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Full text of "Revue des sciences ecclésiastiques"

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REVUE 


LES 


SCIENCES  ECCLÉSIASTIQUES 


IMPRIMATUR  : 

Atrebaii,  die  20  Janiiaiii  iSG'i, 

L.-Li.^  "Y ,  Episc.   Atrebutensis ,  Bolonien. 
et  Audomaren. 


REVUE 


DES 


SCIENCES  ECCLESIASTIQUES 


DIRIGEE 


PAR  M.  L'ABBÉ  D.  BOUIX. 


rvso 


RKCUKIL.     AIEIVSVRL, 


Paraissant  avec  l'autorisalion  de  Mgr  Partsis,  cvêque  d'Arras. 


Ubi  Petrus,  ibi  Ecclèaia.  (St^Ambroise. 


Tome  IX.  —  1"  ©eoiestre  l^G^. 


ARHAS : 

imwm  ROlJSSEAlJ-LEliOÏ,  ÉLlTEUa, 
(kuiîeaux  le  la  revue) 

riie'^it-Maiirir.ri,  2'< 


PARIS  • 
CHEZ  MM.  GimiC  FliÈi\îS  tî  DUPKEY, 

LIBRAIRES  -ÉDITFAIHS, 
lue  Cssseltû,  i. 


1864 


QUESTION  DE  DROIT  CANONIQUE. 


L'ordination  des  prêtres,  dans  laquelle  des  parties  ont  été 
omises,  doit-elle  être  réitérée  en  entier,  ou  bien  suffit-il  de 
suppléer  ce  gui  a  été  omis  ? 

I. 

Rappelons  avant  tout  les  trois  diverses  opinions  des  théo- 
logiens sur  la  matière  sacramentelle  poui'  l'ordre  de  la  prê- 
trise. 

La  première  opinion^  qui  paraît  être  celle  de  saint 
Thomas  (1) ,  la  faitconsister  dans  \a.porrectiondes  instruments, 
c'est-à-dire  du  calice  avec  du  vin,  surmonté  de  la  patène 
avec  une  hostie.  Voici  les  paroles  du  Docteur  angélique  : 
«  Materia  hujus  sacramenti  est  illud  materiale,  per  cujus 
traditionem  conferturordo.  Quilibetordo  traditur  per  colla- 
lionem  illius  rei  quœpraecipue  pertinetad  ministerium  illius 
ordinis.  »  (Opusc.  5,  deSacram.  Eccles.) —  «Quia  principalis 
actus  sacerdotis  est  consecrare  corpus  et  sanguinem  Chri- 
sti,  ideo  in  ipsa  datione  calicis  sub  forma  verborum  determi- 
nata  character  sacerdotalis  imprimitur.  »  {In  supplemento 
partis  3;  quœst.  37,  art.  5.) 

La  seconde  opinion,  à  laquelle  se  sont  rattachés  un  grand 

(I)  Les  défenseurs  de  la  3e  opinion,  qui  fait  consister  la  matière  sacra- 
mentelle tout  à  la  fois  dans  la  porrection  des  instruments  et  dans  l'im- 
position des  mains,  ne  laissent  pas  d'interpréter  aussi  saint  Thomas  dans 
leur  sens.  (Voir  Theologia  Wirceburgensium,  tome  5,  p.  37C,  édition 
de  Paris,  1854.) 


6  QUESTION 

nombre  d'érudits,  n'admet,  comme  matière  essentielle  à  la 
validité,  que  f  imposition  des  mains.  La  porrection  des  ins- 
truments n'est  à  leurs  yeux  qu'une  partie  intégrante,  insti- 
tuée par  l'Église  comme  symbole  plus  expressif  du  pouvoir 
conféré  au  prêtre.  Ils  apportent  en  preuve  ces  deux  faits, 
qu'ils  croient  péremptoires  :  l"  pendant  les  neuf  premiers 
siècles  de  l'Église,  les  ordres  sacrés  ont  été  conférés  par  la 
seule  imposition  des  mains.  Il  n'est  fait  mention  de  la  por- 
rection des  instruments  ni  dans  les  saintes  Écritures,  ni 
dans  les  écrits  des  Pères,  ni  dans  les  anciens  Rituels,  ni 
même  dans  les  anciens  auteurs  qui  ont  traité  ex  professa  des 
formes  rituelles  à  suivre  dans  la  collation  des  ordres  sacrés, 
comme  Amalaire,  Fortunat,  Raban  Maur  et  Walafrid  Stra- 
bon.  2°  L'Église  grecque  n'a  jamais  fait  usage  que  de  l'im- 
position des  mains.  On  peut  s'en  convaincre  par  YEucologe 
des  Grecs  et  par  l'ouvrage  d'Arcudius.  {Concord.  lib.  6,  c. 
2.)  Néanmoins,  l'Église  romaine  n'ajamais  mis  en  question 
la  validité  de  ces  ordinations.  Telle  est,  en  sul^stance,  l'ar- 
gumentation qui  sert  d'appui  à  ce  sentiment. 

La  troisième  opinion  part  de  ce  principe  que  Jésus-Christ 
n'a  pas  voulu  déterminer  complètement  par  lui-même  cette 
matière  sacramentelle,  mais  en  a  laissé  la  détermination  à 
son  Église,  et  s'est  contenté  d'attacher  l'effet  du  sacrement 
au  rit  que  l'Église  prescrirait  comme  nécessaire.  La  consé- 
quence de  ce  principe  est  que  la  seule  imposition  des  mains 
peut  suffire  chez  les  Grecs,  et  a  pu  suffire  pendant  des 
siècles  en  Occident,  parce  que  l'Église  n'aurait  pas  prescrit 
davantage  ;  mais  qu'aujourd'hui,  dans  l'Église  latine,  la 
porrection  des  instruments  et  l'imposition  des  mains  peu- 
vent se  trouver  toutes  deux  nécessaires  à  la  validité,  si 
l'Église  a  prescrit  les  deux  cérémonies  comme  conditions 
nécessaires  pom'  la  réception  du  sacrement.  Les  défenseurs 
de  cette  troisième  opinion  ajoutent  que,  de  fait^  l'Église  a, 
depuis  plusieui'S  siècles,  rendu  nécessaire  la  porrection  des 


DE   DROIT    CANONIQUE.  7 

instruments  aussi  bien  que  l'imposition  des  mains,  en  lais- 
sant toutefois  en  dehors  de  cette  mesure  les  Églises  du  rit 
grec.  Ils  en  donnent  pour  preuve  le  paragraple  15  du  décret 
du  Concile  de  Florence  pour  V instruction  des  Arméniens^  où  il 
est  dit  :  Sextvni  sacraînenfum  est  ordinis,  cujus  materia  est 
illud,  per  cujus  iraditionemconferiur  ordo;  sicut  presbyteratus 
traditur  per  caliciscum  vinoy  et  patenœ  cum pane porrectionem. 
Us  invoquent  aussi  le  texte  du  Ponii/îcal.  Gomme  on  le  voit, 
cette  troisième  opinion  concilie  jusqu'à  un  certain  point  les 
deux  précédentes. 

Inutile  d'ajouter  que  la  même  divergence  d'opinions  existe 
par  rapport  à  la  forme  sacramentelle  requise  pour  la  validité. 
Ceux  qui  assignent  pour  matière  la  porrection  des  instru- 
ments font  consister  la  forme  dans  les  paroles  prononcées 
par  l'évêque  au  moment  où  il  met  ces  instruments  aux 
mains  de  l'ordinand.  Au  contraire,  dans  l'opinion  qui  assi- 
gne pour  matière  l'imposition  des  mains,  la  forme  consiste 
dans  les  paroles  de  l'évêque  qui  accompagnent  cette  céré- 
monie. Remarquons  ici  en  passant  qu'il  y  a  pour  l'ordina- 
tion du  prêtre  trois  impositions  des  mains  :  l'une  après  les 
litanies,  et  celle-là  n'est  point  accompagnée  de  paroles  ;  la 
seconde  immédiatement  après  la  précédente,  avec  la  prière 
par  laquelle  l'évêque  implore  pour  l'ordinand  les  dons  du 
Saint-Esprit  ;  la  troisième  après  la  communion,  avec  la  for- 
mule Accipe  Spiriium  6a«c/t«w, etc.  Enfin,  ceux  qui  assignent 
pour  matière  adéquate  la  porrection  des  instruments  et  l'im- 
position des  mains,  font  consister  la  forme  requise  dans  les 
paroles  qui  accompagnent  tant  la  première  que  la  seconde 
cérémonie. 

Telle  est  la  controverse  des  théologiens.  L'Église  ne  l'a 
pas  encore  dirimée.  Aucune  de  ces  opinions  n'a  été  déclarée 
la  véritable  ;  aucune  n'a  été  condamnée.  lien  résulte  que  la  va- 
lidité de  l'ordination  du  prêtre  est  rendue  au  moins  douteuse 
par  l'omission  de  l'une  des  huit  cérémonies  suivantes  :  1°  la 


8  QUESTION 

première  Imposition  des  mains  ;  2»  la  seconde  imposition 
des  mains  ;  3 Ma  prière  qui  accompagne  cette  seconde  im- 
position ;  Zi"  l'onction  des  mains  (car  il  y  a  aussi  des  théo- 
logiens qui  la  tiennent  pour  nécessaire  à  la  validité)  ;  5°  la 
porrection  du  calice  (contenant  du  vin  et  de  l'eau) ,  ainsi  que 
de  la  patène  (avec  une  hostie  superposée) ,  en  sorte  que 
l'ordinand  les  touche  physiquement  de  ses  mains  ;  6"  la 
formule  qui  accompagne  cette  cérémonie  ;  7°  la  troisième 
imposition  des  mains  ;  8°  la  formule  Accipe  Spirition,  etc., 

qui  l'accompagne. 

II. 

Lors  même  qu'une  partie  omise  n'entraînerait  que  pro- 
bablement la  nullité  de  l'ordination,  elle  doit  être  suppléée. 
C'est  là  une  règle  certaine,  admise  d'un  commun  accord  par 
les  docteurs.  Ils  se  fondent  sur  ce  principe,  qu'en  ce  qui 
concerne  la  validité  des  sacrements,  on  est  tenu  de  suivre 
l'opinion  la  plus  sûre,  quand  même  elle  serait  moins  probable. 
((  Pour  le  baptême,  le  sacerdoce  et  l'épiscopat  (dit  le  car- 
dinal de  Lugo) ,  il  n'est  pas  permis  de  suivre  des  opinions 
probables  par  rapport  à  la  validité:  la  raison  en  est  l'impor- 
tance extrême  d'assurer  cette  validité.  On  doit  donc  s'en 
tenir  aux  opinions  les  plus  sûres,  quand  même  elles  seraient 
moins  probables.  Il  résulterait  les  plus  graves  inconvénients, 
par  cela  seul  qu'on  pourrait  élever  un  doute  prudent  sur  la 
valeur  des  sacrements  en  question,  et  qu'il  y  aurait  une 
opinion  probable  concluant  à  leur  nullité.  »  {Resp.  moral. 
1.  I.  dub.  33,  n.  2.)  La  même  règle  est  appuyée  par  deux 
textes  de  di'oit  canonique  :  la  décrétale  Pastoralis  et  la  dé- 
crétale  Presbyter,  titre  de  Sacramentis  non  iterandis.  Elle  se 
déduit  en  outre  de  la  première  des  propositions  condamnées 
par  Innocent  XI,  le  2  mars  1679  :  ISon  est  illicitvm  in  sacra- 
mentis conferendis  sequi  opinionem  probabilem  de  vnlore  sacra- 
menti,  relicta  tiitiore,nisiid  veiet  lex,  conventio,  aiit  pericvlvm. 
gravis  damni  incurrendi. 


DE    DROIT    CANONIQUE.  9 

Reste  la  question,  s'il  suffit  de  suppléer  les  parties  omises, 
ou  s'il  est  nécessaire  de  réitérer  intégralement  l'ordination 
sub  condittone.  Vav  exemple,  lorsqu'une  indisposition  a  forcé 
l'évêque  de  laisser  l'ordination  inachevée,  cette  ordination 
doit-elle  être  reprise  seulement  à  l'endroit  où  elle  avait  été 
interrompue,  ou  bien  faut-il  recommencer  toute  l'ordination, 
et  réitérer,  par  conséquent,  celles  des  huit  parties  énoncées 
ci-dessus ,  qui  avaient  été  régulièrement  accomplies  ?  Par 
exemple  encore,  lorsque,  dans  une  ordination  non  inter- 
rompue, on  constate  que  quelqu'une  des  huit  parties  sus- 
dites a  été  omise  pour  l'un  des  ordinands,  faut-il  pour  cet 
ordinand  recommencer  toute  l'ordination  sm6  conditioner  ou 
bien  suffit-il  de  suppléer  la  partie  omise?  C'est  la  difficulté 
que  nous  nous  sommes  proposé  d'éclaircir. 

III. 

Les  anciens  canonistes,  en  assez  grand  nombre,  ont  pensé 
qu'il  fallait  seulement  suppléer  la  partie  omise,  sans  réitérer 
intégralement  l'ordination.  Une  décrétale  d'Innocent  III  et 
une  autre  de  Grégoire  IX,  paraissaient  autoriser  ce  sen- 
timent. 

La  décrétale  Pastoralis  d'Innocent  III  est  ainsi  conçue  : 
«  Vous  nous  avez  consulté  pour  savoir  si  celui  qui  a  été 
ordonné  sous-diacre  sans  l'imposition  des  mains  peut  être 
admis  à  l'exercice  de  cet  ordre  ;  de  plus,  s'il  faut  de  nouveau 
administrer  {iterari)  le  sacrement  de  Confirmation  à  celui 
qui,  par  erreur,  a  été  oint  avec  de  l'huile  et  non  avec  le 
chrême.  Nous  répondons  brièvement  qu'en  de  tels  cas  il  ne 
faut  rien  réitérer,  mais  suppléer  prudemment  ce  qui  a  été 
omis  par  erreur.  (Breviter  duximus  respondendum,  quod  in 
talibus  non  estaliquid  iterandum,  sedcaute  supplendum  quod 
incaute  fuerat  praetermissum.  »  —  Caput  Pastoralis.  de  Sa- 
cramentis  non  iterandis.  ) 

La  décrétale  Presbyter  de  Grégoire  IX  s'exprime  dans  le 


10  QUESTION 

même  sens  :  «  Dans  lem'  ordination,  le  prêtre  et  le  diacre 
reçoivent  l'iniposition  des  mains  par  contact  physique.  Si  , 
cette  cérémonie  (qui  vient  des  Apôtres)  a  été  omise,  il  ne 
faut  pas  réitérer,  mais  au  temps  marqué  pour  les  ordinations, 
il  faut  suppléer  prudemment  ce  qui  a  été  omis  par  erreur. 
Non  est  aliquatenus  iterandum,  sed  statuto,  etc.  »  (Caput 
Presbîjter,  de  Sacramentis  non  iterandis.) 

En  commentant  cette  dernière  décrétale.  Innocent  IV  s'ex- 
prime ainsi  :  «  Il  ne  faut  pas  réitérer,  mais  suppléer,  lorsque 
les  actes  sont  distincts,  comme  sont,  pour  l'ordination  du 
prêtre,  l'imposition  des  mains,  la  porrection  du  calice  et  de 
la  patène,  l'onction.  Si  l'un  de  ces  rites  a  été  régulièrement 
accompli,  il  ne  faudra  pas  le  recommencer.  »  (Voir  ce  texte 
cité  par  Fagnan,  adC.  Cum  venisset,  de  Sacra  Unctione,  n.  li.) 

Le  célèbre  abbé  de  Palerme  se  prononce  dans  le  même 
sens:  «  Si  in  uno  actu  aliquid  est  omissum,  non  ideo  alii 
actus  penitus  separati  iterari  debebunt,  sed  tantum  illa 
quœ  ei  actui  inhœrent.  »  (Voir  ce  texte  à  l'endroit  cité  de 
Fagnan.) 

C'est  aussi  le  sentiment  du  canoniste  d'Ostie  :  «  Ubi  di- 
versi  sunt  actus,  sicut  in  ordinatione  sacerdotis,  ubi  alius 
actus  est  tenere  manus  super  caput,  alius  ei  dare  calicem, 
alius  dare  patenam,  alius  inungere,  si  aliquis  eorum  omit- 
tatur,  non  est  ordo  iterandus,  sed  actus  qui  omissus  est 
caute  supplendus.  »  (Ad  caput  Preshyter,  de  Sacramentis  non 
iterandis,  n.  9.) 

Ces  citations  suffisent  pour  constater  que  cette  opinion  a 
été  réellement  celle  de  plusieurs  anciens  canonistes. 

Néanmoins  déjà  les  ouvrages  de  saint  Antonin  nous  mon- 
trent cette  opinion  combattue  et  abandonnée.  Il  traite  ex 
professo  la  question  qui  nous  occupe  dans  la  3*  partie  de  sa 
Somme  théologique,  titre  IZi,  chap.  16,  §  5.  «  Que  doit-on 
faire,  dit-il,  quand  une  des  cérémonies  prescrites  a  été 
omise  ?  »  Il  commence  par  avertir  que  les  docteurs  ne  s'ac- 


DE    DROIT    CANONIQUE.  11 

cordent  pas  sur  ce  point.  Puis  il  résume  ainsi  leurs  opinions  : 
«  Pierre  Lombard  (le  Maître  des  sentences)  pense  qu'on 
ne  doit  rien  recommencer  de  ce  qui  a  été  régulièrement 
fait  dans  l'ordination,  mais  seulement  suppléer  la  partie 
omise... 

«  Mais  le  sentiment  de  Piaymond  (saint  Raymond  de 
Pennafort)  est  plus  sûr.  En  cette  matière,  dit-il,  voici,  selon 
moi,  la  règle  à  laquelle  on  doit  foitement  s'attacher:  les 
cérémonies  au  sujet  desquelles  il  y  a  doute  si  elles  sont  ou 
non  essentielles  à  la  validité  de  l'ordination,  et  qui  se 
trouvent  expressément  prescrites  par  le  droit,  il  faut  les 
tenir  pour  essentielles,  à  moins  qu'on  ne  trouve  exprimé 
dans  le  droit  qu'elles  ne  le  sont  pas.  (In  hujusmodi,  de  quibus 
non  constat  quse  sint  de  substantia  vel  quœ  non,  inveniuntur 
tamen  in  jure  quod  debeant  fieri,  intelligas  omnia  esse  de 
substantia,  nisi  invenias  expressum  in  jure  quod  non  sit  de 
substantia.)  En  conséquence,  lorsqu'on  a  omis  une  de  ces 
parties  douteusement nécessaires  à  la  validité,  on  pe-w^  réitérer 
l'ordination  intégralement,  comme  si  elle  n'avaitfpas  eu  lieu. 
Car  on  n'est  pas  censé  réitérer  ce  qu'on  ne  sait  pas  avoir 
été  fait  :  Non  intelligitur  iteratum  quod  nescitur  factum. 
(Can.  Solenmitaies,  de  Consecr.)  Si  au  contraire  la  partie 
omise  est  de  celles  que  le  droit  déclare  non  essentielles  pour 
la  validité,  l'ordination  ne  doit  pas  être  recommencée,  mais 
il  faut  seulement  suppléer  la  partie  omise.  » 

Saint  Antonin  cite  trois  canonistes,  comme  se  rattachant 
au  sentiment  de  saint  Raymond.  Enfin,  lui-même  conclut 
par  rapport  aux  parties  omises,  dès  lors  qu'elles  sont  au 
moins  douteusement  nécessaires  à  la  validité,  qu'il  faut  re- 
commencer toute  l'ordination  :  «  Quin  imo  totum  videtur 
iierandim,  etiam  aliud  factum,  secundum  Raymundum,  et 
Petrum  de  Palude,  Hostiensem  et  Goffridum.  » 

C'est  la  doctrine  qui  a  prévalu.  Les  canonistes  modernes 
l'ont  généralement  embrassée,  et  la  Sacrée-Congrégation  du 


12  QUESTION 

Concile  l'ayant  confirmée  par  plusieurs  décisions,  elle  est 
devenue  la  règle  dont  on  ne  doit  point  s'écarter.  Il  nous 
suffira,  pour  le  prouver,  de  rapporter  les  passages  des  cano- 
nistes  les  plus  distingués,  et  les  documents  qui  constatent 
les  décisions  mentionnées. 

IV. 

1°  Le  canoniste  Fagnan:  — «  Généralement,  toutes  les  fois 
qu'on  doute  si  la  partie  omise  est  nécessaire  à  la  validité 
(sit  de  substantia  ordinis),  dès  lors  qu'elle  est  du  nombre  de 
celles  dont  le  droit  prescrit  l'exécution,  on  doit  la  réputer 
essentielle  (œstimari  débet  de  substantia)  ;  et  toute  l'ordina- 
tion doit  être  recommencée  (et  totalis  ordinatio  est  repetenda) . 
La  raison  en  est  qu'on  n'est  pas  censé  réitérer  un  acte,  quand 
on  doute  s'il  a  eu  déjà  lieu.  »  Fagnan,  sur  le  chapitre 
Cum  venisset,  titre  de  Sacra  Unctione,  n.  bli.)  Appliquant 
ce  principe  au  cas  qu'il  discute  en  cet  endroit  (l'ordination 
d'un  prêtre  avec  un  calice  où  l'on  avait  oublié  de  mettre 
du  vin),  le  même  auteur  s'exprime  ainsi:  «  Dans  le  cas 
présent,  ou  bien  il  est  certain  que  le  caractère  sacramentel 
n'a  pas  été  imprimé,  parce  qu'il  n'y  avait  pas  de  vin  dans  le 
calice,  ou  du  moins  on  ne  peut  pas  nier  que  ce  ne  soit  fort 
douteux.  Il  faut  donc  refaire  toute  l'ordination  (ergo  tota 
ordinatio  est  repetenda) .  »  Plus  loin  (n^s  97  et  98)  ,il  enseigne 
que  cette  réitération  doit  se  faire  sous  condition  :  «  Quam 
repetitionem  sub  conditione  fieri  debere,  satis  etiam  proba- 
tm*  etc.  )) 

2°  Benoit  XIV,  —  dans  son  traité  de  Synodo  diœcesana 
(1.  8,  c.  10,  n.  1),  rapporte  ainsi  un  cas  d'ordination  dou- 
teuse que  la  Sacrée-Congrégation  du  Concile  venait  de  dis- 
cuter et  de  décider  :  ((  Dans  une  ordination,  l'un  de  ceux 
qui  devaient  être  ordonnés  prêtres  reçut  toutes  les  impositions 
des  mains  ;  mais  au  moment  de  la  porrection  des  instru- 
ments, il  fut  distrait  et  ne  s'approcha  pas  pour  toucher  le 


DE    DROIT   CANONIQUE.  18 

calice  et  la  patène.  Comme  on  doutait  sur  ce  qu'il  y  avait  à 
faire,  on  consulta  la  Sacrée-Congrégation.  »  Benoît  XIV, 
après  avoir  discuté  les  difficultés,  rapporte  ainsi  quelle  fut 
la  décision  :  «  La  Sacrée-Congrégation...  répondit  que  toute 
l'ordination  devait  être  réitérée  sous  condition  :  Sacra 
Congregatio. . .  totam  ordinationem  sub  conditioneiterandam 
rescripsit.  »  (Ibid.,  n.  13.) 

^Giraldi.  —  Dans  son  Exposition  du  droit  pontifical 
(partie  I,  titre  xvi,  section  11/i),  ce  canoniste,  commentant 
la  décrétale  Presbyter  de  Grégoire  IX,  s'exprime  ainsi  : 
«  Il  est  vrai  que  cette  décrétale  dit  qu'il  ne  faut  pas  réitérer 
l'ordination  du  prêtre  et  du  diacre  pour  lesquels  l'imposition 
des  mains  aurait  été  omise,  mais  seulement  suppléer  cette 
cérémonie  au  temps  voulu.  Néanmoins,  la  validité  de  l'or- 
dination restant  dans  ce  cas  sujette  à  un  doute  grave  (vu  la 
controverse  des  canonistes  et  des  théologiens  sur  la  question 
si  l'imposition  des  mains  est  ou  non  nécessaire  à  la  validité) , 
il  est  plus  sûr  de  faire  intégralement  l'ordination  sous  condi- 
tion (tutiusest  ut  tota  iteretur,  saltem  sub  conditîone).  Ce 
qui  est  vrai  surtout  pour  l'ordination  du  prêtre,  à  cause  du 
détriment  des  âmes  qui  serait  à  craindre  dans  le  sacrement 
de  pénitence  administré  par  un  prêtre  dont  le  pouvoir  sa- 
cerdotal resterait  incertain.  C'est  la  pratique  de  la  Sacrée- 
Congrégation  du  Concile  (et  ista  est  praxis  Congregationis 
Concilii).  Dans  ces  sortes  de  cas,  elle  a  répondu  qu'il  fallait 
réitérer  l'ordination.  C'est  la  décision  qui  fut  donnée,  par 
exemple,  le  11  février  1708.  Elle  se  trouve  relatée  au  livre 
58*  des  Décrets  (1).  U  s'agissait  d'un  capucin  dont  l'ordination 
avait  été  faite  avec  une  patène  sans  hostie.  La  Sacrée-Con- 

(l)  Les  décisions  de  la  Sacrée-Congrégation  du  Concile  jusqu'à  l'année 
1718  n'ont  point  encore  été  éditées.  Elles  se  trouvent  dans  les  tomes 
manuscrits  qu'on  désigne  sous  le  nom  de  Libri  decretorum.  Pendant 
mon  séjour  à  Rome,  j'ai  pu  compulser  ce  précieux  recueil.  Les  décisions, 
à  partir  de  l'aunéc  1718  jusqu'à  nos  jours,  sont  publiées  dans  la  collection 
intitulée  :   Thésaurus  re<!olutio>iiim,  etc. 


ill  QUESTION 

grégation  répondit  encore  de  même  (ainsi  que  le  rapporte 
Benoît  XIV,  de  Sijnodo,  1.  8,  c.  10)  pour  l'ordination  d'un 
prêtre  qui,  par  distraction,  ne  s'était  pas  approché,  au 
moment  de  la  porrection  des  instruments,  poiu'  toucher  la 
patène  et  le  calice.  » 

4°  Dans  le  rapport  de  la  cause  Santandriensis,  du  18  mai 
1796  (tome  LXV  au  Thesanrus  resolutionum,  page  110  et 
111,  Romœ,  1796),  on  mentionne  l'objection  que,  d'a- 
près les  décrétales  Pastoralis  et  Presbyter,  il  ne  faudi'ait 
pas  refaire  toute  l'ordination,  mais  seulement  suppléer  la 
partie  omise  ;  puis  on  y  répond  ainsi  :  «  Le  texte  de  ces 
décrétales,  si  on  le  pèse  attentivement,  n'exclut  pas  la  réi- 
tération de  toute  l'ordination.  D'après  les  canonistes,  Gré- 
goire IX  prend  en  cet  endroit  le  mot  iterare  dans  le  sens 
strict,  c'est-à-dire  pour  la  réitération  du  sacrement  déjà 
certainement  conféré.  Or,  on  nest  pas  censé  réitérer  un  acte 
quand  il  y  a  doute  s'il  a  eu  lieu  :  Non  intelligitur  iteratum. 
quod  ambigitur  esse  factum.  »  Après  avoir  cité  divers  textes 
de  droit  et  le  passage  de  Fagnan  transcrit  plus  haut,  le 
rapporteur  de  la  cause,  c'est-à-dire  le  secrétaire  de  la 
Sacrée- Congrégation  du  Concile,  atteste  à  son  tour  la  pra- 
tique de  cette  Congrégation,  de  faire  recommencer  condi- 
tionnellement  toute  V ordination  :  «  His  omnibus  accedit 
praxis  sacrse  hujusCongregationis,  quœin  similibus  casibus 
decrevit  totam  ordinationem  sub  conditionne  iterandam  esse 
ad  cautelam.  » 

Dans  cette  cause  il  s'agissait  de  l'ordination  d'un  prêtre 
qui  avait  touché  la  patène,  mais  non  le  caHce.  La  Sacrée 
Congi'égation  décida  ainsi  :  Quon  écrive  à  l'évéque  la  pensée 
de  la  Congrégation:  scribatur  episcopo  juxta  nientem.  Cette 
formule  nous  laisserait  ignorer  ce  que  prescrivirent  les  Émi- 
nentissimes  Cardinaux,  si  l'on  n'avait  eu  soin  de  l'expliquer 
dans  la  table  du  volume  cité,  page  325.  On  y  lit  :  «  Ordina- 
tionem cujusdam  presbyteri  Santandriensis  diœcesis,  qui 


DE    DROIT    CANONIQUE.  15 

unam  tetigit  patenam,  non  item  calicem,  per  rescriptum 
Scribatur  episcopojuxta  mentem^  iterandam  esse  praescribitur 
sub  conditione.  »  Ainsi,  dans  ce  cas  encore,  c'est  toute 
l'ordination  que  la  Sacrée  Congrégation  fit  recommencer. 
Nous  ne  croyons  pas  nécessaire  de  pousser  plus  loin  les 
citations.  Les  autorités  alléguées  suffisent,  ce  semble,  pour 
résoudre  la  difficulté  avec  une  entière  certitude,  au  point 
de  vue  pratique.  Voici  notre  conclusion. 


V. 


Il  est  vrai  que,  relativement  à  l'omission  des  parties  qui 
intéressentla  validité,  il  y  a  eu  autrefois  divergence  d'opinions 
parmi  les  docteurs.  Les  uns  pensaient  qu'il  suffisait  de  sup- 
pléer seulement  la  partie  omise  :  les  autres  enseignaient  que 
toute  l'ordination  devait  être  recommencée  sub  conditione. 
Mais  il  est  vrai  aussi  que  depuis  longtemps  ce  dernier  senti- 
ment a  prévalu  de  manière  à  devenir  une  règle.  Non-seule- 
ment les  auteurs  les  plus  accrédités  se  sont  prononcés  dans 
ce  sens,  mais  la  pratique  de  la  Congrégation  du  Concile  de 
faire,  en  pareil  cas,  recommencer  toute  l'ordination,  est 
aujourd'hui  un  fait  notoire  ;  et  l'on  sait  la  maxime  de  droit 
canonique,  Uijluscuriœ  facitjus.  En  présence  de  cette  auto- 
rité, il  n'y  a  plus  à  hésiter. 

Qu'on  le  remarque  bien,  cette  autorité  suffit  au  moins 
pour  rendre  plus  sûre^  relativement  à  la  validité,  la  réitéra- 
tion intégrale.  Or,  quand  il  s'agit  de  la  validité  des  sacre- 
ments, on  est  obhgé  de  suivre  le  plus  sûr.  La  doctrine 
contraire  a  été  condamnée  par  Innocent  XI. 

Ainsi  dans  le  cas  des  omissions  mentionnées,  il  ne  semble 
pas  qu'il  y  ait  à  hésiter  ni  à  consulter  le  Saint-Siège.  On 
peut  suivre,  en  toute  sécurité,  la  règle  de  la  réitération 
intégrale. 

D.  Bouix. 


GOMMENTARIUS 


m 


PROŒMIUM  BREYIAEII   ET  MISSALIS 


DE   COMPUTO  ECCLESIASTICO. 


CANONES  DE  COMPUTO  DISCENDO. 

Computum^  quem  Walterus  Awelianensis  ^&[iQY?^\Smcalcu- 
landi  periiiam  dixit,  scriptores  ecclesiastici  cum  Durando  {Ra- 
iional.  lib.  VIII.  c.  I.)  defmiunt  notitiam  cursus  lunœ  ac 
kalendarum,  seu  scienUam  certificandi  tempus  secundum  solis 
et  lunœ  progressum.  Quae  quidem  methodus  a  Graecis  ^l^icpiffixoç 
Ttov  Toïï  "JiXiou  xa\  TV)?  Gùrrc^r^c  Itwv  dicituF.  Iii  computo  autem 
prœsertim  declarantur  tempus  Paschatis,  cyclus  decemno- 
vennalis,  epactae,  bissextus,  quatuor  tempora,  kalendae, 
idus,  et  alla  hujusmodi. 

Dici  vix  potest,  quanta  cum  soUicitudine  curatum  per 
veteres  çanones  sit,  ut  presbyteri  notum  haberent  computum 
ecclesiasticum  ;  etenim  statuta  ecclesiastica  pêne  omnia  illum 
clericis  summa  cura  ediscendum  praescripserunt,  nimirum 


DE   COMPUTO   ECCLESIASTICO.  17 

Ut  eo  pacto  invenire  facile  possent  epactas,  literas  domini- 
cales, festum  Paschatis  et  alia  festa  mobilia  per  annum. 
Unde  strictum  imperium  Capituiaris  Caroli  M.  ut  veraciter 
discant  om?ies.  {Capit.  lib.  VI.  c.  226.  coll.  lib.  I.  c.  68.  et 
Vb.  IV.addit.  1.  §  5. —  Patrolog.  Migne,  tom.  97.^fl$r.  283.) 
Quod  breviter  et  Herardus,  archiepiscopus  Turonensis,  in 
suis  Capitulis  inculcat,  cap.  125.  prœscribens,  ut  presbijteri 
compiitum  discant.  [Patrolog.   Migne.,  tom.  121.  pag.  773.) 

Gum  Carolo  M.  atqueHerardo  mire  consentiunt  quotquot 
per  ea  tempora  ac  deinceps  ecclesiasticae  disciplinas  régulas 
tradiderunt,  ut  adeo  Ludovicus  Cellotius  in  notis  ad  c.  22. 
Cap.  Walteri  Aurel.  vere  dixerit,  episcopos  notitiam  computi 
ecclesiastici  presbyteris  et  clericis  pêne  non  minus  neces- 
sariam  censuisse,  quam  orationem  dominicam  et  symbolum. 
Ex  eorum  statutis  hœc  attulisse  sufficiat. 

Ratherius,  Episcopus  Veronensis,  in  Synodica  ad  presbytères 
statuit,  ut  compiitum  minorem,  id  est  epactas,  concurrentes, 
regulares,  terminuni  Paschalem  et  reliquos^  si  est  possibile^ 
sapiant.  [Patrolog.  Migne,  tom.  136.  p.  564.) 

Eegino,  abbas  Pru^newses,  in  capitulis  inqiiisitionis.,  cap.  92. 
per  visitatorem  inquiri  jubet,  si  computum  minorem,  id  est 
epactas,  concurrentes,  regulares,  terminos  Paschales  et  reliques 
sapiat  presbyter  ?  [Patrolog .  Migne,  tom.  132.  p.  191.) 

Hincmarus,  archiepiscopus  Rhemensis,  in  Capitulis  synodicis 
an.  852.  cap,  8.  vult,  ut  presbyteri  de  computo  etiam  neces 
sario  plenissime   instruantur.  [Patrolog.   Migne,  tom.  125. 
p.  775.) 

Walterus  sive  Gualterus,  episcepus  Aurelianensis,  in  Ca- 
pitul.  cap.  22. ,  quod  est  de  Computo  discendo,  a  presbyteris 
exigit,  ut  calculandi  peritiam  habeant  et  stios  (clericos)  m 
idipsum  studiese  erudiant.  [Patrol.  Migne,  tom.  119.  p.  7A/j.) 

Ahyto  (qui  aliis  Haito,  Heite,  Haide  nuncupatur),  epi- 
scopus  Basileensis,  in  Capitulari  Ecclesias  suae,  quod  viginti 
quatuor  constat  capitulis,  déclarât  sexto,  quœ  ipsis  sacerde- 

Revue  des  Sciences  ecclésiastiques,  t.  ii.  2 


18  COMMENTARIUS 

tibus  necessaria  sunt  an  discendum,  id  est:  Sacramentarium^ 
Lectionariiim,  Antiphonarium,  Baptisterium,  CoMPUTUS,  Canon 
pœmlentialis...  Ex  quitus  omnibus   si  unum  defuerit  sacer- 
dotis  nomen  vix  in  eo  constabit.   {Patrol.  Migne,  tom.  115. 
p.  11.)  Qui  canon  etiam  prostat  Si]}ud  Burehardum,  episco- 
pum  Wormatiensem ,  tum  Décret,  lib.  IL  c.  2:  Quœ presbyteri 
necessario  discere  et  scire  debeant?  [Patrol.  Migne,  tom.  lAO, 
p.  625.),  tum  Décret,  lib,  XIX.  c.  8.  ubi  sic  proponitur  : 
Nunc  ergo,  o  fratres,  qui   voluerit  sacerdotis  nomen  habere, 
in  primis  propter  Deum  cogitet,  ut  discat  ea  quœ  necessaria 
sint,  ant(quam  tnanus  episcopi  caput  ejns  tangat,  id  est  Psal- 
terium...  Compvtum...  Istud  est  simpliciorum,  quia  si  unum 
defuerit,  etc.  (/.  c.  p.  979.)  Habetur  item  apud  5.  Ivonem, 
episcopum    Carnotensem,    Décret,  part.   VI.  c.   22.   (Patrol, 
Miy7ie,  tom.  161.  p.  Zi50.),  et  Patiorm.  lib.  III.  c.  2Zi.  (/.  c. 
p.  1135.),  ac  tandem  relatus  est  in  Décret.  Gratiani  c.  5. 
disf.  38.  his  verbis  :  Quœ  sint  sacerdotibus  necessaria  ad  dis- 
cendum  ?  Quœ  ipsis  sacerdotibus  necessaria  sunt  ad  discendum, 
id  est  liber  sacramentorum,  lectionariusj  antiphonarius,  baptis» 
terium,  COMPUTUS,  canon pœnitentialis,  psalterium,  homiliœ... 
Ex  quibus  omnibus  si  unum  defuerit,  sacerdotis  nomen  vix  in 
eo  constabit  :  quia   valde  periculosœ   sunt   evangelicœ  jninœ^ 
quibus  dicitur  :  «  Si  cœcus  cœco  ducatum  prœstet,  ambo  in 
foveam  cadunt.  » 

Episcopos  porro  nunquam  non  solerter  providisse  ut  ca- 
nones  servarentur  utque  nullus  presbyterorum  ignoraret 
computum,  varias  admonitiones  synodales  testantur,  quas  ex 
antiquissimis  libris  Pontificalibus  collectas  exhibet  Migne, 
Patrolog.  tom.  132.  a  pag.  ù58.  ad  pag.  Zi62.  Harum  prima 
seu  antiqua,  a  diacono  post  Evangelium  legenda,  sic  habet  : 
Computum,  si  nonmajorem,  saltem  tninorem,  id  est  epactas, 
concurrentes,  regulares,  terminos  Paschales  et  reliquos,  si  est 
possibile,  sapiat  (/.  c.  p.  /i58).  Aliae  duse,  nova  et  noviseijna, 
quae  ab  ipso   episcopo  se  dente  in  faldistorio  legebantur, 


DE  COMPUTO  ECCLESIASTICO,  19 

clericis  illud  ipsum  injunxerunt  hisce  omnino  verbis  :  Ut 
computnm  minorem  ad  inveniendum  literam  dominicalem, 
tempus  intervalli  diei  Paschœ  et  majorum  mobilium  festorvm 
non  ignorarent  {L  c.  pp.  Zi60.  et  liQl.). 

Nec  alienam  ab  ecclesiasticis  sanctionibus  legem  vitse 
doctrinœque  secuta  est  schola  ;  cujus  rei  locupletîssimos 
testes  habemus  celeberrimarum  Universitatum  statuta,  peri- 
tissimorum  juris  interpretum  commentarios,  doctissimorum , 
qui  per  ea  saecula  floruerunt,  virorum  elogia.  E  singulis 
hisce  testium  ordinibus  unum  produxisse  satis  sit, 

Antiqua  statuta  Facultatis  artium  academiœ  Vindobonensis 
tu.  XII.,  qui  est  de  Us,  ad  quœ  Baccalo.rn  Facidtatis  artium 
tenentur,  §  vit.  sic  habent  :  Baccalarii  nostrœ  Facultatis  dis- 
putent, legant  gratis  et  propter  Deum  computos  et  alia  mathc' 
maticalia,  prœcipue  tamen  Ecclesiœ  Catholicœ  deservientia, 
{Pet.  Lambec.  Bibliothec.  Cœs.  lit,  il.  p.   212.) 

Guilielmus  Durandus^  juris  utriusque  doctor  celeberrimus 
et  episcopus  Mimatensis  in  Gallia  Aquitanica,  ob  Spéculum 
juris  tribus  voluminibus  editum  Speculator  vulgo  dictus  (1) , 
in  eximio  suo  Rationali  divinorum  officiorvm,  quod  absolu- 
tum  est  an.  1286,  ut  ex  lib.  viii.  c.  9.  apparet  (2),  doctrinam 
canonis  Decreti  Gratiani  citati  «  Quœ  ipsis  »  suam  faciens, 
lib.  vui.  c,  J,  Sacerdotes,  inquit,  computum  scire  tenentur, 
alioquin  vix  eis  nomen  sacerdotis  constabit. 

Demum  adeo  laudata  illa  computi  peritia  in  venerabili 
Beda,  in  Eabano  Mauro  aliisque  palam  facit,  in  ea  magnam 
scientiœ  partem  scriptoribus  ecclesiasticis  visam  esse  con- 
sistere.  Sic  et  Joannes,  abbas  S.  Arnulphi  Metensis,  in 
cœteris  laudibus,  quibus  beatum/oawwem,  abbatem  Gorzien- 


(1)  Cfr.  Doujat  Prœnot.  canon,  lib.  v.  cap,  5. 

(2)  De  antiquissima  versione  Ralionalis  Durandi  in  linguam  germa** 
nicam  an.  1384.  [Die  Auzlegunge  und  Sache  der  gotleichen  Ample)  videsia 
Lambec.  de  Bibliothec.  Cœsar,  lib.  u.  c.  vni.  p.  778. 


20  COMMENTARILS 

sem,  cumulât,  et  illud  reponit,  quod  régulas  snppiitatiomim 
temporalium  meitioriœ  vivaciter  ut  nemo  superius  commenda- 
verit.  [Patrol,  Migne,  torn.  i37.  pag.  251 .) 

Et  hase  quidem  de  jure  antiquo.  kàjus  novum  quodspe- 
ctat,  res  quoque  testatissima  est,  computi  ecclesiastici,  ka- 
lendarii,  termini  Paschalis  atque  ordinandorum  festorum 
notitiam  hodieque  a  clericis  exigi.  Jnvenes  in  seminariis 
réceptif  —  verba  sunt  concilii  Tridentini  sess.  23.  c.  18.  de 
Beformat., —  cantus,  computi  ecclesiastici  aliarumque  bonarum 
artium  disciplinam  discent. 

De  valore  hujus  Tridentinse  sanctionis  autem  nihil  esse 
per  contrariam  consuetudinem  detractum,  ex  variis  Sum- 
morum  Pontificum  constitutionibus,  necnon  ex  continuis 
prœstantissimorum  jurisperitorum  commentariis  intelligi- 
mus. 

Pontifices  quippe  epistolis  suis  commonitoriis  ad  episcopos 
Tridentini  decreti  executionem  urgere  nunquam  omiserunt. 
Sic  Benedictus  PP,  XIII.  Comtitut.  Creditœ  nobis  \ii  Mus 
maj.  1725.  de  studiis  clericorum  in  seminariis  agens,  hune 
in  modum  statuit  :  Postremo  saluberrimœ  prœfati  Concilii 
dispositioni  inhœrentes  volunais,  prœcipimus  et  sancimus,  ut  in 
omnibus  seminariis  tam  hactenus  erectis,  quam  imposterum 
erigendis  alumni  gramrnatices,  cantus  Gregoriani ,  computi 
ecclesiastici  aliarumque  bonarum  artium  tantum  disciplina  eru- 
diantur.  Cujus  constitutionis  diligentem  observationem  in- 
culcat  Concilium  Romanum  ejusdem  anni  Ht.  30.  de 
Magistris,  eamque,  accuratein  omnibus  sequendam,  in  Ap- 
pendice exhibet  sub  «.27.  pag.  287.  seqq.  Habetur  etiam 
apud  JSicollis  Praxis canonica  tom.  i.  de  Censibus,  n.  23.  Conf. 
quoque  Benedict.  PP.  XIV.  Constitut.  2.  tom.  i,  Bullar. 
Benedict.  XIV. 

Ex  doctoribus  tandem  qui,  rationem  studiorum  in  cleri- 
cis instituendis  déclarantes,  ex  mente  concilii  Tridentini 
computum  ecclesiasticum  doceri  in  seminariis  debere  ex- 


U£  COMPUTO  ECCLESIASTIGO.  21 

pressîs  verbis  tradunt,  legî  pfœter  alios  possunt  Barbosa  ad 
cit.  c.  ;  Ant.  Posscvin.  Bibliothec .  sélect,  lib.  iv.  e.  12.  §  6i 
coll.  C.  16.  §  ult.  ;  Corel.  Brancati  de  Laurea,  Epitome  cano- 
mnn,  verb.  Clericorum  seminaria,  §  Pneri  autem  ;  Rodrig. 
Fermosini  tract,  i.  Critn.  in  C.  Quia  nonnultis  i.  de  Magistris 
(V,  5),  gvœst.  \.  n.  19;  Zeroli  Praor.  Ep.  part.  i.  verb. 
Seminarium  ;  Leop.  Pilati  Origin.  furis  Pontificii  lib,  m. 
tit.  9;  Devoti  Institut,  lib.  il.  Ht.  il.  §  m. 

Jure  optimo  igitur  prassules  nostri  in  seminariorum  sta- 
tutis  prœscribunt ,  ut  clerici  sacrœ  Theologiœ  auditores 
computo  instituantur,  in  priinis  vero  illis  materiis  summa 
cum  cura  erudiantur,  quae  ad  usus  ecclesiasticos  atque  ordi- 
nanda  festa  mobilia  necessaria  sunt. 


DE   ZODIACO   C-^TERISQUE    DEGEM   CIRCULIS 
COELUM  AMBIENTIBUS. 

CAPUT  prj;ambulum. 

1.  Circulas,  diCircus  diminutive  dictus,  generatim  omnem 
rotundum  ambitum  seu  figuram  planam  ex  linea  in  orbera 
ductam  significat,  ut  in  illo  Ciceron.  de  Nat.  T).  II.\^:  Quum' 
que  duœ  forma'  prœstantissimœ  sint  :  ex  solidis  globus,  sic  enim 
spheram  interpretari  placet  ;  ex  pUnis  autem  circulus  seu  orbis. 
Astronomis  autem  circuli  sunt  zonse  seu  orbes  in  cœlo,  quos 
ipsi  constituunt  ad  certes  cœlorum  fines  describendos  et 
siderum  motus  explicandos. 

Circi  seu  circuli  cœlestes  undecim  numerantur,  nimirum 
Zodiacus  seu  Signifer^  Lacteus,  JLquinoctialiSy  duo  Tropici^ 
duo  Polares,  duo  Coluri,  Meridianus  et  Horizon.  {Macrob.  in 
SomniumScipionis  lib.l,  c.  15.) 

2.  Zodiacus,  ÇojSiaxoç,  ÇcotSioç,  Çojocpôpoç,  est  circulus  in  cœlo 
ex  numéro  maximorum,  vel  potiuszona  aut  armillaquaedam, 


22  COMMENTARIUS 

quœ  duodecim  illa  signa  continet,  quae  sol  et  luna  et  alii 
planetas  motu  proprio  perçu  rrunt. 

Rationem  vocabuli  zodiaci  declarans  Macrobiua  1.  c.  cap. 
21.  ait  :  Quia  signa  grœco  nomine  i^wota  nuîicupantur,  circitm 
ipsum  zodiacum  quasi  signifenim  vocaverunt. 

Alii  a  Çwov  zodiacum  deducunt,  quod  signa  aliquo  nomine 
animalis  vocentur  atque  ita  disponantur  constellationes,  ut 
animalis,  a  quo  nomen  habent,  formam  referre  videantur. 
Animalium  nomina  hisce  versibus  comprehenduntur  : 

Sunt  Aries,  Taurus,  Gemini,  Cancer,  Léo,   Virgo, 
Libraque,  Scorpius,  Arcitenens,  Caper,  Amphora,  Pisces. 
Hœc  sunt  signa  poli,  quœ  semper  sunt  via  cœli. 

Rationem  vero,  cm'  singula  zodiaci  signa  ab  istis  anima- 
libus  denominentur,  ex  eo  ducunt  quod  sol  per  anni  decur- 
sum  illius  animalis  proprietates  sortiri  videatur,  cujus  si- 
gnum  ingreditur,  ut  pluribus  exponit  Guilelm.  Durand. 
Rational.  divin.  0/fic.  lib.  VIII.  c.  3.  Alii  zodiacum  appel- 
lasse  videntur  àTro  Tîiç  Cw^ç,  a  vita^  quod  sol  per  hanc  cœli 
fasciam  vectus  lumen  vivificum  creatm'is  prœbeat  et  sit  ^c.)o- 
çopo;,  id  est  non  tantum  siguifer,  verum  etiam  vitœ  lator 
et  dater. 

Zodiacum  zonam  aut  armillam  quamdam  cœlum  aml)ientem 
diximus  ;  quamvis  enim  natura  cœlestium  circulorum  incor- 
poralis  sit  linea,  quaî  ita  mente  concipitur,  ut  sola  longitu- 
dine  censeatm',  latum  habere  non  possit,  in  zodiaco  tamen 
latitudinem  signorum  capacitas  exigebat.  Quantum  igitur 
spatii  lata  dimensio  porrectis  sideribus  occupabat,  duabus 
lineis  limitatum  est,  et  tertia  ducta  per  médium  ecliptica 
vocatur,  quia  quum  cursum  suum  in  eadem  linea  pariter 
sol  et  luna  conficiunt,  alterius  eorum  necesse  est  venire 
defectum  :  solis,  si  ei  tune  luna  succédât  ;  lunae,  si  tune 
adversa  sit  soli.  Quamvis  igitur  trium  linearum  ductus  zo- 
diacum et  claudat  et  di vidât,  unum  tamen  circumauctor  voca- 


DE  COMPUTO  ECCLESIASTICO.  23 

bulorum  dici  voluit  antiquitas,  teste  Macrobio  L  c.  cap.  15. 

Zodiacus  igitur  astronomis  et  mathematicis  proprie  est 
circulas  major,  obliquo  meatu  ambiens  cœlum,  super  pro- 
priis  polis  descriptus,  ita  ut  et  duobus  locis  aequinoctialem 
intersecet  ad  angulos  obliquos  tangatque  una  parte  tropicum 
Cancri,  ex  altéra  tropicum  Capricorni  in  uno  puncto,  habens 
item  longitudinem  sectam  in  duodecim  partes  seu  sidéra, 
quse  vocantur  signa,  in  animalium  formam  plerumque  for- 
mata, et  latitudinem  tribus  lineis  parallelis  comprehensam , 
quarum  média  (  ecliptica  )  octonis  graduum  intervallis  ab 
utraque  extremitate  distat. 

Goncipiunt  autem  hune  circulum  ex  motu  solis  prascipue, 
quod  is  quotidie  fere  unum  gradumin  eoabsolvatet  triginta 
diebus  prope  integrum  signum  percurrat.  Sub  eo  tamen  et 
alii  planetse  perpetuo  moventur  ;  nam  cohihet  vario  labentia 
sidéra  cursu,  ut  ait  Manilius,  lib.  i.,  ubi  zodiacum,  quem 
stellatum  halteum  vocat,  prolixe  describit. 

Ingressus  solis  in  signa  zodiaci  hic  esse  censetur  :  Signum 
Arietis  sol  ingreditur  21.  martii  ;  signum  Tauri  ^1.  aprilis; 
signum  Geminonim  22.  maii  ;  signum  Cancri  22.  junii  ;  si- 
gnum Leonis  23.  julii  ;  signum  Virginis^l.  augusti;  signum 
Librœ  23.  septembris  ;  signum  Scorpii  2li.  octobris  ;  signum 
Sagittarii  22.  novembris  ;  signum  Capricorni  22.  decembris  ; 
signum  Aqiiarii  1\,  januarii  ;  signum  Piscium  19.  februarii. 
Legatur  Ven,  Beda  de  Ternponim  rationecap,  16.  [Edit.  Migne. 
Op.  iom.  l.pag.ZbS.  seqq.)  (1). 


(1)  Quo  die  cujuslibet  mensis  sol  in  signa  Zodiaci  ingrediatur,  veteres 
chronographi  usitatis  hisce  versibus  expresserunl  : 

InclUa  laus  justis  impenditur  :  hœresis  horrel  ; 
Grandie  gesta  gerens  felici  gaudet  honore. 

Duodcciua  harum  dictlonum  prima  inservit  januario,  secunda  februario, 
tertia  martio,  etc.  Jam  vero,  si  nnmerus.  quem  prima  litera  in  alpha- 
beto  habet,  ex  30  subtrahalur,  restât  ipse  dies  quo  sol  signum  zodiaci 
ingreditur.  Sic   quum  prima  litera   tcrtice  dicliouis  justis  uonum  locum 


2ll  COMMENTARIUS 

3.  Circulns  seu  or  bis  lacteus,  via  lactea,  est  veluti  fascia  in 
cœlo,  in  meridiem  porrecta,  candidior  cseteris  partibus, 
unde  et  nomen  habet.  {Ovid  Metamorphos.  i,  168;  et  Cic. 
Somnium  Scipionis.)  Macrobius,  Ciceronis  verba  exponens,  de 
causis  candoris  viœ  lacteœ  plura  dissent  in  Somn.  Scip.  Le. 
cap.  15. 

h.  Quinque  alii  circuli,  qui  axem  mundi  habent  pro 
centro  omnique  ex  parte  a  se  invicem  œqualiter  distant, 
paralleli \ocB.ntur.  {Macrob.  L  c.)  Horum  médius  etmaximus 
est  œquinoctialis  ;  duo  extremitatibus  seu  polis  vicini  atque 
ideo  brèves,  quorum  unus  polaris  septentrionalis  seu  arcti- 
cus  dicitur,  alter  aust rails  seu  antarcticus,  priori  recta  oppo- 
situs.  Girculus  arc  tiens  nobis,  quibus  sphaera  obliqua  est  et 
latitudo  septentrionalis,  conspicuus  est  ;  antarcticus  non 
apparet.  Inter  hos  et  médium  duo  sunt  tropiei,  majores 
polaribus,  œquinoctiali  minores. 

5.  Mquinoctialem  circulum  œquatorem  vocant  astronomi, 
quod  dies  œquat  noctibus. 

Mquinoctialis  circulns  in  cœlo,  inquit  post  Varr.  [Ling.  lat. 
VIII,  1 8. )  5.  Is/doriis  [Etijmol. lib.  m .  44),  ideo  appellatur,  quod 
sol,  quum  ad  eumorbempervenerit^  œquinoctimn  facit .  lEqui- 
noctium,  lffy,[i£pia  (proprie  œquidium  [1])  enim  tempus  il* 
lud  dicitur,  quo  dies  et  noctes  horarum  spatio  aequales 
sunt.  Duo  sunt  autem  œquinoctia  :  vernum  ]uxtB.  kalenda- 
rium  Julianum  circa  VIII.  kalend.  apriles,  h.  e.  25.  mar- 
tii  (2),   quod  in  signe  Arietis  conficitur  :   autumnale  X. 


in  alphabeto  obtineat,  si  subtrahantur  9  ex  30,  rémanent  21.  Sol  ergo 
in  Arieleni  ingreditur  21  martii. 

(1)Si  verbum  ipsum  redderemus,  circulas  îcrjaîpivd?  Y>o\.\ni  œquidialis, 
quam  œquinoctialis  nomiuaretur,  quo  modo  antiquos  locutos  tradlL 
Fostus  his  verbis  :  JEquidiale  apud  antiquos  didum  est,  quod  nunc  dicimus 
œquinodiole,  quia  nox  diei  potius,  qnfnn  dies  nocti  adnumerari  débet. 
Grœci  quoque  in  hoc  consentiunt  î(J/,[JL£piaVj  j^  est  œquidiale  dicentes.  Sed 
Lalini  jam  œquinoctium  dicunt,  non  œquidium.  Graeci  a  die,  Lalini  a  nocte 
nomen  fecerunt. 

(2)  Tempore  Coucilii  Niceeni  sequinoctium  circa  21.  martii  contigit  ; 


DE   COMPUTO    EGCLfiSIASTICO.  25 

kalend.  octobres,  id  est  22.  septembris  in  signo  Librae, 
ob  id  etiam  nomine  Librae  designato,  quod  dies  veluti  bi- 
lance  ponderatas  noctibus  asquentur. 

6.  Tropici  astronomis  duo  circuli  sunt  in  sphaera,  quorum 
alter  zodiacum  in  signo  Cancri  tangit,  alter  in  signo  Capri- 
corni.  Dicuntur  autem  tropici  a  TpÉTrw,  verto,  quia  nimirum 
sol,  quum  ea  signa  tetigit,  revertitur  et  anni  mutationem 
facit.  Eos  Plinius  (ii,  70.)  solsiitialemetbriimalemvocQX. 

7.  Coiiiri  duo  circuli  sunt  in  cœlesti  sphaera,  transeuntes 
per  polos  mundi  seque  mutuo  ibi  rectis  angulis  sécantes,  quo- 
rum alter  transit  per  puncta  œquinoctialia  Arietis  et  Libres,  et 
dicitur  colurua  œquinoctiorum,  alter  solstitialia  tangit  Cancri 
et  Capricorni,  et  vocatur  colurus  solstitiorum.  Dicti  sunt 
xoXoupoi  quasi  x-ôlo:  T/jv  oupav,  h.  c.  cauda  mutili,  quia  eorum 
pars  in  Antarcticum  vergens  nobis  inconspicua  est  et 
quasi  trunca.  Eïsnomen  dédit,  ut  ait  Macrobius  {Le.  cap.  15.), 
imperfecta  conversio. 

8.  Meridiamis  circulus  est,  quem  sol,  quum  super  homi- 
num  verticem  venerit,  ipsum  diem  meclium  efficiendo  dé- 
signât [Macrob.  l.  c).  Mendies  autem  juxta  5.  Isidor.  (/.  c. 
cap.  42.),  vocatur,  vel  quod  ibi  sol  facit  médium  diem,  quasi 
MEDIDIES,  vel  quia  tune  purius  micat  œther.  merum  enim  PU- 
RUM  dicitur.  Prius  etymon  meridiei  a  medio  die  Varronis, 
Ciceronis  et  aliorum  sententia  comprobatur  ;  sed  aliis  phi- 
lologis non  displicet,  quod  meridies  a  mero,  h.  e.  pleno  et 
sincero  die  deducatur,  quod  illo  tempore  nulla  accessio  ad 
lucem  amplius   fiat.  {Joachim.  Camerar.  Problem.  etym.) 

9.  Horizon,  ôpi'Cojv,  ab  ô'poç,  terminus,  vox  est  grœca  ad- 
jectiva,  et  circulus  vel  linea  subintelligitur.  Horizontem  Hij- 
ginus  de  Astron.  defmit  circulum,  qui  terminât  ea,  quœ  per- 
spici  aut  non  videri possunt .  Cic.  {Divin  II,  lill.)finientem,  Mart. 
Capella  finitorem  appellat.  Dupliciter  autem  intelligi  potest 

atque  hinc  est  curkalendaria  ecclesiastica  illud  diei  21.  martii  tauquan 
Bedi  proprise  affixeriat.  Sed  de  bac  quaestioûe  postea,  n.  89. 


26  COMMENTARIUS 

vel  circulus  terrain  dividens  in  duas  œquales  partes  quas 
cum  Isidor.  (/.  c.  cap.  43.  [1])  hemisphœria  dicunt,  et  qua- 
rum  una  supra  sit,  infra  altéra  ;  vel  eam  partem  tantum- 
modo  circumscribens,  quas  aspectui  nostro  patet,  quae 
multo  minor  dimidia  est.  Posteriori  hac  ratione  accipitur 
a  Macrobio  l,  c. 


DE   ANNO  ET   EJUS  PARTIBUS. 

CAPUT  I. 

Textus  procemii.  Annus  menses  habet  duodecim,  hebdomadas  duas  et 
quinquaginta,  et  diem  unum:  dies  vero  irecentos  sexaginla  quinque 
et  fere  sex  horas  :  tanto  enim  temporis  intervallo  sol  zodiacum 
perlustrat.  Qiiater  autem  sex  horae  singulis  quaternis  annis  diem 
constitiuint  :  hinc  annus  ille  intercalaris,  D'issextiis  vel  Bissextilis 
dicitur. 

COMUIE.^TiVKIUS. 

ANNUS. 

10.  Etymologia.  Anni  quatuor  notationes  etymologi  affe- 
runt  :  unam  deductam  ab  am  veteri,  quod  circum  interpre- 
tantur  (2),  et  wo,  quod  idem  est  quod  fluo,  sicque  annus 
juxta  Archidiacon.  (in  C.  Si  propter  derescript.,  i7i6.)  quasi 
circumiens  atque  assidue  circumfluens  appellatur  ;  alteram 
ducunt  ab  annulo,  eo  quod  instar  annuli  in  seipsum  redeat 
{Varro  lib.  v,  2.  deLingiia  latin.),  et  ^ua  hora  incipit,  resol- 
vatur  ac  finiatur  {Bar toi.  aliique  DD.  in  leg,  3.  libellorumff. 


(1)  Op.  s.  Isidor.  Edit.  Migne.  tom.  i.  pag.  174. 

(2)  Am,  praepositio  loquelaris,  ut  Feslus  loquitur,  h.  e.  inseparabilis, 
quae  per  se  posita  uiliil  significat,  iu  compositione  idem  valet  ac  circum, 
ex  Graeco  àj/.çi  coutracto.  Gomposita  cum  ea  sunt  ambire,  amplecti, 
anquirere,  etc. 


DE  COMPUTO  EGCLESIASTICO.  27 

de  accusât,  et  inscriptionibus  XLVIII.  2.);aliis  dictus  videtur 
a  grœco  àvaveOw,  renovo,  quia  semper  ac  continuo  fluens 
renovatur  ;  juxta  alios  demum  etymon  habet  a  verbo  avw, 
perficio,  litera  n  geminata.  Etymologis  itaque  annus  proprie 
est  id  quod  perfecte  redit  in  se,  vel  quod  m  se  per  sua  ve- 
siiqia  volvitur,  ut  ait  Virgil.  Georg.  ii.  401.  (1).  Indeque  est, 
quod  et  ab  ^gyptiis  ante  inventas  literas  annus  hieroglyphice 
indicaretur  picto  dracone  caudam  suam  mordente  et  a  Grœcis 
diceretur  Iviauxoç,  quasi  in  seipsum  rediens,  quœ  naturaper- 
fecto  circulo  est. 

11.  HoMONYMiA.  Annus  generatim  acceptus  sumitur  uni- 
versim  pro  toto  illo  temporis  spatio,  quo  astra  quaeque 
integrum  suum  sub  zodiaco  cursum  conficiunt,  docente 
Macrobio  in  Somnium  Scipionis  :  Annus  non  est  is  solum,  quem 
nunc  communis  omnium  nsus  appellat,  sed  singulorum  seu  lumi- 
num  seu  stellarum  emenso  omni  cœli  circuitu  et  certo  loco  in 
eumdemlocum  redi tus  annus  suus  çst.  [Lib.  II.  c.  11.)  Itaque 
annnm  planétarium  vocamus  quamlibet  cujusque  planetae 
periodicam  revolutionem,  h.  e.  tempus  illud  quo  quilibet 
planeta  suiimcœlum  decurrit. 

Pressius  acceptum  anni  vocabulum  significat  solis  conver- 
sionein,  qua  ab  aliquo  cardine  ad  eumdem,  aut  a  zodiaci 
puncto  ad  idem  revertitur,  h.  e.  totum  illud  temporis  inter- 
vallum,  quo  sol  zodiacum  perluslrat  (2),  quod  spatium  est 
12  mensium,  seu  365  dierum,  5  horarum,  /i8  minutorum 
primariorum  et  36  minutorum  secundarioium  (3) .  Spatium 
illud  quod  vocamus  annum  solarem,  Romani  annum  magnum 
dicebant,  auctore  Censorino  {deDie  nat.  119.)  vel  etiam  annum 
longum,  ut  apud  Ovid.  Metamorph.  i.   273.    Tertio  demum 

(1)  Redit  agricolis    labor  actus  in  orbem,  Atque    in  se  sua  per  vestigia 
volvitur  annus. 

(2)  Doctriua  temporum  prorsus  abstrabil  ab  aslrouoinia  systematica  ; 
hioc  non  loquimur  nisi  de  apparentiis,  quaî  etedem  in  omni  systemale 

SUDt. 

(3)  Cfr.  tamen  quae  de  média  anni  longUudine  dicuntur  u.  17, 


28  COMMENTARIUS 

sumitur  annus  pro  tempore  intra  quod  luna  duodecies  cir- 
culum  suum  per  terram  absolvit.  Huic  spatio  anni  lunaris 
denominationem  fecerunt. 

12.  Annus  lunaris  (communis) ,  anno  solari  breviorest  11 
diebus  et  aliquot  fiagmentis,  quura  non  exœquet  nisi  35 A 
dies,  8  horas,  48  minuta  primaria  et  37  minuta  secundaria 
circiter.  Inde  vero  est,  quod  eum  veteres  annum  parvum  vel 
brevem  dicerent,  teste  Plinio\u,  hS. 

13.  Divisio  ANNI  LUNARIS.  Aunus  lunaris  in  commmiem  et 
embolimœumàisimgmtwY.  Annus  lunaris  communis  duodecim 
lunœ  orbibus,  quos  lunafiones  seu  menses  lunares  vocant, 
constat  ;  embolimœus  vero,  qui  ab  inserta  illa  lunatione  di- 
citur,  quam  supra  communem  annum  habet  quamque 
l[jL6o)a[X5(îov,  £aêo)aaov,  scu  intercalarevii ,  insertam ,  interposi- 
tam  vocant,  tredecimlunationes  complectitur  diesque  subinde 
continet  383,  horas  21,  minuta  primaria  3â. 

là.  Annus  lunaris  item  dividitur  in  naturalem  et  civilem 
seu  politicum,  h.  e.  usui  societatis  civilis  accommodatum. 
Plerique  omnes  populi  ,  qui  annis  lunaribus  utuntur, 
annum  suum  per  embolimœos  seu  intercalares  menses  redu- 
cere  ad  spatium  anni  solaris  soient,  exceptis  Turcis,  qui 
numerare  pergunt  annos  lunares  suœ  Hegirœ  duodecim  men- 
sibus  seu  diebus  Zhk  vel  355  constantes  (i).  Menses  vero 
semper  ab  ipsis  noviluniorum  diebus  exorsi  sunt  et  contenti 
lunari  periodo  neglexerunt  solarem  ;  hinc  factum  est,  ut 
spatio  33  annorum  menses  omnes  per  totum  annum  vaga- 
rentur,  nec  certi  hiberni  aut  aestivi  menses  essent,  quamyis 
initie  annum  suum  in  œquinoctio  vernali  inchoassent. 


(1)  Censent  Arabes  annum  perfîci  diebus  334,  horis  8,  et  minutis 
primariis  48  ;  jam  vero  horas,  quse  singulis  annis  cum  minutis  primariis 
residuae  sunl,  spatio  30  annorum  in  dies  11  contrabuul,  et  quolies  horae 
coliectae  duodeuarium  excedunt,  tolies  unum  diem  insernnt,  quem 
hyperbolicum  vocant.  De  hegira  Turcarum  conf.  Petav.  de  Doctr.  tenip. 
l.  i.  ce.  38.  et  39./.  4.  c.  10.  et  l,  7.  c.  22. 


DE   COMPUTO    ECCLESIASTICO.  29 

15.  Methodus  inveniendi  annos  embolimaeos  post  exco- 
gitatum  cycluin  novemdecennalem  Metonis,  de  quo  infra, 
cap.  IV.  hœc  est  : 

Lunaris  annus  commimis  anno  solari  commuiii  (Juliano) , 
minor  est  diebus  11.  li  per  annos  collecti  quum  ad  30  dies 
excreverint,  solidus  mensis  intercalatur.  Primus  annus  resi- 
duas  dies  relinquit  11,  addit  secundus  alios  totidem  itidem- 
que  tertius.  Confmnt  ex  iis  dies  33,  ex  quibus  excerpti  30 
mensem  e'ixêdXiiJLov  anno  tertio  constituunt  :  reliquuin  est 
triduum,  ex  quo  et  ex  trium  insequentium  annorum  residuis 
diebus  conflantur  dies  36,  unde  mensis  integer  in  anmim 
sextum  redundat.  Restant  dies  6,  quibus  accedunt  trium 
annorum  superflui  dies  fiuntque  39,  itaque  nonus  annus 
embolimœus  est  (1).  Porro  reliqui  dies  9  ad  solidum  men- 
sem explendum  duorum  tantum  annorum  superfluos  dies 
requirunt,  ut  anno  undecmo,  interjecto  mense,  unus  dies 
supersit.  Tum  aîino  xiv.  alius  mensis  intercalatur,  reliquique 
sunt  dies  h,  necnon  an7io  xvii.  rursus  intercalatur,  quando 
et  dies  reiinquuntur  7  qui  cum  residuis  diebus  anni  xviii.  et 
XIX.  mensem  unum  dierum  29  efficiunt.  Colliguntur  hac  ra- 
tions anni  embolimœi  in  cyclo  decemnovennali  septem  m, 

VI,  IX,  XI,  XIV,  XVII,  XIX. 

Dies  isti  residui  epactœ,  iTraxTai  -^jijLspai  yulgo  nominantur, 
quasi  addititii  dies,  quod  ad  aetatem  lunae  pronuntiandam 

(1)  Veteres  chronographi  auno  octavo,  quando  dies  nonnisi  28  super- 
flu! sunt,  embolismum  prsecipitaïunt,  teste  Petavio,  de  Doctr,  temp.  lib.  vi, 
c.  6  ;  et  hoc  vel  ex  ipso  illo  versu  colligimus,  quem  statueruut  ad  decla- 
randam  aunorum  inlercalarium  dispositionem  : 

Cur  fies  has  lachrymas  ?   odiosum  quœre  tyrannu7n. 

In  isto  versu,  inquit  Durayid.  lib.  viii.  c.  10,  sunt  septem  dictiones  septem 
anuis  embolismalibus  servientes,  prima  primo,  secunda  secundo  et  sic 
per  ordinem,  ita  quod  quota  est  prima  litera  alicujus  istarum  dictionum 
in  alpLabeto,  totus  annus  cycli  epactalis  erit  annus  embolismalis.  Cur 
est  prima  dictio  et  servit  primo  anno  embolismali,  etc  est  prima  litera 
illius  dictionis,  quae  est  tertia  in  alphabeto  ;  ergo  tertius  annus  cycli  luna- 
ris est  embolisntalis  ;  et  ita  de  aliis. 


30  COMMENTARIUS 

quotannis  adjici  debeant.  Sed  de  epactis  cap.  \.  n.  7/1. 
Septem  mensium  intercalarium  primi  sex  tricenarii  ple- 
nique  sunt,  unus  cavus  dierum  29  ;  hinc  fit,  ut  in  primis 
sex  embolismis  annus  embolimœus  dies  colligat  38Zi,  in 
ultima  intercalatione  autem  383.  Annus  lunaris  politicus 
communis  enim  constare  censetur  diebus  solidis  35 A,  ne- 
glectis  nimirum  ac  dissimulatis  horis  S  cum  caeteris  minutis 
tum  primariis  tum  secundariis,  quas  anno  lunari  naturali  ul- 
tra dies  35Zi  excurrere  docuimus  ex  Petavio  lih.  yii.  cap.  h. 

16.  Menses  illi,  qui  prseter  ordinem  anno  lunari  emboli- 
mœo  inculcantur,  varium  in  kalendario  situm  obtinuerunt. 
Eos  Alexandi'ini  proxime  ante  paschalem  mensem  coUocari 
jusserunt,  postea  vero  per  varios  anni  solaris  menses  vagari 
cœperunt,  solis  duobus  pristina  in  statione  perseveranti- 
bus,  cyclo  Yiii.  et  xix.  In  Gregoriana  methodo  in  finem  po- 
pularis  anni  conjecti  sunt,  ita  ut  omnes  in  decembrem  aut 
ineuntem  januarium  incidant,  de  qua  re  Petavius  de  Doctr. 
iemp.  lib.  Vi.  cap.  7. 

17.  Divisio  ANNI  SOLARIS  multiplex  instituitur.  Primo  qui- 
demsecundum  yvôjctv  ab  astronomisconsideratus  asfronomicus 
dicitur  e^wa^M?  "//is-  et  vertens  ;  a  politicis  vero  secundum  xpa^iv 
consideratus  pjliticus  appellatur  et  civiiis,  et  popnlaris  seu 
mundanus. 

Annus  solaris  naturalis  alius  sidereus  seu  aslricus,  iropicus 
alius  dicitur. 

Astricus  annus  est,  quo  sol  emensus  totam  zodiaci  longi- 
tudinem  ad  idem  punctum  sive  stellam  eamdem  fixam,  a  qua 
discesserat,  regreditur.  Hujus  anni  modus  neque  semper 
aequalis  est  sibi,  neque  satis  exploratae  magnitudinis  ;  Coper- 
nicus  illi  supra  dies  365  horasque  6,  minuta  primaria  9, 
secundaria  39  attribuit.  Hinc  communiter  tempus  médium 
esse  dicitur  d.  365,  h.  6,  m.  9  cum  fractionibus. 

Tropicus  annus  est,  quo  sol  ab  utrovis  sequinoctio  vel 
solstitio  digressus  eodem,  integro  circuitu  zodiaci  confecto, 


DE    COMPUTO    EGCLESIASTICO.  31 

redit  (1) .  Nunccommaniter  annum  tropicum  a  verno  cardine 
seu  solstitio,  etinitio  Arietis  ordiuntur  astronomi. 

Quoniam  in  computo  de  anno  tropico  potissimum  agitur, 

—  in  ejus  cognitione  enim  determinatio  anni  civilis  fundatur, 

—  hœc  insuper  annotanda  de  eo  sunt. 

Intervallum  temporis,  quod  intercedit  inter  instans  quo 
sol  est  in  puncto  intersectionis  eclipticœ  et  aequatoris,  — • 
inchoante  vere,  —  usqne  ad  instans  quo,  absoluto  integro 
circuitu,  ad  idem  punctum  redit  quodque  annmn  tropicum 
dicimus,  non  est  mathematice  idem  singulis  annis,  sed  mo- 
dicissima  quaedam  habetur  differentia,  quse  tamen  negligi 
non  potest,  quin  decursu  saeculorum  magna  confusio  indu- 
catur  in  annum  civilem,  qui  ex  anno  tropico  pendet. 

Cseterum,  quum  modicœ  illae  variationes  non  sint  con- 
stantes, oportuit  longitudinem  anni  mediam  determinare.Hoc 
ut  adamussimfieret,  profecto  opuseratobservationibus  exa- 
ctissimis  ope  exquisitorum  instrumentorum  institutis  et  per 
longam  annorum  seriem  continuatis.  Sunt  ex  recentioribus 
astronomis,  qui  eam  faciant  dierum  865,  hdr.  5,  min. 
/i8,  secund.  51  ;  juxta  alios  est  d.  365,  h.  5,  Zi8',  50". 
Auctores  kalendarii  Gregoriani  eam  œstimarunt  d.  365,  h. 
5,  49'.  Differentia  inter  hune  valorem  et  primum  quum  non 
sit  nisi  9  secund. ,  ea  intra  9600  annos  unum  diem  efficiet, 
qui  proinde,  —  in  hypothesi  quod  prima  longitude  vera 
sit,  —  post  lapsum  illius  annorum  periodi  posset  subtrahi  : 
computatis  singulis  10,000  annis  quatuor  annis  sœcularibus 
pro  non  bissextilibus,  quod  fieri  debere  infra  dicemus  n. 


(I)  Quatuor  sunt  signa  Iropica  zodiaci  :  Aries,  Cancer,  Lihra  et  Capri- 
cornus,  ita  dicta,  quod  sol  quum  ad  ea  in  zodiaco  pervenerit,  conversionem 
cursus  sut  et  anni  mutatioDem  facit  ;  nam  quum  est  in  signe  Cancri,  quo 
tempore  dies  iongissimi  sunt,  solstitium  aestivum  facit  paulatiraque 
revertitur,  descendilque  usque  ad  Capricornum ,  ubi  solstitium  liiemale 
efficit  diesque  brevissimos.  Similiter  quum  est  in  signo  Arietis,  noctes 
diebus  aequales  reddit  et  ver  inducit;  quum  vero  Libram  ingressus  est, 
tune  quoque  dies  œquat  noctibus  et  aflert  antumnum. 


35  COMMENTARIUS 

61.  Ex  dictis  etiam  patet,  annum  astricum  longiorem  esse 
anno  tropico,  cujus  differentise  causam  in  prœcessione  œqui- 
nociiorum  astronomi  ponunt.  yEquinoctia  autem  prœcedere 
dicuntur,  quia  sol  pervenit  ad  punctum  œquinoctiale  an- 
tequam  integram  revolutionem  absolvent  respectu  ejusdem 
stellœ,  itaque  fit  ut  puncta  œquinoctialia  soli  quodammodo 
obvïam  veniarit,  ac  juxta  directionem  oppositam  seu  moiu 
rétrograda  moveantur.  Hinc  duo  haec  inter  se  conciliari 
videmus,  mxmvnm.œquinoctia'prœcederey  puncta  œquinoctialia 
vero  retrogradi. 

DE    ANNO    SOLARI    CIVILI    SEU    POLITICO. 

18.  Anni  naturalis  dimensio  quuin  in  intègres  diesneuti- 
quaiii  cadat,  sed  in  dierum  minutissima  scrupula  desinat, 
quœ  hominum  vulgus  non  assequitur,  idcirco  ejus  usus  socie- 
tati  civili  non  est  idoneus.  Hinc  factum,  ut  politici  aliud  genus 
anni  usui'parent,  quod  certo  integrorum  dierum  numéro  de- 
terminatum  facile  percipi  ac  retineri  ab  hominibus  posset. 
Hoc  anni  genus  civile  seu  politicum  dicimus. 

Anni  civilis  diverses  formée  a  Censorino  traditse  sunt  ;  ex 
omnibus  porro  ea  praestantlor  ac  probata  maxime,  quœ  ab 
auctore  Julio  Cœsare  Juliana  appellatur.  Hic  enim  impera- 
tor  quum  anni  civilis  rationem  ob  vitiatam  saeculorum  de- 
cursQ  intercalationem  ac  imprimis  pontificum  incuria,  quo- 
rum erat  eam  statis  temporibus  prœconis  voce  promulgare, 
interruptam  et  depravatam,  admodum  impeditam  reperis- 
set,  ita  ut  neque  messium  ferlas  œstati  neque  vindemiarum 
autumno  amplius  competerent,  Sosigenis  mathematici  arte 
et  industria  adjutus  confusionis  incommoda  sustulit  ac  no- 

(I)  Quum  intercalalio  libidini  pontificum  relicta  esset,  Li  autem  a  pu- 
blicanis  corrumperentur,  vel  affectu  crga  raagistratuiu, — ad  ejus  officium 
anuuum  prorogandum, — ferrentur,  factum  est,  ut  sub  specieobservationis, 
ut  ait  Macrob,  Sat.  i.  14.  emergeret  major  confusionis  occasio. 


DE    COMPUTO    ECCLESIASTICO.  33 

vam  plane  anni  designationem,  intercalationem,  inensium 
distributionem  et  lunationum  investigationem  introduxit, 
quœ  res  pertricosa  satis  pluribus  capitibus  declarata  est  a 
Petavio,  de  Dôcîrina  temp.  lib.  lY. 

Annos  itaque  singulos  communes  diebus  365  circum- 
scripsit  (1),  quod  sol  eo  temporis  spatio  circulum  suum 
per  zodiacum  absolvere  videtur.  Quia  vero  anni  naturalis 
justa  magnitude  365  dies  senis  pêne  horis  superat,  idcirco 
ne  earum  neglectu  quolibet  quadriennio  et  tropœ  et  reliquse 
feriœ  stabiles  e  suis  sedibus  uno  die  retro  ferrentur,  inter- 
calationis  remedio  usus  constituit,  ut  tribus  quibuslibet 
annis  succedentibus  excrescentium  illarum  horarum  nulla 
ratio  haberetur,  sed  quarto  demum  anno  collectœ  quater 
sex  horœ,  diem  naturaleni  constituentes,  unius  diei  adje- 
ctione  compensarentur,  sicque  civilium  annorum  cum  natu- 
ralibus  congruentia  iterum  obtineretur.  Ei  insertioni  locuni 
fecit  post  Tcnninalia,  seu  ante  quinque  dies  ultimos  mensis 
Februarii,  utpote  brevissimi,  ubi  proinde  quarto  quolibet 
anno  fluente  ob  intercalarem  diem  sexto  kalendas  marlias 
bis  numeratur,  undeetB/ise,r;«7(snomen  meruit  (2).  Anim- 
advertendum  vero  est ,  supplementum  hoc  intercalare, 
quod  integrum  diem  conficit,  ex  mente  kalendarii  Juliani 
non  numerari  pro  die  singulari,  sed  ita  ad  diem  24.  fe- 
bruarii alligari,  ut  eum  augeat  eique  spatium  /i8  horarum 
attribuât.  \]\\àQ  mensis intercalarisYxomdiUOVwm,  licet  habeat 
viginti  novies  24  horas,  non  tamen  e  viginti  novem,  sed 
e  viginti  octo  diebus  constare  dicitur  l.  Cum  Bissextum  98.  §  2, 


(1)  L,  Cum  hœres  4.  §  4.  ff,  de  Statuliberis. 

(i)  Miram  Bissexti  appellationem  et  magis  nairaru  ejus  formationem 
habes  ex  notalione,  quam  post  alios  couficit  Durand.  Rat.  lib.  viii.  c.  3. 
«.  17.  Dies  iissextilis,  inquit,  dicitur  bissexlilis  quasi  ex  bisse  momentorum 
collecta;  quod  deinde  pluribus  diiclarat.  NotaDduin  autem  S.  Isidorum, 
quem  Durand,  laudat,  expressis  verbis  docere,  bissextum  appellari,  quod 
bis  sexto  kal .  mart.  dicamus,  atque  ita  addito  bissexto  alio  die  vi.  kal. 
martias  itevemus. 

Revue  des  sciences  ecclésiastiques^  T;  ix.  3 


34  COMMENTARIUS 

fF.  de  Verb.  Signif.  fL,  16.),  quia,  ut  ibidem  additur,  id  bi- 
duum  pro  uno  die  habetur, 

Quae  animadversio  quam  sit  ad  vitam  utilisdocebitur  infra 
in  declaratione  kalendarii  Gregoriani  n.  61. 

In  kalendario  Christiano  diei  insertse  locum  assignant 
versus  : 

Biisextum  sextoe  Martis  tenuere  kalendœ, 
Postei'iore  die  celebrantur  festa  Mathice. 

Quamvis  optatum  fmem  consequi  videretur  Julius  Caesar, 
ejus  anni  ratio  tamen  labis  expers  non  fuit,  sed  immo  évi- 
dentes quosdam  errores  induxit,  quibus  demum  Gregorius 
PP.  XIII.  remedium  attulit.  De  Gregoriana  correctione  ca  pli. 

19.  De  reliquis  anni  formis  longam  quaestionem  habet 
Petavius  quatuor  prioribus  libris  de  Doctrina  Temporum.  Ex 
ea  paucis  hœc  accipe. 

Hebr^i  annum  habuere  duplicem,  historieum  scilicet  et 
politîciim.  Historieum  quidem  in  dies  festos  et  profestos 
distributum,  publicis  congressibus  accommodatum,quonu- 
merabant  seriem  annorum  et  historias  notabant.  Eum  or- 
diebantur  ab  aequinoctio  verno,  mense  Nisan,  martio  re- 
spondente  ac  interdum  aliquam  aprilis  partem  occupante  ; 
polilicum  vero  et  œconomicum  post  messem  et  vindemiam 
collectam  inchoabant  mense  Tizri^  qui  nostro  septembri 
respondet  et  aliquando  etiam  octobrem  attingit  juxta  legem 
lunationum.  Inserviebat  autem  decimarum  annuœ  solutioni, 
privatis  contractibus,  anno  item  sabbatino  septimo,  que 
terra  feriabatur,  anno  deniquequinquagesimOj^wôîïœo  dicto, 
ex  septem  annorum  hebdomadibus  exurgente,  quo,  omissa 
prorsus  cultura,  prœcedentis  anni  proventibus  et  sponte 
natis  fruebantur. 

Aliquot  ante  Christum  sseculis  saltem  a  Judseis  lunarem 
observatum  esse  annum  extra  controversiam  habetur;  ab 
initio  autem  atque  ex  Moysis  instituto  idem  esse    factl- 


DE   COMPUTO   ECGLESIASTICO.  35 

tatum  Petavhts,  lib.  II.  cap.  27.  crédit^  tametsi  nihil  ex 
Scripturis  evinci  posse  videatur. 

Gr^ci  annos  lunares  usurpantes,  ne  ob  defectum  11 
dierum  œquinoctia  anticiparent  et  noviluniorum  teinpora 
per  omnes  anni  partes  (ut  in  anno  yEgyptio,  de  quo  Petav. 
lib.  III.  c.  2.),  vagarentur,  intercalationibus  lunares  annos 
solaribus  adaequarunt,  sedesque  asquinoctiorum  et  solsti- 
tiorumnsdemmensibus,  licetnon  iisdem  diebus,  retinuerunt. 
[Petav.  lib.  I.  ce.  5.,  6.  et  7.) 

A  Mahometanis  sive  Arabibus  annum  lunarem  ex  12  men- 
sibus  vel  diebus  35/i  compositumobservari,  supra  monuimus. 

Quae  forma  anni  fuerit  ante  Urbem  conditam  apud  anti- 
quissimos  Italiae  populos,  sive  ii  Umbrii,  sive  Hetrusci, 
Sabini  aut  alii  fuerint,  divinare  non  est  facile,  quum  ejus 
rei  tractatio  nullis  historicis  monumentis  tradita  sit. 

20.  Romuhfs  annum  ab  aequinoctio  verno  incipiens  ex 
30Zi  diebus  (1)  et  mcnsibus  10,  inter  quos  martius  primus 
esset,  composuit  :  ut  aprilis,  junius,  sextilis,  september, 
november  et  december  30  dierum  essent,  reliqui  quatuor, 
martius,  maius,  quintilis  et  october,  dierum  3L  Cœterum 
quum  numerusiste  neque  soliscursuinequelunaerationibus 
conveniret,  nonnunquam  usu  veniebat,  ut  frigus  œstivis 
mensibus,  e  contra  calor  hiemalibus  proveniret.  Ergo  tune 
tantum  dierum  patiebantur  sine  ullo  mensis  nomine  absumi, 
quoad  cœli  habitus  instanti  mensi  aptus  rediret.  {Rosin, 
lib,  IV.  Antiquitat.) 

Numa  initium  anni  ad  Brumam  (2)  transtulit  et  a  januario 


(1)  Quamvis  communis  sit  opinio,  non  plures  quam  et  mensea  10,  et 
dies  304,  Romuli  anno  compeiisse,  Petavio  tamen  probabile  videtur, 
etiam  setate  Romuli  anno  360  dies  allributos  esse.  {De  Dodrina  lemp, 
lib.  II.  cap .  lit.) 

(•2)  Periliores  etymologi  brumam  diclam  docent  cum  Varr.  Ling. 
lat.  v,2.  a  brevissimis  diebus  :  nempe  brumam  esse  per  syncopeu  a  breuis- 
sima,  unde  brevima,  breuma,  bruma;  quae  eadem  contraclionis  ratio  est 
infimus  et  imus. 


36  COMMENTARIUS 

inchoavit.  Februarium  item  attexuit.  Deinde  Grsecos  imi- 
tatus  annum  35/i  diebus,  sive  12  mensibiis  luparibus  cir- 
cumscripsit.  Verum  quia  confusa  remansit  anni  ratio,  neque 
mensium  initia  noviluniis  responderent,  cura  intercalandi 
pontificibus  demandata  fuit  usque  adjulianam  castigationem, 
de  qua  dictum  est.  Cfr.  Petavius,  lib.  II. 

Alias  anni  civilis  formas  ab  aliis  populis  receptas  variis 
in  locis  operis  citati  déclarât  Petavius^  et  .Egyptiorum.  annum 
quidem  explicat  lib.  m.  cap.  2  ;  Chaldœorum  lib.  m.  cap.  4. 
seqq.  ;  Persarmn  lib.  m.  ce.  8.  9.  1 0.  et  lib.  vu. 
cap.  1 5. 

21.  Prœter  expositam  anni  divisionem  in  natiiralem  et 
eivilem,  quam  chronographi  usurpant,  et  alia  occurrit  anni 
civilis  distinctio,qua  jurisconsulti  utuntui\  Eam  vero  silentio 
prœterire  non  possumus,  tametsi  ad  rem  propositam  minus 
pertinere  videatur. 

Annus  itaque  in  legibus  vel  naturaliter  intelligitur,  vel 
eiviliter,  vel  ecclesiastice. 

Annus  naturaiia  jurisconsultis  is  est,  qui  a  momento  ad 
momentum  computatur,  ut  in  /.  Anniculus.  \32./f.de  Verb. 
signif.  (L,  16.).  Naturaliter  computandus  est  in  nuptiisA^oy, 
79.  et  KiO.  ;  in  pupillis  et  minoribus  l.  Indecoram.  itlt.C. 
quando  tut.  vel  cur,  esse  desin.  (v,  60.);  in  praescriptionibus 
actionum  temporariarum  /.  In  omnibus.  Q.ff.  deOblig.  et 
act.  (xLiv,  7.) 

Civilitcr  vero  intelligitur  annus,  quum  a  die  ad  diem  com- 
putatio  ita  fit,  ut  qui  ad  extremum  anni  diem  pervenerit, 
annum  absolvisse  videatur,  ut  in  /.  Anniculus.  134.  ff.  de 
Verb.  signif.  Atque  hic  annus  civilis  seu  legalis  exigitur  in 
mmieribus  et  honoribus,  in  manumissione ,  in  usucapione 
/.  5.  et  7.  ff.  de  Usurpât,  (xli,  3.).  Eadem  ratione  si  cui  his 
verbis  libertas  relicta  sit  :  duodecimo  anno  liber  esto,  in  prin- 
cipio  anni  duodecimi  liber  erit. 

Annus  ecclesiasticus  tandem  in  collatione  ordinum  servan- 


DE    COJVIPUÏO    EGCLliSIASTlCO.  37 

dus  moraliter  computatur,  utputa,  ab  una  Quadragesima  ad 
aliam,  a  Pentecoste  ad  Pentecosten,  etc.  (1). 

Sed  hœc  satis  de  variis  formis,  quas  sub  anni  génère  sunt. 
Transeamus  jam  ad  anni  partitionem,  quanimirum  in  partes 
suas  quasi  in  membra  discerpitur.  Posteriori  hoc  modo 
autem  anni  divisio  est  in  dies,  tum  in  hebdomadas  et  menues  ; 
namque  ex  diebus  collectis  menses,  ex  mensibus  anni  con- 
stituuntur  ;  et  quamvis  divisio  in  bebdomadas  mensibus  non 
tribuatur,  annum  ipsumtamen  in  hebdomadas  partimur.  De 
singuhs  anni  partibus  ex  ordine  dicemus. 


DIES. 


22.  Etymologia.  Diem  alii  immédiate  deducunt  a  dio,  quod 
aperlum  et  manifestum  significat,  eo  quod  radiis  solaribus  seu 
sole  super  terram  lucetite,  ut  ait  Isid.  Etijmolog.  lib.  v.  c.  30. 
cuncta  sensibiUa  manifesta  fieri  videamus  ;  ahi  vero  a  Aïo'ç, 
Jovis,  eo  quod  Jupiter  aucior  lucis  habeatur  indeque  Lncetius 
et  Diespiter,  quasi  diei  pater,  dicatur.  Ahi  denique  dictum 
volunt  diem  a  Suo,  duo,  quod  contineat  duo  tempora,  diem 
etnoctem,  et  quod  vocetur  dies  a  meliori  parte  sine  commemo- 
rutione  noctis  jitxia  illud,:  Et  jnctum  est  vcspere  et  mane  dies 
unus;  quam  miram  diei  notationem  conficit  Durand.  Rational. 
lib.  VIII,  c.  6.  n.  I. 

Dies  generatim  acceptus  pro  illo  temporis  spatio  sumitur, 
quo  sol  terras  illuminât  quoque  motu  cœli  ab  ortu  in  occa- 
sum  defmitur  ;  is  propterea  motus  diurnus  vocatur. 

23.  Divisio.  Diem  astronomi  dividunt  in  naturalem  et 
artificialem. 

Naturalis  est  sohs  ab  uno  puncto  ad  idem  punctum  fixum 
conversio  :  velut  a  meridiano  circulo  ad  eumdem  reditus. 

(1)  Ast  in  requisita  aetate  ad  ordines  sacros  suscipiendos,  item  ad 
annum  novitiatus  compleuduni  non  altendilur  anuus  ecclesiasticus,  sed 
naturalis. 


38  COMMENTARÎt'S 

Motus  iste  non  simplex,  sed  compositus  est.  Oies  naturalis 
horas  24  complectitur. 

Artificialis  dies  est  solis  supra  horizontem  commoratio, 
cui  710X  ex  adverso  respondet.  Etenim  nociis  vocabulum,  a 
grœca  voce  vu;  dictum  (1),  illud  temporis  spatium  désignât, 
quo  solinfra  horizontem  moratur  ac  tenebris  terra  obtegitur. 
Dies  artificialis  propter  sphserœ  obliquitatem  pro  temporum 
et  locorum  varietate  insequalis  est.  Alii  tamen  diem  natu- 
ralem  vocant,  quem  nos  arlificialem  dicimus,  et  vicissim 
quem  nos  appellamus  artificialem  ipsi  denominant  naturalem. 
[Censorin.  de  Die  natal,  c.   iO.) 

2Zi.  Judasi  olim  triplex  genus  dierum  observabant  ;  ha- 
behant  enim  diem  legalem,  a  vespera  ad  vesperam  duran- 
tem,  eumque  tum  civilibus,  tum  sacris  rébus  destinatum  (2)  ; 
naturalem  ab  ortu  solis  usque  ad  ortum,  et  iisualem  a  média 
nocte  ad  mediam  noctem. 

25.  Dies  alii  dicuntur  intercalares,  l(i.ê())a(xo'.,  iTraxTai,  qui 
12  mensibus  supersunt  ;  alii  caniculares,  a  caniculee  sidère 
tum  prsedominante;  alii  solstitiales,  dividentes  ex  œquo  diem 
et  noctem,  uti  et  œquinoctiales  juxta  notos  versiculos  : 

Lamberti,  Gregori  nox  est  œquata  diei  : 
Vitus,  Lucia  sunt  duo  solstitia  ; 

vel  juxta  alios  hosce,  qui  in  eamdem  sententiam  leguntur  : 

Solstitium  decimo  Christum  piœit  atque  Joannem  ; 
Mqua  Crucis  Festum  tempora,  Martis  idus. 

26.  Dies  C2ï'?7/s  isest,  cujus  initiumet  fmem  quœque  gens 
suo  arbitratu  définit.  Babylonii  diem  auspicabantur  ab  ortu 
solis  ;  Judœi,  Athenienses,  Itali,  Sinenses  multique  alii  po- 

(1)  Sunt  etiam  qui  noc/em  a  verbo  nocenrfj  ducant,  quod  oculis  noceat: 
[S.  îsidor.  Etymol,  lib.  V.  e.  31)  ;  sive  quod  in  ea  fures  nocendi  occasionem 
nanciscantur ,  ut  ait  Raban.  lib.  De  computo,  c.  21. 

(2)  Moyses  nullum  inter  civilis  et  sacrée  diei  initiuoi  et  finein  discrimen 
notât.  Vesperam,  quum  diem  describit,  usque  quoque  priorem  Dominât. 
Sic  Gen.  i.  primum  diem  creationis  describens  ait:  Factumque  est  ves- 
père  et  mane  dies  primus. 


DE  COMf'tJtÔ'  èedLtSlASTICO.  39 

puli,  qui  menses  lunares  habent,initmm  dant  dieiab  occasu 
solis,  ea  forte  ducti  ratione,  quod  ortus  lunœ,  quam  obser- 
vant, tempore  occasus  solis  fiat  (j).  Hs  ergo  tempus  solis 
occasum  prsevertens  finis  est  horse  ultimse  diei  prœcedentis. 
Romani  olim  et  Europœi  hodie  pleriqae  omnes  initium  su- 
munt  diei  a  média  nocte,  illumque  in  duas  partes  œquales 
ita  dividunt,  ut  numerent  horas  duodenas  usque  ad  meri- 
diem,  et  rursus  a  meridie  ad  mediam  noctem  alias  duode- 
nas (2) .  Umbri  denique  olim  atque  nunc  Arabes  diem  a 
meridie  incipiunt. 

Ex  his  quatuor  diei  initiis  tertium  vel  quartiim  astrono- 
mi  sibi  sumpserunt,  quod  ambo  a  meridiano  circulo  profi- 
ciscantur,  qui  quum  fixus  sit  atque  immutabilis  cerlum 
diei  principium  désignât  ;  quae  autem  ab  occasu  vel  ortu  re- 
petuntur  identidem  mutari  necesse  est.  Tycho  Brahe  velut 
januarii  primum  diem  exorditur  a  meridie  quœ  in  kalen- 
das  ipsas  incurrit,  Copernecws  Romanorum  consuetudine  a 
média  nocte  ad  mediam  noctem. 

Varium  apud  varios  populos  diei  exordium  veteres  ut- 
cûnque  expresserunt  hisce  versibus  : 

Grœci  manediem  capiebant  solis  ab  ortu, 
Vespere  Judai:  servantes  sidéra  cœli 
Dum  sol  in  medio  fulget  nitidissimus  orbe  ; 
Christicolœ  incipiunt  medio  sub  tempore  noctis. 

Quod  postremo  hoc  versu  universalis  regulae  instar  pro- 
ponitur,  Romanum  morem  nimirum  a  Ghristianis  servari, 
id  ut  rite  intelligatur  cum  aliqua  distinctione  accipi  débet. 


(1)  Memoratu  digna  est  ratio,  ob  quam  diem  ab  occasu  solis  ad  occasum 
alatutum  fuisse  tradit  Jul.  Cœ^ar  de  Bello  gallico,  lib.  vi.  c.  18.  his  verhis  : 
Gain  se  omnes  ab  Dite  pâtre  prognatos  prœdicant  :  ob  eam  cuusam  spatia 
omnis  temporis  non  numéro  dierum  sed  noctium  finiunt,  et  dies  natales  et 
mensium  et  annorum  initia  sic  observant,  ut  noctem  dies  subsequalur. 

(2)  L.  More  Romano.  8.  ff.  de  Feriis.  More  Romano  dies  a  média  nocte 
incipit,  et  sequentis  noctis  média  finilur  :  itaque  quidquid  in  his  viginti 
quatuor  horis  {id  est  duabus  dimidiatis  noctiùus  et  luce  média)  actum  est 
perinde  est  quasi  quavis  hora  lucis  actum  esset. 


40  COMMENTARIUS 

Quod  atdnet  ad  prœceptum  colendi  dies  festos,  ohservandi 
iejunia  ecclesiasUca  aliosque  ritus  de  jui'e  peragendos,  qui- 
<fis  dies  a  média  nocte  initium  œediaque  nocte  quœ  sequi- 
tur  finem  accipit,  juxta  kg.  More  Romano.  cit.,  quam  etiam 
Innocentius  PP.  III.  ab  Aul.  Gellio  {Ub  IL  c.  1.  ISoct.  Attic.) 
illustratam  récitât  in  C.  Consuluit  nos.  24.  de  Offic.  et  potest. 
delegat.  fl,  Q^.j.  Itaque  non  solum  in  celebratione  jejuniorum 
ac  festorum,  sed  etiam  in  aliis  actibus  viginti  quatuor  horse 
diei  computantur  a  média  nocte  in  aliam  mediam  noctem. 
Sic,  V.  g.,  in  mensibus papalibus  computandis  accidit,ut  qui 
ultimo  die  januarii  paulo  ante  horam  noctis  duodecimam 
decedit,  adhuc  in  7nense  pnpali  decessisse  intelligatur. 

Ad  dies  dominicos  quod  spectat,  statutum  quidem  sacris 
canonibus  erat,  ut  eorumdem  dierum  veneratio  inciperet 
pridie  vespere  et  desideret  vespere  sequenti  (1) ,  nisi  aliud 
regionum  consuetudo  (2)  haberet  [C  Quoniam  in  part.  2. 
de  Feriis,  11^  9.)  ;  ast  verba  a  vespera  ad  vesperam,  inter- 
prète nunc  consuetudine,  intelligenda  potius  sunt  de  anti- 
que Ecclesiae  usu,  quo  fidèles  diobus  dominicis  et  festis 
interesse  horis  canonicis  solebant,  prout  testatur  S.  Au- 
gust.  serm.  251,  de  Temp.,  ubi  ait  :  Veniant  ergo,  cuicimque 
possibile  sit  ad  vespertinam  atque  nocturnam  celebrationetn, 
et  orent  ibi  in  conventu  ecclesiœ  pro  peccatis  suis. 

Quod  deinde  pertinet  ad  horas  canonicas,  ecclesia  hodie- 
que  diem  Hebrœorum  assumit  atque  officia  divina  a  (primis) 
vesperis  ad  (secundas)  vesperas  célébrât,  diem  ecclesia- 
sticum  ita  a  vespera  in  vesperam  computando. 

Tandem  ad  diem  natalem  aiicujus  Sancti  quod  pertinet,  tri- 


(1)  Can.  Quod  dies.  5.  dist.  73.  Cui  {diei  dominico)  a  vespera  sabbati  ini- 
tium constat  adscribi.  Can.  Pronuntiandum.  1  de  Consecrat.  dist.  3.  Sciant 
tempora  feriandi  per  annum...  omnem  dominicam  a  vespera  usque  ad 
vesperam.  Et  C.  Omnes  dies,  1.  de  feriis:  Dies  Dominicos  a  vespera  in 
vesperam  cum  omni  veneratione  decernimus  observari. 

(2)  De  contraria  hac  consueludiue  conferri  possuut  quae  habet  Gon- 
zalez in  C.  Quoniam  cit. 


DE    COMPUTO   EGCLESIASTICO.  l\i 

plicem  ejus  computandi  methodutn  post  P.  Carol.  Guyetum 
adducunt  auctores  :  primam  aprimisad  secundas  vesperas  ; 
sic  enim  suadere  videtur  oflîcioruiu  ratio,  quœ  quum  ad 
sancti  cujusque  felicissimum  ex  hac  vita  transitum  instar  se 
habeat  triumplii  ad  victoriam,  illum  certe  hanc  non  praece- 
dere  sed  sequi,  aut  ad  summum  comitari  œquum  est.  Prae- 
cederet  autem,  si  totum  officium  vel  plenior  illius  pars 
absoluta  fuerit  ante  horam  qua  sanctus  ex  hac  vita  nii- 
gravit,  quod  in  simplici  maxime  festo  contingit,  cujus  totum 
ofiicium  completur  ad  nonam. 

Altérant  computandi  methodmn,  quae  est  a  solis  occasu  ad 
solis  occasvm  adhiberi  volunt,  quando  illorum  sanctorum 
dies  natalis  est  determinandus,  quos  post  horam  comple- 
torii,  inchoatajam  nocte  decedere  contigerit,  eo  quod  illo- 
rum transitum  eo  potissimum  die  celebrari  deceat,  quo  is 
hominibus  primum  vulgatus  ac  cognitus  fuit. 

Terfiam  tandem  plerique  omnes  sequuntm",  qui  diem 
more  Romanorum  incipiendum  docent  diemque  illum  cuique 
natalem  assignant,  in  cujus  aliqua  hora  a  média  nocte  ad 
mediam  noctem  contigit  ipsum  ex  hac  vita  transire. 

Verum  quum  nostrum  non  sit,  —  verba  sunt  doctissimi 
Cavalieri  varias  has  computandi  methodos  referentis, —  na- 
talem diem  sanctis  praescribere,  sed  Sedis  apostolicae,  idcirco 
quamcunque  ex  dictis  rationibus  computandi  haec  secuta 
fuerit,  dies  illa,  quœ  pro  natali  ab  eadem  Apostolica  Sede 
determinata  fuerit,  censeri  debebit  natalis  dies,  in  eaque 
dicendus  erit  versus  Meruit  beafas  et  non  in  sequenti,  nisi 
adtramites  decreti  S.  G.  R.  13  junii  1682  (1),  si  ad  se- 
quentem  transferatur  diem,  cui  juxta  aliam  computandi 

(l)  An  quando  contingit  transferri  festutn  alicujus  sancti  confessons 
a  die  sui  obitus  in  diem  proxime  sequentem,  debeat  tune  in  primis 
vesperis  dici  in  bymuis  Meruit  beatas  et  in  matuliuo  et  secundis  vesperis 
Meruit  supremosl 

R.  In  casu  proposito  Imu  in  vesperis,  tuua  in  relique  oflicio  continuan- 
dum  versum  Meruit  beatas. 


/i2  COMMENTARIUS 

rationem  consignari  poterat  natalis  sancti  qui  transfertur. 
Sic,  licet  S.  Franciscus  de  Paula  obierit  die  secunda  aprilis 
hora  circiter  vigesima  prima,  etconsequenter,juxtaprimam 
computandi  rationem,  natalis  ejusdem  tradi  potuisset  die  3. 
aprilis,  adhuc  quia  juxta  rationes  alias  consignatus  fuit  diei 
secmidœ,  in  hac  dici  debebit  Meruit  beatas,  non  autem  si 
transferatur  ad  diem  tertiam,  nisi  primas  intégras  vel  di- 
midias  habeatvesperas.  SimiliterS.Philippus  Benitius  die  22. 
augusti  ad  vitam  evolavit  œternam  hora  24.  ad  pulsationem 
salutationis  Angelicœ,  etiuxtsb secundam  computandi  rationem 
natalis  ejusdem  statutus  fuit  die  23.  sequenti,  et  ideo  in  hoc 
dicitur  31eniit  beatas,  qui  versus  etdiceretur  die  22.  si  juxta 
tertiam  computandi  rationem  natalis  ejusdem  prœdictae  diei 
22.  [non  impeditse  consignatus  extitisset.  Hœc  Caval.  iom.  II. 
dec.  33Zi.  n.  h.  Eadem  prorsus  ratione  5.  Pétri  Damiani 
diem  natalem  habemus  die  23.  februarii,  tametsi  Breviarium 
eum  ad  Christum  migrasse  référât  die  22.  ;  item  s.  Alphonsi 
de  Ligor.  dies  natalis  statutus  est  2.  augusti,  licet  —  teste 
Breviario  —  expiraverit  Kalendis  Ausgusti  (1). 

27.  Dies  in  legibus  accipiendus  est  secundum  subjectam 
materiam;  nam  quum  aliquid  est  agendum,  quod  aliam 
rationem  in  luce  et  aliam  in  tenebris  habet,  antiqua  et 
vulgaris  diei  appeliatio  retinenda  est,  qua  dies  in  duodecim 
horas  divisus  sumitur  ab  ortu  ad  occasum  solis  (2),  et  contra 
nox  in  alias  duodecim  horas  divisa  accipitur  ab  occasu  ad 
ortum  solis,  uti  reipsa  habitantes  sub  sequatore  toto  anno 
diem  noctemque  retinent  sequalem.  Atque  hue  referri  ea 
possunt,  quae  habentur  tum  Gen.  I  :  Deus  divisit  lucem  a  te- 
nebris appellavitque  lucem  diem  et  tenebras  noctem;  tum 
Joan.  XI :  Nonne  duodecim  sunt  horœ  diei  ?  Si  quis  ambulaverit 
in  diCj  non  offendit,  quia  lucem  hujus  mundi  videt. 

Et  quamvis  dies  Romanus  a  média  nocte  inciperet  et 

(1)  Revue  des  Sciences  ecclésiastiques,  juin  1863.  t.  va,  p.  572. 

(2)  C,  Consuluit  nos.  24,  rfe  Offic.  et  potest.  delegati  cit.  nuru,  praeced. 


DE    COMPUTO    ECCLESIASTICO.  A3 

sequente  nocte  finiretur,  diei  horas  tamen  ab  ortu  solis 
dinumerabant ,  duodecim  diei  totidemque  nocti  tribuentes. 
Atqaeita.  primam,  sextam,  septimam  horam,  quoties  in  cor- 
pore  juris  occurrit  accipere  debemus.  (£.  Placuit.  1.  fj.  de 
Manumissionibus;  l.  Via.  5.  ff.  de  Servitutibits  ;  l.  Titlus,  25. 
ff.  de  Liberis  et  posthumis;  L  Non  minorem.  20.  Cod.  de  Trans- 
actionibus.) 

Si  autem  sermo  sit  de  continuo  temporis  successu,  obser- 
vai! da  est  Romana  institutio  lerjis  More  Romano  8.  de  Feriis 
{II,  12.).Sicin  materiapraescriptionum,  ubi  tempus ita  noctu 
proceditac  dieadcomplendamusucapionem  juxta  /.  Ideoquel . 
ff.  de  Usurpationib.  et  usucapionib.:  Qui  hora  sexta  diei  kalen- 
darum  januarianim  possidere  cœpif,  hora  sexta  noctis  pridie 
katendas  jannarias  implet  usiœapionem.  Quod  si  partes  diei 
considerentur,  eum  nunc  in  varias  horas  distribuimus. 

Olim  Hebrsei  diem  in  horas  non  dispescebant,  sed  in 
quatuor  partes,  W2a«escilicet,  meridiem,  primiim  et  secundum 
vespenim.  Noctem  etiam  in  très  partes  dividebant  vespera, 
médium  noctis  et  vigilia  matutina.  Si  quando  apud  Se- 
tuaginta  horarum  nomen  occurrat,  illud  vel  denotando  certo 
cul  dam  tempori  vel  designandis  anni  tempestatibus  usur- 
patum  est. 

Hesychiits  tradit,  veteres  pedibus  umbras  dimensos  diem 
divisisse  ;  unde  et  tempus  cœnae  modo  hac  modo  illa  pedum 
dimensione  designabant.  Decem  pedum  aToî/ou;  multi  me- 
minerunt  :  eratque  ea  hora  corpori  curando  opportuna. 
[Pollux,  lib.  VI.  c.  8.)  Parasiti  tempus  cœnœ  exacte  curabant 
observare  et  nuntiare,  quia  mensis  inhiabant  potentiorum  (1) , 

(1)  Hiuc  est,  quod   esuriens  parasita  in  Bœolia  Plauti  illi  imprecetur, 
qui  primus  horologium  statuisset,  his  verbis  : 

Ut  illum  DU  perdant,  primus  qui  horas  repperit, 
Quique  adeo  primus  hic  statuit  solarium, 
Qui  mihi  comminuit  misera  articalatim  diem; 
Nam  me  puero  utérus  hic  erat  solarium, 
Multo  omnium  istorum  optumum  et   verissimum... 
Nunc  eCiam  quod  est,  non  est,  nisi  soli  lubet. 


A4  COMMENTARIUS 

immo  în  sedibus  magnatum  uniservorum  commissum,  varia 
diei  tempora  nuntiare;  eum  wpoXoYrjTr,v  vocabant. 

Turcœ  Talismanrwi  habent  hominum  genus  templorum 
ministerio  dicatum.  Hi  mensuris  utuntur  ex  aqua,  quibus 
postquam  adventare  auroramcognoverunt,  claiiiorem  tollunt 
e  celsa  turri  in  euin  usum  constructa,  quo  homines  ad  ve- 
nerandum  Deum  hortantur  etaccersunt.  Idemfaciunt  medio 
tempore  inter  exortum  solis  et  meridiem,  et  item  inter 
meridiem  et  occasum  :  postremo  sole  occidente  voce  utuntur 
acutissima  eatn  non  injucunda  modulatione  vibrantes, 
quse  longius  quam  credi  possit  exauditur.  Sic  totus  dies 
Turcis  in  quatuor  spatia  dividitur  majora  aut  contractiora, 
ut  anni  fert  tempus:  noctis  omnetempusincertum  est,  teste 
Busbeq.  in  Itinerario.  Post  inventam  diei  in  varias  horas 
distinctionem-diversae  diei  noctisque  partes  horarum  voce 
significantur.  De  hac  partitione  autem  distinctius  agendum. 

N.    N.,  Sacrorum  canonum  Piof. 
(La  suite  au  prochain  uuméro.) 


LA  THÉOLOGIE  DES  CATACOMBES. 


Premier  article. 


La  naissance  de  l'Église  chrétienne  est  très-différente  de 
la  formation  des  sociétés  humaines.  Rien  ne  manqua  dès 
l'abord  à  son  autorité,  à  sa  constitution,  à  son  dogme,  à  sa 
morale  ;  ses  éléments  furent  créés  et  harmonisés  tous  en- 
semble, et  elle  n'a  point  connu  les  difficultés  et  les  lenteurs 
d'une  organisation  progressive.  Or,  ce  caractère  .est  surna- 
turel et  certainement  divin.  Aussi ,  les  ennemis  de  l'Église 
veulent  le  lui  arracher,  et  effacer  le  sceau  dont  son  Fondateur 
l'a  marquée  au  front.  Elle  s'est  dégagée,  disent-ils,  d'un 
mélange  d'idées,  de  principes,  de  forces  contradictoires  : 
le  cours  des  âges  a  amené  cet  immense  conflit  de  l'esprit 
sémitique  et  de  l'esprit  occidental ,  des  tendances  judaïques 
et  exclusives  de  Pierre,  et  des  aspirations  larges  et  gréco- 
romaines  de  Pau  ;  puis,  après  quatre  siècles  d'essais,  de 
luttes  et  de  déchirements  intérieurs,  après  le  combat  tumul- 
tueux des  flots,  l'Église  est  née  de  leur  écume. 

L'Église  catholique  répond  à  cette  philosophie  menteuse 
par  une  déclaration  puissante  et  une  claire  exposition  de  ses 
origines.  De  ses  mains,  elle  a  ouvert  son  mystérieux  berceau, 
et  nous  a  rendu  la  Rojne  souterraine.  Nous  savons  que  ce 
soin  n'a  pas  été  vain  et  stérile.  La  vérité  a  jailli  des  pro- 
fondeurs de  la  terre  comme  un  rayon  lumineux  :  et  il  y  a 


àG  LA    THÉOLOGIE    DES    CATACOMBES. 

paru  que  la  société  chrétienne  ne  s'est  pas  formée  pénible- 
ment d'éléments  impurs  et  mêlés,  mais  que  l'Eglise  de 
Pie  IX  est  identiquement  l'Église  de  saint  Pierre,  de  Jésus- 
Christ,  de  Dieu.  Les  Catacombes  romaines  ont  donc  leur 
théologie,  grande  et  illustre  entre  toutes.  Nous  en  avons 
entendu  quelques  échos,  et  nous  les  redirons  ici  d'une  voix 
inhabile,  mais  émue  d'amour  et  de  foi. 

Cependant,  Rome  souterraine  n'est  pas,  comme  on  le 
pourrait  croire  ,  exclusivement  catholique.  Ses  h^■pogées 
parlent  plusieurs  langages  :  un  bras  du  cimetière  de  Pré- 
textât et  d'importantes  inscriptions  appartiennent  aux  sectes 
gnostiques  ou  rappellent  les  schismes  et  hérésies  qui  se  sont 
élevés  contre  la  chaire  du  prince  des  Apôtres  ;  les  cata- 
combes juives  de  Rome  fournissent  encore  une  classe  spé- 
ciale de  monuments  dont  il  faut  tenir  compte  dans  l'étude 
de  l'antiquité  chrétienne.  Nous  avons  pensé  que  le  spectacle 
de  trois  sociétés  ennemies  du  Paganisme,  et  se  disputant 
entre  elles  le  titre  de  véritable  Église  de  Dieu,  offrirait  un 
sérieux  intérêt  ;  qu'on  aimerait  à  connaître  leurs  rapports, 
et  à  suivre  dans  la  Synagogue  et  l'Hérésie,  la  ruine  de  la 
vérité  et  les  envahissements  de  l'erreur.  Et  puisque  leur 
témoignage  vient  souvent  appuyer  celui  de  l'Église  romaine 
et  attester  la  divinité  de  ses  croyances,  nous  avons  voulu 
que  notre  Théologie  des  catacoi/ibes  renfermât  l'étude  succes- 
sive :  1°  des  catacombes  juives;  2°  des  catacombes  héré- 
tiques et  des  inscriptions  qui  s'y  rattachent;  3°  enfin,  des 
catacombes  catholiques. 

PREUIÈBE    PARTIE- 
LA  SYNAGOGUE   ET  SES  CATACOMBES. 

Les  catacombes  de  Collerosato  sur  la  via  Portwsnsis ,  et 
du  Plante  Verdc  i\  l'extrémité  méridionale  du  Janicule.  les 


LA  THÉOLOGIE    DES    CATACOMBES.  47 

inscriptions  juives  qui  en  furent  extraites,  ou  qui,  dispersées 
parmi  les  ruines  de  Rome,  ont  été  recueillies  dans  des  publi- 
cations spéciales ,  des  pierres  gravées  et  symboliques,  les 
verres  et  coupes  imagées  de  la  Synagogue ,  et  surtout  la 
remarquable  catacombe  de  la  Vigna  Randanini,  avec  ses 
richesses  de  sculpture,  de  peinture  et  d'épigraphie,  tels  sont 
les  monuments  hébraïques  que  Rome  souterraine  offre  à 
nos  études.  Le  sujet  est  neuf,  et  partout  hérissé  de  diffi- 
cultés :  qu'on  nous  pardonne  d'y  apporter  moins  de  lumières 
que  de  dévoûment.  Nous  suivrons  les  découvertes  et  les 
savants  commentaires  du  R.  P.  Garrucci,  dont  nous  appré- 
cions vivement  et  l'immense  érudition,  et  la  haute  bienveil- 
lance pour  les  travaux  archéologiques  de  la  Jîevue  des 
Sciences  ecclésiastiques  (1). 


I. 


La  colonie  juive  de  Rome  s'y  établit  dans  le  siècle  qui 
précéda  l'ère  chrétienne,  et  les  auteurs  contemporains  nous 
disent  qu'elle  avait  pris  racine  en  un  excellent  quartier, 
celui  du  Transtévèi'e.  Une  inscription  latine  publiée  par 
Mommsen  (2)  donne  à  croire  qu'avant  le  règne  de  Néron, 
la  Synagogue  avait  déjà  pénétré  à  la  cour  des  Césars.  Elle 
s'étendit  bientôt  dans  toutes  les  régions  de  la  ville  et  se 
subdivisa  en  plusieurs  communautés  dont  nous  connaissons 
les  dénominations.   C'étaient  les  Campenses^  peut-être  fixés 

(I)  Cfr.  Cimitero  degli  antkhi  Ebrei,  scoperto  recentemente  in  Vigna 
Randanini,  illuntralo  psr  Raffaele  Garrucci,  d.  C.  d.  G.  Roma,  Civillà  cat- 
tolica,  in-8o.  1862.  —  Descrizione  del  Cimitero  Elraico  di  Vigna  Randa- 
nini sulla  Via  Appia.  Roma,  ibid.,  iû-S"  1862. — Nuove  Epigrafi  Giiidaiche 
di  Vigna  Randanini.  Roma,  ibid.,  iii-8°.  1862.  —  Veiri  ornati  di  figure 
in  oro  trovaiinei  cimiteridei  Cristiani.  Roma,  ibid.,  in-P.  1858. — Aringhi, 
Roma  siibterranea,  t.  ï,  p.  390  et  suiv.  —  IP  Spencer  Norlhcote,  les  Ca- 
tacombes romaines.  Rome,  iri-12,  1853.  (Paris,  Poussielgue) . — Voyez  aussi 
celle  Revue,  nov.  1862,  l' Archéologie  sacrée  à  Rome. 

(i)  Inscript.  Neapol.  lat.,  u.  6'i67. 


48  LA   THÉOLOGIE    DES    CATACO.MBES. 

au  Champ  de  Mars,  les  Augusfenses,  Agrippenses,  Siburenses, 
Vohimnenses,  Elœenses,  Calcarienses  et  les  /7e&/-ff?/ proprement 
dits  (1).  Lem*  acthité  prit  de  rapides  et  hardis  dévelop- 
pements et  mérita  les  épigrammes  de  Martial,  en  même 
temps  qu'elle  inspirait  des  plaintes  amères  à  Stace  et  à  Ju- 
vénal.  La  vallée  fameuse  qui  s'ouvre  non  loin  de  la  porte 
Capène,  où  Numa  rêvait  à  ses  lois  et  écoutait  les  leçons 
d'Egérie,  où  les  Muses  régnaient  en  un  temple  de  marbre 
à  l'ombre  d'un  bois  sacré,  cette  vallée  était  affermée  aux 
Juifs  , 

....  Quorum  copbinus  fœnumque  supellex  (1). 

Là,  sans  doute,  habitaient  les  plus  riches  d'entre  eux,  si 
nous  en  jugeons  par  la  catacombe  qu'ils  y  creusèrent  et  que 
nous  avons  récemment  retrouvée.  Car,  si  le  cimetière  hé- 
braïque du  Monte  Verde  avait,  au  témoignage  de  Bosio,  un 
aspect  très-misérable,  celui  delà  Vigna  Randanini  est  com- 
parable à  nos  belles  catacombes.  H atrium  y  est  pavé  de 
mosaïques  et  revêtu  de  marbre  :  les  portes  des  cubicula  et 
les  sépulcres  étaient  oi-nés  avec  un  soin  pareil  ;  des  fresques 
de  valeur  décorent  deux  chambres  et  plusieurs  urcosolia  où 
l'on  voit  des  sarcophages  sculptés  et  parfois  dorés. 

Si  la  liberté  de  culte  dont  jouissaient  les  Juifs  romains, 
et  les  intelligences  qu'ils  avaient  à  la  cour  impériale  n'ex- 
pliquaient pas  assez  l'importance  que  saint  Paul  leur  accorda 
toujours,  les  catacombes  hébraïques  en  donneraient  toutes 
seules  la  raison  :  elles  témoignent  clairement  de  la  prospé- 
rité matérielle,  de  la  richesse  et  par  conséquent  de  l'influ- 
ence de  la  Synagogue  (3)  ;  elles  nous  en  diront  plus  tard  la 

(1)  Cimitero.  p.  ci8  seq. 

(2)  Juveo.,  Sut.  III,  V.  17.  —  Cfr.  Statius,  i  Sih.,  passim.  —  Martialis, 
I,  Ep.  35;  XII,  Ep.  46,  etc. 

(3)  «  Victoresque  suos  natio  vicia  premit,  »  disait  d'elle  Rutllius  Cle- 
meulianus. 


LA   THÉOLOGIE    DES    CATACOMBES.  49 

forte  et  puissante  organisation.  L'Apôtre  devait  donc  compter 
avec  elle,  et  la  prudence  plus  encore  que  la  charité,  lui  pres- 
crivait d'insister  longuement  en  son  épitre  aux  Romains, 
sur  le  rôle  des  Juifs  dans  le  monde  surnaturel.  Il  devait 
combattre  des  préjugés  de  race,  et  les  dangereuses  attaques 
du pharisaïsme  austère  ou  de  l'esprit  grec,  inquiet  et  subtil, 
qui  parait  avoir  dominé  dans  la  colonie  juive  des  bords  du 
Tibre.  Celle-ci,  en  eflet,  parlait  presque  exclusivement  le 
grec,  surtout  le  dialecte  vulgaire  d'Alexandrie  :  elle  se  sert 
à  peine  dans  les  inscriptions  de  la  langue  latine  et  toujours 
avec  une  grande  inhabileté  ;   ses  noms  propres  sont  très- 
souvent  grecs,  plus  rarement  hébreux  ou  romains,  d'où 
l'on  voit  quelle  était  la  prépondérance  des  Juifs  hellénistes 
dans  son  sein. 

Cependant,  si  toutes  les  épitaphes  judaïques  de  Rome 
eussent,  comme  celle  de  Claudia  Aster  de  Jérusalem, 
d'Ammias  deLaodicée,  ou  d'Ursacia  d'Aquilée  (1),  pris  le 
soin  de  marquer  la  partie  des  personnages  auxquels  elles 
sont  consacrées,  à  coup  sûr,  toutes  les  nations  de  la  terre  y 
seraient  rappelées.  On  y  trouve  des  noms  venus  d'Athènes, 
d'Alexandrie,  de  l'Afrique  et  de  Garthage,  de  la  Palestine, 
des  régions  les  plus  illettrées  de  la  Grèce  ou  du  Latium  (2) , 


(1)  Cimitero,  pp.  1k,  t(,,  62, 

(2)  Citous parmi  les  uoins  grecs:  Theodora,  Deuterus,  Eterus,  Staphti' 
lus,  Basileus,  Poimenis,  Parlhenos,  Pancharis,  Dijonistas,  Zoticus,  etc.;  — 
parmi  les  Alexandrins  :  Castricius  ou  Custrikis.  —  D'aulres  sont  em- 
pruntés à  la  basse  grécité  :  Gurgilia,  Caluiius,  Mannacius.  —  Marosa  se 
retrouve  dans  les  inscriptions  numidiques  sous  la  forme  Ï^ÎDII^Û. 
Plusieurs  sont  hébraïques,  comme  Sabbatius,  Noumenis,  dont  le  rapport 
avec  les  «  Néoménies»  est  apparent,  Aimas  (niûPi?),  Leos  et  Lea,  assez 
voisins  de  «  Lcvi  »,  Abùas,  Judas,  Jonala,  Joses,  Zabouttas  (Zebedaeus?), 
etc.  —  La  latinité  vulgaire  a  fourui  :  Decembrus,  Cocotio,  etc.;  Aster, 
Asteria,  Meletiiun,  Sijnhelica,  Ëparchia,  Provincia,  etc.,  sont  parliculiera 
à  la  Synagogue.  Mais  il  faut  laisser  celte  étude  à  la  philologie,  qui  trou- 
vera dans  les  travaux  du  R.  P.  Garrucci  une  belle  moisson  à  recueillir. 
Plusieurs  exemples  qae  nous  y  avons  remarqués  indiqueraient  que  les 
Juifs  de  Rome  prenaient  deux  uoms^  l'un  latin,  et  l'autre  hébreu.  C'est 

Revue  pes  Sciences  ecciJ:si astiques,  t.  is.  4. 


50  LA    THÉOLOGIE   DES    CATACOMBES. 

et  même  de  la  sainte  et  catholique  Église  de  Rome.  Car, 
on  lit  sur  une  tombe  de  la  Vigna  Randanini  : 

CABBATl 
PENATÛ 
AAEA<I)i2 
(-)HhEN  (1) 

«ôabbatia  a  posé  (ce  monument)  à  René,  son  frère.  » 

Le  nom  de  Renatus  n'est-il  pas  essentiellement  chrétien  ? 
N'est-ce  pas  l'expression  delà  régénération  par  le  baptême, 
et  l'abrégé  de  ces  paroles  évangéliques  :  «  Si  quelqu'un  ne 
renaît  de  nouveau,  il  ne  peut  voir  le  royaume  de  Dieu?  » 
Quel  est  donc  ce  René,  frère  de  Sabbatia,  et  d'où  lui  vient 
un  nom  consacré  par  la  foi  catholique  ?  Peut-être  était-il  un 
transfuge  des  autels  chrétiens,  qui  conservait  dans  la  honte 
de  son  apostasie  ce  nom  de  gloire  et  de  lumière  ;  peut-être 
encore  un  prosélyte  sorti  du  paganisme,  et  à  qui  la  Syna- 
gogue, par  une  imitation  mensongère  de  nos  dogmes  et  de 
nos  usages,  avait  imposé  avec  le  joug  intolérable  de  la  loi, 
ce  titre  de  lienalvs,  qui  signifie  la  liberté  et  l'affranchisse- 
ment des  enfants  de  Dieu.  Le  judaïsme  faisait  alors  quelques 
conquêtes  à  Rome  et  les  Catacombes  en  donnent  un  double 
exemple.  Le  sarcophage  de  Veturia  Paulina  nous  apprend 
qu'elle  mourût  à  l'âge  de  quatre-vingt-six  ans  et  six  mois, 

ainsi  qne  firanl  saiul  Paul  :  2avî>o;  ce  6  x.a\  ITauXoç  (Act.  xiii  ,  9.  Cf. 
Nuove  epigy.,  p.  15  :  AiMAXIS  O  KAI  IIPIMOIl),  Barsabas,  fjui  cogno- 
minatus  est  Justus  (Act.-  I,  53)  ;  Simou,  qui  vocabatur  Niger  (Act.  xiir,  1)  ; 
Jean,  qui  cognoniinntas  est  Marcus  (Act.  xii,  12),  etc. 

(1)  Cimiteio,  p.  4G.  Dans  les  inscriptions  gréco-judaïques  que  nous 
citerons,  le  2i  est  d'ordinaire  remplacé  par  le  C  ;  l'E  ressemble  fort  à 
l'e  oucial  du  moyen-âge;  l'iî  est  plutôt  un  m  minuscule  allongé;  l'A 
est  quelquefois  modifié-  mais  le  but  do  notre  travail  n'exige  pas  la  con- 
servation exacte  do  tontes  ces  formes. 


LA    THÉOLOGIE    DES   CATACOMBES.  51 

«  prosélyte  depuis  seize  années.  »  Mannacius,  sans  doute 
prosélyte  lui-même,  voua  l'inscription  suivante  à  la  mé- 
moire de  sa  sœur  (J  )  : 

MANNACIVS 
SORORI  CRYSIDI 
DVLCISSIME 
PROSELYTl 

Telle  était  la  colonie  juive  de  Rome,  qui  s'efforçait  de 
vivre  et  de  grandir,  étouffée  d'une  part  soug  le  mépris  hai- 
neux du  paganisme,  de  l'autre,  déjà  vaincue  par  le  Chri- 
stianisme qui  lui  tendait  encore  les  bras  pour  la  sauver. 
Nous  l'avons  montrée  sous  un  aspect  général  ;  nous  avons 
décrit  en  peu  de  mots  son  origine  et  comme  son  essence  : 
avant  de  dessiner  plus  clairement  les  traits  de  son  caractère, 
précisons  l'époque  où  nous  la  prenons  pour  sujet  d'étude, 
et  où  se  rattachent  les  monuments  qu'elle  nous  a  laissés. 

Ses  inscriptions  funèbres  sont  rarement  datées  :  nous  sa- 
vons, toutefois,  que  l'une  d'elles  appartient  à  l'âge  d'Au- 
guste ;  une  autre,  découverte  dans  le  cimetière  de  la  voie 
Appienne,  est  certainement  du  temps  de  Gallien  et  prouve 
que  ce  cimetière  existait  au  milieu  du  troisième  siècle  de 
notre  ère;  d'autres  devraient  être  attribuées  au  règne  d'A- 
lexandre Sévère,  si  d'excellentes  conjectures  ne  restaient 
nécessairement  en  deçà  de  la  certitude  (2).  Au  reste,  toutes 
s'accordent  bien  avec  le  style,  les  coutumes  et  l'histoire  de 
la  fin  du  second  siècle  et  du  troisième  tout  entier  (3) .  Les 
peintures,  les  sarcophages  sont  contemporains  de  ceux  qui 
'furent  exécutés  dans  les  catacombes  chrétiennes,  au  deu- 
xième et  au  troisième  siècle,  quand  les  bonnes  traditions  de 

(1)  Nuove  epiyr.,  p.  15. 

(2)  Cimitero,  pp.  24,  32,  /i8.  Descrizione,  p.  l2,  note  1". 

(3)  Descrizione,  p.  12. 


52  LA   THÉOLOGIE    DES    CATACOMBES. 

l'art  antique  ne  s'étaient  pas  tout-à-fait  perdues.  La  période 
historique  que  ce  travail  embrasse,  s'étend  donc  du  règne 
d'Auguste  à  celui  de  Constantin,  de  la  naissance  du  Christ 
au  triomphe  de  son  Église. 


II. 


Le  langage  figuré  du  symbolisme,  qui  s'efface  et  s'oublie 
de  plus  en  plus  dans  les  sociétés  modernes,  fut  toujours 
l'expression  préférée  de  l'esprit  oriental  et  des  vérités  reli- 
gieuses ;  aussi  les  catacombes  hébraïques  sont  richement 
pourvues  de  symboles.  Parfois,  ils  ont  seulement  pour  objet 
({uelque  personnage  ignoi-é  :  c'est  une  allusion  à  son  nom, 
l'image  emblématique  de  son  caractère,  une  énigme  dont 
sa  vie  donne  le  secret ,  l'attribut  de  sa  profession.  Ainsi, 
l'inscription  funèbre  du  scribe  Deuterus  est  accompagnée  du 
hvre  de  la  loi  (1)  ;  au  nom  du  scribe  Castricius  on  a  joint 
une  tablette  à  écrire  ou  à  calculer  (2).  Ce  petit  enfant,  âgé 
de  deux  années,  d'un  mois  et  de  trois  jours,  «  qui  aimait 
son  père,  qui  aimait  sa  mèi-e,  »  est  figuré  par  un  oiseau  qui 
s'envole  aux  cieux  (3).  Une  scène  champêtre,  des  arbres, 
une  chaumière,  des  poussins  qui  environnent  leur  nid, 
ornent  la  sépulture  q\i  Alexandra  Severa  prépara  à  Notus  son 
nourrisson  et  son  fils  adoptif  (â) ,  disant  ainsi  le  bonheur  et 
la  joie  de  leur  vie  commune.  Le  scribe  Ursns  est  désigné  par 
un  oiseau  et  un  rayon  de  miel  ;  et  ces  alvéoles  gravés  sur 
sa  tombe  rappellent  peut-être  la  loi  divine,  objet  constant 
de  son  étude  et  plus  douce  qu'un  rayon  de  miel  (5).  Sur  le 


(1)  Cimitcro,  p.  4ô  et  suiv, 

(2)  Nuove  epigr.  \\,  14. 
f3)  Cimit.,  p.  47. 

(4)  Ib.,  p.  48. 

(5)  Psalm.  xviii,  11.  Cf.  Chniiero,  p.  59.  Peut-êlie  aussi  le  double  sym- 
bole de  l'oiseau  cl  du  rayon  de  miel  fut  consacré  à  l'innocence  et  à 
la  (jQuceur  d'Ursus  par  sa  fiancée,  qui   lui   donna  le  sépulchre  où  il  re- 


LA    THÉOLOGIE    DES    CATACOMBES.  Ôb 

marbre  voué  à  h  mémoire  du  petit  enfant  Salpingius  (1) , 
deux  cornes  de  bélier  font  allusion  à  son  nom  dérivé  du 
grec  ffâXTriy;.  Les  fruits  et  les  feuillages,  les  poissons,  des 
vases  et  ampoules,  Vascia,  la  corbeille  de  fleurs,  les  feuilles 
de  lierre,  si  elles  ne  sont  point  un  pur  signe  de  ponctuation, 
appartiennent  au  même  ordre  de  symbolisme  «  civil  «  que 
la  foi  religieuse  n'inspire  point  toujours,  il  est  vrai,  mais 
que  nous  ne  pouvons  négliger  dans  ce  tableau  des  catacombes 
juives  :  tout  ce  qui  appartient  à  l'antique  synagogue  touche 
de  près  à  la  théologie  chrétienne. 

A  un  degré  plus  élevé  se  placent  les  peintures  allégoriques 
des  deux  cubiada  découverts  le  18  mai  1862  dans  le  ci- 
metière de  la  voie  Appienne.  Leur  caractère  tout  national 
et  la  solution  qu'elles  apportent  à  une  grave  controverse 
théologique,  méritent  un  peu  d'attention.  L'existence  et 
l'emploi  de  figures  d'êtres  animés  sur  les  monuments  hé- 
braïques, sont  des  faits  désormais  acquis  à  l'histoire  :  il  ne 
saurait  non  plus  y  avoir  aucun  doute  sur  la  légitimité  de  cet 
usage.  L'esprit  judaïque  est  trop  soucieux  de  la  discipline 
légale,  trop  jaloux  de  ses  traditions  et  de  ses  préceptes  pour 
les  enfreindre  à  ce  point.  La  Bible,  nous  l'avons  dit  ailleurs, 
et  c'est  l'opinion  de  théologiens  de  renom  (2),  ne  condamne 
ni  les  emblèmes,  ni  les  représentations  d'hommes  et  d'ani- 
maux ;  et  Origène  expose  en  ces  termes  la  raison  qui  portait 
les  Juifs  à  s'en  abstenir  :  «  In  civitate  eorum  nullus  pictor 
«  admittebatur,  nullus  statuarius,  legibus  totum  hoc  arcen^ 


pose.  (M^JEIA  TOY  MEAAONYMailOV,  dit  l'épilaphe.)  Le  R.  P. 
Garrucci  voit  dans  le  miel  uue  allusion  au  nom  d'Ursus,  empruntée  de 
Pline  et  des  naturalisles  anciens. 

Il)  Descrizione,  p.  7. 

(•2)  Gabriel  Vasqaez,  Jacques  Bonfrère,  etc.  Saint  Thomas  1.  2.  q,  102, 
a.  4.  ad  6"°  remarque  que  le  culte  idoldtrique  des  ij^ages  était  défendu  par 
le  premier  précepte,  mais  non  {"emploi  des  images.  Terlullieu  parle 
dans  le  même  seu3  {contra  Marc,  u,  àî).  Cf.  Nitove  cpigr.,  p,  2  etsuiv. 
V.  Reçue  d'.'s  Se.  eccl.,  novembre  1862,  p.  451. 


54  LA   THÉOLOGIE   DES   CATACOMBES. 

«  tibus,  neoccasio  praeberetur  hominibus  crassis  (1).  »  Lors 
donc  que  ce  motif  perdit  son  importance  et  sa  valeur,  ils 
admirent  dans  leurs  édifices  et  leurs  hypogées  les  images 
longtemps  proscrites,  et  accordèrent,  dans  la  paix,  une  sé- 
pulture honorable  aux  peintres  qui  les  retraçaient  sur  les 
parois  des  galeries  souterraines  et  à  la  voûte  des  chaml^res 
funéraires.  Ainsi,  on  lit  sur  un  sarcophage  de  marbre  de  la 
Vigna  Kandanini  : 

EN0AAE 
KITE  EYAO 

Eioc  zwr 

PAa>OC  EN 
EIPHNH  HK 

«i'[x/,ai<;  cou 

«   Ici  dort   Eudoxius ,  peintre  ;  ton   sommeil    dans  la 
«  paix  (2)  !  » 

Le  premier  des  Cubiculu  signalés  plus  haut  est  orné  de 
fresques  inspirées  de  l'art  antique  :  l'apothéose  de  la  victoire 
et  du  commerce  en  est  le  thème.  La  Victoire  apparaît  au 
centre,  aîlée  et  portant  une  palme  ;  debout  à  son  côté,  un 
jeune  homme  nu  et  le  front  ceint  de  lauriers,  lui  présente 
une  sorte  de  carquois  sur  lequel  elle  dépose  la  couronne  du 
triomphe.  Des  paons  qui  se  dressent  orgueilleusement  sur 
de  larges  sphères  ;  deux  pégases  aîlés  ;  le  coq  placé  entre  le 
diadème  que  les  Grecs  donnaient  aux  vainqueurs  du  cirque, 
et  un  trophée  de  couronnes  ;  cent  oiseaux  divers  rem- 
.  plissent  les  compartiments  architectoniques  dessinés  sur  la 
voûte  et  les  parois  de  la  salle.  Parmi  ce  luxe  de  décors,  les 

(1)  Lib.  lY.  contra  Celsum. 

(2)  Nuove  epigr.  p.  3.  Il  est  probable  que  cet  Eudoxius  fut  l'auteur 
des  peintures  dont  nous  allons  parler.  Puisqu'on  lui  souhaite  le  repos 
dans  la  paix  de  Dieu,  évidemment  il  n'était  pas  regardé  comme  un 
trausaresseur  de  la  Loi. 


LA    THÉOLOGIE    DES    CATACOMBES.  55 

attributs  de  Mercure  viennent  eux-mêmes  symboliser  le 
commerce  :  le  peintre  n'a  pas  hasardé  la  figure  du  dieu  ; 
il  s'est  contenté  du  caducée  qui  repose  sur  un  pilastre,  et 
du  bélier  qui  rêve  à  la  bourse  étendue  à  ses  pieds. 

Mais  quelle  est  cette  victoire  célébrée  par  Eudoxius  ?  Les 
aptitudes  et  les  instincts  guerriers  étaient  certainement  trop 
peu  développés  dans  la  colonie  judéo-romaine  pour  que  ses 
peintres  pussent  songer  à  une  épopée  militaire.  La  présence 
des  attributs  de  Mercure  exclut  une  intention  religieuse 
comme  le  souvenir  des  victoires  de  l'éternité.  Et  encore  que 
chez  les  anciens,  le  paon,  la  palme  et  le  coq  aient  été  les 
emlDlêmes  des  triomphes  du  cirque,  nous  les  croyons  subor- 
donnés ici  à  une  autre  pensée,  et  cet  ensemble  de  figures 
symboliques  nous  paraît  une  allégorie  du  commerce.  Dans 
cette  arène  tranquille  où  les  meilleures  armes  sont  la  soif 
du  gain  et  l'habileté  des  transactions,  le  génie  d'Israël  pou- 
vait remporter  de  vraies  victoires.  Eudoxius  a  peint  au  na- 
turel les  armoiries  de  sa  nation  ;  car  si  elle  a  imaginé  de 
ressaisir  son  sceptre  et  sa  suprématie  d'autrefois,  elle  n'a 
fait  aucun  fond  sur  les  forces  de  l'intelligence,  du  glaive  ou 
de  l'art,  mais  sur  la  souveraine  eflicacité  de  l'or. 

Les  fresques  du  second  cuhlciihnn  ne  sortent  pas  de  cet 
ordre  d'idées.  L'abondance,  drapée  dans  son  patlivm,  cou- 
ronnée comme  une  reine,  tient  d'une  main  sa  corne  clas- 
sique, et  de  l'autre  une  large  coupe  d'où  elle  épand  sur  la 
terre  cette  enivrante  ambroisie  des  biens  temporels  que  la 
Synagogue  a  toujours  désirée  et  savourée.  Les  génies  des 
quatj-e  saisons  avec  leurs  attributs,  et  des  figures  semblables 
à  celles  que  nous  décrivions  tout  à  l'hem'e,  forment  la  cour 
de  la  déesse  aimée. 

Or,  toutes  ces  peintures  sont  le  commentaire  visible  des 
reproches  que  les  Livres  saints  adressent  si  souvent  au 
peuple  Juif  :  ils  en  attestent  la  justesse  et  en  constatent 
l'opportunité.  L'abbé  J.  D. 


ASSEMBLÉE  DES  SAVANTS  CATHOLIQUES 

A  MUNICH, 

du  28  septembre  au  l^""  octobre  1863. 


Verhaudlungen    der  \  ersammlung  '^katholischer  Gelehrlen  in  Mûnchen 
8».  Regcusburg,  Mauz,  1863. 


L  —  l'assemblée. 

C'était  une  grande  pensée  qui  animait  les  docteurs  l)œl- 
linger,  Alzog^  Haiiebenj,  lorsqu'au  mois  d'août  dernier,  ils  en- 
voyèrent une  circulaire  aux  savants  catholiques  de  l'Alle- 
magne pour  les  appeler  à  un  congrès.  Jamais  peut-être  le 
moment  ne  fut  plus  opportun  pour  une  pareille  assemblée. 
A  mesure  que  le  mouvement  des  idées  devient  plus  vaste,  et 
que  le  travail  journalier  des  savants  isolés  prépare  de  nou- 
velles pierres  à  l'édification  de  la  science  catholique,  le 
besoin  de  réunir  tous  ces  efforts,  d'ajuster  toutes  ces  par- 
ties de  l'édifice  se  fait  sentir  plus  vivement.  L'histoire  est 
en  quelque  sorte  une  science  qui  ne  fait  que  de  naître,  tant 
l'érudition  moderne  a  jeté  de  lumière  sur  les  hommes  et  sur 
les  événements  des  temps  anciens  ;  les  sciences  naturelles 
ont  acquis  un  développement  qui  intéresse  de  très-près  la 
théologie,  et  elles  apportent  à  la  science  générale  des  élé- 
ments nouveaux.  La  philosophie  a  reçu,  surtout  chez  nos 
voisins,  une  impulsion  puissante  des  erreurs  mêmes  que  de 
grands  esprits  dévoyés   ont   cherché  à  y  introduire.    La 


ASSEMBLÉE  DES  SAVANTS   CATHOLIQUES  A  MUNICH.         57 

théologie  participe  à  l'élan  imprimé  à  toutes  les  sciences  qui 
lui  paient  leur  tribut,  et  si,  comme  le  D'"Dœllinger  la  définit, 
elle  n'est  que  la  «  conscience  scientifique  que  l'Église  a 
d'elle-même,  de  son  passé,  de  son  présent  et  de  son  avenir, 
de  sa  doctrine,  de  sa  constitution  et  de  sa  morale,  »  cette 
conscience  ne  peut  que  grandir,  quand  les  savants  appliquent 
aux  sources  de  la  théologie,  à  l'Écriture,  aux  écrits  des  Pères 
et  des  théologiens,  ces  mêmes  méthodes  d'analyse  critique, 
de  recherches  profondes  qui  les  ont  conduits  à  de  si"  grands 
résultats  pour  leurs  autres  travaux. 

Mais  plus  ce  travail  des  esprits  est  grand,  plus  aussi  la 
division  des  efforts  et  la  diversité  des  tendances  peut 
devenir  funeste.  Et,  de  fait,  l'arme  de  la  science  n'est  que 
trop  souvent  maniée  par  des  hommes  qui  ne  se  contentent 
pas  de  satisfaire  leur  désir  de  savoir,  mais  qui  obéissent 
surtout  à  leur  aversion  pour  la  vérité.  «  On  ne  peut  nier, 
dit  le  rapport  que  nous  avons  sous  les  yeux,  qu'en  face  de  la 
foi  et  de  la  science  positive,  les  tendances  de  négation  et  de 
destruction  gagnent  tous  les  jours  plus  de  terrain  dans  la 
littératm-e,  lascience  et  la  vie.  «Ainsi  le  besoin  d'unité,  basé 
déjà  sur  les  nécessités  de  la  science,  devient  plus  vif  encore 
en  présence  de  la  lutte  de  jour  en  jour  plus  acharnée  qui 
se  livre  contre  l'Église. 

Un  congrès  était  donc  important,  surtout  dans  cette  Alle- 
magne où  la  science  a  ses  représentants  les  plus  honorés, 
où  les  esprits  s'agitent  davantage  dans  l'élaboration  de  tous 
les  grands  problèmes,  et  dont  l'influence  sur  le  monde 
savant  est  aujourd'hui  si  grande.  Quand  les  hom]nes,  sur- 
tout les  hommes  à  esprit  supérieur,  se  rapprochent  les 
uns  des  autres  ;  quand  ils  commencent  par  se  tendre  une 
main  amie,  par  se  saluer  en  frères,  par  réciter  ensemble, 
comme  cela  s'est  fait  à  la  deuxième  session,  la  profession 
de  foi  catholique,  ils  sont  bien  près  de  s'entendre  sur  les 
questions  de  science,  comme  ils  s' entendent  sur  les  questions 


58  ASSEMBLÉE   DES  SAVANTS   CATHOLIQUES 

de  foi.  Us  apprennent  à  se  comprendre  mieux;  les  diver- 
gences s'effacent;  les  explications  de  toute  nature  se  donnent 
et  s'acceptent.  On  apprend  surtout  à  s'estimer  et  à  s'aimer 
mutuellement,  et  quand  les  savants  catholiques  s'aiment  les 
uns  les  autres,  ils  évitent  ces  luttes  acerbes  où  la  divergence 
des  idées  et  la  division  des  cœurs  réagissent  l'une  sur  l'autre 
pour  creuser  un  abîme  de  plus  en  plus  profond.  On  pourra 
ne  pas  tomber  d'accord  sur  toutes  les  questions,  sur  l'appli- 
cation de  tous  les  principes  ;  mais  les  luttes  qui  subsisteront 
seront  de  ces  luttes  fécondes  qui  font  briller  la  vérité  d'un 
éclat  de  plus  en  plus  vif;  et,  au  lieu  de  paralyser  les  forces 
dans  le  combat  contre  l'ennemi  commun,  elles  ne  feront  que 
les  augmenter. 

L'assemblée  de  Munich  nous  paraît  donc  un  des  événe- 
ments les  plus  consolants  de  notre  temps.  Dans  la  pléiade 
de  savants  dont  elle  s'honore  ajuste  titre,  l'Allemagne  a  des 
hommes  assez  grands  pour  que  tous  les  autres  aient  pu, 
sans  déroger  et  sans  avoir  à  surmonter  aucune  susceptibilité, 
serendi'e  à  leur  convocation.  D'un  autre  côté,  l'esprit  catho- 
lique qui  les  anime  leur  a  permis  de  répondre  promptement 
et  en  grand  nombre  à  cet  appel.  La  réunion  comptait  quatre 
vingt-quatre  membres  parmi  lesquels  nous  remarquons 
plusieurs  noms  connus  en  France:  MM.Sepp,  l'auteur  delà 
Vie  de  Jésus-Christ;  Reithmayer,  Reusch,  dont  l'ouvrage 
sur  la  création  est  analysé  dans  la  Revue;  Denzinger,  dont 
la  Revue  fera  bientôt  connaître  les  u  Ritiis  orientales  »  ; 
Scheeben,  Hulskamp,  rédacteur  du  Litemrischer  Handwei' 
ser;  Heinrich  et  Moufang,  les  savants  rédacteurs  du  Catho- 
lique de  Mayehce,  etc,  etc.  C'était  un  véritable  aréopage, 
où  .manquaient  sans  doute  plusieurs  des  noms  les  plus  dis- 
tingués (entre  autres  les  savants  professeurs  de  Tubingue) , 
mais  où  tous  les  assistants  avaient  gagné  par  de  glorieux 
laideurs  le  droit  de  siéger  dans  la  salle  du  chapitre  de 
l'abbaye  de  Saint-Boniface. 


A   MUNICH.  59 

Les  délibérations  roulèrent  sur  un  double  objet: 

1»  Aviser  aux  moyens  de  donner  à  la  science  une  valeur 
plus  grande,  et  d'en  répandre  les  résultats. 

2°  S'entendre  sur  lés  principes  propres  à  faire  marcher  la 
science  dans  le  vrai  chemin,  et  lui  poser  des  digues  qui 
l'empêchent  de  se  perdre  dans  des  sentiers  trompeurs.  De 
part  et  d'autre  on  côtoyait  un  écueil  qui  a  été  plusieurs  fois 
signalé  dans  les  délibérations.  Etablir  des  principes,  poser 
des  règles,  donner  une  impulsion,  toutes  ces  choses  ne  sont 
pas  du  ressort  d'une  assemblée  de  savants  qui  n'a  de  mis- 
sion que  celle  qu'elle  s'attribue  elle-même.  Quelque  admi- 
rablement qu'une  telle  réunion  soit  composée,  elle  n'est  pas 
revêtue  de  cette  autorité  supérieure  qui  ne  compète  qu'à 
l'Église  et  à  son  Chef.  Mais,  à  côté  de  cette  autorité  essen- 
tiellement infaillible  dans  les  questions  de  son  ressort,  il  y  a 
l'autorité  de  la  science  qui  est  parallèle  à  la  première,  bien 
que  placée  à  un  degré  inférieur.  Quand  elle  reste  dans  sa 
voie,  elle  ne  peut  que  donner  la  main- à  l'autorité  surna- 
turelle de  l'Église,  et  les  mêmes  vérités  se  trouvent  dou- 
blement établies  et  confirmées.  Ainsi  le  livre  de  Renan  a 
été  l'objet  d'une  condamnation  motivée,  mais  qui  partait 
d'un  principe  essentiellement  différent  de  celui  sur  lequel 
s'appuie  la  condamnation  des  évèques  et  du  Saint-Siège. 
L'autorité  ecclésiastique  l'a  condamné  comme  contraire  à 
la  foi  au  premier  chef  ;  l'assemblée  de  Munich  l'a  con- 
damné comme  étant  contraire  à  toute  science,  dans  son  ob- 
jet, dans  sa  méthode  et  dans  ses  moyens.  Il  faut  entendre 
d'une  manière  analogue  les  considérations  qui  ont  été  émises 
sur  la  direction  à  donner  tant  aux  travaux  des  écrivains 
qu'aux  instructions  pastorales  des  curés. 

Commencée  sous  les  auspices  de  la  plus  franche  cordialité 
et  dans  le  désir  sincère  de  travailler  unanimement  au  bien  et 
au  triomphede  l'Église,  l'assemblée  s'est  continuée  pendant 
sept  sessions.  Quand  les  savants  se  sont  retirés,  ils  étaient 


60  ASSEMBLÉE   DES   SAVANTS    CATHOLIQUES 

convenus  de  se  réunir  désormais  chaque  année,  et  plusieurs 
questions  avaient  été  ajournées  à  la  prochaine  réunion.  Les 
statuts  de  ces  assemblées  étaient  posées  et  plusieurs  résolu- 
tions importantes  étaient  prises.  Plaise  à  Dieu  que  rien  ne 
vienne  entraver  le  bien  que  cette  première  réunion  permet 
d'espérer  !  Plaise  à  Dieu  que  nous  puissions  assister  désor- 
mais chaque  année  à  ce  même  spectacle,  et  que  ces  réu- 
nions se  continuent  toujours  dans  le  même  esprit  qui  n'a 
cessé  d'inspirer  la  première  pendant  tout  le  cours  de  ses 
délibérations  ! 

Avant  de  rendre  compte  des  travaux  de  l'assemblée, 
nous  aimons  à  émettre  un  autre  vœu.  L'état  de  la  France 
ne  diffère  peut-être  pas  aussi  profondément  de  celui  de 
l'Allemagne,  qu'on  veut  bien  le  dire  quelquefois.  En  France 
aussi  nous  possédons  un  grand  nombre  d'esprits,  et  d'esprits 
fort  éminents,  auxquels  le  président  Dœllinger  a  rendu  un 
solennel  hommage,  qui  s'occupent  de  la  science,  et  de  la 
science  chrétienne.  Nous  les  comptons  avec  bonheur  dans 
les  rangs  du  clergé,  peut-être  avec  plus  de  bonheur  encore 
dans  les  rangs  des  laïques.  Toutes  les  questions  trouvent 
leurs  hommes  spéciaux,  qui  les  étudient  avec  amour  et 
passion.  Mais  en  France,  non  moins  qu'en  Allemagne,  il  y  a 
des  Idiyisions  malheureuses.  Les  catholiques  sont  partagés 
en  deux  camps,  et  trop  souvent  les  uns  essuient  le  reproche 
de  s'attacher  au  passé  sans  se  préoccuper  de  l'avenir,  tandis 
que  les  autres  sont  censés  s'attacher  à  l'avenir,  au  détri- 
ment du  passé.  Les  deux  tendances  seraient  funestes  si  elles 
existaient  réellement,  mais  nous  sommes  convaincus  que 
pas  un  de  ceux  qui  passent  pour  appartenir,  soit  à  l'un, 
soit  à  l'autre  camp,  ne  voudi-ait  accepter  le  reproche  dont 
lui  ou  les  siens  peuvent  être  l'objet.  Les  uns  et  les  autres 
aiment  l'Eglise  et  sont  d'accord  sur  la  soumission  qui  lui 
est  due.  Les  uns  et  les  autres  veulent  sa  gloire  pom*  le 
passé  et  son  triomphe  pour  l'avenir.  Que  ne  cherchent-ils 


A   MUNICH.  61 

donc  à  se  donner  la  main  dans  ces  réunions,  qui  amènent  la 
paix  dans  les  esprits  en  la  faisant  régner  dans  les  cœurs  ? 
Ne  pourraient-ils  donc  pas  organiser  quelque  réunion 
comme  celle  de  Munich,  où  les  points  de  division  s'efface- 
raient devant  l'accord  sur  les  vérités  fondamentales?  Nous 
avons  vu  de  ces  conférences  de  charité  organisées  autre- 
fois par  la  société  de  Saint-Vincent  de  Paul,  et  tous  ceux 
qui  y  ont  jamais  pris  part,  savent  quelle  surabondance 
de  joie,  de  cordialité  et  de  fraternité,  s'y  répandait  chaque 
fois.  Nous  avons  vu  ce  magnifique  congrès  de  Malines, 
où  l'on  s'est  occupé  de  toute  espèce  d' œuvres  catholiques, 
et  nous  avons  lieu  d'espérer  qu'il  aura  porté  ses  fruits. 
Eh  bien,  une  réunion  semblable,  qui  aurait  pour  but  de  s'en- 
tendre sur  les  idées,  sur  le  s  travaux  de  science  ecclésiastique, 
sur  les  combats  à  livrer  à  l'ennemi,  sur  l'attitude  à  prendre 
en  face  des  attaques  de  l'impiété,  une  réunion  de  ce  genre 
ne  serait -elle  pas  possible?  Nous  ne  faisons  que  poser  la 
question.  D'autres  plus  haut  placés  et  plus  influents  la  mû- 
riront peut-être,  et  si  jamais  pareille  réunion  était  provo- 
quée par  des  hommes  assez  grands  dans  la  science  et  dans 
leur  dévouement  à  l'Église  pour  se  mettre  à  la  tête  de 
cette  grande  entreprise,  nous  pensons  que  leur  appel  serait 
entendu  et  que  ce  jour  serait  un  jour  de  bénédiction  pour 
l'EgUse  de  France. 

II. VOEUX     ET    RÉSOLUTIONS. 

Parmi  les  résolutions  prises  par  l'assemblée,  nous  ne 
mentionnerons  que  les  principales.  On  émit  d'abord  la 
pensée  d'établir,  plutôt  en  appropriant  à  cet  usage  une 
feuille  existante,  qu'en  en  créant  une  nouvelle,  un  organe 
central  pour  la  science  cathohque.  Dans  la  pensée  du  D" 
Pieinkens,  cet  organe  devait  être  ouvert  à  toutes  les  opinions 
pour  les  questions  nouvelles  qui  viendraient  à  surgir,  et 


62  ASSEMBLÉE    DES    SAVANTS   CATHOLIQUES 

former  alors  comme  une  salle  de  conversation.  C'est  ainsi 
que,  depuis  quinze  ans,  il  existe  en  Angleterre,  un  journal 
Notes  and  guéries  (Notes  et  questions).  —  Après  différentes 
observations  échangées  par  divers  membres,  on  s'aiTèta  à  la 
résolution  mentionnée  dans  la  chronique  du  dernier  numéro 
de  la  Revue.  On  décida  à  une  grande  majorité  que  le  cadre 
de((  r Indicateur  litttéraire» ,  Literarischer  Hanclweiser,  serait 
élargi  dans  le  sens  de  la  motion,  ce  qui  augmentera  en- 
core considérablement  le  grand  intérêt  qu'offre  cette  excel- 
lente petite  feuille. 

Une  deuxième  résolution,  selon  nous  la  plus  impor- 
tante de  la  réunion,  a  été  prise  à  l'occasion  d'une  proposi- 
tion de  M.  Alzog.  L'illustre  docteur  avait  proposé  la 
formation  d'une  société  pour  repousser  les  attaques  du 
protestantisme  et  en  particulier  des  erreurs  propagées  par 
la  Eealencyclopedie  de  Herzog.-  L'assemblée  se  montra  d'ac- 
cord avec  lui  sur  la  nécessité  de  publier  une  série  de 
brochures  ou  d'ouvrages  propres  à  former  une  bibliothèque 
apologétique  ou  scientilique  à  l'usage  du  peuple,  où  l'on 
utiliserait  les  meilleurs  travaux  modernes,  tels  que  l'ou- 
vrage de  Kurz,  pour  l'histoire  de  la  Création;  celui  de 
Héfelé,  pour  l'histoire  de  l'Inquisition;  les  ouvrages  de 
Dœllinger  et  de  Cobbett,  pour  l'histoire  de  la  Réforme  en 
Allemagne  et  en  Angleterre  ;  les  travaux  des  «  Feuilles  histo- 
riques et  politiques»  sur  Huss  et  Galilée.  A  côté  de  ces  livres 
doivent  prendi'e  place  d'autres  écrits  moins  sérieux,  capables 
d'offrir  un  aliment  sain  à  cette  grande  soif  de  lecture  qui 
se  généralise  toujours  davantage.  L'idée  d'une  société  à 
former  fut  écartée,  vu  que  tout  catholique  capable  de  manier 
une  plume  et  animé  de  l'amour  de  l'Eglise,  est  membre  né  de 
cette  société,  qui,  du  reste,  se  trouverait  au  besoin  formée 
par  les  membres  présents  de  l'assemblée.  Puis,  le  président 
fit  valoir  la  nécessité  d'élaborer  à  neuf  le  Kirchenlexikon  de 
Wetzer  et  Welte.  Ce  gigantesque  travail  est  aujourd'hui 


A    MUNICH.  63 

connu  en  France,  grâce  à  la  traduction  que  la  librairie  Gaume 
publie  sous  la  direction  de  M.  Goschler.  Il  forme  à  lui  seul 
une  encyclopédie,  où  sont  traitées  toutes  les  questions  qui, 
de  près  ou  de  loin,  rentrent  dans  le  domaine  de  la  théologie, 
et  il  fut  publié,  il  y  a  environ  douze  ans,  avec  le  concours 
et  la  collaboration  des  savants  catholiques  les  plus  distingués 
de  l'Allemagne.  Cependant,  M.  Dœllinger  reconnaît  que  ce 
travail  a  été  surpassé  plus  tard  par  l'encyclopédie  de  Herzog. 
«  Aujourd'hui,  continue-t-il,  que  la  librairie  Herder  va  mettre 
la  main  à  une  nouvelle  édition,  ce  doit  être  une  question 
d'honneur  pour  l'assemblée  et  pour  l'Allemagne  catholique, 
de  ne  rester  en  arrière  d'aucune  entreprise  de  ce  genre.  Il 
faut  que  les  jeunes  savants  concourent  aussitôt  et  en  grand 
nombre  à  ce  travail,  pour  y  faire  leurs  premières  armes  lit- 
téraires. »  Puis  il  se  déclare  prêt  à  leur  fournir  les  livres  et 
les  matériaux  dont  ils  auront  besoin,  et  l'assemblée  vote  à 
l'unanimité  qu'elle  appuiera  la  nouvelle  édition  dvCKirchen- 
lexikon.  Un  grand  nombre  de  membres  s'empressèrent 
d'apposer  lem's  noms  sur  la  liste  des  futurs  coHaborateurs, 

Nous  saluons  avec  bonheur  cette  décision  de  l'assemblée, 
et  nous  espérons  que  la  librairie  Gaume  n'aura  pas  de  diffi- 
culté à  nous  faire  connaître  dans  un  ou  deux  volumes  sup- 
plémentaires les  principales  améhorations  qui  am'ont  été 
apportées  dans  la  nouvelle  édition.  Elle  permettra  ainsi  au 
public  français  de  suivre  les  progrès  de  la  science  allemande, 
inabordable  à  ceux  qui  n'en  connaissent  pohit  la  langue. 
Nous  n'aurions  qu'un  vœu  à  ajouter:  c'est  que  l'édition 
française  s'appliquât  à  réfuter  les  trop  nombreuses  erreurs 
de  la  Bioijraphie  yénérale,  publiée  par  la  librairie  Didot, 
dans  laquelle  les  grands  événements  de  l'histoire  sont 
trop  envisagés  sous  le  point  de  vue  rationaliste  ou  protes- 
tant. 

Une  troisième  grande  résolution  fut  proposée  par  M.  Dœl- 
linger. Elle  consiste  en  une  invitation  faite  au  clergé  de  pé- 


6/i  ASSEMBLÉE    DES    SAVANTS    CATHOLIQUES 

nétrer  davantage  dans  l'étude  de  l'économie  politique  et  des 
questions  sociales.  Nous  ne  croyons  pas  dépasser  les  limites 
assignées  à  la  lieviie  par  notre  législation  sur  la  presse,  en 
signalant  les  principaux  motifs  développés  par  l'illustre  pré- 
sident de  l'assemblée.  «  La  situation  de  l'Europe  et  de  l'Al- 
lemagne en  particulier  donne  aujourd'hui  aux  questions 
sociales  et  économiques  une  importance  et  une  actualité 
qu'elles  n'avaient  pas  autrefois.  Ce  sont  les  questions  brû- 
lantes du  moment,  et  aucun  de  ceux  qui  occupent  une  posi- 
tion publique  ne  peut  y  rester  étranger,  les  membres  du 
clergé  moins  que  tous  les  autres.  Le  paupérisme  toujours 
croissant,  l'abîme  qui  tend  à  séparer  la  société  en  deux 
camps,  le  camp  de  ceux  qui  possèdent  et  de  ceux  qui  con- 
voitent ;  la  transition  qui  s'accomplit  de  la  petite  à  la  grande 
industrie,  la  transformation  toujours  plus  profonde  de  la  \ie 
civile  et  des  anciennes  institutions,  tous  ces  éléments  pénè- 
trent profondément  dans  la  vie  de  l'Église,  et  créent  des 
devoirs  nouveaux,  tant  pour  les  prêtres  appliqués  au  saint 
ministère,  que  pour  les  hommes  de  science  et  d'étude.  La  mo- 
rale, la  pastorale,  même  l'instruction  catéchétique  ou  homi- 
létique  devraient  insister  désormais  sm'ces  divers  sujets  plus 
que  par  le  passé.  Car,  dans  toutes  ces  questions,  le  bien  de 
l'individu  et  celui  del'Éghse  dépend  delà  solution  chrétienne 
qui  sera  présentée  au  peuple  pour  ces  problèmes,  non-seule- 
ment en  général  et  dans  les  principes  premiers,  mais  dans 
le  détail  ;  de  manière  que,  dans  chaque  question  isolée,  dans 
chaque  cas  particulier  on  puisse  montrer  à  chacun  la  solu- 
tion donnée  par  la  religion  chrétienne,  et  lui  indiquer  l'atti- 
tude à  garder  en  présence  de  toute  proposition  ayant  pour 
objet  de  remédier  à  un  malaisé  social,  ou  de  fonder  une  insti- 
tution nouvelle.  »  Parmi  les  questions  que  désigne  M.  Dœl- 
linger,  nous  remarquons  surtout  ie  souci  que  l'Eglise  a  tou- 
jours eu  des  pauvres,  et  les  résultats  simplement  malheureux 
qu'on  obtient,  lorsqu'on  remédiant  à  leurs  misères  on  n'a 


A    MUNICH.  65 

pas  en  même  temps  soin  de  leurs  âmes.  11  termine  en  faisant 
l'éloge  de  la  Revue  d'économie  chrétienne,  qui  se  publie  à 
Paris  sous  la  direction  de  M.  le  vicomte  de  Melun. 

Cette  proposition  reçoit  de  l'assemblée  l'accueil  le  plus 
favorable.  Elle  est  appuyée  par  divers  orateurs  au  point  de 
vue  de  la  morale,  du  droit  canonique,  de  la  pastorale,  de 
l'état  actuel  des  esprits  en  Allemagne,  et  tout  en  invitant 
dès  maintenant  les  moralistes,  les  catéchistes  et  les  publi- 
cistes  à  tourner  leur  attention  vers  ces  questions,  on  décide 
que  leur  introduction  dans  les  catéchismes  formera  l'objet 
de  nouvelles  délibérations,  de  nouvelles  résolutions  dans 
l'assemblée  prochaine. 

A  voir  l'insistance  avec  laquelle  M.  Dœllinger  revient  sur 
cette  question,  il  semble  qu'il  y  voie  la  condition  du  triom- 
phe de  l'Église  dans  la  société  moderne,  et  qu'il  a  surtout 
été  guidé  dans  la  convocation  de  l'assemblée  par  le  désir 
de  faire  partager  cette  persuasion.  Il  constate  que  toutes  les 
questions  sociales  sont  avant  tout  des  problèmes  théologiques, 
et  il  déplore  qu'on  ait  jusqu'ici  négligé  de  les  traiter  parce 
qu'on  les  considérait  comme  n'appartenant  pas  à  la  théolo- 
gie. Selon  lui,  le  moment  presse:  Carpe  diem,  dit-il  à  l'as- 
semblée. Pas  une  voix  ne  s'éleva  contre  cette  déclaration 
si  solennelle  et  ces  instances  si  pressantes,  et  cependant  ce 
n'était  pas  le  respect  dû  à  l'un  des  plus  vénérables  repré- 
sentants de  la  science  qui  empêchait  de  parler.  11  y  avait 
eu   dans  le  discours  d'ouverture  des  propositions  qui  ne 
paraissaient  point  satisfaisantes  à  quelques  membres.  Huit 
d'entre  eux  signèrent  une  note  tendant  à  faire  établir  que 
ce  discours  ne  pouvait  en  aucune  manière  être  considéré 
comme  le  programme  de  l'assemblée;   plusieurs  proposi- 
tions furent  relevées  et  discutées;  mais,   sur  la  question 
présente,  il  n'y  eut  pas  la  moindre  opposition.  Tout  le 
monde  fut  d'accord  sur  la  nécessité  d'aborder  les  pro- 
blèmes soulevés  par  les  économistes,  et  si  la  proposition 
Kevue  nr.s  SclE^•cl•:3  ecclésiastiouks,  t.  ix.  B 


66  ASSEMBLÉE    DES    SAVANTS    CATHOLIQUES 

d'élaborer  un  dictionnaire  d'économie  politique  fut  écartée, 
elle  ne  le  fut  que  parce  que  les  éléments  ne  paraissaient  pas 
encore  suffisamment  préparés.  On  proposa  de  faire  de  ces 
questions  comme  une  spécialité  du  Kirchenlexikon,  et  le  D'" 
Vering  offrit  ses  Archives  de  Droit  canonique "^ouy  les  travaux 
que  les  membres  de  l'assemblée  jugeraient  utile  de  faire 
paraître  sur  ce  sujet. 

Il  semble  que  s'il  j  a  ici  une  différence  entre  l'Allemagne 
et  la  France,  elle  est  dans  le  sens  d'une  nécessité  plus  im- 
périeuse encore,  relativement  à  notre  pays.  N'avons-nous 
pas  vu  surgir  en  France  les  attaques  les  plus  violentes  contre 
l'ordre  de  choses  que  l'Église  a  de  tout  temps  sanctionné? 
N'avons-nous  pas  vu  publier  en  France  de  volumineux  ou-  . 
vrages  pour  établir  que  sur  toutes  les  questions  sociales,  oui 
sur  toutes,  l'Église  n'a  jamais  su  donner  que  des  solutions 
vicieuses,  eiTonées,  absurdes  ?  N'avons-nous  pas  vu  se  pu- 
blier en  France  l'ouvrage  De  la  Justice  dans  la  révolution  et 
dtns  l'Église,  qui  a  pour  but  de  substituer  des  principes 
nouveaux  de  philosophie  pratique  aux  principes  que  l'Église 
a  sanctionnés  par  ses  lois  et  sa  discipline  !  Il  est  trop  com- 
mode de  répondre  :  Utopie,  utopie  ;  quand  les  principes 
sont  attaqué  un  à  un  par  des  arguments  spéciaux,  il  faut 
que  les  théologiens  se  mettent  en  mesure  de  les  défendre  de 
même.  C'est  un  vaste  champ  qui  s'ouvre,  et  il  faudra  de 
grands  travaux  et  de  puissants  esprits  pour  l'explorer  en 
entier.  Mais  de  même  que  l'ÉgUse  est  appelée  à  sauver  la 
société  dans  son  institution,  de  même  elle  a  pour  mission  de 
sauver  les  principes  de  la  société  par  sa  doctrine.  Nous  pou- 
vons attendi'e  le  résultat,  c'est-à-dire  le  triomphe,  avec 
pleine  confiance.  Cette  nouvelle  lutte  ne  sera  pas  plus  terri- 
ble que  toutes  celles  qui  sont  consignées  dans  les  annales 
ecclésiastiques,  et,  d'un  autre  côté,  les  promesses  faites  à 
l'Église  sont  illimitées  non  moins  qu'immortelles.  Aujour- 
d'hui comme  toujours,  l'attaque  ne  servira  qu'au  triomphe 


A    MUNICH.  67 

de  l'Eglise,  et  nous  verrons  les  problèmes  économiques  ne 
recevoir  leur  pleine  solution  que  lorsqu'ils  seront  pénétrés 
des  lumières  de  la  théologie,  de  cette  science  par  excellence 
dont  les  trésors  sont  loin  de  nous  être  encore  entièrement 
connus. 

Ici  viennent  se  placer  plusieurs  autres  propositions  faites 
à  l'assemblée  touchant  la  théologie.  Le  chanoine  Eberhard 
demande  que  l'on  y  introduise,  surtout  dans  la  théologie 
dogmatique,  un  élément  plus  spéculatif.  «  On  se  contente, 
dit-il,  d'établir  simplement  la  formule  du  dogme  :  on  y  ajoute 
quelques  textes  de  l'Écriture  ou  des  Pères,  et  l'on  en  a  fini 
pour  toujours.  Il  manque  absolument  un  point  de  vue  plus 
élevé,  la  connexion  spéculative  des  dogmes  isolés.  Le  prêtre 
entrant  dans  la  vie  avec  cette  dogmatique  toute  de  formules, 
il  lui  manque  la  profondeur  mystique,  et  par  suite,  la  puis- 
sance d'attirer  le  peuple  quand  il  monte  en  chaire.  Sans  cette 
profondeur  il  n'offre  pas  davantage  un  intérêt  suffisant  à  la 
contemplation  des  esprits  cultivés.  Il  est  donc  important  que 
les  étudiants  en  théologie  s'appliquent  à  développer  en  eux 
un  germe  mystique.  » — D'autres  demandent  et  que  le  cadre 
de  l'enseignement  philosophique  soit  élargi,  et  que  les 
sciences  naturelles,  géologie,  astronomie,  anthropologie, 
soient  étudiées  par  le  théologien,  le  juriste  et  le  philosophe, 
etc.,  etc.  Heureusement  que  toutes  ces  propositions  reçoi- 
vent ce  correctif  qu'on  n'exige  pas  que  les  jeunes  théolo- 
giens soient  de  parfaits  astronomes,  de  parfaits  géologues, 
etc.  Ce  qu'on  leur  demande,  c'est  avant  tout  de  bien  étudier 
leur  théologie,  et  les  exigences  indiquées  ne  concernent 
pas  les  jeunes  théologiens,  mais  les  vieux,  ceux  qui  doivent 
être  des  théologiens  consommés. 

III.   —  IDÉES   ET    PRINCIPES. 

Ici  nous  devons  mentionner  tout  d'abord  le  discours  d'où- 


68  ASSEMBLÉE    DES   SAVANTS    CATHOLIQUES 

verture,  dans  lequel  Dœllinger  fait  un  exposé  sommaire  de 
l'histoire  de  la  théologie  pour  conclure,  selon  nous  avec 
raison,  que  c'est  en  Allemagne  que  la  théologie  a  aujourd'hui 
le  plus  d'avenir.  «  Ce  sont  les  Allemands,  dit-il,  qui  possèdent 
le  mieux  les  deux  yeux  de  la  théologie,  l'histoire  et  la  philo- 
sophie, et  qui  cultivent  ces  deux  sciences  avec  le  plus  de 
soin,  d'amour  et  de  profondeur.  » 

Puis  il  indique  les  conditions  que  doit  remplir  la  théologie 
pour  amener  la  grande  réconciliation  des  diverses  confessions 
chi'étiennes  dans  l'unité,  l®  Elle  doit,  avec  tous  les  nîoyens 
dont  elle  dispose,  et  qui  sont  aujourd'hui  plus  nombreux 
que  jamais,  triompher  de  ce  que  les  sectes  renferment  de 
véritablement  hétérodoxe,  c'est-à-dire  de  contraire  à  la 
conscience  générale  de  l'Église  de  tous  les  siècles,  à  sa 
tradition  toujours  vivante  ;  sur  ce  premier  point  il  reste 
beaucoup  à  faire. 

2°  Elle  doit  nous  montrer  la  doctrine  catholique  dans  sa 
plénitude,  dans  ses  rapports  avec  la  vie  de  l'Eglise,  dans  son 
unité  organique,  et  séparer  avec  soin  ce  qui  est  essentiel  et 
permanent,  d'avec  ce  qui  est  accidentel,  passager  ou  para- 
site. 

3°  La  théologie,  et  par  elle  l'Église,  doit  réaliser  la  fable 
de  cette  montagne  d'aimant  qui  attirait  à  elle  tout  le  fer  d'un 
vaisseau  voisin,  de  manière  à  le  faire  tomber  en  morceaux  ; 
elle  doit  séparer  soigneusement  d'avec  les  erreurs  qui  y  sont 
mêlées,  tout  ce  que  les  communions  séparées  ont  découvert 
ou  produit  de  vrai  ou  de  bien  dans  la  doctrine,  l'histoire  et 
la  vie,  l'accepter  franchement  et  hautement,  le  revendiquer 
comme  le  bien  propre  de  l'Église.  Car  l'erreur  ne  vit  que 
des  germes  de  vérité  qu'elle  contient,  comme  aussi  elle  n'est 
bien  souvent  que  la  caricature  d'une  vérité  cachée. 

En  faisant  la  revue  de  la  situation  des  pays  chrétiens  sous 
le  rapport  des  études  théologiques,  l'illustre  président 
fut  amené  à  examiner  l'état  de  la  France.  II  rendit  l'hommage 


A   MUNICH.  69 

que  nous  avons  dit  aux  hommes  éminents  que  nous  possé- 
dons, mais  il  constata  en  même  temps  que  nous  n'avons  pas 
de  vrais  théologiens,  pas  d'émulés  de  ceux  qui,  jusqu'au 
XVIP  siècle,  et  au  XVIP  siècle  surtout,  ont  porté  si  haut 
la  gloire  théologique  de  notre  pays.  Il  en  voit  la  raison  dans 
l'aJjsence  d'une  haute  école  théologique.  «  La  France,  dit-il, 
n'a  que  quatre-vingts  ou  quatre-vingt-cinq  séminaires 
qui  peuvent  être  fort  bons,  et  en  partie  excellents  comme 
maiions  de  préparation  à  la  vie  pastorale,  mais  qui,  d'après 
nos  idées  allemandes  du  moins,  peuvent  difficilement  passer 
pour  des  institutions  scientifiques.  Cette  préparation  insuf- 
fisante fait  qu'il  est  impossible  par  la  suite  à  la  plupart  des 
élèves,  d'éta])lir  sur  une  base  si  faible  l'édifice  d'une  véri- 
table et  solide  science  théologique.  » 

Ce  jugement  est  bien  sévère  assurément  ;  mais  il  faut  con- 
venir qu'cà  part  quelques  exceptions  honorables,  l'ensei- 
gnement de  nos  séminaires  est  susceptible  d'être  grandement 
perfectionné.  Puis,  l'enseignement  supérieur  n'existe  pas  en 
France  pour  la  théologie,  et  quand  un  jeune  théologien  veut 
se  préparer  par  des  études  approfondies  à  cultiver  sérieu- 
sement la  science,  il  est  obligé  de  sortir  de  son  pays.  Nous 
n'avons  en  réalité  qu'une  maison  de  hautes  études  théolo- 
giques pour  la  France,  c'est  le  Séminaire  français  de  Rome. 
Quand  donc  viendra  le  temps  où  ce  vide  sera  comblé?  Quand 
donc  posséderons-nous  en  France  ce  que  nous  admirons 
tant,  par  exemple  en  Belgique,  une  Université  catholique? 
Quand  aurons-nous,  du  moins,  une  école  de  théologie?  C/est 
là  certainement  un  des  besoins  les  plus  urgents  de  l'Église 
de  France. 

Parmi  les  propositions  formulées  et  agréées  par  l'assem- 
blée, nous  en  remarquons  six  du  D""  Werner  sur  la  théologie 
spéculative  tant  ancienne  que  moderne.  Nous  les  reprodui- 
sons parce  qu'elles  nous  semblent  exprimer  le  plus  exac- 
tement le  jugement  général  que  portent  les  Allemands  sur 


70  ASSEMBLÉE    DES    SAA  AIS'TS    CATHOLIQUES 

les  deux  grandes  époques  philosophiques,  le  moyen-âge 
et  l'époque  moclerne.  Elles  établissent  que  la  doctrine  de 
saint  Thomas  est  le  point  culminant  de  la  philosophie  sco- 
lastique; — qu'elle  contient  des  idées  et  des  propositions  qui 
doivent  être  considérées  comme  une  conquête  définitive  et 
la  possession  immuable  de  la  science  spéculative  chrétienne  ; 
— que  le  progrès  général  des  études  scientifiques  et  philoso- 
phiques a  fait  naître  des  questions  et  des  problèmes  dont  la 
scolastique  ne  s'occupait  pas,  et  pour  lesquels  on  ne  peut, 
par  conséquent,  en  appeler  aux  solutions  scolastiques. — 
Parmi  ces  questions  il  en  est  spécialement  deux,  celle  de 
l'origine  des  idées,  et  des  rapports  de  la  raison  individuelle 
avecla  raison  universelle  manifestéepar  l'histoire,  auxquelles 
se  rattachent  deux  séries  de  développements  philosophiques 
qui  doivent  profiter  l'un  et  l'autre  à  la  philosophie  chrétienne. 
—  Bien  que  la  philosophie  moderne  ait  mérité  le  double 
reproche,  et  d'avoir  renouvelé  les  erreurs  anciennes  déjà 
réfutées  par  la  scolastique,  et  d'en  avoir  ajouté  de  nouvelles 
plus  graves  encore,  quand  elle  a  alDandonné  ou  combattu 
l'esprit  du  christianisme,  néanmoins  on  ne  peut  nier  le 
progrès  de  la  culture  philosophique  en  général,  progrès  qui 
constitue  un  fait  historique.  —  Le  trait  caractéristique  de  la 
philosophie  nouvelle  est  la  tendance  à  approfondir  les  idées, 
d'où  résulte  dans  l'examen  des  questions  et  des  problèmes 
philosophiques,  la  nécessité  d'une  méthode  différente  de  la 
forme  démonstrative  de  la  philosophie  scolasticpie.  Revenir 
aux  traditions  que  celle-ci  nous  a  laissées,  c'est  tout  sim- 
plement une  impossibilité.  )> 

Ces  propositions  furent  accueillies  «  avec  grande  satisfac- 
tion »  par  l'assemblée,  sans  aucune  discussion.  Il  n'en  fut 
pas  de  même  d'une  question  plus  brûlante,  celle  qui  a  été 
décidée  par  le  bref  du  Pape  à  l'archevêque  de  Munich  pour 
k  condamnation  de  Frohschammer,  savoir  la  question  des 
rapports  de  la  lil^erté  et  de  l'autorité  dans  le  domaine  de  la 


A   MUNICH.  71 

science  ;  des  rapports  de  la  liberté  de  la  science  avec  l'auto- 
rité de  l'Église,  ou  encore  la  question  de  la  philosophie  dite 
séparée.  Les  deux  résolutions  proposées  furent  les  su».- 
vantes  : 

1°  L'union  intime  avec  la  vérité  révélée  qu'enseigne 
l'Ljghse  cathohque  est  une  condition  importante  et  indispen- 
sable du  développement  progressif  d'une  vraie  et  profonde 
spéculation  en  général,  et,  en  particulier,  de  la  réfutation  des 
erreurs  présentement  régnantes. 

2"  Pour  celui  qui  se  trouve  sur  le  terrain  de  la  foi  catho- 
lique, c'est  un  devoir  de  conscience  de  se  soumettre  dans 
toutes  ses  recherches  scientifiques  aux  décisions  dogma- 
tiques de  l'infaillible  autorité  de  l'Église. 

Ces  deux  thèses  avaient  été  formulées  sur  la  proposition 
du  D""  Michelis  par  une  commission  des  membres  de  l'assem- 
blée. Elles  furent  l'objet  de  deux  discours  rapportés  dans 
le  compte-rendu,  et  dont  nous  allons  donner  la  substance. 

Le  D'  Deutinger  commence  par  constater  que,  pour  pro- 
spérer l'une  et  l'autre,  la  philosophie  et  la  théologie  doivent 
être  unies  plus  intimement  que  deux  autres  sciences  quel- 
conques. Cette  union  est  plus  troublée  aujourd'hui  que 
jamais,  et  parce  que  les  divers  systèmes  de  philosophie 
viennent  uniformément  aboutir  à  des  résultats  plus  ou 
moins  panthéistiques,  et  parce  que  ces  mêmes  systèmes  sont 
morcelés,  au  point  que  pas  un  ne  voudrait  se  surbordonner 
aux  autres,  ni  ne  pouiTait  se  subordonner  les  autres  à  lui- 
même.  Lem'  commune  racine  est  l'effort  de  la  philosophie 
pour  s'émanciper  de  toute  influence  étrangère,  se  rendre 
indépendante  et  ne  pas  recevoir  du  dehors  les  derniers  prin- 
cipes de  la  connaissance.  Elle  ne  voulut  reconnaître  que 
deux  des  trois  principes  de  toute  connaissance  philosophi- 
que ou  théologique,  la  perception  sensible  et  la  présence 
immédiate  de  l'idée  dans  la  raison.  En  essayant  de  les  unir 
directement  sans  l'intervention  du  troisième,  la  philosophie 


72  ASSEMBLÉE    DES   SAVANTS    CATHOLIQUES 

moderne  n'a  abouti  qu'a  les  identifier  et  à  faire  absorber, 
tantôt  l'esprit  par  la  matière,  tantôt  la  matière  par  l'esprit; 
et  comme  elle  a  reproduit  ses  essais  sous  toutes  les  formes, 
il  ne  reste  qu'à  désespérer  de  la  philosophie  ou  à  lui  cher- 
cher une  base  nouvelle. 

La  solution  donnée  par  la  philosophie  du  moyen-âge 
paraît  plus  commode;  il  ne  lui  manque  qu'une  chose,  c'est 
d'être  une  solution.  Le  problème  autour  duquel  elle  s'agite 
consiste  à  redi'esser  la  raison  humaine  par  la  soumission  à 
la  vérité  surnaturelle  que  lui  présente  la  foi.  Les  mystiques 
cherchent  à  rendre  l'esprit  humain  susceptible  de  recevoir 
l'illumination  divine  même  pour  les  vérités  d'ordre  natu- 
rel. Les  scolastiques,  au  contraire,  cherchèrent  à  pénétrer 
dans  l'ordre  surnaturel  par  une  philosophie  empruntée  pour 
le  fond  à  Platon  et  pour  la  forme  à  Aristote  ;  mais,  ni  les 
uns  ni  les  autres  ne  surent  résoudi-e  les  différences  qui  exis- 
taient entre  eux,  et  qui  les  fractionnaient  les  uns  et  les  autres 
en  diverses  écoles.  Ils  ne  voyaient  partout  que  forme  et  ma- 
tière, universel  et  particulier,  et  n'eurent  pas  conscience  du 
véritable  principe  de  l'individuation. 

On  ne  peut  donc  ni  se  ranger  avec  les  deux  écoles, 
puisqu'elles  ne  surent  pas  trouver  le  principe  de  leur  union, 
ni  les  rejeter  toutes  les  deux,  puisque  de  chaque  côté  il  y  a 
eu  et  la  tolérance  de  l'Eglise  et  de  véritables  principes  scien- 
tifiques. 

Ne  pouvant  donc  ni  nous  contenter  de  la  philosophie  mo- 
derne, ni  remonter  à  celle  du  moyen-âge,  il  est  nécessaire 
d'en  trouver  une  nouvelle  pom*  répondi'e  aux  exigences  de 
la  religion  et  de  la  science,  et  on  ne  la  trouvera  qu'en  re- 
connaissant théoriquement  la  valeur  du  troisième  principe 
de  toute  connaissance  qui  est  la  volonté,  en  créant  la  philo- 
sophie de  la  volonté  ! 

Ce  principe  a  été  en  partie  reconnu  par  toutes  les  philo- 
sophies  :  par  Socrate,  par  les  mystiques  et  les  scolastiques, 


A    MUNICH.  73 

qui  transportaient  la  volonté  dans  la  connaissance  philoso- 
phique, les  uns  par  l'ascèse,  les  autres  par  la  foi;  par 
Kant,  qui  fait  dériver  de  la  volonté  la  certitude  de  la  con- 
naissance théorique,  et  par  SchelUng,  qui  voit  dans  la  volonté 
le  dernier  élément  de  la  connaissance  de  la  raison.  En  outre, 
ce  principe  résoud,  toujours  d'après  le  D""  Deutinger,  le  dua- 
lisme de  la  philosophie  moderne,  et  en  faisant  dériver  l'ori- 
gine des  idées  de  la  conscience  de  la  liberté,  il  prévient  éga- 
lement le  matérialisme  et  le  faux  spirituahsme.  De  plus  il 
nous  montre  par  quel  côté  nous  touchons  à  la  vie  naturelle 
et  à  la  vie  surnaturelle,  comment  nous  pouvons  les  comparer 
et  les  comprendre  en  pai-tie.  De  même  nous  trouvons  dans 
la  volonté  le  principe  de  l'individuation,  aussi  bien  en  Dieu 
que  dans  la  création  dont  elle,  est  la  raison  d'être.  Le  seul 
principe  possible  et  la  suprême  fin  des  créatures  est 
l'amour:  or,  l'amour  est  un  acte  de  la  volonté. 

C'est  en  reconnaissant  que  la  volonté  est  un  principe  de 
connaissance  que  la  philosophie  cesse  de  se  présenter  à  nous 
comme  un  développement  non  hbre  de  la  nature,  et  qu'elle 
se  montre,  comme  elle  l'est  véritablement,  douée  de  hberté 
morale.  Elle  devient  la  sœur  de  la  foi,  et  l'on  voit  ces  deux 
sources  de  connaissance  procéder  d'une  même  faculté  de 
notre  âme,  de  la  volonté. 

La  philosophie  acquiert  ainsi  une  valeur  morale;  elle  de- 
vient une  puissance  responsible.  Le  philosophe  n'obéit  plus 
seulement  à  la  loi  de  la  nature  et  de  la  pensée,  il  devient 
responsable  devant  la  société,  et  l'on  comprend  ce  senti- 
ment universel  qui  nous  fait  voir,  dans  les  grandes  aberra- 
tions philosophiques,  des  crimes  contre  la  société  non 
moins  que  contre  la  vérité.  Il  est  surtout  placé  dans  un 
rapport  moralement  libre  avec  la  religion;  ce  rapport  le 
rend  responsable  devant  la  société  la  plus  haute  de  toutes, 
devant  l'Eglise;  et  dès  qu'il  a  le  bonheur  de  lui  appartenir, 
il  y  a  pour  lui  une  obligation  morale  de  reconnaître,  dans 


74  ASSEMBLÉE    DES    SAVANTS    CATHOLIQUES 

les  vérités  qu'elle  définit,  la  règle  de  ses  propres  pensées. 
L'autorité  de  l'Eglise  est  donc  une  limite  pour  la  liberté 
de  la  pensée  qu'elle  circonscrit  de  deux  manières  :  en  inter- 
disant de  proclamer  certaines  doctrines,  et  en  ordonnant  de 
croire  ses  dogmes.  Mais  cette  limite  de  la  liberté  ne  nuit 
point  aux  progrès  de  la  science.  Quand  l'Église  défend  de 
proclamer  une  doctrine,  cette  défense  n'est  qu'un  jugement 
sur  l'opportunité  d'une  profession  publique  qui  n'entrave 
en  rien  les  recherches  privées.  D'un  autre  côté,  la  nécessité 
d'admettre  les  décisions  dogmatiques  peut  bien  restreindre 
subjectivement  la  liberté,  mais  non  point  objectivement. 
Elle  peut  empêcher  ma  volonté  d'admettre  une  doctrine 
vers  laquelle  je  me  sens  attiré  ;  mais  elle  ne  peut  ni  me 
détourner  d'une  vérité,  ni  me  faire  embrasser  une  erreur, 
puisqu' entre  la  vérité  naturelle  et  la  vérité  surnaturelle,  il 
ne  saurait  y  avoir  opposition.  L'autorité  de  l'Eglise  n'est 
donc  en  aucun  cas  une  entrave  pour  la  science,  elle  n'est 
qu'un  préservatif  et  un  auxiliaire;  car  cette  soumission  de 
l'intelligence  par  la  volonté  élève  et  augmente  la  puissance 
de  notre  esprit,  sanctifie  la  volonté  dont  elle  fortifie  la  li- 
berté; et,  loin  d'exclure  l'exercice  de  la  raison,  ne  fait  que 
lui  donner  une  nourriture  plus  salutaire  et  plus  divine. 

Telles  furent  les  raisons  par  lesquelles  le  D'  Deutinger 
appuya  les  deux  propositions  soumises  à  l'assemblée.  Déjà 
dans  le  discours  d'ouverture,  le  président  Dœllinger  avait 
comparé  le  philosophe  soumis  à  l'Église  à  l'homme  engagé 
dans  les  liens  du  mariage.  Celui-ci  aussi  a  posé  une  limite  à 
sa  liberté,  et  en  la  restreignant  il  l'a  élevée  à  une  plus  haute 
puissance.  Il  se  voit  bien  plus  libre  dans  la  soumission  à  la 
loi  que  le  malheureux  qui  s'affranchit  vis-à-vis  de  la  loi  pour 
tomber  sous  l'esclavage  de  ses  passions.  Mais  tout  en  main- 
tenant énergiquement  le  droit  absolu  de  l'Église  et  le  de- 
voir al)solu  de  la  soumission  pour  le  philosophe  chrétien,  les 
deux  savants  docteurs  exprimèrent  le  désir  de  ne  voir  inter- 


A   MUNICH.  75 

venir  l'autorité  suprême  qu'après  que  la  discussion  pure- 
ment scientifique  aura  mis  dans  tout  son  jour  l'opposition 
formelle  d'une  doctrine  avec  le  dogme  catholique. 

Cependant  le  D*"  Mayr  crut  devoir  formuler  les  deux 
contre-propositions  suivantes  : 

1"  La  science  est  indépendante  dans  les  limites  de  son 
domaine  ;  elle  n'est  responsable  qu'envers  elle-même  et 
a  en  elle  les  moyens  d'éliminer  ses  erreurs.  Cette  indépen- 
dance se  rapporte  à  toutes  les  questions  théoriques. 

2°  Lorsqu'on  abuse  des  propositions  scientifiques  avec 
intention  pour  des  fins  pratiques  contre  l'Église,  et  par  suite 
contre  la  destinée  de  l'humanité,  la  résistance  pratique  est 
un  droit  et  un  devoir. 

Il  essaya  de  justifier  la  première  proposition  par  la  diffé- 
rence essentielle  qu'il  y  a  entre  l'idée  même  de  foi  et  l'idée 
de  science.  La  foi  ne  peut,  sans  cesser  d'être  elle-même, se 
borner  à  des  raisons  naturelles  ;  la  science  ne  peut,  sans  se 
suicider,  admettre  des  vérités  qui  reposeraient  sui'  l'autorité. 
Introduire  l'autorité  dans  la  science,  c'est  supprimer  la 
science.  Il  nous  semble  que  le  savant  professeur  se  place  ici 
à  côté  de  la  question.  Les  décisions  dogmatiques  de  l'Église 
qui  condamnent  certaines  conclusions  de  la  science  ne  pren- 
nent pas  rang  pour  cela  dans  le  domaine  de  la  science  ;  elles 
restent  ce  qu'elles  sont,  décisions  dogmatiques.  Mais  puis- 
qu'une même  proposition  ne  peut  être  en  même  temps  vraie 
et  fausse,  du  moment  où  une  conclusion  scientifique  est 
contraire  aux  décisions  de  l'Église,  il  est  par  là  même  dé- 
montré qu'elle  n'est  pas  une  vraie  proposition  scientifique, 
et  qu'elle  n'appartient  pas  à  la  science.  Nous  avons  donc  là 
un  premier  critérium  de  sa  fausseté,  critérium  extrinsèque 
dont  il  faudra  provisoirement  nous  contenter,  en  attendant 
que  les  savants,  devenus  plus  savants,  soient  à  même  de 
fournir  une  démonstration  scientifique  directe.  Oui , 
nous  croyons,  nous  aussi,  que  la  science  a  en  elle-même 


76        ASSEMBLÉE    DES    SAVANTS   CATHOLIQUES   A   MUNICH. 

de  quoi  redresser  les  erreurs  commises  par  les  savants; 
mais  comme  ces  derniers  ne  connaissent  pas  tous  les  secrets 
de  la  science,  et  que  souvent  ils  se  laissent  conduire  par  des 
apparences  de  vérité,  il  est  important  qu'ils  trouvent  en 
dehors  de  leurs  investigations  un  point  de  repère  pour  leur 
faire  connaître  s'ils  font  fausse  route  ou  non.  Les  savants  ne 
sont  que  trop  tentés  de  voir  l'expression  et  la  formule  der- 
nière de  la  science  dans  leurs  idées  toujours  mobiles,  fugi- 
tives, et  sujettes  à  mille  causes  d'erreur. 

Cette  faiblesse  de  raisonnement,  ou  plutôt  ce  sophisme 
auquel  il  est  nécessaire  de  recourir  pour  infirmer  les  deux 
propositions  mentionnées  plus  haut,  en  fait  mieux  com- 
prendre l'importance  et  la  vérité.  Aussi  furent-elles  admises 
à  l'unanimité  moins  trois  voix. 

Nous  terminons  ce  compte-rendu  en  citant  les  paroles  par 
lesquelles  le  D""  Heinrich  termina  la  septième  et  dernière  ses- 
sion ,  et  qui  devraient  être  le  programme  de  toutes  les  réunions 
catholiques  :  a  Nous  nous  sommes  réunis  dans  un  esprit  de 
concorde  ;  séparons-nous  dans  le  même  esprit.  Que  la  grande 
unité  cathohque  nous  unisse  par  un  lien  supérieur  à  toute 
divergence  d'opinions  et  de  sentiments!  Que  son  nom  soit  le 
dernier  qui  retentisse  dans  cette  assemblée  !  » 

J.-I.   SiMONIS. 


DES  ORNEMENTS  DE  FORiME  GOTHIQUE. 


Lettre  de  S.  E.  le  Cardinal-Préfet  de  la  S,  C,  des  Rites, 


Le  Cardinal-Pri'fet  de  la  B.C.  des  Rites  vient  d'adresser  aux  évêques 
de  divers  pays  une  lettre  relative  à  l'iisage  liturgique  des  ornements 
de  forme  gothique.  Nous  donnons  cette  pièce  d'après  une  circulaire  de 
S.  E.  le  Cardinal-Archevêque  de  Malines,  dont  voici  également  le 
texte. 

Parochis  omniumque  ecclesiamm  et  sacellorum  tam  sxcularium  quatn 
regularium  recloribus  diœcesis  Mechliniensis. 

FrATRES   DlLECTlSSlMI, 

Abhinc  paucis  diobus  accepimus  abEminentissimo  ac  Reverendissi- 
mo  Domino  Cardinali  Patrizi,  sacrae  Rituum  Congregationis  Praefecto, 
litteras  sequentis  tenoris  : 

Eme  el  Rme  Dne  Dne  Ohsme, 

Quuni,  renunciantibus  noimuHis  Rmis  Episcopis,  aliisque  Ecclesia- 
sticis,  et  laicis  virisj  Sanctam  Scdem  non  lateret  quasdam  in  Anglia, 
Galliis,  Germania,  et  Belgio  diœccses  immutasse  formam  sacrarum 
vcstium,  quae  in  celebratione  Sacrosancti  Missae  Sacrificii  adhibentur, 
easque  ad  slylum,  quem  dicunt  gothicum,  eleganliori  quidem  opère 
conformasse;  itomque  in  nonnnllis  B.^lgii  c'clesiis  vel  orntnriis  au- 


78  DES     ORNEMENTS 

gustissiinum  Eucharistise  Sacramentum  non  in  medio  altaris,  verum 
aut  in  dextero  aut  lœvo  pariete  in  cuslodia  servari  eodem  modo,  qno 
sacra  Olea  recondi  soient  ;  Sacra  Gongregatio  legilimis  pro  Uicndis 
Riiibus  praeposita  super  liiijusraodi  iramulalionibus  accuratum  examen 
instituere  liaiid  prœtermisit. 

Ex  hoc  porro  examine  quamvis  eadem  Sacra  Gongregatio  probe  no- 
sceret  sacras  illas  vestes  stylum  golbicom  prae  se  ferentes  praecipiie 
sseculis  Xill,  XIV,  et  XV  obtinuisse,  aeque  tamen  animadvertit  Eccle- 
siam  Roraanam,  aliasque  latini  rilus  per  orbem  Ecclesias,  Sedo  Apo- 
stolica  minime  réclamante,  a  saeculo  XVI,  nempe  ab  ipsa  propemodum 
Concilii  Tridentini  œtate,  usque  ad  nostra  haec  lempora  illarum  reli- 
quisse  usum  ;  proindeque,  eadem  perdurante  disciplina,  necnon  Sancta 
Sede  inconsulta,  niliil  innovari  posse  censuit;  uii  pluries  Summi  Pon- 
lifices  in  suis  edocuere  Gonstitutionibus  safiienter  monenles  immutationes 
istas,  utpote  probalo  Ecclesias  raori  contrarias,  saepe  perturbationes 
producere  posse,  et  fidelium  animos  in  admirationem  inducere. 

Sed  quoniam  Sacrorum  Rituum  Gongregatio  arbitratur  alicujus  pon- 
deris  esse  posse  rationes,  qnae  praescntem  immutalionem  persuaserunt, 
hinc,  audito  Sanctissirai  Domini  Nostri  PII  PAP/E  IX  oraculo,  verbis 
amantissimis  invilare  censuit  Eniiucntiara  Vestram  ut,  quatenus  in  sua 
diœcesi  hujusmoii  immutationes  locura  habuerint,  rationes  ipsas  expo- 
nere  velil,  quae  illis  caussam  dederunt. 

Quod  vero  attinet  ad  custodiam  Ssmi  Sacramenti,  eadem  Sacra 
C4ongregatio  Sanctilatis  Suaî  nomine  omnino  proliibct  illud  alio  in  loco 
servari  praeterquam  in  tabernaculo  in  medio  altaris  posito. 

Intérim  Eminentiaî  Vestrae  Manus  humillime  deosculor. 

Eminenliae  Vestrae, 
Romae  die  21»  Augusti  1863. 

Emo  et  Bmo  D.  Cardinali 
EXGELBERTO  STERGKX,  Archiepiscopo  Mechliniensi. 

Humill.  devmus  scrvus  verus, 
G.  Epus  Portuen.  et  S.  RUFIN^  Gard.  PATRIZI  Pr^f. 
D.  BART0LIN1,  S.  R.  G.  Secretarius. 

Ex  his  liileris  patet,  Praires  dilectissirai,  vestes  sacras  ad  stylum 
quera  vocant  golhicum  conformatas  prassenti  Ecclesiae  Romanae  alia- 
ruraque  latini  ritus  ecclesiarum  usui  et  disciplinai  non  esse  conformes, 
nosque  adeo  earumdem  usum  meiito  semper  dissuasisse;  que  factum 


DE    FOR-AÎE    GOTHIQUE.  79 

est,  ut  in  ecclesiis  aut  sacellis  diœcesis  nostrae  vix  aut  ne  vix  adhibeantur 
vestes  quae  ad  stylum  istura  proprie  pertineant.  Si  tamen  ejusmodi  vestes 
aliaeve  modernae  disciplinas  minus  congriiae  in  ecclesiis  vel  sacellis  vobis 
commissis  exstont,  horlamur  ut  ipsas  ad  debitam  formam  reduci  sata- 
gatis,  sicque  ex  hac  etiain  parte  divina officia  juxta  usum  SanctaeRomanae 
Ecclesiae  celebrentiir.  Porro  si  aliciijus  ponderis  rationes  adsint  quae 
forniae  golhicae  vestes  retinere  persuadeant,  raliones  istas  nobis  intra 
mensem  exponere  oportebit,  ut  Eminenlissimo  Cardinali  Prœfecto 
transmiltantur. 

Quod  attinet  prohibitionem  a  sacra  Congregatione  Sanclitatis  suse 
nomine  factam,  ne  sanclissimiim  Sacranientum  alio  in  loco  servetur 
pra3terquam  in  tabernaculo  in  medio  altarisposilo,  non  dubitamus  quin 
ipsam  religiose  observaturi  sitis. 

In  vera  dilectione  permanemus, 

FrATRES   DlLECTiSSIMI, 

Obsequentissimus  famulus  vester, 
ENGELBERTUS,  Gard.  Arch.  Mechl. 
Mechliniaj,  die  17  Octobris  1863. 


LIVRES  MIS  A  L'INDEX. 

Décret  du  15  déc.  1863. 

La  Mort  de  Jésus.  Révélations  historiques  sur  le  véritable  genre  de 
mort  de  Jésus,  traduites  du  latin  en  allemand  et  de  l'allemand  en 
français,  d'après  le  manuscrit  d'un  frère  de  l'Ordre  sacré  des  Essé- 
niens,  contemporain  de  Jésus.  Paris,  1863. 

La  Papauté  schismalique,  ou  Rome  dans  ses  rapports  avec  l'Eglise 
orientale,  par  M.  l'abbé  Guettée.  Paris,  1863. 

De  Rodakow,  etc.  Ad  Concives  exsul  exsilii  finem  auspicatus. 
Parisiis,  1863.  Libellus  in-32. 

George  Sand.  Opéra  omnia  hue  usque  in  lucem  édita. 

Dell'ultima  persecuzione  délia  Chiesa,  e  délia  fine  del  Mondo,  per 
P.  B.  N.  B.  Volumi  sei.  Fossombrone,  1863. 

Auctor  operis  cui  titulus  :  Enseignement  pratique  dans  les  Salles 
d'asile,  par  Mme  Marie  Pape-Carpentier,  directrice  ducours  pratique  des 
salles  d'asile,  proscripti  decr.  22  junii  1863,  hivdabiliter  se  subjecit. 


BIBLIOGRAPHIE. 


De   Matrimonîo    Christiano   libri   Ircs,    auctore    J.   Perrone.  — 
Leodii,  H.  Dcssaiu,  18G1.  —  3  vol.  in-8»  de  xyi-418,  467,  548  pp. 

Le  nom  du  R.  P.  Perrone  esl  un  de  nos  grands  noms  théo'.ogiques. 
Professeur  et  ensuite  préfet  des  éludes  au  Collège  romain,  le  savant  re- 
ligieux n'a  pas  renfermé  son  action  dans  les  limites  de  celte  illustre 
école  :  il  l'a  étendue  à  tout  le  monde  catholique  par  des  publications 
fort  estimées.  Ses  Prœlecl'wnes  theologicx  ont  un  succès  remarquable. 
Son  Protestantisme  el  la  règle  de  foi,  son  Catéchisme,  etc.,  etc.,  font 
fort  appréciés  en  tous  pays.  Ce  qui  domine  dans  ses  œuvres  et  en  forme 
le  trait  saillant,  c'est  la  polémique.  Et  comme  depuis  le  XVI*  siècle, 
c'est  le  prolestanlisme  et  l'cspril  protestant  qui  ont  attaqué  la  sainle 
doctrine,  c'est  aussi  le  prolestanlisme  et  l'esprit  protestant  que  le  célèbre 
théologien  n'a  cessé  de  poursuivre.  L'Italie,  celle  terre  de  la  foi  catho- 
lique, es-t  envahie  depuis  un  siècle  et  plus,  au  nord  et  au  midi,  par  des 
systèmes  régaliens,  issus  direclemciit  de  la  fausse  réforme.  Le  protes- 
tantisme veut  aussi  la  souiller  :  ce  danger  imminent  explique  eu  partie 
la  direction  et  le  caraclère  des  œuvres  Ihéologiques  sorties  de  la  plume 
du  R.  P.  Perrone. 

Or,  parmi  tous  les  dogmes  catholiques,  celui  que  l'esprit  protestant 
des  faux  politiques  a  le  [Jus  attaqué,  le  plus  dénaturé,  le  pins  dégradé, 
c'est  le  dogme  relatif  au  sacrement  de  Mariage.  Le  mariage  chrétien 
est  la  pierre  angulaire  de  la  société.  S'il  esl  vraiment  digne  de  son  nom, 
honorable  et  sans  tache,  comme  parle  l'apôtre,  quelles  grâces  il  alliie 
sur  les  époux  el  les  enfants  !  Ce  point  de  vue  de  la  sainteté  avec  laquelle 
on  doit  vivre  dans  un  état  autrement  si  dangereux,  n'est  pas  celui  du 
livre  du  P.  Perrone,  et  on  comprend  facilement  qu'il  devait  en  être 
ainsi. 

Les  passions  humaines,  que  rien  ne  peut  satisfaire  ou  régler,  ont  at- 
taqué le  mariage.  C'est  le  sens  de  tous  ces  livres  malheureux  qui  ont 
si  tristement  pullulé  dans  nos  conlroes,  livres  coupables  et  insensés, 


BIBLIOGRAPHIE.  SI 

malsains  et  dangereux,  où  le  sacrement  est  conspué,  où  le  mari  est 
moqué,  où  les  infidélilés  les  plus  coupables  sont  exaltées  et  célébrées. 
C'est  la  portée  de  ces  pièces  de  théâtre  bien  plus  destructives  qu'on 
n'a  l'air  de  le  croire,  de  tout  principe  religieux  et  social.  C'est  le  venin 
de  tous  ces  systèmes  qui  proclament  ce  qu'on  appelle  Vémaîicipation  de 
la  femme,  et  qui  seraient  au  fond  son  asservissement  le  plus  abject  à 
de  hideuses  passions.  La  jéfutation  de  ces  publications  immondes  n'est 
pas  le  but  que  s'est  proposé  l'illustre  auteur.  Néanmoins,  le  dogme 
fondamental  qu'elles  attaquent  est  solidement  établi  dans  son  livre. 
C'est  aux  moralistes,  c'est  à  ceux  qui  ont  à  cœur  l'ordre  public  qu'il 
appartient  de  combattre  ces  théories  et  de  bien  faire  comprendre 
quel  antre  horrible  de  luttes,  de  carnage,  de  sang  et  de  débauches  serait 
la  société,  si  jamais  on  arrivait  à  y  détruire  le  mariage  chrétien  ! 

La  réforme  ôta  au  mariage  son  caractère  de  sacrement.  Déoouronné 
de  cet  auguste  caractère,  il  devint  comme  une  chose  politique  et,  au  nom 
delà  sécularisation,  les  politiques  s'arrogèrent  sur  lui  toutes  sortes  de 
droits.  C'est  à  ce  point  de  vue  dogmatique  et  polémique  que  s'est  placé 
le  P.  Perrone  :  il  veut  surtout  rendre  à  l'union  conjugale  son  titre  re- 
ligieux. Et  en  vérité,,  c'est  là  le  point  culminant  à  traiter  aujourd'hui. 
Si  l'on  rend  au  mariage  son  caractère  de  sacrement,  si  l'on  montre  qu'il 
est  chose  essentiellement  ecclésiastique,  ou  le  restitue jà  l'Eglise  et  à 
ses  pasteurs,  et,  conséquemment^  on  l'arrache  à  toutes  les  erreurs  et  â 
toutes  les  passions  pour  le  confier  à  la  vigilance  et  aux  soins  de  ceux 
que  Dieu  a  chargés  de  faire  traiter  saintement  les  choses  saintes. 

Le  traité  de  Malrimonio  chrisliano,  dans  la  réimpression  de  Liège 
comme  dans  l'édition  originale  de  Rome,  se  compose  de  trois  volumes 
in-octavo. 

L'édition  belge,  três-convenable  sous  le  rapport  typographique,  a 
l'avantage  d'avoir  été  revue  et  même  augmentée  par  l'auteur.  Les  ad- 
ditions toutefois  ne  sont  ni  très-nombreuses  ni  très-importantes.  Ce 
qui  lui  donne  une  utilité  spéciale,  ce  sont  des  tables  détaillées  et  bien 
faites  qui  facilitent  singulièrement  l'usage  d'un  traité  aussi  étendu  et 
qui  renferme  tant  de  choses. 

La  matière  est  divisée  en  trois  livres  :  i"  de  Matrimonio  sacra^ 
mento  et  de  mairmonio  civiJi;  2"  de  Potestaie  légiféra  ecclesiastica 
et  civili  in  matrijnonium  christiaîuim  ;  3°  de  Unitate  ac  indissolulili'- 
late  matrimonii.  Chacun  de  ces  livres  occupe  un  volume. 

L'ouvrage  est  dédié  à  N.  S.  Père  le  Pape  Pie  IX.  Dans  une  courte 
préface,  l'auleur,  après  quelques  rapides  considérations  sur  le  sacrement 
de  Mariage,  expose  les  erreurs  qui  ont  soumis  l'union  conjugale  aux 

ReVDE  des  sciences  ECCLESIASTIQUES,  T.  IX.  6 


82  BIBLIOGRAPHIE. 

princes  séculiers,  indique  la  division  qu'il  a  adoptée  et  la  marche  qu'il 
a  suivie.  Neque  is  ego  sum,  dit-il,  qui  nova  et  splendlda  pro  certis 
et  verJs  persequi  voluer'un,  id  unice  satagens,  ut  quxstwnem  ardiiam 
sanealqnc  difpcilem  ineJ'wri  qua  possem  luce  perfuuderem.  Ce  résultat 
a  été  pleinement  atteint.  Qui  aura  lu  le  traiié  de  Matr'imonïo,  aura  vu 
ce  grand  sujet  sous  un  jour  satisf.iisant  et  complet.  Ce  sont  les  mômes 
idées  qui  étaient  déjà  dans  les  Prxkct'wnes;  mais  ici,  ces  idées  sont 
présentées  avec  tous  les  développements  qu'elles  réclament.  Itaque 
eo  libentiori  animo  hune  alterum  laborem  snscepi,  quod  gratum 
omnibus  me  factvrum  jmlarem,  si  qux  vel  brevitatis  causa  essent 
misse,  vel  qux  majori  egerent  declaratior.e,  vel  qux  condilio  tem- 
porum  et  nécessitas  postularet,  fusius  in  hoc  opère  adjicerern  ac  cumu- 
larem.  Quant  à  la  forme,  abandonnant  la  rigueur  de  l'argumenlalion 
scolastique,  l'auteur  expose  d'un  seul  trait  la  doctrine,  docet  etsuadet. 
Il  unit  l'abondance  à  la  brièveté,  tout  en  évitant  la  longueur  et  l'obscu- 
rité. 11  a  atteint  son  but,  il  a  déposé  son  large  tribut  dans  le  trésor 
commun,  eniti  omnes  debemus,  ut  in  communem  sapentix  Ihesaurum 
ahqmd  semper  conferamns.  Quant  à  certains  bommes,  moins  instruits 
qu'il  ne  faudrait  des  droits  du  Saint-Siège,  qui  obfîrmata  ammi  pravi- 
tate  contrarias  prorsus  opiniones  sectantur,  il  s'attend  à  leurs  critiques  ; 
in  quanta  invidia  futurus  sim,  non  est  cur  dicam  :  ipse  plane  sentio 
atque  inielligo.  Nous  croyons  que  cfs  hommes  sont  peu  nombreux  au- 
jourd'hui. A  part  quelques  légistes  obstinés,  tous  ceux  qui  ont  sérieu- 
sement approfondi  la  question  adoptent  les  principes  du  P.  Perrone,  et 
son  livre  lui-même  est  de  nature  à  les  faire  partager  de  tous  :  suadet 
et  docet. 

Nous  avons  vraiment  joui  en  parcourant  ces  thèses  si  largement  es- 
quissées et  développées  d'une  manière  si  complète  et  si  sûre;  mais 
notre  embarras  est  grand  quand  il  s'agit  d'en  rendre  compte.  Nous 
voudrions  tout  dire  et  citer  un  grand  nombre  de  passages  :  c'est  ce 
que  ne  permettent  pas  les  limites  d'un  compte-rendu.  Bornons-nous 
donc  à  indiquer  les  principaux  points. 

I.  Que  le  mariage  soit  un  véritable  sacrement,  l'auteur  le  démontre 
lont'uement  par  la  doctrine  et  la  pratique  de  l'Eglise,  par  l'enseigne- 
ment de  tous  les  théologiens  et  par  le  sens  toujoui  s  et  pai  tout  donné 
au  fameux  et  profond  passage  de  l'épître  aux  Ephésiens  :  Ce  sacrement 
est  grand,  oui,  je  le  dis,  en  Jésus-Christ  et  en  l'Eglise  (Éph.  v,  32j. 

Le  mariage  est  un  sacrement.  Il  doit  donc  avoir  un  ministre.  Quel 
e.st  ce  ministre?  Question  très-importante,  car  si  c'est  le  prêtre,  on 
jonne  lieu  à  cette  distinction  fatale  et  inouïe,  exitialis  ac  inaudila  hac- 


BIBLIOGRAPHIE.  83 

tenus  dislinctio  inter  contractum  et  sacramenttim  in  conjugiis  chris- 
tianorum  (p.  46).  Quel  est  l'auteur  de  celte  opinion?  On  l'attribue  à 
Guillaume  de  Paris  {De  Sacr.  matiim.,  c.  ix),à  Pierre  Paludan  ;niais, 
re  bene  perpensa,  cesl  Melchioi'  Cano(Z)e  Locis  theoL,  1.  viii,  c.  v)  qui 
l'a  inventée  et  l'attribue  à  tort  aux  auteurs  que  nous  avons  cités,  et  à 
saint  Thomas  lui-même.  Le  P.  Perrone  justifie  par  des  citations  ce  point 
inlt'ressant  ip.  48-6(;).  11  montre  ensuite  les  progrès  de  cette  opinion 
du  prêtre  mmistre.  Au  concile  de  Trente,  elle  eut  fort  peu  de  défen- 
seurs {Pallav..,  1.  XX,  c.  iv,  n.  1);  quelques  théologiens  l'adoptèrent, 
mais  tous  ils  reconnaissaient  avec  Tournely:  Si  ex  aticloritate  eu  numéro 
scoîaslicorum  pugnandum  hic  foret,  vinceret  haud  dubie  opposila  sen- 
tentia  {de  Matr.,  p.  )-24,  éd.  Paris).  La  plupart  des  théologiens  sont 
contre  elle^  tandis  que  selon  la  remarque  de  Libermann  {Insl.  theol., 
tom.v,  p.  357,  ap.  F^err.)  tous  ceux  qui  étaient  aigris  contre  l'autorité 
ecclésiastique,  les  jansénistes  et  leurs  amis,  tous  les  parlementaires  et 
les  politiques  la  palronèrent  avec  éclat.  Vix  dici  potest,  quoi  qnantaque 
exCanisentenlia  perniciosissimacciisectariadeductasintadtemerandam 
sanam  de  matrimonio  chi^tiano  dodrinam  (p.  71),  Ces  conséquences, 
l'auteur  les  déroule,  et  elles  expliquent  l'attachement  que  certains 
écrivains  ont  affecté  pour  le  principe  qui  les  renferme.  Pour  s'opposer 
à  ce  principe  pernicieux,  perniciosse  doctrinx,  l'autejir  examine,  en 
commençant  par  ceux  de  Cano  et  des  auteurs  qui  l'ont  suivi,  tous  les  ar- 
guments apportés  en  faveur  des  deux  sentiments  :  belle  et  attrayante 
dissertation,  dont  la  conclusion  est  celle-ci  :  Nemo  igilur,  quin  sibi 
repugnare  velit,  ihit  inficias  sententiam,  qux  tenet  contrahentes  solos 
esse  sacramenti  matrimonii  minislros,  esse  uniee  veram,  imo  et  Ecclc' 
six  calholicx  dodrinam  (p.  165).  Que  cette  conclusion  reste  désormais 
acquise  !  Les  partis  contractantes  sont  seules  ministres  du  sacrement 
de  mariage.  La  rédaction  de  nos  Cours  élémentaires  de  théologie  a 
besoin  d'être  retouchée  en  ce  point.  Le  P.  Perrone  complète  sa  lumi- 
neuse dissertation  par  deux  principes  importants.  Dans  le  mariage 
chrétien,  le  contrat  et  le  sacrement  ne  peuvent  être  séparés,  et  là  où 
il  n'y  a  pas  de  sacrement,  il  n'y  a  pas  de  contrat. 

En  théorie,  in  abslracto,  l'esprit  conçoit  une  différence  entre  l'un  et 
l'autre.  De  hoc  nulla  qusestio  est,  al  disceplalio  nostra  tola  in  co«- 
creto  versalur.  Mais  de  fait,  en  réalité,  le  sacrement  et  le  contrat  ne  peu- 
vent se  sé|)arer,  tanquam  res  a  re  (page  166).  Cette  inséparahilité  est 
une  doctrine  inattaquable  et  résultant  des  actes  les  plus  exprés  de  rE> 
glise  (page  181). 

Le  P.  Perrone  examine  logiquement  ensuite  le  mariage  ci  vil, ^  Aidé 


8ZI  BIBLIOGRAPHIE. 

les  lumières  de  la  théologie,  il  montre  ce  qu'il  faut  penser  de  cette 
institution  toute  récente,  il  en  déroule  les  conséquences  religieuses  et 
sociales  (p.  193-512).  Nous  regrettons  de  ne  pouvoir  nous  appesantir 
sur  cette  discussion,  qui  est  une  des  parties  les  plus  intéressantes  elles 
plus  utiles  de  tout  l'ouvrage. 

II.  Dans  le  second  livre,  ainsi  que  nous  l'avons  déjà  indiqué,  se  trouve 
traitée  la  question  du  pouvoir  législatif  concernant  le  mariage.  L'Eglise 
a  pouvoir  sur  le  mariage  chrétien.  Ce  pouvoir  de  droit  divin,  suprême 
et  indépendant,  est  propi'eexdiisivemenl  à  la  sainte  Eglise  (p.  32).  Tou- 
jours l'Eglise  l'a  exercé  en  établissant  des  empêchements,  ce  qui  en  est 
la  plus  évidente  démonstration.  Mais  l'esprit  d'erreur  a  trouvé  moyen, 
ici  comme  partout,  d'attaquer  la  puissance  ecclésiastique.  Les  protes- 
tants nièrent  les  empêchements  canoniques,  ne  reconnaissant  que  ceux 
qui  se  liseot  au  chapitre  xviii  du  Lévitique.  Marc-Antoine  de  Dominis 
attribua  le  pouvoir  d'établir  des  empêchements  diriraanls  à  la  puissance 
séculière.  Launoy,  hic  lulheranus  larvalus,  soutint  que  ce  pouvoir  était 
exclusivement  propre  à  la  puissance  séculière  ;  il  y  aurait  usurpation  si 
l'Eglise  en  établissait  sans  le  consentement  des  princes.  Une  foule  ôe 
juristes,  de  canoniales,  le  synode  de  Pistoie,  les  rationalistes,  les  po- 
litiques-athées, ont  adopté  cette  pernicieuse  doctrine.  Mais  la  vérité  est 
que  l'Eglise  a  ce  pouvoir  de  droit  divin,  qu'elle  le  possède  en  propre, 
d'une  manière  indépendante  et  suprême.  Les  canons  m  et  iv  de  la 
session  xxiv  du  saint  Concile  de  Trente  le  démontrent  (p.  3iO,  78). 

Le  Pontife  romain  peut  seul,  en  vertu  de  sa  suprême  autorité  dans 
l'Église,  dispenser  des  empêchements  dirimants  du  mariage.  Lesévêques 
individuellement  pris  ou  considérés  en  conciles  particuliers  ne  le 
peuvent  pas  (p.  30,  78,  146).  Le  pouvoir  du  Pontife  s'étend  jusqu'à 
guérir  les  mariages  dans  leur  principe,  in  radiée. 

Non-seulement  le  pouvoir  d'établir  des  empêchements  dirimants  et 
celui  d'en  dispenser,  mais  encore  toutes  les  causes  concernant  la  na/wre 
intime  du  mariage  et  les  épousailles,  a[)parti3nnenl  exclusivement  aux 
juges  ecclésiastiques,  ad  solos  ecclesiasticos  judices.  Et  ceci  doit  s'en- 
tendre non  pas  seulement  des  mariages  entre  catholiques,  mais  aussi 
des  mari;jges  entre  catholiques  et  hérétiques,  unions  appelées  mixtes. 
Ces  mariages  mixtes,  s'ils  se  célèbrent  sans  la  présence  du  curé  et  des 
témoins  requis  par  le  saint  Concile  de  Trente,  là  où  le  décret  de  ce 
Concile  a  été  promulgué,  sont  nuls,  ce  qui  doit  pareillement  s'entendre 
des  mariages  des  hérétiques  entre  eux.  Cette  doctrine  est  largement 
développée  par  l'auteur  ;  les  arguments  qui  la  combattent  entièrement 
réfutés,   et    toutes    les    importantes    conclusions  qui   en   découlent 


BIBLIOORAPHIE.  S5 

nettement  précisées.  Car  il  ne  faut  pas  confondre  riliégitimité  de  ces 
mariages,  que  le  Saint-Siège  évite  parfois  de  trop  ouvertement  déclarer, 
avec  la  bonne  foi  des  contractants.  Un  mariage  de  ce  genre,  nul  dans 
le  principe  à  cause  de  la  non-observation  de  la  forme  exigée  par  le 
Concile  de  Trente,  peut  devenir  valide,  si  les  contractants  renouvellent 
leur  consentement  devant  un  ministre  ou  officier  public,  dans  un  pays 
où  le  décret  du  Concile  n'aurait  pas  été  promulgué.  Celte  discussion 
théorique  réclamait  impérieusement,  on  le  voit,  une  dissertation  his- 
torique. Si  la  publication  du  décret  Tometsi  du  Concile  de  Trente 
amène  des  résultats  si  particuliers,  rien  de  plus  nécessaire  que  de  con- 
naître dans  quels  pays  ce  décret  aura  été  promulgué.  Car  ce  canon  a 
cela  de  particulier  qu'il  devait  être  publié  dans  chaque  paroisse  Aussi, 
le  R.  P.  Perrone  donne  une  liste  assez  détaillée,  anssi  détaillée  que 
possible,  des  pays  où  la  publication  a  été  faite  (p.  2V0  et  suivantes). 
Dans  cette  liste  figurent  la  France,  l'Espagne,  le  Portugal,  la  Pologne, 
etc.  Elle  n'a  pas  eu  lieu  en  Angleterre,  en  Kcosse,  en  quelques  parties 
de  l'Irlande,  en  Prusse,  en  Suéde,  etc.  11  y  a  des  contrées  où  celte 
promulgation  avait  été  faite  dans  le  principe,  mais  ces  mêmes  contrées 
ayant  été  envahies  par  l'hérésie  et  soumises  à  des  hérétiques,  de  gra- 
ves inconvénients  résultaient  de  cet  état  de  choses.  Pour  y  obvier,  Be- 
noît XIV  décida,  en  ce  qui  concerne  la  Hollande,  qiw;  les  mariages 
mixtes  ou  entre  hérétiques  seraient  valides  quoique  non  coniractés  selon 
la  forme  du  Concile.  Cette  déclaration  fut  étendue  à  quelques  autres 
contrées.  Le  P.  Perrone  les  indique  (p.  255).  Le  Saint-Siège  n'a  ja- 
mais voulu  l'étendre  aux  contrées  soumises  à  des  princes  catholiques  ; 
mais  il  a  apporté  quelques  adoucissements  à  celte  rigeur  en  ce  qui  con- 
cerne les  mariages  mixtes. 

Un  catholique  peut  épouser  une  hérétique  ;  il  pourrait  môme,  avec  les 
dispenses  voulues,  épouser  une  infidèle.  Une  supposition  conduit  à  une 
autre.  Le  R.  P.  Perrone  parle  du  mariage  avec  les  inlidèles,  et  en- 
enseigne,  que,  quandiu  amho  in  inlidelitate  permanent,  ipsorum 
coujugium  verum  ac  Icgllimum  esse,  quamvis  sub  aliqua  ratione  im- 
perfedum,  ut  animadvertït  sanctus  Thomas  (p.  279).  S'ils  se  con- 
vei  tissent  tous  les  deux  à  la  foi  catholique,  leur  mariage  est-il  élevé 
parle  baptême  à  la  dignité  de  sacrement? /îes  ùt  ancipiti  versatur, 
prœsertm  ann  Romani  Pontifices  quœstionem  hanc  dirimere  minime 
volnerint  (p.  280).  Les  théologiens  sont  partagés.  Il  y  en  a  qui  le 
nient,  il  y  en  a  qui  raffirmenl:  le  P.  Perrone  l'affirme  avec  eux  et  ap- 
pelle ce  sentiment /oz/^ie  verisimiliorem  ac  solidiorem  (p  288).  Mais 
si  un  des  époux  se  coinertit  seul,  l'autre  demeurant  infidèle,  pourcelui 


86  BIBLIOGRAPHIE. 

qui  devient  catholique,  le  mariage  prendra-t-il  le  caractère  de  sacre- 
ment? Négative,  car  cette  union  peut  être  dissoute,  et  un  nouveau  lien 
contracté,  si  la  partie  infidèle  ne  veut  pas  cohabiter  pacifiquement. 
Reste  une  dernière  supposition.  Si  un  catholique  épouse  une  infidèle 
avectouteslesaulorisationsrequises,  cetleunionaura-t-elle, relativement 
à  lui,  le  caractère  et  la  dignité  de  sacrement?  lYi/fi^od  eamdmmendam 
nohis  suppelit,  sive  ex  sacrls  Litleris,  sive  ex  apostolica  traditione  ; 
theologi  vero  et  in  hoc  valde  inter  se  dissentiunt  (p.  290).  Rile  om- 
7}ibus  perpensis  verior  nobis  videlw  sententia  affmnans  (291).  Dans 
ce  cas,  l'Eglise  n'a  jamais  permis  le  divorce,  qu'elle  a  autorisé  dans 
le  précédent. 

Cette  question  en  amène  d'autres  que  l'auteur  examine  avec  sa 
science  et  sa  netteté  habituelles.  Quelle  est  la  manière  d'agir  de  l'Eglise 
dans  la  dissolution  du  mariage,  un  des  époux  infidèles  se  convertissant, 
l'autre  restant  dans  son  infidélité?  Comment  agit-elle  quand  les  ma- 
riages des  infidèles  ont  été  contractés  avec  un  empêchement  dirimant? 
Comment  encore,  quand  il  s'agit  d'accorder  la  dispense  de  l'empêche- 
ment de  la  disparité  de  culte? 

Par  toutes  ces  questions  est  épuisé  le  grand  chapitre  du  pouvoir  de 
l'Eglise  relativement  au  mariage.  Pour  le  compléter  il  faut  examiner 
le  pouvoir  des  princes.  Une  distinction  jette  un  grand  jour  sur  toute  la 
matière.  Ce  qui  esi  intrinsèque  au  mariage,  sa  nature,  sa  substance, 
son  lien,  tout  cela  est  du  ressort  exclusif  de  l'Eglise.  Civile  regi- 
men  nilul  potest  circa  conjiigalem  christianorum  cotitraclum,  qui  a 
sacramentonon  distinguitur,  adeoque  civilis  autoritatis  leges  attingere 
nequeunt  matrimonii  christiani  naluram,  proprietates  essentiales  el 
vinculum,  sed neque  contvahentes prout  sacramentumefficiunt,  quorum 
idoneifas  ad  contrahendum  seu  ad  sacramentiim  confîciendnm,  non 
est  statuenda  a  civili  poteslate  (p.  326).  Restât  igilur  ut  unice  convc- 
niat  auctoritati  politicse  potestas  circa  ea  quse  extrinseca  sunl...  Ejus 
geueris  sunt  causxdolis,  atque  hxredilatis,  item  successionis,  admis- 
sionis  aut  exclusionis  ab  o/Jiciisac  muniis  publicisaut  privatis,  illegi- 
timitatisprolis  in  forocivili, aliaque  ejusmodi,  qux  in  codicibusunius- 
cujusque  regni  continentur  {^.  527).  Les  princes  n'ont  aucun  droit 
originaire  et  exclusif  de  constituer  des  empêchements;  ils  n'ont  pas  ce 
pouvoir  avec  la  sainte  Eglise.  Le  sentiment  opposé,  quelque  étrange 
qu'il  soit,  pour  ne  rien  dire  de  plus,  avait  été  soutenu  par  un  théolo- 
gien français  qui  l'a  enfin  rétracté,  ce  qui  n'en  donne  que  plus  de 
poids  à  ces  jiaroles  du  R.  P.  Perrone  :  Verum  pace  tanli  auctoris,  hatc 
omnia  tie  speciem  quidem  verilalishabere  videntur,  sedabsona  prorsus 


BIBLIOGRAPHIE.  87 

sunt  ac  paralogistica  (p.  369)...  Ast,  quomodopoluit  D.  Carrière,  vir 
cœteroquin  dodus  et  diligens,  his  7iugis  illudi  (p.  37:2)  ?Lcs  princes  ne 
peuvent  accorder  aucune  dispense  d'empêchement  :  ce  serait  en  vain 
qu'on  porlerait  au  for  civil  les  causes  matrimoniales.  Même  pour  les 
infidèles,  les  princes  ne  peuveiitpasélablirdes  empêchements  dirimants. 

!i  est  vraiment  intéressant  de  voir  quelle  bonne  justice  le  savant  re- 
ligieux fait  de  tous  ces  sentiments  erronés,  émanés  de  sources  impures, 
mal  étayés  de  faux  raisonnements,  soutenus  par  les  hérétiques  ou  des 
hommes  de  mauvaise  doctrine,  imposés  quelquefois  par  la  force,  et  in- 
troduits même  dans  l'enseignement  Ihéologique  par  je  ne  sais  quelle 
routine  ou  quelle  inexplicable  bonne  foi. 

m.  Le  mariage  est  un  sacrement,  il  dépend  do  l'Eglise^,  car  le  con- 
trat est  inséparable  du  sacrement  ;  il  ne  dépend  que  de  l'Église;  les 
princes  n'ont  pas,  n'ont  jamais  eu  le  moindre  droit  sur  la  nature  du 
lien  conjugal.  Resie  à  examiner  quelles  sont  les  propriétés  du  mariage 
chrétien.  Avec  les  théologiens,  le  R.  P.  Perrone  assigne  ï imité  et  Yin- 
dissolubililé. 

L'unité  !  Le  mariage,  en  effet,  —  le  cœur,  la  raison  et  l'expérience 
le  proclament, —  est  et  doit  être  l'unité  de  deux  cœurs  et  de  deux  âmes, 
l'union  de  deux  personnes.  Il  est  l'amour  légitime  à  l'état  de  sacre- 
ment. La  polyandrie  est  directement  opposée,  de  droit  naturel,  à 
la  notion  même  du  mariage,  et  la  détruit  d'une  manière  complète.  La 
polygamie  simultanée  ne  lui  serait  pas  aussi  radicalement  contraire  que 
la  polyandrie,  mais  évidemment  elle  lui  est  moins  conforme.  Et  comme 
cette  polygamie  n'était  pas,  avant  l'Evangile,  absolument  défendue  de 
droit  divin,  il  ne  semble  pas  nécessaire  do  recourir  à  une  dispense  di- 
vine pour  excuser  les  anciens  de  péché  contre  la  nature  ou  contre  la 
volonté  de  Dieu.  Mais  cette  faculté  d'avoir  plusieurs  épouses  à  la  fois  a 
été  entièrement  abolie  dans  la  loi  évangélique  ;  et  la  première,  l'invio- 
lable propriété  du  mariage  chrétien,  c'est  Vunité.  C'est  une  thèse 
logiquement  et  solidement  démontrée  par  notre  auteur.  Jamais  l'Église, 
jamais  le  Pape,  n'ont  autorisé  la  bigamie  :  c'est  la  réforme  protestante 
seule  qui  a  donné  ce  scandale  dans  la  lumière  évangélique.  L'Eglise  a 
si  peu  favorisé  la  polygamie,  que  tout  en  tenant  dogmatiquement  pour 
valides  les  secondes  et  troisième  noces,  elle  se  m.onlrait,  disciplinaire- 
vient  moins  indulgente  pour  celles  qui  se  renouvelaient  quand  l'un 
.des  époux,  son' conjoint  étant  mort,  contractait  de  nouveaux  liens. 
Cette  sévérité  envers  les  noces  subséquentes  se  remarque  surtout  dans 
l'Église  grecque,  non  qu'elle  les  regarde  comme  absolument  illicites, 
mais  in  detestationem  incontinetitix,  quani  prx  se  ferre  videbantur. 


88  BIBLIOGRAPHIE. 

L'indissolubilité,  si  elle  n'appartient  pas  au  précepte  essentiel  et 
absolu  de  la  loi  naturelle,  est  réclamée  par  ses  principes  secondaires. 
L'affection  porte  les  époux  à  se  donner  l'un  à  l'autre  pour  toujours. 
L'éducation  de  l'enfant  demande  la  permanence  de  l'union  des  auteurs 
de  ses  jours.  L'amour  des  enfants  pour  leurs  parents,  et  des  parents 
pour  leurs  enfants,  réclame  aussi  pour  s'exercer  complètement,  que  la 
société  domestique  demeure  sous  le  môme  toit  et  y  retienne  toujours 
les  mêmes  personnes.  Les  besoins  du  père  et  de  la  mère,  dans  un  âge 
plus  avancé,  font  du  même  lien  une  impérieuse  nécessité.  Le  divorce, 
au  contraire,  bouleverse  toutes  les  relations  domestiques  et  sociales.  La 
raison  le   dit,   l'expérience  le  proclame.   Atque  exhide  faclum'est, 
ut  quo  nationes   ad  divortia  magis  proclives   sese  ostenderunt,  eo 
etiam  magis  pênes  eas  incresceret  morum  corruptio,  et  e  conversa, 
quo  magis  nationes  corruptx  cssent,   eo  faciliores  ac  propensas  se 
ad  divortia  perhibuerunt  (p.  IIJ).   Le  divorce,    à  tous  les  points  de 
vue,  serait  une  plaie.  Rien  dans  l'Écriture  ne  le  justifie.  Agar  était  l'é- 
pouse d'Abraham  {Gen.  xvi,  5)  ;   Abraham   ne  se  sépare  pas  d'elle 
quoad  vinculum,  et  c'est  Dieu  qui  donne  ici  l'ordre  exprès  de  la  ren- 
voyer {Gen.,  XXI,  10,  12).   Le  libelliis  repudii  dont  parle  la  loi  de 
Moïse  {Deut.,  xxiv,  1-4),  fut,  aux  termes  mêmes  de    Notre-Sei- 
gneur,  une  tolérance,    une  permission  accordée  aux    Hébreux  ob 
dnritiam  cordis.  Le  dogme  catholique  est  que  l'adultère  n'est  pas  une 
raison  de  rompre  le  mariage  guoad  vinculum.  Le  texte  du  chapitre  V 
de  saint  Mathieu  •  Qui  dimiserit  uxorem  suam,  excepta  fornica- 
TiONis  CAUSA,  doit  (ionc  s'interprélcr  de  la  séparation,  en  cas  d'adul- 
tère, quoad  torum  et  habitalioneni,  ou  en  ce  sens  qu'on  peut  renvoyer 
l'épouse  coupable,  sans  en  épouser  d'aulre  tant  qu'elle  vivra.  Cette  in- 
terprétation est  la  seule  authentique,  le  vénérable  auteur  le  démontre 
fort  au  long,  et  avec  une  doctrine  admirable.  La  discussion  des  textes 
bibliques,  les  témoignages  des  Pères,  la  pratique  des  âges  anciens,  tout 
se  réunit  pour  assurer  cette  conclusion  (148-359). 

