui toujours propres à dissiper les doutes ; il descend
« jusqu'aux plus vulgaires préjugés des peuples pour les redresser. »
Saint Augustin est sans contredit le plus populaire, le plus aposto-
lique des Pères ; ses sermons devraient être le manuel du pasteur et
du prêtre de paroisse. Si son langage est quelquefois barbare, plein
de rimes et de jeux de mots, c'est sans aucun doute parce qu'il cherche
à se faire mieux comprendre de ceux à qui il parle, en se pUant à leur
mauvais goût et à leurs .locutions défectueuses. Saint Augustin connais-
sait parfaitement les bonnes régies, il les a décrites dans le livre de la
Doctriîte chrétienne, qui renferme un des meilleurs traités de rhéto-
rique. Il y traite de l'arrangemenl des choses, des qualités et du mélange
des divers styles, des moyens de faire toujours croître l'intérêt du dis-
cours, des inflexions de la voix, de la manière de surprendre et de
toucher.
S'il l'eût voulu, saint Augustinaurait certainement composé des ser-
mons forts remarquables au point de vue littéraire. Je dis plus, il eût
été un très-grand orateur, car il possédait une des sources les plus fé-
(l) Œuvres, t. xxi, p. 183.
ÉtUDES SUR LA PRÉDICATION. 455
condes de l'éloquence, la sensibilité ; tous ses ouvrages portent l'em-
preinte de celte qualité de son cœur ; il est le docteur de la charité,
comme saint Jean, qu'il a si admirablement commenté, en est l'apôtre,
et l'iconographie chrétienne le représente toujours avec un visage plein
de feu, et tenant dans sa main le symbole de l'amour Non-seulement
Augustin eût pu être très-éloquent, mais il l'a été effectivement quelque-
fois ; et il est peu d'orateurs qui puissent obtenir d'aussi beaux triomphes
que ceux que je vais rapporter.
Tandis que le saint Évéque d'Hippone instruit son peuple, il voit
entrer dans son église les deux principaux chefs des Manichéens ; aus-
sitôt il abandonne son sujet, et renverse de fond en comble toutes les
bases de cette secte inipie^ qui détruisait la divinité en la défigurant.
Firmus etFortunat ne l'ont point interrompu par des applaudissements
qui auraient pu arrêter l'action de son ministère en affligeant son humi-
lité, mais ils viennent l'attendre au pied de la chaire pour abjurer
l'impiété entre ses mains.
Les habitants de Césarée de Mauritanie se partagent chaque année
en deux camps, qui offrent au sein de la paix^l'imagede la guerre civile ;
frères contre frères, pères contre enfants, époux contre épouses, ils se
lapident les uns les autres pour s'exercer aux combats. Augustin est
profondément affligé devoir parmi des chrétiens un usage aussi sangui-
naire; il se présente au moment du carnage; il parle, on l-'écouteà peine ;
il parle encore, on l'admire; bientôt les larmes coulent, les armes tom-
bent des mains des combattants; tous ces barbares courent s'embrasser
et se prosternent à ses pieds (1).
On ne peut ici s'empêcher de s'écrier avec Bossuet, après de pareilles
victoires de son talent:» Que le style de saint Augustin ait ses défauts,
« comme le soleil a ses taches ; je ne daignerai pas ici les avouer, ni
« les contester, ni les excuser, ni les défendre (2). »
Je regrette que les limites que je me suis tracées et que déjàj'ai
franchies, ne me permettent pas de parler avec quelques détails de saint
(1) s. August. De Doctrin. Christ., lib. iv, n. 5.
(2) Bossuet, Défense de la tradition, liv. iv, ch. 18.
i56 ÉTUDES SUR LA PRÉDICATION.
Bernard, qui couronne si dignement la liste des Pères de l'Église ; nous
admirerions en lui la délicatesse, rélévation, la tendresse, la véhé-
mence, et cette action suave q-u'il sut porter dans les grands sujets de
la Religion, comme dans les douces etlusions de la piété. N'oublions
pas que cette belle plante a germé et s'est nourrie sur le sol de la
France. Quand nous admirons les Pères, quand nous contemplons cette
longue chaîne d'illustres témoins de la vérité, nous devons être fiers,
en songeant que l'Eglise de France en a fourni un des premiers an-
neaux dans la personne de saint Irénée, et le dernier dans celle de
saint Bernard.
Il est temps de terminer notre travail sur l'étude des Pères. Puis-
sions-nous avoir inspiré un nouveau zèle pour exploiter une mine aussi
féconde ! Si l'on se pénétre de la lecture des saints Pères, on sura les
ressources les plus précieuses pour la prédication. Qu'on ne craigne
pas de paraître pauvre en puisant souvent à cette source; ce trésor,
comme celui des Écritures, est un domaine public, et les discours ne
seront jamais plus utiles et plus beaux que lorsqu'ils seront parés des
richesses qu'il aura fournies.
Barciet,
Chanoine, Archiprêtre d'Aucb.
SUR LES DANSES MODERNES.
L'auleur d'un ouvrage estimable imprimé à Montpellier en 1827,
et qui a pour litre : Manuel d'un jeune prêtre, intitule d'une façon fort
originale un article sur la danse, en se servant de ces termes : « Le
a tourment des curés (la danse). »
La danse mérite, certes, cette qualification : elle a de quoi faire le
tourment de ceux à qui incombe la charge pastorale et le soin des
âmes ; de tout temps elle a été regardée par les Pères et les docteurs
de l'Eglise et par les saints comme un exercice dangereux, comme l'écueil
où viennent se briser la vertu et l'innocence d'un grand nombre de
jeunes personnes. Les auteurs les plus isdulgents, qui ne le sont pas
néanmoins au point de sacrifier les vrais principes de la morale chré-
tienne, sont d'accord là-dessus avec les plus austères. Le diable pré-
side aux danses, dit saint Jean Chrysostôme, et si aujourd'hui Jean"
Baptiste n'y est plus mis à mort ^comme au temps d'Hérode, les mem"
bres de Jésus-CImsl y sont horriblement maltraités ; et les âmes de
ceux qui s'y trouvent y sont itnmolées inhumainement (I). Cet exer-
cice, d'après saint François de Sales, est plein de dangers et de périls
(Introd. partie 3, ch. 35). Bien qu'indifférent en soi, dit Benoît XIV
(Instit. 76), il est le plus souvent accornpagné de faille grave; les
prêtres et surtout les pasteurs des âmes doivent s'appliquer à faire
comprendre aux fidèles de l'un et de l'autre sexe, le grand dangef
(1) Ubi enitn saltu3 lascivus, ibi diabolus certé adest... Mnlia enina
etiam nuuc hujusinodi syuiposia celebraûtur in quibus, etsi Joannes
non inlerficitiir, Clirisli tarneu meiubra dilanianiur multoque graviora
cominittuntur : nou piiiin caput Joannis qui modo tripudiant, sed ani-»
mas recumbentium peluat. {Chrys. Homel. XLix io Matlh.)
Revue des sciences kcclés., t. ix,— mai 1864, 30
/|58 sur' LES DANSES MODERNES.
auquel ils exposent lejir innocence en se livrant ensemble à ce diverds-
sement (1). Le catéchisme du Concile de Trente veut qu'on s'en tienne
soigneusement éloigné, si l'on a à cœur de se conserver toujours
chaste (2).
Ainsi donc, bien que dangereuse de l'avis de tous, la danse
n'est pas généralement regardée comme mauvaise en elle-même.
« Les danses et les bals sont choses indifférentes de leur nature, » dit
saint François de Sales, dans le chapitre que nous avons indiqué tout
à l'heure. Nous venons de voir aussi que Benoît XIV affirme la même
chose ; et saint Alphonse de Liguori est on ne peut plus formel à cet
égard : « Choreae, dit-il, ut docet S. Anton., p. 2, tit. 6, c. 6, per
« se licitae sunt. » {Theol. mor. lib. 4, n» 429.)
En conséquence de ce principe, ces auteurs, si recommandables par
Feuirs lumières et leur sainteté^ ont cru, comme chacun sait, pouvoir
permettre quelquefois la danse, mais seulement dans des cas rares, et
lorsque la bienséance l'exige; pourvu toujours qu'elle se pratique
d'une manière décente; pourvu, dit le saint évéouede Genève, qu'elle
soit accommodée de modestie, de dignité et de bonne intention. Ei
alors même, il veut qu'après la danse on se livre à diverses considéra-
tions propres à en effacer les mauvaises impressions. « Choreae, dit
« saint Liguori, licitae sunt, modo fiant a personis saecularibus. cum
« personis honestis et honesto modo, scilicet non gesliculationibus
a inhonestis. » 11 rapporte les paroles de Busembaiim qui ne veut pas
qu'on tolère les danses (( si malo fine fiant, aut cum periculo aliquos
« aut seipsum incitandi ad libidinem, aut cum alia circumstantia
« mala, » (Ib.) 11 accorde cependant que « in choreis... leviter
« apprehendere manum fœminae, vel non erit culpa, vel ad suramun
a veniahs, ut notât Gaj. ib .. et consentit probabiliter Sporer [Ib.) »
(1) Oslemleraus primum cboreas cum scelcre reipsa plerumque ccn-
jungi, licet iû se nefarii Diliil contineant ; secundo ad sacerdotes perlinere
ac poLiisimuni ad paroclios viroruni ac raulierum oculis subjicere uiagaum
innoceoliee discrimeu, duui sioinl iu clioreis versaulur. (luslit. 70, n. 2.)
(2) Corrumpunt eniiu mores bonns colloquia tnnla, inqnit aposlolus ;
bocque ipsum cum maxime efficiant delicatiores et moliiores cautus ac
sallationes, ab iis quoque diligenler caveudum est. [Catech. Rom., p. ii,
cap. v:i, n 18 )
SUR LES DANSES MODERNES. 459
Voilà ce que les ailleurs les plus indulgents, sans l'être au point
de sacrifier les principes, ont cru pouvoir enseigner sur la danse
telle qu'elle était pratiquée de leur temps.
Assurément, si aujourd'hui cet exercice était aussi innocent d'ordi-
naire qu'il pouvait l'être à ces époques, aujourd'hui comme autrefois
on pourrait se montrer aussi tolérant qu'eux. CommenI, en effet,
craindre de se tromper à la suite de saints comme saint François de
Sales, saint Liguori,àla suite d'un pontife aussi docte que Benoît XIV?
— Mais les danses modernes sont-elles ce qu'elles étaient ancienne-
ment? Car si elles ont cessé d'être décentes, elles se trouvent con-
damnées par ces mêmes saints et par cet illustre pontife : on n'a qu'à re-
lire les conditions qu'ils exigent pour que la danse puisse être tolérée.
Que sont donc les danses dans les temps actuels?
Les danses aujourd'hui en usage sont surtout, assure-t-on, la
valse, la polka, le galop, la mazurka, la redova, la scotisch et d'autres
peut-être encore dont nous ignorons les noms et qui ne valent pas
mieux que celles que nous venons d'énumérer.
Or, que sont ces danses au dire des personnes qui ont pu les con-
naître par elles-mêmes, ou qui ont été renseignées par des gens bien au
courant de ce qui se passe?
Ouvrons une brochure écrite par un homme du monde (M. le
vicomte B. de Saint-Laurent), ayant pour titre : Quelques mots sur
les danses modernes ; l'auteur parlait de visu.
« En 1840 ou 1841, on dansait dans les bals des quadrilles, des
« valses et le grand' père ou le cotillon...
« Très peu de jeunes personnes valsaient et beaucoup de femmes
« mariées s'abstenaient de cette danse, introduite en France par les
« impures du Directoire...
«Alors nous vint la polka... Les jeunes vierges chrétiennes polkérent,
« puis valsèrent... Puis la polka-mazurka, la redova, la scotisch, etc.
« les firent passer dans les bras et sur les poitrines palpitantes des
« jeunes gens enivrés; et maintenant la jeune fille... se livre... à
« l'étreinte des premiers venus,... les mères applaudissent niaisement,
« et il y a des bals où l'on ne danse plus que de ces danses modernes,
A60 SUR LES DANSES MODERNES.
(( que je regarde comme de véritables actes de prostitution « (Ouvr.
cité, p. 8-iO, 48 édit.)
rf MM. les ecclésiastiques, vous qui tolérez ces danses, je suis stlr
« que vous ne les connaissez pas. » {Ib. p. 12.)
« Un des religieux qui font la gloire de notre Eglise de France,...
« alors curé d' une des paroisses les plus importantes de Paris, se
« trouvant à la campagne dans un château,... manifesta le désir de
a voir danser devant lui la polka, qui venait de faire son apparition à
« Paris : il regarda et ne dit rien. Le dimanche suivant, il annonça en
« chaire qu'il défendait cette danse à ses pénitentes et leur refuserait
« l'absolution si elles n'y renonçaient. » {Ib. p. 5-4.)
« La polka est une véritable excitation à la débauche; pour les
« adultes, c'est un prélude ou une réminiscence des plus coupables
« voluptés. » 'Jb. p. 18.)
« Aucune femme ne souffrirait qu'on la saisît par la taille ailleurs
« quedans un bal, le soir, décolletée, au son d'une musique enivrante.»
(îb. p. 19.)
0 La polka et ses dérivés ont changé le naturel, l'allure et jusqu'à la
a toilette de nos femmes. Les danseuses ne portent plus de bouqnet
« au sein. Le pauvre bouquet était écrasé, tant les corps sont rap-
« proches. Les boucles ont disparu parce qu'elles entraient dans les
« yeux du danseur et que deux tours de polka les auraient défrisées.
« 11 faut maintenant de ces coiffures hardies, solides, renforcées de
a fils de fer, rejetées en arrière, qui ne craignent pas le souffle du dan-
« seur, ni les secousses de la polka, ni les pas immodestes de la ma-
« zurka. » (76. p. 2:2.)
« Ecoulez cet;e définition de la volse par MM. de Concourt, His'
« toire de la Société française pendant le Directoire (p. 172)... C'est
a une ronde de volupté intime et molle, où le couple que le rhythme
« marie, poitrine contre poitrine, haleine contre haleine, tourbillonne
« enlacé... Les mères ont peur de gronder, les maris craignent de
« passer pour jaloux, les femmes deviennent des sabots tournants, et
« la valse toute nouvelle débarquée de l'Allemagne, commence en ces
« années de licence, son règne charmant et immodeste dans les sa-
« loHs français dégénérés. » f/ô. p. 34, 35.)
SUR LES DANSES MODERNES. A<51
Voici ce que dit encore madame la comtesse de Bassanville dans un
ouvrage intitulé : la Science du Monde
« Autrefois, non-seulement il n'était pas permis aux jeunes filles de
« valser, mais encore les jeunes femmes valsaient très-peu... Mais
« comme il faut marcher avec son siècle, même quand il fait de faux
< pas, je vous parlerai donc des danses modernes, tout en vous affir-
« mant de recheï (\ae si j'étais mère on mari, je ne les permettrais
«jamais ni à ma femme ni à ma fille. Dans les polkas, mazurkas,
« une danseuse qui se tient courbée en avant, ou qui s'abandonne
« trop en arrière sur le bras de son cavalier, manque non-seulement
« de convenance, mais encore de décence. Il en est de même d'un
« cavalier qui lient sa danseuse trop serrée contre lui. » (Cité par
le P. Dechamps, la Vie de plaisirs, etc., p. 100.)
« Des pères et mères se rencontrent, a dit le P. Félix dans une de
« ses conférences de Noire-Dame de Paris, qui, subjugués, eux aussi,
<* par la puissance du préjugé, livrent leurs enfants emportés dans des
« tourbillonnements sensuels et enivrants, à des altitudes, à des poses,
a à des rapprochements, à des contacts^ j'allais dire à des enlace-
« ments qui réjouissent les vicieux et compromettent les innocents. »
(Ibid. p. 102.)
Ces citations suffisent, ce nous semble, pour faire comprendre ce
que sont les danses modernes, « et ces danses, au lieu d'être l'excep-
« tion, dit M. le vicomte B. de St-Laurent, sent de droit commun »
aujourd'hui {Ibid. p. 26). Il importe donc extrêmement aux confes-
seurs d*être bien arrêtés sur ce qu'ils en doivent penser, et sur la
conduite qu'il y a à tenir lorsque les danseurs et les danseuses du jour
se présentent au sacré tribunal.
11 est manifeste que ces danses n'ont pas, pour être tolérées, les
conditions requises par les saints et illustres auteurs que nous citions
tout à l'heure : elles ne sont accommodées ni de modestie, ni de di-
gnité, et ne peuvent l'être de bonne intention, comme le veut saint
François de Sales. Elles ne se font pas honesto modo, et siîie gesticu-
lationibus inhonestis, sine periculo aliquos aut seipsum excitandi ad
libidinem, aut sine alia cïrcumstantia mala, comme le veut saint Al-
462 SUR LES DANSES MODERNES.
phonse de Liguori, Elles ne sont donc pas du nombre des danses que
ces saints ont regardées comme indifférentes en elles-mêmes, et qu'ils
ont cru pouvoir être quelquefois permises.
Il serait difficile de nier qu'elles ne soient mauvaises par elles-
noêmes. Ces enlacements entre personnes de différent sexe, ces con-
tacts poitrine centre poitrine, haleine contre haleine, ces serrements,
peuvent-ils avoir lieu sans les plus mauvais sentiments, sans scandale,
sans péril très-prochain desplusgrands désordres charnels? Surtout si
l'on ajoute les nudités en usage dans le grand monde, et tous les autres
moyens de séduction que l'enfer sait inspirer pour rendre plus dan-
gereux des amusements qui le sont déjà par eux-mêmes à un si haut
point,
Alexandre VII a cru devoir condamner une proposition ainsi con-
çue : « Est probabilis opinio quae dixit esse tantum veniale osculum
« habitum ob delectalionem carnalem et sensibilem, quse ex osculo
« oritur, secluso periculo consensus ulterioris et pollulionis. »
Or, s'il n'est pas probable qu'un baiser, donné pour se procurer
une satisfaction charnelle ou sensible, ne soit qu'un péché véniel,
alors même qu'il n'y aurait pas à craindre de consentement à de plus
grandes fautes ou à d'autres désordres plus criminels, que dire de ces
danses qualifiées de véritables actes de prostitution par des hommes
du monde; de ces danses qu'une dame, bien au courant de ce qui se
passe, ne voudrait pas, si elle était mère ou mari, permettre à sa fille,
ou à sa femme; de ces danses où l'on voit des enlacements qui ré-
jouissent les vicieux et compromettent les innocents? Toutes ces choses
peuvent-elles avoir lieu sans satisfaction ckarnelle bien consentie?
Nous sommes donc de l'avis de Mgr Bouvier : « Interesse cho-
a reis graviter inhonestis, ratione nuditatum, modi saltandi.... est
« peccatum moriale : hinc saltatio germanica vulgo dicta valse (et
(f nous en disons de même des autres espèces de danses qui sont ana-
« logues) nunquam permitli potest. »
Le P. Gury est du même avis lorsqu'il dit : «Choreae inhoneslae ra-
ce tione nuditatum, modi saltandi, verborum, gestuum, cantuum,sMn<
( semper graviter illicitx, ut patel. Inler illas autem communiter
SUR LES DANSES MODERNES. 463
« recensenlur saltalioncs recentiores quae gallice dicuntur la valse, la
« polka^ [e galop etaliae isLis similes. » (Tiieol. mor.; de VviiU. ç. 3
arl. 2, § 3, edit. 1862.) Notez que c'est le sentiment commun que le
P. Gury déclare exprimer. 11 est vrai que dans son récent ouvrage;
Casiis conscientix (tom. l.p. 156), ce père semble moins affirmatif;
« Generatim, dit-il, ut periculosissimae habentur choreae quae valse et
« polka dicuntur ; sedulo proinde videntiir interdicendiB. Altamei\
a non desiint viri probi qui bas saltationes dicunt modo non adeo in-
« decoro fieri posse, licet communiter valde periculosa^ sint. Ple~
« rumque igitur ea quae ad choreas spectant, relativa sunt ad présentes
« personarum et modorum circumstantias. » Mais si les descriptions
que nous avons données sont fidèles, et l'on ne voit guère comment on
en pourrait douter, il est difficile que l'indécence et le danger prochain
n'accompagnent pas toujours ces sortes de danses. S'il se trouve des
personnes d'une complexion telle qu'elles ne soient pas dangeureuse-
ment impressionnées, ce cas ne peut être que fort rare et ne peqt
autoriser à se livrer à ces danses avec le péril prochain et moralement
certain d'être au moins pour les autres une pierre do scandale et un
instrument de corruption.
Son Éminence le cardinal Gousset pense également comme nous :
« Un confesseur ne peut absoudre ceux qui persistent à vouloir ff^-»»
« quenter les danses regardées comme étant notablement indécentes,
« soit à raison des costumes immodestes qu'on y porte, mHlieriki^^
« ttbera iinmoderate nudata ostendentibus ; soit à raison des paroles
c( obscènes qu'on s y permet; soit enfin à raison de la manière donf la
« danse s exécute, contrairement aux règles de la modestie. » (T/ieo-
logie morale, t. 1, p. 235.)
Tel est donc notre avis sur les danses modernes ci-dessus décrites,
et nous oserions exprimer le vœu que des voix plus puissantes et plus
autorisées que la nôtre, ou même que celles de simples prêtres, s'éle-
vassent hautement contre de pareils scandales devenus si communs
aujourd'hui. Nous savons que cela a été fait par quelques-uns de nos
•illustres pontifes ; mais on pourrait désirer peut-être que cet exemple
eût été imité partout ailleurs et surtout dans les plus grands centres.
465 SUR LES DANSES MODERNES.
Les confesseurs seraient mieux avisés et plus solidement étayés pour
s'opposer avec torce au torrent qui menace d'entraîner ce qui peut
rester de décence et de pudeur dans nos mœurs publiques.
Quant aux danses où tout se passe d'une manière décente, nous
croyons avec le commun des auteurs :
1" Que dans la pratique, on doit généralement en détourner, parce
que d'ordinaire même ces sortes de danses ne sont pas exemptes de
danger pour un grand nombre d'âmes. « Hinc, répéterons-nous avec
« le P. Gury [Tltéol. iftor. loc. cit.), parochi et confessarii ab illis,
« quantum fieri potest, avertere debent. »
2° Qu'il faut refuser l'absolution à ceux pour qui la danse est une
occasion prochaine de péché mortel, et qui ne veulent pas y renoncer^
quand même celte danse ne serait pas immodeste. La raison de décider
ainsi est évidente. (V. Gousset, ibid.)
3" Qu'il ne faut pas refuser l'absolution à ceux pour qui la danse,
d'ailleurs non immodeste, n'est pas une occasion prochaine de péché
mortel. Il suffit d'en détourner autant qu'on le peut.
Que dire maintenant dune mère qui veut que sa fille apprenne h
danser? Celte fille est-elle obligée de lui obéir?
Réponse, l" S'il ne s'agit que de danses convenables et décentes,
cette mère peut être absoute, et sa fille peut et doit même lui obéir.
2° S'il s'agit des danses indécentes dont nous avons parlé ci-dessus,
nous croyons que cette mère est coupable et ne doit pas être absoute,
à moins qu'elle ne renonce à sa détermination, surtout s'il y a lieu de
croire, comme d'ordinaire, que sa fille se trouvera par là conduite à
se livrer plus tard à ces sortes de danses.
Quant à la fille, nous croyons qu'elle pourrait apprendre ces sortes
de danses, mais seulem.ent avec l'intention de n'en jamais faire usage,
et pourvu qu'en prenant ces leçons, elle ne s'exerce pas avec des per-
sonnes d'un sexe différent du sien. Nous ne croyons pas du reste que,
même dans cette hypothèse, elle soit obHgée d'obéir.
Craisson,
Ancien Vicaire général.
DU CHANT ECCLÉSIASTIQUE.
Deuxième article.
g 4. — Du CHANT DES HYMNES.
Il n'est peut-être pas. dans l'Office divin, de partie dans la-
quelle il y ait eu plus de variation sous le rapport du chant. Nous
sommes loin de condamner l'usage d'employer les airs populaires ; il
est cependant important de connaître les ré-^les qui déterminent l'usage
des chants auxquels nous donnons le nom de liturgiques dans le sens
ci-dessus indiqué. Il est, en effet, des rhylhnfies dont l'usage est consa-
cré pour certains temps de l'année, et même il est quelques hymnes
dont le chant leur est tellement propre, qu'il n'appartient à aucune
autre. Les hymnes des petites heures et des compiles se chantent tou-
jours sur la mélodie propre au temps de l'année où l'on se trouve .
1. — Règles données par le Direcloriura chori sur léchant des
hymnes.
Le Directorium chori nous indique le chant des hymnes de la ma-
nière suivante :
i° Les hymnes du temps de l'Avent se chantent sur le septième ton.
On en excepte l'hymne des vêpres Creator aime siderum, qui se chante
sur une mélodie du quatrième ton qui lui est spéciale.
2" Depuis les premières vêpres de Noël jusqu'aux premières vêpres
de l'Epiphanie, toutes les hymnes se chantent sur l'air si connu Jesu,
redemptor omnium. On excepte l'hymne des laudes de Noël A solis
ortu^ cardinc, qui se chante sur un ton spécial que l'on applique en
certaines églises aux hymnes de l'Epiphanie.
3° Depuis les premières vêpres de l'Epiphanie jusqu'à la fin de l'oc-
466 DU CHANT ECCLÉSIASTIQUE.
tave do celte fêle, les hymnes se chantent sur Crudelis Herodes Deum,
que le Diredorium note sur le huiliènie ton.
4° Les hymnes de la fête du saint Nom de Jésus sont notées sur le
chant des hymnes de Noël.
S° Depuis le premier dimanche de Carôme jusqu'au temps de la
Passion, on chante les hymnes sur le huitième ton. On excepte l'hymne
des vêpres Audi bénigne conditor. Le chant de celte hymne, du
deuxième ton, lui apparlienl spécialement.
6" Les hymnes du temps de la Passion se chantent sur Vexilla ré-
gis prodeunt.
7" Au temps pascal, les hymnes se chantent sur la mélodie spéciale
à ce temps, depuis le samedi après Pâques jusqu'aux premières
vêpres de l'Ascension. Cette règle s'applique aux vêpres de l'invenlion
de la sainte Croix : l'hymne Vexilla régis se chante alors sur ce même
rhylhme. D'après Gavantus, c'est pour pouvoir employer ce chant,
comme la doxologie pascale, qu'on a substitué aux vêpres du commun
de plusieurs martyrs au temps pascal l'hymne des laudes Rexgloriose
martyrum à l'hymne Sanctorum meritis, qui se dit pendant l'année.
Le changement de mélodie n'est pas indiqué pour les vêpres et les
laudes des autres communs ; la raison en est que les saints Martyrs
seuls ont un office parlicuher pour le temps pascal.
8" Pendant l'oclave de l'Ascension, les hymnes se chantent sur le
quatrième ton. On excepte l'hymne des matines de cette fête, qui em-
prunte un chant du huilième ton, sur lequel se chante l'hynme des
laudes du très-saint Sacrement, Verbum supermun proUens.
9° Les hymnes de l'office de la Pentecôte sont notées sur le pre-
mier toU;, sauf le Venï Creator Spintus, dont la belle mélodie est as-
sez connue.
10° Les hymnes de la fête de la Sainte-Trinité ont aussi leur chant
propre.
11» A la fête du très -saint-Sacrement et pendant l'octave, les
hymnes des heures se chantent sur le rhylhme propre aux fêtes de la
Irès-sainte Vierge, probablement à cause de la doxologie. L'hymne
des laudes Verbum supernum prodiens, dont la doxologie est spéciale,
DU CHANT ECCLÉSIASTIQUE. 407
a aussi son chant propre du huitième ton ; les hymnes Range lingtia et
Sacris solemniis étant, la première, du môlre Irochaïque, et la seconde
se composant de strophes de trois asclépiades et d'un glyconique,
doivent avoir aussi un chant particulier. La première est notée sur le
premier ton, la deuxii^mc sur le chant du quatrième ton usité en
France, et celle-ci ne prêle son rhythme à aucune autre.
i i" Les hymnes de la fêle de saint Jean-Baptiste, qui sont du mètre
saphique et adonique, sont notées sur le rhylhme du deuxième ton, que
nous avons l'usage d'employer pour cette fête, et qu'on applique en
beaucoup d'églises à l'hymne Iste confessor. Celle mélodie, cependant,
ne paraît pas être l'ancien chanl de ces hymnes, puisque c'est de l'hymne
Ul queant Iaxis que l'on a tiré les noms des notes du plain-ehant et
de la musique. On trouve dans des livres anciens et dans des mé-
thodes de plainchanl la mélodie primitive de celle hymne.
42° Les hymnes des fêtes de saint Pierre et saint Paul et toutes
cellesdes fêtes de ces saints Apôtres sont en vers iambiques trimétres.
Elles sont notées sur le quatrième ton.
16° A la fêle de la Transfiguration, les hymnes se chantent sur le
rhylhme du quatrième ton, adopté pour la fêle de l'Ascension. « In
a Tiansfiguratione Doraini, dit le Direetorium, sub proprio tano, qui
« débet esse ul de Ascensionc dictum est ; quamvis ahqui pulant sub
« tono Nalivitatis vcl Epiphaniae : quia ullimus versus hymnorura
« dicitur talis lemporis ; sed ralionesolemnitatis et officii, ac hymno-
« ru m verborum magis cum Ascensione convenit, et in psalteriis
« correctis sic annotalur, »
14" L'hymne Tibi Ghrisle de la fêle de saint Michel Archange est
notée sur le chant du deuxième ton, que nous avons encore, el Christe
sanctorum est indiqué sur le chant des hymnes de la fête de saint
Jean-Baptiste.
15° A la fête de la Toussaint, et pendant l'octave, on chante les
hymnes sur le ton de Noël.
16" Pour le commun des Apôtres hors le temps pascal, on donne
pour l'hymne des matines et celles des heures un huitième ton, qui
n'est autre qu'un sixième, que nous avons coutume d'appliquer à
468 DU CHANT ECCLÉSIASTIQUE.
l'hymne du Sacré-Cœur de Jésus Auctor béate sxculi, et à celle de la
Pureté de la sainie Vierge Prœdara custos Virgimim. L'hymne Exul-
tet orbis des vêpres est du huitième ton.
17° Les hymnes des laudes et des heures du commun d'un Martyr
hors le temps pascal sont notées sur un rliylhme du sixième ton. L'hymne
ûeiistuorum militum a un chant spécial du troisième mode.
18° Au temps pascal, toutes les hymnes du commun des Apôtres et
des Martyrs se chantent sur le rhythme propre à ce temps, comme aussi
les hymnes propres, [elles que celles de saint Venance. En nous tenant
à l'indication des livres d'office que nous avons entre les mains, les
hymnes de ces communs garderaient le même chant après la fête de
l'Ascension : il semble cependant que le rythme propre à l'Ascension
devrait être alors adopté, et ce principe paraît ressortir de la rubrique
du Direct orium. D'après le même principe, si l'hymne propre d'une
fête devait être chantée sur le rhythme pascal, depuis Pâques jus-
qu'à l'Ascension, elle prendrait, après l'Ascension, le chant propre à
cette octave, et aprèi la Pentecôte, on devrait la chanter sur un autre
rhythme, comme celui qui convient au commun auquel se rapporte la
fête, ou une mélodie ad libitum.
19° Toutes les hymnes en vers iambiques dimètres qui appar-
tiennent au commun de plusieurs martyrs, d'un Confesseur pontife ou
non pontife, sont notées sur un chant du deuxième mode. On excepte
l'office double de plusieurs martyrs, auquel on chante les hymnes sur
la mélodie qui appartient aux saints Apôtres. Le rhythme dont il est ici
question paraît être celui des hymnes qui n'en ont pas de propre, et qui
est, spécialement indiqué pour celle de sainie Madeleine Pater superni
Numinis. L'hymne Sanctorum merilis est du troisième ton, et Iste
confessor du huitième.
20° Les hymnes du commun de la Dédicace sont notées sur le pre-
mier ton, et sur le même rhythme que Fange lingua.
21° A l'office de la sainte Vierge, les hymnes en vers iambiques
sont du huitième mode. Ave maris Stella a son mètre et son chant
particulier.
22° Pour l'office commun du dimanche, les hymnes Primo dierum
DU CHANT ECCLÉSIASTIÛUE. 469
principe et ^ternererum conditor ont un rhyllime qui leur est spécial à
chacune. Nocte surgentes se chante sur Iste confessor, et Ecce jam
noclis sur une mélodie particulière du deuxième mode. Ltœis Creator
optime est du huitième ton.
II. — Des usages plus communément adoptés dans les livres publiés
en France.
Les usages dont nous parlons ici ont été suivis par les meilleures
éditions. Nous sommes loin de vouloir rien dire qui puisse jeter la
moindre parole de blâme sur ce point. Le chant des hymnes a varié
en différents temps, et la latitude que laisse sur ce point la Sacrée
Gongrégalion des Rites paraît autoriser suffisamment à conserver des
usages dont la suppression aurait pu rendre plus difficile la bonne exé-
cution des offices de l'Eglise, lorsqu'il fallait déjà supprimer d'autres
coutumes avec lesquelles le clergé et le peuple étaient depuis longtemps
familiarisés. Mais pour éviter toute confusion et faire connaître d'une
manière plus précise les chants liturgiques des hymnes, nous croyons
devoir donner ici l'énuméralion de ceux dqs usages généralement sui-
vis en France qui ne sont pas conformes au Directorïum ehori, en y
ajoutant les observations nécessaires.
1° Les hymnes de l'Epiphanie sont notées sur le chant spécial de
l'hymne des laudes de Noël. Il ne faut donc pas croire que cette mélo-
die appartienne à l'Epiphanie et à son octave.
2' Toutes nos éditions, ou à peu prés toutes, donnent aux hymnes
de la fête du saint Nom de Jésus le chant propre à l'Ascension. Le
chant liturgique de ces hymnes est celui de Noël, comme nous l'avons
vu, et comme l'insinue la doxologic.
3o L'hymne Vexiila régis prodeunt est toujours notée sur son chant
propre, même aux fêtes de l'Invention et de l'Exaltation de la sainte
Croix. Celte mélodie, à la vérité, est magnifique et convient parfaite-
ment au grand mystère de la Croix. Mais est-elle appliquée par l'É-
glise à ce mystère ou à celui de la Passion de Notre-Seigneur? Si
l'Église applique ce rhythrae à la Croix, et s'il appartient à l'hymne
Vexiila comme la nature du Veni Creator appartient à cette hymne^ il
A70 DU CHANT ECCLÉSIASTIQUE.
la conservera toujours. Mais ce chant est tellement propre au temps
de la Passion, qu'on chante alors les hymnes des petites heures et des
compiles sur Veocilla régis. \[ serait donc moins conforme aux règles du
chant de reprendre le rhythme de la Passion aux fêtes de la Croix, et
spécialement au temps pascal. Le Dheclorium fait même à cet égard
une observation spéciale : « In fe^to Inventionis sancl* Crucis, sub
a tono paschaii, quamvis modo, juxla Breviarii recognili norraam,
• ultimus versus non muletur, scilicet Te summa Deus Trinitas. In
« ejusdem Exaltatione, sub lono beatae Virginis ob octavam ejusdem,
<( quia etsi ad hymnum Vcxilla non dicalur G/oHo ii6i Z)om/ne (1),
« Qui nalus es de Viryine, sed Te summa Deus Trinitas, ut diclum
« est, tamen sic praeslat, ut tonus conveniat cum aliorum hymnorum
« tono post quos dicitur Gloria tibi Domine. »
4° Le chant de Fhymne des vêpres de sainte Marie-Madeleine, du
sixième ton, qui se trouve dans plusieurs éditions; est un chant ad libitum,
5" Dans plusieurs livres d'office, l'hymne des vêpres de la Tous-
saint Placare Christe serviiUs est notée sur un chant particulier du
huitième ton. Il ne faudrait pas en conclure que ce rhythme appartienne
à cette fête et à son octave. Le chant liturgique de cette hymne et de
celle de la Toussaint est celui de Noël, comme il a été dit au para-
graphe précédent.
6° L'hymne Exultel orbis gaudiis se trouve à peu près partout sur
un rhythme du premier ton, populaire en France pour les saints Apôtres.
Il eût été regrettable de ne pas le conserver ; mais on serait dans l'er-
reur si l'on croyait cette mélodie propre aux hymnes des Apôtres.
7° On applique un nn'me rhythme du huitième ton aux hymnes Deus
tuorum rnilttnm, Jesu corona virginum, Foriem viriH pectore. Celte
mélodie est aussi un chant populaire usité chez nous ; mais ce n'est pas
liturgiquement le chant propre aux hymnes en vers iambiques du
commun des Saints.
8° On doit dire la même chose de la belle mélodie du deuxième ton,
que nous appliquons àl'hymne Sanctorum meritisei à quelques autres.
(1) On cite ici les premiersmots delà doxologie des hymnes anciennes
de la sainte Vierge : maiiiteuant on dirait Jesu. iibi sit gloria.
DU CHANT ECCLÉSIASTIQUE. Zj/l
9° L'application du chant des hymnes de saint Jean-Baptiste à
l'hymne Iste confessor est aussi un 'isage adopté spécialement chez
nous.
10* Toutes nos éditions indiquent le chaut usité en France pour les
hymnes de la Dédicace.
11° L'hymne Lucis Creator oplime est notée généralement sur le
chant des hymnes de la fête de la Pentecôte.
12" Nous trouvons dans quelques éditions le rhythme de l'Ascension
indiqué pour Thymne des complies d'une manière générale^ ou au
moins à l'exception des fêtes de In sainte Vierge.
III. — Des moyens à prendre pour maintenir les règles tradition-
nelles dans le chant des hymnes sans exclure les variétés d'institu-
tion récente que l'on pourrait conserver.
L'importance du maintien de ces régies traditionnelles est incontes-
table. Elles seules, en effet, nous garantissent la conservation des mé-
lodies anciennes ; sur ces règles tradiiionnclles reposent d'autres régies
positives qu'il faudrait abandonner si les pferaières n'étaient pas main-
tenues : l'expérience du passé n'a que trop justifié cette assertion.
D'un autre côté, il serait regrettable d'abandonner certaines mélodies
plus récentes, riches au point de vue de l'harmonie religieuse, et de
venues agréables et familières au peuple.
Mais s'il y a un motif de conserver ces dernières mélodies, nous n'en
voyons pas de les appliquer, dans le corps d'un livre et sans aucune
remarque, au chant d'une ou de plusieurs hymnes du propre du
temps, du propre ou du commun des Saints, Cette manière de procé-
der donne lieu aux inconvénients ci-dessus énumérés. On pourrait, ce
semble, noter les hymnes sur le rhylhme liturgique, puis, par manière
de supplément, indiquer une suite de chants populaires, comme l'a fdit
la commission rémo-cambrésienne pour le chant du Kyrie. Par ce
moyen, tout le monde serait instruit des régies relatives au chant des
hynmes ; on saurait à l'exclusion de quel rhylhme on adopte tel autre
pendant un temps ou une octave, et l'on serait en garde contre les en-
vahissements de l'arbitraire.
472 DU CHANT ECCLÉSIASTIQUE.
IV. — De l'appUcalion d'un chant spécial à certaines hymnes pendant
un temps de l'année ou une octave,
Les notions ci-dessus exposées étaient nécessaires pour faciliter l'in-
telligence des principes relatifs au point qui va nous occuper. Revenons
donc aux rhylhmes que nous comprenons sous le nom de liturgiques.
De même que les chants liturgiques du Kyrie eleison, du Gloria in
excelsis, etc., sont désignés pour être employés à certains jours en
particulier; de même aussi les chants liturgiques des hymnes appar-
tiennent à certaines hymnes et à certains temps de l'année. 11 est des
rhylhmes tellement spéciaux à un temps ou à une octave, qu'il faut alors
abandonner le rhyihme ordinaire dune hymne pour y substituer le
rhythme du temps ou de l'octave. On doit à cet égard suivre les règles
suivantes.
1° Les hymnes des petites heures et des compiles doivent être
chantées pendant l'Avent et le Carême, à tout l'office du temps, sur le
chant de l'hymne des laudes; pendant le temps de la Passion, sur
Vexilla régis ; depuis les premières vêpres de Noël jusqu'après l'oc-
tave de l'Epiphanie, même aux ièles, sur Jesu Redemptor omnium ;
depuis les premières vêpres de l'Efiiphanie jusqu'à la fin de l'octave,
sur Crudelis IJerodes Deum, même si l'on célébrait une fête pendant
cette octave ; à toutes les fêtes de la sainte Vierge et pendant les oc-
taves, comme aussi à l'office de la sainte Vierge le samedi, sur Quem
terra ; au temps pascal, sur le ton pascal ; depuis l'Ascension jusqu'à
la, Pentecôte, sur Jesu nostra /iet/emp/io; le jour de la Pentecôte et
pendant l'octave, sur Jam Chrislus astra ascenderat, excepté à tierce;
à la fête de la sainte Trinité, sur Jam sol recedil igneus ; à la fête du
très-saint Sacrement et pendant l'octave, sur la mélodie usitée pour les
fêtes de la sainte Vierge ; le jour de la Transfiguration, sur le rhythme
de l'Ascension ; le jour de la Toussaint et pendant l'octave, sur le
chant de Noël. Cette énumération est la traduction littérale de la ru-
brique du Direcloîium. On lit ensuite ces paroles: «Quotiescumque
a hic agitur de tonorum varielate^ intelligendum esse quoad hymnes
a horarura, videlicet primae, tertiae, sextîe, nonas, et complelorii. »
DL CUANT ECCLÉSIASTIQUE. A 73
2° Q(iant aux hymnes des vêpres, des matines et des laudes, la ré-
gie est un peu moins générale, comme il suit des termes du Directorium.
Après les paroles citées ci-dessus, nous lisons la rubrique suivante :
« Nam semper in feslis,et Dominicisad Vesperas, el Matutinum, sem-
« per cantanlur liynmi sub tono et notis propriis quibus reperiunlur :
« nisi ralione aliquarum solemnitatum prsRdictarum tam diei, quam
a toliusoclavae illi pertinentis, vel ralione lemporis Paschalis, quarum
« causa ultimus versus proprius diciiur ad finera omnium hymnorum
« ejusdem metri, etiam festorum tune occurrentium, veletiam lantum
a causa alicujus soleninitalis, quamvis non habeat proprium versum
« ultimum talis soleninitalis, siculi est festivitas omnium Sanctorum,
« et tota oclava: quia tune omnino horarum hymni festivilalumoccur-
« rentium cantantur sub tono praedictanim solemnitatum, sic temporis
« Paschalis ; dummodo (quod semper intelligendum est) sint ejusdem
« metri. » Toutes les fois donc qu'il y a une doxologie propre, le
chant des hymnes est celui de la fètcdonton dit la doxologie, et quand
môme une hymne aurait une doxologie à elle propre, elle prendrait
aussi la mélodie propre à la fétc, au temps ou à l'octave, comme il a
été dit ci-dessus pour l'Invention et l'Exaltation de la sainte Croix. La
même règle est applicable aux grandes solennités qui n'auraient point
do doxologie particulière, comme celle de la Toussaint.
3° Ces règles s'appliquent aux hymnes des fêtes occurrentes, comme
on vient de le voir. Le Direclorium l'exprime positivement pour les
octaves de Noël et de lEpiphanie, les hymnes des Apôtres et des
Martyrs pendant le temps pascal. Pour les fêtes de saint Etienne, de
saint Jean et des saints Innocents, le Direclorium l'indique au propre
du temps ; mais on voit ici que la môme règle doit être appliquée aux
hymnes de la fêle de saint 1 homas de Cantorbcry et à l'hymne des laudes
de saint Silvestre. Il paraît suivre de là, comme nous l'avons déjà observé,
que le chant pascal doit cesser aux premières vêpres de l'Ascension
■pour faire place au rhyihme propre à cette fête.
4" Lorsque les vê|ircs se divisent au capitule, l'hymne des compiles
se chante sur la mélodie propre à l'otTicedunt on dit le capitule, si les
hymnes de cet office ont une doxologie particulière^ et l'on suit toujours
RBVUE des sciences ECCLÉS., t. IX. — MAI 1864, 31
fi7!\ DU CHAKT ECCLÉSIASTIQUE.
h mélodie de l'octave la plus digne, si l'on en célèbre deux. Si l'office
dont on dit le capitule n'a pas de doxologiepaiticulière et bi l'on dit la
doxologie de la fête piécédente, on conserve la mélodie de cette fête.
« Quando occurril, dit le Direclorium, ut capilulum fiât ad vesperas
« de alio sancto, tonus hymni ad complelorium sequens servelur illius
« fcstivitatis sequfntis, cujus celebratum est capilulum ad vesperas,
« nisi vesperarum antecedentium ullimus versus hymnorum essetpro-
« prius, quia tune non solum ad complelorium, sed etiara ad capilulum
« antecedens servaretur tonus illius festi anlecedentis. Quod si, exem-
« pli gratia, darentur dufe simul octavae, servetur tonus octavge prœ-
« dominantis. » C'est d'après le même principe que, comme il a été
dit (t. I. p. ?36), on chante le Benedicamus Domino propre aux fêtes
de la sainte Vierge, même après qu'on a cessé d'en faire l'office.
5" L'hymne Lucis Creator opiime comer\e toujours le chant qui lui
est propre. C'est ce que le Direct orutm chori exprime en ces termes :
« De tono quoad hymnum Vesperarum pro dominicis infia annum nil
« dictura est, quia servatur solitus super Lucis Creator optime. »
Ces règles s'appliquent seulement aux rhythmes que nous appelons
liturgiques. Quant aux autres mélodies, elles peuveni êire employées in-
différemment, et l'on peut suivre pour ce qui les concerne, les règles
données pour les chants communs de la Messe.
P. R.
QUESTIONS LITURGIQUES.
i. Les canons d'autel peuvent-ils rester sur l'autel pendant les offices,
en dehors de la messe ? — 2. Le prêtre qui présente aux fidèles un
reliquaire à baiser doit-il être revêtu d'une étole ? — 3. Le pré'
dieateur peut-il être couvert de la barrette lorsqu'il prêche debout ?
i . Les canons d'autel peuvent-ils rester sur l'autel pendant les
offices y en dehors de la messe?
Un usage assez répandu dans certaines églises consiste, non- seule-
ment à laisser les canons en permanence sur l'autel, mais encore à
les y mettre exprès, comme décoration, pendant les vêpres et autres
offices, à en garnir même des autels où l'on ne célèbre pas la messe.
11 est hors de doute que tout ce qui sert spéuMalement à la messe ne
doit se trouver snr l'autel que pour le saint Sacrifice. La rubrique du
missel prescrit de préparer les canons avant la messe, et ne suppose pas
qu'ils restent toujours. Hors le temps de la messe, même pendant
les offices, l'autel doit être couvert. Nous lisons en effet dans le Céré^
monial des Evêques, 1. ii, c. i, n. 13, que les acolytes découvrent
l'autel avant l'encensement qui se fait à Magnificat : « Intérim duo
a acolythi praecedunt ad altare, élevantes hinc inde anteriorom partem
a superioris tobaleae, seu veli super altare positi, illamque condupli-
« cant usque ad médium. » Rien n'est plus opposé à l'esprit des rè-
gles liturgiques que les objets inutiles. Les canons d'autel ne sont pas
une parure, mais un objet d'utilité : il faut donc qu'ils soient disposés
quand ils sont nécessaires ; il faut aussi et avant tout qu'ils soient lisi-
bles, et non pas, comme il arrive parfois, plutôt des images que toute
autre chose.
A76 LITURGIE.
2. Le prêhe qui présente aux fidèles un reliqunh'e à hniser doit-il
être revêtu d'une étole ?
r L'iisago (Je présentpr des reliquaires à baiser est fort ancien et
se trouve mentionné dans les meilleurs auteurs. 11 serait trop long de
citer les textes qui se ropportenl à celte pratique et qui sont indiqués
par Cavalier!, t. i, p. 184. « Nos hac in re dicere possumus, dit le
« savant rubriciste, qnod mos... reliqnias... vcncrationi ac fidelium
a osculis proponcndi sua non caret anliquilatis lande.... Reliquije
« quae in solemnitatibus cvponendae reservantur, fidelibus osculandae
« quandoqiie exhibentur, oui profecto consuetudini verba illa, quae
« habel Mcolaus I respondens ad consulta Bulgarorum, cap. vu,
< p. 1558, t. IX Concil. Labbjei, auctoritatom conciliant et laudem.
« Sciscitamini propterea.si liceat Crucem Domini cum reliquiis mundo,
« sive immundo hanc habenli, osciilari, vel portare, qnod eï, qui
« mundits est omnino licet ; nam in osado qiiid uisi amor, luo quis-
« que circa eam flagrnt, innuitur? Vcrum praefatae consueludinis
« nedum ob araoris, sed etia.Ti ob veneralionis argumentum, anii-
(( quiora monumenta nobis suppedilat id quod... superius protu-
« li)nus. »
20 Le [irétre qui fait cette fonction doit avoir une étole. Celte règle
se déduit tout naturellement de celle que pose M. de (iOnny qui pres-
crit l'usage de l'étole au prêtre qui les expose, et de la pratique de
Rome, d'après laquelle le prêtre prend l'étole pour montrer les
saintes reliques au peuple. On peut consulter sur ce point le Céré-
monial des évêq'ies expliqué, 1. i., c. xxi, n. 13. Nous concluons
aussi de la rubrique du Kituel De processione et translatione sacrarum
reliquiartim insigp^um, que celte élole doit êlre de la couleur qui con-
vient à la fêle du ^int dont on fait vénérer les rcsles précieux.
3. Le prédicateur peut-il être couvert de la barrette lorsqu'il
prêche debout ?
La rubiique du Cérémonial des cvéques est claire sur ce point.
« Mox surgit, etcapitecooperloincipit sernioncm.» (L.i, c.xxii, n. 3.)
Suivant la rubrique du missel, le prédicateur se découvre toutes les
lois qu'il prononce les saints noms de Jésus et de Marie ou du sain
HTL'RGIE. lx"l
dont on célèbre la l'été. l*oiir ne pas le faire trop souvent, il peut
éviter de prononcer ces noms trop lVéf|ueinnienl: « Si SS. nominnra
« Jesu vel Alariae fi.U mentio, dit Loluier (Instr. pract., t. i, p. 50),
o caput discooperire debet(concionator); si tamen saepe sint repetenda,
• utîtiir potius noniine Chrioti, Redemptoris, Dorainae nostrae, Cœli
« Reginae aut siniilibiis. *
Remarquons toutefois que cette disposition de la rubrique est une
exception à la règle générale. Jamais, en effet, les membres du clergé
ne soiU couverts sans élre assis, sinon ceux qui sont revêtus d'orne-
ments lorsqu'ils marchent dans l'église ou dans le chœur sans passer
devant le clergé. Nous pensons qu'il est utile de rappeler ce principe,
car nous avons été souvent témoin de certains abus provenant de l 'igno-
rance de cette lègle. Un prêtre qui se rend de la sacristie au chœur,
ou en quelque endroit de l'église, s'il n'a pas au moins l'étole, ne doit
pas être couvert de la barrette. Encore moins peut-il avoir la barrette
sur la tête s'il n'est pas en babil de chœur. L'usage du bonnet grec,
adopté depuis quelques années par certains ecclésiastiques, ne peut
pas non plus être toléré dans roglisc. Cet usage malheureusement
introduit a eu pour résultat que maintenant les sacristains ou d'autres
laïques assistant à l'ofTice gardent sur la tôte une coiffure de ce genre.
La calotte ecclésiastique peut seule être portée à l'église, et dans cer-
taines circonstances seulement, ainsi que le constatent les règles posées
dans les Cérémoniaux, et le privilège d'user de cette coiffure n'appar-
tient point à ceux qui ne portent pas l'hab.t ecc'ésiastique. Les laïques
ne peuvent jamais être couverts à l'église, ni dans les processions,
comme il résulte des décrets de la Sacrée Congrégation des rites du
23 mars 1686 (n. 107, q. 2) et du 2 septembre 1690 (n. 5250, q. 2
et 4).
Cette année 1864, deva\t-on, le mmeiï V) janvier, faire mémoire de
l'office du troisième dimanche après l'Epiphanie, ou bien supprimer
la fête de S. Canut, semi-double ad libitu:n, pour faire l'office du
tro'isième d'imanche, du rit simple, le mercredi 1 9 janvier ?
Nous n'hésitons pas à répondre que l'office du troisième dimanche
478 LITURGIE.
après l'Epiphanie devait être fait, cette année, par une simple commé-
raoraison le samedi 23 janvier, comme l'indiquent tous les orrfo que nous
avons pu avoir entre les mains et Yordo perpétuel de Mcrati. L'inci-
dence de la Septuagésime au 20 janvier peut seule exiger la suppres-
sion de l'office de S. Canut pour le remplacer par celui d'un dimanche
anticipé. De plus, l'office simple d'un dimanche anticipé ne peut se
faire lorsqu'il faudrait reporter plus loin la translation d'une fête à
neuf leçons, comme celle de S. Antoine, empêchée celte année à son
propre jour par la fête du S. Nom de Jésus, et pendant toute la se-
maine par Toccurrence de fêles doubles ou semi-doubles.
Nous avions déjà eu occasion de pirler de la rubrique du Bréviaire
lit. IV, n"^ 4 et 6, et nous avons rappelé t. vu, p. 377, les privilèges dont
jouit l'office anticipé du deuxième dimanche après l'Epiphanie. Pour
ne pas omettre cet office, on déplace une fête semi -double ; si la Sep-
tuagésime arrive le 20 janvier, l'office semi-double de S. Canut est
supprimé pour faire place à l'office du deuxième dimanche, el comme
cet office est ad libitum, on ne le transfère point, mais on l'omet en-
tièrement. L'anticipation de ce dimanche étant soumise à des rubri-
ques spéciales, et ces rubriques trouvant ici tout naturellement leur
application, il ne peut en être question.
Quant à l'office du troisième dimanche, il devra être fait le 19 jan-
vier toutes les fois qu'on pourra réunir les conditions suivantes :
1° l'incidence de la Septuagésime au troisième dimanche après l'Épi-
plianie ; 2" l'impossibilité d'en reporter l'office après le vingt-troisième
dimanche après la Pentecôte; 3° le manque de jours libres dans toute
la semaine qui précède le dimanche delà Septuagésime; -4" enfin la
non-occurrence d'une fête à neuf leçons à transférer.
Les deux premières conditions sont évidentes. La troisième résulte
d'un décret de la Sacrée Congrégation des Bites qui prescrit d'omettre
une fête ad libitum pour donner place à l'office d'un dimanche anti-
cipé. Ce décret est le suivant. Question : « An officia sanctorum ad li-
« bitum sive duplicia, sive semi-duplicia occurrenlia in die, quo fieri
« debeal officium de dominica anticipnnda anle Septuagesimam vel
« anle dominicam XXIV posl Penlecosleii, sinl transferenda, vel po-
LITURGIE. â79
« tius omitlenda, vel in die illa officium praedicti sancti ad libitum
« recilandum, et soluni sit facienda commemoralio iilias dominicae? »
Réponse : « Esse omiitcnda oiricia sanctorum ad libitum. » (Décret du
4 avril 1705, n" 3518, q. 5.) Quant à la quatrième condition, elle
ressort évidemment des rubriques. Il est permis de rendre libre le
19 janvier, en supprimant l;i fête de S. Canut. Si l'on use de cette per-
mission, dès lors celte fête sera remplacée par celle qui, selon les ru-
briques, doit prendre sa place, s'il y a d'antres offices à faire. Avant
l'office d'un dimanche anticipé, on doit placer un double ou un semi-
double qui n'a pu se faire à son jour propre. Si donc, cette annôe 1864,
on eût voulu user de la liberté de supprimer S. Canut, il eût fallu
transférer au 19 la fête de S. Antoine, et faire mémoire de l'ofTice du
troisième dimanche le samedi 25. Il est dit, en effet, dans la rubrique
du Bréviaire {Ibid. n. 4) : « Quod si tota hebdomada impedita sit
« feslis novem lectionum etiam Iranslalis, vel aliqua octava, tune in
0 sabbato legatur nona lectio de homilia Dominicae. » Cette circons-
tance suffit donc à elle seule pour trancher la question relative à Yordo
de l'année 188i. « Quoties, dit Cavalieri (t. ii. Dec. 122, p. 30),
« poni inslat translatum aliquod, peromissionem festiad libitum adhuc
« non fiat utile spatium officio dominicae ; idcirco liaud in hnjusmodi
« casu videtur necessaria et indicta omissio fesli ad libitum, sed
« libéra .-decretum quippe ad casus utiles, non inutiles référendum est,
« praesertim cum sit limitativum gratiae et facultatis agendi officium
« ad libitum. » Telle est, nous n'en doutons pas, la raison pour la-
quelle la Sacrée Congrégation avait donné une autre décision que cer-
tains auteurs regardent comme contraire ^ celle que nous venons de
citer et révoquée par elle. On consultait sur le point qui nous occupe
dans l'occurrence de la Septnagésime au 25 janvier. La Sacrée Con-
grégation a ré[)ondu : « Potest officium S. Ganuti martyris ad libitum
« recitari die 19 januarii, et co cnsu, sabbato ante dominicam Sep-
a tuagesimae legenda est in officio nona lectio de homilia doininicae
« tcrtiai post Epiphaniam cum ejusdem commemoratione ad laudes
« cum antiphonis et oratione propriis. » (Décret du 20 sept. 1681,
n" 2966.) Dans l'occurrence de la Septuagésime au 25 janvier, si la
/jSO LITURGIE.
fêle de S. Canut est supprimée, il faut y plarer la fête de la rhsire de
S. Pierre, empêchée à son jour par la fête du S. Nom de Jésus.
Tels sont les principes. Ils suffisent pour justifier notre as.sertion.
De plus, l'examen un peu giteutif du calendrier nous fera voir claire-
mont que le décret du 4 avril t'Oo ne peut trouver son ajipli&ition à
l'anticipation de l'office du troisième dimanche après l'Epiphanie au
19 janvier, car la suppression de l'office de S. Canut donnerait tou-
jours place à une fête empêchée par celle du S. Nom de Jésus P. R.
BiBLiOGRAPHIE.
LES ÉDITIO.NS LITUIIGIQIJES DE MALINES.
BreTiarium Romanum. 4 part. 8». 186;.36fr. (sur papier de Chine
ou papier vergé, 40 fr.). — Le même, 4 part, ia-12, 1861, 20 fr.
(sur papier de Chine, 26 fr.); 4 part, ia-12, 1803, noir seul, H et 16 fr.;
8 part.iii-t'2. 1863; noir seul, 9 et 12 fr.; 4 part, in-32, 1861, 16 et 18 fr.
— BreTiarium Romanum totam. 1 vol. ia-18, 1861, 10 et 12 fr.
— Ilorae diurnse Breviarii Ramani. îu-18 (I86I, 4 fr, et 4 fr. 50),
-iu-3i ()8G3, 2 fr. 50 et 3 fr.). in-'i8 '1862. 2 fr. 25 et 2 fr. 7j). —
Oflicium Immacnlatse Conceptionis B. M. V. (ex decreto
25 sept. 1863), in-12, 1864 (75 ei 90 cent.). — Officia de Passione
Uomini. Iu-l"i, 1863 (60 cent.). — B*outificale Romannm. 3 part.
in-S" pouvant se relier eu un volum'^, )8o2. Ib fr. — Canon Missïe
ad usum Gpiscoporum ac Prselatorum. 1863. in -4°. 9 fr
La Belgique a une possession plusieurs fois séculaire par rapport
à l'impression des livres liturgiques. Au XV[% XVII* et XVI11«
siècles, la célèbre imprimerie d'Anvers à laquelle Christophe Plantin
avait laissé son nom, Archilypographia Plantiniana, répandait ses bré-
viaires et ses missels dans tous les pays situés en deçà des monts. Pour
la beauté du caractère, la qualité du papier, la correction et la disposi-
tion des textes, ces éditions n'ont rien qui les dépasse : elles sont en-
core aujriurd'hui recherchées à ces divers titres, quand il s'en rencontre
des exemplaires bien conditionnés.
Depuis la Révolution, Malines a pris la place d'Anvers. Les livres
de la sainte liturgie romaine étaient rarement édités en France : ils
l'étaient plus rarement encore d'une manière digne de leur destination
et avec les formalités requises par les Bulles des Souverains-Pontifes.
BIBLIOGRAPHIE. Û81
Les presses de Malines fournissaient des éditions au moins convenables
et toujours munies de l'approbation épiscopale. C'est là que s'approvi-
sionnaient les diocèses restés fidèles à l'unité liturgique. Depuis, il s'est
opéré chez nous un grand progrès, il fiut le reconnaître. On se munit
de l'approbation exigée par les lois de l'Eglise; la correction est
soignée, on est revenu à l'emploi des rubriques rouges, qui donnent
aux livres leur cachet liturgique, et enfin, si le choix du caractère et
du papier laisse à désirer quelquefois, il faut reconnaître qu'il y a
aussi des éditions vraiment belles.
Quoi qu'il en soit, il y a placfî pour tous les efforts. Il est à désirer
qu'une loua'ole émulation s'établisse entre les éditeurs liturgiques : les
nouveau.t auront à cœur de ne négliger aucun progrés réalisable, et les
anciens veilleront à ne point se laisser déi-hoir du rang qu'ils ont con-
quis. Que la concurrence soit loyale, qu'elle ne consiste point en une
guerre de prospectus, d'attaques pointilleuses et souvent injustes, en
tout cas indigne d'une noble profession que l'on ravale en l'exeiçant
comme un métier : dans ces conditions, elle sera fructueuse et honorable.
Il suffit de jeter un coup d'œil sur le catalogue de M. H. Dessain,
successeur de M. Hanicq,à Malines, pour voir qu'aucune autre maison
ne peut étrecompaiée à celle-ci pour le nombre et la variété des éditions.
Non-seulement les livres de la liturgie romaine y figurent au grand
complet, m,ds les plus usuels s'y rencontrent dans tous les formats dé-
sirables et dans des conditions de bon marché fort avantageuses : le
bréviaire depui« l'in-i" jusqu'à rin-32, le missel depuis l'in-f' jusqu'à
rin-12; le rituel in-4.°, in-8", in- 18, in-32. Nous ne parlons ni des ex-
traits, tels que diurnaux, semaines saintes, Office do la sainte Vierge,
etc., ni des propres de divers diocèses ou de divers pays, ni deslivres de
chant, ni des livres spécialement à l'usage des Evêqucs, ni des missels,
bréviaires et diurnaux pour les ordres religieux, tels que Bénédictins,
Carmes, Auguslins, Dominicains, Franciscains.
Ce tableau si raccourci en dit plus que tous les éloges : il témoigne
d'un succès constant et d'un écoulement prodigieux qui ont rendu pos-
sibles tant d'entreprises. Il atteste aussi de la manière la moins équi-
voque la confiance d'un grand nombre d'Évéques et de Prélats régu-
Zj82 BIBLIOGRAPHIE.
liers, qui ont demandé à la maison Hanicq-Dessain les livres néces-
saires pour leurs églises.
Nous avons sous les yeux les produits les plus récents de l'imprimerie
liturgique de Matines. C'est d'abord une magnifique édiiion in-S» du
bréviaire romain, en quatre parties (1861); le format est grand et bien
proportionné : le caractère est beau et large ; il est lire sur papier vergé
fait à la main. Le catilugue nous apprend qu'il y a en outre un tirage
sur papier blanc satiné, un autre sur papier de Chine, et enfin un sur
papier vélin de luxe (60 fr.). Ce format est très -avantageux en ce qu'il
reste porlaliO ou du moins maniable, tandis que rin-4' doit nécessai-
rement reposer sur un pupitre. Les répons sont répétés partout à la
suite des leçons, excepté au commun des Saints, après les leçons
secundo vel tertio loco ; ils ne le sont pas non plus à l'oflice férial, ni
pendant les octaves. 11 y a un certain nombre d'hymnes et de psaumes
répétés, mais pour les psaumes des matines, les renvois sont assez
multipliés. Par exemple, dans la partie d'hiver, ils sont donnés ïn
extenso à la féîe de l'Epiphanie, mais on ne les trouve ni à la
Circoncision, ni à Noël, ni aux fêles des Saints qui ont des antiennes
propres. Il faut en dire autant des trois derniers jours de la semaine
sainte, du dimanche de la Trinité, etc. En général, on trouve les
psaumes reproduits aux fêtes qui ont une octave et dont les nocturnes
ne sont pas ceux du commun, mais là seulement, à bien peu d'ex-
ceptions près.
C'est sans doute la nécessité de ne pas trop grossir le volume, déjà
fort augmenté par les nouveaux offices, qui a forcé d'introduire '
dans les éditions récentes du bréviaire des renvois inconnus aux an-
ciennes. Nous engageons cependant les éditeurs à tout combiner de
manière à les éviter le plus possible. Il en résulte une distraction
toujours fâcheuse dans la récitation des heures canoniques. Quand on
se procure un bréviaire de grand format, un des avantages que l'on y
cherche, au moins communément, c'est d'échapper à cet ennui.
Les éditions in-12 présentent, pour la disposition du texte, à
peu près les mâmes avantages que l'in-S" : répons reproduits
à la suite des leçons dans le propre des Saints ; psaumes in extenso
BIBLIOGRAPHIE. 483
pour les grandes solennités et quelques fêtes spéciales, comme celle
de saint Laurent et celle (Jes 8aints-Angos (2 octobre). L'édition en
rouge et noir (18&I) est un beau livre liturgique : le papier est fort et
bien collé; le caractère, moins grand que celui de l'édition in-S", a ce-
pendant assez de relief pour ne pas fatiguer les vues les plus médiocres.
Les deux tirages en noir de 1863 se recommandent par leur extrême
bon marché. Le caractère est net et agréable ù l'œil, la justification
nn peu serrée. Ceux qui ne tiennent pas aux rubriques rouges trouve-
ront ici ce qui leur convient.
Le bréviaire in-32 est de la dimension la plusréduitequant au volume,
et cependant le texte est d'une netteté irréprochable : on ne peut rien
de plus commode pour emporter dans ses courses et dans ses voyages.
Il est imprimé en rouge et noir. Les répons de Matines ne sont point
répétés au propre des Saints : on a suppléé à cette répétition par des
feuilles mobiles qui s'intercalent dans le texte, et dont nos lecteurs sans
doute connaissent déjà l'usage.
Le même caractère a servi à l'imprimerie du Totum in-18. 11
présente une disposition analogue : les psaumes des Matines y sont
répétés moins souvent encore, mais on les trouve in extenso au com-
mun des Saints, comme aussi à quelques solennités principales. On
a fort heureusement réuni toutes les conditions typographiques requises
dans un livre semblable : texte bien combiné, caractère lisible, papier
ferme et non transparent, quoique Irès-mince, format assez petit,
volume peu considérable. Certaines éditions du même genre atteignent
des proportions énormes, sàiis que cet inconvénient soit balancé par
aucun avantage : ici nous avons un in-18 ordinaire, et cependant tout
y est, sans renvois incommodes.
Nous sommes obligés de nous renfermer dans d'étroites limites, et
cependant, il faut bien dire aussi quelque choie des diurnaux in-18,
in-32, in-48. Ce dernier est un joyau typographique, une perle
pour les amateurs ; il a son utilité pratique pour ceux qui veulent un
très-petit livre à emporter. L'in-32 a été plusieurs fois reproduit par les
presses de Malines : le caractère est plus grand que celui de rin-48,
le voiume est assez petit pour êtie porté facilemeut en poche. L'in-lS
àSh BIBLIOGRAPHIE.
de 1861 est imprimé en grands et larges caractères. C'est celui que
nous préférons pour l'usage habituel; il est digne par son exécution
d'être comparé au bréviaire in-S". On a mis à la fin des formules
de bénédictions plus nombreuses que djns les diurnaux i;)-52 et
in- 18 ; on y a joint la partie du rituel relative à l'administration du
saint Vialique et de l'Extrême-Onction ; on eût pu meltre encore
VExe^fâuriim ordo, et YOrdo sepeliendi parvulos. Nous recomman-
dons cet appendice, avec la mémo étendue, pour les éditions subsé-
quentes, môme d'un format plus petit : ainsi on dispensera souvent les
prêtres d'en^porter le rituel avec leur diurnal. Et pourquoi ne pas
meure aussi ces quelques pages à la suite des éditions portatives
du bréviaire ?
Toutes les éditions de i\l. Dessain contiennent les offices nouveaux,
y compris ceux de la Passioa de Notre-Seigneur, qui se récitent au-
jourd'hui presque partout pendant le Carême. L'office de l'immaculce
Conception, promulgué par le décret du 23 septembre 1803, a été
imprimé dans le format de toutes les éditions antérieures et ajouté à la
fin du voluioe respectif. En outre, il en a éié fait une édition à part,
où tous les psaumes se trouvent in extenso, y compris ceux des petites
heures et des compiles : ce petit volume, très-bien imprimé en rouge
et noir, peut donc servir seul et sans le bréviaire. Un appendice de
quatre pages renferme toutes les coinmémoraisons qui peuvent se ren-
contrer pendant l'octave. Les Ofida de Passione Doinini ont été im-
primés dans le même format et de la même manière, mais avec moins
de luxe typographique : pour les psaumes de matines, il y a quelques
renvois d'un office à l'autre. Cette édition est plus commode pour la
récitation que le bréviaire, où il faut chercher successivement tous les
psaumes. Les deux brochures, étant du môme format, peuvent se re-
lier ensemble.
11 nous reste à dire quelques mots sur des publications d'un usage
moins général. Le Canon Missx adusum Episeoporum^ bien imprimé
sur papier de fil, est spécialement desliné par son format (petit in-4 ) aux
chapelles domestiques et aux oratoires des missions. Le Pontifical in-S"
est un des plus beaux livres liturgiques que l'oo puisse voir : il est par-
CHRONIQUE. /i85
faitement imprimé en rougo et noir, avec plain-chant noté ; il est orné
en outre d'une grande quantité de çfravures sur bois qui représentent
chaque cérémonie. Les trois parties peuvent se relier en un volume.
Beaucoup de prêtres voudront se procurer ce livre, que son usage
dans des cérémonies qui nous intéressent tous et auxquelles nous pre-
nons part, rend à peu près indispensable. K. Hautcœur.
CHRONIQUE.
1. Livres mis a l'Index par décret du 25 avril 1864 :
Histoire élémentaire et critique de Jésus, par A. Peyrat, Paris, 1864.
Dm Pape, par Philothée. Paris, 1803.
Matiual de Derecho piiblico ecclesiasiico para el uso de la Juventud
americana, por Francisco de l'aula G. Vigil. Linia, 1803.
ûialogos sohra la exislentia de Bios y de la vida fii'.tira, por Fr.
Vigil, a la Juventud aniericnna. Lima, I8t)3.
1 . Défense de la lilnrgie de Lyon. 2. A propos d'un pamphlet contre
MM. les curés de Lyon ; quelques mots publiés par plusieurs membres
des conseils de fabrique de LyoUf 4803. 3. Lettre de Sophronius.
Question liturgique. Piiris, 186^.
Ca/éclusme raisonné sur la liturgie, unité et variété, Dieu est un en
trois personnes distinctes, etc. Paris et Lyon, iStji). Et similia.
Archives de la S. Congrégation des Indulgences; le Moniteur
annuel et quotidien des Indulgences pour l'année \S6i ; le Mois libéra-
teur desumesdu Purgatoire; aliaqueid genus auctoris ejusdem, l'abbé
Cloquet. — Auctor laudabiliter se siibjecii. (Decr. S. G. Indulg.
29 Februar. 1864.)
Revue spirite, journal d'études psychologiques, publié sous la direc-
tion de A). Ailan Kartlec. Paris, 1808. {Decr. S. 0/ficii Feria IV, die
20 aprilis.)
Le Spiritisme à sa plus simple expression, par Allan Kardec. Paris,
J86-i. (id.)
Le Livre des esprits, contenant les principes de la- doctrine spirite,
par Allah Kardec. i'aris, 1803. (Id.)
Le Livre des Médiums, ou Guide des médiums etdescvocateurs, par
Allan Kaidec. Paris, i803. [Id.)
Revue spirituulisie, rédigée par une société de spiritualistes et publiée
parZ. I. Piérart. Pans, 1801. {Id.)
Emmanuel de Swedenborg; sa vie, ses écrits et sa doctrine, par
hSô CHRONIQUE.
M. Matter. In-8°,436 pages. Paris, 1863, et libroê similia tractantes
ex régula IX Indicis. {Id.)
2. Est-ce par niéçarde que le décret ci-dessus a été mutilé dans un
certain recueil où l'on a cru devoir en retrancher les ouvrages sur les
indulgences? Omettre ce décret quand on a l'habitude de les publier
tous, c'eût été bien leste : le falsifier, est autrement grave. Nous vou-
lons croire encore à une méprise, ou peut-être à une surprise-
Hâtons-nous de dire qu'il ne s'agit point d'une publication dirigée par
M. l'abbé CInquet.
3. Mgr l'Évêque de Sécz, par mandement en date du 20 avril, a
rendu la liturgie romaine obligatoire dans tout son diocèse à partir du
15 mai. 11 constate qu'un grand nombre d'églises la suivaient déjà, et
il félicite ses prêtres de leur empressement à accomplir la loi avant sa
promulgation. Mgr l'Évoque de Belley vient, par une circulaire datée du
5 mai, de prendre les mesures nécessaires pour arriver au même but.
Le l'rélat a demandé au Saint-Siège, sans l'obtenir, la faculté de conser-
ver les usages de Lyon en matière de cérémonies. « Voire Évéque, dit-
il à ce propos, vous doniipra le premier l'exemple d'une obéissance
prompte, affectueuse, toute filiale. Notre vénérable chapitrées! déjà in-
formé, et sa soumission respectueuse a été pour nous une consolation. »
4. La Faculté de théo'ogie de l'Université d'innsbru>.k, rétablie
depuis quelques années, continue à être dans une situation de plus en
plus florissante. D'après le catalogue iu)primé que nous avons sous les
yeux, le nombre des étudiants s'élève à 161 , dont 49 réguhers et 112
séculiers. Quatre d'entre eux sont français : 68 demeurent dans le
séminaire de Saint-Nicolas, dirigé par les PP. Jésuites. Nous croyons
qu'on ne lira pas sans intérêt le programme des cours pour le second
semestre de 1803-1804. Le voici textuellement :
Theologia dogmatica {àe gratia sanctificante et merito)quinquiesper
hebdomadem feriis H, 111, IV, VI, et sabb. ab hora 9-10 a Domino
Prof. p. 0. P. Joanne Wellscheller S. J .
Theologia dogmatica{de Christo Redemptore et de Cuitu Sanctorum)
quinquies per hebdomadem feriis II, IV, Vt, et sabb. ab hora 5-4 et
feria V, ab hora 0-iO a Domino Prof. p. o. P. Hugone Hurler S. J.
Theologia moralis et pasloralis {àe jure et justilia etdeconlractibus)
quinquies per hebdomadem feriis II, IV, V, VI, et sabb. ab hora 10-11
a Domino Prof. p. o. P. Edmundo Jung S. J.
Exegesis in psalmos messianos qiiater per hebdomadem feriis II, IV,
VI, et sabb. ab hora 4-5 a Domino Prof. p. o. P. Antonio TuzerS.J.
Lingua Hebrxa bis per hebdomadem feriis H et V, ab hora 8-9 ab
eodem.
CHRONIQUE. 487
Archseologia biblica (er per hebdomadem feriis II, IV et VI, abhora
8-9 a Domino Prof. p. o. P. Joanne Wenig S. J.
Fmdamevla lingnx chaldaicx bis per hebdomadem feriis H et IV,
ab hora '2-6 ab eodem.
Analysis Syriaca feria VI, ab hora 2-3 ab eodem.
Jus canonicum (de jure ecclesinslicoprivato. De Kalendario ecclesia-
stico)lerper hebiiomadem feriis lil, V, et sabb. ab hora 8-9 a Domino
Prof. p. 0. P. Nicolao Nilles S. J.
Hisloria ecclesiaslica (de Vlll-XIsaecuiis) ter per hebdomadem feriis
II, IV et VI, ab hora 4-5 a Domir.o Prof. p. o. P. Andréas Kobler S. J.
Eloqueulia sacra, ter per hebdomadem, feriis 11, IV et VI, ab hora
8-y a Domino Prof p. o. P. Joseph Junfjmann S. J.
Propxdeutica philosofhico-theologka no vies per hebdomadem sin-
giihs feriis et sjbbato ab hora 9-10 et feriis II, VI, et sabb. ab hora
5-4 a Domino Prof, eslraord. P. Andréa Sleinhuber S. J.
Vi Deci'eli Ministerii pro Cuilu et Instriiciione publica d. d.
Viennae 6 nov. 1857, Nro. 19205-293 ad Senatum academiciim C.
K. Universilatis Œnipcnlanae, disciplinse theologicae tradendœ intra
quatuor annos pcriractarilur ordine sequenti :
Anno primo : Theologia fundamentalis, Theologia dogmatica, Intro-
ductio bibHca in V. T., Archaeoiogia biblica^ Historia ecclesiaslica et
lingua hebraea.
Anno secundo : Theologia dogmatica, Introduclio biblica in N. T.,
Hermeneutica biblica. Jus canonicum, Historia ecclesiaslica.
Anno tertio : Theologia dogmatica, Theologia moralis et pastoralis,
Exegesis biblica, Jus canonicura.
Anno quarto: Theologia dogmatica, Theologia moralis et pastoralis,
Exegesis biblica, Calechelica.
Praeter bas disciplinas obligatorias etiam linguae arabica, syriaca et
chaldaica, nec non Propaedeulica phiiosophico-theologica (vi Decreti
Ministerii pro Cultuet Instruclione publica d. d. Viennae 17 nov. 1860,
Nro. nOU7-540) traduntur.
5. Mate?' admirabilis, tel est le titre donné par la piété des fidèles
à une suave composition peinte à fresque, en 1844, dans un corridor
du monastère de la Trinité-du-Monl, à Rome. Elle représente la
sainte Vierge vers l'âge de 15 ans, ayant près d'elle son fuseau, son
panier à ouvrage et son livre, avec un lis qui fleurit à ses côtés. Un
miracle opéré en 1846 dans la personne de M. l'abbé Blampin, a[)pcla
sur l'humble fresque l'attention des fidèles. Le Souverain-Pontife lui-
même alla y prier : bientôt on s'y porta en foule; le corridor de la
Trinité-du-Mont devint un des sanctuaires les plus vénérés de la Ville
A88 CHRONIQUE.
élprnelle. Beaucoup dcnossoldatsy ont trouvé la grâce de la conversion,
nombre de pei sonnes y ont obtenu des faveurs insignes, et celui qui
écrit ces lignes ne peut se rappejf-r sans une vive émotion celle douce
Madonna dd Gvjho devant laijuellc il a eu le bonl'.eurde s'agenouiller
tant de fois. L'epus, celle dévolion s'est répandue au dehors :
Pie IX a étendu à toutes les maisons du Sacré-Cœur les indulgences
atiacliécs au sanctuaire de Rome ; un grand nombre d'églises et un
diocèse d'Amérique ont obtenu le même privilège. La S. C. des Indul-
gences a déclaré en 1802 qu'elle agréerait tontes les requêtes du même
genre. Nous avons sous les yeux un beau volume qui renferme en
quelque sorte les anliivcs de Maler admirabilis, et une série de lectures
appropriées à cette dévotion : nous le recommandons instamment à
l'atlention de tous les fidèles serviteurs de Marie. [Mater ad7nirahilis ou
les Quinze premières Années de Marie immaculée , par l'abbé A.
Mopnin. Paris, Donniol. in- 12 de xxxi-447 pp. et une photographie
de Maler (uhnirahilis. 5fr.).
6. A ceux qui voudraient quelque chose de plus court, un opuscule
à bon marché que 1 on puisse répandre, nous signalerons la Notice sur
la Mère admirable de i.ouqnet. (Drothure de 18 pp. in-18, signée A>
Gilly, directeur au grand séminaire de Nîmes. A'îwes, Roger et La-
porte; Paris, Douniol. U> cent.) Cet opuscule, outre les rense gnements
généraux sur la dévotion à Maler admirabilis, contient l'exposé d'un
pieux dessein. Il s'agit d'élever une statue de la Mère admirable sur
une petite tour carrée, appelée le Guidon, qui couronne le sommet le
plus élevé de la montagne de Bouquet (Gard), et qui domine toutes les
conirées environnantes. La tour elle-même serait conveilieen chapelle.
« Nous ne doutons pas, ajoute l'auteur, qu'on ne vienne à notre aide
pour la réalisation de ce projet. La jeunesse clirclienne de nus collèges
et de nos pensionnats, les élèves du Sacré-Cœur surtout, qui ont depuis
Iongtem])S appris à la connaître, voudront contiibuer par leurs aumônes
à l'exaltalion de la très-sainte Adolescente, dont la quenouille élevée
au sommet du Guidon devra porter toute âme à l'amour du travail. On
concourra par li à donnera notre montagne /a fleur des champs et le lys
des vallées et cette fleur portera des fruits aboudunts. » Les offrandes
peuvent être adressées à M. le curé de Bri'uzet, par A lais (Gard).
7. La note du Moniteur, relative aux affaires de Lyon, et un autre
incident survenu depuis, nous ont fircés de remplacer ?.u dernier mo-
ment plusieurs articles déj^ composés et qui f rmaienl le tiers au
moins du numéro. C'est la cause du retard survenu dans sa publica-
tion. E. Hal'tcœur.
Arras. — Typ. Rousseau-Leroy, rue Saint-Maurice, 26,
ÉTUDE SUR LA LÉGISLATION MOSAÏQUE.
Premier aiticle.
La question des origines est la grande préoccupation de
noire époque. C'est vers ce genre d'études que se tournent
les plus lionorables comme les plus frivoles activités, et
les résultats, toujours en rapport avec les causes qui les
produisent, rendent un hommage d'autant plus irrécusable
à la sience chrétienne, que les talents d'où ils viennent re-
çoivent du monde scientifique une meilleure consécration.
Les livres de Moïse ont été passés au creuset de l'analyse
la plus injuste, et jugés avec l'impartialité lamoins suspecte.
Ils sont sortis de ces épreuves, grâce à ce cachet d'originalité
profonde qui marque les œuvres antiqîjes, lors même qu'on
n'a pasvoulu les reconnaîlre ct)mme l'œuvre de Dieu. On ne
peut plus aujourd'hui poser sérieusement la question d'ori-
gine du Pentateuque. Il faut plus qu'une audace vulgaire,
pour se permettre d'éditer en France, et surtout en Alle-
magne, des livres qui renferment a cet égard des objections
vingt fois résolues. Aussi considérons-nous la qnestion
d'origine des livres de Moïse comme tranchée, et étudierons-
nous en les rapportant a Moïse, avec toute la société juive
et chrétienne, les institutions qui ont formé la constitution
essentielle du peuple hébreu.
Cette étude a pour les chrétiens un intérêt incontestable.
Dieu qui conduit ses œuvres avec douceur et avec force
(Sap. VIII, 1) établit aussi entre elles une hiérarchie de suc-
Revde des Sciences kcclép., t. ix. — juin 1864. 32.
iOO ÉTini' SUR r.A législaiioa mosaïque.
cession, les préparant les unes par les autres. Et s'il en est
ainsi des œuvres de Dieu en général, il ne saurait en être
autrement de ces œuvres essentielles qui ontsur les hommes
et sur les peuples la triple influence de la formation, de la
conservation et du développement. C'est précisément la le
but des législations. Elles se forment h l'heure où le peuple
reconnaît son existence, a l'heure où il retrouve une exi-
stence brisée. Elles sont l'œuvre des hommes les plus émi-
nents de la nation, qui voient dans les aptitudes des peuples
ei dans leur histoire primitive, la marche générale de leurs
développen.îents successifs, les tendances nationales, les
conditions climatériques, les situations cosmographiques
du pays qu'ils habitent, et qui établissent sur ces bases
essentielles le mode (;ui leur parait le plus sûr de marcher
vers le bien, le beau et le vrai. Les peuples reconnaissants
ont toujours entouré leurs législateurs des hommages qu'ils
méritaient-, et s'il a été commis des infractions regrettables
a celte règle générale, la postérité s'est chargée de rendre
justice a la mémoire du génie méconnu. Toutefois, une lé-
gislation n'est pas pour le peuple qui la reçoit, une occasion
d'assouvir ses désirs immodérés d'affranchissement, d'éman-
cipation et de liberté. Son but est précisément de régler
ces désirs, et de combattre les déplorables excès où ils con-
duiraient nécessairement les individus et les peuples. La
liberté individuelle semble perdre, il est vrai, beaucoup a
la loi de la conscience qui repose sur la possibilité du mal^
mais cette possibilité même nécessite l'existence d'une loi
intime qui en éloigne, et ce que la liberté perd d'un côté,
dans une hypothèse où elle ne peut plus s'exercer, elle le
gagne d'un autre, pour les circonstances présentes. Il en est
des peuples comme des individus. L'hypothèse de l'existence
des violateurs du droit public ou privé n'est malheureu-
sement pas une chimère, et dès lors qu'elle a sa raison
d'être, la législation avec ses sanctions et ses peines est
LTl ni: SI li LA (.)'X;iSLAlIO\ MOSAÏOl E. /(i)!
lyi préservatif pins encore (ju'iin frein inopportun. C'est ce
que saint Paul a exprimé d'un mot : Lex justu non estposita
sed injustis (1). Un système de lois peut être bon en lui-
même, sans que toutes les lois auxquelles il donne leur
origine soient nécessaires au bien public, et, mêuie dans le
cas où ces lois sont nécessaires, leur nécessité prouve
simplement l'affaiblissement dans les peuples des liens
sociaux, l'abaissement de la morale et des caractères, c'est
un présage certain de la ruine des empires, ainsi qu'on l'a
dit. Cepenilant, il est incontestable que le but d'une légis-
lation étant la formation, la préservation et le développement
des peuples et des individus, c'est une condition essentielle
pour l'existence des peuples que d'avoir un système de lois
et d'institutions déterminées, puisque les individus eux-
mêmes ne doivent passer de la vie isolée a la vie sociale,
qu'à l'aide d'une règle fi.ve et formée d'après leurs aptitudes
et leurs besoins.
Je viens de définir ce que doit être une législation-, je
dois ajouter quelque chose au développement de cette
pensée. Considérer les peuples ou les relations sociales des
hommes entre eux, c'est ce que l'on pourrait appeler l'idée
la plus superficielle de l'existence des peuples et des indi-
vidus. Si l'on veut entrer plus avant dans la notion de la vie
humaine, on découvrira maints points importants qu'une
législation doit aussi régler, et dont, l'ordre ne contribuera
pas peu à l'ordre général de la société. L'homme est en
rapports encore plus fréquents avec lui-même, avec le monde
extérieur et avecDieu, qu'avec sessemblables, et ces derniers
rapports ne sont pas peu influencés par les premiers. A. toute
heure son intelligence, son cœur et ses sens, réclament une
discipline capable de régler leur exercice et leur commun
accord. Les objets extérieurs viennent à chaque instant
(I) T Tim. I, 9.
/|92 ÉTUDE SUR r.A LlidlSTATION MOSVÏQr!?.
s'offrira ses sens, avec qui ils ont des relations si intimes,
que rien n'est plus naturel que les modifications qu'ils im-
posent a son âme. El Dieu, l'auteur de l'iiomme et du monde,
Dieu qui est la cause la plus parfaite dont l'homme estl'effet
le plus parfait (1), Dieu a aussi ses droits sur cette vie hu-
maine qu'il a formée, qu'il soutient et qu'il conserve-, les
rapports de l'homme avec Dieu doivent donc trouver aussi
leur place dans un système de lois destiné a aider les déve-
loppements humains. Il y a plus. Comme l'homme corres-
pond surtout par ses sens avec le monde extérieur, ainsi il
correspond surtout par son âme avec Dieu, et il corres!;ond
a la fois par son âme et par ses sens avec ses semhiables.
D'oîi il suit qu'un système de lois, pour être parfait, doit
donner le premier rang aux institutions qui règlent les rap-
ports de l'homme avec Dieu, avec lui-même et avec le monde
extérieur, et trouver dans les lois qui règlent les rapports
des hommes entre eux son couronnement naturel. Les in-
stitutions religieuses formeront la première catégorie, les
institutions sociales et politiques formeront la seconde.
Or telle est précisément l'originalité de la législation mo-
saïque, que les lois sociales et politiques sont a la base de la
constitution du peuple hébreu, dont le sommet est occupé
par les lois religieuses, et qu'à partie caractère de perfection
qui lui vient de son étendue, la législation mosaïque porte
encore fortement accusé un caractère de perfection dans
l'ensemble. La suite montrera la vérité de cette affirmation.
Contentons-nous pour le moment de remarquer l'avantage
qui résulte pour un système de prendre tout l'homme, tel
qu'il est, pour le porter tout entier au développement dont
il est susceptible.
Observons encore qu'une législation doit conduire les
développements humains selon les lois essentielles de ces
(1) De Donald, Législation primitive passim et notamment, liv. i, ch. 5.
ÉXUDi; SUR LA LÉGISLATION MOSAÏQUE. A9S
développements mêmes. Elle doit garder, eu tant que sys-
tème, un ordre analogue à celui du système auquel elle est
appliquée. Or, pour nous servir d'une comparaison souvent
employée, les lois d'unité qui règlent les développements
des nations, sont les mêmes qui règlent les développements
des individus. Il faut donc qu'il règne dans le système des
lois d'un peuple une unité harmonisée d'après l'unité qui
existe dans les conditions an térieures a tou t système national .
Ces conditions éternelles sont celles par lesquelles la loi
intime répond a la loi de la personnalité divine, a l'image
et à la ressemblance de qui l'homme a été créé, qui rattachent
par conséquent l'homme a son Auteur, avant de lui permettre
de surpendre en lui-même un ordre do relations quelconque,
avant surtout de le rattacher à ses frères et au monde ex-
térieur. Les lois destinées a former une nation devront donc
garder entre elles la subordination qui existe dans les élé-
ments constitutifs d'une nation. Les lois religieuses tendent
à former des institutions théocratiques (nous expliquerons
tout-à-l'heiire ce mot) : elles seront au sommet de la con-
stitution sociale et politique, et celle-ci recevra de la con-
stitution religieuse sa forme et son impulsion. Tout système
en qui l'on ne retrouvera pas cette coordination et cette
subordination, sera un système défectueux et incomplet.
Les hommes s'unissent à Dieu avant de s'unir entre eux,
disait un ancien, et le principe d'où vient cette nécessité
est peut-être la cause de tous les cultes anlhropomorphiques
de l'antiquité. De cette idée que l'homme est une image de
Dieu, l'image la plus parfaite, il n'y a qu'un pas à celle-ci :
La perfection de la nature humaine, lorsqu'elle existe, mérite
les honneurs de la divinité. Aussi le polythéisme le plus
logique renonçait-il aux personnifications basses de la di-
vinité, qu'il avait prises en Egypte et dans l'Inde, pour se
créer des personnifications humaines, telh^s qu'on les vit
chez les Grecs et a Rome.
/jO/l KTLDE SIK LA LfiGJSLATlON MObAÏOLE.
Ou peut se demander maintenant si l'appellation de
gouvernement théocratique convient h une législation dont
toutes les parties s'enchaînent les unes aux autres, en partant
du sommet occupé par les lois religieuses. Le gouvernement
théocratique est le gouvernement de Dieu. C'est un système
dans lequel Dieu est au centre, l'homme au centre aussi,
mais secondairement, et qui s'épanouit ensuite selon la loi
de ces deux centres coordonnés-, ce sera, si l'on veut^ une
ellipse, dont Dieu et l'homme occuperont les deux foyers.
Ainsi conçu, le système dont nous parlons sera un gouver-
nement théocratique, objectivement et en soi. Il sera encore
un gouvernement théocratique subjectivement, et dans la
pensée de celui qui l'a établi. Or, si l'on croit pouvoir op-
poser entre eux la théocratie et Thumanitarisme, ou ce
système qui consiste a prendre l'homme et la société hu-
jnaine pour point de départ essentiel, laissant aux rapports
avec Dieu un rang secondaire, ou les isolant même et les
séparant toul-à-fait,et si l'on croit pouvoir donner au second
système une préférence sur le premier, on commettra une
erreur d'autant plus grossière, qu'elle heurte de front la
nature essentielle des choses, l'ordre du monde et les idées
de l'humanité, manifestées toutes les fois qu'elle s'est donné
des lois, ou que des hommes éminents les lui ont imposées.
C'est oublier qu'à a celui qui règne dans les cieux appartient
la gloire, la majesté et V indépendance, « et que l'homme,
la société, sont des êtres essentiellement dépendants et
dirigés.
JNous avons exposé, ou au moins énoncé ces principes,
ahn d'être naturellement conduit à nous demander quel sera
l'ordre a suivre dans l'exposition des institutions mosaïques.
Ces institutions, on le reconnaît^ et Bossuet l'a victorieu-
sement démontré, sont la base de tous les développements
du peuple qui les a reçues. Ce peuple a toute une littérature
qui rend témoignage à ces institutions et qui les explique.
ÉTIDE SUR LA LKGISLATIOIV MOSAÏ(}UE. /|95
Or, la littérature d'Israël établit constamment les relations
de ce peuple avec une divinité personnelle et vivante. Son
histoire n'est que sa marclie vers le but que cette divinité
lui a tracé. C'est par cette direction qu'on rend raison de
tout, qu'on explique tout. Elle conduit Israël au salut espéré
et à l'établissement du royaume de Dieu dont il a reçu les
promesses. Et ces promesses mêmes, et cette espérance du
salut sont les traits lumineux de son histoire et forment son
caractère distinctif. Il est remarquable que les civilisations
polythéistes n'out pas de but, qu'elles ne tendent à rien,
que rien ne les mainlietil et ne les iorine, si ce n'est un in-
térêt individuel et souvent abject. Le peuple de Dieu au
contraire sait d'où il vient et où il va. Il le sait et il le croit :
sa direction est le critérium a l'aide duquel il juge ses di-
verses modiiications, les perturbations successives qu'il su-
bit. Si l'on veut donc penser comme lui, ne pas méconnaître
le caractère qu'il se reconnaît a lui-même, il faudra grouper
toutes les manifestations de sa vie domestique, sociale et
politique, autour des manifestations de sa vie religieuse. Et
comme ces dernières manifestations de la vie religieuse
sont elles-mêmes réglées par des institutions fixes, il fau-
dra grouper autour de ces institutions les institutions se-
condaires qui règlent les autres manifestations tie sa vie.
Pour avoir méconnu celle règle essentielle, Josèphe et
Philon, bien qu'a un moindre degré, et la plupart des ra-
tionalistes allemands de notre époque, se sont perdus dans
une foule d'appréciations subjectives, dont le moindre défaut
est de ne lenir aucun compte de la dignité spéciale d'Israël
au milieu des peuples. On a confondu ainsi dans un pêle-
mêle honteux, la révélation divine et le naturalisme païen ;
on a privé les institutions mosaïques de leur originalité et
de leur vérité. On les a prises pour le résultat de l'esprit
des temps auxquels elles se sont produites : on a cherché
a les faire entrer dans les catégories d'un froid naturalisme
Zj96 ÉTLDE SUR LA LÉG]SI.AT10-\ MOSAÏQUE.
et d'un panthéisme aride, alors qu'elles portaient gravée?
en caractères ineffaçables, la marque de Celui qui les avait
dictées (1). De Wetle va jusqu'à faire de l'étude des insti-
tutions religieuses de Moïse, une section des règles de vie
politique données par le législateur hébreu ; et M. Salvador
écrit de nos jours ; « L'histoire du culte proprement dit ne
sera retracée que dans le dixième livre, par la raison que
mon but essentiel étant de montrer de quelle manière ce
culte servait de sauvegarde aux principes et aux lois, il im-
portait que ceux-ci fussent préalablement exposés. » Et
ailleurs, lorsqu'il en vient a parler du culte :« Quelle raison
m'a fait renvoyer le culte extérieur a la fîu de ma première
partie (politique)? J'ai dit que les statuts du culte de Moïse
poursuivaient surtout un intérêt de conservation. Avant d'y
arriver il fallait chercher et exposer ce qui méritait d'être
conservé-, il fallait simplifier cette partie de la législation,
en transportant à leur véritable place une foule de règle-
ments qu'on a coutume de confondre (2). » Personne n'a
jamais confondu, avant l'écolea laquelle se rattache M. Sal-
vador, les règlements du culte, avec les règlements de la
vie domestique,, de la vie sociale et de la vie politique^ on
les a toujours parfaitement distingués a l'exemple du légis-
lateur: mais on a gardé l'ordre qu'il a lui-même proposé,
l'ordre logique et raisonnable, le seul qui mérite vraiment
ces qualifications, celui auquel se plie l'esprit du savant
lorsqu'il veut étudier les choses telles qu'elles doivent être
(1) Bien qu'ils aient cru à l'intervenlion surnaturelle de Dieu dans la
conduite du peuple d'Israël, Spencer, Le Clerc, J. D. Michaelis, Jahn
et J.-L. Schaalochûtz, ont trop sacrifie au subjeclivisme en exposant les
institutions mosaïques. On ne trouve que les principes de la critique ra-
tionaliste dans les études de J,-G. Eichhorn, G. Lor. Bauer, M. L. de
Wette, G. B. Winer, H. Ewald, et autres. Enfin le pantliéisme est le seul
point de vue des travaux de Bruno Bauer et de Wilhelm Vatke.
(*) Salvador, Histoire des institutions de Moïse, tom. i, pp. 66, 67, et
tom. 11, liv. X, p. 272.
ÉTUDE SUR LA LÉGISLATION MOSAÏQUE. 497
et telles qu'elles sont, en dehors de tout parti pris et de
tout intérêt polémique.
On pourrait dire peut-être que les règlements du culte
mosaïque ne rormenl que la partie secondaire de ses insti-
tutions religieuses. — H y a une part de vérité et une part
d'erreur dans cette affirmation. Oui, le culte mosaïque n'est
que l'efllorescence des doctrines théologiques de Moïse.
Oui, ces doctrines soni elles-mêmes la partie principale des
institutions religieuses. Mais le rapport du culte a la croyance
est tel que vous ne pouvez concevoir l'un sans l'autre ab-
straclivement, et que, dans le fait, vous les trouvez toujours
suivant la môme loi de développement ou gardant la même
fixité. Pourquoi, par exemple, la fête du Cliar (Tirunnal)
est-elle si horriblement mêlée d'atrocités, de mutilations
et de sacrifices volontaires dans le Bengale? C'est que la
religion enseigne que l'offrande du sang est agréable a l'i-
dole de Jagrenat. De la, ces scènes dégoûtantes d'hommes
et de femmes qui se précipitent so^us les roues du char
qui porte l'idole, se font fracasser les bras et les jambes,
offrent même (les plus saints) le sacrifice de leur vie, afin
d'obtenir un sourire de leur hideuse divinité. Pourquoi
encore la veuve de l'Indien dont on brûle le corps s'avance-
t-elle près du bûcher, et est-elle ensuite vigoureusement
liée au corps de son mari, afin d'être consumée avec lui
par les flammes.'^ Aucune loi n'oblige les sali ou veuves à se
brûler ^ mais la même coutume qui faisait jeter sur le bû-
cher des guerriers leurs armes, leurs chevaux et tout ce
que le défunt avait de plus cher, unie au dogme de la mé-
tempsycose et a celui de la nécessité du sacrifice pour
l'expiation, ont favorisé peu à peu les développements et
la consécration de ces déplorables excès (1) . Nous pour-
rions multiplier les exemples à l'infini, en les prenant de
(I) Canlu, Hist. universelle, X''^ éd, fr.^ t. i, p. 276, 294, Indiens.
Ii9S L;TL!)E SIH LA LEGISLATION .^'OSAÏQUE.
diverses civilisations Mais il convient de nous placer sur-
tout au point de vue du culte mosaïque, et de montrer
que les institutions cérémonielles de Moïse formaient une
partie essentielle de ses institutions dogmatiques.
Un juif philosophe du moyen âge, Maimonides, nous
donne comme le but essentiel et unique de la législation
de Moïse, l'extirpation de l'idolâtrie (1). Ce fait nous permet
de concevoir un moindre étonneraent lorsque nous voyons
les juifs philosophes modernes se rallier à cette étrange
affirmation. Jean Spencer, au moins dans la première édi-
tion de son livre sur les lois des Hébreux et sur leurs rai-
sons d'être, signale deux causes des formes adoptées par le
culte mosaïque. La loi était d'après lui le moyen ordinaire
dont Dieu se servait pour abolir l'idolâtrie, et maintenir
les Israélites dans sa foi et dans son culte. Le second but
qu'elle se {jroposait, était de représenter comme sous une
image et sous un symbole, dans ses rites, l'économie évan-
gélique qu'elle préparait, et de préserver la morale d'alté-
rations trop faciles (2 . Dans la seconde et dans la troisième
édition, il paraît que Spencer n'a donné qu'une place a peu
près-insigniliante a ce second but typique et symbolique de
la loi. Il a même fait disparaître les mots suivants, qui
exprimaient dans la première toute sa pensée : Xam in Ju-
dœorum ritibus et cœremoniis tôt mysteria statum evcmcje-
(1) Mor& fievochim, doctor perplexorum, cd. J. Bu.xt., lib. ni, ch. XLV-
XLIX. Totius legis scopus et cardo consista in hoc, ut idololattia a medio tol-
latuf, tiomen ejus deleatur. Son commenltileur, Rabbi Schem Tob, abaisse
encore d'un degré l'idée du culte mosaïque ; et il en fait une copie
calquée sur la manière dont on boaorc les rois de la terre. (Baehr, Symb.
1, s. 9, u. 1).
(2) Spencer, de Lerji/jus hcbrœorum ritualibus eai unique ralionibus 1. iv.
(1 Ratio primaria in hoc comsislit quod Icx fuerit médium ordinariuni,
quoDeus ad idololatriam abolcndam, et Israelitas iu ipsius fide cuUuque
retinendos ulerctur; et ratio secandaria, ut legis istius ritus et in^tituta
rerum altioi'um cuYYf^'-ptav quamdam exhibèrent, et rébus quibusdam
evangelicis et officiis moralibus, lanquam iu h'po vel imagine repraeseu-
tandis, inservirent (p. i9). »
ÉTUD1-: SL'U L\ LÉ(;iSL.\TION MOiAÏQLK. !\99
iicu77i spectantia latuerunt, lit gens illa non minus regnuni
propheticutn quant sacerdotale videretur. En revanche, la
première raison reçoit tous les développements qu'il lui
avait consacrés d'abord, et il nous explique comment Dieu,
qui voulait être le roi politique, militaire et céleste de son
peuple, lui permettait un culte dont les pratiques pouvaient
ne pas toujours convenir a la majesté divine, mais dont le
but était d'aider la faiblesse d'une nation grossière forte-
ment inclinée vers les observances sensibles (1) .
Pour nous, il nous est impossible de ne voir dans les
formes sensibles du culte mosaïque qu'une préservation
contre l'affaiblissement de la pureté de la foi en Israël ;
nous ne croyons pas non plus que le seul but des obser-
vances religieuses des Juifsfùt delespréserverdel'idolàlrie.
Nous disions tout-a-l'heure qu'une législation, pour être
parfaite, doit prendre l'homme tout entier et tel qu'il est
dans la réalité de son existence, afin de le conduire à sa
fin par des moyens convenables. Nous disons maintenant
qu'un culte ne peut être parfait, s'il ne permet a Ihomme
tout entier de reconnaître, par des actes où il concourt tel
qu'il est, le souverain domaine de Dieu. Or, pour être spi-
rituel, l'homme n'en est pas moins doué d'organes corporels,
dont le rôle n'est possible dans une forme de culte quel-
conque, que lorsque celte forme de culte se compose d'ob-
servances sensibles. Le langage a jjrobablement été le
premier acte humain où Dieu ait pu trouver sa glorification.
Mais le langage, pour être un fait intellectuel, n'en est pas
moins un fait organique. Les actes sont une manière de
(1) Telle fut récoaouîie des prescripiions cérémouiellcà de Moiso, dit
Joh. Spencer, « ui litus elinsliluta Dei cultum speclaatia, semper aliquid
regum uiortalium sorte subliuiius et augustius olereut, et eodera lem-
pore Jehovae tribuereut iufirmitatem régis et liiajestatem Dei ; nempe ut
bac ralione sensus et affectus majestaLi cœlesti cooscolaoei incuterealur
et legis iûstitutis uou miuus Dei honori quam plebis ioibecillitati coiu-
sulliim esset(p. 231). »
500 ÉTUDE S un LA LÉGISLATION MOSAÏOUE.
parler, mais une manière moins parfaite que le langage orga-
nique. Un culte dont le but (.'Jait d'élever l'homme à son
Auteur devait comprendre, et le langage comme fait orga-
nico-intellectuel, et les actes comme faits matériels, alin
que tout l'homme fût pris et porté vers Dieu selon les lois
de sa constitution. Ajoutons que le peuple a qui Moïse don-
nait un culte, savait que le monde visible n'est qu'une image
du monde invisible. Dans son culte il devait donc tâcher
de reproduire, autant qu'il se pouvait, sous des formes sen-
sibles, le monde invisible de ses idées et de ses sentiments,
pour l'offrir a Dieu en signe de soumission et de fidélité. La
parole et les actes extérieurs concouraient encore a cet égard
et offraient a l'homme un moyen convenable d'exprimer a
Dieu ses sentiments et ses idées. Puis, pour reprendre eu
quelque façon l'idée de Spencer, le Dieu d'Israël n'était
pas seulement l'Être tout-puissant qui habite les splendeurs
des cieux, et qui n'a pour les hommes que quelques atten-
tions distraites. Dieu était le Roi et le Bienfaiteur assidu de
son peuple : il devait en être le Sauveur et le rétablir selon
l'ordre primitif dans lequel l'homme, créé a l'image de Dieu,
retrouverait cette ressemblance perdue par le péché. Le
peu))le devait se préparer au salut promis par l'union et la
fidélité il servir le Seigneur. Israël tendait a ce but comme
peuple, puisqu'il était le peuple de la promesse, et que Dieu
devait l'établir comme peuple dans la terre promise. Il fallait
donc qu'il eût comme peuple tout un ordre de rites, char-
gés de lui rappeler sa vocation, de l'entretenir dans l'amour
et dans la crainte de Dieu, de lui tracer une vie religieuse
et sociale tout à la fois, de lui remémorer les bienfaits
antérieurs dont il avait été comblé, et de lui annoncer les
bienfaits futurs par lesquels se réaliseraient les promesses.
Or le culte d'un peuple, dont le but est ainsi déterminé, est
nécessairement un culte sensible, surtout lorsque les idées
de ce peuple sur le monde visible et sur le monde invisible
ÉTUDE SLT, f.A LÉGISLATION MOSAÏQUE. 501
sont celles dont nous venons de faire mention. Enfin les
formes sensibles avaient une double action symboliquequ'il
est fort important de constater. En même temps qu'elles re-
présentaient l'action de Dieu sur Israël, et la tendance ou
l'action d'Israël vers Dieu, elles voilaient aussi sous des
images la réhabilitation et le renouvellement, objet des es-
pérances du peuple hébreu, et en retraçaient, quoique d'une
manière imparfaite, les linéaments principaux. Prenons
pour exemple le tabernacle. C'est Dieu présenta son peuple,
c'est le lieu qu'il habile. Le peuple qui en approche, qui
reconnaît en lui la tente du rassemblement, se rend présent
a Dieu. Quelques homme s privilégiés et purifiés, les grands-
prêtres, pénètrent une fois par an dans le saint des saints,
la partie la pins intime du tabernacle, et lorsque la Rédem-
ption est accomplie, Jésus-Christ, qui est la fin de la loi, y
entre une fois pour toutes: Introivit semelinsancta, œterna
Redemptione inventa [ïlchr. ix, 12). Le tabernacle mosaïque
est l'image du ciel où Jésus-Christ entre après sa mort,
lorsque son sang a purifié le monde des iniquités dontil était
couvert. Aussi les auteurs du Nouveau Testament ont-ils
fait ressortir avec le plus grand soin le caractère typique et
symbolique du culte de Moïse. Jésus-Christ s'appelle la fin
delà loi [Math, v, 17). Saint Paul représente la loi comme
l'initiation a Jésus-Christ, TratSaycoYoç si; Xpia-rôv [Gai. m, 24),
et il donne les cérémonies mosaïques comme une ombre de
ce qui doit venir, «^xià xwv ueXXovtojv ( Col. ii, 17). C'est
surtout dans l'épître aux Hébreux [Ch. vii-x) qu'il fait res-
sortir ces relations, et c'était surtout là qu'il convenait d'en
traiter, puisque cette lettre était adressée aux fils d'Abra-
ham, les héritiers primitifs des promesses. Mais, encore un
coup, comme tout cet ordre typique et symbolique touchait
d'une manière diverse à la doctrine et à la foi, dont il était
la représentation sensible, on est mal venu de le stigmati-
ser sous la dénomination d'usages sans valeur. Qu'on la ré-
502 ÉTUDE SUR LA l.KGISI.ATIOX MOSAÏQUE.
serve pour les pratiques bizarres de la synagogue déicide :,
on sera dans le vrai. Elle n'a ni unité nationale a conserver,
ni salut à attendre, puisqu'on n'attend pas ce qui est déjà
venu : ses pratiques sont donc vaines et ses observances
frivoles.
La persuasion des Juifs a l'époque de Jésus-Christ et des
apôtres était que les cérémonies du culte, à part les doc-
trines et les faits dont elles émanaient et dont elles repré-
sentaient en quelque manière la vérité, avaient une signi-
fication symbolique, en vertu de laquelle elles portaient
l'espérance du peuple vers les biens futurs. C'est ce dont
on ne peut douter, en voyant la manière d'agir et de parler
de Jésus-Christ et des apôtres. Quel effet eussent-ils pu se
promettre des explications symboliques de la loi qu'ils don-
naient au peuple, si le peuple n'avait pas cru a l'existence
de ce sens caché sous des figures sensibles ? Pour nous donc
qui nous proposons d'étudier les institutions de la loi, nous
devrons rechercher scientifiquement le sens des symboles
dont elles se composaient. Le peuple juif lui-même avait pé-
nétré ce sens a la lumière de ses conducteurs et de ses guides
autorisés. Quand il reçut la loi au milieu de circonstances
si étranges qu'on devient ridicule en voulant les expliquer
d'une manière naturelle, il comprit que les miracles étaient
ta justification même de la loi, et il s'unit a Dieu par un
pacte solennel dans lequel son appoint devait être la sain-
teté et la justice, vers lesquelles il promettait de marcher-, et
l'appoint du Seigneur, la grâce et la miséricorde, par les-
quelles il promettait de le soutenir: contrat évidemment
inégal, tant a cause de l'inégalité des parties contractantes,
quedel'inégalitédesavantagesqu'ellesavaientàen attendre.
La loi devait servir de moyen a la réalisation de ce contrat.
La fidélité qu'on lui garderait devait consacrer la justice et
la sainteté du peuple, et son développement surnaturel de-
vait faire connaître et faire parvenir au peuple, tous lesjours
étcdh: sur. i.a i,t<;isr.AT,0N mosaïquiî. 501^
avec plus d'abondance, la grâce et la miséricorde de Dieu.
Mais alors, pour le dire en passant, que signifie cette
option prétendue du peuple en faveur de la loi, option de
laquelle la loi tire sa consécration ? Quoi ! vous voulez assi-
miler la loi divine a une loi humaine ? Vous voulez faire
entrer la loi divine dans une catégorie qui ne repose d'ail-
leurs que sur un concept idéal, dont la réalisation n'a jamais
eu lieu, et vous vous en autorisez pour reprocher a Bossuet
de n'avoir point assez compris Moïse, parce qu'il ne veut
pas que l'autorité des lois en général et celle en particulier
des lois mosaïques, dépende du consentement et de l'ac
quiescement des peuples (1) ?
C'est bien vous qui enfantez des contradictions-, c'est
bien vous qui avez trop penché vers le système de l'Egypte,
en voulant assimiler le Dieu de Moïse aux divinités des
Égyptiens. D'ailleurs nous 'ne saurions nous méprendre à
cet égard, et il suffit de lire le chapitre des préliminaires
de M. Salvador, intitulé : Education de Moïse et premie?-s
éléments de sa vie, pour demeurer oonvaincu qu'il ne tient
aucun compte de l'action surnaturelle du Dieu personnel et
vivant sur le législateur et sur le peuple, et qu'il ne croit
pas plus qu'un de ses disciples de ces derniers temps, l'au-
teur de la Vie de Jésus, i\ la possibilité du miracle et de
l'ordre surnaturel, dont le miracle proclame l'existence (2).
Heureusement pour l'avenir delà science, elle ne reconnaît
pas pour siennes d'aussi misérables théories. Cet esprit
rétrograde ponrrait gagner a se mettre a l'école des
(1) Salvador, totu. i. p. 3,
(2) L'analogie entre le chapitre de M. Salvador que nous venons d j
citer et le ch. 8 de M. Renan intitulé : Éducation de Jésus, est trop
frappante pour qu'il nous soit possible de ne pis la signaler. Il y a ce-
pendant une différence essentielle entre la science et le style de ces deux
auteurs. L'ouvrage de M. Salvador laisse bien loin derrière lui celui de
M. Renan sous le rapport scieatifii[ue. Eu revanche, le style de
M. Renan et sa manière se fout beaucoup mieu.x; agréer que la phrase
lourde et presque talmudique de M. Salvador.
504 ÉTUDE SUR I.A LÉGISLATION MOSAÏQUE.
Juifs qui crucifièrent Jésus. Ceux-ci croyaient encore à Moïse
et aux prophètes: ils ne les traitaient pas d'imposteurs
habiles a tromper une nation grossière, qui avait vu dans
les feux dont les caravanes ont coutume de se servir pour
guider leur marche, une colonne lumineuse, signe de la
protection du Seigneur. Encore moins étaient-ils tentés
d'exalter l'homme qui avait tiré d'Egypte leurs frères infor-
tunés, par des éloges trompeurs, lesquels semblent destinés
à faire ressortir l'habileté du faussaire. Nous préférons en
vérité qu'ils aient ignoré les ressources du criticisme, et
que leur loi nous ait valu de conserver les traces irrévocables
du pouvoir d'un grand homme que Dieu règle et conduit
pour la gloire et la prospérité d'une nation.
Nous serions arrêtés a chaque pas si nous voulions suivre
M. Salvador, à travers toutes les élucubrations d'un esprit
ténébreux, se produisant dans un langage a peine suppor-
table et que les couleurs d'une imagination poétique ne
viennent jamais relever. Il fera mieux une autrefois de de-
mandera d'autres que Voltaire, Jean-Jacques et Benjamin-
Constant, l'intelligence des institutions mosaïques. Que
s'il nous dit qu'il a marché sur les traces de Maimonides
(il l'appelle l'aigle de la synagogue, par opposition a l'aigle
de Meaux: c'est ce que son génie poétique lui a dicté de
plus élevé !) , nous lui répondrons que Maimonidcslui-raême
garde à l'égard du caractère de Moïse quelques restes de
respect, qu'il a, lui, complètement méconnus.
La loi divine proclamée par Moïse conduisait naturelle-
ment le peuple juif à Jésus-Christ. Ce qui l'en a éloigné,
c'est l'éloignement de la sainteté etde la justice auxquelles
l'appelait l'observation de la loi. D'ailleurs tout le peuple
juif n'a point fermé les yeux a la lumière de l'Évangile. Les
premiers disciples de Jésus ont été des Juifs, et la raison
de l'éloignement dans lequel s'est tenu le grand nombre,
Jean -Baptiste etNotre-Seigneur nous l'ontdonnée. lorsqu'ils
ÉTUDE SUR L.\ LÉGISLATION MOSAÏQUE. 505
ont appelé les Juifs un peuple endurci, une race de vi-
pères, les fils du diable, des ignorants de la loi. «Vous lisez
Moïse et les prophètes, leur disait Jésus, mais Moïse et les
prophètes parlent de moi. » Et il le leur prouvait, et ils n'a-
vaient rien a répondre. Les siècles se sont chargés de rendre
raison à l'argument de Jésus, et si nous voyons aujourd'hui
des Juifs effacer autant qu'ils le peuvent le caractère de
Moïse et des prophètes, c'est qu'ils savent bien que le monde
s'est converti a l'argument de Notre-Seigneur, et qu'il faut
à tout prix briser la solennelle harmonie des deux Testa-
ments, si l'on veut enlever au second la consécration divine
qu'il reçoit du premier.
Ainsi la loi de Moïse était véritablement la voie qui con-
duisait à Jésus-Christ. Elle y conduisait par l'enseignement
monothéiste qu'elle renfermait. Elle y conduisait aussi par
l'ensemble des rites et des cérémonies, symboles clairs et
déterminés à leur signification convenable par l'idée géné-
rale du royaume de Dieu que donnait l'Ancien Testament,
et par la nature même des institutions dont il se composait.
Prenons ici encore l'exemple du tabernacle, qui estl'insti^
tution la plus importante du culte mosaïque. Par le fait
même de sa construction, le tabernacle devenait le symbole
de l'alliance de Dieu avec son peuple : puis, par sa nature,
par les honneurs qu'il recevait comme la tente de Jéhovah,
par la description a la fois matérielle et symbolique qu'en
donnaient les Livres saints, le tabernacle symbolisait la pré-
sence de Dieu au milieu de son peuple, et était par consé-
quent une figure de l'Emmanuel. Il résulte de là une règle
à laquelle nous serons fidèles toutes les fois que nous aurons
à étudier la signification symbolique d'une institution de
Moïse : Connaître le nom de l'institution et l'institution
elle-même ^ observer qu'une même institution a toujours
et dans tous les cas la même signification-, que cette
signification, pour être unique, peut n'être pas tou-
Revue des sciences ecclés., t. ix, — juin 1864. 33
506 ÉTUDE SUR LA LÉGISLATION MOSAÏQUE
jours simple, mais quelquefois complexe ; regarder comme
accessoire tout ce qui, dans l'institution, ne répond pas di-
rectement a la signification symbolique une fois constatée^
donner enfin la prépondérance aux explications symbo-
liques d'une institution, quand elles sont proposées par les
Livres saints (1).
Tels sont les préliminaires par lesquels il nous a paru
convenable d'ouvrir notre étude sur la législation mosaïque.
Trois questions ont été traitées. Nous nous sommes d'a-
bord occupé de l'idée générale d'une législation et des ca-
ractères d'une législation parfaite. Nous avons ensuite
montré comment, parmi les institutions mosaïques, le pre-
mier rang appartenait aux institutions religieuses. Enfin
la question incidente du rapport du culte mosaïque aux
institutions religieuses qui lui servent de fondement, a reçu
les développements qui lui étaient indispensables. Nous
croyons avoir prouvé que l'on n'est pas fondé en raison,
lorsqu'on sépare les institutions religieuses essentielles
des institutions religieuses accidentelles, dont le culte est
l'expression. S'il est vrai que l'enseignement monothéiste
est le but principal du mosaïsme, tel n'est pas son but
unique. Le mosaïsme est une prophétie qui se déroule
dans une doctrine et dans des actes sensibles. On estdonc
mal venu de méconnaître l'importance réelle et symbolique
du culte et de ses diverses parties. C'est aller contre la
persuasion de l'ancienne synagogue, contre le but du culte
"lui-même, et contre sa nature typique, résultant de l'idée
générale de l'alliance de Dieu avec Israël, et du caractère
même des institutions de Moïse.
A. GiLLY.
(1) Ces règles sont exposées pas Bsehr {Symb. i. s. 48 ff.) et reproduites
'dans une noto de Keil (Bifjl. Archœologie. s. Cl).
COMMEKTARIUS
IN
PROŒMIUM BREVIAPJI ET MTSSALIS
DE COMPUÏO ECCLESIASTICO.
Cinquième et dernier nitrole.
DE CYGLO SOLARI ET LITERIS DOMINICALIBUS.
CAPUT VI.
TEXTUS PROŒMiT. Tabella Literarum Dominicalium ab Idibus Oclobris
anni corredionis 1582. {detradis prius 10 diebus) nsque adannum
1700. inclusive.
b
A
1 g
'
d
b
U
g
f
c
'
A
g
^
A
c
A
g
f
,*
b
A
g
^
Usus hujus tabellse hic est. Anno corredionis 1582. post Idus octo-
bris (detradis prius 10 diebus) Iribuatur litera c primae cellulae et
sequenti anno 1583. litera b secundae, et anno 1584. dentiir literae
a g terliae cellulae, et sic deinceps aliis annis ordinealiae cellulae tri-
buantur, donec ad annum propositum perventum sit, redeundo ad
principium tabellae, quoliescumque eam percurreris. Nam cellula in
quam annus propositus cadit, dummodo minor sitquam annus 1 700. ,
dabit Literara Dorainicalem propositi anni : quae si unica occurrerit
annus erit communis : si vero duplex, Bissextilis ; et tune superlor
litera Dominicam diem ostendet in Kalendario usque ad festum
' sancli Mathise Aposloli ; inferior autem ab hoc festo usque ad finem
anni. ExempU gralia : Sit invenienda Litera Dominicalisanno 1587.
Nuraera ab anno 1582., quem tribue primae literae c, usque ad an-
num 1587., tribuendo singulis cellulis singulos annos (computando
geminas literas quascunque, superiorem et inferiorem, pro una cel-
lula) cadetque annus 1587. in literam d, quae sextum locum in tabella
occupât. Estergo lolo eo anno Litera Dominicalis d, annusque corn-
608 C0MMEMARIU5
munis est, quuni litera simplex occurrat. Riirsus sit investiganda
Litera Dominicalis anno 1616.; mimera ab anno 1582., ut dictura
est, usque ad annum 1616., redeundo ad principium tabellae,
postquam eam percurreris, perveniesque ad duas hasce literas c b,
septimo loco positas. Est ergo anrius ille Bissextilis, quum duplex
litera occurrat, superiorque litera c Dominicam diem indicabit a
principiû aiini illius usque ad festum sancti Mathiae, inferior autem
b in reliqua parte anni.
COMMEX T ARIUS,
LITERiE DOMINICALES.
78. Si anni dies numerum septenarium effîcerent atque
annus dividi in hebdomadas 52 ita posset, ut unus dies
(in annis communibus) vel biduum (in bissextilibus) non
superaret, dies Dominicus necessario eadem semper litera
designaretur(sup. n. 47.) ; nunc vero superfluus ille dies lite-
rarum dierumque ordinem in sequentis anni capite pertur-
bât. Ita fit, ut, si primus dies januarii, quem litera A nota-
tum videmus, in diem Dominicum incidat, etiam ultimus
anni dies, cui eadem hsec litera A affîxa est, dies Dominicus
sit, ac proinde sequenti anno, qui initium a feria ii sumit,
litera A non jam diem Dominicum, ut anno proxime elapso,
sed vero feriam ii. designet et littera g futura sit litera
dominicalis per totum hune annum secundum, litera f per
tertium et sic porro, ita ut ordine rétrograde post septem
annos dies Dominicus regrederetur ad primam literam A,
nisi cyclus iste per annos bissextiles, singulis quadrienniis
récurrentes, interrumperetur ac literarum ordo per inser-
tum diem denuo perturbaretur.
Annus bissextus enim quum hebdomadas 52 biduum
excurrat, binis literis ordinem feriarum, h, e. dierum heb-
domadis promovet. Si enim a die Dominico incepit, finietur
feria ii. , et primus dies anni sequentis cadet in feriam m. ,
qui quum literam A semper afiixam retineat, effîciet, ut li-
DE COMPUTO ECCLESIASTICO. 509
tera Dominicalis anni proxime elapsi jam migret in feriam
III. et Dominicalis litera hoc altero anno sit f.
79. Ex eadem ratione anno bissexto duœ sunt literae
dominicales, prior quidem a Kalendis januarii ad diem 25.
februarii, Divo Mathiae sacrum, altéra ab eodem festo ad
anni fmem ; littera enim quae ab initio anni usque ad festum
S. Mathiae in diem Dominicum incidebat, deinceps a 25.
februarii in feriam ii. cadit et diss Dominicus jam praece-
denti litera notatur.
Propter hanc interruptionem igitm' dies Dominicus non
singuhs septenniis redit ad literam A, sed potius requirun-
tur septem quadi'iennia seu octo et viginti anni, post quos
dies Dominicus iterum incidit in primum diem januarii et
dominicalis litera erit A, et hsec annorum 28 revolutio
cijclus solaris vocatur.
80. Literas dominicales, quibus primi dies mensium
notantur, hisce versiculis perdocemur :
Alta dotnat Dominus, gratisque beabit egenos.
Gratia Chrislicolœ feret aurea dona fideli.
Horum versuum duodecim verba duodecim mensibus ex
ordine respondent, nempe Alta januario, Domat februario,
Vominus martio, et sic de reliquis, et litera initialis primi
vocabuh seu A est Htera kalendarum januarii, d litera
kalendarum februarii, et ita porro. Unde primo diei mensis
januarii competit litera dominicalis A; primo diei februarii
litera dominicalis d ; primo diei martii item d : primo
diei aprilis litera dominicalis ^, et sic de aliis juxta
ordinem suum. Cognito autem primo die alicujus mensis,
quotus nimirum in hebdomade ille sit, patet, quaenam
litera dominicalis illi anno respondeat. Maius v. g. hoc
anno 1864. a die dominico incipit, unde literam b tan-
quam literam dominicalem hujus anni videmus notatam in
Kalendariis. Item primus dies mensis augusti, qui designatur
litera c, hoc anno incidit in feriam ii ; secundus dies nota-
tus litera </, in feriam m; tertius^not, lit. e, in -feriam iv,
MO COMMENTARIUS
etc. ; hinc dies septimus, seu dies dominicus litera b note-
tur necesse est. Hac ratione ergo etiam sine tabella inve-
niri literae dominicales possunt.
CYCLUS SOLARIS,
2 <>•
81. Cyclus solis, quem annorum 28 systema esse diximus,
non dicitur solahs, quod motum solis aliquem specialem
designet, sed quod ejus ope literarum dominicalium ordi-
nem cognoscamus ; dies dominicus enim, quem litera do-
minicalis notât, olim dies Solis appellabatur. Eum chro-
nographi, quiliteras ad designandos hebdomadis diesadhi-
beri solitas respiciunt, defmire soient literarum dominica-
lium revolutionem per quadriennia Juliana septem.
82. Cyclum solarem communiter ab anno bissextili ordi-
untur primoque anno literas g f assignant. Ita fit, ut toto
cyclo solis literae hoc ordine decurrant.
CYCLUS SOLARIS.
Anni.
Literae.
Anni,
Literœ.
1.
gf
15.
c
2.
e
16.
b
3.
d
17.
1 A g
h.
c
18.
f
5.
b A
19.
e
6.
g
20.
d
7.
f
21.
1 c b
8.
e
22.
A
9.
d c
23.
g
10.
1 ^
n.
f
11.
A
25.
e d
12.
1 g
26.
c
13.
f e
27.
b
1/i. 1 d 1
28.
^
DE COMPUTO ECCLESIASTIGO. 511
Ad inveniendum quotus in annum quemcunque datum
cycli solaris annus incidat, sciendiTin est, annum primuni
aerae coramunis incurrisse in decimum annum cycli solaris
ac proinde primo anno Ghristi cyclum solis 10. respondere.
Si ergo annis Ghristi addas 9, et collectam summam divi-
das per 28, invenies numerum cycli solaris, quo annus
propositus notatur : scilicet, si quid residuum fuerit, id deno-
tabit, quotus in eo cyclo solari sit annus iste ; si nihil
fuerit superfluum, annus ille erit vicesimus octavus cycli ;
quam regulam vel hoc distycho tradunt :
Junge annis Domini ter ternos, perque viginti
Octo seca summam : Cyclus solaris habetur.
Vel hoc alio in eamdem sententiam conscripto proponunt :
Annis adde novem Domini, partire per Octo
Viginti, cyclus sic ttbi notus erit.
Exemple sit hic annus 1863. Addo 9 et collectam sum-
mam 1872 divido per 28. Erunt in quotiente cycli integri 66
et residui erunt 2ii. Huic igitur anno cyclus solaris est 2il,
cui ante correctionem Kalendarii Juliani e regione semper
respondebat in tabulis litera dominicalis f. Jamvero tradita
régula inveniendi cyclum solis singulis annis respondentem
usum suum etiamnum obtinet, quia per correctionem Ka-
lendarii nihil immutatum est circa cyclum solarem, sed
tantummodo circa literas dominicales cyclo in laterculis e
regione respondentes. Id vero quomodo factum sit, accipe.
Usque ad h. octobris anni correctionis 1582., unicum erat
Ralendarium, nempe Julianum, nam usus Kalendarii Grego-
riani non incepit nisi sequenti die. Eo anno litera domini-
calis erat g ac proinde 30 septembris dies dominicus. Quarta
octobris incidebat in feriam v. ; sequens dies erat feria vi.
in utroque Kalendario, quia dies hebdomadac nunquam
uerunt interrupti, sed non erat idem dies mensis : in Kal.
512 COMMENTARIUS
Juliano erat 5. octobris, in Gregoriano 15. ob 10 dies ex-
emptes. Biduo post feriam vi. erat dies dominicus in utro-
que Kalendario, sed in Juliano incidit in 7. octob., juxta
quem diem invenitur litera g, quae proinde dominicalis
remansit, ut erat ; in Gregoriano autem incidit in 17. , cui
adscripta est litera c, quse proinde dominicalis evasit in
Kalend. reformate, prout ipse Gregorius. PP. XIII. statuit
in cit. BuUa Correctionis, de qua diximus n. 60. Jam vero
ista differentia 10 dierum seu literarum perpétue constans
non permansit. Quum enim Gregorius voluisset, ut anni
1700. 1800. et 1900. , bissextiles non essent, iisdem duaelite-
rœ dominicales non fuerunt imputatae, ut centesimis annis
antea (etiam anne 1 600. non excepto) semper factum fuerat.
Hinc annum 1700. notatum videmus litera c, non autem
literis c b, et annum 1800, litera e, non autem lite-
ris e d.
Patet ergo, differentiam, quae anne correctionis erat 10
dierum seu literarum, an. 1700. evasisse 11 dierum, a.
1800. jam factam esse 12 : ab anne 1900. usque ad an,
2100. futuram 13, ab an. 2200. autem lA, et sic perro.
Ex his autem satisfieri facile potest quœsite, quomodo
nimirum ex litera dominicali Kalendarii Juliani erui possit
litera dominicalis Kalendarit Gregoriani,
Animadvertendum ergo ante omnia est, non esse utrius-
que Kalendarii eamdem literam dominicalem, nisi per accî-
dens, h. e. , quando differentia inter dies mensis erit exacte di-
visibilis per 7. Quam vis enim esedem literse iisdem diebus
mensium in utroque Kalendario sint adscriptse, non tamen
est eedem die naturali in utroque Kalendario idem dies
mensis ; unde fieri nequit, ut in utroque eadem litera domi-
nicalis habeatur, nisi quando differentia inter dies mensis
erit divisibilis per 7, quia post 7 quosque dies eadem litera
recurrit.
Animadvertendum deinde est, septem illas literas, quae
DE COMPUTO ECCLESIASTICO. 513
omnibus totiusanni diebus ordine directe tribuuntur, ordine
retrogrado fieri dominicales.
Quibus positis, literam dominicalem Kalendarii Grego-
riani ex data litera dominicali Kalendarii Juliani erues hoc
modo : V. g. an. 1863. Cyclus solaris est 2/i., cui litera f
tanquam dominicalis respondet. Quum Kal. Julianum 12
diebus a correcto Gregoriano différât, a litera f exclusive
computa 12 literas ordine directo, et incides in literam d^
quae reipsa est litera dominicalis an ni 1863. in Kalendario
Gregoriano. Ratione inversa literam dominicalem Kalenda-
rii Juliani invenies ex data litera dominicali novi Kalen-
darii.
Unde ab anno 1700. usque ad 1800. exclusive addes 11
dies vel literas; ab an. 1800. usque ad 1900. excl. 12., et
sic porro. Quando autem differentia erit l/i, 21, 28 sive
quivis alius numerus exacte per 7 divisibilis, litera domini-
calis per accidens eadem erit in utroque Kalendario.
Tabellam literarum dominicalium ab Idibus Octobris anni
correctionis 1582. usque ad annuuml700. qui primus est ex
centesimis, qui annumeratus non est bissextilibus, reperies
in ipso proœmio breviarii, quod interpretamur.
83. Quum juxta correctionem Gregorii PP. XIII. annus
1800. bissexsilis non fuerit, saeculo xix. ordinem literarum
dominicalium in cyclo solari iterum turbari necesse est.
Quamvis nimirum annus 1800. notetur cyclo solis 17.,
eidem tamen^ quum bissextilis non sit, ex literis e d, quae
toto saeculo xvm. cyclo solis 17. in tabellis responderunt,
prior tantum litera e tribuitur ; sequenti anno vero litera
d (1). Unde seeculis xvm. et xix. literae dominicales annis
cycli solis hoc ordine respondent :
(1) Eadem de causa anno 1900., qui juxta Gregorianam correctionem
Bissextilis non est, una tantum litera g tribuitur, anuo 1901. autem/" et
anno 1904. demum c b.
514
COMMENTARIUS
DE COMPUTO ECCLESIASTICO. 515
DE INDIGTIONE.
CAP UT VII.
Textus proœmii. Indictio estrevolutio 15. annorum ab 1 . usque ad 15.
qua revolutione peracta, iterum reditur ad unitatem, iniliiimque
sumit quilibet annus hujus cycli a januario in Bullis Pontificiis. Et
quoniara Indictionera frequens usus est in diplomatibus et scri|)turis
publicis, facile annum Indictionis currentem quolibet anno proposito
inveniemus ex sequenti tabella, cujus usus perpétuas est; initium
tamen sumit ab anno correctionis 1582.
Tabella Indictionum ab anno correctionis 1582.
10. 11. 12. 13. U. 15. 1. 2. 3. 4. 5. 6. 7. 8. 9.
Nara si anno 1582. tribuas primuno nunrjerum, qui est 10, et sequenti
anno 1583 secundum numerum, qui est U, et sic deinceps usque
ad annum propositum, redeundo ad principium tabellae, quotiescun-
que eara percurreris, cadet annus propositus in Indiclionem, quae
quaeritur.
COlClIElVTilLRnJS.
INDICTIO.
84. Indictionis nomine tributi genus venit, quod extra
ordinem ac de novo solvendum imponitur agris seu posses-
sionibus. Onus illud fructuum fuisse ostendit Paullus in /.
Quœro 28. ff. de Usu et usufructu (xxxiii , 2.), in qua
fundo, cujus ususfructus per legatum datus erat, tempora-
rias indictiones indictas fuisse proponit.
Indictio etiam significat spatium 15 annorum in orbem
circumactorum, h. e. quindecira annorum in se revolutorum
iteratiouem, cujusmodi partitione tempora numerari com-
putarique Gonstantinus instituisse dicitur.
85. De nominis ratione non parva est difficultas, etsi ab
indictionibus seu functionibus tributariis manasse constans
fere sit opinio. Sed cur 15 annorum spatio indictiones fmiri
placuerit, quove temporeidprimumusurparicœperit, quum
516 COMMENTARIUS
multaa multorum conjecturas sint, nulla satis probabilis
afîertur, inquit Petaviusde Doctrina Temp. l. xi. c. hO. Quod
enim omnium, quse ad hanc diem excogitata sunt proba-
bile maxime judicatur, ex eo, quod Constantinus militaria
stipendia ad 15 annos redegerit, quae 16 antea taxata
fuerant, inde totidem annos in periodum esse conjectos,
id propterea minus est firmum, quod auctorem illum fuisse
contrahendi stipendii militaris et ad 15 annos revocandi,
neque veteribus ullis monumentis probatur, neque magnum
ex unius anni deductione compendium ad milites rediturum
fuisse videtur. Ita Petav., l. c.
Indictionum computationem a mense septembri inchoatam
constat ejusque rei locuples testis est S. Ambroshis, cujus
lib. de Noe et Arca c. 17, verba sunt liœc : Etsi a septembri
mense annus videafur incipere, sicut indictionum prœsentium
usus ostendit. Idem: Indictio, inquit Epist. 23. classis i, ,
mense septembri inclpit . {Edit. Mlgne, tom. 3. p. 1032.)
86. Triplicem indictionis usum observare est apud scri-
ptores: alia enim a Kal. septembris proficiscitur eaque
Constantinopolitana dicitur ; altéra ab viii. Rai. octobris,
quae Constantininna et Cœsarea ; tertia denique, quae Ponti-
ficia seu Romana a Kal. januarii consurgit. Indictione Con-
stantinopolitana imperatores Gonstantinopolitani et historias
Byzantines scriptores utebantur eamque etiamnum minores
quasdam civitates adhibent. Et hœc quidem indictio est,
quas memoratur in Actis Goncilii œcumen. viii. Gonstanti-
nopolitani, quando, V. g. , prma actio celebrata dicitur Indi-
ctione tertia, die 5. mensis octobris, feriaiv (1). Quumenim
aliunde notum sit, annum asras vulgaris currentem fuisse
869., Indictio Romana erat 2. Ast Gonstantinopolitana, quaî
a 1. septemb. incipiebat, rêvera tertia erat : inter utramque
enim debebat esse differentia unitatis mense octobris,
(1) Àpud Hard. tom. v. pag. 764.
DE COMPUTO ECCLESIASTICO. 517
Indictionis, quae ab viii. Kal. octobris proficiscitur^ ori-
ginem Constantino M. adscribunt chronographi : unde et
Constantiniana dicitur, quam ab hoc die cœptam ideo vo-
lunt, quod tum imperare cœperit anno Christi 307. Atque
hujus usum Gallis et Britannis familiarem fuisse constat.
In Germania perinde eadem semper obtinuit indictio, unde
et Cœsaream appellant.
Indictio Romana seu Pontificia quando cœperit, non
omnino constat. Nam ex Epistolis S. Gregorii M. , Joan-
nis VIII. et S. Gregorii yii. (lib i. epp. 19., 20...) Pon-
tificia diplomata ac epistolas indictionibus more Grœ-
corum a Kal. septembribus inchoatis subnotari observai'e
est, quod et alia acta vetera apud Baronium a. 1154. ad-
struunt; ex quibus colligunt chronographi, indictionum ex-
ordia varie pro scriptorum aut notariorum arbitrio tabulis
initio esse adscripta.
87. Si per istam 15 annorum periodum retrogrediamui
ad primum serae christianae annum, congruit ilie cura quarto
anno Indictionis Pontificiœ. Unde hanc habemus rationem in-
dictionis inveniendœ: cuivis annorum Christi numéro addan-
tur 3, dividaturque summa per 15 ; si praeter quotientem
nihil est reliqui, annus indictionis est 15. ; si reliquus sit
numerus, is annum indictionis indicabit. Sic anno 186/i. ■
addantur 3, erunt 1867; summa collecta dividatur per 15,
prodibunt ultra quotientem 12k adhuc 7, quœ proinde
désignant annum currentem 186/i. esse septimnm cijcli in-
ûictionis, Unde versus ;
Si tribus adjunctis Domini diviseris annos
Ter tibi per quinos : Indictio ceria patebit.
Leguntur praeterea hi in eamdem sententiam versus :
Si per quindenos Domini diviseris annos
His tribus adjunctis, Indictio certa patebit :
Si nifiil excedit, quindena Indictio currit.
518
COMMENTARIUS
DÎAGRAMMA INDICTIONIS SJ:C. XIX.
Anni saculi XIX.
Indictio.
1 3-
1800.
1815.
1830.
18Zi5.
1860.
1875.
1890.
1801.
1816,
1831.
18Zi6.
1861.
1876.
1891.
1 à- 1
1802.
1817.
1832.
18Zi7.
1862.
1877.
1892.
5.
1803.
1818.
1833.
I8/18.
1863.
1878.
1893.
6.
180Zi.
1819.
183Zi.
18Zi9.
I86/1.
1879.
189/i.
7.
1805.
1820.
1835.
1850.
1865.
1880.
1895.
8.
1806.
1821.
1836.
1851.
1866.
1881.
1896.
9.
1807.
1822.
1837.
1852.
1867.
1882.
1897.
10.
1808.
1823.
1838.
1853.
1868.
1883.
1898.
11.
1809.
182Zi.
1839.
1854.
1869.
188/i.
1899.
12.
1810.
1825.
18/iO.
1855.
1870.
1885.
1900.
13.
1811.
1826.
ISlil.
1856.
1871.
1886.
1901.
1/1.
1812.
1827.
18/12.
1857.
1872.
1887.
1902.
15.
1813.
1828.
18/i3.
1858.
1873.
1888.
1903.
1.
181/i.
1829.
ISàli.
1859.
187/1.
1889.
190/i.
2.
Prseter très illas annorum revolutiones, quas Proœmiura
Breviarii exhibet, plures alias excogitarunt computistse. Ex
iis duas tantum memorasse sufficiat, nïmirum périodes Vi-
ctorianam et Julianam.
Periodus Victoriana^ a Victorio Aquitano inventa anno /i57. ,
est 532 annorum, oriturque ex numéro annorum cycli iu-
naris et solaris inter se multiplicatis, namque 28x19 = 532,
Pètav. lib. IL cap. 67. de Docl. Temp.
Si periodus Victoriana multiplicetur per 15 siveper nu-
merum annorum cycli indictionis, summa ex hac multipli-
catione (28 x 19 x 15) effecta est 7980, quae ipsa est
periodus Juliana, Periodum Julianam ejusque fructum et
methodum accurate describit Petavius lib. vu. ce. 7. 8. <?/9.,
de Doc t. Temp.
DE COMPUTO EGCLESÏASTICO. 5l9
DE FESTIS MOBILIBUS.
CAPUT VITI.
Textus proœmii. Quoniam ex Decreto sacri Concilii Nicaeni Pascha,
ex quo reliqua fesla raobilia pendent, celebrari débet die dominico,
qui proxime succedit xiv. lunae primi mensis (is vero apud Hebraeos
■ vocatur priraus mensis, cujus xiv. luna vel cadit in diem verni
iEquinoctii, quod die 21. mensis martii contingit, vel propius
jpsum sequilur), efficitur, ut si epacta cujusvis anni inveniatur et
ab ea in Kalendario notata inter diem octavum marlii inclusive et
quintum aprilis inclusive (hujus enim epactaexiv. luna cadit vel in
diem iEquinoctii verni, id est, in diem 21. martii, veleura propius
sequilur) numerentur inclusive deorsum versus dies quatuordecim,
proximus dies dominicus, diem hune xiv. sequens (ne cum Judaeis
conveniamus, si forte dies xiv. lunae caderet in diem dominicum)
sit dies Paschae.
ExEMPLUM. Anno 1605, epacta est 10. etlitera dominicalis b. Et quo-
niam invenimus epactam 10. inter diem 8. marlii et 5. aprilis
inclusive positam esse e regione diei 21 . martii, a quo inclusive si
deorsum versus numerentur 14 dies, inveniemus xiv. lunam die 3.
aprilis, quas est dominica, quum e regione sit lilera dominicalis b.
Ne igilur cum Judaeis conveniamus, qui Pascha célébrant die xiv.
lunae, sumenda est litera dominicalis b., quae sequitur xiv. lunam;
nempe ea, quae e regione diei 10. aprilis collocatur, atque eo anno
Pascha celebrandum erit die 10. aprilis. Item anno 1604. epacta est
29. et duplex litera dominicalis d c, quum annus ille sit bissextilis.
Si igilur ab epacta 29, quae e regione diei 1. aprilis ponitur, inter
diem 8. martii et 5. aprilis inclusive, numerentur dies 14, cadetxiv.
luna in diem 14. aprilis. Et quia tune currit posterior litera domi-
nicalis, nempe c, quae post diem 14. aprilis, id est, post xiv. lunam
coUocata est e regione 18. aprilis, celebrabitur eo anno Pascha 18.
aprilis.
Gaeterum ut facUius omnia fesla mobilia inveniantur, compositae sunt
duae sequentes tabulai Paschales, una antiqua, et nova altéra. Ex
antiqua ila fesla mobilia reperienlur. In latere sinistre tabulae acci-
520 COMMENTARIUS
piatur epacta currens, et in linea lilerarum dominicaliiim siimatur
litera dominicaiis currens, infra tamen epactam currentem ; ita ut si
litera dominicaiis currens reperiatur e regione epactae currentis,
assumenda sit eadera litera dominicaiis proximeinferior. Nam e re-
gione hujus literag dominicaiis omnia festa mobilia continentur.
ExEMPLUM. Anno 1606. epacta est 2i. et litera dominicaiis A. Si igi-
tur in tabula antiqua sumalur litera dominicaiis A quae primo infra
epactam 21. occurrit, reperiatur e regione hujus literae dominica
Septuagesimae die 22. januarii, dies Cinerum 8. februarii, Pascha 26.
martii, Ascensio Domini 4. maii, Pentecostes d-4. maii, et festum
Corporis Christi 25. raaii.Dorainicieauterainter Pentecosten et Ad-
ventum eo anno erunt28, et Adventus celebrabitur die 3. decembris.
Et sic de caeteris. Item anno 1605. epacta est 10. et litera domini-
caiis b, quae in tabula reperietur e regione epactae 10. Quare sumenda
est alla litera b, quae proxime infra epactam invenitur, e regione
cujus invenies Septuagesimam die 6, februarii, diera Cinerum 23.
februarii, Pascha 10. aprilis, etc.
Notandum autem est, quod, quemadmodum in anno communi cadente
litera dominicali e regione epactae in tabula antiqua, sumilur eadem
litera proxima infra epactam, ut diximus ; ita quoque in anno bis-
sextili, si alterutra duarura literarum dominicalium tune currentium
e regione epactœ reperiatur, assumendae sunt aliae duae similes
literae proxime inferiores, ut festa mobilia inveniantur.
Ex tabula vero fiascliali nova ita eadem festa mobilia repirientur. In
cellula literae dominicaiis currentis quaeratur epacta currens. Nam e
direclo omnia festa mobilia deprehendentur. Ut anno 1609. in cel-
lula literae dominicaiis d, tune currentis, e regione epactae 24, quae
eodem anno currit, habetur Septuagesiraad5. februarii, dies Cine-
rum 4. martii, Pascha 19. aprilis, etc.
Sed sive antiqua, sive nova tabula Paschali utamur, invenienda sunt
omnia festa mobilia in annis bissextilibus per literara dominicalera
posteriorem, quae nimirum currit post festum sancti Mathise apostoli,
ne scilicet ambigamus, utra duarum literarum pro hoc aut illo festo
indagando accipienda sit : ita tamen, ut Septuagesimae et diei Cine-
rum inventas in januario aut februario addatur unus dies. Quod ideo
fit, quia ante diem sancti Mathiae currit prior htera dominicaiis, quae
in kalendario posteriorem semper sequitur; post festum autem sancti
DE COMPUTO ECCLESIASTICO. 5^1
Mathiae in februario, licet posterior litera currat, additur tamen tune
dies intercalaris, ita ut dies 24. februaiii dicatur25. et 25. dicatur
26 , etc. Quod si dies Cinerum cadat in martium, nihil addendum
est, quia lune et litera posterior currit et dies raensis propriis nu-
meris respondet, quum dies intercalaris februario sit addilus. Imo
nisi per posleriorem literam investigarenlur, non invenirelur recle
Septuagesima in anno bissexlili currente epacta 24 vel 25 et litera
dominicali d c, ut in secundo ac tertio exemplo perspicuum fiet pro
annis 4088. et 5784. Exempli gratia : anno 2096 bissextili, epacla
erit 3 et llterte dominicales A g. Si igitur per posteriorem literam,
quae est g festa mobilia investigentur, reperietur Septuagesima die
11. februarii et dios Cinerum 28. februarii. Si autem addalur unus
dies, cadet Septuagesima indiem 12. februarii, quai est dominica, et
dies Cinerum in 29. februarii, quae est ferla quai ta. Puscha autem et
reliqua festa in eos dies cadent, qui in tabula espressi sunl. Item,
anno 4088. bissextili epacta erit 24 et literae dominicales d c. Si
igitur per literam c, quae posterior est, inquirantur festa mobilia,
invenielur Septuagesima die 21. februarii, et si addatur unus dies,
eadet in diem 22. februarii, quae est dominica. Dies autem Cinerum
cadet in diem 10. martii : quare nihil additur, etc. Rursus anno
378 i. bissexlili, epacta erit 25 et literae dominicales d c. Ergo
iterum per posteriorem c reperietur Septuagesima die 21. februarii,
hoc est, addilo l die 22. Quod si per priorem literam d in utroque
horura duorum annorum agendum esset, nihil efficerelur, quum infra
epaclas 24 et 23 hlera d indicet Septuagesimam die 15. februarii,
quod falsum esset, quum eo aiino posterior htera c Pascha offerat die
23. aprilis, ac proinde Septuagesima die 22. februarii ceiebranda sit,
ut liquide constat, si, a die Paschae, dominicae rétro numereniur
usque ad Septuagesimam.
In priori porro tabula Pasehali antiqua reformata epactis ad sinistram
praeposuimus aureos numéros eodem ordine,quo ante emendationem
kalendarii coUocari solebant, ut ex iis festa mobilia invenirentur.
Hoc autem idcirco a nobis factura est, ut Pascha caeteraque festa
mobiUa, a Concilio Nicaeno usque ad annura 1582. quilibet indagare
possit. Eodem autem prorsus artificio ex aureis numeris ita distri-
butis festa raobiUa eruuntur, quo ex epactis. Sit enim explorandum,
exempli causa, quando festa haec celebrata fuerint anno 1450.
Revue des sciences ecclép., t. ix. — jam 1864. . 34
522 COMMENT ARI us
Quoniana eo anno aureus numerus fuit 7 et litera dominicalis d, si
aureus numerus 7 in sinistro latere accipiatur et prima litera d infra
eum occurrens, reperielur e regione hujus literae d Septuagesima
die 1. februarii.diesCinerumdS.februarii, Paschadie5. aprilis.etc.
Advenlus Doniini celebratur semper die dominico qui propinquior est
festo sancti Andrese apostoli, nempe a die 27. novembris inclusive
usque ad diem 3. decembris inclusive : ila ut litera dominicalis cur-
rens, quae reperitur inKalendaiioa die 27. novembris usque ad diem
îJ. decembris indicet Dorainicam Adventus. Ut, verbigratia, si litera
dominicalis est g. dominica Adventus cadet in diem 2. decembris,
quia ibi est litera g in Kalendario etc.
C OMMEIVTARIUS.
DECRETUM CONCILII NIC^NI.
88. Quamvis decretum de Paschnte celebrando inter 20,
canones Mcœnos non reperiatur, constat tamen ex indubiis
antiquitatis monumentis, definituni a concilie juxta eccle-
siasticam traditionem fuisse, ut Pascha Resurrectionis Graeci
ac Latini eadem die celebrarent, deinde ut ad Judaeorumdif-
ferentiam ea dies esset dominica XIV. lunœ martii mensis
proxime sequens; tertio ut circuli decemnovennalis usus
admitteretur.
S. Athanashis in Epistola ad Afros episcopos data anno
circiter 369, docet, Paschœ solemnitatem in causa fuisse,
cur Nicaena synodus celebrata sit. Ea enim, inquit, ob Aria-
nam hœresim et ob paschœ solemnitatem convocata fuit; quia
Syrt, Cilices et qui in Mesopotamia degunt, a nobis dissentie-
bant, et eodem qiio Jiidœi tempore Pascha celebrabant. Sed
gratia Domini quod cum de fide, tnm de sancta illa solemnitate
omnium una tnens fuerit. Et hœc quidem Nicœnœ Synodi causa,
(Edit. M igné tom. 2. pag. 1031.) De causis Goncilii disse-
rens Eusebius libro mox citajido cum Athanasio plane con-
sonat.
DE COMPUTO ECCLESEASTICO. 523
Eamdem concordem Synodi sententiam de fide et de Pascha
Nicaeœ lataui ac singulorum episcoporum subscriptionibus
firmatam Irsidit Emebius mVita Constantini lib. m. cap. Ih.,
ubi ait : Adeo ut non modo imius fidei consonantia opud omnes
obtineret, verum etiam umnn idemque tempus in salutaris fesii
eeiebratione ab omnibus firmaretur. Porro ea guœ m communi
placuerant, scriptis mandata et singulorum subscriptione robo-
rata sunt. (Edit. Migne. Pntrol. Grœc. tom. 20. h. e. Op.
Eusebii tom. 2. pag. 1070.}
Quod idem decretum cum omnibus Ecclesiis communicat
Constantinus in epistola, quas eas de rebits Nicœœ gestis cer-
tiores facit, et quam refert Eusebius lib. cit. ce. 17 — 20.
Sic enim Constantinus scribit : Ubi quum de sanctissimo Pns-
chœ die quœsitum fuisset, communi omnium sententia decretum
est, enm festivitatem uno eodemqve die ab omnibus vbiqiie ce-
lebrari oportere... Visa est omnibus res esse prorsus indigna^
ut in sanctissimœ hujus solemnitalis eeiebratione consuetudinem
Judœorum sequeremur... Qui rejecta possianus rectiori ordine,
quem a primo passionis die ad hœc usque tempora servavimus,
ad futura etiam sœcula hujus observantiœ ritum propagare.
Nihil ergonobis commune sit cum inimicissima Judœorum turba.
Aliam enim viam a Salvatore accepimus Atque ut sum-
matim ac breviter dicam, placuit communi omnium judicio, ut
sanctissimœ Paschœ festivitas uno eodemque die celebraretvr .
Neque enim decet in tanta sanctitate aliquam esse dissonantiam
prœstatqueeam sequi sententiam, inqua nulla est alieni erroris
scelerisque societas atque communio. [Edit. cit. pag. 107 bseqq.)
S. Ambrosius epistolam ad episcopos per ^Emiliam con-
stitutos sic orditur: JSon mediocris esse sapientiœ diem celebri-
tatis definire Paschaiis et scriptura divina nos instruit et tra-
ditio majorum : qui convetiientes ad sijnodum Nicœnam inter
illa fidei (1) ut vera, ita admiranda décréta etiam super celé-
(!) Per se qnidein ad fidem non pertuifll, utruni Pascha colebrctur
52 1\ COMMENTARTUS
britate memorata, congregatis peritissimis calculandi, decem
et novem annonim coUegere rationem et quasi quemdam cons-
titnerecirculum, ex quo exemplum in annos reliquos gigneretur.
Hune circulum Enneadecaterida nuncuparunt. ^^Edit. Migne
tom, 3. epist. 23. classis i. 2)ag. 1026.)
S. CyriUus Alexandrinus in Prologo Paschali anno 437.
edito ita tradit § 2 : Quum his igiiur atque hujusmodi dissen-
sionibus per universum mundum Paschalis régula perturbare-
tur, sonctorum totius orbis stjnodi consensione decretum est,
ut, quoniam apud Alexandriam talis esset reperta Ecclesia,
quœ hujus scientiœ perfectione clareret, quota kalendarum vel
iduum et quota luna Pascha rite debeat celebrari, per singulos
annos Romance Ecclesiœ intimaret (1;; unde Apostolica aucto-
ritate universalis Ecclesia per totum orbem définition Paschœ
diem sine ulla disceptatione cognosceret. Quod quum per multa
sœcula paritercustodissenl, etc. (Ed. Migne tom. 10. Episi.SJ,
sive Prologus, p. 38/i.)
Idem confirmât S. Léo M. , qui in epistola ad Marcianum
Augustum data 15. jun. a. ^53 : Paschale festim, inquit,
quamvis in primo semper mense celebrandum sit, ita tamen est
lunaris cursus conditione mutabile, ut plerumque sacratissimœ
diei ambigua occurrat electio, et ex hoc fiât plerumque^ quod
non licet^ ut non simul omnis Ecclesia quod nonnisi unum esse
oportety observet. Studuerunt itaque sancti Patres occasionem
ipsa luna 14. an dominica sequenti. Potuisset Ecclesia, si ita visutn
fuisset, sancire vel permittere, ut Pascha celebraretur eo die ; ast
ratione connexionis ad fidem pertinere potest ac rêvera pertinet, si v. g.
Pascha celebretur luna 14, quia putatur ex prœcepto divino ila cele-
brandum esse, vel legem Mosaicam etiamnum obligare. Atque ita con-
ciliari facile possunt diverses Patrum sententiae, si duplex sensus, quo
aliquid ad fidem spectare dicitur, oporlune distinguatur.
(1) De ÉopTaffTixaîi; sive Paschalihus hisce literis^ quas Eusebius eliam
commémorât in Histor. Ecoles, lib. vu. c. 15. conferantur Prolegomena
prœfixa edilioni graico-latinac Homiliarum Paschalium S. CyrilU Alexari'
drini apud Migne, tom. 10. png. 391.
DE COMPUTO ECGLESIASTICO. 325
hvjus erroris auferre, omneyn hanc curam Alexandrino Episcopo
delegantes [quoniam apud jEgyptios Jmjus supputationis anti-
quilua tradita esse videbatur peritia), per quem quotannis dies
prœdictœ solemnitatis Sedi Apostolicœ indicaretur, cujus scrip-
Us (1) ad longinquiores Ecclesias indiciwn générale percurreret.
{Edit. Migne. tom. 1. Epist. 121. pag. 1055.)
Sed nemo auctoritatem synodi Nicaenœ pro usu Enneade-
caeteridos gravius ac saepius urget, quam Diomjsius Exi-
guus, qui in epistola sua prima, a. 525. scripta, Latinis
usurn cycli 19. annoium ex eo maxime persuadere conatur,
quod is ex veneranda synodi Nicœnœ constituiione esse nosca-
tur. [Edit, Migne, pag. 19.)
Licet autem concilium Nicsenum curam supputandi Pas-
chatis Alexandrino prsesuli commiserit, quia tamen plura
ad circuli decemnovennalis usum necessaria non satis
explicata, neque termini paschales accurate defmita fuerunt,
postea multœ gravesque difiicultates exortae sunt circa diem
Paschae inter Latinos et Alexandrinos, quas post Paulum
Forosemproniensem de recta Pnschœ celebratione lib. iv.
recenset Zallinger Juris Eccl. Publ. et Priv. lib. ii. Svbsid. in
Apendic. histor. c. 6. Aliquot item exemplis Latinorum
Alexandrinorumque Paschale dissidium illustrât Petavius de
Doctrina Temp. lib. II. c. 65.
89. Ad œquinoctiiim vernvm quodspectat, quum cglebratio
Paschatis maxime ex eo pendeat, prout sequenti numéro
declarabimus, Patres Nicaeni illud omni studio c^rtis diei
(1) Et istae quidem sunt Epistolœ Paschales, quae in Concilio Arela-
tensi I. relato in can. de Observation? Paschœ. 26. distinct. 3, de Con
secrat. juxta consuetudinem ad omnes dirigi dlcuntur. Toletanum Conci-
lium IV. et Bracliarense ii. relat. in can. Placuit. 25. dist. cit. mandant,
ut quotannis Paschatis dies, quem tamen Ponlifex Romanus praescripse-
rat (Innocent. PP. I. ad Aurelium Carthaginen. ep. 10.) a Metropolitano
cœleris denuntietur episcopis et diaconis : Quod illi breviculo subnotan-
tes, ut aiunt Patres Bracharenses, 1. c, vicissim populis, singuii in suis
ecclesiis, die Natalis Domini post evangelicam lectionem annuntient.
Atquo bue etiam referuûlur ce. Paschœ. 23. et Placuit. 24. eodem,
526 COMMENTARIUS
ac loco affîgere sategerunt. iEquinoctio ergo duodecimum
kalendas apriles seu martii 21. assignaverunt. Quod optinia
ratione, inquit Lalamantius. de Anno, eos fecisse judicabis,
si perpenderis quarto quoque anno minuta hà. plus quam
qjortetin anno juliano intercalari, quuni scilicet dies integer
seu horae 2/i. plenas anno Bissextili inseruntur. Et quaui-
quam àh. mlnata quarto quoque annosuperabundantiaparvi
momenti esse videantur, tanti tamen sunt, ut centesimo
tricesimo primo quoque anno ^Equinoctiura in antece-
dentia rejiciant unius diei intervallo. Quumi ergo Nicœna
synodus animadvertisset, Julii Cœsaris tempore /Equino-
ctium vernum in diem25. martii ineidisse, ab illo vero tem-
pore ad sua usque annos trecentos et ampiiuseffluxisse, atque
adeo œquinoctium vernum per très fere dies retrocessisse
in antecedentia, et a 25. martii in 22. ejusdem retrolapsum :
illa et praeterito jam tempori et parti etiam aliquotœ futuri
prospicere studens^ vero sequinoctio diem martii 21. assi-
gnavit.
Quod etiam S. Ambrosi u s conùrmat in epistolajam citata,
ubi postquam n. 10. docuit, majores nostros in tracialu con-
cilii Nicœni propterea s.tatuisse ut circulus decemnovennalis -
a primo mense seu a mense novorum inciperet atque in eum
desineret, quia in eodem primum Pascha olim a Judaeis ce-
lebratum est, haec subdit : Incipit aulem (primus) mensis non
secundiim vulgarem usum, sed secundum consuetudinem peri-
torum ab Mquinoctio, qui dies est duodecimo kalendas apriiis
et finitur inidecimo kalendas maii.
Notandum vero, œquinoctium — licet diei 21. martii
aflixum — sibi tamen duos exposccre dies. Supponamus
enim œquinoctium juxta datum meridianum anno bissextili
incidere 21. martii ipso tempore meridiei ; anno sequenti
eveniet 6 circiter horis serius, h. e. 21. martii circa solis
occasum, quia in aequinoctio soloccidit 6 horis post médium
diem ; anno secundo post bissextilem eequinoctium eveniet
DE COMPUTO EGCLESIASTICO. 527
média nocte sequenti ; et tertio anno incidet in 22. martii
circasextam horam matutinam : ac deuium quarto aiino, sive
anno bissextili, redibit ad 21. martii tempore meridiano i
itaque in perpetuo Ghristianoruai Ralendario sequinoctium
diei 2J. martii intelligitur affîxutn.
TERMINUS PASCHALIS.
90. Tria sunt prœcipue, inqult S. Epiphanius adv, hœr. lib.
III. hœr. 70. n. 1 1 . , quibus Paschatis celebritas aUigatur
quœque proinde velut essentialiter ad illam pertinent. Haec
tria autem /«6. //. hœr. 50. n. 3, aperte ac distincte docet
esse quartaiït decimam lunam (irEffcrapeçxaioexar/) t/]; aeXy^vï];) ,
œquinoclium (tar'aYjpi'a) et diein Dominicum (xupiax-^), singulo-
ruai rationem insuper ita declarans : Ecclesia catholica quœ
ad id ïmjslerium celebrandum necessaria sunt undique contra-
hens et in unum conferens veritatem retinet. Nam non solum
quartam decimam diem observât... ; sed prœter hanc lunœ
XIV, diem etiam cursum solis adhibet, ne duplex in eum-
dum annum Pascha ita committatur, ut altéra anno ne unum
quidem habeatur. Quocirca XIV. illam diem sic tenemus, ut
œquinoctium prœtergrediamur ; ac demum in sanctam Domi-
nicam religiosissimi temporis finem conjicimus. {Edit. Migne
op. iom. 1 . pag. 887. )
Quae eadem, aliis licet verbis, A.mbrosius tradit in Epis^
tola ad episcopos Mmiliœ jam citata. In ea enini tanquam
notum concessumque assumons, Resurrectionis celebritatem
die Dominica celebrari debere (n. 9.), caetera, quœ ad Pascha
rite celebrandum necessaria sunt^ explicat his verbis ; Duo sunt
observanda in solemnitate Paschœ, quarta décima lima et pri'
7nus mensis, qui dicitur novorum, quique juxta ejusdem S.
Doctoris verba superius adducta secundum consuetudinem pe-
ritorum ab /Equinoctio seu XII. kal. aprilis incipit.
Tria igitur requiruntur ad rectam Paschatis celebritatem,
528 COMMENTARIUS
nimirum ut post quartam deciniam lunam peragatur, ut
Dominico die, ut denique proxime post .-Equinoctium ver-
num sive primo mense, qui novoram dicitur.
91. Atqui tria hœccognosci facile possunt ex Kalendario
Gregoriano. Ergo dies Paschatis atque inde reliqua etiain
mobilia festa ex Kalendario deprehenduntur.
Et ad Mquinoctium vermim quod spectat, illud Gregorius
PP. XIII. in eamdem, quam Nicaense synodi tempore tene-
bat, sedem revocavit, ac diei 21. martii ita affixit, ut ab eo
non amplius sit retrolapsurum versus initium raensis.
Diem dominicum deinde ex litera habemus, quam eo anno
Dominicalem esse cyclus solaris commonstrat.
Lunœquarfœdecimœnotïûdiva. denique ex epacta currente
deduci manifestum est. Quum enim novus cyclus Epacta-
rum ab Aloysio Lilio conscriptus ad certam aurei numeri
formam directus sit (sup. n, 62.), epacta, ex diagrammate
superius n. 76. proposito inventa, indicabit in Kalendario
singulos anni dies, quibus novilunia atque inde plenilunia
contingent. Exemplo sit annus 1863. Ex canone epacta-
rum n. 76. invenimus numerum epactalem esse 11. Ubi-
cunque igitur Epactalis hic numerus 11 in Kalendario oc-
currit, ibi lunationum hujus anni designatur initium. nimi-
rum 20, januarii ; 18. februarii ; 20. martii ; 18. aprilis ; 18.
maii etc. Is vero primus mensis seu mensis novurum vocatur
ciijus luna XIV. vel cadit in diem verni œquinoctii, vel propius
ipsum sequitur, ut habet Proœmium nostrum, quique proinde
semper initiumsumet inter diem 8. martii et 5. aprilis utrin-
que inclusive. Ab illo igitur die primus mensis lunaris hoc
anno incipiet, cui intra spatium dictorum dierum (8. mart.
et 5, april.) numerus epactalis 11 adscriptus est. Eum
autem adscriptum invenimus diei 20, mensis martii. Ab hoc
ergo, utpote a primo mensis primi lunaris, numera dies
quatuordecim, scilicet usque ad diem 2 aprilis, et ipso hoc
2. die aprilis habebis lunam xiv primi mensis lunaris seu
DE COMPUTO ECCLESIASTICO. 529
kinam Paschalem et Pascha Hebrœorum. Sequens dominica,
quain litera dominicalis d quintam aprilis esse docet, dies
Paschalis erit. Si vero dies ipse xiv lunas in diem Domini-
cum cadit, proximus dies Dominicus erit Paschalis, ne eum
Judaeis conveniamus ut ait Proœmium citât.
Terminum Paschalem hisce versibus quoque inveniri
posse tradit Durand. Rat. lih VIII. c. 12.
Post Nonas Martis ubi fit luna nova require,
Terlia lux Domini proxima Pascha tenet.
In controversiis computisticis de Paschate quœri et illud
solet, an Pascha celebrari possit in plenilunio, si in diem Do-
minicum incidat ?
92. Hiiic qusesito ut breviter satisfaciamus, notemus
oportet, confundendam non esse lunam xiv. cuin plenilunio
sive oppositione. Quamvis enim scriptores sint, qui juxta
vulgarem usum loquendi duo hsec non satisdistinxerint, sed
latiori quodam sensu pro iisdem habuerint, ut v. g. Anatolius,
qui apud Euseb. Hist. Eccles. lib. viî. c. 32. ita loquitur : In
celebranda paschali festivitate (Judaeorum) necessario id re-
quiritur, ut non modo sol sed et luna segmentum œquinoctiale
percurrai. ISam quum duo sint segmenta œquinoctialia, aller um
vernum, alterum autumnale, eaque ex diameiro sibi vicissim
opposita : quumque quarta décima die$ mensis ad vesperum pas»
chali festo assignata sit, luna quidem ex adverso soli consistet^
quemadmodum videre est in pleniluniis [Edit, Migne tom. 2,
pag. 730.) ; quamvis, inquam, aliqui scriptores lunam xiv.
ab oppositione non distinxerint, ea tamen confundi non
posse manisfestum est, ex lis quae supra (n. 52.) de forma
mensis lunaris ex Petavio scripsimus.
Et re quidem vera plenilunium sive oppositio sumitur vel
astronomice, vel juxta cyclos in Kalendariis receptos ; sed in
utroque casu luna xiv. distinguitur a plenilunio.
Et ad plenilunium astronomicum quod spectat, quum
530 , COMMENTARIUS
lunatio média sit 29 dierum, 12 horarum et Mi minut,
manifestum est, plenilunium nunquam in lunam xiv. , sed
in XV. incidere.
Ad computum cyclorum quod pertinet, lunationes plenœ
cavaeque altérais dispositœ in ils sunt, h. e. alternatim sunt
30 et 29 dierum. Unde iterum plenilunium non in xiv. sed
in XV. incidit.
Quibus ita praestitutis dicimus, Pascha celebrari in ple-
nilunio posse, si in diem Dominicum incidat. Etenim sacris
canonibus tantum cautum est, ne Pascha celebretur luna xi v.
Atqui plenilunium non est luna xiv.; ergo celebrari potest,
immo et débet in plenilunio si in diem Dominicum incidat.
93. Usum cyclorum Paschalium quod spectat, animad-
vertas, vulgo censere eruditos, Hippolytum episcopum
primum omnium in Ecclesia fuisse, qui cyclos adhibuerit pro
computando Paschate. Hippohjtus, inquit S. Uieronijmus de
viris illustribus c, 61., cujusdam Ecclesiœ episcopus, nomen
quippe scire non potui, rationem Paschœ temporumqne cunones
scripsit usque ad primum annum Alexandri imperatoris, et se-
decim annonim circulum, quern Grœci éxj^atotxasTriptoa vocant,
reperit, et Eusebio, qui super eodem Pascha canonem, decem
et novem annorum circulum, id e.s^'ewsaSexasTYiptôa, composiiit,
occasionem dédit. [Patrolog. latin. Edit. Migne, tom. 23.
;;. 671. op. S. Hieron. tom. 2., ubi etiam vid. commentar.
in difficiliores hujus loci sententias.)
■ Praecipuus error canonis Hippolyti in eo est, quod neo-
menias post 16 annos ad eosdem dies recurrere putentur.
Caeteros ejusdem defectus vide déclarâtes a Pet av. lib. ii.
cap. 61. de Doctr. Temp.
S. Cyrillus Alexundrinus in Prologo Paschali meminit cy-
cli Sh annorum, quem tamen mendis non carere recte cen-
set. Ipse vero cyclum Theophili breviavit et ad 95 annos
redegit. {Migne, Patrol. Grœc. tom.ll. pag. 386). Novushic
cyclu§ Alexandi'iuus illustratur a Petav., L c, c. 77.
DE COMPUTO ECCLESIASTICO. 531
S. Dionysius Alexandrinm quoque canonem paschalem
texuit, dequo Euseb. lib. vu c. 20. Hist. Eccl. hœc scribit :
Prœler supradictas epistolas idem Dionysius Pasc/iales illas
quas habemus epistolas tune iemporis conscripsif. encomia in
illis et panegyricos sermones de Paschali festo contexens. Harum
unam Flavio nuncupuvit ; alteram Domitio et Didymo. In qua
probans, festum Paschœ diem nonnisi post œquinoctium vernum
celebrari oportere, octo annorum canonem publicavit, xavo'va
IxTÎOExaioiCTae-rrjpiooi;. [Migne, Palrol. Grœc. tom.20.pag. 682.)
Anatolium etiam de Paschate scripsisse, ex S. Hieronymo
habemus. Anatolius Alexandrinus, inquit, Laodiceœ Syriœ
episcopus, sub Probo et Caro imperatoribus floruit. Mirœ doc-
trinœ vii' fuit in arithmetica^ geometrica, asfronomia, grttm-
matica, rhetorica, dialectica. Cujus ingenii magmtudinem de
volumine, quod super Pascha coniposuit et decetn libris de ari-
thmeticœ institutionibus intelligere possutnus. [De Viris illust.
c. 73.) Adhibitum vero ab Anatolio fuisse cyclum decem-
novennalem ex Euseb. H. E. lib. v. notât Petav. /. vi. cap. 1.
RELIQUA FESTA MOBILIA.
94. De ratione f estoruin mobilium per amium praeter Du-
rand. Hational. lib. vi. Beleth. Rational. c. 56 seqq. aliosque
tuai veterestum recentiores rerum liturgicarumtractatores,
legi possunt plures epistolœ Alcuini et Caroli Magni de festis
mobilibus scriptae : utputa Alcuini epistola 80. ad impera-
torem de Ratione SeptuagesimcBy Sexagesimœ et Quinquagesii/iœ,
quam Jif.^ne exhibet Op. Alcuini tom. 1. pag. 259.; itemCa-
ro/«;il!/a(7«î responsoriaad Alcuiiium(«/:»w^. 81. Le. pag. 263),
ac demum epistola sequenti numéro (/. c pag. 266.) posita,
per quam Alcuinus ad prascedentem epistolam Caroli res-
pondet; collatis etiam iis, quœ anonymus quidam de eadem
quœstione scribit in epistola de Septuagesimo, Sexagesiuio
et Quinquagesimo, quae habetur iu editioiie Migns Op.
Alcuini iorn. 2, pag, 1320,
532 COMMENTARIUS
Ex adductis aliisque ejus generis opusculis pro commen-
tarii nostri instituto haec animadvertisse sufiiciat, ut festa
mobilia ad sua quaeque tempora singulis annis referantur.
Anteomniahabenda est ratio Paschatis , ea? quo^ ut Proœmium
ait, reliqua festa mobilia pendent (1). Ante Pascha numeratur
per sex hebdomades tempus quadragesimale cujus dies
Dominici vocantur Palmaruin, Judica, Lœtare, Oculi, Remi-
niscere, Invocavit [Durand. Rat. l. c. c. 38 seqq. et Beleth.
Rat. c 77.); ascendendo adhuc per hebdomadem perve-
nimus ad Dominicam Quinquagesimœ et feriam iv. ejus heb-
domadis diem Cinerum [Durand, l. c. 11 . c. seq.). Hebdoma-
dam Quinquagesiinae praecedit Dominica Sexagesimœ [id.
c. 26), hanc vero Dominica Septuagesimœ [id. c. 25 ). Dies
octava Paschae nomen sortitur Dominicœ inAlbis {id. c. 97.),
post quam numerantur quinque hebdomades, in quarum
ultima occurrunt dies Rogationutn [id. c. 102.) et feria v.
{QBi\imAscensionisDomini[id. c.lO/i.). Sextam hebdomadam
excipit Dominica Pentecosies {id. c. 107.), octavo post die
festum 5i\ Trinitatis [id. c. lik.) et feria v. proxime se-
quenti festum Corporis Christi (2) . A Dominica Pentecostes
numeris distinguuntur Dominicae usque ad Adventum Domini
{id. c. 115. seqq.); Adventus autem — verba sunt Proœmii —
celebratur semperdie Dominica, qui propinquior est festo sancti
Andreœ Apostoli, nempe a die 27. novembris inclusive usque
ad diem 3. decembris inclusive, ita ut litera dominicalis cur-
rcns, quœ reperitur a die 27. novembris usque ad diem 3. de-
cembris, indicet Dominicam (primam) Adventus, quod hoc
anno 186/i. ad diem 27. novembris contingit. De celebratione
quatuor temporuin, quœ plerumque ad festa mobiUa refertur,
disseruimus supra cap. m. n. 68.
(1) Pascha Christianorum omnium solemnium caput ac [J.viTpoTToXii;
quœdam featofum semper est habitum, teste Peiavio de Doctrin. Temp. lib.
VII. c. 6.
(2) De boc festo habetur Clément, si Dominum. un. de reliquiis et vé-
nérât, sanctorum.
DE COMPUTO ECCLESIASTICO. 533
25 Si in tabulis paschalibus Breviarii quaerantur fe&ta mo-
bilia in Annis bissextilibus, invenienda siint, ait Proœmium,
2)er literam dominicalem posteriorem : ita tamen ut Septiiage-
simœ et diei Cinerum inventœ in jamiario ant februario adda-
tur unus dies. Quod si dies cadat in marlium, nihil addendum
est.
Quamvis igitur in annis bissextilibus festa mobilia, quse
ante 25 februarii occurrunt (forte Septuagesima et dies ci-
nerum) in Kalendario inveniantur per literam dominicalem
priorem sup. n. 79.), in tabulis Paschalibus tamen quae-
renda sunt per literam posteriorem, et ita quidem, ut Sep-
tuagesimœ et diei Cinerum inventœ in januario aut februa-
rio addatur unus dies. Sic annus 186/i., qui nunc excurrit,
bissextilis est habetque literas dominicales c b. Si Septua-
gesimam et diera Cinerum investiges in Kalendario, prior
litera dominicalis c designabit Dominicam Septuagesimae
2A. januarii, etferiaiv. occurrens 10. februarii prodet diem
Cinerum ; dies Paschatis autem cadet in 27. martii, cui tri-
buta est litera b. Si eadem festa contra investigare velis in
tabulis paschalibus Proœmioadjectis, quaerenda omnia erunt
per literam dominicalem posteriorem b. In iis autem repe-
ries e regionœ literas b diem 23. januarii pro Dominica
Septuagesimœ et 9. februarii pro feria iv. Cinerum. Adden-
dusergo utrinque dies, et computandus dies 2/i. januarii pro
Dominica Septuagesimœ et dies 10. februarii pro die Cine-
rum.
N. N., Sacrorum canonum Prof.
DU DROIT COUTUMIER DANS L'EGLISE.
Deuxième erticle.
III.
1. Dans le précédent article, après avoir indiqué les
causes éloignées de la <!outume, nous nous sommes atta-
ché a déterminer le concept primordial du droit -. cette no-
tion, ainsi que nous l'avons dit, doit nous servir comme de
critérium général pour distinguer la coutume de fait, ou
les simples usages plus ou moins invétérés, de la coutume
légitime ou du droit coutumier proprement dit.
Le droit, d'après son concept le plus élevé, le plus ab-
strait, le plus spirituel, consiste donc dans l'ordre régulier
des opérations libres vers une fin assignée ; quand il s'agit
du droit social, dans lequel rentre la coutume, cette fin
obligatoire n'est autre chose que le bien commun, dont
l'acquisition ne peut avoir lieu pleinement sans le concours
des forces collectives qui constituent la société -, et il résulte
de là que la nature et l'importance de ce bien sont le prin-
cipe qui détermine la nature particulière et l'iraportance
du droit lui-même, public ou privé.
Le droit, en effet, est ici le moyeu régulier de parvenir,
dans la plus large mesure possible, à la possession de ce bien
commun ^ or, les moyens, en tant que moyens, sont indiffé-
rents, et n'acquièrent un degré de moralité et d'utilité que
DU DROIT COUTUMIER DANS l'ÉGLISE. 535
par l'influence de la fin. De même donc que les rapports
essentiels des sociétés sont fondés sur la fin, premier })rin-
cipe d'association, ainsi les lois diverses qui régissent des
.sociétés différentes, sont évidemment entre elles dans le
même ordre de dépendance mutuelle que les biens qu'elles
tendent à procurer. ,
Mais nous n'avons pas a nous occuper ici des rapports du
droit canonique au droit civil, ni des différentes divisions
du droit; il s'agit exclusivement du droit positif humain,
dans la société religieuse, et même du seul droit privé -, car,
bien que la coutume puisse modifier le droit public ou con-
stitutionnel des sociétés politiques, il est certain qu'elle ne
peut porter atteinte en quoi que ce soit au droit public de
la société chrétienne. La constitution de l'Église est divine,
et par conséquent immuable et en dehors de toute influence
humaine. Nous arrivons donc immédiatement à indiquer
.la différence caractéristique entre la coutume et le droit
écrit.
La détermination du droit objectif, ou de l'ordre régulier
des actes vers la fin sociale, ne peut être laissée au seul
arbitraire de la multitude comme telle (1) -, il est évident
d'abord que les individus associés, livrés a eux-mêmes,
ne suivront pas toujours une voie uniforme, et seront loin
de choisir invariablement les moyens les plus sûrs et les
mieux adaptés. Ordinairement donc, ils ne parviendraient
pas même à réaliser la première condition de la loi, qui est
d'être une direction juste vers le bien commun \ et d'autre
part, lors même que les individus isolés suivraient une di-
rection régulière, il faudrait encore que celle-ci fût rendue
obligatoire pour tous -, or, ceci exige évidemment l'interven-
tion d'une volonté. souveraine et compétente qui puisse se
soumettre les volontés individuelles : un homme ne peut ré-
(1) Voyez Taparelli d'Azeglio, Saggio Teorelico di dirillo mturale,
1. IV, c. 1.
536 DU DROIT COUTIIMIER
gler que les choses qui dépendent de lui, et par conséquent
celui-là seul pourra imprimer une direction à la société, qui
est en quelque manière la volonté sociale.
De plus, il ne peut y avoir de fait ordre social sans un
principe concret d'unité ou une intelligence, individuelle
ou collective, plus exercée, qui verra pour tous, et une vo-
lonté inébranlable, qui constituant la règle morale, devien-
dra la volonté de tous; aussi l'élément formel de toute
société consiste-t-il dans le principe de vie commune et
d'activité sociale: ce principe est ce qu'on nomme \e pou-
voir. Il résulte de la que le droit social, pris objectivement,
consistera dans la volonté absolue et explicite de ce pouvoir
prescrivant la direction régulière des actes vers le bien com-
mun. Et telle est la source ordinaire et normale du droit so-
cial positif, qui conséquemment procède de la volonté per-
sonnelle du législateur, et n'est autre chose que l'ordre ou
le commandement du souverain : Jus est id quod jubetur.
Alors il est appelé droit écrit. Ce n'est donc pas le fait de
l'inscription matérielle des lois dans un code qui constitue
le droit écrit.
Mais le droit, au lieu de procéder ainsi originairement
du sujet du pouvoir législatif, c'est-a-dire d'être un acte
personnel, extérieur et notoire de celui-ci, peut s'intro-
duire accidentellement par le fait de la multitude elle-
même, ou de l'élément matériel de la société.
Il arrive parfois que le corps social prévient le législateur
et devance l'actepar lequel celui-ci choisitetdéterrained'une
manière absolue un moyen particulier^ les individus alors
se portent d'eux-mêmes et comme par instinct, bien que
d'un mouvement uniforme et régulier, vers le bien com-
mun. La rectitude de ce mouvement, une fois constatée
par l'expérience, obtiendra par sa seule notoriété l'assenti-
ment du législateur, auquel il appartient de porter un ju-
gement authentique et définitif sur ce point-, et c'est alors
DANS l'église. 537
que cette direction des actes, ou cette manière d'agir revêt
le caractère de loi. Yoil'a ce qui constitue le droit coutu-
mier proprement dit, droit dont la matière consiste dans
les actes répétés, et la forme intrinsèque, dans la volonté du
législateur (1).
Le droit écrit est donc celui qui procède d'abord du lé-
gislateur, s'impose à la multitude par voie de promulgation,
et passe ensuite dans les mœurs-, le droit couturaier, au
contraire, est celui qui procède de la multitude ou s'intro-
duit d'abord dans les mœurs, et obtient ensuite son litre
d'autorité ou l'approbation du souverain. Il s'agit consé-
quemment d'une division du droit d'après le mode selon
lequel il s'introduit et s'impose à la société.
2. Les canonisles, d'après Isidore (2), définissent com-
munément la coutume, considérée formellement, c'est-à-
dire la coutume de droit: Jus quoddam, moribus constitua
ium, quod pro lege suscipilur cum déficit lex. D'après cette
définition, la coutume doit donc s'entendre du droit lui-
même, qui est introduit par l'usage ou par les actes ré-
pétés \ et il ne s'agit évidemment que d'actes libres. La
coutume de fait, ou prise matériellement, c' est-a-dire cette
répétition uniforme des actes est, ainsi que nous l'avons
déjà insinué, la voie qui conduit au droit coutumier. Mais
il importe d'observer que lorsqu'on dit dans la définition :
Pro lege suscipituff on n'entend nullement déclarer que la
coutume n'est pas une loi véritable*, on indique simple-
ment que le terme de loi étant pris communément dans le
sens de loi écrite, la coutume ne devient loi véritable
que lorsque le droit écrit fait défaut (3). Toutefois la der-
nière partie de la définition: Cum déficit lex^ ne signifie
(1) Suarez, de Leg., 1. vil, c. 9.
(2) C. Consuetudo Y, dist. 1.
(3) Suarez, de Leg., 1. vu, c. 1 ; Pirbing, Jus. can., 1. i, t. iv, § 1}
Schmalzgrûber, Jus. ceci., p. i, t. iv,§ t, etc.
UEVL'F, l'ES SCIKNCES iiCCLÉS., T. IX — JUIN 1864. 35.
538 DANS L ÉGLIsE.
pas non plus que la coutume ne pourra jamais s'introduire
contrairement au droit écrit ^ s'il en était ainsi, la défini-
tion ne serait pas générale, c'est-à-dire ne pourrait plus
s'appliquer à toutes les espèces de coutumes . Ces paroles
doivent donc être prises en ce sens, qu'une coutume et une
loi écrite contradictoire ne peuvent coexister ou être l'une
et l'autre en vigueur. Il faut que la loi tombe en désuétude
ou soit abrogée, pour qu'un usage opposé puisse devenir
coutume de droit. La loi peut donc disparaître uniquement
parce que la coutume prévaut: Si vero sit contra legem, dit
Suarez, oporiet ut consuetiidme lex vincatur, et sic defwiat ut
possit consuetudo subsistere [\) . Conséquemment, lorsque le
droit romain déclare, au sujet de la coutume : Non usque
adeo sui vaîitura momento ut aut rationem vincat aut legem (2\
ceci ne doit s'entendre que de certains cas particuliers.
Les canonistes, pour préciser la nature du droit coutu-
mier s'attachent a indiquer les différences qui existent
entre la coutume, la tradition et la prescription,
La coutume diffère principalement de la tradition, en ce
que celle-ci consiste en quelque institution primitive, trans-
mise soit oralement, soit par l'usage, à la postérité. La tra-
dition est donc ou une doctrine ou une observance qui reçoit
toute son autorité de sa première institution-, la coutume,
au contraire, n'émane pas originairement d'un pouvoir
quelconque, et ne reçoit rien du fait primordial-, la tradition
sacrée vient ou de Jésus-Christ lui-même, et alors elle est
appelée divine, ou des apôtres, 'et, dans ce cas, elle est dite
apostolique. Sa force obligatoire provient conséquemment
de la compétence de son auteur, tandis que ceux qui in-
troduisent la coutume n'ont aucun pouvoir. Si cependant il
s'agissait de la tradition purement ecclésiastique, celle-ci
(1) De Leg.. 1. vil, c. 2, n. 5.
(2) L. H Cod . : qiiœ sit longa cntisuct.
DU DROIT COUTUMIER 539
parfois peut n'être qu'une coutume universelle, introduite
par l'usage des fidèles (1), et n'obtenant force de loi qu'a-
près son introduction et sa diffusion.
Mais la tradition soit divine, soit apostolique, soit ecclé-
siastique, peut être le principe de la coutume -, et celle-ci
alors consistera uniquement ou a introduire dans les
mœurs, c'est-à-dire a exécuter et à conserver cette institu-
tion primitive, ou à promulguer la doctrine exposée orale-
ment à quelques-uns. Mais ces coutumes de fait ne rentrent
nullement dans le droit coulumier : le précepte qu'elles exé-
cutent fait toute leur force obligatoire. Et même, lorsqu'il
s'agit de ces traditions ecclésiastiques en vigueur dans
toute l'Église depuis les temps apostoliques, leur titred'au-
torité so trouve encore, soit dans l'approbation, soit, d'une
manière plus ou moins directe, dans l'enseignement des
apôtres (2). La tradition, considérée dans toute sa géné-
ralité, repose donc sur une institution primitive, anté-
rieure et supérieure au droit coutuinier.
La coutume d'autre part se distingue de la prescription :
1" En ce que la coutume, ainsi que nous le montrerons plus
lard, a rapport a la communauté comme telle, tandis qu'on
ne prescrit que contre des personnes privées-, et si parfois
on acquiert la prescription contre une communauté, celle-
ci alors n'est point considérée comme communauté, mais
comme personne privée. 2" La coutume exige un certain
consentement du législateur, contre la loi duquel elle s'é-
lève et prévaut, sans que toutefois elle puisse jamais
porter atteinte aux droits de celui-ci ^ la prescription, au
contraire, peut être acquise sans aucun consentement de la
part de celui dont elle annule ou amoindrit le domaine ou
les droits. 5° La prescription requiert la bonne foi et un
titre, au moins coloré, tandis que la coutume peut s'intro-
(11 Gotti, TheoL, tract, i, q. 3 § 1 ss.
(2) Suarpz, de Uy., 1. vu, c. 4, ii. 10.
5ll0 DU DROIT COUTUMIER
duire via conniventiœ, même par la mauvaise foi (1)-, son
titre consiste uniquement dans Fapprobation du législateur
et par la même, elle n'a besoin d'aucun titre proprement
dit (2). Enfin la prescription peut s'étendre aux biens
meubles, aux choses corporelles qui ne peuvent être objet
de la coutume.
Il est bien évident toutefois que la prescription implique
toujours une certaine coutume de fait, e'est-à-dire des actes
répétés, et que la coutume de son côté doit prescrire à son
profit afin de devenir légitime. La coutume a encore ceci
de commun avec la prescription, que, de part et d'autre, il
s'agit d'un droit introduit par un fait (3). Le fait, dans la
coutume, doit être doué de cette rectitude intrinsèque qui
est le propre de la loi, c'est-à-dire avoir un rapport posi-
tif à la fin sociale -, dans la prescription, le fait a simplement
rapport au bien privé, quoique, a la vérité, le principe
même de la prescription soit exigé par le bien public.
Il faut donc, pour qu'une coutume soit légitime, qu'elle
réunisse toutes les conditions requises pour établir ou
prouver rigoureusement cette rectitude, qui lui confère le
caractère générique du droit : ici conséquemment on
constate le droit par l'analyse du fait.
3. Mais avant d'aborder directement cet examen, il im-
porte d'envisager ce fait dans sa matière, dans son extension
et dans son rapport de conformité ou d'opposition avec le
droit écrit. Il s'agit donc de déterminer d'abord les diffé-
rentes divisions de la coutume.
La coutume, envisagée sous le rapport de la matière ou
de l'objet, se divise eu canonique et civile : la coutume est
canonique lorsqu'elle a pour objet, ou quelque chose de
spirituel, comme, par exemple, l'usage de jeûner a des
(1) Ferraris, au mot Ccmuetudo, et presque tous les canonistes.
(2) Schraalzgrûber, p. i, t. IV, § 1.
(3) Suarpz, de Leg., 1. VII, c. l.
DANS l'église. 5A1
époques déterminées, ou une matière temporelle, mais
qui a rapport soit aux biens, soit aux personnes des églises
ou des clercs. La coutume est civile lorsqu'elle atteint les
lois ou les biens purement temporels : elle a pour fin le
bien commnn de l'ordre civil et politique, tandis que la
coutume canonique doit tendre au bien spirituel, qui est
la fin de l'Église. Cette division est adéquate, car les cou-
tumes mixtes sont toujours réductibles à l'une ou a l'autre
des espèces indiquées (1).
Les coutumes, considérées sous le rapport de leur exten-
sion, peuvent être très-diverses : celle qui s'étend a tout
l'univers est dite très-générale^ et n'est autre chose que le
droit des gens en vigueur chez toutes les nations du monde.
Une coutume répandue dans toute l'Église, comme, par
exemple, l'usage du signe de la croix, est aussi appelée très-
générale ou universelle. Celle-là est générale ou commune
qui est observée dans tout un royaume ou dans toute une
province 5 lorsqu'elle n'est en vigueur que dans une seule
cité, elle est spéciale ou locale^ enfin, si elle n'était reçue
que dans une église, une communauté, etc., en un mot,
dans une minime partie du peuple, qui ne forme point une
société complète, elle serait dite alors très-spéciale. Cette
dernière espèce, qui est aussi nommée par Suarez particu-
lière ou privée, ne pouvant introduire un droit légal (2),
n'est nullement comprise dans la notion rigoureuse delà cou-
tume -, il est bien évident qu'une personne privée ne peut,
à proprement parler, s'imposer une loi à elle-même. Nous
n'avons donc pas a nous occuper ici de ces usages parti-
culiers.
La division la plus importante, en cette matière, est
celle qui atteint la coutume envisagée dans son rapport de
conformité ou d'opposition avec le droit. Les coutumes, à
(1) Suarez, de Leg., 1. vu, c. 4.
(2) Pirbiag, Jus. can., 1. i, t. iv, § 1, 5,
502 DANS l'église.
ce point de vue, peuvent être de trois sortes.- secundum
pis, prœter ius, contra jiis.De plus, nous pouvons les consi-
dérer par rapport a la loi naturelle, a la loi divine positive,
et à la loi humaine.
Lorsque la coutume consiste simplement a exécuter ou
à observer la loi qu'elle confirme et interprète par un long
usage, elle est dite secundum jus. C'est ainsi, par exemple,
que la coutume qui a introduit le principe : potus jejunium
non frnnrjif, a simplement interprété la loi quadragésimale
en l'appliquant. De même, l'usage introduit en Italie de
prendre le matin, les jours de jeûne, une certaine quantité
de chocolat, est aussi une interprétation usuelle du même
principe, déjà introduit par l'usage. Toutefois, bon nombre
de canonistes et de théologiens prétendent que la coutume
peut seule légitimer ces faits (1^ -, et, d'après cette opinion,
il ne s'agirait plus d'une coutume secundum jus., mais
contra jus.
La coutume prœter lerjem est celle qui introduit un droit
nouveau, c'est-à-dire celle qui ordonne ou défend ce qui n'a
été en aucune sorte déterminé par le droit préexistant : elle
lixe donc quelque point particulier dans le domaine des
choses indifférentes.
Enfin, la coutume est dite contra jus, quand elle consiste
en des usages légitimes formellement opposés a quelque
loi positive. Elle peut ou abroger le droit humain pré-
existant, d'abord accepté et misa exécution, ou empêcher
qu'une loi portée obtienne son effet, c'est-à-dire soit observée
et reçoive sa confirmation dans les faits. Dans l'un et
l'autre cas, la loi opposée à la coutume cesse d'être loi, la
résistance passive du corps social ayant démontré d'uno
manière évidente que cette prescription est, dans les con-
jonctures présentes, contraire au bien public.
(1) Voyez Ferraris, au moi jejunium, nxi. \, n. 40, etc.; saint Liguori,
1. m, n. 1025 elc.
DU DROIT COUTUMIER 5A3
D'après ces détinitions, il est hors de doute que l'on
peut admettre des coutumes secundum jus par rapport à la
loi naturelle et au droit divin positif; ces coutumes, en
effet, viennent corroborer ces lois, non en elles-mêmes,
mais par rapport à nous, en tant qu'elles les rappellent
sans cesse à la mémoire et en facilitent l'exécution. Toute-
fois il ne peut s'agir ici évidemment que de coutumes de fait.
Mais toute coutume contra jus, quand il s'agit du droit
naturel, n'est point une coutume, mais une corruption des
mœurs : Nemo sanœ mentis intelligit naturali juri, cujus
transgressio periculum salutis inducit, quacumque consiietu-
dine posse aliquatenus derogari. {Cum tanto. II, de Consuet.)
Si néanmoins il s'agissait, non du droit naturel primor-
dial, mais du droit des gens, la coutume pourrait pré-
valoir contre ce droit et l'abroger^ non dans sa totalité,
mais dans quelques-unes de ses dispositions (l).
Suarez, dans son traité des lois, s'attache à déterminer
ce que peut la coutume par rapport au droit divin positif.
Nous allons indiquer brièvement toutes ces conclusions.
1" Il peut sans aucun doute y avoir des coutumes de fait
secundum leqem; ce quirevienta dire que l'exécution de la loi
divine positive est commune, ou que les mœurs sont con-
formes a cette loi. 2° Il peut aussi exister quelques cou-
tumes proprement dites, prœter jus : il y a en effet des
usages légitimes qui, sans être une simple exécution d'un
précepte divin, ne renferment cependant rien qui soit op-
posé aux commandements de Dieu. 3° Il ne peut y avoir
de coutume légitime contraire au droit divin : il est mani-
feste d'abord que les hommes ne sauraient prévaloir contre
la volonté divine, et d'autre part le consentement du sou-
verain législateur ne peut jamais être présumé ici. Aussi
l'apôtre saint Paul écrit-il : Videte, ne quis vos decipiat
(1) Suarez, toc. cit.
545 DU DROIT COUTUMIER
secundum traditiones hominum. Il est vrai, néanmoins, de
dire que la coutume peut avoir une certaine valeur inter-
prétative du droit divin ; mais cette interprétation ne peut
être restrictive, jusqu'à introduire une limitation véri-
table ou une dispense de ce droit. Suarez condamne avec
raison, comme absolument fausse, l'opinion de quelques
canonistes qui soutenaient cette doctrine (1).
Enlin, par rapport aux lois humaines, personne ne
révoque en doute qu'il puisse exister des coutumes secun-
dum legem,prœter legem, contra legem. Et c'est a ce point de
vue que nous nous plaçons en exposant la nature, la force
et les conditions de la coutume. Aussi souvent donc qu'il
sera question ici d'une manière générale de la coutume con-
tra jus, on ne pourra jamais entendre cette expression que
du seul droit positif humain.
E. Grandclaude.
(1) De Leg., 1. vu, c, 4, u. 13.
ÉTUDE CRITIQUE
SUR Là nouvelle EDITION
DE L'HISTOIRE GÉNÉRALE DES AUTEURS SACRÉS
ET ECCLÉSIASTIQUES
Par Doni Ceillier (1)
La Revue des Sciences ecclésiastiques a donné une étude sur les
premiers volumes parus de V Histoire des Auteurs sacrés de Doni
Ceillier (n" de février 1862, tome v, p. 97-120). Depuis cette époque,
la réimpression a continué avec la même marche rapide, et aujourd'hui
l'ouvrage entier est entre nos mains.
Nous reprenons notre étude critique au point où nous l'avons laissée.
Le viii^ volume est consacré à une partie des écrivains du V* siècle,
c'est-à-dire, outre un grand nombre d'auteurs secondaires, à Synésius,
évêque de Ptolémaïde; à saint Paulin, évêque de Nôle;à Prudence et
Sédulius, poètes chrétiens ; à Sulpice-Sévére, prêtre d'Aquitaine, qu'il
ne faut pas confondre avec Sulpice-Sévère de Bourges ; à Jean Cassien,
prêtre et abbé de iVlarseille ; à saint Cyrille, patriarche d'Alexandrie ; à
Vincent de Lérins ; à saint Isidore de Péluse et aux historiens grecs
Philostorge, Socrate et Sozomène. Parmi les améliorations apportées
par M. Bauzon, nous citerons celles qui concernent saint Cyrille,
Sulpice-Sévère et Théodore de Mopsueste.
Le travail que Dom Ceillier avait consacré au patriarche d'Alexandrie,
qu'on a surnommé avec raison le docteur de la maternité divine, est
enrichi dans la nouvelle édition d'un appendice. C'est le résumé donné
par M. Bonnetty, dans la table raisonnée des collections du cardinal
Mai, oh l'on trouve toute une série d'ouvrages ou de fragments de
saint Cyrille insérés par M. Migne dans la Patrologie grecque. Cet
(1) Paris, Vives.
546 ÉTUDE CRITIQUE
appendice se termine par ces paroles : « Homme vraiment admirable
et que nous voyons dans ses écrits professer les idées les plus justes
sur Pierre, le maître, le chef et le fondement des cjtholiques sur cette
terre, et sur son successeur Célestin, dont il tient la place au concile
d'Ephése, à propos duquel il proféra ces paroles remarquables dans
son homélie sur la Vierge-Mère de Dieu : « Or, qu'il en soit ainsi,
nous en avons un témoin digne de foi, à savoir le très-saint archevêque
du monde entier^, Célestin, le père et le patriarche de la grande Rome
(p. 366). »
Sulpice-Sévère, l'éditeur le démontre, n'a pas enseigné le milléna-
risme (p. 112 s.). Dans son dialogue intitulé Galliis, il dit que l'Ante-
christ viendra bientôt et rétablira Jérusalem et son temple, opinion qui ne
s'accorde point avec la prophétie du prophète Daniel. C'est là une er-
reur sans doute, mais ce n'est pas celle des millénaires. L'éditeur
redresse aussi Dom Ceillier, qui assure que Sulpice-Sévère a été rais par
l'Eglise au nombre de ceux à qui elle rend un culte public (p. 113).
Benoît XIV, dans la préface qu'il a mise en tête de l'édition du Marty-
rologe romain, démontre que le Saint-Siège n'a jamais inséré le nom
de l'historien Sulpice-Sévère dans les sacrés diptyques. A propos du
fameux scriws trans alpes Dei religione suscepta, une courte note fait
remarquer avec beaucoup de raison que ce passage où Sulpice-Sévère
parle des massacres exécutés dans les Gaules en 177, contredit for-
mellement celui 011 Grégoire de Tours place l'arrivée des premiers
missionnaires dans ce pays en 250.
L'article de Théodore de Mopsueste,ce hardi et célèbre penseur qui
scandalisa si grandement l'Eglise et fut condamné par le V« concile
œcuménique, est traité au conmienceraent de ce volume. Et à la fin de
ce même tome, par un déplacement fâcheux mais indépendant de la
volonté de l'éditeur, se trouve un appendice relatif au commentaire sur
les Petits prophètes de l'évêque de Mopsueste. Dans cette note, on lui
attribue aussi le commentaire sur l'épître aux Galateset aux Éphésiens,
que Dom Pilra, dans le 1" volume de son Spicilegium Solesmense,
attribuait à saint Hilaire de Poitiers. Se fondant sur une dissertation de
M. LeHir, M.Bauzon repousse ce sentiment et soutient que l'ouvrage
SUR l'histoire générale des auteurs SACRfcS. 5/|7
est d'un grec de l'école d'Antioche: « Nous nommons 'presque sans
hésiter, dit-il, Théodore de Mopsueste »(p. 622). « Il me reste à vous
dire un mot de l'intéressante dissertation de M. Le Hir, » écrivait le
R. P. Pitra, aujourd'hui cardinal de la sainte Eglise romaine. « J'ai eu
la pensée, non pas de la réfuter, mais d'en vérifier à tête reposée toutes
les assertions, en profitant de deux ressources qui ont manqué à l'auteur
{le commentaire grec de Théodore de Mopsueste et un manuscrit du
Commentaire latin plus ancien que celui de Corbie). Je me réserve de
faire ce double travail dans le v^ volume du Spicilége, et si le résultat
me conduit aux conclusions de votre savant collègue, je serai le premier
à y souscrire, et j'en ai déjà pris l'engagement... »
Bien des notes de détail, l'indication des éditions données depuis
Dom Ceillier, un discours sur saint Pierre et saint Paul autrefois attri-
bué à saint Zenon, mais restitué depuis à saint Gaudence de Brescia, une
lettre de saint Nil au scolastique Nemerlius : telles sont les autres ad-
ditions qui se font remarquer dans ce huitième volume.
Samt Augustin occupe à lui seul tout le tome neuvième. Cela n'a
rien d'étonnant. Ce prsecipuus paler et optimus doctor, comme l'appe-
lait le pape Adrien dans une lettre adressée à Constantin Porphyrogénète
(Labb. VII, 1 10), a donné un nombre si étonnant d'ouvrages, ut ea omnia,
dit Possidius, vix quisquam studiosorum perlegere et nosse sufficiat
(xviii, 23). « On peut dire, ajoute Bossuet, qi''il est le seul des anciens
que la divine Providence a déterminé, par l'occasion des disputes qui
se sont offertes de son temps, à nous donner tout un corps de théologie,
qui devait être le fruit de sa lecture profonde et continuelle des Livres
sacrés. » {Défense de la tradition et desSS. Pères, \\\. iv, ch. 16.) Phi-
losophe, théologien, mystique, il emploie toutes les méthodes ; Amor
oculus est, — intellectum valde ama ; il étudie l'histoire, les dogmes,
la conscience humaine, sa marche depuis les erreurs et les vices jus-
qu'à la plus lumineuse vérité, jusqu'à la plus sublime sainteté : c'est
par là qu'il a été le miracle de la grâce avant d'en être, ou plutôt, afin
d'en être le docteur. « Il suffit de dire, en un mot, qu'à son sens
(il s'agit de Baronius) aulant qu'il a surpassé les autres docteurs dans
ses autres traités, autant il s'est surpassé lui-même dans ceux qu'il
548 ÉTUDE CRITIQUE
a composés contre les Pélagiens. » {Défense, etc., liv. vi, ch. 19).
L'éditeur avait à compléter Dom CeiUier. 11 s'acquitte de cette tâche
en indiquant les divers ouvrages à consulter sur le grand évêque
d'Hippone, et les éditions ou traductions nouvelles des œuvres de saint
Augustin qui ont été faites depuis 1736. Les additions principales
sont l'indication du Spéculum édité par le cardinal Mai (p. 215), et de
25 sermons publiés par Michel Denis en 1792, à Vienne; de 4 traités
inédits publiés en 1793 à Florence, parFontani; de ^sermons publiés
en 1819, à Rome, par Frangipane, moine du Mont-Cassin; de 160
sermonspubliés par M. Caillau, en 1842, chez Paul Mellier, et qui furent
l'occasion d'assez vifs débats ; de 4 sermons publiés par M. Migne, et
de 201 sermons donnés parle cardinal Maï dans le tome l^r du Patrum
nova Bibliotheca. Après ces sermons, le savant cardinal a donné une
notice intéressante sur l'ouvrage précieux et peu connu, qui, sous le
titre de Milleloquium veritatis, en 2 vol. in-f", renferme par ordre
alphabétique toutes les matières traitées par saint Augustin (p. 839).
Dans ces derniers sermons se trouvent des passages remarquables
sur la présence réelle, sur la procession du Saint-Esprit, (p. 842),
sur la Trinité, sur la confession, sur l'infaillibilité de saint Pierre.
Bornons-nous à en citer deux qui ont une importance particulière.
Le premier concerne le fameux verset de saint Jean (i Jo. v,
7 et 8) sur la Trinité. Le Spéculum de saint Augustin édité par le
cardinal Mai suit toujours l'ancienne italique. Or ce Spéculum porte ce
qui suit : « Quoniam très sunt qui testimonium dicunt in terra,
spiritus, aqiia, et sanguis : et fii très unum sunt in Chrïsto Jesu. —
Et très sunt qui dicunt testimonium in cœlo, Pater, Verbum etSpiritus,
et ht très unum sunt (p. 843). Le second se rapporte au naturalisme,
qui est la grande plaie de notre époque. Saint Augustin assure que le
diable, corrupteur de la foi, persuade aux hommes de vivre selon la
nature, secundiim naturam vivere homines persuadet, et rend sem-
blables aux bêtes ceux que Dieu avait rendus semblables à lui-même.
« Que les défenseurs actuels de la raison naturelle contre la foi divine,
ajoute avec raison le cardinal Maï, réfléchissent à cette sentence de
saint Augustin,., (p. 844). »
SUR l'histoire générale des auteurs sacrés. 5A9
Dans un second supplément, l'éditeur donne des notes additionnelles
pour expliquer la doctrine de saint Augustin sur la grâce, et dans un
troisième le sentiment de Fénelon sur l'édition fautive des œuvres des
ce saint docteur, donnée par les Bénédictins.
Il y avait aussi à corriger Dom Geillier. M. Bauzon le fait dans
quelques notes assez clair-semées, qui redressent le texte de l'historien
ou qui expliquent la doctrine du saint docteur sur la nécessite de pécher
et sur /a liberté (p. 543). Puisqu'on a reproché à Dom Geillier son
silence sur certains endroits dont l'hérésie avait abusé, il eût èlé
bon peut-être que l'éditeur annotât tous ces passages autrefois sus-
pects.
Enfin, nous aurions personnellement désiré une note bien complète,
ayant pour objet de montrer que saint Augustin n'a pas été l'adversaire
du pouvoir du Pontife romain. Cette démonstration, on l'aurait facile-
ment obtenue : 1" en réunissant tous les textes formels où saint Augus-
tin parle si souvent et si clairement de l'autorité éminente de la chaire
apostolique, autorité qu'il oppose aux Donatistes: Ipsa est pelra quant
non vincunt superbx inferorum porlx [Ps. conl. part. Don.); aux
Pélagiens : Rescripta venernnt, causa finita ^st {Serm. de verbis ap.);
à laquelle, vieillard couronné de gloire et de mérites, il soumet ses der-
niers ouvrages ; Non tam discenda quatn examinanda, et nbi forsitan
aliquid displicuerit emendanda [Cont. dms Epist. Pelag. i, n. 3); dans
laquelle il assure qu'a toujours été en vigueur la principauté de la
chaire apostolique ; qm seule enfin le retient dans l'Église. 2° En mon-
trant une dernière fois combien les jansénistes et les gallicans ont
faussé le sens de ce qu'il dit dans son livre du Baptême au sujet de
saint Cyprien. Cette note était d'autant plus nécessaire, qu'aujourd'hui
encore, il n'est pas sans exemple d'entendre dire que saint Augustin a
pleinement justifié saint Cyprien de sa résistance (1), parce qu'un coU'
cile général n'avait pas parlé!!! Cela s'est dit encore en 1863. Il est
plus que temps que de telles ignorances disparaissent et ne souillent
plus des esprits trop crédules.
Dans le tome X apparaissent, parmi les écrivains latins : Paul Orose,
saint Pierre Chrysologue, saint Léon le Grand, saint Prosper, Mam-
550 ÉTUDE CRITIQUE
mert Claudien de Vienne, Salvien de Marseille, saint Sidoine Apolli-
naire, Paulin de Périgueux (^Ql), poète chrétien, auteur d'une Vie de
saint Martin, saint Avit de Vienne, saint Honorât, évêque de Marseille,
et Boèce. Parmi les Grecs, on y trouve : Théodoret, évêque de Cyr, à
qui Dom Ceillier donne, on ne sait trop pour quelle raison, le litre de
docteur de l'Église, Acace d'Amida, Firmus, archevêque de Césarée,
saint Gennade, patriarche de Gonslantinople, Enée de Gaze et saint
Denys l'Aréopagite.
Le nom de ce dernier auteur est accompagnée dans la table des
chapitres de ces mots du correcteur: écrivain grec du premier siècle
probabhînent . A l'appui de cette note, dans l'article i" de son chapitre
XXXIX, M. Bauzon résume les récents travaux qui ont été faits pour
démontrer que saint Denys vint dans les Gaules vers la tin du l'»" siècle,
et il dit que Varéopagitisme de saint Denys et sa mission sous saint
Clément sont deux traditions toutes différentes (p. 53y). Il ajoute
que l'aréopagitisme, si fort ébranlé par la critique moderne, a nui
dans ropinion à la première tradition, qui est bien plus ancienne et
qui en est tout-à-fait indépendante. L'estimable auteur abandonne faci-
lement le premier point, mais il maintient résolument la mission du I"
évoque de Paris par saint Clément. Il renvoie à la fin de son volume,
sous le litre de supplément, la dissertation sur l'authenticité des œuvres
du saint évêque donnée par Mgr Darboy, aujourd'hui archevêque de
Paris. Le lecteur regrette d'être obligé d'aller chercher à plus de 200
pages la fin d'un travail qui auiait dû se trouver sous un même article.
C'est là la grande addition qui se fait remarquer dans ce tome
dixième.
Le suivant contient les écrivains duVi^ siècle. Nous y voyons briller
au milieu d'un grand nombre d'autres auteurs saint Fulgence, saint
Rémi, l'apôtre des Francs, saint Césaire d'Arles, Cassiodore, saint
Grégoire de Tours, saint Fortunat de Poitiers, saint Léandre de Sé-
ville, saint Grégoire le Grand, saint Colomban, saint Jean Climaque,
Moschus, Sophronius (écrivains grecs), saint Isidore, évêque de Séville,
saint Udefonse, etc. etc. Ce volume est de 986 pages ; les notes, les
additions, les indications des éditions, etc. y abondent. L'éditeur a re-
SUR l'histoire générale des auteurs sacrés. 551
touché et bien complété le travail de Dom Ceillier. La simple énu-
mération des notes ajoutées par lui nous prendrait beaucoup trop de
place.
Le tome Xll, consacré aux VI1I«, IX* et X" siècles, passe en revue,
à travers IHO pages, un nombre considérable d'écrivains. 11 indique
ce qui est connu des œuvres de ce temps, dont une grande partie est
encore à explorer et à mettre au jour. Ce que nous avons dit tout à
l'heure trouve également son application ici : nous serions beaucoup
trop long si nous voulions parcourir, même rapidement, l'œuvre per-
sonnelle de l'éditeur. Disons seulement qu'à la page 950 se trouve
une note sur la condamnation du pape Honorius, qui aurait demandé
peut-être encore quelques détails. L'article de saint Jean Damascène,
le saint Thomas des Grecs, s'est enrichi de quelques hymnes éditées par
le G. Mai. Le grand écrivain en a consacré cinq à saint Pierre, qu'il
appelle le Coryphée. On y lit : « Ayant reçu du Ghrist l'Église que le
Seigneur lui-même a formée^ vous l'avez gouvernée comme un navire.
Gardien de Rome, trésor du royaume céleste, pierre de la foi, fonde-
ment inébranlable de la foi catholique, soyez célébré dans les saints
cantiques! » (p. 91.)
Le XIII* volume s'ouvre par une lettre de Mgr l'évêque d'Aulun au
respectable annotateur de Dom Ceillier. Cette lettre, que nous voudrions
citer en entier, porte approbation des quatre premiers volumes de
['Histoire des auteiin sacrés et ecclésiastiques. Après avoir rendu un
légitime hommage au travail du religieux de Saint- Vannes, et ajouté que
quelques tâches déparaient ce beau monument de piété et d'érudition,
l'éminent prélat ajoute : « Depuis le savant bénédictin, la science
historique a fait des progrès ; de nouvelles découvertes d'ouvrages, des
recherches plus approfondies sur d'autres déjà connus, fournissaient
matière à des additions et à des rectifications; d'un autre côté, vivant
à cette époque où une critique d'allure antichrétienne s'exerçait avec
une rigueur excessive et souvent injuste contre les Actes de nos martyrS;
l'illustre auteur n'avait pas complètement échappé à cette funeste in-
fluence et il était à désirer que son œuvre fût purgée de cette rouille du
XVllI* siècle; enfin, les préjugés du gallicanisme, et disons-le, même
552 ÉTUDE CRITIQUE
les pernicieuses idées du jansénisme, avaient quelque peu déteint sur
certaines parties de son travail ; c'était tantôt une insinuation mal-
veillante, tantôt une réticence calculée, parfois une expression incom-
plète sur la grande question de l'infaillibilité dogmatique du Souverain-
Pontife comme chef de l'Eglise, tendance mal accueillie de nos jours,
où la doctrine du gallicanisme n'est plus guère, grâces à Dieu, qu'un
souvenir histoiique sans défenseur et sans conséquence (p. v et vi). »
Bien des notes, des additions, des corrections se font remarquer
dans ce volume. La rectification qui domine toutes les autres est celle
qui se rapporte à saint Grégoire Vil. L'éditeur restitue d'abord à cet
incomparable Pontife le litre de Saint que lui décerne l'Eglise catholique.
11 l'avait bien reçu du temps de Dom Ceillier, mais le religieux aurait
craint de blesser les préjugés et les parlements, s'il avait parlé en cette
circonstance comme!' Eglise \ (p. 349.) Etranges circonstances, qui de-
vraient ouvrir à jamais les yeux sur la portée funeste de certaines
maximes qu'on appelle particulières, et qui par là même sont convain-
cues de n'être pas catholiques ! On vit des magistrats, desévêques même,
s'élever contre le culte d'un saint que l'Église mettait sur les autels !
On vit des auteurs ecclésiastiques manquer de respect à celui qui est le
père de tous les chrétiens, au point, non pas de découvrir ses défauts,
mais de lui imputer des défauts imaginaires, plus coupables en ceci que
Gham lui-même 1 11 a fallu que des protestants nous apprissent à rendre
justice au plus grand des Papes du moyen-âge.
L'appendice de la page 581 est consacré à répondre ayx reproches
adressés à saint Grégoire VIL M. Bauzon suit dans cette belle œuvre
les remarquables études de M. Bouix, publiées dans ce recueil même.
On ne peut que souscrire à la noie lii de la page 351, dans laquelle
l'auteur assure que l'Église a toujours compris Tutilité de l'unité litur-
gique pour raaintenirl'unité delà foi. La note 2 de la page 353 deman-
derait bien des commentaires. Enfin nous avouons ne pas trop
comprendre les lignes de la colonne 2, p. 381, mis entre crochets.
La première partie du XIV» volume soutient et augmente même
l'intérêt excité par le précédent. Quelle suite admirable de grands noms!
Saint Anselme, religieux et prieur du Bec, archevêque de Cantorbéry,
SUR l'histoire générale des auteurs sacrés. 553
confesseur de la discipline ecclésiastique, âme belle et douce, philosophe
qui n'a pas emprunté par anticipation à Descar/cs l'argument de l'exis-
tence de Dieu par l'idée de l'être, comme on a osé le dire avec trop peu
de sens, l'un des pères de la théologie scolastique, cœur passionnément
dévoué au culte de Marie et ami de saint Grégoire VII : Sando Gre-
gorio etiam acceptus,qui tune magnis persecutionibns agitatus,Utteras
amoris plenas ad eum dédit, ainsi que parle le Bréviaire; Bernard,
archevêque de Tolède; Yves de Chartres ; Hildebert, archevêque de
Tours; Hugues de Saint-Victor; Abélard, au sujet duquel nous vou-
drions voir relever les inexactitudes de la critique moderne qui l'a un
peu méconnu dans son rôle dogmatique, comme elle a altéré aussi celui
de saint Anselme; Suger de Sainl-Denys, et enfin, comme au plus haut
point, noire grand saint Bernard ! On a abusé de quelques paroles de ce
saint, tirées du livre de la Considération. Nous trouverions à propos que
le correcteur ajoutât une note dans laquelle il réunirait les fortes ex-
pressions par lesquelles le saint docteur a pleinement exalté l'autorité
suprême de la chaire romaine. Pour lui, l'Eglise de Rome est Columna
fidei [ep. 124), Peira (idei catfiolicx {ep. 41); son Pontife est Fidei
defensor (de Cons., lib. 4, c. 7), Doctor 'gentium (ib.), Assertor ve-
rxtatis (i6.), orhïs lumen {ib., c. 8), canonwn dispensator {ib.), solus
potest peremptoriam dare senlentiam {ep. 176 et 239), irrefragibiliter
tenenduin quidquid prxcipit {ep. 81). Les Analeda, dans le numéro
de juillet et d'août 1859, orit publié un très-intéressant travail à ce
sujet, qui enrichirait utilement l'article du grand abbé de Clairvaux
dans V Histoire des Auteuis sacrés et ecclésiastiques. Il n'est pas bon de
laisser altérer soit par ceux du dehors, soit par ceux du dedans la vé-
nérable vérité de la grandeur de nos Saints et le sens de leur
doctrine.
Après saint Bernard, viennent dans le même volume, Pierre le Vé-
nérable, abbé de Clugny, l'une des plus grandes figures monastiques du
temps que saint Bernard n'éclipsa pas; Pierre Lombard, évêque de
Paris, dont le nom dit tout; et enfin, sainte Hildegarde, célèbre par ses
révélations et son influence.
La seconde partie du X1V« volume renferme le résumé de tous les
UEVTE des sciences ECC1.ÉS., T. IX, — JUIN 1864. 30
55A ÉTUDE CRITIQUE
conciles des Xl% XIl« et XIll* siècles, et donne entre autres les ponti-
ficats d'Adrien ÎV, d'Alexandre 111, de Célestin 111 et d'Innocent 111.
L'éditeur a «nrichi celte partie comme toutes les autres, de notes
tirées surtout de la Patrologie de M. Migne et des travaux modernes
sur l'érudition sacrée. Quant aux auteurs ecclésiastiques qu'on y
trouve en si grand nombre, ne citons que les principaux. On y voit
briller saint Thomas Becket, archevêque de Cantorbéry, le glorieux
martyr de la discipHne ecclésiastique ; Pierre de Celle, le célèbre évêque
de Chartres ; Richard et Adam de Saint-Victor, dont les biographies
ont été considérablement améliorées et complétées; notre illustre
Pierre Comestor, chancelier de Paris ; Gratien, le compilateur du Dé-
cret ; Pierre de Blois, Alain de Lille, le docteur universel, etc. Comme
toujo urs, Dom CeilHer est largement annoté et complété.
A la fin de ce volume se lisent les deux lettres adressées par Be-
noît XIV à Dom Ceillier. M. Bauzon ajoute :
a Le projet de la nouvelle édition de VHistoire des Auteurs sacrés
et ecclésiastiques ayant été soumis à Pie IX, Sa Sainteté a daigné
louer beaucoup ce projet. Elle a été heureuse d'apprendre que les
notes et les additions seraient faites dans un esprit très-conforme aux
doctrines du Siège apostolique. C'est Son Éminence le cardinal Villecourt
qui a bien voulu communiquer cette réponse, le 21 novembre 1857, à
l'éditeur littéraire.
« Cette communication a grandement réjoui celui qui a osé revoir^
annoter et compléter, à l'aide des découvertes modernes, le travail du
savant bénédictin. Plus de huit années ont été consacrées à ce rude et
difficile labeur, qui pourtant a procuré de délicieuses jouissances.
« Toujours de plus en plus dévoué au Saint-Siège, et reconnaissant
dans le successeur de saint Pierre, avec les Pères et les Docteurs de
l'Éghse, le guide infaillible de la vérité, je soumets respectueusement
mon travail au jugement du très-saint et vénéré Pontife qui gouverne
l'Éghse. »
Nous sommes heureux de pouvoir dire en finissant que M. Bauzon a
rendu un véritable service aux lettres sacrées, en mettant de nouveau à
la portée de tous une de ces œuvres magistrales que nous a léguées la
SUR l'histoire générale des auteurs sacrés. 555
savante corporation des Bénédictins. Notre résumé rapide a fait voir
que sous sa main habile l'ouvrage a reçu bien des améliorations. Les
réserves très-légères que nous avons cru devoir formuler n'infirment
en rien ce jugement.-
Au moment où nous terminons cet article, nous apprenons que la
lable des matières est très-avancée : quand ce labeur long et difficile
aura été mené à bonne fin, l'ouvrage en acquerra une utilité plus con-
sidérable encore. Puisse-t-il recevoir partout l'accueil qu'il mérite !
Ce sont là de ces entreprises que doivent encourager tous ceux qui ont
à cœur la restauration des sciences théologiques, si longtemps né-
gligé^'s en F'rance par suite de nos catastrophes et des circonstances
qu'elles ont amenées.
N.-C. Le Roy.
THÉOLOGIE MORALE.
Un prêtre qui a reçu des honoraires pour dire des messes, et qui fait
dire ces messes par un autre prêtre, peut-il garder une partie de
ces hotioraires pour une bonne œuvre ?
Telle est la question que nous voulons examiner. Question très-
grave, puisque, d'une part, elle touche de près au saint sacrifice de la
messe, qui est la chose la plus sacrée de la religion, et que, d'autre
part, elle a été l'objet de plusieurs décrets apostoliques et d'une bulle
de Benoît XIV. Question très-actuelle, puisque la pratique de faire ac-
quitter des messes par d'autres prêtres, en gardant une partie de
l'honoraire pour une bonne œuvre, a pris depuis quelques années de
très-grandes proportions.
Or cette pratique est-elle licite? Nous ne le pensons pas. Nous
croyons, au contraire, que ceux qui la suivent sont atteints par tous les
décrets apostoliques et par la bulle de Benoît XIV (1).
(l) Voici la série des décrets qui ont été portés par le Saint-Siège sur
cette matière.
En 1625, Urbain VIII approuve le décret suivant de la Sacrée Congré-
gation du Concile : Omne damnabile lucrum ab Ecclesia removere volens,
« prohibet sacerdoti qui Missam suscipit cehbrandam cum ceria eleemo-
« syna, ne eamdem Missam alteri, parte ejusdem eleemosynœ sibi retenta,
« celebrandam cotnnuttat.
Mais comme, après ce décret d'Urbain VIII, quelques-uns prétendaient
encore qu'il était permis de retenir une partie de l'honoraire, attendu,
disaieut-ils, que ce décret n'a-vail pas été reçu, le pape Alexandre VII
proscrivit, l'an 1665, entre autres propositions fausses, la proposition sui-
vante : Post decrelum Urbani potest sacerdos, cui Missœ celebrandœ tra-
THÉOLOGIE MORALE. 557
On le voit, nous abordons une matière de la plus haute gravité.
Aussi nous lui donnerons toute l'attention et tous les développements
qu'elle mérite.
Mais avant tout nous vouions faire quelques observations.
1° Le plus souvent nous n'indiquerons pas les endroits où nous avons
puisé nos citations ; ce serait surcharger inutilement ces pages, car les
citations se trouvent toutes dans les auteurs à l'endroit qui traite de
l'honoraire des messes, et sont par conséquent très-faciles à trouver.
2° Les décrets apostoliques qui ont rapport à cette matière, auss
bien que la bulle de Benoît XIV, supposent le cas où celui qui fait dire
la messe par un autre, aurait reçu un honoraire plus abondant que la
taxe ordinaire, et donnerait au prêtre célébrant au moins la taxe ordi-
naire. Mais il est clair pour tous les théologiens que le cas où l'on
n'aurait reçu que la taxe ordinaire et où l'on ferait dire la messe avec
un honoraire moindre, est éminemment compris dans les décisions des
Souverains-Pontifes.
ù° La plupart des décrets apostohques supposent le cas où celui qui
a reçu un honoraire pour dire la messe et qui la fait dire par un autre,
est prêtre. Mais la solution est la môme s'il s'agit d'un laïque, ainsi
qu'il résulte de la bulle de Benoît XIV et de l'enseignement des
théologiens.
duntur, per alium satisfacere , collato illi minori stipendia, aîia parte
stipendii sibi retenia.
Malgré cette condamnation, l'abus se renouvelait encore. Innocent XII,
en 1697, confirma le décret d'Urbain VIII, que nous venons de citer.
Au dix-huitième siècle, des prêtres et des laïques demandaient des
messes en des lieux où les honoraires étaient abondants, et les faisaient
dire en des lieux où les honoraires étaient moindres, en gardant l'ex-
cédant. Alors Benoît XIV, en 1741, lance la bulle Quanta cura, dans la-
quelle il renouvelle les décrets de ses prédécesseurs, et prononce lui-
même l'excommunictition ipso facto contre les laïques, et la suspense
également ipso facto contre les ecclésiastiques qui agiraient ainsi.
Enfin, l'an 1860, la Sacrée Congrégation du Concile, interrogée si ceux
qui retiennent pour une bonne œuvre sont compris dans les condamnations
indiquées plus haut, renvoie aux bons théologiens et surtout à saint
Liguori et à Benoît XIV.
Nous avons cru devoir citer ces décret», parce que nous aurons à y
recourir âouvent dans le cours de cette discussion.
558 THÉOLOGIE MORALE.
4* Quand nous disons que l'on ne peut rien se réserver, nous ex-
ceptons cependant trois cas que nous verrons tout à l'heure dans saint
Liguori, et qui se retrouvent communément dans les théologiens.
Ces préliminaires posés, nous entrons en matière. Est-il permis de
faire dire la messe par un autre, en ne lui donnant pas tout l'^ionoraire
accordé pour celte messe, mais en en retenant une partie pour une
bonne œuvre?
Nous croyons qu'on ne le peut pas, et nous allons prouver notre
opinion.
Celte démonstration nous est rendue plus facile par une réponse de la
Sacrée Congrégation du Concile, du 29 août 1860.
Un savant professeur avait demandé à cette Congrégation si un prêtre
pouvait ainsi retenir pour une bonne œuvre une partie de l'honoraire.
Cette consultation, qu'il importe de lire intégralement, se trouve dans
cette Revue môme, année 1861, N» de mars, page 271.
La Sacrée Congrégation répondit : Die 29 augusti 1860. -^ Con-
sulat theologos, praesertim S. Alphonsum de Liguori, tracta lu xiii de
sacramento Eucharistiae, capite vu; et Benedictum XIV de Synodo,
iibro V, capite ix, et Constitutionc Quanta cura superius eitata ;
eorumque sententiis sese conformet. In quorum fidem datura Romae ex
ipsametsecretaria die 31 augusti 1860. — A. Quaglia, secretarius.
La Sacrée Congrégation renvoie donc surtout à S. Liguori et à
Benoît XIV. Ce sont les deux auteurs que nous devons consulter, c'est
à leur sentiment que nous devons nous conformer. Là est la solution
cherchée.
Voyons donc quel est le sentiment de ces deux auteurs.
I. ~ SENTIMENT DE SAINT LIGUORI.
Voici comment il expose sa doctrine :
« 321. — Qui pecuniam ab alio accepit, ut pro illo celebret aut
« fieri curet, per se loquendo, potest curare missam per alium bonum
« sacerdotem dici, minus dando quam accepit.
« Dixi I. Per se : quia Urbanus VIII, ob speciem turpis quaestus,
« id fieri vetuit.
THÉOLOGIE MORALE. 55^
« Dixi II. BoHum; quia si per malum curet, perditur fructus, qui
« est ex opère operanlis. »
Puis il démontre sa proposition en citant les décisions d'Urbain VIII,
d'Alexandre VII, d'Innocent XII et de Benoît XIV, que nous avons
indiquées plus haut.
Ainsi donc, on ne peut donner moins que l'on n'a reçu : minus
dando quatn accepit. Et cela, parce que Urbain VIII, Alexandre VII,
Innocent XII et Benoît XIV l'ont ainsi statué. Par conséquent, il faut
donner tout ce que l'on a reçu.
Voilà le principe. N'y a-t-il pas d'exceptions? Oui. Saint Alphonse
en indique trois :
Premièrement, lorsque l'excédant de l'honoraire est donné, moins
en considération de la messe que de l'amitié, de la pauvreté, de la '
reconnaissance, de la parenté, etc.
Deuxièmement, lorsque le prêtre qui dit la messe, fait, par hbéra-
lité et tout-à-fait spontanément (liberaliter et omnino sponte) la con-
donation de cet excédant ; spontanéité qui n'existerait pas si ce prêtre
était prié, rogatus, de faire cette condof\.ation, quand même il y con-
sentirait.
Troisièmement, lorsque celui qui fait dire la messe par un autre est
bénéficier, ou chapelain, ou chargé d'une messe perpétuelle. Car les
décrets qui défendent de retenir une partie de l'honoraire, ne parlent
que des messes manuelles.
Voilà les trois seuls cas où l'on peut donner moins que l'on n'a
reçu. Or, le cas d'une bonne œuvre n'est pas indiqué dans saint Li-
guori. Donc on ne peut admettre d'exception en faveur d'une bonne
œuvre; car saint Liguori n'en fait point, et c'est son sentiment qui
doit être notre régie.
Les deux preuves que nous venons d'indiquer sont le résumé du
n» 321. Le n» 322 donne la raison fondamentale de cette doctrine, à
savoir que l'honoraire est donné pour celui qui dit la messe, et non
pour celui qui la fait dire. Voyons plutôt.
3^2. Dubitatur i°. — Saint Alphonse se demande si celui qui re-
tient une partie de l'honoraire non-seulement pèche, mais encore est
560 THÉOLOGIE MORALE.
tenu à restitution? — 11 répond qu'oui, pour deux raisons : l" parce
que la proposition qui disait que l'on pouvait satisfaire par un autre
prêtre en se reservant une partie de l'honoraire, a été condamnée par
Alexandre VII ; or la satisfaction ne regarde pas seulement l'honnêteté
de l'acte, mais encore la justice. 2o Parce que l'intention de celui qui
donne l'honoraire, est que la messe demandée soit célébrée avec tel
honoraire; et que par conséquent, celui qui la fait célébrer en donnant
moins (tradito minori stipendie), pèche contre la justice, parce qu'il
n'exécute pas l'intention du donateur, et que cette intention entre dans
la substance du contrat : Quia non exeqiiitur dantis intentionem, qua
vult ut illa missa, iinde percipit fructum, tali stipendie celehretur, et
quia htijusmodi intentio intral in snhstantiam contractus. C'est pour-
quoi, si le prôtre retient une partie de l'honoraire, il le retient injus-
tement contre la volonté du donateur : Idée, si sacerdes partem sti-
pendii retinet, injuste centra dantis voluntatem retinet.
Celui qui a retenu une partie de l'honoraire doit donc restituer.
Mais à qui, se demande saint Alphonse? Au célébrant, répond-il,
parce que la charge lui ayant été transférée, le droit à l'honoraire tout
entier lui est transféré conformément à la volonté du maître : Restitu-
iionem faciendam esse celebranti, quia, translate in eum onere, etiam
jus ad integrum stipendium juxla voluntatem domini transferlur.
Donc l'honoraire est intimement lié à la messe. Telle est la volonté
du donateur. Ne pas donner tout l'honoraire à celui qui dit la messe,
c'est lui faire une injustice. Tel est en résumé le Dubitatur 1".
Mais continuons d'examiner ce n» 522. La doctrine du Saint va se
développer dans le Dubitatur 2". Saint Alphonse se demande si un
exécuteur testamentaire peut faire célébrer les messes qui lui sont
confiées, en des lieux où la taxe est moins élevée, et se réserver
l'excédant. 11 répond que non, pour deux raisons : 1° parce que ce se-
rait faire un gain honteux avec des honoraires; 2° parce que cet exé-
cuteur testamentaire n'a aucun titre pour se réserver cet excédant, at-
tendu qu'il n'a jamais acquis le domaine de ces honoraires : Quia
nulhim is titulum habet, que lucrum illud sibi retineat, cum nun^
quam dominium illarum eleemosynarum acquisierit.
THÉOLOGIE MORALE. 561
Ainsi donc, celui qui a reçu des honoraires n'a aucun domaine sur
ces honoraires. Il ne peut en disposer que suivant l'intention du do-
nateur. Or, quelle est l'intention du donateur? Est-ce d'en consacrer
une partie à une bonne œuvre? Non ; sa volonté est que la messe soit
célébrée, et célébrée avec tel honoraire : Voluntas dantis est, non
solum ut missa celebretur, sed ut celebretur tali stipendio. Car, quand
il donne un honoraire plus abondant, c'est pour recueillir de cette
messe un fruit plus abondant : Cum enim pinguem tradit stipem, ea
intentione dat ut uberiorem fruclum ex missa celebranda percipiat.
Voici donc, en résumé, la doctrine de saint Liguori, et les conclu-
sions rigoureuses qui en découlent : 1° 11 ne faut pas donner moins
qu'on a reçu; par conséquent on ne peut rien retenir pour une bonne
œuvre ; 2° il y a trois cas exceptés , mais celui d'une bonne œuvre
n'est pas compris dans ces exceptions ; 3° l'honoraire est attribué tout
entier par celui qui donne l'honoraire, non pas pour une bonne œuvre,
mais pour la messe ; donc, celui qui retiendrait quelque chose pour une
bonne œuvre, serait en opposition avec la volonté du maître. Il ferait
une injustice. Donc, retenir quelque chose pour une bonne œuvre est
une injustice.
Telle est la conclusion où nous étions arrivé pour nous-même en
nous basant sur le texte seul de saint Liguori. Mais craignant de nous
faire illusion en matière aussi grave, nous avons consulté la totalité ou
la presque totalité des théologiens et canonistes qui ont écrit après ce
grand théologien, qui l'ont connu, et qui pour la plupart se sont inspirés
de lui : Mgr Gousset, Scavini, Gury, Graisson, la Théologie de Nancy,
les Conférences d'Angers, le Rituel de Toulon (édit. de 1827), Bou-
vier, Vernier, Lequeux, Dens, André, les dernières éditions de Collet
et de Bailly, Neyraguet et Richaudeau ; et nous avons trouvé en tous
môme conformité de doctrine avec saint Liguori : 1° même principe :
donner tout ce que l'on a reçu; 2" mêmes exceptions, et jamais l'ex-
ception en faveur d'une bonne œuvre; 3" si l'on s'écarte de ces règles,
non-seulement il y a péché, mais obligation de restituer.
Les théologiens ont donc compris saint Liguori comme nous l'avions
compris nous-méme. Au reste, nous reviendrons encore là -dessus
562 THÉOLOGIE MORALE.
lorsque nous réfuterons la principale objection sur laquelle on se base
pour légitimer la pratique que nous condamnons.
II. — SENTIMENT DE BRNOÎT XIV.
Le second auteur auquel la Sacrée Congrégation du Concile nous
renvoie, et auquel elle veut que l'on se coaforrae, est Benoît XIV,
d'abord dans son ouvrage de Synodo lib. v,cap. ix, n" 2^ et ensuite
dans sa Constitution Quanta cura.
Examinons donc ces deux endroits.
Voici ce que nous lisons dans le Traité de Synodo à l'endroit in-
diqué : « Si tamen qui manualem eleemosynara consueta pinguiorera
« accepit, alteri sacerdoti missam celebrandam committat, non potest
a illius partem sibi retinere, sed totam quara accepit erogare débet sa-
« cerdoti celebranti. »
Ainsi donc le prêtre qui a reçu un honoraire, même plus abondant
que de coutume, pour célébrer une messe, et qui fait dire cette messe
par un autre, ne peut rien se réserver, mais il doit donner au prêtre
célébrant tout l'honoraire qu'il a reçu.
Or si l'on doit tout donner, nous demandons que l'on veuille bien
nous dire ce que l'on peut retenir pour une bonne œuvre.
Tel est le premier endroit où la Sacrée Congrégation nous renvoie.
Benoît XIV y parle comme saint Liguori : On doit donner tout à celui
qui célèbre.
Considérons maintenant la bulle Quanta cura , à laquelle nous
renvoie encore la Sacrée Congrégation. On verra que la doctrine est
la même.
Voici le résumé de cette bulle :
Chacun sait avec quelle sollicitude il faut veiller à ce que le saint
sacrifice soit célébré avec le plus grand respect; avec quel soin il faut
en écarter toute espèce de mercantilisme [cujnsvis generis mercedum
conditiones) et toute demande importune d'honoraires.
Or, nous avons appris avec douleur que des ecclésiastiques et des
laïques ont poussé l'avarice jusqu'à ce point, qu'ils recueillent, en cer-
THÉOLOGIE MORALE. 563
tains lieux, des honoraires conformes à la taxe de ces liegx, et font
dire les messes en d'autres endroits où l'honoraire esl moins élevé.
Cette pratique est abominable et contraire aux intentions des dona-
teurs. Celte espèce de mercantilisme n'est pas exempt du soupçon
d'avarice, ni même du crime de vol, qui oblige à restitution. Cette
pratique est cause que beaucoup de gens de bien, indignés de ce trafic,
ne donnent plus d'honoraires pour faire dire des messes.
Aussi, continue Benoît XIV, nos prédécesseurs, indignés de cet
abus exécrable, ont décrété qu'aucun prêtre qui ferait dire la messe
par un autre prêtre, ne lui donnerait un honoraire moindre que l'ho-
noraire reçu, quand même le prêtre célébrant consentirait à recevoir
moins :
« Execrabilem hujusmodi abusum alicubi sensim irrepentera detes-
« tantes Romani Pontifiees praedecessores nostri, deconsilio tum Gon-
« gregationis S, R. E. Cardinaliura Universalis Inquisitionis contra
« hereticara pravitatem, tum Congregationis Cardinalium Concilii
« Trid. Interp., decretum voluerunt, nimirura a quolibet sacerdote,
a slipendio seu eleemosyna majoris pretii pîo celebratione missae a
« quoeumque accepta, non posse alleri sacerdoti missam hujusmodi
(( ceiebraturo stipendium seu eleemosynam minoris pretii erogari, etsi
a eidera sacerdoti Missam celebranti, et consentienti, se majoris pretii
« stipendium seu eleemosynam accepisse indicasset. »
C'est pourquoi, ajoute Benoît XIV, faites savoir dans vos diocèses,
que quiconque ayant reçu des honoraires plus abondants pour célébrer
des messes, fera dire ces messes avec des honoraires moindres que
ceux qu'il a reçus, en se réservant une partie de ces honoraires, est ex-
communié ï'pso fado s'il est laïque, et suspens, également i\)so facto,
s'il est clerc.
Telle est la bulle de Benoît XIV. On le voit, c'est la môme doctrine
que dans son ouvrage de Synodo : on ne doit pas donner au célébrant
un honoraire moindre que celui que Von a reçu, quand même le célé-
brant y consentirait. Y a-t-il au moins quelques exceptions dans cette
bulle? Aucune; or là où la loi ne distingue pas, nous ne devons pas
distinguer. Donc Benoît XIV, dans sa bulle, aussi bien que dans son
56A THÉOLOGIE MORALE.
traité de Synodo, condamne ceux qui retiennent pour une bonne œuvre.
Nous pourrions donc dès maintenant tirer la conclusion que nous
avions annoncée. Mais comme l'opinion que nous combattons nous
oppose des moyens de défense auxquels elle attache une grande impor-
tance, il est juste que nous les examinions.
III. — Examen des difficultés que l'on nous oppose.
l'e Obj. — Les Souverains-Pontifes, dit-on, condamnent seulement
ceux qui retiennent pour eux-mêmes^ pour leur profit personne l, mais
nullement ceux qui retiennent pour une bonne œuvre; et la preuve,
c'est qu'ils ont toujours soin de mettre le mot sïbï. Ainsi le décpet ap-
prouvé par Urbain VIII porte : Parle ejusdem eleemosynse siBi retenta ;
et Benoît XIV dit également : Retenla siBi parte.
Cette objection est la plus sérieuse ; c'est même la seule qui soit
grave. Si le mot sibi a le sens que nos adversaires lui attribuent, notre
thèse tombe, et l'on peut réellement retenir pour une bonne œuvre.
Mais nous soutenons que ce mot n'a nullement le sens qu'on lui
prête. Retinere sibi signifie simplement retenir, et n'indique pas né-
cessairement un but d'utilité personnelle, un intérêt égoïste.
Eu eifet, il est bien remarquable que les théologiens n'ont attaché
aucune importance à ce mot; que, ni dans leurs ouvrages, ni dans les
actes des Souverains-Pontifes, ni dans les décrets des Congrégations,
on ne trouve le moindre vestige du système imaginé par nos adversaires.
Cette restriction aurait cependant une grande portée. Il s'agit de choses
fort graves, de péchés, d'injustices, de restitutions, d'excommunication
et de suspense. Dans les actes du Saint-Siège, dans les théologiens et
canonistes même les plus récents, même ceux auxquels nous renvoie
la Sacrée Congrégation, on ne trouve pas une ligne qui appuie ou au-
torise la distinction invoquée, ou qui la suppose d'une manière quel-
conque.
Il y a plus : M. Richaudeau, qui traite expressément cette question,
la résout dans le même sens que nous. L'auteur de la consultation de
1860, auteur que l'on dit être un savant professeur, croit aussi que
THÉOIOGIE MORALE. 565
l'on ne peut pas faire d'exception en faveur d'une bonne œuvre, parce
que, dit-i!, S. Liguori et Benoît XIV n'en font aucune. M. Bouix
penche visiblement vers notre sentiment. Nous avons fait lire par une
quinzaine d'ecclésiastiques intelligents, les passages en litige ; or tous
ont donné la même interprétation que nous.
Donc le sens vrai est celui que nous avons donné. S'il n'en était pas
ainsi, les théologiens et les canonistes auraient dû l'expliquer : les Con-
grégations romaines auraient dû le faire aussi, surtout quand elles ont
été consultées expressément sur celte question. Elles ne l'ont pas fait.
Donc la distinction que vous établissez est fausse.
Ce qui le démontre encore, c'est que les théologiens n'attachent
aucune importance à ce mot sibi, sur lequel repose la fameuse distinc-
tion. 11 en est même qui ne l'emploient jamais. S. Liguori l'omet très-
souvent. Ainsi : • Post hoc decretiim aliqui contendebant licitum esse
RETiNERE partcm eleemosynae...» Plus loin : «Tune enim licite posses
RETiNERE... » Et plus bas '. « Si sacerdotem roges ut remiltat, vel ab
eo quaeras an consentiat ut tu partem retineas ; tune enim nequis eam
RETiNERE...» Et il termine ce n» 321 par ces mots : « Ratio omnium
horum est quia décréta prohibentia retinere partem stipendii, tan-
tum loquuntur de raissis manualibus. »
Puis, il commence le n° 322 sur la restitution, parla question sui-
vante :« An qui retinet partem stipendii... » et il termine la réponse
en disant : « Ideo si sacerdos partem stipendii retinet, injuste contra
dantis voluntatem retinet. » Voyez surtout XHomo apostoliciis,
traité xv de Sacram. Eucharistix et append. 3 Exam. ordinandorum ;
le mot s^ihï ne s'y trouve pas une seule fois.
On le voit, S. Liguori a omis ce mot, prétendu important, en une
foule d'endroits, et précisément dans les endroits oti il le fallait. Donc
S. Liguori n'y attachait aucune importance. Et pourtant les passages que
nous venons de citer sont ceux-là mêmes où la Sacrée-Congrégation
nous commande de chercher notre règle de doctrine.
Mais allons plus loin, et examinons si les auteurs qui ont écrit depuis
S. Liguori ont parié autrement.
Mgr Gousset. — « 11 ne peut rien re/enir de la somme qu'il a reçue;
566 THÉOLOGIE MORALE.
« ce serait un trafic honteux, crimmel, injuste. » Puis, il cite à l'appui
S. Liguôri.
Le R. P. Gury. — « An qui retinet partem stipendii... »
La Théologie de Nancy. — ' « Non licet celebrare per aliura retenia
« parte stipendii... »
M. Craissdti. — x An qui stipendiuni accepit pro inissa celebranda,
« possit alleri conimitlere ut ipsius loco célébrât^ partem stipendii re-
(( tinendo ?.. . — Plures consentiunt licitum esse tune retinere parlem
« Stipendii... — Conomittens polest retinere... — Non potes tune re-
a tinere etsi consentiat, ex biilla Benedicti XIV... — His casibusaut
« similibus exceptis non licet retinere parlem stipendii pinguioris ; ita
« S. C. Conc. in decreto approbato ab Urbano VIII et confirmato ab
« Innoeentio XII ; damnataque fuit ab Alexandre VII proposilio sequens :
« Post decretum... — Ad reslitulionera tenelur qui stipendii partem
« retinuit. » Nous prions de remarquer ces citations. L'ouvrage est
tout récent ; il a été examiné à Rome par autorité supérieure, et il a
été honoré de Tapprobation et des éloges des examinateurs. De plus,
l 'auteur connaissait l'article de la Revue des Sciences ecclésiastiques où
celte difficulté a été examinée. Malgré cela, il n'emploie pas le mot sibi.
Dens. — et Primus (casus) est si slipendium proveniat ex beneficio,
« partem retinere potest. . . — In tali casu dat accipienti potestatem
« partem stipendii retinendi.
M. Lequeux. — « Qui post acceptura stipendium subrogat alium
0 sacerdotem ad celebrandum suo loco, non potest partem retinere,
» sed iolum stipendium huic débet conferre ; ita sanxit Urbanus VIII. . .
Les Conférences d'Angers. — a Alexandre VU a condamné cette
« autre proposition : Il est permis à unprêlrequi s'est chargé decélé-
« brer plusieurs messes, de les faire dire par un autre, lui donnant
a une partie de la rétribution et se réservant l'autre. La Sacrée Gon-
« grégation dans les réponses qu'elle fit aux demandes qui lui furent
« proposées au sujet du décret du 21 juin 1625 qu'on vient de rapporter,
« avait déclaré que c'était là un gain honteux et condamnable quand même
8 celui qui retient um parlie de l'honoraire qu'il a reçu, donnerait au
« prêtre qui célébrerait la messe la rétribution qui est réglée par les
THÉOLOGIE MORALE. 567
a ordonnances du diocèse. Car ii doit donner au célébrant tout l'ho-
« noraire qu'il a reçu, quelque considérable qu'il soit (I). Cette ré-
a tribution ayant été donnée pour faire célébrer des messes, elle est
et due à celui qui les célèbre, et celui qui l'a feçtié n'a droit d'en retê^
« nir aucune partie. Elle ne lui appartient par auûun titre ; s'il en
« relient donc une partie, il commet un vol, et il est obligé à resti-
« tuer.
« L'abus contre lequel on s'élève ici a mérité l'attention de BenoîtXlV,
« et dés la première année de son Pontifical, il adressa une bulle à
a tous les évéques, où il les exhorte à le défendre, sous peine d'ex-
« communiation pour les laïques, et, à l'égard des ecclésiastiques, de
« suspense, encourues par le seul fait et réservées, soit que ce stfH
a dans le diocèse même qu'on fasse célébrer ces messes à un moindre
« honoraire qu'on ne les a reçues, soit que ce soit dans un autre
« diocèse où l'honoraire est plus faible.
« La Sacrée Congrégation, dans les réponses qu'on vient d'alléguer,
«( a déclaré qu'on ne peut même rien retenir sur les honoraires qu'on
a reçoit pour faire dire des messes sous préteste de la dépense que
« la sacristie fait poiir les ornements, etc. »
Neyraguet. — Son ouvrage est une analyse exacte de saint Li^
« guori, et ne fait ici comme ailleurs qu'en répéter la doctrine.
Vernier. — 11 n'emploie jamais le mot sibi; il emploie une tour-
nure de phrase qui indique clairement comment il entendait les dé-
crets où se trouve ce mot. Le prêtre ne peut, « accepto pinguiorii,
0 alium sacerdotem pro minori de celebrationeonerare; nisi forte talfs
« sit dantis intentio. Unde damnata est ab Alexandre VH sequens pro-
« positio : Post decretum... Et Benedictus XIV Constitutione Quanta
u cura 30 junii 1744 hoc veluit sub pœna suspensionis ipso facto in
« clericum, et excommunicationisin laicum, S. P. réserva tarum.Quod
« intelligi débet, ait idem S. P., etiam pro casu quo sic distribuens
(1) Sacra Congregatio respondit debere absolule iniegram eleemosijnam
tribuere sacerdoli celebrauti, nec ullam illius partem sibi re tin ère posse.
(Noie du rédaclour des Conférences d'Angers.)
ÏJ68 THÉOLOGIE MORALE.
■ indicaret acceptanti raajus stipendium illis taxatum, hicque minori
« esset contentus, etc.. »
AL Richaudeau. — C'est, croyons-nous, le premier auteur qui ait
examiné ex professa la question qui nous occupe. Or, il regarde comme
gravement illicite la pratique de retenir une partie de l'honoraire pour
une bonne œuvre. Il dit: « Après avoir examiné sérieusement la
a question, nous croyons que celte pratique est gravement illicite, et
• cela pour plusieurs raisons : 1» Elle est une viola lion manifeste de
a l'encyclique de Benoît XIV qui défend, sans distinction , de retenir
a une partie de l'honoraire, elsi eidem sacerdoti missam celehranti et
« coNSENTiEtSTi se majoris pretïi stipendium accepisse indicasset,
« etc. »
Bailly. — Il indique les cas où l'on peut retenir une partie de l'ho-
noraire.Ce sont les trois seules exceptions indiquées par saint Liguori,
puis il ajoute : « Qui extra hos casus aliquid retinet, tenetur restiluere. »
JBoMî^ier n'emploie pas sibi; et il dit d'une manière absolue qu'il
faut tout donner : f At qui pinguiorem accepit stipem pro una missa
a celebranda, eam alteri celebrandam minori stipendie committere non
a potest, sed lotam eleemosynara acceptam tradere débet. Sic ah
a Urbano VIII statutum fuerat, et Alexander Vil, die 25 septerabris
a 1665, hanc damnavit propositionem : Post decretum... »
La Théologie de Toulouse. — « Si per alium missis satisfaciat, te-
H netur totum acceptum stipendium tribuere, licet sit solito majus,
« ut probalur damnalione propositionis sequentis ab Alexandro VII :
« Post decretum... Excipe casum in quo qui stipendium offert in hoc
« sponte et libère consentiret ; alioquin sacerdos restituere teneretur.»
La Théologie de Poitiers. — « Propositio V. Sacerdotes qui pro
« missis celebrandis stipendium acceperunt, casque missas aliis cele-
« brandas committunt, tenenlur totum acceptum stipendium tribuere,
a nisi aliquo justo titulo quamdam illius parlera retinere possint. »
L'auleur indique ensuite les exceptions ordinaires sans en indiquer
aucune en faveur d'une bonne œuvre.
Le B. P. Gury. — ii Bestituendum est quod retentum fuit, sacerdoû
« qui celebravit ; nam Missa data fuit celebranda tali slipendio; qui porro
THEOLOCÎIE MORALE. 569
(t eam celebravit, jus habet ad illud totum. d 11 indique les exceptions
seules qui se trouvent dans saint Liguori.
On le voit, le mot sihi n'a pas la moindre importance aux yeux des
théologiens. Concluons donc encore une fois que la distinction est re-
poHssée par la doctrine de Benoît XIV, de saint Liguori et des autres
auteurs qui exigent d'une manière absolue que l'on donne tout ce que
l'on a reçu, sans rien retenir.
2» Obj. — On la tire du but que se propose Benoît XIV dans sa
Bulle, savoir : empêcher l'avarice. On raisonne ainsi : En gardant une
partie de Thonoraire pour une bonne œuvre, je n'agis pas par avarice,
et par conséquent, je ne suis pas dans le cas contre lequel est dirigée
la Bulle de Benoît XIV. A cela nous répondons :
II est faux que les Souverains-Pontifes n'aient eu pour but que
d'empêcher l'avarice. Ils ont eu d'autres fins très-graves, indiquées
dans la Bulle de Benoît XIV et dans les théologiens: 1" défendre l'ap-
parence même, ce qui pourrait faire naître le soupçon d'avarice ou
d'un gain coupable. Ainsi, la Bulle dit positivement que cette pratique
n'est pas exempte du soupçon d'avarice {qupd.... non solum ab ava-
ritix suspiGiONE. . . . immune). Et dans le sommaire placé en marge de
la bulle, on lit : A missarum celebratione quolibet turpis qu^stus
SPECiES ARCENDA. — Saint Alphonse dit également que l'on ne peut
donner moins quon a reçu, parce qu'Urbain VIII, à cause de l'appa-
rence d'un gain honteux, a défendu de le faire : Quia Urbanus VIII,
ob speciem turpis quxstus^ id fieri vetuit. Et le P. Gury, se faisant cette
question : An sacerdos curare possit missam per alium celebrari,
minus dando quam accepit? répond : Nego omnino; ratio est quiaob
speciem turpis lucri....
2» Empêcher l'injustice. Qu'on veuille bien remarquer cette raison.
Et l'on commet une injustice, puisque l'on viole l'intention du dona-
teur qui est d'attribuer l'honoraire à celui qui dit la Messe. Et si l'on
viole cette intention, on fait un péché, et de plus on est tenu à restitu-
tion. La proposition contraire a été condamnée par Alexandre VII,
et par Benoît XIV, dans la bulle Quanta cura : Quod... a furti crimine
unde restitulioni subjaeet haud immune. C'est l'opinion de saint Li-
ReVUE des sciences ECOLES., T. IX. — JClN 1864. 37
570 THÉOLOGIE MORALE.
guori et de tous les théologiens que nous avons cités, sans aucune ex-
ception.
3" Empêcher tout ce qui ressemble au mercantilisme : Velut a
mercatiiris faciendis . . . , Mercatura hujusmodi, (Bulle Quanta cura,
§ 2.) Or, en permettant de garder pour une bonne œuvre, vous éta-
blirez partout une sorte de mercantilisme, Car il n'y a pas un seul
homme au monde, ecclésiastique ou laïque, qui n'ait toujours quelque
bonne œuvre à faire, bâtir ou orner une église, construire une cure,
établir et doter des maisons religieuses, payer la pension d'étudiants
pauvres, constituer une dot à des religieuses, fonder des salles d'a-
sile, secourir les pauvres, acheter et répandre de bons livres, etc., etc.
On verra donc des prêtres, des laïques accaparant des messes de tous
les côtés, et ensuite, cherchant à les faire acquitter en donnant moins.
Et tout ce mouvement d'argent se produirait au sujet du saint sacrifice,
c'est-à-dire de la chose la plus sainte de la rehgion! Quel scandale!
Et voilà pourtant où conduirait naturellement l'opinion combattue par
nous.
3® Obj. — La coutume de retenir une partie de l'honoraire pour
une bonne œuvre est généralement répandue. Or la coutume fait loi ;
elle détruit même les lois contraires.
Il faudrait d'abord prouver que cette coutume renferme les conditions
requises pour la légitimer. Or nous croyons que la pratique dont il
s'agit n'en renferme pas une seule : l» elle n'est pas suivie par la
majorité; 2" elle n'est pas raisonnable, puisque c'est une injustice, un
vol; 3° elle n'est pas suivie depuis longtemps ; car nous n'en avons
pas découvert la moindre trace dans les décrets apostoliques, ni dans
les théologiens ou canonistes jusqu'à M. Richaudeau, qui écrivait en
1853 ; 4" elle ne peut revendiquer le consentement du législateur,
puisque, en 1860, la Sacrée Congrégation du Concile, organe ordinaire
du Souverain-Pontife, renvoie sur ce point à la législation du pape
Benoît XIV, et veut que l'on s'y conforme.
Cette objection est donc sans aucune valeur.
4* Obj. — Avant de retenir une partie de Thonoraire pour une bonne
œuvre, nous demandons toujours le consentement du prêtre qui dit
THÉOLOGIE MORALE. 571
la messe. Or nous avons bien [a Jioii Je garder ce qat» l'un consent à
nous donner.
Nous répondons : Vous n'en avez pas le droit; car la bulle Quanta
cura le défend expressément, quand même vous avertiriez le prêtre
célébrant, et qu'il y consentirait :a Etsi eidem sacerdoti missam cele-
« branti et consentienti, se raajoris pretii stipendium seu eleemosynara
0 accepisse indicasset. » Le même Pontife reproduit cette doctrine
dans son traité du saint-sacrifice. Vo'ci sa troisième régie relative-
ment aux honoraires. « Tertio, qui eleemosynara accepit taxa dicece-
« sana majorera pro una raissa, si ab aliis missam celebrari curet, te-
« netur quidquid acceperit tradere sacerdoti celebranti^ etiamsi hune
a monerel se pingniorem eleemosynam accepisse, volentique et con^
« sentxenli minorera eleeraosynara offerret. a Enfin, ce même Be-
noît XIV nous fait connaître un décret de la Sacrée Congrégation du
Concile, du 23 août 1664, qui avait déjà fixé celte jurisprudence. Ce
décret est indiqué dans le passage suivant du même ouvrage : a Quj
a stipendium solito majus consecutus fuerit, si alium sacerdotem suo
« loco ad celebrandum sufificiat, integram pecuniam in illum conférât,
(( sibique nihil oranino retineat. Id quoque servandum S. G. in Ro-
« raana Eleemosynx die 23 augusti anni 1664, lib. xxiv Decrelor.
a decrevit, licet sacerdos ad faciendum sacrum subrogatus rem to-
« tara plane noverit, et taraen se minori stipendio contentum fa-
« teatur. »
Saint Liguori tient le même langage, nous l'avons vu.
Alors, que faut-il de la part du prêtre substitué? Il faut condona-
tion venant de sa libéralité et de sa complète spontanéité : liberaliter
et omnino sponle tibi condonet, dit saint Liguori. Et il ajoute que
cette condition n'existe plus, si vous priez ce prêtre de faire la remise,
ou si vous lui demandez de faire vous-même la retenue : « Si sacer-
« dotera roges ut reraittat, val ab eo quseras ut tu partem relineas. »
Et tous les théologiens parlent comme saint Liguori.
Donc le consentement ne suffit pas,
5" Obj. — Les donateurs ne peuvent être que satisfaits, de voir que
l'on fait dire autant de messes qu'ils le demandent, et que de plus on
572 THÉOLOGIE MORALE.
contribue à faire des bonnes œuvres avec la partie des honoraires qui
n'est pas consacrée au saint-sacrifice.
Nous répondons : L'intention des donateurs doit être remplie, quand
elle est raisonnable. Or leur intention, dit saint Liguori, est que
l'honoraire, tel qu'ils le donnent, soit attribué à celui qui dira la messe.
Cette intention est assurément raisonnable. Elle est approuvée par saint
Liguori et par tous les théologiens. De quel droit la violez-vous? De
quel droit trafiquez-vous d'un honoraire qui ne vous appartient à aucun
titre, et qui n'a pas été destiné à cela par les donateurs ? Vous com-
mettez unejnjuslice ; et vous devez restituer.
Telles sont en substance les raisons qui nous font condamner
comme gravement illicite, la pratique de retenir une partie de l'hono-
raire pour une bonne œuvre.
Nous ne savons pas jusqu'à quel point l'on pourrait attaquer quel-
qu'une des preuves que nous avons apportées. Mais nous croyons que
notre thèse, considérée dans son ensemble, ne peut être contestée.
Au reste, si l'on nous démontre que nous nous sommes trompé,
nous sommes tout prêt à renoncer à notre sentiment. Nous n'avons
rien plus à cœur que de nous soumettre aux régies de l'Eglise tt aux
décisions du Saint-Siège.
J. P. Maugèhe,
Professeur de liturgie.
RÉPONSES
A DES CONSULTATIONS LITURGIQUES.
g I. — Du TETIT OFFICE DE LA SAINTE ViERGE.
/. Quand on récite le petit office de la sainte Vierge en dehors du
grand office, doit-on dire Pater, Ave, Credo, avant matines et
avant prime ? — //. Quelle est la conclusion des heures ? — ///.
Au temps Pascal, doit-on ajouter Alléluia aux antiennes, versets
et répons? — IV. Doit-on dire le Te Deum à certains jours ? —
Que faut-il penser d'une mémoire du Sacré-Cœur qui se trouve
dans quelques éditions ?
Les trois premières questions se trouvent résolues par trois décisions
insérées dans les Analecta (2« série, p. 2195). Avant matines et avant
prime, on dit seulement Ave Maria. Pour la deuxième, on renvoie au
Bréviaire, d'où il semble résulter que l'office se conclut par Fidelium
animse. Une édition du petit office de la sainte Vierge, imprimée à Rome
en 1707, indique la fin des laudes après Fide/JM/nanimaj, Paternoster,
Dominus det nobis suam pacem, et l'antienne à la sainte Vierge sui-
vant le temps. Après l'oraison decoraplies, on indique le ^. Benedicat^
l'antienne à la sainte Vierge, puis Pater, Ave, Credo. Au temps
Pascal, l'office est comme pendant l'année, sauf l'antienne de Magni-
ficat, de Benedictus et de Nunc dimiltis. La rubrique du Bréviaire
est positive, le décret cité y renvoie et l'édition du petit office dont
nous avons parlé porte la même chose.
Voici le texte des trois décisions :
« Dub. 42. Quomodo inchoari debeant hor» officii parvi B. M. V, ,
« quando recitatur a clericis non in sacris, aut ab aliis qui non dicunt
« ofBclum canonicum? Nempe utrura dici debeant ante matutinum et
67à LITURGIE.
« ante primam, Pnter, Ave, Credo; ante alias horas, excepto com-
« pletorio, Pater, Ave ? Vel etiam potius huic casui applicanda sit
« rubrica tU. xxxii, n. 3, assignans tantum salutationem angelicam
« pro initio horarum ofGcii parvi B, M. V., quando non conjungitur cura
« officio Domini, adeo ut in omni casu, etiam antematutinum,salutatio
« Angelica sufficiat? — Dub. 43. Quomodo idem officium parvum a
« praedictis ciericis, aut aiiis similiter solum recitatum concludi
« debeat in variis horis? Nempe utrom post j^. Fidelium animx di-
ct cenda slt oralio Dominica in fine laudum, horarum minorum,
a insuper in fine completorii post y. Divinum aMa;i/iM/?i,addendo Ave
« et Credo? — Dub. 44. Utrum decretum diei 26 augusti 1752 in
« Gadicen. ad. 2, de non addendo Allekiia tempore Paschali in
« officio parvo quando ultra officium diei recitatur^ atque similis ru-
« brica breviarii de eodem officio tempore Paschali, spectent etiam
« eos qui solum officium parvum recitant ? vel tantum sint pro casu
« quo horœ B. M. V. dicuntur ultra officium diei ?» — Réponses :
« Ad. 42. Négative ad primam partem ; affirmative ad secundam.
« Ad. 45. Uti habetur in breviario. Ad. 44. Affirmative ad primam
s partem, négative ad secundam. »
Le décret cité dans le Dubium 44 est celui-ci : « Quando ultra
« officium diei recitatur ahud de aliquo sancto ex fundatorura vo-
« luntate, si tempus currerit Paschale, ritum pro tempore convenit
« imitari addendo antiphonis, versiculis, et singulis responsoriis
« Alléluia, uno excepto B. M. V. officio parvo, in quo, dum feriali
« conjungitur officio diei, nullura additur Alléluia, secundum pecu-
« liarera illius rubricara, » (Décret du 26 août 1752, n''4227, q. 2.)
La rubrique dont il est ici question se trouvant dans le bréviaire, il
est inutile de la citer in extenso.
La quatrième question relative au Te Deum, ne peut être résolue
que par l'examen de rédition romaine de 1705. On y insère l'office
en entier pour chaque partie de l'année. Dans le premier office, celui de
l'année, le troisième répons est précédé de celte rubrique : « Il seguente
« responsorio che si tralascia quando si dice il Te Deum laudamus » ;
puis avant cette hymne il est dit: « Il seguente inno Te Deum, si
1
LlTUllGIK. o7o
« dice a suo piacimento dalla Naiivilà del Sigiiore inlino alla Sellua-
a gesiraa, et dalla doraenica délia Resurrezione infino all'Avvento, e
« quando si dice detto inno, si lascia di dire il terzo responsorio....
« Ma nell'Âvvento, e dalla Settuagesima infino alla Pasqua non si
« dice, eccelto nelle feste délia B. V. M. » Dans l'office de l'Avent,
qui se récite aussi le jour de l'Annonciation, il est dil : a II seguente
« Te Deum si dice nelle feste della Concezione e Annunziazione. »
La rubrique du troisième office est renfermée dans celle du premier.
Pour ce qui regarde la mémoire du Sacré-Cœur, elle ne fait point
jpartie du petit office de la sainte Vierge, et n'a pu y être introduite que
par erreur ou par une concession spéciale.
§ II. — Des Cérémonies du Baptême.
/. Quand doit-on imposer à l'enfant son nom de baptême ?— IL L'u-
sage universel de faire les interrogations en langue vulgaire ne
prouve-t-il pas l'impossibilité matérielle d'obtenir les réponses en
latin ?
I. Le rituel indique d'une manière positive que le nom de baptême
est imposé à l'enfant avant la première interrogation : « Accepto no-
« mine baptizandi... parochus ad baptismum procédât, in hune modum
« norainatim interrogans: N., quidpetis ab Ecdesia Dei? o
II. Quant à l'usage de la langue vulgaire pour les interrogations,
il n'en est point fait mention dans le rituel. La Sacrée Congrégation a
toujours répondu négativement lorsqu'on lui a demandé s'il est permis
de faire les interrogations dans une langue autre que la langue laline.
S'il y avait impossibilité matérielle d'obtenir les réponses en latin, la
Sacrée Congrégalion aurait tenu compte de cette circonstance. D'ail-
leurs, l'usage d'un bon nombre de diocèses montre que cette préten-
due impossibilité n'existe pas. Les réponses sont fort courtes, faciles à
suggérer et peu multipliées. 11 faut répondre Fidem, vitam œternam^
trois fois abrenunlio, trois fois Credo, et une fois volo. Nous trouvons
dans les Analecla les décisions suivantes :
576 LITURGIE.
i*' DÉCRET. Question : » An in administratione baptismi interro-
« gationes quibus respondere débet patrinus infantis, vel catecbu-
« menus baptizandus, fieri debeantlingua vulgari, prout ipsum rifuale
• innuere videtur de baptisrais adultorum? » Réponse: « Négative.»
(Décret du 12 sept. 1854, Anal. 12« livr. p. 2199.)
2^ DÉCRET. Question : <x Ulrura in collatione baptismi interro-
0 gationes possint fieri vernacule, vel saltera vernacule iterari, post-
a quam latine factae fuerint? » Réponse: « Quoad interrogationes
• quae baptismi ordinem praecedunl vel sequuntur^ ac pro quibus ri-
• tuale nuUara exhibet formulam : Affirmative. Quoad interrogationes
« quae in ipsomet baptismi ordine occurrunt ac pro quibus formulas in
« rituali extant : Négative ad utramque parlem. «(Décret du 12 sept.
1857. Anal. 13« livr. p. 542.)
11 ne sera pas inutile de rapporter ici le votum qui a donné lieu à
cette dernière décision. On comprendra de plus en plus combien il est
important de faire des efforts pour introduire partout la pratique des
vraies règles liturgiques.
« RitualeRomanum, tit. De iis qux in admislratione sacramentorum
t generaliter servanda siint, haec habet inter caetera : In sacramento-
8 rum administratione (parochus vel quivis) eorum virlutem, usum ac
a utilitatem, et caeremoniarum significationem, ut concilium Tridenti-
1 rum praecepit; ex SS. Patrum et catechismi romani doctrina, ubi
« commode Gerit potest, diligenter explicabit. »
Ut igiiur proposito dubio respondeam, interrogationes ab interroga-
« tionibus distinguo, quas Rituale Romanum fieri mandat in admini-
a stratione baptismi. Alise enim sunt, ut ita dicam, praeparatoriae, et
a eas generice faciendas esse mandat. Ita cap. de sacris oleis et aliis
« requisitis, in fine : Interroget [nisi de his bene sibi constet)an sit
fl suse parochix, masculus an fœmina, an sit domi baptizatus, etc.
« Aliae sunt interrogationes determinatae, quas certis verborum for-
« mulis ad literam subjicit, prout videre est in ordine baptismi par-
« Yulorum. Primae faciendaî quidem sunt vernacule ; at de secundis
« affirme non aliter, quara quomodo in Rituali Roraano continentur,
« id est lalina lingua fieri debere. Idque assero, pnmo ex verbis apos-
« tolicarum lilerarum Aposlolicx Sedis, 19 junii 1614; quibus Paulus
LITURGIE. 0//
« Papa V venerabiles Fratres Patriarchas, etc., in Domino hortatur,
0 ut in posterum tanquam Ecclesix Romanx flii ejusdem Ecclesix
0 omnium mat ri s et magistrx auctoritate comlïluto Ritiiali in sacris
• functionibus uiantur, et in re tanti momenti, qux catholica Eccles'ia,
t et ab ea adprobatus usus antiqnitatis statuit, inviolate serventur.
« Secundo ex paritate rationi.s, quae Sacra haec Congregatio in una or-
a dinis Minorum Capuccinorum 29 maii 1835 ad 3, decrevit, eliminan-
« dam consuetudinem dicendi in communione fidelium EcceAgnus Dei
« et Domine non sum dignus, idiomate vulgari. Ter^io^denique ex pa-
« ritate ducta ab ipso Ritualis Romani libro, qui, ubi voluit inter-
« rogationes fieri vernacula iingua, aperte declaravit, ut in sacramento
« matrimonii : De consensu in matrimonium (parochus) interroget
9 utnimqiie fvirum et mulierem) sigillatim in lame modum vulgari
« sermone. Ad quem locum haec habet in suis commentariis Hier.
« Baruffaldi, tit XLll. g (1, ex quibus facile deducitur, quam is tenax
€ essel latinae linguae : Quod si tum spotisi contrahentes, tum testes
« bene callerent linguam latinam, vel latini essent, non video cur
« parochus eos non possit latina forma a rituali descripta^ inter-
« rogare et responsum accipere, Idioma enjm hoc nihil altei^at essen-
« tiam sacramtnti et contractus, sicuti non adimunt quidquam in
a baptismo abrenuntiationes et interrogationes quœ a sacerdote (îunt
« baptizandis juxtaprœscripta. »
On conclut de ces réflexions la réponse indiquée ci-dessus. Il serait
à désirer que, dans les nombreux diocèses de France et d'Allemagne
où la pratique contraire est introduite depuis des siècles, on consultât
le Saint-Siège à cet égard. Ce serait le moyen d'arriver à une règle de
conduite qui puisse rassurer toutes les consciences.
P. R.
SITUATION DE L'ÉGLISE ANGLICANE.
Débats théolog^iques. — Y a-Ml une Égalise anglicane?
(correspondance.)
Ce que l'Angleterre offre de plus intéressant au point de vue Ihéolo-
gique, ce sont peut-être les débats qui surgissent au sein de cette reli-
gion, qui est celle de la minorité aristocratique, et qu'on appelle
l'Établissement anglican. Une nomenclature des questions qui agitent
aujourd'hui le clergé de cette église paraîtrait fatigante. Sur un seul
point, la question de la messe, que de problèmes déjà ! Y a-t-il une
messe dans l'église anglicane? Cette messe est-elle un sacrifice? Et si
l'Établissement a une messe et un sacrifice, convient-il que ce sacrifice
soit célébré chaque jour de la semaine? On écrit pour et contre, et le
désaccord a déjà passé de la théorie dans la pratique. La polémique
n'est pas moins vive au sujet de l'office pour les morts : elle est même
devenue publique et a retenti jusqu'au sein du Parlement.
Le Church Times, il y a quinze jours, rendait compte d'un service
funèbre, où l'officiant ayant placé des cierges allumés de chaque côté du
cercueil, a de plus encensé le corps du défunt, et, ce qui paraît être
l'innovation la plus caractéristique, a fait chanter à la fin de chaque
psaume notre verset, entièrement étranger à l'office de son église :
« Donnez-leur, Seigneur, le repos éternel, et que les âmes des fidèles
reposent en paix. » Le fait s'est passé à Londres et les commentaires du
journal lui étaient favorables. Le même numéro de cette feuille conte-
nait une autre discussion au sujet de la confirmation : Est-ce une simple
cérémonie? Y a-t-il une grâce attachée à cet acte religieux ? Faut-il y
voir une pure rénovation des vœux du baptême? Ne s'y produit-il pas
une augmentation de la vie spirituelle dans l'âme du confirmé? Voilà
ce qu'il s'agit de traiter, entre prôlres, pour l'édification de leurs
CORRESPONDANCE d'aNGLETERRC. 57V)
consciences, car depuis trois siècles que les évoques anglicans admi-
nistrent la confirmation, ils ne savent pas encore s'ils y donnent quelque
chose ou s'ils n'y donnent rien. Le titre de prêtre qu'on vient de lire est
aussi matière à débats, car, dans une circonstance récente, plusieurs
ministres ont refusé de signer un document où leurs confrères avaient
apposé cette qualification à leur signature. Mais la grosse question qui
reparaît par intervalles depuis quinze ans et qu'on croyait étouffée,
c'est celle qui vient d'éclater de nouveau à propos d'un incident judi-
ciaire et qui, présentée sous des formules diverses, est en définitive
celle-ci : Y a-t-il, oui ou non, une Eglise d'Angleterre? En d'autres
termes : Le corps de fonctionnaires qui tient les charges de l'Église et
qui jouit de ses bénéfices, est-il autre chose qu'une branche de l'admi-
nistration civile?
Deux écrivains, MiM. Williams et Wilson, dignitaires de l'église
anglicane, ont parlé contre l'Ecriture sainte et la révélation dans un
volume de mélanges qui a pour titre : Essays and Revieivs, et qui tout
entier porte l'empreinte des idées avancées de l'école allemande ; une
première sentence les frappa. L'autorité ecclésiastique avait jugé qu'on
ne peut occuper des fonctions dans une église, quand on professe
une doctrine opposée à ce qui est le fondement même de cette église et
de tout le Christianisme. La Cour des Arches censura quelques-unes
des propositions extraites du livre. Appel de ce jugement a été interjeté ;
la cause est venue devant le Conseil privé de la Reine. Là, lord West-
bury et lord Brcugham, siégant à côté de l'Archevêque de Cantorbéry
et de l'Évéque de Londres, décident en dernier ressort de toutes les
questions ecclésiastiques. En vertu de leur arrêt, les appelants acquit-
tés restent en fonction, demeurent dans l'Église et continueront à atta-
quer, au nom de Jésus-Christ, l'Évangile qu'il a enseigné. Les choses
en étant à ce point, Mgr Manning a fait paraître une brochure qui est
un exposé rapide des phases que celte question a parcourues depuis
lejour où lui-même a jugé que l'Établissement n'est plus tenable et
où il a passé à Rome, suivant la locution anglaise. Nul homme n'est
mieux placé que lui pour apprécier une telle situation. Esprit pénétrant
autant que modéré, initié à tous les secrets de l'anglicanisme, connais-
580 SITUATION DE l'ÉGLISE ANGLICANE.
sant les personnages qui s'y agitent, sa plume élégante autant que pré-
cise esquisse en quelques pages tous les traits saillants du tableau.
Voici le titre de la brochure : « La Couronne en Concile au sujet des
Essais et Revues; lettre à un ami, par H. -Ed. Manning. » Un récit
succinct de ce qui se passa dans l'affaire Gorham au sujet du baptême,
amène l'illustre auteur au récit d'un fait historique qui mérite d'être
rappelé. On sentait alors, que si l'Église d'Angleterre devait encore
prétendre à faire partie de l'église vivante du Christ, il fallait que, par
un acte solennel, en synode ou par ses évêques, elle répudiât l'hérésie
que le jugement de la Couronne venait de légaliser et dont la respon-
sabilité allait peser sur elle.
« Un effort dans ce sens eut lieu, » c'est Mgr Manning qui parle ;
« lord Bloinfield, alors évéque, présenta aux Chambres unbill modificatif
de la juridiction suprême attribuée à la Couronne en matière de doc-
trine. 11 proposait qu'à l'avenir la question de doctrine fût séparée de
la question légale ; que la première ftit dévolue aux évêques, tandis que
la seconde irait comme d'ordinaire au Conseil privé. Le débat qui
s'engagea est mémorable. Il excitait au plus haut degré l'intérêt des
partis et même l'anxiété des consciences. On savait, en effet, que sa for-
tune bonne ou mauvaise devait exercer une influence considérable sur
la conduite de plusieurs. La séance de la discussion, dans la Chambre
des lords, attira à la barre de cette chambre et dans ses galeries un
grand concours. Lord Blomfield, évêque de l'église anglicane, parla
comme il parlait toujours, avec une éloquence simple, mâle, pathétique
et qui respirait la conviction. Un autre de ses confrères déploya les
dons naturels de son esprit avec beaucoup d'entrain ; il avertit la
Chambre, que si quelque satisfaction n'était doimée sur la question
proposée, les résultats les plus opposés aux vues de la Chambre seraient
la conséquence infaiUiblede ce refus. Beaucoup, dit-il, qui sont comme
les perles de l'église d'Angleterre, tomberont de son écrin. Lord Car-
lisle s'empara de ce mot : — « Si ces perles, dit-il, tombentsi facilement,
il faut apparemment qu'elles soient bien mal enchâssées dans la parure
de l'église. » - Ce mot de la sagesse humaine est pourtant prophétique-
ment vrai, car il doit être bien fermement rivé dans l'Établissement, celui
COPRKSrONDANCF. n'ANdl.ETFRRE. 581
qui a pu résister à tout ce qui s'est passé depuis ces jours-là. Lord
Brougham parla contre le bill. Son langage fut celui du bon sens an-
glais. « Les évoques, dit-il, ne seront pas un tribunal suffisant pour
les questions de controverse doctrinale. Il pourra se faire, en effet, ou
qu'ils se divisent en nombre égal, et ne donnent aucune décision ; ou
que leur décision soit celle d'une simple majorité, incapable de por-
ter la conviction dans les esprits, ou même que cette décision, por-
tée d'ailleurs par une majorité nombreuse, trouve en face d'elle des
hommes éclairés dont l'influence prévaut sur le nombre et qui entraî-
neront l'opinion publique à leur suite. » La destinée du bill fut telle qu'on
devait le prévoir. 11 fut rejeté d'une manière écrasante tout à la fois par
la force des arguments et par le nombre des vot,es. Le vice total de la
situation apparut d'une manière si claire et si désespérée, que depuis
cette époque on n'a plus tenté aucun remède. Je me rappelle que parmi
ceux qui assistaient à ce débat, il y en eut un auquel le discours de
lord Brougham suggéra la question suivante : — Supposé que tous les
évéques de l'église d'Angleterre décident un point de doctrine â l'una-
nimité, y aura-t-il quelqu'un qui reçoive leur décision comme infaillible?
— La réponse est : Non, pas un ; pas même ceux-là qui déclarent que
si l'église d'Angleterre ne sejustific pas, ils demeureront pourtant avec
elle ; non, ceux-là mêmes n'oseraient pas affirmer que la décision una-
nime de l'Épiscopat anglais est infaillible. — C'était réduire la question
à sa dernière analyse. Pour quiconque croit à l'existence sur la terre
d'une autorité destinée par Dieu à l'enseignement et au maintien de la
vraie foi, il était démontré par ce seul fait que l'église d'Angleterre
n'est pas cette autorité. »
Mgr Manning arrive plus loin à parler de l'ouvrage qui a occa-
sionné le nouveau procès : Les Essais et Revues. Il est vrai, dit-il, que
la convocation du clergé s'est élevée contre ce hvre, et je ne puis même
le mieux faire connaître qu'en donnant le document qui émane de cette
convocation. Il y est dit: «Nous avons examiné avec attention l'ouvrage
déféré et nous trouvons que ses principes saillants sont ceux-ci :
« 1 . Que dans l'état actuel de la science, l'esprit humain arrivé à
l'âge viril doit être la règle d'après laquelle l'individu mesure et déter-
582 SITUATION DE l'ÉGLISE ANGLICANE.
raine la vérité de la Bible, en se laissant guider par les lumières de son
intelligence et par l'autorité de sa conscience.
« 2. Que lorsque la Bible se trouve en contradiction avec ces don-
nées de l'intelligence formée par l'éducation, toute autorité divine
doit être refusée à l'Écriture sur ce point que la raison repousse, et
que ce point lui-même doit être considéré comme une simple énoncia-
tion humaine.
« 3. Que les principes universellement admis jusqu'à ce jour, dans
l'Eglise, pour l'interprétation de la Bible, sont insoutenables, et que de
nouveaux principes doivent leur être substitués, sous peine de voirie
crédit môme et l'autorité de la sainte Écriture anéantis.
« Nous trouvons, dit l'acte de la convocation, » que l'ouvrage nie,
révoque en doute ou défigure un grand nombre des énonciations ou
des doctrines que la sainte Écriture nous présente. Par exemple, ce livre
attaque :
1° La vérité des miracles, y compris la création telle que la Bible la
présente ;
2° Les prédictions des prophètes, en particulier celles qui regardent
l'Incarnation, la personne et la mission de Notre-Seigneur ;
3° L'unité d'origine du genre humain en Adam ;
4"» La chute de l'homme et le péché originel ;
5" L'ordre de Dieu relatif au sacrifice d'Isaac ;
6° L'Incarnation de Notre-Seigneur;
7" La Rédemption par le sang du Christ;
8" La personnalité du Saint-Esprit;
9° Le fait même de l'inspiration particulière et surnaturelle. »
Telle était la dénonciation portée par le clergé anglican contre les
Essais et Bévues. Si jamais une condamnation parut certaine, c'était
bien celle d'un livre qui contient une attaque si directe contre ce qu'il
y a de plus clair dans les articles de l'église anglicane. Que penser
cependant de ce qui se passe ; de l'acquittement partiel à la Cour des
Arches, et de l'arrêt de non-lieu, rendu sur appel, par le Conseil privé
de la Reine? La brochure de Mgr Manning fait ressortir clairement
ces deux faits: l'un, que cet acquittement est pire que celui de
CORRESPONDANCE D ANGLE ItlUîE. ÔSo
M. Gorham, dans la question du baptême ; l'autre, que le clergé angli-
can tout entier est responsable de la sentence portée par des tribunaux
dont il accepte dans la pratique la décision et l'autorité. Il va plus loin :
il montre que les impiétés scientifiques de MM. Williams, Wilson et
Colenso, sont les fruits naturels de l'esprit qui anime depuis son origine
l'église anglicane, et constituent une conséquence légitime de ses
principes. «En effet, » dit-il en concluant, « l'église d'Angleterre dé-
cline pour elle-même toute prétention à rinfaillibilité ; et comme elle
s'élève avec plus de force encore contre toute semblable prétention dans
les autres parties de l'église ; comme elle prétend être elle-même leur
guide et leur réformateur dans la voie du Christianisme primitif, son
attitude en cela équivaut à une affirmation positive, que la régie su-
prême en matière de religion est la raison humaine, et qu'il appartient
à celle-ci d'exercer une critique illimitée sur tout ce qui est du domaine
de rÉcriture, des Pères, des conciles, de l'histoire et des témoignages
sur lesquels elle repose. » Cette conséquence n'a rien d'exagéré; et
la seule chose incroyable, c'est que le clergé anglican cherche encore
en dehors de l'infaillibilité une position tenable contre la critique à
outrance.
On lira aussi avec intérêt le sermon que Mgr Manning a prononcé à
Rome, sur la restauration de l'église de Saint-Thomas. C'est un aperçu
de l'histoire théologique de l'Angleterre, qui résume des études sé-
rieuses et de profondes méditations. — Aussitôt que le R. P. Newman
aura terminé la série des pubUcations qui répondent aux attaques de
M. Kingsley contre sa personne et contre l'Église, nous rendrons
compte de cette polémique, où le professeur d'histoire de Cambridge
reçoit de l'ex- professeur d'Oxford une sévère leçon, et n'a de son côté
ni un rieur ni un journaliste.
La brochure et le sermon de Mgr Manning ont paru chez Burns et
Lambert. Les cinq brochures publiées par le P. Newman, en réponse
à M. Kingsley, se trouvent chez tous les libraires catholiques de
Londres. Elles ont été publiées par la hbrairie Longman, Green,
Longman Roberts and Green, London.
Pour extrait : E. Hautcœur.
BIBLIOGRAPHIE.
De BoHO PaapertatU seu de contemptu et vanitate mimdi. — Liège.
Dessain, iii-32, xix-439 pp.
Ce petit livre a eu la singulière fortune de se perdre deux fois, et
d'être retiré deux fois d'un oubli total par des hommes qui aimaient à
déterrer dans les bibliothèques les trésors de science et de piété que
les siècles nous ont légués. Il a été publié pour la première fois en
1619, d'après d'anciens manuscrits, par leP. Schott.dela compagnie de
Jésus. Depuis lors, le livre imprimé est devenu â peu près aussi rare
que les manuscrits eux-mêmes. La TiOuvelle édition est due à MgrMalou,
ce vénérable et savant évèque de Bruges dont la mort récente a été
une si grande perte pour l'érudition chrétienne.
L'auteur de ce traité n'est pas connu. Le P. Schott l'attribuait à
Roger, évêque de Londres, qui mourut eo 1240. Mgr Malou renverse
l'hypothèse de son prédécesseur, sans toutefois avoir aucun indice qui
lui permette de mettre un nom quelconque en tête du volume. Mais les
deux éditeurs sont d'accord pour nous le présenter comme un trésor,
aureus libellas. • Exsilui pœne gaudio, dit le P. Schott, en parlant
de la découverte qu'il en fit, ut e tenebris evocato, quod res est, the-
sauro. » Et dans la nouvelle préface nous lisons : a Est opusculum
hoc et scientia S. Scripturae, et eruditione e scriptis patrum deprompfa
maxime coramendandum. Stylus, habita ratione œtatis, est admodum
elegans, planus et facilis, nisi fortasse antitheseon copia quandoque
scateat, quae taedio nonnullis esse possit. Sed rerum abundantia, pro-
fundiiate sententiaruni, pulchritudine veritatum ita splendet, ut pio
iectori vere delectationi futurus sit et amori. Profecto, ni raea sen-
tentia me fallat, dignus est liber qui omnium piorum manibus, ac
praecipue religiosorum et sacerdotum manibus teratur. Quod si cum
aliis libris, (]uales sunt e. g. Meditaliones S. Anselmi, Piigna spiri-
BIBLIOGRAPHIE. 585
tualis patris Scupoli, Introduclio ad vitam devotam S. Francisci Sa-
lesii, etc. conferatiir, iisdem deterior non exislimabitur. »
Nons n'ajouterons rien à ces éloges de l'éminent prélat. La Revue
ne peut que les enregistrer pour dire à ses lecteurs : Toile, lege. lis
trouveront dans ce livre de précieux trésors de piété et d'éloquence, ils
le liront et le reliront, et le jour où il en paraîtra une édition fran-
çaise, ce que nous désirerions vivement, ils recommanderont aux
âraes pieuses ce volume dont ils auront eux-mêmes fait leurs délices.
Mgr Malou promettait dans sa préface de publier bientôt plusieurs
autres ouvrages imprégnés comme celui-ci de la saveur du moyen
âge, entre autres quelques anciens opuscules sur l'Immaculée Con-
ception, les prières de S, Anselme et la lettre de Gérard le Grand
aux prêtres. Espérons que sa mort n'empêchera pas la publication de
ces richesses qu'il nous réservait dans son riche écrin .
J. I. SiMONIS.
Hymnua Angelicus sive Doctoris Angelici Summffi Iheologicœ rbyt-
mica synopsis. — Limoges, Dilhan-'V ivôs, 1862. In-18 rel. en demi-
chagrin, 3 fr. 50.
Le P. Penon, religieux Dominicain du XVII* siècle, conçut
l'idée de mettre en rhylhmes toute la Somme de saint Thomas d'Aquin.
Ce plan n'était pas sans offrir de grandes difficultés. Elles n'arrêtèrent
pas l'auteur. S'inspirant du mètre du Pange lingua, il se mit à chan-
ter toute la suite de la divine théologie.
Pange lingua Disciplinam,
Necessariam Doctrinam
Praeter Philosophiam.
Haec scientia superna,
Una raanens unit una
Praxim et Theoriara.
Numen Ipsum contemplatur ;
Conlemplans argumentatur,
Sorte sibi propria.
Revue pes Scienxes wcclés., t. ix — juin 18C4.
38.
586 BIBLIOGRAPHIE.
Et ainsi dans des strophes de trois vers, le savant religieux chanta
612 questions ei 3120 articles.
?on ouvrage, publié en 1676, était devenu extrêmement rare et à
peu près inconnu. M. Dilhan Vives, libraire de Limoges, si dévoué
à la propagalion des bonnes doctrines, la fait rééditer. C'est un joli
volume in-18 de près de 200 pages. Il a été revu et annoté par plu-
sieurs professeurs de théologie, avec l'approbation de Mgr l'Évêque de
Poitiers. Les amis de la science ont applaudi à cette publication qui est
à la fois intéressante et utile. H. Girard.
ŒuTre de» douze Apôtres pour favoriser à l'état ecclésiastique.
Lyou et Paris, Girard et Josserand. In-18 de 60 pp.
La vie divine se répand par Notre-Seigneur, qui est venu pour 1»
donner et la donner avec plus d'abondance. Elle se re'pand par le mi-
nistère des prêtres, par le sacerdoce catholique, qui est la lumière du
monde et le sel de la terre. L'œuvre des œuvres est donc l'œuvre du
sacerdoce. Avec de bons prêtres, on a tout le reste. Par conséquent,
favoriser les vocations, faciliter l'entrée du sanctuaire en surmontant
les difficultés pécuniaires qui, dans un siècle positif surtout, arrêtent
tant de familles ; c'est une pensée et une action exceptionnellement
méritoires. Or, cette pensée el cette action sont le but que s'est pro-
posé l'Association formée à Lyon sous le titre de V Œuvre des douze
Apôtres. La brochure que nous avons sous les yeux la fait connaître
et traite de la diminution du sacerdoce, de ses causes, de ses effets,
des moyens d'y ren édier. Les moyens sont surtout la prière et l'au-
mône. Telle est l'œuvre du sacerdoce, « à laquelle tous les fidèles sont
invités à prendre part par la prière et par l'aumône, afin de continuer
ainsi la mission dts Apôtres.,. Une prière chaque jour, la récitation
de Y Angélus dans l'intention de l'œuvre, et une aumône de cinq cen-
times par mois (12 sous par an) en l'honneur des douze Apôtres! Qui
pourrait refuser un si faible secours à nos Pères dans la io\, pour peu
que la reconnaissance nous anime !... En élevant sa cotisation annuelle
à 12 fr., on est bienfaiteur de l'œuvre (p. 47).» Tout ce qui concerne
l'œuvre doit être adressé à M. le secrétaire, rue Saint-Joseph, 14, à
Lvon. H. Girard.
CHRONIQUE.
1. Nous lie pouvons disposer aujourd'hui que de bien peu d'espace;
uous allons donc nous borner à énuinérer d'une manière rapide quel-
ques-unes des principales publications du mois. La Vie de Noire-Seigneur
Jésu<i-Christ, par M. Louis Veuillot (Paris, Régis-Ruffet, iu-8 de xxvi-512
pp , 1" et 2' éd., 7 fr.), est déjà trop connue pour que nous ayons be-
soin d'en parler longuement : on sait que ce n'est pas une œuvre de
polémique, mais d'exposition, où le célèbre auteur a mis fout son ta-
lent et toute son àme. M. H. Wallon, a entrepris une nouvelle réfuta-
tion qui a sou prix, après toutes les autres, et qui atteindra un public
d'ordinaire peu accessible à ces sortes d'écrits. ( La Vie de Jénis et smi
nouvel historien, par M. H. Wallon. Paris, Hachette, in-18 jésus de
228 pp., 1 fr.)
i. M. l'abbé Frcppel a publié la continuation de ses savantes leçons
dont nous avions été privés l'an dernier. Il nous dédommage en nous
donnant à la fois deux volumes. (Tertullien, Cours d'éloquence sacrée
fait à la Sorbonne en 1861-1862, par M. l'abbé Freppel. Paris, A. Bray,
2 vol. in-8 de 448 et 514 pp., lî fr.)
3. Le cardinal Gonsalvi avait, en mourant, laissé des mémoires dont
l'existence môme fut longtemps un mystère : ils ne devaient voir le
jour qu'après la mort des principaux personnages qui y figurent. Aujour-
d'hui, M. Crélineau-Joly vient d'être autorisé à les publier : il les fait
précéder d'une longue introduction, qui contient une foule de lettres
inédites adressées au cardinal par les personnages les plus illustres. Tout
cela est du plus haut intérêt, et jette un jour inattendu sur les évé-
nements et les hommes de cette époque. Il est à regretter que les Ric9rdi
n'aient point paru dans leur langue originale : l'éditeur se contente
d'en donner une traduction française. On sentira sans doute le besoin de
publier aussi le texte. {Mémoires du cardinal Consalvi, secrétaire d'État
du pape Pie VII. Paris, Plou, 2 vol. in-8 de 453-487 pp. et 8 fac-similé
d'autographes précieux, 15 fr )
4. Mgr de Ségur a commencé une série de petits traités, sous ce titre
général ; La Piété et la Vie intérieure. Nous avons sous les yeux les
deux premiers: Notions fondamentales (Tolra et Hatou, in-18 de 70 pp.);
le Renoncement (ib. in-18 de 136 pp.) Nous apprenons que le troisième,
Jésus vivant en nous, a également paru. Le plan général est détaillé dans
la préface du premier opuscule.
E. Hautcœuk.
TABLE DES MATIÈRES.
Papes.
QUESTION DE DROIT CANONIQUE, par M. l'abbé D. Bonn. . 5
COMMENTARIUS IN PROOEMIUM BREVIARII ET MISSALIS DE
COMPUTO ECCLESIASTICO, par M. le D' N. N. 16, 119, 224, 410, 507
LA THÉOLOGIE DES CATACOiMBES, par M. l'abbé J. D . . 45, 97, 289
ASSEMBLÉE DES SAVANTS CATHOLIQUES A MUNICH, par M.
l'abbé J.-I. SiMONis 56
LA BIBLE ET LA SCIENCE DE LA NATURE (quatrième et
cinquième article), par M. l'abbé E. Hautcœur 138,323
LA QUESTION LITURGIQUE A LYON, par M. l'abbé D. Bouiî. . 242
— Lettre de S. E. le cardinal archevêque de Lyon .... 15'è
ÉTUDES SUR LA PREDICATION, par M. le chanoine Barciet. 154, 370, 448
THÉOLOGIE MORALE. — Nécessité de confesser les enfants.
— Manière de le faire, par M. le chanoine Craisson .... 164
— De la Contrition requise pour recevoir l'absolution, par
le Même 377
— Des Danses modernes, par le Même 457
— Un prêtre peut-il absoudre avec une juridiction probable?
par M. l'abbé Armand . , 269
— Des honoraires de messes, par M. l'abbé Maugère . . . 556
ORIGINE DES ÉGLISES DE FRANCE.— Apostolat do saint Rieul,
par M. l'abbé Blond 193, 307
DU CHANT ECCLÉSIASTIQUE, par M. l'abbé P. R 549,465
DU DOMICILE REQUIS POUR LE MARIAGE, par M. l'abbé H.
Girard . . . , ... 274
DE L'ELECTION DU SOUVERAIN-PONTIFE, p^ M. l'abbé D. Bouix. 342, 426
UNE ETUDE SUR LA PHILOSOPHIE SCOLASTIQUE, par M. l'abbé
P. -P. Armand 353
DU DROIT COUTUMIER DANS L'EGLISE (ier et 2e article), par
M. l'abbé Grandcladde 393, 534
ÉTUDE SUR LA LÉGISLATION MOSAÏQUE, par M. l'abbé Gilly
(premier article) 489
ETUDE SUR LA NOUVELLE ÉDITION DE L'HISTOIRE DES
AUTEURS SACRÉS, etc., de D. Ceillier, Par M. l'abbé N.-C.
Le Roy . o45
DES ORNEMENTS DE FORME GOTHIQUE — Lettre de S. E. le
Cardinal-Préfet de la S. C. des Rites 77
QUESTIONS LITURGIQUES.— Du Classement des différentes fêtes
de l'année relativement à la solennité extérieure, par M. P. R. 173
— Réponses à quelques questions, par le Même . 264, 360, 475, 573
BREF DE S. S. PIE IX à l'archevêque de Munich 276
LIVRES MIS A L'INDEX , 79, 388, 485.
DÉGISIONS DE LA S. C. DU CONCILE. — Résumé par M. l'abbé
Grandclaude , . . 179
DECRET DE LA S. C. DES RITES. . . , . , ... . 283, 578
CORRESPONDANCE 92,578
BIBLIOGRAPHIE 80, 90, 185, 190, 285, 384, 3S5, 480, 584
CHRONIQUE 190, 388, 485, 587
TABLE ANALYTIQUE.
Amovibilité de certains vicaires coadjuteurs. Principes généraux sur
la question, 182.
Angebadlt (Mgr). — Recueil d'Instructions pastorales, 192.
Anglicanisme. Sa silualion, controverses qui l'agitent, 578.
Augustin (saint), orateur, 454.
Baptême. Cérémonies, usage de la langue vulgaire daus les interroga-
tions, 575.
Baronius. — Réimpression des annales, 388.
Basile (saint), orateur, 372.
Bernard (saint), orateur, 436,
Bible (la) et la Science de la nature ^38 is. 323 ss. {F. la table du
t. vni.) — Interprétation du premier chapitre de la Genèse, ^38.
— Sommairedoclriiial de ce premier chapitre, 148. — Comparaison
des résultats de la science profane avec les données de la Bible,
323 ; générations spontanées, 324 ; asl/onomie, 326; géologie, 331 ;
unité de l'espèce humaine, 337.
Bibliographie.— Articles divers, 80, 90, J85, ^90, 285, 384,385,480,
584.
Boenninghausen (le D'). — Traité des Irrégularités, H 90.
BoNO (de) paupertalis, 5S4.
Bourbon. — Introduction aux cérémonies romaines, 391 .
Caro. — L'Idée de Dieu et ses nouveaux critiques, 390.
Caron (l'abbé). — Le Surnaturel, etc., 390.
Catacombes. — La Théologie des Catacombes, 45 ss., 97 ss. 289 ss..
— Les catacombes juives, 46; leur symbolisme, 52, 97 ; leurs in-
scriptions, lumières qu'elles jettent sur la vie judaïque, 101 ; la vie
future y est souvent rappelée, 109; elles offrent un tableau complet
de la Synagogue romaine, 289; leur origine, 298 ; leurs rapports
avec la sainte Écriture, 302.
Ceillier (Doin). — Étude sur la nouvelle édition de son Histoire géné-
rale des auteurs sacrés et ecclésiastiques, 545.
Chant ecclésiastique, 249 ss., 463 .ss. — Observations générales, 250.
— Des divers chants du Kyrie eleison, du Gloria inexcelsis, etc.,
252.— Chants non liturgiques, 255. — Du chant de Vite missa est
el d\x Benedicamus Domino, 263. — Du chant des hymnes, 463.
CoMPUT ECCLÉSIASTIQUE. — Commcutarius in Proœmium breviarii el
590 TABLE ANALYTIQUE.
missalis de computo ecclesiastico, ^6 ss., H9 ss., 224 ss., A\0 ss.,
b07 ss. — Canones de computo discendo, -16. — De zodiaco caete
risque decem circulis cœlum ambieniibus, 21. — De anno et ejus
partibus, 26, 1-19. — De anni correctione ejusque necessitate, ac
kalendario Gregoriano, 224. — De quatuor lemporibus el tempère
feriato, 4i0. — De cycle decennevali aurei numeri, 4^6. — De
epactis et neviluniis, 4-19. — De cycle solari et lileris dominicalibus,
507. — De Indiclione, 515. — DeFesiis mobilibus, 5-19.
Confession des enfants avant la première communion, -164. — De la
coQlrilion req lise dans le sacrement de pénitence, 377. — Peut- on
absoudre avec une juridiction probable ? 269.
Congrégations. — Décret de la S. C. des Rites relatif à la palme el
à la fiole de sang considérées comme signes du martyre, 283.
V. Amovibilité, Index^ Ornements.
CoNSALvi (le cardinal], Mémoires, 587.
Contrition, V. Confession.
Correspondance, 92, 578.
Coutume. — Du droit coutumier dans l'Église, 394 ss., 534 ss. —
Origine du droit coutumier, 395. — Théories erronées h ce sujet,
399. — Du droit en général, 401. — Comment la coutume diifère
du simple usage, 534 ; de la tradition, 53S , et de la prescription
539. — Divisions de la coutume, 540 ss.
Crampon (l'abbé) — Les Quatre Evangiles, ^91, 2SS.
Danses. — Sur les Danses modernes, 457 ss.
Déchamps (le père). — Opuscules divers, 192.
Dehaisnes (l'abbé), — f^ie du père Nicolas Trigault, 39^.
DoELLiNGER (le D'';. — Discours à l'assemblée de Munich, 63, 185. —
Le Christianisme et l'Eglise à l'époque de leur fondation, -197.
DONEY (Mgr). — Lettre sur V enteignement de la Philosophie, etc. ^92.
Du Val de Beaulieu (le comte). — L'Erreur libre dans l'État libre,
392.
FÊTES. — Leur Classement par rapport à 1a solennité, -173. V. Compu/.
FoLLiOLEY (l'abbé). — Histoire de la littérature française, 392.
Freppel (l'abbé). — Uiie Édition populaire de la Vie de Jésus, 390.
— Tertullien, fS7.
GiLLT. — La Mère admirable de Boxiquet, 488.
Grandclaude. — Breviarium philosophix scolasticx, 392.
Gratry (le père). — Les Sophistes et la critique, 389.
Grégoire deNazianze (saint), orateur, 37 5.
GuRY (le père). — Ca^-us conscientiœ, etc., 90.
HïMNUS angelicus, 585.
Index. — Livres mis à l'Index, 79, 388, 483.
Innsbrdck. — Faculté de théologie, 486.
Jean-Chrtsostome (saint), orateur, 448.
TABLE ANALYTIQUE. 591
JuRTDlCTlON. — V. Confession.
KLEUTGEN(le père). — Écnls philosophiques, 35^.
L.tMMER (le D'^). — Misericordlas Domini; Scriptorum Grsscix or-
todoxx BibliolJteca selecta, ^91.
Laforêt (abbé). — Pourquoi Von ne croit pas, ^9I.
La Harpe. — Jugement sur l'éloquence des Pères, 37t.
I.AMY (l'abbé).— Examen de la Vie de Jésus, de M. E. Benan, 191 , 390.
Latod (l'abbé M.). — Vie de saint Saturnin, 384.
LÉGISLATION MOSAÏQUE. — V. MoïSe.
Levavasseur (le père). — Cérémonial des petites églises, S9\.
Liturgie. — Statistique de la France au point de vue liturgique, 385,
486. — V. Baptême, Comput, Congrégation, Fêtes, Lyon, Mat/ile,
Matines, Messe, Office (petit), Ornements, Saluts, Tabernacle.
Lyon. — Lettre de S K. le Cardinal- Archevêque de Lyon au clergé
de son diocèse, touchant la question liturgique, -152. — La Ques'ion
liturgique à Lyon, 242. V. aussi p. 392, 488.
Mabile (Mgr). — Instrvet. past. et décret. Versai, episcopif 383.
Malines. — Comple-rendu de l'assemblée des catholiques dans celle
ville, 192. — Les éditions liturgiques de Malines, -588.
Manning (Mgr). — La Couronne en Concile, 580.
Mariage. — Du domicile requis par rapport au mariage, J74.
Marshall — Christian missions, 391.
Mater àdmirabilis, 487.
Matignon (le père). — La liberté de l'eipril humain da«» /» Fai eO"
tholique, 390.
Messe. — Questions sur les rubriques^ 264. — Peut-on retenir quelque
chose sur les honoraires de messes en faveur d'une bonne œuvre ?
556.
Moïse. — Sa législalioa, 489 ss. — Idée générale d'uue l^islalion,
489 ; caractère et bul de la légiblalion mosaïque, 492.
MoNNiN (l'abbé). — Mater àdmirabilis, 488.
MoNicn. — V. Savants catholiques.
Nicolas. — La Divinité de Jésus-Christ, i9l.
Office (petit) de la sainte Vierge. Rubriques qui le concernenl, 573.
Ordination. — Quand fauL-il réitérer la cérémonie, 5 ss.
Origines des Églises de France. V. Rieul.
Ornements de forme goUiique prohibés, 77.
Pères de l'Église. — V. Prédication.
Perrone (le père). — De Matriynonio Chrisliano, 80.
Philosophie. — Ses rapports avec la théologie et le principe d'au-
torité, 69. V. Doney, Scolastique.
Plantier (Mgr). — La Fraie Vie de Jésus, -190.
Prédication (Élude sur la), — (V. la table du T. viii.) De l'étude des
Pères nécfssaii-fl aux prédicateurs, 154 ss , 370 ss., ViS ss. —
592 TABLE ANALYTIQUE.
Considérations générales, ^54. — Eloquence des Pères, 370;
S. Basile, 372; S. Grégoire de Naziance, 374; S. Jean Chrysoslôme,
448 ; S. Augustin, 454 ; S. Bernard, 456.
Renan. Réfutations de son livre, ^90 ss., 389 ss., 587.
BiEUL (apostolat de saini), ^93 ss. 307 ss. — Coup d'œii historique
sur la question, -194. — Examen des deux opinions qui ont succes-
sivement régné sur l'époque de la prédication de saiul Rieul, 202;
discussion des textes de saint Grégoire de Tours et de Su!pice-Sé-
vère, 207; discussion de l'objection tirée des Actes de Saint-
Quentin et de ceux des saints Fuscien et Vicloric, 213; objection
tirée des diptyques de l'église de Senlis, 219. — Anciennes vies
manuscrites de saint Rieul, 308; un texte de S. Ambroise, 316;
les liturgies de Senlis, d'Arles, de Sainl-Denys, Z\l\ les diptyques
d'Arles, 319.
Saluts du Saint-Sacrement. Cérémonies à observer, 360.
Savants catholiques. — Assemblée des savants caiholigues à Mu-
nich, en -1863, 56 ss. L'assemblée, 50. — Vœux et résolutions, 6i.
— Idées et principes, 67. — Bref de N. S. P. le Pape, 277. —
V. Dœllinger, Scolaslique.
ScoLASTiQUE. — Élude sur la philosophie scolastique, 353, — Juge-
ment porté par l'assemblée de Munich, 70. — Réflexions du P,
Ramière, 95.
Ségub (Mgr de), la Piélé et la Vie intérieure, 587.
SouvERAiN-PoNTiFE, — De l'Élection du Souverain-Pontife et des con-
ditions requises pour qu'elle soit légitime, 342 ss., 426 ss. — Le
Pape seul peut en régler les conditions, 343. — En vertu de quel
droit el depuis quelle époque elle appartient aux cardinaux, 426.
— Du Pouvoir des cardinaux pendant la vacance du Saint-Siège,
432. — Du Conclave, 437. — De l'Exclusive, 444.
T ABERNACLE. — Doit être placé au milieu de l'autel, 77.
Theiner (le père), sa continuation de Baronius, 3S8.
Théologie. — Traités divers, 80, 90. — Études ihéologiques, 68.-=
V. Catacombes.
ToNGiORGi (le P.). — Sa philosophie , 92.
Veuillot (Louis), la Fie de Notre-Seigneur Jésus-'Christ, 587.
Vicaires coadjuteubs. — V. Amovibilité.
ViLLEMAiN. — Jugement sur l'éloquence des Pères, 371, 373.
Wallon (H.). La vie de Jésus el son nouvel historien, 587.
Anas. — Typ. Itouriseau-Leroy, rue Saint- Maurice, 26.
REVUE
DES
SCIENCES ECCLÉSIASTIQUES
IMPRIMATUR :
Atrebati, die 20 Julii 1864.
P.-L., y. Episc. Airebatensis , Bolonien.
et Audomaren.
Arras. — Typographie Rousseau-Leroy, rue Saint-Maurice, 2C.
REVUE
DES SCIENCES
ECCLÉSIASTIQUES
DIRia££
PAR M. L'ABBÉ D. BOUIX
:àsio
RECUEDL, MEIVSUEI.
Paraissant avec l'autorisatiou de Mgr Parisis, évêque d'Arras.
Ubi Petrus, ibi Bcclesia. (St-Ambroise.
Tome X. — «• Seniesti-e 1S64.
ARRAS ,
ROUSSEAU-LEROY , ÉDITEUR
(bureaux de la revue)
rue St-Maurice, S6.
PARIS,
GAUME FRÈRES ET DUPREY ,
LIBRAIRES -ÉDITEURS,
rue Casiette 4.
1864.
REVUE
DES
SCIENCES ECCLÉSIASTIQUES
ÉTUDE SUR LA LÉGISLATION MOSAÏQUE.
Deuxième article.
Bossuet a écrit au xxix® chapitre de son Histoire univer-
selle: «Les livres de l'Ancien Testament et tous les temps
qu'ils racontent se donnent les uns aux autres un témoi-
gnage admirable. Les temps du second temple supposent
ceux du premier et nous ramènent à Salomon. La paix
n'est venue que par les combats-, et les conquêtes du
peuple de Dieu nous font remonter jusqu'aux Juges, jus-
qu'à Josué et jusqu'à la sortie d'Egypte. En regardant
tout un peuple sortir d'un royaume étranger, on se sou-
vient comment il y était entré. Les douze Patriarches pa-
raissent aussitôt, et un peuple qui ne s'est jamais regardé
que comme une seule famille nous conduit naturellement
à Abraham qui en est la tige. » Nous voudrions pouvoir
remonter ainsi de la loi mosaïque aux premières formes du
culte dont elle est l'expression régularisée. N'est-ce point
6 ÉTUDE SUR LA LÉGISLATION MOSAÏQUE
aussi facile? La trame historique est-elle interrompue, ou
bien, la route devient-elle ténébreuse et embarrassée par
suite des tendances diverses qui se sont produites a cet
égard? La critique a souvent été aveugle dans ces derniers
temps, et s'il est un point où elle ait multiplié les hypo-
thèses pour arriver à un résultat encore problématique,
c'est bien lorsqu'elle a voulu explorer les origines du culte
mosaïque. D'abord elle a cherché a ôter à Moïse le ca-
ractère de législateur, en prétendant que la loi qui porte
son nom ne vient pas de lui. Puis, elle a essayé de mon-
trer des affinités entre le culte mosaïque et les cultes
païens, et de donner le mosoïsme comme le résultat na-
turel d'une idéalisation plus subtile. Enfin, lorsqu'elle a
reconnu la préexistence d'un culte chez les patriarches,
elle a affecté de ne voir dans les institutions mosaïques
que le développement naturel des institutions patriar-
cales. Nous devons d'abord faire connaître ces institu-
tions. Nous montrerons ensuite que le mosaïsme n'est pas
plus leur développement naturel, qu'il n'est le produit du
polythéisme épuré par un homme de génie, trouvant dans
ses ressources personnelles et dans son éducation, le moyen
d'élever la vie morale de son peuple, et de proclamer le
monothéisme dont il a compris la vérité.
Les origines du culte se perdent dans la nuit des temps.
On ne les trouve qu'en remontant aux origines mêmes du
genre humain. C'était, en effet, un besoin naturel pour
l'homme, que d'exprimer a l'Auteur de tous les biens, sa
reconnaissance et son amour par des actes et par le lan-
gage. Tant que les rapports de l'homme avec Dieu ont con-
servé ce caractère de facilité qui leur venait de l'ordre éta-
bli par le Créateur entre lui et sa créature, le culte a
consisté uniquement dans la louange et l'action de grâces.
Mais a peine cet ordre a-t-il été troublé, que l'homme a
ÉTUDE SUR LK LÉGISLATION MOSAÏQUE. 7
senti le besoin de manifester d'une manière sensible, le
souverain domaine de Dieu qu'il avait une fois méconnu :
les sacrifices ont été le mode d'expression qu'il a donné h
ce sentiment. Toutefois, l'homme coupable pouvait-il choi-
sir par lui-même ce qui devait être agréable à Dieu? Dans
cet état, pouvait-il imaginer un acte qui fût le symbole de
l'acte que Dieu lui-même devait opérer pour le rétablir
dans la sainteté et dans la justice originelles? Évidemment
non. Il appartenait a Dieu, et à Dieu seul, de statuer a cet
égard. Or, tel est le but des sacrifices. Dieu les agrée-,
nous ne pouvons en douter après ce que nous apprend la
Genèse et ce que nous enseigne saint Paul {Gen. iv, 3.
Heb. XI, 4). Les sacrifices sont une figure de la rédemp-
tion promise. Les livres de l'Ancien et du Nouveau Testa-
ment l'attestent avec unanimité {Lev. xvii, 11. Douter.
IV, 2. 3Iatth.\\, 9. Rom. ix, 15. Coloss. ii, 22, 23\ Nous
pensons donc avec Eusèbe [Démonst. ^évang. i, 10) que la
pratique des sacrifices ne fut point une invention humaine
(àvOpoTTxwç xcxivYifxÉvov}, mals qu'cHc s'introduisit sous l'im-
pulsion d'une volonté divine clairement manifestée (xaT^
ôei'av ÙTTovoiav 7rpope,SX7i;ji.évov). Le meurtre dcs brebis auquel
nos premiers parents demandèrent des vêtements pour leur
nudité, put très-bien servir à leur montrer ce dont le péché
les avait rendus dignes, la mort, et leur révéler en même
temps l'usage des sacrifices, destinés à représenter le Mes-
sie promis, et les rites expiatoires du péché auquel il se sou-
mettrait un jour. Le résultat du premier sacrifice agréable
a Dieu, après la sortie de l'Éden, est la mort de son au-
teur, Abel, qui mérite par la d'être le premier martyr
symbolique du Christ. — Il n'y a rien dans la nature hu-
maine qui la porte à immoler des victimes et a les brûler
pour les offrir à Dieu. C'est même un acte de domination
sur ces victimes qui n'appartient a l'homme pécheur qu'en
vertu d'une autorisation divine. Dieu, s'il ne les eût pre-
8 ÉTUDE SUR LA LÉGISLATION MOSAÏQUE.
scrits, OU au moins insinués, aurait donc été plutôt of-
fensé qu'apaisé par les sacrifices. Comme il les avait inspi-
rés à l'homme, il les agréait aussi, et le feu du ciel
descendait pour consumer les oblations lorsqu'elles lui
étaient agréables {Gen. xv, 17. Lev. ix, 24: x, 1. Jud.
\i, 21. II Par. VII, 1. III Beg. xviii, 2Zi, 38). Ainsi, la
pratique des sacrifices semble avoir eu Dieu pour auteur^
tandis que les pratiques de louange et d'actions de grâces
se sont formées naturellement sous l'influence de la con-
science humaine, créée par Dieu avec la faculté de recon-
naître son origine et son Créateur, de se rapprocher de Lui
par l'amour, d'avoir recours à Lui par la prière.
Nous trouvons des sacrifices chez tous les peuples : cha-
cun leur a donné l'empreinte de son génie particulier-,
mais tous ont cru à la nécessité de l'expiation; tous ont
cherché à apaiser le ciel qu'ils croyaient irrité. Us se sont
bien souvent trompés sur la nature de Celui auquel ils of-
fraient leurs sacrifices, et même dès l'origine, nous remar-
quons des tendances bien différentes dans les deux pre-
mières familles de peuples. Les Caïnites s'éloignent de
Dieu pour s'attacher au monde, a l'exemple de leur père,
qui préférait ses biens au Seigneur. Les Séthites, au con-
traire, témoignent de leur reconnaissance envers Dieu et
du besoin qu'ils ont de son secours, en lui ofi'rant des
oblations et des prières. Après le déluge, les fils de Noé
suivent aussi des voies analogues à celles des fils d'Adam :
les Sémites se font remarquer entre tous par leur fidélité
au Seigneur. Il est dit d'Enoch, petit-fils d'Adam par Seth,
qu'il commença a invoquer le nom du Seigneur {Gen. iv,
26) : ce que M. Delitzsch entend d'un ordre public et ré-
gulier de sacrifices succédant a un culte privé et non encore
organisé (Die gen., i Aufl., S. 212). Noé, sauvé du dé-
luge, qui était venu punir l'éloignement des hommes du
Seigneur, s'empresse d'offrir un holocauste pour témoigner
ÉTUDE SUR LA LÉGISLATION MOSAÏQUE. 9
sa reconnaissance {Gen. vi, 9; viii, 20). Lorsque Abraham
et sa famille sont choisis de Dieu pour être les porteurs de
la Révélation divine, le culte divin par les sacrifices prend
un caractère bien plus marqué. La nature du sacrifice que
Dieu demanda a Abraham {Gen. xv, 9, 22), indiquait a
ses fils quelles victimes ils devaient offrir au Seigneur, et
leur rappelait que ces pratiques n'étaient qu'une figure de
l'oblatiou de leur cœur. Aussi, tout pasteurs qu'ils étaient,
élevaient-ils des autels pour invoquer le Seigneur à la ma-
nière de leur père, aux lieux où ils fixaient pour un certain
temps leur tente (Gen. xii, 7, 8-, xiii, 4, 18). Ces autels
étaient des monceaux de terre et de pierres : on y offrait
des animaux des champs : le chef de famille faisait proba-
blement les fonctions de prêtre, et priait au nom de ses
enfants qui l'entouraient. La Genèse ne nous a conservé le
souvenir d'aucune des cérémonies dont ces actes étaient
accompagnés. Nous savons cependant qu'on garda de bonne
heure une part des victimes pour \e repas qui suivait les
sacrifices {Gen. xxxi, 54 -, xlvi, 1). En général on brûlait
les victimes, ou bien l'on offrait des libations sur des
pierres monumentales {Gen. xxviii, 18-, xxxv, 14) qu'on
avait auparavant consacrées par une onction {Gen. xxxi,
45. Exod., XXIV, 4. I Reg. vu, 12\ Il ne faudrait cepen-
dant pas confondre ces pierres monumentales, avec l'usage
analogue que l'on retrouve dans le polythéisme oriental,
en Grèce et même a Rome,bien qu'il dut probablement son
origine aux habitudes patriarcales. L'étymologie même du
nom que l'on donnait a ces pierres, potiruXoi ou pairuXia, se
rattache évidemment a ^ï^TT^a. Ces pierres, Xt'OotXnrapoî,
àXyi}aix£voi , étaient d'après Orelli {ad Sanchun., p. 30) des
aérolithes, vénérés par les païens, qui les croyaient envoyés
a la terre par quelque divinité.
A l'époque d'Abraham se rattachent encore trois faits
importants pour l'histoire du culte avant Moïse. Après
ÎO ÉTUDE SUR LA LÉGISLATION MOSAÏQUE.
l'alliance qu'il fit avec Abimélech, Abraham planta un bois
a Bersabée, et ce fut là qu'il se rendit avec sa famille pour
offrir des sacrifices [Gen. xxi, 33). Le Pentateuque fait
aussi très-souvent mention des bois sacrés, et les Cana-
néens eux-mêmes adoptèrent cet usage, puisque Dieu com-
mande a Israël de détruire leurs bois sacrés, de renverser
leurs autels et leurs statues idolatriques {Deuter. xii, 3).
Peu a peu cependant, et malgré l'exécution des ordres
donnés par le Seigneur, les bois sacrés se multiplièrent
chez les peuples voisins, et Israël lui-même recourait à
cette pratique quand il s'éloignait de Dieu. Ce fut plus
tard pour les rois pieux une occasion de manifester leur
zèle pour la gloire de Jéhovah, que de détruire les bois
sacrés dont un grand nombre de hauteurs étaient cou-
vertes. Quanta des temples proprement dits, on n'en éleva
ni au vrai Dieu, ni aux idoles. Certains même, parmi les
anciens peuples, crurent qu'il était défendu de le faire, par
la raison qu'ils croyaient impossible de renfermer l'incom-
préhensible majesté des dieux dans des édifices construits
de main d'homme. C'est ce que constatent plusieurs au-
teurs, entre autres D. Calmet et Iken. Celui-ci s'exprime
ainsi : Anie Mosen, œdes sacras aut templa fuisse non con-
stat. Imo inter priscas gentes nonnulla ea instruere nefas
dnxeriint, quod àouvatov et majestate inftniti numinis indi-
ynum reputaretur, eam parietibus includere velle. (Conrad.
Iken., de Fnstitutis et ceremoniis legis mosaicœ ante Mosen,
dist. V, cap. VII, n. 2.)
Le second fait important de l'époque d'Abraham est le
sacrifice de Melchisédech. Exposons d'abord le récit de la
Genèse (xiv, lô-âiV Abraham vient de venger l'injure
faite a Lot par un des princes de la Pentapole, Kédor-La-
homer. Il a repris tous les prisonniers et tout le butin.
Le roi de Sodome, chef de la confédération pentapolitaine,
vient à lui, et lui demande de rendre les personnes et de
ÉTUDE SUR LA LÉGISLATIO^ MOSAÏQUE. 1 I
garder pour lui le butin. Abraham dit qu'il ne veut pas
s'enrichir aux dépens des vaincus -, il réserve la part des
alliés, le dixième qu'il détache en faveur de ce prince, et
ce qui a servi de nourriture aux soldats de sa petite armée.
Il y a dans cette conduite d'Abraham quelque chose de si
extraordinaire, que la Bible devait nous faire connaître les
motifs pour lesquels Abraham traita avec tant de respect
le souverain qui était accouru au-devant de lui. De la vient
que le verset 18 nous dit ce qu'était Melchisédech. II
porte : bw p3 i^ini "î^^i ûnb ï^'^ss^n ûb© ^ba p^is-^sb-ûi
l'y^'bV : Et la Yulgate traduit : At vero Melchisédech^ rex
Salem, proferens panem et vinum, erat enim sacerdos Dei al~
tisaimi. Nous ne croyons pas qu'il soit possible de mieux
traduire. Moïse n'a pas encore fait connaître quel est le
nom du personnage qu'il a appelé au verset précédent du
nom de rex Sedom ou Sodomoriun. Dès le moment qu'il cite
le nom de ce personnage, c'est pour attirer sur lui l'atten-
tion, avant de reproduire la réponstî d'Abraham. Ici il in-
dique que le roi de Sodome était le même que le roi de
Salem, ce qui ferait peu à la chose, si ce roi n'avait un autre
caractère. Aussi Moïse ajoute-t-il qu'il était prêtre du Très-
Haut. Mais comment exerçait-il ses fonctions sacerdotales?
Qu'offrait-il au Seigneur dont il était le prêtre, "ina, et non
en quelque sorte un ministre.^ selon le mot très-peu heureux
de M. Salvador? Il offrait le pain et le vin, proferens panem
et vinum. Et c'est précisément parce quil offrait le pain et
le vin, qu'il était prêtre du Très-Haut. Le vau que la Yul-
gate a traduit par enim, dans le troisième hémistiche de ce
verset, a, en effet, nécessairement cette signification cau-
sative dans le contexte -, aussi faut-il détacher complètement
le deuxième hémistiche, proferens panem et vinum, l'isoler
du contexte dans lequel il se trouve, pour pouvoir donner
a cet hémistiche un autre sens. Le mot que la Vulgate a
traduit par proferens est S^'^aslM, participe hiphil du verbe
12 ÉTLDE SUR LA LÉGISLATION MOSAÏQUE.
ïîSr'^, lequel signifie en kal egressus est, eduxit, et en hiphil
exire fecit^ protulit. Encore un coup, on comprend très-bien
la place qu'occupe cet hémistiche dans le texte, lorsqu'on
reconnaît qu'il est là pour justifier la pensée suivante,
erat enim sacerdos Dei altissimi ; maison ne voit pas ce qu'il
ferait à la place qu'il occupe, s'il n'avait pas cette significa-
tion. Or, voici comment M. Salvador (1) interprète ce
passage. « Un fait se présente, dit-il, qui a été dépouillé
depuis des siècles de son caractère naturel, afin d'en tirer
la base ou au moins l'appui de tout un système. y> C'est
toujours comme cela qu'on commence. Inutile dédire qu'on
ne prend pas la peine d'expliquer le texte tel qu'il est. La
lettre, yp^P^l-^*» ^^^ ^^^s' obstinée qu'un fait : on la redoute ;
on bâtit une histoire quelconque -, on l'entremêle de cita-
tions assez pauvrement faites et traduites ^ puis on ajoute,
au récit de sa façon, nombre d'aménités à l'adresse des
ignorants qui seraient tentés de se récrier. M. Salva-
dor poursuit : « Entre les princes accourus auprès d'Abra-
ham, celui dont la petite armée traversait les domaines
avait un nom signifiant roi juste. (Qui vous a dit que plu-
sieurs soient accourus?) Il possédait une contrée dite
de Salem, mot qui signifie paix et concourt a la composi-
tion du nom de Jérusalem, (Il eût été vulgaire de dire que
Salem et Jérusalem désignent un seul et même lieu.) De
plus, il rendait hommage au Très-Haut, il en était en
quelque sorte un ministre. (Personne ne méconnaîtra le
sans-façon et le bon goût de cette paraphrase. Notons que
M. Salvador est obligé, malgré lui, de suivre l'ordre de
Moïse, en nous montrant successivement Melchisédech
comme roi et comme prêtre.) Le roi de Salem lélicita donc
le patriarche et le bénit, en disant : « Qu'il soit loué le
(1) Institutions de Mohe, 2' partie : Symboles et récits, t. il, p. 464-
466.
ÉTUDE SUR LA LÉGISLATION MOSAÏQUE. 13
Dieu Très-Haut, qui a livré tes ennemis entre tes mains. »
(Le texte porte : "^T^ ^^^2 l^tt n»^, et la Vulgate traduit :
Qiio protegenie, hostes in manibus tuis sunt. C'est un peu plus
fidèle que la traduction de M. Salvador -, il y a une nuance
que M. Salvador n'a pas comprise : quo protegenie rend
beaucoup mieux l'idée de li"», et de plus Melchisédech in-
sinue par la que lui-même et son royaume, ainsi que la
gloire du Très-Haut dont il est le prêtre, se sont bien
trouvés de la victoire d'Abraham. Mais passons; voici le
morceau ingénieux, celui qui est destiné a rendre a ce fait
]e caractère naturel dont il a été dépouillé par les siècles.)
Mais, pour le chef d'une petite armée qui, dans un pays
brûlant, avait combattu des troupes supérieures, on conçoit
que cela n'aurait pas suffi de venir au-devant de lui avec
de simples paroles. Rien ne lui était plus nécessaire que
de recevoir des vivres (petit mot ajouté), du pain et du vin ;
et c'est ainsi qu'en agit le roi de Salem, esprit juste. »
M. Renan dirait : esprit fin et délicat ; la phrase tomberait
mieux. Voila comment on fait l'histoire ! Il y a assez de ridi-
cule dans ces citations sans ajouter, nous l'avons déjà re-
marqué, qu'elles sont formellement contraires au récit de
Moïse. Donnons cependant au lecteur un échantillon des
aménités que nous lui avons annoncées, comme le bouquet
obligé de ces pitoyables parodies : « A qui donc serait-il
permis, s'écrie M. Salvador qui voudrait bien être éloquent,
de transformer en une dîme systématique, en un véritable
hommage-lige, le dixième offert au roi de Salem sur un butin
dont Abraham ne voulait absolument rien pour lui ? A qui
serait-il permis, individu ou église, d'en déduire en matière
de religion les conséquences les plus décisives, les plus
absolues? » «C'est Jésus-Christ qu'Abraham honore en la
personne du grand pontife Melchisédech, dit par exemple
Bossuet, et avec lui toute l'Église, dont sa parole est ici la
rigoureuse expression ; c'est à lui qu'il paye la dime du butin
1/4 ÉTUDE SUR LA LÉGISLATION MOSAÏQUE.
qu'il avait gagné sur les rois vaincus -, c'est par lui qu'il est
béni. » N'en déplaise à M. Salvador, nous préférons le
récit de l'Église, qui n'est que la reproduction exacte de
celui de la Genèse-, nous préférons les applications dont
Bossuet se fait l'écho, aux pauvretés qu'il nous offre; et aux
arguties d'un fils perdu de la synagogue. Qu'il choisisse
une autre fois mieux son temps, lorsqu'il voudra attaquer
Bossuet et l'Église. Ses invectives sont aussi maladroites,
que ses parodies sont peu ingénieuses. Nous allons montrer
que la pensée de Bossuet et de l'Église sont celles des
Juifs de l'ancienne synagogue, et que tout un ordre de faits
répond au récit de Moïse, relatif a Melchisédech.
Les rabbins modernes ont composé une masse de fables
relatives à Abraham et à son époque. B. Béer les a réunies
dans un ouvrage intitulé :Za Vie cC Abraham d'après les tra-
ditions juives (1). On y dit, entre autres choses, que Mel-
chisédech est un surnom de Sem, et que ces deux noms
désignent le même personnage, le fils de Noé. Que ce soit
la une opinion relativement récente, c'est ce que prouve
victorieusement le chap. vu de l'épître aux Hébreux. Saint
Paul devait, dans l'intérêt même de sa cause, parler aux
Juifs de Melchisédech selon les idées qu'ils avaient de ce
personnage. Changer sa physionomie, c'eût été priver de
leur autorité les applications chrétiennes, auxquelles elle
devait servir de base, et leur enlever tout crédit. Or, saint
Paul dit de Melchisédech des choses qui ne conviennent
pas du tout au fils de Noé : Hic enim 31elchisedech, rex Salem^
sacerdos Dei summi^ gui ohviavit Ahraliœ régressa a cœde re-
gum^et benedixit ei: eut et décimas omnium divisit Abraham :
primum guidem qui interpretatur rex justitiœ ; deinde autem
et rex Salem, guod est, rex pacis, sine pâtre, sine matre, sine
genealogia, neque initium dierum, neque finem vitœ habens,
(1) Das Leben Abrahams, uacb Auffassung der judiscbeu Sage. Leipz.
1859.
ÉTUDE SUR LA LÉGISLATION MOSAÏQUE. 15
assimilatus autem Filio Dei^ manet sacerdos in perpetuum.
Seni n'était pas sine pâtre, sine matre, sine genealogia. Puis,
rappelant la loi des dîmes que l'on doit payer a la tribu de
Lévi, aux fils d'Abraham et le fait par lequel Abraham fit
hommage à Melchisédech de la dixième partie des dé-
pouilles des rois vaincus, saint Paul fait ressortir com-
ment Melchisédech ne pouvait pas recevoir cet hommage,
en tant que prêtre, de la famille d'Abraham (et de Sera
par conséquent), mais qu'il a pu le recevoir a cause de
sa qualité de type de Jésus, le Fils de Dieu , le grand-
prêtre de la nouvelle loi, Celui qui devait offrir la veille
de sa mort le sacrifice non sanglant, figuré par le sa-
crifice de Melchisédech. Et alors saint Paul rappelle le
ps, cix, V. 4, où il est dit a Jésus-Christ : Tu es sacerdos in
œterniim secundum ordinem Melchisédech, Il insiste aussi sur
la translation du sacerdoce de la famille de Lévi, en partant
précisément de ce principe, que Melchisédech n'apparte-
nait pas a cette famille, et que Jésus-Christ le Messie de-
vait être prêtre selon l'ordre de Melchisédech. Ainsi, l'opi-
nion des Juifs moderneS; qui veut que Melchisédech et Sem
soient un seul et même personnage, n'était pas l'opinion
de l'ancienne synagogue, laquelle voyait en lui un homme
étranger à la lignée d'Abraham, et à qui saint Paul a pu
prouver la cessation du sacerdoce lévitique par un passage
classique du Psalmiste,oùle sacerdoce du Messie est donné
comme formé sur un type étranger à cette famille.
La tradition chrétienne universelle s'est faite l'écho du
ch. VII de l'épître aux Hébreux. Elle a reconnu que Jésus
avait trouvé le type de son sacerdoce éternel dans Melchi-
sédech, que Melchisédech était un prêtre de la gentilité,
que le psaume cix était messianique, ainsi que Jésus-Christ
l'avait prouvé aux Juifs, et l'Église a introduit ces paroles
dans le canon de la messe : Supra quœ propitio ac sereno
vultu respicere digneris, et accepta hahere sieuti accepta habere
16 ÉTUDE SUR LA LÉGISLATION MOSAÏQUE.
dignatus es... quod tibi ohtnlit summum sacerdos Melchise-
dech^ sanctum sacrifîcium, immaculatam hostiam. L'opinion
d'Origène, qui voulait voir en Melchisédech un ange, et
celle des Melchisédéchiens, qui en faisaient une vertu supé-
rieure, ont été immédiatement réfutées par saint Epiphane
{Hœres. 3o, aL 60) , par saint Augustin {de Hœres. 34) , et par
saint Jérôme {Ejh ad Evang. 73) , lequel, appuyé sur saint
Paul et sur de nombreux passages d'anciens auteurs, prouve
que Melchisédech était un homme, un chananéen, connais-
sant le vrai Dieu, dont il était le prêtre, et connaissant
aussi par conséquent le Messie promis pour le salut de
l'humanité.
Ainsi, c'est a la tradition juive étala tradition chrétienne
universelle, que M. Salvador reproche d'avoir dépouillé
l'histoire de Melchisédech de son caractère naturel, afin d'en
tirer la base ou au inoins f appui de tout un système. Est-ce
justice ? Est-ce outrecuidance ? Dans les rangs du criticisme,
un pareil procédé peut s'appeler délicatesse, finesse, subti-
lité ; les vrais savants et les hommes impartiaux lui réser-
vent d'autres qualifications.
Nous ne voudrions pas que le lecteur pût faire honneur
à M. Salvador de la nouveauté de son explication. L'inven-
tion de cette parodie remonte a Josèphe [Antiq. i, 10, 2,
32) et nous la retrouvons reproduite par quatre auteurs
modernes : Le Clerc [Comment, ad hune locum)^ Heidegger
(Hist. Patriarch. ii), Rosenmûller {Scholia ad hune locum)
et Knobel {Die Gen. erklœrt). Nous avons] prouvé que le
texte de la Genèse répugne à cette platitude. Ajoutons que
quelques voix isolées ne sont pas capables d'ébranler une
persuasion que l'antiquité juive et chrétienne proclament
avec éclat.
A. GiLLY.
L'EXEMPTION DES EEGULIERS
ET LE CLERGE DE FRANCE.
L'on a souvent et vivement reproché aux réguliers leurs
nombreux privilèges, leur exemption de la juridiction des
évêques, et surtout leur zèle a mainteuir et à défendre leurs
droits. Il s'est rencontré des hommes pleins d'estime, de
vénération et d'amour pour les religieux, aux yeux desquels
l'exemption lut toujours un désordre inexplicable. De tels
hommes se rencontrent encore aujourd'hui. Les auteurs du
trop célèbre Mémoire sur la situation présente de VÉglise
gallicane par rapport au Droit coutnmier, n'insinuaient-ils
pas que l'Église ne peut retirer quelque consolation des
communautés séculières et régulières, qu'à la condition
expresse de se maintenir dans l'indépendance et la docilité
convenables (1)? Ce qui, dans leur pensée, signifie la renon-
ciation pure et simple à toute exemption de la juridiction
ordinaire.
Nous essaierons de dissiper les préjugés hostiles k
l'exemption des réguliers, en établissant: 1" que l'exemp-
tion est bien plus le droit du Souverain-Pontife que le pri-^
vilége des religieux-, 2» que le clergé de France en a jugé
de la sorte -, et 3° qu'il n'existe aujourd'hui aucune raison
d'en juger différemment. Nous établirons en quatrième et
dernier lieu que l'exemption n'entraîne avec elle aucun in-
(1) Pag. 131
Revue des sciencbs ecclés., t. X.— juillet 1864. Û
18 l'exemption des réguliers
convénient, soit qu'on la .considère par rapport à la vie
intime et privée des religieux, soit qu'on l'envisage rela-
tivement aux évêques eux-mêmes.
I.
Première Proposition. — L'exemption est bien plus le droit
du Souverain-Pontife que le privilège des religieux.
« L'exemption, dit Ferraris, est le privilège en vertu
< duquel une personne ou une localité est soustraite a la
« juridiction de l'évèque ou de l'ordinaire, et soumise
<( immédiatement au Souverain-Pontife. « [Prompta hiblio-
theca, V. Regulares, art. 2, n. 1.) Les théologiens de Sala-
manque, dont en cette matière saint Liguori ne s'éloigne
jamais, détinissent l'exemption : « L'acte qui soustrait les
« religieux à tout pouvoir ordinaire inférieur à celui du
« Pape, et les soumet immédiatement au Souverain-Pon-
« tife. » Est quœdatn liberatio a potestate ordinaria inferiori
Papœ, stante immediaia subjectione ad Romanum Pontiftcem.
(Collegii Sà\a:2iUÙcens'\s cursus theologiœ inoralis y t. IV, tract,
de Privilegiis, cap. 3, puncto 1, .^ 1.)
Or, n'est-il pas évident que l'exemption ainsi définie
nous place tout de suite en présence de la primauté du
Souverain-Pontife et des droits qui en découlent? Car
enfin qui pourrait dénier au Pape le droit de se réserver
privativement a tout autre l'exercice de la juridiction im-
médiate sur telle ou telle portion du troupeau de Jésus-
Christ? Quel que soit le sentiment que l'on adopte touchant
l'orig.ne de la juridiction des évêques, n'est-il pas incon-
testable qu'au Pape seul il appartient d'assigner aux évêques
la portion du troupeau qu'ils devront gouverner, et que sans
cette assignation préalable tout acte de juridiction épisco-
pale serait radicalement invalide? — Or, en accordant
ET LE CLERGÉ DE FRANCE. i§
l'eîemption a des lieux et à des personnes, le Pape ne fait
autre chose que se réserver l'exercice de la juridiction im-
médiate sur ces personnes et sur ces lieux. Il n'assigne pas
aux évéqucs cette portion du troupeau-, il la garde pour lui
seul. Le Pape agit ici comme agit un évêque qui, donnant
à un curé juridiction pleine et entière sur toute sa paroisse,
se réserve néanmoins l'administration spirituelle d'une
communauté ou d'un hôpital. Cette comparaison est du
P. Zaccaria. {Antifebronius Vindicatus, part, iv, dissert. 10,
cap. 4.)
La question n'est donc pas de savoir si l'exemption est
chose ancienne ou nouvelle dans l'Église -, — si elle entraîne
ou non des inconvénients ^ — si les religieux ne se sont
pas montrés trop empressés a la réclamer auprès du Siégé
apostolique (1). Toutes ces questions et bien d'autres en-
core dont la gravité n'échappe à personne, disparaissent
devant celle-ci tout autrement capitale : L'exemption est-
elle, oui ou non, un acte du Pape qui affirme sa primauté en se
réservant une portion du troupeau de Jésus-Christ ?
Après le simple exposé que nous venons de faire, la ré-
ponse ne semble pas douteuse; et les faits sont là pour
l'appuyer. Car:
1° Tous les monuments du droit attestent que les Sou-
verains-Pontifes ont été fort jaloux de ne partager avec
personne la juridiction qu'ils se sont réservée sur \esexemi)ts
et sur les personnes immédiatement soumises au Saint-Siège»
Témoin le Concile de Trente, dont les décrets investissent
l'évéque d'une délégation apostolique, lorsque des circon-
(1) Sur toutes ces questions, consulter le cardinal Gerdil, Animadver'
siones in Febronii retractationem, t. 13, p. 350 et sqq. (édit. Rom. 1808}.
— Zaccaria, Anli-Febronius. Les mêmes choses se trouvent en substance
dans X Anti-Febronius vindicatus {ioc. cit.). Ce dernier oiivraije a été im-
primé par M. Migne, dans le tome xxvn de son Curstis completus Theo'
logiœ. — Enfin, nous citerons M. l'abbé Bouix, de Jure Regulanum, t. ir,
p. 85 et sqq.
20 l'exemption des réguliers
stances extraordinaires semblent appeler son intervention
auprès des exempts : si bien que l'évêque n'apparaît jamais
aux religieux avec son autorité ordinaire, mais il se fait
précéder de son titre et de la commission : Tanquam dele-
gatus Sedis aposiolicœ.
Quelques auteurs français ont, il est vrai, entendu le
Tanquam deîegatus Sedis apostolicœ d'une façon toute diffé-
rente. Le Concile de Trente, disent-ils, n'a pas cessé de
reconnaître le pouvoir ordinaire et comme naturel de l'é-
vêque \ et si parfois il semble lui accorder une délégation
apostolique, il veut seulement venir en aide a l'autorité
épiscopale pour les cas faciles a prévoir, où les mauvaises
passions voudraient l'éluder en accusant son incompétence;
le titre de délégué apostolique, qui survient alors ad abun-
dantiam juris, devant faire taire toute réclamation. — Mal-
heureusement ces auteurs français ont été induits en erreur
par le célèbre Launoy que Van Espen a copié un peu plus
tard (1).
Or, et ici nous nous servons des paroles énergiques du
cardinal Gerdil, Launoy en impose manifestement a ses
lecteurs • FalHtur, seu potius fallere de industria more sua
velle videtur. Car il a sans doute remarqué dans les décrets
du Concile de Trente que le Tanquam deîegatus Sedis apo-
stolicœ est tantôt seul, et qu'il est tantôt précédé du mot
etiam. Aux chapitrfes 4 et 6 de la session 21% par exemple,
le mot etiatn précède le Tanquam deîegatus Sedis apostolicœ.
Il ne se rencontre pas aux chapitres 1 et 2 de la session 5%
au chapitres de la session 13®, etc.. Or, qui ne voit tout
de suite que les Pères du Concile de Trente n'ont pas agi
(1) Les ouvrages de Launoy et de Van Espen sont tous à l'index. Et
pourtant c'était à de telles sources qu'on allait, au siècle dernier, puiser
la science canonique 1 Les Conférences d'Angers, ouvrage dont le mérite
est bien inférieur à sa réputation, s'inspirent beaucoup trop souvent de
Van Espen.
ET LE CLERGÉ DE FRANCE. 21
sans une intention bien arrêtée? Lorsqu'ils disent que l'é-
vêque peut agir etiam tanquam delegatus Sedis apostolicœ,
alors, mais alors seulement, ils viennent en aide à son au-
torité ordinaire. Dans l'autre cas, en le constituant délégué
du Siège apostolique, ils lui créent une commission, et
réservent ainsi le droit du Pape.
La jurisprudence des tribunaux romains et les Papes
n'admettent pas d'autre interprétation. Nous citerons seu-
lement un passage de la constitution Exposcit pasioralis of-
ficii (22 sept. 1571), laquelle a été insérée par Lemerre
dans ses Mémoires du Clergé de France, t. vu. Le pape saint
Pie V donne aux évêques quelques pouvoirs particuliers
relativement aux églises paroissiales dépendantes des Che-
valiers de Saint-Jean de Jérusalem ; puis il ajoute : « Vo-
<c lumus autem quod Episcopi visitationem hujusmodi,
« et prœdicla omnia solum tanquam delegati Sedis aposto-
« licse... faciant. » Ces dernières paroles ne prouvent-elles
pas clairement que le titre de délégué apostolique apporte à
l'évêque un droit qu'il n'avait point ?
2" Un second fait ne témoigne pas moins de la liaison
intime qui existe entre la primauté du Pape et l'exemption
des religieux ^ c'est tout a la fois la guerre acharnée que
les sectaires ont de tout temps déclarée a l'exemption, et
la vigueur que les Souverains-Pontifes ont toujours déployée
pour la défendre.
Il nous semble inutile d'insister la-dessus. Le lecteur
n'ignore pas sans doute que depuis les fougueuses décla-
mations de Guillaume de Saint-Amour et de Jean du Pouy
aux XIÏP et XIVo siècles, jusqu'aux haines schismatiques
de Fébronius, de Scipion de Ricci et des auteurs de la
Constitution civile du Clergé, l'exemption a toujours ren-
contré des adversaires sans cesse renaissants; a qui en
voulaient-ils? Certes, ils le disaient assez haut: Abattre la
primauté du Pape en lui arrachant son droit de réserve,
22 l'exemption des réguliers
voilà leur but avoué (1). — Aussi ne faut-il pas s'étonner
que des docteurs comme saint Thomas et saint Bonaveu-
ture (2 ; des Papes comme Alexandre IV, Jean XXII, Pie VI,
et même des Conciles généraux, tels que ceux de Vienne,
de Constance, de Latran (V^) et de Trente, aient aussi
énergiquement réfuté les attaques des novateurs.
L'étude approfondie de ce fait historique est à elle seule
toute une démonstration que Grégoire XVI résumait en
quelques mots : « Exemptionem Regularium commendari
« ecclesiasticis sanctionibus , longa seculorum plurium
« experientia, et ipso hœreticorum incredulorum in exempt
(( tiones odio. » (Bref adressé au cardinal-archevêque de
Malines, 1834.)
Le lecteur voudra bien nous permettre de tirer tout de
suite quelques conséquences de ce qui précède.
l®*" Corollaire. — Les religieux n'ont pas seulement le
droit de défendre leur exemption, mais c'est pour eux un
devoir rigoureux de le faire.
Assurément nul catholique ne saurait trouver mauvais
qu'un membre quelconque de la grande famille chrétienne
se glorifie de relever plus immédiatement de l'autorité du
Père commun des fidèles. De tout temps, les différentes
églises ont tenu a honneur de voir disparaître pour elles
quelque degré hiérarchique, afin d'être ainsi plus rappro-
(1) Fébronius eut le bonheur de rétracter ses erreurs aux pieds de
Pie VI. Son désaveu au sujet des exemptions est remarquable : Exemptio
Regularium a seculari poieslale, aul ai una pai ticulari synodo non valet
abrngari.
(2) Le conciliabule de Pisloie avait paru s'étonner du peu de mesure
gardée par saint Tliomas et saint Bonaventure dans leurs célèbres Apo-
logies de l'Exemption. Voici comment Pie VI juge et flétrit l'apprécia-
tion de l'assemblée janséniste :« Item, in eo quod subjungit SS.Tbomam
« et Bonaventuram sic in tuendis adversus summos homiues mendican-
« tium iustitulis versatos fuisse, ut in eorum defeusionibus minor sestus,
« accuratio major desideranda fuisset ; scandalosa , in sanctissimos Do-
ctores injuriosa, impiis damnalorum auctorum contumeliis f avens. » (Bulla
Aucl'jvem fidei, prop. 81.}
\
ET LE CLERGÉ DE fRAÏîCE. 23'
chées du Saint-Siège. Naguère, par exemple, l'antique
église du Puy comptait avec orgueil au nombre de ses plus
précieuses illustrations la faveur d'être immédiatement sou-
mise au Siège apostolique. C'est pourquoi nous avouons ne
pas comprendre le blâme que déversent les auteurs du Mé-
moire sur le Droit coutumier sur les communautés ecclé-
siastiques d'hommes qui revendiquent le titre d'exemptes.
Quelle faute a donc commise le vénérable supérieur de la
congrégation de Saint-Lazare (car c'est h lui que le Mémoire
fait allusion), en prononçant les paroles suivantes: Jouissant
du privilège de l'exemption^ et formant un corps qui ap-
partient au Saint-Siège, -non aux diocèses dans lesquels nous
sommes établis? (Lettre circulaire de M. Etienne, pre-
scrivant le retour à la liturgie romaine-, 1" nov. 1851.)
Mais il y a plus. L'exemption étant le droit du Pape,
l'exempt ne saurait y renoncer. Il est en effet le sujet du
Pape, et non pas d'un autre. Il appartient au Pape, et il
n'appartient qu'à lui seul. Il est en présence de toute autre
juridiction comme un diocésain en face d'un évêque qui
n'est pas le sien. Exempti nunquam fuerunt subditi, dit le
cardinal Gerdil. Or, de bonne foi, peuvent-ils le devenir
de leur propre gré, et sans l'aveu de celui qui seul est leur
supérieur ? Que diriez-vous d'un fidèle qui déclinerait la ju-
ridiction de l'évéque diocésain, pour se soumettre à l'au-
torité d'un évêque étranger? Saint Liguori affirme hautement
notre conclusion : Huic privilegio exemptionis Begulares
cedere non possunf... Quare nulla consuetudo in contrarium
potest in hoc prœvalere. [Theol. moral. De privilegiis, cap.
IV, n. 73.)
Il n'entre pas dans notre pensée de vouloir justifier
chacune des luttes soutenues par les religieux au sujet de
l'exemption. Partout où les hommes agissent, l'infirmité
humaine doit nécessairement accuser sa présence. Qu'il y
ait donc eu parfois des incidents regrettables, des procédés
24 l'exemption des réguliers
peu délicats et même entièrement irrévérencieux envers
la dignité épiscopate, nous ne voulons pas le nier. Nous
maintenons seulement que de pareils écarts sont le fait de
quelques particuliers en petit nombre, et que dans leur en-
semble, les religieux ont prétendu accomplir un devoir
sacré d'obéissance envers le Saint-Siège lorsqu'ils ont eu à
défendre leur exemption menacée. De quel droit d'ailleurs
ose-t-on accuser d'avoir obéi a de petites passions plutôt
qu'au devoir, des hommes que l'on ne peut s'empêcher de
proclamer pieux et saints ?
Faisons de tout ceci une application a la visite del'évêque
dans les églises des réguliers.
Quelques personnes ont peine à comprendre que les
évêques n'aient pas le droit de visite dans toutes les églises
de religieux sans exception. Il nous semble que toute
difficulté disparaîtra, si l'on veut considérer que ce droit
de visite étant une limitation de l'exemption, devrait avoir
son fondement soit dans l'intérêt de la discipline régulière
elle-même, soit dans le respect de l'autorité épiscopale. Or,
en quoi le droit de visite est-il requis par la discipline régu-
lière ? Est-ce que les supérieurs religieux n'offrent pas de
suffisantes garanties pour la décence du culte divin? Et pour
l'honneur de la dignité épiscopale, est-il besoin que l'évêque
entre en supérieur dans une église exempte, si d'ailleurs
on lui rend tous les honneurs extérieurs qui rappellent aux
fidèles la présence de leur prélat ?
Aussi bien la prétention de visiter les églises religieuses
exemptes, autres que les églises paroissiales, est destituée
de tout fondement juridique. L'ancien clergé de France
avait, il est vrai, dans la déclaration de 1625, ordonné que
l'évêque toutes les fois et quantes bon lui semblera pourra vi-
siter le Saint-Sacrement dans les monastères et autres lieux de
son diocèse prétendus exempts de sa juridiction (art. 1.). Mais
outre qu'il n'est pas certain qu'en pratique les évêques
ET LE CLERGÉ DE FRANGE. , 25
aient agi dans le sens de la déclaration, ne faut-il pas dire
que c'est la sans doute un des points qu'ils jugeaient
nécessaire, comme nous le verrons bientôt, de soumettre
Ix l'agrément du Saint-Siège ?
En effet, le concile de Trente, qui donne en termes si
formels aux évêques le droit de visite sur les églises parois-
siales confiées aux réguliers (sess. xxv, c. 11), ne consa-
cre-t-il pas par cette exception la liberté des autres églises
qui ne sont point paroissiales? Que si l'on objecte le décret
du même concile qui donne aux ordinaires des lieux la com-
mission de visiter annuellement toutes les églises, même
exemptes : Locorum ordinarii ecclesias quascumque quomodolibet
exemptas anctoritate Apostolica, singulis annis visitare tenean-
tnr (sess. vu. c. 8. de Réf.), la réponse ne sera pas difficile.
Le Concile, en effet, ne parle pas des églises de réguliers,
puisque l'on sait assez que les monastères, a raison même de
leur exemption, sont réputés être non dans le diocèse, mais
en dehors du diocèse. Il n'a donc pu être question que des
églises séculières, les seules qui, a vrai dire, se rencontrent
sur le chemin de l'évêque. D'ailleurs, le mot Regulares n'est
pas prononcé dans ce décret : n'est-ce pas une preuve que
le concile n'a pas eu l'intention d'atteindre les réguliers,
lui qui est d'ordinaire fort soigneux à faire d'eux une men-
tion spéciale, etiam regulares, lorsqu'il veut les comprendre
dans ses salutaires décrets ? Et puis, l'expression du concile,
locorum ordinarii, ne peut-elle pas s'appliquer tout aussi
bien aux prélats réguliers, de telle sorte que le décret susdit
s'entendrait du droit de visite conféré aux divers prélats,
sur les églises de leur juridiction respective ? — C'est ainsi
que raisonne Pirhing, dont nous transcrivons le texte :
« Verum illce EcclesiîE, quae proprie ad Regulares exemp-
« tos spectant sicut et ipsi religiosi hujusmodi, ab eorum
« prselatis, videlicet generalibus, vel eorum delegatis visi-
te tari soient ac debent {Cône. Trid. sess. xxv, c. 1 et 8,
26 l'exemption des réguliers
« de Eegul.).... ideoque ab Episcopis visitari non possunt:
« nara visitare est actusjurisdictioniscompetenssuperiori,
« cui ecclesia, vel monasterium est subjectum. Episcopus
« autem non habet jurisdictionem ordinariam in exemptos,
« neque in loca et ecclesias illorum, quge personis sunt
« connexa : nara accessoiium sequitur principale. Et
« cum jurisdictio ecclesiastica seu spiritualis sit indivi-
« dua, non potest diiobus simul, quorum unus alteri su-
ce bordinatus non est, competere, videlicet gener?li ordi-
« nis et episcopo... Neque refert quod ecclesia regularis
« sita sit in diœcesi episcopi, nara locus exemptus, quoad
« jurisdictionera ab episcopo exercendara, œquiparatur
« loco existenti extra diœcesim. — Neque enim obstat
« Concil. Trident, [sess. vu, c. 8, de Réf.) quod generatim
tt praîcipit, ut locorura ordinarii Ecclesias quascumque
a quoraodolibet exemptas singulis annis visitent: quia
« hujusmodi ecclesiarura ordinarii non sunt episcopi, sed
« prœlati ordinura exeraptorura. » [Jns canonic. universum,
l.i, tit. 31, n. 96.)
Aussi bien ce n'est pas la une interprétation arbitraire,
puisque nous la voyons unanimement admise par les au-
teurs, les conciles provinciaux les plus célèbres, et parles
congrégations roraaines.
Quelques citations ne seront pas inutiles :
1° Parmi les canonistes, Barbosa s'exprirae ainsi :
« In ipsis autera ecclesiis Regularium visitare non pos-
« sunt ordinarii necquidera SS. Sacraraentum (Eadera S.
« C. concil. m ISicoteren., an. 1593.) Nec etiam altaria et
« capellas in iisdem Regularium ecclesiis, etiam per se-
rt cularium confraternitates constructa (S. Cong. Episcop.
« et Regul. in Papiensi, 21 aug. 1613., et in Tarraconensi
« 22 januar, 1616.) ; sed bene confraternitates ipsas... nec
« denique in vira constitutionis Gregorii XV de exerapto-
« rum privilegiis, visitare iicebit episcopis altaria eccle-
FT LE CLERGÉ DE FRANCE. 27
« siarum Regularium, quibus non incumbit cura persona-
« rum secularium , née loca ubi in eisdem ecclesiis
« asservaturSS, Eucharistie sacramentum.i^S. Gong. conc.
« anno i&'lS, dub. 1, super dicta cons t i t. )))(/ms Ecclesiast.
univers., 1. i, c. 14, n. 24.)
Berardi, d'ailleurs assez peu enclin à favoriser la cause
des exempts, n'est pas moins explicite :
« At si agatur de ecclesiis adnexis monasteriis in quibus
« viget regularis observantia, bas non visitât episcopus,
« Quanquam enim in cap. 8 sess. viuZe Reform. concilium
(c Tridentinum facultatem fecerit episcopis universas eccle-
« sias exemptas visitandi, id tamen de sœcularibus tantum
« ecclesiis intelligendum esse, declaravisse visi suntiidem
« Tridentini Antistites in cap. 9 sess. xxiv, de Réf. Exce-
« ptio est in ecclesiis Reguiarium quibus cura animarura
« adnexa est, etc.. » [Commentaria in jus univers., 1. i,
dissertât, iv, cap. 3, de Auctoritate episcoporum in ecclesias.)
Thomassin nous dit à son tour d'après Fagnan :
« Si les églises régulières ne sont, ni chargées du soin
« des âmes, ni en commende,révêque ne peut les visiter. »
{Ancienne et nouvelle discipline, part, i, liv. 3, chap. 40,
En quoi le concile de Trente a assujetti les exempts à Vévêque.)
I.es théologiens de Salamanque :
« Imo nec potest (episcopus) ecclesias illorum (regula-
« rium) visitare, tabernaculum SS. Sacramenti invisere,
« nec capellas, aut proprias confraternitates religionis,
« nisi rescriptum particulare Papse ad hoc ostenderint, ut
« colligitur manifeste in Trident, sess. xxv, c. 20, de
« Regular. Ad quod dantur plurirase declarationes... »
(Tract, XVIII, de Privilegiis, cap. m, n. 31 etsqq.)
Enfin, car il faut se borner, saint Liguori, ne s'éloignant
en rien de la doctrine commune, enseigne avec les théolo-
giens de Salamanque, que l'évêque n'a droit de visite que
dans les églises chargées du soin des âm > :
28 l'exemption des réguliers
« Potest etiam visitare ecclesias etiam annexas et sub-
« ditas monasteriis, si earum administratio sit pênes pa-
tt rochos sieculares. » Le saint auteur venait de parler des
religieux personnellement chargés du soin de la paroisse.
— Il continue :
« Possunt pricterea episcopi visitare confraternitates
« sœcularinm fundatas in monasteriis, sed duntaxat qnoad
« administralionem bonorum, non quoad altaria, ut ex
« Trid. sess. xxv. c. 20. de Regular., et ex pluribus de-^
« cretis sacrae congregat. Excipiuntur insuper illae quarum
« prtfifectus est religiosus, ex privilegio Gregorii xiii, cui
« nuUa contraria consuetudo potest obstare.» De Privileg.,
cap. IV, n. 79.)
On le voit, une parfaite uniformité d'interprétation règne
parmi des auteurs d'époque, de pays, de profession, et
aussi de sympathies diverses. N'est-ce pas la un argument
péremptoire en faveur de leur doctrine?
2° En pratique, les conciles provinciaux n'ont pas au-
trement interprété le concile de Trente. Qu'il nous suffise
de citer saint Charles Borroi-ée, qui, tout le monde le sait,
et c'est sa gloire, se lit avec tant d'intelligence etdénergie
l'exécuteur des moindres volontés du saint Concile. Or,
parcourez les Actes de r Église de Milan-^ pas un mot qui
puisse laisser soupçonner que l'évéque a droit de visite sur
les églises des réguliers. Il y est fait mention fort exacte de
tous les cas d'exception j mais ce soin à relever l'exception
n'est-il pas une reconnaissance authentique de la règle gé-
nérale? Pourquoi, par exemple, saint Charles constate-
t-il, qu'en vertu de la bulle de saini Pie V, l'évéque peut et
doit visiter les églises de l'ordre de Saint-Jean de Jérusa-
lem : Ecclesias eqnitum ordinis Hierosolymïtani ? [Acta Eccle-
siœ Mediolan., 1. m, tit. 22.'
Le concile provincial de Londres, tenu en 1832, déclare
soumises à la visite de l'évéque, non toutes les églises des
ET LE CLERGÉ DE FRANCE. 29
réguliers, mais celles seulement qni sont destinées aux
fonctions paroissiales : Ecclesiœ missionariœ et publicœ. (Dé-
cret 27. de Regidaribus.)
3° Mais toute controverse doit cesser devant l'interpré-
tation donnée a la loi par la Sacré-Congrégation du Concile.
Ce n'est pas une seule fois, mais bien souvent, que la Sacrée
Congrégation a été mise en demeure d'expliquer la pensée
du concile de Trente sur le point qui nous occupe. Elle
l'a fait d'une manière toujours uniforme, et toujours avec
l'autorité d'un tribunal établi par les Papes pour interpréter
authentiquement et définitivement la pensée des Pères de
Trente. Pareilles décisions obligent donc partout, et nul
ne saurait les éluder.
Nous nous contenterons de rapporter une décision ren-
due par la S. C. en explication tout-a-la fois du concile de
Trenteet d'une buUede Grégoire XV relativeal'exemption.
L'on demandait: « An liceat episcopis visitare altaria
« regularium ecclesiarum, quibus cuïaanimarum persona-
« rum saecularium non incumbit, aut loca ubi in eisdem
« ecclesiis asservatur SS. Eucharistise sacramentum, vel
« ubi audiuntur confessiones ssecularium? »
A quoi il fut répondu : « Sacra Congr. Cardinalium
« concil. Trident, interpretumcensuit, constilutionem san.
« mem. Gregorii XV de Exemptorum privilegiis, nequa-
« quam subjicere Regulares exemptos quibus cura anima-
« rum personarum sœcularium non incumbit, episcopo-
« rum jurisdictioni, in bis quse sacramentorum admini-
« strationem concernunt, nisi cumin sacramentispersonis
« sa^cularibusadministrandis iidera Regulares delinquunt,
« ac propterea :
« Ad 1 dub. respondit ; episcopis non licere in vira
« ejusdem constilutionis visitare altaria ecclesiarum Regu-
« larium, quibus non incumbit animarum cura personarum
« saecularium, nec loca ubi in eisdem ecclesiis asservatur
30 l'exemption des réguliers
« SS. Eucharistiaesacramenlum, vel ubi confessiones per-
« sonarum ssecularium audiuntur. »
Cette décision fut publiée en 1623, avec l'approbation du
Pape; et elle a servi de modèle à une foule d'autres ren-
dues depuis dans le même sens. On peut les lire dansFer-
raris ( V. Hegulares et Conventm) et dans Zamboni.
Nous le demapdons a tout lecteur impartial : en présence
du droit ainsi établi, les réguliers peuvent-ils sans protes-
tation laisser a d'autres qu'a leurs supérieurs le soin de
visiter leurs églises?
2e Corollaire. Si quelque doute s'élève relativement à la
portée de l'exemption et des privilèges des réguliers, la
cause doit de toute rigueur être déférée au Souverain-Pon-
tife, qui a seul autorité pour la juger.
Quoi qu'en aient dit certains détracteurs de l'exemption,
les Souverains-Pontifes n'ont pas été contraints de l'ac-
corder en vertu de manœuvres occultes et de trames ha-
bilement ourdies. Donc ils n'ont pas eu à redouter la
lumière pour leurs concessions. Aussi est-ce par des do-
cuments publics, et qui font partie du corps du droit,
qu'ils ont déclaré vouloir se réserver toute juridiction sur
les exempts. Si bien que l'exemption d'une communauté
religieuse est un fait notoire que personne n'est censé
ignorer, et dont les religieux, une fois reconnus comme
tels, sont dispensés de fournir les preuves.
Mais ne peut-il pas surgir des difficultés touchant l'é-
tendue de l'exemption? Oui, sans doute; et c'est ici que
l'exempt se présente avec sa qualité de sujet du Pape. Car,
douter si votre juridiction ne va pas dans tel ou tel cas
atteindre un exempt, n'est-ce pas demander si le Pape ne
se désiste pas de sa juridiction immédiate? Or, quel autre
que lui pourra répondre? Il est donc juste de porter au
Souverain -Pontife tx)utes les controverses en matière
ET LE CLERGÉ DE FRANCE. 31
d'exemption et de privilèges; et c'est la doctrine de saint
Liguori : « In dubio alicujus privilegii decisio spectat ad
ce Summum Pontifieem quemadmodum declaratum fuit a
« Clémente IV et ab aliis Pontificibus. » [De Privilegiis,
cap. IV, n. 73.) Et ce que le saint évêque se contente
d'affirmer, le savant Pichler l'avait solidement établi par
quelques arguments que nous croyons devoir transcrire.
La question était celle-ci : An in causa exemptionis a juris-
dictione episçopi compétent judex sit ipse episcopus? Pichler
n'hésite pas a la résoudre négativement; et voici ses rai-
sons : « 1° Episcopus est supremo principe, nimirum Pon-
ce titiçe, inferior ^ ergo cognoscere et pronuntiare de bac
« quaestione non ad ipsum, sed ad Summum Pontitîcem
« pertinet. — 2° Exempiio magis ipsius Papœ et Eeclesiœ
a Romance, quam exeniptornm jus est ; sed de jure supe-
(( rioris judicialiter cognoscere inferior non potest per no-
« toria. — 3" Legem et privilegium Pontificis judicialiter
« et authentice explicare ac interpretari non est inferioris,
(( sed ejus qui legem condidit, vel privilegium concessit .
« Sed privilegium exemptionis concessit Sumnnis Pon-
ce tifex. Ergo.... » [Jus canonicum praclice explicatum^ seu
Decisio nés Casumn, decis. 175.)
Nous ajouterons le texte d'une décision de la Sacrée
Congrégation du Concile que provoqua D. Juan de Palafox,
évêque de Puebla de los Angelos, lors de sa trop fameuse
querelle avec la Compagnie de Jésus. Le prélat avait ainsi
formulé sa demande :
(c An in casu in quo Pi^ulares quicumque, etiam So-
(( cietatis Jesu, exhibeant aliqua privilégia, et ordinarii
c( judicent ea non suffragari casuide quo agitur, et ad rem
ce non facere, Regulares prsefati possint et debeant provo-
ce care ad Summum Pontifieem, vel in partibus Indiarum
ce remotissimis ad metropolitanum, sive ordinarium vici-
ée niorem, vel potius possint in hoc casu eligere judices
ce conservatores? »
52 l'exemption des réguliers
La Sacrée Congrégation répondit, le 14 mai 1648, avec
l'approbation du pape Innocent X :
<c Si verba privilegiorum sint obscura et ambigua, non
(.(. licet recurrere ad metropolitanum, vel viciniorem epi-
« scopum, née conservatores eligere, sed Summum Ponti-
« ficem pro interpretatione esse adeundum, » i^Apud Zam-
boni, t. V, v° Reyidares, § II, 3.)
Le prélat ne crut pas pouvoir opposer une fin de ïion-
recevoir a la sentence qui le condamnait; il eut le cou-
rage de se soumettre.
Par tout ce qui précède, on entrevoit suffisamment sur
quoi se sont fondés les canonistes qui avancent presqu'à
l'égal d'un axiome, que Y exempt ion doit se traiter avec faveur.
Saint Liguori l'enseigne sans hésiter: Privilégia coinmunita-
tibus concessa.... habentur omnia tanquam favorabilia [loc. cit.f
cap. I, n. 8.' Et Picl.ler dit a son tour : Ergo exemptio Be-
gularium ampliunda est potins quam resfringenda {loc. cit.).
Mais n'insistons pas davantage. Voyons si l'ancien clergé
de France a tenu une autre doctrine.
Seconde proposition. — L'ancien clergé de France n'a pas
eilj touchant texemption, une autre doctrine.
L'énoncé de cette proposition paraîtra probablement pa-
radoxale a plus d'un lecteur. Nous sommes, en effet, si
habitués a considérer l'ancien clergé comme vivant dans
une latte continuelle contre les religieux, et guettant soi-
gneusement l'occasion favorable de retirer à ceux-ci des
privilèges qu'une condescendance trop facile avait arrachés
aux évêques ! Mais est-ce bien la vérité.? Nous ne le croyons
pas.
Et d'abord, rien ne nous autorise a prêter au clergé de
France un habituel mauvais vouloir contre les religieux.
L'histoire fournit une preuve fort significative du cou-
ET LE CLERGÉ DE FRANCE. 33
traire, dans les éloquentes protestations que fit au Concile
de Trente le grand Cardinal de Lorraine, en faveur de
l'exemption des Réguliers, attaquée par quelques évéques.
Voici ce que raconte l'historien du Concile : « Quand on
« en vint a ce qui concernait les réguliers, le cardinal de
« Lorraine fit d'eux un pompeux éloge, et assura qu'en
« France plus de trois mille d'entre eux, dans l'espace de
« quelques mois, avaient souffert un cruel martyre, plutôt
« que de renoncer à l'obéissance que tout chrétien doit au
« Pontife romain : c'est pourquoi, autant il éiait opposé
« à l'exemption des autres ecclésiastiques à l'égard des
« évêques, autant il était partisan de celle des réguliers :
« il exhortait donc les pères à maintenir intégralement
« leurs privilèges. » (Card. Pallavicini, Hist. du Concile
de Trente, 1. xxiv, c. m.)
Que si le clergé laisse parfois échapper contre les régu-
liers une certaine impatience, ne peut-on pas en attribuer
la cause principale à l'Université, qui, rudement punie de
ses attaques contre les ordres mendiants par les victo-
rieuses apologies de saint Thomas et de saint Bonaventure,
s'appliquait sans relâche à satisfaire ses vieilles rancunes,
en profitant de toutes les occasions d'irriter les suscepti-
bilités et les colères des prélats ? Malheureusement, il faut
le dire, quelques religieux prêtèrent de temps a autre le
flanc aux attaques de leurs ennemis. Des conflits de juri-
diction s'engagèrent, et quelquefois les religieux se don
nèrent l'avantage d'une victoire payée bien cher, puis-
qu'au mépris de toutes les lois divines, ils n'avaient pas
rougi d'en appeler a une autorité de tout point incompé-
tente, aux Parlements ou au grand Conseil. De tels reli-
gieux nous inspirent peu d'intérêt.
Si l'on veut à toute force qu'il y ait eu dans l'ancien
clergé de France un système arrêté d'hostilités et de lutte
contre l'exemption des réguliers, nous demanderons qu'il
Revue des sciences ecclés., t. x. — juillet 1864. 3
hb l'exemption des réguliers
nous soit permis de ilisciiter le fait principal sur lequel
s'sfpuie une pareille assertion. Il s'agit de l'assemblée de
4625, justement célèbre a bien des titres, mais qui, pour
nos adversaires, l'est sans doute bien plus à cause de la
Béclaraiion que nous allons dire. Elle est intitulée : Décla-
ration de l'Assemblée générale du clergé de France, sur ce qui
est à observer sous la conduite de messieurs les évêques par les
réguliers et autres eaen/pfs. Pièce importante, puisqu'elle a
été invoquée par les assemblées subséquentes, et qu'elle
est, a la longue, devenue com.m.e le code du droit des ré-
guliers en France. Il importe donc de la discuter, et de
birn saisir la | eiisce des prélats qui la formulèrent (1).
La déclaration de 1625, il ne faut pas se le dissimuler,
est empreinte d'une certaine amertume qui de prime abord
ferait croire à delà malveillance. Il y estparlé d'hommes
qui « troublent la paix de l'Église, qui entreprennent contre
Vordre hiérarchique, qui semblent vouloir ériger autel contre
autel, sacrifice contre sacrifice, etc.. » ^Collection des pro-
cès-verbaux, t. II, fièces justificatives, p. 62.) De plus, les
articles de la déclaration ne sont pas toujours conformes
aux prescriptions du droit canonique -, tel, par exemple,
Tarlicle premier, qui donne a l'évêque le pouvoir de visiter
le Saint-Sacrement dans toutes les églises de monastères
prétendus exempts de sa juridiction.
Ce nonobstant, la déclaration de 1625 ne nous semble
pas être une preuve manifeste, soit de l'hostilité des prélats
envers les réguliers, soit de leur peu de respect pour
l'exemption considérée comme droit du Saint-Siège. Car il
nous est impossible de reconnaître une hostilité quelconque
(1) Nous avertissons le lecteur de ne pas trop se fier à l'édition des
Mémoires du Clergé de France, publiée par Lemerre {14 vol. in-4o). L'his-
toire du clergé y est trop souvent dénaturée par le fait des préjufiéa
parlementaires et gallicans de l'auleur. 11 vaut beaucoup mieux consulter
la grande Colleciion des procèi-verbaux, etc. C'est ce que nous ferons.
ET LE CLERGÉ DE FRANCE. 35
pour les réguliers en général, dans un acte que ses auteurs
avouent avoir pour but unique d'obvier aux abus que com-
mettent certains religieux (ibid.) (1).
Bien moins encore, et c'est le point décisif, bien moins
encore reconnaissons-nous dans la déclaration de 1625 une
atteinte portée aux droits du Saint-Siège.
Eq effet, si les prélats n'eussent admis la liaison intime
de l'eiemption avec la primauté du Pape, eussent-ils mis
tant de ménagements a la réglementer et à la restreiiidre ?
Eût-elle été a leurs yeux différente des causes vulgaires que
les évêques peuvent chaque jour diseuteret juger ? Or, que
l'on prenne la peine de lire le procès-verbal de l'assemblée
del62o-, et on ne pourra s'empêcher d'y remarquer le
soin que mit l'assemblée à donner à sa déclaration une
valeur canonique, en s'efforçant de lui attirer l'agrément et
l'autorisation du Souverain-Pontife. « Le 20 octobre, sur
« ce que Mgr le cardinal (de la Rochefaucaud a remontré
« que le règlement... devait être présenté à notre Très-
« Saint Père, pour être autorisé et approuvé par son très-
« grave jugement, avant que d'être divulgué ou publié, et
« que... il ne doutait pas que Sa Sainteté, non-seulement
« l'agréerait, mais le louerait : délibération prise d'une
« commune voix, a été ordonné, qu'il serait écrit a Sa
« Sainteté, avec toute soumission et respect, et à Mgrl'ar-
« chevêque de Lyon, pour le lui présenter-, que cependant
« ledit règlement ne serait point envoyé, ni publié, ni di-
« vulgué, et que Mgrs les évêques de Chartres et de Valence
(1) Les règlements en question renferment sans doute plus d'une me»
sure odieuse pour les réguliers. Comment donc se fait-il que les prélats
n"dieut pas nourri une véritable hoilililé contre leur exeuipliou? Toute
l'erreur des prélats vint d'une craiute exagérée de voir se multiplier
certains abus déplorables, sans contredit, mais isolés. Sous l'impression
d'une pareille alarme, ils ne virent pas que le moyeu dépassait le but,
et que, faute de proportion, le remède même qu'ds proposaient deve-
nait UQ mal plus sérieux qae celui qu'ils voulaient guérir.
36 l'exemption des réguliers
« iraient, de la part de l'assemblée, en assurer Mgr le
« Nonce, et le supplier de vouloir bien y joindre ses bons
« offices » (pag. 513.) . — « Le 24 octobre, sur ce qui a été
« remontré qu'il était nécessaire... de faire députation
« expresse de quelqu'un des seigneurs prélats de cette as-
« semblée â Rome, devers Sa Sainteté, pour en poursuivre
« la confirmation, étant convenable et bienséant de rendre,
« en cette rencontre, l'obéissance qui est due au Chef vi-
« sible de l'Église... » [Ibid.) — « Le S novembre, tout à
« l'entrée de cette séance, il a été mis en délibération, savoir
« si les règlements. . . doivent être envoyés et distribués par
« les diocèses, en attendant l'approbation de Sa Sainteté :
« sur quoi, résolution prise par provinces, l'assemblée a
« ordonné que lesdits règlements, quoique imprimés et
« divulgués, ne seront distribués par ordre de l'assemblée,
« et ne seront mis a exécution, que premièrement ils
« n'aient été approuvés par Sa Sainteté; ne préten-
« dant toutefois empêcher que ceux qui, par curiosité,
« voudront les avoir, puissent en prendre de l'imprimeur
« ou ailleurs» (pag. 514 .Une pareille conduite s'explique-
t-elle chez des prélats qui n'eussent pas considéré l'ea^e/w/j^îo»
comme une de ces causes majewes que le droit réserve au
Pontife romain? Joignez à tout cela la lettre que fit écrire
l'assemblée au pape Urbain VIII [Pièces justificatives ^ p. 69),
et la démonstration sera complète.
Que fît le Pape? Nous avons beau feuilleter la Collection
des Procès-verbaux, nous ne trouvons pas un seul mot qui
indique le plus léger assentiment du Saint-Siège. Car l'as-
semblée de 1635 reprit la discussion de la déclaration que
nous venons de mentionner; elle en approuva les décrets,
et se mit de nouveau en instance auprès du Souverain-
Pontife pour obtenir son approbation (pag. 765 et ss.).
Donc elle n'avait pas été encore obtenue. — L'assemblée
de 1645 revient à son tour sur la même déclaration. En vain
ET Lli CLERGÉ DE FRANGE. 37
le célèbre D"" Hallier se remue-t-il pour justifier au point de
vue du droit canonique tous et chacun de ses règlements :
sa vaste érudition échoue contre le refus d'approbation de
la part du Pape-, et Hallier est obligé de reconnaître que le
Pape n'approuve pas, puisqu'il a publié récemment des Brefs
d'une doctrine diamétralement opposée. L'assemblée se
laisse émouvoir par l'éloquence du D"" Hallier; mais elle ne
sait faire autre chose que décréter un nouveau recours
au Saint-Siège (tom, m, pag. 291 et ss.). — Enfin l'as-
semblée de 1700, dont les actes se ressentent trop souvent
de l'esprit qui inspira l'assemblée de 1682, ne prit-elle pas
pour base de son Règlement pour les réguliers la discipline
du Concile de Trente et les décrets des Papes qui ont
suivi? [Procès-verbal de V assemblée générale du clergé, etc.,
en 1700..., pag. 166 et 489.) Or peut-on citer un seul dé-
cret pontifical relatif aux réguliers qui sanctionne, même
en France, la discipline projetée par la déclaration .^^ Le
Bullaire et le Thésaurus resolutionum n'en ont jamais donné
le texte.
Aussi bien, nous citerons en témoignage de notre thèse
le savant Thomassin, justement célèbre par sa profonde
érudition dans toutes de sciences sacrées, mais qui
toutefois n'a pas su se préserver de tout préjugé dans la
matière qui nous occupe. Donc, après avoir décrit d'après
Fagnan, qu'il ne fait guère que traduire, la position faite
aux religieux exempts par le droit commun, et spécialement
depuis le Concile de Trente, Thomassin conclut : « Je ne
« l'ai pas regardé comme un canoniste, mais comme un
« historien et un témoin fidèle des usages et des décisions
« qui ont réglé tant de grandes affaires. Dans tout ce que
« j'ai rapporté de lui, je n'ai rien trouvé de faible, rien de
« relâché. S'il s'éloigne quelquefois des sentiments de nos écri-
« vains français et des pratiques de notre jurisprudence, cest
« en des matières que je n ai pas touchées, et qui n^ étaient nul-
<i lement de mon sujet, v> [Op, et lac, supra cit.)
38 l'exemption des réguliers.
N'est-ce pas dire bien clairement que la doctrine du clergé
de France touchant Vexemption ne diffère pas de la doctrine
reçue partout ailleurs?
Est-ce bien Ih aussi la doctrine du nouveau clergé de
France? ou plutôt le nouveau clergé a-t-il quelque raison
de refuser aux religieux le bénétice de leur exemption et de
leurs privilèges ? C'est ce que nous allons examiner.
Troisième proposition. — Aujourd'hui comme autrefois
V exemption des réguliers veut être reconnue.
11 est un fait certain pour tout le monde; c'est qu'en
France, encore aujourd'hui, il existe des réguliers. Nul de
nos théologiens ne songe a le contester. Écoutons M. Icard :
« Soluta quaestione juris, illico concludemus vota quae in
« Galliis emittunturessesolemnia, si fiant in una reiigionum
« quse fuerunt cum votissolemuibus approbatœ, modo nulla
« in contrarium data sitdeclaratio sanctae Sedis, et aliunde
a servatse supponantur regui» jure commùni praescriptse...
« Hinc vota Benedictinorum, Fratrum Minorum, Prœdica-
« torum, Jesuitarum, etc., reputanlur solemnia » [Prœlec-
tiones Juris canonici, tom. Il, pag. 224). MM. Bouix, Mau-
pied, Craisson, etc., ne parlent pas autrement.
Naguère, il faut bien l'avouer, quelques théologiens ont
enseigné que le vœu solennel était désormais impossible eu
France, à cause des changements survenus dans la législation
civile. Mais une telle doctrine n'a pu subsister longtemps.
Ses défenseurs n'ont pas tardé a reconnaître que le sens
catholique les condamnait. Comment auraient-ils pu tenir
devant des déclarations expresses des Souverains-Pontifes,
celle de Pie Vï, par exemple, qui foudroie la constitution
civile du clergé à cause de ses attentats contre les vœux
solennels, quœ tantummodo ad Pontiftciam spectant auctori-
tatem [^veiQuod aliquantum^ 10 mars 1791); OU devant les té-
moignages de l'épiscopat qui, même dans despayshérétiques.
ET LV; CLERGt DK FRANCE. 39
n'hésite pas a reconnaître la solennité du vœu des réguliers,
indépendamment de tout acte contraire de l'autorité civile?
Témoins les actes épiscopaux des prélats de Hollande,
d'Angleterre et d'Amérique.
Or, si le vœu solennel est encore possible chez nous,
pourquoi Vexemption ne l'y accompagnerait-elle pas? Certes,
nous ne ferons pas au lecteur l'injure de discuter devant lui
le défaut d'approbation de la loi civile. Jusqu'où s'étend le
pouvoir de la société politique touchant l'existence des
Instituts religieux, nous le discuterons pas : qu'on le de-
mande 'a Suarez, à Bellarmin et à tous les théologiens ca-
tholiques. Nous aiUrmons seulement que nul homme de bon
sens ne prétendra soumettre a la sanction des lois civiles
Y exemption, (\y\\ est évidemment chose spirituelle et sacrée.
Qui voudrait aujourd'hui soutenir avec les Dupuy et les
Pithou les 83 maximes que l'on appelait pompeusement
jadis : Libertés de V église gallicane? Et parmi ces 83 maximes,
qui voudrait défendre la 71^? Elle est ainsi conçue •
« Des exemptions. Mais je n'y obrnettiay les exemptions
« d'aucunes églises, chapitres, corps, collèges, abbayes et
« monastères, de leurs prélats légitimes et ordinaires qui
tt sont les diocésains et métropolitains ; lesquelles exem-
u plions ont été autrefois octroyées par les rois et princes
tt mesmes, ou par les papes à leurs poursuites, et pour
« très-grandes et importantes considérations depuis des-
« battues etsoustenuesèsconciles deBasle etdeConstance •
« dont furent dès lors publiez quelques mémoires. Tant y
« a qu'on peut dire avec vérité, pour ce regard, que nul
tt monastère, église, collège, ou autre corps ecclésiastique,
« ne peut être exempté de son Ordinaire, pour se dire dé-
« pendre immédiatement du Saint-Siège, sans licence et per-
« mission du roy \Y). w
(1) C'est à commenter le? doctrines déjà pUisieuro fois réprouvées de
Pithou et des vieux parlemeutaires, que M, Dupia a consacré son fa-
40 l'exemption des réguliers
Aussi Mgr Bouvier dit-il à ce propos sans aucun détour ;
Verum illa lex nullam per se hahet vim ad lollenda privilégia
mère spiritualia. [Institutiones theologicœ, tom. v, p. 3-49,
edit. an. 1833) (1).
Mais, dira-t-on peut-être, vous supposez qu'il n'y a aucun
doute possible sur l'existence des religieux en France. La
chose pourtant n'est pas évidente. Tous conviennent qu'il
peut y avoir des religieux chez nous^ mais de la possibilité
à l'existence réelle il y a loin. Or est-il certain que les re-
ligieux français, ou ceux que l'on donne comme tels, ont
satisfait à routes les conditions requises par le droit pour
acquérir la qualité d'exempts? Voila une question très-grave
qu'il faut de toute rigueur résoudre au préalable.
Oui, sans doute, la question est fort grave : car si le
religieux exempt n'a point a débattre lui-même les questions
litigieuses provenant de son exemption, il doit incontesta-
blement établir au préalable et d'une manière péremptoire
le fait même de l'exemption. Personne en effet n'est sup-
posé exempt : quiconque se donne pour tel doit en même
tem[)s fournir les preuves de son dire.
Quelles sont donc les conditions indispensables à remplir
pourqu'une coramunaulépuisse revendiquerpourelle-même
le bénéfice de l'exemption?
Saint Liguori exige deux choses et rien de plus : i° que
meux Manuel du Droit public ecclésiastique français; ouvrage flétri d'a-
bord par une condamnalion du cardinal de Bonald, à laquelle adhéra
presque tout l'épiscopat français, et ensuite par une double sentence de
Ja Congrégation de V Index.
(l) Depuis le commencement de ce siècle, le clergé et l'épiscopat
français ont eu plusieurs fois à se prononcer sur la valeur des lois ci-
viles en matière ecclésiastique. Ils l'ont toujours fait avec le courage
qui convient aux défenseurs de la vérité. Ne pouvant pas tout citer,
nous indiquerons seulement un remarquable travail snr les Rapports de
l'Église et de l'État que publia dans le Correspondant, en 1855 (tom. xxxv),
M. l'abbé Darboy, aujourd'lnii archevêque de Paris. L'illustre auteur
renvoie lui-même aux Institutions diocésaines de Mgr Sibour, évêque de
Digne.
ET LE CLERGÉ DE FRANCE. fil
douze religieux puissent être nourris dans la communauté -,
2° que l'Évêque du lieu en ait autorisé l'érection. {De Pri-
vilegiis, cap. iv, n. 88.)
Nous admettons volontiers la doctrine de saint Alphonse;
non pas toutefois sans faire observer que tous les canonistes
ne sont pas d'accord touchant le nombre de douze religieux.
Le P. Zaccaria [Antifebronius vindicatus, loc. cit.) -, le P.
Gaudence de Gènes {De Visitatione, ouvrage imprimé à
Rome en 1748 et fort estimé)^ Ferraris {Prompta Biblio-
theca^ V. Co7iventus, art. 2, n. 24) ^ et Thomassin, ne de-
mandent que le nombre de s/-r. Voici les paroles de Thomas-
sin : (( Tous les monastères où il n'y a pas au moins six
<( religieux, dont il y en ait quatre de prêtres, sont sujets à
« la juridiction de l'Évêque » {lac. cit.). — Ils pensent, et
non sans une grande probabilité, que la loi du nombre
douze n'est rigoureusement applicable qu'aux petits mona-
stères, parvi conventus, qui d'abord supprimés sous Inno-
cent X, ne furent relevés par ce Pontife qu'à la condition
expresse d'y maintenir désormais douze religieux : les
autres monastères soit déjà existants, soit a fonder dans
l'avenir, continueraient à être régis par la loi qui les
oblige a recevoir six religieux au moins.
Quoi qu'il en soit, la double condition exigée par saint Li-
guori n'est-elle pas remplie en France ? Quelle commu-
nauté qui n'ait douze religieux? A quelle communauté
manque-t-il l'approbation préalable de l'Ordinaire?
L'on insiste, et l'on soutient qu'une troisième condition
est requise pour l'érection canonique d'une maison reli-
gieuse : c'est l'approbation du Saint-Siège. Et puis l'on
ajoute que la clôture n'est peut-être pas chez nous ce qu'elle
doit être.
r Commençons par répondre à la dernière difficulté :
Que manque-t-il à notre clôture ? Il se pourrait bien que
l'on confondît la clôture des communautés d'hommes avec
A 2 l'exemption lies réguliers
la clôture propre aux religieuses. Celle-ci est plus sévère
est par Ik mênie pliis sujette que l'autre à de raioutieux
règlements. C'est pourquoi les canonistes distinguent avec
le plus grand soin celte double sorte de clôture. Il importe
en effet de bien .préciser ce qui donne lieuà des obligations
entièrement diverses. Qui iie sait, par exemple, que les
hommes peuvent entrer dans la clôture des religieux, tan-
dis que les femmes, en entrant dans le cloître des reli-
gieuses, violeraient par la même la clôture régulière?
D'après les canonistes, une seule chose est requise pour
constituer la clôture des religieux -, a savoir : que les femmes
ne puissent pas pénétrer dans leur habitation, ni dans les
jardins qui n'en sont point séparés par une grille ou une
muraille. Ferraris est très-précis sur ce point. « Nomine
« clausurge conventuuin, dit-il, in quam est fœminis inter-
(c diclus ingressus, intelligitur lotum illud spalium, quod
« intra septa monasterii seu conventus continetur, id est
« claustra, cellse, officin9e, cœnaculum seu refectorium,
c( dormitorium, infirmaria, coquina, et hujusmodi. Virida-
« lia seu horti et pratacum conventuet claustro conjuncta
« veniunt nomine clausurse Secus vero siipsa viriduria
« et prata sint a dausura separata clavi et muro convenientL,.
(c (Sacra Congr. Episcop. et Regul. pluries). — Sacristia,
a ad quam non patet aditus aisi per januarn quae sit in
« claustro, comprehendilur sub clausura; secus vero sihabet
« ingressum a sola ecclesia, quia sic censetur pars eccle-
« siae.... Si vero ad sacristiam duplici porta, una in clau-
« stro, etalia in ecclesia existente pateat aditus, contineri
« sub clausura doeuerunt Bonacina, etc...., sed praxis fere
« ubique videtur in contruriiim. — Mulieres quse vadunt in
« prima claustra ad hauriendam aquam, modo conventus
« habeat alia claustra invia mulieribus, «on incidunt in
<c excommunicationera » (V. Conventus, art. 3, n° 9
et sqqy.
ET LE CLERGÉ DE FRANGE. AS
Nous venons d'entendre ce que le droit exige pour con-
stituer la clôture des couvents d'hommes. Eu quoi donc
pèche la clôture de nos maisons de France ? Y en a-t-il une
seule qui ne satisfasse à toutes les exigences du droit ?
2° L'autre difficulté est plus sérieuse: elle a pour objet
le beneplacitum apostolicuin qui, selon un grand nombre d'au-
teurs, est absolument indispensable à chaque maison de
réguliers, pour la constituer exempte.
Nous ne le nierons pas, uai grand nombre d'auteurs,
parmi lesquels Benoît XIV, tiennent cette doctrine. Mais
à son tour la doctrine opposée compte de nombreux défen-
seurs, au point que saint Liguori a pu dire : « Ulruni vero
« requiralur etiam licentia Pontificis, aJii affirmant ,
« negant vero alii. » {Loc. cit.). On le voit, pour notre Saint
la chose est fort douteuse, et il ne croit pas pouvoir faire
mieux que de laisser a chacune des deux opinions sa pro-
babilité respective. Nous sommes persuadés que ce parti
était le seul à prendre en face des grosses difficultés que
soulève l'objection qui nous occupe. Eu effet :
Première difficulfé. — (^ue répondre aux religieux qui,
le Concile de Trente à la main, vous disent : « Nous
sommes exempts, puisque notre maison a été érigée d'a-
près ce code par excellence du droit des réguliers, lequel
n'exige de nous d'autre condition que l'approbation de l'é-
vêque : ISec de cœtero similia loca erigantur une episcopi-, in
cujus diœcesi erigenda sunl, licentia prius cbteïUa, (Sess,xxv,
cap, 3, de Regul.) Or, quelle qu'ait pu être la législation
antérieure, il est certain que le Concile de Trente l'a abro-
gée en ne la confirmant pas. Donc nous sommes en règle,
puisque l'approbatioa de l'ordiziaire nous a été accordée. »
Encore une fois, que répondre? — Direz-vous que les
Papes ont, depuis le Concile de Trente, modifié la législa-
tion ? Mais
Seconde difficulté. — 11 faudrait prouver que la célèbre
Uh l'exemption des réguliers
constitution Instaurandœ, par laquelle le Pape Innocent X
soumet tous les religieux sans exception a la loi du bene-
placitum apostolicum, ne comprend pas seulement les mo-
nastères d'Italie et des îles adjacentes, et qu'elle s'étend
à l'univers entier. Or la preuve pourrait être difficile a pro-
duire. — Et puis,
Troisième difficulté. — Pourrez-vous rejeter comme nulle
et abusive la coutume contraire à la loi du beneplacitum
apostolicum ? Or, Berardi lui-même enseigne que c'est une
de ces lois qui peuvent ne pas être reçues dans un pays!
IJbi ea disciplina recepta est (1. i, dissert, iv, cap.). Et de
fait, une telle coutume est loin d'être mauvaise en elle-
même^ puisque, nous allons le dire, les Papes en ont fait la
matière de privilèges accordés par eux. Donc,
Quatrième difficulté. — Que répondre aux Jésuites lors-
qu'ils montreront les lettres apostoliques de Paul III [Licet
debitum pastoraliSy an. 1549), en vertu desquelles ils sont
autorisés à regarder comme agréés une fois pour toutes
par le Saint-Siège les établissements qui se feront en leur
faveur : Ipsasque domos, ecclesias, collegia, cellas, oratoria,
ubilibet per dictas socios, protemporeconstructa, vel eis donata,
eo ipso quod œdificata vel donata fuerint, apostolica auctori'
tate prœdicta, erecta, approbata atque confirmata ?
On leur dira peut-être que le privilège de Paul III a été
révoqué par Urbain VIII, ce que tous n'accorderont pas ;
mais enfin, Pie VII, par la constitution Sollicitudo, du
7 août 1814, n'a-t-il pas fait revivre tous les privilèges ac-
cordés autrefois à la Compagnie de Jésus par Paul III ? Et
dans ce cas,
Cinquième difficulté. — Comment empêcher tous les autres
ordres religieux de réclamer pour eux-mêmes le bénèlice
du privilège octroyé aux Jésuites ? Car, tout le monde le
sait, il existe entre les diverses communautés religieuses
une véritable communication de privilèges.
ET LE CLERGÉ DE FRANCE. - 45
Voila bien des questions à propos du beneplacitnm aposto-
licum, et nous comprenons la prudence de saint Liguori qui
sur toute cette matière n'a voulu prononcer que ce mot :
a Utrum vero requiraturetiam licentia Pontificis, alii affir-
« mant...,, negant vero alii, » Or, pour en venir a notre
sujet, il nous semble que pour débouter les religieux fran-
çais de leur exemption, il faudrait un argument moins
exposé k la réplique.
D'ailleurs, comment supposer qu'à Rome l'on ignore à
ce point notre état de choses? Et pourtant le Saint-Siège,
soit par ses nonces, soit par l'organe des congrégations ro-
maines, a déjà plusieurs fois manifesté hautement l'intérêt
qu'il porte à l'exemption des réguliers en France. Un seul
exemple suffira. Lorsque Mgr l'archevêque de Cambrai dé-
sira soumettre a l'approbation de la Sacrée Congrégation du
Concile les statuts diocésains qu'il avait publiés en 18S6,
le cardinal Cagiano, préfet, lui transmit, entre autres obser-
vations, une note qui tendait à mo<lifier la rédaction d'un
article qui pouvait paraître peu compatible avec l'exem-
ption: Cavendum esset ne aliquid per hvjusmodi sanctionem
exemptorv.m privilegris, qnihitsa SS. Pontificibus religiose or-
dines amti svni, qiiodammodo detrahatur. C'est à la commu-
nication que Mgr l'archevêque de Cambrai en a bien voulu
faire a ses prêtres réunis en synode (en 1858), que nous
devons la connaissance de ce détail très-signilicatif.
Enfin, les auteurs du Hdémoire sur le droit coiitumier parlent
de quelques prélats qui auraient témoigné leur déplaisir de
l'exemption, a cause de l'embarras qu'elle leur causait dans
l'administration diocésaine. Si le fait n'est pas inexact, il
prouve, et que ces prélats ont reconnu l'exemption en droit,
et que, malgré leur déplaisir, ils n'ont eu rien de solide à
opposer a l'existence des religieux véritablement exempts.
— Nous pouvons, nous, témoigner d'un fait tout contraire.
Nous savons que la plupart de nos vénérés prélats se font
t^6 l'eîemptiotv des réguliebs
un devoir et un bonheur de reconnaître l'exemption des
religieux que la Providence divine se plaît à multiplier sur
notre sol.
En voilà assez, ce semble, pour établir que le clergé
actuel de France n'a aucune raison de se séparer de l'an-
cie». Abordons la quatrième et dernière question.
Quatrième proposition. — V exemption des réguliers ria-
mène avenu inconvénient sérieux soit pour là discipline reli-
gieuse, soit pour l'administration épiscopale.
Si l'Église est sainte, elle ne peut vouloir que le bien -,
si elle est infaillible elle ne peut se tromper sur le choix
des moyens a prendre pour y arriver. JN'y aurait-il doncpas
quelque pusillanimité à redouter lusage de réserves et de
privilèges créés par l'Église elle-même.? Comment supposer
que des moyens choisis par l'Épouse de Jésus-Christ, puis-
sent devenir pour elle un écueil, et parfois même une pierre
de scandale?
Non, assurément. L'esprit de Dieu, qui ne cesse d'assister
et de diriger l'Église, lui inspirera toujours des mesures
dont elle n'aura jamais à redouter des résultats fâcheux.
Aussi Fébronius, dans sa rétractation, rendit-il hommage
à la vérité, en reconnaissant que les privilèges et les
exemptions, telles que l'Église les a réglementés, ne don-
nent lieu a aucun désordre : Exemptiomun abusibus per con-
cilium Tridentinuni occursum et provisum est.
Jetons un coup d'œil sur la discipline du Concile de
Trente par rapport aux exemptions, et nous n'aurons pas de
peine a nous convaincre que, dans sa tardive rétractation,
Fébronius n'a été que juste. En effet:
1. Dans l'intérêt de la discipline régulière, il importait
que, sous prétexte de ne relever que du Saint-Siège, les
religieux ne fussent pas laissés à eux-mêmes et sans nul
ET LE CLERar: DE FRANCE. A7
contrôle de leur conduite. Le Concile de Trente y a pourvu.
Car il a décrété que toutes les maisons religieuses devaient
se réunir en congrégat'mi, ayant son chapitre, ses visiteurs,
en un mot une incessante garantie contre le relâchement.
Il est vrai que ces chapitres et ces visiteurs appartiennent
à la même famille religieuse qu'il faut diriger -, mais n'est-il
pas à croire que le fait de confier le gouvernement suprême
k des hommes qui n'appartiennent pas à la même maison,
empêche, ou du moins éloigne beaucoup toute connivence
pour le relâchement de la discipline.?
Les religieux résistent-ils a la volonté du Concile de
Trente 5 relusent-ils de se former gw congrégation, préférant
laisser à chaque maison son autonomie 5 c'est alors que,
dans l'intérêt de la discipline, le saint Concile fait interve-
nir l'évêque, a qui est confiée la délégation apostolique:
« Quodsietiam metropolilano instante, prseclictaexequi non
« curaverint,episcopis in quorum diœcesibusloca praedicta
« sita suut, tanquam sedis opostoiicœ delegotis, subdantvr. »
(Sess. XXV, cap. 8, de Eegularibus.)
Il est superflu d'ajouter qu'une délégation apostolique
beaucoup plus étendue est donnée aux évêques relativement
aux religieuses. {Ibid., cap. 9.)
IL A son tour, la dignité épiscopale a des droits sacrés,
que l'exemption ne doit pas méconnaître, et que de fait
elle ne viole jamais.
1° Il faut que l'évêque apparaisse partout, et devant tous
ses diocésains, ce qu'il est en réalité, la plus haute repré-
sentation, après le Pape, de l'autorité divine. Donc les re-
ligieux donneront aux fidèles l'exemple de la vénération la
plus profonde pour l'évêque. Aussi le droit a-t-il réglé que
l'évêque sera reçu dans les églises des réguliers avec les
mêmes honneurs que dans les autres églises de son dio-
cèse.
1^ Il est absolument indispensable que l'Évêque puisse
58 l'exemptiox des réguliers.
se rendre le témoignage certain |que ses ouailles ne
s'abreuvent pas à des sources empoisonnées, lorsqu'elles
vont réclamer auprès des réguliers la dispensation des sa-
crements et de la parole divine. — Or, ce témoignage,
l'Évéque peut se le rendre, lorsqu'il a profité du bénéfice
que lui crée le Droit, soit pour l'approbation des confesseurs
et prédicateurs ( Conc. Trident., sess. v, c. 2, de Réf.
Sess. xxiii, c. 15, de Réf. Clément X, hxiWe Superna), —
soit sur les personnes et les églises des religieux, quand une
paroisse ou un bénéfice à cbarge d'âmes se trouve entre les
mains des réguliers. Le Concile de Trente statue que dans
ce cas, le religieux est en tout ce qui louche à l'administra-
tion paroissiale justiciable de l'Évéque. « In monasteriis
« seu domibus virorum seumulierum,quibus imminet ani-
« marum cura personarum ssecularium, priBter eas quae sunt
« de illorum monasteriorum seu locorum familia, personse
« tam regulares quam sseculares, hujusmodi curam exer-
ce centes, subsint immédiate in Us qiiœ ad dktam curam et
« sacramentorvm adminisirationem 'pertinent, jurisdictioni,
« Visitation i et correction! Episcopi in cujus diœcesi sunt
« sita » sess. xxv, c. 11 de Begul.'^. On peut voir le dé-
veloppement du décret de Trente dans la constitution de
Benoit XIV Firmandis (6 novembre 1744).
Telles sont les limites que le Concile de Trente a cru
devoir donner a l'exemption. Ainsi entendue, elle ne peut
nuire a aucun droit, et le cardinal Gerdil a dit en toute
vérité : « Si quis perlegerit,.,, probe intelliget hanc Ponti-
« ficum conciliorumque sapientia sic temperatam et con-
« stitutam esse, nt per eam regulares episcopis prodesse
« stepe, nocere numquam valeant. »
H. MONTROUZIER.
LA THEOLOGIE DES CATACOxMBES.
Quatrième article.
deuxieue partie.
l'hérésie et les catacombes romaines.
I.
11 y avait aux abords de la Rome antique, sous ses voies
et sous les tombeaux de ses patriciens, des réseaux de cor-
ridors obscurs où reposaient nos martyrs, où nos pères
venaient recueillir le miel delà parole divine et les ineffables
douceurs de la grâce. Là, ils se rassemblaient comme un
essaim d'abeilles, unis par l'amour, l'ordre, l'obéissance, le
désir des mêmes joies, par les mêmes pensées et le même
travail. Mais, suivant Tertullien, les guêpes ont leurs rayons,
les Marcionites font aussi des églises : « Faciunt favos vespse,
faciunt ecclesias et Marcionitœ, » Les hérétiques voulurent
avoir leurs galeries et leurs cellules souterraines, et ils
s'essayèrent à creuser des catacombes.
Au second siècle de l'empire, une secte qui mêlait quelques
éléments chrétiens aux doctrines mythologiques de l'Orient
et à la philosophie d'Épicure, ouvrit près du cimetière de
Prétextât une petite catacombe que nous étudierons plus
Revue des sciences ecclés., t. x. — juillet 1864, 4
50 LA THÉOLOGIE DES CATACOMBES.
loin. On a vu (1) que ce mode de sépulture n'est point tout
entier d'inspiration chrétienne et qu'on en peut trouver
l'origine dans les coutumes de l'Asie et surtout de l'ancienne
Italie; mais il est bien à croire que le projet d'imiter l'Eglise
romaine ne fut pas ici sans influence sur les sectaires. Ce
dessein leur était familier, et les saints Pères remarquent
comment ils avaient leurs mystères, leur surnaturel, un
enseignement traditionnel et théologique, une rédemption,
des agapes, des martyrs et des motifs de crédibilité (2).
Ils affectaient, dit saint Irénée (3), de tenir un langage
semblable en apparence aux homélies de l'évêque catho-
lique : ils feignaient de s'accorder à notre symbole et enga-
geaient ainsi les plus simples d'entre les fidèles à écouter
souvent leurs doctrines; ils se plaignaient de nous qui les
rejetions, bien qu'ils eussent les mêmes sentiments que
nous sur la foi, car ils savent se transformer en anges de
lumière, garder les formules et les rites extérieurs de
l'Eglise, mais ils en corrompent le sens, ils en pervertissent
le mystère et en ruinent la vertu.
C'est pourquoi, l'amour et la vénération du peuple fidèle
pour ses cimetières, qu'il regardait comme le berceau de la
foi, le séjour de la vérité, la demeure constante de l'Eglise
apostolique, inspirèrent aux Novatiens l'idée d'établir leur
schisme jusque dans les Catacombes : ainsi voulaient-ils con-
sacrer leur révolte par le sang des martyrs, et se rattacher
à l'arbre vivant delà tradition. Mais la vigilance des pontifes,
la ferveur des catholiques, le privilège de cette Éghse ro-
maine où l'hérésie n'a jamais pu fleurir, déjouèrent cette
entreprise secrète. Les Novatiens, rejetés des Catacombes,
{{) Dans la première partie de ce travail.
(9) Voir, par exemple, Iren. 1. i, c 8;— 1. ii,c. 31, n. 3etc. Ï7, n. 2;—
1. I, c «1 ; Clem. Alex. Strom. 1. vu, § 16 ; Cypr. de Uniiate Eccl.
Chrysoèt. in epùt. ad Eph, homil. xi ; — August. Cont. lit. Petil.l. ii,
c. Î3, etc.
(3) L. m, c. 15, n. 2, coll. 1. 1, c. 21,
LA THÉOLOGIE DES CATACOMBES. 5l
résolurent d'en arracher au moins quelque trésor, de s'en
parer et de répandre ainsi la cojifusion dans le bercail du
pape Corneille. Or, sous la nouvelle voie Salaria, s'étendait
le cimetière de Maxime, où reposaient sainte Félicité et son
fils, le martyr Silanus ou Silvanus. Les hérétiques se préci-
pitent un jour dans ce sanctuaire ; ils envahissent les ga-
leries, dispersent l'assemblée, chassent les gardiens et
ravissent le corps de saint Silanus : « Mense Julio, Vlidus,
« Felicis et Philippi in Priscillœ : et in Jordanorum, Mar-
(( tialis, Vitalis et Alexandri : et in Maximi, Siluni; hune
« Silanum martyrem Novntiani furatî sunt (1)... » Un vol
aussi sacrilège, en même temps qu'il établit l'antiquité du
culte des saints, montre la justesse de ce principe que le
démon est le singe de Dieu, et les sectaires, les faussaires de
l'Église. On le vit clairement dans l'affaire des Donatistes.
Saint Optât de Milève (2) leur reproche amèrement d'avoir
voulu s'emparer des basiliques d'Afrique afin de se réserver
exclusivement les cimetières sacrés : « Ad hoc basilicas in-
(r vadere voluistis, ut vobis solis'cœmeteria vindicaretis. »
Assurément, ils renouvelèrent ces tentatives à Rome, où
ils envoyèrent successivement plusieurs évêques de leur
communion, pour lutter contre les successeurs de Pierre.
Mais ils n'eurent pas même le succès misérable des Nova-
tiens, et réduits à tenir leurs assemblées loin de la ville, ils
se réunissaient en une caverne creusée dans un monticule,
ce qui les fit nommer les SJontanenses. Ils l'environnèrent de
degrés, et abrités derrière ces retranchements (3), ils gé-
(i) Ce passage est extrait d'un martyrologe composé au tepaps de ^aint
Libère et publié par le père Boucher dans son livre: De Doctrina tem"
porum,
(2) Lib. I contra Parmen.
(3; Speiuncam qwmdam foris a civitate grçidibus sçpserunt ubi ipso
tempore çonventiculum habçn potuissent , inde Montanenses appel lati tunt.
(Optât. Milev. lac. cit.)
132 LA THÉOLOGIE DES CATACOMBESi
inissaient de ne pouvoir mieux imiter l'Église des cata-
combes.
L'auteur anonyme d'un catalogue des hérésies publié
quelque temps après la mort de saint Augustin, rapporte
qu'un prêtre africain de la secte de Montan et de TertuUien,
vint à Rome sous le règne de Maxime, et enhardi par la
faveur impériale, usurpa la catacombe des saints Pro-
cesse et Martinien, sur la voie Aurélienne. Son but avoué
était de s'autoriser du nom des glorieux martyrs : « Il disait
« qu'ils avaient été phrygiens et conséquemment avaient
« observé la même loi que TertuUien; et de cette sorte, à
« l'occasion des martyrs de Dieu, il séduisait le peuple (1) ,»
jusqu'au jour où Théodose dissipa ses adeptes et rendit à
notre amour les cubicula des serviteurs du Christ.
Il nous semble que ces laits étabhssent nettement la pre-
mière note de l'hérésie, son imitation mensongère et frau-
duleuse de la vérité. L'Église seule n'imite point son ennemi
et ne copie pas son adversaire: elle possède en elle-même un
principe assez puissant de vie, de développement, de pro-
grès ; elle porte en son sein toute la vérité ; elle contemple
Dieu dans la Trinité et l'Incarnation : et de concert avec
l'armée angélique, elle s'étudie à reproduire l'ordre, la
disposition, l'harmonie, la beauté de ce divin idéal. Les
sectes, comme il convient à une œuvre humaine, manquent
de force intime et de vie propre. Elles ne subsistent que
d'emprunts, et partagées entre le besoin et la haine de leur
modèle, elles ne l'ont pas sitôt imité qu'elles s'occupent aie
détruire. L'histoire des catacombes hérétiques manifeste
bien ce second caractère ; nous rappellerons au lecteur les
violences qui amenèrent le vol des reliques de saint Silvanus,
(1) bicens (SS. Martyres) Phryges fuisse et ideo hanc legem tenuisse
quam Tertullianus, atque hoc ordineper occasionem mariyrum Dei, populum
seducebat. (Ap. Aringhi, 1. 1), p. 4û9.)
LA THÉOLOGIE DES CATACOMBES. 53
l'intolérance des Donatistes (1), les épouvantables dévasta-
tions que les Ariens commirent dans les catacombes ro-
maines au temps de l'empereur Anthéraius et de Ricimer, et
nous nous arrêterons plutôt à un témoignage très-intéressant,
qui, bien que tiré du cimetière de saint Calixte, se lie étroi-
tement à notre sujet.
On a retrouvé dans cette catacombe, en 1857, une table
de marbre opistographe sur laquelle les fidèles du V* au
VP siècle rétablirent une inscription de saint Damase en
l'honneur du pape saint Eusèbe. L'original, dont plusieurs
fragments se sont aussi rencontrés, fut sans doute brisé par
la fureur des hérétiques, qui amoncelèrent tant de ruines
dans la Rome souterraine. Voici ce monument, comme on
le voit au musée chrétien de Latran.
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M LITORE TRINACRIO MVNDVM VITAMQVE RELIQVIT 1
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R EVSEBIO EPISCOPO ET MARTYRI t
(5) Ut terreatis vivos, maie tractaiis et mortuos, funeribus neganiei locum,
etc. (S. Optât, lib.cit.)
bli LA THtOLO<ilE DES CATACOMBES.
- « Damase, évêque, a composé ce poème.
« Héraclius (1) défendit aux pécheurs de gémir sur leurs fautes (2);
« Eusèbe apprenait ces malheureux à pleurer leurs crimes.
« La fureur enflamme le peuple qui se divise en factions ;
« Séditiou ! meurtres et guerre ! discorde et disputes !
« Tous deux (3) ils sont chassés du Temple par un tyran cruel,
« Et le pasleur qui gardait inviolablement les alliances de paix (4)
« Souffrit l'exil, joyeux, choisissant Dieu pour juge,
« Aux rives de Sicile (5) il quitta le monde et la vie.
« A Eusèbe, évêque et martyr [6).
<c Admirateur et ami de Damase, son pape,
« Furius Dionysius Philocalus (7) a écrit ce poème ».
Bien que les évènemenrs rappelés dans cette inscription
soient demeurés, jusqu'à ces dernières années, inconnus de
l'histoire, nous ne chercherons point à dissiper l'obscurité
qui les recouvre encore; mais nous remarquerons le con-
traste frappant qu'ils établissent entre l'Église catholique et
l'hérésie. Héraclius défendait aux chrétiens tombés {lapsi)
de déplorer leurs péchés : il leur ôtait cette consolation su-
prême qui est la douleur, ce merveilleux moyen de réparation
(1) On devra désormais ranger ce personnage parmi les chefs du no-
vatianisme nt peut-être même au nombre des antipapes.
(2) L'expression: Vetuit peccnta dolere, est parfaitement juste, car sui-
vant la remarque des Pères du me et du iv^ âiècle, pnrliculièrement de
S. Ambroisp, refuser le pardon au pécheur repentant, c'est étouffer le
repentir et supprimer les œuvres de pénitence.
(3) Il s'agit sans doute d'Eusèbe et d'Héraclius qui auront été pareille-
ment [pariter) enveloppés dans l'édit de persécution.
[k) Fœdera /jaci'i' peut s'entendre eu plusieurs sens: ou bien de la tra-
dition apostolique sur la récoacihation des pénitents, ou de la douceur
opposée par S. Eusèbe aux fureurs d'Héraclius, ou enfin de l'obéissance
et fidélité des chrétiens à l'endroit du tyran impérial: nous réunissons
ces trois significations, et nous donnons ainsi aux mots Fœdera pacis un
sens très-riche et très-complexe.
(5) De là, son corps fut tran.-porté dans la Gala combe de Calixte, pro-
bablement après la victoire de Constantin,
(6) La propre à.w clergé romain donne à S. Eusèbe le seul titre de con-
fesseur.
(7) Nom propre ou épithète qui désignerait l'amour de F. Dionysius
pour te beau.