La  pratique  de  l'Église  grecque,  qui,  pour  le  cas  d'adultère,  permet 
les  secondes  noces  du  vivant  même  de  l'épouse  infidèle,  se  présentait 
ici  comme  objection.  Le  R.  P.  Perrone  montre  que  cet  usage  des 
Grecs  n'est  pas  une  doctrine  proprement  dite,  mais  une  pratique  ou 
mieux  un  abus,  dont  l'origine  se  tire  des  lois  civiles  et  de  la  mobilité 
orientale,  et  contre  lequel  l'Église  latine  pas  cessé  de  réclamer,  toutes  les 
foisque  l'occasion  s'en  est  présentée.  Que  si  pour  ménager  les  Grecs,  le 
Concile  de  Trente  employa,  dans  le  canon  VIII  de  la  session  XXIV,  une 
tournure  indirecte,  la  vérité  que  le  divorce  n'est  pas  permis  pour  cause 


BIBLIOGRAPHIE.  80 

d'adultère,  n'en  resle  pas  moins  siiifisamnient  établie.  Les  novateurs, 
si  partisans  du  divorce,  auraient  dû,  ce  semble,  se  contenter  du  canon 
du  Concile,  qui  permet  dans  certains  cas  la  séparation  des  époux, 
sali'o  vincnlo.  Mais  il  n'en  a  rien  été.  Ils  ont  signalé  cette  permis- 
sion comme  une  nouveauté  téméraire ,  immorale  et  hardie.  C'est  à 
justifier  l'Église  de  ce  reproche  que  s'attaclie  l'auteur  (p.  399).  Ces 
mêmes  novateurs,  en  haine  des  vœux  religieux^  ont  crié  contre  la 
dissolution  du  mariage  ratum  non  consommatum,  que  la  profession 
solennelle  de  la  religion  peut  amener.  Cest  à  examiner  ce  dernier  ar- 
ticle, sous  tous  les  points  de  vue,  que  l'auteur  a  consacré  les  dernières 
pages  de  son  traité. 

Il  est  un  point  traité  dans  le  premier  volume  que  nous  aurions  voulu 
développer  à  part,  mais  que  nous  allons  indiquer  ici.  Quelle  a  été  la 
pensée  de  Benoît  XIV  sur  le  ministre  du  sacrement  de  mariage  ?  Dans 
sa  decrélale  à  l'archevêque  dcGoa,  Paiicis  ah  hinc,  il  enseigne  que  ce 
sont  les  contractants.  Dans  son  livre  de  Synodo,  que  les  partisans  de 
Cano  citent  pour  leur  opinion,  le  docte  auteur  n'appelle  le  prêtre  que 
testem  authorizabilem  (iib.  xiii.  c.  23.  n.  6).  Dans  son  instit.  xxxin, 
n.  2,  il  est  pour  les  contractants  comme  ministres.  La  probabdité  qu'il 
a  reconnue  à  l'opinion  de  Cano  n'est  donc  qu'une  probabilité  extrin~ 
sèque,  doctorum  snffragiis  communita,  qui  a  depuis  per^u  toute  appa- 
rence de  vraisemblance.  (Perr.,  tom.  i,  p.  126.) 

Tel  est  l'ensemble  de  l'ouvrage  du  P.  Perrone,  telles  en  sont  les 
principales  assertions,  tel  en  est  le  but.  Les  trois  livres  de  Matrimonio 
christiano  ont  fait  une  profonde  sensation  :  ils  répondent  à  un  besoin  né 
des  circonstances  malheureuses  où  nous  vivons.  Qu'on  les  lise  donc, 
qu'on  les  médite,  et  que  l'on  en  fasse  passer  la  doctrine  d'une  manière 
complète  dans  l'enseignement  de  nos  séminaires.  Il  faut  qu'en  ce  sujet, 
comme  en  bien  d'autres,  le  P.  Perrone  nous  rende  le  service  de  faire 
disparaître  pour  toujours  ces  erreurs,  ces  mauvaises  tendances  que  le 
passé  nous  avait  léguées  comme  un  triste  héritage.  Scopulosum  pro- 
feclo  pelagus,  ac  multa  syrti  periculosum  navi^iamHS.  Ce  n'est  pas  nous 
qui  nous  permettrons  de  dire  au  révérend  religieux  q:nl  a  tracé  entre 
tous  les  écueils  une  route  sûre  et  facile.  Sa  doctrine,  sa  longue  expé- 
rience, sa  position  aux  sources  mêmes  'le  la  vérité,  parlent  bien  plus 
haut  que  notre  modeste  jugement. 

H.  Girard. 


90  BIBLIOGRAPHIE. 

Casus  Conscientiie  in  praecipuas  quaesUoDcs  Theologiae  moralis,  au- 
ciore  P.  Joauae  Petro  Gury,  S.  J.  —  Lugdani  et  Parisiis,  apud  J.-B. 
Pelagaud.  2  vol.  in-12.  viil-721,  778  pp. 

Ce  nouvel  ouvrage  du  P.  Gury  vient  se  placer  dignement  à  côté  du 
Compend'mm  Iheologise  rnoralis,  dont  les  éditions  nombreuses  en  France, 
en  Belgique,  en  Allemagne,  en  llalie,  attestent  suffisamment  le  succès 
et  l'utilité. 

L'auteur  avait  manifesté  autrefois  Tintention  d'écrire  iiu  cours  com- 
plet et  développé  de  théologie  morale.  11  est  vivement  à  regrelter  que  les 
circonstances  ne  lui  aient  pas  permis  de  mettre  à  exécution  ceprojet  :  il 
paraît  que  nous  devons  accepter  comme  une  compensation  les  Casus 
conscientice  et  renoncer  à  l'espoir  d'oblcnir  autre  chose.  Peut-être 
cependant  cette  détermination  n'est-elle  pas  irrévocable.  Nous  le  sou- 
haiterions beaucoup  pour  notre  part. 

Le  recueil  de  cas  de  conscience  que  nous  avons  sous  les  yeux  peut 
être  regardé  comme  un  commentaire  et  un  complément  du  Compendium. 
Ce  sont  des  applications  multiples  qui  éclairent  les  principes  et  pré- 
sentent les  questions  sous  tous  leurs  aspects:  la  partie  théorique  et 
doctrinale  n'est  reprise  que  d'une  manière  trés-succincle,  pour  amener 
la  solution  des  cas  proposés.  Du  reste,  l'ordr  e  général  des  traités  et  des 
questions  est  le  même  que  dans  le  Compendium  :  c'est  de  part  et 
d'autre  la  même  brièveté,  la  même  clarté,  la  même  exactitude.  On  trou- 
vera ici  bien  des  développements  utiles  que  n'offre  pas  le  Compendhm, 
quelquefois  même  des  questions  entièrement  nouvelles,  dont  plusieurs 
sont  nées  de  circonstances  toutes  récentes.  Citons  quelques  exemples. 

Les  dispenses  de  Carême  sont  généralement  accordées  en  France 
sous  la  condition  d'une  aumône  à  faire  ou  d'une  prière  à  réciter.  Y  a- 
t-il  péché  mortel  à  omettre  ce  qui  est  ainsi  prescrit,  bien  que  la  matière 
considérée  en  elle-même  ne  soit  pas  grave  ?  Le  P.  Gury  répond  : 
Generatim  non  videntur  episcopi  velle  rigorosam  commutalioncm 
facere  ;  sed  probabilius  dicendum  est  eos  intendere  \mï]c\fâ\\[er  dispen- 
sare,  et  accessorie  aliquod  opus  phim  in  quamdam  satisfactionem 
levem  imponere.  Sic  generatim  a  fideiibus  dispensatio  apprehendilur, 
ita  ut  illi  mirenlar  si  mentio  de  culpa  gravi  fiât  pro  omisswne  rei  in 
se  levis  (i,  526).  Et  il  ajoute  d'après  saint  Alphonse  de  Liguori  maté- 
riau levem  non  esse  capacem  oblignt'ionis  gravis,  etiam  probabilius  si 
hxc  maleria  levis  locum  operis  gravis  leneret,  quia  obligalio  secundum 
màteriam  mensuratur  etmagisattenditur  ad  maleriamin  se  spedatam 
quam  ad  ejus  causain  (ib.). 


BIBLIOGRAPHIE.  91 

Cornélius,  aubergiste,  habile  un  diocèse  où  la  faculté  de  faire  gras 
le  samedi  est  accordée  à  tous  ceux  qui  en  font  la  demande.  Peut-il 
l'étendre  1°  à  sa  famille,  à  ses  parents  et  amis  ;  2°  aux  étrangers  qui 
mangent  à  leurs  frais  dans  son  établissement?  3**  Peut-il  en  user  hors 
du  diocèse? 

Le  premier  point  ne  fait  pas  difficulté  :  la  doctrine  et  la  pratique 
universelle  admettent  que  le  père  de  famille  communique  ce  privilège  à 
ceux  qui  mangent  d'ordinaire  à  sa  table,  ou  qu'il  y  admet  occasionnel- 
lement. Mais  le  second  a  donné  lieu  a  des  divergences.  La  réponse  du 
P.  Gury  est  catégorique.  Négative.  Peregrini  qui  propriis  expensis  in 
hospitio  reficiuntur,  ejusdem  dispensationis  participes  fieri  neqneunt, 
quia  de  mensa  palrisfamilias  non  edunt,  cum  ipsimel  pecuniam  pro 
victu  rétribuant,  nec  proinJe  de  familia,  etiani  in  tatissimo  sensu, 
esse  censenlur.  Ergo  caupones  dispensali  ut  carnes  die  sa'obati  edant, 
eodem  titulo  carnes  hospitibus  suis  minislrare  nequeunt  (i,  3'28).  La 
troisième  question  doit  être  aussi  résolue  d'une  manTère  négative  :  au 
reste,  toute  difficulté  sur  ce  dernier  point  est  tranchée  par  une  ré- 
ponse du  S.  Office  aux  évoques  de  Belgique  (10  juin  1855),  dont 
le  texte  est  ici  rapporté  ([,  527-329). 

On  fera  bien  de  rapprocher  la  solution  donnée  t.  i,  p.  326,  n.  494, 
de  la  décision  récente  de  la  S.  Pénitencerie  reproduite  par  la  Revue 
dans  le  n"  de  novembre  1863  (p.  457). 

Signalons  encore  une  explication  claire  et  une  appréciation  raisonnée 
de  cette  opération  de  bourse  aujourd'hui  fort  usitée  sous  le  nom  de 
report,  et  que  le  P.  Gury  déclare  licite  (i,  640-645).  Le  Gompendium 
contenait  à  peine  quelques  mots  là-dessus  dans  une  note  (10"  éd.  i, 
703,  n.  906).  Les  cas  sur  les  comptes  courants  (i,  670-674),  le 
crédit  ouvert  (675-676),  le  simple  prêt  dissimidé  par  le  banquier 
(676-678),  abordent  aussi  des  difficultés  nouvelles  que  personne,  à 
notre  connaissance  du  moins,  n'avait  encore  examinées. 

Ces  quelques  lignes  suffisent  pour  annoncer  un  livre  dont  l'auteur 
a  fait  depuis  longtemps  ses  preuves.  D'ailleurs,  nous  n'avons  pu  étu- 
dier encore  l'ouvrage  dans  tous  ses  détails,  et  cependant  nous  tenions 
à  signaler  de  suite  son  apparition. 

L'exécution  typographique  est  satisfaisante.  Espérons  que  l'éditeur, 
quand  il  réimprimera  le  Compendium,  nous  le  présentera  aussi  sous 
une  forme  convenable.  C'est  une  amélioration  depuis  longtemps  récla- 
mée, et  que  rend  bien  facile  un  des  plus  grands  succès  de  la  librairie 
contemporaine.  E.  Hautcœur. 


CORRESPONDANCE. 


Monsieur  le  Rédacteur, 

Un  de  vos  correspondants  vous  a  dernièrement  adressé  une  letlre 
signée  des  initiales  F.  J.,  dans  laquelle,  à  de  justes  louanges  décernées 
aux  travaux  philosophiques  du  R.  P.  Liberatore,  il  joint  une  censure 
sévère  des  ouvrages  d'un  autre  écrivain  de  la  Compagnie  de  Jésus,  le 
R.  P.  Salvatore  Tongiorgi. 

Votre  correspondant  vous  assure  que  ces  censures,  aussi  bien  que 
ces  louanges,  lui  ont  été  dictées  par  son  amour  pour  la  doctrine  de 
saint  Thomas.  11  se  félicite  du  mouvement  de  retour  qui  se  manifeste 
dans  toutes  les  écoles  catholiques  vers  les  traditions  de  la  philosophie 
chrétienne,  et  il  voit  dans  ce  mouvement  le  prélude  d'une  grande 
restauration  philosophique  et  théologique. 

Je  massocie  de  grand  cœur  à  ces  espérances,  et  je  crois  avoir  assez 
fait  mes  preuves  pour  que  personne  ne  puisse  suspecter  mon  dévoue- 
ment à  la  doctrine  de  saint  Thomas.  Comme  M.  F.  J.,  je  suis  per- 
suadé que  l'étude  sérieuse  de  cette  doctrine  est  la  condition  essen- 
tielle et  infaillible  de  la  régénération  des  hautes  études  ecclésiastiques, 
et  c'est  cette  persuasion  qui  m'a  déterminé  à  soutenir,  en  faveur  de  la 
philosophie  scolastique,  de  pénibles  luttes  contre  des  hommes  pour 
lesquels  je  professe  le  plus  affectueux  respect. 

Mais  précisément  parce  que  je  désire  le  triomphe  de  cette  doctrine, 
je  crains  des  exagérations  qui  ne  peuvent  que  lui  être  nuisibles.  Ce 
qui  compromet  les  réactions  les  plus  heureuses,  ce  sont  les  excès  aux- 
quels elles  sont  exposées  à  se  porter.  Le  triomphe  de  la  doctrine  sco- 
lastique est  certain,  et  il  sera  définitif;  mais  c'est  à  la  condition  que 
nous  ne  demanderons  pour  elle  que  ce  que  nous  avons  le  droit  de 
demander.  Que  si  les  partisans  de  celte  doctrine  oubliaient  les  condi- 
tions essentielles  de  la  science,  s'ils  proscrivaient  toute  liberté  de 
discussion  même  sur  les  points  les  plus  discutables,  s'ils  exigeaient  la 
même  adhésion  pour  les  théories  purement  probables  et  pour  les 


CORRESPONDANCE.  93 

dogmes  évidemment  démontrés,  de  pareilles  prétentions  fourniraient  à 
nos  adversaires  les  armes  qu'ils  ne  peuvent  plus  emprunter  à  leurs 
systèmes,  et  nous  aurions  opposé  à  la  cause  que  nous  croyons  servir 
le  seul  obstacle  qui  puisse  désormais  relarder  son  triomphe. 

Votre  correspondant  me  permettra  de  lui  dire  qu'il  s'est  laissé 
pousser  contre  cet  écueil  par  l'excès  de  son  zèle  pour  saint  Thomas. 
S'il  s'était  contenté  de  manifester  ses  sympathies  pour  les  tendances 
philosophiques  du  R.  P.  Liberatore,  je  n'aurais  certes  rien  à  dire.  A 
la  liste  des  séminaires  qui  ont  adopté  pour  l'enseignement  philoso- 
phique lecours  composé  par  le  docte  rédacteur  de  la  Civiltà,,  M.  F.  J. 
aurait  pu  ajouter  celui  auquel  j'apparliens  ;  et  je  serais  bien  heureux 
que,  dans  toutes  nos  écoles,  on  donnât  assez  de  temps  à  l'étude  de  la 
philosophie  pour  que  ce  cours  pût  être  mis  entre  les  mains  des  élèves. 
Malheureusement,  il  n'en  est  pas  ainsi  dans  la  plupart  des  collèges 
catholiques,  et  même  dans  un  certain  nombre  de  séminaires,  on  con- 
sacre à  peine  une  année  à  cette  étude  si  importante,  f^our  tout'  renfer- 
mer dans  un  espace  si  étroit,  il  faudrait  pouvoir  mettre  entre  les  mains 
des  élèves  un  abrégé  très-succinct,  et  pourtant  assez  complet.  Rien  ne 
serait  donc  plus  important,  dans  l'intérêt  de  la  saine  philosophie,  qne 
de  pouvoir  offrir  à  nos  écoles  un  livre  semblable,  au  moment  où  par- 
tout on  sent  l'insuffisance  des  traités  dont  on  s'était  servi  jusqu'à  ce 
jour. 

Or,  je  n'hésite  pas  à  le  dire,  ce  livre  existe;  c'est  l'abrégé  que  le 
R.  P.  Tongiorgi  a  fait  lui-môme  de  son  cours  complet  de  philosophie. 
Tandis  que  ce  dernier  ouvrage  sera  pour  les  maîtres  d'une  grande  uti- 
lité, l'abrégé  clair,  lumineux,  méthodique,  que  les  élèves  auront  entre 
les  mains  leur  suffira  pour  retenir  la  substance  de  la  doctiine  et  fixer 
les  enseignements  donnés  en  classe  par  les  maîtres.  Ce  livre  m'a  paru 
si  bien  approprié  aux  besoins  de  l'enseignement  dans  notre  pays  qu'il 
m'a  déterminé  a  faire  un  sacrifice  dont  je  ne  parle  que  pour  montrer 
combien  je  suis  désintéressé  dans  cette  question.  J'ai  renoncé  à  faire 
paraître  un  cours  [»lus  étendu  de  philosophie  que  j'avais  composé,  et 
j'ai  demandé  au  R.  P.  Tongiorgi  l'autorisation  d'éditer  en  Fiance  son 
Co7npe7}dinm. 

Mais,  s'il  fallait  en  croire  M.  F.  J.,  je  me  serais  trompé,  et  l'adoption 
de  ce  livre  dans  nos  écoles  serait  un  recul  dans  le  mouvejtient  qui  s'o- 
père en  faveur  du  Dodenr  angélique.  C'est  là  un  verdict  bien  sévère  : 
heureusement  il  n'est  pas  sans  appel.  Je  veux  bien  admettre  que  l'au- 
torité deM.  F.  J.  est  très-grande,  quoiqu'il  soit  en  général  très-permis 
de  faire  peu  de  cas  des  autorités  anonymes,  mais  je  ne  serai  peut-être 


9/i  CORRESPOMDANCE. 

pas  trop  téméraire  en  supposant  qu'elle  n'est  pas  plus  grande  que  celle 
de  Mfc''"iMalou,  celte  lumière  de  l'Episcopat  belge.  Ce  prélat  si  savant  et 
si  romain  a  adopté  le  cours  du  P.  Tongiorgi  pourson  petit  séminaire, 
précisément  parce  qu'il  y  a  reconnu  les  qualités  que  lui  refusa  M.  F.  J., 
une  supériorité  incontestable  de  fond  et  de  forme,  et  de  plus  un  discer- 
nement exquis  dans  le  choix  des  opinions.  Tanto  pondère  doctrinœ,  taiita 
ratiociiiii  vi  et  perspicmtale  sermonis  eminent,  quinimo  tam  exiinio 
opinionum  deicc.tu  prsestant  ui  ea  prx  cxterh..  adoptaverimiis. 

M^r  l'évêque  de  Liège  est  encore  plus  exprès  :  il  adopte  l'ouvrage 
du  P.  Tongiorgi  parce  que,  en  ontologie  et  en  psychologie,  cet  auteur  a 
su  éviter  la  vaine  nouveauté  et  s'est  attaché  à  la  tradition  de  l'école 
catholique.  Prsestanl  enim,  dit  cet  illustre  Prélat,  illss  inslilniiones 
facUitale  sermonis,  rotiocinii  perspicuitate  et  firmitate,  sana  atque 
exirnia  doctr'ma  :  eas  opiniones  psycJiologicas  et  ontologicas  exhibent, 
non  qiix  vanam  noviiateni  redolent,  sed  quas  dotta  scholss  eathoHcse 
coronatradit,  tacente  vel  approbanleEcclesia. 

Je  pourrais  encore  citer  en  faveur  du  liv-re  du  P.  Tongiorgi  bien 
d'antres  autorités  Ne  parlons  pas,  si  l'on  veut,  du  Collège  romain  où 
ce  livre  est  enseigné  depuis  plusieurs  années  par  l'auteur  lui-même. 
Au  moins,  ne  saurait  on  avoir  aucun  motif  de  récuser  le  suffrage  du 
Collège  de  la  Propagande,,  qui  n'est  plus  sous  la  direction  de  notre 
Compagnie,  et  où  ce  même  cours  vient  tout  récemment  d'être  adopté. 
M.  F.  J.  me  permettra  de  croire  qu'en  se  mettant  de  niveau  avec  ces 
deux  grandesècoles,  nos  séminaires  mrecnleraient  en  aucune  manière 
et  qu'ils  accompliraient  au  contraire  un  véritable  progrès. 

Mais  enfin,  quel  est,  aux  yeux  de  ce  sévère  censeur,  le  crime  du 
P.  Tongiorgi?  C'est  qu'en  certains  points,  qu'il  plaît  à  M.  F.  J.  d'ap- 
peler fondamentaux,  cet  auteur  a  cru  pouvoir  s'écarter  de  la  doctrine  de 
saint  Thomas.  Ces  points  fondamentaux  on  veut  bien  nous  les  indiquer. 
Ce  sont  les  questions  de  la  matière  et  de  la  forme,  de  l'essence  et  de 
l'existence,  de  la  substance  et  del'accident.  Sur  ces  trois  questions,  je 
puis  en  écarter  au  moins  une  :  celle  de  l'essence  et  de  l'existence  ;  je  nie 
que  le  P.  Tongiorgi  ait  à  ce  sujet  une  doctrine  différente  de  celle  de 
saint  Thomas.  11  ne  nie  pas  que  dans  les  êtres  contingents,  l'exigence 
soil  réellement  distincte  de  X essence  possible  ;  ce  qu'il  nie,  c'est  que, 
même  dans  ces  êtres,  l'existence  soit  distincte  de  l'essence  actuée. 
Mais  n'est-ce  pas  une  chose  évidente  ?  Qu'est-ce  donc  que  l'existence 
sincn  l'actualion  d'une  essence  possible  ?  M.  F.  J.  prétendrait  il,  par 
hasard,  comme  un  thomiste  de  mes  amis,  qu'il  conçoit  très-bien  Tes- 
sence  du  monde  actuée  dès  l'éternité  sans  que  pour  cela  le  monde  exis- 


corhespondancf.  ô5 

tât  ?  Et  est-ce  bien  en  mettant  sur  le  compte  de  saint  Thomas  des  absur- 
dités pareilles,  que  nous  nous  imaginerons  favoriser  la  restauration  de  sa 
doctrine  ? 

Restent  deux  grosses  questions,  celle  de  la  substance  et  de  l'accident, 
et  celle  de  la  matière  et  de  la  forme.  Ces  questions,  il  ne  peut  entrer 
dans  ma  pensée  de  les  traiter  ici  en  quelques  lignes.  Si  mes  occupations 
me  le  permettent,  je  vous  demanderai  la  permission,  Monsieur  le  Rédac- 
teur, d'exposer  à  vos  lecteurs  au  moins  la  seconde  qui  est  moins  connue 
en  France  el  sur  laquelle  ailleurs  s'agitent  d'ardenis  débals.  J'espère 
que  de  cette  étude  résultera  pour  eux  tous  la  convictiou  que  cette  ques- 
tion doit  être  regardée  dans  les  écoles  catholiques  comme  une  question 
ouverte  au  sujet  de  laquelle  il  est  parfaitement  loisible  de  soutenu'  le 
pour  et  le  contre,  sans  qu'aucune  des  deux  parties  ait  encore  le  droit 
de  condamner  absolument  la  pailie  adverse. 

Que  le  R.  P.  Liberatore  et  M.  F.  J.  soutiennent  à  ce  sujet  l'opi- 
nion de  saint  Thomas,  qu'ds  fassent  valoir  les  arguments  qui  militent 
en  faveur  de  cette  opinion  el  résolvent  de  leur  mieux  les  difficultés  qu'on 
lui  oppose  ;  nous  applaudirons  à  leurs  efforts  el  nous  leur  souhaiterons 
de  tout  notre  cœur  un  plein  succès.  Mais  ils  nouspermettront  d'attendre 
pour  donner  une  adhésion  absolue  à  celte  théorie  qu'on  ait  apporté  en 
sa  faveur  des  preuves  évidentes.  La  révélation  divine  a  seule  le  droit 
de  se  passer  de  semblables  preuves,  et  encore  l'assenlinîent  que  nous 
lui  donnons  esl-d  autorisé  par  des  motifs  de  crédibilité  pleinement  satis- 
faisants pour  notre  laison. 

Mais  pour  une  théorie  purement  philosophique,  il  ne  saurait  suffire 
de  l'appuyer  sur  Faulorité  d'un  nom,  ce  nom  fût-il  même  celui  de 
saint  Thomas.  On  a  beau  nous  dire  que  la  doctrine  de  ce  grand  maître 
est  tout  d'une  pièce  el  qu'il  faut  la  prendre  ou  la  rejeter  tout  entière. 
De  semblables  injonctions  ne  trndraient  à  rien  moins  qu'à  faire  régner 
dans  nos  écoles  VIpse  dixil  qu'on  nous  a  tant  reproché.  Nous  ne  sau- 
rions y  consentir.  Nous  donnerons,  même  en  philosophie,  une  grande 
part  à  l'autorité  ;  mais  jamais  nous  ne  la  substituerons  à  l'évidence. 
Nous  lui  accorderons  le  droit  d'incliner  l'esprit,  mais  non  pas  celui  de 
commander  un  assentiment  absolu.  Nous  défendrons  les  intérêts  de  la 
tradition,  mais  nous  mainliendions  ceux  du  progrès  :  nous  ne  serons 
pas  novateurs,  mais  nous  ne  serons  pas  non  plus  rétrogrades  ;  nous 
serons  partisans  de  l'unité  dans  les  choses  certaines,  mais  nous  ne 
permettrons  pas  qu'on  restreigne  la  liberté  dans  les  choses  douteuses. 
C'est  ainsi  que  nous  concilierons  à  noire  noble  cause  les  sympathies  de 
tous  les  vrais  amis  de  la  science  et  que  nous  ôterons  à  nos  adversaires 


96  CORRESPONDANCE. 

tous  les  prétextes  dont  ils  pounaienl  se  servir  pour  nous  combattre. 

Or  c'est  aussi  de  la  sorte  que  nous  demeurerons  fidèles  à  l'esprit  de 
saint  Thomas,  tout  en  nous  écartant  peut-être  en  quelques  points  de  la 
lettre  de  son  enseignement.  Quoi  qu'on  en  dise,  nous  demeurons  per- 
suadé que  s'il  revenait  parmi  nous,  cet  esprit  si  large,  qui  sait  si  bien 
concilier  le  platonisme  de  saint  Augustin  avec  le  péripatétisme  d'Aris- 
tote,  ne  tiendrait  pas  pour  non  avenus  tous  les  travaux  que  l'esprit 
humain  a  accomplis  depuis  cinq  siècles.  Nous  croyons  qu'il  reconnaîtrait 
pour  son  héritierl'incomparableSuarez,  malgré  les  modificationsdedétail 
que  ce  père  de  la  scolastique  moderne  s'est  permis  d'introduire  dans 
la  doctrine  traditionnelle.  Quand  ce  grand  homme  parut,  il  se  trouva 
aussi  des  partisans  trop  zélés  de  la  tradition  qui  l'accusèrent  d'innover. 
Qu'on  me  dise  maintenant  si  la  doctrine  de  saint  Thomas  ne  lui  a  pas 
bien  plus  d'obligations  qu'à  ces  thomistes  plus  rigoureux  qui  n'ont 
jamais  voulu  consentir  à  laisser  discuter  le  moindre  iota  de  la  doctrine 
du  maître. 

C'est  ainsi  que  le  Père  Tongiorgi  entend  en  pratique  le  respect  pour 
la  tradition,  et  nous  ne  pensons  pas  qu'on  lui  en  demande  davantage. 
Nous  demeurons  donc  convaincu  que  sa  philosoj^hie  aura  en  France  un 
grand  succès,  et,  quoi  qu'en  dise  M.  F,  J.,  nous  sommes  également 
persuadé  qu'elle  contribuera  puissanunent  à  la  grande  restauration  que 
nous  désirons  aussi  ardemment  que  lui. 

Veuillez  agréer,  etc. 

H.  Ramière,  s.  J. 


Comme  l'estimable  auteur  de  cette  lettre,  nous  croyons  que  l'étude 
de  la  scolastique  ne  peut  être  féconde  qu'à  la  condition  d'être  intelli- 
gente :  malgré  notre  admiration  pour  l'Ange  de  l'Ecole,  nous  ne  pen- 
sons pas  qu'il  faille  le  suivre  aveuglément  et  sans  discussion,  ce  qui 
serait  la  négation  de  h  science.  Nous  devons  nous  borner  ici  à  cette 
déclaration  assurément  bien  simple,  et  à  laquelle  M.  F.  J.  adhérera 
sans  aucun  doute.  Le  temps  ne  nous  a  point  permis  de  lui  communi- 
quer la  lettre  du  R.  P.  Ramière  avant  sa  publication. 

E  Hautcœor. 


Arra3.  — Typ.  Rousseau-Leroy,  rue  Saint- Maurice, 


LA  THEOLOGIE  DES  CATACOMBES. 


Dt'uxièmo   aiticle. 


in. 


Au  faîte  du  symbolisme  des  catacombes  juives,  nous  ren- 
controns les  emblèmes  qui  voilent  la  croyance  et  les  espé- 
rances sacrées.  Le  nombre  en  est  grand,  et  quoique  nous 
voulions  nous  borner  tout  d'abord  aux  symboles  qui  con- 
cernent le  temps ,  et  réserver  ceux  qui  expriment  le  dogme 
delà  vie  éternelle,  le  champ  demeure  vaste  et  fécond.  On  le 
diviserait  à  bon  droit  en  trois  parts  :  l'une  se  rapporte  à  la 
fête  des  Tabernacles  ;  la  seconde  au  livre  de  la  Loi,  et  la  der- 
nière aux  sacrifices  Mosaïques. 

Les  habitants  de  Jérusalem  et  de  la  Judée  mandant  à  leurs 
frères  d'Egypte  la  mort  d'Antiochus  et  la  réconciliation  du 
temple,  les  invitaient  à  célébrer,  par  une  nouvelle  scéno- 
pégie,  dans  le  prochain  mois  de  Casleu,  la  fête  de  la  Dédi- 
cace (1) .  Cette  solennité  se  conserva  par  la  suite  :  elle  appa- 
raît comme  un  lien  de  foi  et  d'amour  entre  les  Juifs  disper- 
sés, et  nous  sommes  assurés  que  ceux  de  Rome  en  jugeaient 
ainsi.  En  effet,  leurs  sarcophages  et  inscriptions  reproduisent 
souvent  une  série  d'emblèmes  qui  s'y  rapportent. 

(1)  II  Macchab.,  i,  9  seqq. 

HEVLE  DF.S  SCiENCES  ECCLÊSIISTIQUES,  T.   IX,  7 


98  LA   TllÉOLGGlE    DES   CATACOMBES. 

Le  candélabre  est  le  plus  usité  de  ces  signes  mystérieux, 
et  sa  forme  rappelle  exactement  celle  que  lui  prête  le  bas- 
relief  de  l'arc  de  Titus.  Sans  doute,  une  religieuse  émotion 
agitait  la  main  qui  grava  si  fréquemment  cette  image  aimée 
et  sainte.  Le  candélabre  était  là,  dans  l'enceinte  du  Capitole, 
partageant  la  captivité  des  douze  tribus.  Ses  lampes  ne 
s'allumaient  plus  pour  les  solennités  d'Israël  (1),  mais 
son  souvenir  se  liait  encore  aux  espérances  messianiques, 
à  l'attente  de  Celui  qui  est  lumière,  et  que  saint  Jean 
vit  au  milieu  de  sept  candélabres  d'or.  Hélas!  vain  espoir 
et  attente  inutile!  La  lumière  avait  lui  dans  les  ténèbres, 
et  Israël  ne  l'avait  pas  comprise. 

Le  candélabre  est  quelquefois  accompagné  des  ciseaux 
destinés  (*>)  à  en  aviver  les  flaumies;  mais  dépoun'u  d'une 
signification  spéciale  et  mystique,  cet  instrument  est  plus 
ordinairement  omis  par  le  sculpteur.  Il  en  eût  été  de  même 
du  vase  de  l'huile  bénite,  si  la  tradition  n'y  eût  attaché  une 
importance  singuhère.  On  racontait  sous  les  tentes  de 
l'exil  (3)  qu'au  jour  où  les  Asmonéens  vainquirent  les  op- 
presseurs de  la  nation  et  délivrèrent  le  temple,  ils  entrèrent 
dans  les  saints  parvis  pour  célébrer  la  fête  des  Tabernacles. 
Or,  les  vases  qui  contenaient  l'huile  nécessaire  au  candélabre 
pendant  les  huit  journées  de  la  solennité,  avaient  été  pro- 
fanés par  les  Gentils,  un  seul  excepté  qui  se  trouva  encore 
muni  du  sceau  sacerdotal.  11  servit  donc  au  ministère  divin, 
et,  chose  miraculeuse!  seul,  il  alimenta  durant  la  semaine 
entière  les  lampes  du  chandelier  sacré  :  en  mémoire  de  ce 
prodige,  les  princes  du  peuple  avaient  institué  des  actions  de 
grâces  annuelles  et  ajouté  à  l'antique  splendeur  de  la  fête 
des  Encénies.  Ce  récit  merveilleux  d'une  des  dernières  fa- 
veurs que  Dieu  eût  accordées  à  la  race  d'Abraham,  était  trop 

(])  II  Macch  ,  I,  8. 
(i)  Exod.,  XXV.,  38. 
{3^  Cimilero,  p.  42. 


LA   THÉOLOGIE   DES   CATACOMBES.  Ôô 

consolant  sur  la  terre  étrangère,  pour  qu'on  le  négligeât  et 
que  le  symbolisme  ne  s'étudiât  pas  à  le  perpétuer.  Mais,  en- 
core une  fois,  Celui  dont  le  nom  est  une  huile  épandue,  avait 
paru  en  Bethléem  de  Juda;  la  source  d'huile  qui  annonçait 
sa  naissance  avait  jailli  parmi  les  juifs  du  Transtévère  (i), 
et  la  synagogue  insensée  s'obstinait  à  le  rejeter,  à  ne  pas 
recevoir  cette  huile  céleste  en  sa  lampe  éteinte  et  obscure. 
Les  descriptions  que  la  Bible,  les  commentateurs  rabbi- 
niques  et  l'usage  traditionnel  lui-même  nous  ont  transmises 
de  la  fête  des  Tabernacles ,  disent  avec  quelle  joie  le  peuple 
se  rassemblait  sous  les  tentes  de  feuillage,  au  son  de  la 
trompe  ou  corne  de  bélier,  et  agitait  les  palmes  vertes,  les 
rameaux  de  citronnier,  le  hdah.  Tous  ces  emblèmes  sont 
fréquemment  reproduits  dans  le  cimetière  de  la  Via  Appia^ 
mais  surtout  le  dernier.  Qu'on  imagine  un  petit  faisceau  de 
plantes  aromatiques,  fortement  serrées  l'une  contre  l'autre 
de  manière  à  ressembler  au  fruit  du  citronnier  et  de  l'oran- 
ger; au  milieu  s'élève  un  rameau  vert  de  palmier:  tel  est 
exactement  le  iJlb  [ItdabJ  que  divers  auteurs  n'ont  pas  bien 
compris.  Celui  de  noti-e  hypogée  hébraïque  diffère  un  peu  du 
lid'ib  des  monnaies  de  Simon  l'Asmonéen  et  se  rapproche 
davantage  de  la  forme  que  lui  prêtent  les  verres  et  coupes 
publiés  par  le  R.  P.  Garrucci.  Peut-être  est-ce  là  le  bouquet 
de  myrrhe  que  l'épouse  des  Cantiques  pressait  sur  son  cœur, 
comme  un  poétique  symbole  de  son  bien-aimé  ("2) .  Dans  les 
cérémonies  prophétiques  du  temple,  le  même  signe  sacré  dut 
rappeler  le  Rédempteur  du  monde ,  le  Roi  de  toute  paix  et 
de  toute  justice.  Car  la  fête  des  Tabernacles  est  la  fête  du 
désert  et  de  la  terre  promise,  du  servage  et  du  triomphe,  de 
la  captivité  suivie  d'un  empire  universel,  la  fête  nationale 
par  excellence,  l'union  intime  des  tribus  et   des  familles. 

(1)  La  basilique  de  Sainte-Marie  trant-  Tiberim  conserve  ce  fons  olei^ 
[.rès  du  tombeau  de  saint  Jules  I. 

(2)  Cantic.  i,  12. 


iOO  LA    THÉOI.GCÎF.    DKi    CATACOMBES. 

I.a  colonie  juive  de  Rome  en  a  désiré  et  rêvé  le  retour,  mais 
il  ne  lui  sera  pas  donné  d'en  revoir  les  magnificences  jusqu'à 
l'heure  où  elle  entrera  sous  les  pavillons  bénis  de  la  sainte 
Eglise  romaine. 

La  seconde  idée  génératrice  du  symbolisme  judéo-romain, 
est  l'idée  de  la  Zo/,  et  à  vrai  dire  elle  tient  étroitement  à  la 
première,  puisque  Moïse  (1)  ordonna  de  lire  les  saints  Livres 
au  peuple  assemblé  à  l'ombre  des  tentes  du  Seigneur,  en 
l'année  de  la  rémission.  Aussi,  les  monuments  hébraïques 
réunissent  souvent  le  livre  de  la  Loi  au  candélabre  et  aux 
emblèmes  analogues.  Quelquefois  le  volume  sacré  apparaît 
lui-même,  connue  dans  l'inscription  funèbre  du  scribe  Deu- 
iéru<,  sous  une  forme  cylindrique  ou  rectangulaire.  D'autres 
fois,  le  sculpteur  a  gravé  au  trait  l'image  d'une  cassette 
munie  d'une  serrure  et  d'un  couvercle  à  bâtière  :  c'est  le 
vy.Macô/.oij.'jv  des  Grecs,  le  coffret  où  les  particuliers  gardaient 
le  i  manuscrits  de  la  Bible  (2) .  Un  sarcophage  décrit  par  le 
R.  P.  Garrucci,  offre  encore  la  représentation  très-distincte 
des  riclies  édicules  destinés  dans  les  synagogues  aux  Livres 
saints.  Deux  colonnes  et  un  fronton  triangulaire  encadraient 
la  table  sur  laquelle  reposait  l'arche  du  volume  sacré.  Cette 
arche  était  ornée  de  tentures  dont  les  plis  gracieux  environ- 
naient la  table;  de  longs  rideaux  recouvraient  l'édicule  tout 
entier  (3). 

La  dernière  classe  de  syml)oles  comprend  les  têtes  de  bélier 
et  de  taureau,  isolées  ou  juxtaposées,  le  veau  des  holocaustes 
ou  cette  génisse  rousse  dont  les  peintures  chrétiennes  des 
catacombes  révèlent  le  sens  allégorique  quand  elles  la  repré- 


(1)  Deuter.,  xxxi.  10-U.  Cf.  II  Esdr.,  vUl. 

(2)  Ci'Kit.,  p.  f.9.  —  Vetri.,  p.  35  et  lali.  XIV,  n.  6. 

^5)  Ciiiiit.,  p.  IG,  et  la  lilhographio  jointe  au  même  onvra.t^e.  —  Cette 
descrii'tion  est  appuyée  par  les  verres  des  catacombes  et  explique  Lien 
le  nom  do  PS'^H  {'idificiun  allum  et  maynificam,  pal it:um)  qic  les  rab- 
bins  donnent  so'.iv^nl  à  l'urmoire  de  la  Loi. 


r.A    THÉOLOGIE    DES    CATACOMRES.  101 

sentent  aux  pieds  du  Bon-Pasteur.  Ce  sujet  est  parfaitement 
traité  dans  l'épitre  connue  sous  le  nom  de  S.  Barnabe  (1), 
et  les  développements  auxquels  se  livre  l'auteur  montrent 
l'importance  que  les  Hébreux  de  l'âge  apostolique  atta- 
chaient à  ce  symbole. 

Les  symboles  de  la  fête  des  Tabernacles,  de  la  Loi,  des 
Sacrifices,  sont  parfois  réunis  tous  ensemble,  comme  sur  le 
sarcophage  que  nous  avons  cité  plus  haut,  et  alors  ils  com- 
posent un  grand  et  solennel  tableau  qui  rappelle  cette  con- 
clusion de  saint  Barnabe  :  «  Ces  allégories,  qui  sont  claires 
«  et  manifestes  pour  nous,  demeurent  obscures  pour  les 
((  Juifs,  parce  qu'ils  n'ont  pas  écouté  la  voix  du  Sei- 
«  gneur  (2).  »  Les  catacombes  juives  de  Rome  prouvent 
ainsi  l'accomplissement  et  la  divinité  des  prophéties  où  fu- 
rent annoncés  l'aveuglement  et  l'endurcissement  d'Israël  : 
c'est  un  argument  théologique  qui  a  sa  gravité  et  sa  valeur. 


IV. 


Les  inscriptions  des  cimetières  hébraïques  aident  beaucoup 
à  l'intelligence  des  véiités  cachées  sous  levoiledusymbohsme. 


(t)  Eji.  Cathol.  S.  Barnabœ  aposloli,  n.  viii.  «  Voyez,  dit-il,  comme  le 
«  Scii:;ncur  nous  parle  en  parabole  :  celte  victime  est  Jésus  ;  les  pécheurs 
«  qui  font  l'oblaliou  sont  les  Lommcs  qui  l'ont  offert  à  la  mort;  mais 
«  maintenant  ils  ne  sont  plus  pécheurs  et  ne  sont  plus  réputés  pécheurs. 
«  Les  ministres  qui  répandent  la  cendre  sur  le  peuple  sont  ceux  qui 
«  nous  annoncent  la  rémission  des  péchés  et  la  puiificalion  du  cœur,  et 
«  à  qui  il  a  donné  la  puissance  de  prêcher  l'Évangile  ;  et  ils  sont  douze 
«  pour  le  témoignage  des  tribus,  car  il  y  a  douze  tribus  eu  Israël.  Mais 
«  pourquoi  trois  miniaires  font-ils  cette  aspersion  ?  Pour  témoigner 
«  qu'Abraham,  Isaac  et  Jacob  furent  grands  devant  le  Seigneur.  Mais 
«  pourquoi  la  laine  élevée  sur  le  bois?  Parce  que  la  royauté  de  Jésus  a 

«  apparu  sur  le  bois Et  pourquoi   la    laine  et  l'hysope  réunies? 

«  Parce  que,  dans  son  règne,  viendront  des  jours  mauvais  et  impurs  dans 
«  lesquels  nous  serons  sauvés,  car  l'iiysope  guérit  la  corruption  de  la 
«  chair  malade.  » 

(2)  Fp    S.  Baril.,  'oe.  cil. 


102  LA    THÉOLOGIE    DES    CATAGOMRES. 

Prêtons  notre  attention  à  cette  antique  parole,  et  nous  y  re- 
connaîtrons sans  doute  un  écho  lointain  de  la  grande  voix 
du  Sinaï  et  de  Jérusalem  :  la  main  divine  qui  frappait  la 
harpe  sacrée  s'est  retirée  aux  cieux,  mais  les  cordes  frémis- 
sent et  vibrent  encore,  et  de  leur  harmonie  qui  s'éteint, 
saluent  l'Eglise  naissante  dont  il  est  écrit: 

«  Lève-toi,  ô  ma  gloire, éveille-toi,  psaltérion  et  cithare! 
«  Je  m'éveillerai  dès  l'aurore,  je  confesserai  vos  louanges 
parmi  les  peuples,  Seigneur! 

«  Et  je  vous  dirai  un  hymne  au  milieu  des  nations  (1).  » 

Or,  toute  l'épigraphie  judaïque  de  la  Rome  souterraine  (2) 
semble  l'expression  d'une  double  pensée:  l'idéal  du  véritable 
fils  d'Israël,  el  le  grand  problème  de  la  mort. 

L'épithète  de  Bcncincrens  donnée  par  les  Gentils,  les  Juifs 
et  les  chrétiens  aux  personnes  ravies  à  leur  amour,  prend  un 
sens  très -différent  suivant  le  principe  qui  l'inspire.  Dans 
le  style  païen,  elle  incUque  l'urbanité  des  relations  civiles, 

(1)  Psalm.  LV[,  9  srq. 

(2)  Toutes  les  iuscriplions  juives  publiées  jusqu'à  ce  jour  se  partagent 
LD  deux  classes.  1»  Celles  qui  précèdent  le  X"^'  siècle  sont  grecques  et 
latine.-;  on  n'y  voit  rien  d'iiébreu,  sinon  de  très-courtes  formuli's,  des 
acclamations  en  sigles  (n).  et  alors  les  caractères  sont  empruntés  à 
l^tilphaijet  rtibbinique  ou  dérivés  du  palmyrénicîn  el  du  phénicien  cursif. 
2°  Lorsque,  au  X'  siècle,  les-étudef  do  littérature  et  d'iiistoire  nationales 
reprirent  faveur  dans  les  synagogues  d'Occident,  les  épitaplies  furent  par- 
fois écrites  en  hébreu,  mais  on  n'en  connaît  point  de  date  certaine  an- 
lérienro  au  XII=  siècle;  ainsi  l'inscriplioG  trilingue  de  Tortose,  dont 
M.  Uenau  (i)  faisait  naguère  assez  grand  bruit  en  l'attribuant  au 
VI"  siècle,  semble  au  R.  P.  Garrucci  plus  jeune  d'au  moins  quatre  cents 
ans.  Les  inscriptions  de  la  catacombe  Raudanini  appartiennent  sans  au- 
cune exception  à  la  première  catégorie.  Voyez  Ciintero,  p.  23  et  suiv., 
et  cette  Revue,  tome  vi,  p.  452. 

(a)  Une  inscription  grt'fquo  du  musée  do  Lalran  donne  le  singulier  exemple  d'une  seule 
lettre  liébraïqiie  inscrce  dans  un  nom  hellénique  :  BAl'5rh.0A.\ .  De  pareils  exemples 
serviraient  utilement  à  déterminer  l'iiacicnno  proiioaciatiuD  àm  lanj;ucs  sémitiques. 

(6)  Revue  areh-,  1860. 


LA    THÉOLOGIE    DES    CATACOMBES.  103 

une  apparente  vertu,  tout  au  plus  une  prudence  vaniteuse 
et  drapée  dans  un  lambeau  de  philosophie  stoïque.  Pour 
l'Église  du  Christ,  c'est  le  synonyme  des  biens  de  la  grâce, 
des  charmes  de  l'innocence,  de  l'énergie  de  notre  foi,  des 
infinies  tendresses  de  la  charité  surnaturelle.  La  synagogue, 
instruite  h,  l'école  de  la  révélation,  nourrie  des  saintes  Lettres 
et  des  traditions  patriarcales,  se  faisait  une  idée  presque  in- 
termédiaire du  bien  et  du  mcrile.  Elle  semble  quelquefois  le 
réduire  à  d'étroites  proportions,  mais  elle  l'agrandit  souvent. 
Si  elle  s'arrête  parfois  à  la  sainteté  légale,  aux  cérémonies, 
aux  rites  figuratifs,  aux  œuvres  extérieures,  elle  entrevoit 
aussi  à  travers  cette  ombre,  la  justice  intérieure  qui  orne  et 
sanctifie  l'âme,  même  dès  cette  vie  ;  et  par-delà,  une  justice 
plus  haute,  une  sainteté  d'un  nouvel  ordre,  une  perfection 
souveraine  et  inhérente  à  l'intelligence,  au  cœur,  à  la  vo- 
lonté (1).  Suivons  dans  le  détail  cette  théorie  théologique. 
Les  épitaphes  judéo-romaines  louent  fréquemment  la  dou- 
ceur et  la  beauté  de  la  vie:  dulcis,  xaXw;  pio')aa,-,i'.aÀwî  £^r,7ai;; 
ce  caractère  heureux  qui  donne  à  l'esprit  tant  de  charme, 
d'aménité,  de  fraîcheur  :  sOl/u/r^c  ;  ce  mélange  de  qualités 
naturelles  et  de  grâces  divines  qui  compose  une  bonne  âme, 
Anima  bona  (2),  expression  évidemment  empruntée  à  la 
Bible:  «  Puer  autem  eram  ingeniosus  etsortitus  ^umanimam 
bonavi  (3).  »  Cette  sorte  d'emprunts  faits  au  texte  sacré,  et, 
nous  le  verrons,  dans  une  large  mesure,  marrtue  bien  la  su- 
périorité morale  d'Israël  sur  les  Gentils:  la  Bible,  en  effet, 
parle  d'une  bonté  plus  excellente  que  la  bonté  simplement 
humaine,  et  la  Synagogue  répétant  dans  ses  hypogées  obscurs 
les  enseignements  de  Salomon,  y  est  plus  docte  et  plus  sage 
que  les  philosophes  applaudis  au  Forum.  Citons  le  beau 


(1)  Voyez  plus  loiu,  n*  v. 

(2)  Cimitero,  p.  *4. 

(3)  Snp.  VIII,  19. 


lOÛ  LA    THÉOLOGIE    DES    CATACOMDES. 

commentaire  qu'elle  nous  a  laissé  de  ce  mot  si  aimable  :  xaXw; 

ZiniKOC  •  APXQN  •  ENC-)AAE 
KEIME  •  KAAiiC  BEIQGAC 
DAvTÛN   •  tKXOG  KAIIWOCIOC 
ttACI  £ÔnPeiT£i'Ai  •  ANAPIAl 
lîNHCI  asTATiîN  AIKAION 
II  KOIiMHCIC  COV 

«  Zoticos,  archonte,  je  dors  ici,  ayant  noblement  vécu, 
«  ami  de  tous,  connu  de  tous  pour  (ma)  distinction  de 
«  mœurs,  (ma)  force  virile,  (ma)  bienfaisance.  Parmi  les 
«  justes  ton  sommeil  1  (1)  » 

C'est  encore  l'éloge  que  mérita  Alexandre  (2)  :  «  Anima 
bona  et  omniorum  {sic)  amicus  ;  »  il  est  dit  de  Sabine  et  de 
plusieurs  autres,  qu'ils  étaient  «  aimés  de  tous,  ennemis  de 
«  personne  (3),»  et  nous  rencontrerons  entre  les  magistrats 
de  la  colonie  judéo-romaine,  le  Prostates  Caius,  patron  des 
étrangers  et  des  pauvres.  —  Il  y  a  là  quelque  étincelle  de  la 
charité  des  premiers  temps,  quand  ce  peuple  était  le  peuple 
de  Dieu.  —  Mais  les  livres  sapientiaux  distinguent  si  soi- 
gneusement les  hommes  qui  sont  dignes  et  ceux  qui  sont  in- 
dignes de  notre  amitié,  ils  condanment  si  hautement  l'affec- 
tion accordée  au  pécheur  et  à  l'insensé,  que  les  inscriptions 
de  la  catacoml^e  Randanini  sont  très-prudentes  en  ce 
point. 


(1)  A'MOi'e  Epigr.,  p.  ]2.  Les  reslituliouj  proposées  par  le  R.  P.  Gir- 
rucci  t^ont  fort  justes  et  savamment  imaginées.  11  n'est  pas  besoin  de 
signaler  les  erreurs  du  texte  lui-même. 

(2)  Cimit.,  p.  44. 

(3)  Ibid.,  p.  55.  Cette  formule  se  retrouve  dans  les  monumeuls  chré- 
tieus.  Voyez  Esquisse  de  Home  chiélienne,  par  Mgr  Gerbet,  t.  i,  p.  193. 


LA    TIlEOLOCli:    DES    CATACOMBES.  105 

En  voici  la  preuve  : 

evBAAE  KEITE 
lïWrXIANO  APXONTI 
CINBIO  A^lilN  EVU^YXI 
META  TON  AIKEÛN 

H.  RVMHCiG  Arrov 

«  Ici  gît  Eutichien,  archonte,  ami  [œiiviva)  des  jiisles, 
âine  bonne.  Avec  les  saints  son  sommeil  !  »  (1)  Il  n'est  pas 
difficile  de  remarquer  dans  ces  paroles  une  imitation  d'un 
passage  de  l'Ecclésiastique  (2)  :  «Virijusti  sinttibi  convivœ, 
et  in  timoré  Dei  sit  tibi  gloriatio.  » 

La  fermeté,  la  constance,  une  vie  irréprochable,  une  in- 
nocence qui  n'a  pas  connu  de  souillures,  sont  encore  louées 
sur  les  monuments  hébraïques  et  d'après  la  même  inspira- 
tion biblique.  La  qualité  d'à'ixsjx-nr-oç  donnée  à  un  docteur  de 
la  loi,  celles   d'ô'sioç,  d'aasaTUToç,  de  Oîooeo/^c,  de  sanctissimus, 
sont  tout  autant  d'allusions  au  texte  sacré.  Qui  sait  si  l'apôtre 
saint  Paul,    élevé   aux  pieds  de  Gamaliel  et  connaissant 
l'emploi  fréquent  de  ces  expressions  dans  la  langue  de  la 
sépulture  et  des  tombeaux,  ne  les  a  point  réunies  à  dessein 
pour  célébrer  «  notre  Pontife,  saint,  sans  péché,  sans  souil- 
((  lure,  séparé  des  pécheurs,  exalté  par  dessus  les  cieux,  qui 
«  n'a  pas  besoin  de  se  purifier  lui-même  par  les  sacrifices 
«  légaux  ?»  (3) 


(1)  On  remarquera  avec  le  P.  Garrucci  {Cimit.,  p.  35),  que  le  graveur 
a  confondu  deux  formules  et  les  a  mêlées  ensemble,  au  lieu  d'employer 
constamment  ou  le  nominatif  on  le  datif. 

(2)  G.  IX,  22. 

(3)  lUbr.  vu,  26  seqq.  Los  trois  premières  épithètes  se  retrouvent 
identiquement  dans  nos  inscriptions  gréco-jud.iïques;  la  quatrième  a  son 
équivalent  dans  le  convioa  juHoruni,  et  la  cinquième  est  parallèle  au 
souhait  :  cum  justis  dormitio  tm  !  Ce  rapprochement  est  d'autant  plus 
singulier  que  toutes  les  expressions  qui,  dans  les  épilaphes,  désignent  la 
sainteté,  sont  comprises  dans  le   texte  de  l'Apôlre.  Saint  Paul  y  ajoute 


106  LA    THÉOLOGIE    DES    CATACOMBES. 

La  sainteté  légale  est  symbolisée  sur  une  tombe  par  l'urne 
destinée  aux  ablutions  figuratives,  et  sur  une  autre,  par  le 
couteau  de  la  circoncision.  Aussi,  si  les  enfants  eux-mêmes 
reçoivent  le  titre  de  «  justes  »  et  de  «  saints  »  ,  n'accusons 
pas  la  Synagogue  d'errer  touchant  la  faute  originelle  :  elle 
en  confesse  l'existence  en  rappelant  le  ''ite  de  la  circonci- 
sion ;  et  en  même  temps  elle  enseigne  le  dogme  de  la  répa- 
ration de  l'homme  déchu,  de  sa  justification  par  la  grâce 
divine  et  le  ministère  sacerdotal. 

A  voir  la  famille  et  la  société  conjugale  telles  que  le  pa- 
ganisme les  avait  faites,  on  n'\  saurait  reconnaître  l'œuvre 
immédiate  de  Dieu,  l'effet  de  sa  volonté  particulière,  l'objet 
de  ses  enseignements  et  de  ses  ordres  formels.  Au  contraire, 
la  théologie  des  catacombes  judaïques  leur  garde  une  place 
d'honneur  et  les  environne  de  respect  :  pour  elle,  la  femme 
est  la  compagne  et  l'aide  de  l'homme,  semblable  à  lui, 
élevée  jusqu'à  ses  pensées  et  ses  sentiments  les  plus  sacrés. 
Le  mariage  conserve  un  rayon  de  sa  noblesse  et  de  sa  dignité 
primitives  :  l'épouse  partage  la  vie  même  de  l'époux,  et 
comme  pour  rendre  plus  évidente  la  force  de  ce  lien,  AUianus 
donne  à  Marcia  son  épouse,  le  nom  de  cjaêioç  ïoio;  (1),  qui 
dit  clairement  l'intimité  et  l'indissolubilité  de  cette  société 
surnaturelle  (2).  Plusieurs  fois  nous  lisons  sur  le  sépulcre 
des  lemmes  juives  quel  amour  pieux  elles  consacraient  à 
leurs  maris  :  ainsi 

H  AOEA 

COa>FONI 

OY  •  AOYKIA 

AA  EVAOrH 
MENH  • 

un  Irait  absolument  spécial  an  Christ  pour  moulrer  l'excellence  et  la  di- 
vinité de  ce  Pontife  éternel. 

(1)  Nuove  Epigr.,  p.  7. 

i'i)  Oui,  surnaturelle  :  nous  espérons  développer  c<'tle  haute  vérité 
dans  la  troisième  partie  de  noire  Théologie  de-i  Catacombes. 


LA    THÉOLOGIE    DES   CATACOMBES.  107 

«  La  gloire  de  Sophronius  !  Lucilla  !  Qu'elle  soit 
bénie  !  (1)  »  Ainsi  encore  :  «  Tharsis  Julia  Emilia,  (âgée) 
«  de  40  années.  Tu  as  bien  vécu  avec  ton  époux  !  Merci  de 
«  tes  soins  prévoyants  et  affectueux  !  (2)  »  Accents  vraiment 
touchants,  touchantes  actions  de  grâces  qui  se  complètent 
par  ces  autres  paroles  plus  graves  et  plus  solennelles  : 

CKMnpiîMOVC  BAGEl 
AEVG  AÏPHAIAl  KAMLPEIN.VI 
KOZOlTEi  DON.U-KT 
AlCREiriOVAlNAI   RON^^ 
KOVN  KOÏA  BI;EITANNE1G  XZ 
<1>HRIT 

ROZOlTEl  BM. 

«  Sempronius  Basiléus  à  Aurélia  Camérina,  épouse  bonne 
«  et  de  discipline  bonne,  avec  laquelle  il  a  vécu  17  ans.  11  a 
«  fait  (ce  tombeau)  à  son  épouse  bien  méritante  (3).  » 

Nous  devons  rapporter  au  même  ordre  de  pensées,  l'éloge 
si  fréquent  que  les  parents  font  de  leurs  enfants  «  très- 
doux,  » —  «très-aimables,»  —  «pleins  d'amour  pour  leur 
père,  leur  mère,  leurs  frères  ;  »  mais  surtout  l'honneur 
rendu  à  la  viduité  et  à  la  virginité.  —  Le  loculus  d'Agen- 
lia  {II)  marque  qu'elle  n'eut  qu'un  mari  :  MONANAPOC,  et 
montre  ainsi  que  la  polygamie,  même  successive,  n'était 
guère  en  estime  chez  les  Juifs  d'Italie.  On  aimait  aussi  à 
rappeler  la  virginité  comme  un  des  charmes  de  la  vie,  et  on 


(1)  Cimitcro,  p.  68. 

(2)  Ibid. 

(3)  Ibid.,  p.  67.   Cette  inscription   pst  d'un  latin  Irès-corrompu,  mais 
écrite  en  caractères  grecs. 

(4)  IbiJ.,  p.  6S. 


108  LA    THÉOLOGIE    DES    CATACOMBES. 

déposait  ce  souvenir  comme  une  couronne  sur  le  lit  de  la 
mort  : 

«  A  Dulcitia,  vierge,  fiancée.  Pancharis,  gérusiarque  a 
fait  (ce  sépulcre)  à  sa  fdle.  En  paix  ton  sommeil  !  »  (1) 

Cette  esquisse  de  la  sainteté  judaïque  n'est  assurément 
qu'une  ombre  de  la  vie  chrétienne;  mais  rapprochée  de  la 
justice  et  de  la  philosophie  païennes,  elle  apparaît  comme 
une  lumière  dans  la  nuit,  comme  l'aube  du  grand  jour, 
jaillissant  d'une  source  que  la  main  de  l'homme  n'a  pas 
creusée,  de  la  révélation  de  Dieu  par  les  patriarches,  Moïse, 
et  les  prophètes.  Le  plein  midi  date  du  moment  où  le  Fils  de 
Dieu  commença  la  prédication  de  l'Évangile,  et  réunit  autour 
de  lui  les  éléments  de  son  Église.  Alors  Jésus  vit  Nathanaël 
venant  à  lui,  et  il  dit  :  a  Voici  vraiment  un  Israélite  en  qui  il 
n'y  a  point  de  fraude.  »  Et  Nathanaël  lui  répondit  :  «  Maître, 
tu  es  le  fils  de  Dieu,  tues  le  roi  d'Israël  (2).  »  Or,  Ton  ren- 
contre dans  la  catacombe  hébraïque  de  la  voie  Appienne, 
une  inscription  qui  oflre  un  rapprochement  avec  cette  scène 
biblique  : 

A 

MÂRCIA   BON  IV 
DE A  DORMI  •  TV 
AI-  BONJS 

«  Marcia,  bonne  juive,  que  ton  sommeil  soit  parmi  les 
biens  (3).  »  L'analogie  entre  verc  hraelita  et  bona  Judœa, 
outre  qu'elle  peut  servir  à  f  exégèse  du  nouveau  Testament, 


(1)  Cimitero,  p.  C9. 

(-2)  Joau.  1,  47. 

(3)  Cimit  ro,  p.  ^4.  La  même  idée  esl  oxpriinéc  sur  la  tombe  de  Poi- 
menis,(\\x\  est  nommée  H  OCIA,  la  s  mite  par  excellente.  {Cimitero, 
p.  43.) 


LA   THÉOLOGIE    DES   CATACOMBES.  109 

inspire  au  chrétien  vivement  pénétré  de  la  charité  catholique 
une  idée  très-belle  et  très-vraie.  De  même  que  Nathanaël 
représente  le  judaïsme  national  de  la  Palestine,  ainsi  Marcia, 
ensevelie  avec  les  emblèmes  de  sa  foi,  peut  être  considérée 
comme  le  type  du  judaïsme  dispersé  dans  l'univers.  L'un  et 
l'autre  sont  appelés  véritables  et  bons  Israélites,  mais  celui-là 
confesse  la  royauté  et  la  divinité  du  Christ  dans  les  plaines 
de  la  Galilée,  sur  la  terre  où  reposent  ses  pères  :  celle-ci 
meurt  dans  l'aveuglement  et  l'exil.  Car  si  Dieu,  vérité  infi- 
nie, ne  proclame  lui-même  notre  justice,  il  nous  est  inutile 
d'être  justifiés  par  les  hommes,  et  leur  louange  ne  nous  sau- 
vera pas  des  ténèbres  extérieures.  Donc,  que  ceux  qui  lisent  le 
témoignage  rendu  par  la  Synagogue  à  la  juive  Marcia,  prient 
Dieu  qui  seul  est  bov^  de  donner  à  Israël  la  justice  et  la  bonté 
de  la  grâce,  de  le  tirer  de  son  sommeil  mortel,  et  de  lui  faire 
reconnaître  au-delà  du  candélabre  figuratif,  la  lumière  vi- 
vante et  vivifiante. 

O  Israël  !  dormilio  lua  in  bonis! 


Nous  l'avons  dit,  les  catacombes  juives  renferment  des 
figures  et  des  promesses  de  la  vie  future.  Creusées  d'après 
le  système  et  la  manière  des  catacombes  chrétiennes,  elles 
ont  leurs  galeries  longues  et  étroites,  principales  ou  secon- 
daires, superposées  en  plusieurs  étages  :  dans  leurs  parois 
s'ouvrent  les  loculi,  les  arcosolia  et  les  portes  qui  donnent 
accès  dans  les  chambres  sépulcrales.  Mais  tandis  que  nos 
fossores  emploient  un  seul  mode  de  sépulture  (le  loculus  par- 
fois orné  d'un  arc  surbaissé,  d'où  il  prend  le  nom  d'nrcoso- 
lium), les  Juifs  romains  pratiquaient  d'autres  sortes  de  tom- 
beaux dont  les  caractères  particuliers  détermineront  désor- 


110  LA    THÉOLOGIE    DES    CATACOMBES. 

mais  les  hypogées  hébraïques  (1).  Notre  plan  n'en  comporte 
pas  une  description,  que  'es  archéologues  trouveront  fort 
complète  clans  les  pubhcations  successives  du  R.  P.  Gar- 
rucci. 

Les  corps  reposaient  en  ces  fosses,  sans  bandelettes  ni 
aromates  ;  mais  l'un  d'eux  avec  une  amulette  représentant 
la  tête  de  Gorgone  entourée  de  serpents  :  un  autre  avec  un 
fragment  de  candélabre;  plusieurs  avec  des  vases,  des 
coupes  et  patères  antiques.  Même  par  une  disposition  bien 
contraire  à  l'orgueil  des  Gentils,  l'épitaphe  s'est  quelquefois 
ti'ouvée  à  la  tête  du  cadavre,  renfermée  comme  lui  dans  son 
cercueil  de  tuf  et  de  pierre. 

Les  inscriptions  funèbres,  inconnues  en  Palestine  avant 
l'historien  Josèphe,  qui  en  voulut  imaginer  une,  d'assez  faible 
mérite,  pourEléazar  et  les  sept  frères  ("2),  sont  ici  très-nom- 
breuses. Gravées  ou  seulement  peintes  en  rouge,  elles  disent 
le  nom,  les  vertus,  les  dignités  du  personnage  qu'elles  re- 
couvrent ;  le  père,  l'époux,  le  fds,  la  sœur,  la  fiancée,  etc., 
qui  apris  soin  de  l'ensevelissement  ;  elles  parlent  aux  vivants 
le  langage  des  symboles  et  du  texte  sacré;  elles  souhaitent 
enfin  la  paix  du  Seigneur  à  l'âme  délivrée  de  la  chair,  ou 
encore  la  paix  sur  Israël,  vœu  touchant  qui  sera  exaucé,  mais 
au  jour  où  les  derniers  enfants  de  Jacob  glorifieront  le  sé- 
pulcre de  Celui  qu'ils  crucifièrent  et  dont  le  sang,  qui  est 
sur  nous  un  signe  de  paix  et  d'espoir,  est  sur  eux  une  marque 
de  réprobation. 

Un  intérêt  historique  s'attache  à  deux  épitaphes  où  les 
mœurs  judaïques  ontlaissé  leur  empreinte.  Claudia  Aster  (3), 


(1)  Mais  parmi  ces  formes  mnllipliées  de  sépullure,  on  n'a  poiul  trouvé 
do  tombe  verticale  :  la  Palestine  n'en  olTrj  pas  «J'exemple  noa  plus,  et 
ainsi  l'opinion  de  Nicolaï,  et  de  ceux  qui  ont  attribué  cet  usage  aux  Juifs, 
est  insoutenable. 

[i)  De  Macchab.,  c.  xvn. 

(3)  Cimitao,  p.  24. 


LA    THÉOLOGIE    DES   CATACOMBES.  lll 

contemporaine  d'Auguste,  demande  au  nom  de  la  loi  qu'on 
protège  son  lilulus  contre  de  sacrilèges  violations  :  «  Rogo 
vos,  ''acite  per  legem  nequis  mihi  titulum  dejiciat!  » ,  prière 
qu'on  voit  aussi  dans  les  catacombes  chrétiennes,  tant 
l'homme  désire  échapper  au  tourbillon  du  temps,  et  trouver 
le  repos  dans  l'immobilité  du  cercueil.  Et  comme  le  voya- 
geur se  console  des  peines  du  chemin  par  l'espérance  de 
s'asseoirenfin  parmi  ses  amis  et  entre  ses  frères,  ainsi  faisait 
Julia  Aphrodisia,  quand  elle  réclamait  (1)  instamment  une 
place  dans  la  tombe  de  son  mari,  lorsque... 

IVLIA-AFUODISIA 
AVR  •  HERMIATI  COIVGI 
niNEMEKliiNTl  •  FECIT  •  ET 
l'ETlT  ET  ROGA'l'  VTI  LOG 
E!  RESI^RVETVll  VT  CViM 
COIVGK  SVO  PONA'IVR 
QVAM  DONEC 

Ce  qvnm  doncc,  est  expliqué  dans  une  épitaphe  de  l'âge 
des  Antonins,  publiée  par  Grïiter  (2).  On  y  lit  :  «  Ut  quan- 
done  qumi(hcuwque)  ego  esse  desiero,  pariter  cum  eis 
ponar.  »  Mais  notre  formule,  avec  sa  réticence  pleine  de 
mystère,  éveille  dans  l'âme  de  plus  hautes  pensées  :  le  temps 
qu'elle  indique  n'est  pas  seulement  l'heure  fatale  de  la  mort 
coiiinie  pour  les  païens,  c'est  plutôt  l'heure  où  commence  la 
vie  bienheureuse,  où  l'on  échange  la  terre  contre  le  ciel  et 
les  ombres  de  l'une  contre  les  splendeurs  de  l'autre. 

La  synagogue,  en  effet,  enseignait  l'immortalité  de  l'âme, 
et  les  grandes  destinées  qui  naissent  de  la  tombe.  On  entend 
soutenir  aujourd'hui  que    «  le  rôle  d'Israël  n'était  pas  de 


(1)  Nuove  Epigr.,  p.  7. 
(i)  Tome  l.  p.  607. 


112  T,A    THÉOLOGIE    DES    CATACOMBES. 

résoudre  le  problême  de  l'âme  individuelle;  qu'aux  époques 
mêmes  où  les  Juifs  imposèrent  leur  pensée  au  monde,  ils 
ignoraient  l'immortalité  pliilosophique  ;  que  le  dogme  de 
l'immortalité  de  l'âme,  dans  le  sens  philosophique  du  mot, 
n'apparut  qu'assez  tard  dans  le  christianisme,  car  l'utopie 
d'Israël,  continuée  bien  réellement  par  l'Église  naissante,  ne 
consistait  pas  à  créer  un  monde  pour  servir  de  compensation  et 
de  réparation  au  monde  présent,  mais  a  changer  les  condi- 
tions de  celui-ci  {1\  n 

Or,  à  cette  date  où  l'on  rapporte  l'invention  chrétienne 
du  dogme  de  la  vie  future,  la  Synagogue  le  professait  claire- 
ment. Sa  haine  envers  l'Église  exclut  la  possibilité  d'un 
emprunt  que  les  rabbins  auraient  fait  à  nos  saints  Docteurs, 
et  son  inertie  intellectuelle,  souvent  invoquée  par  nos  ad- 
versaires, nous  force  de  reconnaître  dans  la  théorie  d'une 
existence  future  et  personnelle  de  l'âme  humaine,  la  tradi- 
tion antique  et  constante  d'Israël,  (-ertes,  l'Ancien  Testa- 
ment suffit  à  se  venger  lui-même  et  à  confondre  les  ratio- 
nalistes qui  l'accusent  d'un  matérialisme  grossier,  mais  l'on 
aimera  d'entendre  sur  ce  point  la  théologie  des  catacombes 
juives. 

Pour  elle,  l'homme  ne  meurt  pas  tout  entier  :  il  ne  se 
dissipe  pas  comme  une  ombre,  ne  disparaît  pas  sans  retour, 
ne  s'évanouit  pas  à  jamais;  mais,  à  son  dernier  jour,  il 
s'endort,  son  corps  sommeille  pour  un  temps,  et  l'âme  qui 
veille  et  vit  dans  une  sphère  surnaturelle,  redescendra  enfin 
jusqu'à  lui  et  dissipera  les  ténèbres  de  la  nuit  où  ii  est  en- 
seveli. Ainsi  dans  les  inscriptions  judaïques  de  Rome,  le 
mot  lugubre  de  mort  ne  se  rencontre  pas,  mais  bien  celui 
de  sommeil,  de  repos,  de  dormi/ ion  {dormitio,  xoit;i7ic7ti;).  Le 
mort  est  couché ,  son  cercueil  est  un  lit   (xoir/)).  Un  langage 


(1)  Voyez  le  Livre  de  J<b,  traduit  de  l'hénrou  par  E.  Reuau,pawj»2  et 
surtout  pp.  Lxxxv,  L^xxvi  et  suiv. 


LA  THÉOLOGIE    DES    CATACOMBES.  113 

si  remarquable  et  si  différent  des  coutumes  de  la  gentilité, 
ne  peut  avoir  sa  raison  que  dans  des  croyances  et  des  senti- 
ments particuliers  sur  la  mort  :  or,  ces  croyances  sont  celles 
de  l'Église  catholique;  ces  sentiments,  ceux  de  nos  martyrs: 
en  un  mot  le  dogme  net  et  précis,  le  dogme  philosophique 
de  l'immortalité. 

En  effet,  c'est  à  l'âme  séparée  et  affranchie  du  corps, 
esprit  libre  et  indépendant,  que  s'adressent  le  cri  de  Û1^ï7, 
pax  !  trois  et  quatre  fois  répété  sur  un  même  tombeau  ;  — 
l'acclamation  :  In  pace  !  Amen  !  comprise  dans  les  sigles 
S^  :  î!î  :  3  ;  —  la  formule  :  Et  illi  sit  pax  et  pax  !  (1) ,  —  et 
surtout  le  souhait  habituel  :  Dormitio  tua  in  pace,  Ivsip'^ivyj 
y\  xoi'|xrjGi<;  Gou.  Il  répugne  de  ne  voir  là  que  la  paix  du 
néant  absolu  ou  le  calme  du  rien.  Souhaiter  ce  repos  est  à 
la  fois  ridicule,  absurde,  contraire  aux  plus  chères  aspirations 
du  cœur  humain,  dont  la  soif  d'infini  ne  s'apaise  point  par  la 
pensée  d'un  complet  anéantissement.  Il  répugne  également 
de  restreindre  cette  paix  à  l'immobilité  d'un  cadavre  et  au 
silence  d'un  cimetière  :  donnez  ce  sens  aux  expressions  que 
nous  avons  citées,  vous  aurez  un  concert  de  voix  éperdues 
et  presque  blasphématoires.  La  Synagogue  contemplait  un 
plus  sublime  idéal  ;  elle  appelait  sur  ses  fils  la  bénédiction 
souveraine  de  Dieu,  la  «  paix  »  où  le  psalmiste  espérait 
dormir  et  reposer  (2) ,  la  paix  où  Tobie  voulait  que  son  âme 
fût  reçue  (3) ,  la  paix  dont  Siméon  disait  :  «  Maintenant, 
«  Seigneur,  vous  renvoyez  votre  serviteur,  suivant  votre 
«  parole,  dans  la  paix  {k)  ;  »  repos  éternel  de  l'esprit  dans 
l'infinie  perfection,  ravissement  des  puissances  de  l'homme 


(1)  Cimitero,  pp.  26,  27,  etc. 

(2)  Psalm.  lY,  V.  9.   La    formule  funèbre  :  £v  eipiiv/)  y)  xo([ayi(7i<;  goUj 
est  identique  au  texte  grec  de  ce  passage  :  Iv  etpvivrj,...  xoi(xyiOr^(iO{A«i 

xai  UTTVoWw. 

(3)  Et  prœcipe  in  pace  recq/i  spiritum  meum.  Tob.  ni,  6. 

(4)  Luc.  Il,  29, 

REVDE  des  PCiENCES  ECCLESIASTIQUES,  T.  IX.  8 


114  LA    THÉOLOGIE    DES    CATACOMBES. 

par  les  puissances  divines,  merveilleuse  abondance  de  toutes 
les  joies  et  biens  spirituels. 

Les  cimetières  hébraïques  nous  l'apprennent  ainsi. 

Le  lecteur  se  souvient  de  Marcia,  à  qui  l'on  souhaite  le 
f>ommeil  dans  les  biens ,  in  bonis  !  Ce  vœu  est  exprimé 
dans  les  inscriptions  gréco-judaïques  par  les  mots  èv 
ocYaôoiî  (1),  et  n'est  que  l'abrégé  de  ce  texte  biblique  :  «  Anl- 
u  ma  ejus  in  boni.^  demoràbitur  et  semen  ejus  haereditabit 
«  terrâita  (2),  »  où  l'on  remarque  une  opposition  bien  dé- 
clarée entre  le  bonheur  des  âmes  séparées  de  lem's  corps^ 
et  la  félicité  terrestre.  —  L'un  des  biens  signalés  par  le  psal- 
miste  est  assurément  la  société  des  chœurs  célestes,,  la, 
possession  de  la  ierre  des  justes^  XSlPATiiN  àlKlîiîN,  comme 
parle  une  inscription  probablement  juive  (3)  avec  le  Pro- 
phète :  «  Je  crois  voir  les  bieris  du  Seigneur  dans  la  terre 
«  des.  vicants  {h).  »  Lors  donc  que  nous  lisons  sur  les 
tombeaux  de  la  catacombe  Randanini  :  «  Que  son  sommeil 
«  soit  avec  les  justes  !  «  —  «(}ue  ton  sommeil  soit  parmi  les, 
«  justes! w- — que  devons-nous  entendre?  S'agit-il  du  corps? 
Mais  il  est  mêlé  aux  restes  des  pécheurs  comme  à  ceux  des 
justes.  Ou  bien,  l'assemblée  des  justes  n'est-elle  qu'un  arnas^ 
de  cadavres  ?  Personne  ne  se  résoudi-ait  à  le  croire.  Ces 
«,  justes  »,  sont  des  esprits  immortels,  des  âmes  saintes, 
vivant  réellement  d-ans  un  séjour  de  bonheur.  —  Leur  nom 
est  incommunicable  aux  saints  de  la.  terre;  ce  sont  ks  Suaioi, 
l€3  justes  pav  excellence  ;  et  la,  sainteté  de  cette  vie,  pour 

(1)  Le  R.  P.  Garrucci  observe.  (A'Moue  Ep.,.  p.  8)  que  leà  Juifs,  qui  em- 
phorect  si  souvent  Iti  locutiion  :  £V  etp'/l^Vï),  ne  la  traduisent  jamais  dans 
les  iuscriptioLs  latines  par  in  pace,  mais  par  in  bonis.  Par  coutre,les  épi- 
laplies  chrétiennes,  où  la  formule  in  pace  est  si  fréquente,  offrent  à 
peine  un  exemple  de  sa  correspondante  :  £v  £ipr,w,.  N'y  a-l-il  pas  là 
une  précaution  inspirée  par  la  muluell.3  aulipathie  de  l'Éi^lLse  et  de  la 
SJ^agog^e,? 

(2)  Vsalm.  xxiv,  13. 

(3)  Corpus  inscri^t.  grœcarum,  no  9i72. 

;_  (4)  l'ualm.  XXYI,  12.  Cf.  Is.  xxxviii,  11  ;  Psalm.  cxLl,  6,  etc. 


LA    THÉOLOGJE    DES    CATACOMBES,  115 

accomplie  et  élevée  qu'elle  puisse  être,  reçoit  les  seuls  titres 
cVoffioç  et  d'a^iûç.  Il  existe  donc  une  perfection  plus  haute 
que  celle  qu'il  est  possible  d'atteindre  ici-bas,  et  la  théologie 
catholique  la  nomme  vision  béatifique  et  lumière  de 
gloire. 

Peut-être  ne  sortirions-nous  pas  des  limites  de  la  vérité, 
si  considérant  l'origine  de  la  formule  :  «  Que  son  sommeil 
«  soit  parmi  les  justes  !  »  nous  voulions  y  reconnaître  un 
hommage  implicite  au  dogme  de  la  résurrection  de  la  chair. 
Car  cette  formule  est  tirée  du  psaume  premier,  où  l'idée  de 
la  résurrection  est  assez  visiblement  contenue  pour  donner 
à  penser  que  les  Juifs  de  Rome  l'y  avaient  aperçue,  et  qu'ils 
rappelaient  ces  accents  de  David  dans  leurs  épitaphes 
comme  un  gage  et  une  assurance  de  triomphe  à  venir. 

Us  envisageaient  encore  la  mort  comme  un  passage  qui 
mène  à  la  véritable  patrie.  L'acclamation  EVOAE  était 
donc  bien  placée  sur  le  sépulcre  de  Rufilia  Pietas  (3)  :  à 
l'exilé  qui  reprend  le  chemin  de  sa  demeure,  iiladresse-t-on 
pas  une  félicitation  et  un  souhait  d'heureux  voyage  ? 

La  synagogue  savait  que  le  repos  des  justes  en  Dieu  n'est 
pas  une  sorte  d'absorption  panthéistique  où  l'homme  perd 
réellement  sa  personnalité  et  son  existence,  mais  une  vie  ac- 
tive et  puissante,  alimentée  par  l'essence  même  de  Dieu. 

«Vis  bien,  sois  bien  placée  avec  les  justes,»  dit  Honoratus  à 
son  épouse  Petronia  (2);  et  Rebbit  à  sa  fille  :  «  Et  paix,  et 

«  paix  soit  à  elle  !  Qu'elle  se  lève  dans  l'assemblée,  et  qu'elle 

(1  vive  dans  l'éternité  !  »  (3) 

nb(n)pa  (n)i2pi  mbœi  ûibt»  (s)nn  nbi 


(1)  Cimitero,  p.  52. 

(2)  Cimitero,  p.  68  ;  Nuove  Ep.,  p.  &. 

(3)  Mommsen  :  Inscrip.   Neapol,  lut.,   3492.   Nous  donnons  cette  in- 
scription telle  que  la  lit  et  l'interprète  le  R.  P.  Garriicci. 


116  LA   THÉOLOGIE  DES    CATACOMBES. 

Au  15'  siècle  une  inscription  de  Bénévent,  consacrée  à 
la  mémoire  du  rabbin  Jacob,  développe  un  peu  plus  ces 
textes  laconiques  :  «  Il  quitta  cette  terre,  réunit  son  âme 
«  au  petit  faisceau  des  vivants  (1),  et  il  vit  avec  \e'&  justes 
«  de  l'éternité  (2).  » 

C'est  pourquoi,  lorsque  les  juifs  romains  déposaient  les 
corps  de  leurs  frères  sur  les  bords  de  la  Voie  Appienne  ou 
dans  les  flancs  du  Monte  Verde,  ils  ne  croyaient  pas  que 
les  relations  de  l'amitié  se  fussent  brisées  à  l'heure  de  la 
mort  ou  au  seuil  de  la  catacombe.  Ecoutez  ces  nobles 
paroles  : 

VOMOMA0HG 

àrraXsuTOî        AMIANTOG 
str.aîv  Itt)...  HMEPAC   IB 

AE  MIMHCÛ  HATEP 

TÔiV     TSXVWN....     Ti>N 

COU  a£Ta....   AIRAIUN 

«  ,  docteur  de  la  loi,   [cotistant),   pur  :     {il  vécut 

«  ....  années  et)  douze  jours.  Souviens-toi,  ô  père,  {de  tes 
«  enfants  ;  avec)  les  justes  !  »  (3) 

11  n'est  donc  point  mort  tout  entier;  son  âme  vit  dans  le 
conseil  des  saints  ;  il  peut  se  souvenir  Zi)  de  ses  enfants, 
veiller  sur  eux,  les  aider  de  ses  vœux  et  de  sa  protection. 
Qu'est-ce  cela  sinon  l'intercession  de  l'Église  du  ciel  pour 


(1)  On  pourrait  tirer  de  là  une  interprétatiou  très-belle  et  très-juste 
du  Lulab.  (Voyez  plus  bout.) 

(S)  Cimit.,  p.  28.  Reinarquonà  ici  que  plusieurs  symboles  judaïques  : 
le  coq,  la  palaio,  la  corbeille  de  fruits...  pourraient  s'entendre  parfois 
des  victoires  du  ciel;  mais  parfois,  nous  l'avons  dit,  ils  semblent  appar- 
tenir au  symbolisme  purement  civil. 

(3)  Cimit,,  p.  56.  Quand  même   ou  n'admetlrait  point  les  excellentes 
restitutions  proposées  par  le  savant  auteur  dont  nous  suivons  les  traces, 
les  fragments  autbenliques  de  cette  inscription  suffiraient  à  notre  but. 
(4)  MIMHCSÎ  est  évidemment  mis  dans  l'épitapbe  pour  [j.£u.vv]<70. 


LA   THÉOLOGIE    DES   CATACOMBES.  11 7 

l'Église  de  la  terre?  En  retour,  celle-ci  pénètre  jusque  dans 
l'autre  monde  et  sa  prière  y  accompagne  les  morts  : 

EN0AAE  REITAI 
1S2CHC  TO  iXHniON 
HAYN  ET  13  HH  nPO 
KOniC  0  nATHP  KPIG 
niNA  AE  MHï  nPOG 
EÏXOIO  EN  EiPHNH 
THN  RYMHG[N  AYTOV 

«Ici  repose  Joses,  le  doux  enfant!  (âgé)  de  deux  ans  et 
«  huit  jours.  Procope  (était)  son  père  et  Crispina  sa  mère. 
«  Adresse  à  Dieu  des  prières,  pour  que  son  sommeil  soit 
«  dans  la  paix  !  »  (1)  Ce  texte  est  vraiment  théologique. 
C'est  un  témoignage  formel  de  l'usage  où  était  la  synagogue 
romaine  du  deuxième  et  du  troisième  siècle,  de  prier  pour 
les  morts.  C'est  encore,  entre  beaucoup  d'autres,  une  preuve 
que  la  formule  :  In  pace  donnitio  tua  !  n'est  pas  seulement 
la  constatation  d'un  fait ,  le  repos  de  nos  cendres  dans 
le  cercueil  (2),  mais  une  vraie  invocation,  un  souhait,  une 
suppUcation,  qui  monte  de  la  terre  vers  Dieu. 

Une  doctrine  aussi  consolante  que  celle  de  l'immortalité 
de  l'âme  dans  le  sens  philosophique  du  mot,  ne  put  manquer 
d'inspirer  aux  juifs  romains  une  ferme  résignation  en  face  des 
coups  que  frappe  la  mort.  Et  de  fait,  on  leur  appliquerait  à 
bon  droit  une  remarque  du  D^'Northcote  (3)  sur  les  chrétiens 
de  l'âge  des  martyrs.  On  sera  frappé  «  de  ce  qu'il  y  a  de 
«  contenu  et  de  modéré  dans  l'expression  de  leur  douleur, 
«  comparée  aux  sorties  violentes  et  passionnées  que  se  per- 

(Ij  Nuove  Ep.,  p.  8.  Noire  traduction  diffère  un  peu  de  celle  du  R.  P. 
Garrucci,  qui  voit  dans  Trpodsu/oTo  une  corruption  de  TrpoG£u/£Tc<i. 
Le  sens  demeure  également  remarquable  dans  l'une  et  l'autre  versions. 

(3)  C'est  là  une  erreur  de  Norlbcoîe,  op.  eit  ,  p.  179, 

(3)  Op,  cit.,  p.  166. 


118  LA    THÉOLOGIE    DES    CATACOMBES. 

«  mettent  souvent  les  païens.  Parmi  ces  derniers,  nous 
«  voyons  des  parents  privés  de  leurs  enfants  ou  des  veufs 
«  se  répandre  en  reproches  très-amers  et  pour  ainsi  dire 
«  délirer  en  levant  les  mains  contre  les  dieux  qui  les  ont 
«  privés  des  chers  objets  de  leurs  affections.  »  Parmi  les 
juifs  romains  une  seule  plainte  s'est  rencontrée  jusqu'aujour- 
d'hui :  «  Conjugi  benemerenti  sed  sic  non  merenti.  »  Mais 
elle  est  calme  et  douce,  et  tout  nous  persuade  qu'elle  n'a 
guère  trouvé  d'écho  dans  les  catacombes  hébraïques. 

L'abbé  J.  D. 


GOMMENTARIUS 


PROŒMIUM   BREVIARII    ET   MISSALIS 


DE   COMPUTO   ECCLESIASTICO. 


CAPUT  I. 
De  Anno  et  ejus partibus  [finis  '  ). 

HORA. 

39.  Etymologia.  Mucrobiiis,  Ub.  I.  c.  21.  Saturnalinm. 
docet,  solem  lingua  ^Egyptia  horion  vocari,  inde  Jiorœ 
nomen  esse.  Ajmd  eosdem,  inquit,  Apollo,  qui  est  sol,  Horus 
vocatur,  ex  quo  et  horai  2/i,  quibus  dies  noxque  conficitiir 
nomen  acceperunt.  Sed  verius  est,  horam  a  voce  graeca  wpot 
deduci. 

40.  Horarum  nomen  per  trecentos  annos  Romanis  igno- 
ratum  fuisse  credibile  est.  Divisio  eniui  diei  artificialis  in 
hoi-as  12,  et  noctis  in  totidem  Romae  non  censetur  inducta 
nisi  post  reperta  horologia  solaria,  quorum  primum  in  foro 
illud  fait,  quod  M.  Valerius  ex  Sicilia  advectum  ad  rostra 
in  columna  posuit,  uti  videre  est  apud  Livium  H.  Ub.  XVI. 
c.  h7.  ad  annum  U.  C.  ZiOl. 

Frirais  igitur  temporibus  Romani,  quum  horologia  non 
haberent,  noctem  quadrifariam,  h.  e.  in  pr imam,  secundum, 

(l)  Vid.  supra,  p.  16  ss. 


120  COMMENTARIUS 

tertiam,  guartam  vigiliam  dividebant,  petito  nomine  a  re 
militari  (1)  ;  diem  vero  bifariam,  ante  et  post  meridiem. 

Plura  noctis  et  diei  tempora  aliis  etiam  discreta  nomi- 
nibus  apud  veteres  leguntur. 

Sic  olim  Romanis,  diem  suum  civilem  a  média  nocte 
auspicatis,  hœ  ex  ordine  partes  erant  :  1.  De  média  nocte  seu 
mediœ  noctis  inclinatio  ;  2.  Gallicinium  ;  3.  Conliciiiium, 
quum  Galli  conticescunt  ;  h.  Ante  lucem;  5.  Diluculum  ; 
6.  Mane,  cujus  vocis  duas  notationes  Macrob.  Sat.  lib.  I.  c.  3. 
affert  ;  7.  Ad  meridiem,  h.  e.,  ad  mediam  diem,  seu  dies 
clarus  ;  8.  Meridies  ;  9.  De  nieridie  h.  e.  tempus  occiduum  ; 
10.  Occasus  solis;  11.  Suprema  tempestas  ;  12.  Vespera.  quod 
a  Grœcis  tractum  esse  Macrohius  docet  /.  c;  13.  Crepnsculitm  ; 
IZi.  Face  prima  ;  Ib.  Concubium  ;  16.  Intempesta  seu  multa 
noce,  quae  se.  non  habet  idoneum  tempus  rébus  gerendis  ;  17. 
Ad  mediam noctem  seu  silentium  noctis;  18.  demum  Medianox. 
liSi  Macj'ob.  Sat.  lib.  I,  c.  3.  et  Censorin.  de  die  nat.  in  fin. 

Ast  solario  (2)  primum ,  postea  aquario  (3)  horologio  in 


(1)  Unicuique  ex  quatuor  islis  quadrautibus,  in  quos  noctem  par- 
tiebanlur,  très  horas  tribuebant  ;  uimirum  ii,  qui  hostium  metu  excu- 
babant  et  vigilias  agebant,  per  très  horas  vigilabant.  Et  finita  quidem 
prima  vigilia  alii  excubitores  rursus  in  secundam  vigiliam  seu  in  très 
alias  horas  succedebant,  et  secunda  finita  vigilia  alii  similiter  in  terliam 
et  a  tertia  alii  in  quarlam,  dum  illucesceret. 

(2)  Eorologium  solare,  quod  appellant  (7xio6ï)pixov,  quasi  venatorem 
(Ovipa)  seu  indagatorcm  umbrœ  (axia)  et  yvcjfxova,  a  yivcôuxto,  h.  e. 
stilum,  ex  cujus  umbra  horœ  diei  cognoscuntur  in  sole,  non  primum  ab 
Anaximene  Milesio,  Anaximandri  discipulo,  fuisse  inventum,  ut  ex  Plin. 
lib.  II,  c.  76.  recentiores  falso  tradunt,  ex  eo  palet,  quod  jam  tempore 
Ezechiae  (a.  Ch.  7lî  ;  U.  C.  42),  in  tali  horologio  decera  lineis  recessisse 
sol  legatur.  Hanc  umbrarum  rationem  a  Judaeis  ad  Jigyptios,  ab  his  ad 
Grsecos  devenisse,  ex  horologio  Ezecliice  colliguntC/a!)îU5  lib.  i.  Gnomon, 
p.  7  et  Cornel.  a  Lap.  in  Is.  cap.  38.  Romaj  vero  nonnisi  mullo  post 
tempore  primum  ejusmodigeneris  horologium  statutum  fuisse  in  publico 
secundum  Rostra,  in  columua,  bello  Punico  primo  ex  Liv.  l.  c.  intelli- 
gimus.  Qjum  autem  non  satis  congrucrent  ad  horas  iineee  ejus,  quia 
ad  cliraa  Siciliae  descriptse  fuerant,  post  centum  fere  annos  Q.  Marcius 
aliud  diligentius  ordinalum  juxtaposait. 

(3)  Horologiun  aquarium  quod  vulgo  et  xX£'}uopav  dicunt  a  xaÉtttw   et 


DE   COMPUTO   ECCLESIASTICO.  121 

foro  positis  inventa  est  lioraruuidistributio.  Porroquumtum 
diem  artificialem  quam  noctem  seorsim  in  duodecim  horas 
œqiialiter  dividerent,  ipsœ  horae  diurnas  nocturnaeve  ita 
distribuebantur,  ut  longiores  essent  œstate  diu,  breviores 
noctu,  contrariaque  ratione  perbreves  hieme  lucis  horœ, 
noctis  longissimas.  PUn.  lib.  VII.  c.  60. 

lii.  In  libris  Novi  Testamenti  diei  distributio  in  duodecim 
œquales  horas  more  Grascorum  et  Romanorum  apertissime 
intelligitur  [Joan.  11,  9;  Mai  th.  20,  3).  Omnium /^nmam  ab 
ortu  solis  horam  ducebant,  quœ  sextœ  horœ  matutinas  apud 
nos  respondet  in  œquinoctio  ;  tertiam  horam  numerabant, 
quam  nos  nonam  maiutinam  in  aequinoctio  dicimus.  Sexta 
semper  in  meridiem  cadebat,  et  sic  de  aliis.  Consuevisse 
etiam  tune  Judaeos  Romanorum  more  noctem  in  quatuor 
vigilias  distribuere,  ex  scripturis  N.  T.  intelligimus  [Matth. 
IZi,  25  ;  Marc.  6,  Zi8  ;  13,  35). 

Judœi  quatuor  prœsertim  horas  diei  orationi  destinatas 
habebant ,  scilicet  prùnam  ,  quae  incipit  ab  ortu  solis  ; 
tertiam,  respondentem  circiter  nostrae  horae  nonas  matutinse  ; 
sextam,  quae  convenitcum  meridie;  et  nonam,  quœ  respondet 
horas  tertiœ  pomeridianœ. 

/i2.  Divisio.  Horœ  aliae  diei  sunt,  aliae  noctis  :  l.  A  qua 
œtate.  5.  jf.  Qui  testamenta  facere  possint  ;  l.  Ideoqiie.  7.  de 
usurpât,  et  iisucap.  cit.  Illae  diurnœ,  hœ  nocturnœ  vocantur  : 
l.  Si  diurnarum.  2.  ff.de  aqua  quotidiana  ;  l.  Capite.  25.  ff.  ad 
legem  Juliam,  de  Adulteriis. 


uûtop,  qviia  paulatim  et  quasi  furtim  aqua  detrahitur,  est  vas  vitreum 
exiguuni  in  fundo  foramou  liabens  guUatim  aquam  destillans,  ex  cujus 
diminntione  labentis  temporis  mensura  copnoscilur.  Quum  enini  nubilo 
die  inccrtae  essent  horae,  Scipio  Nasica  primus  Romœ  aqua  divi^it  horas 
œque  noctium  ac  dierum  idque  horologium  sub  tecto  dicait  anno  Urbis  595. 
Hœc  Plin.  vu,  60.  Apud  veteres  oratoribus  acturis  causas  foreuses 
prœscribebatur  tempus  dicendi  dalis  clepsydris,  quibus  finitis  vel  decur- 
sis  ultra  loqui  vetabantur.  Atque  etiam  bodie  nonnuUis  ia  scholis  usuâ 
oblinet,  ut  stiidiosi  ad  clepsydram  exaroinentiir. 


122  COMMENTARIUS 

Horaa  tam  dinrnœ,  quam  nocturnse  aliss  sunt  œquales,  aliœ 
inœquales.  Horas  œquales  eas  dicimus,  quarum  unaquaeque 
est  vicesima  quarta  pars  diei  naturalis  œqualiter  divisi, 
iEquales  etiam  œquinoctiales  vocamus,  quia  totum  aequi- 
noctialis  ambitum  in  2^  partes  asquales  dividunt,  quo  fit, 
ut  horis  singulis  gradus  15  competant. 

Horœ  inœquales  illse  dicuntur,  quarum  unaquaeque  est 
pars  duodecinia  tum  diei  artificialis  œqualiter  divisi,  tmn 
noctis  siniiliter  in  12  partes  fequaliter  divisae.  Appellantur 
autem  inœquales  et  temporariœ,  quod  pro  diversis  anni  tem- 
poribus  productiores  contractioresve  sint. 

Jamveroinsequalibus  hisce  ac  temporariis  horis  fere  ubi- 
que  obsoletis  a  plerisque  omnibus  populis  totum  illud  diei 
spatium,  quod  a  média  nocte  ad  mediam  noctem  statui  di- 
ximus  in  horas  24  œquales  distribuitur.  Singulas  autem 
horas  insexaginia  horaria  scrupula  seuminuta  prima aequa- 
lia,  hœc  in  totidem  (minuta)  secunda,  rursus  haec  in  tertia 
et  reliqua  ad  eumdem  modum  sexagenaria  divisione  par- 
tiuntur. 

43.  Horae  aequales  ahae  dicmitur  Babijlonicœ,  quarum  pri- 
ma ab  ortu  solis  inchoatm'  ;  ahœ  Jtalicœ,  quœ  ab  occasu 
solis;  ahae  astronomicœ,  quas  a  meridie;  alise  denique  Euro- 
pœœ,  quae  tum  a  meridie,  tum  a  média  nocte  incipiunt,  ita 
ut  tam  in  meridie  quam  in  média  nocte  semper  hora  duo- 
decima  compléta  habeatur.  Fere  omnes  Europœi  enim 
horologia  sua  ita  dispensant,  ut  diei  horas  24  in  duas  œqua- 
les partes  dividant,  h.  e.  in  duodecim,  quot  se.  horologia 
sonitu  significant  et  média  nocte  et  meridie  ;  post  quœ 
tempora  hora  prima  auditur  :  prima  scilicet  a  meridie,  et 
prima  a  média  nocte  ;  et  sic  pergitur  a  secunda  ad  tertiam, 
dum  ad  duodecimam  veniatur  ;  secundum  quam  suppu- 
tandi  rationem  in  œquinoctio  sol  hora  sexta  oritur  et  sexta 
etiam  occidit.  \^Lalemant.  de  Anno.) 


DE    COMPUTO    EGCLESIASTICO.  123 


HEBDOMADAS. 


A/i.  Etymologia.  Hebdomas  sive  hebdomada  secundum 
Isidor.  Etijm.  lib.  v.  c.  32.  dicta  est  a  numéro  septem  (Éirtâ) 
dierum,  quorum  repetitione  constituitur.  Hebdomas  genera- 
tim  suQiitur  pro  numéro  septenario,  sicut  ogdoas  pro  octo- 
nario,  enneas  pro  nonario,  quia  non  solum  de  diebus  dicitur, 
sed  etiam  de  annis  et  quibuscunque  rébus,  quae  septenario 
numéro  comprehenduntur. 

In  monumentis  sacris  modo  tempus  ex  septem  annis  com- 
positum,  ut  Gen.  29,  28;  Levitic.  25,  8  ;  modo  brevius 
temporis  spatium  ex  septem  diebus  naturalibus  constans 
désignât.  {Calmet,  de  Judœonim  chronologia  dissertatio  com- 
mentariis  ad  Genesim  prœfixa.) 

A  5.  In  veteri  Lege  prœter  hebdomadas  primarum  festi- 
vitatum  maxime  celebrabantur  illse,  quarum  meminit  Dan. 
cap.  9,  Cfr.  Pefavins,  de  Doctrin.   temp,  lib.  xii. 

In  nova  Lege  una  est  hebdomada  solemnis,  quae  major 
hebdomada  appellatur,  estque  ea  quaa  antecedit  Pascha, 
olim  pœnosa  vocata,  quod  sit  rememorativa  Dominicas  pas- 
sionis  :  vere  magna,  in  qua  humanae  redemptionis  myste- 
rium  persoluto  illius  pretio  consumatur.  {Durand.  Rational. 
offic.  divin,  lib.  vi.) 

hQ.  Chronologi,  aliis  hèbdomadum  generibus  neglectis, 
continuam  septem  dierum  successionem  simpliciterAe^âfo- 
madam  vocant.  Hinc  et  Latini  septimanam  dicunt,  quasi 
septem  mawe,  h.  e.  luces;  maneenimlux  est.  {Isidor.  l.c.) 

Haec  ipsum  Deum  institutorem  habere  videtur,  quia  die 
septimo  a  creatione  mundi  quievitatque  Hebrœi,  a  quibus 
hebdomadarum  usum  profluxisse  credibile  est,  pariter  die 
illo  seu  sabbato  (1)  quiescere  jubebantur. 

-  (1)  Sabbati  nomine   non  solum  dies  septimiis   cujusque    hebdomadis 
venit,  sed  interdum  eliam   quivis  die»  solemuis  et  fesUvus,  eo   quod 


i2ll  COMMENTARIUS 

In  pluribus  Scripturarum  locis  sabbati  vocabulum  pro  tota 
hebdomade  accipitur,  reliqui  dies  autem  a  sabbato  nomi- 
nantur,  ni  prima  sabbati  Matth.  20,  1,  hoc  est,  primus  dies 
post  sabbatum,  qui  Dominicus  nobis.  (S.  Hieronymus  epist 
120.  ad  Hedibiam.) 

Sabbatum  sumptum  pro  ultimo  hebdomadis  die,  quatenus 
is  erat  dies  lestus  Judœorum,  abrogatum  fuit  apud  Chris- 
tianos  (1),  qui  propter  Ghristi  Domini  resurrectionem  die 
Dominico  feriantur  (2) .  Dies  dominicus  proin  feria  i.  hebdo- 
madis est  ;  ei  exordine  ita  succedunt  feria  ii,  feria  m,  etc., 
ut  more  ecclesiastico  singuli  dies  hebdomadis  feriœ  (3) 
vocentur,  retento  tamen  nomine  sabbati  et  diei  Domini- 
cœ  [h). 

Dies  hebdomadis  apud  Ethnicos  appellationem  habebant 
a  diis,  quorum  nomina  Romani  quibusdam  sideribus  sacra- 
verunt.  Primiim  enimdiem  aso/eappellaverunt,  qui  princeps 
est  omnium  siderum,sicutetidem  dies  caput  est  cunctorum  ; 
secundiim  a  hina,  quœ  soh  splendore  proxima  est  et  ex  eo 
mutuat  lumen  ;  tertium  a  Stella  M^r^/s,  quae  vesper  vocatur  ; 
quartum  a  Stella  Mercurii ;  qiiintum  a  Stella /ovï.s,  Phaetontem 

sabbati  solemnitas  rnaxima  esset  elreliqiias  suœ  vocisambitu  involveret, 
ut  palet  Levitic.  23.  e/24.  Immolotaui  hebdomadaiii  hocnomiiie  vocarunt 
Judael  a  digniore  parle.  Iliuc  Pharifœus  iu  Evaugelio  (Lmc  8,12)  :  Jejuno 
bis  in  sabbato,,  h.  e.  hebdomada. 

(1)  C.  Percenit.  12.  D.  3;  de  Coiisecrat .  ;  C.  Oinnes.  1.  di  Feriis. 
(Il,  9.) 

(2)  Gard.  Ursin.  (Benedict.  xill.),  in  suis  lectionibu.s  supra  Exod.qnm- 
decim  rationes  et  mysleria  assignat  pro  mutatioue  sabbali  ia  diera 
Dominicum. 

(3)  Feriœ,  diès  cessationum  ab  opère,  allquibus  dictée  videnlur  a 
fariendis  victimis,  aliis  ab  epulis  ferendis,  qnod  in  iis  fiebant  epulationes 
ex  provenlu  fœtus  pecudum  et  frugum.  Apud  Clirislianos  autem  ouincs 
dies  voeantur  feriœ,  ut  se  cogitent  omni  die  feriari  debere,  li.  e.  a 
vitiis  abstinere.  Quoad  clericos  et  officia  divina  dies  appellantur  fciœ, 
quia  alteri  rei,  quam  diviuo  cultui  vacare  non  debent.  ItaJos/a/Ms. 

CO  Primum  hebdomatlis  diem  jam  olira  vocarunt  Domitiicum,  non 
aolum  quod  peculiariter  cultui  divino  esset  depulatus  :  sed  ob  id  potis- 
Biniuni  quod  maximis  Dci  operibus  esset  veuerabilis  ac  fuisset  dies  Domi- 
uica  resurrectionis. 


DE    COMPUTO   ECCLESIASTICO. 


125 


aiunt  ;  sextiima,  Stella  Veneris  (1) ,  quam  Lnciferum  asserunt, 
quia  inter  omnia  sidéra  plus  lucis  habere  videtur  ;  septimum 
a  Stella  Saturni.  fisidor.  Etymol,  lib.  v,  cap.  30,  —  Patrol. 
Migne,  tom.  82.  pag.  215.)Eadem  plane  ratione  apud  astro- 
nomes singuli  hebdomadis  dies  a  planeta  dicuntur,  quem 
primum  cujuscunque  diei  horaî  praeesse  cum  Pvomanis  tin- 
gunt.  Quœ  omnia  ut  uno  in  conspectu  facile  videri  possint, 
hic  velut  in  tabella  descripta  reperies. 

DIES   HEBDOMADIS. 


Astronomoram. 

Cliristianorum. 

Judœornra. 

I 

Dies  Solis. 

Dies  Dominicus. 

Prima  Sabbati. 

II 

«     Lunas. 

Feria  ii. 

Secunda  Sabbati. 

III 

«     iVlartis. 

Feria  m. 

Tertia  Sabbati. 

IV 

«     Mercurii. 

Feria  iv. 

Quarta  Sabbati. 

V 

«     Jovis. 

Feria  v. 

Quinta  Sabbati. 

VI 

«    Veneris. 

Feria  vi. 

Sexta  Sabbati. 

VII 

«     Sabbati. 

Sabbatum. 

Sabbatinn. 

/i7.  Hebdomas  comparate  ad  annum  considerata.  Anni 
partitionem  in  hebdomadas  quod  spectat,  ex  ordine  notanda 
hœc  sunt  : 

1"  Eam  dividendi  rationem,  quss  originitus  Judasorum 
propria  erat,  postea  Romanis  ac  cseteris  Gentibus  ignoratam 
non  fuisse,  ea  probant  quas  habet  Tertullianus  Apol.  lib,  i. 
cap  13  :  Vos  certe  estis,  qui  etiam  in  laterculum  septem  dierum 
Solem  recepistis, 

2°  Nulli  menses  cum  plenis  hebdomadibus  adœquantur, 
excepto  februario,  quando  litera  dominicalis  est  D  in  anno 
communi  ;  caeteri  menses  quippe  supra  quatuor  hebdomadas 
biduum  vel  triduum  excurrunt. 


(1)  Judœi  diera  ante  sabbatum  TrapKffxsuyjv,  parascevc,  h.  e.  prœpara- 
tionem  vocabauf,  quia  eo  die  parabaniur  necessaria,  ue  praeceptum 
cessaodi  ab  opère  die   festo  sabbati  violaretur. 


126  COMMENTARIUS 

3°  Quamvis  anni  dies  septenarium  numerum  non  effîciant. 
annum  nihilominus  constare  dicimus  hebdomadibus  52, 
cum  uno  die  superfluo  in  annis  simplicibus  seu  communibus, 
in  bissextilibus  cum  biduo. 

li°  In  kalendario  dies  signantur  septem  prioribus  alpha- 
beti  literis,  quae  totidem  diebus  hebdomadis  respondent.  Si 
primus  januarii  dies,  qui  primalitera  A  signatur,  dies  domi- 
nicus  sit,omnes  totius  anni  dies  hac  litera  affecti,non  exclu- 
so  31.  decembris,  dies  dominici  erunt  :  unde  sequens  annus 
initium  sumet  a  feria  ii,  tertius  a  feria  m,  etc.  Porro  litera 
eadem  A,  quœ  primum  diem  januarii  semper  afficit,  omni- 
bus illis  feriis  vicissim  serviet,  ac  proin  literœ  G,  F,  E,  ex 
ordine  dominicales  erunt  juxta  technicum  istumversiculum; 

Gdudet  Francus  Eqvo,  Daeus  Cane,  Barbarus  Arcu. 

Sed  de  literis  dominicalibus  postea  cap.  vi. 

MENSIS. 

A8.  Etymologia.  Mensis  a  Grœcis  vocatur  (r/">,  quod  a 
fxr^vv),  liina,  descendit,  quia  est  plus  minus  spatium  illud, 
quo  luna  zodiacum  percurrit.  Ita  Varro  Liny.  lat.  v,  2.  At 
juxta  Ciceronem  vocabulum  etymon  habet  a  verbo  metior; 
dicit  enim  de  Nat.  Deor.  II,  27  :  Qui,  quia  mensa  spatia 
confichmt,  merises  nominantur. 

Mensium  duo  sunt  gênera  ;  nam  alii  astronomici  seu 
naturales  sunt,  alii  civiles  seu  politici  :  naturalium  species 
duse,  quod  partim  solis  (.so/ares) ,  partim  lunae  [lunares)  esse 
dicuntur. 

/i9.  Secundmn  solem  fit  nïensis,  dum  sol  unumquodque  in 
zodiaco  orbe  signum  percurrit,  estque  naturalis  solis  tran- 
situs  ab  uno  zodiaci  sigiio  ad  aliud  signum.  Haec  lib.  Ylly 
c.  I,  de  Doctr.  Temp.  Petavius  post  Censorin.  c.  22. 

Quia  vero  sol  proprio  motu  ab  occidente  in  orientem  se 
promovens  singula  zodiaci  signa  non  sequali  tempore  pera- 


DE    COMPUTO    ECCLESIASTICO.  127 

grat,  sed  longius  in  Ariete,  Geminis,  cœterisque  signis  sep- 
tentrionalibus  moralur,  quam  in  Sagittario,  Capricorno  et 
aliis  signis  australibus  ;  idcirco  menses  solares  astronomici 
asquales  sibi  non  siint,  sed  œstivi  longiores  sunt  hyemalibus 
et  omnium  maximus  est  solstitiarius  aestivus,  qui  compre- 
hendit  dies3.l,  horas  11,  minut.  prim.  36  ;  e  contrario  om- 
nium brevissimus  est  solstitiarius  hybernus,  quum  solillius 
signi  portionem  enietiatur  intervallo  dierum  29,  hor.  8, 
minut.  pr.  bli. 

Prœter  hune  niensem  vcrum  et  /wœg!^7/fw,spatiahabentem 
inœqualia ,  aliud  genus  fecerunt  astronomi ,  mensem 
me;Uum  sive  œquabilem^  quando  sol  œquali  niotu  zodiaci 
signa  peragrare  fmgitur. 

50.  Mensis  ianaris  astronomicus  est  temporis  quoddam 
spatium,  quo  luna  orbem  unum  conficit.  Mensis  lunaris  non 
unius  generis  est  ;  alius  enim  periodiais,  alius  mjnodicus,, 
alius  apparitionis  seu  illuminationis  dicitur.  Mensis  lunaris 
periodicus,  quem  etiam  comwrsionis,  peragrationis,  ambula- 
tionis  et  circulum  liinœ  appellant,  est  hujus  sideris  conver- 
sio,  qua  ab  aliquo  zodiaci  puncto  circuitu  suo  peracto  ad 
idem  revertitur,  quod  fit  spatio  dierum  27,  hor.  7,  minut. 
prim.  AS  et  minut.  secund.  7.  Mensis  lunaris  sijnodicus,  qui 
kalendario  inservit  quique  a  conjunctione  lunas  cum  sole 
congressus  lunœ  vocatur,  illud  temporis  intervallum  est, 
quod  luna  inter  accessum  a  sole  et  reditum  ad  ipsum  insu- 
mit.  Quoniam  intérim  dum  a  sole  digressa  luna  ad  eundem 
revertitur,  sol  proprio  motu  gradus  aliquot  emensus  est, 
biduum  fere  ad  solem  assequendum  requiritur,  unde  fit, 
ut  diebus  constet  29,  horis  12,  min.  prim.  hh,  secund.  3, 
tert.  11  (1).  Mensis synodicus  ipse  et  inmedium  et  in  verum 
itidem  subdividitur. 


(1)  Cfr.  Clav.  Lib.  n,cap.  1.  Recentiores  astronomi  mensi  luaari  syno- 
d.ico  tribmmt  flies  29,  hor.  12,  44',  2",  85'".  Differontia  ergo,  quiE  sin- 
gulis  luoatioaibiis  est  20'",  singulis  anuis — 12  luiiationibus  constantibus 


128  COMMENTARIUS 

Tandem  mensis  lunaris  apparitionis  sive  illuminationis 
tempus  nominatur  a  primo  conspectii  novœ  lunœ  in  eodem 
mense  usque  ad  conspectum  alterius,  quod  spatium  diebus 
28  comprehendi  putant  chronographi.  [Petav.  l.  c.  cap.  4.) 

51,  îdenses  civiles  seu  politici,  juxta  Censorin.  c.  10,  sunt 
numeri  quidam  dierum,  quos  unaquasque  civitas  suo  insti- 
tuto,  ad  negotia  sua  tum  sacra  tum  profana  accommodâtes 
observât,  ut  Roma  a  kalendis  in  kalendas,  Graecia  a  neo- 
meniis  seu  noviluniis  in  neomenias,  non  autem  a  kalendis 
in  kalendas,  quarum  usu  carebant  (1),  tametsi  halenda- 
rum  appellatio  grœca  sit. 

Rationem  mensium,  quos  varii  populi  observarunt,  multis 
déclarât  Petavius  in  suo  opère  de  Doctrina  temporum.  Nos 
de  solis  Grsecis  et  Romanis  mensibus  pauca  hœc  notasse 
satis  habemus. 

52,  De  Mensibus  Grœcontm.  Grœci  mensem  quemlibet  in 
très  décades  distribuunt  :  quarum  primam  decadem  !J.ri\6(; 

lUxauiÉvou  ,  secundam  [x-^ivoç  [JLsaouvTOi; ,  tertiam  [ji.v)voi;  cpOîvovxo; 
vocabant  :  quasi  dicas  décade  mensis  instaniis,  décade  mensis 
medii  et  décade  mensis  desinentis.  Deinde  primœ  decadis  pri- 
mum  diem  voy[jiY,vt«v,  secundum  oeuTEoav  taraijLsvou,  tertium 

Tpir>,v    îffTaaÉvou  ,  et  sic  deiocepS  usque  ad   SExarviv    i(jTâ[jt.£vou  , 

et  similiter  aliaram  decadum  dies  numéro  sui  ordinis  expri- 
munt.  Cfr.  Theod.  Gaza  et  Poil,  primo  ôvoa.a(7Tixcov. 

Sunt  qui  dies  illunes  appellant  eos  qui  sunt  a  vicesimo 
nono  ad  secundam  novam.  Id  tempus  alii  coitum,  ut  inquit 
Plinius,  alii  interluniutn,  alii  silentis  lunœ  conjunctionem,  alii 


— evadet  4",  alque  iula  2I,C00  annos  unum  diem  efficiet,  qui  postlapsum 
hujus  periodi  annorum  subtrahi  potest  firma  semper  manente  forma 
kalendarii.  Cfr.  supra  u.  17.  Unde  ex  receotiori  computo  moveri  non 
potest  scrupulus  coutra  correclionem  kalendarii  Gregoriani,  de  qua 
infra  n,  59. 

(1)  Hanc  ob  causam  Augustus,  quum  aliquos  nunquam  débita  soluturos 
significare  vult  ad  kalendas  grœcas  soluturos  ait.  Suet.  Aug.  87.  Romani 
enim  débita  solvere  tenebautur  kalendarum  inilio. 


DE    COMPUTO   ECCLESIASTICO.  129 

juyiim^  alii  et  novilunium:  Grœci  vou[AV)vtav,  gu^uy'»^^  cuvoSov, 
utetprimamlunam  fAvivoeiSTî,  h.  e.  corniculatam  et  falcatam, 
nondum  semiplenaiu,  sed  cavam  et  cornutam,  septimam 
vocant  Si/ÔToaov  xai  ■^[xi'To;a.ov,  h.  6.  semiplenam,  dimidiatam, 
dividuam,  rectam.  Undecimam  vocant  dp-iixopTov  h.  e.  ,gibbo- 
sam,  gibberosam,  turgidam  et  tumidam.  Decimam  quintani 
Travc£Xr,vov,  h.  6.,  plenilunium  et  oppositionem  dicunt.  Apleni- 
luniorursum  fit  ài/cpt^up-ro;,  gibbosa  ,  exin  rursum  5ixo'to[ao<;, 
et  tandem  fit  [ji.vivo£tS7]ç,  dum  iterum  ad  cuvooov  seu  conjun- 
ctionem  redeat. 

Omnes  hse  lunœ  faciès  seu  Siaôédeiç,  visitationes  Latinis  (1), 
Graecis  cpacen;  etiam  dicuntur. 

Haec  de  divisione  mensis  lunaris  a  Grœcis  adhibita.  Ad 
formam  vero  quod  spectat,  ex  prolixa  lunationum  descri- 
ptione,  quam  habet  Petavhis,  bas  régulas,  quœ  etiam  usui 
sunt  in  kalendario  ecclesiastico,  excerpsisse  pro  commentarii 
nostri  ratione  satis  erit. 

I.  In  kalendario  lunationes  civiles,  non  astronomicae 
spectantur  (2) .  Hinc  lunationibus,  quae  in  decemnovennali 
cyclo  digeruntur,non  semper  accuratus  ille  dierum  numerus 
imputatur,  qui  syzygiis  cœlestibus  competit.  {Peiav.  l.  V. 
C.9.) 

II.  Lunatio  ejus  est  mensis,  in  quo  terminatur.  Itaque 
lunationes  omnes,  quae  v.  g.  in  decembri  cœptœ  in  januario 

(1)  Luna,  ait  Vitruv.  iv,  4.  quoniam  cum  sole  est, nova  vocatur;  postera 
autem  die,  quo  numeralur  secunda,  praeleriens  a  sole  visitationem  facit 
leuuem  extrrmœ  lotnnditatis. 

(2)  Ejus  rei  plures  a  Christ.  Clavio  [Novi  Calend,  Apol.  lib.  i,  c.  4.) 
afferunlur  ratioues.  e  quibus  potissima  ea  est,  quod  regionum  ac  meri- 
dianoruna  varietas  efficit^  ut  Ecclesia  veris  siderum  molibus  negleclis, 
medios  seu  potius  cyclos  assumere  debeat.  Si  enim,  v.  g.,  luna  14.  iiici- 
dat  ia  dieru  21.  martii,  juxta  computum  astronomicum  ea  luna  paschaiis 
erit  in  parte  orientali;  in  occidentaii  autem  non  erit.  Cseternm  sitoinpus 
astronomicum  verum  attendendum  esset,  annus  civilis,  qui  in  kalendario 
describitur,  exordium  sumere  debercl  ab  aliqua  fractione  diei,  horcc 
vel  minuti,  quod  ab  usu  universaliter  recepto  quam  maxime  abliorrere 
nemo  non  vidot.  Cfr.  n.  C2. 

Revue  pes  sciences  ecclésiastioues,  t   ix.  9 


JùO  C0iMMti\TAniU3 

desinunt,    ipsi   januaiio,  in    quo  clauduntur,    tribuuntur 
(/.  c.  c.  13.). 

III.  Lunationes  plenœ  (h.  e.  30  cUerum)  cavœque  (h. 
e.  29  dieruiii)  alternis  ita  disponuntur  in  kalendario,  ut 
quo3  in  piinmm  et  impares  deinceps  menses  desinant,  plenœ 
sint,  quœ  autem  in  paribus  finiantur,  cavœ,  paucisexceptis, 
/.  c.  Unde  versus  : 

Luna  paris  mensis  nuriquam  trigesima  flei, 
Iiiipar  Iriceno  nunqitnm  nisi  fine  carebii. 

IV.  Lunationes  omnes,  quœ  a  februario  cœptœ  et  in  mar- 
tium  desinentes  tricenarise  alioqui  sunt,  anno  bissextili  uno 
die  auctiores  fiimt  (/.  c.  c.  9.). 

V.  Inilia  mensiuui  lunariuai  varia  esse  vel  ex  ipsa  mensis 
Innaris  divisione  (num.  50.)  adducta  patet.  Sic  lunaris 
mensis  epocha  vel  ab  ipsa  synodo  seu  coitu  luminarium, 
vel  a  cp'^îcTct  ac  secundo  die,  vel  a  cornicutataillius  effigie  die- 
que  tertio  ducitur.  Postrenium  hoc  initiuui  maxime  Arabes 
adsciverunt  :  primum  vero  Judœi  in  vulgari  recentiorique 
computo  ;  secundumolim,stante  templo,  eosdem  observasse, 
libro  II.  docet  îetavius.  Ex  his  diversis  initiis  accidit,  ut  XV. 
luna  mensis  civilis  alias  in  plenilunium  ipsum  médium  in- 
currat,  alias  uno  die  saltem  antevertat,  alias  uno  item  die 
velaltero  etiam  subsequatur.  Sed  nec  illud  omittendum  est, 
quum  syzygia  lunaris  média  diebus  constet  29,  horis  j.2, 
minutis  prim.  hh  ;  dimidiata  vero  diebus  4A,  horis  18 
minutis  prim.  22,  si  noviluniorum  calculus  ab  ipso  dierum 
initio  procederet,  plenilunium  médium  decimum  quintum 
mensis  lunaris  diem  occupaturum  fuisse  ;  sed  eumdem 
tamen  inclinantem  ac  plus  dimidia  jam  parte  confectum. 
Verum,  quum  raro  ab  ipsodiei  civilis  exordio  neomeniarum 
initia  colligantur,  fit,  ut  plenilunium  médium  in  XVI.  diem 
lunationis  interdum  incidat.  Uœc  Pefavius  lib.  V.c.  Ih.  Cfr. 
infra  cap.  VIII. 

53.    De  Mcnsibui   Romanis.  Uomulus   annum    in    decem 


DE    GOMPUTO    EGGLESIASTIGO.  131 

menses  divisit,  quorum  primus  ei-at  marthis,  secundus 
aprilis,  tertius  mains,  quBi'tiisjitnhis;  reliqui  sex  a  numéro 
suo  nomen  trahebant  vocabanturque  guintUis,  sextilis,  sep^ 
teinber,  octohcr,  november,  december. 

Numa  Pompilius,  quum  Romuli  anoum  ex  decem  men- 
sibus  compositum  nec  solis  nec  lunœ  cursui  congruere  cer- 
neret,  duos  menses  addidit  januarium  et  februarium  (1), 
constituitque,  ut  hic  duodecini  menslum  annus  a  januario 
deinceps  exordiumhaberet,  eo  quod  hic  mensis  fuerit  Jano 
bicipiti  sacer,  sicque  tanquam  bicipitis  dei  mensis  aUer  Janus 
biceps  videretur,  respiciendo  fmem  anni  antecedentis  et 
initium  sequentis.  [hidor.  Etijmol.  lib.  V.  c.  33.  n.  3.  — 
Patrol.  Mifine,  tom.  %'l.  p.  219.) 

Jdius  Cresar,  qui  ad  sohs  cursum  annum  direxit  atque 
idcirco  ex  365  diebus  et  sex  horis  constituit,  dierum  nu- 
merum  quibusdam  mensibus  auxit,  ut,  v.  g. ,  september  et 
november,  qui  antea  habebant  29,  constarent  ex  triginta,  et 
sic  de  rehquis  [Siiet.  in  Vita  Aug.  et  Macrob.  Sadjrnal.  /,  là.), 
ita  ut  annum  adhuc  inclioando  a  mense  martio,  mensibus 
imparibus,  nerape  mrt;//o,  inaio,  quintili  sen  julio,  septembh, 
novembri,  januario  dies  tribuerit  31  ;  aliis  vera  sex  paribus, 
videlicet  aprili,  junio,  sextili  seu  auguste,  ociobri,  decembri, 
februario  dies  solum  30  dederit. 

Ad  complendum  januarium,  uhimum  mensem  imparem, 
diem  unum  subtraxit  februario,  ultimo  mensi  pari,  cui 
proinde  reUcti  dies  29.  Deinde  Augustus  imperator,  œgre 
fereus  mensem  sibicognominem  uno  die  minorem  esse  juho, 
unum  adhuc  diem  subtraxit  februario  et  augusto  adjecit, 
sicque  februario,  ut  nuncin  anno  communi,  superfuere  dies 
tantum  28,  quasi  inferis,  quibus  erat  sacer,  et  diniinutio  et 

(I)  Hinc  Ooid.  Liii.  i.  Fusl.  sic  canit: 

Morlis  erat  T>rmiis  mensis  Venerisque  secundus, 

Hœc  generis  princepa,  ipsius  ille  pater. 
Al  ISuma  nec  Janum  nec  Avila    prœteril  Umbra^, 
MemUius  antiquis  prœposiiiliiie  duoi. 


132  nOMMENTARTUS 

par  numerus  conveniret.  [Maci-ob.  Saiurnal.  lib.  I,  c.  iZ.)  Ne 
vero  très  menses  continui  dierum  31  essent,  unum  idem 
Augustus  detraxit  septembri  et  addidit  octobri,  ac  unum 
item  surripuit  novembri  et  adjecit  decembri.  [Pnrchot.  In- 
stitut, pkilosoph.  tom.  III.  p.  2.  sect.  2.)Etista  quidem  ratione 
constitutum  dierum  Tiunierum  complectuntur  versus  hi, 
quos  pueri  didicimus  : 

Aprile  ter  ileuos.  junius,  seplemquo,  novembcr; 
Uiio  plus  reliqui  :  viginli  februus  octo, 
Sod  si  bissextus  fuerit,  superadditur  unus. 

Duodecim  menses  juliarii  vere  civiles  sunt,  quia  neque 
numéro  dierum  neque  capite  cum  naturalibus  congruunt. 

5/i.  Romani  mensium  dies  in  très  ordines  distribuebant, 
in  kalendas^  nonas  et  idus,  a  quibus  nominibus  dies  ipsi  de- 
nominationem  acceperunt. 

Kalendœ,  quas  appellationem  habere  diximus  a  grœco 
verbo  /.uI-m,  calo,  primo  cujuslibet  mensis  accidunt  ;  nonœ 
autem  vel  in  quintum  vel  in  septimum  diem  cadunt. 

Nonarnm.  vocabulum  varii  varie  exponunt.  Sunt  qui 
nonas  sic  dictas  putent  vel  a  particula  non,  eo  quod  dii  non 
colerentur  nonis,  vel  a  niindinis,  eo  quod  teste  Macrob.  Sa- 
iurnal. 1, 16.  nundinœ  per  novemdies  agerentur.  Alii  contra 
putant  nonas  |dictas  esse  a  nonus,  quia  a  die  quinto  vel 
septimo  inclusive  usque  ad  idus,  h.  e.  diem  XIII.  vel  XV. 
inclusive  norem  dies  numerantur  (1).  Alii  dcnique  nona.s  a 
novus  deducunt,  quasi  novae  initium  observationis,  c[uia  post 
novam  lunani  nonarum  die  populares,  qui  in  agris  erant, 
confluebant  in  Urbem  accepturi  causas  feriarum  a  rege  sa- 
crorum  scripturique  quid  esset  eo  mense  faciendum.  [Fore. 


(1)  Addit  Macrob.  l.  c.  ex  Rulilio,  Romanos  instiluisse  nundinas  ul  ocio 
quidem  diebus  rustici  in  agris  opiis  facerent,  no)io  autem  die,  intermisso 
rure,  ad  mercaluram  legesque  accipiendas  Romam  veairent.  Nundinœ 
ergo  sudI  quasi  novendince,  noveiii  dies,  quod  idem  certe  videtur  esse 
nonarum  otymon. 


DE    COMPUTO    EGCI.ESIASTICO.  133 

ad.  V.  Nonœ.)  Duas  has  posteriores  notationes  adducit  Varro 
Ling.  lai.  F,  Ix. 

fdus,  h.  e.  nonus  dies  mensis  a  îiotiis  numeratus,  vel 
in  XIII.  vel  in  XV.  mensis  contingunt.  Vocabulum  ab  an- 
tique verbo  iduare,  quod  est  dividere,  deduci  creditur,  quia 
cii'ca  médium  mensem  occurrunt  eumque  veluti  in  duas 
partes  œquales  dividunt,  juxta  Horal.  lib.  IS .  can/i.  od  J1  ; 

Idus  tibi  sunt  agendœ. 
Qui  dies  mensem  Veneris  viarinœ 
Findit  aprilem. 

Qui  cujusque  mensis  dies  appellationem  Kulendarum, 
ISonaruni^  Idmim  sortiantur,  hi  versus  docent  : 

Prima  dies  mensis  cujusque  est  dicta  KALEND.E, 
Sex  Maius  nonas,  October,  Julius  et  Mars, 
Quatuor  at  reliqui  :  tenet  IDUS  quilibet  octo  ; 
Inde  dies  reliquos  omnes  dtc  ante  kalendas, 
Quas  relro  nominans  sûmes  a   mense  sequenti. 

55.  Dies  in  ter  kalendas,  nonas  et  idus  medii  ab  his  ipsis 
diebus  rétro  numerantur,  usque  ad  dieni  alterius  deno- 
minationis,  v.  g.,  dies  31.  julii  {dies  ante  seu)  pridie  kalendas 
augusli;  dies  tricesimus,  tertio  kalendas  augusti;  dies  vicesi- 
mus  nonus  quarto  kalendas  augusti  dicitur,  et  sic  porro  rece- 
ditur  usque  ad  15.  julii,  qui  idus  appellatur.  Ab  hoc  iterum 
rétro  numeratur,  ita  ut  Ih.  sit  [dies  ante  seu)  pridie  idus 
julii;  13.  tertio  idus  julii  etc.,  donec  ad  7.  julii  deveniatur, 
qui  nonœ  vocatur,  ac  eadem  prorsus  ratione  usque  ad  pri- 
nmm  diem  mensis,  cui  kalendarum  nomen  est,  perveniatur. 

Si  dies  Romanos  ad  nostri  kalendarii  rationem  revocare 
velis,  observanda  hœc  sunt  : 

Si  de  nonis,  aut  idibus  sermo  sit,  quis  dies  nonse,  quis  idus 
in  illo  mense  dicatur,  inquire.  Huic  numéro  unitatem  addes 
atque  a  summanumerum,  quo  dies  Romanus  eflertur,  sub- 
duces ;  residuum  dabit  diem  nostro  kalendario  respon- 
dentem.  V.  g.  quinto  idus  décembres  si  invenias,  scias  13. 


13Zj  COMMEMARIUS 

dieui  dici  idus.  Huic  adde  i,  suinma  erit  Ih  ;  a  qua  sub- 
trahes  5,  et  novenarius  residuus  indicabit,  esse  nomnn 
decembris  kalendarii  nostri. 

Quodsi  halendœ  in  veterum  Romanorum  scriptis  vel  in 
kalendario  Romano  occurrant,  v.  g.  13  kalendas  jnlia^, 
meminisse  oportet,  quot  dies  habeat  Juniiis  (supra  n.  53.)  : 
numéro  dierum  mensis,  v.  g.  junii,  adde  duo  et  habebis  32, 
a  quibus  si  13  subduxeris,  dabit  residuum  19.  diem  junii 
kalendarii  nostri. 

Contrarium  obtinet,  si  denominationes  dierum  in  kalen- 
dario nostro  receptas  Romano  more  exprimere  velis.  Viden- 
dum  nimirum,  utrum  diesdatu?  in  nonas,  idus  an  kalendas 
incidat  ;  si  vero  in  nonas  aut  idus  cadat,  numéro  nonarum 
aut  iduum  addes  unitatem,  asummasubtrahesdiem  dictum 
et  residuum  indicabit  dieni  nonarum  aut  iduum.  Si  v.  g. 
quœratur,  qua  ratione  2.  julii  Romano  more  exprimatur, 
quum  nonœ  hujus  mensis  incidant  in  7.  diem,  dies  2.  Julii 
in  nonis  collocandus  erit.  Tum7  augebis  unitateetsummaeS 
demes  dictum  diem  2.  Julii  :  quod  supererit  indicabit  nonas 
julii,  nempe  6  nonas  julii.  Eadem  ratione  de  idibus  disse- 
rendum. 

Si  vero  dies  propositus  ad  kalendas  pertineat,  numerus 
dierum  mensis  per  2  augendus,  a  summa  datus  numerus 
subtrahendus,  residuoque  kalendarum  nomen  erit,  addita 
denominatione  a  mense  sequente.  Sic  2/i.  oclobris  expri- 
metur  nono  kalendas  novembres.  Si  enim  numéro  dierum 
mensis  octobris  duo  adjunxeris,  habebis  33  :  demptis"2ii, 
superfluus  erit  numerus  nonarius.  [Petav.  l.  c.  lib.  vu. 
cap.  ?.) 

Ex  dictis  etiam  patet,  formas  quarto  lalendas,  tertio 
nonas  etc.  ellipticas  esse  ;  plena  oratio  enim  foret  quarto, 
tertio  die  ante  lalendas,  nouas,  etc. 

56.  De  nomenclafura  mensium  Romanorum  hœc  docent, 
qui  originem  et  rationem  verborum  exponunt. 


DE    COMPUTO    ECGLESIASTir.O.  ]lVl 

Januarius,  olim  undecimus,  deinde  piimus  anni  luensis, 
a  Jano  iDicicipite,  cui  sacer  ej'at,  nonien  habet.  S.  Hieronymm 
Ezcch.  28.  Januarium  tamen  dictuin  putat,  quod  anni  sit 
janua  et  limes. 

Februarius  dictus  est  a  fehniis.  (1),  quod  lum  februaretur 
popidiis,  h.  e.  expurgaretur.  Nam  Luperci  primo  die,  qui 
febniatus  dice])atur,  omnem  Urbem  veterem  pelles  caprinas 
iu  manibus  gestantes  circumcursabaiit  idquepiamen  cense- 
balui*.  Prseterea  duodecim  diebus  continuis  pro  defunctoruui 
manibus  fcbrun,  h.  e.  sacrificia  expiatoria  fiebant  (2).  Puta- 
bant  enim  antiqui  Romani,  supertitiosis  suis  sacrificiis  ani- 
mas corpore  jam  exutas  purgari  purgatasque  cum  inferorum 
diis  sic  placari  posse,  ne  sibi,  ut  timebant,  apparerent  et 
nocumentuiii  afferrent.  Alii  tamen Februariuni  dictum  putant 
a  deo  Februo,  id  estPlutone  vel  Plutonis  pâtre,  cui  eo  uiense 
sacrificabatur.  [Macrob.  Saturnal.  i,  13.  S.  Isidor.  Etymol. 
lib.  V.  c.  33.) 

Murtius  primus  olim  ipsius  anni  mensis  Marti  parenti 
dicatus  a  Piomulo,  ut  est  apud  Ovid.  Fast.  l.  c.  :  Martis  cral 
primus  mensis. 

Apriiis  ita  dictus,  quasi  aperilis  ,  quod  terram  apeiiat  ad 
producendas  herbas  et  fruges  [Varro.  Ling.  lat.  v,  h. 
Macrob.  Sat.  i,  12)  ;  vel  quasi  Aphrilis  ab  àf  ioî;,  spuma,  quod 
Venus,  cui  sacer  erat,  ex  spuma  maris  orta  dicitur,ex  que  et 
'AyfocÎTV)  appellatur.  (Oy/f/.  /.  c.)  Alii  tandem  a  nomine  aper 
deducunt,  quod  eo  uienseporcus  sacrifical3atur. 


(>)  Fehrua  dicntiautur  sacra  cxpialoria  et  omne  id,  quod  olim  vim 
purgaDdihaljere  existimnbalur.  Vocalinliim  clymon  liabola  verbe  ferbeo 
sGii  fcrveo  ;  unde  ferbuum  et  trajefUs  lileris  fcbrunm  ;  nam  hislralio  fic- 
hât plurimum  igné  aiU  uudis  fervenlibus. 

;2)  Hinc  Ovid.  Fast.  2  : 

«  Ipse  sacerdotem   jactanlem 
Ffbvua    vidi, 

h.  e.  vidi  aspergcuLem  purgaliones.  [Tostat.  p.  m.  Defcmorii,  c.  81.) 


1S6  COMMENTARIUS 

Maius  iiomen  haJDet  a  majoribns  natu  ,  in  quorum  gratiam 
erat  consecratus,  sicut  sequens  Junius  a  junioribus  (1) ,  qui- 
bus  erat  dicatus,  majoribus  nimirum  rempublicam  gerenti- 
bus  consilio,  minoribus  vero  armis;  juxta  nonnuUos 
etymologos  autein  nomeri  habet  a  Dea  Mam,  matre  Mercurii, 
cui  hoc  mense  sacrificabant,  vel  a  Maio  Deo,  h.  e.  Jove. 

Junius  a  junioribus  vocatur,  quos  Romulus  voluit  régie 
corpori  adesse  et  armis  rempublicam  defendere,  ut  dictum 
est.  Alii  tamen  putant,  appellatum  esse  a  Juventute  seu 
Hebe,  filia  Junonis,  quam  Romani  in  Deorum  numéro  vene- 
rati  sunt.  Alii  censent  a  Junone  vocatum  esse  et  primo  di- 
ctum fuisse  Junionalem  vel  Junionium,  deinde  Junium  per 
syncopen.  Alii  a  Junio  Bruto,qui  primus  consul  fuit  et  civi- 
tatem  regio  dominatu  liberavit.  Alii  a  jungo,  extrito  g,  in 
memoriam  illius  unionis,  qua  Romulus  et  T.  Tatius,  rex 
Sabinorum,  regnum  et  populum  junxerunt. 

Julius,  olim  Quintilis,  h.  e.  quintus  mensis  a  Martio,  ita 
appellatus  est  in  honorem  Julii  Cœsaris,  legem  ferente 
Marco  Antonio  consule,  quod  eo  mense  a.  d.  IV.  Idus  natus 
esset,  ut  apud  Macrob.  Sat.  i,  12  legitur. 

Augustus  olim  a  ioco  quem  a  Martio  obtinebat  Sextilis 
dictus,  in  Octavii  Gaesaris  honorem  Augusti  nomen  adeptus 
est,  quia  eo  mense  primum  consulatum  inierat,  ter  trium- 
phator  in  Urbem  ingressus  fuerat,yEgyptum  in  ditionem 
populi  Romani  redegerat  fmemque  imposuerat  bellis,  ut 
est  in  ipso  senatus  consulte  hac  de  re  lato  quod  a  Macrobio 
Sat.  I,  12  refertur. 

Reliqui  quatuor  menses  September  (2) ,  October,  November, 

(1)  Unde  Ovidius  l.  c.  : 

Tertius  a  senibJis,  juvenum  de  nomine  quartus. 

(î)  Respublica  Gallicana  ex  decrelo  24.  novemb.  1793.  inilium  auni 
ad  22.  septembris  Iransferens  duodecim  menses  ita  vocavit  :  Vendémiaire, 
Brumaire,  Frimaire;  Nivôse,  Ventôse,  Pluviôse;  Germinal,  Floréal,  Prai- 
rial ;  Messidor,  Thermidor,  Fructidor.   Et  hac  mutatio  quidem  adhiberi 


DE    COMPUTO    ECCLESIASTICO.  137 

Decemhei\,  siiiipliciter  nouien  liabeiit  a  loco  queiu  a  Martio 
Romulei  anni  exordio,  obtinent.  {Varro  Ling.  lat.  v,  Zj. 
Auson.  de  tnensibus.)  Et  quavis  er  sive  ber  nihil  nisi  terminatio 
esse  videatur,  sunt  tamen,  qui  nomen  etymologica  ratione 
resolvendum  putent  in  voces  septem,  octo,  novem,  decem^  et 
ùnber  eo  quod,  ut  aiunt  ipsi,  ab  itnbre  vocarentur  Septeni- 
ber,  October,  Noveuiber,  December,  quippe  his  mensibus 
notato  intervallo  pluviam  ad  vinderaiam  et  serendum  perne- 
cessariam  prisca  œtas  sibi  proniittebat  :  a  Decembri  vero 
desinunt  menses  ab  imbre,  quoniam  refert  agricoias  hiemes 
optare  serenas.  Ita  Fore.  Hinc  Cassiodorus,  Variarum  sive 
epistolarum  lib.  i,  35.  ait  :  Quod  ab  ipsis  quoque  mensibus 
datur  intelligi,  qiiando  ex  numéro  imbrium  futitrorum  compe- 
tenter  nomina  susceperuni .  Et  S.  hidor.  Eltjmol.  l.  v.  c.  33. 
cit.  :  Sepiember,  inquit,  nomen  habet  a  numéro  et  imbre,  quia 
septimns  est  a  Martio  et  imbres  habet.  Sic  et  October,  JSovember 
atque  December  ex  numéro  et  imbribus  acceperunt  vocabula. 
De  Ronianorum  mensibus  etiam  scripsit  Beda  Venerabilis 
de  Temporum  ratione  ce.  12.  et  13.  iPatrol.  Migne,  tom.  90. 
png.  3Zi7.),  quem  vide,  si  plura  vis  de  his  cognoscere. 

N.    N.,   Sacrorum  ca7ionum  Prof. 
(La  suite  au  prochain  numéro.) 


aKepublica  cœpta  esta.  1792,  sed  inox,  b.  e.  a.  1806,  nomina  prisliua 
suis  reddita  mensibus  fuerrnt,  ut  adeo  dici  de  gallicana  innovatione 
possit,  quod  priori  illi  raulationi  accidisse  narrât  Mlius  Lampridius, 
quam  Commodus  Antoninus  facere  lenlaverat,  nimirum  post  obilum  ejus 
in  senatu  acclamatum;  menses  his  nominibus  nuncupandos,  quibus  nuu- 
cupabantur,  quum  primum  illud  malum  in  rempublicam  incubuit.  [.■El. 
Lamp.  in  Vita  Commodi  Antonini.) 


LA    BIBLE 


ET    LA    SCIENCE    DE    LA    NATURE 


UiBEL  UND  NATLJR.  Vorlesunp;en  iiber  dio  mosaiclie  Urgescliichte  und 
ilir  Verliaeltniss  zu  deu  Ergobnis-eii  der  Natiirforschung.  Von  D'  F. 
H.  Reusch.  Freihnrjj,  Herder,  1862. — CûsmogoiNIA  natuhale  comparala 
col  Gcucsi,  del  P.  G.  15.  PlANCiANi,  D.  C.  D.  G.  Roma,  coi  tipi  dclla 
Civiltà  cattolica,  1862.  —  Études  géologique^?,  pliiloloi^iqaes  et  scrip- 
turales sur  la  Co?mo!ïouie  de  Moïse,  par  lo  I'.  Laurent,  prov.  des 
FF.  Min.  Capucins.  Paris,  Mme  vcuve  Paussi>Mgue-Rusaad,  1863. 


yualri'iae    arliolc  (1) 


VI. 


Les  bases  étant  maintenant  posées  pour  l'interprétation 
complète  du  premier  chapitre  de  la  Genèse,  et  les  princi- 
pales difficultés  résolues,  nous  passerons  rapidement  sur  le 
reste.  Il  nous  suffira  de  traduire  le  texte,  en  y  ajoutant 
quelques  courtes  observations  destinées  à  faire  ressortir  le 
système  cosmogonique  de  la  Bible.  G'e^t  là,  en  effet,  qu'on 
ne  l'oublie  point,  tout  ce  que  nous  nous  proposons  actuel- 
lement. Après  avoir  recherché  ce  que  la  Bible  enseigne  sur 
les  questions  d'origine,  nous  verrons  ce  que  la  science  dit 
à  son  tour,  et  nous  comparerons  ce  double  enseignement. 
((  6.  Et  Dieu  dit  :  Que  le  firmament  se  forme  au  milieu 
des  eaux,  et  qu'il  sépare  les  eaux  d'avec  les  eaux. 

(1)  V.  lome  VIII,  p.  193  ss.,  101  ss,,  515  ss. 


r.A    RIRLE    ET  LA    SCIENCE    UE   l.A    NVTURE.  130 

«  7.  Et  Dieu  lit  le  firniameiit,  et  il  divisa  les  eaux  qui 
sont  sous  le  firmament  d'avec  celle?  qui  sont  sur  le  firma- 
ment. Et  il  en  fut  ainsi. 

f(  8.  Et  Dieu  donna  au  firmament  le  nom  de  ciel.  Et  le 
soir  vint,  puis  le  matin  :  ce  fut  le  second  jour.  » 

A.près  le  premier  jour  et  la  création  de  la  lumière,  l'abîme 
porte  encore  dans  son  vaste-  sein  les  principes  des  choses. 
Le  chaos  cédera  peu  à  peu  devant  l'action  créatrice.  D'abord, 
le  firmament  apparaît,  les  eaux  se  divisent,  une  partie  s'é- 
lève vers  les  espaces  supérieurs,  tandis  que  l'autre  immerge 
toujours  le  globe.  Il  est  souvent  question  clans  l'Ecriture 
des  eaux  qui  sont  au-dessus  des  cicux,  qui  remplissent  les 
nues  et  qui  en  descendent  sous  forme  de  pluie  (1),  Qu'est- 
ce  que  le  firmament  ou  les  cieux  qui  les  divisent  d'avec  les 
eaux  inférieures,  et  leur  servent  en  quelque  sorte  de  récep- 
tacle? Le  mot  grec  employé  par  les  LXX,  ff-cspïwfjia,  et  le  mot 
latin  de  la  Vulgate,  fuiaamentum,  expriment  l'idée  de  sup- 
port, de  soutien.  L'hébreu  présente  une  notion  tin  peu  dif- 
férente, celle  d'étendue  (l^'^pl,  diduclum,  extenmm,expanxiim, 
de  la  racine  ^pl,  lutudit,  tundendo  crpandit).  C'est  un  voile, 
ou,  selon  l'expression  du  Psalmiste,  une  tente  jetée  sur  la 
terre  (-2)  ;  c'est  cette  voûte  que  nous  apercevons  au-dessus 
de  nos  tètes.   L'auteur  a  dû  employer  nécessairement  le 
langage  usuel  de  son  époque,  langage  qui  du  reste  ne  s'est 
point  modifié  avec  les  progrès  de  la  science,  et  que  nous 
employons  encore  aujourd'hui.  Peu  importe  le  sens  que 
ses  contemporains  et  lui  ont  pu  attacher  à  ces  formules.  Il 
suffit  que  leur  usage  soit  ici  justifié,  et  que  par  là  même 
elles  n'impliquent  point  une  erreur  (3) . 


(1)  Ps.  cm  {Héb.  civ%  3.   c^Lviii,  4.  —  Jer.  x,  13.  —  Job.  xxvi,  8.  — 
P3.  Lxxvi  (Héb.  Lxxvii),  18,  etc. 

(2)  Ps.  cm  (Héb.  civ),  a.  —  Is.  xl,  22. 

(3)  V.  mou  premier  article,  tomo  vni  de  celte  Revue,  p.  206  s. 


J  llO  L\    BIBLE 

«  9.  Et  Dieu  dit  :  Que  les  eaux  qui  sont  sous  les  deux  se 
rassemblent  en  un  même  endroit,  et  que  l'aride  apparaisse. 
Et  il  en  fut  ainsi. 

«  10.  Et  Dieu  donna  à  l'aride  le  nom  de  terre,  et  la 
réunion  des  eaux,  il  l'appela  mer  ;  et  Dieu  vit  que  cela 
était  bon. 

«  11.  Et  il  dit:  Que  la  terre  produise  à  sa  surface  de 
l'herbe,  des  plantes  donnant  leur  semence  selon  leur  espèce, 
et  des  arbres  donnant  des  fruits  qui  renferment  leur  semence 
selon  leur  espèce.   Et  il  en  fut  ainsi. 

«  12.  Et  la  terre  produisit  de  l'herbe,  des  plantes  donnant 
leur  semence  selon  leur  espèce,  et  des  arbres  donnant  des 
fruits  qui  renfermaient  leur  semence  selon  leur  espèce.  Et 
Dieu  vit  que  cela  était  bon. 

«  13.  Et  le  soir  vint,  puis  le  matin  :  ce  fut  le  troisième 
jour.  » 

Les  eaux  qui  recouvrent  la  terre  sont  à  leur  tour  concen- 
trées sur  une  partie  de  sa  surface  ;  la  portion  émergée  se 
recouvre  d'une  riche  végétation  qui  la  prépare  à  devenir  le 
séjour  des  êtres  vivants  et  spécialement  de  l'homme.  Les 
produits  du  règne  végétal  sont  ici  rapportés  à  trois  caté- 
gories, d'après  leurs  caractères  les  plus  saillants,  ou  plutôt 
d'après  l'aspect  général  qu'ils  présentent  à  l'extérieur.  Il 
y  a  l'herbe,  '^ISI,  c'est-à-dire  cette  couche  de  verdure,  cet 
amas  de  petits  végétaux  qui  recouvrent  le  sol  comme  d'un 
tapis  ;  atZ??,  les  plantes  à  tige  plus  élevée,  celles  dont  la 
floraison  et  la  fructification  est  bien  visible  ;  ■}*!?  enfin,  les 
arbres  proprement  dits.  A  propos  des  plantes  et  des  arbres 
seulement,  il  est  question  de  la  semence  qu'ils  produisent  : 
c'est  que  pour  les  cryptogames  et  autres  petits  végétaux 
appartenant  à  la  première  catégorie,  la  semence  existe  bien, 
mais  elle  se  dérobe  à  l'observation  vulgaire,  ou  du  moins 
elle  ne  peut  être  facilement  aperçue.  Il  était  tout  simple 
que  l'histoire  sacrée  laissât  dans  l'ombre  un  détail  tout 


ET    LA    SCIENCE    DE    LA    NATURE.  illl 

scientifique,  lequel  d'ailleurs  n'a  rien  de  commun  avec  le  but 
de  la  révélation. 

Au  V.  11,  j'ai  traduit  :  «  Que  la  terre  produise  à  sa  sur- 
face, etc.  »  J'ai  voulu  rendre  par  là  les  mots  f"lï;n"b9  {super 
te/ram),  qui  modifient  le  verbe  ïSfTn  {germinet)  placé  en 
tête  de  la  phrase,  en  ce  sens  que  les  trois  catégories  de 
végétaux  énumérées  serviront  à  revêtir  le  sol.  D'autres  les 
rapportent  aux  arbres,  qui  élèvent  fièrement  au-dessus  de 
la  terre  leurs  fruits  et  leur  semence.  Mais  cette  manière  de 
traduire  est  bien  moins  naturelle  ;  les  mots  n'impliquent 
pas  une  idée  d'élévation,  de  haute  stature  ;  il  faudrait  tout 
au  moins  flïiiïTb?»,  et  encore  la  construction  conserverait 
je  ne  sais  quoi  de  forcé. 

L'œuvre  des  trois  premiers  jours  est  achevée  ;  la  scène 
est  prête  pour  devenir  le  séjour  de  la  vie  :  il  ne  reste  plus 
qu'à  lui  donner  des  habitants.  Ce  sera  l'œuvre  des  trois 
derniers  jours.  Ceux-ci  répondent  aux  trois  premiers  par  un 
parallélisme  exact  :  il  y  a  deux  groupes  ternaires  de  créations 
coordonnées  avec  une  frappante  harmonie.  Au  premier  jour, 
la  lumière  est  créée  :  au  quatrième,  les  astres  en  deviennent 
les  dispensateurs  et  commencent  à  briller  dans  la  voûte  des 
cieux.  Au  second  jour,  le  firmament  apparaît,  les  eaux  su- 
périeures se  séparent  des  eaux  inférieures  :  au  cinquième, 
les  oiseaux  et  les  poissons  sont  créés,  les  hôtes  des  airs,  ou 
du  firmament,  et  ceux  des  eaux.  Au  troisième  jour,  la  terre 
émerge  du  fond  de  l'abîme  restreint  dans  ses  limites  et  les 
plantes  en  ornent  la  surface  :  au  sixième,  les  animaux 
viennent  prendre  possession  de  ce  séjour,  et  l'homme,  le 
roi  de  la  création,  apparaît  pour  y  dominer. 

Étudions  ce  complément  de  l'œuvre  divine. 

«  1/i.  Et  Dieu  dit  :  Qu'il  y  ait  des  luminaires  dans  le 
firmament,  pour  diviser  le  jour  et  la  nuit  ;  qu'ils  servent  de 
signes,  et  qu'ils  marquent  les  époques,  les  jours  et  les 
années. 


Iii2  L'i    BlCLli 

«  15.  Et  qu'ils  servent  de  luminaires  clans  le  firmament, 
afin  d'éclairer  la  terre.  Et  il  en  fut  ainsi. 

«  16.  Et  Dieu  fit  les  deux  grands  laminaires  :  le  plus 
grand,  afin  de  régner  sur  le  jour,  et  le  plus  petit,  afin  de 
présider  à  la  nuit,  ainsi  que  les  étoiles. 

«  17.  Et  Dieu  les  plaça  dans  le  firmament,  afin  d'éclairer 
la  terre, 

«  18.  De  régner  sur  le  jour  et  sur  la  nuit,  et  de  diviser 
la  lumière  et  les  ténèbres.  Et  Dieu  vit  que  cela  était  bon. 

«  19.  Et  le  soir  vint,  puis  le  matin  :  ce  fut  le  quatrième 
jour.  » 

Oui,  le  soleil  et  la  lune  sont  bien  les  deux  asti-es  par 
excellence,  les  deux  luminaires  qui  tour-à-tour  nous  servent 
et  éclairent  notre  monde.  Et  que  m'importe  qu'il  y  ait  des 
astres  en  réalité  cent  fois,  mille  fois  plus  considérables,  s'ils 
apparaissent  à  mon  regard  comme  un  point  lumineux  perdu 
dans  les  profondeurs  de  l'espace?  Par  rapport  à  moi,  par 
rapport  à  cette  terre  et  à  ses  habitants,  ils  sont  peu  de 
chose  et  leur  influence  est  à  peu  près  nulle.  Le  jugement 
de  l'œil,  ici,  a  bien  sa  parfaite  vérité.  Après  cela,  que  la 
science  fasse  ses  calculs  sur  la  grandeur  absolue  et  la  dis- 
tance respective  des  corps  célestes,  je  ne  m'y  oppose  en  au- 
cune façon,  ni  la  Bible  non  plus,  car  c'est  un  ordre  de  re- 
cherches tout-à-fait  en  dehors  du  cercle  d'idées  qu'elle 
embrasse. 

Les  corps  célestes  sont  destinés  en  outre  à  servir  de  signes 
pour  diriger  le  voyageur  et  le  nautonnier,  pour  indiquer  la 
pluie  et  le  beau  temps,  quelquefois  aussi  pour  annoncer  les 
conseils  divins  (1).  Ils  marquent  les  épocfiesào,?)  fêtes  et  des 
travaux,  de  tout  ce  qui  revient  à  intervalle  fixe  :  c'est  enfin 
d'après  leur  cours  qu'est  réglée  la  division  du  temps  en 
jours,  mois  et  années. 

(1;  MaUli   XXIV,  29.  —  Aijoc.  VI,  13.  viii,  10.  —  Ji;r.  x,  2,  etc. 


ET    LA    SClENCt:    DE    LA    NATURE.  I/|3 

La  Genèse  représente  les  astres  comme  placés  dans  le  fii- 
niament,  locution  usuelle,  basée  sur  les  apparences,  que 
Moïse  emploie  comme  tout  le  monde  et  d'où,  par  consé- 
quent, on  ne'peut  rien  conclure  par  rapport  à  ses  connais- 
sances astronomiques.  Au  reste,  rien  ne  nous  oblige  à  croire 
qu'il  ait  eu  en  astronomie  des  idées  autres  que  celles  de 
son  époque. 

((  20.  Et  Dieu  dit  :  Que  les  eaux  pullulent  d'une  quantité 
d'êtres  vivants,  et  que  les  oiseaux  voltigent  au-dessus  de  la 
terre,  à  la  surface  du  lir manient. 

«  21.  Et  Dieu  créa  les  grands  poissons,  et  tous  les  ani- 
maux rampants  que  les  eaux  firent  pulluler  selon  leur  espèce, 
et  tous  les  oiseaux  ailés  selon  leur  espèce.  Et  Dieu  vit  que 
cela  était  bon. 

«  22.  Et  Dieu  les  bénit  en  disant  :  Produisez,  multipliez- 
vous,  et  remplissez  les  eaux  de  la  mer,  et  que  les  oiseaux 
se  multiplient  sur  la  terre. 

«  23.  Et  le  soir  vint,  puis  le  matin  :  ce  fut  Je  cinquième 
jour.  » 

La  vie  commence  par  les  degrés  inférieurs  pour  s'élever 
par  la  suite  aux  plus  parfaits  :  les  poissons  et  les  oiseaux 
d'abord,  puis  les  animaux  terrestres  et  enfin,  l'homme, 
le, chef-d'œuvre  du  Créateur.  Le  texte  ne  dit  nullement  que 
les  animaux  furent  créés  par  couples  uniqiies  et  en  un  seul 
endroit.  On  peut  croire  au  contraire  qu'ils  commencèrent  à 
exister  en  grand  nombre,  et  sur  tous  les  points  du  globe: 
c'est  ce  que  semble  dire  expi-essément,  du  moins  pour  la 
quantité,  le  texte  du  v.  20  :  Que  les  eaux  pullulent  d'une 
quantité  d'êtres  vivants,  el  que  les  oiseaux  voltigent  au-dessus 
de  la  terre,  à  la  surface  du  firmament. 

«  2Zi.  Et  Dieu  dit  :  Que  la  terre  produise  des  êtres  vivants 
selon  leur  espèce,  les  quadrupèdes,  les  reptiles  et  les  bêtes 
des  champs  selon  leur  espèce.  Et  il  en  fut  ainsi. 

«  25.  Et  Dieu  fit  les  bêtes  des  champs  selon  leur  espèce, 


1A4  LA    BIBLE 

et  les  quadrupèdes  selon  leur  espèce,  et  tous  les  reptiles 
terrestres  selon  leur  espèce.  Et  Dieu  vit  que  cela  était 
bon.  » 

Le  règne  animal,  à  l'exception  des  oiseaux  et  des  poissons, 
créés  au  cinquième  jour,  est  rangé  sous  trois  catégories  : 
1°  M'cna,  qui  désigne  les  grands  quadrupèdes,  mais  spécia- 
lement les  animaux  domestiques,  comme  le  bœuf,  la  brebis, 
la  chèvre  ;  2»  ©"CI,  tout  ce  qui  rampe,  tout  ce  qui  n'a 
point  de  pattes  ou  n'en  a  que  d'imperceptibles,  car  l'hé- 
breu étend  cette  catégorie  des  reptiles  un  peu  au-delà  de 
ses  limites  naturelles  ;  3°  'j^l^n'n'^n,  les  bêtes  des  champs, 
tous  les  animaux  sauvages  qui  ne  sont  pas  directement 
destinés  au  service  de  l'homme,  mais  qui  vivent  en  liberté 
dans  les  bois  et  dans  les  plaines. 

Une  remarque  déjà  faite  trouve  ici  de  nouveau  son  appli- 
cation. Le  texte  ne  dit  point  que  les  animaux  furent  créés 
par  couples,  de  telle  sorte  qu'il  n'ait  existé  à  l'origine  que 
deux  individus  de  chaque  espèce  d'où  les  autres  soient  des- 
cendus. Il  est  plus  probable  qu'ils  furent  créés  simultané- 
ment et  en  grand  nombre  sur  tous  les  points  du  globe  alors 
habitables.  Mais  le  genre  humain  devait  avoir  ce  privilège 
d'une  dérivation  unique,  qui  rapproche  tous  les  hommes 
issus  d'une  même  souche  par  les  liens  d'une  fraternité  uni- 
verselle. L'enseignement  de  la  Bible  est  on  ne  peut  plus 
exprès  à  cet  égard  :  c'est  une  leçon  que  Dieu  a  tenu  à  nous 
inculquer,  parce  qu'elle  devait  avoir  la  plus  grande  influence 
rehgieuse  et  sociale,  et  qu'elle  est  d'ailleurs  la  base  de  l'é- 
conomie de  la  rédemption.  En  effet,  pour  que  tous  les 
hommes  soient  rachetés  par  le  Christ,  il  faut  que  tous  aient 
péché  en  Adam,  et  par  conséquent  que  tous  descendent 
de  lui. 

<(  26.  Et  Dieu  dit  :  Faisons  l'homme  à  notre  image,  selon 
notre  ressemblance,  et  qu'il  domine  sur  les  poissons  de  la 
mer,  sur  les  oiseaux  des  cieux,  sur  les  animaux  domestiques 


ET    LA    SCIENCE    DE    LA    NATURE.  145 

et  les  bêtes  des  champs  (1),  et  sur  tous  les  reptiles  qui 
rampent  sur  la  terre. 

«  27.  Et  Dieu  créa  l'homme  à  son  image  :  il  le  créa  selon 
l'image  de  Dieu  ;  il  le  (2)  créa  mâle  et  femelle. 

«  28.  Et  Dieu  les  bénit,  et  il  leur  dit  :  Produisez,  multi- 
pliez-vous, remplissez  la  terre  et  soumettez-la  à  votre 
empire  ;  dominez  sur  les  poissons  de  la  mer,  sur  les  oiseaux 
des  cieux  et  sur  tous  les  animaux  qui  se  meuvent  sur  la 
terre. 

«  29.  Et  Dieu  dit  :  Voilà  que  je  vous  ai  donné  toutes 
les  plantes  produisant  leur  semence  qui  sont  sur  toute  la 
surface  de  la  terre,  ainsi  que  tous  les  arbres  ayant  des 
fruits  garnis  de  leur  semence  :  cela  vous  servira  de  nour- 
riture. 

«  30.  Et  à  toutes  les  bêtes  des  champs,  à  tous  les  oiseaux 
du  ciel,  à  tout  ce  qui  rampe  sur  la  terre  et  est  animé,  j'ai 
donné  pour  nourriture  toutes  les  plantes  verdoyantes.  Et  il 
en  fut  ainsi. 

«  31.  Et  Dieu  vit  que  tout  ce  qu'il  avait  créé  était  très- 
bon.  Et  le  soir  vint,  puis  le  matin  :  ce  fut  le  sixième 
jour.  '» 

On  a  remarqué  bien  des  fois  la  solennité  de  ce  récit,  ce 
conseil  que  Dieu  tient  avec  lui-même  et  qui  indique  la  gran- 
deur de  l'œuvre  future.  On  a  remarqué  aussi  que  ce  pluriel  : 
Faisons  l'homme  à  notre  image,  est  un  indice  du  dogme  de  la 
Trinité,  qui  appartient  à  la  révélation  du  Nouveau-Tes- 
tament, mais  dont  on  trouve  aussi  des  vestiges  dans  l'An- 

(1)  Le  Clerc,  Ilgon,  Ewald,  D°lilz5cli,  suivant  eu  cela  la  version 
syriaque  pensent  qu'il  faut  rétablir  dans  le  texte  le  mot  Vi^Tl  entre 
bSDI  et 'J'I^M.  Cette  conjecture,  qui  e^t  très-plausihle,  n'a  cependant 
nas  fiour  elle  l'autorité  des  témoins  critiques.  Knol>el  traduit  de  la  même 
manière,  sans  rien  changer  au  texte,  en  comparant  l'usage  du  mot 
V^ïiin  dans  Gen.  ix,  13,  19;  XI,  1,  et  Job.  xu,  8. 

(•2)  Mot  à  mot,  il  les  créa  mûl-i  et  femelle,  formule  qui  indique  la 
dualité  et  la  séparation.  V.  le  récit  plus  détaillé  du  ch.  a. 

llbWlK   itS  SclE.NXtS  £:CCl.f.S;A;TiQL't?,    T.    IX  ^^^- 


ihQ  LA   BIDLE 

cien  (1).  La  création  de  l'homme  est  reprise  et  racontée 
avec  plus  de  détails  dans  le  chapitre  second  :  il  est  donc 
nécessaire  d'y  recourir  afin  d'avoir  quelque  chose  de  com- 
plet. Ici,  le  fait  est  exposé  d'une  manière  sommaire,  et 
qui  laisse  dans  l'ombre  des  circonstances  très-importantes, 
le  sommeil  d'Adam,  l'origine  particulière  et  distincte  de  la 
femme,  l'état  primitif  des  pères  du  genre  humain,  l'insti- 
tution du  mariage  avec  son  caractère  d'unité  et  d'indisso- 
lubilité. En  revanche,  il  y  a  un  point  de  vue  qui  ressort 
plus  particulièrement  au  chapitre  premier:  c'est  l'empire  de 
l'homme  sur  les  animaux.  Dieu  l'établit  roi  de  la  création. 
Et  bien  que  par  sa  chute  il  ait  perdu  beaucoup  de  son  au- 
torité, il  continue  toujours  à  exercer  une  sorte  de  domination 
sur  les  animaux,  alors  même  qu'ils  sont  doués  d'avantages 
physiques  supérieurs  aux  siens.  Il  les  subjugue  par  les  in- 
ventions de  son  génie  :  que  dis-je  ?  Sa  présence  seule  suffît 
souvent  pour  les  intimider:  les  plus  farouches,  dans  les  cir- 
constances ordinaires,  quand  ils  ne  sont  point  pressés  par 
l'aiguillon  impérieux  de  la  faim,  prennent  la  fuite  à  l'aspect 
de  l'homme. 

Le  verset  29  donne  lieu  à  une  difficulté  spéciale.  En  assi- 
gnant pour  nourriture  à  nos  premiers  pères  les  produits  du 
régne  végétal.  Dieu  a-t-il  voulu  leur  interdire  la  chair 
des  animaux?  Le  texte  ne  contient  pas  de  défense  expresse 
et  directe.  Peut-être  les  hommes  les  plus  pieux  s'abstinrent- 
ils  jusqu'à  la  concession  positive  faite  après  le  déluge  (2). 
Mais  les  troupeaux  nourris  parAbel  semblent  indiquer  des 
habitudes  contraires  :  le  lait  et  la  laine  n'étaient  sans  doute 
pas  les  seuls  produits  recherchés  par  ceux  qui,  dès  lors, 
réunissaient  un  grand  nombre  de  brebis  et  de  chèvres.  Puis 
l'usage  des  sacrifices  existait  déjà;  et  n'est-il  pas  probable 


(Ij  V.  mon  tleuxièaie  article,  t.  viii,  p.  404. 
(2)  Gon.  IX,  3. 


ET   LA    SCIENCE    DE   LA    NATURE.  l/l? 

que  ceux  qui  en  offraient  prenaient  part  à  la  victime?  En 
tout  cas,  le  texte  de  la  Genèse  i,  29,  ne  nous  paraît  pas 
impliquer  une  prohibition  proprement  dite  (1). 

A  plus  forte  raison  ne  faut-il  pas  urger  dans  un  sens  res- 
trictif le  verset  30,  comme  si  tous  les  animaux,  avant  le 
péché  du  premier  homme,  avaient  été  herbivores.  Saint 
Thomas  ne  craint  pas  de  qualifier  cette  prétention  comme 
absurde  (2).  Il  n'est  pas  plus  exact  d'enseigner  avee  les  pié- 
tistes  qu'avant  la  révolution  opérée  parla  chute  primitive,  les 
animaux  étaient  comme  l'homme  exempts  de  la  maladie  et  de 
la  mort,  qu'ils  ne  s'attaquaient  point  les  uns  les  autres,  etc. 
C'est  là  une  imagination  qui  n'a  aucun,  fondement  dans  le 
texte  sacré.  Il  est  bien  dit  dans  l'épître  aux  Romains  que  la 
mort  est  entrée  dans  le  monde  par  le  péché  :  mais  il  est 
clair  qu'il  s'agit  là,  comme  dans  le  troisième  chapitre  de  la 
Genèse,  delà  mort  relativement  à  l'homme. 

«  II,  1.  Alors  furent  achevés  les  cieux,  la  terre  et  tout  ce 
qui  les  peuple. 

«  2.  Et  Dieu  termina  au  septième  jour  le  travail  qu'il 
avait  accompli,  et  il  se  reposa  le  septième  jour  du  travail 
qu'il  avait  accompli. 


(1)  «  Hinc  cominuiiior  Patrum  et  Docloruiu  soiitcnlia  esl,  homines 
usqiie  ad  ililuviuui  in  ciljo  ila  fiugales  fuis3(",  ut  herbis  et  fruclibus 
vescereulur,  carnibus  vero,  aeque  ac  viiio,  abstiuercnt,  idque  non  ob 
aliquod  Dei  prœceptum,  sed  ob  religionem  quamdaui  inde  ualam,  qnod 
uecdum  Dcus  carLium  et  viui  usum  expresse  et  diserte  coticessisset.  » 
Cornel'us  a  Lapide,  in  L.  1. 

(2)  Hoc  esl  oiunino  irrationabiUi  :  non  euim  p  <r  peccatum  liominls  na- 
tuia  auimaliuin  est  luutala,  ut  quibiis  nuuc  ualurale  est  comedere  alio- 
rum  auimalium  caruos,  tune  vixisscnt  de  herbis,  sicut  leones  et  falcones. 
Nec  Glos.  Bed.'P,  dicilGen.  i,  quod  ligua,  et  herbaedatœsunt  omnibusauima- 
libus  et  avibas  in  cibum,  sed  quibnsdam.  Fuisset  erfjo  naturalis  discordia 
inter  quaedam  auimalia.  Nec  tamen  propter  boc  subtraherentur  dominio 
houiinis,  sicut  nec  nuuc  propter  hoc  subtrahuutur  dominio  Dei,  cujus 
provideutia  hoc  totum  dispensatur.  Ethujiis  provideutiœ  homoexecutor 
fuisset;  ut  eliani  nunc  apparet  iu  animalibus  domesticis.  Miuistrantur 
enlta  fulcouibus  domesticis  per  homines  gallinae  in  cibum.  »  S.  Thom., 
I  p.,  q.  9»;,  a.  i,  ad  2. 


148  LA    BIBLE 

«  3.  Et  Dieu  bénit  le  septième  jour,  et  il  le  sanctifia, 
parce  qu'en  ce  jour  il  se  reposa  de  tout  son  travail  qu'il 
avait  accompli  en  créant.  )> 

Dieu  termina  son  travail  au  septième  jour,  c'est-à-dire 
qu'il  le  cessa  :  son  œuvre  avait  été  achevée  pendant  les  six 
jours  qui  précédèrent.  Nous  touchons  ici  à  l'un  des  points 
culminants  de  la  narration.  Ce  repos  divin  est  le  type  du 
repos  prescrit  à  l'homme  après  les  travaux  de  la  semaine, 
qui  courbent  son  front  vers  la  terre,  et  qui  l'empêchent  de 
songer  d'une  manière  suffisante  à  sa  destinée  supérieure, 
aux  moyens  de  l'atteindre.  Comme  Dieu  se  renferma  le 
septième  jour  dans  le  repos  de  son  éternité,  ainsi  nous  de- 
vons ce  jour-là  renoncer  à  toute  occupation  extérieure  et 
absorbante  pour  vaquer  plu^  spécialement  à  la  prière  et 
nous  occuper  des  intérêts  de  notre  âme. 


VII. 


Tel  est  le  système  cosmogonique  exposé  dans  la  Genèse 
comme  introduction  à  l'histoire  de  l'humanité  déchue  et 
régénérée  par  le  Christ.  Quand  je  dis  système  cosmogonique, 
il  faut  entendre  ce  mot  dans  un  sens  large,  car  la  Bible  n'a 
pas  prétendu  nous  renseigner  sur  les  questions  d'origine, 
si  ce  n'est  accessoirement  et  en  tant  qu'elles  se  rapportent 
à  son  but  religieux.  Il  y  a  donc  des  données  éparses,  point 
de  système  proprement  dit,  et  encore  moins  de  système 
scientifique.  Ces  données  sont  comprises  en  entier  dans 
Gen.  I,  1  —  II,  3.  Ce  qui  suit  n'y  ajoute  rien  d'essentiel. 
L'historien  sacré  reprend  en  quelques  mots  la  création  des 
plantes,  afin  de  parler  du  paradis  de  délices  planté  par  Dieu 
dès  l'origine  ;  il  raconte  en  détail  la  création  de  l'homme  ; 
il  joint  à  ce  récit  celui  de  la  chute  originelle  avec  ses  con- 
séquences. Tout  cela  est  d'un  importance  suprême  au  point 
de  vue   de  l'économie   divine,  mais  ne  touche  plus  à  la 


ET    LA    SCIENCE    DE    LA    NATURE.  140 

science  profane  que  par  des  côtés  très  -  accessoires.  Je 
ne  vois  guère  surgir  ici  qu'une  question  géographique 
relative  aux  fleuves  du  paradis  terrestre.  Je  le  répète,  sur 
les  origines  du  monde,  le  chapitre  premier  de  la  Genèse 
renferme  d'une  manière  complète  les  notions  qu'il  est  pos- 
sible de  tirer  de  la  Bible.  Nous  pouvons  et  nous  devons  nous 
en  tenir  là. 

Si,  en  nous  appuyant  sur  les  recherches  précédentes, 
nous  voulons  résumer  d'une  manière  exacte  ce  qui  est 
renfermé  dans  ce  chapitre,  nous  distinguerons  l'enseigne- 
ment religieux  qui  en  forme  le  contenu  essentiel,  —  et  le 
cadre  ou  les  accessoires  avec  lesquels  cet  enseignement  se 
présente. 

Les  doctrines  religieuses  fondamentales  sont  celles-ci  : 

1°  Dieu  est  l'auteur  de  tout  ce  qui  est,  non-seulement  de 
la  matière  qu'il  a  créée,  tirée  du  néant,  mais  aussi  de  toutes 
les  formes  de  l'existence  sans  exception.  Tout  est  l'œuvre 
de  sa  puissance,  tout  est  sorti  bon  et  pur  de  ses  mains. 

2"  Le  repos  du  Sabbat  est  d'institution  divine  :  les  six 
moments  ou  les  six  jours  de  la  création  couronnés  par  le 
repos,  sont  le  type  de  la  semaine  d'ici-bas. 

Ainsi  un  Dieu  distinct  du  monde,  personnel,  auteur  de 
toutes  choses  ;  un  jour  par  semaine  consacré  à  un  repos 
religieux,  à  un  repos  sanctifié,  voilà  les  deux  grandes  leçons 
inscrites  au  frontispice  de  nos  Livres  saints. 

Cet  enseignement  se  meut  dans  un  cadre  qui  touche  à 
beaucoup  de  questions  du  ressort  de  la  science  humaine. 
Voici,  à  cet  égard,  les  données  qui  resscii"tent  du  récit. 

1"  Une  période  anté-historique,  pendant  laquelle  règne  un 
chaos  dont  nous  ignorons  les  causes  et  la  durée  :  ténèbres 
complètes  comme  sur  la  surface  de  l'abîme. 

2°  L'histoire  et  les  indications  chronologiques  commencent 
avec  la  parole  qui  fait  jaillir  la  lumière  comme  premier  élé- 
ment de  l'ordre  de  choses  qui  va  naître  par  des  inter- 
ventions multiples  de  la  cause  créatrice. 


ibO  LA   BIBLE 

3"  L'œuvre  ^totale  s'accomplit  en  six  jours,  selon  une 
marche  naturelle  ascendante,  qui  est  indiquée  d'une  manière 
précise  et  dont  il  faut  évidemment  tenir  compte.  D'après 
les  ternies  et  le  sens  général  du  récit,  ces  jours  sont,  non 
pas  des  périodes  indéterminées,  mais  des  jours  ordinaires 
de  vingt- quatre  heures. 

A"  A  la  différence  des  espèces  animales,  qui  ne  semblent 
point  procéder  d'un  couple  unique,  un  seul  homme  est  créé 
avec  sa  compagne  pour  devenir  la  souche  commune  du  genre 
humain. 

Ainsi,  la  durée  hmitée  de  la  création,  l'ordre  suivi  par  le 
Créateur,  l'unité  de  l'espèce  humaine,  voilà,  ce  semble,  les 
trois  points  qui  mettent  le  récit  mosaïque  en  contact  avec 
la  science  profane.  Sur  le  premier,  les  exégètes  sont  loin 
d'être  d'accord.  Beaucoup,  nous  l'avons  dit,  donnent  au 
mot  jour  une  signification  plus  étendue,  qu'ils  cherchent  à 
établir  par  des  arguments  philologiques  ou  autres.  Nous 
avons  dit  combien  leur  argumentation  est  défectueuse. 
Nous  ne  croyons  point  que  les  principes  d'une  saine  exégèse 
permettent  de  changer  ainsi  la  signification  constante  d'un 
mot,  signification  qui  est  confirmée  encore  par  des  preuves 
tirées  du  contexte  immédiat  et  du  but  du  récit. 

Au  reste,  nous  n'hésitons  pas  à  déclarer  que  c'est  une 
question  purement  exégétique,  à  résoudre  par  des  arguments 
exégétiques.  C'est  à  ce  point  de  vue  que  nous  nous  sommes 
placé.  On  a  tort  d'invoquer  ici  l'autorité  de  la  tradition, 
d'abord  parce  que  ce  n'est  pas  une  question  doctrinale,  et 
que  le  suffrage  des  Pères,  tout  respectable  qu'il  est,  n'a  une 
force  décisive  que  in  rébus  fidci  et  moruni  ;  ensuite,  parce 
que  les  Docteurs  de  l'Église  ne  sont  même  pas  d'accord  sur 
ce  point,  et  que  l'École  le  regarde  comme  abandonné  à  la 
libre  discussion.  Pour  ne  parler  que  du  plus  illustre  des 
Pères,  saint  Augustin  proclame  qu'il  nous  est  difficile  ou 
même  impossible  de  dire  ce  que  sont  les  jours  de  la  création  : 


ET    LA    SCIENCE    DE    LA    NATURE.  151 

Qui  (lies  ciijusmodi  sunt,  aut  perdifficile  nobis,  aul  etiam  impos- 
sibile  est  cogilnre^  quanto  magis  dicere  (l).  Il  va  jusqu'à  en- 
seigner en  plusieurs  endroits  de  ses  ouvrages  que  l'œuvre 
entière  de  la  création  s'est  accomplie  en  un  instant,  et  il 
explique  les  six  jours  d'une  manière  allégorique  (2).  Certes, 
cette  hardiesse  d'interprétation,  que  l'Ecole  est  loin  de 
repousser  (3) ,  laisse  loin  derrière  elle  l'hypothèse  des  jours- 
époques. 

E.  HAUTCcœuR. 


(1)  De  civil.  Dei,  xi,  G. 

(2)  De  civit.  Dei,  xt,  7,  99.  30.— Dt-  Gcn.  ai  litt.  1.  iv,  52  ss.  pr.  2G,  27, 
33.  1.  V,  1,  3,  5. 

(3^  Cf.   S.  Tliom.,   \  p.,  qiiaesl.  «6  ss.  —  Alensis,  ii    p.,   quaeit.    44, 
mcmbr.  3,  et  qutcàl.  46.  —  Albeiius  iMagii.,  ia  2,  disl.  15,  art.  l. 


LETTRE 


de  S.  E.  le  C ardinal- Archevêque  de   Lyon  au  cler<jé  de 
son  diocèse,  touchant  la  question  liturgique. 


RoinCj  le  4  février  J804. 

Nos  chers  coopérateurs, 

J'ai  conduit  aujourd'hui  à  l'audience  de  Sa  Sainteté  les 
curés  du  diocèse  de  Lyon  qui  étaient  venus  lui  présenter  une 
supplique  relative  à  notre  liturgie.  Le  Pape  a  exigé  que  je 
fusse  présent  à  cette  audience.  Sa  Sainteté  a  reçu  MM.  les 
curés  avec  son  affabilité  ordinaire.  Il  n'a  pu  être  question 
de  la  supplique  ;  le  Souverain-Pontife  n'a  pas  voulu  la  rece- 
voir. 

Voici  les  paroles  qu'il  a  adressées  à  WSi.  les  curés  : 
«  Vous  avez  désiré,  Messieurs,  conserver  votre  ancienne 
u  liturgie.  Rien  de  plus  juste  :  vous  la  conserverez.  Nous 
«  avons  seulement  rétabli,  en  quelques  points  presque  im- 
«  perceptibles,  ce  qu'on  avait  changé  dans  vos  rites.  Ainsi, 
«  par  exemple,  le  samedi  saint,  à  la  bénédiction  du  feu, 
«  l'archevêque  ou  le  prêtre  célébrant,  au  lieu  d'être  revêtu 
«  de  l'habit  de  chœur,  sera  revêtu  de  la  chape  ou  pluvial.  Il 
«  en  sera  ainsi  de  quelques  autres  changements  de  ce  genre 
«  dans  votre  liturgie. 

«  Mais  votre  bréviaire  et  votre  missel  n'appartiennent  pas 
«  à  votre  antique  liturgie.  M.  de  Montazet  et  le  Parlement 


LETTRE   DE   S.   E.    LE    GARD.  DE  DONALD.  153 

«  VOUS  les  ont  donnés,  et  par  ce  fait  avaient  déshonoré  votre 
«  magnifique  liturgie.  Il  faudra,  peu  à  peu  et  avec  prudence, 
«  faire  disparaître  ces  taches. 

«  Je  vous  avoue,  Messieurs,  que  mon  cœur  a  été  blessé 
«  de  l'agitation  qui  s'est  produite  dans  le  clergé  de  Lyon, 
«  de  ce  diocèse  qui  nous  donne  tant  de  consolation,  et  qui 
«  est  si  cher  à  notre  cœur.  Nous  avons  été  profondément 
u  aflligé,  lorsque  nous  avons  lu  dans  les  journaux  ces  ar- 
ec ticles  qu'on  y  a  insérés  au  sujet  du  changement  de  bré- 
((  viaire,  et  surtout  lorsque  nous  avons  appris  qu'on  avait 
«  eu  recours  à  l'autorité  civile.  Le  ministre  a  écrit  à  l'am- 
«  bassadeur,  comme  si  l'autorité  civile  avait  quelque  chose 
((  à  voir  dans  ces  questions  liturgiques.  Ces  questions  ne 
«  regardent  que  l'Église,  le  Vicaire  de  Jésus-Christ  et  votre 
a  Archevêque.  On  ne  pouvait  pas  me  faire  une  plus  grande 
«  peine  que  de  suivre  cette  marche.  Imitez  cet  admirable 
«  épiscopat  français,  si  obéissant  à  notre  autorité,  si  dévoué 
«  aux  intérêts  de  l'Église,  si  appliqué  à  ses  devoirs,  et  qui, 
«  dans  nos  malheurs,  nous  a  donné  de  si  touchantes  preuves 
«  de  son  attachement  et  de  sa  fidélité. 

«  Du  reste.  Messieurs,  on  ira  avec  prudence  dans  l'intro- 
«  duction  du  bréviaire  et  du  missel  romains.  On  commen- 
ce cera  par  donner  le  nouveau  bréviaire  aux  nouveaux  sous- 
((  diacres,  et  peu  à  peu  tout  rentrera  dans  l'ordre.  Vous 
«  n'oublierez  jamais  l'obéissance  que  vous  devez  au  Vicaire 
«  de  Jésus-Christ  et  à  votre  Archevêque.  Que  la  bénédiction 
«  du  Père,  du  Fils  et  du  Saint-Esprit  descende  sur  vous.  » 

Voilà,  mes  chers  coopérateurs,  les  paroles  que  le  Pontife 
suprême  nous  a  adressées  ce  matin.  Nous  les  conservons 
dans  notre  cœur,  pour  en  faire  la  règle  de  notre  conduite. 

Agréez,  mes  chers  coopérateurs,  l'assurance  de  mon 
inviolable  attachement. 

t  L.-J.-M.  Card.  de  Donald, 
Archev.  de  Lyon. 


ÉTUDES  SUR  LA  PRÉDICATION   (r 


De  l'Étnde  des  Pères,  nécessaire  aux  î»rérticalcurs. 


Après  les  saintes  Écritures  on  doit  étulier  les  écrits  des  Pères  :  Po!^( 
Scripltiras  sacras,  doctorum  homintim  tractatus  lege,  dit  saint  Jt^- 
rôme(2).  Sans  doute,  les  Pères  n'ont  pas  le  caractère  divin  des  Écri- 
tures, ils  ne  sont  pas,  individuellement  et  sur  toutes  choses,  à  l'abri  de 
l'erreur;  ils  sont  néanmoins  nos  guides,  et  le  concile  d'Ephèsc  les 
appelle  luminarla  mundi. 

Presque  tous  ont  été  pasteurs  des  âmes  ;  tous  ont  enseigné  la  doctrine 
chrétienne  ;  on  ne  saurait  trouver  des  modèles  plus  accomplis  du  pré- 
dicateur évangélique.  La  sainteté  de  vie,  le  zèle  à  travailler  au  salut 
des  peuples,  l'orthodoxie  de  l'enseignement,  la  profondeur  de  la  science, 
l'éclat  de  l'éloquence,  tels  sont  les  titres  avec  lesquels  ils  se  présentent 
à  nous  ;  en  est-il  de  plus  dignes  de  fixer  l'attention  de  tous  ceux  qui 
veulent  exercer  avec  fruit  le  ministère  de  la  parole? 

C'est  surtout  quand  il  s'agit  de  prêcher  les  austères  devoirs  du 
Christianisme,  que  l'orateur  doit  être  le  vii'  probus  ;  on  exige  de  lui 
impérieusement  qu'il  commence  par  faire  avant  d'enseigner  ;  le  prêtre 
qui  pourrait  être  soupçonné  d'avoir  lui-même  les  faiblesses  et  les  vices 
qu'il  reproche  au  peuple,  serait  d'avance  assuré  de  voir  ses  travaux 
frappés  de  stérilité. 

Selon  l'usage  des  premiers  temps,  les  fidèles  choisissaient  eux-mêmes 
leurs  pasteurs.  Les  saints  Pères  durent  à  leuréminente  sainteté  d'être 

(1)  V.  loin?  VIII  de  celia  Reiue.  p.  381,  538. 
{ï)  Ep'stola  nd  Furiam  viduam. 


ÉTUDES    SUR    LA    PRÉDICATION.  155 

élevés  sur  la  chaire  épiscopale  ;  leur  mérite  ctnitsi  éclatant  que  souvent 
on  les  nommait  par  acclamation  ;  loin  Je  désirer  les  dignités  et  les 
honneurs,  ils  ne  les  envisageaient  qu'avec  effroi  ;  il  fallait  employer  la 
violence  pour  triompher  des  répugnances  qu'ils  manifestaient  toujours 
et  que  quelquefois  ils  poussèrent  jusqu'à  l'excès.  Mais  à  quelle  école  se 
formèrent  les  Pères?  Ils  étaient  persuadés  que  c'est  dansl'éloignement 
du  monde  qu'il  faut  apprendre  à  le  haïr  et  à  le  combattre  ;  aussi  la 
plupart  demandèrent-ils  à  la  solitude  du  désert  et  à  l'austérité  de  la 
vie  monastique  le  secret  des  vertus  qui  excitèrent  l'admiration  univer- 
selle. Saint  Jean  Chrysoslôme  à  peine  baptisé  et  fait  lecteur  de  l'Église 
d'Antioche,  songea  à  aller  s'unir  aux  pieu.x  solitaires  de  la  Syrie  ;  les 
larmes  de  sa  mère  retardèrent,  il  est  vrai,  pour  un  temps,  l'accom- 
plissement de  son  dessein,  mais  bientôt,  pour  se  dérober  aux  in- 
stances des  chrétiens  qui  voulaient  le  faire  évoque,  il  so  relira  dans 
une  solitude  voisine  d'Antioche.  C'est  au  fond  d'une  caverne  qu'il  com- 
posa le  traité  du  Sacerdoce,  manuel  admirable  de  perfection  ecclésia- 
stique, ainsi  que  divers  ouvrages  sur  la  vie  religieuse,  où  il  peint  de  la 
manière  la  plus  touchante  les  avantages  et  les  joies  ineffables  de  cette 
sainte  profession. 

Saint  Basile  avait  aussi  habité  le  désert,  et  il  y  avait  poussé  jusqu'à 
l'excès  les  rigueurs  de  la  pénitence.  Saint  Grégoire  de  Nazianzo,  son 
ami,  disait  de  lui,  à  l'ocrasion  de  son  extrême  pâleur, que  son  corps  pa- 
raissait presque  inanimé.  Saint  Basile  nous  apprend  lui-môsnc  qu'il 
traitait  sa  chair  comme  une  esclave  toujours  prête  à  se  révolter  (I),  Par 
suite  de  ces  austérités  il  était  sujet  à  des  infirmités  fréquentes  et  même 
continuelles.  Rien  ne  nous  apprend  que  saint  Augustin  ail  [)ratiqué  la 
vie  cénobitique,  mais  presque  immédiatement  après  sa  conversion,  il  se 
relira  dans  la  solitude  des  champs,  pour  s'y  livrer,  dans  la  société  de  sa 
pieuse  mère  et  de  ses  amis,  à  l'étude  et  à  la  prière. 

Elevés  à  l'Episcopat  et  placés  souvent  sur  les  sièges  les  plus  illustres, 
les  saints  Pères  ne  se  crurent  pas  autorisés  à  sortir  de  leur  simplicité 
apostolique. 

Tandis    qu'il  enrichissait  Césarée  de  monuments  somptueux,  et 

(1.)  Godescard,   Vie  de  saint  liasilc,  t.  vi,  p.  250. 


150  ÉTUDES    SUR    LA   PRÉDICATION. 

notamment  d'un  hospice  qui  ressemblait  à  une  ville,  Basile  n'avait 
qu'une  seule  tunique  et  se  nourrissait  de  légumes  grossiers. 

La  vie  de  Chrysostôme  à  Conslanlinople  devint  la  censure  des  prêtres 
mondains,  des  courtisans  et  des  riches  matrones,  qui  se  liguèrent  pour 
le  perdre.  C'est  le  saint  qui  nous  l'apprend  lui-même  dans  l'homélie 
qu'il  prononça  avant  de  partir  pour  l'exil.  «  Vous  savez,  dit- il,  vous 
«  savez  mes  amis  la  véritable  cause  de  ma  perte  :  c'est  que  je  n'ai  point 
«  tendu  ma  demeure  de  riches  tapisseries,  c'est  que  je  n'ai  point  re- 
«  vêtu  des  habits  d'or  et  de  soie,  c'est  que  je  n'ai  point  flatté  la  mol- 
n  lesse  et  la  sensualité  de  certaines  gens  (1).  » 

Le  plus  illustre  des  prédécesseurs  de  saint  Chrysostôme,  saint  Gré- 
goire de  Nazianze,  s'était  exprimé  dans  le  même  sens  pour  répondre  à 
ceux  qui  lui  reprochaient  de  porter  trop  loin  la  simplicité  de  son  exté- 
rieur, a  Je  ne  savais  pas,  dit-il,  qu'il  fût  de  mon  devoir  de  le  disputer 
((  en  faste  aux  consuls,  aux  gouverneurs  et  aux  généraux  d'armée, 
a  J'ignorais  qu'on  put  se  servir  du  bien  des  pauvres  pour  se  couvrir 
a  délicatement,  pour  monter  un  beau  cheval,  pour  se  faire  traîner 
«  dans  un  char  pompeux,  jiour  entretenir  une  foule  de  do- 
«  mesli  jues  ('2).  » 

Quand  saint  Augustin  fut  faitévéqued'Hippone,  il  vécut  en  commu- 
nauté avec  ses  clercs,  et  la  règle  qu'il  avait  adoptée  est  si  parfaite,  que 
la  plupart  des  congrégations  qui  ont  été  fondées  dans  la  suie,  l'ont 
pratiquée  sur  la  recommandation  du  Saint-Siège,  et  à  la  grande  édifi- 
cation des  fidèles. 

Après  ce  qui  a  été  dit,  nous  ne  nous  étonnerons  pas  que  les  saints 
Pères  aient  été  placés  dans  l'Église  pour  être  comme  Jérémie,  in 
dv'italem  viunUam,  et  in  columnam  ferream,  et  in  miirim  œreum,  su- 
per omneni  terrain^  regibus  Juda,  pnncipibns  ejus,  et  sacerdotibus,  et 
populo  lerrx  (5)  ;  nous  saurons  pourquoi  ils  ont  exercé  avec  une  sainte 
intrépidité  et  une  noble  indépendance,  le  ministère  dt3  la  prédication. 

L'antiquité  sera  toujours  la  source  pure  où  devra  s'inspirer  le 
prêtre  qui  voudra  se  rendre  digne  de  sa  vocation  ;  c'est  à  cette  source 

(1)  Tora.  3,  p.  415. 

(2)  Ov.  32. 

(3)  Jcr.  I,  18. 


ÉTUDES   SUR    LA    PRÉDICATION.  157 

qu'ont  puisé  les  Charles  Borromde  et  les  Vincent  de  Paul,  quand  ils 
ont  entrepris  de  réformer  le  clergé,  et  de  [iréparer  à  l'Église  des  mi- 
nistres selon  le  cœur  de  Dieu.  En  lisant  les  ouvrages  des  Pères,  nous 
sommes  singulièiement  touchés  d'y  retrouver  les  sainles  règles  qui  ont 
dirigé  notre  éducation  cléricale,  et  les  pieuses  maximes  que  suivaient 
avec  tant  de  générosité  ces  vénérables  anciens  du  sanctuaire  que  dans 
notre  jeunesse  nous  aimions  à  regarder  comme  nos  pères  et  nos  mo- 
dèles. S'il  ne  nous  est  pas  permis  d'égaler  des  vertus  poussées  jusqu'à 
l'héroïsme,  les  grands  exemples  que  l'étude  des  Pères  retracera  à  nos 
yeux,  nous  ins|)ireront  un  nouveau  courage  pour  édifier  les  peuples 
par  une  conduite  paifailcment  régulière,  par  une  vie  toute  sacerdotale  ; 
c'est  la  première  disposition  nécessaire  à  celui  qui  veut  annoncer  avec 
fruit  la  parole  de  Dieu. 

Sanctifié  à  l'école  des  P.  res,  le  prédicateur  trouvera  dans  leurs 
écrits  tous  ce  qu'il  est  obligé  d'enseigner  aux  peuples.  L'interprétalion 
de  l'Écriture  y  occupe  la  première  place  :  soit  qu'ils  l'expliquent  dans 
le  sens  moral,  ou  dans  le  sens  littéral,  leurs  discours  offrent  les  dé- 
tails les  plus  ingénieux,  les  plus  louchants,  et  les  principes  les  plus 
sûrs  pour  établir  les  dogmes  de  la  foi  chrétienne.  Si  les  explications 
morales  n'ont  rien  de  rigoureux  pour  l'enseignement  catholique,  le 
consentement  des  Pères  sur  les  points  de  doctrine  est  un  des  lieux  théo- 
logiques les  plus  solides,  les  plus  féconds  ;  c'est  l'organe  infaillible  de 
la  Tradition. 

Les  premiers  protestants  n'osèrent  le  nier  ;  ils  furent  forcés  de  con- 
venir que  la  doctrine  des  premiers  siècles  était  pure  de  toute  erreur,  et 
on  sait  avec  quel  succès  les  défenseurs  de  la  foi  romaine  ont  tourné 
contre  les  sectaires,  les  témoignages  qu'ils  avaient  essayé  d'mvoquor 
en  faveur  de  leur  cau.'îe.  Bossuet  a  dit  quelque  part,  que  l'amour  de 
l'église  anglicane  pour  l'antiquité  finirait  par  la  ramener  à  l'unité. 
Les  membres  les  plus  doctes  des  universités  de  Cambridge  et  d'Oxfotd 
se  sont  livrés  de  toui  temps,  mais  surtout  dans  ce  siècle,  à  l'élude  des 
Pères,  et  on  sait  ce  qui  est  arrivé  ;  les  nombreuses  conversions  qui 
s'opèrent  chaque  jour,  principalement  parmi  les  ministres  les  plus  cé- 
lèbres, commencent  à  faire  croire  que  l'évèque  de  Meaux  a  été  pro- 


158  ÉTUDES    SUR    LA    PRÉDICATION. 

pliéle.  Il  sufDraif,  du  rebte,  de  lire  le  seul  ouvrage  de  ce  grand  homme 
sur  la  Défense  de  la  Tradition,  pour  comprendre  qu'avec  les  écrits  des 
saints  Docteurs  on  peut  victorieusement  réfuter  toutes  les  hérésies. 

Ce  n'est  pas  seulement  sur  ce  point  important,  que  l'étude  des  Pères 
nous  fournit  de  précieuses  richesses.  Ils  ont  traité  de  la  manière  lapins 
admirable  el  la  plus  complète  tout  ce  qui  peut  intéresser  la  Religion. 
Écrits  apologétiques  ou  réfutations  des  calomnies  des  ennemis  du 
Christianisme,  ouvrages  contre  les  philosophes,  les  Juifs  et  les  payens, 
exposé  des  fondements  de  la  Foi,  et  notamment  des  mirales  et  des  pro- 
phéties, tableau  de  la  morale  chrétienne  depuis  les  principes  les  plus  re- 
levés jusqu'aux  éléments  les  plus  simples  ;  explication  particulière  et 
détaillée  de  l'oraison  Dominicale,  du  Symbole,  des  Commandements 
de  Dieu  ;  discours  aux  confesseurs  qui  se  préparaient  au  martyre,  et 
aux  chrétiens  faibles  qui  étaient  tombés  durant  la  persécution,  exhor- 
tations aux  vierges  et  aux  veuves,  règles  de  la  vie  ascétique,  devoirs 
des  prêtres  et  des  évèques:  tout  se  trouve  dans  les  Pères,  et  il  ne  serait 
pas  difficile  de  citer  parmi  leurs  ouvrages  des  écrits  spéciaux  sur  cha- 
cun des  chefs  que  nous  venons  d'indiquer. 


II. 


Déjà  nous  avons  montré  que  l'Écriture  sainte  renferme  tout  ce  que 
le  prédicateur  doit  enseigner,  mais  en  un  sens  on  le  trouve  encore 
mieux  dans  les  Pères.  Dans  l'Écriture,  les  choses  ne  sont  le  plus  sou- 
vent qu'à  l'état  de  principes  :  les  Pères  ont  développé  les  conséquences 
et  en  ont  fait  l'application  aux  différents  besoins  de  la  société  chrétienne, 
aux  exigences  diverses  des  temps  et  des  circonstances,  et  il  y  a  cela  de 
remarquable  dans  les  saints  Docteurs, — ce  qui  se  trouve  rarement  dans 
l'Écriture  et  jamais  dans  les  auteurs  théologiques,— il  y  a  cela  de  remar- 
quable que  l'enseignement  est  le  plus  ordinairement  présenté  avec  les 
formes  et  les  détails  oratoires  ;  les  Pères  étaient  presque  tous  pasteurs 
des  âmes  et  conséquemment  prédicateurs  ;  car,  dans  les  premiers  âges, 
on  ne  concevait  pas  qu'on  pût  être  chargé  du  gouvernement  des  peuples 
sans  leur  rompre  le  pain  sacré  de  la  parole  de  Dieu, 


ÉTUDES    SUR    LA    PRÉDICATION.  159 

Ce  qui  frappe  peut-être  le  plus  dans  les  Pères,  c'est  l'esprit  de  foi 
qui  les  anime  et  les  Iranspoite.  On  voit,  pour  se  servir  de  l'expression 
de  Bossuet,  on  voit  couler  dans  leurs  écrits  la  première  sève  du  chri- 
stianisme. Dieu  est  toujours  présent  à  leur  esprit;  ils  ne  cessent  d'élever 
le  fidèle  au-dessus  de  cette  vie  des  sens  que  le  paganisme  avait  divi- 
nisée ;  ils  tonnent  contre  les  richesses,  les  plaisii-s,  le  luxe,  les  spec- 
tacles ;  à  la  place  des  jouissances  grossières  de  la  chair  qu'ils  anathé- 
matiscnt,  des  biens  matériels  et  périssables  qu'ils  commandent  de 
mépriser,  ils  offrent  les  joies  pures  de  la  conscience,  les  riches  trésors 
de  l'éternité.  Ils  n'est  guère  de  discours  où  ils  ne  reviennent  sur  ces 
grands  et  puissants  mobiles  de  la  perfection  chrétienne. 

Dans  un  siècle  où  le  culte  frénétique  des  intérêts  matériels  envahit 
les  âmes,  et  menace  de  faire  descendre  la  société  à  l'abrutissement  du 
paganisme,  il  est  d'une  souveraine  importance  pour  le  prédicateur  de 
se  pénétrer  de  la  lecture  des  Pères. 

On  a  reproché  au  clergé  français  d'exagérer  les  principes  de  la  mo- 
rale. Ce  reproche  peut  être  fondé  ;  mais  aussi  n'est-il  pas  à  craindre 
qu'à  force  de  vouloir  faire  plier  les  règles,  on  ne  finisse  par  les  aban- 
donner et  les  anéantir  ? 

Les  Pères,  eux  aussi,  nous  offient  des  exemples  d'indulgence  et  de 
modération,  mais  il  ne  transigent  jamais  avec  le  monde,  que  Jésus- 
Christ  a  chargé  de  ses  anathèmes,  et  pour  lequel  il  refusait  de  prier. 

Quoiqu'on  puisse  dire,  Bourdaloue,  qui  est  tout  rempli  de  la  doc- 
trine et  de  l'esprit  des  saints  docteurs,  sera  pour  toutes  les  époques  le 
moraliste  le  plus  exact  et  le  plus  sûr,  comme  il  est  le  prédicateur  le 
plus  solide. 

Pénétrés  de  l'esprit  des  Écritures,  les  Pères  connaissaient  parfaite- 
ment l'importance  et  les  devoirs  de  la  charge  pastorale  :  ils  n'ignoraient 
pas  que  le  premier  point  de  leur  mission  était  d'enseigner  les  vérités 
saintes,  de  prêcher  à  temps  et  à  contretemps,  d'accuser,  de  conjurer, 
de  reprendre  en  toute  patience  et  doctrine.  Il  serait  difficile  de  trouver 
des  pasteurs  qui  aient  mieux  rempli  cette  importante  obligation.  Le  plus 
grand  nombre  de  leurs  écrits  ne  sont  que  des  instructions  adressées  à 
leurs  peuples  du  haut  de  la  chaire,  et  on  s'étonne  que  parmi  les  immenses 
travaux  etles.innombrables  sollicitudes  qui  les  accablaient,  ils  aient  pu 


160  ÉTUDES    SUR    LA.   PRÉDICATION. 

rompre  et  distribuer  avec  «ne  si  grande  prodigalité  le  pain  de  la  di- 
vine parole.  Ah  !  certes,  ils  ne  nous  eussent  pas  donné  cet  éclatant 
exemple  s'ils  fussent  venus  in  suhlimitale  sermonis,  in  persuasibilibus 
humanœ  sapientix  verbis  ;  si,  esclaves  d'une  vaine  réputation,  ils  eussent 
songé  à  autre  chose  qu'à  établir  le  règne  de  Jésus-Christ  dans  lésâmes. 

Les  Pères  exposaient  la  suite  de  la  religion,  ils  expliquaient  les 
différents  livres  de  rKcrilure,  réfutaient  les  erreurs  du  temps^  atta- 
quaient les  vices  qui  dominaient  ou  menaçaient  leurs  auditeurs  :  ils  re- 
commandaient les  vertus  essentielles  du  christianisme.  Leur  langage 
était  presque  toujours  simple  et  familier,  non-seulement  dans  les  cam- 
pagnes et  les  bourgades,  mais  dans  les  villes  les  plus  illustres,  à 
Alexandrie,  à  Antioche,  à  Gonslantinople  et  à  Rome.  Parjii  le  grand 
nombre  de  leurs  instructions,  c'est  à  peine  si  l'on  trouve  quelques 
discours  solennels  et  conformes  à  la  rigueur  des  règles.  Cette  méthode 
leur  permettait  de  pourvoir  aux  besoins  du  moment;  de  prendre  et  de 
re|)rendre  la  vérité  à  démontrer,  la  vertu  à  inculquer,  jusqu'à  ce  qu'ils 
les  eussent  fait  entrer  dans  les  esprits  et  dans  les  cœurs.  Pour  atteindre 
ce  but,  i's  employaient  toutes  les  formes,  ils  suivaient  toutes  les  im- 
pressions ,  ils  se  mettaient  à  la  portée  même  des  intelligences  les  plus 
vulgaires.  Comme  nous  le  verrons  bientôt,  ils  s'élevaient  souvent  à  la 
plus  haute  éloquence,  qui  consiste  bien  moins  à  étonner  et  à  plaire 
qu'à  convaincre  et  à  persuader  ;  mais  quand  il  le  fjllait,  ils  ne  craignaient 
pas  de  descendre  aux  détails  les  plus  communs  et  d'employer  les  ex- 
pressions les  moins  correctes  ;  ils  aimaient  mieux,  comme  nous  l'apprend 
le  plus  savant  et  le  plus  profond  d'entre  eux,  saint  Augustin  (i),  être 
critiqués  par  les  grammairiens,  que  de  n'être  pas  compris  par  le  peuple, 
meliîis  est  ut  nos  reprehendant  grammatici,  quam  non  intelliyant po- 
piiH.  C'est  dans  le  même  sens  que  le  bon  et  pieux  cardinal  de  Cheverus, 
disait  en  parlant  du  genre  simple  qui  convient  à  la  prédication  :  •  11 
»  vaut  mieux  être  compris  par  une  bonne  femme,  que  loué  par  un 
»  académicien.  » 

Les  répétitions  ne  coûtaient  pas  aux  Pères  ;  dans  presque  tous  leurs 
écrits  ils  ramenaient  quelque  point  qui  leur  paraissait  avoir  une  impor- 
tance particulière,  parce  qu'ils  savaient  que  le  peuple  est  comme  les 

(l)  S.  August.  Enurrat.  in  psal.  138,  col.  1543. 


ÉTUDES   SUR    LA   PRÉDICATION.  161 

enfants,  et  que  ce  n'est  qu'à  force  de  répéter  les  choses  qu'on  parvient 
à  les  fixer  dans  son  esprit.  Dans  ses  belles  homélies  aux  fidèles  d'An- 
tioche,  saint  Chrysostôme,  voulant  inspirer  l'horreur  des  jurements, 
revient  neuf  jours  de  suite  sur  le  même  texte  :  Nolite  jiirare  ;  il  n'hésite 
pas  à  abandonner  son  sujet  pour  terminer  par  une  exhortation  contre 
ce  vice,  ua  discours  souvent  riche  des  tableaux  les  plus  animés  et  des 
mouvements  les  plus  entraînants. 

On  conçoit  comment,  en  prêchant  de  la  sorte,les  Pères  instruisaient 
solidement  les  chrétiens  et  les  poussaient  à  l'héroïsme  de  toutes  les  ver- 
tus; on  conçoit  comment  ils  pouvaient  fréquemment  annoncerla  parole  de 
Dieu.  L'ofûce  public  ne  se  célébrait  jamais  sans  qu'il  y  %ti  une  in- 
struction ;  toutes  les  liturgies  et  l'histoire  en  font  foi.  Les  saints  Docteurs 
ne  se  contentaient  pas  de  prêcher  le  dimanche,  ils  prêchaient  plusieurs 
fois  durant  la  semaine,  et  même  chaque  jour  à  certaines  époques,  comme 
on  peut  le  voir  par  l'Hexaéméron  de  saint  Basile,  les  homélies  de  saint 
Chrysostôme  et  les  sermons  de  saint  Augustin. 

Les  historiens  de  l'Évêque  d'Hippone  nous  apprennent  que,  non 
contents  de  l'avoir  écouté  dans  l'église,  les  fidèles  l'arrêtaient  dans  les 
rues  et  sur  les  places  publiques  pour  lui  demander  de  leur  parler  de 
Dieu  et  de  leur  salut  ;  ce  qu'il  faisait  toujours  avec  joie  et  bonheur, 
sans  prétexter,  pour  s'en  défendre,  ses  nombreuses  occupations,  et  la 
composition  des  ouvrages  les  plus  importants  et  les  plus  profonds. 

On  ne  peut  qu'être  touché  et  confondu,  quand  on  songe  qu'un  aussi 
célèbre  docteur  passait  la  plus  grande  partie  de  sa  vie  à  instruire  et  à 
gouverner  un  pauvre  troupeau  qui  se  composait  presque  en  entier  de 
laboureurs,  de  petits  marchands  et  de  bateliers.  On  le  vit  rarement  dans 
les  chaires  des  villes  si  illustres  de  Madaure  et  de  Carthage,  oii  il  eût 
pu  déployer  toutes  les  ressources  de  l'esprit  le  plus  cultivé,  et  de  l'âme 
la  plus  fortement  trempée.  A  l'avantage  de  recueillir  des  louanges  et 
des  applaudissements,  Augustin  préféra  la  douce  et  utile  jouissance  de 
réserver  les  accents  de  sa  voix  et  les  tendresses  de  son  cœur,  au  cher 
peuple  d'Hippone  que  le  souverain  Pasteur  l'avait  chargé  de  nourrir 
de  la  parole  de  vie. 

On  ne  sait  ce  qu'il  faut  admirer  le  plus  dans  ce  grand  docteur,  de  la 

REVDE  des  sciences  ECCLESIASTIQUES,  T.  IX.  1  ^ 


i(î2  KTUDES    SUR   LA    PRÉDICATION. 

profondeur  de  sa  science,  ou  de  la  simplicité  avec  laquelle  il  s'abaisse 
jusqu'au  langage  le  plus  vulgaire.  Quel  speclacle  que  celui  du  célèbre 
rhéteur,  du  grand  philosophe,  du  génie  le  plus  vaste  et  le  plus  sublime, 
qui  s'entretient  familièrement  avec  des  gens  grossiers  et  ignorants, 
pour  leur  développer  les  premiers  éléments  de  la  foi  et  de  la  morale 
chrétiennes  !  Quelle  leçon  pour  ceux  qui,  après  de  faibles  et  rapides 
études,  se  croiraient  appelés  à  paraître  dans  les  premières  chaires  et 
regarderaient  comme  une  humiliation  d'être  employés  à  évangéliser 
nos  petites  villes  auxquelles  peut-être  n'aurait  pu  éti  e  compai'ée  la  ville, 
disons  mieux,  la  pauvre  bourgade  d  Hippone  ! 

Je  ne  puis  ici  me  défendre  d'un  rapprochement  qui  se  présente  à 
mon  esprit,  et  qu'on  me  pardonnera,  quoiqu'il  ne  rentre  qu'imparfaite- 
ment dans  mon  sujet.  On  admire  avec  raison  dans  Bossuet  lesdiscoursj 
les  oraisons  funèbres,  les  savants  écrits  de  controverse  et  de  critique; 
on  célèbre  en  lui  le  grand  orateur,  le  théologien  profond,  le  pontife 
illustre,,  et  on  oublie  son  plus  beau  titre,  celui  de  directeur  des  âmes; 
on  lit  de  ce  sublime  écrivain  les  ouvrages  qne  le  monde  exalte  et  pré- 
conise, et  on  ne  daigne  pas  ouvrir  ses  lettres  spirituelles,  monument  im- 
périssable de  sa  patience  surhumaine,  de  sa  charité  sans  bornes.  C'est 
là  qu'on  le  voit  entrer  dans  les  détails  les  plus  minutieux  de  la  vie  chré- 
tienne et  de  la  vie  religieuse  ;  c'est  là  quon  l'entend  reprocher  à  ses 
chères  filles  de  lui  faire  injure,  quand  elles  craignaient  de  fatiguer  par 
leurs  questions  multipliées  le  grand  prélat  dont  les  plus  importantes 
affaires  de  rÉsflise  semblaient  réclamer  tous  les  soins  et  tous  les 
moments.  Qu'on  lise  les  lettres  spirituelles  de  Bossuet,  et  on  verra 
qu'il  n'était  pas  moins  pieux  qu'éloquent,  ni  moins  versé  dans  les  my- 
stères de  la  vie  intérieure  et  dans  les  secrets  du  cœur  humain,  que  dans 
les  sciences  les  plus  abstraites  et  les  plus  relevées. 

Loin  d'être  un  obstacle  à  l'éloquence,  la  méthode  des  Pères  donnait 
au  contraire  un  plus  grand  éclat  à  leur  génie  en  kii  laissant  toute  sa 
liberté,  et  lui  permettant  de  saisir  toutes  les  occasions  heureuses  que 
fournissent  les  circonstances  du  moment,  el  les  dispositions  présentes 
des  esprils. 

Pour  des  hommes  solidement  instruits,  nourris  de  fortes  études, 


ÉTUDES    SUR    LA    PRÉDICATION.  163 

pleins  de  convictions  ardenles^  et  doués  de  sensibilité  et  d'imagination, 
comme  étaient  les  Pères,  les  mouvements  spontanés  et  les  inspirations 
soudaines  se  présentaient  à  chaque  instant  dans  le  discours.  N'est-ce 
pas  là  la  véritable  éloquence,  et  oserait-on  comparer  ces  tours  et  ces 
mouvements  préparés  d'avance  à  la  vive  expression  du  sentiment  qui 
s'exalte,  au  cri  subit  de  la  passion  qui  l'enflamme?  Sans  prétendre 
que  les  Pères  se  soient  toujours  livrés  à  l'improvisation,  il  est  certain 
qu'ils  s'astreignaient  rarement  à  donner  des  morceaux  écrils,  et  il  est 
permis  de  croire  qu'ils  parlaient  fort  souvent  sous  l'impression  du 
moment. 

Ces  considérations  et  le  mauvais  goût  du  siècle  où  ils  vécurent  pour 
la  plupart,  expliquent  les  défauts  nombreux  qui  se  remarquent  dans 
leurs  écrits  ;  mais  faut-il  s'étonner  de  trouver  la  diffusion  et  l'abondance 
chez  des  hommes  accablés  de  mille  sollicitudes  et  qui  parlaient  presque 
tous  les  jours  et  à  tout  propos  ?  Quand  les  études  étaient  déchues,  et 
que  les  maîtres  de  l'art  de  bien  dire,  sprès  avoir  fait  naître  des  préjugés 
déplorables,  préconisaient  le  genre  le  plus  vicieux,  pouvait- il  se  faire 
que  les  plus  beaux  talents  évitassent  tous  les  défauts  de  leur  siècle  ?  Ne 
devait-on  pas  nécessairement  trouver  une  métapho're  dure  dans  l'un, 
une  période  enflée  dans  l'autre,  des  antithèses  subtiles  et  rimées  dans 
celui-ci,  des  jeux  de  mots  et  des  endroits  obscurs  dans  celui-là? 

Barciet, 

Chanoine,  Archi prêtre  d'Aucb. 
(La  suite  prochainement.) 


MINISTÈRE  PASTORAL. 


Nécessité  de  confesser  les  enfants  avant  la  première 
communion.  — Manière  de  le  faire. 


Un  des  principaux  devoirs  du  ministèie  pastoral  est  le  soin  de  la 
jeunesse  et  même  de  l'enfance  :  sur  les  enfants  repose  en  effet  l'espoir 
de  l'Église,  et  c'est  par  l'éducation  chrétienne  qu'on  s'appliquera  à 
leur  donner,  qu'on  pourra  parvenir  à  régénérer  les  paroisses  et  la  société 
tout  entière.  L'action  du  prêtre,  quelque  zélé  qu'il  soit,  à  moins  qu'il 
ne  soit  un  homme  de  prodiges,  un  saint  à  vertus  héroïques,  ne  se  fait 
sentir  sur  les  personnes  arrivées  à  un  certain  âge,  que  dans  des  pro- 
portions ordinairement  très-restreintes.  Un  bon  nombre  ne  viennent 
pas  l'entendre  :  la  grande  généralité  de  ceux  qui  ont  écouté  ses  paroles 
ne  se  met  pas  en  peine  de  mettre  en  pratique  les  enseignements  qu'elles 
renferment  ;  presque  tous  se  laissent  absorber  pur  les  préocupations  de 
la  terre  ;  on  a  des  habitudes  et  on  ne  veut  pas  les  rompre.  Et  c'est 
ainsi  que  les  avertissements  des  prêtres  sont  oubliés  et  mis  entièrement 
de  côté.  La  jeunesse  seule  est  accessible  :  l'enfant  aime  le  prêtre  ;  ses 
mauvaises  habitudes  ne  sont  point  encore  profondément  enracinées  ; 
les  intérêts  et  les  préoccupations  de  cette  vie  ne  le  rendent  pas  encore 
insensible  aux  biens  et  aux  magnifiques  promesses  de  l'éternité. 

Un  pasteur  des  âmes  doit  donc  vouer  à  la  jeunesse  un  intérêt  tout 
particulier.  Et  à  celui  qui  lui  donnera  des  soins  assidus,  nous  osons  pro- 
mettre une  ample  moisson  dans  la  portion  de  l'héritage  du  Seigneur 
qui  lui  aura  été  confiée. 


MINISTÈRE    PASTORAL.  165 

1.  Parmi  les  moyens  propres  à  régénérer  la  jeunesse  et  à  faire  fleurir 
la  piété  dans  le  cœur  des  enfants,  il  n'y  en  a  certainement  pas  de  plus 
efficace  que  l'usage  fréquent  du  sacrement  de  Pénitence.  C'est  en  effet 
là  que  ces  jeunes  âmes  encore  faibles  et  inexpérimentées  se  purifient  des 
souillures  dont  elles  n'ont  pas  su  se  préserver  ;  c'est  là  qu'elles  trou- 
vent les  lumières  et  les  salutaires  conseils  dont  à  cette  époque  de  la 
vie  elles  ont  un  grand  besoin  ;  c'est  là  qu'elles  renoncent  efficacement 
aux  mauvaises  habitudes  avant  qu'elles  a'entpu  jeter  de  trop  profondes 
racines  ;  là  qu'elles  prennent  des  résolutions  généreuses  contre  l'entraî- 
nement des  passions  ou  des  occasions  dangereuses;  c'est  là  enfin  qu'elles 
s'affermissent  dans  le  bien  et  dans  la  pratique  de  toutes  les  vertus. 

11  n'y  a  donc  pas  à  mettre  en  doute  un  seul  instant  l'obligation  pour 
un  pasteur  des  âmes  de  faire  approcher  les  enfants  du  tribunal  sacré  : 
le  précepte  de  se  confesser  les  regarde  aussi  bien  que  les  grandes 
personnes,  ils  en  ont  un  aussi  grand  besoin  qu'elles  et,  comme  elles, 
ils  doivent  se  confesser  au  moins  une  fois  l'an. 

Mais  un  curé  doit-il  plusieurs  fois  par  an  confesser  les  enfants  confiés 
à  sa  sollicitude  pastorale?  —Ceux-ci  n'étant  obligées  par  le  précepte  de 
l'Église  que  de  se  présenter  une  fois  annuellement  à  confesse,  il  sem- 
blerait difficile  de  voir  pour  les  pasteurs  une  obligation  stricte  de  les 
entendre  plus  fréquemment,  à  moins  que  ces  enfants  n'eussent  d'eux 
mêmes  recours  à  leur  ministère  :  car,  sans  doute,  dans  ce  cas,  il  ne 
serait  pas  plus  permis  de  refuser  de  confesser  les  enfants  que  cela  n'est 
licite  à  l'égard  du  reste  des  ouailles.  Les  auteurs  enseignent  générale- 
ment qu'un  prêtre  à  charge  d'âmes  est  obligé  d'administrer  les  sacre- 
ments à  ses  paroissiens  toutes  les  fois  que  ceux-ci  le  demandent 
raisonnablement  (1).  Mais  quand  même  il  aurait  rempU  strictement  son 
devoir  en  écoutant  une  fois  par  an  les  enfants  au  sacré  tribunal,  celui 
qui  a  du  zèle,  et  qui  a  par  conséquent  à  cœur  le  bien  des  âmes,  n'a  pas 
de  peine  à  comprendre  quil  ne  doit  passe  borner  à  cela  :  il  sait  ce  que 
veulent  dire  ces  paroles  saltem  semel  in  anno  :  il  n'ignore  pas  que,  d'a- 
près le  grand  sai  nt  Charles  Borro  mée  :  «  Optimt  consuetudinis  erit  puellos 

(1)  Voir  mon  Manuate  iotius  Juris  canonici,  a.  1504J 


166  MINISTÈRE    PASTORAL. 

«  etpiiellulasetiamsisex  tanturn  annoruni,arcersere,utpaulatimapri- 
«  ma  setate  edoceanlur  et  ad  hiijus  sacraraeiUi  usum  et  cogniiionem  as- 
«  suefiant(J).))  Or  Userait  difficile  que  les  enfants  acquissent  une  aussi 
louable  habitude  par  la  seule  confession  annuelle,  a  Un  pasteur  qui  aime 
«  son  troupeau,  dit  la  Méthode  de  Besançon,  devrait,  si  sa  paroisse  n'est 
«  pas  fort  nombreuse,  tâcher  de  confesser  les  enfants  tous  les  mois  ou 
«  toutes  les  six  semaines  ;  et  si  elle  est  plus  nombreuse^  tous  les  deux 
«  mois  (2).  »  Les  bons  curés  font  cela  au  moins  trois  ou  quatre  fois  l'an, 
aux  quatre-temps,  par  exemple.  »  C'est  un  devoir  pour  MM.  les  curés, 
0  disent  les  ordonnances  synodales  de  Montpellier  (3),  d'accoutumer  de 
«  bonne  heure  les  enfants  à  s'approcher  du  tribunal  de  la  pénitence. 
«  Ils  doiventsurtout lesyattirer /j/î<sîcîirs fois rfrtns/'anMee,  dès  qu'ils 
«  ont  atteint  l'âge  de  discrétion.»  —  «  Sciant  parochi,  dit  le  Concile 
«  provincial  d'Avignon  en  1849  (4)se,  vimunerissui,  teneri  ad  excipi- 
«  endas  confessiones  pu'^rorum  qui  annos  discretionis  attigerunt  et  qui 
•  nondum  ad  sacram  synaxim  accesserunt  ....  Exhorlamur  etiam  pa- 
«  rochoSj  ut  illos  pueros  inducant  ad  fréquenter  va  anno  contiten- 
«  dum.» Celte  fréquence  suppose  bien  au  moins,  sans  doute,  trois  ou 
quatre  confessions  par  an  (5). 

Ils  sont  donc  bien  coupables^  ces  pasteurs  négligenls  et  vraiment 
mercenaires  qui  attendent  l'époque  de  la  première  communion  pour 
confesser  les  enfants.  Us  sont  responsables  de  la  violation  du  précepte 

(1)  Ad.  Eccles.  Med.,  pars  iv,  Inslr.  couf.,  p.  G48. 

(2)  Tom.  I,  p.  255. 

(3)  Pag.  i28,  édition  de  1853. 

(4)  lit.  IV,  cap.  5. 

(5)  C'est  la  règle  posée  par  les  statuts  syûodaax  du  diocèse  de  Cambrai: 
«PfiEcipimus  ut  eos  (pueros), a  sepleunio  salteni,  ad  minus  ter  in  anno,  ad 
confitendum  alliciaut  parochi,  plurimumque  iîortamur  ut  fiant  haeconfe^ 
sioof^s  quater,  scilicet  quatuor  anui  temporibus,  ut  in  mullis  parochiis 
landabiliter  ordinatum  est  et  usu  receptuni.  Singulis  bis  vicibus  pueri, 
ad  rite  pieque  faciendam  coufessionem,  catcchesi  eorum  aîtati  et  caplui 
accommodata  praeparautur.  »  (  Statuta  synodalia  Ârcliidiœceseos  Came- 
racensis.  Cameraci,  1856,  u.  loi.)  Plus  loin,  les  mêmes  statuts,  adoptant 
une  règle  posée  par  le  Concile  de  Bordeaux,  en  1850,  ordonnent  de  con- 
fesser les  enfants  tous  les  mois  pendant  l'année  qui  précède  leur  pre- 
mière communion.  {Ibid.,  u.  171.  Cfr.  Orutio  habita  ab  III.  et  Rev. 
Archiep.  Carnerac.  ùi  Sijn.  diœces,,  die  17  septembris  1858,  p.  29  as.) 


DE  LA  CONFESSION  DES  ENFANTS.         167 

de  l'Église,  qui  atteint  les  enfants  à  partir  de  lâge  de  discernement, 
c'csl-à-dire  à  partir  de  sept  ans.  «  Oimiis  utriusque  sexiis  fîdelis, 
«  poslqnam  ad  annos  discretionis  pervenerit,  omnia  sua  solus  peccala 
«  confiteatur  fideliler,  saltem  seniel  in  anno  :  »  ce  sont  les  propres  paroles 
du  Canon  21  du  iv*  concile  de  Latran.  Et  que  peuvent-ils  attendre  de 
bon  d'un  délai  semblable?  Les  premières  années  passées  loin  de  Dieu 
dans  l'habitude  du  péché  mortel  sont-elles  donc  une  bonne  préparation 
à  la  première  communion  ?  Le  démon,  demeurant  si  longtemps  maître 
de  ces  jeunes  âmes,  n'aura-t-il  pas  toute  liberté  de  leur  inoculer  et  en- 
raciner tous  les  vices?  Et  faut -il  s'étonner  après  cela  que  les  généra- 
tions nouvelles  se  montrent  si  précoces  pour  le  mal,  si  tôt  impies,  et 
fassent  la  douleur  des  pasteurs  en  même  temps  que  des  parents  qui 
conservent  encore  quelques  sentiments  de  religion? 

H.  Mais  comment  doit-on  confesser  les  enfants  ?  —  «  11  faut,  envers 
«  les  enfants,  dit  un  saint  et  très-habile  confesseur,  saint  Alphonse  de 
«  Liguori  (l),  il  faut  user  d'une  grande  charité  et  employer  autant  que 
a  possible  les  procédés  les  plus  suaves.  »  Il  faut  les  aider  dans  leur 
confession  par  des  interrogations  discrètes  :  ils  ont  besoin  souvent  de 
ce  secours,  soit  parce  qu'ils  ne  savent  pas  discerner  leurs  fautes,  soit 
parce  qu'une  fausse  honte  pourrait  les  empêcher  de  les  découvrir.  On 
doit  bien  se  garder  de  leur  adresser  des  reproches  quand  ils  ont  fait 
l'aveu  de  quelque  péché,  surtout  s'il  était  honteux,  de  peur  de  leur 
fermer  la  bouche.  On  peut  voir,  dans  la  même  auteur,  à  l'endroit  sus 
indiqué,  quelles  sont  les  principales  interrogations  qu'il  faut  adresser 
aux  enfants. 

Non-seulement  il  faut  user  de  beaucoup  de  charité  dans  ces  interro- 
gations, mais  on  doit  y  apporter  une  grande  circonspection,  surtout  dans 
ce  qui  regarde  le  6«  précepte,  de  peur  d'apprendre  le  mal  à  ceux  qui 
ont  peut-être  le  bonheur  de  l'ignorer.  On  doit,  certes,  interroger  sur 
ces  matières,  car  ce  mal  est  fréquent,  même  dans  l'enfance,  et  il  importo 
extrêmement  de  s'en  préserver  de  bonne  heure.  «  Le  silence  est  sans 
«  doute  le  parti  le  plus  commode,  dit  le  Miroir  du  clergé  ['i),  mm  qu'il 

(1)  Praxis  confess.,  n.  90. 

(2)  Tom.  n,  p.  -255,  édit.  do  18-23. 


168  MINISTÈRE    PASTORAL. 

«  est  funeste!  o  —  Comment  donc  procéder  dans  ces  interrogations? 
On  peut  l'apprendre  du  même  Miroir  du  clergé,  qui  traite  ce  point  avec 
une  grande  sagesse.  Nous  nous  contenterons  de  citer  ici  saint  Liguori^ 
dont  l'autorité  est  encore  d'un  plus  grand  poids  (ib.)  :  «In  liac  materia 
«  (turpij,  confessarius  sit  valde  cautus  ininterrogando  :  incipiat  inter- 
«  rogaredelongoetverbisgeneralibus  :  etpriusan  dixerint  malaverba? 
((  an  jocati  fuerint  cum  aliis  pueris,  aut  puellis?  Et  si  jocos  illos  clam 
t  exercuerlnt?  Deinde  interroget  an  commiserint  res  turpes?  iMultoties, 
«  etiarasi  pueri  negent,  prodest  uti  cum  eis  interrogationibus  sugges- 
«  tivis^  V.  g.:  Et  mine  die  mihi  quoties  hœcfecisti?  quinqiiies  ?  decies? 
«  Interroget  quocum  dormiant ,  et  si  in  lecto  manibus  jocati  fuerint? 
a  Puellas  interroget  si  aliquem  juvenem  amore  fuerint  prosecutae,  et 
«  an  adfaeriiit  pravae  cogitationes,  verba,  aut  tactus  ?  Et  a  responsis 
(.(  procédât  ad  ulteriores  interrogationes,  sed  caveat  ab  exquirendo  a 
((  puellis,  vel  a  pueris  an  adfueril  serainis  effusio  :  cum  liis  enim  me- 
{(  lius  est  déesse  in  integritatematerialiconfessionis ,  quam  esse  causam 
a  utapprehendant  quai  nondum  noverint,  vel  ponantur  in  curiositate 
a  addiscendi.  » 

Le  confesseur  doit  se  tenir  en  garde  contre  les  exagérations  donnant 
à  penser  qu'il  y  a  du  mal  là  où  il  n'y  en  a  point;  qu'il  y  a  péché  mortel 
là  où  il  n'est  que  véniel  :  son  devoir  est  même  de  redresser  les  con- 
sciences, sans  quoi  il  aurait  à  s'imputer  les  fautes  commises  par  suite 
d'une  conscience  erronée.  Si  donc  il  voyait  un  enfant  convaincu,  par 
exemple,  qu'il  pèche  mortellement  chaque  fois  qu'il  omet  sa  prière  du 
matin  ou  du  soir,  ou  qu'il  manque  à  vêpres  le  dimanche,  ou  qu'il  com- 
met un  mensonge,  quoiqu'il  ne  soit  pas  pernicieux,  ou  un  petit  vol^  ou 
qu'il  profère  certaines  paroles  inconvenantes,  appelées  jurements,  qui  ne 
sont  pas  pourtant  des  blasphèmes,  il  devrait  tirer  cet  enfant  de  ces  faux 
préjugés,  de  peur  que,  n'évitant  pas  ces  manquements,  il  ne  se  rendît 
dans  la  réalité  coupable  de  faute  grave  en  les  commettant  avec  la 
conscience  qu'ils  sont  mortels.  On  doit  donc  bien  se  garder  de  dire  aux 
enfants  sans  restriction  que  ceux  qui  sont  désobéissants,  menteurs, 
etc.,  iront  en  enfer;  que  c'est  un  grand  péché  de  jurer,  ett 

On  ne  doit  pas  imposer  aux  enfants  des  pénitences  longues,  difficiles , 


I 


DE  LA  CONFESSION  DES  ENFANTS.         169 

de  peur  qu'ils  n'aient  pas  le  courage  de  les  accomplir  ou  que,  ne  les 
exécutant  pas  de  suite,  ils  ne  viennent  à  les  oublier.  Si  un  enfant  avait 
manqué  notablementau  respect  dû  à  ses  parents,  il  pourrait  êlre  néces- 
saire de  lui  prescrire  de  leur  demander  pardon,  même  en  présence  des 
témoins  de  son  irrévérence  ;  toutefois  il  y  a  des  précautions  à  prendre  à 
cet  égard.  «  NonnuHi  confessarii  parura  cauti,  dit  saint  Liguori  (1),  in 
«  eo  casu  pro  satisfaclione  imponunt  filiis,  ut  cum  domum  pervenerint 
«  pedes  parentum  deoscularentur,  et  absolûtes  dimittunt  ;  sed  illi  po- 
a  stea  hoc  adimplere  non  curant,  et  novuni  peccatum  admittunt.  Sa- 
«  tius  est  curare  utante  absolutionem  hanc  veniam  poscant  ;  sed  quin 
«  eis  imponatur  ut  pedes  aut  raanum  deoscularentur  ;  quia  illi  filii, 
a  quibus  hoc  faciendi  consuetudo  nunquara  fuit,  difficillime  hoc  exe- 
«  quuntur.  Si  autem  non  possit  commode  hic  aclus  ab  illis  exigi,  ut 
«  veniam  postulent  ante  absolutionem,  non  imponatur  hoc  sub  gravi 
«  obligatione,  sed  potius  ut  consilium  insinuetur,  dum  certe  praesu- 
«  rauntur,  saltem  ut  plurimum,  parentes  remittere  filiis  hanc  obliga- 
«  tionem,  ne  fihi  iterum  in  Dei  offensam  incurrant.  » 

m.  Peut-on  et  doit-on  donner  l'absolution  aux  enfants  avant  leur 
première  communion  ?  —  Cette  question  devrait  paraître  étrange,  au 
moins  de  prime  abord.  Si  les  enfants  sont  capables  de  commettre  des 
fautes,  si  on  croit  (et  comment  souvent  en  douter  ?)  qu'ils  peuvent  être 
coupables  même  de  péché  mortel,  peut-on  mettre  en  doute  qu'on  ne 
puisse  et  même  qu'on  ne  doive  les  absoudre? — Mais,  dira-t-on,  l'abso- 
lution exige  des  dispositions,  et  lorsque,  ces  dispositions  manquent, 
loin  d'être  un  bienfait  et  un  remède  salutaire,  elle  est  plutôt  un  poison 
dangereux  ;  au  lieu  de  purifier  l'âme,  elle  la  couvre  d'une  nouvelle 
lèpre  et  ajoute  le  sacrilège  à  tous  ses  autres  péchés.  —  Il  en  est  ainsi, 
sans  doute,  mais  pourquoi  les  enfants,  que  l'on  suppose  capables  de 
commettre  des  fautes  et  de  perdre  la  grâce  divine,  seraient-ils  donc  in- 
capables de  se  repentir  sincèrement  et  d'entrer  véritablement  dans  les 
dispositions  requises  pour  en  recevoir  le  pardon  ?  S'ils  sont  tombés 
dans  le  péché  mortel,  le  salut  leur  est-il  donc  impossible  avant  l'époque 

(1)  Praxis,  n,  34. 


1"0  MINISTÈRE    PASTORAL. 

de  leur  première  communion?  Qui  oserait  soutenir  une  pareille  propo- 
siiion  et  se  croire  exempt  d'une  erreur  Irôs-dangerouse  en  fuit  de  doc- 
trine ?  —  L'Eglise,  certes,  ne  le  pense  pas  ainsi,  elle  qui  impose  aux 
enfants  l'obligalion  de  se  confesser  au  mains  une  fois  l'an,  quand  ils 
sont  parvenus  à  l'âge  de  discrétion.  Et  sans  doute  ce  précepte,  pour  eux 
comme  pour  les  adultes,  a  pour  but  essentiel  de  les  purifier  de  leurs 
fautes,  et  par  conséquent,  elle  veut  qu'on  leur  accorde^  à  eux  comme 
aux  adultes,  le  bienfait  de  l'absolution.  Tous  les  auteurs  sont  una- 
nimes à  cet  égard.  Les  synodes  diocésains,  les  conciles  provinciaux 
statuent  dans  ce  sens  de  la  manière  la  plus  formelle.  «  Comme  il  s'en 
«  trouve  (des  enfants),  disent  les  Constitutions  synodales  d'Annecy 
«  imprimées  en  1828  (2),  qui,  même  dans  le  jeune  âge,  se  sont 
«  rendus  coupables  de  péchés  mortels,  les  confesseurs,  bien  loin  de 
((  leur  différer  l'absolution  jusqu'au  temps  do  leur  première  communion, 
«  mettront  tout  en  œuvre  pour  les  y  disposer,  et  la  leur  accorderont 
«  le  plus  tôt  qu'il  se  pourra,  afin  qu'ils  ne  croupissent  pas  dans  un  état 
«  si  dangereux  et  si  funeste  à  leur  àme.  »  —  Le  Concile  d'Avignon, 
à  l'endroit  cité  plus  haut,  établit  que  les  pasteurs,  vi  muneris  sni, 
sont  tenus  de  confesser  les  enfants  qui  n'ont  pas  encore  fait  leur  pre- 
mière communion,  et  que,  de  plus,  ils  doivent  les  préparer  à  l'abso- 
lution, et  la  leur  donner  s'il  n'y  a  pas  d'obstacle.  Adeoqne  ad^psos  rite 
disponendos  et  ad  ahsohitionem ,  iibi  mh\l  ohstat,  iinpertiendam. 
Comment  se  fait-il  donc  qu'il  y  ait  des  curés  assez  oublieux  des  prin- 
cipes pour  établir  en  règle  de  ne  donner  l'absolution  qu'à  l'époque  de 
la  première  communion?  —  Mais  il  faui^  dira-t-on,  que  rien  ne 
s'oppose  à  l'absolution,  et  comment  faire  entrer  les  enfants  dans  les 
dispositions  requises  à  cette  fin'?  —  Il  nous  semble  que  la  chose  n'est 
pas  aussi  dilTicile  qu'on  se  le  figure  :  les  enfants  sont  susceptibles,  et 
même  plus  souvent  que  les  grandes  personnes,  d'impressions  religieuses; 
o-n  peut,  en  s'en  donnant  la  peine,  leur  faire  comprendre  la  grandeur 
del'offense  divine,  les  funestes  effets  qu'elle  produit  dans  l'âme  qui  a 
le  malheur  de  s'y  laisser  entraîner.  Ils  ne  sont  pas  toujours  sourds 
à  la  voix  de  la  grâce  :  si  on  parvient  à  leur  ouvrir  le  cœur,  et  cela 
(1)  Pag.  165. 


DE  LA  CONFESSION  DES  ENFANTS.  171 

n'est  pas  si  difficile  d'ordinaire,  on  peut  assez  facilement  les  faire  entrer 
dans  des  sentiments  d'un  repentir  sincère  de  leurs  fautes  et  d'un  ferme 
propos  de  s'amender.  Nous  parlons  par  expérience,  et  nous  avons  pu 
nous  convaincre  par  nous-même  qu'il  y  a  souvent  plus  de  fidélité  à 
éviter  le  péché  et  à  se  conserver  dans  !a  grâce  de  l'absolution  dans  les 
enfants,  que  dans  la  plupart  des  grandes  personnes  déjà  habituées  au 
vice  et  esclaves  de  leurs  passions.  Il  faut  sans  doute  une  grande  atten- 
tion quand  il  s'agit  d'absoudre  les  enfants,  mais  il  la  faut  aussi,  celte 
attention,  quand  il  s'agit  d'absoudre  de  grandes  personnes.  Or,  voici, 
d'après  saint  Liguori  (I),  en  quoi  consiste  cette  grande  attention  qui 
est  ici  requise  : 

«  Si  constet  quod  ipsi  (pueri)  sufficientem  usum  rationisjam  ha- 
«  bcant,  prout  si  distincte  confitenlur,  veladaequate  interrogationibus 
«  rcspondent,  el  app'areal  quod  ipsi  jani  comprehendantcum  peccato 
«  offendisse  Deum  et  meruisse  infernum  ;  tune  si  satis  videantur  dis- 
«  positi,  absolvantur.  At  si  in  peccatis  lelhalibus  sunt  recidivi,  ipsi 
«  Iractandi  sunt  sicut  adulti.  »  Il  faut  les  traiter  dans  ce  cas  comme 
on  traite  les  adultes;  il  n'est  pas  nécessaire  d'exiger  d'eux  plus  de 
garanties,  «  Unde,  continue  le  saint,  si  non  praebeant  extraordinaria 
signa  doloris,  absolulio  eis  differri  débet.  »  Quels  sont  ces  signes 
extraordinaires,  le  saint  les  énumère  au  livre  vi,  n.  460  de  sa  Théo- 
logie morale.  «  Si  autem  dubium  sit,  continue-t-il  dans  le  passage  cité 
«  du  Praxis,  an  puer  perfectum  usum  rationis  habeat,  prout  si  ille  in 
«  actu  confessionis  non  maneret  compositus,  sed  oculos  in  gyrum  age- 
«  ret,  manibus  jocaretur,  impertinentia  interponeret  ;  tune  si  est  in 
«  periculo  mortis,  aut  in  obligatione  implendi  praeceptum  paschale. 
Cl  a'nsolvendus  est  sub  conditione  ;  et  tanto  magis  si  confessus  fuerit 
«  aliquod  dubium  mortale...;  bene  enira  potesl  adininistrare  sacra- 
«  mentum  sub  conditione,  quando  justa  adest  causa,  ut  esset  haec 
«  liberandi  hune  puerum  a  statu  damnationis  si  unquam  in  illura  est 
•  lapsus....  Idque  agendum,  etiamsipuer  sitrecidivus  :  dum  ideodif- 
«  terri  débet absolutio  iisqui  perfectam  discretionem  habent,  quia  spes 

(1)  Praxis  conf.,  n.  91. 


172  MINISTÈRE    PASTORAL. 

a  est  quod  ex  tali  dilatione  ipsi  redeant  dispositi  :  sed  spes  haec  diffi- 
«  culter  haberi  potesta  puerisqui  perfecto  usu  rationis  carenl,  »  Ainsi, 
d'après  saint  Alphonse,  loin  qu'il  faille  se  montrer  plus  difficile  pour 
absoudre  les  enfants,  on  doit  au  contraire  se  montrer  moins  exigeant, 
et  le  saint  regarde  même  comme  probable  ce  que  disent  plusieurs 
théologiens,  «  quod  pueri  isli  duhie  dispositi  absolvi  possunt  (saltem 
«  post  duos  vel  très  menses)  sub  conditione,  licet  sola  venïalia  affer- 
«  rent^  ne  careant  diu  gralia  sacramentali,et  forte  etiam  sanctificante^ 
«  si  forte  aliquam  gravem  culpara  haberent  ipsis  occultam.  »  Et  il  ne 
faudrait  pas  qu'on  trouvât  une  difficulté  sérieuse  à  suivre  cette  ligne  de 
conduite,  sous  prétexte  qu'on  devrait,  dans  ce  cas,  donner  l'absolution 
sous  condition  :  car,  d'après  Benoît  XIV  (1),  on  ne  peut  rien  alléguer  de 
décisif  pour  prouver  que  l'absolution  sous  condition  est  prohibée. 

«  Oportet  autem  curare,  ajoute-  saint  Alphonse  [ih.),  ut  hi  pueri 
et  eliciant  actum  doloris  necessarium  ad  suscipiendam  absolutionem, 
et  modo  respectu  ipsorum  magis  proprio  ;  exempli  gratia  ;  Amasne 
«  Deum  qui  est  Dominus  tuus  tam  magnus  et  tam  bonus,  qui  te  creavit, 
«  'pro  te  est  mortuus,  etc  ?  Hune  Deum  tu  offendisti.  Ipse  tibi  veniam 
•  dure  vult,  et  tu  spera  quod  propter  sanguinein  J.  C.  Filii  sui  tibi 
c  ignoscat.  Sed  oportet  te  pœnitere.  Qnid  dicis  ?  Pœnitet  te  nnnc  eum 
«  offendisse,  etc.  Istis  injuriis  quas  Deo  in'ogasti,scis  quod  infernum 
«  meruisti?  Displicet  tibi  quod  ipsas  commiseris  ?  —  Deus  meus, 
«  nunquam  amplius  voJo  te  offendere,  etc. 

((  Curet  etiam  confessarius  magnopere  pueris  insinuare  devolionem 
«  erga  Deiparam,  utqae  recitent  quotidie  rosarium  et  1er  Ave,  mane  et 
f  sero,  semper  hanc  precem  adjungendo  :  Mater  Mea,  libéra  me  a 
a  peccato  mortali.  » 

Craisson,  ancien  vicaire-général.  . 

(1)  De  Synodo,  lib.  vu,  cap.  15. 


QUESTION   LITURGIQUE. 


Du  classement  des  différentes  fêtes  de  l'année  relativement  à  la 
j  solennité  extérieure. 


Plusieurs  fois  déjà  nous  avons  fait  connaître  les  motifs  qui  nous  obli- 
gent de  différer  parfois  les  réponses  aux  difficultés  qui  noussontadres- 
sées.  Un  bon  nombre  de  questions  restent  encore  à  traiter  :  elles  au- 
ront successivement  leur  tour.  Nous  parlerons  cette  fois  du  classement 
des  différentes  fêles  de  l'année,  lelativement  à  la  solennité  extérieure. 

Si  nous  en  jugeons  par  la  manière  dont  cette  difficulté  nous  a  été 
po=ée,  nous  devons  en  conclure  qu'il  s'est  glissé  dans  un  Certain  nombre 
d'églises,  des  irrégularités  assez  notables  sous  ce  rapport.  11  ne  sera 
donc  pas  inutile  de  tracer  les  régies  à  suivre  sur  ce  points  et  la  chose 
nous  sera  d'autant  plus  facile  que  notre  travail  sur  les  fondions  ponti- 
ficales, t.  VII,  p.  438,  renferme  toute  la  solution  de  cette  question, 
surtout  s'il  est  mis  en  regard  de  quelques  textes  du  Cérémonial  des 
Évêques,  ayant  un  rapport  direct  et  immédiat  au  sujet  qui  nous  occupe. 
Ces  régies  sont  les  suivantes  : 

PREMIÈRE  RÈGLE.  Il  y  a  quatre  degrés  de  solennité  extérieure.  Le 
premier  comprend  les  fêles  les  plus  solennelles,  savoir  :  Noël,  l'Epipha- 
nie, le  dimanche  de  Pâques,  l'Ascension,  le  dimanche  de  la  Pentecôte, 
la  fête  du  très-saint  Sacrement,  celles  des  saints  Apôlres  Pierre  et 
Paul,  de  l'Assomption  de  la  sainte  Vierge,  de  la  Toussaint,  du  Titulaire, 
du  Patron,  et  de  la  Dédicace.  On  donne  le  deuxième  degré  de  solen- 
nité aux  deux  jours  qui  suivent  Noël,  Pâques  et  la  Pentecôte,  aux  fêtes 
de  la  Circoncision  de  Notre-Seigneur,  de  l'Immaculée  Conception,  de 
la  Purification,  de  l'Annonciation,  de  la  Visitation  et  de  la  Nativité  de 
la  bienheureuse  Vierge  JMarie,  et  à  celles  de  la  très-sainte  Trinité  et  de 
la  Nativité  de  saint  Jean-Baptiste.  Le  troisième  convient  aux  dimanches, 


17/i  LITURGIE. 

aux  fêtes  du  ril  double-majeur  et  à  toutes  les  fêtes  doubles  de  seconde 
classe  auxquelles  on  ne  doit  pas  donner  le  deuxième  degré  suivant  ce 
qui  vient  d'être  dit.  Le  quatrième  degré  appartient  à  toutes  les  fériés  et 
fêtes  du  rit  double-mineur  et  au-dessous  tombant  dans  la  semaine. 

Cette  classification  ressort  du  texte  du  Cérémonial  des  Evêques  indi- 
quant le  nombre  de  chapiors  qui  convient  aux  différentes  solennités  dans 
les  grandes  églises,  et  d'un  décret  de  la  S.  G.  déclarant  que  ce  texte 
indique  la  proportion  à  suivre. 

Nous  lisons  dans  le  Cérémonial  des  Évêques  1.  JI,  c.  m,  n.  16  et 
17,  où  il  est  traité  des  vêpres  solennelles:  «  Eodem  modo  et  ordine 
«  semper,  diebus  dorainicis  et  festivis  quae  a  populo  observantur,  a  cano- 
«  nico  bebdomadario,  lam  in  coUegiatis  quam  in  calhedralibus  Eccle- 
«  siis,  absente  episcopo^  vesperarum  officia  celebrantur  :  ea  tamen 
a  n:oderatione  adhibita,  quod  in  festis  solemnioribus,ut  in  NataliDo- 
«  mini  nostri  Jesu  Christi,  Epipbania,Paschate  Resurrectionis,Ascen- 
«  sione,  Pentecostc,  in  testo  Corporis  Christi,  SS.  Apostolonira  Pctri 
«  et  Pauli,  Assumptionis  B.  M.  V.  et  omnium  Sanctoruni,  sancti  Tita- 
«  laris  ecclesiae,  et  Palroni  civitalis,  vel  Ecclcsiae  Dedicationis,  sex 
«  pluviaiia  a  presbyteris,seuclericistotidem,bebdomadarioassistentibus 
•  sumanlur.  In  aliis  festis  immédiate  subsequentibus  diera  Nativitaiis 
«  DominijPaschaeelPentecostes  ;  item  in  festis  Circumcisionis  Domini, 
«  Purificationis,  Annuntiationis,  et  Nativitaiis  B.  M.  V.,  sanctissimae 
c(  Trinitatis,  et  S.  Joannis  Baplistae,  quatuor  tantum  pluviaiia sumantur; 
«  in  dominicis  vero^,  et  aliis  festis,  duo.  In  duplicibus  autem  minoribus, 
«  semiduplicibus,  simpiicibus  et  feriis,  non  oportet  celebrantera^  seu 
«  hebdomadarium  esse  paratum,  seufieri  Ihurificationes.  » 

Ce  texte  montre  clairement  le  degré  relatif  de  solennité  des  diffé- 
rentes fêtes.  1°  La  fêle  de  saint  Jean-Baptiste  etlesdeux  premiers  jours 
dans  l'octave  de  Pâques  et  de  la  Pentecôte,  quoique  rangésparmi  les  fêles 
du  ritdoublede  première  classe, sont  considérés  comme  des  jours  moins 
solennels  que  les  autres  du  même  rit.  2°  Parmi  les  fêtes  du  rit  double 
de  seconde  classe,  les  fêtes  de  la  Circonsision  de  N.-S.,  de  la  Purifica- 
tion, de  l'Annonciation,  de  la  Nativité  de  la  sainte  Vierge,  et  les  deux 
fêtes  qui  suivent  la  fête  de  Noël,  sont  considérées  comme  plus  solen- 
nelles que  les  autres  du  même  degré. 

Si  nous  rapprochons  ce  texte  de  celui  que  nous  avons  cité, 
t.  VII,  page  439,  et  de  ce  qui  est  dit  au  ch.  xxxiv.u.  4  du  Cérémonial, 
nous  remarquons  la  même  classification  lorsqu'il  s'agit  de  déterminer 
les  jours  où  l'évêque  diiit  officier  dans  sa  cathédrale,  assister  paré 
ou  non  paré.  Ici  seulement,  le  dimanche  de  l'octave  de    Pâques  est 


LITURGIE.  175 

mis  au  nombre  des  fêtes  d'une  solennité  secondaire.  Nous  justifions 
aussi  par  ce  même  texte  ce  que  nous  avons  indiqué  relativement  aux 
deux  fêles  qui  suivent  le  jour  de  Noël.  Le  Cérémonial  des  Evêques 
(1.  II,  c.  III,  n.  17)  portant  seulement  jn  aliis  festis  immédiate  subse- 
qnetitibtis  Nalivitalem  Domini,  on  en  aurait  peut-être  conclu  que  la  fête 
des  Saints-Innocents  y  serait  comprise.  Mais  on  voit  assez,  par  le  texte 
même  du  Cérémonial,  que  si  les  fêtes  de  saint  Etienne  et  de  saint  Jean 
l'Évangéliste  sont  mises  au  nombre  des  fêtes  de  solennité  secondaire, 
c'est  qu'elles  sont  considérées  comme  seconde  .et  troisième  fêtes  de 
Noël. 

Les  fêtes  du  rit  double  de  seconde  classe  qui  sont  célébrées  avec  une 
solennité  plus  grande  que  les  autres  du  même  degré,  sont  celles  qui  ont 
pour  objet  un  mystère  de  la  vie  de  Notre-Seigneur  ou  de  la  très-sainte 
Vierge.  On  n'y  énumère  pas,  à  la  vérité,  rimmacidée  Conception  et  la 
Visitation,  mais  ces  deux  fêles  ont  été  élevées  au  rit  double  de  seconde 
classe,  la  première  par  la  constitution  In  excelso  d'Innocent  XII,  du  15 
mai  1G95  ;  la  deuxième  [lar  un  décret  de  Pie  IX,  du  31  mai  1850.  Les 
dates  sont,  il  est  vrai,  postérieures  au  Cérémonial  des  Évoques,  et  la 
seconde,  à  h  révision  faile  en  1752;  mais  la  fête  de  la  Conception 
n'avait  pas  la  solennité  qu'on  lui  donne  aujourd'hui.  Le  cardinal-préfet 
de  la  S.  C.  des  Rites,  consulté  sur  ce  point,  a  fait  répondre  que  l'on 
peut  avoir  deux  ou  quatre  chapiers,  suivant  la  solennité  qu'on  a  cou- 
tume de  donner  à  ces  fêtes. 

Nous  avons  pu  nous  procurer  le  texte  de  cette  consultation  : 
«  Utrum  in  vesperis  lmmaculata3  Gonceptionis  et  Visifationis  B.M.  Y. 
«  assumi  debeant  quatuor  pUivialia?  Ratio  dubitaudi  est,quod  in  Caere- 
«  moniaii  Episcoporum  (1.  Il,  c.  m,  n.  17)  enumerantur  cœteri  dies 
«  in  quibus  ritu  duplicis  secundae  classis  celcbratur  festum  in  honorera 
«  alicujus  mystcrii  vita3  lum  Domini,  tum  Bealai  Mariae,  praeter  duo 
«  prœdicta,  quibus  tune  eadem  ac  hodienon  tribuebatur  solemnilas?  » 
Le  cardinal-préfet  a  répondu  :  «  Pendere  a  solemnilate  qua  festum 
a  peragitur  in  qualibet  ecclesia.  »  (3  Oct.  1861.) 

Nous  voyons  assez  clairement  par  ces  textes,  la  classification  des 
fêtes  sous  le  rapport  du  degré  de.  solennité  qui  doit  leur  être  donné. 
Une  décision  delà  Sacrée  Congrégation  des  Rites,  nous  le  montre  d'une 
manière  non  moins  explicite.  Monseigneur  l'évêque  de  Vaison  ayant 
demandé  si  la  rubrique  du  Cérémonial  des  évêques  relative  au  nombre 
des  chapiers,  astreignait  toutes  les  églises,  la  Sacrée  Congrégation  a 
répondu  que  toutes  les  églises  ne  sont  pas  tenues  à  en  avoir  autant, 
mais  qu'on  doit  garder  la  proportion  indiquée  par  le  Cérémonial  :  «  Li- 


176  LITURGIE. 

•  cere,  altentis  peculiaribus  ecclesi*  circumstantlis  (1),  quatuor 
«  assuraere  pluvialia  in  festivitatibus  primae  classis,  duo  in  aliis  secundae 
a  classis,  observata  proportionead  formam  Caeremonialis.  Cum  autem 
«  proportio  haec  omnino  servanda  sit ,  decernimus,  ac  declaramus 
«  juxta  dispositionem  Caeremonialis  (quatenus  cathedralis  Vasionensis 
«  ecclesia  sufficienti  numéro  ministrorum  instructa  sH,  sacra  indumenta 
f  habeanturunius  ejusdemque  coloris,  proutrubric3eexigant,indiYer- 
«  sitate  festorura)  quatuor  a  ministris  assiimenda  esse  pluvialia  in  festis 
a  solemnioribus,  scilicet,  Natali  D.  iN.  J.  C,  Epiphania,  Paschate 
€  Resurrectionis,  Ascensione,  Pentecoste,  in  festo  Corporis  Christi, 
«  SS.  Apostolorum  Pétri  et  Pauli,  Assumptione  B.  M.  V.,el  omnium 
or  Sanctorum,  S.  Tilularis  Ecclesiae,  et  Patroni  Civitatis,  et  ecclesiae 
a   Dedicationis  :  duo  vero  pluviaba  adhibenda  esse  in  aliis  festis  im- 

•  médiate  sequenlibus  diem  Nativitatis  Domini,  Pasebse  et  Pentecostes ; 
a  item  in  festis  Circumcisionis  Domini,  Purificationis,  Annuntiationis 
«  et  Nativitatis  B.  M.  V.,  SS.  Trinitatis  et  S.  Joannis  Baptistaj  : 
«  tandem  in  dominicis,  aliisque  festis  unum  tanlum  pluviale  erit  ad- 
a  hibendum  a  célébrante,  aut  dignitas  sit,  aul  canonicus,  aut  hebdo- 
«  madarius.  lia  decernimus  et  declaramus,  ut  ea  servetur  proportio 
«  q uam  requirit  Caeremoniale  Episcoporum,  quae sane  proportio  tenenda 
«  est,  nulle  habito  discrimine  intercelebrantiurn  personas,  cum  eadem 
«  numéro  pluvialia,  eadem  pretiosa,  aut  pretiosiora  indumenta  assu- 
«  menda  sint,  prout  exigunt  isti  dies  qui  recurrunt,  vel  dignitas,  vel 
«  canonicus,  juxta  ecclesiae  Vasionensis  ordinera,  consuetudinera,  at- 
«  que  statuta  sacra  peragere  debeat.  »  (Décret  du  12  Juillet  1777, 
n°  4384.) 

DEUXIÈME  RÈGLE.  Parmi  les  fêtes  auxquelles  appartient  le  premier 
degré  de  solennité,  les  plus  solennelles  sont  celles  de  Noël,  de  Pâques, 
de  la  Pentecôte,  du  Titulaire  et  du  Patron. 

Ce  principe  ressort  de  ce  qui  a  été  dit,  t.  vu.  p.  441  et  suivantes, 
relativement  aux  fondions  pontificales. 

TROISIÈME  RÈGLE.  Parmi  les  fêtes  auxquelles  doit  appartenir  le  deu- 
xième degré  de  solennité,  la  plus  solennelle  est  celle  de  l'Annonciation 
de  la  sainte  Vierge.  Le  mardi  de  Pâques  et  le  mardi  de  la  Pentecôte 
sont  les  moins  solennelles. 

La  première  partie  de  cette  régie  est  suffisamment  prouvée  dans 
l'article  déjà  cité,  t.  vu,  p.  446.  Quant  à  la  seconde,  elle  est  appuyée 

(1)  Attentis  pecularibm  circumstanliis .  11  y  avait  alors  quelques  discus- 
sions entre  les  prélrcs  de  cette  cathédrale. 


LITURGIE.  177 

sur  la  rubrique  qui  assigne  au  mardi  de  Pâques  la  translation  de  la 
procession  des  grandes  litanies,  si  le  dimanche  de  Pâques  arrive  le  25 
avril. 

QUATRIÈME  RÈGLE.  Parmi  les  jours  où  l'office  doit  avoir  le 
troisième  degré  de  solennité,  le  plus  solennel  est  le  dimanche  de 
l'octave  de  Pâques.  Ce  jour  est  plus  solennel  que  les  fêtes  doubles  de 
seconde  classe  auxquelles  on  n'attribue  pas  le  deuxième  degré  de  so- 
lennité. 

Ce  jour,  en  effet,  comme  il  a  été  dit  ci-dessus,  l'évêque  assiste  en 
chape  à  la  messe  solennelle,  dans  sa  cathédrale,  comme  aux  fêtes  de 
solennité  secondaire,  et  rien  n'est  spécifié  à  cet  égard  pour  les  fêtes 
doubles  de  seconde  classe,  autres  que  celles  énumérées  dans  la  même 
rubrique. 

CINQUIÈME  RÈGLE.  Il  est  louablc  de  tenir  compte  des  principes  énon- 
cés dans  la  deuxième,  la  troisième  et  la  quatrième  règles  ;  il  ne  paraît 
cependant  pas  à  propos  de  changer  la  proportion  indiquée  dans  la 
première  règle  pour  le  nombre  de  chapiers,  s'il  est  facile  de  ne  pas  le 
faire. 

Cette  proportion,  en  effet,  est  indiquée,  dans  le  Cérémonial  desÉvê- 
ques,  d'une  manière  positive.  Cette  rubrique  et  le  décret  cité  sont 
très- explicites  sur  ce  point.  C'est  assez  pour  en  faire  l'objet  d'une 
attention  spéciale.  On  pourra  donc,  aux  fêles  de  Noël,  de  Pâques,  de  1 
Pentecôte,  du  Titulaire  de  l'Église,  du  Patron  du 'lieu,  décorer  l'é- 
glise avec  plus  de  soin  qu'à  toutes  les  autres  fêtes,  employer  des  chants 
plus  solennels,  des  ornements  plus  précieux,  etc.  Mais  si  le  personnel 
du  clergé  de  l'église  le  permet,  et  si  rien  ne  s'y  oppose,  on  fera  bien 
de  prendre  le  même  nombre  de  chapes  aux  vêpres  des  autres  fêtes 
auxquelles  le  Cérémonial  attribue  le  premier  degré  de  solennité. 

SIXIÈME  RÈGLE.  11  ne  paraît  pas  contraire  aux  règles  de  la  liturgie  de 
célébrer  certaines  fonctions  avec  un  degré  de  solennité  plus  élevé  que 
pelui  qui  devrait  leur  appartenir,  à  raison  d'une  circonstance  particu- 
lière, et  même  d'augmenter  le  nombre  des  chapiers. 

Il  faut,  sans  aucun  doute,  respecter  la  lettre  du  Cérémonial,  et  tel 
est  le  sens  de  la  règle  précédente.  Pour  en  comprendre  l'esprit,  il  faut 
se  rappeler  quelques  autres  principes.  D'abord,  comme  nous  l'avons 
vu  t.  VI,  p.  356,  il  est  permis  de  célébrer  les  vêpres  d'une  fête  du 
rit  double  majeur  ou  mineur,  ou  même  les  vêpres  semi-doubles  du  di- 
manche, avec  la  solennité  qui  convient  à  une  fête  dont  on  aurait  chanté 
la  Messe  votive  à  raison  d'une  solennité  transférée  ;  de  plus,  la  réponse 
du  cardinal  -  préfet  de  la  sacrée  Congrégation  rapportée  ci-dessus 

Revue  des  sciences  eccLÉsiASTiQUES,  t.  ix.  12 


178  LITURGIE. 

montre  suffisamment  qu'on  peut  user  à  cet  égard  d'une  certaine  latitude. 
D'après  le  Cére'monial,  l'évêque  assiste  en  chape,  dans  sa  cathédrale, 
non-seulement  aux  fêtes  du  deuxième  degré  de  solennité,  mais  encore 
«  in  aliquibus  principalibus  festivitalibus  ecclesiae  cathedralis,  et  pro 
«  aliqua  re  gravi,  ad  universalem  vel  propriam  Ecclesiam  spectante.  » 
On  pourrait  donc  maintenir,  ce  me  semble,  l'usage  de  quelques  églises 
de  célébrer  avec  une  pompe  extérieure  d'un  rit  plus  élevé,  même  en 
augmentant  le  nombre  des  chapiers,  certaines  fêtes  ou  certains  offices. 
Telles  sont  certaines  coutumes  sur  lesquelles  on  désire  connaître  notre 
sentiment.  Ainsi,  dans  quelques  endroits,  les  officesont  coutume  d'être 
célébrés  avec  une  grande  pompe  à  quelques  fêles  de  Confrérie,  le  jour 
de  la  première  communion  des  enfants,  le  jour  où  un  prêtre  nouvelle- 
ment ordonné  vient  pour  la  première  lois  l'aire  les  offices  dans  une 
église,  etc.  Nous  ne  voyonsaucune  raison  d'improuver  ces  usages;  nous 
faisons  toutefois  les  observations  suivantes  :  1°  Jamais  il  n'est  permis  de 
changer  le  rit  d'un  olBce,  et  quand  même  il  serait  célébré  avec  pompe 
extérieure,  on  ne  doit  y  supprimer  aucun  mémoire  ;  s'il  est  du  rit 
serai-double,  on  ne  double  point  les  antiennes.  Ce  principe  résulte  de 
ce  qui  a  été  dit  t.  vu,  p.  356.  2"  Nous  ne  pouvons  admettre  que  l'on 
puisse  à  volonté,  comme  l'ont  prétendu  certaines  personnes,  changer 
la  nature  ou  l'ordre  de  l'office  dans  les  églises  oii  il  n'est  pas  d'obliga- 
tion ,  si  les  vêpres  se  célèbrent  avec  solennité  ;  tout  au  plus  peut-on 
tolérer  l'usage  de  chanter  seulemer.t  une  partie  de  l'office,  si  l'on  n'y 
lait  aucune  cérémonie.  3°  On  ne  peut  pas  célébrer  l'office  avec  une  so- 
lennité extérieure  plus  grande  pour  faire  honneur  à  un  prêtre  en  par- 
ticulier, comme  on  le  voit  par  le  décret  cité.  Le  cas  d'un  prêtre  nou- 
vellement ordonné  n'y  paraît  pas  compris. 

SEPTIÈME  RÈGLE.  Quoiqu'on  puisse  suivre  l'usagededonneràccrtaines 
fonctions  une  pompe  extérieure  plus  grande  que  ne  comporterait  le  rit 
de  l'office,  il  est  bon  cependant  de  faire  une  distinction  entre  la  solen- 
nité qu'un  y  donne  et  celle  des  fêtes  auxquelles  elle  appartiendrait. 
Cette  distinction  peut  se  faire  surtout  par  le  nombre  des  chapiers. 

Celle  règle  est  appuyée  sur  la  lettre  du  Cérémonial,  et  sur  les  ré- 
flexions que  nous  avons  faites  au  sujet  de  la  cinquième  règle. 

P.K. 


DÉCISION 

DK   LA   SACRÉE  CONGRÉGATION   DU   CONCILE. 

(26  septembre  1863.) 


PataTina.  —  Amovibiliiatis  Vicariorum  coadjutorum. 

La  S.  Congrégation  da  Concile,  dans  une  de  ses  dernières  séances, 
s'est  occupée  d'une  cause  qui  offre  un  intérêrgénéral,  et  touche  à  cer- 
tains points  très-importants  de  la  jurisprudence  canonique.  La  question 
de  l'inamovibilité,  qui  a  donné  lieu  autrefois  en  France  à  d'assez  vives 
controverses,  presque  toujours  aussi  vaguement  déterminées  que  con- 
duites avec  peu  d'intelligence  des  principes  du  droit  canoni^ne,  est 
touchée  dans  cette  affaire.  Bien  que  les  points  qui  chez  nous  seraient 
pratiques,  ne  soient  point  déterminés  dans  celte  décision,  néanmoins  le 
canoniste  pourra  tirer  des  réflexionsdu  rapporteur  delà  S.  Congrégation 
un  utile  enseignement. Voici  le  fait  qui  a  donné  lieu  à  cette  décision  : 

La  ville  de  Padoue  était  autrefois  divisée  en  30  paroisses,  adminis- 
trées seulement  par  28  curés  titulaires,  dont  deux  par  conséquent 
étaient  chargés  du  soin  de  deux  paroisses.  Mais  cet  état  de  choses  fut 
modifié  ou  troublé  en  1804  par  un  décret  impérial  qui  réduisait  à  12 
les  30  paroisses,  dont  l'existence  remontait  à  un  temps  immémorial. 
Toutefois  les  curés  dépossédés  purent  jusqu'à  la  mort  jouir  de  leur  an- 
cienne prébende. 

Or,  la  disparition  de  ceux-ci  faisant  sentir  le  besoin  d'ouvriers  dans 
la  vigne  du  Seigneur,  un  décret  (13  janvier  1808)  du  pouvoir  civil 
arrêta  qu'on  adjoindrait  aux  curés  quelques  vicaires  coadjuteurs  qui, 
sur  la  proposilion  du  Préfet,  seraient  nommés  par  l'ordinaire.  On 
assigna  à  ceux-ci  500  livres  de  traitement  annuel  payables  sur  les 
revenus  du  bénéfice,  et  quelques-uns  obtinrent  en  outre  les  anciennes 
maisons  paroissiales.  Il  importe  aussi  de  rappeler  que  10  églisesdes  pa- 
roisses supprimées  furent  renversées  de  fond  en  comble. 


180  DÉCISION 

Tuutefuis,  parmi  les  23  vicaires  créés,  les  uns  retinrent  l'ancienne 
prébende  avec  la  maison  et  l'église  parroissiales,  d'autres  ne  reçurent 
que  la  prébende  sans  la  maison,  et  enfin  quelques-uns  furent  payés  par 
l'État. 

Après  cette  perturbation  des  biens  et  des  droits  ecclésiastiques, 
l'évêque  de  Dondis  ab  Orologio  donna  à  cette  organisation  des  paroisses 
une  forme  définitive  :  il  accorda  à  4  de  ces  vicaires  des  lettres  de  col- 
lation et  d'institution  in  prsebendam  sen  beneficium,  sans  rien  spécifier 
sur  l'amovibilité  et  l'inamovibilité,  en  désignant  toutefois  ceux-ci  sous 
le  nom  de  vicaires  adjoints  avec  charge  d'àmes,  sous  la  direction  et  la 
dépendance  de  leurs  curés  respectifs.  Mais  les  deux  évéques  Farina  et 
Manfredini,  successeurs  du  précédent,  ayant  dans  leurs  lettres  de  colla- 
tion fait  mention  expresse  de  l'amovibilité,  les  vicaires  coadjnteurs  ré- 
clamèrent, et  adressèrent,  en  1859,  une  supplique  au  saint  Père,  afin 
d'être  déclarés  inamovibles  dans  leurs  propres  fonctions  et  prébendes. 

Sa  Sainteté  ayant  renvoyé  cette  affaire  à  la  S.  Congrégation,  celle- 
ci,  par  l'organe  de  son  secrétaire,  demanda  l'avis  de  l'Évêque  de  Padoue 
sur  la  nature  des  bénéfices  en  question.  Le  prélat  se  contenta  d'abord 
de  transmettre  les  réclamations  amères  dos  curés  titulaires  contre  les 
prétentions  des  coadjuteurs,  en  donnant  d'ailleiTS  son  adhésion  au  vœu 
des  dits  curés,  qui  concluaient  minime  expedire  ut  bénéficia  snpradi- 
ctortim  sacerdolum  inamovibilia  declarentur.  A  cela  toutefois,  lÉvê- 
que  ajoute  une  raison  d'opportunité  :  His  prseferlim  temporibus, 
qnibus  etiam  in  clerum  quamdam  snhjeclionis  inlolerantiam  irrepsisse 
dolendum  est. 

Le  même  évêque,  invité  de  nouveau  par  la  S.  Congrégation  à  vouloir 
bien  donner  des  renseignements  plus  explicites,  répond,  par  sa  lettre 
du  ^'-2  juin  1865,  «  qu'aucun  des  vicaires  coadjuteurs  n'a  la  juridiction 
'proprement  dite,  mais  qu'ils  exercent  la  charge  d'àmes  sous  l'entière 
dépendance  des  curés  ;  que  ces  vicaires  n'ont  aucun  territoire  détermi- 
né ou  distinct;  qu'ils  ne  reçoivent  point  Pinvestiture,  mais  des  lettres 
patentes  ;  et  qu'ils  n'ont  pas  la  libre  administration  des  sacrements,  ni 
l'assistance  aux  mariages,  ni  le  jus  funerandi,  decimandi. 

A  l'interrogation,  si  les  changements  opérés  dans  ces  paroisses  par 
le  pouvoir  civil  avaient  été  ratifiés  par  l'autorité  ecclésiastique,  l'Évê- 
que  répond  que  le  fait  n'est  pas  certain,  mais  que  la  pratique  a  approuvé 
et  confirmé  cet  éiat  de  choses. 

Avant  d'aborder  la  question  de  droit  sur  l'inamovibilité  des  vicaires 
coadjuteurs,  il  importe  encore  de    faire  une  observation   préalable. 

D'après  la  €onstitution  Decernil  d'Innocent  III,  le  pouvoir  civil,  desa 


DE    LA   S.    Ç.    DU    CONCILE.  181 

propre  autorité,  ne  peut  rien  statuer  «  quod  Ecclesiarum  etiara  respi« 
cial  coramodum  et  favoreni.  »  Il  résulte  donc  de  là  que  la  suppression 
des  paroisses  dans  la  ville  de  Padoue,  est  un  acte  de  nulle  valeur.  La 
S.  Congrégation  du  Concile  s'est  exprimée  plusieurs  fois  sur  ce  point. 
{//)  Fossanen.  Capell.  18  dec.  iSAl.  Casertana  Reinlegr.  diei  8  aug. 
1863.)  Et  celte  loi,  qui  concerne  tous  les  bénéfices  ecclésiastiques, 
doit  être  encore  plus  strictement  observée  lorsqu'il  s'agit  des  (laroisses, 
jusqu'à  ce  point  que  la  Congrégation  ratifie  difficilement  lessuppressions 
opérées  même  par  l'autorité  ecclésiastique  :  il  faut  pour  cela  qu'il  y  ait  ou 
utilité  évidente  ou  nécessité  manifeste.  Les  décisions  sur  ce  point  sont 
nombreuses  et  précises,  et  la  supfircssion  des  paroisses  est  considérée 
comme  tellement  opposée  au  droit,  que  l'Évêque  ne  peut  l'effectuer  en 
vertu  de  son  seul  pouvoir  ordinaire.  C'est  du  moins  renseignement 
commun  des  canonistes,  qui  se  fondent  sur  les  paroles  du  Concile  de 
Trente. (Sess.  25, c.  [Q,de Ref.;Borb.  alleg.  68,  n.  9  ;  Leiiren.  sect.  2 
de  Alleral.  et  suppr.  henef.  qtisesl.  964,  n.  6  :  Ricc.  in  praxi  rer.  quo» 
tid.  For.  Eccles.  part.  4,  resol.  553  :  Lotter.  de  re  henef.  l.  1 ,  c.  28, 
n.  78  &€qq.  :  Turrkell.  de  Union,  c.  1,  n.  6  seqq.  :  Rota  in  Cracov. 
Canonicalus,  \bjan.  1825.) 

Et  même  en  vertu  de  leurs  pouvoirs  extraordinaires,  comme  délé- 
gués du  Siège  Apostolique  [Conc.  Trid.  Sess.  24,  c.  iZ  de  Réf.),  i\s  ne 
peuvent  opérer  celte  suppression  qu'autant  qu'ils  emploieront  les  solen- 
nités proscrites  par  les  saints  canons.  Le  droit  propre  el  originaire 
d'opérer  ces  supfiressions  n'appartient  qu'au  Pontife  romain. 

Comme  le  rétablissement  des  anciennes  paroisses  de  Padoue  semble 
aujourd'hui  impossible,  il  ne  reste  qu'une  double  alternative  :  ou  de 
régulariser  l'étal  de  choses  actuel,  ou  d'attendre  que  les  circonstances 
permettent  de  rcédifier  les  églises  supprimées. 

Mais  comme  il  s'agit  surtout  ici  de  l'amovibilité  des  vicaires  coad- 
juleurs,  nous  allons  discuter  la  question  de  droit,  en  apportant  d'abord 
les  raisons  alléguées  par  les  parties. 

1.  Les  curés  qui  forcent  opposition  à  la  demande  des  vicaires  coac}- 
juleurs,  invoquent  :  1°  le  décret  du  pouvoir  civil  qui  a  voulu  créer  des 
vicaires  amovibles.  Cet  argument  est  de  nulle  valeur,  ainsi  qu'il  résulte 
de  ce  qui  a  été  dit  plus  haut.2''Arriyant  ensuite  à  des  raisons  plus  sé- 
rieuses, ils  font  remarquer  que  les  évêques  §e  sont  conformés  à  ce 
décret  du  pouvoir  civil,  décret  qu'ils  ont  mis  à  exécution,  et  que  les 
deux  derniers,  Farina  et  Manfredini  font  mention  e.xpressede  l'amovi- 
bilité dans  leurs  lettres  patentes.  L'évôqne  àp  Ponfjis  lui-n^êmc  adopte 
pour  les  lettres  patentes  des  vicaires  une  formule  différente  de  celle  qui 


182  DÉCISION 

est  employée  dans  les  bulles  des  curés.  Dans  les  premières  on  lit:  Tibi 
assignatnus  prœbendajn  seuheneficuim.  Dans  les  nominations  des  curés 
on  se  sert  des  expressions  suivantes  :  Tibi  ecclesiam  conferimns  et 
assignamiis  et  de  ea  investimus.  Il  y  a  donc  toute  la  difTérence  entre 
la  collation  d'un  office  et  d'une  prébende,  et  celle  de  la  juridiction. 
3°  Jamais  les  évêques  n'ont  voulu  admettre  ces  prébendes  comme  titre 
d'ordination. 

Les  curés  opposants  terminent  on  alli'guant  uns  raison  de  convenance. 
Les  évêques^  disent-ils^  en  ne  reconnaissant  que  des  vicaires  amovibles, 
se  sont  moins  fondés  sur  les  exigences  du  pouvoir  civil  que  sur  l'utilité 
des  églises.  L'amovibilité  d'ailleurs  n'a  jamais  été  nuisible  soit  aux  dits 
vicaires,  qui  quelquefois  sont  devenus  curés^  soit  aux  prébendes  elles- 
mêmes,  qui  se  sont  bien  conservées  entre  les  mains  de  leurs  recteurs 
amovibles.  Cette  amovibilité,  d'autre  part,  est  grandement  utile  aux 
paroisses:  d'abord  les  ecclésiastiques,  par  l'exercice  du  saint  ministère 
dans  les  vicariats,  deviennent  plus  tard  des  curés  habiles  et  expéri- 
mentés; si,  au  contraire,  les  vicariats  étaient  inamovibles,  ilrésulterait 
de  cet  état  de  choses  que  les  jeunes  prêtres  nouvellement  ordonnés, 
qui  deviennent  coadjuteurs,  une  fois  pourvus  d'une  prébende  inamovible, 
«  in  eadem  inertes  lorpescerent,  studiis  valedicentes,  ac  propria  numera 
oscitanter  obeuntes,  prout  quolidiana  experientia  docet  hoc  in  ils  locis 
evenire,  ubi  recens  ordinatiprcsbyteri  ad  parochialemunus  exercendum 
illico  admissi  non  per  vicarise  administrationis  gradum  ad  parochias, 
ascendunt.  » 

H.  A  toutes  ces  raisonS;  les  vicaires  coadjuteurs  opposent  les  argu- 
ments suivants  . 

1°  Le  décret  du  gouvernement,  qui  à  la  vérité  n'a  en  lui-même  au- 
cune valeur,  fait  mention  expresse  de  l'institution  canonique  et  d'un 
titre  paroissial.  2°  L'évêque  de  Dondis,  qui  gouvernait  l'Église  de  Pa- 
doue  an  moment  de  la  suppression,  et  qui,*par  conséquent,  mieux  que 
ses  successeurs,  connaissait  les  besoins  des  églises,  n'a  jamais  fait 
mention  de  l'amovibilité  :  bien  plus,  en  1816,  il  émit  le  vœu  que  le 
gouvernement  autrichien  considérât  les  vicaires  coadjuteurs  comme 
inamovibles.  Et  dans  ce  vœu,  il  rappelle  que  les  dits  vicaires  ne  peu- 
vent être,  comme  des  chapelains  ordinaires,  dépossédés  par  la  seule 
volonté  des  curés,  mais  que  cette  dépossession  exige  l'assentiment  de 
l'évêque  et  l'approbation  du  gouvernement.  Il  résulte  donc  de  là  que 
les  vicaires  coadjuteurs,  bien  que  n'ayant  pas  été  originairement  insti- 
tués en  titre,  ne  peuvent  cependant  être  dépossédés  sans  raisons  cano- 
niques. Donc,  conclut  le  défenseur,  ces  côadjuloreries  seraient  à  la  fois 


DE    LA   S.    G.    DU   CONCILE.  183 

amovibles  et  inamovibles,  ce  qui  est  anormal  :  les  vicaires  sont  d'ailleurs 
assujettis  à  l'examen,  à  la  profession  de  foi  exigée  par  le  concile  de 
Trente  {Sess.  24,  c.  12  (fe  Réf.)  pour  les  curés.  Dans  l'acte  de  mise  en 
possession,  ils  doivent  baiser  l'autel,  s'asseoir  au  confessional,  etc.,  en 
un  mot  remplir  toutes  les  formalités  des  véritables  bénéficiers.  S'ils 
viennent  à  ôlre  dépossédés,  on  exige  un  acte  de  renonciation  en  les  me- 
naçant des  censures.  Or  tout  cela  e&t  incompatible  avec  l'amovibilité,  et 
contraire  à  toute  la  discipline  ecclésiastique.  Pour  faire  disparaître  ces 
anomalies,  il  serait  donc  opportun  que  la  S.  Congrégation  déclarât  l'in- 
amovibilité des  coadjuteurs  de  Padoue. 

Enfin,  l'avocat  des  réclamants  insiste  aussi  sur  ce  que  l'évêque  Oro- 
logio  se  servait  dans  ses  lettres  de  collation  des  termes  de  bénéfice, 
prébende,  invefliliire,  etc.,  termes  qui,  selon  les  requérants,  indique- 
raient un  bénéfice  véritable.  Or,  il  est  de  la  nature  du  bénéfice  d'être 
perpétuel,  non-seulement  en  lui-même,  mais  encore  dans  les  bénéfi- 
ciers, ainsi  que  l'enseignent  Reiff.  in  décret,  l.  3,  lit.  4,  §  4,  n.  6; 
Barh.  l.  5,  Jus:  eccl.  cap.  5,  ti.  8  ;  Vallensis,  eod.  tit.  §1,7).  5; 
Engel.  ibi,  n.  2;  Layman,  Tlieol.  mor.  tract.  2,  cap.  1,  n.  d. 

Les  vicaires  coadjuteurs,  après  avoir  invoqué  ces  raisons  de  droit, 
descendent  ensuite  à  deux  raisons  de  convenance  : 

1°  L'utilité  du  peuple  :  le  pasteur  a  soin  des  brebis  qui  lui  appar- 
tiennent, tandis  que  le  mercenaire  considère  les  fidèles  comme  n'étant 
pas  ses  ouailles,  easque  mactat  et  perdit. 

2°  Le  bénéficier  inamovible  apporte  plus  de  soin  et  d'intérêt  à  amé- 
liorer la  situation  de  ce  bénéfice,  qu'il  possède  à  litre  perpétuel.5 

Au  surplus,  ajoutent-ils,  la  Sacrée  Congrégation  a  déjà  eu  à  statuer 
sur  une  question  semblable,  en  conservant  l'inamovibilité  des  six  man- 
sionnaires  coadjuteurs  de  l'archiprêlre,  auxquels  le  mêmeévêque  Farina 
voulait  la  ravir. 

La  requête  des  coadjuteurs  se  termine  en  rappelant  l'article  27  du 
dernier  concordat  entre  le  Saint-Siège  et  l'empereur  d'Autriche,  ar- 
ticle dans  lequel  il  est  déclaré  que  tous  ceux  qui  auront  été  nommés  à 
un  bénéfice  quelconque,  ne  pourront  prendre  l'administration  des  biens 
temporels  annexés  à  ce  bénéfice  qu'en  vertu  d'une  institution  canonique. 

Le  rapporteur  de  la  Sacrée  Congrégation,  après  avoir  énuméré  toutes 
ces  raisons,  ajoute  :  «  11  semble  en  effet  plus  conforme  au  droit,  que  le 
gouvernement  des  âmes  soit  exercé  par  des  recteurs  perpétuels  plutôt 
que  pardes  pasteurs  amovibles  :  cap.  unic.de  Capell.  monach.  et  can. 
Sanclorum,  dist.  70,  et  cap.  Cnm  ignores  \^  deprxb.  cap.  Exlirpandx 
30  eod.  lit.  §  Qui  vcro  etca?».  \,quœst.  I ,  caus.  13;  Conc.  Trid.  Sess.  7 


18A  DÉCISION    DE    LA    S.    C.    DU    CONCILE. 

c.  7  et  Sess.  24^  c.  13,  de  Réf.  En  outre,  l'enseignement  des  docteurs 
est  unanime  sur  ce  point  :  Fagnan.  in  cap.  Ex  parte  n.  9  et  seq.  de 
Off.  Yic.  ;  Monaceî.  Form.  eccL,  part.  4,  in  siipplem.  n.  172  ;  Card. 
de  Luca  in  Conc.  Trid.  dhc.  9,  n.  1  et  2;  Corrad.  Prax.  benef.  1.  3, 
n.  6;  Ferraris,  v.  Parochia,  n.  14,  et  Sacr.  Congregatio  Concil.  in 
Narnien.  Curx  animar.  (9  se/)M848),  §  ex  tUrinque  ;  in  Ravennaten. 
parœciarum  [l2dec.\ii29);inAtrien.  ciir se  animar.  C^'l  febr.  1862), 
ad.  I  dub.^  et  in  VernJana  dismembrationis  et  erectionis  parœciarum 
(10  maii  1862),  §  Generaliora. 

Il  est  beaucoup  mieux  pourvu  au  soin  des  âmes  par  des  vicaires 
perpétuels  que  par  des  vicaires  amovibles  {Narnien.  9  sept.  1848)  ;  il 
répugne  souverainement  à  l'Eglise  de  considérer  ses  ministres,  surtout 
quand  ils  ont  charge  d'âmes,  comme  des  mercenaires,  qui  opéras  suas 
locent  pro  mercede  diurnâ. 

Toutefois,  malgré  ces  raisons,  comme  le  Concile  de  Trente  {Sess.  7, 
c.  7,  de  Réf.)  ne  défend  point  absolument  de  confier  le  gouvernement 
des  âmes  à  des  curés  amovibles,  il  faut  surtout,  lorsqu'il  s'agit  d'intro- 
duire l'inam.ovibilité,  examiner  les  circonstances  et  spécialement  l'uli- 
IXlé  des  églises  :  et  ce  motifdoit  principalement  être  pesé  avec  maturité, 
lorsqu'il  s'agit,  non  des  curés  en  titre,  mais  de  ceux  qui  remplissent 
les  fonctions  de  coadjuteurs. 

DuBiUM.  An  et  quomodo  amovibiles  vel  inamovlbiles  renunciandi 
sint  vicarii  coadjutores  in  casu  ? 

Resp.  Affirmative  in  ornnibusad  primam partem, juxta  votum  Epi- 
scopi  ;  Négative  ad  secundam. 

E.  Grandclaude. 


BIBLIOGRAPHIE. 


Discours  du  D''  Dœlling^er  à  l'assemblée  de  Munich. 


En  rendant  compte  des  travaux  de  l'Assemblée  de  Munich  dans  le 
dernier  numéro  de  la  Revue,  nous  avons  passé  un  peu  rapidement  sur 
le  discours  du  président  Dœllinger.  Nous  n'avons  fait  qu'indiquer  le 
jugement  qu'il  porte  sur  la  situation  de  la  France  au  point  de  vue  théo- 
logique^  et  les  conditions  qu'il  assigne  à  la  théologie  pour  atteindre  sa 
grande  fin,  l'union  des  esprits  dans  la  connaissance  toujours  plus  appro- 
fondie de  la  vérité. 

Ce  discours  vient  d'être  publié  séparément  (1).  Il  mérite  d'être  étu- 
dié et  discuté  sérieusement.  Nous  ne  pouvons  entreprendre  ce  travail 
dans  la  Revue.  Trop  de  questions  y  sont  soulevées,  trop  de  jugements 
y  sont  portés  sur  les  divers  mouvements  intellectuels  qui  se  sont  pro- 
duits aux  différents  âges  de  l'Église  et  dans  les  différents  pays  chré- 
tiens. 

Pour  se  rendre  compte  du  discours  de  Dœllinger  et  de  certaines  appré- 
ciations qu'il  y  formule,  il  faudrait  connaître  profondément  l'Allemagne, 
et  les  courants  d'idées  qui  ont  passé  sur  ce  pays  depuis  le  commence- 
ment du  siècle.  Ce  qu'on  appelle  la  science  de  l'Allemagne  s'est  déve- 
loppé en  grande  partie  sous  une  influence  protestante.  Les  catholiques 
qui  sont  entrés  dans  le  courant  scientifique  n'ont  pas  toujours  su  se 
défendre  de  cette  influence,  et  ont  trop  souvent  cédé  à  des  tendances 
de  suhjedivisme.  La  vieille  philosophie  catholique,  qui  eût  été  d'un  si 
grand  secours  dans  ce  vaste  développement  inlellecluel,  était  générale- 
ment ou  tout-à-fait  inconnue,  ou  jugée  avec  des  préventions  déplo- 
rables. Quelques-uns  croyaient  pouvoir  se  passer  entièrement  de  phi- 
losophie en  envisageant  toutes  les  questions  au  point  de  vue  de  l'his» 

(1)  Die  Vergangenheit  und  Gegenwart  der  kathoUschen  Théologie.  Voq 
I.  von  Dœllinger.  Regensburg,  Manz,  1863.  8'.  36  pp. 


186  BIBLIOGRAPHIE. 

toire  ou  de  la  théologie.  Les  autres,  au  lieu  de  se  rattacher  aux  grandes 
et  fécondes  traditions  du  moyen-âge,  se  sontlaissésséduire  par  des  sys- 
tèmes que  rp]glise  a  dû  condamner,  tels  que  ceux  de  Hermès,  de  Baa- 
der,  de  Guntlier,  et  récemment  encore  de  Frohschammer.  Ce  n'est  que 
depuis  un  petit  nombre  d'années  que  s'est  manifesté  en  Allemagne  un 
retour  vers  la  philosophie  du  moyen-âge.  L'école  néo-scolastique, 
comme  on  l'a  appelée,  y  a  trouvé  de  grands  et  nobles  représentants, 
entre  autres  dans  les  savants  rédacteurs  du  Catholique  do,  Mayence  ; 
mais  d'autre  part  son  développement  a  renrontré  bien  des  malentendus, 
souvent  de  rhoslilité,  dont  le  principe  se  trouve  moins  dans  la  spécu- 
lation philosophique  considérée  en  elle-même,  que  dans  la  manière 
d'envisager  les  rapports  de  la  philosophie  avec  l'autorité  de  l'Église. 
Les  néo-scolastiques  admettent  comme  leurs  prédécesseurs  le  droit  de 
l'Église  d'intervenir  dans  les  questions  philosophiques.  Les  autres  se 
sentent  moins  disposés  à  reconnaître  cette  autorité,  et  il  n'est  pas  rare 
d'entendre  même  des  esprits  très-droits,  des  hommes  fort  inslruits  et 
très-attachés  à  l'Église,  se  plaindre  des  restrictions  posées  par  les  dé- 
cisions de  l'Église  à  la  liberté  de  la  science. 

Les  deux  partis  étaient  représentés  à  Munich.  Si  cette  réunion  a 
amené  un  grand  résultat  pour  les  idées,  c'a  été  certainement  celui  de 
faire  prédominer  de  plus  en  plus  le  principe  do  la  soumission  à  l'Église. 
Il  nous  semble  que  c'est  au  point  de  vue  de  cette  situation  et  de  ce 
résultat  qu'il  faut  se  placer  pour  apprécier  le  discours  qui  nous  occupe. 
Nous  y  distinguerons  la  partie  relative  à  ces  dispositions  d'esprit  si 
diverses  des  auditeurs,  d'avec  les  idées  toutes  personnelles  de  l'illustre 
président.  Pour  les  jugements  qu'il  porte  sur  plusieurs  des  plus 
importantes  questions,  nous  les  trouvons  marqués  au  coin  de  la  puis- 
sante originalité  que  donnent  à  tous  les  travaux  de  Dœllinger  son  gé- 
nie supérieur,  son  vaste  savoir  (1)  et  la  tournure  particulière  de  son 
esprit.  Mais  précisément  à  cause  de  cette  originalité,  nous  ne  voudrions 
en  aucune  manière  en  accepter  la  responsabilité.  Plusieurs  même, 
comme  nous  l'avons  indiqué  dans  notre  dernier  numéro,  ont  rencontré 
immédiatement  des  contradicteurs  au  sein  de  l'assemblée.  Nous  regret- 
tons en  particulier  le  jugement  qu'il  a  ex[)rimé  sur  l'état  de  la  théologie 
en   Italie,   et  si,   dans  l'article  déjà  cité,  nous  avons  rappelé  avec 

(I)  Nous  sipçualeronsspéfialenient  à  nos  lecteurs  sa  dernière  brochure 
intitulée  :  DiePapst-Fabeln  de^  Mtlte/alters,  Fables  touchant  la  papauté 
au  D^oyen-àge,  et  dont  une  traductioa  par  M.  l'abbé  Reiuhard  est  sous 
presse  chez  Ad.  Le  Clère,  à  Paris.  Cette  remarquable  étude  est  détachée 
d'une  grande  histoire  de  la  papauté  qui  est  en  voie  de  préparation. 


BIBLIOGRAPHIE.  187 

bonheur  que  la  France  possède  une  maison  de  hautes  études  Ihéologiques 
à  Rome,  nous  l'avons  fait  spécialement  pour  nous  séparer  de  lui  sur 
ce  point.  11  y  a  aussi  des  phrases  bien  dures  sur  l'Espagne,  non-seule- 
ment d'aujourd'hui,  mais  encore  sur  l'Espagne  de  Suarez  et  Vasquez, 
pour  ne  citer  que  ces  deux  noms.  En  général,  il  nous  semble  que  son 
amour  pour  le  mouvement  scientifique  qui  s'est,  de  nos  jours,  déve- 
loppé chez  les  Allemands,  le  rend  dur  et  pour  les  pays  et  pour  les 
époques  qui  ne  ressemblent  point  à  l'Allemagne  contemporaine. 

La  scolaslique  lui  déplaît  pour  deux  raisons.  «  Son  procédé 
analytique,  dit-il,  ne  lui  permettait  pas  de  créer  une  science  harmo- 
nique qui  répondît  véritablement  aux  riches  profondeurs  des  vérités 
révélées.  Mais  ce  qui  influa  surtout  d'une  manière  décisive  sur  les  ré- 
sultats de  la  scolastique,  c'est  que  tout  le  côté  exégétique  et  historique 
delà  théologie  restait  à  l'arrlère-plan  et  dans  l'ombre.  Ce  qui  man- 
qua le  [lins  à  cette  époque,  ce  fut  le  don  des  recherches  et  des  repro- 
ductions historiques;  même  les  conditions  essentielles  de  ces  études,  la 
linguistique  et  la  critique  historique,  faisaient  défaut.  » 

Saint  Thomas  lui-même  ne  reçoit  pas  de  lui  les  hommages  que 
depuis  tant  de  siècles  on  lui  rend  dans  l'Eglise.  La  seule  phrase 
qu'il  lui  consacre  est  celle-ci  :  «  D'autre  part,  ce  fut  seulement  alors 
qu'une  des  branches  les  plus  importantes  de  la  théologie,  la  morale, 
fut,  avec  une  puissance  véritablement  créatrice,  élovée  par  saint  Thoraa^ 
à  l'état  de  science,  bien  qu'il  l'appuyât  sur  une  base  aristotéUcienne.  » 

Assurément,  on  peut  trouver  dans  ces  jugements  quelque  chose  de 
trop  absolu  et  de  trop  partial.  Ils  ne  rendent  pas  assez  justice  à  la  vraie 
grandeur  de  la  théologie  du  moyen-âge,  et  donnent  aux  lacunes  qu'elle 
présente  une  importance  excessive. 

Nous  ne  voudrions  pas  davantage  assumer  la  responsabilité  de  plu- 
sieurs autres  assertions  de  Dœllinger.  Les  grands  esprits  ont  leur  ma- 
nière particulière  d'envisagés  les  choses,  et  la  hauteur  même  à  laquelle 
ils  s'élèvent  constitue  quelquefois  pour  eux  un  danger  tout  particulier. 
Pour  eux  plus  encore  que  pour  les  autres,  la  suprême  autorité  de  l'É- 
glise est  nécessaire,  afin  que  la  liberté  de  leurs  jugements  ne  tourne 
point  à  leur  détriment  ou  au  détriment  de  la  science.  Aussi,  c'est  de 
la  bouche  de  Dœllinger  lui-même,  que  nous  aimons  à  recueillir  la  dé- 
monstration de  celte  absolue  nécessité,  et  si  quelques-uns  de  ses  juge- 
ments peuvent  surprendre,  surtout  en  France,  nous  ne  craignons  pas 
de  le  voir  s'égarer  quand  nous  l'entendons  proclamer  si  haut  la  néces- 
sité pour  la  science  d'être  libre  et  indépendante,  quand  nous  lui  en- 
tendons dire  que  «  la  liberté  est  aussi  nécessaire  à  la  science  que  l'air 
l'est  au  corps.  » 


188  BIBLIOGRAPHIE. 

Quel  est  donc  l'esprit  qui  animait  Dœllinger  et  que  comme  président 
il  a  imprimé  au\  travaux  de  l'assemblée  ?  Il  s'agissait  des  relations  des 
savants  avec  l'autorité.  11  s'agissait  de  proclamer  hautement  le  devoir 
absolu,  pour  eux  comme  pour  les  autres  fidèles,  de  se  soumettre  à  tous 
ies  jugements  de  l'Église.  11  y  avait  à  vaincre,  chez  plusieurs  de  ses 
auditeurs,  ces  préjugés  qui  montraient  dans  la  soumission  à  l'Église  un 
obstacle  à  l'essor  de  la  science.  Nious  avons  vu  dans  notre  dernier  nu- 
méro comment  le  sentiment  catholique  triompha  sur  ce  point.  Les  deux 
propositions  de  Michelis  furent  adoptées  par  l'Assemblée  presque  tout 
entière,  et  nous  apprenons  d'un  des  savants  les  plus  distingués  qui  y 
assistèrent,  qu'elles  trouvèrent  en  Dœllinger  un  de  leurs  plus  chauds 
défenseurs.  C'est  donc  en  ce  sens  profondément  catholique  que  nous 
paraissent  devoir  être  expliquées  les  propositions  de  son  discours  rela- 
tives à  la  liberté  de  la  science. 

La  liberté  qu'il  aime  et  qu'il  défend  chaudement,  c'est  la  liberté,  non 
sur  les  questions  définies  par  l'Eglise,  mais  sur  les  opinions  controver- 
sées jusqu'aujourd'hui,  et  celte  liberté  il  no  l'étend  pas  au-delà  dujour 
où  l'Église  aura  parlé.  C'est  dans  cette  soumission  qu'il  trouve  la  paix 
et  le  repos  de  son  âme  tout  entière.  11  y  reconnaît  le  phare  qui  doit 
guider  la  science,  et  la  préserver  de  dangereux  errements. 

Il  met  en  présence  un  savant  étranger  à  l'Église,  et  un  théologien 
catholique  ;  le  premier,  faisant  valoir  haut  la  liberté  de  ses  opinions 
religieuses  et  son  droit  de  penser  et  de  [)rofesser  tout  ce  qu'il  voudra  ; 
le  catholique  lui  répondant  fièrement  avec  le  poète  anglais  : 

Me  Ihis  vnchastened  freedom  tires 
I  feel  the  weight  of  chance  desires. 

«  Cette  liberté  sans  frein  me  donne  le  dégoût,  je  sens  le  poids  de 
désirs  déréglés.  «  Puis  il  prête  à  celui-ci  ce  discours  :  «  C'est  préci- 
sément parce  que  je  suis  saturé  et  fatigué  d'opinions,  parce  que  mon 
âme  a  faim  et  soif  de  la  paix,  de  celte  certitude  tranquille  que  la  foi 
seule  peut  donner,  que  je  me  suis  soumis  à  l'Église,  la  seule  autorité 
qui,  sur  la  terre,  me  demande  et  a  le  droit  de  me  demander  ma  foi.  Je 
ne  puis  croire  qu'à  l'autorité  vivante  en  dehors  et  au-dessus  de  moi;  et 
non  à  un  texte  interprété  et  commenté  par  moi  ou  par  un  autre  homme 
sujet  à  se  tromper  comme  moi  ;  ce  qui  ne  eerait,  en  fin  de  compte,  que 
transporter  dans  le  texte  ma  propre  opinion,  qu'à  mon  insu  je  cherche- 
rais et  je  désirerais  toujours  ;  et  c'est  précisément  pour  échapper  à  cette 
illusion  inévitable,  pour  ne  pas  me  reconnaître  moi  et  mes  pensées  comme 


BIBLIOGRAPHIE.  189 

autorité,  c'est-à-dire  comme  l'idole  de  mon  idolâtrie,  que  je  me  suis 
réfugié  dans  le  sein  de  cette  Église  à  qui  il  a  été  proniisque  jamais  son 
enseignement  ne  sera  modifié  ou  dominé  par  les  vœux  impurs  ou  les 
pensées  égoïstes  des  hommes.  Car  ceux-ci  se  font  toujours  une  doctrine  à 
leur  convenance^  quand  ils  en  ont  lepouvoir,  pour  en  faire  un  coussin  où 
leur  conscience  dormira  en  paix.  C'est  ainsi  seulement  que  je  suis  en 
môme  temps  libre  et  soumis  ;  c'est  ainsi  que,  comme  théologien,  je  suis 
écolier  et  maître  ;  mais  pour  devenir  maître,  j'ai  pris  le  seul  chemin 
possible,  j'ai  commencé  par  me  soumettre  avec  une  confiance  pleine 
d'abandon,  et  les  années  de  mon  apprentiL^sage  ne  se  termineront  pas 
en  cette  vie.  Que  d'autres  méprisent  l'autorité  au  lieu  de  lui  donner 
leur  reconnaissance  et  leur  confiance!  Il  n'est  que  trop  naturel  à 
l'homme  de  traiter  avec  dédain  le' bien  qu'il  a  perdu  ;  il  ferme  les  yeux 
de  l'âme  aussi  facilement  que  ceux  du  corps.  Que  d'autres  plient  comme 
le  jonc  du  marais  à  chaque  nouveau  courant  de  l'atmosphère,  ainsi  que 
cela  s'est  vu  depuis  trois  cents  ans.  Pour  nous,  nous  nous  souviendrons 
des  hommes  de  notre  nation  qui  nous  ont  précédés,  et  qui  ont  déjà 
passé  à  une  vie  meilleure,  de  Gugler,  Drey,  Mœhler,  Klee,  Stauden- 
maier,  et  nous  renverrons  à  eux  nos  jeunes  théologiens  comme  à  des 
maîtres  et  à  des  modèles.  Ceux-là  ont  su  unir  la  fidélité  à  l'Eglise  avec 
cette  libre  indépendance  qce  réclament  les  investigations  de  la  science. 
Je  serais  tenté  de  dire  que  les  qualités  Ihéologiqdes  de  ces  cinq 
hommes,  dont  chacun  avait  reçu  du  Ciel  son  don  propre,  se  complètent 
si  bien  que,  réunies  en  une  seule  personne,  elles  nous  présenteraient 
l'idéal  du  théologien  allemand.  Mais  ils  avaient  tous  ceci  de  commun, 
que  si  leurs  recherches  scientifiques  eussent  abouti  à  un  résultat  non 
conforme  à  la  doctrine  de  l'Église  universelle,  ils  eussent  aussitôt  cher- 
ché ferreur  de  leur  côlé,  et  non  du  côté  de  l'Église.  Us  fussent  partis 
du  principe  que  la  méthode  suivie  dans  leurs  recherches  devait  conte- 
nir un  vice  qui  se  manifesterait  infaiHiblement  à  la  suite  d'un  nouvel 
examen  consciencieusement  fait  ;  cet  examen,  ils  l'eussent  aussitôt  en- 
trepris, et  tôt  ou  tard,  mais  sûrement  enfin,  ils  eussent  découvert 
l'erreur  commise  dans  leur  calcul  scientifique.  » 

Ce  sont  là  de  bien  nobles  paroles  que  nous  sommes  heureux  d'enre- 
gistrer, et  nous  pensons  que  si  de  légitimes  réclamations  ont  pu  s'élever 
dans  l'Assemblée  contre  diverses  propositions  du  discours,  l'esprit 
général  n'en  doit  être  apprécié  que  par  les  principes  généraux  que 
l'orateur  lui-même  y  a  si  magnifiquement  développés.  En  tout  cas, 
quand  on  pense  et  que  l'on  s'exprime  ainsi,  on  a  rétracté  d'avance 
tout  ce  qu'il  peut  y  avoir  d'excessif  et  de  hasardé  dans  certaines  opi- 
nions. J--I.  SiMONIS, 


190  BIBLIOGRAPHIE. 

Traité  des  Irrég^ularités,  du  docteur  Bœnninghausen. 

Ce  traité,  dont  nous  avons  la  première  livraison  sous  les  yeux,  es' 
ainsi  intitulé  :  Tradalus  juridico-canoniciis  de  irregularitatibus,  auctore 
Fr.  E.  a  Bœnninghausen,  juris  ulriusque  doctore  et  preshyterocurato, 
— Ciitn  permissu  R.  D.  Episcopi  Monasleriensis. —  Monastern,typi$ 
et  sumptibtis  Theissingianis.  1865.  La  première  partie,  de  irregularï- 
talïhus  in  génère,  développe,  dans  une  série  de  six  chapitres,  les  points 
suivants  :  1"  Importance  du  sujet.  2°  Notions  sur  la  nature  de  l'irré- 
gularité et  de  l'incapacité.  3°  Du  mot  irrégularité,  et  de  sa  partition 
en  différentes  espèces.  4»  Sa  cause  efficiente.  5°  Ses  effets,  tant  par 
rapport  aux  saints  ordres,  que  par  rapport  aux  bénéfices.  6«  De  la  dis- 
pense des  irrégularités.  La  seconde  partie,  de  irregidaritalibiis  ex 
delicto,  traite  des  irrégularités  qui  proviennent  1°  de  quelque  man- 
quement en  ce  qui  concerne  le  baptême  ;  2"  de  l'hérésie,  du  schisme 
et  de  l'apostasie  ;  3"  de  la  violation  des  excommunications,  des  suspenses 
et  des  interdits  ;  4°  de  l'exercice  d'un  des  ordres  sacrés  par  celui  à  qui 
cet  ordre  n'a  pas  été  conféré.  Là  s'arrête  la  première  livraison,  qui 
remplit  WS  pages.  Ce  travail  nous  paraît  solide,  méthodique,  et  suffi- 
samment complet.  Nous  n'en  avons  pas  fait  encore  un  examen  assez 
attentif  pour  pouvoir  nous  prononcer  sur  la  parfaite  exactitude  doctrinale 
dans  les  détails.  Mais  nous  avons  cru  devoir  le  signaler  sans  retard  au 
clergé,  et  en  particulier  aux  professeurs  des  séminaires.  Nous  nous 
proposons  de  l'examiner  d'une  manière  plus  complète  quand  le  reste 
aura  paru. 

Nous  regrettons  que  l'éditeur  de  Munster  n'ait  pas  indiqué  des 
libraires  correspondants,  pour  faciliter  l'acquisition  de  l'ouvrage  dans 
les  pays  étrangers.  D.  Bouix. 


CHRONIQUE. 

i .  Le  scandale  donné  au  monde  chrétien  par  la  publication  du  roman 
aussi  superficiel  qu'impie  de  M.  Ernest  Renan,  a  été  couvert  par  d'abon- 
dantes compensations.  Sans  parler  des  manifestations  qui  ont  eu  lieu 
en  beaucoup  d'endroits  et  dont  les  journaux  ont  donné  le  récit,  que 
de  protestations  par  la  voie  de  la  presse  dans  les  journaux,  dans  les 
revues,  dans  des  brochures  et  des  livres  spéciaux  !  Les  dernières  se- 
maines nous  ont  apporté  encore  deux  œuvres  de  première  importance: 
La  vraie  Vie  de  Jésus.  Seconde  instruction  pastorale  de  Mgr  l'E- 
vêque  de  Nîmes  contre  le  livre  intitulé  :  Vie  de  Jésus  par  E.  Renan. 
(Nîmes,  Souslelle,  S»  de  232  pp.)  —  La  Divinité  de  Jésus-Christ,  dé- 


CHRONIQUE.  1P1 

monstration  nouvelle  tirée  des  dernières  attaques  de  l'incrédulité,  par 
M.  Auguste  Nicolas,  auteur  des  Etudes  philosophiques  sur  le  Chris- 
tianisme. (Paris,  Vaton.  8°  de  iv-460  pp.  6  fr.) 

2.  L'Université  de  Louvain,  où  les  sciences  bibliques  sont  cultivées 
avec  un  si  grand  éclat,  ne  pouvait  manquer  de  dire  son  mot  sur  la  ques- 
tion du  jour.  M.  le  professeur  Lamy  s'est  dignement  acquitté  de  cette 
tâche.  Son  opuscule  :  Examen  de  la  Vie  de  Jésus,  de  M.  E.  Renan 
(Louvain,  Fonteyn,  1863,  8°  de  76  pp.),  est  un  des  plus  savants etdes 
plus  solides  qui  aient  paru.  On  annonce  qu'il  va  être  traduit  en  allemand. 
Un  collègue  de  M.  Lamy,  connu  par  d'excellents  travaux  apologé- 
tiques, dogmatiques  et  philosophiques,  a  examiné  à  un  point  de  vue 
général  ce  mouvement  d'incrédulité  qui  fait  tant  de  victimes  dans  notre 
société  moderne:  Pourquoi  l'on  ne  croit  pas,  on  des  principales  causes 
de  l'incrédulité  en  madère  de  religion,  par  N.  J.  Laforêt.  (Louvain, 
Peters  ;  Paris,  Lelhielleux.  ln-12  de  x-276  pp.) 

3.  Les  Quatre  Evangiles.  Traduction  nouvelle  accompagnée  de  notes 
et  de  dissertations  par  l'ahbé  A .  Crampon.  (Paris,  Tolra  et  Halon,  8° 
de  xvi-580  pp.  7  fr.  50.)  Cette  traduction  annotée  des  Évangiles 
est  un  travail  consciencieux  et  bien  fait  sur  lequel  nous  reviendrons  très- 
prochainement. 

4.  11  vient  de  paraître  une  traduction  française  de  l'admirable  ou- 
vrage de  Dœliinger  :  Le  Christianisme  et  l'Eglise  a  l'époque  de  leur 
fondation  (trad.  par  M.  l'abbé  Bayle,  Paris  et  Tournai,  Casterman  ; 
in-12  de  xvi-520  pp.  3  fr.  50  c).  C'est  la  première  partie  d'une 
histoire  do  l'Eglise,  mais  cette  partie  forme  un  tout  complet,  et  il  en 
sera  de  même  des  suivantes.  En  présence  des  produits  hâtés  d'une 
érudition  facile  et  légère,  nous  ne  saurions  trop  recommander  une 
œuvre  qui  est  le  résultat  de  toute  une  vie  de  travaux  sérieux  et  appro- 
fondis. C'est  un  de  ces  livres  qui  devraient  se  trouver  bientôt  dans 
toutes  les  mains.  Les  questions  relatives  aux  premières  origines  du 
christianisme  y  sont  traitées  de  main  de  maître. 

5.  La  même  librairie  a  publié  aussi  dans  notre  langue  l'opuscule  si 
pieux,  si  intéressant,  si  instructif  où  le  D''  Laemmer  fait  l'histoire  de 
ses  idées  et  de  ses  sentiments,  de  son  intelligence  et  de  son  cœur 
jusqu'à  l'époque  de  son  retour  au  catholicisme.  {Misericordias  Domini. 
Histoire  de  ma  conversion  au  catholicisme,  ln-12  de  vi-210pp. 
1  fr.  20.)  Le  célèbre  converti,  dont  nous  avons  à  plusieurs  reprises 
fait  connaître  les  travaux,  a  en  ce  moment  sous  presse,  chez  Herder, 
à  Fribourg,  un  ouvrage  trés-étendu  :  Scriptorum  Grxcige  orthodoxx 
Bibliolheca  selecta.  Les  deux  premières  parties  doivent  paraître  sous  peu. 


192  CHRONIQUE. 

6.  Nous  nous  reprocherions  de  ne  pas  annoncer  un  remarquable  écrit 
de  Mgr  Doney  qui  touche  à  des  questions  interdites  pour  nous,  mais 
sur  lesquelles  du  moins  nous  pc^uvons  appeler  l'aUenlion.  Cet  écrit  est 
intitulé  :  Lettre  de  Mgr.  l'Evêqiie  de  Montauban  au  clergé  de  son 
diocèse,  au  sujet  de  l'enseignement  de  la  philosophie  dans  Us  collèges 
de  l'Etat  et  de  la  liberté  de  conscience.  (Montauban,  Berluot  ;  Paris, 
Palmé  1863.  2=  éd.  8"  de  89  pp.) 

7.  Monseigneur  l'Evêque  d'Angers  a  publié  sur  la  famille  une  série 
d'instrucliijns  pastorales  que  beaucoup  de  fidèles  désiraient  voir 
réunies  et  mises  à  la  portée  de  tous.  Cédant  à  des  instances  réitérées, 
le  vénérable  Prélat  a  autorisé  cette  réimpression  :  il  a  même  permis 
d'y  comprendre  quelques  autres  mandements.  Nous  ne  doutons  pas  que 
ce  volume  ne  trouve  bien  au  delà  des  limites  du  diocèse  d'Angers,  un 
accueil  sympathique^  et  qu'il  ne  serve  à  raviver  cet  esprit  de  famille 
dont  la  décadence  est  un  des  signes  les  plus  inquiétants  de  l'époque, 
[Recueil  d'Instructions  pastorales ,  par  Mgr  Angebault,  évéque 
d'Angers.  Paris,  A.  Le  Clère  ;  Angers,  Barassé.  In- 12  de  430  pp.) 

8.  Pie  XI  et  les  Erreurs  contemporaines,  par  le  R.  P.  Dechamps. 
(Tournai,  Castcrman  ;  Paris,  Letliielleux.  ln-12  de  iv-509  pp.) 
C'est  un  exposé  et  un  commentaire  des  déclarations  récentes  du  Saint- 
Siège  sur  les  rapports  de  la  raison  et  de  la  foi.  —  D'un  genre  tout 
différent  est  le  petit  volume  du  même  auteur  qui  paraît  en  môme  temps 
et  qui  contient  trois  opuscules  énumérés  dans  le  titre  :  Saint  Vincent 
de  Paul  et  les  misérables.  —  Les  origines  de  la  Fête-Dieu.  —  Le 
Pèlerinage  de  Saint- Hubert. (ïonrmi,  Casterman  ;  Paris,  Lelheilleux. 
In-18de268pp.) 

9.  Nous  recevons  enfin  le  compte-rendu  de  l'Assemblée  de  Malines, 
que  son  étendue  considérable  n'a  pas  permis  de  publier  plus  tôt.  Il  ne 
forme,  en  effet,  pas  moins  de  deux  volumes  grand  in-8,  d'une  impres- 
sion compacte,  comprenant  vi-488et  415  pages.  Le  titre  en  indique 
bien  le  contenu  et  la  division  :  Assemblée  générale  des  catholiques  en 
Belgique.—  Première  session  à  Malines,  18-22  août  1863. —  Tome  i  : 
Avant-propos. —  Statuts.  —  Règlement.  —  Programme  des  questions 
pour  la  deuxième  session.  —  Compte-rendu  des  séances  générales.  — 
Discours  et  rapports.  —  Banquet  d'adieu.  —  Résolutions. —  Tome  ii: 
Compte-rendu  des  sections.  —  Annexes.  (Bruxelles,  H.  Goemaere. 
Paris,  Pélagaud.  10  fr.) 

E.  Hautcœur. 


Arras.  —  Typ.  Rousseau-Leroy,  rue  Saint- Maurice.  20. 


ORIGINES  DES  EGLISES  DE  FRANGE. 


APOSTOLAT  DE   SAINT   RIEUL. 


Preniier  article. 


Le  sujet  que  j'entreprends  de  traiter  touche  à  une  ques- 
tion générale  d'histoire  des  plus  importantes,  celle  de  la 
prédication  du  Christianisme  dans  les  Gaules.  Il  s'y  rattache 
par  tant  de  points,  qu'il  serait  nécessaire,  pour  le  mettre  en 
pleine  lumière,  de  ne  pas  trop  l'isoler.  Maiâ  on  ne  saurait, 
sans  une  solide  érudition  et  un  temps  considérable,  traiter 
avec  quelque  autorité  cette  question  générale,  la  plus  discu- 
tée peut-être  de  toutes  les  questions  où  s'exerce  la  critique. 
Aussi  m'efforcerai-je  de  borner  la  discussion  à  Senlis,  ne 
touchant  à  l'origine  des  autres  Églises  que  forcé  par  la  con- 
nexion des  faits,  et  autant  qu'il  sera  nécessaire  pour  les 
apprécier  sainement. 

Je  me  propose  de  faire  rapidement  l'histoire  des  deux 
opinions  qui  ont  successivement  prévalu  sur  la  date  de  la 
prédication  de  saint  Rieul.  L'une  la  place  à  la  fin  du 
I"  siècle,  l'autre  à  la  fin  du  III*.  J'exposerai  ensuite  les 
fondements  de  chacune  de  ces  opinions,  afin  de  voir  si  de 
la  comparaison  et  de  l'opposition  des  preuves  sortira  assez 
de  lumière,  pour  que  l'on  puisse  se  déterminer  en  faveur  de 
l'une  ou  de  l'autre. 

Revue  des  sciences  ecclésiastiques,  t.  ix.  13 


194  ORIGINES  DES   ÉGLISES  DE   FRANCE. 

I. 

COUP-d'œiL  HISTORIQUE   SUR    LA   QUESTION. 

Un  peu  avant  le  milieu  du  XVII«  siècle,  il  y  eut  un  jour 
grand  émoi  au  chapitre  de  Notre-Dame  de  Senlis. 

Charles  Jaulnay,  doyen  du  chapitre  de  Saint-Rieul,  avait 
publié  en  1642,  une  Histoire  de  saint  Rieul  et  une  Histoire  des 
évêques  de  Senlis {!).  C'était,  paraît-il,  la  première  fois  qu'on 
imprimait  pour  le  peuple  la  vie  de  saint  Rieul.  Ce  livre  n'é- 
tait au  fond  qu'une  mauvaise  amplification  faite  sans  goût  et 
sans  intelligence  des  temps,  sur  un  vieux  manuscrit  trouvé  à 
Arles.  Pour  l'ensemble  des  faits,  il  était  parfaitement  d'ac- 
cord avec  les  leçons,  la  prose  et  tout  l'office  alors  en  usage 
pour  la  fête  de  St  Rieul.  Jusqu'ici  donc,  rien  qui  pût  émou- 
voir le  chapitre  de  Notre-Dame.  Même  en  plein  XVIP  siècle, 
un  livre  mal  fait  n'était  certes  pas  un  événement.  Mais,  dans 
ce  livre  mal  fait,  le  doyen  de  St-Rieul  avançait  (2)  que, 
tandis  que  Notre-Dame  n'avait  été  d'abord  qu'une  chapelle 
consacrée  sur  un  temple  d'idoles,  son  église,  fondée  par  saint 
Rieul  lui-même,  avait,  dès  l'origine  du  diocèse,  servi  de 
cathédrale  :  il  affirmait  qu'elle  avait  joui  de  cet  honneur 
depuis  sa  fondation  au  commencement  du  II*  siècle  (3), 

(1)  Le  pai'faict  Prélat,  ou  La  vie  et  miracles  de  saint  Rieuîe,  second 
Evesque  d'Arles,  depuis  second  Evesque  de  Paris,  et  ensuite  premier  Evesque, 
Apostre  et  Patron  de  la  ville  et  du  diocèse  de  Senlis^  et  Histoire  ou  Annales 
contenant  plusieurs  remarques  particulières  des  choses  plus  we'morables 
arrivées  depuis  plus  de  quinze  cens  ans  en  diverses  parties  du  monde,  tant 
au  faict  ecclésiastique  que  séculier,  sous  l'épiscopat  de  chacun  Evesque  de 
Senlis,  au  nombre  de  quatre  vingts  et  huict . 

3  édit.  ;  —  1642.  iD-12;  —  1648,  in-8o  de  beaucoup  augmenté,  par  la 
mesme  aulheur  ;  —  1653.  Nous  citons  toujours  l'édition  de  1648. 

(2)  Vie  de  saint  Rieule,  chap.  X,  pages  45,  47  et  64  ;  et  Histoire  des 
Evesques,  chap.  LI,  page  424  et  suiv. 

(3)  Jaulnay  donne  pour  l'arrivée  de  saint  Rieul  à  Senlis,  la  date  de  121. 
Histoire  des  Evesques,  chap.  1,  page  136. 


APOSTOLAT    DE   SAINT   RIEUL.  195 

jusqu'en  1184,  et  énumérait  avec  complaisance  les  privi- 
lèges qui  en  étaient  restés  à  cette  église.  Dès  lors,  pour 
Messieurs  de  Notre-Dame,  Jaulnay  n'était  plus  seulement 
un  mauvais  auteur,  c'était  un  rival.  Mais  ce  fut  bien  pis, 
quand  le  doyen,  jaloux  de  conserver  les  titres  de  sa  collégiale, 
et  pour  remplacer,  disait-il,  certaines  peintures  qui  repré- 
sentaient la  suite  des  évêques  depuis  St  Rieul,  eut  fait  pla- 
cer dans  le  chœur  un  tableau  portant  le  nom  de  cinquante 
et  un  prélats  qui  y  avaient  siégé  (1). 

Alors  l'irritation  fut  à  son  comble.  On  parla  de  procès. 
La  première  assignation  fut  même  lancée,  et  Deslions,  le 
doyen  de  Notre-Dame,  nous  apprend  qu'on  n'arrêta  l'affaire 
que  par  pitié  pour  la  simplicité  de  ce  bon  M.  Jaulnay.  Le 
tableau,  paraît-il,  disparut  du  chœur  de  St-Rieul  après  la 
mort  du  doyen  (2). 

Nous  regrettons  vivement  que,  si  près  de  faire  triompher 
leur  cause,  le  chapitre  de  Notre-Dame,  et  surtout  Deslions, 
champion  ardent  qui  s'était  fait  retrancher  de  la  Sorbonne 
plutôt  que  de  signer  la  condamnation  du  Port-Royal,  aient 
eu  cette  foi  plus  de  considération  pour  les  personnes  que 
pour  la  vérité.  Au  lieu  du  seul  témoignage  de  Deslions  sur 


(1)  Est  à  remarquer  que  tous  les  Evesques  de  Senlis,  depuis  sainct 
Rieule  jusques  à  celuy  qui  suit  (Gaufridus,  le  Sî^  évêque),  estoient  en 
peinture  dans  le  chœur  de  l'église  du  mesnae  sainct,  au-dessus  des  chaires 
des  chanoines,  comme  y  ayans  eu  leurs  sièges:  mais  pource  qu'ils 
estaient  gastez  et  corrompus  par  la  longueur  des  années,  on  a  repeint  le 
mur  seulement,  et  s'est-on  contenté  de  mettre  un  tableau  auquel  sont 
escrits  leurs  noms.  Page  428. 

(2)  Voyez  Deslions,  dans  Afforty,  page  5701,  tome  X;  et  le  Gallia 
Christiana  in  provincias  distributa,  t.  X,  col.  1379.  —  Charles-François 
Afforty,  doyen  de  Saint-Rieul  de  Senlis,  passa  sa  longue  vie  (1706-1786) 
à  coUiger  toutes  les  chartes  qui  existaient  dans  l'ancien  diocèse  de 
Senlis.  Il  a  laissé  vingt-cinq  volumes  in-folio  écrits  entièrement  de  sa 
main,  et  d'une  écriture  serrée.  Ses  Collecianea  Sylvanectemia  sont  une 
source,  désormais  unique,  où  l'on  trouve  copie  ou  analyse  de  tout  co 
qu'il  avait  pu  rencontrer,  dans  ses  immenses  recherches,  qui  eût  trait  & 
l'histoire  de  ce  pays. 


196  ORIGINES   DES   ÉGLISES   DE   FRANCE. 

les  raisons  qui  arrêtèrent  le  procès,  au  lieu  de  sa  seule 
opinion  sur  le  fond  de  l'affaire,  nous  aurions  eu  une  discus- 
sion contradictoire  sur  les  origines  de  nos  églises  :  c'eût  été 
une  cause  pleine  d'intérêt;  les  détails  sans  doute  nous  en 
seraient  restés,  et  aujourd'hui  nous  n'aurions  plus  à  faire 
des  recherches  devenues  si  difficiles. 

Quoi  qu'il  en  soit  de  notre  regret  peu  charitable,  si  on 
laissa  faire  M.  Jaulnay,  le  mécontentement  n'en  fut  pas 
moindre,  et  son  pauvre  livre,  qui  n'avait  guère  besoin  de 
cela,  en  porta  la  peine.  Deslions,  qu'on  regardait  comme 
l'orateur  de  Senlis,  monta  en  chaire.  Jaulnay  riposta  par 
des  brochures  (1).  Il  n'y  avait  pas  là  de  quoi  arrêter  celui 
qui,  en  dépit  d'une  exclusion  solennelle  et  toujours  mainte- 
nue, avait  conservé  quand  même  son  titre  de  docteur,  et 
usurpé  même  bientôt  celui  de  «  doyen  de  la  faculté  et  sénieur 
de  la  maison  de  Sorbonne  »  (2).  A  voir  DesHons,  tout  en 
protestant  de  son  respect  pour  le  caractère  et  les  vertus  de 
son  rival,  recommencer  par  trois  fois  la  préface  de  sa  dis- 
sertation sur  saint  Rieul  (3),  comme  si  jamais  il  ne  croyait 
avoir  assez  bien  exprimé  son  mépris  pour  l'opinion  du  pauvre 
auteur,  on  serait  tenté  de  croire  qu'il  y  avait  quelque  autre 
chose  que  le  pur  amour  de  la  vérité  dans  le  zèle  du  doyen 
de  Notre-Dame  à  établir  la  date  de  l'apostolat  de  saint  Rieul. 


(1)  Sous  le  nom  de  Défense  de  Jaulnay  on  les  trouve  à  la  bibliothèque 
Ste-Geneviève  (iu-8*,  H.  633),  réunies  en  un  volume  qui  a  pour  titre  : 
Recueil  de  plusieurs  discours,  titres  et  pièces  authentiques  servons  d'apolo- 
gie pour  la  défense  de  M.  Jaulmnj,  doyen  et  chanoine  de  l'église  de  Saint- 
Rieule  de  Senlis,  sur  ce  qu'il  a  mis  en  avant  dans  son  Histoire  et  Anii- 
quitez  de  la  ville  de  Senlis,  touchant  l'ancienne  dignité  de  l'église  dudit 
Saint-Rieule,  et  comme  elle  a  esté  autrefois  la  cathédrale,  et  où  saint 
Rieule  son  premier  Evesque  a  tenu  son  siège  épiscopal.  —  Servons  pour  la 
seconde  fois  de  réponse  sans  réponse  à  celuy  qui,  en  chaire  de  vérité  et  en 
public,  a  osé  soutenir  le  contraire.  1653. 

(2)  P.  NiceroQ,  Mémoires  pour  servir  à  l'histoire  des  hommes  illustres. 
Tomes  xi  et  xx. 

(3)  Voyez  Â^orty,  pp.  5708,  5704  et  5705,  tome  x. 


APOSTOLAT   DE    SAINT    RIEUL.  i&7 

La  question  se  trouvait  donc  vivement  posée  à  Senlis 
même.  D'ailleurs  elle  l'était  déjà  implicitement  par  le  renou- 
vellement entre  les  savants  de  la  grande  discussion  qu'on  a 
pu  appeler  la  guerre  de  l'Aréopagitisme,  Bellum  Areopagiti- 
cMm(l).  Saint  Denys  de  Paris  est-il  le  même  que  saint  Denys 
l'Aréopagite,  et,  par  conséquent,  est-il  du  P""  siècle  ?  Sont- 
ce  deux  saints  différents,  et  celui  de  Paris  n'est-il  venu  en 
Gaule  qu'au  III®  siècle?  Telles  sont  les  deux  questions  sur 
lesquelles,  à  cette  époque,  on  discutait,  ou  même  on  se  dis- 
putait, avec  une  ardeur  fébrile  (2).  Or,  saint  Rieul  avait  tou- 
jours été  regardé  comme  un  des  compagnons  de  saint  Denys: 
il  se  trouvait  donc  de  fait  intéressé  dans  cette  discussion.  De 
plus,  la  question,  en  ce  qui  le  concernait  directement,  devait 
bientôt  se  trouver  vivement  avancée  par  une  puissante  inter- 
vention. Jean  de  Launoy,  le  janséniste  exclu  de  la  Sor- 
bonne,  le  critique  acerbe  qui  refusait  de  reconnaître  saint 
Thomas  comme  auteur  de  la  Somme,  celui  qu'on  allait  ap  > 
peler  le  dénicheur  de  saints,  et  qui  devait  faire  un  si  déplo- 
rable usage  de  V  argument  négatif  et  de  celui  de  la  supposition 
des  titres  (3) ,  Jean  de  Launoy  avait  paru.  Il  avait  commencé 


(1)  Deslions,  dans  Afforty,  p.  57]  1,  t.  x,  et  le  Gallia  Christiana,  t.  x, 
appeudix  166,  col.  510,  G. 

(2)  Voir  l'histoire  abrégée  de  celte  querelle  au  XVIIe  siècle,  dans  dom 
Féiibien,  Histoire  de  l'abbaye  de  Saint-Denys,  in-folio,  1706,  page  2. 

(3)  Deux  traits  peignent  au  vif  le  personnage  et  sa  méthode.  Un  jour 
que,  dans  une  bibliothèque,  il  discutait  avec  le  célèbre  Antoine  Pagi 
sur  l'apostolat  de  Marie-Madeleine  en  Provence,  il  défia  son  savant  adver- 
saire, d'un  ton  ironique  et  triomphant,  de  produire  sur  cette  question 
un  titre  ayant  plus  de  trois  cents  ans  d'existence.  Pagi  s'étant  levé 
sur-le-champ  pour  prendre  des  lettres  patentes  de  Charles-le-Chauve, 
qu'il  connaissait  :  Si  vous  en  trouiez,  dit  Launoy,  surpris  de  son  assu- 
rance, elles  seront  supposées  par  quelques  moines.  —  Dans  cette  même 
discussion,  Pagi  vint  à  prononcer  le  nom  du  savant  Suarez,  évoque  de 
Vaisou.  Or,  de  Launoy  avait  écrit  à  cet  évêque  deux  lettres  où  il 
disait  qu'il  eût  rétracté  son  opinion  sur  l'apostolat  de  Marie-Made- 
leine, si  le  P.  Raynaud  ne  l'avait  maltraité  dans  ses  livres.  Il  craignit 
donc  que  Pagi  n'eût  vu  ces  lettres,  et  se  hâta  de  dire  :  «  Si  M.  de 
Vaisoa  vous  a  montré  quelques  lettres   de  moi,  louchant  sainte    Made- 


198  ORIGINES  DES   ÉGLISES   DE    FRANCE. 

d'attaquer  toutes  les  traditions  des  Églises  des  Gaules  sur 
la  prédication  de  leurs  premiers  apôtres;  or,  bien  que  mises 
à  l'index  par  Rome  (1) ,  ses  dissertations,  dans  un  temps 
où,  même  au  sein  du  clergé,  on  ne  se  croyait  pas  obligé  de 
tenir  compte  des  avis  de  Rome,  devaient  avoir  une  grande 
influence  sur  l'esprit  de  ses  contemporains.  De  Launoy 
n'était  pas  sans  relations  avec  Senlis.  En  1659,  il  se  trou- 
vait, en  compagnie  du  médecin  Chicot,  au  monastère  de  la 
Victoire.  Là  d'abord,  puis  à  Senlis  même,  on  discuta  la  date 
delà  prédication  de  saint  Rieul.  Les  avis  furent  partagés.  Lau- 
noy, interrogé  par  son  ami,  refusa  de  répondre,  manquant^ 
nous  dit-il  lui-même,  de  temps  et  de  beaucoup  d'autres  condi- 
tions favorables  (2).  Serait -il  téméraire  de  voir  dans 
cette  modération  de  Launoy,  un  indice  des  sentiments 
de  la  majorité?  On  serait  tenté  de  croire  que  non,  lorsqu'on 
l'entend  dire  qu'il  est  des  gens  doués  du  talent  de  tout  voir 
comme  il  leur  plaît,  qu'il  laissera  bêler  dans  leur  parc  (3), 
et  lorsqu'on  remarque  que  Deslions,  aidé  des  efforts  de 
Launoy,  se  plaignait  amèrement,  quelques  années  après,  de 
n'avoir  pu  faire  abandonner  dans  une  nouvelle  édition  du 
Bréviaire,  la  tradition  qui  met  saint  Rieul  au  premier  siècle  : 

leine,  elles  sont  supposées.  —  Après  ces  exemples,  on  ne  s'étonnera  point 
que  les  auteurs  du  Nouveau  traité  de  diplomatique  aient  souvent  signalé 
l'inanité  de  la  critique  de  Launoj-,  et  que  Benoît  XIV  ait  dû  le  flétrir 
de  l'épilbète  d'impudent  menteur,  «  Launoyium  impudentissime  turpis- 
sirneque  mentitum,  »  Monuments  inédits  de  M.  Paillon.  Tome  J,  col. 
1341  et  suiv. 

(1)  L'Index  de  1758,  édité  après  révision  par  ordre  de  Benoît  XIV, 
ne  renferme  pas  moins  de  vingt-sept  ouvrages  de  Launoy  condamnés 
par  Rome.  —  Monum.  inéd.  lljid. 

(2)  Ego,  cum  et  tempus  et  opportunitatcs  aliœ  mihi  deessent  multœ,  con- 
ticui.  —  Afforty,  page  5718,  tome  X,  et  Gallia  Christiana,  tome  X,  app. 
col.  504,  B. 

(3)  Non  nullos  esse  scio  quorum  animus  jamaliqua  pe>'suas!one  occupatus, 
sibi  omnia  concinere  ut  cupit,  itu  etretur;...dant  facile  locum  aliorum  fa- 
bulis,  dummodo  placitis  servire  possint...  Sed  genus  hominum  istius  modi 
intra  caulas  suas  balare  facile  patior.  —  Afforty,  pages  5722  et  5724,  t.  X; 
Gallia  Christiana,  app.  col.  507-509. 


r 


APOSTOLAT  DE   SAINT   RTEUL.  199 

«De  plus  puissants,  dit-il,  s'y  opposèrent  (1).  »  Mais  si 
Launoy  ne  parla  point,  il  promit,  paraît-il,  d'écrire.  Le 
médecin  Chicot  reçut  en  effet  (1659)  deux  lettres  contre  les 
traditions  relatives  à  saint  Rieul.  Afforty  en  a  communiqué 
les  autographes  aux  Bénédictins  de  St-Maur  pour  leur  Gallia 
Christiana,  et  lui-même  nous  en  a  conservé  (2)  une  troisième 
écrite  à  Deslions,  en  date  du  20  septembre  1671,  et  qui  peut 
se  résumer  ainsi  :  Iln'y  apasd' écrits  contemporains  sur  saint 
Rieul:  donc,  de  lui  ni  de  ses  successeurs,  avant  St  Levain, 
on  ne  peut  rien  dire.  Enfin,  Launoy  eut  à  donner  son  avis 
sur  la  Remontrance  adressée  par  Deslions  à  l'évêque  Denys 
Sanguin,  relativement  au  Bréviaire  de  1670.  Deslions,  en 
effet,  travaillait  avec  plus  d'ardeur  que  jamais  à  faire  aban- 
donner l'ancienne  tradition  sur  saint  Rieul.  En  1656,  Messieurs 
d'Arles,  désirant  faire  réimprimer  l'office  de  saint  Rieul  dans 
le  nouveau  Bréviaire  de  leur  diocèse,  avaient  demandé 
communication  de  l'office  de  Senlis.  Deslions  leur  avait 
répondu,  le  3  juillet  de  cette  année,  par  u*n  Mémoire  (3) 
contre  le  légendier  manuscrit  d'Arles,  et  il  était  parvenu  à 
faire  retirer  à  St  Rieul  le  titre  de  disciple  de  St  Jean.  Il  eut 
moins  de  succès  à  Senlis.  Employé  à  la  rédaction  des  nou- 
velles légendes,  il  fut  condamné  à  écrire  lui-même  celle  de 
saint  Rieul  conformément  aux  traditions  anciennes.  Il  en 
marque  son  dépit  :  «  Ils  m'ont  forcé,  dit-il,  à  écrire  trois 
erreurs  en  trois  lignes...  Maintenant  je  les  rétracte  autant 
que  possible  (4).  »  C'est  vers  cette  époque  qu'il  écrivait  ses 
Antigua  et  selecia  Ecclesiœ  Sylvanectensis  monumenta...  (5). 


(1)  Sed  repugnarunt    qui  potentiores    erant.  —  Afforty,    page    5726, 
tome  X. 

(2)  Cotlectanea,  882,  tome  ii,  p.  307. 

(3)  Afforty,  p.  1960,  tome  iv,  231. 

(4)  Et  tribus  lineis  très  errorei  describere  me  coegerunt.. .  Quod  possum 
nunc  retaxo  scriptum  et  revoco.  Afforty,  5720,  X. 

(5)  Antiqua  et  sekcta  ecclesiœ  syluaw.cttinsis  monumenta  liturgica,  canonica, 
hislorica,  cum  notis  brevibus  et  exquisids  pcrJoannem  Deslions  Pontesianum 


200  ORIGINES   DES   ÉGUSES   DE   FRANCE. 

Là,  après  quarante  ans,  disait-il,  de  compilations  et  de  re- 
cherches, il  insérait  sa  dissertation  sur  la  date  de  l'apostolat 
de  saint  Rieul  :  il  prétend,  sans  trancher  la  question,  donner 
tout  ce  qu'on  peut  dire  pour  les  deux  opinions;  mais  il  est 
évident  qu'il  combat  avec  ardeur,  et  même  avec  colère,  en 
faveur  de  la  date  de  280. 

Au  siècle  suivant,  les  partisans  de  cette  opinion  étaient 
encore  plus  prononcés  et  furent  plus  heureux. 

L'abbé  du  Ruel,  auteur  d'une  Histoire  manuscrite  de 
r Église  et  du  diocèse  de  Senlis,  gros  volume  in-folio  écrit  en 
1735,  trouve  à  peine  M.  DesUons  assez  sévère  (1).  Et  ce  que 
n'avait  fait  ni  celui-ci,  ni  même  Launoy,  il  déclare  simple- 
ment apocrj^he  un  passage  souvent  cité  du  concile  de  Paris 
de  825.  Ce  texte  gênait  sa  thèse,  parce  que,  dans  une  lettre 
adressée  au  pape  Eugène  II,  tous  les  évêques  des  Gaules 
réunis,  à  l'exception  d'un  seul,  rappellent  au  Souverain- 
Pontife  que  saint  Denys  avait  été  envoyé  par  saint  Clément 
avec  douze  compagnons.  Or  saint  Rieul  avait  toujours  passé 
pour  un  des  disciples  de  l'apôtre  de  Paris. 

Un  chanoine  auteur  de  Remarques  sur  les  Évêques  de 
Senlis  (2) ,  professe  plus  nettement  encore  la  même  doc- 
trine. 

Pour  l'abbé  CarUer  (3),  les  légendes  de  saint  Rieul  ne 
sont  que  des  Romans,  et  son  épiscopat  doit  être  placé  vers 
l'an  295. 

Et  enfin,  en  1766,  l'opinion  était  assez  avancée  pour  que 
le  chantre  Rouyer,  dans  son  Essai  sur  les  Antiquités,  l'his- 
toire ecclésiastique,  civile  et  naturelle  du  diocèse  de  Senlis,  ait 
cru  suffisant  d'affirmer  que  les  textes  connus  de  Sulpice- 


ejusdem  ecclesiœ  theologum  et  capituli  decamim,  socictatis  Sorbonicœ  doc- 
torem.  —  Dans  Afforty,  5697,  X. 

(1)  Folios  2-9. 

(2)  Dans  Afforty,  page  5728.  tome  X, 

(3)  Histoire  du  duché  de  Valois,  1764;  tome  1,  pages  27  et  28. 


APOSTOLAT   DE   SAINT   RIEUL.  201 

Sévère  et  de  Grégoire  de  Tours  établissent  nettement  que 
saint  Rieui  n'a  pu  venir  qu'au  IIP  siècle. 

Aussi  le  Bréviaire  de  Senlis,  imprimé  en  1776,  par  ordre 
de  M.  de  Roquelaure,  ne  contient  plus  qu'une  légende 
timide,  où,  sans  rejeter  les  sources  de  la  première  opinion, 
on  donne  cependant  gain  de  cause  à  la  seconde,  en  faisant 
de  saint  Rieul  un  compagnon  de  saint  Quentin,  ce  qui  le  ra- 
mène nécessairement  au  IIP  siècle.  Et  suivant  cet  exemple,  les 
Almanachs  historiques  de  la  ville  et  du  diocèse  de  Senlis  de 
1787  et  1788,  placent  le  commencement  de  l'église  de 
Senlis,  l'un  en  l'an  281,  l'autre  en  l'an  296,  sans  même 
indiquer  la  raison  de  cette  variante. 

Désormais  donc,  il  était  admis  que  St  Rieul  était  venu  à 
la  fin  du  IIP  siècle,  et  peut-être  même  au  commencement 
du  IV^:  du  moins  on  n'osait  plus  soutenir  le  contraire.  Aussi 
ne  nous  étonnons-nous  pas  d'entendre  M.  Broisse  (1)  affir- 
mer simplement  en  1835,  que  la  mission  de  l'apôtre  de 
Senlis  date  de  290;  M.  Graves  (2),  en  ISZil,  le  reporter 
jusque  vers  312,  et  M.  Vatin  (3),  en  18/i7,  le  ramènera 
295.  Ces  estimables  auteurs  n'avaient  évidemment  pas  exa- 
miné spécialement  ce  point.  Ils  acceptaient  simplement, 
telle  qu'elle  se  trouvait  faite,  l'opinion  des  deux  siècles  pré- 
cédents. 

Mais  si  ces  deux  siècles  avaient  apporté  beaucoup  de 
critique  dans  l'étude  des  monuments  anciens,  le  nôtre  ne 
leur  céda  en  rien.  Il  n'accepta  point  sur  parole  l'histoire 
telle  que  ses  prédécesseurs  l'avaient  arrangée.  A  son  tour 
il  recourut  aux  sources,  et  appliqua  la  critique  à  l'œuvre 


(1)  Recherches  historiques  sur  la  ville  de  Senlis,  par  J.-F.  Broisse.  Un 
volume  in-8*,  1835,  page  6. 

(2)  Précis  statistique  sur  le   canton  de  Senlis,  extrait   de  l'Annuaire  du 
département  pour  1841,  page  124. 

(3)  Senlis  et    Chantilly,    anciens   et   modernes,  ia-8*,    Senlis,   1847, 
page  9, 


202  ORIGINES   DES  ÉGLISES   DE   FRANCE. 

des  critiques.  Des  monographies  très-solides  et  armées  de 
toutes  pièces,  comme  les  Monuments^  inédits  de  M.  Faillon, 
et  la  Dissertation  sur  saint  Martial^  de  l'abbé  Arbellot,  ont 
produit  dans  les  esprits  un  revirem^ent  assez  prononcé. 
L'impulsion  est  donnée  et  suivie.  Hier,  M.  Salmon  re- 
plaçait saint  Firmin  au  I"  siècle  (1).  Aujourd'hui,  on 
revendique  le  même  honneur  pour  saint  Front,  de  Péri- 
gueux  (2).  Nous  n'avons  pas  eu  d'écrivain  qui  ait  exa- 
miné la  question  de  saint  Rieul  (3)  :  mais  son  histoire  fut 
étudiée  pour  le  Propre  du  diocèse  de  Beauvais,  publié  en 
1856.  Il  est  dans  ce  Propre  reporté  aux  temps  apostoliques. 
Notre  liturgie,  en  ce  point  aussi,  se  remettait  d'accord  avec 
la  doctrine  de  Rome  ;  car,  fidèle  à  ses  traditions,  comme 
aux  enseignements  des  Baronius  et  des  Benoît  XIV,  Rome 
n'a  jamais  varié  sur  ces  questions  d'histoire,  et  aujour- 
d'hui elle  refuse  son  approbation  à  tout  Office  qui  tenterait 
de  reproduire  la  doctrine  de  Launoy. 


II. 


EXAMEN  DES   DEUX  OPINIONS  QUI  ONT  SUCCESSIVEMENT    RÉGNÉ 
SUR   l'époque   de   la   PRÉDICATION   DE   SAINT   RIEUL. 

Si  maintenant  nous  voulons  examiner  les  pièces  de  ce 
procès,  nous  trouvons  : 
l**  En  faveur  du  III"  siècle  ; 

(1)  Histoire  de  saint  Firmin,  martyr,  premier  évêque  d'Amiens,  patron 
de  la  Navarre  et  des  diocèses  d'Amiens  et  de  Pampelume,  beau  volume 
iD-4o,  Arras,  1861,  chez  Rousseau-Leroy. 

(2)  La  vie  de  saint  Front,  apôtre,  premier  évêque  de  Périgueux,  par 
l'abbé  Pergot.  Un  volume  in-8»,  Périgueux,  1861. 

(3)  M.  l'abbé  Gordières,  curé  de  Machemont,  autrefois  professeur  à 
Senlis,  avait  rassemblé  les  éléments  d'une  Vie  de  saint  Rieul.  Mais  ce 
travail,  qui  devait  venger  l'ancienne  tradition,  n'a  jamais  été  terminé. 
Souhaitons  de  lui  avoir  redonné,  par  notre  propre  étude,  une  impulsion 
définitive. 


APOSTOLAT   DE    SAINT    RIEUL.  203 

1.  Deux  textes  célèbres  de  Sulpice-Sévère  et  de  saint 
Grégoire  de  Tours,  qu'on  rappelle  sans  cesse  dans 
les  discussions  du  genre  de  celle-ci. 

2.  Les  Actes  des  SS.  Fuscien  et  Victoric,  et  les  Actes 
de  saint  Quentin.  Nous  ne  parlons  pas  de  ceux  des 
SS.  Crépin  et  Crépinien,  et  de  certains  Actes  de  saint 
Lucien,  parce  qu'ils  sont  eux-mêmes  trop  sujets  à 
controverse . 

3.  Le  petit  nombre  de  noms  que  renferment,  pour 
les  premiers  siècles,  les  diptyques  de  l'église  de 
Senlis. 

2°  En  faveur  de  la  tradition  : 

1.  Trois  Vies  de  St  Rieul,  qui  paraissent  remonter  à 
peu  près  au  IX^  siècle. 

2.  Un  texte  de  saint  Ambroise,  antérieur  à  l'an  397. 

3.  L'ancienne  liturgie  senlisienne. 

h.  Les  liturgies  conformes  de  l'abbaye  de  Saint-Denys 

près  Paris,  et  de  l'église  d'Arles. 
5.  Les  diptyques  de  cet  évêché. 
Mais  avant  d'entrer  dans  l'examen  de  ces  preuves,  d'en 
peser  la  valeur  relative,  et  de  nous  prononcer,  s'il  y  a  lieu, 
entre  les  deux  doctrines,  il  ne  nous  semble  point  inutile  de 
rappeler  quelques  principes  qui  paraissent  devoir  dominer 
toute  la  discussion. 

Quelques  principes, 

1.  Un  fait  n'est  pas  nécessairement  faux,  par  cela  seul  qu'il 
n'est  pas  prouvé.  Autant  il  serait  déraisonnable  d'affirmer 
un  tel  fait,  autant  il  serait  illogique  de  le  nier.  On  aie  devoir 
de  ne  pas  croire  une  chose  incertaine  ;  on  n'a  pas  le  droit  de 
la  déclarer  fausse. 


204  ORIGINES    DES   ÉGLISES    DE    FRANCE. 

Il  pourra  sembler  étrange  que  nous  invoquions  un  tel 
principe  :  c'est  une  protestation  qu'il  fallait  faire  contre 
la  méthode  d'une  certaine  école  critique  des  deux  siècles 
précédents. 

Quand  on  se  trouve  en  face  de  faits  de  cette  nature,  il 
faut  les  conserver  pour  ce  qu'ils  sont,  pour  incertains. 
Pierres  disjointes  d'un  édifice  écroulé,  ils  attendent  la  re- 
stauration de  la  science.  N'allons  point  les  briser  sous  le 
marteau,  comme  des  jeux  du  hasard  ou  des  créations  de  la 
fantaisie.  Conservons,  recueillons  pour  de  plus  érudits  !  Le 
jour  peut-être  se  lèvera  sur  ces  ruines  ;  on  saura  leur  valeur. 
Ne  nous  défions  pas  trop  des  ruines  simulées  :  elles  sont 
rares  après  tout,  et  n'ont  guère  jamais  trompé  que  ceux  qui 
voulaient  être  trompés. 

2.  L'absence  de  monuments  contemporains  d'un  fait 
n'empêche  pas  toujours  d'arriver  à  la  certitude  sur  l'exis- 
tence de  ce  fait.  S'il  s'agit  d'événements  publics,  ayant  dû 
attirer  l'attention  d'un  grand  nombre  ;  s'il  est  constant  qu'à 
une  époque  ancienne  ils  ont  été  généralement  admis  ;  s'il 
est  impossible  d'assigner  à  l'établissement  de  cette  croyance 
une  origine  postérieure  ;  si  les  faits  dont  il  s'agit  ont  une 
connexion  marquée  avec  d'autres  événements,  de  sorte  que 
l'erreur  soit  devenue  d'autant  plus  difficile  qu'elle  aurait  dû 
s'étendre  à  plus  de  faits  et  de  Heux  différents;  s'il  est  cons- 
taté que  l'absence  des  monuments  contemporains  ne  résulte 
pas  du  silence  des  âges  passés,  mais  au  contraire  de  pertes 
ou  de  destructions  dont  on  peut  assigner  l'époque;  si  aucune 
raison  valable  ne  s'oppose  d'ailleurs  à  ce  qu'on  admette  ces 
faits,  il  pourra  y  avoir  là  un  ensemble  de  considérations 
suffisantes  pour  conquérir  l'adhésion  d'un  esprit  sage  et 
prudent. 

«  Les  anciennes  histoires,  dit  Fréret  (1),  dont  le  témoi- 

(1)  Mémoires  de  litte'rature,  tirés  des  registres  de  rAcadémie  royale 
des  Inscriptions  et  Belles-Lettres^  VI,  152. 


APOSTOLAT    DE    SAINT   RIEUL.  205 

gnage  ne  paraîtra  pas  suspect,  celles  même  qui  n'étaient 
fondées  que  sur  la  simple  tradition,  ont,  à  ce  que  je  crois, 
un  certain  degré  de  certitude,  moins  fort,  à  la  vérité,  que 
celui  des  histoires  contemporaines,  mais  tel  cependant,  que 
malgré  l'éloignement  des  temps  et  des  lieux  qui  nous  cachent 
une  partie  des  circonstances,  et  qui  altèrent  souvent  la  vérité 
de  plusieurs  autres,  les  esprits  vraiment  justes  ne  se  croient 
point  en  droit  de  les  rejeter  entièrement  pour  le  gros  des 
faits,  lorsqu'ils  n'ont  point  de  preuves  positives  de  leur 
fausseté.  » 

3.  La  présence  dans  un  récit  de  quelques  détails  inadmis- 
sibles, n'autorise  pas  à  conclure  à  la  fausseté  de  l'ensemble 
des  faits.  Parce  qu'un  auteur  aura  laissé  la  trace  de  son 
esprit  ou  de  ses  préoccupations  dans  l'exposition  de  quelques 
circonstances  accessoires,  il  n'en  résulte  pas  qu'il  mente  ou 
qu'il  se  trompe  sur  les  points  essentiels.  Gela  sera  vrai  sur- 
tout si  les  critiques  que  l'on  peut  faire  de  son  récit  ne 
portent  que  sur  l'absence  de  goût,  la  pauvreté  du  style, 
l'emploi  d'amplifications  trop  naïves,  l'usage  d'expressions 
qui,  pour  être  empruntées  au  siècle  de  l'auteur,  donnent  aux 
faits  une  couleur  un  peu  différente  de  celle  qu'ils  ont  dû  avoir 
dans  un  âge  plus  reculé.  Tous  ces  défauts  peuvent  prouver 
que  l'auteur  ne  fut  pas  un  habile  écrivain  ;  mais  on  n'en 
saurait  conclure  rien  contre  les  faits  eux-mêmes.  Où  en 
serions- nous  s'il  fallait  rejeter  tous  les  documents  historiques 
que  souillent  quelques  défauts  ?  Toutes  les  inscriptions 
chrétiennes  dont  fourmille  le  sol  de  Rome  sont  pleines  de 
barbarismes.  En  résulte-t-il  que  l'histoire  des  catacombes 
ne  soit  qu'une  chimère? 

A.  Quand  il  y  a  divergence  entre  diverses  traditions  sur 
un  même  fait,  on  doit  donner  la  préférence  aux  auteurs  de 
la  contrée  sur  ceux  des  autres  pays  ;  aux  auteurs  qui  trai- 
tent directement  de  ce  fait  sur  ceux  qui  n'en  parlent  que  très- 
accessoirement.  C'est  une  des  règles  de  critique  données 


206  ORIGINES   DES   ÉGLISES   DE   FRANCE. 

par  le  P.  Honoré  de  Ste-Marie  dans  ses  Réflexions  sur  les 
règles  et  Viisaqe  de  la  critique. 

«  Il  semble  qu'il  est  de  l'équité  de  préférer  toujours  les 
anciens  auteurs  d'un  pays  aux  étrangers  :  il  est  très  difficile, 
en  effet,  de  savoir  ce  qui  se  passe  dans  les  lieux  éloignés,  et 
nous  voyons  souvent  quelesbruitspopulaires  qui  se  répandent 
d'une  nation  dans  une  autre  et  que  les  récits  qui  viennent 
de  loin  ont  trompé  beaucoup  d'écrivains,  dans  un  temps 
surtout  où  le  commerce  des  lettres  était  rare  et  difficile  (1) .  » 

5.  L'accord  des  traditions  de  deux  contrées  très-distantes, 
sur  un  même  fait  qui  a  intéressé  les  deux  contrées,  est  un 
argument  sérieux  en  faveur  de  ces  traditions,  à  moins  qu'on 
ne  prouve  positivement  que  l'une  d'elles  ne  doit  sa  naissance 
qu'à  l'autre.  Si  surtout  ces  contrées  sont  sans  relations  or- 
dinaires ;  si  cependant  le  fait  en  question  se  relie  bien  avec 
l'ensemble  des  histoires  locales,  cet  accord  deviendra  une 
preuve  solide  que  pourront  seuls  détruire  des  arguments 
sérieux  et  convaincants. 

Ces  principes  posés,  et  nous  ne  pensons  pas  qu'il  puisse 
y  avoir  de  difficulté  sur  leur  admission,  nous  passons  à 
l'examen  des  arguments  qu'on  apporte  en  faveur  de  chaque 
opinion,  en  commençant  parla  plus  récente. 

S  2. 
Arguments  en  faveur  du  IIP  siècle. 

Nous  appelons  opinion  la  plus  récente  celle  qui  ne  place 
qu'à  la  fin  du  IIP  siècle  la  mission  de  l'apôtre  de  Senlis. 

Il  est  reconnu  et  admis  par  tous  que,  depuis  825  jusque 
vers  1636,  l'opinion  qui  recule  jusqu'au  IIP  siècle  la  pré- 


Ci)  I,  2*  partie,  dissert.  VII,  §3,  p.  302;  cité  par  Arbellot;  Dissertation 
sur  saint  Martial,  p.  33. 


APOSTOLAT   DE   SAINT   RIEUL.  207 

çlication  de  l'Évangile  dans  les  Gaules,  ne  vécut  qu'à  l'état 
de  germe  dans  quelques  textes  isolés.  Launoy  s'efforça  de 
lui  donner  la  priorité  en  affirmant  qu'avant  le  IX*  siècle  elle 
avait  seule  régné,  et  qu'il  avait  fallu  pour  la  détrôner  toutes 
les  supercheries  d'Hilduin  (1) .  Malheureusement,  affirmation 
pour  affirmation,  celle  d'Hilduin  vaut  bien  celle  de  Launoy, 
et  cent  fois  mieux.  Launoy  fait  une  hypothèse  ;  Hilduin  cite 
ses  autorités  (2).  D'ailleurs,  nous  allons  voir  par  la  discus- 
sion des  documents  sur  lesquels  s'appuie  cette  opinion  pos- 
térieure, qu'elle  est  insoutenable,  et  le  fruit  d'erreurs 
historiques  palpables. 


I. 


Discussion  des  textes  de  saint  Grégoire  de  Tours  et  de  SulpicC' 

Sévère. 

Ces  deux  textes  forment  le  fondement  sur  lequel  bâtis- 
sent iQ\i]QVirQ\QsArdi-traditionalistes,  Pas  un  qui  ne  présente 
ces  textes  pour  prouver  que  les  apôtres  de  nos  Eglises  sont 
postérieurs  à  250  :  pour  tous,  c'est  la  principale  preuve; 
pour  quelques-uns,  c'est  la  seule  preuve  solide.  Que 
deviendra  donc  leur  système,  si  nous  démontrons  que  le 
premier  de  ces  textes  contient  une  erreur  manifeste  et  n'a 
pas  la  moindi'e  valeur  ;  et  que  le  second  ne  saurait  avoir  la 
portée  qu'on  s'est  plù  à  lui  donner? 

Commençons  par  saint  Grégoire  de  Tours. 

Dans  son  Histoire  ecclésiastique  des  Francs^  saint  Grégoire 
(530-595)  a  écrit  ce  qui  suit  ; 

«  Sous  Dèce  (vers  250),  sept  évêques  furent  ordonnés 
pour  venir  prêcher  dans  les  Gaules,  ainsi  qu'il  est  raconté 

(1)  !'•  lettre:  Afforty,  5119-20,  X,  et  Gallia  Christiana,  IX,  col.  504 
et  suiv. 

(2)  Voyez  dom  Féliblen,  Histoire  de  l'abbaye  de  Saint'Denys,  page  74. 


208  ORIGINES   DES   ÉGLISES   DE  FRANCE, 

dans  l'histoire  de  la  passion  du  saint  martyr  Saturnin.,.. 
Voici  donc  ceux  qui  furent  envoyés:  à  Tours,  Tévêque 
Catien  :  à  Arles,  l'évêque  Trophime;  à  Narbonne,  Tévêque 
Paul  ;  à  Toulouse,  l'évêque  Saturnin  ;  à  Paris,  l'évêque 
Denys  ;  en  Auvergne,  l'évêque  Austremoine  ;  l'évêque  Mar- 
tial fut  destiné  aux  habitants  de  Limoges...  (1).  » 

Nous  pourrions  commencer  par  dire  cueGiégoire  de 
Tours  n'est  pas  une  autorité  infaillible.  <(  Il  écrit,  dit  Cantù, 
sans  aucun  ordre  chronologique,  comme  un  homme  qui 
raconte  au  fur  et  à  mesure  ce  qu'il  entend  dire.  Il  n'a  ni 
l'ingénuité  des  anciens,  ni  la  critique  des  modernes  ;  négli- 
geant les  faits  importants,  il  en  accepte  de  faux  ou  de  dou- 
teux (2).  »  —  «  Sans  vouloir  manquer  de  respect  à  Grégoire 
de  Tours,  écrivait  Baronius,  nous  avons  montré  plusieurs 
fois  qu'il  ne  s'est  pas  seulement  trompé  sur  les  choses 
anciennes,  mais  qu'il  a  erré  même  pour  les  faits  arrivés  en 
son  temps  (3).  »  Et  en  effet,  Grégoire  de  Tours  fait  mourir 
après  St  Irénée  des  confesseurs  martyrisés  avec  St-Pothin. 
Il  met  en  250  l'hérétique  Valentin,  réfuté  en  179  par  saint 
Irénée.  Il  fait  souffrir  sous  Dèce,  avant  251,  le  pape  saint 
Sixte,  appelé  au  siège  pontifical  en  257  {li) .  Nous  voilà  loin 
de  cette  infaillibilité  à  laquelle  Launoy  se  plaisait  à  croire 
quand  il  en  avait  besoin,  sauf  à  la  rejeter  ensuite  lui-même 
à  l'occasion. 


(I)  ....  Hu}us  {Decii)  tempore,  septem  liri  episcopi  ordinati  ad  prœdi" 
candum  in  Gallius  missi  sunt,  sicut  historia  passionis  sancti  martyris  Sa- 
turnini  denan-at.  Ait  enim  :  a  Sub  Decio  et  Grato  consulibus,  sicut  fideli 
recordatione  retinetur,  primum  ac  summum  Tholosana  civitas  S.  Saturni' 
num  liabere  cœperat  sacerdotem,  »  Hi  ergo  missi  swit  :  Turonicis ,  Gatianus 
episcopus ;  Arelntensibus,  Trophimus  episcopus  ;  Narbonœ,  Paulns  episco- 
pus;  Tholosœ,  Saturninus  episcopus  ;  Parisiacis,  Dionysius  episcopus;  Ar- 
vernis,  Stremonius  episcopus  ;  Lemovicis  Martialis  est  destinatus  episco- 
pus... »  —  Hist.  eccl.  Franc.  Ub.  i,  cap.  XXX,  al.  XXYIII. 

(î)  Hist.  univ.  IX,  p.  477.  Cilée  par  la  Revue  des  Sciences  ecclùiastiques, 
janvier  1863,  page  29. 

(3)  Revue  des  Sciences  ecclésiastiques,  l.  c.  p.  30. 

(4)  Ibid.,  p.  31. 


I 


APOSTOLAT    DE    SAINT   FxIEUL.  209 

Aussi  ne  nous  étonnons-nous  pas  d'entendre  encore  ce 
témoignage  du  dernier  éditeur  de  Grégoire  de  Tours,  M. 
Guizot  :  «  Malgré  l'enchaînement  chronologique  des  dix 
livres  de  Y  Histoire  des  Francs,  il  s'en  faut  de  beaucoup  que 
les  événements  y  soient  bien  classés  et  toujours  rapportés  à 
leur  vrai  temps  ;  il  y  règne  au  contraire  une  exti'ême  con- 
fusion, et  l'on  rencontre  sans  cesse,  dans  chaque  livre,  des 
récits  qui  devraient  appartenir  aux  libres  antérieurs  ou  pos- 
térieurs (1).  »  Et  l'illustre  historien  dit  spécialement  du 
premier  livre,  que  c'est  un  «  résumé  absurde  et  confus,  qui 
serait  aussi  dépourvu  d'intérêt  que  de  vérité  chronologique, 
s'il  ne  contenait  quelques  détails  sur  l'établissement  du 
Christianisme  dans  les  Gaules  ;  détails  de  peu  de  valeur,  il 
est  vrai,  quant  à  l'histoire  des  événements....  (2).  » 

Mais  peu  nous  importe  l'autorité  de  cet  historien  en  gé- 
néral ;  il  s'agit  spécialement  du  texte  relatif  aux  sept 
évêques.  Voyons  donc  quelle  est  la  valeur  de  ce  texte. 

Il  y  a  près  de  mille  ans  qu'on  en  a  démontré  la  caducité; 
aussi,  bien  que  toujours  connu,  il  n'avait  jamais  ébranlé 
les  convictions  de  nos  ancêtres  jusqu'au  XVIP  siècle.  Mais 
de  nouvelles  critiques  ont  récemment  rendu  l'erreur  plus 
palpable. 

Elle  est  palpable,  puisque  tandis  que  Grégoire  fait 
venir  saint  Trophime  au  IIP  siècle,  avant  luile  pape  Zozime, 
en  /il7,  et  tous  les  évêques  de  la  contrée,  en  A50,  recon- 
naissaient qu'Arles  avait  reçu  cet  apôtre  de  saint  Pierre. 

Elle  est  palpable,  puisque  l'auteur  se  contredit  lui-même. 
Dans  deux  autres  ouvrages,  en  effet,  il  fait  ordonner  par  les 
disciples  des  apôtres  saint  Ursin  de  Bourges  et  saint  Satur- 
nin de  Toulouse,  qu'ici  il  place  au  IIP  siècle. 


(1)  Histoire  des  Francs.  Tradaction  de  M.  Guizot.  Notice,  page  Xll,  édi- 
tion d'Alfred  Jaccobs,  1802. 

(2)  Ibid.,  page  xi. 

REVL'E  DF.S  SCIENCE3  GCCr.É3IASTIQUES,  T.   IX.  14 


210  ORIGINES    DES    ÉGLISES    DE  FRANCE. 

Elle  est  palpable,  puisqu'il  fait  envoyer  de  Rome  sous 
Dèce  mie  troupe  de  sept  évêques,  accompagnés  d'un  certain 
nombre  de  disciples,  et  que  précisément  alors  la  papauté 
était  vacante  ;  telle  était  la  terreur  inspirée  par  le  tyran, 
que  pendant  seize  mois,  c'est-à-dire  jusqu'à  sa  mort,  le 
clergé  romain,  connaissant  sa  fureur  contre  les  évêques, 
n'osa  point  faire  d'élection,  et  laissa  innoccupé  le  siège  de 
saint  Fabien  (1). 

Enfin  l'erreur  est  palpable,  parce  qn' il  est  démontré  que 
Grégoire  a  pris  sa  phrase  à  deux  sources  ;  à  l'une,  aux  Actes 
desaint  Saturnin,  il  a  pris  la  date,  le  règnede  Dèce;  à  l'autre, 
à  la  Légende  de  St  Ursin,  il  a  pris  le  nom  des  sept  évêques. 
Il  a  réuni  le  tout  sous  le  couvert  des  Actes  de  saint  Saturnin. 
Malheureusement,  si  ces  Actes  ne  parlent  nullement  des 
sept  évêques,  en  revanche  ceux  de  saint  Ursin,  où  il  a  trouvé 
leurs  noms,  les  disent  positivement  envoyés  par  les  apôtres. 

D'ailleurs,  M.  Faillon  a  découvert  depuis  peu  un  docu- 
ment inédit  de  l'église  d'Arles,  qui  remonte  précisément 
au  temps  de  Grégoire  de  Tours,  et  dans  cette  pièce  il  est 
dit  expressément  que  Trophime,  Paul,  Martial,  Austre- 
moine,  Catien,  Saturnin  et  Valèfe,  furent  envoyés  par 
l'apôtre  St  Pierre. 

Ainsi  en  contradiction  avec  lui-même,  en  contradiction 
avec  des  écrivains  antérieurs,  abandonné  de  ses  propres 
partisans,  qui  reconnaissent  qu'on  doit  séparer  les  évêques 
qu'il  réunit,  et  reculer  de  trente  ans  au  moins,  pour 
quelques-uns,  la  date  qu'il  assigne,  convaincu  d'erreur  sur 
les  noms  et  les  dates,  saint  Grégoire  de  Tours  est  ici  sans 
autorité.  Son  texte  caduc  est  sans  valeur. 

Va-t-il  être  relevé  par  le  secours  de  Sulpice-Sévère?  C'est 
ce  que  nous  allons  voir. 


(1)  Voyez  Arbellot  s  Dissertation  sur  l'apostolat  de  saint  Martial,  cb.  T> 

et  Faillon  :  Monuments  inédits,  lome  ii,  col.  H49  el  suiv. 


APOSTOLAT    DE   SAINT   RIEUL.  211 

L'Histoire  sainte  de  Sulpice-Sévère  (363-429),  est  un 
abrégé  tellement  rapide,  qu'en  moins  d'une  page  l'auteur  a 
raconté  toutes  les  grandes  persécutions  qui  sévirent  pendant 
trois  cents  ans  contre  le  Christianisme  naissant  ;  c'est  dire 
qu'il  ne  fait  que  les  énumérer. 

Dans  un  résumé  aussi  succint,  Sulpice  ne  s'attache  donc 
pas  aux  faits  particuliers,  il  ne  donne  que  les  grands  traits, 
les  linéaments  principaux  de  l'histoire.  C'est  à  ce  point  de 
vue  qu'il  faut  se  placer,  pour  ne  pas  outrer  le  sens  de  sa 
phrase  :  «  Sous  Marc- Aurèle,  fils  d' Antonin,  sévit  la  cinquième 
persécution,  et  alors,  pour  la  première  fois  dans  les  Gaules, 
on  vit  des  martyres,  le  culte  du  vrai  Dieu  n'ajant  été  reçu 
qu'assez  tard  au-delà  des  Alpes  (1).  »  Sulpice-Sévère  ne 
s'occupe  pas  de  faits  isolés  :  il  ne  dit  donc  pas  qu'il  n'y  avait 
pas  eu  en  Gaule  de  martyrs  avant  Marc- Aurèle;  il  veut 
dire  qu'il  n'y  avait  pas  encore  eu  de  massacres  nombreux, 
de  persécutions  générales,  marlyria  ;  et  la  raison  pour  la- 
quelle il  signale  cette  persécution  pour  ]es  Gaules,  c'est 
qu'elle  y  sévit,  en  effet,  d'une  façon  particulière,  comme  en 
Asie.  C'est  ce  que  prouve  le  témoignage  d'Orose  :  «  Pour 
la  quatrième  fois  depuis  Néron,  les  ordres  de  Marc -Aurèle 
firent  éclater  de  cruelles  persécutions  contre  les  chrétiens 
en  Asie  et  en  Gaule,  et  une  foule  de  saints  furent  couronnés 
du  martyre  (2).  »  Avec  ce  témoignage,  on  comprend  la 
pensée  de  Sulpice-Sévère.  La  cinquième  persécution  sévit 
spécialement  en  Gaule.  Il  signale  ce  fait  et  l'explique  :  les 
autres  persécutions  n'avaient  pas  eu  la  même  intensité  dans 
les  Gaules,  parce  que  le  Christianisme  n'y  avait  été  accueilli^ 


(1)  Sub  Aurelio  deinde,  Antonini  fiUo,  persecutio  quinta  agitata.  Ac  tum 
primum  intra  Gallias  martyria  visa,  serius  trans  Alpes  Dei  religione 
suscepta.—  Hisloria  sacra,  lib.  ir,  édit.  des  Eizévir,  1656,  p.  99. 

(2)  Persecutiones  chrisiianorum,  quarta  post  Neronem  vice,  in  Asia  et  in 
Gai  lia  graves  prœcepto  ejus  exstiterunt,  mu  l  tique  sanctorum  marlyrio  co- 
ronati  sunt,  —  Orose,  vu,  15. 


212  ORIGINES  DES    ÉGLISES    DE    FRANCE, 

embrassé  {Dei  rcUgione  suscepta),  que  plus  tard.  Il  ne  dit 
pas  que  le  Christianisme  ne  fut  prêché  en  Gaule  que  très 
tard  :  il  dit  qu'il  mit  plus  de  temps  qu'ailleurs  à  triompher. 
Ce  qui  arriva  à  Senlis,  où  St  Rieul  en  fut  quitte  pour  une 
seule  menace  de  persécution,  à  laquelle  mit  fin  de  suite  la 
conversion  miraculeuse  du  magistrat  romain,  et  où  les  habi- 
tants se  montrèrent  aussitôt  sensibles  à  la  parole  de  l'apô- 
tre, est  un  fait  tout  exceptionnel.  Presque  partout,  les 
premiers  missionnaires  eurent  à  souffrir,  et,  après  leur 
mort,  leurs  églises  délaissées  restèrent  probablement  sans 
pasteurs.  Le  Christianisme  prêché  et  établi  put  donc  ne  pas 
prendre  en  Gaule  un  développement  aussi  nettement  pré- 
dominant que  dans  les  autres  contrées. 

Et  d'ailleurs,  comment  ne  pas  voir  qu'en  voulant  trop 
presser  ce  texte,  les  Grégoriens  se  combattent  eux-mêmes  ? 
Comment  !  pour  prouver  que  nos  premiers  apôtres  ne  sont 
venus  qu'en  250,  vous  nous  citez  un  historien  qui  affirme 
que  les  premiers  massacres  ont  eu  lieu  en  177!  Mais  si  en 
177  l'église  des  Gaules  pouvait  déjà  fournir  une  foule  de 
martyrs  (1),  elle  existait  donc  dès  lors  assez  développée 
pour  s'attirer  particulièrement  la  colère  du  maître  :  il  faut 
donc  admettre  que  bien  avant  l'époque  fixée  par  vous,  des 
apôtres  étaient  venus  fonder  ces  églises! 

Et  puis  si  l'on  voulait  ainsi  outrer  le  sens  de  la  phrase 
de  Sulpice-Sévère,  on  aurait  contre  soi  une  foule  d'autres 
témoignage  positifs.  D'abord,  celui  de  Grégoire  de  Tours, 
qui  fait  de  saint  Eutrope  de  Saintes  un  martyr  envoyé  par  le 
pape  saint  Clément  (2);  et  puis  celui  de  l'église  de  Vienne, 
qui  en  177  envoyait  des  lettres  aux  églises  d'Asie  ;  celui  de 
St  Irénée,  qui  en  190  invoquait  comme  preuve  la  croyance 
et  l'enseignement  des  Germanies  et  de  la  Celtique,  c'est-à- 


(1)  Multique  sanctorum  martyrio  coronati  sunt.  Orose  vir,  15. 

(2)  De  Gloria  martyr.  G.  LVf. 


APOSTOLAT    DE    SAINT    RIEUL,  213 

dire  du  nord  et  du  centre  des  Gaules  :  texte  considérable, 
dit  Ozanam,  et  qui  accuse  non  pas  une  croyance  incertaine 
et  flottante,  mais  un  dogme  immuable,  un  enseignement 
discipliné,  une  église  enfin  qui  a  ses  évêques,  puisque  ses 
traditions  font  autorité  (1)  ;  celui  de  Tertullien,  qui  avant 
220  en  appelait  à  la  foi  des  diverses  nations  des  Gaules,  et 
Galliarum  diversœ  nationes  (2)  ;  celui  d'Eusèbe,  qui  d'accord 
avec  saint  Épiphane  et  Théodoret,  fait  de  saint  Grescent, 
évêque  de  Vienne,  un  disciple  de  saint  Paul  (3) ,  et  parle  de 
deux  conciles  tenus  en  Gaule  par  saint  Irénée  [h). 

Ainsi  le  passage  de  Sulpice-Sévère  invoqué  contre  l'an- 
cienneté de  nos  églises,  n'a  pas  et  ne  saurait  avoir  le  sens 
qu'on  lui  prête.  Il  est  au  fond  plus  opposé  que  favorable  à 
l'opinion  qui  ose  s'en  prévaloir. 

Voilà  donc  ces  fameuses  preuves  générales  sur  l'autorité 
desquelles  on  a  persifllé  la  crédulité  de  nos  ancêtres.  Arri- 
vons aux  preuves  particulières  qui  concernent  Senlis  et  son 
apôtre. 


II. 


Discussion  de  V objection  tirée  des  Actes  de  saint  Quentin  et  de 
cevx  des  SS.  Fuscien  et  Vicioric. 

Dans  les  Actes  des  SS.  Fuscien  et  Victoric,  il  est  dit 
qu'au  temps  où  le  terrible  Maximien  régnait  en  Gaule  (280) , 
Rictius  Varus  reçut  le  titre  de  préfet  ;  qu'alors  douze  saints 
compagnons,  le  vénérable  évêque  Denys,  avec  Fuscien  et 
Victoric,  Plat,  Rufm,  Grépin,  Crépinien,  Valère,  Lucien, 


(1)  Civilisation  chrétienne  chez  les  Francs,  chap.  i,  p.  3. 

(2)  Adv.  Judeos,  vil. 

(3)  Hist.  cccles.,  lib.  m,  c.   IV.  V.  Noël  Alcxaudre    Hist.  eccles.,  dis- 
serl.  XIV  in  i  sœculum. 

(4)  Hisl.  ecclcs.,  1,  v,  c.  xxui  et  xxiv. 


214  ORIGINES    DES    ÉGLISES  DE  FRANCE. 

Marcel,  Quentin  et  Rieul,  partirent  de  Rome,  vinrent  dans 
les  Gaules  jusqu'à  Paris,  et  là  choisirent  les  lieux  où  ils 
devaient  prêcher.  Il  est  dit  en  outre  ,  que  le  bienheureux 
Uieul  partit  pour  la  ville  de  Senlis,  et  que  tout  rempli  de  la 
grâce  d' en-Haut,  il  amena  de  suite  le  peuple  païen  du  culte 
des  idoles  à  la  foi  catholique,  et  devint  le  pasteur  de  ce 
nouveau  siège  (1). 

Quelques-uns  des  manuscrits  d'où  on  a  tiré  ces  Actes  ont 
subi  des  altérations  :  tous  ne  portent  pas  le  nom  de  saint 
Denys.  C'est  la  version  qu'ont  adoptée  les  BoUandistes  (2). 

Dans  les  Actes  de  St  Quentin  (3) ,  il  est  dit  de  même  que 
sous  le  règne  de  Dioclétien  et  de  Maximieu,  une  terrible 
persécution  sévit  contre  les  chrétiens;  qu'alors  vinrent  de 
Rome  en  Gaule  le  bienheureux  Quentin  et  saint  Lucien,  et 
qu'il  est  attesté  par  le  récit  de  leurs  combats,  qu'avec  eux 
étaient  venus  les  SS.  Crépin  et  Crépinien,  Rufm,  Val  ère, 
Marcel,  Eugène,  Victoric,  Fuscien,  Piat  et  Rleul. 

Il  y  a  sur  ces  Actes  une  première  difficulté. 

S.  Denys  doit-il  être  mis,  oui  ou  non,  parmi  les  douze 
missionnaires  qu'ils  signalent?  Cet  apôtre  ayant  toujours 
été  regardé  comme  le  chef  de  la  mission,  il  est  important 
d'avoir  la  réponse  à  cette  question. 

Les  Actes  donnés  par  les  BoUandistes  {h)  portent  douze 
noms  parmi  lesquels  saint  Denys  ne  figure  pas.  Du  Bosquet, 
évêque  de  Montpellier,  les  avait  précédemment  publiés 
en  y  mettant  saint  Denys  (5).  Germain  Millet  et  le  Bréviaire 
parisien  de  15/i5  les  avaient  donnés  sans  ce  nom.  C'est 
une  altération,  s'écrie  Launoy!  les  aréopagites  en  sont  les 
auteurs  !  Demandez-lui  sa  preuve  ;  la  voici  :  La  preuve  que 


(1)  Gallia  Chrisliana  in  provincias  distribuia.  Appendlx,  col.  504. 

(2)  Acta  sandorum.  xxx  Martii,  col.  817. 

(3)  Ibid. 

(4)  Ihid. 

(5)  Historiarum  eccles.  Gallic.  lib.  l. 


APOSTOLAT  DE  SAINT  RIEUL.  215 

les  Actes  anciens  portaient  le  nom  de  saint  Denys,  c'est  que 
le  Martyrologe  cVUsuard  (850)  fait  de  saint  Piatun  compa- 
gnon de  St  Denys;  or,  saint  Piat  figure  parmi  les  douze  mis- 
sionnaires ;  donc  St  Denys  devait  y  figurer  (1) . 

On  ne  peut  mieux  résoudre  la  question  par  la  question. 
S'il  était  démontré,  contre  l'opinion  de  Baronius  (Mart.  rom. 
kal.  oct.),  que  saint  Piat  de  Tournay  ait  été  compagnon  de 
saint  Denys,  il  faudrait  se  demander  encore  :  mais  à  quelle 
époque?  Launoy,  qui  cite  le  martyrologe  d'Usuard,  où 
nulle  date  n'est  donnée,  aurait  bien  dû  citer  aussi  le  mar- 
tyrologe antérieur  d'Adon,  qui,  selon  quelques-uns,  por- 
tait :  Divas  Piatus  jiissn  Areopagitœ  sanctissimi  docuit  féroces 
ac  barbares  Nervios  (2).  Et  pense-t-il  que  le  saint  Denis 
qu'on  appelle  ici  l'Aréopagite  est  venu  à  la  fm  du  III"  siècle? 
D'ailleurs  ces  deux  martyrologes  s'accordent  à  placer  la 
mort  de  saint  Denys  sous  la  préfecture  de  Fescennius 
Sisinnius  :  or  il  est  impossible  de  ne  pas  reconnaître  que 
celui-ci  vivait  sous  Adrien  (117-138). 

Deslions  a  insisté  sur  ce  point  (3) .  S.  Denys  est  pour 
lui  un  des  douze.  Mais  de  preuves  positives,  il  n'en  donne 
pas,  car  il  s'appuie  sur  les  ratures  subies  par  un  vieux  lec- 
tionnaire  de  l'église  de  Senlis,  où  le  nom  enlevé  devait  selon 
lui  être  le  nom  de  S.  Denys,  et  chose  étonnante  !  lui-même 
nous  fait  lire  ailleurs  dans  ce  même  lectionnaire  douze 
noms,  parmi  lesquels  ne  figure  pas  celui  dont  il  est  ques- 
tion (II), 

Voilà  donc  un  premier  point  sur  lequel  l'autorité  des 
Actes  ne  parait  guère  sérieuse.   Si  d'ailleurs  saint  Denys 


(1)  Première  lettre,  AffortyA.  5719,  x;  et  Gallia  Christiana,  appendix, 
col.  505,  A. 

(2)  Cité  par   Doublet,  Histoire  de  rabbaija  de  Saint- Den ijs  ;  iu-4,  1625, 
p.  65. 

(3)  Afforty,  pages  5725  et  5789,  x. 

(4)  Affbrtij,  page  5725,  ligne  30,  x. 


216  ORIGINES    DES    ÉGLISES    DE    FRANCE. 

était  venu  avec  S.  Quentin  en  280,  sous  Maximien,  il  y  aurait 
encore  là  une  contradiction  avec  Grégoire  de  Tours,  qui  le 
fait  venir  en  250,  et  dont  cependant  on  veut  invoquer  le 
témoignage.  Ajoutons  de  suite,  en  passant,  que  des  preuves 
directes  ne  permettent  point  de  mettre  si  tard  la  mission 
de  S.  Denys.  Ce  sont  des  Actes  antérieurs  à  621,  un  hymne 
de  Fortunat  mort  en  609,  un  diplôme  du  roi  Thierry  IV  de 
723,  etc.  (1). 

Que  si  l'on  ne  peut  se  fixer  sur  le  chef  de  ces  douze  mis- 
sionnaires, la  liste  de  leurs  noms  sera-t-elle  bien  certaine? 

Deslions  afiirme  que,  sur  ce  point,  la  tradition  de  tout  le 
Nord  est  positive  ;  qu'il  l'a  longuement  consultée,  qu'il  y 
eut  bien  douze  missionnaires  en  280,  parmi  lesquels  S. 
Rieul  figure  toujours  (2). 

A  un  janséniste  qu'animait  le  zèle  des  réformes  litur- 
giques, nous  ne  pouvons  mieux  faire  qu'opposer  un  jansé- 
niste de  ses  amis.  Voici  ce  que  lui  écrivait  le  célèbre 
Jacques  de  Ste-Beuve,  le  21  octobre  1669,  précisément  à 
propos  du  nouveau  bréviaire  auquel  travaillait  Deslions; 
c'est  Afforty  qui  nous  a  conservé  la  lettre  (3)  : 

«  J'ai  lu  les  leçons  propres  du  IP  nocturne  pour  la  fête 
des  SS.  martyrs  Fuscien  et  Victoric.  Mon  sentiment  est 
qu'il  faudrait  s'abstenir  de  parler  de  la  mission  des  douze, 
du  nombre  desquels  on  met  ces  deux  saints,  parce  qu'il  n'y 
a  point  de  fondement  sur  lequel  on  puisse  l'appuyer  avec 
certitude . 

«  Les  fondements  sur  lesquels  on  l'appuie  sont  :  une  épî- 
tre  écrite  par  les  évêques  du  concile  de  Paris,  assemblé  sur 


(I)  Voir  un  volume  publié  depuis  la  compoâition  de  ce  mémoire,  par 
M.  l'abbé  J.-E.  Darras  :  Samt  Denys  l'aréopagite,  premier  évéque  de  Pcrris^ 
études  sur  les  origines  chrétiennes  des  Gaules,  in-8*  de  xY-376  pages. 
Paris,  Vives. 

{i)  Afforty,  page  5727,  x. 

(3)  Collectaneu  Sylvanectensia.  page  32 i.  t.  ii,  347. 


APOSTOLAT    DE    SAINT    RIELL.  217 

le  sujet  des  images,  en  825,  à  Eugène  II  ;  les  Actes  du  mar- 
tyre de  S.  Fuscien  et  de  S.  Victoric,  chez  Du  Bosquet;  les 
Actes  du  martyre  de  S,  Quentin. 

((  Pour  ce  qui  est  de  cette épître, elle  dit  seulement  qu'il  y 
eut  une  mission  de  douze,  sous  le  pape  S.  Clément,  en  France, 
l'un  desquels  S.  Denys  était. . . 

«Pour  ce  qui  est  des  Actes  de  ces  saints  chez  Du  Bosquet, 
ce  ne  sont  pas  les  véritables.  J'en  ai  trois  preuves  princi- 
pales :  la  première  est  que  les  véritables  y  sont  cités  :  Nam 
ut  historiœ  (/esta  commémorant .  M.  de  Launoy  en  convient, 
et  c'est  pour  cela  que,  quand  il  eii  parle,  il  se  sert  de  ces  ter- 
mes :  A  scripioribus  qui,  ut  apparet,  Fusciani  et  Victorici  his- 
toriam  reconcinnarunt,  etc. 

«  Pom'  ce  qui  est  des  Actes  du  martyre  de  S.  Quentin,  il 
y  en  a  de  plusieurs  sortes.  Dans  ceux  qui  sont  chez  Suri  us, 
il  n'y  est  point  parlé  de  la  mission  des  douze,  mais  seule- 
ment de  S.  Lucien.  Il  y  en  a  qui  parlent  de  cette  mission 
des  douze,  et  ceux-là  sont  de  deux  sortes.»  Quelques-uns 
mettent  dans  ce  nombre  S.  Denys,  S.  Piat,  et  S.  Rieul,  pre- 
mier évêque  d'Arles,  et  puis  évêque  de  Senlis...  D'autres 
ne  mettent  point  S.  Denys  dans  ce  nombre.  Quels  sont  les 
véritables?...  » 

Et  Sainte-Beuve  conclut  en  donnant  ce  conseil  : 

«  On  ne  parlera  point  de  la  mission  des  douze,  mais  on 
dira  seulement  que  ces  deux  saints  (Fuscien  et  Victoric) 
sont  venus  en  France  au  même  temps,  sous  l'empire  de 
Maximien,  que  S.  Quentin,  et  SS.  Crépin  et  Grépinien, 
sn7is  parler  des  autres.  » 

Nous  croyons  qu'appuyée  sur  de  mauvaises  raisons,  cette 
conclusion  de  Sainte-Beuve  est  excellente. 

Nous  croyons  qu'il  est  certain  que  S.  Denys  vint  à  la  tête 
d'une  compagnie  de  douze  missionnaires;  mais  à  l'époque 
marquée  i)ar  le  concile  de  Paris  de  825,  c'est-à-dire  sous  le 
pape  S.  Clément,  dès  la  un  du  I"  siècle.  Sainte-Beuve  rejette 


218  ORIGINES   DES    ÉGLISES    DE    FRANCE. 

cette  épître  du  concile  de  Paris,  parce  qu'elle  est  en  oppo- 
sition avec  Grégoire  de  Tours.  Pour  nous  qui  sommes 
éclairés  sur  le  témoignage  de  saint  Grégoire  de  Tours, 
cette  raison  n'en  est  pas  une.  Nous  n'admettons  pas  si  faci- 
lement, sur  le  témoignage  d'un  seul  homme,  que  tous  les 
évêques  des  Gaules  réunis  à  Paris,  à  l'exception  d'un  seul, 
aient  pu  se  tromper  unanimement  sur  les  traditions  du 
pays,  ou  s'accorder  pour  les  travestir  (1). 

Nous  pensons  donc  que  cette  tradition  des  douze  mission- 
naires existait  réellement  dans  nos  contrées.  Les  auteurs 
des  Actes  que  nous  examinons  auront  fait  sur  cette  vénérable 
tradition  quelque  chose  de  semblable  à  ce  qu'a  fait  S.  Gré- 
goire de  Tours,  en  prenant  des  noms  d'un  côté,  des  dates 
de  l'autre,  et  réunissant  le  tout  ensemble.  Connaissant  la 
mission  des  douze,  sachant  que  les  martyrs  du  règne  de 
Dioclétien  étaient  venus  plusieurs  en  compagnie,  ils  auront 
confondu  les  deux  missions,  et  associé  des  prédicateurs 
appartenant  à  deux  époques  différentes.  Ces  Actes  une  fois 
répandus  auront  été  conservés  et  transcrits  dans  les  bré- 
viaires tels  qu'ils  étaient. 

Deslions  insiste  beaucoup  sur  l'unanimité  de  nos  églises 
du  Nord  à  présenter  les  douze  noms,  parmi  lesquels  S. 
Rieul  figure  toujours.  Quand  vingt  bréviaires  auraient  cité 
les  mêmes  Actes,  cela  ne  nous  donne  jamais  qu'une  source. 
Toutes  ces  églises  du  Nord  faisaient  ce  que  faisait  elle- 
même  l'église  de  Senlis.  Elles  acceptaient  les  Actes  pour 


(I)  Voici  le  passage  de  cette  lettre  où  il  est  fait  allusion  aux  douze 
missionnaires  :  «  ...  Nec  vobis  tœdiurn  fiât  si,  ad  ostendendam  rationem 
veritatis  vcritatemque  rationis,  sese  paulo  longius  sermo  protraxerit ,  dum- 
modo  linea  veritatis,  quœ  ab  antiquis  pairibus  nosfris  usque  ad  tios  in~ 
flexibiliter  ducta  est,  B.  Dionyno  scdicet,  qui  a  S.  Clémente,  qui  B.  Pétri 
in  aposiolatu  primus  ejus  successor  exstitit,  in  Gullias  cum  duodenario  nu- 
méro primus  prœdicator  directus  est,  et  post  aliquod  tempui,  una  cum 
sociis  hue  illucque  prœdicalionis  gratin  per  idem  regnum  dispersis,  marty- 
rio  coronatus  est...  »  Baron,  ad  ann.  825,  n.  31. 


APOSTOLAT   DE    SAINT    RIEUL.  219 

l'ensenible,  sans  prétendre  en  adopter  les  circonstances 
accessoires.  C'est  ainsi  qu'à  Senlis,  où  on  lisait  tout  au 
long  la  Vie  de  S.  Rieul,  qui  raconte  sa  jeunesse  et  son  édu- 
cation sous  S.  Jean,  on  ne  craignait  pas  de  lire  aussi,  au 
jour  de  S.  Fuscien,  les  Actes  de  ce  saint  avec  leur  liste  des 
douze  missionnaires  du  IIP  siècle,  où  paraît  St  Rieul.  Des- 
lions voit  là  une  insigne  contradiction.  Pour  nous  qui  n'ad- 
mettons pas  que  le  sens  commun  date  du  XVIP  siècle,  nous 
y  voyons  au  contraire  un  admirable  respect  des  sources,  et 
un  signe  de  sécurité  et  de  force  dans  les  convictions.  Et  de 
même  qu'en  lisant  ces  Actes,  l'église  de  Senlis  n'abandonnait 
pas  son  antique  tradition  qu'elle  affirmait  au  contraire  très- 
nettement,  de  même  en  les  répétant  à  lem*  tour,  lei  églises 
voisines  ne  faisaient  qu'accepter  une  rédaction  ancienne, 
sans  prétend/e  élever  la  voix  pour  étouffer  la  croyance  de 
leur  sœur. 

Nous  n'admettons  donc  pas  que  les  Actes  cités  et  leur 
introduction  dans  un  certain  nombre  de  bréviaires  prouvent 
l'existence  d'une  tradition  contraire  à  la  nôtre.  En  tout  état 
de  cause,  pour  ces  églises,  c'était  là  une  chose  accessoire  et 
indifférente,  et  ce  serait  le  cas  de  nous  rappeler  le  quatrième 
principe  établi  précédemment. 


III. 


Discussion  de  robjection  tirée  des  diptyques  de  f église  de 

Senlis. 

On  trouve  ces  diptyques  dans  un  vieux  sacramentaire 
manuscrit  certainement  antérieur,  dit  Deslions,  au  X*' 
siècle,  decimo  sœculo  longe  vetustiorem  (1),  L'abbé  du 
Ruel  dit  qu'on  s'en  servait  au  milieu  du  IX*  siècle  (2). 

(I)  Afforty,  pages  5706  et  5781,  x. 

(2J  Histoire  de  l'église  de  Senlis  et  du  diocèse,  folio  8,  verso. 


220  ORIGINES    DES   ÉGLISES    DE    FRANCE. 

C'était  une  copie  du  sacramentaire  de  S.  Grégoire,  envoyé 
de  Rome  à  Charlemagne  par  le  pape  Adrien  IL  La  copie 
avait  été  acquise  par  l'évêque  Hadebert  (871-897).  Au 
canon  de  la  messe  on  avait  inséré  en  marge  le  nom  de 
trente  évêques,  jusqu'à  Bernuin,  sacré  en  937.  La  liste 
des  successeurs  de  Bernuin  jusqu'à  Henri,  était  d'une  autre 
main  (1). 

Or,  la  liste  commence  ainsi  : 

Regulus, 

Nicenus, 

Mansuetus, 

Vetustus, 

Tanitus, 

Jocundus, 

Protratus, 

Modestus, 

Levangius. 
Ce  dernier  est  S.  Levain,  qui  assista,  en  511,  au  concile 
d'Orléans.  Il  n'y  aurait  donc  eu  que  sept  évêques  entre  S. 
Rieul,  mourant  dans  le  courant  du  II»  siècle,  et  S.  Levain, 
qui  fut  sacré  tout  à  la  fin  du  V^.  Ces  diptyques  s'opposent 
donc,  pensent  quelques-uns,  à  ce  qu'on  recule  aussi  loin 
l'apostolat  de  S.  Rieul. 

La  difficulté  n'est  pas  considérable. 
Comment  admettre,  nous  dit-on,  qu'entre  S.  Rieul,  que 
vous  faites  mourir  au  plus  tard  au  milieu  du  IP  siècle,  et  S. 
Levain,  sacré  en  li96,  il  n'y  ait  eu  que  sept  évêques  ? 

Il  ne  faut  pas  oublier  que  les  diptyques  sont  une  simple 
liste  de  noms,  sans  date  ni  commentaires.  L'antiquité  de 
ceux  de  l'église  de  Senlis  est  assez  considérable f)Our  qu'on 
accepte  les  noms  qu'ils  portent.  Mais  rien  ne  prouve  que 
cette  liste  soit  complète.  On  a  rencontré  souvent  des  dip- 

(1;  Dcslious,  chez  A/fort^,  5781,  x,  et  Gullia  Christiana,  col.  1379. 


APOSTOLAT    DE   SAINT   RIEUL.  221 

tyques  où  plusieurs  noms,  d'ailleurs  connus,  manquaient. 
C'est  ce  qui  a  lieu  dans  les  nôtres  mêmes,  pour  les  noms 
d' Alo  et  de  S.  Amand  (687)  (1) ,  qui  se  trouvent  omis,  ainsi 
que  ceux  de  Gondebertus  et  de  Ivo  1  (2).  Or,  si  la 'série  a  pu 
être  incomplète  pour  des  siècles  moins  éloignés,  pourquoi 
n'aurait-elle  pu  l'être  pour  des  siècles  plus  reculés  ? 

D'ailleurs,  cette  liste  contînt-elle  réellement  tous  les 
noms  des  évêques  qui  ont  siégé  entre  saint  Rieul  et 
saint  Levain,  leur  petit  nombre  ne  serait  pas  encore  une 
difficulté  sérieuse.  Dans  les  temps  de  persécutions  et  de 
formation  où  ont  vécu  ces  évêques,  rien  ne  prouve  que  les 
sièges  fussent  vite  occupés,  après  le  décès  d'un  titulaire. 
Pendant  ces  jours  de  labeurs  et  de  conquêtes,  l'église  des 
Gaules  ne  pouvait  être  organisée  comme  dans  les  temps 
pacifiques,  et  bien  que  le  Christianisme  semble  avoir  eu 
relativement  peu  de  combats  à  livrer  dans  ce  pays,  puisque 
nous  n'avons  d'autre  martyre  que  Ste  Prothaise  ;  cependant 
la  situation  si  précaire,  si  lamentable  même,  des  églises 
de  la  province,  a  pu  amener  des  vacances  de  siège  assez 
considérables.  On  sait  que  l'église  de  Tours  fut  trente-sept 
ans  vacante  avant  S.  Livoire,  prédécesseur  de  S.  Martin 
(3) .  En  outre,  si  nous  remarquons  que  le  troisième  évêque 
de  Senlis,  Mansuetus,  porte  le  même  nom  que  le  troi- 
sième évêque  du  siège  de  Meaux  (/i) ,  fondé  aussi  par  un 
compagnon  de  S.  Denys,  ne  pourrons-nous  pas  penser  que 
probablement  il  arrivait  alors  souvent  qu'un  évêque  se  trou- 
vât chargé  de  plusieurs  églises,  ou  qu'un  diocèse  vacant  fût 
dirigé  pendant  quelque  temps  par  des  évêques  voyageurs, 
comme  on  le  dit  de  saint  Rieul,  qui  serait  resté  deux 


(1)  Gallia  Chrisliam,  x,  col,  1384. 

(2)  Ibid..  col.  1388. 

(3)  Arbdlot,  page  152. 

('.)  Affortij,  5728  et  5780,  x. 


222  ORIGINES    DES   ÉGLISES    DE    FRANCE. 

ans  peut-être  à  Paris,  et  comme  nous  le  voyons  par 
l'exemple  de  St  Firmin,  qui  partit  de  Pampelune,  s'arrêta 
successivement  à  Agen,  en  Auvergne,  en  Anjou,  à  Beau- 
vais,  avant  de  venir  terminer  son  apostolat  à  Amiens  (1). 

Ainsi  le  petit  nombre  d' évoques  inscrits  aux  diptyques 
entre  saint  Pvieul  et  saint  Levain,  ne  peut  servir  de  fonde- 
ment solide  à  aucune  objection  contre  nos  traditions.  Il  n'est 
pas  certain  que  la  liste  soit  complète,  et,  le  fût-elle,  son  peu 
d'étendue  s'expliquerait  facilement,  sans  qu'on  fût  réduit 
à  rapprocher  de  150  ans  la  prédication  de  notre  premier 
apôtre. 

Nous  regrettons  ici  que  Jaulnay  ait  cru  pouvoir,  dans  son 
Hisfoire  des  Évêques,  fixer  la  date  de  l'avènement  et  de  la 
mort  de  chacun  de  ces  premiers  évêques,  dont  les  diptyques 
nous  ont  conservé  le  nom.  Deslions  se  vante  de  l'avoir  en 
vain  sommé  de  montrer  ses  documents  (2),  Nous  n'osons  pas 
croire  que  Jaulnay  ait  inventé  :  mais,  en  l'absence  des 
preuves,  ses  dates  ne  nous  paraissent  nullement  admissibles. 
On  sait  bien  que  les  saints  Pères  ont  remarqué  cette  dispo- 
sition de  la  Providence  qui,  dans  les  premiers  siècles,  a 
souvent  fait  vivre  plus  que  centenaires  ceux  des  prédicateurs 
de  l'Évangile  qu'elle  n'appelait  pas  au  martyre.  Mais  si  les 
traditions  donnent  en  effet  un  grand  âge  à  S.  Rieul,  rien 
n'indique  que  ses  successeurs  aient  partagé  cet  avantage, 
et  on  ne  peut  consentir  à  leur  accorder  une  moyenne  de 
plus  de  cinquante  années  d'épiscopat.  C'est  le  plus  sérieux 
reproche  que  mérite  Jaulnay,  quant  aux  faiis  ;  pour  tout  le 
reste,  il  se  fait  l'écho  des  légendes  déjà  écrites,  et  il  doit 
être  entendu  que  tout  le  mal  que  nous  en  avons  justement 
dit,  porte  plus  en  général  sur  la  forme  et  sur  certaines  pué- 


(1)  Ch.  Salmon,  Histoire  de  saint  Firmin.  Passim. 

(2)  Afforty,  5702,  X. 


APOSTOLAT   DE    SAINT   RIEUL.  223 

rilités  (1)  de  son  livre,  que  sur  l'ensemble  des  faits  qu'il 
rapporte. 

Quoi  qu'il  en  soit  de  Jaulnay,  on  voit  que  l'objection 
tirée  des  diptyques  ne  saurait  seule  troubler  un  esprit  sans 
préventions.  En  présence  de  la  faiblesse  des  deux  autres 
difficultés,  et  de  l'inanité  de  celle-ci,  nous  sommes  donc  en 
droit  de  conclure  que  c'était  aller  bien  vite  que  d'abandon- 
ner pour  ces  seuls  motifs  l'ancienne  tradition.  Evidemment 
en  y  renonçant  dans  leur  liturgie,  M.  de  Roquelaure  et  nos 
Chapitres  cédaient  plus  à  l'esprit  de  leur  époque  qu'aux 
exigences  de  la  vérité. 

Mais  il  est  temps  d'étudier  à  son  tour  cette  ancienne  tra- 
dition, et  de  sonder  les  fondements  sur  lesquels  elle 
s'appuie. 

L'abbé  H.  Blond. 


(1)  En  voici  un  exemple.  11  raconte  que  saint  Clément,  premier  évêque 
de  Metz,  était  Romain  et  de  la  famille  des  Flavcs;  et  il  ajoute  :  «  des 
Flaves,  que  l'on  appelle  maintenant Je^  Jatlnai/s.  »  — Histoire  des  Évéques 
de  Senlis,  page  143. 


I 


GOMMENTARIUS 


m 


PROŒMIUM   BPvEVIArvTI   ET  MISSALIS 

DE   COMPUTO   ECCLESIASTICO. 


DE  ANM    CORRECTIONE,    EJLSQUE    NECESSITATE, 
AG  KALENDARIO  GREGORIANO. 

CAPUT  II. 

Tektus  Proœmii.  Qiiod  dictum  est,  arinum  continerc  trecentos  et 
sexaginla  quinque  dies,  et  fere  sex  lioras,  intelligendiim  est,  sex 
lioras  non  esse  intégras,  cura  ad  earum  coinplemenlura  aliqua  mi- 
nuta deficiant.  Ex  quorum  minutoriim  neglcclu  progressum  est,  ac 
si  annus,  ultra  dies  365,  conlineret  intégras  sex  horas  :  et  factura 
est,  ut  minuta,  quse  ultra  debitara  quantitatem  annis  singulis  tri- 
buebantur,  tractu  teraporis  ita  excreverint,  ut  invicem  juncta  con- 
stitiierint  dies  decem,  qui  causara  dederuntut  .^quinoctium  vernuni 
sedem  suara  rautaverit. 

Gui  malo  occurrens  GregûriusXIU.  non  solura  ^Equinoctium  vernuni 
restituit  in  pristinani  sedem,  a  qua  jam  a  Concilio  Nicaeno,  decem 
circiter  diebus  in  anno  correctionis  1582.  prsecedendo  recesserat, 
quod  a  Concilio  ad  Xll.  Kal.  apriiis- fuerat  constiluluin,  et  XIV. 
lunam  Pasclialem  suc  in  loco  reposuit;  sed  viam  quoque  tradidit,  et 
rationera,  qua  caveretur  ut  in  posterum  et  iEquinociiura  vernum, 
et  XIV.  luna  Paschalis  a  propriis  sedibus  numquam  removerenlur. 

Utenim  ^Equinoctium  vernum  ad  Xil.  Kal.  apriiis  restitueretur,  statuit, 
utdicli  decem  dies  in  mense  octobris  ipsius  anni  1582.  eximerentur, 
ut  post  qiiartam  diem  octobris  S.  Francisco  sacram,  sequensdies  non 


COMMENTARIUS.  225 

esset  quinta,  sed  décima  qiiinta  oclobris.  Etitaerror,  qui  in  praeleri- 
tum  tôt  annorum  circulis  irrepserat,  in  momento  temporis  fuit 
correctus. 
Ut  auterain  posterumidem  errbr  vitaretur,  ne  a XII.  Kal.  aprilisiEqui- 
noctium  vernum  recederet,  statuitidem  Gregorius,  Bissextum  quarto 
quoque  anno  (uti  mos  est)  continuari  debere,  praeterquam  in  cente- 
simis  annis  :  qui  quamvis  Bissextiles  antea  semper  fuerint,  qualem 
etiam  esse  voluitannum  1600,  anno  correctionis  proximum,  post 
eum  tamen,  qui  deinceps  consequentur  centesinni,  non  omnes  Bis- 
sextiles essent,  sed  in  quadringentis  quibusque  annis  primi  quique 
très  centesimi  sine  Bissexto  Iransigerentur  :  qiiartus  vero  quisque 
'  centesimus  esset  Bissextilis,  ila  ut  annus  4700,  1800,  1900,  Bis- 
sextiles non  sint,  anno  vero  2000,  more  consueto,  dies  Bissexlus 
intercaletur,  Februario  dies  29  continente  :  idemque  ordo  intermit- 
tendi  intercalandique  Bissextum  diem  in  quadringentis  quibusque 
perpétue  conservaretur. 

COUtMEXTAtt.njS, 

KALENDARIUM. 

57.  Etymologia.  Notationes  vocis  etymologi  1res  con- 
ficiunt,  primam  atque  alteram  rejiciendas,  tertiam  pro- 
bandam. 

Sunt  igitur,  qui  —  litera  vocali  a  mutata  in  o  —  Kalen- 
dario  Colendarium  substituentes,  appellationis  originem  a 
cultu  festorum,  vocabuli  notationem  vero  a  colendo  dedu- 
cant,  quia,  inquiunt,  primus  cujusque  mensis  dies  Junoni 
sacer  erat,  ut  docent  Ovidius{Fast.  i,  55)  et  Macrobius  [Sat. 
I,  15)  ubi  plura  hac  de  re.  Alii  Kalendarium  etymon  habere 
volunt  a  )taXûv,  quod  est  bonnm  omen  per  totum  mensem  ha- 
bendum  :  tune  enim  sibi  mutuo  encsenia  transmittebant  Ro- 
mani, quasi  boni  fati  mujiirio,  uti  habeturcan.  Non  observetis 
16.  G.  XXVI,  Q.  VII.  Durand,  lib.  viii,  c.  h.  n.  15. 

Ast  vero  propius  accedit,  quod  alii  docent,  Kalendarium 
nimirum  a.  Kalendis  dici,  Kalendas  autem  a  verso  xaXeïv,  a 
quo  ca/o,  as  factum  est. 

Revue  des  Sciences  ecclésiastiques,  t.  ix.  15 


226  COMMENTARIUS 

Jam  vero  verbum  calo,  quod  purum  putumque  ex  graeco 
est  (1),  très  habet  significationes  vocamii,  nominandi  et 
invocandi  :  totidemque  notionibus  a  priscis  Latinis  usurpa- 
tum  est.  Utebantur  enim  voce  calandi,  quum  vocabant  po- 
pulum  ad  comitia,  ut  dies  Nonarum  cujusque  mensis  indice- 
rent.  Primis  reipublicœ  temporibus  sciiicet,  antequam  Fasti 
vulgarentur,  solebat  Pontifex  populum  calare,  h.  e.  convo- 
care  in  Capitolium,  ibiqueperactosacrificiopronuntiare  inter 
alia,  quot  numéro  dies  a  primo  ad  Nonassuperessent,  quin- 
quene  an  septem?  Et  quintanas  quidem  juxta  Macrobium  {Saf. 
I,  15)  quinquies  pronuntiato  verbo  calo,  septimanas  autem 
repetito  septies  praedicabat,  et  idée  plurali  numéro  Kalendœ  a 
pluribus  vocationibus  appellatœ  sunt  :  juxta  Varronem  [Ling. 
lot.  y,  h  vero  hac  altéra  formula  in  calandis  diebus  utebatur 
Pontifex  :  Quinqve  dies  te  calo  Juno  novclla  ;  Septem  die  a  te 
cala  Juno  novella,  id  est  :  hoc  mense  per  quinque  vel  septem 
dies  invoco  te  Juno  novella.  Quia  enim  primi  cujusque  mensis 
dies  Junoni  sacri  erant,  juxta  illud  Ovidii  : 

Vindicat  Ausonias  Satwma  Juno  Kalendas, 

ideo  in  iis  diebus  pronuntiandis  Junonem  invocabat  An- 
tistes,  atque  itidem  verbum  calo  adhibebat.  Varr.  l.  c  (2). 
Hinc  factum,  ut  primo  diei  mensis  Kalendarum  appellatio 
tributa  sit. 

Gonscriptis  postea  Fastis  et  Kalendario  constituto,  cessa- 
tum  est  a  populi  calalione,  mansit  tamen  Kalendarii  voca- 
bulum. 

58.    Kalendarium  generatim  sumitur  pro  libro,   in  quo 


\^\)  Et  hoc  quidem  iu  causa  est,  cur  eliain  per  K  grœcam  literam  Kalo 
E(dendœ,  Ka/cndanum,  scripla  reperiantur.  Sed  qnum  pro  ea  Latiui  pas- 
sim  C  subsliluerinl  iu  aliis  verbis,  uon  est  cur  Calare,  Calendœ,  Calen- 
darium  scribere  non  liceat. 

(2)  Ad  hune  paganorum  ritum  atque  ad  velitas  Kalendarum  observa- 
liones  referuntur  con.  Non  Itcel.  13.  Signio:  ca^endas  14.  Non  observelis 
16.  c.  XXVI  q.  VU. 


DE   COMPUTO   ECCLESIASTICO.  227 

anni,  mensium,  hebdomadum,  dierum  ac  lunarium  muta- 
tionum  ratio  perscribitur,  atque  omnium  illorum,  quae 
diebus  ac  mensibus  adjuncta  sunt,  ordinatio  exhibetur  (1). 

In  Kalendario  ecclesiastico  observari  insuper  oportet 
Epactas,  Literas  Dominicales^  atque  ex  his  ortuni  Cychtm 
solarem^  Indictionem  caeteraque  omnia,  quœ  ad  temponim 
cognitionem  spectant. 

Kalendarium  etiam  Mvivoàôyiov  lopxadTixov  dicunt  ;  ast  Me- 
nologii  appellatio  libris  iis  maxime  tribuitur,  qui  Sancto- 
rum  cœlitum  vitas,  mensium  ordine  servato,  complectuntur. 
Grœci  autem  seriem  hanc  dierum  festorum  Kalendarium^  sive 
KaXavôoloyiov  non  dixere,  quod  apud  eos  profana  vox  esset, 
nec  eam  Latinorum  more  ad  sacra  traduxissent  :  quemadmo- 
dum  déclarât  canon  m.  Nicephori  confessons  :  Apocalypsin 
Pauli,  et  ea,  quœ  dicunlur  Brontologia  et  Selenodromia  aut 
Kalandologia^  suscipere  non  opoi  tet  :  profana  enim  sunt  :  ^ip-rikx 
Yotp  TTtxvTa  (2).  [Morcelli  Kalendar.  tom.  i.  g.  2.) 

KALENDARII   CORREGTIO   EJUSQUE    NECESSITAS. 

59.  Ghristiani,  Romanorum  ditioni  subjecti,  leges  anni 
Juliani  usurparunt  atque,  ut  ipsorum  religioni  et  dierum 
festorum  celebrationi  serviret,  pluribus  inventionibus  locu- 
pletarunt,  de  quibus  cfr.  Pelav.  lib.  de  Doctrin.  Temporum. 


(1)  Kalendarium  librutu  fœnebris  pecuniae  creditae,  seu  codicem,  in 
quem  nomiua  debitorum  referunlur,  in  Jure  significat  :  /.  Ejus,  qui 
41.  ff.  de  Rébus  creditis.  {XII,  \.),  l.  Uni  ex  hœredibus.  58,  ff,  de  Peculio 
{XV,  1.)  et  aliis  locis.  Divilem  illum  putas,  ait  Seneca  [Epist.SO.)  qui  in 
omnibus  provinciis  aval,  quia  magnus  illi  Calendarii  liber  volvitw .  Hoc 
autem  DOtncn  ex  eo  descendit,  quod  in  Kalendas  veteres  fœnorari  sole- 
reut,  ideoque  Kaleudarum  nomine  ejusmodi  librorum  paginis  prieposito, 
quae  deinde  nouiina  fecisscnt,  adscribere  solebant.  Hinc  locutiones:  Ka- 
lendarium exercere,  Kalendarii  actio,  Kalendario  destinatœ  pecunice,  Ex 
Kalendario  nomina,  et  aliaî  hujusmodi,  quae  paséiin  in  Gorpore  juris  oc- 
Currunt  ;  eas  tamen  nec  vacat  nec  ad  prœsentis  commentarii  inglilutum 
opu3  est  hoc  loco  distinclius  explicare. 

{i)  Hardouin,  tom.  \\,  pag.  1052. 


228  COMMENTARICS 

Etsi  autem  Juliana  cum  intercalandi  tum  lunationes  in- 
veniendi  methodus  initio  optatum  fmem  consequi  videba- 
tur  :  quia  tamen  utraque  labis  expers  non  fuit,  duo  evidentia 
vitia  progressu  temporis  invexit,  ut  supra  monuimus  n.  20. 

Horum  primum  est  anticipatio  œquinoctii  vernalis  ac 
proinde  reliquorum  etiam  solis  graduum.  Quum  enim  dies 
'Ea6oXt|j.aio(;  quolibet  quadriennio  insertus  11  ferme  minuta 
primaria  temporis  plus  ingérât,  quam  rei  veritas  deposcat, 
idcirco  spatio  134  annorum  sequinoctia  et  solstitia  in  diem 
mensis  antecedentem  proximum  rejicit  :  sic  ut  sequinoctium 
vernum,  quod.Julii  Cœsaris  œvo  2Zi.  circiter  martii  tenuit, 
circa  annuui  correctionis  Kalendarii  1582.  in  11.  martii 
remearit.  Unde  rébus  hujus  mundi  durantibus  consequere- 
tur,  vernos  tandem  dies  in  februarium  et  ultra  retrola- 
psuros.  Hanc  œquinoctiorum  anticipationem,  quam  etiam 
solarem  -rtforiY-ziaiv  vocant  (1) ,  pluribus  describit  Peiavius  [de 
Doctrina  Temp.  lib.  v.  cap.  2). 

Alterum  Juliani  Kalendarii  vitium  fuit  Noviluniormn  et 
Pleniluniorum  antecessio  et  ah  aurei  numeri  sede  divulsio. 
Quum  enim  J.  Gsesar  supposuisset,  lunationes  omnes  sin- 
gulis  19  annis  exactis  in  pristina  loca,  h.  e.  eosdem  men- 
sium  dies  atque  horas  reverti,  calculus  vero  doceat,  Ennea- 
decateridem  lunarem,  235  Lunae  orbes  continentem,  se- 
squihora  fere  minorem  esse  cyclo  novemdecennali  Metonico, 
a  J.  Cœsare  assumpto  :  tanta  fuit  tempore  Gregorii  PP. 
XIII.  iXovUunioncm  antecessio,  ut  ea  citius  quatuor  diebus 
contingerent,  quam  aureus  numerus  illa  in  Kalendario  de- 
monstraret.    Singulis   30i!i    annis  enim  Novilunia  omnia 


{\)Uiec  œquinoctiorum  prœcessio,  quam  Kalendarium  Julianum  invexit, 
confundi  non  débet  cum  nalurali  illa  œquinocliorum  anticipalione,  quae 
ex  eo  provenit,  quod  puucta  in  quibus  sose  inleraecant  aequator  et  ec- 
cliptica  non  sinl  fixa.  Sol  quippe  ad  puncta  interseclionis  jam  pervenif, 
anleqiiam  ad  eamdem  stellam,  a  qua  discesserat,  regrediatur,  sicqne 
aquiuodia  prcecedere  dicuntur.  Causa  hujus  priEcessionis,  generatim  lo- 
queudo,  ex  gravitatione  universali  repetenda  est. 


DE  COMPUTO  ECGLESIASTICO.  229 

aurei  numeri  sedemhor.  23,  minut.  pr.  21,  id  est  unum  fer- 
me diem  antevertere  debebant,  ut  propositis  ac  collatis  inter 
se  tabulis  palam  facit  Petavius  [L  c.  cap.  1) . 

60.  His  incommodis  jamdudum  quœrebatur  remedium. 
Pelrus  de  Alliaco,  Cardinalis  Cameracensis,  obtulit  Joanni 
XXtlL  et  Synodo  Romaiiœ  an.  l/il2.  libellum  de  Einendatlonc 
Kalendarii:  formavit  quidem  Pontifex  decretum,  illud  tamen 
noluit  exécution!  mandari,  usquequq  sedato  schismate  Deus 
Ecclesiae  suas  unionem  dedisset.  Schismaticis  ^igitur  Ponti- 
ficibus  sede  motis,  idem  Cardinalis  euindem  libellum  ad- 
jecta  formula  decreti  Pontificii  exhibuit  concilio  Consian- 
iiensi  an.  1417.  Quum  autem  nec  hoc  loco  res  perfecta  fuis- 
set,  JSicolaus  Cusanus'm  Coimlio  Basileensi  idem  argumentum 
erudito  opuscule  tractavit,  quod  cum  aliis  ejus  libellis  ma- 
thematicis  inserlum  est  operum  volumini  II.  et  inscribitur  : 
Réparât io  Calendarii. 

Rursus  constitutum  erat  Leoni  PP.  X.  negotio  huic  finem 
imponere  in  Concilio  Lateranensi  V.  ;  scripsit  igitur  ad  ila~ 
ximilianum  Imperatorem,  ut  ejus  jussu  praestantes  mathe- 
matici  vel  Romam  venirent,  vel  per  literas  mentem  suam 
aperirent  in  décima  Concilii  sessione  Kalendis  decembribus 
lôiii.  habenda.  Joannes  Eckiiis,  doctor  Ingolstadiensis, 
libellum  inscriptum  :  De  vera  Paschœ  celebratione  Joannis' 
Eckii  theologi  Diorthosis  ad  Leonem  X.  Pont,  iilax.,  adPonti- 
ficem  misit,  sed  gloriam  confecti  hujus  negotii  Deus  reser- 
vavit  Gregorio  PP.  XIII.  qui,  iit  res,  quœ  omnium  communis 
est,  communi  etiam  omnium  consilio  perficeretur,  an.  Ihll. 
compendium  novœ  rationis  resiituendi  Kalendarii  (1)  juxta 
Cyclum  Epactarum  ab  Afoyuo  Lilio  ordinatum,  misit  ad 
Principes  Christianos  et  celeberrimas  quasque  Academias 
adhortans  mathematicos,  ut  re  diligenter  considerata,  aut  ea 


(1)  Ex  BuUa  Mer  grçivissimas.  §.  6. 


230  COMMENTARIUS 

quae  a  Lilio  proponebantur,  probarent,  aut  si  quid  istis 
rectius  nossent,  candide  impertiri  vellent,  promittens  insu- 
per, quas  ratio  majori  doctorum  virorum  parti  aptior  con- 
venientiorque  visa  fuisset,  eam  quasi  totius  Christiani  orbis 
consensum  se  esse  probaturum  ac  secuturum.  Auditis  igitur 
ponderatisque  doctorum  hominum  sententiis,  negotium  hoc 
féliciter  absolutum  et  Kalendarium  novum  per  orbem  Chri- 
stianum  promulgatum  fuit  adjecta  Bulla  Inter  gravissimas, 
VI.  kal.  martii  1582.  (i)  in  qua  operis  sui  rationem  sic 
déclarât  Pontifex  :  Inter  gravissimas  Pastoralis  officii  nosiri 
curas  ea  postrema  non  est,  ut  qi'iœ  a  sacro  Tridentino  Concilio 
Sedi  Apostolicœ  reservata  siint,  illa  ad  finem  optatum,  Deo 
adjutore,  perducantur. 

Sane  ejusdem  Concilii  Patres  quum  ad  reliqvam  cogitationem 
Breviarii  quoqiie  curam  adjungerent,  tempore  lamen  exclusif 
rem  totamex  ipsius  Concilii  décréta  ad  auctoritatem  et  judicixim 
Romani  Pontificis  retulerimt. 

Duo  autem  Breviario  prœcipue  continentur,  quorum  unum 
preces  laudesque  divinas^  festis  profestisque  diebus  persoiven- 
das,  complectitur  ;  alterum  pertinet  ad  annuos  Paschœ  festO' 
rumque  ex  eo  pendentium  recursus,  Solis  et  Lunœ  motu  me- 
tiendos. 

Atque  illud  quidem  fel.  record.  Pius  V.  prœdecessor  noster 
absolvendum  curavit  atque  edidit. 

Hoc  vero,  quod  nimirum  exigit  legitiinam  Calendarii  refor- 
inationem,  jamd'u  a  Rotnanis  Pontificibus  prœdecessoribus  nos- 
tris  et  sœpius  tejitatuyn  est,  verum  absolvi  et  ad  exitum  perduci 
ad  hoc  usque  tempus  non  potuit,  quod  rationes  emendandi  Ca- 
lendarii^ quœ  a  cœlestium.  motuum  peritis  proponebantur,  prop- 
ter  magnas  et  fere  inextricabiles  difficultates,  quas  hujusmodi 
emendatio  semper  habuit ,  neque  perennes  erant,  neque  antiques 


(1)  BuUar.  Magn.  Edit.  Luxemburg.  tom.  II,  p.  487. 


DE    COMPUTO    ECCT.ESJASTICO.  231 

EcclesiaHicos  ritus  incoluni^s  [quod  in  primis  hnc  in  re  curan- 
duni  erat)  servabant. 

Narrât  deinde  Pontifex,  quomodo  ipse  in  hac  cogitatione 
curaque  versatus  peritissimos  viros  emendationi  Kalendarii 
prœposuerit,eorum  industria  adhibita  confusionem  omnem 
sustulerit,  menses  diesque  prœcurrenles  retraxeril  ac  laban- 
tem  festorum  normani  juxta  œcumenicœ  Synodi  Nicœnae 
normam  restituent  certis  datis  regulis  in  œternum  duraturis. 

Hinc  Kalendarium,  quod  antea  a  Julio  Gassare  Julianum 
dicebatur,  passini  nunc  appellatur  Gregorianum,  qaod  cor- 
rectione  Gregoriana  errores  Juliani  Kalendarii  emendati 
fuerint. 

61.  Etprimum  quidem  errorem  de  anticipatione  œquinoctii 
verni  ita  correxit  Gregorius:  dicto  anno  correctionis  1582. 
decem  dies  detraxit  statuitque,  ut  post  quartum  diem  oc- 
tobris  mox  sequens  dies  non  esset  quintus,  sed  pro  decimo 
quinto  eo  anno  haberetur  sicque  œquinoctium  suœ  pristinœ 
sedi  (21.  martii)  restituit  (1).  Dicti  dies  alitem  de  mense 
octobri  detracti  sunt,  quia  in  ipsis  pauci  dies  festi  occurrunt. 
Hac  ratione  igitur  tempestates  omnes  et  solemnitates  ad 
destinatas  sedes  in  Kalendario  Gregoriano  revocatœ  sunt. 

In  Galliis  vero  mense  novembri  anni  novi  emendatio  pro- 
mulgata  est,  exemptis  decem  diebus  sancitum,  ut,  qui  de- 
cimus  dies  decembris  erat,  vicesimus  numeraretur  et  ita 
decimo  quinto  decembris  Natalis  Domini  eo  anno  celebratus 
est. 

Ad  praecavendam  autem  eamdem  Trpor'yridiv  œquinoctiorum 
statutumest,  ut  quadringentis  quibusqueannisomitterentur 
dies  très  intercalares,  ita  ut  annus  1600.  fuerit  bissextilis, 
très  centenarii  autem  qui  sequuntur  (1700. ,  1800. ,  et  1900.  ) 
contra,  qui  secundum  leges  Kalendarii  Juliani  bissextiles 
esse  deberent,  pro  couimunibus  habendi  sint,necintercalari 

(l)  Bulla  Inter  gravissimas.  §.  7. 


232  COMMENTARIUS 

die   augendi  (1).   Unde  versus  in  hanc  sententiam  con- 
scripti  : 

Bissextilis  adest  annus  quicunque  quaternus, 
Centenus  tollet,  quadringentesimus  addet, 

Ipsam  formam  insertionis  diei  intercalaris  quod  attinet, 
nihil  emendandum  censuit  Gregorius  XIII.  Quod  Julius 
Caesar  igitur  statuerat  quodque  Ecclesia  ad  novam  emenda- 
tionem  usque  servaverat,  ut  nempe  intercalatio  ^h.  mensis 
februarii  ita  fieret,  ut  dies  addititius  cum  2ii.  confunderetur 
ac  pro  uno  eodemque  die  haberetur  (2^,  id  hodieque  ex 
constjtutione  citata  servandum  est. 

Ex  declarata  Zi8  horarum  in  unura  dieni  civilem  bissex- 
tum  conjunctione  confusioneque  Jurisconsulti  plura  confi- 
ciunt,  ex  quibus  nonnulla  nos  esse  hic  memoraturos  polliciti 
sumus  n.  18. 

Fieri  itaque  I.  ex  systemate  Kalendarii  Pxomani  potest,  ut 
duo  œtate  différant,  et  tamen  eodem  momento  majorennes 
fiant.  Titius  v.  g.  natus  sit  2Zi.  februarii  mane,  Caius  vero 
25.  feb.  vespere  anni  bissextilis  :  uterque  inchoante  2/i.  fe- 
bruarii anni  25.  majorennis  erit,  licet  aetate  vix  non  duobus 
integris  diebus  naturalibus  différant.  ISihil  quippe  interest 
— verba  sunt  leg.  98.  ff.  de  V.  S.  cit. — sive  priore  sive  poste- 
riore  die  natus  est. 


(Ol.c.  §.  9. 

(2)  De  die  inlercalari  in  anno  bisscxtili  dignum  est  quod  legatur  cap. 
Qucpsivit.  14  de  Verb.  Signif.  {V,  40.),  cujus  summa  baec  est  :  Quum  fes- 
tum  S.  Malhise  debeat  celebiari  24.  feb.  quâe?ivit  Carnotensis  Episcopus 
ab  Alexandro  PP.  III.,  quum  aiino  bissexlo  eo  die  iniercalatio  fiât,  quo 
die  esset  jejunandum  ?  Respondit  Poutifex,  die  23.  jejuuandum  esse,  non 
24.  sive  Yl.  Kal.  Mart.,  quia  ille  dies  festivus  est  uec  propter  bissexlum 
mulatur,  duo  enim  quasi  pro  uno  reputantur.  De  ipso  etiam  festo  cele- 
brando  Alexandium  cousuluiL  Episcopus,  quonam  videlicet  die  celebran- 
dum  esset  [part,  decis.).  sexto?  au  bissexlo?  an  ulroque,  quia  hi  duo 
pro  uno  computantur  et  in  utroque  sislitur  in  una  eademque  litera  Ka- 
lendarii? Respondit  Papa,  sublato  omni  computationis  errore,  posse 
celebrari  alterutro  ex  his  duobus  diebus  juxla  piam  Ecclesiae  consuetu- 
dinem. 


DE    COMPUTO    ECCLESIASTICO.  233 

IL  Quamvis  id  hiduum  pro  uno  die  civili  haheatur,  in  favo- 
rabilibus  tamen  aligna  ratione  computatio  fit  temporis  inter- 
calaris  (1).  Exemplum.  Titius  nascitur  25.  februarii  anni 
communis  1855  :  quaeritur,  quando  fiât  majorennis  ? 

R.  Quum  25.  annus  œtatis  incidat  in  an.  bissextilem  1880. 
in  quo  dies  2U.  et  25.  naturales  unum  diem  civilem  efîiciunt, 
majorennis  erit  24.  februarii  inciioante  in  favorabilibus,  in 
odiosis  vero  25.  feb.  finiente. 

Dixi  autem  aligna  ratione  temporis  bissextilis  ratio  habetur; 
quando  nimirum  sermo  est  de  uno  dumtaxat  anno  seu  die 
bissextili.  Si  enim  agatur  de  multis  annis  explicite  vel  im- 
plicite continuis,  v.  g.  de  spatiolO,  20,  30,  âO,  etc.,  anno- 
rum  in  se  multos  annos  bissextiles  comprehendentium ,  in- 
terjecti  dies  intercalares  non  computantur  seu  pro  mornento 
temporis  observaniur.  Leg.  98.  //.  F.  S.  Ita  contra  Franc. 
Pellizarium  m  Manuali  regularium  tract.  8.  c.  2.  n.  170.  P, 
Georg.  Gobât  op.  mor.  tract.  8.  nn.  546.  segg.,  ubi  nostram 
hanc  thesim  pluribus  argumentis  vide  confirmatam  ac  con- 
trarias Pellizarii  rationes  disjectas. 

Hujus  regulae  quotidianus  usus  est  in  computandis  annis 
requisitis  ad  professionem  religiosam,  ad  usucapionem,  ad 
ordines  sacros,  ad  episcopatum,  ad  Jubilœum,  h.  e.  quin- 
quagesimum  annum  sacerdotii,  monachatus,  matrimonii 
cum  eadem  uxore,  servitii  cum  eodem  hero.  Certe  nemo  ex 
jubilariis  in  computando  anno  suo  quinquagesimo  cogitavit 
unquam  de  numerandis  duodecim  diebus  intercalaribus,  qui 
in  lapsu  quinquaginta  annorum  intercurrerunt. 

III.  Ad  Kalendaria  civilia  quod  attinet,  notandum  hoc 
est  :  Quum  ejusmodi  Kalendaria,  quœnunc  recepta  commu- 
niter  sunt  in  societate  civili,  rejecto  more  Romano  nume- 
rum  28.  dierum  non  retineant ,  sed  post  28.  dies  naturales 


(1)  Jurisconsulti  ei  favorem  a  jure  indultum  censent,  cui  vel  jus  com- 
mune, vel  beneficium  logis  particularis  adsistit. 


23/l  COMMENTARIUS 

ulterius  numerando  adjiciant  vicesimum  nonum,  afîirmari 
non  sine  veri  specie  potest ,  in  nostris  Kalendariis  civilibus 
diem  intercalarem  juridiciim  h.  e.  diem ,  cui  favor  juris  ap- 
plicetur,ut  supra,  non  esse  24.  februarii,  sed  vero  29.,  licet 
Kalendaria  ipsa  adhuc  2h  feb.  intercalarem  dicant.  Etenini 
ex  mente  legislatoris  dies  intercalaris  is  est,  que  differentia 
inter  annum  communem  et  bissextum  exhibetur  ac  supple- 
menti  instar  mensi  februario  inseritur.  Atqui  in  Kalendariis 
nostris  civilibus  differentia  illa  non  in  alium ,  quam  in  ulti- 
mum  mensis  diem  rejicitur  ;  ergo  quae  quoad  usum  juridi- 
cum  de  die  '2l\.  et  25.  nat.  in  Kalendario  Romano  dicta  sunt, 
€a  applicari  28.  et  29.  feb.  in  nostris  Kalendariis  civilibus 
debent.  Ponatur  exemplum.  In  excusatione  a  muneribus 
etiam  aetas  de  jure  civili  inspicitur.  Quum  ergo  œtati  favor 
hic  sit  indultus  leg.  manifesti  juris  vit.  CoJ.  Qui  œlate  {rel 
professione)  se  excusant  (x,  49),  diei  intercalaris  ultimi 
computationem  fieri  debere  manifestum  est.  Licet  igitur 
natus  sit  29.  februarii  anni  1812 ,  nihilominus  28.  feb. 
an  1882.  pro  septuagenario  habebitur.  Haec  de  forma  inser- 
tionis  diei  intercalaris. 

62.  Alterum  Juliani  Kalendarii  vitium  de  antecessione 
JSoviluniorum  et  Pleniluniorum  Gregorius  XIII.  castigavit 
sanciendo,  ut  amoto  numéro  aureo  de  Kalendario  in  ejus  locum 
substituer etur  cij dus  Epactarum  (1)  abAloysio  Lilio  conscriptus, 
qui  ad  certain  avrei  numeri  forrnam  directus  efficit,  ut  Novi- 
lunia  vera  loca  semper  retineant  (2).  Sed  de  Epactis  postea 
cap.  V.  nn.  74,  seqq.  Error  praeteriti  temporis  autem  emen- 
datus  est  diebus  3  de  anno  lunari  rejectis. 

Quoniam  nimirum  numeri  aurei  in  Kalendario  Gregoriano 


(1)  Licet  veleres  quidam  chroaologi  antiquas  Epactas  JUianas  dixe- 
rint  easque  cum  respectivis  numeris  aureis  peromues  auni  meuses  suis 
diebus  iu  Kalendario  tribuerint,  ab  ipso  Kalendario  Julii  Caesaris  tamen 
aberant,  de  qua  re  vide  Clav.  Lit,  II,  cap.  Novi  Kalendarii  Apologta. 

(2)  Bulla  cit.  §,  10. 


DE  COMPUTO  ECCLESIASTICO.  235 

novilunia  aliquot  diebus  serius  indicabant,  quam  evenirent, 
gravis  sub  Gregorio  PP.  XIII.  exortg  est  contre versia ,  quot 
;dies  (num  très,  an  quatuor  ?)  pro  illa  vice  resecandi  ex  anno 
lunari  essent?  P.  Christoph.  Clavins ,  qui  omnibus  congre- 
gationibus  de  Kalendarii  reformatione'habitis  interfuerat, 
existimabat ,  nonnisi  très  dies  resecandos  esse,  ejusque  sen- 
tentia  praavaluit.  Controversiadeinde  sub  Clémente  PP.  XI. 
denuo  invalescente  totoque  negotio  ad  novum  examen  revo- 
cato  (1),  decretum  iterum  fuit,  nihil  esse  immutandum. 

P.  Clavium  ea  ratione  niti  vidimus,  n.  52,  i.  not.,  quod 
opus  non  esset,  ut  medii  motus  per  cyclos  indicati  originem 
computi  sui  ab  aliquo  puncto  astronomico  ducerent  ;  immo 
quod  nec  expediret,ne  sciiicet  ad  diversitatem  meridianorum 
esset  attendendum  et  ex  hac  ipsa  meridianorum  discrepantia 
aliquando  evenisset,  ut  luna  aequinoctialis  in  certis  mundi 
partibus  incideret  in  sabbatum,  in  aliis  in  dominicum  diem, 
et,  quod  consequens  est ,  Pascha  in  nonnullis  locis  intégra 
hebdomada,  quin  et  intégra  lunatione  discrepVet.  Unde  me- 
lius  visum  fuit,  ut  medii  motus  cyclorum  cum  veris  motibus 
astrornm  non  adamussim  responderent,  sed  eos  potius  non- 
nihil  subsequerentur  ;  et  si  quando  plus  minus  recédè- 
rent —  quod  in  Kalendario  perpétue  evitari  nequit  — tamen 


(1)  Congregationi  super  hœc  negotia  constitutae  praeficiebatur  Cardi- 
ualis  Norisius;  secretarium  agebat  Bianchini.  Communicabautur  consilia 
cum  Cassini,  celeberrimo  Astronomo  in  Galliis,  et  cum  Maraldi,  qui 
tune  Romae  versabatur.  Ca^f^mî  censebat,  KalendariumGregorianum  nuUa 
iudigere  re formation e,  sed  solummodo  mentem  Gregorii  exacte  esse 
implendam  et  XIV.  lunam  Paschalem  suo  in  loco,  a  quo  4  et  co  am- 
plius  dies  eo  tempore  distabat,  reponendam  :  per  emendationem  aulem 
sub  Gregorio  XlII.  factam  tantum  per  3  dies  lunam  Pascbalem  retroces- 
sisse  ad  tempus,  quo  fuerat  se/ate  Concilii  Niceeni.  Cf.  ejusdem  auctoris 
commentarii  :  De  la  Correction  Grégorienne  des  mois  lunaires  ecclésiasti  - 
ques  {Diar.  Academ.  Reg.  Paris,  ad  an  1701.)  et  :  Des  Équations  des  mois 
lunaires  et  des  années  solaires  {Diar,  cit.  ad  an,  1704.)  Ast  Congregatio 
omnibus  astronomorum  rationibus  exacte  perpensis  iisque  inter  se  rite 
comp       isstatuit,  formam  Kalendarii  Grcgorianinon  esse  mulandam. 


236  COMMENTARIUS 

perpétue  illuc  revocarentur.  Patris  Glavii  consilium  proba- 
tum  postea  vel  ab  ipsa  Academia  Regia  Parisiensi  fuit.  Quum 
enim  Filial  anno  1731.  exhibuisset  librum  inscriptum  : 
Nouvelle  distribution  politique  du  temps ,  ubi  dies  Paschatis 
per  calculum  ex  tabulis  astronomicis  deductum  determina- 
batur,  laudavit  quidein  Academia  diligentiain  et  eruditionem 
auctoris,  censuit  tamen,  subtilitates  astronoaiicas  in  hoc 
negotio  esse  nec  uecessarias  nec  possibiles,  quum  astronomi 
nondum  exacte  convenerint  circa  veros  motus  astrorum. 
Cfr.  Histoire  de  V  Académie  Rotjale,  ad  an.  1731. 

63.  Kalendarium  sic  ordinatum  magna  gratulatione  a 
plerisque  omnibus  Europœ  regibus  et  principibus  receptum 
ac  in  usum  deductum  fuit,  exceptis  nonnullis  hœreticis  ac 
schismaticis,  qui  magis  odio  Pontificis  et  religionis,  cujus 
ipsecaputest,  quam  quod  factum  culparent,  emendationem 
illam  non  receperunt.  Hinc  autem  diversus  temporis  com- 
putus  diversaque  Paschatis  aliorumque  festorum  celebratio 
orta  ;  hinc  etiam  in  actis  ab  anno  1582.  (post  15.  octob.) 
usque  ad  1.  martii  an  1700.  duo  styli, novus  et  vêtus,  obser- 
vati  :  ita  dum  Cathohci  v.  g.  numerarent  30.  augusti  an.  1600, 
Protestantes  signabant  20.  aug.  styli  veteris,  quœ  varietas  sic 
exprimi  solebat  f^  augusti  vel  20.  aug.  styli  veteris,  vel  per 
literas  initiales  tantum  20.  aug.  st.  v.,  vel  simpliciter  20. 
aug.  s.  V. 

Negotio  de  tollenda  Kalendarii  varietate  pluries  jam  in 
comitiis  proposito,  tandem  an.  1699.  status  protestantici  per 
conclusum  d.  23.  Septemb.  (1)  GathoUcis  ita  accesserunt, 
ut  omissis  11.  diebusidem  dierum  numerus  in  utroque  Ra- 
lendario  Gregoriano  (Gatholicorum)  et  Juhano  (Protestan- 
tium)  anno  1700.  concurreret,  sola  respectu  Paschatis  ré- 
manente differentia;  Protestantibus  enim  adhuc  fixum  man- 


(1)  Conclusum  exhibet  Schmausius  Corp.  Juris  Publici  acad,  éd.  1745. 
B.  110. 


DE  COMPUTO  ECCLESIASTICO.  237 

serat,  rejectis  Epactonim  cyclis  plenilunium  paschale  ad 
astronomicas  observationes  determinanduni  esse  (1) . 

Kalendario  Gregoriano  ita  ex  parte  a  Protestanlibus  re- 
cepto,  iidem  30.  januarii  1723.  statuerunt,  ut  si  ipsorum 
ac  Judœorum  Pascha  in  unum  diem  incideret,  Pascha  cum 
Catholicis  celebrarent,  ne  scilicet  decretis  Concilii  Nicœni 
adversarentur.  Quod  conclusuin  an.  lllih.  quo  termini 
paschalis  diflerentia  iterum  occurrit,  repetierunt. 

Quœ  omnia  quum  intérim  tantum  'ac  pro  occurrentibus 
casibus  fuissent  constituta,  tandem  anno  1775.  Rex  Borus- 
siœ  voluit,  ut  in  suo  regno  ac  ditionibus  Protestantes  anno 
1778.  non.  12.  aprilis  (cum  Judaeis),  sed  vero  19.  aprilis 
(cum  Catholicis)  Pascha  haberent  ;  ahis  principibus  simi- 
liter  auctor  fuit,  ut  idem  in  suis  territoriis  fieri  juberent. 
Quare  Protestantes  consiho  ea  de  re  inter  se  habito,  demum 
anno  1776.  concluserunt^  se  Pascha  juxta  Kalendarium 
Gregorianum  cum  Catholicis  super  esse  celebraturos,  sicque 
concordia  circa  Kalendarium  etiam  in  Germania  fuit  resti- 
tuta. 

Schismaticos  Graecos  quod  attinet,  iidem  promoveri  hu- 
cusque  non  potuerunt  ad  recipiendam  correctionem  Grego- 
rianam,  ne  scilicet  revereri  Pontificis  auctoritatem  videren- 
tar  (2) .  Quœ  jam  sit  utriusque  Kalendarii  differentia,  omni- 
bus totius  anni  diebus  descriptis  atque  inter  se  collatis  sub 
fmem  commentarii  docebimus.  Haec  Xav.  Zech:  De  Calenda- 


(1)  Quum  objervalioues  aslroaomicte  in  diversis  regionibus  ob  diver- 
ses circulos  meridianos  doq  sint  conformes,  juxta  Gonclusuui  ^  Jan. 
1700.  Spécula  Malhematica  Uranoburgica  aliis  provinciis  legera  praescri- 
bere  debebat.  Schauroih,  fom.  I.  p.  19\. 

(2)  Rossiaci  per  eam,  quœ  immauium  Schismaticorum  propria  est,  cru- 
delitalem,  Calliolicos  Imperii  Rossiaci  adegerunt,  ut  relicta  correctione 
Gregoriana  Kalendarium  Julianum  denuo  sequerentur.  Itaque  per  vim 
obtrusus  iterum  vêtus  slylus  est  arcbidiœcesi  Mofiiloviensi  asiensque  scx 
diœcesibus  suffragaueis  Vilnensi,  Samogittensisea  Felsensi,  Luceorio-Zyto- 
miriensi,  Camenecensi,  Minscensi  et  Kirospoliensi.  Tantum  schismaticos 
eorum  cepit  odium,  qnae  profecta  a  Sede  Apostolica  sunt! 


238  COMMENTARIUS 

rio  Ecdesiastico  post  Chrisioph.  Clavium:  Romani  Calendarii 
explicat.;Paal.  Gulden.  adversus  Sethum  Calvisium;  Dionys. 
Petav.  :  de  Doctrina  Temporum  lïb  v.;  Sacrabosco  :  de  Computo 
Ecdesiastico;  Edmund.  Purchot.  Institut.  Philosoph.  tom.in, 
sect.  II.  c.  9.  et  Mangold.  Philosoph.  iom.  m.  Dissertât  v.  sect. 
h.;Jos.  Falck  :  Chrisiianum  Pascha  ;  Franc.  Schiich  :  DiS' 
quisitio  Aslronomica  de  Correctione  Ca'endarii.  Ingolstad.  an. 
1699. 

Rationibus  Kaleiidarii  Gregoriani  ita  declaratis  id  unura 
restât,  ut  celebrem  illam  disputationem  breviter  attingamus, 
qua  computistœ  catholici  restitutam  temporum  rationem  mi- 
raculorum  calculo  a  Deo  0.  M.  confirmatam  asserunt,  obla- 
terantibuslicethœreticiscalumniamquemaM^ZeVœsî/persifzYîonw 
inferentibus.  Catholicorum  arguuientum  situm  in  eo  est, 
quod  Deus  miracula,  quœ  perpetuo  adhuc  in  Ecclesia  vigent, 
transtulit  in  dies  anni  Gregoriani  saltu  dierum  10  facto 
siccpie  Kalendarii  castigationem  suffragio  suo  obsignavit  ; 
sectariorum  injuria  contra  in  eo  consistit,  quod  ecclesiasticos 
scriptores  dicunt  et  superstitionibus  occupatos  et  simpliciorum 
mentes  per  insolentissima,  ab  ipsis  ficta  portenta  supersti- 
tione  imbuere  obligareque  conatos.  Injuriam  adversariorum 
primum  refellemus ,  argumentum  catholicorum  deinde 
adducto  insigniori  aliquo  exemplo  clarius  exposituri. 

Itaque  prœtensam  miraculorum  novitatem  quod  spectat, 
tantum  abest,  ut  in  tenenda  hac  probandi  methodo  inauditis 
superstitionibus  obnoxii  scripserint  computistœ  ecclesiastici, 
ut  potius  luculentam  probabilemque  Patrum  viam  secuti 
argumenta  sua  ad  certissimœ  traditionis  ecclesiasticœ  nor- 
mam  expressisse  dicendi  sunt.  Ecclesiastici  scriptores  enim 
in  de  ab  initio  exortarum  de  computo  controversiarum  sibi 
persuasum  habebant,  leges  chi'onographicas  ab  Ecclesia 
catholica  de  Paschatis  atque  inde  cœterorum  festorum  mobi- 
lium  supputatione  latas,  ita  in  Dei  Omnipotentis  tutelam  esse 
collatas,  ut  eas  perfectissima  miraculorum  sanctione  eviden- 


DE    COMPUTO    ECCLESIASTICO.  239 

ter  confirmasse  censendus  sit.  Chrislianœ  traditionis  me- 
thodum  ex  iis  auctoribus  colligere  impriuiis  placet,  qui 
fontes  baptismales  in  Paschate  aqua  divinitus  impletos  tes- 
tantur. 

Quum  anno  Ch.  hi7.  errore  supputationis  factum  esset, 
ut  Pascha  non  suo  legitimo  die  celebraretur  in  Ecclesia, 
divino  sane  miraculo  compertum  esse  errorem,  Paschasinus 
Episcopus  Lihjbelanus  narrât  in  epistola  an.  Ixlx^.  ad  S.  Leonem 
papam  data,  quae in  editione  }li<jne[Patrol.  tom.  blx.  p.  606.) 
est  3.  inter  epistolas  S.  Leonis.  JSon  ergo  —  verba  sunt 
Paschasini  —  nos  dies  %ma  longius  posita  terreat,  ne  cum  hanc 
vitamus,  incurramus  errorem,  sicut  evenit  tempore...  Zozimi. 
Tuncenim...  error  gravissimiis  est  ortus  in  tantum.,  vt  mijsterio 
certo,  quod  dono  Sancti  Spiritus  rninistratnr,  hœc  veritas  pro- 
barelur...  Ciijus  mysterii  miraculum  taie  est.  Qiiœdam  vilissi- 
ma  possession  Meltinas  appellatur  in  montibus  arduis  ac  silvis 
densissimis  constituta,  illicque  perparva  atqiie  vili  opère  con- 
stritcta  est  ecclesia.  In  cvjus  baptisterio  nocte  sucrosancta  pas- 
chah\  baptizandi  hora,  cum  nulius  canalis,  nulla  sit  fistnla, 
nec  aqua  omnino  vicina^  fons  ex  se  repletur  paucisque  qui  fue^ 
rinty  consecratis,  cum  deductorium  nullum  habeat^  ut  aqua 
venerut  ex  sese  discedit.  Tune  ergo,  sicut  supra  diximus,  cum 
apud  Occidentales  error  ortus  fuisset^  consuetis  lectionibus 
nocte  sancta  decursis,  cura  presbyter  secundum  morem  bapti- 
zandi  horam  requireret,  usque  ad  lucem  aqua  non  veniente,  non 
consecrati  qui  baptizandi  fuerant,  recesserunt. . .  Evidenti  ergo 
miraculo  claruit  Occidentalium  purtium  fuisse  errorem. 

Huic  plane  simile  descriptum  exstat  apud  Magn.  Aurel. 
Cassiodorum  miraculum.  Dum  Marciliani  fontis  virtutes  col- 
laudat ,  divinum  signum  hisce  exequitur  verbis  Variar. 
lib.  VIII.  epistola  33  :  Lo7iga  sunt  illius  fontis  memoranda  de- 
scribere.  Veniamus  ad  illud  singulare  munus  sanctumque  mira- 
culum. JSam  cum  die  sacratœ  noctis  precem  baptismatis  cœperit 
sacerdos  effundere  et  de  ore  sancto  sermonum  fontes  emanare^ 


2ZiO  COMMENTARIUS 

mox  in  altnm  unda  prosiliens  aqiias  suas  non  per  meahis  solitos 
dirigit,  sed  in  altitudinem  cumulmnque  transmittit.  Erigitur 
brutum  elementum  sponte  sua  et  quadam  devotione  solemni 
prœparat  se  miraculis  ut  sanctificatio  Majestatis  possit  ostendi, 
Nam  quum  fons  ipse  quinque  gradus  tegat  eosque  tantum  sub 
tranquillitate  possideat,  aliis  duobus  cernitur  crescere  quos  nun- 
quam  prœter  illud  tempus  cognoscitur  occupare.  Magnum  stu- 
pendumque  miraculum  fliienta  labentia  sic  ad  humanos  sermones 
vel  stare,  vel  crescere,  ul  eis  credas  audiendi  studium  minime 
de  fuisse.  {Migne,  Patrol.  tom.  Q9.  pag.  765.) 

Siiiiilia  narrât  de  fontibus  miraculose  repleri  solitis  tem- 
pore  paschali  S.  Gregorius  Turonensis  Histor,  Franc,  tum 
lib.  Yi.  c.  43.  {Migne,  Patrol  tom.  71 .  pag.  409.),  tum  lib.  x. 
c.  23.  (/.  c.  p.  554.);  item  De  Gloria  Confessorum  c.  69.  (/.  c. 
p.  878.)  ac  denique  Miraculorum  lib.  i.  De  Gloria  martyrum, 
c.  2h  addens  cap.  sequenti,  Theodegisilum  regem,  fraudem 
subesse  ratum,  diligenter  custodes  adhibuisse,  nihilominus 
fontem  baptismalem  semper  impletum  sicque  miraculi  veri- 
t<item  vel  ex  ipsius  régis  pervestigatione  confirmatam  fuisse 
{Migne,  l.  c.  p.  726.).  Adde,  quœ  de  fontibus  Hispaniœ,  qui 
in  sabbato  sancto  paschœ  ad  baptizandum  divinitus  sponte  re- 
pleri soient,  anno  573.  non  in  Hispanorum  sed  in  Francorum 
pascha  repletis  refert  Sigebertus  Gemblacensis  in  Chronic.  ad 
an  573,  {Migne,  Patrol.  tom,  160.  page  107.) 

Sed  nec  caruerunt  cœterce  orbis  partes  hisce  adeo  insigni- 
bus  editis  divina  virtute  miraculis.  Sic  illustre  portentum  de 
fonte  5.  Marcellini  apud  civitatem  Ebredunensem  in  Galliis 
memorat  S.  AdoViennensis  in  Martijrologio  ad  diem  20.  april. 
{Migne,  Patrol.  tom.  123.  page  249.)  aliaqueduo  in  Oriente, 
in  provincia  Lyciae,  singulis  annis  baptismi  occasione  fieri 
solita  affirmât  auctor  Prati  spiritualis,  additque  :  Si  quis  au^ 
ton  hœc  ita  esse  non  crédit,  usque  ad  Lyciam,  non  grande  iter 
est^  pergat,  et  rei  veriias  fidem  illi  faciet. 

Allud  miraculi  genus,  nempe  cœlestem  cœci  illumina- 


DE    COMPUTO    ECCLESIASTICO.  2/j  l 

tionem,  coram  doctoribus  et  episcopis  Britonuni  precibus 
S.  Augnstini  factum  ad  rectam  paschatis  celebrationem 
comprobandaai  habes  apud  Ven.  Bedam  Histor.  Eccl.  geniis 
Anglorum  lib.  il.  c.  2,  {Migne,  Patrol.  tom.  95.  pag.  82.) 

Quod  ergo  calumniandœ  Kalendarii  instaurationi  non  raro 
praetenderunt  haeretici,  catholicos,  dum  ostenta  ac  prodigia 
a  Deo  facta  agnoscunt  ad  rectam  Ecclesise  temporum  sup- 
putationem  confîrmandam,  novia  insolentibusqiie  supersti- 
iionibiis  obnoxios  degere,  tribuendum  id  esse  improbse 
sectariorum  cupiditati  injuriœ  faciendse  manifestum  est. 

Ad  cœlestia  signa  Gregorianum  temporum  ordinem  obsi- 
gnantia  quod  pertinet,  scriptores  ecclesiastici  novœ  corre- 
ctionis  divinitus  confirmatœ  prœ  cœteris  testem  adhibent 
nobilem  illum  cruorem,  qui  Neapoli  quotannis  coram  vene- 
rando  S.  Januarii  capite  liquescens  ebullit  die  19.  mensis 
septembris,  sed  illa,  quœ  in  Kalendario  Gregoriano  est  19. 
anticipât©  nimirum  per  10.  aut  12.  dies  miraculo:  perinde 
ac  si  sanguis  in  Romanae  fidei  testimonium  semel  profusus, 
iterum  ac  saepius  —  ut  ait  Ricciol.  Almag.'nov.  prœf.  art.  i, 
—  pro  Romani  Pontificis  auctoritate  fundatur. 

N.    N. ,  Sacrorum  canonum  Prof. 
(La  suite  au  prochaio  numéro.) 


RE/rE  r-ES  Sciences  icccLÉsusTiouEs,  t.  ii.  16. 


LA  QUESTION  LITURGIQUE  A  LYON. 


Encore  une  apologie  de  MM.  les  curés  lyonnais  ;  celle-ci 
est  intitulée  :  Défense  de  la  Liturgie  de  Lyon,  par  MM. 
[Lyon,  imprimerie  administrative  de  Chanoine,  place  de  la 
Charité,  1864).  Comme  la  précédente  {Quelques  mots) ,  elle 
est  anonyme;  mais  aussi,  comme  dans  la  précédente, 
MM.  les  curés  y  parlent  ouvertement  en  leur  nom;  en  sorte 
qu'à  moins  de  désaveu  de  leur  part,  elle  doit  leur  être  at- 
tribuée. Les  hommes  qui  ont  tenu  la  plume  dans  cet  écrit 
se  mettent  eux-mêmes  suffisamment  à  découvert  par  ces 
lignes  de  la  page  152  :  «  Notre  Archevêque  et  son  chapitre, 
qui  tiennent  à  notre  rite,  agiront  selon  leurs  droits  cano- 
niques et  selon  leur  sagesse.  Pour  nous,  simples  prêtres,  à 
qui  les  saints  canons  n'accordent  pas  d'intervenir  officielle- 
ment dans  les  questions  de  changement  de  liturgie,  nous 
ferons  entendre  au  Père  commun  des  chrétiens  des  suppli- 
cations et  des  gémissements.  »  C'est  bien  là,  nous  semble- 
t-il,  le  langage  de  MM.  les  curés  de  Lyon  ;  n'étant  pas  cha- 
noines, ils  ne  s'attribuent  le  droit  d'intervenir  que  par  voie 
de  gémissement.  Ils  ont  déjà  beaucoup  gémi,  et  passable- 
ment fort.  Leur  nouvel  écrit  paraît  avoir  pour  but  de  gémir 
encore,  et  cette  fois  sur  un  diapason  plus  solennel  et  mieux 


LA   QUESTION    LITURGIQUE  2/l3 

nourri,  dont  nous  entendrons  tout  à  l'heure  quelques  ac- 
cents (1). 

Les  publications  anonymes  et  sans  V imprimatur  de  l'Or- 
dinaire sont  interdites  par  les  lois  de  l'Église.  Elles  l'ont 
été  de  nouveau  en  termes  exprès  au  clergé  de  la  province 
de  Lyon  par  le  concile  de  1850.  Comment  MM.  les  curés 
lyonnais  arrangent-ils  leur  conscience  avec  une  prohibition 
si  manifeste?  Ils  n'ont  pas  encore  jugé  à  propos  de  l'expli- 
quer. Toujours  est-il  qu€  ce  goût  prononcé  pour  l'anonyme 
fait  naturellement  soupçonner  quelque  habileté  diploma- 
tique. Que  la  brochure  soit  attribuée  à  MM.  les  curés  en 
général^  ils  le  trouvent  bon.  Mais  qu'on  pût  dire  nommé- 
ment à  l'un  d'eux  :  Cest  vous  qui  parlez  ainsi ,  vous  avez 
signée  ce  serait  sujet  à  des  inconvénients  auxquels  ces  mes- 
sieurs ne  jugent  pas  nécessaire  de  s'exposer.  Puis,  si  nous 
sommes  bien  informés,  n'y  a-t-il  pas  à  Lyon  un  arsenal  qui 
fonctionne  secrètement  pour  le  compte  de  certaines  causes, 
comme  autrefois  Port-Royal  fonctionnait  pour  certain  parti  ; 
et  ne  serait-ce  pas  là  une  autre  raison  de  tenir  si  fort  au 
masque  de  l'anonyme? 

On  nous  demande  si  nous  réfuterons  la  nouvelle  Défense 
de  MM.  les  curés.  Elle  est  déjà  réfutée.  Dans  les  Recherches 
de  M.  de  Conny,  et  dans  notre  opuscule  la  Question  Uîur-' 
gique  à  Lyon,  on  trouvera  discutées  et  mises  à  néant  toutes 
les  bases  du  nouveau  plaidoyer.  Ceux  qui  n'ont  pas  suivi 
attentivement  le  débat  s'imagineront  sans  doute  que  MM.  les 
curés,  reprenant  la  plume  après  avoir  été  réfutés,  auront  au 
moins  essayé  de  combattre  les  documents  et  les  preuves  de 
la  réfutation.  Il  n'en  est  rien.  Ces  messieurs  n'ont  pas  cru 
devoir  s'astreindre  à  cette  règle  si  simple  de  toute  loyale 


(1)  Si  Mm.  les  curés  de  Lyon  venaieul  à  se  déclarer  étrangers  à  cette 
nouvelle  défense,  il  va  sans  dire  qu'au  lieu  de  contester  leur  affirmation, 
nous  serions  heureux  de  l'enregistrer. 


2hll  A   LYON. 

controverse.  De  nos  ai'guments,  des  150  pages  de  no+re 
dissertation,  ils  ne  citent  pas  une  ligne;  ils  évitent  avec 
soin  de  les  discuter  ;  on  dirait  qu'ils  ont  tremblé  de  les  por- 
ter à  la  connaissance  de  leurs  lecteurs.  Au  point  de  vue 
stratégique,  nous  ne  saurions  les  blâmer.  Nos  preuves  trop 
désagréablement  péremptoires,  il  valait  mieux  les  taire  : 
notre  écrit  étant  peu  connu,du  clergé  de  Lyon,  il  valait  mieux 
lui  jeter  un  linceul  de  silence.  De  là  sans  doute  la  détermi- 
nation de  nos  honorables  contradicteurs,  de  reproduire  im- 
perturbablement et  de  répandre  à  profusion  un  thème  dé- 
montré faux  jusqu'à  l'évidence;  de  lui  donner  la  forme 
attendrissante  de  gémissements  dont  les  vibrations  émussent 
les  fidèles  et  retentissent  jusqu'à  Rome  ;  d'empêcher  enfin, 
à  force  de  bruit,  que  la  vérité  n'arrivât  jusqu'à  ces  admi- 
rables catholiques  lyonnais,  à  qui  l'on  a  fait  prendre  le 
change.  Nous  nous  réservons,  au  besoin,  d'infliger  à  la 
nouvelle  Défense  de  MAI.  les  curés  les  honneurs  d'un  exa- 
men.  Mais  ce  n'est  pas  l'objet  de  cet  article.  Aujom'd'hui 
nous  nous  contenterons  de  constater  un  fait  trop  affligeant 
pour  que  nous  puissions  le  passer  sous  silence  :  les  auteurs 
de  la  nouvelle  Défense  de  la  liturgie  de  Lyon  ne  craignent 
pas  de  se  mettre  en  contradiction  directe  et  formelle  avec 
les  paroles  et  les  actes  du  Souverain-Pontife.  Nous  ne  dis- 
cutons pas,  nous  citons  : 

Lellre  du  Cardinal-Préfcl  Les   auteurs   de  la   Défense 

de  la  Congrégation  des  Rites.  de  la  Liturgie  de  Ljoq. 

«Dès  l'année   1854,  Pie  IX,  «  Ne  semble-t-il  pas  qu'on  sorte 

par  une  lettre  adressée  à  Votre  d^in  songe,  lorsqu'on  entend  dire 

Eminence,  à  déclaré  de  la  manière  que  la  liturgie  de  Lyon  n'est  pas 

la  plus  explicite  que  le  Bréviaire  légitime,  et  que  Lyon  n'a  pas  droit 

et  le  Missel  de  Lyon  n'émanent  de  la  garder  !!  »  (Page  108.)«Le 

nullement  d'une  autorité  légitime,  cardinal    Fesch,    archevêque    de 

et  que  par  conséquent  il  faut  ab-  Lyon,  n'élait-il  pas  autorisé  par  la 


LA    oL'EbTlOiN 

soinmciil  les  clianger.  —  Qui 
(SunimiisPonlifex),abaiinol854, 
litleris  datis  ad  Erninentiam  Ves- 
tram,  aperlissime  declaravit,  Bre- 
viarium  et  Missale  Lugdunense  a 
egitima  auctoritale  minime  pro- 
dire, ac  proinde  omnino  immu- 
tanda.  »  (Lettre  du  cardinal  Pa- 
trizi,  du  23  janvier  1863,  au 
cardinal  de  Donald,  archevêque 
de  Lyon.) 

AllocutioD  de  Pie  IX . 


litl'ug'ql'l:  '2^5 

Biil'e  du  Concordat  à  donner  à  son 
diocèse  le  Bréviaire  et  le  Missel 
qu'il  lui  plairait?  S'il  choisissait  le 
Bréviaire  de  Mgr  de  Montazet..., 
ce  Bréviaire  n'était-il  pas  légitimé 
sans  retour?  Et  lorsque  le  cardinal 
de  Donald  publiait  de  nouveau  ce 
Bréviaire,  après  l'avoir  corrigé,  ne 
publiait-il  pas  un  Dréviaire  légiti- 
me? »  (P.  108.) 


«  Votre  Bréviaire  et  votre  Mis- 
sel n'appartiennent  pas  à  votre 
antique  liturgie.  M.  de  Montazet 
et  le  Parlement  vous  les  ont  don- 
nés, et  par  ce  fait  avaient  désho- 
noré voire  magnifique  liturgie.  » 
(Allocution  de  Pie  IX  du  A  février 
186i,  publiée  dans  une  lettre  du 
cardinal  de  Donald  au  clergé  de 
son  diocèse.) 

«  Vous  avez  désiré,  Messieurs, 
conserver  votre  antique  liturgie. 
Rien  de  plus  juste  -.  vous  la  con- 
serverez... Mais  votre  Bréviaire 
et  votre  Missel  n'appartiennent  pas 
à  votre  antique  liturgie.  M.  de 
Montazet  et  le  Parlement  vous  les 
ont  donnés,  et  par  ce  fait  avaient 
déshonoré  voire  magnifique  litur- 
gie. Il  faudra,  peu  à  peu  et  avec 
prudence,  faire  disparaître  ces 
taches.  »  (Allocution  du  4  février 
18G4,  publiée  par  le  cardinal  de 


«  L'éditii>n  du  Bréviaire  Tcncin- 
Montazet...  continuait  la  chaîne  de 
nos  traditions.  »  (Page  90.)  •  Ce 
Missel  (celui  de  Montazet)...,  c'é- 
tait toujours  l'ancien  Missel  corrigé 
par  l'Archeyêque  et  le  Chapitre, 
consenti  par  le  Chapiîre,  Missel 
aussi  canonique  et  entrant  de«plpin 
droit  dans  la  chaîne  légitime  des 
Missels  de  Lyon.  »  (Page  99.) 

«  C'est  une  puérilité  de  préten- 
dre qu'on  peut' séparer  les  diverses 
parties  d'une  liturgie.  »  (Page  92.) 
«  Conçoit-on  la  possibilité  de  cé- 
rémonies lyonnaises  avec  une  messe 
et  un  office  romains?  Les  cérémo- 
nies habillent  les  paroles;  les  pa- 
roles ôtées,  les  cérémonies  sont 
vides,  inutiles  ou  à  contre-sens... 
Il  faudriiit  les  abandonner  ou  bien 
donner  le  spectacle  grimaçant  d'un 
peu  de  romain  avec  un  peu  de 
lyonnais^   bigarrure  ridicule,    où 


246 


A  LYON. 


Donald.)  —  a  Mais  pour  votre 
Bréviaire  et  votre  Missel,  il  faut 
prendre  le  romain,  n  (Même  allo- 
cution, d'après  le  texte  publié  par 
les  curés  députés.) 

((  Du  reste,  Messieurs,  on  ira 
avec  prudence  dans  l'introduction 
du  Bréviaire  et  du  Missel  romains. 
On  commencera  par  donner  le 
nouveau  Bréviaire  aux  nouveaux 
sous-diacres,  et  peu  à  peu  tout 
rentrera  dans  l'ordre.  »  (Allocu- 
tion publiée  par  le  cardinal  de  Bo- 
nald.) 


«  Mon  cœur  a  été  blessé  de 
l'agitation  qui  s'est  produite  dans 
le  clergé  de  Lyon...  Nous  avons 
été  profondément  affligé  lorsque 
nous  avons  lu  dans  les  journaux 
ces  articles  qu'on  y  a  insérés  au  su- 
jet du  changement  de  Bréviaire... 
On  ne  pouvait  me  faire  une  plus 
grande  peine  que  de  suivre  cette 
marche.  »  (Allocution  du  4  fé- 
vrier 1864,  publiée  par  le  cardi- 
nal de  Bonald.) 


l'unité  elle-même  ne  se  trouverait 
pas.  •  (P.  142.) 


a  Le  projet  d'insinuer  peu  à 
peu  le  romain  dans  le  diocèse  de 
Lyon  est  le  plus  fâcheux  qu'on 
puisse  mettre  en  œuvre.  »  (Titre 
du  chapitre  XXIIL)  «  Bien  n'est 
plus  fâcheux  que  de  donner  peu 
à  peu  le  romain,  comme  serait  de 
faire  prendre  le  Bréviaire  romain 
aux  sous-diacres,  et  le  Missel  ro- 
main aux  nouveaux  prêtres,  en 
laissant  les  Bréviaires  et  Missels 
lyonnaisaux  prêtredéjà  ordonnés. . . 
Et  combien  de  temps  durera  celte 
anarchie  dans  nos  paroisses  ?  s> 
(P.  136-137.) 

«  La  seule  chose  affligeante 
pour  nous,  c'est  la  perte  de  notre 
liturgie  !!!...  Cette  affliction  est 
naturelle  et  légitime  ;  le  monde 
catholique  la  comprendra,  le  Sou- 
verain-Pontife ne  la  blâmera  pas... 
Celui  qui  défend  une  cause  qu'il 
regarde  comme  son  affaire  person- 
nelle, est  justifié  par  la  tâche  même 
qu'il  remplit.  Si  la  douleur  lui  ar- 
rache des  paroles  qui  excèdent  les 
limites  de  la  véhémence,  Dieu  et 
les  hommes  les  excusent... Le  dé- 
fenseur affligé  d'une  cause  n'a 
qu'un  danger  à  craindre,  celui  de 
la  perdre!  »  (Page  6  ) 


LA  QUESTION   LITUKGIQUE  2'l7 

Qu'on  le  remarque  bien  :  MM.  les  curés  lyonnais  ne 
craignent  quun  danger^  celui  de  perdre  leur  cause.  Mais  le 
danger  de  soutenir  une  cause  déplorable^  ils  ne  le  craignent 
pas  du  tout,  quoique  toute  la  question  soit  là.  Luther,  par- 
tant de  l'hypothèse  obstinée  que  sa  cause  était  bonne,  au- 
rait dit  volontiers  :  «  Le  défenseur  affligé  d'une  cause  n'a 
qu'un  danger  à  craindre,  celui  de  la  perdre.  »  Nous  ne  vou- 
lons par  ce  rapprochement  que  faire  toucher  au  doigt  le 
paralogisme.  A  ])ieu  ne  plaise  que  nous  fassions  planer  le 
moindre  nuage  sur  l'orthodoxie  de  ces  pieux  et  vénérés  ec- 
clésiastiques, dont  les  vertus,  le  zèle  et  les  intentions  ne 
sont  pas  en  question. 

Parmi  les  faits  trop  négligemment  rapportés  dans  leurs 
écrits,  il  en  est  un  que  nous  croyons  devoir  signaler.  Déjà, 
dans  leur  apologie.  Quelques  mots  (pages  17  et  21) ,  MM.  les 
curés  avaient  allégué  en  leur  faveur  l'approbation  et  les 
encouragements  des  prélats  qui  ont  fait  autrefois  partie  du 
clergé  lyonnais  :  For li fiés  même  dans  nos  pensées,  disaient 
ils,  par  les  illustres  évêques  que  notre  diocèse  a  fournis  à  la 
France.  La  proposition  est  universelle  ;  Son  Ém,  le  cardinal 
Villecourt  ayant  appartenu  au  diocèse  de  Lyon,  s'en  trouve 
atteint.  Dans  leur  lettre  au  Courrier  de  Lyon,  les  cinq  curés 
députés,  racontant  les  faits  qui  concernent  leur  députation, 
s'expriment  ainsi  :  A  son  arrivée  à  Rome,  elle  a  été  très-bien 
accueillie  par  Son  Em.  le  cardinal  Villecourt.  Du  rapproche- 
ment de  ces  deux  affirmations,  en  les  supposant  exactes,  le 
public  a  dû  conclure  que  Son  Eminence  approuve  et  encou- 
courage  la  conduite  de  MM.  les  curés  de  Lyon.  Eh  bien  ! 
c'est  exactement  le  contraire  qui  est  vrai.  Nous  sommes  en 
mesure  d'affirmer  que  l'éminent  prélat  a  flétri  dans  les 
termes  les  plus  énergiques  l'égarement  de  MM.  les  curés 
lyonnais;  qu'il  a  exprimé  aux  cinq  députés  eux-mêmes 
toute  l'amertume  de  son  âme,  et  leur  a  reproché  de  s'être 
faits  les  ambassadeurs  d'une  cause  qui  pouvait  être  regar- 


248  A  LYo:>. 

dée  comme  une  rébellion  à  l'égard  du  Saint-Siège.  C'est 
dans  ce  sens  que  la  députation  a  été  très-bien  accueillie  par 
Son  Éminence.  ^ous  avons  en  main  un  document  qui  ne 
permet  aucun  doute  à  cet  égard  (1) .  MM.  les  curés  députés 
n'auront  sans  doute  employé  cette  expression  que  relative- 
ment aux  formes  de  politesse,  dont  on  sait  que  le  cardinal 
Villecourt  ne  s'écarte  jamais.  Nous  ne  voulons  pas  grossir 
cet  article-préambule  :  à  plus  tard  l'inventaire  et  l'appré- 
ciation des  valeurs  entassées  par  MM.  les  curés  dans  leur 
nouvelle  défense. 

D.  Bouix. 


A.VISt 

C'est  par  un  regrettable  oubli  que  I'HIPRIMAXUR  n'a 
pas  été  mis  en  tète  de  ma  brochure  î  LA  QUESTIOIV  LI- 
TURGIQUE A.  LYOIV.  Cet  IMi>RIlUA.XUR  a  été  donné;  il 
est  entre  le»  mains  de  l'imprimeur,  BI.  Rousseau,  qui  a 
l'ordre  depuis  longtemps  de  ne  rien  imprimer  de  moi 
sans  l'autorisation  de  Monseigneur  l'Évèque  d'Arras. 
Cette  déclaration  se  trouvant  elle-même  comprise  sous 
l'imprimatur  du  présent  numéro,  rectifiera  suflisam- 
ment  une  omission  indépendante  de  ma  volonté  et  que 
Je  ne  pouvais  prévoir. 

L'abbé  I>.  BOUIXc 


(l)  Des  témoins  dignes  de  foi  nous  assurent  avoir  entendu  plusieurs 
autres  des  illustres  évêques  que  le  Jiocèae  de  Lyon  a  fournis  à  la  France, 
blâmer  éacrgiquemcnt  les  écrits  et  la  conduite  des  défenseurs  de  la  li- 
turgie de  Lyon. 


DU  CHANT  ECCLÉSIASTIQUE. 


Premier  article. 


Sur  la  demande  de  quelques-uns  de  nos  abonnés,  nous  publiâmes, 
dans  le  numéro  de  mars  1860,  1. 1,  p.  232,  un  article  sur  le  chant 
ecclésiastique  considéré  sous  le  rapport  purement  canonique  et  litur- 
gique. En  d'autres  termes,  nous  avons  traité  celte  question  :  Quelles 
conditions  doit  avoir  le  chant  ecclésiastique  pour  être  en  harmonie 
avec  les  règles  de  l'Eglise  ?  La  publication  de  cet  article  a  soulevé 
d'autres  difficultés  dont  la  solution  ne  peut  être  donnée  d'une  manière 
satisfaisante  que  par  des  personnes  qui,  à  la  science  canonique  et  litur- 
gique, joignent  la  connaissance  théorique  et  prartique  du  chant  de  l'É- 
glise. Nos  lecteurs  comprendront,  par  cette  explication,  le  relard  que 
nous  avons  rais  à  aborder  celte  question,  11  nous  a  fallu  prendre  des 
renseignements  auprès  des  personnes  compétentes  :  pendant  ce  délai, 
d'autres  questions  nous  étaient  posées,  qui  absorbaient  à  la  fois  le  temps 
que  nous  pouvons  consacrer  à  ce  travail,  et  le  nombre  de  pages  assez 
restreint  que  notre  Revue  peut  donner  aux  articles  liturgiques. 

Nous  pouvons  résumer  ainsi  les  difficultés  qui  nous  ont  été  présen- 
tées :  i"  En  tenant  compte  des  observations  faites  dans  l'article  cité 
relativement  à  la  variation  du  chant  de  certaines  parties  de  la  messe, 
la  liturgie  peut-elle  fournir  des  principes  pour  tracer  un  règlement  à 
suivre  pendant  toute  l'année  ?  Ne  pourrait-on  pas  aussi  avoir  quelques 
règles,  au  moins  directives,  pour  l'usage  des  messes  ad  libitum  ? 
2°  Quelles  règles  suivre  pour  le  chant  de  Vile  missa  est,  pour  celui  du 
Benedîcatnus  Domino  à  la  messe  ou  aux  vêpres?  3"  Comment  concilier 
avec  le  Direclorium  chori  de  Guidetti  les  chants  des  hymnes  donnés 


250  DU    CHANT    ECCLÉSIASTIQUE. 

par  la  plupart  des  livres  imprimés  en  France,  et,  parmi  ceux-ci,  quels 
sont  ceux  qu'il  convient  d'adopter?  4°  Peut-on,  sans  violer  les  règles 
de  la  liturgie,  conserver  le  chant  usité  en  Franc*  pour  certains  versets, 
pour  les  litanies,  pour  certains  tons  de  psaumes,  pour  les  lamentations 
de  Jérémie?  5°  Faut-il  nécessairement  chanter  les  psaumes  sur  le  ton 
indiqué  dans  le  livre  d'office?  Que  penser  de  l'usage  de  chanter  en  mu- 
sique ou  en  plain-chant  musical  certaines  parties  de  la  messe  ou  de 
l'office  ? 

Sans  prétendre  jeter  une  lumière  complète  sur  ces  diverses  ques- 
tions, nous  allons  essayer  de  les  éclaircir  de  notre  mieux,  soit  au  point 
de  vue  des  régies  hturgiques,  soit  au  point  de  vue  de  celles  du  chant 
ecclésiastique.  Avant  d'entrer  dans  le  détail,  il  nous  paraît  nécessaire 
de  revenir  un  peu  sur  la  question  générale  des  rapports  du  chanl  ec- 
clésiastique avec  les  règles  de  l'Église,  pour  compléter,  mieux  préciser 
et  rectifier  s'il  est  nécessaire,  les  principes  posés  dans  l'article  cité. 
Pour  mettre  plus  d'ordre  dans  ces  matières,  nous  divisons  noire  tra- 
vail en  dix  paragraphes. 

§  1.  —  Observations  générales . 

Nous  avons  discuté,  t.  i,  p.  239  et  suivantes,  les  rapports  du  chant 
ecclésiastique  avec  les  règles  liturgiques.  Des  principes  posés  il  ré- 
sulte :  1"  que  les  règles  liturgiques  relatives  au  chant  sont  moins  sé- 
vères que  celles  qui  ont  rapport  au  cérémonial  ;  S-'  que  ces  règles  im- 
posent seulement,  d'une  façon  relative  et  directive,  la  manière  de  chanter 
les  différentes  pariies  de  la  messe  ou  des  saints  offices  ;  3°  que  cepen- 
dant il  ne  paraît  point  conforme  à  ces  règles  d'employer  arbitrairement 
un  chant  pour  un  autre,  s'il  s'agit  de  modulations  désignées  pour  un  rit 
ou  une  fête  en  particulier;  4°  que  l'on  ne  peut  appliquer  strictement  la 
même  règle  aux  chants  qui  ne  sont  spécialement  désignés  pour  aucun 
rit  ni  aucune  fête  (nous  examinerons  s'il  est  possible  de  tracer  à  cet 
égard,  comme  on  le  désirerait,  quelques  règles  directives);  5°  nous 
avons  terminé  l'article  en  parlant  d'une  confrontation  à  faire  entre  le 
Dïreclorïum  ehori  et  les  livres  d'office  que  nous  avons  entre  les  mains. 