L\ THÉOLOGIE DES CATACOMBES. 55
qui est la pénitence. Au contraire, le Pontife romain appre-
nait à ces infortunés l'art du repentir, et leur offrait le
second baptême que Dieu nous a ménagé. D'où vinrent alors
les troubles, les colères, les homicides? Gela n'est pas dou-
teux: Eusèbe ne brisa point le pacte de la paix et delà
douceur : et la guerre, les discordes, les luttes sacrilèges
furent l'œuvre des séditieux, des nouveaux pharisiens sévères
et hypocrites qui reniaient la vraie foi pour secouer le joug
suave et miséricordieux des successeur de Pierre. Seditio,
cœdeSf bellum^ discordia, lites f
II.
Mais il importe de joindre à l'histoire des catacombes
hérétiques de P«.ome, une description rapide et un examen
théologique de leurs monuments. Descendons dans l'étroite
et courte galerie qui s'étend presque^au-dessous de la cha-
pelle du Domine quo vadis. Les trqis arcosolia qu'elle ren-
ferme furent découverts au siècle dernier, et décrits par
Bottari, qu'on soupçonnerait à bon droit de ne point les avoir
visités, et de les avoir seulement connus par les esquisses
infidèles d'un dessinateur. Le scandale qu'avait produit
leur publication inspira au P. Marchi le projet d'en faire
une nouvelle et plus sérieuse étude : après cinq années de
recherches, il parviut à les retrouver et confia le soin de les
expliquer au R. P. Garracci, qui nous guidera encore dans
cette catacombe (1) .
(1) Voyez la dissertation que le savant auteur a consacrée à ces monu-
ments, et qu'il a publiée à Naples, puis à Paris d'une manière plus com-
plète et sous ce titre : Les Mystères du Syncrétisme Phrygien dans les Cala-
combes romaines de Prélextut. Nouvelle interprétation par Baphaèl Garrucci
S. J. Paris, 1864, chez Poussielgue, in-4o. — On trouve aussi ce travail
dans le tome iv des Mélanges d'Archéologie, etc., des RR. PP. G. Cahier
et À. Martin.
56 LA THÉOLOGIE DES CATACOMBES.
Le plus remarquable des trois tombeaux gnostiques (1)
est consacré au souvenir du prêtre Vincentius ; il est riche-
ment orné de peintures mystérieuses et dogmatiques. A
l'extérieur et au dessus de l'arcade, l'inscription suivante
s'étale en caractères assez irréguliers et sur quatre lignes ;
les deux premières contiennent des préceptes philoso-
phiques :
1. (yONCENTI • HOC • 0{stium) • QVETES • QVOT VIDES'
PLVRES ME • ANTECESSERVNT • OMNES • EXPECTO
2. MANDVGA VIBE LVDE E BENI AT ME •
CVM VIDES • BENEFAC • HOC • TEGVM FERES*
« Ce que tu vois, dit le sectaire, c'est la porte du repos
pour le vainqueur !
« Beaucoup m'ont précédé : j'attends tous (les hommes.)
« Mange, bois, amuse-toi et viens à moi !
(( En ta vie, fais bien ! tu emporteras cela avec toi (2) »
(l).Je devrais peut-être dire: des trois tombeaux païens. Mais à' ce
prix toutes les hérésies des premiers siècles porteraient le nom de sectes
païennes. Od sait que ce titre leur fut souvent inflipé par les docteurs
catholiques; et de fait les gnostiques adoraient l'image de Simon et
d'Hélène sous les formes de Jupiter et de Minerve (Iren. 1. i, c. io, n. 4)
et ils avaient érigé une statue au fameux magicien dans l'île du Tibre,
avec l'inscriplion : Simoni Sancto Deo. (Justin. Apolog. i, c. 26 et
August. lib. de Hœresibus, de Simone.) Aussi on retrouva dans le Tibre
en 1574 l'inscription suivante : Semnoni Sango Deo Fidio Sacrcm. La
secte deCarpocrate offrait un encens idolâtre aux figures de S. Paul et de
Pythagore (August., lib. cit., de Carpocrale), etc. — L'hérésie et l'idolâtrie
sont donc très-voisines, et si la Gatacombe du Domine guo vndis est
souvent appelée un cimetière païen, on peut aussi la nommer une Ga-
tacombe gnostique. — (Voyez Northcote, op. cit., p. 139.)
(2) Tel paraît être le sens véritable de cette inscription qui ne manque
pas de difficultés. Le R. P. Garrucci les a pour la plupart résolues dans
son excellente dissertation. Nous n'hésitons pas à lire avec lui Odium
quêtes pour Osfium quietis ; on en trouvera les raisons dans les Mydères,
etc., p. 10, note. Le parallélisme des quatre sentences dogmatiques
exige qu'on rapporte les mots quod vides à la première d'entre elles. —
Vincenti, où le P. Garrucci reconnaît le nom du gnostique Vincentius,
nous semble plutôt uue allusion à ce nom et le complément de l'idée
exprimé par la première ligne.
LA THÉOLOGIE DES CATACOMBES. 57
Tout d'abord, l'on entend comme un écho des textes
bibliques qui promettent au vainqueur le repos, le sommeil
et la paix. La tombe est une porte qui donne accès au séjour
de l'immuable éternité ! Mais l'erreur, qui commence par se
voiler, suivant la méthode artificieuse dont saint Irénée nous
a dit le secret, l'erreur se découvre et se déclare bientôt :
elle parle un langage d'une roideur et d'une tristesse in-
connues dans les catacombes catholiques : « Beaucoup m'ont
précédé ! j'attends tous les hommes... » Les impies raison-
naient ainsi, au témoignage du livre de la Sagesse : « Le
« temps de notre vie est court et plein d'ennui; il n'y a
« point de rafraîchissement dans la fin de l'homme et l'on
« ne connaît personne qui soit revenu des enfers... Venez
« donc et jouissons des biens qui sont autour de nous, et
« usons de la création, bien vite, comme on fait en la jeu-
« nesse (1). » De même, Vincentius : « Puisque la mort
« frappera tous les hommes, mange, bois, amuse-toi (2) et
« viens à moi ! » L'Ecçlésiaste, et l'Église avec lui, entendent
bien différemment la destinée et la signification de notre vie :
« Crains Dieu, et observe ses commandements, car cest là
a tout r homme (3). »
Je ne sais si le pontife hérétique ne s'est pas effrayé de
son audace à contredire la doctrine catholique ; il reprend
encore les apparences de la vérité et ajoute : « Durant ta
« vie, fais bien, tu emporteras cela avec toi ! » Quelques
savants (li) ont pensé que cette formule est d'une significa-
tion très-morale, que c'est un conseil absolument chrétien,
et que Vincentius dit à ses disciples : « Jouissez, mais en
(( même temps faites le bien ; vous n'emporterez que vos
(i) Sap. Il, 1 seqq.
(2) Sur le sens très-pervers du mot Lude voyez Garrucci, op. cit.
p. 11.
(3) Eccl. xn, 13.
(4) Eotre autres le chevalier de lioasi,daLnslQ Bulletin de rjnstit. archéo-
logique romain.
58 LA THÉOLOGIE DES CATACOMBES.
« bonnes œuvres. » Sans doute, ces mots ont une physio-
nomie innocente qui ne se trouverait pas dans les inscrip^
tions païennes , et cependant , suivant la réflexion du
R. P. Garrucci, « il y a dans le contexte une raison logique
« supérieure à beaucoup de citations (1). » Il est impossible
de rapprocher des sentences précédentes cette exhortation
à « bien faire, )> et de ne point reconnaître le sens que
l'antiquité lui prêtait, et que Salomon lui-même avait en
vue quand il s'écriait à l'heure de ses égarements et de ses
incertitudes : « J'ai connu que rien n'était meilleur que se
« réjouir et bien faire en sa vie, n c'est-à-dire, s'enivrer des
délices et des biens de la terre (2). L'Écriture et la raison
enseignent que ces plaisirs ne suivent pas l'homme au-delà
du tombeau: Vincentius leur oppose une négation d'autant
plus odieuse qu'elle se dérobe sous les expressions de la
vérité : Hoc tecum feres ' « Tu emporteras cela avec toi (3) . »
L'éloge du sectaire suit ses maximes doctrinales :
3. NVMINIS • ANTISTE3 • SABAZIS ■ VINGENTIVS • HIC EST
QVI SACRA•SANGTA•
4. DEVM • MENTE PIA • COLVIT.
« Vincentius, pontife de Sabazius est ici, qui d'une âme
« pieuse, honora les choses saintes, sacrées, et Dieu ! »
Sabazius était une divinité fameuse en Orient : son culte
et ses mystères, désignés d'ordinaire par les épithètes de
sacra sancta, pénétrèrent assez avant dans les systèmes
(1) Additions au tome iv des Mélanges d'Archéologie, etc.
(2) Eccl. III, 12. Voyez dans les Additions au tome iv des Mélanges,
etc., une savaute discussion de ce texte que nous interprétons d'après
les indications du R. P. Garrucci.
(3) Cette négation se retrouve encore dans l'épitaphe de Sardanapale
(Cicéron. Tuscui. v, 9) et dans l'inscription funèbre d'un certain Patronus,
publiée par le P. J. B. becchi (Garrucci, loc, cit.)
LA THÉOLOGIE DES CATACOMBES. 59
gnostiques (1) et Vincentius les célébrait avec une dévotion
dont le trait principal est représenté par les fresques de
l'Arcosolium.
Comme l'inscription funèbre qu'elles accompagnent, ces
peintures ont deux objets. L'une est historique et figure
le festin sacré ou Vincentius est assis avec six convives : la
légende qui court au-dessus de leurs têtes et se mêle à des
guirlandes de feuillages et de fleurs, les nomme tous en-
semble les sept prêtres pieux.
VINCENTIVS . SEPTE. PII. SACERDOTES.
De là vient la louange donnée au prêtre hérétique : mente
pia Deum cohdt. Ce banquet solennel était assurément
une partie importante de son culte, comme les saints docteurs
jusqu'à saint Jérôme le constatent ironiquement : aussi
bien nous lisions tout à l'heure: Manduca,bibe, liids!...
Et veni ad me ! Le sort de l'âme séparée du corps et son
passage au monde où Vincentius l'appelle, sont le thème
des autres tableaux, qui fournissent quatre scènes symbo-
liques, bien diverses des peintures qui se déroulent près de
là, aux cimetières de Prétextât et de Calixte : n'espérez
point contempler en cette catacombe gnostique les faits de
l'ancienne et de la nouvelle alliance, unis et entrelacés dans
un cycle harmonieux ; n'attendez pas ces divines réalités
que l'Église des martyrs offrait aux regards des fidèles.
Alors, elle évitait soigneusement les sujets abstraits, les
personnages imaginaires, les figures simplement idéales :
car elle sait combien les justes qui ont passé sur la terre,
les saints, les hommes de Dieu et leurs exemples nous
touchent davantage, que l'idée métaphysique de la vertu.
Et parce que l'art païen, s'inspirant toujours de conceptions
(1) Voyez plus loin la description des peintures guostiques.
60 LA THÉOLOGIE DES CATACOMBES.
philosophiques et de rêveries, donnait un aliment et un
accroissement constants à l'idolâtrie, l'Église, qui possède
en son histoire plus de lumières que les Grecs dans leur
littérature entière, se fit une peinture et une sculpture essen-
tiellement historiques.
Des raisons tout opposées poussaient l'art des gnostiques
dans la voie contraire ; il devait aimer les sujets vagues,
indéfinis, pleins de nuances et d'incertitudes, tels qu'ils
plaisent aux gnostiques modernes. Et de fait, sur Varcoso-
lium de Vincentius, se développe lai-gement un mythe obscur
et singulier dont l'inventeur fut peut-être le pontife de Saba-
zius lui-même. C'est le mythe de Vibia.
L'Église romaine célébrant la gloire de la Mère de Dieu :
« Réjouissez-vous, dit-elle, ô Vierge Marie ! car seule vous
« avez tué toutes les hérésies dans le monde entier. » Certes,
un des points les plus intéressants de l'histoire du dogme
chrétien, c'est le rapport de la sainte Vierge Marie avec la
foi, la croyance et la science théologiques. Mais par cette
analogie perpétuelle que nous avons montrée entre l'erreur
et la vérité, la femme a rempli aussi un rôle considérable
dans la naissance et le développement des hérésies, depuis
le jour où le mal est entré en ce monde. Hélène de Tyr in-
spirait Simon et ses disciples ; Prisca et Maximilla furent les
oracles de Montan ; Marcion avait sa prophétesse et Philu-
mena dictait les doctrines d'Apelle •,Agape fondait le gnosti-
cisme d'Espagne (1) ; les Helcéséens (2) adoraient aussi
deux prophétesses ; la secte Tertullianiste de Rome écoutait
Olympia (3) ; les Donatistes eurent d'abord pour chef LiicUla^
cette carthaginoise orgueilleuse dont l'évêque Cécilien avait
combattu la superstition (/i) ; enfin les Ilaix']/aïoi^ qui durent
(1) Hieronym. ep. ad Ctesiph.
(2) Praedest. lib. 1, de hœresibus ap. Sirmond.
(3) Cf. § 1. de cette 2« partie de notre travail.
(4) Optât. Milev. de Schism. Donat. 1. i, c. 16.
LA THÉOLOGJE DES CATACOMBES. 61
leur nom à Sabazius (1) et conséquemment sont étroitement
liés aux gnostiques de la catacombe de Prétextât, vénéraient
Marto et Muriina. Les Sabaziens de Rome ne manquèrent
pas à cette loi générale, et Vihia devint pour eux la per-
sonnification de leur philosophie, de leurs dogmes^ de leur
sainteté et de leur espérance (2). Suivons les peintures qui
rappellent son histoire.
1. Un Dieu couronné de lauriers, debout sur un quadrige
guidé par Mercure, emporte dans ses bras le cadavre de
Vibia La mort est venue bien tôt pour elle, mais cepen-
dant au jour que la Providence a fixé, et le messager céleste
la conduit en hâte au jugement de l'éternelle justice. Ses
yeux sont clos, ses cheveux épars, sa face hvide. Déjà, ils
descendent à la région des mers, qui entoure le royaume des
âmes comme d'une ceinture :
ABREPTIO VIBIES ET DISCENSIO.
2. Le jugement de Vibia commence : « le DISPATER est
« assis sur un trône de pierre avec sa compagne ABRACVRA.
« A leur gauche, l'envoyé infernal, MERCVRIVS NVNTIVS,
« armé du caducée et de la verge, précède deux femmes,
« dans lesquelles nous reconnaissons Vibia suivie d'Alceste :
« VIBIA. ALCESTIS. Il les présente aux deux divinités as-
« sises et aux trois destins divins..., qui ont la tête couverte
(( d'un voile, le front grave et abaissé vers le sol, et les mains
((mystérieusement enveloppées sous les vêtements (3). »
FATA DIVI.NA. Alceste, le modèle des femmes de l'anti-
quité (4), prend sans doute la défense de Vibia; elle est
(1) Sabazius est appelé par les arabes Sabis ou Samis. Cf. Epiph,
Hœres. 53.
(2) Cf. Garrucci. op. cit., p. 15.
(3) Garrucci, p. 6. Les textes que nous donnons en majuscules sont
les légendes qui accompagnent les peintures.
(4) Cf. Quintil. Dec. ix.
62 LA THÉOLOGIE DES CATACOÂIBES.
son avocate et sa protectrice, tandis que le dieu suprême
et la déesse Ahracura (1) demandent aux immobiles destins
de prononcer la sentence. Ce patronage accordé aux âmes
des morts fut inconnu de l'antiquité païenne, et ne saurait
être qu'un emprunt fait par les gnostiques à la tradition
chrétienne, qui nous promet le secours de la Mère du Christ,
lorsque les anges nous amèneront au tribunal de son
fils.
3. L'intercession d'Alceste, les mystères saints et sacrés,
l'observation des doctrines sabaziennes, ont fléchi les destins :
leur sentence a été favorable à Vibia. Ses yeux se sont
ouverts, son regard est plein de vie ; elle franchira le seuil
du séjour des heureux. « Elle y est introduite par son bon
a ange, beau jeune homme qui a sur la tête une couronne
« d'or, porte autour du cou un collier de fleurs, et tient
« une autre couronne de fleurs à la main. » L'inscription
est :
INDVCTIO ANGELVS
VIBIES. BONVS (2).
Tout s'apprête donc pour le triomphe de cette âme !
L'ange lui a tressé et lui réserve une couronne de fleurs ;
il la conduit par la main à travers une porte majestueuse,
qui comme un arc de triomphe ouvre un passage vers la
prairie des joies éternelles, u Là, le banquet est déjà pré-
ce paré, les convives rassemblés à l'ombre des bosquets
« toujours verts. » Mais avant d'y suivre Vibia, considérons
un instant son guide céleste.
« Si je ne me trompe, écrit le savant P. Garrucci (3), on
« n'aura guères tort de regarder cet Angélus bonus comme un
(1) Nom qui vient, suivant le R. P. Garrucci, de deux mots arabes qai
signifient belle nymphe.
(2) Mystères, etc., pp. 9 et 28.
(3) Mystères, p. 28,
LA THÉOLOGIE DES CATACOMBES. 63
«emprunt fait aux croyances chrétiennes. » En effet, et
c'est la doctrine de notre éminent auteur, quoique les Grecs
se soient servis du terme d'^AYr^^ot pour désigner les bons
génies, le nom ]aXm(ï Angélus est d'origine toute chrétienne.
La littérature antique de Rome employait les mots de yenius^
nvnlius sanciusy qui se retrouvent même dans les premiers
écrits chrétiens, par exemple, dans l'ancienne version du
pasteur d'Hermas. De plus, l'expression "Ayysào? à^ix^k et
Angélus bonus fut toujours inusitée dans la mythologie gréco-
romaine. Or, comme les écrivains païens préféraient le nom
de AaifAo^'E'; pour les esprits bons et mauvais, les fidèles, par
haine de l'idolâtrie, appliquèrent exclusivement ce nom aux
anges pervers, réservant celui d' Angélus, Angélus bonus, au
saint et fidèle gardien des âmes. Les hérétiques mithriaques
de la voie Appienne eurent soin de conserver cette touchante
idée et son expression spéciale, et ce fait indique clairement
combien la doctrine de l'ange gardien, ou du moins de
l'ange que Dieu a chargé de nos- âmes au jour de la
mort (1), était familière et chère aux chrétiens du second
siècle.
II. Maintenant Vibia est assise au festin des justes :
BONOKVM IVDICIO IVDICATl.
et « elle occupe une place d'honneur où une inscription la si-
« gnale: VIBIA, comme nous l'avons vu pour Yincentius (2).»
Elle a rejeté le voile qui la couvrait tout à l'heure ; elle
est parée d'un collier de fleurs et d'une stola large et bril-
lante ; ses cheveux sont ornés de roses, et un personnage
(1) « Ârchangele Michael constitui te pri'ncipem super omnes animas sus-
« cipiendas. — Michael prœpositus Paradisi.... — ...cui tradidit Deus
« animas sanctorum ut perducat eos in paradisuin exultatwnis... — Dei
« nuntius pro animabus justis... » (Brev. Rom. off. 29 sept.)
(2) Garrucci, op. cit., p. 9.
6k LA THÉOLOGIE DES CATACOMBES,
placé près d'elle élève à ses regards une riche couronne.
A gauche de la table, l'amphore dressée sur son trépied
symbolise l'abondance des biens célestes. Les serviteurs,
qui occupent le premier plan, servent les convives, cueillent
les fleurs du parterre et y répandent des parfums. — '
C'est le terme des mystères et le but suprême de la
perfection gnostique : Vibia a passé de la mort à la vie,
et l'homme transfiguré se reposera sans fin dans le nouvel
Éden.
L'abbé J. D.
DE L'ORDRE SURNATUREL.
Clementis Schrader s. J. de Iriplici ordine naturali, prteternaturali et
supernaturali commentarius.— Vindobonse, M. dccc. lxiv.
Voici une œuvre magistrale que nous avons le plaisir de présenter à
nos lecteurs. Tous connaissent le P. Schrader, professeur à Vienne et
l'un des plus éminents théologiens de la Compagnie de Jésus. C'est une
bonne fortune, c'est un événement considérable que l'apparition d'un
ouvrage composé par un tel homme. Quand cet ouvrage traite de la
question la plus importante et la plus actuelle, il n'y a rien de plus à
désirer. Or, le livre dont nous entreprenons le compte-rendu roule sur
l'ordre naturel, prélernaturel et surnaturel, c'est-à-dire sur la moelle
du christianisme, sur le centre de la théologie; il met en lumière le
point qui est aujourd'hui le plus attaqué. Le surnaturel est le dogme
des dogmes/ toutes les autres vérités se rencontrent en lui, et en un sens
très-vrai, il les résume et les vivifie toutes. Voilà pourquoi, de nos
jours, la guerre étant venue à «es extrêmes limites, tous les efforts de
l'ennemi sont dirigés contre ce centre doctrinal : s'il n'y a plus de sur-
naturel, toute la religion croule à la fois. 11 est beau de voir le théologien
qui dans le Saint-Siège défendait récemment la sainte Eglise tout
entière, venir aujourd'hui dans un dogme défendre tous les autres dogmes
et justifier une fois de plus la théologie calhohque. Il importe donc
beaucoup, à tous les points de vue, de faire connaître le traité du
P. Schrader. Pour obtenir ce résultat, après une lecture complète et
assidue, ce qu'il y a de mieux à faire, c'est de suivre le développement
de la doctrine qui s'y trouve avec autant d'abondance que d'éclat.
L
Les œuvres de Dieu ne sont pas hachées, morcelées; elles sontliéeà
les unes aux autres, un ordre facilement visible les réunit dans la plus
Revue des Sciences egclés., t. x,— juillst 1864, 5
66 DE l'ordre surnaturel.
harmonieuse unité. Du minéral au végétal, du végétal à l'animal, de
l'animal à l'homme, de l'homme à l'ange, on monte par une suite douce
et naturelle, La cause infiniment intelligente qui a tout créé et qui gou-
verne tout dans le nombre^, le poids et la mesure, se proposant néces-
sairement une fin, tout est ordonné, il y a de Tordre partout, il y a
plusieurs ordres ; Apla plurium ad/ïnem disposHiojie continetur (p. 8).
L'ordre logique est dans les idées, l'ordre ontologique dans les réaHtés.
En ce qui concerne les idées, on comprend qu'il peut en exister de
trois sortes : celles que la raison seule peut découvrir; celles qu'elle ne
peut découvrir, mais qu'elle comprend si une sagesse supérieure les lui
découvre; celles enfin qu'elle ne peut découvrir et qu'elle ne comprend
pas clairement quoiqu'une sagesse supérieure lui en affirme l'existence
et lui en donne l'énoncé. De là il résulte que l'ordre logique peut se
décomposer en ordre rationnel, extra-rationnel et supra-ralionnel.
Ce triple degré peut se retrouver aussi dans l'ordre ontologique ou des
réalités. Le premier comprendrait les biens qui constituent l'essence de
chaque chose et découlent de son essence actualisée ou de sa constitution
et de sa vie. Dans cet état, l'être existant n'a strictement que ce qu'il lui
faut absolument pour être ce que son essence réclame et exige. Un se-
cond état ne répugne pas. C'est celui où cette nature, où cette essence
actualisée a, sans sortir de son ordre, de sa place et de sa condition
natives, des biens qui ne lui sont pas rigoureusement essentiels.
« ... Bona... qiix naiuram quidem ultra debitum, non iamen ultra
nativœ excellentix genus perficiant. » En un certain sens, ces deux
états différeraient comme l'extrême maigreur diffère du meilleur em-
bonpoint. L'immortalité, la science de toute la nature, l'exemption de
la souffrance n'entre pas dans l'essence de l'homme, mais elles don-
neraient à sa nature toute la plénitude de perfection dont elle est sus-
ceptible sans sortir de sa condition. Après cet état, il peut en exister
un autre : celui où la nature recevrait des dons qui ne lui seraient pas
dus et qui rélèveraient au-dessus de sa condition.
Pour mieux comprendre encore ce qui vient d'être dit, il faut se
rappeler que l'essence est ce par quoi l'être est ce qu'il est et pas autre
chose ; de l'essence découle l'exigence de l'être, c'est-à-dire, ce qu'il
DE l'ordre surnaturel. 67
réclame, ce qu'il doit avoir pour être tel être et pas un autre. 11 n'y a
qu'un être à qui l'existence soit essentielle, c'est l'être nécessaire. Les
autres êtres peuvent être ou n'être pas. S'ils sont, ils seront selon leur
essence. Ah essenlia naturx flutmt : la nature c'est l'essence actua-
lisée, existant hic et nunc. Quand Têlre contingent est produit, il reçoit
de la puissance, de la sagesse et de la bonté de Dieu ce qu'il doit avoir
pour être cet être, et en recevant cette aumône ou ce don gratuit il est
passif; aussi tout cela s'appelle force passive. Mais tout être aussi,
par le fait qu'il existe, a une certaine puissance de causes qui est appelée
force active : operari sequitur esse.
Tout être a donc une essence, une exigence^ une force passive et une
force active. Et comme Dieu est seul infini, ces essences, ces exigences
et ces forces sont essentiellement limitées dans toutes les créatures. 11 y
a des choses, des forces, des biens que chaque créature n'a pas et ne
réclame pas. Le grain de sable n'a pas la vie de la fleur, la fleur n'existe
pas de la même manière que l'animal, l'animal n'a pas droit à la pensée.
C'est là le surnaturel relatif. Aucun être n'a droit à vivre de la vie de
Dieu : c'est là le surnaturel absolu.
Enfin, chaque être a en lui ce que la théologie appelle la puissance
obédienlielle. Le P. Sclirader cite à ce sujet ces paroles de Suarez :
Dicendum est eus creatum ut sic hahere hanc subordinationem ad Deum,
ut natum sit obedire illi in ageîido et recipiendo quiquid non répugna^
verit. Atque hinc nata est doctrina theologorumdepotentia obedientiali
creaturarum respectu Dei, quant prius indicavit Augiistinus (de Gen,
ad Utt. 1. IX, c. 17j; et inde D. Thomas (Ip.q. 115, a. 2, ad 4. — In
I sent. dist. 42, q. 2, a. 2, ad 4) quem caeteritheologi, prxsertim ejus
discipuli, secuti sunt; ratio hujus subordinationis a priori sumend a
est ex pleno dominio quod Deus habet in suam creaturam, ut ea uti
possit in omnetn usum qui non involverit repugnantiam aut contradu
etionem... Unde sicut non potest Deus ens creatum efjicere, cujus plé-
num et perfectum dojninium non habeat, ita non potest ens creatum
fieri, quod non habeat prsedictam conditionem et subordinationem seu
' subjeclionem ad Deum (p. 29-30). Cette qualité, comme puissance,
est naturelle; comme acte, elle est surnaturelle. C'est ici que le
68 DE l'ordre surnaturel.
p. Schrader démontre que Tordre surnaturel ne peut répugner. Dieu,
en effet, par la création n'ayant pas épuisé sa puissance sur les êtres
quand il leur a donné le strict nécessaire, peut leur donner encore les
biens que saint Augustin appelle média et maxima, et établir d'autres
relations que celles qui découlent de leur essence et de leur existence.
L'homme, image de Dieu, peut être embelli encore et devenir plus res-
semblant. Il voit, mais son œil peut être fortifié pour qu'il contemple
face à face le Soleil de justice : le mieux ne lui répugne pas. Dans le
surnaturel, le naturel n'est pas détruit, pas affaibli, mais amélioré,
mais perfectionné. Où donc serait la répugnance? (P. 32.) Pugna foret
si creationis ordo vel destrueretur : atquiisnon destruitur,sed stahili-
tur, evehitur, extollitur : vel infra se deprimeretur ; atqui non depri-
milury sed supra se exaltaltir; vel in se im7nutaretur ; atqui non im-
mulatur in sua ordine, sed ultra ordinem suum perficitur. Pugna
foret si creatormn increatorumque induceretur confusio; atqui nulla
inducitur confusio, sed firmato discrimine statuitur confusio. Pugna
foret si coUigereiur oppositio vel inordinatio : atqui inordinatio colli-
gitur nulla ac nulla oppositio, sed proratione habitumndttmtaxat rela-
tionumque justa infertur unius ad alterum ordinatio ac débita digna-
tatihus rerum suboj'dinatio . . . (p. 32-33).
Bien des erreurs peuvent s'élever contre ces idées pourtant si claires.
Le panthéisme, qui n'admet qu'une substance, le semi-panthéisme, qui
prétend que Dieu est forcé de verser au dehors ses biens et de donner
de suite à chaque créature tout ce qu'elle peut recevoir; l'hyper-supra-
naturalisme, qui confond ontologiquement le naturel et le surnaturel
comme constituant la nature; le naturalisme, qui assure que la nature
est tellement parfaite qu'elle ne peut rien recevoir de plus... Tous ces
systèmes détruisent évidemment la doctrine qui vient d'être exposée.
Historiquement, ces divers systèmes se sont produits. Aujourd'hui le
vent souffle au naturalisme. Voici comment l'expose le R. P. Schrader :
Statuunt igitur, creatam naturam sihi ipsi esse propemodum relictam,
congenitis solis sihi bonis gaudereac consistere, iisque solis sibi suffîcere,
propriis dumtaxat illam stare et ingredipedibus, insitis tantum explicari
absolvique legibus, mihil eidem superaddi vel dehere vel posse, nullum
DE l'ordre surnaturel. 69
in ordine logico lumen tnentis, nullum in ordine ethïco vohmtatis rdbur,
nulîam in ordine ontologico physicam qiiaînlibet virtutem, nnllam in
ordine beatifîco felicilatis accessionem : naturse limitibus et ordine,
qusecumque ad creaturam quocumqiie modo faciunt, conclusa esse
omnia (p. 17-18). C'est là l'erreur dominante aujourd'hui. Quelques
écrivains qui ont traité cette matière ont avancé que le surnaturel est
impossible et en ont donné d'inacceptables définitions. Le surnature'
n'est qu'une pénétration aussi complète que possible de Dieu et de
l'homme sans confusion. Il est impossible de prouver que ce mot im-
plique répugnance. La nature comprend tous les êtres en un seul^ mais
elle ne les comprend pas sous tous les aspects qu'ils pourraient avoir,
elle n'embrasse pas tous les liens qui peuvent les unir. Or, le surnaturel
n'est qu'un autre système d'aspects, de relations des êtres entre eux,
librement établi de Dieu et ne découlant pas de l'essence des choses.
Il diffère donc totalement de ce qu'on a appelé mysticisme, c'est-à-dire
de la substitution du sentiment à la raison, ou de la transmutation de
Dieu en pure abstraction. Il est le perfectionnement de la nature élevée
au-dessus de sa condition native par un acte libre de Dieu. Ce sont
les relations de fils et d'ami ajoutées à celles de créature et d'esclave.
Le naturalisme est donc, en un sens, l'ennemi de la nature : il nie
la possibilité de la perfection qui la développerait au-dessus de sa con-
dition. Il constitue aujourd'hui la grande plaie des esprits.
IL
Il faut savoir maintenant si cette distinction entre Pordre naturel et
Tordre surnaturel est parfaitement logique : accurata logice, et certai-
nement réelle en fait, redis ontologice.
Ce qui vient d'être dit montre clairement que Dieu étant infiniment
bon, c'est-à-dire, infiniment porté à répandre gratuitement ses biens,
tous ces dons se rapportent à deux classes : ils peuvent être naturels ou
surnalurels, selon qu'ils sont réclamés ou non par l'essence des êtres,
Sane ut alia idem forma ac paulo enucleatiiis idipsum dicamus : ac-
curata erit dicenda parlitio logice, si quse concipiuntur vel communicata
70 DE l'ordre surnaturel.
vel communicahilia divinitus bona, talia omnia sint, quse ad duplex
universim genus revocari tantum possint, quorum alterum naturaliat
alterum snpernaturalia dona compledatur (p. 39). Ce qui entre dans
l'essence d'un être, ce qui la réalise au dehors, c'est-à-dire la somme
et la forme d'être qu'elle a reçue en naissant ; le principe d'activité et
d'opération qui est en lui, les actes par lesquels elle obtient sa fin
propre, voilà le naturel. La part des biens divins qui est réclamée par
ce naturel, constitue l'ordre naturel. Les autres biens qui sont en
dehors de ceux-là sont appelés surnaturels : c'est ainsi que l'entendent
tous les Pères (p. 65-95), tous les scolastiques avec saint Thomas
leur chef. In eo communiter omnes cum S. Thoma conveniunt, ut
supernaturale id habeant ac dicant, quodnaturalemfaciiltatem exceditj
quod transcendit facultatem naturalium potentiarum..., quoi superex-
cedit proportionem naturx..., quod est supra naturam cujuslibet créa-
turx, quod est solius Dei proprium..., quod attendihir secundum vir-
tutem Spiritus Sancli, quod est creatae nattirx superadditum, quod
exterius sive ab exteriorï accedit, apponitur ac superapponihir, quod
creatss naturse nullo titulo debetiir, sed est plane gratuitum ideoque
proprium gratiae nomen sortitur... Gratia est virtutis altioris, gratix
dignitas est per quam homo consors fadus divinx nalurx adoptatur
in filiiim Dei ; gratia est per quam inhahitat hominem Spiritus Sanetus,
gratia tandem nihil aliud est, quam quxdamparticipatio divinx naturx,
qux excedit omnem aliam naturam (pp. 95-97).
D'où ilrésulte que, s'il y a deux sortes debiens queDieu communique,
il peut y avoir deux sortes de relations avec lui, deux amours de lui,
deux présences de lui dans les créatures, une double participation, soit
active, soit passive; une double lumière et une double Providence.
La distinction entre l'ordre naturel et l'ordre surnaturel est donc
logique. Est-elle réelle?
III.
Il y a entre l'ordre naturel et l'ordre surnaturel une différence pro-
fonde. Si l'ordre surnaturel existe, il sera surajouté à l'ordre naturel.
Avant d'entrer dans la constatation du fait de son existence, il faut
chercher ou savoir à quel point de l'ordre naturel il pourra être placé.
DE l'ordre surnaturel. 7t
Il ne peut se trouver dans les créatures inanimées qitss a Deo moventur,
sed Deo non fruuntur. Privées de connaissance et d'amour, elles ne
peuvent jouir de Dieu, qui est la vérité et le bien. L'âme humaine seule
est capable de connaissance et d'amour : il en est de môme de l'ange.
Concludimus supernaluralium suhjectum donoriim non esse alitid passe
a natura rationali (p . 114).
Mais cette aptitude qu'a la nature raisonnable pour le surnaturel ,
qu'est-elle? Ce n'est pas une habitude d'être, de droit et d'opération.
Le naturel ne peut atteindre de cette sorte le surnaturel. C'est un rap-
port de proportion, non de la proportion qui multiplie ou divise dans
la même espèce, mais de la proportion qui soumet l'effet à la cause,
l'acte à la puissance. L'âme peut recevoir une lumière de vision qui
élève son intelligence à voir Dieu nonpropter ejiis indistantiam a divina
substantia, comme dit saint Thomas, sed propter virtiitem quam a Deo
tortitut ad talem effeciiim... non enim hoc lumen creatum intellectum
Deo conjungit seciindum esse, sed secundiim inteUigere solum. (Contra
Génies, l. m, c. 54.) Telle est la dignité de la nature humaine qu'elle
est toujours en état de recevoir des dons surajoutés: Quia qiiidquid Dem
de creatura faciat, adhuc remanet in potentia accipiendi a Deo, dit
saint Thomas. {DeVeril., q. 2"3, a. 5, ad 3.) Et ces dons surajoutés
pouvant être reçus conviennent à cette nature, la perfectionnent, la
décorent et la divinisent. Mais la nature est toujours la base et le fon-
dement : Subslernitur, comme parle encore saint Thomas. Tantum
abest^ ajoute le P. Schrader, ut supernaturale pessumdet naturam, ut
haec iltiiis sit necesso.ria condilio, ut in eodem subjecto hœc cum illo
componatur ac coexistât, neque confusio gignatur substantiarum, neque
polentiarum eversio, neque operationum ulla dêstruclio, sed accessio,
elevatio, perfectio, et inde nobilissima rerum harm onia ordinumque
concentus prxstanlissimus (p. 124). La nature ne peut donc que re-
cevoir le surnaturel; le connaître, le penser, le vouloir, le mériter, elle
ne le peut. Et quand elle le reçoit, elle ne cesse pas d'être nature,
mais elle devient nature élevée, perfectionnée et divinisée. Comme le
fer sans cesser d'être fer, peut être pénétré par la substance du feu et
en produire les effets.
72 DE l'ordre surnaturel.
Tel est le lieu où seront reçus les dons de Dieu surajoutés à la nature ;
telle la disposition de la nature à les recevoir, tels sont les effets de
perfection qu'il produiront en elle si elle les reçoit. Et maintenant, les
a-t-elle reçus? Dieu les a-t-il répandus? Dieu est infiniment riche,
infiniment bon. Il ne cherche qu'à donner, qu'à se répandre. La source
répand naturellement ses eaux. En Dieu est la fontaine de la vie : il la
répand par degrés harmonieux de l'ange aux ailes de feu au grain de
sable foulé sous les pieds des passants. Non content de donner la vie,
semblable au soleil, notre Dieu, feu consumant, répand sa propre vie, la
vie divine : Ignis ignificat, Detis deificat. Il convenait que Dieu, bonté
infinie, se communiquât aux créatures d'une manière souveraine, dit
excellemment l'Ange de l'école : Decuit Deiim, cum sH bonitas infînita,
summo modo se ereaturis cotnmwiicare (III, q. 1, a. 1).
Les bienfaits de Dieu sont des faits. L'histoire seule peut les con-
stater. Or, l'histoire n'est que la grande constatation de l'existence du
surnaturel. Tous les peuples ont cru à ces communications, à ces rela-
tions divines. De reali supernoriim donoriim existentia gentes totius
orhis in Etiropa, Asia, Africa atque Aînerica universim conspirant
(p. 131). L'histoire du peuple Juif n'est que l'histoire du surnaturel
(p, 134) continuée par l'histoire plus miraculeuse encore en toutes
manières du peuple chrétien : car si tout se passait chez les Israélites
en figures surnaturelles, tout arrive chez les catholiques en réafités
divines (p. 137). Jésus-Christ Homme-Dieu, la Vierge mère de Dieu,
les saints anges et leurs célestes hiérarchies, les sacrements, l'Eglise,
l'action du Saint-Esprit, etc., etc., telles sont ces admirables réalités.
Surajouté à l'ordre naturel, cet ordre surnaturel trouve d'admirables
images, de véritables symboles dans les réalités d'en-bas. Ce qui se
passe dans la nature, se retrouve en un sens plus élevé dans l'ordre de
la grâce, et brillera encore plus éclatant dans l'ordre éternel de la gloire.
Ainsi l'esprit peut aller d'ascension en ascension, de faits en faits, jus-
qu'à ce que Dieu soit vu dans Sion. Il y a une naissance selon la nature;
une renaissance selon la grâce, une naissance dans la gloire pour l'âme
et pour le corps ressuscité. Il y a une vie selon la nature, une vie selon
la grâce, une vie dans la gloire. Il y a un principe de vie naturelle, un
'' DE l'ordre surnaturel. 73
fleuve de vie surnaturelle, un torrent de volupté dans la richesse de la
maison de Dieu. Bien à plaindre qui ne connaît pas l'existence de ces
adorables réalités et qui est emprisonné dans les illusions et les étroitesses
de la nature! Heureux celui à qui la foi a découvert les horizons plus
arges, plus beaux et plus radieux de la grâce, en attendant la naani-
festation infinie de la très-sainte éternité. Qu'ils sont ennemis d'eux-
mêmes et de leurs frères, ceux qui passent leur vie à attaquer, au mépris
de l'histoire et de nos meilleurs instincts, des certitudes qui sont le
bonheur de toute vie.
Plus l'ordre surnaturel élève l'homme au-dessus de lui-même, plus
il contrarie ceux qui se plaisent dans la nature déchue. Ces clartés
divines incommodent l'homme animal, et il lutte contre elles. Que
d'erreurs, que d'attaques contre cette divine théologie î Le P.Schrader
les indique toutes (pp. 180-200). Les unes attaquent l'existence on-
tologique des deux ordres ; les autres, leurs forces respectives ; les
autres, leurs conséquences morales et juridiques ; les autres, leurs rela-
tions. Baïus, Pelage, celui qui fit de la créature une chimère, celui qui
supprime Dieu, les spirites, les libertins.; toutes ces formes diverses
d'une négation, une au fond, multiple dans la force, viennent corroborer
à leur façon la grande doctrine catholique de la théologie de nos écoles.
Cette partie du livre du savant religieux est pleine d'intérêt : elle'
forme une histoire abrégée des erreurs groupées en familles autour de
leurs principes.
IV.
Après avoir démontré la distinction logique et réelle des deux ordres,
l'éminent auteur ajoute une dissertation sur le préternaturel. L'ordre
préternaturel comprend tous les biens qui ne sont pas dus à la nature
et qui, s'ils lui sont gratuitement accordés, la perfectionnent sans la tirer
de son ordre : Intra latissimum perfectibilitatis suum ambitum (p. 205).
Par où l'on voit que cet ordre diff"ère totalement de l'ordre naturel, qui
se compose des biens réclamés par l'essence des êtres, de l'ordre sur-
naturel, constitué par les biens reçus, qui perfectionnent la nature et
rélèvent au-dessus de sa condition.
Rien n'est plus important que cette distinction, pour expliquer la
7A DE l'ordre surnaturel.
chute de l'homme et le péché d'origine. C'est pour ne l'avoir pas admise
que les héréliques ont prétendu que ,par la faute d'Adam, l'homme était
atteint dans Tessence môme de son être. Or, la vérité est que le premier
des humains avait reçu les dons surnaturels et prélernaturels, qui,
avec ce caractère commun qu'ils nelui étaient pas dus, le perfectionnaient,
l'un dans sa propre condition, l'autre au-dessus de sa condition même.
Ces dons étaient gratuits : le péché les lui fit perdre et le laissa dans
l'état de stricte nature.
Cette distinction si importante est aussi ancienne que la théologie
catholique. Le mot préternaturel est très-juste et doit être conservé.
Pour être immortel, pour avoir toute science des choses naturelles,
pour être à l'abri des tentations, des erreurs et des souffrances,
l'homme n'en serait pas moins homme. Il serait aussi parfait que possible
dans sa condition. Mais, évidemment, ces dons n'entrent pourtant pas
dans son essence. On peut être homme sans avoir ces heureux privi-
lèges. Ils sont donc surajoutés à la nature qu'ils portent au plus haut
point de sa perfection.
Il existe trois catégories de biens, qui sont ou peuvent être commu-
niqués à l'homme. Il doit donc exister trois ordres et trois mots pour
les désigner.
Telle est la marche du P. Schrader. Elle est juste, elle est satis-
faisante. L'auteur expose la question, la délivre des diificultés qui la
gênent. Il montre que la distinction de Tordre naturel et surnaturel est
logique et historique. Il combat les erreurs qui l'attaquent. Enfin il
montre que, dans cette distinction, il faut introduire une place pour les
biens préternaturels.
Ce livre n'est pas un traité complet de la grâce : c'est une belle
étude sur les bases mêmes et le fondement de toute cette doctrine. Le
surnaturel, comme idée et comme fait, y est solidement étabU. Nous
pourrions désirer peut-être en France quelques développements dirigés
plus particulièrement contre les faux raisonnements, les faux principes,
les fausses critiques des ennemis du surnaturel. Mais, en un sens ou en
un autre, tout se trouve dans le savant traité du R. P. Schrader.
H. Girard.
QUESTION CANONIQUE.
Du refus de sépulture prononcé contre les suicidéa.
Parmi les embarras du saint ministère, il en est un qui fatigue sin-
gulièrement le prêtre : c'est la dure nécessité où il se trouve quelque-
fois de refuser les honneurs de la sépulture chrétienne à une certaine
classe de pécheurs. Malheureusement, cette pénible obligation se re-
présente chaque jour plus fréquente à cause des suicides, qui se multi-
plient dans une effrayante proportion. Quelques mots d'explication ne
seront pas inopportuns.
1. La loi ecclésiastique est claire et précise. Le Rituel romain, au
titre de Exeqiiiis, et sous la rubrique : Quibiis non licet dare ecclesia-
sticam sepuUtiram , dit expressément : € Seipsos occidentibus ob
a desperationem vel iracundiam, non tamen si ex insania id accidat,
« nisi ante morlera dederint signa pœnitentiae. »
Se peut-il rien de plus formel ? Ainsi l'on doit refuser la sépulture
chrétienne à quiconque s'est tué par malice et avec pleine délibération,
à moins qu'avant de mourir il n'ait donné des marques de son repen-
tir. Quant à ceux qui se tuent dans l'acte de la folie, ils ne tombent pas
sous le coup de la loi.
11 n'y a pas deux interprétations possibles, et les canonistes sont là-
dessus d'une frappante unanimité. Nous nous contenterons de citer
Schmalzgrueber.
Dans son commentaire sur le 3« livre des Décrétales, tit. xxviii, de
Sepulturis, n. 64, le savant auteur se pose cette question : Quando
ecclesiastica sepultura privandi sint suiçidx ? A quoi il répond :
76 QUESTION CANONIQUE.
« Tum solum quando id fecerunt sponte et nulla urgente causa, et
a insuper constat quod ipsemet sibi quis raanus intulerit, nec de facto
a pœnituerit.,.. Ex quo sequitw\ sepultura ecclesiaslica privari non
« posse : 1° Qui seipsos occiderunt furore, amentia, aut alla mentis
G alienatione.... 2° Si casu id factura sit.... 3° Si quis in flumen
« vel per fenestras précipitera se dederit, ut malum sibi impendens
a evitaret, v. g. incendiura, insidias, vel aliud vitae, aut etiam pudi-
« citiae periculum.... 4" Si quis animo se occidendi seipsum lelhaliter
« vulneravit, aliquaradiu tamen supervixit et pœnituit.... 5" Si quis
« reperiatur mortuus in puteo, vel e laqueo suspensus,in flumine sub-
« mersus, veneno vel alio siraili modo interfectus, ut non constet quod
a a seipso interfectus sit.... »
Il faut toutefois l'avouer, nous avons entendu des ecclésiastiques se
demander sérieusement si l'acte du suicide n'implique pas essentielle-
ment un acte de folie. 11 est manifeste que si l'on répond d'une ma-
nière affirmative, la sévérité de la loi disparaît ; et l'on devra, par
conséquent, ne refuser jamais la sépulture à celui qui s'est donné la
mort.
Mais, énoncer une pareille théorie, n'est-ce pas la réfuter? Com-
ment, en effet, n'a-t-on pas aperçu l'étrange raisonnement que l'on
prête au législateur. « Quiconque, aurait-il dit ; quiconque s'est donné
la mort, a mérité la privation de la sépulture, à moins qu'il n'ait com-
mis cette œuvre de destruction dans l'acte même de la folie, non ta-
men si ex insania id accidat. Mais la folie se rencontre toujours et
essentiellement dans l'acte du suicide. Donc le suicide mérite une peine
qu'on ne lui appliquera jamais. » Évidemment, le législateur n'a pu
se rendre coupable d'une telle absurdité. Il est vrai que le suicide est
un acte de folie, mais à la manière de tout péché mortel, qui, éloi-
gnant le pécheur de sa fin dernière, est par là même un acte de su-
prême déraison.
II. Nous proposerons, à notre tour, une question. Faut-il aujour-
d'hui retenir toute l'indulgence des canonistes anciens en matière de
suicide? Schmalzgrueber nous disait tout-à-l'heure qu'il faut être in-
dulgent pour le malheureux que l'on trouve, par exemple, noyé dans
QUESTION CANONIQUE. 77
le fleuve ou pendu à un arbre. Il ne faut pas supposer, ajoute-t-il,
qu'un aussi horrible malheur soit un crime de sa part. « Ratio est,
« quod in dubio prsesuraitur potius casu, aut per vim, vel insidias
« ab alio, quam sponle, et a seipso interfectus esse, cum de nemine
« prœsumatur delictum, prœsertim aâeo grave. »
Sans doute une pareille conduite était sage, lorsque la foi élant plus
vive, les fidèles appréciaient comme il convient le crime du suicide.
Dans ce temps-là, on n'aurait pu présumer le délit; il etlt fallu recou-
rir à des preuves rigoureuses ; et agir autrement, eût été une grave
injustice. Mais aujourd'hui, lorsque par suite de l'affaiblissement delà
foi et de l'envahissement des doctrines matérialistes, bon nombre de
chrétiens ne trouvent d'autre remède à leurs maux que dans la des-
truction d'eux-mêmes; sommes-nous tenus à la même réserve? Nous
ne le pensons pas. Voici, par exemple, un homme qui, depuis longues
années, a rompu complètement avec les pratiques religieuses. Des mal-
heurs fondent sur lui et Taccablent sensiblement. Un matin, son ca-
davre est retrouvé dans la rivière. Serez-vous obligé de suspendre votre
jugement et de dire : Peut-être le maUmiretix s'est noyé en voulant
traverser le fleuve ? Nous ne le pensons pas, et nous ne condamnerions
pas le prêtre qui traiterait ce noyé en véritable suicide.
III. iVIais voici une autre difficulté. A qui appartient-il d'apprécier
le degré de folie quia pu accompagner ou non l'acte du suicide ? Est-ce
au prêtre? Est-ce au médecin? Volontiers nous reconnaîtrions ici la
compétence du médecin. Cependant, à voir la facihté scandaleuse avec
laquelle, dans ces tristes circonstances, se délivrent des attestations
d'aliénation mentale, nons serions porté à rejeter tous les certificats
du médecin, pour laisser au prêtre le soin de trancher la question. Qui
n'a rencontré plusieurs fois le cas suivant : Un homme, fort mauvais
chrétien et fort mal dans ses affaires, s'est couché, le soir, dans le
plein exercice de ses facultés intellectuelles, tout le monde en est con-
vaincu, ou du moins le doute ne se présente à personne. Le matin, on
trouve le cadavre de ce malheureux pendu à une poutre de sa maison
ou à un arbre de son jardin. Le suicide est patent : personne ne peut
le nier. Et toutefois, voici venir un médecin complaisant qui veut cer-
78 QUESTION CANONIQUE.
tifier que le suicidé était aliéné. Où est la vérité ? De pareils cas se
renouvellent chaque jour. Or, que doit faire le prêtre ? Peut-il ne te-
nir aucun compte du prétendu certificat ? Nous croyons qu'oui. Cepen-
dant, pour s'éviter de pénibles tracasseries, il ferait bien de consulter
l'évêché. Nous connaissons un diocèse où l'évêque a solennellement
déclaré que, par lui-même, le certificat du médecin ne prouve rien,
et qu'il faut le tenir pour non avenu. En ce cas, Je prêtre est seul juge
compétent.
IV. Que faire, enfin, lorsque le suicide est avéré? La culpabilité
même de la victime semble évidente, et pourtant un doute raisonnable
peut s'élever en sa faveur.
Ce cas a été résolu par le dernier concile de Vienne (1858) avec une
rare sagesse. Il nous semble difficile de mieux concilier la rigueur avec
laquelle il faut poursuivre l'apparence même d'un crime aussi horrible,
et la miséricorde de l'Église, qui est heureuse d'accueillir les moindres
indices pour prononcer l'innocence d'un accusé. Pourquoi le décret du
concile de Vienne ne serait-il pas suivi partout comme règle directive?
En voici le texte :
• Prudente obversante dubio, funus ecclesiastico quidera ritu, sed
omni majori apparatu secluso, terrae mandetur. » (Cap. xiv, de Se-
pultura ecclesiastico .)
D'après ce règlement, on accorderait les prières et les cérémonies
de la sépulture, mais en les dépouillant de toute solennité. Ainsi pas
de chants, pas de son des cloches, pas de tentures funèbres, etc. C'est
ce que nous avons vu pratiquer dans une circonstance semblable, par
ordre du vicaire capilulaire, à qui l'affaire avait été soumise.
H. Montrouzier
DU CHANT ECCLÉSIASTIQUE.
Troisième article.
g 5. — Des Psaumes
Quatre questions se présentent ici. Il faut voir 1 ° l'énumération des di-
vers tons de psaumes qui se trouvent indiqués dans le Directorinm chori ;
2* comment et d'après quels principes ils sont appliqués aux antiennes
et aux psaumes des offices du propre du temps, du propre et du com-
mun des saints ; 3° si l'on peut employer d'autres mélodies que
celles qui sont dans le Directorinm ; 4° enfin si l'on peut changer à
volonté le ton indiqué. Ces questions, 'nous le savons, intéressent
beaucoup les maîtres de chapelle et les chantres de nos églises, qui
sont habitués à une variété plus grande : il est aussi des chants popu-
laires dont la supression, ici comme ailleurs, offrirait des difficultés pra-
tiques.
I. En umération des divers tons de psaumes indiqués
dans le Directorium chori.
Nous pouvons donner à ces rythmes le nom de chants liturgiques
dans le sens ci-dessus indiqué. Aucun psaume n'est noté sur le di-
xième, le douzième, le treizième et le quatorzième modes. Le psaume
In exitu Israël est seul du neuvième, et est noté aux vêpres du di-
manche. L'antienne 0 sacrum convivium qui est du treizième ton, est
indiquée comme du cinquième mode ^vec le cantique du même ton. On
donne donc seulement huit tons et aucun de ceux que l'on appelle vul-
gairement irréguliers.
80 DU CHANT ECCLÉSIASTIQUE.
Le premier mode a pour intonation fa, sol, la, avec liaison du sol ou
la pour les fêtes doubles et semi-doubles. lia pour mediante cinq sylla-
bes, on descend au sol à la cinquième avant dernière, la suivante porte
la et si bémol, la troisième est un la, la deuxième porte la sol, et la
première sol, la. On indique cinq terminaisons, la première en fa, la
deuxième en sol, la troisième en ré, savoir sol, fa, sol, la, sol, fa, miy
ré; la quatrième en la, savoir sol, fa, sol, sol, la, la cinquième enfin
est en ré, comme la troisième, sauf la suppression du la.
Le chant du deuxième mode ne varie pas et est assez connu.
Le troisième ton a pour intonation sol, la, do, sans liaison. La me-
diante est de quatre syllabes, savoir ré, do, si, la, do, avec liaison du si
au la. On indique quatre terminaisons; la première en la, savoir rfo, Zc,
do, si, la, avec liaison du si au la ; la deuxième en sol, savoir do, la^
do si la, sol, avec liaison des trois notes do, si, la , la troisième en la,
savoir do, si, la, si, la, sol, la; la quatrième en sol, de cette manière
do, si, la, si, la, sol.
L'intonation et la mediante du quatrième mode sont conformes à
celles que donnent tous les livres notés qui sont entre nos mains. On
indique trois terminaisons, la première en mi, savoir la, sol, la, si,
sol, mi ; la deuxième en la, savoir la, sol, la, si, sol, sol la avec liai-
son entre les deux dernières notes; la troisième consiste à descendre au
sol sur la dernière syllabe.
Le cinquième mode a l'intonation et mediante qui se trouve dans tous
les livres d'office, et la seule terminaison re, si, do, la.
On trouve aussi un seul chaut pour le sixième ton, l'intonation con-
forme à celle du premier, la mediante sol, la, fa, et la terminaison /a,
sol, la, sol, fa, avec liaison du sol au la.
Le septième ton a pour intonation do, si, do, ré, avec liaison de la
première note à la deuxième et de la troisième à la quatrième ; la me-
diante est de quatre syllabes. Sur la quatrième avant dernière on
chante les deux notes ré, fa, sur la troisième, la note mi sur la deuxième,
ré, et sur la dernière les deux notes ré, mi. Il y a cinq terminaisons
différentes, la première en do, de cette manière : mi, ré, do, si, do avec
liaison entre les deux dernières notes ; la deuxième en ré, savoir mi, ré
DU CHANT ECCLÉSIASTIQUE. 81
doj dOf ré. La pénultième n'est pas un si comme dans nos éditions, elle
fait liaison avec la dernière ; la troisième terminaison est semblable à
la première, sauf la dernière note qui est un la et non un do; la qua-
trième ne diffère également de la première que par l'avant-dernière
note qui est un ré au lieu du si ; la cinquième enfin se compose seu-
lement de quatres notes, savoir mi, ré, do, si.
L'intonation et la médiante du huitième mode sont conformes à
celles de tous nos livres. On indique deux terminaisons qui se compo-
sent de quatre syllabes : dans la première on chante si, do, la, sol ; et
dans la seconde la, do, ré, do.
n. — Principes suivis dans le choix des modes pour le chant
des antiennes et des psaumes.
Il est assez difficile de découvrir les principes d'après lesquels on a
choisi les divers tons pour les antiennes et les psaumes. On a comparé
la structure de la phrase du texte avec les phrases des rythmes du
plain-chant ; on a consulté aussi le rapport de certains rythmes avec
la pensée à exprimer ; on a même parfois mis sur un même ton deux
antiennes qui suivent, lorsque l'une est le complément de l'autre. Si
parfois l'on a pu juger, en composant une antienne, que plusieurs
rythmes pouvaient également leur convenir, comme par exemple pour
l'antienne Veni sponsa Christi, notée aux vêpres sur le huitième mode,
et aux matines sur le septième, il est aussi des choix qui paraissent
pouvoir bien difBciiemenl être meilleurs. Nous en citons quelques-unes
seulement dans chaque mode. Dans le premier, Tantienne Montes
Gelboe, le samedi avant le cinquième dimanche après la Pentecôte;
celles du Magnificat des secondes vêpres de Noël, des secondes vêpres
de l'Epiphanie, des secondes vêpres de saint André, des premières
vêpres de sainte Agathe, des premières vêpres de l'Invention et de
l'Exaltation de la sainte Croix, des secondes vêpres de la Pentecôte,
des premières et des secondes vêpres des saints Jean et Paul, martyrs;
des secondes vêpres des saints Apôtres Pierre et Paul, des premières
vêpres de la Transfiguration, des secondes vêpres de la Nativité de la
Revue bes sciences ecclés., t. x.— juillet 1864, 6
§2 DU CHANT ECCLÉSIASTIQUE.
s'ainfe Vierge. Daris le deuxième, nous'pouvons' citer la première du
deuxième dimatiche et toutes 'les antiennes majeul^es de l'Avént/les
deux premières des laiides de Noël, "ta troisième des vêpfes du com-
mun des Martyrs au temps pascal, l'antienne du Magnificat àes se-
condes vêpres de l'Ascension, la deuxième des vêpres du très-saint
Sacrement. Le troisième mode^ quoique d'un emploi' plus rare, n'a pas
été choisi safls motif pour la première antienne des vêpres de la Pen-
tecôte, la 'première des secondes vêpres de saint Jean-Baptiste et la
'troisième des vêpres de l'office de la sainte Vierge. Le quatrième,
quoique ayant un caractère moins marqué, exprime une belle pensée
dans la cinquième antienne du premier dimanche de l'Avent et la hui-
tième des matines de Noël ; il est aussi parfaitement choisi pour les
antiennes du Magnificat, le huitième etie quinzième dimanches après
la Pentecôte. Le cinquième est plus rare et convient à des chants de
triomphe, comme l'antienne du Magnificat du onzième dimanche après
la Pentecôte. Nous pourrions citer encore la cinquième antienne des
vêpres du saint Sacrement ; mais celle-ci, comme la deuxième, dont
nous avons parlé, a été nutée sur ce mode, comme on l'a fait pour les
offices composés alors, parce qu'on a indiqué les cinq premiers tons
pour les cinq antiennes, et les huit tons consécutivement pour celles des
matines. On retrouve le même système dans les offices du saint Nom
de Jésus, de saint Joseph, de la sainte Trinité, du Sacré-Cœur de Jé-
sus et de la Visitation, au moins dans beaucoup d'éditions. Le sixième
mode, dont le rythme est si expressif, est employé assez rarement ;
'iiiais'ir- l'a été fort heureusement dans la septième et la neuvième an-
tienhès des matines de Noël, dans la huitième et la neuvième des ma-
tines de l'Epiphanie, dans la première des laudes et des vêpres de la
Circoncision et dans les antienn es du Magnificat de la Toussaint et de
la Dédicace. Le septième ton revient très-fréquemment, et souvent il
exprime d'une manière énergique et bien sentie la pensée qu'il doit
rendre, surtout au commencement d'un office. Telles sont les premières
V antiennes de la fête de saint André, de celle de sainte Agathe, du
commun des Confesseurs pontifes. Il est surtout propre à exprimer
deiix pensées, comme il le fait à la première antienne des laudes et des
DU CHANT ECCLÉSIASTIQUE. 83
vêpres de sainte Agathe, à cause de la double dominante. Le huitième
mode enfin est employé plus s^ouvent que tous les autres, à. cause de. la
richesse et de la variété de ses rythmes. Nous sommes obhgés de nous
borner dans nos citations, mais nous ferons remarquer tout spé-
cialement sur l'antienne des vêpres du premier dimanche de Carême,
celle du samedi avant le septième dimanche après, la Pentecôte, celle,
du Magnificat du dixième dimanche, celle du Magnificat des secondes
vêpres de la Purification, des premières et des secondes vêpres de
saint Laurent, des seçpndes vêpres de l'Assomptipp, les dernières des
vêpres et des laudes de la Toussaint.
.Ces, quelques citations suffisent pour nous faif;e, voir Içs règles qui
ont étç généralement suivies dans le choix des modes adoptés. On
pourrait peu,t-ôtre parfois désirer une plus, grand^ variété dans un
même office, comme on avait coutume de, le voir dans l'usage des
liturgies françaises, dans lesquelles jamais, ou presque jamaiç, deux
psaumes d'un même office n'étaient chantés sur le même mode. Mais,
on le comprend facilement, les personnes qui voudi:;aient adopter ce
système tomberaient dans l'e^fcès opposé en voulant corriger une dé-
fectuosité. Pour donner satisfaction à ce désir autant qu'il est
possiblç et pour faciUler l'exécution du chant dans certaines églises,
nous allons examiner quels moyens on pourrait employer pour arriver
à ce but.
in, — les divers ions de psaumes indiqués d,ans le Direclorium chori
sont-ils les seuls qui puissent être chantés dans les églises ?
On pourrait, ce semble, appliquer ici la distinction déjà adoptée de
chants liturgiques et chants ad libitum, et si nous admettons comme
pouvant se concilier avec les règles de la liturgie certaines mélodies
pour le Kyrie eleison, le Gloria in excelsis, le Credo, le Sanctus^
VAgnus Dei, Vite missa est, le Benedicamus Domino , et les hymnes,
nous ne voyons pas sur quoi s'appuyer pour être plus sévère relative-
ment au chant des psaumes. Le rythme de l'antienne 0 Sacrum con-
vivium appellerait même, pour le Magnificat des secondes vêpres du
84 DU CHANT ECCLÉSIASTIQUE,
saint Sacrement,, la mélodie du treizième ton usité en France, et qui se
termine par la, si bémol, la, sol, fa, ou plutôt mi, fa, mi, re, do. Rien ng
paraît s'opposer à l'emploi de cette mélodie, ni du dixième ton, connu
sous le nom de deuxième irrégulier, ni du quatorzième, appelé sixième
irrégulier ou sixième royal. On peut aussi conserver certaines termi-
naisons autres que celles du Directorium.
IV. — Peut-on, sans changer le rythme de l'antienne, modifier celui
du psaume qui est joint à eette antienne ?
Nous venons d'examiner la question en elle-même; mais l'applica-
tion du principe énoncé soulève une grave difficulté. Le rythme du
psaume correspond à celui de l'antienne à laquelle il est joint, et même
l'antienne et le psaume forment un tout complet. Le changement de la
mélodie du psaume amènerait donc la modification du rythme de l'an-
tienne, comme on l'a fait en certains pays. Si l'on peut changer ainsi
le chant d'une antienne, pourquoi ne ferait-on pas un plain-chant tout
à fait nouveau ? Ces conséquences sont inadmissibles ; elles détruiraient
l'ensemble, et jamais une si grande latitude n'a été tolérée par l'É-
glise. Quant à la limite positive de cette latitude, il est impossible de
la fixer d'une manière mathématique, comme nous l'avons suffisam-
ment montré ; mais elle est ici évidemment dépassée. Tout au plus
pourrait-on demander si certaines antiennes pourraient être notées sur
un chant ad libitum, à la fin du livre ; jamais, de celte manière, on
n'arrivera à un ensemble nouveau, et s'il n'y avait d'autre cause, on
serait commandé par l'espace. Nous reproduisons ici textuellement une
question qui nous a été adressée, et notre première réponse consiste -
rait à engager les compositeurs à se montrer très-prudents, car ilg
s'engagent à donner un chant supérieur à celui que nous trouvons dans
nos livres. Nous ajoutons que le chant des antiennes de l'Office divin
est tellement consacré par l'usage et si uniforme dans tous les anciens
manuscrits, qu'il nous paraîtrait bien difficile d'admettre qu'il fût per-
mis de le modifier. Avec un pareil principe, il serait bientôt permis de
changer aussi le chant des oraisons, de la préface et du Pater.
DU CHANT ECCLÉSIASTIQUE. 85
Quant à changer le rythme du psaume sans changer celui de l'an-
tienne, la question appartient à ceux de nos collaborateurs qui s'oc-
cupent spécialement de ce qai concerne la partie artistique du plain-
âhant. Nous nous restreignons dans la partie liturgique. Mais s'il fallait
donner un sentiment sur cette question, nous dirions qu'elle nous pa-
raît n'être pas tout à fait la même suivant les différentes circonstances.
On peut parfois varier le psaume quand l'orgue reprend l'antienne, ce
qui ne se ferait pas facilement si le chœur doit la chanter. Cette diffé-
rence est sensible dans la variation des deux finales du huitième ton .
Quoi qu'il en soit, la variation d'une finale nous paraît admissible,
comme aussi la substitution du neuvième ton au premier, du dixième
au deuxième, du treizième au cinquième, du quatorzième au sixième.
Quelques-uns prétendent pouvoir substituer le sixième ou le quator-
zième au premier, le neuvième au quatrième, le cinquième ou le trei-
zième au septième, en le transposant ainsi : sol, si, ré. Remplacer en-
core le huitième par le dixième en le transposant en sol, la, do. ou par
le sixième ou le quatorzième en le transposant en sol, la, si. Ici toute la
question serait de savoir si ces rythmes transposés sont dans le mode
auquel on les applique. Nous ne croyons pas pouvoir prononcer sur
cette difficulté; mais nous voyons déjà ici des concessions bien éten-
dues.
§6. — Des Versets.
Les versets se chantent avec ou sans neume. Le verset principal de
chacune des heures se chante avec neume ; ceux des mémoires, de
l'antienne à la sainte Vierge, de la bénédiction du saint Sacrement, se
chantent sans neume. La neume est différente suivant le rite de l'of-
ûce ; à l'office double, elle est plus longue ; moins longue à l'office
semi-double, moins longue à l'office simple ou férial. La neume propre
à l'office double n'est employée qu'aux matines, aux laudes et aux
vêpres, et est corrélative, par conséquent, à la duplication des an-
tiennes. Aux autres heures, si l'office est double, on chante la neume
comme à l'office semi-double.
86 DU CHANT ECCLÉSIASTIQUE.
Ces régies se trouvent positivement dans le Directorium. Mais que
doit-on penser de certaines variantes usitées en plusieurs églises pour
ces neuraes. et de l'introduction d'un si bémol entre le do et le la de
la terminaison du verset, sp? neume? Nous ne pouvons réprouver ici
que ce qjjj détruirait, h, distinction po^ée par le DirectQfï^^m et, ce qu^
poiirrai,t,ê,tre. contraire apx règles de l'hqrn^pnie.
§ T. — Des; Répons brefs.
Les répons brefs se chantent oïdinairement sur le. sixième ipode.
On en excepte les répons brefs propres à l'office des dimanches et fériés
de l'Avent, qui sont notés sur le quatrième. On explique par là l'in-
dication du quatrième mode pour le répons La manus tuas pendant
l'Avent, dans la plupart des livres d'ofQce.
§ 8. — Des Lamentations de Jérémie.
Les lamentations de Jérémie sont notées dans le Directorium sur un
chant beaucoup plus simple que la mélodie usitée dans la plupart des
églises de France. Celle-ci, cependant, est la même que celle du Di^
rectorium sauf l'addition de quelques notes : on monte jusqu'au do
dans la médiante, et la phrase se termine par la mélodie sur laquelle le
Directorium note la lettre hébraïque en y ajoutant un si bém ol. Le
premier, suivant les principes posés, peut être considéré comme chant
liturgique, le deuxième comme chant ad libitum. On peut encore ranger
de ce nombre certaines mélodies publiées en divers livres d'office.
Mais si l'on croit devoir admettre ces rythmes, ils devraient être insérés
par forme de supplément, suivant ce qui a été dit.
§ 9. — Des Litanies.
On trouve un chant liturgique des litanies, et aussi des chants ad
Uhitum. Nous y appliquons les mêmes principes.
ou CHANT ECCLÉSIASTIQUE. 87
§ iO. — EST-IL PERMIS d'appliquer UN RYTHME NON-LITURGIQUB
A DES PARTIES DE l'OfFICE NON - ÉNUMÉRÉES DA^S LES PARA-
GRAPHES PRÉCÉDENTS?
Cette queslion, posée d'une manière générale, offre toutes les dif-
ficultés indiquées § 5, n° 4. On peut y répondre, ce semble, par l'ob-
servation que nous avons faite au sujet des antiennes. Une réponse
affirmative autoriserait un ensemble nouveau. Il nous répugnerait d'ad-
mettre que l'on pût changer le rythme d'un introït, d'un graduel, d'un
répons qui se chante partout depuis des siècles de la même manière.
Quant aux différentes modulations appliquées aux offices et aux messes
de concession récente, l'Église les tolère, malgré les inconvénients qui
en résultent. Mais cette diversité disparaîtra lorsque sera venu pour
cette partie de la science ecclésiastique, comme il est déjà arrivé pour
d'autres points, le temps du triomphe de la vérité. Ajoutons que l'on
ne paraît pas rejeter l'usage de certains chants populaires et non litur-
giques des antiennes à la sainte Vierge à la fin de l'office.
§ H. — De l'usage du plain-chant musical.
11 est d'usage, en certaines églises, surtout aux grandes solennités,
de chanter plusieurs parties de l'office ou de la messe en plain-chant
musical. C'est ordinairement, à la messe, le Kyrie, le Gloria in ex-
celsis, le Credo, le Sanctus et YAgnus Dei ; aux vêpres, le premier ou
le dernier psaume ou les deux, et le cantique Magnificat. Cette cou-
tume, comme on le comprend suffisamment par tout ce qui a été dit
précédemnfent, ne présente rien de contraire aux règles de la liturgie ;
l'usage des Messes en musique est même très-fréquent à Rome. Seu-
lement nous exprimerons ici le désir de voir remplacer par des for-
mules du chant grégorien les modulations plus ou moins bizarres de
quelques Messes devenues populaires en France.
88 du chant ecclésiastique,
§ 12. — Conclusion.
Ces observations détaillées nous ont paru nécessaires, Elles sont le
résultat des recherches que nous avons été amené à faire pour pouvoir
résoudre les questions qui nous ont été adressées ou pour connaître les
difficultés de solution présentées par quelques-unes. Nos remarques ne
peuvent avoir de caractère scientifique, ou si elles en présentent
quelqu'un, il est fort incomplet^ et elles ne sont autre chose qu'une
nouvelle requête présentée aux personnes qui ont bien voulu prêter
leur concours à la restauration du chant grégorien. Cette requête con-
sisterait à demander, soit dans les livres d'ofiice qu'il y aurait lieu
d' éditer de nouveau, soit dans un ouvrage spécial qui pourrait servir
de livre supplémentaire dans tous les diocèses, n'importe quel livre
d'office on ait adopté, l'exécution des principes ci-dessus énoncés, s'ils
sont bons, avec les modifications que l'on croirait nécessaires. Indiquer
les divers chants suivant qu'ils sont donnés par les livres authentiques,
et mettre en supplément tous ceux que l'on croirait pouvoir être cou-
se rvés ou introduits dans les saints offices.
P. R.
I
CORRESPONDANCE.
Monsieur le^ Rédacteur,
Mes travaux habituels et ma santé ne m'ont pas permis de répondre
plus tôt à la lettre que vous a adressée le R. P. Ramière, et que vous
avez publiée dans votre savante Revue (20 janvier dSG^). Vous avez
eu la bonté d'ajouter à la fin de celte lettre que le temps ne vous avait
point permis de me la communiquer. Je le regrette ; car alors j'aurais pu
présenter tout de suite à vos lecteurs les quelques observations que je
vous adresse aujourd'hui^ et que votre impartialité bienveillante voudra
bien, je l'espère, se hâter d'accueillir.
A dire vrai, j'étais loin de penser que la petite lettre publiée dans
votre numéro de novembre 1863, sous les initiales F. J., pût exciter
â ce point la verve féconde du R. P. Ramière, que je n'avais indiqué
ni de près ni de loin, et dont j'estime" considérablement le double ca-
ractère sacerdotal et religieux, les talents et les vertus.
En effet, quel était le but de ma lettre du mois de novembre 1863?
C'était tout simplement de signaler à vos lecteurs le mouvement admi-
rable qui s'opère et s'étend de toutes parts en faveur de saint Thomas
et de ses doctrines, et aussi d'appeler leur attention spécialement sur
la philosophie du R. P. Liberatore, adoptée récemment dans quelques
séminaires de France, en ayant soin de faire remarquer qu'elle repro-
duit plus fidèlement la doctrine de l'Ange de l'École, que la philo-
sophie du R. P. Tongiorgi.
Or, le R. P. Ramière ne saurait me faire un crime de préférer l'une
de ces philosophies à l'autre, quand même j'aurais su (je l'ignorais
alors) que le R. P. Ramière avait renoncé à faire paraître son propre
Cours de philosophie, pour éditer en France XeCompendïnmàn P. Ton-
giorgi. Que me reproche donc le P. Ramière?
D'être le censeur sévère du R. P. Tongiorgi, de lui faire un crime
de s'être écarté de la doctrine de saint Thomas, dans des points qu'il
Revue des sciences ecclés., t. x, — jwlleï 1864, 7
90 CORRESPONDANCE.
me plaît d'appeler fondamentaux^ et enfin d'avoir dît que l'adoption de
la philosophie du P. Tongiorgi serait un RECUL dans le mouvement
qui s'opère en faveur du Docteur angélique.
Mais, j'en appelle ici à tous ceux qui ont lu ma lettre, sans idées
préconçues, en quoi me suis-je montré censeur sévère du P. Tongiorgi?
Est-ce en disant que ce docte Père suit saint Thomas en certains
points? Est-ce en signalant sa philosophie comme un progrès sur
certains traités modernes'! Non, sans doute. C'est donc en faisant
un crime au P. Tongiorgi de s'être écarté de la doctrine de saint
Thomas, etc., etc.
Voici ma réponse :
Je n'ai point fait un crime au P. Tongiorgi d'avoir cru pouvoir
s'écarter de la doctrine philosophique de saint Thomas, même dans les
points que j'ai signalés; car je n'ignore pas que l'on peut, sans crime
aucun, suivre, sur les questions non tranchées par l'Église, le sentiment
sufifisamment probable de tel ou tel docteur. Je suis loin de proscrire
toute liberté de discussion sur les points les plus discutables, d'exiger
la même adhésion pour les théories purement probables et pour les
dogmes évidemment démontrés. Je n'ai jamais dit que pour une théorie
purement philosophique il suffisait de l'appuyer de l'autorité d'un nom,
ce 7iom fût-il celui de saint Thomas. Je comprends très-bien, et je suis
loin d'exprimer à ce sujet le moindre blâme, que les évéques de
Bruges et de Liège, pour lesquels je suis plein de vénération et dont je
reconnais sans peine la grande autorité, aient adopté avec éloges l'ou-
vrage du P. Tongiorgi; je désirerais même que d'autres évoques en
fissent autant, et consentissent à remplacer par ce livre d'autres livres
qui lui sont à coup sûr bien inférieurs. Les séminaires oùs'opèrerait cet
heureux changement ne reculeraient en aucune façon ; ils accompliraient
même un véritable progrès.
Mais là n'est pas la question. Ce qu'il y a de capital dans la lettre
du R. P. Ramiére, le voici (le reste me semble un hors d'œuvre):
Est-il vrai, oui ou non, que le R. P. Tongiorgi se sépare de la doc-
trine de saint Thomas sur les points que j'ai indiqués, c'est-à-dire sur
la question de l'essence et de l'existence, de la substance et de l'acci-
CORRESPONDANCE. 91
dent, de la matière et de la forme ? Ces points sont-ils fondamentaux
dans la doctrine de saint Thomas? Si les réponses ù ces deux questions
doivent être alTu matives^ et si d'autre part, il est constant que lé
R. P. Liberatore suit fidèlement, en ces matières, la doctrine de l'Ange
de rÉcole> j'étais en droit de conclure que Yadoplion de la philo^-
Sophie du R. P* Tongiorgij au détriment de celle du P. Liberatore^
serait nn point d'arrêt, pour ne pas dire un recul, dans le mouvement
qui s'opère en faveur du Docteur angélique (1).
1° Le R. P. Ramiére ne nie point que, sur la question de la sub-
stance et de Vaccidenl, le P. Tongiorgi s'écarte de la doctrine, non-
seulement de saint Thomas, mais de tous lesscolastiques. Sur la question
de la matière et de la forme, le R. P. Ramiére avoue que le P. Tongiorgi
est radicalement opposé à saint Thomas, j'ajoute encore, à tous les
scolastiques, et même à saint Augustin, si explicite et si remarquable
sur cette question.
Reste la question de Vessence et de l'existence, sur laquelle le
R. P. Ramiére affirme que le P. Tongiorgi n'a pas une doctrine diffé-
rente de celle du Docteur angélique (2).
J'en demande bien pardon au R. P. Ramiére. J'affirme le contraire,
et tous ceux qui se donneront la peine de comparer la doctrine du
P. Tongiorgi avec celle de saint Thomas sur ce point seront de mon avis.
Le P. Tongiorgi admet bien, il est vrai, comme tous les auteurs, que,
dans les êtres contingents, l'existence est réellement distincte de l'es»
sence possible. Là dessus point de difficulté. Mais saint Thomas va plus
loin. Il enseigne toujours, que dans les être créés hic et nunc, l'essence
(1) En disant que l'adoption de la philosophie du I** Tongioî'gi serâit>
(s'il fallait m'en croire), un recul dans le mouvement qui s'opère en faveur
du Docteur Angélique, le R. P. Ramiére fait subir à mon texte une mo-
dification qui altère le sens dé ma pensée; je ne suis pas aussi absolu
que le R. Père semble le supposer.
(2) En énonçant sa doctrine, le R. P. Tongiorgi n'ose pas assure^
qu'elle soit réellement celle de saint Thomas. Essentiam exisientem ab
essentia abstracta... reaider distingui... Atque hoc pacto intelligendus
VIDETUR S. Thomas, quotiescumque docet essentiam ab existentia realiter
distingui. |P. Tongiorgi, Ontolog., c. m.) Le P. Tongiorgi n'a osé dire'
que videtur.
92 CORR ESPONDANCE .
aetuée comme eisence, se distingue réellement de l'existence, bien
qu'elle en soit naturellement ins(^parable (1). L'essence est le sujet ou
le premier acte qui reçoit l'existence, laquelle est le dernier acte reçu.
Ce n'est pas ici le lieu d'expliquer et de venger au besoin la sublime
et profonde doctrine de saint Thomas sur ce point. J'engage le
R. P. Ramière à lire spécialement le c. 57 du livre 2« Cont. Gentes^
la q. 7 de Potent., art. A, la q. 3, art. 4 de la i'^ part, de la So7nme
théologique (voir encore 1" part., q. 34, art. 3, Opusc. 13, c. 8 et 9,
de Spirit. créât., art. 4), et je ne doute pas qu'un examen sérieux des
textes ne le convainque de la véritable pensée du Docteur angélique (2).
Il est vrai qu'il sera encore libre de rejeter la doctrine de l'Ange de
l'École, et de rester dans le camp de ceux qui, à la suite de Durand,
(Durand fût un des premiers à attaquer saint Thomas à ce sujet) pré-
tendent qu'il n'y a poiat de distinction réelle entre Vessence actuelle et
Vexistence dans les êtres créés.
(d) Autre chose est la distinction, autre chose est la séparation. Dans
tout être créé, il y a au moias deux réalités entièrement distinctes l'une
de l'autre, bien que naturellement inséparables : l'une qui spécifie l'être,
qui le range dans telle catégorie déterminée, et l'autre qui le complète,
l'actue en dernier lieu, le met tout-à-fait extra nildlum et extra causas.
\jdL première est Vessence, la seconde, l'existence, que l'on peut définir
ultima essendi actualitas.
(2) Non-seulement tous les thomistes proprement dits, mais encore
plusieurs autres auteurs, tels que Sylvius, etc., reconnaissent d'un com-
mun accord que saint Thomas enseigne, en plusieurs endroits, la dis-
tinction réelle de l'essence actuelle el de l'existence. Le R. P. Libera-
tore affirme sans hésitation que tel est l'enseignement de saint Thomas,
auquel est opposé celui de Suarez. Ce même P. Liberatore qui, dans la
première édition de sa Philosophie, avait enseigné l'opinion de Suarez,
s'est rangé, dans sa dernière édition, à la doctrine de saint Thomas.
Voici les paroles dont il se sert, et que nous recommandons â l'at-
tention du P. Ramière: .... Quamvis hactenus posteriori (sententise
Suarezii) adhœserim, nunc tamen, remelius perpensa, in super iorern (seu-
tentiam D. Thomas) valde proptndeo. Atque ad id moveor duplici potissimum
ratione. Primum, auctoritate S. Thomœ, cujus doclrinœ partes, saltem
prœcipuœ, adeo sunt iitter se connexœ, ut si unam removeas, cœterœ omnes
vacillent.... Altéra ratio quœ me movet, est quod argumentatio contraria
Suarezii super ius allata, œquivocaliones nonnullas continet, quœ, si dis-
tinguantur, vim retinere non videntur, etc. [Metaphys. gênerai., c. I,
art. 3.)
CORRESPONDANCE. 93
Quant à l'absurdité que le R. P. attribue à un thomiste de ses amis,
je n'en dirai rien, sinon qu'elle est énorme et singulière. Mais je sup-
plie l'excellent Père de croire qu'aucun disciple sérieux de saint Thomas
ne s'est jamais avisé de concevoir l'essence du monde actuée dès l'éter-
nité, sans que le monde existât . L'essence actuée, complétée ^u l'exis-
tence, peut fort bien être conçue par l'esprit (je ne dis point par l'ima-
gination) comme une réalité distincte de l'existence, id est, utsubjectum
participans aclualitatem essendi; mais Vessence qui n'a point reçu
l'existence, n'étant que l'essence possible, ne saurait être complètement
extra nihilum et causas sans l'existence. Cela est élémentaire dans
l'École de saint Thomas.
Il me semble donc suffisamment établi que le R. P. Tongiorgi se
sépare de saint Thomas sur la matière et la /orme, la substance et l'ac-
cident, l'essence et l'existence.
20 Je dois, pour achever de répondre au R. P. Ramière, montrer
que ces points sont fondamentaux dans la doctrine de saint Thomas et
que s'il m'a plu de les appeler ainsi, ce n'était point sans motif.
Et d'abord, quant à la question de-l'essence et de rea;is/e«ce, voici
comment s'exprime le R. P. Liberatore : Quod autem hssc sententia
(de saint Thomas sur l'essence et l'existence) sit ex punctis non levis
MOMENTi doclrinœ. ejus, apparet tum quia S. Doctor ipsum ssepissime
inculcat, tum quia inde desumit plerumque argumenta ad perfectiones
prsesertim divinas demonstrandas {loc. cit.). Ce que dit le R. P. Libe-
ratore est l'exposition de la pensée de tous les commentateurs fidèles de
saint Thomas. Le célèbre P. Goudin, dans sa Méthaphysique, commence
son article de la Distinction de l'essence et de l'existence par ces paroles
remarquables : Celebris est hxc difjicidtas, et una ex fundamënta-
LIBUS IN DOCTRINA D. ThomSC.
Sur la question de la matière et de la forme, il suffit d'ouvrir un saint
Thomas pour voir le rôle immense qu'y joue la solution donnée à celte
grande question par le saint Docteur. C'est abandonner saint Thomas
sur une foule innombrable de points, que de se séparer de lui, dans sa
belle et féconde théorie sur la inatière et la forme. Dans son premier
numéro de juin 1854,1a Civiltà catiolica, dont l'autorité est si grande,
9A CORRESPONDANCE .
affirme positivement que la doctrine des seolastiques (et par là même de
saint Thomas) sur ee point particulier, est un des principaux fonde-
ments DE LA PHILOSOPHIE, et qu'elle a des liens très-étroits avec p/w-
sieurs questions théologiques (p. 580).
Les mêmes observations peuvent s'appliquer à la question de la sub-
stance et de l'accident, question capitale en philosophie, si étroitement
liée en particulier au dogme eucharistique, et qui revient de mille façons
en la doctrine de l'Ange de l'École. DuresteleR.P.Ramière lui-même,
dont j'approuve si fort les tendances, l'ardeur et la science scolastique,
n'a pu s'empêcher d'appeler les deux questions de la substance et de
l'accident, de la matière et de la forme, deux grandes questions.
Ce n'est donc point par pure fantaisie que j'ai appelé fondamentau:r
les deux points philosophiques signalés dans ma lettre. Ces points, er
effet, reviennent à chaque instant dans les œuvres de saint Thomas; il?
servent de base à une grande partie de ses orguments rationnels ; et
c'est même, disons-le en passant, à cause de la difficulté de comprendre
ces notions capitales de la doctrine de l'Ange de l'École, qu'un si grand
nombre d'intelligences sont arrêtées dans l'étude de ses magnifiques
ouvrages.
J'en ai dit assez pour maintenir énergiquement l'affirmation de ma
lettre, à savoir que le P. Tongiorgi ne suit pas saint Thomas aussi fidè-
lement que le P. Liberatore, et cela dans les points fondameîilaux de
sa doctrine.
Mais, comme je n'ai nullement soutenu que le P. Tongiorgi fût en
cela condamnable; comme je n'ai jamais prétendu qu'il suffisait d'ap-
puyer une théorie purement philosophique sur l'autorité d'un nom, ce
nom fiU~il même celui de saint Thomas, et d'en appeler à l'ipse dixit;
comme je suis loin de vouloir sacrifier les intérêts du vrai progrès â
ceux d'une tradition contestable; comme je me suis bien gardé de
vouloir restreindre la liberté dans les choses douteuses, je me demande
contre qui se bat le R. P. Ramière à la fin de sa lettre. Ce n'est pas
contre moi, à coup sûr.
J'ai dit, il est vrai, que la doctrine de saint Thoraais était tout d'une
pièce (dans ses points fondamentaux, cela va de soi), et que l'ébranler
CORRESPONDANCE. 95
sur un de ces points c'était l'ébranler sur les autres; c'est là une vérité
reconnue de tous ceux qui connaissent saint Thomas, une vérité que
proclamait tout à l'heure le R. P. Liberatore ; mais de là à assimiler
les thèses pJdlosophiques du saint Docteur et les dogmes, il y a loin.
On peut être bon catholique, et penser autrement en philosophie que
saint Thomas, mais est-on aussi bon philosophe? C'est une tout autre
question.
Du reste, je suis persuadé, comme le R. P. Raraière, que si saint
Thomas revenait parmi nous, il ne tiendrait pas pour non avenus les
travaux que l'esprit humain a accomplis depuis cinq siècles. J*ai peine
à croire, il est vrai, qu'il reconnût en tout l'incomparable Suarez
comme son héritier, parce que certaines modifications apportées par cet
illustre théologien à la doctrine du maître me semblentêtre plus que des
modifications de détail. Mais ce que je pense et ce que j'affirme, c'est
que le Docteur angélique reconnaîtrait bien plutôt pour ses héritiers le
R. P. Liberatore et les rédacteurs de la Civiltà cattoUca, qui s'efforcent
de marcher avec tant d'intelligence sur ses lumineuses traces, que le
P. Tongiorgi et le R. P. Ramière qui, avec tous les talents que je leur
reconnais, croient avoir de bonnes raisons de se séparer de lui.
Est-ce à dire que je sois de ces thomistes n^ourewx qui n ont jamais
voulu consentir à laisser discuter le moindre iota de la doctrine du
Maître ?
Ces thomistes, je ne les connais point; s'ils existent, je les répudie.
Tout théologien catholique, fût-il thomiste ardent, doit consentir à
laisser discuter des théories qui n'ont pas reçu la sanction suffisante de
l'Église; il est même bon que les discussions rationnelles s'engagent
sur des matières libres. Et je ne sache pas que les vrais disciples de
saint Thomas aient jamais craint d'en appeler à la science et à la raison,
pour justifier les théories du saint Docteur.
Comme vous, Monsieur le Rédacteur, je confesse volontiers que
Vétude de la scolast'ique ne peut être féconde qu'à la condition d'être
intelligente; comme vous encore, je suis loin de penser qu'il /ai We suivre
l'Ange de l'Ecole aveuglément et sans discussion. Mais je suis persuadé
que plus on l'éludiera sérieusement et consciencieusement, en s'aidant
96 CORRESPONDANCE,
des lumières de la foi, de la raison, et des conquêtes légitimes de la
science moderne, pius on reviendra à la doctrine de saint Thomas, à ses
grandes thèses méthaphysiques et fondamentales, que n'atteignent nul-
lement les vérités dont les sciences physiques peuvent nous mettre en
possession. La doctrine du précepteur angélique est, dans son ensemble
et ses grandes lignes, un magnifique effort de l'esprit humain. Ge qui
était vrai du temps de saint Thomas est encore vrai aujourd'hui. Le
saint Docteur a mis la dernière main à l'édifice théologique commencé
par les Pères et si avancé par saint Augustin. Travaillons donc à per-
fectionner, à embellir, à consolider, à illustrer ce superbe palais. Mais
gardons-nous d'en détruire les assises ou les constructions principales.
Conservons saint Thomas substantiellement, perfectionnons-le acciden-
tellement. Je dis plus. Croirait-on devoir s'écarter de saint Thomas,
qu'il faudrait encore, et cela pour mille motifs, connaître et approfondir
sa doctrine, d'autant que, comme l'a si bien dit un des Pères de la
Compagnie de Jésus : Didicit omnes qui Thoman intelligit, nec totum
Thomam vitelligit, qui omnes didicit (Labbe).
Or, pour arriver à l'intelligence de saint Thomas, ne vaut -il pas mieux
s'attacher aux auteurs qui reproduisent le mieux ses enseignements? A
ce point de vue,— c'est celui auquel je me place, — le choix entre le
P. Liberatore et le P. Tongiorgi ne saurait être un instant douteux.
J'ai gardé l'anonyme en ma première lettre (1), je le garde encore
dans celle-ci, nonobstant la remarque du R. P. Ramière sur le peu
de cas qu'il est très-permis en général de faire des autorités anonymes.
Je ne suis poinl et je ne me pose point comme une autorité. Mon nom
du reste n'ajouterait rien aux initiales F. J.; et le R. P. Ramière d oit
savoir qu'il existe souvent des motifs légitimes de taire son nom, surtout
quand la discussion ne porte que sur des points de doctrine. Que je
sois connu ou inconnu du P. Ramière, cela importe peu à la question
de savoir si j'ai tort ou raison. — Daignez agréer, etc. F. J.
(1) Il va sans dire que l'anonyme n'existe pas pour la Direction de la
Revde. Nous n'acceptons aucun article, aucune communication, sans
que l'auteur se fasse connaître de nous, alors môme qu'il a de bonnes
raisons pour ne pas livrer son nom au public. {Note de la Rédaction.)
INDULGENCE DE LA PORTIONCULE.
L'approche du jour mille fois béni de la fête de Notre-Dame des
Anges (2 août), nous fournit l'occasion de rappeler en quelques mots
la célèbre indulgence de la Portioncule, celte source abondante de
richesses spirituelles ignorée d'un grand nombre de catholiques ou
négligée par d'autres, qui la connaissent parfaitement ; car la France
possède toujours, grâces à Dieu, beaucoup d'églises et de chapelles
publiques des enfants de Saint-François d'Assise, de l'un ou de
l'autre sexe, ou du tiers-ordre franciscain, et on sait que de nom-
breuses églises paroissiales et autres sont aussi enrichies, par con-
cession pontificale, du privilège de la Portioncule (1). On sait aussi
que les églises de France qui ont appartenu autrefois à l'ordre fran-
ciscain conservent le privilège de cette indulgence; mais on ne la
gagne, dans ces églises, que depuis l'heure des vêpres du samedi qui
suit immédiatement le 1" août jusqu'au soir du dimanche suivant (2).
Un autre privilège très-remarquable attaché à cette indulgence,
c'est la faculté accordée à tous les fidèles indistinctement de la gagner,
non pas une fois seulement à l'époque de l'année sus indiquée, mais
chaque fois, etautant de fois qu'ils visitent, en y priant, l'une ou l'autre
des églises ou chapelles qui jouissent de l'indulgence de la Portion-
cule (3), depuis l'heure des vêpres (cette heure peut commencer dés
midi) du i"^ août jusqu'au dernier crépuscule du jour suivant. On a
usé de tout temps de ce privilège; Benoît XIV le reconnaît, et plu-
sieurs décrets de la Congrégation du Concile (12 juillet 1700 et
4 décembre 1723), et de celle des Indulgences (22 février 1847 et
(1) On peut lire, sur ce sujet, l'excellent opuscule intitulé : Disserta-
tion sur rindulgence de la Portioncule, par le P. Laurent, de l'Ordre des
Frères-Mineurs-Capucins. Paris "et Lyon, Guyot frères, 1851.
(2) Décrets du 20 juin 1817 et du 4 mai 1819, approuvés par Pie VII.
(3) 11 est nécessaire et indispensable de sortir de l'Église après chaque
visite, puis d'y rentrer pour une nouvelle visite. L'intervalle entre
chaque visite est laissé à la dévotion de chacun,
98 BIBLIOGRAPHIE.
24 décembre 1819), qui furent confirmées par le glorieux Ponlife
heureusement régnant (1), constatent et confirment ce privilège.
La communion n'est pas prescrite pour la chapelle de la Portion-
cule renfermée aujourd'hui dans l'enceinte de la basilique de Notre-
Dame des Anges, mais elle est exigée pour toutes les autres églises
ou chapelles : seulement, on peut la faire en quelque lieu que ce soit.
Toutes ces indulgences sont applicables aux défunts.
Les Souverains-Pontifes, persuadés que, dans les vues de la Provi-
vidence, cette sublime expansion de la divine Miséricorde était un
bienfait général, s'adressant à tous les fidèles, ont élevé leur voix pour
en étendre le fruit à l'univers entier, comme un moyen puissant
et efficace de conversion et de salut. Quel aiguillon, en effet, pour ré-
veiller dans les âmes le sentiment religieux, pour leur rendre le cou-
rage et la sainte espérance de la vertu, que cette preuve touchante de
la bonté divine, que cette facilité de se purifier aux yeux de Dieu,
d'effacer toute une vie de péché et d'acquitter tant de dettes anciennes
et nouvelles amassées sur leur tête, comme des trésors de colère ! Pro-
fitons donc de cette grâce si précieuse partout où il nous est possible
d'en jouir, et faisons-en sentir le prix aux âmes dont la direction nous
est confiée. N.^G, Le Roy.
BIBLIOGRAPHIE.
Dionjsii Petarii opus de theojo^icis dogmatibus, a J.-B. Thomas, in
Semiuario Virduaensi Theologiae Professore, recogaituin et aaaolaluin.
Tomu3 I. Barri-Ducis, typis et sumptibus L. Guérin. 1864. Iq-4o de
xviu-629 pp. et portrait.
Les Dogmes théologiques du P. Petau sont un ouvrage de premier
ordre, et donton ne peut absolument se passer pour une étude sérieuse
de la dogmatique. Laissons parler un critique peu suspect, Ellies Du-
pin. « Il y a, dit-il, une érudition et une recherche prodigieuse dans
(1) Voir la Raccolla di Indulgenze, édit. roni. de 1855, p. 369,
BIBLIOGRAPHIE. 99
cet ouvrage du P. Petau. Il y traite l'histoire et le dogme avec étendue.
Il serait peut-être à souhaiter qu'il eût gardé un peu plus d'ordre et
de méthode, et qu'il ne se fût pas efforcé, comme il a fait en quelques
endroits, de trouver dans les Pérès la solution de questions scholastiques
auxquelles ils n'ont point pensé. Mais on ne peut nier que ce savant
jésuite n'eût un génie trés-élendu et trés-vaste, une lecture surpre-
nante, une facilité merveilleuse à écrire, particulièrement en latin. Il
a excellé également dans les belles-lettres, dans la science des langues,
dans la poésie, dans l'astronomie, dans la géographie, dans la chrono-
logie, dans l'histoire et dans la théologie. II est rare de trouver un
auteur qui ait su tant de chi)ses, qui ail tant travaillé sur différentes
matières, et qui ait réussi en tout genre. »
Aussi les Dogmata theologica ont-ils recueilli les suffrages les plus
éclatants, que l'on peut voir résumés ou reproduits en tête de la nou-
velle édition de Bar-le-Duc. C'est donc répondre à un besoin du
moment que de les remettre en circulation : c'est aider le mouvement
de restauration des sciences théologiques dont nous sommes les té-
moins.
On l'avait essayé, il n'y a pas longtemps, dans la capitale du monde
chrétien. L'imprimerie de la Propagande publia, en 1857, un splen-
dide volume sous ce titre : Dionysii Petavii, Aurelianensis, e S. J.,
opus de theologkis dogmatihus expolitum et auctum collatis siudiis
Car. Passaglia et Clém. Schrader ex eadem Societate. Hélas ! c'est le
seul qui parut. On sait par quelle suite de circonstances déplorables le
principal promoteur de l'œuvre fut enlevé à la science théologique, à
l'Ordre qui l'avait accueilli dès sa jeunesse, et, nous avons la dou-
leur de le dire, à l'Eglise romaine, qui l'avait nourri dans son sein et
comblé de ses faveurs. Dieu le rendra aux ferventes prières de ses
disciples, qui ont préféré suivre ses leçons d'autrefois plutôt que ses
exemples d'aujourd'hui : trop de prières le demandent pour qu'elles
ne soient pas exaucées.
L'édition romaine est donc restée au premier volume. Il n'est pas
probable qu'elle soit jamais continuée. Mais voici qu'au lieu d'une
(1) Bibliothèque des Auteurs ecclésiastiques, xviie siècle, t. ji, p. 236,
100 BIBLIOGRAPHIE,
réimpression, nous en posséderons deux, l'une qui va paraître chez
M. Vives, l'autre qui s'imprime à Bar-le-Duc, et dont nous avons le
premier volume sous les yeux. Cette concurrence, de quelque part
qu'elle vienne, est regrettable : nous avons dit ailleurs notre pensée
là-dessus. Nous ne savons à qui notre critique doit s'adresser ici. Mais
quand un éditeur se décide à faire de grands sacrifices pour réimpri-
mer un ouvrage qui, à raison de sa nature spéciale, ne s'adresse pas
à un public très-considérable, il faudrait qu'on n'allât pas immédiate-
ment sur ses brisées. Avec ce mercantilisme étroit on finirait par
rendre impossible toute entreprise de ce genre.
Nous n'avons que des éloges à donner à la partie matérielle et typo-
graphique. Le caractère est grand et beau; le papier est très-conve-
nable et en même temps solide ; la correction, autant que nous avons
pu en juger par un premier examen, nous a paru soignée. Le tome I
contient, outre les prolégomènes, les sept premiers hvres du traité de
Deo Deique proprielatibus. Il doit y avoir en tout huit volumes, du
prix de 8 fr. 50 c. chacun pour les souscripteurs. Ils reproduiront
tous les traités et opuscules que renferme l'édition de Zaccaria
(Venise 1757). M. l'abbé Thomas ajoute au texte quelques notes très-
courtes. Il comprendra sans aucun doute la nécessité d'annoter d'une
manière plus complète le premier livre du Traité de la Trinité, et de
mettre dans tout son jour la doctrine des anciens Pères sur le Verbe.
Il pourra se servir utilement de la remarquable Histoire des Dogmes
avant le Concile de Nicée, parle D"" Schwane (1).
Quand l'ouvrage aura entièrement paru, nous le ferons connaître
dans toutes ses parties, en le soumettant à un examen plus complet.
Aujourd'hui, cette courte annonce suffira pour appeler l'attention sur
une des publications les plus sérieuses et les plus importantes de
l'époque. E. Hautcœur.
Cours de Conférences sur la Relig^ion, par M. l'abbé Rua.
2« éd. Paris, V. Palmé. 3 vol. in-lâ de li-1412 pp.
Voici une nouvelle édition augmentée d'un Hvre qui a été bien ac-
cueilli dès l'origine, et revêtu de nombreuses approbations. Quelques
(1) Dogmengeschichte der vornicœnischen Zeit Munster, ISôi.
BIBLIOGRAPHIE. 101
mots feront connaître le fond, la forme et la méthode du Cours de
Conférences.
L'auteur y traite à peu près toutes les matières qui doivent être
développées du haut de la chaire chrétienne : les preuves générales
de la religion, les dogmes, les sacrements, le culte, les fêtes, les ver-
tus, les vices, les fins dernières. 11 consacre déplus quinze conférences
à l'histoire de l'Église. La richesse de ce fond recommande beaucoup
l'ouvrage. Pour exercer le ministère de la prédication, il n'est sans doute
pas permis de s'en tenir à un sermonnaire ou cours de conférences,
quelque parfait que puisse être un tel recueil. Il faut que le prédicateur
ait fait des études plus vastes, et qu'il ait médité par lui-même
les sujets qu'il traitera devant les fidèles. Mais il nous semble que
même un homme d'étude doit être heureux de retrouver ces sujets
d'instruction et d'exhortation resserrés dans un cadre à la fois
assez vaste pour les contenir tous, et assez restreint pour se prêter
à l'instruction des fidèles. Tout en rendant pleine justice aux efforts
qu'a faits l'auteur pour être le plus complet possible, nous eussions
aimé qu'il ne nous présentât pas iui-même'son livre comme le plus
complet, le plus suivi, le plus neuf sous bien des rapports et peut-être
aussi le plus solide qui ait encore paru. Nous pensons que ces appré-
ciations doivent être abandonnées à la sagacité du lecteur, qui décerne
plus volontiers ses éloges quand l'auteur se montre plus réservé.
Nous engagerions volontiers M. l'abbé Rua à supprimer dans une
troisième édition ces épithètes, et les passages de son introduction où
il les commente avec emphase. Son livre ne pourra qu'y gagner.
La forme du Cours de Conférences est attachante et pleine de vie
L'auteur semble les donner telles qu'il les prêche lui-même. On
y trouve souvent des tableaux animés et des idées neuves, mêlés à des
passages de prédicateurs ou conférenciers modernes tels queLacordaire,
Ravignan, Mac-Carthy, etc. Les divisions sont simples, naturelles, et
pourront souvent être suivies utilement.
L'auteur suit la méthode historique : le Pentateuque, — Dieu et ses
perfections, — Rédempteur à venir, — Nouveau Testament. Puis
viennent les séries de conférences qui ont pour titre : Jésus-Christ Dieu,
102 BIBLIOGRAPHIE.
— Jésus-Christ docteur (fins dernières, décalogue), — Jésus-Christ
sanctificateur (sacrements), — Jésus-Christ Rédempteur, — l'Égliso,
son histoire, ses fêtes. — Cette méthode a permis à M. Rua de bien déli-
miter ses différents sujets et offre au lecteur le moyen de se retrouver
dans son œuvre avec une grande facilité. Nous n'aurions pas à en cri-
tiquer l'emploi s'il ne s'agissait que d'un grand catéchisme. Mais nous
ne pouvons en aucune façon accepter le jugement de l'auteur sur les
avantages de cette méthode pour les instructions ordinaires à adresser
aux fidèles. Nous croyons qu'elle ne répond ni aux besoins des âmes, ni
à l'esprit de l'Église.
Si nous n'avions devant nous que des hommes complètement étran-
gers non-seulement à la pratique, mais aussi à la foi chrétienne, celte
marche s'expliquerait, bien qu'encore elle ne fût pas la meilleure. Ce
que nous leur devrions ce serait des conférences et non des sermons.
Mais en face d'auditeurs chrétiens, il nous semble qu'il est anormal
d'imiter le genre de prédication si brillamment représenté à Notre-
Dame de Paris. Autant nous recueillons avec bonheur les éloquentes
conférences tenues dans celte chaire exceptionnelle, autant nous
regretterions d'en retrouver l'imitation auprès d'auditeurs à la fois
moins cultivés pour l'esprit et plus chrétiens par le cœur. Les hommes
qui assistent à nos sermons sont généralement des hommes qui croient,
et chez lesquels il s'agit surtout de développer la vie chrétienne, de
rendre efficace la foi qui est en eux. Bien plus, ils ne sont le plus souvent
que l'élite des fidèles croyants et pratiquants ; ils assistent au sermon
autant pour remplir un devoir de religion que pour s'instruire. Est-il
bon de faire devant de tels auditeurs des conférences au lieu de ser-
mons?
Ce n'est pas ainsi que l'Eglise entend les instructions à donner au
peuple chrétien. Ne nous fait-elle point parcourir chaque année le cycle
complet de ses fêtes ? Or est-il possible dans ces jours de solennité de
laisser dormir les émotions que les mystères doivent éveiller dans l'âme
des fidèles? En outre, l'Eglise nous donne chaque dimanche uneépître
et un évangile à méditer. N'est-ce pas là que nous devons chercher avant
tout le point de départ de nos instructions, et n'est-ce pas à ces pas-
CHRONIQUE. 108
sages de l'Écriture-Sainte;, et à l'objet de ces mystères qu'il faudra
rattacher l'enseignement pour y revenir sans cesse^ après avoir fait de
temps en temps une série d'instructions sur un sujet déterminé f
Faut-il admettre avec M. l'abbé Rua que o ce n'est pas savoir la
religion que d'en connaître seulement quelques lambeaux décousus et
sans ordre; qu'il faut en poséder l'ensemble, discerner les rapports
qu'ont entre elles ses différentes parties, et en connaître la liaison qui
en fait un tout parfaitement coordonné? » (P. 3.) Il n'appartient qu'à un
théologien consommé de savoir ainsi sa religion. Mais nous croyons
que la connaissance raisonnée de la religion existe suifisamment chez
le chrétien qui a l'intelligence de son Credo, qu'elle doit surtout se
développer dans les catéchismes de persévérance, mais que les fidèles
ne sont pas généralement capables de faire la synthèse de toutes les
vérités du christianisme, et de saisir la logique qui relierait une série
d'instruction s de plusieurs années. Ils écouteront volontiers le prédi-
cateur qui leur parlera de l'évangile du jour, qui leur expliquera le
mystère de la fête, et leur en fera comprendre l'importance pour la vie
chrétienne ; mais ils ne seront pas capables de saisir le lien du ser-
mon d'aujourd'hui avec la conférence d'il y a un ou deux ans.
Nous désirons que ces divergences d'opinions entre M. l'abbé Rua
et nous ne fassent pas 'perdre de vue à nos lecteurs les mérites que nous
avons reconnus plus haut dans son livre. Nous nous faisons un devoir
d'ajouter avec Son Eminence le cardinal-archevêque de Bordeaux et
Monseigneur l'évêque de Gap, a qu'il peut être très-utile aux fidèles
qui ont besoin de s'éclairer et aux prêtres qui ont besoin d'un guide
pour instruire. » J.-I. Simonis.
CHRONIQUE.
4. Livres mis à l'index par décret du 20 juin 1864 :
La Divina Commedia, di Dante Alighieri, quadrosinottico,per Luigi
Mancini. Fano 1861.
Mosè, Gesù e Maometto, del barone d'Holbacb, con la giunta alla
Vita di Gesù, di E. Renan. Milano, tipografia Scorza, 1863.
10 A CHRONIQUE.
Mali délia ^Ihïesa e Rimedii, analisi e proposte del P. Antonio
Salvoni, ex-arciprete di Gavardo.
Victor Hugo, les Misérables. Paris, 1863.
Frédéric Soulié, les Mémoires du Diable; Si Jeunesse savait, si
Vieillesse pouvait, et alia id genus scripta auctoris ejusdem.
Stendlial (H. Beyle), le Rouge et le Noir, et ejusdem auctoris sirailia.
Gustave Flaubert, Madame Bovary; Salammbô.
Ernest Feydeau, Fanny, étude; Daniel^ étude; Catherine d'Over-
meyre, étude, et similia ejusdem auctoris.
M. Champfleury, le Bourgeois de Molinchart ; les Aventures de
mademoiselle Mariette ; le Réalisme, et alia ejusdem auctoris,
Mûrger (Henry), Scènes de la Bohême; Scènes de la Vie de
jeunesse ; le Pays latin, nec non alia opéra romanensia ejusdem.
H. de Balzac, le Père Goriot ; Histoire des Treize ; Splendeurs
et Misères des courtisanes ; Esther heureuse, et omnia scripla
ejusdem auctoris.
La Religieuse, par l'abbé X.,., auteur du Maudit. Paris, 1864.
Daniel, o sea la proximidad del fin del siglo y principio del
Reino universal de Jesu Cristo, hastaque es entregado a su Padre.
Madrid, 1862. Prohib. décréta Congreg. 1h aprilis 1864. Auctor
laudabiliter se subjecit.
2. A propos de l'article sur les Cérémonies du Baptême, publié dans
le n" de juin, p. 575, on nous écrit que le Rituel imprimé spécialement
à l'usage du diocèse de Beauvais et approuvé par induit du 5 juin 1 862,
contient les interrogations en langue vulgaire pour le baptême. Nul
doute, par conséquent, que le Saint-Siège ne soit disposé à donner ces
sortes d'induits.
3. 11 vient de paraître, à la librairie Lecoffre, deux monographies
sur des points de droit canonique : La Paroisse d'après les saints
Canons, par M. L. Malet, curé de Mont-de-Marsan (in-12 de 264- pp.);
Des Chapitres cathédraux en France devant l'Eglise et devant l'Etat,
par M. l'abbé Victor Pelletier, chanoine titulaire de l'église d'Orléans,
ancien vicaire général. (In-S" de viii-572pp.) Nous publierons pro-
chainement un compte-rendu détaillé de ce dernier ouvrage.
4. Guide pratique de la Liturgie romaine, par le P. A. Maurel, de
la C. de J. (Paris et Lyon, Pélagaud, in-i2 de xvi-451 pp. 3 fr.) Ce
petit livre, par sa brièveté, sa concision, sa clarté, sa solidité, est digne
de l'ouvrage si connu du même auteur : le Chrétien éclairé sur la nature
et l'usage des indulgences. 11 est approuvé par un décret formel de la
S. C. des Rites, du 19 février 1864. E. Hautcœur.
Arras. — Typ. Rousseau-Leroy, rue Saint-Maurice, 26.
ETUDE SUR LA LÉGISLATION MOSAÏQUE.
Troisième article.
Le troisième fait important de l'époque d'Abraham est
rinsiitution de la circoncision. Voici comment le D'" Hane-
berg parle de cette institution dans son Histoire de la révé-
lation biblique (III, /?ev. l'atr.^ ch. i) : « La circoncision fut
comme le sceau imprimé dans la chair du peuple élu pour
lui rappeler a jamais la vocation d'Abraham et de la race
propagée par son fils Isaac. Aucun document écrit, aucun
monument taillé de la main des hommes, ne pouvait aussi
sûrement conserver la mémoire de l'alliance divine que cette
institution sanglante, qui devait en même temps rappeler
au fidèle circoncis, que les forces de la génération ne doivent
point être abandonnées aux caprices aveugles de la concu-
piscence, mais qu'elles doivent être soumises, plus que
toute autre force, à la volonté divine, et légitimées par
l'obéissance. L'homme apprend par le glaive et le sang par
qui et comment la génération peut et doit être sanctifiée. »
Dans ces lignes, le D'^Haneberg ne fait qu'exprimer et tra-
duire la pensée des auteurs inspirés, notamment dans les
passages suivants : Deiiter. x, 16- xxx, 6. Jer. iv, 4; vi, 10.
Act. VII, Si. Boni. II, 28, 29. Phil. m, 3. Le second texte
allégué du Deutéronomeest particulièrement digne d'obser^
vation. Moïse dit au peuple : Circumcidet Dominus Deus cor
tuum et cor seminis iui ; ut diligas Doininwn Deum tuum in
toto corde tuo et in tota anima, ut possis vivere. Le Seigneur
intervient pour circoncire le cœur des enfants d'Israël,
Revue des Sciences ecclés., t. x.— août 1864, 8
106 ÉTUDE SUR LA LÉGISLATION MOSAÏQUE.
comme il est intervenu pour circoncire leurs corps, et cela,
afin que le peuple aime le Seigneur son Dieu de tout son
cœur et de toute son âme ; et cela encore, afin qu'il puisse
vivre. Il est important de remarquer, 1° la relation des
idées exprime'es. Moïse parle seulement de la circoncision
du cœur, parce que la circoncision corporelle n'était qu'une
figure de la circoncision spirituelle, ce qui ressort de la
manière dont les idées sont exprimées. Moïse se sert du
mot circoncire, pris dans un sens métaphorique, pour dési-
gner la circoncision spirituelle. 2" Les raisons de la circon-
cision spirituelle se confondent avec celles de la cir-
concision corporelle, parce que celle-ci a pour but unique
de figurer la circoncision de l'esprit et du cœur. Ces raisons
sont les mêmes, toutes les fois qu'une promesse renouvelle
la promesse fondamentale de l'Éden ^ le péché avait détruit
le principe de vie inhérent a l'humanité -, la promesse le
rétablit par Celui qui est la vie, et dont saint Jean a pu dire :
Et vita manifestata est (I Jonn. i, 2\ 3" Enfin, il est remar-
quable que Dieu est donné ici par Moïse comme l'auteur de
la circoncision spirituelle.
- L'étude du xvii" cbap. de la Genèse, où Abraham reçoit
la circoncision, jette aussi les plus vives lumières sur la na-
ture de ce fait important. Voici l'ordre des idées de ce cha-
pitre. Abraham est âgé de quatre-vingt-dix-neuf ans. Le
Seigneur lui apparaît, et s'appelle le Tout-Puissant. Il
change son nom d'Abram {pater excelsiis) en celui d'A-
braham [pater multitudinis populorum). Il lui annonce un
pacte solennel, d'après lequel Abraham deviendra le père
d'une immense postérité. Ce pacte ne sera pas exclusi-
vement personnel a Abraham^ il s'étend à la race
qui naîtra de lui dans toute la suite des siècles. Dieu
sera le Dieu d'Abraham et le Dieu de sa postérité. Le signe
de ce pacte sera la circoncision pratiquée sur Abraham et
sur tous ses fils. Les étrangers mêmes pourront donner leur
I
ÉlUDE SUR LA LÉGISLATION MOSAÏQUE. 107
nom a la famille d'Abraham, s'ils consentent à se laisser
marquer de ce signe. Le nom de Saraï {Domina mea) est
changé en celui de Sara [Domina], parce que Sara doit
contribuer pour sa part à la formation de la race choisie.
Dieu promet la naissance d'Isaac contre les lois naturelles,
qui ne laissaient ni a Abraham ni a Sara l'espoir d'une
postérité nouvelle, Abraham accomplit sur lui-même et
sur tous les membres de sa famille le précepte de la cir-
concision.
Exposons les faits qui résultent de cet ordre d'idées.
Premier fait : les noms d'Abraham et de Sara sont chan-
gés, en vue de la postérité à laquelle ils doivent donner
naissance. Nous n'insistons pas sur la signification des mots
Saraï et Sara, que quelques auteurs ont cherché à contes-
ter. Tous au moins sont unanimes a reconnaître la modifica-
tion que le nom d'Abraham a subie par l'insertion de la
lettre n entre le n et le û, et sur la signification du noni
ainsi formé. D'ailleurs, dans le texte même, aux versets 5
et 16, Dieu explique les deux noms nouveaux d'Abraham
et de Sara, et il les explique, parce qu'Abraham doit être
le père d'une multitude de nations, et parce que Sara doit
être la mère d'Isaac, cui benedicturiis sum, eritque in natio-
nes^ et reges popiilorum orientur ex eo. C'est donc en vue de
leur postérité que les noms de Sara et d'Abraham sont
changés. — Deuxième fait : la postérité d'Abraham et de
Sara devait se former par voie de génération. C'est ce que
prouve l'union constante établie par Dieu dans ce passage
entre Abraham et sa race : Et staiuam pactum meum, inter
me et te^ et inter semen tmnn post te in generaiionîbus suis
fœdere sempiterno : ut sim Deus tuus et seminis tui post te,
Daboqiie tibi et semini tua, etc. (v. 7 et 8). C'est ce que prouve
le doute d'Abraham, qui objecte à Dieu son âge et l'âge de
Sara (v. 17), et la réponse de Dieu, oîi l'union entre Isaac
et sa race est encore clairement exprimée : Sam nxor tua
i08 ÉTUDE SUR LA LÉGISLATION MOSAÏQUE.
pariet tibi fllhun..., et constituam pactum meum illi in fœdns
sempiternum, et semini ejus post emn (v, 19). C'est ce que
prouve enfin la qualification de Tout-Puissant, que Dieu se
donne au verset premier, et par laquelle il montre qu'il
intervient comme celui qui peut donner à la nature des
forces nouvelles, renouveler les forces perdues. — Troi-
sième fait : le caractère essentiel du pacte que le Seigneur
conclut avec Abraham, réside dans la postérité qui doit
naître de lui selon la promesse. Plusieurs fois avant cette
manifestation, le Seigneur avait promis à Abraham une
race nombreuse. Maintenant, il lui révèle la manière
dont il l'obtiendra. 11 l'obtiendra en dehors des lois de la
nature -, il l'obtiendra en vertu du pacte que le Seigneur
fait avec lui et avec cette même postérité. — Quatrième
fait : le signe extérieur de ce pacte sera un signe dont
Abraham et les siens marqueront leur chair : la circon-
cision. Qu'on remarque la manière dont Dieu en parle
au verset dixième : Hoc est pactum meum giiod observabitis
mter me et vos, et semen tuum post te ( c'est-a-dire inter
me et semen tuum, évidemment). Circumcidetur ^ etc. Obser-
vabitis, c'est la postérité d'Abraham qui doit se marquer de ce
signe. Comme la première formation de cette postérité,
dans la naissance d'Isaac, sera le signe de Dieu en ce pacte
solennel, ainsi la circoncision sera le signe d'Abraham et
de sa race. — Cinquième fait: l'acte par lequel Dieu rend
féconds Abraham et Sara, est le renouvellement des sources
de la vie -, l'acte par lequel Abraham et ses fils marquent
leurs organes, est le symbole de la purification des sources
de la vie. Si la première de ces vérités ressort du fait même
qu'elle exprime, la seconde est clairement exprimée au
verset onzième : Et circumcidetis carnem prœputii vestrij
ut sit in signum fœderis inter me et vos. Et saint Paul dit aussi
(Rom. IV, 11): Signum accepit (Abraham) circumcisionis^
signaculum. justitiœ fidei quœ est in prœpulio. C'est le signe
ÉTUDE SUR LA LÉGISLATION MOSAÏQUE. 109
de la justice dans la race qui doit naître. Et il ajoute :
Non enim per legem promissio Âbrahœ, aut semini ejiis, \it
hœres esset mundi ; sed per justitiam fidei [\. 13). Non in-
firmatus est fide, nec consideravit corpus suum emortuum,
cum jam fere centiim esset annorum, et emortuam vidvam
Sarœ... Plenissime sciens quia quœcumque promisit , poiens
est et facere (v. 19, 21). Et dans l'épître aux Galates :
Cognoscite ergo quia qui ex fide sunt, ii sunt filii Abrahœ...
Lex autem non est ex fide, sed, Qui fecerit ea, vivet in
illis {Gai. III, 7, 12, coll. Lev. xviii, 5). Ainsi, comme Dieu
renouvelait les sources de la vie en réalisant le signe
extérieur de son pacte, la postérité d'Abraham purifiait
ces sources en les soumettant a la loi imposée par le
Seigneur.
Tel est l'ordre de faits que nous offre le chapitre xyii^ de
la Genèse sur la circoncision. Mais on ne doit point séparer
ce chapitre de toute l'histoire d'Abraham, dont il forme
comme le centre. « Le récit de Xk destruction de Sodome
etdeGomorrhe suit immédiatement, dans la Bible, l'histoire
de la circoncision, ainsi que le fait observer le D"^ Haneberg
dans le passage déjà cité, comme pour confirmer le sens
de cette institution-, de même que l'usage légitime des
forces génératrices est béni, l'abus en est maudit : les pas-
sions contre nature sont frappées d'un châtiment terrible. »
Avant d'établir cette institution. Dieu avait fait à Abraham
la promesse plusieurs fois répétée (xiii, 15, 16 5 xv, 18 5
XVI, 10) d'une nombreuse postérité. Mais après une obéis-
sance exemplaire, et la manifestation d'une soumission hé-
roïque aux ordres du Seigneur, Abraham mérita d'apprendre
que sa postérité serait associée aux bénédictions dont il
était comblé lui-même, et que la multiplication de ses des-
cendants serait peu de chose, comparativement a la gloire
qui lui reviendrait des bénédictions spirituelles réservées à
l'un des rejetons de cette tige vivifiée. Ici (Gew.xxiijlôss.),
110 ÉTUDE SUR LA LÉGISLATION MOSAÏQUE.
Dieu prononce le serment solennel, celui qu'il profère
quand il s'agit du salut promis: Per memetipsum juravi,
dicit Dominus : Quia fecisti rem hanc, et non pepercisti filio
iinigenito tuo propter me : benedicam tibi, et multiplicabo semen
timm sicut stellas cœli (Conf. Gen. xv, 5-, c'est le renou-
vellement d'une promesse déjà faite) et velut arenam quœ
est in littore maris ; possidebit nomen tmim portas inimico-
rum suorum... (Tout cela a déjà été annoncé -, mais voici une
parole qu'Abraham n'a pas encore entendue.) Et benedi-
centur in semine tuo omnes gentes terrœ , quia obedisti voei
meœ. Ce que saint Paul explique de la manière suivante, la
seule intelligible, même au point de vue simplement histo-
rique : Abrahœ dictœ sunt promissiones, et semini ejus. Non
dicit : Et seminibus, quasi in multis ; sed quasi in uno : Et
semini tuo, qui est Christus {Gai. m, 16) . Il résulte de cette
explication une lumière nouvelle, relativement au mys-
tère de la circoncision. Comme au chapitre xvii, ainsi dans
ce chapitre Abraham est uni a sa race -, mais ici c'est un
des membres de sa race, né de lui selon la chair, qui
devient la gloire d'une postérité où s'est infusée une nou-
velle sève de vie. Ce membre, c'est le Christ, le même qui
a été annoncé a Adam dans le protévangile, au moment où
la vie donnée par Dieu a nos premiers parents, rendue
après leur faute, devait être transmise et propagée par eux
sur la terre. Toutefois, la propagation de la vie maté-
rielle par Adam, comme par Abraham, n'était qu'un sym-
bole du recouvrement de la vie spirituelle par le nouvel
Adam, créé dans la vraie justice et la vraie sainteté.
A la sortie de l'Éden, comme a l'époque d'Abraham, la vie
est donc renouvelée, renouvelée par Dieu, renouvelé^ pour
être le symbole d'une rénovation plus parfaite et plus in-
time, la rénovation par le Christ. Dans le premier cas, le
renouvellement de la vie ne porte que le seul signe de la
puissance de Dieu, agissant sur une nature impuissante
ÉTUDE SUR LA LÉGISLATION MOSAÏQUE. ill
pour la vivifier. Dans le second, a ce signe qui se repro-
duit. Dieu en ajoute un autre, celui d'une purification exté-
rieure et sensible de cette nature même, celui de la cir-
concision. Il y a donc progrès d'Adam a Abraham • la pro-
phétie est mieux harmonisée avec les besoins d'un peuple
indocile et charnel ; elle prend une forme sur le corps des
fils d'Israël, une forme ineffaçable, qu'ils ne pourront ni
oublier ni méconnaître. La circoncision revêt donc un triple
caractère : elle est un symbole historique, en tant qu'elle
rappelle le pacte du Seigneur avec Abraham -, elle est un
symbole moral, en tant qu'elle appartient a un ordre de
faits ayant pour but la rénovation de la vie matérielle par
la purification extérieure et sensible des organes qui la
propagent; elle est un symbole prophétique, en tant qu'à
l'institution de la circoncision se rattache cette lignée dont
l'un des membres sera le Messie, le consommateur des pro-
messes.
Il nous reste à savoir si Dieu lui-même a donné à son
peuple la circoncision comme une chose nouvelle, ou si
Moïse, par l'ordre de Dieu, a adopté celte pratique déjà en
usage en Egypte, au moins dans la caste sacerdotale. La
solution de cette question n'a pas un grand intérêt théolo-
gique. Peu nous importe que Moïse ait adopté, par l'ordre
de Dieu, une pratique déjà existante dans le polythéisme,
ou que Moïse ait reçu cette institution de Dieu même. 11
est vrai que l'historien hébreu ne dit rien qui puisse laisser
croire qu'Abraham ait reçu de Dieu même la pratique de
la circoncision -, mais il ne dit rien non plus qui puisse
nous autoriser à croire que la circoncision était déjà en
usage chez les prêtres égyptiens. Toutefois, on ne peut
méconnaître, même dans l'hypothèse qui fait de la cir-
concision une pratique adoptée parle monothéisme, et em-
pruntée par lui au polythéisme, que la circoncision n'ait,
dans ce passage, changé de caractère, et qu'elle n'ait revêtu
112 ÉTUDE SUR LA LEGISLATION MOSAÏQUE.
chez les fils d'Abraham le triple caractère historique, moral
et prophétique, que nous venons de constater. Nous pour-
rions donc, sans crainte de compromettre l'originalité des
institutions mosaïques, accorder que la circoncision est
une pratique païenne, adoptée par Abraham et par Moïse,
mais revêtaiit le caractère d'une institution originale, dès
qu'elle entre dans le cercle des institutions du peuple mo-
nothéiste et porteur des révélations divines. Il convient
cependant d'étudier les fondements historiques de l'opinion
qui fait de la circoncision une pratique empruntée au poly-
théisme.
Hérodote raconte que les Colchiens, les Égyptiens et les
Éthiopiens sont les seuls de tous les peuples qui aient eu
la circoncision dès le commencement -, car les Phéniciens
et les Syriens de la Palestine conviennent qu'ils ont pris
celte coutume des Égyptiens, et quant aux autres Syriens
qui habitent près des fleuves Thermodoon et Parthénius,
ils avouent qu'ils l'ont depuis peu reçue des Colchiens.
Pour les Égyptiens et les Éthiopiens, je ne puis dire,
continue Hérodote, lequel des deux peuples l'a pratiquée
le premier, quoiqu'il y ait beaucoup d'apparence que les
Éthiopiens l'ont imitée des Égyptiens, par le commerce
qu'ils ont eu avec eux {Herodot. i, 3o, 36, 104). Dans
l'épître connue sous le nom de saint Barnabe (n. 32) ,il est
dit que tous les Syriens, les Arabes et les prêtres égyptiens
reçoivent la circoncision. Saint Épiphane {Hœr. 30) dit
aussi que les Ismaélites, autrement dits Sarrasins, les Sa-
maritains, leslduméens et lesHomérites la pratiquent aussi
bien que les Juifs. Saint Jérôme [inJer. ix) y joint les Moa-
bites et les Ammonites. Saint Ambroise Epist. 72' avance
que non-seulement les prêtres égyptiens, mais aussi quel-
ques-uns des Éthiopiens, des Arabes et des Phéniciens,
pratiquaient la circoncision. On trouve la même chose dans
le livre de la Circoncision, parmi les œuvres de saint Cy-
ÉTUDE SUR LA LÉGISLATION MOSAÏQUE. 113
prien (r. Un assez grand nombre d'auteurs modernes,
appuyés sur ces aiilorités, ont soutenu que la circoncision
des Juifs ne remontait ni a Abraham, ni a Dieu, comme
instituteur de cette pratique, mais que son origine se ratta-
chait aux Égyptiens, aux Éthiopiens, aux Phéniciens, aux
Colchiens, aux Syriens et aux Arabes (2). Parmi ces
peuples, il est bien évident que les Phéniciens, les
Syriens et les Arabes ont pu recevoir cette pratique des
Hébreux. Nous savons même que quelquefois elle leur fut
imposée par les Juifs Josèphe, Antiq. xiii, 17), et nous
n'ignorons pas que certains d'entre eux, les Samaritains,
pratiquaient la loi de Moïse -, et que d'autres, les Ismaélites,
descendaient d'un circoncis. Quant aux Colchiens, ils se
rattachent, selon les uns, aux Égyptiens ; selon les autres,
aux Israélites, ainsi que les Syriens qu'Hérodote nous
donne comme habitant les bords des fleuves Thermodoon
et Parthénius. Les Éthiopiens avouent eux-mêmes qu'ils
ont reçu la circoncision des Égyptiens^ ainsi, la question
se trouve réduite a savoir si ce sont les Égyptiens qui
ont les premiers pratiqué la circoncision, ou s'ils l'ont
reçue des fils d'Abraham, a une époque plus ou moins
reculée.
Il est assez étrange, observons-le d'abord, qu'un peuple
se soit soumis, a un moment donné de son histoire, à une
pratique aussi humiliante et aussi douloureuse que celle de
la circoncision, pour des motifs d'hygiène assez problé-
matiques, et dont la réalité disparaît devant l'expérience
des temps modernes. Il n'est pas moins étrange, s'il est
vrai que les Égyptiens aient pratiqué les premiers la cir-
concision, de la voir abandonnée par eux dès qu'ils
(1). Caluiet, Dissert, sur l'origine de la Circoncision. — Michaelis. Moi.
Recht., t. IV, p. 19 ss.
(â) V. Danko, Hist. revel. V. T., p. 54, note 5.
i\h ÉTUDE SUR LA. LÉfrlSLATION MOSAÏQUE.
quittent la terre d'Egypte pour aller fonder des colonies
lointaines. Il est singulier que cette pratique inspirée,
dit-on, par des motifs de salubrité et de propreté, ait été
l'apanage exclusif des prêtres et des savants Égyptiens.
Enfin, si la circoncision a été vraiment, en Egypte, une
institution nationale et religieuse, on peut s'étonner de
la voir appliquée comme une sorte de remède facultatif,
auquel se soumit Appion, d'après Josèplie (lib. ii contra
Appionem, § \2\ dans un âge avancé, atteint qu'il était
par une maladie qui le rendait nécessaire.
De nos jours, nous ne saurions nousétonner de voir un
historien grec tel qu'Hérodote, fausser les antiquités
égyptiennes, et prendre l'Egypte pour le centre de toutes
les inventions et le foyer de toutes les institutions utiles
a l'humanité. Que de fables ne nous débite-t-on pas sur
les influences civilisatrices des races indo-européennes?
Le goût a changé de direction. Les Grecs rapportaient a
l'Egypte les pratiques religieuses des temps anciens,
comme on les rapporte aujourd'hui à la vallée de l'Indus.
Ce parti pris a mérité a Hérodote le reproche de Mané-
thon, qui l'accuse d'avoir avancé bien des faussetés, faute
de connaître les antiquités égyptiennes. Diodore de Sicile,
tout grec qu'il était, lui fait le même reproche. Il est plus
prudent qu'Hérodote, et il se contente de dire : Quelques-
uns ont pensé que les Colchiens et les Juifs étaient des
colons égyptiens, parce qi'ils pratiquent la circoncision,
qu'ils semblent avoir emportée d'Egypte lib. i, c. 28\
Strabon est moins heureux lorsqu'il affirme que les Égyp-
tiens soumettent à la circoncision les enfants des deux
sexes, ce que font aussi les Juifs, qui étaient originairement des
Égyptiens (liv. xvir. Enfin, Philon n'est que pédant, lors-
qu'il donne la circoncision comme une pratique empruntée
par les autres peuples a l'Egypte, une des p'us anciennes,
des plus illustres ei des plus savantes nations du monde
ÉTUDE SUR LA LÉGISLATION MOSAÏQUE. 115
[de Circonc.^, On le voit, c'est chez tous les auteurs la
même manie : rattacher à l'Egypte et aux Égyptiens tout
ce qui a pu former chez les autres peuples un lien moral,
social ou religieux.
Nous opposons à ces autorités très-peu décisives, l'au-
torité de la Bible et des Pères de l'Église. Après le passage,
du Jourdain, Dieu ordonna à Josué de circoncire tous ceux
qui étaient nés dans le désert, et après que cet ordre fut
exécuté, il dit : Hodie abstuli opprobrium jEgijpti a vobis
[Jos., V, 9) : parole évidemment analogue a celle-ci : J'ai
ôté de vous tout ce qui vous rendait semblable aux Égyp-
tiens, et ce qui était pour vous un sujet d'opprobre et de
confusion. — Lorsque les fils de Jacob firent entendre à
Sichem qu'ils ne pouvaient s'allier avec sa famille, tandis
qu'il demeurait incirconcis, ils lui dirent : Nous ne pou-
vons donner notre sœur à un incirconcis ^ c'est parmi nous
un opprobre et une chose honteuse (Gen., xxxiv, 44) :
c'est-à-dire, quiconque ne porte pas la marque de la cir-
concision, est regardé parmi nous avec horreur. Le Cana-
néen et l'Égyptien étaient donc également un opprobre
aux Hébreux, parce que ni l'un ni l'autre n'avaient . la cir-
concision. — Du temps des prophètes Ézéchiel et Jérémie,
les Égyptiens sont mis au rang des incirconcis avec les
Babyloniens et lesTyriens. [Ezeeh., xxxi, 18 ; xxxii, 19, 21 ,
22; Jer., ix, 25-, D. Calmet, loc. cit.) Il résulte de ces
passages de la Bible que, si la circoncision était pratiquée
en Egypte, elle ne s'exerçait pas sur tous les membres de
la nation . il en résulte par conséquent la fausseté des af-
firmations d'Hérodote, de Diodore, de Strabon et de Phi-
Ion, qui sont beaucoup trop générales, et qui changent
par là même la nature du fait sur lequel elles portent.
Aussi est-il plus convenable de penser avec Clément
d'Alexandrie, Origène, Josèphe et saint Épiphane, qu'en
116 ÉTUDE SUR LA LÉGISLATION MOSAÏQUE.
Egypte, les prêtres seuls el les savants, étaient soumis a
la circoncision ■1\
Il est impossible de découvrir historiquement l'époque
à laquelle les prêtres égyptiens ont commencé a se sou-
mettre a cette pratique. Artapane, cité par Eusèbe, assure
que ce fut Moïse qui la communiqua aux prêtres de l'E-
gypte et aux Éthiopiens Euseb., Prœp. ev., 1. ix, cap. 28\
Origène (lib. v Cont. Cels.) semble favoriser cette opinion,
lorsqu'il dit que ce qui a donné une si grande vogue à la
circoncision parmi les peuples étrangers, c'est la crainte
qu'on avait d'un ange ennemi des Juifs, qui ne pouvait
nuire a ceux qui étaient circoncis, mais qui mettait a mort
ceux qui ne l'étaient point. Cette opinion est fondée sur ce
qu'on lit dans VExodc, d'un ange qui vint à la rencontre
de Moïse, comme il retournait en Egypte, et qui voulait
ôter la vie a son lils Éliezer : Séphora, mère de cet en-
fant, ne trouva pas d'autre moyen de le délivrer, que de
le circoncire sur le champ. D'autres ont prétendu que cette
coutume venait immédiatement des Israélites, qui en-
trèrent en Egypte avec Jacob D. Calmet, loc. cit.). L'opi-
nion la plus commune, ajoute D. Calmet, est que ce fut
sous le règne de Salomon, que les Égyptiens et les Éthio-
piens adoptèrent l'usage de se circoncire. Bochart et quel-
ques autres savants ont cru que la circoncision n'était pas
venue dans l'Egypte par le canal des Juifs, mais par le
moyen des Arabes voisins de ce pays. On remarque, en
effet, une grande différence entre la circoncision des Égy))-
. tiens et celle des^uifs, et au contraire, beaucoup de res-
semblance entre celle des Égyptiens el celle des Arabes.
Dans cette dernière opinion, les Égyptiens auraient reçu
la circoncision û' Abraham par Ismaël.
(]) Clem. Alex. Strom., i; Orig. m Epist. ad Rom. et in Jer, Hom. v;
Joseph. Cont. Âpp. 1. ii; Epiph. Hœres. xxx.
ÉTUDE SUR LA LÉGISLATION MOSAÏQUE. 117
On ne saurait tirer une objection sérieuse contre l'ori-
ginalité de la circoncision patriarcale, de ce que Dieu n'ex-
plique pas k Abraham la manière dont il devra la prati-
quer. Il n'est pas sûr d'abord que le mot lui-même n'ait
pas révélé à Abraham l'acte dont il s'agissait. Puis, Moïse
n'avait pas a rapporter tous les détails dans lesquels Dieu
avait pu entrer avec Abraham à cet égard, puisqu'il écri-
vait pour un peuple qui connaissait a fond cette pratique,
et qui la suivait depuis longues années.
Ainsi, aucun argument sérieux ne montre qu'Abraham
ait pris des Égyptiens la circoncision : les inductions les
plus capables de former une persuasion scientifique, nous
entraînent à penser que les Égyptiens l'ont reçue des
Juifs, quelle que soit d'ailleurs l'époque assignée à cet
emprunt.
M. Salvador donne très-peu de développements a l'insti-
tution politico-religieuse de la circoncision. Il se précipite
a travers plusieurs phrases assez nuageuses vers la fin d'un
paragraphe où il écrit (1) : « Chacun sait combien est cha-
touilleuse la chasteté de notre époque, et je ne voudrais
pas la blesser, m C'est d'une pruderie vraiment albionnaise.
Nous ne croyons pas avoir blessé jusqu'ici la chasteté la
plus scrupuleuse ^ mais il est vrai que nous n'avons pas
abordé comme l'a fait M. Salvador, les théories assez crues
de Philon sur l'utilité de la circoncision. Michaëlis cite
Philon en latin : la langue allemande a avec la langue la-
tine des affinités qui lui ont fait quelquefois appliquer le
vers très-connu de Boileau. On conçoit que M. Salvador
se soit arrêté en présence des intempérances de style où
l'eût conduit son guide. Nous regrettons qu'il se soit en-
core attaché à un auteur dont les utopies théoriques ont
été démontrées si fausses par Michaëlis, et nous concevons
(1) Tom. u, p. 253.
lis ÉTUDE SUR LA LÉGISLATION MOSAÏQUE.
d'ailleurs sans peine, qu'il n'ait pas voulu traduire les his-
toriettes germaniques du docte professeur allemand. M. Sal-
vador pouvait, au moins, ne pas passer aussi légèrement-
qu'il l'a fait sur le point de critique auquel nous venons de
donner nous- même les développements qu'il comporte.
C'est peut-être que ses idées ne sont pas très-arrétées a
cet égard. Montrons-le par ses indécisions même. M. Sal-
vador écrit d'abord : « D'après la Genèse, c'est Abraham
qui dicta le premier cette coutume aux descendants d'Hé-
ber. Elle ne tarda pas a réunir un triple intérêt sanitaire,
religieux et politique. Bien longtemps après, Hérodote et
Strabon nous apprennent qu'elle fut commune aux Égyp-
tiens et aux Éthiopiens)). On dirait que M. Salvador pense
comme la Genèse, ce document très-antérieur aux deux
historiens grecs. Cependant, cent pages plus loin, M. Sal-
vador nous dit, à propos de la circoncision d'Abraham et
d'Ismaël : « Suivit-il en cela (Abraham l'exemple des
prêtres égyptiens, ou la priorité lui appartient-elle? Son
Yoyage en Egypte semblerait favoriser la première opi-
nion. )) Ainsi, parce qu'Abraham est allé en Egypte, les
Égyptiens pratiquaient avant lui la circoncision : c'est inef-
fable! Un autre trait délicieux de M. Salvador se trouve
dans la phrase suivante : « La locution hébraïque, circon-
'cire son cœur, qui exprime au moral l'expulsion de toute
pensée nuisible, prouve bien que, au physique, on y atta-
chait une grande valeur sanitaire. )) C'est encore d'une lo-
gique rigoureuse ! Dieu nous préserve de tels professeurs
d'hébreu !
Pour terminer ce qui appartient à l'histoire du culte
patriarcal, il nous reste a parler d'un fait qui se rat-
tache a l'époque de Jacob. Après une vision mystérieuse,
pendant laquelle Dieu lui rappela les promesses qu'il avait
faites a Abraham, Jacob prit la pierre qui lui avait servi de
chevet pendant son sommeil, Téleva comme un monument,
ÉTUDE SUR LA LÉGISLATION NOSAÏQUE. 119
l'oignit (l'huile, consacrant ainsi et cette pierre et le lieu
lie sa vision, et fit vœu de donner au Seigneur la dixième
partie de tous ses biens, si le Seigneur l'assistait durant sa
pérégrination lointaine {Gen., xxvm, 10, seqq.}. Plus tard
il accomplit son vœu a son retour de Mésopotamie ; il éleva
un autel au Seigneur à Béthel -, le Seigneur lui n^ontra qu'il
agréait cette consécration, par une manifestation nouvelle,
en changeant son nom, comme il l'avait fait pour Abraham,
et en lui renouvelant les promesses, dans des termes iden-
tiques à ceux dont il s'était servi a l'égard de ce pa-
triarche (6'en., XXXV, 1-15). Quels rapports avaient avec le
culte cet autel et le vœu de Jacob? C'est ce qu'il est assez
difficile de déterminer. Sans doute, l'autel indique la pra-
tique des sacrifices : mais la Genèse insiste pour nous le
donner comme un simple monument commémoratif, et le
nom qu'il reçoit (rùSlû) ne veut pas dire autre chose. Ce-
pendant, le vœu qui accompagne l'érection de ce monu-
ment, et dont le but est déterminé par les mots mêmes
dont se sert Jacob : Ciinctorumque quœ dederis mihi décimas
offeram iibi {Gen. xxviii, 22) , semble bien indiquer que Jacob
offrit au Seigneur un sacrifice véritable. C'est dans ce sens
que se prononce Conr. Iken [de Inst. et Cerem. Hœbr. ante
Mosen, p. 19) : Ut decimam illam partem culiui et gloriœ Dei
et secundum ejus voluntatem pie impenderet, pariim Deum sa-
crificiis pie colendo, partim sumpiusad promovendum cultum
publicum, quocumque etiam modo id fieri posset, suggerendo,
pariim erga pauperiores officia caritatis observando et jura
hospitaliiatis pro illorum iemporum ratione exercendo.
Telles sont les institutions cérémonielles que trouva
Moïse. Elles se réduisent a bien peu de chose : des sacri-
fices qui n'ont rien de fixe et de régulier, des autels qui
ne sont desservis par aucun personnel choisi, des bois sa-
crés contre lesquels s'élèvera la colère du Seigneur parce
qu'ils doivent se peupler d'idoles, un sacrifiée figuratif,
120 ÉTUDE SUR LA LÉGISLATION MOSAÏQUE.
celui de Melchisédech, se produisant en dehors du cercle
où doivent se conserver et se réaliser les promesses, et
enfin la circoncision, la seule de ces institutions ayant un
caractère permanent et durable, la seule qui doive passer
dans l'ordre nouveau sans recevoir des modifications es-
sentielles.
Il y a plus, les patriarches nous apparaissent comme
une famille, un peuple nomade, sans autre unité nationale
que les liens du sang, et c'est dans cette situation que la
prophétie de Jacob nous révèle, que ces fils doivent former
des tribus unies en un peuple civilisé, dont l'organisation
et les développements sont intimement liés au développe-
ment de l'œuvre de Dieu. « Cette prophétie rapportée a la
fin du premier livre de Moïse ^Gen. xlix ,, dit le D"" Han-
neberg, clôt d'une manière solennelle l'histoire de la Révé-
lation patriarcale. Jacob lit dans les dispositions des fils
réunis autour de lui l'histoire des tribus dont ils seront les
pères, et dans cette histoire, la haute mission qui leur est
attribuée. Toutes les tribus ne contribueront pas de la
même manière a l'accomplissement des promesses; chacune
a sa part et sa fonction spéciale, » Cela se passe ainsi dans
les nations : elles nous apparaissent comme des corps
organisés où chaque membre a sa fonction dans le déve-
loppement de la vie^ et la vie du peuple de Dieu, le
centre qu'on ne saurait déplacer sans méconnaître le ca-
ractère essentiel de ce peuple, ce sont les promesses et les
révélations divines dont il est le porteur.
Il résulte de ces deux faits, que les institutions mo-
saïques n'ont pas été simplement le développement natu-
rel des institutions patriarcales. L'idée même de ces insti-
tutions ne pouvait pas venir naturellement à Moïse. Depuis
la prophétie de Jacob, la nation s'était désorganisée, ou
plutôt, elle n'avait existé comme nation que dans l'idée de
Jacob, et cette idée même était une idée prophétique, une
ÉTUDE SUR LA LÉGISLATION MOSAÏQUE. 121
idée venue de Dieu, et qui devait être fécondée par une
nouvelle idée divine. Ce fut Moïse qui la reçut. Elle lui
vint accompagnée de miracles, dont le but était a la fois
didactique et polémique : didactique, tandis qu'ils forti-
fiaient en Moïse la foi en la révélation qui lui était faite j
polémique, en tant que le vrai Dieu consentait, pour ainsi
parler, a mesurer sa puissance avec celle des démons, agis-
sant par les magiciens de la cour des Pharaons. Il fallait
être juif pour demander si Dieu pourrait dresser des tables
au désert, disait Voltaire. Il faut être juif pour conjecturer
qu«> les miracles de Moïse n'étaient que le résultat de l'ha-
bileté d'un faussaire, et que sa législation n'est que le tra-
vail d'un homme de génie. Depuis le buisson ardent jus-
qu'au Nébo, Moïse nous apparaît toujours le même dans
son œuvre-, c'est un envoyé qui exécute point par point
les ordres de son Maître, qui se sent constamment, et avec
une irrécusable soumission, sous l'influence de Celui à
qui il doit sa force et l'organisation qu'il lègue à son
peuple. M. Salvador suppose, peut-être a bon droit, une
dose presque miraculeuse de crédulité chez ses lecteurs,
lorsqu'il travestit, ainsi qu'il l'a fait, le caractère de Moïse,
les miracles du Seigneur et les institutions divines dont
Moïse est le hérault. Un tel procédé est une insuite au
sens commun, a la critique, à l'histoire et à la civilisa-
tion.
On ne saurait méconnaître que Dieu n'ait préparé la vo-
cation de Moïse et la vocation de son peuple par un con-
cours de circonstances que nous n'appellerons pas simple-
ment régulières, comme M. Salvador, mais merveilleuses:
par l'entrée des fils de Jacob en Egypte, l'élévation de
Joseph, et l'éducation de Moïse à la cour des Pharaons.
Bossuet l'a constaté lorsqu'il a dit : « L'inspiration ne fit
que porter à la dernière certitude et perfection ce qu'a-
vaient ébauché l'usage et les connaissances de l'Egypte
REVOE des sciences ECCLÉS., t. X. — AOUT 1864. 9
122 ÉTUDE SUR LA LÉGISLATION MOSAÏQUE.
(sur Moïse\ » Mais nous dirons avec le texte sacré : Dieu,
qui s'était maniiesté jusque-la comme Élohim, le Dieu du
monde, le Dieu providence, se manifesta a Moïse comme
Jéliovah, le Dieu du saint et des promesses : distinction
importante que Moïse n'a point oublié de mentionner dans
son texte, et qui suffit seule a montrer que ses institutions
ne sont pas plus le développement naturel des institutions
patriarcales, qu'elles ne sont la réunion systématisée des
traditions cérémonielles et des pratiques religieuses du
polythéisme égyptien. C'est la question qu'il nous reste à
traiter. Faisons d'abord connaître les diverses opinions qui
se sont produites à cet égard.
La première, qui a longtemps eu cours parmi les théolo-
giens orthodoxes, consistait à dire que les païens avaient
emprunté aux livres de Moïse, avec les idées raisonnables
qu'ils avaient de Dieu, les pratiques cérémonielles de leur
culte qui ressemblaient aux pratiques du culte mosaïque.
Cette opinion remonte à Josèphe, qui voulait prouver par-
la la supériorité des Juifs sur les Grecs et les Romains. Au
XVII* siècle, Vossius \de Theol, gentili, seu de orig. ac pro-
gressu idololairiœ^ 1. ix) l'essaya sur des arguments histo-
riques et philologiques^ et Daniel Huet l'a formulée de
la manière suivante : Universa propemodmn Ethnicorum
theologia ex Mose Mosisve actis aut scriptis dérivât. ^Dem.
Ev., p. 1, prop. 4, capp. m, seqq.), Schelling donne cette
opinion comme insoutenable a l'heure présente, à cause
du progrès des connaissances historiques, qui a révélé
dans le polythéisme l'existence d'institutions religieuses
antérieurement aux institutions mosaïques.
D'après une opinion aujourd'hui beaucoup plus accré-
ditée, les points communs des cérémonies mosaïques et
païennes viendraient du paganisme, soit l'' que, par une
permission divine, ils aient été empruntés par Moïse afin
de prévenir la faiblesse des Israélites et leur entraînement
ÉTUDE SUR LA LÉGISLATION MOSAÏQUE. J 23
vers l'idolâtrie qui s'étalait dans des cultes somptueux-,
soit 2°, que ce fond commun ait été comme le tronc sur
lequel le mosaisme devait être enté au polythéisme, afin
de le remplacer peu a peu.
La première forme sous laquelle se présente cette opi-
nion, nous semble reposer sur une erreur déjà combattue.
On suppose qu'il n'y a pas de relation entre les doctrines
dogmatiques d'une religion, et les cérémonies extérieures
dans lesquelles elle se manifeste. On croit que le culte
mosaïque n'a été qu'un moyen par lequel on a arrêté un
peuple ignorant et grossier sur la pente du paganisme. On
n'admet pas que les formes sensibles du culte ne soient
que la manifestation de la foi. Or, nous pouvons faire à
l'égard des pratiques du paganisme deux suppositions : ou
bien ces pratiques n'avaient aucun rapport avec les dogmes
polythéistes, et alors, les Israélites pouvaient les accepter
sans aucun danger pour leur foi : ou bien ces pratiques
avaient un rapport avec les dogpnes polythéistes, et alors,
leur influence sur les Israélites eût été de les éloigner de
la foi monothéiste : Israël ne pouvait pas les adopter. C'est
donc une erreur de penser qu'acceptées par Moïse, les cé-
rémonies [aïennes auraient pu servir a éloigner le peuple
de l'idolâtrie. — On reprend et l'on dit : Ce fond commun
était diversement modifié dans le paganisme et dans le
mosaïsme ; il était susceptible d'avoir deux rapports diffé-
rents avec les idées polythéistes et les idées monothéistes.
— Mais si l'on commence par nous donner d'Israël l'idée
d'un peuple dur et grossier, nous serons peu portés à croire
qu'il ait pu saisir la délicatesse et l'importance de ces mo-
difications. Que si l'on revient de cette première assertion,
pour faire d'Israël un peuple intelligent et perspicace, pou-
vait-il, répondrons-nous, retrouver dans le Dieu qui se
manifestait a lui sous des formes souillées par le poly-
théisme, le Dieu bon, pur, tout-puissant, seul créateur et
124 ÉTUDE SUR LA LÉGISLATION MOSAÏQUE,
conservateur du monde, conducteur spécial et personnel
du peuple qu'il s'est choisi? Car enfin, dans cette hypo-
thèse, Dieu ne se distingue que par un nom au singulier, du
Dieu aux noms pluriels tel que le fait le polythéisme. Dieu
est déiste, comme le ditBœhr, ou encore, comme il ajoute
(nous n'acceptons pas, bien entendu, la base injurieuse de
cette insinuation, c'est un jésuite qui fait le mal afin d'ar-
river au bien Symb., i, § 41\
La seconde forme donnée à cette opinion, reflète évi-
demment l'idée fondamentale du panthéisme. On dit : les
points connus du mosaïsme et du polythéisme sont le ré-
sultat de la divinisation de la nature par le paganisme. Plus
tard, l'idée de l'unité et de la spiritualité de Dieu a jailli
des sources profondes et sûres de la conscience despeuples.
On reconnaît au moins une relation essentielle entre la
forme d'un culte et l'idée fondamentale d'une religion. Mais
comme dans le premier cas on ne tenait aucun compte de
la révélation divine, dans le second on la fait aussi dispa-
raître, on en supprime d'un coup l'idée. On attribue les
rapports moraux du Dieu personnel avec l'homme, à un dé-
veloppement produit par ce qu'on appelle l'esprit du monde
sur la conscience humaine-, mais on ne fait pas attention
que l'intelligence humaine ne peut, ni pai* ses propres
forces, ni à l'aide de l'esprit général du monde, arriver à la
notion d'un Dieu unique et personnel, entrant en rapports
personnels avec un peuple, au moins une fois que le paga-
nisme a prévalu comme une institution dont la base est déjà
la divinisation de la nature. Puis, supposé que les choses
se soient ainsi passées, il faudrait que nous puissions suivre
dans les cultes polythéistes un développement qui les eût
conduits a répondre a l'idée monothéiste, comme ils répon-
daient d'abord a l'idée païenne. Car, s'il y a une différence
profonde entre Jéhovah, Dieu d'Israël, et les dieux du pa-
ganisme, il a fallu qu'un jour ou l'autre les symboles chargés
ÉTUDE SUR LA LÉGISLATCON MOSAÏQUE. 125
de représenter ces dieux, aient fait place a ceux de Jéhovah.
Vous admettez qu'il existe une relation essentielle entre
les formes d'un culte et l'idée religieuse qu'elles expriment'
comment pourriez-vous soutenir la coexistence de l'idée mo-
nothéiste sous des formes polythéistes? Non, le mosaïsme
n'a point été enté sur les cultes païens qui ont pu le pré-
céder historiquement. On ne doit pas chercher ses origines
dans les pratiques superstitieuses de l'Egypte ou de l'Asie.
D'ailleurs, on comprend très-bien que l'iniluence des cultes
égyptiens ail pu porter les Israélites a adorer un veau d'or,
mais on ne concevrait pas comment Moïse aurait pu se
servir de ces cultes pour autoriser des institutions que cet
acte même tendait a renverser.
Avant de répondre nous-mêmes a la question proposée,
formons-nous d'abord une idée exacte de ce qu'étaient les
mythologies païennes. Leur cause nous apparaît comme
existant dans les aptitudes théogoniques de l'esprithumaiu,
préparées parune révélation primitive dont la trace ne s'était
point complètement effacée. Schelling l'a victorieusement
prouvé dans son Introduction à la philosophie de la mijlho-
logie. Il démontre que le genre humain n'a pas commencé
par être un mutum et turpe pecus, que la poésie, aidée par
les forces physiques et les spéculations de quelques hommes
supérieurs, aurait peu a peu civilisé, en lui donnant ses
institutions théogoniques. La mythologie n'est qu'une alté-
ration de la connaissance du vrai Dieu, du vrai concept re-
ligieux -, ses développements ont été favorisés en divers sens
par la confusion des langues et la dispersion des peuples.
Supposé, en effet, que l'esprit humain, déclinant sa sujétion
à l'esprit créateur du monde visible, ait cru reconnaître à
ce monde visible la puissance qui n'appartenait qu'à son
Auteur, il se précipite par la même et se perd dans l'inves-
tigation des causes secondes, tandis que le bandeau qu'il a
jeté sur ses propres yeux lui cache la cause première. Tou-
126 ÉTUDE SUR L\ LÉGISLATION MOSAÏQUE.
tefois, pour leur venir de la cause première, l'action et la
puissance des causes secondes ne sont pas moins réelles,
et lorsque l'esprit humain leur donne une existence propre
et les symbolise, il ne crée pas seulement des symboles iic-
tifs ou imaginaireSjil se représente une action et une puis-
sance réelles Saïu-ovia) . C'est la la divinisation de la nature, et
c'est aussi la mythologie. M. Stuhr a démontré pareillement
que la conscience païenne devait son développement aux
directions multiples de !a vie naturelle et des puissances du
monde-, et la faison sur laquelle il se fonde, c'est que la vie
spirituelle, au sein du paganisme, était complètement plon-
gée et comme ensevelie dans la vie de la nature. De la vient,
observe-t-ii, que les mythologies païennes sonten un rapport
parfait avec la vie naturelle des pays où elles se produi-
sent (1).M. Wuttke est peut-être encore plus explicite (2).
Dans son parallèle entre le paganisme et la religion
judaïco-chrétienne, il s'écrie : « Le divin n'est pas libre
dans le paganisme-, il l'est au contraire parfaitement, il est
pleinement s?«\;Mm dans le christianisme. » Puis, il dis-
tingue dans le paganisme un côté objectif et un côté sub-
jectif, un côté purement naturel et un côté purement spiri-
tuel, et il dit : « Si vous considérez dans le paganisme ce
qui forme son côté objectif, celui par lequel il était acces-
sible aux masses, vous vous trouvez en plein naturalisme.
Vous voyez l'homme chercher la vérité hors de soi el non
en soi, donc hors de son esprit, donc dans la nature : car
la nature devient alors nécessairement l'être objectif de
l'esprit. En considérant la forme subjective, vous voyez les
civilisations même les plus avancées, celles de Rome et de
la Grèce, se former une idée assez confuse de la distinction
de l'esprit et de la matière, parce que, malgré la réaction de
(1) Die Religion-System der hsiden Vœlker des Orient. Berlio, 1836.
;i) Geschichte dos Heidcnthum. Breslaw, 1852,
ÉTUDE SUR L\ LÉGISLATION MOSAÏQUE. 127
l'esprit sur la matière qu'il cherche a se soumettre par l'ana-
lyse, il reste à la matière une puissance impérieuse qui lui
donne toujours raison. «C'est aussi la manière de voir de
Creuzer (1). Il établit que la religion des Égyptiens et de
tous les peuples de l'antiquité, sauf celle des Hébreux, re-
pose sur un fondement physique et naturel.
Cela posé, nous reconnaissons avec Schelling que l'objet
de la foi païenne était purement idéal, et qu'il ne convient
pas d'attribuer aux divinités du paganisme une réalité objec-
tive. Mais alors ne faut-il pas avoir recours aux procédés
théogoniques de l'esprit humain, pour expliquer la formation
de ces mythes? D'ailleurs, l'influence de ces procédés se
retrouve jusque dans la nature même des divinités païennes
et dans l'ordre hiérarchique que la mythologie établissait
entre elles. L'amalgame panthéistique de l'esprit et de la ma-
tière tel qu'il existait dans le paganisme, l'ignorance du Dieu
infini et personnel, fournirent les représentations cosmiques
que reçurent ces divinités. On leur donna un corps, quel-
quefois un corps d'homme, d'autres fois un corps d'animal,
d'autres fois un corps mixte. On leur assigna pour demeure
le xôffii-oçj un tout très-indéfini, et on imagina entre elles
une hiérarchie analogue a celle des royaumes de la terre.
Enfin, les rapports de l'homme avec les dieux consistèrent
en un ensemble de cérémonies sensibles, qui manifestaient
le désir de l'homme d'apaiser la colère des dieux, de mé-
riter leurs faveurs, d'entrer en participation de leurs dons et
de leurs forces.
La religion mosaïque, au contraire, fondée sur la révéla-
tion divine, établit le peuple d'Israël dans des rapports mo-
raux, personnels, et vivants avec un Dieu vivant et person-
nel. La théocratie révèle au peuple le côté biblique et
terrestre de son histoire-, dans les rites il retrouve, sous un
1) Symb. und Myth., 3 ausg. 18Î7.
128 ÉTUDE SUR LA LÉGISLATION MOSAÏQUE.
symbole, la forme céleste et spirituelle de l'objet de sa foi.
Le culte devait donc représenter louie l'économie des
promesses et de leur Auteur, de la mission d'Israël et du
royaume spirituel et céleste vers lequel il marchait, grâce
a la miséricorde de Dieu, qui voulait bien entrer dans la
vie commune de son peuple, et habiter parmi ses enfants.
Il suit de la que, même dans sa forme, le culte mosaïque
devait essentiellement différer des cultes païens^ ce qui
n'empêche pas que ces deux cultes n'aient pu avoir cer-
taines analogies éloignées, certains antécédents communs.
Israël eut, il est vrai, comme ses voisins, des autels, des
temples, un sacerdoce, des sacrifices, des purifications, etc.
Toutefois, s'ensuit-il que ce soient la des emprunts faits au
paganisme? ]Xous ne le pensons pas. Sur tous les points de
l'espace, a quelque époque qu'on le considère, l'esprit hu-
main a admis ces institutions comme la base essentielle de
son culte. En supposant l'unité de l'espèce humaine, et sa
dérivation d'un couple unique, on conçoît très-bien que les
fils d'Adam aient eu des instincts religieux communs. Or,
cette hypothèse est aujourd'hui une vérité historique, phi-
lologique et physiologique, aussi bien qu'une vérité ré-
vélée. Enfin la révélation suit les progrès humains, et elle
en profite. Le séjour des Israélites en Egypte et l'éducation
de Moïse a la cour des Pharaons, devaient préparer Moïse
a devenir le législateur de son peuple, et ce peuple aux
pompes des cérémonies mosaïques, substituées aux cultes
idolâtriques qu'il avait vu pratiquer par ses oppresseurs, et
pour lesquels il devait éprouver une profonde répulsion.
To.utefois, si parmi les pratiques superstitieuses de l'Egypte,
il y en avait qui appartinssent au fond d'idées religieuses
commun a l'espèce humaine, et surtout qui n'eussent au-
cun rapport spécifique avec l'idolâtrie, Moïse pouvait très-
bien les conserver dans le culte de Jéhovah. Est-ce ainsi
que cela s'est passé? On ne connaît pas assez l'origine, les
ÉTDDE SUR LA LÉGISLATION MOSiOiQUE. 129
sources et les pratiques du culte égyptien, pour décider
cette question. Dans le cuite mosaïque, nous ne pouvons
pas discerner suffisamment ce en quoi l'Esprit-Saint a agi
proprio motu, de ce en quoi il a profité des institutions hu-
maines. Les éléments de la révélation divine et des déve-
loppements humains ont été tellement fondus et mêlés
ensemble, que le criticisme le plus hardi n'est pas toujours
ingénieux lorsqu'il cherche a les démêler. Nous croyons
donc que la question proposée estune de celles qu'on résout
comme question de droit, mais qui restent insolubles
comme question de fait.
A. GiLLY.
LA THEOLOGIE DES CATACOMBES.
Cinquième article,
DBlIXIEllE PARTIE.
l'hérésie et les catacombes romaines.
III.
Non loin de la sépulture de Vincentius, on rencontre
une autre tombe décorée aussi de peintures, mais sans
inscriptions ni légendes. Toutefois le thème que le peintre
a développé dit assez qu'un adepte de la Gnose et de
Mithra est enseveli sous cet Arcosolium. Parcourons rapide-
ment les degrés successifs de son initiation.
i. Tout d'abord, revêtu du costume des guerriers, le tniles
Mithrœ, comme Tertullien le nomme (1), s'apprête à suivre
un personnage dont les vêtements rappellent ceux que Manès
portait en sa conférence avec Archélaiis (2). Ils consacrent
à leur Dieu une guirlande de fleurs qui est le premier hom-
mage de l'initié.
(1) De Prœscriptionibus , c. 19, et de Corona milit., c. 15; coll. Hieron,
ep. ad Lœfam. Le R. P. Garrucci cite encore S. Epiph. Hœres. xsvi, Pbilas-
trius, S. Jean de Damas, etc.
(2) Mystères; p. 33, et Additions aux Mélanges, sub fine.
LA THÉOLOGIE DES CATACOMBES. 131
2. Ils arrivent bientôt au pied de la montagne par où
l'âme humaine retourne aux régions supérieures d'où elle
est tombée. Le mont sacré est partagé en cinq zones, et sa
cime touche à l'azur du ciel. Là, s'étend un chemin tracé
par des feuilles de laurier ; là brillent les cinq étoiles ou
puissances intelligentes, qui occupent une place importante
dans les théories des anciens hérétiques. L'Église faisait
abjurer aux Manichéens les cinq lumières intelligentes ;
Fauste les vantait dans ses prédications ; les actes apocry-
phes de saint Thomas disent que Marie est la mère des
sept demeures, des cinq mélodies, et l'Enfant divin, celui qui
est engendré avant les cinq mélodies etc. (1). Mais pour
que l'âme par ses élans et efforts, puisse atteindre à la voie
triomphale, au séjour des astres immobiles, elle a besoin du
secours divin que la prière seule lui donnera. La nécessité
des sacrifices, si universellement reconnue dans l'antiquité,
n'a pas échappé àl'esprit des gnostiques» Tandis que l'adepte
3'humilie en face de la majesté souveraine, l'hiérophante
élève vers les étoiles un Agneau immolé. Fait remarquable !
ze n'est plus ici le tauroholium ou le crioholium des cultes
orientaux, mais l'oblation d'un agneau. « Ce changement,
« dit le R. P. Garrucci (2), paraît suffisamment justifié par
« le besoin d'imiter en quelque chose les symboles du
«christianisme, dont l'influence tendait alors à devenir
« prépondérante. » Mais si les hérétiques du second siècle
empruntèrent à l'Église cette forme particulière de sacrifice,
DU voit bien que le sacrifice mystique de l'Agneau divin
était dès lors un dogme fondamental de notre foi, une de
:es croyances chéries que l'homme conserve dans ses erreurs,
ît qu'on ne pourrait lui enlever qu'en le déchirant lui-
nême.
(1) Voyez pour toute cette doctrine les savantes et lumineuses recher-
îhes du R. P. Garrucci, op. cit., p. 41 seqq,
(2) Mystères, p. 33 seqq.
132 LA THÉOLOGIE DES CATACOMBES.
3, Quelquefois, l'initiation aux mystères de l'Asie s'ac-
complissait par le double ministère d'un prêtre et d'une
prêtresse. Les gnostiques de la voie Appienne en usaient
ainsi, et dans la troisième des scènes que nous étudions,
une femme couronnée de feuillage guide le miles entière-
ment équipé pour le combat, abrité derrière son bouclier,
l'épée haute et étincelante. Tous deux, ils ont un genou en
terre et les pieds nus. L'initié se consacre à la divinité que
l'on voit dans un médaillon placé au centre de l'arcade (1) .
h. C'est la grande déesse de Phrygie, « mystérieusement
(( isolée dans un cercle, image de son empire ; le cercle est
« lui-même renfermé dans un carré, symbole des quatre
<( éléments du monde. » Aux angles, le peintre a repré-
senté les dauphins qui figurent l'océan, la corbeille fantas-
tique de fleurs et de fruits qui indique la terre féconde et
nourricière, un oiseau au plumage de pourpre et d'or comme
les teintes et reflets de Y air; enfin, le phénix qui renaît du
feu où il a été consumé (2). Mais l'image de la déesse con-
traste tout-à-fait avec la sainteté et la pureté de nos pein-
tures; elle prouve que les Pères ont combattu à bon droit
la corruption morale des hérétiques, et donne un démenti
formel aux libres-penseurs qui se chargent de réhabiliter le
gnosticisme (3).
5. « Au-dessous de l'arcade, sur le mur du fond, le
« peintre a représenté une porte surmontée de douze feuilles
« de laurier inclinées les unes vers les autres, et des deux
(( côtés de la porte, deux génies qui montrent les feuilles
« aux spectateurs: l'un à droite laisse pencher des branches
« d'amandier ou de saule; l'autre, paré d'un collier de
« perles, élève une branche de laurier {h). » L'épitaphe de
(1) Garrucci, op. cit., pp. 34 et 48.
(2) Mystères, pp. 35 et 40.
(3) /6.,"p. 38.
(4) Ibid, p. 34 ,
LA THÉOLOGIE DES CATACOMBES. 133
Vincentius aide à T interprétation de cette peinture : Hoc
ostkim qidetis quod vides! Ce que tu vois est la porte du
repos, de la gloire, du plaisir. Sans doute le portrait du
défunt devait y être dessiné et son nom écrit au-dessus de
l'arcade dans un cartel qui est resté vide.
Enfin, comme les fossores traçaient sur le locuhis de nos
pères le monogramme du Christ ou le symbole de la Croix
dont la vertu nous ressuscitera; ainsi, sur la tombe du sec-
taire, l'étoile de Mithra, de l'invincible soleil, épand autour
d'elle ses huit rayons. Lumière orgueilleuse qui, comparée
à ta lumière, ô sainte Église romaine, n'est que ténèbres
épaisses et profonde obscurité !
IV.
Le troisième areosoUum du cimetière gnostique de la Via
Appia, n'offre à notre attention qu'une inscription incom-
plète, et partant peu intelligible. Toutefois, nous voyons
qu'elle fut consacrée à la mémoire de « Marc-Aurèle (1),
« prêtre du Dieu-Soleil, l'invincible Mithra. » Sa morale
n'était ni plus pure, ni plus élevée que celle de Vincentius:
. . . VOLVPTATEM • lOGVM • ALVMNIS» SVIS • DEDIT.
Donc, il est juste de répéter avec le R. P. Garrucci que
cette catacombe contredit puissamment ce que Julien, Jam-
bUque et leurs modernes imitateurs ont dit de l'innocence
de la philosophie païenne, et qu'elle convainc les sectes
gnostiques d'imposture; la sainteté est une note de l'Église
(1) « Ce nom, et l'indication du prénom, dit leR. P. Garrucci, me por-
« tant à croire que ce bras des Catacombes n'est pas beaucoup plus ré-
« cent (que l'empereur et pliilosopbe Marc-Aurèle). 1! aura été creusé,
« selon moi, entre le ii» et le m« siècle, et peut-êlre à l'époque d'Hélioga-
« baie. » {op. cit., p. 50.)
lâ/i LA THÉOLOGIE DES CATACOMBES.
romaine: l'hérésie se dislingue à un caractère absolument
contraire.
Si l'on rapproche les trois tombeaux que nous avons
décrits, leurs peintures et leurs inscriptions, si l'on exa-
mine les influences sous lesquelles ces œuvres singulières
furent produites et les éléments dont elles sont formées, on
comprend aisément que le savant archéologue du Collège
romain ait dû les nommer les 3J y stères du syticrétisme
phrygien. Oui ! tout est syncrétisme en cette catacombe: des
fragments de textes bibliques, des traits de la croyance ca-
tholique s ur les anges, l'intercession des saints et le sacri-
fice admirable de l'Agneau, s'y unissent à des doctrines-
franchement païennes. Et encore, ces dernières sont le ré-
sultat d'un mélange bizarre des fables persanes, de la my-
thologie phrygienne et des rêveries de l'Occident. Ainsi,
l'unité de Dieu y est assez respectée ; mais ce Dieu est tout
à la fois le Dis poter, Sabazius, Mithra, la grande Déesse,
en qui se confondaient les mythes des déesses de Phrygie,
du Pont, de l'Arménie, de Babylone, d'Ephèse, d'Athènes
et de Rome (1).
La multiphcation des rapports entre les diverses nations,
l'établissement de l'empire romain, qui s'étendait sur tous
les peuples et faisait du Capitole le centre de la vie poli-
tique et intellectuelle du monde, le soin que prenait le
vainqueur de recevoir dans son culte les croyances et rites
particuhers des vaincus, amenèrent ce grand mouvement
d'assimilation rehgieuse. La philosophie s'en empara comme
d'une machine de guerre contre l'Évangile : car la forte
unité du christianisme est à la fois une marque de sa divi-
nité et un grand attrait pour les esprits lassés des contra-
(1) Le Dis Paler revèi ici les formes du Pluton romain; Abracura est
encore un mylhe complexe qui rappelle Proserpine et Minerve; Mercure
seul conserve son nom et sa physionomie particulière. (V. celte Revue,
noy. 1862, L'Archéul. sacrée à Rome.,
LA THÉOLOGIE DES CATACOMBES. 135
dictions et des interminables disputes de la science
humaine. Elle chercha donc aussi l'identité des doctrines,
l'accord des sentiments, l'unité de culte, et, par des procédés
qu'on a nommés depuis syncrétisme ou éclectisme, etc. ,
elle essaya de fonder un système scientifique et religieux
où les principes les plus opposés s'étonnèrent un jour
d'être confondus. Ce fut une des formes de gnosticisme.
Une tendance un peu différente se manifestait encore à
cette époque parmi les philosophes : partant de la foi catho-
li que qu'ils avaient d'abord professée, et rejetant sa mer-
veilleuse austérité, sa rigoureuse simplicité, ils s'aban-
donnaient aux spéculations de leur raison, et envisageaient
de cent façons le judaïsme, le paganisme et le christianisme,
comme les premières tentatives d'un développement pro-
gressif qui doit nous conduire à la claire vue de toute vérité.
Le langage de ces derniers sectaires conservait plus d'ana-
logie avec celui de l'Église, et à l'entendre, on reconnaissait
qu'il était d'un apostat. — Qu'on ,nous permette d'en
donner un exemple.
V.
« Désireuse de la lumière de la patrie, ô Sophe, née du
« même sang que moi et mon épouse !
« Consacrée dans le baptême du Christ par le baume
« incorruptible et pur,
« Tu t'es hâtée de contempler les visages divins des
« Éons,
« L'ange du grand conseil, le fils véritable !
« Tu t'es rendue à la demeure de l'époux, tu t'es élancée
« vers la chambre nuptiale de la patrie
« Mais en mourant elle n'a point eu une fin vulgaire:
« Elle est morte et elle vit ; elle voit la lumière essen-
« tielle, incorruptible.
136 LA THÉOLOGIE DES CATACOMBES.
« Elle vit pour ceux qui vivent, elle n'est morte que pour
« ceux qui sont vraiment morts.
« O terre ! pourquoi t' étonner et craindre de recevoir
« une pareille dépouille (1)? »
Au style égoïste et orgueilleux des dernières paroles, au
ton prétentieux et affecté de toute l'épitaphe, mais surtout à
cette expression: Les visages divins des Bons, l'on reconnaît
bien l'œuvre d'un hérétique. Flavia Sophe (2) appartenait
à quelque secte gnostique de la voie latine, car c'est là que
son tombeau fut découvert, en 1858, dans les fouilles de
Saint-Étienne-hors-les-Murs. Sa doctrine est remplie de
réminiscences catholiques : le baptême du Christ, les onctions
de l'huile consacrée, l'ange du grand conseil, le fils véri-
table, la lumière de la patrie
Les rationalistes de ce siècle parlent aussi des dogmes
évangéliques, qu'ils aiment à louer, du Christ revêtu de
grâce et de sagesse, du céleste messager qui nous annonça
la liberté et le progrès, de la contemplation infinie où ils
veulent voir Dieu sans nuages. Mais aujourd'hui, comme
au temps de Flavia Sophe, que prétendent-ils et qu'en-
seignent-ils, sinon l'indépendance de la raison humaine, la
glorification de la nature matérielle, la confusion du bien
et du mal, de la vérité et de l'erreur, d'ans un absurde
panthéisme ?
VI.
Les rapports des Catacombes hérétiques et des Catacombes
catholiques demandent enfin quelques éclaircissements qui
(1) Nous traduisons cette inscription d'après le texte grec publié par
la Civiltà (tom. x, p. 357), et par Mommsen. Mais ce texte est incom-
plet: plusieurs ligues en restent encore iuédites et nous souhaitons vi-
vement que le R. P. Garrucci^ à qui elles ont été contiées, nous fasse
bientôt connaître ce monument tout entier.
(2) L'inscription est acrostiche et nous donne par cet artifice le nom
de Sophe : 4>AABIA.
LA THÉOLOGIE DES CATACOMBES. 137
serviront d'introduction à la troisième partie de notre
Théologie des Catacombes.
Ces cimetières gnostiques et catholiques sont-ils iden-
tiques? Les sectaires ont-ils reposé parmi ceux qui sont
morts pour le Christ ou entre les bras de l'Eglise ? Les
docteurs du mensongeont-ils partagé la sépulture des maîtres
de la vérité ? Il s'est trouvé des écrivains qui ont soutenu
l'afTirmative, et qu'Aringhi accuse justement d'ignorer les
rites et les mœurs du christianisme primitif (1). Le docte
oratorien leur oppose l'antipathie absolue des catholiques
et des hérétiques, les constitutions apostoliques qui, après
l'Écriture, interdisaient toutes les relations sociales avec les
apostats ; les lois synodales très-anciennes, qui prescrivaient
de détruire les basiliques et cimetières des hérétiques et de
n'y plus ensevelir; l'attention que les donatistes eux-mêmes
prenaient de disperser les cendres des fidèles quand ils
s'emparaient des cimetières d'Afrique, et la haine barbare
des ariens pour la Piome souterra:ine des successeurs de
PiejTe.
Mais le souterrain mithriaque du Domine que vadis touche
aux galeries de Prétextât et à la reine des Catacombes, celle
de Calixte : dès lors, parmi les rehques extraites de nos
cimetières, n'en est-il pas de fausses, ossements impurs des
ennemis de la foi ?
De grâce, ne doutons point de la sainte Église, ni de sa
prudence : elle saurait discerner entre l'or pur et la pous-
sière, entre l'ivraie et le froment. Que nos fossores aient,
par hasard, poussé leurs excavations jusque dans le sol des
sépultures gnostiques, ou qu'il y ait eu invasion des héré-
(1) Nonnulli qui parum antiquos chridianorum ritus ac mores callent, in
religionis ovtliodoxœ contumeltam petulanti ore effutire ausi sunt inurbis
videlicet cœtneteriis, hœreticorum quoquc corpora reposita olim, vel certe
supposita, ut ita dixerim fuisse [Roma subterranea, t. Il, 1. v, c. 2,
p. 434.)
BEVUE DES Sciences ecclés., t, x. — août 18C4. 10
j38 LA THÉOLOGIE DES CATACOMBES.
tiques dans la catacombe de Prétextai, cela importe fort
peu : « La petite catacombe sabazienne et mithriaque, dit
« le R. P. Garrucci (1), est un endroit à part, dont le sol
« est inférieur à celui du cimetière voisin, et dont V accès
« aoait été interdit aux fidèles, ainsi que des indices sûrs le
« font connaître. On remarque, lorsqu'on descend vers les
« trois arcosolia païens, des trous creusés dans les murs et
« en face l'un de l'autre, soit en deçà du tombeau de Vin-
« centius, soit au delà de celui d'Aurélius. C'était évi-
« demment pour recevoir les solives d'une cloison ; au-
« dessous de ces enfoncements, se trouvaient de gros
« moellons transportés d'ailleurs. On ne peut douter que
« ce ne fût pour fermer même aux regards le lieu profané
« où dormaient les adorateurs des idoles. »
On voit par là combien se sont trompés les archéologues
qui ont attribué les monuments de cette catacombe à l'art
de l'Église. Il en est (2) qui se sont principalement autorisés
de cette hypothèse dans l'intérêt de leur système sur l'ori-
gine de la peinture et de la sculpture chrétiennes. — Ils se
persuadent qu'elles se formèrent sous une influence directe
de Técole païenne ; qu'elles furent le résultat lent et pé-
nible des transformations de l'art antique ; que les peintres
convertis au christianisme y apportèrent avec eux leurs
sujets mythologiques et leurs idées profanes, puis les épu-
rèrent par degrés, en dégagèrent l'élément spiritualiste, et
(1) Les mystères du Syncrétisme, etc., p. 54.
(2) Par exftmpje. M. Raoul Rochelle dans les Mém. de l'Ac, des In-
script, et belles-lettres t. xiii pp. 147 et 158, et dans sov Tableau des Ca-
tacombes de Rome, 2« éd.. pp. 145 155. Depuis, le savant auteur a pleine-
ment adhéré à la dissertation duR. P. Garrucci ;Cf. Les Mystères, etc. p. 2),
et ce n'est point le seul exemple qu'il ait donné de son amour pour la
vérité. Mais le Tableau des Catacombes renferme encore bien des inexac-
titudes, bien des jugements peu sûrs, et il ne pourrait servir à faire
connaître la Rome souterraine qu'après des corrections et une révision
très-sojgueuses.
LA. THÉOLOGIE DES CATACOMBES. 139
raccommodant à nos dogmes, préparèrent l'art des mo-
saïques et des fresques du Moyen Age.
Cette accusation de syncrétisme, de condescendance
esthétique et doctrinale, portée contre la sainte Église ca-
tholique, est aussi bien réfutée que la doctrine de ceux qui
voyaient dans nos Catacombes, les carrières ou même les
cimetières de Rome antique. Non, l'ïlglise n'a jamais pra-
tiqué cet éclectisme: aucun sujet vraiment païen n'a trouvé
place dans le livre de son symbolisme religieux. De nombreux
sujets, surtout de décors, tels que les feuillages, les guir-
landes, les couronnes, les arabesques, appartiennent uni-
quement à la nature, comme les principes philosophiques à
la raison ; l'Eglise a pu les adopter sans qu'une ombre de
paganisme ait voilé sa divine beauté (1). Et quant aux res-
semblances qu'on peut signaler entre la manière des peintres
des Césars et des peintres des Catacombes, elles sont à la
fois trop nécessaires et trop essentielles à la. notion même
de l'art pour fournir une base solide aux théories que nous
signalons.
Les catacombes hérétiques et les Catacombes catholiques
sont donc très-différentes; elles ne se confondent nullement.
Elles furent toujours ennemies, et le rationalisme moderne
ne les réunira point. Elles rappellent la cité de Dieu et la
cité du mal qui se combattent jusqu'à la fin des siècles,
Simon-Pierre et Simon le Magicien, luttant au forum avec
les armes de la vérité et de l'erreur.
Les donatistes, retirés dans leur caverne obscure, mau-
dissaient la Catacombe vaticane, et n'avaient jamais abaissé
leur front devant le sépulcre où dort le Prince des
Apôtres (2). L'abbé J. D.
(1) Nous regrettons de ne pouvoir donner à cause de leur étendue les
remarques décisives de Boldetli sur ce sujet. (Cf. Oiservazioni, etc.,
pp. 26 et 27.)
(«) S. Optât. Milev. loc. cit.
DU DEOIT COUTUMIER DANS L'EGLISE.
Troisième article.
DES COND[TIONS CANONIQUES DU DROIT COUTUMLER.
La matière de la coutume, pour nous servir des termes
de l'École, consiste dans les actes répétés, et la forme,
dans le consentemfnt du législateur. Ce consentement,
qui, a la vérité, constitue un élément essentiel du droit
non écrit, n'est point indiqué néanmoins dans la définition
de ce droit donnée plus haut, d'après le canon Consuetudo ;
car, comme il est invariablement attaché à certaines con-
ditions de la coutume de fait, il suffisait de rappeler ces
conditions.
Mais, comme nous avons ici à décrire les caractères pro-
pres, c'est-k-dire, a déterminer d'une manière spéciale
la matière et la forme du droit coulumier, il importe
d'examiner d'abord la nature des actes et leur rectitude in-
trinsèque, et ensuite de montrer en quoi consiste l'adhé-
sion du législateur. S'il s'agissait d'une société politique,
dans laquelle le peuple aurait conservé l'exercice du pou-
voir législatif, la rectitude et runiformité persévérante des
actes seraient les seules conditions du dioit non écrit; il
est manifeste qu'alors le consentement du législateur est
impliqué dans les actes répétés. Aussi les légistes romains,
qui se placent à peu près exclusivement au point de vue
DU DROIT COUTUMIER DANS l'ÉGLISE. i!li
d'une démocratie, font-ils sortir de l'autorité même du
peuple souverain, la force obligatoire de la coutume.
Or, il est certain que dans l'Eglise le pouvoir législatif
n'est nullement entre les mains de la multitude ou des
fidèles, et par conséquent nous avons ici à étudier, d'une
manière distincte, les conditions qui déterminent l'aptitude
de la matière et l'existence certaine de la forme.
I.
Sous le premier rapport, il faut commencer par l'examen
de la qualité des actes, afin de voir s'ils ont un caractère
vraiment social et s'ils tendent a introduire une obligation ;
ensuite, il importe de vérifier leur rectitude en vue du bien
public.
Le droit objectif, considéré dans son acception la plus
générale, consiste, ainsi que nous l'avons montré, dans la
direction rationnelle vers une fin obligatoire^ le droit so-
cial sera donc la règle morale que doit suivre la société
pour parvenir à sa fin-, c'est pour l'acquisition de cette fin
sociale ou du bien commun que toutes les forces collec-
tives qui constituent la personne juridique se sont réu-
nies. Or cela étant, il s'agit par conséquent, dans la question
présente, de voir si les actes qui introduisent une coutume
sont véritablement sociaux, et en outre, s'ils sont doués
de cette rectitude intrinsèque qui est une condition néces-
saire de toute loi. Quand ils réunissent cette dernière qua-
lité, qui constitue comme la matière prochaine du droit
non écrit, la coutume est dite raisonnable.
1. Et d'abord, pour ce qui est de la qualité des actes, la
plupart des canonistes, d'après la Glose sur la décrétale
Cum tanto (1), énumèrent huit ou dix conditions particu-
(.1) Gap. ult. de Consuet,
142 DU DROIT COLTl MIER
lières, que doivent réunir les opérations qui tendent a in-
troduire un usage légal. Cependant, comme quelques-unes
de ces conditions rentrent dans les autres, nous nous bor-
nerons a énumérer celles qui caractérisent la matière éloi-
gnée du droit coutumier.
1" Les actes par lesquels une coutume prend naissance,
doivent être publics et exercés par toute la communauté,
ou du moins parla majorité. 11 s'agit, en effet, d'introduire
un usage public et social, avec lequel des actes secrets et
privés n'ont aucun rapport*, ensuite, la coutume devant
être l'expression de la tendance commune du peuple, il est
nécessaire par là même que les actes soient exercés par
toute la communauté, ou du moins par une fraction suffi-
sante pour être l'expression vraie de la société entière.
Et il importe d'observer ici, qu'une coutume légale ne
peut être introduite que par une communauté qui con-
stitue une société complète en son genre, comme une
nation, une province, un diocèse. Conmetudo juris, dit
Suarez, no7i a quacumqne commiinitate introduci potest, sed
ab illa quœ sit capax potestatis legislutivœ pro seipsa tel sal-
lem sufficiens ut vera lex illi imponi possit 'V .
2° Les actes qui introduisent une coutume, doivent être
volontaires et libres, car autrement il n'y aurait pas un vé-
ritable consentement commun par rapport a cette manière
d'agir; en outre, des actes volontaires et libres sont seuls
capables de moralité, et par conséquent, seuls ils peuvent
avoir un rapport positif avec le droit. Bien que dans l'E-
glise, et même dans les monarchies et les oligarchies, le
consentement populaire ne confère par lui-même aucune
autorité à la coutume, néanmoins, la volonté de la multi-
tude constitue comme une demande tacite et une condition
nécessaire exigée par le législateur pour accorder son ap-
(1) De Leg., 1. vu, c. 9, n. 6.
DANS l'église. 1/i3
probation : ici le souverain ne veut la loi qu aulaul que les
subordonnés ont voulu unanimement et efiîcacement le
fait.
Il faut donc par-là même que l'usage général ne procède
ni de l'erreur, ni de l'ignorance, ni de la violence, car
alors le libre consentement dont nous venons de parler
n'existerait plus. On voit aussi que la majorité populaire
ne peut être comptée que parmi les personnes habiles et
formellement assujetties aux lois.
3° Les actes doivent être exercés avec l'intention, du
moins interprétative, soit d'introduire une obligation, s'il
s'agit d'une coutume prœ^er legem, soit d'abroger une loi,
si la coutume était contra legem. Les canonistes, pour
établir ce principe, apportent communément, d'après le
dernier chapitre de Prœbendis, la raison suivante : Actus
agentium non operantur ultra intentionem eorum. En effet,
comme la coutume, ainsi que nous le montrerons plus
tard, ne tire pas sa force obligatoire de la volonté expresse
du souverain, il faut bien qu'elle présente, dans sa matière
même, le principe de l'obligation; et ceci a lieu lorsque
les individus tendent a se lier eux-mêmes par des actes
répétés.
C'est parce que cette condition fait défaut, que beaucoup
de pieux usages très-universels et très-anciens ne sont ja-
mais devenus obligatoires ; tels sont, par exemple, celui de
réciter la Salutation angélique au son de la cloche, de prendre
de l'eau bénite a l'entrée et à la sortie des églises, de rece-
voir les cendres le premier jour du Carême, etc., usages qui
ne sont jamais devenus des coutumes de droit 5 et la seule
raison que l'on puisse assigner de ce fait, c'est que les
lidèles se sont toujours portés à ces actes par un pur senti-
ment de piété, et non avec l'intention de s'obliger : ces
pieux usages réunissent eu effet toutes les autres condi-
tions de la coutume légale.
laa DU DROIT COUTUMIER
Mais il peut arriver parfois que l'existence de cette con-
dition reste dans le doute; alors, quand il est impossible
de discerner si un usage a été introduit par un simple sen-
timent de dévotion, ou avec l'intention de s'obliger, on ne
doit point présumer cette intention 1). Et ceci est fondé
sur une règle générale du droit : In obscnris minimum est
sequendum.
2* Outre les conditions que nous venons d'énumérer et
qui tendent a déterminer la matière éloignée du droit non
écrit, il est encore nécessaire que la coutume de fait soit
raisonnable; cette condition rend l'usage introduit immé-
diatement apte a devenir loi.
JNous n'avons pas a prouver spécialement ce point, qui
découle comme conséquence nécessaire de ce que nous
avons dit de la notion essentielle du droit-, il est manifeste
que si cette notion consiste dans la rectitude en vue d'une
fin obligatoire, la coutume ne peut devenir loi qu'autant
quelle sera raisonnable, c'est-a-dire, qu'elle constituera un
moyen régulier d'atteindre le bien commun, qui ^est la
fin sociale.
Mais, s'il est facile d'établir la nécessité de cette condi-
tion, il n'en est plus de même lorsqu'il s'agit de définir
d'une manière spéciale, quand une coutume pourra être
dite rationnelle^ aussi existe-t-il , parmi les canonistes,
une certaine divergence d'opinions à cet égard. Selon les
uns, pour qu'une coutume soit rationnelle, il faut qu'elle
puisse être considérée comme juste et obligatoire, si elle
devenait loi positive (2) ^ il suûit donc qu'elle ait un rap-
port véritable a la fin sociale, ou puisse concourir en quel-
que chose au bien public. Selon d'autres, ce caractère de
la coutume se déterminerait d'une manière négative, en
(1) Rejffeastuel, in tilul. de Consuet. § 5.
{i) Gonzalez, in c. i, lit. 4 de Consuet. n, 12.
DANS l'église. 1/15
coiistataut simplement que les actes répétés et uniformes
ne portent aucune atteinte soit au droit naturel, soit au
droit divin positif. Mais ces données sont vagues et géné-
rales, ce qui n'est point étonnant, car il est impossible
d'assigner une règle certaine et absolue sur ce point. L'ap-
préciation est donc laissée à la conscience et à l'arbitre
d'un juge prudent ^ conséquemment, lorsqu'il s'agit des
coutumes contraires à la loi canonique, il appartient a l'É-
vêque de porter un jugement sur leur rectitude et leur uti-
lité (1).
On peut cependant déterminer certaines règles pratiques
qui peuvent éclairer et diriger l'appréciation du juge. Une
coutume doit être tenue pour irrationnelle : 1° lorsqu'elle
est contraire au droit naturel ou au droit divin positif^
aussi le législateur suprême a-t-il réprouvé lui-même ces
sortes de coutumes : Quare et vos transgredimini prœceptuni
Dei propfer traditioneni vestram; 2" lorsqu'elle tourne au dé-
triment de la religion, de la piété, en restreignant ou en
affaiblissant le culte divin, le respect pour les parents ou
pour la hiérarcliie ecclésiastique, etc. ; 3" lorsqu'elle est
pernicieuse au bien public, car alors elle exclut manifeste-
ment la raison générique du droit social-, 4° lorsqu'elle est
cause ou occasion de péché ^ 5" lorsqu'elle est formellement
réprouvée par celui a qui il appartient de gouverner la
société (2).
Il résulte de ce qui a été dit plus haut, qu'une coutume
peut être rationnelle lorsque, n'étant pas condamnée ex-
pressément par le législateur, elle est opposée au droit
positif humain. Car, bien que la loi de sa nature soit juste
et raisonnable, il peut cependant advenir que par suite de
(1) Pirhing, 1. i, t. iv, s. 1, § v, n. 30; Panormitan. in cap, ult. lit. iv,
et la plupart des canonistes.
(2) Schmalzgrûber, p. i, t. iv, § 3; Reiffenstael in 1. i décret., t. iv,
§ II, etc.
1^6 DU DROIT COUTUMIER
circonstances nouvelles, elle perde son premier caractère
d'utilité et d'opportunité; alors des actes contraires a cette
loi pourront, en vertu de ces conjonctures, être doués d'une
rectitude véritable par rapport a la fin sociale. Il est cer-
tain qu'une loi juste peut être abrogée par une loi opposée
également équitable; et cela vient de ce que les législa-
tions humaines s'exercent surtout dans Tordre des moyens
indifférents de leur nature-, or, les moyens qui n'ont point
un rapport nécessaire avec la fin, reçoivent principalement
leur utilité ou leur opportunité des circonstances, qui de
leur nature sont variables. Il est donc possible qu'une co\i-
lume contra legem soit raisonnable-, bien plus, une loi et
une coutume contraires pourront être a la fois ordinatio ra-
tionis, de même que deujt opinions opposées peuvent être
en même temps probables, c'est-a-dire, fondées sur des
raisons sérieuses de part et d'autre.
Comme il appartient au magistrat de juger avec autorité
si une coutume est rationnelle, quelques canonistes ont
prétendu qu'aucun usage ne pouvait être tenu pour raison-
nable, qu'autant qu'il avait été l'objet d'un jugement con-
tradictoire. Parmi les conditions requises a la rationalité
des coutumes, il faudrait donc, d'après eux, compter en
première ligne la preuve juridique in contradictorio judicio.
Mais ce sentiment n'est fondé ni en raisons ni en auto-
rités.
Lorsque le juge, après avoir épuisé, pour apprécier la
rectitude d'une coutume, tous les moyens de fait et de
droit qui sont en sa possession, reste encore dans le doute,
quelle sentence pourra-t-il prononcer? Schmalzgrûber 1),
d'après quelques anciens canonistes, résout cette difficulté
au moyen de la distinction suivante : S'il s'agit d'une cou-
tume prœter legem, il doit s'en tenir a cette coutume, at-
(l) Loc. cit., n. 8,
DANS l'église. ill7
tendu qu'un délit ne se présume point, même lorsqu'il s'a-
git d'un acte isolé, à plus forte raison quand il est question
des actes de toute une société.
Mais si la coutume était contra leyem, il s'en tiendrait
au droit préexistant; car d'un côté, la coutume est cer-
tainement réprouvée par la loi, qui doit toujours être pré-
sumée juste et équitable; et d'autre part, la rectitude et
la convenance de l'usage populaire demeurent douteuses 5 la
présomption de justice reste donc en faveur de la loi.
Si cependant il s'agissait d'un usage immémorial, alors
le temps conférerait a la coutume la présomption de jus-
tice et d'équité.
II.
I. La rationalité de la coutume ne peut constituer le
titre en vertu duquel elle devient obligatoire. Quand il
s'agit du droit naturel, la rectitude absolue des moyens
par rapport a la fin essentielle, constitue a la vérité le mo-
tif prochain de l'obligation^ la fin est absolument exigée
par la nature, et les moyens sont indispensables pour l'ac-
quisition de cette fin : le rapport nécessaire de ceux-ci
avec le but adéquat de la nature, fait qu'ils sont obliga-
toires comme la fin qu'ils doivent procurer-, et ce qui leur
confère le caractère de loi, c'est qu'ils sont la seule voie
par laquelle la nature peut tendre à sa fin essentielle. Il est
certain alors qu'ils sont voulus absolument par Dieu, qui a
établi cet ordre de choses (1).
Mais lorsqu'il s'agit de moyens indifférents de leur na-
ture, c'est-à-dire, qui n'ont aucune relation nécessaire
avec la fin, il est évident qu'ils ne peuvent être obliga-
U) Gonzalez la c. zi de Consuet., n. 8.
illS DU DROIT COUTUMIER
toires par eux-mêmes-, ce ne sera donc que par un fait
étranger a leur nature, c'est-k-dire, par l'acte positif d'une
volonté souveraine et compétente, qu'ils pourront devenir
des lois. Or, telle est la nature de la coutume raisonnable ;
sa rectitude consiste simplement en une certaine propor-
tion avec la ûu, mais non en un rapport nécessaire par lui-
même.
Nous n'insisterons pas davantage ici sur cette question
de droit public-, au surplus, nous avons déjà indiqué pré-
cédemment pourquoi le consentement du législateur est
nécessaire a la légitimité de la coutume-, la loi, qui est un
lien moral, doit dériver d'une manière quelconque de celui
qui possède exclusivement le pouvoir législatif, ou le droit
de lier la société.
Il n'y a pas la moindre divergence parmi les juriscon-
sultes, lorsqu'il s'agit d'affirmer que le consentement du
législateur est nécessaire-, mais lorsqu'il est question de
déterminer quelle est la nature de ce consentement, on
ne rencontre plus la même unanimité.
On a sans doute gardé le souvenir d'une controverse qui
s'esi élevée récemment sur ce point, controverse dans la-
quelle ou na peut-être pas toujours apporté toutes les
distinctions nécessaires. Pour éviter donc, autant qu'il
nous sera possible, toute confusion a cet égard, nous
allons d'abord analyser toutes les formes que peut revêtir
l'assentiment du souverain, et ensuite nous examinerons
laquelle de ces formes est requise pour les coutumes
diverses.
II. On distingue ordinairement un double consente-
ment : celui qui est appelé particulier ou spécial, et celui
qu'on nomme général ou juridique.
V Le consentement spécial consiste dans une approba-
tion réelle, et non présumée, du sujet du pouvoir législa-
tif. C'est donc un consentement personnel fondé sur une
DANS l'église. 149
connaissance propre de l'usage en question. Ce consente-
ment peut être exprimé ou tacite . Il est exprès quand le
législateur le manifeste explicitement, soit avant que la
coutume s'introduise, soit au moment même de celte in-
troduction, soit enfin lorsque l'usage est déjà entré dans
les mœurs (1).
Il est tacite, lorsque le législateur, ayant connaissance
de l'usage introduit, n'y forme aucune opposition, bien
qu'il puisse, sans inconvénients graves, le faire disparaître.
Il s'agit encore ici d'un véritable consentement personnel,
car le souverain étant obligé de veiller à la pureté des
mœurs et a l'observation rigoureuse de la loi, serait préva-
ricateur s'il restait inactif en présence des abus qu'il peut
extirper. Si donc la coutume était mauvaise, si la tendance
commune se trouvait contraire au bien public, le législa-
teur serait tenu de faire un acte positif de correction des
mœurs, et devrait ramener à la voie droite ceux qui s'en
écartent. Conséquemment, lorsqu'il garde le silence, ce
ne peut être qu'a la suite d'un jugement porté sur l'utilité
ou l'innocuité de la coutume en question -, et il résulte de
là qu'il s'agit ici d'une approbation personnelle, bien que
mentale, et non manifestée de la manière ordinaire (2).
2° Le consentement général, légal ou juridique, n'est
point un acte personnel du prince, dont il ne procède pas
directement et immédiatement : il consiste dans l'appro-
bation donnée d'avance et d'une manière générale et ab-
solue à toutes les coutumes conformes au bien public. C'est
donc un consentement médiat et indirect: le législateur,
au moyen de cette volonté générale, confirme tous les
usages utiles à la société, alors même qu'il n'aurait aucune
connaissance de ceux-ci. Comme le devoir du souverain
(1) Pirhing, loc. cit., seci. i, § Iil.
(2) Schmalzgriiber, n. 15; Suarez, c. xiv, n. 6.
iSd DU DBOIT COUTUMIER
est de procurer le bien public par tous les moyens pos-
sibles, il faut, par conséquent, que sa volonté générale,
qui a pour règle le devoir, approuve les coutumes ration-
nelles.
Il s'agit d'examiner maintenant quel consentement est
requis pour qu'une coutume ait force de loi.
Pour résoudre cette question, il importe de rappeler qu'il
existe une grande diversité parmi les coutumes -, nous avons
déjà indiqué les divisions nombreuses tirées soit de l'ex-
tension, soit du rapport de conformité ou d'opposition avec
le droit, soit enfin de la qualité des actes. Or les différences
quant a la matière nécessitent quelquefois une certaine di-
versité dans ce qui est de la forme intrinsèque ou de
l'approbation. Nous ne pouvons donc ici établir un prin-
eipe absolu, mais nous devons procéder par voie d'énumé-
ration des coutumes diverses.
l*"" Théorème à établir. Une coutume raisonnable contra
legem ne requiert pas, pour être légitime, le consentement
personnel, soit exprès, soit tacite, du législateur : le seul
consentement légal suffît (1). Il résulte de ce principe qu'une
loi peut être abrogée par une coutume dont le prince n'au-
rait aucune connaissance^ mais il faut pour cela que cette
coutume réunisse toutes les conditions que nous avons
énumérées. Tel est l'enseignement commun des canonistes
et des légistes romains.
Le droit canonique nous fournit d'abord une preuve di-
recte de cette assertion : L'icet etiam longœvœ consvetudinis
non sit vilis auctoritas, non tamen est tisque adeo valitura, ut
vel juri posilivo debeat prœjudichwi generare, nisi fiterit ra-
tionabilis et légitime prœscripta. [C. Cumtanto, lit. de Con-
met.) On voit par ce texte que deux conditions seulement
(1) Glose in c. ult., lit. iv da Consuet.; Panormit. in eod. cap., n. 13;
Felinus in c. Cum ex O/ficio, de Prescipt.; Suarez, 1. vu, c. 13, n. 7,
Schmalz., lit. iv, § 4, n. 15, etc., etc. ^
DANS l'église. iSl
sont requises a la validité de la coutume, la rectitude et la
prescription, sans qu'il soit fait mention du consentement-,
ainsi, d'après cette dëcrétale, l'approbation juridique est ac-
cordée ipso facto à toute coutume réunissant les conditions
indiquées. Et la déclaration générale faite par le législateur
d'approuver toutes les coutumes rationnelles et légitime-
ment prescrites, n'est pas moins efïicace que si elle était
réitérée chaque fois qu'il y a lieu ; il suffit qu'il y ait réelle-
ment volonté de reconnaître la coutume. D'ailleurs, s'il en
était autrement, «onn?si rarixsime, ditPirhing, /e</(?.'j canonicœ
per conirariam consuetudinem abrogari passent, ciim Pontifex
fateatur [c. I , de Consiiet. in sexto) se spéciales locorum consue-
tudines ignorare.
Mais ce qui vient d'être dit des coutumes dérogeantes
peut-il s'étendre aux coutumes prœter legem? Celle question
est controversée parmi les oanonistes. Les uns prétendent
que lorsqu'il s'agit d'introduire une coutume de ce genre,
le consentement personnel est nécessaire ^ cette introduc-
tion, disent-ils, est un acte positil de juridiction, qui ne
peut émaner que du législateur (1) . Mais l'opinion contraire
est considérée communément, par les canonistes modernes,
comme plus probable.
On peut donc entendre des coutumes prœter legem tout
ce que le chapitre Cwn tante affirme de celles qui abrogent
quelque disposition du droit écrit [%. Un nouveau droit
coutumier peut par conséquent s'introduire sans aucun
consentement personnel et sans aucune connaissance de la
part du souverain. Y a-l-il en effet moins de difficulté à dé-
lier quelqu'un d'une obligation contractée qu'à lui en im-
poser une équivalente? Or, si la difficulté est la même,
il faudra donc aussi la même autorité pour abroger une
(1) Layman ia c. ult. de Comnet., n. 4 ; Panormit, in eod. cap., etc.
(2) Pirhing, lit. de Consuet., n. 18; Suarez, loc. cit.
152 DU DROIT COUTUMIER
loi ancienne que pour en introduire une nouvelle^ et il
résulte de la que le consentement juridique doit suflire
dans l'un et l'autre cas. On peut même dire, avec San-
chez (1), que l'abrogation d'une loi renferme une opposi-
tion plus directe et plus formelle à la volonté eta l'autorité
du prince que la simple introduction d'une loi nouvelle :
d'où cette abrogation semblerait exiger un consentement
plus explicite.
Il reste vrai toutefois que le titre d'autorité de la cou-
tume, ou ce qui lui confère force de loi, consiste dans la
seule approbation du législateur-,ia forme intrinsèque du
droit coutumier, d'après l'expression de Suarez, rappor-
tée plus haut, n'est donc autre chose que la volonté du
souverain. Et le chapitre Cum tanlo, en réduisant à deux
seulement les conditions du droit non écril, ne renferme
rien d'opposé a cette assertion -, la seconde condition ou la
prescription implique le consentement légal, le législateur
lui-même ayant déclaré qu'il attachait son assentiment a
cette condition. Il n'y a pas a la vérité acte direct et per-
sonnel de juridiction, mais cet acte est renfermé actuelle-
ment et suffisamment dans la durée déterminée par le
droit.
2« principe. Une coutume tendant à abroger une loi an-
cienne ou à introduire un droit nouveau, peut, sans avoir
légitimement prescrit, acquérir force de loi, par l'accession
du consentement spécial du législateur. Tel est l'enseigne-
ment commun des canonistes et des légistes^ conséquem-
ment il est inutile d'apporter ici des preuves d'autorité. Au
surplus, il suffît de consulter les auteurs cités plus haut, aux
passages indiqués, pour confirmer l'assertion précédente.
Il est facile d'assigner la raison de cette règle. Comme
le peuple ne possède en aucune sorte, dans l'Église, le pou-
(1) Lib. 7 deMatr., d. 4, n. 11 et 14.
DANS l'église. 153
voir législatif, et que le seul consentement du souverain
peut donner force de loi à la coutume, il faut de toute né-
cessité que ce consentement soit acquis;, il s'agit donc uni-
quement de constater cette approbation pour établir qu'une
coutume rationnelle est devenue légale. Or, le consente-
ment juridique seul dépend de la prescription, ou des con-
ditions déterminées par les saints Canons (1 , et par suite
ne peut être prouvé que par la vérification de ces condi-
tions. Mais le consentement personnel étant un fait positif
qu'on peut constater avec certitude en lui-même, nous
n'avons plus besoin, lorsqu'il est certainement accordé,
de la présomption légale de son existence : il serait su-
perflu alors de revenir à la preuve tirée de la durée pres-
crite par le droit positif; le consentement ne se présume
plus, puisqu'il est évident. Et la volonté du législateur évi-
demment n'est pas moins efficace lors(]u'elle ratifie un ordre
de choses déjà usité dans la société, que lorsqu'elle propose
des prescriptions inouïes jusqu'alors, 'ou des lois nouvelles.
Pour ce qui est de déterminer quelle espèce de consen-
tement spécial est exigée, les eauonistes enseignent assez
communément que s'il s'agissait d'une matière ayant une
haute gravité, l'approbation expresse serait requise ; mais
s'il n'est question que d'un usage de moindre importance,
le consentement tacite ou interprétatif suffit (2 . Toutefois
l'opinion qui n'exige que le consentement tacite dans l'un
et l'autre cas, est probable.
Il résulte du principe posé et de quelques observations
faites précédemment, qu'une coutume quelconque, pourvu
qu'elle soit rationnelle, ou réunisse les conditions géné-
riques du droit, acquiert force de loi par le seul consente-
ment personnel, tacite ou exprès du prince, lors même
que les autres conditions que nous avons énumérées fe~
(1) C. Cum funio, ull. do Consuet.
f-n Suarez, lor. cit., n. Il et i2.
U|-.VI:k mis Sr.iKNCES ECCLÉS., T. X — AOUT 1864. W
Ibli DU DROIT COUTUMIER
raient défaut ^1). Et même dans le cas où il y a doute si Uft
usage est raisonnable, l'approbation du prince suffira pour
conférer à cet usage une présomption de rectitude.
III. Il nous resté maintenant a déterminer en quoi consiste
cette prescription requise à la validité des coutumes, pre-
scription à laquelle est attaché lé consentement légal. La
question présente revient donc a déterminer quand et
comment l'approbation juridique est acquise par voie de
prescription,
La coutume est légitimement prescrite, lorsque les acteà
qui l'ont introduite ont été continués pendant un temps
réputé considérable, et cela sans aucune interruption par
des actes contraires: La prescription de sa nature tend à
amoindrir et à annuler les droits de la partie lésée (2). Mais
quand il s'agit de la coutume, le laps de temps n'est pas
précisément requis pour amoindrir les droits d'une partie
lésée, mais simplement pour établir et consolider le con-
sentement populaire, ainsi que pour vérifier l'utilité de
l'usage qui s'introduit. Aussi la prescription se prend-elle
ici dans un sens spécial et privé.
INous avons dit précédemment que la coutume diffère
de là prescription, en ce que celle-ci exige la bonne foi,
tandis qu'une coutume introduite par la mauvaise foi peut
devenir légitime. Il est vrai que ce point, considéré dans
toute sa généralité, est controversé parmi les canonisles.
Suarez (3 , Salas, de Lugo, etc., prétendent que la bonne
foi ici n'est pas requise-, et cette opinion est probable.
Cependant l'opinion opposée, soutenue par Felinus, Lay-*
man, etc., n'est pas non plus dénuée de probabilité. Mais
s'il s'agissait d'une coutume introduite via conniventiœ,
c'est-a-dire, sous les yeux et à la connaissance du législa-
(1) Gonzalez in c. xi, de Consuet., n. 7.
(2) Leurenius, For. Eccl., de Consuet., c. 1.
(3) G. I, n. li ; c. XVIII, 11. 23.
DANS l'kclise. 155
tetÉr, t\M\ petmel celte îAtrbdiiction, il est certain qu'alors
la bonne foi n'est point nécessaire. C'est du moins l'ensei-
gnement commun dfeà Canonistes.
Mais quel laps de temps est fequis pour qUe la pre-
scription sOit définitivement acquise? Il s'agit ici exclusi-
vement de la coutume prœtër ou dùntht legêrn, qUi s'introduit
'a l'insu du souverain. Le droit i*omàin admet qu'une pé-
riode de dix années suffit pour qu'une coutume devienne
légitime t^u prœscriptioM». Il déclare d'abord que la cou-
tume» pour devenir obligatoire, doit être de longue durée :
Et ne quid contra longam comnetiidinem fiût^ ad sotlicitUdinem
sua^ revocabit prœses (1). Ensuite il explique ce que l'on
doit entendre par cette durée de la coutume i Sttper longi
temporix prœ^riptime, quœ decem annis introdmitur (2).
Toutefois, il importe d'observer ici qu'il exige pour certaines
prescriptions un temps plus considérable; il admet cepen-
dant d'une manière générale qu'en matière favorable et qui
n« cauee de détriment a personne, la possession décennale
suffit pour prescrire. Or> dans tout ce qui est de la coutume,
il s'agit uniquement d'un matière favorable; la coutume,
en effet, devant être rationnelle, tend par conséquent au
bien public. En outrie, la coutume ne cause de préjudice à
personne -, elle n'est point nuisible au prince, puisqu'il
accorde son assentiment, ni aux sujets, puisque c'est par
eux qu'elle s'est introduite.
Telles sont les dispositions du droit romain et l'enseigne-
ment commun des légistes sur la coutume civile.
Lorsqu'il s'agit de la coutume canonique, les auteurs ne
sont pas complètement d'accord pour la détermination du
temps requis à la prescription. Les aticiens oanonist^(3)
(1) Lib. I, Codex quœ sit longa Consuet.
(2) Leg. Sup. longi, Cocl. de Prœscript. longi tempoHsi
(3) Panorm. ia c. Cum tanio, n. Il; Fagnanin c. Treugas, :, de Treïtga
et pace, n. 40 et 67 ; Layman. 1. i, Ir. 4, c. 24, de Leg. Dian, p. 5> itibl.
5, sect. ï, etc.
156 DU DROIT COITUMIER
exigent généralement une durée continue de quarante ans.
Et cette opinion semble'confîrmée par plusieurs décisions
de la Rote et par la glose sur le chapitre Cum tanto. Ce sen-
timent est fondé sur ce que le droit canonique déclare ch.
dé Quarto, lit. de Prœscrîpt. qu'on ne peut prescrire contre
l'Église, sinon par une possession de quarante ans^ et
comme une coutume qui abroge une loi semble prescrire
d'une certaine manière contre l'Église, il résulterait de là
que la coutume canonique doit avoir pour acquérir, via
prœscriptionis, le consentement du législateur, une durée
non interrompue de quarante ans.
Les canonisles plus récents, tels que Lessius (1),
Pirhing (2 , Reiffenstuel 3\ Schmalzgrûber (4), etc., en-
seignent communément qu'une coutume de dix ans peut
abroger une loi ecclésiastique. Ils montrent d'abord que
l'argument tiré du chap. de Qnarla, n'est point concluant,
attendu qu'il n'y a aucune parité à établir entre la pre-
scription acquise à la coutume et celle qui a rapport aux
droits et aux biens des Églises. La coutume, ainsi que nous
l'avons montré,. ne doit rien renfermer qui soit contraire aux
droits et aux prérogatives du Pontife romain, et par con-
séquent ne prescrit jamais contre l'Église.
Schmalzgrûber, d'après quelques canonistes, donne une
seconde raison : c'est que la preuve apportée par la pre-
mière opinion pèche par excès. Comme il s'agit surtout de
la coutume qui abroge une loi du législateur suprême dans
la société chrétienne, ou du Pontife romain, il faudrait alors
le temps exigé par le droit pour prescrire contre l'Église
romaine; or, il faut cent ans pour acquérir la prescription
contre cette Église 5'.
(1) Lib. II, de Just et Jure, c. 6.
(2) TU. IV, de Cous., n. 39.
■ (3) Tit. IV, de Cons.
(4) Tit. IV, n. t05; p. i. lit. '.• »■ 10.
(5) Lnc. cit.
DANS l'Église. 157
Benoit XIV lait observer à ce sujet qu'il s'aj'it d'un pri-
vilège spécial de l'église de Rome comme telle -, et ce
privilège ne s'étend point aux diverses dispositions de la
législation papale pour l'Eglise universc!!o.
Quelques auteurs soulèvent, sur le temps requis pour
prescrire, une question accessoire : Faut-il une durée plus
considérable dans le cas d'absence du législateur que lors-
qu'il est présent? La doctrine commune est que dans l'un
et l'autre cas, la prescription décennale suffit. Comme il ne
s'agit pas ici du consentement personnel, mais du consen-
tement général accordé par le droit, il est évident que la
présence ou l'absence du législateur ne peut en aucune
sorte modifier la question (1).
Nous terminerons cet exposé des conditions canoniques
de la coutume, par une remarque qui a son importance
quand il s'agit de discerner du véritable droit coutumier les
usages illégitimes et abusifs. Le législateur suprême dans la
société chrétienne, c'est-a-dire le §ouverain Pontife, étant,
ainsi que nous le disions dans le premier article, le principe
concret et permanent de l'unité extérieure de l'Église, il
résulte de la que son approbation, dans le cas dont il s'agit,
ne peut se présumer trop légèrement. En effet, comme la
plupart des coutumes sont loin d'être générales, le droit
non écrit est donc une source de diversité parmi les en-
fants de la grande famille chrétienne-, par conséquent la
tendance du droit coutumier, considéré d'une manière gé-
)iérale et abstraite, semble être plus ou moins contraire à
la tendance du pouvoir souverain ecclésiastique, considéré
comme source et fondement de l'unité. Aussi trouvons-
nous dans les saints Canons des déclarations peu favorables
h la trop grande multiplicité des coutumes, tant à cause
(1) Cap. Cum nobis, xiv, de Prœscript.
{i) Schmalz., lieu iud., n. Il,
158 nr droit roLTUMUîR dans l'église.
de la raison indiquée que pour ne pas rendre la loi ecclé-
siastique trop a charge aux fidèles. Nous lisons dans le
canon Qrnnia {\) : Qmnia talia quœ... diversorum locqrnm_ di-
versis moribus innumerabiliter variantur, ita ut vix aut omnino
nunqmw, {ripeniri possent causœ, quas in eisinstituendis homines
seçuti sitftti Vibi facilitas tribuitur^ sine uliq dubitatione rese-
cQ/i^^a, çççistimo.
C'est ep vue du même principe abstrait de l'unité ou de
la volonté générale du législateur, qu'il n'est point permis
^ux évêques de faire des constitutions synodales conformes
à une coutume dérogeante, fût-elle légitime ^). Le sou-
verain qui a accordé son assentiment a la coutume légale,
n'a point pour cela abdiqué le pouvoir gouvernemental pu
?idministratif sur ce point particulier, puisqu'au contraire
Iç consentement accprdç constitue un acte de juridiction.
Le législateur subalterne qui, par une ordonnance, semble-
rait vouloir conférer force obligatoire à la coutume contraire
au droit commun, tenterait donc de s'attribuer la laculté
d'abroger une loi de son supérieur (3) : il ferait un acte
d'autorité sur un point qui est absolument hors de sa com-
pétence, et par conséquent cet acte serait nul de plein
droit.
E. Grandclaude.
(1) C. xn, dist. xii.
(«) Benoît XII, de Syn. diœc, 1. xii, c. 18, n. viu.
(3) Barbosa, in cap. fin. de Con^., ail. 93.
DU PROBABILISME.
CasuB Conscieutiœ, auctore J.-P. GuHY. Deux volumes in-lî.
Lugduui el ParisHs, 1864 .
11 y a quatre mois à peine, on raetuit en vente les Cm die ceiX"
sçienfie^ du R. P. Gury, et déjà les six mille exemplaires de la pre-
mière édition sont écoulés. A quelle cause a^ribuei? un giuccèa depuis
longtemps sans exemple dans la librairie ihéologique ? Au mérite per-
sonnel de l'auteur d'abord, à la réputation justement acquise à son
Compendium theologise^ moralis, à la mélbode parfaite par laquelle ce
livre est devenu le roanuel le plus commode du confesseur, aussi bien
que le meilleur résumé de la théologie morale. A tous ces titres,
l'accueil fait au nouvel ouvrage du docte professeur était facile à pré-
voir. Toutes les qualités du Compendium, on s'attendait à les retrou-
ver dans les C^s de wiscience, et ce second ouvrage était ftvec rais^q
considéré comme le complément du premier.
Mais la perfection de la méthode n'aurait pas suffi pour assurer un
tel succès aux œuvres du Pi. F. Gury ; il a fallu que le fond même
des doctrines répondit aux besoins de notre époque. Or, nul traité de
théologie morale n'était aussi bien adapté à ces besoins.
Qui ne se souvient de ce temps, encore peu éloigné, où nos écoles
de France subissaient le joug de la doctrine rigoriste que nous avait
légwée le jansénisme ? Les auteurs classiques de nos séminaires étaient
Collet, Bailly, Antoine, la Théologie de Toulouse, de Lyon ou de
Rouen ; Pontas et les Conférences d'Angers étaient le fond de la bi-
bliothèque de tous les prêtres ; on regardait enfin comme bases de la
théologie uiors|le les principes quelque peu sévères de Bossue! et leg
160 DU PRORABILISME.
décrets de l'assemblée de 1700. Les casuistes, tant calomniés par Pas-
cal, étaient encore au pilori.
De Rome cependant, du centre même de la catholicité, partait une
impulsion destinée à réagir contre une funeste rigueur, en ramenant
la morale dans les saines voies de la tradition ancienne. Oubliant ses
lenteurs proverbiales, la Cour romaine se hâtait de glorifier le grand
moraliste des temps modernes, saint Alphonse de Liguori. Ni amis ni
ennemis ne s'y trompèrent ; dans le saint Évêque, on vénérait l'homme
apostolique orné des plus éclatantes vertus ; mais, par dessus tout, on
rendait hommage au docteur suscité par la Providence pour combattre
les doctrines rigoureuses qui avaient peu à peu envahi les écoles.
Le clergé de France ne pouvait rester indifférent à cette tendance
de l'Église. Saint Alphonse y trouva des partisans zélés à propager ses
doctrines ; mais i! y rencontra un plus grand nombre d'adversaires.
Ceux-ci, prêtres infiniment respectables, se tenaient en garde contre
tout ce qui avait une apparence de nouveauté. C'était le temps où La
Mennais avait donné le scandale de son apostasie, après s'être annoncé
comme le défenseur de l'Eglise. Or, ceux qui patronnaient les œuvres
du saint Évêque avaient été, en partie du moins, les disciples du sec-
taire. De là je ne sais quelle défiance qui faisait confondre une légitime
réaction avec une nouveauté dangereuse. La doctrine d'outre-monts
gagnait cependant ; un secret instinct de la vérité dominait les vieux
préjugés ; l'on commençait à comprendre que'la pnre doctrine n'était
pas la propriété exclusive de Bossuet, du clergé de France ou des Uni-
versités de Paris et de Louvain. D'autant que, dans la pratique, une
longue expérience avait prouvé l'impossibilité de s'en tenir aux ensei-
gnements de l'école rigoriste. N'avons-nous pas entendu dire maintes
fois qu'arrivé au confessionnal, un prêtre devait oublier ses principes
de théologie morale ? Mais cet antagonisme disparaissait dans la doc-
trine de l'EvêquedeSainte-Agallie ; ses principes, solidement appuyés
sur les enseignements des grands docteurs et des grandes écoles catho-
liques, étaient approuvés par la suprême autorité de l'Église ; une
faveur particulière s'attachait même à son nom. Pourquoi n'aurait-on
pas adopté ses décisions '! Pourquoi ne se serait-on pas déclaré dis-
DU PROBABILISME. 161
ciple du théologien que le Saint-Siège proposait comme un maître
irréprochable '
C'est ce qui arriva bientôt. Un savant professeur du séminaire de
Besançon, aujourd'hui archevêque et cardinal, voua sa vie à propager
en France les écrits du saint Docteur. Il eut de terribles luttes à sou-
tenir ; mais on sait quel succès obtint sa théologie morale. Elle serait
bientôt devenue l'ouvrage classique dans la plupart de nos séminaires,
si elle eût été écrite en latin et si elle eût conservé la méthode scola-
stique, cette méthode si favorable à l'enseignement.
Pendant que la réaction commençait en France, l'auteur du Cotn-
pendinm étudiait la théologie à Rome. Entraîné par la nature de son
esprit vers les questions pratiques plus que vers la spéculation, le
jfune étudiant s'imprégna des doctrines des moralistes les plus accré-
dités. Saint Liguori surtout était son auteur favori. Appelé plus tard à
monter dans la chaire du professeur, il se mit de plus en plus sous la
conduite du saint Évêque, sans toutefois négliger les autres théolo-
giens ; ses écrits en font foi. Enfin, après plusieurs années d'enseigne-
ment, il mit an jour son Compendmn tlieologise moralis.
Œuvre de patience, d'érudition et de bon sens, ce livre était un ex-
cellent résumé des opinions de saint Alphonse et des meilleurs théo-
logiens, même de ceux dont le savant professeur n'adoptait pas les
sentiments. Ce fond de doctrine, présenté dans un cadre parfait, avec
son exposition courte, mais claire, des principes, ses applications pra-
tiques, fit de cet ouvrage le manuel indispensable du confesseur. Non-
seulement la France l'accueillit avec la plus haute faveur, mais la Bel-
gique, l'Allemagne, l'Italie, se hâtèrent d'en multiplier les éditions ;
l'Angleterre, l'Espagne, les missions d'Amérique, d'Asie, en un mot,
la chrétienté entière reçut le Compendhim comme un précieux se-
cours que Dieu donnait à son Église.
Nous ne voulons ici analyser ni le Compendium ni les Casus con-
$cientix, encore moins insister sur les mérites de ces deux ouvrages ;
nous voulons seulement parler de la question qui domine toute la théo-
logie de saint Liguori et de son fidèle disciple : celle du /jrofe«6i-
lisme.
162 DU PROBABILISME.
Pendant plus de deyx çiècies on a vu î^ux prises les proba))ilistes, et
leurs adversaires ; les murs des anciennes universités retentissent en-r
core des derniers échos de ces longues controverses. Une lutte plus
importante a succédé aux disputes des écoles. Ce n'est plus tel ou td
point de doctrine, abandonné à la libre discussion des savants, qui
attire aujourd'hui les efforts du polémiste, mais il faut défendre
contre le rationalisme moderne les fondements rainés du dogme chré^
tien. Nous pouvons donc, avec plus de sang-froid que nos devanciers,
jeter encore un regard sur cette grande controverse et nous rendrei
compte du progrès pratique qu'elle a fait jusqu'à ce jour. Nous ne vou-
ions pas, par une feinte impartialité, nous dire indifférent au proba-
bilisme ou au probabiliorisme ; nous avouons franchement notre syrapa^
thie pour la première de ces opinions, et notre but dans ce travail ^st
de montrer le rang qu'elle occupe aujourd'hui dans les écoles c.atbo-r
liques. Mais nous espérons que notre attachement à cette doctrine uq
nuira en rien aux droits de la vérité.
Et d'abord, qu'est-ce que le probabilisme ? Il y a en France toute une
école philosophique qui 9 voulu imprudemment se mêler aux discus-
sions théologiques, qu'elle eonnaissait seulement par les écrits de Port-
Royal ; cette école est tombée dans d'étranges erreurs sur la nature
du probabilisme. M. Cousin n'a pasassez d'anathèmes contre un système
qui « ruine toute cerlitiide et toute obligation morale. » (Des Pensées
de Pascal, préface de la 3« édit., p. li.) Ainsi parle le maître ; et le§
disciples de répéter que le probabilisme est une forme du scepticisme.
« Les jésuites, dit M. Bouillier, iwlinent au probabilisme en mélaphyi
sique, comme leurs casuistes en. morale, ou plutôt leur probabilisme
en morale nesi qu'iitie conséquence de Imr probabilisme en métaphy-
sique. [Hisl. du Cartésian., ch, xxyi.)M. Cousin et ses élèves en sont
encore aux Provinciales ; c'est là qu'ils ont étudié les controverses
théalogiques ; et leur conscience timorée a pris parti pour le prétendu
réformateur de la morale. Mais voulant aborder les hautes questions,
ils ont commis la faute impardonnable de les étudier dans les satires
d'un spirituel adversaire. Ils ont cru, sur la parole de celui qui fui
l'aveugle instrument de Port-Royal, que le probabilisme permettait de
UV PROBABlLlSiME. 163
voir ^l^niçnl la yf^fiié dans les cont,Fadictoi,re$ ; qu'inditTérent au
fqnd iiiêrne des choses, le probabiliste se mettait en quête d'un ou deux
auteurs favorables à une» apipioo relâchée pour s'affranchir du joug de
la loi divine. 11 ne sera pas difficile de montrer combien celte accusa-
tiofi est, injuste ; une simple exposition de ce système y suffira.
Telle action çst-elle licite ou ne l'est^elle pas ? Telle loi exister t-elle,
ou s'é^end-elle à un cas donné ? Aucune déclaration authentique, au-
cun document certain ne tranche la difficulté ; les meilleurs esprits se
partagent, e^ les raisons, soigneusement comparées, ne donnent pas
(^e réipoQse claire, Que feire alors? Prononcer en, faveur de la loi
contre la liberté, qu en faveur de la liberté contre la loi ? Rendre cer-
taine dans |a pratique une obligation incertaine en spéculation, ou
laisser l'homme ep possession de sa Uberté, jusqu'à ce que l'existence
de l'çiWigatifto. spit bieiji, établie? S'il ne s'agissait que d'un conseil de
perfection, n^l doute : mieux vaudrait s'imposer un sacrifice que de
s'çxposer à un danger même incertain de transgresser un précepte.
Mais, ?utre est |e conseil de perfection, aulre la loi chrétienne obliga-
^oif€. Qp, dans 1^ cas de la )qi incertaine, le tutioriste enseigne qu'il
l'^ut toujours prepdre parti pour l'obligation, sous prétexte qu'on ne
peut sans pé^hé s'çxposer à violer un commandement quelconque • le
vrobabilioriste vçut qu'qn pèse les probabilités pour ou contre l'obliga-
tion rigpureuse, et qu'on maii^lienne le précepte rigoureux, à moins
que les probabilités en faveur de la Hbçrté ne l'emportent sur celles qui
milileat en faveur de la loi. Çnfin le pro^abilhte enseigne que là où il
y a upe vraie prob£^l:)il,ité cçi;»tre l'existence de la loi, on ne saurait im-
poser comme certaine une obligalioj^ que r'^n ne peut établir (1).
(J) Les probabilistes se subdiviaeut encore en équi^robabilistes et pro-
bflbilistes fin^ples. N(it,r^ but n'est pas, dans cette étude, de comparer en-
seiçble ces deux nuances du prQbabilispfie . Distincts en théq^-ie, ces
deux systèmes se confondent dans la pratique ; et les arguments que les
ôquiprobabilistes apportent contre les probabilioristes sont absolument
les mêmes que ceux par lesquels les probabilistes simples établissent leur
sentiment : Lex dubia non obligat ; lex non promulgata non obligat. Cette
identité de doctrine est si évidente ^ux yeux çlçs probabiliojfistes, qq'ili?, en
tirent leur principal argument contre les équiprobabiUstes. Çt i^ filait, on
16/| 1)L PU0IÎ\B1L15ME,
Telles sont les trois solutions principales qui, sous une foule de
nuances diverses, ont partagé les théologiens catholiques ou soi-disant
catholiques. Car les tutiorisles ont été réprouvés par le Saint-Siège,
quand Alexandre VIII a condamné cette célèbre proposition, résuméde
leur doctrine : Non Ucet seqtii opinionem vel inter probabiles proba-
bilissimam. Laissant donc de côté celle solution^ rejelée depuis long-
temps par tous les bons théologiens, bornons-nous à comparer ensemble
le probabiliorisme et le prohabilisme.
Le premier est loin sans doute de h sévérité outrée du tutiorisme :
cependant, appliqué en toute rigueur, il mènerait parfois à de bien dures
conclusions. Supposons, par exemple, un père de famille qui doute, et
non sans raison, de l'origine de sa fortune. Homme consciencieux, dis-
posé à tout sacrifier plutôt que de vivre dans le péché, il fait les plus
exactes recherches, et le résultat de son enquête est de confirmer de
plus en plus ses soupçons, sans lui donner une certitude morale que
son bien a été mal acquis. Que fera-t-il? Devra-t-il, en stricte justice,
se dépouiller d'une fortune qui lui est nécessaire pour l'entretien et l'é-
ducation de sa famille? S'il était certain moralement que ce bien fût la
propriété d'un autre, il n'y aurait pas à hésiter; et mieux vaudrait
perdre ses ressources que de rester k^ détenteur injuste du bien d'au-
ti'ui. Cette obligation est assez dure par elle-même. La doit-on aggra-
ver encore en forçant le possesseur à renoncer à sa propriété, si la
somme des probabilités en sa faveur ne l'emporte pas sur celles qui
corabatlent contre lui? C'est ce que fait le probabiliorisle. En vain
prétend-il éviter cette odieuse conséquence en vertu du principe du
droit : Mehor est conditio possidentis.
La réponse est bonne assurément ; mais cet axiome de droit peut-il
être accepté dans sa généralité par un probabilioriste? Le fait de la pos-
session est bien un préjugé favorable au possesseur; on doit en faire
l'un des éléments des probabilités que Ton compare; mais quand les
droits sont incertains de part et d'autre, la plus grande probabilité
voit, dans leurs décisions, les probabilistes presque toujours d'accord avec
les équiiirobabilistcs.
DU PROBABILISMIi. 105
sera-t-elle nécessairement du côté où est la possession ? Et si elle n'y
est pas, il faudra, malgré l'axiome, renoncer à un bien dont l'origine
est probablement mauvaise.
Quel est, en effet, le point de départ du probabiliorisme ? Pour agir
en toute sécurité, il faut être assuré que l'acte est licite ; si dans la spé-
culation on ne peut avoir une telle assurance, il faut au moins qu'un
principe réflexe donne en pratique celle certitude morale. Or elle ne
peut exister si le plus grand nombre des probabilités n'est pas en faveur
de la liberté contre l'existence de la loi. Cette doctrine une fois admise,
la conclusion est facile àjtirer dans le cas exposé plus haut. Si après
avoir pesé toules les circonstances, même celle delà possession acluelle,
on a plus de raison de croire que le bien a été injustement acquis, on
est obligé de s'en dépouiller ; la même obligation existe si les probabi-
lités sont égales de part et d'autre, car on ne risque pas de pécher en
s'en dépouillant, tandis qu'en le conservant, on s'expose à un danger
qu'on est tenu d'éviter suivant le système des probabiliorisles.
Celte rigueur excessive n'existe pas dans le probabilisme. Là aussi
on admet qu'on ne peut agir sûrement si l'on ne reconnaît son acte
comme pratiquement licite. 11 faut donc examiner les raisons en faveur
de la loi ou de la liberté , les peser, les comparer ; mais souvent tous
les raisonnements liumains ne sauraient aboutir à une conclusion cer-
taine. Force nous est alors de recourir à ce que les théologiens ont
nommé un principe réflexe ; probabilistes et probabilioristes sont
d'accord en ce point. Or ce principe réflexe, pour le probabdiste, est
qu'une obligation incertaine en spéculation ne saurait devenir certaine
en pratique ; qu'une loi douteuse ne peut lier la liberté humaine.
En vain, le probabilioriste recourt à son fameux principe : que nous
sommes tenus d'éviter le danger de pécher, selon l'enseignement du
Saint-Esprit: Qiiiamat periculnm in illo peribit . Mais ne s'y expose-
t-il pas lui aussi dans son système? Et quand les raisons qui militent en
faveur de la loi sont vraiment probables, quoiqu'elles le soient moins
que celles qui favorisent la liberté, le probabiliorisle ne consent-il pas
à la transgression probable de la loi? Seuls les tutioristes évitent cet
écueil, mais en nous jetant dans le désespoir et en rendant le joug du
160 nu PROBABÎLISàlE.
Seigneur impossible â potW. Le !seùl avantage du probabiliorislè sur
le probabilistè, en ce point, c'est qu'il est moins exposé à lirànsgrBsser
matériellement le précepte divin. Mais^cet avantage apparent est nul en
réalité. Car nous ne sommes pas tenus séulement^à éviter un plus grand
danger de pécher, mais tout danger absolument; et quiconque, sciem-
ment et volontairement, s'exposerait à uri p^il probable dépêché foMel,
quelles que soient les chances opposées, serait pur là raémte coupable.
Que si le probabilioriste se retranche sur la distinction entité le péché
formel et le péché matériel, il ne gagne rien pour sa cause ; car il est
obligé d'avouer que le péché purement raatéi'Iel n'altêt-ô pas l'amitié de
Dieu ; seul le péché formel nous rend coupable, et le péché formel n'a
jamais lieu quand la conscience déclare une action licite. Or le pro-
babilistè n'est pas moins fondé à se former la conscience dans les càS
douteux que son adversaire.
Il reprend, en effet, la quèstiôft de plus hàutr. Dieu en créant l'homme
lui donna la liberté. La liberté s'étend par elle-diême à toutes Ifô
actions dont est capable la nature humaine. 11 suit de là qu'antérieure-
ment à toute loi, au moins dans l'ordre logiqtte, l'homme est en pos-
session de sa liberté. Mais, pour mettt>e dOs limiteâ à un droit certain,
ne faut^il pas un motif également certain? Donc, tant que l'existence de
la loi ne sera pas moralement certaine, et cela n'arrivera pas tant qu'il
y aura des vraies probabilités contre elle, l'homme restera en posses-
sion de sa liberté. C'est l'axiOme du droit : LÉèc dubia Hoh obligât.
Ainsi ont entendu la liberté morale les plus grands théologiens qui,
depuis près de 300 ans, ont pris part à la grande controVorse du pro-
babilisme. La liste de ces partisans du probabilisme serait longue ;
Rassler en compte plus de 2.^ (I) ; Etienne Dechamps, le célèbre
adversaire do jansénisme, dans sa Savante disserlatioti sdt* le probabi-
Usme, en cite un très-grand nombre, et Zàècaria, qui à reproduit ce
travail en tête de son édition de la théologie de Lacroix, complète Cette
liste déjà très-étendue (2). Qu'il nous suffise de éiter les p\\is célèbres :
([) De ^ormà recta disputandi, disp. 3, q. 9, art. 2.
2) Qaœstto facli. ûanâ cette rtisserlation, le sàtnnt idéolagion a poiir
DU PROBAniLTSME. i67
Médina, Bannw, D^ Solo, Vasquez» Suarez, de Lugo, Lessliis, les
docteurs de Salamanque; et dans l'ancienne Université de Paris : lâam^
bert, André Duvâl, Gâmache, Abelly, qui tous enseignent leur doctrine
cortme la doctrine commiJne des écoles théologiques. De tels noms
peuvent bieh contrebalancer l'â'utorilé d'adversaires tels que Noël
Alexandre, CoBCina, GontensOn, Coniitolo, Thyrse Gonzatôs, et autre8>
sans môme en excepter Bossuet et l'assemblée de 1700.
Personne n'ig^flore avec quelle ardeur celte assemblée poursuivit les
casulfites. Les prélats en petit honibre féunis à Saint-Germain> persé-
vérant dans les funestes tendances de l'assemblée de 1682, transfor-^
mèrent l'assemblée en une sorte de concile, et s'arrogèrent le droit de
revenir sur les décisions du Souverain-Pontife, sous prétexte que leurs
décrets n'étaient pas reçus en France ; de censurer des opinions qui ne
l'avaient pas été par l'autorité supérieure, et qui, avant comme après
leur sentence, ont eu cours parmi les meilleurs théologiens. Enfin, re^
prenant le plan proposé par l'évêque janséniste d'Alet, Nicolas Pavillon,
ils prétendirent couper le nM da laxistne diafls sa racine en condam-
nant solennellement le probabilisme.
Nous ne voulons pas faire ici le procès à cette célèbre assemblée »•
mais il nous sera bien permis de ne pas accepter une sentence portée
par un tribunal incompétent. Quelle autorité avait, en effet, pour traiter
des affaires de doctrine, cette réunion de seize évêques convoqués par
ordre du roi? Sans doute, chaque évêque, du palais de Saint-Germain
comme de son dom'icile épiscopal, avait autorité sur le troupeau confié
à ses soins ; il restait juge de la foi dans les limites de sa charge pasto*
bel de tïiôntrer : 1° qUé Ife prObabilisme est )a doctï-iùè la plus commu-
nément reçue dans les écoles catholiques, sans en excepter l'Université de
Paris, avant l'invasion du jansénisme ; 2° que les thomistes dominicains
en ont été les plus ardents défenseurs; a» que les jésuites n'en sont pas
les inventeurs ; 4" enfin, que les théologiens de la Compagnie de Jésus,
bien loin de se servir du probabilisme pour favoriser le relâchement de
la morale, ont tempéré et combattu les opinions trop bénignes des
probabilistes étrangers à la Compagnie. C'était une réponse aux calomnies
de Pascal et des jansénistes, réponse sans réplique, mais qui ne put con-
trebalancer dans les esprits prévenus et superficiels les mordante»
ironies des Petites lettres.
168 nu PROBABTLISME.
raie; mais le fait de son union avec ses collègues n'ajoutait rien à sa
juridiction. On ne saurait assimiler l'assemblée du clergé à un concile
national ou provincial, pas même à un simple synode. Or, dans un con-
cile provincial, comme le fait remarquer Fagnan, et après lui Be-
noît X(V {]), on ne doit pas se permettre facilement de définir /es
questions douteuses controversées entre les théologiens, surtout là où
l'on pourrait craindre quelque grave inconvénient, pur exemple dans
le cas d'usure ou autres qui jetteraient dans le trouble les consciences
timorées. Et tout l'ouvrage de Benoît XIV sur le synode a pour but de
montrer aux évêques les écueils qu'ils doivent éviter en pareille cir-
constance.
Si telle est la réserve imposée aux conciles provinciaux et aux synodes,
l'éunions canoniques, en lesquelles les évêques prononcent dans le lieu
de leur juridiction, et dont les décrets, ceux du moins des conciles
provinciaux, ne paraissent que revêtus de l'approbation du Souverain-
Pontife; que penser d'une assemblée dépouillée de tout caractère
canonique, dont les arrêts ne passaient jamais sous les yeux du Pape,
et qui ne craint pas de prononcer une condamnation contre la doc-
trine commune des écoles ! En vain Concina, entraîné par l'esprit
de parti, égalera presque l'autorité de celte réunion à celle des con-
ciles généraux et la décorera du nom auguste de synode national
ou de concile (2) ; en vain l'assemblée e!le-mêm.e, dans ses lettres en-
cycliques aux évêques de France, se déclare réunie au nom de Notre-
Seigneur et dans le Saint Esprit (3), nous répondrons, avec un des
prélats de celte même assemblée, l'archevêque d'Auch, « que leur
décision ne pouvait pas lier les évêques absents, par le défaut d'une
autorité capable de les contraindre à s'y soumettre (4)... Et avec saint
(1) De Si/no'J. diœces., 1. vu, c. 1.
(i) « Summam qua pollet post concilium générale Synodus nationalis
vastissituae luonarchiae el doctissimi cieri auctoritatcra, nou est quod
exponam ; res enim omnibus comperta est. Hîbc erso quse sequuntur
concilium istud, aouo 1700 celebratum, deceroit. » (Concina, ad Theol.
Christian, appar., 1. m, dist. 3, c. 5.)
(3) Nos in Spiritu Sancto et in Christi nomine adunati. {Procès-verbaux,
p. 619.)
(4) Procès-verhuux, p. 183.
DU PROBABILlSME. 169
Alphonse : Hormntantorumprœsîdumauctoritatem magnopereveneror,
sed omnes docent auctoritatem extrinsecam sapientiim magni non posse
esse ponderis, tibi inlrinseca ratio cerla videtur et coriviiicens ; tanto
mayxs cum ipsa svfficienti aliorum (mtoritale non destïtualur (1).
Cette sentence n'a donc d'autre autorité que celle des évoques qui
la portèrent. Comme saint Liguori, nous vénérons ces prélats, nous nous
inclinons devant leur science et leur zèle ; mais si les meilleurs esprits
se trompent quelquefois, faut-il adopter aveuglément une opinion
parce qu'elle a l'insigne honneur d'être défendue par Bossuet?Non as-
surémentj d'autant qu'en cette question l'autorité deBossuetetcelledcs
autres évoques de rassemblée est singulièrement amoindrie par les cir-
constances dans lesquelles fut porté cet arrêt.
L'élève deNicolas Cornet n'était pas jinséniste, sans doute, etla plu-
part des évéqucs réunis à Saint-Germain ne l'étaient pas davantage ;
cependant de Noailles, archevêque de Paris, et Le Tellier, archevêque
de Reims, qui tour à tour présidèrent l'assemblée, n'étaient pas d'une
orthodoxie à l'abri de tout soupçon. Ils purent donc en cette rencontre
se laisser plus ou moins entraîner par le_s préventions jansénistes. De
plus, il était arrivé dans l'église de France ce qui arrive presque tou-
jours parmi les hommes : ceux qui crient le plus fort ont toujours rai-
son. Par une manœuvre habile, les jansénistes, pour détourner de leurs
erreurs trop réelles l'attention des catholiques, avaient imaginé les
périls du casuisme ; ils avaient fouillé dans les écrits des jésuites, leurs
plus redoutés adversaires, ils en avaient déterré quelques propositions
trop larges q;ie personne ne nneltait en pratique, et que bien d'autres
théologiens avaient enseignées avant eux ; ils les avaient livrées en pâ-
ture aux railleries d'un public dont les mœurs se seraient trouvées bien
à l'étroit dans les limites posées par ces casuistes relâchés ; puis ils
avaient crié au scandale, ils avaient appelé toutes les foudres de l'É-
ghse sur des opinions fausses, il est vrai, et dangereuses en elles-mêmes,
mais qui étaient trop discréditées pour nuire beaucoup à l'Église (2).
{ijTheolog. moral., 1. i, tract. I, n. 80.
(2j Voyez à ce sujet l'excellente iutroductiou à la cinquième Promti'
eiale, par M. Maynard, dans son édition et sa réfutation det> Lettres de
Pascal.
Revue pes Sciences kcclés., t. ix.— août 1864. 12
170 DL" Pr.0nA15II.fSME.
Ils avaient obtenu du Saint-Siège la condamnation de ces proposi-
tions, mais leur habilité avait échoué devant la prudence de la Cour
romaine, quand ils avaient voulu enveloiiper dans la même sentence
des assertions fausses et le probabilii=rae lui- même. L'assemblée de
1700, à laquelle rinfailiibilité n'était pas promise, ne sut pas éviter le
piège. Pour se donner une apparence d'impartialité, elle condamna
quelques opinions des jansénistes, mais tout son ziMe se tourna contre
les doctrines des casuistes. Les prélats de 1700 ressemblent assez à
certains catholiques den^sjours, qui condamnent timidement les erreurs
des rationalistes en ce qu'elles ont de plus monstrueux, et leur tendent
la main sur tous les antres points peur accabler ceux qui ne savent
transiger avec au^nin principe. On sévit sans pitié contre des proposi-
tions que personne ne songeait plus à d.'fendre ; on se fit l'instrument
des haines jansénistes contre les jésuites, et en môme temps, par respect
pour la mémoire du grand Arnanld, on épargna une proposition sou-
mise à la censure de l'assemblée.
Bossuet et les autres membres de cette réunion se rendaient-ils bien
compte de leur manifeste partialité? Nous n'oseiions le dire. A force
d'entendre déclamer contre une doctrine, les meilleurs esprits peuvent
se laisser surprendre. En tout ce qui regardait la stricte orthodoxie,
on avait vaillaniment soutenu la vérité : mais comme si l'on eût été
las de lutter, sur tous les autres points on avait besoin de s'entendre
avec les adversaires. Les casuistes avaient prêté à cette indignation par
quelques décisions trop bénignes; on exagéra leurs torts, on les con-
damna, eux et le casuisme lui-même ; l'on en appela à la pure morale
des Pères, sans faire attention que c'était imiter les hérétiques, qui ont
accoutumé de recourir aux Pères contre la croyance actuelle de l'Eglise ;
comme si la doctrine catholique, soit dogmatique, soit morale, avait
reçu son derniei' développement dans saint Augustin, ou même dans
saint Thomas.
Bossuet, cet homme au regard d'aigle, ne vit pas que dans son ar-
deur à poursuivre le probabilisrae, il tombait lui-même dans le tulio-
I isme. Quoi de plus conforme à cette erreur que les propositions sui-
vantes : « C'est une chose arbitraire et où il n'y a point de règle.
DU PROBABILTSME. i7l
d'appeler la probabilité petite ou grande ; il y a une règle pour fixer -
la vérité, mais pour h probabilité il n'y a que la fantaisie... Par ce
moyen les fondements du probabilisme sont renversés. . Si la moindre
probabilité (le probabilisme) a lieu dans la conduite ordinaire delà vie
humaine, on ne peut alléguer aucune bonne raison pour l'exclure de
l'administration des sacrements... Si le probabilisme avait lieu, rien
ne pourrait empêcher celui qui serait parvenu à croire que la religion
catholique est du moins la plus probable, de suivre néanmoins l'autre
quoique moins probable selon lui (I).... In duhiis, tutius. Le cas de
cette règle est précisément celui dont il s'agit : une chose est véritable-
ment douteuse quand les raisons de part et d'autre paraissent également
probables à celui qui doit agir, sans qu'il y ait rien ciui le détermine à
un côté plutôt qu'à l'autre (2). C'est donc aux probabilistes une ma-
nifeste contravention à cette régie que de choisir en ce cas ce qui n'est
pas le plus sûr... Que s'il fallait entendre cette règle au sens des pro-
babilistes, il eût fallu dire, dans le doute, non pas : Prenez le plus sûr ;
mais : Faites ce que vous voudrez. Que si dans le doute on est obligé
de suivre le plus sûr, à plus forte raison.ne peut-on pas suivre le moins
sûr quand il paraît en même temps le moins probable (3).
Ces paroles sont claires : Bossuet veut que dans les cas douteux on
prenne le parti le plus sûr ; ce n'est pas un conseil de perfection, mais
un précepte rigoureux. Et si la détinition du doute laissait planer
quelque obscurité sur sa pensée, il la manifeste suffisamment par la
comparaison de l'obligation de simple précepte avec celle de nécessité
(I I Procès-verbaux de l'assemblée de 1700, p. 513: Exposé des motifs de
la censure, par Bossuet.
(2) Voilà une liabile manœuvre de Bossuet pour sauver le probabi-
liorisme des analbèaies qu'il lîince contre le probabilisme. Pour qu'il y
ait doute, il faut que les raisons soient égales de part et d'autre. Perssonue
avant et après Bossuet, n'avait ainsi expliqué le doute; on croyait qu'il
existait tant que l'une des deux opinions contraires n'a pas atteint la
certitude au moins morale. Mais si Bossuet avait admis la notion vul-
gaire du doute, il n'aurait pu réprouver le probabilisme sans admettre
que l'on ne peut suivre l'opinion même la plus probable entre les pro-
bables, contrairement à la condamnation d'Alexandre Vlll.
(3) Procès-verbaux, p. 517.
172 DU PROBABTLTSME.
de moyen. Il suit de cette comparaison que l'on est obligé d'embrasser
le sentiment le plus sûr en matière de législation comme en matière
de sacrement ou de religion; or, quand il s'agit des sacrements, ou
de la religion véritable, on est tenu de prendre le plus sûr, quelque
probable que soit l'opinion contraire. Donc, on est également tenu de
suivre en tout le plus sûr : l'opinion favorable à la liberté fût-elle plus
probable et même notablement plus probable. La conclusion est rigou-
reuse.
Parmi les motifs sur lesquels Bossuet appuie sa sévère sentence, il en
est deux surtout qui méritent de nous arrêter : c'est d'abord la nou-
veauté du probabilisme ; ensuite son union étroite et nécessaire avec le
laxisme. Si ces deux reprocbes étaient fondés, nous n'hésiterions pas à
partager l'indignation du grand évêque de Meaux contre ce système.
Mais le sont-ils ?
La controverse du probabilisme sous la forme actuelle est récente,
nous l'avouons ; elle remonte à la fin du XVÎe siècle, et l'on fait hon-
neur à Barthélémy Médina, dominicain, qui écrivait en 1577, d'avoir
le premier formulé la doctrine du probabilisme. Mais qui ignore, parmi
les théologiens catholiques, qu'on ne doit pas rejeter une doctrine
comme nouvelle à cause de la nouveauté de son exposition ? Si saint
Vincent de Lérins, dans son magnifique commonitoire, veut que nous
suivions en théologie ce qui a été toujours, partout et universellement
reçu: quod sem[jer, quod iibique, quai ah omiûbus (c. 5); le même
Père nous défend d'entraver le légitime progrès de la vérité chrétienne.
Voici quelques-unes de ses paroles : Inlelligalur, te exponenle, il-
Instrius, quod antea obscurius credebatur... Eadem tameii quds didi-
cisti doce ; ita ui cum dicas nove, non dicas nova (c. xxvii). Pour
condamner le probabilisme à titre de nouveauté, il faudrait donc prou-
ver que le fond de la doctrine est nouveau, aussi bien que la foi me ;
qu'avant la fin duXVl« siècle, on imposa toujours comme certaine une
obligation douteuse quand les probabilités' en faveur de la liberté n'é-
taient pas les plus grandes. Or, avec toute la meilleure volonté du
monde, les probabilioristes n'ont jamais donné cette démonstration. Il
serait long et fastidieux de reprendre un à un les textes des saints Pères
DU PROBARILISME. 173
et des canons, par lesquels les antiprobabilistes croient pouvoir ren-
verser le priibabilisme ; mais tout théologien impartial reconnaîtra ai-
sément que les passages cités ne contiennent le plus souvent que des
conseils de perfection, ou qu'ils se rapportent à des questions d'absolue
nécessité pour le salut, et sont toujours conçus de manière à montrer
que les anciens Pères n'ont eu aucune intention de comparer le plus
ou moins de probabilité pour obliger à suivre le plus probable dans les
cas douteux. Du reste, le nombre des témoignages que les probabilistes
opposent aux probabilioristcs n'est pas moindre.
Laissant de côté cette question de positive que chaque parti résoudra
toujours dans son sens, nous adresserons à nos adversaires celte simple
question : Est-il possible qu'une doctrine nouvelle, opposée aux ensei-
gnements des saints Pères, soit dès son apparition acceptée par l'im-
mense majorité des théologiens, non-seulement de ceux qui ont accou-
tumé de marcher sur les traces de leurs devanciers, mais de ceux qui
ont fait les travaux de première main, et ont laissé le plus grand nom
dans la théologie ? Si une telle innovation était possible, on devrait
efficer du nombre des lieux théologiques celui que Melchior Cano dé-
veloppe si bien au livre VlU" de son bel ouvrage : De Locis Iheolo-
gicis. Et pourtant, nous l'avons vu plus haut, avant le baïanisme et le
jansénisme, le probabilisme était la doctrine universelle, même dans
l'Université de Paris. Ne craignons donc pas de l'affirmer : le proba-
bilisme n'est pas une doctrine nouvelle dans l'Eglise.
L'accusation de laxisme n'est pas mieux fondée que celle de la nou-
veauté. Le probabilisme ne dégénère en relâchement que par la faute
de ses défenseurs, car il n'y a jamais relâchement là où il y a véritable
probabilité. Du reste, le probabilicrisrae ne met pas plus à l'abri de
cet écueil que le probabilisme. 11 suffirait, pour s'en convaincre, de se
rap|)eler que telle opinion, taxée plus d'une fois de laxisme, a trouvé de
zélés défenseurs dans des probabilistes tels que Billuard et même le
fougoeux Concina.
En effet, quel est le principe du probabiliorisme? En quoi difîère-
t-il du tuliorisrae? En ce que, si l'obligation est douteuse, il permet à
chacun de suivre l'opinion favorable à la liberté, si elle lui parait plus
i7li DU PROBABILISME.
probable que le sentiment contraire. Or, tous les casuistes relâchés,
quand ils émettent l'une de ces opinions contre lesquelles on a si fort
réclamé, ne l'émettent-ils point comme étant plus probable pour eux?
En vertu du probabiliorisme lui-même, ne devaient-ils pas la regarder
comme permise? En suivant la manière de raisonner de nos adver-
saires, nous pourrions donc rejeter le laxisme aussi bien sur le proba-
biliorisme, que sur le probabilisme.
Mais, ajouie-t-on, le Saint-Siège lui-même a condamné le proba-
bilisme.
Les jansénistes, en effet, triomphèrent quand Alexandre Vil, Inno-
cent XI et Alexandre VIll proscrivirent les propositions relâchées ex-
traites des auteurs probabilistes ; ils répétèrent en tous lieux que le
probabilisme était lui-même condamné avec elles ; que quelques unes
de ces propositions en reproduisaient la formule la plus précise : celles,
par exemple, où l'on disait que le juge doit prononcer d'après la plus
grande probabilité ; ou que, dans les sacrements, il faut suivre l'opinion
la plus sûre ; ou enfin qu'un infidèle qui croirait sa religion plus pro-
bable, n'est pas tenu à embrasser la religion ctrétienne, qu'il connaît
comme plus sûre. Bossuet a commis la singulière faute d'accepter cette
conclusion des jansénistes et de baser sur ces motifs la condamnation
du probabilisme. Mais, dans sa préoccupation, ce grand homme ne s'est
pas aperçu qu'avec un tel raisonnement, le probabiliorisme n'était pas
moins condamné que le probabilisme; car enfin, pour la validité du
sacrement, aussi bien que pour la religion à embrasser, nous sommes
tenus à suivre non-seulement le plus probable, mais même le plus sûr.
Quant au juge, y a-t-il la moindre probabilité qu'il puisse, dans sa
sentence, s'écarter de l'opinion la plus probable (1) ?
Nous avons dit que, pour mieux combattre le probabilisme, il avait
fallu le dénaturer. On vient d'en voir une preuve. En voici une autre.
(t) Que le juge puisse prononcer suivant une moindre probabilité,
beaucoup de scolasliques l'avaieul ensei^s^ué; raais, même avant le décret
d'Iunocent XI, les auteurs les plus approuvés parmi les probabilistes,
notamment parmi Ips théologiens jésuites, avaient combattu ce senti-
ment, qui n'a eu effet aucune connexion avec le probabilisme.
m l'KoiîAniiJSMi;. 175
P.irmi les propositions condamnées, il en est une qui iirtlrmo eu géné-
ral que tonte opinion devient probable dès q-i'elle se rencontre dans un
auteur et qu'elle n'a pas été posilivoment repoussée par TÉglise C'est
sur cette base que Pascal a bâti presque toutes ses Prov'inctnles. Son
grotesfjue héros rappelle toujours ce fameux principe ; et comme il n'y
a pas d'opinion singulière qui n'ait été émise par quelque auteur, jé-
suite ou autre, le satirique de Poit-Rcyal en fait sortir les consé-
quences les plus monstrueuses et les plus ridicules. Que l'ironique se-
crétaire du jansénisme ait agi ainsi, on le conçoit ; il devait divertir la
secte aux dépens des jésuites ; il jouait son rôle avec esprit ; on ne
saurait presque lui en vouloir. Mais que Bossuet, dans une assemblée
du clergé, reprenne sérieusement cette accusation, et qu'il fonde sur
elle la censure d'une doctrine enseignée par un si grand nombre do
théologiens respectables, on ne saurait y croire. Bossuet ignorait- il
donc que les probabilistes n'admettent la liccilé d'une action que lors-
qu'on a de bonnes raisons pour la (roire permise? Or, un théologien
sérieux a-t-il jamais pensé que le sentiment d'un auteur médiocre suf-
fit à autoriser une action douteuse? Qir'il eût étudié le probibilisme
dans les grands docteurs de l'école, dans ce Suarez pour lequel il pro-
fessait une si grande estime, et il n'aurait jamais commis la faute d'at-
tribuer au probabilisme l'erreur de quelques-uns de ses plus obscurs
défenseurs.
L'assemblée du clergé de 1 700 avait trouvé les esprits en France
prévenus contre la doclrinf^ du probabliismc ; les intrigues de',jansé-
iii=tes, surtout les Provinciales i\e Pascal, avaient porté leurs fruits.
Avant l'invasion du jansénisme, les grands ilocteurs de l'Universitc de
Paris, Isanibert, Gamache, Duval, disaient que le probabilisme était
l'opinion commune des écoles; on devait dire le contraire vers la
fin du XVIP siècle. Mais après l'assemblée, la répulsion contre le pro-
babilisme fut encore plus grande, et la célèbre censure devint comme
la base d'. l'enseignement oft'iciel en France. L'Italie et l'Espagne ne
furent pas entraînées aussi fortement dans ces opinions rigoureuses ;
crpendaiit, outre les jansénistes qui d jminèrent au synode de Pistoie,
on vil d'exi'ellents théologiens se prononcer avec ardeur contre la doc-
176 DU PROBABILISME.
trine de la probabilité ; les plus célèbres furent le cardinal d'Aguirre,
Comitolo, Cuniliati, Tliyrse Gonzalès, les frères Ballerini, et surtout
le savant et |)ieux cardinal Gerdil. Mais leur autorité ne put y faire
dominer la doctrine du clergé de France ; l'école probabiliste, même
dans le dernier siècle, y eut de valeureux champions, tels que Viva,
Mazzotta, Roncaglia, Faure, Zaccaria, et pardessus tout, saint Al-
phonse de Liguori,
Tel fut le probabilisrae dans le passé. Avançons, et demandons-nous
où en est aujourd'hui cette controverse si grave? Tout homme de
bonne fui conviendra que sa victoire est de jour en jour plus complète.
Jugeons-en par les auteurs les plus en vogue dans les écoles théolo-
giques. Bailly, Antoine, Collet, ont disparu de nos séminaires; en leur
place, on suit Scavini, Gury, Bouvier, le cardinal Gousset, ou d'autres
disciples de saint Liguori. Saint Li^-uori est aujourd'hui le docteur par
excellence dans la théologie morale. A la déliance qui accueillit sa pre-
mière apparition, a succédé la plus grande confiance ; quand il parut,
ses partisans étaient réduits à se cacher, s'ils ne voulaient pas encou-
rir les anathèmes de l'ancienne école, encore toute puissante ; nous
savons même une ville où un imprimeur, coupable d'avoir publié ses
écrits, se vit refuser la communion comme un pécheur scandaleux. Et
aujourd'hui; on n'ose se déclarer ouvertement son adversaire ; ceux
mêmes qui, il y a quelques années, ne pouvaient assez combattre ses
doctrines, se voient contraints à le citer. Plus d'une fois, ils le font
d'assez mauvaise grâce, mais c'est toujours un hommage qu'ils sont
obligés de rendre à ce grand théologien, de peur de froisser le senti-
ment général du clergé. Saint Liguori est devenu, dans la théologie
morale, ce qu'est saint Thomas dans la spéculative : on peut ne pas
approuver l'une ou l'autre de ses opinions ; mais le fond de la doctrine
est désormais h règle de la saine théologie. Or, le triomphe de saint
Liguori, c'est celui du probabilisme lui-même.
Les antiprobabilistes l'ont bien compris. Aussi font-ils de vrais
tours de force pour amoindrir l'autorité du saint Évêqne. Quand on
leur objecte l'examen rigoureux des écrits qui précèdent la béatifica-
tion et le décret qui a approuvé les ouvrages du saint Evêque, ils ré-
DU PROBABILISME. 177
pondent que le décret de la Sacrée Congrégation des Rites atteste seu-
lement qu'il n'y a rien de sujet à la censure dans les œuvres du Saint,
mais sans se prononcer sur le fond môme de son système. Ils font la
même réfionse à propos du décret de la Sacrée Pénitencerie, qui dé-
clara, le 5 juillet 1831, qu'on pouvait, en toute sûreté de conscience,
suivre les opinions de saint Liguori, par cela seul qu'elles étaient celles
du saint Évêque. La Cour romaine, prétend'^nt-ils, n'a pas voulu sta-
tuer sur le fond de la controverse, mais seulement affirmer que le pro-
babilisme, et les autres opinions embrassées par le Saint, n'étant
pas censurées, on les peut suivre si on les croit les meilleures. C'est
réduire la portée de cette approbation à une simple question de bonne foi.
A Dieu ne plaise que nous tentions dexagérer l'étendue des juge-
ments du Saint-Siège; nous n'ignorons pas que l'approbation donnée
aux écrits d'un serviteur de Dieu n'est pas la délinition des contro-
verses auxquelles il a pris part; on pourra donc, après comme avant,
discuter la vérité d'une opinion émise par un saint.
Toutefois faisons remarquer une grande différence entre la cause de
saint Liguori et celle des autres saints. On rîe saurait méconnaître que,
dans le procès de canonisation, le saint Evéqueaélé l'objet d'une pré-
dilection motivée surtout par ses écrits. C'était sa doctrine plus que
sa personne que l'on semblait canoniser, afin de l'opposer aux derniers
vestiges du rigorisme janséniste. El depuis le décret d'approbation, la
faveur du Saint-Siège pour ces consolantes doctrines s'est manifestée
plus d'une fois. Le 19 février 1825, Léon XJI adressait à l'imprimeur
Marietti un bref de félicitalion et de remercîment pour le service qu'il
avait rendu à l'Église en réimprimant les œuvres de saint Liguori ; le
1-2 juillet, le pontife Pie IX envoyait un bref semblable au successeur
de ce même imprimeur. Nori-seulement Pie IX acceptait la dédicace
de la théologie morale de Scavini.ce fidèle disciple de saint Alphonse,
mais, le 7 avril 1847, il louait hautement le zèle avec lequel ce savant
moraliste propageait les doctrines du Saint. Est-ce là, nous le deman-
dons, une simple déclaration que la théologie de saint Alphonse n'est
pas censurée, et qu'on peut la suivre, si de bonne foi on la croit plus
probable que la doctrine contraire ?
178 DU PROBABILiSME.
Ces faits sdit bien propres à faire impression sur les âmes profon-
dément dévouées au Saint-Siège; maison pourrait dire qu'ils sont l'ex-
pression d'un sentiment privé plutôt qu'un jugement de doctrine.
Examinons donc plus à fond la portée de la déclaration des congréga-
tions romaines.
Il est manifeste que ce qui domine dans les œuvres de saint Liguori
c'est le probabilisme(l) ; ce que nous aimons en lui, ce n'est pas t. lie
ou telle opinion particulière, que parfois nous n'adopterions pas ; mais
nous aimons l'esprit qui anime tout son ouvrage. Ce qui est déclaré
en général des écrits du saint évêque, s'applique donc surtout à la
doctrine du probabilisme On peut donc assurer d'abord que celte
doctrine n'est pas digne de censure ; ensuite, comme corollaire, qu'il
est permis de la suivre en pratique. Or la question fondamentale de la
controverse entre les probabilioristes et les probabilistes est de savoir
si, dans le cas de doute, quand l'opinion favorable à la liberté est du
moins aussi probable que l'opinion contraire, il estpei'mis de la suivre.
Et voilà que l'Église intervient dans le débat; elle déclare que la dce-
trine de saint Liguori n'est pas digne de censure et qu'on peut la
suivre en pratique. N'y a-t-il pas là un vrai jugement sur la question
en litige .^ N'est-ce pas déclarer ouvertement que, dans un cas douteux,
à probabilité égale, on peut adopter le parti que l'on voudra? Mais,
dira-l-on, il est arrivé plus d'une fois que l'Église a approuvé les
écrits d'un saint, dont quelques opinions ont été abandonnées plus
tard. Saint Thomas lui-même n'enseigne-t-il pas que le Pape ne peut
dispenser des vœux soli3nnels, opinion en tout contraire a l'usage actuel
de la Cour romaine ? De même en pourrait-il être delà question de
(1) Nous le redisons encore : nous prenons ici le probabilisme dans
son sens le plus large, sans distinguer ses diverses nuances. Saint
Liguori est rangé parmi les équiprobabilisles, mais, en réalité, il s'attache
surtout aux sentiments des probabilistes ; ses auteurs favoris sont d^îs
probabilistes, et les principe? sur lesquels il appuie ses décisions sont
ceux qui conduisent nécessairement au probabilisme simple, comme ue
cessent de le lui obj-^cter les probabilioriiles. Du reste, notre but n'est
pas, comme nous l'avons déjà dit, de choisir entre les nuances du [iro-
babilisme, mais de montrer que le probabiliorisme est de plus en plus
repoussé par la tendance actuelle de la théologie morale .
DU PROBABILISME. 170
probabilisme. Controversée à l'époque où vivait saint Alphonse, le
saint a pu impunément embrasser l'une ou l'autre Ofiinion ; et jusqu'à
ce que l'Eglise ait prononcé une sentence définitive, on pourra la sui-
vre, si de bonne foi on la croit vraie. Mais il pourrait se faire qu'un
jour la controverse fût résolue en faveur du probabiliorisrae .
Telle est assurément l'objection la plus sérieuse qu'on puisse faire
contre l'approbation des écrits de saint Liguori. C'est pourquoi nous
avouons bien volontiers que le probabiliorisme n'a pas été condamné
par le décret qui approuve la doctrine de saint Liguori. Mais nous ne
saurions nous persuader que, après ce décret, le probabilisme puisse
l'être jamais lui-même. Car le probabilisme c'est l'idée dominante de
tous les écrits du saint; c'estsur lui principalementqu'a dû porter l'exa-
men des docteurs. Il s'agit d'un point de droit naturel discuté depuis
longtemps, dans lequel on a assez agité le pour et le contre ; une ques-
tion semblable ne peut être assimilée à une opinion de petite impor-
tance, sur un point peu controversé, et émise en passant par un doc-
teur. Donc, c'est le fond même de la doctrine considéré en lui-même,
et non en des circonstances accidentelles, que'l'Eglise a déclaré à l'abri
de toute censure. Il est donc certain que la doctrine, envisagée en elle-
même, et non-seulement au point de vue de la bonne foi, est. sûre en
pratique.
Tel est l'état actuel de cette grande question. Après avoir passé par
les vicissitudes par lesquelles la Providence divine éprouve toute doc-
trine importante, le probabilisme est devenu l'opinion dominante dans
l'Église, et tout semble lui promettre un plein triomphe. Ceux mômes
qui tiennent encore pour Tantiprobabilisme, n'osent pas, ce semble, le
défendre ouvertement. Il est tel livre de théologie qui ne s'avance que
par détours dans cette route scabreuse. Sous prétexte d"imparliali;é,
il expose les raisons pour et contre, ne prononce pas de conclusion
définitive, laisse l'étudiant se débrouiller au milieu des raisons qui
combattent pour l'un ou l'autre système, et cependant insiste sur le
danger do mal choisir, sur l'incertitude où se trouve le probabiliste et
au contraire sur la sécurité du probabilioriste. Telle est la tactique des
adversaires actuels du probabilisme. Mais celte feinte impartialité ne
180 DU PROBABILISME.
trompe personne, et l'on sait bien que les craintes produites habi-
lement dans l'âme du jeune séminariste ont pour but de le jeter dans
l'opinion la plus rigoureuse.
Mais un professeur de morale peut-il en agir ainsi? A-t-il satisfait à
ses devoirs en exposant devant les élèves les raisons pour les deux
opinions contraires dans une si grande question ? Nous ne le pensons
pas. Professeur, ce lui est une obligation rigoureuse de diriger Tétu-
diant ; la route d3 la théologie est bordée de précipices, il doit lui
servir de guide et l'empêcher de rouler dans l'abîme. Ce n'est donc
pas dans l'une des questions qu'il regarde avec raison comme des
plus importantes de la science sacrée, qu'il doit abandonner le disciple
à son inexpérience. Il faut qu'il lui montre en toute sincérité l'élat ac-
tuel de la question ; et, quoi qu'il en soit de la spéculation, qu'il lui fasse
connaître les décisions du Saint-Siège et leur portée ; en un mot;, qu'il
lui enseigne qu'en pratique on peut suivre en sûreté les doctrines du
probabilisme.
Nous aurions terminé ici notre travail ; mais un des cas du R. P.
Gury (c'est le septième du 1 volume) nous rappelle une nouvelle ma-
nière de résoudre la controverse. Voici le cas tel à peu près que l'expose
le savant théologien.
Philibert, professeur de théologie (1), rejetant tous les systèmes de
probabilisme proposés jusqu'à ce jour, en a inventé un nouveau. La
loi douteuse, selon lui, n'est pas destituée de toute obligation, comme
le serait une loi entièrement inconnue ; et cependant elle ne saurait
s'imposer avec la rigueur d'une loi certaine. Elle oblige donc, mais
plus ou moins, selon qu'elle est plus ou moins connue. D'où il suit
qu'un uiotif insuffisant pour dispenser d'une loi certaine, pourra ne
l'être pas si la loi est douteuse. L'auteur de cette solution cherche
à la prouver d'abord par la nature même de l'obligation. La loi cer-
tainement connue et celle que Ton ignore absolument sont comme
(1) Ce système n'est pas tiré d'un cours de théologie, mais d'un traité
de philosophie, aujourd'hui très-estimé et adopté dans un grand nombre
de séminaires de France. La dissertation sur le probabilisme a été im-
primée à part.
DU PROMTÎTLISME. 181
deux extrêmes; à l'un correspond la pleine obligation, à l'autre la
pleine liberté, mais la loi douteuse tient le milieu entre ces ex-
trêmes : il faut donc qu'elle réponde à une obligaticn qui tienne
aussi le milieu entre l'obiigation rigoureuse et l'exemption de toute
loi. Une autre raison que l'inventeur de cette théorie fait valoir
pour sa thèse est l'autorité du sens commun. Supposons, dit il, un
homme qui doute s'il peut ou non manger de la viande aujourd'hui.
Il pèse toutes les raisons sans qu'une plus grande probabilité fasse
pencher la balance d'un côté ou d'un autre ; de plus, sa santé s'accom-
mode également du gras et du maigre ; son goût se plaît (également à
l'un et l'autre alinient, et il ne lui sera pas plus malaisé de se procurer
le poisson que la viande. Supposons que cet homme, dans un tel con-
cours de circonstances, se déleruiino à manger de la viande, ne sera-
t-il pas blâmé par tous les hommes consciencieux ? Que si, au contraire,
dans le doute, il avait eu des raisons pour préférer le gras au maigre,
par exemple des raisons de santé, ou de goût, la difficulté de se pro-
curer des aliments maigres, ces motifs, insuffisants pour l'exempter
de la loi certaine de l'abstinence, auraient suffi pour l'exempter de la
loi douteuse, au dire de tout le monde. Donc, conclut l'auteur de ce
système, le principe du probabilisme : Lex dubia non ohligat, doit être
modifié ainsi : Lcx dubia nec omni obligalione caret, nec omnem suam
vim obligandi habet ; sed plus minusve stricte oblignt proid plus mi-
nusve cognomtur ; ac proinde causa non excusans a lege certo cognita
aliquando potest a lege imperfecte tantum cognita excusare.
Un le voit, c'est une traufaction qu'on nous propose ; l'auteur vou-
drait concilier le probabilisme avec le probabiliorisme en tempérant la
rigueur de l'un par la bénignité de l'autre. Mais, comme observe judi-
cieusement le P. Gury, Philibert s'est donné une rude mission, quand
il a entrepris de substituer un système nouveau aux anciens, dans une
quTStion si longtemps débattue. Nous craignons bien qu'il nesuccombe
à la peinp, sans gagner à sa cause ni les probabilistes, ni les probabi-
lioristes. il n'aura pas les probabilistes, parce que le milieu qu'il pro-
pose entre les deux extrêmes, cette loi qui n'est ni connue ni inconnue,
mais un mélange de connu et d'inconnu, ne saurait être admis; une
182 DU PROBABILTSME.
loi dont l'existence reste douteuse après une sérieuse enquête, est pure-
ment et simpiement une loi inconnue, une loi invinciblement ignorée ;
et comme telle, dépourvue de toute force obligatoire. Le probabilioriste
ne voudra pas davantage de la transaction proposée, car pour lui toute
loi douteuse en spéculation, si elle n'a pas contre son existence une
plus grande somme de i)robabilité, devient pratiquement une loi cer-
taine ; elle a donc toute la force obligatoire qu'obtiendrait la loi com-
plètement promulguée, et non une valeur proportionnée au degré de
probabilité. D'où il suit que, pour se dispenser de cette loi, il faut les
mêmes motifs que pour se dispenser d'une loi certaine.
Enfin, probabilistes et probabiiioristes s'uniront contre ce nouveau
système parce qu'il mène droit au tuliorisme, malgré son apparence de
bénignité. Car, une fois admise la proposition qui résume ce système,
toute loi douteuse produit une obligation ; si elle est i>eu probable, l'o-
bligation est légère, néanmoins elle existe. Or il n'est jamais permis de
transgresser une obligation, quelque petite qu'elle soit. Il faudra donc
conclure : Non licet seqiii ojimonem vel inter prohahiles probabilissi-
mam. Ce qui est la proposition des tulioristes, condamnée par
Alexandre Vlll.
L'auteur du nouveau système cherche bien à éviter cette conséquence
en appliquant à certains cas la règle admise communément, qu'une
cause légère suffit pour dispenser d'un précepte peu important. Suppo-
sons que les probabilités contre la loi aient assez diminué sa force
pour qu'elle n'oblige plus que sous peine de péché véniel, un motif
d'une certaine importance pourra lui enlever toute obligation ; et dés
lors la liberté rentrera dans ses droits. Mais cette explication ne saurait
être acceptée. De deux choses l'une: ou bien la cause d'exception con-
sidérée dans l'ensemble des circonstances est certainement suffisante
pour dispenser de toute obligation, ou elle ne l'est pas. Dans le pre-
mier cas, la loi n'est pas même probable, puisqu'il est certain qu'elle
n'existe pas; nous sommes donc en dehors de la question. Dans le se-
cond cas, quelque petite que soit la probabilité en faveur de la loi, on
ne peut agir contre elle sans se rendre coupable. Car, après tout, une
nu PROBABII.ISME. 183
loi ne doit pas se considérer dans une abstraction, mais dans l'ensemble
des circonstances où elle est concrélée (i).
Quant à l'argument tiré du sentiment commun, il n'est pas de nature
à faire grande impression, si on l'examine de prés. Toutle monde aime
la délicatesse qui va au-delà de la stricte justice; toule transgression
de ce sentiment blesse l'amour que nous avons naturellement pour !e
bien. 11 n'est donc pos étonnant qiie l'on blâme celui qui, doutant de
l'exifelence d'une loi et la pouvant facilement observer, la transgresse.
i\lais ce qu'il faudrait prouver, c'est que le bon sens po|)ulaire regarde
cette action comme coupable en conscience ; et cette preuve nous la
chercherions en vain.
En terminant ce travail, félicitons de nouveau l'auteur des Cas de
conscience, et remercions-le du service signalé qu'il a rendu au clergé,
en popularisant parmi nous la doctrine de S. Liguori. Espérons que le
succès de ce livre ne le cédera en rien à celui de son frère aîné, le
Compendium Iheologiœ moralis. Tous ceux qui ont déjà le Compendium
voudront avoir les Cas, comme un complément nécessaire; et leur
forme attrayante, unie à la précision et à la sûreté de la doctrine, dis-
siperont de plus en plus les nuages par lesquels le jansénisme avait
obscurci la théologie morale.
E. G.
(I) C'est ainsi que Ta compris l'auteur de la philosophie dont uous
pavions, car il définit la loi douteuse : Dubium quod cadit non solum in
exislentiain legis, sed eliain in existeniinm facti, seu in applicationem
legis ad alir/uod factuni parliculare.
DES CHAPITRES CATHEDRAUX EN FRANCE (^
M. l'abbé Pelletier vient de publier un ouvrage destiné, ce nous
semble, à faire sensation. Ce n'est point un traité des chapitres en
général, où l'on expose les principes du droit sur cette matière : l'au-
teur se borne à parler des cliapitres cathédraux établis en France de-
puis le concordai de 1801 , avec appréciation des circonstances particu-
lières, favorables ou défavorables, dans lesquelles ils se trouvent
respectivement, en droit et en fait, d'après la lettre et l'esprit de ce
même concordat.
La situation de ces chapitres est examinée devant l'Eglise ; et, pour
mettre en relief la pensée de celle-ci sur le sujet qu'il traite, l'auteur
passe en revue les documents émanés de Tautorilé ecclésiastique, prin-
cipalement ceux du Saint-Siège, ensuite les décrets des Conciles pro-
vinciaux célébrés dans ces derniers temps ; enfin, les actes des cvêques
concernant les 'chapitres.
Ici de nombreuses questions sont successivement abordées : elles se
réfèrent au sens qu'il faut donner à l'art, xi du concordat (p. 1, etc.);
au sens et à l'intciprétation de la bulle Qui Christi Domini et. des
deux décrets exéculoriaux des 9 et 10 avril 1802, émanés du Cardi-
nal-légat (|t. 8, n, 37); à la rédaction des statuts confiées aux pre-
miers é\êques; à la disiinclion de ces statuts en cousdlutifs el en
réglementaires (p. 50) ; aux statuts donnés par Wgr de Bclloy au
chapitre métropolitain de Paris (p. 61) ; à l'approbation qu'on dit avoir
été donnée auxdits statuts par le cardinal Caprara (p. 105) ;à l'examen
détaillé desdils statuts, article par article, etc (p. 64). L'auteur re-
(I) Des Chapitres cathédraux en France, devant l'Église et devant
l'Étal, par M. l'abbé V. Poll.-tiur, cliau, îit. de l'Église d'Orléaus. Paris,
LtcoCfre, uu fort volume in-S".
DES CHAPITRES CATIIKURAUX EN FRANCE. 18")
(lierclie quelles causes ont pu donner naissance aux statuts anticano-
niques de Paris, et il les trouve dans les idées qui régnaient en 1802
sur l'étendue des droits des évêques en matière de discipline, idées et
maximes qui ne lui paraissent pas s'harmoniser avec la bulle Auclorem
fidei (p.. 98, 113).
Aux actes émanés de l'Église se rattachent encore les avis de l'Arche-
vêque de Paris en 1807, pour l'union de la cure de la métropole au cha-
pitre (p. 151); les nouveaux statuts donnés la même année au chapitre
métropolitain d'Aix (p. 168); les dispositions contenues dans les lettres
apostoliques de 1808 portant érection de Tévêché et du chapitre de
Montauban (p. 1S3) ; les actes du Saint-Siège dans l'affaire des
évéques nommés par le gouvernement et élus vicaires capitulaires par
les chapitres fp. 192) ; les distiibulions quotidiennes établies à Lyon
en 1813 (p. 204) ; les actes du Saint-Siège et ceux des évêques à l'oc-
casion du concordat de 1817 (p. 217, 237, 252) ; les statuts dressés
pour Chambéry en 1834 (p. 263), pour Digne en 1843 (p. 328), et
pour Nice en 1845 (p. 332).
Avant de rappeler et d'étudier les décrets des Conciles provinciaux,
l'auteur examine si la coutume en France n'a pas régularisé la situation
des chapitres, et il résout négativement celte question (p. 562).
Les décrets des Conciles en ce qui concerne les chapitres sont cités
in extenso, et l'auteur explique les difficultés qui naissent de certains
passages (p. 382, etc) . Puis des actes du Saint-Siège à l'occasion de
l'érection du siège de Laval (p. 460) et de l'archevêché de Rennes
(p. 469}, l'auteur conclut que le vœu du Souverain-Pontife est que la
restauration capitulaire s'accomplisse.
Quant à la situation des chapitres devant l'Etat, l'auteur part de
l'article xi du concordat, qui vaut autorisation pour leur érection
(p. 33), et il envisage l'article 35 des organiques comme la confirmation
de cet article xi. il explique comment le gouvernement s'est déterminé
à demander que la nomination des chanoines fût soumise à son agré-
ment (p. 125); il examine quelle est la valeur de l'approbation donnée
par le gouvernement aux premiers statuts, spécialement à ceux de Paris
(p. 137) ; il parle successivement de l'intervention de l'Etat dans l'u-
Hf.vue nt.s Sciences ecclés., t. x. — août ISGi. 13
186 DES CHAPITRES CATHÉDRAUX EN FRANCE.
nion des cures aux chapitres (p. 151), dans l'adminislration des fa-
briques des calhédrales par le règlement général de 1809 (p. I95)jdes
menses capilulaires par le décret du 6 novembre 1813 (p. 2(.9) ; dans
la nomination directe aux canonicats pendant la Restauration en vertu de
la régale et à titre àe joyeux avénei)ient (p. 212), enfin dans la dola-
tion des chapitres (p. 475).
Quand il s'agit de l'État, l'auteur, sans sacrifier les vrais principes,
paraît surtout avoir à cœur d'affaiblir, autant que la matière le com-
porte, les antagonismes à l'endroit des saints Canons et de concilier,
toutes les fois qu'il le peut, les textesquisemblenls'excUire l'un l'autre.
Nous ne l'en blâmerons certes pas, mais ne pourrait-on pas s'étonner
à cet égard qu'ayant à parler des articles organiques (p. 33, etc.), l'au-
teur ait passé sous silence une question préalable fort grave, facile à
deviner, et dont, pour des motifs aisés à comprendre, nous ne pouvons
que signaler ici l'omission? L'auteur avait certainement la liberté d'en
parler plus au long dans son ouvrage, et il est à regretter, ce nous
semble, qu'il ne l'ait pas fait.
Sa conclusion est que rien ne s'oppose à ce que les chapitres cathé-
draux soient constitués et régis conformément aux saints Canons. Le
chapitre lxxv et dernier offre au lecteur, à titre de spécimen, un pro-
jet de statuts pour un chapitre.
On peut juger par cet exposé de l'importamce de l'œuvre que nous
annonçons: l'origine de nos chapitres, la canonicité de leurs constitu-
tions et de leurs statuts réglementaires, la légitimité de leur situation
actuelle soit devant l'Eglise, soit devant l'État, les privilèges dont ils
se prévalent en divers diocèses, sont ici examinés à peu près à fond,
pièces en main, d'une manière généralement impartiale, et plus impar-
tiale qu'on n'avait lieu de l'attendre d'un auteur intéressé dans les ma-
tières qu'il traite, d'une manière très consciencieuse aussi et presque
toujours d'après les vrais principes. Nous devons en particulier lui rendre
cette justice que, s'il n'oublie rien de ce qu'il croit être un droit acquis
aux chapitres, il ne dissimule pas non plus en général les obligations
qui incombent à leurs divers membres. Nous croyons donc que cet ou-
vrage est digne d'être lu et profondément médité.
DES CHAPITRES CA IHÉDUAl'X EN FRANCE. 187
Quelques esprits seront peut-être offusqués par des critiques un peu
hardies que l'estimable auteur se permet au sujet de certaines mesures
ou actes des autorités diocésaines. Mais si l'on considère que ces cri-
tiques sont d'ordinaire appuyées sur des actes émanés du Saint-Siège,
et que ^es réformes que l'auteur demande ont été opérées sans incon-
vénient dans plusieurs localités, même en France, on reconnaîtra,
nous semble-t-il, qu'en général il n'a pas outrepassé les justes limites.
Ce qu'il y a de certain, c'est qu'il ne s'écarte jamais des bornes du
respect dû à l'autorité.
Nous avons dit que l'auteur se tient pres^we toujours dans les limites
des vrais principes : nous avons, en effet, quelques réserves à faire, et
nous prions M. Pelletier de ne pas nous en savoir mauvais gré, puisque
c'est l'intérêt de la vérité qui nous fait parler.
Ainsi 1" après avoir relaté (p. 174) les paroles suivantes des statuts
du chapitre de la métropole d'Aix : « 11 y aura des matines les veilles des
« quatre fêles conservées et chômées, ainsi que, etc. » , l'auteur ajoute :
'< Mgr de Cicé partageait celte erreur très-commune en France, celh^
<( de croire qu'un chapitre peut, comme -tout prêtre récitant son bré-
« viaire privatim, dire à son grêles matines la veille.» — Benoît XIV
néanmoins assure que, pour de justes causes, un évêque peut autoriser
à réciter matines la veille en chœur (V. Bouix, de Capitulis, p. 288).
L'auteur n'aurait- il pas dû supposer que Mgr de Cicé avait de justes
raisons pour autoriser le règlement critiqué, d'autant plus que, d'après
le même Benoit XIV, la coutume seule peut être un motif légitime?
2° L'auteur suppose souvent et affirme même, à la page 224., que,
d'après les bulles pontificales, les dignités à ériger en France dans les
chapitres rfoife/jf avoir pour base un canomcat. Or, nous ne voyons pas
bien ici sur quoi l'auteur se fonde. C'est une question controversée
parmi les canonistes, si les dignités font partie du chapitre. On con-
vient qu'elles en font partie là où les statuts et la coutume l'ont ainsi
établi, quand même ces dignités n'auraient pas de prébende canoniale,
pourvu qu'elles aient droit à une stalle au chœur et aient voix aux
assemblées capitulaires. C'est ce qui a lieu généralement en Italie et
a été établi en France par le Cardinal Légat ; mais les dignités ne sont
J88 DFS CHAPITRES GATHÉDHAUX EN FRANCE.
pas pour cela nécessairemenl fondées sur un canonirat: il suffit qu'elles
le soient sur toute autre prébende convenable, et cela aussi bien en
France qu'ailleurs, jusqu'à preuve du contraire (Boui x, de Capif. p. 58) .
3» L'auteur, à la page 339, dit quel'évêquede Nice n'avait, confor-
mément au droit, quun seul vicaire général. — Cependant bien des
auteurs, comme on peut le voir dans mon Manuale (n" 1 157), pensent
qu'un évéque peut avoir plusieurs grands vicaires, et ceux-là mêmes
qui sont d'un avis opposé, sont d'accord avec leurs adversaires pour le
cas où telle est la coutume existante. Ferraris cite à l'appui deux déci-
dions de la Congrégation des évêques et des réguliers. (V. Vicarius
yemralis, art. 1, n" 10.)
4" A la page 359, l'auteur affirme qu'en 1847 Mgr l'évéque de
Valence ayant consulté le Saint-Siège pour savoir s'il pouvait, sans
entamer une procédure canonique, interdire à un chanoine honoraire
l'usage des insignes, la Sacrée Congrégation des Rites répondit néga-
tivement. — On peut voir dans mon Manuale in° 22'! 5) que celte
assertion est loin d'être exacte ; il suffit même, pour en douter, de lire
un peu attentivement le document relaté par l'auteur lui-même à la
page indiquée.
5" Au sujet des statuts de certains diocèses qui réduisent à deux
mois les vacances des chanoines, l'auteur (p. 233, 410) prétend que
le paragraphe limitatif Sa/ds nihilominus du Concile de Trente, sess.
24, c. 12 de [\eform., s'applique seulement aux chapitres existants
lors de la promulgation du Concile, et nullement à ceux qui ont été
érigés par la suite. Cette assertion aurait besoin, ce nous semble,
d'être prouvée, vu que le Concile ne prescrit pas d'accorder ces
trois mois entiers, qu'il ne défend même pas de restreindre ces
vacances, mais seulement de les étendre au delà du terme susdit en
vertu de tout statut ou coutume quelconque. Nous accordons du reste
que, à moins d'un induit spécial du Saint-Siège, on n'a pas dii res-
treindre les trois mois sans l'agrément des chapitres. Mais si les
chanoines ont dressé eux-mêmes de pareils statuts, ou y ont donné
leur adhésion en les revêtant de leur signature, on ne voit pas ce qui
y manque pour les rendre obhgatoires. '
DES CHAPITRES CATHEDRA UX EN FRANCE. 189
6" L'auteur en plusieurs endroits, et notamment à la page 160, pré-
tend que l'union de la cure dans nos cathédrales, n'est pas une véri-
table union au chapitre :;il_en donnepour raison que les chapitres, chez
nous, ne sont pas proprement curés. Qu'est-ce, dit-il, quun curé ?
C'est celui qui a charge d'âmes, etc. Qui est-ce qui a charge d'âmes ?
C'est l'archiprêlre. Que reste-t-il au chapitre ? La célébration des
offices divins. — Ce raisonnement suppose que pour unir les paroisses
à un chapitre, il est nécessaire de donner à celui-ci, en quelque chose,
l'exercice du pouvoir pastoral ; nr cela n'est pas. D'après renseigne-
ment qui paraît communément reçu, celui qui est curé habituel n'est
pas vraiment curé, il n'a aucun pouvoir d'exercer le saint ministère en
vertu de ce titre (Bouix, de Parocho, p. 187). « Exploratum in jure
a est, est-il dit dans le Thésaurus resol. S. C. Conc, dum erigitur
« vicaria perpétua, habilualem curam residere qnidem pênes capitu-
« lum ; at acttialem, sive illius exercitium, transferri omnimode in vica-
« rium perpetuum. Hinc nullo modo potest principalis, spreto vicario,
et se ingerere curiB animarum. » (Bouix, de Capit., p. 232.)
7° A la page 241, l'auteur affirme que la nomination des chanoines
honoraires n'appartient pas à l'évêqueseul, mais à l'évêque et au cha-
pitre. — Mais sil est vrai, comme l'enseignent communément les
canonisles, que le droit de collation simultanée tire ordinairement son
origine de ce que, dans le principe, les revenus qui ont formé les
prébendes canoniales appartenaient en commun à l'évêque et au cha-
pitre, ce droit ne doit pas s'étendre aux titres non accompagnés d'une
prébende, et l'évêque doit pouvoir y nommer seul, comme il nomme
aux autres emplois du diocèse. (V. mon Manuale, n" 2271, etc.)
8" A la page 259, l'auteur trouve répréhensible le projet de règle-
ment pour les chapitres, en ce qu'il prétend soumettre les chanoines
aux statuts généraux du diocèse, sans communication préalable et
avis demandé. — Ce reproche suppose que les statuts généraux d'un
diocèse ne peuvent jamais éire obligatoires, sans avoir été commu-
niqués auparavant aux chanoines ; c'est bien en effet la règle établie par
les canons Episcopus, dist. 24, et 0/im 17, de Priviligiis. Mais d'après
Benoît XIV [de Syn. lib. xiii, c. I, n" 8), on doit en cette ma-
190 DES CHAPITRES CATHÉURAUX EN FRANGE.
tière déférer beaucoup à la coutume établie de ne pas consulter les
chapitres, et il cite à l'appui le chapitre Ea noscitur, de his quxfiiint,
et le chapitre Non est, de consneUidïne. Et cette coutume de ne pas
consulter le chapitre en beaucoup de points, existait non-seulement en
France, mais presque partout, d'a[)rès Ferraris (V. Capitnlum, art. 2,
n" 28-50; : Consuetudo non consulendi capitulum in plurimis fere
ubique habetur. D'après M. BoiiiX;, ces sortes de coutumes devenues
générales étaient passées en droit, ita ut, dil-il {de Capit., p. 368),
novx Galliarum ecclesix hoc ipso quod ortx sint sub jure communi,
ortxsxint sub juie prxdidx universaUs consuetudiuis. Cela supposé, le
reproche de l'auteur nous semble au moins trop généralisé, et il aurait
dû être accompagné des restrictions nécessaires.
Les explications que nous venons de donner peuvent aider à com-
prendre les lettres apostoliques, dans ce qui est relaté à la page4G5,
sans que l'on soit obligé d'admettre la restriction de Tauleur, qui veut
que \equatenus ipse oportere eensuertt, ne porle que sur opéra et non
sur co7isilio.
9" A la page 316, l'auteur cite un Mémoire envoyé de Rome à l'oc-
casion d'un démêlé qui s'était élevé à Coutances entre l'évèque et le
chapitre, dans lequel le canoniste romain dit:« Nihil impedimentoest
« quominusepiscopus qui hoc jure 'celebrandi comitia capitularia), sive
a per se, sive per vicarium, a rauUis jam annis usus est, posthac pariter
« pergat, etc. » L'auteur convient qu'en vertu de la coutume, avec les
correctifs et exceptions dont parle le Mémoire, l'évèque peut présider
toutes les réunions capilulaires ; mais, d'après lui, l'évèque ne
pourrait se faire représenter par un vicaire que dans certains cas,
et alors, en thèse générale, la communication une fois faite au
chapitre, le grand vicaire devrait se retirer et surtout s'abstenir de
présider. — Or, d'après une décision de la Sacrée Congrégation en
date du 15 mai 1585, rapportée par M. Icard, n" 389, le vicaire
général peut convoquer le chapitre, si telle est la coutume en vi-
gueur, ou si cela est ainsi réglé dans les statuts du chapitre ; et d'a-
près Ferraris, non-seulement il le peut quand c'est la coutume, mais,
lorsque le cha[)itre n'est pas exempt, il le peut toutes les fois qu'il en
DES CHAPITRES CATHKDRAUX EN FRANCE. 191
a une raison légitime pour loules les affaires dans lesquelles il peut
être juge ; il peut alors non-seulement le convoquer, mais assister aux
délibéralions et occuper la première place. (V. Capitnlum, n° 16 et 17,
où sont cilés à l'appui des décisions des Congrégations romaines et
plusieurs auteurs, tels que Barbosa, Fagnan, Pelra, etc.) A la vérité le
grand vicaire ne peut donner son vote, à moins qu'il ne soit membre
du chapitre, en qualité, par exemple, de chanoine ou de dignitaire,
mais il le peut dans ce cas.
10° Au sujet des décrets du Concile de Soissons tenu en 1849 où
il est dit: a Vicarii générales, qui munus exercent archidiaconorum,
0 quorum nomine insigniti sunt, apud nos habentur ut primae digni-
« taies calhedralis ecclesiae, » l'auteur affirme que ces mots : Qui
munus exercent archidiaconorum, ne seront jamais l'équivalent do ; Qui
sunt vere et proprie archidiaconi, pas plus que ces mots : Habentur
ut primœ dignitales, ne sont l'équivalent de Sunt vere et proprie digni-
lates. Le Concile, dit-il, a pesé ses expressions, et il a bienfait. Nous
admettons volontiers la différence de sens de ces diverses locutions,
mais suit-il de là que le Concile n'ait pas voulu conserver les vicaires
généraux dans la possession de la dignité d'archidiacre telle qu'elle est
reconnue en France, et d'après laquelle ils ont la préséance, même en
habit de chœur, sur les chanoines? Nous croyons que ce serait une
erreur de le penser.
Reste à savoir sans doute, si les statuts dressés dans ce sens depuis
le concordat de 1801, ou si l'usage établi en France, ont pu légitimer
cette déviation de la règle établie par les canons. L'auteur démontre
très-bien, il est vrai, que le cardinal-légat n'a pu autoriser les évoques
à dresser des statuts contrairement aux lois de l'Eglise ; mais on a pu
croire de très-bonne foi, qu'à cause des malheurs des temps, il approu-
vait, ou du moins qu'il n'improuvait pas les statuts qui avaient été
dressés, et que par conséquent ils n'étaient pas contraires aux canons.
Est-il d'a.ileurs bien clair que les canons, sur le point qui nous occupe,
s'opposent absolument à ce que les archidiacres puissent être établis
amovibles, comme ils l'étaient anciennement d'après Thomassin, le
cardinal Soglia et autres'' (V. mon Manunle,x[^ 1 197.) Ensuite, peut-on
192 DES CHAPITRES CATHÉnR\U\' EN FRANGE.
bien assurer que ces statuts, illégitimes dès le principe, ne peuvent
pas, aujourd'hui au moins, être légitimés par la coutume? Sans con-
damner l'auteur qui paraît d'un autre avis, nous n'oserions aller aussi
loin que lui sur le point en question.
11° Nous n'ajouterons plus qu'une observation ayant trait à la ma-
nière dont est traduit un passage des lettres apostoliques du 3 janvier
1859, par lesquelles la cathédrale de Rennes est élevée au rang de
métropole. 11 est dit dans ces lettres :« Perpétue item instituimus, prae-
cipiendo ut octo, qui nunc inibi exstant canonicatus, in eodem statu,
etc. » L'auteur traduit ainsi ces paroles (p. 470): « Nous instituons à
toujours huit canonicats, en prescrivant que les huit qui existent à
Rennes demeurent dans leur état présent. >> Celte manière de rendre
les paroles de la Bulle ferait croire que, outre les huit canonicats déjà
existants dans l'église de Rennes, le Pape en établit huit autres, tandis
qu'il n'a voulu dire autre chose, sinon qu'il institue de nouveau les
huit chanoines qui existent déjà dans cette église qu'il vient de suppri-
mer comme cathédrale pour l'ériger en métropole.
Nous ne devons pas oublier de dire en terminant que l'ouvrage est
bien écrit, que l'édition en est très-soignée et très-correcte. Il ren-
ferme une foule de documents très intéressants, la plupart inédits.
Puisse sa lecture produire l'heureuse réforme que l'auteur a eu en
vue, et contribuer au retour complet des observances canoniques, non-
seulement en ce qui regarde les chapitres; mais sur tous les autres
points de la disci[iline ecclésiastiqne qui peuvent encore être mis en
oubli. Nous le souhaitons de foute notre âme, car nous croyons qu'il
ne peut rien arriver de plus avantageux à l'Église et de plus propre à
attirer sur tout le clergé et le peuple fidèle les bénédictions du ciel.
Craisson, anc. vie. gén.
QUESTIONS LITURGIQUES.
DES FONCTIONS FUNEBRES.
L'usage de la daltnalique et de la tunique est-il permis dans les
convois funèbres? — II. Pendant le chant de Vcfflce des morts,
l'officiant peut-il être revêtu de la chape ? Peut-il avoir deux ou
plusieurs assistants en chape'! Convient-il qu'il se place au milieu
du chœur ? — III. Devant quelle croix le célébrant doit-il s'incli-
ner à l'absoute ? — IV. Que doit-cn penser de l'usage de certaines
églises où l'on chante en présence du corps d'une personne défunte
la messe du jour ou une messe votive ^e la sainte Vierge avant
la messe de Requiem? Cet usage peut-il être mairitenu ? Si cette
coutume ne peut être conservée, pourrait-on chanter cette messe
avant la levée du corps, mais l'église étant tendue de noiri Est-il
permis de célébier à l'autel tendu de noir des messes basses de la
fête occurrente pendant le chant de l'office des morts? — V. La fa-
culté d'omettre quelques strophes de la prose Dies iriE à la messe
(hantée de Requiem, est-elle applicable aux églises où. il y a plu-
sieurs chantres et à celles où une édition spéciale de livre de chant
est prescrite par l'Ordinaire ? — VI. S'il est nécessaire de chanter
pour faire les fruits siens en ass'istant à un office par obligation,
conunent devra se conduire un ecclésiastique dont l'assistance est
rétribuée, si l'on exécute des pièces musicales? — VII. Lorsque le
cimetière est à une distance notable de l'église, le prêtre ou le»
prêtres qui accompagnent le défunt peuvent-ils réciter leur brév'iaire
on vaquer à des lectures, se contentant de chanter par intervalles?
Que penser de l'usage de chanter le cantique Benedictus en appro-
Rkvde des Sciences écoles., t. x. — août 1864. 14
19ii LiTinciE.
chant des portes de la ville, et de garder ensuite le silence, un seul
prêtre accompagnant le corps jusqu'au cimetière ?
I. Usage de la dalmalique et de lu tuniqtie dans les convois funèbres.
1° A la levée du corps, il ne doit point y avoir de ministres sacrés
en dalmatique et tunique. Le rituel n'en parle pas et un décret de la
S. Congrégation condamne l'usage de faire intervenir un diacre et un
sous-diacre à celte fonction. Ce décret est le suivant : Question : « In
a sepultura defunctorum, dum cadaver e sua domo defectnr ad eccle-
« siam cum assislentia parochi et ministris sacris, cum pluviali, dal-
« niatica, et tunicella indutis an.... cogendi sint ministri sacri ut
« siniul cum dalmatica et tunicella induant amictum, albam et cingu-
« Uim?» Réponse : ServAndam disposilionem Rilualis Romani, quod
« in casu excludit sacras vestes ibi non meraoratas. » (Décret du
2îmai 1846, n» 5050, q. 10.)
2" Pour le transport du corps, au cimetière^ la rubrique du rituel
suppose lé trajet fort court, puisqu'elle indique seulement le chant de
l'antienne In pûraiisum. Elle suppose aussi que le prêtre s'y rend avec
l'aube et la chape, accompagné du diacre en dalmatique, et du sous-
diacre portant la croix comme pendant l'absoute. Cet ordre peut tou-
jours être gardé ; mais si l'on doit, aussitôt après l'absoute, transporter
le corjps à un cimetière éloigne, le célébrant et ses ministres peuvent
quitter les ornements, un clerc prendre la croix et le prêtre se revêtir
du surplis et de l'étole noire. Ainsi l'enseignent les auteurs.
11. Usage dé la chape à l'office des morts pour l'officiant et les
assistants.
i° Il est hors de doute que l'officiant peut être revêtu de la chape à
l'office des morts. D'après la rubrique du rituel, le prêtre peut avoir
la chape à la levée du corps ; « Parochus indutus superpelliceo et
« stola nigra, vel etiam pluviali ejusdem coloris. » Après cette céré-
monie, lorsque le corps est apporté à l'église, il est dit que l'on co/ii-
LITl RGIE. 105
hience aussitôt l'ofiice des morts, sans indiquer qae le prêtre doive dé-
poser la chape. Le Cérémonial des évêques est plus explicite. Après
l'indication des cérémonies à observer à l'oÊDce pontifical pour les
morts, il. est dit (1. ii, c. X, n, 10): « Haec, ut dixi, servantur, si
(( ipse episcopus sit in Iiis vesperis et matutinis officium factiirus : sin
« minas. . canonicus hebdomadarins, paralus pluviyli nigro supra ro-
« cheltum, vel cottam, aut sallem stola nigra, faceret, aut diceret om-
« nia praèdicta. -> De plus, la S. Congrégation des Rites a répondu :
« Posse » (Décret du l2août 1854, ii" 5208 q. 4 et 5) à ces deux
questions : « Utrum in exequiis sacerdos qui stolam, vel etiam plu-
« viale nigri coloris assumpseril pro deferendo cadavere in ecclesiani,
0 possit stolam vel pluviale nigri coloris retinere ad canendum noctur-
a num oflicii mortuorum, aut vesperas mortuorum, si in casu neces-
€ silatis exequiae vespere fiant, cum immédiate cantantur? Utrum in
« die 3, 7, 30, et anniversaria ciEterisque aliis diebus, sacerdos as-
a sumerc possit stolam et pluviale ab initio officii mortuorum, quod
« canlatur ante missam? »
2° Quant aux assistants en chape, ils ne sont point obligatoires à
l'office des morts, même dans les cathédrales. Après les paroles citées
ci-dessus, nous Hsons dans le Cérémonial des évêques :« Nequehoc casu
« requiritur, ut aliqui canonici vel beneficiali cum eo parentur. » Ce-
p endani, aucune règle ne s'oppose à ce que l'officiant soit assisté de
cbapiers.
3" La place de l'officiant est naturellement celle qu'il a coutume
d'occuper aux vêpres solennelles.
m . De l'absoute.
La croix que le célébrant salue pendant l'absoute, suivant la
rubrique du missel et celle du rituel, est la croix que lient le porte-
croix. 11 salue aussi la croix du grand autel, s'il y a lieu. Il est dit
dans la rubrique du missel : « Accipit fcelebrans) aspersorium de
« manu diaconi,et facta altari reverenlia, comilante eodem diacono...
« circumiens tumulum aspergit illum aqua benedicta, ter a parte dex-
« tra et ter a sinistra. Cura transit ante crucera, profunde inclinât,
196 LITURGIE.
ot diaconus vero genuflectit. » Nous lisons dans le rituel : « Ipse inte-
« rim (sacerdos) accipit a diacono vel acolytho aspersorium aquae
« benedictae, et fada profunda inclinatione cruci quae est ex ad-
0 verso , diacono seu niinistro geriiiflecterte et fimbrias pUivia-
« lis sublevante, circumiens feretrum (si transit anie Sacramentum
« genuflectit ) aspergit corpus defuncti. » M. de Conny, commentant
ces deux rubriques, s'exprime comme il suit (Cér. Rom. 3e éd. p.
233) : a On voit que le rituel et le missel ne s'expriment pas dans les
« mêmes termes sur les salutations à faire par le célébrant ; nous
(( croyons qu'il faut les compléter l'un par l'autre, parce que, très-sou-
(i vent, les livres liturgiques sons-entendent certaines particularités
i indiquées suffisamment par les principts généraux. 11 faut donc sa-
« luer tuut d'abord la croix, conformément au rituel, bien que le
« missel n'en parle pas, et saluer ensuite l'autel, ainsi que le veut le
a missel, bien que le rituel indique seulement un peu plus bas une
a génuflexion au tabernacle du saint Sacrement. Ces deux salutations
« sont conformes aux principes, l^elon les rubricistes les plus graves,
« à l'opinion desquels nous nous attachons dans tout ce livre, toute
« action à faire quand on est en face du milieu de l'autel doit être pré-
ce cédée par une salutation soit à la croix ou au tabernacle du saint
« Sacrement, avant la consécration, soil à la sainte Hostie, après la
« consécration. Le rituel abonde ici dans ce sens-là, et veut que le '
a prêtre elle diacre, qui sont en face de la croix, commencent par lui
« rendre hommage avant d'entreprendre l'aspersion et l'encensement
« du corps. Comme ils se sont rangés un peu du côté de l'épître, afin
« de ne pas tourner directement le dos à l'autel, pour se rendre au
« côté de l'évangile par lequel le célébrant commence à asperger, ils
a ont à passer devant le milieu de l'autel, et ils le saluent, ainsi que
« la rubrique du missel le prescrit expressément. Nous ne pouvons
« donc suivre r.opinion des auteurs qui suppriment la première incli-
a nation à la croix, omise, il est vrai, par le missel, mais marquée dans
« le rituel à ce moment d'une façon très-nette et qui se justifie parfai-
« tement.» Le P. Le Yavasseur, qui n'avait pas parlé de cette première
inclination à la croix dans son ouvrage publié en 1859, l'indique posi-
LITURGIE. 107
tivement dans son cérémonial pour les petites églises écrit en 1861.
M. Faiise émet un autre sentiment (Gér. rom. 5' édit. p. 223) :« Il
« est très-difficile de mettre d'accord les livres liturgiques, aussi bien
a que les auteurs, sur les inclinations à faire pendant l'absoule. Le cé-
« rémonial et le misse! romains ne [)arlent que d'une inclination à faire,
a savoir, à la croix, quand le célébrant y passe en faisant le tour du
« catafalque, et c'est ainsi que l'enseignent Mcrati, Vinitor et quelques
a autres. Le rituel romain, au contraire, semb'e indiquer clairement
« une inclination cruci qux est ex adverso, av'anl le commencement
a de l'aspersion, mais il n'en marque plus pendant l'aspersion ou
« l'encensement du cadavre. Toutefois, les auteurs qui prétendent
« suivre à la lettre le rituel admettent encore celle du missel : (^lava-
« lieri, Corsetti, Pavone,etc. A noire avis, il faut suivre l'opinion de
« Merati. Le rituel n'exige pas ici une nouvelle inclination ; il rappelle
<■ seulement celle du missel, en l'anticipant toutefois dans l'ordre des
« cérémonies, chose très fréquente dans le rituel. Les termes qnx est
0 ex adverso ne nous effraient môme pas, car ils nous paraissent sirn-
« plement signifier la croix que tient le sous-diacre, pour la distin-
« guer de celle de l'autel. D'après notre sentiment, il n'y aurait donc
« que deux révérences et deux génuflexions, ou quatre salutations,
« si le saint Sacrement n'est pas dans le tabernacle, o Telles sont les
appréciations des auteurs modernes d'après les documents qu'ils ont
sérieusement compulsés. La première opinion nous paraît la mieux
fondée .
IV. Messe votive de la sainte Vierge ou messe de la fête occurrente
chantée pour les morts ou célébrée pendant l'office des morts.
i" L'usage de chanter en présence du corps d'une personne défunte
la messe du jour ou une messe votive de la sainte Vierge nous paraît
entièrement contraire aux rubriques et aux décrets de la S. Congréga-
tion des Rites. Nous en avons donné la raison (t. v, p. 473 et 476) et
nous avons argumenté ainsi. D'après les détirets cités t. iv, p. 56, on ne
peut célébrer une messe festivale devant une représentation mortuaire ;
198 LITLKGIE.
donc a pari, et même a fortiori, on ne peut le faire devant le corps
même du défun'.
2° Rien, cependant, ne peut s'opposer à ce que la messe dont il s'agit
soit chantée avant la levée du corps, pourvu toutefois que cette raesse
soit celle du jour, toutes les fois que les messes votives ordinaires sont
interdites. Mais l'église ne doit pas ôtre tendue en noir pendant cette
messe. Ceci, sans doute, n'est positivement ni expressément inter-
dit par aucune loi; mais aucun auteur n'a jamais supposé cette pra-
tique et elle se trouve en contradiction avec toutes les règles liturgiques.
Le parement de l'autel, d'abord, doit ôtre, autant qu'il est possible,
delà couleur des ornements du jour. Ici, sans doute, la loi n'est pas
expresse : elle porte le tempérament quoad fieri potest. Mais les régies
posées dans le Cérémonial des évêques pour les grandes églises et dans
le }Jemorialeriluum pour les petites, montrent assez clairement qu'on
ne peut pas se servir sans raison de la dispense iQdiqii,é,e, sgrtout s'il
s'agit d'une messe chantée ou d'une messe publique, et s'il faut faire
une fonction festivale avec un parement d'autel qiji convient à une
fonction fériale ou funèbre, ou réciproquement. Il est positivement
prescrit pour le jour de la Purification et le samedi-sijiiflt, de mettre à
l'autel deux parements, et de disposer celui de dessus de manier e à
pouvoir être facilement enlevé. Tous les auleurs même prescrivent de
mettre sur le calice de la messe le grand voile violet, par dessus le
le blanc, le jour de la Purification, pendant la bénédiction de,§ cierges.
Pour ce qui est delà décoration de l'église en général, il suffit de par-
courir le cil. XII (lu livre I du Cérémonial des évêques pour voir combien
les règles de l'Église tendent à multiplier l'usage Je li couleur du
jour, et à mettre teut l'ensemble des décorations en rapport avec l'office
que l'on célèbre. Ces raisons nous paraissent plus que suffisantes pour
nous autoriser à conclure que si l'on célébrait une inesse festivale pour
un défunt au jour de sa mort, il faudrait le faire ass?z à temps' pour
pouvoir tendre l'église en noir après celte messe, si l'on doit mettre
des tentures. Si cependant on ne posait d'avance que les tentures les
plus difficiles à fixer, et si l'autel n'était pas tendu de noir, on pour-
rait passer là-dessus ; encore vjulrait-il mieux ne pas le faire et ame-
LITUKGIE. i99
ner peu à peu les fidèles à la pratique des vraies règles liturgiques.
La concession que nous proposons, en effe»,, pourrait plutôt trouver son
application au chant d'une messe d'obligation qu'à celui d'une messe
célébrée tout exprès pour la circonstance.
3" Pour ce qui concerne la célébration des messes basses pendant
l'office, il faut observer d'abord que pendant une fonction publique
dans le chœur, on ne doit point célébrer la messe à l'autel du chœur :
« Omnino tollendum abusum celebrandi missas privatas in allari
« majori, dum in choro cantantur horae canonicœ ; in aliis vero alta-
« ribus quae sunt in conspectu chori idem faciendum si commode fieri
« potest.» (Décret du 2 mai 1620, n" 588.) Il est donc bien important
que dans les églises paroissiales il y ait toujours au moins deux autels
où l'on puisse célébrer la messe. Souvent il arrive, en effet, que des
prêtres convoqués pour une cérémonie de ce genre sont obligés Ap
s'y rendre avant d'avoir célébré le saint sacrifice ; il arrive encore
qu'un des prêtres de la paroisse attend pour dire la sainte messe l'ar-
rivée d'un prêtre invité à faire l'office, etc., et souvent il y a lieu de
célébrer une ou plusieurs messes pendant l'office des morts. Si l'on dit
une messe festivale, l'autel où elle se célèbre ne doit pas être tendu de
noir, d'après ce qui est dit ci-dessus.
V. Omission de quelc^ues strophes de la prose.
lo La S. Congrégation des Rites ayant déclaré, comme nous l'avons
dit t. VI, p. 45, que l'on peut omettre quelques strophes de la prose
Dies irx, sans faire aucune distinction relative au nombre des chantres,
nous ne nous croyons pas en droit de faire une réserve à cet égard.
Cependint, il est beaucoup mieux de n'en rien omettre ; la chose
est évidente.
2° L'adoption d'une édition deshvres de chant n'est pas non plus un
ordre de no rien omettre dans la prose, et il n'est pas nécessaire qu'il
y soit dit de la chanter en tout ou en partie. L'Ordinaire paraît deman-
der purement et simplement 1 exécution de la loi générale, toutçs les
fois qu'il n'a rien réglé dans les points qui sont de son ressort.
200 LITURGIE.
VI. Conduite à tenir par un prêtre rétribué pour son assistance à un
office ou à une messe chantée, si l'on exécute des pièces musicales.
i" L'obligation de s'associer à l'office du chœur pour les ecclésia-
stiijues dont l'assistance est rétribuée est fondée sur une réponse de la
S. Congrégation des Rites faite à Monseigneur l'évéque de Périgueux
le 9 mai 1837, et publiée par une lettre circulaire du môme prélat le
31 du même mois. Question. « Utrum parochus aiiique sacerdotes
« exequiisraortuorum aliisqueofticiisquotidianis pro iisdem assistentes
• ac pro ea functione dispendium accipientes, teneantur per se ofli-
a ciura defunctorum persolvere, ita ut solummodo assistentes, et non
« Gantantes vel psallentes, fructus non faciant suns? An vero sufficiat
« ut assistant, et schola officium persolvat, ipsis intereapro lubitu alias
«t preccs fundenlibus, v. g. breviarium recitantibus pro sua quoti-
« diana obligatione? » Réponse. « Affirmative quoad primam parlera ;
« négative quoad secundam. n L'obligation en elle-même est donc
incontestable ; mais elle ne paraît pas exister toutes les fois qu'il est
stipulé, soit d'une manière expresse soit d'une manière tacitO;, que l'ho-
noraire offert est pour la simple assistance et le déplacement qu'elle
occasionne.
2° Si l'on exécute des pièces musicales au chant desquelles les
prêtres ne peuvent pas s'associer, la force des choses les dispense de le
faire, et il devient évident que l'honoraire qu'ils reçoivent est offert
pour l'assistance et le déplacement.
VIL Ordre à suivre dans un convoi pour la conduite du corps
au cimetière.
Les divers usages ci-dessus mentionnés, et sur la légitimité desquels
on veut bien nous demander notre sentiment, nous paraissent pouvoir
être conservés, sauf quelques légères modifications. i° On ne voit pas
qu'il soit obligatoire de chanter pendant tout le trajet. Le Rituel in-
dique seulement l'antienne In Paradisum. La Rubrique suppose, à la
LITURGIE. 201
vérité, un cimetière contigu à l'église, et les auteurs enseignent que si
le lieu de la sépulture est éloigné, 01 chante des psaumes, comme
pendant le trajet de la maison mortuaire à l'église. Cependant rien ne
prouve que le chant ne puisse pas être interrompu, et que, par consé-
quent, les membres du clergé ne puissent pas réciter leur bréviaire ou
vaquer à des lectures, se contentant de chanter par intervalles. 2» 11
n'est pas prescrit non plus à tous les membres du clergé d'accompa-
gner le corps au cimetière, et quelques-uns peuvent se retirer à la
sortie de la ville ; on pourrait même terminer les prières à l'église,
comme le suppose le Rituel, dans le cas où l'on ne conduit pas le corps
au cimetière immédiatement après l'absoute. Rien ne paraît absolument
s'opposer, par conséquent, à ce que les dernières prières soient faites
avant d'arriver au cimetière, s'il n'y a pas lieu de bénir la tombe.
3" Nous ne pensons pas de la même manière, par rapport à l'usage de
ne pas joindre le chant du cantique Benediclus à celui des dernières
oraisons. « Le Rituel, dit M. de Conny [Céréin., 5« éd., p. 403,
« nete 1), plaçant ce cantique après la bénédiction de la tombe et
« comme prélude immédiat des dernières oraisons, il nous semble plus
« régulier datlendre, pour le chanter, qu'on soit arrivé au lieu de la
« sépulture, lors môme que le tombeau n'aurait pas à être bénit. » Si
donc un prêtre accompagne le défunt, comme on le suppose, il fau-
drait lui laisser le soin de terminer la cérémonie au cimetière.
P. R.
BIBLIOGRAPHIE.
liÇH iQuatre ÉYan^iles. Traduction nouvelle, avec préface, notes,
disserlations et sommaires, par M l'abbé Crampon, approuvée par
Mgr l'Evèque d'Amiens, autorisée pour les écoles par le Conseil aca-
démique de Douai. 3^ éd. Paris, Jolra et Haton. Gr. io-18 de m-47o pp.
1 fr. 25.
Le beau travail de M. Crampon sur les Évangiles a fait son chemin,
depuis que nous l'avons annoncé une première fois. Il a été jugé gé-
néralement d'un manière très-favorable, et a recueilli en dehors de
la presse les suffrages les plus illustres. Citons seulement la lettre
suivante, déjà reproduite par plusieurs journaux :
a Monsieur l'Abbé,
« J'ai pris connaissance avec grand intérêt du beau livre que vous
« venez de publier sous ce titre : Les quatre Evmgiles, traduction
« nouvelle avec notes et dissertations, et je me fais un plaisir de
«joindre jnon suffrage à tous les éloges que ce travail vous a déjà
o mérités.
a Votre traduction, M. l'Abbé, m'a paru faite avec beaucoup de
« soin et d'exactitude. Les préfaces, notes et dissertations que vous y
« avez ajoutées supposent et résument des éludes bien conduites et
« des recherches pleines de conscience. Une telle publication est trés-
« opportune et ne peut manquer d être utile ; elle oppose avec avan-
a tage la simplicité des textes aux travestissements que des plumes
« déloyales ont fait subir au récit évangélique ; de plus, avec celte
« aide que vous leur offrez, les fidèles arriveront à mieux entendre et
« goûter les paroles de Jésus-Christ, et ils trouveront, selon votre dé-
« sir, de quoi se maintenir et se fortifier dans les croyances et les
a pratiques de la religion.
0 Agréez, etc. t G., arch. de Paris. t>
BIBLIOGRAPHIE. 3Q3
L'auteur a été engagé par son succès même à donner uae édition
populaire de sa traduction. Celle-ci s'est épuisée si vite qu'il a fallu la
réimprimer presqu'aussitôt ; aujourd'hui c'est la troisième qui parait.
Le but de celte publication avertit assez que ce n'est point une
réimpression pure et simple. Le pian est resté le même, mais l'appa^
reil d'érudition a été allégé^ quelques explications ajoutées çà et là^
les liaisons mieux indiquées quand on l'a cru nécessaire. La distribu-
tion du texte en alinéas a été conservée. Nous avons dit déjà combien
nous la trouvons commode et avantageuse.
Nous nous associons bien volontiers au vœu de l'auteur : « Puisse
cette édition populaire contribuer à rendre à l'Évangile son antique
place au foyer de toute famille chrétienne, l'honneur du premier rang
dans toute bibliothèque pieuse I Ce livre divin convient à tous : d'une
simplicité et d'une profondeur sans égaie, il est accessible à |in enfant
et fait l'étonnement des sages, semblable, selon la gracieuse compa-
raison d'un Père de l'Église, à un fleuve raerveiijepx dans les eaux
duquel peut marcher un agneau Cit nager un éléphant. » (Préface.,
p. II s.)
Que l'on fasse connaître donc et que l'on répande ce petit livre :
c'est une des meilleures œuvres de propagande que l'on puisse se pro-
poser. Voilà pourquoi le prix a été fixé si bas, malgré l'étendue du
volume et sa bonne exécution typographique. Nous ne pouvons trop le
recommander [jour être distribué «omme récompense dans les écoles et
les catéchiscnes. Si l'eslimaWe éditeur était à mèm& de le fournir relié
convenablement sans une trop graade augmenta(,ion dfi prix, il fera (t
sans doute une chose très-agréable, à ce point de vue, pour bâaucûu p
de personnes. E. Hautccçu».
li'Ordre de» Frères-Prêcheurs e$ l'Imugifi^Itlée CpllQçptip)9
de la Très-si^inte Viçergc. Lettre adressée à Miçr Malou, évêque
de Bruges, par le R. P. Pie-Marie Rouahd de Gard, provinciat des
Frôreâ-Prêcbeurg, docteur eu t'tiéologie. -n- Paris , V« P<îiu$ielgue-
Rusand.rue Cassette, 27. In-8* de xi-ll2 pp.
Nous venons de hre ce remarqiiable travail, et aous espérons prou/^
¥er à son auteur, en prenant aussitôt la pdume pour m rendre compte.
20ll BIBLIOGRAPHIE.
qu'il a fait passer en notre âme quelques étincelles du feu sacré dont
il était animé en écrivant. Voici l'occasion de cette lettre et les motifs
du retard qu'elle a subi dans sa publication. Les lecteurs de la Revue
connaissent l'ouvrage de IMgr iMalou, évéque de Bruges, sur l'imma-
culée Conception. Le savant Prélat y disait : « Indépendamment des
te.xles des écrits de saint Thomas, l'ensemble de ses doctrines conduit
à la négation du privilège de l'Immaculée Conception de la Très-sainte
Vierge... On peut dire que l'Ordre des Frères-Prêcheurs a été hostile
à l'Immaculée Conception, en corps et d'une manière constante. » La
première de ces assertions a été combattue par le R. P. Fr. Marianus
Spada, dans une brochure publiée à Rome, il y a deux ans. Le R. P.
Rouard entreprend de réfuter la seconde. Avant de publier son étude
de critique historique, le Provincial des Frères-Précheurs de Belgique
a fait à Mgr Malou les observations les plus respectueuses. L'Évoque
de Bruges a résisté à ses instances. C'est alors que le R. P. Domini-
cain a songé à publier sa lettre. Toutefois, comme Mgr TÉvéque de
Bruges était malade au moment où le R. P. allait h livrer à l'impri-
meur, le Souverain-Pontife a demandé qu'on voulût bien suspendre
cette publication jusqu'au rétablissement de Mgr Malou, sauf à laisser
au R. P. Rouard la liberté de le faire après la mort du savant évêque
de Bruges. Ce retard était demandé dans l'intérêt de la santé du Prélat.
Dans une question si grave, on ne peut qu'admirer la délicate attention
du Souverain-Pontife et la déférence des Frères-Prêcheurs. Voilà
comment le hvre que nous avons sous les yeux, prêt à paraître au mois
de janvier 1863, n'a paru que cette année.
Le R. P. Rouard a conservé à son œuvre la forme primitive qu'elle
avait reçue. C'est une lettre respectueuse adressée à Mgr Malou. Des
points indiquent la suppression de quelques observations qui auraient
aujourd'hui un caractère trop personnel.
Deux parties forment la division de cette lettre. Dans la première,
le R. P. Rouard démontre que les faits allégués par Mgr l'Èvêque de
Bruges ne sont pas suffisants pour l'autoriser à formuler l'assertion
que nous avons citée. Dans la seconde, l'auteur établit par les faits les
plus décisifs que l'Ordre des Frères-Prêcheurs n'a jamais été opposé à
l'Immaculée Conception de la Trés^sainte Vierge.
BIBLIOGRAPHIE. 205
11 nV.l pas possible d'analyser les preuves rapides exposées par le
R. P. Rouard. Elles sont présentées avec une concision si parfaite,
qu'il faudrait les transcrire en entier pour ne rien omettre d'essen-
tiel. C'est un mérite assurément, et un grand mérite. Beaucoup de
personnes liront cet opuscule, tandis qu'elles auraient hésité à se jeter
dans la lecture d'un gros volume, malgré l'importance de la question
traitée. A la concision, le P. Rouard unit la clarté et une élégante
simplicité qui attachent et qui entraînent. Son livre est un de ceux
qu'on n'abandonne pas sans l'avoir lu tout entier. Nous devons louer
aussi l'érudition sûre de ce travail, et la verve d'exposition qui révèle
une âme dévouée à un intérêt majeur, le poursuivant avec la certitude
du triomphe de la vérité qu'elle cherche. « L'Ordre qui, dés son ori-
gine, a choisi pour devise ces mots : veritas, et qui a reçu le beau
nom de Défenseur de la vérité, ne pouvait accepter sans protestation la
flétrissure qu'il a reçue de Mgr l'Évoque de Bruges. »
Le K. P. Rouard nous permettra de faire une observation au sujet
du quatrième fait qu'il cite pour prouver que l'Ordre de Saint-Domi-
nique n'a jamais été oppo.sé à la croyance cle l'Immaculée Conception.
Les Universités o'u xv« siècle et des siècles suivants, d'après l'exemple
de l'Université de Paris, imposaient à leurs docteurs la défense de
l'Immaculée Conception. Or, il y a eu, de cette époque à la Révolution
française, vingt mille, quinze mille, dix mille docteurs dominicains au
moins qui ont prêté le serment. Auraient-ils été Hbres de le faire si
l'Ordre avait clé opposé en corps à l'Immaculée-Conception ? Le
P. Rouard ne le pense pas, et nous ne le croyons pas non plus. Nous
laissons donc à son argument toute sa force. Mais nous regrettons le
parallèle que le R. P. établit, après le cardinal Gaude, entre la
croyance à l'Immaculée Conception, et les théories scolastiques sur la
prémolion physique et sur la grâce efficace de sa nature, qu'il
appelle des doctrines acceptées par l'Ordre des Frères-Prêoheurs (l);
(1) « Du seul docteur dominicain pourrait-il prêter un serment ana-
logue s'il s'agissait de la prémotion physique, de la grâce efficace de sa
nature, ou de tel on tel autre point dout la doctrine est acceptée par
l'Ordre des Frères-Prêcheurs ? » Pag. 71.
206 BIBtIOGRAPHIEi
Quelle que fût ia liberté laissée par l'Église aux écoles et aux docteurs
d'allaquer ou de soulenir l'Immaculée Conception, il n'en est pas
moins vrai que c'était là une croyance de l'Église, conservée par Elle,
professée sur toutes les plages et sous toutes les zones, enseignée par
des doCteufs q^Ji appartenaient à toutes les écoles, ayant un fondement
bibliquié exploité par des Pères tellement nombreux qu'on a pu remplir
trois grands volumes de leurs témoigngges. Lorsque l'Église a défini
le dogme de l'Immaculée Conception, Elle a déclaré que celte croyance
était de celles à qui convient l'axiome : Qiiod semper, qttùd ubique,
qîtdd ah omnibus. Lès Universités, sentinelles avancées de la science,
imposaient leur serment précisément pour les mêmes raisons. Or, il
le faut avouer, il y a loin de là aux systèmes thomistes sur la pre'wo/ion
physique, sur la grâce efficace de sa nature. Ils sont relativement ré-
cents, soutertus par un rtûftibre relativement restreint (nous pourrions
dire progressivement restreint) de théologiens; beaucoup croient trou-
ver dans saint Thomas même des appuis solides aux systèmes con-
traires : c'est enfin une opinion d'école et non un sentiment de l'Eglise,
tandis que l'Immaculée Conception est si bien un sentiment de l'Église,
que, le R. P. Rouard nous l'a démontré d'une manière victorieuse, la
seule école qu'on prétendait avoir été opposée à ce sentiment, l'a au
contraire presqu'unaniinement professé.
A part Cette réserve, dont le lecteur appréciera la justesse, nous
pensorts que là lecture de l'ouvrage du R. P. Rouard sera intéres-
sante et utile, et nos sympathies pour l'Ordre dont il a si bien sou-
tenu la défense, nous conduisent à lui exprimer la satisfaction que
fïous Ont causée ses recherches et la manière heureuse dont il les a
{h-ésentées. A. GitLY.
Uemoriale prsedicatorum, siœ sytiopsis biblica, tlieologica, mo"
ralis, hiàtori<a et oratoria commentariorum R. P. Cornelii a Lapide
' iu scripturam sacram, complectens analysim omnium rerum quae in
hisce commenlariis euucleantur, auctore J. M. Péronne, cauoD.
houor. el ParocLo decano in diœcesi Suessiouensi, olim canon. Iheologo
et S. S. necnou Eloquentiee sacrae professore. Paris, Vives, 1803-1864.
2 vol. iu-4o à 2 col. imprimés en petit texte, vii-591, 609 pp. 24 fr.
Nous avons consacré autrefois une as.sez longue étude aux Commen-
BiBLionHAî'Hit;. - 207
taires rte Cornélius à Lapide, et à la belle é'ditiôtï (Ju'err a' publié
M. Vives (1). Nous faisions remarquer, entre autres choses, l'abon-
dance des richesses patriotiques renfermées dans ces commentaires, ce
qui en fait pour les prédicateurs << la mine la plus précieuse, la plus
abondante, la plus facile à exploiter (2). »
M. l'abbé Péronne a eu la btrtine idée d'en dresser Un inventaire
exact. A l'aide de celle table qui i-ésumè, cort>jplète;, el souvent rectifie
les tables particulières placées à la fin de chaque volume, il sera dé-
sormais possible de retrouver en quelques instauts tout ce que ren-
ferment sur an sujet donné les vingt-qyatre volumes de Cornélius.
Cette table est faite avec un soin minutieux et disposée avec beaucoup
d'ordre. Parmi les citations que nous avons vérifiées, nous en avons
trouvé bien peu qui fussent défectueuses, ce qui dans une telle masse
n'est assurément point un petit mérite. M. l'abbé Péroime a donc droit
à toute notre reconnaissance pour s'être soumis à un labeur aussi
obscur qu'il est ingrat et pénible.
Le Memoriale renvoie partout, on le comprend, au tome et à la
page de l'édition de M. Vives. Il ne peut servir par conséquent â
Corfapléter les autres éditions. É. HAttCŒUR.
CHKONIQUE.
i . Deux volumes d'une édition splendide des œuvres de saint Bon-
aventuré ont paru chez RI. Vives. La révision critique des textes est
confiée à M. l'abbé Peltier, déjà connu par divers travaux de philoso-
phie et de théologie. Nous reviendrons prochainement sur cet ouvrage,
et nous lui consacrerons un article en rapport avec son importance. Il
doit avoir en tout quatorze volumes (prix, 160 fr.). *
tl) Bévue, t. v, p. 247-268.
(2) Ib., p. 254,
208 CHRONIQUE.
2. A Bar-le-Duc, on ne se contente pas de réimprimer Baronius,
dont le premier volume a paru, du moins d'après les annonces des
journaux. Outre cette vaste entreprise et les autres en voie d'exécu-
tion, il est question de nous donner encore le Gallia ehrisfiana, revu,
corrigé, augmenté. C'est un travail immense. 11 est à désirer qu'il soit
confié à des maisons habiles, et qu'on leur laisse le temps nécessaire
pour mener l'œuvre à bonne fin. La fuiia francese gâte tout en ma-
tière d'érudition. En même temps que l'on parle de rééditer l'ouvrage
latin, il en paraît une édition française un peu restreinte, accommodée
aux divisions ecclésiastiques actuelles et continuée jusqu'à nos jours.
{La France pontificale [Gallia christiana], Histoire chronologique et
biographique des archevêques et évêques de tous les diocèses de France,
depuis l'établissement du christianisme jusqu'à nos jours, divisée en
dix-sept provinces ecclésiastiques, par M. H. Fisquet. Métropole de
Reims. Paris, Repos, in-8 de 25ti pp. 8 fr. le volume.)
3. Le défaut d'espace nous force à renvoyer au prochain numéro le
compte-rendu de l'Instruclion synodale de Mgr l'évêque de Poitiers
sur les principales erreurs du temps présent. (Poitiers, Oudin ; Paris,
Palmé, Giraud. ln-12 de 515 pp.) On y admire les mêmes qualités
que dans les précédentes, et c'est tout dire. Nous croyons être agréiibles
à beaucoup de lecteurs en leur annonçant que les dfux |iremières In-
ttruclions synodales ont été réimprimées dans ce môme format in-12.
4. On sait que les grades théologiques ont été rétablis canonique-
ment par concession pontificale dans plusieurs diocèses de France,
C'est un premier pas fait vers la restauration de l'enseignement
théologique. L'un des piclats qui ont obtenu celte concession,
Mgr l'évêque de Montauban, vient de publier un programme des nja-
tières exigées pour le baccalauréat. ( Thèses propugnandx et Quœs-
tiones solvendx ad promerendum et consequenduîn Baccalaurei in
Theologia gradum, ex data III. ac Rêver. DD. Episcopo Montai-
banensi a SSmo D. N. Pio IX facultate. Montauban, Bertuot. In-8
de 17 pp.)
E. iÎAUTCŒUft.
Arras. — Typ. Kousseau-Leroy, rue SaiiU- Maurice, 26.
LA QUESTION LITURGIQUE
DANS L ORDRE DE CITEAUX.
Quoique l'Ordre de Cîteaux ne soit plus aujourd'hui
qu'une ombre de ce qu'il a été autrefois, il constitue encore
la partie la plus considérable de la grande famille mona-
stique dont saint Benoît est le patriarche et le législateur^
11 compte treize abbayes avec environ cinq cents re-
ligieux dans l'empire autrichien ; dix-huit abbayes et huit
prieurés en France et dans d'autres pays, avec environ deux
mille rehgieux qui observent la réforme de la Trappe : huit
ou neuf autres abbayes ou prieurés existent encore en Italie,
en France et en Belgique, avec un personnel qui dépasse les
deux cents. Jusqu'ici cet ordre, si l'on excepte les mo-
nastères qui forment la congrégation d'Italie, a usé d'une
liturgie qui lui est propre ; nous allons examiner quelle est
l'origine de cette liturgie, et si, dans l'état où elle se trouve
aujourd'hui, elle est encore légitime.
Saint Benoît, qui écrivit sa règle vers le commencement
du Vl8 siècle, emploie dix chapitres (9-18) à déterminer
l'ordre et le rit de l'office divin, et en cela il s'éloigne no-
tablement de l'usage de l'Église romaine. Nous allons expo-
ser brièvement les différences les plus remarquables.
En premier lieu, la distribution du Psautier n'est pas la
même. Pour matines saint Benoît prescrit toujours douze
psaumes ; le dimanche, on commence par le vingtième. A
prime, tierce, sexte, none et complies, il y a toujours trois
Revue DES Sciences ECCLÉ3., T. I. — SEPTEMBRE 1864. 15
210 LA QUESTION LITURGIQUE
psaumes, excepté les dimanches, où il y en a quatre pour
prime seulement. Les vingt-deux divisions du psaume 118
ne se disent pas deux à deux sous un Gloria comme au ro-
main, mais une aune, chacune comptant pour un psaume.
Les treize premières se disent le dimanche à prime, tierce,
sexte et none, et les neuf dernières à tierce, sexte et none
du lundi ^ le mardi et les autres jours de la semaine, on dit
à ces trois dernières heures les psaumes llO'à 127, trois
pour chaque heure. A prime, pendant la semaine, les psau-
mes varient chaque jour, commençant le lundi par le pre-
mier, Beatus vir. A vêpres on ne dit que quatre psaumes,
commençant le dimanche par le 109e, Dixit Domimis. A
compiles on dit toujours les mêmes psaumes, Zj, 90 et 133.
^ Qn commence m|ât,in§s, comme 1^ autres heures, par
Deiisipi Çidjutorium; ensuite ojadit le yerset Domine labiq, etc. ^
qu'on répète trois, (ois, le ps^-ume 3% Domine quid^ Sc^ns
antienne, le Venite exultemus, et l'hymne. Les dimanches
et les jours de fête, on dit, au premier nocturne six psaumes
suivis d'un verset et de quatre leçons avec leurs répons ; au
second nocturne on fait de même, mais ^u troisième, au
Heu de psaumes, on dit trois cantiques tirés du vieux Testa-
ment, ensuite le verset, et les qu,atre dernières leçons avec
leurs répons. Après le douzième répons, on dit le Te Deum^
l'évangile du jour, une petite hymne, toujours la même, et
la collecte.
Les jours de la semaine qui ne sont point occupés par
ujje fête de douze leçons, on dit seulement deux nocturnes ;
au premier six psaumes, le verset e^ trois leçons avec leurs
répons; mais, depuis Pâques jusqu'au l^"" novembre, une
seule leçon fort courte avec un répons bref ; au second noc-
turne six psaumes, un capitule, un verset, Kyrie eleison, le
Pater nosier, et la collecte.
A laudes, avant de commencer l'antienne, on dit toujours
le psaume 66, Deiis misereatvr, ensuite avec antienne le
DANS l'ordre de CITEAUX. 211
psaume 50, Miserere, suivi de deux autres qui varient selon
les jours de la semaine, d'un caixtique, le même qu'au ro-
main, et du psaume lZi8, Laudate, avec les deux suivants.
Après les psaumes on dit un capitule, un répons bref, une
hymne, un verset, le Benedictus avec antienne, Kyrie eleison,
Pater noster, et la collecte.
Aux petites heures, après l'hymne, on dit les psaumes
comme ils sont marqués ci-dessus, le capitule et le reste
comme à la fin du second nocturne férial, et notez qu'il n'y
a point de répons bref après le capitule.
A vêpres, après les quatre psaumes, on dit le capitule et
le reste comme à laudes, excepté qu'on remplace le Bene^
dictus par le Magnificat.
A compiles, après les psaumes, on dit l'hymne, ensuite
le capitule et le reste comme aux petites heures ; il n'y a
ni répons bref, ni JSunc dimittis.
Voilà en abrégé ce que saint Benoît prescrit pour l'office.
Il ne règle rien par rapport à la messe, quoiqu'il soit cer-
tain qu'elle se célébrait de son temps dans ses monastères;
on doit en conclure que sur ce point on se conformait à
l'usage de Rome.
Lorsqu'on 1098 saint Robert et ses compagnons quit-
tèrent Molesme et vinrent fonder l'abbaye de Gîteaux, leur
but était d'observer la règle de saint Benoît au pied de la
lettre, et sans rien omettre de tout ce qu'elle prescrit. Con-
formément donc à cette règle qui, entre tous les exercices
monastiques, donne le premier rang à l'office divin, qu'elle
appelle opus Dei, ils s'appliquèrent avec un soin tout parti-
culier à bien régler ce point capital de leur observance. En
cela comme en tout le reste, ils s'attachèrent surtout à re-
trancher les usages qui existaient. dans d'autres monastères,
mais qui leur paraissaient plus ou moins contraires à l'es-
prit de leur saint législateur. Ils rejetèrent la magnificence
des églises des moines de Cluny et la pompe de leurs of-
212 LA QUESTION LITURGIQUE
fices solennels, pensant que la pauvreté dans les ornements
de l'oratoire et la simplicité dans les cérémonies étaient
plus convenables à leur état, d'autant plus qu'ils n'avaient
point alors d'églises publiques. Pour le bréviaire, ils trans-
crivirent à leur usage celui qu'ils avaient apporté de Mo-
lesme ; et pour l'antiphonaire, ils firent copier celui de l'É-
glise de Metz, pensant, quoique à tort, que c'était là le vé-
ritable romain. On voit par là que, tout en gardant l'ordre
et le rit de l'office prescrit par saint Benoît, ils voulaient
pour le reste se conformer à l'usage de Rome. S' étant
aperçu plus tard que cet antiphonaire était très-défectueux,
ils le corrigèrent du mieux qu'ils purent, et il paraît que
saint Bernard prit part à cette correction. Ils rédigèrent,
dès avant 113 Zi, le livre des Us, Liber nsiium Cisterciensium,
qui contient principalement le cérémonial et les rubriques
du missel et du bréviaire. Ayant ainsi réglé dans tous ses
détails un corps complet de livres liturgiques à leur usage,
ils décidèrent que ces livres devaient être exactement con-
formes dans toutes les maisons de l'Ordre. Le recueil des
décrets des premiers chapitres généraux rédigé, en 113ii,
sous le titre de : Instituta capituli generalis, dit, au chapitre
troisième : « Missale, epistolare, textus, coUectaneum, gra-
duale, antiphonarium, régula, hymnarium, psalterium, lec-
tionarium, calendarium, ubique uniformiter habeantur. »
Notez que Textus est le livre des Évangiles qu'on lit à la messe
et à l'office ; CoUectaneum est un livre qui contient les col-
lectes et les capitules de l'office, les prières pour l'administra-
tion des sacrements, les bénédictions, la recommandation de
l'âme, la sépulture des morts et autres semblables fonctions
sacerdotales ; Hytnnarium est le recueil des hymnes, et Lec-
tionarium celui des leçons qu'on doit lire à l'office au chœur,
Calendariwn signifie le martyrologe: c'était celui d'Usuard,
Ces livres devaient donc être et étaient, de fait, uniformes
dans toutes les maisons de l'Ordre : on n'y pouvait rien
DANS l'ordre de CITEAUX. 213
changer, ajouter, ni retrancher, sans l'autorité du chapitre
général.
Maintenant, qu'on confère les anciens manuscrits qui
existent encore de ces livres ; les premières éditions qui en
furent faites au XVP siècle ; les décrets des chapitres géné-
raux qu'on trouve dans le quatrième volume du Thésaurus
anecdotorum de Martène; les quatre compilations qui furent
faites de ces décrets, et qu'on trouve dans le nomasticon Ci-
sterciense; l'édition du livre des Us enrichie de notes histo-
riques et explicatives qu'on trouve dans ce même Nomasticon;
qu'on confère, disons-nous, tous ces monuments de l'antique
liturgie Cistercienne, si vénérable par l'autorité de saint
Bernard qui concourut à sa rédaction, et on pourra se con-
vaincre que du temps de saint Pie V, et même au commen-
cement du XVIP siècle, elle était encore dans son inté-
grité primitive, et par conséquent légitime, et d'accord avec
les lois du Saint-Siège.
Avant de passer outre, il importe de faire observer
quelques-unes des particularités les plus saillantes de cette
ancienne liturgie Cistercienne.
Les fêtes étaient divisées en fêtes auxquelles on tra-
vaillait, et en fêtes auxquelles le travail cessait : Festa quihus
laboramus^ et Festa quibus non laboramus. A ces dernières
fêtes, ainsi que tous les dimanches, on chantait deux messes
conventuelles, ce qui leur fit donner le nom de fêtes ou
jours de deux messes : Festa seu dies duarum missarum. Aux
plus solennelles de ces fêtes, l'Abbé devait faire un sermon
au chapitre, ce qui leur fit do'îiner le nom de fêtes de
sermon : Festa sermonis. Aux fêtes auxquelles on travaillait,
on ne chantait qu'une messe conventuelle, mais on faisait
l'oflice à douze leçons. Il n'y avait point de fêtes à trois
leçons, mais il y avait des fêtes de moindre solennité aux-
quelles on faisait tout l'office de la férié courante, avec mé-
moire de la fête aux premières vêpres et aux laudes. Quel-
21A LA QUESTION LITURGIQUE
ques-unes de ces fêtes avaient une messe propre ; d'autres
n'en avaient point, et alors on en faisait seulement mémoire
dans la messe de la férié.
Toutes les hymnes, comme l'atteste le cardinal Bona,
étaient prises du Bréviaire ambroisien, et cela parce que
saint Benoît désigne l'hymne par le nom d'Ambrosianmn, et
qu'à cette époque l'Église romaine n'avait pas encore admis
l'usage des hymnes, comme le fait observer Merati. Les
hymnes de prime, sexte et none, étaient toujours les mêmes
que nous avons encore aujourd'hui, mais à tierce et à com-
piles, aussi bien qu'aux vêpres, matines et laudes, elles
variaient selon le temps et les fêtes. Les fêtes avaient ordi-
nairement trois hymnes propres : la première se disait en
entier à vêpres ; à matines on en disait la première partie,
et à laudes la seconde. La deuxième hymne servait pour
compiles, et la troisième pour tierce.
Aux fêtes de douze leçons on a pour le premier et le
second nocturne des psaumes propres à la fête ; et alors à
laudes, au lieu du miserere et des psaumes et du cantique
de la férié, on a Dominus regnavit, Jubilate, Deus Deus meus,
et Benedicite: mais ce changement n'a pas lieu pour les di-
manches ou fériés du temps pascal. Aux vêpres aussi bien
qu'aux petites heures, on ne changeait jamais les psaumes
du jour de la semaine, et même, aux premières vêpres des
fêtes qui ne sont pas de sermon, on disait les antiennes
fériales du psautier. Aux premières vêpres des dimanches
et des fêtes de deux messes, le répons bref était remplacé
par un grand répons, excepté les dimanches qui n'avaient
point de nouveaux répons à matines.
Les dimanches et les fêtes avaient trois collectes : une
pour vêpres, matines, laudes et tierce ; une autre pour
sejfte»et une troisième pour none. Aux fériés^ la collecte du
dimanche servait seulement pour laudes et vêpres ; pour
matines, tierce, sexte et none, il y en avait quatre qui
DANS l'ordre de CITEAUX. 215
variaient selon le temps de l'année, par exemple, l'Avent,
le Carême, etc. ; à prime et à compiles, c'étaient toujours
les mêmes que nous avons actuellement.
Au chœur on lisait à matines, excepté aux fériés depuis
Pâques jusqu'au l" novembre, des leçons fort longues.
Toutes étaient prises de l'Écriture sainte ou des saints Pères :
on ne lisait jamais de leçons de la Vie des Saints, à moins
qu'on ne les trouvât dans quelque saint Père, par exemple,
pour saint Benoît, dans les dialogues de saint Grégoire. Les
dimanches, les huit premières leçons étaient de l'Écriture
sainte, selon l'ordre qu'on garde encore dans le Bréviaire
romain ; aux fêtes elles étaient d'un saint Père, sans qu'il y
en eût de l'Écriture, excepté à Noël et à l'Epiphanie où les
trois premières étaient de l'Écriture. Les quatre dernières
étaient toujours d'une homélie sur l'évangile du jour, la der-
nière ne se changeait jamais. Hors du chœur on gardait le
même ordre pour les leçons, mais on les faisait fort courtes,
ordinairement d'une seule période ou deux tout au plus.
V Alléluia se disait jusqu'au. Carême, ce qui fut changé
par le chapitre général de 1601, qui ordonna de l'omettre
depuis la Septuagésime.
Les trois jours avant Pâques, l'office se disait précisément
de la même manière qu'aux autres fériés, avec deux nocturnes
et trois leçons, sans omettre le Gloria Patri, ni les hymnes,
ni le Venite exultemus, ni aucune des parties accoutumées.
Le samedi saint, les vêpres, qui n'étaient point enclavées
dans la messe, avaient les quatre psaumes et tout le reste
comme à l'ordinaire.
Voilà ce qu'il y avait de plus remarquable dans les heures
canoniales. Nous ne parlons pas de la forme des heures de
la sainte Vierge, qu'au commencement de l'Ordre on ne
disait point au chœur, mais seulement en particulier. Ce ne
fut qu'en 1256 qu'on commença à les psalmodier ensemble
dans la chapelle de l'infirmerie, et peu à peu l'usage fut
216 LA QUESTION LITURGIQUE
introduit de les dire au chœur. Quant à l'ofTice des morts,
depuis l'origine de l'Ordre, on le disait au chœur pendant
la semaine, à moins qu'il n'y eût un office de douze leçons,
mais on ne disait jamais qu'un seul nocturne.
Tout l'ordre de la messe est conforme à la liturgie ro-
maine, non pas, il est vrai, précisément telle qu'on la trouve
dans le missel de saint Pie V, mais avec quelques variantes
du genre de celles qu'on trouve encore aujourd'hui dans
les missels des Chartreux, des Dominicains et des Carmes.
Gomme l'a très-bien prouvé Mgr de Gonny, ces variantes
n'empêchent pas une liturgie d'être romaine. Nous allons
en indiquer quelques-unes des plus remarquables, d'après
le Liber immni et le Missale Cisterciense de 1560.
Pour la grand'messe des fêtes de douze leçons, le célébrant
est assisté d'un diacre et d'un sous-diacre; mais aux messes
matutinales, et à la messe conventuelle des fériés, le célé-
brant n'a qu'un seul ministre, régulièrement un diacre.
L'usage des dalmatiques ne fut introduit qu'en 1258, à la
prière du pape Alexandre IV, et seulement pour les messes
les plus solennelles. La confession, ou Confiteor, qui est fort
courte, n'est pas précédée du psaume Judica, ni d'aucun
verset, mais seulement du signe de la croix. Après Vlnchd-
gentianij le prêtre dit le verset Adjutorium nostrum, et s'in-
clinant contre l'autel, il récite à voix basse le Pater et YAve:
puis il se redresse, baise l'autel, et faisant le signe de la
croix, il dit l'oraison Aufer a nobis, mais pSiS Oramns te.
L'oblation du pain et du vin se fait sous une seule for-
mule, Suscipe sancta Trinitas, fort différente de celle que
nous avons aujourd'hui : ensuite, le prêtre encense l'hostie
et le calice, tournant une fois l'encensoir autour du calice ;
il encense l'autel d'un coup d'encensoir à droite , d'un
autre à gauche de la partie supérieure, enfin d'un troisième
au miheu de la partie antérieure. Cela fait, il se lave les
mains, puis il s'incline contre l'autel, disant : In spiritu hi-
militatis. Il baise ensuite l'autel et dit : Orate fratres.
DANS l'ordre de CITEAUX. 217
Le canon est comme au romain, excepté les mots : Pro
guibus tibi offerùnus, qui ne se trouvent pas dans le Mémento
pour les vivants. Le livres des Us ne fait aucune mention de
l'élévation de l'hostie ou du calice ; il est même certain, par
le chapitre 56 de ce livre, qu'on ne la faisait pas. Cepen-
dant, le chapitre général de 1152 fait déjà mention de l'élé-
vation de l'hostie, mais celle du calice paraît avoir été in-
troduite plus tard.
Après Pax Domini, le prêtre dit tout de suite trois fois
Agnus Dei, ensuite il met la particule dans le calice, en di-
sant : Hœc sacrosancta commixtio, etc. Avant la communion,
il dit la seule oraison : Domine Jesu Christe, FUI Dei vivi^
etc., après laquelle il prend immédiatement, sans autre
prière ni formule, la sainte communion de l'hostie et du
calice. La communion sous les deux espèces demeura en
vigueur jusqu'en 1261, et pour les ministres sacrés de l'au-
tel jusqu'en l/i37.
Après Ylte missa est, le prêtre, incliné contre le milieu
de l'autel, dit l'oraison Placeai tibi, etc.; il baise ensuite
l'autel et dit : Meritis et precibus istorum et omnium sanc fo-
rum suorum misereatur nostri omnipotens Dominus. Amen. Il
fait sur soi le signe de la Croix, y ajoute une inclination, et
se retire. Il n'y a ni bénédiction, ni évangile de saint Jean.
Nous omettons, pour abréger, un grand nombre de céré-
monies, surtout celles qui regardent les ministres de l'autel,
et qui sont fort différentes de l'usage romain actuel, quoique
plusieurs semblent conformes aux anciens Ordo romains.
Nous ne pouvons, toutefois, omettre de faire observer que
l'ordre des épitres et des évangiles diffère souvent du Missel
romain, ainsi que les parties chantées par le chœur, introït,
graduel, etc.; la veille de Noël et aux trois messes de cette
fête, l'épître est précédée d'une leçon d'Isaïe. Le samedi
saint, il n'y a que quatre leçons, et la veille de la Pentecôte
de même. Il n'y a jamais de prose ou séquence avant l'é-
vangile,
Î18 LA QUESTION LITURGIQUE
Tout cela s'observait encore au commencement du XYII^
siècle, c'est-à-dire cinq siècles entiers après la fondation de
Cîteaux. Le Bréviaire publié en 1604 par l'abbé Edmond de
la Croix contient, il est vrai, deux nouveaux offices propres,
celui de sainte Anne et celui de sainte Ursule, qui ne se
trouvent point dans les anciens manuscrits , mais qu'on
trouve déjà dans l'antiphonaire de 1545; du reste, tout y
est conforme à l'ancien usage. A la fm de ce Bréviaire on
trouve, en forme de supplément, cinq nouveaux offices
propres, pour les fêtes de saint Robert, de saint Malachie,
de saint Guillaume, de saint Louis et de saint Edmond. Ces
offices, à l'exception de celui de saint Guillaume, se trouvent
dans le corps du nouveau Bréviaire publié en 1617 par
l'abbé Nicolas Boucherat. On trouve aussi, dans ce dernier
Bréviaire, beaucoup de nouvelles leçons pour les fêtes des
Saints, qui sont tirées de leur Vie, au lieu des sermons des
saints Pères qu'on lisait auparavant. Du reste, le rit ancien
était généralement conservé. 11 en est de même des éditions
de Pierre Nivelle, en 1627, et du cardinal de Richelieu, en
l6Zil. Quant au Missel, les changements paraissent avoir
commencé en 1615. L'abbé Boucherat introduisit alors
l'usage de célébrer les messes basses selon YOrdo missœ de
saint Pie V ; et en 1618, le chapitre général abolit entière-
ment l'ancien rit Cistercien. Néanmoins, pour le propre, tant
du temps que des saints, on conserva le Missel ancien tel
qu'il était. Le Missel imprimé en 1643, par ordre du cardi-
nal de Richelieu, présente ce mélange assez bizarre et sou-
vent incohérent de l'ordre romain avec le propre et les ru-
briques Cisterciennes. On ne tarda pas à s'apercevoir que
cette confusion était intolérable.
Pendant que les Cisterciens remaniaient et gâtaient ainsi
de plus en plus leur antique liturgie, le pape Paul V avait,
en 1612, approuvé de la manière la plus formelle un Bré-
viaire à l'usage de tous les moines qui font profession de la
DANS l'ordre de CITEAUX. 219
règle de saint Benoît, et qui, à cause de cette même règle,
ne peuvent pas convenablement réciter le Bréviaire romain.
Le 24 janvier 1615 (et non pas 1616, comme les bréviaires
portent par erreur) , la Sacrée Congrégation des Rites, or-
gane de la volonté du Saint-Siège, porta le décret sui-
vant : « Sacra Rituum Congregatio censuit et declaravit
« omnes monachos et moniales qui et quse militant sub re-
« gula S. Benedicti, posse et debere uti Breviario Bene-
(( dictino, nuper de mandato SS. D. N. Papae edito pro
« omnibus religiosis qui militant sub régula S. Patris Be-
« nedicti, nonobstante quod aliqui ex eis in prœteritum usi
« fuerint Romano vel alio Breviario. »
Les Cisterciens n'avaient rien de mieux à faire que de se
conformer à ce décret pour sortir du labyrinthe où ils s'é-
taient si malheureusement fourvoyés. Avec cela, ils cou-
paient court à toutes les difficultés : mais malheureusement,
cela ne faisait pas le compte des abbés de Cîteaux et de ceux
qui partageaient leur manière de voir. Le chapitre général
de 1651, célébré par l'abbé Claude Vaussin, successeur de
Richelieu sur le siège de Cîteaux, nomma une commission
pour réformer de fond en comble les livres liturgiques de
l'Ordre, ou plutôt pour en rédiger de nouveaux. Le Bré-
viaire parut en 1656, et le Missel en 1657 ; l'un et l'autre
étaient précédés d'un monitum qu'il importe de citer en entier,
parce que les rédacteurs y avouent sans détour leurs inno-
vations.
Voici celui qui se trouve en tête du Bréviaire :
« Fecit tandem pia multorum eemulatio , ut prœsules
Cisterciensis ordinis in ultimis generalibus comitiis anno
Domini 1651 undequaque coacti, decretum ediderint, quo
selectorum virorum examine et judicio Breviarium non in
paucis depravatum, sequiori et nitidiori méthode restituere-
tur. Opus sane a nonnuUis antea tentatum, sed quo plus
accessere correctiones, centonis ad instar eo deformius pro-
220 LA QUESTION LITURGIQUE
diit. Hi siquldem nimio veteris traditionis studio prohibiti,
parietem, undequaque rimis hiantem linire frustra desuda-
runt. Unde aliquibus satius videbatur Romanum a prima
sede postulandum, quam proprium tam variis laciniis iminu-
tatum diutius esse retinendum. Verum obstitit constans
quinque saeculorum usus, trita sanctorum vestigia, jactura
non modica librorum choralium, quos olim ingenti labore
operosi monachi in membranis descripserunt, secl maxime
ordo pensi divini in Régula Sancti Benedicti praescriptus,
quem nemini eam profitenti licet omittere. Eo igitur con-
silio factum est ut in prsesenti editione tria rite observentur.
Primum est ut salvo uionastici instituti jure, sit Romano
conforme. Hinc emendatio psalmorum, canticorum et le-
ctionum ad amussim editionis vulgatae jussu Sixti V reco-
gnitse ; quorumdam sanctorum festa kalendario inserta,
officii nocturni lectiones ex Scriptura ; nova dispositio col-
lectarum, capitulorum, antiphonarum et responsoriorum
cum majorum in primis vesperis, tum brevium alibi ; immo-
bilitas hymnorum ad tertiam et completorium per annum ;
in sacro triduo officium penitus Romanum, et quamplures
alise mutationes, quœ sparsim occurrent recitanti. Secun-
dum est brevitatis studium, quod elucet in prsesenti méthode
persolvendi quotidianum officium Beatissimae Virginis, in
institutione festorum trium lectionum, quas chorum absol-
vunt a memoria defunctorum; in compilatione et omissione
commemorationum horis et diebus statutis, etc. Tertium
denique tenax régulas disciplina, a qua recedunt qui
sanctorum festa et octavas cumulantes longius fmnt ab in-
tégra psalterii solutione per hebdomadam, qui tempore pas-
chali alias antiphonas prœter juge Alléluia horis canonicis
affigunt, qui prœceptum sumendi in sestate brèves lectiones
matutini ferialis de veteri testamento, vel capitula de apostolo
in laudibus non satis perpendunt; quique ut sint Romani a
primigenio instituto deflectunt ; idque maturo haud dubie
DANS d'ordre de CITEAUX. 221
consilio. Nostrum tamen fuit rivum ad fontem unde cœpit
fluere absque ullo juris monastici dispendio reducere. Psal-
terii integritati partim consultum est per mutationem quo-
rumdam festorum xii lectionum in minora quae ordinem
psalmorum non perturbant, caetera vero hic traduntur juxta
ritum S. Regulae, quam ad litteram esse observandam jubet
primum et capitale Cisterciensis Ordinis statutum. Sed non-
nihil facessit negotii usus antiquorum librorum mandate
superiorum in cantu retinendus, cum vix aliquid habeant
simile cum Romana officii divini série, idque fecit ut inviti
ab ea in paucis sit deflexum, quae tamen si aliquando nova
cudantur antiphonalia (quod a multis desideratur) ad limam
revocabuntnr. Intérim cogimur codicem instruere calci ma-
joris psalterii si lubet addendum,in quoreperienturhymni,
antiphonœ et responsoria juxta hanc editionem, et prœter
antiquum morem canenda, a quo etiam dempta sunt officia
S. Annae et S. Ursulae, utpote quae erant dubias fidei, Co-
ronœ Domini, quod et Scripturam et Ecclesiae devotionem
minus saperet, aliis sive in comûiuni, sive in proprio sub-
stitutis, necnon et Evangelistarum jam ubique ecclesiastico
ritu ad commune Apostolorum remissum ; aliqua vero super-
adduntur, sive ex parte propria, ut SS. Joseph et Joachim,
sive ex integro,ut Nominis Jesu,Transfigurationis et Angeli
custodis. Doles forsan, pie lector, quod praeter Evangelii
normam hic novum pannam veteri assuerimus. Hoc tecum
aegre tulimus, sed adegit cantus vetustas, quae litterœ no-
vitati nondum cessit ; melius tamen ominare de nostro co-
natu, eoque nos potius assimilare etiam juxta Evangelium,
homini patrifamiUas qui profert de thesauro suo nova et ve-
tera, et rehgiose utere ad Majorem Dei gloriam. »
Voici maintenant le Monitum qui se trouve en tête du
nouveau Missel.
« Ex quo Breviarium Cisterciense ad Romanum accessit,
operae pretium fuit etiam Missale veteri forma exui, ut juxta
222 LA QUESTION LITURGIQUE
constitution ein Pii quinti sacra liturgia ab officio chori
minime dissentiret. Jam pridem sanxit eapitulum générale
anno Domini 1618 celebratum, sicut duo alia sequentia, ut
sacrum fieret in ordine cum ritibus et çgeremoniis Romanis;
hincque orta est nécessitas immutandi nonnuUa ex primse.yo
usu. Nam antea vix erat in paramentis colorum delectus,
ex altari ornamenta sumebantur, Y>salmus Judica omittebatur,
hymnus Gloria, w excelsis. in missis votivis redundabat, in
festorum octavis symbolum desiderabatur, thus quisque ad
libitum adolebat : aliaque multa inordinate fiebant, quas
rubricae Romanae ad methodum certam et canonicam re-
duxerunt.Verum illud decretum non potuit hactenus omnes
antiquitatis nœvos abstergere; et ideo ultimum eapitulum
générale anno Domini 1651 coactum, statuit ut per viros
peritos iterum Missale cum caeteris ecclesiasticis libris re-
purgaretur, quod sane pro viribus tentarunt. Sed quemad-
modum antiphonariorum reservatio non mediocriter obstitit
ne breviarium recens editum Romano exemplari (salva Ré-
gulas forma) usque ad ultimos apices redderetur simile ; sic
exceptio gradualium impedit quominus nova hœc Missalis
editio Romanam prorsus imitetur. Nihilominus correctione
accuratiori, forma prœstantiori et Romano longe viciniori
nunc prodit : auctum nonnullis lestis, quse in novo kalen-
dario exponuntur : Rubricis et ritibus tam communibus
quam specialibus ab universali Ecclesia receptis ; série mis-
sarum dominicalium cum epistolis et evangeliis a Pente-
coste usque ad Adventum archetypo Romano conformi :
multiplie! Kyrie eleison^ Gloria in excelsis, trisagio, praefa-
tione, Agnus Del, lie missa est^ vel Benedicamus Domino^ juxta
festorum discretionem et ordinationem sub modulis Grego-
rianis ad taedium toties repetiti ejusdem tenoris sublevan-
dum, integro communi sanctorum, missis quibusdam vo-
tivis, et quatuor solemnioribus Ecclesiœ prosis (si libeat)
privatim dicendis, variis benedictionibus, aliisque observa-
DANS l'ordre de citeaux. 223
tioiiibus, ubi nécessitas id postulat, sparsim expressis. Eo
igitur opère iiostro libentius utere, pie lector, quod soluiii
ad majus divini cultus incrementum jubente superioruni
authofitate fuit a nobis susceptum. »
Voilà deux pièces qui n'ont pas besoin de commentaire.
L'abbé Vaussin y avoue ingénuement qu'il a refondu de
fond en comble tout l'ancien Bréviaire et l'ancien Missel de
son ordre : encore n'indique-t-il pçis tous les changements
qu'il y a introduits. Nous ne ferons qu'une seule réflexion
sur le nouveau Bréviaire : on y a introduit des fêtes à trois
leçons à l'imitation des fêtes du rit simple dans le bréviaire
romain et dans le bréviaire monastique; mais ces fêtes
simples n'excluent point l'office des morts. L'auteur se
trompe en disant que ces fêtes à trois leçons déchargent le
chœur de cet office. Dom Augustin de Lestrange, abbé de
la Val-Sainte, et ensuite de la Trappe, le comprit très-bien,
et ordonna à ses moines de dire l'office des morts à ces
fêtes aussi bien qu'aux fériés. Mais quoi qu'il en soit de ce
changement et de tous les autves, l'abbé Vaussin, malgré
toutes les raisons qu'il allègue pour les justifier, n'avait pas
le droit de les introduire sans l'assentiment du Saint-Siège,
qu'il ne se mit pas en peine de demander. L'Ordre de Cî-
teaux, en les adoptant, perdit le droit de retenir sa liturgie
propre, et se mit dans la nécessité de recevoir celle de
Rome, sauf pour le Bréviaire, auquel Paul V en avait sub-
stitué un autre pour tous les moines qui suivent la règle de
saint Benoît. Gela ne souffre pas le moindre doute, car les
constitutions si célèbres de saint Pie V sont très-claires sur
ce point, et le Saint-Siège les a toujours entendues dans ce
sens; té;iioins la lettre de Grégoire XVI à l'archevêque de
Reims, et les décisions de Pie IX et de la Congrégation des
Rits par rapport à plusieurs diocèses de France.
Néanmoins, cette question n'étant pas alors aussi généra-
lement connue qu'elle l'est aujourd'hui, le Bréviaire de
22/i LA QUESTION LITURGIQUE
Vaussin fut reçu, sans qu'on sache qu'il y ait eu de l'oppo-
sition, non-seulement en France, mais encore dans d'autres
pays. En Belgique, les religieuses de l'abbaye de Roozen-
dael, près de Malines, commencèrent dès le 30 juillet de la
même année 1656 à réciter l'office de la sainte Vierge selon
le nouveau Bréviaire; et le dimanche des Rameaux, 25 mars
de l'année suivante 1657, elles s'y conformèrent pour le
grand office. Cette abbaye était sous la direction de l'abbé
de Saint-Bernard -sur-l' Escaut, et comme cet abbé était
alors vicaire-général de l'abbé de Cîteaux pour la Belgique,
il est à présumer qu'il fit recevoir sans retard ce nouveau
Bréviaire dans tout son vicariat.
Mais il n'en fut pas de même en Italie. Dès la fin du
XV^ siècle, les Cisterciens y formaient une congrégation,
qui, quoique conservant une certaine dépendance à l'égard
des abbés de Cîteaux, avait cependant ses supérieurs à
elle. Le personnage le plus influent de cette congrégation
était alors le savant abbé Hilarion Roncati. Il déféra le
nouveau Bréviaire à la Congrégation des Rits dont il était
consulteur; et, le 2Zi janvier 1660, cette congrégation décida
qu'elle examinerait l'affaire. Après un assez long examen,
après plusieurs délais, elle porta, le 23 juillet 1661, le
décret suivant^ qui trancha la question :
« S. Rituum Congregatio die 2 currentis mensis julii de-
claravit monachos Cistercienses comprehendi in decreto
edito die 2â januarii 1615 impresso in breviario monastico
approbato a sa. me. Paulo V, ideoque intra annum eos de-
bere assumere prœfatum breviarium monasticum cum mis-
sali, eoque tam in choro quam extra chorum teneri in fu-
turum uti, quamvis hactenus proprio breviario usi fuerint;
alias non satisfacere praecepto recitationis offîcii, salva in-
super manente antiquissima ipsius ordinis consuetudine re-
citandi quotidie officium parvum B. Mariae semper virginis,
necnon officium defunctorum diebus illis, quibus hactenus
DANS l'ordre de giteaux. 225
recitare consueverunt, forma tamen et ritu in ipso Breviario
monastico praescriptis. Retentis prseterea officio proprio cum
octava S. Bernardi, necnon officiis sanctorum Ordinisecom-
muni tamen breviarii praedicti desumendis, quae ex anti-
qua et probata ejusdem Ordinis consuetudine hactenus
recitarunt. Verum quia procurator generalis Ordinis adhuc
audiri desuper supplicavit, placuit Emo et Rmo D. Gardi-
naîi praefecto novissime per eum deducendis aures prseberi.
His itaque deductis,ac mature perpensis, Sacra eadem Con-
gregatio censuit standum esse in decretis, iterumque decla-
ravit monachos Cistercienses comprehendi in praedicto de*
creto edito anno lôl5, et ideo debere uti breviario mona-
stico approbato a sa. me. Paulo V ; alias non satisfacere
prœcepto de recitando officio. Die 23 julii 1661. »
Les Cisterciens d'Italie se soumirent à la volonté du Saint-
"Siége si souvent et si clairement exprimée. En France,
la soumission prompte et sincère aux décrets du Souverain-
Pontife n'entrait plus depuis longtemps dans les habitudes
des abbés de Cîteaux et de beaucoup d'autres. Ils firent
donc semblant de se soumettre, mais au fond ils n'en firent
rien ; et loin de communiquer aux autres abbés de l'Ordre
le susdit décret, comme c'était leur devoir, il paraît qu'ils
le tinrent soigneusement caché, ce qui était beaucoup plus
facile alors qu'il ne le serait aujourd'hui. Pour gagner du
temps, ils demandèrent la permission de garder leurs an-
ciens livres de chœur, jusqu'à ce que le prochain chapitre
général, dont ils ne fixaient point l'époque, en eût fait im-
primer de nouveaux. La Sacrée-Congrégation émit le 3 juin
1662 un avis favorable, mais Alexandre VII refusa de rati-
fier ce décret, et exigea rigoureusement l'exécution de celui
du 23 juillet 1661. Voici le décret qui prouve ce refus du
Pape.
a Delato ad Sanctissimum Dominum nostrum sensu S,
Congregationis, super petitione procuratoris generalis Or-
REVUE des SCIENXES ECCLÉS., T. X. — SEPTEMBRE 18C4. 16
226 LA QUESIION LITURGIQUE
dinis Gisterciensis, nempe ut Sacra eadem Congregatio di-
gnaretur indulgere manutenlionem librorum choralium us-
que ad capitulum générale in quo posset deliberari super
provisione novorum codicum, Sanctitas Sua abnuit desuper
praedicta petitionequidqaid remittere ex injunctis in decreto
edito die 23 julii 1661. Sacra igitur Congregatio juxta men-
tem Sanctissimi stetit in decretis, et universuiu Ordinem
Cisterciensemjuxta praefatum decretum teneri assumere bre-
viarium monasticum a sa. me. Paulo V approbatum, idem-
que tam in choro quam extra chorum recitare, alias prae-
cepto recitationis officii minime satisfacere post lapsum
temporis, in eodem decreto expressum. Die 8 julii 1662. »
En présence d'un ordre si clair et si formel, on s'explique,
il est vrai, difficilement comment l'Abbé de Cîteaux osa
n'en tenir aucun compte ; mais malheureusement il n'est
que trop certain que ce dernier décret ne fut pas plus ob-
servé que les autres. Peut-être doit-on en chercher une
raison quelconque dans l'état de trouble et de confusion où
l'Ordre de Giteaux se trouvait alors en France. Depuis plus
de deux siècles l'antique observance de l'Ordre était fort re-
lâchée, et tout ce qu'on avait tenté ou fait semblant de tenter
pour remédier au désordre était resté sans effet. En 1615,
dom Denis l'Argentier, abbé de Glairvaux, se rappelant
qu'il était le successeur de saint Bernai'd, mit sérieusement
la main à l'œuvre pour réformer son abbaye ; d'autres imi-
tèrent son exemple, et c'est ainsi que commença la congré-
gation des abbayes de l'étroite observance. Nicolas Bou-
cherat, abbé de Giteaux, favorisa la réforme et le retour à
la régularité; malheureusement d'autres abbés s'y oppo-
sèrent. De là des querelles et des procès sans fin, tantôt au
parlement, tantôt au conseil du roi, tantôt en Cour de Rome,
si bien qu'en 1663 ou 1664, Glaude Vaussin, alors abbé de
Cîteaux, se rendit en personne à Rome pour tâcher de
.mettre fm à des troubles scandaleux et qui allaient toujours
DANS l'ordre de citeaux. 227
en croissant. Ce fût le 19 avril 1666, que le pape Alexan-
dre Vil donna son bref In suprema pour la réforme géné-
rale de l'Ordre. Sur les chapitres delà règle qui traitent de
l'office divin, il donna la déclaration suivante :
« Forma ista exactissime observetur, et materia ab Ec-
clesiaî Romanae usu ad Dei gloriam et proximi aedificationem
sumatur, prout hactenus consuevit ecclesia Cisterciensis,
Gui tanquam matri omnes aliœ ecclesiae dicti Ordinis, ex
carta caritatis, Eugenii III et Pii V definitionibus et prae-
ceptis conformari tenentur : ut autem hœc uniformitas in
divino officio persolvendo teneatur, in omnibus ordinis mo-
nasteriis iisdem ritibus et cantu, libris omnibus ad diurnas
et nocturnas horas et missas necessariis, secundum praedi-
ctam formam Cisterciensis monasterii omnes utantur. »
Il ordonna en outre la célébration d'un chapitre général,
qui eut réellement heu le 9 mai 1667. On lit dans ce cha-
pitre le décret suivant :
« Ut in divino officio persolvendo in omnibus Ordinis mo-
nasteriis hoc vinculum unifprmitatis teneatur, capitulum
générale statuit atque decrevit, nullam de caetero in novo
breviario faciendam esse mutationem, sed ipsius ordina-
tioni standum esse ex integro ab omnibus ordinis professo-
ribus. »
Le pape Clément IX, qui avait succédé à Alexandre VII,
par son bref Écclesiœcatholicœ^ du 26 janvier 1669, confirma
in forma speciftca tous les décrets de ce chapitre. De là on
paraît avoir inféré que le bréviaire de Vaussin était approuvé
par le Saint-Siège; c'est ainsi qu'on interpréta ces paroles
d' Alexandre VII : Prout hactenus consuevit Ecclesia Cistercien-
sis, et celles-ci du décret de Clément IX : In novo breviario.
En réalité ce n'était pas le bréviaire de Vaussin, mais
bien celui de Paul V que ces deux Papes avaient en vue.
Le savant rédacteur des Analecta juris pontificii démontre
clairement ce point, qui est capital dans la question qui
228 LA QUESTION LITURGIQUE
nous occupe. Voici quelques-unes des raisons qui démontrent
cette assertion.
1® Le Bréviaire de Vaussin, rejeté en 1661, avait été lé-
galement remplacé par celui de Paul V, que le Saint-Siège
déclara obligatoire dans l'Ordre entier. Les Cisterciens d'Ita-
lie l'avaient reçu réellement, et le procureur général français
n'avait fait que demander un délai jusqu'au prochain cha-
pitre général, délai qu'Alexandre VII avait absolument re-
fusé. Ce Pape et son successeur, Clément IX, supposaient
donc naturellement que le Bréviaire de Paul V était reçu en
France aussi bien qu'en Italie : c'est par conséquent celui-là,
et pas celui de Vaussin, qu'ils entendent dans leurs brefs.
2» S'ils avaient voulu parler du Bréviaire de Vaussin, ils
n'auraient pas simplement passé sous silence les nombreux
décrets qui l'avaient tout récemment condamné, mais ils les
auraient explicitement révoqués, surtout Alexandre VII, qui,
moins de quatre ans avant son bref, avait poussé la rigueur
jusqu'à refuser un délai que la Congrégation des Rites avait
jugé pouvoir être accordé.
3° Les Cisterciens d'Italie interprétèrent les brefs dans ce
sens, car ils continuèrent de se servir du Bréviaire de
Paul V, ce qui aurait été illicite, si ces brefs parlaient de
celui de Vaussin.
4° La Congrégation des Rites interpréta aussi les brefs
dans ce sens. Voici entre autres un décret de 1673 ; « Sacra
Rituum Congregatio, inhaerens decreto die 23 julii 1661
edito, quo declaravit monachos Cistercienses uti debere
breviario monastico a sa. me. Paulo V approbato, retentis
officio proprio cum octava S. Bernardi , nec non officiis
sanctorum Ordinis de communi prsedicti breviarii desumen-
dis, suprascriptas lectiones proprias pro sanctis ipsius Or-
dinis diligenter revisas per Eminentissimum D. Cardinalem
Bonam approbavit et imprimi posse concessit. Hac die
12 augusti 1673. »
DANS l'ORDBE de CITEAUX. 229
En outre, le cardinal Gabrielli, de la congrégation des
Feuillants d'Italie, ayant obtenu pour sa congrégation un
grand nombre d'offices et un nouveau calendrier per-
pétuel, la Congrégation des Rites étendit, le 9 décembre
1702, la concession de ces offices et du calendrier à tout
l'Ordre de Cîteaux : « Extendit et concedit omnibus et sin-
gulis monachis utriusque sexus totius ordinis Cisterciensis
eamdem prorsus facultatem, ut supra, celebrandi omnia
prœdicta festa, ac recitandi memorata officia propria ac
missas , atque acceptandi proprium kalendarium eodem
prorsus modo quo illa supradictae congregationi S. Bernardi
concessa fuerunt in supra enarratis decretis hujus Sacrae
Congregationis. » Clément IX, par son bref Alias a congre-
gatione, du 25 septembre 1710, confirma tous ces décrets.
La Congrégation des Rites suppose certainement, dans le
décret précité, que tout l'Ordre de Cîteaux se servait du
Bréviaire de Paul V, dont on se servait en Italie ; sans cela
elle aurait ajouté à sa concession la faculté d'adapter ces
offices au Bréviaire de Vaussin, de même qu'en étendant, le
23 juin 1703, ces offices aux religieuses qui se servaient du
Bréviaire romain, elle avait expressément accordé la faculté
de les adapter au rit de ce Bréviaire.
De tout ce que nous venons de dire, il résulte clairement
que les Cisterciens sont obligés de réciter l'office selon le
Bréviaire de Paul V, et que ceux qui ont retenu jusqu'ici
celui de Claude Vaussin doivent le quitter au plus tôt, sous
peine de ne pas satisfaire à leur obligation. Nous osons espé-
rer qu'ils imiteront l'édifiant exemple qui leur a été donné
pendant ces dernières années par l'épiscopatetparle clergé
séculier de presque toute la France.
Avant de terminer cet article, nous ne pouvons nous dis-
penser d'ajouter quelques mots par rapport aux cérémonies,
principalement celles qu'on doit observer au chœur, et qui
sont l'objet propre du cérémonial.
230 I.A QUESTION LlTLRGIQUt
Tant que l'antique liturgie Cistercienne subsistait dans
son état primitif, on observait le cérémonial du Liber iisuum ;
mais le bouleversement du Bréviaire et du Missel, opéré par
Vaussin, ne permit plus de s'en tenir à ces cérémonies, qui
n'étaient pas en harmonie avec la nouvelle liturgie. On s'en
aperçut partout, et comme le réformateur n'avait pas publié
de cérémonial, on se permit, dans chaque monastère, de
réformer les cérémonies d'après des manières de voir fort
différentes. De là une confusion à laquelle il devint indis-
pensable de remédier. Plusieurs tentèrent de rédiger un
nouveau cérémonial Cistercien. Enfin, le chapitre général de
1683 adopta provisoirement la rédaction d'un moine de
l'abbaye des Dunes, qui fut publiée en 1689 par Jean Petit,
abbé de Cîteaux, sous le titre de Rituale Cisterciense, mais
seulement comme essai. En 1721, l'abbé Edmond Perrot,
successeur de Jean Petit, lui donna sa forme définitive, et
l'imposa à tout l'Ordre. Les cérémonies, telles qu'on les
trouve dans ce Rituel, sont un mélange confus et souvent
incohérent de cérémonies romaines, cisterciennes et fran-
çaises. Il contient, en outre, le rit pour l'administration
des sacrements, pour les bénédictions et autres fonctions
sacrées qui sont du ressort du Rituel proprement dit. On y
trouve, de plus, un assez grand nombre de règlements rela-
tifs à l'observance régulière et à l'administration des com-
munautés. Quant à cette dernière espèce d'ordonnances, nous
n'avons point à nous en occuper ici, puisqu'elles n'ont point
de rapport avec la liturgie, et que le chapitre général avait le
droit incontestable de statuer sur ces matières. Pour le Céré-
monial et le Rituel, nous nous contenterons de citer le décret
suivant : « Rmus D. Tegrimius, episcopus Assisiensis, hujus
Sacrae Rituum Congregationis secretarius, exposuit ad aures
ejus pervenisse plures regularium religiones ad eorum hbi-
tum propria authoritate composuisse Ceremonialia et Ri-
tualia de directe contraria Ceremoniali episcoporum et Ri-
DANS l'ordre de CITLAUX. 131
tuali Romano, eosque ausos etiam imprimi facere absque
ulla licenlia hujus Sacras Gongregationis, proponente hoc
modo viam aperiri aliis regularibus idem faciendi : et Sacra
Congregatio mandavitsub censm-is notificari omnibus reli-
gionum superioribus, ut quam primum exhibeant propria
Cœremonialia et Ritualia in hac Sacra Congregatione revi-
denda ab Emo Spinula ad effectum referendi in plena Con-
gregatione. Die 22 novembris 1631. »
On voit par ce décret que la composition, par autorité
propre, de nouveaux Cérémoniaux et Rituels, est illicite au
jugement de la Sacrée Congrégation. Le Rituel-Cérémonial
de l'abbé Edmond Perrot n'ayant jamais eu la sanction du
Saint-Siège, les Cisterciens doivent se servir du Rituel ro-
main de Paul V, et observer au chœur les cérémonies telles
qu'on les trouve dans le Missel romain, le Bréviaire mo-
nastique, le Cérémonial des Évêques, et les décrets de la
Sacrée Congrégation des Rites. Toutes celles qui ne sont
pas puisées à ces sources authentiques sont sans autorité,
surtout si elles sont contraire's à celles qu'on y trouve : on
ne peut, dans ce dernier cas, s'y conformer que pour autant
qu'elles auraient été expressément approuvées par l'autorité
du Sa-int-Siége.
E. F.
EXAMEN
DE QUELQUES ERREURS CONTEMPORAINES
SUR LE SURNATUREL.
M. Guizot vient de répéter dans la Revue des Deux-Mondes
et dans un nouvel ouvrage religieux quelques erreurs qui
déparaient déjà l'opuscule publié en 1861 sous le titre de
Y Eglise et la Société chrétiennes. l\ nous paraît donc opportun
de publier de notre côté quelques observations écrites lors
de l'apparition de ce dernier ouvrage et que nous avions
gardées dans nos cartons. Ceci ne nous empêchera pas de
soumettre à un examen spécial la rédaction nouvelle que
l'illustre écrivain nous donne de ces mêmes erreurs.
I.
« C'est sur une foi naturelle au surnaturel, sur un
« instinct inné du surnaturel que toute religion se
« fonde (1). »
Un protestant quia consacré une partie de sa vie à l'étude
de l'histoire, et l'autre au maniement des affaires politi-
ques, est excusable de ne pas bien connaître la théologie
et de n'avoir pas une idée précise de ce que l'on entend
par le surnaturel.
(1) Guizot, l'Église et lu société chrétiennes, 186!, p. 20.
SUR LE SURNATUREL. 233
Combien s'imaginent en effet que le surnaturel c'est tout
simplement Dieul Tel est ici le sens de M. Guizot, il le
déclare lui-même un peu plus loin : « Le Dieu qui est par
« delà tous les cieux, dit-il, ce n'est pas la nature per-
« sonnifiée, c'est le surnaturel en personne (1). »
La vérité est toutefois que rien de plus naturel que Dieu,
et qu'il serait tout aussi exact de dire de lui qu'il est le
naturel en personne.
On ne peut pas dire, il est vrai, que Dieu soit la nature
personnifiée. D'abord, parce que Dieu étant éternel n'a ja-
mais pu être personnifié y ce qui supposerait que Dieu aurait
commencé par exister sans avoir de personnalité, et puis
qu'il serait devenu une personne.
Ensuite, parce que dire de Dieu qu'il est la nature per-
sonnifiée serait donner à entendre que l'être divin n'est
pas autre chose que l'ensemble des êtres, en un mot la
nature devenue une personne. Ce serait le panthéisme.
Dieu donc n'est pas la nature personnifiée. Mais il n'est
pas non plus le surnaturel en personne.
Dieu est à la fois naturel et surnaturel. Naturel non-
seulement dans ce sens qu'il possède sa nature, son exis-
tence, son être a lui ^ — sous ce rapport Dieu ne serait
que naturel, et alors le mot naturel ne devrait pas être op-
posé au moi surnaturel:^ car en Dieu et pour Dieu tout est
naturel. Il n'est rien, dis-je, dans la nature divine qui, pour
Dieu même, ne soit naturel ^ en d'autres termes, il n'est
rien de surnaturel pour Dieu, ni dans les êtres distincts de
lui-même : tous lui sont inférieurs, ni dans son être propre,
dans sa nature : elle ne lui est pas supérieure, et loin de
lui être surnaturelle, elle est pour lui précisément et essen-
tiellement et infiniment naturelle.
Donc, par rapport k lui-même, Dieu est naturel.
(l) Id. ib., p. 21.
234 EXAMEN DE QUELQUES ERREURS CONTEMPORAINES
Mais il y a plus. Dieu est naturel, même par rapport à
nous. Sans doute Dieu est au-dessus de nous, et sa nature
est infiniment supérieure a la nôtre ^ mais il n'est pas hors
de la capacité de notre nature.
Par l'intelligence, j'ai l'idée de l'infini -, par la volonté,
j'ai le désir de l'infini. Je connais l'infini, je veux l'infini.
Je connais Dieu, je veux Dieu. Cette connaissance et cet
amour me sont tout-a-fait naturels -, car pour peu que je
veuille bien user de la puissance naturelle que j'ai de con-
naître, j'arrive nécessairement a conclure que Dieu existe
et qu'il est le bien souverain.
Enfin, Dieu est le principe, la cause, l'auteur, le terme,
la fin de ma nalurC;, et de tout l'ordre naturel : et aiosi
Dieu est dans l'ordre naturel comme auteur et principe. Il
n'est donc pas seulement le surnaturel en personne^ il est
aussi le naturel en personne.
A quel point de vue Dieu est-i! donc surnaturel? Tl l'est
en ce sens que s'il est en Dieu quelque chose que je ne puis
naturellement connaître et vouloir-, que si je puis et dois,
par ma seule raison naturelle, reconnaître l'existence de
Dieu, et l'infinité de ses perfections, il y a aussi en Dieu
tout un ordre de choses que je ne puis pas même soupçonner,
si lui-même ne le révèle. Telle est, par exemple, la Trinité
des personnes dans l'unité de l'essence divine.
Ainsi, Dieu principe et auteur des êtres créés, ou Dieu
a la portée de mon intelligence: voilà le Dieu naturel.
Dieu principe du Fils et de l' Esprit-Saint, Dieu Père,
Fils et Saint-Esprit, un Dieu en trois personnes : voila le
Dieu surnaturel, ou le surnaturel, non pas en personne^ mais
en trois personnes^ ou enfin, voila Dieu hors de la portée
naturelle de mon intelligence.
Ceci expliqué, je dis 1° qu'il n'y a pas de « foi naturelle
au surnaturel » .
La foi est l'assentiment de la raison au témoignage d'un
SUR LE SURNATUREL. 235
autre a cause de sa véracilé reconnue, mais non à cause
(Je l'évidence de la proposition affirmée.
La foi est naturelle, quand elle se fonde sur la nature
même. Ainsi c'est sur la foi naturelle que se fonde l'his-
toire, et en général toute créance au témoignage humain.
Je crois à l'existence de César, parce que, avec le seul se-
cours de ma raison naturelle, je puis vérifier la véracité,
également naturelle, du témoignage des hommes qui me
transmettent ce fait.
Mais le surnaturel n'étant pas moins au-dessus de la ca-
pacité naturelle de tous les autres hommes que supérieur h
la mienne, il ne peut pas plus y avoir foi naturelle au sur-
naturel que science naturelle de ce même surnaturel.
En d'autres termes, j'ai deux manières de connaître :
par moi-même, oa par autrui. Ce que je sais par moi-même,
je le perçois par l'idée, le jugement, le raisonnement na-
turels. Ce que je sais par autrui, je l'apprends par une foi
naturelle au témoignage des autres.
Mais le surnaturel ne pouvant être connu naturellement
par aucun être créé, je ne puis pas plus le savoir par une
autre créature intelligente que par moi-même, pas plus par
la foi naturelle que par l'évidence naturelle.
Je dis 2° qu'il n'existe pas en nous « d'instinct inné du
surnaturel ».
L'éminent publiciste sans doute prend ici l'instinct pour
ce mouvement spontané, cet élan naturel de la volonté
vers l'infini. Mais l'infini n'est pas pour nous le surnaturel,
et cela précisément parce que nous sommes faits, nous
sommes nés pour l'infini.
Du moment que cet « instinct » qui nous porte vers
Dieu est « inné » en nous, son objet ne sort pas de la
sphère de notre portée naturelle.
Le surnaturel est ce qui ne nous est pas dû, ce que notre
nature n'exige pas, ce dont elle aurait pu se passer si Dieu
236 EXAMEN DE QUELQUES ERREURS CONTEMPORAINES
n'eût daigné l'élever plus haut. Ces deux termes, inné et
surnaturel, se contredisent. Il ne peut y avoir en nous« un
instinct inné du surnaturel, » et le surnaturel ne peut être
l'objet de nos instincts innés, même les plus sublimes et
les plus purs.
II.
Il est donc pareillement inexact de dire que « sans la
« foi instinctive des hommes au surnaturel, sans leur élan
« spontané et invincible vers le surnaturel la religion ne
« serait pas (1). »
Cette assertion contient deux graves erreurs.
La première est dans cette foi instinctive au surnaturel.
L'instinct dont il s'agit ici est un élan naturel, inné a
l'homme ^ or, la foi au surnaturel est entièrement et de tout
point surnaturelle, non-seulement dans son terme et son
objet, mais dans son principe et son motif (2).
Il faut en dire autant de cet élan spontané et invincible
vers le surnaturel.
Bien loin d'être spontané et invincible, cet élan vers le
surnaturel est impossible à l'homme, sans une impulsion et
une infusion toute gratuite et toute surnaturelle de la part
de Dieu.
La seconde erreur est dans cette négation absolue de
toute religion sans la foi instinctive au surnaturel et sans
l'élan spontané et invincible vers le surnaturel.
On oublie que la religion existerait dans le cas mêraeoii
Dieu n'eût pas daigné nous élever a un ordre supérieur.
Nous renvoyons encore a notre Triomphe de la Foi ceux qui
désireraient une explication de cette incontestable vérité.
(1) Id., ibid., p. 21.
(2) Nous avons expliqué cette doctrine dans l'ouvrage intitulé Triomphe
de la Foi, pag. 19, § 12. Nous y renvoyons le lecteur qui ne trouve-
rait pas assez complètes l-^s uolions que nous rappelons ici.
SUR LE SURNATUREL. 237
m.
Puis vient un admirable passage (1) sur la prière, où la
raisons'unità l'éloquence pour démontrer combienl' homme
est naturellement religieux, et combien la religion est na-
turelle et nécessaire à l'homme. Mais dans le cours de cette
belle et touchante exposition, il n'y a pas un mot qui prouve
Vinsiinct, l'élan, la foi au surnaturel. Dieu n'y est présenté
que comme créateur, nullement comme révélateur.
Il y a plus, si le philosophe, si le sage a écrit cette page
sur la prière, c'est le protestant qui la conclut. M. Guizot
termine en 'se demandant si Dieu exaucera ceux qui l'im-
plorent. Ce doute seul renverse et annulle tout ce qui pré-
cède. A quoi bon prier ? Je ne sais pas si Dieu m'exaucera.
« Ici est le mystère, l'impénétrable mystère des desseins
« et de l'acdon de Dieu sur chacun de nous (2) . »
Si l'on disait simplement que nous ne savons pas co/wmew<
Dieu nous exaucera, ni ce qu'il accordera, j'avouerais
qu'm' est le mystère, mais telle n'est pas la question que se
pose l'illustre écrivain.
Les exancera-t-il ? (Dieu exaucera-t-il ceux qui l'implo-
rent?) Quelle est Inefficacité extérieure et définitive de la
prière ? Ici est le mystère.
Non, ce n'est pas ici qu'est le mystère. La raison seule
qui commande a la créature d'implorer son Créateur, et sur-
tout la révélation, la parole expresse et formelle de Jésus-
Christ, la Bible, le saint Évangile, affirment de manière à
ne jamais permettre le moindre doute, que Dieu exauce
toujours celui qui l'implore convenablement-, que la prière
a une efficacité certaine, définitive. Il n'y a que le mode de
(1) Id., ibid., ch. lY. Du Surnaturel.
(2) Id., ibid., pag. 28,
238 EXAMEN DE QUELQUES ERKEURS CONTEMPORAINES
celle efficacilé, ou la nature de l'effel oblenu par une prière
bien faite, qui demeure un mystère impénétrable. Malheu-
reusement, si le protestantisme n'a pas rejeté le dogme de
la prière, il l'a du moins singulièrement altéré, et M. Guizot
a peine à se défaire entièrement des préjugés de sa pre-
mière éducation religieuse.
IV.
« A parler exactement, il n'y a point de religion natu-
relle \ car, dès que vous abolissez le surnaturel, la religion
aussi disparaît (1). »
« A parler exactement, il n'y a point de religion natu-
relle. » — Assertion vraie, dans ce sens que Dieu, dès
l'instant de la création, ayant élevé le premier homme a un
ordre supérieur, il n'y a pas et il n'y a jamais eu pour le
genre humain de religion purement naturelle. Car tous nous
naissons avec la vocation a un ordre supérieur.
Mais, dans le sens de l'auteur, l'assertion est inexacte.
Car supposé que Dieu n'eût pas élevé l'homme à l'état sur-
naturel, il y aurait eu une religion, un rapport naturel de
l'homme à Dieu, une obligation naturelle de reconnaître et
d'aimer Dieu comme créateur, par une connaissance et un
amour naturels (2).
Enfin, après avoir merveilleusement réfuté l'hypothèse
absurde de la génération spontanée de l'homme ^3 , l'au-
teur revient encore à cette notion erronée du surnaturel.
(1) Id., ibid., pag. 25.
(2) EnoorL' un coup, nous ne pouvons pas ici développer celte vérité,
et nous renvoyons ceux qui eu désireraient la démonstration, aux pre-
mières pages de notre Triomphe sur la Foi.
(3) Id., tbuL, fln du ch. iv sur le Surnalurel.
SUR LE SURNATUREL. 239
« Le fait surnaturel de la création explique seul la pre-
« mière apparition de l'homme ici-bas (1). »
Répétons-le encore, la création n'est pas un fait surna-
turel; c'est le premier fait, le premier fondement de l'ordre
naturel. Dieu n'est pas surnaturel comme créateur. Comme
tel, il est le principe de la nature créée. C'est en tant que
un en trois personnes et comme révélateur que Dieu est
surnaturel.
VI.
« Ceux-là donc qui nient et abolissent le surnaturel, abo-
« lissent du même coup toute religion réelle (2). »
Toujours la même conclusion d'un principe erroné.
Rèpétons-le donc toujours : Niez, abolissez le surnaturel,
resterait encore toute la religion naturelle, c'est-à-dire,
pour l'homme l'obligation très-réelle de reconnaître, d'aimer
et de servir Dieu, créateur, auteur et principe de la nature
et de tout ordre naturel.
VII.
« Ils sont contraints (ceux 'qui nient le surnaturel) de
« s'arrêter devant le berceau surnaturel de l'humanité,
« impuissants à en faire sortir l'homme sans la main de
« Dieu (3). »
Il est très-vrai que l'homme n'a pu sortir du néant sans
la main de Dieu, mais son berceau n'en est pas moins très-
naturel.
Mais c'est trop insister sur une vérité dont nous avons
suffisamment rappelé les éléments. Qu'il nous soit seule-
ment permis, avant de déposer la plume, d'exprimer com-
bien nous regrettons de rencontrer des erreurs si graves
dans un écrit qui paraît inspiré par les intentions les plus
honorables I Marin de Boylesve, S. J.
(1) Id., ibid., pag. 29.
(2) Id., ibid., pag. 29.
(3) Id., ibid., pag. 29.
ÉTUDE SUR LA LÉGISLATION MOSAÏQUE.
Quatrième article.
Après les questions que nous avons traitées par rap-
port à une législation en général et à la législation
mosaïque en particulier ^ après avoir fait connaître les
institutions cérémonielles qui ont précédé historiquement
les institutions mosaïques, et le rapport qui pouvait exister
entre les formes sensibles du culte mosaïque et les formes
sensibles des cultes païens, il importe d'exposer l'état du
peuple Juif au moment où il reçut ses lois de Moïse, de
tracer un rapide tableau de l'éducation et de la mission de
ce législateur, et enfin de chercher dans le Décalogue, ou
les dix paroles^ les fondements réels de toute la législation
à laquelle il sert de base. C'est ce que nous allons faire
avec ordre dans le présent article.
Le peuple Juif était entré en Egypte sous les auspices
les plus favorables. Joseph, dont l'histoire a charmé notre
enfance, lui avait préparé une terre, et la gloire du mi-
nistre de Pharaon semblait devoir suffire à lui assurer à
jamais la faveur du roi et du peuple. Mais l'oubli couvrit
de ses ombres la mémoire du prolecteur des Hébreux, et la
terre classique des souvenirs perdit celui d'un de ses plus
insignes bienfaiteurs. Cependant le peuple hébreu se multi-
pliait, et le nouveau roi, qui ne connaissait pas Joseph, dit
l'Exode (ch. i, v. 5), prit ombrage de cet accroissement.
ÉTUDE SUR LA LÉGISLATION MOSAÏQUE. 2/ii
Alors il chercha a peser sur cette nation infortunée par les
lois (le la proscription la plus odieuse et de la servitude la
plus insupportable. Mais comme la fortune de Joseph avait
aidé ses frères à maintenir leur unité nationale, religieuse
et morale, ainsi l'oppression du nouveau Pharaon éleva un
mur de séparation entre les Hébreux et leurs impitoyables
maîtres. La tyrannie qui pesa sur eux les attacha a leurs
dogmes, à leurs institutions, a leur nationalité-, les en-
fants d'Abraham, qui portaient sur leurs corps le signe
de l'alliance du Tout-Puissant avec leur père, crurent plus
que jamais à l'intervention divine pour la cessation de leurs
maux et pour leur délivrance. L'ordre donné de tuer leurs
premiers-nés mâles contredisait trop manifestement le
serment du Seigneur à Abraham, pour que le peuple ne vît
pas que l'heure de l'affranchissement allait sonner pour
lui. Il n'est dès lors plus étonnant qu'il se soit levé en
masse à la voix de Moïse, surtout après les miracles qui
attestaient sa mission, en même temps qu'ils révélaient
la volonté divine dans une manifestation parfaitement
analogue à celles qui avaient précédé. Moïse sauvé des
eaux était un nouvel Isaac : Moïse en rapport personnel
avec Dieu, c'était Abraham recevant du Seigneur lui-même
ses ordres et ses promesses : Moïse thaumaturge, con-
fondant la puissance des magiciens et des devins, c'était
Joseph, méritant par sa sagesse l'élévation qu'il reçut :
enfin l'annonce de la sortie d'Egypte, c'était un commen-
cement de réalisation pour |la prophétie qui promettait le
retour des fils de Jacob au pays de leur père.
Nous passerions rapidement sur ces faits, qu'il suffit
d'énoncer pour être compris, si nous ne nous trouvions en-
core ici en présence des misérables théories de M. Salvador.
Cet auteur a soin de mettre en relief le caractère ardent de
Moïse et l'indépendance naturelle de son caractère. Puis, il
nous représente le pasteur de Jéthro « promenant sa
Revue df.s Sciences ecclés., t. x. — septembre 18Gi. 17
•2/|2 ÉTUDE SUR LA LÉGISLATION MOSAÏQUE.
science et ses méditations tantôt dans les vallées du Sinaï
et d'Horeb, tantôt sur les bords de cette mer Rouge dont il
observait chaque jour les mouvements, et qui lui offiit dans
la suite une voie si merveilleuse de salut pour tout le
peuple. La solitude, la contemplation continuelle de la na-
ture et l'élévation de sa pensée vers le Dieu infini dont le
nom par excellence lui fut dévoilé en ces lieux mêmes,
tout concourut a porter au plus haut degré son enthou-
siasme ; tout concourut a le jeter dans de fréquentes extases,
à imprimer dans son imagination la teinte poétique qui se
réfléchit sur toute sa vie (1) .» Évidemment, dirait M.Renan,
le désert de Madian ne se doutait pas que sous le front de
ce pacifique promeneur s'agitaient les destinées de tout un
peuple (2). « Alors, continue M. Salvador, Moïse se pro-
posa non-seulement de rendre la liberté a ses frères, mais
de former un peuple destiné a réaliser les principales vues
de l'école morale déjà fondée par ses aïeux, un peuple qui
fût en état de devenir l'étonnement, la lumière et comme
le type des nations. » M. Salvador ne pouvait mieux faire
que de citer à côté de ces conceptions ingénieuses le mot
de Mahomet dans le Coran : Moïse a dit en voyant le
buisson : « Yoila le feu sacré ! peut-être en emporterai-je
une étincelle qui servira a me conduire. » Mahomet est
« un génie brillant » aux yeux de notre critique -, peut-être
M. Salvador a-t-il voulu lui ravir une étincelle de son
génie. Quoi qu'il en soit, la sortie d'Egypte est aux yeux
de M. Salvador un fait purement naturel. Moïse avait pré-
paré les anciens du peuple, leur avait promis la liberté,
avait répondu à leurs objections et préparé la confiance.
Comme la servitude les avait énervés, comme ils avaient
mêlé à la foi de leurs aïeux la plupart des superstitions
(1) Institutions de Mohe, prélimiuaires, p. 35.
(2) Vie de Jésus, p. 14 4.
ÉTUDE SUR LA LÉGISLATION MOSAÏQUE. 2^3
égyptiennes, il fallait offrir à leur esprit un appât puissant :
ainsi fit Moïse en leur promettant la possession de la terre
heureuse où couleraient un jour des ruisseaux de lait et de
miel. « La grande âme du législateur est, d'après Jean^
Jacques, le vrai mii-acle qui doit prouver sa mission. »
Moïse n'en lit pas d'autres. L'apparition successive des
fléaux les plus redoutes dans ces climats, la nature même
des prodiges opérés par les mages égyptiens, dont des
hommes aussi clairvoyants que Moïse et Aaron surprirent
facilement les secrets, la rapidité avec laquelle les ordres
de Moïse étaient communiqués à ses frères par leurs an-
ciens, enfin d'autres accidents sur lesquels on n'a pas
l'entière certitude de bien comprendre la pensée de
l'historien, ici à cause du laconisme et de l'hyperbole du
langage, la en raison même de quelques-unes des sur-
charges dont l'existence a été signalée d'une manière géné-
rale dans le Pentateuque, tels furent à peu près les moyens
dont Moïse se servit pour soulever les Hébreux, les armer
et les faire sortir triomphalement de la terre de l'op-
pression et du malheur. « Prenons garde d'ailleurs que
dans le style hébraïque, tout ce qui se rattache a l'huma-
nité vient de l'éternel : tous les faits vrais ou nécessaires
dérivent de lui. Il produit l'enthousiasme du grand homme
et le vertige du despote, la force et la faiblesse de cœur. »
Parmi les faits nécessaires, attribués à Dieu dans le docu-
ment sacré, M. Salvador place la dixième plaie. C'est évi-
demment, aux yeux du critique, une conspiration ourdie
par les Hébreux, une Saint-Barthélémy, que la mort des
premiers-nés de l'Egypte. Ce passage est trop grave pour
que nous ne le reproduisions pas tout entier : « Mais
quelles que fussent la force et la prudence des mesures
adoptées pour la retraite des Hébreux, leur chef céda à cette
conviction que le succès en resterait incertain, si une stu-
peur profonde n'était définitivement provoquée en Egypte.
2hh ÉTUDE SUR LA LÉGISLATION MOSAÏQUE.
Quel exemple de représailles plus terrible que cette dixième
plaie! Une nuit, l'ange de la mort atteignit les premiers-nés
de l'Egypte, jusqu'à l'héritier du roi : on aurait pu croire
à un apaisement offert par la loi du talion aux mânes des
enfants Hébreux si longtemps et si froidement immolés!
Qui saurait dire comment les choses se passèrent? mais un
cri affreux retentit au loin : « Sortez, sortez! » et les
Hébreux quittèrent soudainement leurs demeures dans les
premiers jours du printemps, armés, organisés, ayant sur
leurs épaules leurs sacs avec des vêtements et des vivres,
et précédés par les bestiaux et les bagages (1) . »
Les beaux projets que M. Salvador fait former au pasteur
madianite, sont en contradiction flagrante avec la conduite
que Moïse tint au moment oii Dieu lui ordonna d'aller
sauver son peuple. Outre que rien dans son éducation ne
pouvait le porter a concevoir de sa mission une pareille
idée, Moïse n'eût été qu'un menteur éhonté s'il eût écrit,
dans l'hypothèse de M. Salvador, le récit de l'Exode. D'ail-
leurs la révélation du buisson ardent montre a Moïse un
être personnel et tout-puissant, un être dont la sagesse
prévoit et dirige les actions des hommes. Dieu s'appelle
Jéhovah : Je suis celui qui suis, et il déclare qu'il ne s'est
pas encore manifesté sous ce nom, bien qu'il veuille être
appelé en même temps le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de
Jacob. C'eût été trop même pour un brillant génie d'in-
venter toutes ces choses : la chaleur de l'enthousiasme ne
pouvait produire des conceptions aussi nettes et aussi ma-
nifestement confirmées par les faits. Car il ne convient pas
de séparer la révélation du buisson ardent de la chaîne des
événements dont elle forme comme le premier anneau. C'est
de là que vient la mission de Moïse, et dans toute la ma-
nière dont il l'a remplie, on voit qu'elle ne pouvait venir
(1) Loc. cit. La Délivrance, p. 47.
ÉTUDE 8UU LA LÉGISLATION MOSAÏQUE. 2Z|5
(l'une exaltation humaine : il la faut rattacher à une vo-
lonté supérieure, maîtresse du monde et capable de pro-
duire des faits devant lesquels la puissance humaine et la
puissance des démons n'est qu'impuissance et que faiblesse.
Ceci nous amène à parler des miracles qui accompagnèrent
la sortie d'Egypte.
On ne peut nier que les faits rapportés a propos de la
sortie d'Egypte n'aient été de vrais miracles, c'est-à-dire
des faits surpassant le pouvoir humain, et produits par une
force intelligente et surnaturelle. Ces faits s'opèrent à la
parole de l'homme, et la parole de l'homme n'a jamais pu
engendrer spontanément et par elle-même des armées de
sauterelles et de grenouilles. Parmi les miracles opérés a la
voix de Moïse il en est qui sont imités par les chiroman-
ciens et les magiciens de la cour : imités, disons-nous, car
dans cette lutte c'est Moïse et Aaron qui ont la priorité,
ce sont eux qui commencent. M. Salvador nous donne ces
deux hommes comme des imitateurs clairvoyants des ma-
giciens d'Egypte. S'il y a eu des imitateurs (et il y en a eu
en effet) , ce sont ces derniers qui l'ont été. Le texte biblique
reconnaît, en effet, a côté de la puissance divine qui éclate
en Moïse, la puissance des démons se mettant au service
des prestidigitateurs du roi, et le merveilleux, par le fait,
est aussi bien d'un côté que de l'autre. Mais il arrive un
moment où la lutte-polémique cesse, parce que Dieu a en-
chaîné son ennemi vaincu. Il lui a permis quelques pro-
diges aûn de faire éclater plus visiblement sa toute-puis-
sance, et de punir, en favorisant l'endurcissement de leur
cœur, des nations qui se livraient aux sottes superstitions
du paganisme. C'est l'auteur du livre de la Sagesse qui nous
le fait entendre lorsque, parlant des miracles d'Egypte,
il dit . « Tu as envoyé contre eux une multitude d'animaux
muets, car par où chacun pèche il est puni » (xi, 46, 17).
Que penser maintenant de la prétendue surprise que
246 ÉTUDE SUR LA LÉGISLATION MOSAÏQUE.
Moïse exerça sur les vieillards d'Israël, d'après M. Salvador ?
Les vieillards ont chez tous les peuples représenté la sa-
gesse de la nation. Le jeune téméraire qui cherche a les
exploiter n'obtient d'ordinaire que le noépris, et ils savent
lui faire sentir les dures et graves leçons qu'une longue
expérience leur a appris à formuler. Mais qu'importent ces
données générales lorsque les besoins d'une thèse exigent
qu'on dise le contraire ? On transformera les sages d'Israël
en enthousiastes forcenés : on ira contre le sens commun.
C'est un sens rare : on peut le heurter sans compromettre
l'écoulement rapide de plusieurs éditions.
D'après le même procédé et avec les mêmes espérances,
on transformera Pharaon et sa cour en des dupes imbé-
ciles. De l'organisation de police qui avait permis à une loi
de proscription d'étendre les voiles du deuil le plus sombre
sur les familles juives, on ne tiendra aucun compte, et
on inventera que, malgré la surveillance sévère dont ils
étaient l'objet, les Juifs ont pu s'organiser en armée ré-
gulière, et imposer, à un moment donné, a des oppres-
seurs habiles et puissants. A ce sujet M. Salvador enflera
sa lourde période de quoHei de points d'exclamations, à
l'adresse de saint Jérôme, qui a osé traduire le mot hébreu
nî?1 par amicus, comme s'il eût été possible a des opprimés
d'exciter la sympathie de leurs voisins, et il se reposera en
paix d'avoir donné une leçon d'hébreu au docteur de Beth-
léem. Mais pourquoi ne pas tenir compte de ce que dit le
texte : Dominus autetn dédit gratiam populo coram jEgyptiis
ut commodarent eis et spoliavenmt J^gyptîos [Exod. xii, 36)?
Ces mots sont plusieurs fois répétés dans le récit. C'est
comme s'ils n'existaient pas pour M. Salvador. Il ne s'em-
barrasse pas non plus de la signification donnée par tous
les lexicographes au mot nï?"i. Il ne tient pas compte du
parallélisme des membres : Dices ergo omni plebi nt postulet
vir ab auiico siui {*ir\yi) et mulier a vicina ma ^nmî''l) vasu ur-
ÉTUDE SUR LA LÉGISLAIION MOSAÏQUE. 2A7
(jentea et aurea {Ex, xi, 2). dans la Iraduclion de saint Jé-
rôme, où ce grand docteur nous fait si bien sentir la signi-
tication complète du mot ny"l. Tout cela eût gène le parti
pris, contrarié l'ingénieuse parodie du récit mosaïque. Il est
plus commode d'invectiver à tort et \ travere, au risque de
n'être que pédant aux yeux de la science. La plupart des
lecteurs n'y regarderont pas de si près : cela passera comme
bien d'autres choses ; notre réputation et celle de nos édi-
teurs est la pour servir de garant à toutes nos inepties, et
nos quoi! d'ailleurs ne font pas un effet si misérable. C'est
aux lecteurs qu'il appartient de caractériser ces procédés.
Ce n'est pas tout. M. Salvador ose nous donner la mort
des premiers-nés comme le résultat d'un calcul politique
de Moïse, qui crut que le succès de ses naanœuvres reste-
rait incertain , si une stupeur profonde n'était définiti-
vement provoquée en Egypte. Nous ne trouvons pas d'ex-
pressions assez fortes pour flétrir un pareil travestissement
de l'histoire. Toujours mêmes suppressions des détails du
récit de Moïse, même inanité dans les explications, La
sottise seule a fait des progrès, et nous la trouvons unie
dans un degré peu commun avec une suprême inconvenance.
Le fait du meurtre des premiers-nés, parmi lesquels se
trouvait le fds du roi, était matériellement impossible,
comme conjuration. Le résultat ne devait pas naturelle-
ment produire l'assentiment du roi à la délivrance des
Juifs. Ce cri affreux que M. Salvador a entendu retentir au
loin : Sortez, sortez; c'est Pharaon lui-même qui Ta pro-
féré : Vocalisque Pharao Moyse et Aaron noete, ait : Sur-
gite et egredimini a populo meo, vos et filii Israël : ite, im-
molate Domino sicut dicitis. Oves vestras et armenta sumite
ut pclieratis, et abeuntes benedieite mihi {Ex. xii, 91, 32).
Pharaon avait reconnu plusieurs fois l'intervention divine
dans les miracles de Moïse. Sur sa demande et sur
ses promesses les plaies avaient cessé. Mais son cœur
248 ÉTUDE SUR LA LÉGISLATION MOSAÏQUE.
s'était endurci, et la lumière qu'il avait reçue n'était point
arrivée jusqu'à triompher des ténèbres de son âme. Au
moment où il permet la sortie, le deuil de sa famille, plus
encore peut-être que le deuil public, lui a fait comprendre
qu'il luttait contre plus fort que lui. Il n'y a d'étonnant
dans sa résolution que le retard qu'elle a mis a se produire.
Quant au peuple juif, il s'était si peu prêté à la honteuse
conspiration supposée par M. Salvador, que Moïse créa,
immédiatement après la sortie, une institution propre
à lui rappeler le meurtre des premiers- nés d'Egypte,
et l'auteur de ce miracle qui avait déployé la force de son
bras pour le salut de la nation {Ex., ch.xiii) . Est-il croyable
que les Hébreux eussent accepté une institution aussi fausse
dans son principe, s'ils avaient trempé leurs mains dans
le sang dont elle leur conservait le souvenir ? Enfin il se
forma comme un proverbe en Israël. A côté de cette pra-
tique permanente, et dans la suite des âges les Juifs répé-
tèrent le mot de Moïse : In manu forti eduxit nos Dominus
de terra J^gypti, de doino servitutis [Ex. xiii, 14-).