DU    CHANT    ECCLÉSIASTIQUE.  251 

Par  cette  confrontation,  on  voit  qu'un  ordre  bien  marqué  a  été  suivi 
dans  l'indication  de  toutes  les  modulations  à  employer  pour  toutes  les 
parties  de  la  messe  ou  de  l'office  qui  doivent  être  chantées  ;  mais  la 
substitution  de  beaucoup  d'autres  modifications  a  souvent  apporté  dans 
cet  ordre  des  changements  qui  rendent  les  diverses  éditions  des  livres 
notés  assez  divergentes  entre  elles,  et  apportent  une  certaine  confusion 
dans  un  ordre  de  choses  qu'il  faudrait  laisser  subsister. 

11  faut  donc,  pour  tracer  des  règles  sur  ce  point,  faire  abstraction  de 
tous  les  chants  qui  ne  sont  pas  dans  les  livres  proprement  liturgiques. 
Nous  comprenons  ici,  sous  le  titre  de  livres  liturgiques,  le  Directorium 
chori  aussi  bien  que  le  Missel,  le  Bréviaire,  le  Pontifical,  le  Martyro- 
loge, le  Cérémonial  des  Évêques.  Le  Diredorhim  chori^  il  est  vrai, 
n'est  point  publié  par  bulle  pontificale  ;  mais  il  est  suivi  à  Rome,  et  le 
Cérémonial  des  Évéques  (1.  I,  c.  xvu)  renvoie  à  cet  ouvrage  pour  le 
ton  des  épîtres  et  évangiles,  des  capitules,  des  antiennes,  etc. 

Nous  appellerons  donc  chants  liturgiques  ceux  qui  se  trouvent  indi- 
qués dans  ces  livres  ou  qui^  d'après  une  coutume  ancienne  et  géné- 
rale, peuvent  être  considérés  comme  tels  ;  et  chants  non  liturgiques, 
ceux  qui  ont  été  ajoutés  aux  premiers  en  divers  temps  et  en  divers 
lieux. 

Les  prières  qui  ont  ainsi  été  notées  sur  des  chants  non  liturgiques 
sont,  pour  la  messe,  le  Kyrie,  le  Gloria  in  excelsis,  le  Credo,  le  San- 
cius,  X'Agnus  Dei  et  Vite  missa  est.  Jusqu'à  ces  derniers  temps,  on 
n'avait  point  introduit  de  chants  non  liturgiques  dans  d'autres  parties 
delà  messe.  Par  le  défaut  d'entente  qui  existe  malheureusement  chez 
nous,  depuis  environ  quinze  ans,  les  messes  nouvellement  concédées 
par  le  Saint  Siège  ont  été  notées  sur  des  modulations  qui  diffèrent  com- 
plètement entre  elles. 

On  trouve  encore  des  chants  non  liturgiques  pour  les  hymnes,  les 
psaumes,  les  versets,  les  répons  brefs,  les  lamentations  de  Jérémie,  les 
4itanies  ;  et  comme  nous  l'avons  annoncé,  nous  allons  parler  successi- 
vement de  l'usage  de  ces  diverses  mélodies. 


252  DU    CHANT    ECCLÉSIASTIQUE. 

§  2. —  Des  divers  chants  du  Kyrie  eleison,  du  Gloria  in  excelsis, 
du  Credo,  du  Sanclus  et  de  TAgnus  Dei. 

Les  chants  liturgiques  sont  au  nombre  de  six  pour  le  Kyrie  eleison, 
de  cinq  pour  le  Sanctus  et  YAgnus  Dei,  de  quatre  pour  le  Gloria  in 
excelsis.  Il  n'y  a  qu'un  seul  chant  pour  le  Credo.  Aucun  livre  litur- 
gique ne  garantit  comme  tels  les  chants  du  Sanclus  et  de  YAgnus  Dei, 
sauf  aux  messes  des  fériés  et  à  la  messe  de  Requiem,  comme  nous  le 
verrons  ci-après.  Nous  nous  en  sommes  rapporté,  pour  ce  qui  con- 
cerne les  autres,  à  l'accord  des  divers  livres  entre  eux.  Pour  le  chant 
du  Kyrie  eleison,  nous  avons  considéré  comme  liturgique  celui  que 
nous  avons  trouvé  conforme  au  rythme  de  Vite  missa  est  marqué  pour 
le  même  rite,  suivant  ce  qui  est  dit  au  paragraphe  suivant. 

On  n'admettait  pas  primitivement  une  très-grande  variété.  Cette  uni- 
formité, qui  ne  plairait  pas  aujourd'hui  à  tout  le  monde,  n'était  pas 
sans  avantages.  Le  peuple,  habitué  à  entendre  les  mêmes  iiodulations, 
se  familiarisait  plus  facilement  avec  elles  ;  les  chantres  eux-mêmes  les 
exécutaient  mieux.  On  aimait  le  cachet  de  ces  rythmes  antiques,  que 
n'ont  jamais  pu  égaler  ceux  des  temps  modernes.  Sans  vouloir  dépré- 
cier ceux-ci,  nous  sommes  forcés  d'avouer  que  les  meilleurs  composi- 
teurs de  nos  jours  ne  trouvent  pas  de  meilleurs  thèmes  que  les  rythmes 
anciens. 

La  première  messe  est  intitulée,  dans  le  Missel  :  In  dupliclbus  et 
solemnibus  festis,  et  dans  le  Directorium  chori  :  de  Apostolis,  et  in 
festo  dupHci.  Ce  chant  appartient  à  toutes  les  fêtes  du  rit  double  aux- 
quelles on  ne  doit  pas  employer  celui  de  la  deuxième  messe. 

Le  chant  de  la  deuxième  messe  appartient  à  toutes  les  messes  de  la 
sainte  Vierge,  même  aux  plus  solennelles,  et  à  celles  du  rite  simple. 
En  suivant  l'indication  donnée  par  la  plupart  des  livres  d'office,  ce 
même  chant  doit  être  employé  pendant  les  octaves  de  Noël  et  du  Saint- 
Sacrement.  Le  Directorium  chori  l'insinue  pour  cette  dernière,  en  in- 
diquant le  chant  des  hymnes  sur  le  rythme  qui  convient  aux  fêtes  de  la 
sainte  Vierge  ;  mais  s'il  appartient  à  l'octave  de  Noël,  nous  nous  espli- 


DU   C^A^■T   FCCLl':SUSTIQUE.  253 

quons  (liiïîcilomciU  rindicalion  du  clianl  commun  des  fêtes  doubles  pour 
\c  Benedtcamus  Domino  à  la  mes^e  des  saints  Innocents,  comme  il  se 
trouve  dans  le  Missel.  Quoi  qu'il  en  soit,  on  pourrait  conclure,  au  moins 
en  général,  que  ce  chant  serait  corrélatil  à  la  doxologie  Jesu  tibi  s^ 
gloria,  qui  natus  es  de  Virgine,  en  ce  sens  que  si  l'on  doit  dire  cette 
doxologie,  à  l'office,  on  chante  aussi  cette  mosse,  outre  les  deux  fêtes 
de  la  sainte  Vierge  qui  ont  une  doxologie  particulière,  savoir  :  la  fête 
des  Sept-Douleurs  el  la  fête  de  privilège,  intitulée  Expeclatio.  En 
suivant  celte  règle,  on  devrait  n'en  jamais  chanter  aucune  autre  pendant 
les  octaves  de  la  sainte  Vierge,  môme  aux  fêtes  qui  s'y  rencontrent;^ 
Elle  conviendrait  aussi  à  la  messe  du  dimanche  de  l'Avent  qui  se 
trouve  dans  l'octave  de  l'Immaculée-Conception.  On  ne  remplace,  en 
effet,  dans  la  liturgie  les  prières  spéciales  à  certains  temps,  que  si  des 
prières  plus  spéciales  sont  indiquées  pour  une  fête  en  particulier  ou 
pour  son  octave,  quand  elle  est  plus  digne  que  la  première.  Or,  comme 
nous  le  verrons  ci-après,  le  chant  liturgique  du  Kyrie  eleison  pour 
les  dimanches  de  l'Avent  est  celui  des  dimanches  ordinaires  de 
l'année. 

La  troisième  messe  est  pour  les  dimanches  elles  fêtes  semi-doubles. 
On  l'emploie  à  toutes  les  messes,  sauf  celles  auxquelles  on  doit  chanter 
la  deuxième  messe,  suivant  les  règles  données  ci-dessus.  Ce  chant  con- 
vient aux  messes  des  dimanches  de  l'Avent  et  du  Carême,  comme  à 
celles  des  autres  dimanches,  et  le  chant  usité  en  France  pour  ces  di 
manches  en  particulier  est  un  chant  ad  libitum.  Autrement  on  n'ajou- 
terait pas,  dans  le  Diredorium  chori  et  partout  dans  les  livres  d'office, 
au  Benedicamus  des  vêpres,  ettain  tempore  AdventusetQuadragesimx. 
Car,  comme  il  est  dit  plus  bas,  le  chant  du  Benedicamus  des 
vêpres  comme  celui  de  l'Ile  missa  est  et  du  Benedicamus  Domino, 
quand  on  le  dit  à  la  fin  de  la  messe,  est  corrélatif  au  chant  du  Kyrie. 
Un  passage  du  Directoriiim  chori  (édit.  1665)  nous  éclairera  sur  cette 
question  :  «  Unum  aulera  nolandum  est,  eliam  quod  siculi  dictum  est 
il  superius,  cum  de  tonis  Benedicamus  Domino  agerelur,  unicum  to- 
«  num  esse  debere,  quo  cantatur  Benedicamus  Domino  in  omnibus 
f  dorainicis,  eliam  Advenlus  et  Quadragesimae,  el  festis  semiduplici- 


254  Df    CIIA^T    ECCLÉSIASTIQUE. 

«  bus,  ac  iiifra  omnes  octavas,  quae  non  sunt  Beatae  Mariae  Virginis, 
«  quoad  vesperas  et  malutinum,  nec  non  in  missis  dominicalibus  in 
a  quibus  non  didiur  Ite  missa  est.  Sic  eliara  affirmandum  est,  quoad 
c  tonura  Kyr-ie  eleison  omnium  praedictorum  temporum,  ut  unicum 
a  tantura  genus  adhibeatur,  videlicel  tonus  ex  quo  exceptus  est  Bene- 
«  dicamus  Domino  de  quo  tractatum  est.  Et  hoc  enarralura  fuit,  ut 
«  nonnullorum  consuetudo  obliteretur,  qui  tempore  Adventus  et  Qua- 
a  dragesiraae,  necnon  infra  octavas  quae  non  sunt  Beatae  Virginis,  et 
a  festis  semiduplicibus,  diversis  tonis  utuntur,  quibus  uti  penitus  non 
a  debent,  sed  queraadmodum  conmiuniter  Romana  servat  Ecclesia,  ut 
a  dictum  est.  » 

La  quatrième  messe  est  celle  des  fêtes  simples. 

La  cinquième  est  celle  des  fériés.  On  n'y  met  pas  de  chant  spécial 
pour  le  Gloria  in  ea;ce/sls.  Comme  cependant  on  dit  l'hymne  angélique 
aux  fériés  du  temps  pascal,  il  semble  qu'alors  le  Gloria  in  excelsis  se 
chante  comme  il  est  indiqué  pour  les  fêtes  simples,  et  peut-être  doit-on 
chanter  la  quatrième  messe  aux  fériés  du  temps  pascal.  Le  Gloria  in 
excelsis  n'étant  point  indiqué  à  la  cinquième  messe,  on  pourrait  légiti- 
mement supposer  qu'elle  ne  convient  pas  aux  messes  où  l'on  chante 
l'hymne  angéUque. 

La  sixième  enfin  convient  aux  messes  des  morts.  Le  chant  du  Sanctus 
et  celui  de  YAgnns  Dei  sont  ici  conformes  à  celui  des  fériés,  sauf  les 
paroles  Miserere  nobis  et  Dona  nobis  pacem,  que  l'on  change  en  celles- 
ci  :  Dona  eis  requietn,  Dona  eis  requiem  sempiternam.  Le  Directorium 
chori  s'exprime  d'une  manière  positive.  L'édition  de  1665  ne  contient 
pas  l'office  des  morts  en  entier  comme  les  précédentes, mais  seulement 
le  chant  du  Kyrie,  du  Sanctus  et  de  VAgnus  Dei  pour  la  messe  de 
Requiem,  en  le  faisant  précéder  de  cette  rubrique  :  «  Kyrie  eleison 
«  vero  pro  defunctis,  ac  Sanctus,  et  Agnus  Dei  tonum  non  abs  re  ap- 
«  paret  postponere,ut  aliquarum  ecclesiarum  abusum  aliquod  deleatur, 
«  in  quibus  non  recte  cantatur  tonus  ad  Sanctus,  facientes  a  prima 
«  nota  ad  secundara  semitonum,  et  non  tonum,  quemadmodum  grâ- 
ce dualia  incorrupla  et  codices  emendati  docent,  etut  quislibet  qui  cura 
«  praesenti  aut  alio  bono  exemple  consueludinem  comparabit,  faciliter 


DU   CHANT    ECCLÉSIASTIQUE.  255 

«  dignoscet  quanla  sit  differenlia,  etquam  magis  sic  quadrat.  »  L'édi- 
tion de  1549  ne  contient  pas  les  fautes  signalées  ici,  mais  les  éditions 
françaises  contiennent  pour  la  plupart  l'omission  de  plusieurs  noies. 
Le  Graduel  parisien  contient  la  faute  indiquée  pour  le  chant  du  Sandws. 
Après  le  chant  du  Sandus  et  de  VAgnus  Dci  aux  messes  de  Requiem, 
nous  lisons  encore  cette  rubrique  :  «  Praedicfo  tono  utimur  ad 
«  Sandus  et  Agnus  Deï  in  ferialibus  missis  totius  anni,  etiaraterapore 
o  jejuniorura,  mutando  solura  verba  Dona  m  requiem  in  Miserere 
a  nobis.  » 

II.  —  Chants  non  liturgiques. 

Outre  les  chants  dont  nous  venons  de  parler  et  que  nous  appelons 
liturgiques  comme  appartenant  spécialement  à  la  liturgie,  et  soumis  à 
certaines  rubriques  ;  d'autres  chants  sont  assez  généralement  répandus 
et  l'usage  n'en  a  jamais  été  réprouvé,  comme  nous  l'avons  vu.  Nous 
parlerons  seulement  des  plus  connus.  Telles  sont  les  trois  messes  de 
Henri  Dumont,  la  messe  des  Anges,  celle  de  J.-B.  de  Lulli,dite  Impé- 
riale, une  messe  du  huitième  ton,  dont  le  Kyrie  est  attribué  aux  fêtes 
semi-doubles  dans  les  livres  de  Dijon  et  autres,  et  qui  se  trouve  en 
entier  dans  l'édition  Rémo-Cambrésienne,  sous  le  titre  tertia  ad  libitum. 
Cette  édition  donne  encore  le  Kyrie  fons  bonitatis  et  une  autre  messe 
intitulée  secunda  ad  libitum,  un  Kyrie  et  un  Gloria  in  excelsis  du 
sixième  ton  ;  enfin  tous  les  livres  que  nous  avons  entre  les  mains  con- 
tiennent un  chant  spécial  pour  les  dimanches  de  l'Avent  et  du  Carême, 
et  un  autre  pour  les  dimanches  et  les  fêtes  du  temps  pascal.  Une  pu- 
blication intitulée  Chants  divers,  tirés  des  manuscrits  du  dixième, 
onzième  et  douzième  siècle,  en  contient  encore  un  bon  nombre.  On 
met  à  la  fin  de  ce  recueil  une  messe  appelée  messe  Bordelaise,  assez 
populaire  dans  le  midi  de  la  France. 

Messes  de  Dumont.  Les  trois  messes  de  Dumont  contiennent  chacune 
toutes  les  parties  communes  de  la  messe,  savoir  :  le  Kyrie,  le  Gloria  in 
excelsis,  le  Credo,  le  Sandus  et  VAgmis  Deï.  Toutes  ces  pièces  sont 
notées  sur  le  même  ton  et  dans  le  même  rythme.  La  première,  connue 


256  pu    CHANT    F.CÇLÎSIASTIQUE. 

SOUS  le  nom  de  messe  royale,  est  du  premier  Ion  :  le  chanl  en  esl  so- 
lennel et  majestueux,  et  est  exécuté,  d'après  un  usage  à  peu  prés  géné- 
ral, aux  plus  grondes  fêtes  de  l'année.  La  deuxième  est  du  deuxième 
ton.  Le  chant  de  celte  messe  est  presque  syllabique  ,  mais  d'une  grande 
richesse  d'expression  :  son  rythme  grandiose  et  majestueux  nous  paraît 
pouvoir  convenir  aux  grands  mystères  de  notre  sainte  religion,  tels  que 
l'Annonciation  de  la  sainte  Vierge,  la  messe  de  la  nuit  de  Noël,  et 
autres  fêtes  solennelles,  principalement  quand  le  chanl  de  l'introït  est 
en  rapport  avec  le  rythme  de  celte  messe.  La  troisième  est  du  sixième 
ton.  Le  chant  de  cette  messe  est  plein  d'harmonie,  comme,  d'ailleurs, 
toutes  les  pièces  de  chant  notées  dans  ce  mode,  il  peut  exprimer  une 
joie  douce  et  calme,  même  une  joie  mélangée  de  tristesse.  Sous  le 
premier  rapport,  elle  peut  convenir  à  toute  fête  de  grande  dévotion,  et 
dans  laquelle  on  semble  exprimer  le  sentiment  de  la  piété,  comme  par 
.exemple  à  la  fête  de  saint  Jean  l'Évangélisle  ;  sous  le  second  rapport, 
elle  peut  convenir  à  la  messe  du  jeudi-saint,  età  celle  du  Précieux-Sang. 
Dans  ces  messes,  on  s'est  appliqué  à  l'uniformité  du  rythme  entre 
les  divers  morceaux  qu'elles  renferment,  et  elles  différent  en  cela  des 
messes  anciennes.  Cette  manière  de  faire,  assez  gotîtée  de  nos  jours, 
S  sans  doute  sa  raison  d'être;  cependant  elle  n'est  pas  sans  présenter 
(quelques  inconvénients.  Jamais  nous  ne  voyons  dans  les  modulations 
anciennes  un  rythme  syllabique  appliqué  au  Sanctus  et  à  VAgmis  Dei, 
et  les  Agnm  Dei  de  ces  messes  ressemblent  plutôt  à  la  terminaison 
jdes  litanies  qu'à  VAgnus  Deï  de  la  messe  solennelle.  Personne  ne 
peut  dire  que  le  chant  d'une  messe  dans  laquelle  on  aura  su'ostitué  au 
chant  du  Sanctus  et  de  VAgmis  Dei  de  la  deuxième  messe  de  Duraont 
ceux  de  la  messe  Hector  cosmi  pie,  dite  deuxième  ad  libitum  dans  l'édi- 
tion Rémo-Carabrésienne,  n'aura  pas  été  plus  satisfaisant  que  si  l'on 
n'eût  pas  fait  cette  substitution.  Nous  ne  voyons  pas  bien  clairement 
d'ailleurs,  la  nécessité  de  cet  ensemble.  On  pourrait  peut-être  aussi 
vouloir  noter  sur  un  même  rythme  l'intro'it,  le  graduel,  l'offertoire  et 
la  communion  d'une  même  messe  :  et  ce  serait  impossible,  sans 
renoncer  à  conserver  à  chaque  morceau  le  degré  de  richesse  qui  lui 
convient. 


DU   CHANT    ECCLÉSIASTIQUE.  257 

Messe  de  J.-B.  Je  LuÏÏi.  La  messe  de  J.-B.  de  Lulli,  appelée  wesse 
Baplisle  ou  messe  impériale,  est  également  du  sixième  ton.  Elle  est 
plus  chargée  de  notes  que  la  troisième  messe  de  Dumont,  et  peut  con- 
venir aux  mêmes  fêles. 

Messe  des  Anges.  La  messe  connue  sous  ce  nom  est  plus  populaire 
que  les  trois  précédentes.  Le  Kyrie  et  le  Gloria  in  excehis  sont  du 
cinquième  ton,  ou  plutôt  du  treizième,  le  Credo  est  du  même  rythme, 
paraît  avoir  été  composé  à  une  époque  plus  récente  et  n'a  pas  été  aussi 
universellement  répandu  que  le  Kyrie  et  le  Gloria  in  excehis.  On  y  a 
joint  un  Sandus  et  un  Agmis  Dei  du  sixième  ton,  ou  plutôt  du  quator- 
zième, dont  le  rythme  est  en  rapport  avec  celui  d'un  autre  Kyrie  et 
d'un  Gloria  in  excehis  moins  populaire,  mais  qui  se  trouve  dans  le 
recueil  indiqué  ci-dessus  et  dans  le  livre  intitulé  :  Offices  de  l'Eglise, 
suivant  le  rit  romain.  Le  rythme  est  celui  de  l'antienne  0  quam 
suavis  est. 

Messe  de  l'Avent  et  du  Carême.  Le  chant  du  Kyrie  eleison  en  usage 
chez  nous  pendant  le  temps  du  carême  est  fort  ancien  et  très- 
expressif.  On  y  sent  les  gémissements  du  pécheur  dont  la  prière 
d'abord  humble  et  timide  prend  bientôt  et  peu  à  peu  l'accent  de  la  plus 
vive  confiance.  Ce  chant  est  à  peu  près  généralement  en  usage  en 
France  pour  le  temps  du  carême  ;  il  est  adopté  aussi  en  quelques 
diocèses  pour  le  temps  de  l'Avent  et  les  dimanches  de  Septuagésime, 
Sexagésime  et  Quinquagésime . 

La  rubrique  du  Directorium  chori  indiquant  pour  ces  jours  le  Kyrie 
eleison  des  dimanches  pendant  l'année,  a  seulement  pour  but,  ce 
semble,  d'exclure  de  ces  dimanches  les  autres  chants  que  nous  avons 
appelés  liturgiques.  Le  Sanctus  et  l'Agnus  Dei  qui  les  suivent  se  trou- 
vent dans  les  anciens  livres  édités  en  France  pour  les  diocèses  où  la 
liturgie  romaine  avait  été  conservée. 

Messe  du  temps  pascal.  Cette  messe  se  trouve  aussi  dans  la  plupart 
des  livres  édités  en  France  pour  l'usage  des  diocèses  qui  ont  conservé 
la  liturgie  romaine.  Elle  se  rencontre  également  dans  des  manuscrits 
fort  anciens. 

Quant  aux  autres  messes  dont  nous  avons  parlé,  on  peut  les  chanter 

REVDE  des  sciences  ECCLESIASTIQUES,  T.  IX.  17 


258  nr  chant  ecclésiastique. 

quand  on  le  juge  à  propos  aux  fôtes  doubles  mineures  et  majeures,  si 

l'on  tient  à  varier  un  peu. 

Il  nous  reste  à  parler  des  chants  du  Kyrie  eleison  dont  les  neumes  ne 
sont  autre  chose  que  les  noies  qui  s'appliquaient  à  des  paroles  que  l'on 
avait  coutume  au  moyen -âge  d'intercaler  entre  les  mots  Kyrie  ou 
Christe  et  eleison.  La  liturgie  de  S.  Pie  V  n'a  pas  toléré  ces  interca- 
lations.  «Laudanda  est,  dit  Muralori  [de  Relus  liturgicis  t.  i,  p.  99) 
a  Ronianorum  Pontificum  sapientia ,  quae  sublatis  hisce  peregrinis 
a  raercibus,  quibus  onerata  potius  quand  ornata  fuerat  sacra  liturgia, 
«  in  antiquam  puritatem  ac  moderationam  pensum  Romans  Missae 
0  restiluit.  Sed  severitate  etiam  non  mediocri  in  posterum  opus  est. 
a  Nimis  enim  hominum  genus  ad  novitatem  proclive  se  prodit,  et  nisi 
«  obices  inveniret,  quotidie  novaret.  »  Parmi  ces  chants  se  trouvent  le 
Kyrie  appelé  fous  bonitatis  et  quelques  autres.  11  ne  sera  pas  sans  in- 
térêt d'en  citer  ici  quelques-uns.  Le  cardinal  Bona  {Rerum  lilurgica- 
rum  1.  II,  c.  IV  )  en  parle  en  ces  termes  sous  ce  tiire  :  Qiio  ritu  cari' 
tari  Kyrie  eleison  consueverii.  Ipsi  addita  aliquot  verba. 

«  In  quorumdam  monasteriorum  libris  rass.  ad  usum  chori   vidi 

•  Ipsum  Kyrie  interpositis  quibusdam  clauiulis  interpolalum  ,  quas 
t  privata  auctoritate  introductas  puto.  Legi  in  chronico  Angliae  sub 
«  noraine  Joannis  Bromptoris,  abbatis  Cisterciensis,  inter  decem  scri- 
a  ptores  rerum  Anglicarum  edito,  pag.  879,  B.  Dunstanum  semel  sopo- 

•  ralum  Angeles  audivisse  cum  suavi  nota  Kyrie  eleison  psallentcs, 
a  cujus  modules  harmonise  adhuc,  inquit,  continet  tropus  ille  apud 
«  Anglos  famosus  Kyrie  rex  splendens,  qui  in  majoribus  festis  sanc- 

•  torum  cantari  solet.  Sed  de  harmonia,  non  de  tropis  bic  sermo  est. 
«  Nam  sseculo  X  quo  Dunstanus  vixit,  non  credo  hujusmodi  tropos 

•  in  usu  fuisse,  quorum  nulla  mentio  ante  sa?culum  X!1I  reperitur.  » 
L'auteur  ajoute  ici  en  note  :  o  Amalarius  de  Div.  Offic.  (1,  m,  c.  i.)  sic 
«  canendum  scribit,  cura  invocatione  sanctissimae  Trinitatis  :  Kyrie 
«  eleison.,  Domine  Pater  miserere;  Christe  eleison  miserere,  qui  nos 
aredemisti  sanguine  tuo  ;  Kyrie  eleison,  Domine  Spiritu s  miserere.  » 
Nous  reprenons  la  suite  du  leste  :  «  Insulsi  sunt,  nec  bene  sensui  cohae- 
B  rent.  Quidam  extant  in  Missali  Romano  sub  pontificatu  Pauli  JII 


DU    CHANT    ECCLÉSIASTIQUE.  259 

«edito  Lugduni  hac  praefixa  inscriptione  :  Sequuntur  quxdam  devota 
«  verba  super  K'^rle  eleison,  Sanclusd  Agnus  Dei,  ibi  ob  nonnullorum 
«  sacerdotum  pascendnm  devotionem  posita,  licet  non  siut  de  ordina- 
'  rio  Romanx  Ecclesiss,  tamen  in  certis  missis  ibidetn  annotatis  licite 
a  dicenda.  »  On  en  donne  alors  quelques  exemples  donl  le  premier  est 
le  Kyrie  fons  bonitatis.  Ces  exemples  sont  les  suivants. 

lu   festis  solemnibus. 

Kyrie  fons  bonitatis,  a  que  bona  cuncta  procedunt,  eleison. 
Kyrie,  qui  pati  natum  mundi  pro  crimine,  ipsum  ut  salvaret  misisti, 
'     eleison. 
Kyrie,  qui  septiformis  das  dona  Pneumatis  a  quo  cœlum  et  terra  re- 

plentur,  eleison. 
Christe,  unice  Patris  Genite,  quem  de  Virgine  nasciturum  mundo  mi- 

rifice  sancti  praedixerunt  Prophetse,  eleison. 
Christe  agie,  cœli  compos  regige,  cui  melos  glori^  semper  astans  pro 

munere  Angelorum  décantât  apex  (1),  eleison. 
Christe,  cœlitus  adsis  nostris  precibus,  quem  pronis  mentibus  in  ter- 
•    ris  dévote  colimus,  ad  te  pie  Jesu  (2)  clamantes,  eleison. 
Kyrie,  Spiritus  aime  cohaerens  Patri  Natoque^  unius  usiae  consistendo, 

flans  ab  utroque,  eleison. 
Kyrie,  qui  baptizato  in  Jordanis  unda  Christo  effulgens  specie  colura- 

bina  apparuisti,  eleison. 
Kyrie,  ignis  divine  pectora  nostra  succende,  ut  digni  pariter  procla- 

mare  omnes  possimus  semper,  eleison. 

In  festivitatibus  Christi  Domini  nostri. 

Kyrie  cunctipotens  genitor  Deus  omnicreator,,  eleison. 
Fons  et  origo  boni,  pie,  luxque  perennis,  eleison. 
Salvificet  pietas  tua  nos  bone  rector,  eleison. 

(1)  D'anciens  missels  donnent  cette  autre  leçon  :  Christe  agie  cœli 
compar  regise,  melos  gloriae,  cui  semper  pro  mundi  crimine  Angelorum 
décantât  apex,  eleison. 

{■i)  D'autres  éditions  portent  rex. 


260  DU    CHANT    KflCLÉSIASTIQUE. 

Christe,  Dei  spleiiiior,  viilus,  l^alrisqiie  sophia,  eleison. 

Plasmalis  humani  sator  (1),  lapsis  reparator,  eleison. 

Ne  tua  damnetur  Jesu  factura  bénigne,  eleison. 

Amborum  sacrum  spiraraen,  nexus,  amorque,  eleison. 

Purgalor  culpîB,  veniae  largitor  opime,  eleison. 

Offensas  dele,  sacro  nos  munere  reple,  Spiritus  aime,  eleison. 

In  festis  Beatx  Marix  Virginis. 

I. 

Kyrie  Virginitatis  amator,  inclite  Pater,  et  Creator  Mariae,  eleison. 

Kyrie,  qui  nasci  Nalum  volens  de  Virgine,  corpus  elegisli  Mariae, 
eleison. 

Kyrie,  qui  sepliformi  repletum  Pneumate  (2)  pectus  consecrasti  Ma- 
rias, eleison. 

Christe,  unice  de  Maria  genite,  quem  de  Virgine  nasciturum  stirpis 
Davidicae  sancti  praedixerunt  Prophetae,  eleison, 

Christe,  usiae  gigas  fortis  gerainae,  qui  pro  homine  homo  sine  virili 
semine  prodisti  de  ventre  Mariae,  eleison. 

Christe,  cœlitus  adsis  nostris  laudibus,  quas  pro  viribus  ore,  corde, 
actuque  psallimus,  proies  pie  Jesu  Mariae,  eleison. 

Kyrie,  Spiritus  aime,  amborum  nexus,  amorque,  cœlestis  gratiae  rorem 
infudisli  Mariae,  eleison. 

Kyrie,  qui  incarnato  de  Mariae  carne  Christo  sub  nostra  specie  semper 
floreni  servas  Mariae  (5),  eleison. 

Kyrie,  simplex  et  summe  (4),  chrismate  sacro  nos  reple,  ut  digno  car- 
mine  decantemus  laudes  Mariae,  eleison. 

II. 

Kyrie,  ter  Virginum  amator  Deus  Mariae  decus,  eleison. 
Kyrie,  qui  de  stirperegia  claram  producis  Mariam,  eleison. 


(1)  Dans  d'autres  éditions  ou  lit  factor  lapsi. 

(2)  Ailleurs  on  dit  sepliformis  gratiœ. 

(3)  Ou  trouve  aussi  cette  autre  leçon  ;  super  florem  requievisti, 

(4)  On  lit  ailleurs  irine. 


DU    CHANT    ECCLESIASTIQUE.  261 

Kyrie,  preces  pjus  suscipe  dignas  pro  miindo  fusas,  eleison. 
Chrisie,  Deus  de  Pâtre,  homo  nalus  de  Maria  maire,  eleison. 
Cliriste,  quera  ventre  beata  Maria  edidit  mundo,  eleison. 
Christe,  sume  laudes  nostras  Mariae  almae  dicatas,  eleison. 
Kyrie,  o  Paraclite  obiimbrans  pectus  Mariae,  eleison. 
Kyrie,  qui  facisdignuin  tiialamum  pectus  MariiB,  e/eison. 
Kyrie,  qui  supra  cœlos  Spiritus  levas  Mariae,  fac  nos  post  ipsani  scan- 
dere  tua  virtute  Spiritus  aime,  eleison  (1). 

In  aliis  festivitatihus. 

Kyrie,  rex  genitor  ingenite,  vera  essentia,  eleison. 

Kyrie,  luminis  fons,  rerumque  conditor,  eleison. 

Kyrie,  qui  nos  tuae  imaginis  signasti  specie,  eleison. 

Cliriste,  Deus  formas  humanae  parliceps,  eleison. 

Christe,  lux  oriens,  per  quem  sunt  omnia,  eleison. 

Christe^  qui  perfecta  es  sapientia,  eleison. 

Kyrie,  Spiritus  vivifice,  vitae  vis,  eleison. 

Kyrie,  utriusque  vapor,  in  quo  cuncta,  eleison. 

Kyrie,  expurgator  scelerum,  et  largitor  graliae,  quaesumus,  propler 

nostras  offensas  noli  nos  relinquere ,   consolalor  dolentis  animai, 

eleison. 

Dominicis  diebus. 

Orbis  factor,  rex  aeternc,  eleison. 

Pietatis  fons  immense,  eleison. 

Noxas  nostras  omnes  pelle,  eleison. 

Christe,  qui  lux  esraundi,  dator  \[[x,  eleison. 

Arte  laesos  daemonis  intuere,  eleison. 

Conservans  te  credentes  confirmansque,  eleison. 

Patrem,  Natura,  teque  Flamen  utrorumque,  eleison. 

Deum  scimus  unuui  atque  trinum  esse,  eleison. 

Clemens  nobis  adsis  Paraclite,  ut  vivamus  in  te,  eleison. 

(1)  Ce  deuxième  Eijrie  pour  les  fêtes  de  la  sainte  Vierge,  a  été  trouvé 
dans  un  missel  du  monastère  de  Saint-Martin  d'Aiuay,  diocèse  de  [,you, 
imprimé  eu  1531. 


262  DU    CHANT    DES    HYMNES. 

On  en  trouve  encore  d'autres  dans  d'anciens  monuments,  et  en  par- 
ticulier celui-ci  en  vers  hexamètres,  rapporté  par  Muratori,  c.  vu  : 
Kyrie  eleison.  Omnipotens  genitor,  et  lucis  origo. 
Kyrie  eleison.  De  nihilo  jussu  verbi,  qui  cuncta  creasti. 
Kyrie  eleison.  Humano  generi  peccali  pondère  presse. 
Christe eleison.  Ad  cœlum  terrae  missus  Genitoris  ab  arce. 
Christe eleison.  Indueras  carnem  casta  de  Virgine  natus. 
Christe  eleison.  Tu  mundi  culpam  mundasti  sanguine  fuso. 
Kyrie  eleison.  ^Equalis  Patri,  seu  Nato  Spiritusalmus. 
Kyrie  eleison.  Trinus  personis  Deus,  in  deitate  sed  unus. 
Kyrie  eleison.  Canamus  cuncti 

Laudes  hymniferas, 

Soli  Deo  placide, 

Qui  plus  salvet 

Seraper  et  protegat, 

Te  sequentes  in  aevum. 
Le  manuscrit  de  Saint-Gall  renferme  cet  autre  : 
Kyrie  eleison.  Pater  infantiura. 
Kyrie   eleison.  Refectio  lactantium. 
Kyrie  eleison.  Consolatio  pupillorum. 
Christe  eleison.  Imago  Genitoris. 
Christe  eleison.  Abolitio  facinoris. 
Chrisie eleison.  Restauratio  psalmatis. 
Kyrie  eleison.  Fornax  charitatis. 
Kyrie  eleison.  Plénitude  probitatis. 
Kyrie  eleison. 

Gerbert  (1.  II,  c.  i)  de  Cantu  et  Musica  sacra,  cite  encore  cet 
autre  : 

Kyrie,  magne  Deus  potenti3e,liberator  hominis  transgressons  mandati, 

eleison. 
Christe,  sumrai  Patris  hostia,  nostra  salus  et  vita,  eleison. 
Kyrie,  Homo  natus  Emmanuel  hic  restaura  quœ  Adam  primus  homo 

perdidit,  e/ezson. 


DU    CHANT    ECCLÉSIASTIQUE.  263 

g  5.  —  Da  chant  de  /'Ile  missa  est  et  du  Benedicaraiis  Domino. 

Le  Dïrectorïnm  chori  indique  le  chant  liturgique  de  Vite  missa  est 
et  du  Benedicainus  Domino  suivant  les  différentes  fêles.  Ce  chant  est 
généralement  le  môme  que  celui  du  Kyrie  eleison.  Le  Benedicainus 
Domino  des  laudes  et  des  vêpres  se  chante  aussi,  en  règle  générale, 
sur  le  même  rythme  que  Vite  missa  est  ouïe  Benedicamus  Domino  de 
la  messe  à  laquelle  correspond  l'office  que  l'on  cliante.  Nous  disons  ce- 
pendant généralement,  en  règle  générale  :  celte  règle,  en  effet,  souffre 
quelques  exceptions.  Le  chant  de  Vite  missa  est  et  celui  du  Benedica- 
mus Domino  indiqué  pour  les  grandes  solennités,  ne  correspond  à  au- 
cun chant  du  Kyrie  eleison;  le  Directorium  chori,  toutefois,  l'indique 
avec  cette  réserve  :  Tamen  Romana  Ecclesia  non  solet  uti  simili  tono 
commnniter.  Le  chant  de  Vite  missa  est  et  du  Benedicamus  Domino 
de  la  semaine  de  Pâques  ne  peut  correspondre  à  aucun^  et  celui  des 
fêles  simples  et  des  fériés  n'a  pas  de  rapport  avec  le  Kyrie  eleison.  Un 
Benedicamus  Domino  spécial  se  trouve  aussi  dans  le  Missel  pour  les 
dimanches  de  l'Avent  et  du  Carême  (1)  ;  mais  il  correspond  à  un  chant 
du  Kyrie  eleison  usité  en  certaines  églises  de  Rome  pour  ces. diman- 
ches ;  le  Directorium  indique  le  Benedicamus  sur  le  chant  du  Kyrie 
eleison  des  dimanches. 

Il  suffit  de  jeter  un  coup  d'œil  sur  le  Directorium  chori  pour  com- 
prendre ce  rapport.  C'est  pour  la  même  raison  que  le  Benedicamus 
Domino  corrélatif  au  Kyrie  eleison  des  dimanches  pendant  l'année  est 
indiqué  aux  vêpres  pour  les  dimanches  de  l'Avent  et  du  Carême.  On 
suppose,  en  effet,  comme  nous  l'avons  observé  ci-dessus,  que  c'est 
aussi  le  chant  du  Kyrie  eleison.  Cette  indication  paraît  donc  exclure  les 
seuls  chants  chants  liturgiques  des  Benedicamus  Domino  différents  de 
celui-ci,  et  non  les  chants  non  liturgiques  ou  ad  libitum  ;  et  si  l'on 


(1)  Nous  l'avious  doané,  t.  i,  p.  238,  comme  appartenant  exclusive- 
ment à  la  Messe.  De  nouvelles  reclierches  nous  ont  fait  modiûer  ce 
seutiment.  Il  conviendrait  aussi  aux  Vêpres  et  aux  Laudes. 


20/i  LITURGIE. 

adopte  un  chant  spécial  du  Kyrie  eleison  en  usage  pendant  ce  temps  de 
l'année,  il  est  rationnel  de  chanter  le  Benedicamns  de  la  messe  et  des 
vêpres  sur  ce  chant  du  Kyrie  eleison.  De  même^  on  pourrait  chanter 
Vite  missa  est  et  le  Benedicamus  sur  le  chant  de  chacun  des  Kyrie  non 
liiurgiques.  Cette  manière  de  faire  paraît  conforme  aux  règles  tradition- 
nelles, quoique  les  chants  non  liturgiques  ne  puissent  jamais,  à  propre- 
ment parler,  être  soumis  à  des  règles  invariables. 

P.  R. 


QUESTIONS   LITURGIQUES. 


Des  Rubriques  de  la  sainte  Messe. 

1.  Est-il  convenable  de  poser  sur  le  coin  de  Vanlel  le  tnanuterge  qui, 
dans  certaines  églises,  est  attaché  à  la  nappe  et  y  demeure  suspendu,  1 
— 2.  Est-il  obligatoire  de  sonner  la  clochette  au  Sanctus  et  à  l'élé- 
vation, même  quand  il  n'y  a  point  d'assistants"!  —  3.  Un  simple 
prêtre  peut-il  yorter  une  ceinture  comme  celle  de  l'Evêqv.e? — 

4.  Pendant  la  Messe  chantée  en  présence  du  très-saint  Sacrement 
exposé,  le  célébrant  et  les  ministres  sacrés  doivent-ils  s'asseoir  ou  se 
tenir  debout  pendant  le  chant  du  Gloria  in  excelsis  et  du  Credo?  — 

5.  Est-il  permis  de  chanter  0  Salutaris  ou  un  motet  après  l'éléva- 
tion ?  —  6.  La  Messe  Pro  sponso  et  sponsa  jouit-elle  de  quelque 
privilège  lorsqu'elle  n'est  pas  chantée  ? 

1.  Usage  de  mettre  lemanuterge  sur  l'autel.  Cet  usage,  outre  qu'il 
est  fort  peu  convenable,  est  contraire  à  la  rubrique  du  Missel  (part.  i. 
tit.  XX  :  « Ab  eadem  parte  epistolae. . .  ampullae  vitreae  vini  et  aqufe ,  cum 
a  pelvicula  et  manutergio  mundo  in  fenestella,  seu  in  parva  raensa  ad 
«  haec  pra?parata.  Super  altare  nihil  omnino  pouatur,  quod  ad  Missae 
«  S3crificium  vel  ipsius  altaris  ornalura  non  perlineat.  » 

2.  Obligation  de  sonner  la  clochette.  Le  son  de  la  clochette  pendant 
la  sainte  Messe  a  pour  but  unique  de  donner  un  signal  aux  fidèles. 


LITURGIE.  266 

«  Ad  excitandos circumstantes,  dil Gavantus  (t.  i.  part.  i.  tit.  XX,  1. c), 
0  ad  laelitiam  exprimendam  et  ad  cultum  sanctissimi  Sacramenti  adhi- 
«  betur  campaniila.  »  Les  autres  auteurs  s'expriment  à  peu  près  de  la 
même  manière.  11  paraît  donc  naturel  de  supprimer  le  son  de  la  clo- 
chette, s'il  n'y  a  point  d'assistants  et  s'il  n'y  a  pas  lieu  de  donner  un 
signal  De  plus,  toutes  les  fois  qu'il  n'y  a  pas  de  signal  à  donner,  les 
auteurs  et  même  la  Sacrée  Congrégation  des  Rites  enseignent  qu'on  ne 
doit  pas  sonner  la  clochette.  Ainsi,  on  supprime  le  son  de  la  clo- 
chette pendant  qu'on  célèbre  un  office  au  chœur,  au  moins  en  certaines 
circonstances,  d'après  la  décision  suivante.  Question  :«  Exposito  in  S. 
a  R.  C.  ecclesiam  collegiatam  civitatis  Senarum  habere  chorum  adeo 
«  subjeclum  oculis  populi,  et  tali  loco  positum,  ut  canonici  dicto  choro 
«  pro  divinis  celebrandis,  et  praecipue  Missae  cantatse  assistentibus, 
«  omnino  altaria  ejusdem  collegiatae  pernecesse  inspiciantur,  et  exposito 
«  quoque  tempore,  quo  canonici  choro,  ut  supra,  assistunt ,  con- 
a  suevisse  in  dictis  altaribus  celebrari  Missas  privatas  et  sine  scandalo 
a  prohiber!  non  posse  :  ideo  supplicatum  fuit  pro  declaratione  :  an  ipsi 
€  canonici  in  elevationibus  quae  fiunt  in  Missis  privatis,  genuflecte  re 
a  teneantur  ?  »  fle'powse.  «  Non  esse  genuflectendum,  ne  sacra,  quibus 
a  assistunt,  per  actum  privâtum  interrumpantur,  sed  ad  evitandum 
0  scandalum,  quod  in  populo  et  adstantibus  causari  posset  ob  non  ge- 
a  nuflexionem,  esse  omittendara  pultationem'çampanulse  in  elevatione 
«  Sanctissimi,  in  dictis  Missis  privatis.  »  (Décret  du  5  mars  1667, 
n°  2397.)  On  supprime  encore  le  son  de  la  clochette,  en  règle  géné- 
rale, quand  le  Saint-Sacrement  est  exposé  :  il  est  inutile  alors,  en  effet, 
d'avertir  les  fidèles  d'adorer  le  très-saint  Sacrement:  «  Nelle  Messe 
«  private,  dit  l'Instruction  clémentine,  che  si  celebreranno  durante  l'es- 
«  posizione,  non  si  suoni  il  campanello  ail'  elevazione.  »  Cavalieri, 
commentant  ce  passage,  dit  :  «  Ex  riibricarum  praescripto  minister 
«  intra  Missam  bis  campanulam  puisât:  primo  nempe  ad  Sanctus,  ad 
«  excitandos  adstantium  animos  ad  proxima  mysteria,  et  secundo  ad 
«  elevationem  SS.  Sacramenti,  ut  fidèles  commonefiant  ad  illud  ado- 
«  randum.  Quoties  Sacramentum  est  in  altari  patenter  expositum, 
«  ejusmodi  signa  ad  elevationem  (a  fortiori  utique  etiam  ad  Sanctus, 
«  etsi  hujus  instructio  minime  meminerit)  dari  interdicuntur.  »  L'au- 
teur ajoute  que  l'instruction  disant  A^e/ie  Messe  private,  la  règle  en 
question  n'a  pas  son  application  aux  Messes  solennelles.  Gardellini 
combat  cette  assertion  et  témoigne,  à  cette  occasion,  de  l'usage  existant 
à  Rome  de  ne  pas  sonner  au  Sanctus  de  la  Messe  solennelle,  puisque 
le  chant  du  Sanctus  est  un  signal  suffisant.  On  le  fait  cependant,  dit  • 


266  LITURGIE. 

il,  aux  Messes  de  Requiem,  auxquelles  on  ne  touche  pas  l'orgue.  •  Non 
«  erat,  dit-il  (n"  5),  cur  instructio  etiara  Missas  solemnes  commemo- 
t  raret,  pro  quibus  Rubrica  non  jubet,  ul  in  privatis,  eadera  pulsari 
«  ad  finem  praefationis,  et  ad  elevationem  Sacramenli.  Romae  saltera 
a  in  majoribus  ecclesiis  obtinet  raos  etiam  non  pulsandi,  praeterquara 
«  in  Missis  soleninibus  pro  defunctis  :  gravis  organorum  sonitus  supplet 
«  vices  tinlinnabuli,  et  populi  adslantis  excitât  attentionem.  »  On  voit 
par  là  que  le  son  de  la  clochette  est  supprimé  toutes  les  fois  qu'il  n'y 
a  pas  lieu  de  donner  un  signal.  Or^  quand  il  n'y  a  pas  d'assistants, 
c'est  le  cas,  ou  jamais. 

3.  Usage  de  [a  ceinture  pour  un  simple  prêtre. 

Pour  répondre  à  cette  question,  il  faut  observer  d'abord  que  les 
ornements  de  l'évêque  ne  sont  pas  différents  de  ceux  du  simple  prêtre, 
et  en  particulier  nous  voyons  dans  le  (Cérémonial  des  évêques  (1.  ii,  c. 
VIII,  n,  15)  la  ceinture  ou  cordon  de  l'évêque  désigné  par  le  mot 
dngnlwn  comme  la  ceinture  ou  cordon  du  prêtre  dans  la  rubrique  du 
Missel.  Cet  ornement  peut  être  en  fil  ou  en  soie,  mais  il  est  mieux  qu'il 
soit  en  fil.  11  peut  être  blanc  ou  de  la  couleur  des  ornements.  Ces 
règles  sont  exprimées  dans  deux  décrets  de  la  Sacrée  Congrégation. 

J"'  DÉCRET.  Question,  a  An  sacerdotes  in  sacrificio  Missas  uli  pos- 
((  sint  cingulo  serico  ?  »  Réponse,  u  Congruentius  uti  cingulo  lineo.  » 
(Décret  du  22  janvier  1701,  n"  3573,  q.  7.) 

2^  DÉCRET,  Question.  «  An  cingulum,  tertium  indumentum  sacer- 
«  dotale,  possit  esse  coloris  paramentoruni  ;  an  necessario  debeat  esse 
«  album?  »  Réponse.  «  Posse  uti  cingulo  colore  paramenlorum.  » 
(Décret  du  8  juin  1709,  n°  3809,  q.  4.) 

Aucune  règle  positive  ne  détermine  la  forme  de  cet  ornement.  Mais, 
s'il  est  permis  de  faire  usage  d'une  ceinture  en  soie  de  plusieurs  doigts 
de  largeur,  on  ne  peut  le  tolérer  pour  les  simples  prêtres  :  un  prêtre, 
en  effet,  ne  peut  avec  une  pareille  ceinlure  observer  la  rubrique  du 
Missel,  qui  prescrit  de  mettre  le  cordon  après  l'aube,  puis  le  manipule, 
puis  l'étole  qu'il  faut  croiser  et  assujettir  avec  les  extrémités  du  cordon. 
Il  faudrait  alors  mettrel'étole  avant  la  ceinture,  ou  bien  comme  il  arrive 
parfois,  mettre  à  la  fois  le  cordon  et  la  ceinture. 

4.  Usage  de  la  banquette  à  la  Messe  chantée  en  présence  du  Saint- 
Sacrement  exposé. 

D'après  la  rubrique  du  Cérémonial  des  évêques,  il  est  louable  de  ne 
pas  s'asseoir  au  chœur  pendant  que  le  saint  Sacrement  est  exposé,  mais 
on  peut  le  faire.  Au  chapitre  qui  traite  de  la  fête  et  de  l'octave  du 
saint  Sacrement,  nous  lisons  cette  rubrique  (1.  ii.  c.  xxxiii,  n.  33)  : 


LITURGIE.  267 

«  Et  quia  solitum  est  per  totam  hanc  oclavam  ponere  super  altare 
«  tabernaculum  cum  SS.  Sacramento  discooperto,  dum  Vesperae  etOffi- 
«  cia  divina  r6citantur,ad  quœ  magna  populi  frequentia  solet  accedere, 
«  conveniens  esset,  ut  ob  reverentiani  tanti  Sacramenti,  tam  Episco- 
«  pus,  quam  canonici,  et  onines  praesentes,  et  in  choro  assistentes, 
«  durante  officio  starent  semper,  capiledeteclo,  et  nunquam  sederent; 
«  quod  si  ob  iongitudinem  officii  praestare  non  poterunt,  non  omiltant 
«  saltem  in  signum  reverenliae  détecte  capite,  existente  SS.  Sacra- 
«  mento  super  altari,  divinis  Officiis  assistere.  »  Les  ministres  sacrés, 
comme  on  le  voit  par  tout  l'ensemble  des  règles  liturgiques,  se  confor- 
ment toujours  au  chœur  quand  ils  ne  sont  pas  occupés;  il  y  a  donc  pour  eux 
liberté  comme  pour  les  autres.  D'après  les  auteurs,  ils  ne  s'asseyent  pas 
pendant  le  Kyrie  eleison.  Le  chœur  pourrait  aussi  rester  debout 
à  certains  moments  où  il  ne  s'assied  que  pour  peu  de  temps  aux 
autres  messes  et  offices,  comme  pendant  le  chant  de  l'antienne  de  la 
communion,  pendant  le  chani  de  l'antienne  de  Magnificat,  etc. 

2°  S'il  n'était  pas  permis  au  célébrant  et  à  ses  ministres  de  s'asseoir  à 
cette  Messe,  on  ne  lirait  pas  dans  l'Instruction  clémentine  (§  xxv)  que 
leur  siège  doit  être  une  banquette  :  «  Il  célébrante  non  dovra  usare  la 
«  sede  camerale,  secondo  il  décrète  délia  sacra  Congregazione  de  riti, 
«  ma  un  banco  ...  in  cui  sederà  insieme  coUi  minisiri  sacri.  »  Après 
avoir  observé  que  celte  règle  est  commune  à  toutes  les  Messes,  Gardel- 
lini  passe  à  la  question  présente  et  s'exprime  comme  il  suit(n.  4,  Set  6). 
«  Ex  ea  autem  instructionis  sanctione  circa  scamnum  praeterea  colligi- 
«  mus  célébrantes  juxta  solitum  sedere  posse  ad  hymnum  angelicum 
«  et  symbolum.  »  L'auteur  ajoute  que  le  texte  du  Cérémonial  des  évo- 
ques (1. 1,  c.  XII,  no  9  )  qui  prescrit  à  l'Évêque  de  rester  debout  et  dé- 
couvert en  présence  du  saint  Sacrement,  s'applique  au  jeudi  et  au  ven- 
dredi saints  et  à  la  Messe  de  la  fête  du  très-saint  Sacrement,  et  dans  ces 
jours  le  saint  Sacrement  n'est  pas  exposé  pendant  le  chant  du  Gloria  in 
excelsis  et  du  Credo.  Passant  au  texte  du  Cérémonial  des  évêques  cité 
plus  haut,  il  fait  observer  qu'il  n'est  pas  préceptif.  Enfin,  dit-il,  les 
rubricistes  n'en  ont  jamais  fait  une  règle  particulière. 

5.  Chant  d'une  strophe  ou  d'un  motet  après  l'élévation. 

Cette  pratique  est  autorisée;  mais  ce  motet  se  chante  pendant  l'élé- 
vation et  doit  être  fort  court  pour  permettre  qu'on  puisse  chanter  ou 
au  moins  réciter  Benedictus  qui  venit. 

La  première  partie  de  cette  règle  est  appuyée  sur  cette  décision. 
Question.  «  An  in  elevatione  SS.  Sacramenti  in  Missis  solemnibus 
«  cani  possit  Tantum  ergo  vel  aliqua  antiphona  tanti  Sacramenti  pro- 


268  LITURGIE. 

a  pria  ?  »  Réponse.  «  Affirmative,  et  amplias.  »  (Décret  du  14  avril 
1753,  n"  4233,  q.  6.) 

La  seconde  repose  sur  le  décret  suivant  :  Question.  «  Ubi  cantus 
c(  chori  non  producitur  usque  ad  elevationera  Hostiae,  Benedictus  qui 
a  venil  canlari  débet  post  elevationem,  an  immédiate  post  priraum 
((  Hosannainexcelsîs  '^r) Réponse.  «  Gantari  débet  post  elevationem.  » 
(Décret  du  12  novembre  1831,  n°  4669,  q.  33.) 

6.  Privilège  de  la  Messe  de  mariage. 

La  Messe  de  mariage  jouit  du  privile'ge  de  pouvoir  être  célébrée  dans 
les  fêtes  doubles  majeures  et  au-dessous,  sauf  les  fêtes  de  précepte.  11 
n'est  pas  nécessaire  qu'elle  soit  chantée,  et  môme  plusieurs  auteurs 
soutiennent  qu'on  ne  devrait  pas  la  chanter.  On  peut  voir  ce  que  nous 
avons  dit  sur  ce  point  t.  m  de  cette  Revue,  p.  353  ss. 

P.  R. 


QUESTION  DE  THÉOLOCxIE  MORALE. 


Un  prêtre  peut-il  absoudre  avec  une  juridiction  probable^ 
en  supposant  que  l'Eglise  supplée? 


On  nous  propose  diverses  questions  de  théologie  morale  dont  nous 
nous  occuperons  d'autant  plus  volontiers  que  nous  croyons  obliger,  en 
les  traitant,  un  grand  nombre  de  nos  lecteurs.. 

Celle  que  nous  abordons  aujourd'hui  offre  un  intérêt  pratique  in- 
contestable. D'après  le  sentiment  de  plusieurs  théologiens,  dit  saint 
Alphonse  de  Liguori,  un  prêtre  peut  absoudre  avec  une  juridiction 
probable,  et  cette  opinion  est,  à  leur  avis,  la  plus  commune:  «  Hanc 
senlentiam  vacant  communissimam  »  (S.  Lig.,  I.  i,  n.  50).  Cependant 
saint  Liguori  lui-même  enseigne  ailleurs  que  tout  cela  n'est  point 
permis,  à  moins  qu'une  cause  juste  et  raisonnable  n'intervienne  (lib.  vi, 
t.  4,  cap.  2,  n.  573).  Tel  est  aussi  le  sentiment  du  P.  Gury  qui 
ajoute:  «  Hxc  senteniiain  praxi  omnino  tenenda  videtur.  »  {Compen- 
dium,  t.  II,  n.  423.) 

Nous  adoptons  volontiers  cette  conclusion,  et  nous  souscrivons  à 
toutes  les  raisons  graves  communément  assignées  par  les  auteurs  pour 
que  l'usage  d'une  juridiction  probable  soit  réputé  juste  et  légitime. 
Mais  s'il  nous  est  ainsi  démontré  d'une  part  qu'il  ne  faut  point  légère- 
ment présumer  de  la  bonté  de  l'Église,  et  de  l'autre  que  dans  certains 
cas  spécifiés  il  peut  être  permis  d'agir,  nous  ne  voyons  pas  cependant 
que  cela  nous  donne  une  règle  de  conduite  sûre,  universelle  et  pra- 
tique, telle  que  la  science  théologique  l'exige.  Car  si  la  théologie  mo- 


270         QUESTION  DE  THÉOLOGIE  MORALE. 

raie  est  une  science,  elle  doit  avoir,  comme  toute  autre  science,  ses 
principes,  ses  preuves  et  ses  conclusions,  qui  nous  tracent  des  régies 
sûres  et  répondent  à  tous  les  problèmes  qui  s'agitent  dans  sa  sphère. 

Nous  voulons  donc  essayer  de  ramener  cette  question  à  son  expres- 
sion la  plus  véritable,  en  nous  demandant  d'abord  en  quel  sens  il  est 
permis  de  suivre  une  opinion  probable,  et  en  examinant  ensuite,  au 
point  de  vue  positif,  ce  que  l'Église  permet  de  présumer  en  pareille 
circonstance. 

1.  Or,  tout  le  monde  est  obligé  de  convenir  qu'il  n'est  pas  plus 
permis  de  suivre  une  opinion  probable  à  cause  de  sa  seule  probabilité, 
qu'il  n'est  possible  de  construire  un  édifice  solide  sur  une  base  chan- 
celante et  ruineuse.  L'homme  a  nécessairement  besoin  pour  agir 
dans  les  cas  difficiles,  où  la  certitude  lui  échappe,  d'une  règle 
qui  le  rassure  du  moins  sur  la  valeur  morale  de  ses  actions.  Apud 
omnes  mconcussum  est,  dit  Muzzarelli,  qiiod  uUmum  didamen  pra- 
cticum  ex  quo  conscicntia  detenninatur  ad  hk  et  mine  agendum 
débet  esse  moraliler  certum  (I).  Mais  cette  règle  sûre  où  la  pren- 
drons-nous ?  Ce  n'est  pas  la  probabilité,  à  quelque  degré  qu'on  la 
conçoive,  qui  pourra  nous  la  fournir,  puisque  de  sa  nature  la  probabi- 
lité n'exclut  jamais  la  crainte  de  se  tromper,  formidinem  opposili. 
Il  faut  donc,  afin  de  pouvoir  agir  sans  crainte,  un  motif  déterminant 
conseillé,  comme  dit  Benoît  XIV,  par  la  raison  et  confirmé  par  l'auto- 
rité (1),  lequel  nous  rende  moralement  certains  que  nous  ne  faisons 
pas  mal  en  suivant  telle  ou  telle  opinion  probable.  Et  c'est  dans  ce 
sens  seulement,  qu'il  faut  entendre  celte  règle  du  droit  si  connue  et 
souvent  si  mal  appliquée:  Qui  probahUUer  agit  prndenter  agit.  Suivre 
une  opinion  probable  rien  que  parce  qu'elle  est  probable,  ce  n'est  pas 
de  la  prudence,  c'est  un  abus;  mais  suivre  une  opinion  probable 
quoique  seulement  probable,  lorsqu'on  ne  peut  dans  tel  cas  donné 
arriver  à  la  certitude  et  qu'on  a  d'ailleurs  quelques  bonnes  raisons  de 
croire  que  l'on  ne  commettra  point  de  péché,  c'est  encore  agir  proba- 
biliter,  mais  c'est  agir  avec  prudence,  piiidenter. 

Tels  sont  les  principes  d'où  nous  concluons  qu'il  n'est  point  permis 
à  un  prêtre  d'absoudre  avec  une  juridiction  probable,  s'il  n'a  pas  des 
motifs  sûrs  de  croire  qu'il  ne  commet  point  de  péché  en  agissant. 

Or,  peut-on  légitimement  présumer  que  l'Église  supplée  lorsqu'on 
agit  avec  une  juridiction  probable,  et  cette  présomption  est-elle  un 

(1)  Muzz.  Régula  opinionum  moral. 

(3)  Quod  suadet  ratio  ac  firmat  aucloritas.  Bened.  Xiv,  C.  Apostolica, 
t.  m,  n.  19,  §21. 


QUESTION  DE  THÉOLOGIE  MORALE.         271 

motif  déterminant  assez  sur  pour  autoriser  un  prêtre  à  en  faire  usage  ? 
C'est  ce  qu'il  faut  encore  examiner. 

II.  Il  existe  parmi  les  théologiens  trois  opinions  diverses  toutes 
également  atfirmatives  sur  ce  point.  Les  uns  autorisent  la  présomption 
en  invoquant  la  coutume  généralement  reçue  dans  l'Eglise  et  en  s'ap- 
puyant  sur  le  G.  CoDtingat,  de  Foro  compelenti,  avec  cette  glose  qui 
l'accompagne  :  Qiiod  consiietudo  dat  jurisdictionem .  Or,  ce  motif  nous 
paraît  peu  fondé,  par  la  raison  d'abord  que  l'universalité  de  cette  cou- 
tume n'est  pas  suifisamment  démontrée,  et  ensuite  parce  que  la  dé- 
crétale  s'énonce  elle-même  d'une  manière  si  dubitative,  qu'elle  semble 
plutôt  vouloir  poser  la  question  que  la  résoudre  :  Nisi  forte,  dit-elle, 
hi  quibus  delinquentes  ijm  deserviunt  ex  indulgentia  vel  consueUidine 
speciali  jurisdictionem  hujusmodi  valeant  vindicare.  D'autres  pensent 
que  l'Église  supplée  toujours  comme  une  bonne  et  tendre  mère  à  l'in- 
digence de  ses  enfants  lorsqu'il  y  a  erreur  commune,  et  ils  veulent 
justifier  leur  opinion  en  s'appuyant  sur  la  première  proposition  con- 
damnée par  Innocent  XI  :  Non  est  illicitum  in  sacramenlis  conferendis 
nii  opinione  probabili  de  valore  sacramcnti  tïisi  id  vetat  lex,  con- 
ventio,  aut  periculum  gravis  datnni  incnrrendi.  Hinc  sentenlia  pro~ 
babili  tantum  utendum  non  est  in  collatione  baptismi,  ordinis  sacer- 
dotalis  vel  episcopalis.  Cette  proposition,  disent-ils,  ne  concerne  que 
des  points  auxquels  l'Église  ne  peut  rien  changer,  tandis  qu'il  en  est 
tout  autrement  de  la  juridiction,  sur  laquelle  l'Église  a  des  droits  qui 
lui  permettent  de  suppléer  comme  elle  le  juge  convenable.  Mais  ce 
second  sentiment  n'établit  pas  mieux  ses  preuves  en  faveur  de  la  pré- 
somption que  le  premier.  Il  ne  suftU  pas,  en  effet,  que  l'Église  ait  le 
pouvoir  de  suppléer,  ni  qu'elle  aime  tendrement  les  âmes  pour  qu'il 
nous  soit  aussitôt  permis  de  conclure  qu'elle  supplée  en  effet,  ou  qu'elle 
autorise  en  suppléant  la  pratique  qu'on  invoque.  Aussi  de  graves  au- 
teurs, tels  que  Busenbaum,  que  saint  Liguori  cite  avec  éloge  et  qui 
est  encore  aujourd'hui  suivi  comme  auteur  classique  au  Collège  ro- 
main, ont-ils  pensé  que  l'Église  exposerait  les  âmes  et  encouragerait 
bien  des  abus  si,  pour  cause  de  simple  erreur  commune,  elle  per- 
mettait de  présumer  qu'elle  supplée  à  une  juridiction  probable. 

C'est  pourquoi  d'autres  théologiens  en  grand  nombre  et  d'une 
grande  autorité,  enseignent  comme  opinion  certaine  que  l'Église  ne 
supplée  que  dans  le  cas  d'erreur  commune  avec  titre  coloré.  Mais  il 
faut  s'entendre.  La  question  n'est  point  de  savoir  ici  si  l'Église  supplée 
en  faveur  des  fidèles  qui  se  trompent  de  bonne  foi,  en  s'adressant  à  un 


272  QUESTION  DE  THÉOLOGFE  MORALE. 

prêtre  qui  n'a  qu'une  juriiliction  probable  ;  mais  on  veut  s'assurer  si 
le  prêtre  qui  n'a  qu'une  juridiction  probable  peut  tranquillement  pré- 
sumer que  l'Égiise  supplée  à  ce  qni  peut  lui  manquer  de  ce  côté  ?  La 
question  est  différente^  et  nous  pensons  que  saint  Liguori  a  raison 
quand  il  exige,  comme  nous  l'avons  \u,  qu'il  y  ait  nécessité  grave  ou 
grande  utilité,  sentiment  qui  nous  semble  devoir  être  adopté  dans  la 
pratique,  comme  étant  le  seul  conforme  à  une  célèbre  décision  de  Be- 
noît XIV,  et  à  la  pratique  des  Congrégations  romaines. 

Benoît  XIV,  encore  archevêque  de  Bologne,  fut  un  jour  informé  par 
un  vicaire  forain  que  certains  prêtres  venus  d'un  diocèse  voisin  où  ils 
avaient  été  approuvés,  s'étaient  permis  de  confesser  à  Bologne  sans 
avoir  préalablement  demandé  la  permission,  et  que  des  prêtres  mêmes 
du  diocèse  dont  la  juridiction  était  périmée,  en  avaient  fait  autant.  Il 
répondit  que  tous  ces  prêtres  avaient  mal  fait,  et  qu'ils  méritaient  une 
sévère  punition.  Puis  il  rapporta,  îi  l'appui  de  sonjugement,  la  décision 
suivante  de  la  Congrégation  du  Concile. 

A  l'occasion  d'un  grand  Jubilé,  dit-il,  trois  religieux  de  Padoue 
avaient  confessé  publiquement  sans  avoir  été  ni  approuvés,  ni  autorisés 
par  l'évêque.  Le  prélat  les  ayant  fait  venir  pour  s'informer  de  la  raison 
de  leur  conduite,  ils  répondirent  qu'ils  avaient  agi  de  la  sorte  en  verlu 
d'une  opinion  probable,  l'un  parce  qu'il  était  prélat  régulier,  l'autre  pour 
avoir  été  approuvé  dans  un  autre  diocèse,  le  troisième  parce  qu'il  avait 
été  autrefois  approuvé  dans  le  diocèse  même  de  Padoue.  L'évêque  ju- 
geant cette  conduite  opposée  aux  Constitutions  apostoliques  d'Urbain 
VIII,  d'Innocent  X,  d'Alexandre  VII,  de  Clément  X,et  de  Grégoire  XV, 
s'adressa  à  la  S.  Congrégation  du  Concile  et  demanda: 

1 .  Si  ces  religieux  avaient  confessé  licitement? 

2.  S'ils  avaient  confessé  validemeKtl 

La  Sacrée  Congr^ation,  en  date  du  il  décembre  1683,  répondit  : 
Ad  I.  Illicite. 
Ad  II.   Invalide. 

Elle  recommanda  toutefois  de  ne  pas  inquiéter  les  fidèles  qui  s'étaient 
confessés  de  bonne  foi  à  ces  religieux  ;  mais  de  faire  réitérer  la  con- 
fession à  tous  ceux  qui  auraient  reconnu  leur  erreur  ou  conçu  des  doutes 
sur  la  validité  de  leur  absolution  (I). 

Giraldi  rapporte  un  cas  semblable  proposé  en  1760,  par  l'évêque 
d'Hildesheim,  à  la  même  Congrégation  : 

(1)  Bened.  xiv.  histit.  84,  n.  14. 


QUESTION  DE  THÉOLOGIE  MORALE.  273 

i .  An  confessiones  faclaî  a  Uegularibus  sacerdoti  simplici  (non 
approbato)  etiam  de  licentia  suorum  Superiorum /ici/a;  sinl? 

2.  An  ignorante  Episcopo  validas  fuerint? 

3.  An  Episcopo  scientc  et  contradicente  in  posterum  peragendse 
validae  futurae  sint  ? 

La  Sacrée  Congrégation  répondit  :  Négative  in  amnibus  (1). 

Ces  décisions  nous  démontrent  clairement  que  si  l'Église  fait  quel- 
quefois des  réserves  dans  Tintérêt  des  âmes  et  au  profit  de  la  bonne 
foi,  elle  n'entend  autoriser  ni  prescription,  ni  coutume,  ni  arbitraire 
en  faveur  des  ministres  du  sacrement  de  Pénitence,  et  elle  exige  de  ses 
prêtres  qu'ils  n'usent  d'une  juridiction  probable  que  pour  des  motifs 
justes  et  légitimes.  Hinc  non  prxstimilur  Ecclesia,  dit  saint  Liguori , 
velle  connivere  merx  libertati  sacerdotum  (2) . 


P.  P.  Armand. 


(1)  Giraldi,  Expositio  juris  pontif,,  p.  Il,  lect,  105. 

(2)  S.  Lig.  1.  VI,  t.  4,  u.  573. 


Revue  des  Sciences  ecclésiastiques,  t.  ix. 


18 


DU  DOMICILE 
Requis  par  rapport  au  mariage. 


«  N...,  désirant  (épouser  sa  belle-sœur,  va  dans  un  diocèse  étran- 
«  ger  (son  évéquc  se  refusant  à  solliciter  à  Rome  la  dispense  néces- 
a  saire)  ;  il  y  passe,  ainsi  que  sa  future,  six  ou  sept  mois.  En  arrivant 
«  dans  la  paroisse,  ils  ont  soin  d'aviser  M.  le  curé  du  lieu  qu'ils 
«  viennent  s'y  fixer  provisoirement  avec,  l'intention  de  contracter  ma' 
a  riage,  et  de  rentrer  ensuite  dans  leurs  foyers.  Six  ou  sept  mois 
a  s'étarit  écoulés,  l'évêquedu  lieu,  à  qui  M.  le  curé  a  expliqué  l'affaire 
«  en  question,  l'ecourt  à  Rome.  La  dispen^^e  est  accordée  ;  le  mariage 
«  se  conclut.  En  se  fixant  dans  le  nouveau  diocèse  avec  l'intention  de 
(I  le  q^litter  après  avoir  contracté  mariage,  onl-ils  acquis  un  vrai  do- 
rt micile?  Le  mariage  est-il  valide  aux  yeux  de  la  conscience?  » 

Le  mariage  dont  il  s'agit  dans  la  consultation  qui  précède  est  valide 
et  licite. 

Le  seul  point  qui  puisse  faire  difficulté  en  apparence,  c'est  la  ques- 
tion de  domicile,  transféré  provisoirement  et  in  fraudejnàans  une 
autre  paroisse,  pour  échapper  à  l'autorité  ecclésiastique  du  lieu  précé- 
demment habité. 

Or,  pour  contracter  validement  et  licitement  mariage,  outre  le  rfo- 
micile,  outre  le  quasi -domicile,  qui  suffisent  pleinement,  il  y  a  encore 
la  simple  habitation,  qui  suffit  de  même. 

Cette  simple  habitation  doit  être  un  séjour  réeleA  actuel  d'au  moins 
un  mois.  Après  un  mois,  elle  est  acquise. 

Quant  à  l'intention,  il  sutTit  qu'on  veuille  habiter,  résider  hic  et 
nunc.  11  n'est  pas  requis  de  vouloir  rester  une  majeure  partie  de  l'an- 
née. 11  n'est  pas  requis  non  plus  de  ne  pas  avoir  l'intention  d'échapper 
à  son  curé.  Par  conséquent,  si  l'on  se  rend  dans  une  province  étrangère, 
avec  l'intention  de  l'habiter  réellement,  mais  provisoirement,  quand  ce 


CONSULTATION.  275 

serait  dans  l'intention  expresse  d'échapper  à  son  curé,  après  un  séjour 
d'nn  mois,  on  peut  contracter.  Le  mariage  est  alors  valide  si  vere 
transférai,  etsi  in  fraudem  prioris  parochi,  dit  saint  Liguori,  qui  s'ap- 
puie sur  l'autorité  de  Lacroix,  Fagnan,  Sanchez,  Barbosa  et  autres. 
(Lib.  Vf,  tract,  vi,  De  Mairim.,  n"  1086.) 

Saettler  {Theologia  moral,  univ.,  tom.  iv,  p.  505,  erfi^.  Gratianop. 
1841)  cite,  d'après  Fagnan,  une  réponse  de  la  Sacrée  Congrégation  du 
Concile  entièrement  conforme  au  cas  qui  nous  occupe. 

«  Cum  vir  et  mulier  Trajectenses,  ûmentes  impedimentum  a  paro^ 
«  cho,  ad  vicinara  urbem  Aquisgranensem  se  contulissent,  et  ibi  ali- 
«  quandiu  morati  matrimonium  contraxissent,  S.  Congregatio  consulta 
«  super  validitate,  censuit  exprimendum  tempus  quo  contrahentes 
«  Aquisgrani  manserunt  :  quod  si  fuerit  saltem  unius  mensis,  dandara 
«  esse  decisionem  pro  validitate.  » 

Billuart,  Collet,  Benoît  XIV,  citent  cette  réponse.  La  Sacrée  Con- 
grégation elle-même  y  a  renvoyé,  le  5  avril  1841,  pour  un  cas  pareil 
arrivé  dans  le  diocèse  de  Grenoble. 

Doù  Billuart,  Zamboni  et  Ssetller  tirent  cette  conclusion  :  Ad  ma- 
trimonium valide  ineundum  salis  esse,  lit  conjnges  unius  saltem  men- 
sis spatio  habilaverint  in  loco  tibi  fuit  celebratum. 

11  serait  facile  de  citer  bien  d'autres  auteurs  ;  ceux  que  nous  venons 
de  nommer  suffisent. 

Les  époux  dont  il  s'agit  ont  donc  simplement  usé  d'un  droit  ;  ils  ont 
agi  validement  et  licitement. 

H.  Girard. 


BREF  DE  N.  S.  P.  LE  PAPE 

A   MONSEIGNEUR    l' ARCHEVÊQUE    DE  MUNICH, 


Sur  le  Congrès  des  Savants  catholîqnes  de  l'Allemagne, 
tenu  en  cette  ville  au  mois  de  septembre  1863. 


Venerabili  Fratri  Gregorio  archiepiscopo  Monacensi  et  Fmingensi. 

Plus  PP.  IX. 
Venerabilis  Frater,  salutem  et  apostolicani  benedictionem.  Tuas 
libenter  accepimus  litteras  die  7  proxime  elapsi  mensis  octobris 
datas ,  ut  Nos  cerîiores  faceres  de  conventu  in  ista  Monacensi 
civitate  iiroximo  mense  seplembri  a  nonnuUis  Gernianiai  iheologis, 
doctisque  calholicis  viris  habito  de  variis  arguraentis,  quae  ad  theo- 
logicas  praesertim  ac  pbilosophicas  tradendas  disciplinas  pertinent. 
Ex  litteris  libi  Noslro  jiissu  scriptis  a  Venerabili  Fratre  Matlbaso 
archiepiscopo  Neocaesariensi ,  Noslro  et  Apostolicœ  hujus  Sedis 
apud  islam  regiam  aulam  nuntio,  vel  facile  noscere  potuisti,  Vene- 
rabilis Frater,  quibus  Nos  sensibus  &ffecti  fuerimus,  ubi  primum  de 
hoc  proposito  conventu  nuntium  accepimus,  et  postquam  agnovimus 
quomodo  commemorati  theologi  et  viri  ad  hujusmodi  conventum  in- 
vitât! et  congregati  fuere.  Nihil  certe  dubitare  volebamus  de  laudabili 
fine,  quo  hujus  conventus  auctores  ffautoresque  permoti  fuere,  ut 
scilicet  omnes  calholici  viri  doclrina  praestantes,  collatis  consiliis,  con- 
junctisque  viribus,  germanam  calholicse  Ecclesiae  scientiam  promove- 
rent,  eamqiie  a  nefariis  ac  perniciosissimis  tôt  adversariorum  opinio- 
nibus  conatibusque  vindicarent  ac  defenderent.  Sed  in  hac  sublimi 
Principis  Apostolorum  cathedra,  licet  immerentes,  collocati  asperrimis 
hisce  temporibus  quibus  sacroruni  antistilum  auctoritas,  si  unquam 


BREF  DE  N.   S.  V.  LE  PAPE  277 

alias,  ad  unitatem  et  inlegritatem  catliolicae  doclringe  cuslodirndam 
vel  maxime  est  necessaria,  et  ab  omnibus  sarta  tecla  scrvari  débet, 
non  potuimus  non  vehemenler  mirari  videntes  memorali  conventiis  in- 
vitationem  privato  nomine  factam  et  promulgatam,  quin  uUo  modo  in- 
tercederei  impulsus,  auctoritas,  et  missio  ecclesiasticae  polestatis,  ad 
quam  proprio  ac  nalivo  jure  iinice  pertinet  advigilare  ac   dirigere 
theoiogicarum  praesertim  rerum  doctrinam.  Quae  sane  res,  ut  oplime 
noscis,   omnino  nova,   ac  prorsus  inusitala  in  Ecclcsia  est.    Atque 
idcirco  voliiimus,   te ,   Venerabilis    Frater ,   noscere  hanc  Nostram 
fuisse  sententiam,  ut  cum  a  te,  tum  ab  aliis  Venerabilibus  Fratri- 
bus  sacrorum   in   Germania   Antistitibus  probe  judicari    posset  de 
scopo  per  convenlus  programma  enunciato,  si  nempe  laiis  csset,  ut 
veram  Ecclesiae  utiliialem  afferret.  Eodem  autem  lempore  certi  eramus, 
te,  Venerabilis  Frater,  pro  pastorali  tua  sollicitudinc  ac  zelo   omnia 
consilia  et  sludia  esse  adhibiturum,  ne  in  eodem  conventu  tum  ca- 
tholicse  fidei  ac  doctrinae  integritas,  tum  obedientia,  quam  omnes  cu- 
jusque  classis  et  conditionis  catholici  homines  Ecclesiae  auctoritati  ac 
magisterio  praeslare  omnino  debent,vel  minimum  detrimentumcaperent. 
Ac  dissimulare  non  possumus,  non  le^ibus  Nos  angusliis  affectos 
fuisse,  quandoquidcm  verebamur,  ne  hujusmoili  conventu  sine  eccle- 
siastica  auctoritate  congregato  exemplum  praeberetur  sensim  usurpandi 
aliqiiid  ex  jure  ecclesiastici  regiminis  et  autbentici  magisterii,  quod 
divina  institutions  proprium  est  Romano  Pontifici,  et  episcopis  in  unione 
et  consensione  cum  ipso  S.  Pétri  successore,  atque  ita,  ecclesiaslico 
ordine  perturbato,  aliquando   unitas  et  obedientia  fidei  apud  aliquos 
iabefactaretur.  Atque  etiam  timebamus,  ne  in  ipso  conventu  quaedam 
enunciarenlur  ac  tenerentur  opiniones  et  placita,  quae  in  vulgus  prae- 
sertim  emissa,et  catliolicae  doctrinae  puritalem,et  debitam  subjectionem 
in  periculum  ac  discrimen  vocarent.  Summo  enim  animi  Nostri  dolore 
recordabamur,  Venerabilis  Frater,  banc  Apostolicam  Sedem  pro  gra- 
vissimi  sui  muneris  officio  debuisse  ultimis  hisce  teinporibus  censura 
notare,  ac  prohibere  nonnullorum  Germaniae  scripforum  opéra,  qui  cum 
nescirent  decedere  abaliquo  principio,  seu  methodo  falsae  scientiae,  aut 
hodiernae  fallacis  philosophiae,  praeter  voluntatem,  uti  confidimus,  in- 


278  BREF  DE  N.  S.   P.  LE  PAPE 

ducti  fuere  ad  proferendas  ac  docendas  doctrinas  dissenlientes  a  vero 
nonnullorum  sanctissimae  fidei  nostrae  dogmatum  sensu  et  interpreta- 
tione,  quique  errores  ab  Ecclesia  jam  damnatos  e  tenebris  excilarunt, 
et  propriam  divinae  revelationis  et  fidei  indolem  et  naturam  in  alienura 
omnino  sensum  explicaverunt.  Noscebaraus  etiam,  Venerabilis  Frater, 
nonnuUos  ex  catholicis,  qui  severioribus  disciplinis  excolendis  operam 
navant.humani  ingeniiviribus  nimium  fidenles.errorum  periculis  haud 
fuisse  absterritos,  ne  in  asserenda  fallaci  et  minime  sincera  scientiae 
libertate  abriperentur  ultra  limites,  quos  praetergredi  non  sinit  obe  - 
dientia  débita  erga  magisterium  Ecclesiae  ad  totius  revelatae  veritatis  in- 
tegritatem  servandam  divinitus  institutum.  Ex  quo  evenit,  ut  hujus- 
modi  catholici  misère  decepti  et  iis  saepe  consentiant,  qui  contra  bujus 
Apostolicae  Sedis  ac  Noslrarum.  Congregationum  décréta  déclamant,  ac 
blaterant  ea  liberum  scientiae  progressum  impedire,  et  periculo  se 
exponunt  sacra  illa  fragendi  obedientiae  vincula,  quibus  ex  Dei  volun- 
tate  eidera  Apostolicaibuicobstringuntur  Sedi,  quae  aDeo  ipso  veritatis 
magislra  et  vindex  fuit  constituta.  Neque  ignorabamus,  in  Germania 
etiam  falsam  invaluisse  opinionem  adversus  veterem  scholam,  et  adver- 
sus  doctrinam  summorum  illorum  doclorum,  quos  propter  admirabi- 
lem  eorum  sapieniiara  et  vitae  sanctitatem  universalisveneratur  Eccle- 
sia. Qua  falsa  opinione  ipsius  Ecclesiae  auctoritas  in  discriraen  vocatur, 
quandoquidem  ipsa  Ecclesia  non  solum  per  tôt  continentii  sœcula  per- 
misit,  ut  ex  eorumdem  doctorum  raethodo,  et  ex  principes  communi 
omnium  catholicarum  scholarum  consensu  sancitis  iheologica  excolere- 
tur  scienlia,  verum  etiam  sa3pissime  summis  laudibus  iheologicam  eo- 
rum doclrinam  extulit,  illamque  veluli  fortissimum  fidei  propugnacu- 
lum  et  formidanda  contra  suos  inimicos  armavehementercommendavit. 
Haec  sane  omnia  pro  gravissimi  supremi  nostri  Apostolici  rainislerii 
munere,  ac  pro  singulari  illo  araore  quo  omnes  Germaniae  calholicos, 
carissimani  Dominici  gregis  partem,prosequimur,  nostrum  sollicitabant 
et  angebant  animum  tôt  aliis  pressum  angustiis,  ubi,  accepte  memo- 
rati  convenlus  nuntio,  res  supra  expositas  tibi  significandas  curavimus. 
Postquam  vero  per  brevissimum  nuntium  ad  Nos  relatum  fuit,  te,  Ve- 
nerabilis Frater,  hujusce  conventus  auctorum  precibus  annuentera  tri- 


A    MONSEIGNEUR    L  ARCHEVÊQUE    DE    MUMCII.  279 

biiissc  veniam  celebrandi  eumdem  conventum,  ac  sacrum  solemni  ritu 
peregisse,  et  consultationes  in  eodem  conventu  jiixta  calholicae  Kcclesiae 
doctrinam  habitas  fuisse,  et  posiquam  ipsius  convenlus  viri  per  eum- 
dem nuntium  Apostolicam  Nostram  imploraverunt  benediclionem,nulla 
interposita  mora,  piisillorum  volisobsecundavimus.  Summa  veroanxie- 
tate  tuas  expectabamus  lilleras,  ut  a  te,  Venerabilis  Frater,  accura- 
tissime  noscere  possemus  ea  omnia,  qui3e  ad  eumdem  conventum  quo- 
vis  modo  possent  pertinere.  Nunc  aulem  cum  a  te  acceperimus  quae 
scire  vel  maxime  cupiebamus,  ea  spe  nitimur  fore  ut  hujusmodi  nego- 
tiura,  quemadmodum  asseris,  Deo  auxiliante,  in  majorem  calhoiicae  in 
Germania  Ecclesiae  utilitatem  cédai.  Equidem  cum  omnes  ejusdem  con- 
venlus viri,  veluti  scribls,  asseruerint,  scientiarum  progressum  et 
felicem  exitum  in  devilandis  ac  refulandis  miserrimae  nostrae  aetatis  er- 
roribus  omnino  pendere  ab  intima  erga  veritatcs  revelatas  adiiaesione 
quas  catliolica  docet  Ecclesia,  ipsi  noverunt,  ac  professi  sunt  illam  ve- 
ritatem,  quara  veri  calhoiici  scientiis  excolendis  et  evol vendis  dediti 
semper  tenuere  ac  tradiderunt,  Alque  hac  verilate  innixi.pûluerunt 
ipsi  sapienles  ac  veri  catholici  viri  scientias  easdem  tuto  excolere, 
explanare,  easque  utiles  certasque  reddere.  Quod  quidem  obtineri  non 
potest,  si  humanae  ralionis  lumen  finibus  circumscriptura,  eas  quoque 
veritates  investigando  quas  propriis  viribus  et  facultatibus  assequi  po- 
test,  non  venerelur  maxime,  ul  par  est,  infaUibile  et  increatum  divini 
inlellectus  lumen,  quod  in  christiana  revelatione  undique  mirifice  clu- 
cel  Quamvis  enim  naturales  illae  disciplinas  suis  propriis  ralione  co- 
gnilis  principiis  nitantur,  catholici  tamen  earum  cultores  divinam  re- 
velationem  veluti  rectricem  stellara  prae  oculis  habeant  oportet,  qua 
praelucente  sibi  a  syrtibus  et  erroribus  caveant,  ubi  in  suis  investiga- 
tionibus  et  coraraentationibus  animadvertant,  posse  se  illis  adduci,  ut 
saepissime  accidit,  ad  ea  proferenda,  quae  plus  minusve  adversentur 
inlallibili  rerura  veritati  quae  a  Deo  revelatae  fuere.  Hinc  dubitare 
nolumus,  quin  ipsius  convenlus  viri  commemoratam  veritatem  noscen- 
tes  ac  profitentes,  uno  eodemque  tempore  plane  rejicere  ac  reprobare 
vûluerint  recentem  illam  ac  praeposteram  philosophandi  ralionom, 
quai  etiamsi  divinara  revelationem  veluti  historicum  factum  admittat, 


280  BREF  DE  K.  S.  P.   LE  PAPE 

tamen  ineffabiles  veritales  ab  ipsa  divina  revelatione  proposUas 
huraanae  rationis  investigationibussupponit,  perinde  ac  si  illae  veritates 
ralioni  subjectae  essent,  vel  ratio  suis  viribus  et  principiis  possel  Con- 
sequi  intelligentiara  et  scientiaoi  omnium  supernarum  sanctissiraae  fidei 
nostrae  veritatum  et  mysteriorum,  quse  ita  supra  hiimanam  rationera 
sunt,  ut  haec  nunquam  effici  possit  idonea  ad  illa  suis  viribus  et  ex 
naturalibus  suis  principiis  intelligenda,  aut  demonstranda. 

Ejusdera  vero  conventus  viros  debilis  prosequiraur  laudibus,  prop- 
terea  quod  rejicientes,  uti  existimamus^,  falsam  inter  philosophum  et 
philosophiam  distinctioneni,dequa  in  aliis  Nostris  litteris  ad  te  scriptis 
loquuti  sumus,  noverunt  et  asseruerunt  omnes  catholicos  in  doctis 
suis  commentationibus  debere  ex  conscientia  dograaticis  infallibilis 
catholicae  Ecclesias  obedire  decrelis.  Dum  vero  débitas  illis  deferimus 
laudes,  quod  professi  sint  veritatem  qiiae  ex  catholicae  fidei  obligatione 
necessario  oritur,  persuadere  Nobis  voiumus,  noluisse  obligationem, 
qua  catholici  magislri  ac  scriptores  omnino  adstringuntur,  coarclare 
in  iis  tanlum  quae  ab  infallibili  Ecclesiae  judicio  veluli  fidei  dogmata 
ab  omnibus  credenda  proponuntur.  Atque  etiam  Nobis  persuademus, 
ipsos  noluisse  declarare,  perfeclam  illam  erga  revelatas  veritates  adhae- 
sionem,  quara  agnoverunt  necessariam  omnino  esse  ad  verura  scientia- 
rum  progressum  assequendum,  et  ad  errores  confutandos,  oblineri 
posse,  si  dumtaxat  dogmatibus  ab  Ecclesia  expresse  definitis  fides  et 
obsequium  adhibeatur.  Namque  etiamsi  ageretur  de  illa  subjectione 
quae  fidei  divinae  actu  est  praestanda,  limilanda  tamen  non  esset  ad  ea 
quse  expressis  œcumenico'rum  conciliorum  autRomanorum  Pontificum, 
hujusque  Apostolicœ  Sedis  decretis  definita  sunt,  sed  ad  ea  quoque 
extendenda  quae  ordinario  totius  Ecclesiae  per  orbem  dispersae  magis- 
terio  lanquam  divinitus  revelata  traduntur,  ideoque  universali  et  con- 
stanti  consensu  a  catholicis  theologis  ad  fidem  pertinere  retinentur. 
Sed  cum  agatur  de  illa  subjectione,  qua  ex  conscientia  ii  omnes  catho- 
lici abslringuntur  qui  in  contemplatrices  scientias  incumbunt,  ut  novas 
suis  scriptis  Ecclesiae  afferant  utilitates,  iccirco  ejusdem  convenlus  viri 
recognoscere  debent^  sapientibus  catholicis  haud  satis  esse  ut  prsefala 
Ecclesiae  dogmata  recipiant  ac  venerenlur,  vcrum  etiam  opus  esse  ut 


A  MONSEIGNEUR  l'aRCHEVÉQUE  DE  MUNICH.  281 

se  subjiciant  tum  decisionibus,  quae  ad  doctrinam  pertinentes  a  Ponti- 
ficiis  Congregationibus  proferuntur,  tum  iis  doctrinae  capitibus,  quae 
communi  et  constanti  catholicorum  consensu  retinentur  ut  theolo- 
gica3  veritates  et  conclusiones  ita  certae,  ut  opiniones  eisdera  doctrinae 
capitibus  adversas^  quamquam  hereticae  dici  nequeant,  tamen  aliam 
theologicam  raerentur  censurara.  Itaque  haud  existimamus  viros,  qui 
commemorato  Monacensi  interfuere  convenlui,  ullo  modo  potuisse  aut 
voluisse  obstare  doctrinae  nuper  exposilae  quae  ex  verae  Iheologiae  prin- 
cipiis  in  Ecclesia  relinetur,  quin  immo  ea  fiducia  snstentaraur  fore  ut 
ipsi  in  severioribus  excolendis  disciplinis  velint  ad  enuncialae  doctrinae 
normam  se  diligenter  conformare.  Uuae  Nostra  fiducia  praesertim  nitilur 
iis  litteris,  quas  per  te,  Venerabilis  Frater^  Nobis  miserunt.  Si  quidem 
eisdem  litteris  cum  summa  animi  Nostri  consolatione  ipsi  profîtentur, 
sibi  in  cogendo  conventu  mentem  nunquam  fuisse  vel  minimam  sibi 
arrogare  auctoritatem,  quae  ad  Ecclesiam  omnino  pertinet,  ac  simul 
testantur  noluisse  euradem  diraittcre  conventum,  quin  primum  decla- 
rarent  summam  observnntiara^  obedientiam,  ac  filialera  pietalem^  qua 
Nos  et  banc  Pétri  calhedram  catholicae  unitatis  centrum  prosequunlur. 
Cum  igitur  hisce  sensibus  supremam  Nostram  et  Apostolicae  hujus 
Sedis  potestatem,  auctoritatemque  ipsi  recognoscant,  ac  siraul  intelli- 
gent, gravissimum  officium  Nobis  ab  ipso  Christo  Domino  commissum 
regendi  ac  moderandi  universam  suam  Ecclesiam,  ac  pascendi  omnem 
suum  gregcm  salutaris  doctrinae  pascuis,  et  continenter  advigilandi, 
ne  sanctissima  fides  ejusque  doctrina  ullum  unquara  detrimenlum 
paliatur,  dubitare  non  possumus,  quin  ipsi  severioribus  disciplinis  ex- 
colendis, Iradendis,  sanaeque  doctrinae  tuendae  operam  navantes,  uno 
codemque  tempore  agnoscant,  se  debere  et  religiose  exsequi  régulas 
ab  Ecclesia  semper  servatas,  et  obedire  omnibus  decretis  quaî  circa 
doctrinam  a  Suprema  Nostra  Pontificia  auctoritate  cduntar. 

Haec  autcm  omnia  tibi  communicamus^  ac  summopere  optamos  ut 
ea  iis  omnibus  signifiées  viris,  qui  in  meraorato  cnnventu  fuere^  dura, 
si  opportunum  esse  censuerimus,  haud  omittemus  alla  tibi,  et  Vene- 
rabilibus  Fralribus  Germaniae  sacrorum  Antistitibus  liac  super  re 
significare,  postquam  tuam  et  eoruradem  Anlistitum  sententiam  Intel- 


232  BREF    DE    N.    S.    P.    LE    PAPE. 

lexcrirausde  hujusmodi  conventuum  opportunitate.  Demura  pasloralem 
tiiam  soUicitiidinem  ac  vigilantiam  iterum  vehemenler  excitamus,  ut 
una  cum  aliis  Venerabilibus  Fratribus  sacrorum  in  Germania  Antisti- 
tibus ,  curas  omnes  cogitationesque  in  tuendam  et  propagandam 
sanam  doctrinara  assidue  conféras.  Neque  omittas  omnibus  inculcare, 
ut  profanas  omnes  nov.tates  diligenter  devilent,  neque  ab  illis  se  deci- 
pi  unquam  p-itiantur,  qui  faUam  scienliae  libertatera,  ejusque  non 
solum  verum  profectura,  sed  etiara  errores  tamquam  progressus  ira- 
pudenter  jactant.  Atque  pari  studio  et  contentiooe  ne  desinas  omnes 
hortari,  ut  maxima  cura  et  industria  in  veram  chrislianam  et  cathoii- 
cam  sapientiam  incumbant,  atque,  uti  par  est,  in  summo  pretio  habeant 
Teros  solidosque  scientiae  progressus,  qui  sanctissinia  ac  divina  fide 
diicc  et  magisira  in  catholicis  scholis  habiti  fuerunl,  utque  Iheologi- 
cas  praesertim  disciplinas  excolant  secundum  principia  et  constantes 
doctrinas,  quibus  unanimiter  innixi  sapientissiini  doctores  immortaiem 
sibi  norainis  laudem,  et  maximara  Ecclesiae  et  scientiae  utililatera  ac 
splendorem  pepererunt.  Hoc  sane  modo  catholici  viri  in  scientiis  exco- 
lendis  poterunt,  Deo  auxiliante,  magis  in  dies  quantum  liomini  fas  est, 
noscere,  evolvere^  et  explanare  veritatum  thesauruin,  quas  in  naturae 
et  gratiae  operibus  Deus  posuit,  ut  liorao,  postquam  illas  rationis  et  fi- 
dei  lumine  noverit  suamque  vitam  ad  eas  sedulo  conformaverit,  possit 
in  aeternae  gloriae  ciaritate  summam  veritalem,  Deum  scilicet,  sine  ullo 
velamine  intueri,  eoque  felicissime  in  œlernum  perfrui  et  gaudere. 

Hanc  autem  occasionem  libentissimo  animo  amplectimur,  ut  denuo 
testemur  et  confirraemus  praecipuam  Nostram  in  te  caritatem.  Cujus 
quoque  pignus  esse  voluraus  Apostolicam  benedictionern  quam  effuso 
cordis  affectu  tibi  ipsi,  Venerabilis  Frater^  et  gregi  tuae  curai  commisso 
peramanter  inipertimus. 

Dalura  Roniaî  apud  Sanclum  Pelrum  die  21  decemhris  anno  1865, 
Pontificalus  Nostri  anno  decinio  octavo. 

Plus  PP.  IX. 


DECRET 

DE   LA   SACRÉE    CONGRÉGATION  DES   RITES 

Relatif  à  la  palme  et  à  la  fiole  de  sang  considérées  comme 
signes  du  martyre. 


Postquani  s^culo  XVI,  laboribus  praesertim  et  studiis  Anlonii  Bosi 
iterum  sacra  suburbana  patuere  Cœmeteria,  quae  a  saeculo  VIII  exeiinte 
Summorum  Pontificum  cura  penilus  interclusa  remanserant  ne  barbari 
Romanum  soliiin  dévastantes  ibi  aliquam  inferrent  profanationem,  in 
lis  conquiri  cœperunt  Martyrum  corpora  qus  adhuc  ibidem  permane- 
bant  in  loculis  abscondita.  Tutissimum  dignoscendi  sacra  haec  pignora 
signum  a  majorum  traditione  receptum  erant  pbialaB  vilreae  vel  fign- 
linae  cruore  tinctae,  aut  crustas  saltem  sangi>ineas  occludentes,  quae 
vel  intra  vel  extra  loculos  sepuUorum  affixae  manebant.  Altamen  ali- 
quibus  visura  fuit  viris  eruditis  alias  praeter  sanguinem  adniittere  no- 
tas, quibus  ipsi  Martyres  distingui  aulumabant.  Verum  ut  in  re  tanti 
momenli  inoffenso  procederetur  pede,  plaçait  Cleraenti  IX  Suinmo 
Pontifici  singularem  debgereCongregalionem,  quae  exSanctae  Ronianae 
Ecclesiae  Cardinalibus,  aliisque  doctissimis  viris  constaret,  eique  hac 
super  re  gravissimum  comraisit  examen.  Haec  Congregatio  quae  postea 
a  Sacris  Reliquiis  et  Indulgentiis  nomen  habuit,  argumentis  omnibus 
perpensis,  die  10  aprilis  anni  1668  decrelum  hoc  luHt  :  «  Cum  in 
Sacra  Congregalione  Indulgentiis,  Sacrisque  Reliquiis  prxposila  de 
nolis  disceptaretur,  ex  quibus  verx  Sanclorum  Martyrum  Reliquix 
a  falsis  et  dubiis  dignosci  posiint;  eadem  Sacra  Congregatio,  re  dili- 
genter  examinata,  censuit,  Palmam  et  Vas  illorum  sanguine  tinetum 
pro  signis  cerlissimis  hahenda  esse  :  aliorum  vero  signorutn  examen 
in  aliud  tempus  rejecit.  »  Decretum  hujusraodi  duorum  fere  saeculo- 
rum  decursu  fideliter  servalum  est,  quamvis  praeterito  vertente  saeculo 
nonnolli  selecli  scriptores  de  Phialae  sanguineas  signo  diversiraode 
dubilaverint;   quibus  praecipue  gravissima  Benedicti  XIV  auctoritas 


28/(  DÉCRET    DE    LA    S.    DES    RITES. 

obslitit,  quum  in  Literis  Aposlolicis  ad  Capilulum  Melropolitanae  Ec- 
clesiae  Bononiensis  de  S.  Proco  M;irtyre  ex  Cœmeterio  Thrasonis  ciim 
vasesanguinis  effosso  edoceret  :  «Ipsi  debetur  cultus  et  lilulus  Sandi, 
quia  procul  dubio  nulli  unquam  venit  in  mentem  quantumvis  acuto 
ingenio  is  fuerit,  et  cupidus  quxrendi,  ut  a'tunt,  nodum  in  scirpo, 
nulli,  inquam,  venit  in  mentem  dubitatio,  qnod  Corpus  in  Catacumbis 
Romanis  inventum  cumvascnlo  sanguinis  aut  pleno,  ant  tinclo,  non 
sit  Corpus  alicujus  qui  morlem  pro  Christo  sustinuerit.  »  At  noslris 
hisce  diebiis  alii  supervenere  viri  eruditione  seque  pollenles,  et  in  sa- 
crai Archeologiae  studiis  valde  periti,  qui  vel  scriptis,  vel  etiani  volu- 
minibus  edilis  adversus  Phialam  sanguineam  utpote  indubium  Martyrii 
signum  decertarunt.  Sanctissimiis  autem  Dominos  Noster  PiUS 
PAPA  IX,  de  Decreli  illus  robore  et  austoritale  haud  haesitans,  quum 
viderct  tamen  eruditorum  dilficuUales  in  epliemeridibus  tuin  catholicis, 
tum  heterodoxis  divulgari,  ad  praecavendum  quodlibet  inter  fidèles 
scandalum  sapientissime  censuiî,  «t  hujusmodi  difficultates  in  quadam 
peculiari  Sacrorum  Rituum  Congregatione  severo  subjicerentur  exa- 
mini.  Peculiaris  vero  Congregatio  haec  nonnuUis  ex  ejusdem  Sacrorum 
Rituum  Gongregationis  Cardinalibus,  Praelatis  Officialibus,  ac  selectis 
ecclesiasticis  viris  pietate,  doctrina,  prudentia,  rerumque  usu  exiraie 
praeditis  consliluta  prae  oculis  habens  universara  argumentorum  se- 
riem,  nec  non  fidelem  ejusdem  Secretarii  relationem,  quum  omnia 
accuratissima  ponderaverit  disquisitione  die  27  Novembris  vertentis 
anni  duobus  his  propositis  dubiis  : 

I.  An  Phialse  vitrex,  aut  figulinx  sanguine  tindx  qux  ad  la- 
culos  sepultorum  in  Sacris  Cœmeteriis  vel  intus  vel  extra  ipsos  re- 
pei'iuntur^  censeri  debeant  Martyrii  signum  ? 

II,  An  ideo  sil  standum  vel  recedendum  a  Decreto  Sucrx  Gongre- 
gationis Indulgenliarum^  et  Reliquiarum,  diei  10  Aprilis  1668? 

Respondit  ad  primum  :  «AFFIRMATIVE»; 
Respondit  ad  secundum  :  «  PROVISUM  IN  PRIMO  ». 
Ideoque  declaravit  confirmandum  esse  decretum  anni  1668. 
Fada  autem  de  praemissis  Sanctissimo  Domino  Nostro  PIO  PA- 
?M  IX  a  subscripto  Secretario  accurata  omnium  expositione,  Sanclitas 
Sua  senlentiam  Saerae  Gongregationis  ratam  habuit  et   confirmavit, 
atque  praesens  decretum  expediri  praecepil. 
Die  10  decembris  1863. 

C.  Episcopus  Portuen.  et  s.  Rufin^e  GARD.  PATRIZI, 
S.  R.  C.  PR.CT. 

D.  Barloliui  S.  R.  G.  secrelarius. 


BIBLIOGRAPHIE. 


liCS  quatre  Évangflles.  TraJucliou  nouvelle,  accompagnée  do  notes 
et  de  dissertations,  par  M.  l'abbé  A.  Crampon.  Paris,  Tolra  et  Haton. 
In-8o  de  xvi-o80  pp.  7  fr.  50  c. 


Voici,  après  tant  d'autres,  une  nouvelle  traduction  des  Evangiles. 
Quelle  est  sa  raison  d'être?  Répond-elle  au  but  de  l'auteur  et 
et  à  ce  que  l'on  pouvait  raisonnablement  lui  demander?  Telles  sont 
les  questions  qui  se  présentent  d'elles-mêmes^  et  que  nous  allons 
nous  efforcer  de  résoudre  autant  que  le  permettent  les  bornes  resser- 
rées d'un  compte-rendu  bibliographique. 

M.  Crampon  s'est  imposé  une  double  tâche,  celle  de  traducteur  et 
celle  d'annotateur  :  il  ne  nous  a  pas  donné  un  texte  nu,  mais  il  y  a 
joint  tout  ce  qui  est  nécessaire  pour  en  rendre  la  lecture  intelligente  et 
utile. 

Or,  sous  ces  deux  points  de  vue,  sous  le  second  principalement,  il 
y  avait  quelque  chose  à  faire.  Rien  de  plus  difficile  et  par  conséquent 
de  plus  rare  qu'une  bonne  traduction.  Si  l'on  est  trop  littéral,  il  en 
résulte  une  phrase  barbare,  incorrecte,  heiu'tée,  souvent  peu  intelli- 
gible. En  voulanl  échapper  à  ce  défaut,  on  tombe  facilement  dans 
l'excès  contraire  :  on  ne  suit  son  auteur  que  de  loin  ;  de  la  traduction, 
on  tombe  dans  l'imitation.  Les  difficultés  sont  plus  grandes  encore 
quand  il  s'agit  de  la  Bible  où  tout,  la  forme  comme  le  fond,  contribue 
à  rendre  plus  délicate  la  tâche  du  traducteur.  M.  Crampon  s'est  efforcé 
d'être  littéral  et  en  même  temps  français  ;  d'avoir  partout  une  phrase 
régulière,  coulante,  intelligible,  et  cependant  de  rendre  toutes  les  par- 
ticularités du  style  biblique  en  lui  conservant  sa  couleur  et  ses  nuances. 
Il  traduit  d'après  la  Vulgate,  comme  cela  était  convenable  dans  une 
traduction  destinée  aux  fidèles,  mais  il  a  recours  sans  cesse  au  texte 
grec,  et  il  en  indique  en  note  les  particularités. 

Si  notre  modeste  suffrage  peut  être  ici  de  quelque  poids,  nous  ne 
craignons  pas  de  le  donner  à  la  nouvelle  traduction  des  Évangiles. 


286  BIBLIOGRAPHIE, 

C'est  à  noire  avis  un  excellent  travail.  Dans  l'iinpossibilité  de  lui  em- 
prunter beaucoup  de  citations,  nous  voulons  du  moins  en  extraire  un 
court  morceau,  ie  cantique  Benedidiis  (Luc.  i,  G8-79).  Il  n'était  pas 
facile,  sans  altérer  la  forme,  de  rendre  clairement  les  idées  qu'il  ex- 
prime, d'en  faire  bien  sentir  l'enchaînement  et  la  suite.  Voici  comment 
traduit  M.  Crampon  : 

«  Béni  soit  le  Seigneur,  le  Dieu  d'Israël,  de  ce  qu'il  a  visité  et 
G  racheté  son  peuple,  el  nous  a  suscité  un  puissant  Sauveur  dans  la 
«  maison  de  David,  son  serviteur,  —  selon  ce  qu'il  a  dit  par  la  bouche 
«  de  ses  saints  prophètes  aux  siècles  passés,  qu'il  nous  sauverait  de 
«  nos  ennemis  et  des  mains  de  tous  ceux  qui  nous  haïssent  :  —  pour 
«  accomplir  la  miséricorde  promise  à  nos  pères,  et  se  souvenir  de 
«  son  alliance  sainte  ;  serment  qu'il  a  juré  à  Abraham  notre  père,  de 
«  nous  faire  cette  grâce,  qu'étant  délivrés  des  mains  de  nos  ennemis 
«  nous  le  servions  sans  crainte,  dans  la  sainteté  et  la  justice  en  sa 
«  présence,  tous  les  jours  de  notre  vie.  Et  toi,  enfant,  tu  seras  ap- 
a  pelé  prophète  du  Très-Haut;  car  tu  marcheras  devant  la  face  du 
«  Seigneur  pour  lui  préparer  les  voies  ;  pour  donner  à  son  peuple  la 
«  science  du  salut,  afin  qu'il  obtienne  la  rémission  de  ses  péchés  par 
a  les  entrailles  de  la  miséricorde  de  notre  Dieu,  selon  lesquelles  le 
«  soleil  levant  est  venu  nous  visiter  d'en  haut,  pour  éclairer  ceux  qui 
«  sont  assis  dans  les  ténèbres  et  l'ombre  de  la  mort,  et  pour  diriger 
«  nos  pieds  dans  la  voie  de  la  paix.  » 

Ce  morceau  présente  un  caractère  trop  spécial  et  offrait  trop  de  dif- 
ficultés à  vaincre,  pour  qu'il  puisse  donner  une  idée  complète  du  genre 
de  la  traduction.  II  permettra  peut-être  du  moins  d'apppécier  une  in- 
novation empruntée  aux  éditions  allemandes.  Dans  les  Evangiles  de 
M.  Crampon,  le  texte,  au  lieu  d'être  coupé,  morcelé  comme  dans  les 
éditions  ordinaires,  forme  un  tout  suivi  qui  se  partage  en  alinéas  d'a- 
près le  sens  :  la  division  usuelle  en  versets  est  indiquée  en  marge 
par  des  chiiTres.  Ainsi  le  sens  n'est  jamais  brisé,  on  peut  le  suivre 
d'un  bout  à  l'autre  sans  être  interrompu  par  des  coupures  qui  viennent 
le  troubler  si  désagréablement.  Peut-être  aurait-on  pu  indiquer  par  un 
signe  typographique  l'endroit  précis  où  commence  et  finit  chaque 
verset.  Sans  doute  cela  résulte  souvent  de  la  ponctuation,  mais  il  est 
des  cas  où  l'on  peut  être  embarrassé. 

Ce  qui  donne  à  la  traduction  nouvelle  une  valeur  toute  spéciale,  ce 
sont  les  annotations  qu'elle  renferme.  On  y  trouve  résumés  sous  une 
forme  concise  et  claire  les  meilleurs  travaux  anciens  et  modernes. 
L'auteur  est  versé  dans  les  langues  bibliques,  il  possède  les  connais- 


DIBLIOGRAPHIE.  287 

sances  accessoires  qui  sont  nécessaires  pour  interpréter  les  Livres 
saints.  La  préface  nous  apprend  que, formé  à  l'école  de  M.  Le  Hir,  il  a 
continué  à  recevoir  les  conseils  du  maître  ;  de  plus,  le  savant  profes- 
seur de  Saint-Sulpice  a  bien  voulu  revoir  en  entier  sa  traduction.  C'est 
là  une  garantie  d'un  grand  poids  auprès  de  ceux  que  des  circonstances 
heureuses  ont  mis  à  même  d'apprécier  le  talent  beaucoup  trop  modeste 
de  M.  Le  Hir. 

Il  est  bien  clair  qu'il  ne  faut  pas  chercher  ici  un  appareil  d'érudition 
qui  serait  fort  déplacé  dans  un  livre  destiné  au  grand  public.  M.  Cram- 
pon a  néanmoins  réuni  dans  ses  notes  tout  ce  qui  est  nécessaire  pour 
que  l'homme  du  monde  et  le  simple  fidèle  puissent  lire  avec  intérêt  et 
avec  fruit  le  texte  sacré.  11  a  fait  de  fréquents  emprunts  aux  Pères 
de  l'Eglise,  qui  sont  toujours  nos  maîtres  quand  il  s'agit  de  pé- 
nétrer le  sens  profond  des  Ecritures  :  il  en  a  fait  aussi  beaucoup  au 
grand  évêque  de  Meaux.  C'est  dire  assez  que  le  côté  historique  et  ar- 
chéologique ne  l'a  point  seul  occupé.  L'élément  dogmatique  et  l'élé- 
ment ascétique  ont  aussi  leur  part. 

A  la  fin  du  volume,  on  trouve  sous  forme  de  vocabulaire  un  certain 
nombre  de  notes  plus  étendues  et  d'une  portée  plus  générale.  Ce  sont 
des  éclaircissements  historiques  et  géographiques,  c'est  la  discussion 
de  certaines  difficultés  spéciales  ou  la  concordance  des  Évangiles  rela- 
tiv  ement  à  quelques  points  plus  obscurs  que  les  autres  (Cène  pascale, 
recensement  de  Cyriniis,  Frères  de  Jésus,  Généalogie  de  Jésus-Christ, 
Logos,  Royait  ne  de  Dieu,  etc.).  L'ordre  alphabétique  a  été  adopté 
pour  faciliter  .et  recherches. 

Nous  n'avons  rien  dit  encore  de  l'introduction  générale,  et  des  in- 
troductions particulières  placées  en  tête  de  chaque  Evangile.  Ce  sont  de 
bons  morceaux  :  ils  résument  fidèlement  l'état  de  la  science  et  ses 
principaux  résultats.  Cependant  nous  sera-t-il  permis  de  formuler  un 
vœu?  Nous  voudrions  voir  établi  fortement  dans  l'introduction  générale 
le  caractère  historique  des  Évangiles.  Dans  un  siècle  comme  le  nôtre  et 
quand  on  s'adresse  à  l'ensemble  du  public,  ce  soin  n'est  pas  superflu. 
C'est  du  reste  ce  qu'ont  fait  tous  les  auteurs  d'introductions.  Il  eût  été 
bon  de  poser  d'avance  des  principes  relatifs  aux  difficultés  historiques 
qui  se  rencontrent  dans  le  texte  des  évangélistes  et  aux  apparentes  con- 
tradictions qui  les  séparent.  Trop  de  lecteurs  superficiels  se  laissent  ar- 
rêter par  des  points  de  détail,  et  s'imaginent  que  tout  est  perdu  parce 
qu'une  solution  ne  les  satisfait  pas.  Ils  n'ont  jamais  réfléchi  qu'une  ou 
plusieurs  difficultés  non  résolues  dans  un  document  de  ce  genre  ne 
peuvent  nuire  à  son  autorité,  pas  plus  que  des  difficultés  analogues 


'i88  BIBLIOGRAPHIE. 

OU  beaucoup  plus  grandes  ne  font  rejeter  les  récits  des  historiens  pro- 
fanes. Ainsi^  au  point  de  vue  simplement  humain  comme  au  point  de 
vue  de  la  foi,  ces  nœuds  plus  ou  moins  compliqués  peuvent  rester  un 
problème  pour  la  science  sans  qu'il  soit  possible  d'en  tirer  la  moindre 
induction  contre  l'autorité  des  récits  évangéliques. 

Notre  rôle  de  critique  est  terminé,  car  nous  ne  voulons  pas  relever 
les  passages,  en  fort  petit  nombre  du  reste,  où  nous  eussions  désiré 
quelque  chose  de  plus  précis  ou  de  plus  complet.  Quand  on  sait  com- 
bien est  difficile  et  délicate  la  tâche  du  commentateur  des  Livres  saints, 
on  n'a  pas  de  peine  à  répéter  avec  le  poète  : 

Non  ego  paucis  offendar  maculis. 

Et  puis,  il  y  a  ici  une  certaine  latitude  d'appréciation  qui  fait  que 
deux  esprits  se  rencontreront  difficilement,  ou  plutôt  ne  se  rencon- 
treront jamais  sur  tous  les  points. 

En  somme,  et  pour  conclure,  nous  nous  faisons  un  devoir  de  recom- 
mander les  Evangiles  traduits  et  annotés  par  M.  Crampon.  Nous  dé- 
sirons beaucoup  que  ce  livre  se  répande  parmi  les  classes  éclairées  de 
la  société,  dont  une  partie  notable  connaît  si  peu  Jésus-Christ  et 
l'Évangile.  Les  notes  dont  la  traduction  est  accompagnée  et  l'approba- 
tion dont  elle  est  revêtue  conformément  aux  sages  prescriptions  de 
l'Église,  permettent  de  la  placer  entre  les  mains  des  lldèles.  Ajoutons 
que  cette  publication  emprunte  aux  circonstances  présentes  une  oppor- 
tunité toute  particulière.  A  ceux  qui  blasphèment  Jésus-Christ,  que 
pouvons-nous  opposer  de  mieux  que  ces  écrits  où  l'on  sent  malgré  soi 
l'impression  du  divin,  où  l'on  voit  en  quelque  sorte  paraître  et  agir 
sous  ses  yeux  l'adorable  personne  du  Sauveur  ! 

Ë.  Hautcœur. 


Arras.  — Typ.  Rousseau-Leroy,  rue  Saint- Maurice,  26. 


LA  TÏIKOLOGIE  DES  CATACOMBES. 


Troisième  arlicli 


VI. 


Nous  avons  étudié  les  monuments  dogmatiques  des  cata- 
combes juives  :  nous  voulons  y  recueillir  aussi  les  éléments 
-d'un  tableau  complet  de  la  Synagogue  romaine  au  point  de 
vue  social  et  hiérarchique.  Moins  étroitement  lié  à  l'ensei- 
gnement révélé,  ce  sujet  offre  pourtai^t  un  intérêt  historique 
qu'on  nous  blâmerait  à  bon  droit  de  négliger. 

1°  Dans  les  provinces  où  la  main  de  Dieu  l'avait  dis- 
persé, le  peuple  juif  relevait  d'un  sanhédrin  civil  (1)  que 
présidaient  plusieurs  archontes  (2)  soumis  peut-être  eux- 
mêmes  à  «  l'Archonte  du  peuple  » ,  ap/wv  xoîi  Xaoû,  le  Patri- 
archa  illustris  ou  clarissimus  dont  parlent  les  lois  de  l'empire. 

2'  Un  rescrit  de  Constantin  (3)  met  au  premier  rang  de 
la  hiérarchie  religieuse  les  prêtres  {Hierei),  qu'Arcade  et 
Honorius  {li)  rejettent  au  troisième.  Quoi  qu'il  en  soit,  nous 

(1)  Il  répondait  au  sénat  ou  yepoudia  qu'Auguste  établit  à  Alexandrie, 
quand  il  y  supprima  l'ethnarque. 

(2)  Parfois  nommés  seniores,  ap-^wv  twv  TouSaiojv  (  Joan.  m,  1)  ;  mais 
plus  communément  proceres,  primates,  TtpioToi,  Leur  nombre  était  indé* 
terminé. 

(3)  Cod.  T/teod.,  1.  4,  de  Jud. 

(4)  Ibid.,  1.  13,  de  Jud. 

REYUF,  des   sciences  KCCLÉSIASTinUES,  T-  )X.  —  AVRIL  1  864,  19 


290  LA   THÉOLOGIE    DES   CATACOMBES. 

possédons  l'épitaphe  d'un  Constantin  qui  fut  prêtre  et  pas- 
teur :  la  seconde  de  ces  charges  était  de  l'ordre  civil  et  ré- 
pondait sans  doute  à  l'archontat  du  peuple  (1).  Ce  fait  de 
la  réunion  de  l'autorité  temporelle  et  du  pouvoir  spirituel 
en  une  seule  main  n'était  pas  rare  chez  les  Juifs,  aux  pre- 
miers siècles  de  notre  ère  ;  ainsi,  il  apparaît  dans  l'inscrip- 
tion suivante: 

STAFVLO  ARCONTI 
ET  ARCHISYNAGOGO 
HONORIBVS  OMNIBVS 
FVNCTVS  RESTITVTA  CONIVX 
BENËMERENTI  FECIT 
ENEIPHNH  H  KOIMHCICCOY 

((  A  Stafulus,  archonte  et  chef  de  la  synagogue,  revêtu  de 
«  tous  les  honneurs  et  bien  méritant,  Restituta,  son  épouse, 
H  a  fait  (ce  monument.)  En  paix  ton  sommeil  (2)  !  »  Puis- 
qu'il rempUt  toutes  les  charges,  et  que  Tarchontat  fut  sa 
plus  haute  dignité,  Stafulus  dut  être  ensemble  le  prince 
civil  et  le  chef  religieux  de  sa  colonie,  continuant  en  quelque 
façon  les  anciennes  traditions  théocratiques  d'Israël. 

Au  dessous  des  prêtres,  le  code  impérial  plaçait  le  chef 
de  la  synagogue  {archisynagogus) ,  qui  prend  encore  les 
noms  ô! archonte,  ou  ô!  archonte  de  la  synagogue.  Tel  était 
Stafulus;  tel, ce  Jaïre  que  saint  Mathieu  appelle  simplement 
archonte,  tandis  que  saint  Marc  et  saint  Luc  remarquent 
qu'il  était  chef  et  archonte  de  la  synagogue.  Ce  personnage 
était  entouré  d'un  conseil  d'anciens  (3)  (D'^SpT,  seniores, 
Yepouaia)  présidés  'par  un  chef  spécial  (Yspouaiapyr)?).  Nous 
connaissons  trois  de  ces  gérusiarques  :  Pancharius,  qui  pré- 

(1)  Nuove  Epigrafi,  p.  13.  Nous  suivons  ici  très-fidèlement  les  études 
du  R.  P.  Garrucci. 

(2)  Cimihio,  p.  67. 

(3)  Ils  paraissent  avoir  aussi  porté  ]c  nom  d'archontes. 


LA    THÉOLOGIE    DES    CATACOMBES.  291 

para  un  tombeau  à  sa  fille  Dulcitia;  Ursace,  originaire 
d'Aquilée,et/l5^mM.'î,  à  qui  son  fils  l'archonte  Astérius  voua 
une  longue  et  belle  inscription.  C'est  à  eux  probablement 
que  le  rescrit  d'Arcade  donne  le  titre  de  Patriarches  (1),  et 
Constantin  celui  de  Pères  de  la  synagogue  (2) . 

Les  archontes  reposent  en  très-grand  nombre  dans  l'hy- 
pogée hébraïque  de  la  voie  Appienne,  mais  il  surgit  une 
vraie  difficulté  si  l'on  veut  déterminer  à  quelle  classe  ils 
appartenaient,  au  gouvernement  civil  ou  à  la  hiérarchie 
religieuse.  Des  raisons  scientifiques  que  nous  ne  devons 
pas  discuter  ici  rendent  assez  probable  la  seconde  hypo- 
thèse ;  et  la  plupart  des  archontes  dont  on  a  retrouvé  les 
épitaphes  ont  fait  partie  du  conseil  sacré  de  la  Synagogue, 
en  qualité  de  présidents  ou  de  membres  (3) .  Leur  archontat 
était  temporaire  et  durait  une  année,  de  septembre  à  sep- 
tembre. On  pouvait  remplir  cette  charge  plusieurs  fois,  et 
une  inscription  de  Saint-Paul -hors-les-murs  témoigne 
qu'un  certain  Sabbatius  fut  deux  fois  archonte.  Les  enfants 
eux-mêmes  en  étaient  revêtus,  ainsi  'qu'on  le  voit  dans  les 
deux  monuments  suivants  : 

ENeAAE  KEITE  ANNIANOG  APX12N  niOG 

YÎOG  •  lOYAIANOY  nATPOGYNAmrHC  RAMOH 

GliîN  AITiiN  H  MHMiN  ~B  ENElPHiNH  H  KOLMHGIC  AYTOÏ 

«  Ici  repose  Annianus,  archonte,  enfant,  fils  de  Julien, 

(1)  Par  opposition  aux  Patriarches  illusires  dont  nous  avons  fait  men« 
tiOD. 

(2)  Cette  qualification  se  retrouve  deux  fois  dans  la  calacombe  Randa- 
nini  (Cimit  ro,  p.  52).  A  la  même  page,  le  savant  auteur  donne  un 
fragment  d'inscription  où  il  lit  le  nom  d'une  mère  de  la  Synaçjoyue.  Bien 
que  nous  partagions  son  sentiment,  nous  n'insistons  pas  sur  un  texte 
encore  problématique.  Nous  en  dirons  autant  du  fragment  (p.  51)  où 
l'Ange  du  conseil  serait  peut-ôtre  menliounô. 

(3)  Ce  principe  ne  doit  admettre  d'exceptions  qu'en  des  cas  particu- 
liers, comme  en  ce  qui  concerne  Stafulus.  Pour  plus  de  détails,  recourir 
aux  travaux  du  R.  P.  Garrucci. 


292  LA  THÉOLOGIE    DES    CATACOMBES. 

«  père  de  la  synagogue  des  Campeuses.  îl\  mourut)  âgé  de 
«  8  ans  et  2  mois.  En  paix  soit  son  sommeil  (1)  !  » 

QAE  KEITE  IOKA0 
INOG  ÂPXiiN  NHniOG 

«  Ici  repose  Jocathinus,  archonte,  enfant  (2).  » 
D'autres  enfants  étaient  destinés  à  cette  dignité  et  rece- 
vaient sans  doute  une  éducation  toute  spéciale  :  c'étaient 
les  «  futurs  archontes  »  : 

MARCVS  CVYNT 
VS  ALEXVS  GRA 
MMATEVS  EGO  T 
ON  AVGVSTASIO 
N  MELLARCON 
ECCION  AVGVSTESl 
ON  AN  Xfl 

<(  Marcus  Quintus  Alexus,  scribe  (de  la  synagogue)  des 
«  Augustenses,  archonte  futur  des  Augustenses,  (âgé)  de  12 
«  ans  (3).  )) 

AAE2ANAP0C  APXiiN 
DACHC  TEIMHC  ÏERNÎi 
rAYKYTAÏÎÎ  AAEZAN 
APii  MEAAAPXONTI 

EXEIPBNH   H   EOIMHCIC   COY 

«  Alexandre,  archonte  de  tout  honneur,  à  son  enfant  très- 
ce  doux,  Alexandre,  futur  archonte.  En  paix  ton  som- 
«  meil  (^)  !  » 

(1)  Nuove  Ep.,  p.  10. 
(î)  Ibid. 

(3)  Nuove  Ep.,  p.  10.  A  la  froi^iôme  et  à  la  sixième  ligne  il  faut  lire  : 
EK  TON. 

14)  lôid.,  p.  11. 


LA   THÉOLOGIE    DES    CATACOMBES.  293 

L'expression  :  «  archonte  de  tout  honneur,  de  toute  ma- 
gistrature »  (iraariç  ttjXTiç),  est  fort  remarquable  ;  elle  a  sa 
parallèle  dans  l'inscription  de  Stafulus,  honoribus  omnibus 
functus,  et  dans  l'épitaphe  suivante  on  la  retrouve  sous  un 
énorme  barbarisme  :  «  A  Aurélia  Flavia,  épouse  bien  méri- 
«  tante,  Jonatas,  archonte  de  toute  dignité  (PASES  ÏES- 
«  SIMEN),  a  fait  (ce  monument)  (1).  Les  archontes  de  (ont 
/iowneMr  jouissaient  donc  d'une  autorité  absolue  dans  l'ordre 
pohtique  et  dans  la  communauté  religieuse  ;  saint  Paul  les 
a  pris  pour  terme  imphcite  de  comparaison  quand  en  sa 
première  épître  à  Timothée  (2)  il  écrit  :  Quicumque  sunt  sub 
jiKjo  servi,  dominos  siios  omni  honore  (Trac/iç  xtiji^!;)  dignos  arbi- 
trentuTy  ne  nomen  Domini  et  doctrina  blasphemetur,  indiquant 
par  cette  formule  solennelle  et  familière  aux  Juifs  et  à  son 
disciple,  combien  la  soumission  des  esclaves  chrétiens  envers 
leurs  maîtres  devait  être  profonde. 

Les  Scribes  (Ypaî^i^-arsiç)  touchaient  de  près  aux  archontes, 
et  non  pas  tant  par  l'analogie  de  leurs  fonctions  que  par  le 
sang  et  la  parenté.  Car  les  inscriptions  judaïques  nous 
montrent  que  les  plus  hautes  charges  se  perpétuaient  souvent 
dans  une  même  famille;  on  y  voit  des  fils  d'archontes  deve- 
nir scribes,  et  les  fils  des  grammateis  recevoir  les  honneurs 
del'archontat  (3).  11  arrivait  aussi  que  des  scribes  obtenaient 
une  dignité  supériem^e,  comme  on  lésait  de  M .  Q.  Alexus. 
Plusieurs  enfants  étaient  agrégés  au  collège  des  scribes  : 
«  Certainement,  dit  le  R.  P.  Garrucci  {h) ,  ils  devaient  être 
«  élevés  à  l'école  des  lettres  sacrées,  apprendre  à  bien  copier 
«  les  sentences  de  l'Écriture  sur  les  phylactères,  et  à  rédi- 


(1)  Nuove  Ep.,  p.  12. 
(â)  C.  VI,  V.  1. 

(3)  Ainsi  :  «Justus,  scribe,  plein  d'amour  pour  sou  père  et  ses  frères  : 
«  Maron,  deux  fois  archonte,  à  soa  tils  chéri,  âgé  de  37  ans.  »  [Cimit,, 

p.  47-) 
(4J  Cimitero,  p.  61, 


29/i  LA  thEolo(;]e  des  catacombes. 

«  ger  les  actes  de  la  synagogue...  On  peut  estimer  que 
«  de  tout  jeunes  écoliers  obtenaient  d'être  admis  parmi  les 
«  aspirants,  et  qu'il  leur  était  permis  de  prendre,  encore 
((  enfants,«le  nom  de  cette  dignité,  comme  on  accordait 
«  l'honneur  du  decurionatus  aux  enfants  dans  les  muni- 
<(  cipes  et  colonies  romaines.  » 

Les  catacombes  juives  renferment  aussi  quelques  vestiges 
des  docteurs  préposés  à  l'explication  et  à  la  prédication  de 
la  loi  :  ils  y  sont  appelés  voaoy.aeiei<:  (1) ,  et  il  est  question 
d'eux  en  divers  endroits  de  l'Écriture  sous  les  noms  de  vo.ao- 
ûiôdçxaXoi,  de  Ypx[j.ij.aT£ï;  (2),  OU,  suivant  Saint  Matthieu,  de 

Ypau.(xaTeùç  [jiaôrjTEuOciç  (3). 

Un  monument  épigraphique  de  la  Vigna  Randanini  rend 
témoignage  à  la  vérité  et  à  l'exactitude  du  récit  où  saint 
Luc  parle  du  ministre  de  la  synagogue  : 

<I)AÂBIOG  10  Y  Al 
ANOC  VnPETHG 
a>AABlA  lOVAIANH 
©YIATHP  nATPI 
EN  EIPHNH  H  KOI 
MHCIG  COY 

«  Flavius  Julianus,  ministre  (serviteur).  Flavia  Juhana, 
u  fille,  à  son  père  !  En  paix  ton  sommeil  [h)  !  »  L'évangé- 
liste  dit  :  «  Et  Jésus  ayant  reployé  le  hvre  et  le  rendant  au 
((  ministre  (-t^w  u7rr,p£Tyi),  il  s'assit,  et  dans  la  synagogue,  les 
((  regards  de  tous  étaient  fixés  sur  lui  (5).  »  En  un  temps 

(1)  Cimilero,  pp.  5G,  57. 

(2)  Luc.  V,  17,  21.  L'ÊvangélisLe  semble  prêter  le  même  seus  à  ces 
deux  expressions,  cl  par  conséquenl  entendre  le  mot  scriba,  des  scribes 
du  premier  rang  Q'^S^Sn)  >  qui  expliquaient  la  loi,  taudis  que  les  scribes 
inférieurs  donl  nous  avons  parlé  id'^Ï^ISID  ne  pouvaient  prétendre  à 
ce  ministère. 

(3)  Matth.  XIII,  52.  Saint  Matthieu  s'exprime  ainsi,  pour  indiquer  les 
scribes  de  l'ordre  le  plus  élevé. 

(4)  Nuove  Epigr,,  p.  14. 

(5)  Luc.  IV,  20. 


LA    THÉOLOGIE    DKS   CATACOMBES.  295 

OÙ  l'exégèse  incrédule  relève  avec  un  scrupule  merveilleux 
jusqu'au  dernier  accent  du  texte  biblique,  on  nous  pardon- 
nera un  peu  d'attention  à  ces  harmonies  de  détails  entre 
l'Ecrivain  sacré  et  les  inscriptions  judaïques. 

Enfin,  les  rapports  de  la  synagogue  romaine  avec  les 
juifs  étrangers  à  la  colonie,  exigeaient  qu'elle  leur  offrît  un 
guide,  un  avocat,  un  hôte,  un  patron;  elle  y  pourvut  par 
l'institution  du  Prostates  : 

EN0AAE  KEITE 
rAIGnPOClATHC 
OGIOG  EZHGEN 
ETH  OB  EN  EIPH 
KOIMHCIG  GOr 

«  Ici  repose  Caïus,  prostates^  saint.  Il  vécut  72  ans.  En 
paix  ton  sommeil  (1)  !  »  Saint  Paul  (2),  remerciant  Phébé 
de  ses  bons  et  pieux  services,  la  nomme  Prostatis,  ce  que 
Théodoret  a  justement  expliqué  des  soins  de  l'hospitalité. 
Caïus,  le  saint,  eut  donc  en  partage  ce  touchant  ministère, 
et  sa  maison  fut  peut-être  comme  un  portique  de  l'Église 
romaine  :  qui  sait,  en  effet,  si  ses  hôtes,  frappés  de  la  grâce 
et  de  la  lumière  de  l'Évangile,  n'échangèrent  pas  plus  d'une 
fois  sa  demeure  pour  les  Catacombes  où  les  pontifes  chré- 
tiens enseignaient  et  baptisaient  ?  Et  le  peuple  hébreu  tout 
entier  n'est-il  point  ce  ministre  de  la  sijnagogue  de  Nazareth 
ou  de  Rome  ?  Sa  destinée  ne  fut-elle  pas  de  garder  le  livre 
de  la  Révélation  et  de  le  transmettre  un  jour  à  l'Église, 
pour  qu'elle  en  lût  le  texte  et  en  accomplît  les  mystères  ?  Un 
rôle  aussi  considérable,  une  mission  aussi  providentielle  l'ont 
enchaîné  au  monde  surnaturel,  et  nous  autorisent  à  insister 


(1)  Descrizione,  p.  13. 
Il)  Rom.  XVI,  2, 


296  LA   THÉOLOGIE    DES  CATAGOAIBES. 

sur  les  moindres  traits  de  son  histoii'e  dans  cette  Théologie 
des  Catacombes  %  et  si  notre  voix  lui  témoigne  quelque  sym- 
pathie mêlée  de  tristesse,  nous  n'en  rougissons  pas,  nous 
souvenant  que  David  pleurait  la  mort  d'un  rebelle  :  «  Et  la 
«  victoire  se  changea  en  deuil  pour  tout  le  peuple^  car  le 
'<  peuple  ouït  dire  en  ce  jour  là  :  u  Le  roi  pleure  sur  son 
«  lils  (1)  !» 


VII. 


Les  fouilles  de  la  Vigna  Randanini  ont  amené  la  décou- 
verte d'un  édifice  important  où  la  pensée  peut  très-bien 
réunir  et  replacer  les  membres  de  la  hiérarchie  judaïque, 
considérer  leurs  œuvres,  pénétrer  leurs  desseins  et  presque 
surprendre  un  écho  de  leur  langage.  Nous  voulons  parler 
de  cette  synagogue  souterraine  de  pierre  et  de  marbre  qui 
sert  de  vestibule  aux  galeries  du  cimetière.-  Elle  consiste  en 
une  salle  rectangulaire,  pavée  de  mosaïques,  divisée  dans 
sa  longueur  par  un  petit  mur  haut  d'une  palme  et  demie,  et 
revêtu  de 'marbre  blanc  sur  ses  deux  faces.  La  partie  méri- 
dionale se  termine  par  deux  absides  arrondies  (2)  auxquelles 
répondent  du  côté  opposé  (3)  deux  niches  peintes  en  bleu 
d'azur.  Un  atrium  voisin  contenait  un  puits  destiné  aux  pu-- 
rifications  que  les  Juifs  avaient  accoutumé  de  faire  avant 
d'entrer  dans  la  maison  de  prière.  Ce  monument,  qui  fut 
transformé  en  cuhiculum  sépulcral  au  moins  dès  le  troisième 
siècle,  doit  remonter  à  une  date  fort  ancienne  et  peut-être 
est-ce  là  que  se  passa  la  grande  et  fameuse  scène  que  nous 
allons  redire  [k) . 

(1)  II  Reg.  XIX,  2. 

"(•2)  C'est  là  que  les  Pharisiens  aimaient  à  se  placer,  comme  le  leur  re- 
proche le  Sauveur  (MatUi.  xxiii,  6).  Cf.  Cimitero,  p.  5  et  suiv. 

(3)  La  partie  contigue  à   la  double  abside  était  réservée  aux  hommes, 
et  l'autre  aux  femmes,  suivant  Eusèbe  et  Philou. 

(4)  Àct.  xxvui.  La  coutume  de  salut  Paul  était  de  réunir  les  Juifs  dans 


LA    THÉOLOGJE    DES    CATACOMBES.  297 

Trois  jours  après  son  arrivée  à  Rome,  saint  Paul  convoqua 
les  premiers  d'entre  les  Juifs.  Ils  s'assemblèrent  en  la  syna- 
gogue. Au  centre  des  absides,  le  chef  de  la  synagogue  et  le 
gérusiarque  étalaient  leurs  orgueilleux  phylactères  ;  les 
archontes  les  environnaient  avec  les  docteurs  et  les  scribes. 
Des  lampes  marquées  au  chiffre  de  la  synagogue  brûlaient 
de  toutes  parts  (1).  Le  Prostates  et  un  soldat  romain  paru- 
rent et  introduisirent  l'Apôtre  :  les  enfants  destinés  aux 
charges  et  aux  dignités,  le  contemplaient  d'un  regard  sur- 
pris et  inquiet.  Et  il  leur  disait  :  «  Seigneurs  et  frères  !  in- 
«  nocent  de  toute  faute  contre  le  peuple  ou  la  tradition  des 
«  Pères,  j'ai  été  enchaîné  à  Jérusalem,  puis  livré  aux  mains 
«  des  Romains  qui  m' ayant  fait  subir  un  interrogatoire, 
«  voulurent  me  renvoyer  parce  qu'ils  ne  me  trouvaient 
«  coupable  d'aucuncrime  capital.  Mais  les  Juifs  s'y  opposant, 
((  j'ai  été  forcé  d'en  appeler  à  César,  non  pas  que  je  veuille 
«  accuser  mon  peuple  près  de  lui.  C'est  donc  pour  cela 
«  que  j'ai  demandé  de  vous  voir  et  de  vous  adresser  la  pa- 
«  rôle.  Car  c'est  pour  l'espérance  dl'Israël  que  je  suis  lié 
«  de  cette  chaîne.  »  Mais  eux  lui  dirent  :  «  Pour  nous,  nous 
«  n'avons  point  reçu  de  lettres  à  ton  sujet  quand  tu  étais 
((  en  Judée,  et  aucun  frère  n'est  venu  nous  prévenir  ou 
u  parler  mal  contre  toi.  Or,  nous  jugeons  à  propos  d'ap- 
«  prendre  de  toi  ce  que  tu  penses  ;  car  nous  savons  de  cette 
((  secte  qu'elle  rencontre  partout  des  contradictions.  »  Ils 
lui  fixèrent  un  jour  pour  l'entievue  et  comme  beaucoup 
refusaient  d'embrasser  la  foi,  ils  discutaient  entre  eux,  et 
Paul  rappela  les  oracles  où  l'endurcissement  du  peuple  a 
été  prophétisé,  et  les  Juifs  quittèrent  sa  maison,  divisés  par 
d'interminables  disputes. 

leurs  synagogues,  et  le  soin  que  saint  Luc  prend  de  marquer  (v.  23)  que 
lors  de  leur  deuxième  entrevue  avec  l'Apôtre  les  Juifs  se  rendirent  ad 
eum  in  hospitium,  montre   que  !a  première  s'était  faite  dans   la  syna- 
gogue ;  il  y  a  donc  une  vraie  probabilité  dans  notre  hypothèse. 
(I)  Voirie  dessin  qu'en  donne  Ai-inghi,  t.  i,  p.  397. 


29S  LA    THÉOLOGIE    DES    CATACOMBES.  I 

A  couj)  sûr,  la  synagogue  de  la  voie  Appienne  les  a  abri- 
tées pendant  de  nombreuses  années;  et  parmi  les  prières, 
les  repas  sacrés  dont  plusieurs  coupes  imagées  et  symboli- 
ques indiquent  l'existence,  parmi  les  commentaires  subtils 
et  l'explication  cabalistique  des  Écritures,  elle  a  entendu 
la  profession  de  foi  de  ceux  qui  passaient  au  christianisme, 
les  anathètues  de  leurs  ennemis,  et  les  blasphèmes  de  la 
foule  contre  l'Église  catholique  qui,  à  quelques  pas  de  là, 
grandissait  dans  les  cimetières  ensanglantés  de  Calixte  et  de 
Prétextât.  Un  jour  vint  où  cette  Église  sauva  Israël  des 
colères  de  l'Occident,  et  les  catacombes  juives  de  la  ruine 
et  de  l'oubli. 


VIII. 


Lorsqu  après  d'incroyables  fatigues  dont  le  récit  touche 
au  romanesque,  Bosio  découvrit,  le  1^  décembre  1602,  la 
catacombe  hébraïque  de  CoUerosato  sur  la  voie  Portuensis, 
tout  le  monde  se  prit  à  nier  obstinément  que  cet  hypogée 
eût  été  creusé  et  occupé  par  des  Juifs  :  la  nouvelle  en  était 
si  étrange  et  tellement  inattendue  qu'elle  devait  exciter 
beaucoup  de  défiance.  Mais  l'illustre  Bosio,  Luc  Holstein, 
chanoine  de  la  basilique  Vaticane,  et  Aringhi  réfutèrent 
toutes  les  objections  et  surent  contraindre  leurs  adversaires 
au  silence.  En  même  temps,  ils  élevaient  cette  découverte 
à  la  hauteur  d'un  événement  religieux,  et  l'on  peut  voir 
dans  la  Roma  subterranea  d' Aringhi  (1) ,  les  actions  de  grâces 
qu'elle  leur  dictait  envers  la  divine  Providence.  Car  ils 
établissaient  dès  lors  sans  réplique,  que  nos  cimetières 
chrétiens  ne  furent  jamais  profanés  par  la  présence  et  la 
sépulture  des  infidèles.  Le  doute,  impossible  en  ce  qui  con- 


(1)  Tom.  I,  p.  S90  et  suiv. 


LA    THÉOLOGIE    DES    CATACOMBES.  299 

cerne  les  païens  (l),  subsistait  peut-être  pour  ce  qui 
regarde  les  Juifs,  auxquels  la  loi  défendait  de  brûler  les 
cadavres  et  prescrivait  de  les  ensevelir  dans  des  souterrains 
éloignés  des  villes.  Mais  l'existence  de  cimetières  spécia- 
lement et  exclusivement  hébraïques,  décidait  la  question  en 
vengeant  l'honneur  virginal  de  nos  Catacombes. 

Les  mêmes  contradictions  ont  accueilli,  deux  siècles  et 
demi  plus  tard,  en  1860,  les  découvertes  du  R.  P.  Garrucci 
et  de  M.  Ignazio  Randanini.  Quelle  en  fut  la  cause  secrète  ? 
Certes,  ce  ne  fut  pas  seulement  l'amour  de  la  vérité,  ou  le 
dévouement  à  la  science  ;  et  quoi  qu'il  en  soit,  l'autorité  ridi- 
cule d'un  rabbin  du  Ghetto,  ou  de  visiteurs  peu  versés  dans 
les  antiquités  grecques  et  judaïques  (2),  n'infirmera  point 
le  témoignage  évident  des  catacombes  juives  elles-mêmes. 
Il  n'est  pas  besoin  de  faire  ressortir  la  force  de  cet  argu- 
ment :  l'absence  complète  de  symboles  spécialement  chré- 
tiens ;  les  emblèmes  figuratifs  de  l'ancienne  loi  répandus  à 
profusion  sur  les  inscriptions  et  les  sépultures  ;  le  nom  de  la 
synagogue,  de  ses  chefs  et  de  ses  meiïibres  ;  des  expressions 

semblables  à  celle  de  bonne  juive ,  en  un  mot  toutes  les 

images,  tous  les  textes  que  nous  avons  cités,  nous  obligent 
d'attribuer  cet  hypogée,  non  pas  aux  chrétiens  qui  luttaient 
sans  cesse  contre  l'esprit  judaïque  ;  non  pas  à  des  chrétiens 
judaïsants  qui  eussent  mêlé  les  traits  caractéristiques  de  la 
nouvelle  alliance  à  ceux  de  l'Ancien  Testament,  non  pas 
aux  sectateurs  de  la  gnose,  ennemis  jurés  du  mosaïsme; 
encore  bien  moins  aux  gentils  et  idolâtres,  mais  uniquement 
à  la  synagogue  judéo-romaine. 


(1)  Voyez  sur  ce  sujet  la  solide  cl  savante  démonstration  de  Mgr  Ger- 
bet  {Esquisse  de  Rome  chrétienne,  t.  i,  p.  205  seqq.). 

(2)  M.  Herzog,  de  l'Institut  de  France,  s'est  occupé,  dans  la  fievwe  dMr- 
chéologie,  du  cimetière  Randanini  ;  on  peut  voir,  dans  les  ouvrages  du 
R.  P.  Garrucci,  avec  quelle  légèreté,  quelles  distractions,  quelle  inexac- 
titude, le  docte  académicien  a  procédé. 


..300  LA   THÉOLOGIE    DES    CATACOMBES. 

Le  résultat  que  Bosio  se  félicitait  de  recueillir  des  fouilles 
de  Coller osato  est  donc  confirmé  par  celles  de  la  Vigna  Ran- 
danini,  et  l'inviolable  sainteté  des  cimetières  de  nos  mar- 
tyrs, devient  l'un  des  théorèmes  les  plus  certains  delà 
théologie  des  Catacombes. 

iMais  d'où  vint  aux  juifs  de  Rome  le  dessein  d'ouvrir  des 
catacombes?  Leur  est-il  propre  et  les  chrétiens  furent-ils 
leurs  imitateurs,  comme  on  l'a  dit  (1)  ?  Cette  question  mé- 
rite l'attention  des  archéologues,  et  son  caractère  tout  scien- 
tifique nous  interdirait  de  nous  y  arrêter,  si  sa  solution 
n'était  une  louange  nouvelle  à  l'Église  catholique  (2). 

Les  Catacombes  chrétiennes  et  judaïques  sont  tout  d'abord 
l'ensemble  de  galeries  souterraines  où  les  loculi  et  les  arco- 
solia  se  succèdent réguUèrement  et  horizontalement  disposés 
-dans  les  parois.  Mais  ce  caractère,  qui  leur  est  commun,  se 
retrouve  bien  avant  l'ère  impériale  dans  le  sépulcre  des 
Scipions  (sur  la  voie  Appienne),  et  spécialement  dans  les 
hypogées  des  monts  Falisques.  Ainsi  les  premiers  chrétiens 
n'eurent  pas  à  en  demander  l'idée  aux  Juifs  :  l'Éghse  et  la 
synagogue  l'empruntèrent  immédiatement  aux  usages  et 
aux  monuments  de  l'antique  Italie. 

-  Les  Catacombes  chrétiennes  et  hébraïques  se  ressemblent 
encore,  lorsqu'en  réservant  à  chaque  cadavre  une  place 
distincte,  elles  offrent  cependant  à  tous,  aux  pauvres  et  aux 
riches,  aux  faibles  et  aux  puissants,  un  asile  unique  qu'ils 
partagent  en  frères,  un  dormitorium  où  toutes  les  séparations, 
même  de  famille,  disparaissent;  où  le  plébéien  repose  à  côté 
du  consul,  et  l'esclave  près  du  citoyen  libre.  Cette  commu- 
nauté de  cimetière,  cette  promiscuité  de  sépultures  qui  ne 
se  confondent  pas  comme  chez  les  Romains,  cette  institution 
d'une  signification  si  haute,  d'un  caractère  si  noble  et  si 


(1)  D'  Spencer  Northcote,  Catacombes  romain-^s,  pp.  25  et  27. 

(2)  Nous  adoploua  celle  que  propose  et  défend  le  R.  P.  Garrucci. 


LA    TTll^lOror.lE  DES    nATACOMBES.  301 

nouveau  (1),  est-elle  un  produit  de  l'esprit  judaïque  ou  de 
la  charité  chrétienne  ? 

«  Il  me  semble,  dit  le  R.  P.  Garrucci  (2) ,  qu'avant  l'ère 

«  chrétienne,  les  Juifs  de  Rome  avaient  accoutumé  d'enter- 

«  rer  leurs  morts  dans  des  cryptes  ou  souterrains,  suivant 

«  leur  usage  national;   il  me  semble  aussi  qu'on  ne  doit 

«  pas  faire   difiiculté  d'admettre  qu'ils  se  soient  dès  lors 

«  conformés  à  la  coutume  italienne  de  creuser  plusieurs 

))  rangs  de  loculi  sur  les  parois  de  leurs  catacombes.  Mais 

«  quant  à  la  promiscuité  de  sépultures,  je  ne  trouve  aucune 

«  raison  de  penser  de  même  :  je  vois  qu'au  contraire,  en 

«  Palestine,  les  sépulcres  de  famille  étaient  d'un  usage 

«  général  ;  et  l'on  ne  peut  supposer  que  les  synagogues  ou 

«  sanhédrins  chargés  du  gouvernement  des  Hébreux  hors 

«  de  la  Palestine,   aient  introduit  ici  cette  nouveauté  con- 

«  traire  aux  traditions  paternelles  qu'ils  gardaient  avec  tant 

«  de  ténacité.  D'où  il  suit  qu'en  ce  point  nous  ne  pouvons 

«  attribuer  l'initiative  aux  cimetières  juifs,  et  que  le  mérite 

«  d'en   avoir  conçu  la  première  idée  revient  de  droit  à 

«  l'Église  chrétienne.  Cela  paraîtra  encore  plus  vrai  si  l'on 

«  remarque  que  les  autres  caractères  des  catacombes  hé- 

«  braïques  dérivent  manifestement  d'usages  étrangers  au 

«  peuple  d'Israël.  C'est  une  chose  nouvelle  chez  les  Juifs 

«  et  inouïe  en  Palestine,  que  des  inscriptions  funèbres  ;  à 

«  plus  forte  raison  c'est  chose  nouvelle  pour  eux  que  l'em- 

«  ploi  des  sarcophages  ornés  de  bas-reliefs  sur  la  face 

«  antérieure  (ces  monuments  n'étant  que  d'invention  ro- 

«  maine  et  à  peu  près  du  temps  d'Adrien).   D'ailleurs,  on 

«  ne  doit  pas  être  surpris  que  les  Juifs,  ennemis  déclarés 

«  de  l'Eglise  chrétienne,  lui  aient  pourtant  fait  des  em- 

(1)  La  Palestine  ne  renferme  que  [des  tombeaux  de  famille  ou  des 
sépulcres  isolés  ;  jamais  un  cimetière  consacré  à  des  juifs  de  familles  et 
de  conditions  diverses.  On  y  connaît  Varcosolium,  mais  non  le  loculuf. 
Cf.  Cimilero,  p.  10  et  suiv. 

(2)  Cimttero,  p.  15. 


302  LA    THÉOLOGIE    DES    CATACOMBES. 

«  prunts  :  car  nous  savons  que  les  idolâtres  et  les  héréti- 
«  ques  tentèrent  de  tromper  par  ce  moyen  ceux  qui  se 
«  convertissaient  à  l'Eglise,  comme  à  l'unique  réparatrice 
«  de  l'humanité  corrompue  (1).  » 

Mais  nos  cœurs  ne  prévenaient-ils  pas  le  jugement  de  la 
science?  Seule,  l'Épouse  du  Christ  a  pu  songer  à  réunir  sur 
son  sein  maternel  tous  les  hommes  jusque-là  divisés,  à  les 
nourrir  du  même  lait  et  à  les  déposer  tous  ensemble  en  un 
même  berceau  d'où  ils  s'éveilleront  à  l'appel  du  premier-né 
d'entre  les  morts. 

'  IX. 

Les  rationalistes  allemands  insistent  beaucoup  sur  les 
rapports  des  monuments  archéologiques  avec  la  sainte 
Ecritm'e,  et  sauf  l'abus  inévitable  où  les  préjugés  et  le  mé- 
pris des  vrais  principes  d'interprétation  biblicjue  les  con- 
duisent, leur  méthode  est  précieuse  et  serait  utilement 
suivie  par  les  savants  catholiques.  Aussi  pensons-nous  que 
la  théologie  des  Catacombes  doit  faire  une  large  part  à 
l'exégèse  sacrée,  et  mettre  en  lumière  les  points  de  contact 
qu'elle  aperçoit  entre  les  cimetières  hébraïques  et  le  texte 
inspiré.  Nous  avons  pris  ce  soin  dans  les  pages  qui  précè- 
dent, et  nous  compléterons  ici  nos  remarques  en  ajoutant 
le  dernier  trait  au  tableau  que  nous  avons  entrepris  d'es- 
quisser. 

La  Bible  est  comme  un  des  éléments  de  l'esprit  judaïque, 
une  forme  particulière"  qui  le  détermine,  un  prisme  surna- 
turel à  travers  lequel  il  envisage  le  monde  des  idées  ;  et  la 
parole  reflétant  toujours  les  propriétés  de  la  pensée,  le  lan- 
gage de  la  synagogue  est  tout  pénétré  de  réminiscences 


(1)  Nous  espérons  éclaircir  ce  fait  important  dans  la  seconde  partie  de 
notre  travail. 


LA   THÉOLOGIE   DES   CATACOMBES.  30S 

bibliques.  Tantôt  ce  sont  des  allusions  plus  ou  moins  claires 
à  quelque  verset  des  saints  Livres,  comme  les  acclamations 
funèbres  que  nous  avons  signalées  et  expliquées,  ou  comme 
les  titres  et  les  éloges  accordés  aux  morts.  Ce  sont  encore 
des  formules  consacrées  par  la  littérature  des  prophètes  : 
enfin,  de  véritables  citations  qui  se  présentent  sous  forme 
de  sentences,  comme  dans  cette  épitaphe  : 

TO  NOMir  A.... 
MHMH  AIRAIOu  CuN 

ENRiiMIiî 

EN  IPHiNH  H  KOIMHGIG  COÏ  (1) 

La  deuxième  et  la  troisième  ligne  sont  tirées  du  livre  des 
Proverbes,  au  chapitre  X,  v.  7,  où  on  lit  :  «  Memoria 
«  justi  cum  laudibus.  »  Citons  une  autre  inscription  juive, 
tout  analogue  : 

EN0AAE  KEITE  AMAXIC 
O  KAl  nPIMOG  MNHMH 
AlKAIOr  ..G  EYAOriAN 
or  AAH0H  TA  ENRii 
.lA  EN  IPHNH  NH 
KOIMHGIG  GOr 

«  Ici  repose  Amachius,  surnommé  Primus.  La  mémoire 
du  juste  est  en  bénédiction,  et  ses  louanges  sont  vraies  ;  en 
paix  ton  sommeil  (2)  !,..  » 

Cette  sentence  est  de  la  même  source  que  la  précédente, 
et  toutes  deux  se  rapprochant  beaucoup  plus  du  texte  hé- 
braïque et  de  la  version  d'Aquila  que  de  la  traduction 
des  LXX,  portent  à  croire  que  les  Juifs  de  Rome  se  servaient 
d'une  version  très-littérale.  Cependant  le  texte  scripturaire 

(1)  DesciHzione,  p.  12. 

(2)  Nuove  Epiyr.,  p.  ]5. 


3(>â  LA    THÉOLOGIE    DES    CATACOMBES. 

dut  être  parfois  modifié  dans  les  inscriptions  juives,  ou 
parce  qu'on  le  reproduisait  de  mémoire,  ou  parce  qu'un 
motif  puisé  dans  le  système  doctrinal  l'exigeait  ainsi  (1). 

Transcrivons  en  terminant  une  épitaphe  qui  rappelle  la 
langue  du  Nouveau  Testament  : 

COCOTIA  QVI  E  IV 
DA  FECIT  FRATRIET 
CONCRESCONIO  ET 
CONLABORONIO  MEO 
ABVNDANTiO  QVl  BI 
XIT  •  ANN  •  XVIII  BENE  ME 
RENTI  IREN  •  CVBIS  •  AVT  • 

((  Cocotia,  surnommé  Juda,  a  fait  (ce  sépulcre)  au  bien 
«  méritant  Abundantius;  à  mon  frère,  mon  compagnon 
«  d'âge  et  de  travail,  qui  vécut  18  ans.  En  paix  ton  som- 
«  meil  (2)  !  »  Le  R.  P.  (iarrucci  met  en  parallèle  avec  ce 
monument,  une  inscription  chrétienne  inédite  qu'il  a  vue 
dans  le  cimetière  des  SS.  Pierre  et  Marcellin,  et  que  P  ri  mus 
dédia  à  Léontia  CVM'LABORONE  SVE,  Les  mots  concresco- 
nius,  conlaboronius,  conlaboronia  étaieni  inconnus  jusqu'ici, 
même  des  lexiques  de  la  basse  latinité. 

Or,  dans  un  récent  et  excellent  article  du  R.  P.  H.  Mertian, 
directeur  des  Études  religieuses ,  historiques  et  littéraires 
publiées  par  les  PP.  Jésuites  (3) ,  nous  voyons  signaler 
comme  une  note  spéciale  de  la  grécité  de  saint  Luc,  l'usage 
des  verbes  composés  avec  la  préposition  cuv.  On  peut  en  dire 
autant  des  épitres  de  saint  Paul,  où  les  mots  dans  la  forma- 
tion desquels  entre  cum  ou  auv,  sont  fort  nombreux.  Ce 
caractère  original  distingue  toujours  le  style  de  l'Apôtre  ; 

(1)  Par  exemple,  la  distinction,  même  nominale,  entre  les  justes  de  la 
terre  elles  justes  du  ciel.  V.  plus  haut  §  iv,  l'épitaphe  d'Eulychianus. 

(2)  Nuove  Epigr.,  p.  9. 

(3)  Juillet-août  1803.  Philologie  des  Actes  des  Apôtres,  p.  774  etsuiv. 


LA  THÉOLOGIE   DES   CATACOMBES.  305 

ainsi  :  concnplivus^  commilifo,  coœtaneus,  conqiiisitor ,  com- 
particeps,  concorporalis  ;  consrpelire,  commori,  conregnare^ 
condelectari,  com/audere...  et  d'autres  encore  qui  se  trouvent 
exclusivement  ou  plus  souvent  qu'ailleurs  dans  les  écrits 
de  saint  Paul.  Cet  usage  particulier  et  cher  aux  écrivains 
grecs  du  Nouveau  Testament,  se  comprend  très-bien  quand 
on  le  rapproche  de  notre  inscription  juive.  Élevés  à  l'école 
de  la  synagogue,  ils  y  ont  pris  sa  manière  propre  de  parler 
le  grec,  et  adopté  les  idiotismes  de  son  dialecte  :  l'accent 
de  leur  voix  accuse  leur  communauté  d'origine  et  d'éduca- 
tion avec  la  colonie  hébraïque  de  Rome. 

Quand  Dieu  eut  donné  la  paix  à  l'Église  persécutée,  et 
que  le  César  Constantin  eut  confessé  la  divinité,  la  victoire, 
le  règne  éternel  du  Christ,  alors  nos  Catacombes  chrétiennes 
commencèrent  à  fleurir.  Les  basiliques  du  Vatican  et  de  la 
voie  d'Ostie,  du  diacre  Laurent  et  du  glorieux  martyr 
Sébastien,  de  saint  Etienne  et  de  la  bienheureuse  Agnès, 
s'élancèrent  du  sépulcre  des  martyrs  et  des  vierges,  parées 
de  leurs  corps  sanglants,  comme  d^une  couronne  de  lys  et 
de  roses  ;  et  ces  fleurs  efïeuillées  par  la  main  pieuse  des 
pontifes  allèrent  embellir  et  parfumer  Rome  et  le  monde. 

Or,  il  y  eut  en  ce  jour-là  des  catacombes  qui  se  fermèrent 
tristement.  Elles  n'entendirent  point  les  hymnes  du  triom- 
phe ;  l'Évêque  de  Rome  n'y  parut  pas,  moissonnant  les  restes 
sacrés  de  ses  prédécesseurs  et  les  recueillant  dans  un  lin- 
ceul de  pourpre  et  d'or  (1).  Saint  Jérôme  n'y  vint  jamais 
prier  et  rêver  ;  elles  n'ont  pas  été  le  germe  et  la  racine  de 
nobles  basiliques,  et  pendant  de  longs  siècles  la  trace  même 
en  fut  perdue. 

Ah  !  dans  ces  catacombes,  nous  n'avons  rencontré  ni  le 
nom,  ni  le  souvenir  symbolique  du  Christ  qui  est  la  vie,  ni 

(\)  Il  est  conservé  à  lu  basilique  Valicane  où  il  est  exposé  durant  le 
temps  pascal,  alors  que  l'Église  célèbre  le  triorophe  de  sou  Christ  et  da 
BOû  peuple. 

Revde  des  sciences  ecclesiast.,  t.  u.— avril  1864.  20 


300  LA    THÉOLOGIE    DES    CATACOMBES. 

le  sang  des  martyrs  (1)  qui  a  fécondé  nos  cimetières;  ni 
l'image  de  la  Vierge  qui  nous  donna  le  Sauveur  ;  ni  les 
allégories  merveilleuses  du  pain  mystique,  de  l'eau  qui  ré- 
génère, du  paralytique  guéri,  de  Lazare  délivré  des  liens 
de  la  mort.  Et  pourtant  l'espérance,  la  lumière,  la  force. 
Dieu,  est  dans  ce  nom,  avec  ce  sang,  sous  ces  images  et  ces 
emblèmes  !  Mais  dans  ces  catacombes  flétries  nous  avons 
retrouvé  un  cadavre  :  la  Synagogue  !  Elle  avait  ouvert  ces 
galeries  ainsi  qu'une  mine  d'attaque  contre  l'Église,  et  elle 
y  demeure  ensevelie  parnai  les  ténèbres,  jusqu'à  ce  que 
l'Esprit  divin  souffle  sur  elle  et  lui  inspire  la  vie  de  Jésus- 
Christ. 

On  voit  souvent  aux  abords  d'une  citadelle  un  rempart 
que  l'ennemi  a  élevé,  des  fossés  qu'il  a  creusés  dans  les 
guerres  d'autrefois.  Mais  la  cité  y  a  dressé  sa  bannière,  et 
les  ouvrages  qui  avaient  préparé  sa  ruine,  lui  servent  au- 
jourd'hui de  défense.  11  en  est  de  même  des  catacombes 
juives  de  Rome;  nous  avons  va  quelle  haine  du  nom  chré- 
tien elles  ont  abritée  dans  leur  sein  :  et  maintenant  la  foi 
chrétienne  les  possède,  les  domine,  les  emploie  au  service 
de  sa  vérité  et  à  la  défense  de  ses  dogmes. 

L'abbé  J.  D. 


(1)  Voyez  dans  Aringbi  (/oc.  cil.)  la  fablo  ridiciile  desmarttjrs  juif^s  f«- 
sevelis  sur  la  voie  d'Oslie. 


ORIGINES  DES  EGLISES  DE  FRANCE. 


APOSTOLAT    DE  SATNT   RIEUL. 


Deuxième  et  dernier  article. 

§111. 
ARGUMENTS    EN    FAYEUR    DE    L  ANCIENNE    TRADITION. 

I. 

Prescription*. 

Et  d'abord^  avant  que  nous  entrions  directement  danr, 
cet  examen,  une  question  se  présente  naturellement  à  nous  : 
la  prescription  a-t-elle  en  histoire  quelque  valeur  ? 

11  est  évident  qu'on  ne  prescrit  point  contre  la  vérité.  Un 
fait  existe  ou  n'existe  pas,  et  une  opinion  fausse  ne  saurait 
rien  changer  au  passé.  En  ce  sens,  il  n'y  a  pas  de  prescrip- 
tion en  histoire. 

Mais,  supposé  que  l'étude  intrinsèque  d'un  événement  ne 
permette  pas  de  déterminer  d'une  manière  positive  s'il 
faut,  ou  non,  lui  donner  place  dans  l'histoire,  dans  ce  cas, 
une  croyance  antérieure,  longue  et  ancienne,  ne  serait-elle 
pas  un  argument  puissant  qui  devrait  influencer  un  esprit 
libre  de  toute  prévention?  Il  nous  semble  qu'il  est  impossible 
d'en  douter. 


308  ORIGINES  DES    ÉGLISES    DE    FRANCE. 

Ainsi,  dans  l'hypothèse  où  des  arguments  péremptoires 
ne  nous  permettraient  point  de  prouver  que  saint  Rieul  est 
venu  au  temps  du  pape  saint  Clément,  la  longue  tradition 
qui,  du  IX®  au  XVII^  siècle,  a  considéré  ce  Saint  comme 
disciple  des  apôtres,  devrait,  en  présence  de  la  faiblesse  des 
raisons  qui  lui  sont  opposées,  conserver  tous  les  droits  que 
lui  donne  la  priorité.  Cela  est  tellement  vrai,  que  Launoy  (1) 
a  senti  qu'il  devait  présenter  sa  manière  de  voir  comme  an- 
térieure à  la  tradition  reçue.  Pour  lui,  la  nouveauté,  c'est 
ce  qu'on  croit  depuis  825  :  la  vraie  tradition,  c'est  son  opi- 
nion, qui  régnait,  pense-t-il,  avant  le  concile  de  Paris.  Mais 
il  faudrait  établir  ce  point.  On  voit  clairement,  et  de  l'aveu 
de  tous,  quelle  croyance  est  admise  communément  du  lX''au 
XVII*  siècle;  mais  on  ne  voit  pas  de  même  quelle  fut  celle 
des  siècles  antérieurs.  Que  l'opinion  de  Launoy  se  soit  trou- 
vée alors  en  germe  dans  le  texte  erroné  de  saint  Grégoire 
de  Tours,  dans  les  Actes  de  saint  Victoric,  et  dans  ceux  de 
saint  Quentin,  s'ils  remontent  à  cette  époque,  cela  est  clair; 
mais  qu'il  y  ait  eu  là  une  opinion  établie  et  acceptée,  c'est  ce 
qu'il  est  impossible  d'accorder,  en  présence  de  textes  non 
moins  nombreux  et  aussi  positifs  qui  favorisent  l'opinion 
contraire. 

Ainsi,  en  l'absence  de  preuves,  nous  croyons  plus  sage  de 
nous  ranger  avec  huit  siècles  rapprochés  des  événements, 
qu'avec  deux  siècles  postérieurs. 

Ces  réflexions  faites,  nous  examinons  les  titres  de  l'opi- 
nion qui  attribue  à  saint  Rieul  une  plus  haute  antiquité. 

II. 
Anciennes  Vies  manuscrites  de  saint  Rieul. 

Elle  sont  au  nombre  de  trois. 

1°  La  première  a  été  tirée  par  Bollandus  d'un  manuscrit 

(1)  Première  lettre,  Afforitj,  5720,    X;   et   Gallia  Chrisliana,  &iiTpend. 
col.  305. 


APOSTOLAT    DE    SAINT    RIELT..  309 

de  Saint-Oiner.  Il  n'en  fixe  point  l'âge,  et  se  borne  à  la  dire 
plus  ancienne  que  la  seconde,  attribuée  par  lui  au  X%  et 
peut-être  au  IX*  siècle.  Les  Bénédictins  auteurs  de  Y  Histoire 
littéraire  (J),  et  Tillemont  (2),  déclarent  qu'elle  ne  peut 
être  antérieure  à  la  moitié  du  IX"  siècle  ;  mais  la  raison 
qu'ils  gn  donnent  ne  prouve  rien.  Elle  n'est  pas  antérieure, 
disent-ils,  parce  qu'elle  partage  les  erreurs  supposées  à  cette 
époque  par  les  Aréopagites.  Or,  comme  l'aréopagitisme  re- 
monte certainement  au-delà  de  cette  époque  (3)  ;  comme  d'ail- 
leurs c'est  a  peu  près  là  le  point  en  litige,  cette  réponse  dé- 
cide la  question  par  la  question.  Nous  devons  regretter  que 
des  érudits  compétents  n'aient  pas  déterminé  l'âge  de  ce 
manuscrit  d'après  l'écriture,  et  nous  ne  comprenons  pas  le 
silence  des  critiques  sur  ce  point. 

Quoi  qu'il  en  soit  d'ailleurs  de  l'âge  de  cette  Vie,  elle  en 
suppose  d'autres  antérieures,  et  même  très-anciennes,  sur 
lesquelles  elle  aurait  été  faite,  comme  le  prouvent  les  deux 
passages  suivants  :  «  L'athlète  du  Christ,  Rieul,  était  sorti 
d'une  noble  faniille  de  Grèce,  comme  nous  le  voyons  par  de 
très-anciens  documents  et  mémoires  (A).»  —  «  L'histoire  et  la 
peinture  nous  le  montrent  doué  d'une  taille  haute  et  bien  pro- 
portionnée (5).  )) 

Ainsi  ce  document  en  suppose  d'autres  antérieurs. 

Il  est  d'ailleurs,  malgré  l'emphase  et  la  redondance  du 
style,  assez  sobre  de  détails.  On  peut  dire  qu'il  se  borne  à 
développer  les  quatre  points  suivants  :  la  mission  de  notre 
apôtre  avec  saint  Denys,  par  le  pape  saint  Clément  ;  les 

(l)  Histoire  litt&aire  de  la  France,  V,  628-9. 

(•2)  Mémoires  pour  servir  à  Vhistoire  ecclésiastiquti  des  six  premiers  siè- 
cles, t.  IV,  p.  192. 

(3)  Arbellot,  page  143. — Noël  Alexandre,  Historia  eccleiiastica,  dissert. 
in  I  sœculum, 

[h]  Ut  antiqaissimis  reperimus  pittaciis  et  chariis...  —  Vita  ex  codice 
ms.  Audomarensi ,  n.  I,    Acta  sanclorum,  XXX  Marlii. 

(5)  Scripturaque  et  pictura  insinuante,  corporis  quantilate  decenter  com- 
posUus...  Scienter  coltmus  illum  doctiloquum, —  Ibicl,  u.  3, 


310  ORIGINES    DES    LGLISES    DE    FRANCE. 

succès  rapides  obtenus  par  son  zélé  et  par  ses  miracles  ;  son 
voyage  vers  l'Église  persécutée  de  Beauvais  ;  le  miracle  de 
Rully.  L'histoire  n'est  pas  toujours  conduite  avec  beaucoup 
d'ordre.  En  lisant  avec  attention,  on  se  trouve  porté  par  le 
style  et  par  l'ordonnance  des  faits  à  y  voir  plutôt  une  sorte 
d'éloge  qu'une  vie  proprement  dite.  Le  début  pourrait  faire 
croire  que  c'est  un  extrait  de  quelque  autre  œuvre  plus  éten- 
due :  ((  Donc  le  bienheureux  et  généreux  athlète  du  Christ, 
Rieul,  sorti  d'une  noble  famille  de  la  Grèce,  comme  nous 
le  voyons  dans  de  très-antiques  documents  et  mémoires, 
vint  enfin  k  Rome,  etc.  (1).  »  L'auteur,  absolument  et  de 
tout  point  inconnu  (2),  considère  l'apôtre  du  Beauvaisis 
comme  n'ayant  pas  eu  le  caractère  épiscopal,  opinion  tou- 
jours rejetée  par  l'Eglise  de  Beauvais.  Il  ne  fait  pas  la  moin- 
dre allusion  au  passage  de  saint  Rieul  à  Arles,  et  le  pré- 
sente même  comme  envoyé  directement,  par  saint  Denys, 
de  Paris  à  Senlis. 

Voilà  donc  un  document  très-ancien,  étranger  à  Senlis, 
où  il  était  inconnu,  puisque  Deshons,  qui  a  étudié  les  deux 
autres  Vies,  n'en  a  point  parlé,  d'accord  pour  le  gros  des 
faits  avec  la  tradition  de  notre  pays,  différant  cependant 
assez  pour  ne  paraître  pas  s'en  être  directement  inspiré  :  il 
dépose  très-explicitement  de  l'envoi  de  saint  Rieul  par  le 
pape  saint  Clément  au  I"  siècle.  Ce  témoignage  nous  pa- 
raît avoir  sa  valeur.  En  vain  objecterait-on  qu'ici  est  omise 
une  des  circonstances  principales  de  la  vie  de  saint  Rieul, 

(Ij  Beatissimus  igitur  egregiusque  Christi  athleta  Regulus,  ArgoUca  de- 
rivatus  et  exor tus nobihter  prosapia ,  ut  ùi  antiquiisimis  reperu/ius  pittaciis 
et  chnrtis,  largifluo  divinœ  gratiœ  perfusus  rore,  Romani,  oh  accensum 
cœlitus  amorem  apostolorum  Pétri  et  Paiili,  tandem  adiit,  socialus  venera- 
bilium  collegarum  Dionysii,  Ru^tici,  Eteuiherii  el  Eugenii  ceterorumque 
contuiernio.  Ibid,  n.  1. 

(i)  Le  V*  volume  de  l'Histoire  littéraire,  p.  61:8,  porte  que  l'auteur  se 
donne  comme  un  inconnu  de  Senlis.  Il  y  a  là  saas  doute  confusion  avec 
l'une  des  autres  Vies  ;  car  il  n'y  a  pas  un  mot  de  celle-ci  qui  fasse  allu- 
sion soit  à  la  personne,  soit  à  rorigine  de  l'écrivain. 


APOSTOLAT    DE    SAI\T    UILIL.  311 

telle  qu'on  la  lisait  à  Senlis  :  l'épiscopat  d'Arles.  N'oublions 
pas  que  peut-être  nous  n'avons  là  qu'un  extrait  d'une  œuvre 
plus  générale  ;  que  l'auteur  n'écrit  pas  une  vie  détaillée  ; 
que  sans  doute  il  était  étranger  ;  qu'en  lui  nous  trouvons  une 
preuve  que  la  prétendue  tradition  du  Beighnn,  sur  les  douze 
missionnaires  du  III^  siècle,  ne  régnait  pas  seule  dans  le 
Nord;  qu'enfin,  si  c'était  volontairement  qu'il  eût  omis 
l'épiscopat  d'Arles,  l'indépendance  de  ses  idées  sur  ce  point 
prouverait  qu'il  n'était  pas  préoccupé  de  se  conformer  aux 
opinions  régnantes,  et  donnerait  d'autant  plus  de  poids  à  son 
témoignage  sur  l'époque  de  la  mission  de  son  héros. 

2"  La  deuxième  Vie,  donnée  aussi  par  les  Bollandistes,  a 
été  tirée  par  eux  de  différents  manuscrits  trouvés  au  mona- 
stère de  Saint-Germain-des-Prés  de  Paris  (1)  ;  à  Senlis  ; 
chez  les  Chanoines  Réguliers  de  Rougeval,  près  Bruxelles; 
au  monastère  de  Longpont;  dans  une  collection  des  Vies  des 
Saints  préparée  par  Louvet,  l'historien  de  Beauvais;  chez 
les  Célestins  âeSoissons;  à  Saint-Sauveur  d'Utrechl.  Ils  au- 
raient pu  en  trouver  un  de  plus  à  Châlis  (2) .  De  ces  manus- 
crits, quelques-uns  s'arrêtent  à  la  mort  de  saint  Rieul  ;  d'au- 
tres après  l'ouverture  de  son  tombeau  sous  Clovis;  les  plus 
longs  racontent  en  outre  différents  miracles,  et  la  guérison  de 
Judith,  fille  de  Gharles-le-Chauve.  Ils  ont  été  reproduits  ou 
analysés  par  Guidon,  abbé  deSaint-Denys  (3),  Vincent  de 
Beauvais,  Ribadeneira,  et  autres. 

Cette  Vie,  d'après  les  Bollandistes,  serait  du  XP  ou  du 
X''  siècle,  et  d'après  l'Histoire  littéraire,  du  X"  ou  de  la  fin 
du  IX"  siècle.  Ici,  en  effet,  cette  date  est  la  plus  reculée 
qu'on  puisse  admettre,  puisqu'àla  fin  de  la  Vie  se  trouve 
relatée,  comme  nous  venons  de  le  dire,  une  guérison  ob- 
tenue par  Judith,  fille  de  Charles-le-Chauve  :  à  moins  qu'on 

(1)  Affortij,  p.  1910,  IV,  131. 
(i)  AfforUj  1287,  111,  138. 
(3)  A/fortij  1956,  IV,  227. 


312  0"RirTlNES    DES   ÉGLISES    DE    rRA>XE. 

neveuille  supposer  que  la  seconde  partie  ait  été  ajoutée  après 
coup.  L'auteur  est  également  inconnu.  On  pense  que  ce 
doit  être  quelque  Senlisien  qui  aura  écrit  après  l'incendie 
de  l'église  de  Saint- Rieul  (1) ,  sur  des  manuscrits  arrachés 
au  feu,  ou  des  renseignements  recueillis  ailleurs.  Il  déplore, 
en  effet,  la  perte  de  documents  nombreux  :  «  Nous  appre- 
nons, dit-il,  par  la  relation  des  fidèles,  que  la  prévoyance  de 
nos  ancêtres  avait,  pour  l'édification  de  la  postérité,  confié  à 
des  livres  divins  beaucoup  de  détails  sur  le  saint  confesseur 
du  Christ  (Rieul)  ;  mais,  par  la  néghgence  des  gardiens,  et 
pour  punir  les  fautes  des  habitants,  un  accident  déplorable 
et  soudain,  un  violent  incendie  a  consumé  son  église,  d'une 
si  jolie  structure,  et  avec  elle  tout  le  mobilier...  Notre 
humble  récit  a  donc  dû  omettre  des  témoignages  insignes 
de  sa  puissance  (2).  »  Et  plus  loin  il  invoque  encore  d'autres 
documents  :  «  Nous  croyons  devoir  ajouter  à  notre  œuvre 
un  autre  fait  du  même  genre  dont  la  prévoyance  de  nos  an- 
cêtres nous  a  laissé  le  récit,  etc.  (3).  »  —  «  Il  en  est  un 
autre  que  la  dévotion  de  nos  pères  a  laissé  à  la  connaissance 
de  leur  postérité...   (4).  » 

Le  récit  est  ici  plus  régulièrement  conduit  ;  il  se  divise 
en  deux  parties  :  dans  la  première  est  la  vie  du  saint,  dans 
la  seconde  l'histoire  des  miracles  obtenus  par  lui.  C'est  na- 

(1    Jauliiay,  Histoire  des  Évêques,  p.  373.  —  Graves,  p.  130. 

(2)  Sicut  enim  fidelium  relatione  priscornui  devotoruni  studio  Deum 
timentium  suscepimus,  quamplura  hujus  conf'esiori^  Christi  Reguli  ob  poste- 
rorum  œdificationem  tua  forum  so'ertia  divinis  ind-dit  libris,  quœ  post 
custoduin  negligentia,  inhabitanliumque  maxime  peccidii  promerentibus, 
cuin  ipsa  S'dis  honesto:  compositio^v's  ecclesia,  omnique  ipsim  supellectîli, 
infelici  et  tvpentino  casu  ignis  vorax  comumpiit...  Quod  ergo  de  innti 
Prœsulis  laudibus  dœmonis  invida  incensio  deniperat.  sanctarimi  fides 
mentiitm  spiriiali  calamo  ejus  sancfii  prœconiis  restituai  ;  quia  antiquio- 
ntm  virlutum  suarum  insignia  nostrœ  relut io  parcitutis  jam  dicto  prce- 
valente  casu  prœteriif,  etc.  Gap.  Ill,  u.  20. 

i'3j  Quodda  n  prœcedenti  pêne  simile,  mojorum  solertia  scriptis  derelic- 
tum,  noslro  addendum  operi  œqutan  duximus.  Cap.  V,  n.  26. 

(4)  Aliud  siquidem  post  hoc  miraculum  antiquorum  devotio  posterorum 
notiticB  dereliquxt...  n.  20, 


APOSTOLAT    DE    SAINT    RIEUL.  313 

turellenient  dans  la  première  partie  que  se  trouve  raconté 
l'envoi  dans  les  Gaules,  au  P""  siècle,  de  la  mission  con- 
duite par  saint  Denys,  le  passage  des  apôtres  à  Arles,  et  le 
premier  établissement  de  saint  Rieul  dans  cette  ville,  jus- 
qu'au moment  où,  apprenant  le  martyre  de  saint  Denys,  il 
confie  son  siège  à  Félicissime,  se  dii'ige  vers  Paris,  travaille 
quelque  temps  à  fortifier  cette  Eglise  persécutée,  et  enfin 
arrive  aux  lieux  qui  doivent  être  définitivement  le  théâtre  de 
son  zèle. 

Ainsi,  plus  détaillée  que  la  précédente  sur  une  foule  de 
points,  cette  Vie  est  parfaitement  d'accord  avec  elle  sur  le 
temps  de  la  prédication  de  saint  Rieul.  C'est  bien  le  pape 
saint  Clément  qui  envoie  les  missionnaires.  Saint  Rieul  est 
à  Paris  au  moment  où  l'on  apprend  la  mort  de  Domitien, 
assassiné  l'an  96  (1). 

Quelques  exagérations  déparent  le  récit.  Les  miracles 
qui  y  trouvent  place  ont  été  un  des  principaux  motifs  qui 
l'ont  rendu  suspect  à  quelques-uns.  Mais,  quoi  qu'il  en  soit 
de  chacun  de  ces  miracles  en  particulier,  il  faut  se  rappeler 
pour  l'ensemble  que  la  ti-adition  locale  était  tellement  fixée 
sur  ce  point,  qu'on  avait  établi  deux  fêtes  des  miracles  de 
saint  Rieul  (2)  ;  et  enfin,  dans  l'hypothèse  n^ême  où  l'histo- 
rien eût  été,  sous  ce  rapport,  trop  crédule,  on  n'en  saurait 
conclure  qu'il  n'est  pas  digne  de  foi  lorsqu'il  témoigne  de 
ce  que  l'on  pensait  à  son  époque,  ou  de  ce  qu'il  trouvait 
écrit  sur  la  date  de  l'apostolat  de  notre  Saint. 

3"  Une  troisième  Vie  .a  été  tirée  d'un  manuscrit  d'Arles, 
où  elle  se  trouvait  réunie  à  celles  de  saint  Trophime,  de 
saint  Honorât,  de  saint  Hilaire,  de  saint  Césaire  et  de  Vir- 
il) Gap.  I,  n.  5. 

(2)  7  février  et  ] 5  juillet.  —  VJI  Idus  Fehruarii.  Hue  die  fiunt  novem 
lediones  de  Mirarulis  B,  Reguli,  cum  oratione  propria  ;  cœtern  omnia  de 
comm.  Conf.  —  Mus  Julii.  Hue  die  fiunt  novem  lect.  de  MiraeuUs  B.  Re- 
guli, cum  oratione  propria  ;  cœtern  omnia  de  comm.  Conf. — Ancien  né- 
crologe de  saint  Rieul.  Affort'j.  1921,  IV,  192. 


Mh  ORIGINES    DES    ÉGLISES    DE    FRANCE. 

gile.  Une  copie  en  fut  donnée  par  Pierre  de  Saxi  au  cha- 
noine Deslions.  Celui-ci  en  fit  présent  au  chapitre  de 
Saint-Rieul,  et  il  résulte  de  son  récit  que  cette  Vie  était 
alors  inconnue  à  Senlis.  Plus  tard,  il  la  retrouva  dans 
un  vieux  légendier  de  la  ville,  où  manquait  la  fin,  et  dans 
un  autre  manuscrit  de  Saint-Arnould  de  Crépy.  Elle  fut 
éditée  par  Jaulnay  (1).  Les  BoUandistes,  n'ayant  connu 
cette  Vie  que  par  riinprimé  très-défectueux  de  Jaulnay,  et 
considérant  qu'elle  ne  donne  pas  d'autres  faits  que  la  précé- 
dente, dont  elle  leur  semblait  une  amplification,  ne  l'ont 
point  admise  dans  leur  collection.  Deslions,  qui  l'avait  pro- 
duite dans  les  premiers  temps  de  son  arrivée  à  Senlis,  en  a 
fait  plus  tard  une  critique  impitoyable  et  qui  manque  cer- 
tainement de  calme  :  cette  critique  a  été  introduite  dans 
le  Galtia  Christiana  àes  Bénédictins  de  Saint-Maur,  dont  l'ar- 
ticle Senlis  a  été  rédigé  d'après  ses  notes,  communiquées 
par  Afforty. 

Les  BoUandistes  semblent  regarder  cette  Vie  comme  pos- 
térieure aux  précédentes.  Deslions,  au  contraire,  suppose 
que  c'est  par  honte  de  ses  défauts  qu'on  aura  composé  la 
seconde,  afin  d'en  former  les  leçons  des  trois  nocturnes  de 
l'office  de  saint,Rieul  2).  Il  avait  jugé  le  manuscrit  d'Arles 
assez  antique  (3) ,  satis  antiqui.  M.  Faillon  {h)  nous  a  appris 
la  date,  il  ne  dit  pas  de  la  Vie,  mais  du  manuscrit,  en  re- 
marquant qu'à  la  fin  se  trouvaient  les  noms  des  évêques 
d'Arles;  que  tous  ces  noms,  jusqu'à,  celui  de  Raymond  de 
Bolène,  sacré  en  1163,  sont  tous  peints  du  même  caractère 
et  de  la  même  main  que  le  manuscrit,  tandis  qu'à  partir  de 


(1)  C'est  par  erreur  que  M.  Faillon  [Monumenls  inédits,  11,  col.  361) 
attribue  cette  publication  àDeslions.  DeBlions  lui-iuême  daus  sa  cr.tique 
[Gailia  Christiana,  X,  Instr.  p.  511),  renvoie  à  la  brochure  de  Jauluay. 

(4)  Âfforty,  folio  5713,  X. 

(3)  i6irf.  5712. 

;'4)  Monuments  inédits,  II,  col.  359. 


APOSTOLAT  DE  SAINT  RIKLL.  315 

Raymond,  chacun  des  autres  noms  accuse  une  main  difFé- 
rente.  Quant  au  récit  lui-même,  il  se  prétend  d'une  belle 
antiquité,  car  en  tête  il  porte  ce  qui  suit: 

«  Commencement  de  la  Vie  ou  des  Actes  du  bienheureux 
Rieul,  évêque,  et  confesseur  du  Christ,  dont  la  fête  se  cé- 
lèbre le  23  avril.  Le  vénérable  et  chéri  du  ciel  Célestin,  ori- 
ginaire de  la  province  d'Hibernie,  inspiré  par  la  clémence 
divine,  s'est  efforcé  de  la  dicter,  pour  obéir  aux  ordres  du 
très-glorieux  roi  Clovis,  qui,  ayant  reçu  le  baptême  à  la 
prédication  des  saints  confesseurs  Rémi  et  Vaast,  s'est  con- 
verti fidèlement  au  service  de  Dieu.  Le  roi  ayant  conçu  le 
désir  d'obtenir  quelque  chose  des  reliques  de  saint  Rieul, 
trouva,  par  une  révélation  divine,  sa  vie  gravée  en  deux 
pierres  sur  son  tombeau,  et  voulut  qu'elle  fût  portée  à  la 
connaissance  de  tous(l) .  » 

Deslions  s'est  laborieusement  et  longuement  moqué  de 
ces  prétentions  à  l'ancienneté  et  des  défauts  d'une  rédaction 
souvent  inintelhgible. 

Nous  lui  concédons  tout  ce  qu'il  voudra  sur  le  mérite 
littéraire  de  l'œuvre,  et,  sans  même  plus  en  défendre  l'ori- 
gine, nous  nous  contentons  de  remanfuer  que,  de  quelque 
date  qu'elle  soit,  cette  Vie  est  comme  les  deux  autres  très- 
explicite  sur  la  mission  de  saint  Rieul,  qu'elle  attribue  aussi 
au  pape  saint  Clément. 

Ainsi  toutes  les  sources  traitant  directement   de   saint 


{\)  Inripit  Vita  vel  Actus  Bealissimi  Reguli  episcopi  et  confe^isoris 
Chrixti,  quœ  celebraiiir  IX  cal.  niaii,  quam  veneroôilis  Dominrxjue  amabilis 
Cœlestinns  ex  nobili  Hiherniarum  provincia  exortm,  divina  inspirante  cle- 
mentia,  spiritulitev  dictare  cunatu'i  est,  oh  g/oriosissimi  régis  jussionem 
C/odovœ>,  gui  snnctorum  confessorum  Christi  Remigii  et  Vedasti  exhorta' 
iiotie  piaque  prœdicotione  baptizrdus  et  ad  fidèle  servitium  est  conversus  ; 
ille  enim  cum  denderio  fuisset  excitatus  aliquod  part'culntim  de  prcefati 
sanctissiini  Confessoris  reliquiij  accipere.  Domino  révélante,  super  sarcopha- 
gum  ejus  duabus  tabulis  Inptdeisvifam  ejus  inscriptam  invenit,  et  ad  agni- 
tionem  omnium  diffamari  prœccpit.  —  Recueil  pour  la  défense  de  M. 
Jaulnay.  — Gallia  ChristianayX.  app.  p.  512, 


316  ORIGINES   DES    ÉGLISES    DE  FRANGE. 

Rieul,  et  qui  ont  fourni  aux  Vincent  de  Beauvais,  Guidon 
de  Saint-Denys,  Ribadeneira,  Giry  et  autres,  les  données 
de  leurs  histoires,  sont  unanimes  sur  ce  point. 


I 


m. 


Un  Texte  de  saint  Ambroise. 


Le  témoignage  des  trois  Vies  se  trouve  appuyé  par  un 
texte  de  saint  Ambroise,  antérieur  à  397.  Voici  ce  qu'écrivait 
le  saint  évêque  de  Milan  dans  son  traité  de  Virginibiis,  livre 
III,  chapitre  III,  n"  ih  (1)  : 

«  Tout  le  monde  raconte  qu'un  jour,  comme  les  cris  d'un 
grand  nombre  de  grenouilles  étourdissaient  les  oreilles  d'une 
religieuse  population,  le  ministre  de  Dieu  leur  commanda 
de  se  taire  et  de  respecter  la  parole  sainte.  Alors,  tout  à 
coup,  et  de  tous  côtés,  cessa  le  bruit.  Les  marais  se  taisent 
donc,  et  les  hommes  ne  se  tairont  pas  !  Un  animal  sans  rai- 
son reconnaît  par  son  respect  ce  qu'il  ignore  naturellement, 
et  telle  est  l'immodestie  des  hommes,  que  la  plupart  n'ac- 
cordent pas  à  la  religion  et  à  leur  âme  ce  qu'ils  accordent 
aux  jouissances  de  l'ouïe!  » 

Il  y  a  là  une  allusion  manifeste  au  miracle  par  lequel  saint 
Rieul  confirma  la  foi  des  habitants  de  Rully.  Car,  bien  que 
saint  Ambroise  ne  nomme  ni  l'auteur,  ni  le  lieu  du  prodige 
qu'il  rappelle,  comme  il  n'existe  aucun  autre  Saint  auquel 
soit  attribué  le  même  fait,  comme  d'ailleurs  il  n'est  pas 
étonnant  que  saint  Ambroise,  élevé  dans  notre  Nord,  où  sou 


(1)  Freqiiens  sermo  est,  cum  plurirna  ranarum  murmura  reliyiosœ  au- 
ribus  plebis  obstreperent,  sacerdotem  Dei  prcecepisse  ut  conticescerent  ac 
reverentiam  sacrœ  déferrent  orationi  ;  tune  subito  circumfusos  stretipus 
quievisse.  Silent  igitur  paludes,  hommes  non  siiebu?itl  Et  irrationabile 
animal  per  reverentiam  recognoscit  quod  per  naturam  ignorât  ;  hominum 
trtnta  est  ioimodestia  ut  plerique  déferre  ncsciant  nienHum  religioni  quod 
d'ferunt  aurium  voluptati  ! 


APOSTOLAT    DE    SAINT    RIEUL.  317 

père  était  préfet,  en  ait  connu  les  traditions  populaires, 
nous  ne  pouvons  nous  empêcher  de  voir  dans  son  texte  la 
plus  antique  rédaction  du  fait  conservé  dans  les  souvenirs 
du  pays  et  raconté  unanimement  par  les  trois  Vies.  Cette 
confirmation  anticipée,  donnée  plusieurs  siècles  à  l'avance, 
à  une  telle  distance  et  par  une  telle  bouche,  à  un  des  récits 
communs  de  nos  Actes,  et  à  celui  qu'on  serait  le  plus  tenté 
de  regarder  comme  légendaire,  témoigne  en  faveur  de  la 
conformité  de  ces  Actes  avec  la  tradition.  Ce  texte  leur 
prête  donc  l'appui  de  son  autorité,  et  nous  dispose  à  accepter 
leur  témoignage.  Sans  doute  il  n'y  a  rien  dans  l'allusion  de 
saint  Ambi'oise  qui  permette  de  conjecturer  directement  la 
date  du  prodige.  Mais,  parce  que  ses  paroles  servent  de 
contrôle  à  la  vérité  d'une  des  pages  de  ces  documents  an- 
tiques, elles  disposent  à  accepter  pour  ce  prodige  l'époque 
que  nos  manuscrits  sont  unanimes  à  fixer.  Il  n'y  a  pas  là 
une  preuve,  mais  il  y  a  une  présomption  favorable. 

Quoi  qu'il  en  soit  d'ailleurs  de  ce  texte  de  saint  Ambroise, 
l'enseignement  des  trois  légendes  est^^  encore  appuyé  de 
l'accord  existant  entre  les  liturgies  anciennes  de  Senlis, 
d'Arles  et  de  l'abbaye  de  Saint-Denys. 

IV. 

Les  Liturgies  de  Senlis,  d'Arles,  de  Saint-Denys. 

A  Senlis,  même  encore  du  temps  de  Deslions,  on  lisait 
tout  au  long,  aux  leçons  des  matines,  la  seconde  des  Vies 
dont  nous  avons  parlé  (1).  Plusieurs  autres  parties  de 
l'office  indiquaient  clairement  qu'on  croyait  venu  au  I"  siècle 
l'apôtre  du  pays.  Ainsi  la  prose  le  faisait  disciple  de  saint 

(1)  Affbrty,  p.  5713,  X. 


318  ORIGLXES    DES   ÉGLISES    DE    FRANCE. 

JeaD,  compagnon  de  saint  Denys,  évêque  d'Arles  (1); 
l'hymne  des  vêpres  marquait  très  nettement  qu'il  reçut  sa 
mission  de  saint  Clément  (2).  Les  leçons  d'un  ancien  bré- 
viaire de  Senlis,  citées  par  Doublet,  Histoire  de  l'abbage  de 
Saint-Denys,  1625,  in-Zi",page  62,  n'étaient  pas  moins  expli- 
cites sur  ce  point. 

Le  même  auteur  nous  a  conservé  les  leçons  de  l'ancienne 
égli  se  archiépiscopale  d'Arles.  Elles  ressemblaient  com- 
plètement à  celles  de  Senlis,  et  portaient  aussi  que  saint 
Rieul  fut  avec  saint  Derys  et  ses  ccmpagnons  destiné  par 
saint  Clément  à  porter  l'Evangile  dans  les  Gaules.  Les 
légendaires  et  bréviaires  manuscrits  de  l'abbaye  royale  de 
Saint-Denys  présentaient  une  rédaction  presque  identique  à 
celle  des  bréviaires  d'Arles  et  de  Senlis,  et  sur  un  des  vi- 
traux de  la  célèbre  abbaye  était  représentée  l'apparition 
miraculeuse  qui  fit  connaître  à  saint  Rieul  le  martyre  de 

(1)  Hic  Cït  il!c  Regulus, 

Cui  dédit  Discipulus 
Fidei  primordia. 


Romam,  caput  urbium, 
Quœreus  Dionysium, 
A  Myceua  venerat. 

Cum  quo  \e\  cum  cseleri?, 

Sociu>î  itiueris, 
Arelatam  properat. 

Ubi  pastor  residens 
Signum  videt  evideus 
De  sanctorum  gloria. 

Jaulnay,  le  Parfaicl  Prélat,  p.  128. 
(2)        Pétri  successor  clara  mente  Clemeus 
Hune  velut  Dei  anpjolum  suscepit, 
Gralias  Ghristo  ofîerens  devotas 

Poplite  curvo. 
Ciim  cœtu  stalini  Patruni  beatorum 
Ad  Galliaruni  liorrida  îpineta 
,Ritu  j^enlili  quEE  niinis  infecta) 

Miserat  illnra....  Jbid,  p.  130. 


APOSTOLAT   ni:    SAINT    RIEUL.  310 

l'apôtre  de  Paris  (1),  détail  qui,  par  son  accord  avec  les 
leçons  du  bréviaire,  confirmait  leur  assertion  sur  l'époque 
du  Saint. 

Ainsi,  sur  la  question  qui  nous  occupe,  les  anciennes 
liturgies  rendaient  le  uiême  témoignage  que  les  Vies  de  saint 
Rieul. 

V. 

Diptyquc$  iV Arles. 

Mais  ce  n'était  pas  seulement  par  l'ancien  bréviaire  d'Arles, 
que  se  trouvait  confirmée  la  tradition  de  Senlis,  elle  l'était 
aussi  par  les  diptyques  de  cette  illustre  Église.  Ces  dip- 
tyques, soit  ceux  qu'a  édités  MabilJon,  soit  ceux  qu'on  trouve 
à  la  suite  du  recueil  de  Vies  de  Saints  de  l'Église  d'Arles,  et 
qui  furent  peints  à  la  fin  du  XII®  siècle,  s'accordent  à  mettre 
saint  Rieul  parmi  les  évêques  d'Arles,  et  à  la  suite  de  saint 


(1)  La  légende  rapporte  que,  le  jour  même  du  martyre  de  Saint-Denys  et 
de  ses  compagnons,  il  éclia^ipa  à  saint  Rieul,  qui  célébrait  la  messe  à 
Arles,  de  joindre  inopinément  leur  nom  à  celui  des  martyrs  dont  l'É- 
glise fait  mémoire  au  canon.  Etonné  de  cette  méprise  singulière,  saint 
Rieul  en  chercLail  l'explication,  quand  lui  apparurent  trois  colombes 
posées  sur  la  croix  de  l'autel,  et  portant  les  noms  des  trois  martyrs  de 
Paris.  11  conclut  que  c'était  un  avertissement  du  ciel,  et  c'est  alors  qu'il 
prit  Je  parti  de  quillt-r  Arles  pour  venir  fortifier  l'Église  persécutée  de 
Paris,  et  puis  fonder  celle  de  Senlis.  —  Le  même  prodige  va  être  de 
nouveau  reproduit  à  Notre-Dame  de  Senlis.  Un  habile  peintre  sur  verre, 
t  rès-connu  par  ses  œuvres  et  ses  critiques  d'art  religieux,  M.  Claudius 
Lavergne,  vient  de  composer  pour  cette  cathédrale  un  vitrail  dont  les 
neuf  médaillons  résumeront  l'histoire  de  Saint  Rieul.  I^'artisle  chrétien  se 
range  pleinement  du  côté  de  la  tradition,  car  il  a  pris  les  sujets  suivants  : 
Ordination  par  saint  Jean  ;  —  Mission  donnée  par  saint  Clément  à  saint 
Denys,  à  saint  Rieul,  etc.; —  L'idole  de  Mercure  renversée  à  Arles  ;  — 
La  messe  miraculeuse  ;  —  La  visite  au  tombeau  de  saint  Denys  ;  —  L'en- 
trée à  Senlis;— Construction  de  l'église  ;— Miracle  de  UuUy  ;— Couronne- 
ment du  Saint. —  Tous  ceux  qui  ont  vu  les  cartons  do  cette  nouvelle  com- 
position s'accordent  à^la  placer  encore  au  dessus  de  son  aiuée,  l'histoire 
de  saint  F-ouis,  qu'on  regardait  déjà  comme  un  chef-d'œuvre. 


320  ORIGINES    DLS    ÉGLISKS    DE    FRANCE. 

Trophime.  Or,  puisqu'il  est  constant,  par  une  lettre  de  saint 
Gyprien  (1),  que  vers  250  l'évêque  d'Arles  était  un  héré- 
tique nommé  Marcien,  dont  on  demandait  la  déposition  au 
pape  saint  Etienne,  il  faut  nécessairement  que  le  premier  et 
le  second  évèques  d'Arles,  saint  Trophime  et  saint  Pxieul, 
aient  été  bien  antérieurs  au  milieu  du  III*  siècle. 

C'est  donc  un  fait  clair  et  constant  qu'il  y  avait  sur  cette 
question  d'histoire  uniformité  de  croyances  entre  les  deux 
Églises  d'Arles  et  de  Senlis. 

Sans  doute  la  science  des  XVII*  et  XVIIP  siècles  a  voulu 
rompre  cet  accord,  et  accumuler  les  nuages  devant  ce  point 
lumineux.  On  a  argué  d'un  procès  entre  les  deux  Eglises, 
relativement  aux  reliques  de  saint  Rieiil,  pour  conclure  qu'il 
pouvait  y  avoir  eu  deux  saints  de  ce  nom.  Mais  il  est  étonnant 
qu'une  pareille  supposition,  si  facilement  admise  parla  cri- 
tique janséniste,  ne  soit  pas  même  venue  à  l'idée  de  ceux 
qui  étaient  intéressés  dans  la  question.  Nous  regrettons  de 
n'avoir  pu  jusqu'à  présent  rien  retrouver  de  ce  procès.  Til- 
lemont  et  Baillet  se  sont  prononcés  pour  la  séparation  des 
deux  saints,  entraînant  après  eux  les  auteurs  du  nouveau 
Gallia  Christiana.  Ceux-ci,  en  effet,  dans  l'histoire  du  dio- 
cèse d'Arles,  ne  reconnaissaient  qu'un  saint  Rieul;  plus 
tard,  dans  leur  étude  sur  celui  de  Senlis,  ils  acceptèrent  la 
séparation:  mais  dans  cette  question  ils  paraissent,  et  ils 
l'avouent  même,  avoir  moins  recherché  et  travaillé  person- 
nellement, qu'accepté  des  notes  toutes  faites.  La  preuve  en 
est  que  se  moquant,  eux  aussi,  et  évidemment  d'après  Des- 
lions, de  l'œuvre  de  Jaulnay,  ils  disent  que  c'est  en  16/i8 
que  son  livre  parut  et  excita  la  risée  des  contemporains, 
comme  s'ils  ignoraient  que  la  première  édition  parut  en 
1642,  et  que  la  lutte  à  laquelle  ils  font  allusion  et  que  nous 
avons  rappelée,  avait  éclaté  bien  avant  la  réimpression  de 

(1)  Epist.  68  ad  Siephanum. 


APOSTOLAT   DE   SAINT   RIEUL.  321 

1648.  Quant  à  Tillemont  et  à  Baillet,  nous  avons  voulu  sa- 
voir quelles  raisons  avaient  pu  décider  ces  auteurs  de  re- 
nom. En  les  lisant,  nous  avons  été  étonné  qu'on  ait  osé 
invoquer  sur  ce  point  leur  autorité.  «  On  aura  sans  doute 
confondu   ensemble  deux   saints    du  même   nom  (1).    » 
Voilà  toutes  les  raisons  de  Tillemont  :  pas  un  mot  de  plus. 
Pour  ce  qui  est  de  Baillet,    lui  qui  affectait  de  n'admettre 
rien  que  de  très-prouvé,  fabrique  à  son  tour,  ici   comme 
ailleurs,  des  hypothèses.  Voici  ce  qu'il  dit  :   «  Il  est  moins 
aisé  de  le  croire  (que  le  même  saint  ait  été  évêque  d'Arles 
et  de  Senlis) ,  que  de  se  persuader  que  ce  seraient  deux  saints- 
qu'un  même  nom  aurait  fait  confondre,  ou  que  notre  saint 
aurait  été  citoyen  d'Arles  avant  sa  conversion  (pure  hypo- 
thèse!). Car  ceux  qui  cherchent  de  la  vraisemblance  dans 
ces  Actes  supposent,  —  il  ne   cache  pas  son  procédé,  — 
supposent  que  quand  les  sept  évêques  missionnaires  vinrent 
de  Rome  dans  les  Gaules,  avant  le  milieu  du  III*  siècle,  ils 
s'arrêtèrent  à  Arles,  où  saint  Trophime,  l'un  d'eux,  fut  éta- 
bli évêque;  que  saint  Rieul  y  fut  con-verti   (pure  hypothèse 
encore  que  rien  absolument  n'autorise!)  puis  ordonné  évê- 
que, etc.  (2).  »  Tout  le  passage  est  un  échantillon  parfait 
de  la  méthode  de  Baillet  :  accumuler  les  doutes  autour  d'une 
question;  ajouter  de  son  fonds  quelques  hypothèses  inad- 
missibles aux  difficultés,  réelles  ou  non,  déjà  soulevées,  et 
puis  conclure...  qu'il  est  impossible  de  conclure,  non  tou- 
tefois sans  insinuer,  ou  du  moins  laisser  penser,  quele  mieux 
sera  de   ne  rien  croire  du  tout!  Mais  ce  passage  ne  nous 
donne  réellement  pas  une  seule  raison  qui  combatte  l'identité 
des  deux  saint  Rieul.  Il  n'y  en  a  pas  davantage  dans  l'arti- 
cle de  Godescard,  fait  à  l'imitation  du  précédent  (3).  Nous 

(1)  Tillemont,  Mémoires  pour  servir  à  l'histoire  ecclésiastique  des  six 
prei/iiers  sièc/es,  ioiae  IV,  note  XIII,  sur  saint  Denys  de  Paris  ;pa{»e  75  de 
l'édilion  ia  4»  de  Bruxelles,  1732. 

(2)  Baillet,  Vies  des  Suints,  au  30  mars. 

(3)  Vies  des  SaitUs,  au  30  mars. 

Revue  des  sciences  eccLÉsusTiQuriS,  t,  ix.  âl 


32*2  ORIGINES    DES    tGLISES    DE    FRANCE. 

ne  vayons\lonc  nullement  qu'il  faille  renoncer  à  l'antique 
croyance  des  deux  Eglises.  Si  l'on  veut  que  nous  la  rejetions, 
nous  demandons  des  raisons  positives.  En  l'absence  de  rai- 
sons et  de  preuves,  nous  nousemparons  de  l'aveu  que  l'his- 
toire arrache  à  Baillet  :  «S'il  avait  été  véritablement  évêque 
de  cette  ville  (Arles) ,  avant  que  de  passer  à  Senlis,  et  s'il 
avait  succédé  immédiatement  à  saint  Trophime,  on  serait 
obligé  de  le  placer  avant  le  milieu  du  III^  siècle.  «  Seulement 
de  cet  aveu  nous  tirons  plus  encore  que  ne  voudrait  l'auteur. 
Car,  pour  lui,  forcé  par  l'évidence  à  placer  saint  Trophime 
avant  la  date  donnée  par  saint  Grégoire  de  Tours,  et  tenant 
toutefois  à  ne  pas  abandonner  le  fameux  texte  de  cet  histo-r 
rien,  il  suppose,  — c'est  toujours  le  même  procédé  (1),  — 
que  saint  Trophime  sera  venu  seulement  quelque  peu  avant 
la  moitié  du  IIP  siècle.  Mais  pour  notre  époque,  il  n'y  a 
plus  de  doute  possiljle;  saint  Trophime  est  très-certaine- 
ment du  I"  siècle,  et  fut  envoyé  par  saint  Pierre;  donc  saint 
Rieul,  successeur  de  Trophime,  est  aussi  de  la  fin  de  ce 
siècle,  ou  tout  au  plus  tard  des  premières  années  du  suivant. 

Tel  est,  jusqu'à  preuve  du  contraire,  ce  qui  nous  semble 
la  vérité. 

Nous  ne  pouvions  songer,  dans  ce  premier  travail  et  en 
l'absence  de  sources  importantes,  à  faire  une  démonstration 
définitive.  Qu'il  nous  suffise  actuellement  d'avoir  montré 
que  l'esprit  de  parti,  ou,  si  l'on  veut,  la  précipitation  et 
l'absence  de  critique,  ont  eu  plus  de  part  que  la  vérité  au 
changement  survenu  dans  l'opinion;  et  que  l'antique  tra- 
dition était  pour  le  juoins  aussi  fondée  que  la  croyance  qui 
prétend  s'appuyer  sur  le  texte  boiteux  de  saint  Grégoire  de 
Tours. 

L'abbé  H.  Bloxd. 

(1)  Au  30  luari. 


LA    BIBLE 


KT    LA    SCIENCE    DE    LA   NATURE. 


BiBEL  UND  NATUR.  Vorlesuugen  ûber  dio  mosaiche  Urgesclucbte  und 
ihr  Verhaeltniss  zu  deu  Ergebnissen  der  Nahirforichung.  Von  D^  F. 
H.  Reusch.  Freiburg,  Herder,  18G-i,— Cosmogonia  natukale  comparata 
col  Gcneai,  del  P.  G.  B.  PiANcrANi,  D.  G.  D.  G.  Ronia,  coi  tipi  délia 
Civillà  catlolica,  1862.  —  Etudes  géologiques,  philologiques  et  scrip- 
lurales  sur  la  Cosmogouio  de  Moïse,  par  le  P.  Laukent,  prov.  des 
FF.  Min.  Capucins".  Paris.  Mme  veuve  Poussielgue-Rusand,  1803. 


(.'inqu6m'  et  ilernier  article 


v[n. 


Nous  avons  expliqué  avec  un  certain  détail  le  récit  de 
la  création,  parce  que  la  partie  exégétique  nous  a  satisfait 
moins  que  le  reste,  dans  les  livres  que  le  lecteur  fiançais 
peut  avoir  communément  à  sa  disposition.  Pour  ne  pas 
prolonger  cette  étude  au-delà  des  limites  raisonnables, 
nous  allons  jeter  un  simple  coup  d'œil  sur  les  résultats  de 
la  scieiice  profane,  généralement  d'après  les  auteurs  cités 
en  tête  de  cet  article  (1),  et  nous  les  comparerons  avec  les 

d'  On  pourra  consulter  également  avec  fruit  la  Cosmogonie  île  la  Bible 
devant  les  sciences  j.erfaclionnéts,  par  M.  l'abbé Soriguet  (Paris,  1S54),  où 
l'bisloire  el  la  crili(iue  des  systèmes  géologiques  esl  faite  d'une  manière 
très-déiailiée.  Nous  citerons  encore  un  opuscule  qui  a  pour  auteur  un  an- 
cien magistral,  M.  Grevin  [Une nouveheelv.de  sur  le  chapdru preniicr  de  la 
Genèse,  Paris  1859).  Ce  travail,  conçu  à  un  point  de  vue  tout  différent 
do  celui  qui  précède  (il  admet  les  jours-époques,  re  jetés  par  M.  Soriguet), 
ce  travail,  dis-jo,  contient  de  très-bonnes  observai  ions.  Il  a  le  tort,  selon 
nous,  de  vouloir  trop  prouver,  en  clierchaut  dans  la  Genèse  les  théorie» 
de  la  science  modiruc. 


3:>^  L\   BIBLE 

donnces  de  la  Bible.  Cela  suffira  pour  notre  but.  Ceux  qui 
voiidroiil  aller  plus  avant  dans  l'examen  des  questions 
pourront  recourir  aux  livres  spéciaux. 

Le  fait  primordial  de  la  création,  nous  l'avons  fait  re- 
marquer déjà,  est  placé  en  dehors  de  toute  expérience  et, 
par  conséquent,  il  n'est  point  du  ressort  des  sciences  expé- 
rimen laies  ,1;.  C'est  un  fait  attesté  par  riiistoire  la  plus 
ancienne  et  la  plus  autorisée,  non  moins  que  par  les  don- 
nées les  plus  incontestables  de  la  philosophie  et  de  la  théo- 
logie. Les  autres  sciences,  comme  telles,  n'ont  point  a  s'en 
occuper.  En  se  renfermant  dans  leurs  procédés  et  leur  mé- 
thode, il  est  impossible  qu'elles  arrivent  a  le  contredire. 
Elles  n'y  arriveront  que  par  la  discussion  philosophique  et 
théologiqne,  ou  plutôt  par  des  hypothèses  sans  base,  comme 
celle  qui  a  été  ressuscitée  par  M.  Darwin,  et  dont  l'illustre 
secrétaire-de  l'Académie  des  sciences  a  fait  une  si  bonne  et 
si  prompte  justice  (2).  Après  avoir  établi  le  caractère  tixe 
des  espèces  par  des  arguments  péremptoires,  établis  sur  des 
expériences  décisives,  il  aborde  la  question  de  leur  ori- 
gine, rs'os  lecleurs  nous  sauront  gré  de  leur  ciier  ce  passage 
où  ils  verront  comment  la  science,  la  science  vraie,  et  non 
la  science  de  fantaisie  et  d'hypothèses,  trouve  dans  le 
livre  de  la  nature  Vin  principio  creavit  de  la  Genèse. 

«  Je  l'ai  déjà  dit,  pour  les"  êtres  organisés,  il  n'y  a  que 
deux  origines  possibles:  la  génération  spontanée  ou  la  main 
de  Dieu. 

«  La  génération  spontanée!  mais  comment  l'admettre  ? 
Tout  la  repousse. 

«  Ce  n'est  que  dans  les  siècles  de  la  plus  affreuse  igno- 
rance qu'on  a  pu  l'admettre  pour  les  animaux  supérieurs, 
pour  l'homme.  Aristote  ne  l'a  jamais  admise  qu'à  son  corps 

(1)  V.  t.  VIII  de  celte  Revue,  p.  202  s. 

{i.)  Ex'imen  du   livre  do   M.  Darwin  ù'ur   l'orif/ine  des    espèces,  par  P. 
Floui-Piis.  Paris,  1864. 


ET    I.A    SGlENCi:    DE    I.A    NATUUE.  325 

défendant,  même  pour  les  animaux  inférieurs,  même  pour 
les  insectes. 

«  Il  reconnaît  que  la  plupart  vies  insectes  :  les  araignées, 
les  sauterelles,  les  criquets,  les  cigales,  les  scorpions,  etc., 
naissent  d'un  œuf  et  viennent  de  parents  de  la  même  espèce. 
C'est  qu'il  avait  étudié  la  génération  de  ceux-là.  Pour  les 
autres,  l'observation  lui  manque,  et  ici  ce  n'est  que  par 
l'observation  seule  qu'on  arrive  a  la  vérité. 

«  La  question  de  h  génération  spontanée  e^îl  une  ques- 
tion expérimentale,  et  ce  n'est  que  lorsqu'on  a  su  faire  des 
expériences,  que  les  tentatives  l\iites  pour  la  résoudre  ont 
en  une  valeur  réelle. 

((  Redi  a  commencé.  Le  XVII*  siècle  n'a  rien,  en  ce 
genre,  de  plus  beau  que  les  admirables  expériences  de  Uedi 
sur  la  génération  des  insectes.  Personne  n'ose  dire,  de- 
puis Redi,  que  les  insectes  viennent  de  génération  spon- 
tanée (1). 

«  On  le  disait  encore,  il  y  a  quelques  années,  des  vers 
parasites  ;  depuis  M.  Van  Beneden,-  on  ne  le  dit  plus  ;2}. 

«  On  le  disait,  il  y  a  quelques  jours  a  peine,  des  infu- 
soires;  depuis  M.  Balbiani,  on  ne  le  dit  plus   3). 

«  On  ne  le  dit  plus  du  tout,  et  pour  aucun  animal,  de« 
puis  M.  Pasteur. 

«  M.  Pasteur  a  vidé  la  question. 

«  En  effet,  d'oîi  les  animalcules,  prétendu  [>roduit  de  la 
génération  spontanée^  peuvent-ils  venir? 

«  De  l'air?  Mais,  de  l'air  pur,  on  ne  tire  rien.  Des  li- 
queurs putrescibles  qu'on  y  expose?  Mais  et  c'est  la  l'expé- 
rience propre  de  M.  Pasteur  M.  Pasteur  a  prouvé  «  qu'il 
«  est  toujours  possible  de  prélever,  en  un  lieu  déterminé, 


1)  lisperienze  inlorno  alla  genermione  degl'insetti.  1068. 
(?)  Du  Mode  et  du  développimunt  dc'i  vers  intestinaux  et  de  leur  trans- 
mission d'un  animal  à  l'autre.  1853. 

'3}  htémoire  sur  les  phénomènes  sexuels  des  infusoires.  18tj2. 


326  LA    BIBLE 

((  un  volume  iiolable,  mais  limité,  d'air  ordinaire  n'ayant 
«  subi  aucune  csoècede  modification  physique  ou  chimique, 
«  et  tout-a-!ail  impropre  néanmoins  a  provoquer  une  allé- 
«  ration  quelconque  dans  une  liqueur  éminemment  putres- 
«  cible  (1).  )' 

«  Évidemment,  ou  il  n'y  a  point  àe  génération  spontanée, 
ou  ii  doit  y  avoir  des  animaux  générés^  des  animaux  /jro- 
fl?«<//5,  partout  où  se  trouvent  a  la  t'ois  de  iairet  des  rujueurs 
putrescibles. 

<c  La  génération  spontanée  n'est  donc  pas. 

a  Des  deux  origines  que  j'ai  posées  pour  tout  être  orga- 
nisé, il  n'en  reste  donc  qu'une  :  la  main  de  Dieu. 

«  Mais  dès  qu'on  remonte  à  la  main  de  Dieu,  tout  change. 
Ce  n'est  plus  une  vaine  nature,  une  wiXm^  personnifiée^  et 
que  chacun  personnifie  comme  i!  lui  plaît,  que  l'on  a  en 
face,  mais  un  art  et  un  grand  art.  On  passe  des  systèmes 
puérils  des  hommes  a  la  réalité  des  choses^  et,  dès  qu'on 
en  est  la,  on  voit  bien  vite  ce  que  l'on  sait,  ce  qu'on  peut 
savoir,  ce  qu'on  ii^aiore  :  il  n'y  a  plus  d'illusion  pos- 
sible ("2).  » 

Voila  le  langage  de  la  science  appuyée  sur  les  faits,  de  la 
véritable  science  expérimentale.  Il  résout  la  grande  ques- 
tion des  origines  dans  le  même  sens  que  la  Révélation.  El 
cet  accord  se  retrouve  partout  où  l'on  est  en  présence  de 
résultats  certains,  constatés,  et  non  pas  de  constructions 
arbitraires  et  de  SYStèmes. 


IX. 


Une  opinion  fort  répandue  parmi  les  astronomes  admet 
que  la  matière  a  existé  primitivement  à  l'état  gazeux,  et 


(1)  Comptes-rendus,  t   LVli,  p.  724. 

(2)  FloureDs,  Examen  du  livre  de  M.  Darwin,  \i.  65  ss. 


ET  LA  SCIENCI'    »!•   LA  NATL'RE.  327 

SOUS  une  tenipéraiure  très-élevée  -,  que,  par  suite  ilu  refroi- 
dissement graduel  de  la  température,  cette  masse  s'est 
condensée,  puis  divisée  de  manière  à  former  les  étoiles  et 
les  planètes.  Laplace  est  l'auteur  de  cette  théorie.  Voici 
comment  un  membre  de  l'Institut,  M.  Babinet,  la  résume 
en  quelques  mots  : 

K  La  matière  des  soleils,  et  spécialement  celle  du  nôtre, 
s'est  agglomérée  en  vertu  d'une  moindre  chaleur  ou  re- 
froidissement qui  a  permis  aux  particules  disséminées  de 
se  réunir  en  une  vaste  masse  enveloppée  d'une  atmosphère 
qui  était  d'autant  plus  étendue  que  la  chaleur  primitive  était 
plus  grande.  La  condition  de  la  formation  du  soleil  semble 
ainsi  être  identique  avec  l'idée  de  refroidissement  de  l'es- 
pace céleste  -,  puisque  si  la  chaleur,  force  essentiellement 
opposée  a  la  condensation  d'une  masse  gazeuse,  n'eût  pas 
été  en  faiblissant,  on  ne  voit  pas  de  raison  d'admettre  la 
condensation  de  la  matière  chaotique  en  soleil.  iSous  parti- 
rons donc  avec  Laplace  d'un  refroidissement  graduel. 

«  En  plaçant  l'origine  de  nos  déductions  au  moment  où 
le  soleil  formait  une  vaste  masse  tournante,  enveloppée 
d'une  atmosphère  que  sa  chaleur  primitive  maintenait  très- 
compacte,  on  voit  qu'à  mesure  que  le  refroidissement  s'o- 
pérera, cette  atmosphère  diminuera  de  hauteur  et  se  rap- 
prochera de  la  masse  centrale. 

«  Tournant  alors  dans  un  cercle  plus  petit,  elle  devra 
aller  plus  vite,  ainsi  que  l'exige  la  loi  infaillible  de  la 
conservation  du  mouvement^  enfin  il  arrivera  un  moment 
où  ce  mouvement  sera  tellement  rapide,  qu'il  contreba- 
lancera la  pesanteur  dans  I  équateur  de  la  masse  tour- 
nante, et  qu'alors  toutes  les  parties  qui  forment  un  an- 
neau dans  cet  équateur,  resteront  suspendues  et  ne  sui- 
vront pas  le  mouvement  du  reste  de  la  masse. 

«  C'est  ainsi,  qu'aux  distances  où  sont  maintenant  Sa- 
turne, Jupiter,  la  Terre,  etc.,  le  soleil,  en  se  refroidissant, 


328  r,A    BIBLE 

a  abandonné  des  bandes  annulaires  de  vapeurs,  lesquelles 
ont  toutes  gardé,  dans  le  sens  du  zodiaque,  le  sens  du  mou- 
vement primitif  dirigé  suivant  léquateur  solaire,  de  l'oc- 
cident à  l'orient-,  ce  qui  explique  admirablement  ce  fait, 
si  merveilleux,  que  toutes  les  planètes  tournent  dans  le 
même  sens  autour  du  soleil,  et  a  peu  près  dans  le  même 
plan,  suivant  la  route  que  l'on  appelle  zodiaque,  et  qui 
traverse  le  ciel  d'occident  en  orient. 

«  Une  fois  ces  bandes  circulaires  abandonnées  et  sus- 
pendues par  leur  mouvement  même,  à  diverses  distances 
du  soleil,  la  matière  de  chacune  s'est,  en  vertu  de  l'at- 
traction, réunie  en  une  seule  masse  arrondie,  et  la  ))lanète 
a  commencé  d'exister  sous  une  forme  isolée  a  peu  près 
semblable  à  ce  qu'elle  est  maintenant. 

ce  II  serait  un  peu  long  et  assez  difficile,  sans  l'iiide  de 
figures,  de  suivre  Laplace  dans  ses  déductions  ultérieures  ^ 
il  explique  très-heureusement  comment  les  planètes,  ainsi 
formées,  se  sont  mises  îi  tourner  sur  elles-mêmes  dans  le 
sens  de  leur  rotation  autour  du  soleil,  ce  qui,  après  leur 
avoir  donné  leurs  années,  a  fait  leurs  jours,  et  des  jours 
d'autant  plus  courts,  que  la  planète  est  plus  grosse.  De 
plus,  et  ceci  est  capital,  a  mesure  que  les  planètes  se  sont 
refroidies,  leur  atmosphère  a  fait  autour  d'elles  ce  que 
celle  du  soleil  a  fait  autour  de  cet  astre,  en  donnant  nais- 
sance aux  planètes. 

«  L'atmosphère  des  planètes,  en  se  contractant,  est 
restée  suspendue  en  anneaux  circulaires  qui,  plus  tard,  ont 
produit  leurs  lunes  ou  satellites,  qu'on  voit  tourner  autour 
de  la  terre,  de  Jupiter,  de  Saturne,  d'Uranus  et  de  Nep- 
tune. Enfin  le  système  solaire  nous  offre  un  exemple  de  ces 
anneaux  qui  se  formaient  autour  des  planètes;  car  Saturne, 
indépendamment  de  huit  lunes,  ou  satellites,  possède  tou- 
jours un  anneau  ou  plutôt  un  ensemble  de  trois  anneaux 


ET  LA  SCIENCE  DE  LA.  NATURE.  329 

qui  ne  se  sont  point  encore  brisés  pour  former  d'autres 
satellites  a  la  planète  (1).  » 

Ce  système  est  assurément  trè^-beau,  très-régulier,  ifa 
l'avantage  d'expliquer  beaucoup  de  faits,  mais  ce  n'est 
après  tout  qu'une  hypothèse,  et  une  hypothèse  qui  est  loin 
d'être  sans  difficultés  ,2;.  Au  surplus,  rien  n'est  plus  facile 
que  de  renvoyer  tqute  cette  formation, supposé  qu'on  l'ad- 
mette, dans  la  période  antéhistorique.  Entre  la  création 
de  la  matière  et  l'œuvre  des  six  jours,  il  y  a  un  intervalle 
que  l'on  peut  supposer  aussi  long  que  l'on  voudra,  puisque 
la  lettre  du  récit  ne  détermine  rien  a  cet  égard  3).  Que 
Messieurs  les  astronomes  prennent  la,  s'ils  le  veulent,  les 
siècles  dont  ils  ont  besoin  pour  leurs  savantes  construc- 
tions. 

Ils  nous  permettront  toutefois  de  penser  que  l'auteur  de 
la  nature  a  pu  agir  d'une  manière  plus  simple,  nous  serions 
presque  tenté  de  dire  plus  digne  de  sa  puissance  et  de  sa 
majesté.  Dès  lors  que  l'on  admet  l'acte  créateur,  pourquoi 
l'amoindrir?  Sans  doute,  Dieu  aurait*pu  créer  les  éléments 
des  choses,  puis  les  abandonner  a  l'action  des  lois  établies 
par  sa  sagesse  et  qui  auraient  déterminé  leur  développe- 
ment progressif,  en  dehors  de  toute  intervention  nouvelle 
et  spéciale  de  la  cause  première.  Mais  il  a  pu  agir  aussi  au- 
trement. Et  de  fait,  l'homme  n'a  pas  été  créé  a  l'état 
d'embryon  :  il  s'est  trouvé  de  suite  a  l'âge  adulte,  capable 
de  se  suffire  à  lui-même  et  de  se  reproduire.  Il  faut  en  dire 
autant  des  animaux  et  des  plantes.  Par  conséquent,  dans 
le  règne  animal  et  dans  le  règne  végétal,  le  développement 
qui  résulte  d'ordinaire  de  l'action  lente  et  continue  des 
causes  naturelles,  a  été  produit  pour  la  première  fois  en  un 
instant  et  d'une  manière  immédiate  par  l'action  créatrice. 

(1)  Revue  des  Deux-Mondes,  15  mai  1855. 
(i)  V.  Reusch,  Btôel  und  tiutur,  p.  133  35. 
(3)  V.  Revue,  t.  viii,  p.  408  ss. 


330  LV    BIBLK 

Pourquoi  ne  dirait-on  pas  la  même  chose  du  soleil,  des 
étoiles,  des  planètes?  Les  théories  ingénieuses  des  astro- 
nomes établissent  tout  au  plus  comment  les  choses  ont  pu, 
ou  auraient  pu  se  passer  a  l'origine.  Leur  nature  purement 
hypothétique  permet  de  leur  opposer  d'autres  hypothèses 
et  d'autres  conjectures  :  a  plus  forte  raison  ne  peuvent - 
elles  prévaloir  contre  des  données  historiques,  telles  que 
celles  de  la  Genèse,  si  tant  est  qu'elles  leur  soient  con- 
traires. 

Il  n'y  a  pas  plus  a  s'embarrasser  d'une  autre  difficulté 
tirée  du  temps  que  la  lumière  met  à  parcourir  l'espace. 
D'après  les  lois  ordinaires  (1),  les  étoiles  les  plus  rappro- 
chées de  la  terre  n'y  seraient  devenues  visibles  qu'au  bout 
de  huit  à  douze  ans,  les  étoiles  de  douzième  grandeur 
après  des  milliers  d'années,  les  nébuleuses  enfin  et  celles 
qui  composent  la  voie  lactée  après  des  millions  d'années. 

Ces  calculs,  dont  il  serait  possible  de  contester  la  jus- 
tesse, puisque  nous  manquons  de  données  pour  apprécier  la 
vitesse  de  la  lumière  en  dehors  de  notre  sphère  immédiate 
d'observation  2  ,  ces  calculs,  dis-je,  nontrien  qui  impiique 
une  opposition  réelle  avec  le  récit  génésiaque.  Car,  dit  un 
savant  anglais  ^3',  pourquoi  Dieu  n'aurait-il  point  pu  créer 
les  étoiles  avec  leurs  rayons  lumineux  prolongés  jusqu'au 
point  le  plus  extrême.»^  Pour  quiconque  croit  h  la  création, 
il  n'y  a  rien  là  que  de  naturel  et  de  probable.  De  cette 
manière,  tous  les  corps  célestes  amont  été  immédiatement 
visibles  sur  notre  globe.  Si  l'on  admet  la  théorie  de  Laplace, 
et  qu'on  renvoie  à  la  période  antéhislorique  le  procès 
qu'elle  implique,  la  chose  est  tout  aussi  simple  :  on  peut 


(1)  Ou  sait  que  la  vilesse  de  la  lumière  est  ae  310,200  kllotnèticà  par 
seconde. 

(2)  V.  daus  l'abbé  Soiignet,  p.  171  ss.  le  résumé  des  travaux  de  MM. 
Auguste  Comte  et  Aube  sur  les  doDuées  de  ce  problème. 

i.'i)  G.  B.  Geology.  elc.  p.  in,  cité  par  Reusch,  p.  133. 


ET  LA  SCIENCE  DE   LA  NATURE.  331 

prendre,  non-seulement  le  tem))s  nécessaire  à  la  formation 
des  astres,  mais  encore  celui  qui  s'est  écoulé  avant  que 
leurs  rayons  lumineux  eussent  traversé  l'espace. 

Les  autres  dilllcultés  astronomiques,  création  de  la  lu- 
mière placée  avant  celle  des  astres,  primauté  du  soleil  et 
de  la  lune  entre  tous  les  corps  célestes,  ont  été  suffisamment 
résolues  dans  les  articles  précédents  i  '  pour  (jue  nous 
n'ayons  pas  a  y  revenir. 


X. 


Aucune  science  n'a  été  plus  fertile  eu  hypothèses  que  la 
géologie  (2) .  Le  temps  a  lait  justicod'un  bon  nombred'entre 
elles,  mais  la  science  est  encore  loin  d'être  constituée  sur 
des  bases  solides  et  définitives.  Quoi  qu'il  en  soit,  rien 
dans  son  état  présent  ne  peut  nous  créer  des  difticultés 
réelles,  et  l'on  peut  affirmer  qu'il  en  sera  de  même  par  la 
suite,  du  moins  pour  ce  qui  concerne  les  résultats  bien  et 
dûment  acquis  par  la  méthode  expérimentale. 

Les  géologues  s'accordent  a  reconnaître  dans  l'écorce  de 
notre  globe  des  formations  ignées  et  des  formations 
aqueuses  :  ils  discutent  scidement  sur  l'action  plus  ou 
moins  étendue  de  ces  deux  ordres  de  causes  (3).  C'est  là  un 
débat  qui  n  intéresse  en  rien  la  théologie.  Laissons  Pluto- 

(1)  V.  R>;vue,  t.  V!II.  p.  204  Si.,  5ifi  s.  ;  t.  IX,  [i.  Ul  s. 

(2)  Guïier  disait  déjà,  en  180G,  dans  ud  rapport  àriuslitut  de  France: 
«  Faute  de  poser  la  première  base  de  la  géologie  dans  la  recherche 
exacte  des  faits,  on  a  changé  celte  science  en  un  tissu  d'hypollièses  et 
de  conjectures  tellement  vaines,  et  qui  se  sont  tellement  tombatlues  les 
ui>e«  les  autres,  qu'il  est  devenu  presque  impossible  de  prononcer  son 
nom  sans  exciter  le  rire.  Le  nombre  de  syslèmes  s'est  tellement  aug- 
naeulé.  qu'il  y  eu  a  aujourd'hui  plus  de  quatre-vingts.  Ces  cliàleaux  aé- 
rien? disparaissent  comme  de  vaines  apparences.  »  (Cité  par  le  K.  P. 
Laurent,  Ètuchs,  p.  20.)  On  peut  voir,  dans  l'estimable  ouvrage  de 
&L  l'abbé  Sorignet,  une  histoire  complète  et  une  appréciation  de  tous 
ces  syslèmes.  (Sorignet,  Co^nnogonic,  i>.  1--21G.I 

13)  Reusch,  169  ss. 


332  LA  BIBLE 

niens  et  Neptuniens  discuter  en  paix  leurs  hypothèses,  et 
gardons-nous  d'intervenir,  au  nom  de  la  Bible,  dans  une 
question  où  elle  est  étrangère.  En  effet,  la  Bible  ne  dit 
qu'une  seule  chose  :  au  moment  où  commencent  les  six 
jours  génésiaques,  notre  globe  était  enseveli  sous  les  eaux. 
Or  cette  donnée  unique,  encore  une  fois,  est  compatible 
avec  tous  les  systèmes  géologiques,  puisque  tous  recon- 
naissent des  terrains  d'origine  neptunienne.Si  l'on  prétend 
après  cela  que  le  feu  a  joué  un  rôle  plus  ou  moins  considé- 
rable et  plus  ou  moins  long,  si  l'on  veut  que  les  deux  causes 
aient  alterné  ou  agi  simultanément  pendant  des  centaines 
ou  des  milliers  de  siècles,  cela  n'est  en  rien  contraire  au 
récit  de  la  création.  Il  y  a  place  pour  tout  dans  la  période 
an  téhis  torique. 

Nous  sommes  donc  ici  complètement  désintéressés.  Nous 
pouvons  assister  d'une  manière  indifférente  a  des  discus- 
sions qui  ne  nous  touchent  pas  :  nous  pouvons  et  nous 
devons  laisser  la  science  achever  en  paix  son  œuvre,  d'après 
ses  procédés  et  sa  méthode,  sans  limiter  en  rien  sa  liberté. 

Cependant,  il  y  a  une  observation  a  faire. C'est  qu'ici  les 
inductions  de  la  science  ne  dépassent  point  les  limites 
d'une  simple  possibilité.  Elles  établissent  comment  les 
choses  ont  pu  se  passer,  en  supposant  que  Dieu  ail  simple- 
ment créé  la  matière,  fixé  les  lois  qui  la  régissent,  et  aban- 
donné à  l'action  lente  et  continue  de  ces  mêmes  lois  tout  le 
développement  ultérieur.  Mais  on  voudra  bien  convenir  du 
moins  que  Dieu  a  pu  créer  la  terre  tout  d'un  coup  avec  sa 
configuration  actuelle,  sauf  les  détails  qui  manifestent  une 
origine  particulière,  comme  les  fossiles,  et  peut-être  aussi 
certaines  autres  formations  que  la  géologie  déterminera  par 
des  indices  certains.  Pour  le  reste,  encore  une  fois,  l'acte 
créateur  explique  tout  :  l'idée  de  création  étant  reçue,  il 
n'y  a  pas  de  raison  pour  admettre  un  long  procès  où  les 
forces  de  la  nature  sont  seules  en  jeu  ;  du  moins  cela  n'est 


ET    LA    SGll'NCE    DE    LA    NATURE.  335 

en  aucune  façon  nécessaire,  et  dès  lors  il  ne  peut  résulter 
de  la  une  difficulté  quelconque  contre  le  récit  mosaïque. 
Nous  nous  associons  volontiers  ici  aux  réllexions  d'un 
auteur  dont  nous  avons  le  regret  de  ne  point  approuver 
toujours  la  méthode  et  les  idées.  «  La  nature  n'a  point  agi 
par  elle-même,  dit-il,  elle  a  obéi  a  la  voix  de  son  Créateur. 
Les  actes  de  chaque  jour,  a  i)artir  de  la  création  du  ciel  et 
de  la  terre,  jusqu'à  celle  de  l'homme,  ont  tous  été  accomplis 
en  dehors  des  lois  qui  régissent  aujourd'hui  le  monde 
physique.  Ainsi,  tous  les  êtres  du  règne  végétal  et  du  règne 
animal  ont  été  créés  a  l'état  de  développement  parlait;  les 
végétaux,  les  plantes,  les  arbres  n'ont  pas  été  créés  a  l'état 
de  graine,  ou  de  germe,  ou  de  rejeton,  mais  dans  leur  dé- 
veloppement complet,  propre  a  produire  des  semences  et  à 
porter  des  fruits.  Les  animaux  de  chaque  espèce,  quadru- 
pèdes, reptiles,  poissons,  oiseaux,  tous  ont  été  créés  dans 
un  état  de  formation  et  de  croissance  assez  avancée  pour 
qu'ils  pussent  se  reproduire  immédiatement.  L'iiommc  lui- 
même,  Dieu  l'a  créé  dans  la  plénitude  dt  l'âge,  dans  l'entier 
exercice  de  ses  facultés  physiques,  intellectuelles  et  mo- 
rales. Mais  s'il  en  est  ainsi  des  végétaux,  des  animaux,  et 
enfin  de  l'homme,  ce  prototype  du  monde  créé,  pourquoi 
en  serait-il  autrement  de  la  terre,  du  ciel,  des  astres,  de  la 
mer,  des  montagnes,  etc.  ?  Pourquoi  Dieu  aurait-il  eu 
besoin  d'un  temps  plus  long,  de  siècles  indéfinis  pour  les 
former?  Assurément,  dès  lors  que  tout  ici  est  miraculeux, 
le  prodige  ne  sera  pas  plus  grand  d'un  côté  que  de 
l'autre  (i).  » 

La  paléontologie  semble  fournir  des  indices  plus  posi- 
tifs pour  déterminer  l'anliquité  des  couches  diverses  qui 
conjposent  l'enveloppe  extérieure  de  notre  globe.  Il  y  a  1^ 


(I)  Le  R.  p.  Laurent,  la  Cosmogonie  de  Moïse,  p.  3H.    V.  aussi  ce» 
considérations  parfaitcuient  développées  dans  Reusch,  p.  205  sa. 


33 A  LA    BIRI.F. 

des  végétaux  dont  l'espèee  est  anjourd'Jiui  perdue,  ii  y  a 
tout  un  monde  d'animaux  aux  formes  étranges,  fantas- 
tiques, débris  d'une  Flore  et  d'une  Faune  très-différentes  de 
la  Flore  et  de  la  Faune  actuelles.  Si  l'on  vent  se  faire  une 
idée  de  ce  monde  antédiluvien,  comme  on  l'appelle,  on 
peut  parcourir  le  livre  de  M.  Louis  Figuier  qui  a  pour  titre  : 
La  Terre  avant  le  délufje  A).  Étrange  énigme  qui  longtemps 
encore  servira  d'exercice  aux  naturalistes!  Mais  que  feront 
pendant  ce  temps  les  théologiens?  Iront-ils  s'évertuer  à 
établir  que  touics  ces  espèces,  animales  et  végétales,  ap- 
partiennent a  la  création  des  six  jours?  C'est  une  thèse  qui 
a  été  soutenue  par  un  géologue  anglais  '2  ,  P^'"  l'abbé 
Sorignet  (3\  et  plus  récemment  par  le  R.  P.  Laurent  4), 
Si  elle  parvient  à  s'accréditer  dans  la  science,  l'accord  de 
la  paléontologie  avec  la  Bible  sera  on  ne  peut  plus  facile  h 
établir.  Si  les  hommes  spéciaux  continuent  a  la  repousser 
comme  ils  l'ont  fait  jusqu'à  présent,  laissons-les  vider  en- 
semble leur  querelle  et  terminer  une  question  qui  est  exclu- 
sivement de  leur  compétence.  Notre  tort  est  souvent  dans 
ces  occasions  de  faire  du  zèle  apologétique,  et  de  compro- 
mettre ainsi  la  cause  que  nous  voulons  défendre. 