Aux miracles qui avaient préparé la sortie d'Egypte
succèdent les miracles qui l'accompagnèrent et qui la sui-
virent, et d'abord le passage de la mer Rouge. Ici encore
M, Salvador fait ressortir l'habileté du pasteur de Jéthro,
dont les études solitaires sur le mouvement des flots, l'ai-
dèrent à profiter du flux et du reflux pour faire passer son
peuple. Puissance de l'imagination 1 merveilles inattendues
dont la bucolique de M. Salvador était déjà grosse! Voilà
son pasteur bien plus habile dans ses calculs que Pharaon
et tout son peuple, qu'Alexandre et même Napoléon. Cette
mauvaise plaisanterie n'a rien de neuf, et voilà pourquoi
nous nous contentons de la signaler. On a répondu victo-
rieusement cent fois à ces misérables élucubrations d'esprits
ténébreux. La forme est moins vive, moins spirituelle :
le fond est toujours identique. Mêmes inepties au sujet de
ÉTUDE SUR LA LÉGISLATION MOSAÏQUE. 2/19
la manne, des eaux de Marah, près de Raphidim. Ce n'est
pas plus ingénieux que ce qu'on en avait dit : le men-
songe n'est pas moins évident, la trame du récit n'est pas
plus heureuse. Toujours des citations tronquées, détachées
du contexte, faites à contre-temps.
Reposons-nous de ces pauvres extravagances sur quelques
lignes dans lesquelles le docteur Haneberg nous retrace
l'éducation du peuple dans le désert. « Le peuple d'Israël,
dit-il, devait être conduit dans le désert, non-seulement
pour être soustrait a l'influence égyptienne, pour rester
sous l'impression des miracles dont il avait été le témoin,
mais encore pour faire de nouveaux progrès. Les miracles
({u'il avait vus avaient été en général négatifs, prohibitifs :
il devait assister a des miracles positifs, propres non-seule-
ment a combattre sous ses yeux les erreurs du paganisme,
mais à le conduire à la vraie foi et a l'y confirmer. Déjà la
vue même des lieux que traversaient les Israélites aff'ran-
chis était faite pour les instruire. C'était un désert qui ne
pouvait nourrir trois million^ d'âmes. Ils y avaient été
conduits d'une façon miraculeuse par Dieu 5 ils devaient
continuer à y attendre et a y recevoir les secours de Dieu.
La faim et la soif qu'ils allaient endurer devaient les exciter
a invoquer Dieu, le nourricier céleste, et éveiller en eux
la faim et la soif de la justice divine (1). »
Ainsi par les bienfaits dont il le comblait Dieu préparait
ce peuple à lui dire : a Nous ferons tout ce que le Seigneur
a dit. » {Ex. XIX, 8.) Ce fut alors que le peuple reçut le
Décalogue, qui devint la base de toutes les institutions par
lesquelles Dieu voulut bien le compléter et le développer.
Nous allons le montrer par un coup-d'œil d'ensemble sur
les dix paroles. Il conviendrait d'indiquer la source des in-
stitutions mosaïques et du Décalogue en particulier^ mais
(1) Histoire de la Révélation biblique, t. l, p. 94, éd. française.
250 ÉTUDE SLR LA LEGISLATION MOSAÏQUE.
outre que celte question se rapporte a la vérité du Penta-
teaque, on pourrait trouver étrange que nous prissions au
sérieux la théorie aussi ridicule qu'impie, qui attribue au
génie de Moïse, en dehors de toute communication divine,
le code souverain de 1 humanité. Tant qu'on ne méprisera
pas le bon sens et la philologie au point d'oser écrire que
« dans le langage d'Israël, la parole de Jéhovah, loin de re-
présenter une voix articulée semblable a celle de l'homme,
correspond identiquement à la vérité, la raison, l'utilité
commune, opposées h la vanité (1) «, on ne sera pas tenté
d'ôter a Dieu la part qu'il a prise dans la composition du
Décalogue et de la loi mosaïque. M. Salvador nous avait
dit qu'il ne faisait pas son objet « de savoir comment les
principes des institutions allaient se peindre ou vibrer dans
l'esprit de Moïse (2) . » Il eût bien fait de suivre cette réso-
lution : c'était nous épargner quelques impiétés, et éviter
un ridicule de plus. Il y en a certes bien assez dans ce
chapitre. Moïse nous y est représenté comme un faussaire
habile, qui profite, pour tromper le peuple, des phénomènes
brillants et terribles dont le sommet du Sinaï est parfois
le théâtre, et qui par ses principes est le véritable ancêtre
des auteurs de la déclaration de 1791. Il y a la les contra-
dictions les plus flagrantes dont on nous permettra de nous
épargner le relevé : elles sautent aux yeux. Il y a des tra-
ductions qui sont de vrais contre-sens, notamment celle que
l'éditeur semble avoir rehaussée par l'emploi de lettres
capitales : Je suis le Dieu qui t'ai tiré du pays d'Egypte, de
la MAISON DES ESCLAVES. Il y a ignorance complète de la
langue et du sens des Écritures. Il y a les détours les plus
embarrassés faits pour le besoin de la cause. Il y a les im-
piétés les plus vulgaires, mêlées aux subtilités les moins
(1) M. Salvador, loc. cit., p. 78. Théorie de lu Loi, t. i.
(2) Ibid. quelques ligues plus liaul.
ÉTUDE SUR LA LÉGISLATION MOSAÏQUE. 251
ingénieuses. 11 y a enfin des théories sociales subversives de
tout ordre public. Nous réservons la question de bonne foi
pour l'auteur, mais nous déclarons qu'aucun lecteur atten-
tif et de bonne foi ne se laissera prendre à de telles misères.
Ce n'est pas une fine critique que celle de M. Salvador.
Son œuvre ne porte point la plus légère trace de l'esprit
critique épuré : c'est une rudis indiyeslaque maies, percée a
jour malgré son épaisseur, par le tissu grossier dont elle
s'enveloppe. Un procédé qu'il convient de signaler, c'est
l'adresse qu'il a mise à emprunter des citations tronquées,
ou à renvoyer, sans citer, dans ses notes, a des auteurs qui
n'ont jamais rien écrit qui fût de nature a autoriser ses in-
terprétations. Nous trouvons D. Calmet, l'abbé Fleury,
M, de Bonald, l'abbé Guénée, cités en note. Personne n'i-
gnore que ces auteurs ont entendu le Décalogue autrement
que M. Salvador, Quelque indulgence que l'on y mette, il
est difficile d'absoudre ces procédés.
On sait qu'il existe deux divisions du Décalogue : l'une
connue sous le nom d'Origèneét suivie par les Calvinistes^
l'autre connue sous le nom de saint Augustin et suivie
par les catholiques et les luthériens. C'est là un détail insi-
gnifiant par rapport a l'intelligence d'ensemble du Déca-
logue, car tous sont unanimes a reconnaître que le Déca-
logue forme dix commandements ou dix paroles, et que
certains de ces commandements se rapportent a Dieu,
d'autres au prochain. Parcourons rapidement les préceptes
dogmatiques et moraux consacrés par cette première révé-
lation.
1" Dieu se manifeste dans l'unité de sa nature lorsque, au
V. 2 {Exod. xx), il se nomme : Ego sum Dominus Dans iuus.
Par ces mots mêmes rilïT^ el Q'^mbï^, Dieu rappelle la révé-
lation du buisson ardent et les révélations antérieures faites
aux patriarches dont le peuple descend. A l'unité de nature
se trouve jointe par conséquent l'unité d'action ^ la miséri-
252 ÉTUDE SUK LA LÉGISLATION MOSAÏQUE.
corde de Dieu n'agit pas à l'égard d'Israël d'une manière
différenle de celle qu'elle a suivie dans les manifestations
antérieures. Ainsi ce premier verset nous révèle a la fois et
l'unité de la nature divine et l'unité de la Providence ou
de cette nature entrant en relations avec le monde et avec
l'humanité.
2° Le dogme de la création ressort de l'institution du
sabbat qui, dans les versets 8-11, est donnée comme un
précepte calqué sur la manière dont le Créateur a tiré
toutes choses du néant. Dieu a créé le ciel, la terre, la mer
et tous les êtres qui les peuplent. Son empire s'étend donc
à tout. Personne ne peut contester sa puissance ^ on est
préparé par la à le voir intervenir pour régler l'usage auquel
il soumettra ces diverses choses dans les développements
de la loi. On aperçoit déjà la relation qui existe entre l'in-
stitution du sabbat, les motifs sur lesquels elle se fonde,
et les institutions qui formeront les lois religieuses, poli-
tiques et sociales des Hébreux. Dieu établit ici sur la créa-
lion ses droits de législateur. Un jour lui est consacré : il
est l'auteur de tout ce qui existe; donc il a le droit de
régler comme il lui plaît et le mode de sanctification de ce
jour et l'usage de tout ce qui existe.
3" Le même motif de l'institution du sabbat révèle en-
core le dogme de la ressemblance de l'homme avec Dieu,
et comme cette ressemblance est imprimée dans l'âme,
l'immortalité de l'âme se trouve également impliquée dans
cet énoncé dogmatique.
4" L'hypothèse de transgresseurs de la loi établit le
dogme de la liberté humaine (v, 5-7\ D'ailleurs ce dogme
lui-même est supposé par la promulgation de la loi. Pour-
quoi des préceptes si nous sommes fatalement entraînés
dans un sens ou dans un autre ?
5° La foi et le culte ou la manifestation de la foi sont
clairement prescrits par le précepte prohibitif de l'idolâtrie
ÉTUDE SUR LA LÉGISLATION MOSAÏQUE. 253
(v. 4). Les tendances théogoniques que Dieu a déposées au
fond de la conscience humaine sonl réglées par ce com-
mandement. L'homme est naturellement religieux. Sa re-
ligion consiste dans l'union de son esprit à Dieu par la foi,
et dans l'efllorescence de cette union en des pratiques qui la
rappellent. La discipline de son esprit consiste a adhérer
par la foi au Dieu un, vivant et personnel : la discipline de
ses actes consiste k ne les produire que selon les lois d'un
esprit une fois bien réglé dans ses convictions. Le précepte
prohibitif de l'idolâtrie contient encore en germe le devoir
strict pour l'Israélite de détruire tout ce qui revêt le carac-
tère d'une pratique idolâtrique, et il indique les rigueurs
qui seront exercées contre le peuple lui-même s'il devient
infidèle ou prévaricateur.
6° Le dogme de la prière est implicitement renfermé
dans celui de l'adoration. Après le passage de la mer Morte,
Moïse avait invoqué Dieu, l'avait adoré dans un cantique
célèbre [Ex. xv) . Pendant le combat des Hébreux contre les
Amalécites, Moïse avait encore prié le Seigneur [Ex. xvii).
Après la chute d'Israël devant le veau d'or, Moïse priera
encore le Seigneur et parviendra a modifier ses desseins.
D'après ces pratiques, il était évident pour l'Israélite que le
dogme de l'adoration renfermait implicitement celui de la
prière, et un précepte nouveau était inutile.
T Enfin la manière dont le Décalogue est transmis au
peuple lui révèle le dogme de la médiation. C'est Moïse qui
reçoit directement du Seigneur ce qui doit être commu-
niqué au peuple. Des miracles ont autorisé sa mission, en
sorte que le peuple effrayé en viendra lui-même à réclamer
sa médiation. C'est évidemment la la consécration d'un
principe et d'un dogme : a savoir, qu'il y a des organes
autorisés, chargés de transmettre aux peuples les volontés
de Dieu. Que plus tard il y ait une classe formée de média-
teurs, le peuple les acceptera : il y aura été préparé par la
manière dont il a reçu le Décalogue.
2bll ÉTUDE SUR LA LÉGISLATION MOSAÏQUE.
A côte des dogmes se placent dans le texte des dix pa-
roles les préceptes moraux. Nous ne reviendrons pas sur
ceux qui découlent des institutions dogmatiques : la foi, le
culte, l'usage de la liberté humaine réglé par la loi, la sou-
mission aux médiateurs autorisés. Tout cela tient à la fois
à l'ordre dogmatique et à l'ordre moral. Les préceptes nou-
veaux que nous allons mentionner se relient aussi aux
dogmes, mais sous une forme qui permet de les en séparer
pour la clarté,
r La famille est constituée dans ses éléments, dans son
mode de conservation et dans son inviolabilité, aux ver-
sets 12, 14, 17, Le père, la mère doivent être honorés par
leurs entants. Le père doit a la mère les devoirs d'un
époux îà l'égard de son épouse, a(in de conserver l'institu-
tion divine qui les a unis. La force de cette institution est
telle que le simple désir porté sur la iemme d'un autre est
strictement défendu, La discipline du mariage, ainsi en-
tendue, suppose la société dont la famille est la base, et le
mariage h principe de conservation. De plus, la loi de la
génération a des influences aussi générales dans son mode
d'exercice que dans ses résultats. Le libertinage est aussi
contraire à la famille et a la société qu'a l'individu lui-
même. Les préceptes qui dans la suite régleront plus spé-
cialement les devoirs de famille ne seront que le dévelop-
pement progressif du germe contenu dans le Décalogue.
2" A l'institution de la famille, qui est le préservatif de
la vie du prochain, succède un précepte spécial, qui prend
sous sa sauvegarde la vie une fois formée ,v. 13). Mais ce
n'est encore ici qu'une première assise sur laquelle la loi
proprement dite établira les conséquences directes de ce
principe général,
3° La propriété, qu'on pourrait regarder comme un
dogme du Décalogue, se trouve consacrée, dans le respect
qui lui est dû, par la défense du vol (v, 15). Et encore ici
ÉTUDE SUR LA LÉGISLATION MOSAÏQUE. 255
l'importance de cette prohibition ressort du soin apporté à
• prévenir jusqu'aux désirs qui pourraient mener à violer la
loi (v. 17). Observons, à cet égard, que la loi de la pro-
priété et la constitution de la famille sont dans le Déca-
logue unies par des rapports étroits. Nous pourrions citer
d'autres législations qui, pour avoir méconnu ces relations,
ont porté la plus grave atteinte à l'existence de la famille.
Le fait du développement et du maintien de la famille re-
pose sur le fait de la propriété et de sa légitime transmis-
sion. C'est le point où la loi morale se confond avec la loi
sociale -, nous ne pouvions manquer de le signaler. Les lois
politiques et sociales de Moïse rouleront sur ces deux
pivots : la famille et la propriété. La famille, parce que c'est
d'elle que doit naître Celui en qui se réaliseront les pro-
messes, parce que c'est de la famille renouvelée en
Abraham qu'est sorti le peuple d'Israël. La propriété,
parce qu'elle est k la famille cet élément essentiel de con-
servation, sans lequel le peuple perdrait sa vie sociale et sa
vie politique, faute d'avoir daps la famille la pourvoyeuse
des éléments de ces deux vies, et le type selon lequel elles
doivent se conserver.
4" La conliance avec laquelle Israël est appelé a traiter
avec le Seigneur, ne doit pas dégénérer en une familiarité
blâmable. De la vient le respect prescrit pour le nom de
Dieu, qu'il est défendu de prononcer en vain. Toutefois, on
peut étendre aussi cette défense jusqu'à l'allégation du nom
de Dieu devant une autorité juridique, et la rattacher à
celle qui concerne le faux témoignage. Ce n'est pas a dire
que ces deux préceptes n'en fassent qu'un. Telle n'est
pas no'.ie pensée. Le Décalogue défendait l'abus du nom de
Dieu, tel qu'il existait dans les sociétés païennes, oii l'on
faisait toutes choses au nom des dieux. A plus forte raison
défendait-il cet abus particulier du nom du Seigneur, qui
consiste a le mettre au service d'un mensonge juridique.
256 ÉTUDE SUR LA LÉGISLATION MOSAÏQUE.
Cependant on peut concevoir aussi le faux témoignage sans
qu'il soit accompagné de serment, et il n'est pas étonnant
que Dieu ait fait de cette défense un précepte spécial. Rien
n'était plus capable de précipiter la société dans l'abîme,
que les faux témoignages. Il fallait les frapper d'une inter-
diction souveraine, afin de conserver l'inviolabilité des
droits particuliers et généraux. Ce n'est que par une contor-
sion fort pénible du texte qu'on peut arriver à entendre ce
précepte d'une prohibition relative à l'idolâtrie, comme si
Dieu eût défendu de rendre un faux témoignage aux divi-
nités étrangères. Alors ce précepte serait inutile et rentre-
rait dans le premier.
Au point de vue politique, la promulgation du Décalogue
et la nature des préceptes qu'il contient, n'offrent pas un
médiocre intérêt. Dieu se donne comme le législateur de
son peuple et par la il établit la base du gouvernement théo-
cratique. C'est la le résultat immédiat de la promulgation
du Décalogue. Les préceptes dont il se compose ne révèlent
pas avec moins d'éclat l'institution de la théocratie. Ils la
révèlent de deux manières : négativement d'abord, en tant
que ce premier code, et le code subséquent qui le déve-
loppe, ne font mention d'aucun autre pouvoir constitué :
positivement ensuite, par les rapports évidents établis
entre les diverses prescriptions de la loi des deux Tables.
Donnons à ces pensées quelques développements.
Lorsque nous considérons les Hébreux au pied du Sinaï,
ils ne nous apparaissent plus comme des familles, n'ayant
entre elles d'autre lien social que celui d'une origine com-
mune. La famille est, il est vrai, le fondement de cette so-
ciété, mais elle n'intervient plus que comme l'élément
constitutif : ce n'est pas a des familles isolées que Dieu
s'adresse-, c'est à Israël, à des familles réunies qu'il parle,
établissant entre elles des liens sociaux. Or, entre tous ces
liens, celui de l'autorité n'est pas le moins important, et il
ÉTUDE SUR LA. LÉGISLATION MOSAÏQUE. 257
existe en effet : l'autorité est visiblement exercée par
Moïse -, mais Moïse lui-même ne se considère que comme
le représentant et l'organe d'une autorité supérieure, qui est
celle de Dieu. Le peuple, qui accepte les sanctions de l'au-
torité dont il reconnaît les prérogatives, n'accepte pas les
sanctions d'un homme, mais les sanctions de Dieu. Les
Hébreux du Sinaï sont loin de ressembler aux Juifs de Jéru-
salem, qui déclaraient ne vouloir reconnaître d'autre roi
que César. Ce mot qui a donné le coup de grâce a la théo-
cratie mosaïque, n'était pas de nature a l'établir : il en était
le renversement. D'ailleurs, les impressions du Sinaï se
conservèrent longtemps au milieu d'Israël : des miracles
nombreux firent suite a ceux du désert, et il est pré-
cieux de constater quelle fut la persuasion du peuple,
relativement a la forme de son gouvernement, tant qu'il
resta sous l'influence de la conduite évidente du Seigneur,
commencée dans le désert. Gédéon avait délivré les Israé-
lites du joug des Madianites : le peuple lui offrit le pouvoir
à lui et à sa descendance {Jud. viii, 22, 23). Gédéon, qui
comprenait qu'il n'avait été qu'un instrument de la puis-
sance divine, répudia énergiquement cette offre inconve-
nante et dit : Non dominabor in vos ipse, nec dominabitur in
vos filius meus^ sed dominabitur in vos Dominns. Au premier
livre des Rois (viii, 7), Dieu console ainsi Samuel affligé de
voir le peuple lui demander un roi : Non te spreverunt, sed
me spreverunt, ne regnem super eos. C'est Dieu, d'après
Jésus, fils de Sirach, qui a donné des rois aux nations, et
qui s'est réservé la royauté sur Israël : Pars Dei Israël fada
est manifesta (Eccli. xvii, ili, 15). Aussi l'Écriture donne-
t-elle souvent a Dieu le titre de roi (1) : aussi le trône de
Salomon est-il appelé le trône du Seigneur (2), le royaume
(1) I Reg., XI, 12.— Ps. xLVii, 8.— Os., XIII, 10.— Jer., Lr, 57, etc.
(2) Il Par. XXIX, 2, 3.
Revue des Sciences ecclés,,t. x. — septembre 1864. 18
258 ÉTUDE SUR LA LÉGISLATION MOSAÏQUE.
de ses successeurs, le royaume de Dieu (1), et eniin les
arrêts de la justice en Israël s'appellent le jugement de
Dieu (2). Citons encore le passage du Psaume 149, 2 : Filii
Sion exultent in rege suo, et observons que sous toutes les
formes accidentelles de gouvernement par lesquelles ils
ont passé, les Juifs ont toujours regardé les représentants
de l'autorité, comme les représentants de Dieu(3). Josèphe
exprime ainsi celte idée (C. Appion. ii, 16) : Infinita morum
atque legum ioto passim hominmn génère discrimina sunt. Alii
quippe VMi tantwn, paucis quibmdam alii, alii denique populo
summam reipublicœ potestatem commiserunt . At legislator
noster, hisce neglectis omnibus, theocraticam reipublicœ formam
institua — ôsoxpaTtav àTziU\lz to 7roX(T£uaa — summo princi-
palu Dei numini attributo — ôsô) rV «px^^v xai to xpaToç àvaOelç.
Tous ces témoignages qui viennent compléter le silence du
Décalogue, montrent avec évidence que ce silence même
avait sa signification, et que le principe de la théocratie se
trouvait consacré par la loi du Sinaï.
L'examen des rapports établis entre les dix préceptes ne
donne pas à cette vérité un moindre relief. Nous pouvons
considérer l'ordre des commandements, leur sanction, leur
raison d'être.
Les commandements qui regardent Dieu occupent le
premier rang. Ce sont ceux qui reçoivent le plus de déve-
loppement, évidemment parce qu'ils sont comme les prin-
cipes d'où dérivent les autres par manière de consé-
quence.
C'est Dieu qui intervient pour punir lui-même les infrac-
tions commises contre sa. loi. Il le dit expressément aux
versets o, 7 et 12. S'il ne le dit pas à propos des autres
(1) II Par. XIII, 6, 8.
, (2) Deuter., ^, 17.
(3) BlacliîchiBidii, Diss, tjie Theocr. ia Thés. Ugolini, xxiv, 59 s. H.
Hulsii, 0«s\ de Jehova Iho reg. ILiiL, 137 scq.
ÉTUDE SUR LA LÉGISLATION MOSAÏQUE. 259
préceptes, c'est qu'il a suffisamment manifesté par trois
fois, qu'il veille sur l'observance de la loi qu'il a don-
née. EnOn la raison de la sanctification du sabbat est
prise du repos de Dieu lui-même au septième jour-, nous
l'avons déjà remarqué.
Par là Dieu, auteur du Décalogue, dont les dispositions
régleront désormais la vie du peuple d'Israël, se donne
comme Celui qui est préposé à la garde de ces préceptes,
pour veiller a leur accomplissement, pour les faire observer.
Mais ce sont précisément là les fonctions du souverain.
Donc les rapports des dix préceptes manifestent avec évi-
dence la constitution de la théocratie.
Les études qui précèdent nous permettront de consi-
dérer désormais les institutions mosaïques comme le déve-
loppement du Décalogue, et comme les institutions d'un
peuple théocratique. Le peuple est préparé a les recevoir
telles que Moïse les rapportera du Sinaï. Nous avons
cherché à entrer dans les dispositions d'Israël. Nous savons
ce qui a précédé Moïse : nous savons la part qu'ont pu
recevoir dans sa loi cérémonielle les pratiques du po-
lythéisme. Il n'y a plus qu'à exposer en détail les prescri-
ptions du code mosaïque. C'est ce que nous ferons dans les
articles suivants, en conservant l'ordre que nous avons in-
diqué dès le début : institutions^ religieuses, institutions
sociales, institutions politiques.
A. GiLLY.
LA MATIERE ET LA FORME.
Premier article.
L
La lettre de M. F. J. insérée dans la livraison dejuilletde la Revue
des Sciences ecclésiastiques m'a rappelé une promesse dont des occu-
pations de plus d'un genre m'avaient empêché de m'acquilter jusqu'à ce
jour. Un peu pluslibre en ce moment, je me hâte de dégager ma parole.
Je voudrais exposer avec toute l'impartialité possible, l'état présent
d'une controverse qui a jadis violemment agité les écoles, et qui aujour-
d'hui même n'émeut pas moins les esprits au-delà des monts que ne le
fait parmi nous la controverse relative à l'origine des idées. Je veux
parler de la question de la matière et de la forme. Cette question est
à peine effleurée parmi nous dans la plupart des cours de philosophie
et de théologie ; et pourtant, elle est indubitablement un des pivots sur
lesquels roulent les plus importants problèmes philosophiques et théo-
logiques. Lorsque, il y a quelques mois, le correspondant romain du
Monde nous annonça que cette question avait soulevé au Collège romain
des débats assez animés (1), plusieurs des lecteurs le plus au courant
des controverses philosophiques eurent sans doute quelque peine à se
rendre compte de la nature et du motif de ces débats. D'autres qui
comprenaient mieux l'état delà question, purent se demander comment
ce pouvait être encore une question. Il y a deux cents ans que la théorie
(1) 11 n'est peut-être pas trop tard pour rétablir la vérité des faits re-
présentés d'une manière un peu inexacte parle correspondant du journal
parisien. Le T. R. Père Général de la Compagnie de Jésus n'est intervenu
en aucune manière dans la controverse en question pour censurer l'une
des opinions rivales, et le T. R. Père Maître du sacré palais, qui y a pris
une part plus active, n'a mis aucune opposition à la défense du système
qui s'éloigne le plus de l'enseignement scolastique ; tout ce qu'il a exigé,
c'est que cet enseignement ne fût pas directement attaqué.
LA MATIÈRE ET L.\ FORME. 261
des formes substantielles paraissait avoir été enterrée par Descartes ;
et voilà qu'elle sort de son tombeau, et semble menacer de faire naître
encore des luttes bruyantes ! En vérité, Salomon résumait bien l'his-
toire de la philosophie quand il disait : Rien de nouveau sous le soleil.
Ce gui a été, c'est ce qui sera, et ce gui s'est déjà fait, c'est ce qui
se fera encore.
Cependant il faut l'avouer, cette vieille question se présente aujour-
d'hui sous un aspect nouveau. La théorie scolastique n'est plus^ comme
au temps de Descartes, attaquée avec une violence injuste, et battue
en brèche jusque dans ses fondements, au nom de la science. Au con-
traire le mouvement de la science semble plutôt lui être favorable. En
Italie surtout, plusieurs professeurs et écrivains distingués lui ont rendu
d'éclatants hommages (1). En France nous ne sommes pas aussi avan-
cés; cependant les derniers mois ont vu paraître un livre, beaucoup
plus remarquable qu'il n'a été remarqué, dont les revues étrangères
ont fait le plus grand éloge, et que nous croyons destiné à opérer une
révolution dans la science physiologique: c'est Y Anthropologie de
M. le D' Frédault. Continuant avec courage l'œuvre de restauration
entreprise par le D' Tessier, M.* Frédault démontre qu'il n'y a qu'une
voie par où la physiologie puisse sortir du chaos où l'ont jetée les théo-
ries contradictoires du mécanicisme, de l'organisme, du vitalisme et de
l'animisme ; et cette voie, c'est le retour à la théorie scolastique de la
matière et de la forme. Il donne de son assertion la plus persuasive de
toutes les preuves, en résolvant à l'aide de la théorie scolastique les pro-
blèmes physiologiques qui dans les autres systèmes sont complètement
insolubles. N'est-ce pas chose merveilleuse que la première protesta-
tion formulée parmi nous en faveur de la théorie la plus décriée de la
théologie scolastique, soit l'œuvre d'un médecin ? Il y a là tout en-
Ci) Voir ces témoignages et les autres preuves à l'appui de la théorie
scolastique dans une série d'articles publiés d'abord dans la Civiltà cat-
tolica par le R. P. Liberatore, et réunis ensuite en corps d'ouvrage sous
le titre del Composta umano. Nous ne pensons pas que la doctrine des
anciens puisse être défendue d'une manière plus solide et plus ingénieuse
qu'elle ne l'a été dans cet ouvrage.
2G"2 LA MATIÈHE ET I.A FORME.
semble, pour les théologiens, une grande joie et un grand devoir. SI
nous devons nous estimer heureus. d'avoir été devancés dans ce mouve-
ment de restauration qui s'accomplit en faveur de nos maîtres, il faut
au moins nous hâter de nous mettre au courant, pour aider ce mouve-
ment de toutes nos forces.
Ce sentiment ne saurait manquer d'être partagé par tous les philo-
sophes et les théologiens catholiques. Les Cartésiens eux-mêmes com-
prennent la nécessité d'abandonner en ce point les errements de
Descartes, emporté évidemment beaucoup trop loin par son envie de
combattre le péripatétisme. Il n'est guère aujourd'hui de philosophe
sérieux qui n'avoue avec Leibnitz que, sous ces mots tant ridiculisés de
matière et de forme, se cachait une doctrine que l'on ne peut repousser
sans contredire le bon sens (1).
Mais Yoici où le dissentiment commence. Cette doctrine scolastique
dont tout le monde reconnaît la justesse, quant au fond, quelques-uns
voudraient la soutenir encore dans tous ses détails, tandis que d'autres
croient indispensable de lui faire subir quelques modiûcations, pour
la mettre mieux en rapport avec les progrès des sciences physiques.
Cette seconde opinion a été soutenue par le P. Tongiorgi; et c'est là
ce qui lui a attiré dans ce Recueil même des attaques contre l'exagéra-
tion desquelles j'ai cru devoir prolester. Le lecteur sera bientôt en état
d'apprécier la justesse de ma protestation ; il verra si les modifications
(1) Les paroles de Leibnitz sont trop remarquables et conviennent trop
bien à notre sujet pour que nous ne les citions pas ici. Elles sont tirées
d'une lettre à Aruault. « Je sais que j'avance un grand paradoxe en
prétendant de réhabiliter en quelque façon l'ancienne philosophie, et de
rétablir post limina les formes substantielles presque bannies; mais peut-
être qu'on ne me condamnera pas légèrement, quand on saura que j'ai
assez médité sur la philosophie moderne, que j'ai donné bien du temps
aux expériences de physique et aux démonstrations de géométrie, et que
j'ai été longtemps persuadé de la vanité de ces êtres, que j'ai enfin été
obligé de reprendre malgré moi et comme par force, après avoir fait
moi-même des recherches, qui m'ont fait connaître que nos modernes
ne rendent pas assez de justice à saint Thomas et à d'autres grands
hommes de ce temps-là, et qu'il y a dans les sentiments des philosophes
et des théologiens scolastiques bien plus de solidité qu'on ne s'imagine,
pourvu qu'on s'en serve à propos et en leur lieu. » (Nouv. Lettres et
Opuscules, édités par M. Fouché de Gareil.)
LA MATIÈRE Kl LA FORME. 26S
apportées à la doctrine de saint Thomas par le professeur du Collège
romain peuvent autoriser M. F. J. à dire que l'adoplion de son livre
dans nos écoles serait un point d'arrêt, pour ne pas dire un recula
dans le mouvement qui s'opère parmi nous en faveur du docteur an-
gélique.
Mais avant de faire connaître ces modifications, il faut exposer la
doctrine elle-même. Il sera bien plus facile de comprendre les points
de détail sur lesquels on discute, quand on aura bien saisi le fond so-
lide, sur lequel tout le monde est d'accord»
II.
La forme en général c'est la détermination de l'être, ce qui lui donne
sa dernière actualité et le distingue de tous les autres êtres. Quand
d'un bloc de marbre l'artiste fait une statue, la matière demeure la
même, la forme seule change ; c'est elle qui fait toute la différence
entre une masse informe et un chef-d'œuvre de l'art. Cette matière que
personne auparavant ne daignait regarder, a revêtu, en changeant de
forme, des qualités toutes nouvelles ; la beauté, l'expression, le pou-
voir de faire naître les émotions les plus vives.
Cependant nous n'avons ici encore qu'un changement tout à fait ac-
cidentel. Les parties qui composaient le bloc de marbre n'ont pas subi
en elles-mêmes la moindre modification ; leurs rapports extérieurs ont
seuls été changés: quelques-unes de ces parties ont été écartées;
d'autres qui étaient dans l'intérieur du bloc sont venues à la surface ;
le travail de l'artiste, quelque remarquable qu'il soit au point de vue
intellectuel, n'a produit, dans l'ordre physique, que de nouvelles rela-
tion d'espace. -
Mais la matière subit 'parfois des changements tout autrement pro-
fonds. Les éléments minéraux que recèle le sein de la terre, absorbés
par les racines des végétaux, font bientôt partie de leur substance, par-
ticipent à leur vie, et acquièrent des forces que la nature mihérale est
absolument incapable de posséder. Ces mêmes végétaux se transforme-
ront bientôt par la manducation et ladigestion en notre substance, forme-
26ii LA MATIÈRE ET LA FORME,
ront avec noire âiue intelligente un même tout, et deviendront les or-
ganes de nos sensations. Qu'est-ce qui a changé dans ces transforma-
tions successives? Ce n'est pas la matière, qui est au contraire demeurée
la même. Oui, ce sont bien les mêmes éléments qui étaient d'abord dans
la terre, à l'état minéral, qui acquièrent ensuite dans la plante
la vie végétale, et qui se revêtent de la vie sensitive, en passant
dans le corps de l'animal. Mais si la matière est la même, qu'est-ce
donc qui a changé? C'est ce qui détermine cette matière, c'est par con-
séquent la forme. Voilà ce qui fait la différence des espèces, des genres,
des classes et des règnes, dans la nature sensible. Sur la terre au
moins, la matière est commune aux êtres les plus dissemblables ; elle
est dans un flux perpétuel : minéraux, végétaux, animaux, l'homme lui-
même, échangent constamment ensemble les parties dont se compose
leur substance. Ce qui les constitue dans leur espèce, ce qui les dislin-
gue, ce qu'il y a d'immuable dans chacun d'eux, c'est ce je ne sais
quoi qui s'empare de la matière, et lui donne, à mesure qu'elle passe
d'une espèce dans une autre espèce, d'un règne dans un autre règne,
une manière d'être toute nouvelle et les propriétés les plus opposées.
Or, ce principe déterminant, cette source des forces et des propriétés
spécifiques de l'être matériel, nous l'avons dit, c'est la forme ; tandis
que la matière, dans le sens propre de ce mot, c'est ce qui, dans les
corps, est indifférent à recevoir une détermination quelconque.
Par ce qui précède on peut comprendre qu'il y a deux sortes de
formes : l'une accidentelle, qui ne change dans l'être que sa détermina-
lion extrinsèque ou les qualités modèles; et l'autre substantielle, qui
change sa nature intime et ses propriétés constitutives. Un arbre croît
et décroît, il devient plus fécond et plus stérile : c'est pourtant toujours
le même arbre ; il n'a changé que sa forme accidentelle. Mais si les
végétaux dont j'ai fait ma nourriture se transforment en ma substance,
ce ne sera plus une moditication purement accidentelle qu'ils auront
subie; cette forme nouvelle qu'ils auront revêtue et en vertu de laquelle
ils sont organes de sensation et d'intelligence, est vraiment une forme
substantielle.
Quoi de plus clair que ces notions? Et quoi de plus fortement ap-
LA MATIÈRE LT LA FORME. 265
piiyé sur la raison et le bon sens que la théorie scolastique ainsi con-
çue? 11 n'y aurait que deux moyens de la nier : il faudrait nier que les
même éléments concourent à la formation des divers genres d'êlres^ce
qui serait manifestement contraire à l'expérience ; ou bien il faudrait
nier qu'en passant d'un être dans un autre, ces éléments constituent de
nouvelles substances, ce qui répugne au sens commun. Qui oserait dire
qu'un arbre, un animal et une motte de terre sont une seule et même
substance? Qui oserait dire surtout que le corps humain n'est pas une
substance distincte des végétaux qui lui ont servi d'aliment?
C'est là, en effet, que conduirait la négation absolue de la théorie
scolastique de la forme substantielle. Dans cette théorie, l'âme raison-
nable, en s'emparant des éléments que la nutrition fait entrer dans
notre corps, leur donne un être nouveau ; elle leur communique une
partie des forces dont Dieu Ta douée ; elle en fait des éléments vivants
et sensibles. L'âme, en effet, n'a pas reçu de son Créateur un seul ordre
de puissances, comme le supposent les animistes ; elle n'est pas seulement
intelligente et raisonnable, elle est encore sensible et végétante. Ses
facultés raisonnables n'ont pas besoin d'organes pour s'exercer, et elles
ne peuvent même proprement s'exercer par les organes. 11 en est
autrement de la vie animale et de la vie végétative ; ces deux vies ne
peuvent être dans l'âme que comme dans le principe d'où elles émanent;
pour s'exercer, elle ont besoin d'organes matériels ; ce sont donc ces
deux vies que l'âme communique aux éléments matériels qui en étaient
auparavant dépourvus. En vertu de cette communication, le corps et
l'âme ne font qu'un seul tout, un vrai composé, dont les parties, sépa-
rément incomplètes, se complètent l'une l'autre. L'âme n'est pas dans
le corps comme un nautonnier dans sa barque, ainsi que Platon se l'était
imaginé. La conscience du genre humain donne en ceci un solennel
démenti à l'erreur de Platon. 11 n'est pas d'homme qui, en parlant de
son corps ne dise moi, et qui, en recevant un coup, ne dise : on m'a
frappé. Platon lui-même n'aurait pas parlé autrement. Ce sentiment de
notre unité substantielle, cette fusion intime de notre âme et de notre
corps en un même tout, que l'abstraction seule peut décomposer, seront
éternellement la réfutation de tous les systèmes qu'on cherchera à
266 LA MATIÈRE ET LA FORME.
substituer à la doctrine scolastique. Que l'on imagine avec Leibnitz
une harmonie préétablie de Dieu entre l'âme et le corps, comme entre
deux horloges qu'un habile ouvrier ferait concorder parfaitement; que
l'on soutienne avec Malebranclie le rêve plus étrange encore des causes
occasionnelles, et que l'on fasse agir Dieu seul dans le corps, à l'occasion
des mouvements de l'âme, et dans l'âme à l'occasion des mouvements
du corps ; que l'on pose le corps et l'âme vis-à-vis l'un de l'autre,
comme deux substances indépendantes, qui exercent l'une sur l'autre une
influence physique : rien de tout cela ne pourra tenir contre les protes-
tations du sens intime. Seule, la doctrine de l'unité substantielle du
composé humain, et par conséquent la théorie de l'âme forme substan-
tielle du corps humain, pourra satisfaire aux exigences du sens commun,
comme elle concorde seule avec les données de la foi.
Ici, en effet, nous ne sommes plus sur un terrain purement rationnel.
La doctrine de l'unité substantielle de l'homme, intéresse la foi au plus
haut degré ; plusieurs de nos dogmes, celui de la résurrection de la
chair, par exemple, supposent cette unité. Comment d'ailleurs ébrianler
celte unité dans l'homme, sans compromettre l'unité de l'Homme-Dieu,
et sans détruire l'harmonie de ce composé, tout autrement admirable,
qui du Verbe de Dieu, du corps et de l'âme de Jésus-Christ, ne fait
qu'une seule personne? Comment, enfin, avec l'unité de l'homme et
l'unité de l'Homrae-Dieu, ne détruirait-on pas en même temps l'unité
de l'œuvre divine, si merveilleusement ébauchée dans la nature à la
fois spirituelle et corporelle de l'homme, et plus merveilleusement
consommée dans le composé humain et divin du Verbe incarné?,..
Quiconque pèsera ces considérations, ne s'étonnera plus du soin avec
lequel l'Église a maintenu dans sa pureté, une doctrine qu'on aurait pu
croire au premier abord assez indifférente à la foi. Déjà il y a cinq
siècles, Clément V avait défini, avec l'approbation du concile.de Vienne,
que l'âme raisonnable est par elle-même et essentiellement la forme du
corps humain (i). Léon Xa confirmé cette vérité au concile de Latran,
(1) Doctrinam omnem seu positionem temere asserentem aut ver-
teulem ia dubiuaj quod substautia animée rationalis seu iutellectivse vere
ac per se humaui corporis nou sit forma, velut erroneam ac veritali
LA MATIKRE ET LA FORME. '267
et dans les derniers temps encore, deux philosophes allemands Giinlher
elBalzer ayant essayé d'ébranler l'unité du composé humain, Pie IX
l'a hautement affirmée, en rappelant que^ d'après l'enseignement de
l'Église, l'âme raisonnable est par elle-même la forme vraie et immé-
diate du corps humain (1).
Ainsi sur ce point, il n'y a pas de dissentiment possible parmi les
catholiques. Il n'est pas de professeurs de théologie et de philosophie,
qui ne doivent suivre la tradition scolastiqne entendue au sens que nous
venons dédire. Au moins nous est-il impossible de comprendre comment
on pourrait s'en écarter sans se mettre directement en opposition avec
la raison et avec la foi.
H. Ramière, s. J.
calliolicse inimicam fidei, prœdicto sacro approbante concilio roprobamus ;
definienles... quod quisquis deinceps asserere, defendere.seu tenere per-
tiuaciler prœsucupserit quod anima ratioualis seii intellectiva non sil forma
corporis humani perse et cssenlialiter tanquam liœreticussit censendus.
Clementin. lib. i, tit. i. cap. unico. de summa Trinitate et fuie catholica.
(1) Noscimus iisdem libris laedi catbolicam senleutiam ac doctriuam
de homine, qui corpore et anima ila absolvatur, ut anima, eaquc ratjo-
nalis sit vera, per se, atque immediatrf corporis forma. LitLcrœ aposlolicœ
ad cardinalem Geissel, arch. Colon, an. 1857.
LITURGIE.
EXAMEN DE PLUSIEURS DIFFICULTÉS RELATIVES AUX ÉGLISES
ET ORATOIRES.
I, Quelle est la définition bien précise d'une église et d'un oratoire
public? — Peut-on appeler église un édifice attenant et apparte-
nant à une Communauté religieuse, mais dans lequel le public n'est
pas admis indistinctement, ni à tous les offices qui s'y célèbrent ? —
Peut-on appeler église, ou même oratoire public, une chambre ou
un appartement quelconque, où, provisoirement et en attendant une
église véritable, des religieuses disent lofflce et font célébrer la
messe ? Le public y est admis. — Doit-on regarder comme église
un édifice religieux construit ad hoc au milieu d'un hôpital ou d'un
séminaire; mais dans lequel le public n'est pas admis ? — H. Un
oratoire public peut-il avoir pour titulaire un Saint des catacombes,
dont, par induit apostolique, on peut célébrer la messe une fois
l'an? — m. Lorsqu'un prêtre étranger se présente pour dire la
messe dans un oratoire public, si la couleur qu'il demande n'est
pas admise par l'Orào, y a-t-il obligation rigoureuse de lui refuser
les ornements qnil demande ? — IV. Lorsqu'une église paroissiale
ou un oratoire de séminaire sont desservis par des religieux, quel
Ordo faut-il suivre ? Est-ce l'Orào des religieux qui doit exclusi-
vement y être suivi ou bien celui du diocèse ? Ou bien encore, faut-
il imposer leur Ordo aux religieux, et l'Orào du diocèse aux prêtres
étrangers? — V. Lorsqu'une église a pour titulaire la sainte
Vierge ou un Mystère de Notre-Seigneur, peut-on, doit-on nommer
à la lettre N. de l'oraison A cunctis le patron du lieu, s'il en
existe un ?
LITURGIE. 269
Malgré les nombreuses dissertations publiées depuis un certain nom-
bre d'années sur les points relatifs aux églises et oratoires, bien des
difficultés sur la situation canonique de certaines chapelles paraissent
n'avoir pas été résolues. La matière, en effet, est assez compliquée, et
en suivant pas à pas les questions qui nous sont adressées, nous es-
sayons, non pas de les éclaircir complètement, mais de fournir notre
faible contingent pour y apporter quelque lumière.
I. Pour bien comprendre la définition d'une église et d'un oratoire
public, il suffit de revenir sur ce qui a été dit t. viii, p. 564. 1° On
donne le nom d'église à tout édifice canoniquement érigé comme église,
et telles sont les églises primatiales, métropolitaines, cathédrales, col-
légiales, paroissiales et conventuelles. 2° On donne encore le nom d'é-
glise, avons-nous dit, à certains oratoires ou chapelles, à raison de
leur importance ou de la structure de l'édifice. 3° Pour qu'un édifice
puisse porter le nom d'église, il faut avant tout qu'il soit dans les con-
ditions d'un oratoire public; or, d'après ce qui a été dit t. vi, p. 264,
un édifice dans lequel le public n'est pas admis indistinctement, ne
peut pas être un oratoire public proprement dit, et à plus forte raison,
ne peut pas être une église. 4° Il faut encore qu'un oratoire public
soit destiné au culte d'une manière permanente comme il a été dit au
môme lieu, p. 260; on ne peut donc pas appeler oratoire public, ni,
à plus forte raison, église, un appartement où l'on dit la messe d'une
manière provisoire. 5° Outre les oratoires publics, nous avons parlé
des oratoires quasi-publics, et nous avons analysé un votiitn présenté
à la Congrégation du Concile : on y voit toutes les raisons pour les-
quelles la sacrée Congrégation a différé de répondre aux questions
qui lui étaient posées.
II. Toutes les fois qu'un édifice religieux est dans les conditions
voulues pour avoir un titulaire, il peut être dédié à un mystère ou à
un Saint. Ici deux questions se présentent : 1° Quels sont les édifices
religieux qui peuvent avoir un titulaire proprement dit? 2» Quels sont
les Saints auxquels un édifice rehgieux peut être dédié?
Sur le premier point, il est hors de doute que les églises, ainsi que
les oratoires publics des religieux et des religieuses obligés au grand
270 LITURGIE.
office, ont un titulaire liturgique. Tout le monde est d'accord sur ce
point, et il a été confirmé par plusieurs décisions. Mais le point en li-
tige est relatif aux oratoires publics des hôpitaux, des confréries, des
séminaires, des collèges, etc. Plusieurs décisions ont été portées sur
ce sujet, et tout le monde ne les interprète pas de la même manière;
quelques personnes même y trouvent des points contradictoires. Une
partie de ces décisions ont été rapportées eu entier, t. v, p. 292 et
suivantes. Nous pouvons ajouter celles-ci :
V^ Queition. « Juxta decretura S. R.^C. diei 12 novembris 1831
« celebrari non débet rilu duplicis primae classis cum Credo et octava
« festum titularis capellarum publicarum, quae existunt in hospitali-
« bus domibusque regulariura. Verum existunt in diœcesi Mechli-
a niensi plura hujusmodi oratoria benedicta, quandoque etiam conse-
« crata, quibus unus saltem sacerdos, tanquam director seu pastor
« adscriptus est, qui ex spécial! commissione Ordinarii non tantum
a ibidem célébrât, sed et raunera qusedam pastoralia exercet, v. g.
a instruendo populum, aliqua sacramenta adminislrando, etc. Quaeri-
« tur ergo an sub decreto supradicto comprehendantur etiam prae-
« dicta oratoria : 1° si sint publica; 2° si non sint publica, sed tan-
a tum inserviant determinatis personis, ex.gr. inûrrais in nosocoraio,
a vel monialibus, aut aliis in monasterio seu cooventu commoran-
« tibus ? »
Réponse : «Négative juxta decretum 12 nov. 1831. » (Décret du
7déc. 1844, n° 4985, q. 2).
2^ Queslion. « 1.... 2. Utrum parochus debeat facere octavam de
0 Sancto titulari alicujus capellae, in qua hic et nunc celebratur
« missae sacrificium? 3. Utrum professores, necnon seminaristae in
« majoribus conslituti ordinibus teneantur ad octavam patroni ecclesi»
« seminarii, quae omnibus patet fidelibus, vel potius retinere patro-
« num civitatis in qua seminarium situm est? 4.... 5. Ecclesia se-
« minarii Ruremundensis, quae quamvis parochialis non sit, tamen
« omnibus patet fidelibus, quaeque titularem patronum habet S. Ca-
« rolum Borroraîeum; pelitur num festura hujus Sancli quarta novem-
« bris die per modum festi palronalis sub ritu dupl. I class. cum
LITURGIE. 271
« octava a praeside, professoribus, atque alumnis serainarium inhabi-
« lantibus celebrari possit ac valeat, et inter suffragia ad vesperas et
« laudes de eodem S. Carolo, ut in Breviario, commemoratio fieri
« debeat? » Réponses. «Ad 1.... Ad 2. Négative juxta rubricas.
«Ad 3. Teneri ad octâvara titularis ecclesiae adnexae. Ad 4...
a Ad 5. Jam provisum in tertio dubio : fieri auteni debere comme-
a raorationera in suffragiis ad tramites rubricae, » (Décret du 27 fév.
1847, n'5079, q, 2, 3 et 5.)
3e Question. « Festuni Corporis Christi est festum patronale ca-
« pellse majoris serainarii Briocensis omnibus patentis fidelibus, in
« qua missa solemnis celebralur, et vesperae solemniter cantantur in
a omnibus dominicis et diebus festivis, seu festivitatis ; aliunde festum
a S. Brioci est festum titularis, necnon patroni urbis et diœcesis
« Briocen. Igitur quaeritur 1° Utrum professores necnon seminaristae
et in majoribus constituti ordinibus teneantur ad commemorationem
« festi Corporis Christi inter suffragia ad vesperas et laudes in diebus
« semiduplicibus ; et infra quaeritur, 2° Utrom iidem teneantur inter
« eadem suffragia ad commemorationem S. Brioci patroni et titularis
a urbis, et diœcesis Briocensis ? »» Réponse. « Qnoad primam quae-
« stionem, affirmative, si agatur de ecclesia publica. Qnoad secun-
« dam quaestionem, affirmative. » (Décret du 22 juillet 1855, n° 5221 ,
q. 6.)
On voit par ces réponses, qu'à la question posée d'une manière
générale, savoir si les lieux pieux peuvent avoir un titulaire propre-
ment dit, la sacrée Congrégation a toujours donné une réponse néga-
tive. 11 ne suit pas de là, cependant, que certaines chapelles publiques
ou quasi-publiques ne puissent jouir de ce privilège et être considérées
comme églises ; et de fait, cette distinction est accordée à deux cha-
pelles de séminaires par les décrets cités. Maintenant; pour distinguer
propremci.t les églises des oratoires, il y aura toujours quelques diffi-
cultés pratiques. Mais il semble qu'on doit regarder comme églises
celles des séminaires qui sont ouvertes aux fidèles et ont une issue sur
la voie publique, et nous ne voyons pas pourquoi les chapelles des
autres lieux pieux ne seraient pas aussi des églises, si elles sont dans
272 LITURGIE.
les mêmes conditions. Nous devons cependant observer que la sacrée
Congrégation ne dispense pas du suffrage du patron du lieu ; et en
cela, les églises dont il s'agit sont soumises à la règle concernant les
oratoires.
Sur le deuxième point, relatif à la qualité du titulaire, le Saint au-
quel on dédie une église doit être canonisé. 11 ne suffit pas que son
culte ait été autorisé par l'Église, et l'on ne pourrait même dédier un
oratoire à un simple bienheureux. Outre les décisions qui interdisent
le culte public d'un bienheureux sans induit spécial, la dédicace d'une
église à un bienheureux est défendue par le décret suivant. Ques-
tions. « 1. An B. Rita de Cascia possit eligi in litularem ecclesiae pu-
ce blicae erectae in hospitio Meliapuriensi patrum Eremitarura S. Au-
« gustini, quia cum de titulari cujusvis ecclesiae debeant fieri suffragia
« in laudibus et vesperis, quod est prohibitum quoad beatos nondum
a canonizatos ; item de titulari fit officium cum octava, de beatis vero
« non fit cura octava, absque speciali privilégie? 2. Casu quo dicta
« beata sit electa in titularera contradicente ordinario : an debeat sup-
« primi talis titulus, et eligi in titularem alius Sanctus jara canoni-
« zatus? » Réponse. « Ad 1. Non hcere patribus |eremitis S. Au-
« gustini Pontificio indulto nequaquam munitis, assumere in titularem
« propriae ecclesiae B. Ritam de Cascia. Ad 2. Tilulum sic assum-
« ptum debere supprimi, et alium pro eo de Sancto jam canonizato
« substitui. » (Décret du 23 janvier 1740, n* 4101.) Mais on ne
peut pas conclure de là, qu'une église ou un oratoire ne puisse être
dédié à un Saint des catacombes dont la sacrée Congrégation a per-
mis de dire la messe. Nous ne voudrions pas affirmer la licéité de la
chose, ni coopérer à l'élection d'un Saint des catacombes comme titu-
laire, sans avoir consulté la sacrée Congrégation ; cependant l'affir-
mative^ ;nous paraît probable. Des auteurs remarquables, en effet,
enseignent, quoiqu'avec une certaine réserve, que les Saints des
catacombes dont l'Eglise autorise le culte, doivent être rangés au
nombre des Saints canonisés, a An Sancti extracli e cœmeteriis Urbis,
a dit Cavalieri (t. ii, p. 247, decr. 381, n. 11), canonizatorum, vel
« non canonizatorum classi sint adhibendi,^licet perquirere ; et nos
LITURGIE. 273
« canonizatorum numéro eosdem jungimus; eorurn enim sanclitas
a certa est, et ab Ecclesia ipsa tanquam Sancti universali Ecclesiae ve-
« nerandi proponuntur ; et quarido pro Christo sanguinem dederunt,
a tanquam Christi martyres ab eadem ecclesia coli cœperunt, et hac
a de causa eorum sepulcra cum signis sanctitatis et martyrii praeno-
a tata fuere, ne débite cuitu a posteris defraudati venirent. Quod si
« eorumdem cultus apud Ecclesiara desiit, non ideo factura est, quod
a Ecclesia crederel eosdem talem cultum non raereri, sed quia eorum-
a dem notifia ad ipsam non devenit. Cœterura, quia in memoratis
a cœmeteriis plurima sanctorum corpora latere fama constans ac certa
« erat, ad eadem loca tanquam ad conditoria sanctorum corporum
a suura cultum seraper direxit. Ad rem item admodum facit, quod
a Ecclesia nunquam in usu habuit eosdem inter Sanctos forraaliter
a referre. » Benoît XIV [De Serv. Dei Beatif. et Beat, canoniz.
1. IV, part. H, c. xxviii, n. 34) enseigne que les Saints dont il s'agit
ici ne peuvent être comparés aux simples bienheureux. « Non valet
« aequiparatio beatorum ad sanctos baptizatos, cum in beatis aliud
« supersit Ecclesiae judicium, et Sanctis baptizatis non item. »
III. Les règles quirésultent des décrets de la sacrée Concrégation des
rites relativement à la messe célébrée dans une église étrangère sont
assez claires et assez positives pour qu'on ne puisse en être dis-
pense par une cause légère ; et l'on ne peut pas supposer que le prêtre
qui demande des ornements d'une couleur dont l'usage n'est pas
admis ce jour-là par les régies de l'Église ne soit pas heureux d'être
refusé si en le faisant on observe les lubriques et on lui évite l'incon-
vénient de les violer. On n'en serait dispensé que s'il y avait une raison
d'appliquer le principe : Lex non ohligat cum tanto incommodo.
IV. Dans toute église et oratoire^public, il doit y avoir un seul Ordo :
sans quoi les règles dont nous venons de parler pour les messes célé-
brées dans une église étrangère n'auraient pas leur application. Quel
doit donc èireVOrdo d'une église desservie par des religieux qui ont
leur calendrier propre? Ainsi, par exemple, un séminaire est dirigé
par une congre'gation qui suit, par induit spécial, le calendrier de la
ville de Ro ne : ce calendrier doit-il être imposé, au moins pour la
Revue des Sciences ecclés., t. x.— septembre 18C4. 19
274 LITURGIE.
célébration de la messe, à tous les prêtres qui célèbrent dans l'ora-
toire public du séminaire? Ce cas est assez pratique, et nous avons
toujours pensé que si la concession n'est pas locale, et sauf un induit
spécial, VOrdo du diocèse doit prévaloir dans une église ou un ora-
toire public, qui n'est pas l'église propre des religieux, tellement
que la présence d'un prêtre étranger pourrait obliger les religieux atta-
chés au service de cette église à dire ce jour -là la messe qu'indique
VOrdo du diocèse,
V. A la lettre N. de l'oraison A cunctis, on doit nommer le titulaire
de l'église où l'on célèbre. Mais il peut arriver que le titulaire soit un
mystère de Notre-Seigneur ou de la sainte Vierge ; il peut se faire
encore que le titulaire soit un Saint déjà nommé dans cette oraison,
comme saint Pierre ou saint Paul; on peut aussi célébrer dans un ora-
toire qui n'a point de titulaire : on doit sur ce point se conformer aux
règles suivantes.
1° Que l'on doive nommer le titulaire à la lettre N. de l'oraison
A canctig, la chose est bien claire d'après les décrets suivants.
1" Décret. Question. « In missali romano praecipitur, ut pnst no-
« mina Apostolorum Pétri et Pauli, inoratione/4 cunctis etc., dicatur
a noraen patroni praecipui illius ecclesiae, seudiœcesis. In Hispania est
'( praecipuus illius regni patronus B. Jacobus apostolus, et ex conces-
« sione Apostolica in ecclesia et diœcesi Guadicensi est patronus spe-
« cialis S. Torquatus, B. Jacobi apostoli discipulus, et ejusdem eccle-
« siaeet civitatis primus episcopus. Quaeritur : An inprœdictaoratione
« A cunctis debeat dici nomen B. Jacobi apostoli, an B. Torquati? »
Réponse, a In oratione A cunctis post nomina sanctorum apostolorum
« Pétri et Pauli, nomen Torquati tanquam Ecclesiae cathedralis Gua-
« dicensis Patroni dumtaxat ponendum esse. » (Décret du 22 janvier
1678, n» 2856, q. 8.)
2* Décret. Questions. «... 15. S. Jacobus est patronus universa-
a lis regnorum Hispaniae, sancti vero martyres Steraeterius et Caledo-
tf nius fratres sunt patroni particulares ecclesiae cathedralis, et totius
« diœcesis Santanderiensisriteelecti, et novissime approbatia S. R. G.
« Quaeritur igitur : Quis ex bis palronis debeat nominari.... in oratione
LITURGIE. 275
« A cunetîs, quando in missis haec oratio dicitur in ecclesia matrice et
• in caeteris diœcesis? 16. In casu, quo ob dignitatis praestantiam
« nominari debeat S. Jacobus, quseritur an... exprirai etiam possint
« nomina SS. Stemeterii el Caledonii inpraedictaoratione...,praecipue
« in ecclesia matrice ubi sacra eorum capita... venerantur? Et si ne-
a gative, supplicatur pro gratia ad promovendum cultum qui ipsos
a decet in ecclesia cathedrali ac tota diœcesi ratione sui specialissimi
a patronatus. » Réponses. «Ad 15. In qualibet ecclesia norainandum
a esse gatronum seu titularem proprium ejusdem ecclesiae. Ad 16.
« Provisum in praecedenli. d (Décret du 23 janvier 1793, n<» 4448,
q. 15 et 16.)
3e DÉCRET. Question. « An patronus nominandus in oratione A
« cunctis intelligi debeat patronus principalis loci?« Réponse, a Nomi-
« nandus titularis Ecclesiae. » (Décretdu ISnovembre 1831, n°4669,
q.31.)
2° Si le titulaire de l'Église a déjà été nommé dans l'oraison A cunctis,
il n'y a rien à ajouter à la lettre N. On n'ajoute rien non plus si la
messe est de ce Saint.
Cette règle est appuyée sur cette décision. Question, a Quis nomi-
« nandus sit ad litterara N. si patronus vel titularis jam nominatus sit
« in illa oratione, aut de eo celebrata sit missa ? » Réponse. « Si jam
« fuerit nominatus, omittenda nova norainatio. b (Ibid.)
3" Si l'on célèbre dans un oratoire qui n'a pas de titulaire, on nomme
le patron du lieu.
Le décret suivant vient à l'appui de cette règle. Question. « Sacer-
« dos celebrans in oratorio publico vel privato quod non habet sanctura
« patronum vel titularem, an debeat in oratione A cunctis ad litteram
« N. nominare sanctum patronum vel titularem ecclesiae parochialis
a intra cujus limites sita sunl oratoria, vel sanctura patronum eccle-
« siae cui adscriptus est, vel potius omnera ulteriorem nominationem
• omiltere ? » Réponse. « Patronum civitatis, vel loci nominandum
« esse. • (Décret du 12 septembre 1840, n** 4897, q. 2.)
4» Si le titulaire de l'église est un mystère de la vie de Notre-Sei-
gneur ou de la très-sainte Vierge, les auteurs sont partagés sur la
276 LITURGIE.
question de savoir s'il faut nommer le patron du lieu à la lettre N,, ou
s'il ne faut rien ajouter. M. de Conny est pour ce dernier sentiment et
son autorité offre assez de garantie pour nous servir de guide. La
deuxième règle ci-dessus énoncée prouve suffisamment qu'il n'y a rien
à ajouter si le titulaire est un mystère de la sainte Vierge, car l'au-
guste Mère de Dieu est toujours nommée dans cette oraison. Les pa-
roles de la conclusion suffisent peut-être aussi pour dispenser de
l'obligation de nommer le Patron du lieu, si l'église est dédiée à un
mystère de la vie de Notre-Seigneur. P- -R.
QUESTIONS DIVERSES.
L Quand une fête patronale occupe dans le calendrier diocésain une
autre place que dans le calendrier de VEglise universelle, à quel
jour doit-on la célébrer ? — If. Lorsqu'un prêtre s'aperçoit d'une
manière certaine qu'il y a une faute datis l'Ovào, par exemple dans
la translation d'une fête, que doit-tl faire ? Doit-il suivre TOrdo,
ou transférer lui-même la fêle au jour qui lui appartient d'après
les rubriques générales? — III. Peut-on avec la permission de l'or-
dinaire, omettre Vorai&on ad libitum prescrite par les Rubriques,
pour y sîibstituer une oraison commandée par l'évêque ? —
IV. Quand un Ordo indique plusieurs choses contraires aux rubriques
générales sans annoncer si ces points sont le résultat d'un induit,
doit-on se conformer à ces prescriptionss, surtout si /'Ordo renferme
en outre des erreurs assez notables? — V. L'évêque peut-il pres-
crire la procession après Vêpres, le jour de la fête du Sainl-
Sacrejnent, sans induit apostolique ?
I. Toutes les fois qu'une fête occupe dans un calendrier diocésain
une autre place que dans le calendrier de l'Église universelle, la raison
en est que le jour consacré à cette fête par l'Église universelle est oc-
cupé par une fête locale d'un rit au moins égal. Or, dans les régies
d'occurrence, une fête patronale a toujours la préférence sur toutes
celles qui se trouveraient ainsi déplacées, sauf quelques exceptions re-
latives aux fêtes de Notre-Seigneur, de la Très-sainte Vierge, de la
LITURGIE. 277
Nativité de saint Jean -Baptiste, des saints apôtres Pierre et Panl, de
la Toussaint et de la Dédicace. On doit conclure de là que, dans le cas
dont il est ici question, la fête patronale doit être célébrée au jour in-
diqué dans le calendrier de l'Église universelle, si ce jour n'est pas em-
pêché par la fête de la Dédicace, célébrée sous le rit double de première
classe. Aucune des autres fêtes ci-dessus exceptées ne pouvant se
trouver en occurrence avec la fête patronale, il n'en peut être ques-
tion. Tel est le sens de plusieurs décisions de la S. Congrégation ; et
nous citons en particulier la réponse donnée à Mgr l'évêque de Sois-
sons le 22 juillet 1855 (n° 5213, q. 2), plus spécialement relative à
la question présente. Question. « In calendario Suessionen. proprio,
a aliquot sancti quarumdam parochiarum diœcesis patroni transferun-
« tur; jsic v. g. festum S. Fiderii, quod semper celebratum fuit die
« 30 augusti, nunc transfertur ad diera 3 septembris Quaeritur, an
« haec translatio intelligenda sit tantum pro parochiis quarum sanctus
« translatus non est patronus, ita ut parochiae quarum sancti translati
c sunt patroni possint et debeant celebrare hos patronos iisdem diebus
« ac celebrabantur ante translationem? » Réponse. « Affirmative in
« omnibus. »
Une réponse semblable a été donnée plus récemment pour le dio-
cèse de Cambrai. Question. « Quando duo festa occurrunt eadem die,
« horum unum transferri débet ad diem fixam.Si auteni sanctus, cu-
« jus festum sic translatum fuit, sit alicujus ecclesiae patronus, quae-
« rilur an ejus officium, licet pro caeteris ecclesiis transferatur, non
« débet fieri propria die in Ecclesia cujus est patronus, translato al-
a tero pro liac ecclesia, v. g. festa S Vedasti et S. Araandi, die
« 6 februarii, quorum unum, scilicet S. Vedasti, fit propria die, al-
« terum autem transfertur?» Réponse. « Si sanctus (cujus festum in
« kalendario diœcesano ad diem fixum translatum sit), sit alicujus
t ecclesiae titulus vel patronus, in propria ecclesia celebrandum erit
a die qua de eo fit mentio in Martyrologio Romano, nisiforte alla de
« causa haec dies sit impedita. » {Cameracen., 3 jul. 1859, ad. 3.)
L'exception relative à la dédicace sera traitée ailleurs.
II. Lorsqu'un prêtre s'aperçoit d'une manière certaine qu'il y a une
278 LITURGIE.
faute dans TOrdo, que doit-il faire ? — Lorsqu'un prêtre s'aperçoit
qu'il y a une faute dans YOrdo, il doit évidemment suivre la rubrique
générale. LOrdo indique l'application des règles de la liturgie^ et il
n'est pas surprenant que dans un travail aussi minutieux ii se glisse
parfois quelques fautes. Mais il faut que l'erreur soit évidente, autrement
on doit s'en tenir à VOrdo. « Quand l'évêque publie un directoire, dit
« M. Falise (3' édit., p. 276), les prêtres diocésains sont tenus de s'y
a conformer en tout, non-seulement en ce qui est certain, mais aussi
« lorsque les questions sont controversées par les auteurs, quand même
« le contraire de ce qui est prescrit paraîtrait certain. Il faut néanmoins
G excepter de cette règle les prescriptions qui seraient évidemment
« contraires aux rubriques. »
Ces règles sont appuyées sur les décrets suivants :
i" DÉCRET. Question, a An in casibus dubiis adhaerendum est ka-
« lendario diœcesis, sive quoad officium publicum et privatum, sive
« quoad Missam, sive quoad vestium sacrarum coUirem, etiamsi qui-
« busdam probabilior videtur sententia kalendario opposita? Et quatenus
« affirmative, an idem dicendum de casu quo certum alicui videretur
« errare kalendarium? » Réponse. « Standum kalendario. «(Décret du
23 mai 1833, n" 4746, q. 2.)
2« DÉCRET. Questions. « ... 6. Cum pro nonnuUis sanctis propriis
« regni Hispaniarum de quibus recitatur officium ritu dupl. min.
« habeantur lectiones primi nocturni de xommuni, pro aliis vero de
« scriptura occurrente, quaeritur quae certa régula sequi debeat quoad
« numeratas primi nocturni lectiones in officiis duplicibus minoribus?
« 7. An quoad easdem lectiones prirai nocturni in duplicibus mino-
c ribus standum sit dispositionibus directorii, vel breviarii? 8. An
« licitum sit in duplicibus minoribus, et etiam semiduplicibus, lectiones
« primi nocturni pro lubitu desumere vel de communi, vel de scriptura,
et quando diversitas extat inter dispositionem directorii et breviarii ? »
— Réponse. «... Ad 6. Lectiones primi nocturni in casu esse de
. « scriptura, nisi divers»? in indulto expresse assignentur. Ad 7. Jara
« provisum in proximo. Ad 8. Ut ad proximum. » (Décret du 27
août 1856, n° 4787, q. 6, 7 et 8.)
in. Peut-on, avec la permission de l'ordinaire, omettre l'oraison a
LITURGIE. 279
libitum prescrite par la rubrique , pour y substituer une oraison
commandée par révêque? — Nous croyons devoir répondre affirma-
tivement. L'oraison commandée dépendant de la volonté de l'ordinaire,
celui-ci peut restreindre sa prescription ou la subordonner à certaines
conditions conformes aux régies générales. Il peut donc prescrire une
oraison et en dispenser à certains jours, comme aussi donner pour
condition de la dispense que cette oraison ser5 choisie toutes les fois que
la rubrique en prescrit une ad libitum.
IV. Quand un Ordo indique plusieurs choses contraires aux rubriques
générales, sans annoncer si ces points sont le résultat d'un induit,
doit-on se conformer à ces prescriptions, swiout si l'Orào renferme
en outre des erreurs assez notables? — 1* A cette question posée en
ces termes généraux, on doit répondre négativement. Si l'on devait
donner une réponse affirmative, il faudrait admettre comme règle de
conduite non-seulement une erreur canonique ou liturgique^ mais même
une faute d'impression. 2° Il est certains cas prévus par le droit dans
lesquels toute faculté accordée par induit doit être indiquée avec la date
de la permission. Toutes les fois que cette formalité n'est pas requise,
on peut et l'on doit, ce semble, s'en tenir à VOrdo, surtout pour des
points que l'on n'invente pas. 11 ne faut pas non plus avancer facilement
que VOrdo renferme des erreurs notables. Pour ne pas se tromper sur
ce point, il faut avoir une science plus qu'ordinaire des rites sacrés.
Nosseigneurs les évoques ont soin de confier la rédaction de VOrdo
aux ecclésiastiques qu'ils croient plus capables dans la partie.
IV. Lévêque peut-il prescrire la procession après vêpres, le jour
de la fête du Saint-Sacrement, sans induit apostolique? — La pro-
cession solennelle du jour de la fôte du Très-saint Sacrement se fait
après la Messe ; les rubriques du Rituel et du Cérémonial des évêques
sont positives sur ce point. Elle ne peut donc pas être transférée après
les vêpres. Mais l'ordinaire peut prescrire une seconde procession
après les vêpres ; l'évêque peut toujours prescrire des processions dans
son diocèse. On peut, par conséquent, remettre au soir, avec la per-
mission de l'ordinaire la procession empêchée le matin. L'induit ne
serait nécessaire que pour la translation habituelle de cette procession
après l'office du soir. P. R.
THEOLOGIE MORALE.
Peui'On admettre à la sainte Table les filles enceintes ?
L'Église a tracé/dans le Rituel romain [de Sacramento Eticharistix),
les régies à suivre pour l'admission au sacrement de l'Eucharistie :
« Fidèles oranes ad sacram communionem adraittendi sunt, exceptis iis
« qui justa ratione prohibentur. Arcendi autem sunt publiée indigni,
« quales sunt excommunicali, interdicti, manifestoque infâmes, aut
« meretrices, concubinarii, fœneratores, magi, sortilegi, blasphemi et
« alii ejus generis publici peccatores : nisi de eorum pœnitenlia et
« emendatione constet et publico scandalo prius satisfecerint.
a OccuUos vero peccatores^ si occulte pétant, et non eos emendatos
« agnovcrit, repellat; non autem si publiée pétant, et sine scandalo
« ipsos praeterire nequeat. »
De ces paroles, les auteurs concluent généralement que la commu-
nion doit être refusée aux pécheurs publics qui la demandent soit publi-
quement, soit en secret, à moins qu'il ne conste de leur retour sincère
à Dieu et qu'ils n'aient suffisamment réparé le scandale occasionné par
leur mauvaise conduite. Quant aux pécheurs occultes, on doit aussi
leur refuser la communion, si on ne les croit pas amendés et qu'ils la
demandent en secret; mais il en est autrement quand ils la demandent
en public, si on ne peut la leur refuser sans compromettre leur répu-
tation ou sans scandale.
Ces règles sont-elles applicables aux filles enceintes? On pourrait
peut-être en douter en en jugeant par la conduite tenue assez géné-
ralement à leur égard : l'usage général, à ce qu'il paraît, est de leur
refuser publiquement la communion tant qu'elles sont dans l'état de
grossesse^ ou même quelque temps encore après qu'elles ont accouché.
THÉOLOGIE MORALE. 281
quoique d'ailleurs elles se soient confessées et aient été absoutes, et
sans égard aux marques de repentir qu'elles ont pu donner extérieure-
ment. Quant à la communion en particulier, les uns croient devoir en-
core la leur refuser : d'autres, plus miséricordieux, consentent à les y
admettre, pourvu que celte admission demeure bien secrète, à cause
du scandale qui pourrait en résulter si elle venait à la connaissance du
public.
Sur quoi se fonde-t-on pour tenir une pareille conduite? Rien dans
les prescriptions générales de l'Église n'oblige à suivre à l'égard de ces
sortes de pécheresses une conduite différente de celle qui doit être ob-
servée pour les autres. Nous avons eu beau chercher, il ne nous a pas
été possible de trouver un canon, un statut quelconque émané du Saint-
Siège ou d'un concile œcuménique qui statue rien de particulier sur le
cas qui nous occupe. 11 semble donc qu'on ne doive pas ici s'écarter des
règles communes, mais seulement adapter ces règles aux exigences du
cas : il y a, en effet, ici le scandale à réparer ou à prévenir, et il est
certain que le public est très-susceptible ordinairement dans ces cir-
constances.
Pour plus de clarté, il faut, ce. nous semble, distinguer ici entre le
confesseur et le curé ou les autres prêtres auxquels la communion peut
être demandée.
S'il s'agit du confesseur, il est clair que s'il trouve la pénitente
vraiment convertie, n'étant pas dans l'occasion prochaine, non-seule-
ment il peut l'absoudre en lui imposant une pénitence capable de ré-
parer le scandale (Trid. sess. 24, c.viii, de Reform.), mais encore lui
permettre de communier au moins en secret, et même en public, s'il ne
devait pas y avoir de scandale. C'est la conduite qu'on doit tenir à
l'égard de tout pénitent bien disposé, si l'on ne voit pas de raison qui
oblige à en suivre une différente de celle qu'on tient d'ordinaire.
Quant au curé ou autre prêtre auxquels la communion est de-
mandée, assurément ils devraient, d'après les règles du Rituel, la
refuser à une fille connue comme enceinte, s'il ne leur apparaissait pas
qu'elle se fût confessée. Dans le cas même où la confession a précédé,
on devrait suivre encore la même conduite, si la personne se trouvait
•282 THÉOLOGIE MORALE.
encore dans l'occasion prochaine, ou ne donnait pas des signes d'un
vrai repentir, en sorte que le public ne la verrait pas approcher de la
sainte Table sans être profondément scandalisé. Le Rituel est formel :
« Arcendi sunt publiée indigni (et la fille connue comme enceinte est
dans ce cas), nisi de eorum pœnitentia et emendatione constet et pu-
ce blico scandalo prius satisfecerint. »
Mais que devraient faire le curé ou les autres prêtres, si l'on savait
que cette fille s'est confessée, qu'elle donne des marques non équi-
voques d'un sincère repentir, et qu'elle n'est pas ou n'est plus dans
l'occasion prochaine ? Pourraient-ils et devraient-ils lui refuser la com-
munion, parce qu'elle est enceinte?
N'ayant trouvé nulle part qu'il y ait obligation de refuser la commu-
nion dans le cas spécial que nous venons d'exposer, nous nous conten-
terons de rappeler ici la doctrine des auteurs sur les conditions à exiger
d'un pécheur public qui demande à être admis à la Table sainte, en
tâchant de l'adapter au cas présent.
Voyons d'abord ce que dit S. Liguori (liv. 6, n. 47). « Quid re-
c quiratur ut publico peccatori Eucharistia possit ministrari? Laym.,
« Nav., etc., requirunt, praeter confessionem, aliquod tempus bonae
« coaversationis ad toUendum scandalum. Possev. et Jo. Sanch.
(( dicunt sufficere confessionem coram pluribus (modo, addit Bern.
« pœnitentia brevi sit publiée manifestanda). Et recte Croix, lib. 6,
« p. 1, n. 141, adhaeret huic sentenlia?, quando peccator non habet
« proximara peccandi occasionem : quia qui publiée confcssus est, pu-
0 blice censelur emendatus : secus si adesset occasio, et ille eara non
Cl deseruerit. Qui autem occulte petit, sufficit occulte egisse pœniten-
« tiam. » Lorsqu'il n'y a pas d'occasion prochaine, S. Liguori se con-
tenterait donc de la confession faite en présence de plusieurs témoins,
si elle doit parvenir bientôt à la connaissjnce générale, pour admettre
à la communion un pécheur public. Recte, dit-il, Croix adhxret huic
sententise.
Billuarl paraît un peu plus exigeant et semble s'accorder avec Laym.
et Navarre, cités par S. Liguori : « Peccator publicus cui deneganda
« est comraunio, dicitur non is praecise cujus peccatum est aut fuit
THÉOLOGIE MORALE. 583
« publicum, sed alio duplici sensu : 4"» Is cujus status peccaminosus
« est publicus, id est, de quo moraliter notorium est quod sit in statu
« peccati; puta quia pergit in crimine, vel nuUa apparet aut piaesu-
« raitur pœnitenlia. 2« Dicitur peccator publicus in ordine ad priva-
« lionem comraunionis, is qui, licet légitime confessus et justificatus,
« nondura tamen sic vilam eraendavit, ut scandalum publicum ex enor-
« raitate et infamia criminura secutum reparaverit. » Il est néanmoins
du sentiment de S. Liguori pour les pécheurs publics ordinaires, autres
que ceux énumérés dans le rituel : « Propter alia peccata communia,
« etsi publica, non est deneganda communie, saltem inconsulto Epi-
« scopo, quia per confessionem, imo et ipsam communionem reparatur
« scandalum ex bis peccatis comraunibus sequi natum : atque baec est
« praxis CQraraunis. » (Bill., de Eiichar., diss. 6, art. 3, Dico 2".)
On peut voir encore les Conférences d'Angers sur l'Eucharistie,
7^ conf. , quest. 2 ; mais nous ne reproduirons pas leurs paroleS;, qui nous
ont paru entachées de rigorisme, et nous croyons qu'on peut s'en tenir
à l'enseignement de S. Liguori et de Billuart sur la matière présente.
En conséquence, et voulant appliquer au cas ci-dessus exposé l'en-
seignement de ces auteurs, nous disons :
1" Si dans la localité, on n'est pas scandalisé de voir communier une
fille qui, à la vérité, est enceinte, mais que l'on sait s'être confessée,
se repentir sincèrement de sa faute, et qui n'est pas ou n'est plus dans
l'occasion prochaine, rien ne nous paraît s'opposer à ce qu'on l'ad-
metle à la sainte Table, à moins que les statuts du diocèse ne mettent
obstacle à cette admission.
2* Si, comme cela paraît exister en beaucoup d'endroits, une pa-
reille admission était un scandale public, il faudrait respecter l'opinion
à cet égard, et quand même la jeune personne serait bien disposée, ne
serait plus dans l'occasion prochaine et donnerait des marques d'un
véritable et sincère repentir, il faudrait attendre que, l'émotion pu-
blique étant calmée, la communion pût être donnée sans provoquer
l'indignation des gens honnêtes. Mais on pourrait, ce nous semble, ad-
mettre en secret cette personne à la Table sainte, en prenant les pré-
cautions nécessaires pour que le public, venant à le savoir, n'en fût pas
28ii THÉOLOGIE MORALE,
scandalisée. On pourvoirait ainsi tout à la fois aux besoins spirituels de
la pauvre pénitente et au respect dû à l'opinion publique. Cette solution
nous paraît assez bien s'harmoniser avec là conduite du divin Maître à
l'égard de la femme adultère (S. Jean, ch. viii).
Craisson,
Ancien vicaire-général.
Est-il nécessaire de réitérer l'absolution à celui qui accuse des péchés
mortels oubliés, lorsqu'on a lieu de croire que celui qui les accuse
avait les dispositions requises quand il a été absous ?
Cette question est traitée dans le Rituel de Belley (tom. i, n. 465),
et dans les Ordonnances de Valence (p. 221), deux ouvrages qui ont
eu pour auteur le même Mgr Dévie, d'abord vicaire-général de Va-
lence, et ensuite évêque de Belley. « On demande, y est-il dit, s'il
« est nécessaire que le confesseur réitère l'absolution quand on lui ac-
« cuse des péchés mortels oubliés. Nous répondons que, quand le con-
« fesseur est persuadé que son pénitent a fait une bonne confession, il
« peut ne pas la réitérer, il vaut même mieux ne pas la réitérer, sur-
ce tout à l'égard des personnes portées au scrupule. » Puis, le Rituel
cite à l'appui de cette opinion Collet et Pontas,
Ces deux auteurs, en effet, sont pour ce sentiment. Au mot Confes-
sion, cas 41®, Pontas dit positivement que, quoiqu'il y ait obligation
de déclarer les péchés mortels oubliés lorsqu'on se les rappelle, il n'y
a pas obligation rigoureuse néanmoins d'en recevoir une nouvelle abso-
lution, l'oubli n'étant pas supposé coupable. Mais, ajoute-t-il, la pra-
tique ordinaire et la plus sûre est d'absoudre de nouveau un tel péni-
tent lorsqu'il s'accuse d'un péché mortel oublié par un défaut de mé-
moire.
Quant à Collet, voici ce qu'il dit [de Pœnitentia, c, 5, de Confes-
sione, n. 386) : « An autera qui sola oblita confitetur nova donandus
a sit absolutione, non convenit inter theologos. Affirmât Sylvius :
« Tum quia omnis confessio sacramentalis [mortalium pnesertim pec-
« catorum) ordinatur ad absolutionem consequendam ; ergo etiam con-
THÉOLOGIE MORALE. 285
« fessio mortalis ohUti; tum quia quando per contritionem perfectam
« remissa fuere, ea etiam confiteri oportet, ac super iis dari absolu-
« tionera.
« Neutra haec doctissimi viri ratio, ajoute Collet, omni exceptione
« major est : cum prier recte ponderata mera sit petitio principii.
« Poslerior parum probat : 1" quia nusquam certo constare potest,
« dempto revelationis casu, hominem ex sola charitate justifîcatum
« esse : ei vero qui rite confessus est, non minus certum est dimissum
« esse peccatura oblitum quam cœtera a quibus denuo absolvi non ju-
« betur. 2" Quia inviolata lege receptum est, ut qui ne indirecte
« quidem absolutus est a peccato, ab eodem absolvatur. Unde bis
a qui peccatum oblitum, si ante communionera redeat in memoriam,
« statim açcusare volunt, negant non pauci novam impendi debere ab-
« solutionem. »
Parmi un assez grand nombre d'auteurs que nous avons consultés
sur la question présente, nous n'en avons pas trouvé d'autres qui
fussent du sentiment de Collet et de Pontas.
Le P. Gury (tom. ii, n. 386) regarde ce sentiment comme pro-
bable : « Duplex est sententia probabilis, dit-il, au sujet de ce même
« cas : Prima sententia communior affirmât : quia omnia peccata
« mortalia ex institutione Christi clavibus subjici debent ut directe re-
« mittantur. Elbel, n. 33, Sporer, n. 627, Coll. Andeg., 3»q. 3».
« Secunda sententia negat : 1» Quia non apparet solida ratio quare
« debeant remitti peccata, vi sacramenti jam deleta ; 2° quia non vi-
« detur alia ratio ea declarandi, nisi ad satisfaciendum praecepto di-
« vino vi cujus omnia peccata ministre pœnitentiae patefacienda sunt.
a Pontas, v° Confession; Collet, c. 5, sect. 3, § 3, etc. »
Nous avons examiné avec toute l'attention dont nous pouvons être
capable les raisons alléguées en faveur de ce second sentiment, et nous
avons Lion de la peine à comprendre qu'on doive le regarder comme
vraiment probable.
Nos doutes se fondent : 1° sur la nouveauté de ce sentiment et le
peu d'auteurs cités en sa faveur. On ne cite absolument que Pontas et
Collet : or, si ces auteurs n'ont pas au moins quelque raison un peu
286 THÉOLOGIE MORALE.
solide à alléguer, leur autorilé ne paraît pas suffisante pour établir une
opinion vraiment probable. Quant à leur argumentation elle est à peu
prés négative et se réduit à réfuter les preuves de leurs adversaires. Mais
on ne voit rien dans ce qu'ils affirment qui détruise la force des preuves
suivantes.
i°Jésus-Christ, en établissant le sacrement de Pénitence, a certaine-
ment voulu que les péchés mortels commis après le baptême ne pussent
être rerais qu'à la condition d'être soumis aux clefs de ses ministres :
Quorum remiseritis peccata remittuntur eh, quorum retmueritis re-
tenta sunt; et cela au point que celui-là même qui serait certain d'avoir
la contrition parfaite, est tenu de se confesser de tous ses péchés mor-
tels, et, non-seulement de s'en confesser, mais de recevoir l'absolution
de ces mêmes péchés, sans distinction aucune, absolument sans res-
triction. Les adversaires conviennent de cette vérité : « Inviolata lege,
« dit Collet à l'endroit cité tout à l'heure, receptum est ut, qui ne
a indirecte quidem absolutus est a peccato, ab eodem absolvatur. »
Mais ils prétendent que lorsque le péché a été oublié sans faute, il a été
soumis indirectement aux clefs de l'Église et a été remis par ces mômes
clefs, en sorte qu'il n'a pas besoin d'autre absolution. Cette préten-
tion n'a aucun fondement solide. En effet, on convient que ce péché
n'a pas été directement soumis à ces clefs et c'est là-dessus qu'on s'ap-
puie pour dire qu'il y a obligation de les confesser. Mais Jésus-Christ
n'a pas seulement obligé à confesser les péchés, il a prescrit aussi d'en
recevoir l'absolution ; on ne conclut même la nécessité de la confession,
que du pouvoir d'absoudre donné par Jésus-Christ à ses ministres. Or
l'absolution n'a pas été donnée sur les péchés oubliés, et s'ils ont été
remis, cela ne vient de ce que les pèches mortels ne peuvent être remis
les uns sans les autres : il est tellement vrai que les péchés oubliés
n'ont pas été remis par l'absolution qu'il faut que le pénitent s'accuse
de ces fautes à un prêtre qui ait des pouvoirs pour en absoudre. « Si
« pœnitens(moribundus), dit saint Liguori, jam receperit absolutionera
« a simplici sacerdote et postea recordetur ahcujus peccati, superve-
« niente approbalo, tenetur huic confiteri, cum illa sit nova confessio.
« Ita communiter, » dit-il, et il cite Sanchez, Suarez, les théologiens
THÉOLOGIE MORALE. 287
de Salamanque, Renzi, Diana et plusieurs autres (lib. 6, n» 563,
Rede tameriy etc).
Bien plus, si les péchés oubliés sont réservés, les auteurs con-
viennent qu'on doit, lorsqu'ensuite on se les rappelle, les confesser à
un prêtre qui soit approuvé pour ces sortes de péchés. Le confesseur,
dit Billuart {de Pœnitentia, diss. G, art. 6, pet. 1° à la fin), « habet
« jurisdictionem ut absolvat directe communia, indirecte reservata,
« quia unum non potest reraitti sine alio ; et ideo pœnitens tenetur
M iterum reser\rata confiteri hahenti jurisdictionem in illa ut ab illis
« directe absolvatur. Quia Ecclesia non censetur in similibus casibus
« conferre jurisdictionem, nisi in quantum nécessitas requirit, cui suf-
« ficit absolutio indirecta. » Collet lui-même avoue que d'après le sen-
timent de la généralité des théologiens, le péché réservé, s'il a été ou-
blié, doit être confessé à un prêtre ayant des pouvoirs spéciaux pour
absoudre de ces sortes de fautes : a Tum, dit-il, quia haec est gene-
« ralis theologorum sententia, tum quia, qui non satisfecit legi etscopo
« reservationis, eidem deinde satisfacere débet, nisi lex contrarium
a statuai, quod in prsesenti locum non habet.» (De Pœnitent.^diTt. 2,
ç. 8^ n° 375.) Voir encore Noël Alexand. lib. 2, de Sacrum. Pœnit.
art. 7, reg. 8. — Mais à quoi bon exiger que le prêtre auquel les
péchés oubliés sont déclarés, ait des pouvoirs pour absoudre de ces
péchés, si, en définitive, il n'a pas à en absoudre ? si ces péchés sont
tellement remis par l'absolution donnée auparavant qu'il ne reste plus
que l'obligation de s'en accuser?
2* Les auteurs exigent que la confession des péchés soit sacramen-
telle, c'est-à-dire fasse partie du sacrement de pénitence ; et cela tou-
jours d'après le principe que Jésus-Christ n'a pas voulu qu'ils fussent
remis indépendamment de ce sacrement. Mais si l'absolution n'est pas
donnée après la confession des péchés oubliés, impossible de voir com-
ment la confession de ces péchés peut être sacramentelle ou faire partie
du sacrement de pénitence : de quel sacrement en effet peut-elle faire
partie? Ce n'est pas de celui qui a été administré quand on a oublié
ces péchés, puisque la confession postérieure n'est pas et ne peut être
unie moralement à une absolution déjà donnée, soit parce qu'il peut y
288 THÉOLOGIE MORALE.
avoir un intervalie qui ne permette aucune union morale, soit surtout
parce que la confession, de même que la contrition, doit nécessaire-
ment précéder l'absolution. L'une et l'autre étant, en effet, la matière à
laquelle elle doit s'appliquer et sans laquelle l'absolution serait nulle et
de nul effet, il n'y aurait pas de sacrement si la confession venait après.
La confession des péchés oubliés ne fait pas non plus partie d'un sacre-
ment administré quand on confesse ces péchés, puisque, d'après l'hypo-
thèse, il n'y a pas alors d'absolution donnée et par conséquent point de
sacrement, La confession, dans le cas supposé, n'est flonc pas sacra-
mentelle ; pour qu'elle le soit, il faut donc qu'alors l'absolution soit
donnée.
Ces raisonnements ne nous paraissent pas détruits parles allégations
des partisans du sentiment contraire.
Ajoutons que non-seulement ces partisans sont en petit nombre, mais
que les auteurs nombreux qui soutiennent notre thèse la donnent comme
l'enseignement communément reçu, auquel on doit tenir, sans faire
mention d'aucun opposant. Citons les paroles de quelques-uns d'entre
eux.
, « Qui ob raoralem impossibilitatem, dit Layman (lib. 5, tr. 6,
« c. 8, n°2}, unum, vel plura peccata mortalia, particulatim non ex-
ce plicarit, débet (qu'on note bien ce mot: dehet) ea postea, cessante
a inipedimento, explicare, propterea quod absolutio ab eis directe et
(I secundum speciem data non sit, sicut natura, seu institutio hujus
« Sacramenti postulat. »
On doit confesser les péchés oubliés, d'après Layman, parce qu'ils
iv'ontpas été remis directement, comme l'exige la nature et l'instituliou
du sacrement de pénitence. « Si pœnitens, dit Bonacina ( de Sacri
« pœnit., disp. 5, q. 5, art. 2, punct. 2, n" 9), inchoataconfessione,
« obprobabilemmortis metumabsolvatur, antequam integramet perfe-
« ctam faciat confessionem, sed postea obtenta absolutione, statim non
• moriatur, débet, si per tempus illi concedatur, prosequi confessionem,
« ut intègre sua peccata fateatur, Nam omnia peccata mortaha subji-
« cienda sunt confession!, quantum moraliter fieri potest. Perfecta vero
« confessione, impendenda est nova absolutio, modo pœnitens, no-
THÉOLOGIE MORALE. 289
« vum attritionis actum eliciat : nam forma non potest iterari super
a eadem raateria proxima. » Ainsi, d'après Bonacina, il faut donner
une nouvelle absolution ; il cite Suarez, Réginal, etc., et ne men-
tionne aucun auteur qui pense autrement.
« Qui inculpabiliter oraisit declarare aliquid necessarium circa spe-
« cies, numerum aut circumstantias peccatorum, tenetur postea illud
« confiteri, si memoria occurrat, quia non explevit obligationem suam
« ea subjiciendi clavibus ; licet enim indirecte remissa sint illa peccata
« cum aliis, débet taraen ea subjicere clavibus, ut directe ab iis absol-
« vatur. » Théol. de Toulouse, de Pœnitentia s. 2, art. § 1, v*
Colliges.
« Si vero inferior, audita omnium peccatorum confessione, pœni-
« tentem absolveret ab iis a quibus potest, quod plerique doctissimi
« theologi jure fieri posse consent, remitterentur illi omnia peccata,
0 modo recte dispositus esset, cum ordine tamen ad absolutïonem al-
c( teram quam paratus esset postuiare ac recipere ab eo ad quem re-
« mitteretur, accepta congrua pœnitentia. » (Noël Alexandre, lib. 2,
de Sacr. Pœnit., art. 7, reg.^;^8.)
Nous nous contentons de ces citations. D'après l'exposé ci-dessus,
on peut douter, ce nous semble, que l'opinion de Pontas et de Collet
soit vraiment probable.
Nous n'en conclurons pas moins avec le P. Gury (tom. 2, n° 386),
que c( confessarius omittere potest absolutionem relate ad pœnitentes
« ordinarios, seu qui ad eumdem confessarium redire soient : siquidem
« isti in alla proxima confessione directe absolvi poterunt. » Mais nous
ajouterons aussi avec le même Père : « Melius est autem omnibus ab-
« solutionem impertire, quando facile fieri potest, ad pœnitentis sola-
c( tium et animi tranquillitatem, necnon ob fructum ex sacraraento
« percipiendum. » D'ailleurs pourquoi différer l'absolution, puisqu'elle
doit être donnée plus tard, et qu'en la donnant de suite tout est fini
pour le pénitent, qui n'aura plus à rappeler, même d'une manière gé-
nérale, le péché oublié? Nous convenons cependant qu'il peut y avoir
des pénitents, les scrupuleux, par exemple, pour qui il peut être oppor-
tun de suivre une autre règle de conduite.
Craisson.
Ancien vicaire général.
Revoe des sciences ecclesust., t. IX.— sept. 18C4. 20
LA POLÉMIQUE
Entre le R. P. ^eirman et le D' Kîngsley.
(correspondance.)
11 y a quelques mois, le Révérend D' Kingsley, professeur d'his-
toire à Cambridge, rendait compte de ['Histoire d'Angleterre, par
Froude, dans un article signé de ses initiales, et que le Mackmillan's
magazine a publié. Il s'y livra contre les catholiques à des déclamations
dignes du Collège de France, au beau temps de M. Michelet. « Le
« respect de la vérité pour elle-même, dit-il entre autres choses, n'a
« jamais été une vertu aux yeux du clergé romain. Le Père Newraan
« nous informe qu'en effet la sincérité ne constitue pas et ne doit pas
a constituer une vertu ; qu'au contraire, l'adresse est l'arme que le
« ciel met aux mains des saints. Arme avec laquelle ils résistent à la
« force brutale de ce monde corrompu qui se marie et se donne en
a mariage. Que sa notion sur ce point soit fondée ou non en doc-
t trine, historiquement du moins, elle est vraie. »
Une polémique s'engagea. M. Kingsley se vit contraint d'avouer ou
quele^Père Newman n'avait jamais tenu un pareil langage, ou que, s'il
avait énoncé quelque part une proposition qui ptlt prêter, de près ou de
loin, à la censure émise dans l'article du Mackmillan's magazine, c'était
dans un sermon intitulé : Sagesse et Innocence, que l'illustre profes-
seur d'Oxford aurait prononcé dans le temps où il appartenait encore
à l'Église anglicane en qualité de vicaire de Sainte-Marie (1844).
M. Kingsley se voyait au pied du mur. La presse le flagellait, ses amis
se retiraient de lui ; il écrivit un pamphlet volumineux, et son système
de défense consiste en de nouvelles aggressions plus violentes ou plus
insidieuses que les premières. En voici un spécimen.
, « Le P. Newman me demande ironiquement, écrit M. Kingsley,
« pourquoi j'ai accepté le démenti qu'il m'a donné, puisque mon
« point de départ était que sa parole ne mérite aucune confiance. A
« cela, je réponds que je n'en sais rien. 11 y a bien à dire dans ce
POLÉMIQUE DU R. P. NEWMAN ET DU d' KINGSLEY. 291
« sens. Car, depuis le !*•' février 1864, le Père Newman s'est dé-
« claré tout à coup converti au systènie économique de saint Alphonse
« de Liguori et de ses compères. Dès lors, en effet, je dois être, et
« tout honnête homme sera comme moi, dans le doute et la crainte
f sur chaque mot qui sortira de la plume du P. Newman. Nesuis-je
« pas, lorsqu'il parle, la dupe d'une adroite équivoque appartenant à
a l'une des trois classes que le bienheureux Alphonse de Liguori et
u ses adeptes autorisent? Les équivoques, suivant eux, peuvent faire
• la matière d'un serment, parce que ceux qui les emploient ne trom-
a pent pas le prochain, mais l'induisent simplement à se tromper lui-
« même. Si, partant de ce point, nous admettons qu'il est permis
<{ d'employer les mots et les phrases à double entente et de laisser à
a l'innocent auditeur le soin de choisir le sens de ces locutions ambi-
• gués, quelle preuve me reste-t-il, si le P. Newman dit: Croyez-lcy
« je n'ai pas dit cela ; qu'il n'entend point par-là ceci : Je n'ai pas
« dit cela, mais croyez-le, »
Tel est, pendant quarante pages, le genre d'argumentation employé
par M. Kingsley.. Il ne lui a pas fait honneur. Au milieu de toutes les
assertions frivoles de son pamphlet, U y en a une qui révolte plus que
les autres. C'est celle-ci : « Que le sermon du p. Newman sur la sa-
gesse et l'innocence n'est pas un sermon protestant, mais un sermon
romain, romisch sermon. »
a Mais, dit M. Kingsley, j'aurais appelé ce sermon-là un sermon
protestant? Je l'appellerai plutôt un sermon bpudhiste. Quand il le
prononça, il y avait déjà trois mois que le P. Newman, dans la Criw
tique britannique, dénonçait le nom de prolestant par un article qui
est demeuré fameux, et y déclarait que le projet conçu par ceux de son
parti n'était autre que celui de déprotestantiser l'Angleterre. »
. Cette dernière accusation est ce qui nous vaut cette série de bro-
chures que le P. Newman a publiées dans les cinq premiers mois de
cette année, et qui ont été récemment réunies en un volume in-octavo.
Comme il est certain que le sermon incriminé a été prononcé par le
P. Newman quand il était vicaire de Sainte-Marie à Oxford, et long-
temps avant son retour public à l'Église, la quoslion à vider devenaijL
292 POLÉMlQUEr
celle de savoir si l'érainent professeur était sincère, à celle époque de
sa vie, et s'il n'était pas alors au sein de l'anglicanisme un agent dé-
guisé de l'Église romaine. Pour se justifier de ce soupçon odieux, le R.
P. fait l'exposé du travail intérieur par lequel son esprit a été conduite
la vérité, et des différentes phases préparatoires de sa conversion. C'est
une étude qui fait pénétrer au sein de l'anglicanisme, initie aux
croyances et aux doutes qui lui sont propres, en éclaire les nuances,
et donne la clef des difficultés sur lesquelles une observation super-
ficielle passe sans en soupçonner l'existence. A part l'utilité théolo-
gique, il y a un grand charme à suivre les développements et les pro-
grès d'un esprit fin, délié, profond, clair, méthodique et extrêmement
circonspect, tel qu'est celui de Tillustre Oratorien, l'oracle d'Oxford
jadis.
Voici de son enfance un trait instructif qu'il tire lui-même de notes
écrites dans l'adolescence. « J'étais très-superstitieux, et quand j'avais
« quinze ans, je pris l'habitude de faire constamment le signe de la
« croix en passant dans un lieu où il faisait noir. Sans doute, j'ai ap-
« pris cette pratique : elle n'a pu me venir que de quelque enseigne-
« ment externe ; je ne puis pourtant arriver à aucune conjecture sur
« son origine. Un fait est certain, c'est que personne ne m'avait ja-
« mais parlé de la religion catholique. Je la connaissais de nom : c'é-
« tait tout. Mon maître de français était un prêtre émigré, mais on le
« considérait, et on considérait d'ordinaire les maîtres de français à
« cette époque, comme une sorte de pièce de rebut. 11 parlait l'anglais
« très-imparfaitement. Dans le village vivait une famille catholique ;
a tout ce que j'en connaissais était leur nom. Nous nous figurions que
« c'étaient de vieilles filles. A une époque plus récente, j'ai su qu'un
« ou deux enfants catholiques fréquentaient notre école ; j'ignore si ce
« fait était tenu secret, ou s'il se fit simplement qu'il ne produisit au-
« cune impression sur notre esprit. Mon père me mena un jour à la
€ chapelle de Warwick Street, où certain morceau de musique l'atti-
flt rait; tout ce que j'en emportai fut le souvenir d'une chaire, d'un
« prédicateur, et celui d'un enfant qui balançait un encensoir. Mais
« voici ce qui se passa quand j'étais à Littlemore. En regardant mes
DU R. P. NEWMAN ET DU D'^ KINGSLEY. 293
« vieux cahiers d'école, je trouvai celui qui contenait mes premiers
f vers latins, et sur la première page, je vis un frontispice qui de sur-
• prise me coupa la respiration. J'ai maintenant même le cahier de-
« vant moi, et je viens de le montrer à d'autres. De ma main d'en-
« faut, j'ai écrit sur la première page : John H. Newman, 11 février
« 1811. Cahier de vers. Entre ces deux derniers mots, j'ai dessiné
a l'image d'une croix solide et droite. Près de cette croix est une
a autre figure, qu'on prendrait peut-être pour celle d'un collier, mais
« qui représente en réalité un chapelet avec une petite croix qui y est
« attachée. Je n'avais que dix ans quand je traçai ce dessin. L'idée
« m'en aura été suggérée soit par quelque roman de Mme Radchffe
« ou de Mlle Porter, soit même par quelque peinture religieuse. Ce
« qui, de toute manière, demeure étrange, c'est qu'au milieu de tant
« d'objets qui s'offrent à la vue d'un enfant, ceux-ci soient demeurés
« empreints si profondément dans mon esprit et se soient, jusqu'à ce
« point, identifiés avec lui. »
Néanmoins le P. Newman crut longtemps que le Pape est l'ante-
christ prédit par saint Jean. L'immortalité de l'âme et la vérité des
saintes Écritures étaient pour lui l'objet de beaucoup de doutes ; il
avait plus de vingt ans quand il admit la régénération par le baptême.
Il pouvait réciter sans une faute le Symbole de saint Athanase et le
Catéchisme anglican, mais ces formules veulent être expliquées pour
avoir un sens, et quand il demandait cette explication aux docteurs qui
l'entouraient, chacun avait la sienne; en sorte que, placé comme il
l'était au centre de l'enseignement religieux de l'Angleterre, il était
obligé de se faire à lui-même sa religion. On l'accusait d'arianiser
quand il avait vingt-cinq ans. Il avoue qu'à cette époque plusieurs pro-
positions du Symbole d'Athanase lui paraissaient inutilement scienti-
fiques. Voilà pourtant tout ce que peut faire pour les esprits les plus
droits, les plus éclairés, les plus solides, cet établissement qu'on ap-
pelle l'Eglise d'Angleterre ; qu'on juge par-là de ce qu'elle peut don-
ner aux masses pauvres et illettrées. Un des hommes qui furent le plus
utiles au R. P. Newman est un docteur Keble, qui avait, en effet, de
bons principes sur les sacrements, mais dont la doctrine fondamentale
294 POLÉMIQUE
réduisait la science humaine à une simple probabilité. L'auteur dit de
lui agréablement qu'on aurait pu traduire ainsi le sens de la religioo
Keble :« 0 Dieu, s'il existe un Dieu, sauve mon âme, s'il est vrai que
« j'en aie une. » Si le P. Newman était loin d'admettre cette doc-
trinej il l'était toat autant de comprendre la portée d'un enseignement
infaillible avec la certitude de foi qui s'y rattache. 11 avait à peine con-
science lui-même de la force qui l'entraînait de ce côté. Suivent 300
pages qu'il faudrait traduire tout entières. Le récit du mouvement po-
litique libéral est lié à celui du mouvement religieux, et en fait la
contre-partie. Ce récit est concis, très-bien déduit, tracé de main de
maître ; ce n'est pas seulement un homme qui marche, c'est une na^
tion qui avance. Ce qu'on peut donner en termes généraux comme le
résumé de cette élaboration progressive en tant qu'elle est personnelle
au professeur sur qui Oxford avait déjà les yeux, c'est qu'elle le con-
duisit à l'étude des Pères antérieurs au concile de Nicée, et que cette
étude acheva de dégager et de fixer dans son intelligence les principes
qui ont présidé à la formation de l'Église chrétienne et qui sont la né-
cessité d'un dogme, celle d'une Église enseignante, et par conséquent
d'un épiscopat investi d'une autorité propre et indépendante. Ces prin-
cipes étaient formulés dans une suite de traités succincts qu'on a nom-
més les Traités du temps {Tracts of the Times), et qui, à partir de
1834, attirèrent vivement l'attention du clergé anglican, et surtout
celle des universités.
Le docteur Pusey prit part à leur rédaction à partir de 183.5. Le
caractère du mouvement était celui d'une réaction contre l'invasion des
doctrines ultra -protestantes, antiépiscopales, anlidogmatiques, anti-
sacramentelles, et le but des deux hommes était de sauver l'anglica-
nisme avec un parti pris très-arrêté contre Rome et la papauté. Le
docteur Newman tenait encore alors que l'Église romaine a prévariqué
dès la fin du sixième siècle. 11 fit paraître, en 1836, son ouvrage inti-
tulé : Devoirs futurs de l'Eglise en face du romanisme et du protes-
tantisme populaire. Il y avait travaillé trois ans, et entendait prouver
par cette publication que tout retour au catholicisme était impossible
pour lui et pour les siens. La même année, il perd son ami, le poète
DU R. P. NEWMAN ET DU O' KINGSLEY. 295
Froude. La famille l'invite à choisir dans la bibliothèque du défunt un
livre qui lui soit un souvenir. 11 y prend, à la suggestion d'un autre
ami protestant lui-même, le Bréviaire romain. C'est l'exemplaire qui
est sur sa table, et dont se sert aujourd'hui le supérieur de l'Oratoire
de Birmingham. On était encore loin du temps où ce bréviaire devrait
avoir une utilité pratique. L'histoire du P. Newman est celle d'un homme
que tout éloigne de la vérité catholique, mais qui arrive à l'Eglise par
la seule force de la vérité, et malgré toutes les forces contraires qui
arrêtent la marche de son esprit. Son éducation première est protes-
tante ; son esprit est tout imbu des préjugés de cette éducation. Le
milieu dans lequel se passe son adolescence diffère à peine sous ce
rapport de celui dans lequel son enfance s'est écoulée. Sa position est
celle d'une guerre déclarée à l'Église romaine ; ses intérêts sont contre
Rome, ses antécédents le sont aussi. Il semble lié. Il l'est en effet non-
seulement par une position, par des traitements, par sa chaire, mais il
l'est encore par ses professions de foi, par ses prédications, par ses
serments, par tout ce qui est sorti de lui-même, par tout ce qui fait de
sa personne l'homme d'Oxford le plus goûté, le plus admiré. L'éta-
blissement anglican a toutes ses' sympathies : il est pour lui l'objet
d'un culte véritable, et son unique aspiration, c'est de travailler au
progrès ou au salut de cet établissement menacé. Néanmoins, chacune
des illusions favorables A l'église anglicane tombera. Une à une, ces
préventions contre l'Eglise catholique, qui vont jusqu'à voir en elle la
Babylone maudite, se dissiperont pour faire place au dévoûment et à
l'amour. Il n'y aura pas une objection qui ne trouve sa réfutation, et
ces réfutations sortiront de l'esprit même du P. Newman ; elles seront
le fruit de son propre labeur, et non le gain fortuit d'un commerce
étranger. Lui-même, comparant, mesurant, fouillant, examinant de
ses yeux chacune des pièces du long procès, il deviendra son propre
juge et le condamnateur de la doctrine qu'il a enseignée. La vérité s'é-
lèvera en lui, contre lui. Elle sera d'abord comme la lumière diffuse
qu'un astre voilé projette au loin ; mais, par degrés, le foyer d'où cette
lumièrejaillit commencera à paraître sur lescîmesde la montagne sainte.
U aura la consolation de voir tous ses projets combattus, calomniés, dé-
296 POLÉMIQUE
truits, donner pourtant par leur défaite même à sa droiture et à sa sin-
cérité une victoire meilleure que celle qu'il espérait.
Le Père Newraan sentait les défaillances de l'anglicanisme, il voulait
sauver l'institution et les hommes qui lui appartiennent. Il voyait leur
danger : les catholiques romains d'un côté ; de l'autre, les évangéliques
et les radicaux dans le sein même de l'anglicanisme, et qui égale-
ment hostiles les uns et les autres à l'autorité épiscopale, sont pourtant
les ministres de l'épiscopat anglican, et tendent à devenir la majorité de
son clergé. De cette situation est sorti le système de la via média, de ce
parti appelé tantôt le parti du mouvement, tantôt les tractaires, et plus
communément aujourd'hui le puséisme. Sauver l'autorité de l'épiscopat
et le principe d'une doctrine et d'une liturgie sans passer du côté de
Rome, tel était le problème. Pendant dix ans le Père Newman travaille et
combat pour lui donner une solution ; c'est l'objet qu'il se propose dans
ce traité des devoirs futurs de l'Église qui l'occupa de 1834 à 1856 et
qui eut en Angleterre un immense retentissement; c'est aussi le but
de ses thèses et de ses traités contre Rome, qui parurent vers la même
époque. L'idée mère de tout le système, c'est que l'Église anglicane
admet la doctrine des Pères et des premiers siècles de l'Église, qu'elle
en fait sa doctrine et que par là elle présente tout au moins l'un des ca-
ractères de la véritable Église, qui est celui de l'antiquité de sa foi, de
son apostolicité. Ce système était mobile dans ses combinaisons de dé-
tail, comme il l'est encore aujourd'hui parmi les puséistes. Rome y était
parfois envisagée comme une église sœur, et d'autres fois elle apparais-
sait comme une corruptrice du dogme, avec laquelle l'église anglicane
avait dû rompre par devoir de conscience. Il y avait d'ailleurs une faute
dont le Père Newman ne pouvait disculper la papauté. C'était celle
d'avoir changé le dogme par superfétation et d'avoir ajouté au symbole
primitif des articles nouveaux. Comme cette dernière objection est com-
mune parmi les protestants qui dogmatisent encore, on ne lira pas sans
. intérêt les pages ou le professeur d'Oxford expose la manière dont elle
a été chassée de son esprit. Ce fut aussi le dernier coup porté à ses
convictions protestantes, et ce qui décida de toute sa vie. L'époque à
laquelle se réfère le trait qu'on va lire était celle où la réputation du
DU R. P. NEWMAN ET DU D"" KINGSLEY. 297
Père Newman à Oxford se trouvait à son apogée : la foule des jeunes
gens accourait à lui ; les hommes les plus sérieux venaient le consulter,
il s'était fait plusieurs amis parmi ceux qui passaient pour des sages, et
la masse des disciples se passionnait pour le maître.
« Les grandes vacances 1839 commencèrent de bonne heure.
Oxford avait eu beaucoup de visiteurs ; l'attention commune paraissait
se porter sur le docteur Pusey et sur moi plus peut-être qu'en aucune
des années précédentes. Depuis plus de deux ans, j'avais mis de côté
la controverse avec Rome : ce sujet n'avait point paru dans mes
prônes; nos Traités et la Critique britannique n'avaient eu aucun ca-
ractère polémique. Je repris, pendant mes vacances, le cours de lectures
que je suivais depuis plusieurs années avec un attrait spécial. Que la
pensée de Rome ait traversé mon esprit, je ne le crois pas. Je com-
mençai donc vers la mi-juin à étudier et à approfondir l'histoire des
Monophysites : la question de doctrine m'absorbait. Cela dura du 13 juin
jusqu'à la tin d'août, et c'est pendant ce cours de lectures que pour la
première fois je sentis naître un doute sur la possibilité de tenir en dé-
fendant l'anglicanisme. Je me souviens que, le 30 juillet, rencontrant
par accident un de mes amis , je' lui fit part de ce que celte his-
toire avait pour moi de remarquable ; à la fin d'août je me sentais sé-
rieusement alarmé.
« On a pu voir dans un autre ouvrage à quel point l'histoire m'a
toujours impressionné. L'argument tiré de l'antiquité, était le rempart
de mon système. Et voilà qu'au milieu du cinquième siècle, je crois
voir paraître tout ce qui constitue le christianisme du seizième siècle
et celui du X1X«. Je crus me voir au miroir : j'étais un monophysite ;
l'église de la via média était dans la même position que la communion
d'Orient. Rome était où elle est maintenant : les Eutychiens, voilà les
protestants. Parmi tous les traits que l'histoire a enregistrés, depuis
qu'il existe une histoire, qui eût jamais songé à prendre les faits et
dires d'Eutychés, de ce delirus senex, comme je crois que le P. Pétau
l'a nommé, et cela à l'effet de se convertir à l'Église romaine?
« Je n'écris pas ici une controverse. Mon intention est de relater les
faits tels qu'ils se passèrent dans le cours de ma conversion. Et dans
298 POLÉMIQUE
cette vue, je citerai le passage suivant, emprunté à un récit que je
donnai en 1850, et où j'expose ma manière de raisonner et de sentir
en 1839 :
« 11 paraît difficile, disais-je alors, d'établir que les Eutychiens ou
Monophysites étaient hérétiques, si on n'admet en même temps que les
Protestants et Anglicans le sont aussi ; difficile de trouver, contre les
Pères du Concile de Trente, des arguments qui n'atteignent pas ceux
de Chalcédoine ; difficile de condamner les Papes du XVI* siècle, sans
frapper sur les Papes du \h. Le drame de la religion, du combat de
la vérité contre l'erreur, est toujours un et identique. Les principes de
l'Église et les procédés qu'elle emploie sont aujourd'hui ce qu'ils étaient
alors. Les principes et les procédés des hérétiques de ces temps sont
ceux des protestants de nos jours. Voilà ce que je vis, non sans effroi.
Une terrible similitude se dressa devant moi. Similitude de la lettre
morte du passé et des chroniques fiévreuses du présent, d'autant plus
terrible qu'elle m'apparaissait là, silencieuse et sans passion. L'ombre
du V* siècle planait sur le XVb. C'était comme un fantôme, sortant des
eaux troublées du vieux monde,avee la forme et les traits du nouveau.
On pouvait dire alors de l'Eglise tout ce qu'on en dit aujourd'hui :
qu'elle est impérieuse, raide, tranchante, arrogante, inflexible. Les
hérétiques étaient adroits, changeants, réservés, insidieux, courtisans
du pouvoir civil, et sans autre accord entre eux que ceux que ce pou-
voir leur imposait. Le pouvoir civil lui-même, à la poursuite de ce qui
est du ressort naturel, cherchait constamment à écarter les choses
abstraites, et à substituer ce qui est expédient à ce qui est de foi. Je
me disais : A quoi bon pour moi continuer la controverse et défendre ma
position, si je ne fais que forger des arguments en faveur d'Arius et
d'Eutychés, et me constituer l'avocat du diable contre l'invincible pa-
tience d'Athanase et la majesté de Léon (!)?...
« Je terminais à peine mon cours de lectures, lorsqu'un de mes
amis , plus favorable que moi à la cause de Rome , me mit entre les
mains un n° de la Revue de Dublin de ce même mois d'août. Ce n»
contenait un article de Mgr Wiseman, alors évêque, sur la cause
(1) Ici fiait l'empruut fait par l'auleur à sou récit de 1850. La nouvelle
uarratioa reprend.
DU R. P. NEWMAN ET DU D' KINGSLEY. 299
anglicane. On était au milieu de septembro. L'article était sur les Do-
natistes avec des applications à l'anglicanisme. Je le lus, je n'y trouvai
pas grand'chose ; ainsi que je l'ai dit plus haut, la querelle donatiste
m'était connue depuis longtemps. La cause ne répondait pas à celle de
l'Église anglicane. Saint Augustin écrivait en Afrique contre les Do-
ïiatistes établis en Afrique; les sectaires formaient un parti féroce,
qui créait un schisme au sein même de l'Église d'Afrique, et qui
ne s'étendait pas plus loin. C'était donc une cause d'autel contre
autel ; le cas de deux occupants d'un même siège, comme serait
celui des non-jureurs en Angleterre en face de VEglise établie. Ce
n'était pas le cas d'une église contre une autre église, que Rome en
face des Monophysites d'Orient m'avait présenté. Cependant, mon ami,
homme sincèrement religieux, qui m'était cher comme il l'est encore,
et qui est demeuré protestant ; cet ami me fit voir les mots saillants de
saint Augustin que l'article citait dans un de ses extraits et qui avaient
échappé à mon altenlion. C'étaient coux-ci: Securus jndicat orbis
terrarum. 11 répéta ces mots à plusieurs reprises. Ils sonnaient encore
à mes oreilles après que mon ami s'en était allé. Securus judicat orbis
terrarum. Voilà des expressions qu'f portaient bien au-delà de l'affaire
des Donatistes. Elles s'appliquaient à celle des Monophysites. Ces mots
donnaient à l'article la force convaincante qui ne m'avait point saisi.
Us donnaient pour la décision des questions ecclésiastiques une règle
plus simple que celle de l'antiquité. D'ailleurs, c'était Augustin que
j'entendais; c'était l'un des premiers oracles de l'antiquité, c'était donc
l'antiquité prononçant contre elle-même. Quelle lumière ce trait ne
jetait-il pas sur toutes les controverses de l'Église? Ce n'est pas à dire
sans doute que la multitude ne puisse pour un moment faillir dans son
jugement ; ce n'est pas que dans l'ouragan de l'arianisme, des évêques
plus qu'on n'en peut compter, n'aient plié sous la tempête et n'aient
abandonné Athanase ; ce n'est pas que la masse des évêques d'Orient,
pour se soutenir dans l'autre contestation, n'ait point eu besoin du
regard et delà voix de saint Léon. Mais la valeur de ce mot, c'est que
le jugement délibéré, auquel l'Église dans son ensemble acquiesce avec
maturité; c'est qu'un tel jugement constitue une prescription infaillible
et un arrêt final vis-à-vis des partis qui protestent et qui se retirent
300 POLÉMIQUE.
Chose étrange que nos impressions ! Ce simple trait de saint Augustin
me frappa avec une force qu'aucune parole ne m'avait encore fait sentir.
C'était pour moi comme le Toile, lege de l'enfant qui convertit saint
Augustin lui-même, et la théorie de la via média était pulvérisée du
coup. »
L'éminent professeur ne se rendit pourtant pas sur-le-champ. Il
tenta encore de se prouver à lui-même et de démontrer à ses dis-
ciples que l'église anglicane a le caractère de la sainteté, et que ce
caractère suffit pour qu'on reconnaisse en elle la véritable Eglise.
Souvent la crainte d'être trompé par une nouvelle utopie après l'avoir
été par une première venait ébranler sa conviction naissante. Mais
désormais la confiance lui manquait dans l'œuvre d'affermissement et
de régénération qu'il avait entreprise au profit de l'épiscopat anglais.
Lorsqu'il écrivit son fameux traité 90, le dernier de la série, et celui
qui sert de fondement à tout l'édifice puséiste, il croyait à peine à la
conciliation qu'il prétendait établir entre la vérité chrétienne et la doc-
trine affichée par l'église anglicane. Enfin, vers les derniers mois de
l'année 1845, la grâce avait achevé son œuvre sur cette âme émi-
nemment douée; la raison s'était rendue à la foi, et le 8 octobre 1845,
vit se consommer entre les mains du Père Dominique, passioniste, le
travail de salut aussi abondant dans ses fruits qu'il avait été lent dans
ses progrès.
Quant à la théorie de la voie moyenne, il y a longtemps que ce que
dit le Père Newman est accompli et qu'elle est pulvérisée. Frayer une
nouvelle route entre la voie de l'autorité et les sentiers perdus du ju-
gement propre, c'est une tentative qui se renouvelle d'âge en âge
depuis les débuts de la gnose, et que notre siècle, pas plus que les pré-
cédents, ne verra réussir.
Il est très-aisé de dire : Nous revenons à l'antiquité, aux siècles pri-
mitifs, aux premiers conciles, mais pour établir ce que ces siècles ont
cru, il faut ou s'ériger en oracle ou donner des preuves. Les premiers
essais faits, le plus simple comme le plus sûr paraît encore d'en venir
â la tradition de l'Église et à son autorité.
Pour extrait : E. Hautcœcr.
BIBLIOGRAPHIE.
Instruction synodale de Mgr l'Évêque de Poitiers sur les princi-
pales erreurs du temps présent. 2* éd. Poitiers, Oudin ; Paris, Giraud.
In-12 de 313 pp.
Sous ce titre, Mgr l'Évêque de Poitiers a réuni ses discours tenus
en présence de son clergé dans les synodes de 1862 et de 1863. Cette
instruction synodale se rattache à deux autres qui l'ont précédée, et
qui, après plusieurs éditions successives, paraissent aujourd'hui dans
le même format, de façon à former un ensemble que tout prêtre voudra
posséder dans sa bibliothèque. Les premières en date sont trop con-
nues, pour que nous ayons à en parler de nouveau. On sait quelle ira-
pression elles ont produite en dehors même du monde chrétien, et
parmi les coryphées du rationahsme.
Dans la troisième instruction synodale, l'illustre successeur de saint
Hilaire passe en revue et discute, avec cette manière large et profonde
qu'on lui connaît, les formes les plus récentes de la polémique antichré-
tienne. Tout se ramène, en résumé, à une erreur fondamentale: la né-
gation de l'ordre surnaturel. « Nous disons, nous, et l'Église catholique
enseigne que Dieu, par un acte libre de son amour, a établi un Hen su-
périeur et transcendant entre notre nature et la sienne ; nous disons
qu'un pareil lien n'était pas nécessaire en soi, qu'il n'était commandé,
ni môme formellement réclamé par aucune exigence de notre être, qu'il
est dû à la charité immense, à la libéralité gratuite et excessive de Dieu
envers sa créature ; nous proclamons que ce lien, par suite de la volonté
divine, est devenu obligatoire, indéclinable, nécessaire ; qu'il subsiste
éminemment et qu'il subsistera éternellement en Jésus-Christ, Dieu et
homme tout ensemble, nature divine et nature humaine toujours dis-
tinctes, mais irrévocablement unies par le nœud hypostatique ; nous
ajoutons que ce lien doit s'étendre, selon des proportions et par des
moyens divinement institués, à toute la race dont le Verbe incarné est
le chef, et qu'aucun être moral, soit individuel et particulier, soit pu-
blic et social, ne peut le rejeter et le rompre, en toutou en partie, s£|ns
manquer à ses fins, et, par conséquent, sans se nuire mortellement à
302 BIBLIOGRAPHIE.
lui-même et sans encourir la vindicte du Maître souverain de nos des-
tinées. Telle est, non pas seulement la doctrine, mais la substance
même du christianisme
« Or, si l'on cherche le premier et le dernier mot de l'erreur con-
temporaine, on reconnaît avec évidence que ce qu'on nomme l'esprit
moderne, c'est la revendication du droit, acquis ou inné, de vivre dans
la pure sphère de l'ordre naturel ; droit moral tellement absolu, telle-
ment inhérent aux entrailles de l'humanité, qu'elle ne peut, sans signer
sa propre déchéance, sans souscrire à sa honte et à sa ruine, le faire
céder devant aucune intervention quelconque d'une raison et d'une vo-
lonté supérieures à la raison et à la volonté humaine, devant aucune
révélation ni aucune autorité émanant directement de Dieu.
« Cette attitude indépendante et répulsive delà nature, à l'égard de
l'ordre surnaturel et révélé, constitue proprement l'hérésie du natura-
lisme : mot consacré par la langue bientôt séculaire de la secte qui pro-
fesse ce système impie, non moins que par l'autorité de l'Eglise qui le
condamne.
« Cette séparation systématique, on l'a aussi appelée, et non sans fon-
dement, V antichristianisme. Par le fait, elle est complètement destructive
de toute l'économie chrétienne. En ne laissant subsister ni l'incarnation
du Fils naturel de Dieu, ni l'adoption divine de l'homme, elle supprime
le christianisme à la fois par son faîte et par sa base, elle l'atteint à sa
source et dans toutes ses dérivations (1). »
Les faux sages de notre époque ne conçoivent pas tous leur œuvre
de la même façon. « Le naturalisme a des degrés : absolu chez les uns,
partiel chez les autres; là niant les principes des premiers, ici écartant
seulement quelques conséquences. Mais comme tout se tient, comme
tout est fortement lié dans l'œuvre de Dieu, la négation des moindres
conséquences fait remonter logiquement à la négation des principes. Le
poison du naturalisme n'est donc inoffensif à aucun degré, il n'est sup-
portable à aucune dose (2). »
Les plus modérés sont ceux qui suppriment .toute intervention de la
(1) Instruction synodale, p. 20 ss.
(2) lOid., p. 31.
I
BIBLIOGRAPHIE. 303
religion dans la vie publique, et qui prétendent la renfermer dans le
sanctuaire de la conscience individuelle. Ils séparent le chrétien du ci-
toyen, ils nient le rôle social de la vérité révélée par le Verbe. D'autres,
soit qu'ils tranchent, soit qu'ils laissent de côté les questions relatives
à la possibilité et à l'existence de l'ordre surnaturel, prétendent qu'au
moins cet ordre est facultatif, qu'on e5t libre de se soustraire aux obli-
gations qu'il impose, et de poursuivre sa fin, connue pour la raison,
à l'aide des moyens que fournit la nature laissée à elle-même.
« Pour ces hommes, la question de religion positive n'étant qu'une
affaire de choix et de goût, l'État, tout en assurant aux citoyens qui
appartiennent à un culte quelconque la liberté de le suivre, doit, pour
sa part, exercer le sacerdoce de l'ordre naturel, et poser l'éducation
nationale, l'enseignement des lettres, de l'histoire, de la philosophie,
de la morale, en un mot, toute la législation sociale, sur un fondement
neutre, ou plutôt sur un fondement commun, et résoudre ainsi, en de-
hors de tout élément révélé, le problème de la vie humaine et du gou-
vernement public. C'est ce que le jargon du jour nomme l'état laïque,
la société sécularisée, tenant en réserve la qualification de • clérical ■
à l'adresse de tout laïque et séculier qui n'est pas renégat de son bap-
tême et transfuge de son Église (1). »
Ce sont là les moyens termes auxquels s'arrêtent beaucoup d'esprits
au sein de notre société flottante, incertaine dans ses croyances, attachée
avant tout à l'ordre matériel et aux intérêts du temps. Toutefois, les
esprits plus conséquents ne s'arrêtent pas ainsi à moitié du chemin ; ils
vont jusqu'à la négation absolue de l'ordre surnaturel, considéré comme
fait et comme doctrine, et même quelques-uns, pour le déraciner fon-
cièrement, essaient de rajeunir le vieux thème de la philosophie alle-
mande, le panthéisme. A tout prendre, cette dernière position est la
seule qui soit tenable logiquement, mais ceci même est la condamna-
tion des systèmes antichrétiens qui sont, ou chassés de toutes leurs po-
sitions, ou conduits fatalement à cet abîme. Après tout, il y a encore
trop de bon sens en France, pour que Hegel et ses disciples puissent y
faire fortune.
I\) P. 33 s.
30/i BIBLIOGRAPHIE.
Encore une fois, toute cette Instruction synodale demande à être
lue et méditée ; elle le sera par les prêtres qui ont à cœur de se
tenir à la hauteur de leur ministère comme interprètes et défenseurs de
la vérité chrétienne. La dernière partie, relative aux théories décevantes
d'un certain catholicisme libéral, est de nature à dissiper bien des erreurs
et des illusions, à faire cesser bien des malentendus. Puisse-t-elle avoir
pour résultai de modérer des aspirations, de réformer des théories et
des jugements inspirés par des idées généreuses sans doute, mais peu
exactes, et, quoi qu'on en dise, peu en rapport avec les besoins réels de
la société. E. Hautcœur.
Un mot sur la Patrologie de M. l'abbé Migpne.
Nos lecteurs connaissent cette immense publication qui réunit siècle
par siècle tous les monuments de la tradition catholique. Deux séries
étaient achevées jusqu'à présent: la série latine, conduite jusqu'à
l'époque d'Innocent III (222 volumes in-4); la première série gréco-
latine, allant jusqu'à Photius (109 volumes).
L'infatigable éditeur nous annonce que la deuxième et dernière série
de la Patrologie gréco-latine est entièrement composée et clichée (61 vo-
lumes). Le tirage a dû être différé, mais il marchera, on le comprend,
avec la plus grande rapidité. Cette série s'étend jusqu'au concile de
Florence.
Maintenant, M. l'abbé Migne va s'occuper de conduire la tradition
de l'Eglise d'Occident jusqu'au concile de Trente. Nous regrettons que
le défaut d'espace nous oblige à nous contenter aujourd'hui de ces in-
dications succinctes, et nous terminons en engageant instamment tous
les amis de la science sacrée, à encourager par leur souscription cette
entreprise vraiment incomparable. La Patrologie devra faire la base de
toute bibliothèque théologique. On ne trouverait nulle part réunis, même
dans le dépôts les plus riches, les éléments qui la composent. Et cepen-
dant, on peut se la procurer pour une somme relativement modique,
tandis que les grandes éditions des Pères de l'Église atteignent toujours
un prix fort élevé. E. Hautcœur.
Arras, typ. Rousseau-Leroi, rue Saint-Maarice, 26.
ÉTUDE SUR LA LEGISLATION MOSAÏQUE.
Cinquième article
Keil, Handbuch der bibliscken archœologie. — Haneberg, Histoire de la
liév. biblique. — Micbaolis, Mosahches Recht. — Salvador, Histoire
des institutions de Moïfte . — Hœvernick, Spezielle Einl. in den Pen-
tateuch. — Canlù, Histoire universelle: les Hébreux. — Kurtz, Geschichte
des allen Bundes, — Dankô, Historia Rev. div. vet. Testamenti.
On ne s'altend pas a ce que nous donnions ici des détails,
qu'on pourrait appeler techniques, sur les diverses insti-
tutions religieuses, sociales et politiques de Moïse. Une
vue d'ensemble suffira. Cç sont d'abord les institutions
religieuses qui s'offrent à nous. Nous allons les examiner
d'assez près pour les faire connaître, d'assez loin pour ne
pas fatiguer le lecteur. Nous adoptons l'ordre suivi par
Varron, dans son Exposition des antiquités romaines,
ordre que saint Augustin appelait pulcherrimam ac subtilis-
simam, disposa ionem (1) : il consiste a parler successivement
des lieux, des personnes, des choses et des temps, dans
leur rapport avec la religion et le culte.
Le tabernacle dont Dieu avait donné la forme et les di-
mensions, pour la construction duquel il avait préparé deux
ouvriers habiles, Bézaléel et Oholiab, nous est déjà connu
par son symbolisme. Les matériaux employés sont des
matériaux de choix ^ la place qu'on lui donne dans le camp
(1) De Civ. Dei, 1. vi, cap. 3.
Revue pes Sciences kcclés. t. ix.— octobre 1864. 24
306 ÉTUDE SUR lA LÉGISLATION MOSAÏQUE.
est la place d'honneur. Des hommes spéciaux sont chargés
de veiller a sa garde ;, lorsqu'il change de place, il faut
appartenir à une classe choisie pour avoir le privilège de
concourir a son transport -, enfin les noms qu'il reçoit in-
diquent tous le rang qui lui convient dans l'ordre des insti-
tutions religieusesde Moïse. On l'appelle en eiïel l' habitatiorf ^
la tente du rassemblement ou de l'alliance. C'est le lieu où le
Seigneur a voulu habiter, comme en un palais royal-, le lieu
par le moyen duquel la présence de Dieu au niilieu d'Israël
devient sensible au peuple. (Ps. v, 8.) C'est le signe établi
par Dieu comme symbole de l'alliance. (Exod. xxv, 8;xxix,
42, 43, 45, 46. — Deuter. iv, 8.) On l'appelle encore la
maison de Dieu (Exod. xxiii, 19. — I Reg. i, 7), la maison
que le Seigneur a bâtie, cette demeure qui remplace, sur
la terre, le ciel où Dieu habite, lui qui ne demeure pas en
des maisons bâties de main d'homme. (Is. lxvi, 1.) On
l'appelle enfin le sanctuaire (Numer. ix, 15, 23), le lieu d'où
partent comme par un rayonnement perpétuel les grâces de
Dieu, celui d'où vient la sainteté. Pour la trouver, des
hommes saints et pieux habiteront dans le tabernacle.
(Ps. XXII, 6 ^ XXVI, 4; xli, 2.)
On comprend tout ce que de pareilles appellations devaient
éveiller de sentiments de foi en Israël. Dans la simplicité
d'un mot, ou d'une formule synthétique, elles ne laissaient
subsister rien de vague ou d'indéfini, ainsi que cela avait
lieu dans les religions païennes, que le mystère seul
pouvait sauver du ridicule et du mépris. Il y a un secret
ici, c'est vrai : le Saint n'est accessible qu'aux prêtres, et
le grand-prêtre seul pénètre une fois par an dans le Saint
des saints ; mais le peuple a vu, il a palpé la raison de ce
secret, et toutes les fois qu'il y aura utilité, Dieu la lui
fera encore saisir et comprendre par une épreuve aussi
dure que nécessaire. D'ailleurs, dans le secret même, il
n'y a pas de mystère. La mesure du secret, c'est la sain-
ÉTUDE SUR LA LÉGISLATION MOSAÏQUE. 307
teté : elle se resserre du peuple aux lévites, de ceux-ci aux
prêtres, et des prêtres au grand-prêtre. Entre ces degrés
hiéiarchiques, il y a comme des intervalles qui sont
remplis par les fils d'Israël, qu'une vocation spéciale a ap-
pelés au service des autels, et pour qui les voiles tombent
parfois, comme aux jours où la tente est roulée, et où un
déplacement met en pleine lumière les diverses parties du
tabernacle. (Num. iv, 4, 23; vu, 3, 9-, x, 17, 21.)
La tente du Seigneur fut dressée, par son ordre, le
premier jour de la seconde année après la sortie d'Égypie.
On en consacra les diverses parties, et aussitôt la gloire de
Dieu se manifesta, et sa présence fut rendue sensible au
milieu du peuple par la nuée qui couvrait jour et nuit le
propitiatoire. (Exod. xl.) La famille d'Aaron fut aussi con-
sacrée au service des autels, et lorsqu'Aaron offrit le premier
sacrifice, en présence de Moïse et du peuple, le feu du ciel
descendit et consuma les victimes. (Exod. xl, 12. — Lev.ix,
23.) Après la prise de possession du pays de Chanaan, le
tabernacle fut dressé a Sijo, où il resta jusqu'au temps
d'Héli. (Jud. XVIII, 31. — I Sam. i, .3 ^ ii, 12 seqq.) Plus
tard nous le trouvons a Nob, et au commencement du règne
de Saùl, a Gibéon. (I Reg. m, 4.— II Par. i, 3.) C'est ^e
là qu'il fut transporté a Jérusalem, après la construction du
temple. Le lieu qu'occupe le tabernacle est toujours un
lieu saint, un lieu où l'on offre des sacrifices, où il y a un
service régulier de culte et un personnel chargé de veiller
k son entretien. Cependant l'arche se sépare du labernacle.
On la porte dans les camps : elle tombe au pouvoir des
ennemis qui la rendent ensuite, a cause des maux dont ils
sont frappés, et depuis lors même elle n'est plus replacée
dans le tabernacle. Devant l'arche aussi on offre des sacri-
fices -, on conçoit que durant cette période de guerres et
de fondation, il ne fût ni dangereux pour la foi, ni contraire
à l'esprit du législateur, que le peuple pût offrir des sacri-
308 ÉTUDE SUR LA LÉGISLATION MOSAÏQUE.
lices au Seigneur en deux endroits différents. La preuve
que la vigueur de la constitution mosaïque a cet égard
s'était parfaitement conservée, ce sont les saints désirs de
David, qui, à peine remis de la victoire à laquelle l'unité
nationale devra sa consécration, s'occupe immédiatement
d'élever au Seigneur une demeure permanente, où Israël
viendra trois fois par an se rendre présent a Dieu, et où l'on
offrira perpétuellement au Seigneur les sacrifices prescrits
par la loi. On ne pourra même les offrir qu'en ce seul lieu,
et lorsqu'un schisme aura rompu l'unité nationale, le
premier soin des tribus rebelles sera de fermer l'accès au
temple de Jérusalem, où les principes d'unité semblent
trouver leur préservation et leur appui.
Un fait très-digne d'observation relativement au taber-
nacle, c'est le soin que Dieu prend d'en conserver la
forme et les dispositions essentielles, dans les deux temples
de Salomon et de Zorobabel, par lesquels il est successi-
vement remplacé. Ce fait nous permet de constater la con-
viction du peuple de Dieu a trois époques fondamentales
de son histoire, la formation^ l'apogée de la gloire, et le
plus bas degré de l'affaiblissement. On aurait beau demander
aux tendances traditionnelles et conservatrices des Juifs
les raisons de cette fidélité à garder le monument de la
religion révélée dans ses formes primitives, on ne pourrait
pas réussir a donner des explications plausibles d'un fait
que les Livres saints présentent d'ailleurs comme le résultat
d'une volonté spéciale de Dieu. Toutefois, comme Israël
pouvait résister a la volonté divine, la soumission qu'il
manifeste en ces trois circonstances, montre la vivacité de
la foi avec laquelle il demeure attaché a une institution
dont on serait mal venu après cela de méconnaître l'im-
portant caractère.
La nation juive formait un peuple saint, consacré au
Seigneur.C'est au chapitre xix* de l'Exode qu'est rapportée
ÉTUDE SUR LA LÉGISLATION MOSAÏQUE. 309
cette consécration : la Bible la rappelle en bien des cir-
constances. Israël est souvent nommé la propriété de Dieu,
l'héritage du Seigneur, le peuple qu'il s'est acquis par ses
bienfaits et qu'il conserve par une Providence toute spéciale.
Toutefois, Dieu choisit encore, au milieu de la nation, des
hommes à qui il confia la garde du dépôt sacré de ses révé-
lations saintes, qui devaient continuer dans leur ministère
ordinaire, le ministère extraordinaire des conducteurs
d'Israël ^ ce furent les prêtres ou les lévites. Un ordre hié-
rarchique fut établi entre eux. Le grand-prêtre avait la
plénitude du sacerdoce. Ses fonctions, les onctions et les
sacriflces dont était accompagnée sa consécration, et les
vêtements mêmes qu'il portait, indiquaient sa suprématie.
Les lévites se distinguaient pareillement des prêtres par
des attributions et des offices spéciaux. La loi souveraine
de la descendance par rapport a la souche d'où ils prenaient
leur nom, était le principal moyen de la classification
établie entre les ministres des autels. Lévi eut trois fils :
Gerson, Caath et Mérari. Aaron descendait de Caath ^ il fut
choisi ainsi que ses fils pour le sacerdoce proprement dit.
Les fils de Gerson et de Mérari formèrent l'ordre lévitique, à
qui l'on donna des aides, connus dans la Bible sous le nom
de nathinéens, ou esclaves du sanctuaire, lesquels rem-
plissaient les fonctions les plus humbles dans le tabernacle
d'abord, puis dans le temple, et assistaient les lévites de
même que ceux-ci assistaient les prêtres.
On vit aussi en Israël des personnes de tout sexe se con-
sacrer d'elles-mêmes au Seigneur par des vœux perpétuels
ou temporaires. En général leur vœu consistait a s'abstenir
de boissons enivrantes, à laisser croître, sans les couper,
leurs cheveux et leur barbe. Ce furent les Nazaréens ou
Naziréens. Enfin les Réchabites se distinguèrent aussi du
reste de la nation par leur retraite-, ils vivaient à la cam-
pagne, habitaient sous des tentes, ne buvaient ni vin, ni
3J0 ÉTUDE SUR L\ LÉGISLATION MOSAÏQUE.
liqueurs fermcntées. Ils ont mérité les éloges de saint Jé-
rôme (1\ et Jérémie cite un fait qui les honore, en les
faisant connaître (xxxv, 1) .
La loi permettait ces sortes de consécrations. On conçoit
qu'il y eût une utilité réelle pour la conservation de la foi
et de la morale, a ce que le peuple pût contempler des
observateurs plus rigoureux des préceptes ou des conseils
de sanctification qu'elle renfermait. On comprend aussi
que ces oblations spontanées des fidèles au service du
Seigneur, pussent exciter le zèle de ceux qui par leur fa-
mille y étaient consacrés, et de ceux qui n'appartenaient a
Dieu que comme membres de la grande famille dont il était
le Père et le Roi. De plus, ces classifications volontaires
opérées dans un but de perfectionnement moral, n'of-
fraient rien qui pût autoriser les classifications doctrinales
introduites dans la suite des temps, et dont le caractère
était essentiellement réfractaire à l'ordre et à l'économie
doctrinale établies par la loi. La vie des écoles, et l'affaiblis-
sement de la foi en Israël, nous apparaissent comme les
principes réformateurs de ces sectes rivales que l'on trouve
dans les derniers temps : les Pharisiens, les Sadducéens,
les Esséniens, les Hérodiens, les Gaulonites, lesZélotes et
les Sicaires. Le sacerdoce était le gardien de la science et
de la loi. Dès que la loi et la science tombèrent comme
dans le domaine public, grâce a l'ambition de maîtres té-
méraires ou de disciples exaltés, les luttes doctrinales se
déclarèrent, et l'esprit de secte et de parti dut nécessai-
rement se déployer, avec son cortège de rivalités, de per-
turbations, de désordres religieux, sociaux et politiques.
Ce n'était plus l'esprit des institutions mosaïques. Celles-
ci tendaient à l'unité, prévenaient tout ce qui pouvait la
troubler momentanément et la détruire ensuite. Les sectes
portaient a l'unité le coup le plus décisif : leur principe
(1) Epist. ad Paul. 49 al. 13.
ÉTUDE SUR LA LÉGISLATION MOSAÏQUE. 511
ctai t éminemment subversif et desorganisateur. On respecta,
il est vrai, les attributions extérieures du sacerdoce-, on
laissa aux prêtres la charge d'offrir des sacrifices et de
veiller a l'entretien de la maison du Seigneur, mais on
érigea des chaires en présence de leur chaire ^ on commenta
la loi en dehors de leurs commentaires autorisés -, on laissa
déborder un flot traditionnel, chargé d'une multitude de
pratiques et d'explications que rien n'accréditait, dans le
sanctuaire, où il aurait dû prendre son unique source.
D'autres amoindrirent l'autorité des traditions, au profit
d'une interprétation de l'Écriture appuyée seulement
par le caprice ou les élans d'une imagination déréglée.
Enfin, la désorganisation politique de l'État inspira des
théories destinées a affermir un nouveau trône, ou à justifier
des excès que le sens commun et la morale réprouvaient
avec éclat et unanimité.
Les actes extérieurs de religion prévus et réglés par la
loi mosaïque étaient les oblations et les sacrifices. Ce-
pendant ces actes extérieurs ne sont pas l'élément essentiel
de la religion, et la prière du prêtre est si souvent recom-
mandée dans les livres mêmes de Moïse (1) , qu'on ne saurait
ne pas la regarder comme un des principaux moyens de ré-
conciliation, celui sans lequel les autres sont privés de
valeur et comme frappés d'impuissance et de stérilité.
D'ailleurs, le culte extérieurdoit trouver dans lesconvictions
intimes sa raison d'être. A celles-ci appartient le premier
rang, et l'acte extérieur des oblations ou des sacrifices ne
vient qu'en second lieu. Les prophètes, interprètes auto-
risés de la loi de Moïse, ont fréquemment insisté sur cette
doctrine, et on les a entendus reprendre énergiquement un
peuple endurci qui s'imaginait avoir accomplie la loi parce
(pi'il avait répandudu sang ou offert des dons aux ministres
des autels.
(1) Lev. IV, 20, 26, 31, 33 ; v, C, 10, 13, 18; VI, 7 , IX, 7 ; XIX, 22.
312 ÉTUDE SUR LA LÉGISLATION MOSAÏQUE.
La loi déterminait la nature des oblations et la nature
des victimes que l'on pouvait immoler a la gloire de Dieu.
Les oblations se composaient toujours de farine, d'épis de
froment ou d'orge, d'huile d'olive, de vin ou d'encens. On
n'admettait aux sacrifices sanglants que des bœufs, des mou-
tons, des agneaux, des chevreaux, des colombes et de petits
tourtereaux. Le sel était employé dans tous les sacrifices.
Pour se faire une idée exacte des sacrifices, il convient
de rappeler un passage de saint Thomas, où il les fait con-
naître parfaitement en quelques mots : « Duplicem cau-
sam habebant : unam scilicet litteralem, secundura quod
ordinabantur ad cultum Dei -, aliam vero figuralem, sive
mysticam, secundum quod ordinabantur ad fîgurandum
Christum : et ex utraque parte potest convenienter causa as-
signari ceremoniarum, qu;» ad sacrificia perlinebant... Uno
modo, secundum quod per sacrificia reprsesentabatur ordi-
natio mentis ad Deum, ad quam excitabatur sacrificium
offerens -, ad rectam autem ordinationem mentis ad Deum
pertinet, quod omnia quœ homo habet recognoscat a Deo
tanquam a primo principio, et ordinel in Deum, tanquam
in ullimum finem, et hoc repnesentabatur in oblationibus
et sacrificiis, secundum quod homo ex rébus suis, quasi in
recognitionem, quod haberet ea a Deo, in honorem Dei ea
offerebat Inter omnia autem dona quœ Deus humano
generi, jam per peccatum lapso dédit, pra?cipuum est,
quod dédit filium Et ideo potissimum sacrificium est,
quo ipse Christus se ipsum obtulit Deo in odorem suavita-
tis,... ^Eph. v;, et propler hoc omnia alia sacrificia offere-
bantur in veteri lege, ut hoc unum singulare ac pr?ecipuum
sacrificium figuraretur, tanquam peij'ectum per imper-
fecta Et quia ex figurato sumitur ratio figurée, ideo
raiiones sacrificiorum figuralium veteris legis sunt su-
mendaî ex vero sacrificio Christi (1). »
(1) Summa, i-2, q, 102, a. a.
ÉTUDE SUR LA LÉGISLATION MOSAÏQUE. 313
Nous résumons la doctrine de l'Ange de l'école en une
série de propositions : la loi prescrivait les sacrifices pour
deux motifs principaux 5 le premier regardait le culte que
l'homme doit à Dieu ; le second regardait la nécessité pour
la loi de renfermer une institution figurative de l'acte sou-
verain de religion que Jésus-Christ devait rendre a son Père.
Ces deux motifs étaient en une relation intime, car l'acte
de religion de Jésus-Christ est tellement parfait de sa na-
ture, que tous les autres actes de religion de l'humanité
doivent le figurer ou le reproduire. Mais l'acte de religion
de Jésus-Christ consiste à offrir à Dieu le don le plus grand
que Dieu ait fait à l'homme. Jésus-Christ, en tantqu'homme,
s'offre à son Père comme une victime d'agréahie odeur,
parce que l'union hypostatique du Verhe de Dieu avec sa
très-sainte humanité, faisant de lui une seule personne, la
personne du Fils de Dieu par nature, la destruction de cette
humanité pour la gloire de Dieu est l'oblation la plus ex-
cellente que le Père puisse recevoir. Cette oblation constitue
donc une réalité unique par rapport à toutes les oblations
figuratives qui l'ont précédée, et la dignité du sacrifice de
Jésus-Christ est d'autant plus éminente que la matière de
son sacrifice surpasse infiniment la matière des sacrifices
antérieurs. Or, c'est le propre des types ou des figures
d'être déterminés à leur valeur typique et figurative, par
les antitypes ou réalités auxquels ils se rapportent. Pour
entendre donc les sacrifices typiques et figuratifs de la loi,
il faut les rapprocher du sacrifice réel de Jésus-Christ. Et
comme d'ailleurs toutes les cérémonies qui accompagnaient
les sacrifices mosaïques, n'avaient de valeur aux yeux de
Dieu que par leur rapport au sacrifice qu'elles accom-
pagnaient et qui figurait le sacrifice de Jésus-Christ, il
s'ensuit qu'on ne peut avoir une idée exacte de ces céré-
monies mêmes, que par leur étude comparative avec les
actes du sacrifice de la croix.
'àih ÉTUDE SUR LA LEGISLATION MOSAÏQUE.
C'est pour avoir méconnu celte règlç qu'un grand nombre
d'auteurs ne se sont pas rendu un compte exact des pte-
scriptions de Moïse relatives aux sacrifices et aux oblations.
Ajoutez que les types et les antitypes se renvoyant des uns
aux autres des flots de lumière, c'est pour n'avoir pas assez
tenu compte des prescriptions de Moïse relatives aux sacri-
lices, que certains hérétiques n'ont pas compris le sacrifice
de la croix, et le sacrifice de la messe, son complément el
son renouvellement.
Les sacrifices sanglants se composaient ordinairement
de trois actes principaux : l'effusion du sang, l'oblation et
la manducation de la victime. L'effusion du sang réveille
toujours l'idée d'une expiation, et par conséquent rappelle
le péché (Lév. xvii, iO ; r, 4 -, iv, 24, 2o ; vi, 30) . Dans les
sacritices expiatoires, le sang est soumis a une multitude de
manipulations, précisément parce que ces sacrifices rap-
liellent le péché plus que les autres. Avant de simuler son
union a Dieu par une action qui indique la jouissance de
lui en un acte physique, la manducation, l'homme doit dé-
clarer son inhabileté a cette union, par un abandon de son
bien sur l'autel du Seigneur. C'est l'oblation. L'autel ren-
ferme le feu sacré qui dévore les victimes : on appelle
l'autel Ariel, lion de Dieu Ezecli. xliii, 15, 16) a cause de
cela. Pour goûter au sacrifice, il faut ordinairement être
consacré a Dieu. Lorsqu'on n'est pas tel par vocation, on
se prédispose a l'oblation participée en donnant des témoi-
gnages de sa culpabilité, de sa faiblesse, et en se préparant
] ar des purifications. Comme le sacerdoce exprime au
milieu du peuple un état saint et agréable a Dieu, les prêtres
seuls mangent les pains de proposition, oblation non san-
glante qui ne rappelle pas le péché. Le simple fidèle par-
ticipe cependant a Yhostie pacifique, et alors même le sacri-
fice se nomme perfection, intégrité (Db© \ mais le prêtre
en a toujours sa part, a moins qu'il n'offre le sacrifice pour
ÉTUDE SUR LA LÉGISLATION MOSAÏQUE. 315
lui-même : dans ce cas toute la chair est brûlée loin de
l'autel, extra castra. On se rappelle l'allusion que fait saint
Paul à celte loi, dans l'épître aux Hébreux: Jésus-Christ
a souffert hors la porte de la ville, parce qu'il était la vic-
time d'expiation des péchés du monde.
Le sacrifice rend a Dieu l'honneur qui lui est dû, en
rappelant surtout le refus qui lui a été fait, à un moment
donné, de cet honneur. La loi sur les premiers-nés, les pré-
mices et les dîmes, ne supposait pas, comme celle sur les
sacrifices, une infraction antérieure-, elle découlait tout
simplement du principe général en vertu duquel Dieu est
le premier maître du monde, le Roi temporel et terrestre
d'Israël. Les premiers-nés des hommes et des animaux ap-
partiennent au Seigneur, mais on peut les racheter : car
Dieu qui a miraculeusement préservé les premiers-nés
d'Israël, lors de la sortie d'Egypte, se contente d'un droit
fondamental, qui rappelle ce grand fait, en même temps
que son souverain domaine. Les premiers-nés des vaches,
des chèvres et des brebis doivent être offerts en sacrifice,
entre le huitième jour depuis leur naissance et la fin de
l'année. En les offrant, on brûle les parties désignées par
la loi, et le reste appartient aux prêtres \, s'ils ont quelque
défaut, on ne doit pas les immoler au Seigneur -, ils appar-
tiennent aux prêtres qui en disposent à leur gré. Les pre-
miers-nés des autres animaux, doivent être tués ou échangés
pour un agneau, ou rachetés au prix déterminé par les
prêtres j les fruits de la terre sont soumis à une loi analo-
gue, qui est celle des prémices. Il est défendu de moisson-
ner avant qu'on n'ait offert au Seigneur \' Orner ou la gerbe
nouvelle, le lendemain du jour des Azymes, et il est dé-
fendu de cuire du pain avec du blé nouveau, avant l'obla-
tion des pains nouveaux, le second jour de la Pentecôte j la
loi sur les dîmes complète la loi sur les prémices. Le peuple
les paye aux lévites, ceux-ci aux prêtres, il en est une que
316 ÉTUDE SUR LA LÉGISLATION MOSAÏQUE.
l'on paye tous les trois ans seulement et qui, convertie en
argent, est destinée à l'entretien du trésor du temple de
Jérusalem. Racheter la dîme, c'est la payer un cinquième
au-dessus de sa valeur. (Lev. xxvii, 31. — >um. xviii,
26, 29.;
Dieu se doit, il est vrai, à son peuple en vertu des pro-
messes qu'il lui a faites, et qu'il renouvelle toutes les fois
que le bien moral de la nation l'exige ; mais le peuple se
doit aussi à Dieu, et l'on conçoit a ce point de vue, com-
bien était intelligente (ne voulût-on pas la considérer
comme divine) une législation qui s'emparait des actes les
plus ordinaires d'Israël, au nom du Seigneur. On cherche-
rait vainement quelque chose de pareil dans les législations
païennes. Toute tentative de ce genre était a peu près im-
possible comme conception, et pleinement impossible
comme réalisation.
Être la nation sainte constituait encore pour les Juifs une
sorte d'obligation qui ne trouve nulle part son analogue.
IS'ous voulons parler des lois de purification. Tout ce qui
rappelle de près ou de loin le péché, comme la mort, la
maladie, les phénomènes en rapport avec les fonctions
sexuelles, tout cela est impur. Quiconque touche un être ou
un objet impur, contracte par la même une impureté lé-
gale^ il est séparé pendant un court délai du reste des
hommes, et soumis ensuite a des ablutions purifiantes. Que
ces ablutions et ces lois de purification aient eu rapport avec
la salubrité publique, c'est ce qu'on n'ose ni nier absolu-
ment, ni résolument affirmer. Il est certain que ce n'est pas
la le but principal de cette législation: il n'est pas prouvé
que ce n'ait point été un but secondaire. Cependant saint
Thomas conteste aux lois de purification, une influence quel-
conque de salubrité (T. De plus l'abstinence de toute sub-
stance fermenlée pendant laPàque,indiquaitassez comment
(1) s. p. 3, q. 102, a. 5.
ÉTUDE SUR LA LÉGISLATION MOSAÏQUE. 317
les iniquités seraient un jour purifiées par l'Agneau véri-
table : Cum Pascha nostrum immolatus est Chrishis; ipse enim
Verus est Agnus gui ahstulit peccata mundi. (Préface du jour de
Pâques.) Ne pas perdre de vue l'union des deuxTestaments,
est la meilleure manière, nous l'avons dit, de comprendre
les institutions mosaïques.
Sans ce principe lumineux, on va voir combien les trois
fêtes établies par Moïse perdent de leur caractère. La Pâque
n'est plus que le souvenir du passage de la mer Rouge et
de la sortie d'Egypte. La Pentecôte rappelle tout simple-
ment le don de la loi, et la fêle des Tabernacles le sou-
venir d'un séjour dans le désert, qui fut loin d'être toujours
glorieux pour Israël. Au contraire, se rappeler que la loi
n'est que la figure et la préparation de l'Évangile, c'est
entendre d'une façon bien plus élevée les mystères de ces
institutions à la fois typiques et commémoratives,
L'Église se propose de mener les hommes par la vie sur-
naturelle à leur union avec Dieu, qui se commence en ce
monde par la grâce, et se, parfait en l'autre par la vision
béatifique. L'union se fait par la purification des sens et
de l'esprit: il faut rétablir l'ordre que le péché a troublé,
et la paix ou la tranquillité de l'ordre, on ne l'atteint que
par les luttes intimes qui la préparent. Il faut d'abord que
l'âme soulève le joug honteux des sens et de leurs attraits;
il faut ensuite qu'elle accepte la discipline souveraine de la
foi, et que ses facultés supérieures s'habituent à porter ce
joug salutaire. Par la l'âme arrive aux jouissances paisibles
de l'union.
Cet ordre de faits trouve sa figure dans les trois fêtes
de la loi mosaïque, lesquelles symbolisent encore les fêtes
chrétiennes. La Pâque annonce l'immolation de Notre-Sei-
gneur-, la Pentecôte annonce la descente du Saint-Esprit,
figurée par la descente de Dieu sur le Sinaï, et qui vient
compléter et parfaire tous les enseignements antérieurs :
318 ÉTUDE SUR LA LÉGISLATION MOSAÏQUE.
la fête des Tabernacles annonce l'agglomération symbolique
des fils de la terre dans le sein de TÉglise visible, qui doit
un jour les déposer dans le sein de Dieu. On se prépare a
la fête des Tabernacles, par les deux fêtes qui précèdent
et surtout par la fête de VExpiation, qui la précède de cinq
jours. C'est le grand Prêtre qui fait en ce jour toutes les
fonctions liturgiques. Après avoir immolé les victimes, il
met le feu et l'encens dans l'encensoir, il entre dans le
Saint, asperge l'autel, le tabernacle, le parvis, avec le sang
des victimes dans lequel il a trempé le doigt; il asperge
aussi sept fois le voile du propitiatoire et pénètre dans le
Saint des Saints, l'encensoir a la main. C'est un jour de
jeûne pour tout le peuple. Hazazel va perdre au désert les
péchés de la nation dont on l'a chargé, et les holocaustes
font monter vers Dieu avec la prière du peuple, les gages
de sa dépendance et de sa soumission.
A part ces fêtes principales, les Juifs célèbrent aussi des
solennités ordinaires. Le sabbat revient chaque semaine
établir les droits de Dieu sur leur activité-, l'année sabba-
tique rappelle tous les sept ans le domaine souverain du
Seigneur, ce que l'année jubilaire fait aussi tous les cin-
quante ans. Enfin, le premier jour de chaque mois i^la néo-
ménie) est un jour saint, où l'on offre des sacrifices spé-
ciaux, mais où l'on peut vaquer aux travaux ordinaires. La
plus célèbre des néoménies était celle de Tisri, la fête des
Trompettes, dont le son annonçait la grande solennité de
\Expiation.
Tel est le tableau succinct des institutions religieuses
de Moïse. Ce qu'on pourrait appeler le caractère distinctif
de ces institutions, c'est l'unité entre les diverses parties
qui les composent. Tout roule sur trois pivots dont les forces
et les résistances sont coordonnées ensemble dans le but
de produire une résultante, qui maintienne la foi et la mo-
rale et les préserve d'altérations trop communes. Ces trois
ÉTUDE SUR LA LÉGTSLVTION MOSAÏQUE. 8i9
pivots sont Dieu, le peuple et la loi. Dieu ne se cache pas
sous un ingénieux tissu d'idées métaphysiques, sans in-
fluence sur les actes ^ il est. au contraire au premier plan
de l'action, et tandis que la mythologie païenne fait de la
divinité la personnilication des caprices et des crimes, la
théologie mosaïque lui donne une forme moins austère,
des attitudes pleinement conformes aux idées les plus pures
du bien, du vrai et du beau, Israël n'est pas tellement in-
dépendant comme peuple qu'il ne relève a toute heure du
maître qui a fait les nations ; c'est la sa gloire en même
temps que le secret de sa préservation et de sa destinée fu-
tures. Le principe une fois posé qu'à Dieu seul appartient
l'indépendance, il est glorieux pour une nation, fùt-elle
aussi puissante qu'on voudra l'imaginer, de relever directe
ment de celui qui possède seul le privilège de la force qui
ne connaît pas de limites, de la grandeur qui ne connaît
pas de supériorité. Le sublime de la dépendance con-
stitue dès lors le sublime de la dignité, et les rapports per-
pétuels avec le Dieu personnel et vivant, élèvent à toute
heure la personnalité et la vie au plus haut degré de leur
puissance -, c'est a la loi qu'il appartient de créer ces rela-
tions intimes entre les deux premiers êtres de la Trinité de
Moïse : c'est la loi qui doit prendre a toute heure Lsraël pour
le porter vers Dieu, comme elle prend à tout heure Dieu,
dont elle contient les promesses, pour le porter vers Israël.
Il convient dans ce but que les prescriptions de la loi ne
soient point impossibles ^ il convient même qu'elles soient
tempérées selon les dispositions du peuple, et que sa doc-
trine ne soit pas tellement élevée qu'elle doive rester étran-
gère au vulgaire le moins intelligent. Or, l'étude que nous
venons de faire met dans tout son jour cette vérité. Et si
l'on se rappelle la fidélité avec laquelle ont été gardés les
préceptes de Moïse pendant vingt siècles, on verra combien
le législateur avait harmonisé ses prescriptions avec les be-
320 ÉTUDE SUR L\ LÉGtSLATION MOSAÏQUE.
soins et les aptitudes de ceux auxquels il donnait des lois.
Les pompes religieuses, principal luxe d'Israël, dit
Cantù (4), rappelaient les fastes de la nation. Ainsi, lors de
la solennité de Pâques, si l'enfant en demandait le motif à
son père, celui-ci lui répondait : « C'est en mémoire du
jour où le Seigneur nous délivra de l'oppression étran-
gère (^2) )). Et quand, aux Azymes, ils mangeaient pendant
sept jours du pain non levé, ils se rappelaient l'esclavage
durant lequel ils avaient éprouvé combien est amer le pain
de l'exil (3). Aux temps tixés ils se rassemblaient tous au-
tour du tabernacle qui avait voyagé avec eux; ils se souve-
naient de Dieu et de la gloire de leur nation ^ ils recevaient
la parole sainte de la bouche du Pontife ^ et dans la pai-
sible joie du banquet religieux, ils ravivaient le sentiment
de la fraternité et de l'unité nationale. Les législations des
autres peuples ne surent pas ainsi combiner entre elles l'au-
torité qui conserve et celle qui perfectionne, de manière à
obtenir le progrès dans l'ordre.
A. GiLLY.
(1) Histoire universelle, tom. i, ]'• édit. fr. — Les Hébreux.
[•i) Exod. XII.
(3) Deuter. xvi.
I
DE LA PRESEANCE DANS LE CLERGE
d'après les lois canoniques.
Ce n'est pas d'après les dispositions des lois civiles que
nous nous proposons d'examiner la question des préséances
dans le clergé, mais d'après ce que les canons et les décisions
du Saint-Siège ont statué à cet égard.
Cette matière est importante et très-pratique : la preuve
en est dans les nombreux recours qui ont lieu près des Con-
grégations romaines, recours qui ont nécessité cette foule
de décisions dont nous ne pouvons citer que la moindre
partie, tant pour éviter des répétitions inutiles que pour nous
restreindre au plus nécessaire.
Afin de nous borner à ce.qu'il y a de plus pratique chez
nous, nous laisserons à peu près entièrement de côté ce
qui regarde les divers membres de la Cour romaine ; nous
nous contenterons de parler des évêques et des autres mem-
bres inférieurs du clergé, tant séculier que régulier. Nous
établirons d'abord les règles générales de préséance, et
nous entrerons ensuite dans le détail des règles plus spé-
ciales qui ont trait aux diverses classes de personnes en
particulier, selon la diversité des occurrences.
RÈGLES GÉNÉRALES.
L Le pas doit généralement être cédé aux plus dignes.
(S. R. C. 1 sept. 1607, n<> 211, 213 dans Gardellini.)
Ainsi il faut avoir égard, 1° à la prérogative de l'ordre.
Un prêtre doit passer avant un diacre, celui-ci avant un
Revue des Sciences ecclés., t. x. — octobre 1864. 22
322 DE LA PRÉSÉANCE DANS TE CLERGÉ
sous-diacre, etc. (Capit. Statuimus, de Major, et ohed.) On
suppose toutes choses égales d'ailleurs.
2° A la 'prérogative de la consécration. Un évêque consacré
doit être préféré à celui qui ne l'est pas encore, celui-ci fût-
il plus ancien en âge ou plus anciennement préconisé.
Toutefois, celui qui est plus anciennement préconisé devra
avoir le pas sur celui qui est plus anciennement consacré,
lorsqu'il aura reçu lui-même la consécration épiscopale.
(Cap. Quanto, de Consecr. S. R. C. 2 mars 16 /il et 31 mars
1609, dans les Analecta, A5'' livr.j col. 903. Voyez encore
Ferraris, v. Episcopus, art. â, n® 3, et v. Prœcedentia, n" 3.)
Ferraris cependant, aux mêmes endroits, cite une décision
du 9 avril 1596, émanée delà Sacrée Congrégation du Con-
cile, d'après laquelle la préséance entre évêques doit, dans
les conciles provinciaux, se régler d'après le temps de Vor-
dination ; et cela est conforme au canon Episcopos de la 17*
distinction • mais selon toutes les apparences, ce mot Ordi-
nation se doit entendre là du moment où a lieu l'institution
ou la promotion faite en consistoire; ce qui est conforme
au Cérémonial des évêques, liv. I., ch. 31, n" 15, où, parlant
de l'ordre à suivre en concile dans l'émission des votes, il
est dit : « In ordine proferendi vota, observatum est ut epi-
(( copi praecedant juxta ordinem eorum promotionis, nulle
« habito respectu ad dignitatem vel prœeminentiara eccle-
« siarum. » Ainsi la décision du 2 mars 16Zii peut être
suivie comme règle générale; elle est ainsi conçue : « Refe-
« rente E"" Sabello, controversiam praecedentiae inter epi-
« scopos servandœ, S. C. respondit : Prœcedentiam regulan-
« dam esse a die decreti consistorialis super expeditione
(( Ecclesia?. » (Gardellini, n° 1145.)
3° A la dignité, à la prééminence du pouvoir ou de la juri-
diction. C'est ainsi qu'un cardinal l'emporte sur tout autre
prélat, ses rapports intimes avec le Chef de l'Église l'élevant
au-dessus de toute autre dignité. De même, à cause de la
d'après les r.ors canoniques. 323
prééminence de sa juridiction, un archevêque, quoique
moins âgé et plus récemment consacré, passe avant un
simple évêque. L'archidiacre passe avant l'archiprêtre,
quoique celui-ci soit d'un ordre supérieur, parce que la juri-
diction de l'archidiacre était autrefois plus étendue. Ainsi
encore un curé, quoique moinsancien dans l'ordre sacerdotal,
passe tous les simples prêtres, etc. (Voyez Benoît XIV, de
Syn., liv. 3, ch. 10, n° 1, etc. Cérémonial des évéques, liv. I,
ch. 13, etc.)
li° A l'ancienneté. « Qui prior est tempore potior est
jure» Reg. bli, in 6") : ainsi, toutes choses égales, celui
qui est plus ancien en ordination doit passer avant celui
qui est moins ancien (cap. 1, de Major, et obed.) -, le titulaire
de la plus ancienne paroisse a le pas sur le titulaire de celle
qui est moins ancienne (S. R. C. 10 mai 1642, n" 1227) ;
ainsi encore, dans les processions, la préséance entre les
ordres mendiants ou autres, se règle d'après l'ancienneté du
monastère dans la localité, à moins que l'un de ces ordres
ne prouvât qu'il est en possession d'avoir le pas sur les
autres (1). S'il s'agit de confréries qui se disputent la
(1) Ainsi réglé par Grégoire XIII. dans sa Const. Exposcit du 2S juillet
1583. Voici ce qu'on y lit : « Aposlolica auctorilate decernimus quod
quicumque in dictis fratribus mendicantibus, inter se, de praecedentia
hujusmodi contendeutibus, aut confralribus confraternitatum prsedicta-»
rum inter quos lites... orlae jam sint, seu oriri conligerit in futurum,
qui lu quasi-possessione prœcedentiœ, ac juris praecedendi sunt positi,
quibuscumque reclauiationibus, nppellalionibus. et aliis subterfugiis pror-
sus remotis et cessautibus et postpositis, in processionibus, tam publicis
quam privatis praecedere debeant.
« Quando vero non probetur, aut non conslet de quasi-possessione
prœcedenlise hujusmodi, inter fralres quidem mendicantes il qui anti-
quiores in loco controversiae, contraires vero intorse litigantes, ii qui
prius saccis usi sunt, in processionibus tam publicis quam privatis prae-
cedere debeant ; ita ut si contigerit nova monasteria, aut domus alicu-
jus ordinis mendicanlium fundari in loco in quo alterius ordinis ex
dictis mendicantibus monasteria aut domus prius erecta et instituta
sint, ille ordo qui prius monasterium seu doraum in loco habuerit, prœ-
cedat.
« Praeterea, quia inter praedictos ordines, plerumque alia iu procès-
32A DE LA PRÉSÉANCE DANS LE CLERGÉ
préséance, le pas doit être accordé à celle qui a la première
possédé ses insignes spéciaux. Mais ce que nous venons
de dire des leligieux, quant aux processions, ne peut pas
toujours s'appliquer aux autres actes publics ou privés et
notamment aux conciles. (Bulle Exposcit de Grégoire XIII.)
5" A la prérogative de celui gui a conféré l'ordination. C'est
ainsi que celui qui a été ordonné par le Souverain-Pontife,
doit être préféré aux autres clercs promus aux mêmes ordres
ou aux mômes dignités. (Cap. Per tuos 7, de Major, et obed.
Voyez aussi Benoît XIV, de Syn., liv. 3, ch. 10, n" 8.)
6® Aux privilèges des insignes. Ainsi un abbé mîtré doit
passer avant les abbés non mîtrés. (Cap. Ut apostolicœ6,de
Privil. in 6".)
II. Il faut encore observer !• que dans les cérémonies et
fonctions religieuses, le pas doit être cédé aux clercs, même
inférieurs, lorsqu'ils sont revêtus des ornements sacrés.
(S. R. C. 25 sept. 1621, n° 458.)
2° Que dans son diocèse et dans les fonctions pontificales,
l'évêque a la préséance sur les autres évêques plus anciens,
et même sur les archevêques, à l'exception pourtant du mé-
tropolitain. Il ne doit pas néanmoins oublier qu'il est con-
venable qu'il fasse honneur aux étrangers en leur déférant
la préséance. Ainsi décidé par la Sacrée Congrégation des
Rites, le JO janvier 1609 (n° 253).
3° Ce qui est dit des évêques dans leur diocèse, peut se
dire également des curés dans leur paroisse : ils ont le pas
sur tout autre curé, d'ailleurs plus digne qu'eux, mais ils
doivent le céder au chapitre de la cathédrale, et à plus forte
raison au grand-vicaire du diocèse. (V. Ferraris, v. Prœce-
sionibus et alia io conciliis generalibus et aliis aciis publicis sive priva-
tiâ, ratio circa modum prœcedendi servalur, nolumus per prœsentes,
prœrogativis dictorum ordinum quoad prœcedenlias hujusmodi... prœ-
judicium generare. »
Nous verrons ci-dessous que la règle établie dans cette bulle pour les
Ordres mendiants, doit être appliquée aux autres Ordres.
d'après les lois CANOiNlQUES, 325
dentia, n° 8i!i-86, où sont citées diverses décisions des con-
grégations romaines et du tribunal de la Rote.)
à° Les auteurs paraissent convenir qu'en matière de pré-
séance, on doit avoir généralement beaucoup d'égard aux
légitimes coutumes, et que dix ans dans ce cas peuvent suf-
fire pour légitimer la prescription. VoirFerraris {ib. n° 87),
qui mentionne plusieurs décisions du tribunal de la Rote,
dans l'une desquelles il serait dit qu'un acte tout seul peut
suffire pour conserver la quasi-possession de préséance.
« Rêvera difficile est, dit Benoit XIV [de Sijn. liv. 3, ch. 10,
« n° 9), in hac prsecedentiae materia, certam regulam defi-
« nire, cum potissimum inhœrendum sit consuetiidini, quse
« pro locorum diversitate diversa est. » Il ne paraît pas
toutefois que les moins dignes puissent prescrire dans tous
les cas, ou contrairement aux dispositions formelles du
Rituel et du Cérémonial des évoques. (Voir Ferraris, ib.y
n" 90-95.)
RÈGLES SPÉCIALES.
I. Concernant les évéqiies. Nous avons dit tout à l'heure
qu'ils doivent prendre rang d'après la date de leur institu-
tion ou promotion. Il faut ajouter : 1° qu'un évêque promu
à un archevêché précède les archevêques nommés après
lui, quand même ces derniers seraient plus anciens dans
l'épiscopat (Ferraris, v. Episcopus, art. A, n" 43, etc.) ;
2° qu'il paraît résulter d'une déclaration delà Congrégation
du Concile, en date du 24 août 1850, citée par M. Bouix
{de Episcopo, iom. II, p. 341). qu'un évêque démissionnaire,
s'il est admis dans un concile provincial, ne doit prendre
rang qu'après les évêques de la province, quoique ces der-
niers soient moins anciens, à moins que ce démissionnaire
ne soit archevêque, et dans ce cas, il précède les évêques
promus avant lui, ainsi que l'enseigne le cardinal Petra,
326 Dr, LA pr.ÉsÉANCi- dans le clergé
cité par M. Bouix (/6., p. 3/il); 3° qu'un évêque qui inter-
vient dans un concile au nom d'un archevêque précède les
évêques plus anciens que lui {ib.)-, li° que d'après Ferraris,
qui cite deux autres auteurs pensant comme lui (v. Episcopus,
art. 7, n" 43), les évêques simplement titulaires, quoique
plus anciennement promus, ne viennent, même dans les
conciles, qu'après ceux qui sont chargés d'un diocèse : nous
devons dire cependant que M. Icard opine autrement dans
ses Prœlectiones, n" 188; et il apporte en preuve une raison
bien puissante : l'usage observé à Rome, où les archevêques
simplement titulaires précèdent, dit-il, les autres archevê-*
ques moins anciens, quoique ceux-ci aient un diocèse à
gouverner; 5° qu'un évêque chanoine a le pas sur tous les
chanoines et doit s'asseoir à la première stalle. (S. R. C,
16 mars 1833.)
II. Concernant les vicaires généraux. Les vicaires géné-
raux ont la préséance sur le chapitre de la cathédrale et sur
tout le clergé, soit en présence, soit en l'absence de
l'évêque (S. R. C, 3 août 1602^ n° ili; voyez encore les
n^s 46, 2251, ad 3"" et plusieurs autres) , et cela nonobstant
toute coutume contraire. (S. R. G., 12 janvier 16iil ,
n° 11/iO.) Il faut excepter le cas où les chanoines seraient
revêtus des ornements sacrés (S. R. C. , 3 août 1602, n° 14) ;
il faut excepter aussi l'heddomadier (S. R. C, 27 février
1847, n° 4927) . Mais il n'y a pas à excepter les protonotaires
revêtus de leurs insignes (S. R. C. , 16 juillet 1605, n" i 29) .
Pour jouir de ce privilège le vicaire-général doit être revêtu
de son costume propre, soutane, barette et petit manteau de
cérémonie. ,S. R. C, 16 juillet 1605 et 2 décembre 1690,
n° 3085, voir aussi le n" 611. i Si étant chanoine ou digni-
taire, il veut siéger dans le chapitre avec l'habit canonial,
il ne doit occuper que la stalle qui lui appartient comme
chanoine ou comme dignitaire (S. R. C, 6 août 1610,
n° 283; voir encore les n»» 812, 866, ad 6°^); et cela en-
I) APUÈS Li:s LOIS GANONIOULS. o"?.?
core nonobstant toute coutume contraire. (S. R. C, I7juillet
idliO, n° 1092.) D'après une autre décision de la Sacrée
Congrégation des Rites du 25 septembre 1621, n° libS, la
coutume ne peut non plus établir que les vicaires généraux
précèdent les dignitaires ou les chanoines qui seraient re-
vêtus des ornements sacrés, parce que. cela est réputé un
abus qui ne doit pas être toléré. Cependant, d'après
Benoît XIV {le Sijn., liv. m, c. 10, n'^ Ix), il faudrait modi-
fier ainsi la règle susdite : « Nisi vicario assistât consue-
« tudo etiam tune prsecedendi, aut nisi ipse pariter sit in-
« dutus habita praelatitio, rochetto videlicet et mantelletta
(( juxta alias ejusdem Congr. (Concilii) declarationes re-
« latas à Massobrio. » Il paraîtrait, d'après ces paroles de
Benoît XIV, que la Congrégation du Concile ne serait pas
entièrement d'accord, sur le point en question, avec la Con-
grégation des Rites. Quoi qu'ii en soit, dans une décision
du 17 septembre 16Zil, n° 1195, la Sacrée Congrégation
des Rites « censuit vicarium generalem, quando dignitates
« et canonici sunt sacris yestibus induti, debere incedere
« post episcopum, et, eo absente, post celebrantem. »
Le vicaire général doit avoir le pas également sur le gou-
verneur temporel qui n'aurait pas la qualité de prélat, et
cela^ même en présence de l'évêque, ainsi que l'a décidé la
Sacrée Congrégation des Rites, le 28 avril 1607, n'' 193. Il
l'a pareillement sur toutes les autorités locales. (S. R. C,
15 mai 1610, n° 280.)
Quant à la place que le grand-vicaire doit occuper dans le
chœur, c'est l'usage qui doit la déterminer (S. R.C.,n°8 30/i5,
3085) ; et cette place ne doit pas être changée (S. R. C,
15 mai 1663). Si aucune place ne lui était assignée, il de-
vrait occuper la première stalle. (S. R. C, 13 mars 1617,
n° 533 ; 20 novembre 1627, n° 565 ; 20 décembre 1692,
n" hihl ; voir encore les n"» 1037, 1155, 3979, A097.)
328 DE LA PRÉSÉANCE DANb Lt CLERGÉ
III. Concernant les vicaiî'es capituloires Dans le chœur, le
vicaire capitulaire ne doit pas occuper la stalle de l'archi-
diacre ; il doit avoir un autre siège portatif. (S. R. C,
10 avril 1601.) Il précède tous les membres du chapitre et
doit se placer après le premier dignitaire. (S. R. Cjn"» 866,
ad 5°», 910, 1810, 2256 et 2861.) Dans les processions il
doit marcher à la gauche du premier dignitaire, ou du cha-
noine qui représente le chapitre. (S. R. C, 16 mars 1658,
n°1730.)
IV. Concernant les chapitres et les chanoines. Lorsque,
dans un chapitre, les prébendes ne sont pas distinctes, les
chanoines prennent rang entre eux, non d'après la date de
leur prise de possession, mais à raison de l'ordre auquel
ils sont promus ^ et une fois en possession de leur rang, ils
ne le perdent pas, quand même les chanoines plus anciens
seraient élevés aux mêmes ordres. Voir à cet égard une
foule de décisions dans GardelHni, et en particulier celle
du 30 juillet 1689, n° 30Zi8, et celle du 16 décembre 1828,
n" lihQli. Si cependant les prébendes sont toutes presbyté-
rales et supposent l'ordre de prêtrise, la préséance se
règle d'après la date de la réception du canonicat. Ainsi
décidé le 10 décembre 1619, par la Congrégation des Rites,
n" li'ii. Plus tard, toutefois, la même question ayant été
proposée à la même Congrégation, on a déclaré que l'on
pouvait suivre la coutume de chaque église, pourvu que les
chanoines eussent soin de se faire ordonner dans l'espace
de temps déterminé par le Sacré Concile de Trente. (S. R. C. ,
2/i mai 1659, n° 1837.) Voyez dans Gardellini plusieurs
autres décisions sur des cas particuliers.
Lorsque les prébendes sont distinctes, on doit se placer
selon l'ordre des prébendes. (S. R. C. , 6 décembre 1631,
n° 797.)
Les chanoines de la cathédrale ont le pas sur ceux des
d'après les lois canoniques. 329
collégiales, lors même qu'ils assisteraient à des enterre-
ments qui seraient de la compétence de ces derniers. (S. R.
C, 1618, n° AÏS; voir encore le n" 1168.)
Les chanoines de cathédrale out également le pas sur les
curés et autres prêtres, quand même les curés seraient en
surplis avec étole. (S. R. G., 19 décembre 165Zi, n" 1598 ;
voir une exception ci-dessous, n" 5.)
Les chanoines de collégiales ont aussi le pas sur les curés
et autres prêtres (S. R. G., 2/i jum 1636, n" 898: 13 sep-
tembre 16/16, n° lliliQ); mais si les curés étaient en étole,
la réponse ne peut plus être aussi catégorique -, plusieurs
décisions, dans ce cas, donnent la préséance aux curés.
(Voir les n»» 426, 1908, 2299, 3818, A52Zi, 4546 et
surtout la décision du 2!i octobre 1609, n» 269.) D'autres,
au contraire, semblent la donner aux chapitres collégiaux.
(S. R. G., 16 août 1618, n" 413; 20 novembre 1627,
n° 56/i ; 2 juillet 1661, n* 1956; 11 avril 18/iO, n" /i730 ;
voyez encore le n° Zi819.) Il est vrai que, dans ces dernières
décisions, il n'est pas dit «formellement que les curés sont
en étole ; et alors on voit la possibilité de les concilier avec
les premières décisions citées tout à l'heure. Mais une dé-
cision du 31 mars 16ZiO, n" 1075, donne positivement le
pas au chapitre collégial sur le curé revêtu de l' étole; et
l'on ne voit le moyen de concilier celle-ci avec les pre-
mières qu'en disant qu'il y avait ici sans doute quelque pri-
vilège spécial ou une raison particulière qui n'est pas
indiquée.
Pris individuellement les chanoines de la cathédrale et à
plus forte raison ceux des collégiales, n'ont pas le pas sur
les curés dans leurs paroisses (S, R. G., n" 2508); ni sur le
vicaire perpétuel {ib. n" 863); ils n'ont aucune prééminence
{ib. n^s 1090, 1095). Il en serait autrement cependant si un
chanoine même honoraire accompagnait l'évêque : il aurait
le pas sur les curés dans leurs paroisses, même dans un
330 DE LA PRÉSÉANGi: DANS LE CLER(iÉ
diocèse étranger, parce qu'alors il n'est plus censé simple
particulier, mais il fait corps avec l'évêque qu'il accom-
pagne comme membre. Ainsi décidé par la Sacrée Congré-
gation des Rites, le 19 mai 1838, n" 4682.
Les chanoines de la cathédrale qui marchent en corps
ont le pas sur les abbés bénits, (S. R. G. 8 juillet 1 602, n° 8 ;
voir encore les n»» 2939 et Zi205.)
Le coadjuteur d'un dignitaire doit céder le pas à tous les
autres dignitaires; mais il a le pas sur tous les chanoines
non dignitaires. (S. R. C. n°s /|799 et 4821.) Il va de
soi que les chanoines doivent passer avant les simples
bénéficiers, si ceux-ci ne sont pas revêtus des ornements
sacrés. (S. R. G. n" 776.)
Le chanoine de semaine, même lorsqu'il n'est revêtu que
de la cape canoniale, a, dans le chœur, droit à la première
place du côté où doit commencer l'office, au-dessus même
du premier dignitaire. (S. R. G., n" 2374.)
V. Concernant les curés. Le chanoine surnuméraire d'un
chapitre, qui est en même temps curé dans une autre pa-
roisse, a, dans les enterrements, la première place en pré-
sence du chapitre, s'il est revêtu de l'étole. (S. R. G. n° 4972
ad l-".)
Les curés qui assistent aux fonctions qui se font dans la
cathédrale doivent se placer après les chanoines, et, s'ils
font partie du clergé de cette église, ils ont le pas sur les
bénéficiers qui en font aussi partie; s'ils n'en étaient pas
membres, ils devraient céder la place à ces mêmes bénéfi-
ciers. (S. R. G., nos 17/16, 1851.)
Entre curés, la préséance doit se régler d'aprèi la dignité
ou l'ancienneté de l'éghse paroissiale. Ainsi décidé par la
Sacrée Gongrégation des Rites, le 10 mai 1642, n" 1227 ;
et cela sans distinction de cures amovibles ou inamovibles,
selon une autre décision de la même Congrégation du 27
mai 1706, mentionnée dans Ferraris, v° Prœceclentia, n" 8,
d'aPRLS les lois CANONIOLES. 331
Benoit XIV cependant donne pour règle de préséance entre
curés l'ancienneté de la promotion; mais il ne cite aucune
décision {de Sijn. lib. 3, cap. 10, n°6 in fine), et ce qu'il dit
pourrait ne s'entendre que du cas ou les églises sont égale-
ment dignes ou anciennes.
Ces mêmes règles doivent s'appliquer aux substituts et
remplaçants des curés, selon une autre décision du 20 jan-
vier 1691, qui ne se trouve pas dans Gardellini, mais qui
est citée par le mêuie Ferraris {ib, n° 28).
Le curé étant le chef de la paroisse doit être encensé
avant le seigneur du lieu , et par conséquent avant le ma-
gistrat de la localité. Ferraris (v° Parochus, art. 2, n" 69)
cite à l'appui une décision de la Sacrée Congrégation des
Rites du lli février 1672; et on en peut voir une autre dans
Gardellini du 26 janvier 1686, n° 2952.
Quant aux vicaires-curés de cathédrales, voyez quelques
décisions qui les concernent dans Gardellini n"s 202 et
i29I\ ad 3"". Ceux qui sont perpétuels ont le pas sur ceux
qui sont amovibles {iOid) .
VI. Concernant les autres clercs séculiers. Le rang parmi
les clercs se règle d'après l'ordre auquel ils sont promus,
quand même parmi eux il y en aurait qui seraient bénéfi-
ciers ou chapelains attachés à une église et d'autres n'ayant
aucun titre ecclésiastique. Quand ils sont de même ordre,
la préséance doit se régler d'après l'ancienneté dans cet
ordre. (S. R. C. n°s 3815 ad l"" et 3867.)
Il faut néanmoins excepter de cette règle les bénéficiers
qui font partie du clergé de la cathédrale ou d'une collégiale.
Car ceux-ci ont le pas même sur les curés qui ne font pas
partie de ce clergé. (S.R. C, n''sl36, 17Zi6 et 1851; Be-
noit XIV, de Syn. lib. 3, cap. 10, n° 8.)
Les protonotaires apostoliques n'ont le pas sur les autres
prêtres que lorsqu'ils sont revêtus de leurs insignes : ils
viennent alors après les chanoines et les abbés (S. R. C.
332 DE LA PRÉSÉANCE DA^'S LE CLERGÉ
3 avril 1687, n° 2670); voir encore le n" 2666 de la même
date, où il est dit : « Praecedentiam deberi dicto pronotario,
« eumque posse intervenire in functionibus ecclesiasticis
« controversis et in praesbyterio loco digniori cum habitu
« tamen prœlatitio, nempe rochetto et mantelletta coloris
« violacei, et in processionibus incedere debere post SS.
« Sacramentum, vel post celebrantem, etc. »
Les vicaires forains (et sous ce nom, nous croyons que,
chez nous , il faut entendre les archiprêtres et les doyens
ruraux) n'ont aucune préséance en cette qualité; et cela,
non obstanie contraria consuetiidine , dit la Sacrée Congréga-
tion des Rites. (17 mars 1628, n» 586; 2^ septembre 1605,
n" 133.) Benoît XIV néanmoins est d'un avis contraire, dans
son traité de Sijnodo (lib. 3, cap. 19. n° 7) ; il cite pour son
opinion François Bonhomme ; mais cette autorité ne peut
contrebalancer celle des Congrégations romaines.
Les séminaires, grands ou petits^ ne sont pas censés faire
partie du clergé de la cathédrale, et lorsqu'ils interviennent
aux processions générales, ils doivent céder le pas, non-
seulement aux chanoines et aux bénéficiers de la cathédrale,
mais encore aux curés et au clergé des églises collégiales
et paroissiales ; mais ils ont la préséance sur les ecclésia-
stiques qni ne sont pas prêtres et qui sont bénéficiers hors
de la cathédrale. (S. R. C. n^ 213, 433, 891, 352/i,
etc.)
Quant aux professeurs de séminaire, ils ne sont pas censés
faire corps avec leurs élèves ; et s'ils sont prêtres, ils prennent
rang parmi les autres, sans prééminence autre que celle de
l'ancienneté dans leur ordre. (S. R. C. 17 juillet 1730,
n" Zi512.)
VIL Concernant les régulier». Les réguliers doivent céder
le pas au clergé séculier, même dans leurs églises. (S. R. C.
31 mars 1618, n° /i07.)
Quant au rang que doit occuper chacun des divers corps
d'après les lois canoniques. 333
religieux, lorsque plusieurs se trouvent ensemble dans les
cérémonies ;
1" La préséance doit être accordée aux Dominicains sur
les autres religieux mendiants; mais ils doivent céder le pas
aux religieux moines. Ainsi réglé par saint Pie V, Const.
Divina, du 27 août 1578. (Voir Ferraris, v. Prœcedentia,
n" 17.) La même décision se trouve dans un décret de la
Sacrée Congrégation des Rites, du 23 mars 1619, n° 424.
Nous avons vu ci-dessus {Règles générales, li°) que, dans
les processions, ce n'est pas l'ordre établi par saint Pie V qui
doit être suivi, mais celui qui est indiqué par Grégoire XIII
dans la bulle Exposcit, et dont nous avons rapporté les paroles
au même endroit. Voir Ferraris (v. Prœcedentia, n" li6), qui
cite à l'appui une constitution d'Urbain VIII, du 18
décembre 1639 et plusieurs décisions des Congrégations
romaines. Voir en particulier la décision de la Sacrée Con-
grégation des Rites du 3 juin 1617, n" 395. On pourrait
néanmoins suivre l'usage, si la coutume existait quelque
part que la préséance dût ge régler, non d'après l'ancienneté
du monastère dans l'endroit, mais d'après celle de l'Ordre.
Ainsi décidé par la Congrégation des Évêques et réguliers
le23fév. 1693 (Ferraris, ib.).
Les frères Mineurs Observantins de Saint-François ont le
pas sur les Conventuels. Ainsi réglé par Léon X, Const.
Licet du 6 décembre 1517 (Ferraris, ib. n° 22).
Entre religieux du même Ordre de l'un et de l'autre sexe,
la préséance se règle d'après la date de la profession, et
non d'après la prise d'habit, nonobstant toute coutume con-
traire. Ainsi décidé par la Congrégation des Évêques et
Réguliers, le 12 septembre 1588 (Ferraris, ib. n" 30, etc.).
On peut voir dans cet auteur iib.) diverses décisions pour
des cas particuliers de préséance entre religieux.
Il n'y a pas uniformité entre les différents Ordres religieux
33/| DE LA PRÉSÉANCE DANS LE CLERGÉ
pour la préséance à observer entre les novices et les frères
lais. (Ferraris, ib. n"» 40, Al.)
Les religieux ont le pas sur les simples confréries. (S. R.
C, 7 août 1621, n" 456.)
Dans les processions, les réguliers ne doivent pas se mêler
dans les rangs du clergé séculier. (S. R. C. , 1h septembre
1605, n« 13/|.)
VIII. Concernant les confréries. Dans les processions, les
confréries marchent devant les réguliers, comme ceux-ci
doivent se placer devant le clergé séculier, conformément
au Cérémonial des évêques. (S. R. C, 7 août 1621, n" 456.)
Entre elles les confréries doivent suivre l'ordre tracé par
la buUfe Exposcit de Grégoire XIII, citée ci-dessus; de sorte
que celle qui est établie depuis plus longtemps, quœ prius
saccum induit, selon l'expression de la bulle, doit avoir -le
pas sur les autres. (S. R. C. 1608, n** 230.) On excepte la
confrérie du Saint-Sacrement, qui doit avoir le pas sur les
autres, mais seulement dans les processions où l'on porte
le Saint-Sacrement, ainsi que l'a décidé la Congrégation des
Rites, le 18 juin 1695.
On ne tient pas compte du droit de préséance au retour
des processions {ibidem).
Voici quel est l'ordre indiqué pour les proessions du Saint-
Sacrement dans le Cérémonial des évêques : « Ordo... erit ut
« procédant confraternitates laicorum, deinde religiosi se-
« cundum ordinem antiquitatis, vel prout de jure vel con-
« suetudine praecedere soient; postmodum curiales et offi-
« ciales portantes intorticia accensa, inter quos ultimo luco
« ibunt nobiliores et magistratus, deinde clerus : hoc est
« primo minister portans crucem ecclesise cathedralis, me-
« dius inter duos clericos portantes duo candelabra. . . Deinde
« si aderunt, clerici seminarii, et post eos curati ecclesia-
« rum parochialium cum cottis, tum ecclesise collegiatœ
DANS LES LOIS CANONIQUES. 335
« cum earura insignibus, si alias illa déferre soleant, et
« ultimo loco derus ecclesiœ catiiedralis, etc. »
IX. Concernant les magistrats séculiers. Les magistrats et
les officiers de la localité doivent être encensés après les
dignitaires et les chanoines par un nombre égal de coups
d'encensoir. Voir Ferraris (v'' Majgistrotus, n° 3) qui cite
plusieurs décisions de la Congrégation des Rites.
Le gouverneur doit être encensé immédiatement après
les chanoines qui assistent l'Évêque et le grand-vicaire ;
par conséquent avant les autres chanoines. (S. R. C. 1 sep-
temb. 1607, n° 210; 5 septemb. l67/i, n<*1860.)
Le magistrat civil, lorsqu'il n'est pas des principaux et
n'est pas inamovible, doit toujours céder le pas aux cha-
noines de la cathédrale, s'ils sont en corps, et le prédicateur
doit toujours saluer ceux-ci avant ces sortes de magistrats.
(S. R. G., 16 octobre 1615, n° 36/i.)
Dans les processions du Saint-Sacrement, le gouverneur
et les magistrats ne devraient pas marcher après le balda-
quin (S. R. G., 27 août 1836, n° IxQho); néanmoins là où
l'usage contraire est étabh, on doit s'y conformer s'il est
ancien. (S. R. G., ^ avril 1615, n-^ 356.)
OBSERVATIONS.
1° Dans les processions, les chantres et le maître de cha-
pelle ne doivent pas se placer parmi les bénéficiers ^ mais
immédiatement après la croix, nonobstant toute coutume
contraire, dit Ferraris (v° Musica, n° 27). Il cite plusieurs
décisions qui sont extraites de Pignatelli.
2° Quand, dans les processions ou ailleurs, il s'élève
quelques contestations sur la préséance, l'Évêque a le droit
de les régler, nonobstant tout appel. (Concile de Trente,
sess. XXV, chapitre 13 de Regul,; S. R. G., dô mai 169^,
n° 3182.)
336 DE LA PRÉSÉANCE DANS LE CLERGÉ.
3" Nous n'indiquons pas rordre à suivre pour les encen-
sements; on le trouve exposé dans le Cérémotiial des évêques
(liv. I, chap. 22, n"* 27, 32). On trouve aussi dans le même
ouvrage l'ordre à suivre pour le baiser de paix (liv. i, ch.
2h et 29) ; et celui qu'il faut observer dans les synodes (ibid. ,
chap. 31). On peut aussi consulter Benoît XIV {de Synodo^
lib. m, cap. 10).
Craisson, anc. vic.-gén.
LA MATIERE ET LA FORME.
Deuxième et dernier arlic.e
IIL
Nous avons exposé, dans un précédent artic.e, la théorie de la matière
et de la forme dans ce qu'elle a de substantiel, et nous avons compris
qu'au double point de vue de la foi et de la raison cette théorie était
inattaquable. Tant qu'on reste sur ce fond solide, il ne peut y avoirentre
philosophes et surtout entre philosophes catholiques aucun dissentiment.
Aussi n'est-ce pas là dessus que porte la dispute; mais, cette doctrine
une fois admise en commun, voici les questions qui se présentent, et
au sujet desquelles on a plus de peine à se mettre d'accord. Quand et
à quelles conditions s'opère la transformation substantielle? Les mo-
lécules d'oxygène et d'hydrogène qui se combinent pourdevenir de l'eau,
perdent-elles leur forme première pour en acquér'r une nouvelle?
Généralement, dans les composés chimiques, les éléments subsistent-ils
réellement, ou bien cessent-ils d'exister en acte pour exister seulement
en vertu ? Et pour présenter la question sous son aspect le plus saisis-
sant : Ya-t-il dans notre corps, comme le disent généralement les phy-
siologistes, de l'oxygène, de l'hydrogène, de l'azote, du carbone, etc.,
ou bien tous les éléments ont-ils complètement perdu leur nature pre-
mière, au moment ou ils ont commencé à faire partie de notre corps,
de telle manière qu'en ce moment ils n'ont pas d'autre forme que
l'âme ?
Cette seconde opinion est indubitablement la plus conforme à la doc-
trine de saint Thomas, et c'est celle que maintient le P. Liberatore.
Selon saint Thomas, l'âme donne au corps non-seulement le sentiment
et la vie végétative, mais encore son être corporel et son existence (d).
(I) Anima esl aclus corporis ; quia per auimam et c-bt corpus et est
orgauum, et est potenlia vitam habeus. {\ p., q. 70, a. 4, ad 1.)
ReVI'E des i?CIENCES ECCI.ÉS. T. X. — OCTOP.PE 1864. 23
?)38 \A M\Tif:r.i: f.t ta forme,
Il ne reste donc plus dans le corps humain ni oxygène, ni hydrogène,
ni azote ; tout ce qui constituait ces substances différentes, leur forme
spécifique, a disparu : la matière première est seule conservée. Cette
matière première est du reste la seule chose qui passe d'une substance
dans une autre, de la terre dans les végétaux et des végétaux dans les
animaux. Or, si l'on demande aux fauteurs de cette doctrine ce qu'ils
entendent par matière première, ils répondent que c'est quelque chose
d'absolument indéterminé, qui n'a ni essence, ni quantité, ni qualité,
ni force, ni propriété quelconque, mais qui reçoit toutes les différentes
formes auxquelles elle est successivement soumise. Cette doctrine
s'appuie surtout sur un argument dont on ne saurait méconnaître la
force. Si les éléments qui entrent dans la composition de notre corps
conservent leur forme primitive, ils ne subissent donc qu'une modifica-
tion accidentelle ; ce sont autant de substances distinctes qui entrent
dans de nouveaux rapports les unes avec les antres. L'tiomme n'a plus
d'unité véritable; il n'est plus une seule nature, mais un agrégat de
natures diverses unies ensemble par un lien extérieur. 11 en est ainsi,
à plus forte raison, de tous les composés organiques et inorganiques.
On n'aurait plus le droit de les appeler des substances, si la doctrine de
saint Thomas n'était pas acceptée dans toute son étendue, il n'y aurait
de vraies substances que les corps simples, qui demeurent toujours les
mêmes; ces corps, en passant d'un composé dans un autre, ne subiraient
que des modifications accidentelles, et les combinaisons les plus mer-
veilleuses, produites par la nature ou par la science, ne différeraient
pas essentiellement des simples mélanges.
Les partisans les plus rigoureux de saint Thomas ajoutent que, si on
n'accepte pas dans son entier la théorie de la forme substantielle, il
faut répudier toute la philosophie du saint Docteur ; et sa théologie
elle-même, selon eux, ne peut demeurer intacte. Car, cette théorie de
la matière première et des formes substantielles est un des points ca-
pitaux de la doctrine thomiste, et elle étend son influence sur toutes
les parties de cette doctrine. C'est par elle que saint Thomas explique
la sensation; c'est à son aide qu'il résout la question de l'origine des
idées; enfin, qui ne sait combien de fois, quand il s'agit d'expliquer la
[,\ MATIÏ-Rr. JT T,A FORME. 530
nature et l'action des sacrements, et d'éclaircir les autres enseignements
de la révélation, la théorie de la matière et de la forme fournit au doc-
teur Angélique ses explications les plus ingénieuses et ses plus solides
arguments?
Ces considérations, quelque puissantes qu'elles puissent être, ne le
sont pas assez pour déterminer tous les admirateurs sincères de saint
Thomas à embrasser dans toute son étendue sa doctrine sur la com-
position des corps. Plusieurs, au contraire, se croient obligés par leur
attachement même pour la doctrine scolastique à la modifier en ce point,
de même que pour conserver un majestueux édifice on est souvent
obligé de reparer les parties qui semblent menacer ruine. On ne saurait
s'étonner, disent-ils, qu'à une époque où les sciences physiques étaient
si peu développées, et acceptaient comme certaines tant d'hypothèses
gratuites ou même fausses, la philosophie, qui alors ne faisait qu'un
avec ces sciences, n'eût pas encore saisi la vraie solution du problème
de la constitution des corps. N'est-ce pas rendre à celte philosophie,
si solide en tout le reste, le plus mauvais de tous les services, que de
la faire dépendre d'une théorie au moins très-problématique, et dont
des observations plus exactes oKit renversé toutes les bases? Quoi! nous
serons obligés de repousser tous les enseignen)ents de saint Thomas
sur la sensation et l'origine des idées, parce que nous reconnaîtrons
avec la chimie qu il y a de l'azote et du phosphore dans le corps hu-
main ! La théologie se sert des notions de matière et de forme pour
expliquer plusieurs dogmes ; mais aussi personne ne songe à supprimer
la matière et la forme. Toute la question est de savoir s'il faut entendre
la matière et la forme dans le sens précis que l'école thomiste a donné
à ces mots. Or, cela n'est certainement pas nécessaire pour comprendre
les enseignements de la théologie catholique. L'école scotiste n'a jamais
accepté ce sens et pourtant elle a eu aussi sa théologie, et elle explique
très-bien la matière et la forme des sacrements.
II est vrai que si on n'admet pas le système thomiste, il faudra re-
connaître dans le composé humain plusieurs substances incomplètes qui
se réunissent pour former une seule substance complète ; mais y a-t-il
à cela un si énorme inconvénient? L'union de l'âme et du corps n'en
!l
3/|0 LA MATIÈRE El LA FORME.
demeure pas moins substantielle, puisqu'elle fournit à l'âme le com-
plément nécessaire pour l'exercice de ses facultés et élève les éléments
corporels à une manière d'être d'un ordre supérieur. Cette hypothèse
est certainement conforme au sens commun, qui suppose bien que le
corps reçoit de l'âme la vie et le sentiment, mais qui, sûrement, n'exige
pas qu'il en reçoive également ce par quoi il est corps. Les définitions
de l'Église ne conservent pas moins leur vérité dans cette doctrine que
dans la doctrine opposée; puisqu'elles ne disent pas que l'âme est la
forme immédiate de la matière première, mais la forme immédiate du
corps ; ce qui est parfaitement vrai dans le sentiment de ceux qui ad-
mettent que le corps est constitué en lui-même par les formes propres
aux éléments dont il est composé, et qu'il est informé tout entier par
l'âme, sans l'intervention d'aucun principe intermédiaire.
C'est ainsi que les défenseurs de la seconde opinion s'efforcent de
prouver que les enseignements de la foi et les raisonnements a priori
n'exigent en aucune manière qu'on suive à la lettre la doctrine de
saint Thomas. Ils vont plus loin, et ils soutiennent qu'il faut nécessaire-
ment s'en écarter si on veut rester fidèle à l'esprit du saint docteur.
Voyez, en effet, disent-ils, si saint Thomas s'est jamais mis en contra-
diction avec la science physique telle qu'elle était généralement ensei-
gnée de son temps. 11 accepte les données de cette science, aussitôt
qu'elles lui paraissent fondées sur des expérences décisives ou sur des
raisonnements concluants, et il s'attache à les faire concorder avec les
principes métaphysiques. C'est ce qu'il ferait indubitablement aujour-
d'hui, s'il avait vécu jusqu'à nos jours. Use garderait bien de repousser
les résultats si remarquables de la chimie et de la physique modernes ;
bien plus ami de la vérité que d'Aristote, il ne croirait pas manquer
au respect dû au philosophe de Stagire en reconnaissant que vingt
siècles d'observations ont amené la découverte de faits et de lois que le
génie si prodigieusement perspicace de ce grand homme ne lui avait
pas permis de deviner. Il y a donc tout lieu de croire que saint Thomas
n'hésiterait pas à modifier sa théorie de la matière, de manière à la
faire concorder avec les faits que la science démontre. C'est ce que
nous devons faire nous-mêmes, par amour pour la doctrine scolasiique.
LA xMATIÈHE ET LA FORME. 3Zil
C'est le seul moyen de la faire accepter par les esprits sincères, et de
rétablir son règne dans nos écoles.
Or, la science aujourd'hui s'accorde à substituer à la matière pre-
mière et aux quatre éléments des anciens un certain nombre de
corps, qu'elle nomme simples, parce qu'elle n'est pas encore parvenue
à les décomposer. Ces corps simples entrent dans la composition de
tous les corps, soit inorganiques, soit organisés. Ils passent d'un com-
posé dans un autre, suivant des lois que chaque jour on apprend à
mieux connaître. Ils se combinent dans des proportions fines et har-
monieuses, La science les suit dans leurs différentes transformations ;
elle se rend compte de leur synthèse, elle les retrouve ensuite par
l'analyse ; elle se sert de ces éléments constitutifs pour fixer par des
formules parfaitement claires la nature de chaque composé, et jamais
1 "expérience ne vient démentir la vérité de ces formules.
Ce qui est vrai des composés ordinaires est vrai également par rap-
port aux végétaux, aux animaux, au corps humain lui-même. Les
corps simples entrent dans la composition de ces corps, comme de tous
les autres: seulement, dans les composés, leurs formes propres sont
soumises à une forme supérieure, qui leur communique des forces et
des propriétés qu'ils ne possédaient point par eux-mêmes. Ainsi, dans
le corps humain, il y a de l'oxygène, de l'hydrogène, de l'azote et du
carbone; ces éléments possèdent leur forme propre; ils n'ont rien
l)erdu de leurs forces physiques et chimiques ; mais ces forces, sou-
mises à la force vitale qui est propre à l'âme, s'exercent selon des lois
nouvelles. La vie du corps n'est q,ue le résultat de la soumission har-
monieuse des forces physiques et ohimiques de ces éléments à la force
vitale de l'âme ; la mort, au contraire, résulte de la destruction de cet
équilibre, comme la décomposition qui suit la mort est le résultat des
forces chimiques et physiques, désormais indépendantes de 1^ force
supérieure qui les dominait.
Que la science moderne explique universellement de la sorte la com-
position des corps, c'est un fait que personne ne saurait nier. Or,
ajoutent les partisans de la doctrine que nous exposons en ce moment,
ce consentement unanime des savants est complètement décisif. Car la
352 I-\ MATIÈRE ET 1. \ FORME.
science est ici sur son terrain ; il s'agit en effet d'une question de t'ait,
qui doit se prouver par l'expérience beaucoup plus que par le raison-
nement. Il n'y a certainement rien d'absurde, que Dieu ait constitué la
matière comme nos physiciens l'afQrment. Il ne s'agit donc pas de rai-
sonner a priori; le philosophe n'a autre chose à faire que d'accepter les
données de l'expérience et de les adapter aux principes métaphysiques,
comme saint Thomas l'avait fait de son temps.
Du reste, ces mêmes philosophes ne manquent pas de raisonnements
pour appuyer les conclusions de la science. Ils font remarquer d'abord
que le concept de la matière première a toujours offert, de l'aveu des
plus éminents docteurs scolastiques, d'inextricables difficultés. Comment
concevoir, en effet, cet être qui est quelque chose et qui pourtant est
complètement indéterminé? Peut-il exister séparément de la forme, au
moins par un miracle de la puissance divine, ou ne le peut- il pas? S'il
ne le peut pas, comme l'afiirment la [ilupart des scolastiques, comment
est-il un être? S'il le peut, comme l'enseigne Suarez, il a donc un acte
par lui-même, il n'est donc pas une potentialité pure, il n'est pas ma-
tière première.
D'ailleurs, si les corps simples, en formant un composé, perdaient
leur existence propre, qu'est-ce qui la leur rendrait plus tard lorsque
le composé vient à se dissoudre? H y a là une sorte de création nou-
velle, puisqu'il y a production d'une réalité qui avait complètement cessé
d'exister. Ainsi, les atomes dont s'est formé notre corps auraient cessé,
du moment qu'ils ont commencé à en faire partie, d'être de l'oxygène,
de l'hydrogène, de l'azote et du carbone ; la forme constitutive de ces
substances aurait été détruite pour faire place à une seule forme qui
est l'àme. Mais, à notre mort, ces éléments reprendront leur forme
première. D'où leur viendra-t-elle? Les scolastiques répondent : Cette
forme sera tirée de la potentialité de la matière. Mais Suarez lui-même
avoue que cette réponse est loin d'éclaircir la difficulté. Comment, en
etTet,je le demande, la matière qui est pure puissance, et par conséquent
négation de tout acte, de toute forme, de toute propriété, peut-elle
contenir en elle la forme qui est acte, énergie, perfection, détermina-
tion ; et la contenir de manière à la produire d'elle-même, au moment
LA MATli'RE ET LA FORME. I^/|."
OÙ, abandonnée par sa forme actuelle, elle semble n'avoir plus autre
chose à faire que de retomber dans le néant?
Autre difficulté : la forme est le seul sujet des qualités et des forces;
il semble donc évident que, lorsque la forme est détruite, toutes les
forces physiques et chimiques, et par conséquent toutes les qualités
sensibles devraient disparaître avec elle. Comment donc se fait-il que,
lorsque l'homme meurt, son corps conserve encore quelque temps sa
chaleur, sa couleur, sa cohésion? 11 faut de toute nécessité admettre,
pour être conséquent avec la théorie scolastique, que la chaleur première
a cessé d'exister, et qu'une nouvelle chaleur a été produite. Mais cette
supposition est-elle admissible? Et d'où naîtrait cette nouvelle chaleur?
J'omets bien d'autres arguments, et je me contente d'en citer encore
un qui paraît décisif au Dr Frédault : « 11 est bien certain que la ma-
tière nue ou simplement possible est la même dans toutes les substances
malérielles, et que celles-ci ne varient entre elles qu'en raison de leur
forme active ; tout le monde le concède. De sorte qu'en réalité, si la
forme matérielle était sans utilité dans le corps vivant, celui-ci pourrait
être composé indifféremment de substances élémentaires quelconques.
Or il n'en est pas ainsi. Le corps vivant réclame pour sa constitution
telle ou telle substance plutôt que d'autres. . . Par là il est bien clair que,
puisque ces substances sont nécessaires, c'est qu'elles sont pour quelque
chose dans l'action du composé ; et comme elles ne sont différentes que
par leur activité formelle, c'est que cette activité entre pour quelque
part dans l'union du composé vivant...
« Si on voulait admettre que les formes matérielles, ou autrement
les activités des substances élémentaires disparaissent dans l'union avec
l'àme, ou demeurent simplement en puissance et non en acte, on se
trouverait conduit à deux erreurs. D'une part, ce serait nier que les
divers éléments qui entrent dans la composition du corps sont pour
quelque chose en lui, ce qui serait aller contre un fait expérimental
avéré. D'un autre côté, ce serait admettre que l'une des deux natures
du composé est anéantie. En effet, la matière nue et sans forme, qu'est-
ce si ce n'est une pure privation? L'âme s'associerait ainsi non une
activité possible, mais une pure possibilité. Il est vrai que ce quelque
chose prendrait vie au contact de l'activité animique ; mais alors ce
Zllh LA MATIÈRE ET LA FORME.
serait l'âme qui donnerait tout l'être; c'est sa nature seule, c'est-à-dire
sa spiritualité seule, qui serait la nature de l'être. Dernière erreur trop
visible pour avoir besoin de réfutation. »
Que répondent à nos arguments les thonaistes rigoureux? Us ré-
pondent qu'on n'a aucun droit de les attaquer au nom des sciences
physiques, puisqu'ils accordent à ces sciences tout ce qui leur appartient
légitimement, les faits. Quant à l'explication de la nature intime des
corps, ils nient qu'elle soit du ressort de ces sciences; elle n'appartient
qu'à la métaphysique. Ainsi, la chimie prouve que de la combinaison
de l'oxygène et de l'hydrogène il s'est formé de l'eau, et que plus tard
de la décomposition de l'eau il s'est formé de nouveau de l'oxygène et
de l'hydrogène. Personne ne conteste à la chimie ce résultat ; on lui
permet de constater la loi suivant laquelle s'opère la composition et la
décomposition du liquide, d'établir la proportion des éléments d'où est
né le composé , mais qu'elle ne s'arroge pas le droit de prononcer
qu'une fois la combinaison opérée, les éléments conservent leur forme
propre, alors surtout que cette forme ne produit plus aucun des effets
par lesquels elle s'était fait auparavant reconnaître.
Il est vrai que la doctrine scolastique ne peut pas expliquer avec
une égale clarté tous les phénomènes physiques ; mais quelle est la doc-
tnnequi écarte tous les mystères? Est-il bien facile dans l'autre système
d'expliquer comment il se fait que l'observation la^Tilus minutieuse
n'ait pu jamais saisir dans un corps composé les divers éléments qui le
composent, quoique d'après ce système ils dussent demeurer distincts,
et par conséquent, extérieurs l'un à l'autre? Peut-on bien comprendre
comment un même corps peut avoir des propriétés aussi opposées que
le multiplicité et l'unité, s'il n'y a pas en lui deux principes distincts?
Pour que l'étendue qui est indifférente à toute sorte de figures puisse
recevoir une figure déterminée, ne faut-il pas un principe déterminant
distinct de l'étendue ? Le mouvement pourrait-il se communiquer d'un
corps à un autre, si pour le recevoir, il n'y avait dans le corps un
principe vraiment un ? Ce principe n'est-il pas nécessaire aussi pour
produire dans la matière, inerte par elle-même, la force de résistance?
Ce sont là tout autant de phénomènes capitaux qui témoignent en faveur
de la théorie scolastique.
LA MATIÈRE ET LA FORME. 3A5
Enfin, quoiqu'on dise, en dehors de cette théorie, l'unité subtantielle
des végétaux, des animaux et de l'homme demeure privée de sa base
la plus solide ; et la hiérarchie des êtres, si belle et si facile à concevoir
quand on admet les formes subtantielles, sera dépouillée de son harmonie
et de sa beauté.
IV.
J'ai exposé, avec toute la clarté et toute la sincérité dont je suis ca-
pable, les deux explications de la composition des corps qui se partagent
les suffrages des philosophes catholiques. Si je n'ai pas donné aux argu-
ments en faveur de l'une et de l'autre de ces opinions toute leur force,
c'est bien involontairement, car je n'ai, pour mon compte, aucun parti
pris. Je vois des deux côtés des raisons solides; mais des deux côtés
aussi je vois de .sérieuses difficultés. Ce qui me paraît parfaitement
clair, 'c'est que, ni d'un côté ni de l'autre, aucun grand intérêt n'est
en péril . C'est là une question ouverte, qu'on peut agiter dans les écoles
catholiques, sans que la foi périclite et sans- que la philosophie tradi-
tionelle soit ébranlée dans sa subtance. Quelle différence entre cette
controverse et celle de l'ontologisnie! Dans celle-ci il s'agit d'un pri-
vilège qui, s'il était réel, serait le plus précieux apanage de la raison
Humaine. On conçoit donc qu'il soit rigoureusement défendu par ceux
qui en admettent la réalité, alors surtout qu'il fait selon eux toute la
différence entre l'homme et la brute. D'un autre côté, les adversaires
de cette théorie ont les plus sérieuses raisons pour la combattre, car
la vision en Dieu, qui n'est sûrement pas un fait d'expérience, ne peut
se démontrer qu'en prouvant l'impossibilité d'obtenir sans elle aucune
idée générale, et par conséquent en renversant par sa base toute la
philosophie et la théologie scolastique. Ce sont donc les principes les
plus fondamentaux et les intérêts les plus majeurs de la science qui
sont débattus sur ce terrain. Ici rien de semblable^- entre les deux
partis tous les principes sont communs; sauf un seul point, on peut
être d'accord sur tout le reste; et sur ce point même, on n'est pas aussi
éloigné que l'ardeur de la lutte pourrait parfois le faire supposer.
•. Dans cet état de choses, que doivent faire les vrais amis de la science,
tous ceux qui désirent voir renaître parmi nous les fortes études? Us
3/i6 L4 MATIÈRE ET LA FORME.
doivent bien se garder, ce ine senrible, de donner à ces questions
accessoires une importance exagérée. Si, même dans ces détails, la
doctrine scolastique est vraie, la discussion ne ponrra qu'en faire res-
sortir la vérité. L'important, c'est qu'on étudie celte doctrine;" qu'on
rompe définitivement avec cet enseignement superficiel, qui a rompu
lui-même avec la tradition de l'école catholique. 11 faut rapprendre le
langage de cette école, nous familiariser avec ses illustres maîtres, nous
mettre au fait des problèmes qui ont rapport avec les idées qui ont
cours à notre époque. Le livre qui sera le plus propre à pro-
duire ces résultats, qui, s'adaptant le mieux aux conditions présentes
de l'enseignement classique, nous facilitera davantage le retour vers
un passé injustement dédaigné, ce livre-là devra être accueilli avec re-
connaissance, alors même qu'en quelques points l'auteur se permettrait
de révoquer en doute la doctrine scolasiique. C'est parce que je trouve
ces qualités à^ns Y Abrégé de philosophie du R. P. Tongiorgi, que je
ne puis ra'empêcher de désirer qu'il soit introduit dans nos écoles. Je
n'établis aucune comparaison entre la doctrine de ce Père, et celle du
R. P. Liberatore. Naguère unontologisle m'a publiquement accusé d'a-
voir fait mon idole du rédacteur de la Civilià Cattolica, et de lui avoir
sacrifié jusqu'à mon bon sens. Si mon admiration n'a pas été poussée
jusqu'à cet excès, au moins ai-je bien le droit de n'être pas soupçonné
de partialité contre lui. Quand donc M. F. J. m'accuse de lui avoir
fait un crime de préférer la philosophie du R. P. Liberatore à celle du
H. P. Tongiorgi; il rend aussi inexactement que possible le sens de
ma protestation. J'avais fait des vœux, et ces vœux sont parfaitement
sincères, pour qnf les œuvres du premier se répandent de plus en plus ;
mais j'avais constaté que le temps généralement consacré parmi nous
a l'étude de la philosophie ne permettait guère d'adopter les Institu-
tiones philosophicx comme livre classique, tandis que l'abrégé que le
P. Tongiorgi a fait de son grand ouvrage répond parfaitement aux
exigences de la plupart de nos écoles (I). Cei Abrégé est court et
pourtant assez complet. 11 indique toutes les grandes questions avec
(1) Cet abrégé vient de paraître chi^z M. Marchessou, imprimeur-édi-
teur au Puy, en 2 vol. grand in-18. Pris, 4 fr. 50. On le trouve à Paris,
chez MM. Lecoffre et Sarlit.
L\ MATJÈPxt; liT LA FORME. 3/i7
leuus principaux arguments. Ce que l'auteur a dû resserrer dans un
espace trop étroit, se trouve plus développé dans le grand ouvrage (1).
C'est là que le professeur pourra aller puiser la matière de ses expli-
cations orales, tandis que les élèves auront entre les mains un texte
concis, clair, méthodique.
Peut-être M. F. J. connaît-il un ouvrage qui offre a un plus haut
degré ces mômes avantages. Qu'il nous le fasse connaître, et sûrement
ce n'est pas moi qui en dirai du mal. Mais en attendant qu'il nous
offre quelque chose de mieux, il était au moins inopportun de dé-
noncer le livre du P. Tongiorgi, connu propre seulement à produire
un temps d'arrêt, sinon un recul, dans le mouvement qui nous ramène
vers la doctrine de saint Thomas. M. F. J. a beau dire qu'en parlant
ainsi, il a tout simplement énoncé un fait; je lui réponds qu'il a fait
beaucoup plus : il a supposé décidée une question qui est loin de l'être,
et sans prendre la peine de démentir ce qui est pourtant très-discutable,
il a infligé un blâme qu'il n'avait pas le droit d'infliger. Qui ne voit en
effet que si le sentiment du P. Tongiorgi est vrai, l'adoption de ce
sentiment, loin d'altérer la doctrine de saint Thomas, lui fera faire un
progrés réel? Qni ne voit également que la dénonciation de M. F. J.,
publiée par un journal aussi grave que celui-ci, devait avoir pour ré-
sultat de mettre les directeurs de nos séminaires en garde contre un
enseignement, adopté pourtant dans les premières écoles de Rome ?
C'est cette sévérité à l'égard du docte professeur du Collège romain,
et non pas du tout la préférence donnée au directeur delà Civiltà, que
je me suis permis de blâmer. Ce n'est pas moi, c'est l'honorable ano-
nyme qui a cru ne pouvoir mieux relever le second qu'en rabaissant le
premier. Je persiste à croire qu'en cela il a dépassé le but. Je ne crois
pas que l'autorité de saint Thomas ait rien à gagner à ce qu'on mette
son nom en avant, au bas d'arguments sérieux, pour combattre des
opinions consciencieuses, et du reste parfaitement libres. Si le mépris
de l'autorité peut faire courir à la saine philosophie de grands dangers,
je suis persuadé qu'elle ne peut retirer aucun avantage d'une crainte
excessive de la hberté. H. Ramièke, S. J..
(1) Les Instilutiones philosophicœ du P. Tongiorgi, 2« édit. en 3 vol.
iu-8, se trouvent à Paris et à Lyon, chez PelagauU. Prix, 7 i'r. 50.
LITURGIE.
DE LA CONSÉCRATION DES ÉGLISES ET DE LA FÊTE
DE LA DÉDICACE.
I. De. la Consécration des églises. — II. De la fête de la Dédicace en
général. — 111. De la fête de la Dédicace de toutes les églises de
France.
On nous adresse, depuis longtemps déjà, quelques difficultés relatives
à la fêle de la dédicace. Il fallait, pour y répondre, reprendre la question
tout entière, et la rattacher à celle de la consécration des églises qui,
elle-même, suivait tout naturellement certains points déjà traités sur
les églises. Nous essayons aujourd'hui d'en donner un aperçu.
§ I. — De LA CONSÉCRATION DES ÉGLISES.
1. L'usage de consacrer les églises remonte aux temps apostoliques
et est passé de l'Ancien Testament au Nouveau. Les Souverains-Pon-
tifes, auxquels certains auteurs ont attribué l'introduction de ce rit, ont
seulement tracé des règlements y relatifs. Plusieurs historiens ont pré-
tendu que l'origine de la consécration des églises remontait seulement
au pape saint Évariste : « Sed multo certius est, dit le cardinal Bona
« [Rerum. liturgie., 1. i, c. xx, § 3), apostolicum institutum esse,
« nisi dicamus ab hoc Pontifice scriplo promulgatum, quod sola tradi-
« tione ab antecessoribus acceperat. Aut forte addidit adveteres caere-
« monias, ut sine MissiB sacrificio basilicœ non consecrarentur, ut ex
« illo referunt canonum collectores. »
LITURGIE. 3/i9
D'autres ont enseigné qu'aucune église ne fut consacrée avant le
règne de Constantin. Ceci doit être entendu, non pas de la consé-
cration, mais des cérémonies publiques, qui. ne pouvaient avoir lieu
pendant les persécutions. Il suifit, pour en être convaincu, de savoir:
1° que les chrétiens ont toujours eu leurs églises ; 2° que ces églises
ont été dédiées au culte par des cérémonies spéciales, à l'exemple des
temples de l'ancienne loi, et par une institution qui remonte aux sainis
Apôtres.
i. Les chrétiens ont toujours eu leurs églises, ou en d'autres fermes,
des lieux consacrés à Dieu pour la prière et la réunion des fidèles. C'est
l'apôtre saint Paul qui nous le témoigne en disant (I Cor. xi, 48 et 22) :
« Convenientibus vobis inecclesiam audio scissuras esseinter vos
« Numquid domos non habetis ad manducandum et bibendum, aiit
« ecclesiam Deicontemnitis?» Le mot ecclesiam ào\t s'entendre ici non
pas de la réunion des fidèles, comme dans d'autres passages, mais du
lieu même de cette réunion : « Quemadmodum, dit saint Basile, ex-
« phquant ce texte de l'Apôtre (Reg. Brev. Int. .310), ratio non per-
ce mittit ut vas ullum commune in sancta introferatur, eodem modo
« etiam vetat sancta in domo communi celebrari. » Saint Augustin dit
la même chose {in Lev'it. q. 57): « Ecclesia dicitur locus quo ecclesia
« coQgregatur. Nam ecclesia homines sunt, de quibus dicitur, iit
« exhiberet gloriosam ecclesiam. Ilanc tamen vocari etiam ipsam
« domum orationum, idem Apostolus testis est, ubiait: Numquid
« domos non habetis ad mandîicandum et bidendum, aut ecclesiam
« Dei contemnitis? Et hoc quotidianus loquendi usus oblinuit, ut ad
« ecclesiam prodire, aut ad ecclesiam confugere non dicatur, nisi qui
« ad locum ipsum parietesque prodierit, vel confugerit, quibus ecclesiae
« congregatio continetur. »
2. Ces églises ont été dédiées au culte par des cérémonies spéciales
et par une institution qui remonte aux saints Apôtres. Nous lisons, en
elïet, dans un ancien Martyrologe, au 1" août : « Romae, dedicatio
« primse ecclesiae a B. Petro constructse et conservatae ; » et dans le
Martyrologe de Nolker : « Romae, statio ad S. Petrum ad vincula,
u quam ecclesiam ipse primus in Europa construxit et consecravil. »
350 LITIRGIE.
Saint Léon, dans son discours sur les Machabées, dont la fête est au
même jour, dit : « Gratias, dilectissimi, agamus Domino Deo nostro,
« quod quanta sit hujus diei solemnitas. ïanto enim conspiranli studio
« et devoto anirao convenisti, ut feslivitatis magnificentiam elsi sermo
« non indicet, congregatio tamen ipsa testetur. Et recte : duplex enino
« laetitiae causa est, in qua natalera ecclesiae colinius, et raartyrum
« passione gaudemus. »
Nous lisons dans les Actes de saint Marcel et dans les Bollandistes
au 16 janvier: " B. Lucina fecit donationem de faciiltate sua, et ex
« omnibus qua3 habuit, ecclesiae catholicaÊ: hoc audiens Maximianus
« Auguslus, indignatus proscriptione eam damnavit : illa autera ro-
« gavit S. Marcellum episcopum.ut domum ejus ecclesiam consecraret,
« quod cum omni devolione fecit Marcellus episcopus. »
II. Ces témoignages, et bien d'autres qu'il serait trop long de rap-
porter, nous montrent que la consécration des églises remonte aux
temps apostoliques. Mais ce fut surtout après la conversion de l'empereur
Constantin que, la paix ayant été rendue à l'Eglise, on commença à
construire des temples au Seigneur et à les consacrer avec une grande
solennité. « Votivum nobis ac desideratum spectaculum jiraebebatur,
« dit Eusèbe deCésarée {Hist., 1. x, c. 3), dedicationumscilicetfesti-
« vitas per singulas urbes, et oratoriorum recens structorum consecra-
« tiones... Jam vero antistitum absolutissiraai caeremoniae, et accurata
« sacrificia sacerdotum, et divini quidam augustique Ecclesiae ritus,
« hinc psalmos canentium, et reliquas nobis divinitus traditas voces
« auscullantium, illinc divina, et arcana obeuntium ministeria. » El
quoiqu'un seul évêque puisse consacrer une église, on avait alors,
comme il se pratique encore de nos jours, lusage d'en inviter plusieurs
à cette cérémonie solennelle. Le temple que Constantin fit ériger
sur le sépulcre du Sauveur fut consacré par un grand nombre d*é-
véques réunis en concile qui en consacrèrent ensuite plusieurs autres,
a Circa tricesimum aimum imperii Constantini, dit Sozomène (1. ii,
« c. xxvi), absoluta jam ecclesia Hierosolymis in Calvariae loco, quae
c( magnum Marlyriura (i) appellatur, Marianus quidem non raediocri
(1) V. lom. VTU de celte Rerue, p. 56;J.
LITURGIE. 351
« dignilale praeditus, imperatoris notarius, Tyruin ingressus, epi-
« scopis in concilio congregatis imperatoris porrexit epistolam, qua
« eos hortabatur ul, confeslim profecii, ecclesiam illic dedicarent. «
Théodoret ajoute {Hist.^ 1. i, c. xxxi) : « Imperator universura con-
« cilium relicta Tyro ^Eliam proficisci jusserat, aliosque complures
« undequaqueeo corivenire prseceperat, ut basilicas ab ipso constructas
« dedicarent. » Les anciens iiistoriens rapportent de plus qu'à la
consécration de l'église d'Antioche, qui fut nommée Dominicum
aureum (i) à cause de sa magnificence, il y avait quatre-vingts évêques
qui célébrèrent un concile. Ce concile fut appelé Synodus in encœniis.
Le mot Encœnia signifiait dès lors la consécration d'une église neuve,
comme le dit Du Gange dans son dictionnaire, au mot Encœnia. Ce
concile fut célébré à Antioche l'an 341;, et Socrate en parle en ces
termes: « Concilium Antiochiae in Syria curai congregari, prœlextu
« quidem dedicandae ecclesiae, quam Augustorum pater Conslantinus
« aîdificare cœperat; post ejus autem obilum Constantius filius, dccimo
« post anno quam facta fuerant fundamenta,absolverat » Saint Au-
gustin, dans une lettre à Nobilius, s'excuse de ne pouvoir assister à la
dédicace d'une église: «Tantaest solemnitas, ad quam me affectus tuae
« fraternitatis invitât, ut corpusculum meum ad vos traheret voluntas,
« nisi tcneret infirmitas. 1) S. Gaudens, contemporain du saint docteur;,
dans son écrit sur la dédicace de la basilique des Quarante-Martyrs,
dit : « Convenerunt igitur sanctissimi antislites et apostolici viri ad
« persolvendura beatissimis Patribus et praeceptoribus suis debitae
« devotionis obsequium, ul uberlate pleiiissima benedictionum spiri-
M tualium ditaremur. » On sait que la consécration de la basilique de
la B. Vierge Marie Trans-Tiherim fut faite par Innocent 111, assisté
de tous les cardinaux et évêques rassemblés pour le quatrième concile
œcuménique de Latran, et que Pie IX profila de la présence d'un grand
nombre d* prélats, réunis dans la ville sainte à cause de la promulga-
tion du dogme de l'Immaculée-Gonception, pour consacrer la basilique
de Saint-Paul.
(1) V. tom. VJii, p. 6ôi.
352 LITURGIE.
III. Les évoques convoqués à la consécration des églises ne le sont
pas seulement comme témoins de la cérémonie, mais il peuvent l'être
et l'ont été souvent comme coopérateurs : quoique la partie principale
appartienne de droit à un seul, qui est l'ordinaire du lieu ou un autre
par lui délégué, plusieurs peuvent être délégués pour consacrer les dif-
férents autels et les murs. Nous lisons dans les Actes du concile de Reims
sous Léon IX ce qui se passa à la consécration de la basilique de l'archi-
raonastère de Saint-Remi : « Domnus Papa, convocatis episcopis, intra
« dedicandi monasterii abdita, singulis singula ad consecrandum dele-
« gavit altaria : Remensem vero archiepiscopum cum Lisogiensi epi-
« scopo certam circuitionem cum crucibus et sanctorum reliquiis secun-
« dum ecclesiasticum ordinem exterius constituit agere , ibique
« consecrationis ofticium adiraplere ; ipse vero cum sibi necessariis
« reraanens interius, divini tabernaculi sanctificationem strenue dili-
« genterque exequitur. «Catalani, d'où nous tirons une grande partie
de ces documents;, nous cite cet autre exemple (ibid., n. 10). « Aliud
« ejusdem rei exemplum quidem luculentissimum in dedicatione eccle-
« siae majoris monasterii Turonensis, celebrata ab Urbano 11 pontifice
c< maximo, in qua Rodulphus Turonensis antistes, qui jam decennio
« ejusdem monasterii monachos persequebatur, jubente Papa, san-
« ctorura pignora sub dominico altari propriis manibus collocavit,
« sanctasque reliquias una cum Hugone Lugdunensi archiepiscopo ex
« capella inûrmorum, ubi pernoctarant, propriis adportavit bumeris,
« et alphabetum Latinum descripsit; Rangerius vero ex monacho me-
« morati monasterii ob egregias virtules factus archiepiscopus Re-
« giensis et cardinalis, Graecum ; cœmeterium autem ab eodem Ran-
« gerio et Brunone Siginensi episcopo sacratum est. (n dedicatione
« denique ecclesise S. Benedicli monasterii Casinensis decem ar-
« chiepiscopi et quadragiuta très episcopi interfuere : Papa quidem
« altaria duo, id est S. Benedicti et S. Joannis consecravit; altare vero
« beatae Mariae episcopus Tusculanus, altare S. Gregorii Hubaldus
« Savinensis, altare tandem S. Nicolai Erasmus episcopus Pegrinus. »
La même chose a été faite à la consécration de la métropole de Notre-
Dame de Paris, le 31 mai 1864 ; un grand nombre d'évêques assistaient
LITURGIE. 353
à cette cérémonie, et plusieurs prélats ont consacré des autels et fait
les onctions aux piliers de la basilique.
IV. Comme les documents cités nous montrent clairement, il serait
bien à désirer que toutes les églises fussent consacrées. Une simple
bénédiction faite par un prêtre délégué par l'ordinaire suffit, à la vérité,
pour qu'on puisse y célébrer le saint sacrifice de la Messe, comme
l'exprime la rubrique du Rituel romain. Geite bénédiction est intitulée :
« Ritus benedicendi novam ecclesiam, seu oratorium publicum, ut ibi
a SS. Missse sacrificium celebrari possit. » On lit ensuite la rubrique
suivante :« Sacerdos novam Ecclesiam delicentia episcopi benedicturus,
« ut in ea divinum sacrificium Missae rite celebretur, stola ac pluviali
« albi coloris indutus » A la fin il est dit: «Ecclesia vero quamvis
« a simplici sacerdole, ut supra, sit benedicta, ab episcopo tamen
« consecranda est. » La rubrique du Rituel n'exprime pas simplement
ici que le prêtre ne peut jamais être ministre de la consécration ; mais
elle exprime, comme il a été dit t. viii, page -502 de cette Revue, que
cette bénédiction se fait provisoirement, en attendant que l'église puisse
être consacrée. On peut, en effet, avoir besoin de s'en servir avant le
temps où l'évêque pourra le faii'e^ et avant que les travaux nécessaires
ne soient terminés. Cetle interprétation, qui ressort assez du texte même
de la rubrique, est donnée par les auteurs. « Renedictio, dit Rarruffaldi
« (tit. 72, n. 88), est in subsidium, et ad modum provisionis, non
« autem de natura loci tam digni, qui de jure consecrandus est. »
Le titre du rit de la réconciliation d'une église violée suffirait, du
reste, pour nous en convaincre. Il est conçu en ces termes : « Ritus
« reconciliandi ecclesiam violatam si nondum erat ab episcopo con-
« secrata. »
Aujourd'hui, dans diverses contrées, peu d'églises sont consacrées,
et l'on se contente d'une simple bénédiction. Cependant, divers conciles
prescrivent la consécration, et Renoît XIU, dans un concile tenu à
Rome, ordonna aux évêques de consacrer leurs églises. Nous lisons au
canon I d'un concile tenu à Londres en 1237 : « Rasilicarura dedicalio
« a vetcri testamento initium dignoscitur habuisse, et in novo est a
a sanctis patribus observata. In quo est eo dignius etstudiosius facienda,
Uevue des Sciences eixlés,, t. x. — octobbe 1804. 24-
854 LITURGIE.
« quo in illo offerebantur laiilum liostia animalium mortuorum, in illo
« vero cœlestis bostia viva et vera, ipse scilicet Unigenitus Dei Filius
« in altari offertur pro nobis, manibus sacerdotis. Quare statuerunt
« provide sancti Patres, ne in aliislocis, quam Deo dicatis, nisi neces-
« sitatis causa, celebraretur ofBcium tani sublime. Porro quia vidimus
a per nos ipsos, et a plerisque audiviraus lam saiubre ministerium
« contemni, vel saltem negligi a nonnullis, dum multas invenimus ce-
ci clesias, et etiam cathédrales, quae licef sint ab antique construclae,
« nondura tamen sunt consecratae oleo sanctificationis : volentes hiiic
« periculosae negligentiae obviare, slatuimus, et statuendo praecipimus,
« ut omnes ecclesiae cathédrales, conventuales et parochiales^ quae
« perfectis parietibus sunt constructae infra biennium per diœcesanos
« Episcopos, ad quos pertinent, vel eorum auctoritate per alios con-
« secrentur, sicque infra simile tempus fiât de cseteris construendis. »
Bientôt le méofie concile décréta que toutes les églises fussent consacrées -
dans l'espace de deux années, sous peine d'être interdites, à moins
d'une cause raisonnable, Benoît XllI, pendant son episcopat et son
cardinalat, et même pendant son souverain-pontificat, et à un âge très-
avancé, consacra beaucoup d'églises en divers endroits, et surtout à
Rome. Dans le concile qu'il tint à Saint-Jean de Latran, l'an du
jubilé 1725, il prescrivit que les églises simplement bénites fussent
promptement consacrées ; et l'on doit entendre ici au moins les églises
cathédrales et paroissiales. Nous lisons au tit. xxv, ci: « Antiqua
« mandant sanctorum Patrum décréta, ut sicut non alii possunt quam
« sacrati Domino sacerdotes sacra peragere, et hostias offerre super
« altare ; ita non alibi, nécessitas nisi summa coegerit, quam in Deo
« dedicatis locis, id est in tabernaculis, divinis ab episcopo precibus
« delibatis, divina debeant sacrificia celebrari. Incumbant quocirca
et episcopi, ut ecclesiae saltem cathédrales et parochiales, et majora
« ipsarum altaria, quae adhuc perfecta non sunt, nec dedicata, infra
« annum, si fieri poterit, in civitatibus, per diœceses vero infra bien-
« nium, omnino perficiantur, et solemniler consecrentur. »
V. 1. La veille du jour où une église doit être consacrée, l'évêque
qui doit faire cette cérémonie et toutes les personnes à la demande
LITURGIE. 355
desquelles cette consécration doitêtre faite, sont tenus au jeûne. Nous
lisons en effet dans le. Pontifical cette rubrique : « Pontifex consecrans,
« et qui petunt sibi ecclesiam consecrari, praecedenti die jejunare
a debent. »
2. Ce jeûne n'est pas un simple conseil, mais une obligation : elle
atteint les personnes qui demandent la consécration de l'église.
Deux décrets viennent à l'appui de cette règle.
l^r Décrs;t. Questions, a i. An jejuniura in Pontificali Romano
« praîscriptum iis a quibus consecratur ecclesia, sit strictae obliga-
« tionis, seu potius tantum de consilio? 2. An sit locale tantum, an
a personale ; seu potius locale et personale simul? » Réponses, v Ad 1 .
« Jejunium in Pontificali romano praescriptum esse strictae obligationis
« pro episcopo consecrante, et pro iis tantum, qui petunt sibi ecclesiam
« consecrari. Ad 2. Négative quoad primam partem, affirmative quoad
« secundam. » (Décret du 29 juillet 1780, n° 4400, q. 1 et 2.)
2« DÉCRET. « Gum in diœcesi Camberien. diversae circumferantur
« opiniones circa personas adactas servare jejunium in pervigilio dédi-
er cationis ecclesiie, RR. episcopus Camberien. S. R. C. humillime
« rogavit ut declarare dignaretur a quibus sit idem jejunium servandum?
« Et EE. ac RR. PP. sacris ritibus tuendis praepositi respondendura
« censuerunt : Missis opinionibus, servetur decretum in Mechlinien.
« die 29 julii 1780. » (On relate ensuite la décision citée ci-dessus.)
VI. La consécration des églises peut se faire tous les jours ; mais il
est plus convenable de choisir un jour de dimanche ou la fête d'un saint.
Cette cérémonie n'emporte pas avec elle, pour le jour où elle se fait,
l'obligation de s'abstenir des œuvres serviles.
La première partie de cette règle se trouve textuellement dans le
Pontifical : « Ecclesiarum consecratio, quamvis omni die de jure fieri
a posait, decentius tamen in dominicis diebus vel sanctorum solemni-
« tatibus fit. » La seconde partie est appuyée sur ce décret. Question.
« An si ecclesia consecretur die feriali, sitne feslum observandum in
« populo tali die cum ob'igatione in hujusmodi loco abstinendi ab ope-
« ribus servilibus, et audiendi s. missam? » Réponse. « Négative. »
(Décret du 29 juillet 1780, no 4400, q. 3.)
356 LITURGIE.
VII. La consécration d'une église ne peut pas se faire séparément de
celle de raïUel principal.
Cette règle résulte du texte même du Pontifical, qui indiquerait la
manière de faire cette cérémonie si elle pouvait être faite, comme il
donne dans un paragraphe spécial les règles à suivre pour la consé-
cration de l'autel sans la consécration de l'église. De plus, la Sacrée
Congrégation a plusieurs fois déclaré cette pratique illicite, d'abord par
un décret du 24 mai 1844, cité ci-après n' VIII et par le suivant.
« RR. Domine uti frater... Prudenti quidera consilio A. T. in exe-
« quenda consecratione duarum ecclesiarum parochialium istius Fe-
« sulanae diœcesis non acquiescens opinioni eorum, qui autumabant
« exequi posse consecrationeni absque dedicatione altaris a Ponti-
« ficali romano et a decretis omnino requisita, una cum ecclesiis
« altaria etiam dedicavit. Cum vero litteris datis hoc ipso vertente
« anno 15 kal. augusti S. R. C. sententiam Amplitude Tua requirat,
« eique sequens dubium expendendura proponat : An ecclesia antea
« per siraplicem ritualis benedictionem ad divini cultus servitium apta
« reddita, cujus altaria ad incruentum super iisdem litandum Sacrificium
« absque consecratione lapide tantum sacratosunt communita, possitli-
« cite consecrari, quin eodem tempore altare consecretur? Sacra eadem
c( Congregatio , proposito dubio negativam responsionem dandam
« censuit, ac in ecclesiarum consecratione altaris omnino dedicationem
« juxta Pontificalis romani regulam, et ad decretorum praescriptum
« requiri declaravit. » (Décret du 12 aotit 1854, n" 5204-.)
VIII. Après la consécration d'une église, il convient que le Pontife
célèbre solennellement la Messe. S'il était trop fatigué, il pourrait la
faire célébrer par un prêtre.
Cette règle ressort du texte môme de la rubrique du Pontifical. Après
la dernière oraison, il est dit : « Quo dicto, Pontifex accedit ad sacri-
stiam sive sacrariura, ubi, deposito pluviali, si celebrare voluerit, quod
« conveniens est, accipit sandalia, dicens psalmum Quam dileda, cum
« aliis. Deinde lotis manibus accipit omnia paramenta pontificalia albi
« coloris.... Si vero, fatigatus nimis, celebrare noluerit, facit Missam
<( solemniter per aliquem sacerdotem celebrari. »
LITURGIE. 357
Il suit de là que régulièrement l'évêque consécrateur doit célébrer
lui-même la Messe solennelle. S'il ne pouvait pas le faire, à cause de
la fatigue résultant d'une aussi longue cérémonie, il faudrait néanmoins
que cette Messe fût célébrée, comme on le voit clairement par la ru-
brique. Mais le Pontife peut-il, en vertu de cette même rubrique,
déléguer un prêtre pour cette fonction, sans avoir obtenu une dispense
du Saint-Siège? Le continuateur de Catalani (§ lxxviii, no5) tiendrait
pour l'affirmative ; cependant il cite une dispense spéciale accordée sur
ce point, dispense que l'on n'accorderait pas si elle n'était pas jugée
nécessaire. « Pontifex igilur, dit-il, Missam solemnem, peracta conse-
a cratione, celebrare débet, nisi ob fatigationem hanc celebrari mandet
« ab aliquo sacerdote ; ita patet ex rubrica quae superius descripta est.
« Hinc est quod nuUatenus capiamus ralionem quare episcopus Oppi-
« densis ad Summum Pontificem récurrent, indulgeri sibi petens nt
« posset Missam hanc solemnem, cujus celebratio ipsi impossibilis facta
« erat ob setatis et valetudinis imbecillitatem, ab alio sacerdote cele-
« brandam relinqueret. Attamen expresse concessa est talis dispensatio,
« die 24 mail 1844. Peritiores judicent de necessitate concessionis
« sicut et de petilionis opportunitate. » La dispense dont il est ici
question est conçue comme il suit. « Cum RR. Oppiden. episcopus
« praenoscat ob gravera suam aetatem non sine considerabili valetudinis
« dispendio perficere baud posse juxta formam in Pontificali praescri-
« ptam imminentem consecralionera novae suae cathedralis ecclesiae, ac
« proinde SS. D. N. Gregorium XVI, pontificem maximum, enixe rô-
ti garit indultum hanc ipsam sacram caeremoniara exequendi duobus
« consecutivis diebus,Sanctitas Sua, referente me subscripto S. R. C.
« secretario, de speciali gratia ita annuit bénigne ut uno eodemque die
« peracta omnino consecratione ecclesiae et altaris majoris ab ipso
« episcopo, poterit per alium sacerdotem Missa celebrari, qua fmita
« Episcopus solemniter populum benedicet, indulgentiara publicabit, et
« diem anniversariam ad recolendam consecralionera assignabit. Alia
« vero die quaecuraque consecrari polerunt caetera altaria, strictim
« servalis omnibus a Pontificali Romano praescriptis,coutrariisquibus-
(( cumque disponentibus minime obstantibus. » (Décret du 24 mai
358 LiTurxGiE.
1844, n° 4976.) S'il nous est permis, à nous aussi, de dire notre sen-
timent sur la poriée de celte décision, nous n'y trouvons rien qui puisse
faire révoquer en doute le droit de l'évêque consécrateur de déléguer
un prêtre pour célébrer la Messe s'il croit avoir un motif suffisant. La
demande de Mgr l'évêque d'Oppido n'a pas pour objet la dispense de
célébrer lui-même la Messe ; mais de faire en un seul jour toutes les
cérémonies de la consécration : et on lui répond en traçant l'ordre de
choses à faire d'après la rubrique même du Pontifical, et en déclarant
quelles sont les choses essentielles. Le Pontife pourra se contenter de
consacrer l'église et le grand autel, puis faire célébrer la Messe par un
prêtre. Quant aux autres autels, comme rien n'oblige à les consacrer le
même jour, le prélat fera cette cérémonie quand il le jugera convenable.
§ 2. DE LA FÊTE DE LA DÉDICACE.
Le jour de la consécration d'une église, la Messe solennelle qui se
célèbre par l'évêque ou par un prêtre, comme il vient d'être dit, est la
Messe de la dédicace, et les membres du clergé de l'église que l'on
consacre, doivent réciter l'office de la dédicace, en commençant à la
partie de l'office qui correspond à l'heure du jour à laquelle se fait la
consécration, c'est-à-dire à Tierce, si toutefois la solennité du jour ne
s'y oppose pas. Jusqu'à ce moment, l'office est celui du jour.
La première partie de cette règle, relative à la Messe solennelle du
jour de la dédicace, est dans le texte même du Pontifical : « Missa di-
<i citur ut in Missali, in ipsa die consécration is ecclesiae. »
La deuxième partie, concernant l'office, repose sur les décrets sui-
vant.
l*"" Décret. Question. « Officium dedicationis ecclesife particularis,
« quod cum octava celebratur, debetne tam privatim quam publiée in-
8 choari primis vesperis pridie dedicationis cum matutino ejusdem
« festi, vel incipere tantum consecratione ecclesiae facta^id est circum
« circiter ad horas minores? n Réponse. n Négative ad primampartem,
*« affirmative ad secundam ; et a clero tantum servilio ecclesiae strictim
« addicto. » (Décret du 23 mai 18.35, ii° 4742, q. 1.)
LITURGIE. 359
2« DÉCRET. (( Officium dedicationis ecclesiae... solum inchoandum
« esse peracla consecralione ab hora minori tertia. «(Décret du 7 déc.
1844, n» 4979.)
Nous avons ajouté : Si la solennité du jour ne s'y oppose pas. Il est,
en effet, des jours où l'on ne peut jamais dire une autre Messe que la
Messe du jour; il en est d'autres dont l'office ne peut jamais être trans-
féré. La rubrique du Pontifical, qui n'en parle pas, ne pourrait cepen-
dant ne pas les excepter. « Verba Pontificalis sint ita intelligenda,
0 dit Gavalieri (décret I, n° 63), ut non contrarientur rubricis Missalis,
« el loges non adversentur legibus, »
II. Les jours auxquels on ne peut dire la Messe votive de la dédi-»
cace le jour même de la consécration d'une église sont le premier di-
manche de l'Avent, le mercredi des Cendres, le premier dimanche du
Carême, le dimanche des Rameaux et tous les jours de la semaine
sainte, les dimanches de Pâques et de la Pentecôte avec les deux jours
suivants, les jours de Noël, de l'Epiphanie, de l'Ascension et du très-
sàint Sacrement.
Nous déduisons cette règle de la rubrique du Missel relative à la fête
du titulaire do-nt l'office serait transféré (Part, i, tit. vi). « In ecclesiis
« autem, iibi titulus est ecclesiae vel concursus populi ad celebrandum
« festura quod transferri débet, possunt cantari duae Missae, una de
« die, alla de festo, excepta dominica prima Adventus, feria quarta
« Cinerum, dominica prima Quadragesimse, dominica Palmarum cum
« tota hebdomada majori, dominica Resurrectionis et dominica Pente-
a costes cum duobus diebus sequentibus, die Nativitatis Domini,
« Epiphaniae, Ascensionis, et festo Corporis Christi. » 11 semble que
Ton peut appliquer à la dédicace d'une église ces paroles : Ubi est
concursus populi ad celebrandum festum quod transferri débet.
111. Si l'on fait une consécration d'église un des jours ci-dessus
énumérés, la Messe est celle du jour, avec mémoire de la dédicace,
dont on dit les oraisons sous une même conclusion avec l'oraison du
jour.
Telle est la règle donnée par les auteurs. Elle se déduit de celles
que nous avons posées t. VI, p. 371 de cette Revue, pour une solennité
360 LITURGIE.
transférée. Cavalieri compare aussi cette Messe à celle de l'anniver-
saire de la consécration d'un évéque, où l'on joint aussi l'oraison de
cette Messe à celle du jour, s'il est empêché. On ajouterait ensuite les
mémoires de la Messe du jour suivant les règles données t. VI, p. 362.
IV. Les fêtes dont l'office l'emporte sur celui de la dédicace sont
celles de Notre-Seigneur et de la sainte Vierge du rit double de pre-
mière classe, de la Nativité de saint Jean-Baptiste, des SS. Apôtres
Pierre et Paul, et de la Toussaint.
Cette règle est appuyée sur les décrets suivants.
l*"' DÉCRET. Question. « An octava dedicationis propriae ecclesiae
n dignior sit... octavis Assumptionis B. M.V. etomnium Sanctorura ?«
Réponse. « Négative. «(Décret du 13 mars 1804, n° 4491, q. A.)
2' DÉCRET. Question. « Ac occurrenle festo dedicationis in festis B.
« M. V., sanctorum Angelorum, S. Joannis Baptistae, S. Joseph sponsi
« ejusdem B, M. V. ac SS. Apostolorum, quae festa sub ritu dupl.
€ primae classis sint celebrata^ debeat in his casibus fieri officium de
« dedicatione, etsi occurreret festuni Assumptionis B. M. V.?»
Réponse. (n Négative, proutjam decisura fuit die 13 raartii 1804..., et
« servetur ordo tabellae excerptaeex RubricisgeneralibusBrevario Ro-
te mano praemissae. » (Décret du 20 sept. 1806, n" 4500, q. 10.)
V. Si la fête de la dédicace est en occurrence avec celle du patron
ou du titulaire ; la dédicace doit avoir la préférence, à moins que le
patron ou le titulaire ne soit du nombre des fêtes exceptées au numéro
précédent.
Le deuxième décret cité n° IV suffît pour appuyer cette règle, puisque
.dans le tableau indiqué, le patron et le titulaire se trouvent placés après
la dédicace. On peut encore en citer plusieurs autres.
1^'' DÉCRET. « Festum consecrationis prius agendum ut dignius,
« festum vero titularis transferendum. » (Décret du 15 déc. 1632,
n» 972.)
S'^ DÉCRET. « Concurrente, vel occurrente dedicatione ecclesia) ca-
« thedralis... cum tilulari alicujus alterius ecclesiae, quisnam pra^ferri
or debeat in ecclesia titulari ? » /it;/;o?ise.«PrÊeferendam esse dedicatio-
« nera ecclesiae cathedralis. » (Décret du 8 août 1643, n" 1469, q. 3.)
LITURGIE. 361
3* DÉCRET. « Faciendum de dedicatione in casu juxta decretum
« Majoricen. die 8 augustil643, ad.dub.3et festum patroni transfe-
« rendum juxta rubricas. » (Décret du 12 sept. 1840, n^ 4897,
q. S.)
VI. Si la fêle patronale ou titulaire d'un saint Apôtre se trouve en
occurrence avec la dédicace, on donne la préférence à celle-ci. 11
semble qu'on doit préférer aussi la dédicace à une fête patronale ou ti-
tulaire en l'honneur des saints Anges ou de saint Joseph.
La première partie de cette règle repose sur celte décision : Ques-
tion. « An occurrente festo dedicationis ecclesiae et festo apostoli
« aequalis ritus, fieri debeat officium de dedicatione, translate festo
(( apostoli ; vel de aposlolo, translata dedicalione, ut deduci videtur
« ex decreto 13 martii 1804? » Réponse. « Affirmative ad primam
« partem; négative ad secundara.j) (Décret du 7 sept. 1816, n" 4526,
q. 9.)
La seconde partie paraît une conséquence de la première. Si le dé-
cret du 13 mars 1804 et celui du 20 septembre 1806, cités ci-dessus
n" IV, ne donnent aucun privilège aux fêtes qui ne sont pas indiquées
sur le tableau qui îe trouve en tête du Bréviaire, les fêtes des saints
Anges et de saint Joseph ne peuvent êlre dans une condition autre que
celle d'un Apôtre. « Licet deilicatio, dit M. de Ilerdt (part iv, n» 29),
« cedat festis primariis Nativilatis S. Joannis Baptistse, SS. Apostolo-
« rum Pétri et Pauh, Assumptionis B. M. V., et omnium Sanctorum,
a non tamen aliis festis, slicet Angelorum, S. Joseph, aut aUorum
et Apostolorum, non obstante decreto citalo 20 sept. 1806 quia
« licet in pelitione haec fesia comprehendantur, non tamen in respon-
« sione, in qua mandatur servari ordinem tabellse duplicium primas
« classis, ubi sola festa Nativitatis, S. Joannis Baptistae, SS. Aposto-
« lorum Pétri et Pauli, Assumptionis B. M. V, et omnium Sanctorum
a praeponunlur dedicationi ecclesiae. Et sic S, R. C, 7 sept. 1816...
« respondit, occurrentibus festo dedicationis ecclesiae et festo Apostoli
« aequalis ritus, fieri debere officium de dedicatione, translate festo
« Apostoli ; ratio est, quia festum Apostoli in hoc casu est aequalis
« ritus seu primœ classis ratione patronatus vel ex privilégie ; dedica-
362 LITURGIE.
« tio aulem prseferenda est festis aeque peculiaribiis et localibus,
« licet non illis, quœ juxta tabellam duplicium primae classis praicep-
« tive ab omnibus christiani orbis ecclesiis diebus propriis recolenda
« sunt. »
VU. On célèbre chaque année le jour anniversaire de la dédicace
d'une église, et cette fête jouit des mêmes privilèges que le jour même
de la consécration.
Cette règle n'a besoin d'autres preuves que l'ensemble de toutes les
décisions relatives à la fête de la dédicace. Elles se rapportent,
comme on le voit clairement, au jour même ou à son anniver-
saire.
VIII. Le jour où l'on célèbre l'anniversaire de la dédicace d'une
église doit être fixé par l'évêque consécrateur dans l'acte même de la
consécration, et il ne peut plus être changé que par l'autorité du
Saint-Siège.
Cette règle n'est autre chose que le texte même de cette décision :
« Dedicalionis festimutationemspectaread consecratorem in actucon-
« secralionis, adeo ut extra ipsam non posset amplius immutari in-
(( consulta Sede Apostolica. » (Décret du 21 janvier 1679, n» 2873,
q. •2.)
IX. Lorsqu'on ignore le jour où une église a été consacrée, ou si
cette fête se rencontre de manière à devoir être ordinairement trans-
férée, l'évêque du lieu peut fixer le jour où l'on en doit célébrer
l'anniversaire, et ce jour ne peut plus être changé sans l'autorité du
Saint-Siège.
Plusieurs décisions confirment cette règle.
1" DÉCRET. « Episcopus Recanaten. asserens ignorari diem conse-
« crationis ejusdem cathedralis, supplicavit assignari certum diem pro
« anniversario ipsius dedicationis. Et S. C. censuit : Posse per epi-
« scopum hoc casu eligi certum diem pro anniversario ; cum hoc, quod
« certus dies electus amplius immutari nequeat. » (Décret du 21 août
4640, n» 12.56.)
2e Décret, « Patres Societatis Jesu exponentes diem dedicationis
a eorum ccdesiae celcbralam fuisse rctroactis aniiis in die Pentccostes,
LITURGIE. 363
« et postmodum inlermissam dictam celebrationem dedicationis, sup-
« plicarunt assigner! alium diem pro celebrando anniversario. Et
« S. G. respondit : Diem certum per episcopum esse eligendum, qui
« semel electus araplius mutari nequeat pro anniversario dedicationis
« ecclesiae. » (Décret du H nov. 1651, n° 1353.)
3" DÉCRET. 0 Posse episcopum ordinarium eidem (festo Dédica-
ce tionis) diem assignare suo arbilrio, si diem certam non habuerit,
« qua semel elecla, hujusmodi festum amplius non esse variandum. »
(Décret du 3 mars 1674, n" 2675.)
4* DÉCRET. « Cum in parietibus antiquae ecclesiae S. Joannis Bap-
« tistae multae depictae sint cruces, ex quibus aperte patet dictam
« ecclesiam consecratam fuisse ; cumque dies festivns consecrationis
« illius ecclesiae ob lapsum tanli temporis ignoretur : propterea ex
« parte plebani et cleri supradiclaî terrae pro facultate imposterum
« celebrandi die 22 octobris officium diei festi dedicationis praediclse
« ecclesiae cum octava, S. R. G. humillime supplicatum fuit. Et
« S. eadem R. G. gratiam juxla petita, pro die tamen ab ordinario
(1 designanda,et numquamimmutanda, oratorum instanliae annuendum
« esse censuit. » (Décret du 17 avril 1717, n°3899.)
5° Décret. « Episcopus, si con'stetde consecratione alicujus ecclesiae,
« sed dies ignoretur, diem assignabit pro celebratione festi dédica-
ce tionis. Idem faciet, si perpétue occurral dies dedicationis in festis
« primae classis, ac propterea esset transferendus. » (Décret du 3 mars
17G1, n«4300, q. 2.)
Nota. Nous avons dit : Si cette fête se rencontre de manière à être
ordinairement transférée, et non pas perpétuellement transférée, suivant
le texte du quatrième décret, le deuxième ne supposant pas une trans-
lation perpétuelle, la fête et l'octave de la Pentecôte n'arrivant pas
toujours à la même date.
X. Lorsqu'il y a lieu d'assigner un jour pour célébrer la fête de la
dédicace, suivant la règle précédente, cette désignation ne peut être
faite que par l'autorité du Saint-Siège ou celle de l'évêque diocésain.
Le chapitre général d'un ordre religieux ne pourrait pas le faire.
Getle règle est appuyée sur le décret suivant. Question « Utrum
36/i LITURGIE.
« capitulum gonerale ordinis facultatera habucrit diem imlicendi pro
e hocfesto (dedicationis) celebrando? » Réponse. « Négative. «(Décret
du 7 avril 1832, n« 4688, q. 2.)
Gardellini, dans une note sur ce décret, s'exprime en ces termes :
« Palet ex his générale capitulum diem indixisse pro festo dedicationis
« celebrando. Jam quando hoc indixit? Aut ipso consecrationis die,
« aut postea : utroque in casu non ipsi erat facultas, sed episcopo ipsi
« consecranti, et ipso consecrationis die^ ut ex Pontificali Romano
M eruitur... A capitule generali maie, et sine ulla facullate praedictus
« pro hoc festo celebrando dies fuit adsignatus. »
XI. Lorsque la fête de l'anniversaire de la dédicace d'une église
dont on ignorait le jour de la consécration a été fixée à un jour par
l'ordinaire, suivant ce qui vient d'être dit, si l'on vient ensuite à
connaître d'une manière certaine le jour de la dédicace, la fête doit êti e
remise à son jour propre.
Tel est, en effet, le sens du décret suivant: « Procurator generalis
« strictions observantise C. S. R. prsepositse supplicavit, ut confirmare
« dignaretur decretum EE. Archiepiscopi, de celebranda dedicatione
« ecclesiœ oppidi Rappelli die 6 julii ob incertitudinera diei consecra-
« tionis, licet modo de ea notitia habita fueritexauthenticisscripturis,
« cum dicta dies consecrationis coincidiit in festo S. Bonaventurae a
« toto ordine magna cum soleranitafe celebrari consueto. Et EE. PP.
M responderunt : Non sufFragari decretum EE. archiepiscopi, sed ce-
ce lebrandum esse in ipsa die, quando repertum fuit ecclesiam conse-
(( cratam fuisse. » (Décret du 13 mars 1649, n. lôOS.)
XII. L'office de la dédicace d'une église particulière doit être récité
par les membres du clergé de cette église seulement et par tous ceux
qui y possèdent le plus petit bénéfice. Cet office est du rit double de
première classe avec octave.
La première partie de cette règle, relative aux personnes obligées à
la récitation de l'office de l'anniversaire de la dédicace d'une église par-
ticulière, est appuyée sur les décrets suivants :
l^r DÉCRET. Question. « An sacerdotes qui habent capellanias sive
a collativas sive non collalivas in ccclesia collegiata S. J(>annis Ba-
LITURGIE. 365
« ptislae.... valeant recitare officium quod récitant canoniei de dedica-
« tione ejusdem ccclesiae cum octava? Et quid de aliis sacerdolibiis et
« clericis tam diclae ecclesiae inservientibus, quam non inservientibus,
« attento quod dicta ecclesia sit matrix et baptisraalis? » Réponse.
« Presbyteri tantum aliquo perpetiio gaudentes beneficio in ecclesia
« matrice possunt se conformare in recitalione officii cum eadem ec-
« clesia,juxta alias resoluta in Galaritana, 13 julii 1658. » (Décret du
5 août! 790.)
La décision du 13 juillet 1658 dont il est ici question est ensuite
rapportée en entier comme il suit: «Sacerdotes diœcesis Calaritange,
« licet nulla prsebenda potiantiir in cathedrali ecclesia, attamen eidem
« subditi, ex quo in sacris ordinibus constitua reperiantur, vel aliquo
« potiantur beneficio in ecclesiis eidem cathedrali subjectis, S. R. G.
« supplicarunt, ut facultatem elargiri dignaretur, quod in officiorum
« recitatione possent se conformare cum eadem cathedrali. Et S. R. G.
« nihil rescribi mandavit ».
2' DÉCRET. Question. « An capellani ecclesiae S. Mariae de Horto,
« célébrantes Missam festivitatis consecralionis ecclesiae die 6 octobris,
« et per totam octavàm, possint pariter recitare officium consecratio-
« nis praedictae, ut se conforment cum Missa ? » Réponse. « Négative. »
(Décret du o octobre 1697, n« 3447.)
3® DÉCRET. Questions. « Archipresbyter nuncupatus congregationis
« ecclesiae S. Marias Gratiarum terrae montis Filostrani diœcesis Au-
« ximanae S. R. G. humillime supplicavit, qualenus, ad toUendasom-
« nés haesitationes, infrascripta dubia declarare dignaretur, nempe :
« 1 . An clerus datae terrae possit, vd debeat recitare officium eum
« Missa tam in die, quam per octavam dedicationis ecclesiae matricis?
« 2. An excludantur habentes aliquod beneficium simplex in ecclesia?
a 3. An etiam excludantur sacerdotes adscripti servitio, vel comrao-
« ditati ejusdem ecclesiae? » Réponses. «Ad 1. Non teneri, nisi qui
« fuerint ipsius ecclesiae servitio adstricli, aut in ea aliquod beneficium
c( vel tenue possiderent. Ad 2 Jam provisum in prima responsione.
« Ad 5. Ut ad proximum. » (Décret du 16 mai 1744, n° 4156.)
4^ DÉCRET. Question. « An officium dedicationis, vel titularis ali-
366 LITURGIE.
« cujus eccleciae parochialis recitandum sil in ecclesiisveloialoiiis sub-
« jeclis?» Réponse. « Juxla alias décréta, a clero ecclesiae tantum. »
(Décret du 29 mars 1851, n" 5152, q. 5.)
On pourrait citer encore le décret du 23 mai 1835, rapporté n. I.
Ces décisions relatives à la fête de la Dédicace, se rapportent à l'an-
niversaire comme au jour même de la consécration dune église, ainsi
qu'il a été dit n. VII.
La deuxième partie de la règle énoncée, par rapport au rit do la
fête et à son octave, se trouve dans le texte même de la rubrique du
Bréviaire. Dans la table qui est en tête des rubriques générales, on
voit, au rang des doubles de première classe :« Dedicatio propriae ec-
« clesiai » ; et au lit. vu, n» 1 : « Fit de octava.... in festo dedica-
« tionis propriae ecclesiœ. »
XVII. S'il y avait quelque doute sur la consécration d'une église, on
ne pourrait pas en célébrer l'anniversaire.
Cette règle résulte des décrets suivants.
\^^ DÉCRET, a Non posse celebrari festum consecrationis illius ec-
« clesiae, quara certum est non fuisse consecratam, imo neque si est
« dubiura. » (Décret du 18 août 1629, n" 826, q. 1.)
2" Décret. Question, u Fr. Emmanuel Fonitsere, monachus pro-
« fessus, caeremoniarum magister regalis monasterii divi Hieronymi
a vallis de Hebron diœcesis Barchinonensis, S. R. C. humillime cx-
<( ponit.atempore iramemorabili festum celebralum fuisse, recitatumque
« oificium dedicationis ecclesiae supradicti monasterii usque ad annum
« 1807, quo tempore, cum subortum fuerit dubiura, utrum praîdicfa
« ecclesia esset consecrata, aut benedicta tantum, omissa est illius
« festivitatis celebratio. Ambigendi occasio inde sumpta est, quod
« nulla crux, nullum aliud signum in ecclesia videatur, unde inferri
CI valeat illam fuisse consecratam Verum praeter allatam consuetudinem,
« quod non levé argumentum praestat ut ecclesia credatur consecrata,
« extat quoque hujusce rei aliud testimorium in quodam libre peran-
« liquo manuscripto, et caute custodito, ubi notatur ac legitur : Traditos
(( fuisse sexaginta solides RR. D. Episcopo Rodenicopolis ob ecclesiae
« consecrationem : quae tamen ultima verba ambigentes opinali sunt
LITURGIE. 367
a per errorem aut inscitiam seriptoris in praedictum libriim irrepsisse,
« adeoque legendum benedidionem, non consecrationem. Poslmodum
« anno I8''29, consuUi sunt super hac re duo vicarii ecclesiastici civi-
ot talis Barchinonensis, iique in rubricis et sacris ritibus peritissimi,
« qui omnibus perpensis, scrupuloseque examinatis, scripserunt :
« praedictum festura haud rite fuisse oniissum, ideoque rursus cele-
« brandum,acprosequendum in posteranitara ob consueludinem anti-
« quissiraam et iramemorabilem recitandi de eo officium, tum quia
a nullum apparet monumentum evidenter ostendens dictara ecclesiam
« non fuisse consecratam ; quinimo probabilius judicandam esse talem
a ob probationes adductas. His positis, quaeritur utrum possit necne
a celebrari in futurum festum dedicationis suae eeclesiae, ac recitari
« officium a patribus Hieronyniianis monasterii vallis de Hebron?»
Réponse. « Négative. » (Décret du 7 avril 1832, n*» 4688, q. 1.)
Cette décision est motivée dans une note importante dont nous de-
vons indiquer les principaux points. Les raisons de douter de la con-
sécration sont, avant tout^ l'absence des signes qui devraient se trou-
ver dans cette église, si elle était réellement consacrée. Ces signes se-
raient des croix sur les murs, et- un autel fixe. On consacre, en effet,
l'église pour l'autel, et non pas l'autel pour l'église. En outre, si aucun
écrit, aucun témoin ne peut attester que la consécration ait été faite,
on ne peut regarder Téglise comme consacrée, quand même on aurait
célébré depuis longtemps l'anniversaire de sa dédicace. Bien plus, dans
un cas de consécration douteuse, le droit prescrit de réitérer la consé-
cration. (Can. Ecclesise, de Consecr., dist. i.)
XVIII. La fêle de la dédicace de l'église cathédrale doit être célé-
brée par tout le clergé séculier du diocèse, sous le rit double mineur.
Si c'est l'usage, on peut lui donner le rit double de première classe
dans tout le diocèse, et en célébrer l'octave dans toute la ville épisco-
pale.
Celte règle résulte de la comparaison de plusieurs décisions ren-
dues sur la question présente. Ces décrets sont les suivants :
l*"" Décret. « S. R. C. censuit festum dedicationis eeclesiae cathe-
« dralis supradictae tam in ipsa cathedrali, quam in aliis ecclesiis
368 LITURGIE.
« ejusdem civilalis celebrandum esse cum octava ; in aliis vcro cccle-
« siis diœcesis esse solum celebrandum sub rilu du[ilici sine octava. »
(Décret du 2 mai 1619, n" 572.)
2« Décret. Question, a Episcopus Fesularum declarari postulavit :
« An officium dedicalionis ecclesiae cathedralis in ipsa cathedrali lati-
a tum, aut etiam in tota civitate cum octava rccilari debeat, vel prout
« in diœcesi (praeterquara in cathedrali) in reliquis civitatis ecclesiis,
« sub duplici sine octava? Rationem dubitandi assignans, ex quo Bar-
ce bosa et Gavantus decretura Gonchen. emanatum die 2 maii 1619;,
« uti legem universalem et ubiquc locorum observabilem afferant. Et
« S. G. declaravit : Decretum praedictum attenta tantum immemora-
« bili, quamvis in eo non expressa, ab ipsa Congregatione emanatum
« et evulgatura fuisse, in eisque terrainis tantummodo hujusmodi de-
ce cretura alibi observari et locum habere posse censuit; cum alias
c( officium dedicationis in cathedrali tantum cum octava, et in civitate
c( ac diœcesi sub duplici minori sine octava recitandum sit, » (Décret
du J6 mars 1658, n» 1869 )
3* Décret, ce Licere officia recitare de dedicatione ecclesiae cathe-
cc dralis cum octava in propria tantum ecclesia ; in civitate vero et
(( diœcesi sub duplici majori sine octava. d (Décret du 6 avril 1658,
n» 1883.)
4® Décret. « Festura dedicationis ecclesiae cathedralis in civitate
« et diœcesi celebrandum esse sub duplici minori tantum, ut alias de-
« claravit in Fesulana 26 niartii 1858, et Varnien. 6 aprilis ejusdem
« anni. » (Décret du 21 janvier 1689, n° 3181, q. 1.)
5« DÉCRET. Questio}H( Cum ïeslum dedicationis ecclesiae cathedralis
« ektra civitatem celebretur sine octava ; utrum nihilominus haec annua
ce dedfcatio extra civitatem per totam diœcesim celebranda sit sub ritu
« duplicis primae classis, an vero sub rit. dup. min. dumtaxat?» Ré-
ponse. « Servetur solitura. » (Décret du 19 juin 1700, n" 3565,
q. 1.)
D'après ces réponses, la doctrine de la S. G. paraît bien être celle
que nous avons énoncée. Le 16 mars 1638, la S. G. déclare que la
réponse du 2 mai 1619 est une dérogation à la règle générale. La dé-
LITURGIE. 369
cision donnée le 21 janvier 1689 confirme cette même règle et donne
encore comme étant un privilège spécial la concession du rit double
majeur dans les églises particulières, faite le 6 avril 1658. Enfin, elle
autorise le 19 juin 1700 à suivre l'usage de célébrer cette fête sous le
rit double de première classe dans toute la ville épiscopale si c'est
l'usage. Gavalieri, commentant ce dernier décret, l'explique comme
il suit. « Dedicatio itaque ecclesiae cathedralis pro diœcesi nec est de-
ce terminale duplex primae classis, nec duplex minus, sed quoad ritum
« jîixta solitum celebranda est, et licet decretum hujusmodi solitura
« explicet, dum subjungit, scilicet vel sub ritu duplici primx classis,
« vel stib dtipliei minori, adhuc tamen non ita limitative accipiendum
« est^ ut si solitum sit illud recolere sub ritu duplici majori, aut se-
« cundae classis, in hujusmodi usu persisti non possit. Intentio enim
« decreti est, quod cum festum dedicationis cathedralis extra civita-
« lem celebretiir sine octava, non est necesse retinere ritum duplicem
« primae classis, sub quo celebratur, quando colitur cum octava, sed
« adhuc inferiori ritu valet celebrari, quo consuetum jam est recenseri,
« unde vel sub ritti duplici minori ponitur exemplificative, assi-
« gnando scihcet exemplum illud ritus inferioris, sub quo a proponente
« dubium asserebatur aliquibus in locis consuetum esse illud cele-
c( brari. »
XV. Le clergé réguUer de la ville épiscopale doit célébrer la fête de
la dédicace de l'église cathédrale sous le rit double de seconde classe
sans octave. Hors la ville, le clergé réguher du diocèse ne fait pas cet
office.
La première partie de cette règle est appuyée sur les décrets
suivants.
l^r DÉCRET. « S. R. G. declaravit regulares in ipsa civitate de-
« gentes in poslerum teneri ad celebrandum festum dedicationis
« ecclesiae cathedralis cum officio dup. 2 classis, non tamen cum octava,
« si ita SSmo visum fuerit, die 1 aprilis 1662. Et facta de praedictis
a SSmo relatione, Sanctilas Sua annuit, die 8 ejusdem mensis, eodéra-
a que anno 1662. » (Décret général du 1" avril 1662, n» 2159.)
2e Décret. « Regulares degentes in civitate debere recitare ofTicium
Revue des Sciences ecclés.,t. x. — octobre 1864. 25
370 LITURGIE.
a dedicationis calhedralis sub duplici tantum sine octava, ex decrelo
« edito die prima aprilis 1662. » (Décret du 10 janvier 1693, n" 3301,
q. 3.)
3' DÉCRET. Question. « Cum ab hac S. R. C. emanaverit hoc de-
« cretum, scilicet, regulares in ipsa civitate degentes tenentur in pos-
a terum ad celebrandum festum dedicationis ecclesiee cathedralis cum
« officio duplici secundae classis, non tamen cum octava, dubitatur : An
« per haec verba, in ipsa dvitate degentes, illi tantum veniant degentes
« in civitate, in qua est ecclesia cathedralis, an etiam illi, qui degunt
« in aliis ejusdem diœcesis oppidis, quae vulgo in Gallia civitates nun-
« cupantur?» Réponse. « Affirmative quoad primam partem; négative
« quoad secundam. » (Décret du 16 juin 1708, no 3788, q. 3.)
La deuxième partie repose sur ces autres décisions.
1" Décret. « Regulares degentes in civitate debere recitare officium
« dedicationis cathedralis : extra civitatem non teneri, neque ad reci-
0 tationem officii in die festo, ut alias pluries. » (Décret du 10 jan-
vier 1693, n« 3301, q. 3.)
2* DÉCRET. *■ Regulares degentes extra civitatem non tenentur ad
« dedicationis officium. » (Décret du 5 mai 1736, n» 4044, alia dub.
q. I.)
3" DÉCRET. « Regulares degentes in civitate tenentur ad officium
« dedicationis cathedralis : extra civitatem non tenentur neque ad re-
« citationem officii in die festo. » (Décret du 29 janvier 1752, n» 4223,
q. 1.)
§ 3. De LA FÊTE DE LÀ DÉDICACE DE TOUTES LES ÉGLISES
DE FRANCE.
1. En France, la fête de la dédicace de toutes les églises consacrées
a été fixée au dimanche qui suit l'octave de la Toussaint.
Cette règle est le texte même du décret porté par le cardinal Caprara,
le 21 juin 1804. « Dorainica quas subsequetur diem octavam omnium
a Sanctorum celebrabitur anniversarium dedicationis omnium ecclesia-
c( rum consecratarum. »
LITURGIE. 371
II. La fête de la dédicace que nous célébrons le dimanche dans
l'octave de la Toussaint est à la fois l'anniversaire de la dédicace de
r^'glise propre et celui de la dédicace de l'église cathédrale.
Pour appuyer cette règle, nous citons deux réponses de la S. C.: la
première à la congrégation du Saint-Rédempteur, la deuxième à l'ordre
des Carmes déchaussés pour un cas analogue. Une note de Gardellini
sur la décision donnée à la congrégation du Saint-Rédempteur, montre
positivement que lorsqu'on fixe à un jour l'anniversaire de la dédicace
de toutes les églises consacrées, cette seule fête suffit pour les deux
dédicaces que l'on pourrait être obligé de solenniser.
1" DÉCRET. « Cum festum dedicationis ecclesiae sub ritu duplici
« primse classis non sit specialiter concessum, sed praeceptive celebran-
« dum, PP. Congregationis teneri celebrare octavam dedicationis ec-
a clesiarum omnium consecratarum ordinis fixa die 3 octobris in calen-
« dario reviso, et adprobato ; et non posse denuo propriae partlcularis
« ecclesiae dedicationis officium persolvere, quod intelligitur compre-
« hensum et celebratum, quando in ordine ex speciali indulto festum
« celebratur omnium ecclesiarum consecratarum. (Décret du 3 avril
a 1821, n°4581, q. 5.)
« Si ad inducendam in calendario congregationis uniformitatem, dit
« Gardellini, indultum est, ut una eademque die celebretur anniversa-
« riura dedicationis omnium ecclesiarum congregationis, frustra quae-
« ritur, num ecclesiae singulae aliud queant propriae dedicationis offi-
« cium peragere. Nam ea dies, quae fit de omnibus congregationis
« ecclesiis, perinde habenda est, ac si propria esset, et singulis assi-
a gnata. Quod si praeter generalera solemnitatem, adhuc unaquaeque
a ecclesia peculiarem recoleret, cessaret uniformitas illa, ob quara pri-
« vilegium concessum fuit. Frustra enira pelitur, non Octava dedica-
« tionis abrogatis debeat annumerari ; hajc siquidera in praecepto est,
« nec confundenda cum illis quae fuerant specialiter induite. Utrumque
« declaratur rescripto ad propositura dubium. »
2* DÉCRET. Question. « Utrum regulares qui sedis Apostolicae in-
« dultum impetraverint dedicationem omnium Hiberniae necnon suc-
« rum ordinum ecclesiarum celebrandi, possint et debeant dedicationem
372 LITURGIE.
« quoque ecclesias calhedralis illius, qna degunt, diœcesis, absque
« sedis Apostolicae speciali indulto, celebrare, cum clerus Scecularis,
« ul jam dictum est, dedicationem omnium ecclesiariim Hibernias
a quotannis celebret? An teneantur, vel possint prseterea cleri saecu-
« laris sacerdotes et alii propriae suae ecclesiae dedicationem celebrare
« sive cathedralis illa sit, sive quaevis alia?» Réponse.* Dilata, et ad
a mentem. Mens autem est ut per S. G. de PropagandaFide scribatur
« archiepiscopis Dublinensi, et Tuaraensi, necnon episcopo Galva-
« niensi per modum instructionis, qua dicatur ad eamdem S. G. per-
a latum esse in eorura diœcesibus praeter festum dedicationis omnium
(( istius regni ecclesiarum, quod habetur dominica secunda octobris,
« celebrari etiam diera anniversariura consecrationis propriae ecclesiae
« calhedralis, et quatenus ita se res habeat, hujusmodi morera conso-
« num non esse et decretis S. R. G-, et 'psi rationi, eo quod propriae
« particularis ecclesiae dedicationis officium intelligitur comprehensum
« et celebratum in festo consecrationis omnium ecclesiarum, acpro-
« pterea eamdem S. G. veheraenter optare, ut praedictum officium de-
« dicationis propriae particularis ecclesiae ex calendario proximi anni
« expungatur. » (Décret du 46 avril 1842, n» 4941, q. 3 et 4.)
m. Les régies relatives à l'office de la dédicace, soit par rapport
aux personnes qui doivent le réciter, soit par rapport à son rit et à
son octave, sont toutes applicables, en règle générale, à la fête que
nous célébrons le dimanche qui suit l'octave de la Toussaint. 1» Cette
fête est du rit double de première classe avec octave pour tous les
ecclésiastiques attachés à une église consacrée; 2" les membres du
clergé séculier attachés à une église qui n'est pas consacrée, célèbrent
seulement, ce jour-là, l'anniversaire de la dédicace de l'église cathé-
drale sans octave hors de la ville épiscopale, et en suivant l'usage,
comme il a été dit, pour le rit, dans tout le diocèse, et pour l'octave,
dans la ville épiscopale ; 3" les réguliers de la ville épiscopale, qui
n'ont pas d'église consacrée, ne la célèbrent pas d'un rit plus élevé
que double de seconde classe, sans octave, et ne la font point en dehors
de la ville ; 4° si la cathédrale n'était pas consacrée, les membres du
clergé d'une église non consacrée n'auraient point à réciter cet office.
LITURGIE. 373
Ces règles sont bien claires. Le décret du cardinal Caprara, en
effet, a fixé la fête à un jour, mais n'a pas changé les règles qui la
régissent. On se tromperait en voyant dans ce décret l'institution d'une
nouvelle fête pour toute la France, ce dont il n'est nullement question.
Nous avons dit, cependant, en règle générale, car depuis la restaura-
tion liturgique, beaucoup de prélats, en présentant à l'approbation de
la Sacrée Congrégation leurs propres diocésains, ont obtenu la fête de
la dédicace du rit double de première classe avec octave pour le di-
manche qui suit l'octave de la Toussaint. Mais, d'après ce qui a été
dit, on pourrait encore légitimement conclure que cette concession
s'applique seulement au rit de la fête et à son octave, et qu'elle ne
pourrait avoir son effet pour les ecclésiastiques qui n'appartiendraient
pas à une église consacrée, si la cathédrale ne l'était pas. Cette ques-
tion a été plusieurs fois proposée à la Sacrée Congrégation par Nos-
seigneurs les évêques de Belgique, et les réponses qui ont été données
confirment notre règle : la Sacrée Congrégation, dans la première, la
confirme complètement ; dans la seconde et la troisième, elle autorise
une autre pratique, pai» permission spéciale, dans les diocèses de Ma-
lines et de Bruges.
I'"' DÉCRET, Question, a Una superest difïïcultas, quae ad dedica-
« tionem ccclesiarura attinet, aliis aliter interpretantibus dispositionem
« indulti EE. cardinalis Caprara de die 9 aprilis 1802, quae sic sonat :
« Anniversarium dedicationis templorum quss in ejusdem Gallïcanx
« reipublicx territorio erecta sunt in Dominica qux octavam festivi-
V talis omnium sanctorum subsequetur, in cundis ecclesiis gallicunis
« celehretur. Declaratio autem EE. ejusdem Cardinalis a latere legati
« de die 21 junii 1804 sic habet : Dominica qux subsequetur diem
« octavam omnium Sanclormn celebrabitur anniversarium dedicationis
« omnium ecclesiarum consecratarum. Hinc triplex orta est sententia.
« i° AHis videtur indultnm Apostolicum de die 9 aprilis 1802 insi-
« nuare in tota reipublica Gallicana uno eoderaque die celebrari debere
« anniversarium dedicationis omnium ecclesiarum ; ibique nullam
« fieri menlionem de anniversaria dedicatione ecclesiae cathedralis,
« nec de secunda dedicatione a pastoribus variis quandoque parochiis
37/i UTURGIE.
« inservienlibus peculiariter servanda : irr.o inJultum Apostolicum
« tantummodo prsescribere, quod in dominica post oclavam omnium
« Sanctorum non solum quisque anniversariuiu dedicalionis proprias
« ecclesiaB celebrare teneatur, sed quod unanimiter omnes ecclesia-
« stici (etiam qui nulli ecclesiae sunl addicti, vel casu non haben
« ecclesiam consecratam) in cumulo et per unum ideraque officium,
et uno eodemque die honorificent anniversarium dedicalionis omnium
« ubique ecclesiarum intota republica erectarum : hincque contendunt
a suppressa velle indultum omnia anteriora' décréta huic dispositioni
« contraria : indeque concludunt pro praxi quod circa debitura cele-
« brandi anniversarium dedicalionis proprix ecclesiae et insuper ec-
« clesiae calhedralis, etc., quicumque breviario obligatus salisfacit se-
« mel recitando officium dedicalionis sub ritu dup. 1 cl. cum octava
« dominica post oclavam omnium Sanctorum. 2° Aliis, stando decre-
« tis S. R, C. 18 augusti 1629 et 22 aprilis 1780, videtur in eccle-
« siis non consecratis celebranda solum dedicatio ecclesiae calhedralis
« in civilate cum octava, et extra civitatem sine octava. In ecclesiis
« vero consecratis exlra civitatem celebranda dedicatio proprise eccle-
« siae cum octava, et commemoratione calhedralis prima tantum die
« per orationem Deus qui invisibiliter etc., prout decreto 2 maii 1619
« prsescribitur, et ubique fieri solebat ante reduclionem 3° Terlia
« paucorum et nuUibi in praxim adducta sententia putat EE. card,
« Capraranullam dedicatioiiem suppressisse, sed novumfestum super-
« addidisse.... » Réponse. « Quoad officium dedicalionis ecclesiarum
« servandura decretum in Njmurcen. die 25 maii 1835 ad dub. xiv.
0 q. 5 » (Décret du 23 sept. 1837 inséré dans les Mélanges théolo-
giqnes, 5* série, p. 392.) Or, le décret auquel renvoie ici la Sacrée
Congrégation prescrit de faire l'office comme avant la réduction des
fêtes.
2* DÉCRET. « Ad uniformitatem oblinendam, anniversarium hujus-
c( modi celebrandum esse ab omnibus ul in cathedrali et civitale Me-
« chliniensi. » (Décret du 1" septembre 1838, n° 4839, q. 3.)
3* DÉCRET. Question. « Decretum in Mechlinien. de die 1 septem-
« bris 1838, praescribit ut saccrdotes nulli vel non consecratae eccle-
LITURGIE. 375
« siae adscripti, propter uniformitatem anniversariiim dedicationis ec-
« clesiarum célèbrent cum octava ut in calhedrali et in civitate Me-
« chliniensi. Cum hoc decretuoi videatur solunomodo applicandura
« archidiœcesi Mechliniensi , petitur ut propter eamdem rationera
« eliani extendatur ad diœcesim Brugensera ? » Réponse. « Pro gra-
c( lia, instar concessionis factge clero Mechliniensi die 1 septembris
« 1838. » (Décret du 12 septembre 1840, n' 4893, q. 4.)
IV. Sauf le cas d'un induit spécial, il n'y aurait pas lieu non plus,
ce semble, de réciter l'office de la dédicace au jour fixé pour la dé-
dicace de toutes les églises l'année où aurait été consacrée l'église à
laquelle on appartient, si la cathédrale n'est pas consacrée, ou la ca-
thédrale, pour ceux qui n'appartiennent pas à une église consacrée. 11
n'y aurait, en effet, pas lieu de célébrer alors un anniversaire.
V. L'institution de la fête de la dédicace en qualité de fête univer-
selle pour toute la France n'est pas contraire à la pensée de la Sacrée
Congrégation, comme on le voit non-seulement par la réponse faite à
Malines et à Bruges, mais par la même concession faite à plusieurs
diocèses de France ; une simple instance suffit pour Tobtenir.
P. R.
UN ESSAI MALHEUREUX DE FUSION RELIGIEUSI':
(CORRESPONDANCE.)
Quoique l'étendue de l'Église catholique soit maintenant quadruple
de ce qu'elle était il y a quatre siècles, il est permis de douter que
les besoins de chacune de ses provinces aient jamais été connus et
appréciés à Rome aussi complètement qu'ils le sont aujourd'hui, ni
qu'aucune époque ait vu la solHcitude du Pasteur répondre avec autant
de célérité aux nécessités du troupeau. Les fidèles sont prémunis dès
que le danger paraît. Pie IX, qui a créé cent nouveaux évêchés et con-
stitué les Eglises de deux vastes continents, ne semble perdre de vue
aucun des détails qui intéressent la foi. Chaque question qui surgit sur
les deux hémisphères lui est présentée, et le nombre des difficultés, qui
va en s'accroissant à proportion des développements de l'Eglise, n'a
rien qui lasse sa vigilance ni qui déconcerte la constance de son esprit.
Une fois de plus, il vient de montrer que les fausses transactions ne lui
conviennent pas. Les trahisons partielles de la vérité ne profitent, en
effet, à personne ; et les accommodements avec les faux principes ne
peuvent aboutir qu'à une confusion dont l'erreur se prévaudra. Une
société d'ecclésiastiques anglais avait formé un projet, né des aspira-
tions nouvelles de l'école d'Oxford et qui malheureusement est trop peu
nouveau pour qu'on puisse s'en promettre aucun succès. Tel qu'il
était, ce projet avait rencontré la sympathie de plusieurs catholiques ;
il s'agissait d'une fusion entre l'AngUcanisme, l'Église grecque séparée
et la vraie Église. L'opération devait se faire à peu près comme une
fusion commerciale ; le Czar, la reine Victoria avec l'archevêque de
Cantorbéry, et le Pape arrivaient chacun avec son capital social, et
devaient former une sorte de banque à fonds commun pour l'exploi-
tation religieuse de l'univers. Chacune des parties contractantes conser-
verait pour les pays de son obédience les formes qu'elle a adoptées ; on
CORRESPONDANCE. 377
glisserait légèrement sur les nuances du dogme, et le monstre à trois
têtes formé par cet étrange assemblage deviendrait le véritable Église
catholique, une, sainte et apostolique. Ce programme, avec ses déve-
loppements et variantes, s'affichait dans une publication mensuelle qui
a environ un an d'existence, et qui, malgré ses vastes aspirations, n'es
pas sortie d'un petit cercle d'adeptes ; on l'appelle Y Union Revieiv. A
la Revue se rattache une association de prières pour le succès de
l'Anglo-Gréco-Romano-Calholicisnie. Tout cela était fort candide. 11 ne
s'agissait pas, comme au temps de Molanus et de Leibnitz, de constater
la vérité pour s'y conformer, mais de se pardonner les erreurs réci-
proques, tout en les conservant, et de se dire unis en demeurant dans
la division. L'Anglicanisme, par exemple, devait être admis avec les
XXXIX articles qu'Elisabeth lui a donnés, et avec les treize évêques
qu'il a reçus de lord Palmerston. Les difficultés sur les articles étaient
résolues par le procédé Pusey, c'est-à-dire en les détournant du sens
qu'ils ont, pour leur en donner un qu'ils n'ont pas. Vos lecteurs con-
naissent déjà le système adopté en ce qui régarde l'article relatif à la
sainte Messe. L'article dit : « Les sacrifices des messes dans lesquels
« on dit communément que le prêtre offre le Christ pour les vivants et
• pour les morts sont des fables blasphématoires et de dangereuses
a déceptions » (art XXXI. traduit littéralement). Ce texte, d'après le
traite 90 publié jadis par le R. P. Ncwman et par le docteur Pusey,
était une simple condamnation de quelques erreurs vulgaires sur la
messe, qui seraient dérogatoires au mérite de la passion de J . C. et
entièrement étrangères à la doctrine romaine. D'après M. Stuart l'ar-
ticle est plus innocent encore. On a proscrit uniquement, dit-il, la plu-
ralité des sacrifices distincts, et c'est pour cette raison que le texte dit
les sacrifices des messes, et non pas le sacrifice de la messe. Voulez-
vous un autre échantillon de cet escamotage théologique? L'article XXI
dit : « Les conciles généraux ne peuvent pas se réunir sans le comman-
« dément et la volonté des Princes. Lorsqu'ils sont réunis, comme ils
« ne constituent qu'une assemblée d'hommes, ils peuvent errer et,
« de fait, ils ont erré même dans les choses qui touchent à Dieu. »
— Très bien ! disait là-dessus l'École d'Oxford ; il ne s'agit ici que
378 CORRESPONDANCE.
des conciles assemblés par l'autorité des princes, et les évéques n'y
sont considérés que par le côté humain; on peut donc signer cet article
et croire à l'infaillibilité des conciles réguliers et que le Saint-Esprit
assiste. L'Union Revieiu faisait sans doute allusion à des procédés de
ce genre, quand elle assurait dans un de ses premiers numéros, qu'un
catholique romain, en examinant à fond les 59 articles, n'y trouvera
rien d'hérétique. Mais le procédé lui-même est inadmissible. L'évêque
d'Oxford était parfaitement dans le vrai, quand il s'écria en lisant les
Traités du temps : « Par ce moyen il n'y a plus un seul texte qui ait
un sens, ou plutôt ils auront chacun tous les sens qu'on voudra ! » Les
Anglicans qui veulent, malgré leur église, croire ce que nous croyons,
disent à cela : On aurait tort de nous reprendre ; les 39 articles sont
ambigus, mais l'équivoque qu'ils contiennent y a été mise à dessein.
Les auteurs des articles ne voulaient être ni luthériens, ni calvinistes
ni même anticatholiques. Ce qu'ils avaient en vue était précisément de
concilier tous les esprits. Nous ne faisons donc qu'user de notre droit
en profitant d'une latitude qui est là exprès pour nous. Tel est en bloc
le raisonnement qui sort d'un fatras de contradictions amoncelées par
les auteurs du système. Peut-être ceprodédé a-t-il quelque valeur pour
les Anglicans; mais l'Église acceptera-t-elle l'équivoque? De ce qu'on
peut à la rigueur, avec ou sans raison, et même contre toute raison
manifeste, donner un sens sain à un contexte qui condamne une partie
des Livres sacrés, la transubstantiation, le Purgatoire, le culte des
reliques, l'invocation des Saints ; de là, de cette ressource extrême
de l'évasion qui s'offre à des esprits ingénieux pour se soustraire à
tant d'erreurs, peut-il résulter pour l'Église la faculté d'accepter et
d'autoriser un pareil enseignement ? Cette question est celle qui a été
résolue jadis dans tous les conciles tenus contre les serai-ariens, par les
Athanase, par les Basile, par les Hilaire, en face des faux frères et
des empereurs persécuteurs. C'est celle aussi qui se reproduit dans
les propositions de l'Union Review et dans son programme de la con-
ciliation des symboles sans l'unité. Si l'Église grecque admet un
pareil pacte, elle renonce elle-même à ses propres traditions ; le prin-
cipe en est aussi contraire aux antécédents de cette Église qu'il l'est
GORRliSPONDANGE, 379
à ceux de l'Église romaine. Quant à celle-ci, elle a toujours repoussé
les expédients de cette espèce. Elle doit garder la vérité tout entière.
Sa mission est de conserver ce dépôt intégralement. Elle n'en peut
rien céder ni par crainte ni par caprice, el ne connaît pas la voie
moyenne entre la vérité et le mensonge.
Voici le texte du décrel.
Supremse S. Romanx et Universalis Inqidsitionis Epistola
ad omnes Anglix episcopos.
Apostolicae Sedi nuntiatum est, calholicos nonnullos et ecclesiasticos
quoque viros Societati ad prociirandam, utiaiunt, Christianitatis uni-
tatem Londini anno 1857 erectae, nomen dédisse, et jam plures evul-
gatos esse ephemeridum articules, qui catholicorum huic Societali
plaudentium nomine inscribuntur, vel ab ecclesiasticis viris eamdem
Societatem commendanlibus exarali perhibentur. Et sane quaenam sit
hujus Societatis indoles vel quo ea spectet, nédum ex articulis ephe-
meridis cui titulus « the Union Review, » sed ex ipso folio quo socii
invilantur et adscribuntur, facile intelligitur. A proteslantibus quippe
efformata et directa eo excitata est spiritu, quera expresse profitetur,
très videlicet christianas communiones romano-catholicam, grœco-
schismalicam et anglicanam, quamvis invicem separatas ac divisas,
aequo tamen jure catholicum nomen sibi vindicare. Aditus igitur in
illam patet omnibus ubique locorum degentibus tum catholicis, tum
graeco-schismaticis, tum anglicanis, ea tamen lege ut nemini liceat de
variis doctrina3 capitibus in quibus dissentiunt quaestionem movere, et
singulis fas sit propriae religiosae confessionis placita tranquillo animo
sectari. Sociis vero omnibus preces ipsa recitandas, et sacerdotibus
sacrificia celebranda indicit juxta suam intentionem : ut nempe très
memoralae christianae communiones, utpote quae, prout supponitur,
Ecclesiam catholicam omnes simul jam constituunt, ad unum corpus
efformandum tandem aliquando coeant.
Suprema S. 0. Congregatio, ad cujus examen hoc negotium de
more delatum. est, re mature jierpensa, nccessariura judicavit sedulam
380 CORRESPONDANCE.
ponendam esse operara, ut edoceantur fidèles ne haereticorum ductii
hanc cum iisdem haereticis et schisnialicis societatem ineant. Non
dubitant profecto Emi Patres Cardinales una mecum prgepositi Sacrae
Inquisitioni, quin istius regionis episcopi pro ea, quae eminent, carltate
et doctrina oranem jam adhibeant diligentiam ad vitia demonstranda,
quibus ista Societas scatet, et ad propulsanda quae secura affert peri-
cula : nihilominus muneri suo déesse viderentur, si pastoralem eorum-
dem episcoporum zeUira in re adeo gravi vehementius non inflam-
niarent : eo enim periculosior est liaec novitas, quo ad speciem pia et
de chrislianae Societatis unitate admodum sollicita videtur.
Fundamentum cui ipsa innititur huiusmodi est quod divinam Ecclesiae
conslitutionem susque deque vertit. Tota enim in eo est, ut supponat
veram Jesu Christi Ecclesiam constare partim ex Romana Ecclesia per
universum orbem diffusa et propagata, partim vero ex schismate Photiano
el ex Anglicana hseresi, quibus aeque ac Ecclesise Roraanae unus sit
Doininus, una fides et unum baptisma. Ad removendas vero dissen-
siones, quibus hae très chrislianae communiones cum gravi scandalo et
cum veritatis et caritatis dispendio divexantur, preces et sacrificia
indicit;, ut a Deo gralia unitalis impetretur. Nihil certe viro calholico
polius esse débet, quam ut inter Christianos schisraata et dissensiones
a radice evellantur, et Cbristiani omnes sint solliciti servare unitatem
spiritus in vinculo pam (Ephes. iv). Quapropter Ecclesia Catholica
preces Deo 0. M. fundit et Ghristifideles ad orandum excitât, ut ad
veram fidem convertantur et in gratiam cum Sancta Roiuana Ecclesia,
extra quam non est salus, ejuratis erroribus, restituantur quicumque
omnes ab eadem Ecclesia recesserunt : imo ut omnes homines ad
agnilionem veritatis, Deo bene juvante, perveniant. At quod Ghristi-
fideles et ecclesiastici viri haereticorum ductu, et quod pejus est, juxta
intentionem haeresi quammaxime pollutam et infectam pro chrisliana
unitate orent, tolerari nullo modo potest. Vera Jesu Christi Ecclesia
quadruplici nota, quam in symbolo credendam asserimus, auctoritate
divina conslituilur et dignoscitur ; et qnaelibet ex hisce notis ita cum
aliis cohaeret ut ab iis nequeat sejungi : liinc fil, ul quae vere est et
dicilur calhoUca, unitatis siinul, sanclitalis cl Apostolicae successionis
CORRESPONDANCE. 381
praerogativa debeat effulgcre. Ecclesia igitur calliolica iina est unilale
conspicua perfectaq^ue orbis terrse et omiiiuni gentiiim, ea profecto
Hiiitate, cujus principium, radix et origo indefectibilis est beati Pétri
Apostolorum Principis ejusque in Cathedra romana Successorum
suprema auctoritas et potior principalilas. Nec alia est Ecclesia catholica
nisi quae super unum Petrum aedificata in unum connexum corpus atque
compactum unitate fidei et caritatis assurgit : quod beatus Cyprianiis
in ep, 45 sincère professus est, dura Corneliura Papam in hune modurn
alloquebatur : Ut te collegx nostri et cormnîinionem tuant id est Catho-
licse Ecclesix iinitatem pariter et caritalem probarent (îrmiter ac
tenerent. Et idipsum quoqiie Hormisdaspontifex ab episcopis Acacianum
schisma ejurantibus assertum voluit in formula totius christianae anti-
quitatis suffragio comprobata, ubi sequestrati a communione Ecdesix
calholiex ii dicuntur, qui sunt non consentientes in omnibus Sedi
Apostolicée. Et tantum abest quin communiones a Romana Sede sepa-
ratae jure suc catholicae nominari et haberi possint^ ut potius ex bac
ipsa separatione et discordia dignoscatur quaenam societates et quinam
christiani nec veram fidem teneant, nec veram Christi doctrinam : quem-
admodura jam inde a secundo Epclesiae saeculo luculentissime démon-
strabat S. Irenaeus, lib. 3 contra haeres. c. 3. Caveant igitur summo
studio Christifideles ne hisce societatibus conjungantur, quibus salva
fidei integritate nequeunt adhœrere ; et audiant sanctum Augustinum
docentem, nec veritatem nec pietatera esse posse ubi christiana unilas
et Sancti Spiritus caritas deest.
Praeterea inde quoque a Londinensi Societate fidèles abhorrere sura-
mopere debent, quod conspirantes in eam et indifferentismo favent et
scandalum ingerunt. Societas illa;, vel sallem ejusdem conditores et
rectores profitentur, Photianismuni et Ânglicanismura duas esse ejusdem
verae Christianae religionis formas, in quibus aeque ac in Ecclesia
catholica Deo placere datura sit : et dissensionibus utique christianas
hujusmodi communiones invicem urgeri, sed citra fidei violationem,
propterea quia una eademque manet earuradem fides. Haec tamen est
surama pestilentissima? indifferentiae in negotio religionis, quae hac
potissimum aetate in maximam serpit animarum perniciem. Qnare non
382 CORRESPONDANCE.
est cur demonstretur catholicos huic Socielali adhaerenlcs spirilualis
ruinas calholicis juxta atque acatholicis occasionera praebere, praesertim
quiini ex vana especlatione ut très memoralas coramuniones integrae et
in sua quaeque persuasione persistentes simul in unum coeant, Socielas
illa acatholicorum conversiones ad fidem aversetur et per ephemerides
a se evulgatas impedire conetur.
Maxima igitur sollicitudine curandum est, ne catiiolici vel specie
pietatis vel mala sententia decepti Societati, de qua hic habitus est
sermo, aliisque similibus adscribantur vel quoquoraodo fàveant, et ne
fallaci novae christianae unitatis desiderio abrepti ab ea desciscant uni-
tate perfecta, quae mirabili raunere gratiae Dei in Pétri soliditate consistit.
Romae hac die 16 septembris 186-4.
. C. CARD. PATRIZI.
DECRETS DE LA S. C. DES INDULGENCES.
h
Lu faculté de gagner plusieurs indulgences le même jour, en répélant
les œuvres prescrites, s'applique à toutes les indulgences sans ex-
ception, et ne concerne pas seulement celles qui sont attachées à un
jour fixe. — La visite d'une église ou d'un oratoire public, quand
elle est exigée, doit être répétée autant de fois qu'il y a d'indul'
gences à gagner.
Decretum. — Congregatîonis S. Benedicti in Gallia. — In gene-
ralibus comitiis Sacras hujus Indulgentiarum Congregationis habitis die
29 februarii 1864 sequentia dubja per J.-B. Nicolas, monachum Con-
gregationis Galliae S. Benedicti, proposita fuere.
i. Cura ex diversis decretis S. Congregationis Indulgentiarum jam
liceat plures plenarias indulgentias eadera die lucrari, solutis scilicet
condltionibus, quaerilur, an dictura decretum respiciat solas indulgentias
in una die occurrentes propter festivitatem, vel potius etiara illas, quas
unusquisque ob suam devotionem tali per hebdomadara ant raensera
diei adfixerit ?
2. Qui décrète ipso uti voluerit, an teneatur ecclesiam vel publicum
oratorium visitare (quando nempe requiritur talis visitatio) totidem vici-
bus, quod sunt indulgentias lucrifaciendae ?
Et quali nus affirmative
' 3. An sufficiat, ut in una eademque ecclesia tôt preces seu visitationes
repetantur, quot sunt Indulgenliae lucrandae, quin de ecclesia post
quamlibet visitationem quis egrediatur, et denuo in eam ingrediatur?
Hisce itaque ab Eminenlissimis Patribus raature discussis, votisque
38Zl DÉCRETS DE LA S. G. DES INDULGENCES.
consultorum perpensis, respondendura esse statuerunt: ad primum,
A/firmalive; ad seciindiini, Affirmative; ad tertium, Négative.
Datuni Romse, ex Secretaria S. Congregationis Iridulgentiarum, die
29 februarii 1864.
F. Antonius Maria Gard. Panebiango, Praefectus,
A. Colombo, Secretarius.
II.
Le prêtre qui célèbre à un autel privilégié jouit du privilège, même
sans célébrer mie messe de Requiem aux jours où la rubrique le per-
met, quand il en est empêché ou parce que le Saint- Sacrement est
exposé, ou parce qu'il y a station à Véglise, où à raison de toute
autre solennité.
Decretum, — Urbis et Orbis. — Quamplures Romani cleri sacer-
dotes, ac praesertim animarum curatores dubium huic Sacras Congre-
gationi Indulgentiis sacrisque Reliquiis praepositse enodandum propo-
sueriint : Utrum scilicet sacerdos celebrans in altari privilegiato legendo
missam de festo semiduplici, simplici, votivam, vel de feria non pri-
vilegiata, sive ratione expositionis sanctissimi Sacramenti, sive stalionis
ecciesiaî, vel alterius solemnitalis, aiit ex rationabili motivo fruatiir pri-
vilégie ac si legeret missam de Requie per rubricas eo die permissam?
Sacra itaque Congregatio, quae habita fuit apud Vaticanas aedes die
29 februarii 1864, auditis Consultorum votis, respondendum esse duxit :
Affirmative, deletis tamen verbis : Aut ex rationabili motivo, et facto
verbo cum Sanctissimo. Facta insuper per me infrascriptum ejusdem
S. Congregationis secretarium Sanclissimo Domino Nostro relatione in
audienlia diei il aprilis ejusdem anni, Sanctitas sua EE. PP. senten-
tiam bénigne confirmavit.
Datum Romae ex secretaria ipsius S. Congregationis Indulgentiarum,
die 11 aprilis 1864.
F. Antonius IVIaria Gard. Panebiango, Prsefectus,
A. Colombo, Secretarius.
DECRETS DE LA S. C. DES INDULGENCES. 385
m.
Un simple signe de croix ne sn/fît point pour bénir les rosaires de
saint Dominique, et les chapelets de N.-D. des Sept -Douleur»,
mais il faut se servir de la formule et suivre le rit indiqué.
Galliarum. Nonnulli vicarii générales in Gallia humiliter S. C.
Indulg. exponunt dubiucî solvendum, ut infra.
Constat ex pluribus recentioribus decretisS. C. l.circa bcnedictionem
criicium, coronarum, etc., cum applicationeindulgentiarum quas Sum-
mus Pontifex impertiri solet, signanter ex decretis diei 1 1 aprilis 1840,
diei 7 januarii 1843 et 23 januarii 1848, nec formulae alicujus recita-
lionem, nec adspersionem cum aqua benedicta, nec alium ritura requiri
praeter signura crucis, quamvis in induUodicatur : « In forma Ecclesiae
consueta • ; et ideo sacerdolem a Summo Pontifice facultalem habentera
cruces, coronas, etc., solo signo crucis benedicere, iisque indulgentias
applicare posse et valere.
Quum vero décréta supra citala specialiter de benedictionibus cum
applicalione indulgentiarum apostolicarum loquantur, ideo dubitalur
num illse declarationes etiam coniprebendant benedictionem cum appli-
catione indulgentiarum rosarii S. Dorainici et coronse septem Dolorum
B.M.V., quae impertiri solet a patribus ordinisPrœdicatorumet ordinis
Servorum [Servîtes) ^hrisd ; ita utsacerdotes qui vel immédiate a Sumno
Pontifice vel a superioribus generalibus prsdii'lorum ordinum ex aucto-
ritate apostolica ipsis facta, facultatem habent benedicendi rosaria S.
Dominici et coronas septcra Dolorum B. M. V., id solosigno crucis per-
ficere possint et valeant ; an vero pro valore actus omnino adhibenda
sit formula benedictionis, simulque adspersio cum aqua benedicta. Etsi
hîBC ultima opinio minus probabilis videatur, eo quod décréta S. G. l.
omnino generaliasint, nec uUam distinctionem aut exceptionem faciant,
tamen, pro majori securitate, summopere desiderandum est ut S. C.
I. illud dubiumsolvere dignelur, et in casu quo formula adhibenda sit,
ab obligatione illam adhibcndi dispensationem implorant, quum pro
REVUK des sciences ECCIÉS., T. X — OCTODUK 1864. 26
386 DÉCPETS DE LA S. C. DES INDULGENCES.
utraque benedictione et iniiulgentiarum applicalionc eaedem rationes
militent.
Erninentissirai Patres, in congregatione habita die 29 februarii 1864,
proposilo dubio respondendumduxerunt: Pro coronis rosarii et septem
Dolorum servandam formulani, quum responsa S. C. dierum 11 aprilis
1840 et 7 januarii 1845 non comprehandant casusde quibus agitur in
precibus. — Quoad dispensationem, non expedire.
Datum Romae ex sécréta ria S. C. l.
A. Gard. Panebianco, Praef.
A. Colombo, Secret.
Nous croyons être utile à un certain nombre d'ecclésiastiques en
plaçant ici les formules usitées pour ces bénédictions.
Bénédiction des rosaires ou chapelets de S. Dominiqne.
On omet les parenthèses lorsque la personne à qui le chapelet est
destiné n,est pas membre de la Confrérie du Rosaire.
^ Adjutorium nostrum, etc.
f Domine, exaudi, etc.
f Dominus vobiscura.
Oremus. Omnipotens et misericors Deus, qui propter eximiam cha
ritatem tuara qua dilexisti nos, Filiuni tuura Unigenitum Dominum
nostrum Jesum Christum de cœlis in terram descendere, et de Bealis-
siraae Virginis Mariai Dominas nostrae utero sacralissimo, Angelo nun-
tiante, carnem suseipere, crucemque ac mortem subire, et tertia die
gloriose a mortuis resurgere voluisti, ut nos eriperes de potestate
diaboli ; obsecramiis immensam clementiam tuam, ut haec signa
Rosarii in honorem et laudem ejusdera Genitricis Filii tui ab Ecclesia
tua fideli dicata bene t dicas et sancti t fices, eisque tantam infundas
virtutem Spiritus Sancti, ut quicumque horum quodlibet secum por-
taverit atque in domo sua reverenter lenuerit, et in eis ad te secundum
ejusdem sanctae societatis instituta, divina contemplando mysteria
dévote oraverit, salubri et perseveranti devotione abundet, sitque
consors et particeps omnium gratiarum, privilegiorum el indulgen-
tiarum quae eidem societati per sanctam Sedem apostolicani concessa
DÉCRET DE LA S. G, DES RITES. 387
fuerunt, ab omni hosle visibili el invisibili scmper et ubique in hoc
saeculo liberetur, et in exitu suo ab ipsa beatissima Virgine Dei géni-
trice libi plenus bonis operibus praesentari mereatur. Per eumdem
Dominura nostrum, etc.
Et aspergantur rosaria aqua benedicta, cum his verhis : In nomine
Pa t tris, et Fi t iii, et Spiritus + Sancti. Amen.
Bénédiction des chapelets des Sept-Douleurs.
f Adjutorium nostrum, etc.
ji Domine, exaudi, etc.
f Donninus vobiscum.
Oremus. Omnipotens et misericors Deus, qui propfer nimiam chari-
tatem qua diiexisti nos, Filium tuum Unigenitura Dominum nos-
trnm Jesum Christum pro redemplione nostra de cœlis ad terram des-
cendere, carnem suscipere et crucis tormentura subire voluisti ; obse-
cramus immensam clementiam tuam ut banc coronam (bas coronas) in
memoriara septem DolorumGenitricis ejusdemFiliitui, ab Ecclesia tua
fideli dicatam (dicatas), bene t dicas^ sancti t fices, et ei (eis) tantara
Spiritus Sancti virtutem infundas, ut quicumque eam recitaverit, ac
secura portaverit, atque in domo sua reverenter tenuerit, abomni hoste
visibili et invisibili semper et ubique in hoc saeculo hberetur, et in exitu
suo a beatissima Virgine Maria tibi bonis operibus coronatus praesentari
mereatur. Per Christum Dominum nostrum. Amen.
Et sacerdos aspergat coronam aqua benedicta dicens : Asperges me,
etc.
DÉCRET DE LA S. G. DES RITES.
La lampe qui brûle devant le Saint-Sacrement doit être régulièrement
alimentée par de l'huile d'olives ; mais quand il n'est pas possible
de s'en procurer, les Evéques peuvent autoriser l'usage d'une autre
huile, autant que possible végétale.
Plurium Diœcesium.
Nonnulli reverendissimi Galliarum antistites, serio perpendentes
388 DÉCIÎKT Dr LA s. C, DES RITES.
in nniliis siiariim diœcasium ecclesiis difficile admodiim et non nisi
magnis sumptibus comparari posse oleiim olivarum ad nutriendara diu
nocluque saltem unam lanipadem anle Sanctissimum Eiicharistiae Sa-
-cramenliim, ah Apostoiica Sedo dechrari petierunt, utrum in casn,
atlenlis difficnUatibus et ccclcsiaruni paupcrtate, oleo olivarum sub-
slitui possint alla olea, quae ex vegetabilibus babcntiir, ipso non excinso
polroleo. Sacra porro Piiluiim CongregJlio, ctsi semper sollicita lit
eliam in bac parte quod usque ab Ecclesias priinordiis circa usiim olei
ex olivis inducUim est, ob mysticas significaliones rctineatur ; attamen
silcntio prseterire minime censuit rationes ab iisdem episcopis prulatas ;
ac proinde exquisito prius voto alteriusex Apostolicarum cerenToniarum
magisiris, siibseriptirs CardinaUs f'raefcctus ejnsdem Saerae Congre-
galionis rem omnem [iroposnil in ordinariis comiiiis ad Valicanum ho-
iliernadie babiiis. Emineniissimi autcm cl Reverendissimi Patres sacris
luendis Uitibus prcepositi, omnibus accnrjle perpensisac diligentissime
examinalis, rescribendum censuerunt : Generatim ntendum esse olea
olivarum; ubi vero huheri neqneat, rem'Utendiim prudentix episco-
poriim. ni lainpades nulùanlur ex aliis ole'is quauttnn fîeri possit
ve(j€lahilîbus. Die 9 julii 186i.
Facta poslmoduni de prœmissis Sanctissimo Domino Noslro Pla
Papœ IX, per infrasripluni Secrotariiim fideli relatiane, Sanctitas Sua
sentenliam SjorteCongregationis ralam liabuit et confirmavit. Die 14,
iiiilem mense el annn.
C. Ep. Pobtuen. et S< RcFiNiE Gard. Pathizi
S. Pi. C. Prœf.
Ijdêo t Signi.
D. Hautolim s. Pi. c. SccretariHs.
AlU-HICONFRERlb:.
de i Assomption de Notre-Dame pour k soulagement des âmes
du purgatoire.
Nous avons parlé déjà de cette Archicorifrérie, érigée d ins l'église
de S. Maria-in-Monlerone, desRR. PP. Rédemptoristes, à Rome (l).
Pour en donner une connaissance plus complète, nous croyons ne pou-
voir mieux faire que de publier le catalogue des faveurs spirituelles
accordées à cette pieuse association. Ce sommaire est revêtu de l'appro- '
bation de la S. C. des Indulgences. Il répond à toutes les questions que
Ton pourrait se poser.
Le directeur général de rassociation a publié en italien un manuel
qui a été Iraduilen français (2), etqni compte déjà deux édilions dans
notre langue. C'est la meilleure preuve des progrès de l'Archiconfrérie.
Déjà de nombreuses sociétés ne sont fiiit affilier à elle: il en existe en
particulier dans toutes les maisons des Rédemptoristes. On peut s'a-
dresser là pour en faire parlib.
MONITA
Ad Directores Confralernitalum aggregatarum el ad sncerdotes pro
adscriplione fidelium subdelegalos.
1. Promoveantpro viribusdevotionemsuffragandi animas Purgatorii,
prgecipue per erectionem piarum Unionum seu Confraternitatum quae
nostrae Primariae aggregontur, et exhortando fidèles ut tam salutiferae
societali dent sua nomina,
2. Satagant ut lingua vernacula lypis imprimatur ac divulgetur
sequens indulgentiarum et gratiarum Archiconfraternitati concessarum
summarium.
(l) Revue, t. viii, p. 79.
(ï) Manuel de l'Archiconfrérie de l'AssompUou de Noire-Dame pour le
soularjemcnt da ùoies du purgiloire , par le 11. P. Quoloz, procureur
général de la Congrégation Ju T. S. Rédempteur. Traduit de l'iLalicn et
auGjmenté, avec l'autorisation de l'auteur par uu Ijénédieliu di- l'Aljbaye
de Sûlesmci. 1" éd. Paris et Tournai. Caslnrraan. isnj.
390 ARCHIGONFRÉRIE
3. Adscriptio fidelium et sumraarii distributio gratis fiat, ac pro
solius Dei honore et anima rum solatio, ad norniam Constitutionum
Apostolicarum.
4. Aggregatio piae alicujus associalionis vel confraternitatis et sub-
delegatio sacerdotura pro adseriptione fidelium a moderatore archicon-
fraternilatis in ecclesia S. Mariae in Monterone de Urbe peluntur. De-
sideratur ut singulis quatuor vel quinque annis unaquaeque confraternitas
aggregatanumerum, non nomina, suorum adscriptorumin Album Pri-
mariae transmittat.
5. Pise Uniones seu confraternitates erigi et aggregari nostraePri-
mariœ possunt de consensu ordinarii pro omnibus fidelibus in quibus-
cumque ecclesiis vel oratoriis publicis. In ecclesiis vero vel oratoriis
Religiosarum pariter de consensu ordinarii pro ipsis monialibus, suis
novitiis, mulieribus apud se comraorantibus, suis aluranis aliisque
puellis sub illarum directione et educatione, qnae poslea semper ad-
scriptae rémanent.
6. Curent ut fréquenter missae pro animabus Purgatorii applicentur,
et ut die secunda novembris et per septem sequentes dies pium aliquod
exercitium pro illis animabus instituatur.Hoc exercitiura jam in variis
ecclesiis confraternitatum aggregatarum per totum mensem novembris
cum sumraa fidelium consolatione peragitur, propterea november mensis
animarum Purgatorii dk\l\xr.
7. Consolantissimum est adscriptis nosse se cum centenis millium
sodaliura in singulis mundi partibiis communionem precum et suffra-
giorum pro se suisque charis defunctis habere. Adscripti sunt fidèles
ex omnibus statibus hominum, nec non ordinibus religiosorum ac mo-
nialium, qui fera innuraerabilibus pœnitentiis, ciliciis, jejuniis, ora-
lionibus, eleeinosynis, aliisque [liis operibus ac pra^cipue niissis cele-
bratis confratres et consorores viventes et defunctos adjuvant et suffra-
gant.
MONITA AD SODALES.
1. Adscripti sacerdotes infra annum semel missam célèbrent ; sae-
culares veroeam celebrare facianl pro omnibus animabus in Purgatorio
detentis, speeialiter pro illis qua3 huic piae unioni nomen dederunt, quae
DE L'ASSOMPTION DE NOTRE-DAMEg 391
majori succursu indigent, vel a nemine niemorantur, aut miserrime in
Purgalorio existunt. Sœpe proillis orenl.
2. Qui nequeunt missam celebrare nec pro missa eleemosynam dare,
siipplerepossuntper receptionemsacramenloruraPœnilentiae el Eucha-
liae, vel per assistentiam missae sacrificio, vel per recilationem lertiae
partis S. Rosarii, vel eliara per pium exercitium Vix Crucis,
3. Nullum ex diclis suffrages vel piis e:;ercitiis sub peccato propo-
nilur. Conditiones tamen prounaquaqueindulgentialucranda praescrip-
tas implere debent sodales qui eas consequi volunt.
4. Omnesindulgentiae associationi nostrae concessœ applicari possunt
animabus Purgatorii. Ob finem nostrae associationi proprium sodalibus
consulilur ut illas et alias multas dictis animabus l'requenlissirae appli-
cent.
SUMMARIUM.
Indulgentix plenarix
Indulgentia plenaria in die adscriptionis piae Unioni.
Item in articule raortis, dumraodo vere pœnitentes, confessi, sacra-
que comraunione refecti fuerint, et si non possunt, saltemSSmum nonien
Jesu corde, si ore nequiverint, dévote invocaverint.
item in festis Nalivitatis, Epiphaniae, et Corporis Domini ; Immaculataî
Conceptionis, Nativitatis, Purificalionis et Annuntiationis, et Assump-
lionis B. V. M.; Apparitionis, 8maii, etDedicalionis S. MichaelisAr-
changeli, 29 septembris ; S. Josephi, 19 raarlii, ejusque Patrocinii, 5
Dom. post Pascha ; SS. Apostolorum Pétri et Pauli, 29 junii.
Item in die Coramemorationis omnium fidelium defunctorum, 2no-
vembris, die festo piae nostrae Associationis.
Item semel in quolibet mense, die uniuscujusque socii arbitrio eli •
gcnda.
JSotse. l. Indulgentiae plenariae pro festis concessae acquiri possunt
vel ipsa fesli, vel alla die infra octavas. Ad illas lucrandas, praeler
confessionem et communionem requiritur, ut sodales aliquam ecclesiam
vel oratorium publicum visitent, ibique pro concordia inter principes
christianos, haeresum extirpa tione et exaltatione S. Matris Ecclesiae
orenl.
392 ^ ARCHICONFRÉRIE
2, Personae vivenles in communitatibuslucrare possunt indulgentias
visitando oratoriuin in quo exercilia sua spiritualia peragere soient.
3. Adscripti, ut infra diceliir, lucrare possunt aliam indulgentiam
plenariam in mcnse novembris, alteram semé! quovis mense pro visi-
tatione cœmeteriorum, quatuor in diebus slationalibus per annum et
unam pro stationibiis specialibus in Quadragesima.
//. Indulgenùx -partiales .
Indulgentia septeni annorum et totidem quadragenarum in omnibus
aliis festis Dom. N. J. C, et B. M. V., in tota Ecclesia pra3scriptis,
nncnon in festis nalalibus Apostolorum snpra non recensilis, nempe
In festis Circumcisionis Domini;, 1 januarii, Ejus SSœi Norainis, 2
Dom. post Epiphaniam, Paschatis, Invenlionis S. Crucis, 5 maii, As-
eensionis Doniini, SSmi Cordis Jesu, feria 6 post octavam festi Corpo-
ris Doraini, Preliosissimi Sanguinis J. C, 1 Dom. julii, et Transfigu-
rationis D. N. J. C, 6 Augusli, Exaltalionis 8. Crucis, 14 sept.
In festis Compassionis B. V. M. feria 6 post Dom. Passionis, Visi-
tationis, 2 julii, B. V. i\I. de Monte Carmelo, 16 julii, B. V. M. ad
Nives, 5 Augusli, SS. Nominis MuriiE, Dom. infr. octav. ejus Nativi-
talis ; Septem dolorum B. V. M. 3 Dom. sept., B. V. M. de Mercede,
2'isept., SS. Bosarii, I Dom. octob.,PrsesentationisB. V. M., 21 nov.
In festis Commemorationis S. Pauli, 50junii, S. Andreae Apost ,
30 nov., S. Joannis Ap., 27 dec, SS. Ap. Jacobi et Philippi, 1 Maii,
S. Jacobi Majoris, 21 juhi, S. Barlholomaei Ap., 25 aug., S. Mathaei
Ap., 21 sept., SS. Ap. Simonis et Juda?, 28 octob., S.Thomae Ap , 21
dec, S. MalhiaeAp., 24 febr., S. Barnabse Ap., Mjunii.
Indulgentia septem annorum lotidemquc quadragenarum in septem
diebus immédiate sequenlibus commeraorationem omn. lidel. defunct.
Item sabbato ante Dom. Sexagesimœ et in decem seq. diebus.
item in qualibet prima feria secunda cujuslibet mensis.
nias indulgentias septem annorum, etc., acquirunt sodales visitando
aliquam ecclesiam et orando sicut pro plennriis, quin tamen conlessio
et communie requirantur. Decretum-9aug. 1859.
Indulgonlia ter cenlum dieruiu toliesquolies adscripti aliquam eccle-
siam vcl oratorium publioum visitant ibique, ut supra, orant.
DE l' ASSOMPTION DE NOTRE-DAME. 393
Indulgentia centiim dieruni loties quo'.ies aliquod caritalis vel pie-
talis opus exercent.
Adscripli légitime impedili, visitationem siipplere possiinl tam pro
indulgentiis pienariis qiiam pro partinlibus per quodcumque aliiid bo-
num opus.
///. Jndulgentix stationales,
Sodaîes qui diebus stalioniira Urbis quamcumque ecclesiam vel ora-
torium publicum extra Urbem visilaverint et juxta mentein Summi
Pontificis dévote oraverint, omnes indulgentias acquirent, quas Gdeles
Romae lucrant visitando ecclesias Stalionum. Sunt autera sequentes ex
Decretis Pli VI , 9 julii 177?', et LeonisXll, 28 febniarii 1827.
1. Pei' annnm.
Indulgentia plenaria, peracta eonfessione et communione, in terlia
niissa et residuo tempore dielNativiJatis D. N. J. C, in Cœna Domini,
in festisPaschatiset Ascensionis Domini.
2. Indulgenlia 30 annorum et 30 çuadragenarum.
In festis S. Stephani protom., S. Joannis Evang., Sanctorum Inno-
centium, Gircuracisionis et l'ipiphaniae Domini ; in Doniinicis Septuage-
simae, Sexagesimas et QuinquageSimae, Feria sexta et saljbato Majoris
Hebdomadae. In Iota octava Paschatis, Dominica in Albis inclusa. In
festo Pentecostesetper cet, usqueadsabbatum, inclusis diebus4 temp.
in hac octava.
Indulgentia 25 annorum et 25 quadragenarumin Dom. Palmarum.
3. Indulgentia 15 annorum et totïdem quadragenarum.
In Dominiea 111 Adventus^ in vigilia, nocte, ac missa aurorae Nativi-
tatis Domini, in feria 4 Cinerura, in dominica IV Quadragesimae.
4. Indulgentia 10 annoruM totideinque quadragenarum.
In dominieis, I, II et IV Adventus, in omnibus diebus tam festivis
quam ferialibus QuadragesiniîB supra non recensilis, in vigilia Penteco-
stes, in diebus quatuor temporum septembris et decerabris.
5. Spedaliores indulgentix stalionales in Quadragesima.
Indulgentiam 40 annorum totidemque quadragenarum acquirunt
sodalessemel in omnibus diebus Quadrogesima?, visitando aliquam eccle-
siam vel publicum oralorium ibique recitando preces recensitas in li-
39/i ARCHIGONFRÉRIE
bello a Leone Xil ad hoc edito, scilicet preces ad SS. Martyres, psalm.
Miserere, quinque Pofer, Ave, et G/ona, gradusPassionis D. N. J. C,
lilanias Sanctorum cum versiculis et orationibiis, ac in fine psalm. De
profundis. Quibus non conveniuntillae preces vel deest recensitus libel-
las^ ipsipossunt, ex declaratione ejusdera Leonis XII, recitare tertiara
partem S/Rosarii, litanias B. V. M., aliasque preces juxta propriani
devotionera, terminandocura psalm. De profundis vel uno Pater, Ave,
et Requiem œternam in suffragiura animarum Purgalorii. Acquirunt
autem indulgentiam plenariani, si saltem tribus distinctis Quadrage-
simse diebus praedictam visitationem peregerint, modo una die ad arbi-
triura eligenda confiteanlur et communicent.
Personae religiosae vel aliae in communitale viventes illas indulgen-
tias lucrabunt recitando preces in sua ecclesia vel oratorio; infirrai et
in carceribus detenti supplebunl quod nequeunt facere per opéra pia
t.ibi a confessario injuncta.
IV. Mensis Novemhris.
Non solum sodales, sed omnes fidèles qui assistunt pio exercilio
quod fit prodefunctis per mensem novembris in aliqua ecclesia vel ora-
torio in que sit pia unio erecla et archisodalitati noslrae aggregata,
dninmodo orent juxta montera Sumnii Ponlificis, lucrabunt singulis vi-
cibus indulgentiam 7 annorum et 7 quadragenarum. Si vero tali pio
exercitio saltem duodecim vicibus interfuerint in decursu mensis,
scaiel in eodem raense indulgentiam plenariani acquirent, dummodo
confiteanlur et communicent. Sodales infirmi supplere possunt assisten-
tiam recitando ter psalm. De Profundis.
V. Indnlgentise pro visitatione ciemeteriorum
Sodales nostri toties quoties aliquod publicum cœmeterium visilabunt
in eoque pro aeterna requie defunctorum orabunt, indulgentiam 7 an-
norum et 7 quadragenarum acquirent. Si vero saltem quater in mense
talem visitationem inslituerint, indulgentiam plenariam lucrabunt,
dummodo confiteanlur, communicent et aliquam ecclesiam visitent.
Vi. Alix gratise et privilégia,
l. Âllare cujusvis conlVaternitatis ubivis erectae, et Primariae S. M.
in Monterone aggrcgat3e,est privilegiatuni quotidiepro omnibus sacer-
DE l' ASSOMPTION DL NOTRE-DAME. 395
dolibus etiam non adscriptis in favorem adscriptorum et omnium alio-
riim fidelium in Domino defnnctorum.
2. Moderator archiconfraternitatis facultate gaudet subdelegandi
sacerdotes^ in locis ubi non existit aiiqua confraternitas aggregata, ad
adscribendos fidèles, ea lege ut adscriptorum nomina in album nos-
trse Priraariae vel alterius confraternitatis huic Primariae aggregatae
transmitiant.
3. Directores designati confraternitatiim archiconfraternitati aggre-
gatarura et sacerdotes, ut supra, subdelegati, benedicere possunt pro
adscriptis coronas sancli Michaelis Archangeli, vulgo Coronas ange-
licas cum adnexis indulgentiis.
4. Post lam copiosas gratias et privilégia Summorum Pontificum,
varii religiosorum ordinummoderatores générales, juxta facultates sibi
a Sancta Sede concessas, nostram archisodalitatem aliis therauris vere
preliosis ditare peramanter dignali sunt. Documenta gratiarum in ar-
chivio archiconfraternitatis asservantur.
Magister generalis Dominicanorum et praepositus generalis Carmeli-
tarum excalceatorum concesserunt direcloribus pro tempore archicon-
fraternitatis et eonfraternitatum ipsi aggregatarum facultatera respec-
tivam qua benedicere possunt pro omnibus fidelibus rosaria seu coro-
nas S. Dominici cnin adnexis indulgentiis ; benedicere item et imponere
scapularia B. M. V. de Monte Carmelo omnibus fidelibus, eisque bene-
dictionem et indulgentiara plenariam in artkulo mortis imperlire, ac
commutare in aliud opus pium, ob justara causam, obligationes pecu-
liares pro privilégie sabbalinoconsequendo.
Prier Major Eremitarum Caraaldulensium Direcloribus pro tempore
ut supra, et sacerdotibus ad fidèles archiconfraternitati adscribendos
subdelegalis, facultatein coucessit benedicendi cum adnexis indulgentiis
pro omnibus fidelibus tum coronas D. N. J. G. , tum coronas 1mm.
Gonceplionis B. M. V.
Prier generalis Augustinianorura Direcloribus et sacerdotibus sub-
delegalis, Ht supra, lacultalem concessit adscribendi fidèles in societa-
tem Cincluralorum D. V.M. deConsolalmie et pro iisdem benedicendi
cincluras et coronas S. Auguslini et S. Monicae cum adnexis indulgen-
tiis eosque absolvendi in articulo mortis.
396 ARCHICONFRÉRIE DE l'aSSOMPTION DE N.-D.
Minislri générales SS. Trinitalis et B. V. M. de M ercede A'wecion-
bus et sacerdolibiis subdelogalis, ut snpra, rcspeclivam facultatem con-
cesserunt benedicendi pro omnibus fidelibiis scapularia soi respectivi
ordinis, eosque adscribendi confraternitaii ejusdeiii ordinis, necnon
benedicendi cum adnexis indulijentiis trisasfia seu coronas SS. Trini-
tatis.
Superior generalisMissionis directoiibus etsacerdolibus subdelegalis,
ut supra, facultatem concessit benedicendi et imperliendi cum adnexis
indulgentiis omnibus fidelibus scapularia PassionisD N. J. C. et SS.
Cordium.
Memorati générales Augustinianorum, Caruielitanorum et SS. Tri-
nitatisiro rcdemptionc Captivorum, necnon ministri générales ordinis
sancti Francisci Observantium et Capuccinorum amplioribus favoribus
sodales ntriusque sexus nostrae arcliiconfraternitatis prosequi volentes,
illos inter confrales et consorores seu oblalos respectivi sui ordinis annu-
merarunt, eisqne omnium bonorum operum quœ ab omnibus respeclivi
ordinis utriusque sexus membris peragunlur communicationemin vita,
in morte et post morlem peramanter impertiti sunt.
Directores et sacerdùles subdelegali uti nequeant facullatibus sibi
supra concessisin locis in quibus inveniuntur conventus memoratorum
ordinum, et tenon tur nomina adscriptorum pro abqua ex memoralis
confraternitatibus in album ejusdera tempore opportune transraittere.
Cum archiconfraternitas B. V. M. in Cœlum Assumptae pro juvan-
dis animabus Purgatorii, vigilantia et auctoriiate CongregationisSS.
Redemptoris in Urbe gubernetur, ex bac causa utique sodales cum dicta
Congregatione bonorum operum communionem modo spécial! babent.
Sacra Congregatio indulgentiis Sacrisque Reliquiis praeposita prae-
fatum Sumraarium una cum articule de altari privilegiato recognitum et
revisura ac cum suis originalibus plene collatum ut authenticum re-
cognovit typisque imprimere et publicare permisit.
Datum RoracC ex Secretaria ejusdem S. Gongrcgalionis Indulgentia-
rumdie 26 aprilis 1803.
A. Archip. Pr\nz[\m.li Substit.
BIBLIOGRAPHIE.
^'. II. E. Car<1înnlis ^. ISniiaTenfnrîe, px ordiiie Minorum, opi-
sco[ii Albanensi-, eximii Ecclet^ife donloris, opnra oninia, Sixli V,
PoiilificJs Maximi jussu diligentissimn cracndala. Accedit S. Docloris
vila. una cum diatriha liistorico-clirouologico-crilica. Editio acciirate
recoguila, ad puram cl vcriorem lesliuiouiorum biblicûrum eiuenda-
lioneni denuo redacla cura et studio A. C. Peltier, canonici ecclesisB
Remeiisis. Pari^iis, L. Vives. Toni. T et n in-4». LXXXiV-55fi, 052 pp.
(L'ouvrage aura 14 volumes dent le prix est de ICO fr.)
Ce qui frappe tout d'abord en ouvrant ces deux in-4", c'est la
splendeur de l'exécution typographique. L'éditeur a emplojé le beau
papier vergé que nous connaissons déjà par son Bossuet : le caractère est
net et large ; on ne rencontre pas ici cette justification serrée qui rend
aussi dillicile que pénible la lecture de plusieurs livres imprimés ré-
cemment dans ce format. M. Vives a voulu faire quelque chose qui
fijt digne de S. Bonavenlure, et pour la partie matérielle, celle qui le
concernait spécialement, on peut assurer qu'il y a réussi.
Il s'est adressé pour le reste à M. l'abbé Feltier, déjà connu par
divers travaux Ihéologiques et philosophiques. A lui de revoir le texte,
à lui de l'annoter, à lui de le couronner par une table générale des
matières, car la nouvelle édition aura sur les précédentes l'avantage
d'en posséder une.
M. Peltier, dans une préface malheureusement fort courte (p. i-iii)
et écrite en français, indique ainsi la disposition générale adoptée par
lui. « Les commentaires sur les quatre livres des Sentences rempliront
à peu près... les six premiers volumes de la présente édition. Ils seront
suivis des autres ouvragés ou opuscules proprement Ihéologiques du
saint Docteur, et tous ensemble ils feront la première partie et en même
temps la plus considérable de ses œuvres. Nous donnerons, pour la
deuxième les commentaires sur l'Ecriture sainte, en suivant exacte-
ment l'ordre de la Vulgale. Les opuscules ascétiques ou moraux feront
la troisième partie ; les sermons, la quatrième. La cinquième se com-
posera des opuscules spécialement relatifs à N. -S. et à la sainte Vierge ;
et la sixième, qui sera la dernière, comprendra les divers écrits composés
par le saint Docteur pour la défense de l'ordre des Franciscains. »
. Les deux volumes publiés comprennent donc le commencement du
commentaire sur les Sentences ; c'est le grand ouvrage théologique
de S. Bonaventure, c'est en quelque sorte sa Somme ; c'est là qu'il faut
398 BIBLIOGRAPHIE.
chercher sa doctrine exposée dans toute sa pléniludo. C'est aussi le
premier produit de son génie^ et celui de ses ouvrages qu'on peut le
moins lui contester. A ces divers titres, il méritait d'ouvrir la collec-
tion, et cette préférence est pleinement justifiée.
L'éditeur nous dit avoir fait souvent usage pour cette partie de son
travail d'un manuscrit du commentaire sur les Sentences, appartenant
à la bibliothèque de Reims, et qui remonte au XIV'^ et peut-être même
au XlIIe siècle (1). Il ne dit rien par rapport aux autres manuscrits qu'il
se proposerait de consulter ; il nous laisse ignorer même s'il ss pro-
pose autre chose que de reproduire le texte des éditions de Rome et de
Venise, L'avenir nous éclairera sur tous ces points que la préface
n'aurait pas dû, selon nous, passer sous silence. Quoiqu'il en soit, une
réimpression pure et simple, j'entends une réimpression correcte, des
œuvres de S. Bonaventnre, telle qu'on est en droit de l'attendre de
M. Peltier, est un service réel rendu à la science théologique.
En tête du premier volume, on a placé la dissertation générale
des éditeurs de Venise sur les écrits de S. Bonaventure. Cette disser-
tation s'avance un peu loin dans la voie de la critique négative.
M. Peltier s'inscrit en faux contre plusieurs des jugements qu'elle
renferme : il se contente néanmoins d'y opposer quelques observations
très-courtes, en attendant, dit-il, que l'occasion se présente à lui de
les discuter plus à loisir (•21. Le docte éditeur se propose donc d'y
revenir, soit dans une introduction particulière à ces ouvrages plus ou
moins contestés, soit dans une dissertation finale. Nous comprenons
très-bien qu'il prenne pour cela son temps. Ce que nous comprenons
moins, c'est qu'il ait écrit en français ces courtes observations insérées
dans le texte même, à la fin des articles qu'elles concernent. 11
aurait pu nous épargner cette bigarrure. M. Peltier nous dit à ce
sujet : « Le lecteur ne s'ofiensera pas si, dans la plupart de ces notes
comme dans cette préface, nous lui parlons en français, au lieu de le
faire en latin. C'est que nous voulons exprimer clairement notre pensée
et la faire comprendre à nos lecteurs, et que nous courrions risque de
manquer ce double but, si nous adoptions une autre langue que notre
langue maternelle. » S'il s'agissait de détails techniques difficiles à ex-
pliquer dans une langue ancienne, à la rigueur cela se concevrait, et
encore le laiin est un instrument bien souple pour qui sait le manier.
On peut n'avoir pas acquis ou avoir perdu l'habitude d'écrire en cette
langue, tout en la comprenant fort bien, en la possédant même à fond,
(1) Préf. p. II, et note de la p. xxsxi.
(2) Fréf., p. III.
BIBLIOGRAPHIE. 390
Mais un homme instruit comme l'est M. Peltier est beaucoup trop
modeste quand il hésite à mettre en latin trois pages de préface, et
quinze ou vingt d'observations composées chacune de quelques lignes,
quelquefois d'une seule.
Au reste, ce point est assez secondaire et nous ne voulons pas insister
davantage. Nous n'acceptons avec reconnaissance le beau présent que
l'on nous fait. 11 ne peut y en avoir de plus éminemment utile. A notre
époque de doute, d'indifférence, d'apathie religieuse, de prédominance
des intérêts matériels, d'amour des plaisirs et du luxe, il faut se
prémunir contre les influences multiples qui affaiblissent le sentiment
chrétien, il y a comme une atmosphère glaciale qui nous enveloppe,
qui nous pénétre â notre insu. On a besoin de feu plus encore que
de lumière. Nous en sommes là nous-mêmes, nous, ministres de
l'Evangile, appelés à prêcher les merveilles de la grâce et à en préparer
la réalisation dans les âmes ; nous qui montons tous les jours à l'autel
et qui vivons au milieu des choses saintes dont nous sommes les dis-
pensateurs; nous qui devrions vivre tout en Dieu et qui sommes sou-
vent trop étrangers aux mystères de la vie surnaturelle. Or, quand il
s'agit d'échauffer le cœur en éclairant l'esprit, d'initier profondément
aux secrets de Dieu, S. Bonaventure est incomparable. Aussi l'illustre
Gerson le préférait-il à tous les docteurs ; il allait jusqu'à se reprocher
d'avoir lui-même écrit, quand il suffisait de reproduire les ouvrages
de S. Bonaventure (J). Le célèbfe Jean de Trittenheim [Trithemius)
(1) « Porro si quseratur a me quis inter cseteros doctoresplus videatur
idoneus, rospondeo siue prœjudicio quod Domiuus Bonaventura, quo-
niam in docendo solidus est et securus, pius, et justus, et dévolus. Prae-
terea recedit a curiositate quaotum polest, non immiscens posiliones
extraueas vel doctrinas saeculares, dialecticas aut physicas, terminis
theologicis obumbratas more mullorum, sed diim studet illuminationi
intellectus, totum refert ad pietatem et religiositatem afTectus. Unde
faelum est ut ab indevotis scbolaslicis, quorum, prob dolor ! major est
Dumerus, ipse minus extiterit frequentalus, cum (amen nulla sublimior,
/lulla diviuior, nulla salubrior atque suavior pro tbeologis sit doctrina.
Quanto denique diligentius in senectute mea sum revolutus ad studium
ipsiu-, tanto facta est amplius confusa garrulitas mea. Dixique mecum :
Sufficit lieec doctrina; ul quid stullo labore consumeris, quid dictas,
quid sc;ibis? Mulliplicentur potius et transcribantur opéra Doctoris
illius de quo vere dicitur illud Christi de Joanne : Erat lucerna ardens
et lucen.s (Jo. V, 25). Praetera sicut apud grammaticos Donatus de parti-
bus orationis, et apud logicos summulae Pétri Hyspani traduntur ab ini-
tie uovis discipnlis ad memoriter recolendum, etsi non statim intelli-
gant; sic apud theologicos discipulos Breviloquium Bonaventurae ,
ZlOO BIBLIOGRAPHIE.
lui décerne des éloges semblables (I ;. Ces éloges, Sixte V les confirme
de sa haute autorité, et il va même jusqu'à dire, en s'appropriant un
mot de Sixte IV, que le Saint-Esprit semble avoir parlé par la bouche de
S. Bonaventure (2). De tels suffrages en disent plus que tout le reste ;
ils sont éminemment propres à nous faire comprendre le caractère et
la portée des écrits du Docteur séraphique. E. Hautcœur.
quod iucipit : In principio pritniim principium. Ilaqiie laus omnis infe-
rior est bis tliiobiis opusculis, quorum vim agooscere etiam sola credu-
litate non parvus est profectus. » (Gers Op. lom. i, pag. 21, cd. Amstel.
1706.)
(1) « Scripsit (Bonaventura) mulla et profunda et devolissinia opuscala,
quibus ardenlia verba profereus, non minus aiîecluni legenlis in Giiristi
amore succendit, qiiam intellectim doclrinis sanclis illuminât. Omnes
enim sui temporis doctoras utilitale operum facilo prœcellit, si Spiritum
divini amoris et cluistianae dcvoliouis in eo loquentem attendas. Pro-
fundus est, non verboèus; subtilis^ non curiosus; disertus, non vanus ;
llammautia, non intlantia verba proferens ; unde et securius legitur,
ulilius frequentalur, dulcius et fructuosius relinetur. MuUi doclrinam
profernut, devotionem praedicaut multi ; pauci scribeudo libros docuerunt
uU-imque. Bonaventura autem et multos superavit et paucos ; dum ejus
doctrina devotionem, devotio instruit doctrinam. Si ergo et dodus esse
vis et devo'us, illlus opusculis eslo intenlus. » (Tritbem. de Scr. eccl.)
(2) « Ea euim divini ingenii sui mouimeuta posteris reliquif, quibus
perdifficiles et multis obscuritalibus involutae questiones magna optimo-
rum argumentorum copia, vi et ordine, enucleate ac dilucide explican-
tur, fidei catbolicse veritas illustralur, perniciosi errores et profanée
bœreses profligantur, et piœ fîdelium mentes ad Dei amorem et cœleslis
patriae desiderium mirabiliter inflammanlur. Fuit enim in S. Bonaventura
id praecipuum etsingulare, ut non solum argumentandi subtilitatc, do-
ocndi facilitale, definiendi solertia praestaret sod divina quadam animos
permovendi vi excelleret : sic enim scribendo cum summa eruditione
parem pietatis ardorem conjungit, ut lectorem docendo moveat, et in
intimos anirai rcccssus illabatur, ac deuique scrapbicis quibusdam acu-
leis cor compungat, et mira devoliouis duicedine perfundat: quam sane
gratiam in ejus orc et calamo diffusam admirans prœdecessor noster
Sixtus IV Pontifex, illud dicere non dubitavit, Spiritum sanctum in eo
locutum videri. » (Sixlus V in enc<jclicis Utteris edit. Romanœ Op. S.
Bonav. prœfixis.)
Arras — Typ. Pxousseuu-I.erriy, rue Sainl-;\!aurlcc 26
I
ÉTUDE SUR LA LÉGISLATION MOSAÏQUE.
L
Sixi^me etdeinier ar'.icle.
Keil, Handbuch der biblischen archœoloyie. — Haneberg, Histoire da la
Rév. bihlique. — Michaelis, Mosdischea Becht. — Salvador, Histoire
des institutions de Moïse. — Hœvernick, Spezielle Einl . in den Pen-
tateuch. — Canlù, Histoire universelle: les Hébreux. — Kurtz, Geschichte
des alten Bandes. — Dankô, Historia Bev. div. vet. Testamenti .
Au moment de faire connaître les institutions sociales
et politiques de Moïse, nous prions le lecteur de vouloir
bien se rappeler les principes posés au commencement de
cette étude. C'est aux législations qu'il appartient d'or-
donner la vie des peuples ; une législation parfaite doit
subordonner et coordonner les institutions qui règlent
leurs développements sociaux et politiques, à celles qui
fixent les principes religieux et les pratiques du culte.
La raison en est que les peuples ont une vocation pins
élevée que leur vocation terrestre, qu'ils doivent s'unir
à Dieu avant de s'unir entre eux, et que les principes de
leur union avec Dieu sont les mêmes que les principes de
leur union sociale et politique. La législation mosaïque
reflète au plus haut degré ce caractère d'unité et de dé-
pendance, dans les diverses institutions dont elle se com-
pose. Nous ne nous étonnerons donc pas de voir les in-
stitutions sociales et politiques de Moïse, prendre leur
source dans les institutions religieuses que nous venons
d'étudier.
Revue des Sciences ecclés. t. ix,— novembre 1864. 27
A02 ÉTUDE SUR LA LÉGISLATION MOSAÏQUE.
Observons encore que les peuples se forment à la vie
sociale par la vie de famille, et à la vie politique par la
vie sociale. L'individu doit à la famille son existence, sa.
conservation, son éducation. La société lui donne des
frères ; mais c'est la famille qui les a formés comme elle
l'a formé lui-même. Les frères s^unissent d'eux-mêmes,
ou sont unis par une volonté supérieure qui les rapproche
pour former l'État; d'où il suit que nous avons successive-
ment à examiner les principes donnés par 3Ioïse à la fa-
mille, à la société, à l'État.
Qu'on nous permette, avant d'entrer dans le détail de
ces diverses institutions, de faire disparaître une difficulté
relative à l'influence de la vraie foi sur les développe-
ments sociaux et politiques des nations. Bien des gens
s'étonnent que l'influence de la religion sur la civilisation,
ne soit pas toujours proportionnelle à la pureté de la foi
qu'elle enseigne, du culte qu'elle prescrit. Comment se
fait-il que les effets ne répondent pas à la cause ; et si vous
admettez, nous dit-on, qu'Israël ait été le peuple de Dieu,
comment trouvez-vous tant de lenteur dans les progrès
sociaux et politiques de cette nation, comment pouvez-
vous concilier les retards de sa civilisation matérielle, avec
[es éléments de progrès que devait nécessairement ren-
fermer sou organisation religieuse? La réponse à cette
difficulté se trouve dans la manière même dont elle est
posée: il suflit de distinguer entre la puissance d'une
cause et la nécessité où elle est de produire "les effets
dont elle est capable; ou si l'on veut encore, entre les
éléments de progrès que renfermait l'organisation reli-
gieuse d'Israël et la fécondité nécessaire de ces éléments
mêmes. Ne sait-on pas qu'une multitude de causes secon-
daires ont pu modifier les effets que l'on attendait de la
cause première? L'état social du peuple d'Israël reflète le
caractère général de l'Orient et le caractère particulier du
ÉTUDE SUR LA LÉCnSLATION MOSAÏQUE. A03
sémltisme,la simplicité et rimraobilité de l'aticieil Otient,
et les facultés puissantes, il est vrai, du séraitisme, mais
plus propres à la contemplation et à la vie austère, qu'à
ractionet au luxe des développement matériels. Ces deux,
éléments ont été comme le sol vivant sur lequel a été
planté le monothéisme. Pour atteindre Tefflorescence
extérieure dont il était susceptible, le monothéisme devait
diriger les forces vives qu'il trouvait dans le sol où il avait
pris racine. Il avait à combattre de vigoureuses résis-
tances: ne pas en tenir compte, c'est s'exposer à juger en
aveugle des principes d'après leurs résultats, des causes
d'après des effets à la production desquels elles n'ont pas
(roncouru isolément. D'ailleurs c'est de la législation mo-
saïque que nous parlons ici, et non des développements
Sociaux qu'elle a produits dans la nationalité israélite. Il
suffit donc de montrer, par l'étude de cette législation,
qu'elle était propre à produire les résultats sociaux les
plus florissants, pour la justifier des accusations dont elle
a été l'objet. Si ces résultats ne se sont pas produits
comme on était en droit de l'espérer, qu'on s'en prenne
au peuple et non à la constitution qu'il avait reçue de son
législateur. Enfin, nous ne voudrions pas accorder abso-
lument à nos adversaires que le peuple d'Israël n'a pas
marché avec gloire dans la voie du progrès que Moïse
lui avait tracée. Ce serait méconnaître son histoire, le
rang qu'il a occupé parmi les nations ; ce serait mécon-
naître aussi la notion véritable de la civilisation, qui ne
doit pas être simplement matérielle, mais dont la sève
doit monter d'un tronc vivifié par les saines doctrines,
préservé par l'action supérieure de la vraie foi.
Cela posé, voyons quelles sont les bases essentielles
données par Moïse à la famille pour sa conseï-vatioùetsôli
développement.
Le législateur hébreu avait à lutter contre deux coU*-
llOh ÉTUDE SUR LA LÉGISLATION MOSAÏQUEf
tûmes capables d'introduire dans la famille les désordres
les plus déplorables, et subversives de TiDstitulion primi-
tive du mariage : la polygamie et le divorce. L'alTaiblisse-
ment de la foi avait fait du mariage un contrat purement
naturel ; sa stabilité reposait sur certaines conditions,
la fidélité par exemple, qui venant à cesser, justifiaient sa
dissolution. Les Juifs, qui achetaient leurs femmes,
croyaient avoir sur elles un empire absolu, et pensaient
qu'ils pouvaient en avoir autant que leurs richesses
le permettaient, que leurs passions semblaient l'exiger.
Interdire absolument la polygamie et le divorce, c'eût
été faire une loi dérisoire, à laquelle un très-petit nombre
de personnes se serait soumis; c'eût été vouer les femmes
détestées de leurs maris à une mort à peu près certaine.
11 suffit de connaître les habitudes et les mœurs qui ré-
gnaient en Israël à cette époque, pour en être convaincu.
Moïse ne crut pas devoir les heuter de front : il rappela
l'institution primitive du mariage (Gen. ii, 18-42); il fit
soigneusement connaître la première violation de cette loi
(Gen, IV, 19) ; il mit en relief les inconvénients nombreux
de la polygamie (Gen. vi, 4-10; xxx, 1,3, 15); il inter-
disifaux rois d'avoir de nombreuses femmes (Dent, xvii,
17) ; il détermina la durée d'un jour pour l'impureté lé-
gale résultant du commerce des sexes, ce qui dimi-
nuait autant que possible les funestes effets de la po-
lygamie sur la génération et sur la concupiscence (Lev.
XV, 18, coll. Lev. xx, 18); il établit enfin, par le fait
et par le droit, une différence entre les femmes épouses et
les concubines, et entre les enfants qui résulteraient de
ces diverses unions. (Gen. xxi, 10, coll. Gen. iv, 7 ; xlix,
4, 8. II Par. xxi, 3. Deuter. xxi, 17. I Par. i, 2. Num.
VIII, 14, 17. Gen. xxvii, 35, 36.)
A côté de ces institutions capables de rappeler la sain-
teté du mariage et de prévenir les abus sanctionnés par
ÉTUDE SUR LA LÉGISLATION MOSAÏQUE. AOÔ
la coutume, Moïse établit encore des lois dont l'elïet de-
vait être de montrer combien le Seigneur tenait à ce que
ceux qui l'approchaient, les prêtres et les lévites, con-
servassent au mariage son caractère religieux. Il interdisit
aux prêtres de se marier avec une prostituée, avec une
fille qui aurait souffert violence, ou avec une femme ré-
pudiée par son mari. Le grand-prêtre devait toujours
épouser une vierge, il ne lui était pas même permis de
prendre une veuve. (Exod. xxxiv, 15, 16. Deuter. vu, 3,
Esd. IX, 2, 12. Néh. xiii, 2.3.^
De plus, le mari qui voulait renvoyer sa femme, devait
lui donner une scédule de renvoi, et le divorce n'était
consommé que lorsque l'épouse avait quitté la maison de.
son mari. Une épouse légalement répudiée et mariée à un
autre homme, ne pouvait être reprise par son premier
mari. Et, bien que l'appréciation des motifs du divorce
fût laissée au mari, cependant la loi de Moïse exigeait
pour le renvoi d'une épouse un motif fort sérieux. Cela
résulte d'un passage du Deutéronome (xxiv, 1-4). Les
expressions que la Vulgate a traduites par aliqunm fœdi-
tatein signifient à la lettre : nuditatem rei. Sous Hérode le
Grand, une controverse s'éleva à ce sujet entre Hillel et
Schammaï, Hillel prétendait qu'un homme était libre de
renvoyer sa femme pour un motif quelconque. Schammaï
enseignait au contraire qu'il fallait une infidélité conju-
gale. On sait que Notre-Seigneur a sanctionné cette der-
nière interprétation. (Math. V, 31, 32; xix, 3, 9.) Tel
devait être le sens de Moïse; car, à part les expressions
dont il se sert, ses efforts pour sauvegarder l'indissolu-
bilité du mariage se concilient difficilement avec la pre-
mière interprétation.
Deux autres institutions tendaient encore à prévenir
le divorce et à sauvegarder l'existence de la famille,
C'étaient la zélotypio, ou le sacrifice de la jalousie, et le
400 ÉTU»E SUR LA. LÉGISLATION MOSAÏQUE.
lévirat. (Num y, 12-19. Deuter. xxv, 7, 10.) Le mari
qui soupçonnait sa femme d'adultère la conduisait au
prêtre. Celle-ci, tête nue et debout devant l'autel, devais
affirmer son innocence avec serment, en tenant dans la
mc^in le sacrifice de la jalousie. La femme répondait «me?i
aux imprécations dont le serment était accompagné. Ce
serment, mis par écrit, était ensuite effacé avec de l'eau,
dite d'amertume, que la femme buvait. Cette eau, qui ne
puisait en rien à l'épouse fidèle, devait être, selon la loi,
pour l'épouse infidèle un violent poison. Les orientalistes
pensent que cette épreuve était destinée à remplacer
dans la législation mosaïque, les épreuves par le fer rouge
et par l'eau bouillante que l'on pratiquait alors en Orient
et en Egypte surtout. Il est évident qu'elle était loin de
ressembler en cruauté à ces dernières épreuves, et qu'ici
comme partout, la législation mosaïque a un Coractère
qui la rend très-supérieure à toutes les législations an-
tiques. La preuve que Dieu devait nécessairement inter-
venir dans bien des cas pour donner raison à la loi qu'il
avait établie, c'est la conservation de la pratique de la
zélotypie pendant toute la période de durée de la légis-
lation de Moïse.
En vertu de la loi du lévirat, le frère ou le plus proche
parent devait épouser la veuve de son frère ou de son
parent mort sans enfants^ il attribuait au défunt le pre-
mier-né de son mariage, et cet enfant devenait l'héritier
naturel du défunt. Le but de cette loi, qui paraît con-
sacrer un usage antérieur à Moïse (Gen. xxxviii, 3, 10),
était de favoriser la propriété et de la maintenir dans la
famille sous le nom de son premier possesseur, de sous-
traire les veuves à l'opprobre attaché à la stérilité, de
faciliter la formation des tableaux généalogiques, dont
l'importance était si grande en Israël. Toutefois, ce qu'il
aurait pu y avoir de gênant pour la liberté des mariages
ÉTUDE SUR LA LÉC^ISI^AÏIOW MOSAÏQUij. AO?
dans la loi du lévirat, disparaissait devant la clause qui
permettait au frère qu ^u parent dw défiant, dç déclarer
devant les juges qvi'il ne vouait point s'y soumettre,
sauf à accepter une légère humiliation de la, part de la
femme qu'il, repoussait. (Deuter, xxv^ 7, JO, ïluth, iv,
7,, ^..)
Telles furent les précautipns prises par le législateur
hébreu pour sauvegarder autaut qu'il le pouvait la digniti^
et l'indissolubilité du mariage, pour protéger les roœurs,
pour maintenir la famille dans sou existence temporaire
et pour assurer sa conservation,
La société qui existait ava^^t Moïse fut pleinement traus-
l^ormée par la constitution qu'elle reçut de lui. C'est la
différence qui existe entre l'action de Moïse sur la vie de
famille, et son action sur la vie sociale en Israël. Tandis
que le lieu de la famille demandait que l'on revînt à
l'institution primordiale du mariage, le lien de la société
à qui étaient confiées les promesses, demandait qu'elle
prît une nouvelle forme,, qu'elle fût établie sur de nou-
velles bases. lî faut bien se représenter l'état sociajl
d'Israël avant Moïse. C'était uu peuple de nomades çt de
pasteurs que des liens de famille unissaient, lesquels
cillaient s'affaiblissant de jour en jour, et devaient être
remplacés par des liens nouveaux. « Le nomade, dit wn
auteur, possède des troupeaux et d'ordinaire des esclavçç.
Les seconds sont nécessaires pour soigner et défendre les
premiers, surtout dans les différents voyages de la tribu.
Enfants, esclaves, troupeaux, tout à peu près est né chez
lui, tout fait partie de ses tùeus presqu'au mêm^ titre, et
un même mot hébreu nsplû désigne la réunion opulente
de ces trois éléments. Les esclaves sont à la fois pasteurs
pour soigner les troupeaux, et soldats ppur les défendre
contrôles bêtes féroces et J^sbirigan^s. Si le maître le^
conduit contre les Bédouins, ou m^P^e, comme fit Abra-
i08 ÉTUDE SUR LA LÉGISLATIOÎS MOSAÏQUE.
ham (Gen. xit, 13-16), contre des peuplades ennemies et
des petits rois barbares, ils manient l'arc et la lance. Re-
devenus bergers, ils se contentent de la fronde, du sac et
du bâton (1). »
A ce système imparfait de possessions qui pouvait con-
venir à des tribus errantes. Moïse substitua le système
de la propriété territoriale. Chaque membre de la nation
reçut une portion de terre qu'il devait cultiver et tran-
smettre à ses descendants. Lorsque le besoin portait le
propriétaire à aliéner son bien, il lui était loisible de le
reprendre à un moment donné, en tenant compte à l'a-
cheteur des pertes qu'il pouvait par là lui causer. Des
bornes marquaient les possessions de chacun, et il était
défendu d'y toucher sous peine d'anathème. Le Seigneur
percevait une dîme sur les biens ainsi divisés : Il restait
par-là le maître de la terre qu'il avait léguée aux enfants
des hommes, ses censitaires ou ses colons. De telles dis-
positions étaient de nature à faire d'Israël un peuple
agricole. Aussi voyons-nous se développer en lui le goût
de l'agriculture : ses généraux, ses rois, ses prophètes
quittent l'aire ou la charrue pour le conduire à la victoire,
pour régner, pour lui annoncer les volontés du ciel. Ce-
pendant Moïse entrevoit dans l'avenir la transformation
partielle de cette constitution primitive. Il sait que les
tribus d'issachar et de Zabulon s'enrichiront par leur
commerce sur le littoral. (Deuter. xxxiii, 19. Lev. xix,
34, 37. Deuter. xxv, 13, 16.) Il établit la base essen-
tielle de la prospérité du commerce, en recommandant aux
Juifs dans les achats et dans les ventes la plus inviolable
probité. (Ibid.) Le commerce fut un mouvement presque
inévitable de la forme sociale introduite par Moïse ; mais
la propriété n'en resta pas moins la base essentielle de
la constitution sociale d'Israël, jusqu'à la période de dé-
(1) Cellérier, Esprit de la léfjislation mosaïque, l. i, [i. 20.
ÉTUDE SUR LA LÉGISLATION MOSAÏQUE. /lOO
sorganisation, préparée par l'affaiblissement de la foi et
par la corruption des mœurs. La foi était la raison sociale
de cette institution primitive : ses fluctuations devaient
avoir sur l'institution même les plus décisives influences.
Pour Israël, s'éloigner de l'ordre établi par Moïse, c'est
s'éloigner de Dieu. On le conçoit d'autant mieux qu'on
connaît davantage l'unité de plan de sa législation.
Placé à ce point de vue, à savoir, la convergence des
moindres détails vers les intérêts de foi qui sont aussi
les intérêts les plus sacrés d'Israël, un homme qui étudie
les institutions sociales de Moïse n'est point étonné de
le voir entrer dans des particularités qui sembleraient
au premier abord indignes de figurer dans un code.
Pourquoi, par exemple, à propos des vêtements des Juifs,
défendre le mélange des étoffes de laine et de fil? N'est-
ce point là une puérile observance destinée à flatter les
tendances minutieuses de ce peuple enfant? Non, évidem-
ment, si l'on veut bien se rappeler que la législation de
Moïse reflète un caractère analogue à celui de toute l'his-
toire d'Israël, où la conduite de Dieu s'exerçait par des
symboles aussi bien que par des préceptes positifs.
Après avoir établi une distinction formelle dans la
manière dont chacun des sexes devait se vêtir, Moïse
établit encore une distinction symbolique des sexes, en
proscrivant le mélange du fil et de la laine dans les
tissus, afin de proscrire parla même le mélange honteux
des sexes dont ne rougissait pas le paganisme. Par là
l'enveloppe même dont le Juif se couvrait, lui rappelait
sans cesse le frein nécessaire au débordement de la con-
cupiscence. (Lev. XIX, 19. Douter. XXII, 11.)
On peu raisonner de la même manière sur les disposi-
tions mosaïques relatives à l'alimentation des Hébreux.
Rien de plus ridicule que les prescriptions alimentaires
du polythéisme. Lu nourriture est le besoin le plus frc~
ilO ÉTUDE SU II LA LÉGISLATION MOSAÏQUE,
quent de l'homme. S'en emparer, en régler l'usage et
l'objet, c'est intervenir le plus fréquemment possible dai^ç
la vie humaine, c'est rappeler toute une législation (iont
c.e3 prescriptions forment un rameau au premier aspect
insiguifiant.
Pour entendre le but poursuivi par Moïse, il fau,t perdrç
de vue celui que poursuivait Lycurgue lorsqu'il ne per-
mettait que le brouet noir, ou l'école de Pythagore lors-
qu'elle s'interdisait l'usage de la chair des animaus».
Je veux bien que la discipline alimentaire du législateur
hébreu, n'ait pas été pleinement insignifiante et sans rér
sultat au point de vue sanitaire. Je veux, ei^coye que çerr
taines prohibitions aient eu un intérêt njoral : telle est,
par exemple la défense de manger un chevreau cuit dans
le lait de sa mère. L'alimentation a avec la santé et avec
les mœurs trop de rapports, pour que Moïse, en réglant le-
régime, n'ait point entrevu les avantages sanitaires et
Viioraux qui pouvaient en résulter. Mais ce n'est là qu'une
fin secondaire de son système. Il poursuit des intérêts
supérieurs : l'unité nationale et la conservation de la foi.
Or, l'unité nationale se trouve bien d'une discipline ali-
mentaire réglée. La foi peut se trouver bien aussi, pour sa
conservation, d'un régime dans lequel n'entrent aucun des
aliments qui rappelle n,t le péché, la réprobation, Fimpu-
xelé, la mort. De là vient que, parmi les animaux, ceux qui
s'attaquent à la vie deg autres, le lion, l'aigle, le faucon,
sont défendus. Pour le même motif, 3Ioïse défend encore
les poissons sans écailles et sans nageoires, qui habitent
d'ordinaire une vase dégoûtante, les coquillages 4e toutes
sortes dont l'usage prépare, en Orient surtout, les ma-
ladies cutanées, et qui chassent également à leur manière
et se nourrissent (l'autres animaux. Le dogme essentiel
du mosaïsme est le péché originel, ses influences, sa ré-
paration. Le but essentiel de la loi, est de faire éviter
ÉTUDE SUR LA tÉCISlATION MOSAÏQUE. AH
tout ce qui peut produire le péché, et éloigner de la voie
que doit suivre Israël pour marcher vers la réparïitiou
promise. Ainsi, l'objet essentiel des prescriptions ali-
mentaires de Moïse ne peut être compris, que lorsqu'on
Je rattache au système général dont il fait partie dans
l'esprit du législateur.
Il nous reste à parler de la constitution politique donnée
par Moïse à Israël. Cette tâche nous est rendue facile par
tout ce qui précède, et notamment par le chapitre où nous
avons établi la forme théocratique du gouvernement des
Juifs.
Moïse ne fit encore ici que régulariser et vivifier ce qui
existait avant lui. Comme la famille a été la première des
sociétés, ainsi le gouvernement paternel a été le premier
des gouvernements. Mais la famille devait, selon le but
même de sa formation, se propager et s'étendre. L'autorité
paternelle devait un jour être contestée par les rejetons
éloignés de la souche, et si la nature la rendait moins
sujette à cette altération, l'autorité du frère aîné du moins,
après la mort du père commun, ne pouvait pas participer
aux mêmes avantages. Les tribus gardèrent des douze
patriarches les noms qui les désignaient ; elles se don-
nèrent des chefs par l'élection, et elles élurent de même
un chef commun à qui fut confiée l'autorité souveraine.
Dieu prépare les Juifs à devenir les dépositaires de sa
loi. Il se nomme par l'organe de Moïse le roi de son peuple,
et le peuple accepte la royauté du Seigneur. Tel est le
principe fond^imental du droit mosaïque. Tout le rappelle,
depuis le sol, ses divisions, ses redevances, jusqu'aux cé-
rémonies les plus ordinaires du culte. L'idolâtrie est un
crime politique aussi bien qu'un crime religieux, par cela
seul qu'elle méconnaît Dieu, le souverain légitime de la
nation. Le Seigneur permet, ordonne même la destruction
de l'idolâtrie, dans la mesure convenable à ses desseins.
412 ÉTUDE SUR LA LÉGISLATION MOSAÏQUE.
Un médiateur est établi entre Dieu, roi d'Israël, et le
peuple.
C'est un lieutenant, un vice-roi, qui ne perdra pas
son caractère de dépendance, même lorsqu'il s'appellera
le roi. Israël sera jugé par ses pairs, des citoyens que
leurs vertus rendent rccommandables, et auxquels Moïse,
d'après le couseil de Jîthro, confie une part d'autorité
plus ou moins étendue. Séparés, ils gouvernent la tribu ^
réunis, ils forment le conseil supérieur de l'État, Dans ce
dernier cas, ils se rassemblent sous la présidence du chef
de la république, et à son défaut sous celle du grand-
prêtre. La loi de succession ne fixe pas d'une manière si
inébranlable la couronne sur la tête d'une famille, qu'elle
ne puisse être déplacée par Dieu même, ou par son en-
voyé extraordinaire. Enfin il appartient aux anciens d'Is-
raël d'entendre les causes des diverses tribus, de recevoir
les appels et de porter une sentence définitive. Les trans-
formations que subit dans la suite des âges cette consti-
tution primitive, sont toutes imprégnées du même esprit.
On a d'autant moins lieu de s'en étonner, qu'on comprend
mieux les rapports qu'elle avait avec la foi, dont les prin-
cipes se conservèrent en Israël, lors même qu'on eût à
regretter des défaillances morales et des bouleversements
politiques.
'"- ■•') >
COKCLUSIOM.
En terminant cette Étude su?' la législation mosaïque^
le lecteur voudra bien me permettre de lui rappeler que
je n'ai pas eu la prétention de donner un tableau complet
des institutions religieuses, sociales et politiques de Moïse.
Un semblable travail aurait exigé des développements et
une étendue, dont les avantages n'auraient peut-être pas
compensé les inconvénients qu'il pouvait offrir dans un
ÉTUDE SUR LA LÉGISLATION MOSAÏQUE. /il3
recueil périodique. ^lon but principal était de poursuivre
d'abord les explications naturalistes du code mosaïque
tentées par la critique moderne. Je voulais montrer
qu'on ne peut aborder de telles questions, sans avoir du
surnaturel une idée convenable.
Je voulais essuyer ensuite une classification logique du
plan des institutions mosaïques, telles que je les avais
conçues, et indiquer en peu de mots comment les insti-
tutions sociales et politiques dérivent des institutions re-
ligieuses.
Je crois avoir rempli la première partie de ce pro-
gramme dans les quatre premiers articles, et la seconde
dans les deux derniers.
J'ai d'abord insisté sur la réfutation de l'ouvrage de
M. Salvador. Plus tard je n'ai pas même cité son nom; je
ne me suis plus occupé de lui.
Ce n'est pas qu'il n'y eût eu beaucoup à dire, même dans
les questions secondaires. Mais il m'a semblé qu'une ré-
futation plus complète m'entraînerait trop loin, et qu'elle
était d'ailleurs inutile, après avoir relevé les erreurs es-
sentielles de ses deux volumes, et être arrivé au point
culminant de la législation mosaïque, que j'ai trouvé dans
le décalogue.
Ces hauteurs une fois atteintes, était-il nécessaire de
s'inquiéter d'échos affaiblis, qui expiraient impuissants
devant nos oreilles suffisamment prévenues? La grande
voix de la révélation couvrait cette voix barbare ; et tan-
dis que celle-ci formait des accents stridents et confus
dans la plaine, l'autre résonnait, dans toute son ampleur
et toulc sa majesté, sur les hauteurs que nous habitions.
A. GlLLY.
IDÉE DE LA BIBLE.
La parole humaine est Un objetd'étude plein d'intérêt,
et l'un des plus étonnants qui s'offrent à la pensée. Et
quoique cette étude soit difficile et toujours incomplète, —
car plongés et emprisonnés comme nous le sommes dans
la région des apparences, il est près de nous, autour dé
nous, d'admirables réalités que nous côtoyons, que nous
mettons en œuvre à tout moment de notre vie, sans les
apercevoir ni les pressentir,— cependant, siTon s'applique
à pénétrer l'essence de la parole, on ne tarde pas à re-
connaître qu'elle est, pour ainsi dire, le corps de la pensée,
et que, comme le corps humain, pendant cette vie, est
nécessaire à Tàme, en premier lieu, suivant une belle
théorie de saint Thomas , pour qu'elle précise, qu'elle
développe sa puissance intellective, èten second lieu, pour
qu'elle communique avec les autres âmes, ainsi la parole
est nécessaire à la pensée, d'abord pour la préciser, la
développer, et ensuite pour la manifester et la répandre.
Mais la parole n'est pour la pensée qu'un corps sans
consistance, un corps mourant aussitôt que né. L'écriture
seule donne à la pensée un corps viable, car l'écriture
c'est la parole affranchie de l'état successif, la parole
prenant un point d'appui daus l'espace pour défier le
temps; l'écriture, c'est la parole devenue visible ; c'est
une sorte de création, comme la création elle-même est
une sorte d'écriture, car des deux côtés je vois une pa-
role qui se solidifie, se cristallise.
IDÉE t)E LA BTRIE. 415
Aussi récritUïê possède au centuple les deux prôpHé**
tés que nous avons reconnues à la parole. Celle-ci, dis-
sions-nous, précisé et développe la pensée : combien
plus de précision la pensée ne doit- elle pas à Técriture !
« L'écriture, dit un philosophe contemporain, est une
filière, un laminoir qui étend merveilleusement les idées
et exploite toute leur ductilité.... En écrivant une penâée,
on l'analyse et il arrive sous là plume, pat le seul fait
de renonciation successive, une fôtile de choses que l'on
n'apercevait point auparavant (1)... En parlant son idée,
non-seulement on la fait comprendre aux aUtfes, mais
on la comprend mieux soi-même.... L'écriture ajoute
encore à la parole.... On pénètre à des profondeurs plus
grandes.... Nous pouvons affirmer qu'on n'a jamais toute
la conscience de sa pensée qu'après l'avoir écrite (2). »
Un autre philosophe, après avoir démontré que pour
arriver à la sagesse il faut écouter Dieu, dit, après saint
Augustin, qu'on l'écoute en écrivant (.3) ; et il ajoute :
« Si vous consacrez à écrire les meilleures heures du jour,
rien ne peut vous donner autant de chances pour en-
tendre ou pour voir la vérité (4) . w
La parole, en second lieu, exprime et propage la pen-
sée. Mais l'écriture, en cela aussi, est à certains égards
incomparablement supérieure. Elle fait pénétrer une idée
dans tous les siècles, et en même temps par toute la
terre.
Ainsi l'écriture, plus encore que la parole, contribue
à former la pensée et à la rendre manifeste.
Toutefois, ces deux fonctions de l'écriture n'embras-
sent pas toutes les relations qu'elle entretient avec la
<l) Étude sur l'art de parkr en pttàlie, par M. Bautaia, p. 186.
(2) laid., p. 187.
(3) Les Sources, par A. Gratry, p. 11.
(4) Ibid., p. 15.
/lie IDÉE DE L\ BIBLE.
pensée. Il nous en reste à faire connaître une face en-
tière. Si l'écriture est une condition de l'achèvement de
la pensée, celle-ci en même temps est le principe d'où
sort l'écriture ; entre elles deux, il y a action et réaction;
elles se développent ensemble, comme l'àme et le corps
de l'enfant, La pensée ne grandit que moyennant récri-
ture, c'est vrai; mais de toute pensée qui grandit, jail-
lit une écriture qui la reflète. Ainsi en est-il de la se-
conde fonction 'de l'écritnre, c'est-à-dire, de sa puis-
sauce de manifestation. Oui, l'écriture est vraiment le
grand véhicule de la pensée ; mais c'est aussi la pensée
qui propage l'écriture. Combien de livres, corps sans
àme, aussitôt morts que nés ! Ce n'est pas tout que de
tracer des lettres, de remplir des pages ; l'écriture ré-
siste quand on lui fait violence, quand on veut la con-
struire et la lancer à vide , contre sa nature. Il n'y a
qu'une pensée forte et féconde qui porte son écriture
jusqu'aux extrémités de la terre, pendant une longue
suite de siècles.
Voyons maintenant ce qui découle de là. Puisque c'est
une loi de notre nature, loi constatée par les plus pro-
fonds philosophes, qu'on précise, qu'on trouve même ses
idées en écrivant, et que, par conséquent, à toute écri-
ture est attachée une sorte d'inspiration naturelle, il
s'ensuit que Dieu, voulant faire connaître aux hommes,
par l'un d'eux, une pensée qui dépasse l'intelligence
humaine, prend, pour élever cet homme jusqu'à cette
pensée, ua moyeu beaucoup plus conforme aux lois ordi-
naires, en la lui faisant écrire, qu'en la lui donnant par
uue illumination purement intérieure. C'est la plume à la
main que tout homme précise et achève sa pensée, que
s'obtiennent les inspirations les plus sublimes, les chefs-
d'œuvre du génie. Dieu donc use de condescendance
envers la nature humaine quand c'est la plume à la main
IDÉE nii LA P.IBLE. Al 7
que le prophète rcçoitlaconuaissanced'une pensée divine,
quand c'est en écrivant (lu'il est éclairé, inspiré sur les
mystères les plus profonds de l'essence infinie, et sur la
destinée ineffable heureusement su rajoutée à notre nature.
De sorte que Dieu, en voulant que sa parole fût écrite,
et pour éviter toute chance d'erreur dans un ouvrage de
cette importance, conduisant la plume des prophètes, a
pour ainsi dire greffé le mystère de l'inspiration surna-
turelle sur le phénomène inférieur, mais analogue, de
l'inspiration naturelle, coïncidence admirable qui se re-
marque à chaque pas dans les dogmes révélés.
Aussi l'inspirationdivinedessaintesÉcrituresa toujours
été la foi du genre humain, et a reçu l'hommage des peu-
ples infidèles eux-mêmes, tant ce mystère est conforme aux
lois de la raison, aux besoins de l'homme, et aux tradi-
tions des premiers âges. Les Indiens, les Chinois, les Per-
ses, les Romains, les Arabes, les Japonais, les Mandchoux,
les Thibétains,les Siamois, les Javanais, les Scandinaves,
les Druses, d'autres peuples encore, ont cru qu'il y a des
livres inspirés de Dieu, et ont témoigné de cette croyance
par leurs actes, restant ainsi dans le vrai sur un point
capital; s'égarant, hélas! en mettant l'inspiratien où elle
n'est pas, mais moins égarés que ceux qui ne la voient pas
où elle est.
Voilà où nous mène l'action de l'écriture sur la pensée.
L'action inverse delà pensée sur l'écriture conduit au
même but. Dès là que toute grande pensée se déploie en
écriture, comment la forme humaine de la pensée de Dieu
n'aurait-elle pas sa place dans le domaine de l'Écriture,
et la première place ? En vertu même de cette loi de la na-
ture, la parole surnaturelle, plus que tout autre, doit tendre
à la pérogative du livre, et aspirer, pour ainsi dire, à ce
qu'on l'écrive. Et elle doit garder, étant écrite, un cachet
à part, duquel n'approche aucun autre livre sacré : un
Revue des Sciences ecclés., t. x. — novembre 1804. 28
AÏS IDÉE HE LA BIBLE.
éclat qui tantôt ravit, tantôt éblonit : des abîmes inson-
dables; de là des solutions de continuité ; en même temps
une simplicité qui charme, une autorité qui impose, une
sincérité qui parfois scandalise ; d'apparentes contradic-
tions, les unes dues à notre ignorance, les autres gagnées
dans le trajet entre deux langues; enflndes hauteurs ac-
cumulées les unes sur les autres, dans lesquelles, au pre-
mier abord, on n aperçoit que des inégalités.
C'est assez considérer l'écriture et la pensée se formant
mutuellement. Considérons -les se manifestant l'une
l'autre, et voyons s'il ne découlera pas de là quelque
nouvelle conséquence.
D'abord, à s'en tenir à ce principe que l'écriture est le
grand propagateur de la pensée, il faut reconnaître que
nulle pensée n'étant aussi nécessaire à l'homme que celle
de Dieu, il n'en est aucune qu'il fût plus convenable de
confiera l'écriture, moyen plus simple d'ailleurs que de
multiplier les révélations orales. Et puisque, d'autre part,
c'est la pensée même qui, à proportion de sa vigueur,
fait la fortune de son écriture, il doit naturellement ar-
river que la parole de Dieu soit incomparablement plus
écrite et plus lue que tout autre. Et c'est en effet ce qui
est arrivé. Il est des écrivains de génie qui ont fait péné-
trer leurs ouvrages loin dans le temps et loin dans l'es-
pace ; mais ces ouvrages sont restés confinés dans le cer-
cle étroit des hommes instruits, et ont passé inaperçus
delà foule. Il est d'autres livres vénérés comme saints,
et qui moyennant les débris qu'ils gardaient de la révé-
lation primitive, ont pu devenir populaires, s'identifier
avec les croyances et les pratiques religieuses des peuples
entiers, et traverser ainsi des siècles. Mais ces livres sont
demeurés captifs dans les bornes de pays arriérés, et
quelque durée qu'ils y aient eue, l'avenir n'en est guère
mollis incertain que l'origine. La Bible seule a rompu
IDÉE DE LA niBLE. ài9
ton tes les barrières. Trente siècles l'ont Tiie passer intacte;
elle a pénétré chez tous les peuples, elle règne sur les plus
influents, et c'est elle en grande partie qui les a portés si
haut. Ce n'est pas tout: elle s'est infiltrée dans toutes les
conditions, dans l'intimité du penseur, dans la mémoire
de l'ignorant, dans la trame des plus populaires et des
meilleurs livres humains. Le Catéchisme n'en est que
l'analyse; le Paroissien, qu'un extrait ; V Imitât ion ^ qu'un
seul mot commenté, Ahneget. Destinée incomparable de
la Bible ! Elle n'a été écrite qu'une fois sous la dictée de
Dieu; mais le genre humain l'a copiée, lue, traduite,
commentée, imprimée sans relâche, et le livre enfin le
plus écrit par les hommes est celui qu'ils n'ont pas com-
posé ! On eût dit, à l'origine de l'imprimerie, que cet art
merveilleux n'avait été inventé que pour multiplier les
exemplaires des Livres saints, et l'on pourrait soutenir,
peut-être, que le désir, le besoin de cette multiplication
avait été le stimulant de cette mémorable découverte.
Quelle différence entre cette Écriture divine, et celle
qui se lit dans les astres, dans l'univers, que nous avons
consenti à regarder, en quelque manière, comme une pa-
role de Dieu écrite ! Le monde matériel est beau, mais il
n'est, comme écriture, que l'enfance de l'art. Dieu ne s'en
est pas tenu à ces hiéroglyphes. Il a voulu y ajouter une
autre écriture, laquelle, quoique d'apparence plus humble,
est infiniment plus sublime, de même qu'un feuillet dé-
chiré d'Hérodote surpasse en éloquence le plus colossal
obélisque. Oui, l'univers est une parole de Dieu écrite,
mais la Bible en est une plus récente et de bien autre
conséquence ; la Bible est un double Testament qui con-
tient les dernières disposition d'un Père immortel.
Pénétrons plus avant, et après avoir considéré quel-
qu€s-unesdes propriétés de la Bible, tâchons d'en connaî-
tre l'essence, Qu'est-elle cette Écriture sainte ? Quelle
420 IDÉE DE LA BIBLE.
idée en retenir ? Quelle place lui assigner dans Tëcono-
mie du monde surnaturel ? La parole, avons-nous dit,
et la parole écrite surtout, est le corps de la pensée.
Quand donc le Verbe éternel a parlé à nos ancêtres
par les prophètes, et surtout quand des lèvres de ceux-
ci il est descendu jusqu'à leur plume, il s'est laissé
écrire sous l'inspiration de l'Esprit-Saint : il a réalisé la
plus frappante image de son incarnation ; il a pris un
corps dans les langues humaines, pour éclairer par le
dehors nos âmes, qu'il éclaire au dedans dès leur entrée
dans le monde. Et il n'a pas pris nos paroles sans nos
idées, pas plus que notre corps sans notre àme. Seulement
comme il a pris un corps et une àme dépouillés de la per-
sonnalité humaine, il a pris nos pensées et nos paroles
dépouillées de toute humaine responsabilité. La Bible donc
c'est le Verbe fait livre. 11 sestfaitlivre, comme il s'est fait
homme par l'opération de l'Esprit-Saint ; il a été conçu
et mis au jour par les prophètes, et, sous la forme bibli-
que, il a eu le même sort que sous la forme humaine :
caché sous la lettre, et y descendant jusqu'à des abais-
sements inouïs ; laissant percer toutefois quelques
rayons de sa splendeur ; insulté, bafoué, déchiré, cloué
au pilori par des plumes déicides ; mais, sous la lettre
aussi, attirant les cœurs simples, contemplé avec amour
par les générations agenouillées, salué de leurs chants,
mouillé de leurs larmes, vengé par leur pénitence et
leur enthousiasme.
Cette vue générale ne suffit pas -, il faut descendre
dans le détail et décomposer en quelques sorte l'axiome
que nous venons de formuler -, c'est le seul moyen de
faire un nouveau pas dans la conception du mystère.
Que doit contenir le Livre divin? D'abord des idées, des
doctrines, qui nous .fassent connaître, d'une part, ce que
Dieu est, ce qu'il fait pour nous ; d'autre part, ce que
IDÉE DE LA BIBLE. Il2i
nous devons faire pour atteindre notre destinée finale -,
car la raison elle-même sent son impuissance à définir
ce double objet. Mais les exemples nous instruisent
mieux que les théories et que les préceptes. Aussi Dieu,
dès le commencement du monde, a-t-il éclairé le genre
humain par des faits. Le saint Livre devait donc renfer-
mer dans ses pages les faits qui rappellent avec le plus
d'éclat soit les mystères de l'essence et de l'action de
Dieu, soit les devoirs qui découlent pour nous de ces
mystères. Ce n'est par tout : comme les faits sont dans
le domaine de la succession^ et que, par conséquent, ils
se divisent en deux grandes classes, les uns passés, les
autres futurs, le livre de Dieu devait s'étendre aux uns
et aux autres, pour porter pleineiiient le cachet de son
auteur ; il devait nous faire connaître des événements à
venir, impénétrables à la prévoyance humaine comme
il nous fait connaître des événements passés, inaborda-
bles à l'histoire profane ; et parmi ces faits racontés pur
une mémoire, ou annoncés par une prescience, toutes
les deux infaillibles, il devait s'en trouver d'inexécu-
tables par les lois ordinaires, pour rendre plus manifeste
le doigt de Dieu, et plus croyable ce qu'il y a de néces-
sairement incompréhensible dans les dogmes. De là
trois éléments, le doctrinal, l'historique, le prophétique ;
éléments réunis dans la plupart des Livres sacrés, mais
dont l'un prédomine dans chacun de ces livres. Il faut
des livres historiques et prophétiques pour frapper
l'imagination, pour aider l'intelligence, et aussi pour
enseigner ce qui ne peut trouver place dans une théorie,
c'est-à-dire pour enseigner les faits qui servent de base
à la religion , laquelle , comme l'existence même du
genre humain, n'est qu'un grand fait. Et il faut aussi
des livres doctrinaux pour dégager des faits les mystè-
res et les préceptes, et pour empêcher les hommes de
422 IDÉE DE LA BIBLE.
s'arrêter comme des entants à l'écorce des récits. Et soit
qu'elle raconte, soit qu'elle dogmatise et exhorte, soit
qu'elle prophétise, la Bible est le Yerbe de Dieu, parce
qu'elle est, sous une forme terrestre, la connaissance
que Dieu a des vérités éternelles et des faits passés et
futurs, connaissance qui ne fait qu'un avec Dieu même.
Ces trois éléments se retrouvent dans chacune des
deux grandes parties de la Bible. En cela se ressemblent
l'ancien Testament et le Nouveau, lequel a pour livres
historiques les Évangiles et les Actes ; pour livres sa-
pieutiaux les^Épitres, et pour prophétie l'Apocalyse. Mais
pourquoi l'ancien Testament a-t il demandé pour sa Com-
position près de quatorze siècles, tandis que le nouveau a
été terminé sous les yeux des Apôtres! Voici, ce me sem-
ble, la raison de cette différence. Les livres historiques
de l'ancien Testament, étant destinés à nous instruire des
faits écoulés depuis la création jusqu'à la rédemption,
devaient être échelonnés à larges intervalles entre ces
deux points extrêmes ^ autrement, les faits n'étant plus
racontés par des témoins oculaires ou des contemporains,
l'inspiration divine fût devenue un tissu de miracles, au
détriment du côté humain et sympathique de la Bible,
D'autant plus que le principal objet de cet immense récit
étant d'établir la généalogie humaine du Sauveur, d'ap-
puyer sur des titres authentiques sa noblesse, qui, par
une suite non interrompue de personnages historiques,
remonte à Adam, il convenait qu'on en retrouvât les preu-
ves sur des parchemins signés de Dieu et de l'homme, et
datés des grandes époques du vieux monde.
D'ailleurs, cette longue et nécessaire histoire, pour
rester complète, ne pouvait s'achever que peu avant la
venue du Messie. Et pourtant elle devait commencer et se
continuer des siècles plus tôt, sans quoi les générations
antérieures eussent été privées de la consolation de lire
IDÉE DE LA BIBLE. 425
daus les premiers livres historiques les noms et les
exemples de leurs ancêtres, l'origine du genre humain, les
bienfaits et les commandements de Dieu. De même, les
prophéties devaient commencer dans les premiers temps,
pour faire germer de longue main dans les esprits l'idée
messianique, et aussi pour devenir plus frappantes par la
dislance qui les séparait de leur accomplissement. Et
pourtant elles ne devaient point paraître d'un seul coup
dès l'origine, car alors elles n'eussent pu réveiller de
temps en temps de sa torpeur le peuple choisi, ni se ma-
nifester par degrés, avec ce beau et continuel progrès,
qui ménage la faiblesse de nos yeux, et annonce l'appro-
che de la pleine lumière.
Enfin, l'ancien Testament tout entier devait grandir
peu à peu, s'enrichir successivement de ses divers livres,
parce qu'il était immédiatement destiné à former le peuple
juif, et que ce peuple à son tour devait servir d'instru-
ment à la formation du Livre divin. Le livre a formé le
peuple en lui fournissant à chaque moment, au fur et à
mesure des besoins, îe secours qu'il pouvait supporter ;lç
peuple a formé le livre en écrivant, à chaque siècle, l'his-
toire, la prophétie, la prièce ou la sentence que les grâces
précédentes l'avaient rendu digne de sentir et de forrau-
1er sous l'inspiration d'en-Haut. Chaque besoin du peuple
amène un accroissement du livre ; chaque accroissement
du livre éveille dans la partie saine du peuple un besoin
plus élevé : livre et peuple, tous deux instruments divins,
tous deux commencés par Moïse, finis par les Machabées,
dans l'intervalle grandissant ensemble et par une action
réciproque; l'un, l'ébauche de l'Église, l'autre, la préface
divine de l'Evangile.
Chose étonnante I un même principe a déterminé les
conditions si diverses des deux Testaments, la composi^
tiou treize fois séculaire de l'Aucien, le rapide achèvement
i2/i IDÉE DE LA BIBLE.
du Nouveau. Etant admis, en effet, que chaque Livre saint
n'attend, pour paraître, que l'opportunité de son objet et
la disposition de son instrument, le nouveau Testament
tout entier devait voir le jour dans le premier siècle de
l'ère chrétienne. Dès lors étaient accomplis tous les faits
qu'il devait raconter, et approchaient ceux qu'il devait
prédire. L'Eglise, définitivement constituée, n'avait plus
besoin que le Saint-Esprit, qu'elle portait en elle, vînt d'âge
en âge l'exhorter du dehors, et apporter à la terre des
révélations nouvelles Ou plutôt, il fallait à l'Église, dès
le temps de cette nouvelle Genèse, la charte inspirée
•qu'elle devait lire à haute voix, et interpréter dans tous
les siècles. Il la lui. fallait alors, et alors aussi elle était
digne de récrire. Alors l'Église, avec la plénitude primi-
tive de ses dons, la prérogative de ses Apôtres, la trace
encore visible des pas de son Chef, était l'instrument le
mieux préparé pour que le Saint-Esprit, qui l'assiste à
jamais, lui inspirât lapartiecapitaledes divines Écritures.
Oui, la partie capitale, car la diff rence des deux Tes-
taments dans la durée de leur fondation, en recouvre une
autre plus fondamentale, dans l'importance de leur cou-
tenu. Certes, l'ancien Testament nous a tous charmés. L'ère
des patriarches, enfance du genre humain déchu et relevé,
parfume de ses souvenirs l'enfance de chaque fidèle. Mais
de cette école poétique il faut passer, comme l'a fait le
genre humain, sous une discipline plus dégagée de la
terre. Les âmes qui se sentent plus de goût pour l'ancien
Testament que pour l'Évangile, ou que pour les incom.-
parables Épîtres de saint Paul, n'ont encore, dans la ma-
turité même de la raison, qu'une foi et une charité com-
mençantes. Ce sont à tout âge deschrétiens dans l'enfance.
Mais pourquoi, taudis que la Bible efface tous les livres,
et que le nouveau Testament surpasse tout le reste delà
Bible, l'Évangile se détache-t-il si vivement sur le fond
IDÉE DE LA BFBLE. ii25
du nouveau Testament lui-même? En voici la raison, ce
me semble. Souvent la Bible est simplement la connais-
sance divine d'une parole humaine, d'un fait humain.
Souvent aussi, divine à double titre, dans son essence et
dans son objet, la Bible est la connaissance divine d'une
parolediviue,d'uufaitdivin.OrrÉvangile dépasse encore,
par rapport h nous, ce degré supérieur. L'Évangile c'est
la connaissance divine d'une parole ou d'une action à la fois
divine et humaine-, l'Evangile, c'est le Verbe racontant
sous sa forme biblique, à toutes les nations et à tous les
siècles, ce que, sous sa forme humaine, il dit et fit dans
son passage ici-bas; et voilà pourquoi, quelqu'insouciant
que soit l'homme, il se remue quelque chose dans ses
entrailles au seul nom de l'Évangile.
Il est à remarquer toutefois que, tandis que l'Église a
pour ainsi dire absor])é la Synagogue,, le nouveau Testa-
ment, loin de remplacer l'Ancien, lui a.donné non seule-
ment une fonction plus étendue et plus durable, mais une
saveur plusdouce, tout en le surpassant et en laissantvoir
plus à découvert la béatitude suprême vers laquelle ils
nous portent l'un et l'autre. Il est même tel livre de l'an-
cien Testament, celuides Psaumes de David, par exemple,
qui semble avoir été fait surtout pour les temps nouveaux,
et que l'Église pourrait être jalouse de n'avoir pas écrit
sous la dictée de Dieu, si elle ne sentait que ce livre, eu
même temps qu'il est une prière qu'elle devait chanter,
est une prophétie d'où elle devait sortir, et qu'il lui est
glorieux que le Saint-Esprit le lui ait préparé plus de
mille ans d'avance, pour lui faire respirer, dès son berceau,
des parfuns antiques, pour la rendre plus fière de David
son ancêtre, et pour consoler Israël qui n'avait pas l'Évan-
gile.
Tels sont les deux Testaments : profondément divers
dans leur formation et dans leur objet ; semblables dans
/i26 IDÉE DE LA BIBLE.
leurs subdivisions ; égaux, si Tou n'en considère que
l'autorité ou la source -, identiques dans leur essence,
qui est le Verbe devenu lisible ; présentant d'ailleurs, à
qui les compare, une foule d'autres analogies et d'autres
différences qui ne se laisseront jamais rassembler dans
un cadre fait de main d'homme, ni dans un horizon
terrestre : l'un, le bruit avant-coureur de l'approche du
Messie -, l'autre, l'attesîation authentique de la rédemp-
tion ; tous deux offrant dans leurs épisodes, leurs para-
boles, leurs narrations, leurs apostrophes, des peintures
tantôt formidables , tantôt ravissantes , mais toujours
d'une telle vérité que le genre humain les sent vivre,
et y reconnaît les secrets de son cœur : l'un, prenant le
globe à son origine ; l'autre, le conduisant, je ne dis pas
jusqu'à sa fin, mais jusqu'à sa rénovation ; l'un et l'autre
se rattachant à toutes les sciences humaines et à tous
les arts, moins encore pour les faire avancer, que pour
attendre l'homme au passage sur tous les chemins ; tous
deux enfin remplis des trésors de la sagesse divine, du
A'erbe divin, mais du Verbe s'abaissant dans l'un jus-
qu'à telles de nos idées, tels de nos sentiments, telles
de nos images qui lui eussent répugné dans sa chair, et
élevant dans l'autre la parole humaine jusqu'à des con-
ceptions qu'il ne pouvait non plus communiquer de vive
voix sur la terre, parce que l'Eglise n'était capable de
concevoir ces mystères du ciel, qu'en y entrant dans la
personne de sou divin Chef.
Et cependant (car il ne faut rien exagérer , la Bible,
quoique si grande, ne suffit pas. IN'ous en aurions mal
défini le rôle, si nous n'avions ajouté cette restriction.
JVon, elle ne suffit pas à l'enseignement religieux, et il
faut bien que le Verhe en ait jugé ainsi, qu'il ait jugé
insuffisant ce moyen, tout sublime qu'il est, de nous
mettre en communication visible avec sa divinité cachée.
IDÉE DL LA CIBLE. 427
puisqu'il a voulu s'allier plus intimement à l'homme, et,
après eu avoir pris l'écriture, en prendre la voix, en
prendre le corps, avec la précaution de laisser ici-bas
des continuateurs de sa vie parlante Comment donc un
livre divin peut-il ne pas suffire ? C'est qu'il est obscur.
Le Yerbe qui, sous l'apparence du pain, cache la pré-
sence réelle de son corps, cache sous la lettre, comme
autrefois sous son corps visible, l'alliance intime de sa
divinité avec une existence inférieure. Ainsi caché, il
lie résiste pas, se laisse méconnaître, se laisse profaner,
et serait ravi enfin à l'indigence humaine, si une armée
défensive ne veillait sur le saint Livre, comme sur le
tabernacle ; si l'autorité d'un interprète sûr ne réglait
l'enseignement, comme la liturgie. Dieu sans doute
pouvait choisir une providence tout autre. Mais cette
division et cette pondération des cléments surnaturels
n'a rien que de conforme à la nature. Dans toute école en
ce monde, il y a un livre et un maître, un livre sous les
yeux de l'élève, et un maître qui explique ce livre, et il
est de la nature du livre, laissé seul en face de l'élève,
d'être obscur. Or la vie présente qu'est-elle, sinon une
école ? et le genre humain qu'est-il, sinon un élève, à
qui Dieu, pour l'instruire, et pour le préparera la véri-
table vie, a donné un texte, la Bible, et un professeur,
l'Église ?
Que si nous voulions creuser ici davantage, nous ver-
rions que cette obscurité, qui rend la Bible insffîsanle,
la rend aussi plus sublime et plus riche en divines in-
tentions pour le bien de l'homme. S'il y a, pour un en-
fant, tant d'énigmes dans la parole d'un homme fait,
comment pourrions-nous ici-bas ne pas trouver obscure
la parole de Dieu, je ne dis pas quand il s'abaisse à nos
pensées, mais quand il nous élève aux siennes, quand
il nous parle de lui, et de ce qu'il fait pour nous cout
A28 IDÉE DE LA BIBLE.
duire aux magnifiques destinées qui, bien qu'annoncées
tant de fois, seront encore des surprises ? Qu'est-ce donc,
lorsqu'à cette cause inévitable d'obscurité viennent se
joindre les nuages, les ténèbres d'une vie sensuelle, ou
l'aveuglement de l'orgueil ? Il est vrai, l'obscurité de la
Bible diminue pour les Saints et pour ceux qui les veu-
lent imiter ; mais elle n'est jamais dissipée tout en-
tière, et il ne nous serait pas bon qu'elle le fût. Indépen-
damment de sa nécessité, il faut qu'elle persiste pour
pouvoir diminuer sans cesse à proportion du perfection-
nement des âmes, et pour qu'en approfondissant le saint
Livre on y trouve toujours de nouveaux traits de la
lumière divine, comme le télescope découvre sans fin
dans l'espace de nouvelles étoiles. De ces endroits mê-
mes, qui, malgré tout, demeurent obscurs, un grand et
nécessaire enseignement découle, c'est que l'homme ne
peut pas tout comprendre^ et il en découle aussi cet
inappréciable avantage de rendre plus héroïque, plus
généreuse, et par conséquent plus douce au cœur, en
même temps que plus méritoire, notre foi en la divinité
de la Bible.
Et pourtant Dieu a parlé pour être pleinement com-
pris ^ aussi finira-t-il par l'être, et bientôt. Eu égard à
l'immortalité, l'ignorance présente ne dure que le temps
d'un éclair, et la suprême clarté doit être le partage de
la presque totalité de notre existence. Un jour donc, ô
livre divin ! s'évanouiront tes ombres, et se publiera ton
commentaire définitif. Un jour, Dieu brisera ton écorcc,
et d'obscur que tu es tu deviendras si éclatante qu'il
nous faudra d'autres yeux pour te lire. Puissé-je alors
être de ceux que tes rayons n'éblouiront pas ! Livre des
livres, livre que j'ai rabaissé, voulant te faire connaître,
livre dont on ne parle pas dignement, et dont il faudrait
se taire, si s'en taire n'était pire encore que d'en balbu-
IDÉE DE LA BIBLE. A29
ticr les grandeurs, puissé-je t'interroger tous les jours
de ma vie, te demander lumière, consolition et force !
Puissent mes mains user ton enveloppe, mes yeux se
fatiguer sur tes i)ages, mes lèvres s'y coller pour te
répondre, et s'en détacher moins indignes de parler de
tes mystères ! Livre qui es une création nouvelle, une
incarnation commencf e , un autre et plus splendide
univers, je veux explorer tes prairies, gravir tes som-
mets, me plonger dans tes sources profondes. Je vep\
jouir de la chaleur de ton soleil, du recueillement de tes
nuits, des parfums de tes campagnes, du commerce de
tes sages, de la douceur de tes lois, en attendant que
les voiles se lèvent, et que le règne de Dieu arrive.
C. Berton.
I
DE LA MANIÈRE DE PRÊCHER SUR L'ENFER.
Dans sa seconde Instruction synodale sur les principales erreurs
du temps présent, Mgr l'évêque de Poitiers s'écriait : ail y a de toutes
« parts, à cette heure, une sorte de conspiration contre le dogme de
« la damnation éternelle des pécheurs. » {Discours et instructions,
t. m, p. 263.) Oui, le dogme catholique de Venfer est l'objet d'une
conspiration générale : les rationalistes le nient, les indifférents s'ef-
forcent de l'oublier; les mauvaises passions voudraient, à tout prix, le
détruire. Hélas ! pourquoi faut-il que la nature gâtée de l'homme ré-
clame impérieusement l'existence de supplices éternels! Sans l'enfer,
quelle sanction à la loi divine, quel frein suffisant à arrêter le vice,
quel aiguillon capable de stimuler la vertu?
Aussi, de tout temps, le prédicateur chrétien a-t-il placé à la pre-
mière ligne de ses devoirs l'obligation d'instruire le peuple du dogme
de l'enfer. Sans faiblesse et sans respect humain, les ministres de l'É-
vangile ont toujours parlé de l'éternité de l'enfer, du ver rongeur qui
ne cessera pas de déchirer la conscience des réprouvés, des flammes
qui les brûleront sans relâche.
Si la tradition catholique n'a pu être encore entamée sur un dogme
aussi redoutable à la nature corrompue, quelle ne doit pas être la vi-
gilance des gardiens de la révélation, alors que ses ennemis tentent
une dernière mais suprême tentative? Comment résister aux efforts
réunis du rationalisme, de l'indifférence, du spiritisme? Un seul moyen
nous est offert, mais il est infaillible, et la victoire est assurée. Il faut
que le prêtre, et plus souvent et plus haut que jamais, proclame la
doctrine de la foi sur l'enfer et ses supplices. Telle est la pressante
recommandation que faisait aux pasteurs des âmes le dernier concile
DE LA MANIÈRE DE pnftClIiîR SUR t'ENFER. Aî^l
de Périgueux (ann. 1857) : telle est la voie que nous ont ouverte Içs
apôtres et le divin Sauveur lui-même, lequel n'oppose, le plus souvent,
à ses adversaires, que le dogme de l'enfer et de ses tortures : Qui
bona egerttnt, ihuni in vitam xternam, qtii vero mala, in ignern
œternum.
Toutefois un double écueii se présente au prédicateur et au caté-
chiste. Car il est aisé, en parlant de l'enfer, de blesser la vérité, tan-
tôt par exagération, tantôt par diminution : c'est*à-dire que l'on peut
aller au-delà des enseignements de îa foi, comme aussi l'on peut ne
pas tout dire et rester en deçà.
1.
Ij'exagération, il est vrai^ne semble guère possible quand on prêche
sur l'enfer, et plus d'un lecteur s'étonnera que nous en ayons pro-
noncé le mot. Qui pourra jamais comprendre l'intensité des supplices
du damné, la violence de ses fîanfimes, l'amertume de ses remords,
l'horreur de ses ténèbres, la rage de son désespoir? Quelle imagina-
tion assez sombre fera jamais Je tableau de tant de douleurs? C'est
Dieu qui, dans l'enfer, exerce sa justice :*c"en est assez pour conclure
à l'existence de tourments inimaginables.
Aussi bien, redisons-le, le danger d'exagération ne peut pas se ren-
contrer dans la description des peines éternelles. Mais il est dans une
certaine manière de parler trop conforme à la nôtre, et qui tendrait
à faire de Dieu non un juge, mais un bourreau qui torture sa victime.
Nous n'avons jamais aimé entendre parler de Dieu comme d'un mo-
narque trop longtemps outragé, et qui prend plaisir à se venger enfin
d'un malheureux dont la vie ne sera plus qu'une longue torture. Il est
sans doute très-vrai que Dieu est glorifié en sa justice par les châti-
ments éternels du damné ; mais il nous répugne de penser que Dieu
trouve quelque jouissance à voir souffrir, môme des malheureux qui
n'ont que trop mérité leur triste sort, et, s'il faut l'avouer, de pa-
reilles descriptions nous paraissent faites pour inspirer de l'intérêt en
faveur des victimes dévouées à Fenfer,
/l32 DE LA MANIÈRE DE PRÊCHliR SUR L*ENFER.
Oh ! que l'Écriture est différente dans la description des justices di-
vines! Ce n'est pas Dieu qui a creusé l'enfer, pas plus qu'il n'a fait la
mort. Le pécheur est seul l'artisan de sa ruine. Seul, il s'est séparé de
Dieu, son principe et sa fin ; seul, il a cherché son bonheur dans des
jouissances qui ne pouvaient que causer son malheur ; seul, il a refusé
une réconciliation que Dieu lui offrait avec un empressement et des
prévenances infinis; seul enfin, il s'est jeté dans l'abîme sans fond du
désespoir et l'enfer. 11 est vrai que Dieu condamne le pécheur, qu'il le
punit, qu'il le livre aux démons, mais il est vrai aussi que si Dieu agit
en juge, c'est comme à regret, et non sans avoir accordé de longs dé-
lais aux cris de sa miséricorde. C'est de la sorte que le psaume 108
nous représente les maiédiclions éternelles du réprouvé : Dilexit ma-
ledietionem et veniet ei : et noluil bemdidionem, et elongabilur ab eo.
Le pécheur ne souffre que du mal qu'il a voulu : Dieu le punit en
s.anctionnanl son choix.
Assurément l'Ecriture n'ôte rien à l'enfer des salutaires terreurs
qu'il doit inspirer; et toutefois, elle n'a pas un mot qui éloigne de
Dieu et attache au pécheur. Voilà donc comment nous voudrions voir
prêcher le dogme de l'enfer, et nous recommandons à nos lecteurs la
méditation approfondie de ce magnifique psaume.
n.
Le second écucil est plus fréquent et bien plus dangereux, car si la
diminution de la vérité est toujours un grand malheur, combien plus
déplorable ne serait pas l'altération d'un point de doctrine aussi capi-
tal pour la conscience humaine !
Or, il n'est que trop vrai, quelques esprits inclinent manifestement
vers certaines théories, qui, si elles prévalaient, ruineraient bientôt le
dogme de l'enfer. Le lecteur devine sans doute qu'il est question du
feu métaphorique et de là mitigation des peines de l'enfer.
Que faut-il penser de ces deux opinions ? Méritent-elles une censure
théologique? Peut -on les soutenir sans pécher contre la foi? Nous
n'avons pas à l'examiner, et nous laissons de côté la question purement
I
I
DE LA MANIÈRE DE PRÊCHER SUR l'eNFER. 433
dogmatique (i) : qu'il nous suffise d'affirmer que ni l'un ni l'autre de
ces sentiments ne peut devenir le thème d'une prédication évangé-
lique.
En effet, il est évident que la chaire chrétienne ne doit servir qu'au
développement de la vérité. Donc, elle repousse tout ce qui est nou-
veau, hasardé, contestable.
Or, peut-on soutenir sérieusement que le feu métaphorique et la
mitigation des peines de l'enfer aient jamais eu quelque apparence de
certitude ? Écoutons plutôt les docteurs.
1° Contre le feu métaphorique.
S. Thomas (in lib. iv Sententiar., dist. 44, art. 3) :
<i Videtur quod animae non paliantur ab igné corporeo...
« Sed contra est : Eodem igné damnali puniuntur post resurre-
« ctionem et dtemones : sed damnati post resurrectionem punientur
« igné corporeo : ergo et daemones igné corporeo puniuntur.
• Respondeo dicendum quod circa punitiones animae fuit multiplex
« opinio : quidam enim dixerunt (ut Origenes), omnia quse de pœnis
« corporalibus damnatorum dicuntur secundum metaphoram debere
« intelligi; ut per eas spirilualis afflictio designetur. Sed secundum
« hoc non esset ibi nisi pœna damni, quae respondet aversioni, non
« pœna sensus, quae respondet conversioni : nara spirilualis dolor erit
« de carentia beatitudinis.... Et ideo dicendum quod igné corporeo
« animae damnatorum separatae puniuntur et spiritus dseraonum. »
SuAREZ (de Angelis, lib. viii, cap. 12) :
« Certa et calholica sententia est, ignem inferni qui paratus est
a diabolo et angelis ejus ut in illa crucienlur, verum ac proprium
a ignem corporeum esse. Hic est commiinis consensus scholasticorum
a omnium;..., imo est communis Ecclesise sensus et catholicorum,
(1) Nous ne voulous point engager de discusâion tbéologique, et sur
ces deux opinions l'on peut consulter les nombreux auteurs qui s'en sont
occupés. 11 serait à foubaiter que, dans les écoles ecclésiastiques, on in-
sistât sur des questions si graves . Nous désirerions aussi voir les nouveaux
éditeurs du P. Petau reprendre et traiter avec tout le soin qu'elle mérite
la discussion qu'il avait engagée sur la nature des peines de l'enfer. {De
Angelis, 1. m.)
Revue des Sciences écoles., t. x. — novembre 1864. 29
T>E LA MANIÈRE DE PRÊCHER SUR I.'eNFER.
c ut experientia noturaesl.Fundatur autera prœoipue in scriptura, quse
« ut efficaeiter probet in hune niodum induei débet. Deiis saepe in
« scripturis pronuntiat spiritus et homines damnatos igné perpétue
« eruoiandos esse : et tum, fréquenter hoc repeiit, ut verisimile non
« sit melaphonce loqui; et generalh régula interpretandi scripturai
a sacras ab Augustino et aliis patribus tradita est, ut cum proprietate
(t inlelUgantw, quando sine absurdo possunt, ut rêvera imprœsenlia-
« riètn possunt. Âddilque Conciliura Tridentinuna (sess. iv) secundum
« communem Patrum sensuro esse interpretandas. Patres vero com-
« muniter id in praesenti irateria praesiant; ergo in prsesenti materïa
et ita intelligendœ. suiit, ac proinde nobis cerlam fidein faciunt ex
« testimonio Dei, quod ille ignis c&rporeus et verus sit. »
Lessius {de Perfect. divinis., liv. xiii, cap. 2i) :
« Calvinus, Beza et multi calvinistae putant ibi non esse verum
f ignem, aul sulpbur, aut tenebras; sed hœc omnia et alia qtix in
« Seriptutis dicunttir de pœnis inferorum metaphoriee accipienda, et
« Bibii aliud desig-nare quana raiserum statura impioruni, quorum ml-
« seriara totarain eo ponont, quod a[)prehendant Denra sibi iratum...
(i Eorum ergo relicto errore, dicendum : Certum esse ili fore verum
« et corpcralem ignem. Ubique enim Scriptura sacra de pœnis infero-
« rum loquens, meminit ignis, tgnera incuicat et minatur, et in ipsa
« sentenlia judicis poena ignis exprimitur; quod apertum est signum,
« esse veruna ignem. »
De pareils noms nous garantisseat, on en convieadra, l'existence de
la tradition e» faveur du feu nmtérid de l'enfer. Nous croyons donc
superflu de produire le témoignage de Bellarmin, Vaientia, Tanner,
Gotli, Patuzzi, Gazzaniga, Ziccaria, etc., qui tous sont unanimes à
rejeter la doctrine du feu métaphorique comme contraire à l'Écriture
et au sentiment unanime des SS. Pères et de l'Église.
Quelques théologiens, il est vrai, insistent sur ce que l'Église n'a
point encore formulé de défÎ7iition touchant le feu de l'enfer, mais ils
sont si éloignés de favoriser le feu métaphorique, qu'ils veulent abso~
lument que les fidèles n'adnoetlent qu'un feu matériel et corporel.
a Firmum tamen, dit Vasquez, flrmum tamen hujus senteutise fun-
DE LA MANIÈRE DE tUÊCHETl StJfe t'ENFEft* 495
« damentum est in Scriptiii'ô, in qua saepius vocatur igtlis lA qiletti
« destinanlur damnati. Verba atitem Scriphirse in prûpriiitti sètisum,
« explicanda sunt, quando sine absurdo aliqtio id fieri potest. ti (In
4*'° S. Thom», Disput. 243, c. 1.)