Que  dirons-nous  donc  a  ceux  qui  voient  dans  les  fossiles 
les  restes  de  vingt  ou  trente  créations  successives  accumu- 
lées pendant  une  longue  suite  de  siècles,  dans  un  ordre  tout 
différent  de  celui  qu'indique  Moïse  ^5'?  Ce  sont  la  les  pré- 
tentions de  ceux  qui  n'admettent  point  l'opinion  concor- 
diste,  assez  peu  accréditée  jusqu'ici,  comme  nous  venons 


(1)  Paris,  Haciielte,  1863.  l,e  texte  e^t  accompagaé  d'uu  grand  nom- 
bre de  gravures. 

(2)  C.  B.,  Geology  in  ils  relation  to  nroealed  religion.  Dublin  1834. 

(3)  Op.  cit. 
.4)  Op.  cit. 

(5)  Reusci;,  p.  527.  Cet  auteur  a  traité  la  mitière  avec  beaucoup  de 
soin  et  d'une  manière  trôs-complèle  dans  sa  22-  cl  23*^  leçons,  p.  258- 
281. 


ET    LA    SCIKXCli    DE    LA    NATURE.  336 

de  le  dire.  Nous  ignorons  ce  que  valent  au  juste  ces  pré- 
lenlions,  et  comme  théologiens  nous  n'avons  pas  a  nous  en 
occuper.  Si  réellement  elles  vienr.ent  a  être  justifiées  par 
les  progrès  O.e  la  science,  s'il  est  démontré  qu'elles  repo- 
sent sur  des  arguments  positifs,  alors  nous  aurons  a  établir 
leur  accord  avec  le  récit  biblique  de  l'œuvre  des  six  jours. 
Ce  ne  sera  pas  bien  d'fiicile.  En  elTet,  les  termes  si  larges 
dans  lesquels  il  est  conçu  permettent  de  sous-entendre 
bien  des  choses.  Il  y  a  une  période  antéhistorique  indiquée 
sans  aucun  détail  dans  les  deux  premiers  versets  de  la  Ge- 
nèse, où  nous  trouvons  place  pour  toutes  ces  créations  pri- 
mitives, su|)posé  que  leur  réalité  soit  établie. 

Au  point  de  vue  tliéologique,  il  n'y  a  point  de  difficulté 
à  faire  valoir  contre  cette  manière  d'envisager  les  choses^ 
nous  l'avons  lait  voir  dans  nos  articles  précédents.  Il  n'y  en 
a  pas  non  plus  au  point  de  vue  paléontolopique  :  la  science 
trouve  ainsi  un  cadre  aussi  vaste  qu'elle  le  jugera  néces- 
saire, et  elle  peut  s'y  mouvoir  a  l'aise. 

Il  y  a  cependant  un  l'ail  qui  vicntirait  déranger  cette 
théorie,  s'il  était  démontré  :  c'est  la  présence  de  fossiles 
humains,  ou  d'objets  qui  attestent  l'industrie  de  l'homme, 
tels  que  les  haches  de  silex  ou  de  pierre,  dans  les  terrains 
où  se  trouvent  ensevelis  les  restes  de  cette  Flore  et  de  cette 
Faune  appartenant  à  l'époque  antéhistorique. 

Mais  toutes  les  découvertes  de  ce  genre  ont  été  jusqu'ici 
conteslées,  ou  du  moins  on  a  prétendu  que  ce  mélange,  dû 
à  des  causes  accidentelles,  a  un  ébranlement  de  terrain,  à 
une  inondation,  etc.,  ne  démontre  en  aucune  façon  que 
l'homme  ait  été  contemporain  des  espèces  perdues  (1). 

(1)  On  s'esl  beaucoup  occupé  l'an  dernier  de  la  màclioirc  bumaine 
et  des  baclies  de  silex  trouvt!ies  par  M.  Boucberde  Perlhes,  à  Moiilin-Qui- 
gnon,  près  rrAbbeville.  Plusieurs  membres  de  l'Académie  des  sciences 
(séance  du  18  mai  186::^),  W.  de  Qualrefages  entre  autres,  soutenaient 
avtfc  ardeur  et  uon  sans  succès,  à  la  suite  d'un  examen  et  d'uue  discus- 
sion sérieuse,  que  cette  mâchoire  et  ces  haches  de  silex  étaient  contem- 


336  f^A    BIBLE 

Après  tant  d'explorations^  il  n'esî  pas  probable  que  l'on 
fasse  des  découvertes  plus  décisives.  Mais  si  la  science, 
appuyée  sur  des  faits,  se  prononçait  enfin  d'une  manière 
positive,  nous  aurions  évidemment  à  tenir  compte  de  son 
arrêt.  En  attendant,  rien  ne  nous  oblige  à  sortir  de  la  posi- 
tion que  j'ai  essayé  d'indiquer  dans  les  pages  précédentes. 
Laissons  les  géologues  et  les  paléontologistes  confinuer 
leurs  recherches  sans  nous  en  émouvoir,  certains  d'avance 
qu'elles  tourneront  au  profit  de  la  vérité. 


poraines  de  la  forma!  ion  dos  terrains  où  elles  avaient  été  trouvées,  liais 
un  bomiue  d'uuf  grande  autorité  dans  ces  matières,  M.  Éiie  de  Beau- 
mont,  détruisit  en  quelques  mots  toute  leur  ar!,'umentatiGij.  \oici  com- 
ment M.  l'abbé  iMoigno,  dans  sou  journal  intitulé  les  Mondes  (t.  i,  21  mai 
1863,  p.  414),  résume  l'avis  motivé  de  l'illuslre  géologue  : 

«  Vous  avez  appelé  diluvium  le  terrain  de  Mouliu-Qniguon,  et  cepen- 
dant, dans  ma  co'jvicliou,  ce  terraiu  n'est  pas  un  diluvium,  ce  n'est  pas 
même  uu  terrain  d'alluvion  résultant  de  l'atlerrissemcnt  desfleuves; 
c'est  simiilemeut  un  terrain  meuble  des  pentes  eutraùié  par  les  pluies 
torreuiiellesd'uu  de  ces  orages  extraordinaires  qui  se  produisent  à  épo- 
ques Irès-distanles,  de  mille  ans  eu  millt;  ans,  et  dont  l'histoire  garde 
uu  vague  souvenir.  L'état  de  conservation  de  la  mâchoire  trouvée  par 
M.  Boucher  de  Perthes,  et  qui  contraste  avec  l'état  des  os  vraiment 
fossiles  d'éléphants,  do  rhinocéros,  d'ours  mêlés  aux  liadies  ou  autres 
animaux  disparus,  s'accorde  parfaitement  avec  la  nature  de  ces  terrains 
meubles.  La  grande  iuoudalion,  eu  renversant  et  entraînant  uu  atelier 
de  fabrication  de  haches  en  pierre  ;  en  enlevant  à  quelque  tombe  les  os 
d'un  des  aborigènes  ;  en  creusant  plus  iirofondément  et  mellaut  à  uu 
pour  les  emporter  à  leur  tour  des  os  fossiles  d'animaux  antédiluviens, 
rend  parfaitement  compte  de  tous  les  faits  observés,  saus  qu'il  soit  nul- 
lement név:esiaire  de  recourir  à  une[irélecdue  coutemporanéité  des  êtres 
humains  et  non  humains  trouvés  ensemble  dans  ces  lerrams  de  trans- 
port. L'homme  dont  la  mâchoire  est  apparue  à  Abbevjjle,  n'est  donc  pas 
un  homme  antédiluvien  ou  fossile,  c'est  tout  au  plus  uu  homme  appar- 
tenant à  Yà-2.e  de  pii-rre  et  ne  remontant  pas  au  delà  de  la  période  ac- 
tuelle. Ce  u'est  pas  d'aujourd'hui,  njoute  M.  Klie  de  Beaumont,  que  da- 
tent les  convictions  que  j'exprime  sur  la  nature  des  lerrams  de  Moulin- 
Quignon.  Dans  la  grande  carte  géologique  que  nous  avons  rédigée,  Du- 
frènoy  et  moi,  ci  qui  figurait  à  l'exposilion  universelle  de  1855,  ces  ter- 
rains sont  figurés  comme  terrains  meubles;  ou  les  retrouve  sous  la 
même  rubrique  dans  la  carte  géologique  du  Pas-de-Calais.  »  D.re  la  sen- 
sation produite  par  le  lanjage  si  convaincu  de  M.  Elie  de  Beaumont,  la 
plus  grande  autorité  géologique  de  France,  ajoute  M.  Moigno,  serait 
impossible. 


r.T  r,\  snrKNCi;  dl  r.\  nature.  .53/ 


XI. 


Reste  un  dernier  point  de  contact  avec  la  science  de  la 
nature  :  l'unité  de  l'espèce  humaine,  si  clairement  affirmée 
dans  la  Genèse.  Eh  bien  I  cette  unité,  non-seulement  le 
sentiment  du  genre  humain  la  proclame,  mais  la  science, 
appuyée  sur  l'observation,  la  constate  d'une  manière  irré- 
fragable. 

Buffon  définissait  déjà  l'espèce  une  succession  constante 
a  ndividus  semblables  et  qui  se  reproduisent  y\).  C'est  l'idée 
qu'en  donnent  Linné,  Laurent  de  Jussieu,  de  Candolle,  de 
Blainville  (2). 

M.  Flourens  s'est  livré,  sur  ce  point  de  physiologie,  à  des 
expériences  décisives,  qu'il  résume  ainsi  lui-même  dans 
son  dernier  ouvrage  : 

«  Mes  expériences  sur  les  métis,  persévéramment  pour- 
suivies, nous  donnent  les  caractères  précis  de  X espèce  et  du 
genre. 

«  Le  caractère  de  \ espèce  est  la  fécondité  continue. 

«  Le  caractère  du  genre  est  la  fécondité  bornée. 

«  On  a  déjà  des  métis  de  plusieurs  espèces.  On  sait  que 
les  espèces  du  cheval,  de  l'âne,  du  zèbre,  de  l'hémione, 
peuvent  se  mêler  et  produire  ensemble-,  celles  du  loup,  du 
chien,  du  chacal,  se  mêlent  et  produisent  aussi,  comme  on 
vient  de  voir  ^  il  en  est  de  même  de  celles  de  la  chèvre  et 
de  la  brebis,  de  la  vache  et  du  bison,  du  bouc  et  du  bélier. 
Le  tigre  et  le  lion  ont  produit  à  Londres,  fait  remarquable 
et  qui  renverse  ce  principe  que  l'on  s'était  trop  hâté  de  po- 
ser, savoir,  que  pour  que  le  croisement  de  deux  espèces 


(i)  ÂDt.  Espèce,  dans  V Encyclopédie  de  Diderot  et  d'Alembert. 
(2)  V.  les  citations  dans  le  remarquable  Traite'  d'Anthropologie  physio* 
logique  et  philosophique  du  docteur  Frédauit  (Paris  18G3),  p.  29-32. 

.  Revue  des  Sciences  ecclé,,  t.  is.  —  avril  186'i,  22 


338  i.\  m  BLE 

fût  fécond,  il  fallait  au  moins  que  lune  d'elles  fût  domes- 
tique. 

«  Rien  de  ce  qu'on  a  dit  sur  les  prétendus  métis  de  chien 
iêt  de  renard,  de  chien  et  d'hyène,  de  lièvre  et  de  lapin,  à 
plus  forte  raison,  de  taureau  et  de  jument  ou  de  cheval  et 
de  vache,  n'est  prouvé.  J'ai  souvent  tenté,  et  quelquefois 
ohtenu  l'union  de  ces  animaux;  jamais  elle  n'a  été  fé- 
conde. 

«  On  connaît,  dans  la  classe  des  oiseaux,  les  unions 
croisées  de  plusieurs  espèces:  du  serin  avec  le  chardonne- 
ret, avec  la  linotte,  avec  le  vcrdier,  etc.,  des  faisans  dorés, 
argentés  et  communs,  soit  entre  eux,  soit  avec  la  poule, 
etc.,  etc. 

«  Je  donne  au  produit  des  unions  croisées  le  nom  de 
métis,  parce  que  le  métis  me  paraît  fait,  par  moitié,  de  cha- 
cune des  deux  espèces  productrices. 

«  Le  métis  du  chacal  et  du  chien  tient  à  peu  près  égale- 
ment du  chacal  et  du  chien.  Il  a  les  oreilles  droites,  la 
queue  pendante  \  il  n'ahoie  pas  :  il  est  aussi  chacal  que 
chien. 

«  Voilk  pour  la  première  génération.  Je  continue  à  unir, 
de  génération  en  génération,  les  produits  successifs  avec 
l'une  des  deux  espèces  productrices,  avec  celle  du  chien, 
par  exemple, 

<(  Le  métis  de  seconde  génération  n'ahoie  pas  encore  ; 
mais  il  a  déjà  les  oreilles  pendantes  par  le  bout  \  il  est  moins 
sauvage, 

«  Le  métis  de  la  troisième  génération  aboie  -,  il  a  les 
oreilles  pendantes,  la  queue  relevée-,  il  n'est  plus  sau- 
vage, 

«  Le  métis  de  la  quatrième  génération  est  tout-a-  (ait 
chien. 

«  Quatre  générations  m'ont  donc  suffi  pour  ramener  l'un 
des  deux  types  primitifs,  le  type  chien  -,  et  quatre  généra- 


KT    LA    SCir^CE    Di:    LA    XATURE.  ^"9 

tiens  me  suffisent  de  même  pour  ramener  l'antre  type,  le 
type  chacal. 

«  Linné  disait  avec  une  sagacité  profonde  :  Naturœ  opus 
est  semper  species  et  genus  ;  culturœ  sœphts  varietas;  artis 
et  naturœ  classis  et  orcJo. 

«  En  effet,  Vespèce  el  le  genre  sont  toujours  l'œuvre  de 
la  nature  -,  la  variété  est  souvent  l'œuvre  de  la  culture  -,  et  la 
classe  et  Vordre  sont  a  la  fois  l'œuvre  de  l'art  et  de  la  na- 
ture :  de  la  nature  qui  donne  aux  espèces  les  ressemblances 
et  les  apparences,  et  de  Vart  qui  les  juge  et  les  apprécie. 

«  Au  milieu  de  tous  les  autres  groupes  de  la  méthode, 
Vespèce  et  le  genre  se  distinguent  en  ce  qu'ils  ne  se  fondent 
pas  seulement  sur  la  comparaison  des  ressemblances^  mais 
sur  des  rapports  directs  et  effectifs  de  génération  et  de  fé- 
condité. . . 

«  Il  y  a  deux  sortes  de  fécondité  :  une  fécondité  continue  ; 
c'est  le  caractère  de  \ espèce.  Toutes  les  variétés  de  chevaux, 
de  brebis,  de  chèvres,  etc.,  se  mêlent  et  produisent  ensemble 
avec  une  fécondité  continue. 

«  Et  il  y  a  une  fécondité  bornée;  c'est  le  caractère  du 
genre.  Si  deux  espèces  distinctes,  le  chien  et  le  chacal,  le 
loup  et  le  chien,  le  bélier  et  le  bouc,  l'âne  et  le  cheval,  etc., 
se  mêlent  ensemble,  ils  produisent  des  individus  bientôt 
inféconds,  ce  qui  fait  qu'il  ne  s'établit  jamais  d'espèce  m- 
termédiaire  durable.  On  unit  le  cheval  et  l'âne  depuis  des 
siècles,  mais  le  mulet  et  la  mule  ne  donnent  point  d'espèce 
intermédiaire;  on  unit  depuis  des  siècles  les  espèces  du 
iK)uc  et  du  bélier-,  ils  produisent  des  métis,  mais  ces  métis 
n'ont  pas  donné  d'espèce  intermédiaire. 

«  On  cherchait  le  caractère  du  genre;  où  le  trouver?  Il 
est  dans  les  deux  fécondités  distinctes. 

«  La  fécondité  continue  donne  l'espèce  -,  la  féconditéôorwee 
donne  le  genre  '\].  » 

(1)  FloureDs,  Examen  du  livre  de  M.  Daivoin,  p.  108  ss. 


3/lO  LA    BIBLE 

La  conclusion  de  tout  ceci,  c'est  que  les  races  humaines 
répandues  dans  le  monde  entier,quelquediversifiéesqu'elles 
puissent  être  sous  le  rapport  des  caractères  extérieurs  et 
accidentels,  ne  constituent  cependant  qu'une  seule  et  même 
espèce.  En  effet,  elles  peuvent  s'unir  entre  elles,  et  leur 
union  est  toujours  féconde,  et  elle  l'est  d'une  manière  con- 
tinue. C'est  un  fait  trop  patent  pour  qu'il  soit  possible  de 
le  révoquer  en  doute;  il  se  reproduit  en  Amérique,  depuis 
trois  siècles  et  plus,  dans  des  proportions  immenses.  Quant 
aux  variétés  dans  l'espèce  humaine  et  aux  causes  généra- 
trices de  ces  variétés,  la  question  a  été  très-bien  résumée, 
au  point  de  vue  physiologique  et  philosophique,  par  le 
D'  Frédault  ^1;.  >'ous  devons  nous  contenter  de  renvoyer 
à  son  livre  et  a  quelques  autres  où  l'on  trouvera,  si  on  le 
veut,  des  développements  plus  considérables  ('2). 

Terminons  par  une  remarque  empruntée  à  un  homme 
spécial,  et  qui  est  applicable  à  tous  les  cas  du  même  genre  : 
c'est  que,  parmi  les  savants  qui  ont  nié  l'unité  de  l'espèce 
humaine,  aucun  ne  s'est  occupé  sérieusement  de  l'étude 
des  espèces  soit  animales,  soit  végétales,  considérées  comme 
types  primitifs. 

M.  Godron  (c'est  lui  qui  nous  fournit  cette  observation) 
leur  oppose  des  noms  tels  que  ceux  de  Buffon,  Camper, 
J.  Hunier,  Blumenbach,  Forster,  G.  Cuvier,  Weber,  Tie- 
demann,  Prichard,  Al.  de  Humboldt,  J.  Mùller,  Flourens, 
Serres,  de  Quatrefages,  etc. 

Puis  il  ajoute  :  «  Il  est  remarquable  que  dans  une  ques- 
tion scientifique  difficile  et  chaudement  controversée,  un 
ensemble  d'hommes  aussi  illustres  et  aussi  spéciaux  par  la 
nature  de  leurs  études,  se  prononcent  unanimement  en  fa- 


(1)  Traité  d'Anthropologie,^.  63-102. 

(2)  Unité  de  l'espèce  humaine,  par  M.  de  Quafrefa^ïes.  Paris,  1861.  — 
De  l'unité  des  races  humaines  d'après  les  données  de  la  psychologie  et  de 
la  physiologie,  \nv  M.  Lidevi-Roche.  Paris,  1862. 


ET  L\    S(;ii:Nr;E    ni;    LA    WTL'KK.  Mil 

veiir  de  la  doctrine  de  runitc  primitive  du  genre  iuimain  -, 
et  si  nous  n'en  sommes  plus  aujourd'hui  à  considérer  une 
question  comme  délinitivement  résolue  lorsqu'elle  est  tran- 
chée par  les  maîtres  de  la  science,  il  nous  semble  toutefois 
que  leur  accord  constitue  déjà  une  présomption  grave  en 
faveur  de  leur  doctrine,  et  qu'il  y  aurait  une  témérité  presque 
juvénile  a  les  accuser  d'erreur,  sans  avoir  étudié  à  fond  cette 
question  difficile  (1).   » 

C'est  un  avis  dont  les  demi-savants  et  les  dilettanti  feraient 
bien  de  profiter. La  science  profane  y  gagnerait,  et  la  théo- 
logie rencontrerait  sur  sa  route  beaucoup  moins  de  ces  ten- 
tatives qui  ont  pour  but  d'établir  une  contradiction  entre 
l'enseignement  de  nos  Livres  saints  et  les  investigations  de 
la  science. 

E.  Hautcoeur. 


(Ij  M.  Godrou,(/e  C Espèce  et  des  races  dans  les  êtres  organisés,  ut  spé' 
riahment  de  F  unité  de  l'espèce  huniain".  [Vàni,  1859,  i  vol.  iu-8'''),  t.  il, 
p.  370,  cité  par  le  docteur  Frédiult,  np.  cit*.  p.  73  s. 


DE  L'ELECTIOX  DU  SOUVERAIN  -  PONTIFE 

et  (les  tondiliou^  requises 
POUR     qu'elle     soit     LEGITIME. 

Premier  article. 


Dans  la  prévision  d'une  vacance  du  Saint-Siège,  qui  sera, 
nous  l'espérons,  bien  éloignée,  quelques  esprits  ont  émis 
récemment  des  idées  plus  qu'étranges,  et  qui  pourraient 
devenir  un  danger,  si  elles  étaient  prises  au  sérieux.  On  ne 
concevrait  pas  que  de  telles  aberrations  aient  pu  se  produire, 
si  l'on  ne  savait  à  qnel  point  certains  hommes  de  notre 
époque,  distingués  d'ailleurs  à  bien  des  titres,  se  trouvent 
arriérés  dans  l'étude  qui  importe  le  plus  à  l'humanité,  celle 
de  la  science  sacrée.  Heureusement  qu'il  suffit  ici  du  plus 
simple  exposé  de  l'enseignement  catholique,  pour  démasquer 
l'erreur  et  déjouer  toute  sinistre  tentative.  Portons  la  lu- 
mière de  cet  enseignement  sur  les  points  qui  résument  l'es- 
sentiel de  la  question,  savoir:  1°  pouvoir  du  Souverain- 
Pontife  de  déterminer  par  qui  et  avec  quelles  formalités  doit 
se  faire  l'élection  de  ses  successeurs;  2»  en  vertu  de  quel 
droit  et  depuis  quelle  époque  cette  élection  appartient -elle 
exclusivement  aux  Cardinaux  ;  3"  quelle  est,  pendant  la 
vacance  du  Siège,  l'étendue  de  leur  juridiction  ;  li°  forme 
prescrite  pour  le  Conclave. 


DE   r'tttCTio.x  i)L  .sj:vi:hvi.\  [' r>  iiFE.  o/jS 

§1. 

Au  Souveraiii-Ponlife  appariieiu  le  pouvoir  di  tielef miner  par  qui,  et  dans 
quelle  fordie,  doit  être  faite  l'clection  de  ses  successeurs. 

1°  Il  est  certain  et  hors  de  controverse,  que  le  mode  de  cette 
élection  n'a  pas  été  déterminé  pa"-  Jésus-Christ  lui-même. 
Ni  les  saintes  Ecritures,  ni  la  tradition  ne  renferment  aucune 
trace  du  divin  décret  qui  aurait  statué  en  cette  matière. 
D'autre  part,  la  forme  de  cette  élection  a  varié  :  c'est  un 
fait  attesté  par  l'histoire,  et  ce  fait  n'aurait  pu  se  produire 
si  le  divin  Sauveur  lui-même  avait  révélé  et  commandé  une 
règle  à  suivre  sous  peine  de  nullité.  De  là,  ce  point  de 
départ  unanime  de  tous  les  théologiens  orthodoxes,  que 
Jésus-Christ  a  laissé  à  son  Église  le  soin  et  le  pouvoir  de 
dresser  la  charte  de  cette  importante  élection.  «  Le  mode 
d'élire  le  Pape,  dit  Suarez,  n'a  pas  été  prescrit  par  le  Christ 
Notre  Seigneur;  il  l'a  confié  à  l'Église.  Il  est  certain  que  ce 
mode  a  varié:  or,  s'il  eût  été  prescrit  par  Jésus-Christ,  il 
n'y  en  aurait  jamais  eu  qu'un  seul  dans  l'Église,  et  toujours 
le  même.  »  {De  Fide,  disput.  10,  sect.  A,  n.  6,  page  309, 
tome  XII,  édition  Vives,  Paris  1858.)  On  peut  voir,  sur  le 
même  sujet,  le  cardinal  Petra  (tomeiv.  Commentaire  sur  la 
cinquième  Constitution  de  Clément  VI,  n.   35). 

2"  En  laissant  ce  pouvoir  à  son  Eglise,  sans  désigner  par  qui 
il  devait  être  exercé,  Jésus-Christ  fa  par  cela  même  confié  au 
Soiioerain-Pontife.  —  Que  Jésus-Christ  ait  investi  le  Pontife 
romain,  dans  la  personne  de  saint  Pierre,  du  plein  pouvoir 
de  gouverner  l'Église  universelle,  c'est  un  article  de  foi,  ex- 
pressément défini  par  le  concile  oecuménique  de  Florence. 
Cette  plénitude  de  pouvoir  est  proclamée  aussi  par  le  concfie 
œcuménique  de  Trente,  qui  l'appelle  autorité  souveraine  ou 
suprême  (supremam  potestatem)   sur  toute  l'Église.  Un  tel 


3àh  DE    LtLECTION   DL'  SOL V£RAIN-P0NT1FF. 

pouvoir  du  Pape  renferme  évidemment  celui  de  prescrire  la 
manière  d'élire  ses  successeurs,  et  de  frapper  de  nullité 
toute  élection  dépourvue  des  conditions  par  lui  exigées. 
Car  la  forme  requise  pour  la  validité  de  l'élection  des 
Papes  n'ayant  pas  été  réglée  et  révélée  parle  divin  Sauveur, 
il  est  nécessaire  au  bon  gouvernement  de  l'Église  que  quel- 
qu'un puisse  la  déterminer,  sans  quoi  on  ne  saurait  jamais 
si  le  Pape  est  légitime.  Contester  au  Souverain-Pontife  ce 
pouvoir,  serait  par  là  même  lui  dénier  le  pouvoir  plein,  sou- 
verain ^  si//jm«é',  de  gouverner  l'Eglise  universelle;  il  lui 
manquerait  une  portion  importante  de  ce  pouvoir;  cette 
portion  aurait  été  confiée  à  d'autres.  Donc,  point  de  milieu: 
ou  il  faut  dire  que  le  Pontife  romain  n'a  pas  le  plein  pouvoir 
de  gouverner  l'Eglise,  ce  qui  est  hérétique  :  ou  il  faut  con- 
fesser qu'il  a  aussi  le  pouvoir  de  statuer  par  qui  et  avec 
quelles  formalités  ses  successeurs  doivent  être  élus,  et  de 
rendre  nulles  les  élections  accomplies  contrairement  à  ses 
décrets. 

Autre  preuve,  !^i  le  Pape  n'était  pas  réellement  investi 
de  ce  pouvoir, à  qui  appartiendrait-il?  On  ne  peut  pas  sup- 
poser que  Jésus-Christ  l'ait  confié  à  tous  les  membres  de 
l'Église,  y  compris  les  laïques  ;  en  d'autres  termes  qu'il  l'ait 
subordonné  au  suffrage  universel.  S'il  en  était  ainsi,  le  sut- 
frage  universel  n'ayant  jamais  été  pratiqué,  il  faudrait  dire 
que  l'Église  n'a  plus  eu  de  chef  légitime  à  partir  de  saint 
Pierre,  qu'elle  n'a  plus  été  la  véritable  Église  de  Jésus- 
Christ,  que  les  portes  de  l'enfer  ont  prévalu  contre  elle  dès 
le  commencement,  et  que  les  promesses  immortelles  du  divin 
Sauveur  ne  se  sont  point  réalisées.  D'ailleurs,  en  requérant 
le  suffrage  universel  pour  régler  la  manière  d'élire  les  Papes, 
le  divin  Sauveur  aurait  imposé  une  condition  moralement 
impossible,  inconciliable  par  conséquent  avec  la  sagesse  di- 
vine. Le  pouvoir  de  statuer  sur  cette  élection  n'appartient 
donc  pas  aux  laïques,  ni  même  aux  clercs  non  préposés  au 


DE    l'ÉLECTIOX    du    SOL VtRAIN-PONTIFE.  3/io 

gouvernement  de  l'Église.  Reste  l'hypothèse  que  Jésus- 
Christ  l'ait  confiée  aux  évêques  pris  collectivement,  en 
d'autres  termes  au  concile  œcuménique  ;  mais  elle  n'est  pas 
plus  admissible.  Aucun  décret  des  conciles  généraux  ne 
peut  avoir  force  de  loi,  si  le  Pape  ne  le  confirme.  C'est  en- 
core là  un  dogme  catholique.  Il  est  donc  certain  que  le 
Concile  ne  peut  rien  en  cette  matière  que  dépendamment 
du  Pape.  D'autre  part,  la  pratique  de  l'Eglise  prouve  que 
le  Pape  peut  statuer  sans  le  concile  œcuménique.  De  fait, 
pendant  bien  des  siècles,  les  conciles  généraux  n'ont  rien 
décrété  sur  ce  point,  et  les  Papes,  au  contraire,  font  réglé 
et  déterminé  en  dehors  des  conciles  généraux-.  Si  le  Souve- 
rain-Pontife n'avait  pas  eu  ce  pouvoir,  pendant  de  longs 
siècles  la  validité  de  l'élection  des  Papes  serait  restée  incer- 
taine; attendu  que  Jésus-Christ  n'en  aurait  pas  réglé  lui- 
même  les  conditions,  que  le  Pape  n'aurait  pas  pu  les  régler 
seul,  et  que  le  concours  nécessaire  des  conciles  œcuméniques 
aurait  fait  défaut.  La  conséquence  est  inadmissible  ;  donc, 
le  principe  l'est  aussi.  On  peut  resserrer  ainsi  l'argument  : 
Jésus-Christ  a  confié  à  quelqu'un  dans  l'Église  le  pouvoir 
de  régler  la  manière  d'élire  les  Papes  ;  il  ne  l'a  point  confié 
à  tous  les  membres  de  l'Église;  il  ne  l'a  pas  confié  non 
plus  à  l'action  collective  des  évêques.  Donc,  il  l'a  confié  au 
Pontife  romain,  à  celui-là  même  qu'il  a  établi  chef  suprême 
de  son  Eglise,  avec  une  pleine  puissar.ce  de  la  gouverner. 

Autre  preuve  :  la  pratique  de  l'Église.  En  fait,  l'Église  a 
procédé  en  cette  matière  d'après  les  décrets  des  Papes. 
Avant  que  des  conciles  œcuméniques  aient  confirmé  ces  dé- 
crets, ils  avaient  déjà  longtemps  servi  de  règle  ;  et  d'autres 
décrets  pontificaux,  postérieurs  aux  dernières  lois  des  con- 
ciles œcuméniques,  ont  été  reconnus  et  suivis  en  pratique 
comme  également  obligatoires,  comme  ayant  la  même  au- 
torité. Cette  pratique  de  l'Église  présuppose  la  croyance 
que  le  Pontife  romain  a  réellement  reçue  de  Jésus-Christ 


346  DE    l'élection    du    SUUVERAIN-POMIFE. 

l'autorité  en  cette  matière,  et  la  croyance  de  l'Église  ne 
peut  jamais  être  une  erreur. 

Autre  preuve  :  le  consentement  commun  des  docteurs  ca- 
tholiques. —  Suarez  s'exprime  ainsi:  «  Ad  Sedem  Aposto- 
licam  praecipue  spectat  praescribere  et  ordinare  modum  eli- 

gendi  Summum  Pontificem Probaturque  primo:  quia 

modus  eligendi  Pontificem  qui  nunc  est  in  Ecclesia,  prœci- 
pue  fundatur  in  legibus  et  statutis  ipsoram  Pontificum  ; 
ergo  ipse  usus  Ecclesiaa  docet  hoc  pertinere  ad  summum 
Pontificem.  Secundo,  cum  Papa  sit  Exlesiae  cap  ut,  in  eo 
est  suprema  potestas  gubernandi  Ecclesiam.  Ad  eum 
ergo  spectat  providere  in  rébus  maxime  necessariis.  Una 
vero  ex  his,  et  gravissima,  est  electio  Summi  Pontificis  ; 
ergo,  etc.  Tertio,  quia  vix  alla  ratione  potuisset  conti- 
nuari  légitima  successio  Pontificum  ab  initio  Ecclesiae  us- 
que  ad  hoc  tempus.  Nam  si  solus  Pontifex  non  potuisset 
modum  electionis  praescribere,  pertinuisset  hoc  ad  univer- 
sam  Ecclesiam,  seu  concilium  générale.  Nunquam  autem 
per  longam  annorum  seriem  quidquam  est  de  hac  re  statutum 
aut  ordinatum  in  conciUis  generalibus.  Signum  ergo  est  a 
principio  Pontifices  Summos  auctoritate  propria  statuisse 
modum  electionis,  qui  pro  ratione  aut  necessitate  temporum 
retentus  fuerit,  veleadem  auctoritate  mutatus  ;  tandemque 
perrnanserit  is  qui  nunc  viget  in  Ecclesia,  atque  in  conciliis 
generalibus  estconfirmatus,  duobus  videlicet  Lateranensibus 
sub  Nicolaol  et  Alexandro  111,  et  in  LugJunensi  uno,  alte- 
roque  Viennensi.  »  {De  Fide,  disput.  10,  sect.  h,  n.  XI.) 
Suarez  se  fait  cette  objection  :  «  Si  heec  potestas  apud  Pon- 
tificem resideret,  posset  utique  nunc  sua  auctoritate  hune 
eligendi  ritum  abrogare,  et  novum  introducere.  »  Et  il  la 
résout  ainsi  :  «  Respondeo,  non  videri  dubium  quin  possit 
Papa  modum  eligendi,  qui  nunc  viget  in  Ecclesia,  mutare... 
Quia  non  est  minor  potestas  hodie  in  Pontificibus  quam  lue- 
rit  in  antiquioribus  ;  ergo,  sicutilli  mutaruntantiquam  eli- 


DE    l'élection    DL    SOL  V  LUAlN-POiVriFE.  3^7 

gendi  formam ,  ita  et  hi  mutare  poterunt.  Item  forma  haee 
sive  modus  eligendi  non  est  divini  juris,  ut  ostensum  est  ; 
ergo  positivi.  Potest  autem  Papa  mutare  omne  positivum 
jus.  »  (Ibidem,  n.  12  et  13.) 

Le  dominicain  Passerini,  dans  son  Traité  de  l'Élection  du 
Souverain-Pontife^  enseigne  la  même  doctrine  :  «  Certum 
mihi  est,  dit-il,  quod  potestas  dirigendi  electionem  Summi 
Pontificis  est  in  eodem  Summo  Pontifice  principaliter,  et  ita 
ut  ad  ipsum  spectet,  nedum  prœscribere  locum,  tempus  et 
foi'mam  eligendi,  sed  determinare  personas  quibus  haec 
electio  conveniat.  Et  ita  quod,  licet  ex  divina  institutione 
jus  eligendi  Pontificem  sit  inEcclesia,  nihilominus  determi- 
natio  niodi  et  formas  exercendi  hujus  juris  est  Pontifici 
commissa,  cui  etiam  competit  decernere  a  quibus  Pontifex  sit 
eligendus,  et  secundum  quod  sibi  bene  visum  fuerit  dirigere 
per  suas  leges  hujusmodi  electionem,  »  Après  avoir  cité  à 
l'appui  Suarez  et  six  autres  auteurs,  Passerini  continue 
ainsi  :  «  Quod  evidens  est,  primo  ex  usu.  Nam  Symmachus, 
Nicolaus  II,  Alexander  III,  Gregorius  X,  Glemens  V,  Cle- 
mens  VI,  Julius  II,  Paulus  IV,  Plus  IV,  Gregorius  XV,  et 
Urbanus  VIII  pontifices,  per  suas  constitutiones  plura  sta- 
tuerunt  in  electione  Summi  Pontificis  observanda.  Tum  quia 
Pontifex  habet  universalem  totius  Ecclesiœ  curam,  ad 
eumque  spectat  eidem  Ecclesiae  in  necessariis  providere  : 
unum  vero  ex  necessariis  est  electio  Summi  Pontificis.  Tum 
tertio  quia  aliter  maxima  inconvenientia  sequerentur,  et  lé- 
gitima Pontificum  successio  fuisset  interrupta,  et  schismata 
superinundassent,  nisi  Pontifices  suis  legibus  electionem 
hujusmodi  direxissent.  Tum  quarto  ;  nain  Ghristus  qui 
Petro  et  suis  successoribus  totam  Ecclesiam  commendavit, 
hanc  facultatem  prascipue  concessit,  ut.  successionis  légi- 
timée in  officio  pontificatus  curam  haberent,  et  invigilarent 
ad  hoc  ut  secure  et  breviter  Ecclesiae  viduatae  de  légitime 
sponso  provideretur.  Unde  indubitatura  est,  quod  Pontificis 


3/18  DE    l'élection    DC    SOLVERAJN-POTriFE. 

Summi  est,  suorum  successorura  electionem  dirigere,  et 
prout  Ecclesi'i^  bono  videt  esse  necessai'iuûi,  formam  ab 
Ecclesia  in  successoruQi  electionibus  servandam  praescribere, 
et  vel  antiquam  formam  tollere,  vel  mutare,  vel  illi  super- 
addere.  »  [Traciatus  de  Electione  Summi  Pontificis,  quaestione 
A,  n.  14,  pag.  7,  edit.  Rom.  1670.) 

On  trouvera  le  même  enseignement  dans  Caraarda, 
évèque  d:?  Riéti,  de  l'ordre  de  Saint-Dominique.  Son  ou- 
vrage est  intitulé:  Constitutionum  Apostolic:irum  una  ciim 
Cœremoniuli  Gregoriano,  de  pertinentibusad  electionem  Papœ., . 
Beaie  \  IVj .  (Voir  en  particulier  dissert  itio  cjuarta,  pag.  J  07.) 

Le  passage  suivant,  où  le  cardinal  Petra  dit  expressément 
que  c'est  là  le  sentiment  commun  des  docteurs  catholiques, 
recepiissima  sententia,  nous  dispensera  de  multiplier  les  ci- 
tations :  «  Non  est  autem  cur  dubitandum  sit,  an...  Summi 
Ecclesiae  Praesules  suam  potestatem  explicare  .valeant  in  hac 
constituenda  forma  Pontificiae  electionis,  etiam  cum  décrète 
irritanti.  Quippe  cum  Ghristus  Dominus  jus  collativum 
Papalis  dignitatis  reliquerit  in  Ecclesia,  nec  certœ  formas, 
nec  determinatis  personis  affixum,  reliquum  est  quod  ejus- 
dem  Vicarius  in  terris  possit  eam  regulare  et  prasscribere, 
et  secundum  temporum  vicissitudines  variare  ;  ita  tamen 
quod  ab  Ecclesia  eam  non  abstrahat,  puta  laicis  committen- 
do,  vel  inquemcumque  modumqui  in  manifestum  Ecclesias 
totius  detritnentum  et  perniciem  vergeret.  Quapropter  varie 
et  pluries  mutatus  fuit  mos  eligendi  Pontifices,  Apostolica 
interveniente  auctoritate. . .  Atque  tandem  est  recepiissima 
sententia,  etiam  ab  his  qui  Papam  successorem  eligere  sibi 
non  posse  autumant.  »  (Tome  h,  commentaire  sur  la  5*  con- 
stitution de  Clément  VI,  n.  35.) 

3°  Le  pouvoir  papal  en  cette  matière  ne  s  étend  pas  aux  décrets 
qui  seraient  manifestement  préjudiciables  à  V Eglise;  mais  à 
cause  du  privilège  de  l'infaillibilité,  il  ne  peut  pas  arriver 
qu  aucun  Pape  publie  jamais  de  pareils  décrets.  —  Il  répugne 


i>K  l'éi.ection  du  sorvERAiN -pontife.  3'|9 

que  le  divin  Sauveur  ait  conféré  à  son  Vicaire  en  terre  un 
pouvoir  destructif  de  l'Église.  Toute  puissance  papale  est, 
selon  l'adage  des  théologiens,  in  cediftcationcm,  non  in  de- 
structionem.  Nous  venons  de  voir  que  le  cardinal  Petra,  tiput 
en  affirmant  le  pouvoir  du  Pape  de  régler  le  mode  d'élection 
de  ses  successeurs,  y  met  cette  limite  :  Néanmoins  le  Souve- 
rain-Pontife ne  peut  pas  transporter  hors  de  l'Église  le  droit 
de  faire  cette  élection,  en  l'attribuant,  par  exemple,  à  des  laï- 
ques, ou  en  décrétant  un  mode  d'élection  gui  tourne  manifeste- 
ment au  détriment  et  à  la  ruine  de  l'Église.  On  trouvera  la 
même  restriction  dans  les  autres  théologiens  qui  ont  traité 
cette  matière.  Mais  s'ensuit-il  que,  quand  un  Pape  a  publié 
des  décrets  relatifs  au  mode  d'élection  de  ses  successeurs, 
il  y  ait  lieu  à  examiner  s'ils  sont  illégitimes  et  nuls,  pour 
avoir  dépassé  la  limite  en  question,  et  statué  au  préjudice 
de  l'Église?  Non,  parce  que  le  cas  de  décrets  nuisibles  à 
l'Église,  en  cette  matière,  ne  saurait  arriver. 

En  [effet,  le  Souverain-Pontife  n'est  pas  seulement  infail- 
lible en  définissant  le  dogme  ex  cathedra.  Il  l'est,  en  outre, 
dans  la  discipline  universelle,  en  ce  sens  qu'il  ne  peut  jamais 
sanctionner  pour  toute  l'Église  une  loi  disciplinaire  morale- 
ment mauvaise,  ou  qui  de  sa  nature,  et  dans  des  circonstan- 
ces données,  entraînerait  la  ruine  des  âmes,  le  dépérisse- 
ment de  l'Église.  En  portant  une  loi  de  discipline  univer- 
selle, le  Pape  déclare  par  là  même  et  définit  implicitement, 
qu'elle  est  bonne  en  soi  et  utile  à  l'Église  dans  les  circon- 
stances présentes.  Errer  en  cette  déclaration,  ce  serait  errer 
sur  le  dogme.  En  sorte  que  l'infaillibilité  en  matière  dogma- 
tique implique  nécessairementl'infaillibilité  dans  ladiscipline 
générale  dans  le  sens  expliqué.  Une  fois  ce  principe  admis, 
comment  ne  pas  étendre  l'infaillibilité  aux  décrets  pontifi- 
caux qui  règlent  la  manière  d'élire  les  Papes?  Évidemment, 
ces  décrets  intéressent  toute  l'Église,  puisqu'il  s'agit  de 
l'élection  légitime  de  son  chef.  Ils  sont  incontestablement 


;]50  m.  l'élection  dl  souveraix-poxtife. 

des  lois  de  dùcipline  générale.  Il  est  donc  impossible  qu'un 
Pape  y  formule  jamais  ce  qui,  relativement  aux  circon- 
stances, serait  moralement  mauvais  ou  préjudiciable  à 
l'Église. 

li°  La  controverse  si  le  Pape  peut  nommer  lui-même  son  suc- 
cesseur ^  est  pratiquement  sans  utilité. — On  peut  la  voir  assez 
longuement  discutée  dans  Suarez  {De  Fide,  iïisp.  10,  sect.  h, 
n.  14  ss.)  ;  dans  Passerini  {Tractatus  de  electione  Siimmi 
Pontifias,  q.  Zi,  p.  /j-18),  et  dans  l'ouvrage  cité  de  Camar- 
da  (p.  93-99).  Le  cardinal  Petra l'expose  ainsi  :  «Descendus 
dans  cette  arène,  les  docteurs  se  partagent  en  trois  camps, 
et  se  combattent  chaleureusement.  Les  uns  soutiennent  que 
le  Pape  peut  toujours  se  donner  un  successeur  :  d'autres 
prétendent  qu'il  ne  le  peut  en  aucun  cas.  Enfin  il  en  est  qui, 
tenant  une  ligne  intermédiaire,  enseignent  qu'il  le  peut  ex- 
ceptionnellement pour  cause  d'urgente  nécessité  ou  d'une 
notable  utilité  de  l'Eglise,  mais  non  ordinairement,  non  rero 
per  modum  ordinarium.  »  (Tome  A,  commentaire  sur  la  5^ 
constitution  de  Clément  VI,  n.  5.)  Suarez  est  pour  le  der- 
nier de  ces  trois  sentiments.  [Loc.  cit.,  n.  16.) 

Nous  disons  que  cette  controverse  est  pratiquement  sans 
utilité.  Car,  s'il  est  préjudiciable  à  l'Eglise  que  le  Pape 
nomme  son  successeur,  il  ne  peut  pas  arriver  qu'un  Pape 
s'arroge  cette  nomination.  Dans  cette  hypothèse,  le  décret 
par  lequel  un  Pape  enjoindrait  de  reconnaître  pour  son  suc- 
cesseur celui  qu'il  aurait  désigné,  serait  mauvais,  et  par 
conséquent  une  erreur  en  matière  de  discipline  générale  ; 
erreur  inconciliable  avec  le  privilège  de  l'infaillibilité  dont 
il  est  revêtu,  comme  nous  l'avons  dit  plus  haut.  D'autre 
part,  si  le  Pape  venait  à  nommer  son  successeur,  à  cause 
de  cette  même  infaillibilité  en  matière  de  discipline  générale, 
on  devrait  conclure  qu'il  en  a  le  droit  et  que  ce  pouvoir  n'est 
pas  in  destructionem ,  mais  in  œdificationem.  En  d'autres  ter- 
mes, si  le  Pape  n'a  pas  ce  pouvoir,  il  ne  peut  pas  arriver 


DE    L'ftLKflTTON    DU   SOrVEnAIiN-PONTlFE.  35i 

qu'il  se  l'attribue.  S'il  se  l'attribuait,  ce  serait  une  preuve 
qu'il  l'a.  Nous  avons  contre  tout  faux-pas  du  Saint-Siège 
en  cette  matière,  la  même  garantie  qui  assure  son  infailli- 
bilité clans  les  définitions  <?a^  cathedra^  la  promesse  et  l'action 
invisible  de  Notre  divin  Sauveur  Jésus-Christ,  auquel  soit 
gloire  et  honneur  dans  tous  les  siècles,  pour  cette  admirable 
constitution  de  son  Église  ! 

Concluons.  La  thèse  fondamentale  du  pouvoir  législatif 
du  Saint-Siège  en  ce  qui  concerne  la  manière  d'élire  les 
Papes,  n'est  pas  une  simple  opinion,  mais  un  dogme  certain. 
La  proposition  qui  le  nierait  serait  téméraire,  erronée, 
tendant  au  schisme  et  à  l'hérésie.  Les  lois  qui  règlent  le 
mode  de  cette  élection,  soit  celles  que  les  Papes  ont  publiées 
seuls,  soit  celles  qu'ils  ont  publiées  avec  le  concours  des 
conciles  œcuméniques,  sont  et  demeurent  obligatoires,  tant 
que  le  Saint-Siège  ne  les  a  point  abrogées  ou  changées. 
Comme  chacun  de  ses  prédécesseurs.  Pie  IX  a  le  pouvoir 
de  les  modifier.  Après  sa  mort,  elles  obligeront  selon  la 
teneur  où  il  les  aura  laissées.  Dans  l'élection  qui  suivra, 
si  l'on  procédait  contrairement  à  un  seul  des  points  présents 
sous  peine  de  millité,  l'élection  serait  nulle  ;  on  n'aurait  pas 
élu  un  Pape,  mais  un  intrus.  Nous  spécifions  à  dessein  la 
catégorie  des  formes  prescrites  sovs  peine  de  mdlité.  Car  il 
en  est  d'autres  dont  l'omission  ne  rend  pas  l'élection  nulle, 
quoiqu'elles  soient  imposées  aussi  par  les  décrets  pontifi- 
caux, parce  que  ]a  clause  annulatoire  ne  s'y  trouve  point 
apposée.  Si  l'on  viole  les  prescriptions  de  cette  seconde  ca- 
tégorie, l'élection  est  illicite,  mais  vahde  :  la  violation  des 
premières  entraînerait  la  nullité. 

Qu'on  juge  maintenant  de  l'effroyable  écart  des  esprits 
qui  rêveraient  pour  la  prochaine  vacance  du  Saint-Siège, 
et  croiraient  possible  après  la  mort  de  Pie  IX,  un  remanie- 
ment du  code  actuel  de  l'élection  des  Papes.  Ils  ne  voient 
pas,  qu'une  fois  le  siège  de  Rome  vacant,  il  n'y  a  personne 


35'î!  DE    l'élection   m    '^OLVLRAIN-PONTIFE. 

au  monde  qui  ait  le  pouvoir  de  changer  un  iota  aux  lois  de 
l'élection,  telles  que  le  dernier  Pape  les  a  laissées.  Bon  gré 
mal  gré,  elles  restent  obligatoires,  et  sous  peine  de  nullité, 
quant  aux  points  revêtus  de  cette  clause.  Si  donc  on  désire 
des  modifications  dans  cette  charte  de  l'élection  des  Papes, 
si  l'on  croit  utile,  vu  les  temps  modernes,  qu'elle  soit  élar- 
gie dans  un  sens  plus  libéral  (nous  ne  partageons  pas  ces 
idées,  nous  les  mentionnons  seulement) ,  qu'on  s'adresse  au 
Pape  vivant.  Une  fois  qu'il  aura  expiré,  toute  modification 
sera  impossible  relativement  à  l'élection  de  son  succes- 
seur. 

Vainement  on  songerait  ici  à  l'intervention  d'un  concile 
général,  convoqué  pendant  la  vacance  du  Saint-Siège.  Un 
pareil  concile  ne  pourrait  être  légitimement  convoqué,  que 
dans  le  cas  où  la  canonicitéde  l'élection  serait  restée  incer- 
taine, et  que  la  difficulté  de  discerner  le  vrai  Pape  entre 
plusieurs  qui  auraient  été  élus,  aurait  amené  un  désaccord 
dans  les  Églises  de  la  catholicité.  Et  alors  sa  mission  et  son 
pouvoir  serait  uniquement  de  pourvoir  à  ce  que  l'Église  eût 
un  Pape  certain. 

Mais  un  concile  général,  avant  l'élection,  et  à  l'effet  d'en 
modifier  le  code,  serait  anticanonique.  Tout  ce  qu'il  sta- 
tuerait resterait  frappé  de  nullité.  A  la  mort  du  Pape,  les 
électeurs  sont  déterminés.  Leur  droit  est  certain,  et  nulle 
puissance  au  monde  ne  peut  les  en  dépouiller. 

D.  Bouix. 


UNE     ETUDE 


SUU  LA  PHILOSOPHIE  SCOLASTIOUE 


On  a  Souvent  fait  le  reproche  à  noire  siècle  d'aimer  peu  la  philosn- 
pliie.  La  Bévue  des  Deux-Mondes  a  elle-niôme  confirmé  cette  accusa- 
tion en  disant  :  L'hisloire  des  faits  a  remplacé  la  science  des  prin- 
cipes. On  ne  s'élève  plus  comme  autrefois  ati-dessus  de  la  multiplicité 
des  phénomènes  pour  chercher  la  loi  qui  les  produit,  on  se  plonge  nu 
contraire  dans  le  courant  des  choses  contingentes,  et  cest  à  travers  ce 
flot  perpétuel,  comme  disait  Heraclite,  qu'on  poursuit  la  vérité  im- 
muable (2). 

L'appréciation  est  sévère,  et  il  convient  d^ajouter  que,  depuis  vingt 
ans,  d'honorables  efforts  ont  été  tentés  pour  réhabiliter  les  éludes  pu- 
rement spéculatives.  Les  sciences  naturelles,  l'histoire,  la  médecine, 
la  littérature,  sont  entrées  sur  plusieurs  points  dans  une  voie  meil- 
leure et  font  ctTort  pour  se  rattacheràla  philosophie  comme  à  leur  centre 
et  à  leur  souveraine  légitime.  Mais  la  philosophie  elle-même,  la 
vraie  et  bonne  philosophie,  où  est-elle  et  à  qui  faut-il  la  demander? 
Est-ce  à  l'antiquité,  au  mo3en  âge,  ou  aux  temps  modernes  qu'il  faut 
accorder  la  palme  du  vrai  savoir  philosophique?  Hélas  !  l'orgueilleuse 
raison  de  l'hamme  n'a-t-ello  pas,  à  toutes  les  époques  de  l'histoire, 
décoré  du  nom  pompeux  de  philosophie  les  systèmes  les  plus  exlrava- 
ganls  et  les  |)lus  absurdes  théories?  Et  ce  que  l'on  appelle  quelquefois 
la  philosophie  chrétienne,  est-ce  vraiment  un  corps  de  doctrine  à  part 

()  )  Die  Philosophie  der  Vorzeil  vertheidigi  von  J.  Kleutgen,  Priester  der 
Gesellschoft  Jesu.  Mûusler,  Tbeissinfî.  1860-1863.  2  Bde,  912,  967  pp. 
(2)  Revue  des  Deux-Mondes,  15  oclobre  1838,  p.  721. 

Revue  des  Sciences  kcclé.,  t.  ix.— avril  1864-  23. 


354  l  >"?•     l'iTUDK 

et  clairement  défini?  On  ne  saurait  le  dire,  car  la  philosophie  n'est  de 
sa  nature  ni  chrétienne  ni  païenne  ;  elle  est  une  science  humaine,  et 
comme  telle,  siijelic  à  l'erreur  aussi  bien  que  susceptible  de  perfection- 
nement et  de  progrès.  Cependant,  il  est  vrai  de  dire  qu'à  l'apparition 
du  christianisme  la  philosophie  a  rapidement  grandi,  sous  la  garde  de 
la  foi  chrétienne  et  au  contact  des  esprits  puissants  connus  sous  le 
nom  de  philosophes  chrétiens,  sans  toutefois  avoir  cessé  d'être  elle- 
même,  c'est-à-dire  variable  et  faillible  comme  la' pensée  humaine  qui 
lui  donne  la  vie.  Au  surplus,  les  [ireuvessont  faites.  Platon  et  Aristote 
ont  tour  à  tour  régné  dans  les  écoles  chrétiennes  avec  des  destinées 
diverses;  puis,  à  un  moment  donné,  on  a  rompu  avec  tout  le  passé  sous 
prétexte  de  mieux  servir  la  science  divine  en  l'affranchissant  de  la  phi- 
losophie, essai  qui  ne  fut  pas  heureux,  puisqu'un  subjeclivisme  épais 
a  aussitôt  envahi  la  science  posiiive  au  point  de  faire  naître  jusque 
parmi  les  philosophes  chrétiens  les  mieux  intentionnés  de  profondes  et 
regrettables  dissidences. 

Ce  fut  dans  le  but  louable  d'apaiser  ces  éternels  conflits  et  d'en 
prévenir  le  retour,  qu'on  imagina  alors  de  revenir  aux  principes  de 
cette  philosophie  qui  fut  autrefois  en  honneur  dans  l'Eglise,  comme 
devant  offrir  plus  de  garantie  à  la  foi  et  plus  de  satisfaction  à  la  raison. 
Or,  quand  on  interroge  les  divers  essais  qui  furent  successivement  ten- 
tés, on  découvre  sans  peine  qu'une  double  tendance  se  manifeste  au- 
jourd'hui parmi  les  maîtres  de  la  théologie.  Les  uns  voudraient  pou- 
voir, sans  rompre  avec  la  scolaslique,  donner  à  la  philosophie  moderne 
une  part  prépondérante;  les  autres,  rejetant  les  principes  de  la  phi- 
losophie moderne,  inclinent  avec  force  vers  la  scolaslique  comme  point 
de  départ  et  comme  base  de  leurs  opérations.  Parmi  ces  derniers,  com- 
munément appelés  les  véo-scolasUques,  figure  avec  éclat  le  R.  P.  Kleut- 
gen,  auteur  de  deux  remarquables  écrits,  l'un  sur  la  théologie  an- 
cien/ie  (1),  et  l'autre  que,  nous  nous  proposons  de  faire  maiiitenanl 
connaître  à  nos  lecteurs,  sur  la  \h\losoph\e  du  passé. 

Avant  d'entrer  en  matière,   l'auteur  expose  brièvement  dans  quel 

(l)  Die  Théologie  der  V'  rzeit. 


SUR  LA  PHILOSOPHIE  SCOLASTIQUE.  355 

but  il  a  entrepris  son  second  ouvrage,  qui  sert  d'appendice  au  premier. 
C'est  afin  de  justifier,  dit-il,  celte  grande  philosophie  qui  a  générale- 
ment régné  dans  les  écoles  catholiques  depuis  l'origine  du  christia- 
nisme jusqu'auXYIll'  siècle,  contre  les  reproches  de  certains  |)hilo 
sophes  cliréiiens  particulièrement  dévoués  à  la  philosophie  inaugurée 
par  Descaries.  Il  discute  ensuite  avec  une  profondeur  de  vues  et  une 
habileté  de  critique  incontestable  quelques-unes  des  questions  les  plus 
fondamentales  et  les  plus  agitées  de  la  philosophie,  celles  de  la  connais- 
sance intellectuelle,  du  réalisme  et  du  nominalisme,  de  la  certitude, 
des  principes,  de  la  méthode,  de  l'être,  de  la  nalure,  etc. 

La  théorie  des  idées,  cet  éternel  écueil  de  la  philosophie,  semble 
avoir  été,  de  la  part  de  l'auteur,  l'objet  d'une  élude  particulièrement 
approfondie.  Mais  avant  d'aborder  les  graves  questions  de  la  nalure  et 
de  l'origine  de  nos  idées,  il  a  voulu  rappeler  par  une  exacte  el  pro- 
fonde analyse,  les  principes  de  la  scolustique  sur  la  connaissance  en 
général,  comme  base  de  tout  l'édifice,  el  comme  réponse  à  toutes  les 
difficultés  que  fait  naître  la  question.  Ons;iit,  en  effet,  combien  les  plus 
grands  philosophes  ont  erré  sur  ce  point.  Malebranche  a  prétendu  que 
la  faculté  de  connaître  est  purement  passive,  et  que  l'acte  de  notre 
connaissance  est  directement  l'œuvre  de  Dieu.  Maissi  Malebranche  avait 
raison,  ne  faudrail-il  pas  dire  aussi  que  nos  idées  sont  immédiatement 
l'œuvre  de  Dieu,  ou  que  Dieu  lui-môme  est  notre  connaissance,  notre 
idée?  11  s'ensuivrait  aussitôt,  sans  nul  effort  de  logique,  que  l'homme 
n'a  pas  non  plus  une  vie  propre,  une  existence  personnelle,  ou  qu'il  est 
une  simple  modification  de  l'être  divin.  Dieu  merci,  lesscolasliquesont 
évité  cet  effrayant  écueil,  en  établissant  comme  fondement  de  leur 
doctrine  que  la  connaissance  a  lieu  selon  la  similitude  de  l'objet  connu 
dans  le  sujet  connaissant  :  Omnis  cognitio  fît  secundum  simili ludinem 
cognili  in  cognoscente.  Us  entendaient  par  ce  principe  une  double 
activité,  l'une  de  la  part  de  notre  esprit,  l'autre  du  côté  de  l'objet  lui- 
même,  concourant  l'une  el  l'autre  à  reproduire  l'image  de    l'objet 


[1)  s.  Thotu.,  Contra  Gent.,  1.  il,  c.  t?. 


35(î  UNE    ÉTIDE 

connu  dans  le  sujet  connaissant  :  Ab  utroque  notitia  paritur,  a  cogno- 
scente  et  cogmto  (1 1. 

Mais  comment,  leur  répliqua-t-on,  une  intelligence  toute  spirituelle 
peut-elle  connaître  les  objets  sensibles?  Ou  comment  une  faculté  sen- 
sible peut-elle  conduire  à  la  connaissance  des  choses  spirituelles?  Autre 
problème  ardu  qui  a  beaucoup  exercé  la  patience  des  philosophes,  esti- 
mant tous  que  l'acte  doit  être  confurme  à  la  nature  de  l'être  qui  le 
produit  et  que  le  semblable  ne  peut  être  connu  que  parle  semblable  (2). 
Platon,  parti  du  fait  que  les  objets  pensés  sont  matériels  et  variables, 
tandis  que  les  idées  sont  immatérielles  et  immuables,  accorda  à  ces 
dernières  une  existence  séparée,  en  dehors  de  notre  intelligence. 
D'autres  philosophes  ont  enseigné, en s'a|)puyant  sur  lesmèmes  raisons, 
que  l'ànie  est  matérielle:  c'est  précisémentparce  que,  de  part  et  d'autre, 
on  se  trompait  sur  le  vrai  caractère  de  la  similitude  que  l'imugo  doit 
avoir  avec  l'ubjet  qu'elle  représente.  Les  scolastiques,  sans  répudier 
le  principe  admis  par  toutes  les  écoles,  que  l'acte  doit  être  conforme  à 
l'être  qui  le  produit,  et  que  le  semblable  n'est  connu  que  par  le  sem- 
blable, ont  prudemment  passé  entre  ces  deux  conclusions  extrêmes, 
également  condamnables,  et  ils  ont  dit  que  l'objet  connu  se  retrouve 
dans  le  sujet  connaissant,  non  pas  tel  qu'il  est  en  lui-même,  mais  selon 
le  mode  du  connaissant:  cogni/Mm  est  in  cofiîiosceute,  secnndnm  modum 
cognoscentis  (5).  Ce  principe  fécond  de  leur  philosophie  se  déroule 
dans  l'acte  de  la  connaissance  avec  une  rigueur  constante  et  invariable. 
L'activité  suppose,  en  effet,  de  la  part  du  sujet,  une  raison  quelconque 
qui  le  détermine  à  passer  de  la  puissance  en  ade,  et  cette  laison,  c'est 
la  disposition  inhérente  à  la  faculté  de  connaître,  de  reproduire  l'image 
de  l'objet  connu.  C'est  pourquoi  elle  est  elle-même  appelée  image  ou 
spec'ies  :  species  impressa,  en  tant  que  sin)ple  disposition  à  l'acle  de 
connaître,  et  species  expressa,  considérée  dans  l'acte  même  de  la  con- 
naissance. Or  celle  disposition,  ou  cette  forme  de  notre  faculté  de  con- 
naître, peut  être  envisagée  par  rapport   à   l'âme,  ou  relativement  à 

(1)  s.  Aiig.,  de  Trinit..  1.  IS,  c.  12. 

(2)  S,  Tlioiu.,  de   Venl.,  q.  ii,  a,  3. 

(3)  S.  Tlioiu  ,  ibid..  ([.  X,  a.  4. 


SLR    LA    PHILOSOPHIE    SGOLASTIQUE.  357 

l'objet.  Dans  le  premier  cas,  elle  est  le  principe  d'activité  de  notre 
faculté  inlelleduelle,  et  dans  le  second,  elle  incline  cette  faculté  active 
à  connaître  tel  objet  déterminé,  à  l'excltision  de  tout  autre,  en  vertu  de 
l'alTinité  de  ressemblance  qu'elle  a  avec  lui  (1).  El  voilà  comment  la 
science  simple  et  correcte  de  l'école,  dont  on  a  quelquefois  essayé  de 
lire  en  la  qualifiant  de  docte  enfantillage  et  dont  M.  Cousin  a  entendu 
le  bruit  sourd  et  confus  entrecoupé  de  subtilités  monastiques  ("2),  servi- 
rait un  peu  mieux  la  sagesse  moderne  dans  ses  luttes  contre  l'incrédu- 
lité que  toutes  les  théories  nouvelles  plus  propres  à  élargir  l'abîme  qu'à 
le  combler. 

On  a  aussi  accusé  la  scolastique  de  n'avoir  jamais  su  opposer  qu'une 
faible  barrière  au  panthéisme  et  d'aboutir  elle-même  à  de  dangereux 
résultats.  Le  P.  Kleutgen  démontre  sans  peine  que  ce  reproche  n'est 
point  fondé  et  analyse  un  autre  principe  des  scolastiques  en  vertu  duquel 
la  connaisr^ance  serait  d'autant  plus  parfaile  que  le  sujet  est  plus  éloigné 
de  l'imperfection  de  la  matière  :  Ratio  cognitionis  ex  opposilo  se  hahet 
ad  rationem  7na(erialilatis  (5).  Et  en  vérité,  si  la  connaissance  est  un 
acte,  elle  ne  peut  avoir  lieu  sans  que  l'objet  connu  passe  d'une  façon 
quelconque  dans  le  sujet  connaissant.  Or 'l'acte  le  plus  imparfait  est 
sans  contredit  celui  qui  s'exerce  sur  les  objets  extérieurs  qu'il  modifie, 

comme  le  feu  qui  communique  la  chaleur,  l'eau  qui  féconde,  etc 

Moins  imparfait,  au  contraire,  est  l'acte  immanent  par  lequel  le  sujet  agit 
sur  lui-même,  car  un  tel  acte  c'est  la  vie  :  vie  végétative,  si  le  sujet 
vivant  s'assimile  les  objels  hétérogènes  d'une  manière  matérielle,  et 
connaissance  sensible,  lorsque  le  sujet  ne  s'unit  aux  objets  que  parleur 
image  ou  forme  idéale.  Une  telle  connaissance,  quoique  par  elle-même 
plus  parfaite  que  l'activité  végétative,  reste  cependant  toujours  impar- 
faite, comme  ne  cessant  point  d'être  enchaînée  à  la  matière.  Or  il  n'en 
est  pas  ainsi  de  l'activité  intellectuelle.  Au  moyen  de  celle-ci,  le  sujet 
pensant  reproduit  en  soi  des  images  qui  n'ont  rien  de  matériel.  C'est 
un  acte  plus  immanent  et  plus  parfait  que  les  premiers,  qui  n'acquiert 

(1)  Les  modernes,  en  disant  simplemeut  idé^,  lu;  distinguent  pas  assez 
ces  d'-'ux  clioses,  et  l'on  ne  sait  s'ils  entendent  pnr  là  l'acte  cognilif 
lui-même  ou  ce  qui  le  délermiu''. 

(2)  Fragments  philosophiques. 
13)  S.  Thom.,  p.  J,  (j.  84,  a,  2. 


358  UNE    ÉTUDE 

cependant  b  plénitude  de  sa  liberté  que  dans  les  purs  esprits  complè- 
tement affranchis  des  liens  de  la  matière. 

Cette  vaste  théorie,  on  le  voit,  n'a  besoin  que  d'être  comprise  pour 
être  acceptée  avec  confiance.  Loin  de  favoriser  le  panthéisme,  cil 3  en 
est,  au  contraire,  la  réfutation  la  plus  péremptoire  :  elle  est  le  dissolvant 
le  plus  actif  de  toutes  los  thrones  malsaines,  car  elle  creuse  un  abîme 
profond  entre  l'erreur  et  la  vériié,  entre  le  système  des  émanations  et 
la  doctrine  de  ceux  qui  ne  proclament  la  faculté  de  connaître  universelle 
que  parce  qu'elle  embrasse  les  idées  de  tous  les  objets  connaissables. 

Après  avoir  ainsi  rétabli  et  vengé  les  grands  principes  de  la  philo- 
sophie scolastique,  l'auteur  explique  la  nature  de  la  connaissance  in- 
tellectuelle, et  insiste  en  particulier  sur  la  valeur  des  idées  universelles 
pour  la  science.  11  s'applique  aussi  à  faire  remarquer  que  les  scola- 
stiques  distinguaient  avec  soin  la  faculté  naturelle  de  connaître,  de  la 
connaissance  habituelle  et  de  la  connaissance  actuelle.  En  soi,  dit-il 
avec  Aristote  (1),  la  faculté  de  connaître  n'est  jamais  qu'en  puissance, 
tandis  que  la  connaissance  habituelle  est  en  acte  pai  rapport  à  la  faculté, 
et  en  puissance  par  rapport  à  la  connaissance  actuelle;  d'où  il  faut  con- 
clure qu'au  sens  delà  philosophie  scolastique,  la  connaissance  habituelle 
est  tout  à  la  fois  en  puissance  et  en  acte,  selon  la  manière  diverse  dont 
on  l'envisage. 

Cela  posé,  la  question  de  l'origine  des  idées  s'agite  tout  entière  autour 
de  la  connaissance  habituelle,  et  l'auteur  se  trouve  ainsi  tout  naturel- 
lement amené  à  rechercher  de  quelle  manière  noti'e  intelligence- parvient 
à  réaliser  la  connaissance  actuelle,  si  c'est  par  l'essence  môme  de  notre 
esprit,  ou  par  quelque  forme  extérieure,  telle  que  les  idées  innées,  le 
langage,  les  idées  éternelles.  La  première  hypothèse  ne  paraît  point 
vraisemblable,  puisque  l'objet  propre  de  la  faculté  intellectuelle  est  l'être 
connaissable  tout  entier,  et  dépasse  par  conséquent  les  bornes  de  tout 
esprit  fini.  A  son  tour  l'expérience  s'élève  contre  les  idées  innées,  et  la 
parole  extérieure  suppose  oécessairement  la  préexistence  de  la  parole 
intérieure  en  nous  ('2).  Restent  les  idées  éternelles  que  Dieu  produirait 
selon  quelques-uns  en  notre  esprit  toutes  les  fois  que  nous  pensons.  Or 

(1)  De  Anima,  1.  m,  1.  11 . 

(2)  S.  Aug.,  in  Dan.,  m,  q.  4  ;  S.  Thom.  Quest.  disput.  de  Verbo,  a-  i. 


SUR    LA    PHILOSOPHIE    SCOLASTIQUE.  869 

c'est  là  une  hypothèse  toute  gratuite  qui  ne  s'accorde  ni  avec  la  nature 
de  l'homme  composé  d'une  âme  et  d'un  cjrps,  ni  avec  les  lois  de  la 
création,  d'après  lesquelles  les  créitures  reçoivent  comme  apanage  de 
l'essence  qui  les  constitue  des  propriétés  conformes  à  leur  nature.  On 
ne  peut  prétendre  que  Dieu  seul  agisse  en  nous  dans  l'acte  de  notre  con- 
naissanci',  sans  amoindrir  les  créatures  en  même  temps  que  le  Créateur, 
et  rendre  toute  science  humaine  impossible  Cet  écueil  fatal,  la  philo- 
sophie ancienne  l'a  encore  soigneusement  évité  (1),  et  quand  saint 
Augustin  lui-môme  parle  de  la  connaissance  de  l'immuable  Vérité,  il  a 
seulement  voulu  dire,  au  jugement  de  saint  Thomas,  que  nous  pouvons 
connaîtie  la  vérité  parce  que  notre  esprit  est  fait  à  l'image  de  Dieu^ 
qui  est  la  Vérité  immuable  (2).  L'auteur  en  conclut  que  la  connaissance 
sensible  nous  conduit,  comme  cause  instrumentale^  à  la  connaissance 
intelleciuelle,  par  le  moyen  de  l'abstraction  dont  il  analyse  le  procédé 
et  la  valeur  philosophique  souvent  mal  comprise  et  injustement 
calomniée.  Il  répond  ensuite  à  toutes  les  difficultés  qui  furent,  depuis 
Descartes  jusqu'à  nos  jours,  accumulées  coitre  cette  théorie,  et  fait 
voir  par  que!  lien  intime  cette  doctrine  de  la  connaissance  intellectuelle 
se  rattache  à  la  question  importante  de  la  réalité  de  nos  connaissances, 
qui  a  soulevé  ces  grands  débats  connus  dans  l'histoire  de  la  philosophie 
sous  le  nom  de  nominaiisme  et  de  réalisme.  Il  résulte  clairement 
des  démonstrations  de  l'auteur,  que  le  réalisme  a  toujours  été  défendu 
dans  l'école,  et  que  certaines  erreurs  modernes  bien  connues  doivent 
précisément  leur  origine  à  ce  nominaiisme  du  moyen  âge  que  les  sco- 
lastiques  n'avaient  cessé  de  condamner  et  de  flétrir. 

Il  serait  intéressant  Je  suivre  l'auteur  dans  ses  savantes  discus- 
sions sur  la  certitude,  les  principes,  la  méthode,  où  il  touche  suc- 
cessivement à  toutes  les  grandes  controverses  de  la  philosophie;  mais 
ce  livre  n'est  point  de  ceux  que  l'on  analyse  en  quelques  pages.  Ce 
S(rait  une  véritable  élude  à  entreprendre,  et  nous  avons  l'espoir  de  vot 
bientôt  se  réaliser  poi;r  la  France,  ce  que  l'on  fait  déjà  pour  l'Espagne 
et  pour  l'Italie  :  une  bonne  et  fidèle  traduction  qui  reproduise  toute  la 
beauté  énergique  de  l'original.  P.  P.  Abmand. 

fl'  s.  Thom.  p.  I,  q.  70,  a.  4.  Qto;st.  ili\/,ti(    d>>  Spirit.  créât.,  a.  x. 
i;i)  S.    Thoin.,    Contra    Gant.,    l.    m,  c.  47.    De    Verit.,   q.  x,  a.   U. 
Opwc.  70.  Boet.  de  Trinit. 


QUESTIONS   LITURGIQUES, 


(I.   — ■   Des  cérémonies  a  observer  au  salut  du   très-saint 

SACREMENT. 

1.  Doit-on  s  incliner  pendant  qu'on  c/ia/i/eTantiim  ergo  sacramentura 
veneremur  cermii,  ou  bien  seulement  à  ces  deux  derniers  mots  ?  — 
II.  Quelles  sont  les  cérémonies  à  observer  par  le  diacre  ou  le  prêtre 
assistant,  s'il  donne  l'ostensoir  à  loffu-'iant  avant  la  bénéd'iction,  et 
le  reçoit  après,  comme  le  permet  un  décret  du  [-2  septembre  1831? 
—  m.  Est-il  prohibé  de  sonner  lacloihette  pendant  la  bcnéd'ic- 
tion? — IV.  Le  thurféra'ire  peut-il  encenser  le  saint  Sacrement 
pendant  la  bénéd'iction  ?  —  V.  Peut-on  conserver  V usage  d'encenser 
le  saint  Sacrement  après  la  bénéd'iction  ?  —  VI.  L'af^sistnnt  peut-il 
passer  entre  fofficiant  et  l'autel  pour  retourner  à  la  sacristie  ?  — 
VII.  Quel  est  l'ordre  à  suivre  pour  les  prières,  versets  et  oraisons? 

!. —  Doit-on  s'incliner  pendant  qu'on  chante  Taritum  ergo  sacra- 
mentiim  veneremur  cernui,  on  seulement  à  ces  deux  derniers  mots? 

Il  est  hors  de  doule  que  l'inclinatiori  doit  se  faire  pendant  le  chant 
de  Tantum  ergo  sacramentum  Veneremur  cernui,  et  si  l'usage  de  le  faire 
seulement  à  veneremur  cernui  a  prévalu  en  quelques  églises,  la  raison 
en  est  que  si  l'officiant  entonne  ran/»//i  ergo  sacramentum,  il  s'incline 
seulement  après  l'intonation.  Les  ministres  qui  l'enloureni  ont  pris, 
mais  à  tort,  l'habitude  de  faire  comme  r.fiiciant.  «  Tum  in  officio  di- 
«  vino,  dit  Caviilieri,  t.  iv,  c.  vin,  Inst.  Clem.,  fî  35,  n.  49,  quam 
«  in  precibus  omnibus  coram  SS.  Sacramenlo,  dura  praedictus  versus 
«  Tantum  ergo  dicitur,  ab  omnibus  onmlno  persistenduiii  eril  in 
«  inclination'^,  usque  ad  rernuï.  ilaec  est,  dit  Gardcllini  [Inst.  cl.  ibid. 
«  11.  19),  praxis  quae  oblinet  in  majoribus  Urbis  busilicis,  »  Celte  doc- 
trine est  suivie  par  les  auteurs  modernes. 

A  cette  question  s'en  rattache  une  autre.  Il  paraît  facultatif  de  mettre 
l'encens  dans  l'encensoir  à  Et  antiquum  documentum,  ou  à  Genitori, 
et  d'après  plusieurs  auteurs,  cette  dernière  pratique  est  préférable.  L'^s 
anciens  auteurs  discutent,  en  effet,  la  question  de  savoir  si  pendant  le 
chanl  de  l'hymne  Pa/jiye  Ungm,  aux  vêpres,  en  présence  du  tiès-saint 
Sacrement,  on  doit  demeurer  à  genoux  pendant  le  chant  de  la  strophe 
Tantumergo  tout  entière,  ou  seulement  jusqu'à  cernui.  On  peut  voir 


LITLKGIE.  361 

toute  cette  discussion  dans  Merati,  t.  ii,  sect.  x,  c.  i.  Malgré  le  désir 
qui  nous  a  élé  plusieurs  fois  exprimé  de  voir  relatés  en  entier  certains 
textes  qu'on  ne  pourrait  se  procurer  autrement,  nous  pensons  qu'il 
serait  trop  long  de  reproduire  celui-ci.  Nous  nous  contentons  de  dire 
avec  Gardellini  \ibid.,  ^  xxiv,  n.  Il)  :  «  Standum  videtur  universali 
a  praxi,  quœ  genuflexiopiem  prolrahit  ad  integram  siropliam.  »  S'il 
n'est  pas  obligatoire  de  rester  à  genoux  pendant  la  sir.iplie  entière,  il 
ne  le  sera  pas  non  plus  d'en  attendre  la  fin  pour  mettre  l'encens  dans 
l'encensoir. 

2.  —  Cérémonies  à  observer  par  le  diacre  ou  le  prêtre  assistant, 
s'il  donne  l'o'^lensoir  à  l'ojfidant  avant  la  bénélidion  et  le  reçoit 
après.  —  x"  Avant  de  résoudre  celte  question,  nous  croyons  utile  de 
faire  d'abord  deux  remarques'. 

La  première  est  relative  à  la  distinction  du  ministiTC  du  diacre  de 
celui  de  l'assistant.  Si  le  prtMi'c  ofliilant  est  acconipagne'  d'un  diacre 
et  d'un  sons-diacre,  la  fonriion  de  l'assistant  paraît  se  ré  luire  à 
mettre  l'ostensoir  au  lieu  de  l'exposition  et  à  le  descendre  avant  la 
bénédiction.  Il  pourrait  au.'^si  tirer  le  saint  Sacrement  du  tabernacle 
avant  l'exposition,  cl  le  renfermer  après  la  bénédiction.  Ce  ministère 
d'un  prêtre  ou  d'un  diacre  assislaut  est.  ce  semble,  une  mesure 
de  pré:aLition  :  les  lumières  qui  entourent  le  lieu  de  l'exposition  pour- 
raient atleiodre  les  vêlements  du  diacre,  s'iF  devait  y  mettre  l'cstensoir 
ou  aller  le  prendre;  le  diacre  pont  aussi  n'avoir  pis  i'us;)ge  de  faire 
cette  fonction,  et  être  exposé  à  un  accident.  Il  peut  aussi,  en  certains 
cas,  pour  tirer  le  saint  Sacrement  du  tabernacle  et  le  renfermer,  avoir 
quelques  difficultés  que  n'éprouvera  pas  un  prèti-e  habitué  à  le  faire. 
Quant  à  ])iésenter  rostensoirà  l'isfOciant,  on  ne  voit  pas  que  cet  office 
puisse  appartenir  à  l'assistant,  s'il  y  a  des  ministres  sacrés. 

Observons,  en  outre,  que  si  l'on  s  en  tient  au  texte  du  Cérémonial 
des  évéques  et  de  rinstriiction  clémentine,  le  [)rêlre,  ayant  reçu  le 
voile  pour  donner  la  béuédioiion,  monte  seid  à  l'auiel  et  prend  lui-même 
le  saint  Sacrement.  D'après  les  auteurs,  le  diacre  et  le  sous-diacre,  s'il 
y  en  a,  se  mettent  à  genoux  sur  le  plus  haut  degré  pour  recevoir  la 
bénédiction,  et  pendant  ce.  temps  soutiennent  la  cb.ipe  du  prêtre.  S'il 
n'y  avait  pas  de  ministres  sarré>,  l'assistant  et  le  cérémoniaire  ou  deux 
clercs  rempliraient  cet  office.  Après  la  bénédiction,  le  prêtre,  s'étant 
tourné  en  achevant  le  cercle,  remet  lui-même  le  saint  Sacrement  sur 
le  corporal,  fait  la  génuflexion,  descend  en  bas  des  degrés  avec  le 
sous-diacre,  et  le  diacre  va  renfermer  le  très-saint  Sacrement  ;  pendant 
ce  temps,  lesou.s  diacre  ou  le  cérémoniaire  ôfe  le  voile  au  prêtre,  ou  $i 


362  LiTiHGii;. 

l'assistant  renferme  le  saint  Sacrement,  ie  diacre  descend  avec  le  prêtre 
et  le  sous-diacre.  Si:ivant  Baldesctii,  le  prêtre,  ayant  donné  la  béné- 
diction, se  met  à  genoux  sur  le  marchepied,  et  on  iui  ôte  le  voile.  H 
se  lève  ensuite  et  descend  avec  le  sous-diacre,  pendant  que  le  diacre 
ou  l'assistant  renferme  le  saint  Sacrement. 

La  rubrique  du  Cérémonial  des  évôqu-'^s  (I.  u,  c.  xxxiii,  n.  il ,  ne 
fait  aucune  mention  de  l'assistant,  suppose  que  le  pontife  prend  lui- 
même  l'ostensoir  sur  l'aulel  et  dii  expressément  qu'il  le  remet  lui-même 
sur  le  corporal  :  a  AcceJat  ad  altère  et  acceplo  labernaculo  seu  osten- 
a  sorio  cum  sanclissimo  Sacramento,  iliud  ambabus  manibus  velatis 
a  elevalum  tenens,  vertens  se  ad  populum.  cum  i!lo  signum  crucis 
a  super  popuUni  ter  fac.et  niliil  dicens.  Quo  facto  iterurn  deponet 
((  sanctissimum  Sacramentum  super  alîare.  » 

Noos  lisons  dans  i  Instruction  clémentine  g  xxxi^  :  a  11  célébrante... 
a  genuflesso  prc-ndeià  ii  velu  umeralc,  ed  ascendendo  solo  aU'altarc, 
a  faLtc  le  duvute  riverenze,  pjendeià  nelle  mani  ricopcrte,  come  si 
«  disse,  con  I  eslremiià  del  vélo  umeraîe  l'ostensorio,  edaràcon  esso  la 
t  benedizione  al  popolo  ;  e  riposlo  il  Sagramonto  sopra  il  corporale,  di- 
«  scenderà,  e  starà  genuflesso  ai  suo  luogo.  Il  diacono  immediataroiinle, 
a  0  un  sacerdote  con  slola,fatte  le  dovute  riverenze,  chiudera  ilSagra- 
«  menîo  nel  tabernacoio,  »  L'Instruction  clémentine,  comme  on  le 
sait,  a  été  commentée  par  Cavaiieri,  Tetamo  et  Gardellini.  Ces  trois 
auteurs  s'expriment  de  la  manière  s-iivante  :  «  Sacerdos.  dit  Cavaiieri 
«  (t.  IV,  c.  ix),  asci'ndit...  ad  altare,  et  ibi,  ficta  genuflexione  unico 
«  genu  accipit  in  manibus  cooperiis  per  eju^dem  veli  exiremitaies 
a  ostmsoiium...  Quando  sacerdos  ascendii  ut  supra  altare,  una  cum 
f  eo  ascendunt  ilidem  sacri  ministri,  sed  bi  genuflectunt  poslea  iu 
«  ore  suppedanei,  ubi  inclinali  élevant  iiluviaiis  ûmbrias  dum  sacerdos 
«  benedicit  populum.  In  defeclu  auLem  minislrorjm  sacrorum  id 
a  praîstanl  sacerdos  adjulor  et  cicremoniarius,  vel  alii  clerici  hinc 
«  inde  genuflexi...  Telebrans  data  benedictione...  super  c  rporale 
G  Sacrainenlum  coilocat...  et  deinde  iacta  genuflexione  unico  genu, 
c  descendit  cum  subdiacono  ad  iniimurn  altaris  gradum,  ubi  itcrum 
«  cum  eodem  genuflcxus,  per  eumdein  subdiaconuru,  vel  caereinonia- 
a  rium  exuitur  vélo  b^merali.  Diacjnus  intérim  accedit  ad  altare,  et 
•  facta  genuflexione  unico  genu,  tabernacuUira  ap  rit  et  in  eo  reponit 
f  Sacramentum,  cui  gennfl*^xiorie  iterum  facta,  surgens  ostiolum  claudit 
€  et  postea  descendit  ad  locum  suum,  ad  quera  cum  accesserit,  sur- 
a  guntomnes...  Quod  si  uUra  sa^ros  minislros  adsislat  sacerJos  al- 
a  ter,  hic  imposila  sibi  sloia  Sacramenlum  ut  supra  recondtii,  et  dia- 


LITIHGIE. 


363 


<i  conus  cum  célébrante  pariter  descenclel,  et  ab  eo  removebit  vélum 
a  humeraie.  »  Tetamo  (Append.,  c.  m,  n.  48  et  49)  parle  en  ces 
termes  :  «  Sacerdos  a^cendil  ad  altare,  el  ibi  r^cta  gennllexione  unico 
«  genu,  ut  expeilitius  surgat,  accipit  in  manibiis  cooperlis  pcr  ejusdem 
«  veli  extrcmitates,  oslonsorium...  Benedicit...  Quando  sacerdos  as- 
a  cendit,  ut  supra,  allarf',  una  cum  coascendunt  ilidem  sacri  rninistri, 
«  sed  hi  genufleclunl  postfa  in  ore  suppcdanei,  ubi  inolinati  élevant 
a  pluvialis  timbrias,  duin  sacerdos  bencdicil  populuin  ;  in  dcfeclu  au- 
<r  tem  minislroruin  sacroruiii,id  praestaiit  sicerdos  adjul(tr  el  caeiemo- 
«  niarius,  ve!  alii  clerici  hinc  in-le  gonuflexi.  Celcbrans,  data  bcnodi- 
a  clionc  ..  super  corpurale  Sacramentum  collocal.  »  Gardcllini,  dans 
son  commentaire  sur  le  même  texte  (n.  12  et  13),  s'exprime  à  peu 
près  de  la  même  manière  :  «  Quando  aulem  sacerdos  ascendil  ad  altare, 
«  cum  eo  ascendunt  etiam  sacri  minislri ,  scd  hi  gt  nutlcctere 
(I  debent  in  ore  suppt^danci,  ubi  i'nclinnti  élevant  pluvialis  fiinbrias, 
«  dum  sacerdos  benedicit  populum...  Cclebrans,  data  bonedictione... 
a  collncat  super  corporale  Sacnimentiun...;  et  deiiide,  l'acta  prius  ge- 
«  nuflexionc.  descendit  cum  subdiacono  ad  infimum  allaris  gradum, 
a  ubi  genufloxi  ambo  manent,  amoto  intérim  vélo  a  celebrantis  hu- 
«  raeris  a  subdiacono,  vel  ut  alii  malunt,  a  caeremoniario.  Interea  dia- 
d  conus  rcmanens  in  suppedaneo  allaris,  rcponit  Sacramentum  in 
•  tabernaculo,  factis  ante  et  posl  debitis  genufloxionibus...  Quamvis 
«  vero  dcceat  et  congruat  hoc  munus  per  diaconum  expleri,  non  est 
a  tamen  necessario  per  eum  implendum  :  potest  alter  sacerdos  cum 
a  superpelliceo  et  stola  hoc  fungi  munere,  idcirco  instructio  ait  :  // 
a  diaconn,  o  un  sacerdotecon  sloln,  quemadmodum  fieri  débet  in  aliis 
«  exposilionibus,  in  quibus  non  parantur  minislri  sacri.  »  Tous  les 
anciens  auteurs  enseignent  la  même  chose.  «  Responso  a  choro  Amen, 
«  dit  Bauldry  (pari,  iv,  art.  m,  n.  33,  35  et  37),  celebrans,  nihil 
«  addens,  asrendit  ad  altare,  genuflcctit,  et  sine  alterius  ministerio 
«t  accipit  veiatis  manibus,  ut  prius,  tabcrnaculum,  verlens  se  ad  popu- 
«  lum...  benedicit...,  et  gyrum  pcrtîciens,  ostensorium  collocat  su- 
ce per  altare...  Intérim  dum  celcbrans  benedicit,  minislri  hinc  iiide 
*t  gonidlexi,  iH  inclinati  facie  versa  ad  sanctissimum  Sacramentum, 
"i  élevant  parles  antoriores  pluvialis  illius,  quod  et  faciunt  assistenles 
«  in  pari  casu...  Deposito  sanclissimo  Sacraniento  a  célébrante  super 
«  altare,  ipse  slatim,  genuflexione  facta  descendit  ad  secundum  gra- 
«  dum  ut  prius,  ubi  genuflexus  manet.  Tum  poniiur,  si  opus  sit,  sca- 
0  beiluui...  pro  diacono  qui  slatim  amolo  vélo  ab  eo  per  subdiaconum 
«  vel  ciBreinoniarium  ascendit  ad  altare,  ubi,  fada  genuilexione,  re- 


36/|  LITURGIE. 

■  poiiil  sanctissimum  Sacramentura  in  tabernaculo.  «  Gatalani,  par- 
lant de  la  bénédiction  donnée  par  l'évêque  à  la  suite  de  la  procession 
du  très-saint  Sacrement  (Cér.  des  cv.,  1.  ii,  c.  xxiiii,  n.  27),  dit  ; 
«  Episcopus...  accepto  tab'TnacuIo  sive  ostensirio  cum  sanctissimo 
«  Sacramento,  per  se  scilxet  et  sine  alierius  ministerio,  ilUid  amba- 
(t  bus  mar.ibus  velalis  elevaium  tenons,  vertens  se  ad  populum,  cum 
«  ilio  signum  crucis  super  populum  1er  faciet...  D.ttaque  benedic'.ione, 
«  Episcopiis  deponet  sanclissimuin  Sacramentum  super  altare.  »  Ga- 
«  vantnsditla  même  chose  (secl  i,  part,  iv,  lii,  xii,  n.  7)  :  «Asccn- 
a  dit  (cdebraiis)  ad  allare,  genuflcclit,  et  ipsemct  nullo  diaconi  niini- 
«  sterio  accipit  velatis  niiinibus,  ut  jiriiis,  tabern^cnUim,  benedicit 
«  cum  eo  pojtulum...  nilnl  dicens,  et  gyrum  periicicns  révère nter  re- 
«  ponit.  »  Merati  commente  ainsi  ce  passage  :  a  Celcbrans...  ascen- 
«  dit  ad  allare...  et  absque  alteiius  ministerio  accipit  velatis  manibus 
«  ostensorium.  »  Nuus  lisons  dans  l Esposizione  ddle  sacre  Cerimonie 
de  Baldfschi  (Append  i,  art.  V!i,  n.  58)  :  a  Premle  (il  célébrante)  il 
«  vélo  umerale,  ed  asteso  suUa  predella,  fa  genuflessione  con  un  solo 
«  ginocchio,  prende  con  ambe  le  mani  velate  il  santissimo  Sagra- 
«  mento  ..  standogli  i  miriistri  gcnutlessi  ai  lati  suH'orlo  délia  pre- 
«  délia,  sollevandogli  alquanto  incliinali  le  fimbrie  del  piviale,  si  vol- 
«  lerà  verso  il  popolo...  e  lo  benedice..  Perfezioncrà  il  giro  ..  Posato 
«  l'ostensorio  sul  corporale,  gemitlctli',  nel  quale  tempo  depone  il  vélo 
ff  omerale,  o  torna  coi  min  st;i  siill"  infimo  gradino...  11  diacono  im- 
«  modialamente,  o  un  sacerdote  con  slola,  fatte  lo  dovule  gcnuflessioni, 
«  chiude  id  Sagramento  ne!  labernacolo.  « 

Malgré  ces  autorités,  il  estd'u.>age  en  certaines  églises  que  le  diacre 
monte  à  l'autel  avec  lo  prêtre,  prenne  l'ostensoir,  le  remette  au  prêtre, 
le  reçoive  après  la  béné'lic'ion  et  le  re,jktce  sur  le  coiporal.  Cet  usage 
a  été  établi  à  Home,  et  est  oiiflnné  par  un  décret  du  i:2  août  lbo4, 
qui  se  trouve  dans  les  Analecta.  Le  djute  a  élépioposé  en  ces  termes: 
«  An  liceai  sacerdoti  accipere  ostensorinm  per  maniis  diaconi  istiid  ex 
«  altaii  acceplum  porrigentis,.  ut  populo  bénédictin  impertiatnr,  et 
«  post  benedictionem  remittere  ostensorium  diacono,  qui  super  altare 
«  deponet,  prout  lit  in  nonnullisecclesiis?  Vel  ipsemet  sacerdos  debeat 
«  accipere  ostensorium  es.  aitari,  et  data  benedictione,  super  altare 
«  depoiiere,  sicut  expresse  docent  Gavanius  in  rubrica  Miss.  part,  vi, 
«  tit.  xiii,  n.  7;  Merati  in  Gavantum,  etc. 

La  Sacrée  Congrégation  a  répondu  :  «  Quoad  primam  partem, 
«  licere  etiam  ex  praxi  ecclesiarum  Urbis  :  quoad  secundam  partem, 
«  provisum  in  primo.  »   H   semjle  donc   que  les   anciens  auteurs 


LITIRGIE.  365 

avaient  interprété  d'une  manière  trop  rigoureuse  le  texte  du  Cérémonial 
des  évéques  et  celui  de  l'instruclion  clémentine.  On  peut  choisir  entre 
les  deux  |)raliqties  suivant  la  dispoi-ition  de  l'aulcl  et  la  plus  grande 
facilité  pour  l'exécution  des  céiénionics.  Te!  est  renseignement  des  au- 
teurs modernes,  se  fondant  sur  l'usage  de  Rome  et  sur  la  décision  que 
nous  venons  de  rapporter.  De  plus,  ajoulenl  ils,  si  le  diacre  doit  re- 
cevoir l'ostensoir  des  mains  du  piètre,  relui-ci  n'est  plus  tenu  à  se 
retourner  en  achevant  le  cercle  ;  mais  iiso  retourne  par  le  côté  de  l'é- 
pître,  où  se  lient  le  diacre,  le  décret  du  21  mars  1676  permettant  de 
ne  rien  ajouter  à  la  disposition  du  Céréniopial  dos  évéques.  Ce  décret 
est  le  siif  vant.  Question.  «  An  in  benedicondopopuUim  cum  sanclissimo 
«  Sacra.iicnto  sit  sorvandus  modus  infrascriptns  ;  Cum  sacerdos  stat 
«  ante  populum,  oslensorium  antepcclus tenel.  luni  elevatillud  decenti 
«  niora  non  si'pia  ca[iut,  sed  tanlum  usqiie  ad  oculos,  cl  eodcm  modo 
«  iilud  dcmitlil  infra  peclus,  niox  ilerum  recte  illud  allollilusque  ad 
«  pectus,  et  deindc  ad  sinislrnni  hiuiKM'imi  ducit,  cl  reducit  ad  dex- 
•  terum,  ei  rursus  anle  peclus  rcduci!,ibi(iiie  aliquanlulum  sisiilquasi 
a  peraita  ad  omnes  mundi  partes  ciucc,  eani  etiam  venerandam  omni- 
«  bus  pracbel  :  lune  gyrum  perficiens,  colloca!  ostensorium  sujierallare? 
Réponse.  «  Si  plac't,  potest  observare  supradictnm  niodum.  .  .  Sin 
t  minus,  sorvandus  est  modus  dispositus  in  Cser.  Ep.  I.  h,  c.  xxxiii, 
«  ubi  reqniriiur  tantummodo  ui  cum  ccdcm  SS.  Sacranienlo  ceh  brans 
«  producal  signura  crucis  super  popuium.»  (Décret  du  21  mars  1670, 
n".  2776.) 

Cela  posé,  il  faut  régler  les  cérémonies  à  observer  si  le  diacre  pré- 
sente l'ostensoir  au  piètre  et  le  reçoit  api  es  la  lénédiction.  D'abord, 
le  trés-sainl  Sacrement  se  reçoit  toujours  àgenoux,  soit  par  le  prêtre, 
soil  pisr  le  diacie. Toile  esl  toujours  la  prescription  des  règles  liturgiques. 
Nous  lisons  dans  la  rubrique  du  miss'l,  le  jeudi  saint  :  «  Finila  Missa... 
fit  fit  procossio.  ..  Celebrans  indulus  phivmli  a!bo....  in  medio  genu- 
«  flcxîis....  acco|ilo  calice  cum  ^arranicn!o  de  manu  diaconi  slantis..  . 
«  Cum  auteih  venliun  fueril  ad  locum  paraUim.  diaconus  gennflexus  a 
«  sacerdete  slanle  aceipil  caliccm  cum  Sacramenlo.  »  Dans  le  Céré- 
monial des  Evéques,  il  est  dit  pour  le  même  jour  (1.  ii,  o.  xxiii,  n.  12 
et  l~vl  :   «  Diaconus  assistons  ...  capii  SS.  "Sacramentuin  de  altaii,  et 

«  ilhid,  stans,  offert  C|iseopo  genutlexo Cum  pervenorit  ad  sai'el- 

«  lum  ubi  S.icramenlum  deponi  débet....  Cum  erii  episconus  anle  su- 
«  premum  gradum  altaris,  diaconus  accipiet  de  manu  ipsius  stai;tis  SS. 
«  Sacramentum  genuflexns.  »  On  lit  encore  cette  rubrique  pour  la  pro- 
cession de  la  fête  du  très-saint  Sacrement  (Ibid.  c.  xxxin,  n°'  20  et 


366  LITURGIE. 

24)  :  «  Diaconus  assistens  a  dexleris  accedct  ad  altare,  et  pum  debilis  re- 
«  verentiis  accipiei  labernaniUim  sive  ostensoriurii  rum  SS.  Sacramento 
((  lie  a!uri,  el  illiui  in  inanibus  Episcopi  gciuiflexi  collocpbit...Postqaam 
«  Episco|)iis  iiei'vciieiitnd  su|)rciiiiiiii  altnris  grailum,  diaconus  a  dextris 
a  cnm  débita  reverenlia  et  genuflexiorie. ..  accipiet  de  manu  ipsiiis  Ehi- 
«  scopi  stanlis  SS  Sacramenlum.  »  Malgré  cela,  des  auteurs  tr(''s-re- 
commandahles  talèient  la  prdt;qu3de  recevoir  le  S.  Sacrement  debout. 
Tout  en  respoci;jr!t  leur  aulorilé,  nous  ne  voyons  pas  sur  quoi  ce  sen- 
timent peut  être  appuyé.  Quant  au  détail  des  cérémonies  à  observer, 
il  varie  nécessairenunl  un  peu  suivant  la  position  et  les  dimensions  de 
l'autel.  Voici  comment,  ce  sfmble,  on  pourrait  le  régler.  Le  prc.re, 
ayant  reçu  le  voile,  monte  à  l'autel  avec  ses  ministres.  Le  prêtre  et  le 
sous-diacre  s'arrêtent  sur  le  plus  haut  degré  et  se  metlenlà  genoux  sur 
le  bord  du  marchepied  ;  le  diacre  monte  sur  le  marchepied,  fait  la 
génuflexion,  prend  l'ostensoir,  le  donne  au  piètre  el  se  met  à  genoux  sur 
le  marchepied  du  côté  delcpître.  Le  prêtre  ayant  reçu  l'ostensoir,  se  lève, 
donne  la  bénédiction,  rend  l'ostensoir  au  diacre  el  se  met  de  nouveau  à 
genoux  sur  le  bord  du  marchepied.  Le  diacre,  ayant  reçu  l'ostensoir, 
se  lève,  met  l'ostensoir  sur  le  corporal  et  rcnfermele  saint  Sacrement. 
On  enlève  en  môme  temps  le  voile  au  prêtre,  et  quand  le  saint  Sacremenl 
est  renfermé,  le  prêtre  descend  au  b.s  des  degrés  avec  ses  ministres. 

3.  Esl-il  défendu  de  sonner  la  doclietle  pendant  la  bénédiclion  ? 
Aucun  auteur  ne  parle  de;  cet  usage.  11  ne  paraît  donc  pas  qu'il  y 

ail  lieu  de  l'inliûduire.  Nous  n'oserions  pas  due  qu'il  doit  nécessaire- 
ment être  supprimé.  Cependant  il  paraît  plus  à  propos  de  réserver  l'u- 
sage de  la  clucliettepour  la  Messe,  et  de  sonner,  pendant  la  bénédiction, 
les  cloches  de  l'église,  suivant  l'usage  de  Rome.  Cette  pratique  donne 
à  la  bénédiction  du  très-saint  Sacrement  une  solennité  bien  autrement 
imposante  que  la  bénédiction  chantée  qu'ont  paru  regretter  les  partisans 
des  liturgies  frai  ç  lises,  surtout  si  l'on  a  soin  de  donner  cette  bénédic- 
tion Irés-lenlemeut,  comme  il  se  pratique  à  Rome. 

4.  Le  thuriféraire  peut  il  encenser  le  saint  Sacrement  pendant  la 
bénédicfion'i 

Pendant  la  bénédiclion,  le  thuriféraire  peut  encenser  le  saint  Sa- 
crement à  genoux,  comme  à  la  I\le>se  solennelle  ;  mais  il  est  mieux 
d'omettre  cet  encensement.  Ces  deux  principes  reposent,  le  premier 
sur  plusieurs  décrets  de  la  Sacrée  Congrégation  des  Rites;  ledeuxième 
sur  le  seritiment  des  auteurs  et  en  particulier  de  Gardellini.  Nous  rap- 
portons ici  ces  autorites. 

le'  DÉCHET.  Questions.  «  Cum  non  una  sit  auctorum  senlentia,  nec 


LITURGIE.  367 

"  eadem  Ecclesiae  praxis  qiinoil  inrcnsalioncm  SS.  Sacramenti  dum 
«  populoriim  ipso  impcriilur  h'''np(iictio,  R.  P.  Fr.  Pasciialis  a  Platca 

«   l-iranculi  saccrdos  ordinis  I\]moruiii S.  R.  C.  scquenlia  diibla 

0  enodanda  proposuil,  nimirum  :  1.  Niim  utraque  auctorum  senten- 
«  lia,  vldelicel  eonim  qui  afllrniuiilel  eoiuiii  quideneganl  talem  lliuri- 

«  ficatioiiem  adhileiidam,  lulo  tencri  possit?  2 3.  Quatcnus  ros- 

«  pondeatiirin  sensu  dcnegantiiim,  an  usus  sive  consupliido  incensandi, 
•  ubi  vigof,  sit  de  meûïù  toliendus?»  Réponse.  ((  Servetur  Riluale 
a  Roiiianum.  ))  (Uécreldu  11  septembre  ih47,  n^SlOS,  q.  \  et  3.) 

2°  DÉCKET.  Question.  «  Utrurii  convoniens  sil,  quod  cseremoniarius 
«  vel  Ihurifeniiiiis  incenset  SS.  Eucliaristiae  Sacramenliim  cum  populo 
«  benediciio  imperlitur,  uli  lit  in  elevatioiie  SS.  Sacranieiili  in  Missa 
«  solemni  ?  »  Réponse.  «  Non  prœscribi.  d  (Décret  du  II  septembre 
1847,  n"  5iri,q.  9.) 

La  rubrique  du  Rituel,  à  laquelle  renvoie  le  premier  décret,  neparle 
pas  de  cet  encensement.  Dans  le  deuxième,  on  paraît  le  tolérer,  mais  il 
n'est  pas  prescrit,  (^avalieri,  sans  le  prescrire^  païaît  préférer  l'usage  de 
faire  cet  encensement.  «  Tliurificalionis  omissio,  dit-il  (Ibid.  Decr.  vu, 
a  n°  7),  non  love  fundainentum  babet  in  sib'ntio  quod  super  illam 
a  servat  Cœr.  Ep.,  Rituale  Rom-uuim,  et  Inslrnctio  clcmentina,  atque 
a  auctores  ;  sed  cum  Missalis,  lit.  xin,  in  Missa  solemni  ad  elevationem 
«  triplici  duclu  Sacramcntum  incensandunj  esse  mandet,  idipsum  sa- 
«  tius  praestai'i  credimus  dum  dalur  popolo  bene  iiclio.  »  Tetanio 
(ibid.  n.  45)  suit  absolument  Cavalicri  et  admet  après  lui  la  parité 
entre  la  bénédiction  et  l'élévation  de  la  Messe  solennelle.  Laissons 
parler  Gardellini  (ibid  §  xxxi,  n"  23j.  «  Heic  loci  altéra  se  offtrt 
«  quaestio,  num  scilicct  thuriferarius.dnm  saeerdos  benedicit  populura, 
«  debeat  incensare  Sacramentmn  ?  Silentium,  quoil  lenent  Caeremo- 
»  niale,  Rituale,  Inslructio  clementina,  et  auctores  1ère  omnes,  qui 
«  caeteioquin  nibilomiserunl  de  ils,  quae  in  sacra hac  actione  servanda 
a  suol,  plane  suadet  liane  inceui-ationem  esse  omillendaiH.iMliilominus 
a  Cavalerius...  et  Tetamus,  qui  eum  scquitur....  innixi  quodamde- 
a  creto....  exislimant  faciendam  esso,  vel  sallem  in  arbilrio  relinqui. 
«  Videlurtamcn  magis  congiui^rc  conlrariam  sententi;imconsentaneam 
«  silentio  Caeremonialis,  Uitualis,*el  Instructionis.  Cur  enim  in  his, 
«  licet  enumereniui-  ritus  et  caercmoniae  omnes  servandae,  de  bac  una 
a  ne  vcibum  quidem  lit  ?  Non  alia  est  ratio,  nisi  qaia  lucum  habere 
«  nequil.  Si  quaeris:  ciir*?  Dicam  :  quia  dignior,  id  est  saeerdos,  jam 
a  Sacramentum  thurificavit,  nec  inferior  débet  postea  ihurificalionem 
a  iterare.  Dum  benedicitur  populus,  supplet  vices  incensi  bonus  adora- 


368  UTiRGii:. 

«  tionis  odor.  Nec  me  commovent  assprtum  decretum  et  Missalis  rii- 
a  brica.  Nam  ad  iliud  quod  attinet,  jain  supra  notavi  decrelum  illud 
«  non  reperiri  in  regesiis  S.  R.  C.  ac  penitns  ignorari  a  qna  congre- 
«  galione  vel  cujiis  auciorilale  datiim  ftierit  ;  et  forle  niliil  aliiid  est, 
«  iiisi  privaliiin  responsiiin  ad  consiillalionem  faclain  alicui  Rubrica- 
«  runfi  perilo,  qui  poliiis  variam  ecclesiarum  consueliidinem  altendens, 
a  qiKim  rafionuin  vim,  respondit  :  Servari  possealieriitram.  Quod  vero 
«  s(icctat  rubiicam  Missalis,  longe  diversa  militât  ratio.  Id^o  enim  ru- 
«  brica  praesciibit  in  Missa  soicmni  :  Thuriferarius  genuflexus  in 
a  cornu  epistolx  lerincemal  Hoslîam,cum  elevatui',  etsim:itler  cali- 
a  ce/n,  fosïto  incenso  in  thuribulo  absquebenedidione,  tiim  quia  unica 
«  haec  est  incensatio,  quae  ad  Sacranienluin  adolendum  fit  in  Vlissaso- 
«  lemni,  tum  quia  alius  non  est  thunferario  dignior,  qui  oo  fungatur 
a  munere;  nam  sacerdos  célébrât,  diaconus  ri  ossislit,  subdiaconus 
a  iinpedilus  est  patena,  ca^.iemoniarius  invigilat  tit  quisque  suo  fun- 
a  gatur  olTicio.  Id  adeo  verum  t'st,  ut  in  iMissa  dcfunclorum  cum  di- 
«  gnior  lliuriferario  subdiaconus  non  sit  impedilus,  Sacramentum  in- 
«1  censat,  jubenle  rubiica:  Sulidmconns  non  tenet  patenain  posl  cele- 
«  hraiilem,  scd  tempère  elevadoiiis  Sficraineninn  cornu  eqnslolKilhid 
fl  incensal.  Contra  vero  cuni  bencdicendus  est  populus  cum  Sacra- 
«  nientn,  curnam  ileranda  erit  ihmincatio  per  acolylbum,  si  jam  ab 
«  omnium  in  ea  actione  ininistranlium  d'gniss'mo,  célébrante  scdicet, 
((  peracta  fuerat?  Si  bas  rationes  parvi  tieri  oporterc  existimas^  haud 
«  conlcmnfndum  ccnscas  libroruni  rilualium  silentium.  qui  certe  banc 
n  tburiticationcm  demandassent,  quemadmodiun  jusstrunt  lieri  ad 
*  hymid  canlum  anie  orationem.  Haec  dix!,  ne  quid  magis  congruum 
«  mihi  videtur,  pnelerirem  :  caeterum  absil  ut  velim  turbas  movere, 
a  ac  damnare  consueiDdiiiem,  q'  ae  licel  minus  conveniat,  rituslamen 
«  subslaniiam  nou  ianlit.  Cumautem  eadem  consuetndo  in  beneniullis 
«  ecclesiisoblineat,  difTiciilimum  esset  eamdem  penitns  eliminare,   » 

5.  Peiil-on  conserver  l'usage  d' encenser  le  saint  Sacrement  après  la 
hénédïvlion  ? 

Aucun  auteur  ne  parle  de  ce  rit,  excepté  M.  dellerdt,  qui  s'exprime 
ainsi  (t.  Il,  part,  ii,  n.  07)  :  «  Si  SS.  Sacramenlum  denuo  inceusari 
«  soleat,  diaconus  depnsito  oslensnuo  geniifl  c!it,  descendit  lateraliler 
a  et  min'strat  thuribnUun.  »  Comme  l'Hutcur  ne  donne  aticune  preuve 
de  sou  assertion,  nous  croyons  devoir  ri'pondre,  en  nous  appuyant 
sur  les  textes  cités,  que  cet  usage  ne  |ieut  être  conservé.  Tout  au  plus 
pourrait-on  admettre  un  nouvel  encensement,  si  le  très-saint  Sacrement 
devait  rester  exposé,  car  alors  il  y  aurait  en  quelque  sorte  une  nouvelle 


LITURfilF.  369 

exposition.  Malgré  cela,  Bauldry  n'admet  pas  cet  encensement,  même 
dans  le  cas  présent.  En  parlant  de  la  bénédiction  qui  suit  la  procession 
delà  Fête-Dieu,  il  dit  (part,  iv,  c.  xvi,  art.  m,  n"  37)  :o  Deposito  SS. 
«  Sacramento  ..  ponitur,  si  opus  sit,  scabellum...  pro  diacono...  qui 
«  slatini....  reponit  SS.  Sacramentum  in  majori  tabernaculo,  vel  in 
<  loco  eminenti....  Et  aroplius  non  incensatur:  sufllcit  enim  unica  in- 
«  censatio  slatim  post  reditum  processionis  ut  supra,  contra  multos 
«  qui  multoties  absque  ratione  valida  illud  incensant.  » 

6.  L'assistant  peut-il  passer  entre  Vofficiant  et  l'autel,  pour  retour- 
ner à  la  sacristie  ? 

Cette  question  demande  à  être  généralisée.  Si  l'assisl.mt  vient  à 
l'autel  et  retourne  à  la  sacristie  avec  rolTiciant,  il  doit  observer  les 
règles  prescrites  aux  minisires  de  l'officiant.  Or,  il  paraît  peu  conve- 
nable qu'un  ministre  passe  entre  l'officiant  et  l'autel.  Nous  disons 
toutefois,  si  l'assislanl  accompagne  l'officiant,  car  l'assistant  pourrait 
demeurer  au  chœur  et  venir  à  l'autel  pour  remplir  ses  fonctions  ci- 
dessus  indiquées. 

7.  Quel  est  l'ordre  à  suivre  pour  les  prières,  versets  et  oraisons  ? 
Le  point  spécial  sur  lequel  on  demande  notre  sentiment  est  de  savoir 

s'il  est  convenable  de  chanter,  après  chaque  antienne  du  salut,  le  verset 
correspondant,  sans  oraison,  et  de  réunir  toutes  les  oraisons  à  celle  du 
très-saint  Sacrement.  Cette  pratique  n'est*en  opposition  avec  aucune 
régie  liturgique  ;  mais  elle  ne  nous  parait  point  avoir  les  avantages  de 
celle  que  nous  avons  indiquée  t.  m,  p.  27i1,  et  qui  consiste  à  chanter  à 
la  suite  les  unes  des  autres,  par  ordre  de  dignité,  toutes  les  prières  du 
salut,  sans  versets  ni  oraisons  ;  on  chanterait  ensuite  tous  les  versets,  puis 
toutes  les  oraisons  qui  y  correspondent,  excepté  le  verset  et  l'oraison 
du  très-saint  Sacrement.  Après  ces  oraisons,  on  ferait  la  réposition. 

Cette  méthode,  comme  nous  l'avons  dit,  distingue  parfaitement  la 
réposilion  des  prières  qui  la  précèdent;  elle  n'a  point  avec  les  mé^ 
moires  de  l'office  celte  simiiiludeqiie  .M.  de  Conny  improuve;  elle  se 
rapproche  de  celle  qui  est  usitée  dans  les  prières  publiques  ;  elle  ne 
présente  point  enfin  l'inconvénient  d'être  insolite  comine  celle  que  l'on 
propose. 

P.  R. 


Revue  des  sciences  ecclés,,  t.  ix,  —  avril  1864.  24 


ÉTUDES  SUR  LA  PRÉDICATION. 


De  PÉtnde  des  Pères,  nécessaire  aux  Prédicateurs. 


Deuxième  article. 


«  Si  l'on  veut  avoir  la  [lalicnce  d'examiner  les  écrits  des  Pères,  dit 
«  Fénelon  (1),  on  y  verra  des  choses  d'un  grand  prix.  Saint  Cyprien 
«  a  une  magnanimilé  et  une  véhémence  qui  ressemble  à  la  vigueur  de 
a  Démosthène.  On  trouve  dans  saint  Chrysostôme  un  jugement  exquis, 
«  des  images  nobles,  une  morale  sensible  et  aimable.  Saint  Augustin 
«  est  tout  ensemble  sublime  et  populaire...  Saint  Bernard  a  été  un  pro- 
«  dige  dans  un  siècle  barbare...  On  esl  étonné  de  tout  ce  qu'il  y  a  de 
a  grand  et  de  beau  dans  les  Pérès  quand  on  connaît  les  siècles  où  ils 
«  ont  écrit...  Pourquoi  ne  veut-on  pas  passer  aux  Pères  l'enflure  de 
«  leur  temps,  sous  laquelle  on  trouve  des  vérités  précieuses,  exprimées 
«  par  les  traits  les  plus  forts?  » 

«  Quand  on  veut  apprécier  les  mérites  des  Pères  de  l'Église,  dit 
«  Fleury  {il),  il  ne  faut  pas  oublier  le  temps  et  le  pays  où  ils  ont  vécu; 
«  il  faut  les  confronter  avec  les  contemporains  les  plus  célèbres,  saint 
et  Ambroise  avec  Symmaquc,  saint  Basile  avec  Libanius;  »  et  alors 
on  voit  combien  ils  ont  été  supérieurs  à  leur  siècle. 

Non-seulement,   les  Pères  sont  supérieurs  à  leur  siècle,  mais  ils 

(1)  Lettre  sur  les  occupations  de  l'Académie,  édition  de  Lebel,  tora.  xxi, 
pag.  183. 

(2)  Deuxième  Discours  sur  l'histoire  ecclésiastique. 


ÉTUDES    SUR    LA    PRÉDICATION.  371 

prennent  place  pain:!  les  plus  beaux  génies  des  âges  privilégiés,  s'il» 
ne  les  surpassent  pas;  les  témoignages  les  plus  compétents  sont  unani- 
mes à  cet -égard.  Voici  comment  s'exprime  La  Harpe  (1).  «  Lorsque 
«  îlomc  n'était  déjà  plus  la  seule  capitale  du  monde,  quand  les  bar- 
ce  bares  menaçaient  de  tous  côtés  h;  peuple  dominateur  et  corrompu, 
«  une  éloquence  naquit  avec  une  nouvelle  religion,  qui  des  prisons  et 
«  des  échafauds  venait  de  monter  sur  le  trône  des  Césars.  Cette  voix 
»  auguste  et  puissante  était  celle  des  orateurs  du  christianisme.  L'his- 
«  toire  nous  présente  en  eux  les  plus  touchants  modèles  des  plus  pures 
«  vertus,  les  lettres  les  réclament  à  leur  tour;  elles  aiment  à  se  cou- 
«  vrir  de  l'éclat  qu'ils  ont  répandu  sur  leur  siècle  et  se  croiront  toujours 
«  en  droit  de  dire  qu'avant  d'être  des  confesseurs  et  des  martyrs,  ils  ont 
«  été  de  grands  hommes,  qu'avant  d'être  des  saints,  ils  ont  été  des 
«  orateurs...  Les  zélateurs  de  l'ancie.ine  religion  n'étaient  sous  aucun 
«  rapport  à  comparer  aux  zélateurs  de  la  fui  chrétienne.  11  s'en  fallait 
«  beaucoup  que  Celse,  Porphyre,  Symmaque  pussent  balancer  la  dia- 
«  lectique  d'un  Tertullien,  la  science  d'un  Origène,  les  talents  d'un 
«  Augustin  et  d'un  Chrysoslôuie.  Ce  dernier  dont  le  nom  seul  rappelle 
«  la  haute  idée  que  les  contemporains  avaient  de  son  éloquence,  peut 
«  être  opposé  à  tout  ce  que  l'antiquité  avait  de  plus  grand.  » 

M .  Villemain  (2),  parlant  de  l'époque  à  laquelle  vécurent  le  plus  grand 
nombre  et  les  plus  célèbres  des  Pères,  s'exprime  en  termes  encore  plus 
magnifiques  que  La  Harpe.  «  Dans  le  quatrième  siècle,  dit- il,  la  subli- 
«  mité  de  l'éloquence  chrétienne  semble  croître  et  s'animer,  en  pro- 
tf  portion  du  dépérissement  de  tout  le  reste.  C'est  au  milieu  de 
«  l'abaissement  le  plus  honteux  des  esprits  et  des  courages,  c'est  dans 
«  un  empire  gouverné  par  des  eunuques,  envahi  par  les  barbares, 
«  qu'un  Athanase,  un  Chrysostôme.  un  Ambroise,  un  Augustin  font 
«  entendre  la  plus  pure  morale  et  la  plus  haute  éloquence.  Leur  génie 
«  seul  est  debout  dans  la  décadence  de  l'empire,  ils  ont  l'air  de  fon- 
«  dateurs  au  milieu  des  ruines  ;  c'est  qu'en  effet  ils  étaient  les  archi» 


(I)  Cours  de  Littérature,  t.  iv,  p.  Ifi9. 
(4)  Mélanges,  t.  ii,  p.  141. 


372  ÉTUDES  SIR    TA    PP.ÉDICATIOX. 

«  tectes  de  ce  grand  édifice  religieux  qui  devait  succéder  à  l'empire 
«  Romain.  » — «  Ces  hommes  dont  la  voix  s'élève  et  entraîne  les  peuples, 
«  étaient  les  premiers  hommes  de  leur  temps  par  le  talent, parla  vertu, 
8  parla  science.  On  cherche  en  vain  qui  leur  comparer  dans  le  domaine 
a  désert  du  polythéisme.  Us  sont  les  orateurs  de  la  plus  grande  réforme 
a  du  monde,  les  interprètes  de  la  sublime  nouveauté  qui  transporte  tous 
«  les  esprits.  On  croit  leur  porole,  parce  qu'on  l'admire,  et  on  l'admii-e 
«  d'autant  plus  qu'on  la  croit,  fis  ont  eu  tout  ensemble  plus  de  lumière 
a  et  de  foi  que  leurs  contemporains,  et  ils  les  dominent  par  ce  double 
a  empire    1).  » 

Mais  nous  ne  pouvons  mieux  faire  apprécier  l'éloquence  des  Pères 
qu'en  citant  des  extraits  de  leurs  écrits.  Obligé  de  faire  un  choix, 
nous  nous  bornerons  à  saint  Basile,  à  saint  Grégoire  de  Nazianze  el  à 
saint  Jean  Chrysostôme.  Les  citations  seront  accompagnées  de  quelques 
réflexions  fort  succinctes,  destinées  à  donner  une  idée  du  caractère 
particulier  de  chacun  de  ces  Pères.  Nous  ajouteronsquelques  notes  sur 
saint  Augustin  et  saint  Bernard. 

La  langue  grecque  se  soutint  dans  sa  pureté  beaucoup  plus  longtemps 
que  la  langue  latine;  aussi  la  littérature  des  Pères  grecs  laisse  peu  de 
chose  à  désirer,  sous  le  rapport  du  g(it!it.  On  n'iiésile  pas  à  les  classer 
parmi  les  orateurs  les  plus  remarquables  qui  ont  écrit  dans  celte  langue. 

Saint  Basile  el  Grégoire  do  Niiziarize  sont  sans  contredit  deux  des 
grandes  gloires  de  l'Église  grecque  ;  on  sait  avec  quelle  ardeur  les  deux 
illustres  amis  étudièrent  à  Athènes  les  leltres  sacrées  et  les  lettres  pro- 
fanes, on  sait  aussi  les  espérances  que  tirent  concevoir  aux  fidèles  leurs 
vertus,  leurs  travaux  et  leur  génie  précoce. 

Érasme  !2)  appelle  saint  Basile  l'oraieur  le  plus  accompli,  qui  ait 
jamais  paiu  ;  il  ajoute  que  son  stsie  doit  servir  de  modèle  à  ceux  qui 
aspirent  à  la  véritable  éloquence.  Le  jugement  d'F.rasme  a  été  confirmé 
par  celui  des  critiques  modernes.  Rollin  dit  qu'on  doit  au  moins  placer 
saint  Basile  dans  la  premièie  cla.'^se  des  orateurs,  et  le  regarder  comme 
un  des  plus  habiles  maîtres  de  l'éloquence. 


(1)  Mélanges,  t.  n,  p.  445. 

(2)  Dans  la  préface  placée  en  tête  de  son  édition  de  S.  BasÛe. 


ÉTUDES    SLIi    l.V    l'KÉDICATlON.  373 

Mais  écoutons  Photius(l),dont  l'intelligence  elles  talents  sont  aussi 
célèbres  que  ses  erreurs.  «  Quiconque,  dit-il,  veut  devenir  un  panégy- 
((  risle,  ou  un  orateur  accompli,  n'aura  besoin  ni  de  Platon,  ni  de  Dé- 
«  moslliène,  s'il  pren'l  Basile  pour  modèle  ;  il  n'y  a  point  d'écrivain 
«  dont  la  diction  soit  plus  pure,  plus  bêle,  plus  énergique,  ni  qui  pense 
«  avec  plus  de  force  et  de  solidité.  11  réunit  tout  ce  qu'il  faut  pour  per- 
«  suader  avec  la  douceur,  la  clarté  et  la  précision.  Son  style  toujours 
«  naturel^  coule  avec  la  même  facilité  qu'un  ruisseau  qui  sort  de  sa 
«  source.  » 

D'après  tous  les  critiques,  la  gravité,  la  clarté,  la  pureté,  la  noblesse 
forment  le  caractère  distinctif  des  écrits  de  saint  Basile.  Le  morceau 
suivant  fera  apprécier  l'exactitude  de  ce  jugement.  H  sert  comme  d'in- 
troduction aux  homélies  sur  l'ouvrage  des  six  jours,  dans  lesquelles 
rarchevôque  deCésarée  élevait  son  peuple  à  Dieu  par  la  contemplation 
de  la  nature. 

«  Il  est  des  villes,  dit  l'éloquent  orateur,  qui,  depuis  le  lever  du  jour 
«  jusqu'au  soir,  repaissent  leurs  regards  du  spectacle  de  mille  jeux 
«  divers;  elles  ne  sciassent  pas  d'entendre  les  chants  dissolus  qui 
«  font  germer  la  volupté  dans  les  âmes  ;  e^souvent  on  nomme  heureux 
«  de  tels  hommes,  parce  que,  laissant  les  soins  du  commerce  et  les 
«  arts  utiles  à  la  vie,  ils  passent  dans  la  mollesse  et  le  plaisir  le  temps 
«  qui  leur  est  assigné  sur  la  terre.  Us  ne  savent  pas  que  le  théâtre  de 
«  ces  jeux  impurs  est  une  école  de  vice  pour  ceux  qui  s'y  rassemblent. 
«  Quelques  autres  qui  sont  passionnés  pour  les  courses  de  chevaux 
«  attellent  leurs  chars,  changent  leurs  écuyers,  et,  dans  le  sommeil, 
«  ils  ne  sont  pas  délivrés  de  la  folie  qui  les  tourmente  le  jour.  Et  nous 
((  que  le  Seigneur,  le  grand  artisan  de  l'univers,  appelle  à  la  contem- 
«  plalion  de  ses  ouvrages,  nous  lasserons-nous  de  les  regarder,  ou 
i<  serons-nous  paresseux  pour  entendre  les  paroles  de  l'Esprii-Saint  ? 
«  Ne  nous  presserons-nous  pas  plutôt  autour  de  ce  grand  atelier  de  la 
«  puissance  divine,  et  reportés  en  esprit  vers  les  temps  passés,  ne  sau- 
a  rons-nous  pas  embrasser  d'un  regard  tout  l'assemblage  de  la  créa- 

(l  CoJ.  cxu. 


37â  ÉTUDES  SUR  LA  PRÉDICATION. 

«  tion?  »  {\)  Et  puis,  un  peu  plus  bas^  saint  Basile,  continuant  sur  le 
même  sujet  :  «  Si  quelquefois  dans  la  sérénité  de  la  nuit,  portant  des 
«  yeux  allenlifs  sur  l'inexprimable  beauté  des  astres,  vous  avez  pensé 
«  au  Créateur  de  toutes  choses;  si  vous  vous  êtes  demandé  quel  est 
«  celui  qui  a  semé  le  ciel  de  telles  fleurs  ;  si  quelquefois  dans  le  jour 
«  vous  avez  étudié  les  merveilles  de  la  lumière,  el  si  vous  vous  des 
«  élevé  par  les  chf>ses  visibles  à  l'Eire  invisible,  alors  vous  êtes  un 
«  auditeur  bien  préparé,  et  vous  pouvez  prendre  place  dans  ce  niagni- 
«  fique  amphithéâtre.  Venez!  De  môme  que  prenant  par  la  main  ceux 
«  qui  ne  connaissent  pas  une  ville,  on  la  leur  fait  [larcourir  ;  ainsi  je 
<(  vais  vous  conduire  comme  des  étrangers,  à  travers  les  merveilles  de 
«  cette  grande  cité  de  l'univers  (2).  » 

Quelques  rhéteurs  ont  donné  saint  Grégoire  de  Nazianze  comme  le 
plus  grand  des  orateurs  tant  sacrés  que  profanes.  Ce  jugement  ne  s'est 
pas  confirmé  ;  l'opinion  la  plus  reçue  le  classe  après  saint  Basile:  saint 
Grégoire  a  moins  de  douceur  et  de  fa'  ilité  que  son  ami,  il  a  quelque 
chose  de  moins  persuasif,  mais  il  est  plus  fleuri,  plus  majestueux. 
Ces  deux  qualités  de  son  style  dégénèrent  quelquefois  en  défaut  : 
on  lui  reproche  de  présenter  à  ses  lecteurs  trop  de  beautés,  et  de  faire 
un  usage  excessif  des  fleurs  et  des  figures.  Le  savoir  et  les  vertus  de 
saint  Grégoire  l'appelèrent  sur  le  siège  de  Gonstantinople.  Mais  bientôt 
des  factions  se  formèrent  contre  lui.  Ami  du  repos  el  de  la  solitude, 
il  n'essaya  pas  de  lutter  contre  l'orage  et  donna  sa  démission  ; 
rassemblant  le  peuple  dans  l'église  dite  à'Anasfasie,  où  était  la  chaire 
pontificale,  il  annonça  sa  résolution  et  sa  retraite  par  un  dernier  dis- 
cours. Jamais  le  génie  de  l'orateur  ne  parut  plus  élevé,  plus  majes- 
tueux, plus  touchant;  on  lit  toujours  avec  ravissement  les  adieux  du 
saint  Pontife,  qui  forment  la  péroraison  de  ce  discours.. 

«Adieu,  s'écrie  Grégoire  (5),  adieu,  église  d'Anastasie;  adinu  peuple 
«  célèbre  que  le  Ciiiist  remplit  maintenant  d'une  foule  si  nombreuse  ; 
«  adieu  à  vous  toutes,  demeures  saintes,  les  secondes  en  dignité,  qui 

(1)  Saiut  Dasile,  Hexaéméron.,  lioinélie  iv. 

(2)  Saint  Basile,  ffexae/?îe>oa.,  homélie  vj. 

(3)  S.  Gréij.,  tom.  \,  p.  766,  orat.  xxxii. 


ÉTUDES  SUR  LA  PUÉDIGATION.  375 

«  embrassez  les  diverses  parties  de  cette  ville  et  qui  en  êtes  comme  le 
a  lien  et  la  réunion  :  adieu,  saints  Apôtres,  céleste  colonie,  qui  m'avez 
«  servi  de  modèle  dans  mes  combats  ;  adieu,  chaire  pontificale,  honneur 
a  envié  et  plein  de  périls,  conseil  des  pontifes  orné  par  la  vertu  et  par 
«  l'àje  des  prêtres  ;  vous  tous  ministres  du  Seigneur  à  la  table  sainle, 
«  qui  approchez  de  Dieu  quand  il  descend  vers  vous,  adieu  chœur  des 
«  Nazaréens,  harmonie  des  psaumes,  sainteté  des  vierges,  modestie 
a  des  femmes,  assemblée  des  orphelins  et  des  veuves,  regards  des 
8  pauvres  tournés  vers  Dieu  et  vers  moi;  adieu,  maisons  hospitalières, 
«  amies  du  Christ  etsecourables  à  mon  infirmité...  Adieu,  vous  qni 
«  aimiez  mes  discours,  foule  empressée  où  je  voyait  briller  les  poin- 
«  çons  furtifs  qui  gravaient  mes  paroles:  adieu,  barreaux  de  cette  tri- 
«  bune  sainte  tant  de  fois  forces  par  le  nombre  de  ceux  qui  se  préci- 
«  pitaient  pour  entendre  la  parole.  Adieu,  ô  rois  de  la  terre,  palais  des 
«  rois,  serviteurs  et  courtisans  des  rois,  fidèles  à  votre  maître,  je  veux 
«  le  croire,  mais  certainement  la  plupart  infidèles  à  Dieu.  Applaudissez, 
((  élevez  jusqu'au  ciel  votre  nouvel  orateur:  elle  s'est  tue  la  voix  qui 
«  vous  incommodait  !  Adieu,  cité  souveraine  et  amie  du  Christ,  car  je 
«  lui  rends  ce  témoignage  quoique  son  zèle  ne  soit  pas  selon  la  science  ; 
«  et  le  moment  de  la  séparation  adoucit  mes  paroles.  Approchez- vous 
«  de  la  vérité,  quoique  bien  tard.  Adieu,  Orient  et  Occident,  pour  les- 
«  quels  j'ai  combattu  et  par  qui  je  suis  accablé...  Mais  je  m'écrierai 
«  surtout  :  .\dieu,  anges  gardiens  de  cette  église  qui  protégiez  ma  pré- 
ce  sence  et  protégerez  mon  exil  ;  et  toi, Trinité  sainle,  ma  pensée  et  ma 
«  gloire  !  Puissent- ils  te  conserver,  et  puisses-tu  les  sauver,  sauver 
«  mon  peuple  !  Que  j'apprenne  chaque  jour  qu'il  s'est  élevé  en  sagesse 
«  et  en  vertus  !  Enfants,  gardez-moi  le  dépôt  sacré  ;  souvenez-vous  de 
«  ma  lapidation.  Que  la  grâce  de  Notre-Seigneur  Jésus-Christ  soit 
«  avec  vous  tous  (1)  !  » 

M.  Villemain  fait  un  bel  éloge  de  saint  Grégoire  de  Nazianze,  quand 
il  dit  que  ce  grand  Dorteur  «  mêle  toutes  les  grâces,  toutes  les  déli- 
a  catesses  du  langage  à  l'éclat  irrégulier  de  l'imagination  ;  toute  la 

^1)  S.  Greg.,  t.  Il,  p.  76(i,  orat.  xxxii. 


376  ÉTUDES   SUR   LA   PRÉDICATION. 

«  science  d'un  rhéteur  à  l'austérité  d'un  Apôtre,  et  quelquefois  le  luxe 
«  affecté  de  l'élcution  à  l'émotion  la  plus  naïve  et  la  plus  profonde.  » 
a  Cependant,  continue  le  judicieux  critique,  après  avoir  lu  saint  Gré- 
«  goire,  il  est  une  sorte  de  grandeur,  une  paisible  élévation  de  génie 
«  que  l'on  [leut  chercher  encore  et  qui  est  nécessaire  à  l'idée  que  l'on 
«  se  forme  de  l'orateur  vraiment  sublime.  Ce  sont  ces  qualités  plus 
«  hautes,  ou  plutôt  c'est  la  réunion  de  tous  les  attributs  oratoires,  le 
«  naturel,  la  richesse,  l'ordonnance,  le  pathétique  et  la  grandeur,  qui 
(i  ont  fait  de  saint  Jean  Chrysostôme  le  plus  grand  orateur  de  l'Église 
a  primitive,  le  plus  vivant  témoin  de  cette  mémorable  époque.  La  pen- 
sée reste  confondue  devant  les  prodigieux  travaux  de  cet  homme, 
c(  devant  l'ardeur  et  la  facilité  de  son  génie  (1)  !  » 

Bargiet, 

Chanoine,  Archiprôtre  d'Auch. 


(1;  ViUeaiaiu.  Nouveaux  AIéianges,l.  Il,  p.  228  el  229. 


MINISTÈRE   PASTORAL. 


Quand  im  péintenl,par  un  motif  de  foi,  déleste  sincèrement  ses  péchés, 
au  moins  les  mortels,  et  qu'il  a  le  ferme  propos  de  n'en  plus  com- 
mettre, au  moins  de  tels,  le  confesseur  doit-il  se  mettre  en  peine 
pour  savoir  si  réellement  ce  pénitent  commence  à  aimer  Dieu  comme 
source  de  toute  justice,  et  si  ce  commencement  d'amour  est  un  com- 
mencement de  cliarité  véritable  ? 

Tout  le  monde  convient  que,  pour  recevoir  l'absolution,  le  pénitent 
doit  détester  tous  ses  péchés  mortels  ;  et,  s'il  n'en  avait  confessé  que 
de  véniels,  en  détester  sincèrement  au  moins  un,  avec  le  ferme  propos 
de  n'y  plus  retomber  et  de  ne  plus  pécher  mortellement.  Mais  faut-il 
que  cette  détestalion  du  péché,  si  elle  n'est  que  l'attrition,  soit 
accompagnée  d'un  commencement  d'amour  de  Dieu,  et  quel  doit  être 
cet  amour  ? 

Le  saint  Concile  de  Trente  (sess.  vi,  c.  6),  parlant  en  général  des 
dispositions  requises  pour  arriver  à  la  justification,  s'exprime  de  la 
sorte:  «Disp^nuntur  autem  ad  ipsam  justitiam,  dum  excitati  divina 
«  gratia  et  adjuli,  fidem  ex  auditu  concipientes,  libère  moventur  in 
a  Deum,  credentes  vera  esse  quaî  divinitus  revelala  et  promissa  sunt , 
«  atque  illud  in  primis,  aDeo  juslificari  impium  per  gratiam  ejus,  per 
0  redemplionem,  quae  est  in  Christo  Jesu  ;  et  dum,  peccatores  se  esse 
a  intelligentes,  a  divinœ  juslitiae  timoré,  quo  utiliter  concutiuntur,  ad 
«  considerandam  Dei  misericordiam  se  convertendo  in  spem  eriguntur, 
«  fidentes  Deum  sibi  propter  Chrislum  propiliura  fore ,  illumque 
«  tanquam  omnis  justttix  fontem  diligere  incipitmt,  ac  propterea 
«  moventur  adversus  peccata  per  odium  aliquod  et  delestationem,  hoc 


378  MINISTÈRE    PASTORAL. 

«  est,  peream  pœnitentiaraquamante  baplismumagi  oporiet;  denique 
«  dum  proponunt  «uscipere  baplismura,  inchoare  novam  vitam  et  ser- 
a  Tare  divina  mandata.  » 

Plus  loin  (sess.  xiv,  c.  4),  le  môme  Concile,  traitant  de  la  con- 
trition, partie  essentielle  du  sacreneat  de  pénitence,  dit:  «  Conlrilio, 
«  qiiae  primum  locum  inter  diclos  pœnilentis  actus  habet,  animi  dolor 
«  ac  delestatio  est  de  peccato  commisso,  cuni  propnsito  non  peccandi 
«  de  caetero.  Fuitautem  quovis  tempore  ad  impetrandam  veniam  pec- 
«  catoriim  hic  contriiionis  moins  necessanus,  et  in  homine  post  bap- 
«  tismum  lapso  ita  demum  praeparat  ad  remissionem  peccalorum,  si 
«  cum  fiducia  divinie  misericordiae  et  voto  praestandi  reliqna  con- 
«  junctus  sit,  quae  ad  ritesuscipiendum  hoc  sacramentum  (pœnitenlise) 
«  requiruntur...  Docet  praeterea  (S.  Synodus),  etsi  contritionem  banc 
«  aliquando  cbaritale  perfectam  esse  contingat ,  horainemque  Dec 
«  reconciliare,  priusquara  hoc  sacramentum  actu  suscipialur,  ipsam 
«  nihilominus  reconciliationem  ipsi  contritioni  sine  sacrarnenli  voto, 
«  quod  in  iUa  includitur,  non  esse  adscribendam.  lllam  vero  contri- 
«  tionem  imperfectam,  quae  attrilio  dicilur,  quoniam  vel  ex  turpitudi- 
«  nis  peccati  consideratione,  vel  ex  gehennae  et  poenarura  nielu  com- 
((  muniter  concipilur,  si  voluntatem  peccandi  excliidat  cum  spe  veni«, 
a  déclarât  non  solum  non  facere  hominem  hypncritam  et  niagis  pec- 
«  caiorem,  verum  etiam  donnm  Dei  esse  et  Spiritus  Sancti  irapulsum, 
«  non  adhuc  quidem  inhabilanlis,  sed  tanlum  moventis,  quo  pœnitens 
«  adjutus  viam  sibi  ad  justitiara  parât.  Et  quamvis  sine  sacramento 
«  pœnitentiae  per  se  ad  justificationem  perducere  peccatorem  nequeat, 
a  taraen  eum  ad  Dei  gratiani  in  sacramento  pœniteniiae  impetrandam 
«  disponit.  » 

D'après  ces  paroles  i!  est  maniteste  (jue  la  contrition  parfaite  justifie 
immédiatement  et  avant  que  l'on  ait  reçu  l'absolution,  et  que,  par  con- 
séquent, cette  contrition  n'est  pas  nécessaire  pour  l'absolution.  La  con- 
tritioû  imparfaite  est  donc  suffisante  pour  obtenir  le  pardon  de  ses 
péchés  dans  le  sacrement  de  baptême  et  dans  celui  de  pénitence  ;  mais, 
nous  le  répétons,  cette  contrition  appelée  communément  atlrition,  doit- 
elle  être  accompagnée  d'un  commencement  d'amour  de  Dieu?  — 11 


MINISTÈRE    PASTORAL.  379 

semble  que  si  ce  commencement  d'amour  de  Dieu  est  entendu  de  tout 
autre  amour  qne  celui  de  charité  proprement  dite,  l'alfirmalive  n'est 
pas  douteuse,  même  à  l'égard  du  sacrement  de  pénitence  Car  le  saint 
Concile  de  Trente  exigeant  celte  disposition  pour  le  baptême,  elle  ne 
doit  pas  moins  être  requise  dans  le  sacrement  de  pénitence,  qui  exige 
de  plus  grands  efforts  et  par  conséquent  une  pénitence  au  moins  égale 
à  celle  exigée  pour  le  baptême. 

Mais  en  quoi  consiste  ce  commencement  d'amour  de  Dieu,  et  se 
trouve-t-il  toujours  dans  un  pénitent  qui,  par  un  motif  de  foi,  par 
exemple,  la  crainte  de  l'enfer,  la  laideur  surnaturelle  du  péché,  le  désir 
d'aller  au  ciel,  est  sincèrement  pénétré  du  regret  de  ses  fautes,  avec 
le  ferme  propos  de  n'y  plus  retomber?  —  Ceitc  question,  depuis  le 
saint  Concile  de  Trente,  a  suscité  les  plus  longues  et  les  plus  vives 
controverses  |)armi  les  docteurs  les  plus  renommés  dans  la  science 
Uiéologique,  tels  que  François  Victoria,  Dominique  Soto,  Melchior 
Cano,  Suarez,  Vasquez,  etc.,  etc.  (V.  Bened.  xiv^  de  Syn.  Ub.  vu, 
cap.  43.) 

Les  uns  ont  entendu  ce  commencement  d'amour  de  Dieu,  de  l'amour 
de  Dieu  à  cause  de  lui-même,  appréciativement  grand:  c'est-à-dire 
au-dessus  de  tout,  quoique  dans  un  degré  faible.  Et  de  ce  sentiment 
est  Biiluart  {de  Pœiiit.  diss  4'.  art.  7,  §  3,  colliges  ^"). 

Les  autres  l'ont  entendu  de  l'amour  de  concupiscence  renfermé  dans 
l'acte  d'espérance,  par  lequel  nous  aimons  Dieu  comme  notre  bien. 
Et  de  ce  sentiment  est  Touniély  et  même  saint  Liguori  {Ub.  6, 
n»  442,  objic.  3"). 

D'autres  encore  veulent  que  ce  commencement  d'amour  soit  un 
amour  de  Dieu  à  cause  de  lui-même,  mais  non  appréciativement  grand, 
en  sorte  que  pour  être  super  omnia,  l'attrilion  a  besoin  du  motif  de  la 
crainte  de  l'enfer,  ou  de  l'amour  de  la  béatitude  éternelle.  De  ce  sen- 
timent sont  Hubert  et  plusieurs  autres.  (V.  T}ieoL  Ciirs.  complet. 
tora.  XXII,  col.  362,  n°  679  etc.) 

D'autres  eniin,  avec  Bossuet  (tom.  vu,  p.  517,  éd.  de  Versailles), 
entendent  ce  commencement  d'amour  de  Dieu  du  désir  seulement  de 
l'aimer  pour  lui-même  et  par-dessus  tout. 


380  MINISTÈRE   PASTORAL. 

Chacune  de  ces  opinions  peut  certainement  être  soutenue,  au  moins 
spéculativement,  et  Alexandre  VII,  le  5  mai  1667,  défendit  sous  peine 
d'excommunication  encourue  par  le  seul  fait,  «  cunctis  et  singulis 
«  fidelibas...  ut  si  deinceps  de  materia  attritionis  scribcnl,  vel  libros 
«  aut  scripluras  edent,  vel  docebunt,  vel  prœdicabunt,  vel  alio  quovis 
«  modo  pœnitentes,  aut  scholares  caeterosve  erudient,  non  audeant 
«  alicujus  lheolûgic£e  censura?,  alteriusve  injurias  aut  coniumelisB  nota 
«  taxare  alterain  sententiam,  sive  negantem  necessitatem  aliqualis 
((  dilectionis  Dei  in  prœfala  altritione  ex  nietu  gehennae  concepta, 
«  quae  liodie  inter  scholasticos  communior  videtur,  sive  asserentera 
t  dictas  dilectionis  necessit.item,  donec  ab  bac  S.  Sede  fueril  bac  de  re 
«  definitiim.  »  La  question  est  donc  encore  pendante,  selon  l'expression 
de  Benoît  XIV  (ib.  n''  9)  :  Adhuc  sub  jndice  Us  est,  et  il  en  e^t  ainsi 
au  inoins  spéculativement.  Mais  n'v-a-l-il  aucune  difficulté  pour  la 
pratique  ?  —  On  sait  qu'Innocent  XI  a  pruscrit  la  proposition  suivante  : 
0  Non  est  illicitura  in  sacramenlis  conferendis  sequi  opinionem  proba- 
a  bilem  de  valore  sacraraenti,  relicla  tutiore.  »  Quelque  probables 
donc  que  puissent  être  les  sentiments  qui  nient  la  nécessité,  dans 
l'attrition,  de  l'amour  de  Dieu  à  cause  de  lui-même  et  par-dessus  tout, 
dès  lors  que  ces  sentiments  ne  seraient  que  probables,  et  ne  sont  pas 
les  plus  sûrs,  ils  ne  pourraient  êlre  suivis  dans  la  pratique,  si  ce  n'est 
dans  les  cas  de  nécessité  et  lorsqu'on  ne  pourrait  mieux  a^ir.  Mais 
alors  que  faire  ?  et  quelle  conduite  doit  tenir  le  confesseur  lorsqu'il 
n'aperçoit  dans  le  pénitent  qu'une  contrition  imparfaite?  Doit-il  s'assurer 
avant  de  l'absoudre,  qu'il  aime  Dieu  par-dessus  tout  et  pour  l'amour  de 
lui-même?  Telle  est  précisément  la  difficulté  que  nous  nous  sommes 
proposé  de  résoudre  dans  le  présent  article. 

Or,  5  cet  égard,  nous  croyons  pouvoir  répondi'e  sans  hésiter  et  sans 
nous  écarter  d'aucune  des  opinions  que  nous  avons  exposées  tout  à 
l'heure,  que  quand  un  pénitent,  par  un  motif  de  foi  quelconque,  déteste 
sincèrement  ses  péchés,  ceux  au  moins  qui  sont  uîortels,  s'il  a  le  ferme 
propos  de  n'en  plus  co  naiellre  de  tels,  le  confesseur  n'a  pas  à  se  mettre 
en  peine  si  ce  pénitent  commence  à  aimer  Dieu  comme  source  de  toute 
justice,  et  comment  il  l'aime  de  cette  sorte,  si  c'est  par  charité  ou  au- 


MINISTÈRE    PASTORAL.  38J 

trement,  étant  suffisamment  assuré  que  ce  commencement  d'amour, 
tel  que  le  requiert  le  Concile  de  Trente,  se  trouve  renfermé  dans  la 
contrition  telle  que  nous  venons  de  la  décrire. 

Nous  avons  supposé,  en  effet,  que,  par  crainte  de  l'enfer  ou  par 
amour  de  la  béatilui'e  céleste,  gu  pnr  tontnutre  motif  pris  dans  l'ordre 
de  la  foi,  le  pénitei't  déteste  sinièrement  ses  péchés,  et  par  conséquent 
ne  conserve  pour  eux  aucune  affection,  ni  aucune  volonté  de  les  com- 
mettre, même  dans  l'hypothèse  qu'il  n'y  eût  pas  d'enfer  ou  de  paradis; 
(autrement  la  contrition  n'existerait  pas,  il  n'y  aurait  pas  déteslation 
véritable  du  péché,  puisqu'il  y  aurait  volonté  de  le  commettre  dans  une 
hypothèse  donnée).  Mais  le  pénitent  qui  est  dans  la  susdite  disposition, 
qui  recourt  au  prèlre  pour  être  |>urifié  de  ses  fautes,  qui  vient  les  ex- 
pier par  la  pénitence,  au  moins  par  celle  que  lui  imposera  le  ministre 
du  sacrement,  celui-là  ne  montre-t-il  pas  évidemment  qu'il  com- 
mence à  aimer  Dieu  comme  source  de  toute  justice?  N'est-ce  pas  com- 
mencer au  moins  à  aimer  la  justice  divine,  que  de  haïr  ce  que  cette 
justice  déteste?  que  d'avoir  à  cœur  ses  intérêts  et  de  chercher  à  la 
satisfaire  et  à  payer  la  dette  contractée  envers  elle  ?  que  de  venir 
puiser  auprès  de  D'eu  comme  dans  leur  source  les  grâces  du  salut  et 
de  la  justification? 

Billuart,  qui  veut  un  amour  de  bienveillance  qui  soit  prédominant, 
convient  cependant  que  cet  amour  se  trouve  dans  la  déteslation  sincère 
du  péché  comme  tel,  c'esl-à-dire  comme  étant  l'offense  divine  :  «  Hoc 
«  ipso  enim,  dit-il  ^de  Pœnit.  diss.  4,  art.  7,  g  4,  obj.  *2°),  quod 
((  Concilium  dixit  conlritionem  in  commun),  adeoque  et  altrilionem 
«  sub  illa  contentam,  esse  dolorem  et  odium  peccati,  utique  qua  pec- 
«  catum  est  et  malum  Dei,...  implicuil  aclum  benevolentise,  quia  fîeri 
«  non  potest  quod  qins  odio  habeot  peccatum  ut  peccalum  est  et  malum 
i<  Dei^  msi  ex  supposito  amore  Dei .  »  A  la  page  suivante,  le  même 
auteur  dit  que  «  exclusio  contrarise  volnntatis  peccandi  per  odium  et 
«  detestalionem  peccati  non  habelur  msi  per  umorem  Dei  benevoliim.  » 
S'il  suffit  de  détester  le  péché  comme  tel,  c'est-à-dire  comme  l'offense 
divine,  pour  avoir,  d'après  Billuart,  l'amour  requis  par  le  Concile  de 
Trente  pour  la  justification;  si  tous  ceux  qui  détestent  positivement  le 


382  MINKTRRE    PASTORAL. 

péché  et  renoncent  à  le  commettre,  ont  l'amour  de  bienveillance  que 
cet  auteur  dit  êirt  nécessaire  dans  l'allrilion  pour  qu'elle  soit  suffisante 
à  l'effet  de  recevoir  l'absolution  ;  évidennneni,  d'après  Billuart,  et  par 
conséquent  d'après  le  sentiment  qui  paraît  le  jilus  exigeant  en  matière 
de  conirilion,  le  pénitent  qui  se  trouve  dans  les  dispositions  que  nous 
avons  supposées,  c'est-à-dire  Je  pénitent  (jui,  par  un  mohf  de  foi 
quelconque,  déteste  sincèrement  et  positivement  ses  péchés,  et  a  le 
ferme  propos  de  n'en  plus  commettre,  au  moins  qui  soient  morlelsy 
ce  pénitent  a  les  dispositions  nécessaires  pour  être  absous,  et  le  con- 
fesseur peut  éire  parfaitement  tranquille  à  son  égard.  Il  nous  semble 
indubitable  qu'alors  même  que  les  pénitents  n'ont  été  amenés  à  détester 
leurs  pécliés,  à  en  l'aire  pénitence  et  à  y  renoncer  entièrement  que  par 
la  crainte  de  l'enfer,  ils  les  détestent  néanmoins  C(mme  l'offense  divine, 
le  mal  de  Dieu  ei  le  souverain  mal,  et  qu'ils  veulent  par  la  pénitence 
réparer  cet  outrage  et  satisfaire  à  la  justice  qu'ils  ont  offensée.  Que  le 
mouvement  qui  les  pousse  amsi  suit  un  sentiment  de  charité  ou  un 
simple  mouvement  d'espérance,  ce  que  nous  ne  voulons  pas  examiner, 
toujours  est-il  qu'il  existe,  et  que  le  saint  Concile  de  Trente  ne  paraît 
pas  requérir  autre  chose.  Ainsi  le  confesseur  peut  sans  crainte  donner 
l'absolution. 

Notre  conclusion  est  d'autant  plus  légitime  que  Collet. lui-même,  si 
sévère  d'ordinaire  dans  ses  décisions,  avoue  que  la  controverse  sur  la 
nature  de  l'amour  initial  requis  pour  la  justification  du  pécheur  dans 
les  Sacrements,  controverse  qui  a  si  vivement  agité  les  docteurs  catho- 
liques pendant  plus  d'un  sièclC;  n'a  pas  dans  la  pratique  l'importance 
qu'elle  paraît  avoir  au  preniier  abord  :  et  parmi  les  motifs  que  cet  auteur 
en  donne,  le  principal  est  que  même  les  pénitents  ne  savent  pas  d'or- 
dinaire discerner  si  c'est  l'amour  ou  la  crainte  qui  les  fait  agir  ;  et  il  cite 
à  ce  sujet,  un  propos  du  célèbre  albé  de  Saint-Cyran  qui  avouait  n'avoir 
0  jamais  parlé  à  qui  que  ce  soit,  si  l'utlrilion  ou  contrition  était  nécessaire 
«  au  sacrement  de  pénitence,  sachant  bien  que  le  discernement  de  ces 
«  mouvements,  à  savoir  attrition  et  contrition,  est  impossible  (d  aurait 
«  suffi  de  dire  trop  d.fficile)  à  celui  qui  prétend  les  avoir,  à  plus  forte 
«  raison  aux  au^re^»  [Theol.  Curs.  complet,  tom.  xxii,  col.  528,529.) 


MINISTÈRE    PASTORVL.  383 

Du  reste,  il  sera  toujours  1res  bon  que  le  confesseur  s'efforce  de 
faire  entrer  son  pénitent  dans  les  sentiments  de  la  contrition  la  plus 
parfaite.  En  quoi  tous  les  auteurs,  même  les  moins  exigeants  sur  le 
point  en  question,  sont  entièrement  d'accord.  «  Quis  ncget,  dit  saint 
•  Liguori  (lib.  6,  n.  442  m  fine),  esse  omnino  expédions  ut  pœni- 
«  tentes  pro  viribus  conentur  elicere  actum  conlritionis  perfectae,  ulque 
«  confe.^sarii  studeant  semper  eos  ad  illam  excitare,  ut  tulius  illi  divi- 
«  nam  gratiam  consequantur  ?»  Et  en  cela  on  ne  fera  que  se  confor- 
mer aux  prescriptions  du  Rituel  romain,  où  il  est  dit  qu'après  que  le 
confesseur  a  entendu  la  confession  de  son  pénitent,  et  a  sérieusement 
examiné  les  pécbés  confessés,  il  doit,  avec  toute  la  charité  d'un  père, 
employer  «  oppoitunas  correctioncs  ac  monitiones  prout  opus  esse 
a  viderit,  et  ad  dolorem  et  coniniionem  efpcacihts  verhis  adducere 
«  conalur.  »  On  doit  surtout  suivre  cette  régie  de  conduite  à  l'égard 
des  pénitents  en  danger  de  mort,  et  la  raison  en  est  manifeste. 

Craîsson, 

Ancien  vicaire  général  de  Valence. 


BIBLIOGRAPHIE. 


Vie  de  saint  Saturnin,  dis\;iple  de  saint  Pierre,  premier  évêque  de 
Toulouse  el  martyr,  précédée  d'une  dissertation  sur  son  apostolat  au 
preuii.u'  siècle,  par  al.  Maxime  Latou.  In-S»  de  314  pp.  Toulouse, 
Léopold  Cluzon.  3  fr.  par  la  poste. 

La  question  dû  rorigine  apostolique  des  Églises  de  France  est  une 
cause  gagnée.  La  Bévue  s'en  est  plusieurs  fois  occupée,  et  il  serait 
désormais  superflu  d"y  revenir  encore. 

Avec  la  thèse  générale,  il  fallait  étudier  les  détails,  il  fallait  vérifier 
les  traditions  locales  des  Eglises  particulières  qui  prétendaient  remonter 
aux  apôtres  el  véiifier,  le  flambeau  de  la  critique  à  la  main,  les  titres 
d'une  prétention  si  glurieuse  à  la  fuis  et  pour  chaque  Église  spéciale,  et 
pour  toute  la  France  elle-même. 

Depuis  plusieurs  années,  cette  grande  œuvre  s'accomplit  progressive- 
ment sous  nos  yeux.  11  n'y  en  a  pas  qui  ne  nous  appoit<'  quelque  beau 
et  patriotique  travail  conçu  et  exécuté  dans  ce  sens. 

.Aujourd'hui,  c'est  la  Vie  de  sainl  Saturnin  que  nous  signalons  à  nos 
lecteurs.  M.  l'abbé  Maxime  Lalou  est  connu  dant  notie  Revue.  A  diverses 
reprises,  il  s'y  est  occupé  de  l'origine  apostolique  de  nos  Églises.  Il  vient 
de  nous  donner  le  fruit  deses  recherches  dans  l'ouvrageci-dessus  annoncé. 

Ce  livre  est  divisé  en  trois  parties.  Le  savant  auteur  examine  et 
justifie  le  sentiment  qui  fait  venir  saint  Saturnin  à  Toulouse  au  premier 
siècle.  De  là,  il  est  naturellement  conduit  à  exposer  et  à  réfuter  l'opinion 
qui  place  l'épiscopat  de  ce  grand  saint  au  IIl"  siècle.  Celte  critique  et 
celte  réfutation  sont  faites  avec  le  plus  grand  suciès.  Après  cette  partie 
critique  vient  la  vie  de  sainl  Saturnin.  Envoyé  par  saint  Pierre,  il  arrive 
à  Toulouse.  Son  zèle  ne  se  concentre  pas  dans  cette  grande  cité,  il 
déborde  dans  les  contrées  voisines,  en  Novempopulanie,  en  Espagne 


BIBLIOGRAPHIE,  385 

même ,  et  ce  que  le  grand  évéqtie  ne  peut  faire  par  lui-même,  il  le  fait 
par  saint  Honeste,  sou  disi.Mple  et  son  ami.  Enfin,  il  rentre  dans  sa  cité 
épiscopale  pour  y  subir  le  supplice  dont  les  détails  sont  si  connus. 

L'ouvrage  de  M.  l'abbé  Lalou  est  donc  digne  de  toute  louange.  Ndus 
nous  garderons  bien  de  lui  en  donner  après  les  félicitations  qui  lui  ont 
été  adressées  par  Mgr  l'Archevêque  de  Toulouse,  juge  si  compétent, 

N.-C    Leroy. 


Instructio    pastoralis  et   «lecretnm  Versalieusis   episcopi, 

die  3  martii  18G4. 


Après  tout  ce  qui  s'est  passé  depuis  vingt  ans  relativement  à  la 
question  liiuigique  en  France,  la  lumière  s'est  faite  sur  un  point  si 
grave  avec  une  telle  abondance,  qu'on  pouvait  penser  qu'il  éiait  dé- 
sormais impossible  de  n'être  pas  rallié  à  la  cause  de  l'unité  liturgique. 
Mais  il  y  a  des  esprits  qui  n'oublient  rien  et  n!apprennent  rien.  Tel  est 
l'auteur  des  trois  Lettres  de  Sophronius,  répandues  surtout  dans  le 
diocèse  de  'Versailles.  C'est  cette  ciconstance  qui  a  porté  le  vigilant, 
pieux  et  savant  évoque  de  celte  ville  à  les  réfuter  et  à  les  condamner. 
Publiées  à  Paris,  sans  imprimatur,  bien  que  le  droit  commun  et  le  der- 
nier concile  de  celte  province  le  requièrent,  ces  lettres  sont  pleines 
d'ignorance  :  Crassam  prx  se  fert  de  iis  qitas  movet  qnxstionibus 
ignoi antiam  ;  pleines  d'inconvenance  :  Impudenter  in  epi<coporum  ac 
vel  ipsius  Sedis  Apostolicse  gesta  ac  saluhriter  décréta  în&ectatnr  ;  pleines 
de  mensonges  :  Toi  denique  scatet  apertissimis  erroribus  mcndaciisque 
aciieniis.  La  belle  instruction  de  Mgr  Mabile,  écrite  dans  un  style  [dein, 
digne,  calme  et  fort,  met  en  évidence  ce  triple  jugement.  Nous  vou- 
drions pouvoir  la  ciler  tout  entière.  Nous  y  remarquons  d'abord  l'état 
des  dioféses  par  rapport  à  la  sainte  et  antique  Liturgie  romaine. 

a  En  1839,  la  Liturgie  romaine  était  en  usage  dans  douze  diocèses 
de  France  :  Aix,  Ajaccio,  Alger,  Avignon,  Bordeaux,  Cambrai,  Mar- 
seille, Montpellier,  Perpignan,  Rodoz,  Saint- Floup  et  Strasbourg. 

«  Depuis  cette  époque,  59  diucèses  ont  adopté  et  suivent  en  effet  la 
Liturgie  romaine.  En  voici  l'énumération  d'après  l'ordre  chronologique 

Revue  tes  Sciences  kcclé,,  t.  ii — avril  1864.  25. 


"386  Bmi.HiciuPHiE. 

de  leur  retour  an  ril  romain  :  Langres,  Gap,  Quimpcr,  Périgueux, 
Rennts,  Suint-niieue.Troyes,  Angoiilérac,  Digne,  Wonlauban,  Vannes, 
Tarbcs.  DoDrges,  Beinis,  La  Rochelle,  Arras,  Fréjus,  Sens,  Soissons, 
Agen,  Aire,  Amiens,  Blois,  Moulins,  Nevers.Chàlons,  Limoges,  Saint- 
Claude,  S;:inl-r'ié,  Valence,  Veisailles,  Cahors,  Carcassonr.e,  Luçon, 
Nîmes,  Le  Mans  Poilirr!:,  Alli,  Aucli.  Peauvais  Lav;il,  Angers,  Autun, 
Bayonne,  Évrenx.  Meaiix,  IVanles,  Le  Puv,  Metz,  Tours,  Vi\iers,  Cou- 
tanres.Mende,  Nancy,  Rmen,  Toulouse,  Baveux,  Séez  et  Dijon. 

«  Ln  (lUlre,  le  retour  à  la  Liturgie  romaine  a  été  décrété  par  les 
évêques  dans  les  neuf  diocèses  suivants  :  Orléans ,  Tulle,  Paris, 
Besançon,  Verdun,  Chartres,  Grenoble,  ClermontetPamiers.  Bien  plus, 
nous  avons  ajpiis  que  parmi  ces  neuf  diocèses  plusieurs  sont  passés 
de  fait  à  la  Liturgie  romaine  :  cependant,  comme  nous  ne  le  savons 
pas  d'une  manière  a^sez  certaine,  nous  nous  abstenons  de  Paftlrmer 
(]).  o,  6  .  » 

Restaient  donc  les  seuls  diocèses  de  Lyon  et  de  Belley,  par  rapport 
auxquels  Mgr  de  Versailles  expose  l'état  de  la  question,  alors  fort 
brûlante,  aujourd'liui,  nous  lespérons,  éteinte  et  assoupie. 

C'est  donc  à  l'unanimité  que  nos  évéques,  imitant  leurs  prédécesseurs 
du  XVl"  et  du  XVI1«  siècle,  et  leurs  collègues  plus  anciens  du 
IX'  siècle,  ont  repris  les  usages  de  l'Eglise  mère  et  maîtresse. 

Mgr  de  Versailles  expose  ensuite  avec  sa  science  et  sou  exactitude 
accoutumées  le  droit  liturgique  et  la  triste  révolution  qui  (Il  pullulor  tant 
de  liturgies  illégitin;es.  IndiicLv  jgUur  ejiismod'  ///«hmcT  per  upcrtis- 
simam  legi^  transgress'wn^m,  l('g>s,  inquam,  a  siiprema  Ecilesix  an- 
toritatc  sancilae.  Citjiis  tar.li  errati,  ex  bona  fide  idcteroquin  exctisaiidi, 
si  causas  exquirere  sineienl  hitjusce  paslorulis  Inslnulionis  l  mites, 
prxcipnam  repeieremus  ex  ea  quœ  tune  lemyoris  passim  per  GalUas 
invaluerat  nequaqtiatn  sana  doctiiua  theologica.  Jam  ad  rjusmodi  at- 
tentatum  qu'xd  sedes  Apo^tolica"!  Dissimulavit,  siluit,  toUruvit  ad 
prœtentia  fere  usqite  lempora.  Ciijus  lam  diuturui  sileiitii  causas  in- 
dagare  pariter  prsctermittimus,  utpole  quas  facile  quisqiie  vestrum, 
rei  ecclesiasticx  in  Giilliii  }iisloriani  remeanJo.  introspicere  poteril 
;p.  il'. 


BIBLIOGRAPHIE.  387 

Le  droit  canonique  miinli'^nl  [as  liturgies  orientales  ;  il  autorisait 
les  liturgies  qui,  au  temps  de  saint  Pie  V,  avaieiit  plus  de  deux  cents  ans 
d'existence,  il  permet  les.propres  des  diocèses  et  des  religieux,  approuvés 
par  la  Sacrée  Congrégation.  11  n'exclut  donc  pis  la  variété,  mais  il 
proscrit  la  variété  qui  n'est  pis  légitiine.  Telle  était  h  variété  d2  ces 
liturgies  particulières  condamnées,  non  quia  vaki/E  et  a  Homana 
diversx,  eed  quia  rephobaT/E  per  sancitam  a  suprenia  Ecclesix  aiic- 
torïlule  legem  (p.  13). 

L'Insirudiou  réfute  aussiies  autres  raisons  ou  les  misérables  arguties 
de  Tauiejr.  Le  qu.ilifioatif  romcin  supposed'autres liturgies  coexis/a'j.'es 
et  PAR  CKLA  MÊME  avouées  et  reconnues!!!  /Yo;<s  étions  en  communion 
acei',  l Eglise  romaine  !  -  Supponil  anonymus,  dari  non  passe culpabilem 
actnm  nlliim,  quinstalim  excommunicalionià  gladiiim  Sedes  Aposlolica 
exerat  (p.  lo,.  Puis  vient  un  argument  de  la  môme  force  tiré  du  déciet 
du  cardinal  Capiara,  d'après  lequel  il  est  enjoint  aux  archevêques  et 
évéques  d'établir  ce  qu'ils  jugeront  dans  leur  sagesse  être  nécessaiie 
ou  utile  à  la  célébration  des  offices  et  à  l'observance  des  rites  el  céré- 
monies. —  Vient  ensuite  celte  affaire  de  Lyon  dont  la  marche  (p.  49- 
23)  a  contrislé  tous  les  bons  prêtres  :  Quid  tum  Lugduuerises  parochi? 
Scriptum  edidere,  non  ad  retractanda  errata,  sed  qno  ea  plane  con- 
firmarunt  et  auxerunt.  etc.  (p.  i23). 

Le  reste  de  l'Instruction  détruit  à  fond  certaines  imputations  de 
l'anonyme  contre  l'administration  diocésaine  de  Versailles  et  condanme 
les  lettres  de  Sophronius. 

Ce  nouvel  écrit  de  Mgr  Mabile  restera  dans  l'histoire  de  la  rénovation 
liturgique  en  France  comme  une  belle  page,  un  admirable  monument 
de  science  et  de  précision  doctrinale.  Nous  n'avons  pas  eu  l'idée  de  le 
juger,  Dieu  nous  en  garde,  nous  avons  voulu  endonnerle  résumée  nos 
lecteurs  et  nous  réjouir  avec  eux. 

Le  pieux  prélat  termine  par  cette  phrase  :  Prœsens  autem  decrelnm 
nostriim  Sedi  Apostolicx  cujus  supremo  jttdicio  episcoporum  judicia 
omnia  de  jure  subjiciuntur,  transnùtli  oplamus  ac  procurabimus. 

H.  Girard. 


CHRONIQUE. 


1.  Livres  mis  a  l'index.  —  Décret  du  15  mai's  186i.  —  Franco 
Mistrali.  —  Vita  di  Gesù,  A  Erneslo  Renan.  Milano,  1863. 

Le  Maudit,  par  l'abbé***.  Paris,  librairie  inlernalionale,  1864. 

La  Parafa  di  Dio  e  i  moderni  Farisei.  Appello  al  Sentimenlo  cri- 
stiano.  Per  Andréa  Moretti,  depulato  al  Parlamento  Italiano.  Ber- 
gamo,  1864. 

Guia  de  los  Casados  o  Hisloria  Natural  de  la  Generacion  ;  Mentor 
domestico  para  las  personas  de  arnbos  secsos.  Por  Don  Federico 
Hûllick.  Nucva-York. 

Auctor  optMis  cul  tiliiliis  :  Il  Clero  Veneto  nelFanno  l^Q'i,  per  un 
Testimonio  di  visla  e  di  fatlo,  Bologna  1862,  Prohib.  decr.  24  û«- 
gusli  1803,  laudubiliter  se  subjecit. 

Auclor  operis  cui  tilulus  :  DelVultima  perseruzione  délia  Chiesa, 
e  délia  fine  del  Mondo,  per  P.  B.  N.  B.  Volumi  sel,  Fossombrone 
1803,  Prohib.  decr.  15  dccembris  I863,lamiabililer  se  subjecit. 

2.  Nous  devons  notre  première  mention  à  une  œuvre  colossale,  qui 
ne  le  c^de  point  à  la  réimpression  des  Bollandtsles,  qui  même  l'em- 
porte encore  par  son  caractère  d'utilité  plus  générale  et  par  les  condi- 
tions exceptionnelles  de  bon  marché  auxquelles  elle  est  offerte  11  ne 
s'agit  de  rien  moins  que  de  la  réimpression  des  Annales  de  Baronius 
et  de  ses  continuateurs.  Et  ce  n'est  p.is  uu  simple  projet,  car  déjà  le 
premier  volume  est  sous  presse  :  il  pourra  être  livré  prochainement 
aux  souscripteurs.  On  a  choisi  le  format  10-4"  à  deux  colonnes.  L'exé- 
cution typographique  est  très-belle,  à  en  juger  d'après  le  spécimen  que 
nous  avons  sous  les  yeux  :  il  faut  espérer  que  la  coriection,  si  impor- 
tante dans  un  ouvrage  de  ce  genre,  sera  l'objet  de  soins  particuliers. 
La  nouvelle  édition  n'aura  pas  seulement  l'avantage  de  rendre  acces- 
sible à  toutes  les  bibliothèques  un  ouvrage  do  cetle  importance  :  outre 
les  critiques  de  Pagi  et  les  notes  de  Mansi,  outre  les  continuations  de 
Rainaldus  et  de  Laderchi,  elle  contiendra  encore  la  Conlintialion  du 
P.  Theiner,  qui  conduit  les  Annales  jusqu'à  votre  époque.  Le  savant 
oratorien  s'est  chargé,  en  outre,  de  revoir  le  texte,  de  coDationnerles 


CHRONIQUE.  38P 

documents,  el  d'ajouter  çà  et  U  de  nouvelles  pièces.  Cette  édition 
effacera  donc  toutes  les  autres,  y  compris  celle  de  Lucques,  si  rare  et 
si  chère,  mnl^iré  ses  défauts  et  ses  lacunes.  Le  prix  du  volume  n'est 
que  de  12  fr.  pour  les  souscripteurs  :  comme  il  doit  y  avoir  environ 
45  voldmes,  cela  porte  à  500  ou  600  fr.  le  prix  total  de  l'ouvrage. 
La  continuation  du  P.  Tlieiner,  si  l'ôditiou  in-folio  de  Rome  avait  été 
achevée,  eut  coûté  seule  près  du  double  do  cette  somme  :  les  trois 
pren)icrs  Nclumes  ne  se  vendent  pas  moins  de  175  fr.  C'est  M.  Louis 
Guérin,  éditeur  à  Bar-k'-Duc,  qui  ose  réaliser  cette  gronde  entre- 
prise. Il  promet  de  donner  un  volume  par  mois.  Le  travail  du  P. 
Theiner  est  prêt  jusqu'à  Pie  VI  inilusivement. 

5.  M.  Guérin  a  déjà  fait  ses  preuves  comme  éditeur.  Il  a  publié 
d'excellents  ouvrages  :  il  a  donné  une  édition  de  Bo.^suct  en  12  vol. 
§r,  in-80  (8i  fi'.)  :  il  réimprime  Bourdaloue  (4  vol.  gr.  in-B"  à  0  fr., 
dont  le  premier  a  paru',  et.  ce  que  nous  approuvons  nioins,  il  publie 
une  traduction  français-e  des  œuvres  complètes  de  saint  Jean  Chry- 
sostôme  et  de  saint  Augustin.  On  connaît  noire  sentiment  sur  les  tra- 
ductions en  général.  L'idée  surtout  de  traduire  en  entier  saint  Augus- 
tin no  nous  semble  pas  très  heureuse.  Des  traductions  de  Pères  de 
l'Église  ne  devraient  être  que  partielles  et  destinées  surtout  aux  gens 
du  monde.  Toutes  nos  sympathies  seraient  acquises  â  la  réimpression 
(les  Dogmata  Iheologica  du  P.  Petau,  si  une  antre  édition  n'avait  été 
annoncée  chez  M.  Vives.  Nous  ne  savons  qui  a  la  priorité,  mais  il  est 
assez  d'ouvrages  utiles  à  réimprimer,  pour  que  les  éditeurs  catho- 
liques ne  marchent  pas  ainsi  sur  les  brisées  les  uns  des  autres.  Quoi 
qu'il  en  soit,  le  Petau  de  M.  Guérin  formera  8  vol.  gr.  in-S^,  dont  le 
prix  est  de  8  fr.  50  c.  pour  les  souscripteurs. 

4.  Le  P.  Gratry  ne  trouve  pas,  comme  quelques  éciivains  de  la 
presse  périodique,  que  l'on  ait  fait  trop  de  réfutations  de  la  Viede  Jésus. 
(I  Toutes  ces  réfutations,  dit-il,  me  paraissent  bonnes  et  opportunes, 
en  ce  sens  qu'il  n'y  a  peut-être  pas  un  seul  de  ces  écrits  qui  ne  fasse 
voir  que  le  livre  est  faux.  Il  est  arrivé  à  Cft  auteur  ce  qui  arrive,  qu'on 
me  peiinelte  colle  comparaison,  à  un  lépidoptère  qui  a  eu  le  malheur 
et  le  tort  de  pniétrer  dans  rinlérieur  d'une  ruche.  Kn  un  instant,  il 
est  cerné,  percé,  roulé,  env^lopfié  de  cire,  et  précipité  au  dehors. 
Toutes  les  abeilles  preiment  part,  avec  une  grande  indignation,  à  celte 
petite  alfaire.  Laquelle  de  ces  abeilles  est  ridicule?  Aucune  assuré- 
ment. Ni  celles  qui  ne  font  pas  frémir  et  agiter  leurs  ailes^  ni  celles 
qui,  comme  moi,  surviennent  quand  l'ennemi  est  dgà  mort.  »  Le  livre 
de  l'éminent  oratorien^  du  reste,  ne  se  rapporte  point  uniquement  à 


•'^90  CHRONIQUE. 

l'incident  littéraire  qui  a  déîerminé  son  apparition.  La  Vie  de  Jésus  se 
rattache  à  un  vnste  uioiivenienl  d'iiicrédiilité  que  le  P.  Gratry  étudie 
dans  son  enemble  et  dans  «es  manifestations  princii3ales.  Un  recueil 
de  textes,  tués  de  MM.  Schérer,  Vachcrot,  Mi;lipletde  Berlin,  Renan, 
met  le  lecteur  en  mesure  de  se  prononcer  par  lui-niê;ne  et  de  juger 
avec  connaissance  de  cause.  [Les  Sophistes  et  la  Critique  ;  8"  de  iv- 
460  pp.  Paris,  LecoftVe  et  Duuniol,  0  fr.) 

5.  Ce  que  vient  de  faire  un  théologien,  un  philosophe  l'a  entrepris 
à  son  point  de  vue.  L'Idée  de  Dieu  et  fes  nouveaux  critiques  (P.iris, 
Hachette;  8°  de  50Bpp.,  7  fr.  50),  tel  est  le  titre  d'un  travail  remar- 
quahle  où  M.  Caro  étudie  la  marche  de  la  philosophie  négative  en 
France  pendant  les  quinze  deriiièr;s  années.  A  propos  de  l'école  cri- 
tique dont  M,  Uenan  s'est  constitué  le  représentant,  il  examine  dans 
un  chapitre  spécial  cette  fameuse  Vie  de  Jésus  qui  a  causé  un  si  grand 
émoi,  précisément  parce  qu'elle  touche  au  problème  le  plus  fondamen- 
tal de  tous,  parce  qu'en  ôlant  au  Christ  s  m  auréole  divine,  on  prétend 
bien  bannir  jusqu'à  l'idée  du  Dieu  personnel  et  vivant  qu'adore  le  genre 
humain.  Voilà  pourquoi  celte  question,  purement  thé^logique  en  appa- 
rence, a  sa  place  dans  le  livre  de  M.  Caro. 

6.  L'édnion  populaire  a,  en  France,  porté  le  dernier  coup  à  la  ré- 
putation de  M.  r\ena;i.  Il  devient  évident  iiour  les  plus  aveugles  qu'il  y 
a  là  une  œuvre  de  spéculation  et  d  '  scandale,  pas  autre  chose.  Mais,  ce 
que  le  monde  savant  et  lettré  a  sifflé  avec  une  si  frappante  unanimité, 
le  peuple,  dans  son  bon  sens,  n'en  voudra  pas  davantage.  Non,  ce  ne 
sont  point  dépareilles  tentatives  qui  ébranleront  d'une  manière  sérieuse 
les  convictions  chrétiennes  encure  si  vivaces  dans  notre  pays,  même 
chez  ceux  qui  ont  le  malheur  de  n'y  être  pas  fidèles  dans  la  pratique. 
Cette  dei'nière  agression  a  été  jugée,  comme  elle  le  mérite,  par  .M.  l'abbé 
Frcppel.  qui  a  joué  un  si  beau  rôle  dans  ccile  polémique.  [Une  Edition 
populuire  de  la  Vie  de  Jésus.  Paris,  V.  Pabné  ;  8°  de  50  pp.,  50  c  )  — 
M.  Lamy,  professeur  à  l'Université  de  Louvain,  en  éditant  pour  la  se- 
conde fois  la  savante  brochure  dont  nous  avons  parlé  déjà,  l'a  également 
enrichie  d'un  nouveau  chapitre  sur  l'édition  populaire  de  la  Vie  de 
Jésus.  {L  Evangile  el  la  Critique.  Examen  de  la  Vie  de  Jésus  de  M. 
Ernest  Renan.  Malines,  Dessain  ;  in -12  de  130  pp.j 

7.  Nuus  recevons  à  l'instant  un  nouveau  livre  du  P.  Matignon  que 
nous  n'avons  pu  parcourir  encore,  mais  que  l'intérêt  dn  sujet  et  le  nom 
de  l'auteur  recommandent  d'avance  à  l'attention  des  théologiens.  Il  est 
intitulé:  La  Liberté  de  l'esprit  humain  dans  la  foi  catholique.  (Paris, 
A.  Le  Clère  ;  iu-8  de  575  pp.,  4  tV.)  Nuus citerons  encore  :  Le  Sur- 


CHRONIQUE.  Soi 

naturel,  principe  général  d'explication  pour  servir  à  l'étude  de&  qve&- 
lions  philosophiques  et  religieuses,  par  M.  l'abbé  Caron.  (Paris,  Tolra 
etHaion;  in-l2  de  viii-150  pp.,  1  fr.) 

8.  Nous  apprrnnns  qu  il  va  |iaraî!rochrz  !\1.A.  Bray  une  traduc'ion 
d'un  iniiioi'lanl  ouvrage,  sur  les  missions  :  Christian  iVissions,  Iheir 
agents,  iheir  method  und  iheir  results.  Dy  T.W.  l\l .  Marshall  (Londoii, 
i8G2;  3  vol.  111-8".)  Celte  traduction  a  été  revue  par  l'auleur  lui-même. 
—  M.  l'altbé  Dehaisnes,  déjà  bien  connu  des  lecteurs  de  la  Revue,  a 
traité,  dans  la  Vie  du  P.  Nicolas  Trigavlt,  un  chapitre  fort  intéressant 
de  cette  nifnie  histoire  des  missions.  (Tournai,  Casierman  ;  Paris, 
Lelhielleux  ;  in-12  de  xxxix-312  pp.,  avec  portrait  et  fac-similé. 
1  fr.  75  c.)  L'ouviage  s'ouvre  par  une  introduction  sur  les  missions  de 
Chine,  et  se  termine  pr,r  un  appendice  qui  renferme  plusieurs  lettres 
inédiles  du  c»''lèbre  missionnaire. 

9.  Introduction  aux  Cérémonies  romaines,  ou  Notions  sur  le  ma- 
tériel, le  personnel  et  les  actions  lilurgiijurs,  le  chant,  la  musique  et 
la  sonnerie,  par  A.  Bourbon,  chanoine  et  maître  des  cérémonies  de 
la  cathédrale  de  Lucon.  (l-iiçon,  P.iiJeaux,  186i  ;  Paris,  Bray,  in-S", 
573  pp.)  Le  savant  et  laborieux  anli  nr  de  ce  livre,  «  épuisé  par  des 
«  travaux  excessifs  sur  l'Ecriture  sainte  et  la  liturgie,  n  succombé  le 
«  28  juillet  1803,  à  l'âge  de  45  ans,  avant  que  l'impression  en  fût 
«  terminée.  »  {Préface.)  C'est  une  perte  pour  la  science  et  pour  l'É- 
glise. L'ouvrage  a  pour  but  de  nous  faire  connaître  un  grand  nombre 
de  principes  dont  l'ignorance,  malheureusement  trop  répandue  parmi 
nous,  est  la  causse  d'une  multitude  de  fautes  liturgiques  qui  se  glissent 
involontairement  dans  les  églises  mémos  où  l'on  apporte  la  plus  minu- 
tieuse attention  à  I  observance  régulière  des  rites  sacrés.  Une  plume 
compétente  donnera  bientôt  dans  la  Revue  un  comptr-rendu  détaillé  de 
ce  livre  important.  On  signalera  ceitaines  que.-^tions  sur  lesquelles  l'au- 
teur, si  remarquable  par  sa  science  liturgique,  eût  pu  s'étendre  davan- 
tage. Il  l'aurait  fait,  si  Dieu  lui  eût  piété  de  plus  longs  jours;  peut- 
élie  aussi  eût  il  modillé  son  seiitinient  sur  qiiclques  points  particuliers 
qui  seront  signalés  et  soigneusement  discutés. 

10.  Le  P».  P.  Levavasseur  vient  de  donner  une  seconde  édition  de 
son  Cérémonial  à  l'uyaye  des  petites  églises  de  paroisse,  selon  le  rit 
romain.  (Paris,  Lecoflre,  in-12  de  340  pp  )  L'auleur  y  a  fait  de  no- 
tables et  importantes  addiiions.  11  a  retouché  et  complété  le  thapiire 
relatif  aux  messes  de  Requiem,  et  a  ajouté  un  autre  chapitre  sur  les 
fêtes  dont  la  solennité  est  transféiée  à  un  dimanche.  On  y  trouve  aussi 
une  dernière  partie  sur  l'administration  des  sacrements. 


$9i  CdROMOUE. 

<  I .  Le  second  volume  du  Dreviarhim  phihsophix  scolastieœ,  de 
M.  Grandclauiie,  amainlenant  paru,  de  sorte  que  l'ouvi^geest  achevé. 
Nous  lui  consacrerons  iirocliainement  un  article  spécial.  On  peut  se  le 
procurera  Paris  chez  MM  Gaume,  fières  et  Dupiey,  ou  chez  iM.  Péla- 
puii. 

i"2.  Un  fameux  discours,  prononcé  au  congrès  de  iMalines,  a  ranimé 
parmi  les  catholiques  de  n  grctlables  débat-.  Les  explications  échan- 
gées entre  le  Con espondant  cih  Cmltà  ioui  espérer  pourj'avenir  une 
entente  plus  parfaite  f-ur  ces  questions;  s'il  en  était  ainsi,  nous  n'aurions 
pas  trop  à  regretter  l'incident  qui  aurait  amené  un  résultat  si  dés-irable. 
Ou  connaît  les  deux  lettres  toutes  récentes  de  S.  E.  le  Cardinal-Arche- 
vêque de  iMalines  à  i\L  Dechamps.  Elles  viennent  d'être  réunies  en 
une  brochure,  sous  ce  titre  ;  La  Constiluiioii  belge  et  l'Encyclique  de 
Grégoire  A'V/.  (Màlines,  Van  Velsen,  ou  Bruxelles,  Goemare  ;  8" 
de  59  pp.)  Tout  le  monde  pourra  ainsi  les  relire  et  les  conserver.  On 
nous  permettra  d'mdiquer  aussi  à  ceux  de  nos  lecteurs  qui  veulent 
suivre  c»!S  questions,  la  bs'lle  et  courageuse  brochure  de  iM.  1^  comte 
Edgar  du  Val  de  Beaulieu  :  L'Erreur  libre  dans  l'Etat  libre,  et  l'E- 
glise opprimée  dans  l'Elat  libéral .  Obseivahons  à  fropos  du  Discours 
de  M.  le  comle  de  Montalemberl.  (Bruxelles,  Adriacns,  1863;  8°  de 
64  pp.) 

15.  Bien  que  la  Revue  des  Sciences  ecclésiastiques  n'ait  pas  à 
s'occuper  d'ouvrages  purement  iiitéraires,  nous  pouvons  consacrer 
une  mention  à  des  livres  qui.  par  un  côté  du  moins,  touchent  à  noire 
spécialité.  C'est  à  ce  titre  que  nous  rtcommandons  ÏHintoire  de  la 
Littérature  française  au  XV II"  siècle,  par  M.  l'abbé  Follioley.  (Paris, 
E.  Belin,  t.  i  ;  in-12  de  1X-56G  pp.,  5  fr.  L'ouvrage  aura  îl  volumes.) 
On  y  trouve  une  excellente  étude  sur  Port-Royal,  ses  écrivains  et 
leurs  productions  ;  ur.e  autre  sur  Pascal,  les  Provinciales  et  les  Pen- 
sées. 

14.  Nos  lecteurs  savent  tous  qu'un  bref  pontifical  est  venu  trancher 
la  question  lyonnaise.  Nous  cs;iérons  pouvoir  donner  dans  le  N°  pro- 
chain le  texte  de  ce  bref.  Des  circonstances  iiidépendantes  de  notre 
volonté  nous  forcent  à  en  suspendre,  quant  à  présent,  ia  publication. 

E.  Mautcœur. 


Ariûs.  — Typ.  Rcuâseau-Leroy,  rue  Saiat- Maurice,  î6. 


I 


DU  DHOIT  COUTUMIER  DANS  L'EGLISE. 


Premier  article. 


§1 


1 .  L'Église,  société  universelle  qui  doit  embrasser  tous 
les  peuples  et  toutes  les  générations,  présente  a  la  fois  le 
spectacle  de  l'unité  'a  plus  ^orte ,  la  plus  absolue,  la  plus 
compacte  que  puisse  offrir  une  société,  et  en  même  temps 
celui  de  la  plus  prodigieuse  variété.  Aussi,  a  cause  de  son 
unité ,  est-elle  appelée  dans  les  saintes  Écritures  corims 
Christi,  anum  ovile,  etc.  :  et  i'apôtre  saint  Pau'  déclare  fré- 
quemment dans  ses  épîtres,  que  les  ûdèles  doivent  consti- 
tuer un  seul  corps  (1)  ^  enfin  le  divin  Sauveur  lui-même, 
pour  consolider  à  jamaib  cette  unité  intérieure  et  extérieure 
et  en  exprimer  la  vraie  nature,  adresse  a  son  Père  cette 
prière  :  Serva  eoa  in  nomine  meo^  quos  dedisti  mihi,  ut  sint 
UNUM,  sicut  et  nos.  Il  s'agit  donc  de  l'unité  la  plus  parfaite, 
la  plus  indissoluble,  en  un  mot,  de  celle  donl  le  type  est 
l'essence  une  des  trois  Personnes  de  l'adorable  Trinité. 

Dautre  part,  cette  même  Église,  en  tant  que  catholique 
ou  bercail  universel  destiné  par  le  divin  Pasteur  h  embras- 

(1)  Rom.  xil,  4  et  Ô.  1  Cor.  x,  17  ;  xil,  13,  14,  etc. 

Revue  des  Sciences  ecclés.,  t.  ix.—  mai  1864,  20 


394  DU  DROIT  COUTUMIER 

ser  tout  le  genre  humain,  doit  aussi  offrir  dans  ses  membres 
la  plus  prodigieuse  variété  5  il  résulte  de  sa  loi  même  de 
diffusion  qu'elle  ne  peut  tendre  a  détruire  la  diversité  natu- 
relle et  inévitable  qui  existe  entre  ses  enfants.  L'unité  de 
l'Église  ne  peut  évidemment  être  incompatible  avec  la  dif- 
férence de  temps,  de  mœurs,  de  climats,  d'institutions 
politiques,  etc.  Il  ne  s'agit  pas,  en  effet,  d'une  unité  qui 
violente  et  détruit  l'ordre  naturel  des  choses,  mais  de  cette 
unité  qui  harmonise  et  rassemble,  en  vue  d'une  fin  com- 
mune, les  éléments  les  plus  divers. 

Nous  voyons  donc  que  la  société  chrétienne  réunit  à  un 
degré  éminent  tous  les  caractères  de  la  beauté  :  l'unité  dans 
la  variété.  Et  la  constitution  positive  de  cette  société  éta- 
blit admirablement  cette  loi  d'harmonie  parfaite  dans  la 
plus  grande  variété. 

Le  divin  Sauveur,  en  donnant  a  l'Église,  qui  doit  perpé- 
tuer ici-bas  l'œuvre  de  l'Incarnation,  la  forme  monarchique 
avec  le  privilège  si  sublime  de  l'infaillibilité  dans  le  chef 
visible,  a  pourvu  a  la  conservation  de  l'unité  j  et  d'autre 
part,  en  conférant  aux  évéques  dispersés  dans  le  monde  un 
véritable  pouvoir  législatif,  bien  que  subordonné,  il  a  pourvu 
aux  exigences  de  la  diversité  :  ce  pouvoir  étant  subordonné 
ne  peut  rompre  ou  affaiblir  le  lien  d'unité.  Et  toutefois 
chaque  diocèse,  régi  par  son  évêque,  qui  pour  son  troupeau 
reflète  spécialement  la  personne  adorable  de  Jésus-Christ, 
constitue  comme  une  société  complète  dans  son  genre. 

On  voit  donc  que  l'Église  universelle,  considérée  quant 
à  la  forme  intérieure  de  son  gouvernement,  peut  être  en- 
visagée comme  un  système  général  résultant  de  l'harmonie 
de  plusieurs  systèmes  subordonnés,  que  constituent  les 
diocèses.  Chaque  système  administratif  particulier  gravite 
autour  de  l'évêque,  qui  en  est  le  centre  et  le  moteur  -,  et  le 
Pontife  suprême  ou  l'évêque  de  Rome  est  le  centre  du  sys- 
tème général,  en  sorte  que  chaque  diocèse  ne  peut  appar- 


DANS  l'église.  3ô5 

tenir  véritablement  à  l'Église,  qu'autant  qu'il  se  meut 
autour  de  ce  centre  universel.  Toute  séparation,  tout 
schisme  avec  le  Souverain-Pontife  brise  la  loi  divine  d'har- 
monie, et  projette  loin  du  principe  d'activité  et  de  cohésion 
l'élément  séparé,  qui  alors  doit  périr  dans  l'isolement  et  le 
vide. 

Le  Pontife  romain,  lieutenant  de  Jésus-Christ,  est  donc 
le  centre  universel  autour  duquel  gravite  toute  l'Église,  et 
l'évêque  est  a  son  tour  un  centre  particulier,  principe  de 
mouvement  et  de  vie  sociale  dans  une  église  particulière. 
La  primauté  tend  par  son  action  au  maintien  de  l'unité,  et 
l'évêque,  en  contact  immédiat  avec  les  peuples,  doit  adap- 
ter les  moyens  particuliers  aux  besoins  réels  et  variés  des 
enfants  de  la  grande  famille  chrétienne.  Jésus-Christ,  dans 
la  constitution  de  son  Église,  a  par  conséquent  organisé  le 
pouvoir  de  manière  à  conserver  indissolublement  l'unité, 
et  a  pourvoir  à  tous  les  besoins  qui  naissent  de  la  diversité. 

2.  Toutefois,  il  est  bien  évident  que  le  pouvoir  législatif, 
malgré  cette  admirable  organisation,  ne  pourra  pas  toujours 
et  dans  toutes  les  circonstances,  si  on  le  considère  in  con- 
creto,  déterminer  d'une  manière  absolue,  parmi  les  moyens 
indifférents,  celui  qui,  dans  telles  conditions  particulières, 
aurait  le  plus  d'opportunité  et  serait  le  plus  efficace  \  il  est 
donc  absolument  possible  que  le  sujet  du  pouvoir  législatif 
à  un  degré  quelconque,  puisse  parfois  négliger  certains 
moyens  accessoires  plus  efficaces  ou  mieux  proportionnés 
aux  forces  morales  de  cette  personne  juridique  qu'on  nomme 
la  société.  Il  pourra  donc  arriver  que  le  choix  et  la  déter- 
mination exclusive  d'un  moyen  soit  le  résultat  de  la  force 
naturelle  des  choses  []),  et  d'une  sorte  d'instinct  social  de 
la  multitude  :  de  là  un  usage,  une  coutume  de  fait,  qui 
peut  devenir  loi.  La  source  primordiale  ou  éloignée  du  droit 

(1)  Taparelli,  Droit  naf.,  1.  v,  ch.  v. 


396  DU  DROIT  COUTUMIER 

coutumier  se  Irouve  principalement  dans  les  circonstances 
particulières  de  temps,  de  lieu,  de  mœurs,  d'institutions 
politiques,  etc.  ;  ces  circonstancoo  jjeuvent  déterminer  une 
tendance  régulière  et  uniforme  vers  la  un  sociale.  En  effet, 
la  diversité  naturelle  qui  existe  entre  les  enfants  de  la 
grande  famille  chrétienne,  tend  inévitablement  et  par  sa 
nature  même  k  produire  une  certaine  variété,  jusque  dans 
le  choix  de  certains  moyens  accidentels  de  parvenir  à  la 
fin  commune  :  et  le  fait  prouve  surabondamment  cette  ten- 
dance à  introduire  des  coutumes  plus  ou  moins  en  dehors 
de  la  loi  positive. 

Plus  une  société  est  complexe,  plus  ses  éléments  sont 
nombreux  et  divers,  plus  il  sera  difficile  au  législateur  de 
déterminer  toujours,  avec  une  parfaite  opportunité,  tous  les 
moyens  particuliers  de  procurer  aux  individus  la  plus 
grande  participation  possible  au  oien  commun.  Il  est  donc 
indubitable  que  parfois,  dans  les  grandes  sociétés,  le  fait 
devancera  la  prévoyance  da  législateur  et  viendra,  avant 
toute  prescription  positive,  déterminer  de  nouveaux  moyens; 
il  pourra  même  montrer  que  les  lois  anciennes  sont,  en 
vertu  des  circonstances,  devenues  ou  contraires  au  bien 
commun,  ou  supérieures  aux  forces  morales  de  la  société. 
L'expérience  démontre  cela  fréquemment  dans  toutes  les 
sociétés,  et  l'étude  des  origines  historiques  du  droit,  soit 
civil,  soit  ecclésiastique,  nous  fait  assez  connaître  que  plus 
d'une  fois  des  coutumes  sont  ensuite  devenues  lois  posi- 
tives. 

Or,  l'Église  étant  la  société  la  plus  vaste,  la  plus  com- 
plexe, la  plus  variée  dans  sa  partie  matérielle,  il  doit  résul- 
ter de  la  que  le  droit  coutumier  de  temps  à  autre  trouvera 
place  dans  l'ensemble  des  lois  qui  constituent  la  discipline 
ecclésiastique.  Bien  que  l'assistance  spéciale  de  l'Esprit- 
Sainl  confère  au  pouvoir  législatif  dans  l'Église  un  caractère 
spécial  de  prévoyance  et  un   tact  surnaturel  des  grands 


DANS  l'église.  397 

besoins  sociaux,  bien  que  le  législateur  suprême  soit  infail- 
lible^ dans  tout  ce  qui  est  de  la  discipline  générale,  il  est 
vrai  néanmoins  que,  pour  ce  qui  est  accidentel  ou  ac- 
cessoire, l'Église  n'est  point  soustraite  entièrement  aux 
lois  ordinaires  des  sociétés  complexes.  Il  peut  donc  arriver 
que  des  usages,  douée  de  cette  rectitude  intrinsèque  qui 
est  un  des  caractères  de  la  loi,  deviennent  généraux  ou  des 
coutumes  de  droit. 

Nous  n'entendons  nullement,  bien  entendu,  déclarer  ici 
que  le  titre  d'autorité  de  la  coutume  soit  sa  rectitude,  sa 
convenance  et  son  opportunité.  Nous  indiquerons,  en  son 
lieu,  en  quoi  consiste  ce  titre.  Nous  ferons  cependant  re- 
marquer tout  d'abord  que,  dans  cette  question  si  délicate, 
il  importe  souverainement  d'éviter  deux  excès  opposés  : 
l'un,  plus  spéculatif  que  pratique,  consiste  a  nier  la  réalité 
de  tout  droit  coutumier  véritable  dans  l'Église,  c'est-a-dire, 
à  n'admettre  que  le  seul  droit  écrit.  L'enseignement  uni- 
versel des  canonisles  et  des  théologiens  est  suffisamment 
connu  et  explicite  sur  ce  point  pouV  qu'il  n'y  ait  pas  lieu 
d'y  'nsister.  Au  surplus,  en  déterminant  la  nature  et  les 
conditions  des  coutumes  légitimes,  nous  montrerons  que 
cettn  théorie  ne  serait  pas  sans  inconvénients  ^  elle  tendrait 
en  effet  d'abord  a  détruire  toutes  les  coutumes  de  droit, 
et  aurait  ensuite  pour  résultat,  sinon  de  scandaliser,  du 
moins  d'étonner  les  fidèles,  de  venir  troubler  inutilement 
une  situatior  œgulière,et  de  produire,  par  des  changements 
intempestifs  et  sans  nécessité,  un'>  fâcheuse  perturbation 
dans  les  âmes  simples.  Et  je  ne  parle  pas  même  de  l'at- 
taque formelle  et  directe  contre  la  loi,  si  la  coutume  est 
légitime. 

L'autre  écueil,  plus  pratique  et  plus  pernicieux,  consiste 
a  légitimer  toutes  les  coutumes  de  fait,  jusqu'à  celles  qui 
sont  contraires,  non-seulement  a  certaines  prescriptions 
canoniques,  mais  encore  à  toute  l'économie  du  droit,  mên^e 


898  DU  DROIT  COUTtMIER 

à  l'exercice  du  pouvoir  législatif  dans  l'Église,  c'est-a-dire, 
celles  qui  sont  irrationnelles,  abusives,  corruptelœ  juris. 
Toute  coutume  de  fait,  c'est-a-dire,  selon  la  définition  de 
saint  Thomas  et  de  Suarez  (1),  omnis  frequentia  actuum 
humanorum  similium  tempore  continuata,  deviendrait  ipso 
facto  coutume  de  droit. 

Et  c'est  ce  point  surtout  qui  sera  le  côté  pratique  de 
notre  étude,  et  lui  donnera  un  caractère  spécial  d'utilité. 
Nous  nous  proposons  en  effet,  non-seulement  de  détermi- 
ner le  plus  nettement  qu'il  nous  sera  possible  les  véritables 
conditions  delà  coutume  légitime,  mais  encore  d'examiner 
les  obligations  de  conscience  des  pasteurs  par  rapport  aux 
coutumes  de  fait. 

Les  âmes  droites,  qui  cherchent  avant  tout  le  royaume 
de  Dieu  et  sa  justice,  les  consciences  délicates  et  timorées 
qui  se  préoccupent  uniquement  de  conformer  toute  leur 
conduite  a  la  volonté  de  Jésus-Christ,  se  trouvent  souvent 
dans  une  étrange  perplexité  sur  ce  point.  Que  résoudre  en 
effet,  lorsqu'on  se  trouve  d'un  côté  en  présence  d'un  usage 
invétéré,  auquel  on  ne  peut  porter  atteinte  sans  incon- 
vénients, et  de  l'autre,  d'une  loi  positive  de  l'Eglise,  organe 
de  Jésus-Christ,  prescrivant  ce  qui  est  positivement  con- 
traire a  cet  usage  ?  Nous  tâcherons  donc,  pour  préciser  la 
nature  des  obligations  de  conscience,  d'étendre  notre 
examen,  non-seulement  aux  coutumes  qui  sont  certainement 
légitimes,  mais  encore  à  celles  dont  la  légitimité  est  dou- 
teuse, et  même  à  celles  qui  sont  irrationnelles,  abusives, 
corruptelœ  juris  a  divers  degrés.  En  rappelant  les  principes 
les  plus  rigoureux  et  l'enseignement  des  canonistes  les  plus 
autorisés  dans  l'Église,  nous  dirons  aussi  quelques  mots 
des  règles  de  prudence,  des  tempéraments  a  apporter  dans 
ces  matières,  règles  qui  peuvent  également  servir  de  prin- 
cipes directifs  au  for  de  la  conscience. 

(Ij  De  Leg..,  lib.  v,  c.  1,  n.  4, 


DANS  l'église.  399 

3.  Tous  les  membres  du  clergé  ont  gardé  souvenir  d'un 
certain  mémoire  sur  les  coutumes  des  églises  de  France 
dans  leurs  rapports  avec  le  Saint-Siège,  mémoire  «  ensei- 
gnant d'un  bout  a  l'autre  que  le  Souverain-Pontife  peut 
abuser  de  son  pouvoir^  et  par  suite,  quand,  comment  et 
pourquoi  on  peut  légitimement  lui  désobéir  et  lui  résis- 
ter (1).  »  Cette  publication  assez  récente  (1852)  de  quelques 
gallicans  attardés,  «  renfermant  un  germe  pervers  de  pres- 
bytérianisme, d'usurpation  de  pouvoir  et  de  provocation  à 
l'insubordination,  à  la  méfiance,  même  à  la  désobéissance 
ouverte  (2),  »  montre  assez  combien  une  étude  approfondie 
de  la  coutume  pourrait  être  utile  et  opportune.  Il  ne  suffit 
pas,  en  effets  que  la  volonté  soit  prémunie  contre  toute  ten- 
dance funeste  ;  il  est  de  plus  nécessaire  que  l'intelligence 
soit  à  même  de  porter  un  jugement  éclairé  sur  les  erreurs 
les  mieux  dissimulées. 

Ceux-là  surtout  qui  sont  chargés  de  la  conduite  des  âmes 
doivent  d'abord  mettre  leur  conduite  en  harmonie  avec 
leurs  convictions  intimes,  et  ensuite  rendre  ces  convictions 
conformes  à  la  vérité,  à  la  saine  doctrine.  La  première 
condition  suffit  a  la  rectitude  de  la  volonté,  et  la  seconde 
est  requise  a  la  rectitude  de  l'intelligence.  Or,  le  mal  peut 
surgir  de  tout  manque  de  rectitude  sous  le  deuxième  rap- 
port non  moins  que  sous  le  premier.  Dieu  exige  des  minis- 
tres de  son  Église,  non-seulement  une  volonté  droite, 
mais  encore  une  doctrine  pure,  c'est-a-dire  les  lumières  de 
l'intelligence  dans  les  choses  de  la  foi  et  de  la  discipline. 

Voila  pourquoi  nous  avons  pensé  qu'il  serait  utile  de  rap- 
peler les  enseignements  du  droit  canonique  sur  cette  ma- 
tière -,  on  sait  en  effet  que  c'est  au  nom  d'un  prétendu  droit 
coutumier  que  les  auteurs  du  Mémoire  voulaient  porter 


(1)  Lettre  cire,  de  Mgr  l'Èvêqtte  de  Uontauban. 

(2)  Même  L'ttre  cire. 


400  DU  DROIT  COUTLMIER 

atteinteau  droit  véritable  eta  l'autorité  même  du  législateur. 
Il  s'agissait  dore  de  faire  des  coutumes,  ou  plutôt  des 
usages  particuliers,  la  règle  suprême  qui  pourrait  être  in- 
voquée même  contre  les  déclarations  les  plus  formelles  du 
Souverain-Pontife  (1).  Faire  de  l'Église  de  France  une 
église  indépendante  ne  relevan)  plus,  pour  ainsi  dire,  que 
d'elle-même,  soustraire  les  administrations  diocésaines  à 
toutes  les  constitutions  disciplinaires  de  la  Cour  de  ilome, 
et,  par  voiede  conséquence  logique,  rendre  l'administration 
paroissiale  plus,  ou  moins  indépendante  de  toutes  les  or- 
donnances épiscopales,  voila  le  système  dont  voulaient  nous 
gratifier  les  auteurs  du  libelle  en  question.  Aussi  Mgr  l'Évê- 
quede  Montauban,  dans  sa  lettre  circulaire  du  imars  1853, 
signale-t-il,  en  le  flétrissant,  avec  énergie,  les  germes  de 
presbytérianisme  renfermés  dans  cet  écrit. 

Le  Concile  provincial  d'Amiens  (Janvier  1833)  fut  le 
premier  3  réprimer  cette  tentative  pernicieuse,  e(  'e  Saint- 
Père,  dans  son  encyclique  du  21  mars  1853,  condamna  le 
mémoire,  en  ces  termes  :  Hic  autein  haud  possumits  quin 
Vobis  exprimamus  summum  dolorem  quo  affecl''  fuùnus,  ubi, 
inter  alla  improba  scripta  istic  vulguta  nuper  ad  nos  pervenil 
libellus  gallica  lingua  exaratus,..  et  inscriptus  :  Sur  la  Situa- 
tion présente  de  l'Église  Gallicane  relativement  au  droit 
coutumier,  cujus  auctor  Us  plane  adversatur,qîiœ  vobis  tante- 
perç  commendamus,  atque  Mculcamus.  Quem  tibellum  nostrœ 
Indicis  Congregationi  reprobandum  et  damnandum  commi" 
siinus. 

Mais  afin  de  montrer  plus  complètement  le  vice  de  toutes 
ces  théories  erronées,  et  de  donner  une  notion  plus  pré- 
cise, plus  complète  et  plus  approfondie  du  droit  coutumier, 
il  importe  de  remonter  d'abord  au  concept  primordial  du 
droit.  Cette  notion  répandra  la  plus  vive  lumière  sur  toute 

(1)  Conc.  prov.  d'Amiens,  c.  v,  1. 


DANS    l'église.  /iOl 

notre  exposition,  et  sera  comme  le  principe  général  d'oii 
nous  tirerons  toutes  nos  conclusions.  Ce  poini  une  fois 
nettement  déterminé,  il  sera  en  effet  très-facile  d'^  signaler 
la  différence  entre  les  coutumes  de  fait,  les  usages  plus  ou 
moins  défectueux  et  les  coutumes  de  droit-  ensuite,  il 
nous  sera  également  facile  d'indiquer  tous  les  caractères 
essentiels  de  la  coutume,  ou  de  définir  de  la  manière 
la  plus  spéciale  le  droit  coutumier  proprement  dit. 


S  II. 


1 .  Comme  le  langage  est  l'expression  sensible  des  idées, 
et  que,  d'autre  part,  les  idées  sont  l'expression  mentale  des 
choses,  il  arrive  très-souvent  que  par  la  seule  étude  des 
étymologies,  nous  sommes  conduits  à  la  connaissance  des 
principes  des  choses  exprimées. 

Nous  allons  donc  commencer  ici  par  étudier  ]?  loi  de 
dérivation  du  mot,  afin  d'y  puiser  quelque  lumière  sur  la 
source  de  la  chose  elle-même.  Or,  l'expression  latine  jus 
(droit)  vient,  selon  la  plupart  des  jurisconsultes  romains, 
du  mot  jusmm^  ordre  ou  commandement:  Jus  ujussu  seu 
jnbendo.  El  Aristote,  ''echerchant  quelle  est  la  source  ra- 
tionnelle du  droit,  lui  avai^  aussi  assigné  pour  cause  l'ordre 
ou  le  commandement  positif.  Ainsi,  en  rapprochant  de 
l'explication  donnée  pai  Aristote  cette  première  étymologie 
latine,  il  résulterait  que  la  dérivation  matérielle  du  mot 
révèle  la  source  véritable  ou  le  principe  ontologique  de  la 
chose  elle  même.  A  ce  point  de  vue,  le  droit,  qui  est  pris 
dans  le  sens  objectif,  c'est-a-dire  en  lui-même  e(  abstrac- 
tion faite  du  suje'  qui  l'exerce,  signifierait  rigoureusement 
et  directement  ce  qui  esl  ordonné  ou  la  loi  :  Jus  est  id  qiiod 
jussîim  est  (1).  Et  cette  définition  est  communément  admise 
parmi  les  juristes  anciens  et  modernes  (2) . 

(l)  Suarez.  (2)  RogroQ. 


402  DU  DROIT  COUTDMIER 

C'est  de  ce  concept  du  droit  que  découle  le  principe  : 
Jubetur,  ergo  jusest:  le  droit  découle  de  la  loi  ou  du  com- 
mandement. 

Selon  saint  Isidore  de  Séville,  cité  dans  le  décret  de 
Gratien  (1),  le  mot  fus  viendrait  par  syncope  du  mot  juste, 
jus  a  justo,  ou  selon  L'ipien  (2) ,  il  dériverait  du  mot  justice, 
jusa  ;Ms^î7m. Ces  deux  étymoiogies  ne  diffèrent  qu'en  ce  que 
celle  d'Ulpien  est  moins  directe  et  moins  immédiate  que 
celle  de  saint  Isidore,  tant  au  point  de  vue  de  la  connexion 
matérielle  des  termes,  qu'à  celui  de  la  relation  des  choses 
exprimées.  Jus,  en  effet,  quant  a  la  dénomination,  peut 
dériver  immédiatement  de  juste,  comm^  juste  vient  immé- 
diatement de  justice  ;3) -,  ensuite,  au  point  de  vue  ontolo- 
gique, le  droit,  en  tant  que  pris  matériellement  et  pour  ce 
qui  est  juste  et  équitable,  constituant,  comme  le  démontre 
saint  Thomas  ^4),  l'objet  de  la  vertu  de  justice,  dérive  par 
conséquent  de  cette  vertu. 

D'après  cette  relation  des  termes  et  de  la  chose  signifiée, 
on  voit  que  la  vertu  de  justice  peut  être  considérée,  selon 
que  le  dit  Suarez  5;,  comme  cause  efficiente  du  droit,  car 
toute  vertu  morale  fait  et  constitue  son  objet  -,  mais  le  droit 
considéré  comme  objet  de  la  justice,  est  a  son  tour  cause 
finale  ou  formelle  de  cette  vertu. 

Entre  cette  deuxième  dérivation  étymologique  et  ration- 
nelle et  la  première,  il  y  a  cette  différence  que  celle  de 
saint  Isidore  et  d'Ulpien  pénètre  plus  profondément  dans 
la  véritable  raison  du  droit  :  le  droit  dans  le  sens  objectif 
à  la  vérité  est  la  loi,  mais  la  loi  en  tant  qu'elle  sera  ce  qui 
est  juste,  et  non  un  simple  commandement  arbitraire.  Et 


(1)  Dist.  I,  can.  11. 

(2)  L.  I  ff.  <ie  Just.  et  Jur. 

(3)  Suarez,  de  Leg.,  lib.  i,  c.  1,  n.  2. 

(4)  2»  2*,  q.  57,  a.  1. 

(5)  De  Legibus,  lib,  1,  c.  2,  n.  2.  -, 


DANS  l'église.  403 

ainsi  on  peut  légitimement  renverser  l'antique  adage  des 
juristes  païens  ;  et,  considérant  le  droit  comme  le  genre,  et 
la  loi  comme  l'espèce  de  ce  genre,  dire  :  jus  est,  ergo  juberi 
potest:  la  loi  découle  du  droit  et  en  est  la  mesure  (1). 

Toutefois  il  importe  d'ajouter  que  beaucoup  de  philoso- 
phes et  de  jurisconsultes  font  de  jus  un  terme  primitif,  qui 
serait  la  racine  même  de  juste  et  de  justice  (2).  Bien  que 
l'ordre  de  dérivation,  quant  a  la  causalité,  puisse  être  très- 
différent  de  celui  qui  regarde  la  dénomination  (3),  ces 
deux  ordres  néanmoins,  ainsi  que  nous  le  faisions  ob- 
server en  commençant,  peuvent  aussi  concorder  ou  être 
identiques.  Mais  s'il  en  est  ainsi,  d'après  cette  dernière 
opinion,  ce  ne  serait  pas  dans  le  concept  de  juste  et  de 
justice  qu'il  faudrait  rechercher  la  raison  vraiment  fonda- 
mentale du  droit,  mais  dans  un  principe  antérieur  et  su- 
périeur, qui  serait  la  raison  même  du  juste  ou  de  l'équité. 

2.  En  étudiant  non  plus  exclusivement  d'après  l'ordre 
grammatical,  mais  d'une  manière  directe  la  dérivation  ra- 
tionnelle du  droit,  afin  d'en  assigner  la  source  vraiment  pri- 
mordiale, on  peut  examiner  cette  question  de  l'origine  a  un 
double  point  de  vue  :  d'abord  au  point  de  vue  psychologique, 
ce  qui  revient  à  chercher  comment  se  produit  en  nous,  ou 
dans  le  sens  moral,  la  première  idée  du  droit  ou  de  l'é- 
quité -,  ensuite  au  point  de  vue  ontologique,  en  remontant 
au  premier  fondement  objectif  du  droit.  Ces  deux  questions, 
bien  que  distinctes  en  elles-mêmes,  sont  intimement  liées, 
et  la  solution  de  l'une  conduit  naturellement  a  la  solution 
de  l'autre.  Or,  les  étymologies,  qui  par  leur  nature  tendent 
à  révéler  l'ordre  psychologique,  indiquent  déjà  plus  ou 
moins  directement  de  quelle  manière  se  produit  en  nous 
la  première  idée  du  droit  ;  et  d'autre  part  l'examen  de  ce 

(1)  s.  Isidor.  de  Orig.,  lib.  v,  c.  3  ;  S.  Thom.  2^  2%  q.  57,  art.  1. 

(2)  Schmalzgrûber,  Dissert,  proœm. 

(3)  Suarez,  de  Leg.,  lib,  i,  c.  2,  n.  2. 


404  DU  DROIT  COL'ICMIER 

qui  fait  naître  en  nous  cette  première  idée,  nous  conduira 
au  premier  fondement  de  la  chose  elle-même.  Dans  ce 
procédé  d'investigation,  on  remonte  du  terme  à  l'idée  expri- 
mée, et  de  l'idée  a  la  chose. 

Si  donc  nous  considérons  encore  la  source  du  mot  droit 
(dritto,  drecho,  right,  etc.),  lel  qu'il  se  trouve  danslalangue 
française  et  dans  la  plupart  des  langues  modernes,  nous 
voyons  que  ce  terme  dérive  du  mot  latin  dirigere  (1)  ;  sa 
signification  primordiale  indique  conséquemment  direction, 
ordination.  D'après  cette  élymologie,  qui  est  conforme  aux 
deux  précédentes,  le  droit  consisterai-  dans  une  direction 
vers  un  but  assigné  ;  or,  toute  direction  morale  est  nécessai- 
rement subordonnée  a  la  tendance  des  êtres  vers  leur  fin 
essentielle  -,  l'idée  de  droit  résultera  ainsi  de  la  con- 
naissance de  l'ordre  primordial  des  choses  vers  leur  fin 
essentielle  2\  Aussitôt  que  l'intelligence  perçoit  cette 
ordination  des  êtres  vers  leui  an  essentielle,  le  sens»  moral 
est  averti  que  Tordre  droit  des  opérations  vers  cette  fin 
ne  peut  être  troublé  ou  entravé  \  il  sent  que  iout  obstacle 
à  cette  direction  dco  actes  tend  a  détruire  la  nature  des 
choses,  en  entravant  les  aspirations  régulières  vers  le  bien 
essentiel.  L'idée  du  droit  ou  du  pouvoir  de  poser  des 
actions  en  conforniité  avec  !a  in  assignée  a  la  nature, 
surgit  donc  dans  le  sens  moral,  aussitôt  que  la  raison  a 
perçu  l'ordination  naturelle  des  choses  ver»  leur  fin  ;  ces 
deux  perceptions  sont  simultanées,  et  l'une  appartient  à 
l'intellect  spéculatif,  l'autre  à  l'intellect  pratique. 

Mais  ces  observations,  dans  l'ordre  psychologique,  nous 
conduisent  au  premier  fondement  de  l'ordre  juridique.  Le 
droit,  pris  objectivement, étant  conçu  comme  une  direction 
régulière  vers  une  fin  assignée,  il  faut  bien  que  la  fin,  qui 
est  d'ailleurs  le  premier  principe  de  tout  l'ordre  moral, 

(1)  Gousset,  Principes  du  Droit  can.,  ch.  i. 

(2)  Taparelli,  n.  124  et  345. 


DANS   l'église.  A05 

soit  le  fondement  objectif  du  droit  -,  c'est  cette  fin  seule 
qu:  est  ic'  le  principe  déterminant  de  la  rectitude  de  cette 
ordination  ;  le  bu'  détermine  la  régularité  du  mouvement 
ou  de  la  direction.  Or,  parmi  les  uns  diverses  qui  peuvent 
être  assignées  a  un  être,  l'unf'  doit  être  la  "ègle  et  le  but  de 
toutes  les  autres,  e'  par  conséquent  le  premier  fondement 
du  droit;  cette  lin  ne  peut  être  que  la  lin  dernière  ou  la 
fln  essentielle  de  la  nature,  fin  en  regard  de  laquelle  les 
fins  particulières  ae  peuvent  avoir  que  la  raison  de  moyens. 

3.  Ainsi,  'e  premier  fondement  objectif  de  tous  les  droits 
et  de  toutes  le^  obligations  est  la  sagesse  divine,  se  donnant 
pour  fin  a  la  créature  et  mouvant  celle-ci  vers  ce  terme  *, 
de  la  résulte  pour  la  nature  la  nécessité  de  tendre  vers 
DieUj  oui  est  la  fin  dernière  4). 

Dieu,  en  créant  les  êtres  raisonnables,  a  dû  nécessaire- 
ment déterminer  la  fin  de  son  action  créatrice  :  c'est  le 
propre  de  la  sagesse  a  tous  les  degrés  de  ne  rien  faire 
sans  but,  et  un  acte  n'es;  aisonnable  qu'à  "e  prix.  D'autre 
part,  la  fin  principale  de  toutes  les  ceuvres  d-  Dieu  ne  peut 
être  que  Oieu,  qui  évidemment  le  saurait  îrouver  hors  de 
lui-même  la  cause  déterminante  de  ses  actes  ou  le  motif 
de  son  opération  -,  ensuite,  comme  la  fin  essentielle  des 
êtres  est  proportionnée  a  leur  nature,  il  faut  bien  que  la 
fin  essentielle  d'un  être  créé  se  rapporte  d'une  manière 
quelconque  au  Créateur,  Il  est  donc  indubitable  que  la  fin 
principale  de  tout  être  raisonnable,  capable  de  droits  et 
de  devoirs,  est  Dieu  :  l'athée  seul  pourrait  lier  cette  vé- 
rité. «  La  première  'oi  de  l'homme,  dit  Domat,  est  sa  des- 
tination a  la  recherche  et  a  l'amour  de  cet  objet  qui  doit 
être  sa  fin  et  où  il  doit  trouver  sa  félicité,  et  celte  loi  étant 
la  règle  de  toutes  ses  démarches,  doit  être  le  principe 
de  toutes  ses  lois  (2).  » 

(1)  s.  Thomas,  1^  '1'^,  q.  5,  a.  2. 

(2)  Traité  des  lois,  ch.  I. 


/i06  DU   DROIT  COUTUMIER 

D'ailleurs,  la  règle  primitive  et  vraiment  fondamentale, 
et  par  conséquent  la  raison  première  du  droit  ou  de  l'ordi- 
nation des  êtres,  ne  peut  être  que  la  volonté  immuable  de 
l'ordonnateur  suprême.  Si  le  premier  fondement  objectif 
du  droit  pouvait  être  autre  chose  que  l'immuable  et  l'absolu, 
le  droit  lui-même  ne  serait  qu'un  rapport  arbitraire,  chan- 
geant avec  les  termes  contingents  qui  lui  sont  assignés. 
Il  ne  peut  y  avoir  quelque  chose  d'absolu  et  d'immuable 
dans  le  droit  qu'autant  que  son  fondement,  c'est-a-dire,  la 
fin  et  la  règle  première  de  cette  faculté  morale  d'agir  régu- 
lièremeK',  sera  l'absolu  et  l'immuable.  Placer  hors  de 
Dieu  la  raison  fondamentale  du  droit,  reviendrait  a  nier 
que  Dieu  soit  le  Seigneur  et  le  modérateur  de  ses  créatures  \ 
ce  serait  par  suite  détruire  le  droit  lui-même  pour  lui 
substituer  je  ne  sais  quelle  légalité  sans  consistance;  ce 
serait  anéantir  le  juste  et  l'injuste,  au  profit  du  légal,  du 
volontaire  ou  de  l'arbitraire,  et  du  changeant  (1).  Le  droit 
est  absolu  de  sa  nature,  bien  que  contingent  dans  son  ap- 
plication (i2),  et  sa  règle  pratique  est  l'intellect  de  l'être 
créateur.  Merito  igitur,  dit  Titius,  jurisprudentia  divina 
pro  fundamento  cujusvis  jurisprudentiœ  particularis  ha- 
betur  (3). 

Le  concept  le  plus  général,  le  plus  élevé,  le  plus  abstrait 
du  droit  sera  donc  de  le  concevoir  comme  direction  régu- 
lière à  la  fin  assignée  (4):  fin  essentielle  et  nécessaire  pour 
le  droit  absolu,  fin  accidentelle  et  particulière  pour  le 
droit  particulier  et  positif.  Aussi  saint  Thomas  (o),  exa- 
minant en  quoi  consiste  le  droit,  objet  de  la  vertu  de 
justice,  rappelle  d'abord  que  cette  vertu  implique  un  rap- 


(1)  Ventura,  Essai  sur  le  pouv.  public,  ch.  x. 

(2)  ferez  cite'  par  Tupp.,  vol.  i,  pag.  138. 

(3)  Prolegom.  in  Puffendorf.,  §  XL. 

(4)  DomaL,  Traité  des  lois,  ch.  i. 

(5)  2»  2*,  q.  57,  art.  1. 


DANS    l'église.  /|07 

port  et  une  certaine  égalité  entre  des  choses  distinctes  -,  et 
cette  ordination  droite  d'une  chose  par  rapport  a  son  terme 
se  nomme  rectitude,  et  de  là  vient  la  notion  du  droit;  car, 
ajoute  le  saint  Docteur,  dicuntur  vulgariter  ea  quœ  ad- 
œquantur  juhtari.  Or,  comme  l'ordination  fondamentale  et 
essentielle  des  choses  est  celle  qui  leur  a  été  imposée  par 
le  Créateur,  premier  principe  et  fin  dernière  de  toute  créa- 
ture, il  est  clair  que  le  fondement  primordial  du  droit  est 
l'ordination  naturelle  des  choses  vers  leur  fin  dernière;  de 
là  résultent  pour  celles-ci  l'obligation  et  le  pouvoir  de 
tendre  vers  Dieu  ^  et  c'est  ainsi  que  le  devoir,  comme  dit 
Vattel  (1),  engendre  le  droit  (2). 

D'après  cette  notion  générale,  nous  trouvons  le  droit 
dans  la  loi,  de  même  que  la  loi  dans  ce  qui  est  juste  et 
équitable,  et  enfin  ce  qui  est  juste  et  équitable  dans  la  di- 
rection régulière  des  choses  vers  leur  fin  dernière.  Nous 
envisageons  ainsi  le  droit  dans  son  principe  véritable  et 
non  dans  ses  eflets,  dans  son  premier  fondement  et  non 
dans  ses  aspects  particuliers. 

II.  Nous  pouvons  aussi,  en  prenant  un  autre  point  de  dé- 
part, arriver  au  même  résultat,  c'est-à-dire  remonter  à  la 
même  source  primordiale  et  à  la  même  notion  du  droit.  Si 
donc  nous  examinons  le  concept  le  plus  vulgairede  laloi  ou 
du  droit,  nous  voyons  d'abord  que  celle-ci  n'est  autre  chose 
qu'une  certaine  règle  des  actions  humaines;  les  lois  civiles 
dirigent  les  actions  du  citoyen  en  vue  du  bien  public,  et  le 
droit  est  la  faculté  pour  chacun  de  rechercher  son  bien 
propre  conformément  à  cette  règle.  La  loi  est  donc  sim- 
plement une  direction  morale  vers  un  but  ;  et  il  en  est  de 
même  du  droit  qui  découle  delà  loi. 

Mais  il  est  certain  que  la  loi  humaine  positive  ne  peut 
être  opposée  au  droit  naturel  sans  être  réputée  injuste, 

(1)  Droit  des  gens,  x,  m,  §  3. 

(2)  Zallinger,  Jus.  pub.,  lib.  i,  c.  2. 


408  DU  DROIT   COUTIIMIER 

abusive,  violente,  en  un  mot  sans  cesser  d'être  une  direc- 
tion régulière  ou  une  loi.  Les  lois  positives  des  hommes  ne 
peuvent  donc  reposer  uniquement  sur  le  bon  plaisir  du  lé- 
gislateur, don.  la  volonté  ordonnatrice  peut  rencontrer  un 
droit  supérieur  auquel  ellene  peut  porter  atteinte.  El  *e  droit 
est  appelé  supérieur  quand  la  fln  a  laquelle  il  est  ordonné 
est  plus  élevée  :  la  un  des  lois  civiles  est  le  bien  public  dans 
l'ordre  matériel,  ou  un  bien  accidentel  par  rapport  aux  in- 
dividus ^  la  fm  du  droit  naturel  estle  bien  essentiel  de  chacun 
des  individus,  par  conséquent  le  bien  impérieusement, 
absolument  exigé  par  la  nature.  Donc  la  an  des  lois  civiles 
et  politiques  consistant  en  un  bien  moindre  que  celle  du 
droit  naturel,  le  droit  civil  et  politique  est  subordonné  à 
celui-ci.  Aussi  la  législation  qui  porte  plus  ou  moins 
atteinte  au  droit  naturel  est-elle  toujours  appelée  injuste 
et  barbare. 

Ce  n'est  aonc  point  dans  l'omnipotence  morale  d'un 
pouvoir  politique  que  réside  la  source  primordiale  di'  droit; 
la  volonté  de  celui-ci  est  nécessairement  subordonnée  a  la 
volonté  supérieure  de  l'auteur  de  la  nature.  Le  droit  na- 
turel n'est,  en  effet,  qu'une  des  manifestations  de  la  loi 
éternelle.  Toute  législation  positive,  non  barbare,  c'est-à 
dire  conforme  au  dictamen  de  la  raison,  doit  reconnaître 
implicitement  un  droit  primordial  supérieur,  règle  'mmua- 
ble,  inflexible  de  toutes  les  lois  civiles  et  politiques-,  elle 
reconnaît  que  la  volonté  divine,  créatrice  et  ordonnatrice 
de  tous  les  êtres  contingents,  est  la  source  première  et  la 
règle  suprême  du  droit.  Toute  autre  volonté  ordonnatrice 
reste  donc  dépendante,  et  par  la  puise  hors  d'elle-même 
sa  règle  d'action. 

Kous  ne  pouvons  par  conséquent,  en  vertu  du  concept 
même  du  droit,  admettre  cette  légalité  païenne  et  athée, 
qui  réclame  l'obéissance  a  la  loi,  non  parce  qu'elle  est 
juste,  mais  parce  qu'elle  est  loi. 


DANS   L  ÉGLISE.  /i09 

S.  Mais  l'oMigation  naturelle  de  tendre  vers  Dieu,  ré- 
side évidemment  dans  un  snjct  déterminé,  etnepeut  être, 
à  proprement  parler,  juridique,  qu'autant  que  ce  sujet  est 
lin  être  intelligent  et  libre  (1)-,  cette  ordination  essen- 
tielle considérée,  non  plus  abstractivement  et  objective- 
ment, mais  en  tant  qu'elle  réside  d'une  manière  inviolable 
dans  le  sujet  qui  en  jouit,  constitue  le  droit  formel  ou  pris 
dans  le  sens  subjectif.  Le  droit,  ainsi  envisagé,  sera  donc  la 
faculté  morale  d'agir  régulièrement,  c'est-à-dire  de  poser 
des  actes  ordonnés  a  la  tin  prescrite;  et  comme  personne 
ne  pourrait  entraver  cette  faculté  d'agir  sans  porter  atteinte 
à  l'ordre  normal,  et  que  d'autre  part  la  possession  de  la  fin 
constitue  le  bien  propre  de  l'agent,  cette  faculté  inviolable 
de  faire  ou  d'exiger  quelque  chose  est  ce  qui  constitue  le 
droit  subjectif, 

La  direction  juridique  vers  la  liu,  direction  prise  subjec- 
tivement, ne  peut  être  qu'une  direction  active;  une  direc- 
tion passive  ne  saurait,  dans  celui  qui  en  est  l'objet,  con- 
stituer un  droit  formel,  puisque  le  patient,  comme  tel, 
étant  tout  entier  au  profit  des  autres.,  ne  jouit  pas  et  ne 
possède  pas. 

Ici  il  s'agit  spécialement  du  droit  considéré  objective- 
ment-, nous  montrerons,  dans  les  procbains  articles,  quand 
et  comment  la  coutume  réunit  toutes  les  conditions  du 
droit,  et  devient  par  là  même  loi  véritable. 

E.  Grandclaude, 

(1;  Libcratoro,  Jus.  mt.,  c.  I,  arL  1, 


Kevuk  des  sciences  ecclès.,  t.  iX.  —  MA118G4.  27 


COMMENTARIUS 


m 


PROŒMIUM   BREVIAPJI    ET   MTSSALIS 

DE    COMPUTO    EOCLESIASTICO. 


Quatrième  article. 


DE  QUATUOR  TEMPORIBUS  ET  TEMPORE  FERIATO. 

CAPUT   II[. 
QUATUOR   TEMPORA. 


TEXTUS  PROŒMii.  Quatiior  Tempora  celebrantur  quarta  et  sexîa 
feria  ac  sabbato  post  tertiam  dominicam  Adventus,  post  primam 
dominicam  Quadragesima?,  post  dominicam  Penlecostes,  post  festum 
Exaltationis  sanctae  Crucis. 

c;oj»oiE:ivxii.Rius. 

6li.  Tempora  anni  quatuor  sunt,  inquit  5.  Isidor.  EUjmoL 
l.  V.  c.  35  :  Ver,  œstas,  antummis  et  liiems.  Hase  et  curricula 
dicuntur,  quia  non  stant  ^^Hcurrunt. 

Totus  olim  annus  in  œstatem  tantum  et  hiemem  divideba- 
tur,  quod  innuit  etiam  Ulpîanus  l.  Prœtor.  i.  ff.  de  Itinere 
acluque  privato  {XLIII,  19.).  Postea  vero  anno  in  quatuor 
partes  diviso,  ita  distinctœ  singulœ  sunt,  ut  sole  ingrediente 


COMMEINTARIUS    DE    COMPUTO    ECCLESIASTICO.  411 

Arietem  incipiat  ver,  in  Cancro  œstas^  in  Libra  auiumnus^ 
in  Capricorno  hiems  incipiat  juxta  versus: 

Sunt  Ai'ie;,  Taurus,  Gemini  HOi  sideva  Veris, 
Mstatem  Cancer,  Léo  irux  cum  Virgine  compfeut  j 
Scorpius  Antumnum,  duplici  cum  Lance  Sarjitla, 
Hinc  Hiiniem  Pisces,  Capricornus,  Aquarius  addunt. 

Ecclesiastici  scriptores  principia  quatuor  temporuni  anni 
his  versibus  déclarant  : 

Festum  démentis  Iliemis  caput  est  orientis , 
Cedit  llicms  rétro  catliedralo  Simone  Petro; 

Ver  fugat  Vrbanun,  JEslalem  Sgmphorianifi  ; 

Id  tibi  quod  rejfans  Autumni  teoipora  prœstat. 

65.  Quatuor  anni  tempora  secundum  S.  Isidor.  (/,  c.)  et 
Ven.  Bedam  [de  Temporum  raiionecap.  35.  Palrol.  31ignc,  iom. 
^0.  parj.  457 .) , dicta sunta communionis iemperamenlo, quod 
invicem  se  humore,  siccitate,  calore  et  frigore  tempèrent. 
Causa  efficiens  illius  tempérament!  est  motus  solis  et  aliorum 
corporum  cœlestium  ac  stellarum  etiam  erraticarum,  juxta 
iilud  Gen.  1  :  Dixit  autem  Deus:  fiant  luminariainfirmamenio 
cœli,  et  dividunt  diem  ac  noctem  et  sint  in  signa  et  tempora  et 
dies  et  annos,  h.  e.  signa  temporum,  dierum,  annorum. 

Siiigula  anni  tempora  in  très  partes  dividuntur,  in  ver 
novum  sive  primum^  adultum  et  prœceps.  Namquum  vernum 
tempus  sit  trimestre,  primus  mensis  primo  sive  novo  veri 
assignatur,  secundus  adulto  tribuitur,  tertius  prœcipiti  sive 
cadenti.  Sic  et  œstas  in  suis  tribus  mensibus  nova,  adulla  et 
prœceps  ;  item  auturanus  novm,  adultiis  et  prœceps,  et  simi- 
liter  hiems  nova,  adulta  et  prœceps  sive  extrema  dicitur.  Ita 
docet  Serviiis  ad  illud  Virgilii  Georg,  I :  Vere  novo  gelidus 
canis  cum  montibus  humor  Liquitur,  et  Georg.  ii  :  Non  alias 
prima. 

66.  Fer  dlctum  putat  Varro  [Ling.  lat.  v^  2.)  a  virco,  quod 
post  hieniem  virere  incipiunt  virgulta  atque  in  Uoreui  cuncta. 


hi'2  COMMENTARIUS 

erumpant;  aliam  etyQiologiam  tanien  ex  grceco  inniiit  ad- 
dendo  :  Nisi  quod  lones  dicant  p^p. 

jEstatem  Servius  /En.  il.  ad  vers.  Propinsqne  œstvs  in- 
cend.  voit'. ,  et  Varro  1.  c.  dictam  volunt  ab  œstu,  id  est  calore, 
quod  œstas  quasi  iista  h.  e.  exusta,  calida,  aiida  si  t. 

Pro  autmnno  quidam  auctummim  substituunt,  cum  Festo 
docentes,  vocem  derivandam  esse  a  supino  auclum  verbi 
aïKjeo.,  quod  eo  tempore  maxime  augeantur  liominum  opes 
coactis  agrorum  fructibus.  Autumno  enim  vin  demi  œ  et 
majoris  partis  frugum  collectio  fit.  Atque  hac  ratione  iiitel- 
ligenda  sunt  quœ  habet  S.  fsidorus  l.  c.  :  Autumnus,  ait,  a 
tempestate,  h.  e.  tempestivitate  vocatiir,  quando  omnia  mat.:- 
rescunt.  Hiems,  olim  et  hicinps^  varie  deducitur.-  Varro  [Llng. 
lat.\.  c.)  hiemem  ab  imbre  dictum  existimat,  gwofZ ^wm  muUi 
imbres.  Alii  ab  hio  :  alii  a  y-ip.-/:,  alii  ab  L'ro,  pluo,  unde 
et  per  y  scribunt.  Hiems  autem  aimi  tempus  humidum  fri- 
gidumque  dicitur. 

De  quatuor  anni  temporibus  dignus  est  qui  legatur  D. 
Ambrosius  lib.  de  Noe  et  Arca,  c.  l.{.  Tempora  sunt,  inquit 
S.  Doctor,  qnœ  aut  corrumpnnt  aut  reservant,  proiit  ipsa  sut 
habuerint  qualitatem.  Ideoqueannus  ex  contrariis  ducitur  :  vere, 
avluinno,  œdate,  hieme,  sicut  hai-monia  caniilenœ  permiriis 
gravibus  et  acutis  v'uletur  comidcre. 

Ex  diversis  igitur  temporibus  rerum  omnium  generatio, 
ortus,  frugum  maturitas  et  humani  corporis  firmitas  pro- 
venit,  de  qua  re  Boet.  [lib  iv.  de  Consolât.  Philos,  métro  6.) 


lisdem  causis  vere  tepenfi 
Spirat  florifer  annus  adores  : 
xEstas  Cerere/n  farvida  siccat  : 
Rement  pomis  gravis  Autumnus  : 
Hijemem  defluus  irrigat  imber. 
Hotc  lemperies  alit,  ac  pro  fer  l 
Quidquid  viiam  .spirnt  in  orhe, 
Eadem  rapiens  condit  et  aufert 
Obila  mergens  orta  supreoio. 


DE    COMPUTO    ECCLESIASTirO.  513 

('oiiferantur  Yen.  Beda  de  Ixilinm  Co'/ipitli  cap.  0.  {''dif. 
Vir/nr,  o/;  fom.  f .  pag  588.),  et  H  than.  Mnunis  lib  de  Corn- 
pnto  ai  p.  31.  {op.  fom.  1.  pay.  GS7.  cd'f.  Micj'ie  cit). 

JEJUNIUM  QUATUOR  TEMPORUlVr. 

()7.  Jejunium  quatuor  temporuni  respondet  quatuor" 
anni  partibus,  quibus  insignes  mutationes  fieri  consueve- 
runt.  Olini  tribus  tantuui  jejunabatur,  ut  patet  ex  can. 
Jejunium  1.  Dis!.  76.  Primis  Fxclesia^  sceculis  taraen  addi- 
tum  luisse  quartuni  jejunium  docent  prœter  cnn.  Jejunium. 
cil.  tum  plures  alii  canones  ejnsdem  distinctionis  76. ,  tuni 
interprètes  juris  canonici  in  tit.  /i6.  libri  m.  Décret,  de 
Obsirvalione  jejuniorum, 

Ecclesia  autem  jejunium  quatuor  temporum  triplici  de 
causa  maxime  célébrât  ;  1°  quia  etiam  Hebrœi  quatuor  in 
anno  jejuniahabebant,  quamvis  non  eisdem  onmino  tempo- 
ribiis,  ut  testatur  S.  Hieronymus  can.  Jejunium  7.  cit.  dist.; 
2°  ut  in  quatuor  temporum  partibus  jejunia  trîna  pro  men- 
sium  numéro  Deo  offerentes  omnes  totius  anni  actibnes  et 
eventus  nostros  a  Deo  pendere  profiteatur,  sicut  indicat  S.. 
Léo  C'uwne  Huju^  G.  cit.  dist.  ;  3"  ut,  quia  illis  tempori- 
bus  ordinantur  clerici,  Deus  illis  majores  conférât  gratias 
quibus  o'Hentis  melius  Ecclesiae  valeant  inservire  :  cujus 
jejunii  exemplum  sumptum  est  ab  Apostolis  Act.  13,  3. 
Haec  Schnalzgnieber  \n  lit.  46,  x.,  n.  32.  Prœter  adductas 
rationes  plures  aliae  afferuntur  a  Beletho,  Tint.  cap.  13A. 

68.  Tempus  jejunii  quatuor  temporum  his  versibus  de- 
monstrant  : 

Vult  Crux,  Lucia,  cineres,  charismata  data 
Ut  det  vota  pia  quarta  sequens  feria . 

Hoc  est  :  celebrandum  est  jejunium  quatuor  temporum  feria 


hill  COMMEMARIUS 

quarla  post  festum  Exallationis  Sanclœ  Crucis  (1),  feria  iv. 
post  fest.  S.  L'ic/œ,  fer  iv.  primœ  hcbdomadis  Quadrar/esimœ 
et  fer.  iv.  post  Pentecosten. 

Fiunt  auteui  hœc  jejunia  in  feria  quarta,  quia  hac  feria 
Judas  de  traditione  Domini  cogitavit,  ut  habst  Q.an.  Jejunia 
16.  disl.  o.  de  Consecrat.,  et  sexta  feria,  quia  in  ea  crucift- 
xus  est  Salvator  [can.  Jejunium.  cit.)  ;  etsabbato,  quia  constat, 
verba  sunt  Innocentii  PP.  I.  ep,  1.  ad  Decentium.  c.  \. 
relat.  in  canone  Sabbatho  13.  dist.  3.  cit.^  Âpostolos  biduo 
isto  [fer.  Vf.  et  Sabbato)  in  mœrore  fuisse  et  propter  meiiim 
Judœorum  ss  occuluisse. 

DE  TEMPORE  FERIATO,  NUPTIyE  QUANDO  CELEBRARI  NON 
POSSINT  JUXTA  DECRETUM  CONCILII  TRIDENTINI. 


H. 


Textus  proœ'MIi.  A  doiiiinica  prima  Adventiis  usque  in  diem  Epipha- 
niae^  cl  a  feria  quarta  Cinerum  usque  in  Octavam  Paschatis  inclusive 
sancta  Synodus  solemnitates  nupliarum  proliibet;  in  aliis  vero  tein- 
poribus  nuplias  solemniter  celebrari  permittit. 

COAiaiEIVT'^RIÏJS. 

69.  Jam  a  primis  Ecclesias  sseculis  nuptiarum  solemni- 
tates certis  anni  temporibus  interdictas  fuisse  canonica  statuta 
déclarant.  Ex  concillo  videlicet  Ilerdensi,  relato  a  Gratiano 
in  can.  Non  oportet  10.  c.  33.  q,  4 .,  atque  ex  cap.  CapeUanus 
h.  de  Fer  ils,  edocemur,  interdictas  solenmes  nuptias  fuisse 
1°  toto  illo  tempore,  quod  intercedit  inter  primam  domini- 


(I)  Si  igitur  festum  Exaltalionis  sanctae  Crucis  iccidat  in  feriarc  iv. 
(quod  ils  aouis  contigere  videmus,  qui  literam  b  Iiabcnt  domiDicalem), 
ipsa  Leec  ferio  poni  non  potest  pro  feria  iv.  quatuor  temporum,  quia 
proœtniuui  quatuor  tempora  celebrari  jubet  feria  iv  post  fesluui  S.  Crucis. 


DE    COMPUTO    ECGLESIASTICO.  /|'16 

cam  AdventusctEpiphaniam;  2"  a  domhiica  Septuagesimae 
usque  ad  Octavam  Paschœ  ;  3"  a  fcriaii.  Rogationum  usque 
ad  Octavam  Pentecostes  ;  A°  pneterea  duabus  vel  tribus 
hebdomadis  antc  festum  Nativitatis  S.  Joannis  Baptistœ,  de 
qiio  postremo  tempore  feriato  Clemens  PP.  m.  dubium 
solvit  in  cit.  cap.  Capellanu^,  de  Feriis. 

Jure  Tridentino  tempus  feriatum  aiigustioribus  terminis 
conclusum  est;  eo  enim nuptiarum  solemnitates  solum  pro- 
hibentur  ab  Adventu  usque  ad  Epiphaniara  et  adieCinerum 
usque  ad  Octavam  Paschœ  inclusive.  Permittuntur  ergo 
temporibus  Rogationum,  Ascensionis  et  Pentecostes  et 
etiam  Septuagesimœ,  immo  et  benedictiones  nuptiales  dari 
posse  sabbato  ante  dominicam  Adventus  docent  Sanchez 
(de  Matrim.  lib.  vu.  disput.  7.),  et  Diana  [p.  ^.  tract.  4.  re- 
sol.  202.). 

70.  Interdictumhocecclesiasticum,  quo  solemnes  nuptiœ 
tempore  feriato  prohibentur,  gravi  nititur  ratione. 

lis  diebus  enim,  quibus  fidèles  jejunio,  divinis  officiis, 
vigiliis,  stationibus  atque  Eucharisties  communioni  vacare 
debent,  commessationibus  et  aliis  lœtitiœ  signis  in  nuptiis 
intervenientibus  operam  dare  non  licet.  Optimo  consilio  igi- 
tur  prohibita  hisce  temporibus  est  nuptiarum  solemnitas, 
qnœ  nunquam  non  magnœ  distractionis  res  esse  cognoscitur. 

Solutionem  aliarum  quœstionum,  quœ  ad  tempus  feria- 
tum referuntur,  petes  ex  interpretibus  juris  canonici  tum 
in  c.  Capellanus  4.  de  feriis  cit.,  tum  in  titulum  16.  lib  m. 
Décret,  de  Matrimonio  contracto  contra  Interdictum  Ecclesiœ, 
tumdeniquein  Conc.  Tridenlin.  sess.  1I\.  de  Réf.  matr.  c.  10. 
De  ultimo  hoc  capite  legendi  imprimis  sunt  congesti  a  Dar- 
bosa  in  illud  C,  Covar.  de  Matrimonio  u.  p.  c.  8  y  Sanchez, 
de  Matrimonio  lib.  vu.  /.  c. 


41(5  COJIMEin'ARlUS 

DE  CYCLO  DECENNOVENNALI  ALU\EI  NUMERI, 

CAPUÏ    IV. 

TEXTUS  PROŒMU.  Cyclus  deceniiovennalis  Aurei  Nimieri  est  revoîulio 
numeri  19  aniiorum  ab  '2.  ivsquG  ad  1';)  :  qiia  revnlntione  peracta. 
iteriim  ai  unitalem  re.litur.  Verbi  gratia:  Anno  lf>77.  numerus 
cycli  decennoverinalis,  quiiiicitur  Anreiis,  est  1,  anno  sequenti  1578. 
est  2,  et  ila  dcinceps  in  sequenlibus  annis,  uno  semper  aniplius 
usque  ad  l9  qui  Aureiis  numerus  cadel  in  annum  1395.,  postquem 
ilerum  ad  unilatem  redeundum  est,  ila  ut  anno  1595.  Âureus  nu- 
merus sit  rursus  1,  et  anno  1597,  sil2.  etc. 

Igilur  ut  Aureiis  niinirrus  quolibet  anno  proposito  invenistur,  corapn- 
sita  est  sequens  Tabella  Aureorum  numerorura,  ciijiis  us;:s  incipit 
ab  anna  correctîonis  1582.  inclusive,  duratque  in  perpetuum.  E.t 
ea  enim  Aureus  numerus  cujuslibet  anni  post  annum  1382.  re-pe- 
rielur  hoe  modo  : 


6.     7. 

8.     9. 

10. 

M.     12. 

1.3. 

14 

15.   IG. 

17.   18. 

19. 

1.    2.  ?,. 

4. 

5. 

Anno  1382.  trîbuatur  prim.us  numerus  labellae,  qui  est  6;  sccundus 
autem,  qui  est  7,  sequenti  anno  1585,  et  ita  deineeps  in  infinitum, 
donec  ad  annum,  cujus  Aureum  numerum  quaeris,  perveniatur, 
redeundo  ad  principium  labellae,  quotiescumque  eam  percurreris-. 
Nam  numerus,  in  quera  annus  proposilus  cadit,  dabit  Aureum  nu- 
meium  quœsitunK 

GYGLUS   LUNARIS. 

71.  Cî/cli  /Mwarw  appellatione  spatium  novemdecim  aano- 
rum  venit,  quod  invenerunt  astronomi  ad  conciliandam  so- 
laris  lunarisque  cursus  congruentiam. 

Veterum  astronoinomm  nimirum  in  conciliando  solis  lu- 
nœque  cursu  perdiu  laboravit  industria  ;  nnde  variae  sta- 


DE   COMPUTO   ECGLËSIASTICO.  /|Î7 

(utœ  suiit  annorum  periodi,  quibus  peractis  ad  idem  caput 
quam  accuratissime  lediretit.  Quuiii  aiitem  post  multas  ad 
id  excogitatas  annorum  revolutiones  usu  ipso  vidissent,  no- 
vemdecim  annis  verteutibus  liorum  sideruni  Cursuiu  ita  con- 
gruere,  ut  fere  ad  idem  loci  temporisque  punctum,  in  quod 
cum  Sole  convenerat,  novemdecim  annis  elapsis,  luna  revei"- 
tatur,  iMelone,  illustri  Atheniensi  astronomo,  auctore  orbem 
seucyclum  19  annorum  statuerunt,  emiiqueivvâaGc/t-.«c-:v^fica, 
annum  magnum  Metonis,  postea  vero  annum  Romanmii  dixe- 
runt. 

72.  Utriusque  enneadecaeteridis,  solaris  et  lunaris,  con- 
gruentia  hsec  est  :  annus  Solis  Julianus  dies  continet  365, 
horas  6.  llnde  novemdecim  annorum  orbis  dies  coliigit 
6939,  horas  18.  Lunaiis  cyclus  autem  in  totum  (1)  explet 
dies  6939,  horas  16,  minut.  prim.  32,  secund.  27.  Desunt 
igitur  lunari  cyclo  ad  Julianum  exhauriendum  hora  1,  min. 
27,  secmid.  32.  Sedambaruni  enneadecaeteridum  discrimen 
propter  exiguitatem,  qua  dissimulatum  ac  neglectum,  qua 
deinde  penitus  ignoratmii  fuit,  teste  Petavio  lib.  vu.  cap.  k. 
de  Doctrina  Tcmporvm.  Igitur  simphciter  statutum,  absoluto 
19  annorum  intervallo,  Lunam  semper  redire  ad  eumdem 
anni  solaris  diem.  Paschalis  methodi  conditores  hune  cyclum 
in  Kalendariis  suis  hac  ratione  descripserunt.  Initio  a  quo- 
cunque  anno   facto  observarunt,  quosnam  in  januarii,  fe- 

(1)  Menses  lunares  civiles  aUeriiis  '29  el  30  dieburf  evoluli  civilein  lu- 
narem  conficiuul  anuuui  diorum  334  .  li  p«r  19  ducli  dies  culUyuct  CTi'i. 
His  accediiuî.  I^issexlUes  dies  ut  miuiuamu  4,  ialerdlm^  voro  u;.  nam 
Juliaiia  oiinoadocaeleris  qnadrioi:nia  qnalaor  et  très  insnpcp  nnnos 
conlinol  ;  quars  cyclus  lunaris  19  anuoruiii  cilra  eraboiismos  diobus 
constat  6750,  si  bissextiles  annos  Julianos  tautummodo  4  coiniirchcndat, 
aut  uno  amplius,  si  5  bissextiles  babeal.  Desuul  igitur  lunari  cyclo  IJ 
annorum  ad  exhauriendum  Julianum  (composilum,  ul  diximus,  cxdiebuà 
6939  et  boris  I8j  dies  ?altem  209.  Ex  bis  menses  fiunt7,  quorum  primi 
sex  Iricenarii  plonique  sunt  ;  unns  cavus  diernm  '29  fsnpra  n.  15.). 
Anni  lunares  communes  19  menses  babent  2-28,  quibus  adjuucti  7  sum- 
mam  235  mensium  seu  «939  dierum  compouuut.  Pelav.de  Uuclr.  lemij . 
lib.  vil.  c.  't. 


418  COMMENTARIUS 

bruarii,  marlii  ac  cœterorum  mensium  dies  Neomenia  qua- 
draret.  Quibiis  diebus  contingeret,  ad  eos  unitatem  adscrip- 
serunt,  utputa  23.  januarii,  21.  februarii^  23.  martii,  et  ita 
in  reliquis.  Aimo  sequeiite  Neomenias  animadveiterunt  in 
J2.  januarii,  10.  februarii,  12.  martii  transi tum  fecisse  ;  ad 
eos  dies  nuiu,  2.  adnotarunt.  Idem  et  annis  sequentibus 
fecerunt.  Uude  totis  19  annis  numeri  19  variis  per  om- 
nes  menses  diebus  adjmicti  sunt,  quibus  evolutis  Lmia 
idem  ad  principium  rediit,  ac  deinceps  in  eosdem  dies  Neo- 
meniœ  concurrerunt  :  propterea  19  numei'i  ex  illorum  opi- 
nione  perpetuo  etconstanter  lunares  Neomenias  indicabant. 
Hœc  Pelav.  l.  c.  post  Durand.  Ration,  lib.  yiii.  c.  11. 

73.  Hune  numerum  19  ut  ingeniose  excogitatum  in  anno 
Juliano  aureis  liieris  notarunt,  unde  aurei  mtmeri  et  cycli 
novemdecennalis  et  Paschalh  nomQïi  meruit,  quoniam  verum 
Paschatis  celebrandi  diem  indicare  videbatur. 

Quemadmodum  solaris,  ita  et  lunaris  cycli  principium  ex 
humano  arbitrio,  non  ex  sideris  naturalis  revolutione  pen- 
deL  Convenit  autem  inter  chronographos,  ut  primus  annus 
hujus  enneadecaeteridis  lunaris  in  anno  illo  defigeretur, 
qui  proxime  christianam  œram  antecessit.  Quare  si  annis 
Ghristi  unitatem  addideris  et  summam  per  19  diviseris,  si 
quid  residuum  fuerit,  id  numerum  aureum^  h.  e.  currentem 
lunœ  cyclum  dabit;  si  nihil  fuerit  residuum,  annus  cycli  lu- 
naris erit  19.  juxta  distichon  : 

Unum  addes  annis  Doniini  summamque  novenis 
Et  dénis  triOues  :  Numerus  tibi  ut  aureus  adsit. 

Quod  jam  pridem  ita  docuerat  Durand,  lib.  viii.  cap.  9  : 

Annis  adde  \i.ovo:,  Domini  partire  per  undc- 
Viginti  :  Lunœ  cyclus  et  iride  patet. 

Quum  numeri  aurei  incipiant  ab  unitate,  atque  ordine 
naturali  progrediantur  usque  ad  19  ac  deinde  ad  unitatem 


DE    COMPUTO    EGCLESIASTICO.  /|19 

redeatur,  nianifeslmn  est,  numéro  aureounius  anni  invenlo 
inveniri  facile  posse  numeruiii  aureumanni  proxiuie  sequen- 
tis.  Sicut  reperitur  nuuierus  aureus  correspondens  œrae  vul- 
garis,  ita  reperiri  quoque  potest  numerus  aureus  annomm 
ante  Christum,  ascendendo  ad  aunuin  â39.  a.  Ch.,  quo 
Meton  enneadecaeteiidem  publicavit.  Nimimm  ab  anno  pro- 
posito  deiuitur  1.  Quod  reliquum  est  per  19  dividitur  ac 
residuuui  —  qiioto  neglecto  —  numerum  aureum  indicabit. 
Itaque  invenies  luunerum  aureum  dicti  anni  Zi39.  fuisse  1, 
h.  e.  priiiium  annum  primi  cycli. 


DE  EPACTIS  ET  NOVILUNIIS. 

CAPUT    V. 

TEXTUS  PROŒMFi.  Epacta  nihilaliud  est,  quam  niiraerus  dierum,  qiiibus 
annus  solaris  communis  dieriim  365  annum  commiinem  lunarem 
dierum  334  siiperat  :  ita  ut  Epacta  primi  anni  sit  1 1 ,  ciim  hoc  numéro 
annus  solaris  commimis  lunarem  annum  communcm  excédât,  alque 
adeo  sequenti  anno  Novilunia  contingant  1 1  diebus  prius  qnara  anno 
primo.  Ex  quo  fit,  Epactam  secundi  anni  esse  22,  cum  eo  anno 
rursum  annus  solaris  lunarem  annum  superet  11  diebus,  qui  addili 
ad  11  dies  primi  anni  efficiunt  22,  ac  proinde,  finito  hoc  anno, 
Novilunia  contingere  22  diebus  prius,  quani  primo  anno  :  Kpactam 
autem  tertii  anni  esse  3,  quiar,i  rursus  1 1  dies  ad  22adjiciantur,  effi- 
cietur  numerus  33,  a  quo  si  rejiciantur  50  dies,  qui  unam  hinatio- 
nem  embolismalem  consliluunt,  relinquentur  3  alque  ita  deinceps. 
Progrcdiuntur  enim  Epactae  omnes  per  continuum  augmentum  H 
dierum,  abjectis  tamen  30  quando  rejici  possunt.  Solum  quand» 
perventum  eril  ad ultiraam  Epactam  Aureonumero  19  respondentem, 
quae  est  29,  adduntur  12  ut  abjectis  30,  ex  composito  num.  41, 
habeatur  rursus  Epacta  11,  ut  in  principio.  Quod  idco  fit,  ut  ultima 
lunalio  embolismica,  currente  Aureo  numéro  19  sit  tantum  29  die- 
rum. Sienim  30  dies  contineret,  ut  aliae  sexlunalioncs  Embolismicae, 
non  redirent  Novilunia  post  19  annos  solares  ad  eosdem  dies,  sed 


/.20  COAnifiXTARIUS 

versos  c.;tlc(''in  mcnslum  prnlabcronlur,  cniitiiigorenljue  uno  die  In r- 
diits  qinm  ante  l9  anno^.  Do  qiin  re  pliira  invciiies  in  liljio  riov;p 
rationis  restitiiendi  Kalendarii  Romani.  Siint  aiitem  novemdecim 
Epaclœ,  quoi  et  Aurei  numeri  respondebanlqiie  ipsis  Aiireis  numcris 
ante  Kalendarii  corredioiiem  eu  modo,  quu  in  liac  tabelia  disposiiae 
siint  : 


Taùella  Epadarum  respondenlinin  Auieis  nameris  aitte  Kalendaiii 
correctionem. 


AuR.  Nuvi. 

1. 

2.        3.       4,       5.       6. 

7. 

8.         9. 

Epact. 

■^j- 

xxij.     iij.      xiv.     xxv.      vj. 

xvij. 

Nxviij.     ix. 

10.      11. 

1-2. 

13.       14.       15.       1(5. 

17. 

18.      19. 

XX.            j. 

xij. 

xxiij.      iv.        XV.     xxvj. 

vij- 

xviij.     xxix. 

Quia  vero  cycUis  deconn  n-enna!is  Aurei  numori  imperfectus  est,  ciun 
Novilunia  post  19  annos  solares  non  prsecise  ad  eadem  loca  redeant, 
ut  dictiim  est,  imperfectus  etiam  erit  hic  cyclus  19  Epaelarum. 
Qiiamobreni  ita  emeiidatus  est,  ut  in  posteriim  loco  .Aurei  numeri  et 
dictaruni  19  Epactarum,  ulamur  50  numeiis  Epactalibus  ab  1  us- 
que  ad  50  ordiiie  progredicnlibus,  quamvis  ullima  l'^pacta,  sive  quaî 
ordine  est  trii^csimaj  iiotata  numéro  non  sit,  sed  siyna  hoc  *;  propte- 
reaquod  nulla  Epactaessepo^sit  .30.  Variis  autem  temporibus  ex  his 
30  Epaclis  respondent  decem  et  novem  Aureisnumeris  variae  decem 
et  novem  Epactœ,  prout  soiaris  anni  ac  lunaris  aequatio  exposcit  : 
quae  quidem  deceni  et  novem  Epaclœ  progrediunlur;,  ut  olim,  per 
eumdem  numerum  11,  addunturque  seraper  12  illi  Epactye,  quae 
respondet  Aureo  numéro  19  uihabeatur  sequens  Epacta  respondens 
A ureo numéro  l,obralionem  paulo  ante  dictam.  Idquod sequens  ta- 
belia perspicuum  ra?iet,qua3  continet  Aureos  numéros  et  Epactas  inter 
se  respondentes  ab  anno  correct.  1582., post  detractionem  1 0  dierum, 
usque  ad  annum  1700.  exclusive.  Quamvis  autem  vulgares  Epactae 
mutentur  in  Maitio,  reipsa  tamen  in  principio  anni  mulandae  sunt, 
una  cum  Aureo  numéro,  in  cujus  locum  ha3  nostras  Epactae  suc- 
cédant. 


\)E    COI\Il'UTO    ECCLESIASTICO. 


521 


EPAGT.E. 

7/|.  Epnclœ,  iTrirxTcàab  iTrayeiv,  invehendo,  inrhicrnclo,  adji  ■ 
riPTido,  dictœ  sujit  apud  astronomes  et  coniputistasunclecim 
intercalares  dies,  quibiis  solaris  annus  comniunis  dieinm 
3(>5  siiperat  annum  lunarem  comraiineiu  dienim  35/!. 

Epacfas  Isldorus  [Efj/molof/.  lib.  vi.  c.  17.  n.  29.)  cumPapia 
aliisque  Latinis  définit  ndjecliones  annuas  lunares,  quœ  per 
undenarium  numerum  usqne  ad  tricenarium  in  serevolvun- 
tur  ;  qiias  ideo  .'Egyptii,  ut  ipse  ait,  adjiciunt,  ut  lunaris 
emensio  rationi  Solis  requetur,  un  de  et  adjeclioncs  vocantur. 

75.  Epactnrum  nomine  igitur  excessus  anni  solaris  supra 
lunarem  intelligitur.  Undecim  esse  hos  dies  supra  diximus, 
ex  quibus  per  plures  annos  superadditis  conficiuntur 
menses  intercalares  continentes  dies  30,  eo  modo,  quem 
supra  in  declaratione  anni.  lunaris  descripsimus  n.  15. 
Quum  itaque  epacta  prima  sit  11,  secunda  22,  tertia  3, 
quarta  là  ,  quinta  25  ,  et  sic  deinceps  per  novemdecim 
annoscycli  lunaris,  quos  numerusAureus  désignât,  patet,  no- 
vemdecim epactas  in  toto  cyclo  lunari  ante  Kalendarii  correc- 
tionem  hoc  ordine  decurrere  ac  numeris  aureis  respondere. 


Aur.  Nura. 

Epaclœ. 

Aiir.  Niirti.                     Epaclse. 

1                1                11 

il             1                   1 

2           1            22 

12         1           12 

3           1             3 

13         1           23 

Il            1             1/4 

U        1            A 

5           1           25 

15        1          15 

6           1             6 

16         1           26 

7           1           17 

17         1              7 

8           1           28 

18         1           18 

9           1             9 

19         1           29 

10           1           20 

622  COMMENTARIUS 

Quum  autem  propter  cursum  lunœ  non  exacte  compu- 
tatum  (n.  72.)  novilunia  et  plenilunia  post  19  annorum 
spatium  non  accurate  redeant  ad  suam  priorem  se- 
dem  (1),  ideo  inventas  recens  est  ab  Aloysio  Lilto,  Romano 
medico  et  astronomo,  cyclus  triginta  epactarum  (  Telraco- 
sieterida  vocant  ),  qui  in  locum  aurei  niimeri  Kalendario 
appositus  ad  certam  Aurei  numeri  nornmm  directus  est, 
methodo  Liliana  tamen  per  P.  Clavic.m  paulo  immutata, 
quod  pluribus  continenter  capitibus  déclarât  Petauius  de 
Doctrina  Temp.  lib.  v. ,  ubi  Tetracosieterida  Lilianam  uni- 
versamqueRalendarii  correctionem  per  Gregorium  PP.  XIII. 
factam  aScaligeri,  Calvisii  aliorumquc  hwrelicorum  calum- 
niis  strenue  vindicat.  Inventi  igitur  sunt  triginta  numeri 
epactnles,  qui  rétrograde  ordine  singulis  anni  diebus  in  Ka- 
lendario, in  latere  extrinseco,  juxta  literas  feriales  apponi 
soient.  Numerus  quidem  tricesimus  non  exprimitur,  sed 
ejus  loco  asteriscus  *,  ut  consideranti  patet. 

Quod  Epactarum  artificium  ut  rite  intelligas,  paucis  hœc 
accipe  : 

Si  novilunia  post  singulos  cyclos  lunares  in  idem  tempo- 
ris  punctum  inciderent,  novemdecim  Epactœ  sufficerent  : 
tôt  videlicet,  quot  sunt  anni  cycli,  quaî  in  Kalendario  po- 
sita  juxta  dies  in  quos  incidunt  novilunia,  constanter  per 
decursura  saîcalorum  eadem  novilunia  signarent;  seu  potius 
Epactis  omnino  opus  non  esset,  sed  numeris  aureis  immé- 
diate indicari  possent.  Verum  ex  dictis  n.  72.  manifestum 
est,  rem  non  ita  se  habere,  sed  vero  novilunia  sœculorum 
série  omnes  totius  anni  dies  percurrere. 

Hinc  in  Kalendario  Gregoriano  singulis  anni  diebus  suse 
adscriptae  sunt  Epactse,  licet  non  omnes  singulis  sœculis  novi- 
lunia s/g-wen^.  Quœnam  vero  hoc  vel  altère  sseculo Epactarum 


(l)  Post   19  aurios  euiiu  novilunia    codeiu  quidem  die,  sed  lior.  1  et 
mil)    28  cirL'itor  priii.- rcdeunt.  Cfr.  n.  7-2. 


DE    COMPUTO    ECCLliSlASTlCO.  /i23 

séries  assiimencla  sit,  indicant  literœ  Indices^  quaruni  usum 
iii  Appendice  docebimus. 

Quoniara  novœ  epactae,  quœ  online  retrogrado  juxtasin- 
gulos  anni  dies  ponuntur,  sunt  numéro  30,  menses  lunares 
tamen  non  semper  constant  30  diebus,  sed  alternis 
vicibus  30  et  29  (1)  ,  oportuit  alternis  mensibus,  nempe 
februario,  aprili,  junio  etc.  duas  epactas  xxv  et  xxiv  m 
iimim  d/>in  conjicere,  prout  videre  est  in  ipso  Kalendario  et 
pluribus  déclarât   Petav.    lib.  v.    de   Doctrina   Temp. 

Quando  numerus  aureus  major  est  quam  11,  et  anni 
epacta  currit  xxv,  tune  in  Kalendario  numenis  arabicus  25 
novilunia  désignât.  Hoc  vero  ideo  fit,  ne  novilunia  intra 
eumdem  cyclum  10  annorum  ad  eumdem  diem  re- 
deant. 

Numerus  19  positus  juxta  31.  decembris  et  epactam  xx, 
non  inservit  nisi  pro  anno  cujus  epacta  et  numerus  aureus 
est  XIX.  Tune  enim  duo  novilunia habenturmense  decembri, 
nempe  2  et  31. 

Quum  primo  anno  cycli  lunaris  novilunium  in  diem  1. 
januàrii  incidat  ac  proinde  initio  anni  solaris  nullae  sint 
epactœ,  hic  epactarum  defectus  etiam  per  signum  *  sive 
asteriscum  exprimitur,  licet  alias  in  praesenti  materia  pro 
XXX  sumatur. 

76.  Epactas  respondentes  numeris  aureis  ab  idibus  octo- 
bris  anni  correctionis  1582.  usquead  annum  1700.  ipsum 
proœmium  Breviarii  describit  ;  quœnam  vero  currente  hoc 
sœculo  XIX.  aureis  numeris  tribuantur,  ex  subjecto  diagram- 
mate  disces. 

(1)  Cfr.  u.  52.  III. 


un 


COMMENTARTUS 


i 

NUMERI    AUREI    ET    EPACTE 

SECULO 

XIX. 

Ann.  œrae 

vulgaris. 

Niim. 
i       aur. 

Epactae 

1801. 

1820. 

1839. 

1858. 

1877. 

1896. 

16 

15 

1802. 

1821. 

18^0. 

1859. 

1878. 

189Â 

17 

!     26 

1803. 

1822. 

ISIil. 

1860. 

1879. 

1898. 

18 

1       7 

180Zi. 

1823. 

18/|2. 

1861. 

1880. 

1899. 

19 

18 

1805. 

182/|. 

18/i3. 

1862. 

1881. 

1 

3f 

1806. 

1825. 

ïSlih. 

1 863. 

1882. 

9 

11 

1807. 

1826. 

18/i5. 

186/1. 

1883. 

3 

22 

1808. 

1827. 

18/j6. 

1865. 

188/1. 

h 

3 

1809. 

1828. 

1847. 

1866. 

1885. 

6 

U 

1810. 

1829. 

18/|8. 

1 867. 

1886. 

6 

25 

1811. 

1830. 

18/i9. 

1868. 

1887. 

7 

6 

1812. 

1831. 

1850. 

1869. 

1888. 

8 

17 

1813. 

1832. 

1851. 

1870. 

1889. 

9 

28 

181/1. 

1833. 

1852. 

1871. 

1890. 

10 

9 

1815. 

183^. 

1853. 

1872. 

1891. 

1 

11 

20 

1816. 

1835, 

ISbli. 

1873. 

1892. 

1 

12 

1 
^12^ 

1817. 

1836. 

1855. 

187/1. 

1893. 

1 

13    1 

1818. 

1837. 

1856. 

1875. 

189/i. 

1 

U 

23 

1819. 

1838. 

1857. 

1876. 

1895. 

15 

à 

Haec  de  correctione  epactarum  seu  potius  de  propayatione 
numeri  aurei  in  30  epactas  dicta  sufficiant  (1). 


(1)  Licet  C3clui  epaclarum  trigiiita  nuiueros  conlineat,  non  utimur 
taraen  omnibus  triginfa  eodem  temnore  ;  sed  tanlum  decem  et  novem 
adhibemus,  qnot  nimirum  sunt  aurei  numeri,  per  quos  hujusmodi  Iri- 
ginla  nuaierj  epactalesfieqiiautur  progrediunturque.  iLaque  ii;de  ab  auno 
170O.  ir.clnsive  usquc  ad  fincm  anni  1899.,  utimnr  epactis  11,  22,  3,  14, 
etc.;  ab  anno  1900.  autem  usque  ad  an.  21P9.  in  epactarum  cycle  pro- 
gredicntes  adhibebunt  epactas  quae  ordinc  sequunlur,  nimiium  10,  2i, 
2,  13,  24,  etc.  etc.  Ab  anno  2200.  usque  ad  an.  2299.  epactae  erunt  9, 
20,  1,  12,  23,  et  cseterœ,  quae  per  continuam  additionem  numeri  11  ad 
praecedentem  epactam  eadem  seœper  ratione  proRredinutur.  Cfr.  Ru- 
àrica  marljiol.  Pium.  el  uiuâ  literaruin  Indician  in  capito  addilitio. 


DE    COMPUTO    ECCLES[ASTICO.  4*25 

77.  Qiiod  ad  usum  epactarum  pertinet,  absque  his,  inquit 
S.  Isidorus  [l,  c.  n.  31.),  non  invenies  Ivnam  quota  sH 
in  quolibet  anno  et  mense  et  die.  Id  quemadmodum  sit 
intelligendum,  operîE  pretium  est  breviter  exponere.  Pro 
dignoscendis  igitur  ex  epacta  lunae  diebus,  addendi  ipsi 
siint  tôt  dies,  quotus  fuerit  mensium  numerus,  non  a  janua- 
rio,  sed  a  martio  inclusive  numeratus.  [S.  hid.  L  c). 

Per  hanc  additionem  obtinetur  epacta,  seu  œtas  lunae 
pro  primo  die  illius  mensis,  in  quo  lunœ  dies  quœritur. 
Si  deinde  collectaî  huic  summse  etiam  numerus  dierun. 
mensis  adjiciatur,  totalis  summa  œtatem  lunae  pro  tali  die 
indicabit,  dummodo  dicta  summa  tricenarium  numerum 
non  superet;  tune  enim  luna  non  erit  nisi  tôt  dierum 
quot  dies  abjectis  30  ex  illa  summa  supersunt.  Si  v.  g.  in- 
venire  velis  astatem  lunœ  pro  primo  die  augusti  hujus  anni 
1863.,  sûmes  epactam  11,  quœ  juxta  diagramma  propositum 
anno  currenti  competit.  Epactœ  11  addes  numerum  men- 
sium a  martio  inclusive  numeratum,  h.  e.  6:  in  collecta 
summa  17  habebis  diem  lunœ  pro  pMmo  die  mensis  augusti. 
Si  deinde  dignoscere  velis  aetatem  lunae  pro  festo  Assump- 
tionis  B.  AI.  V.  seu  pro  15.  ejusdem  mensis  augusti,  summae 
17  ex  priori  additione  jam  obtentse  addes  simul  numerum 
dierum  seu  15,  et  detractis  30  ex  summa  32,  quœ  ex  ultima 
additione  exurgit,  supererunt  2,  qui  diem  lunœ  pro  15.  au- 
gusti indicabunt.  Hœc  régula  tamen  lunœ  œtatem  non  nisi 
prœter  propter  indicat  et  quidem  semper  diem  completum. 
Vide  quœ  habet  Petav.  lib   vi.  c.  26,  de  Doctrina  iempor. 

Sed  et  alius  est  numerorum  epactalium  usus  quoad  Pas- 
chatis  atque  inde  reliquorum  etiam  mobilium  festorum  celé 
brationem  ;  per  introductum  novum  epactarum  numerum 
enim  lunationes  iis    locis   affixœ  detinentur,    ut  satisiieri 
priscœ  Ecclesiœ  canonibus  possit;  qua  de  re  postea. 

N.  N.,  Sacrorum  canonum  Prof. 
Revue  tes  Sciences  kcclés.,  t.  ix  — mai  1864.  28. 


DE   L'ELECTION  DU  S0UVP:HAÎN-  l^OXTIFE 

tt  diS  Coîidilious  requise! 

POUR   qu'elle  soit  le'gitime. 


Deux  cin'  et  dernier  artiel  i 


§2. 


En  ver'.ii  de  qu^l  Hroit  et  depuis  f]uelle  époque  l'élection  fies    Papes  app'iriien 
aux  Cardinaux. 

I.  }Jode  (V élection  des  Papes  pendant  les  quatre  premiers  siè- 
cles, n  On  admet  comme  certain,  dit  le  cardinal  Petra,  que, 
dès  le  principe,  l'élection  du  Souverain-Pontife  se  fit  par  les 
prêtres  et  les  diacres  de  la  ville  de  Rome...  A  partir  du 
pontificat  de  saint  Sylvestre,  la  profession  de  la  religion 
chrétienne  étant  devenue  publique,  tout  le  peuple  romain 
prit  aussi  quelque  part  à  cette  élection  :  il  fut  admis  à  in- 
tervenir pour  rendre  témoignage  à  l'intégrité  de  vie  et  de 
mœurs  di  l'élu...  Tel  fut  le  mode  d'élection  pendant  les 
quaire  premiers  siècles  ;  elle  se  faisait  en  toute  liberté  par 
les  prêtres  et  les  diacres  :  puis  le  peuple  assemblé  y  joignait 
son  suffrage  »  ^^tome  h,  commentaire  sur  la  cinquième  con- 
stitution de  Clément  VI,  n.  18  et  suiv.)  Suarez  fait  observer 
que  le  peuple  était  admis,  non  nt  suffragia  ferrel  in  electione, 
sed  testiinonium  vitœ  et  tnorum  ejus  qui  eligebatur.  (Tractatus 
deFide,  disp.  10,  sect.  Il,  n.  9.) 


lli    I.'tLKGTlON    1)U    SOUV£RA1]\-P0>rril-L.  /l!27 

IL  }!o'le  iVékcliondepuis  le  V^  jusqu  au  XI"  siècle. — Pendant 
celte  longue  période,  les  rois  et  les  empereurs  s'arrogèrent 
fréquemment  une  grande  part  dans  l'élection  des  Papes. 
€e  fait  matériel  n'est  point  contesté.  Cette,  intervention  du 
pouvoir  laïque  a  pu  avoir  lieu  légitimement,  comme  elle  a 
pu  aussi  E'être  qu'une  usurpation  et  une  violence.  Elle  a 
été  légitime  s'il  y  a  eu  acceptation  et  consentement  de  la 
part  de  ceux  à  qui  il  appartenait  de  statuer  sur  l'élection. 
Ceux-ci,  en  effet,  ont  pu  consentir  à  ce  que  l'élection  ne  fût 
définitive,  que  quand  elle  serait  agréée  par  tel  roi  ou  tel 
■empereur.  Quoiqu'une  pareille  concession  soit  des  plus 
dangereuses,  on  conçoit  qu'eu  égard  à  un  ensemble  de  cir- 
constances difliciles,  le  Saint-Siège  ait  cru  opportun  de  l'ac- 
corder transitoiremsnt  à  un  prince  et  pour  une  prochaine 
vacance  de  siège.  Pai-eillement  on  conçoit  que  les  électeurs 
légitimes,  pour  éviter  le  péril  imminent  d'un  schisme  ou 
■d'autres  calamités,  aient  quelquefois  consenti  à  ne  fixer  leurs 
suffrages  sur  quelqu'un  qu'autant  qu'il  serait  agréé  par  tel 
i'oi  ou  tel  em])ereur.  Le  Saint-Siège  n'aurait  pas  pu  accorder 
au  pouvoir  laïque  à /j2/-/?e72«Yc;  cette  ingérence  prépondérante. 
Vïi  pareil  décret  pontifical  serait  destructif  de  l'Eglise,  et  il 
n'y  en  a  jamais  eu  de  tel.  Mais  rien  ne  prouve  que  la  con- 
cession n'ait  pu  avoir  lieu  transitoirement,  pour  des  cas 
particuliers,  afin  d'éviter  des  malheurs  imminents. 

En  dehors  de  la  concession  mentionnée,  il  est  certain 
qne  l'ingérence  du  pouvoir  laïque  aurait  été  une  usurpation, 
une  injustice,  une  violence.  Car  dès  lors  la  question  se  ré- 
duit à  ces  termes  :  Le  droit  d'élire  les  Papes  uppartlenl-il  aux 
laïques?  L'enseignement  unanime  des  théologiens  ortho- 
doxes y  répond  négativement.  On  peut  en  voir  les  preuves 
dans  Passerini  (  Tractaius  de  Electione  Summi  Pontificis, 
quest.  5,  pag.  18,  Romœ  1670).  Le  dominicain  Camarda, 
évêque  de  Riéti,  s'exprime  ainsi  :  «  Utrum  electio  summi 
Pontificis  pertineat  ad  laïcos?  —  D'ico  primo  ^  nemo  laïco- 


/i28  DE  l'élection  Dr  solvehatn-pontife. 

runi  sive  sit  siuiplex  sœcularis,  sive  sit  princeps,  rex,  impe- 
rator  aut  monrtrcha,  habet  vel  unquam  habuit  de  jure  divl- 
110  jus  eligendi  Pontificem.  Haecconclusio  communis  est  inter 
doctores...  Dico  secundo  ;  laïci  neque  jure  ecclesiastico  ha- 
bent  jus  eligendi  Pontificem:  imo  hoc  est  illis  plenojure 
prohibitum...  »  {Tractatus  de  Eleclione  Pontificis,  dissert.  2, 
pag.  99,  Reate  1737.) 

Reste  la  question,  si,  en  fait,  l'ingérence  du  pouvoir 
laïque  pendant  la  période  assignée,  a  eu  lieu  légitimement, 
c'est-à-dire,  en  vertu  d'une  concession,  ou  si  elle  doit  être 
considérée  comme  une  pure  violence.  INous  pensons  qu'après 
une  étude  attentive  des  documents  historiques  on  recop.- 
naîtra  que  tantôt  elle  a  été  du  premier  genre  et  tantôt  du 
second.  C'est  aussi  le  sentiment  de  Suarez  :  «Postea  vero, 
dit-il,  consensus  imperatorum  cœpit  expectari,  ita  ut  non 
censeretur  omnino  firma  electio,  donec  imperator  assenti- 
ret.  QQod  privilegium  interdum  fuit  per  tyrannidem  usur- 
patum,  ut  abHenrico  V,  tempore  Paschalis  secundi;  inter- 
dum falso  confictum,  ut  de  quodam  Othone  refertur  (can. 
In  Si/nodo,  di^.t.  63)  ;  interdum  vere  datum  ab  ipsis  Ponti- 
ficibus.  {Tractatus  de  Fide,  disput.  10,  sect.  4,  n.  9.)  Suarez 
toutefois  n'appuie  sa  dernière  assertion  que  sur  la  conces- 
sion a  Charlcmagne  cl  à  Pëpin,  attestée  par  les  canons 
Adrianus  et  Ego  Ludovicus  [à'ist.  63),  canons  reconnus  au- 
jourd'hui pour  apocryphes. 

Pour  résumer  ce  qui  concerne  l'ingérence  du  pouvoir 
laïque  :  1"  jamais  elle  n'a  été  accordée  par  forme  de  décret 
perpétuel;  2°  un  pareil  décret  serait  destructif  de  l'Église 
et  par  conséquent  nul  ;  3"  le  Saint-Siège  étant  infaillible  en 
matière  de  discipline  générale,  dans  le  sens  précédemment 
expliqué,  il  ne  peut  pas  arriver  qu'il  fasse  jamais  un  tel 
décret  ;  /i"  même  le  privilège  d'ingérence  personnelle  et  tran- 
sitoire doit  être  considéré  comme  généralement  nuisible  à 
l'Église:  l'histoire  est  là  pour  le  prouver;  5°  néanmoins, 


DE    L  ÉLECTION  DU  SOU VliRAllV-POlNTlFE.  ^29 

absolument  parlant,  en  de  rares  circonstances,  il  peut  se 
faire  que  le  privilège  personnel  et  transitoire  d'intervention 
laïque  soit  utile  à  l'Eglise  et  par  conséquent  légitime. 

III.  Mode  d'élection  statué  par  Nicolas  II  en  1059.  — C'est 
à  ce  Pape  qu'on  doit  le  célèbre  décret,  publié  dans  le  Con- 
cile de  Latran,  qui  constitue  seuls  électeurs  les  cardinaux 
évêques.  Néanmoins  ce  décret  laissa  subsister  comme  aupa- 
ravant les  acclamations,  les  postulations  et  l'applaudisse- 
ment du  reste  du  clergé  et  du  peuple.  En  voici  les  termes  : 
Electio  Romani  Pontificis  in  potestale  cardinalium  episcoporuni 
sit  ;  ita  ut  si  quis  Apostolicœ  Sedi  sine  prœmissa  concordi  et 
cajionica  élections  eorum,  ac  deinde  sequentiurn  ordimim  reli- 
giosorum,  clericorum  et  laicorum  consen^u  intronizetur,  is  non 
Papavel  Apostolicus,  sed  Apostaticas  habeatur  (can.  Innomine, 
distinct.  23). 

IV.  L'élection  est  attribuée  entièrement  et  exclusivement  aux- 
cardinaux  par  Alexandre  III,  l'an  1178.  —  Le  décret  de 
ce  Pape,  publié  dans  le  concile  de  Latran  de  cette  même 
année,  est  conçu  en  ces  tenues  :  «  Statuimus  ut  si  forte... 
inter  cardinales  de  subtituendo  Summo  Pontifice  non  poterit 
esse  plena  concordia,  et  duabus  partibusconcordantibuspars 
tertia  concordare  noluerit. . ,  ille  absque  ulla  exceptione  ab 
universali  Ecclesia  Ptomanus  Pontifex  habeatur,  qui  a  dua- 
bus partibus  concordantibus  electus  fuerit  et  receptus  » 
(cap.  Licet  6,  de  Eleciione) .  A  partir  de  cette  époque,  le  droit 
d'élire  les  Papes  a  toujours  appartenu  exclusivement  aux 
cardinaux.  Et  tandis  qu'auparavant  ce  droit  était  encore 
assujetti  à  la  formalité  de  l'acclamation  ou  de  l'assentiment 
du  peuple  assemblé,  il  fut  dès  lors  complètement  affranclii 
de  toute  restriction.  «  Ce  fut,  dit  le  cardinal  Petra,  un  im- 
mense bienfait  pour  l'Église.  Le  mode  d'élection  si  sage- 
ment établi  par  Alexandre  III,  est  celui  que  nous  voyons 
aujourd'hui  en  vigueur,  et  il  est  à  croire  qu'il  durera  jus- 
qu  4.1a  fin  des  temps... .  Pendant  de  longs  siècles,  la  tumul- 


Zi3  0  DE     l.'Ér.liCTIO^    DU    SOUVERAn'   POMIFE'. 

tueuse  intervention  du  peuple  et  les  violences  du  pouvoir 
impérial  avaient  exercé  sur  ces  élections  une  désastreuse  in- 
fluence. Grâce  à  la  constitution  d'Alexandre  III,  le  fléau 
séculaire  fut  enfin  heureusement  et  définitivement  écarté. 
Le  pouvoir  d'élire  le  Pape  demeura  ainsi  concentré  tout 
entier  dans  le  Sacré-College  des  cardinaux  »  (/.  c,  n.  S8), 

V.  Décréta  ultérieurs  du  S'ii)iî'Siég?. —  L'expérience  avait 
montré  que  le  désaccord  parmi  les  membres  du  sacré  col- 
lège pouvait  retarder  l'élection  et  prolonger  notablement 
la  vacance  du  Saint-Siège,  au  grand  préjudice  de  l'Eglise. 
Pour  obvier  à  cet  inconvénient,  Grégoire  X,  dans  le  con- 
cile de  Lyon,  de  Tan  i27/i,  établit  l'usage  du  conclave,  et 
prescrivit  entr'autros,  que  si  les  cardinaux  ne  s'accordaient 
pas  dans  l'espace  de  trois  jours,  il  ne  seraitservi  à  leur  table 
qu'une  espèce  démets;  et  qu'après  cinq  jours,  s'ils  n'avaient 
pas  encore  pu  s'entendre,  on  ne  leur  donnerait  ])lus  pour 
aliment  que  du  pain,  du  vin  et  de  l'eau,  jusqu'à  ce  que  l'é- 
lection eût  abouti.  Plus  tard  Clément  VI  adoucit  un  peu  la 
rigueur  de  cette  mesure» 

La  manière  dont  les  cardinaux  devaient  procédei'  fat  suc- 
cessivement prescriteet  déterminée  plus  en  détail  par  d'au- 
tres Papes,  savoir  :  par  Clément  V,  Clément  VI,  Jules  II, 
Paul  IV,  Pie  IV,  Grégoire  XV,  Urbain  VIII  et  Clément  XII. 
Le  code  législatif  de  ces  élections  a  été  ainsi  amené  à  l'ad- 
mirable degré  de  perfection  où  il  est  maintenant.  11  rend  à 
peu  près  impossibles  les  dissensions  et  les  troubles  qui 
avaient  autrefois  si  souvent  ébranlé  et  déchiré  l'Église. 

VI.  En  verln  de  quel  droit  les  cardinaux  possèdent-ils  la 
2Jrérogative  de  l'élection  des  Papes  ?  —  1°  Ce  n'est  pas  en 
vertu  du  droit  divin.  Le  Sauveur  du  monde  n'a  pas  déter- 
miné lui-môme,  du  moins  par  forme  de  décret  immuable, 
quels  seraient  les  électeurs  de  son  Vicaire  en  terre,  ni  de 
quelle  manière  ils  auraient  à  procéder  dans  cette  élection.  Il 
a  voulu  que  le  pouvoir  de  statuer  en  cette  matière  appartînt  à 


DE    1.'ÉLLCT10>(    du    SOLVERAlX-PO.MJlli.  /\'iî 

S'jii  Église.  Il  ne  s'ensuit  nullement  que  saint  Pierre  n'ait  pas 
reçu  à  cet  égard  des  instructions  de  son  divin  Maître.  Rien 
ue  s'oppose  à  l'hypothèse  d'une  lumière  divine,  en  vertu 
de  laquelle  saint  Pierre  aurait  établi  que  ses  successeurs 
devaient  être  élus  par  les  prêtres  et  les  diacres  formant  le 
prcsbyteriumÙQ  l'Evêque  de  Rome,  jrresb'jtcn'vm  dont  le  Sacré- 
Collége  des  cardinaux  est  la  continuation.  Mais  le  fait  de  la 
variation  survenue,  prouve  que  Jésus-Christ  a  laissé  ce 
point  soumis  à  l'autorité  préposée  à  son  Église.  Et  dès  lors 
la  prérogative  des  cardinaux  ne  rentre  pas  dans  la  catégorie 
du  droit  strictement  divin. 

2'  Que  les  cardinaux  aient  au  moins  la  principale  part 
dans  l'élection  des  Papes,  on  peut  dire  que  c'est  de  droit 
apostolique.  Car,  depuis  le  temps  des  Apôtres,  nous  voyons 
les  prêtres  et  les  diacres  de  l'Église  de  Rome  en  possession 
d'élire  leur  évêque,  qui  est  en  même  temps  le  Chef  suprême 
de  toute  l'Église.  Or,  les  cardinaux  ne  sont  autre  chose  que 
l'institution  continuée  du  collège  des  prêtres  et  de  celui  des 
diacres,  ou  du  collège  total  dont  se  composait  ce  qu'on 
nommait  autrefois  \q  presbyteriiim  de  l'Evêque  de  Rome.  On 
peut  le  voir  prouvé  jusqu'à  l'évidence  par  les  érudits, 
entr'autres  par  Thomassin.  Il  est  vrai  qu'on  dispute  sur  la 
part  d'intervention  laissée  aussi  au  peuple  pendant  les 
premiers  siècles.  Néanmoins,  les  liommes  de  la  science 
s'accordent  à  reconnaître  que  ce  droit  d'intervention  du 
peuple  fut  toujours  secondaire^  et  (\}iq\q principal  appartint 
toujours  au  clergé  de  Rome,  aux  prêtres  et  aux  diacres  in- 
cardinés  à  l'Église  romaine,  comme  s'exprimait  l'anti- 
quité» 

o®  Le  dispositif  qui  a  concentré  exclusivement  dans  le 
collège  des  cardinaux  tout  le  pouvoir  électif,  en  tant  qu'il  a 
exclu  toute  intervention  du  peuple  et  de  tous  autres,  n'est 
que  de  droit  ecclésiastique.  C'est  de  l'autorité  du  Saint-Siège 
que  ce  dispositif  est  émané,  et  il  a  remplacé  une  forme  diffé- 


Zi32  Di-    l'élection  du  SaUVERAlX-POriFE, 

rente,  que  le  même  Saint-Siège  avait  précédemment  auto- 
risée. 

VII.  Identité  de  la  discipline  actuelle  avec  la  discipline  tout- 
à-fait  primitive,  quant  au  privilège  exclusif  des  Cardinaux. — 
Dans  le  rapide  exposé  que  nous  venons  de  mettre  sous  ses 
yeux,  le  lecteur  aura  pu  remarquer,  qu'avant  Constantin, 
c'est-à-dire,  durant  les  trois  siècles  de  persécution  qui 
avaient  précédé,  l'intervention  du  peuple  dans  l'élection  des 
Papes  n'est  pas  constatée.  Tout  fait  présumer  qu'elle  n'eut 
pas  lieu.  On  n'aurait  pas  pu  assembler  le  peuple  pour  accla- 
mer l'élu,  comme  on  le  fit  plus  tard.  L'étude  des  monuments 
relatifs  à  ces  trois  premiers  siècles  conduit  à  cette  concl  usion  : 
le  pouvoir  d'élire  était  concentré  tout  entier  dans  le  collège 
des  prêtres  et  des  diacres  incardinés  à  l'Eglise  romaine.  S'il 
en  est  ainsi,  il  faut  dire  que  le  pape  Alexandi'e  ÏII,  en  attri- 
buant entièrement  et  exclusivement  l'élection  aux  cardinaux, 
n'a  fait  que  rétablir  la  discipline  tout-à-fait  primitive.  Le 
collège  actuel  des  cardinaux  n'est  que  la  continuation  non 
interrompue  de  l'antique  collège  des  prêtres  et  des  diacres 
incardinés  à  l'Église  de  Piome.  Leur  prérogative  exclusive 
d'aujourd'hui  est  donc  celle-là  même  qu'ils  possédèrent 
primitivement. 

Du  pouvoir  des  Cardinaux  pendant  la  vacance  du  Suint-Siége. 

I.  Ils  ne  peuvent  exercer  aucun  acte  delà  juridiction  papale , 
si  ce  71  est  en  cas  de  nécessité,  et  sauf  le  pouvoir  accoutumé  des 
Congrégations,  qui  continue  à  subsister.  —  Qu'en  général  la 
juridiction  ordinaire  de  l'évêque  défunt  passe  au  chapitre 
cathédral,  c'est  un  effet  du  droit  ecclésiastique  et  non  du 
droit  divin.  L'Église  pomTait  donc  modifier  et  restreindre 
cette  prérogative  des  chapitres,  si  elle  le  jugeait  conve- 


DE  l'élection    UU    SOUVERAIN -PONTIFE.  4SS 

nable.  En  ce  qui  concerne  l'Église  de  Rome,  la  transmission 
du  pouvoir  papal  au  Sacré-Collége  des  cardinaux,  par  la 
vacance  du  siège,  est  pareillement  subordonnée  à  la  su- 
prême autorité  de  l'Église,  c'est-à-dire,  au  pouvoir  du 
Souverain-Pontife  et  du  concile  œcuménique.  D'une  part  on 
chercherait  en  vain  le  divin  décret  par  lequel  Jésus-Christ 
lui-même  aurait  conféré  aux  cardinaux  le  pouvoir  ordi- 
naire du  Pape,  lors  de  la  vacance  du  siège,  sans  le  subor- 
donner au  suprême  pouvoir  législatif  de  l'Église.  D'autre 
part,  les  faits  prouvent  que  ce  divin  décret  n'a  pas  eu  lieu. 
Car  il  ne  peut  jamais  arriver  que  l'Église  décrète  contrai- 
rement à  un  décret  divin.  Et  néanmoins  elle  l'aurait  fait  en 
cette  matièi'e,  si  les  cardinaux  tenaient  de  Jésus-Christ 
même  le  pouvoir  en  question,  sans  dépendance  de  la  su- 
prême autorité  de  l'Église. 

Le  Pape  Grégoire  X  dans  le  concile  œcuménique  de  Lyon, 
de  l'an  'J273,  a  ainsi  statué:  «  lidem  quoque  Cardinales 
accelerandœ  provisioni  sic  vacent  att^ntius,  quod  se  nequa- 
quam  de  aho  negotio  introinittant  :  nisi  forsan  nécessitas 
adeo  urgens  incideret,  quod  eos  oporteret  de  terra  ipsius 
Ecclesiae  defendenda  vel  ejus  parte  ahqua  providere  ;  vel 
nIsi  aliquod  tam  grande  et  tam  evidens  periculum  innnineret, 
quod  omnibus  et  singulis  cardinalibus  praesentibus  concor- 
diter  videretur  illi  celeriter  occurrendum.  »  (Cap.  JJbi  peri- 
culum, 3  de  Electione,  in  6.)  Aux  termes  de  cette  loi,  le  Sacré 
Collège  ne  peut  exercer  la  juridiction  papale  que  dans  le 
cas  exceptionnel  d'une  nécessité  pressante,  et  que  tous  les 
cardinaux  aient  unanimement  reconnue  telle.  Le  fait  de 
cette  loi,  qui  n'aurait  pu  être  portée  par  un  concile  œcumé- 
nique si  elle  était  contraire  au  droit  divin,  prouve  à  la  fois 
que  la  juridiction  du  Sacré-Collége  pendant  la  vacance 
est  subordonnée  au  suprême  pouvoir  législatif  de  l'Église, 
et  qu'elle  a  été  réellement  restreinte  et  rendue  moindre  que 
la  juridiction  ordinaire  du  Pape. 


434  DK    LÈLECnO.X    du    SOUVKUAiN-POMlfli. 

11  est  vrai  que  certains  esprits  prétendirent,  au  quator- 
zième siècle,  que  le  Sacré-Collége  des  cardinaux  pouvait, 
pendant  la  vacance  du  Saint-Siège,  annuler  ce  décret  du 
concile  de  Lyon,  et  n'en  tenir  aucun  compte.  Ils  s'appuyaient 
sur  riiypothèse,  obstinément  soutenue  par  eux,  que  la  juri- 
diction ordinaire  du  Pape  défunt  passait  tout  entière  aux 
cardinaux,  et  qu'ils  ne  pouvaient  par  conséquent  être  liés 
par  les  décrets  disciplinaires  d'aucun  Pape,  ni  d'aucun  con- 
cile. Mais  Clément  V  proscrivit  une  erreur  si  dangereuse, 
et  les  termes  de  son  décret  prouvent  que  la  prohibition  de 
Grégoire  X  dans  le  concile  de  Lyon,  n'entraîne  pas  seu- 
lement VilUcilé  des  actes  contraires,  mais  aussi  la  nullité  : 
Irrilnm  et  inane  decerncnies  quidquid  potpslatis  cuit  jurisdic- 
tionis  ad  Romanum,  diim  vivit,  Pontificem  perfinentis  [nisi 
quaiemis  in  coiutiivJione  prœdicta  —  celle  de  Grégoire  X  — 
permittitur)  cœtus  ipse  duxerit,  eadem  vacante  Ecclesia,  exer- 
cendiim.  {Clément.  ISe  Romani,  2  de  Elcctione.) 

Ainsi,  en  dehors  du  cas  exceptionnel  de  nécessité  pres- 
sante, le  Sacré- Collège  ne  peut,  ni  licitement,  ni  validement, 
exercer  le  pouvoir  papal.  Il  ne  peut  donc,  ainsi  que  les  ca- 
nonistes  le  concluent  d'un  commun  accord,  ni  créer  de  nou- 
veaux cardinaux,  ni  réintégrer  les  cardinaux  déposés  et 
privés  de  leur  office  par  le  Pape,  non  plus  que  leur  redonner 
voix  active;  ni  conférer  les  insignes  aux  cardinnux  nou- 
vellement créés;  ni  instituer  des  évêques  ;  ni  confirmer 
ceux  qui  auraient  été  précédemment  élus  ;  ni  conférer  des 
bénéfices  ;  ni  mettre  à  exécution  les  décrets,  soit  de  grâce, 
soit  de  justice,  prononcés  par  le  Pape  défunt.  (Voir  Fer- 
raris,  au  mot  Cardinales:,  art.  5,  n.  23  et  suiv.)  Toutefois 
le  pouvoir  ordinaire  des  diverses  congrégations  cardina- 
lices continue  à  subsister,  comme  nous  le  dirons  bientôt. 

II.  La  règle  générale,  que  la  juridiction  ordinaire  de  l'é- 
réque  défunt  passe  au  chapitre  cathédral,  nest  pas  appli- 
cable av  Sacré-Collége,  du  moins  depuis   le  concile  œcumé- 


DE    l'élection    du    SOrVERAIN-PO.MJI  B.  4'^& 

nique  de  1273.  —  C'est  la  conséquence  rigoureuse  du 
décret  prononcé  par  ce  concile  et  de  la  doctrine  exposée  sur 
la  force  obligatoire  de  ce  décret,  même  sous  peine  de  nul- 
liLé.  Sur  quoi  Ferraris  fait  cette  réflexion  :  «  En  cette 
matière,  le  Sacré-Collégc  des  cardinaux  est  d'une  condition 
inférieure  à  celle  des  chapitres  cathédraux.  Ceux-ci  entrent 
en  possession  de  la  juridiction,  lors  de  la  vacance  du  siège 
épiscopal  ;  mais  il  {l'^n  est  pas  ainsi  du  Sacré-Collége  par 
rapport  à  la  juridiction  du  Pape  défunt.  »  (A  l'endroit  cité, 
n.  3J.) 

Nous  avons  dit,  du  moins  depuis  le  concile  œcuméniqv.e 
de  1273.  S'il  s'agissait  des  temps  antérieurs,  et  principa- 
lement des  premiers  siècles  de  l'Église,  il  faudrait  dire,  au 
contraire,  que  la  juridiction  du  Pape  défunt  passait  au 
Sacré-Collége,  comme  celle  des  autres  ôvêques  passait  à 
leurs  prcsbyteria  ou  chapitres  cathédraux;  avec  cette  dif- 
férence, que  la  juridiction  des  prêtres  et  des  diacres 
de  Rome  comprenait  le  droit  de  gpuverner  l'Église  uni- 
verselle. Les  érudits  qui  ont  traité  de  l'antique  discipline 
de  l'Eglise,  y  compris  Thomassin,  s'accordent  à  le  recon- 
naître. 

111.  Le  pouvoir  des  Conrjrécjations  continue  après  li  mort  du 
Pape,  mais  les  cardinaux  ont  soin  de  ne  pas  V exercer  par  rap- 
port  aux  affaires  graves,  à  moins  de  cause  vrgente.  —  1°  La 
juridiction  de  ces  congrégations  de  cardinaux  n'est  pas 
déléguée,  mais  ordinaire^  attendu  qu'elle  émane  de  la  loi. 
A  ce  titre  elle  doit  continuer  pendant  la  vacance,  à  moins 
d'une  mesure  contraire  du  législateur  qui  en  prononce  la 
cessation.  2°  Loin  qu'aucun  décret  du  Saint-Siège  ait  pro- 
noncé cette  cessation,  la  bulle  Immensa  de  Sixte  V  exprime 
assez  clairement  le  contraire.  3°  Si  la  juridiction  cessait  à 
la  vacance  du  siège,  le  nouveau  Pape  la  renouvellerait,  ce 
qui  n'a  pas  lieu.  Pour  ces  raisons,  les  canonistes  s'accordent 
à  regarder  comme  certain  le  pouvoir  ordinaire  des  Congre- 


436  DE    l'élection    du    SOUVERAlN-POxYriFE. 

gâtions  pendant  la  vacance  du  Saint-Siège.  (Voir  Ferraris, 
à  l'endroit  cité,  n.  AS.) 

Ils  ajoutent,  il  est  vrai,  que  ces  Congrégations  doivent 
alors  sommeiller  (conqulescere  et  dormitare)  quant  aux 
causes  qui  s'expédient  par  la  congrégation  et  la  souscription 
du  cardinal-préfet,  et  se  borner  aux  moins  importantes  qui 
s'expédient  par  le  secrétaire  seul;  mais  il  va  sans  dire  que 
la  Congrégation  peut  agir  autrement  lorsqu'elle  a  des 
raisons  d'éviter  les  délais.  On  en  a  un  exemple  dans  ces 
lignes  consignées  au  registre  de  la  Sacrée- Congrégation 
dite  des  Evêques  et  R/^gidiers  :  Sede  vacante  per  obition  Siimmi 
Pontificis  PU  Vil  sanciœ  memorîœ,  die '20  augusti  1823,  hora 
décima  ciim  dimidia.  Rescriptaex  fucultutibus  ordinariis  Sacrœ 
Congregationi&  et  Eminentissimi  Prœfecti,  signala  seii  subs- 
crijjta  in  conclave  ab  eodem  Eminentissimo P/-œfec!o. 

IV.  Lorsqu'il  y  a  incertitude  sur  le  vrai  Pape  et  que  deux 
ou  plusieurs  se  disputent  la  papauté,  c'est  aux  cardinaux  qu'il 
appartient  de  convoquer  le  concile  général.  A  eux  aussi  appar- 
tient le  droit  et  le  devoir  d'anathématiser  V intrus.  —  Nous 
nous  contenterons  de  reproduire  le  passage  de  Ferraris  sur 
ce  sujet  :  «  Dans  le  cas  où  deux  se  disputent  la  Papauté, 
s'ils  refusent  de  convoquer  le  concile  général,  le  collège  des 
cardinaux  peut  faire  la  convocation  (Cardinal  Zarabella, 
Fagnan,..),  Car,  ayant  le  droit  d'élire  le  Pape,  leur  pou- 
voir compi-end  par  cela  même  tout  ce  qui  est  nécessaire  pour 
assurer  cette  élection...  Le  Sacré-Collége  peut  aussi  et  doit 
anathématiser  et  chasser  le  Pape  intrus,  selon  le  texte 
formel  du  canon  Si  quis,  de  Electione  in  Sexto.  Ce  canon  n'a 
pas  été  abrogé,  mais  confirmé  par  le  décret  Ubi  periculum, 
de  Electione,  in  6.  11  est  évident  que  la  mission  d'élire  le 
Pape  comprend  celle  d'expulser  les  intrus.  »  (Au  mot 
Cardinales,  art.  5,  n.  hO.) 


1)L    LKf.KCTION    DU    SOU  M  li  \  IX-l'OMIFE.  I\'i7 

Lois  acUu'lIement  en  vigueur  par  rapport  au  Conclave  cl.  îi  la  manière  d'élire 
le  Souverain-Pontife. 

Sous  le  titre  de  Cérémonial,  Grégoire  XV,  par  sa  bulle 
Decet  liomanum  Pontificem  (12  mars  1622)  publia  et  rendit 
obligatoire  le  recueil  ou  résumé,  tant  des  lois  de  ses  pré- 
décesseurs, confirmées  par  lui,  que  de  celles  qu'il  avait  ajou- 
tées lui-même.  Ce  livre,  avec  les  additions  de  Clément  XII 
(constitution  Aposlolatiis  officinm),  est  le  code  d'après  le- 
quel les  cardinaux  sont  tenus,  selon  la  discipline  actuelle, 
de  procéder  à  l'élection  du  Souverain-Pontife.  On  leur  en 
distribue  des  exemplaires  avant  qu'ils  entrent  en  conclave. 
Les  prescriptions  qu'il  renferme  sont  de  deux  sortes  :  celles 
dont  l'omission  quoique  illicite  ne  rend  pas  l'élection  nulle  ; 
et  celles  qu'accompagne  la  clause  de  nullité.  Relativement 
à  la  valeur  de  ce  code,  on  ne  doit  pas  oublier  ce  que  nous 
avons  dit  plus  haut.  Chaque  Pape,  durant  sa  vie,  peut  le 
modifier,  mais  sitôt  qu'il  a  rendu  le  dernier  soupir,  per- 
sonne au  monde,  durant  la  vacance  du  siège,  ne  peut  y  ajou- 
ter ni  en  retrancher  un  iota.  Tel  que  le  dernier  Pape  l'a 
laissé,  il  oblige  toute  l'Église.  Nous  nous  bornerons  à  énu- 
mérer  les  principales  de  ces  prescriptions.  Puis  nous  men- 
tionnerons le  cas  où  le  Pape  prévoit  des  obstacles  à  la  célé- 
bration régulière  du  conclave,  et  les  précautions  que  Pie  VI 
avait  prises  en  vue  de  cette  éventualité. 

I.  Résumé  des  prescriptions  principales.  —  1^  Quand  le 
Pape  a  rendu  le  dernier  soupir,  les  officiers  sortent  du  palais 
pontifical,  à  l'exception  du  cardinal  camérier  dont  l'office 
continue. 

2»  Les  secrétaires  remettent  au  cardinal  camérier  les 
sceaux  et  l'anneau  du  pêcheur  ;  et  on  les  brise. 


A38  DE    LKLKCTIO.N    UV    SOIJVF.R.VIN-PON  ITFK . 

3°  Les  cardinaux  absents  ne  sont  pas  convociués,  mais 
seulement  avei'tis  de  la  mort  du  Pape,  par  le  secrétaire  du 
S  acre- Collège. 

à"  ils  doivent  être  attendus  pendant  10  jours.  Néanmoins 
si  le3  cardinaux  préssnts  faisaient  l'élection  avant  le  10« 
jour,  ou  attendaient  les  absentsau-delà  de  ce  terme,  l'élec- 
tion serait  valide. 

5"  Ces  dix  jours  sont  employés  à  célébrer  les  funérailles 
du  Pape  défunt. 

(jo  Si  le  Pape  \ient  à  mourir  hors  de  Rome  et  de  la  ban- 
lieue, le  Conclave  doit  être  célébré  dans  l'endroit  où  il  est 
mort.  Mais  en  prévision  de  ce  cas,  les  Papes,  avant  de  se 
mettre  en  voyage,  ont  coutume  de  laisser  un  décret  portant 
que  dans  le  cas  où  ils  viendraient  à  mourir  loin  de  Rome, 
la  prochaine  élection  doit  se  faire  dans  cette  ville. 

7^  Après  les  10  jours  consacrés  aux  funérailles,  les  car- 
dinaux s'assemblent  dans  la  basilique  de  Saint-Pierre  et 
assistent  à  la  messe  du  Saint-Esprit.  Puis  au  chant  du  Vent 
Creator,  ils  se  rendent  au  conclave,  c'est-à-dire,  au  palais  ou 
édifice  où  ils  doivent  être  renfermés  jusqu'à  ce  qu'ils  aient 
fait  l'élection.  C'est  d'ordinaire  au  Vatican.  Le  cortège  étant 
arrivé  à  la  chapelle  du  conclave,  l'oraison  Deus  qui  corda  est 
prononcée  par  le  doyen  du  Sacré-Collège. 

8*^  On  lit  les  constitutions  pontificales  qui  prescrivent  le 
mode  d'élection,  et  les  cardinaux  jurent  de  s'y  conformer. 
Une  fois  entrés  au  conclave  ils  ne  peuvent  plus  en  sortir  que 
l'élection  ne  soit  terminée.  Si  quelqu'un  d'eux  en  sort  pour 
cause  de  santé,  il  ne  peut  plus  y  rentrer,  quand  même  il  se 
serait  rétabli. 

9°  Le  conclave  est  fermé  en  dedans  et  en  dehors.  Les  clefs 
sont  confiées  au  cardinal-camérier,  au  maître  des  céré- 
monies, et  aux  gardiens  du  conclave.  Chaque  cardinal  peut 
avoir  quelques  personnes  à  son  service  dans  l'intérieur  du 
conclave,  mais  sans  dépasser  à  cet  égard  ce  qui  est  prescrit 


DE    l'f.Ll.CllOV    !)L    SOi;\KnAi:>-PO.\T{rE.  i^i) 

dans  les  constitutions  Pontificales.  La  nourriliire  est  intro- 
duite par  des  tours,  comme  ceux  qu'on  voit  dans  les  commu- 
nautés cloîtrées,  (les  tours  sont  surveillés  par  des  gardiens 
d'oflice,  afin  qu'on  ne  fasse  parvenir  de  l'extérieur  à  aucun 
conclaviste  aucune  nouvelle  ni  aucun  écrit. 

10"  Les  cardinaux  qui  arrivent  après  le  commencement 
du  conclave  sont  introduits. 

11°  La  défense  d'envoyer  et  de  recevoir  des  lettres  ou 
des  messages  atteint  tous  ceux  qui  sont  dans  le  con- 
clave. 

12°  Les  cardinaux  seuls  ont  voix  pour  l'élection.  Ce  droit 
appartient  à  lous^  même  aux  cardinaux  excommuniés,  et  à 
ceux  qui  n'auraient  pas  encore  reçu  les  insignes  cardinalices. 
Il  a  été  ainsi  statué  pour  prévenir  les  dissensions  et  les  len- 
teurs que  pourrait  entraîner  la  question  préalable  si  tel 
cardinal  est,  ou  non,  sous  le  coup  de  quelque  excommu- 
nication. 

13°  On  peut  élire  pour  pape,  non-seulement  un  clerc, 
mais  même  un  laïque  et  un  homme  marié.  Pour  la  validité, 
il  suffît  qu'il  ait  reçu  le  baptême,  qu'il  ait  l'usage  de  sa 
raison,  et  qu'il  ne  soit  ni  hérétique,  ni  notoirement  accusé 
de  crime. 

lh°  L'élection  peut  se  faire  validementde  quatre  manières  : 
par  inspiration,  par  compromis,  par  scrutin,  et  par 
accession. 

15"  Pour  que  l'élection  par  inspirution  soit  valide,  il  faut 
qu'elle  ait  lieu  après  la  fermeture  des  portes  du  conclave  ; 
qu'il  y  ait  unanimité;  qu'aucune  déhbération  relative  à  l'élu 
n'ait  précédé  ;  enfin  qu'elle  se  fasse  par  ce  mot  eligo,  clai- 
rement prononcé  ou  écrit.  Par  exemple,  si  les  portes  étant 
déjà  fermées,  et  avant  qu'il  y  ait  eu  sur  la  personne  de  l'élu 
aucun  entretien  relatif  à  son  élection,  un  des  cardinaux  dit, 
à  intelligible  voix,  félis  un  tel,  et  que  tous  les  autres,  sans 
aucune  exception,  répètent  aussitôt  la  même  chose,  l'élection 


fi'iO  DE  l'élection  du  sot  vkraîx-pomife. 

sera  certainement  valide  ;  et  elle  aura  eu  lieu  par  inspiration, 
attendu  que  ces  mots  désignent  précisément  la  forme  que 
nous  venons  de  décrire. 

16°  L'élection  a  lieu  par  compromis  lorsque  les  Cardinaux 
s'accordent  à  confier  l'élection  à  quelques-uns  désignés  par 
eux.  Alors  celui  qui  est  élu  par  ceux  qui  ont  été  ainsi 
chargés  de  l'élection,  est  le  vrai  Pape>  Les  formalités  à 
observer  quand  le  Sacré-Collége  veut  procéder  ainsi,  sont 
déterminées  par  le  Cérémonial  de  Grégoire  XV.  L'élection  a 
rarement  lieu  par  compromis,  et  plus  rarement  encore  par 
inspiration.  D'ordinaire,  elle^se  fait  par  scnitin,  ainsi  qu'il 
suit. 

17"  L'élection  par  simple  scrutin  (ainsi  appelée  par  oppo- 
sition à  celle  qui  se  fait  per  scrutinium  cum  accessu)  est 
assujettie  par  les  décrets  de  Grégoire  XV  à  un  ensemble  de 
règlements  d'une  admirable  sagesse.  On  peut  les  lire  dans 
le  Cérénionid  de  ce  Pape.  Nous  ne  mentionnons  que  les  prin- 
cipaux. On  distribue  aux  cardinaux  des  bulletins  ou  feuilles 
imprimées,  où  des  lignes  forment  divers  compartiments. 
Chaque  cardinal  y  écrit  son  nom,  et  le  nom  de  celui  qu'il 
élit  pour  Pape,  avec  cette  formule  :  Ego  cardinalis...  eligo  in 
Summum  Pontificem  reverendissimum  Dominum  meum...  Ces 
bulletins  plies  et  cachetés  sont  déposés  dans  un  vase  ayant 
la  forme  d'un  calice.  Les  scrutateurs  en  font  le  dépouillement 
et  proclament  le  nom  inscrit  dans  chaque  bulletin.  Oii  addi- 
tionne les  suffrages  obtenus  par  chacun.  Si  aucun  n'a  obtenu 
les  deux  tiers  des  suffrages,  l'élection  est  nulle.  S'il  y  en  a 
un  qui  ait  ohiQnM  jusle  les  deux  tiers  des  suffrages,  on  ouvre 
dans  le  bulletin  de  celui-là  la  partie  qui  renferme  le  nom  de 
l'électeur;  et  si  l'on  constate  qu'il  se  soit  donné  le  suffrage 
à  lui-même,  l'élection  est  encore  nulle;  attendu  que  son 
suffrage  ne  compte  pas,  et  qu'il  lui  en  manque  un  pour  avoir 
les  deux  tiers.  Si  plusieurs  ont  obtenu  les  deux  tiers  ou  au- 
delà,  et  qu'ils  se  trouvent  avoir  exactement  le  même  nombre 


DE   l'élection   du   SOUVERAIN-PONTIFE,  AAl 

de  suffrages,  l'élection  reste  nulle.  Si  au  contraire  l'un  dé- 
passe les  autres,  ne  fût-ce  que  d'une  voix,  tout  est  fini  ; 
c'est  celui-là  qui  est  Pape. 

IS*'  Dans  le  cas  où  l'élection  n'a  pas  abouti  par  le  simple 
scrutin^  les  cardinaux  sont  libres  de  recourir  au  quatiième 
mode,  celui  de  Y  accession  (scrutinium  cum  accessu) .  On  dis- 
tribue alors  d'autres  bulletins,  et  chacun  des  cardinaux  y 
écrit  le  nom  de  celui  auquel  il  vent  cette  fois  donner  son 
suffrage,  en  employant  la  formule  :  Ego  cardinalis...  acceclo 
Reverendissimo  Domino  meo  N...  Le  bulletin  Ôl  accession  doit 
avoir,  sous  peine  de  nullité,  les  mêmes  sceaux  et  les  mêmes 
signes,  dont  le  cardinal  qui  le  dépose  avait  muni  son 
bulletin  de  scnitin.  On  reconnaît  ainsi  et  on  rapproche  les 
deux  bulletins  du  même  cardinal,  celui  qu'il  avait  "Jéposé 
au  scrutin^  et  celui  qu'il  a  déposé  ensuite  àl' urne  d'accession. 
Si  le  nom  de  celui  à  qui  il  donne  son  suffrage  est  le  même 
dans  les  deux  bulletins,  le  bulletin  d'accession  est  tenu  pour 
nul.  S'il  est  différent,  le  suffrage  qui  se  trouve  dans  le 
bulletin  d'accession  doit  être  compté.* Après  le  dépouillement, 
on  brûle  les  bulletins,  quand  même  l'élection  n'aurait  pas 
encore  abouti. 

19°  Quand  l'élection  est  terminée,  le  Sacré-Collége 
demande  à  l'élu  son  consentement.  Après  qu'il  l'a  donné, 
il  choisit  le  nom  qu'il  veut  porter  comme  Pape,  et  on  le 
revêt  des  habits  pontificaux.  Puis,  assis  sur  son  trône,  il 
reçoit  les  hommages  Hes  cardinaux.  Chacun  d'eux  lui  baise 
les  pieds,  les  mains  et  le  visage.  Le  premier  des  cardinaux- 
diacres  se  rend  à  l'endroit  assigné  pour  annoncer  l'élection 
au  peuple,  et  prononce  cette  formule  :  Je  vous  annonce  une 
grande  joie  :  nous  avons  pour  Pape  le  Réi>érendissime. . .,  ;  il  a 
pris  le  nom  de 

Les  canonistes  se  sont  préoccupés  du  cas,  à  peu  près  chi- 
mérique, où  la  mort  aurait  moissonné  tous  les  Cardinaux, 
ou  bien  réduit  le  Sacré-Collégeà  un  seul  membre.  Résumons 

Revue  DES  sciences  ecclés.,  t.  ix.— mai  1864.  29 


ltii'2  DE  l'élection  du  souverain-pontife. 

aussi  leur  enseignement  par  rapport  à   ces  deux   hypo- 
thèses. 

Premièrement.  Si  le  Sacré-Collége  se  trouvait  réduit  à  un 
seul  membre,  le  droit  de  faire  l'élection  serait  concentré  tout 
entier  dans  ce  seul  cardinal.  C'est  la  conclusion  unanime 
des  docteurs  cathotiques.  Ils  se  fondent  sur  le  principe  in- 
contesté, que  tout  droit  collégial  appartient  intégralement 
"au  dernier  membre  survivant.  Mais  ils  ajoutent  avec  la  même 
unanimité,  que,  dans  cette  hypothèse,  le  cardinal  survivant 
ne  pourraitpasdévènirPapepar  sa  propre  élection,  attendu 
que  les  lois  pontificales  ont  frappé  de  nullité  le  suffrage  que 
l'électeur  se  donne  à  lui-même. 

Secondement.  Dans  le  cas  où  la  mort  aurait  enlevé  tous 
les  cardinaux,  les  sentiments  sont  partagés.  L'opinion  la 
plus  suivie  attribue  encore  pour  lors  l'élection  au  clergé  de 
Rome,  c'est-à-dire,  aux  chanoines  de  Saint- Jean-de-Latran. 
D'autres  pensent  qu'elle  appartiendrait  au  concile  général. 
Un  petit  nombre  ont  pensé  autrefois  que  la  prérogative  de 
l'élection  appartiendrait  ^ux  patriarches.  Le  cas  ne  s'est 
jàïnais  présenté  et  probablement  ne  se  présentera  jamais. 

Uncas  moins  chimérique,  puisqu'il  s'est  malheureusement 
présenté,  est  celui  de  plusieurs  élus  se  disputant  la  pa- 
pauté. Dans  l'hypothèse  que  la  difficulté  de  discerner  le  vrai 
ï^apè  ait  mis  les  Églises  "éh  dés'accbrd,  que  lé  concile  géné- 
ral se  soit  asseinblé,  et  qile  les  prétendants  aient  été  amenés 
â  se  démettre,  une  question  se  présente:  A  qui  appartient -il 
d'élire  un  nouveau  Pape  ?  C'eât  au  moins  le  sentiment  le 
plus  probable  que  ce  droit  appartieht  encofe^lors  exclusi- 
vement aux  cardinaux.  Néanmoins,  dans  le  cbncile  de 
Constance,  où  la  question  fut  discutée,  on  convint  pour  plus 
de  sûreté  et  pour  éviter  tout  dissentiment,  que  les  cardi- 
naux feraient  l'élection  tant  en  leur  propfe  nom  qu'en  celui 
du  concile,  et  en  s' adjoignant  trente  électeurs,  membres  du 
mêiiie  concile,  et  pris  de  diverses  nations. 


DE  l'élection  du  souverain-pontife.  443 

II.  Précautions  de  Pie  VI  en  prévision  des  obstacles  qui 
pouvaient  empêcher  la  célébration  régulière  du  conclave.  — 
En  1782,  ce  Pape  voulant  se  rendre  à  Vienne,  laissa  dans 
Rome  un  bref  portant  que  s'il  venait  à  décéder  hors  de  cette 
ville,  les  cardinaux  devraient  néanmoins  y  célébrer  le  con- 
clave et  y  faire  l'élection  du  nouveau  Pape.  Il  suivait  en 
cela  l'exemple  de  Clément  VIII,  lorsqu'il  partit  pour  Fer- 
rare,  et  de  Benoit  XIII  se  retirant  à  Bénévent. 

Mais,  en  1798,  le  même  Pape  eut  à  prendre  des  mesures 
en  vue  d'une  autre  éventualité.  Il  avait  été  détrôné  par 
l'armée  de  la  Piépublique  française  et  conduit  prisonnier  à 
la  Chartreuse  de  Florence.  Les  cardinaux  se  trouvaient  dis- 
persés ;  plusieurs  étaient  privés  de  leur  liberté.  Dans  des 
circonstances  si  difficiles,  Pie  VI,  par  sa  bulle  :  Attentis  pecu- 
liaribus  et  deplorabilibus  circumstantiis^  autorisa  les  cardi- 
naux à  faire  l'élection  dans  la  ville  ou  le  lieu  où  ils  pour- 
raient se  réunir  en  plus  grand  nombre.  Il  leur  permit  aussi 
d'omettre,  selon  qu'ils  le  jugeraient  opportun,  les  formalités 
prescrites  pour  la  célébration  du  conclave,  sans  observer 
même  le  délai  de  10  jours,  qui  doit  précéder  l'élection. 
(Voir  Moroni,  au  mot  Conclave^  à  la  fin  du  §  1.) 

Dans  ce  rapide  exposé  de  l'enseignement  catholique  sur 
l'élection  des  Papes,  notre  but  a  été  d'écarter  les  idées 
fausses  de  certains  esprits,  qui  supposent  la  possibilité  de 
changer  le  code  de  ces  élections  pendant  la  vacance  du 
Saint-Siège. 

Ils  ne  font  pas  réflexion  qu'il  ne  reste  plus  alors  sur  terre 
aucune  autorité  qui  puisse  abroger  ou  modifier  les  constitu- 
tions pontificales  laissées  en  vigueur  par  le  dernier  Pape,  et 
que  les  cardinaux,  loindepouvoi ries  changer,  sont  tenus  de 
les  observer.  Le  serment  qu'ils  en  font  dans  la  première 
congrégation  après  le  décès  du  Pape,  et  qu'ils  répètent  après 
leur  entrée  en  conclave,  n'est  pas  une  formalité  libre,  mais 
une  loi  qui  les  oblige.  Quand  même,  traîtres  à  leur  devoir. 


hhli  DE  l'élection  du  souverain-pontife. 

ils  refuseraient  de  prêter  ce  serment,  l'élection  faite  par  eux 
contrairement  aux  formes  prescrites  sous  peine  de  nullité, 
n'aurait  aucune  valeur.  L'élu  serait  un  faux  Pape.  A  plus 
forte  raison  l'élection  serait-elle  nulle,  si  les  Cardinaux  con- 
sentaient à  partager  avec  d'autres,  par  exemple  avec  les 
évêques  ou  les  députés  des  divers  peuples  catholiques,  leur 
droit  d'électeurs.  Vainement  on  objecterait  que  la  forme  a 
été  différente  dans  les  premiers  siècles.  Elle  l'a  été,  elle 
pourrait  le  devenir  de  nouveau,  mais  par  un  acte  législatif 
du  Saint-Siège.  Le  Pape  mort,  cet  acte  législatif  est  impos- 
sible avant  l'élection  d'un  nouveau  Pape.  Qu'on  veuille  donc 
ne  pas  rêver  ! 


§5. 


De  l'Exclusive. 

i.On  appelle  ainsi  la  coutume,  tolérée  par  le  Saint-Siège, 
qui  autorise  les  trois  Cours  de  Paris,  de  Vienne  et  de  Ma- 
drid, a  demander  chacune  l'exclusion  d'un  cardinal.  Lorsque 
l'uu  de  ces  trois  gouvernements  craint  que  les  suffrages  ne 
se  portent  sur  un  cardinal  dont  la  promotion  ne  lui  serait 
pas  agréable,  il  notifie  soit  directement,  soit  par  l'intermé- 
diaire de  ses  ambassadeurs,  qu'il  donne  l'exclusive  a  ce  car- 
dinal. La  notifjcalion  est  adressée  au  cardinal-doyen,  ou 
bien  a  des  cardinaux  de  la  nation  qui  donne  l'exclusive,  et 
ceux-ci  en  informent  le  Sacré-Collé-i^^e. 

2.  Cette  coutume  remonte  à  deux  siècles,  et  peut-être 
un  peu  plus  haut.  Jusqu'ici  le  Sainl-Siége  l'a  tolérée,  mais 
sans  la  consacrer  par  aucun  texte  de  loi. C'est  improprement 
que  quelques  écrivains  l'appellent  le  droit,  le  privilège  de 
l'exclusive,  s'ils  entendent  par  Ta  un  droit  rigoureux  e\.  pro- 
prement dit  d'empêcher  que  le  cardinal  exclu  ne  puisse  être 
élu  légitimement  par  le  Sacré-Collége.  Le  droit  des  trois 


DE   J/ÉLECTION    DU    SOUVERAIN-PONTIFE.  /j/jÔ 

cours,  acquis  par  elles  en  vertu  de  la  coutume  et  de  l'assen- 
timent tacite  du  Saint-Siège,  est  seulement  de  formuler  une 
demande,  d'exprimer  un  vœu.  Il  est  vrai  que  cette  demande 
est  souvent  efficace  :  dans  l'intérêt  général  de  l'Église,  le 
Sacré-Collégea  coutume  de  ne  pas  promouvoir  au  souverain 
pontiilcat  l'homme  qu'une  de  ces  trois  grandes  parties  de 
la  catholicité  a  déclaré  ne  pas  agréer.  Mais  la  notification 
de  l'exclusive  ne  saurait  être  regardée  comme  une  obligation 
rigoureuse  pour  les  cardinaux  électeurs. 

3.  En  droit,  le  code  ou  recueil  des  décrets  pontificaux, 
quixègle  la  manière  d'élire  les  Papes,  n'interdit  nulle  part 
l'élection  du  cardinal  déclaré  exclu  par  l'un  des  trois  gou- 
Yernemenls  mentionnés.  Nulle  part  une  pareille  élection 
n'est  atteinte  de  la  clause  de  nullité.  Nulle  part  même  il 
n'est  fait  mention  de  cet  usage  de  l'exclusive. 

En  fait,  si  bien  des  fois  le  Sacré-Collégea  pris  l'exclusive 
en  considération,  d'autre  fois  aussi  il  a  passé  outre,  comme 
l'attestent  les  laits  cités  par  Moroni  {Dizionario  de  erudizione, 
au  mot  eschisiva,  t.  xxii,  p.  85). 

4.  Vainement,  pour  donner  a  l'usage  de  l'exclusive  le 
caractère  d'un  droit  rigoureux,  on  s'efforce  de  la  faire  passer 
pour  une  continuation  de  l'ancienne  discipline,  en  vertu  de 
laquelle  le  peuple  de  Rome  intervenait  dans  l'élection ,  Les 
trois  Cours  ne  sont  pas  le  peuple  romain  ^  et  d'ailleurs  cette 
intervention  du  peuple  romain  a  été  entièrement  supprimée 
par  les  lois  subséquentes  du  Saint-Siège.  On  allègue  encore 
le  décret  d'Etienne  IV  {()uia  sancta,  dist.  63'  statuant  que 
l'élection  devra  se  faire  en  présence  des  ambassadeurs  de 
l'empereur.  Mais  ce  décret  a  été  pareillement  abrogé  pos- 
térieurement ^  et  d'ailleurs  admettre  la  présence  des  ambas- 
sadeurs n'est  nullement  leur  accorder  le  droit  de  l'exclusive. 

L'usage  de  l'exclusive  n'a  donc  d'aulre  fondement  que 
les  actes  des  trois  Cours  mentionnées,  par  lesquels  elles  ont 
demandé  que  tel  ou  tel  cardinal  ne  fût  pas  élu  Pape,  et  la 


àh6  DE  l'élection  du  souverain-pontife. 

prudente  tolérance  du  Saint-Siège,  qui,  sans  rien  statuer  a 
ce  sujet,  n'a  pas  interdit  au  Sacré-Coilége  de  prendre  en 
considération,  s'il  le  jugeait  à  propos,  ces  notifications  des 
trois  puissances  catholiques.  «  L'uso  dunque  délie  esclusive, 
soggiunge  il  >'ovaes    t.  xviii,  p.  9  degli  Elem.  délia  storia 

de'  sommi  Ponte fici\> fundasi  nella  conniveuza  piutosto 

che  nella  autorità  Pontifîcia  j  dissimulazione  di  savia  provvi- 
denza,  affiuchè  il  supremo  capo  del  mundo  cattolieo  non 
sia  eletto  con  dispiacere  de'  sovrani,  avendo  sempre  desi- 
derato  la  santa  sede,  che  a  tutti  sia  accetto  il  loro  padre  e 
pastore  »(Moroni,  au  mot  Esclusiva). 

5,  Le  cardinal  de  Lugo,  jésuite,  traita  la  question  dans 
ce  sens,  au  conclave  de  16o5,  où  le  cardinal  Chigi  fut  élu 
Pape  et  prit  le  nom  d'Alexandre  VII.  Son  écrit  donna  lieu 
à  des  observations  du  cardinal  Albizi  voir  Moroni,  ibid.). 

La  famille  des  Chigi  de  Sienne  possède,  dit  Moroni  Jbid.) 
un  manuscrit  de  l'avocat  Sozzini,  intitulé  :  Discorso  isiorico- 
politico-legale  e  teologico  sopra  l'esclusiva  dei  Papi,  avec  des 
additions  du  cardinal  Zondadari. 

On  a  sur  la  même  matière  un  ouvrage  de  Jean-Georges 
Estor,  intitulé:  Commentatiodejxireexclusivœ,  lUappellant, 
quo  Cœsar  Augustus  uti  potest  ^  qiium  patres  purpuraii  in 
creando  Pontifice  sunt  occupati  ;  Genuse,  1 740) . 

Voir  aussi  le  chapitre  vu  de  l'ouvrage  de  Tamagna  sur 
l'Origine  et  les  prérogatives  des  cardinaux.  Moroni  indique 
encore  un  Discorso  anonimo  sopra  l'esclusiva  dei  Papi  Venise, 
1722). 

Ces  quelques  mots  sur  la  question  de  Vexclusive  sont  bien 
insuffisants,  nous  en  convenons.  Les  documents  et  les  livres 
nous  ont  fait  défaut.  Nous  y  suppléons  en  priant  les  rédac- 
teurs de  la  Civiltà  callolica,  dont  le  savoir  est  si  remar- 
quable et  la  doctrine  si  sûre,  de  nous  donner  un  travail 
complet  sur  toute  cette  importante  matière  de  l'élection 
des  Souverains-Pontifes,  et  en  particulier  sur  l'exclusive. 


DE  l'Élection  du  souverain-pontife.  447 

Peut-être  retrouveront -ils  la  dissertation  inédite  du 
cardinal  de  Lugo.  A  défaut  de  cette  pièce,  leur  érudition 
et  les  bibliothèques  de  Rome  leur  fourniront  avec  abondance 
les  éléments  d'un  de  ces  écrits  solides  et  achevés,  tels  qu'ils 
savent  les  donner  au  public.  Nous  serions  heureux  qu'ils 
voulussent  rectifier  dans  le  nôtre  les  inexactitudes  qui  nous 
auraient  échappé. 

D.  Bouix. 


ÉTUDES  SUR  LA  PRÉDICATION. 


De  l'Étude  des  Pères,  nécessaire  aux  Prédicateurs. 


Troisième  et  dernier  article. 


III. 


Des  autorités  plus  imposantes  et  plus  précieuses  pour  le  prêtre  qui 
étudie  les  Pères  en  vue  de  la  prédication,  avaient  déjà  placé  en  première 
ligne  saint  Jean  Chrysoslôme.  Fénelon  trouve  en  lui,  ainsi  que  nous 
Favons  dit  plus  haut,  «  un  jugement  exquis,  de  nobles  images,  une 
a  morale  doues  et  aimable,  et  il  l'appelle  le  plus  parfait  modèle  de 
€  l'orateur  chrétien.  »  Bossuet  «  cherchait  à  se  familiariser  avec  sa 
«  douce  et  noble  élocution,  et  il  le  regardait  comme  le  plus  grand  pré- 
ce  dicateur  de  TÉglise  »  (I).  «  Saint  Jean  Chrysostôme,  dit  le  cardinal 
«  Maury  (2),  mérite  une  préférence  spéciale  de  la  part  d'un  orateur 
«  sacré.  Sa  diction  est  pure  et  brillante,  sa  manière  est  tendre  et 
«  persuasive,  et  il  abonde  tellement  en  idées  ingénieuses  ou  en  tableaux 
et  sublimes,  qu'or,  trouve  à  chaque  page,  dans  ses  sermons,  de  beaux 
«  Jraits  à  citer  dans  les  chaires  chrétiennes.  » 

En  tête  des  extraits  à  citer  pour  faire  connaître  cet  homme  prodigieux, 
admiré  et  exalté  par  les  plus  grands  génies,  il  faut  placer  le  discours 
que  la  mèi'e  de  Chrysostôme  adressa  à  son  tlls  pour  le  détourner  de 

(1)  Histoire  de  Bossuet,  par  le  cardinal  de  Bausset,  t.  i,  p.  63. 

(2)  Essai  sur  l'éloquence,  t.  m,  p.  225  et  226. 


ÉTUDES  SUR  LA  PRÉDICATION.  ÙA9 

s'enfuir  au  désert.  «  Lorsque  ma  mère,  dit  le  fervent  néophyte  (1), 
«  lorsque  ma  mère  eut  appris  ma  résolution  de  me  retirer  au  désert, 
a  elle  me  prit  pW  la  main,  me  conduisit  dans  sa  chambre,  et  m'ayant 
«  fait  asseoir  auprès  d'elle,  sur  le  même  lit  où  elle  m'avait  donné 
«  naissance,  elle  se  mit  à  pleurer,  et  ensuite  me  dit  des  choses  encore 

n  plus  tristes  que  ses  larmes 

«  Mon  fils,  me  dit-elle,  ma  seule  consolation  au  milieu  de  ces  mi 
«  sères,  a  été  de  te  voir  sans  cesse  et  de  contempler  dans  tes  traits 
«  l'imaf'e  de  mon  mari  qui  n'est  plus.  Cette  consolalion  a  commencé 
«  dès  ton  enfance,  lorsque  tu  ne  savais  pas  encore  parler,  temps  de  la 
«  vie  où  les  enfants  donnent  à  leurs  parents  les  plus  grandes  joies.  Je  ne 
(S  te  demande  maintenant  qu'une  seule  grâce,  ne  me  rends  pas  veuve 
«  une  seconde  fois;  ne  renouvelle  pas  un  deuil  qui  commençait  à  s'ef- 
«  facer;  attends  au  moins  le  jour  de  ma  mort;  peut- être  me  faudra- t-il 
«  bientôt  sortir  d'ici  ;  car  ceux  qui  sont  jeunes  peuvent  espérer  de 
«  vieillir  ;  mais  à  mon  âge  on  n'attend  que  la  mort.  Quand  tu  m'auras 
«  ensevelie  et  réuni  mes  cendres  à  celles  de  ton  père,  entreprends  alors 
«  de  longs  voyages,  et  passe  telle  mer  q^ue  tu  voudras  ;  personne  ne 
a  t'en  empêchera  ;  mais  pendant  que  je  respire  encore,  supporte  ma 
a  présence  et  ne  t'ennuie  pas  de  vivre  avec  moi  ;  n'attire  pas  sur  toi 
«  l'indignation  de  Dieu  en  m'accablant  de  si  grands  maux,  sans  avoir 

«  été  offensé  par  moi » 

Quel  accent  de  douleur  et  de  vérité!  C'est  la  simplicité  d'Homère, 
ou  plutôt  celle  delà  nature.  Les  sentiments  exprimés  dans  cette  prière, 
sont,  i"  est  vrai,  sortis  du  cœur  d'une  mère,  mais  celui  qui  les  a  si 
bien  saisis,  était  digne  de  les  concevoir,  et  il  n'y  a  qu'un  talent  de 
premier  ordre  qui  ait  pu  leur  donner  celte  forme  si  pure,  si  naïve  et  si 

noble. 

Mais  rien  ne  saurait  égaler  le  discours  que  Chrysostôme  met  dans 
la  bouche  de  Flavien  implorant  la  clémence  de  Théodose,  qui  voulait 
détruire  la  ville  d'Antioche,  en  punition  du  renversement  de  ses  statues. 
Admis  en  présence  du  prince,  l'évêque  s'arrête  loin  de  lui,  les  yeux 
baissés  et  pleins  de  larmes.  L'empereur,  lui  adressant  la  parole,  rappelle 

(1)  s.  Jeaa  Ghrysosl.  Du  Sacerdoce,  liv.  i,  chap.  2. 


450  ÉTUDES  sua  la  prédication. 

les  faveurs  qu'il  a  faites  à  ses  concitoyens,  et  se  plaint  de  leur  in- 
gratitude. Flavien  retrace  alors  lui-rraêrae  avec  vivacité  les  bienfaits  de 
Théodose  ;  puis,  reveniint  sur  la  colère  môme  du  prince,  il  lui  adresse 
ces  mémorables  paroles  (1)  :  «  On  a  renversé  tes  statues  ;  mais  tu  peux 
«  t'en  élever  à  toi-même  de  plus  glorieuses.  Pardonne  aux  coupables. 
«  Ils  ne  te  dresseront  pas  dans  les  places  publiques  des  statues  d'airain 

•  ou  d'or  parées  de  diamants,  mais  ils  te  consacreront  dans  leurs  cœurs 
«  un  monument  plus  précieux,  le  souvenir  de  ta  vertu.  Tu  auras  autant 
a  de  statues  vivantes  qu'il  y  a  d'hommes  sur  la  terre,  et  qu'il  y  en  aura 
a  jusqu'à  la  fin  du  monde  ;  car  non-seulement  nous,  mais  tous  nos 
«  successeurs  et  leur  postérité  connaîtront  cette  action  si  royale  et  si 
«  grande,  comme  s'ils  en  avaient  eux-mêmes  profité. 

«  Mais,  afin  que  mes  discours  ne  semblent  pas  une  flatterie,  je  te 
«  rapporterai  une  aocienno  parole,  qui  montre  que  les  légions,  les 
«  trésors  et  le  nombre  des  sujets  n'illustrent  pas  les  princes,  autant 
((  que  la  sagesse  et  la  clémence.  Le  bienheureux  Constantin,  apprenant 
«  que  l'une  de  ses  statues  avait  été  défigurée  à  coups  de  pierres,  comme 
«  toute  la  cour  l'exhortait  à  se  venger  et  à  punir  l'outrage  fait  à  son  front 
«  royal,  il  passa  légèrement  la  main  sur  son  visage,  et  répondit  en 
0  souriant  qu'il  ne  sentait  aucune  blessure.  Couverts  de  confusion,  les 

*  courtisans  se  désistèrent  de  leurs  sinistres  avis,  et  cette  parole  est 
«  encore  célèbre  par  tout  le  monde  ;  le  temps  ne  l'a  pas  fait  vieillir  et 
«  n'a  pas  éteint  la  mémoire  d'une  telle  vertu.  A  combien  de  trophées 
«  n'est-elle  pas  préférable  !  Ce  prince  a  relevé  plusieurs  villes,  et  a 
«  vaincu  beaucoup  de  barbares,  mais  nous  n'en  avons  point  souvenir. 
«  Cette  parole,  au  contraire,  est  dans  toutes  les  bouches;  ceux  qui 
«  viennent  après  nous  et  ceux  qui  les  suivent  l'entendront,  et  il  n'est 
a  personne  qui  puisse  l'écouter  sans  se  récrier  avec  éloge  et  sans  faire 
«  mille  vœux  pour  la  mémoire  du  prince  qui  l'a  dite.  Que  si  cette 
«  parole  est  glorieuse  devant  les  hommes,  combien  n"aura-t-elle  pas 
«  mérité  de  couronnes  devant  Dieu,  qui  est  l'an^i  des  hommes  ! 

«  Mais  est-il  besoin  de  rappeler  Constantin,  et  des  exemples  étran- 

(1)  s.  Ghrysost,  Homélie  xx^  au  peuple  d'Antioche. 


ÉTUDES  SUR  LA  PRÉDICATION.  45j 

«  gers,  lorsque  pour  l'encourager,  il  ne  faut  que  toi-même,  et  tes 
«  propres  actions?  Souviens-toi  de  cetédit  proclamé  dans  tout  l'empire, 
«  lorsqu'aux  approches  de  la  fête  de  Pâques,  annonçant  aux  criminels 
«  leur  pardon  et  aux  prisonniers  leur  délivrance,  tu  disais  dans  tes 
«  lettres,  comme  si  cet  édit  n'avait  pas  encore  assez  signalé  ta  clémence  : 
0  Que  n'ai-je  aussi  le  pouvoir  de  ressusciter  les  morts?  Souviens- 
«  toi  maintenant  de  ces  paroles  :  voici  le  moment  de  ressusciter  les 
«  morts  à  la  vie.  Même  avant  que  la  sentence  soil  portée,  Antioche  est 
«  maintenant  descendue  près  des  portes  de  l'enfer;  retire-la  de  cet 
«  abîme.  11  ne  faut  m  trésor,  ni  temps,  ni  travail,  il  suffit  d'un  seul 
«  mot  et  tu  ranimes  une  ville  ensevelie  dans  les  ombres  de  la  mort. 
«  Permets  qu'elle  soit  appelée  désormais  la  ville  de  la  miséricorde. 

«  Songe  que  tu  délibères  non  sur  une  ville,  mais  sur  le  Christia- 

«  nisme  tout  entier Si  la  sentence  est  humaine  et  généreuse,  les 

«  Juifs  et  les  Grecs,  le  monde  civilisé  et  les  barbares,  la  célébreront  et 
«  rendront  goire  à  Dieu.  Ils  se  diront  :  0  ciel  !  qu'elle  est  grande  la 
«  puissance  du  Christianisme!  Cet  homme  qui  n'avait  pas  d'égal  sur  la 
«  terre,  qui  pouvait  tout  perdre  et  tout  détruire,  elle  l'a  dompté,  elle 
«  l'a  soumis,  elle  lui  a  donné  une  sagesse  que  les  plus  distingués 
«  n'auraient  pas.  Il  est  grand  le  Dieu  des  chrétiens  !  des  hommes  il 
«  sait  faire  des  anges  ;  il  les  élève  au-dessus  de  la  nature.... 

«  Regarde  combien  il  sera  beau  dans  la  postérité  que  l'on  sache,  qu'au 
«  milieu  des  périls  d'un  si  grand  peuple  dévoué  à  la  vengeance  et  aux 
«  supplices,  quand  tous  frissonnaient  de  terreur,  quand  les  chefs,  les 
«  préfets,  les  juges  étaient  saisis  de  crainte  et  n'osaient  élever  la  voix 
«  pour  les  malheureux,  un  vieillard  s'est  avancé  paré  du  sacerdoce  de 
«  Dieu,  et  par  sa  seule  présence,  par  ses  simples  paroles,  a  vaincu 
«  l'empereur,  et  qu'alors  une  grâce  que  l'empereur  avait  refusée  à  tous 
«  les  grands  de  sa  cour,  il  l'accorda  aux  prières  d'un  vieillard,  par 
«  respect  pour  les  lois  de  Dieu.  En  effet,  ô  prince!  mes  concitoyens 
«  n'ont  pas  cru  te  rendre  un  médiocre  honneur  en  me  choisissant  pour 
«  cette  mission  ;  car  ils  ont  jugé  (et  ce  jugement  fait  ta  gloire)  que  tu 
«  préfères  la  religion  dans  ses  plus  faibles  ministres  à  toute  la  puis- 
«  sance  du  trône.  Maisje  ne  viens  pas  seulement  de  leur  part  ;  je  vien  s 


452  ÉTUDES  SUR  LA  PRÉDICATION. 

«  au  nom  du  Souverain  des  Cieux,  pour  dire  à  ton  âme  clémente  et 
«  miséricordieuse  ces  paroles  de  l'Évangile  :  Si  vous  remettez  aux 
«  hommes  leurs  offenses;  Dieu  vous  remettra  les  vôtres. 

c<  Souviens-toi  de  ce  jour  où  nous  rendrons  compte  de  nos  actions, 
a  et  songe  que  si  tu  as  commis  des  fautes,  tu  peux  les  effacer  toutes 
«  par  un  pardon,  sans  combat,  sans  efforts.  —  Les  autres  envoyés 
«r  apportent  de  l'or,  de  l'argent,  et  d'autres  offrandes  semblables  ; 
«  moi  je  m'approche  de  ta  puissance  avec  les  livres  de  notre  sainte  Loi 
«  dans  les  mains.  Je  te  les  présente  au  lieu  de  tous  les  dons,  et  je  te 
«  conjure  d'imiter  ton  souverain  Maître,  qui,  chaque  jour  offensé  par 
c  nos  fautes,  ne  se  lasse  pas  de  prodiguer  ses  bienfaits.  Ne  confonds 
«  pas  mes  espérances,  ne  démens  pas  mes  promesses  ;  je  veux  que  tu 
«  le  saches  ;  si  tu  veux  bien  appaiser  ta  colère,  si  tu  rends  à  notro 
((  ville  ton  ancieimeamitié,  je  m'en  retournerai  plein  de  confiance  ;  mais 
«  si  tu  as  banni  Antioche  de  ta  pensée,  je  n'y  retournerai  pas,  je  ne 
c<  verrai  plus  son  territoire,  je  le  renierai  pour  jamais,  je  deviendrai 
«  citoyen  d'une  autre  ville  ;  je  ne  voudrais  plus  d'une  patrie  pour  la- 
«  quelle  toi,  le  plus  humain,  le  plus  clément  des  hommes,  tu  serais 
«  devenu  cruel  et  sans  pitié.  » 

Inutile  de  dire  que  cette  éloquence  persuasive  toucha  l'empereur.  11 
fit  grâce  aux  coupabi.'s,  et  en  même  temps  il  pressa  le  vieillard  de  re- 
partir pour  porter  cette  joie  au  peuple  d'Aniioche  à  la  fôte  de  Pâques. 
Je  ne  sais  si  les  lettres  profanes  pourraient  offrir  un  morceau  digne 
d'être  comparé  à  l'éloquent  discours  de  Flavien,  ou  plutôt  de  saint 
Chrysoslôme.  Toutes  les  règles  y  sont  observées  de  la  manière  la  plus 
admirable.  Précautions  oratoires,  choix  des  motifs  les  plus  propres  à 
toucher  l'empereur,  arrangement  des  parties,  gradation  toujours  ascen- 
dante du  discours,  alliance  dans  la  personne  de  Flavien  de  l'humilité 
du  suppliant  à  l'indépendance  du  Pontife,  idées  simples  et  naturelles, 
sentiments  d'une  vérité  frappante,  d'une  délicatesse  exquise  ;  expression 
toujours  pure,  grave,  noble,  phrases  habilement  coupées,  périodes  ad- 
mirablement variées,  rien  n'y  manque.  11  n'y  a  qu'un  des  plus  grands 
maîtres  de  l'art  d'écrire,  et  un  orateur  consommé  qui  ait  pu  nous 
léguer  ce  glorieux  et  impérissable  monument  de  l'éloquence  chrétienne. 


ÉTUDES    SUR    LA    PRÉDICATION.  A 53 

On  fait  à  saint  Jean  Chrysostôme  certains  reproches  :  on  dit  qu'il 
u'a  pas  un  style  assez  serré,  qu'il  est  trop  ai)0Ddanl,  qu'il  multiplie 
les  images  et  les  détails;  que  les  citations  trop  fréquentes  de  l'Écriture 
surchargent  l'esprit  de  l'auditeur  et  nuisent  à  l'harmonie  des  périodes; 
que  ses  homélies  manquent  d'unité  et  présentent  beaucoup  de  re- 
dites. 

Je  répondrai  i»  que,  quoique  ces  reproches  ne  soient  pas  toujours 
sans  fondement,  il  n'est  guère  de  discours  du  saint  Docteur  où  l'on  ne 
trouve  de  grands  mouvements  et  des  beautés  de  premier  ordre.  Je 
dirai  2°  que  saint  Chrysostôme  a  été  ce  qu'il  a  voulu  être.  Ce  que  ies 
littérateurs  appellent  une  imperfection,  je  l'appellerai  une  gloire.  11  est 
beau,  il  est  surhumain  pour  un  grand  génie  de  s'oublier  lui-même 
pour  ne  songer  qu'à  ses  auditeurs;  de  s'abaisser  jusqu'aux  petits  et  aux 
pauvres  pour  éclairer  leur  faible  intelligence,  guérir  toutes  les  plaies  de 
leurs  âmes,  satisfaire  à  tous  les  besoins  de  leurs  cœurs.  Il  était  digne 
d'un  des  plus  grands  orateurs  de  l'antiquité  de  foudroyer  les  préten- 
tions de  la  sagesse  humaine  et  les  vains  ajustements  de  l'éloquence  pro- 
fane. Il  pourrait  venir  in  suhUmilale  sermonis,  in  persuabiUbtis  hu- 
manx  sapienlise  verbis;  il  vient  avec  la  vertu  de  Lieu,  au  nom  de  Celui 
qui  a  été  un  scandale  pour  les  Juifs,  une  folie  pour  les  gentils  :  comme 
saint  Paul,  qu'il  appelle  son  maître  et  son  guide,  il  se  glorifie  de  ne 
savoir  autre  chose  que  Jésus,  et  Jésus  crucifié. 

Bossuet  avait  raison  de  dire  que  Chrysostôme  était  non  pas  le  plus 
grand  orateur,  mais  le  plus  grand  prédicateur  de  TÉglise  ! 

Si  tous  ceux  qui  s'exercent  au  ministère  de  la  parole  choisissaient 
ce  grand  docteur  pour  leur  premier  modèle,  comme  le  recommande 
Fénelon,  on  verrait  s'introduire  partout  le  véritable  genre,  le  genre 
solide,  le  genre  utile,  la  manière  des  bons  missionnaires,  la  prédication 
vraiment  apostclique  ;  on  n'aurait  pas  à  déplorer  l'invasion  deec  genre 
vain,  prétentieux;  mondain,  et  conséquemmcnt  stérile,  que  cherchent  à 
faire  prévaloir  d'une  part  la  légèreté,  l'orgueil  et  l'esprit  du  siècle,  et 
de  l'autre,  la  sincère  bonne  foi  de  certains  hommes  solidement  instruits 
et  ardemment  désireux  du  bien,  mais  qui  n'ont  ni  l'expérience  du 
ministère  pastoral,  ni  l'intelligence  des  besoins  des  peuples. 


llbh  ÉTUDES    SUR    LA   PRÉDICATION. 

Les  idées  que  nous  venons  d'énoettre  vont  trouver  un  nouvel  appui 
dans  ce  que  nouî  avons  à  dire  sur  saint  Augustin. 

Si  saint  Chrysostôme  est  le  plus  éloquent  des  Pères^  saint  Augustin 
en  est  le  plus  profond  et  le  plus  savant.  Écriture  sainte,  théologie,  con- 
troverse, métaphysique,  histoire,  antiquités,  science  des  mœurs,  il  avait 
tout  embrassé.  Il  a  écrit  sur  la  musique  comme  sur  le  libre-arbitre  ;  il 
explique  le  phénomène  intellectuel  de  la  mémoire,  comme  il  raisonne 
sur  la  décadence  de  l'empire  romain  ;  son  caractère  propre  est  celui 
de  l'universalité  :  c'est  le  génie  le  plus  étonnant  dont  s'honore  la  reli- 
gion. Et  cependant  les  sermons  de  saint  Augustin,  qui  sont  en  très-grand 
nombre,  sont  les  pliis  simples  de  ses  ouvrages  ;  il  n'y  a  nul  art,  nulle 
méthode  ;  c'est  le  cœur  d'un  père  qui  s'ouvre  à  ses  enfants.  «  Il  monte, 
0  dit  Fénelon  (l),  aux  principes  les  plus  élevés  par  les  expressions  les 
o  plus  familières  ;  il  interroge,  se  fait  interroger  et  répond  ;  sa  prédi- 
te cation  est  une  conversation  entre  lui  et  son  auditoire;  les  comparai- 
«  sons  s'offrent  à  lui  toujours  propres  à  dissiper  les  doutes  ;  il  descend 
«  jusqu'aux  plus  vulgaires  préjugés  des  peuples  pour  les  redresser.  » 

Saint  Augustin  est  sans  contredit  le  plus  populaire,  le  plus  aposto- 
lique des  Pères  ;  ses  sermons  devraient  être  le  manuel  du  pasteur  et 
du  prêtre  de  paroisse.  Si  son  langage  est  quelquefois  barbare,  plein 
de  rimes  et  de  jeux  de  mots,  c'est  sans  aucun  doute  parce  qu'il  cherche 
à  se  faire  mieux  comprendre  de  ceux  à  qui  il  parle,  en  se  pUant  à  leur 
mauvais  goût  et  à  leurs  .locutions  défectueuses.  Saint  Augustin  connais- 
sait parfaitement  les  bonnes  régies,  il  les  a  décrites  dans  le  livre  de  la 
Doctriîte  chrétienne,  qui  renferme  un  des  meilleurs  traités  de  rhéto- 
rique. Il  y  traite  de  l'arrangemenl  des  choses,  des  qualités  et  du  mélange 
des  divers  styles,  des  moyens  de  faire  toujours  croître  l'intérêt  du  dis- 
cours, des  inflexions  de  la  voix,  de  la  manière  de  surprendre  et  de 
toucher. 

S'il  l'eût  voulu,  saint  Augustinaurait certainement  composé  des  ser- 
mons forts  remarquables  au  point  de  vue  littéraire.  Je  dis  plus,  il  eût 
été  un  très-grand  orateur,  car  il  possédait  une  des  sources  les  plus  fé- 

(l)  Œuvres,  t.  xxi,  p.   183. 


ÉtUDES   SUR    LA   PRÉDICATION.  455 

condes  de  l'éloquence,  la  sensibilité  ;  tous  ses  ouvrages  portent  l'em- 
preinte de  celte  qualité  de  son  cœur  ;  il  est  le  docteur  de  la  charité, 
comme  saint  Jean,  qu'il  a  si  admirablement  commenté,  en  est  l'apôtre, 
et  l'iconographie  chrétienne  le  représente  toujours  avec  un  visage  plein 
de  feu,  et  tenant  dans  sa  main  le  symbole  de  l'amour  Non-seulement 
Augustin  eût  pu  être  très-éloquent,  mais  il  l'a  été  effectivement  quelque- 
fois ;  et  il  est  peu  d'orateurs  qui  puissent  obtenir  d'aussi  beaux  triomphes 
que  ceux  que  je  vais  rapporter. 

Tandis  que  le  saint  Évéque  d'Hippone  instruit  son  peuple,  il  voit 
entrer  dans  son  église  les  deux  principaux  chefs  des  Manichéens  ;  aus- 
sitôt il  abandonne  son  sujet,  et  renverse  de  fond  en  comble  toutes  les 
bases  de  cette  secte  inipie^  qui  détruisait  la  divinité  en  la  défigurant. 
Firmus  etFortunat  ne  l'ont  point  interrompu  par  des  applaudissements 
qui  auraient  pu  arrêter  l'action  de  son  ministère  en  affligeant  son  humi- 
lité, mais  ils  viennent  l'attendre  au  pied  de  la  chaire  pour  abjurer 
l'impiété  entre  ses  mains. 

Les  habitants  de  Césarée  de  Mauritanie  se  partagent  chaque  année 
en  deux  camps,  qui  offrent  au  sein  de  la  paix^l'imagede  la  guerre  civile  ; 
frères  contre  frères,  pères  contre  enfants,  époux  contre  épouses,  ils  se 
lapident  les  uns  les  autres  pour  s'exercer  aux  combats.  Augustin  est 
profondément  affligé  devoir  parmi  des  chrétiens  un  usage  aussi  sangui- 
naire; il  se  présente  au  moment  du  carnage;  il  parle,  on  l-'écouteà  peine  ; 
il  parle  encore,  on  l'admire;  bientôt  les  larmes  coulent,  les  armes  tom- 
bent des  mains  des  combattants;  tous  ces  barbares  courent  s'embrasser 
et  se  prosternent  à  ses  pieds  (1). 

On  ne  peut  ici  s'empêcher  de  s'écrier  avec  Bossuet,  après  de  pareilles 
victoires  de  son  talent:»  Que  le  style  de  saint  Augustin  ait  ses  défauts, 
«  comme  le  soleil  a  ses  taches  ;  je  ne  daignerai  pas  ici  les  avouer,  ni 
«  les  contester,  ni  les  excuser,  ni  les  défendre  (2).  » 

Je  regrette  que  les  limites  que  je  me  suis  tracées  et  que  déjàj'ai 
franchies,  ne  me  permettent  pas  de  parler  avec  quelques  détails  de  saint 


(1)  s.  August.  De  Doctrin.  Christ.,  lib.  iv,  n.  5. 

(2)  Bossuet,  Défense  de  la  tradition,  liv.  iv,  ch.  18. 


i56  ÉTUDES  SUR  LA  PRÉDICATION. 

Bernard,  qui  couronne  si  dignement  la  liste  des  Pères  de  l'Église  ;  nous 
admirerions  en  lui  la  délicatesse,  rélévation,  la  tendresse,  la  véhé- 
mence, et  cette  action  suave  q-u'il  sut  porter  dans  les  grands  sujets  de 
la  Religion,  comme  dans  les  douces  etlusions  de  la  piété.  N'oublions 
pas  que  cette  belle  plante  a  germé  et  s'est  nourrie  sur  le  sol  de  la 
France.  Quand  nous  admirons  les  Pères,  quand  nous  contemplons  cette 
longue  chaîne  d'illustres  témoins  de  la  vérité,  nous  devons  être  fiers, 
en  songeant  que  l'Eglise  de  France  en  a  fourni  un  des  premiers  an- 
neaux dans  la  personne  de  saint  Irénée,  et  le  dernier  dans  celle  de 
saint  Bernard. 

Il  est  temps  de  terminer  notre  travail  sur  l'étude  des  Pères.  Puis- 
sions-nous avoir  inspiré  un  nouveau  zèle  pour  exploiter  une  mine  aussi 
féconde  !  Si  l'on  se  pénétre  de  la  lecture  des  saints  Pères,  on  sura  les 
ressources  les  plus  précieuses  pour  la  prédication.  Qu'on  ne  craigne 
pas  de  paraître  pauvre  en  puisant  souvent  à  cette  source;  ce  trésor, 
comme  celui  des  Écritures,  est  un  domaine  public,  et  les  discours  ne 
seront  jamais  plus  utiles  et  plus  beaux  que  lorsqu'ils  seront  parés  des 
richesses  qu'il  aura  fournies. 

Barciet, 

Chanoine,  Archiprêtre  d'Aucb. 


SUR  LES  DANSES  MODERNES. 


L'auleur  d'un  ouvrage  estimable  imprimé  à  Montpellier  en  1827, 
et  qui  a  pour  litre  :  Manuel  d'un  jeune  prêtre,  intitule  d'une  façon  fort 
originale  un  article  sur  la  danse,  en  se  servant  de  ces  termes  :  «  Le 
a  tourment  des  curés  (la  danse).  » 

La  danse  mérite,  certes,  cette  qualification  :  elle  a  de  quoi  faire  le 
tourment  de  ceux  à  qui  incombe  la  charge  pastorale  et  le  soin  des 
âmes  ;  de  tout  temps  elle  a  été  regardée  par  les  Pères  et  les  docteurs 
de  l'Eglise  et  par  les  saints  comme  un  exercice  dangereux,  comme  l'écueil 
où  viennent  se  briser  la  vertu  et  l'innocence  d'un  grand  nombre  de 
jeunes  personnes.  Les  auteurs  les  plus  isdulgents,  qui  ne  le  sont  pas 
néanmoins  au  point  de  sacrifier  les  vrais  principes  de  la  morale  chré- 
tienne, sont  d'accord  là-dessus  avec  les  plus  austères.  Le  diable  pré- 
side aux  danses,  dit  saint  Jean  Chrysostôme,  et  si  aujourd'hui  Jean" 
Baptiste  n'y  est  plus  mis  à  mort  ^comme  au  temps  d'Hérode,  les  mem" 
bres  de  Jésus-CImsl  y  sont  horriblement  maltraités  ;  et  les  âmes  de 
ceux  qui  s'y  trouvent  y  sont  itnmolées  inhumainement  (I).  Cet  exer- 
cice, d'après  saint  François  de  Sales,  est  plein  de  dangers  et  de  périls 
(Introd.  partie  3,  ch.  35).  Bien  qu'indifférent  en  soi,  dit  Benoît  XIV 
(Instit.  76),  il  est  le  plus  souvent  accornpagné  de  faille  grave;  les 
prêtres  et  surtout  les  pasteurs  des  âmes  doivent  s'appliquer  à  faire 
comprendre  aux  fidèles  de  l'un  et  de  l'autre  sexe,  le  grand  dangef 

(1)  Ubi  enitn  saltu3  lascivus,  ibi  diabolus  certé  adest...  Mnlia  enina 
etiam  nuuc  hujusinodi  syuiposia  celebraûtur  in  quibus,  etsi  Joannes 
non  inlerficitiir,  Clirisli  tarneu  meiubra  dilanianiur  multoque  graviora 
cominittuntur  :  nou  piiiin  caput  Joannis  qui  modo  tripudiant,  sed  ani-» 
mas  recumbentium  peluat.  {Chrys.  Homel.  XLix  io  Matlh.) 

Revue  des  sciences  kcclés.,  t.  ix,— mai  1864,  30 


/|58  sur'  LES   DANSES   MODERNES. 

auquel  ils  exposent  lejir  innocence  en  se  livrant  ensemble  à  ce  diverds- 
sement  (1).  Le  catéchisme  du  Concile  de  Trente  veut  qu'on  s'en  tienne 
soigneusement  éloigné,  si  l'on  a  à  cœur  de  se  conserver  toujours 
chaste  (2). 

Ainsi  donc,  bien  que  dangereuse  de  l'avis  de  tous,  la  danse 
n'est  pas  généralement  regardée  comme  mauvaise  en  elle-même. 
«  Les  danses  et  les  bals  sont  choses  indifférentes  de  leur  nature,  »  dit 
saint  François  de  Sales,  dans  le  chapitre  que  nous  avons  indiqué  tout 
à  l'heure.  Nous  venons  de  voir  aussi  que  Benoît  XIV  affirme  la  même 
chose  ;  et  saint  Alphonse  de  Liguori  est  on  ne  peut  plus  formel  à  cet 
égard  :  «  Choreae,  dit-il,  ut  docet  S.  Anton.,  p.  2,  tit.  6,  c.  6,  per 
«  se  licitae  sunt.  »  {Theol.  mor.  lib.  4,  n»  429.) 

En  conséquence  de  ce  principe,  ces  auteurs,  si  recommandables  par 
Feuirs  lumières  et  leur  sainteté^  ont  cru,  comme  chacun  sait,  pouvoir 
permettre  quelquefois  la  danse,  mais  seulement  dans  des  cas  rares,  et 
lorsque  la  bienséance  l'exige;  pourvu  toujours  qu'elle  se  pratique 
d'une  manière  décente;  pourvu,  dit  le  saint  évéouede  Genève,  qu'elle 
soit  accommodée  de  modestie,  de  dignité  et  de  bonne  intention.  Ei 
alors  même,  il  veut  qu'après  la  danse  on  se  livre  à  diverses  considéra- 
tions propres  à  en  effacer  les  mauvaises  impressions.  «  Choreae,  dit 
«  saint  Liguori,  licitae  sunt,  modo  fiant  a  personis  saecularibus.  cum 
«  personis  honestis  et  honesto  modo,  scilicet  non  gesliculationibus 
a  inhonestis.  »  11  rapporte  les  paroles  de  Busembaiim  qui  ne  veut  pas 
qu'on  tolère  les  danses  ((  si  malo  fine  fiant,  aut  cum  periculo  aliquos 
«  aut  seipsum  incitandi  ad  libidinem,  aut  cum  alia  circumstantia 
«  mala,  »  (Ib.)  11  accorde  cependant  que  «  in  choreis...  leviter 
«  apprehendere  manum  fœminae,  vel  non  erit  culpa,  vel  ad  suramun 
a  veniahs,  ut  notât  Gaj.  ib  ..  et  consentit  probabiliter  Sporer  [Ib.)  » 

(1)  Oslemleraus  primum  cboreas  cum  scelcre  reipsa  plerumque  ccn- 
jungi,  licet  iû  se  nefarii  Diliil  contineant  ;  secundo  ad  sacerdotes  perlinere 
ac  poLiisimuni  ad  paroclios  viroruni  ac  raulierum  oculis  subjicere  uiagaum 
innoceoliee  discrimeu,  duui  sioinl  iu  clioreis  versaulur.  (luslit.  70,  n.  2.) 

(2)  Corrumpunt  eniiu  mores  bonns  colloquia  tnnla,  inqnit  aposlolus  ; 
bocque  ipsum  cum  maxime  efficiant  delicatiores  et  moliiores  cautus  ac 
sallationes,  ab  iis  quoque  diligenler  caveudum  est.  [Catech.  Rom.,  p.  ii, 
cap.  v:i,  n    18  ) 


SUR    LES    DANSES    MODERNES.  459 

Voilà  ce  que  les  ailleurs  les  plus  indulgents,  sans  l'être  au  point 
de  sacrifier  les  principes,  ont  cru  pouvoir  enseigner  sur  la  danse 
telle  qu'elle  était  pratiquée  de  leur  temps. 

Assurément,  si  aujourd'hui  cet  exercice  était  aussi  innocent  d'ordi- 
naire qu'il  pouvait  l'être  à  ces  époques,  aujourd'hui  comme  autrefois 
on  pourrait  se  montrer  aussi  tolérant  qu'eux.  CommenI,  en  effet, 
craindre  de  se  tromper  à  la  suite  de  saints  comme  saint  François  de 
Sales,  saint  Liguori,àla  suite  d'un  pontife  aussi  docte  que  Benoît  XIV? 
—  Mais  les  danses  modernes  sont-elles  ce  qu'elles  étaient  ancienne- 
ment? Car  si  elles  ont  cessé  d'être  décentes,  elles  se  trouvent  con- 
damnées par  ces  mêmes  saints  et  par  cet  illustre  pontife  :  on  n'a  qu'à  re- 
lire les  conditions  qu'ils  exigent  pour  que  la  danse  puisse  être  tolérée. 
Que  sont  donc  les  danses  dans  les  temps  actuels? 

Les  danses  aujourd'hui  en  usage  sont  surtout,  assure-t-on,  la 
valse,  la  polka,  le  galop,  la  mazurka,  la  redova,  la  scotisch  et  d'autres 
peut-être  encore  dont  nous  ignorons  les  noms  et  qui  ne  valent  pas 
mieux  que  celles  que  nous  venons  d'énumérer. 

Or,  que  sont  ces  danses  au  dire  des  personnes  qui  ont  pu  les  con- 
naître par  elles-mêmes,  ou  qui  ont  été  renseignées  par  des  gens  bien  au 
courant  de  ce  qui  se  passe? 

Ouvrons  une  brochure  écrite  par  un  homme  du  monde  (M.  le 
vicomte  B.  de  Saint-Laurent),  ayant  pour  titre  :  Quelques  mots  sur 
les  danses  modernes  ;  l'auteur  parlait  de  visu. 

«  En  1840  ou  1841,  on  dansait  dans  les  bals  des  quadrilles,  des 
«  valses  et  le  grand' père  ou  le  cotillon... 

«  Très  peu  de  jeunes  personnes  valsaient  et  beaucoup  de  femmes 
«  mariées  s'abstenaient  de  cette  danse,  introduite  en  France  par  les 
«  impures  du  Directoire... 

«Alors  nous  vint  la  polka...  Les  jeunes  vierges  chrétiennes  polkérent, 
«  puis  valsèrent...  Puis  la  polka-mazurka,  la  redova,  la  scotisch,  etc. 
«  les  firent  passer  dans  les  bras  et  sur  les  poitrines  palpitantes  des 
«  jeunes  gens  enivrés;  et  maintenant  la  jeune  fille...  se  livre...  à 
«  l'étreinte  des  premiers  venus,...  les  mères  applaudissent  niaisement, 
«  et  il  y  a  des  bals  où  l'on  ne  danse  plus  que  de  ces  danses  modernes, 


A60  SUR    LES    DANSES   MODERNES. 

((  que  je  regarde  comme  de  véritables  actes  de  prostitution  «  (Ouvr. 
cité,  p.  8-iO,  48  édit.) 

rf  MM.  les  ecclésiastiques,  vous  qui  tolérez  ces  danses,  je  suis  stlr 
«  que  vous  ne  les  connaissez  pas.  »  {Ib.  p.  12.) 

«  Un  des  religieux  qui  font  la  gloire  de  notre  Eglise  de  France,... 
«  alors  curé  d'  une  des  paroisses  les  plus  importantes  de  Paris,  se 
«  trouvant  à  la  campagne  dans  un  château,...  manifesta  le  désir  de 
a  voir  danser  devant  lui  la  polka,  qui  venait  de  faire  son  apparition  à 
«  Paris  :  il  regarda  et  ne  dit  rien.  Le  dimanche  suivant,  il  annonça  en 
«  chaire  qu'il  défendait  cette  danse  à  ses  pénitentes  et  leur  refuserait 
«  l'absolution  si  elles  n'y  renonçaient.  »  {Ib.  p.  5-4.) 

«  La  polka  est  une  véritable  excitation  à  la  débauche;  pour  les 
«  adultes,  c'est  un  prélude  ou  une  réminiscence  des  plus  coupables 
«  voluptés.  »  'Jb.  p.  18.) 

«  Aucune  femme  ne  souffrirait  qu'on  la  saisît  par  la  taille  ailleurs 
«  quedans  un  bal,  le  soir,  décolletée,  au  son  d'une  musique  enivrante.» 
(îb.  p.  19.) 

0  La  polka  et  ses  dérivés  ont  changé  le  naturel,  l'allure  et  jusqu'à  la 
a  toilette  de  nos  femmes.  Les  danseuses  ne  portent  plus  de  bouqnet 
«  au  sein.  Le  pauvre  bouquet  était  écrasé,  tant  les  corps  sont  rap- 
«  proches.  Les  boucles  ont  disparu  parce  qu'elles  entraient  dans  les 
«  yeux  du  danseur  et  que  deux  tours  de  polka  les  auraient  défrisées. 
«  11  faut  maintenant  de  ces  coiffures  hardies,  solides,  renforcées  de 
a  fils  de  fer,  rejetées  en  arrière,  qui  ne  craignent  pas  le  souffle  du  dan- 
«  seur,  ni  les  secousses  de  la  polka,  ni  les  pas  immodestes  de  la  ma- 
«  zurka.  »  (76.  p.  2:2.) 

«  Ecoulez  cet;e  définition  de  la  volse  par  MM.  de  Concourt,  His' 
«  toire  de  la  Société  française  pendant  le  Directoire  (p.  172)...  C'est 
a  une  ronde  de  volupté  intime  et  molle,  où  le  couple  que  le  rhythme 
«  marie,  poitrine  contre  poitrine,  haleine  contre  haleine,  tourbillonne 
«  enlacé...  Les  mères  ont  peur  de  gronder,  les  maris  craignent  de 
«  passer  pour  jaloux,  les  femmes  deviennent  des  sabots  tournants,  et 
«  la  valse  toute  nouvelle  débarquée  de  l'Allemagne,  commence  en  ces 
«  années  de  licence,  son  règne  charmant  et  immodeste  dans  les  sa- 
«  loHs  français  dégénérés.  »  f/ô.  p.  34,  35.) 


SUR  LES   DANSES    MODERNES.  A<51 

Voici  ce  que  dit  encore  madame  la  comtesse  de  Bassanville  dans  un 
ouvrage  intitulé  :  la  Science  du  Monde 

«  Autrefois,  non-seulement  il  n'était  pas  permis  aux  jeunes  filles  de 
«  valser,  mais  encore  les  jeunes  femmes  valsaient  très-peu...  Mais 
«  comme  il  faut  marcher  avec  son  siècle,  même  quand  il  fait  de  faux 
<  pas,  je  vous  parlerai  donc  des  danses  modernes,  tout  en  vous  affir- 
«  mant  de  recheï  (\ae  si  j'étais  mère  on  mari,  je  ne  les  permettrais 
«jamais  ni  à  ma  femme  ni  à  ma  fille.  Dans  les  polkas,  mazurkas, 
«  une  danseuse  qui  se  tient  courbée  en  avant,  ou  qui  s'abandonne 
«  trop  en  arrière  sur  le  bras  de  son  cavalier,  manque  non-seulement 
«  de  convenance,  mais  encore  de  décence.  Il  en  est  de  même  d'un 
«  cavalier  qui  lient  sa  danseuse  trop  serrée  contre  lui.  »  (Cité  par 
le  P.  Dechamps,  la  Vie  de  plaisirs,  etc.,  p.  100.) 

«  Des  pères  et  mères  se  rencontrent,  a  dit  le  P.  Félix  dans  une  de 
«  ses  conférences  de  Noire-Dame  de  Paris,  qui,  subjugués,  eux  aussi, 
<*  par  la  puissance  du  préjugé,  livrent  leurs  enfants  emportés  dans  des 
«  tourbillonnements  sensuels  et  enivrants,  à  des  altitudes,  à  des  poses, 
a  à  des  rapprochements,  à  des  contacts^  j'allais  dire  à  des  enlace- 
«  ments  qui  réjouissent  les  vicieux  et  compromettent  les  innocents.  » 
(Ibid.  p.  102.) 

Ces  citations  suffisent,  ce  nous  semble,  pour  faire  comprendre  ce 
que  sont  les  danses  modernes,  «  et  ces  danses,  au  lieu  d'être  l'excep- 
«  tion,  dit  M.  le  vicomte  B.  de  St-Laurent,  sent  de  droit  commun  » 
aujourd'hui  {Ibid.  p.  26).  Il  importe  donc  extrêmement  aux  confes- 
seurs d*être  bien  arrêtés  sur  ce  qu'ils  en  doivent  penser,  et  sur  la 
conduite  qu'il  y  a  à  tenir  lorsque  les  danseurs  et  les  danseuses  du  jour 
se  présentent  au  sacré  tribunal. 

11  est  manifeste  que  ces  danses  n'ont  pas,  pour  être  tolérées,  les 
conditions  requises  par  les  saints  et  illustres  auteurs  que  nous  citions 
tout  à  l'heure  :  elles  ne  sont  accommodées  ni  de  modestie,  ni  de  di- 
gnité, et  ne  peuvent  l'être  de  bonne  intention,  comme  le  veut  saint 
François  de  Sales.  Elles  ne  se  font  pas  honesto  modo,  et  siîie  gesticu- 
lationibus  inhonestis,  sine  periculo  aliquos  aut  seipsum  excitandi  ad 
libidinem,  aut  sine  alia  cïrcumstantia  mala,  comme  le  veut  saint  Al- 


462  SUR  LES  DANSES  MODERNES. 

phonse  de  Liguori,  Elles  ne  sont  donc  pas  du  nombre  des  danses  que 
ces  saints  ont  regardées  comme  indifférentes  en  elles-mêmes,  et  qu'ils 
ont  cru  pouvoir  être  quelquefois  permises. 

Il  serait  difficile  de  nier  qu'elles  ne  soient  mauvaises  par  elles- 
noêmes.  Ces  enlacements  entre  personnes  de  différent  sexe,  ces  con- 
tacts poitrine  centre  poitrine,  haleine  contre  haleine,  ces  serrements, 
peuvent-ils  avoir  lieu  sans  les  plus  mauvais  sentiments,  sans  scandale, 
sans  péril  très-prochain  desplusgrands  désordres  charnels?  Surtout  si 
l'on  ajoute  les  nudités  en  usage  dans  le  grand  monde,  et  tous  les  autres 
moyens  de  séduction  que  l'enfer  sait  inspirer  pour  rendre  plus  dan- 
gereux des  amusements  qui  le  sont  déjà  par  eux-mêmes  à  un  si  haut 
point, 

Alexandre  VII  a  cru  devoir  condamner  une  proposition  ainsi  con- 
çue :  «  Est  probabilis  opinio  quae  dixit  esse  tantum  veniale  osculum 
«  habitum  ob  delectalionem  carnalem  et  sensibilem,  quse  ex  osculo 
«  oritur,  secluso  periculo  consensus  ulterioris  et  pollulionis.  » 

Or,  s'il  n'est  pas  probable  qu'un  baiser,  donné  pour  se  procurer 
une  satisfaction  charnelle  ou  sensible,  ne  soit  qu'un  péché  véniel, 
alors  même  qu'il  n'y  aurait  pas  à  craindre  de  consentement  à  de  plus 
grandes  fautes  ou  à  d'autres  désordres  plus  criminels,  que  dire  de  ces 
danses  qualifiées  de  véritables  actes  de  prostitution  par  des  hommes 
du  monde;  de  ces  danses  qu'une  dame,  bien  au  courant  de  ce  qui  se 
passe,  ne  voudrait  pas,  si  elle  était  mère  ou  mari,  permettre  à  sa  fille, 
ou  à  sa  femme;  de  ces  danses  où  l'on  voit  des  enlacements  qui  ré- 
jouissent les  vicieux  et  compromettent  les  innocents?  Toutes  ces  choses 
peuvent-elles  avoir  lieu  sans  satisfaction  ckarnelle  bien  consentie? 

Nous  sommes  donc  de  l'avis  de  Mgr  Bouvier  :  «  Interesse  cho- 
a  reis  graviter  inhonestis,  ratione  nuditatum,  modi  saltandi....  est 
«  peccatum  moriale  :  hinc  saltatio  germanica  vulgo  dicta  valse  (et 
(f  nous  en  disons  de  même  des  autres  espèces  de  danses  qui  sont  ana- 
«  logues)  nunquam  permitli  potest.  » 

Le  P.  Gury  est  du  même  avis  lorsqu'il  dit  :  «Choreae  inhoneslae  ra- 
ce tione  nuditatum,  modi  saltandi,  verborum,  gestuum,  cantuum,sMn< 
(  semper  graviter  illicitx,  ut  patel.  Inler  illas  autem  communiter 


SUR  LES  DANSES  MODERNES.  463 

«  recensenlur  saltalioncs  recentiores  quae  gallice  dicuntur  la  valse,  la 
«  polka^  [e  galop  etaliae  isLis  similes.  »  (Tiieol.  mor.;  de  VviiU.  ç.  3 
arl.  2,  §  3,  edit.  1862.)  Notez  que  c'est  le  sentiment  commun  que  le 
P.  Gury  déclare  exprimer.  11  est  vrai  que  dans  son  récent  ouvrage; 
Casiis  conscientix  (tom.  l.p.  156),  ce  père  semble  moins  affirmatif; 
«  Generatim,  dit-il,  ut  periculosissimae  habentur  choreae  quae  valse  et 
«  polka  dicuntur  ;  sedulo  proinde  videntiir  interdicendiB.  Altamei\ 
a  non  desiint  viri  probi  qui  bas  saltationes  dicunt  modo  non  adeo  in- 
«  decoro  fieri  posse,  licet  communiter  valde  periculosa^  sint.  Ple~ 
«  rumque  igitur  ea  quae  ad  choreas  spectant,  relativa  sunt  ad  présentes 
«  personarum  et  modorum  circumstantias.  »  Mais  si  les  descriptions 
que  nous  avons  données  sont  fidèles,  et  l'on  ne  voit  guère  comment  on 
en  pourrait  douter,  il  est  difficile  que  l'indécence  et  le  danger  prochain 
n'accompagnent  pas  toujours  ces  sortes  de  danses.  S'il  se  trouve  des 
personnes  d'une  complexion  telle  qu'elles  ne  soient  pas  dangeureuse- 
ment  impressionnées,  ce  cas  ne  peut  être  que  fort  rare  et  ne  peqt 
autoriser  à  se  livrer  à  ces  danses  avec  le  péril  prochain  et  moralement 
certain  d'être  au  moins  pour  les  autres  une  pierre  do  scandale  et  un 
instrument  de  corruption. 

Son  Éminence  le  cardinal  Gousset  pense  également  comme  nous  : 
«  Un  confesseur  ne  peut  absoudre  ceux  qui  persistent  à  vouloir  ff^-»» 
«  quenter  les  danses  regardées  comme  étant  notablement  indécentes, 
«  soit  à  raison  des  costumes  immodestes  qu'on  y  porte,  mHlieriki^^ 
«  ttbera  iinmoderate  nudata  ostendentibus ;  soit  à  raison  des  paroles 
c(  obscènes  qu'on  s  y  permet;  soit  enfin  à  raison  de  la  manière  donf  la 
«  danse  s  exécute,  contrairement  aux  règles  de  la  modestie.  »  (T/ieo- 
logie  morale,  t.  1,  p.  235.) 

Tel  est  donc  notre  avis  sur  les  danses  modernes  ci-dessus  décrites, 
et  nous  oserions  exprimer  le  vœu  que  des  voix  plus  puissantes  et  plus 
autorisées  que  la  nôtre,  ou  même  que  celles  de  simples  prêtres,  s'éle- 
vassent hautement  contre  de  pareils  scandales  devenus  si  communs 
aujourd'hui.  Nous  savons  que  cela  a  été  fait  par  quelques-uns  de  nos 
•illustres  pontifes  ;  mais  on  pourrait  désirer  peut-être  que  cet  exemple 
eût  été  imité  partout  ailleurs  et  surtout  dans  les  plus  grands  centres. 


465  SUR  LES  DANSES  MODERNES. 

Les  confesseurs  seraient  mieux  avisés  et  plus  solidement  étayés  pour 
s'opposer  avec  torce  au  torrent  qui  menace  d'entraîner  ce  qui  peut 
rester  de  décence  et  de  pudeur  dans  nos  mœurs  publiques. 

Quant  aux  danses  où  tout  se  passe  d'une  manière  décente,  nous 
croyons  avec  le  commun  des  auteurs  : 

1"  Que  dans  la  pratique,  on  doit  généralement  en  détourner,  parce 
que  d'ordinaire  même  ces  sortes  de  danses  ne  sont  pas  exemptes  de 
danger  pour  un  grand  nombre  d'âmes.  «  Hinc,  répéterons-nous  avec 
«  le  P.  Gury  [Tltéol.  iftor.  loc.  cit.),  parochi  et  confessarii  ab  illis, 
«  quantum  fieri  potest,  avertere  debent.  » 

2°  Qu'il  faut  refuser  l'absolution  à  ceux  pour  qui  la  danse  est  une 
occasion  prochaine  de  péché  mortel,  et  qui  ne  veulent  pas  y  renoncer^ 
quand  même  celte  danse  ne  serait  pas  immodeste.  La  raison  de  décider 
ainsi  est  évidente.  (V.  Gousset,  ibid.) 

3"  Qu'il  ne  faut  pas  refuser  l'absolution  à  ceux  pour  qui  la  danse, 
d'ailleurs  non  immodeste,  n'est  pas  une  occasion  prochaine  de  péché 
mortel.  Il  suffit  d'en  détourner  autant  qu'on  le  peut. 

Que  dire  maintenant  dune  mère  qui  veut  que  sa  fille  apprenne  h 
danser?  Celte  fille  est-elle  obligée  de  lui  obéir? 

Réponse,  l"  S'il  ne  s'agit  que  de  danses  convenables  et  décentes, 
cette  mère  peut  être  absoute,  et  sa  fille  peut  et  doit  même  lui  obéir. 

2°  S'il  s'agit  des  danses  indécentes  dont  nous  avons  parlé  ci-dessus, 
nous  croyons  que  cette  mère  est  coupable  et  ne  doit  pas  être  absoute, 
à  moins  qu'elle  ne  renonce  à  sa  détermination,  surtout  s'il  y  a  lieu  de 
croire,  comme  d'ordinaire,  que  sa  fille  se  trouvera  par  là  conduite  à 
se  livrer  plus  tard  à  ces  sortes  de  danses. 

Quant  à  la  fille,  nous  croyons  qu'elle  pourrait  apprendre  ces  sortes 
de  danses,  mais  seulem.ent  avec  l'intention  de  n'en  jamais  faire  usage, 
et  pourvu  qu'en  prenant  ces  leçons,  elle  ne  s'exerce  pas  avec  des  per- 
sonnes d'un  sexe  différent  du  sien.  Nous  ne  croyons  pas  du  reste  que, 
même  dans  cette  hypothèse,  elle  soit  obHgée  d'obéir. 

Craisson, 

Ancien  Vicaire  général. 


DU  CHANT  ECCLÉSIASTIQUE. 


Deuxième  article. 


g  4.  —  Du  CHANT  DES   HYMNES. 

Il  n'est  peut-être  pas.  dans  l'Office  divin,  de  partie  dans  la- 
quelle il  y  ait  eu  plus  de  variation  sous  le  rapport  du  chant.  Nous 
sommes  loin  de  condamner  l'usage  d'employer  les  airs  populaires  ;  il 
est  cependant  important  de  connaître  les  ré-^les  qui  déterminent  l'usage 
des  chants  auxquels  nous  donnons  le  nom  de  liturgiques  dans  le  sens 
ci-dessus  indiqué.  Il  est,  en  effet,  des  rhylhnfies  dont  l'usage  est  consa- 
cré pour  certains  temps  de  l'année,  et  même  il  est  quelques  hymnes 
dont  le  chant  leur  est  tellement  propre,  qu'il  n'appartient  à  aucune 
autre.  Les  hymnes  des  petites  heures  et  des  compiles  se  chantent  tou- 
jours sur  la  mélodie  propre  au  temps  de  l'année  où  l'on  se  trouve . 

1. — Règles  données  par  le  Direcloriura  chori  sur  léchant  des 
hymnes. 

Le  Directorium  chori  nous  indique  le  chant  des  hymnes  de  la  ma- 
nière suivante  : 

i°  Les  hymnes  du  temps  de  l'Avent  se  chantent  sur  le  septième  ton. 
On  en  excepte  l'hymne  des  vêpres  Creator  aime  siderum,  qui  se  chante 
sur  une  mélodie  du  quatrième  ton  qui  lui  est  spéciale. 

2"  Depuis  les  premières  vêpres  de  Noël  jusqu'aux  premières  vêpres 
de  l'Epiphanie,  toutes  les  hymnes  se  chantent  sur  l'air  si  connu  Jesu, 
redemptor  omnium.  On  excepte  l'hymne  des  laudes  de  Noël  A  solis 
ortu^  cardinc,  qui  se  chante  sur  un  ton  spécial  que  l'on  applique  en 
certaines  églises  aux  hymnes  de  l'Epiphanie. 

3°  Depuis  les  premières  vêpres  de  l'Epiphanie  jusqu'à  la  fin  de  l'oc- 


466  DU    CHANT    ECCLÉSIASTIQUE. 

tave  do  celte  fêle,  les  hymnes  se  chantent  sur  Crudelis  Herodes  Deum, 
que  le  Diredorium  note  sur  le  huiliènie  ton. 

4°  Les  hymnes  de  la  fête  du  saint  Nom  de  Jésus  sont  notées  sur  le 
chant  des  hymnes  de  Noël. 

S°  Depuis  le  premier  dimanche  de  Carôme  jusqu'au  temps  de  la 
Passion,  on  chante  les  hymnes  sur  le  huitième  ton.  On  excepte  l'hymne 
des  vêpres  Audi  bénigne  conditor.  Le  chant  de  celte  hymne,  du 
deuxième  ton,  lui  apparlienl  spécialement. 

6"  Les  hymnes  du  temps  de  la  Passion  se  chantent  sur  Vexilla  ré- 
gis prodeunt. 

7"  Au  temps  pascal,  les  hymnes  se  chantent  sur  la  mélodie  spéciale 
à  ce  temps,  depuis  le  samedi  après  Pâques  jusqu'aux  premières 
vêpres  de  l'Ascension.  Cette  règle  s'applique  aux  vêpres  de  l'invenlion 
de  la  sainte  Croix  :  l'hymne  Vexilla  régis  se  chante  alors  sur  ce  même 
rhylhme.  D'après  Gavantus,  c'est  pour  pouvoir  employer  ce  chant, 
comme  la  doxologie  pascale,  qu'on  a  substitué  aux  vêpres  du  commun 
de  plusieurs  martyrs  au  temps  pascal  l'hymne  des  laudes  Rexgloriose 
martyrum  à  l'hymne  Sanctorum  meritis,  qui  se  dit  pendant  l'année. 
Le  changement  de  mélodie  n'est  pas  indiqué  pour  les  vêpres  et  les 
laudes  des  autres  communs  ;  la  raison  en  est  que  les  saints  Martyrs 
seuls  ont  un  office  parlicuher  pour  le  temps  pascal. 

8"  Pendant  l'oclave  de  l'Ascension,  les  hymnes  se  chantent  sur  le 
quatrième  ton.  On  excepte  l'hymne  des  matines  de  cette  fête,  qui  em- 
prunte un  chant  du  huilième  ton,  sur  lequel  se  chante  l'hynme  des 
laudes  du  très-saint  Sacrement,  Verbum  supermun  proUens. 

9°  Les  hymnes  de  l'office  de  la  Pentecôte  sont  notées  sur  le  pre- 
mier toU;,  sauf  le  Venï  Creator  Spintus,  dont  la  belle  mélodie  est  as- 
sez connue. 

10°  Les  hymnes  de  la  fête  de  la  Sainte-Trinité  ont  aussi  leur  chant 
propre. 

11»  A  la  fête  du  très -saint-Sacrement  et  pendant  l'octave,  les 
hymnes  des  heures  se  chantent  sur  le  rhylhme  propre  aux  fêtes  de  la 
Irès-sainte  Vierge,  probablement  à  cause  de  la  doxologie.  L'hymne 
des  laudes  Verbum  supernum  prodiens,  dont  la  doxologie  est  spéciale, 


DU    CHANT    ECCLÉSIASTIQUE.  407 

a  aussi  son  chant  propre  du  huitième  ton  ;  les  hymnes  Range  lingtia  et 
Sacris  solemniis  étant,  la  première,  du  môlre  Irochaïque,  et  la  seconde 
se  composant  de  strophes  de  trois  asclépiades  et  d'un  glyconique, 
doivent  avoir  aussi  un  chant  particulier.  La  première  est  notée  sur  le 
premier  ton,  la  deuxii^mc  sur  le  chant  du  quatrième  ton  usité  en 
France,  et  celle-ci  ne  prêle  son  rhythme  à  aucune  autre. 

i  i"  Les  hymnes  de  la  fêle  de  saint  Jean-Baptiste,  qui  sont  du  mètre 
saphique  et  adonique,  sont  notées  sur  le  rhylhme  du  deuxième  ton,  que 
nous  avons  l'usage  d'employer  pour  cette  fête,  et  qu'on  applique  en 
beaucoup  d'églises  à  l'hymne  Iste  confessor.  Celle  mélodie,  cependant, 
ne  paraît  pas  être  l'ancien  chanl  de  ces  hymnes,  puisque  c'est  de  l'hymne 
Ul  queant  Iaxis  que  l'on  a  tiré  les  noms  des  notes  du  plain-ehant  et 
de  la  musique.  On  trouve  dans  des  livres  anciens  et  dans  des  mé- 
thodes de  plainchanl  la  mélodie  primitive  de  celle  hymne. 

42°  Les  hymnes  des  fêtes  de  saint  Pierre  et  saint  Paul  et  toutes 
cellesdes  fêtes  de  ces  saints  Apôtres  sont  en  vers  iambiques  trimétres. 
Elles  sont  notées  sur  le  quatrième  ton. 

16°  A  la  fêle  de  la  Transfiguration,  les  hymnes  se  chantent  sur  le 
rhylhme  du  quatrième  ton,  adopté  pour  la  fêle  de  l'Ascension.  «  In 
a  Tiansfiguratione  Doraini,  dit  le  Direetorium,  sub  proprio  tano,  qui 
«  débet  esse  ul  de  Ascensionc  dictum  est  ;  quamvis  ahqui  pulant  sub 
«  tono  Nalivitatis  vcl  Epiphaniae  :  quia  ullimus  versus  hymnorura 
«  dicitur  talis  lemporis  ;  sed  ralionesolemnitatis  et  officii,  ac  hymno- 
«  ru  m  verborum  magis  cum  Ascensione  convenit,  et  in  psalteriis 
«  correctis  sic  annotalur,  » 

14"  L'hymne  Tibi  Ghrisle  de  la  fêle  de  saint  Michel  Archange  est 
notée  sur  le  chant  du  deuxième  ton,  que  nous  avons  encore,  el  Christe 
sanctorum  est  indiqué  sur  le  chant  des  hymnes  de  la  fête  de  saint 
Jean-Baptiste. 

15°  A  la  fête  de  la  Toussaint,  et  pendant  l'octave,  on  chante  les 
hymnes  sur  le  ton  de  Noël. 

16"  Pour  le  commun  des  Apôtres  hors  le  temps  pascal,  on  donne 
pour  l'hymne  des  matines  et  celles  des  heures  un  huitième  ton,  qui 
n'est  autre  qu'un  sixième,  que  nous  avons  coutume  d'appliquer  à 


468  DU   CHANT   ECCLÉSIASTIQUE. 

l'hymne  du  Sacré-Cœur  de  Jésus  Auctor  béate  sxculi,  et  à  celle  de  la 
Pureté  de  la  sainie  Vierge  Prœdara  custos  Virgimim.  L'hymne  Exul- 
tet  orbis  des  vêpres  est  du  huitième  ton. 

17°  Les  hymnes  des  laudes  et  des  heures  du  commun  d'un  Martyr 
hors  le  temps  pascal  sont  notées  sur  un  rliylhme  du  sixième  ton.  L'hymne 
ûeiistuorum  militum  a  un  chant  spécial  du  troisième  mode. 

18°  Au  temps  pascal,  toutes  les  hymnes  du  commun  des  Apôtres  et 
des  Martyrs  se  chantent  sur  le  rhythme  propre  à  ce  temps,  comme  aussi 
les  hymnes  propres,  [elles  que  celles  de  saint  Venance.  En  nous  tenant 
à  l'indication  des  livres  d'office  que  nous  avons  entre  les  mains,  les 
hymnes  de  ces  communs  garderaient  le  même  chant  après  la  fête  de 
l'Ascension  :  il  semble  cependant  que  le  rythme  propre  à  l'Ascension 
devrait  être  alors  adopté,  et  ce  principe  paraît  ressortir  de  la  rubrique 
du  Direct orium.  D'après  le  même  principe,  si  l'hymne  propre  d'une 
fête  devait  être  chantée  sur  le  rhythme  pascal,  depuis  Pâques  jus- 
qu'à l'Ascension,  elle  prendrait,  après  l'Ascension,  le  chant  propre  à 
cette  octave,  et  aprèi  la  Pentecôte,  on  devrait  la  chanter  sur  un  autre 
rhythme,  comme  celui  qui  convient  au  commun  auquel  se  rapporte  la 
fête,  ou  une  mélodie  ad  libitum. 

19°  Toutes  les  hymnes  en  vers  iambiques  dimètres  qui  appar- 
tiennent au  commun  de  plusieurs  martyrs,  d'un  Confesseur  pontife  ou 
non  pontife,  sont  notées  sur  un  chant  du  deuxième  mode.  On  excepte 
l'office  double  de  plusieurs  martyrs,  auquel  on  chante  les  hymnes  sur 
la  mélodie  qui  appartient  aux  saints  Apôtres.  Le  rhythme  dont  il  est  ici 
question  paraît  être  celui  des  hymnes  qui  n'en  ont  pas  de  propre,  et  qui 
est,  spécialement  indiqué  pour  celle  de  sainie  Madeleine  Pater  superni 
Numinis.  L'hymne  Sanctorum  merilis  est  du  troisième  ton,  et  Iste 
confessor  du  huitième. 

20°  Les  hymnes  du  commun  de  la  Dédicace  sont  notées  sur  le  pre- 
mier ton,  et  sur  le  même  rhythme  que  Fange  lingua. 

21°  A  l'office  de  la  sainte  Vierge,  les  hymnes  en  vers  iambiques 
sont  du  huitième  mode.  Ave  maris  Stella  a  son  mètre  et  son  chant 
particulier. 

22°  Pour  l'office  commun  du  dimanche,  les  hymnes  Primo  dierum 


DU   CHANT   ECCLÉSIASTIÛUE.  469 

principe  et  ^ternererum  conditor  ont  un  rhyllime  qui  leur  est  spécial  à 
chacune.  Nocte  surgentes  se  chante  sur  Iste  confessor,  et  Ecce  jam 
noclis  sur  une  mélodie  particulière  du  deuxième  mode.  Ltœis  Creator 
optime  est  du  huitième  ton. 

II.  —  Des  usages  plus  communément  adoptés  dans  les  livres  publiés 

en  France. 

Les  usages  dont  nous  parlons  ici  ont  été  suivis  par  les  meilleures 
éditions.  Nous  sommes  loin  de  vouloir  rien  dire  qui  puisse  jeter  la 
moindre  parole  de  blâme  sur  ce  point.  Le  chant  des  hymnes  a  varié 
en  différents  temps,  et  la  latitude  que  laisse  sur  ce  point  la  Sacrée 
Gongrégalion  des  Rites  paraît  autoriser  suffisamment  à  conserver  des 
usages  dont  la  suppression  aurait  pu  rendre  plus  difficile  la  bonne  exé- 
cution des  offices  de  l'Eglise,  lorsqu'il  fallait  déjà  supprimer  d'autres 
coutumes  avec  lesquelles  le  clergé  et  le  peuple  étaient  depuis  longtemps 
familiarisés.  Mais  pour  éviter  toute  confusion  et  faire  connaître  d'une 
manière  plus  précise  les  chants  liturgiques  des  hymnes,  nous  croyons 
devoir  donner  ici  l'énuméralion  de  ceux  dqs  usages  généralement  sui- 
vis en  France  qui  ne  sont  pas  conformes  au  Directorïum  ehori,  en  y 
ajoutant  les  observations  nécessaires. 

1°  Les  hymnes  de  l'Epiphanie  sont  notées  sur  le  chant  spécial  de 
l'hymne  des  laudes  de  Noël.  Il  ne  faut  donc  pas  croire  que  cette  mélo- 
die appartienne  à  l'Epiphanie  et  à  son  octave. 

2'  Toutes  nos  éditions,  ou  à  peu  prés  toutes,  donnent  aux  hymnes 
de  la  fête  du  saint  Nom  de  Jésus  le  chant  propre  à  l'Ascension.  Le 
chant  liturgique  de  ces  hymnes  est  celui  de  Noël,  comme  nous  l'avons 
vu,  et  comme  l'insinue  la  doxologic. 

3o  L'hymne  Vexiila  régis  prodeunt  est  toujours  notée  sur  son  chant 
propre,  même  aux  fêtes  de  l'Invention  et  de  l'Exaltation  de  la  sainte 
Croix.  Celte  mélodie,  à  la  vérité,  est  magnifique  et  convient  parfaite- 
ment au  grand  mystère  de  la  Croix.  Mais  est-elle  appliquée  par  l'É- 
glise à  ce  mystère  ou  à  celui  de  la  Passion  de  Notre-Seigneur?  Si 
l'Église  applique  ce  rhythrae  à  la  Croix,  et  s'il  appartient  à  l'hymne 
Vexiila  comme  la  nature  du  Veni  Creator  appartient  à  cette  hymne^  il 


A70  DU    CHANT    ECCLÉSIASTIQUE. 

la  conservera  toujours.  Mais  ce  chant  est  tellement  propre  au  temps 
de  la  Passion,  qu'on  chante  alors  les  hymnes  des  petites  heures  et  des 
compiles  sur  Veocilla  régis.  \[  serait  donc  moins  conforme  aux  règles  du 
chant  de  reprendre  le  rhythme  de  la  Passion  aux  fêtes  de  la  Croix,  et 
spécialement  au  temps  pascal.  Le  Dheclorium  fait  même  à  cet  égard 
une  observation  spéciale  :  «  In  fe^to  Inventionis  sancl*  Crucis,  sub 
a  tono  paschaii,  quamvis  modo,  juxla  Breviarii  recognili  norraam, 
•  ultimus  versus  non  muletur,  scilicet  Te  summa  Deus  Trinitas.  In 
«  ejusdem  Exaltatione,  sub  lono  beatae  Virginis  ob  octavam  ejusdem, 
<(  quia  etsi  ad  hymnum  Vcxilla  non  dicalur  G/oHo  ii6i  Z)om/ne  (1), 
«  Qui  nalus  es  de  Viryine,  sed  Te  summa  Deus  Trinitas,  ut  diclum 
«  est,  tamen  sic  praeslat,  ut  tonus  conveniat  cum  aliorum  hymnorum 
«  tono  post  quos  dicitur  Gloria  tibi  Domine.  » 

4°  Le  chant  de  Fhymne  des  vêpres  de  sainte  Marie-Madeleine,  du 
sixième  ton,  qui  se  trouve  dans  plusieurs  éditions;  est  un  chant  ad  libitum, 

5"  Dans  plusieurs  livres  d'office,  l'hymne  des  vêpres  de  la  Tous- 
saint Placare  Christe  serviiUs  est  notée  sur  un  chant  particulier  du 
huitième  ton.  Il  ne  faudrait  pas  en  conclure  que  ce  rhythme  appartienne 
à  cette  fête  et  à  son  octave.  Le  chant  liturgique  de  cette  hymne  et  de 
celle  de  la  Toussaint  est  celui  de  Noël,  comme  il  a  été  dit  au  para- 
graphe précédent. 

6°  L'hymne  Exultel  orbis  gaudiis  se  trouve  à  peu  près  partout  sur 
un  rhythme  du  premier  ton,  populaire  en  France  pour  les  saints  Apôtres. 
Il  eût  été  regrettable  de  ne  pas  le  conserver  ;  mais  on  serait  dans  l'er- 
reur si  l'on  croyait  cette  mélodie  propre  aux  hymnes  des  Apôtres. 

7°  On  applique  un  nn'me  rhythme  du  huitième  ton  aux  hymnes  Deus 
tuorum  rnilttnm,  Jesu  corona  virginum,  Foriem  viriH  pectore.  Celte 
mélodie  est  aussi  un  chant  populaire  usité  chez  nous  ;  mais  ce  n'est  pas 
liturgiquement  le  chant  propre  aux  hymnes  en  vers  iambiques  du 
commun  des  Saints. 

8°  On  doit  dire  la  même  chose  de  la  belle  mélodie  du  deuxième  ton, 
que  nous  appliquons  àl'hymne  Sanctorum  meritisei  à  quelques  autres. 

(1)  On  cite  ici  les  premiersmots  delà  doxologie  des  hymnes  anciennes 
de  la  sainte  Vierge  :  maiiiteuant  on  dirait  Jesu.  iibi  sit  gloria. 


DU    CHANT    ECCLÉSIASTIQUE.  Zj/l 

9°  L'application  du  chant  des  hymnes  de  saint  Jean-Baptiste  à 
l'hymne  Iste  confessor  est  aussi  un  'isage  adopté  spécialement  chez 
nous. 

10*  Toutes  nos  éditions  indiquent  le  chaut  usité  en  France  pour  les 
hymnes  de  la  Dédicace. 

11°  L'hymne  Lucis  Creator  oplime  est  notée  généralement  sur  le 
chant  des  hymnes  de  la  fête  de  la  Pentecôte. 

12"  Nous  trouvons  dans  quelques  éditions  le  rhythme  de  l'Ascension 
indiqué  pour  Thymne  des  complies  d'une  manière  générale^  ou  au 
moins  à  l'exception  des  fêtes  de  In  sainte  Vierge. 

III.  —  Des  moyens  à  prendre  pour  maintenir  les  règles  tradition- 
nelles dans  le  chant  des  hymnes  sans  exclure  les  variétés  d'institu- 
tion récente  que  l'on  pourrait  conserver. 

L'importance  du  maintien  de  ces  régies  traditionnelles  est  incontes- 
table. Elles  seules,  en  effet,  nous  garantissent  la  conservation  des  mé- 
lodies anciennes  ;  sur  ces  règles  tradiiionnclles  reposent  d'autres  régies 
positives  qu'il  faudrait  abandonner  si  les  pferaières  n'étaient  pas  main- 
tenues :  l'expérience  du  passé  n'a  que  trop  justifié  cette  assertion. 
D'un  autre  côté,  il  serait  regrettable  d'abandonner  certaines  mélodies 
plus  récentes,  riches  au  point  de  vue  de  l'harmonie  religieuse,  et  de 
venues  agréables  et  familières  au  peuple. 

Mais  s'il  y  a  un  motif  de  conserver  ces  dernières  mélodies,  nous  n'en 
voyons  pas  de  les  appliquer,  dans  le  corps  d'un  livre  et  sans  aucune 
remarque,  au  chant  d'une  ou  de  plusieurs  hymnes  du  propre  du 
temps,  du  propre  ou  du  commun  des  Saints,  Cette  manière  de  procé- 
der donne  lieu  aux  inconvénients  ci-dessus  énumérés.  On  pourrait,  ce 
semble,  noter  les  hymnes  sur  le  rhylhme  liturgique,  puis,  par  manière 
de  supplément,  indiquer  une  suite  de  chants  populaires,  comme  l'a  fdit 
la  commission  rémo-cambrésienne  pour  le  chant  du  Kyrie.  Par  ce 
moyen,  tout  le  monde  serait  instruit  des  régies  relatives  au  chant  des 
hynmes  ;  on  saurait  à  l'exclusion  de  quel  rhylhme  on  adopte  tel  autre 
pendant  un  temps  ou  une  octave,  et  l'on  serait  en  garde  contre  les  en- 
vahissements de  l'arbitraire. 


472  DU   CHANT    ECCLÉSIASTIQUE. 

IV.  —  De  l'appUcalion  d'un  chant  spécial  à  certaines  hymnes  pendant 
un  temps  de  l'année  ou  une  octave, 

Les  notions  ci-dessus  exposées  étaient  nécessaires  pour  faciliter  l'in- 
telligence des  principes  relatifs  au  point  qui  va  nous  occuper.  Revenons 
donc  aux  rhylhmes  que  nous  comprenons  sous  le  nom  de  liturgiques. 
De  même  que  les  chants  liturgiques  du  Kyrie  eleison,  du  Gloria  in 
excelsis,  etc.,  sont  désignés  pour  être  employés  à  certains  jours  en 
particulier;  de  même  aussi  les  chants  liturgiques  des  hymnes  appar- 
tiennent à  certaines  hymnes  et  à  certains  temps  de  l'année.  11  est  des 
rhylhmes  tellement  spéciaux  à  un  temps  ou  à  une  octave,  qu'il  faut  alors 
abandonner  le  rhyihme  ordinaire  dune  hymne  pour  y  substituer  le 
rhythme  du  temps  ou  de  l'octave.  On  doit  à  cet  égard  suivre  les  règles 
suivantes. 

1°  Les  hymnes  des  petites  heures  et  des  compiles  doivent  être 
chantées  pendant  l'Avent  et  le  Carême,  à  tout  l'office  du  temps,  sur  le 
chant  de  l'hymne  des  laudes;  pendant  le  temps  de  la  Passion,  sur 
Vexilla  régis  ;  depuis  les  premières  vêpres  de  Noël  jusqu'après  l'oc- 
tave de  l'Epiphanie,  même  aux  ièles,  sur  Jesu  Redemptor  omnium  ; 
depuis  les  premières  vêpres  de  l'Efiiphanie  jusqu'à  la  fin  de  l'octave, 
sur  Crudelis  IJerodes  Deum,  même  si  l'on  célébrait  une  fête  pendant 
cette  octave  ;  à  toutes  les  fêtes  de  la  sainte  Vierge  et  pendant  les  oc- 
taves, comme  aussi  à  l'office  de  la  sainte  Vierge  le  samedi,  sur  Quem 
terra  ;  au  temps  pascal,  sur  le  ton  pascal  ;  depuis  l'Ascension  jusqu'à 
la,  Pentecôte,  sur  Jesu  nostra  /iet/emp/io;  le  jour  de  la  Pentecôte  et 
pendant  l'octave,  sur  Jam  Chrislus  astra  ascenderat,  excepté  à  tierce; 
à  la  fête  de  la  sainte  Trinité,  sur  Jam  sol  recedil  igneus  ;  à  la  fête  du 
très-saint  Sacrement  et  pendant  l'octave,  sur  la  mélodie  usitée  pour  les 
fêtes  de  la  sainte  Vierge  ;  le  jour  de  la  Transfiguration,  sur  le  rhythme 
de  l'Ascension  ;  le  jour  de  la  Toussaint  et  pendant  l'octave,  sur  le 
chant  de  Noël.  Cette  énumération  est  la  traduction  littérale  de  la  ru- 
brique du  Direcloîium.  On  lit  ensuite  ces  paroles:  «Quotiescumque 
a  hic  agitur  de  tonorum  varielate^  intelligendum  esse  quoad  hymnes 
a  horarura,  videlicet  primae,  tertiae,  sextîe,  nonas,  et  complelorii.  » 


DL    CUANT    ECCLÉSIASTIQUE.  A 73 

2°  Q(iant  aux  hymnes  des  vêpres,  des  matines  et  des  laudes,  la  ré- 
gie est  un  peu  moins  générale,  comme  il  suit  des  termes  du  Directorium. 
Après  les  paroles  citées  ci-dessus,  nous  lisons  la  rubrique  suivante  : 
«  Nam  semper  in  feslis,et  Dominicisad  Vesperas,  el  Matutinum,  sem- 
«  per  cantanlur  liynmi  sub  tono  et  notis  propriis  quibus  reperiunlur  : 
«  nisi  ralione  aliquarum  solemnitatum  prsRdictarum  tam  diei,  quam 
a  toliusoclavae  illi  pertinentis,  vel  ralione  lemporis  Paschalis,  quarum 
«  causa  ultimus  versus  proprius  diciiur  ad  finera  omnium  hymnorum 
«  ejusdem  metri,  etiam  festorum  tune  occurrentium,  veletiam  lantum 
a  causa  alicujus  soleninitalis,  quamvis  non  habeat  proprium  versum 
«  ultimum  talis  soleninitalis,  siculi  est  festivitas  omnium  Sanctorum, 
«  et  tota  oclava:  quia  tune  omnino  horarum  hymni  festivilalumoccur- 
«  rentium  cantantur  sub  tono  praedictanim  solemnitatum,  sic  temporis 
«  Paschalis  ;  dummodo  (quod  semper  intelligendum  est)  sint  ejusdem 
«  metri.  »  Toutes  les  fois  donc  qu'il  y  a  une  doxologie  propre,  le 
chant  des  hymnes  est  celui  de  la  fètcdonton  dit  la  doxologie,  et  quand 
môme  une  hymne  aurait  une  doxologie  à  elle  propre,  elle  prendrait 
aussi  la  mélodie  propre  à  la  fétc,  au  temps  ou  à  l'octave,  comme  il  a 
été  dit  ci-dessus  pour  l'Invention  et  l'Exaltation  de  la  sainte  Croix.  La 
même  règle  est  applicable  aux  grandes  solennités  qui  n'auraient  point 
do  doxologie  particulière,  comme  celle  de  la  Toussaint. 

3°  Ces  règles  s'appliquent  aux  hymnes  des  fêtes  occurrentes,  comme 
on  vient  de  le  voir.  Le  Direclorium  l'exprime  positivement  pour  les 
octaves  de  Noël  et  de  lEpiphanie,  les  hymnes  des  Apôtres  et  des 
Martyrs  pendant  le  temps  pascal.  Pour  les  fêtes  de  saint  Etienne,  de 
saint  Jean  et  des  saints  Innocents,  le  Direclorium  l'indique  au  propre 
du  temps  ;  mais  on  voit  ici  que  la  môme  règle  doit  être  appliquée  aux 
hymnes  de  la  fêle  de  saint  1  homas  de  Cantorbcry  et  à  l'hymne  des  laudes 
de  saint  Silvestre.  Il  paraît  suivre  de  là,  comme  nous  l'avons  déjà  observé, 
que  le  chant  pascal  doit  cesser  aux  premières  vêpres  de  l'Ascension 
■pour  faire  place  au  rhyihme  propre  à  cette  fête. 

4"  Lorsque  les  vê|ircs  se  divisent  au  capitule,  l'hymne  des  compiles 
se  chante  sur  la  mélodie  propre  à  l'otTicedunt  on  dit  le  capitule,  si  les 
hymnes  de  cet  office  ont  une  doxologie  particulière^  et  l'on  suit  toujours 

RBVUE  des  sciences  ECCLÉS.,  t.   IX.  —  MAI  1864,  31 


fi7!\  DU    CHAKT   ECCLÉSIASTIQUE. 

h  mélodie  de  l'octave  la  plus  digne,  si  l'on  en  célèbre  deux.  Si  l'office 
dont  on  dit  le  capitule  n'a  pas  de  doxologiepaiticulière  et  bi  l'on  dit  la 
doxologie  de  la  fête  piécédente,  on  conserve  la  mélodie  de  cette  fête. 
«  Quando  occurril,  dit  le  Direclorium,  ut  capilulum  fiât  ad  vesperas 
«  de  alio  sancto,  tonus  hymni  ad  complelorium  sequens  servelur  illius 
«  fcstivitatis  sequfntis,  cujus  celebratum  est  capilulum  ad  vesperas, 
«  nisi  vesperarum  antecedentium  ullimus  versus  hymnorum  essetpro- 
«  prius,  quia  tune  non  solum  ad  complelorium,  sed  etiara  ad  capilulum 
«  antecedens  servaretur  tonus  illius  festi  anlecedentis.  Quod  si,  exem- 
«  pli  gratia,  darentur  dufe  simul  octavae,  servetur  tonus  octavge  prœ- 
«  dominantis.  »  C'est  d'après  le  même  principe  que,  comme  il  a  été 
dit  (t.  I.  p.  ?36),  on  chante  le  Benedicamus  Domino  propre  aux  fêtes 
de  la  sainte  Vierge,  même  après  qu'on  a  cessé  d'en  faire  l'office. 

5"  L'hymne  Lucis  Creator  opiime  comer\e  toujours  le  chant  qui  lui 
est  propre.  C'est  ce  que  le  Direct orutm chori  exprime  en  ces  termes  : 
«  De  tono  quoad  hymnum  Vesperarum  pro  dominicis  infia  annum  nil 
«  dictura  est,  quia  servatur  solitus  super  Lucis  Creator  optime.  » 

Ces  règles  s'appliquent  seulement  aux  rhythmes  que  nous  appelons 
liturgiques.  Quant  aux  autres  mélodies,  elles  peuveni  êire  employées  in- 
différemment, et  l'on  peut  suivre  pour  ce  qui  les  concerne,  les  règles 
données  pour  les  chants  communs  de  la  Messe. 


P.  R. 


QUESTIONS   LITURGIQUES. 


i.  Les  canons  d'autel  peuvent-ils  rester  sur  l'autel  pendant  les  offices, 
en  dehors  de  la  messe  ?  —  2.  Le  prêtre  qui  présente  aux  fidèles  un 
reliquaire  à  baiser  doit-il  être  revêtu  d'une  étole  ?  —  3.  Le  pré' 
dieateur  peut-il  être  couvert  de  la  barrette  lorsqu'il  prêche  debout  ? 

i .  Les  canons  d'autel  peuvent-ils  rester  sur  l'autel  pendant  les 
offices  y  en  dehors  de  la  messe? 

Un  usage  assez  répandu  dans  certaines  églises  consiste,  non- seule- 
ment à  laisser  les  canons  en  permanence  sur  l'autel,  mais  encore  à 
les  y  mettre  exprès,  comme  décoration,  pendant  les  vêpres  et  autres 
offices,  à  en  garnir  même  des  autels  où  l'on  ne  célèbre  pas  la  messe. 
11  est  hors  de  doute  que  tout  ce  qui  sert  spéuMalement  à  la  messe  ne 
doit  se  trouver  snr  l'autel  que  pour  le  saint  Sacrifice.  La  rubrique  du 
missel  prescrit  de  préparer  les  canons  avant  la  messe,  et  ne  suppose  pas 
qu'ils  restent  toujours.  Hors  le  temps  de  la  messe,  même  pendant 
les  offices,  l'autel  doit  être  couvert.  Nous  lisons  en  effet  dans  le  Céré^ 
monial  des  Evêques,  1.  ii,  c.  i,  n.  13,  que  les  acolytes  découvrent 
l'autel  avant  l'encensement  qui  se  fait  à  Magnificat  :  «  Intérim  duo 
a  acolythi  praecedunt  ad  altare,  élevantes  hinc  inde  anteriorom  partem 
a  superioris  tobaleae,  seu  veli  super  altare  positi,  illamque  condupli- 
«  cant  usque  ad  médium.  »  Rien  n'est  plus  opposé  à  l'esprit  des  rè- 
gles liturgiques  que  les  objets  inutiles.  Les  canons  d'autel  ne  sont  pas 
une  parure,  mais  un  objet  d'utilité  :  il  faut  donc  qu'ils  soient  disposés 
quand  ils  sont  nécessaires  ;  il  faut  aussi  et  avant  tout  qu'ils  soient  lisi- 
bles, et  non  pas,  comme  il  arrive  parfois,  plutôt  des  images  que  toute 
autre  chose. 


A76  LITURGIE. 

2.  Le  prêhe  qui  présente  aux  fidèles  un  reliqunh'e  à  hniser  doit-il 
être  revêtu  d'une  étole  ? 

r  L'iisago  (Je  présentpr  des  reliquaires  à  baiser  est  fort  ancien  et 
se  trouve  mentionné  dans  les  meilleurs  auteurs.  11  serait  trop  long  de 
citer  les  textes  qui  se  ropportenl  à  celte  pratique  et  qui  sont  indiqués 
par  Cavalier!,  t.  i,  p.  184.  «  Nos  hac  in  re  dicere  possumus,  dit  le 
«  savant  rubriciste,  qnod  mos...  reliqnias...  vcncrationi  ac  fidelium 
a  osculis  proponcndi  sua  non  caret  anliquilatis  lande....  Reliquije 
«  quae  in  solemnitatibus  cvponendae  reservantur,  fidelibus  osculandae 
«  quandoqiie  exhibentur,  oui  profecto  consuetudini  verba  illa,  quae 
«  habel  Mcolaus  I  respondens  ad  consulta  Bulgarorum,  cap.  vu, 
<  p.  1558,  t.  IX  Concil.  Labbjei,  auctoritatom  conciliant  et  laudem. 
«  Sciscitamini  propterea.si  liceat  Crucem  Domini  cum  reliquiis  mundo, 
«  sive  immundo  hanc  habenli,  osciilari,  vel  portare,  qnod  eï,  qui 
«  mundits  est  omnino  licet  ;  nam  in  osado  qiiid  uisi  amor,  luo  quis- 
«  que  circa  eam  flagrnt,  innuitur?  Vcrum  praefatae  consueludinis 
«  nedum  ob  araoris,  sed  etia.Ti  ob  veneralionis  argumentum,  anii- 
((  quiora  monumenta  nobis  suppedilat  id  quod...  superius  protu- 
«  li)nus.  » 

20  Le  [irétre  qui  fait  cette  fonction  doit  avoir  une  étole.  Celte  règle 
se  déduit  tout  naturellement  de  celle  que  pose  M.  de  (iOnny  qui  pres- 
crit l'usage  de  l'étole  au  prêtre  qui  les  expose,  et  de  la  pratique  de 
Rome,  d'après  laquelle  le  prêtre  prend  l'étole  pour  montrer  les 
saintes  reliques  au  peuple.  On  peut  consulter  sur  ce  point  le  Céré- 
monial des  évêq'ies  expliqué,  1.  i.,  c.  xxi,  n.  13.  Nous  concluons 
aussi  de  la  rubrique  du  Kituel  De  processione  et  translatione  sacrarum 
reliquiartim  insigp^um,  que  celte  élole  doit  êlre  de  la  couleur  qui  con- 
vient à  la  fêle  du  ^int  dont  on  fait  vénérer  les  rcsles  précieux. 

3.  Le  prédicateur  peut-il  être  couvert  de  la  barrette  lorsqu'il 
prêche  debout  ? 

La  rubiique  du  Cérémonial  des  cvéques  est  claire  sur  ce  point. 
«  Mox  surgit,  etcapitecooperloincipit  sernioncm.»  (L.i,  c.xxii,  n.  3.) 
Suivant  la  rubrique  du  missel,  le  prédicateur  se  découvre  toutes  les 
lois  qu'il  prononce  les  saints  noms  de  Jésus  et  de  Marie  ou  du  sain 


HTL'RGIE.  lx"l 

dont  on  célèbre  la  l'été.  l*oiir  ne  pas  le  faire  trop  souvent,  il  peut 
éviter  de  prononcer  ces  noms  trop  lVéf|ueinnienl:  «  Si  SS.  nominnra 
«  Jesu  vel  Alariae  fi.U  mentio,  dit  Loluier  (Instr.  pract.,  t.  i,  p.  50), 
o  caput  discooperire  debet(concionator);  si  tamen  saepe  sint  repetenda, 
•  utîtiir  potius  noniine  Chrioti,  Redemptoris,  Dorainae  nostrae,  Cœli 
«  Reginae  aut  siniilibiis.  * 

Remarquons  toutefois  que  cette  disposition  de  la  rubrique  est  une 
exception  à  la  règle  générale.  Jamais,  en  effet,  les  membres  du  clergé 
ne  soiU  couverts  sans  élre  assis,  sinon  ceux  qui  sont  revêtus  d'orne- 
ments lorsqu'ils  marchent  dans  l'église  ou  dans  le  chœur  sans  passer 
devant  le  clergé.  Nous  pensons  qu'il  est  utile  de  rappeler  ce  principe, 
car  nous  avons  été  souvent  témoin  de  certains  abus  provenant  de  l 'igno- 
rance de  cette  lègle.  Un  prêtre  qui  se  rend  de  la  sacristie  au  chœur, 
ou  en  quelque  endroit  de  l'église,  s'il  n'a  pas  au  moins  l'étole,  ne  doit 
pas  être  couvert  de  la  barrette.  Encore  moins  peut-il  avoir  la  barrette 
sur  la  tête  s'il  n'est  pas  en  babil  de  chœur.  L'usage  du  bonnet  grec, 
adopté  depuis  quelques  années  par  certains  ecclésiastiques,  ne  peut 
pas  non  plus  être  toléré  dans  roglisc.  Cet  usage  malheureusement 
introduit  a  eu  pour  résultat  que  maintenant  les  sacristains  ou  d'autres 
laïques  assistant  à  l'ofTice  gardent  sur  la  tôte  une  coiffure  de  ce  genre. 
La  calotte  ecclésiastique  peut  seule  être  portée  à  l'église,  et  dans  cer- 
taines circonstances  seulement,  ainsi  que  le  constatent  les  règles  posées 
dans  les  Cérémoniaux,  et  le  privilège  d'user  de  cette  coiffure  n'appar- 
tient point  à  ceux  qui  ne  portent  pas  l'hab.t  ecc'ésiastique.  Les  laïques 
ne  peuvent  jamais  être  couverts  à  l'église,  ni  dans  les  processions, 
comme  il  résulte  des  décrets  de  la  Sacrée  Congrégation  des  rites  du 
23  mars  1686  (n.  107,  q.  2)  et  du  2  septembre  1690  (n.  5250,  q.  2 
et  4).  

Cette  année  1864,  deva\t-on,  le  mmeiï  V)  janvier,  faire  mémoire  de 
l'office  du  troisième  dimanche  après  l'Epiphanie,  ou  bien  supprimer 
la  fête  de  S.  Canut,  semi-double  ad  libitu:n,  pour  faire  l'office  du 
tro'isième  d'imanche,  du  rit  simple,  le  mercredi  1 9  janvier  ? 

Nous  n'hésitons  pas  à  répondre  que  l'office  du  troisième  dimanche 


478  LITURGIE. 

après  l'Epiphanie  devait  être  fait,  cette  année,  par  une  simple  commé- 
raoraison  le  samedi  23  janvier,  comme  l'indiquent  tous  les  orrfo  que  nous 
avons  pu  avoir  entre  les  mains  et  Yordo  perpétuel  de  Mcrati.  L'inci- 
dence de  la  Septuagésime  au  20  janvier  peut  seule  exiger  la  suppres- 
sion de  l'office  de  S.  Canut  pour  le  remplacer  par  celui  d'un  dimanche 
anticipé.  De  plus,  l'office  simple  d'un  dimanche  anticipé  ne  peut  se 
faire  lorsqu'il  faudrait  reporter  plus  loin  la  translation  d'une  fête  à 
neuf  leçons,  comme  celle  de  S.  Antoine,  empêchée  celte  année  à  son 
propre  jour  par  la  fête  du  S.  Nom  de  Jésus,  et  pendant  toute  la  se- 
maine par  Toccurrence  de  fêles  doubles  ou  semi-doubles. 

Nous  avions  déjà  eu  occasion  de  pirler  de  la  rubrique  du  Bréviaire 
lit.  IV,  n"^  4  et  6,  et  nous  avons  rappelé  t.  vu,  p.  377,  les  privilèges  dont 
jouit  l'office  anticipé  du  deuxième  dimanche  après  l'Epiphanie.  Pour 
ne  pas  omettre  cet  office,  on  déplace  une  fête  semi -double  ;  si  la  Sep- 
tuagésime arrive  le  20  janvier,  l'office  semi-double  de  S.  Canut  est 
supprimé  pour  faire  place  à  l'office  du  deuxième  dimanche,  el  comme 
cet  office  est  ad  libitum,  on  ne  le  transfère  point,  mais  on  l'omet  en- 
tièrement. L'anticipation  de  ce  dimanche  étant  soumise  à  des  rubri- 
ques spéciales,  et  ces  rubriques  trouvant  ici  tout  naturellement  leur 
application,  il  ne  peut  en  être  question. 

Quant  à  l'office  du  troisième  dimanche,  il  devra  être  fait  le  19  jan- 
vier toutes  les  fois  qu'on  pourra  réunir  les  conditions  suivantes  : 
1°  l'incidence  de  la  Septuagésime  au  troisième  dimanche  après  l'Épi- 
plianie  ;  2"  l'impossibilité  d'en  reporter  l'office  après  le  vingt-troisième 
dimanche  après  la  Pentecôte;  3°  le  manque  de  jours  libres  dans  toute 
la  semaine  qui  précède  le  dimanche  delà  Septuagésime; -4"  enfin  la 
non-occurrence  d'une  fête  à  neuf  leçons  à  transférer. 

Les  deux  premières  conditions  sont  évidentes.  La  troisième  résulte 
d'un  décret  de  la  Sacrée  Congrégation  des  Bites  qui  prescrit  d'omettre 
une  fête  ad  libitum  pour  donner  place  à  l'office  d'un  dimanche  anti- 
cipé. Ce  décret  est  le  suivant.  Question  :  «  An  officia  sanctorum  ad  li- 
«  bitum  sive  duplicia,  sive  semi-duplicia  occurrenlia  in  die,  quo  fieri 
«  debeal  officium  de  dominica  anticipnnda  anle  Septuagesimam  vel 
«  anle  dominicam  XXIV  posl  Penlecosleii,  sinl  transferenda,  vel  po- 


LITURGIE.  â79 

«  tius  omitlenda,  vel  in  die  illa  officium  praedicti  sancti  ad  libitum 
«  recilandum,  et  soluni  sit  facienda  commemoralio  iilias  dominicae?  » 
Réponse  :  «  Esse  omiitcnda  oiricia  sanctorum  ad  libitum.  »  (Décret  du 
4  avril  1705,  n"  3518,  q.  5.)  Quant  à  la  quatrième  condition,  elle 
ressort  évidemment  des  rubriques.  Il  est  permis  de  rendre  libre  le 
19  janvier,  en  supprimant  l;i  fête  de  S.  Canut.  Si  l'on  use  de  cette  per- 
mission, dès  lors  celte  fête  sera  remplacée  par  celle  qui,  selon  les  ru- 
briques, doit  prendre  sa  place,  s'il  y  a  d'antres  offices  à  faire.  Avant 
l'office  d'un  dimanche  anticipé,  on  doit  placer  un  double  ou  un  semi- 
double  qui  n'a  pu  se  faire  à  son  jour  propre.  Si  donc,  cette  annôe  1864, 
on  eût  voulu  user  de  la  liberté  de  supprimer  S.  Canut,  il  eût  fallu 
transférer  au  19  la  fête  de  S.  Antoine,  et  faire  mémoire  de  l'ofTice  du 
troisième  dimanche  le  samedi  25.  Il  est  dit,  en  effet,  dans  la  rubrique 
du  Bréviaire  {Ibid.  n.  4)  :  «  Quod  si  tota  hebdomada  impedita  sit 
«  feslis  novem  lectionum  etiam  Iranslalis,  vel  aliqua  octava,  tune  in 
0  sabbato  legatur  nona  lectio  de  homilia  Dominicae.  »  Cette  circons- 
tance suffit  donc  à  elle  seule  pour  trancher  la  question  relative  à  Yordo 
de  l'année  188i.  «  Quoties,  dit  Cavalieri  (t.  ii.  Dec.  122,  p.  30), 
«  poni  inslat  translatum  aliquod,  peromissionem  festiad  libitum  adhuc 
«  non  fiat  utile  spatium  officio  dominicae  ;  idcirco  liaud  in  hnjusmodi 
«  casu  videtur  necessaria  et  indicta  omissio  fesli  ad  libitum,  sed 
«  libéra  .-decretum  quippe  ad  casus  utiles,  non  inutiles  référendum  est, 
«  praesertim  cum  sit  limitativum  gratiae  et  facultatis  agendi  officium 
«  ad  libitum.  »  Telle  est,  nous  n'en  doutons  pas,  la  raison  pour  la- 
quelle la  Sacrée  Congrégation  avait  donné  une  autre  décision  que  cer- 
tains auteurs  regardent  comme  contraire  ^  celle  que  nous  venons  de 
citer  et  révoquée  par  elle.  On  consultait  sur  le  point  qui  nous  occupe 
dans  l'occurrence  de  la  Septnagésime  au  25  janvier.  La  Sacrée  Con- 
grégation a  ré[)ondu  :  «  Potest  officium  S.  Ganuti  martyris  ad  libitum 
«  recitari  die  19  januarii,  et  co  cnsu,  sabbato  ante  dominicam  Sep- 
a  tuagesimae  legenda  est  in  officio  nona  lectio  de  homilia  doininicae 
«  tcrtiai  post  Epiphaniam  cum  ejusdem  commemoratione  ad  laudes 
«  cum  antiphonis  et  oratione  propriis.  »  (Décret  du  20  sept.  1681, 
n"  2966.)  Dans  l'occurrence  de  la  Septuagésime  au  25  janvier,  si  la 


/jSO  LITURGIE. 

fêle  de  S.  Canut  est  supprimée,  il  faut  y  plarer  la  fête  de  la  rhsire  de 
S.  Pierre,  empêchée  à  son  jour  par  la  fête  du  S.  Nom  de  Jésus. 

Tels  sont  les  principes.  Ils  suffisent  pour  justifier  notre  as.sertion. 
De  plus,  l'examen  un  peu  giteutif  du  calendrier  nous  fera  voir  claire- 
mont  que  le  décret  du  4  avril  t'Oo  ne  peut  trouver  son  ajipli&ition  à 
l'anticipation  de  l'office  du  troisième  dimanche  après  l'Epiphanie  au 
19  janvier,  car  la  suppression  de  l'office  de  S.  Canut  donnerait  tou- 
jours place  à  une  fête  empêchée  par  celle  du  S.  Nom  de  Jésus     P.  R. 


BiBLiOGRAPHIE. 

LES    ÉDITIO.NS    LITUIIGIQIJES    DE    MALINES. 

BreTiarium  Romanum.  4  part.  8».  186;.36fr.  (sur  papier  de  Chine 
ou  papier  vergé,  40  fr.).  —  Le  même,  4  part,  ia-12,  1861,  20  fr. 
(sur  papier  de  Chine,  26  fr.);  4  part,  ia-12,  1803,  noir  seul,  H  et  16  fr.; 
8  part.iii-t'2.  1863;  noir  seul,  9  et  12  fr.;  4  part,  in-32,  1861,  16  et  18  fr. 

—  BreTiarium  Romanum  totam.  1  vol.  ia-18,  1861,  10  et  12  fr. 

—  Ilorae  diurnse  Breviarii  Ramani.  îu-18  (I86I,  4  fr,  et  4  fr.  50), 
-iu-3i  ()8G3,  2  fr.  50  et  3  fr.).  in-'i8  '1862.  2  fr.  25  et  2  fr.  7j). — 
Oflicium  Immacnlatse  Conceptionis  B.  M.  V.  (ex  decreto 
25  sept.  1863),  in-12,  1864  (75  ei  90  cent.).  —  Officia  de  Passione 
Uomini.  Iu-l"i,  1863  (60  cent.). — B*outificale  Romannm.  3  part. 
in-S"  pouvant  se  relier  eu  un  volum'^,  )8o2.  Ib  fr.  —  Canon  Missïe 
ad  usum  Gpiscoporum  ac  Prselatorum.  1863.  in -4°.  9  fr 

La  Belgique  a  une  possession  plusieurs  fois  séculaire  par  rapport 
à  l'impression  des  livres  liturgiques.  Au  XV[%  XVII*  et  XVI11« 
siècles,  la  célèbre  imprimerie  d'Anvers  à  laquelle  Christophe  Plantin 
avait  laissé  son  nom,  Archilypographia  Plantiniana,  répandait  ses  bré- 
viaires et  ses  missels  dans  tous  les  pays  situés  en  deçà  des  monts.  Pour 
la  beauté  du  caractère,  la  qualité  du  papier,  la  correction  et  la  disposi- 
tion des  textes,  ces  éditions  n'ont  rien  qui  les  dépasse  :  elles  sont  en- 
core aujriurd'hui  recherchées  à  ces  divers  titres,  quand  il  s'en  rencontre 
des  exemplaires  bien  conditionnés. 

Depuis  la  Révolution,  Malines  a  pris  la  place  d'Anvers.  Les  livres 
de  la  sainte  liturgie  romaine  étaient  rarement  édités  en  France  :  ils 
l'étaient  plus  rarement  encore  d'une  manière  digne  de  leur  destination 
et  avec  les  formalités  requises  par  les  Bulles  des  Souverains-Pontifes. 


BIBLIOGRAPHIE.  Û81 

Les  presses  de  Malines  fournissaient  des  éditions  au  moins  convenables 
et  toujours  munies  de  l'approbation  épiscopale.  C'est  là  que  s'approvi- 
sionnaient les  diocèses  restés  fidèles  à  l'unité  liturgique.  Depuis,  il  s'est 
opéré  chez  nous  un  grand  progrès,  il  fiut  le  reconnaître.  On  se  munit 
de  l'approbation  exigée  par  les  lois  de  l'Eglise;  la  correction  est 
soignée,  on  est  revenu  à  l'emploi  des  rubriques  rouges,  qui  donnent 
aux  livres  leur  cachet  liturgique,  et  enfin,  si  le  choix  du  caractère  et 
du  papier  laisse  à  désirer  quelquefois,  il  faut  reconnaître  qu'il  y  a 
aussi  des  éditions  vraiment  belles. 

Quoi  qu'il  en  soit,  il  y  a  placfî  pour  tous  les  efforts.  Il  est  à  désirer 
qu'une  loua'ole  émulation  s'établisse  entre  les  éditeurs  liturgiques  :  les 
nouveau.t  auront  à  cœur  de  ne  négliger  aucun  progrés  réalisable,  et  les 
anciens  veilleront  à  ne  point  se  laisser  déi-hoir  du  rang  qu'ils  ont  con- 
quis. Que  la  concurrence  soit  loyale,  qu'elle  ne  consiste  point  en  une 
guerre  de  prospectus,  d'attaques  pointilleuses  et  souvent  injustes,  en 
tout  cas  indigne  d'une  noble  profession  que  l'on  ravale  en  l'exeiçant 
comme  un  métier  :  dans  ces  conditions,  elle  sera  fructueuse  et  honorable. 

Il  suffit  de  jeter  un  coup  d'œil  sur  le  catalogue  de  M.  H.  Dessain, 
successeur  de  M.  Hanicq,à  Malines,  pour  voir  qu'aucune  autre  maison 
ne  peut  étrecompaiée  à  celle-ci  pour  le  nombre  et  la  variété  des  éditions. 
Non-seulement  les  livres  de  la  liturgie  romaine  y  figurent  au  grand 
complet,  m,ds  les  plus  usuels  s'y  rencontrent  dans  tous  les  formats  dé- 
sirables et  dans  des  conditions  de  bon  marché  fort  avantageuses  :  le 
bréviaire  depui«  l'in-i"  jusqu'à  rin-32,  le  missel  depuis  l'in-f'  jusqu'à 
rin-12;  le  rituel  in-4.°,  in-8",  in- 18,  in-32.  Nous  ne  parlons  ni  des  ex- 
traits, tels  que  diurnaux,  semaines  saintes,  Office  do  la  sainte  Vierge, 
etc.,  ni  des  propres  de  divers  diocèses  ou  de  divers  pays,  ni  deslivres  de 
chant,  ni  des  livres  spécialement  à  l'usage  des  Evêqucs,  ni  des  missels, 
bréviaires  et  diurnaux  pour  les  ordres  religieux,  tels  que  Bénédictins, 
Carmes,  Auguslins,  Dominicains,  Franciscains. 

Ce  tableau  si  raccourci  en  dit  plus  que  tous  les  éloges  :  il  témoigne 
d'un  succès  constant  et  d'un  écoulement  prodigieux  qui  ont  rendu  pos- 
sibles tant  d'entreprises.  Il  atteste  aussi  de  la  manière  la  moins  équi- 
voque la  confiance  d'un  grand  nombre  d'Évéques  et  de  Prélats  régu- 


Zj82  BIBLIOGRAPHIE. 

liers,  qui  ont  demandé  à  la  maison  Hanicq-Dessain  les  livres  néces- 
saires pour  leurs  églises. 

Nous  avons  sous  les  yeux  les  produits  les  plus  récents  de  l'imprimerie 
liturgique  de  Matines.  C'est  d'abord  une  magnifique  édiiion  in-S»  du 
bréviaire  romain,  en  quatre  parties  (1861);  le  format  est  grand  et  bien 
proportionné  :  le  caractère  est  beau  et  large  ;  il  est  lire  sur  papier  vergé 
fait  à  la  main.  Le  catilugue  nous  apprend  qu'il  y  a  en  outre  un  tirage 
sur  papier  blanc  satiné,  un  autre  sur  papier  de  Chine,  et  enfin  un  sur 
papier  vélin  de  luxe  (60  fr.).  Ce  format  est  très -avantageux  en  ce  qu'il 
reste  porlaliO  ou  du  moins  maniable,  tandis  que  rin-4'  doit  nécessai- 
rement reposer  sur  un  pupitre.  Les  répons  sont  répétés  partout  à  la 
suite  des  leçons,  excepté  au  commun  des  Saints,  après  les  leçons 
secundo  vel  tertio  loco  ;  ils  ne  le  sont  pas  non  plus  à  l'oflice  férial,  ni 
pendant  les  octaves.  11  y  a  un  certain  nombre  d'hymnes  et  de  psaumes 
répétés,  mais  pour  les  psaumes  des  matines,  les  renvois  sont  assez 
multipliés.  Par  exemple,  dans  la  partie  d'hiver,  ils  sont  donnés  ïn 
extenso  à  la  féîe  de  l'Epiphanie,  mais  on  ne  les  trouve  ni  à  la 
Circoncision,  ni  à  Noël,  ni  aux  fêles  des  Saints  qui  ont  des  antiennes 
propres.  Il  faut  en  dire  autant  des  trois  derniers  jours  de  la  semaine 
sainte,  du  dimanche  de  la  Trinité,  etc.  En  général,  on  trouve  les 
psaumes  reproduits  aux  fêtes  qui  ont  une  octave  et  dont  les  nocturnes 
ne  sont  pas  ceux  du  commun,  mais  là  seulement,  à  bien  peu  d'ex- 
ceptions près. 

C'est  sans  doute  la  nécessité  de  ne  pas  trop  grossir  le  volume,  déjà 
fort  augmenté  par  les  nouveaux  offices,  qui  a  forcé  d'introduire  ' 
dans  les  éditions  récentes  du  bréviaire  des  renvois  inconnus  aux  an- 
ciennes. Nous  engageons  cependant  les  éditeurs  à  tout  combiner  de 
manière  à  les  éviter  le  plus  possible.  Il  en  résulte  une  distraction 
toujours  fâcheuse  dans  la  récitation  des  heures  canoniques.  Quand  on 
se  procure  un  bréviaire  de  grand  format,  un  des  avantages  que  l'on  y 
cherche,  au  moins  communément,  c'est  d'échapper  à  cet  ennui. 

Les  éditions  in-12  présentent,  pour  la  disposition  du  texte,  à 
peu  près  les  mâmes  avantages  que  l'in-S"  :  répons  reproduits 
à  la  suite  des  leçons  dans  le  propre  des  Saints  ;  psaumes  in  extenso 


BIBLIOGRAPHIE.  483 

pour  les  grandes  solennités  et  quelques  fêtes  spéciales,  comme  celle 
de  saint  Laurent  et  celle  (Jes  8aints-Angos  (2  octobre).  L'édition  en 
rouge  et  noir  (18&I)  est  un  beau  livre  liturgique  :  le  papier  est  fort  et 
bien  collé;  le  caractère,  moins  grand  que  celui  de  l'édition  in-S",  a  ce- 
pendant assez  de  relief  pour  ne  pas  fatiguer  les  vues  les  plus  médiocres. 
Les  deux  tirages  en  noir  de  1863  se  recommandent  par  leur  extrême 
bon  marché.  Le  caractère  est  net  et  agréable  ù  l'œil,  la  justification 
nn  peu  serrée.  Ceux  qui  ne  tiennent  pas  aux  rubriques  rouges  trouve- 
ront ici  ce  qui  leur  convient. 

Le  bréviaire  in-32  est  de  la  dimension  la  plusréduitequant  au  volume, 
et  cependant  le  texte  est  d'une  netteté  irréprochable  :  on  ne  peut  rien 
de  plus  commode  pour  emporter  dans  ses  courses  et  dans  ses  voyages. 
Il  est  imprimé  en  rouge  et  noir.  Les  répons  de  Matines  ne  sont  point 
répétés  au  propre  des  Saints  :  on  a  suppléé  à  cette  répétition  par  des 
feuilles  mobiles  qui  s'intercalent  dans  le  texte,  et  dont  nos  lecteurs  sans 
doute  connaissent  déjà  l'usage. 

Le  même  caractère  a  servi  à  l'imprimerie  du  Totum  in-18.  11 
présente  une  disposition  analogue  :  les  psaumes  des  Matines  y  sont 
répétés  moins  souvent  encore,  mais  on  les  trouve  in  extenso  au  com- 
mun des  Saints,  comme  aussi  à  quelques  solennités  principales.  On 
a  fort  heureusement  réuni  toutes  les  conditions  typographiques  requises 
dans  un  livre  semblable  :  texte  bien  combiné,  caractère  lisible,  papier 
ferme  et  non  transparent,  quoique  Irès-mince,  format  assez  petit, 
volume  peu  considérable.  Certaines  éditions  du  même  genre  atteignent 
des  proportions  énormes,  sàiis  que  cet  inconvénient  soit  balancé  par 
aucun  avantage  :  ici  nous  avons  un  in-18  ordinaire,  et  cependant  tout 
y  est,  sans  renvois  incommodes. 

Nous  sommes  obligés  de  nous  renfermer  dans  d'étroites  limites,  et 
cependant,  il  faut  bien  dire  aussi  quelque  choie  des  diurnaux  in-18, 
in-32,  in-48.  Ce  dernier  est  un  joyau  typographique,  une  perle 
pour  les  amateurs  ;  il  a  son  utilité  pratique  pour  ceux  qui  veulent  un 
très-petit  livre  à  emporter.  L'in-32  a  été  plusieurs  fois  reproduit  par  les 
presses  de  Malines  :  le  caractère  est  plus  grand  que  celui  de  rin-48, 
le  voiume  est  assez  petit  pour  êtie  porté  facilemeut  en  poche.  L'in-lS 


àSh  BIBLIOGRAPHIE. 

de  1861  est  imprimé  en  grands  et  larges  caractères.  C'est  celui  que 
nous  préférons  pour  l'usage  habituel;  il  est  digne  par  son  exécution 
d'être  comparé  au  bréviaire  in-S".  On  a  mis  à  la  fin  des  formules 
de  bénédictions  plus  nombreuses  que  djns  les  diurnaux  i;)-52  et 
in- 18  ;  on  y  a  joint  la  partie  du  rituel  relative  à  l'administration  du 
saint  Vialique  et  de  l'Extrême-Onction  ;  on  eût  pu  meltre  encore 
VExe^fâuriim  ordo,  et  YOrdo  sepeliendi  parvulos.  Nous  recomman- 
dons cet  appendice,  avec  la  mémo  étendue,  pour  les  éditions  subsé- 
quentes, môme  d'un  format  plus  petit  :  ainsi  on  dispensera  souvent  les 
prêtres  d'en^porter  le  rituel  avec  leur  diurnal.  Et  pourquoi  ne  pas 
meure  aussi  ces  quelques  pages  à  la  suite  des  éditions  portatives 
du  bréviaire  ? 

Toutes  les  éditions  de  i\l.  Dessain  contiennent  les  offices  nouveaux, 
y  compris  ceux  de  la  Passioa  de  Notre-Seigneur,  qui  se  récitent  au- 
jourd'hui presque  partout  pendant  le  Carême.  L'office  de  l'immaculce 
Conception,  promulgué  par  le  décret  du  23  septembre  1803,  a  été 
imprimé  dans  le  format  de  toutes  les  éditions  antérieures  et  ajouté  à  la 
fin  du  voluioe  respectif.  En  outre,  il  en  a  éié  fait  une  édition  à  part, 
où  tous  les  psaumes  se  trouvent  in  extenso,  y  compris  ceux  des  petites 
heures  et  des  compiles  :  ce  petit  volume,  très-bien  imprimé  en  rouge 
et  noir,  peut  donc  servir  seul  et  sans  le  bréviaire.  Un  appendice  de 
quatre  pages  renferme  toutes  les  coinmémoraisons  qui  peuvent  se  ren- 
contrer pendant  l'octave.  Les  Ofida  de  Passione  Doinini  ont  été  im- 
primés dans  le  même  format  et  de  la  même  manière,  mais  avec  moins 
de  luxe  typographique  :  pour  les  psaumes  de  matines,  il  y  a  quelques 
renvois  d'un  office  à  l'autre.  Cette  édition  est  plus  commode  pour  la 
récitation  que  le  bréviaire,  où  il  faut  chercher  successivement  tous  les 
psaumes.  Les  deux  brochures,  étant  du  môme  format,  peuvent  se  re- 
lier ensemble. 

11  nous  reste  à  dire  quelques  mots  sur  des  publications  d'un  usage 
moins  général.  Le  Canon  Missx  adusum  Episeoporum^  bien  imprimé 
sur  papier  de  fil,  est  spécialement  desliné  par  son  format  (petit  in-4  )  aux 
chapelles  domestiques  et  aux  oratoires  des  missions.  Le  Pontifical  in-S" 
est  un  des  plus  beaux  livres  liturgiques  que  l'oo  puisse  voir  :  il  est  par- 


CHRONIQUE.  /i85 

faitement  imprimé  en  rougo  et  noir,  avec  plain-chant  noté  ;  il  est  orné 
en  outre  d'une  grande  quantité  de  çfravures  sur  bois  qui  représentent 
chaque  cérémonie.  Les  trois  parties  peuvent  se  relier  en  un  volume. 
Beaucoup  de  prêtres  voudront  se  procurer  ce  livre,  que  son  usage 
dans  des  cérémonies  qui  nous  intéressent  tous  et  auxquelles  nous  pre- 
nons part,  rend  à  peu  près  indispensable.  K.  Hautcœur. 


CHRONIQUE. 

1.  Livres  mis  a  l'Index  par  décret  du  25  avril  1864  : 

Histoire  élémentaire  et  critique  de  Jésus,  par  A.  Peyrat,  Paris,  1864. 

Dm  Pape,  par  Philothée.  Paris,  1803. 

Matiual  de  Derecho  piiblico  ecclesiasiico  para  el  uso  de  la  Juventud 
americana,  por  Francisco  de  l'aula  G.  Vigil.  Linia,  1803. 

ûialogos  sohra  la  exislentia  de  Bios  y  de  la  vida  fii'.tira,  por  Fr. 
Vigil,  a  la  Juventud  aniericnna.  Lima,  I8t)3. 

1 .  Défense  de  la  lilnrgie  de  Lyon.  2.  A  propos  d'un  pamphlet  contre 
MM.  les  curés  de  Lyon  ;  quelques  mots  publiés  par  plusieurs  membres 
des  conseils  de  fabrique  de  LyoUf  4803.  3.  Lettre  de  Sophronius. 
Question  liturgique.  Piiris,  186^. 

Ca/éclusme  raisonné  sur  la  liturgie,  unité  et  variété,  Dieu  est  un  en 
trois  personnes  distinctes,  etc.  Paris  et  Lyon,  iStji).  Et  similia. 

Archives  de  la  S.  Congrégation  des  Indulgences;  le  Moniteur 
annuel  et  quotidien  des  Indulgences  pour  l'année  \S6i  ;  le  Mois  libéra- 
teur desumesdu  Purgatoire;  aliaqueid genus  auctoris ejusdem,  l'abbé 
Cloquet.  —  Auctor  laudabiliter  se  siibjecii.  (Decr.  S.  G.  Indulg. 
29  Februar.  1864.) 

Revue  spirite,  journal  d'études  psychologiques,  publié  sous  la  direc- 
tion de  A).  Ailan  Kartlec.  Paris,  1808.  {Decr.  S.  0/ficii  Feria  IV,  die 
20  aprilis.) 

Le  Spiritisme  à  sa  plus  simple  expression,  par  Allan  Kardec.  Paris, 
J86-i.  (id.) 

Le  Livre  des  esprits,  contenant  les  principes  de  la- doctrine  spirite, 
par  Allah  Kardec.  i'aris,  1803.  (Id.) 

Le  Livre  des  Médiums,  ou  Guide  des  médiums  etdescvocateurs,  par 
Allan  Kaidec.  Paris,  i803.  [Id.) 

Revue  spirituulisie,  rédigée  par  une  société  de  spiritualistes  et  publiée 
parZ.  I.  Piérart.  Pans,  1801.  {Id.) 
Emmanuel  de  Swedenborg;  sa  vie,  ses  écrits  et  sa  doctrine,  par 


hSô  CHRONIQUE. 

M.  Matter.  In-8°,436  pages.  Paris,  1863,  et  libroê  similia  tractantes 
ex  régula  IX  Indicis.  {Id.) 

2.  Est-ce  par  niéçarde  que  le  décret  ci-dessus  a  été  mutilé  dans  un 
certain  recueil  où  l'on  a  cru  devoir  en  retrancher  les  ouvrages  sur  les 
indulgences?  Omettre  ce  décret  quand  on  a  l'habitude  de  les  publier 
tous,  c'eût  été  bien  leste  :  le  falsifier,  est  autrement  grave.  Nous  vou- 
lons croire  encore  à  une  méprise,  ou  peut-être  à  une  surprise- 
Hâtons-nous  de  dire  qu'il  ne  s'agit  point  d'une  publication  dirigée  par 
M.  l'abbé  CInquet. 

3.  Mgr  l'Évêque  de  Sécz,  par  mandement  en  date  du  20  avril,  a 
rendu  la  liturgie  romaine  obligatoire  dans  tout  son  diocèse  à  partir  du 
15  mai.  11  constate  qu'un  grand  nombre  d'églises  la  suivaient  déjà,  et 
il  félicite  ses  prêtres  de  leur  empressement  à  accomplir  la  loi  avant  sa 
promulgation.  Mgr  l'Évoque  de  Belley  vient,  par  une  circulaire  datée  du 
5  mai,  de  prendre  les  mesures  nécessaires  pour  arriver  au  même  but. 
Le  l'rélat  a  demandé  au  Saint-Siège,  sans  l'obtenir,  la  faculté  de  conser- 
ver les  usages  de  Lyon  en  matière  de  cérémonies.  «  Voire  Évéque,  dit- 
il  à  ce  propos,  vous  doniipra  le  premier  l'exemple  d'une  obéissance 
prompte,  affectueuse,  toute  filiale.  Notre  vénérable  chapitrées!  déjà  in- 
formé, et  sa  soumission  respectueuse  a  été  pour  nous  une  consolation.  » 

4.  La  Faculté  de  théo'ogie  de  l'Université  d'innsbru>.k,  rétablie 
depuis  quelques  années,  continue  à  être  dans  une  situation  de  plus  en 
plus  florissante.  D'après  le  catalogue  iu)primé  que  nous  avons  sous  les 
yeux,  le  nombre  des  étudiants  s'élève  à  161 ,  dont  49  réguhers  et  112 
séculiers.  Quatre  d'entre  eux  sont  français  :  68  demeurent  dans  le 
séminaire  de  Saint-Nicolas,  dirigé  par  les  PP.  Jésuites.  Nous  croyons 
qu'on  ne  lira  pas  sans  intérêt  le  programme  des  cours  pour  le  second 
semestre  de  1803-1804.  Le  voici  textuellement  : 

Theologia  dogmatica  {àe  gratia  sanctificante  et  merito)quinquiesper 
hebdomadem  feriis  H,  111,  IV,  VI,  et  sabb.  ab  hora  9-10  a  Domino 
Prof.  p.  0.  P.  Joanne  Wellscheller  S.  J . 

Theologia  dogmatica{de  Christo  Redemptore  et  de  Cuitu  Sanctorum) 
quinquies  per  hebdomadem  feriis  II,  IV,  Vt,  et  sabb.  ab  hora  5-4  et 
feria  V,  ab  hora  0-iO  a  Domino  Prof.  p.  o.  P.  Hugone  Hurler  S.  J. 

Theologia  moralis  et  pasloralis  {àe  jure  et  justilia  etdeconlractibus) 
quinquies  per  hebdomadem  feriis  II,  IV,  V,  VI,  et  sabb.  ab  hora  10-11 
a  Domino  Prof.  p.  o.  P.  Edmundo  Jung  S.  J. 

Exegesis  in  psalmos  messianos  qiiater  per  hebdomadem  feriis  II,  IV, 
VI,  et  sabb.  ab  hora  4-5  a  Domino  Prof.  p.  o.  P.  Antonio  TuzerS.J. 

Lingua  Hebrxa  bis  per  hebdomadem  feriis  H  et  V,  ab  hora  8-9  ab 
eodem. 


CHRONIQUE.  487 

Archseologia  biblica  (er  per  hebdomadem  feriis  II,  IV  et  VI,  abhora 
8-9  a  Domino  Prof.  p.  o.  P.  Joanne  Wenig  S.  J. 

Fmdamevla  lingnx  chaldaicx  bis  per  hebdomadem  feriis  H  et  IV, 
ab  hora  '2-6  ab  eodem. 

Analysis  Syriaca  feria  VI,  ab  hora  2-3  ab  eodem. 

Jus  canonicum  (de  jure  ecclesinslicoprivato.  De  Kalendario  ecclesia- 
stico)lerper  hebiiomadem  feriis  lil,  V,  et  sabb.  ab  hora  8-9  a  Domino 
Prof.  p.  0.  P.  Nicolao  Nilles  S.  J. 

Hisloria  ecclesiaslica  (de  Vlll-XIsaecuiis)  ter  per  hebdomadem  feriis 
II,  IV  et  VI,  ab  hora  4-5  a  Domir.o  Prof.  p.  o.  P.  Andréas  Kobler  S.  J. 

Eloqueulia  sacra,  ter  per  hebdomadem,  feriis  11,  IV  et  VI,  ab  hora 
8-y  a  Domino  Prof  p.  o.  P.  Joseph  Junfjmann  S.  J. 

Propxdeutica  philosofhico-theologka  no  vies  per  hebdomadem  sin- 
giihs  feriis  et  sjbbato  ab  hora  9-10  et  feriis  II,  VI,  et  sabb.  ab  hora 
5-4  a  Domino  Prof,  eslraord.  P.  Andréa  Sleinhuber  S.  J. 

Vi  Deci'eli  Ministerii  pro  Cuilu  et  Instriiciione  publica  d.  d. 
Viennae  6  nov.  1857,  Nro.  19205-293  ad  Senatum  academiciim  C. 
K.  Universilatis  Œnipcnlanae,  disciplinse  theologicae  tradendœ  intra 
quatuor  annos  pcriractarilur  ordine  sequenti  : 

Anno  primo  :  Theologia  fundamentalis,  Theologia  dogmatica,  Intro- 
ductio  bibHca  in  V.  T.,  Archaeoiogia  biblica^  Historia  ecclesiaslica  et 
lingua  hebraea. 

Anno  secundo  :  Theologia  dogmatica,  Introduclio  biblica  in  N.  T., 
Hermeneutica  biblica.  Jus  canonicum,  Historia  ecclesiaslica. 

Anno  tertio  :  Theologia  dogmatica,  Theologia  moralis  et  pastoralis, 
Exegesis  biblica,  Jus  canonicura. 

Anno  quarto:  Theologia  dogmatica,  Theologia  moralis  et  pastoralis, 
Exegesis  biblica,  Calechelica. 

Praeter  bas  disciplinas  obligatorias  etiam  linguae  arabica,  syriaca  et 
chaldaica,  nec  non  Propaedeulica  phiiosophico-theologica  (vi  Decreti 
Ministerii  pro  Cultuet  Instruclione  publica  d.  d.  Viennae  17  nov.  1860, 
Nro.  nOU7-540)  traduntur. 

5.  Mate?'  admirabilis,  tel  est  le  titre  donné  par  la  piété  des  fidèles 
à  une  suave  composition  peinte  à  fresque,  en  1844,  dans  un  corridor 
du  monastère  de  la  Trinité-du-Monl,  à  Rome.  Elle  représente  la 
sainte  Vierge  vers  l'âge  de  15  ans,  ayant  près  d'elle  son  fuseau,  son 
panier  à  ouvrage  et  son  livre,  avec  un  lis  qui  fleurit  à  ses  côtés.  Un 
miracle  opéré  en  1846  dans  la  personne  de  M.  l'abbé  Blampin,  a[)pcla 
sur  l'humble  fresque  l'attention  des  fidèles.  Le  Souverain-Pontife  lui- 
même  alla  y  prier  :  bientôt  on  s'y  porta  en  foule;  le  corridor  de  la 
Trinité-du-Mont  devint  un  des  sanctuaires  les  plus  vénérés  de  la  Ville 


A88  CHRONIQUE. 

élprnelle.  Beaucoup  dcnossoldatsy  ont  trouvé  la  grâce  de  la  conversion, 
nombre  de  pei sonnes  y  ont  obtenu  des  faveurs  insignes,  et  celui  qui 
écrit  ces  lignes  ne  peut  se  rappejf-r  sans  une  vive  émotion  celle  douce 
Madonna  dd  Gvjho  devant  laijuellc  il  a  eu  le  bonl'.eurde  s'agenouiller 
tant  de  fois.  L'epus,  celle  dévolion  s'est  répandue  au  dehors  : 
Pie  IX  a  étendu  à  toutes  les  maisons  du  Sacré-Cœur  les  indulgences 
atiacliécs  au  sanctuaire  de  Rome  ;  un  grand  nombre  d'églises  et  un 
diocèse  d'Amérique  ont  obtenu  le  même  privilège.  La  S.  C.  des  Indul- 
gences a  déclaré  en  1802  qu'elle  agréerait  tontes  les  requêtes  du  même 
genre.  Nous  avons  sous  les  yeux  un  beau  volume  qui  renferme  en 
quelque  sorte  les  anliivcs  de  Maler  admirabilis,  et  une  série  de  lectures 
appropriées  à  cette  dévotion  :  nous  le  recommandons  instamment  à 
l'atlention  de  tous  les  fidèles  serviteurs  de  Marie.  [Mater  ad7nirahilis  ou 
les  Quinze  premières  Années  de  Marie  immaculée  ,  par  l'abbé  A. 
Mopnin.  Paris,  Donniol.  in- 12  de  xxxi-447  pp.  et  une  photographie 
de  Maler  (uhnirahilis.  5fr.). 

6.  A  ceux  qui  voudraient  quelque  chose  de  plus  court,  un  opuscule 
à  bon  marché  que  1  on  puisse  répandre,  nous  signalerons  la  Notice  sur 
la  Mère  admirable  de  i.ouqnet.  (Drothure  de  18  pp.  in-18,  signée  A> 
Gilly,  directeur  au  grand  séminaire  de  Nîmes.  A'îwes,  Roger  et  La- 
porte;  Paris,  Douniol.  U>  cent.)  Cet  opuscule,  outre  les  rense  gnements 
généraux  sur  la  dévotion  à  Maler  admirabilis,  contient  l'exposé  d'un 
pieux  dessein.  Il  s'agit  d'élever  une  statue  de  la  Mère  admirable  sur 
une  petite  tour  carrée,  appelée  le  Guidon,  qui  couronne  le  sommet  le 
plus  élevé  de  la  montagne  de  Bouquet  (Gard),  et  qui  domine  toutes  les 
conirées  environnantes.  La  tour  elle-même  serait  conveilieen  chapelle. 
«  Nous  ne  doutons  pas,  ajoute  l'auteur,  qu'on  ne  vienne  à  notre  aide 
pour  la  réalisation  de  ce  projet.  La  jeunesse  clirclienne  de  nus  collèges 
et  de  nos  pensionnats,  les  élèves  du  Sacré-Cœur  surtout,  qui  ont  depuis 
Iongtem])S  appris  à  la  connaître,  voudront  contiibuer  par  leurs  aumônes 
à  l'exaltalion  de  la  très-sainte  Adolescente,  dont  la  quenouille  élevée 
au  sommet  du  Guidon  devra  porter  toute  âme  à  l'amour  du  travail.  On 
concourra  par  li  à  donnera  notre  montagne /a  fleur  des  champs  et  le  lys 
des  vallées  et  cette  fleur  portera  des  fruits  aboudunts.  »  Les  offrandes 
peuvent  être  adressées  à  M.  le  curé  de  Bri'uzet,  par  A  lais  (Gard). 

7.  La  note  du  Moniteur,  relative  aux  affaires  de  Lyon,  et  un  autre 
incident  survenu  depuis,  nous  ont  fircés  de  remplacer  ?.u  dernier  mo- 
ment plusieurs  articles  déj^  composés  et  qui  f  rmaienl  le  tiers  au 
moins  du  numéro.  C'est  la  cause  du  retard  survenu  dans  sa  publica- 
tion. E.  Hal'tcœur. 

Arras.  —  Typ.  Rousseau-Leroy,  rue  Saint-Maurice,  26, 


ÉTUDE  SUR  LA  LÉGISLATION  MOSAÏQUE. 


Premier  aiticle. 


La  question  des  origines  est  la  grande  préoccupation  de 
noire  époque.  C'est  vers  ce  genre  d'études  que  se  tournent 
les  plus  lionorables  comme  les  plus  frivoles  activités,  et 
les  résultats,  toujours  en  rapport  avec  les  causes  qui  les 
produisent,  rendent  un  hommage  d'autant  plus  irrécusable 
à  la  sience  chrétienne,  que  les  talents  d'où  ils  viennent  re- 
çoivent du  monde  scientifique  une  meilleure  consécration. 
Les  livres  de  Moïse  ont  été  passés  au  creuset  de  l'analyse 
la  plus  injuste,  et  jugés  avec  l'impartialité  lamoins  suspecte. 
Ils  sont  sortis  de  ces  épreuves,  grâce  à  ce  cachet  d'originalité 
profonde  qui  marque  les  œuvres  antiqîjes,  lors  même  qu'on 
n'a  pasvoulu  les  reconnaîlre  ct)mme  l'œuvre  de  Dieu.  On  ne 
peut  plus  aujourd'hui  poser  sérieusement  la  question  d'ori- 
gine du  Pentateuque.  Il  faut  plus  qu'une  audace  vulgaire, 
pour  se  permettre  d'éditer  en  France,  et  surtout  en  Alle- 
magne, des  livres  qui  renferment  a  cet  égard  des  objections 
vingt  fois  résolues.  Aussi  considérons-nous  la  qnestion 
d'origine  des  livres  de  Moïse  comme  tranchée,  et  étudierons- 
nous  en  les  rapportant  a  Moïse,  avec  toute  la  société  juive 
et  chrétienne, les  institutions  qui  ont  formé  la  constitution 
essentielle  du  peuple  hébreu. 

Cette  étude  a  pour  les  chrétiens  un  intérêt  incontestable. 
Dieu  qui  conduit  ses  œuvres  avec  douceur  et  avec  force 
(Sap.  VIII,  1)  établit  aussi  entre  elles  une  hiérarchie  de  suc- 

Revde  des  Sciences  kcclép.,  t.  ix. — juin  1864.  32. 


iOO  ÉTini'   SUR  r.A  législaiioa  mosaïque. 

cession,  les  préparant  les  unes  par  les  autres.  Et  s'il  en  est 
ainsi  des  œuvres  de  Dieu  en  général,  il  ne  saurait  en  être 
autrement  de  ces  œuvres  essentielles  qui  ontsur  les  hommes 
et  sur  les  peuples  la  triple  influence  de  la  formation,  de  la 
conservation  et  du  développement.  C'est  précisément  la  le 
but  des  législations.  Elles  se  forment  h  l'heure  où  le  peuple 
reconnaît  son  existence,  a  l'heure  où  il  retrouve  une  exi- 
stence brisée.  Elles  sont  l'œuvre  des  hommes  les  plus  émi- 
nents  de  la  nation,  qui  voient  dans  les  aptitudes  des  peuples 
ei  dans  leur  histoire  primitive,  la  marche  générale  de  leurs 
développen.îents  successifs,  les  tendances  nationales,  les 
conditions  climatériques,  les  situations  cosmographiques 
du  pays  qu'ils  habitent,  et  qui  établissent  sur  ces  bases 
essentielles  le  mode  (;ui  leur  parait  le  plus  sûr  de  marcher 
vers  le  bien,  le  beau  et  le  vrai.  Les  peuples  reconnaissants 
ont  toujours  entouré  leurs  législateurs  des  hommages  qu'ils 
méritaient-,  et  s'il  a  été  commis  des  infractions  regrettables 
a  celte  règle  générale,  la  postérité  s'est  chargée  de  rendre 
justice  a  la  mémoire  du  génie  méconnu.  Toutefois,  une  lé- 
gislation n'est  pas  pour  le  peuple  qui  la  reçoit,  une  occasion 
d'assouvir  ses  désirs  immodérés  d'affranchissement,  d'éman- 
cipation et  de  liberté.  Son  but  est  précisément  de  régler 
ces  désirs,  et  de  combattre  les  déplorables  excès  où  ils  con- 
duiraient nécessairement  les  individus  et  les  peuples.  La 
liberté  individuelle  semble  perdre,  il  est  vrai,  beaucoup  a 
la  loi  de  la  conscience  qui  repose  sur  la  possibilité  du  mal^ 
mais  cette  possibilité  même  nécessite  l'existence  d'une  loi 
intime  qui  en  éloigne,  et  ce  que  la  liberté  perd  d'un  côté, 
dans  une  hypothèse  où  elle  ne  peut  plus  s'exercer,  elle  le 
gagne  d'un  autre,  pour  les  circonstances  présentes.  Il  en  est 
des  peuples  comme  des  individus.  L'hypothèse  de  l'existence 
des  violateurs  du  droit  public  ou  privé  n'est  malheureu- 
sement pas  une  chimère,  et  dès  lors  qu'elle  a  sa  raison 
d'être,  la  législation  avec  ses  sanctions  et  ses  peines  est 


LTl  ni:    SI  li    LA    (.)'X;iSLAlIO\    MOSAÏOl  E.  /(i)! 

lyi  préservatif  pins  encore  (ju'iin  frein  inopportun.  C'est  ce 
que  saint  Paul  a  exprimé  d'un  mot  :  Lex  justu  non  estposita 
sed  injustis  (1).  Un  système  de  lois  peut  être  bon  en  lui- 
même,  sans  que  toutes  les  lois  auxquelles  il  donne  leur 
origine  soient  nécessaires  au  bien  public,  et,  mêuie  dans  le 
cas  où  ces  lois  sont  nécessaires,  leur  nécessité  prouve 
simplement  l'affaiblissement  dans  les  peuples  des  liens 
sociaux,  l'abaissement  de  la  morale  et  des  caractères,  c'est 
un  présage  certain  de  la  ruine  des  empires,  ainsi  qu'on  l'a 
dit.  Cepenilant,  il  est  incontestable  que  le  but  d'une  légis- 
lation étant  la  formation,  la  préservation  et  le  développement 
des  peuples  et  des  individus, c'est  une  condition  essentielle 
pour  l'existence  des  peuples  que  d'avoir  un  système  de  lois 
et  d'institutions  déterminées,  puisque  les  individus  eux- 
mêmes  ne  doivent  passer  de  la  vie  isolée  a  la  vie  sociale, 
qu'à  l'aide  d'une  règle  fi.ve  et  formée  d'après  leurs  aptitudes 
et  leurs  besoins. 

Je  viens  de  définir  ce  que  doit  être  une  législation-,  je 
dois  ajouter  quelque  chose  au  développement  de  cette 
pensée.  Considérer  les  peuples  ou  les  relations  sociales  des 
hommes  entre  eux,  c'est  ce  que  l'on  pourrait  appeler  l'idée 
la  plus  superficielle  de  l'existence  des  peuples  et  des  indi- 
vidus. Si  l'on  veut  entrer  plus  avant  dans  la  notion  de  la  vie 
humaine,  on  découvrira  maints  points  importants  qu'une 
législation  doit  aussi  régler,  et  dont,  l'ordre  ne  contribuera 
pas  peu  à  l'ordre  général  de  la  société.  L'homme  est  en 
rapports  encore  plus  fréquents  avec  lui-même,  avec  le  monde 
extérieur  et  avecDieu,  qu'avec  sessemblables,  et  ces  derniers 
rapports  ne  sont  pas  peu  influencés  par  les  premiers.  A.  toute 
heure  son  intelligence,  son  cœur  et  ses  sens,  réclament  une 
discipline  capable  de  régler  leur  exercice  et  leur  commun 
accord.  Les  objets   extérieurs  viennent  à  chaque  instant 

(I)  T  Tim.  I,  9. 


/|92  ÉTUDE    SUR    r.A    LlidlSTATION    MOSVÏQr!?. 

s'offrira  ses  sens,  avec  qui  ils  ont  des  relations  si  intimes, 
que  rien  n'est  plus  naturel  que  les  modifications  qu'ils  im- 
posent a  son  âme.  El  Dieu,  l'auteur  de  l'iiomme  et  du  monde, 
Dieu  qui  est  la  cause  la  plus  parfaite  dont  l'homme  estl'effet 
le  plus  parfait  (1),  Dieu  a  aussi  ses  droits  sur  cette  vie  hu- 
maine qu'il  a  formée,  qu'il  soutient  et  qu'il  conserve-,  les 
rapports  de  l'homme  avec  Dieu  doivent  donc  trouver  aussi 
leur  place  dans  un  système  de  lois  destiné  a  aider  les  déve- 
loppements humains.  Il  y  a  plus.  Comme  l'homme  corres- 
pond surtout  par  ses  sens  avec  le  monde  extérieur,  ainsi  il 
correspond  surtout  par  son  âme  avec  Dieu,  et  il  corres!;ond 
a  la  fois  par  son  âme  et  par  ses  sens  avec  ses  semhiables. 
D'oîi  il  suit  qu'un  système  de  lois,  pour  être  parfait,  doit 
donner  le  premier  rang  aux  institutions  qui  règlent  les  rap- 
ports de  l'homme  avec  Dieu,  avec  lui-même  et  avec  le  monde 
extérieur,  et  trouver  dans  les  lois  qui  règlent  les  rapports 
des  hommes  entre  eux  son  couronnement  naturel.  Les  in- 
stitutions religieuses  formeront  la  première  catégorie,  les 
institutions  sociales  et  politiques  formeront  la  seconde. 

Or  telle  est  précisément  l'originalité  de  la  législation  mo- 
saïque, que  les  lois  sociales  et  politiques  sont  a  la  base  de  la 
constitution  du  peuple  hébreu,  dont  le  sommet  est  occupé 
par  les  lois  religieuses,  et  qu'à  partie  caractère  de  perfection 
qui  lui  vient  de  son  étendue,  la  législation  mosaïque  porte 
encore  fortement  accusé  un  caractère  de  perfection  dans 
l'ensemble.  La  suite  montrera  la  vérité  de  cette  affirmation. 
Contentons-nous  pour  le  moment  de  remarquer  l'avantage 
qui  résulte  pour  un  système  de  prendre  tout  l'homme,  tel 
qu'il  est,  pour  le  porter  tout  entier  au  développement  dont 
il  est  susceptible. 

Observons  encore  qu'une  législation  doit  conduire  les 
développements  humains  selon  les  lois  essentielles  de  ces 

(1)  De  Donald,  Législation  primitive  passim  et  notamment,  liv.  i,  ch.  5. 


ÉXUDi;   SUR    LA    LÉGISLATION    MOSAÏQUE.  A9S 

développements  mêmes.  Elle  doit  garder,  eu  tant  que  sys- 
tème, un  ordre  analogue  à  celui  du  système  auquel  elle  est 
appliquée.  Or,  pour  nous  servir  d'une  comparaison  souvent 
employée,  les  lois  d'unité  qui  règlent  les  développements 
des  nations,  sont  les  mêmes  qui  règlent  les  développements 
des  individus.  Il  faut  donc  qu'il  règne  dans  le  système  des 
lois  d'un  peuple  une  unité  harmonisée  d'après  l'unité  qui 
existe  dans  les  conditions  an  térieures  a  tou  t système  national . 
Ces  conditions  éternelles  sont  celles  par  lesquelles  la  loi 
intime  répond  a  la  loi  de  la  personnalité  divine,  a  l'image 
et  à  la  ressemblance  de  qui  l'homme  a  été  créé,  qui  rattachent 
par  conséquent  l'homme  a  son  Auteur,  avant  de  lui  permettre 
de  surpendre  en  lui-même  un  ordre  do  relations  quelconque, 
avant  surtout  de  le  rattacher  à  ses  frères  et  au  monde  ex- 
térieur. Les  lois  destinées  a  former  une  nation  devront  donc 
garder  entre  elles  la  subordination  qui  existe  dans  les  élé- 
ments constitutifs  d'une  nation.  Les  lois  religieuses  tendent 
à  former  des  institutions  théocratiques  (nous  expliquerons 
tout-à-l'heiire  ce  mot)  :  elles  seront  au  sommet  de  la  con- 
stitution sociale  et  politique,  et  celle-ci  recevra  de  la  con- 
stitution religieuse  sa  forme  et  son  impulsion.  Tout  système 
en  qui  l'on  ne  retrouvera  pas  cette  coordination  et  cette 
subordination,  sera  un  système  défectueux  et  incomplet. 
Les  hommes  s'unissent  à  Dieu  avant  de  s'unir  entre  eux, 
disait  un  ancien,  et  le  principe  d'où  vient  cette  nécessité 
est  peut-être  la  cause  de  tous  les  cultes  anlhropomorphiques 
de  l'antiquité.  De  cette  idée  que  l'homme  est  une  image  de 
Dieu,  l'image  la  plus  parfaite,  il  n'y  a  qu'un  pas  à  celle-ci  : 
La  perfection  de  la  nature  humaine,  lorsqu'elle  existe,  mérite 
les  honneurs  de  la  divinité.  Aussi  le  polythéisme  le  plus 
logique  renonçait-il  aux  personnifications  basses  de  la  di- 
vinité, qu'il  avait  prises  en  Egypte  et  dans  l'Inde,  pour  se 
créer  des  personnifications  humaines,  telh^s  qu'on  les  vit 
chez  les  Grecs  et  a  Rome. 


/jO/l  KTLDE    SIK    LA    LfiGJSLATlON    MObAÏOLE. 

Ou  peut  se  demander  maintenant  si  l'appellation  de 
gouvernement  théocratique  convient  h  une  législation  dont 
toutes  les  parties  s'enchaînent  les  unes  aux  autres,  en  partant 
du  sommet  occupé  par  les  lois  religieuses. Le  gouvernement 
théocratique  est  le  gouvernement  de  Dieu. C'est  un  système 
dans  lequel  Dieu  est  au  centre,  l'homme  au  centre  aussi, 
mais  secondairement,  et  qui  s'épanouit  ensuite  selon  la  loi 
de  ces  deux  centres  coordonnés-,  ce  sera,  si  l'on  veut^  une 
ellipse,  dont  Dieu  et  l'homme  occuperont  les  deux  foyers. 
Ainsi  conçu,  le  système  dont  nous  parlons  sera  un  gouver- 
nement théocratique, objectivement  et  en  soi.  Il  sera  encore 
un  gouvernement  théocratique  subjectivement,  et  dans  la 
pensée  de  celui  qui  l'a  établi.  Or,  si  l'on  croit  pouvoir  op- 
poser entre  eux  la  théocratie  et  Thumanitarisme,  ou  ce 
système  qui  consiste  a  prendre  l'homme  et  la  société  hu- 
jnaine  pour  point  de  départ  essentiel,  laissant  aux  rapports 
avec  Dieu  un  rang  secondaire,  ou  les  isolant  même  et  les 
séparant  toul-à-fait,et  si  l'on  croit  pouvoir  donner  au  second 
système  une  préférence  sur  le  premier,  on  commettra  une 
erreur  d'autant  plus  grossière,  qu'elle  heurte  de  front  la 
nature  essentielle  des  choses,  l'ordre  du  monde  et  les  idées 
de  l'humanité,  manifestées  toutes  les  fois  qu'elle  s'est  donné 
des  lois,  ou  que  des  hommes  éminents  les  lui  ont  imposées. 
C'est  oublier  qu'à  a  celui  qui  règne  dans  les  cieux  appartient 
la  gloire,  la  majesté  et  V indépendance,  «  et  que  l'homme, 
la  société,  sont  des  êtres  essentiellement  dépendants  et 
dirigés. 

JNous  avons  exposé,  ou  au  moins  énoncé  ces  principes, 
ahn  d'être  naturellement  conduit  à  nous  demander  quel  sera 
l'ordre  a  suivre  dans  l'exposition  des  institutions  mosaïques. 
Ces  institutions,  on  le  reconnaît^  et  Bossuet  l'a  victorieu- 
sement démontré,  sont  la  base  de  tous  les  développements 
du  peuple  qui  les  a  reçues.  Ce  peuple  a  toute  une  littérature 
qui  rend  témoignage  à  ces  institutions  et  qui  les  explique. 