Le P. Petau n'est pas moins formel, quand il dît t
« Caeterum, uti corporeum et matéria conslafltem esse infér'ortlHi
« ignem, theologi omnes hcdie, iino et chrhliani consentiUnt ; itâ
« nulle Ecclesiae decreto adhuc obsignatum videtur,.... étsi nûfinufii
et rem esse fidei pronuntient. » [De Angelis, 1. iir, c. v, n. 12.)
Quel préjugé en faveur d'une doctrine que ce consentement ifnâninte
des théologiens et des fidèles! Et puis, est-il bien sûr que l'Église
n'ait rien défini? Le P. Petau né l'affirme pas: Videtur. D'autres Taf-
fiiment, et il n'ose pas les blâmer.
Petau ne veut même pas que l'on doute du coftsérifement unanirhè
des SS. Pères en faveur dtt feu matériel de l'enfer. Saint Augustin
avait paru à quelques-uns hésitant sur ce point : Petau îlffii*me et
prouve que le grand d(M;ténr a toujours invariabflemetrf professé la doc-
trine du feu matériel: « Augustinus véfo corporeum ae Vérufh i^efà
« non minus agnoscit,.... neque dubitavit de hac re, ut qui'dcftn
« aiunt..... » {Ibid., n. 4.)
Avec le même succès il explique certaines paroles o'bscur'es de stêttt
Grégoire le Grand et de saint Jean Damascène; et, grâce à l'érudition
du théologien moderne qui a le mieux compris la doctrine des SS.
Pères, les solutions essayées déjà par saint Thomas, et acceptées pa'r
ses disci[)les, se trouvent être matoïewant d'une incontestable êimi-
tude. Désormais, il sera impossible à nos adversaires de S'âtrtôtiser
avec fondement d'un seul des Pères de l'Église.
Enfin., pour que rien ne manque aux témoignages de h tradition
catholique, voici que les Grecs scbismatiqiies eux-mêmes s'accordent
avec nous touchant le feu de l'enfer. C'est le savant P. Leqnien qoi
l'affirme dans sa cinquièine dissertation p'éliminaire aut œuvres dé
saint Jean Darnascène. -— Voici ses paroles :
- a Hic porro obiter léetorem raonebo, Marcurti (Ephesintim) aliosquè
a schismattcos auctores u«a sententia tteiterfe, post résiitrectionem
li'àQ DE LA MANIÈRE DE PRÊCHER SUR l'eNFER.
« extremumque judicium vero igné torquenda esse impiorum corpora;
« nec metaphoricum duntaxat illic ignem admiltere. » (0pp. S. Joan.
Damascen., 1. 1, col. 360, n. 12, édit. Aligne.)
Rien ne manque plus, ce semble, pour que la doctrine du feu mé-
taphorique soit dite peu conforme à la tradition. Aussi, le P. Perrone,
tout en déclarant ne pas vouloir discuter la question, a-i-il pu se borner
à une affirmation énergique. « Profilemur, dit il, nos adhaerere sen-
a tentiae in Ecclesia communiter receplae circa harum pœnarum quae
« posilivae dicuntur nalurani et qualitatem : qux nempe est de igjie
a materiuli et corporeo. H aecenim doctrina certa est,ita ut in diibium
<x absque temeritate vocari nequeat. » (Praelect. theolog. de Deocrea-
tore, p. 3a, cap. vi, art. 3", de Inferno.)
Si vous ajoutez avec Lessius que Eèze et Calvin ont les premiers
érigé en système le sentiment du feu métaphorique de l'enfer, il ne
vous sera pas difficile de reconnaître qu'une pareille doctrine doit re-
noncer désormais à vouloir s'appuyer sur la tradition.
2° La mitigation des peines de V enfer n'est pas mieux traitée par les
docteurs. Nous nous contenterons de citer saint Thomas et saint Bo-
naventure.
L'Ange de l'école ne veut pas que l'on puisse prier pour obtenir aux
damnés un soulagement quelconque ; et cela pour une raison d'une
admirable profondeur: « Et ideo dicendum est qiiod damnati nullo
a modo juvantur suffragùs ; et hoc ideo est quia sunt extra vinculum
a charitatis quo membra Ecclesiaj uniuntur ut opéra unius alium ju-
« vare possint. » (In lib. iv. Sentent., dist. 45, art. 3.)
Le docteur séraphique est plus explicite :
« CoNCLUSio. Damnatorum pœna post taxationem nullam habet
« mitigationem; ante vero utique mitigationem recipit.
« Resp. dicendum , quod mitigatio pœnae damnatorum dupliciter
a polest intelligi. Aut quantum ad taxationem et inflictionem pœnae ^
« et sic absque dubio est ibi mitigatio, quia divina justilia non tantum
a vel totum exigit, pro eo quod ejus pielate intervcniente aliquam
a partem pœnae affligendo remiltat. — Alio modo potest intelligi mi-
a tigatio post pœnss taxationem et inflictionem : et hoc modo nulla
DE LA MANIÈRE DE PRÊCHER SUR l'eNFER. /JBT
« cadit mitigatîo a divina misericordia, quia ex tune claudit eis Do-
<t minus viscera pietalis. » (Inlib. iv. Sentent., dïslA&, art, i,q. 2.)
— Un peu plus haut saint Bonavenlure avait dit: « Ideo est corn"
« munior et verior opinio quod siiffragia damnatis non prosunt^ nec
a Ecclesia inlendit pro eis orare. » [Ibid., art. 1, q. 1.)
Les deux saints docteurs se réunissent donc pour admettre comme
vraie, certaine, incontestable^ la doctrine qui défend de prier pour les
damnés. N'est-ce pas là évidemment rejeter la mitigation des peines?
Car, pourquoi défendre de demander ce qu'il n'est pas sûr que l'on ne
puisse pas obtenir? Aussi nos adversaires eux-mêmes ont-ils de bonne
grâce reconnu que l'usage de ne pas prier pour les damnés fournit
contre eux un argument considérable.
A la suite de saint Thomas et de saint Bonaventure marchent les
théologiens du plus grand renom: Suarez, Bellarmin, Soto, Gotti,
Patuzzi, Zaccaria, Petau, Perrone, etc., qui tous affirment s'appuyer
sur l'Écriture et la tradition, et ne permettent pas à leurs adversaires
de s'autoriser de quelques paroles mal comprises des SS. Pères. Suarez
appelle erroné le sentiment de la mitigation : Censeo esse erroneam,
[De Suffragiis, disp. sect. iv, n. 14 ) Le cardinal Gotti va plus loin
encore : a In pœnis damnâtorum nulla requies, aut intermissio, sive
« miligatio erit. Est contra aliquos antiques theologos, certa tamen
« assertio, adeo ut censeatur proxima fideï. d [Theolog. tract, xvi, de
Judicio universali, quaest. 8, dub. 3.)
Le P. Petau est cette fois un peu plus doilx. Néanmoins, quoiqu'ils
en aient dit, nos adversaires ne sauraient se prévaloir de son suffrage.
Ecoutons-le conclure la discussion de quelques textes difficiles que les
scolastiques avaient déjà suffisamment éclaircis :
« De hac daranalorum saltem hominum respïratione nihil adhuc
ot cerli decretum est ab Eccclesia catholica, ut propterea non lemere
a lanquamabsurda sit explodendasanctissimorum Patrum haec opinio,
« quamvis a commujti sensu catliolicorum hoc tempore sit aliéna. Et
e vero maximum prxjudicium adversus illam est, quod Ecclesia nun-
« quara pro damnatis orare consuevit; quod profecto faceret, si levari
a saltem illorum cruciatus passent, etsi penitus terminari non passent. »
{DeAngelis, 1. m, c. vill, n. 18. J
A^8 DE tA MANIÈRE DE PRÊCHER SUL L* ENFER.
Selon nous, le P. Petau a tort de ne pas se déclarer satisfait de»
explications fournies par saint Thonoas, Suarez et les autres scolastiques,
au sujet des textes qui l'embarrassent. Mais enfin que donne-t-il à nos
adversaires ? Rien du tout, si ce n'est la petite consolation de penser
que leur seniiment n'est pas absurde. En est- il plus certain? Nullement-^
puisqu'il répugne au sentiment commun des fidèles et à la pratique
de r Eglise.
Nous le demandons maintenant avee la plus entière confiance : des
sentiments, des opinions que. tant et de si graves docteurs s'accordent
à combattre, sont-elles faites pour la chaire? Est-ce avec des aliments
aussi peu solides que l'on voudrait nourrir l'intelligence et le cœur
des fidèles? Quoi que l'on fasse, jamais le sentiment du feu métaphorique
et de la mitigation des peines ne franchira les limites d'une simple
conjecture; or, ce n'est pas une conjecture hasardée, mais uniquement
le certain et le vrai que le prêtre a mission d'enseigner.
Disons plus. La théorie du feu métaphorique et de la mitigation
des peines est dangereuse. Admettez le feu méta|>horlque, et voici que
la peine du sens disparaît de l'enfer, pour n'y laisser subsister que la
peine du dam. Admettez la mitigation, et voici que la logique vous
amène à nier Véternité des peines. C'est de la sorte que raisonnait saint
Thomas ; et si l'Ange do Técole a vu la négation totale de l'enfer au
bout de ces opinions hasardées^ comment oser prétendre que les mau-
vaises passions n'auront pas la môme logique ?
Le spiritisme l'a bien compris. Voyez comme il s'efforce de per-
suader à ses adeptes qu'en enfer il n'y a pas âe feu; que tout le malheur
du damné consiste à être privé de la vue de Dieu, malheur bien grand
sans doute, mais dont toutefois l'âme ne saurait être écrasée, ne con-
itaissant pas Tobjet qu'elle a perdu ; que les supplices du damné ne
sont pas sans quelque consolation, etc., etc. Certes, îl est facile d'a-
percevoir où tendent ces manœuvres du spiritisme. Il veut nier l'enfer;
mais il y faut procéder avec prudence ; et voilà pourquoi on caresse
avec tant d'amour la doctrine du feu métaphorique et de la mitigation.
Avis aux catholiques et surtout aux ministres de l'Évangite !
Au siècle dernier, l'illustre évêque de Boulogne, Mgr de Pressy, et
DU LA MÂNIÈRIi OË PRÊGHtiK SUR LENFER. k'à9
au coramencement de celui-ci, le vénérable M. Émery, supérieur de
Saint-Sulpice, écrivirent en faveur des deux opinions que nous com-
battons. Mgr de Pressy , dans son instruction sur l'incarnaiion
(Œuvres complètes, t. i, édit. Migne), et M. Émery dans une disser-
tation devenue fort célèbre (Œuvret compl. de M. Émery, éd Migne),
s'efforcèrent de prouver que ces deux sentimentSj principalement celui
de la mitigation, n'avaient rien d'absurde ni d'impie, et que l'on
pouvait les embrasser sans aller contre les définitions de l'Église.
Les deux illustres auteurs prouvaient-ils leur assertion? Encore une
fois, nous ne voulons pas entrer dans ce débat ; que l'on consulte les
théologiens qui, ce nous semble, ont déjà depuis longtemps prévenu et
suffisamment résolu toutes les difficultés tirées des SS. Pères et de la
tradition.
Mais, remarquons-le bien, la pensée des deux illustres écrivains n'a
pas été comprise. L'on a voulu voir dans Mgr de Pressy et M. Émery
les champions d'une doctrine qu'ils avaient résolu de faire triompher.
La vérité est que ni Mgr de Pressy ni M. Émery ne voulurent, pas
même un instant, se séparer de la doctrine commune. Ils crurent bien
que de la théorie qu'ils exposaient il pouvait dans certains cas extrêmes
ressortir quelque avantage ; hiais, à coup sûr, ils n'eussent jamais con-
senti à la voir prendre pour thème d'un enseignement quelconque.
il peut bien nous être permis de trouver étrange que ces deux
illustres écrivains aient cru devoir recourir à la mitigation pour con-
soler plus facilement un parent ou un ami de la perte d'un homme qui
a laissé peu d'espoir relativement à son salut éternel ; nous nous de-
mandons, en effet, si la doctrine catholique toute simple n'arrive pas
plus directement à ce but. Car, si jamais il n'est permis à qui que ce
soit d'affirmer que son semblable est mort en état de péché mortel, le
dogme du purgatoire n'apparaît-il pas toujours avec ses consolantes
espérances? — Mais enfin, et nous tenons à le constater, ils n'ont pas
voulu ouvrir une nouvelle carrière aux prédicateurs et aux catéchistes.
Écoutons-les.
Après avoir cité Bayle qui trouve très-moral le dogme de l'enfer, et
recommande de n'en rien relâcher, dans l'intérêt méoae du genre bu-
àhO DE LA MANIÈRE DE PRÊCHER SUR l' ENFER.
main (l),Mgr de Pressy ajoute: «Ces dernières réflexions de Baylesont
a judicieuses; nous croyons qu'elles doivent vous empêcher de proposer
a dans vos instructions publiques, certaines opinions permises ou to-
« lérées, qui favorisent cette espèce de relâchement..... Nous disons
a publiques, car nous n'oserions blâmer {dans quelques cas rares et
« extraordinaires) des instructions particulières, etc.. » {Loc. cit. y
page 641 et suiv.)»
M. Émery n'est pas moins explicite : « Nous croyons, dit-il en ter-
€ minant, nous croyons devoir répéter encore, avant de finir, ce que
a nous avons déjà déclaré plus d'une fois dans le cours de notre dis-
a sertation, c'est que notre intention n'a point été de combattre Vo-
a pinion commune des théologiens sur la mitigation de la peine des
a damnés; que nous avons voulu seulement montrer que celte opinion
« n'appartenait pas à la foi, et pouvait être abandonnée sans exposer
« à aucune censure « Il avait dit un peu plus haut: « Nous ne
« prétendons pas même faire entendre que nous adoptions un sentiment
a contraire (à celui des théologiens)... »
Voilà bien des réserves; et assurément ce n'est pas là le langage
d'hommes qui veulent réformer ou détruire l'enseignement reçu. Qu'ils
y prennent garde, les défenseurs du feu métaphorique et de la mitigation,
qui voudraient encore s'abriter derrière les grands noms de l'évêque
de Boulogne et du supérieur de Saint-Sulpice.
Que si l'on s'obstinait à prétendre porter dans l'enseignement public
des opinions que l'Éghse n'a pas formellement censurées, nous ferions
observer que c'est une erreur de croire pouvoir enseigner tout ce qui
n'est pas expressément condamné. Une doctrine est adoptée, disons
mieux, est canonisée par l'Eglise, dés lors que le sentiment commun
des fidèles et des théologiens lui est manifestement lavorable; comme
aussi le discrédit que rencontre une opinion de la part des docteurs et
du peuple, est la marque non équivoque dune doctrine réprouvée.
Dans l'un et l'autre cas nulle délinition n'est nécessaire pour diriger la
(1) Voici les paroles de Bayle : « Il n'est donc point de l'iutérèt des
particuliers qu'aucun dogme qui est capable de diminuer la peur des
enfers s'établisse dans le pays »
DE LA MANIÈRE DE PRÊCHER SUR L ENFER. hlii
foi du catholique; et quoique non solennellement définies, les doctrines
simplement avouées par l'Église seront toujours embrassées et défen-
dues avec sincérité par quiconque s'honore de son baptême et de sa foi.
Écoutons là dessus le Souverain-Pontife lui-môme. C'est Pie IX qui écrit
à l'archevêque de Munich et aux évoques de Bavière (21 déc. 1865) :
« Namque eliamsi agerelur de illa subjeclione quae fidei divinae actu
« est praestanda, limitanda tamen non essel ad ea, quae expressis
« œcumenicorum Conciliorum, autRomanorura Pontificum, hujusque
« apostolicae Sedis decretis definita sunt, sed ad ea quoque extendenda
« quae ordinario tolius Ecclesiae per orbeni dispersas magisterio tanquam
« divinitus revelata tradunlur, ideoque universali etconslanti consensu
a a catholicis theologis ad fidem perlinere retiiienlur Sapientibus
« catholicis haud satis esse, ut praefata Ecclesiae dogmata recipiant ac
« venercntur,verum etiam opusesse.ut se subjiciant tum decisionibus
« quae ad doclrinam pertinentes a Ponlificiis Gongregationibus profe-
« runtur, tum iis doctrinss capitibus, qux eommuni et constanti ca~
« tholicorum consensu relinentur, îit Iheologkse veritates et conclu-
« siones Ha cetix, ut opinione^ eisdem doctrinse capilibus adversx,
« QUANQUAM UJERETICJE DICI NEQUEANT, TAMEN ALIAM THEOLOGICAM
« MERENTUR CENSURAM. ))
Aux prédicateurs, aux catéchistes, aux professeurs de méditer ces
graves paroles ' Elles sont venues avec un admirable à propos déprendre
nos voisins d'oulre-Rhin d'un faux semblant de conciliation et de liberté
en matière de doctrine. Peut-être n'ont-elles pas pour nous en France
une utilité moins considérable. A nous de savoir profiter d'un remède
si efficace que la Providence nous envoie.
Dans l'admirable instruction synodale que nous rappelions en com-
mençant, Mgr l'évêque de Poitiers signalait de fines et spirituelles
observations du Journal des Débats (6 avril 1858), sur un certain
christianisme à la mode du jour, qui n'est pas précisément le christia-
nisme de lEvangile, et qui remplit le monde de païens baptisés qui se
croient chrétiens ;... sur cet enfer moderne et philosophique ou l'âme
seule pâlit, privée pour toujours de la vue de Dieu, qui n'est plus
l'antique géhenne, l'enfer où le corps brûle, et tel qu'on ne le décrit
plus que dans les départements.
hll'2 DE LA MANIÈRE DE PRÊCHER SUR l'eMFER.
Grâce à Diei;, ce ne sont là que des calomnies, et nous n'avons
jamais à ce point trahi notre divine mission. Mais les sarcasmes de
nos ennemis nous disent éloquemment à quel abîme nous conduirait
une fausse prudence, et une bonté apparente qui en réalité ne serait
que de la mollesse. Encore une fois, redoublons de vigueur et de sainte
hardiesse ; et, dans un siècle où tout conspire contre la vérité, affirmons
plus fortement que jamais celle qui en le contrislant le guérira et le
sauvera.
« Pour nous, c'est Mgr Pie qui parle, pour nous, prédicateurs de
« la ville ou de la campagne, nous annoncerons aux hommes de toutes
« les conditions, ?elon toute l'exactitude de la saine doctrine caiho-
« lique, le dogme capital de la réprobation éternelle, considérée soit
« dans la peine du dam, soit dans la peine du sens. Assurément, nous
« éviterons tonte amplification, toute exagération, et nous nous en
(( tiendrons aux points définis de cette croyance; mais il ne sera jamais
« dit que par de vains ménagements inconnus à nos pères, nous avons
« dissimulé quoi que ce soit des saintes et nécessaires rigueurs de la
a justice éternelle. »
H. MoNTROuzim.
THEOLOGIE MORALE.
SUR LES SOCIETES SECRETES PROHIBÉES.
Règles de conduite pour les confesseurs, quand il se présente à eux des
péniteuls qui appartiennent à ces sociétés ou qui les favorisent d'une
manière quelconque.
De plus en plus les sociétés occultes anathématisées par l'Église se
répandent partout, au grand détriment de la religion et de la sécurité
des états (l), car le luit final de ces associations ténébreuses n'est nul-
lement un mystère pour ceux qui ont étudié avec tant soit peu d'at-
tention l'histoire de ces derniers temps.
La diffusion malheureuse des sociétés prohibées impose des obliga-
tions graves aux prêtres voués au ministère des âmes. Je ne parle pas
de l'obligation qui leur incombe de travailler, par tous les moyens que
le zèle uni à une prudence industrieuse peut suggérer, à détourner de
ces sociétés dangereuses les fidèles confiés à leurs soins ; mais comme un
certain nombre d'entre eux, entraînés vers elles par des motifs d'un bien
apparent, n'ont pas perdu tout sentiment de foi et se présentent encore
de temps en temps au sacré tribunal, il est nécessaire que les confesseurs
sachent bien quelles sont les régies qu'ils ont à suivre à leur égard.
Doivent- ils avertir ces pénitents qu'ils sont obligés de renoncer à ces
(I)i Elles pullulent jusqu'eu Amérique et particulièrement daus les
États-Unis : « Il y en a de tous noms et de toutes couleurs, est-il dit
daus le Monde (20 septembre 1864) ; le mat qu'elles produisent est
affreux. Ce sont bien les succursales de l'enfer. Les Évêques catholiques
font tous leurs efforts pour en éloigner leur troupeau : Mgr Purcell, ar-
chevêque de Cincinnati, exhorte vivement les fidèles à ne pas y entrer et
leur rappelle le» condamuali'ons formelles de l'Egiise. »
hkk THÉOLOGIE AlOKALE.
associations perverses? Quelle conduite doivent-ils tenir à l'égard de
ceux qui refuseraient de rompre avec elles? — Ont-ils le pouvoir deles
absoudre lorsqu'ils les trouvent bien disposés? — Doivent-ils les obli-
ger à dénoncer leurs coassociés ?
Pour résoudre convenablement ces différentes questions, il est né-
cessaire d'avoir présente à l'esprit la législation de l'Eglise sur les so-
ciétés secrètes.
Dans sa bulle In e/mnen/i,du28 avril 1738, Clément Xll condamna
et interdisit certaines associations, réunions, collections, conventicules,
agrégations vulgairement connues sous le nom de Francs ■■ maçons.
Après avoir rappelé cet acte do son illustre prédécesseur, Benoît \l\\
dans sa Constitution du 18 mai l7oI, commençant par le mot Providas,
ajoute que Clément XII prescrivit « omnibus Christi t^idelibus, sub
« pœna excoramunicationis ipso facto, absque ulla declaratione incur-
c( renda, a qua nemo per alium quam per flomanum Pontificem pro
« tempore existentem, cxcepto mortis articulo, absolvi posset, ne quis
« auderet vel praesumeret hujusraodi societates inire, vel propagare,
« aut confovere, receptare, occultare, iisque adscribi, aggregari aut
« interesse et alias prout in eisdem latius et uberius continetur. » Et
comme, depuis la mort de Clément Xll, on osait révoquer en doute que
sa défense continuât à être en vigueur, Benoît XIV, ayant relaté dans
toute sa teneur la susdite bulle In eminenti et fait observer que les
décrets pontificaux ne cessent pas d'avoir toute leur force pour lier les
consciences, même après le décès des Papes qui les ont publiés, ajoute,
pour ôter tout prétexte à la désobéissance : « Eamdem praedecessoris
« nostri constiiulionem... confirmamus, roboramus et innovamus, ac
« perpetuam vim et efficaciam habere volumus et decernimus. »
Plus tard de nouvelles associations tout aussi dangereuses à l'Église
et à l'État que celle des Francs-maçons, s'organisèrent sous le nom
de Carbonari, principalement en Italie. Pie VII ne voulant pas qu'on
pût prétexter que les anciennes défenses ne s'étendaient point à ces so-
ciétés nouvelles autrement dénommées et autrement organisées, publia
sa bulle Ecxlesiam a Jesu Christo, datée du 13 septembre 18-21, où
il renouvelle, contre les carbonari, toutes les défenses et toutes les
THftor.OGIE MORALE. /4'|5
peines portées par ses prédécesseurs contre les Francs - maçons.
Voyant que le mal, loin de diminuer, ne faisait que s'accroître, et
que, sous diverses dénominations, les sociétés secrètes se répandaient
partout et menaçaient la société d'un cataclysme universel, Léon XII,
dans sa bulle Quo graviora, du 3 des ides de mars 1825, trancha toute
ditTiculié, et étendit à toutes les sociétés occultes existantes, ou qui
pourraient par la suite s'organiser contre lÉglise et la sécurité des
Etals, les prohibitions et les peines antérieurement portées contre les
Francs-maçons et les Carbonari. « Itaque, dit le pontife, societates
« occultas oinnes, tam qnx nunc sunt quam quœ fartasse deinceps
« eriimpent, et quae ea sibi adversus ecclesiam et supremas civiles po-
te testâtes proponunt quae superius commemoravimus , quociimque
« tandern nomine appellentur, nos perpétue prohibemus sub eisdem
« pœnis quae continentur in praedecessorum nostrorum litteris, in hac
« nostra constitutione allatis (i), quas expresse confirmamus, »
Le Pape défend ensuite à toute personne, de quelque état, rang, di-
gnité que ce puisse être, de s'agréger à ces sociétés, à quelque degré
que ce soit: « Aut cuicumque eorum gradui adscribentes. »
Puis il prescrit, sous la même peine d'excommunication, réservée au
Saint-Siège, de dénoncer aifx Évoques, ou autres auxquels il peut
appartenir, « eos omnes qiios noverint his societatibus nomen dédisse,
a vel aliquo ex ils cnminibus quae modo commemorata sunt, se inqui-
« nasse. » Il déclare nuls tous les serments prêtés en s'engageantdans
ces sociétés dangereuses.
Ces prescriptions ont été renouvelées par Grégoire XVI, dans son
encyclique IiUerprxcipuas machiuationes ; et enfin Pie IX, d'immor-
telle mémoire, après avoir analhémalisé, dans son encyclique Qui plu-
ribiis, diverses erreurs contraires au pouvoir de l'Eglise et de l'État,
ajoute: • Hue spectant nefariae molitiones contra hanc Romanam Bea-
« tissiiTii Pelri calhedram, in qua Christus posuit inexpugnabile cccle-
« siae suae fundamenlum ; hue clandestinae illae sectae e lenebris ad rei
« tum sacrae tum publicae exitium et vastitalem emersae, atque a Ko-
(I) Ce sont les bulles sus-meutionnées de Clément XII, Benott XIV et
Pie VII.
lilif) THÉOLOGIE MORALE.
« manis Ponlificibus prâedecessoribus nostris iteratoanathemate dam-
« natae suis apostolicis litteris, qua<5 Nos apostolicae nostrae poteslatis
« pleniludine confirraamus et diligentissirae servare raandamus. »
Nous pouvons maintenant répondre aux diverses questions que nous
nous sommes proposées tout à l'heure.
I. Les confesseurs doivent-Hs avertir les pénitents qu'ils sont
obligés de renoncer attx associations dangereuses analhématisées par
les Souverains-Pontifes ?
Réponse. Il est clair que ces associations étant prohibées par l'Église
sous les plus graves peines, le confesseur doit exiger de ses pénitents
qu'ils s'en tiennent éloignés. Il doit donc les avertir de cette obligation,
s'il les trouvait dans l'ignorance à cet égard. Cela ne peut comporter la
moindre difficolté lorsqu'il y a lieu d'espérer quele pénitent sera docile
à la salutaire munition qui lui sera donnée. Mais en est-il de même pour
le cas où le confesseur a lieu de croire que son avertissement sera
inutile et que le pénitent, qui était peut-être de bonne foi jusque-là,
persistera, après la moniiion, à demeurer attaché à ces agrégations
criminelles? — Ceci revient à la question où l'on demande en général
si un confesseur est tenu d'avertir son pénitent lorsqu'il prévoit que sa
monition sera inutile. Or, dit saint Liguori , liv. 6, n° 610, o certum
t est teneri si igaorantia sit culpabilis, vel sit circa aliquod médium ad
« salutcra necessarium ; alias pœnitens esset certe indispositus. » En
dehors de ces deux cas, il y a, d'après le même auteur, deux senti-
ments : l'un qui affirme, surtout s'il s'agissait d'une obligation qui est
de droit divin. On peut voir à l'endroit cité les noms des partisans de
ce premier sentiment et les motifs sur lesquels ils s'appuient. // est une
autre opinion qui nie et qui soutient que, dans le cas supposé, le con-
fesseur doit généralement laisser son pénitent dans la bonne foi, aussi
bien quand il s'agit du droit divin, que quand il est question du droit
humain. C'est, dit saint Liguori (i6.), l'opinion commune et certaine:
Sententia communis et rera. Il cite en faveur de celte opinion plus de
trente théologiens dont les noms sont ce qu'il y a de plus autorisé dans
l'école; tels que Suarez, Soto, Layman, Sanchez, Lugo, Yasquez, les
théologiens de Salamanque, etc., etc. , dont plusieurs même sont réputés
THÉOLOGIE MORALE. 447
trés-s^vères dans leurs décisions, comme Habert, Anloine, etc. Ces
auteurs allèguent en leur faveur divers textes tirés du dro't qui, à la
vérité, ne paraissent pas très-probants; mais ils s'étaient à meilleur
droit du suffrage de saint Bernard, et ils prouvent surtout leur thès«
par cette raison puissante qu'entre deux maux il fant choisir le moindre,
et par conséquent qu'on doit permettre le péché matériel pour empê-
cher de tomber dans le péché formel, qui est un mal beaucoup plus grand,
le seul qui outrage Dieu et qu'il punit après la mort.
Les partisans de ce second sentiment exceptent communément trois
cas: 1" Celui où il s'agirait du bien public: par exemple, si de bonne
foi un prêtre enseignait des erreurs contraires aux bonnes mœurs, et aussi
si quelqu'un croyait de bonne foi êire revêtu du sacerdoce et qu'il ne fût
pas réellement prêtre, ou encore si. comme le dit Benoît XIV dans sa
« bulle Apostolka, du 26 juin 1749, « in iis verselur facti circum-
« stantiis quae, confessario dissimulante, peccatorem in pravo opa'e ohr»
a firmant, non sine aliorum scandalo, cum quis arbitretur ea sibi licere,
« quae ab iis qui Ecclesiœ sacramenla fréquentant irapune exerceri ani-
« madvertil. » La raison de cette exception est que le confesseur doit
plutôt chercher à éviter le mal public que celui d'un particulier.
2o Celui où le pénitent inferroge : car alors l'ignorance cesse d'être
invincible et le confesseur interrogé est tenu de répondre à la question
qui lui est faite pour ne pas autoriser le mal par son silence. Ainsi l'en-
seignent communément les théologiens.
3" Celui où l'on a lieu de croire que le pénitent, qui d'abard résis^
tera à la monition, s'y rendra bientôt docile après mûre réflexion.
Benoît XIV, dans la kille citée il n'y a qu'un instant, veut même
qu'on avertisse le pénitent « quando... in proxima peccati occasione
« versatur, sio minus in externis actibus, sallem in pravis eupidila-
« tibus ac morosis delectationibus assentiri consuevit. »
Si nous appliquons maintenant ces régies de morale au cas du péni-
tent engagé dans les sociétés prohibées ou qui les favorise, et que l'on
n'espère pas ramener eu l'avertissant, il est clair:
1° Que si son ignorance estvincible (et elle doit être jugée telle cer^.
tainement s'il a été mis à raéme de connaître les desseins pervers de la
/|/|8 THÉOLOGIE MORALE.
société, ou s'il connaît les anaihèmes portés contre elle par l'Église),
on doit l'avertir de l'obligation où il est de s'en séparer ou de ne la pins
patroner, et lui refuser l'absolution s'il s'obstine à ne pas se rendre à
cette salutaire monition.
2° Même décision pour le cas où il interroge son confesseur pour
savoir s'il lui est permis de rester attaché à ces sociétés prohibées ou de
les favoriser de quelque manière. Nous avons vu que dans ce cas son
ignorance est vincible.
3° Il faut l'avertir encore s'il se trouvait dans l'occasion prochaine de
pécher en demeurant dans ces associations dangereuses, et ceci doit se
présenter souvent.
4° On doit l'avertir enfin lorsqu'on ne pourrait pas l'admettre aux
sacrements sans grand scandale de la part des fidèles qui sachant, nous
le supposons, que ce pénitent est affilié à des sociétés anathématisées
par l'Eglise, ou favorise ces sortes de réunions, ne pourraient com-
prendre comment on peut ne pas tenir compte de semblables anathèmes,
et seraient parla même entraînés à pécher mortellement d'une manière
ou d'une autre.
Ces cas exceptés et la bonne foi supposée ainsi que l'inutilité pré-
sumée de l'avertissement, on pourrait laisser le pénitent tranquille, pour
ne pas le mettre dans le cas de commettre un péché formel, au lieu de
celui qu'il commet matéripUement. Nous croyons en particulier que ce
cas pourrait se rencontrer dans les pénitents qui ne sont pas initiés aux
degrés où les secrets de la secte commencent à être manifestés aux
adeptes.
11 peut souvent arriver que l'on doute si le pénitent est vraiment dans
la bonne foi, ou si la monition produira l'amendement désiré et devien-
dra plutôt salutaire que nuisible. Que faut -il faire dans cet état de per-
plexité? Doit-on avertir le pénitent quand même ?
Si l'on doute que le pénitent soit de bonne foi et qu'on ait lieu de
croire qu'il se rendra à la monition, il ne faut pas hésiter à l'avertir,
et la raison en est assez claire pour n'avoir pas besoin d'être exprimée
de nouveau. Mais si le doute porte également sur le fruit que produira
la monition, il ne faudrait pas, hors les cas ci-dessus exceptés, avoir
THÉOLOGIE MORALE. A49
pour régie générale d'avertir, mais il y aurait lieu, ce nous semble, de
faire usagede la règle posée par saint Liguori, liv. vi, n''6l6,§ Utrum:
« Si vero dubitatur tam de damno quam de fructu secuturo, tunccon-
« fessarius pensare débet damnum et utile, item gradum timoris damni
a ac spei utilitalis, et eligere idquod judicat prgeponderare. Ita Luge. .
« Salmant. etc.. Hinc Concina dicitquod in dubio an correctio sit pro-
« fiitura vel nocitura omitti débet, quia (ut ait) iraprudenter agit qui
« dubius operationi morali se committit. »
H. Quelle conduite doit tenir le confesser quand le pénitent a été
averti, et ne veut pas rompre avec les sociétés prohibées ?
Réponse. Il est évident, dans ce cas, que le pénitent ne peut être admis
aux sacrements: il est en opposition avec les ordres formels de l'Église
et tombe sous l'excommunication majeure dès le moment où il a pu
connaître que cette peine luiétaitintligée, Pointde difficulté à cet égard.
Mais on comprend que le confesseur doit employer tout ce qu'il peut
avoir de charité, de zèle et de lumière, pour amener ce pauvre pécheur
à résipiscence. Ce devoir ne peut non plus comporlerlemoindre doute.
III. Si le pénitent en question est disposé à faire tout ce que lui
prescrit le confesseur, celui-ci peut-il toujours l'absoudre ?
Réponse. Non certainement, puisqu'il peut arriver que ce pénitent,
n'ignorant pas les censures portées par l'Église contre ceux qui se font
initier aux sociétés occultes ou les favorisent de quelque manière, s'y
soit néanmoins fait agréger ou les ait patronées sans être retenu par
l'analhème, et l'ait parla même encouru. Or l'excommunication encou-
rue dans ce cas est réservée au Souverain-Ponlife. (Nous l'avons vu plus
haut.) Le confesseur ne peut donc en absoudre qu'autant qu'il a des
pouvoirs particuliers pour relever de ces sortes de censures, ou que le
pénitent se trouve dans l'une des circonstances où la réserve au Saint
Siège cesse d'exister pour lui, si, par exemple, il ne pouvait se ren-
dre à Rome, ou si son cas était occulte ; et encore, comme alors la
réserve est dévolue à l'Évêque, le confesseur devrait obtenir de celui-ci
le pouvoir d'absoudre.
Mais si, sans connaître l'excommunication dont il s'agit, le pénitent
s'était affilié à la société prohibée ou l'avait favorisée, il n'aurait pas
Revue des Sciences ecclés.,t. x. — novembre 1864. 30
Ô50 THl':OT.OnTE MORAf.C.
alors encouru la peines et sa faute, dans ce cas, n'étant pas réservée,
il pourrait être absous par un confesseur qui n'aurait que les pouvoirs
ordinaires.
IV. Le confesseur doit-'d obliger le pénitent dont nous parlons à
dénoncer ses coassociés ?
Réponse. NousavonsVuci-dessusque,danssa bulle Quograviora^ Léon
XII prescrit à tous les fidèles, sous peine d'excommunication, de dé-
noncer auxEvêques ou autres auxquels il appartient, « eos omnesquos
« noverint his socielalibus nomen dédisse, vel aliquo ex lis crimi-
ct nibus, qu33 modo commémorât» sunt, se inquinasse. » Il suit de la
clairement que le pénitent en question est tenu de faire connaître les
associés ou les fauteurs de la secte prohibée. Il faut néanmoins observer
à cet égard que, dans la situation où se trouve TÉglise en France et
dans la plupart des autres états, on ne voit pas trop à quoi serait utile
une dénonciation de cegenrOi, puisque ni les Évêques, ni aucune autre
autorité ecclésiastique, n'ont dans ces pays aucun moyen de réprimer
le mal. La situation étant donc telle, nous croyons que le pénitent est
dispensé de faire «ne dénonciaticn parfaitement inutile et, par consé-
quent, que le confesseur n'est pas tenu àeh lui imposer sous peine de
refus d'absolution.
Il est bien entendu néanmoins que si le pénitent, quel qu'il pût être,
avait connaissance de projets d'où pourrait dépendre la tranquillité pu-
blique, la sécurité de l'Etat ou la paix de l'Église, le confesseur devrait
l'obliger à découvrir ces projets à ceux qui pourraient y remédier, sup-
posé que cette manifestation fournît le moyen eÔicace d'empêcher le
mal. Le motif de cette décision est évident et n'a pas besoin d'autre dé-
veloppement.
Craisson,
Ancien vicaire général.
LITURGIE.
DE L'HABIT DE CHOEUR.
I. Do Hochet. — II. Du Subplis et de sa forme.
§1. — - Du Rocket.
Le rochet est un vêtement de chœur à manches élroites, comme on
on peut le voir par les décrets qui y sont relatifs, et l'enseignement
de tous les auteurs. « Difïert rocheltum a snperpelliceo, idit iCatalani
[Pontif. proîog. c. xii, n" 1), quod illud striclas, istud vero latas
« manicas habet. » Le même auteur s'exprime ainsi au snjet de l'éty-
mologie de ce nom. « Quod rochetti etymologlam spécial, eam a voce
« Germanicœ Roch dérivât' Joannes Mewsiiis in Glossario .. At vero
s aUter docent qui etymon hujus vocabuli a ivoce Anglo-Saxonica roce
a deducendum putant. » Nardi {Dei Parochi, t. ii. «, 29) est d'un
autre senliment: « Mullis monumenlis probari posset rocheltum (a
« vocibus graecis peojv -/mov, tunica mollis), vestem nempe illam
« lineam praelatorum propriam, cum arctis usque ad manum imanicis
« solis episcopis et canonicis permissura fuisse. » Scarfantonius, d'a-
près Gavantus, a fait dériver ce mol de richa ou de supçarus qui corres-.
pondrail au mol français roquet, et le nom de rochet aurait élé donné
à ce vêtement lorsque les Souverains-Pontifes étaient à Avignon. Mais,
ajoute Catalani : « Labilur certe Gavantus, cum salis liqueat ex Mo-r
« nastico Anglicano, lomo ui, p. 331, in descriptione ornamentorura
c( ecclesiic S. Fidei in crypiis S. Pauli Londinensis facta anno Christi
« 1298, enumerari duo rochelta et quatuor super pellicea. Aliqui putant,
« dit Macri {Hierolexicon, an mot Rochetlum), hoc vocabulum a voce rô-
ti quet Gallica originari ; alii a ruceo^ ut supra ii&.4\tk Rocus dictwn est.
A52 LITURGIE.
a Alii tandem etymon ex grsecis vocibus pswv, id est fluens, vel mollis,
« et-/tTtov,id est tunica. De hac veste Curopalata agit...,quampou/ov
« et pouj^iov vocatj unde formatur vocabulum ruchariura, id est
a vesliarium. »
On demande maintenant qui peut porter le rochet, et dans quelles
circonstances il peut être porté. Pour répondre à cette double question
il suffit d'établir les règles suivantes :
Première règle. L'usage du rochet, ou d'un surplis à manches
étroites, est prohibé à tous les ecclésiastiques qui n'ont pas le privilège
de le porter.
Cette règle est appuyée sur un décret de la S. C. qui se trouve en
tête du Missel. « Prohibetur usus rochetti exceptis tamen quibus de
a jure competit, et praeter hoc statuitur, et declaratur, nemini licere
« inservire, aut assistere in celebratione missarum aut divinorum offi-
« ciorum cura rochetto, neque cum cotta habente manicas anguslas ad
« instar rochetti, et idem servandum est in concionibus. »
Deuxième règle. Le rochet est un vêlement propre aux évêques
et aux prélats séculiers.
La rubrique du Cérémonial des évêques est trop formelle pour que
nous puissions douter de ce principe. Dès qu'un nouvel évêque a été
informé de sa promotion en consistoire, s'il est à Rome, il se présente
à la première audience du Saint-Père en soutane violette et en mante-
let, pour recevoir le rochet de ses mains. S'il n'est pas à Rome, il peut
se revêtir du rochet aussitôt qu'il a eu connaissance de sa préconi-
sation. On ajoute que l'usage du rochet n'est point concédé aux
réguliers. Le texte est ainsi conçu (1. 1, c. i, n° i, 2, 5 et 4) •
« Cum primum aliquis certior factus fuerit se alicuiecclesiae metropoli-
a tanae, cathedrali, vel majori a Summo Pontifice in consistorio prae-
a fectum..., super vestem inferiorem talarem... induit aliam... Man-
« tellettura vocant. Vestes autem liujusmodi erunt vel ex lana, vel ex
« camelolto coloris violacei. Praesentes in curia, induti ut supra,
a quampriraura poterunt, adibunt Summum Pontificem... et tune e
« Sanctitatis Suae manibus rochettum accipient... Absentes vero seip-
« SOS rochetto et vestibus, ut supra, induent... Promoti vero ex regu-
«t lari ordine non clericali, non utuntur rochetto. »
LITURGIE. 453
Dans la rubrique du Missel de prxparatione sacerdotis celebraturi,
(part. II, tit. 1, n° 2), il est dit: «Induit se, si sit praelatus saecularis,
a super rochettum, si sit praelatus reguluris vel alius sacerdos saecu-
« laris, super superpelliceum, si commode haberi possit. ■
On peut s'appuyer encore, pour ce qui regarde en particulier les
protonolaires apostoliques, sur les décrets suivants :
1 «' DÉCRET. (( Protonotariis extra nuraerum non posse prohiber! déferre
« habiturapraelalitium, nerape rochettum cummantelletto coloris viola-
it cei, et in ecclesiis et functionibus ecclesiaslicis cum eodera habitu
a incedere et sedere juxta dispositiones Cseremonialis, 1. i, c. xiii. >
(Décret du 28 septembre 1630, n» 877.)
2^ DÉCRET. Question. «Aniiceat canonico vel dignitati, quisitetiam
a protonotarius titularis, in calhedrali concionari cum habitu praela-
« titio, videlicet subtana, rochelto, et mantelletto, et stola (1)?»
Réponse. « Licere. » (Décret du 11 novembre 1641, n» 15S0.)
5« DÉCRET. Question. « Ad instantiam Erasmi Lopez supplicatum
« fuit declarari an ipsi, qui est protonotarius apostolicus intra nume-
« rura, liceat concionari cum habitu praelatitio, videlicet subtana, ro-
8 chetto, et mantelletto ? » Réponse, a Licere. » (Décret du 9 août
1653, n" 1679.) «... Pr«cedentiam deberi dicto protonotario, eura-
« que posse intervenire in functionibus ecclesiasticis conlroversis.et in
a presbyterio loco digniori cum habitu tamen praelatitio, nempe ro
« chetto et mantelletto coloris violacei. » (Décret du 3 avril 1677, n*
2818.)
Troisième règle. Le rochet d'un évéque doit toujours être couvert
du mantelet lorsqu'il se trouve en dehors du lieu de sa juridiction : il
ne peut le découvrir sans la permission de l'Ordinaire. Tous les évo-
ques d'une province réunis pour le concile provincial, portent le rochet
découvert pendant toute la durée du concile.
Nous lisons dans le Cérémonial des évêques, au chapitre déjà cité
(1. I^ c. i, n» 34) : « Si erunt in propria diœcesi, vel provincia, cum
« de eorum promotione certum nuntium habuerint, utantur domi et
(1) On peut porter l'étole pour prêcher si c'est l'usage. (S. C, 12 nov.
1831, n. 4669, q. 21.)
!lh!l LITURGIE.
« foris, loco mantelletti;, mozzelta ejusdem coloris supra rochetlura...
« Cum autemepiscopi... extra diœcesim fuerint, mozzetta super raan-
« tellettum utantur, ubi talis viget contueludo. » Au chapitre m du
même livre (n* 1), on dit la mêmechose, et de plus, que tous les évê-
ques assistant au concile provincial portent le rochet découvert : «Epi-
a scopus postquaai ad suam diœcesim et civitatem, etarchiepiscopusad
« suam provinciamdevenerit, utipoterit vestibus violaceis, sive laneis,
■ sive ex camelotto, superinduta super rochettum mozzetta. Et demi
« eodem utetur habilu, saltem dum fit aliqua congregatio coram
t ipso episcopo,vel ordinandorum examen, vel aliquid simile,ac eliam
« quûlies erunt congregationes coram metropolitano, dum celebratur
a concilium provinciale ; quo liabitu scilicet mozzetta cum rochetto dis-
a cooperto in dictis congregationibus utentur, tam ipse nielropolitanus
a quam alii episcopi provinciales, qui ibidem pro synodo celebranda
« convenerint. » Monseigneur l'Evêquede Montréal, commentant ces
divers passages, s'exprime comme il suit: « A Rome, les cardinaux
« elles patriarches portent le rochet, leraantelet et la mozelte, tandis
« que les évêques séculiers et autres prélats privilégiés sont en rochet
« et en mantelet seulement... La coutume à laquelle fait ici allusion
a kCérémonial, d'userdelamozetteetdu mantelet par-dessus le rochet,
« quand on se trouve dans un diocèse étranger, mettrait toutes les
a églises delà chrétienté en harmonie avec la pratique de Rome. »
Quant à l'autorisation nécessaire pour qu'un évêque puisse porter
le rochet découvert dans un diocèse étranger, elle peut être donnée
par l'Ordinaire. Celui-ci, en effet, peut permettre à un autre évéque de
porter la crosse dans son diocèse, comme on le voit par ce texte du
Cérémonial des évêques, (l. i, c. xvii, n. 5) : « Utitur ergo episcopus
a baculo pastorali in sua tanlum civitate vel diœcesi, et etiam alibi, ex
« perraissione loci Ordinarii. » Le port du rochet découvert étant,
comme celui de la crosse, l'insigne de la juridiction, l'Ordinaire peut le
permettre comme il autorise l'usage du bâton pastoral.
Quatrième règle. Les protonotaires apostoUques ne portent pas le
rochet découvert.
Les décrets suivants viennent à l'appui de cette règle.
MTURGIE. 455
1*"^ DÉCRET : « Taies protonotarios non posse, nec debere déferre
« rochettura loco superpellicei. » (Décret du U mars 1639, n^ 799.)
2r DÉCRET. Question, m An possit (praaposilus) tanquam prolor-
« notarius accedere cum rochetto detecto cum sola mozzetta ad instar
a episcopi? » Héponse. i Non licere, dummodo tamen idem praspo-
« situs non doceat de indullo particulari. » (Décret du 10 ayril 1666,
n» 2870, q. 3.)
Cinquième règle. Les évéques et les prélats réguliers qui ont, un
habit monastique ne portent pas le rochet.
Cette régie repose d'abord sur les deux textes du Missel et du Céré-
montai des évêqties cités à l'appui de la première règle; puis sur le
décret suivant : « Regulares rochettum non déférant, nisi ex lali
« ordine fuerint, oui indumentura hujusmodi corapetat. » (Décret gé-
néral du 27 septembre d659, n" 2003, q. 9.)
Plusieurs auteurs donnent pour raison de cette règle l'impossibilité
de mettre le rochet sur un vêtement à larges manches. Catalani n'admet
pas ce sentiment, et dans les prolégomènes de ses commentaires sur
le Pontifical (c, xii, n"^ 3 el 4}, il s'exprime de la manière suivante :
<( Quaerel quispiam cur tantopere Romanum Pontificale moneat, ut si
« episcopus' sit reiigios is, hon rochettum, sed loco illius superpel-
(1 liceum induere debeat? Âiuntnonnulli..,. ideo loco rochetli gestare
a superpelliceum, quia cum ex praescripto sacrorum canonum, suae
c religionishabitum.quilatas manicas habere solet, déferre teneantur,
< l'ochetti manicas, qu£ strictae sunt, vix brachium c^peret. Sed hanc
0 responsionem, quam plerique alias viri docli amplecluntur, pulo ievis
* esse moraenti, cum quotidie videamus fratres v'el monaclios alba
* indutos, quae instar rochetti strictas manicas babet, vel cum ipso
< rochetto subtus albam.... divinum njissae sacriOcium celebrare....
* Quidquid autera de ea quaestione sit, mos çerte inyaluit, et pluribus
« quidem ab hinc saeculis, ut fratres mendicantes, et raonachi facti
« episcopi superpelliceum geslent, clerici aulem tam saeculares quam
< regulares rochettum. Oujus disciplinae lenax sempçr fuit Pominicani
t ordinis preestantissimum sidu3> YincentiusTMaria cardinahs IJrsinus,
« postea Benedictus XUl, ponlifex maximus. Is enim, ex canonum
A5(5 LITURGIE.
• quidero praescripto, qaandiu cardinalis fuit, habitum semper inclytae
• siiae religionis detulit, et loco rochetti superpelliceum. Sane caulum
« est ex generali decreto S. R. G. § 9, die 27 septembris 1659,
« Alexandre Vil pontifice maximo, ne regulares praelati rochettum
« déférant, nisi ex taii ordine fuerint quibus indumentum hujusmodi
a competat. Caeterura non omitlendum.... nonniillos Summos Ponti-
« fices usum rochetti episcopis quibusdam a monachatu assumptis
i concessisse. »
Sixième règle. Les chanoines ont aussi l'usage du rochet, s'il leur
est accordé par le Saint-Siège. Le vêtement de chœur de chaque cha-
pitre doit être fixé par l'autorité du Souverain-Ponlife ; si aucun costume
spécial ne leur était concédé, ils ne pourraient porter d'autre habit de
chœur que celui des simples clercs.
La première partie de cette règle, relative aux insignes que le Saint-
Siège accorde ordinairement aux chapitres, est appuyée sur toutes les
décisions rapportées ci-après. Quant à la seconde, elle en est une con-
séquence rigoureuse. Et d'après la table alphabétique de la collection
authentique des décrets de la Sacrée Congrégation, la décision suivante
se rapporte au cas dont il s'agit : « Canonicos, caeterosque divinis
« officiis assistentes, decenti habitu talari, necnon superpelliceo ac
« bireto indutos esse debere, et contrarium abusura oranino abrogan-
« dura. » (Décret du 30 juillet 1689, n° 5 199, q. 2.)
« Usus seu delatio cappas et rochetti, dit Scarfantonius(t. i, p. 37^
« éd. 1723), quinimoetiara almutiae, non permittitur canonicis eccle-
« siarum, tam collegiatarum quamcathedraliura, nisi spéciale indultum
« habeant a Sede Apostolica, cum illorum insignium concessio sit de
« regalibus Summi Pontificis, neque quoad ea quidquam statuere pos-
• a sint episcopi. Omnibus illis quibus ex peculiari privilegio illius
« (rochetti) usus perraissus non ostenditur, intelligitur a jure prohi-
« bitus ; ut de rochetto ac etiam de cappa testatur Corradus [Prax.
€ benef. 1. ii, c. xiv) ubi plura refert Congregationis Rituura décréta,
« ac numéro 26 ait : Episcopos in hac materia habituura et insignium
« in choro per canonicos gestandorum, ac etiam circa illorum colores,
« nullam prorsus auctoritatem habere, cum omnia Papae sint reservata. »
LITURGIE. 457
« Novum signum,dit Monacelli (lit. ii, t. iv, adnot. 28) sive habiturr.
« in choro assumere et déferre non debent absque Sedis apostolicae
« indulto. » Dans la bulle d'érection d'un chapitre, le Souverain-
Pontife a coutume d'en déterminer les insignes, et pour ce qui concerne
ceux de France, le pape Pie Vil délégua le cardinal Caprara, qui à son
tour subdélégua les premiers évêques pour le déterminer, chacun dans
leur diocèse.
Septième règle. Les membres d'un chapitre n'ont pas le pouvoir
de porter l'habit du chapitre partout et toujours, de sorte que ce
costume remplace en toute circonstance le vêtement de chœur ordinaire.
Les chanoines d'une cathédrale ou d'ime collégiale ne doivent jamais
porter les insignes canoniaux en dehors de leur propre église, à moins
qu'ils ne marchent en corps ou au nom du chapitre. Même dans leur
propre église, ils doivent prendre le surplis pour toutes les fonctions
pour lesquelles il est prescrit par les rubriques, et en particulier pour
l'administration des sacrements.
Les décrets suivants viennent à l'appui de cette règle.
1" DÉCRET. Question. « An canonicis usum cappse et rochetti ha-
« benlibus liceat sacramenta administrare cum solo rochetto, et
« deposita cappa ? > Réponse. • Sacramenta esse adrainistranda cum
« superpelliceo et stola, juxla Rituale Romanum. » (Décret du 12
juillet 1618, nol^9, q. i.)
2" DÉCRET, « Non licere uli habitu canonicali nisi in propria eccle-
« sia ubi est canonicus. » (Décret du 10 septembre 1630, n» 1619.)
3" DÉCRET. Question. « Capitulum et canonici calhedralis ha-
« bentes ex indulto apostolico usum cappae et rochetti tam in eorum
a quam in quibuslibet aliis ecclesiis.in functionibus, ac divinis officiis,
a supplicarunt humiliter C. S. R. praepositae declarari, se illis uli
a posse etiara in aliis ecclesiis, dum conciones habent,vel ab eis pœni-
« tentiae aut baptismatis sacramenta ministranlur, et in aliis similibus
« funclionibus. » Réponse, a Id eis non licere, nisi in propria ecclesia.o
(Décret du 13 juillet 1671, n» 1626.)
4e DÉCRET. Question. « Supphcante Josepho de Coraizares, cano-
« iiico ecclesiœ Panorraitaiiae, pro declarationc : An extra diœcesim
hbS LITURGIE.
« Panorraifanam liceat oratori uli insignibus canonicalibus, si fuent
« inibi invitatus ad a'.iquas funcliones ecclesiasticas, puta ad con-
« cionanduni, seu ad rainislrandum de licentia parochi sacramentum
« baplismi, vel assistendura malrimonio, elsirailia? » Réponse. « Ne-
« gative. y> (Décret du 12 mars 1678, n° 2861.)
5^ DÉCRET. Question. « An dignilatibus, et caiionicis ecclesiarum
« coUegiatarum diœcesis Syracusanae, habentibus usum mozzellae, duin
« sacramenta administrant, et conciones tam intra qnara extra pro-
« prias ecclesias sunt habituri, sit permittendus usus stolae super
«r mozzptta ? M Réponse. « Pro observalione decretorum et Cxremonialis
« respective. » (Décret du :2 août 1698^ n° 3484.)
6^ DÉCRET. (1 Conlroversiarum super usu cappae in adrainistra-
« lione sacramentorura inter Rî\. episcopura et canonicos ccclesiaB
a calhedralis Pisauren. cum episcopus Pisauren. privalis litteris ad
• suum agentem datis, ei significaverit se calhedralis suae canonicis ne
« cum solo rochetlo sacramenta adrainistrarent, idque jure omnino ab
« eo fjctum sit> ideo capitulura et canonici nullara occasionem habeiit
0 recurrendi ad S, R. C. » (Décret du 22 décembre 1750,
n» 4214.)
7^ DÉCRET. « Cum ex parte nonnullorum capitularium re-
« cursum habilum fuerit, quosdam ex canonicis... abusum induxisse
« administrandi pœnitentias sacramentum cura cappa, vel solo rochetlo
K indulos, S. eadem (i... rescribendumcensuit : Detur decretum prout
« sequitur. » On rapporte ensuite la décision du 12 juillet 1618.
(Décret du 19 juin 1773, n» 4365, q. I.)
8* DÉCRET. Questions. « 1. An canonici calhedralis in administra-
« lione sacramenlorum, lam intra quam extra calhedralem ecclesiam
« teneantur deponere cappam, atque uti superpelliceo et stola, juxta
« RitualeRomanum?2.An teneantur dicti canonici cappam deponere,
« tam intra, quam extra calhedralem, dum verbumDei praedicant, vel
« dum officium sacerdotis assistentis in Missa nbvi celebrantis, aliasque
« quascumque non capitulares funcliones exercent? » Réponses, a Ad 1 .
« Affirmative. Ad 2. Négative in propria ecclesia, etiam in concionibus
« aliisque functionibus, excepta sacramenlorum administratione, in qua
LlTURr.IE. hb9
a utendum est siiperpelliceo et siola, ut ad primum ; atfirmative extra
« propriam ecclesiam, et detur decrelum générale. » (Décret du 31
mai 1827, n» 4536. Dub. add. q. 1 et 2.)
9* DÉCRET. « Dignitatibus vero, et canonicis, eliamsi gaudearU
« indulto deferendi cappam et rochettum, lam in propria quam in
« alienis ecclesiis, hujusmodi tamen aliorunique canonicalium insi-
« gnium usum extra propriam ecclesiam licitum esse duntaxat quando
« capitulariter incedunt, vel assistunt, et pcragunl sacras functiones ;
« non autem si intersint uti singuli, nisi spéciale privilegium nedum
« collegium coraprehendat, verum etiam singulariter et distincte ad
« personas exleiidatur. n (Décret général du 51 mai 18 17, n" 4557.)
10* DÉCRET. Question. « Benedictus XIII rec. mem. Raveniia-
8 tenses [larochos privilegio insignivit superimponendi mozzetlara, vel
< stolam superpelliceo praesente capitulo, eo aulera absente, alteruira,
a vel utraque conjunctim addendi ; huic autem et alterum novissimura
« cumulavit SS. D. N. Plus Vil, dum cottae loco induisit rochettum
t in supplicalionibus aliisque publicis functionibus, induendum lam in
« propria, quam in alienis ecclesiis. AstApostolicarum litleiarum fines
a praetergredientes parochi, eodem nedum in supplicationibus, et
a publicis functionibus, verum eliaminsacranienloriim administratione,
« benedictionibus aliisque functionibus indui posse praesumunt : quod
« cum indultas facilitâtes excédât, rubricarum legibus, et S. R. G.
« decrelis adverselur, metropolitanse capitule moderandum est visum,
« quocirca, proposilo in S. R. G. ordinaria dubio : An parochi Ra-
« vennatenses apostolico privilegio suffulti geslandi in ecclesiasticis
« functionibus, et publicis supplicationibus, sive intra, sive extra
« eorura curae commissas ecclesias rochettum loco cottae sub mozzetta
« violacea, et stola auro intexta, possinl uti rochello etiam in sacra-
a meniorum administratione, benedictionibus, aliisque functionibus,
« in quibus ex rubricae praecepto sacerdos coltam assumera débet? d
Réponse. < Négative, et in casu solara cottam cum stola esse abhiben-
« dam. » (Décret du 17 septembre 1822, n» 4591.)
11* DÉCRET. Queition. a In buUa erectionis collegiatae ecclesiae loci
« Cuprae Montanae vulgo Massaccio intra fines diœcesis usinas sic ha-
A60 UTURGIE.
« bentur : Canojiicirochettum ctim suis manicis, et mozzettam violacei
a colorh tam in dicta parochialiecclesia, quam extra eam quibus-
(( cumque actibus et functionibus publicis et privatis... défende et
0 gestare... libère et licite possint, et valeant, et qiiilibet eorum possit
a et valent. Ex illiraitata bullae enunliatione usque ab anno 1778,
a in quo coUegiata erecta fuil, canonici cum rochelto et stola sacra-
« menta baptisnii, pœnitenliaeet eucbarislicae ministrare cœperunt, et
« archipre^byter; qui est unica collegialae dignitas, rochetto, mozzetta,
a et stola induius,doraoriini benedictionem in sabbalo sancto perficit.
a Hisce posilis, alter ex canonicis S. R. C. supplicavit pro declara-
« tioiie : iiimirum an slanle illimitata concessione tum canonici, tum
a archipresbyler, perseverare queant in invecla consuetudine? >» Ré-
ponse. « Négative, et detur decretum in una S. Mariae in Cosmedin.
« Urbis die J9 junii 1773. d (Décret du 16 avril I8.il, n» 4664.)
12* DÉCRET. «Detur decrelum diei 31 rnaii 1817 in una dubiorura,
a nimirnm tam intra, quam extra propriam ecclesiam tenentur cano-
« nici in sacramentorum administratione cappam vel mozzettam depo-
« nere, et assumere superpelliceum et stolam. Si concionem haLeant
« in propria ccclesia, cappa vel mozzetla utantur, non item exira. »
(Décret du 12 novembre 1831, n» 4669, q. 26.)
15* DÉCRET. Question, « Canonici et capellani ecclesiae primatialis,
« itemque parochi, aliique sacerdotes per diœcesirn occasione mini-
« strandi sacraraenta pœnitenliae et eucharistiae induere soient stolam
a super cappam, et mozzettam, aut caputiura. Hune abusura est diffi-
« cile eveilcre. Cum enim hujusmodi presbyteri ex antiquissimo privi-
a legio pro superpelliceo utantur rochetto, continuo conqueruntur,
(i praesertim pauperiores, sibi esse in promptu habendum superpelli-
» ceuni super rochetto imponcndura. Pro ecclesia vero conventuali
« divi Stephani papae et martyris, cum a jurisdictione Ordinarii non
<( pendeat, nescio quo pacto animadverti possit in consuetudinem hu-
« jusraodi, seu: Utrum 1" dignitates, canonici, parochi, et sacerdotes
« tum ecclesiae primatialis, tum aliarum ecclesiarum diœcesis Pisanae
« adigi debeant ad superpelliceum cum slola in administratione sacra-
a menlorum juxta Rituale Romanum deposita cappa, et mozzetta, vel
r.ITURGTK. 461
« caputio, etc? Utrum 2° in ecclesia conventuali S. Stephani papae et
« marlyris exempta presbyieri ministrantes sacramenta sine super-
« pelliceo cogi valeant ab Archiepiscopo ad servandam recensitam
« Ritualis Romani rubricam?» Réponse. «Affirmative quoad utramque
« partem. » (Décret du 21 novembre 1831, n° 4672, q. 22.)
14^ DÉCRET. Question. « Utrum canonirusqui per aposlollcas litle-
« ras in forma brevis expeditas favore sui collegii canonicorura gaudet
« usu rochetli et mozzettae etiam coram Pontifice, illis uti valeat in
a sacramenlorum administratione, et verbum Dei annuntiando? »
Réponse. « Négative ad primam partem, affirmative ad secundam, sed
« in propria tantum ecclesia, vel in aliis ecclesiis ubi adest usus de-
« ferendi cappani vel mozzettara, juxta decretum inuna dubiorum diei
« 51 maii 1817. -> (Décret du 7 avril 1832, n° 4683, q. 1.)
15e DÉCRET. Question. « 1 canonici délia collegiatadisanta Crislina
0 di Gabbio avendo iiso di rochetto e mozzetta, con privilegio délia sa.
• me. di Leone Xll di vestirne anche fuori délia propria chiesa, fanno
0 il quesito se sia loro lecito nell'amministrazione dei sagramenli, et
« nella predicazione usare rochetto e colta com* è di privilégie délie
« chiese cathedrali. Che etc. » Réponse. « Dentur décréta pluries
« super re édita. » (Décret du 16 avril 1842, n" 49.Ô8).
16' DÉCRET. Question. « Etsi in litteris Apostolicis in forma brevis
« expeditis a sa. me. Benedicto Papa XIV, usque ab anno 1740
« capitule canonicorum ccllegio parochiali ecclesiaecivitatisVetrallse intra
« fines diœcesis Viterbien. induUura fuerit ut canonici ipsi in ecclesiasticis
« functionibus intra propriam ecclesiam, et dura collegialiterincedunt,
« licite ac libère gestare valeant rochetlum cum suis manicis, etmoz-
« zetlam violacei coloris; altamen decursu temporis in hujusraodi insi-
« gnium usu nonnulli irrepsere abusus, queis ut occurratur, aliqui ex
« niemoralae collegiatae parochialis ecclesiae canonici S. R. G. se-
a quentia dubia enodanda proposuere, nimlrum : — 1. An ea slante in
« bulla Denedicti XIV verborum clausula Dum collegialiter incedunl,
« archipresbyter Vetrallensis, aut quisquam ex canonicis sejunctus a
« collegio, et separalim agens tara intra collegiatam ecclesiam, quam
« extra, rochetti et mozzettae usu gaudeat? — 2. An eo gaudere
/i62 LITURGIE.
« archipresbyter unus putandus sii, c\ oo quod priniusesl inter œqua-
« les, non obstante quod bulla mentionem ejus rei singularis nullara
« faciat? — 3. An archipresbyter vel canonicus in génère sacramenta
« pœnitentiae, eucharistias, aliaque administratrurus, tara in ecclesla
« collegiata quara extra induere sibi possit choralia insignia praedicta
ot desuper imposita stola? Et quatenus négative, an superpelliceo et
« stola tantura in sacramentorum et sacramentaliura omnium perfunc-
« tione rite nti teneatur ? — 4. An forsan uni archipresbytero propter
« personam quam gerit parochi, liceat rochetto^ niozzetta et stola in-
« duto sacramenta in parœcia sua administrare? — 5. An uti valeat
a ea veste in benedictione domorum, quae fit in sabbatosancto? —
« 6. An in associatione funeris sive in sua, sive in aliéna parœcia? —
« 7. An in associatione funeris una cum toto collegio canonicoruni ?
« — 8. An in publicis supplicationibus, cum archipresbyter conjiinctim
a cum capitulo incedit ? — 9. An habitus ullus sit, qui rite competat
« archipresbytero, si adstat benedictioni matrimonii, quod admini-
« strat alius sacerdos ab eo depulatus, et in casu an sit rochettum,
u mozzetta, et stola? — 10. An archipresbyter vel canonicus rite
a adhibeat choralia insignia, et desuper impositam stoiam in concione,
« et quatenus négative, an uti posset rochetto, superpelliceo, et stola?»
« Réponse. «Ad 1. Posse intra collegiatam, extra illam non posse.
« — Ad. 2, Négative. — Ad 3. Négative et servandum decretum
« alias editum. — Ad 4. Négative, sed tantum in casu cum rochetto
a et superpelliceo. — Ad §. Négative. — Ad 6. Négative. — Ad 7.
a Affirmative si incedat sine stola. — Ad 8. Ut ad proximum. — Ad
« 9. Semper in casu sine stola, et cum habituchorali in propria eccle-
« sia lantum. — Ad 10. Négative ad primam partem ; affirmative
« ad secundam, si adsit consuetudo. » (Décret du 23 mai 1846, n"
3058.)
17® DÉCRET. « Rochettum non esse vestera sacram'adhibendam in
« administratione sacramentorum, acproindetum ad ea adminitranda,
t tum ad suscipiendam primam tonsuram et minores ordines necessario
« superpelliceo utendum. «(Décret du 10 janvier 1852, n» 5165, q. 6.)
Gardellini, dans ses commentaires sur le septième décret, s'exprime
LTTURGTE. A63
comme il suit : Clfira et f eneralis est rubrica Ritualis Romani, tit. i, n«>
« 1 , videlicet : In omni %QcramenioTMmaàmxrmlral\one superpellkeo
« sit indutus, et destiper stola ejus coloris, quem sacramenti ritus
« exposcit... Ciim autem lex generalis sit, nulla excipitur persona,
« quali dignitate pragfulgens... Nemini dubium, quod canonici cappae
« magnae usum habentes, autaliis honorificis insigniis decorati, illam
« vel ista adhibere possintin propria ecclesia, vel assistentes, vel ince*
« dentés et sacras funcliones peragentes capitulariter, vel uti singuli
« opérantes, excepto duntaxat casu adrainislrationissacramentoruni...
« Ex hoc decreto colligimus^ quod privilégia ita sunt intelligenda, ut
« id liceat quando canonici capitulariter vel in processionibus incedunt,
« vel in alienis ecclesiis sacras peragunt functiones, aut iisdem assi-
€ stnnt : corpori siqiiidem concessa sunt, non canonicis uti singulis. » Il
rappelle encore les mêmes principes en commentant la onzième déci-
sion ci-dessus indiquée et ajoute : « Si qui snnt^ qui ex concessione usu
• gaudent rochetti et mozzettae, his uti nequeunt in administrandis
« sacramenlis, pro quorum administratioiie taxative vestis praescribi-
« tur a rubrica, ut vidimus, sed illis tanlum uti possunt in choro, in
t processionibus, et functionibus omnibus in quibus habilum choralem
« induunt. »
Au sujet de la question présente, voici comment s'exprime M. de
Gonny (Cér. Rom. S^ édit, p. 28) : « Les chanoines ne doivent porter
« l'habit de chœur qui leur est propre que dans la cathédrale ou collé-
« giale dont ils sont chanoines, ou bien quand ils accompagnent ou as-
« sistentl'évêque,el autres occasions où ils agiraient capitulairement. »
L'auteur ajoute en note: « Les insignes canoniaux ont été établis par
« l'Église pour relever les fonctions canoniales, et non pas pour déco-
« rer les personnes des chanoines. Tout ainsi que le prêtre se revêt
0 de la chasuble pour célébrer le saint-sacrifice, le chanoine, pour
« faire dans la cathédrale son office public, qui est la prière solennelle
« de l'Église, prend la raozette ou la cappa; mais ces actes achevés,
« le prêtre ne conserve point la chasuble pour des fonctions différentes
a ou pour ses actions personnelles, et le membre du chapitre n'a point
« à prendre les insignes du canonicat pour aller prêcher, faire le curé,
hôh LITURGIE.
« le catéchiste, etc. Ces principes sont fort clairs, et il n'est pas éton-
« nant que la Congrégation des rites ait constamment répondu en ce
« sens aux consultations qui lui étaient proposées. »
Huitième règle. S'il est d'usage que les membres d'un chapitre
administrent dans l'église capitulaire le sacrement de pénitence avec
l'étole sur l'habit canonial, on peut le suivre. La S. C. des rites a
aussi toléré dans un cas particulier la coutume de donner la sainte com-
munion avec le rochet et l'étole.
La première partie de celte règle repose sur l'interprétation que
donne Gardellini au sens des décrets qui s'y rapportent. Dans une
note sur le huitième décret cité à l'appui de la seplième règle, il s'ex-
prime en ces termes : « Haud tamen inficior in more positum esse in
« basilicis Urbis sacramentum pœnitentiae administrari tam a canonicis
« quam a beneficiatis stola imposita supra cappum in propria ecclesia.
« Improbandane erit hujusmodi consuctudo, immone potius retinen-
« da? Si mihi licet proprium exprimere sensum^ crederem morem
« hune posse reiineri : difficile namqueesset illum abrumpere, et cer-
« lum est regulares, vel ex consuetudine, vel ex privilégie sacramen-
(( tum pœnitentiae administrare solitos, stola duntaxat adhibita, sine
« superpelliceo.Lex igitur coarclari polest ad aliorum sacramentorum
t administrationem, baptismatis scilicet, eucharistiae, matrimonii. »
On pourrait appliquer ici, ce semble, cette rubrique du rituel :
a In omni sacramentorum adminislratione superpelliceo sit indutus
« (sacerdos), et desuper stola ejus coloris quem sacramenti riius ex-
« poscit, nisi in sacramento pœnitenliae minislrando occasio, vel con-
« suetudo, vel locus inlerdum aliter suadeat. »
Quant à la seconile partie, savoir, la tolérance de la coutume de
donner la sainte communion avec le rochet et l'étole dans un cas par-
tieuher, elle est exprimée dans cette décision : « Pro parte canonicorum
« ecclesiae coilegiataeS. Lanrentii Florenliarumexpositum fuitin S. R.
« C.quod in dicta eorum collegiata adestconsuetudo, ut canonici,qui
« ex concessione Apostolica habent usum rochelti, in administrando
« SS. eucharistiae sacramento in pascbate Resurrectionis D. N. J. C.
« utantur illa cuni stola, ideoque supplicatum fuit pro declaratione :
LITURGIE. AC5
« An haec consueludo servanda sit, vel polius inducendus sit usus ro-
« clielti? » Réponse. Ulantur rochello, etstola. « (Décret du 17 jnin
1673, n" 2598.) Quel est le cas particulier dont il s'agit, et pour
lequel les chanoines de la collégiale de Saint-Laurent ne pouvaient
prendre le surplis? Nous ne le savons pas; mais ce qui est certain,
c'est que la réponse est relative à un cas particulier. Nous lisons, en
effet, dans la table alphabétique des décrets : « Canonici habenles usuni
« rochetti possunt administrare eucharistiam induli rochetto, et
a stola. 2635. Ita in casu particulari. Régula tamen est ut superpel-
a liceum adhibeatur, ceu patetex posterioribus decretis 3484, 4214,
« 4365, 4336. .
Neuvième règle. Le principe de porter le rochet ne peut jamais
s'étendre aux circonstances pour lesquels le port du surplis est spé-
cialement prescrit par la rubrique.
Cette règle est le corollaire des principes énoncés ci-dessus, et est
spécialement appuyée sur le deuxième décret cilé à l'appui de la sep-
tième règle.
Dixième règle. Dans les chapitres où l'on porte la cape, les cha-
noinesenusent seulement pendant la saison d'hiver, et portent pendant
l'été le surplis sur le rochët. Le jour où l'on change de costume est
fixé par l'évêque. Toutes les fois que les chanoines doivent prendre le
surplis, suivant les règles ci-dessus énoncées, si c'est en hiver, iis
quittent la cape et prennent le surplis sur le rochet; mais ceux qui
n'ont pas le privilège de porter la cape doivent alors quitter le rochet
pour prendre le surplis.
La première partie de cette règle est appuyée sur la rubrique du
Cérémonial des évéqiies, 1. i, c. m, no3. « Quoad cappas vero, quibus
« episcopi in propriis ecclesiis utunlur, id eritobservandum.... Quibus
« quideni cappis pelHculse circa collum et pectusderaoreconsulaesint,
(i quse deinde vigilia Penlecostes, seu pro diversitate locorum citius,
« aut lardius, prout episcopo opportunum videbitur, praeintimatis etiam
u canonicis,qui cappis ulantur, quo diemutari debeant, removentur. ..
« Canonici vero regulariter in ecclesiis ubi illis utunlur, eas deponunt,
« etloco earum assumunt cottas supra rochetlum. » Celte rubrique,
RF.VI;E DEC SOIF.NCES ECCLÉH. T. X.— NOVEMBRE 1864, 31
A 643 LITURGIE.
comme on le voit, indique la veille de la Pentecôte comme le jour où
peut commencer la saison d'élé. D'auires auteurs indiquent la fête de
Pâques, et tous s'accordent a donner la veille de la Toussaint comme
lepremier jour de la saison d'hiver. Quelques discussions ayant eu
lieu sur ce point, la S. C. a donné cette réponse: « S. C. tempus con-
« gruum declaravit, nempe quod a primis vesperis vigilige omnium
0 Sanctorum usque ad sabbatum sanctum Paschse Resurrectionis ca-
« nonici déférant cappam supra rochettum, et deinde postea cottam
« seu superpelliceum ad instar canonicorum S. Pétri. » (Décret du
27 mars 1677, n« 2855, q. 2.)
Quant à la seconde partie, elle ressort de plusieurs des réponses
rapportées ci-dessus, et de plus, le principe énoncé est exprimé posi-
tivement dans la réponse au deuxième doute de la cause qui a donné
lieu à la décision du 7 avril 4832. Question, a Et quatenus négative,
a utrura superpelliceum rochetto imponere valeat (canonicus) iisdem in
a functionibus? » Réponse. «Affirmative, si capitulum in choro uta-
a tur superpelliceo tempore aestivo ; secus négative juxta prsedictum de-
a cretum, sed colta tantum et stola utendum juxta Rifuale Romanura. »
(Décret du 7 avril 1832, n" 4683, q. 2.) De plus, Gardellini, dans
une note sur le septième décret rapporté ci-dessus, et dans lequel il
est dit : solam cottam cum stola, s'exprime en ces termes : « Parochi
« igitur Ravennatenses exuere rochettum, mozzettam dimittere debent,
« soloque uti superpelliceo cum stola, dura administraturi sunt sacra-
« menta, veluti S. R. C. proposito dubio respondit, Indulfum quippe
« ipsis est, ut sub mozzetta vice superpeliicei déférant rochettum, haud
« vero concessum, ut eo utantur in sacramentis administrandis, aut
a rochetto cottam superimponant. Permissum id est canonicis dunta-
« xat, qui habent usum cappae magnae, nam haec commutatur cum cotta
« tempore aestivo, in publicis supplicationibus, etc. Quamobrem iidem
« in propria ecclesia, cum ex praescripto Ritualis et decretorum neque-
« ant cum cappa vel cum solo rochetto sacramenta administrare, hcite
« possunt, imo debent cottam assumere, quin rochettum dimitfant. »
On fait seulement une exception à cette règle en faveur d'un archi-
prêtre, dans le seizième décret rapporté à l'appui de la septième régie.
LITURGIE. /i67
Telles sont les règles liturgiques, relativement â l'usage durochet. II
nous reste à répondre à deux ditTicullés.
La première se rapporte au sens de la réponse donnée par la S, G.
le 6 avril 1832 (septième règle, 14« décret). On demande si cette
décision ne modifierait pas un peu la loi relative à l'usage du rochet
pour les chanoines ou les prêtres qui auraient le privilège de le porter.
On avait demandé d'abord pour un chanoine, membre d'un chapitre
qui jouissait de privilèges particuliers, si ce chanoine pouvait user du
rochet pour l'administration des sacrements. La réponse a été négative
comme toutes celles qui se rapportent au même point. On avait ensuite
posé la queslicn au sujet de la prédication, et la réponse a été affirma-
tive avec cette clause : Sed in propria tanfum ecdesia, vel in aliis
ecclesiis ubi adest tistis deferendi cappam vel mozzeltamjuxla decre-
tum in una diibiorum diei 31 maii 1817. Gela posé, peut-on se con-
former à l'usage suivi en France d'après lequel les prédicateurs, s'ils
sont chanoines, portent l'habit du chapitre dans toutes les églises où ils
annoncent la parole de Dieu? Nous disons les prédicateurs, caria con-
cession ne peut pas s'étendre plus loin sans être en opposition avec la
doctrine de la Sacrée Congrégation, qui ferait ici une exception à la
règle générale. Nous ne le pensons pas, et nos raisons sont les suivantes.
l°Ges paroles in aliis ecclesiis ne peuvent pas s'entendre de toutes les
églises, ou bien la règle générale serait abrogée ; or telle est la signi-
licalion que paraîtrait avoir la concession entendue comme il faudraitia
comprendre dans l'hypothèse actuelle. 2o On ajoute juxta decretum in
una dubiorutn diei 31 maii 1817. Ge décret ne contient pas l'exception
indiquée, mais décide d'après la loi générale ; la réserve paraît donc
relative à un cas particulier qui n'est point énoncé dans la cause, ou à
des privilèges spéciaux auxquels la supplique fait allusion. La réserve
pourrait se rapporter aussi à une clause de la loi générale, comme le
cas où le prédicateur paraîtrait en qualité de membre du chapitre.
3" L'usage suivi en France faisant partie d'un ensemble de coutumes
illégales que l'on réforme de plus en plus, ne nous paraît pas présenter
les garanties suffisantes pour qu'on puisse affirmer qu'il soit toléré par
celte réserve. M. Bouix, e.\aminant celte question {Tractatus de Câ*
468 LITURGIE. •
p?/M/is, edit. II, p.464),lermineendisant: «Memoratam Galliae praxim
« ego non auderem asserere non esseabusivam et de medio tollendam »
La deuxième difficulté est celle-ci : Le port du rochet pour tous les
clercs ne serait-il point autorisé par un décret du 27 février 1847?
Voici cette décision. Question. Cum superiori anno a S. G. RR. PP. S.
« Concilii Tridenlini interpretum ad hanc S. R. C. transmissae fuerint
0 preces RR, Mas?en. episcopi, queis exponebat quod in principatu
a Carrariensi mos vigeat ut clerus universus, ne exceptis quidem
« parochi clericis, rochetto utatur, et hoc fortasse quia olira jurisdi-
a ctioni canonicorum regulariura S. Frigdiani subjectae erant ecclesiae
« omnes principatus ipsius, ac proinde hujus S. Apostolicae Sedis ora-
« culura exquirebat, num adhucsibi superhocusu silentio insistendum
ot sibi sit, ne turbas excitet, siqnidem admodum anti(|ua consueludo
0 islhaec prohibetur, vel potius tenealur hune usum tollcre, déficiente
« privilégie? Réponse. «Non esse inquietandos. » (Décret du 27
février 1847, n° 5072.) Il est difficile de supposer que, par celte ré-
ponse, la S. C. ait voulu abroger les lois relatives à l'habit de chœur.
Comme il est facile de le voir il s'agit ici d'un cas particulier. Il s'agit
d'une église où s'était introduit un usage contraire à la loi, il est vrai,
mais aussi une coutume fort ancienne dont la suppression semblait
entraîner d'assez graves difficultés, et la S. C. a bien voulu tolérer. De
plus, la S. C. a confirmé la règle générale dans un décret du 10
janvier 1852 (septième règle, 17« décret), ce qui prouve bien qu'elle
n'a pas abrogé la loi.
§ U. — Du Surplis et de sa forme.
Le surplis [svperpelUceum) est ainsi appelé, parce qu'on s'en revêt
par-dessus les habits ordinaires, qui sont confectionnés aves des peaux
d'animaux. Tel est le sentiment deDurand {Rationale, 1. i, c. i, n. H)
de Gavantus (t. i, part, xii, tit. i.), et de plusieurs auteurs anciens.
Suivant Catalani {Ponlif. Prolog, c. xii, n. 5) et quelques autres^ le
surplis tire son nom de ce que les chanoines, principalement dans les
pays froids, se couvraient le corps de fourrures, et mettaient ce vête-
ment par-dessus.
LITURGIE. Il69
Le surplis diffère du rochet par la largeur des manches. Les décrets
rapportés au paragraphe précédent le témoignent, conrime aussi les au-
teurs cités ci-dessus. •
KL La forme du surplis peut varier un peu sans être contraire aux
règles de la liturgie ; il peut être plus long, plus court, avoir des man-
ches plus ou moins larges, etc , comme on le voit par le décret suivant.
Question. «An canonici assistentes episcopo in missa pontificali debeant
a induere albam, eo quod dictum capitulum adhuc utatur superpelli-
« ceis rotundis, et non rochetto, neque colla, super quametamiclum
« innuit Caeremoniale episcoporum induere dalmaticam? » Réponse,
« Canonici assistentes episcopo non albam, sed rocheltum vel cottam
« quoquo modo, vel forma ad regionis morem compacta illa sit et con-
« suta, induere debent una cum amiclu vel aliud chori peculiare insi-
« gne. » ("Décret du 4 septembre 1745, n° 4176. q. 2.)
IV. La forme du surplis, comme celle de tous les vêtements sacrés,
a beaucoup varié suivant les divers temps. Autrefois, le surplis était
fort long. Nous pouvons citer sur ce point quelques anciens auteurs.
Bauldry et Gavantus en donnent ainsi les dimensions: « Super-
* pelliceum e lela potius tenui, raanicis ita oblongis, ut crispataî usque
« ad digitos summos pertingant, quae esse possunt cubitis circiter
« duobus, in ipso ore potius forma sit rolunda quam quadrata, a pec-
a tore nullo modo scissum aut dissectura, longe ducatur infra genua,
« fere ad média crura, late pateat ab extremis oris in ambitura cubitis
« circiter tredecim, ab huraeris circiter oclo, a nulla parte nimis affec.
a tata artificiosi operis elegantia elaboratum, ab humeris prasertim non
« specioso arlificii ornatu.»
S. Charles donne absolument les mêmes règles, et l'on voit qu'elles
sont puisées dans les auteurs que nous venons de citer. ■ Superpel-
« liceum e lela lini, aut cannabi purisit, eaque nonrudi, sed candida,
« non crassiori, sed tenui potius; manicis ita oblongis, ut crispatae-
« usque ad digitos summos pertingant, quae esse possunt cubilis cir-
« citer duobus, vel circa, late aulem palentibus in orbera cubilos cir-
t citer quatuor, in ipso ore forma rotunda potius quam quadrata, lalum ,
a pro capitis crassitudiiie, a pectore nullo modo scissura, aut dissec-j
/l70 LITURGIE.
a tum, longe ductum infra genua, atque adeo fere usque ad crura
« média : late patentibus extremis in ambitura cubitis circiler
« tredecim, vel circa, absumens cubitis octo circiler, ita ut apte con-
« sutum et crispatum decenter appareat, pro liumerorum lalitudine,
« corporisve crassitudine : a nulla parte neque nirais, neque affeclala
a artificiûsi operis elegantia elaboratum, ab hume ris praîsertim non
« specioso artificio ornala. »
Plusieurs conciles provinciaux tenus en Italie et en France depuis
saint Charles, et un concile de Bordeaux tenu en 1583, défendent
l'usage de surplis trop enrichi sde broderies et ce dernier ajoute : «Ri-
« diculum est enira abuti eo quod ad demonstrandum simplicilalem
a animorum, et corporum puritatem religiose introductum est. »
V. Les modifications apportées dans la longueur du surplis sont rap-
portées en ces termes par Catalani {Pontif. Prol., c. xii, n. 6) : « Super-
«.pelliceum etsi hodie ita contraclum aliqui deferunt, ut vix illis ad
a pectus perveniat, olira tamen ad talos usque descendebat, teste Ste-
c phano Tornacensi, qui vivebat annoUSO, in epistola sua cvi, ad
« Albinum S, Rom. Ecclesia3 presbyterum cardinalem, cui non modo
« ejus vestimenli formam, sed et mysterium in hune modum explicat :
« Hujus habitusindicitim principale vohismitto, snperpellieeum novum
a candidum et talare, quod reprsesentet vobis viiœ novitatem, munditix
a candorem, perseverantix finem. Contractum deinde fuit ad médias
« tibias, nti constat ex sessione XXI concilii Basileensis, in qua consti-
« tutum fuit : Ut clerici tiinica lalari et superpellieeis mundis ultra
fl médias tibias longis, sine confahulalionibuschoro inlenint. Servatara
• passim hanc disciplinam ferendi superpelliceum usque ad médias
a tibias ad saeculum usque XVI docent nos temporis ipsius piclurse
« quse nobis cardinales, vel cpiscopos, seu alios inferiores sacerdotes,
« aut clericos rochetla vel superpellicea usque ad médias tibias haben-
c( tes. Cœpit, elapso sseculo, ea veslis usque ad genua contrahi, qua
« brevitate homines hodierni quidam ecclesiastici nequaquam contenli.
« priscum morem floccipendentes, siraulque mysteria, qu» ob suam
(( longitudinem habitus ille significat, rochetta vel superpellicea gestant
o: quae vix ad pectus perveniunt. »
LlTLUGli:. A 71
VI. Le surplis dont on se sert actuellement en Italie est foit court,
et ne descend' guère qu'à la ceinture. Quoique ce vêtement de chœur
s'éloigne un peu de nos usages français, il est loin de produire un mau-
vais effet, comme on le prétend parfois. On donne communément à ce
genre de surplis le nom de coUa. Cependant, comme on le voit claire-
ment par l'ensemble des rubriques et des décrets de la Sacrée Congré-
gation, le surplis et la cotte sont le même vêtement et ne diffèrent
point dans le langage liturgique : seulement nous avons continué de
désigner par co</a le petit surplis dont nous parlons ici.
VU. Le surplis à ailes n'est autre chose que le surplis déformé. En
exatninant certaines estampes, on peut se rendre compte de la transfor-
mation que ce vêtement a subie en France dans la suite des temps ;
peu à peu les manches sont devenues des ailes, comme les manches de
la dalmatique et de la tunique ont été remplacées chez nous par des pièces
d'étoffe retombant sur les bras. Cela posé, l'usage du surplis à ailes
est-il compatible avec la liturgie romaine? Nous n'oserions pas le
nier. Cependant les liturgistes modernes ne l'admellenl pas et semblent
le rejeter comme faisant partie d'un ensemble de coutumes illégi-
times.
VllL Quant au surplis sans ailes et sans manches, c'est une espèce
de rochet particulier dont l'usage est réservé aux bénéficier^ de certains
chapitres. « Beneficiati, dit Macri (au mot cappa) l'erunt cappam un-
« dique clausam... et roehettum gerunt sine manicis. » Barruffaldi,
décrivant une procession de pénitence faite à Ferrare en 1708, s'ex-
prime ainsi en parlant des chanoines et des bénéficiers de la cathédrale
(Tit. Lxxvi_, n. 43): « Sequebantur primo capiiulum et canonici,
« absque solita cappa, sed unice cum rochetto non lacinioso, dein
« mansionarii et simihter capellani beneficiati ejusdem cathedralis cum
Qt rochetto absque manicis. » « Notât autem, dit Catalani [Cérémonial
des évêqties, 1. i, c. ii, § i, n. 6), post Turrigium Macrius in suo
• HieroJexico, verbo cappa, beneficialos praeler differentiam pelliceae
a coloris, déferre cappam undequaque clausam, ac solum anlerius
« apertam, ut possint manus emittere ad instar cappae advocatorum
« consislorialium almae Urbis, et roehettum gère ro^sine manicis. »
475 LITURGIE.
IX. Quoi qu'il en soit de la licéité de l'usage des surplis â ailes,
nous voyons, dans tous les diocèses de France où s'opère le retour à
la liturgie romaine, rétablir le surplis à larges manches. La forme
diffère probablement d'un diocèse à l'autre. Les régies de la liturgie,
sans doute, ne condamnent pas cette divergence ; mais elle n'est pas
sans inconvénients, et il serait â désirer que l'on pût se rendre compte
des raisons qui ont fait préférer une forme à une autre, afin d'éta-
blir partout celle qui paraîtrait préférable sous le rapport de la fidélité
aux règles liturgiques comme aussi sous celui du bon goût et du bon
effet à produire, pour rehausser la splendeur des cérémonies de l'église.
Il est, dans la liturgie, certains points sur lesquels l'autorité de l'Eglise
n'a pas voulu tout régler, jusqu'aux moindres détails ; il en est même
qui ne peuvent pas être l'objet d'une loi, comme une note de plain-
chant, une couture dans un habit de chœur, etc. Mais quand il s'agit
d'en venir à l'exécution, il faut ou prendre un parti sur ces points de
détail, ce qui est parfois d'autant plus difficile qu'il y a moins déraison
pour opter en faveur d'une pratique, ou bien se décider au hasard et
sans avoir consulté. La chose importante ici serait, ce semble, la plus
grande uniformité possible. Outre l'édification qu'elle produirait infailli-
blement, on ne peut pas douter que la pratique ainsi adoptée ne fût
la meilleure.
P. R.
JURISPHUDENCE CANONIQUE.
DÉCISIONS DE LA S. CONGRÉGATION DU CONCILE.
Parisien. Matrimouii. Die 25 junii 1864.
Frédëric-Émile "*, banquier à Paris, demanda au mois de février
1858 la main d'Édilh-Louise-Florence L"*. Le père, qui le croyait juif,
refusa de l'accorder. (Fils d'un juif de Francfort qui avait passé au
luthéranisme, Frédéric avait été baptisé suivant le rit luthérien.) Du
reste^ la jeune fille, à peine âgéede 18 ans, approuva hautement cerefus.
Frédéric espère être plus heureux en s'adressant à la mère ; celle-ci,
qui est légalement séparée de son mari, s'empresse de lui promettre
son concours. Au commencement de juin, pendant une absence de son
père, Edith dut accompagner .à Dieppe sa sœur, dont la santé réclamait
les bains de mer. Conduites par une gouvernante nommée Sara, qui
exerçait sur elles un empire vraiment tyrannique, les deux sœurs des-
cendirent dans un hôtel où se trouvait déjà leur mère. On soupçonne
facilement que cette rencontre n'était pas l'effet du hasard.
Un jour, Edith fut invitée par sa mère à aller visiter, avec elle et
Sara, une maison qu'elle disait avoir louée dans l'intention de l'habiter.
Cette offre fut acceptée sans défiance. Dés qu'elles furent entrées dans
la maison, la mère sortit sous quelque prétexte, et ne reparut point; puis
Sara se relira également, et aussitôt Frédéric se présente à la jeun e
fille, lui annonçant qu'elle est dans sa propre maison, et en son pouvoir.
Elle proteste, crie, et cherche à s'enfuir ; mais personne ne l'entend à
cause de l'isolement de la maison, les portes sont fermées, et elle se
voit contrainte de passer la nuit entière avec cet homme. Sara ne revint
que le lendemain à une heure fort avancée.
Edith prend la résolution de retourner immédiatement à Paris : sa
hlh JURISPRUDENCE CANONIQUE.
mère y consent ainsi que Sara. Cependant ces deux femmes, craignant
de perdre le fruit de leur indigne trahison, l'engagent vivement à ne
point se présentera son pore, qui ne manquerait pas d'être très-irrité
de ce qui venait d'arriver ; ils lui conseillent de descendre dans un hôlel
pour prendre le temps d'aviser. — Il faut dire ici que Frédéric avait
demandé passage sur un vaisseau pour lui et pour une jeune fille qu'il
voulait conduire en Angleterre afin de l'épouser, mais que, sur son refus
de se faire connaître, il n'avait pu. l'obtenir. En outre il arriva que,
par ses soins, les journaux de Paris annoncèrent l'événement de Dieppe,
qui devint ainsi le thème de toutes les conversations; le but manifeste
de cette scandaleuse publicité était de forcer la jeune fille à consentir
au mariage, pour sauver son honneur. — Elle partit donc le soir
naême, accompagnée de Sara, son inséparable gardienne. A une station
peu éloignée de Dieppe, Frédéric, qui avait pris le même train, entre
lout-à-coup dans le compartiment occupé par Edith ; mais les cris et
les sanglots delà jeune fille effrayée attirant l'attention de tous les voya-
geurs, il est obligé de se retirer.
Arrivée à Paris, Edith s'installe dans un petit hôtel delà rue d'Ar-
oole, et y reste trois semaines sans pouvoir ni sortir, ni écrire, ni recevoir
qni que ce soit, et en butta anx mauvais traitements de son inflexible
gouvernante; elle obtint cependant une seule fois d'être conduite chez
un avocat, auquel elle exposa sa triste situation. Celui-ci écrit au père
pour lui rendre compte de cette entrevue, et lui faire comprendre que
le mariage est le seul remède au mal ; et bientôt la publicité du scandale
et les instances de ses amis lui arrachent son consentement. Frédérie
obtient la dispense de l'empêchement de disparité de culte, et le ma-
riage est enfin célébré le 30 juin dans l'église de la Madeleine. Cette
cérémonie fut si triste, au dire du curé, qu'elle ressemblait bien plus à
des funérailles qu'à une noce.
Le même jour, Frédéric partit pour l'étranger avec sa nouvelle épouse,
et pendant quatre ans il la promena malgré elle dans les différentes parties
do l'Europe, sans qu'elle pût jamais réclamer contre la violence et les
snauvais traitements dont elleétail l'objet. Enfin, au mois de septembre
tô62, Edith prétexta une maladie, afin de ne pas suivre son niaj
DÉGISIONS DE LA S. G. DU GONCILE. 470
dans iin nouveau voyage; elle le quitta donc, et revint à la maison pa-
ternelle, pour entrer ensuite dans nn monastère. Frédéric, ne pouvant
la faire revenir, obtint du tribunal civil de Francfort une sentence de
divorce, le 18 décembre 1862. Au mois d'août 1863, Edith adres-
sait au Souverain-Pontife une snpplique tendant à obtenir la déclaration
de nullité de son mariflge.
Le Souverain-Pontife ordonna, le M janvier suivant, que la causefût
examinée par la Sacrée Congrégation du Concile, et voulut qu'à cet effet
des instructions fussent adressées à l'archevêque de Paris, pour qu'il
fit la procédure canonique selon les formes prescrites par la Constitu-
tion Dei miseratiotie, de Benoît XIV.
Le folium du rapporteur contient les dépositions des époux et de
dix témoins qui furent entendus par le vicaire général de Paris et par
le défenseur du mariage, nommé d'office. En voici le résumé.
Les époux affirment l'un et l'autre que le mariage n'a jamais été
consommé. — Edith, interrogée sur le consentement de ses parents,
répond : « Mon père n'a jamais consenti, il ne s'est présenté à l'église
au moment du mariage que pour éviter le scandale. » Dans un
second interrogatoire, elle dit: « Mon père a protesté jusqu'à la fin....
etc. » Et parlant de sa mère : « C'est elle qui avait tout combiné. »
Par rapport à son propre consentement, elle affirme « ne pas avoir été
libre de manifester son opposition » . — Frédéric avoue qu'il a donné
à Sara l'ordre formel de ne pas quitter l'hôtel de la rue d'Arcole, et de
ne pas permettre qu'Edith en sortît; il ajoute qu'Edith voulait réclamer
contre cette espèce de détention, mais que la chose était impossible à
cause de l'exaspération du père ; que^ du reste, Sara et lui auraient
trouvé moyen de rendre inutile toute tentative dans ce sens. — Le père
interrogé parle de l'événement comme d'un véritable rapt : il dit que
tous, amis et ennemis, l'ont circonvenu pour obtenir son consentement
comme le seul moyen de sauver l'honneur de sa fille. « J'ai donné mon
consentement de force, comme un homme qui donne sa bourse quand
il se voit le pistolet sous la gorge... Si j'ai assisté aux diverses cérémo-
nies, ce n'a été que pour éviter le scandale. » — Les autres témoins
font connaître une foule de détails très-importants, qui donnent à l'in-
Û76 JURISPRUDENCE CANONIQUE.
cident de Dieppe le caractère d'un véritable rapt, et confirment pleine-
ment la complicité de la mère et surtout de Sara, qui a reçu de Fré-
déric de grandes sommes d'argent, la tentative d'évasion en Angle-
terre; les cris d'Edith à l'arrivéo de Frédéric dans le wagon occupé
par elle; sa détention forcée k l'hôtel de larued'Arcole ; enfin la triste
physionomie que présenta la cérémonie du mariage,
1. Cela posé, le défenseur da la suppliante entreprend de démontrer
que dans l'espèce il y a eu ahdiidio malenalis de loeo ad îocum, et
par conséquent un véritable rapt, qui est un empêchement dirimant.
Voici comme il procède.
1° Le rapt existe, quand même la femme consentirait, si elle est
emmenée contre le gré de son père. Cette assertion se prouve par la
raison et par l'autorité. « Ralione quidem, quianulla honestaac vere-
cunda puella sine patris venia abducta credi potest, quin illius hbertas
per dolum fraudemque violata fuerit : aucloritatevero, quiahanc tenue-
runt senlentiam Navarr. Consil. seu resp. lib. 5, cons. 2; De Luca, de
Matrim. dise. 5 ; Cosci^ de Sep. thori cap. 15, n. \l seqq. ; Riganti
ad Reg 49 Cancell. n. 68 seqq., aliique ; Rota, deds. 498, part. 14,
et alibi.
2° Il suffit que la femme soit victime d'une fraude, et tombe ainsi
malgré elle au pouvoir de son ravisseur. Car « violentura diciturquid-
quid contra voluntatem commitlilur ; at hoc verificatur, quoties per
fraudem aliquid palratur. Idcircodistinguilur physica a morali coaclione,
atque auctores affirmant, in matriraonio libertatem Isedere, quidquid
vi simile ad extorquendum consensum videatur. (Cosci, de Sep. thori
lib. 1, c.55,n. 2,seqq.;ë2iï\c\iez, de Matrim. lib. 1, disp. 12, n. 13;
Reifï'enstuel, lib. 4 décret., tit. 1, § 10, n. 373, aliique.) »
3° Dans le cas présent il y a eu violence manifeste. « Certum est
contrariam fuisse puelliE voluntatem ad matrimonium contrahendum ;
certae suntmatris insidiae ad eamdera dedomo educendam ; certa deni-
que violentia qua in domo a Federico conducta, detenta est. Igitur
etiamsi raptus violentia morali inceperit, vi taraen materiali consum-
matus est. »
iMais, d'après le concile de Trente, le rapl, même consommé, cesse
DÉCISIONS DE"l.\ s. C. DU CONCILE. A77
d'être un erapôchement, i° quanti la femme enlevée n'est pas restée au
pouvoir du ravisseur ; 2° quand elle en a été séparée ; 3° quand elle a
été mise en lieu sûr et libre; 4» quand, toutes ces conditions étant réa-
lisées, elle consent à épouser son ravisseur. Or il est clair qu'aucune
de ces conditions ne se trouve ici vérifiée. Donc le rapt est et demeure
une cause de nullité.
Le défenseur prouve ensuite que le mariage n'a pas été ratifié par la
cohabitation de quatre ans, à cause de l'aversion manifestedes époux l'un
pour l'autre, et surtout à cause de la violence et des mauvais traitements
dont Edith fut la victime pendant les longs et fatigants voyages que
Frédéric lui imposa malgré elle. Il termine en observant que, même
abstraction faite de la réalité du rapt, si on veut considérer le mariage
comme nul pour cause de violence et de crainte, la ratification n'a pas
eu lieu davantage; car, dit-il, cet empêchement ne pourrait cesser par
la cohabitation prolongée, que dans le cas oïl il serait occulte : que s'il
est public, le mariage n'est pas pour cela revalidé. Ainsi l'enseignent
Barbosa, de Offîc. episc. coll. 23, n. 149; Fagnan, in cap. de illis,
H, deSpotis. imp., n. 13 ; Schmalzgrueber, Jus eccl. univ.,tom. 4,
p. 1 , tit, 1 , § 420 ; et la Sacrée Congrégation in Panormitana nulli-
talis matrim. 30 sept. 1719.
H. Le défenseur nommé d'office combat pour Ja validité du mariage.
Il s'appuie sur ce que, d'après le récit, la jeune fille n'a été déterminée
au mariage par aucune cause externe, par aucune violence ni physique,
ni morale, mais seulement par le désir de sauver son honneur com-
promis. De plus, dans sa supplique, pour obtenir l'annulation de son
mariage, elle n'allègue d'autre motif que l'impossibilité de vivre et de
s'accorder avec son mari. Il attaque ensuite les assertions émises
par l'avocat d'Edith, et voici la substance de son argumentation.
1" 11 n'y a pas eu rapt, car le rapt exige deux conditions, sa-
voir : renuentia mulieris, et de plus : physica abslractio de loco ad
locum a raptore perpelrata. (S. Thom. 9-2, q. 154, a. 7; Sanchez,
diss. 12, /. 7,n. 6.) Or, dans le cas présent, Edith est allée librement,
quoique trompée, dans la maison de Frédéric; et ce n'est pas Frédéric
qui l'a emmenée chez lui.
478 JURISPRUDENCE CANONIQUE.
2'' Quand même la raére d'Edith aurait agi comme mandataire de
Frédéric en lui amenant sa fille par fraude, il n'y aurait pas encore
rapt, parce qu'il a été question de mariage auparavant (S. Gong. Conc.
in Olomucen. 9 julii 1769); et que si le père a rejeté la demande en
mariage, c'est dans la fausse supposition que le jeune homme était juif.
Du reste, la mère avait admis clairement la proposition de mariage.
3" En admettant que le rapt a eu lieu, il cesse d'être un empêche-
ment, du moment que la jeune fille n'est pas restée au pouvoir du jeune
homme, mais qu'elle est sortie librement de sa maison, qu'elle esi
retournée librement à Paris, qu'elle a habité de son plein gré l'hôtel
de la rue d'Arcole, où elle était libre, puisqu'elle a pu aller trouver un
avocat.
4'' Le père a assisté au mariage, la jeune fille a consenti ; on ne
voit là aucune apparence de violence physique ou morale.
5" Quand même le consentement aurait été donné par suite de
violence, ou sous l'empire delà crainte, il n'y a pas empêchement dans
le cas présent, parce que, de l'aveu de tous les canonistes, il faut que
l'objet de la crainte soit un grave dommage, il faut que celui qui inspire
celte crainte puisse ou soit supposé pouvoir donner suite à ses menaces;
il faut de plus que Ton ne puisse pourvoir à sa sécurité en recourant à
ses supérieurs, à ses parents, ou à ses amis. Or rien de lonl cela n'ap-
paraît dans l'espèce.
6" Enfin, les canonisles enseignent que la cohabitation quadriennale
est plus que suffisante pour ratifier le mariage, « quia tam diuturna
vitae consuetudo inducit prœsumplionem juris et de jure, mulierem
libère consensisse. »
Le lecteur, qui a sous les yeux les pièces du procès, comprend fa-
cilement que les réponses du défenseur d'office ne peuvent subir un
examen sérieux, et qu'elles doivent céder à la force des arguments
développés par l'avocat delà suppliante; aussi les éminentissimes cardi-
naux, après a voir pesé mûrement les raisons alléguées de part et d'autre,
ont résolu celte grave affaire en se déclarant pour la nullité du
mariage.
Dubium. Anconslet de nulUtate malrimomi in casu.
Resp. Affirmative.
DÉCISIONS DE LA S. C. DU COKClLE. â7Ô
11.
Calanen. Parochialis. Die 25]uniM864.
L'église paroissiale de Bronte devint vacante, le 31 décembre 1847,
par la mort du titulaire. Bronte est une ville de quinze mille âmes,
appartenant au diocèse de Catane (Sicile). Avant de procéder à la
nomination canonique d'un successeur, l'évêque exigea qu'on produisît
les titres originaux constatant l'érection de cette église en cure archi-
presbytérale ; et comme ces titres avaient péri, il donna l'administra-
tion de la paroisse à un curé-économe. L'affaire en resta là pendant
plusieurs années. En 1852, la décurie de la commune (conseil com-
munal), craignant qu'on ne vînt à nommer un simple recteur amovible
ad tiutum, s'adressa au préfet de la province pour faire confirmer le
droit de cette église au titre de paroisse (jus parochialilalis); et le
8 juin de l'année suivante, un décret royal déclara que l'église de
Bronte était une véritable paroisse, que son titulaire avait la dignité
d'archiprêtre, et que ce bénéfice ne pouvait être conféré que par voie
de concours. Une autre difficulté avait été soulevée en même temps; la
commune revendiquait le droit de patronage sur cette cure, sous pré-
texte qu'elle en payait le revenu. Mais, considérant que ses prétentions
allaient apporter de nouvelles entraves à la marche de l'affaire, la dél«-
curiese décida à y renoncer le 21 août 1853, et supplia instamment
l'évéque de vouloir bien sans retard intimer le concours.
Près de six années s'écoulèrent encore. Enfin, le l"^' avril 1859
l'évéque ouvrit le concours. Un seul candidat se présenta dans le délai
voulu : ce fut un prêtre âgé de 28 ans, originaire delà ville, et nommé
Salvalore P. Il fut examiné et admis le 25 mai suivant. A peine connue,
cette admission produit un immense scandale, et soulève de toutes
parts les plus vives réclamations. Le clergé rédige une protestation si-
gnée de 30 prêtres ; et la décurie « considérant que l'élu est jeune,
sans expérience, détesté du peuple pour l'irrégularité de sa conduite..,*
notifie au gouvernement, à l'évéque, et à l'intendant de la province, le
vœu unanime de la commune, afin qu'on prenne les moyens d'empêcher
l'institution canonique.
480 JURISPRUDENCE CANONIQUE.
Mais toutes ces réclamations ayant élé inutiles, le clergé s'adresse au
Saint-Siège le 26 juin. Observant entre autres raisons que l'évoque,
après avoir laissé passer six mois sans intimer le concours, ne pouvait
plus faire la collation, il supplie la Sacrée Congrégation de donner la
déclaration suivante : Jus providendi ecc lesiam parochialem Bronlis
de idoneo redore ab Antistite ad S. Sedem devolntum esse, ex Con-
tilutione S. Pii Fin conferendis diei 15 Marlii 1567.
Le 17 septembre, on écrit àl'évêque de Çatane de vouloir bien en-
voyer des explications sur les causes du retard, sur les formes obser-
vées dans le concours, sur l'âge, les mœurs, la science et les qualités
du sujet admis. Il se contente de répondre qu'il a observé en tout les
formes prescrites par les SS. Canons ; et quelquesjours après, il donne
à Salvatore ses lettres d'institution et de collation. Bientôt le clergé de
h ville réitère ses instances à la Sacrée Congrégation, en lui dénon-
çant la conduite scandaleuse que mène le nouvel archiprélre depuis sa
prise de possession. L'archevêque de Monreale, consulté sur cette af-
faire en qualité demétropolilain, confirme toutes lesaccusations portées
contre l'élu. L'évêque de Catane étant mort sur ces entrefaites, le vi-
caire capitulaire reçoit l'ordre de faire une nouvelle enquête. Dans sa
réponse du 25 février 1862, il expose les diverses raisons du retard
qu'éprouva la convocation du concours, et quant au concours lui-
raéme, il observe : i" Que le jour de l'examen n'a pasétéfixé, ni dans
l'édit de convocation, ni ultérieurement ; 2°Queles examinateurs pro-
synodaux ont en effet été constitués du consentement des chanoines
présents ce jour-là à l'office, mais que les chanoines n'étaient pas as-
semblés capitulairement et qu'il n'y eut pas de scrutin secret. Du
reste la faute n'est pas imputable aux chanoines, parce que depuis 1854
l'évêque se contentait de notifier au chapitre par son premier notaire
les noms des examinateurs, qu'il choisissait lui-même. 3° Il ajoute
qu'il n'y a dans les actes du concours que deux attestations de bonnes
mœurs, données par le curé-économe de Bronte. 11 ne peut dire
pourquoi l'évêque a conféré un bénéfice réservé au Saint-Siège par
droit de dévolution, ni pourquoi il a donné l'institution malgré les ré-
clamations qui se sontélevées. Enfin il atteste la mauvaise réputation de
I
DÉCISION DE LA S. C. DU CONCILE. A81
Salvatore,et transmet à l'appui plusieurs pièces contenant les accusa-
tions les plus graves contre lui.
Averti de pourvoir à sa défense, le nouvel archiprêlre se contenle
de prolester dans quelques lettres contre la jalousie et la rivalité de
ses adversaires, et atTirme qu'il n'y a pas lieu de douter de la légilinnité
de son élection.
Après tous ces préliminaires, la cause fut enfin proposée au jugement
de la Sacrée Congrégation du Concile.
I. Le clergé de Brome s'est constitué un défenseur chargé de sou-
tenir sa réclamation. Voici ses principaux arguments:
i" Pour une paroisse de libre collation, le concours doit être intimé
par l"évéque dans les six mois qui suivent la vacance. {Syn. Trid. sess.
24, cap. 18, de Reform. S. Pu V. Constitutio In conferendis ;
Beuedicti XIV Constitulio Quod inscrutabili.) Or, il s'écoula non
pas six mois, mais bien dix ans avant la convocation du concours.
L'évoque avait donc perdu son droit, et la collation était dévolue au
Saint-Siège.
2° Aucun empêchement extrinsèque et invincible ne s'opposait à
l'intimalion du concours, cgr la prétention de vérifier les titres origi-
naux de fondation de la paroisse n'était pas soulenable en présence
des registres paroissiaux, des bulles d'institution des prédécesseurs,
et d'un usage de plus de trois siècles, qui ne laissaient aucun doute sur
la queslion.
3° Même en admettant la réaliié de cet empêchement, il faudrait
prouver que l'évêque a fait ses diligences pour l'écarter ; et comme
plusieurs années s'écoulaient, il devait recourir au Saint-Siège pour
obtenir un délai.
A" Le déciet royal de jure parochialitatis ayant été donné le 8 juin
1 855, l'obstacle n'existait plus, et le délai de six mois accordé pour
l'intimation du concours courait à partir de ce jour. Or le concours n'a
été ouvert que cinq ans plus tard, le 30 mars 1859.
5° La prétention de la commune au droit de patronage n'était pas un
obstacle, puisqu'elle fut retirée à la suite du décret du 8 juin 1853.
Du reste, à cette époque, il s'était écoulé plus de quatre mois sans que
Revoe des sciences eccles., t. jx.— novembre 1864. 32
482 JURISPRUDENCE CAIJJO^'IQUE .
la commune eût présente son candidat ; elle avait donc perdu son droit
de présentation.
6° Le droit revenait alors tout entier à l'évêque, qui devait immé-
diatement conférer le bénéfice dans les formes prescrites ; et comme il
a tardé, il y a eu lieu à la dévolution. {Fagnan, in cap. Cu m propter,
de jure patron. ; Vivian, de jure patron, lib. 5, cap. % n. 26^ p. 2;
Rota in Bononien, Parochiali 26jaîniar. 171!, etc.)
1" Après avoir rappelé les régies canoniques qui doivent être obser-
vées dans les concours, le défenseur prouve la nullité du concours en
question, à cause de plusieurs vices de forme. — 1° Le jour del'examen
n'a pas été fixé ; — 2° le candidat n'a produit aucun témoignage attes-
tant l'intégrité de sa foi ;— 3* il n'y a pas eu d'examinateurs synodaux
et prosynodaux élus dans les formes; — 4° les examinateurs désignés
n'ont pas prêté serment; — 5" on a négligé l'enquête sur les mœurs
du candidat, enquête que les accusations rendaient nécessaire. Or, un
seul de ces vices frappe le concours de nullité, d'après les termes des
constitutions de S. Pie V et de Benoît XIV, et d'après la jurisprudence
reçue dans la Sacrée Congrégation.
8" Le défenseur passant à l'examen du jugement de l'évêque, prouve
qu'il est injuste et nul, parce que le clergé, après avoir inutilement pro-
testé de concert avec le peuple et la décurie, s'était adressé au Saint-
Siège le 29 juin 1859, pour l'avertir que le droit de collation lui était
dévolu depuis longtemps. Parlant de cette démarche près du Saint-
Siège, l'orateur s'exprime ainsi : « Haec aut incidens est petilio super
determinanda competentia, antequam instilutio locum habeat ; aut ap-
pellatio ab actis concursus. Utroqne in casu instilutio locum habere
non debuisset, nam quando in primo casu agitur de quaestione praeju-
diciali, ex Leg. 2, Cod. de Ord. cognition. supersederi débet in merito
principali, donec prœambula qusestio absolvatur. Quando vero agitur
in secundo casu de appellatione ad superiorem, orania pênes inferiorem
in suspenso manere debent, juste vel injuste provoealio interposita sit,
ïeg. 6 ff. de appeU.' » D'autant plus, ajoute-t-il, que le Saint-Siège
avait déjà commencé l'examen de la cause en procédant aux infor-
mations ordinaires. 11 était donc absurde de donner l'institution, et
de dirioier ainsi la controverse avant le jugement du Saint-Siège.
DÉCISIONS DE LA S. C. DU CONCILE. 483
9° Le jugement de l'évêque est encore nul et wjuste, à cause de la
baine et de l'aversion de toute la ville pour le prêtre admis ; car,
d'après le droit, «NuUus invilus et non pelentibus ordinetiir, ne civi-
las... non optatum aut contemnat, aut oderit. » {Can. Nullus invitas
dist..Q^, et çan. Si farte, d'ist. 63, in fine.) Que cette haine fût juste
ou injuste, il fallait s'abstenir de donner l'institulion à Salvatore. Car,
comme l'a dit, dans une cause précédente, cette même Congrégation, si
inimicitiae parochianorum justae et rationabiles sint, parocbus est omnino
privandus ; si vero sint iDJustae et irralionabiles, tune estremovendus. »
{In Reatina Parochialis, Z sept, il \S, et nuperrime in Bergom.
Siispensionian, irregularitatis etprivationis payœcix,5decemb. 1863,
g Atlamen.) Du reste cette haine générale dont l'élu était l'objet n'avait
d'autre cause que son inexpérience et sa conduite déréglée. L'évoque
ne pouvait donc en aucune manière lui donner l'institution, car selon
la pensée de la constitution Cim illudàa Benoît XIV, Instituendi tan-
tum .sunt qui morihus, gravitate ac pndenlia, prohalo nomine, diu-
turno Ecclesix famulalirac mulliplici virliitum laude prxcellnnt.
IL Le préire Salvatore, comme il a été dit plus haut, n'a constitué
aucun avocat pour la défense de ses droits. Voici cependant les ar-
guments qu'on pourrait faire valoir en sa faveur.
1° A cause de la double question pendante devant les tribunau;x
suprêmes [questio parochialitalis et qusestio juris patronatus), l'évo-
que gardait le droit de la collation, d'après ce principe : Ignoranti, vel
légitime impedito tempora non currunt.
2» La première question ayant été résolue le 8 juin i853, restait la
question du droit de patronage; or la sentence de renonciation, donnée
par la décui ie le 21 août 1853, ne pouvait avoir de valeur qu'après
avoir élè ratifiée par décret royal, ce qui n'a eu lieu que le 17 février
•1859: l'évêque pouvait donc encore ouvrir le concours le 1^' avril
suivant.
3<* Les différentes irrégularités qui se sont glissées dans le concours
ne paraissent atteindre que sa forme accidentelle et extrinsèque, d'où il
suit qu'elles ne sont pas une cause de nullité.
4° L'aversion du peuple pour le piêlre Salvatore fut injuste, car si
/|84 JURISPRUDENCE CANONIQUE.
l'évêque avait trouvé quelque chose de réprehensible dans ses mœurs,
ii ne lui aurait pas donné l'instilulion. Et comme le clergé et le peuple
se sont ensuite élevés contre lui à cause de son admission, il doit être
excusé, s'il a dû prendre des moyens extrêmes pour imposer silerce â
ses adversaires et faire cesser le scandale, qui du reste n'a d'autre
cause que la jalousie et l'envie.
50 Cela posé, les éminentissimes cardinaux sont Invités à examiner
s'il n'y a pas lieu d'invoquer, dans l'espèce, la règle 36 delà chancel-
lerie sur la possession triennale: Si quis ecclesiastka bénéficia absque
timû7iiaco ingressu exApostolicavel ordinaria collatione per triennixim
pacifiée possèdent, super iisdem leneficiis taliter possessis nequù mo-
kstari. Mais comme le bénéfice de celte règle ne s'applique qu'à la
possession pacifique, c'est à la sagesse de leurs Eminences Révérendis-
simes à décider si les réclamations et les plaintes de tout genre qui se
sont élevées contre le jeune archiprêtre, ont empêché sa possession
d'être pacifique, et à résoudre en conséquence les doutes suivants:
Dubia.
I. A71 constet de nullitate concursus incasuf
Et quatenus négative.
II. An et quomodo sustineattir collalio Parœcise favore Salvatoris
P. in cxishf
Resp. Ad T" et S""" CoUationem non suslineri^ et provisionem
speclare ad Sanctam Sedem.
N. F.
Prof, (te droit canonique.
BIBLIOGRAPHIE.
Caesarls Hi. R. E. Card. Baronii, Od. Kaynai.di et Jac. Laderchii.
Cougregationis Oratorii presbylerorum, Annales ccclcsiastici de-
nuo e.xcusi et ad nostra usque tempora perdiicii ab Augustino Theiner,
ejusdem Congregalionis presbytero, sanctiorum tabulariorum Vatica-
ni prœfecto, etc., etc. Barri-Ducis, typis et sumptibus L. Guérin. Tomi i
et II, gr. 40, xvi-615 et iv-644 pp. (la fr. le volume pour les souscri-
pleura actuels. L'ouvrage aura 45 volumes environ.)
Dans un temps où l'activité des esprits se tourne vers l'étude du
passé, les catholiques ne peuvent avoir rien de plus à cœur que de se-
conder ce mouvement. L'histoire mieux connue, c'est la glorification
de l'Église dans tous les âges, malgré les misères inséparables de
l'humanité ; c'est l'hérésie, c'est le rationalisme privés de tous leurs
moyens d'attaque et de défense. Les immortelles Annales de Baronius
sont nées au xvl*" siècle du besoin de réfuter les calomnies et les in-
dignes travestissements des centurialeurs de Magdebourg. Une nou-
velle édition du Père de l'Histoire ecclésiastique n'a pas moins d'op-
portunité en ce moment. Cet ouvrage est de ceux dont le mérite est
impérissable, malgré des fautes de détail inévitables quand on fraie le
premier la voie, inévitables surtout à une époque où les ressources lit-
téraires n'étaient pas multipliées comme aujourd'hui. Telles qu'elles
sont, les Annales de Baronius n'en restent pas moins l'ouvrage clas-
sique tout à fait indispensable à l'historien comme au théologien. La
continuation de Raynaldi jouit delà même réputation parmi les savants :
elle reproduit les sources avec beaucoup d'abondance, de critique et
de fidélité. En joignant à cet ensemble la critique de Pagi, on a une
véritable Somme historique digne de prendre place à côté delà Somme
théologique.
486 BIBLIOGRAPHIE.
Il y manquait cependant quelque chose encore. Baronius s'arrête â
la fin du XII' siècle, Raynaldi continue le fil de l'iiistoire jusqu'en
1565, Laderchi jusqu'en 4571. Restait la période écoulée depuis lors,
et qui n'est pas la moins importante. Un oratorie n connu par ses
grands travaux historiques, le R. P. Theiner, a depuis longtemps en-
trepris de continuer les Annales. Déjà trois volumes de cette conti-
nuation ont paru à Rome en 1856. 11 était tout naturel que, songeant
à réimprimer Baronius, M. Guérin chcrcliâl à s'assurer le concours de
ce savant spécial, désigné d'avance par ses travaux et par sa position
comme préfet des archives du Vatican. Le célèbre oratorien hésitait à
se charger d'une semblable lâche : les encouragements de Pie IX
firent tomber toutes ses hésitations, et l'entreprise fut décidée.
Nous n'avons pas à en faire ressortir longuement l'importance ; nous
n'avons pas à dire non plus tout ce que promet la direction du P. Thei-
ner. Il suffira de faire connaître le plan de l'édition.
Le texte de Baronius et de ses continuateurs est réimprimé en en-
tier, avec la critique de Pagi. Les notes de Mansi, moins importantes,
sont fréquemment omises. Un avis de M. Guérin nous apprend que le
P. Theiner se propose de donner plus tard et séparément une série
d'annotations en rapport avec l'état actuel de la critique et des investi-
gations de la science. Toutefois, le P. Theiner ne parle point de ce
projet dans sa préface. Nous désirons vivement qu'il puisse le réaliser
un jour.
Les monuments insérés dans les Annales, tels que chartes, privi-
lèges des papes ou des empereurs, etc., seront revus avec un grand
soin et une grande exactitude. Le P. Theiner regrette que différentes
causes et surtout le manque de temps l'empêchent d'étendre le même
travail aux textes des conciles et des auteurs ecclésiastiques. Nous
partageons ses regrets; mais tout le monde comprend que, dans la
nécessité de faire un choix, il fallait aller au plus pressé, et laisser au
lecteur le soin de consulter lui-même, quand la nécessité s'en fera sen-
tir, les sources facilement accessibles.
La question du pouvoir temporel, soulevée par les aspirations anti-
chrétiennes de la Révolution j a pris de nos jours une grande inipor-
BCTIIOGRAPHIE. 487
tance. Le P. Theiner détachera, pour les insérer à leur place, les
principales pièces publiées par lui dans son Codex diplomaticus Domi-
niei temporalis S. Sedis,
La continuation est prête jusqu'à la fin du xviiP siècle, ou du moins
tous les matériaux sont réunis et coordonnés ; il n'y a plus qu'à y
mettre la dernière main : l'auteur nous en donne l'assurance. Cette
continuation sera publiée parallèlement avec les parties anciennes, â
partir du quatrième ou cinquième volume. H est facile d'établir
d'avance la tomaison sur un calcul précis, pour que plus tard elle se
suive régulièrement.
L'ensemble sera couronné par un Apparalus criticus plus riche que
celui de l'édition de Mansi : on y trouvera des ootiom de chronologie
universelle, des tables de concordance et autres^ une notice sur les an-
ciens Calendriers et Martyrologes, des listes chronologiques des
papes, des empereurs, des chefs des principaux États, des trois élec-
teurs ecclésiastiques, chanceliers de l'empire, et comme tels appelés
souvent à signer les diplômes des rois et des empereurs. Enfin cet
Apparattts comprendra aussi un catalogue de toutes les provinces ec-
clésiastiques, des évêchés et des monastères au moyen-âge. Ce der-
nier appendice est un travail nouveau fait sur des manuscrits du xiii»
et du xiv« siècles.
Un autre supplément sera consacré à l'histoire des auteurs ecclésia-
stiques jusqu'à la fin du xv" siècle. On y traitera brièvement, par
ordre chronologique, de leurs principaux ouvrages et de leurs éditions.
€Sette notice sera d'une grande utilité pour comprendre et apprécier à
leur valeur les citations faites à chaque pas dans le cours des Annales.
Nous terminons cette exposition un peu aride, mais qui suifit pour
faire apprécier à sa valeur une des plus magnifiques p\ib|lications de ce
tôBopa. La science n'aurait qu'à s'applaudir de l'activilé ^e nos édi-
tôora, s'ils étaient toujours aussi intelligent^ dans le chw <i^Ç ouvrages
à reproduire et des forces dont ils doivent s'assurer lo concourç. Ud
mot maintenant sur la partie matérialle et t^cbaiqu^ de l'entreprise.
L'ejéeutiôD typographique est très-belle, trè«,->netle et ti'^-cofrecte ;
U papier, bo» at solide; la dis|)osition du le>}iMf ^9 ç^m^iioée en
A88 BIBLlOGRAPmE.
vue du coup d'œi!, de la commodité du lecteur et de la facilite des
recherches. Le format est majestueux, sans être embarrassant : c'est
le grand in-4'', dont les dimensions reproduisent celles du petit in-folio
d'autrefois. Les amateurs diificiles trouveront peut-être que l'épaisseur
des volumes n'est point proportionnée à la grandeur du format. Plu-
sieurs eussent désiré que les volumes fussent plus forts, sauf à les payer
en proportion :-la différence eût été compensée par le nombre, et cette
combinaison aurait même permis de réaliser une économie sur les
frais de reliure. Nous avons souvent eu tendu faire des observations
analogues à propos de certaines publications modernes. Avis à mes-
sieurs les éditeurs.
Nous engageons vivement les théologiens et surtout les établisse-
ments publics et religieux à se procurer cette édition de Baronius, qui
sera évidemment la meilleure, la seule complète, et que nulle autre ne
pourra remplacer. Le prix en est relativement modique : celte dé-
pense, d'ailleurs, est rendue presque insensible par les délais inhérents
au mode de souscription et par les autres facilités qu'offre l'éditeur.
E. Hautcœur.
De fitacratissima Verbi DiTini Incarnatione Compendium,
auclore P. Dion. Paris, Vivèi, rue Delambre, 9 ; Limoges, Dilhaa-
Vivès, nie Faubourg-Boucherie, 8. Ia-12 de 198 p.
C'est avec un vif plaisir que nous annonçons cet ouvrage â nos lec«
teurs. M. l'abbé Dion n'est pas à son début. En 1862, il a donné un
petit traité de l'Église, qui a reçu des théologiens le meilleur accueil
et qui a exercé une salutaire influence sur l'enseignement (Tour-
nai et Paris, Casternian). Le volume qui paraît cette année mérite éga-
lement de fixer l'attention des esprits sérieux.
Le traité est divisé en trois parties : Pars triplex erit : 1. De Us
qux sacram Incarnalionem antecedunt ; IL De m quss ipsam consti-
tuunt; IlL De Us quœ stibseqmintur.
La nécessité, la convenance et les causes de cet adorable mystère
sont exposées dans la première partie. L'auteur y a résumé tout ce
que les auteurs ont enseigné à ce sujet. Il l'a résumé avec vie, netteté,
BIBLIOGRAPHIE. /l89
intérêt et science. Si l'espace le permettait, nous citerions la page 14,
qui traite de la nécessité de l'Incarnation dans l'hypothèse que Dieu
exige une réparation complète, et tout l'article consacré à la conve-
nance de l'Incarnation. On ne peut rien lire de plus intéressant que
l'endroit où est examinée la question de savoir si l'Incarnation n'a eu
pour fin prochaine que le rachat des pécheurs (pp. 33-40). Parlant de
la cause efficiente, l'auteur termine ainsi • Âctio Incarnationis in iclu
omli effecta fuit. Sacratissimmn momentum iîlud quo Verbum caro
factum est, us anni diebus positum fuit quando hiems transit et flores
apparent in terra noslra. Tune flos de radice Jesse ascendit e quo flores
omnes alii, et in Nazareth ascendit, hoc est, in civitate florida. Vox
turturis audila fuit, quando Beata Virgo dixil : Fiat, et suum Magni-
ficat cecinit (p. 28).
La deuxième partie traite de l'existence et de la nature de l'Incar-
nation. Paucis evolvendum habemus Jncarnationem esse l'> factum,
2° revelalum, 3° scitu necessarium. Quibus patefît utrum et quo sensu
existât : trois pensées fort bien développées de la page 40 à la page
46. Quant à la nature de cet adorable mystère, le Compendium la
montre en établissant que Jésus-Christ est Dieu et homme ; en lui ces
deux natures sont unies hypostatiquement.
Il traite de cette union hypostatique avec une clarté et une précision
qui ne laissent rien à désirer (pp. 54-59) : Admittenda omnino est
in Cliristo : 1» Unie non moralis sed hypostatica; 2° non confusionis,
sed distinctionis naturarum ; 3° non confusionis, sed distinctionis vo-
luntatum et operationum ; ^^ ex qua idiomatum communicatio ; b^qtix
e/floruit in vita Christi, et 6" ctijus pars qusedam, ut loquitur Suarez,
fuit B. Virgo Maria et S. Joseph, quse omnia per partes exponenda
S2Ui/(p.5y).Chacun des points de cette division si naturelle est ensuite
examiné. Le punctum v, consacré à la vie de Notre-Seigneur com-
mence ainsi (p. 76) : Florem fuisse Dominum Jesum, ieslem habemus
Isaiam. Quomodo flos ille effloruerit ubique mirum spargens odorem :
et abiit opinio ejus, ac fructum nobis salutiferum gustandum in mortis
8UX tempore prxbuerit, evolvendum esset, sed ne nimii stmws, ad eum
remittimus qui de Christo, teste Christo, bene scripsit,ad S. Thomam,
490 BIBLIOGRAPHIE.
qui tottts et accurale de hae materia îegendus est. Cela n'empêche pas
l'auteur de donner un excellent abrégé de cette vie sacrée. Or, ajoute-
t-il, cette vie appartient à l'histoire; il n'est permise personne d'en al-
térer les faits par des interprétations de fantaisie.
Présentée selon la belle doctrine de Suarez comme une certaine
portion de l'Incarnation, Marie s'offre à nous après Jésus. Avec
tonte la théologie, l'auteur place sur la tête de la Reine du ciel la
couronne d'une sainteté presque infinie^ la couronne d'une perpétuelle
virginité, et enfin la couronne de la maternité divine (pp. 82-84).
Saint Joseph apparaît après son incomparable épouse (p. 83),
r La troisième partie est consacrée aux elïets de l'Incarnalion. Trac-
iandoriim in isla tiUïma parle summa hxc est : Ex incarnatione
qnxdam immédiate veniunt quoad Christum, id est : Dotes et Tituli ;
immédiate quoad nos : satisfactio ac mérita in nos effusa. Ob ipsam
auiem qnscdam immédiate redeunt ad Christiim : Cullus lalr'xx quo
adoratur et cultus crucisiiUus quam sanguine coulactuque consecravit :
et médiate, cultus Sandorum quœ sunl Christi mystica membra. Sed,
cum reliquix an imagines pars Sandorum sint aut certe ipsorum ex-
tensio, ideo de ipsarum çultu tractandum eril sicque omnia absolven-
fur quse deChr'isto sunt dicenda.
Parmi les titres de Jésus-Christ, nous avons lu avec plaisir ceux de
roi, de médecin, admirablement développés. Ne pouvant citer ces pas-
sages, bornons nous à les indiquer. Rien de mieux résumé que le pas-
sage consacré à la vérité de la satisfaction de Notre-Seigneur.
Citons encore l'appendice (p. 457-196), où se lisent des extraits de
la théologie de Périgueux, et surtout une courte réfutation des sys-
tèmes récents contre le caractère de l'histoire évangélique et la divinité
du Christ.
En un mot, ce Compendiwm est complet, bien divisé, bien nourri de
doctrine : l'exposition y est claire, intéressante et pieuse.
Il est dédié au Sacré-Cœur de Notre-Seigneur et à la Très-sainte
Vierge, in injuriarum reparationem . Cette dédicace, unie à son mé-
rite intrinsèque, lui assureront tout le succès qu'il mérite et que noss
désirons pour lai. N.-C. Le Roy.
BIBLIOGRAPHIE. 491
lift C^nfeflston on l'Amour de Jésus poar les pénitents, par H.-E ;
Manning. Traduit de l'anglais par L. Pallabd. Paris, Martin Beaupré
frères. In-18 de vu-192 pp.
Ce petit livre, qui a paru l'an dernier, et qui vient d'être traduit
en français, est peut-être la production la plus exquise qui soit sortie
de la plume de iMgr Manning. Tout ce qui vient de l'illustre converti
est simple autant que savant. C'est le résultat de l'élude et celui
de l'expérience, d'une double étude et d'une double expérience, avant
et après la conversion. L'auteur a vu la confession se dresser devant
lui comme une question formidable, longtemps avant qu'il l'acceptât
comme une croyance dans la plénitude de la foi. Il a dû chercher,
pour s'en rendre compte, les causes de l'institution divine, ses preuves,
sa portée. Il en a vu le côté rebutant, et sous cet aspect, il a deviné,
puis reconnu son ulilité. Ce livre est fait pour démontrer cette utilité,
ou plutôt cette nécessité du sacrement. Il est divisé en cinq confé-
rences, où la confession est présentée corarae le moyen spécial choisi
par Notre-Seigneur Jésus-Christ pour y exercer sa miséricorde envers
nous, pour donner au pécheijr la vraie connaissance de lui-même,
pour perfectionner sa contrition, pour assurer la réparation de ses
fautes, pour l'affermir enfin dans la voie de la persévérance. C'est un
traité pratique où la théologie et la philosophie ont leur part, et où la
théologie sait être profonde en restant claire. Mgr Manning a tou-
jours détesté le fracas des grands mots.
Ce qu'il déteste également, c'est d'avancer une opinion, ou même
un fait dont il ne s'est pas rendu compte. Vous reconnaissez à chaque
page l'exercice de celui qui a dû, sous la conduite de l'Esprit-Saint,
frayer pour soi la route vers la vérité. Le sujet a été décomposé, et
chacun de ses éléments analysé. Le lecteur passe avec satisfaction
à travers les diverses phases de celte élaboration, parce qu'il a sous
les yeux des résultats complets, et qu'il touche la vérité du doigt. Rien
de meilleur que les chapitres où la confession s'offre comme moyen
d'obtenir la coanaissance de soi-même et la contrition parfaite. La
description de notre amour-propre est achevée. On y voit à nu ses
A02 BIBLIOGRAPHIE.
ruses, ses détours, ses rêves, ses illusions, ses mensonges, et dans son
plein jour, l'impossibilité pour l'homme de se bien connaître lui-même
s'il ne s'examine avec le plus grand soin^ et s'il ne réfère à un autre
ses propres jugements. L'auteur dit : Ceux qui se connaissent le
mieux eux-mêmes sont les moins trompés. Sans un don extraordinaire,
riiomme s'apprécie rarement à son juste prix. Il surfait la valeur de
toutes ses bonnes qualités, et comme le Pharisien de lÉvangile, il se
trompe grossièrement quand il se met en parallèle avec le prochain.
Cette parabole de Noire-Seigneur a inspiré à l'auteur une page admi-
rable. Les protestants ne sont pas désignés sous le masque de l'homme
superbe qui lève le front et refuse d'avouer ses fautes, et de frapper sa-
poitrine, mais quoiqu'ils ne soient pas nommés, on les voit. Sous
l'image duPublicain,qui dit son crime, qui s'abaisse, qui s'humihe jus-
qu'au pavé du Temple, on reconnaît le chrétien fidèle à la confession,
et qui trouve dans ses humiliations salutaires le remède à l'orgueil et
à tous les maux qui l'accompagnent. Voici le même homme hier
et aujourd'hui : ee qu'il faisait en s'applaudissant, tout à l'heure
deviendra détestable à ses yeux, et lui fera verser des ruisseaux de
larmes. L'art des gens du monde est de ne s'inquiéter d'aucune de
leurs fautes ; puis l'amour-propre et ses flatteries font que l'on
rejette sur autrui le mal de la propre faute ; et de tout cela naît un
contraste frappant avec les saints qui s'approchaient chaque jour
du tribunal sacré, examinaient chaque jour leur conscience et trou-
vaient aussi quotidiennement en eux la matière pour dire à Dieu :
« Pardonnez-nous nos offenses » En lisant ce petit livre, on recon-
naît d'un bout à l'autre l'homme qui, pendant toute sa vie, s'est péné-
tré de la sainte Écriture et des écrits des Saints, et qui commente les
textes les plus sublimes de l'Apocalypse avec la même lucidité qui
coule doucement dans son Catéchisme aux enfants.
H. Girard.
CHRONIQUE.
1. Livres mis à l'index (décret du 20 septembre 1864) :
La Judia errante, Novella filosofico-social, por Ceserino Tressera.
Madrid, libreria de Antonio San Martin 1862.
Almanaque rfemocra/ico para elano bisiesto de 1864, por varios so-
cios del Ateneo catalan. Barcellona, J Lopez editor, libreria espanola.
Die Rœmische Index Congrégation tind Ihr Wirken. Historisch
Kiitische Betrachtungen zur Aufklœrung des Gebildeten Publikums.
Miinchen 1863. Latine vero: Romana IndicisCongregatioejusqueacta.
Animadversiones historico-criticae etc. Monachii 1863.
Risposta del Senatore Giovanni Siotto Pintor alla lettera dell' Ar-
civescoYO di Cagliari intorno al Dominio temporale dei Pontefici. Milano
1864.
Vita ed avventure galanti del cavalière Faublas de Lotivet. Livorno,
societa éditrice 1862.
Vita di Gesù Cristo messa a confronta con Napoleone I, Garibaldi
èl col Papato, alla portata dellintelligenza popolare, perR. Vella. Na-
poli, tipografia di Luigi Gargiulo 1864. — Decr. S. Officii, fer. IV,
die 14 julii 1864.
Corne si possa difendere la Chiesa cattolica nelle sue preghiere pei
Defonti incrirainata dagli eterodossi. Memoria del Sacerdote Vincenzo
DeVit. Prato, tipografia F. Alberghetti et G. 1863.— Decr S. Officii,
fer. IV, die 7 sept. 1864, Auctor laudabililer se subjecit, et opus
reprobavit.
2. Les bibliothèques de bons livres sont incontestablement un des
moyens de propagande les plus recommandables et les plus efficaces.
Au poison des mauvaises lectures, de jour en jour plus répandu, il
n'y a qu'un seul remède à opposer : les bonnes lectures, les bons
A9A CHRONIQUE.
livres, mis à la disposition de tous. Nous croyons donc être utile à nos
confrères en leur indiquant un moyen facile de fonder les bibliothèques
paroissiales. 11 est proposé par la maison Casterman, de Tournai (suc-
cursale à Paris, rue Bonaparte, 66, M. P. Laroche, gérant). Quel-
ques lignes du prospectus feront connaître cette combinaison.
« Une personne dévouée au bien réunira 25 membres ou associés,
s'engageant à verser chacun 5 cenlimes par semaine durant 20 mois.
« Moyennant ce modeste tribut, les associés obtiendront immédia-
tement, en toute propriété, une bibliothèque de 100 à 200 volumes
d'une valeur de loû francs, à choisir dans un vaste catalogue de livres
nouveaux, irréprochables au point de vue de la foi et de la morale, et
dont les prix ont été réduits d'un tiers en faveur de l'œuvre.
« Ces 150 francs de livres ne seront facturés que 100 francs,
payables eh cinq versements de 20 francs chacun, échelonnés de quatre
en quatre mois; le premier paiement se fera donc seulement lorsque
la cotisation hebdomadaire de o cenlimes aura pu produire ladite
somme de 20 fr., et ainsi des autres.
« Si, lors du dernier versement, on veut doubler la bibliothèque,
on pourra recommencer un nouveau terme aux mêmes conditions pour
d'autres hvres.
(( Inutile de faire ressortir que, par les facilités d'un si long crédit,
la dépense deviendra presque insensible.
« Plusieurs autres faveurs viennent encore s'ajouter à celle-ci ;
« l'^ Transport gratuit pour toute la France et la Belgique sur les
grandes voies desservies par chemins de fer ou messageries.
« 2° Franchise des frais d'emballage, ce qui constitue un avantage
sensible, car le colis renfermant une bibliothèque formera une masse
très-pondéreuse qu'il faut préserver de toute avarie pendant un trajet
qui peut être très-long.
* ù° Aux livres étiquetés, numérotés et catalogués, nous joindrons
un REGISTRE à l'usage de la Société, et quarante exemplaires du Ca-
talogue DE LA BIBLIOTHÈQUE et d'uu RÈGLEMENT conçu dans l'espril
de l'œuvre. »
On peut se procurer, en le demandant par lettre affranchie, un ca-
talogue détaillé qui renferme tous les renseignements désirables.
CHRONIQUE. h9h
3. La maison Castcrman, dont nous venons de parler, se dislingue
par son incessante activité et le bon choix de ses publications. Beau-
coup d'ouvrages de piété ou d'éducation, beaucoup de livres populaires
sortent de ses presses, mais elle édite aussi des ouvrages d'un
caractère plus scientifique et plus élevé. Nous citerons, parmi les
plus récentes, et nous recominanderons à l'attention de tous : Eccle-
six catholicx demonstratio, ex probatis anctoribus deprompta et {id
usum scholartim conclnnata, curante F. Labis {S" 324 pp., 3 fr.). —
Expositio rubricarum Breviarii, Missalis et Ritualis Romani, cum ad-
notalionibus de origine, ratione ac sensu mystico rubricarum, caererao-
niarum et festorum, in quatuor partes distincta, cura G.-F.-J. Bou-
VRY. Altéra éd. aucta et emendata (2 vol. 8^, xxvi-1266 pp., \0 fr.).
— Vie ei Institut de saint Alphonse-Marie de Liguori, évêque de
Sainte-Agathe des Goths, et fondateur de la Congrégation du Trés-
Saint-Rédempteur, par S. E. le cardinal Clément Villecourt, d'après
les Mémoires du P. Tannoia et divers documents authentiques (4 vol.
8«, xxvii-2231 pp. et portrait, 20 fr.j.
4. De grands travaux de réimpression continuent toujours à alimen-
ter l'activité de nos éditeurs ^religieux. M. Vives a donné le premier
volume des Dogmes ihéologiques de Thomassin, qui étaient depuis
longtemps annoncés: Dogmata theologica Ludovici Thomassini preshy-
teri Congrégation is oratorii D. Jesti. Editio nova, in qua textus ipse
auctoris diligcnter fuit recognitus, et cuncta loca, lam SS. Patrum,
quam variorum scriptorum, fuerunt innumeris mendis expurgata, et
quando opporlunum visum est, adnotalionibus illustrata, opéra et stii-
dio P. -F. Escalle, in seminario Trecensi sacrae theologiœ professons.
T. i, gr. 8" à 2 col., X'.i-660 pp. L'ouvrage complet, en 7 vol., coû^
tera 80 fr. sur papier vergé, et 50 fr. sur papier vélin. — Une autre
grande maison de librairie nous offre, dans une élégante réimpression,
V Ancienne et la Nouvelle discipline de l'Eglise, de Thomassin, revue
et continuée jusqu'à nos jours par M. l'abbé André. (Bar-le-Duc, Guérin.
T. let II, gr. 8° à 2col., xxxi-549,608pp. 11 y aura 7 vol. du prix<le
49 fr.). Le nouvel éditeur reproduit le texte français, qui offre la ré-
daction primitive de l'ouvrage : seulement il adopte, pour la distribu-
hQQ CHRONIQUE,
lion des matiéreS; l'ordre plus méthodique de la traduction latine pu-
bliée par Thomassin lui-même. Quant aux notes du nouvel éditeur,
elles contiennent des matériaux intéressants et utiles. A ce titre elles
ne peuvent manquer d'être bien accueillies. Nous ne sommes pas en
mesure de nous prononcer dune manière plus complète sur ce travail:
c'est à peine si nous avons pu y jeter un rapide coup d'œil.
5. En même temps qu'il annonce le quatrième volume des Acia
sanctontm, M. Victor Palmé fait connaître ses grands projets pour
l'avenir. Nous reviendrons là-dessus quand ces projets auront pris
plus de consistance et quand nous pourrons apprendre à nos lecteurs
quelque chose de positif. Nous nous bornons en ce moment à un
acte de sympathie accompagné d'une prière. Nous voudrions que
pour la collection des Conciles, au lieu du lourd in-folio, on choisît
rin-4'', plus maniable et moins cher. En ce qui concerne les Acta
sanctorum, le choix du format n'était pas libre : il fallait prendre ce-
lui de la continuation qui se publie à Bruxelles. Mais pour les Conciles,
il en est tout autrement. Nous regretterions beaucoup qu'on s'arrêtât à
l'in-folio.
6. Chez M. Palmé encore, le R. P. Marin de Boylesve publie une
série d'études historico-apologéliques. Deux parties ont paru jusqu'à
présent : Les Luttes de l'Eglise. Première lutte : l'Eglise et le Paga-
nisme (1865, 8° de H3 pp.). — Deuxième lutte : l'Église et l'Hé-
résie (1863, 8° de 145 pp.). Nous nous contentons d'annoncer ces
productions d'une plume bien connue, qui a déjà mérité beaucoup
de l'Eglise et de la vérité. Nous y reviendrons plus tard. Une mention
en passant à la belle Histoire du Monde, de MM. Henri et Charles de
Riancey, considérablement augmentée ou plutôt refaite par ce dernier,
qui a tenu à conserver sur le titre le nom d'un frère chéri, enlevé de-
puis longtemps aux lettres chrétiennes. La seconde édition aura 10
volumes in-8°, dont deux sont publiés. (Paris, Palmé. 50 fr., avec
prime pour les souscripteurs.) L'exécution typographique a un cachet
vraiment exceptionnel.
E. Hautcœur.
Arras. — Typ. Rousseau-Leroy^ rue Saint-Maurice, id.
TRIPLE GALLICANISME.
L oa a déjà beaucoup écrit contre le gallicanisme, et
toutefois on pourrait croire que la controverse n'est pas
encore terminée C'est ce que semble révéler la fièvre
de gallicanisme qui, depuis la déplorable affaire de la
liturgie lyonnaise, tourmente la presse protestante et
antireligieuse. Est-ce à dire que nous ayons le dessein
de recommencer contre les gallicans une polémique en
forme ? Non, les bornes de la Revue ne nous ne le per-
mettent pas. Nous voulons du moins contribuer à rendre
cette polémique plus simple et plus facile, en indiquant
les branches diverses du gallicanisme, avec leurs carac-
tères distinctifs, et le genre d'arguments qu'il convient
de leur opposer. Peut-être notre travail ne sera-t-il pas
entièrement inopportun.
Le gallicanisme peut revêtir et revêt une triple forme.
Il est tantôt le gallicanisme laïque et des parlements,
tantôt le gallicanisme théologique et des écoles, tantôt enfin
le gallicanisme pratique.
I. Le gallicanisme parlementaire consiste dans un en-
semble de maximes empruntées au césarime païen pour
opprimer l'Église et la réduire en servitude. Le docte
Charlas l'a défini : Oppressionem jurisdictionis ecclesiasticœ
a laïca (de Libertat. Eccles. Gallic ). C'est celui des
Pithou, des Dupuy, des Fébronius, des Durand de Mail-
lare, des Camus, des Portails, des Dupin, des auteurs
Revue des Sciences ecclés., t. x. — hécembre 18C4. 33
/l98 TRIPLE GALLICANISME.
de la couslitutioii civile du clergé. Sou dogme à lui
c'est l'omuipotence de l'État, et l'absorption de l'É-
glise au profit de la société civile. Sa formule c'est la
célèbre parole de M. Dupin : Soyons catholiques, mais
soyons gallicans! Ce qui signifie fort clairement que la foi
doit toujours céder à la politique et à la raison d'État.
Quelques citations textuelles de Portails et de Dupin, ces
deux fidèles disciples de Pithou, ne laissent aucun droit
à cet égard.
«L'unité de la puissance publique et sou universalité, «
dit Portails, « sont une conséquence nécessaire de son
« indépendance : la puissance publique doit se suflQre à
« elle-même : Elle nest rien, si elle n est tout. Les ministres
c( de la religion ne doivent pas avoir la prétention de la
« partager ni de la limiter A (elle) seule il appartient
« de prendre le nom de puissance dans le sens propre. »
[Rapport sur les articles organiques, etc.)
« Je laisse, » dit M. Dupin, « au pouvoir spirituel tout
« ce qui tient au dogme et à la foi -, mais je revendique pour le
a pouvoir politique le droit de veiller avec empire sur la disci-
« pline ecclésiastique et sur la police des cultes, et de contenir
a chacun dans le devoir. » [Manuel du Droit public ecclésia-
stique, introduction.)
II. Le gallicanisme théologique a d'autres tendances. 11
respecte sincèrement l'Église, et la proclame entièrement
indépendante de l'État. 11 affirme hautement la pleine
liberté des ministres ecclésiastiques, et c'est à ses yeux
un sacrilège que de vouloir les troubler dans la sphère
de leurs attributions. Le gouvernement, de l'Église est
monarchique, il eu convient ; et au Pape il accorde sans
hésiter la primauté suprême et l'universalité de juridic-
tion que le Concile de Florence lui reconnaît avec toute
l'antiquité : Definimns sanctam apostolicam Sedem in univer-
sum orbem ienere primatum, et ipsum Pontificem Romanum
TRIPLE GALLICANISME. 499
svecessoi'em esse B. Pétri et ipsi in B. Petro pascendi, re-
(jendi ne gubeniandi nniversalem Ecclesiam, a D. N. J. C.
plenam potestatem traditam esse.
Mais la monarchie ecclésiastique est-elle absolue ou
tempérée? Le pouvoir du monarque peut-il être pondéré
par l'action des princes subalternes, ou Lien s'exerce-t-il
dans la plus entière indépendance? Telle est la grande
question que le gallicanisme a soulevée et qu'il veut ré-
soudre. La monarchie absolue lui inspire des répugnances.
Il préfère admettre dans l'Église un système de gouver-
nement semblable aux monarchies constitutionnelles, où
le monarque reste toujours justiciable des pouvoirs qui
lui sont associés. 11 opte donc pour une monarchie tem-
pérée dans le sens de la division des pouvoirs ; et voilà
son dernier mot.
On le voit, le gallicanisme de l'École dispute sur des
questions purement théologiques, et qu'il croit de bonne
foi appartenir au domaine des opinions libres : Le Pape
est-il infaillible? le Pape est-il supérieur au Concile général ?
A quoi les gallicans disent : Non -, mais avec tant de pré-
cautions et de réserves qu'en vérité leur assertion doit
être placée au rang de ces idées et de ces systèmes des-
tinés à n'amener jamais aucune conséquence pratique (1).
(1) Touruely, dansson traité de Ecclesia, offre un remarquable exemple
des restrictions et des réserves que les gallicans apportent à leurs prin-
cipes pour les empêcher de tourner à mal. C'est ainsi que tout ep
niant l'infaillibilité du Pape, il oblige les fidèles à acquiescer en toute
sincérité aux décisions dogmatiques émanées du Saint-Siège, avant même
que l'Église dispersée ait pu témoigner de son adhésion : « Tenentur
« fidèles Poutiticùm de Fide constitutionibus, juxta morem receptum in
« unoquoque regno promulgatis, acquiescera, etium mentis obsequio ;
« quanquam nondum constat de acceptalione ac consemu aliarum Eccle-
« siarum ; adeoque etiamsi nondum plane irreforma'nles dici possùit tune
« temporis illœ Constitutiones. » (Tom. u, pag. '-285.) — Bien plus, en cas
de dissentiment survenu entre le Pape et une partie du corps épiscopal,
la vérité sera toujours du côté de ceux qui ont le Pontife pour eux,
fusseot^ils en miuofité : « Quod si contingeret, in aliqua fidei contro-
500 TRIPLE GALLICANISME.
An8si leur formule est-elle dans le motjusleraeut célèbre
de 3lgr Frayssinous : « Soyons gallicons, mais soyons cntho-
« lignes. Eestons fermes dans nos maximes françaises., mais
« ne prétendons pas nous eu faire un bouclier contre les
« droits divins du Saint-Siège ou TÉglise universelle. »
Que d'autres examinent si, en toute rigueur de logique,
le gallicanisme de FÉcole n'aboutirait pas à la négation du
catholicisme, et même du christianisme il) : nous tenons
seulement à constater que ni Bossuet, ni les évêques de
France qui pendant plus d'un siècle ont soutenu la
doctrine de la trop fameuse déclaration de 1682, n'ont
consenti aux indignes et fréquents attentats du gallica-
nisme parlementaire (2 .
III. Enfin, à côté du gallicanisme spéculatif qui se con-
tente de disserter, s'en élève un autre qui agit. Rarement
il tourne ses regards vers Rome : bien moins encore
songe-t-il à lui emprunter une règle de conduite. C'est
aux théologiens français qu'il va demander la connais-
sance des dogmes, aux canonistes français la science des
« verîia divisos esse ppiscopos, atque plures ex una parte cum Pontifice
« Romano, plures ex altéra parte sine Pontifice stare, hnud dubie ei
« parti adhœrendum foret quœ capiti conjuncta esset ; ista enim pars me-
« lior ac sanior censeri deberet, et Ecclesiam sufficienter referre, n (Tom. i,
p, 313; tom. ti, p. 163.)
De tels aveux ôtent tout danger aux doctrines gallicanes. Cependant
il est fàcbeu.x que Tournely n'ait pas su se préserver des embrouillements
qui déparent son traité. Tel qu'il est, un commençant ne pourrait le lire
avec fruit. Moyennant quelques corrections, le traité de JScc/esî'a devien-
drait digne des autres ouvrages de ce pieux et savant théologien. Nous
espérons qu'un éditeur intelligent rendra ce service aux bonnes études.
(1) Le pape Pie VII dit un jour à quelques évêques français : Si vous
vous obstinez à être gallicane, vous finirez par ne plus être catholiques. —
Le Journal de Rome (août 1823), allant plus loin encore, disait, au grand
scandale de M. Dupin : Un Christianisme gallican n'est rien moins que le
Christianisme.
(S) Dans son traité de Jura Liturgico (p. 89 et suiv.), M. Bouix a par-
faitement apprécié les doctrines du gallicanisme théologique touchant
l'indépendance des deux pouvoirs. Nous y i envoyons nos lecteurs.
TRlPLli: GALLICANISME. 501
lois, aux moralistes français la. méthode- pour diriger les
âmes. Doctrine, discipline, morale, rien n'est bon que ce
qui se dit, se pense et se pratique en France. Voilà le
gallicanisme 'pratique.
Or, de quelle source émane-t-il?
Vraisemblablement ces enthousiastes défenseurs des
maximes et des usages de la France obéissent à un sen-
timent très-catholique en lui-même, mais fort mal dirigé,
l'amour des traditions. Au fond, ils aiment tendrement
l'Église et le Pape, et parce qu'ils ont entendu dire que
plusieurs fois dans le cours de son histoire, la France mé-
rita d'être proposée par les Papes eux-mêmes à l'univers
entier comme un modèle de dévouement intelligent et
fort, ils croient en toute sincérité ne pouvoir mieux faire
que d'imiter ce qu'ils ont vu dans le cercle où ils se meu-
vent. Volontiers ils prendraient pour devise : Soyons gal-
licans afin d'être plus catholiques. Ils oublient malheureuse-
ment que les éloges décernés par les Papes à la France du
moyen-âge, n'ont pas toujours été confirmés par eux en
faveur de la France moderne.
IV. Mais, nous demande-t-on, par quel lien ces trois
gallicanismes se rattachent-ils ?
Il faut bien l'avouer-, les gallicans catholiques n'aper-
çoiventpas ce lien. Comment en effet, pourraient-ils rester
un instant gallicans, s'ils soupçonnaient que leurs maximes
les rapprochent des disciples de Pithou ? Toutefois, pour
ne pas être aperçu, le lien commun n'en est pas moins
réel; un peu d'attention nous en convaincra. T Dire avec
le gallicanisme théologique que le Pape n'est point in-
faillible, et que sa primauté ne le soustrait pas à l'autorité
des conciles généraux, n'est-ce pas affirmer par là même
la possibilité d'une scission entre le Chef de l'Église et le
corps épiscopal? Dès lors, n'est-ce pas créer au pouvoir
civil la dangereuse tentation de faire naître cette scission
602 TRIPLE GALLICANISME,
si fuaesfce, d'entraver ainsi l'action de l'Église et de s'em-
parer finalemcat de l'adiniuistration des choses spiri-
tuelles? On prête à Napoléon F"" une parole énergique :
Avec les quatre articles de la déclaration de 1682, je puis me
passer du Pape. Le mot est-il authentique ? Nous ne le dis-
cuterons pas: et au fond, il importe peu. Toujours est-il
que cette parole exprime parTaitement la pensée des
légistes et le but secret de leurs efforts.
Nous croyons même, et la chose nous semble susceptible
de démonstration, que le gallicanisme théologique est né
sous rinflucncc du gallicanisme parlementaire. Ou s'a-
perçut en effet, que le clergé n'accepterait jamais une
&<OQ,irme- schismatique . Ou la pallia donc, et on la lui pré-
senta sous la forme adoucie d'articles qui, en affirmant
l'autorité du Pape, relevaient en même temps l'autorité
des évêques. Le clergé se laissa prendre au piège, et ne
s'aperçut pas que sous prétexte de restaurer sa grandeur
primitive, les parlementaires avaient en réalité détruit
toute sa force, en l'isolant du centre de l'unité catholi-
que : Divide et imper a.
2" Le gallicanisme pratique n'échappera pas davantage
à la délétère influence du gallicanisme des parlements.
Car enfin, l'habitude de se renfermer en matière de reli-
gion dans la sphère étroite des idées, des appréciations
et des mœurs nationales, n*amène-t-elle pas forcément
un oubli quasi-total de la règle suprême et du centre
unique ? Et comment résisterait-il aux ingérences du pou-
voir civil dans les choses spirituelles ? Est-ce que le prince
n'est pas la plus haute représentation des idées du pays ?
Non, jamais le Grecs n'eussent quitté le chemin de l'or-
thodoxie et la voie de l'unité, si, cédant à des vues moins
étroites, ils n'eussent pas obstinément rejeté les avertis-
sements et les coutumes de Rome. Leur patriotisme ex-
cessif les a conduits à substituer leurs empereurs au suc-
Tl'.il'LI- GALLICANISME. ^Q?(
scur de saint Pierre, et du joug des Césars ils ont vite
passé à la tyrannie des sultans.
C'en est assez pour la perspicacité de nos lecteurs.
Or, quelle est la situation actuelle du gallicanisme parmi
nous?
Un examen attentif semble pouvoir amener les conclu-
sions suivantes :
Le gallicanisme parlementaire est puissant, il est vrai,
dans la classe de ses défenseurs naturels; mais aujour-
d'hui plus que jamais il inspire aux catholiques l'horreur
et la répulsion qu'il mérite-
Le gallicanisme théologique va s'effaçant de plus eu
plus.
Le gallicanisme pratique perd, grâce à Dieu, beaucoup
de terrain ; mais il est encore bien répandu, et trop sou-
vent il crée des obstacles sérieux à. un légitime progrès
et à de salutaires réformes.
Voyons donc quelles armes l'on peut manier avec plus
de succès contre un adversaire aussi souple et aussi dan-
gereux .
IL
I, Il serait à coup sûr bien peu clairvoyant celui qui ne
découvrirait pas ce que le gallicanisme parlementaire
renferme d'éléments de schisme et d'hérésie. Il ne pour-
rait du moins apporter aucune excuse légitime à son dé-
faut de perspicacité, puisque de solennels avertissements
ont souvent retenti, capables de réveiller les moins at-
tentifs. Que de fois, depuis trois siècles, les oracles des
successeurs de Pierre ont dénoncé au monde les erreurs
pernicieuses du gallicanisme parlementaire! Comptez les
condamnations qu'il a subies. C'est lui que l'on condamne
dans Marc-Antoine de Dominis etRicher, dans Fébronius
50/i TRIPLE GALLICANISME.
et Eybel, dans le P. Laborde et S'cipion de Ricci, dans
Nuytz et Yigil. C'est lui que Pie IX dénonce aux évêques
comme un serpent monstrueux qui se glisse dans toutes
les parties du monde : « Yempiétement de la puissance sé-
« culière qui voudrait dominer la sainte Église de Dieu »
(Lettre du Pape aux évêques du Canada, 16 novembre
I86"2) , et que plus solennellement encore il stigmatisait
dans son immortelle allocution du 9 juin 1 862 : « Perperam
« animo et cogitatione confingunt et imaginantur jus
« quoddam mdlis limiiibus circumscriptum., quo reipublicae
« statum pollere existimant, quem omnium jurium ori-
« ginem et fontem esse temere arbitrantur. «
Est-ce que le gallicanisme parlementaire a été un in-
stant respecté ou même laissé en repos par les évêques
français, depuis qu'il a osé se produire à la lumière?
N'est-ce pas lui que dans sa Lettre à tous les évêques de
France, l'assemblée du clergé de 1641 dénonçait comme
une ivraie empoisonnée, comme îm aconit vénéneux, comme
une doctrine hérétique, schismatique, impie, contraire à la
parole de Dieu, etc., etc.? (Collection des Procès-verbaux,
t. 3, Pièces justificatives, p. 1 ) N'est-ce pas lui que fou-
droyaient au siècle dernier les prélats français à la suite
des Bissy, des Languet, des Belzunce, des Christophe
de Beaumont? N'est-ce pas lui enfin que Tépiscopat de
notre siècle a terrassé par la vigueur des de Broglie, des
d'Aviau, des de Bonald, des Parisis?
Et pour que rien ne manque à sa honte, n'avons-nous
pas entendu mille fois la presse protestante applaudir au
gallicanisme parlementaire, et solliciter instamment ses
adeptes de se déclarer franchement Jes disciples de Luther
et de Calvin (!}?
(1) A propos de l'ouvrage de M. Dupiu, intitulé : Réfutation des asser-
tions de M. le comte, de Montalembert dam son manifeste cat/iolique (Paris,
1844). un journal protestant, /e Semeur, fngageait Ip célèbre procureur-
TRIPLE GALLlCANISMli;. 505
IT. Eu présence d'un tel adversaire le plan d'attaque est
tout tracé. Le gallicanisme des parlements est une hérésie;
il faut donc le démasquer et eu toute rencontre le signaler
comme telle. Assurément nul catholique vraiment sincère
ne voudra eu aucune façon partai;er des doctrines qui lui
feraient faire naufrage dans la foi.
Mais avertir ne suffit pas. Il faut de plus que dans les
esprits soient fortement enracines les principes opposés
à Terreur dont nous dîsirons les garantir. C'est pourquoi
le pasteur des âmes ne saurait travailler avec trop d'in-
sistance à convaincre les fidèles des grands dogmes de la
liberté de V Eglise, du pouvoir absolu, plein, infaillible
qu'elle tient de Dieu pour régler tout ce qui regarde la
foi, la discipline et les moeurs, enfin de sa compétence exclusive
à juger les transgresseurs de ses lois, et à gérer ses propres
affaires.
En d'autres termes, il faut combattre l'erreur gallicane,
comme toute autre erreur, par V attaque et par la défense;
par Yattaque eu ruinant ses principes, par la défense eu
l'écrasant sous le poids des ana thèmes de l'Église (1).
général à passer ouvertement dans le camp des réformés. Pour lui, le
gallicanisme parlementaire n'offrait rien que la réforme pût désavouer ;
et, n'était leur défaut de franchise qui en fait des protestants polirons,
les gallicans peuvent, quand ils le voudront, réclamer une place hono-
rable parmi les partisans du libre examen.
(1) Nous avons sous les yeux un Mandement de Mgr Bourget, évêque
de Montréal (25 décembre 1863), portant à la connaissance des fidèles
la condamnation doctrinale de soixante-et-une propositions relatives à
la foi et aux mœurs. Nous en extrayons quelques-unes qui vont à notre
sujet :
« 9. Le bien de la société chrétienne demande que la puissance spiri-
« tuelle ne soit pas distincte et indépendante de la puissance civile. »
Fausse et hérétique.
« 10. La distinction et indépendance de la puissance spirituelle de la
« puissance civile est cause que la puissance spirituelle absorbe les
« droits essentiels de la puissance civile. »
Fausse et hérétique.
« 11. Cette distinction et indépendance de la puissance spirituelle de
« la puissauce civile doit être considérée comme accidentelle et tempo-
5 06 TRIPLE GALLICANISME.
III.
I. Tout autres seront nos procédés avec les partisans
du gallicanisme théologique. Ils sont eu effet nos véritables
frères, et méritent les égards de la plus exquise charité.
Aussi fort éloignés d'user à leur égard d'un ton de voix
courroucé, bien moins encore de paroles acerbes, nous
regarderons-nous comme rigoureusement obligés à rendre
justice au talent et à la vertu qui les ont souvent illustrés.
Nul plus que nous n'admirera le génie de Bossuet; et
personne ne sera plus empressé à tomber à genoux devant
les palmes triomphales des prélats martyrs du siècle
dernier. Toutefois il nous sera permis des constater que
Bossuet ne doit pas sa gloire au gallicanisme qu'il a dé-
fendu-, et même de soupçonner que sans le gallicanisme sa
gloire eut été plus pure. Il ne nous sera pas non plus in-
terdit de douter si c'est le gallicanisme qui a fait nos
martyrs. Certes, s'il y aurait de l'injustice à imputer au
gallicanisme modéré les indignes faiblesses, pour ne pas
dire les trahisons, des Duvoisin, de Barrai, Lacombe, etc.,
etc., ne serait-ce pas un excès d'indulgence que de lui
faire honneur de confessions si généreuses et de martyres
si illustres?
II. Ces réserves une fois faites, nous entrerons en dis-
« raire, mais nullement comme une condition normale de la société ré-
« générée par le Christ. »
Fausse et hérétique.
(( 15. L'Église ne peut rien décréter qui puisse lier la conscience des
« fidèles dans l'ordre concernant les choses temporelles. »
Hérétique.
« 20. Les lois de l'Eglise n'obligent en conscience que lorsqu'elles
« sont promulguées par la puissance civile. »
Hérétique.
Nous regrettons de ne pouvoir pas transcrire tout entière la série si
intéressante de ces propositions détestables. On connaît la position déli-
cate qui est faite à la presse non-politique.
TRIPLE GALLICANISME. 507
cussion avec les gallicans, et faisant appel à leur tendre
amour pour l'Église ; nous les prierons de juger eux-mêmes
leur cause et de prononcer leur sentence.
« Yous aimez l'Église, leur dirons-nous; ehbien! Yoyez
« si vos doctrines peuvent se concilier avec le sentiment
« d'amour filial qui vous anime. »
Car enfin un fils aime-t-il sa mère lorsque, sans cesse en
défiance, il cherche toujours à amoindrir sou autorité?
Or, n'est-ce pas là la position des gallicans? L'Église ne
parle que par son Chef, et si les gallicans refusent d'ad-
mettre cette proposition dans toute son étendue, du moins
conviennent-ils de bonne grâce que le Chef de l'Église
est son organe habituel. Or^ c'est à l'endroit de ce Chef,
de cet organe habituel de l'Église, que les gallicans sont
dans une perpétuelle défiance. L'injure ne retombe t-elle
pas sur l'Église elle-même?
III. Qu'on veuille le remarquer. Les privilèges d'm-
faillibilité et de primauté absolue que nous revendiquons
pour le Pape, sont bien'moins la prérogative de celui-ci
que la condition même de l'existence de l'Église. Jamais
les saints Pères et les théologiens n'ont pensé qu'en
conférant à saint Pierre et à ses successeurs l'infaillibilité
de la foi et une supériorité absolue, même sur les Con-
ciles, Notre-Seigneur Jésus-Christ ait voulu pourvoir à
l'avantage particulier et personnel des premiers. Ils ont
tous cru que le Sauveur a voulu par ces glorieux privi-
lèges accordés à son Yicaire, assurer plus efficacement
l'existence de son Église une et visible. En sorte que si le
successeur de saint Pierre reste exposé à se perdre et
n'est point impeccable, il est néanmoins doué à.' infaillibiliie
pour empêcher le troupeau de s'égarer, et d'une puis-
sance absolve pour être sa règle sûre de conduite.
C'est ce que trop longtemps ont paru oublier les dé-
fenseurs du gallicanisme. Plus d'une fois ils ont taxé de
508 TRIPLE GALLiCANiSME.
flatteurs et de courtisans les champions de rinfaillibilité
papale. Et pourtant un examen sérieux découvre que, loin
de soutenir une doctrine adulatrice, les défenseurs des
prérogatives pontificales faisaient une œuvre souveraine-
ment utile au corps même de l'Eglise, puisqu'ils établis-
saient les conditions mêmes de son existence. N'est-ce pas
dire par là même que, à leur insu sans doute, mais toute-
fois d'une manière très-réelle, les gallicans ébranlent la
solidité de l'Église, puisqu'ils ébranlent le fondement
sur lequel elle repose ? Ce n'est assurément pas montrer
un amour bien tendre envers l'Église.
IV. Ce n'est pas ici le lieu, on le comprend, d'entre-
prendre une argumentation en forme pour démontrer
combien sont gratuites les assertions gallicanes. L'on a
beaucoup écrit, même en France, pour le triomphe des
prérogatives du Saint-Siège, et plus d'un lecteur se de-
mandera sans doute comment il a pu se rencontrer des
esprits capables de résister à tant d'évidence.Maisqui ne
sait la triste influence qu'exercent sur les meilleurs esprits
les préjugés d'école et surtout de nation? Du moins, nous
ne pouvous nous empêcher de faire observer que l'amour
filial pour l'Église se concilie assez difficilement avec
l'adhésion à des doctrines que cette tendre Mère semble
repousser.
Or, comment pouvoir s'aveugler là-dessus ? L'Église re-
pousse toute doctrine nouvelle; or, les doctrines gallicanes
sont nouvelles : est-il un fait plus certain ? L'on connaît
les célèbres paroles de Pierre de Marca, citées par Soardi,
Litta, et un grand nombre d'autres auteurs :
« L'opinion qui attache l'infaillibilité au Pontife romain
« est la seule qui soit enseignée en Espagne, en Italie et
« dans toutes les autres provinces de la chrétienté, de
« sorte que ce qu'on appelle le sentiment des docteurs
« de Paris doit être rangé parmi les opinions qui ne sont
TRIPLE GALLICANISME. 509
« que tolérées La plus grande partie des docteurs,
« soit en théologie, soit en droit, adhèrent à l'opinion
« commune, dont les fondements sont excessivement dif-
« ficiles à ébranler, et se moquent de lopinion de l'an-
« cienne Sorbonne. »
Fleury, tout en supposant que la doctrine gallicane est
réellement Y ancienne et la vraie, avoue toutefois ingénu-
ment que la doctrine nouvelle a eu pour défenseurs tout ce
qu'il y a eu de saints et savants personnages depuis mille
ans, et que la conduite des Papes et des conciles y a
toujours été conforme. {Discours sur les libertés gallicanes.)
Ce qui revient à dire que la doctrine qu'il appelle nouvelle
est réellement Vancienne : autrement il faudrait admettre
un obscurcissement général de la doctrine dans l'Église,
ce qui est contre la foi. (Bulle Auctorem Fidei, prop. \.)
Enfin, qui ne connaît le remarquable et naïf aveu de
Tournely, touchant la doctrine de la déclaration de 1682?
« Non dissimulandum, dit-il, difficile esse in tanta testi-
« moniorum mole quœ Bellarminus et alii congerunt, non
« recognoscere apostolicae Sedis seu Romanae Ecclesiae
« certam et infallibilem auctoritatem ; at longe di/ficilius
a est ea conciliare cum declaratione cleri gallicani, a gua re-
« cedere nobis non permit titur. « [De Ecclesia, t. ii, p. 134 )
Pour tout homme de bonne foi la cause est jugée.
V. Voudrait-on échapper à la force des témoignages de
la tradition sous prétexte qu'ils ne contiennent après
tout qu'un langage hyperbolique, arraché aux fidèles par
le respect et par l'amour, ou même des déclarations de
Pontifes incompétents à prononcer dans leur propre
cause? C'est Bossuet qui se charge de la réponse à l'ob-
jection.
Ellies Dupin s'était permis de traiter de simples com-
pliments la lettre que Théodoret écrivit à saint Léon pour
recouvrer son siège. Bossuet répond : « Comme si c'était
510 TRIPLE GALLICANISME.
« un simple compliment de reconnaître la supériorité du
((■ Siège de Home qui, comme parle Théodoret, avait le
« gouvernement de toutes les Églises du monde, et non
« pas le fondement nécessaire du recours qu'il avait à lui.
« C'est entrer dans Vesprit des Grecs schismatiqiies, qui, dans
« le concile de Florence, voitlaient prendre pour honnêteté et
« pour compliments tout ce que les Pères écrivaient aux Papes
« pour se soumettre à leur autorité. » [Remarques sur l'histoire
des conciles d^Ellies Dupin.)
Dans un autre ouvrage, Bossuet prend ainsi à partie
ceux qui n'acceptent pas le témoignage des Papes se pro-
nonçant dans leur propre cause :
« Audio quid dicant : Romanis Pontificibus Sedis suœ
« digaitatcm conimendantibus, in propria videlicet causa
« non esse credendum, sed absit. Pari enim jure dixerint,
« ne episcopis quidem, aut presbyteris esse adhibendam
« fldem, cum sacerdotii sui honorera praedicant; quod
« contra est. Nam quibus Deus singularem honoris digni-
« tatisque praerogativam contulit, iisdem inspirât verum
« de sua potestate sensum, ut ca in Domino, cum res po-
rt poscerit, libère et confidenter utantur, fiatque illud
« quod ait Paulus : Accepitnus spiritum qui ex Deo est, ut
« sciamus quœ a Deo donata simt nobis. Quod quidem semel
« hic placuit dicere , ut pessimam ac iemerariam respon-
« sionem confutarem : profiteorque me de Sedis apostolicae
(c majestate Romanorum Pontificum doctrinae ac tradition!
« crediturum. » [Defens. déclarât., part, m, 1. x, c. G.)
Voilà certes de belles et vigoureuses paroles. Il est
seulement à regretter que Bossuet les ait oubliées à
propos de l'infaillibilité et du. pouvoir absolu du Saint-Siège:
car pourquoi ce langage, vrai lorsqu'il est question de
soutenir la primauté de Pierre, cesserait-il de l'être en
présence des autres prérogatives de la papauté ?
YI. Mais enfin, dira-t-on, la thèse des ultramontains
TRIPLE GALLICANISME. 511
n'est pas encore un dogme, et elle reste toujours dans ia
classe des opinions libres.
En êtes-vous Lien sur ? et pourriez-vous affirmer avec
une entière certitude qu'aujourd'hui la doctrine de Tin-
faillibilité du Pape est une opinion sur laquelle l'Église
tolère la controverse? Qu'il en ait été de la sorte à la fia
du XVIP siècle, Pierre de Marca l'affirme, et nous ne
voulons pas le contredire. Mais depuis, l'Église n'a-t-elle
pas parlé assez souvent et assez fort pour convaincre tous
les esprits qu'elle a pris son parti touchant l'infaillibilité,
et qu'elle n'entend pas laisser ce point capital aux con-
troverses de l'École? Nous estimons qu'il en est ainsi -, car
nous sommes de ceux qui, obéissant aux moindres paroles
du Souverain-Pontife, croient fermement devoir adhérer
à tous les enseignements de l'Église, non-seulement
lorsqu'ils sont donnés par elle ex professa et avec toute
la solennité qui accompagne la promulgation d'un dogme,
mais encore lorsqu'elle se contente de nous manifester sa
pensée par les pratiques de son culte ou l'approbation
dont elle honore la doctrine de ses théologiens. (Bref du
pape Pie IX aux évêques de Bavière, 21 décembre 1863.)
Que si le Souverain-Ponlife a eu raison de s'étonner de
l'hésitation de certains catholiques touchant des questions
en apparence bien autrement problématiques, sur les-
quelles toutefois les encycliques de Grégoire XVI ne
doivent plus laisser de doute, combien plus étonnante
encore ne serait pas la tergiversation à propos de l'in-
faillibilité (1) !
Le cardinal Gousset a donc été en droit d'écrire ce qui
suit : « Non il n'est point permis à un professeur de théo-
ce logie de présentera ses élèves la thèse de l'infaillibilité
« comme une de ces opinions que l'Eglise abandonne aux
(1) Voir la lettre de Mgr Mercurelli à M. du Val de Beaulieu. (Monrfc,
7 novembre 1864.)
512 rniPLE frALUCANlsME.
« discussions de l'École. » [Exposition des principes du Droit
canon, p. 87.) Nous ne trouvons aucune exagération dans
ces paroles.
VII. Toutefois soyons généreux, et consentons à ne
voir dans les doctrines qui nous divisent, que de simples
opinions.... Eri quoi! un enfant docile peut-il de gaieté de
cœur embrasser une opinion qui n'a point les sympathies
de sa mère ? Peut-il rester indifférent en présence des
opinions que sa mère favorise et professe ? Assurément,
le cœur a répondu et la cause est finie, car personne
n'ignore de quel côté il a plù à l'Eglise d'incliner.
D'ailleurs qu'on y prenne garde, et c'est encore Bos-
suet qui nous avertit : « Tout ce qui est mauvais en ma-
» tière de doctrine n'est pas pour cela formellement
« hérétique... L'amour de la vérité doit donner de l'éloi-
« gnement pour tout ce qui l'affaiblit, et je dirai avec
« confiance qu'on est proche d'être hérétique, lorsque,
« sans se mettre en peine de ce qui favorise l'hérésie,
« on n'évite que ce qui est précisément hérétique et con-
« damné par l'Église. » [Défense de la Tradition et des SS.
Pères, 1" partie, 1. i, chap. 22.}
En voilà assez, ce nous semble, pour faire comprendre
que les doctrines gallicanes s'accordent mal avec un amour
sincère pour l'Église. Cependant qu'on nous permette
encore une observation destinée à confirmer notre thèse.
VIII. Si quelqu'un était assez malheureux pour ne pas
reconnaître, après l'examen sérieux des monuments de
la tradition, la vérité sur le gallicanisme, nous le conju-
rerions de prêter l'oreille à une voix bien différente.
Entendez en effet les cris de joie et les acclamations dont
est saluée la déclaration de 1682 par les jansénistes et les
calvinistes (1). En vérité ces acclamations parties du
(1) Dans soa Histoire générale. Voltaire dit, à propos de la fameuse
déclaration : « Cette fermeté fut regardée par tous les protestants de
TRIPLE GALLICANISME. 513
camp de T hérésie épouvantent, car Terreur ne peut saluer
que l'erreur. Qu'a-t-elle donc cette doctrine de la décla-
ration qui puisse réjouir à ce point les ennemis de TÉ-
glise? Peu de fchose, il est vrai : la ruine de la règle de
foi par la suppression de l'infaillibilité pontificale et la
totale transformation du régime ecclésiastique. Écoutez
Puffendorf :
« Concilium esse supra Papam thesis est, — sed quod
« isti quoque hanc propositionem asserere velint qui
« Sedem Romanam omnium Ecclesiarum centrum , ac
« Papam œcumenicum episcopum agnoscunt, id quidem
« non parum absurditatis habet, cum status Ecclesiae Ro-
« mauae monarchicus sit j ista autem thesis meram aristo-
« cratiam oleat. » (Apud Zallinger.)
Il y a plus. Les plus fougueux démocrates ont voulu
voir dans la doctrine de la déclaration la consécration de
leurs principes révolutionnaires. Le constitutionnel Gré-
goire ne crut pas qu'il lui fût bien difficile de retourner
la rédaction des célèbres quatre articles au bénéfice des
assemblées démagogiques. Le socialiste Louis Blanc n'a
pas un autre sentiment que Grégoire. Écoutons-le ; ses pa-
roles sont instructives :
a Affirmer la supériorité des conciles sur les Papes,
« c'était conduire à celle des assemblées sur les rois.
« Quel motif pour qu'une monarchie temporelle fût plus
« absolue qu'une monarchie spirituelle? Une couronne
« était-elle donc plus sacrée qu'une tiare? Yoilà vers quel
« rapprochement redoutable la déclaration de 1682 pré-
« cipitait les esprits Et pourtant cette doctrine où le
« régicide germait, Louis XIV l'établit avec une satisfac-
« tion hautaine, etc.. » [Histoire de la Révolution françaisey
t. I, chap. 6.)
« l'Europe, comme uu faible effort d'une Église née libre, qui ne rom-
« pait que quatre chaînons de sa chaîne. »
REYOE des sciences ECOLES., T. IS.— DÉCEMBRE 1864. 34
51 'l TRIPLE GALLICANISME.
Chose admirable! L'écrivain socialiste se trouve ici
parfaitemeDt d'accord avec les Pères du concile de Trente.
Nous demandons au lecteur la permission d'entrer dans
quelques détails. Le fait en vaut la peine. Yoici donc ce
que raconte le cardinal Pallavicini, historien du Con-
cile.
Les ambassadeurs protestants de Maurice , électeur de
Saxe, ayant été introduits pendant la quatorzième session,
demandèrent entre autres choses que l'on rappelât et
publiât de nouveau les décrets du concile de Constance
et de Bàlc « dans lesquels on établit que dans les causes
« de la foi, et dans celles qui regardent le Pape lui-
« même, celui-ci doit se soumettre au Concile. » Ils ajou-
taient que leur demande était d'autant mieux fondée, que
le Concile ayant pour tâche de corriger beaucoup d'abus
qui regardaient le Souverain-Pontife, le Pape ne pouvait
être juge dans sa propre cause. Or, il fut répondu aux
ambassadeurs : « Qu'autant ce raisonnement était popu-
« laire, autant il était vicieux : car, si on l'admettait, ce
« serait détruire toute espèce de monarchie, gouverne-
ce ment dans lequel le prince doit être sa loi à lui-même,
« sans craindre d'autre juge que Dieu et la conscience
« publique Que si l'on examinait plus à fond le même
« raisonnement, on le trouverait propre à détruire même
« toute autre espèce de bon gouvernement, parce que
« tous les gouvernements doivent aboutir à une autorité
« suprême, soit qu'elle réside en un seul ou dans pin-
ce sieurs, et c'est cette autorité suprême qui donne et qui
« reçoit les lois. Qu'ainsi non-seulement tous les princes
« devaient examiner sérieusement s'ils admettraient chez
(( eux la pratique d'une pareille doctrine, mais que même
« tous les politiques devaient examiner aussi s'ils pour-
ce raient avec elle maintenir aucune forme de gouverne-
ce ment, quand elle ne serait pas avouée par toute la lie
TKIPLL GALLICANISME. 515
« du peuple ». (Histoire du concile de Trente^ l. xii, ch. 15.)
Cet épisode du concile de Trente jette, il faut en con-
venir, une vive lumière sur les doctrines gallicanes, et
nous comprenons à merveille que les historiens protes-
tants Hallam et Guizot les aient rattachées aux théories
schismatiques de Bàle Voici les paroles de M. Guizot :
« Les principes du concile de Constance et de Bàle
« étaient puissants et féconds. Des hommes supérieurs et
« d'un caractère énergique les avaient soutenus. Jean de
« Paris, Pierre d'Ailly, Gerson et un grand nombre
« d'hommes distingués du XY^ siècle se vouent à leur
« défense. En vain le Concile se dissout, en vain la prag-
« matique-sanction est abandonnée, les doctrines géné-
« raies sur le gouvernement de l'Église, sur les réformes
« nécessaires à opérer ont pris racine en France, elles s'y
« sont perpétuées, elles ont passé dans les parlements,
« elles sont devenues une opinion puissante, elles ont
« enfanté d'abord les jansénistes, ensuite les gallicans.
« Toute cette série de maximes et d'efforts tendant à ré-
« former l'Église, qui commence au concile de Constance
« et aboutit aux quatre propositions de Bossuet, émane
« de la même source et va au même but. » [Histoire de la
Civilisation en Europe^ leçon xi^.)
Après cela, un seul mot est possible : Et nunc intel-
ligite !
IX. En résumé le gallicanisme provient de l'oubli d'une
maxime fondamentale du christianisme, à savoir que,
suivant l'expression de saint François de Sales, le Pape et
l'Église c'est tout un. « On considère l'Église comme un
« être abstrait, invisible, qui est partout et nulle part, au
« lieu de la considérer tout d'abord dans l'homme qui la
« résume tout entière. Cet homme c'est le monarque su-
« prême de l'Église, le dépositaire de la vérité de Dieu,
« le vicaire de Jésus-Christ, le Souverain-Pontife, le Pape.
516 TRIPLE GALLICANISME.
(c Entendre le Pape , c'est entendre l'Église ; obéir au
« Pape, c'est obéir à l'Église ; être avec le Pape, c'est être
« avec l'Église. Désobéir à l'un c'est désobéir à l'autre,
« ou plutôt à Jésus-Christ lui-même qui est tout dans son
« Église. » C'est ainsi que, sans nommer le gallicanisme,
le R. P. Libermann, de pieuse et vénérable mémoire, en
décrivait le vice constitutif. {Vie du R. P. Libermann, par
le cardinal Pitra, p. 528.)
Grâce à Dieu, il en est du gallicanisme comme du ri-
gorisme, dont les plus zélés partisans avouent que, vrai
dans la spéculation, il ne peut en aucune manière être
appliqué dans la pratique. Tel est le gallicanisme. Ses dé-
fenseurs tremblent devant les conséquences pratiques
qu'il amène, et ils préfèrent le répudier dans les habi-
tudes journalières de la vie. On a souvent répété qu'en
pratique les gallicans ne le cèdent point aux ultramontains
pour ce qui est du dévouement au Saint-Siège. Des ré-
serves pourraient sans doute modifier un peu ce dire.
Toutefois, il prouve manifestement une chose : c'est que,
pour être dociles aux saintes et légitimes affections de leurs
cœurs, les gallicans doivent, en pratique du moins, renon-
cer à leurs principes. Dès lors le gallicanisme est jugé (1).
IV.
I. Nous voici maintenant en présence du gallicanisme
pratique. CQ&i l'histoire à la main que nous croyons devoir
(1) Mgr Fraysslnous prononçait à la Chambre des Députés (26 mai 1826)
ces remarquables paroles : « l.e concordat de 1801 est une violation
« complète de toutes nos maximes et de tous uos usages... Encore une
« foi?, ce n'est qu'en foulant aux pieds nos usages et nos libertés, que
« ce concordat a pu s'établir. » En d'autres termes, les gallicans n'ont
pu obéir au Pape et éviter le schisme, qu'en renonçant à leurs principes.
On pourrait encore demander comment les gallicans s'y prendraient pour
juger le Pape, car, de leur aveu, toutes les Églises du monde, excepté
celle de France, admettent sans réserve l'infaillibilité pontificale.
TRIPLE GALLICANISME. 517
le combattre. Aussi biea est-ce lui-racme qui nous pro
voqiie à l'examen des vieilles traditions, puisqu'il ne cesse
d'appuyer sur le pass6. Penser comme nos pères, dire et
agir comme eux, telle est son unique règle. Il dit avec
Bossuet : « Conservons ces fortes maximes de nos pères,
« que l'Église gallicane a trouvées dans la tradition de
« l'Église universelle. » [Discours de l^ Unité de l'Église.) Et
mieux encore, avec le pape saint Etienne: ISihilinnovetur^
nisi quod traditum est.
Assurément nul sentiment n'est plus respectable, et
dans un siècle où le mépris du passé est si tristement à la
mode, nous n'aurons garde de blâmer chez qui que ce
soit le culte des antiques traditions. Honneur donc à
tous ceux qui aiment à s'inspirer du passé et des an-
cêtres ! Toutefois la circonspection leur est nécessaire,
car il leur importe de ne pas confondre avec les saintes
et légitimes traditions du passé, des usages plus ou moins
licites qui voudraient s'en donner l'apparence. Or, c'est
rhistoire, et l'histoire, seule, qui peut nous dire où et
quelles sont les traditions légitimes du passé. Que les
gallicans daignent nous suivre un instant-, ils n'ont à re-
douter de notre part aucune discussion irritante. Il ne
s'agit en effet ni de principes, ni de droit coutumier, toutes
choses qui malheureusement ne peuvent presque jamais
se discuter sans occasionner de profondes blessures à
Tesprit et au cœur (1).
II. Mais, dira-t-on, à quelles sources voulez-vous nous
(1) Plusieurs lecteurs pourront s'étonner qu'en décrivant le gallica-
' nisme théologique nous n'ayons pas fait mention de ses doctrines sur le
droit coutumier, lesquelles sont pourtant aujourd'hui l'objet de toute sa
sollicitude. Leur étonnement cessera, pensons-nous, s'ils veulent obser-
ver attentivement l'étroite connexion qui existe entre la doctrine de U
supériorité des Conciles au-dessus du Pape, et la théorie gallicane de la
coutume. Il est clair, en effet, que celle-ci croule lorsqu'on renverse
celle-là.
518 TRIPLE GALLICANISME.
conduire? Auriez-vous par hasard la prétention d'avoir
trouvé des monuments de notre passé, inconnus jusqu'à
vous? Ou bien, voudriez-vous insinuer que jusqu'à présent
personne n'a su lire dans notre histoire, et en comprendre
les dépositions? Non, assurément. En vous provoquant à
l'étude du passé, nous ne faisons que vous indiquer des
monuments à la portée de tous, mais que nous nous plai-
gnons de voir trop souvent négligés. Bien éloignés de la
méthode des jansénistes qui, en rappelant sans cesse l'É-
glise à la vénérable antiquité, en rendaient néanmoins la
connaissanceimpossible a tous par la sévérité exagérée
de leur critique, notre méthode consiste à compulser des
ouvrages vulgaires et que réunit la plus humble des bi-
bliothèques. Toile et lege. Quoi de plus simple? Où ne ren-
contre-t-on pas, par exemple, la Collection des Actes du
clergé de France? Sont-ils rares, les ouvrages de matières
ecclésiastiques produits par le XVIP siècle? Encore une
fois, prenez et lisez : c'est là que vous pourrez apprendre
quelles senties vraies traditions de la France.
III. Or, nous n'hésitons pas à le dire, s'il est un fait
constant dans notre histoire, c'est celui du filial dévoue-
ment de la France pour le Saint-Siégc, qui, jusqu'en
1682, n'a connu aucune limite, et n'a été ni surpassé, ni
peut-être même égalé en d'autres pays. C'est au Siège
apostolique que la France aima toujours à demander ses
inspirations; c'est à Rome qu'elle emprunta toujours non-
seulement la règle de sa foi, mais ses rites et sa disci-
pline ; c'est Rome qu'elle aima toujours à regarder comme
sa maîtresse et sa mère. Aussi les Pontifes romains ont-
ils pu en toute vérité la proposer comme modèle aux
autres nations catholiques. Nous ne pouvons résister au
plaisir de citer quelque chose de ces éloges si bien mé-
rités.
« Gallicana Ecclesia, » écrivait Alexandre HT au roi de
TRIPLE GALLICANISME. 519
France, « inter omnes alias orbis Ecclesias, quaecumque
« aliae.provenieutibus scandalis in tribulatione mutassent,
« numqaaiu a catholicae matris Eiclesiae unitate recessit,
« iiumquam ab ejus subjectione et reverentia se subtraxit»
« sed tanquam devotissima filia firma semper et immo-
« bilis in ejus devotione permansit. »
« GaUican:i Ecclesia, » écrivait Grégoire IX à Tarche-
« véque de Reims, » post apostolicam Sedem est quoddam
« totius christianitatis spéculum et imraotum fidei funda-
« mentum, utpote quae in fervore fidei christianae ac de-
« volioue Sedis apostolicae non sequatur alias sed ante-
« cedat. »
Ajoutons que la France sut longtemps encore mériter
de si magnifiques louanges. Quelques détails sont ici né-
cessaires.
IV. L'on a plus d'une fois remarqué les frémissements
d'indignation qui agitèrent les évêques des Gaules
(VP siècle), à la nouvelle' du pape Symmaque jugé par
une assemblée de prélats inférieurs. L'admirable protes-
tation de S. Avit, archevêque de Yienne, est connue. Elle
est un monument éternel de l'inébranlable attachement
de nos ancêtres à l'infaillible et irréformable autorité
du successeur de saint Pierre.
Ce qui est moins connu, c'est un détail de cette vrai-
ment antique et vénérable liturgie gallicane, objet de
l'affection amoureuse de nos ancêtres, que toutefois, sur
un signe de Rome, ils n'hésitèrent pas à sacrifier sans
retour pour embrasser les rites de rÉglise-mère. Voici le
fait Les fragments de la vieille liturgie gallicane recueillis
par Mabillou portent, attaché à trois dimanches consé-
cutifs, le titre de : Dominica post cathedram S. Pétri, et les
dimanches que nous appelons de la septuagésime, de la
sexagésime et de la quinquagésime, tirent leur dénomi-
nation de la Chaire de saint Pierre : Dominica V, T et 3*
520 TRIPLE GALLICANISME.
post cathedrcm S. Pétri. En sorte que pour nos ancêtres la
chaire de saint Pierre, c'est-à-dire sa primauté, fut dès
l'origine l'objet d'une de ces fêtes cardinales autour des-
quelles roule et se développe le cycle liturgique. Le fait
nous a paru significatif, et d'autant plus digne de re-
marque, que la vieille liturgie gallicane est peut-être seule
à le présenter.
Ajoutez à cela les capitulaires de Charlemagne, expres-
sion si fidèle de son époque, et pour arriver tout de suite
à des temps plus rapprochés de nous, lisez dans la Col-
lection des Actes du clergé l'admirable discours du cardinal
Duperron aux États généraux de 1614, les discours et
protestations des évêques en faveur de la réception du
concile de Trente, contre les erreurs et les menées du
jansénisme, et dites ensuite si les véritables traditions
gallicanes ne sont pas celles du plus filial dévouement
pour le Saint-Siège (1) 1
V. Lors donc qu'en face du mouvement qui de nos
jours nous pousse et nous conduit si heureusement vers
Rome , des voix discordantes se font entendre qui
s'écrient : Ainsi ne faisaient pas nos pères ! nous n'avons
qu'à répondre comme ce Luthérien converti qui, pour être
enseveli dans la tombe de ses ancêtres, fajsait creuser la
sienne un peu plus profondément que de coutume. Creusez
un peu plus bas, répondrons-nous à la critique, et sûre-
ment vous rencontrerez la tradition de nos ancêtres.
Il vous semble étrange, dites-vous, qu'on vienne main-
tenant enseigner dans nos écoles la thèse de V infaillibilité
du Pape et de Virréformabilité de ses jugements, et vous
protestez contre ces nouveautés que la France n'a jamais
connues.
(1) Encore un fait très-significatif. C'est en France que les évoques ont
spontanément introduit la coutume de s'intituler : Episcopus. . . sedis
APOSTOLICiE GRATU.
TRIPLE GALLICANISME. 521
A notre tour, nous sommes étrangement surpris et de
l'étonnement et de l'assurance de tos critiques. Il y a
ongteraps, en eflPet, que la perpétuité de la croyance des
Français à l'infaillibilité du Pape a été rigoureusement
démontrée par les théologiens étrangers à notre nation.
Mais ce serait peut-être trop exiger que de vouloir ren-
voyer nos adversaires à Zaccaria, Muzzarelli, Soardi, Roc-
caberti, aux théologiens de Wurzbourg, à S. Liguori. Du
moins, ils devraient connaître les savants travaux des
théologiens de notre pays, et savoir les belles démon-
strations qui ont été faites par Charlas {de Libertatibus Ec-
clesiœ gatlicanœ), etFénelon {Dissert.de romani Pont, auctori-
tate). Ils devraient de plus savoir que, si l'on excepte
quelques théologiens de l'ancienne Sorbonne (I), les théo-
logiens dont la France s'honore le plus ont tous été infail-
libilistes. Qu'on lise, pour s'en convaincre, Ysambert,
Duval, Coëffeteau, Mauclère, Abelly, ces grandes lumières
de la sacrée faculté. Ils devraient enfin leur être connus,
ces Actes du Clergé que si souvent ils invoquent, ainsi que
la célèbre et immortelle déclaration de l'assemblée de
1625 : « Ils respecteront notre saint Père le Pape, chef
« visible de l'Église universelle, vicaire de Dieu en terre,
« évêque des évêques et patriarche, en un mot successeur
« de saint Pierre, auquel l'apostolat et l'épiscopat ont eu
« commencement, et sur lequel Jésus-Christ a fondé son
« Église, en lui baillant les clefs du ciel avec l'infaillibilité
« de la foi que Von a vu miraculeusement durer dans ses
« successeurs jusqu'aujourd'hui. »
Nous le demandons avec confiance : de quel côté se
trouvent les nouveautés doctrinales (2) ?
(1) Pierre de Marca, dans le texte que nous avons cité plus haut,
affirme que l'ancienne Sorbonne a toujours été hostile à la doctrine de
rinfaillibilité. Cette assertion est trop absolue.
(2) Sou Ém. le cardiual Villecour a excellemmeut développé cette
thèse dans l'ouvrage intitulé : la France et le Pape.
525 TRIPLE GALLICANISME.
VI. L'on insiste, et Ton demande grâce pour Vantique
discipline de la France, qui va être supplantée par une
discipline toute nouvelle.
Expliquez-vous, et veuillez nous dire quels sont les
points de la discipline romaine qui vous semblent menacer
les antiques traditions de l'Église gallicane. Est-ce la re-
connaissance des Congrégations romaines ? Est-ce V Index
et ses règles? Est-ce la bulle in cœna Domini? Est-ce l'a-
doption de la liturgie romaine? Est-ce la mise à'exécution
des décrets disciplinaires du concile de Trente?
Or, nous l'affirmons sans hésiter, l'ancienne Église gal-
licane professa toujours le plus sincère attachement à
tous ces points de sa discipline qu'on voudrait faire passer
pour nouvelle. Nous en avons encore pour garants les
Actes du clergé, et une foule d'ouvrages imprimés pour le
clergé pendant le XYIP siècle. IVous n'en citerons que
deux, lesquels à raison de leur immense popularité,
peuvent à bon droit être regardés comme les Manuels du
clergé, et par là même l'expression fidèle de la discipline
du temps. L'un est V Instruction d's prêtres, du cardinal
Tolet, traduit et annoté à l'usage de la France (Lyon,
dernière édition, 1671), l'autre, le Parfuict ecclésiastique^
par messire Claude de la Croix (Paris, 1666) (1).
VII. L'autorité des congrégations romaines fut reconnue
en France depuis l'époque de leur institution (fin du
XVP siècle), jusque vers la fin du XVIP siècle. Le Par-
faict ecclésiastique cite fort souvent la Congrégation des Rites
à l'appui de ses décisions. Le P. Bauny, dans sa Pratique
du droit canonique (Paris, 1638), invoque fréquemment les
décrets de la Congrégation du Concile de Trente. Enfin, les
prél its français ne faisaient aucune difficulté de sollici-
(l) L'ouvrage de Claude de la Croix est un livre d'or. Il est à désirer
qu'on le réédite eu lui faisant subir quelques remaniements.
TRIPLE GALLICANISME. 523
ter, auprès de ces diverses Congrôgations, la réponse à
leurs doutes, et même des permissions. En preuve, par-
courez les collections de Gardellini et de Zamboni. Les
Analecta juris pontificii ont publié récemment une longue
série de décrets encore inédits de la Sacrée Congrégation
des Rites. Un bon nombre d'entre eux regarde la France.
Exemples : l'archidiacre de Ehodcz se fait autoriser à
bénir les linges et ornements sacrés ((609) ; un dignitaire
de Grenoble recourt à la Sacrée Congrégation pour la
faculté de biner (1628), etc., etc.
Il est vrai qu'en France l'on a plus d'une fois disputé
sur l'authenticité et l'interprétation des décisions ro-
maines. Que peut-on en conclure? Rien, si ce n'est que
la prudence de nos pères ne leur permettait pas de croire
à tout esprit. Les théologiens ultramontains n'agissent
pas autrement; et, avant d'accepter comme loi obligatoire
une décision partie de Rome, ils veulent s'en démontrer
l'authenticité et le véritable sens.
Vin. Vlndex, le terrible Index des livres prohibés,
n'effrayait pas non plus les Français d'autrefois, car ils
savaient comprendre tout ce qu'il y a d'efficace protection
pour la foi et les mœurs, dans cette admirable partie de la
législation ecclésiastique. Aussi reçurent-ils les règles de
Vlndex el le catalogue des prohibitions, successivement
publiés par différents Pontifes. Le fait a été mis dans tout
son jour par Mgr Baillés, ancien évêque de Luçon.
{Instruction pastorale sur l'Index^ 1853.)
Comment expliquer, sans cela, la conduite de nos pré-
lats ? Les Actes du Clergé nous attestent que, plus d'une
fois, ils ont dénoncé à Rome, pour les y faire condamner,
des auteurs et leurs livres : les PP. Ccllot et Bauny, par
exemple. Apparemment, les évêques reconnaissaient quel-
que autorité aux sentences de Vlndex ; autrement, pour-
quoi les invoquer ?
524 TRIPLE GALLICA^NISME.
Aussi, le traducteur de YInstrucHon de Tolet, citée plus
haut, ne contredit-il nullement son auteur, en lui oppo-
sant l'usage contraire de la France, lorsqu'il est question
de Y Index et de ses règles.
Chose étrange ! parmi les prohibitions de V Index, il en
est deux qui ne peuvent se faire accepter de nos galli-
cans ; à savoir, la défense de lire la Bible en langue vul-
gaire, ainsi que celle de traduire, également en langue
vulgaire, les paroles de la sainte Liturgie.
Or, il est certain que l'origine de cette double prohibi-
tion est toute française. Les premiers documents que le
droit fournit, relativement à la prohibition de la lecture
de la Bible en langue vulgaire, ne sont-ils pas une décré-
tale d'Innocent III, adressée au clergé de 3Ietz, et un ca-
non du Concile de Toulouse, en 1229 ? La loi fut même
exécutée avec une telle rigueur, que plus tard, au Concile
de Trente, les théologiens de la Sorbonne ne craignaient
pas de taxer d'hérésie quiconque s'en faisait le transgres-
seur. — Quant à la défense de traduire la Liturgie en
langue vulgaire, le lecteur peut voir, dans les Actes du
Clergé, -avec quelle sollicitude les évêques dénoncèrent et
firent condamner par le pape Alexandre VII, la fameuse
traduction du Missel romain, par Voisin (1660).
IX. Pas plus que V Index, la célèbre bulle In cœna Do-
mini ne trouva d'opposition en France, du moins de la
part des gens d'Église. Le traducteur de Tolet n'a aucune
contradiction à faire au long commentaire que renferme
V Instruction des prêtres, et le Parfaict ecclésiastique signale
avec le plus grand soin, aux confesseurs, les cas plus fré-
quents de l'excommunication réservée en la bulle de CœwA >
DoMiNi.Ge qui signifie, apparemment, que les confesseurs
ne regardaient pas la bulle comme dénuée de toute va-
leur. Au reste, dans son ouvrage de Synodo, Benoît XIV
TRIPLE GALLICANISME. 525
apporte des faits qui prouvent péremptoirement la ré-
ception parmi nous de la bulle in cœna.
X. Quant à la liturgie romaine, tout discours est désor-
mais superflu. Les savantes discussions de Dom Guéran-
ger ont prouvé jusqu'à la dernière évidence, que depuis
le temps de Charlemagne jusqu'au siècle passé, la France
s'est toujours fait gloire d'un inviolable attachement aux
rites romains. Le nier, c'est faire preuve d'ignorance ou
de mauvaise foi. Nous n'insisterons donc pas.
Toutefois, en faveur de ceux de nos adversaires dont le
gallicanisme fort iuoffensif consiste dans l'usage du sur-
plis à ailes ou du bonnet carré , nous tenons à constater
qu'en France, l'on fut attaché non seulement aux formules
de la liturgie romaine, mais encore aux moindres rites et
cérémonies, que l'on y pratiquait avec la plus parfaite exac-
titude. Quelques traits sont à citer.
C'est ainsi que, d'après le Parfaict ecclésiastique :
L'autel doit être revêtu d'un antependium, ou devant de
la couleur du jour. (JRubr. gêner. Miss, xx, de Prœpar.
altaris.)
La nappe supérieure qui couvre l'autel doit, de chaque
côté, descendre jusqu'à terre. {Ihid.)
Le tabernacle où repose le Saint-Sacrement doit être re-
vêtu d'un cowo^e'e, OM pavillon d'étoffe précieuse de couleur^
selon l'office qui se fait en l'église. (Ritual. Rom., de SS. Eu-
charist. )
Pendant le Mémento des vivants, à la messe, le servant
doit allumer un troisième cierge, préparé pour l'élévation
du Saint-Sacrement, et qui ne doit s'éteindre qu'après la
communion du prêtre et des fidèles. {Eitus celebr. missam,
VIII, 6 )
Le prêtre, en s'en retournant à la sacristie après la
messe, dit tout bas l'antienne Trium puerorum et le can-
tique Benedicite. {Ibid., xii, 6.)
52(3 TRIPLE GALLICANISME.
h" encensement se pratique, non pas en lançant l'encen-
soir, mais eu le conduisant tout doucement vers l'objet
qu'il faut encenser. {Cœremon. Episc, 1. i, c. 23.)
Vétole n'est pas employée par celui qui préside aux
vêpres solennelles ou au chœur. [Ibid., 1. ii, c. 3.)
Tous les clercs assistant au chœur, ou employés à
quelque fonction sacrée, font la génuflexion devant la Croix,
et même devant l'évêque. [Ibid., 1. i, c. 18.)
Les chandeliers et les cierges de Tautel sont d'inégale
hauteur, et dominés parla Croix. {Ibid., c. 12.)
La bénédiction avec le Très-saint Sacrement se donne
en silence. [Ibid., 1. ir, c. 33.)
On pourrait citer indéfiniment ; mais c'en est assez
pour faire voir à nos adversaires de quelle exactitude nos
pères se piquaient à l'endroit des rites romains. La dé-
monstration serait plus évidente encore, si nous invoquions
le témoign.ige du vénérable M. Olier, et du coura-
geux M. delà Tour. Elle atteindrait la dernière perfec-
tion, à l'aide de témoins d'ailleurs peu suspects d'ultra-
montanisme, D. Claude de Vert, J.-B. Thiers, et l'auteur
du Eituel d'Aleth.
XL Enfin, il y a déjà longtemps que la discipline du
Concile de Trente a reçu en France ses lettres de natura-
lisation. Nous ne pouvons pas transcrire ici les savantes
dissertations qui, de nos jours, ont mis ce fait en lumière.
Nous prions le lecteur de consulter les ouvrages de Mgr
Baillés {des Sentences épiscopales), de M. Bouix {du Concile
provincial), et du P. Prat {Histoire du Concile de Trente).
Elle n'est donc pas nouvelle pour nous, cette admirable
législation des Pères de Trente. 11 est vrai que trop sou-
vent les légistes et les politiques ont entravé la mise à
exécution des décrets du Concile ; mais il est un fait non
moins certain, à savoir que le clergé protesta toujours de
sa ferme et inébranlable résolution de rendre lui-même,
TRIPLE GALLICAMISME. 5*27
et de procurer de la part des fidèles, une entière obéis-
sance aux décrets du dernier Concile général. Qu'on dise
encore que le Concile de Trente n'a pas été reçu en
France !