ÉTIDE    SUR    LA    LKGISLATIOIV    MOSAÏ(}UE.  /|95 

Or,  la  littérature  d'Israël  établit  constamment  les  relations 
de  ce  peuple  avec  une  divinité  personnelle  et  vivante.  Son 
histoire  n'est  que  sa  marclie  vers  le  but  que  cette  divinité 
lui  a  tracé.  C'est  par  cette  direction  qu'on  rend  raison  de 
tout,  qu'on  explique  tout.  Elle  conduit  Israël  au  salut  espéré 
et  à  l'établissement  du  royaume  de  Dieu  dont  il  a  reçu  les 
promesses.  Et  ces  promesses  mêmes,  et  cette  espérance  du 
salut  sont  les  traits  lumineux  de  son  histoire  et  forment  son 
caractère  distinctif.  Il  est  remarquable  que  les  civilisations 
polythéistes  n'out  pas  de  but,  qu'elles  ne  tendent  à  rien, 
que  rien  ne  les  mainlietil  et  ne  les  iorine,  si  ce  n'est  un  in- 
térêt individuel  et  souvent  abject.  Le  peuple  de  Dieu  au 
contraire  sait  d'où  il  vient  et  où  il  va.  Il  le  sait  et  il  le  croit  : 
sa  direction  est  le  critérium  a  l'aide  duquel  il  juge  ses  di- 
verses modiiications,  les  perturbations  successives  qu'il  su- 
bit. Si  l'on  veut  donc  penser  comme  lui,  ne  pas  méconnaître 
le  caractère  qu'il  se  reconnaît  a  lui-même,  il  faudra  grouper 
toutes  les  manifestations  de  sa  vie  domestique,  sociale  et 
politique,  autour  des  manifestations  de  sa  vie  religieuse.  Et 
comme  ces  dernières  manifestations  de  la  vie  religieuse 
sont  elles-mêmes  réglées  par  des  institutions  fixes,  il  fau- 
dra grouper  autour  de  ces  institutions  les  institutions  se- 
condaires qui  règlent  les  autres  manifestations  tie  sa  vie. 

Pour  avoir  méconnu  celle  règle  essentielle,  Josèphe  et 
Philon,  bien  qu'a  un  moindre  degré,  et  la  plupart  des  ra- 
tionalistes allemands  de  notre  époque,  se  sont  perdus  dans 
une  foule  d'appréciations  subjectives,  dont  le  moindre  défaut 
est  de  ne  lenir  aucun  compte  de  la  dignité  spéciale  d'Israël 
au  milieu  des  peuples.  On  a  confondu  ainsi  dans  un  pêle- 
mêle  honteux,  la  révélation  divine  et  le  naturalisme  païen  ; 
on  a  privé  les  institutions  mosaïques  de  leur  originalité  et 
de  leur  vérité.  On  les  a  prises  pour  le  résultat  de  l'esprit 
des  temps  auxquels  elles  se  sont  produites  :  on  a  cherché 
a  les  faire  entrer  dans  les  catégories  d'un  froid  naturalisme 


Zj96  ÉTLDE    SUR   LA    LÉG]SI.AT10-\    MOSAÏQUE. 

et  d'un  panthéisme  aride,  alors  qu'elles  portaient  gravée? 
en  caractères  ineffaçables,  la  marque  de  Celui  qui  les  avait 
dictées  (1).  De  Wetle  va  jusqu'à  faire  de  l'étude  des  insti- 
tutions religieuses  de  Moïse,  une  section  des  règles  de  vie 
politique  données  par  le  législateur  hébreu  ;  et  M.  Salvador 
écrit  de  nos  jours  ;  «  L'histoire  du  culte  proprement  dit  ne 
sera  retracée  que  dans  le  dixième  livre,  par  la  raison  que 
mon  but  essentiel  étant  de  montrer  de  quelle  manière  ce 
culte  servait  de  sauvegarde  aux  principes  et  aux  lois,  il  im- 
portait  que  ceux-ci  fussent  préalablement  exposés.  »  Et 
ailleurs,  lorsqu'il  en  vient  a  parler  du  culte  :«  Quelle  raison 
m'a  fait  renvoyer  le  culte  extérieur  a  la  fîu  de  ma  première 
partie  (politique)?  J'ai  dit  que  les  statuts  du  culte  de  Moïse 
poursuivaient  surtout  un  intérêt  de  conservation. Avant  d'y 
arriver  il  fallait  chercher  et  exposer  ce  qui  méritait  d'être 
conservé-,  il  fallait  simplifier  cette  partie  de  la  législation, 
en  transportant  à  leur  véritable  place  une  foule  de  règle- 
ments qu'on  a  coutume  de  confondre  (2).  »  Personne  n'a 
jamais  confondu, avant  l'écolea  laquelle  se  rattache  M.  Sal- 
vador, les  règlements  du  culte,  avec  les  règlements  de  la 
vie  domestique,,  de  la  vie  sociale  et  de  la  vie  politique^  on 
les  a  toujours  parfaitement  distingués  a  l'exemple  du  légis- 
lateur: mais  on  a  gardé  l'ordre  qu'il  a  lui-même  proposé, 
l'ordre  logique  et  raisonnable,  le  seul  qui  mérite  vraiment 
ces  qualifications,  celui  auquel  se  plie  l'esprit  du  savant 
lorsqu'il  veut  étudier  les  choses  telles  qu'elles  doivent  être 


(1)  Bien  qu'ils  aient  cru  à  l'intervenlion  surnaturelle  de  Dieu  dans  la 
conduite  du  peuple  d'Israël,  Spencer,  Le  Clerc,  J.  D.  Michaelis,  Jahn 
et  J.-L.  Schaalochûtz,  ont  trop  sacrifie  au  subjeclivisme  en  exposant  les 
institutions  mosaïques.  On  ne  trouve  que  les  principes  de  la  critique  ra- 
tionaliste dans  les  études  de  J,-G.  Eichhorn,  G.  Lor.  Bauer,  M.  L.  de 
Wette,  G.  B.  Winer,  H.  Ewald,  et  autres.  Enfin  le  pantliéisme  est  le  seul 
point  de  vue  des  travaux  de  Bruno  Bauer  et  de  Wilhelm  Vatke. 

(*)  Salvador,  Histoire  des  institutions  de  Moïse,  tom.  i,  pp.  66,  67,  et 
tom.  11,  liv.  X,  p.  272. 


ÉTUDE    SUR    LA    LÉGISLATION    MOSAÏQUE.  497 

et  telles  qu'elles  sont,  en  dehors  de  tout  parti  pris  et  de 
tout  intérêt  polémique. 

On  pourrait  dire  peut-être  que  les  règlements  du  culte 
mosaïque  ne  rormenl  que  la  partie  secondaire  de  ses  insti- 
tutions religieuses.  —  H  y  a  une  part  de  vérité  et  une  part 
d'erreur  dans  cette  affirmation.  Oui,  le  culte  mosaïque  n'est 
que  l'efllorescence  des  doctrines  théologiques  de  Moïse. 
Oui,  ces  doctrines  soni  elles-mêmes  la  partie  principale  des 
institutions  religieuses.  Mais  le  rapport  du  culte  a  la  croyance 
est  tel  que  vous  ne  pouvez  concevoir  l'un  sans  l'autre  ab- 
straclivement,  et  que,  dans  le  fait,  vous  les  trouvez  toujours 
suivant  la  môme  loi  de  développement  ou  gardant  la  même 
fixité.  Pourquoi,  par  exemple,  la  fête  du  Cliar  (Tirunnal) 
est-elle  si  horriblement  mêlée  d'atrocités,  de  mutilations 
et  de  sacrifices  volontaires  dans  le  Bengale?  C'est  que  la 
religion  enseigne  que  l'offrande  du  sang  est  agréable  a  l'i- 
dole de  Jagrenat.  De  la,  ces  scènes  dégoûtantes  d'hommes 
et  de  femmes  qui  se  précipitent  so^us  les  roues  du  char 
qui  porte  l'idole,  se  font  fracasser  les  bras  et  les  jambes, 
offrent  même  (les  plus  saints)  le  sacrifice  de  leur  vie,  afin 
d'obtenir  un  sourire  de  leur  hideuse  divinité.  Pourquoi 
encore  la  veuve  de  l'Indien  dont  on  brûle  le  corps  s'avance- 
t-elle  près  du  bûcher,  et  est-elle  ensuite  vigoureusement 
liée  au  corps  de  son  mari,  afin  d'être  consumée  avec  lui 
par  les  flammes.'^  Aucune  loi  n'oblige  les  sali  ou  veuves  à  se 
brûler  ^  mais  la  même  coutume  qui  faisait  jeter  sur  le  bû- 
cher des  guerriers  leurs  armes,  leurs  chevaux  et  tout  ce 
que  le  défunt  avait  de  plus  cher,  unie  au  dogme  de  la  mé- 
tempsycose et  a  celui  de  la  nécessité  du  sacrifice  pour 
l'expiation,  ont  favorisé  peu  à  peu  les  développements  et 
la  consécration  de  ces  déplorables  excès  (1) .  Nous  pour- 
rions multiplier  les  exemples  à  l'infini,  en  les  prenant  de 

(I)  Canlu,  Hist.  universelle,  X''^  éd,  fr.^  t.  i,  p.  276,  294,  Indiens. 


Ii9S  L;TL!)E    SIH    LA    LEGISLATION    .^'OSAÏQUE. 

diverses  civilisations  Mais  il  convient  de  nous  placer  sur- 
tout au  point  de  vue  du  culte  mosaïque,  et  de  montrer 
que  les  institutions  cérémonielles  de  Moïse  formaient  une 
partie  essentielle  de  ses  institutions  dogmatiques. 

Un  juif  philosophe  du  moyen  âge,  Maimonides,  nous 
donne  comme  le  but  essentiel  et  unique  de  la  législation 
de  Moïse,  l'extirpation  de  l'idolâtrie  (1).  Ce  fait  nous  permet 
de  concevoir  un  moindre  étonneraent  lorsque  nous  voyons 
les  juifs  philosophes  modernes  se  rallier  à  cette  étrange 
affirmation.  Jean  Spencer,  au  moins  dans  la  première  édi- 
tion de  son  livre  sur  les  lois  des  Hébreux  et  sur  leurs  rai- 
sons d'être,  signale  deux  causes  des  formes  adoptées  par  le 
culte  mosaïque.  La  loi  était  d'après  lui  le  moyen  ordinaire 
dont  Dieu  se  servait  pour  abolir  l'idolâtrie,  et  maintenir 
les  Israélites  dans  sa  foi  et  dans  son  culte.  Le  second  but 
qu'elle  se  {jroposait,  était  de  représenter  comme  sous  une 
image  et  sous  un  symbole,  dans  ses  rites,  l'économie  évan- 
gélique  qu'elle  préparait,  et  de  préserver  la  morale  d'alté- 
rations trop  faciles  (2  .  Dans  la  seconde  et  dans  la  troisième 
édition,  il  paraît  que  Spencer  n'a  donné  qu'une  place  a  peu 
près-insigniliante  a  ce  second  but  typique  et  symbolique  de 
la  loi.  Il  a  même  fait  disparaître  les  mots  suivants,  qui 
exprimaient  dans  la  première  toute  sa  pensée  :  Xam  in  Ju- 
dœorum  ritibus  et  cœremoniis  tôt  mysteria  statum  evcmcje- 

(1)  Mor&  fievochim,  doctor  perplexorum,  cd.  J.  Bu.xt.,  lib.  ni,  ch.  XLV- 
XLIX.  Totius  legis  scopus  et  cardo  consista  in  hoc,  ut  idololattia  a  medio  tol- 
latuf,  tiomen  ejus  deleatur.  Son  commenltileur,  Rabbi  Schem  Tob, abaisse 
encore  d'un  degré  l'idée  du  culte  mosaïque  ;  et  il  en  fait  une  copie 
calquée  sur  la  manière  dont  on  boaorc  les  rois  de  la  terre.  (Baehr,  Symb. 
1,  s.  9,  u.  1). 

(2)  Spencer,  de  Lerji/jus  hcbrœorum  ritualibus  eai  unique  ralionibus  1.  iv. 
(1  Ratio  primaria  in  hoc  comsislit  quod  Icx  fuerit  médium  ordinariuni, 
quoDeus  ad  idololatriam  abolcndam,  et  Israelitas  iu  ipsius  fide  cuUuque 
retinendos  ulerctur;  et  ratio  secandaria,  ut  legis  istius  ritus  et  in^tituta 
rerum  altioi'um  cuYYf^'-ptav  quamdam  exhibèrent,  et  rébus  quibusdam 
evangelicis  et  officiis  moralibus,  lanquam  iu  h'po  vel  imagine  repraeseu- 
tandis,  inservirent  (p.  i9).  » 


ÉTUD1-:    SL'U    L\    LÉ(;iSL.\TION    MOiAÏQLK.  !\99 

iicu77i  spectantia  latuerunt,  lit  gens  illa  non  minus  regnuni 
propheticutn  quant  sacerdotale  videretur.  En  revanche,  la 
première  raison  reçoit  tous  les  développements  qu'il  lui 
avait  consacrés  d'abord,  et  il  nous  explique  comment  Dieu, 
qui  voulait  être  le  roi  politique,  militaire  et  céleste  de  son 
peuple,  lui  permettait  un  culte  dont  les  pratiques  pouvaient 
ne  pas  toujours  convenir  a  la  majesté  divine,  mais  dont  le 
but  était  d'aider  la  faiblesse  d'une  nation  grossière  forte- 
ment inclinée  vers  les  observances  sensibles  (1) . 

Pour  nous,  il  nous  est  impossible  de  ne  voir  dans  les 
formes  sensibles  du  culte  mosaïque  qu'une  préservation 
contre  l'affaiblissement  de  la  pureté  de  la  foi  en  Israël  ; 
nous  ne  croyons  pas  non  plus  que  le  seul  but  des  obser- 
vances religieuses  des  Juifsfùt  delespréserverdel'idolàlrie. 

Nous  disions  tout-a-l'heure  qu'une  législation,  pour  être 
parfaite,  doit  prendre  l'homme  tout  entier  et  tel  qu'il  est 
dans  la  réalité  de  son  existence,  afin  de  le  conduire  à  sa 
fin  par  des  moyens  convenables.  Nous  disons  maintenant 
qu'un  culte  ne  peut  être  parfait,  s'il  ne  permet  a  Ihomme 
tout  entier  de  reconnaître,  par  des  actes  où  il  concourt  tel 
qu'il  est,  le  souverain  domaine  de  Dieu.  Or,  pour  être  spi- 
rituel, l'homme  n'en  est  pas  moins  doué  d'organes  corporels, 
dont  le  rôle  n'est  possible  dans  une  forme  de  culte  quel- 
conque, que  lorsque  celte  forme  de  culte  se  compose  d'ob- 
servances sensibles.  Le  langage  a  jjrobablement  été  le 
premier  acte  humain  où  Dieu  ait  pu  trouver  sa  glorification. 
Mais  le  langage,  pour  être  un  fait  intellectuel,  n'en  est  pas 
moins  un   fait  organique.  Les  actes  sont  une  manière  de 

(1)  Telle  fut  récoaouîie  des  prescripiions  cérémouiellcà  de  Moiso,  dit 
Joh.  Spencer,  «  ui  litus  elinsliluta  Dei  cultum  speclaatia,  semper  aliquid 
regum  uiortalium  sorte  subliuiius  et  augustius  olereut,  et  eodera  lem- 
pore  Jehovae  tribuereut  iufirmitatem  régis  et  liiajestatem  Dei  ;  nempe  ut 
bac  ralione  sensus  et  affectus  majestaLi  cœlesti  cooscolaoei  incuterealur 
et  legis  iûstitutis  uou  miuus  Dei  honori  quam  plebis  ioibecillitati  coiu- 
sulliim  esset(p.  231).  » 


500  ÉTUDE    S  un    LA    LÉGISLATION    MOSAÏOUE. 

parler,  mais  une  manière  moins  parfaite  que  le  langage  orga- 
nique. Un  culte  dont  le  but  (.'Jait  d'élever  l'homme  à  son 
Auteur  devait  comprendre,  et  le  langage  comme  fait  orga- 
nico-intellectuel,  et  les  actes  comme  faits  matériels,  alin 
que  tout  l'homme  fût  pris  et  porté  vers  Dieu  selon  les  lois 
de  sa  constitution.  Ajoutons  que  le  peuple  a  qui  Moïse  don- 
nait un  culte,  savait  que  le  monde  visible  n'est  qu'une  image 
du  monde  invisible.  Dans  son  culte  il  devait  donc  tâcher 
de  reproduire,  autant  qu'il  se  pouvait,  sous  des  formes  sen- 
sibles, le  monde  invisible  de  ses  idées  et  de  ses  sentiments, 
pour  l'offrir  a  Dieu  en  signe  de  soumission  et  de  fidélité.  La 
parole  et  les  actes  extérieurs  concouraient  encore  a  cet  égard 
et  offraient  a  l'homme  un  moyen  convenable  d'exprimer  a 
Dieu  ses  sentiments  et  ses  idées.  Puis,  pour  reprendre  eu 
quelque  façon  l'idée  de  Spencer,  le  Dieu  d'Israël  n'était 
pas  seulement  l'Être  tout-puissant  qui  habite  les  splendeurs 
des  cieux,  et  qui  n'a  pour  les  hommes  que  quelques  atten- 
tions distraites.  Dieu  était  le  Roi  et  le  Bienfaiteur  assidu  de 
son  peuple  :  il  devait  en  être  le  Sauveur  et  le  rétablir  selon 
l'ordre  primitif  dans  lequel  l'homme,  créé  a  l'image  de  Dieu, 
retrouverait  cette  ressemblance  perdue  par  le  péché.  Le 
peu))le  devait  se  préparer  au  salut  promis  par  l'union  et  la 
fidélité  il  servir  le  Seigneur.  Israël  tendait  a  ce  but  comme 
peuple,  puisqu'il  était  le  peuple  de  la  promesse,  et  que  Dieu 
devait  l'établir  comme  peuple  dans  la  terre  promise.  Il  fallait 
donc  qu'il  eût  comme  peuple  tout  un  ordre  de  rites,  char- 
gés de  lui  rappeler  sa  vocation,  de  l'entretenir  dans  l'amour 
et  dans  la  crainte  de  Dieu,  de  lui  tracer  une  vie  religieuse 
et  sociale  tout  à  la  fois,  de  lui  remémorer  les  bienfaits 
antérieurs  dont  il  avait  été  comblé,  et  de  lui  annoncer  les 
bienfaits  futurs  par  lesquels  se  réaliseraient  les  promesses. 
Or  le  culte  d'un  peuple,  dont  le  but  est  ainsi  déterminé,  est 
nécessairement  un  culte  sensible,  surtout  lorsque  les  idées 
de  ce  peuple  sur  le  monde  visible  et  sur  le  monde  invisible 


ÉTUDE    SLT,    f.A    LÉGISLATION    MOSAÏQUE.  501 

sont  celles  dont  nous  venons  de  faire  mention.  Enfin  les 
formes  sensibles  avaient  une  double  action  symboliquequ'il 
est  fort  important  de  constater.  En  même  temps  qu'elles  re- 
présentaient l'action  de  Dieu  sur  Israël,  et  la  tendance  ou 
l'action  d'Israël  vers  Dieu,  elles  voilaient  aussi  sous  des 
images  la  réhabilitation  et  le  renouvellement,  objet  des  es- 
pérances du  peuple  hébreu,  et  en  retraçaient,  quoique  d'une 
manière  imparfaite,  les  linéaments  principaux.  Prenons 
pour  exemple  le  tabernacle.  C'est  Dieu  présenta  son  peuple, 
c'est  le  lieu  qu'il  habile.  Le  peuple  qui  en  approche,  qui 
reconnaît  en  lui  la  tente  du  rassemblement,  se  rend  présent 
a  Dieu.  Quelques  homme  s  privilégiés  et  purifiés,  les  grands- 
prêtres,  pénètrent  une  fois  par  an  dans  le  saint  des  saints, 
la  partie  la  pins  intime  du  tabernacle,  et  lorsque  la  Rédem- 
ption est  accomplie,  Jésus-Christ,  qui  est  la  fin  de  la  loi,  y 
entre  une  fois  pour  toutes:  Introivit  semelinsancta,  œterna 
Redemptione  inventa  [ïlchr.  ix,  12).  Le  tabernacle  mosaïque 
est  l'image  du  ciel  où  Jésus-Christ  entre  après  sa  mort, 
lorsque  son  sang  a  purifié  le  monde  des  iniquités  dontil  était 
couvert.  Aussi  les  auteurs  du  Nouveau  Testament  ont-ils 
fait  ressortir  avec  le  plus  grand  soin  le  caractère  typique  et 
symbolique  du  culte  de  Moïse.  Jésus-Christ  s'appelle  la  fin 
delà  loi  [Math,  v,  17).  Saint  Paul  représente  la  loi  comme 
l'initiation  a  Jésus-Christ,  TratSaycoYoç  si;  Xpia-rôv  [Gai.  m,  24), 
et  il  donne  les  cérémonies  mosaïques  comme  une  ombre  de 
ce  qui  doit  venir,  «^xià  xwv  ueXXovtojv  (  Col.  ii,  17).  C'est 
surtout  dans  l'épître  aux  Hébreux  [Ch.  vii-x)  qu'il  fait  res- 
sortir ces  relations,  et  c'était  surtout  là  qu'il  convenait  d'en 
traiter,  puisque  cette  lettre  était  adressée  aux  fils  d'Abra- 
ham, les  héritiers  primitifs  des  promesses. Mais,  encore  un 
coup,  comme  tout  cet  ordre  typique  et  symbolique  touchait 
d'une  manière  diverse  à  la  doctrine  et  à  la  foi,  dont  il  était 
la  représentation  sensible,  on  est  mal  venu  de  le  stigmati- 
ser sous  la  dénomination  d'usages  sans  valeur.  Qu'on  la  ré- 


502  ÉTUDE    SUR   LA    l.KGISI.ATIOX    MOSAÏQUE. 

serve  pour  les  pratiques  bizarres  de  la  synagogue  déicide  :, 
on  sera  dans  le  vrai.  Elle  n'a  ni  unité  nationale  a  conserver, 
ni  salut  à  attendre,  puisqu'on  n'attend  pas  ce  qui  est  déjà 
venu  :  ses  pratiques  sont  donc  vaines  et  ses  observances 
frivoles. 

La  persuasion  des  Juifs  a  l'époque  de  Jésus-Christ  et  des 
apôtres  était  que  les  cérémonies  du  culte,  à  part  les  doc- 
trines et  les  faits  dont  elles  émanaient  et  dont  elles  repré- 
sentaient en  quelque  manière  la  vérité,  avaient  une  signi- 
fication symbolique,  en  vertu  de  laquelle  elles  portaient 
l'espérance  du  peuple  vers  les  biens  futurs.  C'est  ce  dont 
on  ne  peut  douter,  en  voyant  la  manière  d'agir  et  de  parler 
de  Jésus-Christ  et  des  apôtres.  Quel  effet  eussent-ils  pu  se 
promettre  des  explications  symboliques  de  la  loi  qu'ils  don- 
naient au  peuple,  si  le  peuple  n'avait  pas  cru  a  l'existence 
de  ce  sens  caché  sous  des  figures  sensibles  ?  Pour  nous  donc 
qui  nous  proposons  d'étudier  les  institutions  de  la  loi,  nous 
devrons  rechercher  scientifiquement  le  sens  des  symboles 
dont  elles  se  composaient.  Le  peuple  juif  lui-même  avait  pé- 
nétré ce  sens  a  la  lumière  de  ses  conducteurs  et  de  ses  guides 
autorisés.  Quand  il  reçut  la  loi  au  milieu  de  circonstances 
si  étranges  qu'on  devient  ridicule  en  voulant  les  expliquer 
d'une  manière  naturelle,  il  comprit  que  les  miracles  étaient 
ta  justification  même  de  la  loi,  et  il  s'unit  a  Dieu  par  un 
pacte  solennel  dans  lequel  son  appoint  devait  être  la  sain- 
teté et  la  justice,  vers  lesquelles  il  promettait  de  marcher-,  et 
l'appoint  du  Seigneur,  la  grâce  et  la  miséricorde,  par  les- 
quelles il  promettait  de  le  soutenir:  contrat  évidemment 
inégal,  tant  a  cause  de  l'inégalité  des  parties  contractantes, 
quedel'inégalitédesavantagesqu'ellesavaientàen  attendre. 
La  loi  devait  servir  de  moyen  a  la  réalisation  de  ce  contrat. 
La  fidélité  qu'on  lui  garderait  devait  consacrer  la  justice  et 
la  sainteté  du  peuple,  et  son  développement  surnaturel  de- 
vait faire  connaître  et  faire  parvenir  au  peuple,  tous  lesjours 


étcdh:  sur.  i.a  i,t<;isr.AT,0N  mosaïquiî.  501^ 

avec  plus  d'abondance,  la  grâce  et  la  miséricorde  de  Dieu. 

Mais  alors,  pour  le  dire  en  passant,  que  signifie  cette 
option  prétendue  du  peuple  en  faveur  de  la  loi,  option  de 
laquelle  la  loi  tire  sa  consécration  ?  Quoi  !  vous  voulez  assi- 
miler la  loi  divine  a  une  loi  humaine  ?  Vous  voulez  faire 
entrer  la  loi  divine  dans  une  catégorie  qui  ne  repose  d'ail- 
leurs que  sur  un  concept  idéal,  dont  la  réalisation  n'a  jamais 
eu  lieu,  et  vous  vous  en  autorisez  pour  reprocher  a  Bossuet 
de  n'avoir  point  assez  compris  Moïse,  parce  qu'il  ne  veut 
pas  que  l'autorité  des  lois  en  général  et  celle  en  particulier 
des  lois  mosaïques,  dépende  du  consentement  et  de  l'ac 
quiescement  des  peuples  (1)  ? 

C'est  bien  vous  qui  enfantez  des  contradictions-,  c'est 
bien  vous  qui  avez  trop  penché  vers  le  système  de  l'Egypte, 
en  voulant  assimiler  le  Dieu  de  Moïse  aux  divinités  des 
Égyptiens.  D'ailleurs  nous 'ne  saurions  nous  méprendre  à 
cet  égard,  et  il  suffit  de  lire  le  chapitre  des  préliminaires 
de  M.  Salvador,  intitulé  :  Education  de  Moïse  et  premie?-s 
éléments  de  sa  vie,  pour  demeurer  oonvaincu  qu'il  ne  tient 
aucun  compte  de  l'action  surnaturelle  du  Dieu  personnel  et 
vivant  sur  le  législateur  et  sur  le  peuple,  et  qu'il  ne  croit 
pas  plus  qu'un  de  ses  disciples  de  ces  derniers  temps,  l'au- 
teur de  la  Vie  de  Jésus,  i\  la  possibilité  du  miracle  et  de 
l'ordre  surnaturel,  dont  le  miracle  proclame  l'existence  (2). 
Heureusement  pour  l'avenir  delà  science,  elle  ne  reconnaît 
pas  pour  siennes  d'aussi  misérables  théories.  Cet  esprit 
rétrograde   ponrrait    gagner   a  se   mettre   a   l'école   des 

(1)  Salvador,  totu.  i.  p.  3, 

(2)  L'analogie  entre  le  chapitre  de  M.  Salvador  que  nous  venons  d  j 
citer  et  le  ch.  8  de  M.  Renan  intitulé  :  Éducation  de  Jésus,  est  trop 
frappante  pour  qu'il  nous  soit  possible  de  ne  pis  la  signaler.  Il  y  a  ce- 
pendant une  différence  essentielle  entre  la  science  et  le  style  de  ces  deux 
auteurs.  L'ouvrage  de  M.  Salvador  laisse  bien  loin  derrière  lui  celui  de 
M.  Renan  sous  le  rapport  scieatifii[ue.  Eu  revanche,  le  style  de 
M.  Renan  et  sa  manière  se  fout  beaucoup  mieu.x;  agréer  que  la  phrase 
lourde  et  presque  talmudique  de  M.  Salvador. 


504  ÉTUDE    SUR    I.A    LÉGISLATION    MOSAÏQUE. 

Juifs  qui  crucifièrent  Jésus.  Ceux-ci  croyaient  encore  à  Moïse 
et  aux  prophètes:  ils  ne  les  traitaient  pas  d'imposteurs 
habiles  a  tromper  une  nation  grossière,  qui  avait  vu  dans 
les  feux  dont  les  caravanes  ont  coutume  de  se  servir  pour 
guider  leur  marche,  une  colonne  lumineuse,  signe  de  la 
protection  du  Seigneur.  Encore  moins  étaient-ils  tentés 
d'exalter  l'homme  qui  avait  tiré  d'Egypte  leurs  frères  infor- 
tunés, par  des  éloges  trompeurs,  lesquels  semblent  destinés 
à  faire  ressortir  l'habileté  du  faussaire.  Nous  préférons  en 
vérité  qu'ils  aient  ignoré  les  ressources  du  criticisme,  et 
que  leur  loi  nous  ait  valu  de  conserver  les  traces  irrévocables 
du  pouvoir  d'un  grand  homme  que  Dieu  règle  et  conduit 
pour  la  gloire  et  la  prospérité  d'une  nation. 

Nous  serions  arrêtés  a  chaque  pas  si  nous  voulions  suivre 
M.  Salvador,  à  travers  toutes  les  élucubrations  d'un  esprit 
ténébreux,  se  produisant  dans  un  langage  a  peine  suppor- 
table et  que  les  couleurs  d'une  imagination  poétique  ne 
viennent  jamais  relever.  Il  fera  mieux  une  autrefois  de  de- 
mandera d'autres  que  Voltaire,  Jean-Jacques  et  Benjamin- 
Constant,  l'intelligence  des  institutions  mosaïques.  Que 
s'il  nous  dit  qu'il  a  marché  sur  les  traces  de  Maimonides 
(il  l'appelle  l'aigle  de  la  synagogue,  par  opposition  a  l'aigle 
de  Meaux:  c'est  ce  que  son  génie  poétique  lui  a  dicté  de 
plus  élevé  !) ,  nous  lui  répondrons  que  Maimonidcslui-raême 
garde  à  l'égard  du  caractère  de  Moïse  quelques  restes  de 
respect,  qu'il  a,  lui,  complètement  méconnus. 

La  loi  divine  proclamée  par  Moïse  conduisait  naturelle- 
ment le  peuple  juif  à  Jésus-Christ.  Ce  qui  l'en  a  éloigné, 
c'est  l'éloignement  de  la  sainteté  etde  la  justice  auxquelles 
l'appelait  l'observation  de  la  loi.  D'ailleurs  tout  le  peuple 
juif  n'a  point  fermé  les  yeux  a  la  lumière  de  l'Évangile.  Les 
premiers  disciples  de  Jésus  ont  été  des  Juifs,  et  la  raison 
de  l'éloignement  dans  lequel  s'est  tenu  le  grand  nombre, 
Jean -Baptiste  etNotre-Seigneur  nous  l'ontdonnée.  lorsqu'ils 


ÉTUDE    SUR   L.\    LÉGISLATION    MOSAÏQUE.  505 

ont  appelé  les  Juifs  un  peuple  endurci,  une  race  de  vi- 
pères, les  fils  du  diable,  des  ignorants  de  la  loi.  «Vous  lisez 
Moïse  et  les  prophètes,  leur  disait  Jésus,  mais  Moïse  et  les 
prophètes  parlent  de  moi.  »  Et  il  le  leur  prouvait, et  ils  n'a- 
vaient rien  a  répondre.  Les  siècles  se  sont  chargés  de  rendre 
raison  à  l'argument  de  Jésus,  et  si  nous  voyons  aujourd'hui 
des  Juifs  effacer  autant  qu'ils  le  peuvent  le  caractère  de 
Moïse  et  des  prophètes,  c'est  qu'ils  savent  bien  que  le  monde 
s'est  converti  a  l'argument  de  Notre-Seigneur,  et  qu'il  faut 
à  tout  prix  briser  la  solennelle  harmonie  des  deux  Testa- 
ments, si  l'on  veut  enlever  au  second  la  consécration  divine 
qu'il  reçoit  du  premier. 

Ainsi  la  loi  de  Moïse  était  véritablement  la  voie  qui  con- 
duisait à  Jésus-Christ.  Elle  y  conduisait  par  l'enseignement 
monothéiste  qu'elle  renfermait.  Elle  y  conduisait  aussi  par 
l'ensemble  des  rites  et  des  cérémonies,  symboles  clairs  et 
déterminés  à  leur  signification  convenable  par  l'idée  géné- 
rale du  royaume  de  Dieu  que  donnait  l'Ancien  Testament, 
et  par  la  nature  même  des  institutions  dont  il  se  composait. 
Prenons  ici  encore  l'exemple  du  tabernacle,  qui  estl'insti^ 
tution  la  plus  importante  du  culte  mosaïque.  Par  le  fait 
même  de  sa  construction,  le  tabernacle  devenait  le  symbole 
de  l'alliance  de  Dieu  avec  son  peuple  :  puis,  par  sa  nature, 
par  les  honneurs  qu'il  recevait  comme  la  tente  de  Jéhovah, 
par  la  description  a  la  fois  matérielle  et  symbolique  qu'en 
donnaient  les  Livres  saints,  le  tabernacle  symbolisait  la  pré- 
sence de  Dieu  au  milieu  de  son  peuple,  et  était  par  consé- 
quent une  figure  de  l'Emmanuel.  Il  résulte  de  là  une  règle 
à  laquelle  nous  serons  fidèles  toutes  les  fois  que  nous  aurons 
à  étudier  la  signification  symbolique  d'une  institution  de 
Moïse  :  Connaître  le  nom  de  l'institution  et  l'institution 
elle-même  ^  observer  qu'une  même  institution  a  toujours 
et  dans  tous  les  cas  la  même   signification-,   que  cette 
signification,   pour  être    unique,   peut    n'être   pas  tou- 
Revue  des  sciences  ecclés.,  t.  ix,  —  juin  1864.  33 


506  ÉTUDE    SUR   LA    LÉGISLATION   MOSAÏQUE 

jours  simple,  mais  quelquefois  complexe  ;  regarder  comme 
accessoire  tout  ce  qui,  dans  l'institution,  ne  répond  pas  di- 
rectement a  la  signification  symbolique  une  fois  constatée^ 
donner  enfin  la  prépondérance  aux  explications  symbo- 
liques d'une  institution,  quand  elles  sont  proposées  par  les 
Livres  saints  (1). 

Tels  sont  les  préliminaires  par  lesquels  il  nous  a  paru 
convenable  d'ouvrir  notre  étude  sur  la  législation  mosaïque. 
Trois  questions  ont  été  traitées.  Nous  nous  sommes  d'a- 
bord occupé  de  l'idée  générale  d'une  législation  et  des  ca- 
ractères d'une  législation  parfaite.  Nous  avons  ensuite 
montré  comment,  parmi  les  institutions  mosaïques,  le  pre- 
mier rang  appartenait  aux  institutions  religieuses.  Enfin 
la  question  incidente  du  rapport  du  culte  mosaïque  aux 
institutions  religieuses  qui  lui  servent  de  fondement,  a  reçu 
les  développements  qui  lui  étaient  indispensables.  Nous 
croyons  avoir  prouvé  que  l'on  n'est  pas  fondé  en  raison, 
lorsqu'on  sépare  les  institutions  religieuses  essentielles 
des  institutions  religieuses  accidentelles,  dont  le  culte  est 
l'expression.  S'il  est  vrai  que  l'enseignement  monothéiste 
est  le  but  principal  du  mosaïsme,  tel  n'est  pas  son  but 
unique.  Le  mosaïsme  est  une  prophétie  qui  se  déroule 
dans  une  doctrine  et  dans  des  actes  sensibles.  On  estdonc 
mal  venu  de  méconnaître  l'importance  réelle  et  symbolique 
du  culte  et  de  ses  diverses  parties.  C'est  aller  contre  la 
persuasion  de  l'ancienne  synagogue,  contre  le  but  du  culte 
"lui-même,  et  contre  sa  nature  typique,  résultant  de  l'idée 
générale  de  l'alliance  de  Dieu  avec  Israël,  et  du  caractère 
même  des  institutions  de  Moïse. 

A.   GiLLY. 


(1)  Ces  règles  sont  exposées  pas  Bsehr  {Symb.  i.  s.  48  ff.)  et  reproduites 
'dans  une  noto  de  Keil  (Bifjl.  Archœologie.  s.  Cl). 


COMMEKTARIUS 
IN 

PROŒMIUM   BREVIAPJI   ET  MTSSALIS 

DE   COMPUÏO   ECCLESIASTICO. 


Cinquième  et  dernier  nitrole. 


DE  CYGLO  SOLARI  ET  LITERIS  DOMINICALIBUS. 

CAPUT   VI. 

TEXTUS  PROŒMiT.  Tabella  Literarum  Dominicalium  ab  Idibus  Oclobris 
anni  corredionis  1582.  {detradis  prius  10  diebus)  nsque  adannum 
1700.  inclusive. 


b 

A 

1    g 

' 

d 

b 

U 

g 

f 

c 

' 

A 

g 

^ 

A 

c 

A 

g 

f 

,* 

b 

A 

g 

^ 

Usus  hujus  tabellse  hic  est.  Anno  corredionis  1582.  post  Idus  octo- 
bris  (detradis  prius  10  diebus)  Iribuatur  litera  c  primae  cellulae  et 
sequenti  anno  1583.  litera  b  secundae,  et  anno  1584.  dentiir  literae 
a  g  terliae  cellulae,  et  sic  deinceps  aliis  annis  ordinealiae  cellulae  tri- 
buantur,  donec  ad  annum  propositum  perventum  sit,  redeundo  ad 
principium  tabellae,  quoliescumque  eam  percurreris.  Nam  cellula  in 
quam  annus  propositus  cadit,  dummodo  minor  sitquam  annus  1 700. , 
dabit  Literara  Dorainicalem  propositi  anni  :  quae  si  unica  occurrerit 
annus  erit  communis  :  si  vero  duplex,  Bissextilis  ;  et  tune  superlor 
litera  Dominicam  diem  ostendet  in  Kalendario  usque  ad  festum 

'  sancli  Mathise  Aposloli  ;  inferior  autem  ab  hoc  festo  usque  ad  finem 
anni.  ExempU  gralia  :  Sit  invenienda  Litera  Dominicalisanno  1587. 
Nuraera  ab  anno  1582.,  quem  tribue  primae  literae  c,  usque  ad  an- 
num 1587.,  tribuendo  singulis  cellulis  singulos  annos  (computando 
geminas  literas  quascunque,  superiorem  et  inferiorem,  pro  una  cel- 
lula)  cadetque  annus  1587.  in  literam  d,  quae  sextum  locum  in  tabella 
occupât.  Estergo  lolo  eo  anno  Litera  Dominicalis  d,  annusque  corn- 


608  C0MMEMARIU5 

munis  est,  quuni  litera  simplex  occurrat.  Riirsus  sit  investiganda 
Litera  Dominicalis  anno  1616.;  mimera  ab  anno  1582.,  ut  dictura 
est,  usque  ad  annum  1616.,  redeundo  ad  principium  tabellae, 
postquam  eam  percurreris,  perveniesque  ad  duas  hasce  literas  c  b, 
septimo  loco  positas.  Est  ergo  anrius  ille  Bissextilis,  quum  duplex 
litera  occurrat,  superiorque  litera  c  Dominicam  diem  indicabit  a 
principiû  aiini  illius  usque  ad  festum  sancti  Mathiae,  inferior  autem 
b  in  reliqua  parte  anni. 

COMMEX  T  ARIUS, 

LITERiE    DOMINICALES. 

78.  Si  anni  dies  numerum  septenarium  effîcerent  atque 
annus  dividi  in  hebdomadas  52  ita  posset,  ut  unus  dies 
(in  annis  communibus)  vel  biduum  (in  bissextilibus)  non 
superaret,  dies  Dominicus  necessario  eadem  semper  litera 
designaretur(sup.  n.  47.)  ;  nunc  vero  superfluus  ille  dies  lite- 
rarum  dierumque  ordinem  in  sequentis  anni  capite  pertur- 
bât. Ita  fit,  ut,  si  primus  dies  januarii,  quem  litera  A  nota- 
tum  videmus,  in  diem  Dominicum  incidat,  etiam  ultimus 
anni  dies,  cui  eadem  hsec  litera  A  affîxa  est,  dies  Dominicus 
sit,  ac  proinde  sequenti  anno,  qui  initium  a  feria  ii  sumit, 
litera  A  non  jam  diem  Dominicum,  ut  anno  proxime  elapso, 
sed  vero  feriam  ii.  designet  et  littera  g  futura  sit  litera 
dominicalis  per  totum  hune  annum  secundum,  litera  f  per 
tertium  et  sic  porro,  ita  ut  ordine  rétrograde  post  septem 
annos  dies  Dominicus  regrederetur  ad  primam  literam  A, 
nisi  cyclus  iste  per  annos  bissextiles,  singulis  quadrienniis 
récurrentes,  interrumperetur  ac  literarum  ordo  per  inser- 
tum  diem  denuo  perturbaretur. 

Annus  bissextus  enim  quum  hebdomadas  52  biduum 
excurrat,  binis  literis  ordinem  feriarum,  h,  e.  dierum  heb- 
domadis  promovet.  Si  enim  a  die  Dominico  incepit,  finietur 
feria  ii. ,  et  primus  dies  anni  sequentis  cadet  in  feriam  m. , 
qui  quum  literam  A  semper  afiixam  retineat,  effîciet,  ut  li- 


DE    COMPUTO    ECCLESIASTICO.  509 

tera  Dominicalis  anni  proxime  elapsi  jam  migret  in  feriam 
III.  et  Dominicalis  litera  hoc  altero  anno  sit  f. 

79.  Ex  eadem  ratione  anno  bissexto  duœ  sunt  literae 
dominicales,  prior  quidem  a  Kalendis  januarii  ad  diem  25. 
februarii,  Divo  Mathiae  sacrum,  altéra  ab  eodem  festo  ad 
anni  fmem  ;  littera  enim  quae  ab  initio  anni  usque  ad  festum 
S.  Mathiae  in  diem  Dominicum  incidebat,  deinceps  a  25. 
februarii  in  feriam  ii.  cadit  et  diss  Dominicus  jam  praece- 
denti  litera  notatur. 

Propter  hanc  interruptionem  igitm'  dies  Dominicus  non 
singuhs  septenniis  redit  ad  literam  A,  sed  potius  requirun- 
tur  septem  quadi'iennia  seu  octo  et  viginti  anni,  post  quos 
dies  Dominicus  iterum  incidit  in  primum  diem  januarii  et 
dominicalis  litera  erit  A,  et  hsec  annorum  28  revolutio 
cijclus  solaris  vocatur. 

80.  Literas  dominicales,  quibus  primi  dies  mensium 
notantur,  hisce  versiculis  perdocemur  : 

Alta  dotnat  Dominus,  gratisque  beabit  egenos. 
Gratia  Chrislicolœ  feret  aurea  dona  fideli. 

Horum  versuum  duodecim  verba  duodecim  mensibus  ex 
ordine  respondent,  nempe  Alta  januario,  Domat  februario, 
Vominus  martio,  et  sic  de  reliquis,  et  litera  initialis  primi 
vocabuh  seu  A  est  Htera  kalendarum  januarii,  d  litera 
kalendarum  februarii,  et  ita  porro.  Unde  primo  diei  mensis 
januarii  competit  litera  dominicalis  A;  primo  diei  februarii 
litera  dominicalis  d  ;  primo  diei  martii  item  d  :  primo 
diei  aprilis  litera  dominicalis  ^,  et  sic  de  aliis  juxta 
ordinem  suum.  Cognito  autem  primo  die  alicujus  mensis, 
quotus  nimirum  in  hebdomade  ille  sit,  patet,  quaenam 
litera  dominicalis  illi  anno  respondeat.  Maius  v.  g.  hoc 
anno  1864.  a  die  dominico  incipit,  unde  literam  b  tan- 
quam  literam  dominicalem  hujus  anni  videmus  notatam  in 
Kalendariis.  Item  primus  dies  mensis  augusti,  qui  designatur 
litera  c,  hoc  anno  incidit  in  feriam  ii  ;  secundus  dies  nota- 
tus  litera  </,  in  feriam  m;  tertius^not,  lit.  e,  in -feriam  iv, 


MO  COMMENTARIUS 

etc.  ;  hinc  dies  septimus,  seu  dies  dominicus  litera  b  note- 
tur  necesse  est.  Hac  ratione  ergo  etiam  sine  tabella  inve- 
niri  literae  dominicales  possunt. 

CYCLUS    SOLARIS, 
2  <>• 

81.  Cyclus  solis,  quem  annorum  28  systema  esse  diximus, 
non  dicitur  solahs,  quod  motum  solis  aliquem  specialem 
designet,  sed  quod  ejus  ope  literarum  dominicalium  ordi- 
nem  cognoscamus  ;  dies  dominicus  enim,  quem  litera  do- 
minicalis  notât,  olim  dies  Solis  appellabatur.  Eum  chro- 
nographi,  quiliteras  ad  designandos  hebdomadis  diesadhi- 
beri  solitas  respiciunt,  defmire  soient  literarum  dominica- 
lium revolutionem  per  quadriennia  Juliana  septem. 

82.  Cyclum  solarem  communiter  ab  anno  bissextili  ordi- 
untur  primoque  anno  literas  g  f  assignant.  Ita  fit,  ut  toto 
cyclo  solis  literae  hoc  ordine  decurrant. 


CYCLUS   SOLARIS. 

Anni. 

Literae. 

Anni, 

Literœ. 

1. 

gf 

15. 

c 

2. 

e 

16. 

b 

3. 

d 

17. 

1         A  g 

h. 

c 

18. 

f 

5. 

b    A 

19. 

e 

6. 

g 

20. 

d 

7. 

f 

21. 

1          c  b 

8. 

e 

22. 

A 

9. 

d  c 

23. 

g 

10. 

1          ^ 

n. 

f 

11. 

A 

25. 

e  d 

12. 

1           g 

26. 

c 

13. 

f  e 

27. 

b 

1/i.          1          d         1 

28. 

^ 

DE    COMPUTO    ECCLESIASTIGO.  511 

Ad  inveniendum  quotus  in  annum  quemcunque  datum 
cycli  solaris  annus  incidat,  sciendiTin  est,  annum  primuni 
aerae  coramunis  incurrisse  in  decimum  annum  cycli  solaris 
ac  proinde  primo  anno  Ghristi  cyclum  solis  10.  respondere. 
Si  ergo  annis  Ghristi  addas  9,  et  collectam  summam  divi- 
das  per  28,  invenies  numerum  cycli  solaris,  quo  annus 
propositus  notatur  :  scilicet,  si  quid  residuum  fuerit,  id  deno- 
tabit,  quotus  in  eo  cyclo  solari  sit  annus  iste  ;  si  nihil 
fuerit  superfluum,  annus  ille  erit  vicesimus  octavus  cycli  ; 
quam  regulam  vel  hoc  distycho  tradunt  : 

Junge  annis  Domini  ter  ternos,  perque  viginti 
Octo  seca  summam  :  Cyclus  solaris  habetur. 

Vel  hoc  alio  in  eamdem  sententiam  conscripto  proponunt  : 

Annis  adde  novem  Domini,  partire  per  Octo 
Viginti,  cyclus  sic  ttbi  notus  erit. 

Exemple  sit  hic  annus  1863.  Addo  9  et  collectam  sum- 
mam 1872  divido  per  28.  Erunt  in  quotiente  cycli  integri  66 
et  residui  erunt  2ii.  Huic  igitur  anno  cyclus  solaris  est  2il, 
cui  ante  correctionem  Kalendarii  Juliani  e  regione  semper 
respondebat  in  tabulis  litera  dominicalis  f.  Jamvero  tradita 
régula  inveniendi  cyclum  solis  singulis  annis  respondentem 
usum  suum  etiamnum  obtinet,  quia  per  correctionem  Ka- 
lendarii nihil  immutatum  est  circa  cyclum  solarem,  sed 
tantummodo  circa  literas  dominicales  cyclo  in  laterculis  e 
regione  respondentes.  Id  vero  quomodo  factum  sit,  accipe. 
Usque  ad  h.  octobris  anni  correctionis  1582.,  unicum  erat 
Ralendarium,  nempe  Julianum,  nam  usus  Kalendarii  Grego- 
riani  non  incepit  nisi  sequenti  die.  Eo  anno  litera  domini- 
calis erat  g  ac  proinde  30  septembris  dies  dominicus.  Quarta 
octobris  incidebat  in  feriam  v.  ;  sequens  dies  erat  feria  vi. 
in  utroque  Kalendario,  quia  dies  hebdomadac  nunquam 
uerunt  interrupti,  sed  non  erat  idem  dies  mensis  :  in  Kal. 


512  COMMENTARIUS 

Juliano  erat  5.  octobris,  in  Gregoriano  15.  ob  10  dies  ex- 
emptes. Biduo  post  feriam  vi.  erat  dies  dominicus  in  utro- 
que  Kalendario,  sed  in  Juliano  incidit  in  7.  octob.,  juxta 
quem  diem  invenitur  litera  g,  quae  proinde  dominicalis 
remansit,  ut  erat  ;  in  Gregoriano  autem  incidit  in  17. ,  cui 
adscripta  est  litera  c,  quse  proinde  dominicalis  evasit  in 
Kalend.  reformate,  prout  ipse  Gregorius.  PP.  XIII.  statuit 
in  cit.  BuUa  Correctionis,  de  qua  diximus  n.  60.  Jam  vero 
ista  differentia  10  dierum  seu  literarum  perpétue  constans 
non  permansit.  Quum  enim  Gregorius  voluisset,  ut  anni 
1700.  1800.  et  1900. ,  bissextiles  non  essent,  iisdem  duaelite- 
rœ  dominicales  non  fuerunt  imputatae,  ut  centesimis  annis 
antea  (etiam  anne  1 600.  non  excepto)  semper  factum  fuerat. 
Hinc  annum  1700.  notatum  videmus  litera  c,  non  autem 
literis  c  b,  et  annum  1800,  litera  e,  non  autem  lite- 
ris  e  d. 

Patet  ergo,  differentiam,  quae  anne  correctionis  erat  10 
dierum  seu  literarum,  an.  1700.  evasisse  11  dierum,  a. 
1800.  jam  factam  esse  12  :  ab  anne  1900.  usque  ad  an, 
2100.  futuram  13,  ab  an.  2200.  autem  lA,  et  sic  perro. 

Ex  his  autem  satisfieri  facile  potest  quœsite,  quomodo 
nimirum  ex  litera  dominicali  Kalendarii  Juliani  erui  possit 
litera  dominicalis  Kalendarit  Gregoriani, 

Animadvertendum  ergo  ante  omnia  est,  non  esse  utrius- 
que  Kalendarii  eamdem  literam  dominicalem,  nisi  per  accî- 
dens,  h.  e. ,  quando  differentia  inter  dies  mensis  erit  exacte  di- 
visibilis  per  7.  Quam vis  enim  esedem  literse  iisdem  diebus 
mensium  in  utroque  Kalendario  sint  adscriptse,  non  tamen 
est  eedem  die  naturali  in  utroque  Kalendario  idem  dies 
mensis  ;  unde  fieri  nequit,  ut  in  utroque  eadem  litera  domi- 
nicalis habeatur,  nisi  quando  differentia  inter  dies  mensis 
erit  divisibilis  per  7,  quia  post  7  quosque  dies  eadem  litera 
recurrit. 

Animadvertendum  deinde  est,  septem  illas  literas,  quae 


DE  COMPUTO  ECCLESIASTICO.  513 

omnibus  totiusanni  diebus  ordine  directe  tribuuntur,  ordine 
retrogrado  fieri  dominicales. 

Quibus  positis,  literam  dominicalem  Kalendarii  Grego- 
riani  ex  data  litera  dominicali  Kalendarii  Juliani  erues  hoc 
modo  :  V.  g.  an.  1863.  Cyclus  solaris  est  2/i.,  cui  litera  f 
tanquam  dominicalis  respondet.  Quum  Kal.  Julianum  12 
diebus  a  correcto  Gregoriano  différât,  a  litera  f  exclusive 
computa  12  literas  ordine  directo,  et  incides  in  literam  d^ 
quae  reipsa  est  litera  dominicalis  an  ni  1863.  in  Kalendario 
Gregoriano.  Ratione  inversa  literam  dominicalem  Kalenda- 
rii Juliani  invenies  ex  data  litera  dominicali  novi  Kalen- 
darii. 

Unde  ab  anno  1700.  usque  ad  1800.  exclusive  addes  11 
dies  vel  literas;  ab  an.  1800.  usque  ad  1900.  excl.  12.,  et 
sic  porro.  Quando  autem  differentia  erit  l/i,  21,  28  sive 
quivis  alius  numerus  exacte  per  7  divisibilis,  litera  domini- 
calis per  accidens  eadem  erit  in  utroque  Kalendario. 

Tabellam  literarum  dominicalium  ab  Idibus  Octobris  anni 
correctionis  1582.  usque  ad  annuuml700.  qui  primus  est  ex 
centesimis,  qui  annumeratus  non  est  bissextilibus,  reperies 
in  ipso  proœmio  breviarii,  quod  interpretamur. 

83.  Quum  juxta  correctionem  Gregorii  PP.  XIII.  annus 
1800.  bissexsilis  non  fuerit,  saeculo  xix.  ordinem  literarum 
dominicalium  in  cyclo  solari  iterum  turbari  necesse  est. 
Quamvis  nimirum  annus  1800.  notetur  cyclo  solis  17., 
eidem  tamen^  quum  bissextilis  non  sit,  ex  literis  e  d,  quae 
toto  saeculo  xvm.  cyclo  solis  17.  in  tabellis  responderunt, 
prior  tantum  litera  e  tribuitur  ;  sequenti  anno  vero  litera 
d  (1).  Unde  seeculis  xvm.  et  xix.  literae  dominicales  annis 
cycli  solis  hoc  ordine  respondent  : 


(1)  Eadem  de  causa  anno  1900.,  qui  juxta  Gregorianam  correctionem 
Bissextilis  non  est,  una  tantum  litera  g  tribuitur,  anuo  1901.  autem/"  et 
anno  1904.  demum  c  b. 


514 


COMMENTARIUS 


DE    COMPUTO    ECCLESIASTICO.  515 

DE  INDIGTIONE. 

CAP  UT    VII. 

Textus  proœmii.  Indictio  estrevolutio  15.  annorum  ab  1 .  usque  ad  15. 
qua  revolutione  peracta,  iterum  reditur  ad  unitatem,  iniliiimque 
sumit  quilibet  annus  hujus  cycli  a  januario  in  Bullis  Pontificiis.  Et 
quoniara  Indictionera  frequens  usus  est  in  diplomatibus  et  scri|)turis 
publicis,  facile  annum  Indictionis  currentem  quolibet  anno  proposito 
inveniemus  ex  sequenti  tabella,  cujus  usus  perpétuas  est;  initium 
tamen  sumit  ab  anno  correctionis  1582. 

Tabella  Indictionum  ab  anno  correctionis  1582. 

10.  11.  12.  13.  U.  15.  1.  2.  3.  4.  5.  6.  7.  8.  9. 

Nara  si  anno  1582.  tribuas  primuno  nunrjerum,  qui  est  10,  et  sequenti 
anno  1583  secundum  numerum,  qui  est  U,  et  sic  deinceps  usque 
ad  annum  propositum,  redeundo  ad  principium  tabellae,  quotiescun- 
que  eara  percurreris,  cadet  annus  propositus  in  Indiclionem,  quae 
quaeritur. 

COlClIElVTilLRnJS. 

INDICTIO. 

84.  Indictionis  nomine  tributi  genus  venit,  quod  extra 
ordinem  ac  de  novo  solvendum  imponitur  agris  seu  posses- 
sionibus.  Onus  illud  fructuum  fuisse  ostendit  Paullus  in  /. 
Quœro  28.  ff.  de  Usu  et  usufructu  (xxxiii ,  2.),  in  qua 
fundo,  cujus  ususfructus  per  legatum  datus  erat,  tempora- 
rias  indictiones  indictas  fuisse  proponit. 

Indictio  etiam  significat  spatium  15  annorum  in  orbem 
circumactorum,  h.  e.  quindecira  annorum  in  se  revolutorum 
iteratiouem,  cujusmodi  partitione  tempora  numerari  com- 
putarique  Gonstantinus  instituisse  dicitur. 

85.  De  nominis  ratione  non  parva  est  difficultas,  etsi  ab 
indictionibus  seu  functionibus  tributariis  manasse  constans 
fere  sit  opinio.  Sed  cur  15  annorum  spatio  indictiones  fmiri 
placuerit,  quove  temporeidprimumusurparicœperit,  quum 


516  COMMENTARIUS 

multaa  multorum  conjecturas  sint,  nulla  satis  probabilis 
afîertur,  inquit  Petaviusde  Doctrina  Temp.  l.  xi.  c.  hO.  Quod 
enim  omnium,  quse  ad  hanc  diem  excogitata  sunt  proba- 
bile  maxime  judicatur,  ex  eo,  quod  Constantinus  militaria 
stipendia  ad  15  annos  redegerit,  quae  16  antea  taxata 
fuerant,  inde  totidem  annos  in  periodum  esse  conjectos, 
id  propterea  minus  est  firmum,  quod  auctorem  illum  fuisse 
contrahendi  stipendii  militaris  et  ad  15  annos  revocandi, 
neque  veteribus  ullis  monumentis  probatur,  neque  magnum 
ex  unius  anni  deductione  compendium  ad  milites  rediturum 
fuisse  videtur.  Ita  Petav.,  l.  c. 

Indictionum  computationem  a  mense  septembri  inchoatam 
constat  ejusque  rei  locuples  testis  est  S.  Ambroshis,  cujus 
lib.  de  Noe  et  Arca  c.  17,  verba  sunt  liœc  :  Etsi  a  septembri 
mense  annus  videafur  incipere,  sicut  indictionum  prœsentium 
usus  ostendit.  Idem:  Indictio,  inquit  Epist.  23.  classis  i, , 
mense  septembri  inclpit .  {Edit.  Mlgne,  tom.  3.  p.  1032.) 

86.  Triplicem  indictionis  usum  observare  est  apud  scri- 
ptores:  alia  enim  a  Kal.  septembris  proficiscitur  eaque 
Constantinopolitana  dicitur  ;  altéra  ab  viii.  Rai.  octobris, 
quae  Constantininna  et  Cœsarea  ;  tertia  denique,  quae  Ponti- 
ficia  seu  Romana  a  Kal.  januarii  consurgit.  Indictione  Con- 
stantinopolitana imperatores  Gonstantinopolitani  et  historias 
Byzantines  scriptores  utebantur  eamque  etiamnum  minores 
quasdam  civitates  adhibent.  Et  hœc  quidem  indictio  est, 
quas  memoratur  in  Actis  Goncilii  œcumen.  viii.  Gonstanti- 
nopolitani, quando,  V.  g. ,  prma  actio  celebrata  dicitur  Indi- 
ctione tertia,  die  5.  mensis  octobris,  feriaiv  (1).  Quumenim 
aliunde  notum  sit,  annum  asras  vulgaris  currentem  fuisse 
869.,  Indictio  Romana  erat  2.  Ast  Gonstantinopolitana,  quaî 
a  1.  septemb.  incipiebat,  rêvera  tertia  erat  :  inter  utramque 
enim  debebat  esse  differentia  unitatis  mense  octobris, 

(1)  Àpud  Hard.  tom.  v.  pag.  764. 


DE    COMPUTO    ECCLESIASTICO.  517 

Indictionis,  quae  ab  viii.  Kal.  octobris  proficiscitur^  ori- 
ginem  Constantino  M.  adscribunt  chronographi  :  unde  et 
Constantiniana  dicitur,  quam  ab  hoc  die  cœptam  ideo  vo- 
lunt,  quod  tum  imperare  cœperit  anno  Christi  307.  Atque 
hujus  usum  Gallis  et  Britannis  familiarem  fuisse  constat. 
In  Germania  perinde  eadem  semper  obtinuit  indictio,  unde 
et  Cœsaream  appellant. 

Indictio  Romana  seu  Pontificia  quando  cœperit,  non 
omnino  constat.  Nam  ex  Epistolis  S.  Gregorii  M. ,  Joan- 
nis  VIII.  et  S.  Gregorii  yii.  (lib  i.  epp.  19.,  20...)  Pon- 
tificia diplomata  ac  epistolas  indictionibus  more  Grœ- 
corum  a  Kal.  septembribus  inchoatis  subnotari  observai'e 
est,  quod  et  alia  acta  vetera  apud  Baronium  a.  1154.  ad- 
struunt;  ex  quibus  colligunt  chronographi,  indictionum  ex- 
ordia  varie  pro  scriptorum  aut  notariorum  arbitrio  tabulis 
initio  esse  adscripta. 

87.  Si  per  istam  15  annorum  periodum  retrogrediamui 
ad  primum  serae  christianae  annum,  congruit  ilie  cura  quarto 
anno  Indictionis  Pontificiœ.  Unde  hanc  habemus  rationem  in- 
dictionis inveniendœ:  cuivis  annorum  Christi  numéro  addan- 
tur  3,  dividaturque  summa  per  15  ;  si  praeter  quotientem 
nihil  est  reliqui,  annus  indictionis  est  15.  ;  si  reliquus  sit 
numerus,  is  annum  indictionis  indicabit.  Sic  anno  186/i.  ■ 
addantur  3,  erunt  1867;  summa  collecta  dividatur  per  15, 
prodibunt  ultra  quotientem  12k  adhuc  7,  quœ  proinde 
désignant  annum  currentem  186/i.  esse  septimnm  cijcli  in- 
ûictionis,  Unde  versus  ; 

Si  tribus  adjunctis  Domini  diviseris  annos 
Ter  tibi  per  quinos  :  Indictio  ceria  patebit. 

Leguntur  praeterea  hi  in  eamdem  sententiam  versus  : 

Si  per  quindenos  Domini  diviseris  annos 
His  tribus  adjunctis,  Indictio  certa  patebit  : 
Si  nifiil  excedit,  quindena  Indictio  currit. 


518 


COMMENTARIUS 


DÎAGRAMMA    INDICTIONIS    SJ:C.    XIX. 


Anni  saculi  XIX. 

Indictio. 

1      3- 

1800. 

1815. 

1830. 

18Zi5. 

1860. 

1875. 

1890. 

1801. 

1816, 

1831. 

18Zi6. 

1861. 

1876. 

1891. 

1      à-  1 

1802. 

1817. 

1832. 

18Zi7. 

1862. 

1877. 

1892. 

5. 

1803. 

1818. 

1833. 

I8/18. 

1863. 

1878. 

1893. 

6. 

180Zi. 

1819. 

183Zi. 

18Zi9. 

I86/1. 

1879. 

189/i. 

7. 

1805. 

1820. 

1835. 

1850. 

1865. 

1880. 

1895. 

8. 

1806. 

1821. 

1836. 

1851. 

1866. 

1881. 

1896. 

9. 

1807. 

1822. 

1837. 

1852. 

1867. 

1882. 

1897. 

10. 

1808. 

1823. 

1838. 

1853. 

1868. 

1883. 

1898. 

11. 

1809. 

182Zi. 

1839. 

1854. 

1869. 

188/i. 

1899. 

12. 

1810. 

1825. 

18/iO. 

1855. 

1870. 

1885. 

1900. 

13. 

1811. 

1826. 

ISlil. 

1856. 

1871. 

1886. 

1901. 

1/1. 

1812. 

1827. 

18/12. 

1857. 

1872. 

1887. 

1902. 

15. 

1813. 

1828. 

18/i3. 

1858. 

1873. 

1888. 

1903. 

1. 

181/i. 

1829. 

ISàli. 

1859. 

187/1. 

1889. 

190/i. 

2. 

Prseter  très  illas  annorum  revolutiones,  quas  Proœmiura 
Breviarii  exhibet,  plures  alias  excogitarunt  computistse.  Ex 
iis  duas  tantum  memorasse  sufficiat,  nïmirum  périodes  Vi- 
ctorianam  et  Julianam. 

Periodus  Victoriana^  a Victorio  Aquitano  inventa  anno  /i57. , 
est  532  annorum,  oriturque  ex  numéro  annorum  cycli  iu- 
naris  et  solaris  inter  se  multiplicatis,  namque  28x19  =  532, 
Pètav.  lib.  IL  cap.   67.  de  Docl.  Temp. 

Si  periodus  Victoriana  multiplicetur  per  15  siveper  nu- 
merum  annorum  cycli  indictionis,  summa  ex  hac  multipli- 
catione  (28  x  19  x  15)  effecta  est  7980,  quae  ipsa  est 
periodus  Juliana,  Periodum  Julianam  ejusque  fructum  et 
methodum  accurate  describit  Petavius  lib.  vu.  ce.  7.  8.  <?/9., 
de  Doc  t.  Temp. 


DE    COMPUTO    EGCLESÏASTICO.  5l9 

DE  FESTIS   MOBILIBUS. 

CAPUT   VITI. 

Textus  proœmii.  Quoniam  ex  Decreto  sacri  Concilii  Nicaeni  Pascha, 
ex  quo  reliqua  fesla  raobilia  pendent,  celebrari  débet  die  dominico, 
qui  proxime  succedit  xiv.  lunae  primi  mensis  (is  vero  apud  Hebraeos 

■  vocatur  priraus  mensis,  cujus  xiv.  luna  vel  cadit  in  diem  verni 
iEquinoctii,  quod  die  21.  mensis  martii  contingit,  vel  propius 
jpsum  sequilur),  efficitur,  ut  si  epacta  cujusvis  anni  inveniatur  et 
ab  ea  in  Kalendario  notata  inter  diem  octavum  marlii  inclusive  et 
quintum  aprilis  inclusive  (hujus  enim  epactaexiv.  luna  cadit  vel  in 
diem  iEquinoctii  verni,  id  est,  in  diem  21.  martii,  veleura  propius 
sequilur)  numerentur  inclusive  deorsum  versus  dies  quatuordecim, 
proximus  dies  dominicus,  diem  hune  xiv.  sequens  (ne  cum  Judaeis 
conveniamus,  si  forte  dies  xiv.  lunae  caderet  in  diem  dominicum) 
sit  dies  Paschae. 

ExEMPLUM.  Anno  1605,  epacta  est  10.  etlitera  dominicalis  b.  Et  quo- 
niam invenimus  epactam  10.  inter  diem  8.  marlii  et  5.  aprilis 
inclusive  positam  esse  e  regione  diei  21 .  martii,  a  quo  inclusive  si 
deorsum  versus  numerentur  14  dies,  inveniemus  xiv.  lunam  die  3. 
aprilis,  quas  est  dominica,  quum  e  regione  sit  lilera  dominicalis  b. 
Ne  igilur  cum  Judaeis  conveniamus,  qui  Pascha  célébrant  die  xiv. 
lunae,  sumenda  est  litera dominicalis  b.,  quae  sequitur  xiv.  lunam; 
nempe  ea,  quae  e  regione  diei  10.  aprilis  collocatur,  atque  eo  anno 
Pascha  celebrandum  erit  die  10.  aprilis.  Item  anno  1604.  epacta  est 
29.  et  duplex  litera  dominicalis  d  c,  quum  annus  ille  sit  bissextilis. 
Si  igilur  ab  epacta  29,  quae  e  regione  diei  1.  aprilis  ponitur,  inter 
diem  8.  martii  et  5.  aprilis  inclusive,  numerentur  dies  14,  cadetxiv. 
luna  in  diem  14.  aprilis.  Et  quia  tune  currit  posterior  litera  domi- 
nicalis, nempe  c,  quae  post  diem  14.  aprilis,  id  est,  post  xiv.  lunam 
coUocata  est  e  regione  18.  aprilis,  celebrabitur  eo  anno  Pascha  18. 
aprilis. 

Gaeterum  ut  facUius  omnia  fesla  mobilia  inveniantur,  compositae  sunt 
duae  sequentes  tabulai  Paschales,  una  antiqua,  et  nova  altéra.  Ex 
antiqua  ila  fesla  mobilia  reperienlur.  In  latere  sinistre  tabulae  acci- 


520  COMMENTARIUS 

piatur  epacta  currens,  et  in  linea  lilerarum  dominicaliiim  siimatur 
litera  dominicaiis  currens,  infra  tamen  epactam  currentem  ;  ita  ut  si 
litera  dominicaiis  currens  reperiatur  e  regione  epactae  currentis, 
assumenda  sit  eadera  litera  dominicaiis  proximeinferior.  Nam  e  re- 
gione hujus  literag  dominicaiis  omnia  festa  mobilia  continentur. 

ExEMPLUM.  Anno  1606.  epacta  est  2i.  et  litera  dominicaiis  A.  Si  igi- 
tur  in  tabula  antiqua  sumalur  litera  dominicaiis  A  quae  primo  infra 
epactam  21.  occurrit,  reperiatur  e  regione  hujus  literae  dominica 
Septuagesimae  die  22.  januarii,  dies  Cinerum  8.  februarii,  Pascha  26. 
martii,  Ascensio  Domini  4.  maii,  Pentecostes  d-4.  maii,  et  festum 
Corporis  Christi  25.  raaii.Dorainicieauterainter  Pentecosten  et  Ad- 
ventum  eo  anno  erunt28,  et  Adventus  celebrabitur  die  3.  decembris. 
Et  sic  de  caeteris.  Item  anno  1605.  epacta  est  10.  et  litera  domini- 
caiis b,  quae  in  tabula  reperietur  e  regione  epactae  10.  Quare  sumenda 
est  alla  litera  b,  quae  proxime  infra  epactam  invenitur,  e  regione 
cujus  invenies  Septuagesimam  die  6,  februarii,  diera  Cinerum  23. 
februarii,  Pascha  10.  aprilis,  etc. 

Notandum  autem  est,  quod,  quemadmodum  in  anno  communi  cadente 
litera  dominicali  e  regione  epactae  in  tabula  antiqua,  sumilur  eadem 
litera  proxima  infra  epactam,  ut  diximus  ;  ita  quoque  in  anno  bis- 
sextili,  si  alterutra  duarura  literarum  dominicalium  tune  currentium 
e  regione  epactœ  reperiatur,  assumendae  sunt  aliae  duae  similes 
literae  proxime  inferiores,  ut  festa  mobilia  inveniantur. 

Ex  tabula  vero  fiascliali  nova  ita  eadem  festa  mobilia  repirientur.  In 
cellula  literae  dominicaiis  currentis  quaeratur  epacta  currens.  Nam  e 
direclo  omnia  festa  mobilia  deprehendentur.  Ut  anno  1609.  in  cel- 
lula literae  dominicaiis  d,  tune  currentis,  e  regione  epactae  24,  quae 
eodem  anno  currit,  habetur  Septuagesiraad5.  februarii,  dies  Cine- 
rum 4.  martii,  Pascha  19.  aprilis,  etc. 

Sed  sive  antiqua,  sive  nova  tabula  Paschali  utamur,  invenienda  sunt 
omnia  festa  mobilia  in  annis  bissextilibus  per  literara  dominicalera 
posteriorem,  quae  nimirum  currit  post  festum  sancti  Mathise  apostoli, 
ne  scilicet  ambigamus,  utra  duarum  literarum  pro  hoc  aut  illo  festo 
indagando  accipienda  sit  :  ita  tamen,  ut  Septuagesimae  et  diei  Cine- 
rum inventas  in  januario  aut  februario  addatur  unus  dies.  Quod  ideo 
fit,  quia  ante  diem  sancti  Mathiae  currit  prior  htera  dominicaiis,  quae 
in  kalendario  posteriorem  semper  sequitur;  post  festum  autem  sancti 


DE  COMPUTO  ECCLESIASTICO.  5^1 

Mathiae  in  februario,  licet  posterior  litera  currat,  additur  tamen  tune 
dies  intercalaris,  ita  ut  dies  24.  februaiii  dicatur25.  et  25.  dicatur 
26  ,  etc.  Quod  si  dies  Cinerum  cadat  in  martium,  nihil  addendum 
est,  quia  lune  et  litera  posterior  currit  et  dies  raensis  propriis  nu- 
meris  respondet,  quum  dies  intercalaris  februario  sit  addilus.  Imo 
nisi  per  posleriorem  literam  investigarenlur,  non  invenirelur  recle 
Septuagesima  in  anno  bissexlili  currente  epacta  24  vel  25  et  litera 
dominicali  d  c,  ut  in  secundo  ac  tertio  exemplo  perspicuum  fiet  pro 
annis  4088.  et  5784.  Exempli  gratia  :  anno  2096  bissextili,  epacla 
erit  3  et  llterte  dominicales  A  g.  Si  igitur  per  posteriorem  literam, 
quae  est  g  festa  mobilia  investigentur,  reperietur  Septuagesima  die 
11.  februarii  et  dios  Cinerum  28.  februarii.  Si  autem  addalur  unus 
dies,  cadet  Septuagesima  indiem  12.  februarii,  quai  est  dominica,  et 
dies  Cinerum  in  29.  februarii,  quae  est  ferla  quai  ta.  Puscha  autem  et 
reliqua  festa  in  eos  dies  cadent,  qui  in  tabula  espressi  sunl.  Item, 
anno  4088.  bissextili  epacta  erit  24  et  literae  dominicales  d  c.  Si 
igitur  per  literam  c,  quae  posterior  est,  inquirantur  festa  mobilia, 
invenielur  Septuagesima  die  21.  februarii,  et  si  addatur  unus  dies, 
eadet  in  diem  22.  februarii,  quae  est  dominica.  Dies  autem  Cinerum 
cadet  in  diem  10.  martii  :  quare  nihil  additur,  etc.  Rursus  anno 
378 i.  bissexlili,  epacta  erit  25  et  literae  dominicales  d  c.  Ergo 
iterum  per  posteriorem  c  reperietur  Septuagesima  die  21.  februarii, 
hoc  est,  addilo  l  die  22.  Quod  si  per  priorem  literam  d  in  utroque 
horura  duorum  annorum  agendum  esset,  nihil  efficerelur,  quum  infra 
epaclas  24  et  23  hlera  d  indicet  Septuagesimam  die  15.  februarii, 
quod  falsum  esset,  quum  eo  aiino  posterior  htera  c  Pascha  offerat  die 
23.  aprilis,  ac  proinde  Septuagesima  die  22.  februarii  ceiebranda  sit, 
ut  liquide  constat,  si,  a  die  Paschae,  dominicae  rétro  numereniur 
usque  ad  Septuagesimam. 
In  priori  porro  tabula  Pasehali  antiqua  reformata  epactis  ad  sinistram 
praeposuimus  aureos  numéros  eodem  ordine,quo  ante  emendationem 
kalendarii  coUocari  solebant,  ut  ex  iis  festa  mobilia  invenirentur. 
Hoc  autem  idcirco  a  nobis  factura  est,  ut  Pascha  caeteraque  festa 
mobiUa,  a  Concilio  Nicaeno  usque  ad  annura  1582.  quilibet  indagare 
possit.  Eodem  autem  prorsus  artificio  ex  aureis  numeris  ita  distri- 
butis  festa  raobiUa  eruuntur,  quo  ex  epactis.  Sit  enim  explorandum, 
exempli  causa,   quando  festa  haec  celebrata  fuerint  anno  1450. 
Revue  des  sciences  ecclép.,  t.  ix.  —  jam  1864.  .  34 


522  COMMENT  ARI  us 

Quoniana  eo  anno  aureus  numerus  fuit  7  et  litera  dominicalis  d,  si 
aureus  numerus  7  in  sinistro  latere  accipiatur  et  prima  litera  d  infra 
eum  occurrens,  reperielur  e  regione  hujus  literae  d  Septuagesima 
die  1.  februarii.diesCinerumdS.februarii,  Paschadie5.  aprilis.etc. 
Advenlus  Doniini  celebratur  semper  die  dominico  qui  propinquior  est 
festo  sancti  Andrese  apostoli,  nempe  a  die  27.  novembris  inclusive 
usque  ad  diem  3.  decembris  inclusive  :  ila  ut  litera  dominicalis  cur- 
rens,  quae  reperitur  inKalendaiioa  die  27.  novembris  usque  ad  diem 
îJ.  decembris  indicet  Dorainicam  Adventus.  Ut,  verbigratia,  si  litera 
dominicalis  est  g.  dominica  Adventus  cadet  in  diem  2.  decembris, 
quia  ibi  est  litera  g  in  Kalendario  etc. 

C  OMMEIVTARIUS. 

DECRETUM   CONCILII  NIC^NI. 

88.  Quamvis  decretum  de  Paschnte  celebrando  inter  20, 
canones  Mcœnos  non  reperiatur,  constat  tamen  ex  indubiis 
antiquitatis  monumentis,  definituni  a  concilie  juxta  eccle- 
siasticam  traditionem  fuisse,  ut  Pascha  Resurrectionis  Graeci 
ac  Latini  eadem  die  celebrarent,  deinde  ut  ad  Judaeorumdif- 
ferentiam  ea  dies  esset  dominica  XIV.  lunœ  martii  mensis 
proxime  sequens;  tertio  ut  circuli  decemnovennalis  usus 
admitteretur. 

S.  Athanashis  in  Epistola  ad  Afros  episcopos  data  anno 
circiter  369,  docet,  Paschœ  solemnitatem  in  causa  fuisse, 
cur  Nicaena  synodus  celebrata  sit.  Ea  enim,  inquit,  ob  Aria- 
nam  hœresim  et  ob  paschœ  solemnitatem  convocata  fuit;  quia 
Syrt,  Cilices  et  qui  in  Mesopotamia  degunt,  a  nobis  dissentie- 
bant,  et  eodem  qiio  Jiidœi  tempore  Pascha  celebrabant.  Sed 
gratia  Domini  quod  cum  de  fide,  tnm  de  sancta  illa  solemnitate 
omnium  una  tnens  fuerit.  Et  hœc  quidem  Nicœnœ  Synodi  causa, 
(Edit.  M  igné  tom.  2.  pag.  1031.)  De  causis  Goncilii  disse- 
rens  Eusebius  libro  mox  citajido  cum  Athanasio  plane  con- 
sonat. 


DE   COMPUTO   ECCLESEASTICO.  523 

Eamdem  concordem  Synodi  sententiam  de  fide  et  de  Pascha 
Nicaeœ  lataui  ac  singulorum  episcoporum  subscriptionibus 
firmatam  Irsidit  Emebius  mVita  Constantini  lib.  m.  cap.  Ih., 
ubi  ait  :  Adeo  ut  non  modo  imius  fidei  consonantia  opud  omnes 
obtineret,  verum  etiam  umnn  idemque  tempus  in  salutaris  fesii 
eeiebratione  ab  omnibus  firmaretur.  Porro  ea  guœ  m  communi 
placuerant,  scriptis  mandata  et  singulorum  subscriptione  robo- 
rata  sunt.  (Edit.  Migne.  Pntrol.  Grœc.  tom.  20.  h.  e.  Op. 
Eusebii  tom.  2.  pag.  1070.} 

Quod  idem  decretum  cum  omnibus  Ecclesiis  communicat 
Constantinus  in  epistola,  quas  eas  de  rebits  Nicœœ  gestis  cer- 
tiores  facit,  et  quam  refert  Eusebius  lib.  cit.  ce.  17  —  20. 
Sic  enim  Constantinus  scribit  :  Ubi  quum  de  sanctissimo  Pns- 
chœ  die  quœsitum  fuisset,  communi  omnium  sententia  decretum 
est,  enm  festivitatem  uno  eodemqve  die  ab  omnibus  vbiqiie  ce- 
lebrari  oportere...  Visa  est  omnibus  res  esse  prorsus  indigna^ 
ut  in  sanctissimœ  hujus  solemnitalis  eeiebratione  consuetudinem 
Judœorum  sequeremur...  Qui  rejecta  possianus  rectiori  ordine, 
quem  a  primo  passionis  die  ad  hœc  usque  tempora  servavimus, 
ad  futura  etiam  sœcula  hujus  observantiœ  ritum  propagare. 
Nihil  ergonobis  commune  sit  cum  inimicissima  Judœorum  turba. 

Aliam  enim  viam  a  Salvatore   accepimus Atque  ut  sum- 

matim  ac  breviter  dicam,  placuit  communi  omnium  judicio,  ut 
sanctissimœ  Paschœ  festivitas  uno  eodemque  die  celebraretvr . 
Neque  enim  decet  in  tanta  sanctitate  aliquam  esse  dissonantiam 
prœstatqueeam  sequi  sententiam,  inqua  nulla  est  alieni  erroris 
scelerisque societas  atque  communio.  [Edit.  cit.  pag.  107 bseqq.) 

S.  Ambrosius  epistolam  ad  episcopos  per  ^Emiliam  con- 
stitutos  sic  orditur:  JSon  mediocris  esse  sapientiœ  diem  celebri- 
tatis  definire  Paschaiis  et  scriptura  divina  nos  instruit  et  tra- 
ditio  majorum  :  qui  convetiientes  ad  sijnodum  Nicœnam  inter 
illa  fidei  (1)  ut  vera,  ita  admiranda  décréta  etiam  super  celé- 

(!)  Per  se  qnidein  ad  fidem  non   pertuifll,  utruni  Pascha  colebrctur 


52 1\  COMMENTARTUS 

britate  memorata,  congregatis  peritissimis  calculandi,  decem 
et  novem  annonim  coUegere  rationem  et  quasi  quemdam  cons- 
titnerecirculum,  ex  quo  exemplum  in  annos  reliquos  gigneretur. 
Hune  circulum  Enneadecaterida  nuncuparunt.  ^^Edit.  Migne 
tom,  3.  epist.  23.  classis  i.  2)ag.  1026.) 

S.  CyriUus  Alexandrinus  in  Prologo  Paschali  anno  437. 
edito  ita  tradit  §  2  :  Quum  his  igiiur  atque  hujusmodi  dissen- 
sionibus  per  universum  mundum  Paschalis  régula  perturbare- 
tur,  sonctorum  totius  orbis  stjnodi  consensione  decretum  est, 
ut,  quoniam  apud  Alexandriam  talis  esset  reperta  Ecclesia, 
quœ  hujus  scientiœ  perfectione  clareret,  quota  kalendarum  vel 
iduum  et  quota  luna  Pascha  rite  debeat  celebrari,  per  singulos 
annos  Romance  Ecclesiœ  intimaret  (1;;  unde  Apostolica  aucto- 
ritate  universalis  Ecclesia  per  totum  orbem  définition  Paschœ 
diem  sine  ulla  disceptatione  cognosceret.  Quod  quum  per  multa 
sœcula  paritercustodissenl,  etc.  (Ed.  Migne  tom.  10.  Episi.SJ, 
sive  Prologus,  p.  38/i.) 

Idem  confirmât  S.  Léo  M. ,  qui  in  epistola  ad  Marcianum 
Augustum  data  15.  jun.  a.  ^53  :  Paschale  festim,  inquit, 
quamvis  in  primo  semper  mense  celebrandum  sit,  ita  tamen  est 
lunaris  cursus  conditione  mutabile,  ut  plerumque  sacratissimœ 
diei  ambigua  occurrat  electio,  et  ex  hoc  fiât  plerumque^  quod 
non  licet^  ut  non  simul  omnis  Ecclesia  quod  nonnisi  unum  esse 
oportety  observet.  Studuerunt  itaque  sancti  Patres  occasionem 


ipsa  luna  14.  an  dominica  sequenti.  Potuisset  Ecclesia,  si  ita  visutn 

fuisset,  sancire  vel  permittere,  ut  Pascha  celebraretur  eo  die  ;  ast 
ratione  connexionis  ad  fidem  pertinere  potest  ac  rêvera  pertinet,  si  v.  g. 
Pascha  celebretur  luna  14,  quia  putatur  ex  prœcepto  divino  ila  cele- 
brandum esse,  vel  legem  Mosaicam  etiamnum  obligare.  Atque  ita  con- 
ciliari  facile  possunt  diverses  Patrum  sententiae,  si  duplex  sensus,  quo 
aliquid  ad  fidem  spectare  dicitur,  oporlune  distinguatur. 

(1)  De  ÉopTaffTixaîi;  sive  Paschalihus  hisce  literis^  quas  Eusebius  eliam 
commémorât  in  Histor.  Ecoles,  lib.  vu.  c.  15.  conferantur  Prolegomena 
prœfixa  edilioni  graico-latinac  Homiliarum  Paschalium  S.  CyrilU  Alexari' 
drini  apud  Migne,  tom.  10.  png.  391. 


DE    COMPUTO   ECGLESIASTICO.  325 

hvjus  erroris  auferre,  omneyn  hanc  curam  Alexandrino  Episcopo 
delegantes  [quoniam  apud  jEgyptios  Jmjus  supputationis  anti- 
quilua  tradita  esse  videbatur  peritia),  per  quem  quotannis  dies 
prœdictœ  solemnitatis  Sedi  Apostolicœ  indicaretur,  cujus  scrip- 
Us  (1)  ad  longinquiores  Ecclesias  indiciwn  générale  percurreret. 
{Edit.  Migne.  tom.  1.  Epist.  121.  pag.  1055.) 

Sed  nemo  auctoritatem  synodi  Nicaenœ  pro  usu  Enneade- 
caeteridos  gravius  ac  saepius  urget,  quam  Diomjsius  Exi- 
guus,  qui  in  epistola  sua  prima,  a.  525.  scripta,  Latinis 
usurn  cycli  19.  annoium  ex  eo  maxime persuadere  conatur, 
quod  is  ex  veneranda  synodi  Nicœnœ  constituiione  esse  nosca- 
tur.  [Edit,  Migne,  pag.  19.) 

Licet  autem  concilium  Nicsenum  curam  supputandi  Pas- 
chatis  Alexandrino  prsesuli  commiserit,  quia  tamen  plura 
ad  circuli  decemnovennalis  usum  necessaria  non  satis 
explicata,  neque  termini  paschales  accurate  defmita  fuerunt, 
postea  multœ  gravesque  difiicultates  exortae  sunt  circa  diem 
Paschae  inter  Latinos  et  Alexandrinos,  quas  post  Paulum 
Forosemproniensem  de  recta  Pnschœ  celebratione  lib.  iv. 
recenset  Zallinger  Juris  Eccl.  Publ.  et  Priv.  lib.  ii.  Svbsid.  in 
Apendic.  histor.  c.  6.  Aliquot  item  exemplis  Latinorum 
Alexandrinorumque  Paschale  dissidium  illustrât  Petavius  de 
Doctrina  Temp.  lib.  II.  c.  65. 

89.  Ad  œquinoctiiim  vernvm  quodspectat,  quum  cglebratio 
Paschatis  maxime  ex  eo  pendeat,  prout  sequenti  numéro 
declarabimus,  Patres  Nicaeni  illud  omni  studio  c^rtis  diei 


(1)  Et  istae  quidem  sunt  Epistolœ  Paschales,  quae  in  Concilio  Arela- 
tensi  I.  relato  in  can.  de  Observation?  Paschœ.  26.  distinct.  3,  de  Con 
secrat.  juxta  consuetudinem  ad  omnes  dirigi  dlcuntur.  Toletanum  Conci- 
lium IV.  et  Bracliarense  ii.  relat.  in  can.  Placuit.  25.  dist.  cit.  mandant, 
ut  quotannis  Paschatis  dies,  quem  tamen  Ponlifex  Romanus  praescripse- 
rat  (Innocent.  PP.  I.  ad  Aurelium  Carthaginen.  ep.  10.)  a  Metropolitano 
cœleris  denuntietur  episcopis  et  diaconis  :  Quod  illi  breviculo  subnotan- 
tes, ut  aiunt  Patres  Bracharenses,  1.  c,  vicissim  populis,  singuii  in  suis 
ecclesiis,  die  Natalis  Domini  post  evangelicam  lectionem  annuntient. 
Atquo  bue  etiam  referuûlur  ce.  Paschœ.  23.  et  Placuit.  24.  eodem, 


526  COMMENTARIUS 

ac  loco  affîgere  sategerunt.  iEquinoctio  ergo  duodecimum 
kalendas  apriles  seu  martii  21.  assignaverunt.  Quod  optinia 
ratione,  inquit  Lalamantius.  de  Anno,  eos  fecisse  judicabis, 
si  perpenderis  quarto  quoque  anno  minuta  hà.  plus  quam 
qjortetin  anno  juliano  intercalari,  quuni  scilicet  dies  integer 
seu  horae  2/i.  plenas  anno  Bissextili  inseruntur.  Et  quaui- 
quam  àh.  mlnata  quarto  quoque  annosuperabundantiaparvi 
momenti  esse  videantur,  tanti  tamen  sunt,  ut  centesimo 
tricesimo  primo  quoque  anno  ^Equinoctiura  in  antece- 
dentia  rejiciant  unius  diei  intervallo.  Quumi  ergo  Nicœna 
synodus  animadvertisset,  Julii  Cœsaris  tempore  /Equino- 
ctium  vernum  in  diem25.  martii  ineidisse,  ab  illo  vero  tem- 
pore ad  sua  usque  annos  trecentos  et  ampiiuseffluxisse,  atque 
adeo  œquinoctium  vernum  per  très  fere  dies  retrocessisse 
in  antecedentia,  et  a  25.  martii  in  22.  ejusdem  retrolapsum  : 
illa  et  praeterito  jam  tempori  et  parti  etiam  aliquotœ  futuri 
prospicere  studens^  vero  sequinoctio  diem  martii  21.  assi- 
gnavit. 

Quod  etiam  S.  Ambrosi u s  conùrmat  in  epistolajam  citata, 
ubi  postquam  n.  10.  docuit,  majores  nostros  in  tracialu  con- 
cilii  Nicœni  propterea  s.tatuisse  ut  circulus  decemnovennalis  - 
a  primo  mense  seu  a  mense  novorum  inciperet  atque  in  eum 
desineret,  quia  in  eodem  primum  Pascha  olim  a  Judaeis  ce- 
lebratum  est,  haec  subdit  :  Incipit  aulem  (primus)  mensis  non 
secundiim  vulgarem  usum,  sed  secundum  consuetudinem  peri- 
torum  ab  Mquinoctio,  qui  dies  est  duodecimo  kalendas  apriiis 
et  finitur  inidecimo  kalendas  maii. 

Notandum  vero,  œquinoctium  —  licet  diei  21.  martii 
aflixum  —  sibi  tamen  duos  exposccre  dies.  Supponamus 
enim  œquinoctium  juxta  datum  meridianum  anno  bissextili 
incidere  21.  martii  ipso  tempore  meridiei  ;  anno  sequenti 
eveniet  6  circiter  horis  serius,  h.  e.  21.  martii  circa  solis 
occasum,  quia  in  aequinoctio  soloccidit  6  horis  post  médium 
diem  ;  anno  secundo  post  bissextilem  eequinoctium  eveniet 


DE    COMPUTO    EGCLESIASTICO.  527 

média  nocte  sequenti  ;  et  tertio  anno  incidet  in  22.  martii 
circasextam  horam  matutinam  :  ac  deuium  quarto  aiino,  sive 
anno  bissextili,  redibit  ad  21.  martii  tempore  meridiano  i 
itaque  in  perpetuo  Ghristianoruai  Ralendario  sequinoctium 
diei  2J.  martii  intelligitur  affîxutn. 

TERMINUS    PASCHALIS. 

90.  Tria  sunt  prœcipue,  inqult  S.  Epiphanius  adv,  hœr.  lib. 
III.  hœr.  70.  n.  1 1 . ,  quibus  Paschatis  celebritas  aUigatur 
quœque  proinde  velut  essentialiter  ad  illam  pertinent.  Haec 
tria  autem /«6.  //.  hœr.  50.  n.  3,  aperte  ac  distincte  docet 

esse  quartaiït  decimam  lunam  (irEffcrapeçxaioexar/)  t/];  aeXy^vï];) , 
œquinoclium  (tar'aYjpi'a)  et  diein  Dominicum  (xupiax-^),  singulo- 
ruai  rationem  insuper  ita  declarans  :  Ecclesia  catholica  quœ 
ad  id  ïmjslerium  celebrandum  necessaria  sunt  undique  contra- 
hens  et  in  unum  conferens  veritatem  retinet.  Nam  non  solum 
quartam  decimam  diem  observât...  ;  sed  prœter  hanc  lunœ 
XIV,  diem  etiam  cursum  solis  adhibet,  ne  duplex  in  eum- 
dum  annum  Pascha  ita  committatur,  ut  altéra  anno  ne  unum 
quidem  habeatur.  Quocirca  XIV.  illam  diem  sic  tenemus,  ut 
œquinoctium  prœtergrediamur  ;  ac  demum  in  sanctam  Domi- 
nicam  religiosissimi  temporis  finem  conjicimus.  {Edit.  Migne 
op.  iom.  1 .  pag.  887.  ) 

Quae  eadem,  aliis  licet  verbis,  A.mbrosius  tradit  in  Epis^ 
tola  ad  episcopos  Mmiliœ  jam  citata.  In  ea  enini  tanquam 
notum  concessumque  assumons,  Resurrectionis  celebritatem 
die  Dominica  celebrari  debere  (n.  9.),  caetera,  quœ  ad  Pascha 
rite  celebrandum  necessaria  sunt^  explicat  his  verbis  ;  Duo  sunt 
observanda  in  solemnitate  Paschœ,  quarta  décima  lima  et  pri' 
7nus  mensis,  qui  dicitur  novorum,  quique  juxta  ejusdem  S. 
Doctoris  verba  superius  adducta  secundum  consuetudinem  pe- 
ritorum  ab  /Equinoctio  seu  XII.  kal.  aprilis  incipit. 

Tria  igitur  requiruntur  ad  rectam  Paschatis  celebritatem, 


528  COMMENTARIUS 

nimirum  ut  post  quartam  deciniam  lunam  peragatur,  ut 
Dominico  die,  ut  denique  proxime  post  .-Equinoctium  ver- 
num  sive  primo  mense,  qui  novoram  dicitur. 

91.  Atqui  tria  hœccognosci  facile  possunt  ex  Kalendario 
Gregoriano.  Ergo  dies  Paschatis  atque  inde  reliqua  etiain 
mobilia  festa  ex  Kalendario  deprehenduntur. 

Et  ad  Mquinoctium  vermim  quod  spectat,  illud  Gregorius 
PP.  XIII.  in  eamdem,  quam  Nicaense  synodi  tempore  tene- 
bat,  sedem  revocavit,  ac  diei  21.  martii  ita  affixit,  ut  ab  eo 
non  amplius  sit  retrolapsurum  versus  initium  raensis. 

Diem  dominicum  deinde  ex  litera  habemus,  quam  eo  anno 
Dominicalem  esse  cyclus  solaris  commonstrat. 

Lunœquarfœdecimœnotïûdiva.  denique  ex  epacta  currente 
deduci  manifestum  est.  Quum  enim  novus  cyclus  Epacta- 
rum  ab  Aloysio  Lilio  conscriptus  ad  certam  aurei  numeri 
formam  directus  sit  (sup.  n,  62.),  epacta,  ex  diagrammate 
superius  n.  76.  proposito  inventa,  indicabit  in  Kalendario 
singulos  anni  dies,  quibus  novilunia  atque  inde  plenilunia 
contingent.  Exemplo  sit  annus  1863.  Ex  canone  epacta- 
rum  n.  76.  invenimus  numerum  epactalem  esse  11.  Ubi- 
cunque  igitur  Epactalis  hic  numerus  11  in  Kalendario  oc- 
currit,  ibi  lunationum  hujus  anni  designatur  initium.  nimi- 
rum 20,  januarii  ;  18.  februarii  ;  20.  martii  ;  18.  aprilis  ;  18. 
maii  etc.  Is  vero  primus  mensis  seu  mensis  novurum  vocatur 
ciijus  luna  XIV.  vel  cadit  in  diem  verni  œquinoctii,  vel  propius 
ipsum  sequitur,  ut  habet  Proœmium  nostrum,  quique  proinde 
semper  initiumsumet  inter  diem  8.  martii  et  5.  aprilis  utrin- 
que  inclusive.  Ab  illo  igitur  die  primus  mensis  lunaris  hoc 
anno  incipiet,  cui  intra  spatium  dictorum  dierum  (8.  mart. 
et  5,  april.)  numerus  epactalis  11  adscriptus  est.  Eum 
autem  adscriptum  invenimus  diei  20,  mensis  martii.  Ab  hoc 
ergo,  utpote  a  primo  mensis  primi  lunaris,  numera  dies 
quatuordecim,  scilicet  usque  ad  diem  2  aprilis,  et  ipso  hoc 
2.  die  aprilis  habebis  lunam  xiv  primi  mensis  lunaris  seu 


DE    COMPUTO   ECCLESIASTICO.  529 

kinam  Paschalem  et  Pascha  Hebrœorum.  Sequens  dominica, 
quain  litera  dominicalis  d  quintam  aprilis  esse  docet,  dies 
Paschalis  erit.  Si  vero  dies  ipse  xiv  lunas  in  diem  Domini- 
cum  cadit,  proximus  dies  Dominicus  erit  Paschalis,  ne  eum 
Judaeis  conveniamus  ut  ait  Proœmium  citât. 

Terminum  Paschalem  hisce  versibus  quoque  inveniri 
posse  tradit  Durand.  Rat.  lih  VIII.  c.  12. 

Post  Nonas  Martis  ubi  fit  luna  nova  require, 
Terlia  lux  Domini  proxima  Pascha  tenet. 

In  controversiis  computisticis  de  Paschate  quœri  et  illud 
solet,  an  Pascha  celebrari  possit  in  plenilunio,  si  in  diem  Do- 
minicum  incidat  ? 

92.  Hiiic  qusesito  ut  breviter  satisfaciamus,  notemus 
oportet,  confundendam  non  esse  lunam  xiv.  cuin  plenilunio 
sive  oppositione.  Quamvis  enim  scriptores  sint,  qui  juxta 
vulgarem  usum  loquendi  duo  hsec  non  satisdistinxerint,  sed 
latiori  quodam  sensu  pro iisdem  habuerint,  ut  v.  g.  Anatolius, 
qui  apud  Euseb.  Hist.  Eccles.  lib.  viî.  c.  32.  ita  loquitur  :  In 
celebranda  paschali  festivitate  (Judaeorum)  necessario  id  re- 
quiritur,  ut  non  modo  sol  sed  et  luna  segmentum  œquinoctiale 
percurrai.  ISam  quum  duo  sint  segmenta  œquinoctialia,  aller um 
vernum,  alterum  autumnale,  eaque  ex  diameiro  sibi  vicissim 
opposita  :  quumque  quarta  décima  die$  mensis  ad  vesperum  pas» 
chali  festo  assignata  sit,  luna  quidem  ex  adverso  soli  consistet^ 
quemadmodum  videre  est  in  pleniluniis  [Edit,  Migne  tom.  2, 
pag.  730.)  ;  quamvis,  inquam,  aliqui  scriptores  lunam  xiv. 
ab  oppositione  non  distinxerint,  ea  tamen  confundi  non 
posse  manisfestum  est,  ex  lis  quae  supra  (n.  52.)  de  forma 
mensis  lunaris  ex  Petavio  scripsimus. 

Et  re  quidem  vera  plenilunium  sive  oppositio  sumitur  vel 
astronomice,  vel  juxta  cyclos  in  Kalendariis  receptos  ;  sed  in 
utroque  casu  luna  xiv.  distinguitur  a  plenilunio. 

Et  ad  plenilunium  astronomicum  quod  spectat,  quum 


530  ,  COMMENTARIUS 

lunatio  média  sit  29  dierum,  12  horarum  et  Mi  minut, 
manifestum  est,  plenilunium  nunquam  in  lunam  xiv. ,  sed 
in  XV.  incidere. 

Ad  computum  cyclorum  quod  pertinet,  lunationes  plenœ 
cavaeque  altérais  dispositœ  in  ils  sunt,  h.  e.  alternatim  sunt 
30  et  29  dierum.  Unde  iterum  plenilunium  non  in  xiv.  sed 
in  XV.  incidit. 

Quibus  ita  praestitutis  dicimus,  Pascha  celebrari  in  ple- 
nilunio  posse,  si  in  diem  Dominicum  incidat.  Etenim  sacris 
canonibus  tantum  cautum  est,  ne  Pascha  celebretur  luna  xi  v. 
Atqui  plenilunium  non  est  luna  xiv.;  ergo  celebrari  potest, 
immo  et  débet  in  plenilunio  si  in  diem  Dominicum  incidat. 

93.  Usum  cyclorum  Paschalium  quod  spectat,  animad- 
vertas,  vulgo  censere  eruditos,  Hippolytum  episcopum 
primum  omnium  in  Ecclesia  fuisse,  qui  cyclos  adhibuerit  pro 
computando  Paschate.  Hippohjtus,  inquit  S.  Uieronijmus  de 
viris  illustribus  c,  61.,  cujusdam  Ecclesiœ  episcopus,  nomen 
quippe  scire  non  potui,  rationem  Paschœ  temporumqne  cunones 
scripsit  usque  ad  primum  annum  Alexandri  imperatoris,  et  se- 
decim  annonim  circulum,  quern  Grœci  éxj^atotxasTriptoa  vocant, 
reperit,  et  Eusebio,  qui  super  eodem  Pascha  canonem,  decem 
et  novem  annorum  circulum,  id  e.s^'ewsaSexasTYiptôa,  composiiit, 
occasionem  dédit.  [Patrolog.  latin.  Edit.  Migne,  tom.  23. 
;;.  671.  op.  S.  Hieron.  tom.  2.,  ubi  etiam  vid.  commentar. 
in  difficiliores  hujus  loci  sententias.) 

■  Praecipuus  error  canonis  Hippolyti  in  eo  est,  quod  neo- 
menias  post  16  annos  ad  eosdem  dies  recurrere  putentur. 
Caeteros  ejusdem  defectus  vide  déclarâtes  a  Pet  av.  lib.  ii. 
cap.  61.  de  Doctr.  Temp. 

S.  Cyrillus  Alexundrinus  in  Prologo  Paschali  meminit  cy- 
cli  Sh  annorum,  quem  tamen  mendis  non  carere  recte  cen- 
set.  Ipse  vero  cyclum  Theophili  breviavit  et  ad  95  annos 
redegit.  {Migne,  Patrol.  Grœc.  tom.ll.  pag.  386).  Novushic 
cyclu§  Alexandi'iuus  illustratur  a  Petav.,  L  c,  c.  77. 


DE    COMPUTO    ECCLESIASTICO.  531 

S.  Dionysius  Alexandrinm  quoque  canonem  paschalem 
texuit,  dequo  Euseb.  lib.  vu  c.  20.  Hist.  Eccl.  hœc  scribit  : 
Prœler  supradictas  epistolas  idem  Dionysius  Pasc/iales  illas 
quas  habemus  epistolas  tune  iemporis  conscripsif.  encomia  in 
illis  et  panegyricos  sermones  de  Paschali  festo  contexens.  Harum 
unam  Flavio  nuncupuvit  ;  alteram  Domitio  et  Didymo.  In  qua 
probans,  festum  Paschœ  diem  nonnisi  post  œquinoctium  vernum 
celebrari  oportere,  octo  annorum  canonem  publicavit,  xavo'va 
IxTÎOExaioiCTae-rrjpiooi;.  [Migne,  Palrol.  Grœc.  tom.20.pag.  682.) 

Anatolium  etiam  de  Paschate  scripsisse,  ex  S.  Hieronymo 
habemus.  Anatolius  Alexandrinus,  inquit,  Laodiceœ  Syriœ 
episcopus,  sub  Probo  et  Caro  imperatoribus  floruit.  Mirœ  doc- 
trinœ  vii'  fuit  in  arithmetica^  geometrica,  asfronomia,  grttm- 
matica,  rhetorica,  dialectica.  Cujus  ingenii  magmtudinem  de 
volumine,  quod  super  Pascha  coniposuit  et  decetn  libris  de  ari- 
thmeticœ  institutionibus  intelligere  possutnus.  [De  Viris  illust. 
c.  73.)  Adhibitum  vero  ab  Anatolio  fuisse  cyclum  decem- 
novennalem  ex  Euseb.  H.  E.  lib.  v.  notât  Petav.  /.  vi.  cap.  1. 

RELIQUA  FESTA   MOBILIA. 

94.  De  ratione  f  estoruin  mobilium  per  amium  praeter  Du- 
rand. Hational.  lib.  vi.  Beleth.  Rational.  c.  56  seqq.  aliosque 
tuai  veterestum  recentiores  rerum  liturgicarumtractatores, 
legi  possunt  plures  epistolœ  Alcuini  et  Caroli  Magni  de  festis 
mobilibus  scriptae  :  utputa  Alcuini  epistola  80.  ad  impera- 
torem  de  Ratione  SeptuagesimcBy  Sexagesimœ  et  Quinquagesii/iœ, 
quam  Jif.^ne  exhibet  Op.  Alcuini  tom.  1.  pag.  259.;  itemCa- 
ro/«;il!/a(7«î  responsoriaad  Alcuiiium(«/:»w^.  81.  Le. pag.  263), 
ac  demum  epistola  sequenti  numéro  (/.  c  pag.  266.)  posita, 
per  quam  Alcuinus  ad  prascedentem  epistolam  Caroli  res- 
pondet;  collatis  etiam  iis,  quœ  anonymus  quidam  de  eadem 
quœstione  scribit  in  epistola  de  Septuagesimo,  Sexagesiuio 
et  Quinquagesimo,  quae  habetur  iu  editioiie  Migns  Op. 
Alcuini  iorn.  2,  pag,  1320, 


532  COMMENTARIUS 

Ex  adductis  aliisque  ejus  generis  opusculis  pro  commen- 
tarii  nostri  instituto  haec  animadvertisse  sufiiciat,  ut  festa 
mobilia  ad  sua  quaeque  tempora  singulis  annis  referantur. 
Anteomniahabenda  est  ratio  Paschatis ,  ea?  quo^  ut  Proœmium 
ait,  reliqua  festa  mobilia  pendent  (1).  Ante  Pascha  numeratur 
per  sex  hebdomades  tempus  quadragesimale  cujus  dies 
Dominici  vocantur  Palmaruin,  Judica,  Lœtare,  Oculi,  Remi- 
niscere,  Invocavit  [Durand.  Rat.  l.  c.  c.  38  seqq.  et  Beleth. 
Rat.  c  77.);  ascendendo  adhuc  per  hebdomadem  perve- 
nimus  ad  Dominicam  Quinquagesimœ  et  feriam  iv.  ejus  heb- 
domadis  diem  Cinerum  [Durand,  l.  c.  11 .  c.  seq.).  Hebdoma- 
dam  Quinquagesiinae  praecedit  Dominica  Sexagesimœ  [id. 
c.  26),  hanc  vero  Dominica  Septuagesimœ  [id.  c.  25  ).  Dies 
octava  Paschae  nomen  sortitur  Dominicœ  inAlbis  {id.  c.  97.), 
post  quam  numerantur  quinque  hebdomades,  in  quarum 
ultima  occurrunt  dies  Rogationutn  [id.  c.  102.)  et  feria  v. 
{QBi\imAscensionisDomini[id.  c.lO/i.).  Sextam  hebdomadam 
excipit  Dominica  Pentecosies  {id.  c.  107.),  octavo  post  die 
festum  5i\  Trinitatis  [id.  c.  lik.)  et  feria  v.  proxime  se- 
quenti  festum  Corporis  Christi  (2) .  A  Dominica  Pentecostes 
numeris  distinguuntur  Dominicae  usque  ad  Adventum  Domini 
{id.  c.  115.  seqq.);  Adventus  autem — verba  sunt  Proœmii  — 
celebratur  semperdie  Dominica,  qui  propinquior  est  festo  sancti 
Andreœ  Apostoli,  nempe  a  die  27.  novembris  inclusive  usque 
ad  diem  3.  decembris  inclusive,  ita  ut  litera  dominicalis  cur- 
rcns,  quœ  reperitur  a  die  27.  novembris  usque  ad  diem  3.  de- 
cembris, indicet  Dominicam  (primam)  Adventus,  quod  hoc 
anno  186/i.  ad  diem  27.  novembris  contingit.  De  celebratione 
quatuor  temporuin,  quœ  plerumque  ad  festa  mobiUa  refertur, 
disseruimus  supra  cap.  m.  n.  68. 

(1)  Pascha  Christianorum  omnium  solemnium  caput  ac  [J.viTpoTToXii; 
quœdam  featofum  semper  est  habitum,  teste  Peiavio  de  Doctrin.  Temp.  lib. 
VII.  c.  6. 

(2)  De  boc  festo  habetur  Clément,  si  Dominum.  un.  de  reliquiis  et  vé- 
nérât, sanctorum. 


DE    COMPUTO   ECCLESIASTICO.  533 

25  Si  in  tabulis  paschalibus  Breviarii  quaerantur  fe&ta  mo- 
bilia  in  Annis  bissextilibus,  invenienda  siint,  ait  Proœmium, 
2)er  literam  dominicalem  posteriorem  :  ita  tamen  ut  Septiiage- 
simœ  et  diei  Cinerum  inventœ  in  jamiario  ant  februario  adda- 
tur  unus  dies.  Quod  si  dies  cadat  in  marlium,  nihil  addendum 
est. 

Quamvis  igitur  in  annis  bissextilibus  festa  mobilia,  quse 
ante  25  februarii  occurrunt  (forte  Septuagesima  et  dies  ci- 
nerum) in  Kalendario  inveniantur  per  literam  dominicalem 
priorem    sup.  n.  79.),  in  tabulis  Paschalibus  tamen  quae- 
renda  sunt  per  literam  posteriorem,  et  ita  quidem,  ut  Sep- 
tuagesimœ  et  diei  Cinerum  inventœ  in  januario  aut  februa- 
rio addatur  unus  dies.  Sic  annus  186/i.,  qui  nunc  excurrit, 
bissextilis  est  habetque  literas  dominicales  c  b.  Si  Septua- 
gesimam  et  diera  Cinerum  investiges  in  Kalendario,  prior 
litera  dominicalis  c  designabit  Dominicam  Septuagesimae 
2A.  januarii,  etferiaiv.  occurrens  10. februarii  prodet  diem 
Cinerum  ;  dies  Paschatis  autem  cadet  in  27.  martii,  cui  tri- 
buta  est  litera  b.  Si  eadem  festa  contra  investigare  velis  in 
tabulis  paschalibus  Proœmioadjectis,  quaerenda  omnia  erunt 
per  literam  dominicalem  posteriorem  b.  In  iis  autem  repe- 
ries  e  regionœ  literas  b    diem  23.  januarii  pro  Dominica 
Septuagesimœ  et  9.  februarii  pro  feria  iv.  Cinerum.  Adden- 
dusergo  utrinque  dies,  et  computandus  dies  2/i.  januarii  pro 
Dominica  Septuagesimœ  et  dies  10.  februarii  pro  die  Cine- 
rum. 

N.  N.,  Sacrorum  canonum  Prof. 


DU  DROIT  COUTUMIER  DANS  L'EGLISE. 


Deuxième  erticle. 


III. 


1.  Dans  le  précédent  article,  après  avoir  indiqué  les 
causes  éloignées  de  la  <!outume,  nous  nous  sommes  atta- 
ché a  déterminer  le  concept  primordial  du  droit  -.  cette  no- 
tion, ainsi  que  nous  l'avons  dit,  doit  nous  servir  comme  de 
critérium  général  pour  distinguer  la  coutume  de  fait,  ou 
les  simples  usages  plus  ou  moins  invétérés,  de  la  coutume 
légitime  ou  du  droit  coutumier  proprement  dit. 

Le  droit,  d'après  son  concept  le  plus  élevé,  le  plus  ab- 
strait, le  plus  spirituel,  consiste  donc  dans  l'ordre  régulier 
des  opérations  libres  vers  une  fin  assignée  ;  quand  il  s'agit 
du  droit  social,  dans  lequel  rentre  la  coutume,  cette  fin 
obligatoire  n'est  autre  chose  que  le  bien  commun,  dont 
l'acquisition  ne  peut  avoir  lieu  pleinement  sans  le  concours 
des  forces  collectives  qui  constituent  la  société  -,  et  il  résulte 
de  là  que  la  nature  et  l'importance  de  ce  bien  sont  le  prin- 
cipe qui  détermine  la  nature  particulière  et  l'iraportance 
du  droit  lui-même,  public  ou  privé. 

Le  droit,  en  effet,  est  ici  le  moyeu  régulier  de  parvenir, 
dans  la  plus  large  mesure  possible,  à  la  possession  de  ce  bien 
commun  ^  or,  les  moyens,  en  tant  que  moyens,  sont  indiffé- 
rents, et  n'acquièrent  un  degré  de  moralité  et  d'utilité  que 


DU  DROIT  COUTUMIER   DANS   l'ÉGLISE.  535 

par  l'influence  de  la  fin.  De  même  donc  que  les  rapports 
essentiels  des  sociétés  sont  fondés  sur  la  fin,  premier  })rin- 
cipe  d'association,  ainsi  les  lois  diverses  qui  régissent  des 
.sociétés  différentes,  sont  évidemment  entre  elles  dans  le 
même  ordre  de  dépendance  mutuelle  que  les  biens  qu'elles 
tendent  à  procurer.  , 

Mais  nous  n'avons  pas  a  nous  occuper  ici  des  rapports  du 
droit  canonique  au  droit  civil,  ni  des  différentes  divisions 
du  droit;  il  s'agit  exclusivement  du  droit  positif  humain, 
dans  la  société  religieuse,  et  même  du  seul  droit  privé  -,  car, 
bien  que  la  coutume  puisse  modifier  le  droit  public  ou  con- 
stitutionnel des  sociétés  politiques,  il  est  certain  qu'elle  ne 
peut  porter  atteinte  en  quoi  que  ce  soit  au  droit  public  de 
la  société  chrétienne.  La  constitution  de  l'Église  est  divine, 
et  par  conséquent  immuable  et  en  dehors  de  toute  influence 
humaine.  Nous  arrivons  donc  immédiatement  à  indiquer 
.la  différence  caractéristique  entre  la  coutume  et  le  droit 
écrit. 

La  détermination  du  droit  objectif,  ou  de  l'ordre  régulier 
des  actes  vers  la  fin  sociale,  ne  peut  être  laissée  au  seul 
arbitraire  de  la  multitude  comme  telle  (1)  -,  il  est  évident 
d'abord  que  les  individus  associés,  livrés  a  eux-mêmes, 
ne  suivront  pas  toujours  une  voie  uniforme,  et  seront  loin 
de  choisir  invariablement  les  moyens  les  plus  sûrs  et  les 
mieux  adaptés.  Ordinairement  donc,  ils  ne  parviendraient 
pas  même  à  réaliser  la  première  condition  de  la  loi,  qui  est 
d'être  une  direction  juste  vers  le  bien  commun  \  et  d'autre 
part,  lors  même  que  les  individus  isolés  suivraient  une  di- 
rection régulière,  il  faudrait  encore  que  celle-ci  fût  rendue 
obligatoire  pour  tous  -,  or,  ceci  exige  évidemment  l'interven- 
tion d'une  volonté. souveraine  et  compétente  qui  puisse  se 
soumettre  les  volontés  individuelles  :  un  homme  ne  peut  ré- 

(1)  Voyez  Taparelli  d'Azeglio,  Saggio   Teorelico  di    dirillo  mturale, 
1.  IV,  c.  1. 


536  DU  DROIT   COUTIIMIER 

gler  que  les  choses  qui  dépendent  de  lui,  et  par  conséquent 
celui-là  seul  pourra  imprimer  une  direction  à  la  société,  qui 
est  en  quelque  manière  la  volonté  sociale. 

De  plus,  il  ne  peut  y  avoir  de  fait  ordre  social  sans  un 
principe  concret  d'unité  ou  une  intelligence,  individuelle 
ou  collective,  plus  exercée,  qui  verra  pour  tous,  et  une  vo- 
lonté inébranlable,  qui  constituant  la  règle  morale,  devien- 
dra la  volonté  de  tous;  aussi  l'élément  formel  de  toute 
société  consiste-t-il  dans  le  principe  de  vie  commune  et 
d'activité  sociale:  ce  principe  est  ce  qu'on  nomme  \e pou- 
voir. Il  résulte  de  la  que  le  droit  social,  pris  objectivement, 
consistera  dans  la  volonté  absolue  et  explicite  de  ce  pouvoir 
prescrivant  la  direction  régulière  des  actes  vers  le  bien  com- 
mun. Et  telle  est  la  source  ordinaire  et  normale  du  droit  so- 
cial positif,  qui  conséquemment  procède  de  la  volonté  per- 
sonnelle du  législateur,  et  n'est  autre  chose  que  l'ordre  ou 
le  commandement  du  souverain  :  Jus  est  id  quod  jubetur. 
Alors  il  est  appelé  droit  écrit.  Ce  n'est  donc  pas  le  fait  de 
l'inscription  matérielle  des  lois  dans  un  code  qui  constitue 
le  droit  écrit. 

Mais  le  droit,  au  lieu  de  procéder  ainsi  originairement 
du  sujet  du  pouvoir  législatif,  c'est-a-dire  d'être  un  acte 
personnel,  extérieur  et  notoire  de  celui-ci,  peut  s'intro- 
duire accidentellement  par  le  fait  de  la  multitude  elle- 
même,  ou  de  l'élément  matériel  de  la  société. 

Il  arrive  parfois  que  le  corps  social  prévient  le  législateur 
et  devance  l'actepar  lequel  celui-ci  choisitetdéterrained'une 
manière  absolue  un  moyen  particulier^  les  individus  alors 
se  portent  d'eux-mêmes  et  comme  par  instinct,  bien  que 
d'un  mouvement  uniforme  et  régulier,  vers  le  bien  com- 
mun. La  rectitude  de  ce  mouvement,  une  fois  constatée 
par  l'expérience,  obtiendra  par  sa  seule  notoriété  l'assenti- 
ment du  législateur,  auquel  il  appartient  de  porter  un  ju- 
gement authentique  et  définitif  sur  ce  point-,  et  c'est  alors 


DANS  l'église.  537 

que  cette  direction  des  actes,  ou  cette  manière  d'agir  revêt 
le  caractère  de  loi.  Yoil'a  ce  qui  constitue  le  droit  coutu- 
mier  proprement  dit,  droit  dont  la  matière  consiste  dans 
les  actes  répétés,  et  la  forme  intrinsèque,  dans  la  volonté  du 
législateur  (1). 

Le  droit  écrit  est  donc  celui  qui  procède  d'abord  du  lé- 
gislateur, s'impose  à  la  multitude  par  voie  de  promulgation, 
et  passe  ensuite  dans  les  mœurs-,  le  droit  couturaier,  au 
contraire,  est  celui  qui  procède  de  la  multitude  ou  s'intro- 
duit d'abord  dans  les  mœurs,  et  obtient  ensuite  son  litre 
d'autorité  ou  l'approbation  du  souverain.  Il  s'agit  consé- 
quemment  d'une  division  du  droit  d'après  le  mode  selon 
lequel  il  s'introduit  et  s'impose  à  la  société. 

2.  Les  canonisles,  d'après  Isidore  (2),  définissent  com- 
munément la  coutume,  considérée  formellement,  c'est-à- 
dire  la  coutume  de  droit:  Jus  quoddam,  moribus constitua 
ium,  quod  pro  lege  suscipilur  cum  déficit  lex.  D'après  cette 
définition,  la  coutume  doit  donc  s'entendre  du  droit  lui- 
même,  qui  est  introduit  par  l'usage  ou  par  les  actes  ré- 
pétés \  et  il  ne  s'agit  évidemment  que  d'actes  libres.  La 
coutume  de  fait,  ou  prise  matériellement,  c' est-a-dire  cette 
répétition  uniforme  des  actes  est,  ainsi  que  nous  l'avons 
déjà  insinué,  la  voie  qui  conduit  au  droit  coutumier.  Mais 
il  importe  d'observer  que  lorsqu'on  dit  dans  la  définition  : 
Pro  lege  suscipituff  on  n'entend  nullement  déclarer  que  la 
coutume  n'est  pas  une  loi  véritable*,  on  indique  simple- 
ment que  le  terme  de  loi  étant  pris  communément  dans  le 
sens  de  loi  écrite,  la  coutume  ne  devient  loi  véritable 
que  lorsque  le  droit  écrit  fait  défaut  (3).  Toutefois  la  der- 
nière partie  de  la  définition:  Cum  déficit  lex^  ne  signifie 

(1)  Suarez,  de  Leg.,  1.  vil,  c.  9. 

(2)  C.  Consuetudo  Y,  dist.  1. 

(3)  Suarez,  de  Leg.,  1.  vu,  c.  1  ;  Pirbing,  Jus.  can.,  1.  i,  t.  iv,  §  1} 
Schmalzgrûber,  Jus.  ceci.,  p.  i,  t.  iv,§  t,  etc. 

UEVL'F,   l'ES  SCIKNCES  iiCCLÉS.,   T.   IX — JUIN  1864.  35. 


538  DANS   L  ÉGLIsE. 

pas  non  plus  que  la  coutume  ne  pourra  jamais  s'introduire 
contrairement  au  droit  écrit ^  s'il  en  était  ainsi,  la  défini- 
tion ne  serait  pas  générale,  c'est-à-dire  ne  pourrait  plus 
s'appliquer  à  toutes  les  espèces  de  coutumes .  Ces  paroles 
doivent  donc  être  prises  en  ce  sens,  qu'une  coutume  et  une 
loi  écrite  contradictoire  ne  peuvent  coexister  ou  être  l'une 
et  l'autre  en  vigueur.  Il  faut  que  la  loi  tombe  en  désuétude 
ou  soit  abrogée,  pour  qu'un  usage  opposé  puisse  devenir 
coutume  de  droit.  La  loi  peut  donc  disparaître  uniquement 
parce  que  la  coutume  prévaut:  Si  vero  sit  contra  legem,  dit 
Suarez,  oporiet  ut  consuetiidme  lex  vincatur,  et  sic  defwiat  ut 
possit  consuetudo  subsistere  [\) .  Conséquemment,  lorsque  le 
droit  romain  déclare,  au  sujet  de  la  coutume  :  Non  usque 
adeo  sui  vaîitura  momento  ut  aut  rationem  vincat  aut  legem  (2\ 
ceci  ne  doit  s'entendre  que  de  certains  cas  particuliers. 

Les  canonistes,  pour  préciser  la  nature  du  droit  coutu- 
mier  s'attachent  a  indiquer  les  différences  qui  existent 
entre  la  coutume,  la  tradition  et  la  prescription, 

La  coutume  diffère  principalement  de  la  tradition,  en  ce 
que  celle-ci  consiste  en  quelque  institution  primitive,  trans- 
mise soit  oralement,  soit  par  l'usage,  à  la  postérité.  La  tra- 
dition est  donc  ou  une  doctrine  ou  une  observance  qui  reçoit 
toute  son  autorité  de  sa  première  institution-,  la  coutume, 
au  contraire,  n'émane  pas  originairement  d'un  pouvoir 
quelconque,  et  ne  reçoit  rien  du  fait  primordial-,  la  tradition 
sacrée  vient  ou  de  Jésus-Christ  lui-même,  et  alors  elle  est 
appelée  divine,  ou  des  apôtres, 'et,  dans  ce  cas,  elle  est  dite 
apostolique.  Sa  force  obligatoire  provient  conséquemment 
de  la  compétence  de  son  auteur,  tandis  que  ceux  qui  in- 
troduisent la  coutume  n'ont  aucun  pouvoir.  Si  cependant  il 
s'agissait  de  la  tradition  purement  ecclésiastique,  celle-ci 


(1)  De  Leg..  1.  vil,  c.  2,  n.  5. 

(2)  L.  H  Cod .  :  qiiœ  sit  longa  cntisuct. 


DU  DROIT  COUTUMIER  539 

parfois  peut  n'être  qu'une  coutume  universelle,  introduite 
par  l'usage  des  fidèles  (1),  et  n'obtenant  force  de  loi  qu'a- 
près son  introduction  et  sa  diffusion. 

Mais  la  tradition  soit  divine,  soit  apostolique,  soit  ecclé- 
siastique, peut  être  le  principe  de  la  coutume -,  et  celle-ci 
alors  consistera  uniquement  ou  a  introduire  dans  les 
mœurs,  c'est-à-dire  a  exécuter  et  à  conserver  cette  institu- 
tion primitive,  ou  à  promulguer  la  doctrine  exposée  orale- 
ment à  quelques-uns.  Mais  ces  coutumes  de  fait  ne  rentrent 
nullement  dans  le  droit  coulumier  :  le  précepte  qu'elles  exé- 
cutent fait  toute  leur  force  obligatoire.  Et  même,  lorsqu'il 
s'agit  de  ces  traditions  ecclésiastiques  en  vigueur  dans 
toute  l'Église  depuis  les  temps  apostoliques,  leur  titred'au- 
torité  so  trouve  encore,  soit  dans  l'approbation,  soit,  d'une 
manière  plus  ou  moins  directe,  dans  l'enseignement  des 
apôtres  (2).  La  tradition,  considérée  dans  toute  sa  géné- 
ralité, repose  donc  sur  une  institution  primitive,  anté- 
rieure et  supérieure  au  droit  coutuinier. 

La  coutume  d'autre  part  se  distingue  de  la  prescription  : 
1"  En  ce  que  la  coutume,  ainsi  que  nous  le  montrerons  plus 
lard,  a  rapport  a  la  communauté  comme  telle,  tandis  qu'on 
ne  prescrit  que  contre  des  personnes  privées-,  et  si  parfois 
on  acquiert  la  prescription  contre  une  communauté,  celle- 
ci  alors  n'est  point  considérée  comme  communauté,  mais 
comme  personne  privée.  2"  La  coutume  exige  un  certain 
consentement  du  législateur,  contre  la  loi  duquel  elle  s'é- 
lève et  prévaut,  sans  que  toutefois  elle  puisse  jamais 
porter  atteinte  aux  droits  de  celui-ci  ^  la  prescription,  au 
contraire,  peut  être  acquise  sans  aucun  consentement  de  la 
part  de  celui  dont  elle  annule  ou  amoindrit  le  domaine  ou 
les  droits.  5°  La  prescription  requiert  la  bonne  foi  et  un 
titre,  au  moins  coloré,  tandis  que  la  coutume  peut  s'intro- 

(11  Gotti,  TheoL,  tract,  i,  q.  3  §  1  ss. 
(2)  Suarpz,  de  Uy.,  1.  vu,  c.  4,  ii.  10. 


5ll0  DU  DROIT    COUTUMIER 

duire  via  conniventiœ,  même  par  la  mauvaise  foi  (1)-,  son 
titre  consiste  uniquement  dans  Fapprobation  du  législateur 
et  par  la  même,  elle  n'a  besoin  d'aucun  titre  proprement 
dit  (2).  Enfin  la  prescription  peut  s'étendre  aux  biens 
meubles,  aux  choses  corporelles  qui  ne  peuvent  être  objet 
de  la  coutume. 

Il  est  bien  évident  toutefois  que  la  prescription  implique 
toujours  une  certaine  coutume  de  fait,  e'est-à-dire  des  actes 
répétés,  et  que  la  coutume  de  son  côté  doit  prescrire  à  son 
profit  afin  de  devenir  légitime.  La  coutume  a  encore  ceci 
de  commun  avec  la  prescription,  que,  de  part  et  d'autre,  il 
s'agit  d'un  droit  introduit  par  un  fait  (3).  Le  fait,  dans  la 
coutume,  doit  être  doué  de  cette  rectitude  intrinsèque  qui 
est  le  propre  de  la  loi,  c'est-à-dire  avoir  un  rapport  posi- 
tif à  la  fin  sociale  -,  dans  la  prescription,  le  fait  a  simplement 
rapport  au  bien  privé,  quoique,  a  la  vérité,  le  principe 
même  de  la  prescription  soit  exigé  par  le  bien  public. 

Il  faut  donc,  pour  qu'une  coutume  soit  légitime,  qu'elle 
réunisse  toutes  les  conditions  requises  pour  établir  ou 
prouver  rigoureusement  cette  rectitude,  qui  lui  confère  le 
caractère  générique  du  droit  :  ici  conséquemment  on 
constate  le  droit  par  l'analyse  du  fait. 

3.  Mais  avant  d'aborder  directement  cet  examen,  il  im- 
porte d'envisager  ce  fait  dans  sa  matière,  dans  son  extension 
et  dans  son  rapport  de  conformité  ou  d'opposition  avec  le 
droit  écrit.  Il  s'agit  donc  de  déterminer  d'abord  les  diffé- 
rentes divisions  de  la  coutume. 

La  coutume,  envisagée  sous  le  rapport  de  la  matière  ou 
de  l'objet,  se  divise  eu  canonique  et  civile  :  la  coutume  est 
canonique  lorsqu'elle  a  pour  objet,  ou  quelque  chose  de 
spirituel,  comme,  par  exemple,  l'usage  de  jeûner  a  des 

(1)  Ferraris,  au  mot  Ccmuetudo,  et  presque  tous  les  canonistes. 

(2)  Schraalzgrûber,  p.  i,  t.  IV,  §  1. 

(3)  Suarpz,  de  Leg.,  1.  VII,  c.  l. 


DANS  l'église.  5A1 

époques  déterminées,  ou  une  matière  temporelle,  mais 
qui  a  rapport  soit  aux  biens,  soit  aux  personnes  des  églises 
ou  des  clercs.  La  coutume  est  civile  lorsqu'elle  atteint  les 
lois  ou  les  biens  purement  temporels  :  elle  a  pour  fin  le 
bien  commnn  de  l'ordre  civil  et  politique,  tandis  que  la 
coutume  canonique  doit  tendre  au  bien  spirituel,  qui  est 
la  fin  de  l'Église.  Cette  division  est  adéquate,  car  les  cou- 
tumes mixtes  sont  toujours  réductibles  à  l'une  ou  a  l'autre 
des  espèces  indiquées  (1). 

Les  coutumes,  considérées  sous  le  rapport  de  leur  exten- 
sion, peuvent  être  très-diverses  :  celle  qui  s'étend  a  tout 
l'univers  est  dite  très-générale^  et  n'est  autre  chose  que  le 
droit  des  gens  en  vigueur  chez  toutes  les  nations  du  monde. 
Une  coutume  répandue  dans  toute  l'Église,  comme,  par 
exemple,  l'usage  du  signe  de  la  croix,  est  aussi  appelée  très- 
générale  ou  universelle.  Celle-là  est  générale  ou  commune 
qui  est  observée  dans  tout  un  royaume  ou  dans  toute  une 
province  5  lorsqu'elle  n'est  en  vigueur  que  dans  une  seule 
cité,  elle  est  spéciale  ou  locale^  enfin,  si  elle  n'était  reçue 
que  dans  une  église,  une  communauté,  etc.,  en  un  mot, 
dans  une  minime  partie  du  peuple,  qui  ne  forme  point  une 
société  complète,  elle  serait  dite  alors  très-spéciale.  Cette 
dernière  espèce,  qui  est  aussi  nommée  par  Suarez  particu- 
lière ou  privée,  ne  pouvant  introduire  un  droit  légal  (2), 
n'est  nullement  comprise  dans  la  notion  rigoureuse  delà  cou- 
tume -,  il  est  bien  évident  qu'une  personne  privée  ne  peut, 
à  proprement  parler,  s'imposer  une  loi  à  elle-même.  Nous 
n'avons  donc  pas  a  nous  occuper  ici  de  ces  usages  parti- 
culiers. 

La  division  la  plus  importante,  en  cette  matière,  est 
celle  qui  atteint  la  coutume  envisagée  dans  son  rapport  de 
conformité  ou  d'opposition  avec  le  droit.  Les  coutumes,  à 

(1)  Suarez,  de  Leg.,  1.  vu,  c.  4. 

(2)  Pirbiag,  Jus.  can.,  1.  i,  t.  iv,  §  1,  5, 


502  DANS   l'église. 

ce  point  de  vue,  peuvent  être  de  trois  sortes.-  secundum 
pis,  prœter  ius,  contra  jiis.De  plus,  nous  pouvons  les  consi- 
dérer par  rapport  a  la  loi  naturelle,  a  la  loi  divine  positive, 
et  à  la  loi  humaine. 

Lorsque  la  coutume  consiste  simplement  a  exécuter  ou 
à  observer  la  loi  qu'elle  confirme  et  interprète  par  un  long 
usage,  elle  est  dite  secundum  jus.  C'est  ainsi,  par  exemple, 
que  la  coutume  qui  a  introduit  le  principe  :  potus  jejunium 
non  frnnrjif,  a  simplement  interprété  la  loi  quadragésimale 
en  l'appliquant.  De  même,  l'usage  introduit  en  Italie  de 
prendre  le  matin,  les  jours  de  jeûne,  une  certaine  quantité 
de  chocolat,  est  aussi  une  interprétation  usuelle  du  même 
principe,  déjà  introduit  par  l'usage.  Toutefois,  bon  nombre 
de  canonistes  et  de  théologiens  prétendent  que  la  coutume 
peut  seule  légitimer  ces  faits  (1^  -,  et,  d'après  cette  opinion, 
il  ne  s'agirait  plus  d'une  coutume  secundum  jus.,  mais 
contra  jus. 

La  coutume  prœter  lerjem  est  celle  qui  introduit  un  droit 
nouveau,  c'est-à-dire  celle  qui  ordonne  ou  défend  ce  qui  n'a 
été  en  aucune  sorte  déterminé  par  le  droit  préexistant  :  elle 
lixe  donc  quelque  point  particulier  dans  le  domaine  des 
choses  indifférentes. 

Enfin,  la  coutume  est  dite  contra  jus,  quand  elle  consiste 
en  des  usages  légitimes  formellement  opposés  a  quelque 
loi  positive.  Elle  peut  ou  abroger  le  droit  humain  pré- 
existant, d'abord  accepté  et  misa  exécution,  ou  empêcher 
qu'une  loi  portée  obtienne  son  effet,  c'est-à-dire  soit  observée 
et  reçoive  sa  confirmation  dans  les  faits.  Dans  l'un  et 
l'autre  cas,  la  loi  opposée  à  la  coutume  cesse  d'être  loi,  la 
résistance  passive  du  corps  social  ayant  démontré  d'uno 
manière  évidente  que  cette  prescription  est,  dans  les  con- 
jonctures présentes,  contraire  au  bien  public. 

(1)  Voyez  Ferraris,  au  moi  jejunium,  nxi.  \,  n.  40,  etc.;  saint  Liguori, 
1.  m,  n.  1025  elc. 


DU  DROIT   COUTUMIER  5A3 

D'après  ces  détinitions,  il  est  hors  de  doute  que  l'on 
peut  admettre  des  coutumes  secundum  jus  par  rapport  à  la 
loi  naturelle  et  au  droit  divin  positif;  ces  coutumes,  en 
effet,  viennent  corroborer  ces  lois,  non  en  elles-mêmes, 
mais  par  rapport  à  nous,  en  tant  qu'elles  les  rappellent 
sans  cesse  à  la  mémoire  et  en  facilitent  l'exécution.  Toute- 
fois il  ne  peut  s'agir  ici  évidemment  que  de  coutumes  de  fait. 

Mais  toute  coutume  contra  jus,  quand  il  s'agit  du  droit 
naturel,  n'est  point  une  coutume,  mais  une  corruption  des 
mœurs  :  Nemo  sanœ  mentis  intelligit  naturali  juri,  cujus 
transgressio  periculum  salutis  inducit,  quacumque  consiietu- 
dine  posse  aliquatenus  derogari.  {Cum  tanto.  II,  de  Consuet.) 
Si  néanmoins  il  s'agissait,  non  du  droit  naturel  primor- 
dial, mais  du  droit  des  gens,  la  coutume  pourrait  pré- 
valoir contre  ce  droit  et  l'abroger^  non  dans  sa  totalité, 
mais  dans  quelques-unes  de  ses  dispositions  (l). 

Suarez,  dans  son  traité  des  lois,  s'attache  à  déterminer 
ce  que  peut  la  coutume  par  rapport  au  droit  divin  positif. 
Nous  allons  indiquer  brièvement  toutes  ces  conclusions. 
1"  Il  peut  sans  aucun  doute  y  avoir  des  coutumes  de  fait 
secundum  leqem;  ce  quirevienta  dire  que  l'exécution  de  la  loi 
divine  positive  est  commune,  ou  que  les  mœurs  sont  con- 
formes a  cette  loi.  2°  Il  peut  aussi  exister  quelques  cou- 
tumes proprement  dites,  prœter  jus  :  il  y  a  en  effet  des 
usages  légitimes  qui,  sans  être  une  simple  exécution  d'un 
précepte  divin,  ne  renferment  cependant  rien  qui  soit  op- 
posé aux  commandements  de  Dieu.  3°  Il  ne  peut  y  avoir 
de  coutume  légitime  contraire  au  droit  divin  :  il  est  mani- 
feste d'abord  que  les  hommes  ne  sauraient  prévaloir  contre 
la  volonté  divine,  et  d'autre  part  le  consentement  du  sou- 
verain législateur  ne  peut  jamais  être  présumé  ici.  Aussi 
l'apôtre  saint  Paul  écrit-il  :    Videte,  ne  quis  vos  decipiat 

(1)  Suarez,  toc.  cit. 


545  DU  DROIT  COUTUMIER 

secundum  traditiones  hominum.  Il  est  vrai,  néanmoins,  de 
dire  que  la  coutume  peut  avoir  une  certaine  valeur  inter- 
prétative du  droit  divin  ;  mais  cette  interprétation  ne  peut 
être  restrictive,  jusqu'à  introduire  une  limitation  véri- 
table ou  une  dispense  de  ce  droit.  Suarez  condamne  avec 
raison,  comme  absolument  fausse,  l'opinion  de  quelques 
canonistes  qui  soutenaient  cette  doctrine  (1). 

Enlin,  par  rapport  aux  lois  humaines,  personne  ne 
révoque  en  doute  qu'il  puisse  exister  des  coutumes  secun- 
dum legem,prœter  legem,  contra  legem.  Et  c'est  a  ce  point  de 
vue  que  nous  nous  plaçons  en  exposant  la  nature,  la  force 
et  les  conditions  de  la  coutume.  Aussi  souvent  donc  qu'il 
sera  question  ici  d'une  manière  générale  de  la  coutume  con- 
tra jus,  on  ne  pourra  jamais  entendre  cette  expression  que 
du  seul  droit  positif  humain. 

E.  Grandclaude. 


(1)  De  Leg.,  1.  vu,  c,  4,  u.  13. 


ÉTUDE  CRITIQUE 


SUR     Là     nouvelle     EDITION 


DE  L'HISTOIRE  GÉNÉRALE  DES  AUTEURS  SACRÉS 
ET  ECCLÉSIASTIQUES 

Par  Doni  Ceillier  (1) 


La  Revue  des  Sciences  ecclésiastiques  a  donné  une  étude  sur  les 
premiers  volumes  parus  de  V Histoire  des  Auteurs  sacrés  de  Doni 
Ceillier  (n"  de  février  1862,  tome  v,  p.  97-120).  Depuis  cette  époque, 
la  réimpression  a  continué  avec  la  même  marche  rapide,  et  aujourd'hui 
l'ouvrage  entier  est  entre  nos  mains. 

Nous  reprenons  notre  étude  critique  au  point  où  nous  l'avons  laissée. 

Le  viii^  volume  est  consacré  à  une  partie  des  écrivains  du  V*  siècle, 
c'est-à-dire,  outre  un  grand  nombre  d'auteurs  secondaires,  à  Synésius, 
évêque  de  Ptolémaïde;  à  saint  Paulin,  évêque  de  Nôle;à  Prudence  et 
Sédulius,  poètes  chrétiens  ;  à  Sulpice-Sévére,  prêtre  d'Aquitaine,  qu'il 
ne  faut  pas  confondre  avec  Sulpice-Sévère  de  Bourges  ;  à  Jean  Cassien, 
prêtre  et  abbé  de  iVlarseille  ;  à  saint  Cyrille,  patriarche  d'Alexandrie  ;  à 
Vincent  de  Lérins  ;  à  saint  Isidore  de  Péluse  et  aux  historiens  grecs 
Philostorge,  Socrate  et  Sozomène.  Parmi  les  améliorations  apportées 
par  M.  Bauzon,  nous  citerons  celles  qui  concernent  saint  Cyrille, 
Sulpice-Sévère  et  Théodore  de  Mopsueste. 

Le  travail  que  Dom  Ceillier  avait  consacré  au  patriarche  d'Alexandrie, 
qu'on  a  surnommé  avec  raison  le  docteur  de  la  maternité  divine,  est 
enrichi  dans  la  nouvelle  édition  d'un  appendice.  C'est  le  résumé  donné 
par  M.  Bonnetty,  dans  la  table  raisonnée  des  collections  du  cardinal 
Mai,  oh  l'on  trouve  toute  une  série  d'ouvrages  ou  de  fragments  de 
saint  Cyrille  insérés  par  M.  Migne  dans  la  Patrologie  grecque.  Cet 

(1)  Paris,  Vives. 


546  ÉTUDE    CRITIQUE 

appendice  se  termine  par  ces  paroles  :  «  Homme  vraiment  admirable 
et  que  nous  voyons  dans  ses  écrits  professer  les  idées  les  plus  justes 
sur  Pierre,  le  maître,  le  chef  et  le  fondement  des  cjtholiques  sur  cette 
terre,  et  sur  son  successeur  Célestin,  dont  il  tient  la  place  au  concile 
d'Ephése,  à  propos  duquel  il  proféra  ces  paroles  remarquables  dans 
son  homélie  sur  la  Vierge-Mère  de  Dieu  :  «  Or,  qu'il  en  soit  ainsi, 
nous  en  avons  un  témoin  digne  de  foi,  à  savoir  le  très-saint  archevêque 
du  monde  entier^,  Célestin,  le  père  et  le  patriarche  de  la  grande  Rome 
(p.  366).  » 

Sulpice-Sévère,  l'éditeur  le  démontre,  n'a  pas  enseigné  le  milléna- 
risme  (p.  112  s.).  Dans  son  dialogue  intitulé  Galliis,  il  dit  que  l'Ante- 
christ  viendra  bientôt  et  rétablira  Jérusalem  et  son  temple,  opinion  qui  ne 
s'accorde  point  avec  la  prophétie  du  prophète  Daniel.  C'est  là  une  er- 
reur sans  doute,  mais  ce  n'est  pas  celle  des  millénaires.  L'éditeur 
redresse  aussi  Dom  Ceillier,  qui  assure  que  Sulpice-Sévère  a  été  rais  par 
l'Eglise  au  nombre  de  ceux  à  qui  elle  rend  un  culte  public  (p.  113). 
Benoît  XIV,  dans  la  préface  qu'il  a  mise  en  tête  de  l'édition  du  Marty- 
rologe romain,  démontre  que  le  Saint-Siège  n'a  jamais  inséré  le  nom 
de  l'historien  Sulpice-Sévère  dans  les  sacrés  diptyques.  A  propos  du 
fameux  scriws  trans  alpes  Dei  religione  suscepta,  une  courte  note  fait 
remarquer  avec  beaucoup  de  raison  que  ce  passage  où  Sulpice-Sévère 
parle  des  massacres  exécutés  dans  les  Gaules  en  177,  contredit  for- 
mellement celui  011  Grégoire  de  Tours  place  l'arrivée  des  premiers 
missionnaires  dans  ce  pays  en  250. 

L'article  de  Théodore  de  Mopsueste,ce  hardi  et  célèbre  penseur  qui 
scandalisa  si  grandement  l'Eglise  et  fut  condamné  par  le  V«  concile 
œcuménique,  est  traité  au  conmienceraent  de  ce  volume.  Et  à  la  fin  de 
ce  même  tome,  par  un  déplacement  fâcheux  mais  indépendant  de  la 
volonté  de  l'éditeur,  se  trouve  un  appendice  relatif  au  commentaire  sur 
les  Petits  prophètes  de  l'évêque  de  Mopsueste.  Dans  cette  note,  on  lui 
attribue  aussi  le  commentaire  sur  l'épître  aux  Galateset  aux  Éphésiens, 
que  Dom  Pilra,  dans  le  1"  volume  de  son  Spicilegium  Solesmense, 
attribuait  à  saint  Hilaire  de  Poitiers.  Se  fondant  sur  une  dissertation  de 
M.  LeHir,  M.Bauzon  repousse  ce  sentiment  et  soutient  que  l'ouvrage 


SUR    l'histoire    générale    des    auteurs    SACRfcS.       5/|7 

est  d'un  grec  de  l'école  d'Antioche:  «  Nous  nommons  'presque  sans 
hésiter,  dit-il,  Théodore  de  Mopsueste  »(p.  622).  «  Il  me  reste  à  vous 
dire  un  mot  de  l'intéressante  dissertation  de  M.  Le  Hir,  »  écrivait  le 
R.  P.  Pitra,  aujourd'hui  cardinal  de  la  sainte  Eglise  romaine.  «  J'ai  eu 
la  pensée,  non  pas  de  la  réfuter,  mais  d'en  vérifier  à  tête  reposée  toutes 
les  assertions,  en  profitant  de  deux  ressources  qui  ont  manqué  à  l'auteur 
{le  commentaire  grec  de  Théodore  de  Mopsueste  et  un  manuscrit  du 
Commentaire  latin  plus  ancien  que  celui  de  Corbie).  Je  me  réserve  de 
faire  ce  double  travail  dans  le  v^  volume  du  Spicilége,  et  si  le  résultat 
me  conduit  aux  conclusions  de  votre  savant  collègue,  je  serai  le  premier 
à  y  souscrire,  et  j'en  ai  déjà  pris  l'engagement...  » 

Bien  des  notes  de  détail,  l'indication  des  éditions  données  depuis 
Dom  Ceillier,  un  discours  sur  saint  Pierre  et  saint  Paul  autrefois  attri- 
bué à  saint  Zenon,  mais  restitué  depuis  à  saint  Gaudence  de  Brescia,  une 
lettre  de  saint  Nil  au  scolastique  Nemerlius  :  telles  sont  les  autres  ad- 
ditions qui  se  font  remarquer  dans  ce  huitième  volume. 

Samt  Augustin  occupe  à  lui  seul  tout  le  tome  neuvième.  Cela  n'a 
rien  d'étonnant.  Ce  prsecipuus  paler  et  optimus  doctor, comme  l'appe- 
lait le  pape  Adrien  dans  une  lettre  adressée  à  Constantin  Porphyrogénète 
(Labb.  VII,  1 10),  a  donné  un  nombre  si  étonnant  d'ouvrages,  ut  ea  omnia, 
dit  Possidius,  vix  quisquam  studiosorum  perlegere  et  nosse  sufficiat 
(xviii,  23).  «  On  peut  dire,  ajoute  Bossuet,  qi''il  est  le  seul  des  anciens 
que  la  divine  Providence  a  déterminé,  par  l'occasion  des  disputes  qui 
se  sont  offertes  de  son  temps,  à  nous  donner  tout  un  corps  de  théologie, 
qui  devait  être  le  fruit  de  sa  lecture  profonde  et  continuelle  des  Livres 
sacrés.  »  {Défense  de  la  tradition  et  desSS.  Pères,  \\\.  iv,  ch.  16.)  Phi- 
losophe, théologien,  mystique,  il  emploie  toutes  les  méthodes  ;  Amor 
oculus  est,  —  intellectum  valde  ama  ;  il  étudie  l'histoire,  les  dogmes, 
la  conscience  humaine,  sa  marche  depuis  les  erreurs  et  les  vices  jus- 
qu'à la  plus  lumineuse  vérité,  jusqu'à  la  plus  sublime  sainteté  :  c'est 
par  là  qu'il  a  été  le  miracle  de  la  grâce  avant  d'en  être,  ou  plutôt,  afin 
d'en  être  le  docteur.  «  Il  suffit  de  dire,  en  un  mot,  qu'à  son  sens 
(il  s'agit  de  Baronius)  aulant  qu'il  a  surpassé  les  autres  docteurs  dans 
ses  autres  traités,  autant  il  s'est  surpassé  lui-même  dans  ceux  qu'il 


548  ÉTUDE    CRITIQUE 

a  composés  contre  les  Pélagiens.  »  {Défense,  etc.,  liv.  vi,  ch.  19). 

L'éditeur  avait  à  compléter  Dom  CeiUier.  11  s'acquitte  de  cette  tâche 
en  indiquant  les  divers  ouvrages  à  consulter  sur  le  grand  évêque 
d'Hippone,  et  les  éditions  ou  traductions  nouvelles  des  œuvres  de  saint 
Augustin  qui  ont  été  faites  depuis  1736.  Les  additions  principales 
sont  l'indication  du  Spéculum  édité  par  le  cardinal  Mai  (p.  215),  et  de 
25  sermons  publiés  par  Michel  Denis  en  1792,  à  Vienne;  de  4  traités 
inédits  publiés  en  1793 à  Florence,  parFontani;  de  ^sermons  publiés 
en  1819,  à  Rome,  par  Frangipane,  moine  du  Mont-Cassin;  de  160 
sermonspubliés  par  M.  Caillau,  en  1842,  chez  Paul  Mellier,  et  qui  furent 
l'occasion  d'assez  vifs  débats  ;  de  4  sermons  publiés  par  M.  Migne,  et 
de  201  sermons  donnés  parle  cardinal  Maï  dans  le  tome  l^r  du  Patrum 
nova  Bibliotheca.  Après  ces  sermons,  le  savant  cardinal  a  donné  une 
notice  intéressante  sur  l'ouvrage  précieux  et  peu  connu,  qui,  sous  le 
titre  de  Milleloquium  veritatis,  en  2  vol.  in-f",  renferme  par  ordre 
alphabétique  toutes  les  matières  traitées  par  saint  Augustin  (p.  839). 

Dans  ces  derniers  sermons  se  trouvent  des  passages  remarquables 
sur  la  présence  réelle,  sur  la  procession  du  Saint-Esprit,  (p.  842), 
sur  la  Trinité,  sur  la  confession,  sur  l'infaillibilité  de  saint  Pierre. 
Bornons-nous  à  en  citer  deux  qui  ont  une  importance  particulière. 
Le  premier  concerne  le  fameux  verset  de  saint  Jean  (i  Jo.  v, 
7  et  8)  sur  la  Trinité.  Le  Spéculum  de  saint  Augustin  édité  par  le 
cardinal  Mai  suit  toujours  l'ancienne  italique.  Or  ce  Spéculum  porte  ce 
qui  suit  :  «  Quoniam  très  sunt  qui  testimonium  dicunt  in  terra, 
spiritus,  aqiia,  et  sanguis  :  et  fii  très  unum  sunt  in  Chrïsto  Jesu.  — 
Et  très  sunt  qui  dicunt  testimonium  in  cœlo,  Pater,  Verbum  etSpiritus, 
et  ht  très  unum  sunt  (p.  843).  Le  second  se  rapporte  au  naturalisme, 
qui  est  la  grande  plaie  de  notre  époque.  Saint  Augustin  assure  que  le 
diable,  corrupteur  de  la  foi,  persuade  aux  hommes  de  vivre  selon  la 
nature,  secundiim  naturam  vivere  homines  persuadet,  et  rend  sem- 
blables aux  bêtes  ceux  que  Dieu  avait  rendus  semblables  à  lui-même. 
«  Que  les  défenseurs  actuels  de  la  raison  naturelle  contre  la  foi  divine, 
ajoute  avec  raison  le  cardinal  Maï,  réfléchissent  à  cette  sentence  de 
saint  Augustin,.,  (p.  844).  » 


SUR  l'histoire  générale  des  auteurs  sacrés.     5A9 

Dans  un  second  supplément,  l'éditeur  donne  des  notes  additionnelles 
pour  expliquer  la  doctrine  de  saint  Augustin  sur  la  grâce,  et  dans  un 
troisième  le  sentiment  de  Fénelon  sur  l'édition  fautive  des  œuvres  des 
ce  saint  docteur,  donnée  par  les  Bénédictins. 

Il  y  avait  aussi  à  corriger  Dom  Geillier.  M.  Bauzon  le  fait  dans 
quelques  notes  assez  clair-semées,  qui  redressent  le  texte  de  l'historien 
ou  qui  expliquent  la  doctrine  du  saint  docteur  sur  la  nécessite  de  pécher 
et  sur /a  liberté  (p.  543).  Puisqu'on  a  reproché  à  Dom  Geillier  son 
silence  sur  certains  endroits  dont  l'hérésie  avait  abusé,  il  eût  èlé 
bon  peut-être  que  l'éditeur  annotât  tous  ces  passages  autrefois  sus- 
pects. 

Enfin,  nous  aurions  personnellement  désiré  une  note  bien  complète, 
ayant  pour  objet  de  montrer  que  saint  Augustin  n'a  pas  été  l'adversaire 
du  pouvoir  du  Pontife  romain.  Cette  démonstration,  on  l'aurait  facile- 
ment obtenue  :  1"  en  réunissant  tous  les  textes  formels  où  saint  Augus- 
tin parle  si  souvent  et  si  clairement  de  l'autorité  éminente  de  la  chaire 
apostolique,  autorité  qu'il  oppose  aux  Donatistes:  Ipsa  est  pelra  quant 
non  vincunt  superbx  inferorum  porlx  [Ps.  conl.  part.  Don.);  aux 
Pélagiens  :  Rescripta  venernnt,  causa  finita  ^st  {Serm.  de  verbis  ap.); 
à  laquelle,  vieillard  couronné  de  gloire  et  de  mérites,  il  soumet  ses  der- 
niers ouvrages  ;  Non  tam  discenda  quatn  examinanda,  et  nbi  forsitan 
aliquid  displicuerit  emendanda  [Cont.  dms  Epist.  Pelag.  i,  n.  3);  dans 
laquelle  il  assure  qu'a  toujours  été  en  vigueur  la  principauté  de  la 
chaire  apostolique  ;  qm  seule  enfin  le  retient  dans  l'Église.  2°  En  mon- 
trant une  dernière  fois  combien  les  jansénistes  et  les  gallicans  ont 
faussé  le  sens  de  ce  qu'il  dit  dans  son  livre  du  Baptême  au  sujet  de 
saint  Cyprien.  Cette  note  était  d'autant  plus  nécessaire,  qu'aujourd'hui 
encore,  il  n'est  pas  sans  exemple  d'entendre  dire  que  saint  Augustin  a 
pleinement  justifié  saint  Cyprien  de  sa  résistance  (1),  parce  qu'un  coU' 
cile  général  n'avait  pas  parlé!!!  Cela  s'est  dit  encore  en  1863.  Il  est 
plus  que  temps  que  de  telles  ignorances  disparaissent  et  ne  souillent 
plus  des  esprits  trop  crédules. 

Dans  le  tome  X  apparaissent,  parmi  les  écrivains  latins  :  Paul  Orose, 
saint  Pierre  Chrysologue,  saint  Léon  le  Grand,  saint  Prosper,  Mam- 


550  ÉTUDE    CRITIQUE 

mert  Claudien  de  Vienne,  Salvien  de  Marseille,  saint  Sidoine  Apolli- 
naire, Paulin  de  Périgueux  (^Ql),  poète  chrétien,  auteur  d'une  Vie  de 
saint  Martin,  saint  Avit  de  Vienne,  saint  Honorât,  évêque  de  Marseille, 
et  Boèce.  Parmi  les  Grecs,  on  y  trouve  :  Théodoret,  évêque  de  Cyr,  à 
qui  Dom  Ceillier  donne,  on  ne  sait  trop  pour  quelle  raison,  le  litre  de 
docteur  de  l'Église,  Acace  d'Amida,  Firmus,  archevêque  de  Césarée, 
saint  Gennade,  patriarche  de  Gonslantinople,  Enée  de  Gaze  et  saint 
Denys  l'Aréopagite. 

Le  nom  de  ce  dernier  auteur  est  accompagnée  dans  la  table  des 
chapitres  de  ces  mots  du  correcteur:  écrivain  grec  du  premier  siècle 
probabhînent .  A  l'appui  de  cette  note,  dans  l'article  i"  de  son  chapitre 
XXXIX,  M.  Bauzon  résume  les  récents  travaux  qui  ont  été  faits  pour 
démontrer  que  saint  Denys  vint  dans  les  Gaules  vers  la  tin  du  l'»"  siècle, 
et  il  dit  que  Varéopagitisme  de  saint  Denys  et  sa  mission  sous  saint 
Clément  sont  deux  traditions  toutes  différentes  (p.  53y).  Il  ajoute 
que  l'aréopagitisme,  si  fort  ébranlé  par  la  critique  moderne,  a  nui 
dans  ropinion  à  la  première  tradition,  qui  est  bien  plus  ancienne  et 
qui  en  est  tout-à-fait  indépendante.  L'estimable  auteur  abandonne  faci- 
lement le  premier  point,  mais  il  maintient  résolument  la  mission  du  I" 
évoque  de  Paris  par  saint  Clément.  Il  renvoie  à  la  fin  de  son  volume, 
sous  le  litre  de  supplément,  la  dissertation  sur  l'authenticité  des  œuvres 
du  saint  évêque  donnée  par  Mgr  Darboy,  aujourd'hui  archevêque  de 
Paris.  Le  lecteur  regrette  d'être  obligé  d'aller  chercher  à  plus  de  200 
pages  la  fin  d'un  travail  qui  auiait  dû  se  trouver  sous  un  même  article. 

C'est  là  la  grande  addition  qui  se  fait  remarquer  dans  ce  tome 
dixième. 

Le  suivant  contient  les  écrivains  duVi^  siècle.  Nous  y  voyons  briller 
au  milieu  d'un  grand  nombre  d'autres  auteurs  saint  Fulgence,  saint 
Rémi,  l'apôtre  des  Francs,  saint  Césaire  d'Arles,  Cassiodore,  saint 
Grégoire  de  Tours,  saint  Fortunat  de  Poitiers,  saint  Léandre  de  Sé- 
ville,  saint  Grégoire  le  Grand,  saint  Colomban,  saint  Jean  Climaque, 
Moschus,  Sophronius (écrivains  grecs),  saint  Isidore,  évêque  de  Séville, 
saint  Udefonse,  etc.  etc.  Ce  volume  est  de  986  pages  ;  les  notes,  les 
additions,  les  indications  des  éditions,  etc.  y  abondent.  L'éditeur  a  re- 


SUR  l'histoire  générale  des  auteurs  sacrés.     551 

touché  et  bien  complété  le  travail  de  Dom  Ceillier.  La  simple  énu- 
mération  des  notes  ajoutées  par  lui  nous  prendrait  beaucoup  trop  de 
place. 

Le  tome  Xll,  consacré  aux  VI1I«,  IX*  et  X"  siècles,  passe  en  revue, 
à  travers  IHO  pages,  un  nombre  considérable  d'écrivains.  11  indique 
ce  qui  est  connu  des  œuvres  de  ce  temps,  dont  une  grande  partie  est 
encore  à  explorer  et  à  mettre  au  jour.  Ce  que  nous  avons  dit  tout  à 
l'heure  trouve  également  son  application  ici  :  nous  serions  beaucoup 
trop  long  si  nous  voulions  parcourir,  même  rapidement,  l'œuvre  per- 
sonnelle de  l'éditeur.  Disons  seulement  qu'à  la  page  950  se  trouve 
une  note  sur  la  condamnation  du  pape  Honorius,  qui  aurait  demandé 
peut-être  encore  quelques  détails.  L'article  de  saint  Jean  Damascène, 
le  saint  Thomas  des  Grecs,  s'est  enrichi  de  quelques  hymnes  éditées  par 
le  G.  Mai.  Le  grand  écrivain  en  a  consacré  cinq  à  saint  Pierre,  qu'il 
appelle  le  Coryphée.  On  y  lit  :  «  Ayant  reçu  du  Ghrist  l'Église  que  le 
Seigneur  lui-même  a  formée^  vous  l'avez  gouvernée  comme  un  navire. 
Gardien  de  Rome,  trésor  du  royaume  céleste,  pierre  de  la  foi,  fonde- 
ment inébranlable  de  la  foi  catholique,  soyez  célébré  dans  les  saints 
cantiques!  »  (p.  91.) 

Le  XIII*  volume  s'ouvre  par  une  lettre  de  Mgr  l'évêque  d'Aulun  au 
respectable  annotateur  de  Dom  Ceillier.  Cette  lettre,  que  nous  voudrions 
citer  en  entier,  porte  approbation  des  quatre  premiers  volumes  de 
['Histoire  des  auteiin  sacrés  et  ecclésiastiques.  Après  avoir  rendu  un 
légitime  hommage  au  travail  du  religieux  de  Saint- Vannes,  et  ajouté  que 
quelques  tâches  déparaient  ce  beau  monument  de  piété  et  d'érudition, 
l'éminent  prélat  ajoute  :  «  Depuis  le  savant  bénédictin,  la  science 
historique  a  fait  des  progrès  ;  de  nouvelles  découvertes  d'ouvrages,  des 
recherches  plus  approfondies  sur  d'autres  déjà  connus,  fournissaient 
matière  à  des  additions  et  à  des  rectifications;  d'un  autre  côté,  vivant 
à  cette  époque  où  une  critique  d'allure  antichrétienne  s'exerçait  avec 
une  rigueur  excessive  et  souvent  injuste  contre  les  Actes  de  nos  martyrS; 
l'illustre  auteur  n'avait  pas  complètement  échappé  à  cette  funeste  in- 
fluence et  il  était  à  désirer  que  son  œuvre  fût  purgée  de  cette  rouille  du 
XVllI* siècle;  enfin,  les  préjugés  du  gallicanisme,  et  disons-le,  même 


552  ÉTUDE    CRITIQUE 

les  pernicieuses  idées  du  jansénisme,  avaient  quelque  peu  déteint  sur 
certaines  parties  de  son  travail  ;  c'était  tantôt  une  insinuation  mal- 
veillante, tantôt  une  réticence  calculée,  parfois  une  expression  incom- 
plète sur  la  grande  question  de  l'infaillibilité  dogmatique  du  Souverain- 
Pontife  comme  chef  de  l'Eglise,  tendance  mal  accueillie  de  nos  jours, 
où  la  doctrine  du  gallicanisme  n'est  plus  guère,  grâces  à  Dieu,  qu'un 
souvenir  histoiique  sans  défenseur  et  sans  conséquence  (p.  v  et  vi).  » 

Bien  des  notes,  des  additions,  des  corrections  se  font  remarquer 
dans  ce  volume.  La  rectification  qui  domine  toutes  les  autres  est  celle 
qui  se  rapporte  à  saint  Grégoire  Vil.  L'éditeur  restitue  d'abord  à  cet 
incomparable  Pontife  le  litre  de  Saint  que  lui  décerne  l'Eglise  catholique. 
11  l'avait  bien  reçu  du  temps  de  Dom  Ceillier,  mais  le  religieux  aurait 
craint  de  blesser  les  préjugés  et  les  parlements,  s'il  avait  parlé  en  cette 
circonstance  comme!' Eglise  \  (p.  349.)  Etranges  circonstances,  qui  de- 
vraient ouvrir  à  jamais  les  yeux  sur  la  portée  funeste  de  certaines 
maximes  qu'on  appelle  particulières,  et  qui  par  là  même  sont  convain- 
cues de  n'être  pas  catholiques  !  On  vit  des  magistrats,  desévêques  même, 
s'élever  contre  le  culte  d'un  saint  que  l'Église  mettait  sur  les  autels  ! 
On  vit  des  auteurs  ecclésiastiques  manquer  de  respect  à  celui  qui  est  le 
père  de  tous  les  chrétiens,  au  point,  non  pas  de  découvrir  ses  défauts, 
mais  de  lui  imputer  des  défauts  imaginaires,  plus  coupables  en  ceci  que 
Gham  lui-même  1  11  a  fallu  que  des  protestants  nous  apprissent  à  rendre 
justice  au  plus  grand  des  Papes  du  moyen-âge. 

L'appendice  de  la  page  581  est  consacré  à  répondre  ayx  reproches 
adressés  à  saint  Grégoire  VIL  M.  Bauzon  suit  dans  cette  belle  œuvre 
les  remarquables  études  de  M.  Bouix,  publiées  dans  ce  recueil  même. 

On  ne  peut  que  souscrire  à  la  noie  lii  de  la  page  351,  dans  laquelle 
l'auteur  assure  que  l'Église  a  toujours  compris  Tutilité  de  l'unité  litur- 
gique pour  raaintenirl'unité  delà  foi.  La  note  2  de  la  page  353  deman- 
derait bien  des  commentaires.  Enfin  nous  avouons  ne  pas  trop 
comprendre  les  lignes  de  la  colonne  2,  p.  381,  mis  entre  crochets. 

La  première  partie  du  XIV»  volume  soutient  et  augmente  même 
l'intérêt  excité  par  le  précédent.  Quelle  suite  admirable  de  grands  noms! 
Saint  Anselme,  religieux  et  prieur  du  Bec,  archevêque  de  Cantorbéry, 


SUR  l'histoire  générale  des  auteurs  sacrés.    553 

confesseur  de  la  discipline  ecclésiastique,  âme  belle  et  douce,  philosophe 
qui  n'a  pas  emprunté  par  anticipation  à  Descar/cs  l'argument  de  l'exis- 
tence de  Dieu  par  l'idée  de  l'être,  comme  on  a  osé  le  dire  avec  trop  peu 
de  sens,  l'un  des  pères  de  la  théologie  scolastique,  cœur  passionnément 
dévoué  au  culte  de  Marie  et  ami  de  saint  Grégoire  VII  :  Sando  Gre- 
gorio  etiam  acceptus,qui  tune  magnis  persecutionibns  agitatus,Utteras 
amoris  plenas  ad  eum  dédit,  ainsi  que  parle  le  Bréviaire;  Bernard, 
archevêque  de  Tolède;  Yves  de  Chartres  ;  Hildebert,  archevêque  de 
Tours;  Hugues  de  Saint-Victor;  Abélard,  au  sujet  duquel  nous  vou- 
drions voir  relever  les  inexactitudes  de  la  critique  moderne  qui  l'a  un 
peu  méconnu  dans  son  rôle  dogmatique,  comme  elle  a  altéré  aussi  celui 
de  saint  Anselme;  Suger  de  Sainl-Denys,  et  enfin,  comme  au  plus  haut 
point,  noire  grand  saint  Bernard  !  On  a  abusé  de  quelques  paroles  de  ce 
saint,  tirées  du  livre  de  la  Considération.  Nous  trouverions  à  propos  que 
le  correcteur  ajoutât  une  note  dans  laquelle  il  réunirait  les  fortes  ex- 
pressions par  lesquelles  le  saint  docteur  a  pleinement  exalté  l'autorité 
suprême  de  la  chaire  romaine.  Pour  lui,  l'Eglise  de  Rome  est  Columna 
fidei  [ep.  124),  Peira  (idei  catfiolicx  {ep.  41);  son  Pontife  est  Fidei 
defensor  (de  Cons.,  lib.  4,  c.  7),  Doctor  'gentium  (ib.),  Assertor  ve- 
rxtatis  (i6.),  orhïs  lumen  {ib.,  c.  8),  canonwn  dispensator  {ib.),  solus 
potest  peremptoriam  dare  senlentiam  {ep.  176  et  239),  irrefragibiliter 
tenenduin  quidquid  prxcipit  {ep.  81).  Les  Analeda,  dans  le  numéro 
de  juillet  et  d'août  1859,  orit  publié  un  très-intéressant  travail  à  ce 
sujet,  qui  enrichirait  utilement  l'article  du  grand  abbé  de  Clairvaux 
dans  V Histoire  des  Auteuis  sacrés  et  ecclésiastiques.  Il  n'est  pas  bon  de 
laisser  altérer  soit  par  ceux  du  dehors,  soit  par  ceux  du  dedans  la  vé- 
nérable vérité  de  la  grandeur  de  nos  Saints  et  le  sens  de   leur 
doctrine. 

Après  saint  Bernard,  viennent  dans  le  même  volume,  Pierre  le  Vé- 
nérable, abbé  de  Clugny,  l'une  des  plus  grandes  figures  monastiques  du 
temps  que  saint  Bernard  n'éclipsa  pas;  Pierre  Lombard,  évêque  de 
Paris,  dont  le  nom  dit  tout;  et  enfin,  sainte  Hildegarde, célèbre  par  ses 
révélations  et  son  influence. 
La  seconde  partie  du  X1V«  volume  renferme  le  résumé  de  tous  les 

UEVTE  des  sciences  ECC1.ÉS.,  T.    IX,  —  JUIN   1864.  30 


55A  ÉTUDE    CRITIQUE 

conciles  des  Xl%  XIl«  et  XIll*  siècles,  et  donne  entre  autres  les  ponti- 
ficats d'Adrien  ÎV,  d'Alexandre  111,  de  Célestin  111  et  d'Innocent  111. 
L'éditeur  a  «nrichi  celte  partie  comme  toutes  les  autres,  de  notes 
tirées  surtout  de  la  Patrologie  de  M.  Migne  et  des  travaux  modernes 
sur  l'érudition  sacrée.  Quant  aux  auteurs  ecclésiastiques  qu'on  y 
trouve  en  si  grand  nombre,  ne  citons  que  les  principaux.  On  y  voit 
briller  saint  Thomas  Becket,  archevêque  de  Cantorbéry,  le  glorieux 
martyr  de  la  discipHne  ecclésiastique  ;  Pierre  de  Celle,  le  célèbre  évêque 
de  Chartres  ;  Richard  et  Adam  de  Saint-Victor,  dont  les  biographies 
ont  été  considérablement  améliorées  et  complétées;  notre  illustre 
Pierre  Comestor,  chancelier  de  Paris  ;  Gratien,  le  compilateur  du  Dé- 
cret ;  Pierre  de  Blois,  Alain  de  Lille,  le  docteur  universel,  etc.  Comme 
toujo  urs,  Dom  CeilHer  est  largement  annoté  et  complété. 

A  la  fin  de  ce  volume  se  lisent  les  deux  lettres  adressées  par  Be- 
noît XIV  à  Dom  Ceillier.  M.  Bauzon  ajoute  : 

a  Le  projet  de  la  nouvelle  édition  de  VHistoire  des  Auteurs  sacrés 
et  ecclésiastiques  ayant  été  soumis  à  Pie  IX,  Sa  Sainteté  a  daigné 
louer  beaucoup  ce  projet.  Elle  a  été  heureuse  d'apprendre  que  les 
notes  et  les  additions  seraient  faites  dans  un  esprit  très-conforme  aux 
doctrines  du  Siège  apostolique.  C'est  Son  Éminence  le  cardinal  Villecourt 
qui  a  bien  voulu  communiquer  cette  réponse,  le  21  novembre  1857,  à 
l'éditeur  littéraire. 

«  Cette  communication  a  grandement  réjoui  celui  qui  a  osé  revoir^ 
annoter  et  compléter,  à  l'aide  des  découvertes  modernes,  le  travail  du 
savant  bénédictin.  Plus  de  huit  années  ont  été  consacrées  à  ce  rude  et 
difficile  labeur,  qui  pourtant  a  procuré  de  délicieuses  jouissances. 

«  Toujours  de  plus  en  plus  dévoué  au  Saint-Siège,  et  reconnaissant 
dans  le  successeur  de  saint  Pierre,  avec  les  Pères  et  les  Docteurs  de 
l'Éghse,  le  guide  infaillible  de  la  vérité,  je  soumets  respectueusement 
mon  travail  au  jugement  du  très-saint  et  vénéré  Pontife  qui  gouverne 
l'Éghse.  » 

Nous  sommes  heureux  de  pouvoir  dire  en  finissant  que  M.  Bauzon  a 
rendu  un  véritable  service  aux  lettres  sacrées,  en  mettant  de  nouveau  à 
la  portée  de  tous  une  de  ces  œuvres  magistrales  que  nous  a  léguées  la 


SUR  l'histoire  générale  des  auteurs  sacrés.     555 

savante  corporation  des  Bénédictins.  Notre  résumé  rapide  a  fait  voir 
que  sous  sa  main  habile  l'ouvrage  a  reçu  bien  des  améliorations.  Les 
réserves  très-légères  que  nous  avons  cru  devoir  formuler  n'infirment 
en  rien  ce  jugement.- 

Au  moment  où  nous  terminons  cet  article,  nous  apprenons  que  la 
lable  des  matières  est  très-avancée  :  quand  ce  labeur  long  et  difficile 
aura  été  mené  à  bonne  fin,  l'ouvrage  en  acquerra  une  utilité  plus  con- 
sidérable encore.  Puisse-t-il  recevoir  partout  l'accueil  qu'il  mérite  ! 
Ce  sont  là  de  ces  entreprises  que  doivent  encourager  tous  ceux  qui  ont 
à  cœur  la  restauration  des  sciences  théologiques,  si  longtemps  né- 
gligé^'s  en  F'rance  par  suite  de  nos  catastrophes  et  des  circonstances 
qu'elles  ont  amenées. 

N.-C.  Le  Roy. 


THÉOLOGIE   MORALE. 


Un  prêtre  qui  a  reçu  des  honoraires  pour  dire  des  messes,  et  qui  fait 
dire  ces  messes  par  un  autre  prêtre,  peut-il  garder  une  partie  de 
ces  hotioraires  pour  une  bonne  œuvre  ? 


Telle  est  la  question  que  nous  voulons  examiner.  Question  très- 
grave,  puisque,  d'une  part,  elle  touche  de  près  au  saint  sacrifice  de  la 
messe,  qui  est  la  chose  la  plus  sacrée  de  la  religion,  et  que,  d'autre 
part,  elle  a  été  l'objet  de  plusieurs  décrets  apostoliques  et  d'une  bulle 
de  Benoît  XIV.  Question  très-actuelle,  puisque  la  pratique  de  faire  ac- 
quitter des  messes  par  d'autres  prêtres,  en  gardant  une  partie  de 
l'honoraire  pour  une  bonne  œuvre,  a  pris  depuis  quelques  années  de 
très-grandes  proportions. 

Or  cette  pratique  est-elle  licite?  Nous  ne  le  pensons  pas.  Nous 
croyons,  au  contraire,  que  ceux  qui  la  suivent  sont  atteints  par  tous  les 
décrets  apostoliques  et  par  la  bulle  de  Benoît  XIV  (1). 


(l)  Voici  la  série  des  décrets  qui  ont  été  portés  par  le  Saint-Siège  sur 
cette  matière. 

En  1625,  Urbain  VIII  approuve  le  décret  suivant  de  la  Sacrée  Congré- 
gation du  Concile  :  Omne  damnabile  lucrum  ab  Ecclesia  removere  volens, 
«  prohibet  sacerdoti  qui  Missam  suscipit  cehbrandam  cum  ceria  eleemo- 
«  syna,  ne  eamdem  Missam  alteri,  parte  ejusdem  eleemosynœ  sibi  retenta, 
«  celebrandam  cotnnuttat. 

Mais  comme,  après  ce  décret  d'Urbain  VIII,  quelques-uns  prétendaient 
encore  qu'il  était  permis  de  retenir  une  partie  de  l'honoraire,  attendu, 
disaieut-ils,  que  ce  décret  n'a-vail  pas  été  reçu,  le  pape  Alexandre  VII 
proscrivit,  l'an  1665,  entre  autres  propositions  fausses,  la  proposition  sui- 
vante :  Post  decrelum  Urbani  potest  sacerdos,  cui  Missœ  celebrandœ  tra- 


THÉOLOGIE    MORALE.  557 

On  le  voit,  nous  abordons  une  matière  de  la  plus  haute  gravité. 
Aussi  nous  lui  donnerons  toute  l'attention  et  tous  les  développements 
qu'elle  mérite. 

Mais  avant  tout  nous  vouions  faire  quelques  observations. 

1°  Le  plus  souvent  nous  n'indiquerons  pas  les  endroits  où  nous  avons 
puisé  nos  citations  ;  ce  serait  surcharger  inutilement  ces  pages,  car  les 
citations  se  trouvent  toutes  dans  les  auteurs  à  l'endroit  qui  traite  de 
l'honoraire  des  messes,  et  sont  par  conséquent  très-faciles  à  trouver. 

2°  Les  décrets  apostoliques  qui  ont  rapport  à  cette  matière,  auss 
bien  que  la  bulle  de  Benoît  XIV,  supposent  le  cas  où  celui  qui  fait  dire 
la  messe  par  un  autre,  aurait  reçu  un  honoraire  plus  abondant  que  la 
taxe  ordinaire,  et  donnerait  au  prêtre  célébrant  au  moins  la  taxe  ordi- 
naire. Mais  il  est  clair  pour  tous  les  théologiens  que  le  cas  où  l'on 
n'aurait  reçu  que  la  taxe  ordinaire  et  où  l'on  ferait  dire  la  messe  avec 
un  honoraire  moindre,  est  éminemment  compris  dans  les  décisions  des 
Souverains-Pontifes. 

ù°  La  plupart  des  décrets  apostohques  supposent  le  cas  où  celui  qui 
a  reçu  un  honoraire  pour  dire  la  messe  et  qui  la  fait  dire  par  un  autre, 
est  prêtre.  Mais  la  solution  est  la  môme  s'il  s'agit  d'un  laïque,  ainsi 
qu'il  résulte  de  la  bulle  de  Benoît  XIV  et  de  l'enseignement  des 
théologiens. 


duntur,  per  alium  satisfacere ,  collato  illi  minori  stipendia,  aîia  parte 
stipendii  sibi  retenia. 

Malgré  cette  condamnation,  l'abus  se  renouvelait  encore.  Innocent  XII, 
en  1697,  confirma  le  décret  d'Urbain  VIII,  que  nous  venons  de  citer. 

Au  dix-huitième  siècle,  des  prêtres  et  des  laïques  demandaient  des 
messes  en  des  lieux  où  les  honoraires  étaient  abondants,  et  les  faisaient 
dire  en  des  lieux  où  les  honoraires  étaient  moindres,  en  gardant  l'ex- 
cédant. Alors  Benoît  XIV,  en  1741,  lance  la  bulle  Quanta  cura,  dans  la- 
quelle il  renouvelle  les  décrets  de  ses  prédécesseurs,  et  prononce  lui- 
même  l'excommunictition  ipso  facto  contre  les  laïques,  et  la  suspense 
également  ipso  facto  contre  les  ecclésiastiques  qui  agiraient  ainsi. 

Enfin,  l'an  1860,  la  Sacrée  Congrégation  du  Concile,  interrogée  si  ceux 
qui  retiennent  pour  une  bonne  œuvre  sont  compris  dans  les  condamnations 
indiquées  plus  haut,  renvoie  aux  bons  théologiens  et  surtout  à  saint 
Liguori  et  à  Benoît  XIV. 

Nous  avons  cru  devoir  citer  ces  décret»,  parce  que  nous  aurons  à  y 
recourir  âouvent  dans  le  cours  de  cette  discussion. 


558  THÉOLOGIE    MORALE. 

4*  Quand  nous  disons  que  l'on  ne  peut  rien  se  réserver,  nous  ex- 
ceptons cependant  trois  cas  que  nous  verrons  tout  à  l'heure  dans  saint 
Liguori,  et  qui  se  retrouvent  communément  dans  les  théologiens. 

Ces  préliminaires  posés,  nous  entrons  en  matière.  Est-il  permis  de 
faire  dire  la  messe  par  un  autre,  en  ne  lui  donnant  pas  tout  l'^ionoraire 
accordé  pour  celte  messe,  mais  en  en  retenant  une  partie  pour  une 
bonne  œuvre? 

Nous  croyons  qu'on  ne  le  peut  pas,  et  nous  allons  prouver  notre 
opinion. 

Celte  démonstration  nous  est  rendue  plus  facile  par  une  réponse  de  la 
Sacrée  Congrégation  du  Concile,  du  29  août  1860. 

Un  savant  professeur  avait  demandé  à  cette  Congrégation  si  un  prêtre 
pouvait  ainsi  retenir  pour  une  bonne  œuvre  une  partie  de  l'honoraire. 
Cette  consultation,  qu'il  importe  de  lire  intégralement,  se  trouve  dans 
cette  Revue  môme,  année  1861,  N»  de  mars,  page  271. 

La  Sacrée  Congrégation  répondit  :  Die  29  augusti  1860.  -^  Con- 
sulat theologos,  praesertim  S.  Alphonsum  de  Liguori,  tracta  lu  xiii  de 
sacramento  Eucharistiae,  capite  vu;  et  Benedictum  XIV  de  Synodo, 
iibro  V,  capite  ix,  et  Constitutionc  Quanta  cura  superius  eitata  ; 
eorumque  sententiis  sese  conformet.  In  quorum  fidem  datura  Romae  ex 
ipsametsecretaria  die  31  augusti  1860.  —  A.  Quaglia,  secretarius. 

La  Sacrée  Congrégation  renvoie  donc  surtout  à  S.  Liguori  et  à 
Benoît  XIV.  Ce  sont  les  deux  auteurs  que  nous  devons  consulter,  c'est 
à  leur  sentiment  que  nous  devons  nous  conformer.  Là  est  la  solution 
cherchée. 

Voyons  donc  quel  est  le  sentiment  de  ces  deux  auteurs. 

I.  ~  SENTIMENT  DE  SAINT  LIGUORI. 

Voici  comment  il  expose  sa  doctrine  : 

«  321.  —  Qui  pecuniam  ab  alio  accepit,  ut  pro  illo  celebret  aut 
«  fieri  curet,  per  se  loquendo,  potest  curare  missam  per  alium  bonum 
«  sacerdotem  dici,  minus  dando  quam  accepit. 

«  Dixi  I.  Per  se  :  quia  Urbanus  VIII,  ob  speciem  turpis  quaestus, 
«  id  fieri  vetuit. 


THÉOLOGIE    MORALE.  55^ 

«  Dixi  II.  BoHum;  quia  si  per  malum  curet,  perditur  fructus,  qui 
«  est  ex  opère  operanlis.  » 

Puis  il  démontre  sa  proposition  en  citant  les  décisions  d'Urbain  VIII, 
d'Alexandre  VII,  d'Innocent  XII  et  de  Benoît  XIV,  que  nous  avons 
indiquées  plus  haut. 

Ainsi  donc,  on  ne  peut  donner  moins  que  l'on  n'a  reçu  :  minus 
dando  quatn  accepit.  Et  cela,  parce  que  Urbain  VIII,  Alexandre  VII, 
Innocent  XII  et  Benoît  XIV  l'ont  ainsi  statué.  Par  conséquent,  il  faut 
donner  tout  ce  que  l'on  a  reçu. 

Voilà  le  principe.  N'y  a-t-il  pas  d'exceptions?  Oui.  Saint  Alphonse 
en  indique  trois  : 

Premièrement,  lorsque  l'excédant  de  l'honoraire  est  donné,  moins 
en  considération  de  la  messe  que  de  l'amitié,  de  la  pauvreté,  de  la  ' 
reconnaissance,  de  la  parenté,  etc. 

Deuxièmement,  lorsque  le  prêtre  qui  dit  la  messe,  fait,  par  hbéra- 
lité  et  tout-à-fait  spontanément  (liberaliter  et  omnino  sponte)  la  con- 
donation  de  cet  excédant  ;  spontanéité  qui  n'existerait  pas  si  ce  prêtre 
était  prié,  rogatus,  de  faire  cette  condof\.ation,  quand  même  il  y  con- 
sentirait. 

Troisièmement,  lorsque  celui  qui  fait  dire  la  messe  par  un  autre  est 
bénéficier,  ou  chapelain,  ou  chargé  d'une  messe  perpétuelle.  Car  les 
décrets  qui  défendent  de  retenir  une  partie  de  l'honoraire,  ne  parlent 
que  des  messes  manuelles. 

Voilà  les  trois  seuls  cas  où  l'on  peut  donner  moins  que  l'on  n'a 
reçu.  Or,  le  cas  d'une  bonne  œuvre  n'est  pas  indiqué  dans  saint  Li- 
guori.  Donc  on  ne  peut  admettre  d'exception  en  faveur  d'une  bonne 
œuvre;  car  saint  Liguori  n'en  fait  point,  et  c'est  son  sentiment  qui 
doit  être  notre  régie. 

Les  deux  preuves  que  nous  venons  d'indiquer  sont  le  résumé  du 
n»  321.  Le  n»  322  donne  la  raison  fondamentale  de  cette  doctrine,  à 
savoir  que  l'honoraire  est  donné  pour  celui  qui  dit  la  messe,  et  non 
pour  celui  qui  la  fait  dire.  Voyons  plutôt. 

3^2.  Dubitatur  i°.  —  Saint  Alphonse  se  demande  si  celui  qui  re- 
tient une  partie  de  l'honoraire  non-seulement  pèche,  mais  encore  est 


560  THÉOLOGIE    MORALE. 

tenu  à  restitution?  —  11  répond  qu'oui,  pour  deux  raisons  :  l"  parce 
que  la  proposition  qui  disait  que  l'on  pouvait  satisfaire  par  un  autre 
prêtre  en  se  reservant  une  partie  de  l'honoraire,  a  été  condamnée  par 
Alexandre  VII  ;  or  la  satisfaction  ne  regarde  pas  seulement  l'honnêteté 
de  l'acte,  mais  encore  la  justice.  2o  Parce  que  l'intention  de  celui  qui 
donne  l'honoraire,  est  que  la  messe  demandée  soit  célébrée  avec  tel 
honoraire;  et  que  par  conséquent,  celui  qui  la  fait  célébrer  en  donnant 
moins  (tradito  minori  stipendie),  pèche  contre  la  justice,  parce  qu'il 
n'exécute  pas  l'intention  du  donateur,  et  que  cette  intention  entre  dans 
la  substance  du  contrat  :  Quia  non  exeqiiitur  dantis  intentionem,  qua 
vult  ut  illa  missa,  iinde  percipit  fructum,  tali  stipendie  celehretur,  et 
quia  htijusmodi  intentio  intral  in  snhstantiam  contractus.  C'est  pour- 
quoi, si  le  prôtre  retient  une  partie  de  l'honoraire,  il  le  retient  injus- 
tement contre  la  volonté  du  donateur  :  Idée,  si  sacerdes  partem  sti- 
pendii  retinet,  injuste  centra  dantis  voluntatem  retinet. 

Celui  qui  a  retenu  une  partie  de  l'honoraire  doit  donc  restituer. 
Mais  à  qui,  se  demande  saint  Alphonse?  Au  célébrant,  répond-il, 
parce  que  la  charge  lui  ayant  été  transférée,  le  droit  à  l'honoraire  tout 
entier  lui  est  transféré  conformément  à  la  volonté  du  maître  :  Restitu- 
iionem  faciendam  esse  celebranti,  quia,  translate  in  eum  onere,  etiam 
jus  ad  integrum  stipendium  juxla  voluntatem  domini  transferlur. 

Donc  l'honoraire  est  intimement  lié  à  la  messe.  Telle  est  la  volonté 
du  donateur.  Ne  pas  donner  tout  l'honoraire  à  celui  qui  dit  la  messe, 
c'est  lui  faire  une  injustice.  Tel  est  en  résumé  le  Dubitatur  1". 

Mais  continuons  d'examiner  ce  n»  522.  La  doctrine  du  Saint  va  se 
développer  dans  le  Dubitatur  2".  Saint  Alphonse  se  demande  si  un 
exécuteur  testamentaire  peut  faire  célébrer  les  messes  qui  lui  sont 
confiées,  en  des  lieux  où  la  taxe  est  moins  élevée,  et  se  réserver 
l'excédant.  11  répond  que  non,  pour  deux  raisons  :  1°  parce  que  ce  se- 
rait faire  un  gain  honteux  avec  des  honoraires;  2°  parce  que  cet  exé- 
cuteur testamentaire  n'a  aucun  titre  pour  se  réserver  cet  excédant,  at- 
tendu qu'il  n'a  jamais  acquis  le  domaine  de  ces  honoraires  :  Quia 
nulhim  is  titulum  habet,  que  lucrum  illud  sibi  retineat,  cum  nun^ 
quam  dominium  illarum  eleemosynarum  acquisierit. 


THÉOLOGIE    MORALE.  561 

Ainsi  donc,  celui  qui  a  reçu  des  honoraires  n'a  aucun  domaine  sur 
ces  honoraires.  Il  ne  peut  en  disposer  que  suivant  l'intention  du  do- 
nateur. Or,  quelle  est  l'intention  du  donateur?  Est-ce  d'en  consacrer 
une  partie  à  une  bonne  œuvre?  Non  ;  sa  volonté  est  que  la  messe  soit 
célébrée,  et  célébrée  avec  tel  honoraire  :  Voluntas  dantis  est,  non 
solum  ut  missa  celebretur,  sed  ut  celebretur  tali  stipendio.  Car,  quand 
il  donne  un  honoraire  plus  abondant,  c'est  pour  recueillir  de  cette 
messe  un  fruit  plus  abondant  :  Cum  enim  pinguem  tradit  stipem,  ea 
intentione  dat  ut  uberiorem  fruclum  ex  missa  celebranda  percipiat. 

Voici  donc,  en  résumé,  la  doctrine  de  saint  Liguori,  et  les  conclu- 
sions rigoureuses  qui  en  découlent  :  1°  11  ne  faut  pas  donner  moins 
qu'on  a  reçu;  par  conséquent  on  ne  peut  rien  retenir  pour  une  bonne 
œuvre  ;  2°  il  y  a  trois  cas  exceptés ,  mais  celui  d'une  bonne  œuvre 
n'est  pas  compris  dans  ces  exceptions  ;  3°  l'honoraire  est  attribué  tout 
entier  par  celui  qui  donne  l'honoraire,  non  pas  pour  une  bonne  œuvre, 
mais  pour  la  messe  ;  donc,  celui  qui  retiendrait  quelque  chose  pour  une 
bonne  œuvre,  serait  en  opposition  avec  la  volonté  du  maître.  Il  ferait 
une  injustice.  Donc,  retenir  quelque  chose  pour  une  bonne  œuvre  est 
une  injustice. 

Telle  est  la  conclusion  où  nous  étions  arrivé  pour  nous-même  en 
nous  basant  sur  le  texte  seul  de  saint  Liguori.  Mais  craignant  de  nous 
faire  illusion  en  matière  aussi  grave,  nous  avons  consulté  la  totalité  ou 
la  presque  totalité  des  théologiens  et  canonistes  qui  ont  écrit  après  ce 
grand  théologien,  qui  l'ont  connu,  et  qui  pour  la  plupart  se  sont  inspirés 
de  lui  :  Mgr  Gousset,  Scavini,  Gury,  Graisson,  la  Théologie  de  Nancy, 
les  Conférences  d'Angers,  le  Rituel  de  Toulon  (édit.  de  1827),  Bou- 
vier, Vernier,  Lequeux,  Dens,  André,  les  dernières  éditions  de  Collet 
et  de  Bailly,  Neyraguet  et  Richaudeau  ;  et  nous  avons  trouvé  en  tous 
môme  conformité  de  doctrine  avec  saint  Liguori  :  1°  même  principe  : 
donner  tout  ce  que  l'on  a  reçu;  2"  mêmes  exceptions,  et  jamais  l'ex- 
ception en  faveur  d'une  bonne  œuvre;  3"  si  l'on  s'écarte  de  ces  règles, 
non-seulement  il  y  a  péché,  mais  obligation  de  restituer. 

Les  théologiens  ont  donc  compris  saint  Liguori  comme  nous  l'avions 
compris  nous-méme.  Au  reste,  nous  reviendrons  encore  là -dessus 


562  THÉOLOGIE    MORALE. 

lorsque  nous  réfuterons  la  principale  objection  sur  laquelle  on  se  base 
pour  légitimer  la  pratique  que  nous  condamnons. 

II.   —  SENTIMENT  DE  BRNOÎT  XIV. 

Le  second  auteur  auquel  la  Sacrée  Congrégation  du  Concile  nous 
renvoie,  et  auquel  elle  veut  que  l'on  se  coaforrae,  est  Benoît  XIV, 
d'abord  dans  son  ouvrage  de  Synodo  lib.  v,cap.  ix,  n"  2^  et  ensuite 
dans  sa  Constitution  Quanta  cura. 

Examinons  donc  ces  deux  endroits. 

Voici  ce  que  nous  lisons  dans  le  Traité  de  Synodo  à  l'endroit  in- 
diqué :  «  Si  tamen  qui  manualem  eleemosynara  consueta  pinguiorera 
«  accepit,  alteri  sacerdoti  missam  celebrandam  committat,  non  potest 
a  illius  partem  sibi  retinere,  sed  totam  quara  accepit  erogare  débet  sa- 
«  cerdoti  celebranti.  » 

Ainsi  donc  le  prêtre  qui  a  reçu  un  honoraire,  même  plus  abondant 
que  de  coutume,  pour  célébrer  une  messe,  et  qui  fait  dire  cette  messe 
par  un  autre,  ne  peut  rien  se  réserver,  mais  il  doit  donner  au  prêtre 
célébrant  tout  l'honoraire  qu'il  a  reçu. 

Or  si  l'on  doit  tout  donner,  nous  demandons  que  l'on  veuille  bien 
nous  dire  ce  que  l'on  peut  retenir  pour  une  bonne  œuvre. 

Tel  est  le  premier  endroit  où  la  Sacrée  Congrégation  nous  renvoie. 
Benoît  XIV  y  parle  comme  saint  Liguori  :  On  doit  donner  tout  à  celui 
qui  célèbre. 

Considérons  maintenant  la  bulle  Quanta  cura  ,  à  laquelle  nous 
renvoie  encore  la  Sacrée  Congrégation.  On  verra  que  la  doctrine  est 
la  même. 

Voici  le  résumé  de  cette  bulle  : 

Chacun  sait  avec  quelle  sollicitude  il  faut  veiller  à  ce  que  le  saint 
sacrifice  soit  célébré  avec  le  plus  grand  respect;  avec  quel  soin  il  faut 
en  écarter  toute  espèce  de  mercantilisme  [cujnsvis  generis  mercedum 
conditiones)  et  toute  demande  importune  d'honoraires. 

Or,  nous  avons  appris  avec  douleur  que  des  ecclésiastiques  et  des 
laïques  ont  poussé  l'avarice  jusqu'à  ce  point,  qu'ils  recueillent,  en  cer- 


THÉOLOGIE    MORALE.  563 

tains  lieux,  des  honoraires  conformes  à  la  taxe  de  ces  liegx,  et  font 
dire  les  messes  en  d'autres  endroits  où  l'honoraire  esl  moins  élevé. 

Cette  pratique  est  abominable  et  contraire  aux  intentions  des  dona- 
teurs. Celte  espèce  de  mercantilisme  n'est  pas  exempt  du  soupçon 
d'avarice,  ni  même  du  crime  de  vol,  qui  oblige  à  restitution.  Cette 
pratique  est  cause  que  beaucoup  de  gens  de  bien,  indignés  de  ce  trafic, 
ne  donnent  plus  d'honoraires  pour  faire  dire  des  messes. 

Aussi,  continue  Benoît  XIV,  nos  prédécesseurs,  indignés  de  cet 
abus  exécrable,  ont  décrété  qu'aucun  prêtre  qui  ferait  dire  la  messe 
par  un  autre  prêtre,  ne  lui  donnerait  un  honoraire  moindre  que  l'ho- 
noraire reçu,  quand  même  le  prêtre  célébrant  consentirait  à  recevoir 
moins  : 

«  Execrabilem  hujusmodi  abusum  alicubi  sensim  irrepentera  detes- 
«  tantes  Romani  Pontifiees  praedecessores  nostri,  deconsilio  tum  Gon- 
«  gregationis  S,  R.  E.  Cardinaliura  Universalis  Inquisitionis  contra 
«  hereticara  pravitatem,  tum  Congregationis  Cardinalium  Concilii 
«  Trid.  Interp.,  decretum  voluerunt,  nimirura  a  quolibet  sacerdote, 
a  slipendio  seu  eleemosyna  majoris  pretii  pîo  celebratione  missae  a 
«  quoeumque  accepta,  non  posse  alleri  sacerdoti  missam  hujusmodi 
((  ceiebraturo  stipendium  seu  eleemosynam  minoris  pretii  erogari,  etsi 
a  eidera  sacerdoti  Missam  celebranti,  et  consentienti,  se  majoris  pretii 
«  stipendium  seu  eleemosynam  accepisse  indicasset.  » 

C'est  pourquoi,  ajoute  Benoît  XIV,  faites  savoir  dans  vos  diocèses, 
que  quiconque  ayant  reçu  des  honoraires  plus  abondants  pour  célébrer 
des  messes,  fera  dire  ces  messes  avec  des  honoraires  moindres  que 
ceux  qu'il  a  reçus,  en  se  réservant  une  partie  de  ces  honoraires,  est  ex- 
communié ï'pso  fado  s'il  est  laïque,  et  suspens,  également  i\)so  facto, 
s'il  est  clerc. 

Telle  est  la  bulle  de  Benoît  XIV.  On  le  voit,  c'est  la  môme  doctrine 
que  dans  son  ouvrage  de  Synodo  :  on  ne  doit  pas  donner  au  célébrant 
un  honoraire  moindre  que  celui  que  Von  a  reçu,  quand  même  le  célé- 
brant y  consentirait.  Y  a-t-il  au  moins  quelques  exceptions  dans  cette 
bulle?  Aucune;  or  là  où  la  loi  ne  distingue  pas,  nous  ne  devons  pas 
distinguer.  Donc  Benoît  XIV,  dans  sa  bulle,  aussi  bien  que  dans  son 


56A  THÉOLOGIE    MORALE. 

traité  de  Synodo,  condamne  ceux  qui  retiennent  pour  une  bonne  œuvre. 
Nous  pourrions  donc  dès  maintenant  tirer  la  conclusion  que  nous 
avions  annoncée.  Mais  comme  l'opinion  que  nous  combattons  nous 
oppose  des  moyens  de  défense  auxquels  elle  attache  une  grande  impor- 
tance, il  est  juste  que  nous  les  examinions. 

III.  —  Examen  des  difficultés  que  l'on  nous  oppose. 

l'e  Obj. — Les  Souverains-Pontifes,  dit-on,  condamnent  seulement 
ceux  qui  retiennent  pour  eux-mêmes^  pour  leur  profit  personne  l,  mais 
nullement  ceux  qui  retiennent  pour  une  bonne  œuvre;  et  la  preuve, 
c'est  qu'ils  ont  toujours  soin  de  mettre  le  mot  sïbï.  Ainsi  le  décpet  ap- 
prouvé par  Urbain  VIII  porte  :  Parle  ejusdem  eleemosynse  siBi  retenta  ; 
et  Benoît  XIV  dit  également  :  Retenla  siBi  parte. 

Cette  objection  est  la  plus  sérieuse  ;  c'est  même  la  seule  qui  soit 
grave.  Si  le  mot  sibi  a  le  sens  que  nos  adversaires  lui  attribuent,  notre 
thèse  tombe,  et  l'on  peut  réellement  retenir  pour  une  bonne  œuvre. 
Mais  nous  soutenons  que  ce  mot  n'a  nullement  le  sens  qu'on  lui 
prête.  Retinere  sibi  signifie  simplement  retenir,  et  n'indique  pas  né- 
cessairement un  but  d'utilité  personnelle,  un  intérêt  égoïste. 

Eu  eifet,  il  est  bien  remarquable  que  les  théologiens  n'ont  attaché 
aucune  importance  à  ce  mot;  que,  ni  dans  leurs  ouvrages,  ni  dans  les 
actes  des  Souverains-Pontifes,  ni  dans  les  décrets  des  Congrégations, 
on  ne  trouve  le  moindre  vestige  du  système  imaginé  par  nos  adversaires. 
Cette  restriction  aurait  cependant  une  grande  portée.  Il  s'agit  de  choses 
fort  graves,  de  péchés,  d'injustices,  de  restitutions,  d'excommunication 
et  de  suspense.  Dans  les  actes  du  Saint-Siège,  dans  les  théologiens  et 
canonistes  même  les  plus  récents,  même  ceux  auxquels  nous  renvoie 
la  Sacrée  Congrégation,  on  ne  trouve  pas  une  ligne  qui  appuie  ou  au- 
torise la  distinction  invoquée,  ou  qui  la  suppose  d'une  manière  quel- 
conque. 

Il  y  a  plus  :  M.  Richaudeau,  qui  traite  expressément  cette  question, 
la  résout  dans  le  même  sens  que  nous.  L'auteur  de  la  consultation  de 
1860,  auteur  que  l'on  dit  être  un  savant  professeur,  croit  aussi  que 


THÉOIOGIE    MORALE.  565 

l'on  ne  peut  pas  faire  d'exception  en  faveur  d'une  bonne  œuvre,  parce 
que,  dit-i!,  S.  Liguori  et  Benoît  XIV  n'en  font  aucune.  M.  Bouix 
penche  visiblement  vers  notre  sentiment.  Nous  avons  fait  lire  par  une 
quinzaine  d'ecclésiastiques  intelligents,  les  passages  en  litige  ;  or  tous 
ont  donné  la  même  interprétation  que  nous. 

Donc  le  sens  vrai  est  celui  que  nous  avons  donné.  S'il  n'en  était  pas 
ainsi,  les  théologiens  et  les  canonistes  auraient  dû  l'expliquer  :  les  Con- 
grégations romaines  auraient  dû  le  faire  aussi,  surtout  quand  elles  ont 
été  consultées  expressément  sur  celte  question.  Elles  ne  l'ont  pas  fait. 
Donc  la  distinction  que  vous  établissez  est  fausse. 

Ce  qui  le  démontre  encore,  c'est  que  les  théologiens  n'attachent 
aucune  importance  à  ce  mot  sibi,  sur  lequel  repose  la  fameuse  distinc- 
tion. 11  en  est  même  qui  ne  l'emploient  jamais.  S.  Liguori  l'omet  très- 
souvent.  Ainsi  :  •  Post  hoc  decretiim  aliqui  contendebant  licitum  esse 
RETiNERE  partcm  eleemosynae...»  Plus  loin  :  «Tune  enim  licite  posses 
RETiNERE...  »  Et  plus  bas  '.  «  Si  sacerdotem  roges  ut  remiltat,  vel  ab 
eo  quaeras  an  consentiat  ut  tu  partem  retineas  ;  tune  enim  nequis  eam 
RETiNERE...»  Et  il  termine  ce  n»  321  par  ces  mots  :  «  Ratio  omnium 
horum  est  quia  décréta  prohibentia  retinere  partem  stipendii,  tan- 
tum  loquuntur  de  raissis  manualibus.  » 

Puis,  il  commence  le  n°  322  sur  la  restitution,  parla  question  sui- 
vante :«  An  qui  retinet  partem  stipendii...  »  et  il  termine  la  réponse 
en  disant  :  «  Ideo  si  sacerdos  partem  stipendii  retinet,  injuste  contra 
dantis  voluntatem  retinet.  »  Voyez  surtout  XHomo  apostoliciis, 
traité  xv  de  Sacram.  Eucharistix  et  append.  3  Exam.  ordinandorum  ; 
le  mot  s^ihï  ne  s'y  trouve  pas  une  seule  fois. 

On  le  voit,  S.  Liguori  a  omis  ce  mot,  prétendu  important,  en  une 
foule  d'endroits,  et  précisément  dans  les  endroits  oti  il  le  fallait.  Donc 
S.  Liguori  n'y  attachait  aucune  importance.  Et  pourtant  les  passages  que 
nous  venons  de  citer  sont  ceux-là  mêmes  où  la  Sacrée-Congrégation 
nous  commande  de  chercher  notre  règle  de  doctrine. 

Mais  allons  plus  loin,  et  examinons  si  les  auteurs  qui  ont  écrit  depuis 
S.  Liguori  ont  parié  autrement. 

Mgr  Gousset. —  «  11  ne  peut  rien  re/enir  de  la  somme  qu'il  a  reçue; 


566  THÉOLOGIE    MORALE. 

«  ce  serait  un  trafic  honteux,  crimmel,  injuste.  »  Puis,  il  cite  à  l'appui 
S.  Liguôri. 

Le  R.  P.  Gury.  —  «  An  qui  retinet  partem  stipendii...  » 

La  Théologie  de  Nancy.  — '  «  Non  licet  celebrare  per  aliura  retenia 
«  parte  stipendii...  » 

M.  Craissdti.  —  x  An  qui  stipendiuni  accepit  pro  inissa  celebranda, 
«  possit  alleri  conimitlere  ut  ipsius  loco  célébrât^  partem  stipendii  re- 
((  tinendo  ?.. .  —  Plures  consentiunt  licitum  esse  tune  retinere  parlem 
«  Stipendii...  —  Conomittens  polest  retinere...  —  Non  potes  tune  re- 
a  tinere  etsi  consentiat,  ex  biilla  Benedicti  XIV...  —  His  casibusaut 
«  similibus  exceptis  non  licet  retinere  parlem  stipendii  pinguioris  ;  ita 
«  S.  C.  Conc.  in  decreto  approbato  ab  Urbano  VIII  et  confirmato  ab 
«  Innoeentio  XII  ;  damnataque  fuit  ab  Alexandre  VII  proposilio  sequens  : 
«  Post  decretum...  — Ad  reslitulionera  tenelur  qui  stipendii  partem 
«  retinuit.  »  Nous  prions  de  remarquer  ces  citations.  L'ouvrage  est 
tout  récent  ;  il  a  été  examiné  à  Rome  par  autorité  supérieure,  et  il  a 
été  honoré  de  Tapprobation  et  des  éloges  des  examinateurs.  De  plus, 
l 'auteur  connaissait  l'article  de  la  Revue  des  Sciences  ecclésiastiques  où 
celte  difficulté  a  été  examinée.  Malgré  cela,  il  n'emploie  pas  le  mot  sibi. 

Dens.  —  et  Primus  (casus)  est  si  slipendium  proveniat  ex  beneficio, 
«  partem  retinere  potest. . .  —  In  tali  casu  dat  accipienti  potestatem 
«  partem  stipendii  retinendi. 

M.  Lequeux.  —  «  Qui  post  acceptura  stipendium  subrogat  alium 
0  sacerdotem  ad  celebrandum  suo  loco,  non  potest  partem  retinere, 
»  sed  iolum  stipendium  huic  débet  conferre ;  ita  sanxit  Urbanus  VIII. . . 

Les  Conférences  d'Angers.  —  a  Alexandre  VU  a  condamné  cette 
«  autre  proposition  :  Il  est  permis  à  unprêlrequi  s'est  chargé  decélé- 
«  brer  plusieurs  messes,  de  les  faire  dire  par  un  autre,  lui  donnant 
a  une  partie  de  la  rétribution  et  se  réservant  l'autre.  La  Sacrée  Gon- 
«  grégation  dans  les  réponses  qu'elle  fit  aux  demandes  qui  lui  furent 
«  proposées  au  sujet  du  décret  du  21  juin  1625  qu'on  vient  de  rapporter, 
«  avait  déclaré  que  c'était  là  un  gain  honteux  et  condamnable  quand  même 
8  celui  qui  retient  um  parlie  de  l'honoraire  qu'il  a  reçu,  donnerait  au 
«  prêtre  qui  célébrerait  la  messe  la  rétribution  qui  est  réglée  par  les 


THÉOLOGIE    MORALE.  567 

a  ordonnances  du  diocèse.  Car  ii  doit  donner  au  célébrant  tout  l'ho- 
«  noraire  qu'il  a  reçu,  quelque  considérable  qu'il  soit  (I).  Cette  ré- 
a  tribution  ayant  été  donnée  pour  faire  célébrer  des  messes,  elle  est 
et  due  à  celui  qui  les  célèbre,  et  celui  qui  l'a  feçtié  n'a  droit  d'en  retê^ 
«  nir  aucune  partie.  Elle  ne  lui  appartient  par  auûun  titre  ;  s'il  en 
«  relient  donc  une  partie,  il  commet  un  vol,  et  il  est  obligé  à  resti- 
«  tuer. 

«  L'abus  contre  lequel  on  s'élève  ici  a  mérité  l'attention  de  BenoîtXlV, 
«  et  dés  la  première  année  de  son  Pontifical,  il  adressa  une  bulle  à 
a  tous  les  évéques,  où  il  les  exhorte  à  le  défendre,  sous  peine  d'ex- 
«  communiation  pour  les  laïques,  et,  à  l'égard  des  ecclésiastiques,  de 
«  suspense,  encourues  par  le  seul  fait  et  réservées,  soit  que  ce  stfH 
a  dans  le  diocèse  même  qu'on  fasse  célébrer  ces  messes  à  un  moindre 
«  honoraire  qu'on  ne  les  a  reçues,  soit  que  ce  soit  dans  un  autre 
«  diocèse  où  l'honoraire  est  plus  faible. 

«  La  Sacrée  Congrégation,  dans  les  réponses  qu'on  vient  d'alléguer, 
«(  a  déclaré  qu'on  ne  peut  même  rien  retenir  sur  les  honoraires  qu'on 
a  reçoit  pour  faire  dire  des  messes  sous  préteste  de  la  dépense  que 
«  la  sacristie  fait  poiir  les  ornements,  etc.  » 

Neyraguet.  —  Son  ouvrage  est  une  analyse  exacte  de  saint  Li^ 
«  guori,  et  ne  fait  ici  comme  ailleurs  qu'en  répéter  la  doctrine. 

Vernier.  —  11  n'emploie  jamais  le  mot  sibi;  il  emploie  une  tour- 
nure de  phrase  qui  indique  clairement  comment  il  entendait  les  dé- 
crets où  se  trouve  ce  mot.  Le  prêtre  ne  peut,  «  accepto  pinguiorii, 
0  alium  sacerdotem  pro  minori  de  celebrationeonerare;  nisi  forte  talfs 
«  sit  dantis  intentio.  Unde  damnata  est  ab  Alexandre  VH  sequens  pro- 
«  positio  :  Post  decretum...  Et  Benedictus  XIV  Constitutione  Quanta 
u  cura  30  junii  1744  hoc  veluit  sub  pœna  suspensionis  ipso  facto  in 
«  clericum,  et  excommunicationisin  laicum,  S.  P.  réserva tarum.Quod 
«  intelligi  débet,  ait  idem  S.  P.,  etiam  pro  casu  quo  sic  distribuens 


(1)  Sacra  Congregatio  respondit  debere  absolule  iniegram  eleemosijnam 
tribuere  sacerdoli  celebrauti,  nec  ullam  illius  partem  sibi  re  tin  ère  posse. 
(Noie  du  rédaclour  des  Conférences  d'Angers.) 


ÏJ68  THÉOLOGIE    MORALE. 

■  indicaret  acceptanti  raajus  stipendium  illis  taxatum,  hicque  minori 
«  esset  contentus,  etc..  » 

AL  Richaudeau.  —  C'est,  croyons-nous,  le  premier  auteur  qui  ait 
examiné  ex  professa  la  question  qui  nous  occupe.  Or,  il  regarde  comme 
gravement  illicite  la  pratique  de  retenir  une  partie  de  l'honoraire  pour 
une  bonne  œuvre.  Il  dit:  «  Après  avoir  examiné  sérieusement  la 
a  question,  nous  croyons  que  celte  pratique  est  gravement  illicite,  et 
•  cela  pour  plusieurs  raisons  :  1»  Elle  est  une  viola  lion  manifeste  de 
a  l'encyclique  de  Benoît  XIV  qui  défend,  sans  distinction ,  de  retenir 
a  une  partie  de  l'honoraire,  elsi  eidem  sacerdoti  missam  celehranti  et 
«  coNSENTiEtSTi  se  majoris  pretïi  stipendium  accepisse  indicasset, 
«  etc.  » 

Bailly. —  Il  indique  les  cas  où  l'on  peut  retenir  une  partie  de  l'ho- 
noraire.Ce  sont  les  trois  seules  exceptions  indiquées  par  saint  Liguori, 
puis  il  ajoute  :  «  Qui  extra  hos  casus  aliquid  retinet,  tenetur  restiluere.  » 

JBoMî^ier  n'emploie  pas  sibi;  et  il  dit  d'une  manière  absolue  qu'il 
faut  tout  donner  :  f  At  qui  pinguiorem  accepit  stipem  pro  una  missa 
a  celebranda,  eam  alteri  celebrandam  minori  stipendie  committere  non 
a  potest,  sed  lotam  eleemosynara  acceptam  tradere  débet.  Sic  ah 
a  Urbano  VIII  statutum  fuerat,  et  Alexander  Vil,  die  25  septerabris 
a  1665,  hanc  damnavit  propositionem  :  Post  decretum...  » 

La  Théologie  de  Toulouse.  —  «  Si  per  alium  missis  satisfaciat,  te- 
H  netur  totum  acceptum  stipendium  tribuere,  licet  sit  solito  majus, 
«  ut  probalur  damnalione  propositionis  sequentis  ab  Alexandro  VII  : 
«  Post  decretum...  Excipe  casum  in  quo  qui  stipendium  offert  in  hoc 
«  sponte  et  libère  consentiret  ;  alioquin  sacerdos  restituere  teneretur.» 

La  Théologie  de  Poitiers.  —  «  Propositio  V.  Sacerdotes  qui  pro 
«  missis  celebrandis  stipendium  acceperunt,  casque  missas  aliis  cele- 
«  brandas  committunt,  tenenlur  totum  acceptum  stipendium  tribuere, 
a  nisi  aliquo  justo  titulo  quamdam  illius  parlera  retinere  possint.  » 
L'auleur  indique  ensuite  les  exceptions  ordinaires  sans  en  indiquer 
aucune  en  faveur  d'une  bonne  œuvre. 

Le  B.  P.  Gury.  —  ii  Bestituendum  est  quod  retentum  fuit,  sacerdoû 
«  qui  celebravit  ;  nam  Missa  data  fuit  celebranda  tali  slipendio;  qui  porro 


THEOLOCÎIE    MORALE.  569 

(t  eam  celebravit,  jus  habet  ad  illud  totum.  d  11  indique  les  exceptions 
seules  qui  se  trouvent  dans  saint  Liguori. 

On  le  voit,  le  mot  sihi  n'a  pas  la  moindre  importance  aux  yeux  des 
théologiens.  Concluons  donc  encore  une  fois  que  la  distinction  est  re- 
poHssée  par  la  doctrine  de  Benoît  XIV,  de  saint  Liguori  et  des  autres 
auteurs  qui  exigent  d'une  manière  absolue  que  l'on  donne  tout  ce  que 
l'on  a  reçu,  sans  rien  retenir. 

2»  Obj.  —  On  la  tire  du  but  que  se  propose  Benoît  XIV  dans  sa 
Bulle,  savoir  :  empêcher  l'avarice.  On  raisonne  ainsi  :  En  gardant  une 
partie  de  Thonoraire  pour  une  bonne  œuvre,  je  n'agis  pas  par  avarice, 
et  par  conséquent,  je  ne  suis  pas  dans  le  cas  contre  lequel  est  dirigée 
la  Bulle  de  Benoît  XIV.  A  cela  nous  répondons  : 

II  est  faux  que  les  Souverains-Pontifes  n'aient  eu  pour  but  que 
d'empêcher  l'avarice.  Ils  ont  eu  d'autres  fins  très-graves,  indiquées 
dans  la  Bulle  de  Benoît  XIV  et  dans  les  théologiens:  1"  défendre  l'ap- 
parence même,  ce  qui  pourrait  faire  naître  le  soupçon  d'avarice  ou 
d'un  gain  coupable.  Ainsi,  la  Bulle  dit  positivement  que  cette  pratique 
n'est  pas  exempte  du  soupçon  d'avarice  {qupd....  non  solum  ab  ava- 
ritix  suspiGiONE. . . .  immune).  Et  dans  le  sommaire  placé  en  marge  de 
la  bulle,  on  lit  :  A  missarum  celebratione  quolibet  turpis  qu^stus 
SPECiES  ARCENDA.  —  Saint  Alphonse  dit  également  que  l'on  ne  peut 
donner  moins  quon  a  reçu,  parce  qu'Urbain  VIII,  à  cause  de  l'appa- 
rence d'un  gain  honteux,  a  défendu  de  le  faire  :  Quia  Urbanus  VIII, 
ob  speciem  turpis  quxstus^  id  fieri  vetuit.  Et  le  P.  Gury,  se  faisant  cette 
question  :  An  sacerdos  curare  possit  missam  per  alium  celebrari, 
minus  dando  quam  accepit?  répond  :  Nego  omnino;  ratio  est  quiaob 
speciem  turpis  lucri.... 

2»  Empêcher  l'injustice.  Qu'on  veuille  bien  remarquer  cette  raison. 
Et  l'on  commet  une  injustice,  puisque  l'on  viole  l'intention  du  dona- 
teur qui  est  d'attribuer  l'honoraire  à  celui  qui  dit  la  Messe.  Et  si  l'on 
viole  cette  intention,  on  fait  un  péché,  et  de  plus  on  est  tenu  à  restitu- 
tion. La  proposition  contraire  a  été  condamnée  par  Alexandre  VII, 
et  par  Benoît  XIV,  dans  la  bulle  Quanta  cura  :  Quod...  a  furti  crimine 
unde  restitulioni  subjaeet  haud  immune.  C'est  l'opinion  de  saint  Li- 

ReVUE  des  sciences  ECOLES.,  T.  IX.  —  JClN  1864.  37 


570  THÉOLOGIE    MORALE. 

guori  et  de  tous  les  théologiens  que  nous  avons  cités,  sans  aucune  ex- 
ception. 

3"  Empêcher  tout  ce  qui  ressemble  au  mercantilisme  :  Velut  a 
mercatiiris  faciendis . . . ,  Mercatura  hujusmodi,  (Bulle  Quanta  cura, 
§  2.)  Or,  en  permettant  de  garder  pour  une  bonne  œuvre,  vous  éta- 
blirez partout  une  sorte  de  mercantilisme,  Car  il  n'y  a  pas  un  seul 
homme  au  monde,  ecclésiastique  ou  laïque,  qui  n'ait  toujours  quelque 
bonne  œuvre  à  faire,  bâtir  ou  orner  une  église,  construire  une  cure, 
établir  et  doter  des  maisons  religieuses,  payer  la  pension  d'étudiants 
pauvres,  constituer  une  dot  à  des  religieuses,  fonder  des  salles  d'a- 
sile, secourir  les  pauvres,  acheter  et  répandre  de  bons  livres,  etc.,  etc. 
On  verra  donc  des  prêtres,  des  laïques  accaparant  des  messes  de  tous 
les  côtés,  et  ensuite,  cherchant  à  les  faire  acquitter  en  donnant  moins. 
Et  tout  ce  mouvement  d'argent  se  produirait  au  sujet  du  saint  sacrifice, 
c'est-à-dire  de  la  chose  la  plus  sainte  de  la  rehgion!  Quel  scandale! 
Et  voilà  pourtant  où  conduirait  naturellement  l'opinion  combattue  par 
nous. 

3®  Obj.  —  La  coutume  de  retenir  une  partie  de  l'honoraire  pour 
une  bonne  œuvre  est  généralement  répandue.  Or  la  coutume  fait  loi  ; 
elle  détruit  même  les  lois  contraires. 

Il  faudrait  d'abord  prouver  que  cette  coutume  renferme  les  conditions 
requises  pour  la  légitimer.  Or  nous  croyons  que  la  pratique  dont  il 
s'agit  n'en  renferme  pas  une  seule  :  l»  elle  n'est  pas  suivie  par  la 
majorité;  2"  elle  n'est  pas  raisonnable,  puisque  c'est  une  injustice,  un 
vol;  3°  elle  n'est  pas  suivie  depuis  longtemps  ;  car  nous  n'en  avons 
pas  découvert  la  moindre  trace  dans  les  décrets  apostoliques,  ni  dans 
les  théologiens  ou  canonistes  jusqu'à  M.  Richaudeau,  qui  écrivait  en 
1853  ;  4"  elle  ne  peut  revendiquer  le  consentement  du  législateur, 
puisque,  en  1860,  la  Sacrée  Congrégation  du  Concile,  organe  ordinaire 
du  Souverain-Pontife,  renvoie  sur  ce  point  à  la  législation  du  pape 
Benoît  XIV,  et  veut  que  l'on  s'y  conforme. 

Cette  objection  est  donc  sans  aucune  valeur. 

4*  Obj. —  Avant  de  retenir  une  partie  de  Thonoraire  pour  une  bonne 
œuvre,  nous  demandons  toujours  le  consentement  du  prêtre  qui  dit 


THÉOLOGIE    MORALE.  571 

la  messe.  Or  nous  avons  bien  [a  Jioii  Je  garder  ce  qat»  l'un  consent  à 
nous  donner. 

Nous  répondons  :  Vous  n'en  avez  pas  le  droit;  car  la  bulle  Quanta 
cura  le  défend  expressément,  quand  même  vous  avertiriez  le  prêtre 
célébrant,  et  qu'il  y  consentirait  :a  Etsi  eidem  sacerdoti  missam  cele- 
«  branti  et  consentienti,  se  raajoris  pretii  stipendium  seu  eleemosynara 
0  accepisse  indicasset.  »  Le  même  Pontife  reproduit  cette  doctrine 
dans  son  traité  du  saint-sacrifice.  Vo'ci  sa  troisième  régie  relative- 
ment aux  honoraires.  «  Tertio,  qui  eleemosynara  accepit  taxa  dicece- 
«  sana  majorera  pro  una  raissa,  si  ab  aliis  missam  celebrari  curet,  te- 
«  netur  quidquid  acceperit  tradere  sacerdoti  celebranti^  etiamsi  hune 
a  monerel  se  pingniorem  eleemosynam  accepisse,  volentique  et  con^ 
«  sentxenli  minorera  eleeraosynara  offerret.  a  Enfin,  ce  même  Be- 
noît XIV  nous  fait  connaître  un  décret  de  la  Sacrée  Congrégation  du 
Concile,  du  23  août  1664,  qui  avait  déjà  fixé  celte  jurisprudence.  Ce 
décret  est  indiqué  dans  le  passage  suivant  du  même  ouvrage  :  a  Quj 
a  stipendium  solito  majus  consecutus  fuerit,  si  alium  sacerdotem  suo 
«  loco  ad  celebrandum  sufificiat,  integram  pecuniam  in  illum  conférât, 
((  sibique  nihil  oranino  retineat.  Id  quoque  servandum  S.  G.  in  Ro- 
«  raana  Eleemosynx  die  23  augusti  anni  1664,  lib.  xxiv  Decrelor. 
a  decrevit,  licet  sacerdos  ad  faciendum  sacrum  subrogatus  rem  to- 
«  tara  plane  noverit,  et  taraen  se  minori  stipendio  contentum  fa- 
«  teatur.  » 

Saint  Liguori  tient  le  même  langage,  nous  l'avons  vu. 

Alors,  que  faut-il  de  la  part  du  prêtre  substitué?  Il  faut  condona- 
tion  venant  de  sa  libéralité  et  de  sa  complète  spontanéité  :  liberaliter 
et  omnino  sponle  tibi  condonet,  dit  saint  Liguori.  Et  il  ajoute  que 
cette  condition  n'existe  plus,  si  vous  priez  ce  prêtre  de  faire  la  remise, 
ou  si  vous  lui  demandez  de  faire  vous-même  la  retenue  :  «  Si  sacer- 
«  dotera  roges  ut  reraittat,  val  ab  eo  quseras  ut  tu  partem  relineas.  » 
Et  tous  les  théologiens  parlent  comme  saint  Liguori. 

Donc  le  consentement  ne  suffit  pas, 

5"  Obj.  —  Les  donateurs  ne  peuvent  être  que  satisfaits,  de  voir  que 
l'on  fait  dire  autant  de  messes  qu'ils  le  demandent,  et  que  de  plus  on 


572  THÉOLOGIE   MORALE. 

contribue  à  faire  des  bonnes  œuvres  avec  la  partie  des  honoraires  qui 
n'est  pas  consacrée  au  saint-sacrifice. 

Nous  répondons  :  L'intention  des  donateurs  doit  être  remplie,  quand 
elle  est  raisonnable.  Or  leur  intention,  dit  saint  Liguori,  est  que 
l'honoraire,  tel  qu'ils  le  donnent,  soit  attribué  à  celui  qui  dira  la  messe. 
Cette  intention  est  assurément  raisonnable.  Elle  est  approuvée  par  saint 
Liguori  et  par  tous  les  théologiens.  De  quel  droit  la  violez-vous?  De 
quel  droit  trafiquez-vous  d'un  honoraire  qui  ne  vous  appartient  à  aucun 
titre,  et  qui  n'a  pas  été  destiné  à  cela  par  les  donateurs  ?  Vous  com- 
mettez unejnjuslice  ;  et  vous  devez  restituer. 

Telles  sont  en  substance  les  raisons  qui  nous  font  condamner 
comme  gravement  illicite,  la  pratique  de  retenir  une  partie  de  l'hono- 
raire pour  une  bonne  œuvre. 

Nous  ne  savons  pas  jusqu'à  quel  point  l'on  pourrait  attaquer  quel- 
qu'une des  preuves  que  nous  avons  apportées.  Mais  nous  croyons  que 
notre  thèse,  considérée  dans  son  ensemble,  ne  peut  être  contestée. 

Au  reste,  si  l'on  nous  démontre  que  nous  nous  sommes  trompé, 
nous  sommes  tout  prêt  à  renoncer  à  notre  sentiment.  Nous  n'avons 
rien  plus  à  cœur  que  de  nous  soumettre  aux  régies  de  l'Eglise  tt  aux 
décisions  du  Saint-Siège. 

J.  P.  Maugèhe, 
Professeur  de  liturgie. 


RÉPONSES 

A   DES   CONSULTATIONS   LITURGIQUES. 

g  I.  —  Du  TETIT  OFFICE  DE  LA  SAINTE  ViERGE. 

/.  Quand  on  récite  le  petit  office  de  la  sainte  Vierge  en  dehors  du 
grand  office,  doit-on  dire  Pater,  Ave,  Credo,  avant  matines  et 
avant  prime  ?  —  //.  Quelle  est  la  conclusion  des  heures  ?  —  ///. 
Au  temps  Pascal,  doit-on  ajouter  Alléluia  aux  antiennes,  versets 
et  répons?  —  IV.  Doit-on  dire  le  Te  Deum  à  certains  jours  ?  — 
Que  faut-il  penser  d'une  mémoire  du  Sacré-Cœur  qui  se  trouve 
dans  quelques  éditions  ? 

Les  trois  premières  questions  se  trouvent  résolues  par  trois  décisions 
insérées  dans  les  Analecta  (2«  série,  p.  2195).  Avant  matines  et  avant 
prime,  on  dit  seulement  Ave  Maria.  Pour  la  deuxième,  on  renvoie  au 
Bréviaire,  d'où  il  semble  résulter  que  l'office  se  conclut  par  Fidelium 
animse.  Une  édition  du  petit  office  de  la  sainte  Vierge,  imprimée  à  Rome 
en  1707,  indique  la  fin  des  laudes  après  Fide/JM/nanimaj,  Paternoster, 
Dominus  det  nobis  suam  pacem,  et  l'antienne  à  la  sainte  Vierge  sui- 
vant le  temps.  Après  l'oraison  decoraplies,  on  indique  le  ^.  Benedicat^ 
l'antienne  à  la  sainte  Vierge,  puis  Pater,  Ave,  Credo.  Au  temps 
Pascal,  l'office  est  comme  pendant  l'année,  sauf  l'antienne  de  Magni- 
ficat, de  Benedictus  et  de  Nunc  dimiltis.  La  rubrique  du  Bréviaire 
est  positive,  le  décret  cité  y  renvoie  et  l'édition  du  petit  office  dont 
nous  avons  parlé  porte  la  même  chose. 

Voici  le  texte  des  trois  décisions  : 

«  Dub.  42.  Quomodo  inchoari  debeant  hor»  officii  parvi  B.  M.  V, , 
«  quando  recitatur  a  clericis  non  in  sacris,  aut  ab  aliis  qui  non  dicunt 
«  ofBclum  canonicum?  Nempe  utrura  dici  debeant  ante  matutinum  et 


67à  LITURGIE. 

«  ante  primam,  Pnter,  Ave,  Credo;  ante  alias  horas,  excepto  com- 
«  pletorio,  Pater,  Ave  ?  Vel  etiam  potius  huic  casui  applicanda  sit 
«  rubrica  tU.  xxxii,  n.  3,  assignans  tantum  salutationem  angelicam 
«  pro  initio  horarum  ofGcii  parvi  B,  M.  V.,  quando  non  conjungitur  cura 
«  officio  Domini,  adeo  ut  in  omni  casu,  etiam  antematutinum,salutatio 
«  Angelica  sufficiat?  —  Dub.  43.  Quomodo  idem  officium  parvum  a 
«  praedictis  ciericis,  aut  aiiis  similiter  solum  recitatum  concludi 
«  debeat  in  variis  horis?  Nempe  utrom  post  j^.  Fidelium  animx  di- 
ct  cenda  slt  oralio  Dominica  in  fine  laudum,  horarum  minorum, 
a  insuper  in  fine  completorii  post  y.  Divinum  aMa;i/iM/?i,addendo  Ave 
«  et  Credo?  —  Dub.  44.  Utrum  decretum  diei  26  augusti  1752  in 
«  Gadicen.  ad.  2,  de  non  addendo  Allekiia  tempore  Paschali  in 
«  officio  parvo  quando  ultra  officium  diei  recitatur^  atque  similis  ru- 
«  brica  breviarii  de  eodem  officio  tempore  Paschali,  spectent  etiam 
«  eos  qui  solum  officium  parvum  recitant  ?  vel  tantum  sint  pro  casu 
«  quo  horœ  B.  M.  V.  dicuntur  ultra  officium  diei  ?»  —  Réponses  : 
«  Ad.  42.  Négative  ad  primam  partem  ;  affirmative  ad  secundam. 
«  Ad.  45.  Uti  habetur  in  breviario.  Ad.  44.  Affirmative  ad  primam 
s  partem,  négative  ad  secundam.  » 

Le  décret  cité  dans  le  Dubium  44  est  celui-ci  :  «  Quando  ultra 
«  officium  diei  recitatur  ahud  de  aliquo  sancto  ex  fundatorura  vo- 
«  luntate,  si  tempus  currerit  Paschale,  ritum  pro  tempore  convenit 
«  imitari  addendo  antiphonis,  versiculis,  et  singulis  responsoriis 
«  Alléluia,  uno  excepto  B.  M.  V.  officio  parvo,  in  quo,  dum  feriali 
«  conjungitur  officio  diei,  nullura  additur  Alléluia,  secundum  pecu- 
«  liarera  illius  rubricara,  »  (Décret  du  26  août  1752,  n''4227,  q.  2.) 
La  rubrique  dont  il  est  ici  question  se  trouvant  dans  le  bréviaire,  il 
est  inutile  de  la  citer  in  extenso. 

La  quatrième  question  relative  au  Te  Deum,  ne  peut  être  résolue 
que  par  l'examen  de  rédition  romaine  de  1705.  On  y  insère  l'office 
en  entier  pour  chaque  partie  de  l'année.  Dans  le  premier  office,  celui  de 
l'année,  le  troisième  répons  est  précédé  de  celte  rubrique  :  «  Il  seguente 
«  responsorio  che  si  tralascia  quando  si  dice  il  Te  Deum  laudamus  »  ; 
puis  avant  cette  hymne  il  est  dit:  «  Il  seguente  inno  Te  Deum,  si 


1 


LlTUllGIK.  o7o 

«  dice  a  suo  piacimento  dalla  Naiivilà  del  Sigiiore  inlino  alla  Sellua- 
a  gesiraa,  et  dalla  doraenica  délia  Resurrezione  infino  all'Avvento,  e 
«  quando  si  dice  detto  inno,  si  lascia  di  dire  il  terzo  responsorio.... 
«  Ma  nell'Âvvento,  e  dalla  Settuagesima  infino  alla  Pasqua  non  si 
«  dice,  eccelto  nelle  feste  délia  B.  V.  M.  »  Dans  l'office  de  l'Avent, 
qui  se  récite  aussi  le  jour  de  l'Annonciation,  il  est  dil  :  a  II  seguente 
«  Te  Deum  si  dice  nelle  feste  della  Concezione  e  Annunziazione.  » 
La  rubrique  du  troisième  office  est  renfermée  dans  celle  du  premier. 
Pour  ce  qui  regarde  la  mémoire  du  Sacré-Cœur,  elle  ne  fait  point 
jpartie  du  petit  office  de  la  sainte  Vierge,  et  n'a  pu  y  être  introduite  que 
par  erreur  ou  par  une  concession  spéciale. 

§  II.  —  Des  Cérémonies  du  Baptême. 

/.  Quand  doit-on  imposer  à  l'enfant  son  nom  de  baptême  ?—  IL  L'u- 
sage universel  de  faire  les  interrogations  en  langue  vulgaire  ne 
prouve-t-il  pas  l'impossibilité  matérielle  d'obtenir  les  réponses  en 
latin  ? 

I.  Le  rituel  indique  d'une  manière  positive  que  le  nom  de  baptême 
est  imposé  à  l'enfant  avant  la  première  interrogation  :  «  Accepto  no- 
«  mine  baptizandi...  parochus  ad  baptismum  procédât,  in  hune  modum 
«  norainatim  interrogans:  N.,  quidpetis  ab  Ecdesia  Dei?  o 

II.  Quant  à  l'usage  de  la  langue  vulgaire  pour  les  interrogations, 
il  n'en  est  point  fait  mention  dans  le  rituel.  La  Sacrée  Congrégation  a 
toujours  répondu  négativement  lorsqu'on  lui  a  demandé  s'il  est  permis 
de  faire  les  interrogations  dans  une  langue  autre  que  la  langue  laline. 
S'il  y  avait  impossibilité  matérielle  d'obtenir  les  réponses  en  latin,  la 
Sacrée  Congrégalion  aurait  tenu  compte  de  cette  circonstance.  D'ail- 
leurs, l'usage  d'un  bon  nombre  de  diocèses  montre  que  cette  préten- 
due impossibilité  n'existe  pas.  Les  réponses  sont  fort  courtes,  faciles  à 
suggérer  et  peu  multipliées.  11  faut  répondre  Fidem,  vitam  œternam^ 
trois  fois  abrenunlio,  trois  fois  Credo,  et  une  fois  volo.  Nous  trouvons 
dans  les  Analecla  les  décisions  suivantes  : 


576  LITURGIE. 

i*'  DÉCRET.  Question  :  »  An  in  administratione  baptismi  interro- 
«  gationes  quibus  respondere  débet  patrinus  infantis,  vel  catecbu- 
«  menus  baptizandus,  fieri  debeantlingua  vulgari,  prout  ipsum  rifuale 

•  innuere  videtur  de  baptisrais  adultorum?  »  Réponse:  «  Négative.» 
(Décret  du  12  sept.  1854,  Anal.  12«  livr.  p.  2199.) 

2^  DÉCRET.  Question  :  <x  Ulrura  in  collatione  baptismi  interro- 

0  gationes  possint  fieri  vernacule,  vel  saltera  vernacule  iterari,  post- 
a  quam  latine  factae  fuerint?  »  Réponse:   «  Quoad  interrogationes 

•  quae  baptismi  ordinem  praecedunl  vel  sequuntur^  ac  pro  quibus  ri- 

•  tuale  nuUara  exhibet  formulam  :  Affirmative.  Quoad  interrogationes 
«  quae  in  ipsomet  baptismi  ordine  occurrunt  ac  pro  quibus  formulas  in 
«  rituali  extant  :  Négative  ad  utramque  parlem.  «(Décret  du  12  sept. 
1857.  Anal.  13«  livr.  p.  542.) 

11  ne  sera  pas  inutile  de  rapporter  ici  le  votum  qui  a  donné  lieu  à 
cette  dernière  décision.  On  comprendra  de  plus  en  plus  combien  il  est 
important  de  faire  des  efforts  pour  introduire  partout  la  pratique  des 
vraies  règles  liturgiques. 

«  RitualeRomanum,  tit.  De  iis  qux  in  admislratione  sacramentorum 
t  generaliter  servanda  siint,  haec  habet  inter  caetera  :  In  sacramento- 
8  rum  administratione  (parochus  vel  quivis)  eorum  virlutem,  usum  ac 
a  utilitatem,  et  caeremoniarum  significationem,  ut  concilium  Tridenti- 

1  rum  praecepit;  ex  SS.  Patrum  et  catechismi  romani  doctrina,  ubi 
«  commode  Gerit  potest,  diligenter  explicabit.  » 

Ut  igiiur  proposito  dubio  respondeam,  interrogationes  ab  interroga- 
«  tionibus  distinguo,  quas  Rituale  Romanum  fieri  mandat  in  admini- 
a  stratione  baptismi.  Alise  enim  sunt,  ut  ita  dicam,  praeparatoriae,  et 
a  eas  generice  faciendas  esse  mandat.  Ita  cap.  de  sacris  oleis  et  aliis 
«  requisitis,  in  fine  :  Interroget  [nisi  de  his  bene  sibi  constet)an  sit 
fl  suse  parochix,  masculus  an  fœmina,  an  sit  domi  baptizatus,  etc. 
«  Aliae  sunt  interrogationes  determinatae,  quas  certis  verborum  for- 
«  mulis  ad  literam  subjicit,  prout  videre  est  in  ordine  baptismi  par- 
«  Yulorum.  Primae  faciendaî  quidem  sunt  vernacule  ;  at  de  secundis 
«  affirme  non  aliter,  quara  quomodo  in  Rituali  Roraano  continentur, 
«  id  est  lalina  lingua  fieri  debere.  Idque  assero,  pnmo  ex  verbis  apos- 
«  tolicarum  lilerarum  Aposlolicx  Sedis,  19  junii  1614;  quibus  Paulus 


LITURGIE.  0// 

«  Papa  V  venerabiles  Fratres  Patriarchas,  etc.,  in  Domino  hortatur, 
0  ut  in  posterum  tanquam  Ecclesix  Romanx  flii  ejusdem  Ecclesix 
0  omnium  mat  ri  s  et  magistrx  auctoritate  comlïluto  Ritiiali  in  sacris 
•  functionibus  uiantur,  et  in  re  tanti  momenti,  qux  catholica  Eccles'ia, 
t  et  ab  ea  adprobatus  usus  antiqnitatis  statuit,  inviolate  serventur. 
«  Secundo  ex  paritate  rationi.s,  quae  Sacra  haec  Congregatio  in  una  or- 
a  dinis  Minorum  Capuccinorum  29  maii  1835  ad  3,  decrevit,  eliminan- 
«  dam  consuetudinem  dicendi  in  communione  fidelium  EcceAgnus  Dei 
«  et  Domine  non  sum  dignus,  idiomate  vulgari.  Ter^io^denique  ex  pa- 
«  ritate  ducta  ab  ipso  Ritualis  Romani  libro,  qui,  ubi  voluit  inter- 
«  rogationes  fieri  vernacula  iingua,  aperte  declaravit,  ut  in  sacramento 
«  matrimonii  :  De  consensu  in  matrimonium  (parochus)  interroget 
9  utnimqiie  fvirum  et  mulierem)  sigillatim  in  lame  modum  vulgari 
«  sermone.  Ad  quem  locum  haec  habet  in  suis  commentariis  Hier. 
«  Baruffaldi,  tit  XLll.  g  (1,  ex  quibus  facile  deducitur,  quam  is  tenax 
€  essel  latinae  linguae  :  Quod  si  tum  spotisi  contrahentes,  tum  testes 
«  bene  callerent  linguam  latinam,  vel  latini  essent,  non  video  cur 
«  parochus  eos  non  possit  latina  forma  a  rituali  descripta^  inter- 
«  rogare  et  responsum  accipere,  Idioma  enjm  hoc  nihil  altei^at  essen- 
«  tiam  sacramtnti  et  contractus,  sicuti  non  adimunt  quidquam  in 
a  baptismo  abrenuntiationes  et  interrogationes  quœ  a  sacerdote  (îunt 
«  baptizandis  juxtaprœscripta.  » 

On  conclut  de  ces  réflexions  la  réponse  indiquée  ci-dessus.  Il  serait 
à  désirer  que,  dans  les  nombreux  diocèses  de  France  et  d'Allemagne 
où  la  pratique  contraire  est  introduite  depuis  des  siècles,  on  consultât 
le  Saint-Siège  à  cet  égard.  Ce  serait  le  moyen  d'arriver  à  une  règle  de 
conduite  qui  puisse  rassurer  toutes  les  consciences. 