XII. Que si l'on veut encore récriminer, et demander,
avec un étonnement mêlé d'amertume, pourquoi il s'in-
troduit en France des nouveautés en fait de morale et
d'histoire; pourquoi, dans nos écoles, l'on enseigne le
probabilisme et la hante valeur historique du Bréviaire ro-
main,; la réponse ne sera pas plus difficile.
Il est faux que le probabilisme soit parmi nous une doc-
trine nouvelle. Ysambert, Duval, AbelIy,ont été probabi-
listcs, et leurs contemporains n'ont pas connu d'autre
système de morale (I).
Il est encore faux que nos ancêtres n'aient pas attribué
au Bréviaire romain une haute valeur historique. Témoin
l'énergie déployée par la Sacrée Faculté de Paris contre
les légèretés d'Erasme. (Voyez Dom Guéranger, Instit.
liturg., t. I, et M. Faillon, Eecherches sur sainte Madeleine^
etc.) Grâce à Dieu, nos pères avaient assez de confiance
en leur Mère, pour consentir à recevoir d'elle-même tout
ce qui intéresse son histoire. Le protestantisme et le jan-
sénisme vinrent, hélas! éveiller la défiance; et voici qu'à
leur suite « certains gallicans rédigèrent l'histoire, et
« firent des recherches critiques d'après un système prê-
te conçu, et avec le parti pris que leurs adversaires au-
« raient tort; et l'on sait quelles énormes et immenses
« faussetés ces préoccupations accumulèrent sous la plume
« d'écrivains ecclésiastiques Tout n'est pas encore dit
M sur h s assertions passionnées et gravement partiales
« des Fleury, des Baillet, des Tillemont, des Dupin et
(1) Voir, dans la Revue, un excellent article sur le Probabilisme, par
M. l'ahbé E. G. (Août 1864.)
528 TRIPLE GALLICANISME.
« des Launoy (1). » [Introduction aux œuvres de saint
Denys l'Arêopagite, par M. l'abbé Darboy, p. lxxx-i.)
XIII. Il est temps de conclure.
Non, les traditions de l'Église de France ne sont aucu-
nement en désaccord avec les doctrines, les opinions, les
sentiments et la discipline de l'Église-Mère. L'histoire té-
moigne, au contraire, de la plus filiale conformité de pen-
sées et de conduite au sein de l'Église de France (2).
Les gallicans peuvent donc, sans renier leur passé, se li-
vrer au mouvement qui nous emporte vers Rome. Bien
plus, ils n'ont que ce moyen de se montrer dignes de
leurs pères. Interrpga patrem tuum et annuntiabit tibi ; ma-
jores iuos, et dicent tibi.
Les perfides manœuvres de l'hérésie purent sans doute
obscurcir nos traditions ^ la nuit a pu être longue ; car,
qui ne sait l'empire que peut prendre le mensonge sur les
esprits une fois abusés ! Mais enfin, ces ténèbres ne sont
pas destinées à durer toujours, et voici le moment d'être
dociles à la lumière. En revenant à Rome, en demandant
à Rome nos inspirations, en acceptant les décisions de
Rome, en recevant sa liturgie et sa discipline, nous ne
faisons qu'être fidèles au culte de nos aïeux ; et, suivant
l'expression d'un grand évêque de France, nous nations
pas brisé la chaîne de nos traditions, nous n avons fait que la
renouer. (Mgr de Salinis au synode d'Amiens, 1853.)
H. MoiNTROUZIER.
(1) M. i'abbé Freppel a vengé d'une manière supérieure l'autorité du
Bréviaire Romain, en ce qui regarde l'origine apostolique de nos Eglises.
Voir son Sai?it bénée, leçons 3, 4 et 5.
(2) L'on ne nous objectera certainement pas les impertinentes boutades
de quelques évêques courtisans au temps de Louis-le-Débonnaire, ainsi
que du fameux Hincmar, ue Rheims, et du moine Gerbert, devenu son
successeur sur le siège de cette grande église. Que sont quelques faits
isolés au milieu d'une vaste histoire?
LA PERSÉCUTION EN ANGLETERRE
sous LES SUCCESSEURS D'ÉUSABETH (i).
« Ce n'est pas seulement une histoire, » a dit Mgr TÉ-
vêque d'Arras, à propos du premier travail de M. Des-
tombes sur la Persécution religieuse enAtigleterre; « c'est un
« drame plein de scènes émouvantes et de péripéties extra-
a naturelles. Il est évident que, d'un côté, préside celui
« qui fut homicide dès le commencement, et, de l'autre,
(c celui qui a dit : « Je serai avec vous jusqu'à la con-
« sommation des siècles ». L'homme, par lui-même, n'est
(c capable ni de ces cruautés féroces, ni de ces vertus
« sublimes. »
La Revue a fait connaître le premier ouvrage de
M. l'abbé Destombes. Nous sommes heureux d'avoir à
parler aujourd'hui du second, digne à tous égards du
bienveillant accueil que le public a fait au premier.
Du reste, on conçoit que M. Destombes ait pu être en-
couragé dans son œuvre par les éloges donnés à une
publication dont tout le monde souhaitait \oir bientôt
la continuation. Nous lui savons bon gré d'avoir re-
(1) La Persécution religieuse en Angleterre sous les successeurs d'Eli-
sabeth, Jacques I^i-, Charles !«»', Gromwell et Charles II, par M. l'abbé
Destombes, supérieur du l'Institution Saint-Jean, à Douai. Paris, Lecotl're.
In-so de 540 pages.
Revue tik^ (^cirncks Kcciiis. t. x.— afxEMBRE 1864 35
530 LA PERSÉGUTJON RELIGIEUSE
produit, en tête du nouveau volume, les félicitations
que le Saint -Père lui a fait transmettre par Mgr le
Secrétaire des Lettres latines, et celles de NN. SS. les Ar-
chevêque et Évêques de Cambrai, d'Arras, de Montauban,
de Nîmes et de Poitiers. De tels noms, il est vrai, rendent
nos appréciations timides ^ mais c'est un inconvénient
que le lecteur ne regrettera pas. Il préférera une analyse
succincte aux lieux communs de la critique, et il verra
volontiers par ses propres yeux comment les suffrages si
compétents et si élevés qui ont honoré le premier volume,
se rapportent également au second.
II.
Le résultat le plus net des rigueurs d'Elisabeth fut un
ébranlement remarquable de l'autorité que lui avaient
transmise ses prédécesseurs, et qu'elle avait portée d'abord
à un si haut degré. Pour rappeler cette physionomie et
ce caractère, au moment où Jacques r^ va hériter de ses
fautes comme de son trône, nous ne saurions mieux faire
que de citer le rigoureux portrait tracé par Mgr Plantier,
après la lecture de l'ouvrage de M. Destombes : « Élisa-
« beth d'Angleterre, cette digne fille de son père, cette
« vierge dont la licence compta sur le cynisme pour se
« faire absoudre ^ cette reine débonnaire dont la mansué-
• « tude prit ses délices à multiplier les massacres et les
« assassinats ; cette grande prophétesse du libre-examen
« qui décréta, contre la foi catholique et contre toute
« liberté de conscience, des pénalités qui font presque pâlir
« celles qu'avaient portées contre les chrétiens les ty-
« rans les plus barbares de Rome païenne ; cette sainte
« suprême de l'anglicanisme, dont elle fut la mère, avait
« besoin d'être connue à fond, pour qu'on put bien juger
« de son œuvre par sa vie et son caractère. Vous lui
EN ANGLETERRE. 531
a avez admirablement restitué sa vraie physionomie, et
« certes, il s'en faut qu'elle soit céleste. Yivaute, on dit
« qu'elle craiguait pour son visage les miroirs fidèles.
« Morte, on les a craints pour sa mémoire. Une foule
« d'adulateurs l'ont flattée dans la tombe, comme d'autres
,« l'avaient flattée sur le troue. Heureusement il en est
« d'autres, même parmi les sectateurs de la Réforme,
« qui l'ont peinte au naturel. C'est avec les couleurs
« qu'ils vous ont fournies que vous en avez tracé le por-
te trait, et je vous en félicite. On protesterait contre vos
« appréciations ; on ne peut échapper à leurs témoi-
« gnages. » On n'échappera pas davantage, croyons-nous,
aux témoignages des historiens protestants qui servent
à M. Destorabes pour rétablir la vraie physionomie de la
nation anglaise, des courtisans, des ministres, des par-
lements et des chefs suprêmes de l'État. Le lecteur se
sentira pris d'indignation à la vue des procédés iniques
dont les catholiques anglais vont être l'objet; mais l'au-
teur n'avance rien ^ui ne soit appuyé sur des docu-
ments authentiques, et si l'on recule d'épouvante à la
vue de ses révélations, ou ne saurait protester contre des
appréciations que l'on a partagées soi-même, avant de
les trouver formulées dans son livre.
III.
Jacques I" monte sur le trône, et Robert Cecil va lui-
même, avec ses collègues du conseil, le proclamer à
Whitehall, en présence des plus puissants seigneurs,
qu'il s'était hâté d'appeler dans la capitale. A ses yeux,
comme à ceux de plusieurs hauts dignitaires, le danger
de voir le catholicisme rétabli ou simplement toléré
dans le royaume était sufiisamment prévenu par la reli-
gion même et l'éducation dn prince. Quant à la part
532 LA PERSÉCUTION RELIGIEUSE
qu'ils avaient prise dans l'assassinat juridique de sa mère,
ils comptaient que Fintérêt fermerait la bouche à leur
royal protégé. Les événements montreront clairement que
ces politiques égoïstes ne s'étaient pas trompés.
Les catholiques anglais offrent à leur nouveau monarque
l'humble expression de leurs sentiments et de leurs espé-
rances. Dans cette pièce admirable éclatent la franchise,
le dévouement. Les catholiques demandent pour leur re-
ligion la tolérance dont Henri IV vient de doter ceux de
ses sujets qui suivent une religion contraire à la religion
professée publiquement. Leurs raisons doctrinales et
historiques étaient bien faites pour toucher le cœur d'un
roi qui aurait voulu être le père intelligent de son peuple.
Mais l'ingratitude et la frivolité fermèrent le cœur de
Jacques 1" aux inspirations de la droiture et de l'énergie.
Les persécuteurs trop fameux des catholiques, Cecil et
Bacon, reparurent dans son conseil. C'est au milieu de
ces politiques sans principes et sans cœur que nous ap-
paraît ce monarque, dont la faiblesse prétentieuse et la
puérile vanité de savoir deviendront bientôt pour ses su-
jets un objet de dérision, eu même temps qu'elles ren-
dront plus facile à ses conseillers l'accomplissement de
leurs projets. Ses propos ébruités le trahissent : les ca-
tholiques ne peuvent plus conserver leurs illusions pre-
mières. Un crime de deux prêtres abusés, Watson et
Clarke, sert de prétexte aux mauvaises dispositions de la
cour. Bien que l'archiprêtre Blackwell eût dévoilé lui-
même le projet à Robert Cecil, après en avoir été informé
par les jésuites, que Watson avait vainement cherché à
séduire, les catholiques devinrent suspects. On les re-
garda comme des traîtres dont la fidélité ne saurait
jamais être garantie.
Cependant des sectes rivales se forment et se déve-
loppent au sein de l'Église établie. Devenu chef suprême
EN ANGLETERRE. o3o
de l'Église anglicane, Jacques V s'efforce de la soutenir.
La pétition des puritains excite son mécontentement. Il
dénonce « les tentatives séditieuses de ces esprits qui
travaillent plutôt à détruire qu'à réformer, » et il essaye
d'une conférence pour calmer ces excitations. Le mo-
narque-théologien l'ouvre lui-même, et il force les
évoques, d'ailleurs complaisants, à accepter ses conclu-
sions. Les pasteurs puritains, admis à la seconde et à la
troisième séances, ne sont pas plus heureux que les
évêques : Jacques P' leur impose à tous une soumission
aveugle et absolue. Quant aux catholiques, le roi déclare
« qu'il déteste leur religion superstitieuse, et qu'il est
« si loin de vouloir les favoriser que, s'il croyait que son
« fils et successeur dût accorder la tolérance de cette re-
« ligion, il aimerait mieux, en toute vérité, le voir ense-
« velir sous ses yeux. » Les shérifs reçoivent en même
temps l'ordre de publier dans toutes les paroisses une
proclamation qui bannit à perpétuité tous les prêtres, jé-
suites ou autres. (P. 87.) Le parlement anglais entend un
manifeste royal contre le catholicisme, et dès le 24 avril
1603, un mois après le discours du roi, un bill contre les
catholiques est présenté à la Chambre des communes.
Les catholiques, assimilés aux faussaires, aux parjures et
aux hommes mis hors la loi, sont déclarés inhabiles à
siéger au parlement. Le vicomte Montagne se lève pen-
dant la troisième lecture et proteste noblement contre
des mesures qui n'ont aucune raison d'être. Son discours
est jugé « un scandale et une offense » par les partisans
de la libre-pensée, et, le lendemain, le vieillard est con-
duit à la prison de la Flotte. Toutefois, les catholiques
essayent encore d'une pétition au parlement. Un pam-
phlet insultant est la seule réponse qu'on donne à leur
supplique. Quant aux évêques anglicans, ils ne sont déjà
plus que des fonctionnaires du pouvoir civil, ils cxpc-
53/| LA PERSÉGUl'TON KELIGIEUSE
dient à leurs suffragants, au nom du roi, des circulaire»
où ils révèlent les intentions du monarque, et où ils
prescrivent de rechercher les catholiques dans leurs fa-
milles ou au-dehors, afin de les déclarer excommuniés et
de les frapper de la confiscation de leurs biens et de la
prison. Découvrir, poursuivre et accuser les catholiques,
tel est le mot d'ordre qui passe dans tous les rangs de
l'ordre civil et ecclésiastique. Jacques pouvait se dispen-
ser de recommander aux magistrats de se montrer « dili-
gents et sévères » : des faits multipliés proclament assez
haut l'activité et la violence déployées parles émissaires
du gouvernement.
Coup sur coup paraissent plusieurs édits qui activent
la persécution. Le clergé s'associe aux colères du pou-
voir et formule des canons qui répondent aux édits du
roi. Les prisons deviennent bientôt insuffisantes : on
mêle l'insulte à la cruauté : 1 effusion du sang suit de près
ces divers actes, et dès le 16 juillet lfi04, un mis-
sionnaire est écartelé sur la place publique de War-
wick. Le sang de Jean Sugar a ruisselé sous les yeux de
Robert Grissold et excité son enthousiasme : il paye de
sa propre tête sa noble sympathie. Vingt-et-uu prêtres et
trois laïques sont coiidaumés au bannissement perpétuel.
Ils signent inutilement contre l'arrêt qui les frappe une
protestation pleine des témoignages irrécusables de leur
loyauté et de leur fidélité. Pourquoi tous leurs frères ne
les imitent-ils pas, et pourquoi Catesby ajoute-t-il à toutes
ses faiblesses antérieures la machination de l'ignoble
complot des poudres^ dont le résultat devait être si funeste
au catholicisme? En vain, de Rome, les voix les plus auto-
risées cherchent-elles à prévenir cet attentat et en flé-
trissent les auteurs. Le P. Garnet essaye de faire entendre
raison à Catesby : la prudence du missionnaire échoue
devant l'astucieuse obstination du conspirateur. Des re-
EN ANGLETERRE. 535
tards ont beau être ménagés : tout est prêt dix jours
avant l'ouverture du parlement. C'est l'heure de la tra-
hison. Un page de lord Mounteagle reçoit une lettre où son
maître est averti du danger. Les plus graves auteurs ne
craignent pas d'attribuer cette lettre à lord Cecil, devenu
comte de Salisbury, et impliqué dans le complot, comme
son père, lord Burleigh, l'avait été dans celuide Babington.
L'effronterie de Cecil lui peçmitde présenter lui-même la
lettre au roi, lequel déclare ensuite à l'ouverture du par-
lement qu'il a été aidé d'une manière surnaturelle pour
découvrir la conspiration. Des précautions puériles sont
gardées afin de faire juger au peuple de la vérité des in-
spirations du monarque et de préparer ainsi un mouve-
ment populaire d'autant plus violent qu'il pouvait prendre
le caractère dune légitime indignation. Blackwell et les
catholiques nient vainement toute complicité dans cet
odieux attentat. L'instruction du procès commence ^
Londres, dès que les troupes de sir Richard Walsh ont
enveloppé et saisi les quatre principaux chefs de la con-
juration. — Il faut lire tous ces détails dans l'ouvrage de
M. Destombes : les Jésuites sont pleinement dégagés de
toute responsabilité par rapport à ce crime ; on y voit
comment la fourberie de Cecil put arriver à obtenir, de
juges pervers ou surpris, le supplice du P. Garnet, dont
tous les efforts avaient tendu, selon la limite du possible,
à déjouer le complot.
La persécution continue plus acharnée que jamais, et
de nouvelles lois pénales sont ajoutées à celles déjà exi-
stantes C'est en vain que le roi de France écrit à
Jacques I" pour le déterminer à entrer dans les voies de
la modération : sa dépêche est habilement retardée.
Paul V exprime, dans deux lettres au roi d'Angleterre,
toute son horreur pour le forfait de Catesby. Les catho-
liques protestent encore de leur fidélité et de leur sou-
536 LA PERSÉCUTION RELIGIEUSE
missiou. Tout est inutile. Jacques 1" imagine l'astucieux
serment d'allégeance que Borne ne peut accepter, et dont
la rédaction avait étô confiée à Bancroft, archevêque de
Cantorbéry, et au jésuite apostat Perkins. Quelques ca-
tholiques prêtent ce serment grâce à une imprudence de
Blackwell qui a semblé l'autoriser. Celui-ci a encore la
faiblesse de cacher la lettre du Pape. Le roi connaît le
bref, et sa fureur devenant plus grande, il exige le ser-
ment avec une extrême rigueur. Blackwell, déjà vieux,
a la condescendance coupable de le signer, et il en est ri-
goureusement repris par le cardinal Bellarmin. Alors
commence une persécution tellement atroce, que le roi
lui-même est obligé de faire faire une enquête sur les
violences, les abus du pouvoir et les crimes commis par
les agents de l'État. (P. 13.3.) Mais la persécution san-
glante n'en continue pas moins, et de nouvelles victimes
tombent sans cesse sur l'échafand, un milieu des raffi-
nement d'une affreuse barbarie.
IV.
Un chapitre très-intéressant nous repose de toutes ces
horreurs. C'est l'histoire des fondations anglaises sur le
continent. Proscrite de Vile des Saints^ la vie catholique
se transplante en un sol voisin d'où ses radiations se
feront sentir à la nation infortunée. De ces centres nou-
veaux d'activité, Bruxelles, Douai, Bome, Beims, Valla-
dolid et Séville, partent des foyers de lumière contre les
ténèbres accumulées par les théologiens-politiques de
l'Église établie. De là aussi viennent des martyrs qui
mêlent leur sang aux flots de sang répandus depuis un
siècle. Aussi les conversions commencent : l'aurore du
jour que "nos yeux voient brille déjà sur l'auglicanisme.
Toutefois, Jacques I" poursuit ses violences. Aussi ha-
bile à tromper les rois d'Espagne et de France que le
EN ANGLETERRE. 537
Pape, il ne meurt pas sans avoir formé une soi-disant
sainte alliance, où l'on voit des républiques catholiques et
la France unies aux protestants de l'Allemagne et du
Daneraarck. Il obtient, pour son fils Charles, la main de
de la fille du roi d'Espagne, et il prépare l'union du
prince de Galles avec Henriette de France.
V.
Jacques I", en mourant, laissait à son fils un trône
ébranlé et miné de toutes parts par les discordes reli-
gieuses et politiques. L'heure est venue où Dieu va livrer
« aux instincts déréglés de la force ce peuple resté
muet sous la main des tyrans qui lui arrachèrent sa foi
religieuse. Charles F" et Cromwell, le premier sur l'écha-
faud, le second sur le trône; telle est la leçon terrible et
la sévère expiation que les règnes précédents avaient
préparée, et que Dieu réservait à l'Angleterre comme un
châtiment de miséric'orde plus encore que de justice.
Comme toutes les révolutions, celle qui éclate à cette
époque présente aux regards attentifs de l'observateur
une réunion d'intérêts et de passions contraires, qui se
cachent sous différents masques, et au milieu desquels
apparaissent de loin en loin des volontés droites, mais
abusées, des convictions sincères, mais outrées jusqu'au
fanatisme. Des idées religieuses et politiques en opposi-
tion ouverte, des amours-propres froissés, des animosités
surrexcitées par l'arbitraire du pouvoir, enfin des dupli-
cités et des tromperies, parce que la royauté, d'une part,
est poussée à des promesses irréalisables, et que, de
l'autre, les factions cherchent à cacher le but réel où
tendent leurs efforts ; telles sont les causes multipliées
qui aboutiront aux termes fatal, que beaucoup ne pré-
voyaient pas, ne voulaient pas, mais où le doigt de Dieu
538 LA PERSÉCUTION RELIGIEUSE
dirigeait les événeraents. Toutes ces factions auront leur
succès éphémère, pendant que les catholiques, poursuivis
par toutes les haines comme par toutes les erreurs, con-
tinueront de gémir sous le joug de fer qui les écrase. »
C'est par ces graves pensées que M. Destombes ouvre
le récit du règne de Charles I". Elles résument admira-
blement Tordre de faits dont il se compose, et dont se
composeront les deux règnes suivants. Le génie du mal
n'est pas très-varié dans ses attaques contre le bien : il
suit des plans fort analogues les uns aux autres. Cette
remarque apparaît en toute sa vérité dans rjiistoire que
nous analysons. Faiblesse, ineptie, malveillance, adula-
tion, cruauté : tels sont les mots qui caractérisent les
trois règnes de Charles I", de Cromwell et de Charles II.
On connaît la suite de cette malheureuse histoire, qui
aboutit au meurtre légal de Charles I" et au protectorat
de Cromwell. Lorsque la restauration de la monarchie
par Charles II vient donner des espérances aux divers
partis qui divisent le royaume, c'est pour les sujets
vraiment fidèles, les catholiques, une ère nouvelle de
soupçons, d'intrigues, de calomnies, de persécutions et
de meurtres. Des juges toujours iniques condamnent
d'innocentes victimes, et celles-ci expirent en appelant
les miséricordes de Dieu sur leurs persécuteurs. Les dé-
tails sont pleins d'intérêt : ou les lira dans l'ouvrage de
M. Destombes
VI.
Quel saisissant spectacle que celui d'une nation livrée,
comme l'a été la nation anglaise, pendant plus de cent
cinquante ans, aux, horreurs de la guerre civile, et d'une
persécution dans laquelle la religion couvre les passions
les plus ignominieuses I On voit passer devant soi les
EN ANGLETERRE. 539
sinistres figures de rois incapables ou pervers, de mi-
nistres astucieux et perfides, déjuges iniques et courti-
sans. On suit un peuple farouche qui se transmet de
génération en génération les instincts de la férocité la
plus implacable. D'un autre côté, on découvre les in-
fluences de tranquillité, de constance et de paix que la
foi répand sur Tàme des nobles victimes. Celles-ci lèvent
les yeux au ciel d'où descend pour elles et pour leur
malheureux pays un rayon d'espérance d'autant plus
puissant que l'heure où elles expirent est avancée, et que
les flots de sang sillonnent depuis plus longtemps un sol
qui dut au sang des premiers apôtres sa merveilleuse
fécondité. Cependant il s'est rencontré des historiens qui
ont dénaturé l'histoire du catholicisme en Angleterre et
transfiguré celle de ses persécuteurs. Leur œuvre de
mensonge avait obtenu de l'esprit public une complicité
universelle et comme incurable. L'Église catholique vient
d'être vengée de l'accusation d'intolérance qu'elle a
longtemps subie. M. Dtstombes a arraché à l'erreur son
masque de modération. Son livre « est précieux aussi en
« ce qu'il révèle, chez ce peuple persécuté, plus d'éner-
« gie et de résistance que l'histoire ne lui en a attribué,
« A tout prendre, l'épreuve de l'Angleterre catholique a
« été plus délicate et plus périlleuse que la nôtre en 93,
« et il faut bénir Dieu qui nous a épargné plusieurs des
« côtés les plus dangereux et les plus difficiles de la sé-
« duction. » (Lettre de Mgr l'Évêque de Poitiers, à l'au-
teur.) A. GiLLY.
DÉCISION RECENTE
SUR l'amovibilité DES DESSERVANTS,
et sur la nécessité de /'imprimatur pour les écrits des ecclé-
siastiques en France.
Tout reste de nuage sur ces deux importantes questions
se dissipera, il faut l'espérer, en présence du rescrit que
nous allons mettre sous les yeux du lecteur. Yoici en ré-
sumé l'historique des faits qui l'ont provoqué.
I.
Un ecclésiastique du diocèse d'Évreux avait publié
une brochure intitulée Kéhabilitatio?i du desservant. L'écrit
portait le nom de l'auteur, qu'il serait inutile de repro-
duire ici ; mais il n'était point muni du permis d'imprimer,
requis par les lois de l'Église. Il attaquait la discipline
actuelle des diocèses de France sur l'amovibilité, qu'il
disait ne pas venir de l'Église, mais être repoussée par l'E-
glise-^ il allait même jusqu'à traiter de scandaleux l'emploi
des mots parochi amovibilesj dont Mgr d'Évreux avait fait
usage dans la lettre d'indiction de son synode.
Par une ordonnance du 22 décembre 1863, Mgr l'É-
vèque d'Évreux condamna cet écrit. Eu même temps il
exigea de l'auteur l'aveu de sa faute, des excuses à son
évèque, l'engagement d'arrèterla circulation de l'ouvrage,
enfin, une adhésion au jugement que pourrait porter le
SouviTÙn-Poulife, le toul sous peine de suspense à en-
DÉCISION SUR l'amovibilité DES DESSERVANTS 5iil
courir ipso facto. L'auteur iit la soumission demandée -, elle
fut toutefois difficile à obtenir pour l'un des points énon-
cés. « Il a reconnu (dit le rapport du vicaire-général,
chargé de notifier l'ordonnance}, quoiqu'un peu difficilement,
qu'il avait commis une faute grave en faisant publier ce
livre sans une autorisation préalable de l'Ordinaire, con-
formément aux prescriptions du dernier concile de la pro-
vince et des statuts diocésains. »
Le 24 décembre 1863, Mgr d'Évreux adressa au Sou-
verain-Pontife une relation accompagnée du texte de
son ordonnance.
L'examen de la cause fut confié à une congrégation par-
ticulière de cardinaux, qui émit son sentiment le l*"" sep-
tembre dernier. lieu fut référé au Souverain-Pontife, qui
donna ordre de répondre à Mgr l'Évêque d'Évreux ainsi
qu'il suit : L'opuscule composé et publié par..., et qui a pour
titre : Réhabilitation du desservant, doit être réprouvé; en
premier lieu, parce que V ecclésiastique susdit n'a pas même ob-
servé pour cette publication les lois du diocèse et du concile
provincial de Rouen; en outre, parce quil a osé accuser les
évêques de transférer d'ordinaire les desservants sans motif
raisonnable ; enfin, parce qu'il s'est arrogé le î'ôle de juge dans
une question réservée au Saint-Siège, auquel elle a été précé-
demment déférée, et en particulier au sujet des curés amovibles
de la Belgique y sous le pontificat de Grégoire XVI de sainte mé-
moire. Ce Pontife donna sur ce sujet, par V intermédiaire de la
Sacrée Congrégation du Concile, une réponse à févêque de
Liège, le l" mai 1845.
Voici la lettre de Son Eminence le cardinal Quaglia,
qui transmet cette décision à Mgr l'évêque d'Evreux :
IL
Perillustris ac Revereurlissime Domine, uti frater.Quœ
542 DÉCISION SUR l'aMOVIBILLTÉ DES DESSERVANTS
per litteras diei 24 decenibris 1863 ad sanctissimum Do-
miuum DostViim Pium papam IX detulit Amplitudo tua
quoad opusculum a sacerdote Ludovico Desiderato Dago-
mer conscriptum, et typis impressum, cui titulus : héha-
bilation du desservant, et judicium ab ampli tudiiie tua su-
per eodeni opusculo latuni, Sanctitas Sua ea qua prœstat
apostolica sollicitudine excepit. Yerum priusquam decer-
neret quid Amplitudini tuœ esset respondendum, voluit
ut, in cougregatione parliculari nonnuUorum Emineutis-
simorum et Reverendissimorum sanctae Romauœ Ecclesiae
cardinalium hujus Sacrâe Congregationis negotiis episco-
porum et regulariura praepositae, omnia, quae ab Amplitu-
dine tua exposita fuerunt, mature expenderentur. Parti-
cularis congregatio habita fuit sub die 1 septembris nuper
elapsi, ac sanctissimus Dominas noster in audientia diei
2 insequentis, audita relatione infrascripti domini pro-
secretarii ejusdem sacrœ Congregationis episcoporum et
regularium, et voto Eminentissimorum et Reverendissi-
morum Patrum, Amplitudini tuai rescribi mandavit : Opus-
culum a sacerdote Dagomer redactum, ac in lucem editum,
cui titulus : Réhabilitation du desservant, esse reprobandum,
tum quia praeraemoratus sacerdos nequidem legibus dioe-
cesanis, et Concilii provinoialis Rothomagensis in illo
edendo obtemperavit ; tum quia episcopos ineusare ve-
ritus non sit ac si absque probabili causa parochos amo-
vibiles vulgo desservants transferre incaute soleaut ; tum
demum quia judicis sibi partes occupaverit in quœstione
Sanctae Sedi reservata, ad quam delata alias fuit, ac prœ-
sertim quoad parochos amovibiles regni Belgici, sub
pontificatu sanctae memoriae Gregorii XVI, qui persacrara
Concilii Congregationemdie 1 maii 1845 responsum super
eadem episcopo Leodiensi dédit. Cjeterum laudandam
esse submissionem, quam prœnominatus sacerdos Dago-
mer judicio proprii episcopi praestitit.
ET SUR LA NÉCESSITÉ DE LIMPRIMATUR. oh"^
Haec Amplitudini tuae a me significauda erant de man-
date sanclissimi Domini iiostri, cujus insuper jussafaciens
hic adnecto exemplar prœfati rcsponsi, una cum precibus
ab episcopo Leodiensi porrectis. Intérim cuncta faiista ac
prospéra Araplitiidiui tuae adprecor a Domino. Amplitu-
dinis tuae_, etc. — Romae, 5 octobris 1864. — A. Gard.
QuAGLiA, Preef. — Eegliati, pro-secretarius.
III.
Les conséquences sont faciles à déduire.
r En ce qui concerne la nécessité de Vimprimatur, elle
ressort de la teneur du rescrit. L'une des raisons pour
lesquelles l'ouvrage en question est à réprouver (esse re-
probandum), c'est qu'en le publiant l'auteur n'a pas même
observé les lois de son diocèse et du concile provincial de Rouen.
Un décret du concile provincial de Rouen de 1850, et
l'article 40 des statuts du diocèse d'Évreux, interdisent
l'impression des écrits relatifs à l'Église, à la religion, à
la foi, à la discipline et à la morale, sans une autorisation
préalable de l'Ordinaire. Le rescrit pontifical reproche à
l'auteur de l'opuscule d'avoir violé ces prescriptions, et
déclare pour ce seul chef l'ouvrage digne de réprobation.
En outre par l'expression nequidem [na pas même observé) ,
le rescrit fait entendre que d'autres lois ont été aussi vio-
lées, et nul doute qu'il n'ait eu en vue les prescriptions
du V® concile de Latran (sess. 10), du concile de Trente
(sess. 4, c. 2', et de la 10^ règle de l'Index. Aux termes
de ces décrets, qui sont des lois générales de l'Église,
l'impression et la publication des écrits, sans nom d'au-
teur et sans l'autorisation de l'Ordinaire, est formellement
interdite. Néanmoins, avant les derniers conciles pro-
vinciaux de France, qui ont expressément statué sur
cette matière, les membres du clergé publiant des écrits
àhh DÉCISION SUR L'AMOVIBILlTfi DES DESSERVANTS
sans la permission requise, pouvaient alléguer une sorte
d'excuse. L'opinion que certains décrets disciplinaires
du concile de Trente, et ceux de l'Index, n'étaient pas
reçus en France, et qu'il ne fallait pas les considérer
comme obligatoires dans ce pays, n'avait malheureusement
que trop prévalu. Ce n'est pas ici le lieu de réfuter cet en-
seignement erroné ^mais on conçoit la bonne foi dans les
membres du clergé qui en avaient été imbus.
Ce qui est déplorable, c'est de voir des ecclésiastiques
publier leurs écrits sans l'autorisation requise, depuis que
les récents conciles provinciaux de France le leur ont
expressément interdit. Il est incontestable que la matière
est grave et que le précepte oblige sous peine de péché
mortel. On se demande comment ces prêtres peuvent s'ar-
ranger avec leur conscience. Le fait d'une si regrettable
transgression vient de se produire presque simultanément
à Lyon, àVersailles et dans le diocèse d'Évreux. Notre
Revue a déjà parlé des brochures de Lyon sur la question
liturgique. Elles ont été publiées sans nom d'auteur et sans
le permis de l'Ordinaire. Celle qui n'est point anonyme et
qui a pour auteur un curé, est également dépourvue de
l'imprimatur. Un décret du dernier concile provincial de
Lyon prohibait expressément ce désordre. On n'en a tenu
aucun compte. A Versailles, un ecclésiastique a publié une
série de lettres sous le pseudonyme de Sophronius. Les
trois premières ont été condamnées par Mgr Mabile et
peu après tnises à Y index. L'auteur s'est soumis; mais no-
nobstant sa rétractation, sa quatrième lettre a été mise en
vente ; et il en a paru une cinquième, avec le même pseudo-
nyme, et toujours sans imprimatur. Le prêtre de Versailles
auteur de ces tristes productions violait ouvertement
un décret du concile de Paris, Derrière quels principes
de morale se retranche-t-on pour innocenter de tels actes?
jXous ne savons. Ce qui nous semble certain au point de
ET SUR LA. xNÉCIiSSiTÉ DE l' IMPRIMATUR. 5/i5
vue de la théologie, c'est qu'une pareille infraction est
une faute grave, ainsi que Tu jugé Mgr d'Évreux, dans les
pièces communiquées aux évêqucs de France par sa cir-
culaire du 23 octobre 1864. Ce qui nous paraît également
certain, au point de vue du droit canonique, c'est qu'un
pareil délit peut légitimement donner lieu à la peine de
la suspense et à la privation de tout bénéfice. Un seul cas
est à excepter : si l'Ordinaire refuse d'examiner les ou-
vrages qui lui sont soumis par les auteurs, on doit con-
clure que ceux-ci ne sont plus astreints à la loi de Yim-
primaivr, attendu qu'il n'est pas en leur pouvoir de l'ob-
server. Mais l'auteur des lettres de Sophronius n'était pas
dans ce cas exceptionnel. Il n'a point soumis ses écrits à
sou évêque, et le prélat lui a reproché cette infraction
aux décrets du concile de sa province.
L'ecclésiastique du diocèse d'Évreux, auteur de la bro-
chure Réhabilitation du desservant, avait aussi devant lui
le décret prohibitif d'un concile provincial, celui de
Rouen. Malheureusement il a passé outre. Mais à la diffé-
rence des écrivains mentionnes ci-dessus, il n'a pas ajouté
la faute de l'anonyme à celle de la publication sans im-
primatur. Lui du moins a loyalement signé son écrit. Il n'a
pas pris un masque pour attaquer sou évêque.
Eu présence du texte si clair des prescriptions cano-
niques, une décision du Saint-Siège n'était point ici néces-
saire. !Vous l'aurons néanmoins désormais, et en des termes
capables de désabuser les esprits les plus malades. Le
rescril pontifical du 2 septembre 18G4, transmis par la
lettre de Son Émineuce le cardinal Quaglia du 5 octobre,
déclare un ouvrage digne de réprobation , parce qu'en le pu-
bliant, l'auteur ne s'est pas conformé aux statuts de son
diocèse et au décret du concile provincial, qui prescrivent
la formalité de l'imprimatur : « Esse reprobandum quia
Kf.VI'E DFS '^Cll-.NCKS KCCLÉ?. T. X —DÉCEMBRE 1864 36
5/j6 DÉCISION SUR l'amovibilité DES DESSERVANTS.
iicquidem legibus diœccsauis et cciicilii provincialis Ro-
thomagensis in illo edendo obtemperaverit. «
2^ En ce qui concerne la révocabilité des desservants,
le rescrit du 2 septembre vient mettre fia à une opinion
qui avait encore des adhérents, et qui a été, dans la pra-
tique, le prétexte de plus d'un écart regrettable. Dans
înon traité de Parocho et ailleurs, j'ai soutenu que les
évoques de France et de Belgique ont le droit de révo-
quer ad nutum les curés desservants, tant que le Saint-
Siège n'aura pas autrement statué sur ce point de disci-
pline. Je m'appuyais principalement sur la réponse de
Grégoire XYI à l'evêque de Liège (l"mai 1845). Le prélat
belge avait posé la question en ces termes :
« Au, attentis praesentium rerum circurastantiis, in re-
gionibus in quibus,ut in Belgio, sufflciens legum civilium
fieri non potuit immutatio, valeat et in con&cieniia obUijet,
usque ad aliara SauctœSedis dispositionem, disciplina in-
dueta postcoucordatum anni 1802, ex qua episcopi juris-
dictiouem pro cura animarum conferre soient ad nuii{}^
revocabilem, et illi si revocentur et alio mittantur leneantur
obedire? Caeterum episcopi hac rectorcs rcvocandi vel
traust'erendi auctoritate haud irequeuler et non nisi pru-
denter uti soient ; adco ut sacri luiuisterii stabilitati,
quantum fieri potest in hisce rerum adjunctis, satis cou-
sultum videatur. w
11 fut répondu, par l'intermédiaire de laSacrée Congréga-
tion du Concile : « SanctissimusDominus noster, universa
rei de qua iu piecibus ratione mature pcrpensa, gravi-
busque ex causis animum suum moventibus, refereute
infra scripto Cardinali S. Congregationit; Concilii Praefecto,
bénigne annuil ut in regimine ecclesiarum siœcursalium de
quibus agitur nulla immutatio fiat^donec aliter a Sancta Aposto-
lica Sede stalutum fuerit. »
ET «UP. LA NÉCESSIO-ft ©E l'iMPRIMATUR. 547
Par ce rcscrit, le pape Grégoire XVI expriraaitclaire-
ment, selon nous, sa volonté par rapport à la discipline
de la révocation ad nutiimdes desservants. Non seulement
il en penneltait la continuation aux évoques de France
et de Belgique, mais il défendait de la changer (nulla
immutatio fiai), tant que le Saint-Siège naïa-ait pas statué
autrement. Il ne nous paraissait pas moins clair qu'en vertu
de ces derniers mots, le changement de cette discipline
se trouvait désormais réservé au Souverain-Pontife,
On nous objecta les termes bénigne annuit , qui expriment
sculeœent un induit, c'est-à-dire une faveur, une dispense
de la loi, dont les évêques sont libres de ne pas user.
Cette explication nous parut une subtilité. Les mots bé-
nigne annuit expriment que le Souverain-Pontife a voulu
accorder ce que l'évêque de Liège témoignait désirer Or
ce prélat sollicitait précisément une réponse affirmative à
la question ; An disciplina inducta (celle de la révocation
ad nulum) valeat et in conscientia obligel vsquead aliam Sancfœ
Sedis dispositionem. Vour accorder cela, il fallait non seule-
ment que la discipliné des révocations ad nntiim fût dé-
clarée licite aux évêques, tant quMls jugeraient à propos
d'en user, mais qu'il leur fût fait défense de la changer,
et que ce changement fût réservé au Saint-Siège. Ce
(\vCaccorde Grégoire XVI, c'est la prohibition de changer
cette discipline [nulla immutatio /îaf),tant que le Saint-
Siège n'aura pas statué autrement.
Quant aux écrits où, malgré cette réponse du pape
Grégoire XVI, on a osé accuser d'injustice les prélats qui
usaient de la discipline des révocations ad nvfiim, ce sont
de déplorables écarts qui ne méritent pas de réfuta-
tion.
A ces erreurs, et aux subtilités imaginées pour éluder
la réponse de 1845, nous aurons désormais à opposer le
rcscrit de Pie IX. L'opuscule Réhabilitation du desserrant
5A8 DÉCISION SUR l'amovibilité des desservants.
y est déclaré digue de réprobation, parce que l'auteur s est
attribué le rôle déjuge dans une question réservée au Saint-Siège,
La question de la révocabilité ad nutum des desservants est
doue bien certainement réservée au Saint-Siège. Et, en
attendant que la discipline suivie à cet égard en France
et en Belgique soit modifiée par le Souverain-Pontife, nul
n'a droit d'accuser d'injustice les prélats qui s'y confor-
ment. Le desservant révoqué ou transféré par son évoque
est tenu d'obéir. L;i doctrine contraire serait désormais
une aberration inexcusable.
D. Bouix.
QUESTIONS LITURGIQUES.
I.
Peut'On tolérer Image de la soutane à queue pour les simples
prêtres?
Un simple prêtre, quelle que soit sa dignité, ne peut avoir une
soutane à queue.
Plusieurs décisions de la Sacrée Congrégation relatives à rarchidiacre
de Ravenne nous le prouvent clairement.
t«' DÉCRET, « Non licuisse, neque licere canonico praeposilo ca-
« thedralis Ravennae usum vestis talaris cuni cauda, ad instar praela-
« torum Romanae Guriae, etc.; ideoque usum praediclura eidem prohi-
« bendum esse censuit, prout prohibuit. » (Décret du 17 juin 1673,
n" 2642.)
2" DÉCRET. « Neutri licuisse, neque licere, nempe archidiacono et
« praeposilo ecclesiae metropolitanœ Ravennaten., usum vestis talaris
« cum cauda ad instar praelatorum Romanae Gurio:; ; ideoque abusum
€ praedictum omnino eisdem prohibendum esse censuit, prout prohi-
« huit. » 'Décret du 2 déc. 1673, n"2666.)
Si l'archidiacre de Ravenne, malgré ses instances réitérées, n'a pu
obtenir cette permission, il en résulte clairement que la soutane à
queue est regardée comme un insigne. Les paroles ad instar prxlato-
rum, d'ailleurs, le montrent suffisamment. Ajoutons que l'usage des
soutanes à queue pour les simples prêtres n'a point été introduit en
Italie, ni dans les pays où la pratique des règles canoniques a toujours
été en vigueur.
Supposons un instant que l'usage de la soutane à queue ne soit pas
prohibé par une loi positive: les prêtres qui en useraient ne pourraient
550 LITURGIE.
jamais la laisser liaîner. Si l'on examine les règles posées par les ru-
bricistes, règles fondées sur le texte du Cérémonial des évêques et la
tradition toujours suivie à Rome, l'i-vêque ne laisse traîner la queue
de sa soutane que lorsqu'il officie, et alors il y a un caudataire.
Divers conciles, dit Catalani {Cœr ep., 1. i, c. xv, § I, n. H), ont
défendu aux clercs et aux simples prêtres l'usage de la soutane à queue.
Le savant liturgiste qui a dirigé la nouvelle édition de ce précieux ou-
vrage s'exprime ainsi à ce sujet : « Pauca de cauda subtanae subnec-
a tamus. Notum est subtanain ab inferiore parte dilatatam seu cauda-
d tain inter insignia Episcoporum et praelatorum recenseri, et nulli
« alii, eliam archidiacono velvicario generali, esse permissam, sicut a
a S. C. sancitura est. »
La soutane à queue est donc un insigne, et elle n'appartient pas aux
simples prêtres. Il est bon d'observer encore que la soutane traînante
des évêques et des prélats est faite de manière que, lorsqu'elle est re-
levée, elle a la forme des soutanes sans queue.
II.
\, Quelle est la bonne manière de réciter les Litanies des Saints ? Faut-
il répéter les invocations du commencement jusqu'à Pater de cœlis
Ueus ? A la fin faut-il répéter Cbriste audi nos et ce qui suit jusqu'au
dernier Kyrie eleison inclusivement? — 11. Doit-on faire de même
pour les litanies de la sainte Vierge ? Doit-on dire à la fin Cliriste
audi nos et Christe exaudi nos? — III, Peut-on chanter au salut
ou en procession les litanies du saint Nom de Jésus? — IV. Aux
différents exercices qui se font en Vhonneur du Sacré-Cœur de
Jésus, de saint Joseph, etc., peut-on, comme il se pratique en cer-
taines églises, chanter les litanies particulières à la dévotion qui est
l'objet du concours du peuple, avec r oraison! Peut-on même réciter
ces litanies publiquement dans l'église ?
I. Litanies des saints. Les Litanies des saints étant une prière litur-
gique, elles occupent naturellement ici le premier rang. La manière dont
Lri^UR(ilE. 6m
on ies récite est clairement indiquée dans le Rituel. Après le premier
Kyrie eleison, il est dit : Chômé îtlhm repetit, et sic in sequentibiis
usque ad Pater de ccelis exclusive. Après sancta Maria, on lit : Chorus
responàet Ora pro nobi's ; la même rubrique se trouve après Propitiià
esta, après Peccatores e\ après le premier Agmis Dei. Après Christe
à'itdi nos, il est dit : Chorus idem repetit usque ad ultimum Kp'ie
eleison exclusive. La dilticulté nous a été posée dans des termes où
l'on supposerait que ces rubriques ne se trouveraient pas dans le Rituel,
ou qu'il ne serait pas conforme à la disposition indiquée dans le graduel
de la commission Rémo-cambfésienne. On aura vraisemblablement faiï
erreur dahs Ta confrontation.
11. Litanies de la sainte Vierge. Les répétitions prescrites dans là'
r.''cilation des Litanies des saints ne sont indiquées nulle part pour lés
litanies delà sainte Vierge, pas plus dans les éditions imprimées à Rômé
que' dans celles que l'on a imprimée? en France. L'édition du petit-
office que nous avons citée t. ix, p. 572 renferme ces litanies. Aplréfé
Agnus Dei, il n'y a point Christe audi nos, mais l'antienne Sub tmim
avec le mot nostris après necessitatibus , puis le f Ora pro nobis, et l'o-
ràiëon Gratiam tuani avec la petite conclusion.
Iti. Lïiâhies du saint Noni de Jésus. La concession relative aux li-
tanies du saïril Nom de Jésus ne nous paraît pas suffisante pour autorise'r
leur introduction dans les fonctions liturgiques. S'il en était autrement,
on pourrait introduire dans ces fonctions toutes les prièi'es eiirichies
d'indulgences.
IV. Autres litanies. Les autres litanies étaient autrefois prohibées
d'une manière générale : « Prohibitae litaniae omnes praeter antiquis-
« simas et communes quae in breviariis, missalibus, pontificalibus, ac
« ritualibus conlinentur et praéter litanias de Beala Virgine. » (Index
lib. prohibit. fnst. Clem. VIII, de Prohibitione librorum.) Elles sont
aujourd'hui permises, avec certaines réserves, comme prières de dé-
votion, mais elles ne doivent point figurer dans l'usage public et litur-
gique. (V. Revue, t. iv, p. 564, et t. vin, p. 577.)
552 LITURGIE.
III.
Lorsqu'il se trouve au mat'.re- autel une statue de la sainte Vierge,
objet priticipal de la dévotion des fidèles, comme au Puy, à Notre^
Dame de Liesse, etc., ne peut-on pas tolérer que cette statue ne soit
pas voilée pendant le temps de la Passion ?
L'obligation de couvrir les images pendant le temps de la Passion
est une loi ge'nérale de l'Église. Dans la rubrique du Missel,
après la messe du samedi de la quatrième semaine de Carême, il est
dit : (( Ante vesperas cooperiuntur cruces et imagines. » La Rubrique
du Cérémonial des évêques (1. il, c. xv, n. 5) n'est pas moins ex-
presse : « Ad primas autem vesperas dominicae, quae de Passione di-
« citur, cooperiantur antequam officium inchoetur, omnes cruces et
a imagines Salvatoris nostri Jesu Chrisli per ecclesiam. » Il n'est
question ici, à la vérité, que dos images de Notre-Seigneur ; mais la
rubrique du Missel est générale, et de plus, nous pouvons citer le
décret suivant : Question. « An cruces, et imagines sanctorum^ quae
« in iconibus allarium reperiunlur, debeant In primis vesperis domi-
a nicas Passionis tegi, an vero cruces, et imagines Salvatoris tantum ?»
Réponse. « Debent tegi omnes imagines in primis vesperis. » (Décret
du 4 août 1663, n. 2241, q. 2.)
Avant cette réponse, la Sacrée Congrégation avait déjà déclaré qu'au-
cune fête ne peut dispenser de cette règle, comme on le voit par les
décrets suivants : Question « 1... 2. An debeant velari imagines et
a cruces sabbato Passionis, si occurrat eo die festum S titularis vel
a patroni ecclesiae? 3. An detegi illae debeant, quando in hebdo-
« mada Passionis occurrit feslum S. tilul.iris, vel dedicatio eccle-
a siae? » Réponses. i Ad 2. Affirmative. Ad 3. Négative. » (Décret
du 16 novembre 1649, n. I6!3, qq. 2 et 3.)
Les auteurs qui ont traité cette question enseignent qu'on ne peut
admettre aucune exception à cette règle. « Si enim sabbnto P.is-
a sionis, » dit Cavalieri (dec. 295, tit. iv, p. 218), « veland* sunt
LITURGIE. 553
« sanclorura imagines, etsi eo die occurrat festum solerane patroni,
« vel titularisa ulique detegendse nec erunt, si quid simile accidat
« reliquo Passionis tempore, quod consecratura est dolorosae recorda-
a lioni Passionis Ghristi qui sicuti média Passione sua salutem ora-
• nium nostrum operatus est, factusque est coramunis omnium Re-
« demptor, ita etiam tristitiae argumenta, quae ad recolendara ejusdem
« Passionem invexit Ecclesia, ecclesiis omnibus debent esse communia,
« absque eo quod earumdem aliquae ob spéciales raliones valeant dis-
a crepare. Id utique ubertim ostendit Ecclesia, dum in feria quinla
« OœnaeDomini, in qua recolit institutionem Sacramentorum maximi,
a pluriraum quidem dispensai super tristitiae signis, sed crucem, sa-
« crasque imagines nihilaminus lenet velatas , argumenlum utique
« validum, quod quaecumque feslivitas, quae Passionis tempore cele-
« bretur, aut consueludo quaelibet, quae in opposilum esset inducta,
or potis liaud est tum temporis lueri discooperilionem cruciura sacrarum-
a que imaginum. »
Il résulte de là que, pour découvrir une image pendant le temps de
la Passion, il faut avoir une autorisation spéciale du Saint-Siège. Cette
permission s'accorde ; 'et l'on obtient, à Rome, de S. E. le Cardinal-
vicaire, la permission de découvrir l'image d'un saint au jour de sa
fête.
IV.
Qtie doit-on penser de l'usage de certaines églises, où l'on anticipe au
jeudi-saint l'adoration de la Croix, qui se fait le vendredi, de
sorte que l'église est presque déserte le vendredi-saint ?
La solution de celte difficulté dépend de la manière dont on doit en-
tendre l'Adoration de la Croix dont il est ici question. Il est d'usage,
en plusieurs diocèses, de faire chaque semaine, pendant le temps du
Carême, un exercice en l'honneur de la Passion de Notre-Seigneur et
de la Compassion de la sainte Vierge. Cet exercice est non-seulement
55'4 Li\'i]kà,\k.
ap^V6uvé, rii'âis enrichi d'indulgences : ttn y fait l'Âdobtibn de la
Ctà\i. On peut dciiic faire rexercîce de l'ÀdoratioW de la Croix non -
s'eiitèiii'è'rit lé jèudi-saiiit, niais tous les jours de l'année. Cependant,
on né pourrait pas intercaler cette cérémonie dans une fonctiort
liturgique autre qbe celle du vendredi-saint , ni la supprimer dans
'"olfice de ce jour. D'où il suit que l'on pélU admettre l'usage de faire
rAdoratiôh de la Croix lé îeudî-saint eu dehors des offices, pourvu
qu'elle ne s'oit pas supprimc'edàris la fonction du vendredi-saint. Quant
à la raison tirée de la diminution du concours des fidèles en ce saint
jour, elle ne touche pas les règles canoniques. C'est aux (^vêques et
aitx pi'êti'es ayant charge d'àmes à juger des moyens à prendre pour
faire le bien parmi les fidèles.
V.
Est'il vrai de dire que dans toute église et oratoire public, il ne puisse
jamais y avoir qnun seul Ordo ?
Dans un article publié au mois de septembre dernier, intitulé :
Examen de plusieurs difficultés relatives aux églises et oratoires, pour
résoudre la quatrième question, nous sommes parti de ce principe,
que, dans toute église et oratoire public., on doit suivre un seul Ordo.
Ce principe nous a paru ressortir des décisions relatives à la conduite
à tenir par un prêtre qui célèbre dans une église étrangère. La Sacrée
Congrégation; en effet, paraît exiger, d'une manière bien positive, que
dans une église ou un oratoire public, aux jours de fêtes doubles, toutes
les messes soient célébrées suivant le rit et avec la couleur qui con-
vient à ces fêtes; or. cette règle ne saurait être observée, s'il y a deux
Ordo dans la même église. Si le principe d'un seul Ordo doit être
suivi, il faudra nécessairement déterminer le calendrier qui doit préva-
loir. Nous avons ajouté que des religieux^ célébrant dans une église qui
n'est pas celle de leur Ordre, pourraient, a raison de la présence
d'un prêtre étranger, être obligés de se conformer j>our la messe à
rOMo diocésain.
LITURGIK. 555
On nous a adressé, sur ce point, des observations importantes. Il
peut se faire, en effet, que les membres de deux clergés différents, et
ayant chacun leur Ordo, soient autorisés à célébrer chaque jour la
messe, et même l'office divin, dans une même église. Ni les uns ni les
autres ne seront dans une église étrangère. Nécessairement alors il y aura
deux Ordo, et les étrangers pourront se conformer à l'urt ou à l'autre.
Le cas est assez pratique dans certaines paroisses où sont établis des
religieux ayant un calendrier particulier à leur Ordre, dans les grands
séminaires dirigés par des religieux, et oîi se trouvent avec eux des
prêtres séculiers attachés à l'établissement.
Les raisons qu'on apporte pour admettre, dans ces différentes cir-
constances, ou d'autres analogues, une exception à la règle que nous
avons posée, d'une manière peut-être trop générale ou trop absolue,
sont, sans contredit, très-fortes. Malgré nos recherches, nous ne trou-
vons aucune décision sù^* ce point, et, dans aucun auteur, la question
n'est traitée de manière à éclaircir la difficulté. On peut, ce semble,
pour la pratique, adopter le sentiment le plus favorable, jusqu'à ce qUfe
la Sacrée Congrégation ait prononcé.
P. R.
JURISPRIDENCE CAiNOMQUE.
DÉCISIONS DE LA S. CONGRÉGATION DU CONCILE.
Signina. Canoiiici pœnitentiarii quoad optionem.
Die 2o junii 1864.
L'exercice du droit d'option pour les prébendes canoniales ne donne
lieu généralement à aucune difficulté sérieuse, et, comme ce droit ne
peut exister avec la législation qui régit actuellement nos églises de
France, c'est un point très-secondaire de la discipline ecclésiastique,
qui n'offrira peut-être à nos lecteurs qu'un médiocre intérêt. Il est bon,
cependant, que le canoniste sache ce qui se pratique encore dans beau-
coup de chapitres et d'églises collégiales ; et rien ne saurait mieux
nous faire entrer dans le fond de la question;, que l'examen de l'affaire
proposée, le 25 juin dernier, à la Sacrée Congrégation du Con-
cile.
Qu'est-ce que le droit d'option? — « In plerisqae calhedralibus et
collegiatis adest usus optandi vacantes praebendas Optio est quod-
dam jus, cujus vigore antiquiores canonici gradatim vacaiitem praeben-
dara (quae reservata non sit), propria, dimissa, intra certum lempus
eligere et consequi valeant. » Ainsi s'exprime Scarfantoni, dans son re-
marquable ouvrage intitulé : Animadversiones ad lucubrationes cano-
nïcales Francisa Coccapani [t. ii, p. 47, édit. de Lucques, 1725). Ce
droit appartient donc au chanoine le plus ancien dans le chapitre, quelle
que soit d'ailleurs son ancienneté dans les saints ordres. C'est d'après
cette règle, qu'un cardinal -diacre a le droit d'opter pour un autre titre
cardinalice, avant un cardinal-prèlre moins ancien que lui dans le
Sacré Collège. Gomme l'usage de ce droit d'option ne change que
lappllcatioM de tel revenu à tel canonicat, il suit de là que le litre ca-
DÉCISIONS DE^LA S. C. DU CONCILE. 557
nonial reste le même, et qu'il n'j a pas lieu à une nouvelle collation
de la part de l'ordinaire. — Cet éclaircissement étant donné pour
l'intelligence de ce qui va suivre, nous entrons en matière.
Le chanoine Jean ***, pénitencier de la cathédrale de Segni (Etats de
l'Église), par une lettre du 20 janvier 1863, expose à la Sacrée Con-
grégation, que la prébende dont il jouit ne s'élève qu'au chiffre minime
de 7 écus romains de rente annuelle (environ 37 fr.). 11 n'y a donc
aucune proportion entre l'importance de son office, et l'exiguité d'un
pareil revenu ; de plus, sa qualité de pénitencier le privant du droit
d'option, il se trouve dans une condition inférieure à celle des autres
chanoines, qui peuvent, par option, arriver successivement à des pré-
bendes plus riches. C'est pourquoi il demande « qu'on lui accorde le
droit d'option, ou plutôt, que l'évêque pro tempore reçoive la faculté
de pouvoir affecter, nunc pro Uunc à l'ofiBce du pénitencier, une pré-
bende plus considérable. »
L'évêque, consulté sur ce qui se pratique dans sa cathédrale par
rapport au droit d'option, et sur la valeur exacte de la prébende du
pénitencier, y compris les distributions, répondit par un votum dont
voici la substance :
« Les revenus de mes chanoines sont formés par des biens qui
sont divisés en deux parts ; l'une forme la masse capilulaire, ainsi que
les distributions quotidiennes ; l'autre se partage pour constituer autant
de prébendes qu'il y a de chanoines. Lorsqu'une vacance se présente,
le droit d'option est donné aux chanoines dans l'ordre accoutumé;
quant au pénitencier et au théologal, ils ne peuvent opter, par la rai-
son qu'ils possèdent des prébendes fixes. Mais, vu l'insuffisance de la
prébende dont il s'agit, la règle générale paraît devoir admettre une
exception, car il ne convient pas que celui qui exerce l'office le plus
difficile et le plus important, reçoive le traitement le plus faible. Du
reste, la Sacrée Congrégation a déjà accordé le droit d'option à un cha-
noine-pénitencier, pour des raisons analogues ; par exemple, in Pismi-
ren., 23 maii 1648; in Milevitana, 23 februarii 1726. Le chapitre,
que j'ai consulté, est favorable à la demande du suppliant ; seulement,
pour que la concession ne porte aucun préjudice aux chanoines plus
558 JURISPRUDENCE CANONIQUE.
anciens, il exige que le pénitencier ne soit admis à opter qu'à son tour ;
et, à cette condition, il consent à ce que la prébende plus riche, qu'il
aura ainsi obtenue, soit pour toujours aiî'ectée à la pénitencerie, et ne
puisse plus être l'objet de l'option. Celte réserve faile par le chapitre
ne manque pas de motifs raisonnables ; mais, si l'on agit ainsi, il est
fort à craindre que jamais aucun pénitencier n'arrive à une prébende
plus riche. En effet, si le pénitencier actuel, qui est le plus jeune des
chanoines, ne peut opter qu'après tous les autres, il devra attendre
très-longtemps pour obtenir une prébende convenable, et il est à peu
près impossible qu'il arrive jamais à la plus riche. Le même inconvé-
nient se présentera pour son successeur, qui, se trouvant le dernier par
ordre d'ancienneté, ne pourra obtenir que la dernière prébende, pour
laquelle naturellement personne n'aura opté. 11 arrivera donc ce qui est
déjà arrivé cinq fois depuis douze ans, c'est-à-dire que tous les péni-
tenciers, se trouvant dans une condition aussi peu favorable, deman-
deront à se démettre et à obtenir un canonicat simple. Or, tous ces
changements ne peuvent qu'être très-préjudiciables au bien de l'Eglise
et au salut des âmes. H est donc urgent de donner au suppliant le droit
d'option.
« Quant à la manière d'exercer ce droit, continue l'évêque, il serait
à désirer que le pénitencier put opter à son tour comme les autres
chanoines, jusqu'à ce qu'une des meilleures prébendes vînt à vaquer ;
celle-ci serait alors affectée pour toujours à l'office de pénitencier, et
on ne pourrait plus opter pour elle. Que si la v'^acrée Congrégation
n'approuvait point cette solution, il faudrait au moins accorder au sup-
pliant la faculté d'opter dans l'ordre accoutumé, à condition que son
successeur, quoique ayant la dernière stalle au chapitre, pourra
néanmoins opter comme s'il avait le rang de son prédécesseur, jusqu'à
ce qu'enfin il ait obtenu une des prébendes les plus considérables.»
A la suite du volum de l'évêque, se trouve l'évaluation de la pré-
bende. Le revenu fixe n'excède jamais 10 écus; et, déduction faite des
impôts, il se réduit à 7 écus ijH. Les distributions quotidiennes s'éle-
vant au chiffre annuel de 36 écus, le revenu total est donc de 43 écus
1/2 (environ 233 fr.).
DÉGISIONS DE I.V S. G, DU GONGILK. 559
Dans une nouvelle leltre, le pénitencier fait observer à la Sapréç
Congrégation, que les expédients proposés par l'évêque ne résolvent
pas complétenjent la ditriculté ; car, dans ce cas, il renoncera à son
office^ plutôt que d'attendre, jusqu'à un âge trés-avaflcé, une prébende
convenable; c'est pourquoi il pense que l'on doit déroger au droit des
anciens chanoines, en désignant une des meilleures prébendes qui sera
annexée à la pénitencerie, dès qu'elle deviendra vacante. C'est le seul
moyen de satisfaire proniptement et sûrement à des exigences que tpyg
reconnaissent très-fondées.
Après avoir exposé tout ce qui précède, le rapporteur de la cause
passe à l'ejtamen des principes du droit qui se rapportent à la question.
11 rappelle d'abord la règle du Concile de Trente, touchant l'augmen-
tation des prébendes insuffisantes : In ecclesiis calhedralïbus et coller
giatis insignibus, ubi fréquentes, adeoque temiea sunt firxbenflse si^f{l
cum dislr.ibiUîonibiis qmtidianis, ut suslinsndo decenli cqnomcoimm
gradui,pro loci et personarum qualitate, non sufficiqnt; lic,eat epi^co-
pis cum consensu capiluli, vel aliquot svnplicia bénéficia, nqn tamen
regularia, m unire; vel &ï hac ratipne provideri non possit, aliqi^ibi^s
ex Us suppressis.. .., quarum fructus et provfi^tus relig-n^rnr^ pr?^r
bendarum distr^but^omb^$ qmtidianis appUcentur^ cas ad paudorem
numerum reducere.... etc. (Sess. xxiv, cap. 15, (ie Reform.) L^
même Concile dit, en ordonnant l'institution d'une prébende Ihéolq-
g^le : Et quat^us in ipsis ecclesiis nuUa, vel no,n suffîciens prsebenda
foret, metropolifanus vel episcopus ipse per assignationem frucluum
alicujus simplicis benefîcii vel per contributionem beneficiatoruJV'
suse civitatis, et diœcesis, vel alias, prout comtnodius fîeri ypterit, de
Capituli consilio ila proiideat, ut ipsa sacrée Scriplurx lectio habea-
tur etc. (Sess. v, cap. i, de Reform.) Or, d'après Bientôt XIV
(Const. Pastoralis, an. 1725), et le cardinal Petra (ad Const. 2 In-
noc. VI, num. 25), la prébende du pénitencier doit ^trp assimilée à
celle du théologal; l'évêque de Segni peut donc user du moyen indi-
qué, pour améliorer la positipn de sojo pé.niteAcier.
11 faut observer, cependant, qup la règle du Concile de Trente s'ap-
plique au cas de l'insuffisance absolue d'une prél\en(lje^ et dfi ria[\ppssi-
560 JURISPRUDKNCK CANONIQUF, .
bilité de l'augmenter aulrement. Mais ici, il s'agit seulement d'une
insuffisance relative, c'est-à-dire que la prébende du pénitencier est
insuffisante, eu égard à l'importance de son office, et à la condition des
autres chanoines qui peuvent, par option, obtenir peu à peu les meil-
leures prébendes. Donc, quoique en principe la prébende du péniten-
cier soit fixe, en ce ?ens que les autres chanoines ne puissent opter
pour elle, et que le pénitencier ne puisse opter pour les autres, il faut
bien cependant déroger à la loi, quand cette prébende n'est nullement
en rapport avec la dignité et l'iniporlance de l'office auquel elle est
annexée. C'est, du reste, ce que la Sacrée Congrégation a déjà fait
par ordre du Souverain-Pontife. Ainsi, in Pisauren., ^'5 maii 1648
(lib. décret. 18, p. 478), il a été répondu : Canonko pœnitentiario
dandum esse induUum onlandi prsebendam pinyuiorem, qiix in futu-
rum semper conferutur canonico pœnitentiario, si SSmiis D. N. an-
nuat. La même réponse a été faite in Sibenicen., 8 maii 1688.
Quant au mode à suivre dans l'exercice de ce droit, il paraît juste
que le pénitencier ne puisse opter que selon l'ordre accoutumé, comme
il a été réglé dans la cause Sibenicen., citée tout-à-l'heurc : S. Con-
gregatio bénigne induisit ut pœnitentiarius et theologus cathedralvs
Sibenicensis prœbendas optare possint sicut ceteri Canonici, donec ad
aliquatn ex pinguioribus prœbendi.'^ ascendant. De celte façon, il ne
s'élèvera aucune opposition de la part du chapitre de Segni.
En terminant, le rapporteur invite les cardinaux à examiner attenti-
vement la solution proposée par l'évéque dans la dernière partie de son
vottim;el il ajoule que si Leurs Éminences veulent permettre que
l'on désigne, dès maintenant, une des meilleures prébendes qui sera
affectée au pénitencier aussitôt qu'elle deviendia vacante, elles peuvent,
pour accorder cette grâce, s'appuyer sur la décision qui a été donnée
récemment in Bellun. De cette façon, la réponse de la Sacrée Congré-
gation sera tout-à-fait conforme aux vœux du suppliant.
DUBIUM.
An et quomodo annuendum sit oratoris precibus in casu?
RESP.
Affirmative juxta modvm. nemps ut salvo jure oj)tionis canonico-
DÉCISIONS DE I,A S, C. DU CONCILE. 5(il
rum nunc existentium, pœnitentiario ascensio gradatim detur, juxta
ullimam partem voti episcopi, qnonsf^ue assequatur unain ex pingiiio-
ribus prxbendis ah eodem Episcopo designandam, qux nunc pro tune
pœnitentiario perpetuo addicatur, facto verbo cum SSmo.
II.
Montisfalisci. Archipresbyterarus super onere magisterii.
Die25junii^86i.
La petite ville délie Grotte, diocèse de Montefiascone (Étals de l'É-
glise), possède une collégiale sous le titre de Saint-Jean-Baptiste. La
prébende arcbipresbylérale, qui est en même temps un bénéfice curial
avec charge d'âmes, étant devenue vacante par la renonciation du ti-
tulaire, Ferdinand F..., prêtre de la même ville, l'obtiDt par voie de
concours, le 3 août 1863. Or, les lettres apostoliques d'institution por-
tent la clause suivante: Ut intra animm proximum gradum magisterii
in theologia vel doctoratus aut licentiaturx in decretis in aliqna ap-
probata studii generali universitate susciperet. Le nouvel archiprêlre
supplie la Sacrée Congrégation de vouloir bien annuler cette clause,
qui paraît avoir été apposée par la Daterie, dans la fausse persuasion
que la prébende est une dignité de la collégiale.
Avant de rien décider, la Sacrée Congrégation attendit, selon l'usage,
l'avis et les informations de l'évôque-administrateiir du diocèse. Celui-
ci, dans réponse du 12 avril, produisit plusieurs documents très-im-
portants, qui vont jeter une vive lumière sur la question, et aider à la
solution de la difficulté.
Le rapporteur de la cause rappelle d'abord ce qui a été réglé par le
Concile de Trente, touchant les dignités des cathédrales et des collé-
giales : Hortatur S. Synodus, lit in provinciis ubi id commode fieri
potest, dignitates omnes, et saltem di7nidia pais canonicatuum, in
cathedralihus e(clesiis, et collegiatis insignibus conferantur tantum
magistiis, vel doctoribus, aut etiam licentiatis in theologia vel jure
canonico. (Sess. xxiv, cap. 12, de Reform.) De plus, la règle quatrième
de la chancellerie porte que la collation de toutes les dignités, même
dans les collégiales, est réservée au Saint-Siège. 11 importe donc de
BKVDE des sciences ECOLES., T. IX.— DÉCEMBRE 1864 . 37
562 JURISPRUDENCE CANONIQUE.
savoir si la prébende archipresbytérale de Saint-Jean est une dignité,
et si elle a toujours été conférée par la Daterie apostolique. Or, les
documents fournis par l'évêque-adnfiir.istrateur, contiennent une réponse
authentique de la Sacrée Congrégation, dont voici la teneur : An die-'
tus archipresbyteratiis (Ecclesiae S. Jpannisoppidi Cryptarum) censen-
dus sit parochialis , vel prima dignitas in eollegiala? — Resp.
Archipresbyteratum censendiim esse paror.hialem . (in ^'!ontisfalisci ar-
chipresbyteratiis. die 12 decemb. 1676, in lib. décret. 29, p. 316
seq.) Voici maintenant, d'après les renseignements de Tévêque, le re-
levé des vacations. Depuis 1076 jusqu'en 1793, la prébende a vaqué
huit fois; or les lettres d'institution, expédiées tantôt par la Daterie
apostolique, tantôt par la cour épiscopale, ne lui donnent jamais le litre
de dignité. Bien plus, en 1793, les lettres de la Daterie disent de cet
archipresbytérat : Cujus, dum ille vacat, collatio, provisio et omni-
moda alia dispositio ad pro tempore existentem episcopum Montisfa-
lisci , cessantibus reservationibus et affectionibus apostolicis, spe-
dare dhjnoscitur . Dans la collation faite en 1796 au prêtre Joseph
Marenghi, docteur in utroque jure, on lit pour la première fois : Qui
inibi. parochialis. et forsan unica dignitas existit. En 1803, la Date-
rie confère celte prébende comme une dignité, et dit pour la première
fois: Volumus prxterea, quoi infra anniim proximum gradum ma-
gisierii in S. Theologia aut licenliaturœ in aligna approbata nniver-
sitate suscipere teneaiur.La même clause a été formulée dans les colla-
tions suivantes ; mais, en fait, aucun des trois archiprêtres n'a pris les
grades académiques. En 1854, à Toccasion d'une nouvelle vacance,
s'éleva la question de savoir si, en raison de la clause contenue dans
les quatre collations précédentes, la prébende devait avoir définitive-
ment le titre de dignité ; on fit des recherches à la Daterie, à la chan-
cellerie épiscopale, et dans les archives de la collégiale, mais il ne se
présenta aucune trace d'érection authentique de celle prébende en di-
gnité.
Le rapporteur dit quelques mots de la science érainente qui rend le
nouvel arcbiprêtre très-capable de bien exercer ses fonctions ; il a au-
trefois soutenu avec distinction des thèsts publiques sur la théologie,
DÉClSlOPi^ l>t J.A .S. C. D,U CONCILE. Ô(?^
l'Écriture sainte et l'histoire ecclésiastique ; et il | étç pomrfl^ récem-
raent juge et exaraintiteyr prosynodal. Enfin, voici le^ raisons qi^e l'jip
pourrait alléguer pour et contre sa demande.
I. Contre le suppliant, on peut invoquer les quatre considérations
suivantes :
1« L'église de Saint-Jean est une collégiale, çompie l'a déclaré la
Sacrée Congrégation le 13 septembre 1856. 11 s'ensuit que larchi-
prêtre, qui e^t le premier du collège, est une dignité. On se servit
même, en 1856, de l'existence de cette prébende coran^e dignité, pour
prouver que l'église ,ét?iit une collégiale.
2° La Daterie, dans quatre collations successives, a donné à l'ar-
chiprêlre le titre de dignité. Or il suffit que le supérieur donne sciem-
ment un titre à quelqu'un pour qu'il en jouisse réellement et puisse
s'en prévaloir. (Lotter, de Re hen., lib. i, q. 14, n. 41. — hinoc.
in cap. Ciim Ecclesiarum, de offic. ord. n. 2.)
5" Dans les trois dernières collations, la Daterie a apposé la clause
obligeant l'élu à prendre les grades académiques.
4» Quanti même la prébende ne serait pjis upe dignité, le suppliant
n'en e^t pas moins obligé de s'en tepir aux termes des lettres d'insti-
tution. « Nemo siquidem inficias ire prsesunipserit nullatenus Summo
a Pontitici velituip esse praecipere, ut ii etiam Beneficiati, qui alias
«jure canoflico ad lauream obtinendam minime teneantur, ex spécial!
« Pontificio prœscriplo ad eamdem sibi comparandam valeant ad-
« stringi. » Or, cette obligation luia,él,é imposée ; il doit donc la rem-
plir.
II. Quant aux arguipents qui militent en faveur de la demande, on
ne peut leur refuser upe grande valeur.
1° De ce que l'église de Saint-Jean est une collégiale, on ne peut
conclure que l'archiprêtre soit une dignité; car, comme dit le rappor-
teur, « ad Collegialam constiluendara satis tantum est, juxla in cap.
a Novit. 4. de his qux fiunl a prxlat., ut Canonici unum corpus
« efforment, ita ut adsil caput et adsint menibra Collegii. » (Cf. Fran-
ççsc, de Cathedr., cap. xxii, num. 39. — Loiier, de Re benef.,
lib. 1, q. 14, n. 2. — Barbosa, Jus ecd., Ijb. ii, cap. yi, n. 10.)
bQk JUKlSPnUDENCE CANONIQUE.
— Une collégiale peut subsister sans dignités ; bien plus, l'enseigne-
ment des docteurs et la pratique de la Sacrée Rote et de la Sacrée
Congrégation elle-même ont consacré le principe suivant : De jure
communï dignilates non stint de capitulo. Enfin, on pourrait citer
un grand nombre de collégiales qui n'ont pas de dignités, et alors, il
faut dire avec Devoli : Digtiitas est pênes corpus universum. [Inst.
can., lib. f, tit. m, sect 7, ^ 60, tora. i.)
2° De ce que le Souverain-Pontife a quelquefois désigné l'archipres-
bytérat de Saint-Jean comme une dignité, il ne s'ensuit pas qu'il ait été
véritablement élevé à ce rang. On connaît la constitution du Concile
de Vienne : Si quem Summus Ponlifex snb titulo cvjuslibet dignita-
tîs ex certa scientia, verho, conslilut'wne, vel litteris nominel,honoret,
seu quovis alio modo tradet; per hoc in dignitate illa ipsum appro-
bare non intelligulur, mit quidqiiam ei tribuere novi juris. (Inter
Cleraentinas, de Sent, excom. cip. Si Summus Pontifex.) Celte régie
a été plusieurs fois sanctionnée par les Papes, et récemment encore
par Grégoire XVI. Ajoutons que si celte prébende avait élé considérée
comme une dignité, la collation aurait toujours appartenu au Saint-
Siège. Or, on sait que cette collation se faisait allernativement par la
Cour épiscopale et par la Daterie apostolique.
3° Puisque la Daterie croyait à l'existence d'une dignité, il ne faut
pas s'étonner que, par suite de cette erreur, elle ait imposé l'obliga-
tion de prendre les grades académiques ; et le suppliant a droit de ré-
clamer contre celte erreur. Du reste, nous avons dit que les archi-
prétres ainsi nommés n'ont jamais pris leurs grades, non par négli-
gence ou mauvaise foi, puisqu'ils étaient trés-recommaiidables par leur
science, leur piété et leur dévouement au Saint-Siège, mais unique-
ment d'après l'exemple donné par leurs prédécesseurs.
4° Le Souverain-Pontife pourrait, à la vérité, imposer cette obliga-
tion; mais l'a-t-il voulu réellement? Cela n'est pas évident; au con-
traire, on doit présumer qu'il n'a pas voulu déroger au droit commun,
en imposant l'obligation du doctorat à un bénéficier qui n'est pas une
dignité, et que, par conséquent, il a agi dans la fausse persuasion que
^'archipresbytérat de Saint-Jean était une dignité. Cette présomption
CIRCULAIRE DE LA S. G. DE l'iNDEX. 565
est d'autant plus fondée, que les paroles du concile de Trente, citées
plus haut, n'ont pas le caractère d'une loi proprement dite, mais ren-
ferment une simple exhortation, laquelle, du reste, ne regarde que les
collégiales insignes, et non pas les simples collégiales, comme l'est
celle de Saint-Jean délie Grotte.
Après avoir pesé toutes les raisons alléguées de part et d'autre, les
Éminentissiraes Cardinaux ont résolu comme il suit le doute proposé :
DUBIUM.
An et quomodo annuendum iil oratoris precibus in casu ?
RESP.
Afjîrm'itive, facto verho cum Sanctissimo ; et nolifîcetur ministris
Datarix Apostolicx pro futuris vacationibiis.
N. F.,
Professeur do droit canonique
CIRCULAIRE
DE LA S. CONGRÉGATION DE l' INDEX
Adressée à tous les évêques du monde catholique.
Illustrissime ac Reverendissime Domine !
Inter multipliées calamitates, quibus Kcclesia Dei luctuosis hisce
temporibus nndique premilur, recensenda profecto estpravorum libro-
rum colluvies universum pêne orbem inundans, qua per nefarios ac
perditos homines divina Chrisli religio, quae ab omnibus in honore
est habenda, despicitur, boni mores, incautae praesertira juventutis,
penitus labefactanlur, et socialis qunque consuetudinis jura et ordo
sus deque vertitur, et omnimodo perlurbatur. Neque ut velus ipsorura
raos erat, id [iraestare tantum nituntur libris magno apparalu scientiae
elaboratis, sed et parvis, qui minimi veneunt, libellis^ et per publicas,
atque ad hocconfectas ephemerides,utnon litteratis modo et scientibus
viris illud insinuent, sed rudioris cujusque et infimi populi fidem, sim-
plicitalemque corrumpant.
566 cirCul.ùre de la s. c. de l'index.
Qui autem super gregem Chrisli vigiliasâgunt legitirai pastofes, Ht
hartc pêrniciciera a populis sibi conimissis avertant, ad Sacram IndidS
Congregationem quoscumque ex iis libris de more deferunt, zelo âdlâ-
borantes, ut Roraanae Sedis habito judicio, et proscriptione a vetita
lectione talium librorum fidèles deterfeant. Neque iis difficilem se
pràebiiii, etpràebetS.Congregatio, quaequolidianam operam studiunrque
impefidit, ut offi&io sibi a Romanis Pontificibus demandato satisfaciat.
Quia tamen ex toto christiano orbe increbrescentibus denuntiationibus
praegravatur, non id praestare perpétue valet, ut proraptum et expe-
dilum super quavis causa ferai judicium ; ex quo fit, ut aliquando
èerôtinà nirtiis sit provisio, et inefficax remedium, curnjarti ex leclione
istorura librorum enorraia damma proeessere.
Ad hoc incoramodum avertendum non semel Romani Pontifices
prospexerunt, et ut aliarum aetatum exempla taceamus, sevo nostro per
S. M. Leonem XII mandatura editum est, sub die 26 raartii 1825,
ad calcem Regularum Indicisinserlum, et hisce litteris adjunctum, vi
cujus ordinariis locorum praecipitur, ut libres omnes noxios in sua
diœcesieditos, vei diff'usos, propria auctoritate proscribere et e manibus
Hdelium avelleré studèant.
Cura aulem liujus Apostolici mandat! provida conslitutio presentibus
fideliura necessitatibus, et tuendai doctrinae raorumque mcolumitati
optirae respondeat, SSmo Domino I^'oslro Pio Papae IX placuit ejus
meraoriam esse recolendam, tenorem iterum vulgandum, et ab ordi-
nariis locorum observantiaraexigendam, quod excilatoriis hisce nostris
litteris, nomme et auctoritate Apostolicae Sedis solhcite praestamus.
Quels si débita obedieiitia respondeat (sicuii jiro certo habemus), gra-
vissiraa mala removentur in iispraesertira diœcesibus, in quibus proraptae
coercitionis urgeat nécessitas. Ne vero quis praetextu defectus jurisdic-
tionis, autalio quaesito colore ordinariorUm sententias et proscriptiones
ausu teraerario spernere, vel pro non latis habere prajsumat, eis Sanc*
titas Sua concessit, sicut nomine et auctoritate ejus praesentibus con-
ceditur, ut in hac re, etiam tamquam Apostolicae Sedis delegati, con-
trariis quibuscumque non obslantibus, procédant.
Ad Aposlolicum autem judicium ea deferantur opéra vel scripta,
ClRCULAlRt DE LA S. C. DE LINDEX. 507
quae profandius examen exigant, vel in quibus ad salutarem effeclum
consequendum supremae auctoritalis sententia requiratur.
Intérim Tibi Illme et Rme Domine copiosa divinorum charismatum
incremcnta ex animo precamur, et ad pergrata quaeque officia nos
paratissimos exhibemus.
Datum Romae, die 24- Augiisti I8G4.
Amplitudinis Ta»
Addictissimus
LuDOVicus Cardinalis de Alteuiis
S. lodieis Congregationis PraBfoctus.
Loco t SigiHi.
Fr. Angélus Vincentius Modena
Ord. Praed. Sacrae Indicis Gong,
a Secretis.
MA.JSDATUM
S. M. Leonis XII additum Decreto Sac. Congreg. Indicis
die Sabbati XXVI Martin 825.
Sanctitas Sua mandavit in memoriam revocanda esse universis pa-
Iriarchis, archiepiscopis, episcopis, aliisque in Ecclesiarum regimen
praepositis ea, quae in. Regulis Indicis sacrosanclae synodi Tridenlinae
jussu editis atque in observationibiis, instructione, additione, et gène-
ralibus decrelisSummorum pontificom démentis VllI, Alexandri VII,
et Benedicli XIV auctoritate ad pravos libres proscribendos abolen-
dosque, Indici librorum prohibitoriuii praeposila sunt, ut nimirum,
quia prorsus impossibile est Hbros omnes noxios incessanter prodeuntes
in Indicem referre, propria auctoritate illosemanibus fidelium evellere
sludeanl, ac pereos ipsimel fidèles edoceanlur, quod pabuli genus sibi
salulare, quod noxium ac mortiferum ducere debeant, ne ulla in eo
sifêcipiendo capiantur specie, ac pervertantur illecebra.
LETTRE -
AUX ÉVÊQUES DE BELGIQUE
Su7' certaines doctrines enseignées à Louvain.
Illustrissime ac Reverendissime Domine uti Frater,
Quura non levis moraenti sit pluribus ab hinc annis istis in regio-
nibus agitata quaestio circa doctrinara a nonnuUis Universitatis Lova-
niensis doctoribus traditam de vi naliva humanae ralionis, Sanctissimus
D. N. qui in Apostolicae Sedis fastigio positus advigilare pro suo mu-
nere débet, ne qua minus recta doctrina diffundatur, quaestionem illam
examinandara commisit duobus S. R. E. Cardinalium conciliis, tum S.
Offîcii tum Indicis. Jam vero cum esset hujusmodi examen instituendum,
prae oculis habitas sunt resolulionesquae sacrum idem concilium Indicis
edidit, jam inde ab annis 1843 et l844,posteaquam ad illius judiciura
delata sont opéra Gerardi Ubaghs in Lov. Univ. doctoris decurialis» in
primisque tractatus logicae ac theodiceae. Etenira sacer ille consessus
malure adbibita deliberatione duobus in convenlibus habitis die 23
mens. jun. an 1845, ac die 8 aug. an. 1844, emendandas indicavit
expositas tam in logica quam in theodicea doclrinas de humanarura
cognilionum origine sive ordinem raelaphysicum spectent sive moralem,
et illarum praesertim quae Dei existenliam resoiciant. Id sane constat ex
duobus notationum foliis, qute ex ejusdem sacri consessus sentenlia
Gregorii XVI SS.PP. auctoritate confirmata ad Emum. Gard, archiep.
Mechliniensem per Nuntiaturara Apost. transmissa fuerunt, monendi
causa auctorem operis — ut nova aligna edilione libriim suum emen^
iandum curet, atque intérim in scholasticis suis lectionibus ab iis sen-
tentiis docendis abstinere velit. — Quae duo notationum folia, modo
res spectetur, simillima omnino sunt ; si namque in folio posteriori
aliqua facta est specie tenus immutatio, id ex eo repetendum est, quod
auctor accepto priori folio libellum die 8 Dec. an. 1843 Emo Ar-
chiepiscopo tradidit, quo libelle doctrinae suae rationem explicare atque
ab omni erroris suspicione [lurgare nilebatur. Quem sanc libellum, licet
LETTRE AUX ÉVÊQUES DE BFLftIQUE. 569
idem Emorum Patriim concilium accurate perpendisset^ minime taraen
a sententia discessit^ atque adeo tractatus illos ac nominatim tractatum
de Theodicea, qui typis impressi in omnium versabantur manibus,
alque in Universitate aliisque scholis publiée explicabantur, corrigendos
judicavit. Fafendum quidem est, post annum 1844 nonnullos inter-
venisse aclus, quibus praedicto Lov. doctori laus tribuebatur, perinde
ac si in posterioribus sui operis cdilionibus sacri consessus voto ac
sententiae paruisset, sed tamen uti firmum ralumque est bina illa nota-
tionum folia post sacri ejusdem concilii senlenliam SS. P. aucloritate
compiobatara fuisse conscripta, ita pariter certura est, posteriores illos
actus haudquaquam S. consessus, miiltoque minus SS. P. continere
sententiam, quod quidem actus illos Jegentibus videre licet. Quae quum
ita sint, necessarium invesligare ac perpendere visum est, num me-
moralus Lov. doctor in editionibus logicae ac theodiceae,quas postdiera
8 mens. aug. an 1844 confecit, accurate sit exsequutus quod a S.
Concilio libris notandis inculcatum ei fuit in memoratis notationum
foliis per Gard, archiepiscopum eidem auctori transraissis. Hujusmodi
porro instituto examine rebusque diu raultum ponderalis.'memorati
cardinales tum qui S. Inquisitioni tum qui libris notandis praepositi
sunl, convenlu habilo die 21 sept, proxirae praileriti judicarunt
récentes eoriimdem tractatunm edïlïones minime fuisse emendatas juxta
prsedidi sacri consessus notationes, in iisque udhuc reperiri ea doc-
trinse principia quse uti prœscriptum fuerat, corrigere oportebat.
Quod quidem auctor ipse recenti in epistola ad Emum card, Ludo-
vicum Allieri praef. S. G. libris notandis missa aperte fatetur. Scribit
enim quatuor adhuc se publicasse Iheodiceae editiones, 1*™ nimirum
an. 1841, quae primitus subjecta est S. Sedis judicio; 2="^ an. 1845,
typis impressam haud ita multo post notationes a S. Card. consessu
propositas. Utraque vero edilio, quemadmodum suis ipse verbis fatelur
aucior y similes prorsus sunt, idem capitum,paragraphorum et pagi-
narum numerus, exdem locutiones; hoc solum differunt, quod secunda
editio aliquot diversi generis notas et paucas phrases incidentes con-
tinet, quse simul paginas forte duodecim implere possint. Editiones
vero, ut ipse prosequitur, tertia an. 1852, et quarta an. 1863, etiam
57*0 LETTRE AUX É\ÈQUES DE BELGIQUE.
in se similes suni et a prsecedentibus, si formnm exleriorem, non
doctrinam spectes, multum differunt. Ad logicam porro quod spectat,
cuni illius tractatiim iterum typis mandavit, post acceptas S. consessus
nolationes haec in praefalioiie signiticaTit : Quantiincnmque scripta iw-
mutaverim, nunquam minime recedendum esse duxi a principiis, qux
in primis editionibus assumpseram, qnx tamen repudiare vel mutare
me non puderet, si illafalsa vel minus recta esse qiiisquam ostendisset.
— Hinc pariter rnemorati Cardinales judicarunt, exsequendum ab auctore
esse quod minime adhuc praeslitit, nimirum emeridandam illi esse ex-
positara doctrinam in cunctis lis Jocis seu capitibus quae S. consessus
librorum notandorum judex minus probavit, juxta notationes in siipra-
diclis duobus foliis comprehensas et peculiariter in primo^ utpote quod
rem aperlius ac distinctius explicat. Ex quo tamen haudquaquam in-
telligendum est probari doclrinas reliquas, quae in recentioribus operum
prsediclorum editionibus continenlur. Hanc porro Eraorum Patrum
sentenliara SSmus D. N. Pius IX auctorilate sua ratam habuit et
confirraasit.
Quae cum ita se babeant, dum Emus Car. Mecbliniensis juxta
demandatas ei partes raemorafura doctorera Gerardum Casimirum
Ubaglis admonebil otïicii sui eique vehementiusinculcabit, ut doctrinam
suam ad exbibitas S. consessus notationes omnino coraponat, erit
vigilantiae tuique studii pastoralls una cum archiepiscopo aliisque suf-
fragaueis episcopis omnein dare opeiani ut hujusmodi Emorum Patrum
sententia executioni nulla iulerjecta mora mandetur, neque in ista
Lovan. Universiiate, quae ab Archiep. Mechl. et sutïrag. antistilura
auetoritate pendet, neque in semiuariorum scholis aliisque iyceis illae
ampliusexplicenlur doctrinae, quae uti primum ad Apost. Sedis judicium
delatae fuerunt, visas ïunl a scholis catholicis amandandae.
Haec significanda mihi erant Einorum Patrum nomine Amphludini
Tuae cui lausta omnia ac felicia precor a Domino.
Ampliludinis Tuae
Addictissimus uti Frater,
G. Gard. Patrizi.
Komaed. 41 oct. 1864.
BIBLIOGRAPHIE.
■j'Histoire ecclésiastique «le Rohfbacher, nouvelle étlilion(ï)
et traduetiOQ allemaude.
L'ouvrage de l'abbé Rohrbacher est une de ces productions théolo-
giques, beaucoup trop rares malheureusement, qui font honneur à notre
pays, fit ((aï doivent se trouver dans toutes leâ bibliotlièques. Nous
îi'avoWS pas d'autre histoire ecclésiastique un peu étendue qu'on puisse
lui comparer, car, quel que soit le jugement que l'on porte sur celles
qui sont actuellement en voie de publication, aucune du moins n'est
achevée. Nous saluons donc avec plaisir la nouvelle édition qui paraît,
. dans un forniat plus grand que les précédentes, et dans des conditions
plus économiques.
En môme temps, la docte Allemagne s'approprie, par une traduction,
l'Histoire ecclésiastique de Rohrbacher, Nous ne pouvons résister au
désir de citer le jugemenC qu'elle en porte par la bouche d'un de ses
savants les plus illustres, le D' Héfélé. a Parmi les travaux les plus
remarquables publiés récemment sur l'histoire ecclésiastique, dit-il, on
doit ranger incontestablement le volumineux ouvrage de l'abbé Rohrba-
cher..., Depuis Fleury, rien n'a paru en France qui soit aussi étendu,
qui entre autant dans le détail, et qui repose au même degré sur l'élude
des sources. Fleury et Rohrbaiher ont encore ceci de commun, que
tous deux évitent ce flux de paroles brillantes et vides, que nous ren-
controns assez souvent chez les Français ; leur exposition est simple
et naturelle. Le récit n'a pas dans Rohrbacher le charme et l'intérêt
que nous admirons dans Fleury ; le style n'a point la même élégance,
mais, en revanche, le nouvel historien surpasse son devancier par une
étude plus étendue des sources ; il connaît mieux les travaux étrangers,
surtout les travaux allemands; il saisit souvent d'une manière plus
(1) 4" éd. Paris, Gauoie. 15 vol. gr. iu-S" à 2 col. dont quatre sout pu-
bliés. Prix du volume : 8 fr.
572 BIBLIOGRAPHIE.
vraie le sens et ia marche des événements ; il a le sens catholique plus
développé, il est libre de tous les préjugés gallicans (1). »
Nous avons sous les yeux, et nous venons de parcourir rapidement,
de feuilleter plutôt, les trois premiers volumes de la traduction alle-
mande (2). C'est un travail trés-remarquable, et dont pourront profiter
les théologiens français pour qui la langue ne sera point un obstacle.
Ce n'est pas, en effet, une traduclion pure et simple; le texte y est
remanié, mis au niveau de la science, enrichi de citations, mais toujours
de façon à ce que l'on puisse distinguer l'œuvre primitive des change-
ments ou additions. Il gagne par là beaucoup en valeur, car il repré-
sente, avec la somme dos travaux de Rohrbacher, les résultats les plus
récents et les plus certains de la science allemande.
Des travaux de divers genres ne m'on>t point permis jusqu'à ce jour,
el je le regrette vivement, de hre à tête reposée ces volumes qui sont
toujours là depuis longtemps, à une place distincte, et dont la vue me
tourmente comme un remords. Je n'ai pu en prendre qu'une connais-
sance générale, suffisante pour me faire apprécier l'œuvre à sa valeur,
et pour augmenter mes regrets. Je les recommande de la manière la
plus vive à l'attention des théologiens qui connaissent la langue alle-
mande. Les juges les plus compétents ont signalé, dans divers recueils
scientifiques, le zèle et l'attention consciencieuse avec laquelle ont pro-
cédé MM. Hulskamp et Pairap, le talent et les connaissances dont ils
ont fait preuve (3), Nous apprenons qu'ils viennent de s'adjoindre de
nouvelles forces pour la continuation de leur entreprise. Puissent-ils
la conduire bientôt à bon terme 1
E. Hautcœur.
(1) Theohgische Qmrtalschrift, Tubingen 1859, S, 632.
[i) Abbé Rohrbaotiers Universalgeschichte der kalholischeu Kirche. la
deutscher Bearbeilung imter Milwirliunfç mehrerer Freunda heraasgege-
ben von Franz Hûlskimp uad HermanD Rump. i-in, viii-ix Bde. Mnnster,
Tlieissing 1860-1864.
(3) Eulre autres, le DocfMir Héfélé, dans la Revue de fubingue de 1859,
p. 642-649, el le Docteur Welle, dans le même recueil, 1861, p. 451-466.
BlBLIOGRAPHIi:. 573
Manuel d'Archéologpie pratique, par M. l'abbé Pierret, docteur
aa théologift, arcliiprêlre. membre de plusieurs sociétés savanles. Ou-
vrage dédié à S. É. Mgr le cardinal Gousset, archevêque de Reims.
i vol. in-8o. Paris, Didron. Prix, 5 fr.
Ce livre a pour épigraphe une parole profondément vraie de
Mgr l'Evêquc de Poitiers : L'archéologie, c'est la théologie. C'est en
effet la théologie qui a inspiré toutes les parties du culte chrétien ; c'est
particulièrement à sa foi en la présence réelle de Notre-Seigneur Jésus-
Christ dans la sainte Eucharistie que l'Église a emprunté les règles qui
président à la construction et à la décoration de ses temples.
L'auieur du Manuel d' archéologie pratique a voulu marcher unique-
ment à la lumière de cette vérité; il s'est efforcé de réunir dans sob
Jivre tout ce qui concerne la construction, l'ameublcnîentet la décoration
des églises, et en ceci il n'a suivi qu'un seul guide, la liturgie catholique.
Si donc vous voulez construire, ou meubler, ou orner une église sans
vous écarter des prescriptions liturgiques, vous trouverez réunies là
toutes les indications nécessaires à l'architecte comme au prêtre. On
n'a pas oublié non plus d'indiquer dans ce livre les précautions à
prendre pour assurer la solidité des édifices en construction, et celles,
non moins importantes, qiii doivent assurer la conservation des églises
récemment ou anciennement construites»
La publication de ce livre vraiment sérieux, est des plus opportunes.
11 faut reconnaître qu'en France, grâce à la liberté qu'on s'était jadis
octroyée en matière de rubriques, on sait peu ce qu'exige la liturgie;
de là, beaucoup d'erreurs regrettables. « Ce qu'il y a de fâcheux, »
dit M. l'abbé Bourrasse, dans son Dictionnaire d'archéologie, « c'est
que lii plupart des architectes appelés à bâtir les églises nouvelles ne
soupçonnent guère leur ignorance en matière de liturgie. Ils sont tous
experts dans l'art de distribuer agréablement les divers pièces d'une
maison de plaisance et d'une habitation commune. En pareille circon-
stance le goût tient quelquefois lieu de science, et le but n'en est pas
moins atteint. Chacun disserte à son aise et abondamment sur cet objet,
et il n'est pas de maçon se parant du titre de constructeur qui ne soit
prêt à pérorer plus ou moins pertinemment. Mais, quand il s'agit de
57/i r,TBf lOClUAPUIF,.
dresser le plan d'une église, d'en distribuer les diverses parties, si
vous leur demandez quelles sont les conditions essentielles imposées par
la liturgie, ils vous regardent étonnés, ils ne vous comprennent pas. »
Malgré leur sévérité, ces paroles peignent bien la situation ; surtout
si on remonte de quelques années en arriére. Aujourd'hui, il est vrai,
on veut mieuxfâire, on étudie davantage ces questions; mais la science
de l'archéologie dans son côté pratique et liturgique n'est pas encore
popularisée, même dans le clergé. L'ouvrage que nous annonçons ici
vient donc fort à propos, et il n'est pas douteux qu'il ne soit bien accueilli
dans les séminaires et parmi les prêtres, qui tous ont besoin d'avoir
sous la main un livre assez complet pour ne rien laisser ignorer d'essen-
tiel, et assez court pour n'obliger pas à de longues recherches.
Ce qui donne au Manuel lïarchéologie pratique un attrait particulier,
c'est qu'en même temps qu'il est un livre d'art et de liturgie, il est
aussi un ouvrage historique. Avant de dire ce qu'il faut faire, l'auteur
rapporte ce qu'ont fait autrefois nos pères.
Voici, pour ne donner que deux exemples, ce qu'il dit du vase pour
verser l'eau dans le baptême, el du confessionnal.
« D'après certains vitraux du moyen^âge, le prêtre ou l'évêque qui
baptise, tient à la main une fiole de verre ou de métal. Cette fiole a le
cou très-allongé ; elle ressemble à une burette. Très-souvent aussi on
donnait au vase destiné à cet usage la figure d'une conque marine.
C'est la forme qui est la plus employée de nos jours. Il est convenable
que ce vase soit en argent. »
L'auteur rapporte à la suite de ce passage les prescriptions de saint
Charles sur le même objet.
Quant au confessionnal, t on pense que dans les Catacombes, les
prêtres employaient, pour entendre les confessions, des sièges mobiles
en bois, dont les débris ont dû être depuis longtemps réduits en pous-
sière. Le P.Marchi a cru reconnaître cependant des confessionnaux dans
certains sièges isolés en tuf, placés dans les angles de certaines cha-
pelles, et qui ont la forme de fauteuils avec dossiers. 11 augure, d'après
un texte de Minutius Félix, que le pénitent se mettait à genoux devant
le prêtre pendant l'acte de la confession. Pendant la période du moyen-
BIBLIOGRAPHIE. 575
âge, la confession s'entendait de cette manière : le confesseur s'asseyait
sur un banc ou petit siège ; le pénitent commençait par ôler ses ciaaus-
sures, déposait son bâton ou ses armes et se roellait à genoux à ses
pieds. Après que le prêtre avait récité certaines prières, le pénitent se
levait et venait s'asseoir auprès de lui. Morin fait observer que tous les
anciens Rituels veulent que le pénitent soit assis. Les Grecs de nos
jours observent encore cet usage Le banc destiné à recevoir les
confessions était placé dans le voisinage oe l'autel, quelquefois dans la
sacristie, comme au temps d'Alcuin, quelquefois aussi auprès du por-
tique intérieur ou narthex. »
« A quelle époque a-t-on commencé à placer un voile entre le prêtre
et le pénitent? Je pense que c'est vers le milieu du XIII" siècle. Saint
Edmond, archevêque de Cantorbéry en 1255, parle d'un voile qui em-
pêchait de voir, non d'entendre Quant à la forme moderne du
confessionnal, M. Didron affirme qu'on la trouve déjà au XIV^ siècle.
Je crois qu'on est plus près de la vérité en disant que ce n'est que vers
la fin du XYl'^ siècle. »
Après avoir fourni les preuves à l'appui de son opinion, l'auteur
rapporte, comme ci-dessus, les prescriptions de saint Charles.
La partie pratique du» livre ne mérite pas moins de confiance que la
partie historique. L'une et l'autre ont été puisées aux meilleures sources.
« Bourassé, Gareiso, Oudin,Texier, Aubert, Crosnier, Godard, Jouve,
Jules Corblet, Pascal, Neher, Carli, Viollet-Leduc, Schmit, de Gau-
mont, Raymond Bordeaux, parmi les auteurs contemporains ; » sont
ceux qui ont été les plus consultés, et parmi les auteurs plus anciens,
ce sont: « Saint Paulin, Fortunat, Alcuin, Walafride Strabon, Hono-
rius d'Autun, saint Charles Borromée, Macri.Thiers, le cardinal Bona,
Dom Martène, le sieur de Moléon, Selvaggi, de Albertis, Gasali, Kraser,
Pellicia : aimables vieillards , anciens pour la plupart de plusieurs
siècles, di ant toujours les mêmes choses, et n'excitantjamais l'ennui. »
En première ligne parmi toutes ces autoriti's, il importe de citer les
décisions des Congrégations romaines. Pour saint Charles, son nom
revient à chaque page, on ne craint pas de reproduire les détails minu-
tieux dans lesquels il entre, non pas, est-il dit dans une note, que
576 fUBLIOC.RAPHIE.
toutes ces recommandations aient un caractère autre qu'un caractère
purement directif, mais parce que ce sont là des indications précieuses
à recueillir, sur l'esprit de l'Église et de ses saints dans tout ce qui
touche au culte de Dieu,
Le livre est terminé par deux appendices, l'un sur les cimetières et
l'autre sur l'orgue. Ce dernier travail est d'une clarté qui ne laisse rien
à désirer.
L'ouvrage entier est divisé en quarante -trois lettres^ l'auteur ayant
choisi la forme épistolaire comme plus facile et plus attrayante. Mais
cette forme ne me paraît convenir qu'aux ouvrages de polémique ou
bien aux livres dont le fond est moins sérieux que celui-ci. La division
en chapitres, plus didactique, eût été aussi plus en rapport avec le
titre et la nature de cet ouvrage. Le livre n'y perdrait que quelques
anecdotes et quelques citations peu importantes, qu'il serait même pos-
sible de conserver en les faisant passer du texte dans les notes.
Mais ceci, qui n'est du reste qu'une opinion, ne préjudicie en rien
au mérite solide du livre qui, je n'en doute pas, est appelé au succès,
parfois lent, mais toujours certain, des publications utiles et soigneuse-
ment travaillées. L'abbé T. M.
Brevis elucidatio totius Missœ, fib III. et Rev. DD. Francisco
Van DER i3("RCH, arcbiepiêcopo el duce Cameraceusi, etc., ex plurimis
Missae exposiloribus aliisque probatis aulhoribus collecta, Tornaci et
Parisiis, Gasterman. 1863. Gr. iu-32 de 366 j.p. 1 fr.
Mgr l'évoque de Tournai a réédité l'excellent opuscule de Van der
Burch, en l'ornant de quelques additions qui augmentent encore son
prix, et il l'a offert à ses prêtres comme souvenir du vingt-cinquième
anniversaire de son sacre. De son côté, M. Casterman a soigné tout
particulièrement l'exécution typographique. Ce volume se recommande
donc sous tous rapports, et nous sommes persuadé qu'il trouvera au-
près du clergé le meilleur accueil. E. Hautcœur.
Arras. — Typographie Kousseau-Lcroy, rue SaiDt-Maurii;e. 20.
REVUE
DES SCIENCES
ECCLÉSIASTIQUES
r r
TABLE GENERALE DE LA 1" SERIE
1** Liturgie, .'....... m
2"* Théologie, Droit-Canon, Histoire
et Exégèse xv
3° Bibliographie xxxi
AMIENS
BUREAUX DE LA REVUE
V« ROUSSEAU-LEROY, ÉDITEUR
PARIS
LIBRAIRIE ST.-GERMA1N-DE?-PRÉS
CHEZ M. Henri ALLARD
Place Saint-Denis, 32. 1 Rue de l'AbbayeTSt.-Germain, 13.
1875
LITURGIE.
Agni'S Dei. Divers chants de VAgnus Deiy ix, 252.
Ange gardien. OfBce du saint Ange gardien, iv, 181. — Doit-on y
faire mémoire des saints Anges gardiens, iiid.
Absoldtion. Dans la formule de l'absolution sacramentelle, doit-on
dire le mot Dninde ? viii, 454.
Absoute pour les Défunts. L'absoute qui suit la Messe de Requiem
n'e>t pas obligatoire, vi, 56. — Elle doit être faite par le prêtre
qui a célébré la Messe : l'évéque diocésain seul, assistant au
trôiie, peut faire, l'absoute sans avoir célébré lui-même la Messe
solennelle, vi, 58 ; — principes sur cette question, vi, 60. — On
admet une exception, dans un cas particulier, pour un enterre-
ment, ibid.
Adoration. Pendant que le Saint-Sacrement est exposé, il doit tou-
jours y avoir des adorateurs, i, 553,
Aspersion. L'aspersion de l'eau bénite avant la Messe doit être faite
par le célébrant, vi, 62. — On ne doit point k faire d«ux fois, le
même dimanche, dans la même église, vn, 276.
Aube. L'aube doit être en fll,et, si l'on y ajoute une garniture d'une
autre matière, cette garniture .doit toujours être une partie ac-
cessoire, vn, 571.
Aumône. (Questions sur l'aumùne prescrite par l'ordinaire pour
compenser l'abstinence du Carême, vn, 173.
Autel. L'aulel du Saint-Sacrement doit être distinct du grand au-
tel, au moins dans les grandes églises, iv, 568. — Raison de cette
règle, i6id.— Peut-on, dans les grands froids, tenir un réchaud sur
l'autel ? vu, 276. — Autel privilégié, iv, 196.
— IV —
Angèle. La fête de sainte Angèle de Mérici étendue à l'Eglise uni-
verselle, IV, 198. 214.
Baptême. Les interrogatoires qui se font dans l'administration du
sacrement du Baplêii.e doivent se faire en latin, ix, 575 ; — sauf
un induit spécial, comme celui qui a été accordé à Mon.-eigneur
l'Evéque de Beauvais, vni, 53.
Barrette. Ne doit avoir que trois pointes, iv, 575. — Le prédica.
leur peut être couvert de la barrette, môme lorsqu'il prêche
debout, IX, 476. — C'est une exception à la règle générale, ix,
477. — On ne peut avoir la barelle dans l'Eglise sans être en
habit de chœur ; ni en marchant, si l'on n'est pas revêtu d'un
ornement, ibid.
BÉNÉDICTION. Aucune formule de bénédiction ne peut être em-
ployée, si elle n'est dans le Rituel Romain, ou si elle n'est spé-
cialement approuvée, vu 577.
Bis DE EODEM. Qu'cst-cc que faire his de endeml iv, 181.
Bonnet grec L'usage de cette coiffure ne saurait être toléré dans
l'intérieur de l'église, ix, 477.
Bodgie. Usage des bougies stéariques, i, 549, vu, 376.
Carême. Notions liturgiques sur le Carême, vu, 169. — Questions
relatives au jeûne, à l'abstinence, et aux œuvres prescrites pour
compenser les dispenses, vu, 171.
Canons. Les canons d'autel doivent être enlevés après les Messes,
IX, 475.
Canot (saint). L'incidence de la Septuagésime au 20 janvier peut
seule exiger la suppression de l'office de S. Canut pour le rem-
placer par celui d'un dimanche anticipé, ix, 478.
Ceinture. Peut-on remplacer par une ceinture le cordon qui se met
sur l'aube ? ix, 266.
Chape. On ne doit pas donner la chape aux laïques, viii, 285. — A
la Messe solennelle, les chantres ne portent pas la chape, viii,
286.
Communion. On ne doit pas distribuer la sainte communion à un
autel où le Saint-Sacrement est exposé, ii, 340. — Distribution
de la sainte communion à une Messe de Requiem, vi, 45.
Congrégation des Rites. Autorité de la Sacrée Congrégation des
Rites, îii, 451 IV, 262; VI, 586.
Chant, Ce qu'on entend proprement par chant Romain, i, 232. —
Rapports du chant ecclésiastique avec les règles de l'Eglise, i,
— V —
234 ; vin, 174 ; ix, 249, 465. — Il peut y avoir des différences
notables dans la notation de divers livres d'ofiBce sans qu'on
puisse en rejeter aucuns comme contraire aux règles liturgiques,
I, 253. — On peut cependant tracer certaines règles liturgi-
ques : 1° il y a deux manières de chanter les oraisons, la Pré-
face et le Pater, et certaines règles pour l'usage de chacune
d'elles, I, 234, 235; 2° les livres liturgiques prescrivent aussi
des rythmes pour certaines fêtes et certains temps de l'année,
I, 239; IX, 250, 465. — Règles concernant les chants des Kyrie
eleison, des Gloria in excelsis, des Credo, des Sancius, et de VAgnus
Deiy IX, 252. — Règles concernant le chant de Vite Missa est et du
Benedicamus Domino, w, 263. — Vite Missa est se chante sur le pre-
mier Kyrie. Si l'on doit dire Benedicamus Domino, ce verset se
chante sur le même rythme comme aussi aux Vêpres et aux
! audes, ibid. — Explic.ition des mots : Etiam Adventus et Quadra-
gcsimœ qui se trouvent dans le Direclorium Chori pour le Benedi-
camus des Vêpres du dimanche, ibid. — Règles concernant le
chant des hymnes, ix, 465. — Règles concernant le chant des
psaumes, x, 79. — Divers tons de psaumes indiqués dans le
Directorium Chori, ibid. — Principes suivis dans le choix des
modes pour le chant des antiennes et des psaumes, x, 81. — Peut-
on chanter des tons qui ne se trouvent pas dans ce livre ? x, 83.
— Peut-on changer le rythme de l'antienne, ou modifier celui du
psaume ■?x, 84. — Règles concernant le chant des versets, x,
85 ; des répons brefs, x, 86 ; des Lamentations de Jérémie, ibid;
des Litanies, ibid. — Peut-on changer le rythme des autres par-
ties de l'office ? x, 87. Usage du plain-chant musical, ibid. —
Doit-on chanter toutes les parties de la Messe? vu, 272. —Chant
d'une strophe ou d'une note après l'élévation de la Messe chan-
tée, IX, 267. — La question du plain-chaut en 1861, iv, 496. —
Congrès pour la restauration du plain-chant, ibid. — Travaux de
l'abbé Raillard sur le plain-chant, iv, 479 ; travaux de l'abbé
Gonthier^ iv, 481. — Chant parisien nouvellement réédité à
Toulouse, Rouen et Digne, iv, 484. — Journaux de plain-chant,
IV, 389. — Le plain-chant mis à la portée de tout le monde, vi,
576, — Notations du plain-chant, ibid; notes et signes neumali-
ques, VI, 578. — Gui d'Arrezzo a-t-il inventé le nom des notes ?
VI, 479. — Chant du dernier jour, viii, 588.
Chascble. On ne doit pas se servir de la chasuble pour donner la
bénédiction du Saint-Sacrement, ni pour présider à la proces-
sion de la Fête-Dieu, u, 560.
— VI —
Chceuu. Tenue au chœur, vi, 90.
Cierge. Les cierges prescrits par la rubrique doivent être en cire,
I, 518; vn, 571. Nombre prescrit pour une grand'Messe, m, 471;
poui rexposition liu Saint-Sacrement, ii, 183.
Cimetière. Bénédiction des fo-<ses,*v. 396.
Cloches. Des ciocbes, vi, 154. — Invention des cloches, leur in-
troduction dans les églises, ibid. — Bénédiction des cloches, vi,
150. — Elle est réservée aux évéques, vi, 159; et ne peut être
déléguée à un prêtre que par induit apostolique, 'bid. ; vn, 51.
— Usage des cloches, vi, 159 ; son de l'Angelus, vi, 161 ; la
veille et le jour des grandes solennités, vi, 164, 176 ; pendant
certaines parties de la Messe et des saints OlDces, vi, 165 ; lors-
qu'on porte la sainte communion aux malades, vi, 166 : on doit
sonner seulement au dépirt, ibi'! ; à l'arrivée de l'Evêque, vi,
167 ; au passage, au départ et à l'arrivée d'une procession, vr,
168 : pour annoncer les offices, vi, 169 ; pour les agonisants et
pour les morts, vi, 170. On peut encore employer le son des
cloches pour détourner les fléaux, jittendu que le son de la cloche
est une prière, vi, 174 ; va, 51 ; il faut cependant éviter d'y at-
tacher quelque pensée superlilieuse, vi, 175; vu, 51. — Silence
des cloches pondant les irois derniers jour» de la semaine sainte,
VI, 177 — Nombre des cloches, vi, 178. — Manière de sonner
les cloches, VI, 178.
Clocher. L'usage de construire des clochers remonte au milieu du
ix« siècle, VI, 178. — On met ui;e croix au sommet vi, 179. —
Raison de l'usage de certains pays oià cette croix est .«urmontée
d'un coq, ibid.
Clochette. La clochette est-elle de rigueur, même quand il n'y a
point d'assistants à la Messe ? ix, 264.
Communion. On ne peut pas donner la sainte communion à un autel
où le Saint-Sacrement est exposé, i, 340. — Diverses opinions
sur la distribution de la sainte communion aux Messes de Requiem,
VI, 45. — Règles à suivre sur ce point, vi, 54. — Jamais on ne
peut la donner en ornements noirs avant ou après la Me.-se, vi,
56.
Congrégation DES Rites. Son autorité, i, 191 ; iv, 202 ; vi, 887.
Consécration des Eglises ; x, 348,
Coq. V. Clocher.
CoDTCME. Coutume (des) en matière de liturgie, iv, 77.
Credo. Divers chants du Credo, ix, 252.
— VII —
Deinde. V. Absolution.
Dimanche. Office d'un dimanche aniicipé, vu, 377 ; ii, 477. V. Ca-
suel.
DoxoLOGiE. Règles concernant les doxologies propres, vu, 381 V.
Sacré-Cœur.
Dédicace. V. Eglise.
Eglise. Des églises en général, vm, 581. — Des premières églises
des chrétiens, m, 444. — Différents noms donnés aux églises
des chrétiens, vui, 561. — Différentes espèces d'église.«, vm,
564. Des basiliques, vm, 566. — Consécration des églises, x,
348.
Enfants de .hoedr. Costume des enfants de chœur, iv, 380.
Enterrement. Ori ne doit pas faire d'enterrement dans une église
où le Saint-Sacrement est exposé, n, 341.
Etole. Le prêtre qui fait baiser un reliquaire porte une étole, ix,
476.
ExposuioN. V. Saint-Sacrement.
Fêtes. Des fêtes dont la solennité est transférée à un dimanche, vi,
353. — Ce qu'on entend par la translation de la solennité, ihid.
— Du dimanche auquel cette translation doit avoir lieu, vi,
359; quelles sont les fêtes dont on transfère la solennité, vi,
371 ; quelles sont les églises où cette solennité doit être trans-
férée, VI, 372. — Les fêles qu'on célèbre chaque semaine en
l'honneur de la Passion de N.-S., depuis la Septuagésime jusqu'à
Pâques, sont-elles primaires ou secondaires ? vu, 379. — Clas-
sement des fêtes de l'année sous le rapport de la solennité exté-
rieure, IX, 173.
Gloria in excelsis. Divers chants du Gloria in excelsis, ix, 252.
Graduel. A une grand'Messe, peut-on se dispenser de changer le
graduel ? va, 873.
Habit de chcedr, x, 410.
Hthne. Chants des hymnes, ix, 465, V. Iste confesser.
iNxaoïT. Peut-on se dispenser de chanter la répétition de l'introït,
VII, 273.
Iste confessor. Règles pour le changement du troisième vers,
VU, 572.
Ktaie eleison. Divers chants du Kyrie eleison, ix, 252.
— VIII —
Laïques. Costume de chœur attribué aux laïques dans les cérémo-
nies, viii, 280. — Usage de les revêtir d'ornements sacrés, \ni,
281.
Leçons. Motifs pour lesquels on dit à certains jours les leçons des
Communs au lieu de celles de l'Ecriture occurrente, iv, 189. —
Leçons du premier nocturne le jour de la fête de S. Pierre Da-
mien, vu, S'ÎS.
Litanies. 1° Litanies du saint nom de Jésus. Texte de ces litanies,
VII, 57. — Décret d'approbation, vu, 58. — Réflexions sur ces
litanies et les oraisons qui les terminent, vu, 55 ; vni, 577. — 2°
Litanies des Saints : rit à suivre pour la récitation des litanies
des Sainls le jour de S. Marc et les trois jours des Rogations,
vui, 177. — 3° Litanies nouvelles : l'évêque peut maintenant en
au'.oriser la publication, iv, 564.
LiTCRGiE. Importance des moindres prescriptions en matière de
liturgie, I, 48 ; iv, 491. — Autorité des Rubriques du Bréviaire,
du Missel, du Rituel, du Cérémonial des évéques, du Pontifical,
du Martyrologe, ( t des décrets de la S. C des Rites, m, 451 ; iv,
262; ibid., 587. — Les suppléments au Rituel sont prohibés s'ils
ne sont pas autorisés par le Saint-Siège, vu, 363. — Statistique
des diocèses de France qui suivent la liturgie Romaine, v, 579 ;
VI, 303 ; IX, 385, 486.
Mancterge. Le manulerge peut-il rester sur l'autel ? ix, 264.
Mariage. Mes?e du mariage, m, 4ri3 ; ix, 263.
Messe. Questions sur les cérémonies de la Messe basse, iv, 78 ;
VII, 395 ; IX, 264. Messe dans une église étrangère, i, 50 ; dans
une église de religieux ayant un Missel propre, v, 386,
Messe chantée. On ne doit point chanter deux fois la Messe solen-
nelle dans la même église sauf le jour d'une pieuse fondation,
Vil, 275. — Usage de la banquette à h Messe chaulée devant le
Saint-Sacrement exposé, ix, 266.
Messes votives. Notion, ii, 257. Division, ii, 258 ; vu, 50. —
Quelles sont celles que l'on peut célébrer, u, 259. — Jours oii on
peut les célébrer, ii, 269. — Messe votive solennelle pour
une cause grave et publique, u, 343. — Rubriques particulières
aux Messes votives, ii, 348. — Messe du mariage, ii, 363 ; ix,
268. — Messe votive de la sainte Croix, iv, 191.
Messes de Requiem. Messes de Requiem en général, v, 42, — Des
différentes espèces de Misses de Rtquiem, ibid., 43. — Des Messes
ie Requiem ordinaires, ibid., 43. — Des Mes'-es de Requiem privi-
— IX —
Icgiées; règles générales concernant ces Messes, v,269.=Messes
de Requiem privilégiées : 1" Me'^?cs de Requiem en présence rlu
corps, V, 471. Antiquité de l'usai; « de célébrer la Messe de Re-
quiem en présence du -corps, ibii. On pouvait autrefois biner pour
la célébrer, v, 4~2. Raison de l'omettre, v, 473. On ne peut
jamais célébrer en présence du corps une autre Messe' que la
Messe de Requiem, v, 475. On ne peut pas la célébrer dans une
église ovi il n'y a qu'une seule Mesra, un jour de précepte, v.
478 ; quand même le prêtre qui la célèbre n'a d'ailleurs aucune
obligation de la dire, v, 479. On pourrait le faire dans une an-
nexe, ihid. — 2" Messe du jour de !a mort ou des fun.^raiiles, et
translation de la Messe de l'inhumation, v, 547. — 3" Messe des
troisième, septième et trentième jours, v, 554. — Raisons du
privilège de ces jours, ibid. — Quelques auteurs mentionnent
comme ayant une solennité particulière les neuvième, quaran-
tième,cinquantième s nixaniième et centième jours, v,556, L'usage
de célébrer le quaraniième jour paraît pouvoir être conservé, v,
557. — 4" Messe des anniversaires, v, 559. Il y a une différence
enfre les anniversaires fondés par testament et ceux qui ne le
sont pas, ihid. Règles concernant les anniversaires, ibid. — 5° Plu-
sieurs auteurs mettent au nombre des Messes privilégiées celle
qu'on célébrerait à la réception de la nouvelle de la mort d'une
personne, v, 552 ; iflais ce n'est point une règle générale : c'est
un privilège spécial accordé à certains ordres religieux, vn,
602. =r Rubriques spéciales aux Messes de Requiem, vi, 34: P
De la Messe que l'on doit dire, ibid. — 2° Des oraisons, vi, 37.
— 3° De l'épître et de l'évangile, vi, 43. — 4° Du graduel, du
trait et de la prose, vi, 44. — 5" De la préface et du Commumcan-
les, VI, 45. — 6» De la distribution de la sainte communion,
ibid. Diverses opinions sur cette question, vi, 46. Ce qu'on doit
penser, \i, 54. On ne peut pas donner la sainte communion avec
des ornements noirs avant ou après la Messe, vi, 56. — 7° De
l'absoute : elle doit être faite par le célébrant ; l'évêque dio-
césain seul, assistant au trône, peut faire Tabsuute après la Messe
célébrée par un autie, vi, 59. Explication de cette règle, vi,
60. Exceptions, vi, 61.
Office Petit office de la sainte Vierge, ix, 573.
Oraison Oraison? à dire à la Messe votive de la sainte Croix, iv,
191.
Oratoire. Diverses notions sur ce sujet, v, 80. — Questions di^cu-
— X —
tées à la S. C du Concile, vi, 259; oratoire public, vi, 260;
oratoiro privé, vi, 263 ; oratoire quasi-public, vi, 267. — L'évé-
que, en érigeant un oratoire, peut-il s-tatuer que les personnes
étrangères n'y satisferont pas au précepte d'entendre la Messe ?
VI, 270.
Ordination. Pénitence imposée aijx diacres et aux sous-diacres
après leur ordination iv, 192.
Orgue. Fonction de l'orgue, viii, 176.
Ornements. Décret de la S. C. des Rites sur les ornements de
forme gothique, ix, 77.
Pénitence. V. Ordination.
Pierre de Arbues. Concession de sa fête, iv, 179
Patron. On ne peut pas faire l'office d'un patron douteux, v, 480.
— A la fête du patron de la ville, l'évêque doit officier dans sa
cathédrale, vu, 439. — En France et en Belgique, on transfère
au dimanche la solennité du Patron, vi, 371. — Patrons des
églises non con-^acrées, viii, 551.
Pontificales (Fonction*). Fonctions qu'un évêque doit remplir par
lui-môrae dans sa cathédr le, m, 68 ; vu, 438. — Quel est le
droit et le devoir de la première dignité du chapitre relative-
ment à ces tondions, vu, 451. — Questions [relatives à diverses
fonctions pontificales, vu, 268.
Propre diocésain. L'évêque peut l'imposer à son clergé, vi, 586. —
Nature de cette obligation, vi, 587.
Reposoir. a la procession de la Fête-Dieu on ne peut pas s'arrêter
à plus de deux reposoirs, ii, 562.
Rituel. Suppléments au rituel romain ; conditions de leur légiti-
miié, VII, 363.
Rochet, X, 451.
Sacré-Cœur de Jésus. Certaines raisons pourraient faire croire que
l'institution de cette fête pour l'Eglise universelle, le lendemain
de l'octave du T. -S. Sacrement ne '^hmge rien aux concessions
faites précédemment, de sorte que, dans les éi;lises oîi elle se
célébrait un autre jour, on la ferait nne seconde fois, iv, 74. —
tlcpendant le décret r.e doit pas s'entendre ainsi, et dans les
églises oîi cette fête a étô fixé> à un autre jour, il n'y a pas
lieu do la célébrer le lendemain de l'octave du Saint-Sacrement,
V, 59. — Analogie de cette fête avec celle du Saint-Sacrement :
— XJ —
ia S, C. n'a pas voulu se prononcar sur la question de savoir si
Tofiice du Suiiit-Sacrcment exclu! la coramémorai^on du Sacré-
Cœur de Jésus, ou réciproqueme ', iv, 183. — Doxologie à dire
à l'office de cette fête, iv, 185- — La mémoire du Sacré-Cœur
de Jésus au petit ofûie de la sainte Vierge est une concession
, spéciale, ix, 575.
Saint-Sacrement. Zèle qui doit animer le clergé pour le culte ex •
térieur du T. -S. Sacrement, i, 474. Les maintes c?pèces doivent
être renouvelées tous les huit jours. Cette règle ne s'entend pas
dans le sens fetricl ; mais il ne faudrait pas rester plus de quinze
jours fan« les renouveler, i, 112 ; iv, 567. — Dans les grandes
églises, il faut, autant que possible, que l'autel du Sainl-Sacrc-
ment ne soit pas le grand autel, i\, 567. Le tdbernacle du Siiint-
Sacrcment est le premier objet qui doit fixer l'attention de celui
qui est chargé du soin d'une église, i, 109, Il doit être fermé à
clef, et l'on ne doit point apercevoir le ciboire, ibid. —On couvre
le ciboire de son couvercle et d'un voile blanc, i, 110. — Devant
le tabernacle du Saint-Sacrement, on entretient une ou plusieurs
lampes, l l'jjours en nombre impair, ibid. — On ne doit rien
mettre devant la porte du tabernacle, ibid. — On revêt d'une
tapisserie de soie blanche l'intérieur du tabernacle, et la partie
extérieure doit être çecouverle d'un voile blanc, ou de la cou-
leur du jour, ibtd. Ce voiîe est obligatoire, et ne doit jamais être
noir. On remplace le noir par le \io\eA, ihid. = Exposition du
Saint- Sacrement. Autorité de l'Instruction Clémentine pour les
règles qui se rapportant aux expositions du Saint-Sacrement, i,
425. Ce que c'e=t que cette instruction, ibid. — L'autorité de
l'ordinaire est requise pour faire l'exposition, i, 426. — Les
auteurs ne sont pas d'accord .sur la question de savoir si les ex-
positions doivent être fréquentes, i, 428. — On peut cependant
affirmer qu'aucun auteur n'improuve la fréquence des exposi-
tions, si elles sont accompagnées de la solennité qui lenr est due,
. et .s'il y a concours de fidèles, i, 429. = Quelles s^ont les causes
pour lesquelles il est à propos de faire l'exposition, i, 730 : 1»
Les prières des quarante heures, ibid, n, 333. L'exposition doit
durer pendant quarantf^ heures consécutives, i, 431 ; cependant
on peut l'interrompre pendant la nuit, pour des raisons graves,
et gagnnr l'indulgence, u, 333. — 2» L'exposiiion le jour de la
fête ef pendant l'octave du Saint-Sacrement, i, 432. — 3» L'ex-
position qu'on a coutume de faire dans les jours qui précèdent le
— XII —
Carême : explication sur cette exposition qu'on appelle chez
nous des quarante heures, dénominalion impropre et inexacte
lians le langage liturgique, ifeid, vu, 579. — 4° L'expositios! pour
le repos de l'âme des ûdèles trépassés, i, 434: cette exposition
ne se ferait point pour une personne défunte en particulier, ibid. ;
elle se fait avec la soîeniiit ordinaire, i, 435. L'église peut être
tendue de noir, si l'on en excepte la chapelle de l'expositioa,
ihid. On ne peut copr^nlant pas tendre une partie de l'église en
noir, pendant l'exposition pour une sépulture, n, 341. 5" L'ex-
position pour les calamités publiques ou en actions de grâces, i,
438. — 6° L'exposition dans les jours de fête : elle n'est pas
conlraire aux règles !ituri;iques, pourvu qu'il n'y ait aucune ir-
révérence à craindre, i, 439 ; mais il faut remarquer qu'il ne
s'ugit pas d'une exposition de tout le jour, mais de l'exposition
de courte durée que nous appelons salut du Sainl-Sacremenl,
II, 331. — 7° L'ex position pendant les neuvaines el les triduums,
I, 440. = Solennité extérieure à donner à l'exposition, i, 542 : 1"
La sainte Hoslie doit être dans l'ostensoir, ibid ; — 2° l'ostensoir
doit être sur un trône, i, 544 ; — 3° il doit y avoir une illumi-
nation, ibid. Certains auteurs, il e^t vrai, ont paru enseigner que
l'on pourrait se contenter de six cierges allumés, i, 547 ; mais
c'est une erreur : si l'on peut se contenter de six cierges, c'est
pour une exposition privée, qui se fait en ouvrant simplement la
porte du tahernacle, ou tout au plus quand il y a un grand nom-
bre d'autres lumières, ui, 183. Il en faui au moins dix dans les
églises les plus pauvres, m, 188. Les bougies >téaiiques ne peu-
vent remplacer les cierges prescrits, i, 549, au moins les six
principaux ; les aunes pourraient êlie remplacés par une illu-
mination, III, 187. — 4° Objets qui doivent servir à la décora-
tion de l'dut-l, 1, 545. Vases de fleurs, i, 551 ; ne mettre ni sta-
tues ni relique-i sur l'autel, i, 552. = Exposition privée, ii, 186 ;
six cierges sutBsent pour l'exposition privée, m, 187. Mais s'il
faut tirer le Saint-Sacrement pour bénir le peuple, il doit y en.
avoir deux autres dans des chandelier-, ou soutenus par des
clercs, ibid- = Quelques autns règles à observer pendant l'expo-
sition: 1° Il n'est pas conforme aux règles de célébrer Ja Messe
à l'autel lie l'exposition, quand on peut faire autrement, ii, 334 ;
et jamais on n'y doit donner la sainte communion, i, 348. — 2°
Règles à observer dans la prédication en prctence du Sainl-Sa-
cremenl expo-é. Il, 413. — 3» Il n'est pas permis de chantrr
— XIII —
des cantiques en langue vulgaire devant le Saint-Sacrement ex-
posé; m lis il n'est pas défeniu de réciter des prières en langue
vulgaire, ii, 410. = RègUs concernant les saints liu Saint-Sacre-
ment. 1° Le salut du Saint-Sacrement e-^t-il une fonction litur-
gique spéciale ? ii, 246"; m, 279. — 2° Quelles prières doivent
y être chantées, ibid. Il n'y a rion de pre;ciitdans la miilioùe à
suivre dans les prières à chanter; laquelle !<emble la meilleure,
m, 279 ; ix, 369. — 3° Cérémonies à observer au salut : on ne
peut le donner avec le manipule, ni avec la chasuble ; mais le
prêtre doit avoir la chape, n, 560. Peut-il être assisté de cha-
piers ? 11, 252. Inclination à Veneremur cernui, ix, 360. Le diacre
ou l'assistant doit-il doaner et recevoir l'ostensoir, ix,361. Règles
à observer pour cette cérémonie, ix, 365. Pendant la bénédic-
lion, il convient de sonner les cloches, vi, 166 ; ix, 366. Il est
facultatif d'encenser pendant la bénédiction, mais il est mieux
de ne pas le faire, ix,367. On n'encense point après, ix, 368. —
4» Si le clergé se rassemble à Téglise pendant le cours d'une
expo.-ilion pour le chant de quelques pi ières, il n'y a point de
ministres, ii 251 : et si le Saint-Sacrement est exposé d'avance,
il suffit que le célébrant et ses ministres arrivent pour le Tantum
ergo, ibid.
Salut. V. Saint-Sacrement.
Septoagésime, \n, 167. Quel jour doit-on faire l'office du deuxième
dimanche après l'Epiphanie, si U Septuagésime arrive le 18, le
19 ou le 20 janvier ? vu, 377.
Solennités transférées. V. Fêtes.
Surplis, Forme du surplis, x, 468.
Sdspice, sancta Trinitas. Dans cette prière, faut-il lire in honore ou
t>i honorem ? viii, 560.
Tabernacle. V. Autel, Saint- Sacrement.
Te Deum. Doit-on dire l'hymne Te Deum au petit office iela sainte
Vierge ? ix, 574.
Titulaire. Quels sont les églises qui peuvent avoir un titulaire pro
prement dit ? v, 392 ; vni, 550.
Votive. V. Messe.
TjjÉOLOGIE DOGMATIQUE ET MORALE.
DROIT-CANON
EXÉGÈSE, HISTOIRE & PHILOSOPHrE.
Absolution. De >a formule, viii, 454. — *Faut-il !a réitérer à qui
accuse les péchés mortels oubliés ? x, 280.
Abstinence. Déci.-ioi: de la Pénitencerie, viii, 456.
Académie d'Archéologie à Rome, vi, 444.
Actes et décrets du concile provincial de Vienne, i, 555, 575.
Actions industrielles.. Le prêtre et les communautés religieuses
peuvent en prendre, n, 444.
ALBÉnic. Son Recueil de Chinons, m, 512.
Allemagne. Tableau de l'Allemagne catholique, ii, 97. — Réunion
de catholiques allemands à Aix-la-Chapelle, vi, 399. — Littér i-
lure théologique en 1862, vu, 506.
Anaclet. Le pape saint Anaclet a-t-il enseigné l'institution divine
des curés? ii, 260.
AwGES. Des Anges dan - l'Ancien Testament, v, 540.
Anglicanisme. Sa situation, controverses qui l'agitent, ix, 578. —
Le P. Newman le quitte, progrès de sa conversion, x, 290. —
Essai malheureux de fusion religieuse, x, 376. — Persécution
sous la reine Eli.-abeth, vu, 95, 389 ; sous les successeurs d'E-
lisabeth, x,529.
Annales, i, 33.
Apologétique. Méthode à y suivre, v, 574. — Méthode apologéti
que du P. Deschamps, vu, 240.
Apostolicité de l'Eglise ; doctrine de l'école, ii, 46.
— XVI —
Appel au Pape, i, 30, — Au futur conci! ', fait sons Loui- XIV, m,
500.
Approbation des livres, i, 574. — Différentes sortes d'approbations
d'une doctrine dans l'Eglise, ii, 425.
Arras, Origine de cette égli.-e, sa tradition, m, 510 ; iv, 21, 111.
Assemblée des savants catholiques à Munich, eu 1863, \\, 56.
Assemblées du clergé. Remontrances à Henri IV, ni, 291.
Athéisme, i, 564.
Admônerie. De la gronde aumôneric en France (bref de Sa Sainteté
r-ie IX), vu, 179.
Adthenticité. Ce quec'e-t, iv, 519.
Bacon (Nicola>), ni, 251.
Baptême. Décret du concile de Vienne, n, 233 ; iv, 35. — Interro-
gations, IX, 575.
Barbe. Défense de l:i porter, viii, sO-
Barnabe (St). Son Epitre, m, 478.
Babette à trois cornes, iv, 575.
BEDE. Le vénérable Bède n'est pas parochiste, ii, 261.
Bellarmin. Se- accusations contre la Bible de Sixte-Quint, v, 18.
BÉNÉFICES. Le Pape peut s'en réserver la collation, i, 33. — Réser-
ves établies à ce ^ujet, ibid., 98 et suiv. — Vente de biens-
fonds constituant un bénéfice, iv, 83. — Décision sur leur union,
ibid., 84. — Droit de l'évêque à retenir des pen rions sur les
bénéfices qu'il confère, ibid., 268.
Benoît XIV. Allocution en faveur des Maronites, m, 58.
Bible et science de la nature, viii, 194, 401, 515. — Explication
du récit de la Genèse ; jours génésiaques ; hypothèse des jour.-
époques combattue, ix, 138, 323. — Accord de la science avec
le 1" chapitre de la Genèse ; idée de la Bible, x, 414.
Binage. De l'honoraire en cas de binage, m, 280. — Décision, ibid.,
461.
BispiNG. Commentaire sur S. Paul, m, 300.
BcLLES nécessaires aux évêques nommé-, m, 289, 481. — Innocent
XI les refuse aux députés de l'Assemblée de 1682, m, 484 ; iv,
5, 383.
Bosscet. Conveisation sur la Déclaration, ni, 491. — Accusations
faussement portée- contre S. Gr<^goire VII, iv, 301, 531; v, 121,
209. — Son gallicaiii-nie jugé par Lamartine, iv, 13. — NouvUe
édition de ses œuvres, v, 79, 597 ; vu, 80.
Bdss (le D'^), professeur à Fribourg, ii, 101.
\]
— XVII —
Cambrai. Origine et tradition de celte Eglise, m, 510 ; iv, 21, 111.
Cantique de? cantiques. Réfalation biblique, philosophique, histo-
rique et littéraire, de l'ouvrage de M. Renan, ii, 121.
Cakbière (l'abbé). Son erreur sur le poHvoir des Princes dans les
empêchements do mariage, n, 110. — Modiflcation apportée
dans .'OU en-eignement, ihid.
Cas réservés (V. Pénitence) au Pape, m, 366, 555. — Décisions de
l'Inquisition, m, 366 ; de la l'éuilencerle, in, 555.
Catéchiste. Sss qualilés, ii, 211.
Catholicité. A quoi se recor)naU le vrai catholique; ce que fait
l'hérésie et le schisme, n, 49.
Catacombes romaines, vi, 446. — Théologie des Catacombes, ix,
45, 97, 289 ; x, 49, 130, et Supplément au X« volume.
Causes matrimoniales, ii, 246.
Cecil (Guillaume). Son rôle, son plan de réformation, m, 223.
Cekscres. Principales excommunications réservées au Pape, n, 67.
Ceutitude. Série de propositions certaines, i, 525, 541.
Chancellerie Romaine. — Ce que c'est, i, 97. — Règles pour la
collation dps bénéfices, ihid, 98, 101. — — Etaient- elles en vi-
gueur en Fraice et en Belgique avant la Révolution? ibid., 101.
— Les bénéfices autres que les cures sont-ils soumis aujourd'hui
en France et en Belgique aux règles de la chancellerie, ibid.,
105
Chanoines. Leurs revenus quand ils s'absentent pour cause d'étude,
m, 558. — Comment se compte leur ancienneté, m, 558,
Chaphres cathédraux, ii, 152. — Réponse de la S. Pénitencerie à
diverses questions les concernant, vu, 581. — Ouvrage de M.
Pelletier, x, 184. — Droit d'oplion, x, 556.
Charlemagne, prolecteur des Maronites, m, 45. — Pouvoir tempo-
rel de^ Pi^pes, IV, 424.
Christ et Antéchrist. J.-C. dans l'Ecriture, dans l'histoire, dans la
conscience, viii, 305.
Cimetières, ii, 369. — Bénédiction de? fosses, v, 396.
Cloches, vi, 154.
Cluny. Séjour qu'y fait S. Grégoire VII, i, 322, 342.
Codex Sinaiti^u-, m, 475.
Collège Romain. Juste célébrité dont il jouit, m, 12.
Commerce inierdit aux prêtres, u, 445.
Communion fréquente, u, 432. — La communion ne peut être re-
fusée aux condamnés à mort, ii, 437. — Fruits de la commn-
2
— xvin —
nion, IV, 124. —■ Peut-on y admettre aussi les filles enceintes, x
281.
Communisme, i, 568.
Compréhension de~ noms, i, 76.
Conception (immaculée), i, S'I. — Décret touchant la solennité de
cette fête, ii, 477. — Lettre de S. Bernard aux chanoines de
Lyon, ibid., 177.
Confession des enfants avant la première communion, ix, 164.
Concile général. Deux erreurs de ia théologie de Toulouse, i, 552.
Concile provincial de Vienne, i, 555 ; ii, 143, 232, 364. — Néces-
sité canonique et règle du concile provincial, ii, 149. — Peut-il
absolument arriver que parmi les décrets d'un concile provincial
renvoyé de Rome sans correction, il y en ait quelqu'un de nul,
II, 193. — Confirmation d'un concile, ibid., 196; m, 151.
Conférences eccleriasliques, i, 23, §7, 200, 474; n. 252.
Confirmation. Ministre de ce sacrement, ii, 54. — Pur qui le saint
Chrême doit-il être béni ? ibid.
Congrégation des Rites. Son autorité, vi, 587.
Congrégation du Concile. Pouvoirs qui lui ont été accordés dans
son institution. Trois sortes de décisions qu'elle rend ; opinion
des théologiens, i, 179. — Distinction sur les ordonnances de
la congrégation ; différence enlre une loi nouvelle et l'inter-
prétation d'une loi ancienne, ibid., 182 ; m, 152. — Décisions,
VIII, 68.
Congrégations Romaine?. S. Liguori s'est-il rétracté en ce qu'il
avait dit relativement à la valeur de leurs décirions, i, 56.
Connaissance. Sens de ce mot ; classification de- connaissances
humaines^ i, 517. — Connaiîsance appréhensive, conuexive, dé-
duite, immédiate, intuitive, ibid., 518,
Constitutions capitulaires de l'église de Moulins, ii, 360 ; pontifi-
cales. Mode de leur promulgation, m, 142. — Ce qui se passa
dans l'affaire de Fénélon, ibid.
Coutume. Ses conditions, m, 320. — Son existence difficile à éta-
blir, ibid. — Le législateur juge de sa légitimité, ibid , iv, 77 ;
vm, 278. —Comment les usages s'introduisent, ibid., 573. — Du
droit coutumier dans l'Eglise, ix, 334 ; ibid.., 534. — Ses condi-
tions canoniques, X, 140.
CoRÉs. A qui >uccè'Jent-ils dans l'Eglise ? Epoque de leur institu-
tion ; leur juridiction ; leurs droits ; billet de confession ; con-
corde entr'eux, i, 24 et suivantes ; ii, 259. — Un curé qui
— XIX —
contracte des dettes à l^irc scandile pcul il être privé de sou
bénéfice ? ii, 185 ; m, 459. — Erreurs des Jansénistes sur l'o-
rigine et l'ordre hiérarchique des curés, ihid., 272. — Inamo-
vibililé, viu, 186. — Concours à Munster, ibid., 183 ; x, 479.
Daniel (le prophète). Sa mission parmi les Gentils, v,305. —
Etude de sa prophétie sur l'empire éternel de Jésus-Christ, v,
312, 417.
Danses. Sur les danses modernes, ix, 457.
Déclakation du clergé de France. Manière doul elle est présentée
danî une certaine tàéulogie, i, 371. — Conversation de Dossuçl
à ce sujet, m, 491.
DÉISME, I, 565.
Démon dans l'Ancien Testament, v, 539.
Desservants. Leur inamovibilité est une question réservée au Sl.-
S ége, X, 540
DiSTRiCH. Codiciiœ Syuacorum specimina, ni, 583.
Diocèse. Droit de les circonscrire, 32.
DALHii. Histoire ecclésiastique, m, 382. — Ouvrage sur la Papauté,
V, 75.
Dhoit ecclésiastique et canonique, nécessité de l'étudier et avan-
tages de celte /élude, i, 3. — Ditfiouité pour les prolestants de le
traiter, ibid., 35. — Meyer, 36. — Blubme, 41. — Richler, 43.
Doyens ; n, 158.
Druses. Notions sur ce peuple, m, 51 ; ihid., lOo.
DiBLiN. Détails sur l'Université catholique de cette ville, ii, 495.
Ecoles. Soin qu'en doit prendre le curé, ii, 212, — Relations né-
cesaires avec Tinstiluteur, ibid. — Nécessité des écoles de
chant, ibid., SQ6.
EcRiiuRE. y. Livres saints, Inspirations, Ministère pastoral. — Ecri-
ture considérée comme document historique ; comme perfectiim-
nement de la pensée humaine, comme renfermant de grands
caractères, i, 504.
Education intelleduelle du clergé corrélative des institutions aea-
démiqucs, ii, 481.
Eglises dans les premiers siècles, m, 414. — Différents noms, viii,
561. — Paroissiale, qui doit l'entretenir et la restaurer, iv,
373.
Eglise. Esquisse d'un traité de l'Egli se, iv, 3i3. — Les uuleurs
gallicans ei le Traité de l'Eglise, ibid., 464 ; v, 235.
— XX —
Elisabeth d'Angleterre. Ses rigueurs contre le catholicisme, m,
221.
Energumènes, I, 240.
Enfer. Manière de prêcher sur le dogme de l'enfer, x, 430.
Erasme. Letire de Léon X à Erasme, v, 339.
Erreurs de notre temps indiquées dans le concile devienne, i, 563.
— Théorie philosophique de l'erreur, ii, 531 ; ni, 28.
Espagne. S. Paul y a prêché, iv, 47.
Esprits frappeurs, i, 413.
Essence, i, 72.
Etienne (saint). Elude sur l'ouvrage de Mgr Zizzani relatif au célè-
bre et prétendu conflii entre .-^aint Etienne et saint Cyprien, vu,
211, 305, 41.% 513.
Etre, i, 71.
Etudes ecclésiastiques. Décrets du concile de Vienne à ce .«ujet,
II, 370. — Néce.'^silé de suivre les règlements du concile de Trente
sur l'érection des séminaires; utilité d'un cours sérieux de théo-
logie de quatre ans au moins : choix des profeseurs ; universi-
tés par rapport aux études, ibid.y 481, — Moyen de les relever
en France, m, 16.
Evangiles. Original de saint Matthieu, i, 205. — Découvertes de
la science; les Catacombes ; Moïse ; Voiture ; Strauss ; Renan ;
les Pères de l'Eglise ; les Actes des Apôtres ; textes du nouveau
Testament ; la Vulgate; les textes et les manuscrits ; texte des
Evangiles des Eglises orientales, ihid., 205 et suiv. — La Tra-
duction, 213. — Saint Matthieu et saint Paul, 214. — A quelle
occasion saint Matthieu écrivit son Evangile, 215. — Lumière
produite par la publication de M. Curéton, 217. — Dans quelle
langue saint Matthieu a écrit, 222. — Les deux versions Curé-
ton et Peschito, ii, 15.
Eucharistie. Institution; présence réelle, iv, 38
Evêque auxiliaire chanoine ; sa position -vis-à-vis du Chapitre, iv,
565.
EvÊQUEs. Pourquoi ils sont aujourd'hui plus en relations avec le
Saint-Siège qu'autrefois, i, 23. — Ce qu'ils sont par rapport au
Pape : mode de leur élection aux diverses époques ; leur élection
et confirmation, 27. Droit de les transférer ; de les déposer,
30. — Valeur de leurs sentence-, ihid., 350. — ■ Ce qu'ils sont
par rapport aux prêtres, ibid., 575. — Différence entre les évé-
ques et les prêtres, ibid., 578. — V. Prêtres. — Dignités, de-
— XXI —
voirs, droits des évêques, ii, 145. — Leur éleclion appartient au
Souverain-Pontife, ii, 506. — En vertu d'un concordat les prin-
ces peuvent avoir droil d'éleclion ou de présentation, ibid. — l.c
sujet nommé à un évêché ne peut administrer le diocèse à aucun
titre avant d'avoir reçu et présenté ses Bulles, u, 506 ; m, 289,
481. — Erreurs de M. Lequeux sur les évéques nommés, iv, 17.
ExEAT. Conditions requises pour qu'un ecclésiastique soit excorporé
d'un diocèse et incorporé dans un autre, v, 29.
Exorcisme, ii, 368.
Extension, i, 76.
Fiançailles. Leur validité confirmée par la Congrégation du Con-
cile, IV, 89.
Foi. Acte de foi, i, 522. — Foi el doctrine catholique, ibid., 558. —
L'intelligence à la recherche de la foi, ibid.^ 559.
Forme. Sens de ce mot, i, 74; x, 260, 337.
Froscbammer. Sa condamnation par Pie IX, vu, 175, 480.
François I", protecteur des Maronites, m, 53.
Gallicanisme (le) et l'Université de Douai, m, 359. — Comment il
expliquait le traité de l'Eglise, iv, 464. — Triple gallicanisme,
laïque, théologique, pratique, x, 496.
Gaules. Introduction de la foi catholique dans les Gaules, iv, 163.
Georges de ??ossoul. 'Son opinion sur la présence réelle, m, 537.
Gerson. Son caractère, ii, 264. — Ce qu'ont pensé de lui ses con-
temporains et ses disciples, ibid., — Rapport de quelques-unes
ùe ses doctrines avec le protestantisme, xbid., 265. — Ce qu'il a
fait pour le parorhisme, ibid.
Grégoire VII (Si.) Etat de l'Eglise à son exaltation, iv, 225, 301,
531. — Evénements et pièces essentielles, ibid. — Fausseté des
accusations de Bossuel contre lui, v, 121, 209.
Grégoire de Nazianze (St.) orateur, ix, 374.
GoNDULPHiENS, hérétiqucs manichéens du xi« siècle, iv, 34.
Gunther. Condamnation de ses erreurs, m, 61.
Henri VIII. Son divorce, son schisme, v, 514.
Hiérarchie ecclésiastique, i, 2. — Décret du concile de Vienne, i,
143.
Honoraires. V. Mesaes.
HoNORius (le Pape), m, 433.
Idées. Leur réalité subjective, ii, 343.
— XXII —
Ignorance. Ses diûérentes espèces, m, 410.
Immortalité de l'àme consignée dans l'Ancien Testament, v, 541.
Jndex. Décrets, ii, 192, 480 ; iv, 301 ; v, 96, 413; vi, 112 ; vu, 93;
VIII, 96, 299 ; ix, 79, 383, 485 ; x, 493. — Circulaire de la Con-
grégation h. lous les évoques en 1854, x, 565. — La Censure et
l'Index d'après !e D'' Fessier, v, 157. — L'Eglise doit prendre
l'es moyens de prémunir les fidèles contre l'erreur. Historique de
la législation ecclésiastiqne touchant les mauvais livres. Résumé
méthodique des règles de l'Index. Etal actuel de la législation de
l'Index, jbid.
Imprimatur. Sa nécessité canonique, x, 543.
Indifférentisme, I, 565.
Indulgences. Doctrine du concile de Vienne, ii, 242. ~ Critiques
de quelques ouvrages, v, 278. — Décrets sur le scapulaire, sur
la confession et la communion, sur les fêtes, vu, 76, 290, 578 ;
viii, 79. — Portioncule, x, 97. — Quelles indulgences peut-on
gagner plusieurs fois le même jour ? x, 383.
Infaillibilité du Pontife Romain, ii, 386 — Ouvrage de M. Saint-
Bonnet, m, 103.
Innsbrlck. Détails ^ur cette université, ii, 97.
Inspirations des livres saints, i, 442. — Elle a toujours été admise,
même par lc> hérétiques. Efforts du protestantisme actuel et des
rationalistes, ibid , 450. — Exame;i des monuments d'Israël :
les Psaumes, Isaïe, Daniel, i'Ecdésiastiqne, ibid., 452. — Tra-
dition de la Synagogue, ibid., 453. — Jésus-Christ et les apôtres,
ibid., 455. — Les Pères de l'Eglise, ibid.., 457. — Opinions
fausses sur l'in-piration, ibid., 508. — En quoi consiste l'in-pi-
ralion ; ses conditions, lèifi., 510. — Si Dieu est l'auteur unique
des Ecritures ; conjectures, ibid., 513. — Arguments tirés de la
Bible, ibid., 514.
Institutions iheologicœ ad usum seminarii Tolosani. Examen critique
de ce livre. Sort actuel de ces sortes d'ouvrages ; mise at l'index
de Bailly ; la plupart des autres ouvrages non moins répréhen-
sibles, 1, 343. — Perronc, Scavini, Mgv Bouvier, ibi'.., 344. —
Projet de correction de la théologie de Toulouse. Coniment il a
été réalisé, ibid. — Examen déUiillé; ibid., 345. — Tiaiié d-: l'É-
glise. La pierre de touche pour apprécier un cours de théologie,
ibid., 346. Unité de l'Eglise. Doctrine des théologiens roinains.
Celle de l'auteur, ibid., 346. — Vaines excuses, ibid., 349. —
Les évêques n'ont pas le pouvoir de résoudre les contioverses.
— XXIII —
ibid., 350. — Collège apostolique. Ce qu'en dit l'auteur. Incon-
séquences, iUd.y 353. — Un vice en engendre un autre. Nou-
velles équivoques sur l'infaillibilité, ihid., 356. — Concile géné-
ral. Deux erreurs à ce sujet, ihid., 358. — Autorité du Souve-
rain-Pontife ; l'auteur parle des évêques avant de parler du
Pape, ihid., 361. — Ce qu'est la primauté. Doute singulier de
l'auteur, ihid., 362. — Infaillibilité du Pape, ibid , 364, — Dé-
faut de méthode. Précautions de l'auteur, ihid. — Le Pape par-
lant ex cathedra. Sentiment de l'auteur. Réfutation, ihid., 366.
— Inconvénients de rabaisser la doctrine de l'infaillibilité du
Pape, ibid., 369. — L'auteur essaie de prouver l'infaillibilité du
Pape, ibid., 370. — 11 manque d'espace pour réfuter la Déclara-
tion du clergé de France, ibid.., 371. — Double mesure, ihid., 372.
— Dans ses conclusions, l'auteur renverse en partie ce qu'il a
établi, ibid., 373. — Inexactitudes sur l'apo-tolicité, u, 47. —
Ce que pense Pauteur sur la catholicité, ibid., 50. — Le gallica-
nisme coule à pleins bords dans ce traité de TEglise ; .=on venin
inonde à ne plus permettre de doute, la question de l'infaillibi-
lité du Pape, ibid., 53. — Inexactitudes à propos de la Confir-
maiion, ibid., 55. — Le gallicanisme se retrouve dans la double
question de juridiction et des cas réservés, ibid., 61. — L'au-
teur prend à tâche d'être incomplet et bilingue dans le traité
des Censures, ibid.,.Q6. — Inexactitudes relatives au 3Iariage;
vice malheureux dans la distribution des matières, ihid., 76. —
La Théologie de Toulouse profes-e le rigorisme en morale, ihid ,
421, — Tendance au particularisme dan? les questions de disci-
pline el de liturgie, ni, 121, 195.
Institdtions académique;^, leur nécessité et leur influence, ii, 482 ;
m, 5. — Lettre du D' Buss à ce sujet, v, 357. — Projet relatif
à la France, v, 369 ; vi, 303,
Intelligence. Ce que c'est, i, 522.
Irrégclarité ex defeciu, vu, 187.
Jésus-Christ. Preuves de sa divinité, m, 173.
Job. Examen du système moral attribué au livre de Job, par M.
Renan, i, 305.
Jocrnal. Est-il permis de coopérer à un journal professant de mau-
vaises doctrine*:, mais très-répandu, dans le seul intérêt delà
science, u, 252.
Juridiction ecclésiastique. Principes sur cette matière, m, 413.
Justification, Erreurs des Gondulphiens, iv, 601.
— XXIV —
Kledtgen. Théologie de Passé, ni, 9j.
Labre (le B.). Reprise de sa cause, m, 556.
Laemmer. Analecla romaaa, m, 383.
Laïques. Ce qu'ils sont dans les univei sites allemandes, ii, 97.
La Harpe. Jugement sur Téloquence des Pères, ix, 371.
Lamy. De Syorum fide el disci'plina in re Eucharislica, m, 533.
Langlois. xOpascule sur la question des Lieux-Saints, lu, 567.
Lemerre pose des principes schismatiques dans ses Mémoires du
clergé, ni, 385.
Libère (le Pape), m, 428.
Lieux saints de Jérusalem ; sont-ils authentiques, m, 567.
Livres défendus. Décret du concile de Vienne, i, 573. V. Index.
Livres saints. V. Inspiration.
LccAR (Cyrille) et le protestantisme en Orient au xvii« siècle, vi,
209.
LouvAiN. Résurrection de sou Université, ii, 489. — Son organi-
sation, ibid., 492. — Thèse des docteurs Reusens et Moulart, vi,
202. — Question de Louvain, vi, 205. — Lettre du C. Palrizi
sur certaines doctrines enseignées à Louvain, x, 568.
Magie. Ses diverses espèces, i, 385. — Fondement de la magie
diabolique, ihid., 401. — Il ne suffit pas de protester contre
Fintervention du diable pour l'empêcher, ihid., 403. — On
n'empêche pas l'intervention du diable en ignorant que les
effets sont diaboliques, ibid., 405. — Péché de ceux qui doutant
si les moyens qu'ils emploient sont licites, les emploient néan-
moins, ibid., 408. Y a-t-il intervention diabolique dans les phé-
nomènes de la baguette divinatoire, des tables tournantes, etc.,
ibid , 409.
Magnétisme animal. Décision, i, 417. - Appréciation des princi-
paux phénomènes, ibid., 421. — Encyclique du Saint-Office,
VIII, 488.
Mai (le card.). Edition des Septante, m, 92.
.^Ialou. Consultation de Mgr Malou au sujet du titre clérical pour
pour l'ordination. Réponse de la S. Congrégation du concile, i,
481.
Mariage. Essence et propriétés, ii, 76. — L'Eglise catholique a
seule le pouvoir d'établir des empêchement.--, ibid., 82. — Domi-
cile requis, ix, 274. — Décision de la S. Congrégation du con-
cile, X, 473.
— XXV —
Maronites. Considcraticns sur ce peuple, ii, 274. — Ils se préser-
vent de l'hérésie de Nestorius a d'Eulychès, ii, 310. — Leur
constanle orthodoxie, ibid., 319. — Leurs Jails et gestes à l'épo-
que des succès de IMahomel cl d'O ca'-, ibid., 471, — Proleclion
de la Friincc, m, 45. — Sollicitude des Papes. ibiL, 58. — Luttes
récentes, ibid., 97.
Martyrologe, i, 235.
Matérialisme, j, 564.
Matière et fobme, x, 260, 338.
MÉMOIRE sur le droit coutumier, ni, 139.
Mes.-e. Quelle mesje doit dire celui qui célèbre d.ins une église
dont Toffice diUère du sien ? i, 50. — L'obligation de dire la
messe pro populo alteint-clle les aumôniers de religieuses, d'hô-
pitaux, etc. ? ibid., 52. — Décision de la Congrégation du con-
cile sur la messe pro populo, ii, 286 ; m, 464. — Questions di-
verses relativement aux honoraires, m, 280, 370, 461 ; vi, 92 ;
VIII, 77. — Messe paroissiale, m, 467. — Peut-on retenir quelque
partie de l'honoraire en faveur d'une bonne œuvre ? ix, 556.
Métropolitain, ii, 204.
Ministère pastoral. Ce que c'est, i, 490. — Préparation spiritu-
elle ; qualités du bon pasteur, ibid,, 491. — Le zèle et la pru-
dence, i'iid., 495. -• Préparation scientifique, ibid., 498. —
Moyens |jour étudier l'Ecriture, les Pères : la traduction, la pa-
raphrase, ibid., 502. V. Orateur chrétien.
Mode. Sens de ce mot, i, 78.
Modération. Ce que c'est; sens de ce mot, ii, 302. — Fausse mo-
dération, îbid. — Vraie modération dans la doctrine, la litur-
gie, le droit-canon, ibid.
Moïse. Inspiration de ses écrits, lu, 177. — But et caractère de sa
législation, ix, 492 ; x, 5, 105, 240, 303, 401.
MoY DE Sons, professeur à Inrsbruck. Ses ouvrages, ii, 99.
Nature (éiat de) et du péché originel, viii, 32. — Caractère de la
cen-ure des propositions de Baïus et sens authentique de ces
propositions ; gratuité des dons que le péché originel nous a fait
perdre, ibid.
Obsédé, i, 210.
Ontologisme. Propositions le concernant jugées par le Saint-OtTice,
IV, 563. — Examen de ces sept propositions, v, 374 ; vi, 101,
374. — De la vision ontologique, vu, 345 ; viii, 446.
— XXVI —
Or.\teur chrétien, Comment il doit se perfectionner dans le minis-
tère de la parole, i, 159. — Exemples et sources, 160,
Oratoires privés, ii, 366. — Diverses notions à ce sujet, v, 80 ;
VI, 259.
Ordination. Pénitence imposée aux diacres et aux sous-diacrés, iv,
192. — Quand faut-il réitérer la cérémonie ? ix, 5. ^
Ordre. V. Pouvoir, — Décret du concile de Vienne, n, 143.
Orient. Institution d'une congrégation pour les affaires ecclésiasti-
ques d'Orient, v, 84.
Origèxe. Scholies sur les Proverbes, ni, 480.
Panthéisme, i, 564.
Pape. (V. insliiutions, Vas réservé, Censures, Confirmation, Modéra-
tion, Pénitence, Probnbilsme, Universilés). Sa supériorité sur les
évéque^', i, 25. — Manière dont il est parlé de son auiorité dans
la Théologie de Toulouse, ibid.y 356. — Son infaillibilité, ii,
886. — De son élection, ix, 342, 426.
Parocuîsme. Pauvreté de ce système, ii, 259.
Paroisses, h, 157.
Patristiqde en Allemagne, vi:i, 90.
PÉCHÉ. Sa nature, iv, 112. — Péché originel, tbid.
Paul IV calomnié par les historiens, m, 229.
Pauvreté. Le P. de Buch prétend que le vœu de pauvreté n'empê-
che pas les religieux de posséder, a 1. — DifCu^sion, ibid. et
suivantes.
PÉNITENCE. Ministres de ce sacrement, n, 6i'. — Cas réservés, ibid.,
68 ;iY, 21,41.
Pentateuque (le), e> la critique moderne. — Importance de la
question de son authenticité. Historique du déhat. Preuves in-
ternes et externes. Réfutation des objections. Des noms divins
dans la Genèse et l'Exode. Hypothèses critiques sur la composi-
tion de la Genèse, iv, 137.
Perceptions. Réalité des perceptions, ir 524. — V. Connaissance.
Philosophie. Désaccord de la philosophie séparatiste avec le dogme,
!, 62. — Essai sur diverses questions de philosophie, ibid., 517,
• — La philosophie au service de la théologie, ibid., 560. — De
l'unité dans l'enseignement de la philosophie, v, 397, — Un
mot sur quelques problèmes importants de la jhilosophie, v«,
59, 564. Rapports avec le principe d'autorité, ix. 59. — Discus-
sions sur la philosophie de S. Thomas, x, 89.
— xxyii —
Philippe (docteur). Sou ouvrage des Principes du droit ecclésiastique
11, 98.
Philippe II. Ses relations avec Elij. beth, m, 227.
Philologie et Révélation, vi, 113, ?72, 426, 527. — Témoignage
de la philologie en faveur di; !a révélation. Langage articulé.
Dénombrement des langues du globe, [.eur parenté. Explication
de cette miiliiplicilé par la révélaiioM. Réfutation de l'inlerpré-
lation naturaliste de M. Renan. Récit de la Genèse pleinement
confirmé par la science, vu, 5, 97, 193. — Caractères de la lan-
gue primitive. Origine du langage. Le.'! langues et les peuples,
le» langues et les religion.*, ibid.
Pie IX. Encyclique sur les controverses agitées en Relgique, v, 203.
Pontifical, i, 235, 574.
Portioncdle (indulgence de la), x, 97.
Possession.-, i, 240, 280, 305. — Obligation de croire aux posses-
sions, ibid., 24(5. — Ses signes, ibid., 259. — Examen do divers
phénomènes, ibid.. 259.—. Possession douteuse ou probable, ibid..
289. — Systèmes imaginés pour en contester la réalité, ibid..
290. — Causes de la possession, ibid.,. 294. — Y a-t-il des objets
qui aient naturellement la vertu de chasser le démon, ibid., 295.
— Pouvoir d'exorciser, ibid., 301.
Pouvoir ecclésiastique. Ses rapports avec la hiérarchiCj i, 2. —
Pouvoir d'ordre, rfe juridiction, doctrinal, ibid., 9
Prébende théologale, iv, 86.
Prédication. Fonction importante, ii, 205. — Le recte sappre dans
l'invention d"un di.'^cours. Divers sujets. Fonds, forme du dis-
cours, tbid., VIII, 381. — Elude des Pères, ix, 154, 370, 448.
PnESBTTERiANiSME. Réfutation des objections, i, 576.
Préséance dans le clergé d'après les règles canoniques, x, 321.
Prêtres. En quoi ils diflërent des évêques. Solution des difficultés
du système presbytérien, i, 577.
Principe vital de l'homme, viii. 56.
Probabilisme. Ce qu'il est, n, 421. — Sou histoire. Sou approbation
constante à Rome, ihid,, x. 159.
Procédure .'spéciale pour les causes de nullité de profession reli-
gieuse, IV, 496.
Prônes. Nécessité de les faire en rapport avec les fêtes de l'Eglise,
u. 221.
PCRGATOIRE, IV, 43.
Protestantisme (le Saiut-Siége devant le), vk 500, — Importance
— XXVIII —
de l'imprimerie. Collèges catholiques. Luther. Introduction du
proiestanti.>^iue en France, vi, 384.
Province. Vie intellectuelle en province, vu, 67.
Québec. Son Université, u, 497.
Raison. Ce qu'elle est, i, 522. — Son usage dans les choses divines,
ihid. 559.
Rationalisme, i. 375.
Reinee. Ses travaux sur les prophéties messianiques, ni, 93.
Religieux. Droit de les exempter, i, 30. — Communautés de Savoie
et du comté de Nice sous le régime fraiiçais, iv, 500. — Condi-
tion canonique des congrégations religieuses en France, v, 381.
— De leur exemption, x, 17. — Elle est surtout un droii du Sou-
rain-Pontife, ibid.
Renan. Examen de sa Vie de Jésus, viu, 5, 150, 237.
Reserve des cmses majeures, i, 31.
Resdrrection dans l'Ancien Testament, v, 544.
Revue des Scienci^s ecclésiastiques. Lettres de Mgr l'évêque de
Versailles aux rédacteurs, i, 177; — de S. E. Mgr ie cardinal
Gousset, m, 193 ; — de Mgr l'évêque de Beauvais, iv, 109.
Revce de théologie catholique en Allemagne, vi, 107 ; — de théo-
logie protestante, vi, 598.
RiEUL (saint). Etude sur son apostolat, ix. 193, 307.
Rigorisme, u, 421.
RossHiRS, professeur à Heidelbert, n, 100.
Sabbat, i, 414.
Sacrajîentadx, 11, 245.
Sact (Silvestre de). Ses mélanges, m, 381.
Saint S.atdrnin. Examen des actes de son martyre, n, 160 ;
VII, 27.
.Saint-Esprit. Ea quoi consiste le blasphème contre le Saint-Esprit,
IV, 115.
ScHEOL. Ce que c'est dans l'Ancien Testament, v, 531.
Scholastique. Etude sur la p')ilo-ophie scholastique. Jugement
porté p ir l'assemblée de Munich, ix, 353.
ScHULTE, professeur à Prague, u, 101.
Sépulture. Décret du concile de Vienne, n, 369. — Du refus de
sépulture contre les suicidés, x, 75.
Sorcières, i, 414.
SÉMINAIRES français à Rome, iv, 200 ; viii, 178.
— XXIX ^
Sémitiques (Racines). Etude sur leur formation, par M. Le Guest,
IV, 285. — Lii \h-'\{é ^m la F:'eulté de théologie de Paris de
1663 à 1682; les six fanaeux articles de 1663 ne doivent pas
être attribués à la Faculté, ibid.
Sociétés commerciales, u, 453.
Sociétés secrètes prohibées, x, 442.
SoRBONNE. Ce que vaut son autorité dans le système parochiste, ii,
265.
Spiritisme, vu, 233, 321, 401.
ScBSTANCE. Sens de ce mot, i, 79.
Suffrages pour les morts, iv, 43.
Surnaturel. Sa notion. Sa possibilité, v, 456. — Quelques erreurs
contemporaines, x, 232.
Suspense de trois pré ires annulée par la Sacrée Congrégation du
Concile, iv, 83.
Synode diocé?ain. — Règles établies par le concile de Vienne, ii,
159.
Tables tournantes, i, 411 .
Terminologie scientifique, i, 68.
Theodulphe, évoque d'Orléans, ne peut être invoqué par les paro-
chistes, u, 262.
Théologie. Méthode, ^21. — Théologie biblique, v, 532. — Trai-
tés divers, ix, 80, 90. ~ Etudes théologiques, ix, 68.
Titre clérical d'ordination. Consultation de Mgr Malou, i, 481.
Thomas (S.). Sa philosophie, vin, 47v,
Tolède. Le 2« concile n'appuie pas le parochisme, ii, 263.
Tolérance, qui a compassion de ceux qui errent, i, 568 ; — qui
tournent au détriment de la vérité, ibid.
Tradition dans les églises particulières, ni, 507; iv, 21, 111.
Traditionalisme. Ce qu'en dit la théologie de Toulouse, m, 213 —
Encyclique aux évêques de Belgique, v, 96, 203. — Exposé de
la question, vi, 563.
Trente. Troisième anniversaire séculaire du concile, vin, 288.
Trinité. Est-elle exprimée dans l'Ancien Testament, v, 534.
Unions clandestines. Ce qu'en dii le concile de Vienne, ii, 245.
Unité romaine, d'après le P. Schiader, vu, 121, 508.
Universités, de Innsbruck, de Loumin, de Qwb c. (Voir ces mots).
Leur influence sur l'éducation Inlellcciuellc du clergé, ii, 481
— Allemandes, ui, 5, 25. — En Angleterre, v, 359.
— XXX —
Vicaire capitulaire. — Il ne déviait y en avoir qu'un seul, ii, 289,
— Droit commun relativement à la nomination, ibid. Déciion
relative au diocèse de Reiras, ibid. Note sur les statuts capitulai-
res de Sois«ons, lii, 164. — Droit commua applicable à la Fiance,
malgré une prétendue coutume, m, 147, 320, 415. — Un seul
nommé au Mans, iv, 574, — Sainî-Brieuc, v, 61. — Doutes por-
tés à la Sacrée Congrégation du concile, v, 444. — Ilépoose de
la Congrégation, vi, 474. — Réponses à Gahors, vu, 277. —
A Périgueux, ibid., 400. — A un chanoine de Poitiers, ibitl., 580.
Vicaires généraux. L'évéque peut en avoir [plusieurs, ii, 301.
Vicaires paroissiaux, ii, 158.
Vicaires coadjuteurs. Leur amovibiliié, ix, 182.
Vie commune au sein du clergé, vi, 295. — liisqu'à saint Augus-
tin, ibid. — Chanoine et règles de Sainl-Chrodegand. Règles
d'Aix-la-Chapelle, vn, 140, — Chanoines réguliers et séculiers:
M. Olier, Holzbauser, ibid.
Vie religieuse. Dispositions du concile de Vienne à ce sujet, n,
368.
VisîTE décanale, n, 159.
Vœu solennel de pauvreté. Son incompatibilité avec la propriété,
u, 1.
Vralsemblance, i!1, 39.
VuLGATE, Décret du concile de Trente le concernant, iv, 509. —
Comment ce décret a été apprécié et défendu. Valeur scientifi-
que de ladite version ; en quel sens elle est déclarée authenti-
que. Elle n'est pas mise au-dessus de< textes originaux. Sa eor-
rectioi! par Clément VIII, v, 5.
Walter (le D') professeur à Bonn eu Prusse, n, 100. — Incroya
ble méprise de M. l'abbé Icard à son sujet, ibid.
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Berthau. — Die Bûcher Esra, Neliemia und Ester erklœrty v, 413.
Be.nger. - Pastorale, viii, 303.
— XXXIl —
BispiNG (D. Augusl). — Erklœrang des Bricfes an d'C Rœmer, :ii
3-3 381.
BizouABD. — Des rapporis de l'hoimno avec le démon, viii, 86.
Blaîipignon. — De S. Cypriano :t dt p'imœva Carthagmsni Efclesia,
V, 409.
Bleck. — Elnleitun] -n ias N. T.. \. 412. — Synopliche Er]ûcerd.^g
der drei erteii Evangdien. ibid.
BoEnMER. — Liier Genesis Penia'ev.lichus, iv, 91,. 99.
BoLLANDisTEs. — RcimpressioD, ix, 388.
Bonaventure(S.). — OEuvres, x, 207, 397.
BossoET. — Edition nouvelle de ses œuvres, v, 597. — Œuvres
inédites, vu, 80.
BocGACD. — Histoire de sainte Chantai et des origines de lu Visi-
tation, IV, 92, 101.
BouiLLiER. — Du principe vital et de l'âme pensante, ou examen
des diverses doctrines médicales et pyschologiqvies sur les rap-
ports, de l'âme et de la vie, vu, 190.
Bouix (Fabbé). — De Jure lilurgico, 11, 95. — Histoire des vingt-
six martyrs du Japon, v, 410. — La question liturgique à Lyon,
viii, 602.
Bocix (le P. Marcel). — Œuvres spirituelles de saint Pierre d'Al-
cantira, v. 409.
BorRBON. — Petit Cérémonial paroissial selon le rit romain, iv,
299. — Introduction aux cérémonies romaines, ix, 391.
Bourgeois. — Ordo de 1860 pour ceux qui, en vertu d'un induit,
récitent l'o.Tice comme le c'ergé de Rome, 1, 80.
BouRQUART. — Essai sar la méthode dans les sciences théologiques,
11, 88 ; V, 291.
Bouquet (dom). — Collection des histoiiens de France, iv, 396.
BoDVRY. — Expiisitio rubricarum llreviarii, Mhsalis et Ritualis Ro-
mani, 11, 96 ; X, 495. — Solutions de difficultés théologico-lilur-
giques, v, 4ûl.
BoYSLESVE (le P. Marin de). — Triomphe de la foi; iv, 388. — Les
luttes de l'Eglise, x, 496,
Bremont(A. de).— Un Pape au moyen-ége, Urbain 1 1 , vi,49o ; vu, 293.
Brun. — Tractatus de Eccl sia Christi compendium, v, 284.
Bunsen. — VoUstœndiges Bibelwi'rk fur die Genieinde^ Traduction,
commentaire et critique, 11, 91.
BuRGER. — Die eidgenœssirchen ïind Kanionakm Concordate, vin, 303.
Buss (D'). — La constitution religieuse de l'Autriche d'après le
concordat et les patentes, v, 598. — Edit de religion du Reichs-
raht autrichien, vi, 202, — Troisième anniversaire sécilaire d;i
concile de Trente, viii, 479.
— III —
Carnet. — J(?sus-Christ : la question religieuse des temps pré-
."^ents, VU), 95.
Caro. — L'idée de Dieu et ses nouveaux critiques, ix, 390.
C.ARON. — Méthofie pour les classes de plain-chaut, viii, 83. — Le
surnaturel, principe général d'explication pour .'^ervir à l'étude
des questions philosophiques et religieuses, ix, 390.
Catalani. — Cœremoniale episcoporum, iv, 95. 104.
Ceillie» (dom). — Histoire des auteurs sacrés et ecclésiastiques,
M, 92.
Cekiani. — Monumenia sacra el profana ex codiccihus prœserlim hiblio •
ihecœ Amhrosianœ, iv, 91, 99.
Champion. — S. Venance, évêque de Viviers, viii, 480
CuANTREL. — La royauté pontificale devant l'histoire et la bonne
loi, 1, 288. — Histoire des Papes, n, 94. — Annales ecclésiastiques
de 1816 à 1860, iv, 386, 394. — Les Fêtes de Rome, vi, 201.
Clabu^. — Lehen ds heilifien Franz von Sales, Sdfter den Ordens von
dm lleimsuchung Mariens, w., 375, 384.
Clemens et KuHN. — Ouvrages polémiques sur les rapports entre la
philosophie et la théologie, u, 89. — V. Rœss.
Cloqdkt. — Recueil d'indulgences, vi, 304.
CoRBLET. — De l'influence du protestantisme sur la philosophie, les
lellres et les arts, ii, 94.
Cou'.s&iNiER. — Le catéchisme en images, viii, 96.
CoNSACvi (le cardinal)."— Mémoires, ix, 587.
CowPER. — Syrias 3Iiscellanies, \\, 92, 101.
CozzA. — V. Toscani.
Craiî^son. — ManuaU tolius Juris co.onici, vi, 494 ; vu, 497 ; vin,
459.
Crampox. — Edition nouvelle de Cornélius à Lapide, \i, 90. — Les
quaire Evangiles, i\, 191, 285.
Cred.ner. — Getchiclhe der neulestamenllichen kanon, u, 91.
Crelier. — Le livre de Joh vengé des interprétations fausses et
impii^s de M. E. Renan, u, 380.
Cretineau-Joly. Mémoires du cardinal Consalvi, ix, 587.
Croczet. — Traduction du traité du Droit ecclésiastique dans ses
principes généraux par le D'' Philippe, ii, 95.
Crlice (Mgr). — Philosophwnvna sioe haresium omnium confulaiio;
opus Origeniadscriplum, m, 84, 94.
Daller. — De l'erreur considérée comme empéchemcntidirimont
du mariage, vin, 303'.
Dambergers. — Syncronisliche Geischiche der Kirehe und der Welt im
Alillelaier, etc., m, 84, 94. ^
3
— XXXIV —
Daniel (Mgr). — Cérémonial selon le rit romain, à l'usage du dio-
cèse de Coutances, iv, 579.
Dacko. — Historia revolutionis divinœ Y. T., vu, 509.
Darbins. — La vie et les œuvres de Marie Lataste, vu, 191, 490.
Darbas. — Histoire générale de l'Eglise, \i, 396.
Davin. — S. Grégoire VII, vu, 83.
Dechamps (le K. P.) — La question religieuse résolue par les faits,
11, 89. — Lettres théologiques, iv, 94, 102. — La question de
Louvain, v, 68, 69, 77. — Pie IX et les erreurs coutemporaines,
IX, 192. — Opuscules, ibid. ; viii, 479.
Dehaisnes. — De l'art chrétien en Flandre, ni, 90, 95. — Elude
sur le rétable d'Anchin, ibid.
Delaporte. —Vie du T.-R. P. J.-B. Rauzan, ii, 190. — La criti-
que et la tactique, viii, 300.
Delgairns. — La sainte Communion considérée au point de vue
philosophique, Ihéologique et pratique, viii, 300. — De la dé-
votion au Sacré-Cœur de Jésus, ibid.
Delitzsch. — Commentar ùher die Genesis, ii, 91. — Commenlar iib.
d':n Psalier^ m, 373, 384. — BandsckrifUichi Funde, v, 62, 74.
— V. Keil
Deschamps (l'abbé A.). — De la discipline boudhique, ses dévelop-
pements et ses légendes, v, 409.
Des Genettes (M. Dufriche). — Œuvres inédites, contenant ses
sermons, prônes, instructions, etc., m, 378, 384.
Des Modsseacx. — Les médiateurs et les moyens de la magie,
VHi, 293.
Destombes (l'abbé C-J.).— La iiadilion des églises de Cambrai et
d'Arras, iv, 386, 394.— La persécution religieuse en Angleterre,
sous Elisabeth, \n, 95, 389.
Denti.nger. — Das Reich GoUes'nach, dem Apostel Johannes, v, 411 ;
vni, 304.
DiLMANN. — Z,i6Ênyu6JiœorMm, II, 380.— Z?i6[(a V. T. JElhiopica, iv,
90, 99.
DiNHKEFF. — Revue théologique, vi, 601.
Dion. — De Sacratissimo Verbi divini incarnatione compendiumiy
X, 488.
DoEELiNGER. — Christeiilhum uni Kirche in der zeii der Grundlegung^
ni, 375, 382 ; vu, 190 ; ix, 191. — L'Eglise et les églises, v, 66,
75 ; vu, 190. — Discours à l'assemblée de Munich, ix, 185.
DûNEY (Mgr). — Lettre au sujet de l'enseignement de la philoso-
phie clans les collèges de l'Etat et de la liberté de conscience, ix,
192. — Thèses propugnandœ et qnœsliones solvendœ ad promerendum
et consequendum Baccalaurei in theologia gradum, x, 208.
DoRNER. — V. Lvbner.
— XXXV —
♦
DowE. — Revue de droit ecclésiastique, vr, 600.
Dressel. — Urelii Prudenti quœ cxsuinl carmina, il, 382.
MciLHÉ DE Saint-Projet. — Des études religieuses en France, v,
291.
DcPANLODP (Mgr). — Défense de la liberté de l'Eglise, iv, 95, 102.
— La charité chréiienne et ses œuvres, viii, 479.
EsTDis. — Commentaire sur saint Paul, vu, 191.
EwALD. — Gischichte des Volhes Isrnel, ii, 90. — Annales des
sciences bibliques, vi, 600.
Falise. — Manuel du diacre, du sous-diacre et du maître des cé-
rémonies ; manuel du .sacristain et du clcrc-chantre, v, 304. —
Reaoluliones et Décréta irnlhentica S. C. Indxilgcnliis sacrisque reliq.
prœpusilœ, etc., vi, 400. — Sacrorum riluum ruhricarumque Missa-
lis Brev arii et Uilualis Romani compendiosa elucidatw, vu. 96.
Fazzini et Palottim. — CoUeciio bipartifa omrmm conclusionum et ré-
^olulionuni, eic , u, 96.
FÉLIX (le R. P.). — M. Renan et sa Vie de Jésus, vni, 299.
Tessler. — Traités sur le procès canonique et #ur l'excommunica-
tion, u, 95.
Fisqdet. — La Fr-.nce pontificale, x, 208.
Floss. — De suspecta librorum Carolinorum a Jounne Tillo editorum
comme iitatio, iv, 386, 394.
Follioley. — Histoii'e de la littérature française au xvii» siècle, ix,
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Fribocrg (l'archevêque de). — nenkscrhift des Ërsbischofs, ii, 384.
Friedrich. — Die Lehre des Johann Uns, vui, 93. — Vie de Jean
Wessel, ibid.
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— XXXVI —
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Gelzer. — Feuille protestante, vi, 602.
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Gerlach, — Définition du droit canonique, vni, 303.
Gfr^erer. — Vie de Grégoire Vil, ii, 94 ; v, 66, 75.
GiLLY. — L'Ecclésiaste de Salomon, vui, 4C7. — L; Mère admira-
ble du Bouquet, ix, 488.
Ginzel. — Manuel du droit ecclésiastique en vigueur en Autriche,
vui, 301.
Glaire. — La sainte Bible selon la Vulgate, iv, 90, 99. — Princi-
pes de grammaire arabe, iv, 391, 394. — Introduction historique
et critique aux livres de l'Ancien el du Nouveau Testament, vi,
203.
Goschlet. — V. Wetzer.
Gousset (le cardinal). — Du droit de l'Eglise touchant la possession
des biens destinés au culte et la souveraineté temporelle du
Pape, VI, 197.
Grandclacdk. — ManuL^ de philosophie, viii, 300, 400, 602,; ix, 392.
Gratry. — La philosoph e du Credo, iv, 94, 102. — Les sources,
ou le premier et le dernier livre de la science du devoir, v, 600.
— Commentaire sur l'Evangile selon saint Matthieu, vui, 96. —
Les sophistes et 1 1 critique, ix, 390.
Gr^ne. — Tetzel und Luther, m, 85, 94.
Gcericke. — V. Rudelhach.
Gdérin. — Edition nouvelle des œuvres de Bossuet, Bourdaloue,
S. Augustin, Pétau.
Gdizot. — L'Eglise et la société chrétienne en 1861, v, 66, 75.
Gdmpach. — Der Prophet Bahakak, etc., ni, 81, 94.
GuRY. — Compendium Iheologiœ moralis, viii, 479 ; Casus coAncientiœ,
VIII, 602 ; IX, 90.
Haas. — Histoire des Papes, ii, 93.
Habeut (Isaac). — Theologiœ grœcorum Patnnn vindiclœ circa univer-
sam materiam gratiœ libri 1res, vu, 191, 508.
HiEFLER. — Les conciles de Prague avant la période-hussite, viii, 94.
Hahn. — Commentar Uber das Predigerbuch Salomo's, m, 81, 94.
— XXXVII —
Haine.— De la cour romaine sous le pontificat de N. S. P. le Pape
Pic IX, m, 376, 384.
Hâhon. — Notre-Dame de France. Histoire du culte de la sainte
Vierge en France, etc., m, 376, 384, 473.
Hanicq. — Editions liturgiques, ix, 480.
Hacsher. — Paschase Radbcrt, viii, 93.
Hautcœur. — Institutions académiques, vi, 203.
Héfélé. — Histoire des conciles, u, 94 ; vu, 190 ; vin, 92. — V.
Kuhn.
Heidenkeim. — Deutsche VierteJjrahrsschrift, etc., vi,599.
Heinrich. — Trad. de la Vie d'Holzauaer, vui, 95.
Heugstesberg. — Das Evangelium des heiligen Johannes erlœutert, jv,
90, 99. Journal évangélique, vi, 602.
Herdt — Cérémonial à l'usage des Sacristains, Chantres, ;)rga-
nistes, etc., iv, 581. — Compendiosa suhliaconorum et diaconorum
inslruclio, etc., viii, 400.
HiLGENFELD. — Rcvue de théologie scientifique, vi, 599.
HiLLEN. — démentis Alexandrini de S. Eucharislia doctrina, v, 412 ;
vi'i, 90.
HiMPEL. — V. Kuhn.
H PLF.R (D^ Franz). — Dionys der Aeropagite, iv, 93, 101.
H^LEMAN, — Bibelsiudien, ni, 373, 384.
HoFMANN. — Zeitschfrift fiir Prolestanlismus und Kirchey vi, 601.
HoLLENBERG. — Joum^l allemand, vi, 599.
HcBER. — Joannes Sco'vs Erigena, iv, 387, 394.
HuLSKAMP. — Lilerarmhn Bandweiser, v, 411 ; vi, 492 ; vin, 603.
HUNDESHAGEN. — V. NitZSCh.
HcPFELD. — Die Psalmen uherselz und ausgelegt, u, 90.
Hdssey. — Sozomeni Ecclesiaslica Bistoria, ii, 382.
Jager. — Histoire de l'Eglise de France, vi, 203, 482.
Jazdzewskï. — Zeno Veronensis episcopus, v, 412. — Commentalio
palrologica, vin, 90.
JoovE. — Du mouvement liturgique en France, durant le xix»
siècle, i 287; n, 191.
KiELHEB- - Commentaire sur Aggée, n, 381.
Kamphausen. — Das Lied Moses Deul., v, 413.
Kardec (Allan). — Revue spirite ; revue spiritualiste, v, 410.
Kaclen (Franz). — Légende du Bienheureux Hermann Joseph, va,
91. — Commentaire sur Jonas*, vu, 511.
Kril. — BiUischen Commenlar ùber Aile Testament, y, 63, 74.
Kerker. — Biographie de Fischer, n, 94.
Kerschbaumer. — Pastorale vin, 303.
— XXXVIII —
Ketteler. — Freiheit, Autoriiœl uml Ki'che, v, 412, 512, 587.
KiEPERT, — Carte de la Palestine, ii, 381.
Klei^heij. — S.Greyorii, Efiscopi iSysseni, doctrinadeAngehs, ii. 382.
Klectgen. — Die (heologie der Vorzeit vertheidigt, m, 87, 95. —
Théologie und Philosophie der Vorzeit^ vi, 109.
Kl'efort. — V. Dinkhoff.
Klofdtar. — C.'nimentarium in Ecangelium S. JohanniSf vu. 512.
Klopp (Onno). — Tilly im dreissigyahrigen Kriege, v, 67, 75.
K.NOBEL. — Die Genesis erklœft, ii, 91. — Kurgefass'es exi^gelisches
Hmdbruch zum Âllem Testament, etc., iv, 91, 100; v, 63, 74.
KoBEL. — V. Kuhn.
KoBtR. — Traité des suspenses, V!ii, 303.
KoRtM. — De Deo une. vi , 399.
Krause. — Journal ecclésiastique protestant, vi. 603.
Kuhn. — Revue de Tubingue vi, 108. — Dogmatique, vu, 191.
Labi^. — Ecclesiœ catholicœ demonstralio, x, 495.
Lâchât. — Edition nouville des œuvres de Bossuet, v. 597. —
Œuvres inédiles de Bossuet, vu, SO.
L^MMER. — Analecla Romana. m. 376, 383. — onumenta yalic(^-
na. IV, 104.; v, 67, 76. — Eusebii Pamphili Bisloriœ Ecdesiaslicœ
libri d'cem, vui, 90. — Spicilegium Romanum. viii, 94. — Miseri-
cordias Domini, ix. 191. — Scriplorum Grœciœ onhodoeœ Bibliolhe-
ca selecla, ibid.
Laforêt — Pourquoi l'on ne croit pas, ix, 191.
Lagaroe (de). — Titi Boslreni conira Manirhœos libri IV syriace, n,
92. — Lihn Veteris Tesiamenli npocriphi syriace, iv, 91, 99.
Laloux. — Tracintus de Aclibus humanis, v, 409.
LaMenn.ms (J.-M. el F.). — Lettres inédites adressées à Mgr
Brute, v, 410.
Làmy. — Examen de la Vie de Jésus de M. E. Renan, ix, 191. —
L'Evangile et la critique, ix, 390.
Landf.rer. — V. Liebner.
Lanoen. — Die Deulerokm. Strûcke des Busches Esther, v, 411.
Lantages (de). — Vie de la vénérable Mère Agnès de Jésus, vui,
480, 584.
Latoo. — Vie de saint Saturnin, ix, 384. — V. Passama.
Lr. Brethon. — Petiie Somme théo'ogique, vi, 594.
Legcest. — Etudes sur la formation des racines sémitiques, v, 285.
LÉONARD DE Purt-Macrice (le B ) — OKuvies complètes, pré'^édées
de sa vie, par le R. P. Salvator d'Orméa, iv, 96, 103.
Le?ids. — De Perfedionibvs monb".sque divinis, iv, 94, 104. — OpuS'
culum asceticum de L. nominibus Dei, vi, 495.
— XXXIX —
Le VASfiiECR. — Cérémonial à l'usage des petites églises de pa-
roisse, 111, 80, 95; IX, 391.
LiAGRE. — Interpretalio epistolœ catholicœ S. Jacobi, u, 380.
LiBE«ATORE. — Instilutioncs philosophicœ, v, 494.
LiEBNER. — Annales de la théologie allemande, \i, 599.
LiGuoai(S. Alph. de). —Œuvres traduites par le P. Dujardin, iv,
97, 103.
LiNAS (de). — Anciens vêtements sacerdotaux et anciens tissus con-
servés en France, vi, 194.
LoEER.CHEiNER. — Des bleus ecclésiastiques en Autriche, viii, 302,
Loch. — Novum Testamenium. Textum grœtum ex cod. Valicann, lat.
ex Vulgatœ exemplaribus Romanis correctuin, \, 63, 74.
Mabile. — Inst. pastoralis et deer.Versaliensis fpiscopi, ix, 385.
Macaire. — La théologe dogmatique orthodoxe, ii, 90.
Magnan. — Histoire d'Urbain V et de son siècle, vi, 495 ; \ii, 88
Maier. — Comm. iiber d. Brie fan d. Bœmer, iv, 893,
Maldonat, — Commentaire sur les Evangiles, v;i, 191.
Malet. — La paro sse d'après les saints canons, x, 104.
iMalou (Mgr). — De bono Pauperlatis, ix, 585.
.Manning. — La confession, ix, 585.
Marschall. — Christian Missions, vi, 496; ix, 5, 391.
ftlARTiN (l'abbé). — S. Jean Chrysostôme, ses œuvres et son siècle
ni, 376, 384. — Vie de M. l'abbé Gorini, vin, 480.
Martin (!)■■ Conrad.). — Commentaire de Maldonat sur les Evan-
giles, vn, 512. — Théophilus, vm, 303.
Mathieu (le cardinal). — Le Pouvoir temporel des Papes justifié
par l'histoire, via, 96.
Matignon (le P.). — Les morts et les vivants ; la question du sur-
naturel, la foi et la liberté de l'esprit humain, etc., v, 410:
viii, 400 ; IX, 390.
Madrel. — Guide pratique de la liturgie romaine, x, 104. — Le
chrct'cn éclairé sur la nature et Tusage de> indulgences, ibvi.
Maynard. — Saint Vincent de Paul, sa vie, son temps, etc., ii,383.
Meignan. — M. Renan et le Cantique des cantiques, n, 380.
Menaclt (le P. dom). — Vie de saint Guilhera de Gelloné, i, 479.
Messnen. — Nouveau journal évangélique, vi, 602.
MEYtR. — Krisiich-exeyelischer Komm. nb. das N.-T , iv, 384, 392.
Mkhehs. — Die Philosophie Plalons, etc., ni, 380, 384.
MiGNE. — Pairologie grecque, ii, 92. — Diclionnaire des preuves
de la divinité de Jésus-Christ, vin, 579. — Patrologie, x, 304.
.VioNTALEMBERT (comic de). — Lcs moines d'Occident, ii, §83. —
Lacordaire, v, 410.
— XL —
MoNTuoNo (Maxime (la). — Fleurs de !a vie monastiqae, ii, 383.
MoRONÏ. — Dizionario di erudizionn, v, 76.
MocLART. — Des sépultures et des cimetières, vi, 202.
Mot de Sons. — Archives du droit C'^clésiaslique, ii, 95 ; vi, 109.
McHLBANER. — Décrcts de la Sacrée Congrégation des Rites, v,
412 ; Mil, 304.
?îitLLER. — V. Niizsh.
Narih. — Scrilti a ihffsa délia Sanla Sede, vi, 201.
NEur.ART. — Episcopalus Constenliensis Alemmanicus suh métropolt
Moçjunlina, vi, 202.
NÈVE. — L'Eglise d'Orient et son histoire, ui, 86, 94.
Newmann. — Commentaire sur Zacharie, u, 381.
Nicolas. — La vierge Marie vivant dans l'Eglise, n, 89. — La di-
vinité de J.-C, IX, 191.
NiEDNER. — Revue de théologie historique, vi, 600.
NiTzscH — TheiAoç/ische Sludten inid Kriliken, vi, 598.
NoLTE. — Magistii ac Donhni Florentd Radewigas, iraclaius dévolus
de exslirpaiione vilinrum, etc., v, 412.
OsiHiNGER. — Di' EinhilsUhr'- d-r gaUlicher Trinitœt, etc., vu, 507.
Orsi (le cardinal). Histoire ecclésiastique, n, 93
Paillard. — Truduclionde la Confession, par H -E Manuing, x, 491.
Palmé. — Nouvelle édition des Acta Sauciorum, x, 496,
Pal'.:er. — V. Liebner.
Palottini. — V. Fazzini.
Pas.-aglia. — Histoire des Papes, u, 93.
Passama et Latod. — Bibliothèque catholique de Toulouse, vi, 304.
pATRizi. — Commenlarius in S. Marcum, v, 410.
Payne Smith. — Traduction anglaise de l'ouvrage de Jean d'Ephèse,
11, 382.
Pelletier. — Des chapitres calhédraux en France, devant l'Eglise
et devant l'Etat, x, 104.
Peltier. — Lettre- au P. Dechamps et pièces relatives à la ques-
tion du Traditionalisme, vu, 190. .— Edition des œuvres de S.
Bonaveiiture, x, 207, 397.
Penon. — Hymnus Angelicus, ix, 585.
PÉRiN. — Do la r.chessft dans les sociétés chrétiennes, v, 72, 78.
Permanedf-r. — .Manuel de dro;t canonique, viii, 302.
Perrone. — Vopera di Din...; Vopera deW nomo..., m, 480. —
Traduction française de ^a théologie, v, 195. — Traités de con-
troverse, VI, 496. — l'apostolat catholique et le prosélytisme
protestant, vu, 299. — De Malrimonio chrisiianOy ix, 80.
— XLI —
pETAU. — Opus de theologicis dogmalhus, x, 98.
Philip. — Dict. de Ihéologie moral , iv, 503.
Philips. — Traité de droit canoniqas, ii, 95; vin, 301.
PiCHLER. — Gesch des Protfstanl. in rfer oriental. Kirche, v, 412.
Pie )Mgr). — Instiuction synodale sur les principales erreurs du
temps présent, x, 208, 301.
PiERRET. — .Manuel d'archéologie pratique, x, 573.
pLÀNTiER (Mgr). — [nstruction pa>!torale contre un ouvrage inti-
tulé : Vie de Jésus, vm, 299 — La vraie Vie de Jésus, ix, 190.
PoHLMANN. — S. Ephrœmi Syri comment, in S. S. etc , viu, 90.
Prat (le P ). — Histoire de Ribadeneyra, v, 409.
Prinzivalli. — Resoluiione!< seu d'creta aulhenlica S. C Iniulgentiis
sacrisque Reliquiis prœpositœ , etc , v, 411.
Pruddntids Maranus. — Divinitas D. N. J.-C., i, 176.
Qdatrbfages. — Unité de l'espèce humaine, v, 72, 78.
QoATREMrRE. — Mélangps d'histoire et de philologie orientale, etc.,
IV, 98, 100.
Ramiers (le P.) — L'Eglise et la civilisation moderne, v, 73, 78.
— De l'unité dans l'enseignement philosophique, v, 397,
Uaumeb. — PalcBstina, u, 381.
Reinke. — Die messinnischfn Weiissagungen bei den grossen und Klei-
nen Prophetcn des A. T. Etieitung — Die messïanischen Wfissagun-
gen hnia Prophelen lesaia, m, 92, 93, v, 411 ; vu, 510.
Reit.-chl. — S. Pairis nostri CyrilU Ilierosolymorum archiepiscopi
oieraquœ supersuni omnia, v, 92.
Renan. — Le CantM]ue des cantiques, traduit de l'hébreu avec une
élude sur le plan, l'âge et le caracière du poème, u, 91.
RedïCh. — Préci' d'mlroduclion à l'ancien Testament, i, 281 — Bible
et nature, vu, 510.
Reuseos. Syntagma doclrinœ Alexandri VI. vi, 202.
RiANCEY (H. et C. de). — Histoire du monde, x, 495.
RiTTER. — ^Manueld'hietoire ecclésiastique, viii, 91.
Rœs-. — Le catholique, vi, 108.
RoHRHAHER. — Traduclion allemande de son histoire ecclésiasti-
que. 11, 93 ; X, 571.
Rondelet. — Mémoires d'un homme du monde, v, 599.
RosKOVANY. — Cœlibatus et llreviarium, v, 71, 77.
Rossh;rt. — Manuaie latinitatis juris canonici, vi, 496 ; vm, 303
Rua. — Cours de conférences sur la religion, x, 100.
RuDLBACH et GcERicKE. — Revuc de théologie luthérienne, vi, 600.
RcMP. — V. Bulskamp.
Rdndschau.— Kamp und Wachslum der Kirche in usern Tagen, v, 503.
— XLn —
Sacy (Silvestre de). — Mélange? de litléralure orientale, pré-
cédés de l'éloge de l'autenr, par 31. le duc de Broglie, m, 380,
381.
Sagette — L'Eucharistie. Méditations pour chaque jour de l'année,
d'après le R. P. Marchault, vr, 96.
Sailer. — Thé.ologie pastorale, ii, 96, 280.
Sa nt-Albin (A. de). — Les Francs-Maçons et les Sociétés secrètes ,
Y, 599.
Saint-Bonnet (M. Blanc). — L'infaillibilité, iv, 94, 102.
Samson. — Le Guide de la parfaite religieuse", vu, 96.
Sanseverino. Philosophia chr.sliana cum anliqua et nova comparala.
vin, 458.
ScBJîZLER (D'' C. Voi>). — Die Lehre von der WirUs'ikmeit dr .acra-
menie, etc., ii, 89.
Sharpff. — Nicolas de Cusa, vir, 93.
ScHEEBEN. — Nalur uni Gnade, iv, 94, 101. — Quid est ho lO sive.
de slalu naturœ purœ, auclore Cav.nio, vi, 202 ; vu, 508.
ScHEGG. — Die hdligen Evangelien iibersetz und eck'œrt, \n, 82, 92 ;
VII, 512.
ScHENKEL. — Revue ecclésiastique universelle, vi, 602.
ScuENZL. — V. Hofmann.
ScHMiD (D^ A.). — U Eglise et la Bibk^ vu, 509. — Wissenchafiliche
Richtnngen avf dem Gebiete, vu, 506. — V. Hofmann.
ScnxEiDER. — Manuale sacerdomm, vj. 400 ; viii, 587.
ScHOLz — Handbuch den Théologie des AHen Bunden in Lichte des
w'ien, IV, 385. — Théologie de l'Ancien Te.^'.ament, vu. JS12.
ScBOCPPE. — Théologie, v, 409. — Elementa ih ologica, vi, 104.
ScHRAiiER. — Thèses tiieologiœ, v, 289; v;u, 300. — De Unitaie ro-
mana, vu, 5U8.
ScHDLTE. — Traités de droit canonique, u,95. — IdirÈcc/i.vui, 302.
ScHUSTEiï. — /ianuel d'histoire bihlique vn, 510.
ScHWANE. — De Controversis de valore baplismi hœrelicorum intsr S.
Slephanud^ fapam et S. Cypriamm, n, 90. — Dogmengeschichte der
vornicœuischeu ZAt, v, 411. — Histoire des dogmes avant le con-
cile de Nicée, vri, 91.
Segretain. — Six e-Quintet Henri IV, lu, 377, 384.
SÉGUR (Mgr de). — Le Souverain-i oiitife, ViU, 96. — La piété et la
vie intérieure, ix, 587.
Sepp. — Das Leben Jesu Christi, ai, 82, 92 ; v, 64, 74. — Vie de
N. S. J -C, traduite de l'allemand par Charles de Sainle-Foi,
ibid.
SÉRAPHIN (le P.). — Grandeurs et apostolat de Marie, ou la cité
mystique de la V. Mère Marie d'Agreda, in, 88, 94 ; iv, 584.
— XLIII —
Skat Bordam. — Libri Judicum et Ruth, ii, 386 ; v, 63, 74.
SoFFNER. — Dogmathrhf Begrûnâmifi der KirchUchen Lehre vnn 06
Betlandlheden des Menschen, iv, 388, 394.
SouoHET. — Les vo {;■-. du cimetière ou le jurgaloire, vi, 400.
MERKc> (le cardinal). — La conslilulion belge ei l'encyclique de
Grégoire XVI, ix, 392.
Stier. — Dir. Rrdan der Apostel, etc., m, 82, 94. — Die Reden der
Engii in heiliyer Schrif(. etc., ibid.
St^ckl. — Dar Opfn nach seinem Wesen, etc., iv, 388, 394
ST.a;nLiN. — Specielle Eninl. in die Kaa. Bûcher des .1. T., v, 412.
Strack. — Allgensi'ine Kirthenzfilnng, vi, 603.
Stremler. — Traité des peines ecclésiastiques, de l'Appel et de-
Congrégations romaines, ii, 384.
Tanner. — Etber das Katolische Tradition, vu, 509.
Tarqtiini. — Jiiris ecdesiasiici publiciinslilutiones, vu, 296.
Tesson. — Le chant du dernier jour, vui, 586.
Thalofer. — Ernlœrung der Psalm ns, etc.. )ii, 82, 93.
ÏHEiNER. — Continuation des Annales de Bironius, ix, 388 ; x,
285.
Thérèse (5te). ~ Lettres traduites par le P. Marcel Bo'ux, iv, 97,
103, 276.
Thibaudier. — Du principe vital et d'une réponse de Pie IX, Vii,
196.
Th' MAS. — V. Peteau. ^
Th'imassin. — Dogmati'-a T/ieo/ogîVa, x, 493. — L^ancienne et la
nouvelle di,scipline de l'Eglise, ibid.
TiLLOY. — Les Schismaliques démasqués, v, 190.
Tischendorf. — T. Y. grœcejuxia LXX interprètes, lu, 82. — No-
lilia edilionis codicis bibliorum Sinaitici auspicii imperatoris Alexan-
dri II susceplœ., m, 83, 92, 475.
TizzANi. — La célèbre Conteza ffa S Ste^yhano e S. Cypriann, vi, 201.
ToscANi et CozzA. — De Immaculaia Deiparœ Conccptione hymnologia
grœcorum, vi, 202.
TuRENNics. — Vie abrégée de ')igr Vincent-Marie Slrambi, vii', 480.
Ulmann. — V. Nilzsch.
Valadier. — Tractalus de vera Ecdesia. v, 589.
Valroger (H. d ) — Introduction historique et critique aux livres
du N. T., pur l\eitbmayer,.Hug, Tholuc, etc., m, 283.
Van der Burch. — Brevis elucidaiio tottus missœ, x, 576.
Van Gambren. — De Oratoriis publias atque privatis canonica disputa
lio, IV, 389, 395 ; v, 80.
— XLIV —
Vebcello.ne. — Var.œ leciiones V-lgaiœ latinœ Bibliorum editionis, i,
ne ; 11, 90 ; V. 410, — BMia sacra Yuhjalœ edilionis, v, 62.
Vec llot (Louis). — Vie de N. S. J.-C, ix, 587.
ViLLECoDRT (le cardioal). — Vie et institut de ^-t Alphonse de Li-
guori, X, 495.
ViLLERMONT (de). — Tilly ou la Guerre de trente ans, ii, 94.
VivTS. — Edition de *uarez, Dora Cei;lier, Cornélius à Lapid£,
Bossuet, V, 78 ; de Grenade, de .«ainl Fraîiço s de Sale», Ribade-
neyra, v, 578 ; de l'etau, Thomassin, Ritîenstucl, vin, 300.
VoGT. — Législation diocésaine de Roltenburh, viii, 303.
VoLH. — Vies de saint François de Sales, de sainte Jeanne de
Chantai, et des [.remières Sœurs de la Visitation, viu, 95.
VoN .Ml'ralt. Nomm Teslamentum (jrœce stcundum codicem principem
Valicanum, ii, 379.
VosEN. — Rudimenia linguœ hehraice, m, 84, 93; vi, 9i. — Das
ChrisleiUlmm uad die Einsprûche seiner GetjMr, iv, 389, 394.
Wallon. — Jeanne d'Arc, i, 94. — La Vie de Jésus et son nouvel
historien, ix, .')87.
Walter. — Fontis Juris ecdesiastici, w, 396 ; v, 71, 77. — Manuel
de droit canonique, viu, 302.
Werneb. — Geschisle der apologelischen und polcmischen Liiteralur
der Chrisllichen Théologie, v, 69, 79, viii, 91.
Wertermayer. — Dds aile Testament und seine Bedeutung, darges tell
mit Ru':ksi(la aufdie Behawpiungen des modernen Uaglauben^iUy 84.
93.
Wetzel. — Dictionnaire encyclopédique delà théologie catholique,
traduit par l'abbé Goschler, n, 87.
Wœrter. — Dif Ciirisiliche Lehre ïiber das Verhaltniss von Gnade
und Frcilieit, etc., m, 378, 384 ; vu, 507.
Weiz^eker. — V. Liehur.
WiNKLER. — Manuel du droit canonique, vsii, 302.
WoLFK. — Das Buch Jadiih, etc., v, 65, 74.
Zamboni. — Co'leclio DecUrationum S. C. Cardinalium S. Concilii
Tridentini interprelum, n, 95 ; iv, 508.
ZiMMERMANN. — TkeAogisches Litteralurblatt, vi, 603.
ZwiCHY. — De Dec creatore^ vu, 398.
Aiuieus. — Imp. A. DOUILLET et C% rue du Logis-du-Roi, 13.
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