P.  R. 


SITUATION  DE  L'ÉGLISE  ANGLICANE. 


Débats  théolog^iques.  —  Y  a-Ml  une  Égalise  anglicane? 

(correspondance.) 

Ce  que  l'Angleterre  offre  de  plus  intéressant  au  point  de  vue  Ihéolo- 
gique,  ce  sont  peut-être  les  débats  qui  surgissent  au  sein  de  cette  reli- 
gion, qui  est  celle  de  la  minorité  aristocratique,  et  qu'on  appelle 
l'Établissement  anglican.  Une  nomenclature  des  questions  qui  agitent 
aujourd'hui  le  clergé  de  cette  église  paraîtrait  fatigante.  Sur  un  seul 
point,  la  question  de  la  messe,  que  de  problèmes  déjà  !  Y  a-t-il  une 
messe  dans  l'église  anglicane?  Cette  messe  est-elle  un  sacrifice?  Et  si 
l'Établissement  a  une  messe  et  un  sacrifice,  convient-il  que  ce  sacrifice 
soit  célébré  chaque  jour  de  la  semaine?  On  écrit  pour  et  contre,  et  le 
désaccord  a  déjà  passé  de  la  théorie  dans  la  pratique.  La  polémique 
n'est  pas  moins  vive  au  sujet  de  l'office  pour  les  morts  :  elle  est  même 
devenue  publique  et  a  retenti  jusqu'au  sein  du  Parlement. 

Le  Church  Times,  il  y  a  quinze  jours,  rendait  compte  d'un  service 
funèbre,  où  l'officiant  ayant  placé  des  cierges  allumés  de  chaque  côté  du 
cercueil,  a  de  plus  encensé  le  corps  du  défunt,  et,  ce  qui  paraît  être 
l'innovation  la  plus  caractéristique,  a  fait  chanter  à  la  fin  de  chaque 
psaume  notre  verset,  entièrement  étranger  à  l'office  de  son  église  : 
«  Donnez-leur,  Seigneur,  le  repos  éternel,  et  que  les  âmes  des  fidèles 
reposent  en  paix.  »  Le  fait  s'est  passé  à  Londres  et  les  commentaires  du 
journal  lui  étaient  favorables.  Le  même  numéro  de  cette  feuille  conte- 
nait une  autre  discussion  au  sujet  de  la  confirmation  :  Est-ce  une  simple 
cérémonie?  Y  a-t-il  une  grâce  attachée  à  cet  acte  religieux  ?  Faut-il  y 
voir  une  pure  rénovation  des  vœux  du  baptême?  Ne  s'y  produit-il  pas 
une  augmentation  de  la  vie  spirituelle  dans  l'âme  du  confirmé?  Voilà 
ce  qu'il  s'agit  de  traiter,  entre  prôlres,  pour  l'édification  de  leurs 


CORRESPONDANCE    d'aNGLETERRC.  57V) 

consciences,  car  depuis  trois  siècles  que  les  évoques  anglicans  admi- 
nistrent la  confirmation,  ils  ne  savent  pas  encore  s'ils  y  donnent  quelque 
chose  ou  s'ils  n'y  donnent  rien.  Le  titre  de  prêtre  qu'on  vient  de  lire  est 
aussi  matière  à  débats,  car,  dans  une  circonstance  récente,  plusieurs 
ministres  ont  refusé  de  signer  un  document  où  leurs  confrères  avaient 
apposé  cette  qualification  à  leur  signature.  Mais  la  grosse  question  qui 
reparaît  par  intervalles  depuis  quinze  ans  et  qu'on  croyait  étouffée, 
c'est  celle  qui  vient  d'éclater  de  nouveau  à  propos  d'un  incident  judi- 
ciaire et  qui,  présentée  sous  des  formules  diverses,  est  en  définitive 
celle-ci  :  Y  a-t-il,  oui  ou  non,  une  Eglise  d'Angleterre?  En  d'autres 
termes  :  Le  corps  de  fonctionnaires  qui  tient  les  charges  de  l'Église  et 
qui  jouit  de  ses  bénéfices,  est-il  autre  chose  qu'une  branche  de  l'admi- 
nistration civile? 

Deux  écrivains,  MiM.  Williams  et  Wilson,  dignitaires  de  l'église 
anglicane,  ont  parlé  contre  l'Ecriture  sainte  et  la  révélation  dans  un 
volume  de  mélanges  qui  a  pour  titre  :  Essays  and  Revieivs,  et  qui  tout 
entier  porte  l'empreinte  des  idées  avancées  de  l'école  allemande  ;  une 
première  sentence  les  frappa.  L'autorité  ecclésiastique  avait  jugé  qu'on 
ne  peut  occuper  des  fonctions  dans  une  église,  quand  on  professe 
une  doctrine  opposée  à  ce  qui  est  le  fondement  même  de  cette  église  et 
de  tout  le  Christianisme.  La  Cour  des  Arches  censura  quelques-unes 
des  propositions  extraites  du  livre.  Appel  de  ce  jugement  a  été  interjeté  ; 
la  cause  est  venue  devant  le  Conseil  privé  de  la  Reine.  Là,  lord  West- 
bury  et  lord  Brcugham,  siégant  à  côté  de  l'Archevêque  de  Cantorbéry 
et  de  l'Évéque  de  Londres,  décident  en  dernier  ressort  de  toutes  les 
questions  ecclésiastiques.  En  vertu  de  leur  arrêt,  les  appelants  acquit- 
tés restent  en  fonction,  demeurent  dans  l'Église  et  continueront  à  atta- 
quer, au  nom  de  Jésus-Christ,  l'Évangile  qu'il  a  enseigné.  Les  choses 
en  étant  à  ce  point,  Mgr  Manning  a  fait  paraître  une  brochure  qui  est 
un  exposé  rapide  des  phases  que  celte  question  a  parcourues  depuis 
lejour  où  lui-même  a  jugé  que  l'Établissement  n'est  plus  tenable  et 
où  il  a  passé  à  Rome,  suivant  la  locution  anglaise.  Nul  homme  n'est 
mieux  placé  que  lui  pour  apprécier  une  telle  situation.  Esprit  pénétrant 
autant  que  modéré,  initié  à  tous  les  secrets  de  l'anglicanisme,  connais- 


580  SITUATION   DE    l'ÉGLISE    ANGLICANE. 

sant  les  personnages  qui  s'y  agitent,  sa  plume  élégante  autant  que  pré- 
cise esquisse  en  quelques  pages  tous  les  traits  saillants  du  tableau. 
Voici  le  titre  de  la  brochure  :  «  La  Couronne  en  Concile  au  sujet  des 
Essais  et  Revues;  lettre  à  un  ami,  par  H. -Ed.  Manning.  »  Un  récit 
succinct  de  ce  qui  se  passa  dans  l'affaire  Gorham  au  sujet  du  baptême, 
amène  l'illustre  auteur  au  récit  d'un  fait  historique  qui  mérite  d'être 
rappelé.  On  sentait  alors,  que  si  l'Église  d'Angleterre  devait  encore 
prétendre  à  faire  partie  de  l'église  vivante  du  Christ,  il  fallait  que,  par 
un  acte  solennel,  en  synode  ou  par  ses  évêques,  elle  répudiât  l'hérésie 
que  le  jugement  de  la  Couronne  venait  de  légaliser  et  dont  la  respon- 
sabilité allait  peser  sur  elle. 

«  Un  effort  dans  ce  sens  eut  lieu,  »  c'est  Mgr  Manning  qui  parle  ; 
«  lord  Bloinfield,  alors  évéque,  présenta  aux  Chambres  unbill  modificatif 
de  la  juridiction  suprême  attribuée  à  la  Couronne  en  matière  de  doc- 
trine. 11  proposait  qu'à  l'avenir  la  question  de  doctrine  fût  séparée  de 
la  question  légale  ;  que  la  première  ftit  dévolue  aux  évêques,  tandis  que 
la  seconde  irait  comme  d'ordinaire  au  Conseil  privé.  Le  débat  qui 
s'engagea  est  mémorable.  Il  excitait  au  plus  haut  degré  l'intérêt  des 
partis  et  même  l'anxiété  des  consciences.  On  savait,  en  effet,  que  sa  for- 
tune bonne  ou  mauvaise  devait  exercer  une  influence  considérable  sur 
la  conduite  de  plusieurs.  La  séance  de  la  discussion,  dans  la  Chambre 
des  lords,  attira  à  la  barre  de  cette  chambre  et  dans  ses  galeries  un 
grand  concours.  Lord  Blomfield,  évêque  de  l'église  anglicane,  parla 
comme  il  parlait  toujours,  avec  une  éloquence  simple,  mâle,  pathétique 
et  qui  respirait  la  conviction.  Un  autre  de  ses  confrères  déploya  les 
dons  naturels  de  son  esprit  avec  beaucoup  d'entrain  ;  il  avertit  la 
Chambre,  que  si  quelque  satisfaction  n'était  doimée  sur  la  question 
proposée,  les  résultats  les  plus  opposés  aux  vues  de  la  Chambre  seraient 
la  conséquence  infaiUiblede  ce  refus.  Beaucoup,  dit-il,  qui  sont  comme 
les  perles  de  l'église  d'Angleterre,  tomberont  de  son  écrin.  Lord  Car- 
lisle  s'empara  de  ce  mot  : — «  Si  ces  perles,  dit-il,  tombentsi  facilement, 
il  faut  apparemment  qu'elles  soient  bien  mal  enchâssées  dans  la  parure 
de  l'église.  »  -  Ce  mot  de  la  sagesse  humaine  est  pourtant  prophétique- 
ment vrai,  car  il  doit  être  bien  fermement  rivé  dans  l'Établissement,  celui 


COPRKSrONDANCF.    n'ANdl.ETFRRE.  581 

qui  a  pu  résister  à  tout  ce  qui  s'est  passé  depuis  ces  jours-là.  Lord 
Brougham  parla  contre  le  bill.  Son  langage  fut  celui  du  bon  sens  an- 
glais. «  Les  évoques,  dit-il,  ne  seront  pas  un  tribunal  suffisant  pour 
les  questions  de  controverse  doctrinale.  Il  pourra  se  faire,  en  effet,  ou 
qu'ils  se  divisent  en  nombre  égal,  et  ne  donnent  aucune  décision  ;  ou 
que  leur  décision  soit  celle  d'une  simple  majorité,  incapable  de  por- 
ter la  conviction  dans  les  esprits,  ou  même  que  cette  décision,  por- 
tée d'ailleurs  par  une  majorité  nombreuse,  trouve  en  face  d'elle  des 
hommes  éclairés  dont  l'influence  prévaut  sur  le  nombre  et  qui  entraî- 
neront l'opinion  publique  à  leur  suite.  »  La  destinée  du  bill  fut  telle  qu'on 
devait  le  prévoir.  11  fut  rejeté  d'une  manière  écrasante  tout  à  la  fois  par 
la  force  des  arguments  et  par  le  nombre  des  vot,es.  Le  vice  total  de  la 
situation  apparut  d'une  manière  si  claire  et  si  désespérée,  que  depuis 
cette  époque  on  n'a  plus  tenté  aucun  remède.  Je  me  rappelle  que  parmi 
ceux  qui  assistaient  à  ce  débat,  il  y  en  eut  un  auquel  le  discours  de 
lord  Brougham  suggéra  la  question  suivante  :  —  Supposé  que  tous  les 
évéques  de  l'église  d'Angleterre  décident  un  point  de  doctrine  â  l'una- 
nimité, y  aura-t-il  quelqu'un  qui  reçoive  leur  décision  comme  infaillible? 
—  La  réponse  est  :  Non,  pas  un  ;  pas  même  ceux-là  qui  déclarent  que 
si  l'église  d'Angleterre  ne  sejustific  pas,  ils  demeureront  pourtant  avec 
elle  ;  non,  ceux-là  mêmes  n'oseraient  pas  affirmer  que  la  décision  una- 
nime de  l'Épiscopat  anglais  est  infaillible.  — C'était  réduire  la  question 
à  sa  dernière  analyse.  Pour  quiconque  croit  à  l'existence  sur  la  terre 
d'une  autorité  destinée  par  Dieu  à  l'enseignement  et  au  maintien  de  la 
vraie  foi,  il  était  démontré  par  ce  seul  fait  que  l'église  d'Angleterre 
n'est  pas  cette  autorité.  » 

Mgr  Manning  arrive  plus  loin  à  parler  de  l'ouvrage  qui  a  occa- 
sionné le  nouveau  procès  :  Les  Essais  et  Revues.  Il  est  vrai,  dit-il,  que 
la  convocation  du  clergé  s'est  élevée  contre  ce  hvre,  et  je  ne  puis  même 
le  mieux  faire  connaître  qu'en  donnant  le  document  qui  émane  de  cette 
convocation.  Il  y  est  dit:  «Nous  avons  examiné  avec  attention  l'ouvrage 
déféré  et  nous  trouvons  que  ses  principes  saillants  sont  ceux-ci  : 

«  1 .  Que  dans  l'état  actuel  de  la  science,  l'esprit  humain  arrivé  à 
l'âge  viril  doit  être  la  règle  d'après  laquelle  l'individu  mesure  et  déter- 


582  SITUATION     DE    l'ÉGLISE    ANGLICANE. 

raine  la  vérité  de  la  Bible,  en  se  laissant  guider  par  les  lumières  de  son 
intelligence  et  par  l'autorité  de  sa  conscience. 

«  2.  Que  lorsque  la  Bible  se  trouve  en  contradiction  avec  ces  don- 
nées de  l'intelligence  formée  par  l'éducation,  toute  autorité  divine 
doit  être  refusée  à  l'Écriture  sur  ce  point  que  la  raison  repousse,  et 
que  ce  point  lui-même  doit  être  considéré  comme  une  simple  énoncia- 
tion  humaine. 

«  3.  Que  les  principes  universellement  admis  jusqu'à  ce  jour,  dans 
l'Eglise,  pour  l'interprétation  de  la  Bible,  sont  insoutenables,  et  que  de 
nouveaux  principes  doivent  leur  être  substitués,  sous  peine  de  voirie 
crédit  môme  et  l'autorité  de  la  sainte  Écriture  anéantis. 

«  Nous  trouvons,  dit  l'acte  de  la  convocation,  »  que  l'ouvrage  nie, 
révoque  en  doute  ou  défigure  un  grand  nombre  des  énonciations  ou 
des  doctrines  que  la  sainte  Écriture  nous  présente.  Par  exemple,  ce  livre 
attaque  : 

1°  La  vérité  des  miracles,  y  compris  la  création  telle  que  la  Bible  la 
présente  ; 

2°  Les  prédictions  des  prophètes,  en  particulier  celles  qui  regardent 
l'Incarnation,  la  personne  et  la  mission  de  Notre-Seigneur  ; 

3°  L'unité  d'origine  du  genre  humain  en  Adam  ; 

4"»  La  chute  de  l'homme  et  le  péché  originel  ; 

5"  L'ordre  de  Dieu  relatif  au  sacrifice  d'Isaac  ; 

6°  L'Incarnation  de  Notre-Seigneur; 

7"  La  Rédemption  par  le  sang  du  Christ; 

8"  La  personnalité  du  Saint-Esprit; 

9°  Le  fait  même  de  l'inspiration  particulière  et  surnaturelle.  » 

Telle  était  la  dénonciation  portée  par  le  clergé  anglican  contre  les 
Essais  et  Bévues.  Si  jamais  une  condamnation  parut  certaine,  c'était 
bien  celle  d'un  livre  qui  contient  une  attaque  si  directe  contre  ce  qu'il 
y  a  de  plus  clair  dans  les  articles  de  l'église  anglicane.  Que  penser 
cependant  de  ce  qui  se  passe  ;  de  l'acquittement  partiel  à  la  Cour  des 
Arches,  et  de  l'arrêt  de  non-lieu,  rendu  sur  appel,  par  le  Conseil  privé 
de  la  Reine?  La  brochure  de  Mgr  Manning  fait  ressortir  clairement 
ces  deux  faits:  l'un,  que  cet  acquittement  est  pire  que  celui  de 


CORRESPONDANCE    D  ANGLE  ItlUîE.  ÔSo 

M.  Gorham,  dans  la  question  du  baptême  ;  l'autre,  que  le  clergé  angli- 
can tout  entier  est  responsable  de  la  sentence  portée  par  des  tribunaux 
dont  il  accepte  dans  la  pratique  la  décision  et  l'autorité.  Il  va  plus  loin  : 
il  montre  que  les  impiétés  scientifiques  de  MM.  Williams,  Wilson  et 
Colenso,  sont  les  fruits  naturels  de  l'esprit  qui  anime  depuis  son  origine 
l'église  anglicane,  et  constituent  une  conséquence  légitime  de  ses 
principes.  «En  effet,  »  dit-il  en  concluant,  «  l'église  d'Angleterre  dé- 
cline pour  elle-même  toute  prétention  à  rinfaillibilité  ;  et  comme  elle 
s'élève  avec  plus  de  force  encore  contre  toute  semblable  prétention  dans 
les  autres  parties  de  l'église  ;  comme  elle  prétend  être  elle-même  leur 
guide  et  leur  réformateur  dans  la  voie  du  Christianisme  primitif,  son 
attitude  en  cela  équivaut  à  une  affirmation  positive,  que  la  régie  su- 
prême en  matière  de  religion  est  la  raison  humaine,  et  qu'il  appartient 
à  celle-ci  d'exercer  une  critique  illimitée  sur  tout  ce  qui  est  du  domaine 
de  rÉcriture,  des  Pères,  des  conciles,  de  l'histoire  et  des  témoignages 
sur  lesquels  elle  repose.  »  Cette  conséquence  n'a  rien  d'exagéré;  et 
la  seule  chose  incroyable,  c'est  que  le  clergé  anglican  cherche  encore 
en  dehors  de  l'infaillibilité  une  position  tenable  contre  la  critique  à 
outrance. 

On  lira  aussi  avec  intérêt  le  sermon  que  Mgr  Manning  a  prononcé  à 
Rome,  sur  la  restauration  de  l'église  de  Saint-Thomas.  C'est  un  aperçu 
de  l'histoire  théologique  de  l'Angleterre,  qui  résume  des  études  sé- 
rieuses et  de  profondes  méditations.  —  Aussitôt  que  le  R.  P.  Newman 
aura  terminé  la  série  des  pubUcations  qui  répondent  aux  attaques  de 
M.  Kingsley  contre  sa  personne  et  contre  l'Église,  nous  rendrons 
compte  de  cette  polémique,  où  le  professeur  d'histoire  de  Cambridge 
reçoit  de  l'ex- professeur  d'Oxford  une  sévère  leçon,  et  n'a  de  son  côté 
ni  un  rieur  ni  un  journaliste. 

La  brochure  et  le  sermon  de  Mgr  Manning  ont  paru  chez  Burns  et 
Lambert.  Les  cinq  brochures  publiées  par  le  P.  Newman, en  réponse 
à  M.  Kingsley,  se  trouvent  chez  tous  les  libraires  catholiques  de 
Londres.  Elles  ont  été  publiées  par  la  hbrairie  Longman,  Green, 
Longman  Roberts  and  Green,  London. 

Pour  extrait  :  E.  Hautcœur. 


BIBLIOGRAPHIE. 


De  BoHO  PaapertatU  seu  de  contemptu  et  vanitate  mimdi. — Liège. 
Dessain,  iii-32,  xix-439  pp. 

Ce  petit  livre  a  eu  la  singulière  fortune  de  se  perdre  deux  fois,  et 
d'être  retiré  deux  fois  d'un  oubli  total  par  des  hommes  qui  aimaient  à 
déterrer  dans  les  bibliothèques  les  trésors  de  science  et  de  piété  que 
les  siècles  nous  ont  légués.  Il  a  été  publié  pour  la  première  fois  en 
1619,  d'après  d'anciens  manuscrits,  par  leP.  Schott.dela  compagnie  de 
Jésus.  Depuis  lors,  le  livre  imprimé  est  devenu  â  peu  près  aussi  rare 
que  les  manuscrits  eux-mêmes.  La  TiOuvelle  édition  est  due  à  MgrMalou, 
ce  vénérable  et  savant  évèque  de  Bruges  dont  la  mort  récente  a  été 
une  si  grande  perte  pour  l'érudition  chrétienne. 

L'auteur  de  ce  traité  n'est  pas  connu.  Le  P.  Schott  l'attribuait  à 
Roger,  évêque  de  Londres,  qui  mourut  eo  1240.  Mgr  Malou  renverse 
l'hypothèse  de  son  prédécesseur,  sans  toutefois  avoir  aucun  indice  qui 
lui  permette  de  mettre  un  nom  quelconque  en  tête  du  volume.  Mais  les 
deux  éditeurs  sont  d'accord  pour  nous  le  présenter  comme  un  trésor, 
aureus  libellas.  •  Exsilui  pœne  gaudio,  dit  le  P.  Schott,  en  parlant 
de  la  découverte  qu'il  en  fit,  ut  e  tenebris  evocato,  quod  res  est,  the- 
sauro.  »  Et  dans  la  nouvelle  préface  nous  lisons  :  a  Est  opusculum 
hoc  et  scientia  S.  Scripturae,  et  eruditione  e  scriptis  patrum  deprompfa 
maxime  coramendandum.  Stylus,  habita  ratione  œtatis,  est  admodum 
elegans,  planus  et  facilis,  nisi  fortasse  antitheseon  copia  quandoque 
scateat,  quae  taedio  nonnullis  esse  possit.  Sed  rerum  abundantia,  pro- 
fundiiate  sententiaruni,  pulchritudine  veritatum  ita  splendet,  ut  pio 
iectori  vere  delectationi  futurus  sit  et  amori.  Profecto,  ni  raea  sen- 
tentia  me  fallat,  dignus  est  liber  qui  omnium  piorum  manibus,  ac 
praecipue  religiosorum  et  sacerdotum  manibus  teratur.  Quod  si  cum 
aliis  libris,  (]uales  sunt  e.  g.  Meditaliones  S.  Anselmi,  Piigna  spiri- 


BIBLIOGRAPHIE.  585 

tualis  patris  Scupoli,  Introduclio  ad  vitam  devotam  S.  Francisci  Sa- 
lesii,  etc.  conferatiir,  iisdem  deterior  non  exislimabitur.  » 

Nons  n'ajouterons  rien  à  ces  éloges  de  l'éminent  prélat.  La  Revue 
ne  peut  que  les  enregistrer  pour  dire  à  ses  lecteurs  :  Toile,  lege.  lis 
trouveront  dans  ce  livre  de  précieux  trésors  de  piété  et  d'éloquence,  ils 
le  liront  et  le  reliront,  et  le  jour  où  il  en  paraîtra  une  édition  fran- 
çaise, ce  que  nous  désirerions  vivement,  ils  recommanderont  aux 
âraes  pieuses  ce  volume  dont  ils  auront  eux-mêmes  fait  leurs  délices. 

Mgr  Malou  promettait  dans  sa  préface  de  publier  bientôt  plusieurs 
autres  ouvrages  imprégnés  comme  celui-ci  de  la  saveur  du  moyen 
âge,  entre  autres  quelques  anciens  opuscules  sur  l'Immaculée  Con- 
ception, les  prières  de  S,  Anselme  et  la  lettre  de  Gérard  le  Grand 
aux  prêtres.  Espérons  que  sa  mort  n'empêchera  pas  la  publication  de 
ces  richesses  qu'il  nous  réservait  dans  son  riche  écrin . 

J.    I.    SiMONIS. 

Hymnua  Angelicus  sive  Doctoris  Angelici  Summffi  Iheologicœ  rbyt- 
mica  synopsis.  —  Limoges,  Dilhan-'V  ivôs,  1862.  In-18  rel.  en  demi- 
chagrin,  3  fr.  50. 

Le  P.  Penon,  religieux  Dominicain  du  XVII*  siècle,  conçut 
l'idée  de  mettre  en  rhylhmes  toute  la  Somme  de  saint  Thomas  d'Aquin. 
Ce  plan  n'était  pas  sans  offrir  de  grandes  difficultés.  Elles  n'arrêtèrent 
pas  l'auteur.  S'inspirant  du  mètre  du  Pange  lingua,  il  se  mit  à  chan- 
ter toute  la  suite  de  la  divine  théologie. 

Pange  lingua  Disciplinam, 
Necessariam  Doctrinam 
Praeter  Philosophiam. 

Haec  scientia  superna, 
Una  raanens  unit  una 
Praxim  et  Theoriara. 


Numen  Ipsum  contemplatur  ; 
Conlemplans  argumentatur, 
Sorte  sibi  propria. 

Revue  pes  Scienxes  wcclés.,  t.  ix — juin  18C4. 


38. 


586  BIBLIOGRAPHIE. 

Et  ainsi  dans  des  strophes  de  trois  vers,  le  savant  religieux  chanta 
612  questions  ei  3120  articles. 

?on  ouvrage,  publié  en  1676,  était  devenu  extrêmement  rare  et  à 
peu  près  inconnu.  M.  Dilhan  Vives,  libraire  de  Limoges,  si  dévoué 
à  la  propagalion  des  bonnes  doctrines,  la  fait  rééditer.  C'est  un  joli 
volume  in-18  de  près  de  200  pages.  Il  a  été  revu  et  annoté  par  plu- 
sieurs professeurs  de  théologie,  avec  l'approbation  de  Mgr  l'Évêque  de 
Poitiers.  Les  amis  de  la  science  ont  applaudi  à  cette  publication  qui  est 
à  la  fois  intéressante  et  utile.  H.  Girard. 


ŒuTre  de»  douze  Apôtres  pour  favoriser  à  l'état  ecclésiastique. 

Lyou  et  Paris,  Girard  et  Josserand.  In-18  de  60  pp. 

La  vie  divine  se  répand  par  Notre-Seigneur,  qui  est  venu  pour  1» 
donner  et  la  donner  avec  plus  d'abondance.  Elle  se  re'pand  par  le  mi- 
nistère des  prêtres,  par  le  sacerdoce  catholique,  qui  est  la  lumière  du 
monde  et  le  sel  de  la  terre.  L'œuvre  des  œuvres  est  donc  l'œuvre  du 
sacerdoce.  Avec  de  bons  prêtres,  on  a  tout  le  reste.  Par  conséquent, 
favoriser  les  vocations,  faciliter  l'entrée  du  sanctuaire  en  surmontant 
les  difficultés  pécuniaires  qui,  dans  un  siècle  positif  surtout,  arrêtent 
tant  de  familles  ;  c'est  une  pensée  et  une  action  exceptionnellement 
méritoires.  Or,  cette  pensée  el  cette  action  sont  le  but  que  s'est  pro- 
posé l'Association  formée  à  Lyon  sous  le  titre  de  V Œuvre  des  douze 
Apôtres.  La  brochure  que  nous  avons  sous  les  yeux  la  fait  connaître 
et  traite  de  la  diminution  du  sacerdoce,  de  ses  causes,  de  ses  effets, 
des  moyens  d'y  ren  édier.  Les  moyens  sont  surtout  la  prière  et  l'au- 
mône. Telle  est  l'œuvre  du  sacerdoce,  «  à  laquelle  tous  les  fidèles  sont 
invités  à  prendre  part  par  la  prière  et  par  l'aumône,  afin  de  continuer 
ainsi  la  mission  dts  Apôtres.,.  Une  prière  chaque  jour,  la  récitation 
de  Y  Angélus  dans  l'intention  de  l'œuvre,  et  une  aumône  de  cinq  cen- 
times par  mois  (12  sous  par  an)  en  l'honneur  des  douze  Apôtres!  Qui 
pourrait  refuser  un  si  faible  secours  à  nos  Pères  dans  la  io\,  pour  peu 
que  la  reconnaissance  nous  anime  !...  En  élevant  sa  cotisation  annuelle 
à  12  fr.,  on  est  bienfaiteur  de  l'œuvre  (p.  47).»  Tout  ce  qui  concerne 
l'œuvre  doit  être  adressé  à  M.  le  secrétaire,  rue  Saint-Joseph,  14,  à 
Lvon.  H.  Girard. 


CHRONIQUE. 


1.  Nous  lie  pouvons  disposer  aujourd'hui  que  de  bien  peu  d'espace; 
uous  allons  donc  nous  borner  à  énuinérer  d'une  manière  rapide  quel- 
ques-unes des  principales  publications  du  mois.  La  Vie  de  Noire-Seigneur 
Jésu<i-Christ,  par  M.  Louis  Veuillot  (Paris,  Régis-Ruffet,  iu-8  de  xxvi-512 
pp  ,  1"  et  2'  éd.,  7  fr.),  est  déjà  trop  connue  pour  que  nous  ayons  be- 
soin d'en  parler  longuement  :  on  sait  que  ce  n'est  pas  une  œuvre  de 
polémique,  mais  d'exposition,  où  le  célèbre  auteur  a  mis  fout  son  ta- 
lent et  toute  son  àme.  M.  H.  Wallon,  a  entrepris  une  nouvelle  réfuta- 
tion qui  a  sou  prix,  après  toutes  les  autres,  et  qui  atteindra  un  public 
d'ordinaire  peu  accessible  à  ces  sortes  d'écrits.  (  La  Vie  de  Jénis  et  smi 
nouvel  historien,  par  M.  H.  Wallon.  Paris,  Hachette,  in-18  jésus  de 
228  pp.,  1  fr.) 

i.  M.  l'abbé  Frcppel  a  publié  la  continuation  de  ses  savantes  leçons 
dont  nous  avions  été  privés  l'an  dernier.  Il  nous  dédommage  en  nous 
donnant  à  la  fois  deux  volumes.  (Tertullien,  Cours  d'éloquence  sacrée 
fait  à  la  Sorbonne  en  1861-1862,  par  M.  l'abbé  Freppel.  Paris,  A.  Bray, 
2  vol.  in-8  de  448  et  514  pp.,  lî  fr.) 

3.  Le  cardinal  Gonsalvi  avait,  en  mourant,  laissé  des  mémoires  dont 
l'existence  môme  fut  longtemps  un  mystère  :  ils  ne  devaient  voir  le 
jour  qu'après  la  mort  des  principaux  personnages  qui  y  figurent.  Aujour- 
d'hui, M.  Crélineau-Joly  vient  d'être  autorisé  à  les  publier  :  il  les  fait 
précéder  d'une  longue  introduction,  qui  contient  une  foule  de  lettres 
inédites  adressées  au  cardinal  par  les  personnages  les  plus  illustres.  Tout 
cela  est  du  plus  haut  intérêt,  et  jette  un  jour  inattendu  sur  les  évé- 
nements et  les  hommes  de  cette  époque.  Il  est  à  regretter  que  les  Ric9rdi 
n'aient  point  paru  dans  leur  langue  originale  :  l'éditeur  se  contente 
d'en  donner  une  traduction  française.  On  sentira  sans  doute  le  besoin  de 
publier  aussi  le  texte.  {Mémoires  du  cardinal  Consalvi,  secrétaire  d'État 
du  pape  Pie  VII.  Paris,  Plou,  2  vol.  in-8  de  453-487  pp.  et  8  fac-similé 
d'autographes  précieux,  15  fr  ) 

4.  Mgr  de  Ségur  a  commencé  une  série  de  petits  traités,  sous  ce  titre 
général  ;  La  Piété  et  la  Vie  intérieure.  Nous  avons  sous  les  yeux  les 
deux  premiers:  Notions  fondamentales  (Tolra  et  Hatou,  in-18  de  70  pp.); 
le  Renoncement  (ib.  in-18  de  136  pp.)  Nous  apprenons  que  le  troisième, 
Jésus  vivant  en  nous,  a  également  paru.  Le  plan  général  est  détaillé  dans 
la  préface  du  premier  opuscule. 

E.  Hautcœuk. 


TABLE    DES    MATIÈRES. 


Papes. 
QUESTION  DE  DROIT  CANONIQUE,  par  M.  l'abbé  D.  Bonn.    .  5 

COMMENTARIUS   IN  PROOEMIUM  BREVIARII  ET  MISSALIS  DE 

COMPUTO  ECCLESIASTICO,  par  M.  le  D'  N.  N.  16,  119,  224,  410,  507 
LA  THÉOLOGIE  DES  CATACOiMBES,  par  M.  l'abbé  J.  D  .  .  45,  97,  289 
ASSEMBLÉE  DES  SAVANTS  CATHOLIQUES  A  MUNICH,  par  M. 

l'abbé  J.-I.  SiMONis 56 

LA   BIBLE    ET    LA   SCIENCE   DE   LA    NATURE    (quatrième  et 

cinquième  article),  par  M.  l'abbé  E.  Hautcœur 138,323 

LA  QUESTION  LITURGIQUE  A  LYON,  par  M.  l'abbé  D.  Bouiî.     .  242 

—  Lettre  de  S.  E.  le  cardinal  archevêque  de  Lyon  ....  15'è 
ÉTUDES  SUR  LA  PREDICATION,  par  M.  le  chanoine  Barciet.  154,  370,  448 
THÉOLOGIE  MORALE.  —  Nécessité   de    confesser  les  enfants. 

—  Manière  de  le  faire,  par  M.  le  chanoine  Craisson  ....         164 

—  De  la  Contrition  requise  pour  recevoir  l'absolution,  par 

le  Même 377 

—  Des  Danses  modernes,  par  le  Même 457 

—  Un  prêtre  peut-il  absoudre  avec  une  juridiction  probable? 

par  M.  l'abbé  Armand    .     , 269 

—  Des  honoraires  de  messes,  par  M.  l'abbé  Maugère  .  .  .  556 
ORIGINE  DES  ÉGLISES  DE  FRANCE.— Apostolat  do  saint  Rieul, 

par  M.  l'abbé  Blond 193,  307 

DU  CHANT  ECCLÉSIASTIQUE,  par  M.  l'abbé  P.  R 549,465 

DU  DOMICILE  REQUIS  POUR   LE  MARIAGE,   par  M.  l'abbé  H. 

Girard  .     .     .     , ...         274 

DE  L'ELECTION  DU  SOUVERAIN-PONTIFE, p^  M.  l'abbé  D.  Bouix.  342,  426 
UNE  ETUDE  SUR  LA  PHILOSOPHIE  SCOLASTIQUE,  par  M.  l'abbé 

P. -P.  Armand 353 

DU  DROIT  COUTUMIER  DANS  L'EGLISE   (ier  et  2e  article),  par 

M.  l'abbé  Grandcladde 393,  534 

ÉTUDE  SUR  LA  LÉGISLATION  MOSAÏQUE,  par  M.  l'abbé  Gilly 

(premier  article) 489 

ETUDE    SUR    LA   NOUVELLE   ÉDITION   DE   L'HISTOIRE  DES 

AUTEURS  SACRÉS,  etc.,  de  D.  Ceillier,  Par  M.  l'abbé  N.-C. 

Le  Roy  . o45 

DES  ORNEMENTS  DE  FORME  GOTHIQUE  —  Lettre  de  S.  E.  le 

Cardinal-Préfet  de  la  S.  C.  des  Rites 77 

QUESTIONS  LITURGIQUES.— Du  Classement  des  différentes  fêtes 

de  l'année  relativement  à  la  solennité  extérieure,  par  M.  P.  R.  173 

—  Réponses  à  quelques  questions,  par  le  Même  .     264,  360,  475,  573 

BREF  DE  S.  S.  PIE  IX    à   l'archevêque  de  Munich 276 

LIVRES  MIS  A  L'INDEX , 79,  388,  485. 

DÉGISIONS  DE  LA  S.  C.  DU  CONCILE.  —  Résumé  par  M.  l'abbé 

Grandclaude ,    .     .  179 

DECRET  DE  LA  S.    C.  DES  RITES.     .     .     ,     .     ,      ...      .      283,  578 

CORRESPONDANCE 92,578 

BIBLIOGRAPHIE 80,  90,  185,  190,  285,  384,  3S5,   480,  584 

CHRONIQUE 190,  388,  485,  587 


TABLE  ANALYTIQUE. 


Amovibilité  de  certains  vicaires  coadjuteurs.  Principes  généraux  sur 
la  question,  182. 

Angebadlt  (Mgr).  —  Recueil  d'Instructions  pastorales,  192. 

Anglicanisme.  Sa  silualion,  controverses  qui  l'agitent,  578. 

Augustin  (saint),  orateur,  454. 

Baptême.  Cérémonies,  usage  de  la  langue  vulgaire  daus  les  interroga- 
tions, 575. 

Baronius.  —  Réimpression  des  annales,  388. 

Basile  (saint),  orateur,  372. 

Bernard  (saint),  orateur,  436, 

Bible  (la)  et  la  Science  de  la  nature  ^38  is.  323  ss.  {F.  la  table  du 
t.  vni.)  —  Interprétation  du  premier  chapitre  de  la  Genèse,  ^38. 

—  Sommairedoclriiial  de  ce  premier  chapitre,  148. —  Comparaison 
des  résultats  de  la  science  profane  avec  les  données  de  la  Bible, 
323  ;  générations  spontanées,  324  ;  asl/onomie,  326;  géologie,  331  ; 
unité  de  l'espèce  humaine,  337. 

Bibliographie.— Articles  divers,  80,  90,  J85,  ^90,  285,  384,385,480, 

584. 
Boenninghausen  (le  D').  —  Traité  des  Irrégularités,  H 90. 
BoNO  (de)  paupertalis,  5S4. 

Bourbon.  —  Introduction  aux  cérémonies  romaines,  391 . 
Caro.  —  L'Idée  de  Dieu  et  ses  nouveaux  critiques,  390. 
Caron  (l'abbé).  —  Le  Surnaturel,  etc.,  390. 
Catacombes.  —  La  Théologie  des  Catacombes,  45  ss.,  97  ss.  289  ss.. 

—  Les  catacombes  juives,  46;  leur  symbolisme,  52,  97  ;  leurs  in- 
scriptions, lumières  qu'elles  jettent  sur  la  vie  judaïque,  101  ;  la  vie 
future  y  est  souvent  rappelée,  109;  elles  offrent  un  tableau  complet 
de  la  Synagogue  romaine,  289;  leur  origine,  298  ;  leurs  rapports 
avec  la  sainte  Écriture,  302. 

Ceillier  (Doin). — Étude  sur  la  nouvelle  édition  de  son  Histoire  géné- 
rale des  auteurs  sacrés  et  ecclésiastiques,  545. 
Chant  ecclésiastique,  249  ss.,  463  .ss.  —  Observations  générales,  250. 

—  Des  divers  chants  du  Kyrie  eleison,  du  Gloria  inexcelsis,  etc., 
252.— Chants  non  liturgiques,  255.  —  Du  chant  de  Vite  missa  est 
el  d\x  Benedicamus  Domino,  263.  —  Du  chant  des  hymnes,  463. 

CoMPUT  ECCLÉSIASTIQUE. — Commcutarius  in  Proœmium  breviarii  el 


590  TABLE   ANALYTIQUE. 

missalis  de  computo  ecclesiastico,  ^6  ss.,  H9  ss.,  224  ss.,  A\0  ss., 
b07  ss.  — Canones  de  computo  discendo,  -16.  — De  zodiaco  caete 
risque  decem  circulis  cœlum  ambieniibus,  21.  —  De  anno  et  ejus 
partibus,  26,  1-19.  —  De  anni  correctione  ejusque  necessitate,  ac 
kalendario  Gregoriano,  224.  —  De  quatuor  lemporibus  el  tempère 
feriato,  4i0.  —  De  cycle  decennevali  aurei  numeri,  4^6.  —  De 
epactis  et  neviluniis,  4-19.  —  De  cycle  solari  et  lileris  dominicalibus, 
507.  —  De  Indiclione,  515.  —  DeFesiis  mobilibus,  5-19. 

Confession  des  enfants  avant  la  première  communion,  -164.  —  De  la 
coQlrilion  req  lise  dans  le  sacrement  de  pénitence,  377.  —  Peut- on 
absoudre  avec  une  juridiction  probable  ?  269. 

Congrégations.  —  Décret  de  la  S.  C.  des  Rites  relatif  à  la  palme  el 
à  la  fiole  de  sang  considérées  comme  signes  du  martyre,  283. 
V.  Amovibilité,  Index^  Ornements. 

CoNSALvi  (le  cardinal],  Mémoires,  587. 

Contrition,  V.  Confession. 

Correspondance,  92,  578. 

Coutume.  —  Du  droit  coutumier  dans  l'Église,  394  ss.,  534  ss.  — 
Origine  du  droit  coutumier,  395.  —  Théories  erronées  h  ce  sujet, 
399.  —  Du  droit  en  général,  401.  —  Comment  la  coutume  diifère 
du  simple  usage,  534  ;  de  la  tradition,  53S  ,  et  de  la  prescription 
539.  —  Divisions  de  la  coutume,  540  ss. 

Crampon  (l'abbé)  —  Les  Quatre  Evangiles,  ^91,  2SS. 

Danses.  —  Sur  les  Danses  modernes,  457  ss. 

Déchamps  (le  père).  —  Opuscules  divers,  192. 

Dehaisnes  (l'abbé),  —  f^ie  du  père  Nicolas  Trigault,  39^. 

DoELLiNGER  (le  D'';.  —  Discours  à  l'assemblée  de  Munich,  63,  185.  — 
Le  Christianisme  et  l'Eglise  à  l'époque  de  leur  fondation,  -197. 

DONEY  (Mgr).  —  Lettre  sur  V enteignement  de  la  Philosophie,  etc.  ^92. 

Du  Val  de  Beaulieu  (le  comte).  —  L'Erreur  libre  dans  l'État  libre, 
392. 

FÊTES. —  Leur  Classement  par  rapport  à  1a  solennité,  -173.  V.  Compu/. 

FoLLiOLEY  (l'abbé).  —  Histoire  de  la  littérature  française,  392. 

Freppel  (l'abbé).  —  Uiie  Édition  populaire  de  la  Vie  de  Jésus,  390. 
—  Tertullien,  fS7. 

GiLLT.  —  La  Mère  admirable  de  Boxiquet,  488. 

Grandclaude.  —  Breviarium  philosophix  scolasticx,  392. 

Gratry  (le  père).  —  Les  Sophistes  et  la  critique,  389. 

Grégoire  deNazianze  (saint),  orateur,  37  5. 

GuRY  (le  père).  —  Ca^-us  conscientiœ,  etc.,  90. 

HïMNUS  angelicus,  585. 

Index.  —  Livres  mis  à  l'Index,  79,  388,  483. 

Innsbrdck.  —  Faculté  de  théologie,  486. 

Jean-Chrtsostome  (saint),  orateur,  448. 


TABLE    ANALYTIQUE.  591 

JuRTDlCTlON.  —  V.  Confession. 

KLEUTGEN(le  père).  —  Écnls  philosophiques,  35^. 

L.tMMER  (le  D'^).  —  Misericordlas  Domini;  Scriptorum  Grsscix  or- 

todoxx  BibliolJteca  selecta,  ^91. 
Laforêt  (abbé).  —  Pourquoi  Von  ne  croit  pas,  ^9I. 
La  Harpe.  —  Jugement  sur  l'éloquence  des  Pères,  37t. 
I.AMY  (l'abbé).—  Examen  de  la  Vie  de  Jésus,  de  M.  E.  Benan,  191 ,  390. 
Latod  (l'abbé  M.).  —  Vie  de  saint  Saturnin,  384. 

LÉGISLATION   MOSAÏQUE.  —  V.  MoïSe. 

Levavasseur  (le  père).  —  Cérémonial  des  petites  églises,  S9\. 
Liturgie.  —  Statistique  de  la  France  au  point  de  vue  liturgique,  385, 

486.  —  V.  Baptême,  Comput,  Congrégation,  Fêtes,  Lyon,  Mat/ile, 

Matines,  Messe,  Office  (petit),  Ornements,  Saluts,  Tabernacle. 
Lyon.  —  Lettre  de  S  K.  le  Cardinal- Archevêque  de  Lyon  au  clergé 

de  son  diocèse,  touchant  la  question  liturgique,  -152. —  La  Ques'ion 

liturgique  à  Lyon,  242.  V.  aussi  p.  392,  488. 
Mabile  (Mgr).  —  Instrvet.  past.  et  décret.  Versai,  episcopif  383. 
Malines.  —  Comple-rendu  de  l'assemblée  des  catholiques  dans  celle 

ville,  192.  —  Les  éditions  liturgiques  de  Malines,  -588. 
Manning  (Mgr).  —  La  Couronne  en  Concile,  580. 
Mariage.  —  Du  domicile  requis  par  rapport  au  mariage,  J74. 
Marshall  —  Christian  missions,  391. 
Mater  àdmirabilis,  487. 
Matignon  (le  père).  —  La  liberté  de  l'eipril  humain  da«»  /»  Fai  eO" 

tholique,  390. 
Messe.  —  Questions  sur  les  rubriques^  264. — Peut-on  retenir  quelque 

chose  sur  les  honoraires  de  messes  en  faveur  d'une  bonne  œuvre  ? 

556. 
Moïse.  —  Sa  législalioa,  489  ss.  —  Idée  générale  d'uue  l^islalion, 

489  ;  caractère  et  bul  de  la  légiblalion  mosaïque,  492. 
MoNNiN  (l'abbé).  —  Mater  àdmirabilis,  488. 
MoNicn.  —  V.  Savants  catholiques. 
Nicolas.  —  La  Divinité  de  Jésus-Christ,  i9l. 
Office  (petit)  de  la  sainte  Vierge.  Rubriques  qui  le  concernenl,  573. 
Ordination.  —  Quand  fauL-il  réitérer  la  cérémonie,  5  ss. 
Origines  des  Églises  de  France.  V.  Rieul. 
Ornements  de  forme  goUiique  prohibés,  77. 
Pères  de  l'Église.  —  V.  Prédication. 
Perrone  (le  père).  —  De  Matriynonio  Chrisliano,  80. 
Philosophie.  —  Ses  rapports  avec  la  théologie  et  le  principe  d'au- 
torité, 69.  V.  Doney,  Scolastique. 
Plantier  (Mgr).  —  La  Fraie  Vie  de  Jésus,  -190. 
Prédication  (Élude  sur  la),  —  (V.  la  table  du  T.  viii.)  De  l'étude  des 

Pères  nécfssaii-fl    aux    prédicateurs,  154   ss  ,   370  ss.,  ViS  ss.  — 


592  TABLE    ANALYTIQUE. 

Considérations  générales,  ^54.  —  Eloquence  des  Pères,  370; 
S.  Basile,  372;  S.  Grégoire  de  Naziance,  374;  S.  Jean  Chrysoslôme, 
448  ;  S.  Augustin,  454  ;  S.  Bernard,  456. 

Renan.  Réfutations  de  son  livre,  ^90  ss.,  389  ss.,  587. 

BiEUL  (apostolat  de  saini),  ^93  ss.  307  ss.  —  Coup  d'œii  historique 
sur  la  question,  -194.  —  Examen  des  deux  opinions  qui  ont  succes- 
sivement régné  sur  l'époque  de  la  prédication  de  saiul  Rieul,  202; 
discussion  des  textes  de  saint  Grégoire  de  Tours  et  de  Su!pice-Sé- 
vère,  207;  discussion  de  l'objection  tirée  des  Actes  de  Saint- 
Quentin  et  de  ceux  des  saints  Fuscien  et  Vicloric,  213;  objection 
tirée  des  diptyques  de  l'église  de  Senlis,  219.  —  Anciennes  vies 
manuscrites  de  saint  Rieul,  308;  un  texte  de  S.  Ambroise,  316; 
les  liturgies  de  Senlis,  d'Arles,  de  Sainl-Denys,  Z\l\  les  diptyques 
d'Arles,  319. 

Saluts  du  Saint-Sacrement.  Cérémonies  à  observer,  360. 

Savants  catholiques.  —  Assemblée  des  savants  caiholigues  à  Mu- 
nich, en  -1863,  56  ss.  L'assemblée,  50.  —  Vœux  et  résolutions,  6i. 

—  Idées  et  principes,  67.  —  Bref  de  N.  S.  P.  le  Pape,  277.  — 
V.  Dœllinger,  Scolaslique. 

ScoLASTiQUE.  —  Élude  sur  la  philosophie  scolastique,  353,  —  Juge- 
ment porté  par  l'assemblée  de  Munich,  70.  —  Réflexions  du  P, 
Ramière,  95. 

Ségub  (Mgr  de),  la  Piélé  et  la  Vie  intérieure,  587. 

SouvERAiN-PoNTiFE,  —  De  l'Élection  du  Souverain-Pontife  et  des  con- 
ditions requises  pour  qu'elle  soit  légitime,  342  ss.,  426  ss.  —  Le 
Pape  seul  peut  en  régler  les  conditions,  343.  —  En  vertu  de  quel 
droit  el  depuis  quelle  époque  elle  appartient  aux  cardinaux,  426. 

—  Du  Pouvoir  des  cardinaux  pendant  la  vacance  du  Saint-Siège, 
432.  —  Du  Conclave,  437.  —  De  l'Exclusive,  444. 

T  ABERNACLE.  —  Doit  être  placé  au  milieu  de  l'autel,  77. 

Theiner  (le  père),  sa  continuation  de  Baronius,  3S8. 

Théologie.  —  Traités  divers,  80,   90.  —  Études  ihéologiques,  68.-= 

V.  Catacombes. 
ToNGiORGi  (le  P.).  —  Sa  philosophie ,  92. 
Veuillot  (Louis),  la  Fie  de  Notre-Seigneur  Jésus-'Christ,  587. 
Vicaires  coadjuteubs.  —  V.  Amovibilité. 
ViLLEMAiN.  —  Jugement  sur  l'éloquence  des  Pères,  371,  373. 
Wallon  (H.).  La  vie  de  Jésus  el  son  nouvel  historien,  587. 


Anas.  — Typ.  Itouriseau-Leroy,  rue  Saint- Maurice,  26. 


REVUE 


DES 


SCIENCES  ECCLÉSIASTIQUES 


IMPRIMATUR  : 
Atrebati,  die  20  Julii  1864. 

P.-L.,  y.   Episc.   Airebatensis ,  Bolonien. 
et  Audomaren. 


Arras.  —  Typographie  Rousseau-Leroy,  rue  Saint-Maurice,  2C. 


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DES  SCIENCES 

ECCLÉSIASTIQUES 


DIRia££ 


PAR   M.    L'ABBÉ   D.   BOUIX 


:àsio 


RECUEDL,     MEIVSUEI. 

Paraissant  avec  l'autorisatiou  de  Mgr  Parisis,  évêque  d'Arras. 

Ubi  Petrus,  ibi  Bcclesia.  (St-Ambroise. 

Tome  X.  —  «•  Seniesti-e  1S64. 

ARRAS , 
ROUSSEAU-LEROY  ,    ÉDITEUR 

(bureaux  de  la  revue) 

rue  St-Maurice,    S6. 

PARIS, 
GAUME  FRÈRES  ET  DUPREY , 

LIBRAIRES  -ÉDITEURS, 
rue  Casiette  4. 

1864. 


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DES 


SCIENCES  ECCLÉSIASTIQUES 


ÉTUDE  SUR  LA  LÉGISLATION  MOSAÏQUE. 


Deuxième  article. 


Bossuet  a  écrit  au  xxix®  chapitre  de  son  Histoire  univer- 
selle: «Les  livres  de  l'Ancien  Testament  et  tous  les  temps 
qu'ils  racontent  se  donnent  les  uns  aux  autres  un  témoi- 
gnage admirable.  Les  temps  du  second  temple  supposent 
ceux  du  premier  et  nous  ramènent  à  Salomon.  La  paix 
n'est  venue  que  par  les  combats-,  et  les  conquêtes  du 
peuple  de  Dieu  nous  font  remonter  jusqu'aux  Juges,  jus- 
qu'à Josué  et  jusqu'à  la  sortie  d'Egypte.  En  regardant 
tout  un  peuple  sortir  d'un  royaume  étranger,  on  se  sou- 
vient comment  il  y  était  entré.  Les  douze  Patriarches  pa- 
raissent aussitôt,  et  un  peuple  qui  ne  s'est  jamais  regardé 
que  comme  une  seule  famille  nous  conduit  naturellement 
à  Abraham  qui  en  est  la  tige.  »  Nous  voudrions  pouvoir 
remonter  ainsi  de  la  loi  mosaïque  aux  premières  formes  du 
culte  dont  elle  est  l'expression  régularisée.  N'est-ce  point 


6  ÉTUDE    SUR    LA    LÉGISLATION    MOSAÏQUE 

aussi  facile?  La  trame  historique  est-elle  interrompue,  ou 
bien,  la  route  devient-elle  ténébreuse  et  embarrassée  par 
suite  des  tendances  diverses  qui  se  sont  produites  a  cet 
égard?  La  critique  a  souvent  été  aveugle  dans  ces  derniers 
temps,  et  s'il  est  un  point  où  elle  ait  multiplié  les  hypo- 
thèses pour  arriver  à  un  résultat  encore  problématique, 
c'est  bien  lorsqu'elle  a  voulu  explorer  les  origines  du  culte 
mosaïque.  D'abord  elle  a  cherché  a  ôter  à  Moïse  le  ca- 
ractère de  législateur,  en  prétendant  que  la  loi  qui  porte 
son  nom  ne  vient  pas  de  lui.  Puis,  elle  a  essayé  de  mon- 
trer des  affinités  entre  le  culte  mosaïque  et  les  cultes 
païens,  et  de  donner  le  mosoïsme  comme  le  résultat  na- 
turel d'une  idéalisation  plus  subtile.  Enfin,  lorsqu'elle  a 
reconnu  la  préexistence  d'un  culte  chez  les  patriarches, 
elle  a  affecté  de  ne  voir  dans  les  institutions  mosaïques 
que  le  développement  naturel  des  institutions  patriar- 
cales. Nous  devons  d'abord  faire  connaître  ces  institu- 
tions. Nous  montrerons  ensuite  que  le  mosaïsme  n'est  pas 
plus  leur  développement  naturel,  qu'il  n'est  le  produit  du 
polythéisme  épuré  par  un  homme  de  génie,  trouvant  dans 
ses  ressources  personnelles  et  dans  son  éducation,  le  moyen 
d'élever  la  vie  morale  de  son  peuple,  et  de  proclamer  le 
monothéisme  dont  il  a  compris  la  vérité. 

Les  origines  du  culte  se  perdent  dans  la  nuit  des  temps. 
On  ne  les  trouve  qu'en  remontant  aux  origines  mêmes  du 
genre  humain.  C'était,  en  effet,  un  besoin  naturel  pour 
l'homme,  que  d'exprimer  a  l'Auteur  de  tous  les  biens,  sa 
reconnaissance  et  son  amour  par  des  actes  et  par  le  lan- 
gage. Tant  que  les  rapports  de  l'homme  avec  Dieu  ont  con- 
servé ce  caractère  de  facilité  qui  leur  venait  de  l'ordre  éta- 
bli par  le  Créateur  entre  lui  et  sa  créature,  le  culte  a 
consisté  uniquement  dans  la  louange  et  l'action  de  grâces. 
Mais  a  peine  cet  ordre  a-t-il  été  troublé,  que  l'homme  a 


ÉTUDE    SUR    LK    LÉGISLATION    MOSAÏQUE.  7 

senti  le  besoin  de  manifester  d'une  manière  sensible,  le 
souverain  domaine  de  Dieu  qu'il  avait  une  fois  méconnu  : 
les  sacrifices  ont  été  le  mode  d'expression  qu'il  a  donné  h 
ce  sentiment.  Toutefois,  l'homme  coupable  pouvait-il  choi- 
sir par  lui-même  ce  qui  devait  être  agréable  à  Dieu?  Dans 
cet  état,  pouvait-il  imaginer  un  acte  qui  fût  le  symbole  de 
l'acte  que  Dieu  lui-même  devait  opérer  pour  le  rétablir 
dans  la  sainteté  et  dans  la  justice  originelles?  Évidemment 
non.  Il  appartenait  a  Dieu,  et  à  Dieu  seul,  de  statuer  a  cet 
égard.  Or,  tel  est  le  but  des  sacrifices.  Dieu  les  agrée-, 
nous  ne  pouvons  en  douter  après  ce  que  nous  apprend  la 
Genèse  et  ce  que  nous  enseigne  saint  Paul  {Gen.  iv,  3. 
Heb.  XI,  4).  Les  sacrifices  sont  une  figure  de  la  rédemp- 
tion promise.  Les  livres  de  l'Ancien  et  du  Nouveau  Testa- 
ment l'attestent  avec  unanimité  {Lev.  xvii,  11.  Douter. 
IV,  2.  3Iatth.\\,  9.  Rom.  ix,  15.  Coloss.  ii,  22,  23\  Nous 
pensons  donc  avec  Eusèbe  [Démonst.  ^évang.  i,  10)  que  la 
pratique  des  sacrifices  ne  fut  point  une  invention  humaine 
(àvOpoTTxwç  xcxivYifxÉvov},  mals  qu'cHc  s'introduisit  sous  l'im- 
pulsion d'une  volonté  divine  clairement  manifestée  (xaT^ 
ôei'av  ÙTTovoiav  7rpope,SX7i;ji.évov).  Le  meurtre  dcs  brebis  auquel 
nos  premiers  parents  demandèrent  des  vêtements  pour  leur 
nudité,  put  très-bien  servir  à  leur  montrer  ce  dont  le  péché 
les  avait  rendus  dignes,  la  mort,  et  leur  révéler  en  même 
temps  l'usage  des  sacrifices,  destinés  à  représenter  le  Mes- 
sie promis,  et  les  rites  expiatoires  du  péché  auquel  il  se  sou- 
mettrait un  jour.  Le  résultat  du  premier  sacrifice  agréable 
a  Dieu,  après  la  sortie  de  l'Éden,  est  la  mort  de  son  au- 
teur, Abel,  qui  mérite  par  la  d'être  le  premier  martyr 
symbolique  du  Christ.  —  Il  n'y  a  rien  dans  la  nature  hu- 
maine qui  la  porte  à  immoler  des  victimes  et  a  les  brûler 
pour  les  offrir  à  Dieu.  C'est  même  un  acte  de  domination 
sur  ces  victimes  qui  n'appartient  a  l'homme  pécheur  qu'en 
vertu  d'une  autorisation  divine.  Dieu,  s'il  ne  les  eût  pre- 


8  ÉTUDE    SUR    LA   LÉGISLATION    MOSAÏQUE. 

scrits,  OU  au  moins  insinués,  aurait  donc  été  plutôt  of- 
fensé qu'apaisé  par  les  sacrifices.  Comme  il  les  avait  inspi- 
rés à  l'homme,  il  les  agréait  aussi,  et  le  feu  du  ciel 
descendait  pour  consumer  les  oblations  lorsqu'elles  lui 
étaient  agréables  {Gen.  xv,  17.  Lev.  ix,  24:  x,  1.  Jud. 
\i,  21.  II  Par.  VII,  1.  III  Beg.  xviii,  2Zi,  38).  Ainsi,  la 
pratique  des  sacrifices  semble  avoir  eu  Dieu  pour  auteur^ 
tandis  que  les  pratiques  de  louange  et  d'actions  de  grâces 
se  sont  formées  naturellement  sous  l'influence  de  la  con- 
science humaine,  créée  par  Dieu  avec  la  faculté  de  recon- 
naître son  origine  et  son  Créateur,  de  se  rapprocher  de  Lui 
par  l'amour,  d'avoir  recours  à  Lui  par  la  prière. 

Nous  trouvons  des  sacrifices  chez  tous  les  peuples  :  cha- 
cun leur  a  donné  l'empreinte  de  son  génie  particulier-, 
mais  tous  ont  cru  à  la  nécessité  de  l'expiation;  tous  ont 
cherché  à  apaiser  le  ciel  qu'ils  croyaient  irrité.  Us  se  sont 
bien  souvent  trompés  sur  la  nature  de  Celui  auquel  ils  of- 
fraient leurs  sacrifices,  et  même  dès  l'origine,  nous  remar- 
quons des  tendances  bien  différentes  dans  les  deux  pre- 
mières familles  de  peuples.  Les  Caïnites  s'éloignent  de 
Dieu  pour  s'attacher  au  monde,  a  l'exemple  de  leur  père, 
qui  préférait  ses  biens  au  Seigneur.  Les  Séthites,  au  con- 
traire, témoignent  de  leur  reconnaissance  envers  Dieu  et 
du  besoin  qu'ils  ont  de  son  secours,  en  lui  ofi'rant  des 
oblations  et  des  prières.  Après  le  déluge,  les  fils  de  Noé 
suivent  aussi  des  voies  analogues  à  celles  des  fils  d'Adam  : 
les  Sémites  se  font  remarquer  entre  tous  par  leur  fidélité 
au  Seigneur.  Il  est  dit  d'Enoch,  petit-fils  d'Adam  par  Seth, 
qu'il  commença  a  invoquer  le  nom  du  Seigneur  {Gen.  iv, 
26)  :  ce  que  M.  Delitzsch  entend  d'un  ordre  public  et  ré- 
gulier de  sacrifices  succédant  a  un  culte  privé  et  non  encore 
organisé  (Die  gen.,  i  Aufl.,  S.  212).  Noé,  sauvé  du  dé- 
luge, qui  était  venu  punir  l'éloignement  des  hommes  du 
Seigneur,  s'empresse  d'offrir  un  holocauste  pour  témoigner 


ÉTUDE    SUR    LA    LÉGISLATION    MOSAÏQUE.  9 

sa  reconnaissance  {Gen.  vi,  9;  viii,  20).  Lorsque  Abraham 
et  sa  famille  sont  choisis  de  Dieu  pour  être  les  porteurs  de 
la  Révélation  divine,  le  culte  divin  par  les  sacrifices  prend 
un  caractère  bien  plus  marqué.  La  nature  du  sacrifice  que 
Dieu  demanda  a  Abraham  {Gen.  xv,  9,  22),  indiquait  a 
ses  fils  quelles  victimes  ils  devaient  offrir  au  Seigneur,  et 
leur  rappelait  que  ces  pratiques  n'étaient  qu'une  figure  de 
l'oblatiou  de  leur  cœur.  Aussi,  tout  pasteurs  qu'ils  étaient, 
élevaient-ils  des  autels  pour  invoquer  le  Seigneur  à  la  ma- 
nière de  leur  père,  aux  lieux  où  ils  fixaient  pour  un  certain 
temps  leur  tente  (Gen.  xii,  7,  8-,  xiii,  4,  18).  Ces  autels 
étaient  des  monceaux  de  terre  et  de  pierres  :  on  y  offrait 
des  animaux  des  champs  :  le  chef  de  famille  faisait  proba- 
blement les  fonctions  de  prêtre,  et  priait  au  nom  de  ses 
enfants  qui  l'entouraient.  La  Genèse  ne  nous  a  conservé  le 
souvenir  d'aucune  des  cérémonies  dont  ces  actes  étaient 
accompagnés.  Nous  savons  cependant  qu'on  garda  de  bonne 
heure  une  part  des  victimes  pour  \e  repas  qui  suivait  les 
sacrifices  {Gen.  xxxi,  54 -,  xlvi,  1).  En  général  on  brûlait 
les  victimes,  ou  bien  l'on  offrait  des  libations  sur  des 
pierres  monumentales  {Gen.  xxviii,  18-,  xxxv,  14)  qu'on 
avait  auparavant  consacrées  par  une  onction  {Gen.  xxxi, 
45.  Exod.,  XXIV,  4.  I  Reg.  vu,  12\  Il  ne  faudrait  cepen- 
dant pas  confondre  ces  pierres  monumentales,  avec  l'usage 
analogue  que  l'on  retrouve  dans  le  polythéisme  oriental, 
en  Grèce  et  même  a  Rome,bien  qu'il  dut  probablement  son 
origine  aux  habitudes  patriarcales.  L'étymologie  même  du 
nom  que  l'on  donnait  a  ces  pierres,  potiruXoi  ou  pairuXia,  se 
rattache  évidemment  a  ^ï^TT^a.  Ces  pierres,  Xt'OotXnrapoî, 
àXyi}aix£voi ,  étaient  d'après  Orelli  {ad  Sanchun.,  p.  30)  des 
aérolithes,  vénérés  par  les  païens,  qui  les  croyaient  envoyés 
a  la  terre  par  quelque  divinité. 

A  l'époque  d'Abraham  se  rattachent  encore  trois  faits 
importants  pour  l'histoire  du  culte  avant  Moïse.  Après 


ÎO  ÉTUDE    SUR    LA    LÉGISLATION    MOSAÏQUE. 

l'alliance  qu'il  fit  avec  Abimélech,  Abraham  planta  un  bois 
a  Bersabée,  et  ce  fut  là  qu'il  se  rendit  avec  sa  famille  pour 
offrir  des  sacrifices  [Gen.  xxi,  33).  Le  Pentateuque  fait 
aussi  très-souvent  mention  des  bois  sacrés,  et  les  Cana- 
néens eux-mêmes  adoptèrent  cet  usage,  puisque  Dieu  com- 
mande a  Israël  de  détruire  leurs  bois  sacrés,  de  renverser 
leurs  autels  et  leurs  statues  idolatriques  {Deuter.  xii,  3). 
Peu  a  peu  cependant,  et  malgré  l'exécution  des  ordres 
donnés  par  le  Seigneur,  les  bois  sacrés  se  multiplièrent 
chez  les  peuples  voisins,  et  Israël  lui-même  recourait  à 
cette  pratique  quand  il  s'éloignait  de  Dieu.  Ce  fut  plus 
tard  pour  les  rois  pieux  une  occasion  de  manifester  leur 
zèle  pour  la  gloire  de  Jéhovah,  que  de  détruire  les  bois 
sacrés  dont  un  grand  nombre  de  hauteurs  étaient  cou- 
vertes. Quanta  des  temples  proprement  dits,  on  n'en  éleva 
ni  au  vrai  Dieu,  ni  aux  idoles.  Certains  même,  parmi  les 
anciens  peuples,  crurent  qu'il  était  défendu  de  le  faire,  par 
la  raison  qu'ils  croyaient  impossible  de  renfermer  l'incom- 
préhensible majesté  des  dieux  dans  des  édifices  construits 
de  main  d'homme.  C'est  ce  que  constatent  plusieurs  au- 
teurs, entre  autres  D.  Calmet  et  Iken.  Celui-ci  s'exprime 
ainsi  :  Anie  Mosen,  œdes  sacras  aut  templa  fuisse  non  con- 
stat. Imo  inter  priscas  gentes  nonnulla  ea  instruere  nefas 
dnxeriint,  quod  àouvatov  et  majestate  inftniti  numinis  indi- 
ynum  reputaretur,  eam  parietibus  includere  velle.  (Conrad. 
Iken.,  de  Fnstitutis  et  ceremoniis  legis  mosaicœ  ante  Mosen, 
dist.  V,  cap.  VII,  n.  2.) 

Le  second  fait  important  de  l'époque  d'Abraham  est  le 
sacrifice  de  Melchisédech.  Exposons  d'abord  le  récit  de  la 
Genèse  (xiv,  lô-âiV  Abraham  vient  de  venger  l'injure 
faite  a  Lot  par  un  des  princes  de  la  Pentapole,  Kédor-La- 
homer.  Il  a  repris  tous  les  prisonniers  et  tout  le  butin. 
Le  roi  de  Sodome,  chef  de  la  confédération  pentapolitaine, 
vient  à  lui,  et  lui  demande  de  rendre  les  personnes  et  de 


ÉTUDE    SUR    LA    LÉGISLATIO^    MOSAÏQUE.  1  I 

garder  pour  lui  le  butin.  Abraham  dit  qu'il  ne  veut  pas 
s'enrichir  aux  dépens  des  vaincus  -,  il  réserve  la  part  des 
alliés,  le  dixième  qu'il  détache  en  faveur  de  ce  prince,  et 
ce  qui  a  servi  de  nourriture  aux  soldats  de  sa  petite  armée. 
Il  y  a  dans  cette  conduite  d'Abraham  quelque  chose  de  si 
extraordinaire,  que  la  Bible  devait  nous  faire  connaître  les 
motifs  pour  lesquels  Abraham  traita  avec  tant  de  respect 
le  souverain  qui  était  accouru  au-devant  de  lui.  De  la  vient 
que  le  verset  18  nous  dit  ce  qu'était  Melchisédech.  II 
porte  :  bw  p3  i^ini  "î^^i  ûnb  ï^'^ss^n  ûb©  ^ba  p^is-^sb-ûi 

l'y^'bV  :  Et  la  Yulgate  traduit  :  At  vero  Melchisédech^  rex 
Salem,  proferens  panem  et  vinum,  erat  enim  sacerdos  Dei  al~ 
tisaimi.  Nous  ne  croyons  pas  qu'il  soit  possible  de  mieux 
traduire.  Moïse  n'a  pas  encore  fait  connaître  quel  est  le 
nom  du  personnage  qu'il  a  appelé  au  verset  précédent  du 
nom  de  rex  Sedom  ou  Sodomoriun.  Dès  le  moment  qu'il  cite 
le  nom  de  ce  personnage,  c'est  pour  attirer  sur  lui  l'atten- 
tion, avant  de  reproduire  la  réponstî  d'Abraham.  Ici  il  in- 
dique que  le  roi  de  Sodome  était  le  même  que  le  roi  de 
Salem,  ce  qui  ferait  peu  à  la  chose,  si  ce  roi  n'avait  un  autre 
caractère.  Aussi  Moïse  ajoute-t-il  qu'il  était  prêtre  du  Très- 
Haut.  Mais  comment  exerçait-il  ses  fonctions  sacerdotales? 
Qu'offrait-il  au  Seigneur  dont  il  était  le  prêtre,  "ina,  et  non 
en  quelque  sorte  un  ministre.^  selon  le  mot  très-peu  heureux 
de  M.  Salvador?  Il  offrait  le  pain  et  le  vin,  proferens  panem 
et  vinum.  Et  c'est  précisément  parce  quil  offrait  le  pain  et 
le  vin,  qu'il  était  prêtre  du  Très-Haut.  Le  vau  que  la  Yul- 
gate a  traduit  par  enim,  dans  le  troisième  hémistiche  de  ce 
verset,  a,  en  effet,  nécessairement  cette  signification  cau- 
sative  dans  le  contexte  -,  aussi  faut-il  détacher  complètement 
le  deuxième  hémistiche,  proferens  panem  et  vinum,  l'isoler 
du  contexte  dans  lequel  il  se  trouve,  pour  pouvoir  donner 
a  cet  hémistiche  un  autre  sens.  Le  mot  que  la  Vulgate  a 
traduit  par  proferens  est  S^'^aslM,  participe  hiphil  du  verbe 


12  ÉTLDE    SUR    LA    LÉGISLATION    MOSAÏQUE. 

ïîSr'^,  lequel  signifie  en  kal  egressus  est,  eduxit,  et  en  hiphil 
exire  fecit^  protulit.  Encore  un  coup,  on  comprend  très-bien 
la  place  qu'occupe  cet  hémistiche  dans  le  texte,  lorsqu'on 
reconnaît  qu'il  est  là  pour  justifier  la  pensée  suivante, 
erat  enim  sacerdos  Dei  altissimi  ;  maison  ne  voit  pas  ce  qu'il 
ferait  à  la  place  qu'il  occupe, s'il  n'avait  pas  cette  significa- 
tion. Or,  voici  comment  M.  Salvador  (1)  interprète  ce 
passage.  «  Un  fait  se  présente,  dit-il,  qui  a  été  dépouillé 
depuis  des  siècles  de  son  caractère  naturel,  afin  d'en  tirer 
la  base  ou  au  moins  l'appui  de  tout  un  système.  y>  C'est 
toujours  comme  cela  qu'on  commence. Inutile  dédire  qu'on 
ne  prend  pas  la  peine  d'expliquer  le  texte  tel  qu'il  est.  La 
lettre,  yp^P^l-^*»  ^^^  ^^^s'  obstinée  qu'un  fait  :  on  la  redoute  ; 
on  bâtit  une  histoire  quelconque  -,  on  l'entremêle  de  cita- 
tions assez  pauvrement  faites  et  traduites  ^  puis  on  ajoute, 
au  récit  de  sa  façon,  nombre  d'aménités  à  l'adresse  des 
ignorants  qui  seraient  tentés  de  se  récrier.  M.  Salva- 
dor poursuit  :  «  Entre  les  princes  accourus  auprès  d'Abra- 
ham, celui  dont  la  petite  armée  traversait  les  domaines 
avait  un  nom  signifiant  roi  juste.  (Qui  vous  a  dit  que  plu- 
sieurs soient  accourus?)  Il  possédait  une  contrée  dite 
de  Salem,  mot  qui  signifie  paix  et  concourt  a  la  composi- 
tion du  nom  de  Jérusalem,  (Il  eût  été  vulgaire  de  dire  que 
Salem  et  Jérusalem  désignent  un  seul  et  même  lieu.)  De 
plus,  il  rendait  hommage  au  Très-Haut,  il  en  était  en 
quelque  sorte  un  ministre.  (Personne  ne  méconnaîtra  le 
sans-façon  et  le  bon  goût  de  cette  paraphrase.  Notons  que 
M.  Salvador  est  obligé,  malgré  lui,  de  suivre  l'ordre  de 
Moïse,  en  nous  montrant  successivement  Melchisédech 
comme  roi  et  comme  prêtre.)  Le  roi  de  Salem  lélicita  donc 
le  patriarche  et  le  bénit,  en  disant  :  «  Qu'il  soit  loué  le 


(1)  Institutions  de  Mohe,  2'  partie  :  Symboles  et  récits,  t.  il,  p.  464- 
466. 


ÉTUDE  SUR   LA    LÉGISLATION   MOSAÏQUE.  13 

Dieu  Très-Haut,  qui  a  livré  tes  ennemis  entre  tes  mains.  » 
(Le  texte  porte  :  "^T^  ^^^2  l^tt  n»^,  et  la  Vulgate  traduit  : 
Qiio  protegenie,  hostes  in  manibus  tuis  sunt.  C'est  un  peu  plus 
fidèle  que  la  traduction  de  M.  Salvador  -,  il  y  a  une  nuance 
que  M.  Salvador  n'a  pas  comprise  :  quo  protegenie  rend 
beaucoup  mieux  l'idée  de  li"»,  et  de  plus  Melchisédech  in- 
sinue par  la  que  lui-même  et  son  royaume,  ainsi  que  la 
gloire  du  Très-Haut  dont  il  est  le  prêtre,  se  sont  bien 
trouvés  de  la  victoire  d'Abraham.  Mais  passons;  voici  le 
morceau  ingénieux,  celui  qui  est  destiné  a  rendre  a  ce  fait 
]e  caractère  naturel  dont  il  a  été  dépouillé  par  les  siècles.) 
Mais,  pour  le  chef  d'une  petite  armée  qui,  dans  un  pays 
brûlant,  avait  combattu  des  troupes  supérieures,  on  conçoit 
que  cela  n'aurait  pas  suffi  de  venir  au-devant  de  lui  avec 
de  simples  paroles.  Rien  ne  lui  était  plus  nécessaire  que 
de  recevoir  des  vivres  (petit  mot  ajouté),  du  pain  et  du  vin  ; 
et  c'est  ainsi  qu'en  agit  le  roi  de  Salem,  esprit  juste.  » 
M.  Renan  dirait  :  esprit  fin  et  délicat  ;  la  phrase  tomberait 
mieux.  Voila  comment  on  fait  l'histoire  !  Il  y  a  assez  de  ridi- 
cule dans  ces  citations  sans  ajouter,  nous  l'avons  déjà  re- 
marqué, qu'elles  sont  formellement  contraires  au  récit  de 
Moïse.  Donnons  cependant  au  lecteur  un  échantillon  des 
aménités  que  nous  lui  avons  annoncées,  comme  le  bouquet 
obligé  de  ces  pitoyables  parodies  :  «  A  qui  donc  serait-il 
permis,  s'écrie  M.  Salvador  qui  voudrait  bien  être  éloquent, 
de  transformer  en  une  dîme  systématique,  en  un  véritable 
hommage-lige,  le  dixième  offert  au  roi  de  Salem  sur  un  butin 
dont  Abraham  ne  voulait  absolument  rien  pour  lui  ?  A  qui 
serait-il  permis,  individu  ou  église,  d'en  déduire  en  matière 
de  religion  les  conséquences  les  plus  décisives,  les  plus 
absolues?  »  «C'est  Jésus-Christ  qu'Abraham  honore  en  la 
personne  du  grand  pontife  Melchisédech,  dit  par  exemple 
Bossuet,  et  avec  lui  toute  l'Église,  dont  sa  parole  est  ici  la 
rigoureuse  expression  ;  c'est  à  lui  qu'il  paye  la  dime  du  butin 


1/4  ÉTUDE   SUR    LA    LÉGISLATION    MOSAÏQUE. 

qu'il  avait  gagné  sur  les  rois  vaincus  -,  c'est  par  lui  qu'il  est 
béni.  »  N'en  déplaise  à  M.  Salvador,  nous  préférons  le 
récit  de  l'Église,  qui  n'est  que  la  reproduction  exacte  de 
celui  de  la  Genèse-,  nous  préférons  les  applications  dont 
Bossuet  se  fait  l'écho,  aux  pauvretés  qu'il  nous  offre;  et  aux 
arguties  d'un  fils  perdu  de  la  synagogue.  Qu'il  choisisse 
une  autre  fois  mieux  son  temps,  lorsqu'il  voudra  attaquer 
Bossuet  et  l'Église.  Ses  invectives  sont  aussi  maladroites, 
que  ses  parodies  sont  peu  ingénieuses.  Nous  allons  montrer 
que  la  pensée  de  Bossuet  et  de  l'Église  sont  celles  des 
Juifs  de  l'ancienne  synagogue,  et  que  tout  un  ordre  de  faits 
répond  au  récit  de  Moïse,  relatif  a  Melchisédech. 

Les  rabbins  modernes  ont  composé  une  masse  de  fables 
relatives  à  Abraham  et  à  son  époque.  B.  Béer  les  a  réunies 
dans  un  ouvrage  intitulé  :Za  Vie  cC Abraham  d'après  les  tra- 
ditions juives  (1).  On  y  dit,  entre  autres  choses,  que  Mel- 
chisédech est  un  surnom  de  Sem,  et  que  ces  deux  noms 
désignent  le  même  personnage,  le  fils  de  Noé.  Que  ce  soit 
la  une  opinion  relativement  récente,  c'est  ce  que  prouve 
victorieusement  le  chap.  vu  de  l'épître  aux  Hébreux.  Saint 
Paul  devait,  dans  l'intérêt  même  de  sa  cause,  parler  aux 
Juifs  de  Melchisédech  selon  les  idées  qu'ils  avaient  de  ce 
personnage.  Changer  sa  physionomie,  c'eût  été  priver  de 
leur  autorité  les  applications  chrétiennes,  auxquelles  elle 
devait  servir  de  base,  et  leur  enlever  tout  crédit.  Or,  saint 
Paul  dit  de  Melchisédech  des  choses  qui  ne  conviennent 
pas  du  tout  au  fils  de  Noé  :  Hic  enim  31elchisedech,  rex  Salem^ 
sacerdos  Dei  summi^  gui  ohviavit  Ahraliœ  régressa  a  cœde  re- 
gum^et  benedixit  ei:  eut  et  décimas  omnium  divisit  Abraham  : 
primum  guidem  qui  interpretatur  rex  justitiœ  ;  deinde  autem 
et  rex  Salem,  guod  est,  rex  pacis,  sine  pâtre,  sine  matre,  sine 
genealogia,  neque  initium  dierum,  neque  finem  vitœ  habens, 

(1)  Das  Leben  Abrahams,  uacb  Auffassung  der  judiscbeu  Sage.  Leipz. 
1859. 


ÉTUDE    SUR   LA   LÉGISLATION   MOSAÏQUE.  15 

assimilatus  autem  Filio  Dei^  manet  sacerdos  in  perpetuum. 
Seni  n'était  pas  sine  pâtre,  sine  matre,  sine  genealogia.  Puis, 
rappelant  la  loi  des  dîmes  que  l'on  doit  payer  a  la  tribu  de 
Lévi,  aux  fils  d'Abraham  et  le  fait  par  lequel  Abraham  fit 
hommage  à  Melchisédech  de  la  dixième  partie  des  dé- 
pouilles des  rois  vaincus,  saint  Paul  fait  ressortir  com- 
ment Melchisédech  ne  pouvait  pas  recevoir  cet  hommage, 
en  tant  que  prêtre,  de  la  famille  d'Abraham  (et  de  Sera 
par  conséquent),  mais  qu'il  a  pu  le  recevoir  a  cause  de 
sa  qualité  de  type  de  Jésus,  le  Fils  de  Dieu  ,  le  grand- 
prêtre  de  la  nouvelle  loi,  Celui  qui  devait  offrir  la  veille 
de  sa  mort  le  sacrifice  non  sanglant,  figuré  par  le  sa- 
crifice de  Melchisédech.  Et  alors  saint  Paul  rappelle  le 
ps,  cix,  V.  4,  où  il  est  dit  a  Jésus-Christ  :  Tu  es  sacerdos  in 
œterniim  secundum  ordinem  Melchisédech,  Il  insiste  aussi  sur 
la  translation  du  sacerdoce  de  la  famille  de  Lévi, en  partant 
précisément  de  ce  principe,  que  Melchisédech  n'apparte- 
nait pas  a  cette  famille,  et  que  Jésus-Christ  le  Messie  de- 
vait être  prêtre  selon  l'ordre  de  Melchisédech.  Ainsi,  l'opi- 
nion des  Juifs  moderneS;  qui  veut  que  Melchisédech  et  Sem 
soient  un  seul  et  même  personnage,  n'était  pas  l'opinion 
de  l'ancienne  synagogue,  laquelle  voyait  en  lui  un  homme 
étranger  à  la  lignée  d'Abraham,  et  à  qui  saint  Paul  a  pu 
prouver  la  cessation  du  sacerdoce  lévitique  par  un  passage 
classique  du  Psalmiste,oùle  sacerdoce  du  Messie  est  donné 
comme  formé  sur  un  type  étranger  à  cette  famille. 

La  tradition  chrétienne  universelle  s'est  faite  l'écho  du 
ch.  VII  de  l'épître  aux  Hébreux.  Elle  a  reconnu  que  Jésus 
avait  trouvé  le  type  de  son  sacerdoce  éternel  dans  Melchi- 
sédech, que  Melchisédech  était  un  prêtre  de  la  gentilité, 
que  le  psaume  cix  était  messianique,  ainsi  que  Jésus-Christ 
l'avait  prouvé  aux  Juifs,  et  l'Église  a  introduit  ces  paroles 
dans  le  canon  de  la  messe  :  Supra  quœ  propitio  ac  sereno 
vultu  respicere  digneris,  et  accepta  hahere  sieuti  accepta  habere 


16  ÉTUDE   SUR    LA    LÉGISLATION    MOSAÏQUE. 

dignatus  es...  quod  tibi  ohtnlit  summum  sacerdos  Melchise- 
dech^  sanctum  sacrifîcium,  immaculatam  hostiam.  L'opinion 
d'Origène,  qui  voulait  voir  en  Melchisédech  un  ange,  et 
celle  des  Melchisédéchiens,  qui  en  faisaient  une  vertu  supé- 
rieure, ont  été  immédiatement  réfutées  par  saint  Epiphane 
{Hœres.  3o,  aL  60) ,  par  saint  Augustin  {de  Hœres.  34) ,  et  par 
saint  Jérôme  {Ejh  ad  Evang.  73) ,  lequel,  appuyé  sur  saint 
Paul  et  sur  de  nombreux  passages  d'anciens  auteurs,  prouve 
que  Melchisédech  était  un  homme,  un  chananéen,  connais- 
sant le  vrai  Dieu,  dont  il  était  le  prêtre,  et  connaissant 
aussi  par  conséquent  le  Messie  promis  pour  le  salut  de 
l'humanité. 

Ainsi,  c'est  a  la  tradition  juive  étala  tradition  chrétienne 
universelle,  que  M.  Salvador  reproche  d'avoir  dépouillé 
l'histoire  de  Melchisédech  de  son  caractère  naturel,  afin  d'en 
tirer  la  base  ou  au  inoins  f  appui  de  tout  un  système.  Est-ce 
justice  ?  Est-ce  outrecuidance  ?  Dans  les  rangs  du  criticisme, 
un  pareil  procédé  peut  s'appeler  délicatesse,  finesse,  subti- 
lité ;  les  vrais  savants  et  les  hommes  impartiaux  lui  réser- 
vent d'autres  qualifications. 

Nous  ne  voudrions  pas  que  le  lecteur  pût  faire  honneur 
à  M.  Salvador  de  la  nouveauté  de  son  explication.  L'inven- 
tion de  cette  parodie  remonte  a  Josèphe  [Antiq.  i,  10,  2, 
32)  et  nous  la  retrouvons  reproduite  par  quatre  auteurs 
modernes  :  Le  Clerc  [Comment,  ad  hune  locum)^  Heidegger 
(Hist.  Patriarch.  ii),  Rosenmûller  {Scholia  ad  hune  locum) 
et  Knobel  {Die  Gen.  erklœrt).  Nous  avons]  prouvé  que  le 
texte  de  la  Genèse  répugne  à  cette  platitude.  Ajoutons  que 
quelques  voix  isolées  ne  sont  pas  capables  d'ébranler  une 
persuasion  que  l'antiquité  juive  et  chrétienne  proclament 
avec  éclat. 

A.    GiLLY. 


L'EXEMPTION  DES  EEGULIERS 


ET  LE   CLERGE  DE  FRANCE. 


L'on  a  souvent  et  vivement  reproché  aux  réguliers  leurs 
nombreux  privilèges,  leur  exemption  de  la  juridiction  des 
évêques,  et  surtout  leur  zèle  a  mainteuir  et  à  défendre  leurs 
droits.  Il  s'est  rencontré  des  hommes  pleins  d'estime,  de 
vénération  et  d'amour  pour  les  religieux,  aux  yeux  desquels 
l'exemption  lut  toujours  un  désordre  inexplicable.  De  tels 
hommes  se  rencontrent  encore  aujourd'hui.  Les  auteurs  du 
trop  célèbre  Mémoire  sur  la  situation  présente  de  VÉglise 
gallicane  par  rapport  au  Droit  coutnmier,  n'insinuaient-ils 
pas  que  l'Église  ne  peut  retirer  quelque  consolation  des 
communautés  séculières  et  régulières,  qu'à  la  condition 
expresse  de  se  maintenir  dans  l'indépendance  et  la  docilité 
convenables  (1)?  Ce  qui,  dans  leur  pensée,  signifie  la  renon- 
ciation pure  et  simple  à  toute  exemption  de  la  juridiction 
ordinaire. 

Nous  essaierons  de  dissiper  les  préjugés  hostiles  k 
l'exemption  des  réguliers,  en  établissant:  1"  que  l'exemp- 
tion est  bien  plus  le  droit  du  Souverain-Pontife  que  le  pri-^ 
vilége  des  religieux-,  2»  que  le  clergé  de  France  en  a  jugé 
de  la  sorte  -,  et  3°  qu'il  n'existe  aujourd'hui  aucune  raison 
d'en  juger  différemment.  Nous  établirons  en  quatrième  et 
dernier  lieu  que  l'exemption  n'entraîne  avec  elle  aucun  in- 

(1)  Pag.  131 

Revue  des  sciencbs  ecclés.,  t.  X.— juillet  1864.  Û 


18  l'exemption  des  réguliers 

convénient,  soit  qu'on  la  .considère  par  rapport  à  la  vie 
intime  et  privée  des  religieux,  soit  qu'on  l'envisage  rela- 
tivement aux  évêques  eux-mêmes. 


I. 


Première  Proposition. —  L'exemption  est  bien  plus  le  droit 
du  Souverain-Pontife  que  le  privilège  des  religieux. 

«  L'exemption,  dit  Ferraris,  est  le  privilège  en  vertu 
<  duquel  une  personne  ou  une  localité  est  soustraite  a  la 
«  juridiction  de  l'évèque  ou  de  l'ordinaire,  et  soumise 
<(  immédiatement  au  Souverain-Pontife.  «  [Prompta  hiblio- 
theca,  V.  Regulares,  art.  2,  n.  1.)  Les  théologiens  de  Sala- 
manque,  dont  en  cette  matière  saint  Liguori  ne  s'éloigne 
jamais,  détinissent  l'exemption  :  «  L'acte  qui  soustrait  les 
«  religieux  à  tout  pouvoir  ordinaire  inférieur  à  celui  du 
«  Pape,  et  les  soumet  immédiatement  au  Souverain-Pon- 
«  tife.  »  Est  quœdatn  liberatio  a  potestate  ordinaria  inferiori 
Papœ,  stante  immediaia  subjectione  ad  Romanum  Pontiftcem. 
(Collegii  Sà\a:2iUÙcens'\s  cursus  theologiœ  inoralis y  t.  IV,  tract, 
de  Privilegiis,  cap.  3,  puncto  1,  .^  1.) 

Or,  n'est-il  pas  évident  que  l'exemption  ainsi  définie 
nous  place  tout  de  suite  en  présence  de  la  primauté  du 
Souverain-Pontife  et  des  droits  qui  en  découlent?  Car 
enfin  qui  pourrait  dénier  au  Pape  le  droit  de  se  réserver 
privativement  a  tout  autre  l'exercice  de  la  juridiction  im- 
médiate sur  telle  ou  telle  portion  du  troupeau  de  Jésus- 
Christ?  Quel  que  soit  le  sentiment  que  l'on  adopte  touchant 
l'orig.ne  de  la  juridiction  des  évêques,  n'est-il  pas  incon- 
testable qu'au  Pape  seul  il  appartient  d'assigner  aux  évêques 
la  portion  du  troupeau  qu'ils  devront  gouverner,  et  que  sans 
cette  assignation  préalable  tout  acte  de  juridiction  épisco- 
pale  serait  radicalement  invalide?  —  Or,  en  accordant 


ET   LE   CLERGÉ   DE   FRANCE.  i§ 

l'eîemption  a  des  lieux  et  à  des  personnes,  le  Pape  ne  fait 
autre  chose  que  se  réserver  l'exercice  de  la  juridiction  im- 
médiate sur  ces  personnes  et  sur  ces  lieux.  Il  n'assigne  pas 
aux  évéqucs  cette  portion  du  troupeau-,  il  la  garde  pour  lui 
seul.  Le  Pape  agit  ici  comme  agit  un  évêque  qui,  donnant 
à  un  curé  juridiction  pleine  et  entière  sur  toute  sa  paroisse, 
se  réserve  néanmoins  l'administration  spirituelle  d'une 
communauté  ou  d'un  hôpital.  Cette  comparaison  est  du 
P.  Zaccaria.  {Antifebronius  Vindicatus,  part,  iv,  dissert.  10, 
cap.  4.) 

La  question  n'est  donc  pas  de  savoir  si  l'exemption  est 
chose  ancienne  ou  nouvelle  dans  l'Église  -,  — si  elle  entraîne 
ou  non  des  inconvénients  ^  —  si  les  religieux  ne  se  sont 
pas  montrés  trop  empressés  a  la  réclamer  auprès  du  Siégé 
apostolique  (1).  Toutes  ces  questions  et  bien  d'autres  en- 
core dont  la  gravité  n'échappe  à  personne,  disparaissent 
devant  celle-ci  tout  autrement  capitale  :  L'exemption  est- 
elle,  oui  ou  non,  un  acte  du  Pape  qui  affirme  sa  primauté  en  se 
réservant  une  portion  du  troupeau  de  Jésus-Christ  ? 

Après  le  simple  exposé  que  nous  venons  de  faire,  la  ré- 
ponse ne  semble  pas  douteuse;  et  les  faits  sont  là  pour 
l'appuyer.  Car: 

1°  Tous  les  monuments  du  droit  attestent  que  les  Sou- 
verains-Pontifes ont  été  fort  jaloux  de  ne  partager  avec 
personne  la  juridiction  qu'ils  se  sont  réservée  sur  \esexemi)ts 
et  sur  les  personnes  immédiatement  soumises  au  Saint-Siège» 
Témoin  le  Concile  de  Trente,  dont  les  décrets  investissent 
l'évéque  d'une  délégation  apostolique,  lorsque  des  circon- 


(1)  Sur  toutes  ces  questions,  consulter  le  cardinal  Gerdil,  Animadver' 
siones  in  Febronii  retractationem,  t.  13,  p.  350  et  sqq.  (édit.  Rom.  1808}. 
—  Zaccaria,  Anli-Febronius.  Les  mêmes  choses  se  trouvent  en  substance 
dans  X Anti-Febronius  vindicatus  {ioc.  cit.).  Ce  dernier  oiivraije  a  été  im- 
primé par  M.  Migne,  dans  le  tome  xxvn  de  son  Curstis  completus  Theo' 
logiœ.  —  Enfin,  nous  citerons  M.  l'abbé  Bouix,  de  Jure  Regulanum,  t.  ir, 
p.  85  et  sqq. 


20  l'exemption  des  réguliers 

stances  extraordinaires  semblent  appeler  son  intervention 
auprès  des  exempts  :  si  bien  que  l'évêque  n'apparaît  jamais 
aux  religieux  avec  son  autorité  ordinaire,  mais  il  se  fait 
précéder  de  son  titre  et  de  la  commission  :  Tanquam  dele- 
gatus  Sedis  aposiolicœ. 

Quelques  auteurs  français  ont,  il  est  vrai,  entendu  le 
Tanquam  deîegatus  Sedis  apostolicœ  d'une  façon  toute  diffé- 
rente. Le  Concile  de  Trente,  disent-ils,  n'a  pas  cessé  de 
reconnaître  le  pouvoir  ordinaire  et  comme  naturel  de  l'é- 
vêque \  et  si  parfois  il  semble  lui  accorder  une  délégation 
apostolique,  il  veut  seulement  venir  en  aide  a  l'autorité 
épiscopale  pour  les  cas  faciles  a  prévoir,  où  les  mauvaises 
passions  voudraient  l'éluder  en  accusant  son  incompétence; 
le  titre  de  délégué  apostolique,  qui  survient  alors  ad  abun- 
dantiam  juris,  devant  faire  taire  toute  réclamation. —  Mal- 
heureusement ces  auteurs  français  ont  été  induits  en  erreur 
par  le  célèbre  Launoy  que  Van  Espen  a  copié  un  peu  plus 
tard  (1). 

Or,  et  ici  nous  nous  servons  des  paroles  énergiques  du 
cardinal  Gerdil,  Launoy  en  impose  manifestement  a  ses 
lecteurs  •  FalHtur,  seu  potius  fallere  de  industria  more  sua 
velle  videtur.  Car  il  a  sans  doute  remarqué  dans  les  décrets 
du  Concile  de  Trente  que  le  Tanquam  deîegatus  Sedis  apo- 
stolicœ est  tantôt  seul,  et  qu'il  est  tantôt  précédé  du  mot 
etiam.  Aux  chapitrfes  4  et  6  de  la  session  21%  par  exemple, 
le  mot  etiatn  précède  le  Tanquam  deîegatus  Sedis  apostolicœ. 
Il  ne  se  rencontre  pas  aux  chapitres  1  et  2  de  la  session  5% 
au  chapitres  de  la  session  13®,  etc..  Or,  qui  ne  voit  tout 
de  suite  que  les  Pères  du  Concile  de  Trente  n'ont  pas  agi 


(1)  Les  ouvrages  de  Launoy  et  de  Van  Espen  sont  tous  à  l'index.  Et 
pourtant  c'était  à  de  telles  sources  qu'on  allait,  au  siècle  dernier,  puiser 
la  science  canonique  1  Les  Conférences  d'Angers,  ouvrage  dont  le  mérite 
est  bien  inférieur  à  sa  réputation,  s'inspirent  beaucoup  trop  souvent  de 
Van  Espen. 


ET    LE    CLERGÉ    DE    FRANCE.  21 

sans  une  intention  bien  arrêtée?  Lorsqu'ils  disent  que  l'é- 
vêque  peut  agir  etiam  tanquam  delegatus  Sedis  apostolicœ, 
alors,  mais  alors  seulement,  ils  viennent  en  aide  à  son  au- 
torité ordinaire.  Dans  l'autre  cas,  en  le  constituant  délégué 
du  Siège  apostolique,  ils  lui  créent  une  commission,  et 
réservent  ainsi  le  droit  du  Pape. 

La  jurisprudence  des  tribunaux  romains  et  les  Papes 
n'admettent  pas  d'autre  interprétation.  Nous  citerons  seu- 
lement un  passage  de  la  constitution  Exposcit  pasioralis  of- 
ficii  (22  sept.  1571),  laquelle  a  été  insérée  par  Lemerre 
dans  ses  Mémoires  du  Clergé  de  France,  t.  vu.  Le  pape  saint 
Pie  V  donne  aux  évêques  quelques  pouvoirs  particuliers 
relativement  aux  églises  paroissiales  dépendantes  des  Che- 
valiers de  Saint-Jean  de  Jérusalem  ;  puis  il  ajoute  :  «  Vo- 

<c  lumus  autem  quod  Episcopi visitationem  hujusmodi, 

«  et  prœdicla  omnia  solum  tanquam  delegati  Sedis  aposto- 
«  licse...  faciant.  »  Ces  dernières  paroles  ne  prouvent-elles 
pas  clairement  que  le  titre  de  délégué  apostolique  apporte  à 
l'évêque  un  droit  qu'il  n'avait  point  ? 

2"  Un  second  fait  ne  témoigne  pas  moins  de  la  liaison 
intime  qui  existe  entre  la  primauté  du  Pape  et  l'exemption 
des  religieux  ^  c'est  tout  a  la  fois  la  guerre  acharnée  que 
les  sectaires  ont  de  tout  temps  déclarée  a  l'exemption,  et 
la  vigueur  que  les  Souverains-Pontifes  ont  toujours  déployée 
pour  la  défendre. 

Il  nous  semble  inutile  d'insister  la-dessus.  Le  lecteur 
n'ignore  pas  sans  doute  que  depuis  les  fougueuses  décla- 
mations de  Guillaume  de  Saint-Amour  et  de  Jean  du  Pouy 
aux  XIÏP  et  XIVo  siècles,  jusqu'aux  haines  schismatiques 
de  Fébronius,  de  Scipion  de  Ricci  et  des  auteurs  de  la 
Constitution  civile  du  Clergé,  l'exemption  a  toujours  ren- 
contré des  adversaires  sans  cesse  renaissants;  a  qui  en 
voulaient-ils?  Certes,  ils  le  disaient  assez  haut:  Abattre  la 
primauté  du  Pape  en  lui  arrachant  son  droit  de  réserve, 


22  l'exemption  des  réguliers 

voilà  leur  but  avoué  (1).  — Aussi  ne  faut-il  pas  s'étonner 
que  des  docteurs  comme  saint  Thomas  et  saint  Bonaveu- 
ture  (2  ;  des  Papes  comme  Alexandre  IV,  Jean  XXII,  Pie  VI, 
et  même  des  Conciles  généraux,  tels  que  ceux  de  Vienne, 
de  Constance,  de  Latran  (V^)  et  de  Trente,  aient  aussi 
énergiquement  réfuté  les  attaques  des  novateurs. 

L'étude  approfondie  de  ce  fait  historique  est  à  elle  seule 
toute  une  démonstration  que  Grégoire  XVI  résumait  en 
quelques  mots  :  «  Exemptionem  Regularium  commendari 
«  ecclesiasticis  sanctionibus ,  longa  seculorum  plurium 
«  experientia,  et  ipso  hœreticorum  incredulorum  in  exempt 
((  tiones  odio.  »  (Bref  adressé  au  cardinal-archevêque  de 
Malines,  1834.) 

Le  lecteur  voudra  bien  nous  permettre  de  tirer  tout  de 
suite  quelques  conséquences  de  ce  qui  précède. 

l®*"  Corollaire.  —  Les  religieux  n'ont  pas  seulement  le 
droit  de  défendre  leur  exemption,  mais  c'est  pour  eux  un 
devoir  rigoureux  de  le  faire. 

Assurément  nul  catholique  ne  saurait  trouver  mauvais 
qu'un  membre  quelconque  de  la  grande  famille  chrétienne 
se  glorifie  de  relever  plus  immédiatement  de  l'autorité  du 
Père  commun  des  fidèles.  De  tout  temps,  les  différentes 
églises  ont  tenu  a  honneur  de  voir  disparaître  pour  elles 
quelque  degré  hiérarchique,  afin  d'être  ainsi  plus  rappro- 

(1)  Fébronius  eut  le  bonheur  de  rétracter  ses  erreurs  aux  pieds  de 
Pie  VI.  Son  désaveu  au  sujet  des  exemptions  est  remarquable  :  Exemptio 
Regularium  a  seculari  poieslale,  aul  ai  una  pai  ticulari  synodo  non  valet 
abrngari. 

(2)  Le  conciliabule  de  Pisloie  avait  paru  s'étonner  du  peu  de  mesure 
gardée  par  saint  Tliomas  et  saint  Bonaventure  dans  leurs  célèbres  Apo- 
logies de  l'Exemption.  Voici  comment  Pie  VI  juge  et  flétrit  l'apprécia- 
tion de  l'assemblée  janséniste  :«  Item,  in  eo  quod  subjungit  SS.Tbomam 
«  et  Bonaventuram  sic  in  tuendis  adversus  summos  homiues  mendican- 
«  tium  iustitulis  versatos  fuisse,  ut  in  eorum  defeusionibus  minor  sestus, 
«  accuratio  major  desideranda  fuisset  ;  scandalosa ,  in  sanctissimos  Do- 
ctores  injuriosa,  impiis  damnalorum  auctorum  contumeliis  f avens.  »  (Bulla 
Aucl'jvem  fidei,  prop.  81.} 


\ 


ET    LE    CLERGÉ    DE    fRAÏîCE.  23' 

chées  du  Saint-Siège.  Naguère,  par  exemple,  l'antique 
église  du  Puy  comptait  avec  orgueil  au  nombre  de  ses  plus 
précieuses  illustrations  la  faveur  d'être  immédiatement  sou- 
mise au  Siège  apostolique.  C'est  pourquoi  nous  avouons  ne 
pas  comprendre  le  blâme  que  déversent  les  auteurs  du  Mé- 
moire sur  le  Droit  coutumier  sur  les  communautés  ecclé- 
siastiques d'hommes  qui  revendiquent  le  titre  d'exemptes. 
Quelle  faute  a  donc  commise  le  vénérable  supérieur  de  la 
congrégation  de  Saint-Lazare  (car  c'est  h  lui  que  le  Mémoire 
fait  allusion), en  prononçant  les  paroles  suivantes:  Jouissant 
du  privilège  de  l'exemption^  et  formant  un  corps  qui  ap- 
partient au  Saint-Siège,  -non  aux  diocèses  dans  lesquels  nous 
sommes  établis? (Lettre  circulaire  de  M.  Etienne,  pre- 
scrivant le  retour  à  la  liturgie  romaine-,  1"  nov.  1851.) 

Mais  il  y  a  plus.  L'exemption  étant  le  droit  du  Pape, 
l'exempt  ne  saurait  y  renoncer.  Il  est  en  effet  le  sujet  du 
Pape,  et  non  pas  d'un  autre.  Il  appartient  au  Pape,  et  il 
n'appartient  qu'à  lui  seul.  Il  est  en  présence  de  toute  autre 
juridiction  comme  un  diocésain  en  face  d'un  évêque  qui 
n'est  pas  le  sien.  Exempti  nunquam  fuerunt  subditi,  dit  le 
cardinal  Gerdil.  Or,  de  bonne  foi,  peuvent-ils  le  devenir 
de  leur  propre  gré,  et  sans  l'aveu  de  celui  qui  seul  est  leur 
supérieur  ?  Que  diriez-vous  d'un  fidèle  qui  déclinerait  la  ju- 
ridiction de  l'évéque  diocésain,  pour  se  soumettre  à  l'au- 
torité d'un  évêque  étranger?  Saint  Liguori  affirme  hautement 
notre  conclusion  :  Huic  privilegio  exemptionis  Begulares 
cedere  non  possunf...  Quare  nulla  consuetudo  in  contrarium 
potest  in  hoc  prœvalere.  [Theol.  moral.  De  privilegiis,  cap. 
IV,  n.  73.) 

Il  n'entre  pas  dans  notre  pensée  de  vouloir  justifier 
chacune  des  luttes  soutenues  par  les  religieux  au  sujet  de 
l'exemption.  Partout  où  les  hommes  agissent,  l'infirmité 
humaine  doit  nécessairement  accuser  sa  présence.  Qu'il  y 
ait  donc  eu  parfois  des  incidents  regrettables,  des  procédés 


24  l'exemption  des  réguliers 

peu  délicats  et  même  entièrement  irrévérencieux  envers 
la  dignité  épiscopate,  nous  ne  voulons  pas  le  nier.  Nous 
maintenons  seulement  que  de  pareils  écarts  sont  le  fait  de 
quelques  particuliers  en  petit  nombre,  et  que  dans  leur  en- 
semble, les  religieux  ont  prétendu  accomplir  un  devoir 
sacré  d'obéissance  envers  le  Saint-Siège  lorsqu'ils  ont  eu  à 
défendre  leur  exemption  menacée.  De  quel  droit  d'ailleurs 
ose-t-on  accuser  d'avoir  obéi  a  de  petites  passions  plutôt 
qu'au  devoir,  des  hommes  que  l'on  ne  peut  s'empêcher  de 
proclamer  pieux  et  saints  ? 

Faisons  de  tout  ceci  une  application  a  la  visite  del'évêque 
dans  les  églises  des  réguliers. 

Quelques  personnes  ont  peine  à  comprendre  que  les 
évêques  n'aient  pas  le  droit  de  visite  dans  toutes  les  églises 
de  religieux  sans  exception.  Il  nous  semble  que  toute 
difficulté  disparaîtra,  si  l'on  veut  considérer  que  ce  droit 
de  visite  étant  une  limitation  de  l'exemption,  devrait  avoir 
son  fondement  soit  dans  l'intérêt  de  la  discipline  régulière 
elle-même,  soit  dans  le  respect  de  l'autorité  épiscopale.  Or, 
en  quoi  le  droit  de  visite  est-il  requis  par  la  discipline  régu- 
lière ?  Est-ce  que  les  supérieurs  religieux  n'offrent  pas  de 
suffisantes  garanties  pour  la  décence  du  culte  divin?  Et  pour 
l'honneur  de  la  dignité  épiscopale,  est-il  besoin  que  l'évêque 
entre  en  supérieur  dans  une  église  exempte,  si  d'ailleurs 
on  lui  rend  tous  les  honneurs  extérieurs  qui  rappellent  aux 
fidèles  la  présence  de  leur  prélat  ? 

Aussi  bien  la  prétention  de  visiter  les  églises  religieuses 
exemptes,  autres  que  les  églises  paroissiales,  est  destituée 
de  tout  fondement  juridique.  L'ancien  clergé  de  France 
avait,  il  est  vrai,  dans  la  déclaration  de  1625,  ordonné  que 
l'évêque  toutes  les  fois  et  quantes  bon  lui  semblera  pourra  vi- 
siter le  Saint-Sacrement  dans  les  monastères  et  autres  lieux  de 
son  diocèse  prétendus  exempts  de  sa  juridiction  (art.  1.).  Mais 
outre  qu'il  n'est  pas  certain  qu'en  pratique  les  évêques 


ET    LE   CLERGÉ    DE    FRANGE.  ,  25 

aient  agi  dans  le  sens  de  la  déclaration,  ne  faut-il  pas  dire 
que  c'est  la  sans  doute  un  des  points  qu'ils  jugeaient 
nécessaire,  comme  nous  le  verrons  bientôt,  de  soumettre 
Ix  l'agrément  du  Saint-Siège  ? 

En  effet,  le  concile  de  Trente,  qui  donne  en  termes  si 
formels  aux  évêques  le  droit  de  visite  sur  les  églises  parois- 
siales confiées  aux  réguliers  (sess.  xxv,  c.  11),  ne  consa- 
cre-t-il  pas  par  cette  exception  la  liberté  des  autres  églises 
qui  ne  sont  point  paroissiales?  Que  si  l'on  objecte  le  décret 
du  même  concile  qui  donne  aux  ordinaires  des  lieux  la  com- 
mission de  visiter  annuellement  toutes  les  églises,  même 
exemptes  :  Locorum  ordinarii  ecclesias  quascumque  quomodolibet 
exemptas  anctoritate  Apostolica,  singulis  annis  visitare  tenean- 
tnr  (sess.  vu.  c.  8.  de  Réf.),  la  réponse  ne  sera  pas  difficile. 
Le  Concile,  en  effet,  ne  parle  pas  des  églises  de  réguliers, 
puisque  l'on  sait  assez  que  les  monastères,  a  raison  même  de 
leur  exemption,  sont  réputés  être  non  dans  le  diocèse,  mais 
en  dehors  du  diocèse.  Il  n'a  donc  pu  être  question  que  des 
églises  séculières,  les  seules  qui,  a  vrai  dire,  se  rencontrent 
sur  le  chemin  de  l'évêque.  D'ailleurs,  le  mot  Regulares  n'est 
pas  prononcé  dans  ce  décret  :  n'est-ce  pas  une  preuve  que 
le  concile  n'a  pas  eu  l'intention  d'atteindre  les  réguliers, 
lui  qui  est  d'ordinaire  fort  soigneux  à  faire  d'eux  une  men- 
tion spéciale,  etiam  regulares,  lorsqu'il  veut  les  comprendre 
dans  ses  salutaires  décrets  ?  Et  puis,  l'expression  du  concile, 
locorum  ordinarii,  ne  peut-elle  pas  s'appliquer  tout  aussi 
bien  aux  prélats  réguliers,  de  telle  sorte  que  le  décret  susdit 
s'entendrait  du  droit  de  visite  conféré  aux  divers  prélats, 
sur  les  églises  de  leur  juridiction  respective  ?  —  C'est  ainsi 
que  raisonne  Pirhing,  dont  nous  transcrivons  le  texte  : 

«  Verum  illce  EcclesiîE,  quae  proprie  ad  Regulares  exemp- 
«  tos  spectant  sicut  et  ipsi  religiosi  hujusmodi,  ab  eorum 
«  prselatis,  videlicet  generalibus,  vel  eorum  delegatis  visi- 
te tari  soient  ac  debent  {Cône.  Trid.  sess.  xxv,  c.  1  et  8, 


26  l'exemption  des  réguliers 

«  de  Eegul.)....  ideoque ab  Episcopis  visitari  non  possunt: 
«  nara  visitare  est  actusjurisdictioniscompetenssuperiori, 
«  cui  ecclesia,  vel  monasterium  est  subjectum.  Episcopus 
«  autem  non  habet  jurisdictionem  ordinariam  in  exemptos, 
«  neque  in  loca  et  ecclesias  illorum,  quge  personis  sunt 
«  connexa  :  nara  accessoiium  sequitur  principale.  Et 
«  cum  jurisdictio  ecclesiastica  seu  spiritualis  sit  indivi- 
«  dua,  non  potest  diiobus  simul,  quorum  unus  alteri  su- 
ce bordinatus  non  est,  competere,  videlicet  gener?li  ordi- 
«  nis  et  episcopo...  Neque  refert  quod  ecclesia  regularis 
«  sita  sit  in  diœcesi  episcopi,  nara  locus  exemptus,  quoad 
«  jurisdictionera  ab  episcopo  exercendara,  œquiparatur 
«  loco  existenti  extra  diœcesim.  —  Neque  enim  obstat 
«  Concil.  Trident,  [sess.  vu,  c.  8,  de  Réf.)  quod  generatim 
tt  praîcipit,  ut  locorura  ordinarii  Ecclesias  quascumque 
a  quoraodolibet  exemptas  singulis  annis  visitent:  quia 
«  hujusmodi  ecclesiarura  ordinarii  non  sunt  episcopi,  sed 
«  prœlati  ordinura  exeraptorura.  »  [Jns  canonic.  universum, 
l.i,  tit.  31,  n.  96.) 

Aussi  bien  ce  n'est  pas  la  une  interprétation  arbitraire, 
puisque  nous  la  voyons  unanimement  admise  par  les  au- 
teurs, les  conciles  provinciaux  les  plus  célèbres,  et  parles 
congrégations  roraaines. 
Quelques  citations  ne  seront  pas  inutiles  : 
1°  Parmi  les  canonistes,  Barbosa  s'exprirae  ainsi  : 
«  In  ipsis  autera  ecclesiis  Regularium  visitare  non  pos- 
«  sunt  ordinarii  necquidera  SS.  Sacraraentum  (Eadera  S. 
«  C.  concil.  m  ISicoteren.,  an.  1593.)  Nec  etiam  altaria  et 
«  capellas  in  iisdem  Regularium  ecclesiis,  etiam  per  se- 
rt cularium  confraternitates  constructa  (S.  Cong.  Episcop. 
«  et  Regul.  in  Papiensi,  21  aug.  1613.,  et  in  Tarraconensi 
«  22  januar,  1616.)  ;  sed  bene  confraternitates  ipsas...  nec 
«  denique  in  vira  constitutionis  Gregorii  XV  de  exerapto- 
«  rum  privilegiis,  visitare  iicebit  episcopis  altaria  eccle- 


FT   LE    CLERGÉ    DE    FRANCE.  27 

«  siarum  Regularium,  quibus  non  incumbit  cura  persona- 
«  rum  secularium  ,  née  loca  ubi  in  eisdem  ecclesiis 
«  asservaturSS,  Eucharistie  sacramentum.i^S.  Gong.  conc. 
«  anno  i&'lS,  dub.  1,  super  dicta  cons t i t. )))(/ms  Ecclesiast. 
univers.,  1.  i,  c.  14,  n.  24.) 

Berardi,  d'ailleurs  assez  peu  enclin  à  favoriser  la  cause 
des  exempts,  n'est  pas  moins  explicite  : 

«  At  si  agatur  de  ecclesiis  adnexis  monasteriis  in  quibus 
«  viget  regularis  observantia,  bas  non  visitât  episcopus, 
«  Quanquam  enim  in  cap.  8  sess.  viuZe  Reform.  concilium 
(c  Tridentinum  facultatem  fecerit  episcopis  universas  eccle- 
«  sias  exemptas  visitandi,  id  tamen  de  sœcularibus  tantum 
«  ecclesiis  intelligendum  esse,  declaravisse  visi  suntiidem 
«  Tridentini  Antistites  in  cap.  9  sess.  xxiv,  de  Réf.  Exce- 
«  ptio  est  in  ecclesiis  Reguiarium  quibus  cura  animarura 
«  adnexa  est,  etc..  »  [Commentaria  in  jus  univers.,  1.  i, 
dissertât,  iv,  cap.  3,  de  Auctoritate  episcoporum  in  ecclesias.) 

Thomassin  nous  dit  à  son  tour  d'après  Fagnan  : 

«  Si  les  églises  régulières  ne  sont,  ni  chargées  du  soin 
«  des  âmes,  ni  en  commende,révêque  ne  peut  les  visiter.  » 
{Ancienne  et  nouvelle  discipline,  part,  i,  liv.  3,  chap.  40, 
En  quoi  le  concile  de  Trente  a  assujetti  les  exempts  à  Vévêque.) 

I.es  théologiens  de  Salamanque  : 

«  Imo  nec  potest  (episcopus)  ecclesias  illorum  (regula- 
«  rium)  visitare,  tabernaculum  SS.  Sacramenti  invisere, 
«  nec  capellas,  aut  proprias  confraternitates  religionis, 
«  nisi  rescriptum  particulare  Papse  ad  hoc  ostenderint,  ut 
«  colligitur  manifeste  in  Trident,  sess.  xxv,  c.  20,  de 
«  Regular.  Ad  quod  dantur  plurirase  declarationes...  » 
(Tract,  XVIII,  de  Privilegiis,  cap.  m,  n.  31  etsqq.) 

Enfin,  car  il  faut  se  borner,  saint  Liguori,  ne  s'éloignant 
en  rien  de  la  doctrine  commune,  enseigne  avec  les  théolo- 
giens de  Salamanque,  que  l'évêque  n'a  droit  de  visite  que 
dans  les  églises  chargées  du  soin  des  âm  >  : 


28  l'exemption  des  réguliers 

«  Potest  etiam  visitare  ecclesias  etiam  annexas  et  sub- 
«  ditas  monasteriis,  si  earum  administratio  sit  pênes  pa- 
tt  rochos  sieculares.  »  Le  saint  auteur  venait  de  parler  des 
religieux  personnellement  chargés  du  soin  de  la  paroisse. 
—  Il  continue  : 

«  Possunt  pricterea  episcopi  visitare  confraternitates 
«  sœcularinm  fundatas  in  monasteriis,  sed  duntaxat  qnoad 
«  administralionem  bonorum,  non  quoad  altaria,  ut  ex 
«  Trid.  sess.  xxv.  c.  20.  de  Regular.,  et  ex  pluribus  de-^ 
«  cretis  sacrae  congregat.  Excipiuntur  insuper  illae  quarum 
«  prtfifectus  est  religiosus,  ex  privilegio  Gregorii  xiii,  cui 
«  nuUa  contraria  consuetudo  potest  obstare.»  De  Privileg., 
cap.  IV,  n.  79.) 

On  le  voit,  une  parfaite  uniformité  d'interprétation  règne 
parmi  des  auteurs  d'époque,  de  pays,  de  profession,  et 
aussi  de  sympathies  diverses.  N'est-ce  pas  la  un  argument 
péremptoire  en  faveur  de  leur  doctrine? 

2°  En  pratique,  les  conciles  provinciaux  n'ont  pas  au- 
trement interprété  le  concile  de  Trente.  Qu'il  nous  suffise 
de  citer  saint  Charles  Borroi-ée,  qui,  tout  le  monde  le  sait, 
et  c'est  sa  gloire,  se  lit  avec  tant  d'intelligence  etdénergie 
l'exécuteur  des  moindres  volontés  du  saint  Concile.  Or, 
parcourez  les  Actes  de  r Église  de  Milan-^  pas  un  mot  qui 
puisse  laisser  soupçonner  que  l'évéque  a  droit  de  visite  sur 
les  églises  des  réguliers.  Il  y  est  fait  mention  fort  exacte  de 
tous  les  cas  d'exception  j  mais  ce  soin  à  relever  l'exception 
n'est-il  pas  une  reconnaissance  authentique  de  la  règle  gé- 
nérale? Pourquoi,  par  exemple,  saint  Charles  constate- 
t-il,  qu'en  vertu  de  la  bulle  de  saini  Pie  V,  l'évéque  peut  et 
doit  visiter  les  églises  de  l'ordre  de  Saint-Jean  de  Jérusa- 
lem :  Ecclesias  eqnitum  ordinis  Hierosolymïtani  ?  [Acta  Eccle- 
siœ  Mediolan.,  1.  m,   tit.  22.' 

Le  concile  provincial  de  Londres,  tenu  en  1832,  déclare 
soumises  à  la  visite  de  l'évéque,  non  toutes  les  églises  des 


ET    LE    CLERGÉ    DE    FRANCE.  29 

réguliers,  mais  celles  seulement  qni  sont  destinées  aux 
fonctions  paroissiales  :  Ecclesiœ  missionariœ  et  publicœ.  (Dé- 
cret 27.  de  Regidaribus.) 

3°  Mais  toute  controverse  doit  cesser  devant  l'interpré- 
tation donnée  a  la  loi  par  la  Sacré-Congrégation  du  Concile. 
Ce  n'est  pas  une  seule  fois,  mais  bien  souvent,  que  la  Sacrée 
Congrégation  a  été  mise  en  demeure  d'expliquer  la  pensée 
du  concile  de  Trente  sur  le  point  qui  nous  occupe.  Elle 
l'a  fait  d'une  manière  toujours  uniforme,  et  toujours  avec 
l'autorité  d'un  tribunal  établi  par  les  Papes  pour  interpréter 
authentiquement  et  définitivement  la  pensée  des  Pères  de 
Trente.  Pareilles  décisions  obligent  donc  partout,  et  nul 
ne  saurait  les  éluder. 

Nous  nous  contenterons  de  rapporter  une  décision  ren- 
due par  la  S.  C.  en  explication  tout-a-la  fois  du  concile  de 
Trenteet  d'une  buUede  Grégoire  XV  relativeal'exemption. 

L'on  demandait:  «  An  liceat  episcopis  visitare  altaria 
«  regularium  ecclesiarum,  quibus  cuïaanimarum  persona- 
«  rum  saecularium  non  incumbit,  aut  loca  ubi  in  eisdem 
«  ecclesiis  asservatur  SS.  Eucharistise  sacramentum,  vel 
«  ubi  audiuntur  confessiones  ssecularium?  » 

A  quoi  il  fut  répondu  :  «  Sacra  Congr.  Cardinalium 
«  concil.  Trident,  interpretumcensuit,  constilutionem  san. 
«  mem.  Gregorii  XV  de  Exemptorum  privilegiis,  nequa- 
«  quam  subjicere  Regulares  exemptos  quibus  cura  anima- 
«  rum  personarum  sœcularium  non  incumbit,  episcopo- 
«  rum  jurisdictioni,  in  bis  quse  sacramentorum  admini- 
«  strationem  concernunt,  nisi  cumin  sacramentispersonis 
«  sa^cularibusadministrandis  iidera  Regulares  delinquunt, 
«  ac  propterea  : 

«  Ad  1  dub.  respondit  ;  episcopis  non  licere  in  vira 
«  ejusdem  constilutionis  visitare  altaria  ecclesiarum  Regu- 
«  larium,  quibus  non  incumbit  animarum  cura  personarum 
«  saecularium,  nec  loca  ubi  in  eisdem  ecclesiis  asservatur 


30  l'exemption  des  réguliers 

«  SS.  Eucharistiaesacramenlum,  vel  ubi  confessiones  per- 
«  sonarum  ssecularium  audiuntur.  » 

Cette  décision  fut  publiée  en  1623,  avec  l'approbation  du 
Pape;  et  elle  a  servi  de  modèle  à  une  foule  d'autres  ren- 
dues depuis  dans  le  même  sens.  On  peut  les  lire  dansFer- 
raris  (  V.  Hegulares  et  Conventm)  et  dans  Zamboni. 

Nous  le  demapdons  a  tout  lecteur  impartial  :  en  présence 
du  droit  ainsi  établi,  les  réguliers  peuvent-ils  sans  protes- 
tation laisser  a  d'autres  qu'a  leurs  supérieurs  le  soin  de 
visiter  leurs  églises? 

2e  Corollaire.  Si  quelque  doute  s'élève  relativement  à  la 
portée  de  l'exemption  et  des  privilèges  des  réguliers,  la 
cause  doit  de  toute  rigueur  être  déférée  au  Souverain-Pon- 
tife, qui  a  seul  autorité  pour  la  juger. 

Quoi  qu'en  aient  dit  certains  détracteurs  de  l'exemption, 
les  Souverains-Pontifes  n'ont  pas  été  contraints  de  l'ac- 
corder en  vertu  de  manœuvres  occultes  et  de  trames  ha- 
bilement ourdies.  Donc  ils  n'ont  pas  eu  à  redouter  la 
lumière  pour  leurs  concessions.  Aussi  est-ce  par  des  do- 
cuments publics,  et  qui  font  partie  du  corps  du  droit, 
qu'ils  ont  déclaré  vouloir  se  réserver  toute  juridiction  sur 
les  exempts.  Si  bien  que  l'exemption  d'une  communauté 
religieuse  est  un  fait  notoire  que  personne  n'est  censé 
ignorer,  et  dont  les  religieux,  une  fois  reconnus  comme 
tels,  sont  dispensés  de  fournir  les  preuves. 

Mais  ne  peut-il  pas  surgir  des  difficultés  touchant  l'é- 
tendue de  l'exemption?  Oui,  sans  doute;  et  c'est  ici  que 
l'exempt  se  présente  avec  sa  qualité  de  sujet  du  Pape.  Car, 
douter  si  votre  juridiction  ne  va  pas  dans  tel  ou  tel  cas 
atteindre  un  exempt,  n'est-ce  pas  demander  si  le  Pape  ne 
se  désiste  pas  de  sa  juridiction  immédiate?  Or,  quel  autre 
que  lui  pourra  répondre?  Il  est  donc  juste  de  porter  au 
Souverain -Pontife   tx)utes    les  controverses    en    matière 


ET    LE    CLERGÉ    DE    FRANCE.  31 

d'exemption  et  de  privilèges;  et  c'est  la  doctrine  de  saint 
Liguori  :  «  In  dubio  alicujus  privilegii  decisio  spectat  ad 
ce  Summum  Pontifieem  quemadmodum  declaratum  fuit  a 
«  Clémente  IV  et  ab  aliis  Pontificibus.  »  [De  Privilegiis, 
cap.  IV,  n.  73.)  Et  ce  que  le  saint  évêque  se  contente 
d'affirmer,  le  savant  Pichler  l'avait  solidement  établi  par 
quelques  arguments  que  nous  croyons  devoir  transcrire. 
La  question  était  celle-ci  :  An  in  causa  exemptionis  a  juris- 
dictione  episçopi  compétent  judex  sit  ipse  episcopus?  Pichler 
n'hésite  pas  a  la  résoudre  négativement;  et  voici  ses  rai- 
sons :  «  1°  Episcopus  est  supremo  principe,  nimirum  Pon- 
ce titiçe,  inferior  ^  ergo  cognoscere  et  pronuntiare  de  bac 
«  quaestione  non  ad  ipsum,  sed  ad  Summum  Pontitîcem 
«  pertinet.  —  2°  Exempiio  magis  ipsius  Papœ  et  Eeclesiœ 
a  Romance,  quam  exeniptornm  jus  est  ;  sed  de  jure  supe- 
((  rioris  judicialiter  cognoscere  inferior  non  potest  per  no- 
«  toria.  —  3"  Legem  et  privilegium  Pontificis  judicialiter 
«  et  authentice  explicare  ac  interpretari  non  est  inferioris, 
((  sed  ejus  qui  legem  condidit,  vel  privilegium  concessit  . 
«  Sed  privilegium  exemptionis  concessit  Sumnnis  Pon- 
ce tifex.  Ergo....  »  [Jus  canonicum  praclice  explicatum^  seu 
Decisio  nés  Casumn,  decis.  175.) 

Nous  ajouterons  le  texte  d'une  décision  de  la  Sacrée 
Congrégation  du  Concile  que  provoqua  D.  Juan  de  Palafox, 
évêque  de  Puebla  de  los  Angelos,  lors  de  sa  trop  fameuse 
querelle  avec  la  Compagnie  de  Jésus.  Le  prélat  avait  ainsi 
formulé  sa  demande  : 

(c  An  in  casu  in  quo  Pi^ulares  quicumque,  etiam  So- 
((  cietatis  Jesu,  exhibeant  aliqua  privilégia,  et  ordinarii 
c(  judicent  ea  non  suffragari  casuide  quo  agitur,  et  ad  rem 
ce  non  facere,  Regulares  prsefati  possint  et  debeant  provo- 
ce  care  ad  Summum  Pontifieem,  vel  in  partibus  Indiarum 
ce  remotissimis  ad  metropolitanum,  sive  ordinarium  vici- 
ée niorem,  vel  potius  possint  in  hoc  casu  eligere  judices 
ce  conservatores?  » 


52  l'exemption  des  réguliers 

La  Sacrée  Congrégation  répondit,  le  14  mai  1648,  avec 
l'approbation  du  pape  Innocent  X  : 

<c  Si  verba  privilegiorum  sint  obscura  et  ambigua,  non 
(.(.  licet  recurrere  ad  metropolitanum,  vel  viciniorem  epi- 
«  scopum,  née  conservatores  eligere,  sed  Summum  Ponti- 
«  ficem  pro  interpretatione  esse  adeundum,  »  i^Apud  Zam- 
boni,  t.  V,  v°  Reyidares,  §  II,  3.) 

Le  prélat  ne  crut  pas  pouvoir  opposer  une  fin  de  ïion- 
recevoir  a  la  sentence  qui  le  condamnait;  il  eut  le  cou- 
rage de  se  soumettre. 

Par  tout  ce  qui  précède,  on  entrevoit  suffisamment  sur 
quoi  se  sont  fondés  les  canonistes  qui  avancent  presqu'à 
l'égal  d'un  axiome,  que  Y  exempt  ion  doit  se  traiter  avec  faveur. 
Saint  Liguori  l'enseigne  sans  hésiter:  Privilégia  coinmunita- 
tibus  concessa....  habentur  omnia  tanquam  favorabilia  [loc.  cit.f 
cap.  I,  n.  8.'  Et  Picl.ler  dit  a  son  tour  :  Ergo  exemptio  Be- 
gularium  ampliunda  est  potins  quam  resfringenda  {loc.  cit.). 

Mais  n'insistons  pas  davantage.  Voyons  si  l'ancien  clergé 
de  France  a  tenu  une  autre  doctrine. 

Seconde  proposition.  —  L'ancien  clergé  de  France  n'a  pas 
eilj  touchant  texemption,  une  autre  doctrine. 

L'énoncé  de  cette  proposition  paraîtra  probablement  pa- 
radoxale a  plus  d'un  lecteur.  Nous  sommes,  en  effet,  si 
habitués  a  considérer  l'ancien  clergé  comme  vivant  dans 
une  latte  continuelle  contre  les  religieux,  et  guettant  soi- 
gneusement l'occasion  favorable  de  retirer  à  ceux-ci  des 
privilèges  qu'une  condescendance  trop  facile  avait  arrachés 
aux  évêques  !  Mais  est-ce  bien  la  vérité.?  Nous  ne  le  croyons 
pas. 

Et  d'abord,  rien  ne  nous  autorise  a  prêter  au  clergé  de 
France  un  habituel  mauvais  vouloir  contre  les  religieux. 
L'histoire  fournit  une   preuve  fort  significative  du  cou- 


ET  LE    CLERGÉ    DE    FRANCE.  33 

traire,  dans  les  éloquentes  protestations  que  fit  au  Concile 
de  Trente  le  grand  Cardinal  de  Lorraine,  en  faveur  de 
l'exemption  des  Réguliers,  attaquée  par  quelques  évéques. 

Voici  ce  que  raconte  l'historien  du  Concile  :  «  Quand  on 
«  en  vint  a  ce  qui  concernait  les  réguliers,  le  cardinal  de 
«  Lorraine  fit  d'eux  un  pompeux  éloge,  et  assura  qu'en 
«  France  plus  de  trois  mille  d'entre  eux,  dans  l'espace  de 
«  quelques  mois,  avaient  souffert  un  cruel  martyre,  plutôt 
«  que  de  renoncer  à  l'obéissance  que  tout  chrétien  doit  au 
«  Pontife  romain  :  c'est  pourquoi,  autant  il  éiait  opposé 
«  à  l'exemption  des  autres  ecclésiastiques  à  l'égard  des 
«  évêques,  autant  il  était  partisan  de  celle  des  réguliers  : 
«  il  exhortait  donc  les  pères  à  maintenir  intégralement 
«  leurs  privilèges.  »  (Card.  Pallavicini,  Hist.  du  Concile 
de  Trente,  1.  xxiv,  c.  m.) 

Que  si  le  clergé  laisse  parfois  échapper  contre  les  régu- 
liers une  certaine  impatience,  ne  peut-on  pas  en  attribuer 
la  cause  principale  à  l'Université,  qui,  rudement  punie  de 
ses  attaques  contre  les  ordres  mendiants  par  les  victo- 
rieuses apologies  de  saint  Thomas  et  de  saint  Bonaventure, 
s'appliquait  sans  relâche  à  satisfaire  ses  vieilles  rancunes, 
en  profitant  de  toutes  les  occasions  d'irriter  les  suscepti- 
bilités et  les  colères  des  prélats  ?  Malheureusement,  il  faut 
le  dire,  quelques  religieux  prêtèrent  de  temps  a  autre  le 
flanc  aux  attaques  de  leurs  ennemis.  Des  conflits  de  juri- 
diction s'engagèrent,  et  quelquefois  les  religieux  se  don 
nèrent  l'avantage  d'une  victoire  payée  bien  cher,  puis- 
qu'au  mépris  de  toutes  les  lois  divines,  ils  n'avaient  pas 
rougi  d'en  appeler  a  une  autorité  de  tout  point  incompé- 
tente, aux  Parlements  ou  au  grand  Conseil.  De  tels  reli- 
gieux nous  inspirent  peu  d'intérêt. 

Si  l'on  veut  à  toute  force  qu'il  y  ait  eu  dans  l'ancien 
clergé  de  France  un  système  arrêté  d'hostilités  et  de  lutte 
contre  l'exemption  des  réguliers,  nous  demanderons  qu'il 

Revue  des  sciences  ecclés.,  t.  x. — juillet  1864.  3 


hb  l'exemption  des  réguliers 

nous  soit  permis  de  ilisciiter  le  fait  principal  sur  lequel 
s'sfpuie  une  pareille  assertion.  Il  s'agit  de  l'assemblée  de 
4625,  justement  célèbre  a  bien  des  titres,  mais  qui,  pour 
nos  adversaires,  l'est  sans  doute  bien  plus  à  cause  de  la 
Béclaraiion  que  nous  allons  dire.  Elle  est  intitulée  :  Décla- 
ration de  l'Assemblée  générale  du  clergé  de  France,  sur  ce  qui 
est  à  observer  sous  la  conduite  de  messieurs  les  évêques  par  les 
réguliers  et  autres  eaen/pfs.  Pièce  importante,  puisqu'elle  a 
été  invoquée  par  les  assemblées  subséquentes,  et  qu'elle 
est,  a  la  longue,  devenue  com.m.e  le  code  du  droit  des  ré- 
guliers en  France.  Il  importe  donc  de  la  discuter,  et  de 
birn  saisir  la  |  eiisce  des  prélats  qui  la  formulèrent  (1). 

La  déclaration  de  1625,  il  ne  faut  pas  se  le  dissimuler, 
est  empreinte  d'une  certaine  amertume  qui  de  prime  abord 
ferait  croire  à  delà  malveillance.  Il  y  estparlé  d'hommes 
qui  «  troublent  la  paix  de  l'Église,  qui  entreprennent  contre 
Vordre  hiérarchique,  qui  semblent  vouloir  ériger  autel  contre 
autel,  sacrifice  contre  sacrifice,  etc..  »  ^Collection  des  pro- 
cès-verbaux, t.  II,  fièces  justificatives,  p.  62.)  De  plus,  les 
articles  de  la  déclaration  ne  sont  pas  toujours  conformes 
aux  prescriptions  du  droit  canonique  -,  tel,  par  exemple, 
Tarlicle  premier,  qui  donne  a  l'évêque  le  pouvoir  de  visiter 
le  Saint-Sacrement  dans  toutes  les  églises  de  monastères 
prétendus  exempts  de  sa  juridiction. 

Ce  nonobstant,  la  déclaration  de  1625  ne  nous  semble 
pas  être  une  preuve  manifeste,  soit  de  l'hostilité  des  prélats 
envers  les  réguliers,  soit  de  leur  peu  de  respect  pour 
l'exemption  considérée  comme  droit  du  Saint-Siège.  Car  il 
nous  est  impossible  de  reconnaître  une  hostilité  quelconque 


(1)  Nous  avertissons  le  lecteur  de  ne  pas  trop  se  fier  à  l'édition  des 
Mémoires  du  Clergé  de  France,  publiée  par  Lemerre  {14  vol.  in-4o).  L'his- 
toire du  clergé  y  est  trop  souvent  dénaturée  par  le  fait  des  préjufiéa 
parlementaires  et  gallicans  de  l'auleur.  11  vaut  beaucoup  mieux  consulter 
la  grande  Colleciion  des  procèi-verbaux,  etc.  C'est  ce  que  nous  ferons. 


ET   LE   CLERGÉ   DE   FRANCE.  35 

pour  les  réguliers  en  général,  dans  un  acte  que  ses  auteurs 
avouent  avoir  pour  but  unique  d'obvier  aux  abus  que  com- 
mettent certains  religieux  (ibid.)  (1). 

Bien  moins  encore,  et  c'est  le  point  décisif,  bien  moins 
encore  reconnaissons-nous  dans  la  déclaration  de  1625  une 
atteinte  portée  aux  droits  du  Saint-Siège. 

Eq  effet,  si  les  prélats  n'eussent  admis  la  liaison  intime 
de  l'eiemption  avec  la  primauté  du  Pape,  eussent-ils  mis 
tant  de  ménagements  a  la  réglementer  et  à  la  restreiiidre  ? 
Eût-elle  été  a  leurs  yeux  différente  des  causes  vulgaires  que 
les  évêques  peuvent  chaque  jour  diseuteret  juger  ?  Or,  que 
l'on  prenne  la  peine  de  lire  le  procès-verbal  de  l'assemblée 
del62o-,  et  on  ne  pourra  s'empêcher  d'y  remarquer  le 
soin  que  mit  l'assemblée  à  donner  à  sa  déclaration  une 
valeur  canonique,  en  s'efforçant  de  lui  attirer  l'agrément  et 
l'autorisation  du  Souverain-Pontife.  «  Le  20  octobre,  sur 
«  ce  que  Mgr  le  cardinal  (de  la  Rochefaucaud  a  remontré 
«  que  le  règlement...  devait  être  présenté  à  notre  Très- 
«  Saint  Père,  pour  être  autorisé  et  approuvé  par  son  très- 
«  grave  jugement,  avant  que  d'être  divulgué  ou  publié,  et 
«  que...  il  ne  doutait  pas  que  Sa  Sainteté,  non-seulement 
«  l'agréerait,  mais  le  louerait  :  délibération  prise  d'une 
«  commune  voix,  a  été  ordonné,  qu'il  serait  écrit  a  Sa 
«  Sainteté,  avec  toute  soumission  et  respect,  et  à  Mgrl'ar- 
«  chevêque  de  Lyon,  pour  le  lui  présenter-,  que  cependant 
«  ledit  règlement  ne  serait  point  envoyé,  ni  publié,  ni  di- 
«  vulgué,  et  que  Mgrs  les  évêques  de  Chartres  et  de  Valence 


(1)  Les  règlements  en  question  renferment  sans  doute  plus  d'une  me» 
sure  odieuse  pour  les  réguliers.  Comment  donc  se  fait-il  que  les  prélats 
n"dieut  pas  nourri  une  véritable  hoilililé  contre  leur  exeuipliou?  Toute 
l'erreur  des  prélats  vint  d'une  craiute  exagérée  de  voir  se  multiplier 
certains  abus  déplorables,  sans  contredit,  mais  isolés.  Sous  l'impression 
d'une  pareille  alarme,  ils  ne  virent  pas  que  le  moyeu  dépassait  le  but, 
et  que,  faute  de  proportion,  le  remède  même  qu'ds  proposaient  deve- 
nait UQ  mal  plus  sérieux  qae  celui  qu'ils  voulaient  guérir. 


36  l'exemption  des  réguliers 

«  iraient,  de  la  part  de  l'assemblée,  en  assurer  Mgr  le 
«  Nonce,  et  le  supplier  de  vouloir  bien  y  joindre  ses  bons 
«  offices  »  (pag.  513.) .  —  «  Le  24  octobre,  sur  ce  qui  a  été 
«  remontré  qu'il  était  nécessaire...  de  faire  députation 
«  expresse  de  quelqu'un  des  seigneurs  prélats  de  cette  as- 
«  semblée  â  Rome,  devers  Sa  Sainteté,  pour  en  poursuivre 
«  la  confirmation,  étant  convenable  et  bienséant  de  rendre, 
«  en  cette  rencontre,  l'obéissance  qui  est  due  au  Chef  vi- 
«  sible  de  l'Église...  »  [Ibid.)  —  «  Le  S  novembre,  tout  à 
«  l'entrée  de  cette  séance,  il  a  été  mis  en  délibération,  savoir 
«  si  les  règlements. . .  doivent  être  envoyés  et  distribués  par 
«  les  diocèses,  en  attendant  l'approbation  de  Sa  Sainteté  : 
«  sur  quoi,  résolution  prise  par  provinces,  l'assemblée  a 
«  ordonné  que  lesdits  règlements,  quoique  imprimés  et 
«  divulgués,  ne  seront  distribués  par  ordre  de  l'assemblée, 
«  et  ne  seront  mis  a  exécution,  que  premièrement  ils 
«  n'aient  été  approuvés  par  Sa  Sainteté;  ne  préten- 
«  dant  toutefois  empêcher  que  ceux  qui,  par  curiosité, 
«  voudront  les  avoir,  puissent  en  prendre  de  l'imprimeur 
«  ou  ailleurs»  (pag. 514  .Une  pareille  conduite  s'explique- 
t-elle  chez  des  prélats  qui  n'eussent  pas  considéré  l'ea^e/w/j^îo» 
comme  une  de  ces  causes  majewes  que  le  droit  réserve  au 
Pontife  romain?  Joignez  à  tout  cela  la  lettre  que  fit  écrire 
l'assemblée  au  pape  Urbain  VIII  [Pièces  justificatives ^  p.  69), 
et  la  démonstration  sera  complète. 

Que  fît  le  Pape?  Nous  avons  beau  feuilleter  la  Collection 
des  Procès-verbaux,  nous  ne  trouvons  pas  un  seul  mot  qui 
indique  le  plus  léger  assentiment  du  Saint-Siège.  Car  l'as- 
semblée de  1635  reprit  la  discussion  de  la  déclaration  que 
nous  venons  de  mentionner;  elle  en  approuva  les  décrets, 
et  se  mit  de  nouveau  en  instance  auprès  du  Souverain- 
Pontife  pour  obtenir  son  approbation  (pag.  765  et  ss.). 
Donc  elle  n'avait  pas  été  encore  obtenue.  —  L'assemblée 
de  1645  revient  à  son  tour  sur  la  même  déclaration.  En  vain 


ET  Lli  CLERGÉ  DE  FRANGE.  37 

le  célèbre  D""  Hallier  se  remue-t-il  pour  justifier  au  point  de 
vue  du  droit  canonique  tous  et  chacun  de  ses  règlements  : 
sa  vaste  érudition  échoue  contre  le  refus  d'approbation  de 
la  part  du  Pape-,  et  Hallier  est  obligé  de  reconnaître  que  le 
Pape  n'approuve  pas,  puisqu'il  a  publié  récemment  des  Brefs 
d'une  doctrine  diamétralement  opposée.  L'assemblée  se 
laisse  émouvoir  par  l'éloquence  du  D""  Hallier;  mais  elle  ne 
sait  faire  autre  chose  que  décréter  un  nouveau  recours 
au  Saint-Siège  (tom,  m,  pag.  291  et  ss.).  —  Enfin  l'as- 
semblée de  1700,  dont  les  actes  se  ressentent  trop  souvent 
de  l'esprit  qui  inspira  l'assemblée  de  1682,  ne  prit-elle  pas 
pour  base  de  son  Règlement  pour  les  réguliers  la  discipline 
du  Concile  de  Trente  et  les  décrets  des  Papes  qui  ont 
suivi?  [Procès-verbal  de  V assemblée  générale  du  clergé,  etc., 
en  1700...,  pag.  166  et  489.)  Or  peut-on  citer  un  seul  dé- 
cret pontifical  relatif  aux  réguliers  qui  sanctionne,  même 
en  France,  la  discipline  projetée  par  la  déclaration  .^^  Le 
Bullaire  et  le  Thésaurus  resolutionum  n'en  ont  jamais  donné 
le  texte. 

Aussi  bien,  nous  citerons  en  témoignage  de  notre  thèse 
le  savant  Thomassin,  justement  célèbre  par  sa  profonde 
érudition  dans  toutes  de  sciences  sacrées,  mais  qui 
toutefois  n'a  pas  su  se  préserver  de  tout  préjugé  dans  la 
matière  qui  nous  occupe.  Donc,  après  avoir  décrit  d'après 
Fagnan,  qu'il  ne  fait  guère  que  traduire,  la  position  faite 
aux  religieux  exempts  par  le  droit  commun,  et  spécialement 
depuis  le  Concile  de  Trente,  Thomassin  conclut  :  «  Je  ne 
«  l'ai  pas  regardé  comme  un  canoniste,  mais  comme  un 
«  historien  et  un  témoin  fidèle  des  usages  et  des  décisions 
«  qui  ont  réglé  tant  de  grandes  affaires.  Dans  tout  ce  que 
«  j'ai  rapporté  de  lui,  je  n'ai  rien  trouvé  de  faible,  rien  de 
«  relâché.  S'il  s'éloigne  quelquefois  des  sentiments  de  nos  écri- 
«  vains  français  et  des  pratiques  de  notre  jurisprudence,  cest 
«  en  des  matières  que  je  n  ai  pas  touchées,  et  qui  n^ étaient  nul- 
<i  lement  de  mon  sujet,  v>  [Op,  et  lac,  supra  cit.) 


38  l'exemption  des  réguliers. 

N'est-ce  pas  dire  bien  clairement  que  la  doctrine  du  clergé 
de  France  touchant  Vexemption  ne  diffère  pas  de  la  doctrine 
reçue  partout  ailleurs? 

Est-ce  bien  Ih  aussi  la  doctrine  du  nouveau  clergé  de 
France?  ou  plutôt  le  nouveau  clergé  a-t-il  quelque  raison 
de  refuser  aux  religieux  le  bénétice  de  leur  exemption  et  de 
leurs  privilèges  ?  C'est  ce  que  nous  allons  examiner. 

Troisième  proposition.  —  Aujourd'hui  comme  autrefois 
V exemption  des  réguliers  veut  être  reconnue. 

11  est  un  fait  certain  pour  tout  le  monde;  c'est  qu'en 
France,  encore  aujourd'hui,  il  existe  des  réguliers.  Nul  de 
nos  théologiens  ne  songe  a  le  contester.  Écoutons  M.  Icard  : 
«  Soluta  quaestione  juris,  illico  concludemus  vota  quae  in 
«  Galliis  emittunturessesolemnia,  si  fiant  in  una  reiigionum 
«  quse  fuerunt  cum  votissolemuibus  approbatœ,  modo  nulla 
«  in  contrarium  data  sitdeclaratio  sanctae  Sedis,  et  aliunde 
a  servatse  supponantur  regui»  jure  commùni  praescriptse... 
«  Hinc  vota  Benedictinorum,  Fratrum  Minorum,  Prœdica- 
«  torum,  Jesuitarum,  etc.,  reputanlur  solemnia  »  [Prœlec- 
tiones  Juris  canonici,  tom.  Il,  pag.  224).  MM.  Bouix,  Mau- 
pied,  Craisson,  etc.,  ne  parlent  pas  autrement. 

Naguère,  il  faut  bien  l'avouer,  quelques  théologiens  ont 
enseigné  que  le  vœu  solennel  était  désormais  impossible  eu 
France,  à  cause  des  changements  survenus  dans  la  législation 
civile.  Mais  une  telle  doctrine  n'a  pu  subsister  longtemps. 
Ses  défenseurs  n'ont  pas  tardé  a  reconnaître  que  le  sens 
catholique  les  condamnait.  Comment  auraient-ils  pu  tenir 
devant  des  déclarations  expresses  des  Souverains-Pontifes, 
celle  de  Pie  Vï,  par  exemple,  qui  foudroie  la  constitution 
civile  du  clergé  à  cause  de  ses  attentats  contre  les  vœux 
solennels,  quœ  tantummodo  ad  Pontiftciam  spectant  auctori- 
tatem  [^veiQuod  aliquantum^  10  mars  1791);  OU  devant  les  té- 
moignages de  l'épiscopat  qui,  même  dans  despayshérétiques. 


ET  LV;   CLERGt    DK    FRANCE.  39 

n'hésite  pas  a  reconnaître  la  solennité  du  vœu  des  réguliers, 
indépendamment  de  tout  acte  contraire  de  l'autorité  civile? 
Témoins  les  actes  épiscopaux  des  prélats  de  Hollande, 
d'Angleterre  et  d'Amérique. 

Or,  si  le  vœu  solennel  est  encore  possible  chez  nous, 
pourquoi  Vexemption  ne  l'y  accompagnerait-elle  pas?  Certes, 
nous  ne  ferons  pas  au  lecteur  l'injure  de  discuter  devant  lui 
le  défaut  d'approbation  de  la  loi  civile.  Jusqu'où  s'étend  le 
pouvoir  de  la  société  politique  touchant  l'existence  des 
Instituts  religieux,  nous  le  discuterons  pas  :  qu'on  le  de- 
mande 'a  Suarez,  à  Bellarmin  et  à  tous  les  théologiens  ca- 
tholiques. Nous  aiUrmons  seulement  que  nul  homme  de  bon 
sens  ne  prétendra  soumettre  a  la  sanction  des  lois  civiles 
Y  exemption,  (\y\\  est  évidemment  chose  spirituelle  et  sacrée. 
Qui  voudrait  aujourd'hui  soutenir  avec  les  Dupuy  et  les 
Pithou  les  83  maximes  que  l'on  appelait  pompeusement 
jadis  :  Libertés  de  V église  gallicane?  Et  parmi  ces  83  maximes, 
qui  voudrait  défendre  la  71^?  Elle  est  ainsi  conçue  • 

«  Des  exemptions.  Mais  je  n'y  obrnettiay  les  exemptions 
«  d'aucunes  églises,  chapitres,  corps,  collèges,  abbayes  et 
«  monastères,  de  leurs  prélats  légitimes  et  ordinaires  qui 
tt  sont  les  diocésains  et  métropolitains  ;  lesquelles  exem- 
u  plions  ont  été  autrefois  octroyées  par  les  rois  et  princes 
tt  mesmes,  ou  par  les  papes  à  leurs  poursuites,  et  pour 
«  très-grandes  et  importantes  considérations  depuis  des- 
«  battues  etsoustenuesèsconciles  deBasle  etdeConstance  • 
«  dont  furent  dès  lors  publiez  quelques  mémoires.  Tant  y 
«  a  qu'on  peut  dire  avec  vérité,  pour  ce  regard,  que  nul 
tt  monastère,  église,  collège,  ou  autre  corps  ecclésiastique, 
«  ne  peut  être  exempté  de  son  Ordinaire,  pour  se  dire  dé- 
«  pendre  immédiatement  du  Saint-Siège,  sans  licence  et  per- 
«  mission  du  roy  \Y).  w 

(1)  C'est  à  commenter  le?  doctrines  déjà  pUisieuro  fois  réprouvées  de 
Pithou  et  des  vieux  parlemeutaires,  que  M,  Dupia  a  consacré   son  fa- 


40  l'exemption  des  réguliers 

Aussi  Mgr  Bouvier  dit-il  à  ce  propos  sans  aucun  détour  ; 
Verum  illa  lex  nullam  per  se  hahet  vim  ad  lollenda  privilégia 
mère  spiritualia.  [Institutiones  theologicœ,  tom.  v,  p.  3-49, 
edit.  an.  1833)  (1). 

Mais,  dira-t-on  peut-être,  vous  supposez  qu'il  n'y  a  aucun 
doute  possible  sur  l'existence  des  religieux  en  France.  La 
chose  pourtant  n'est  pas  évidente.  Tous  conviennent  qu'il 
peut  y  avoir  des  religieux  chez  nous^  mais  de  la  possibilité 
à  l'existence  réelle  il  y  a  loin.  Or  est-il  certain  que  les  re- 
ligieux français,  ou  ceux  que  l'on  donne  comme  tels,  ont 
satisfait  à  routes  les  conditions  requises  par  le  droit  pour 
acquérir  la  qualité  d'exempts?  Voila  une  question  très-grave 
qu'il  faut  de  toute  rigueur  résoudre  au  préalable. 

Oui,  sans  doute,  la  question  est  fort  grave  :  car  si  le 
religieux  exempt  n'a  point  a  débattre  lui-même  les  questions 
litigieuses  provenant  de  son  exemption,  il  doit  incontesta- 
blement établir  au  préalable  et  d'une  manière  péremptoire 
le  fait  même  de  l'exemption.  Personne  en  effet  n'est  sup- 
posé exempt  :  quiconque  se  donne  pour  tel  doit  en  même 
tem[)s  fournir  les  preuves  de  son  dire. 

Quelles  sont  donc  les  conditions  indispensables  à  remplir 
pourqu'une  coramunaulépuisse  revendiquerpourelle-même 
le  bénéfice  de  l'exemption? 

Saint  Liguori  exige  deux  choses  et  rien  de  plus  :  i°  que 

meux  Manuel  du  Droit  public  ecclésiastique  français;  ouvrage  flétri  d'a- 
bord par  une  condamnalion  du  cardinal  de  Bonald,  à  laquelle  adhéra 
presque  tout  l'épiscopat  français,  et  ensuite  par  une  double  sentence  de 
Ja  Congrégation  de  V Index. 

(l)  Depuis  le  commencement  de  ce  siècle,  le  clergé  et  l'épiscopat 
français  ont  eu  plusieurs  fois  à  se  prononcer  sur  la  valeur  des  lois  ci- 
viles en  matière  ecclésiastique.  Ils  l'ont  toujours  fait  avec  le  courage 
qui  convient  aux  défenseurs  de  la  vérité.  Ne  pouvant  pas  tout  citer, 
nous  indiquerons  seulement  un  remarquable  travail  snr  les  Rapports  de 
l'Église  et  de  l'État  que  publia  dans  le  Correspondant,  en  1855  (tom.  xxxv), 
M.  l'abbé  Darboy,  aujourd'lnii  archevêque  de  Paris.  L'illustre  auteur 
renvoie  lui-même  aux  Institutions  diocésaines  de  Mgr  Sibour,  évêque  de 
Digne. 


ET  LE  CLERGÉ  DE  FRANCE.  fil 

douze  religieux  puissent  être  nourris  dans  la  communauté  -, 
2°  que  l'Évêque  du  lieu  en  ait  autorisé  l'érection.  {De  Pri- 
vilegiis,  cap.  iv,  n.  88.) 

Nous  admettons  volontiers  la  doctrine  de  saint  Alphonse; 
non  pas  toutefois  sans  faire  observer  que  tous  les  canonistes 
ne  sont  pas  d'accord  touchant  le  nombre  de  douze  religieux. 
Le  P.  Zaccaria  [Antifebronius  vindicatus,  loc.  cit.)  -,  le  P. 
Gaudence  de  Gènes  {De  Visitatione,  ouvrage  imprimé  à 
Rome  en  1748  et  fort  estimé)^  Ferraris  {Prompta  Biblio- 
theca^  V.  Co7iventus,  art.  2,  n.  24)  ^  et  Thomassin,  ne  de- 
mandent que  le  nombre  de  s/-r.  Voici  les  paroles  de  Thomas- 
sin :  ((  Tous  les  monastères  où  il  n'y  a  pas  au  moins  six 
<(  religieux,  dont  il  y  en  ait  quatre  de  prêtres,  sont  sujets  à 
«  la  juridiction  de  l'Évêque  »  {lac.  cit.).  —  Ils  pensent,  et 
non  sans  une  grande  probabilité,  que  la  loi  du  nombre 
douze  n'est  rigoureusement  applicable  qu'aux  petits  mona- 
stères, parvi  conventus,  qui  d'abord  supprimés  sous  Inno- 
cent X,  ne  furent  relevés  par  ce  Pontife  qu'à  la  condition 
expresse  d'y  maintenir  désormais  douze  religieux  :  les 
autres  monastères  soit  déjà  existants,  soit  a  fonder  dans 
l'avenir,  continueraient  à  être  régis  par  la  loi  qui  les 
oblige  a  recevoir  six  religieux  au  moins. 

Quoi  qu'il  en  soit,  la  double  condition  exigée  par  saint  Li- 
guori  n'est-elle  pas  remplie  en  France  ?  Quelle  commu- 
nauté qui  n'ait  douze  religieux?  A  quelle  communauté 
manque-t-il  l'approbation  préalable  de  l'Ordinaire? 

L'on  insiste,  et  l'on  soutient  qu'une  troisième  condition 
est  requise  pour  l'érection  canonique  d'une  maison  reli- 
gieuse :  c'est  l'approbation  du  Saint-Siège.  Et  puis  l'on 
ajoute  que  la  clôture  n'est  peut-être  pas  chez  nous  ce  qu'elle 
doit  être. 

r  Commençons  par  répondre  à  la  dernière  difficulté  : 
Que  manque-t-il  à  notre  clôture  ?  Il  se  pourrait  bien  que 
l'on  confondît  la  clôture  des  communautés  d'hommes  avec 


A 2  l'exemption  lies  réguliers 

la  clôture  propre  aux  religieuses.  Celle-ci  est  plus  sévère 
est  par  Ik  mênie  pliis  sujette  que  l'autre  à  de  raioutieux 
règlements.  C'est  pourquoi  les  canonistes  distinguent  avec 
le  plus  grand  soin  celte  double  sorte  de  clôture.  Il  importe 
en  effet  de  bien  .préciser  ce  qui  donne  lieuà  des  obligations 
entièrement  diverses.  Qui  iie  sait,  par  exemple,  que  les 
hommes  peuvent  entrer  dans  la  clôture  des  religieux,  tan- 
dis que  les  femmes,  en  entrant  dans  le  cloître  des  reli- 
gieuses, violeraient  par  la  même  la  clôture  régulière? 

D'après  les  canonistes,  une  seule  chose  est  requise  pour 
constituer  la  clôture  des  religieux  -,  a  savoir  :  que  les  femmes 
ne  puissent  pas  pénétrer  dans  leur  habitation,  ni  dans  les 
jardins  qui  n'en  sont  point  séparés  par  une  grille  ou  une 
muraille.  Ferraris  est  très-précis  sur  ce  point.  «  Nomine 
«  clausurge  conventuuin,  dit-il,  in  quam  est  fœminis  inter- 
(c  diclus  ingressus,  intelligitur  lotum  illud  spalium,  quod 
«  intra  septa  monasterii  seu  conventus  continetur,  id  est 
«  claustra,  cellse,  officin9e,  cœnaculum  seu  refectorium, 
c(  dormitorium,  infirmaria,  coquina,  et  hujusmodi.  Virida- 
«  lia  seu  horti  et  pratacum  conventuet  claustro  conjuncta 

«  veniunt  nomine  clausurse Secus  vero  siipsa  viriduria 

«  et  prata  sint  a  dausura  separata clavi et  muro  convenientL,. 
(c  (Sacra  Congr.  Episcop.  et  Regul.  pluries).  —  Sacristia, 
a  ad  quam  non  patet  aditus  aisi  per  januarn  quae  sit  in 
«  claustro,  comprehendilur  sub  clausura;  secus  vero  sihabet 
«  ingressum  a  sola  ecclesia,  quia  sic  censetur  pars  eccle- 
«  siae....  Si  vero  ad  sacristiam  duplici  porta,  una  in  clau- 
«  stro,  etalia  in  ecclesia  existente  pateat  aditus,  contineri 
«  sub  clausura  doeuerunt  Bonacina,  etc....,  sed  praxis  fere 
«  ubique  videtur  in  contruriiim.  —  Mulieres  quse  vadunt  in 
«  prima  claustra  ad  hauriendam  aquam,  modo  conventus 
«  habeat  alia  claustra  invia  mulieribus,  «on  incidunt  in 

<c  excommunicationera »  (V.  Conventus,  art.  3,  n°  9 

et  sqqy. 


ET    LE   CLERGÉ    DE    FRANGE.  AS 

Nous  venons  d'entendre  ce  que  le  droit  exige  pour  con- 
stituer la  clôture  des  couvents  d'hommes.  Eu  quoi  donc 
pèche  la  clôture  de  nos  maisons  de  France  ?  Y  en  a-t-il  une 
seule  qui  ne  satisfasse  à  toutes  les  exigences  du  droit  ? 

2°  L'autre  difficulté  est  plus  sérieuse:  elle  a  pour  objet 
le  beneplacitum  apostolicuin  qui,  selon  un  grand  nombre  d'au- 
teurs, est  absolument  indispensable  à  chaque  maison  de 
réguliers,  pour  la  constituer  exempte. 

Nous  ne  le  nierons  pas,  uai  grand  nombre  d'auteurs, 
parmi  lesquels  Benoît  XIV,  tiennent  cette  doctrine.  Mais 
à  son  tour  la  doctrine  opposée  compte  de  nombreux  défen- 
seurs, au  point  que  saint  Liguori  a  pu  dire  :  «  Ulruni  vero 

«  requiralur  etiam  licentia  Pontificis,  aJii  affirmant , 

«  negant  vero  alii.  »  {Loc.  cit.).  On  le  voit,  pour  notre  Saint 
la  chose  est  fort  douteuse,  et  il  ne  croit  pas  pouvoir  faire 
mieux  que  de  laisser  a  chacune  des  deux  opinions  sa  pro- 
babilité respective.  Nous  sommes  persuadés  que  ce  parti 
était  le  seul  à  prendre  en  face  des  grosses  difficultés  que 
soulève  l'objection  qui  nous  occupe.  Eu  effet  : 

Première  difficulfé.  —  (^ue  répondre  aux  religieux  qui, 
le  Concile  de  Trente  à  la  main,  vous  disent  :  «  Nous 
sommes  exempts,  puisque  notre  maison  a  été  érigée  d'a- 
près ce  code  par  excellence  du  droit  des  réguliers,  lequel 
n'exige  de  nous  d'autre  condition  que  l'approbation  de  l'é- 
vêque  :  ISec  de  cœtero  similia  loca  erigantur  une  episcopi-,  in 
cujus  diœcesi  erigenda  sunl,  licentia  prius  cbteïUa,  (Sess,xxv, 
cap,  3,  de  Regul.)  Or,  quelle  qu'ait  pu  être  la  législation 
antérieure,  il  est  certain  que  le  Concile  de  Trente  l'a  abro- 
gée en  ne  la  confirmant  pas.  Donc  nous  sommes  en  règle, 
puisque  l'approbatioa  de  l'ordiziaire  nous  a  été  accordée.  » 
Encore  une  fois,  que  répondre?  —  Direz-vous  que  les 
Papes  ont,  depuis  le  Concile  de  Trente,  modifié  la  législa- 
tion ?  Mais 

Seconde  difficulté.  —  11  faudrait  prouver  que  la  célèbre 


Uh  l'exemption  des  réguliers 

constitution  Instaurandœ,  par  laquelle  le  Pape  Innocent  X 
soumet  tous  les  religieux  sans  exception  a  la  loi  du  bene- 
placitum  apostolicum,  ne  comprend  pas  seulement  les  mo- 
nastères d'Italie  et  des  îles  adjacentes,  et  qu'elle  s'étend 
à  l'univers  entier.  Or  la  preuve  pourrait  être  difficile  a  pro- 
duire. —  Et  puis, 

Troisième  difficulté.  —  Pourrez-vous  rejeter  comme  nulle 
et  abusive  la  coutume  contraire  à  la  loi  du  beneplacitum 
apostolicum  ?  Or,  Berardi  lui-même  enseigne  que  c'est  une 
de  ces  lois  qui  peuvent  ne  pas  être  reçues  dans  un  pays! 
IJbi  ea  disciplina  recepta  est  (1.  i,  dissert,  iv,  cap.).  Et  de 
fait,  une  telle  coutume  est  loin  d'être  mauvaise  en  elle- 
même^  puisque,  nous  allons  le  dire,  les  Papes  en  ont  fait  la 
matière  de  privilèges  accordés  par  eux.  Donc, 

Quatrième  difficulté.  —  Que  répondre  aux  Jésuites  lors- 
qu'ils montreront  les  lettres  apostoliques  de  Paul  III  [Licet 
debitum  pastoraliSy  an.  1549),  en  vertu  desquelles  ils  sont 
autorisés  à  regarder  comme  agréés  une  fois  pour  toutes 
par  le  Saint-Siège  les  établissements  qui  se  feront  en  leur 
faveur  :  Ipsasque  domos,  ecclesias,  collegia,  cellas,  oratoria, 
ubilibet  per  dictas  socios,  protemporeconstructa,  vel  eis  donata, 
eo  ipso  quod  œdificata  vel  donata  fuerint,  apostolica  auctori' 
tate  prœdicta,  erecta,  approbata  atque  confirmata  ? 

On  leur  dira  peut-être  que  le  privilège  de  Paul  III  a  été 
révoqué  par  Urbain  VIII,  ce  que  tous  n'accorderont  pas  ; 
mais  enfin,  Pie  VII,  par  la  constitution  Sollicitudo,  du 
7  août  1814,  n'a-t-il  pas  fait  revivre  tous  les  privilèges  ac- 
cordés autrefois  à  la  Compagnie  de  Jésus  par  Paul  III  ?  Et 
dans  ce  cas, 

Cinquième  difficulté.  — Comment  empêcher  tous  les  autres 
ordres  religieux  de  réclamer  pour  eux-mêmes  le  bénèlice 
du  privilège  octroyé  aux  Jésuites  ?  Car,  tout  le  monde  le 
sait,  il  existe  entre  les  diverses  communautés  religieuses 
une  véritable  communication  de  privilèges. 


ET   LE    CLERGÉ    DE    FRANCE.  -  45 

Voila  bien  des  questions  à  propos  du  beneplacitnm  aposto- 
licum,  et  nous  comprenons  la  prudence  de  saint  Liguori  qui 
sur  toute  cette  matière  n'a  voulu  prononcer  que  ce  mot  : 
a  Utrum  vero  requiraturetiam  licentia  Pontificis,  alii  affir- 
«  mant...,,  negant  vero  alii,  »  Or,  pour  en  venir  a  notre 
sujet,  il  nous  semble  que  pour  débouter  les  religieux  fran- 
çais de  leur  exemption,  il  faudrait  un  argument  moins 
exposé  k  la  réplique. 

D'ailleurs,  comment  supposer  qu'à  Rome  l'on  ignore  à 
ce  point  notre  état  de  choses?  Et  pourtant  le  Saint-Siège, 
soit  par  ses  nonces,  soit  par  l'organe  des  congrégations  ro- 
maines, a  déjà  plusieurs  fois  manifesté  hautement  l'intérêt 
qu'il  porte  à  l'exemption  des  réguliers  en  France.  Un  seul 
exemple  suffira.  Lorsque  Mgr  l'archevêque  de  Cambrai  dé- 
sira soumettre  a  l'approbation  de  la  Sacrée  Congrégation  du 
Concile  les  statuts  diocésains  qu'il  avait  publiés  en  18S6, 
le  cardinal  Cagiano,  préfet,  lui  transmit,  entre  autres  obser- 
vations, une  note  qui  tendait  à  mo<lifier  la  rédaction  d'un 
article  qui  pouvait  paraître  peu  compatible  avec  l'exem- 
ption: Cavendum  esset  ne  aliquid  per  hvjusmodi  sanctionem 
exemptorv.m  privilegris,  qnihitsa  SS.  Pontificibus  religiose  or- 
dines  amti  svni,  qiiodammodo  detrahatur.  C'est  à  la  commu- 
nication que  Mgr  l'archevêque  de  Cambrai  en  a  bien  voulu 
faire  a  ses  prêtres  réunis  en  synode  (en  1858),  que  nous 
devons  la  connaissance  de  ce  détail  très-signilicatif. 

Enfin,  les  auteurs  du  Hdémoire  sur  le  droit  coiitumier  parlent 
de  quelques  prélats  qui  auraient  témoigné  leur  déplaisir  de 
l'exemption,  a  cause  de  l'embarras  qu'elle  leur  causait  dans 
l'administration  diocésaine.  Si  le  fait  n'est  pas  inexact,  il 
prouve,  et  que  ces  prélats  ont  reconnu  l'exemption  en  droit, 
et  que,  malgré  leur  déplaisir,  ils  n'ont  eu  rien  de  solide  à 
opposer  a  l'existence  des  religieux  véritablement  exempts. 
—  Nous  pouvons,  nous,  témoigner  d'un  fait  tout  contraire. 
Nous  savons  que  la  plupart  de  nos  vénérés  prélats  se  font 


t^6  l'eîemptiotv  des  réguliebs 

un  devoir  et  un  bonheur  de  reconnaître  l'exemption  des 
religieux  que  la  Providence  divine  se  plaît  à  multiplier  sur 
notre  sol. 

En  voilà  assez,  ce  semble,  pour  établir  que  le  clergé 
actuel  de  France  n'a  aucune  raison  de  se  séparer  de  l'an- 
cie».  Abordons  la  quatrième  et  dernière  question. 

Quatrième  proposition.  —  V exemption  des  réguliers  ria- 
mène  avenu  inconvénient  sérieux  soit  pour  là  discipline  reli- 
gieuse, soit  pour  l'administration  épiscopale. 

Si  l'Église  est  sainte,  elle  ne  peut  vouloir  que  le  bien  -, 
si  elle  est  infaillible  elle  ne  peut  se  tromper  sur  le  choix 
des  moyens  a  prendre  pour  y  arriver.  JN'y  aurait-il  doncpas 
quelque  pusillanimité  à  redouter  lusage  de  réserves  et  de 
privilèges  créés  par  l'Église  elle-même.?  Comment  supposer 
que  des  moyens  choisis  par  l'Épouse  de  Jésus-Christ,  puis- 
sent devenir  pour  elle  un  écueil,  et  parfois  même  une  pierre 
de  scandale? 

Non,  assurément.  L'esprit  de  Dieu,  qui  ne  cesse  d'assister 
et  de  diriger  l'Église,  lui  inspirera  toujours  des  mesures 
dont  elle  n'aura  jamais  à  redouter  des  résultats  fâcheux. 
Aussi  Fébronius,  dans  sa  rétractation,  rendit-il  hommage 
à  la  vérité,  en  reconnaissant  que  les  privilèges  et  les 
exemptions,  telles  que  l'Église  les  a  réglementés,  ne  don- 
nent lieu  a  aucun  désordre  :  Exemptiomun  abusibus  per  con- 
cilium  Tridentinuni  occursum  et  provisum  est. 

Jetons  un  coup  d'œil  sur  la  discipline  du  Concile  de 
Trente  par  rapport  aux  exemptions,  et  nous  n'aurons  pas  de 
peine  a  nous  convaincre  que,  dans  sa  tardive  rétractation, 
Fébronius  n'a  été  que  juste.  En  effet: 

1.  Dans  l'intérêt  de  la  discipline  régulière,  il  importait 
que,  sous  prétexte  de  ne  relever  que  du  Saint-Siège,  les 
religieux  ne  fussent  pas  laissés  à  eux-mêmes  et  sans  nul 


ET  LE  CLERar:  DE  FRANCE.  A7 

contrôle  de  leur  conduite.  Le  Concile  de  Trente  y  a  pourvu. 
Car  il  a  décrété  que  toutes  les  maisons  religieuses  devaient 
se  réunir  en  congrégat'mi,  ayant  son  chapitre,  ses  visiteurs, 
en  un  mot  une  incessante  garantie  contre  le  relâchement. 
Il  est  vrai  que  ces  chapitres  et  ces  visiteurs  appartiennent 
à  la  même  famille  religieuse  qu'il  faut  diriger -,  mais  n'est-il 
pas  à  croire  que  le  fait  de  confier  le  gouvernement  suprême 
k  des  hommes  qui  n'appartiennent  pas  à  la  même  maison, 
empêche,  ou  du  moins  éloigne  beaucoup  toute  connivence 
pour  le  relâchement  de  la  discipline.? 

Les  religieux  résistent-ils  a  la  volonté  du  Concile  de 
Trente  5  relusent-ils  de  se  former  gw  congrégation,  préférant 
laisser  à  chaque  maison  son  autonomie  5  c'est  alors  que, 
dans  l'intérêt  de  la  discipline,  le  saint  Concile  fait  interve- 
nir l'évêque,  a  qui  est  confiée  la  délégation  apostolique: 
«  Quodsietiam  metropolilano  instante,  prseclictaexequi non 
«  curaverint,episcopis  in  quorum  diœcesibusloca  praedicta 
«  sita  suut,  tanquam  sedis  opostoiicœ  delegotis,  subdantvr.  » 
(Sess.  XXV,  cap.  8,  de  Eegularibus.) 

Il  est  superflu  d'ajouter  qu'une  délégation  apostolique 
beaucoup  plus  étendue  est  donnée  aux  évêques  relativement 
aux  religieuses.  {Ibid.,  cap.  9.) 

IL  A  son  tour,  la  dignité  épiscopale  a  des  droits  sacrés, 
que  l'exemption  ne  doit  pas  méconnaître,  et  que  de  fait 
elle  ne  viole  jamais. 

1°  Il  faut  que  l'évêque  apparaisse  partout,  et  devant  tous 
ses  diocésains,  ce  qu'il  est  en  réalité,  la  plus  haute  repré- 
sentation, après  le  Pape,  de  l'autorité  divine.  Donc  les  re- 
ligieux donneront  aux  fidèles  l'exemple  de  la  vénération  la 
plus  profonde  pour  l'évêque.  Aussi  le  droit  a-t-il  réglé  que 
l'évêque  sera  reçu  dans  les  églises  des  réguliers  avec  les 
mêmes  honneurs  que  dans  les  autres  églises  de  son  dio- 
cèse. 

1^  Il  est  absolument  indispensable  que  l'Évêque  puisse 


58  l'exemptiox  des  réguliers. 

se  rendre  le  témoignage  certain  |que  ses  ouailles  ne 
s'abreuvent  pas  à  des  sources  empoisonnées,  lorsqu'elles 
vont  réclamer  auprès  des  réguliers  la  dispensation  des  sa- 
crements et  de  la  parole  divine.  —  Or,  ce  témoignage, 
l'Évéque  peut  se  le  rendre,  lorsqu'il  a  profité  du  bénéfice 
que  lui  crée  le  Droit,  soit  pour  l'approbation  des  confesseurs 
et  prédicateurs  (  Conc.  Trident.,  sess.  v,  c.  2,  de  Réf. 
Sess.  xxiii,  c.  15,  de  Réf.  Clément  X,  hxiWe  Superna), — 
soit  sur  les  personnes  et  les  églises  des  religieux,  quand  une 
paroisse  ou  un  bénéfice  à  cbarge  d'âmes  se  trouve  entre  les 
mains  des  réguliers.  Le  Concile  de  Trente  statue  que  dans 
ce  cas,  le  religieux  est  en  tout  ce  qui  louche  à  l'administra- 
tion paroissiale  justiciable  de  l'Évéque.  «  In  monasteriis 
«  seu  domibus  virorum  seumulierum,quibus  imminet  ani- 
«  marum  cura personarum ssecularium, priBter eas  quae  sunt 
«  de  illorum  monasteriorum  seu  locorum  familia,  personse 
«  tam  regulares  quam  sseculares,  hujusmodi  curam  exer- 
ce centes,  subsint  immédiate  in  Us  qiiœ  ad  dktam  curam  et 
«  sacramentorvm  adminisirationem  'pertinent,  jurisdictioni, 
«  Visitation i  et  correction!  Episcopi  in  cujus  diœcesi  sunt 
«  sita  »  sess.  xxv,  c.  11  de  Begul.'^.  On  peut  voir  le  dé- 
veloppement du  décret  de  Trente  dans  la  constitution  de 
Benoit  XIV  Firmandis  (6  novembre  1744). 

Telles  sont  les  limites  que  le  Concile  de  Trente  a  cru 
devoir  donner  a  l'exemption.  Ainsi  entendue,  elle  ne  peut 
nuire  a  aucun  droit,  et  le  cardinal  Gerdil  a  dit  en  toute 
vérité  :  «  Si  quis  perlegerit,.,,  probe  intelliget  hanc  Ponti- 
«  ficum  conciliorumque  sapientia  sic  temperatam  et  con- 
«  stitutam  esse,  nt  per  eam  regulares  episcopis  prodesse 
«   stepe,  nocere  numquam  valeant.  » 

H.  MONTROUZIER. 


LA  THEOLOGIE  DES  CATACOxMBES. 


Quatrième  article. 


deuxieue  partie. 


l'hérésie  et  les  catacombes  romaines. 


I. 


11  y  avait  aux  abords  de  la  Rome  antique,  sous  ses  voies 
et  sous  les  tombeaux  de  ses  patriciens,  des  réseaux  de  cor- 
ridors obscurs  où  reposaient  nos  martyrs,  où  nos  pères 
venaient  recueillir  le  miel  delà  parole  divine  et  les  ineffables 
douceurs  de  la  grâce.  Là,  ils  se  rassemblaient  comme  un 
essaim  d'abeilles,  unis  par  l'amour,  l'ordre,  l'obéissance,  le 
désir  des  mêmes  joies,  par  les  mêmes  pensées  et  le  même 
travail.  Mais,  suivant  Tertullien,  les  guêpes  ont  leurs  rayons, 
les  Marcionites  font  aussi  des  églises  :  «  Faciunt  favos  vespse, 
faciunt  ecclesias  et  Marcionitœ,  »  Les  hérétiques  voulurent 
avoir  leurs  galeries  et  leurs  cellules  souterraines,  et  ils 
s'essayèrent  à  creuser  des  catacombes. 

Au  second  siècle  de  l'empire,  une  secte  qui  mêlait  quelques 

éléments  chrétiens  aux  doctrines  mythologiques  de  l'Orient 

et  à  la  philosophie  d'Épicure,  ouvrit  près  du  cimetière  de 

Prétextât  une  petite  catacombe  que  nous  étudierons  plus 

Revue  des  sciences  ecclés.,  t.  x. — juillet  1864,  4 


50  LA   THÉOLOGIE    DES    CATACOMBES. 

loin.  On  a  vu  (1)  que  ce  mode  de  sépulture  n'est  point  tout 
entier  d'inspiration  chrétienne  et  qu'on  en  peut  trouver 
l'origine  dans  les  coutumes  de  l'Asie  et  surtout  de  l'ancienne 
Italie;  mais  il  est  bien  à  croire  que  le  projet  d'imiter  l'Eglise 
romaine  ne  fut  pas  ici  sans  influence  sur  les  sectaires.  Ce 
dessein  leur  était  familier,  et  les  saints  Pères  remarquent 
comment  ils  avaient  leurs  mystères,  leur  surnaturel,  un 
enseignement  traditionnel  et  théologique,  une  rédemption, 
des  agapes,  des  martyrs  et  des  motifs  de  crédibilité  (2). 
Ils  affectaient,  dit  saint  Irénée  (3),  de  tenir  un  langage 
semblable  en  apparence  aux  homélies  de  l'évêque  catho- 
lique :  ils  feignaient  de  s'accorder  à  notre  symbole  et  enga- 
geaient ainsi  les  plus  simples  d'entre  les  fidèles  à  écouter 
souvent  leurs  doctrines;  ils  se  plaignaient  de  nous  qui  les 
rejetions,  bien  qu'ils  eussent  les  mêmes  sentiments  que 
nous  sur  la  foi,  car  ils  savent  se  transformer  en  anges  de 
lumière,  garder  les  formules  et  les  rites  extérieurs  de 
l'Eglise,  mais  ils  en  corrompent  le  sens,  ils  en  pervertissent 
le  mystère  et  en  ruinent  la  vertu. 

C'est  pourquoi,  l'amour  et  la  vénération  du  peuple  fidèle 
pour  ses  cimetières,  qu'il  regardait  comme  le  berceau  de  la 
foi,  le  séjour  de  la  vérité,  la  demeure  constante  de  l'Eglise 
apostolique,  inspirèrent  aux  Novatiens  l'idée  d'établir  leur 
schisme  jusque  dans  les  Catacombes  :  ainsi  voulaient-ils  con- 
sacrer leur  révolte  par  le  sang  des  martyrs,  et  se  rattacher 
à  l'arbre  vivant  delà  tradition.  Mais  la  vigilance  des  pontifes, 
la  ferveur  des  catholiques,  le  privilège  de  cette  Éghse  ro- 
maine où  l'hérésie  n'a  jamais  pu  fleurir,  déjouèrent  cette 
entreprise  secrète.  Les  Novatiens,  rejetés  des  Catacombes, 

{{)  Dans  la  première  partie  de  ce  travail. 

(9)  Voir,  par  exemple,  Iren.  1.  i,  c  8;— 1.  ii,c.  31,  n.  3etc.  Ï7,  n.  2;— 
1.  I,  c  «1  ;  Clem.  Alex.  Strom.  1.  vu,  §  16  ;  Cypr.  de  Uniiate  Eccl. 
Chrysoèt.  in  epùt.  ad  Eph,  homil.  xi  ;  —  August.  Cont.  lit.  Petil.l.  ii, 
c.  Î3,  etc. 

(3)  L.  m,  c.  15,  n.  2,  coll.  1. 1,  c.  21, 


LA  THÉOLOGIE   DES    CATACOMBES.  5l 

résolurent  d'en  arracher  au  moins  quelque  trésor,  de  s'en 
parer  et  de  répandre  ainsi  la  cojifusion  dans  le  bercail  du 
pape  Corneille.  Or,  sous  la  nouvelle  voie  Salaria,  s'étendait 
le  cimetière  de  Maxime,  où  reposaient  sainte  Félicité  et  son 
fils,  le  martyr  Silanus  ou  Silvanus.  Les  hérétiques  se  préci- 
pitent un  jour  dans  ce  sanctuaire  ;  ils  envahissent  les  ga- 
leries, dispersent  l'assemblée,  chassent  les  gardiens  et 
ravissent  le  corps  de  saint  Silanus  :  «  Mense  Julio,  Vlidus, 
«  Felicis  et  Philippi  in  Priscillœ  :  et  in  Jordanorum,  Mar- 
((  tialis,  Vitalis  et  Alexandri  :  et  in  Maximi,  Siluni;  hune 
«  Silanum  martyrem  Novntiani  furatî  sunt  (1)...  »  Un  vol 
aussi  sacrilège,  en  même  temps  qu'il  établit  l'antiquité  du 
culte  des  saints,  montre  la  justesse  de  ce  principe  que  le 
démon  est  le  singe  de  Dieu,  et  les  sectaires,  les  faussaires  de 
l'Église.  On  le  vit  clairement  dans  l'affaire  des  Donatistes. 
Saint  Optât  de  Milève  (2)  leur  reproche  amèrement  d'avoir 
voulu  s'emparer  des  basiliques  d'Afrique  afin  de  se  réserver 
exclusivement  les  cimetières  sacrés  :  «  Ad  hoc  basilicas  in- 
(r  vadere  voluistis,  ut  vobis  solis'cœmeteria  vindicaretis.  » 
Assurément,  ils  renouvelèrent  ces  tentatives  à  Rome,  où 
ils  envoyèrent  successivement  plusieurs  évêques  de  leur 
communion,  pour  lutter  contre  les  successeurs  de  Pierre. 
Mais  ils  n'eurent  pas  même  le  succès  misérable  des  Nova- 
tiens,  et  réduits  à  tenir  leurs  assemblées  loin  de  la  ville,  ils 
se  réunissaient  en  une  caverne  creusée  dans  un  monticule, 
ce  qui  les  fit  nommer  les  SJontanenses.  Ils  l'environnèrent  de 
degrés,  et  abrités  derrière  ces  retranchements  (3),  ils  gé- 


(i)  Ce  passage  est  extrait  d'un  martyrologe  composé  au  tepaps  de  ^aint 
Libère  et  publié  par  le  père  Boucher  dans  son  livre:  De  Doctrina  tem" 
porum, 

(2)  Lib.  I  contra  Parmen. 

(3;  Speiuncam  qwmdam  foris  a  civitate  grçidibus  sçpserunt  ubi  ipso 
tempore  çonventiculum  habçn  potuissent ,  inde  Montanenses  appel lati  tunt. 
(Optât.  Milev.  lac.  cit.) 


132  LA   THÉOLOGIE    DES    CATACOMBESi 

inissaient  de  ne  pouvoir  mieux  imiter  l'Église  des  cata- 
combes. 

L'auteur  anonyme  d'un  catalogue  des  hérésies  publié 
quelque  temps  après  la  mort  de  saint  Augustin,  rapporte 
qu'un  prêtre  africain  de  la  secte  de  Montan  et  de  TertuUien, 
vint  à  Rome  sous  le  règne  de  Maxime,  et  enhardi  par  la 
faveur  impériale,  usurpa  la  catacombe  des  saints  Pro- 
cesse et  Martinien,  sur  la  voie  Aurélienne.  Son  but  avoué 
était  de  s'autoriser  du  nom  des  glorieux  martyrs  :  «  Il  disait 
«  qu'ils  avaient  été  phrygiens  et  conséquemment  avaient 
«  observé  la  même  loi  que  TertuUien;  et  de  cette  sorte,  à 
«  l'occasion  des  martyrs  de  Dieu,  il  séduisait  le  peuple (1) ,» 
jusqu'au  jour  où  Théodose  dissipa  ses  adeptes  et  rendit  à 
notre  amour  les  cubicula  des  serviteurs  du  Christ. 

Il  nous  semble  que  ces  laits  étabhssent  nettement  la  pre- 
mière note  de  l'hérésie,  son  imitation  mensongère  et  frau- 
duleuse de  la  vérité.  L'Église  seule  n'imite  point  son  ennemi 
et  ne  copie  pas  son  adversaire:  elle  possède  en  elle-même  un 
principe  assez  puissant  de  vie,  de  développement,  de  pro- 
grès ;  elle  porte  en  son  sein  toute  la  vérité  ;  elle  contemple 
Dieu  dans  la  Trinité  et  l'Incarnation  :  et  de  concert  avec 
l'armée  angélique,  elle  s'étudie  à  reproduire  l'ordre,  la 
disposition,  l'harmonie,  la  beauté  de  ce  divin  idéal.  Les 
sectes,  comme  il  convient  à  une  œuvre  humaine,  manquent 
de  force  intime  et  de  vie  propre.  Elles  ne  subsistent  que 
d'emprunts,  et  partagées  entre  le  besoin  et  la  haine  de  leur 
modèle,  elles  ne  l'ont  pas  sitôt  imité  qu'elles  s'occupent  aie 
détruire.  L'histoire  des  catacombes  hérétiques  manifeste 
bien  ce  second  caractère  ;  nous  rappellerons  au  lecteur  les 
violences  qui  amenèrent  le  vol  des  reliques  de  saint  Silvanus, 


(1)  bicens  (SS.  Martyres)  Phryges  fuisse  et  ideo  hanc  legem  tenuisse 
quam  Tertullianus,  atque  hoc  ordineper  occasionem  mariyrum  Dei,  populum 
seducebat.  (Ap.  Aringhi,  1. 1),  p.  4û9.) 


LA   THÉOLOGIE    DES   CATACOMBES.  53 

l'intolérance  des  Donatistes  (1),  les  épouvantables  dévasta- 
tions que  les  Ariens  commirent  dans  les  catacombes  ro- 
maines au  temps  de  l'empereur  Anthéraius  et  de  Ricimer,  et 
nous  nous  arrêterons  plutôt  à  un  témoignage  très-intéressant, 
qui,  bien  que  tiré  du  cimetière  de  saint  Calixte,  se  lie  étroi- 
tement à  notre  sujet. 

On  a  retrouvé  dans  cette  catacombe,  en  1857,  une  table 
de  marbre  opistographe  sur  laquelle  les  fidèles  du  V*  au 
VP  siècle  rétablirent  une  inscription  de  saint  Damase  en 
l'honneur  du  pape  saint  Eusèbe.  L'original,  dont  plusieurs 
fragments  se  sont  aussi  rencontrés,  fut  sans  doute  brisé  par 
la  fureur  des  hérétiques,  qui  amoncelèrent  tant  de  ruines 
dans  la  Rome  souterraine.  Voici  ce  monument,  comme  on 
le  voit  au  musée  chrétien  de  Latran. 


D  DAMASVS  EPIGOPVS  FEGIT  F 

M  R 

S  HERAGLIVS  VETVIT  LABSOS  PEGGATA  DOLERE  y 

I  S 

S  D 

V  EVSEBIVS  MISEROS  DOGVIT  SVA  GRIMINA  FLERE  I 
I  0 
P                                                                                                                N 

^  SCINDITVR  IN  PARTES  POPVLVS  GLISGENTE  FVRORE        | 

P  1 

E  SEDITIO  CAEDES  BELLYM  DISCORDIA  LITES  s 

G  F 

V  I 
L  EX  TEMPLO  PARITER'PVLSJ  FERITATE  TYRANNI  L 
T  "  0 
0                                                                                                           G 

^  INTEGRA  GVM  REGTOR  SERVARET  FOEDERA  PAGIS  ^ 

T  V 

Q  S 

V  PERTVLIT  EXILIVM  DOMINO  SVB  IVDIGE  LAETVS  s 
E  G 
A  R 
M  LITORE  TRINACRIO  MVNDVM  VITAMQVE  RELIQVIT  1 
A  B 
T  S 

R         EVSEBIO  EPISCOPO  ET  MARTYRI  t 

(5)  Ut  terreatis  vivos,  maie  tractaiis  et  mortuos,  funeribus  neganiei  locum, 
etc.  (S.  Optât,  lib.cit.) 


bli  LA    THtOLO<ilE    DES   CATACOMBES. 

-     «  Damase,  évêque,  a  composé  ce  poème. 

«  Héraclius  (1)  défendit  aux  pécheurs  de  gémir  sur  leurs  fautes  (2); 

«  Eusèbe  apprenait  ces  malheureux  à  pleurer  leurs  crimes. 

«  La  fureur  enflamme  le  peuple  qui  se  divise  en  factions  ; 

«  Séditiou  !  meurtres  et  guerre  !  discorde  et  disputes  ! 

«  Tous  deux  (3)  ils  sont  chassés  du  Temple  par  un  tyran  cruel, 

«  Et  le  pasleur  qui  gardait  inviolablement  les  alliances  de  paix  (4) 

«  Souffrit  l'exil,  joyeux,  choisissant  Dieu  pour  juge, 

«  Aux  rives  de  Sicile  (5)  il  quitta  le  monde  et  la  vie. 

«  A  Eusèbe,  évêque  et  martyr  [6). 

<c  Admirateur  et  ami  de  Damase,  son  pape, 

«  Furius  Dionysius  Philocalus  (7)  a  écrit  ce  poème  ». 

Bien  que  les  évènemenrs  rappelés  dans  cette  inscription 
soient  demeurés,  jusqu'à  ces  dernières  années,  inconnus  de 
l'histoire,  nous  ne  chercherons  point  à  dissiper  l'obscurité 
qui  les  recouvre  encore;  mais  nous  remarquerons  le  con- 
traste frappant  qu'ils  établissent  entre  l'Église  catholique  et 
l'hérésie.  Héraclius  défendait  aux  chrétiens  tombés  {lapsi) 
de  déplorer  leurs  péchés  :  il  leur  ôtait  cette  consolation  su- 
prême qui  est  la  douleur,  ce  merveilleux  moyen  de  réparation 

(1)  On  devra  désormais  ranger  ce  personnage  parmi  les  chefs  du  no- 
vatianisme  nt  peut-être  même  au  nombre  des  antipapes. 

(2)  L'expression:  Vetuit  peccnta  dolere,  est  parfaitement  juste,  car  sui- 
vant la  remarque  des  Pères  du  me  et  du  iv^  âiècle,  pnrliculièrement  de 
S.  Ambroisp,  refuser  le  pardon  au  pécheur  repentant,  c'est  étouffer  le 
repentir  et  supprimer  les  œuvres  de  pénitence. 

(3)  Il  s'agit  sans  doute  d'Eusèbe  et  d'Héraclius  qui  auront  été  pareille- 
ment [pariter)  enveloppés  dans  l'édit  de  persécution. 

[k)  Fœdera  /jaci'i' peut  s'entendre  eu  plusieurs  sens:  ou  bien  de  la  tra- 
dition apostolique  sur  la  récoacihation  des  pénitents,  ou  de  la  douceur 
opposée  par  S.  Eusèbe  aux  fureurs  d'Héraclius,  ou  enfin  de  l'obéissance 
et  fidélité  des  chrétiens  à  l'endroit  du  tyran  impérial:  nous  réunissons 
ces  trois  significations,  et  nous  donnons  ainsi  aux  mots  Fœdera  pacis  un 
sens  très-riche  et  très-complexe. 

(5)  De  là,  son  corps  fut  tran.-porté  dans  la  Gala  combe  de  Calixte,  pro- 
bablement après  la  victoire  de  Constantin, 

(6)  La  propre  à.w  clergé  romain  donne  à  S.  Eusèbe  le  seul  titre  de  con- 
fesseur. 

(7)  Nom  propre  ou  épithète  qui  désignerait  l'amour  de  F.  Dionysius 
pour  te  beau. 


L\  THÉOLOGIE  DES  CATACOMBES.  55 

qui  est  la  pénitence.  Au  contraire,  le  Pontife  romain  appre- 
nait à  ces  infortunés  l'art  du  repentir,  et  leur  offrait  le 
second  baptême  que  Dieu  nous  a  ménagé.  D'où  vinrent  alors 
les  troubles,  les  colères,  les  homicides?  Gela  n'est  pas  dou- 
teux: Eusèbe  ne  brisa  point  le  pacte  de  la  paix  et  delà 
douceur  :  et  la  guerre,  les  discordes,  les  luttes  sacrilèges 
furent  l'œuvre  des  séditieux,  des  nouveaux  pharisiens  sévères 
et  hypocrites  qui  reniaient  la  vraie  foi  pour  secouer  le  joug 
suave  et  miséricordieux  des  successeur  de  Pierre.  Seditio, 
cœdeSf  bellum^  discordia,  lites  f 


II. 


Mais  il  importe  de  joindre  à  l'histoire  des  catacombes 
hérétiques  de  P«.ome,  une  description  rapide  et  un  examen 
théologique  de  leurs  monuments.  Descendons  dans  l'étroite 
et  courte  galerie  qui  s'étend  presque^au-dessous  de  la  cha- 
pelle du  Domine  quo  vadis.  Les  trqis  arcosolia  qu'elle  ren- 
ferme furent  découverts  au  siècle  dernier,  et  décrits  par 
Bottari,  qu'on  soupçonnerait  à  bon  droit  de  ne  point  les  avoir 
visités,  et  de  les  avoir  seulement  connus  par  les  esquisses 
infidèles  d'un  dessinateur.  Le  scandale  qu'avait  produit 
leur  publication  inspira  au  P.  Marchi  le  projet  d'en  faire 
une  nouvelle  et  plus  sérieuse  étude  :  après  cinq  années  de 
recherches,  il  parviut  à  les  retrouver  et  confia  le  soin  de  les 
expliquer  au  R.  P.  Garracci,  qui  nous  guidera  encore  dans 
cette  catacombe  (1) . 


(1)  Voyez  la  dissertation  que  le  savant  auteur  a  consacrée  à  ces  monu- 
ments, et  qu'il  a  publiée  à  Naples,  puis  à  Paris  d'une  manière  plus  com- 
plète et  sous  ce  titre  :  Les  Mystères  du  Syncrétisme  Phrygien  dans  les  Cala- 
combes  romaines  de  Prélextut.  Nouvelle  interprétation  par  Baphaèl  Garrucci 
S.  J.  Paris,  1864,  chez  Poussielgue,  in-4o.  —  On  trouve  aussi  ce  travail 
dans  le  tome  iv  des  Mélanges  d'Archéologie,  etc.,  des  RR.  PP.  G.  Cahier 
et  À.  Martin. 


56  LA   THÉOLOGIE    DES   CATACOMBES. 

Le  plus  remarquable  des  trois  tombeaux  gnostiques  (1) 
est  consacré  au  souvenir  du  prêtre  Vincentius  ;  il  est  riche- 
ment orné  de  peintures  mystérieuses  et  dogmatiques.  A 
l'extérieur  et  au  dessus  de  l'arcade,  l'inscription  suivante 
s'étale  en  caractères  assez  irréguliers  et  sur  quatre  lignes  ; 
les  deux  premières  contiennent  des  préceptes  philoso- 
phiques : 

1.  (yONCENTI  •  HOC  •  0{stium)  •  QVETES  •  QVOT  VIDES' 

PLVRES  ME  •  ANTECESSERVNT  •  OMNES  •  EXPECTO 

2.  MANDVGA  VIBE  LVDE  E  BENI  AT  ME  • 

CVM  VIDES  •  BENEFAC  •  HOC  •  TEGVM  FERES* 

«  Ce  que  tu  vois,  dit  le  sectaire,  c'est  la  porte  du  repos 
pour  le  vainqueur  ! 

«  Beaucoup  m'ont  précédé  :  j'attends  tous  (les  hommes.) 

«  Mange,  bois,  amuse-toi  et  viens  à  moi  ! 

((  En  ta  vie,  fais  bien  !  tu  emporteras  cela  avec  toi (2)  » 

(l).Je  devrais  peut-être  dire:  des  trois  tombeaux  païens.  Mais  à' ce 
prix  toutes  les  hérésies  des  premiers  siècles  porteraient  le  nom  de  sectes 
païennes.  Od  sait  que  ce  titre  leur  fut  souvent  inflipé  par  les  docteurs 
catholiques;  et  de  fait  les  gnostiques  adoraient  l'image  de  Simon  et 
d'Hélène  sous  les  formes  de  Jupiter  et  de  Minerve  (Iren.  1.  i,  c.  io,  n.  4) 
et  ils  avaient  érigé  une  statue  au  fameux  magicien  dans  l'île  du  Tibre, 
avec  l'inscriplion  :  Simoni  Sancto  Deo.  (Justin.  Apolog.  i,  c.  26  et 
August.  lib.  de  Hœresibus,  de  Simone.)  Aussi  on  retrouva  dans  le  Tibre 
en  1574  l'inscription  suivante  :  Semnoni  Sango  Deo  Fidio  Sacrcm.  La 
secte  deCarpocrate  offrait  un  encens  idolâtre  aux  figures  de  S.  Paul  et  de 
Pythagore  (August.,  lib.  cit.,  de  Carpocrale),  etc. —  L'hérésie  et  l'idolâtrie 
sont  donc  très-voisines,  et  si  la  Gatacombe  du  Domine  guo  vndis  est 
souvent  appelée  un  cimetière  païen,  on  peut  aussi  la  nommer  une  Ga- 
tacombe gnostique.  —  (Voyez  Northcote,  op.  cit.,  p.  139.) 

(2)  Tel  paraît  être  le  sens  véritable  de  cette  inscription  qui  ne  manque 
pas  de  difficultés.  Le  R.  P.  Garrucci  les  a  pour  la  plupart  résolues  dans 
son  excellente  dissertation.  Nous  n'hésitons  pas  à  lire  avec  lui  Odium 
quêtes  pour  Osfium  quietis  ;  on  en  trouvera  les  raisons  dans  les  Mydères, 
etc.,  p.  10,  note.  Le  parallélisme  des  quatre  sentences  dogmatiques 
exige  qu'on  rapporte  les  mots  quod  vides  à  la  première  d'entre  elles.  — 
Vincenti,  où  le  P.  Garrucci  reconnaît  le  nom  du  gnostique  Vincentius, 
nous  semble  plutôt  uue  allusion  à  ce  nom  et  le  complément  de  l'idée 
exprimé  par  la  première  ligne. 


LA   THÉOLOGIE   DES    CATACOMBES.  57 

Tout  d'abord,  l'on  entend  comme  un  écho  des  textes 
bibliques  qui  promettent  au  vainqueur  le  repos,  le  sommeil 
et  la  paix.  La  tombe  est  une  porte  qui  donne  accès  au  séjour 
de  l'immuable  éternité  !  Mais  l'erreur,  qui  commence  par  se 
voiler,  suivant  la  méthode  artificieuse  dont  saint  Irénée  nous 
a  dit  le  secret,  l'erreur  se  découvre  et  se  déclare  bientôt  : 
elle  parle  un  langage  d'une  roideur  et  d'une  tristesse  in- 
connues dans  les  catacombes  catholiques  :  «  Beaucoup  m'ont 
précédé  !  j'attends  tous  les  hommes...  »  Les  impies  raison- 
naient ainsi,  au  témoignage  du  livre  de  la  Sagesse  :  «  Le 
«  temps  de  notre  vie  est  court  et  plein  d'ennui;  il  n'y  a 
«  point  de  rafraîchissement  dans  la  fin  de  l'homme  et  l'on 
«  ne  connaît  personne  qui  soit  revenu  des  enfers...  Venez 
«  donc  et  jouissons  des  biens  qui  sont  autour  de  nous,  et 
«  usons  de  la  création,  bien  vite,  comme  on  fait  en  la  jeu- 
«  nesse  (1).  »  De  même,  Vincentius  :  «  Puisque  la  mort 
«  frappera  tous  les  hommes,  mange,  bois,  amuse-toi  (2)  et 
«  viens  à  moi  !  »  L'Ecçlésiaste,  et  l'Église  avec  lui,  entendent 
bien  différemment  la  destinée  et  la  signification  de  notre  vie  : 
«  Crains  Dieu,  et  observe  ses  commandements,  car  cest  là 
a  tout  r homme  (3).  » 

Je  ne  sais  si  le  pontife  hérétique  ne  s'est  pas  effrayé  de 
son  audace  à  contredire  la  doctrine  catholique  ;  il  reprend 
encore  les  apparences  de  la  vérité  et  ajoute  :  «  Durant  ta 
«  vie,  fais  bien,  tu  emporteras  cela  avec  toi  !  »  Quelques 
savants  (li)  ont  pensé  que  cette  formule  est  d'une  significa- 
tion très-morale,  que  c'est  un  conseil  absolument  chrétien, 
et  que  Vincentius  dit  à  ses  disciples  :  «  Jouissez,  mais  en 
((  même  temps  faites  le  bien  ;  vous  n'emporterez  que  vos 

(i)  Sap.  Il,  1  seqq. 

(2)  Sur  le  sens  très-pervers  du  mot  Lude  voyez  Garrucci,  op.  cit. 
p.  11. 

(3)  Eccl.  xn,  13. 

(4)  Eotre  autres  le  chevalier  de  lioasi,daLnslQ  Bulletin  de  rjnstit.  archéo- 
logique romain. 


58  LA   THÉOLOGIE    DES    CATACOMBES. 

«  bonnes  œuvres.  »  Sans  doute,  ces  mots  ont  une  physio- 
nomie innocente  qui  ne  se  trouverait  pas  dans  les  inscrip^ 
tions  païennes ,  et  cependant ,  suivant  la  réflexion  du 
R.  P.  Garrucci,  «  il  y  a  dans  le  contexte  une  raison  logique 
«  supérieure  à  beaucoup  de  citations  (1).  »  Il  est  impossible 
de  rapprocher  des  sentences  précédentes  cette  exhortation 
à  «  bien  faire,  )>  et  de  ne  point  reconnaître  le  sens  que 
l'antiquité  lui  prêtait,  et  que  Salomon  lui-même  avait  en 
vue  quand  il  s'écriait  à  l'heure  de  ses  égarements  et  de  ses 
incertitudes  :  «  J'ai  connu  que  rien  n'était  meilleur  que  se 
«  réjouir  et  bien  faire  en  sa  vie,  n  c'est-à-dire,  s'enivrer  des 
délices  et  des  biens  de  la  terre  (2).  L'Écriture  et  la  raison 
enseignent  que  ces  plaisirs  ne  suivent  pas  l'homme  au-delà 
du  tombeau:  Vincentius  leur  oppose  une  négation  d'autant 
plus  odieuse  qu'elle  se  dérobe  sous  les  expressions  de  la 
vérité  :  Hoc  tecum  feres  '  «  Tu  emporteras  cela  avec  toi  (3) .  » 
L'éloge  du  sectaire  suit  ses  maximes  doctrinales  : 

3.  NVMINIS  •  ANTISTE3  •  SABAZIS  ■  VINGENTIVS  •  HIC  EST 

QVI  SACRA•SANGTA• 
4.  DEVM  •  MENTE  PIA  •  COLVIT. 

«  Vincentius,  pontife  de  Sabazius  est  ici,  qui  d'une  âme 
«  pieuse,  honora  les  choses  saintes,  sacrées,  et  Dieu  !  » 

Sabazius  était  une  divinité  fameuse  en  Orient  :  son  culte 
et  ses  mystères,  désignés  d'ordinaire  par  les  épithètes  de 
sacra  sancta,  pénétrèrent  assez  avant  dans  les  systèmes 

(1)  Additions  au  tome  iv  des  Mélanges  d'Archéologie,  etc. 

(2)  Eccl.  III,  12.  Voyez  dans  les  Additions  au  tome  iv  des  Mélanges, 
etc.,  une  savaute  discussion  de  ce  texte  que  nous  interprétons  d'après 
les  indications  du  R.  P.  Garrucci. 

(3)  Cette  négation  se  retrouve  encore  dans  l'épitaphe  de  Sardanapale 
(Cicéron.  Tuscui.  v,  9)  et  dans  l'inscription  funèbre  d'un  certain  Patronus, 
publiée  par  le  P.  J.  B.  becchi  (Garrucci,  loc,  cit.) 


LA   THÉOLOGIE    DES   CATACOMBES.  59 

gnostiques  (1)  et  Vincentius  les  célébrait  avec  une  dévotion 
dont  le  trait  principal  est  représenté  par  les  fresques  de 
l'Arcosolium. 

Comme  l'inscription  funèbre  qu'elles  accompagnent,  ces 
peintures  ont  deux  objets.  L'une  est  historique  et  figure 
le  festin  sacré  ou  Vincentius  est  assis  avec  six  convives  :  la 
légende  qui  court  au-dessus  de  leurs  têtes  et  se  mêle  à  des 
guirlandes  de  feuillages  et  de  fleurs,  les  nomme  tous  en- 
semble les  sept  prêtres  pieux. 

VINCENTIVS     .         SEPTE.  PII.  SACERDOTES. 

De  là  vient  la  louange  donnée  au  prêtre  hérétique  :  mente 

pia  Deum cohdt.  Ce  banquet  solennel  était  assurément 

une  partie  importante  de  son  culte,  comme  les  saints  docteurs 
jusqu'à  saint  Jérôme  le  constatent  ironiquement  :  aussi 
bien  nous  lisions  tout  à  l'heure:  Manduca,bibe,  liids!... 

Et  veni  ad  me  !  Le  sort  de  l'âme  séparée  du  corps  et  son 
passage  au  monde  où  Vincentius  l'appelle,  sont  le  thème 
des  autres  tableaux,  qui  fournissent  quatre  scènes  symbo- 
liques, bien  diverses  des  peintures  qui  se  déroulent  près  de 
là,  aux  cimetières  de  Prétextât  et  de  Calixte  :  n'espérez 
point  contempler  en  cette  catacombe  gnostique  les  faits  de 
l'ancienne  et  de  la  nouvelle  alliance,  unis  et  entrelacés  dans 
un  cycle  harmonieux  ;  n'attendez  pas  ces  divines  réalités 
que  l'Église  des  martyrs  offrait  aux  regards  des  fidèles. 
Alors,  elle  évitait  soigneusement  les  sujets  abstraits,  les 
personnages  imaginaires,  les  figures  simplement  idéales  : 
car  elle  sait  combien  les  justes  qui  ont  passé  sur  la  terre, 
les  saints,  les  hommes  de  Dieu  et  leurs  exemples  nous 
touchent  davantage,  que  l'idée  métaphysique  de  la  vertu. 
Et  parce  que  l'art  païen,  s'inspirant  toujours  de  conceptions 

(1)  Voyez  plus  loin  la  description  des  peintures  guostiques. 


60  LA  THÉOLOGIE    DES    CATACOMBES. 

philosophiques  et  de  rêveries,  donnait  un  aliment  et  un 
accroissement  constants  à  l'idolâtrie,  l'Église,  qui  possède 
en  son  histoire  plus  de  lumières  que  les  Grecs  dans  leur 
littérature  entière,  se  fit  une  peinture  et  une  sculpture  essen- 
tiellement historiques. 

Des  raisons  tout  opposées  poussaient  l'art  des  gnostiques 
dans  la  voie  contraire  ;  il  devait  aimer  les  sujets  vagues, 
indéfinis,  pleins  de  nuances  et  d'incertitudes,  tels  qu'ils 
plaisent  aux  gnostiques  modernes.  Et  de  fait,  sur  Varcoso- 
lium  de  Vincentius,  se  développe  lai-gement  un  mythe  obscur 
et  singulier  dont  l'inventeur  fut  peut-être  le  pontife  de  Saba- 
zius  lui-même.  C'est  le  mythe  de  Vibia. 

L'Église  romaine  célébrant  la  gloire  de  la  Mère  de  Dieu  : 
«  Réjouissez-vous,  dit-elle,  ô  Vierge  Marie  !  car  seule  vous 
«  avez  tué  toutes  les  hérésies  dans  le  monde  entier.  »  Certes, 
un  des  points  les  plus  intéressants  de  l'histoire  du  dogme 
chrétien,  c'est  le  rapport  de  la  sainte  Vierge  Marie  avec  la 
foi,  la  croyance  et  la  science  théologiques.  Mais  par  cette 
analogie  perpétuelle  que  nous  avons  montrée  entre  l'erreur 
et  la  vérité,  la  femme  a  rempli  aussi  un  rôle  considérable 
dans  la  naissance  et  le  développement  des  hérésies,  depuis 
le  jour  où  le  mal  est  entré  en  ce  monde.  Hélène  de  Tyr  in- 
spirait Simon  et  ses  disciples  ;  Prisca  et  Maximilla  furent  les 
oracles  de  Montan  ;  Marcion  avait  sa  prophétesse  et  Philu- 
mena  dictait  les  doctrines  d'Apelle  •,Agape  fondait  le  gnosti- 
cisme  d'Espagne  (1)  ;  les  Helcéséens  (2)  adoraient  aussi 
deux  prophétesses  ;  la  secte  Tertullianiste  de  Rome  écoutait 
Olympia  (3)  ;  les  Donatistes  eurent  d'abord  pour  chef  LiicUla^ 
cette  carthaginoise  orgueilleuse  dont  l'évêque  Cécilien  avait 
combattu  la  superstition  (/i)  ;  enfin  les  Ilaix']/aïoi^  qui  durent 

(1)  Hieronym.  ep.  ad  Ctesiph. 

(2)  Praedest.  lib.  1,  de  hœresibus  ap.  Sirmond. 

(3)  Cf.  §  1.  de  cette  2«  partie  de  notre  travail. 

(4)  Optât.  Milev.  de Schism.  Donat.  1.  i,  c.  16. 


LA  THÉOLOGJE   DES   CATACOMBES.  61 

leur  nom  à  Sabazius  (1)  et  conséquemment  sont  étroitement 
liés  aux  gnostiques  de  la  catacombe  de  Prétextât,  vénéraient 
Marto  et  Muriina.  Les  Sabaziens  de  Rome  ne  manquèrent 
pas  à  cette  loi  générale,  et  Vihia  devint  pour  eux  la  per- 
sonnification de  leur  philosophie,  de  leurs  dogmes^  de  leur 
sainteté  et  de  leur  espérance  (2).  Suivons  les  peintures  qui 
rappellent  son  histoire. 

1.  Un  Dieu  couronné  de  lauriers,  debout  sur  un  quadrige 
guidé  par  Mercure,  emporte  dans  ses  bras  le  cadavre  de 
Vibia La  mort  est  venue  bien  tôt  pour  elle,  mais  cepen- 
dant au  jour  que  la  Providence  a  fixé,  et  le  messager  céleste 
la  conduit  en  hâte  au  jugement  de  l'éternelle  justice.  Ses 
yeux  sont  clos,  ses  cheveux  épars,  sa  face  hvide.  Déjà,  ils 
descendent  à  la  région  des  mers,  qui  entoure  le  royaume  des 
âmes  comme  d'une  ceinture  : 

ABREPTIO  VIBIES  ET  DISCENSIO. 

2.  Le  jugement  de  Vibia  commence  :  «  le  DISPATER  est 
«  assis  sur  un  trône  de  pierre  avec  sa  compagne  ABRACVRA. 
«  A  leur  gauche,  l'envoyé  infernal,  MERCVRIVS  NVNTIVS, 
«  armé  du  caducée  et  de  la  verge,  précède  deux  femmes, 
«  dans  lesquelles  nous  reconnaissons  Vibia  suivie  d'Alceste  : 
«  VIBIA.  ALCESTIS.  Il  les  présente  aux  deux  divinités  as- 
«  sises  et  aux  trois  destins  divins...,  qui  ont  la  tête  couverte 
((  d'un  voile,  le  front  grave  et  abaissé  vers  le  sol,  et  les  mains 
((mystérieusement  enveloppées  sous  les  vêtements  (3).  » 
FATA  DIVI.NA.  Alceste,  le  modèle  des  femmes  de  l'anti- 
quité  (4),  prend  sans  doute  la  défense  de  Vibia;  elle  est 

(1)  Sabazius  est  appelé  par  les  arabes  Sabis   ou  Samis.  Cf.    Epiph, 
Hœres.  53. 

(2)  Cf.  Garrucci.  op.  cit.,  p.  15. 

(3)  Garrucci,  p.  6.  Les  textes  que  nous  donnons  en  majuscules  sont 
les  légendes  qui  accompagnent  les  peintures. 

(4)  Cf.  Quintil.  Dec.  ix. 


62  LA   THÉOLOGIE    DES    CATACOÂIBES. 

son  avocate  et  sa  protectrice,  tandis  que  le  dieu  suprême 
et  la  déesse  Ahracura  (1)  demandent  aux  immobiles  destins 
de  prononcer  la  sentence.  Ce  patronage  accordé  aux  âmes 
des  morts  fut  inconnu  de  l'antiquité  païenne,  et  ne  saurait 
être  qu'un  emprunt  fait  par  les  gnostiques  à  la  tradition 
chrétienne,  qui  nous  promet  le  secours  de  la  Mère  du  Christ, 
lorsque  les  anges  nous  amèneront  au  tribunal  de  son 
fils. 

3.  L'intercession  d'Alceste,  les  mystères  saints  et  sacrés, 
l'observation  des  doctrines sabaziennes,  ont  fléchi  les  destins  : 
leur  sentence  a  été  favorable  à  Vibia.  Ses  yeux  se  sont 
ouverts,  son  regard  est  plein  de  vie  ;  elle  franchira  le  seuil 
du  séjour  des  heureux.  «  Elle  y  est  introduite  par  son  bon 
a  ange,  beau  jeune  homme  qui  a  sur  la  tête  une  couronne 
«  d'or,  porte  autour  du  cou  un  collier  de  fleurs,  et  tient 
«  une  autre  couronne  de  fleurs  à  la  main.  »  L'inscription 
est  : 

INDVCTIO  ANGELVS 

VIBIES.  BONVS  (2). 

Tout  s'apprête  donc  pour  le  triomphe  de  cette  âme  ! 
L'ange  lui  a  tressé  et  lui  réserve  une  couronne  de  fleurs  ; 
il  la  conduit  par  la  main  à  travers  une  porte  majestueuse, 
qui  comme  un  arc  de  triomphe  ouvre  un  passage  vers  la 
prairie  des  joies  éternelles,  u  Là,  le  banquet  est  déjà  pré- 
ce  paré,  les  convives  rassemblés  à  l'ombre  des  bosquets 
«  toujours  verts.  »  Mais  avant  d'y  suivre  Vibia,  considérons 
un  instant  son  guide  céleste. 

«  Si  je  ne  me  trompe,  écrit  le  savant  P.  Garrucci  (3),  on 
«  n'aura  guères  tort  de  regarder  cet  Angélus  bonus  comme  un 


(1)  Nom  qui  vient,  suivant  le  R.  P.  Garrucci,  de  deux  mots  arabes  qai 

signifient  belle  nymphe. 

(2)  Mystères,  etc.,  pp.  9  et  28. 

(3)  Mystères,  p.  28, 


LA   THÉOLOGIE    DES    CATACOMBES.  63 

«emprunt  fait  aux  croyances  chrétiennes.  »  En  effet,  et 
c'est  la  doctrine  de  notre  éminent  auteur,  quoique  les  Grecs 
se  soient  servis  du  terme  d'^AYr^^ot  pour  désigner  les  bons 
génies,  le  nom  ]aXm(ï  Angélus  est  d'origine  toute  chrétienne. 
La  littérature  antique  de  Rome  employait  les  mots  de  yenius^ 
nvnlius  sanciusy  qui  se  retrouvent  même  dans  les  premiers 
écrits  chrétiens,  par  exemple,  dans  l'ancienne  version  du 
pasteur  d'Hermas.  De  plus,  l'expression  "Ayysào?  à^ix^k  et 
Angélus  bonus  fut  toujours  inusitée  dans  la  mythologie  gréco- 
romaine.  Or,  comme  les  écrivains  païens  préféraient  le  nom 
de  AaifAo^'E';  pour  les  esprits  bons  et  mauvais,  les  fidèles,  par 
haine  de  l'idolâtrie,  appliquèrent  exclusivement  ce  nom  aux 
anges  pervers,  réservant  celui  d' Angélus,  Angélus  bonus,  au 
saint  et  fidèle  gardien  des  âmes.  Les  hérétiques  mithriaques 
de  la  voie  Appienne  eurent  soin  de  conserver  cette  touchante 
idée  et  son  expression  spéciale,  et  ce  fait  indique  clairement 
combien  la  doctrine  de  l'ange  gardien,  ou  du  moins  de 
l'ange  que  Dieu  a  chargé  de  nos-  âmes  au  jour  de  la 
mort  (1),  était  familière  et  chère  aux  chrétiens  du  second 
siècle. 

II.  Maintenant  Vibia  est  assise  au  festin  des  justes  : 

BONOKVM  IVDICIO  IVDICATl. 

et  «  elle  occupe  une  place  d'honneur  où  une  inscription  la  si- 
«  gnale:  VIBIA,  comme  nous  l'avons  vu  pour  Yincentius  (2).» 
Elle  a  rejeté  le  voile  qui  la  couvrait  tout  à  l'heure  ;  elle 
est  parée  d'un  collier  de  fleurs  et  d'une  stola  large  et  bril- 
lante ;  ses  cheveux  sont  ornés  de  roses,  et  un  personnage 


(1)  «  Ârchangele  Michael  constitui  te  pri'ncipem  super  omnes  animas  sus- 
«  cipiendas.  —  Michael  prœpositus  Paradisi....  —  ...cui  tradidit  Deus 
«  animas  sanctorum  ut  perducat  eos  in  paradisuin  exultatwnis...  — Dei 
«  nuntius pro  animabus  justis...  »  (Brev.  Rom.  off.  29  sept.) 

(2)  Garrucci,  op.  cit.,  p.  9. 


6k  LA    THÉOLOGIE    DES    CATACOMBES, 

placé  près  d'elle  élève  à  ses  regards  une  riche  couronne. 
A  gauche  de  la  table,  l'amphore  dressée  sur  son  trépied 
symbolise  l'abondance  des  biens  célestes.  Les  serviteurs, 
qui  occupent  le  premier  plan,  servent  les  convives,  cueillent 
les  fleurs  du  parterre  et  y  répandent  des  parfums.  — ' 
C'est  le  terme  des  mystères  et  le  but  suprême  de  la 
perfection  gnostique  :  Vibia  a  passé  de  la  mort  à  la  vie, 
et  l'homme  transfiguré  se  reposera  sans  fin  dans  le  nouvel 
Éden. 

L'abbé  J.  D. 


DE  L'ORDRE  SURNATUREL. 


Clementis  Schrader  s.  J.  de  Iriplici  ordine  naturali,  prteternaturali  et 
supernaturali  commentarius.—  Vindobonse,  M.  dccc.  lxiv. 


Voici  une  œuvre  magistrale  que  nous  avons  le  plaisir  de  présenter  à 
nos  lecteurs.  Tous  connaissent  le  P.  Schrader,  professeur  à  Vienne  et 
l'un  des  plus  éminents  théologiens  de  la  Compagnie  de  Jésus.  C'est  une 
bonne  fortune,  c'est  un  événement  considérable  que  l'apparition  d'un 
ouvrage  composé  par  un  tel  homme.  Quand  cet  ouvrage  traite  de  la 
question  la  plus  importante  et  la  plus  actuelle,  il  n'y  a  rien  de  plus  à 
désirer.  Or,  le  livre  dont  nous  entreprenons  le  compte-rendu  roule  sur 
l'ordre  naturel,  prélernaturel  et  surnaturel,  c'est-à-dire  sur  la  moelle 
du  christianisme,  sur  le  centre  de  la  théologie;  il  met  en  lumière  le 
point  qui  est  aujourd'hui  le  plus  attaqué.  Le  surnaturel  est  le  dogme 
des  dogmes/ toutes  les  autres  vérités  se  rencontrent  en  lui,  et  en  un  sens 
très-vrai,  il  les  résume  et  les  vivifie  toutes.  Voilà  pourquoi,  de  nos 
jours,  la  guerre  étant  venue  à  «es  extrêmes  limites,  tous  les  efforts  de 
l'ennemi  sont  dirigés  contre  ce  centre  doctrinal  :  s'il  n'y  a  plus  de  sur- 
naturel, toute  la  religion  croule  à  la  fois.  11  est  beau  de  voir  le  théologien 
qui  dans  le  Saint-Siège  défendait  récemment  la  sainte  Eglise  tout 
entière,  venir  aujourd'hui  dans  un  dogme  défendre  tous  les  autres  dogmes 
et  justifier  une  fois  de  plus  la  théologie  calhohque.  Il  importe  donc 
beaucoup,  à  tous  les  points  de  vue,  de  faire  connaître  le  traité  du 
P.  Schrader.  Pour  obtenir  ce  résultat,  après  une  lecture  complète  et 
assidue,  ce  qu'il  y  a  de  mieux  à  faire,  c'est  de  suivre  le  développement 
de  la  doctrine  qui  s'y  trouve  avec  autant  d'abondance  que  d'éclat. 

L 

Les  œuvres  de  Dieu  ne  sont  pas  hachées,  morcelées;  elles  sontliéeà 
les  unes  aux  autres,  un  ordre  facilement  visible  les  réunit  dans  la  plus 
Revue  des  Sciences  egclés.,  t.  x,—  juillst  1864,  5 


66  DE  l'ordre  surnaturel. 

harmonieuse  unité.  Du  minéral  au  végétal,  du  végétal  à  l'animal,  de 
l'animal  à  l'homme,  de  l'homme  à  l'ange,  on  monte  par  une  suite  douce 
et  naturelle,  La  cause  infiniment  intelligente  qui  a  tout  créé  et  qui  gou- 
verne tout  dans  le  nombre^,  le  poids  et  la  mesure,  se  proposant  néces- 
sairement une  fin,  tout  est  ordonné,  il  y  a  de  Tordre  partout,  il  y  a 
plusieurs  ordres  ;  Apla  plurium  ad/ïnem  disposHiojie  continetur  (p.  8). 
L'ordre  logique  est  dans  les  idées,  l'ordre  ontologique  dans  les  réaHtés. 

En  ce  qui  concerne  les  idées,  on  comprend  qu'il  peut  en  exister  de 
trois  sortes  :  celles  que  la  raison  seule  peut  découvrir;  celles  qu'elle  ne 
peut  découvrir,  mais  qu'elle  comprend  si  une  sagesse  supérieure  les  lui 
découvre;  celles  enfin  qu'elle  ne  peut  découvrir  et  qu'elle  ne  comprend 
pas  clairement  quoiqu'une  sagesse  supérieure  lui  en  affirme  l'existence 
et  lui  en  donne  l'énoncé.  De  là  il  résulte  que  l'ordre  logique  peut  se 
décomposer  en  ordre  rationnel,  extra-rationnel  et  supra-ralionnel. 

Ce  triple  degré  peut  se  retrouver  aussi  dans  l'ordre  ontologique  ou  des 
réalités.  Le  premier  comprendrait  les  biens  qui  constituent  l'essence  de 
chaque  chose  et  découlent  de  son  essence  actualisée  ou  de  sa  constitution 
et  de  sa  vie.  Dans  cet  état,  l'être  existant  n'a  strictement  que  ce  qu'il  lui 
faut  absolument  pour  être  ce  que  son  essence  réclame  et  exige.  Un  se- 
cond état  ne  répugne  pas.  C'est  celui  où  cette  nature,  où  cette  essence 
actualisée  a,  sans  sortir  de  son  ordre,  de  sa  place  et  de  sa  condition 
natives,  des  biens  qui  ne  lui  sont  pas  rigoureusement  essentiels. 
«  ...  Bona...  qiix  naiuram  quidem  ultra  debitum,  non  iamen  ultra 
nativœ  excellentix  genus  perficiant.  »  En  un  certain  sens,  ces  deux 
états  différeraient  comme  l'extrême  maigreur  diffère  du  meilleur  em- 
bonpoint. L'immortalité,  la  science  de  toute  la  nature,  l'exemption  de 
la  souffrance  n'entre  pas  dans  l'essence  de  l'homme,  mais  elles  don- 
neraient à  sa  nature  toute  la  plénitude  de  perfection  dont  elle  est  sus- 
ceptible sans  sortir  de  sa  condition.  Après  cet  état,  il  peut  en  exister 
un  autre  :  celui  où  la  nature  recevrait  des  dons  qui  ne  lui  seraient  pas 
dus  et  qui  rélèveraient  au-dessus  de  sa  condition. 

Pour  mieux  comprendre  encore  ce  qui  vient  d'être  dit,  il  faut  se 
rappeler  que  l'essence  est  ce  par  quoi  l'être  est  ce  qu'il  est  et  pas  autre 
chose  ;  de  l'essence  découle  l'exigence  de  l'être,  c'est-à-dire,  ce  qu'il 


DE  l'ordre  surnaturel.  67 

réclame,  ce  qu'il  doit  avoir  pour  être  tel  être  et  pas  un  autre.  11  n'y  a 
qu'un  être  à  qui  l'existence  soit  essentielle,  c'est  l'être  nécessaire.  Les 
autres  êtres  peuvent  être  ou  n'être  pas.  S'ils  sont,  ils  seront  selon  leur 
essence.  Ah  essenlia  naturx  flutmt  :  la  nature  c'est  l'essence  actua- 
lisée, existant  hic  et  nunc.  Quand  Têlre  contingent  est  produit,  il  reçoit 
de  la  puissance,  de  la  sagesse  et  de  la  bonté  de  Dieu  ce  qu'il  doit  avoir 
pour  être  cet  être,  et  en  recevant  cette  aumône  ou  ce  don  gratuit  il  est 
passif;  aussi  tout  cela  s'appelle  force  passive.  Mais  tout  être  aussi, 
par  le  fait  qu'il  existe,  a  une  certaine  puissance  de  causes  qui  est  appelée 
force  active  :  operari  sequitur  esse. 

Tout  être  a  donc  une  essence,  une  exigence^  une  force  passive  et  une 
force  active.  Et  comme  Dieu  est  seul  infini,  ces  essences,  ces  exigences 
et  ces  forces  sont  essentiellement  limitées  dans  toutes  les  créatures.  11  y 
a  des  choses,  des  forces,  des  biens  que  chaque  créature  n'a  pas  et  ne 
réclame  pas.  Le  grain  de  sable  n'a  pas  la  vie  de  la  fleur,  la  fleur  n'existe 
pas  de  la  même  manière  que  l'animal,  l'animal  n'a  pas  droit  à  la  pensée. 
C'est  là  le  surnaturel  relatif.  Aucun  être  n'a  droit  à  vivre  de  la  vie  de 
Dieu  :  c'est  là  le  surnaturel  absolu. 

Enfin,  chaque  être  a  en  lui  ce  que  la  théologie  appelle  la  puissance 
obédienlielle.  Le  P.  Sclirader  cite  à  ce  sujet  ces  paroles  de  Suarez  : 
Dicendum  est  eus  creatum  ut  sic  hahere  hanc  subordinationem  ad  Deum, 
ut  natum  sit  obedire  illi  in  ageîido  et  recipiendo  quiquid  non  répugna^ 
verit.  Atque  hinc  nata  est  doctrina  theologorumdepotentia  obedientiali 
creaturarum  respectu  Dei,  quant  prius  indicavit  Augiistinus  (de  Gen, 
ad  Utt.  1.  IX,  c.  17j;  et  inde  D.  Thomas  (Ip.q.  115,  a.  2,  ad  4. —  In 
I  sent.  dist.  42,  q.  2,  a.  2,  ad  4)  quem  caeteritheologi,  prxsertim  ejus 
discipuli,  secuti  sunt;  ratio  hujus  subordinationis  a  priori  sumend a 
est  ex  pleno  dominio  quod  Deus  habet  in  suam  creaturam,  ut  ea  uti 
possit  in  omnetn  usum  qui  non  involverit  repugnantiam  aut  contradu 
etionem...  Unde  sicut  non  potest  Deus  ens  creatum  efjicere,  cujus plé- 
num et  perfectum  dojninium  non  habeat,  ita  non  potest  ens  creatum 
fieri,  quod  non  habeat  prsedictam  conditionem  et  subordinationem  seu 
'  subjeclionem  ad  Deum  (p.  29-30).  Cette  qualité,  comme  puissance, 
est  naturelle;   comme  acte,   elle  est  surnaturelle.  C'est  ici  que  le 


68  DE  l'ordre  surnaturel. 

p.  Schrader  démontre  que  Tordre  surnaturel  ne  peut  répugner.  Dieu, 
en  effet,  par  la  création  n'ayant  pas  épuisé  sa  puissance  sur  les  êtres 
quand  il  leur  a  donné  le  strict  nécessaire,  peut  leur  donner  encore  les 
biens  que  saint  Augustin  appelle  média  et  maxima,  et  établir  d'autres 
relations  que  celles  qui  découlent  de  leur  essence  et  de  leur  existence. 
L'homme,  image  de  Dieu,  peut  être  embelli  encore  et  devenir  plus  res- 
semblant. Il  voit,  mais  son  œil  peut  être  fortifié  pour  qu'il  contemple 
face  à  face  le  Soleil  de  justice  :  le  mieux  ne  lui  répugne  pas.  Dans  le 
surnaturel,  le  naturel  n'est  pas  détruit,  pas  affaibli,  mais  amélioré, 
mais  perfectionné.  Où  donc  serait  la  répugnance?  (P.  32.)  Pugna  foret 
si  creationis  ordo  vel  destrueretur  :  atquiisnon  destruitur,sed  stahili- 
tur,  evehitur,  extollitur  :  vel  infra  se  deprimeretur  ;  atqui  non  depri- 
milury  sed  supra  se  exaltaltir;  vel  in  se  im7nutaretur  ;  atqui  non  im- 
mulatur  in  sua  ordine,  sed  ultra  ordinem  suum  perficitur.  Pugna 
foret  si  creatormn  increatorumque  induceretur  confusio;  atqui  nulla 
inducitur  confusio,  sed  firmato  discrimine  statuitur  confusio.  Pugna 
foret  si  coUigereiur  oppositio  vel  inordinatio  :  atqui  inordinatio  colli- 
gitur  nulla  ac  nulla  oppositio,  sed  proratione  habitumndttmtaxat  rela- 
tionumque  justa  infertur  unius  ad  alterum  ordinatio  ac  débita  digna- 
tatihus  rerum  suboj'dinatio . . .  (p.  32-33). 

Bien  des  erreurs  peuvent  s'élever  contre  ces  idées  pourtant  si  claires. 
Le  panthéisme,  qui  n'admet  qu'une  substance,  le  semi-panthéisme,  qui 
prétend  que  Dieu  est  forcé  de  verser  au  dehors  ses  biens  et  de  donner 
de  suite  à  chaque  créature  tout  ce  qu'elle  peut  recevoir;  l'hyper-supra- 
naturalisme,  qui  confond  ontologiquement  le  naturel  et  le  surnaturel 
comme  constituant  la  nature;  le  naturalisme,  qui  assure  que  la  nature 
est  tellement  parfaite  qu'elle  ne  peut  rien  recevoir  de  plus...  Tous  ces 
systèmes  détruisent  évidemment  la  doctrine  qui  vient  d'être  exposée. 
Historiquement,  ces  divers  systèmes  se  sont  produits.  Aujourd'hui  le 
vent  souffle  au  naturalisme.  Voici  comment  l'expose  le  R.  P.  Schrader  : 
Statuunt  igitur,  creatam  naturam  sihi  ipsi  esse  propemodum  relictam, 
congenitis  solis  sihi  bonis gaudereac  consistere,  iisque  solis  sibi  suffîcere, 
propriis  dumtaxat  illam  stare  et  ingredipedibus,  insitis  tantum  explicari 
absolvique  legibus,  mihil  eidem  superaddi  vel  dehere  vel  posse,  nullum 


DE    l'ordre    surnaturel.  69 

in  ordine  logico  lumen  tnentis,  nullum  in  ordine  ethïco  vohmtatis  rdbur, 
nulîam  in  ordine  ontologico  physicam  qiiaînlibet  virtutem,  nnllam  in 
ordine  beatifîco  felicilatis  accessionem  :  naturse  limitibus  et  ordine, 
qusecumque  ad  creaturam  quocumqiie  modo  faciunt,  conclusa  esse 
omnia  (p.  17-18).  C'est  là  l'erreur  dominante  aujourd'hui.  Quelques 
écrivains  qui  ont  traité  cette  matière  ont  avancé  que  le  surnaturel  est 
impossible  et  en  ont  donné  d'inacceptables  définitions.  Le  surnature' 
n'est  qu'une  pénétration  aussi  complète  que  possible  de  Dieu  et  de 
l'homme  sans  confusion.  Il  est  impossible  de  prouver  que  ce  mot  im- 
plique répugnance.  La  nature  comprend  tous  les  êtres  en  un  seul^  mais 
elle  ne  les  comprend  pas  sous  tous  les  aspects  qu'ils  pourraient  avoir, 
elle  n'embrasse  pas  tous  les  liens  qui  peuvent  les  unir.  Or,  le  surnaturel 
n'est  qu'un  autre  système  d'aspects,  de  relations  des  êtres  entre  eux, 
librement  établi  de  Dieu  et  ne  découlant  pas  de  l'essence  des  choses. 
Il  diffère  donc  totalement  de  ce  qu'on  a  appelé  mysticisme,  c'est-à-dire 
de  la  substitution  du  sentiment  à  la  raison,  ou  de  la  transmutation  de 
Dieu  en  pure  abstraction.  Il  est  le  perfectionnement  de  la  nature  élevée 
au-dessus  de  sa  condition  native  par  un  acte  libre  de  Dieu.  Ce  sont 
les  relations  de  fils  et  d'ami  ajoutées  à  celles  de  créature  et  d'esclave. 

Le  naturalisme  est  donc,  en  un  sens,  l'ennemi  de  la  nature  :  il  nie 
la  possibilité  de  la  perfection  qui  la  développerait  au-dessus  de  sa  con- 
dition. Il  constitue  aujourd'hui  la  grande  plaie  des  esprits. 


IL 


Il  faut  savoir  maintenant  si  cette  distinction  entre  Pordre  naturel  et 
Tordre  surnaturel  est  parfaitement  logique  :  accurata  logice,  et  certai- 
nement réelle  en  fait,  redis  ontologice. 

Ce  qui  vient  d'être  dit  montre  clairement  que  Dieu  étant  infiniment 
bon,  c'est-à-dire,  infiniment  porté  à  répandre  gratuitement  ses  biens, 
tous  ces  dons  se  rapportent  à  deux  classes  :  ils  peuvent  être  naturels  ou 
surnalurels,  selon  qu'ils  sont  réclamés  ou  non  par  l'essence  des  êtres, 
Sane  ut  alia  idem  forma  ac  paulo  enucleatiiis  idipsum  dicamus  :  ac- 
curata erit  dicenda  parlitio  logice,  si  quse  concipiuntur  vel  communicata 


70  DE  l'ordre  surnaturel. 

vel  communicahilia  divinitus  bona,  talia  omnia  sint,  quse  ad  duplex 
universim  genus  revocari  tantum  possint,  quorum  alterum  naturaliat 
alterum  snpernaturalia  dona  compledatur  (p.  39).  Ce  qui  entre  dans 
l'essence  d'un  être,  ce  qui  la  réalise  au  dehors,  c'est-à-dire  la  somme 
et  la  forme  d'être  qu'elle  a  reçue  en  naissant  ;  le  principe  d'activité  et 
d'opération  qui  est  en  lui,  les  actes  par  lesquels  elle  obtient  sa  fin 
propre,  voilà  le  naturel.  La  part  des  biens  divins  qui  est  réclamée  par 
ce  naturel,  constitue  l'ordre  naturel.  Les  autres  biens  qui  sont  en 
dehors  de  ceux-là  sont  appelés  surnaturels  :  c'est  ainsi  que  l'entendent 
tous  les  Pères  (p.  65-95),  tous  les  scolastiques  avec  saint  Thomas 
leur  chef.  In  eo  communiter  omnes  cum  S.  Thoma  conveniunt,  ut 
supernaturale  id  habeant  ac  dicant,  quodnaturalemfaciiltatem  exceditj 
quod  transcendit  facultatem  naturalium  potentiarum...,  quoi  superex- 
cedit  proportionem  naturx...,  quod  est  supra  naturam  cujuslibet  créa- 
turx,  quod  est  solius  Dei  proprium...,  quod  attendihir  secundum  vir- 
tutem  Spiritus  Sancli,  quod  est  creatae  nattirx  superadditum,  quod 
exterius  sive  ab  exteriorï  accedit,  apponitur  ac  superapponihir,  quod 
creatss  naturse  nullo  titulo  debetiir,  sed  est  plane  gratuitum  ideoque 
proprium  gratiae  nomen  sortitur...  Gratia  est  virtutis  altioris,  gratix 
dignitas  est  per  quam  homo  consors  fadus  divinx  nalurx  adoptatur 
in  filiiim  Dei  ;  gratia  est  per  quam  inhahitat  hominem  Spiritus  Sanetus, 
gratia  tandem  nihil  aliud  est,  quam  quxdamparticipatio  divinx  naturx, 
qux  excedit  omnem  aliam  naturam  (pp.  95-97). 

D'où  ilrésulte  que,  s'il  y  a  deux  sortes  debiens  queDieu  communique, 
il  peut  y  avoir  deux  sortes  de  relations  avec  lui,  deux  amours  de  lui, 
deux  présences  de  lui  dans  les  créatures,  une  double  participation,  soit 
active,  soit  passive;  une  double  lumière  et  une  double  Providence. 

La  distinction  entre  l'ordre  naturel  et  l'ordre  surnaturel  est  donc 
logique.  Est-elle  réelle? 

III. 

Il  y  a  entre  l'ordre  naturel  et  l'ordre  surnaturel  une  différence  pro- 
fonde. Si  l'ordre  surnaturel  existe,  il  sera  surajouté  à  l'ordre  naturel. 
Avant  d'entrer  dans  la  constatation  du  fait  de  son  existence,  il  faut 
chercher  ou  savoir  à  quel  point  de  l'ordre  naturel  il  pourra  être  placé. 


DE    l'ordre   surnaturel.  7t 

Il  ne  peut  se  trouver  dans  les  créatures  inanimées  qitss  a  Deo  moventur, 
sed  Deo  non  fruuntur.  Privées  de  connaissance  et  d'amour,  elles  ne 
peuvent  jouir  de  Dieu,  qui  est  la  vérité  et  le  bien.  L'âme  humaine  seule 
est  capable  de  connaissance  et  d'amour  :  il  en  est  de  môme  de  l'ange. 
Concludimus  supernaluralium  suhjectum  donoriim  non  esse  alitid  passe 
a  natura  rationali  (p .  114). 

Mais  cette  aptitude  qu'a  la  nature  raisonnable  pour  le  surnaturel , 
qu'est-elle?  Ce  n'est  pas  une  habitude  d'être,  de  droit  et  d'opération. 
Le  naturel  ne  peut  atteindre  de  cette  sorte  le  surnaturel.  C'est  un  rap- 
port de  proportion,  non  de  la  proportion  qui  multiplie  ou  divise  dans 
la  même  espèce,  mais  de  la  proportion  qui  soumet  l'effet  à  la  cause, 
l'acte  à  la  puissance.  L'âme  peut  recevoir  une  lumière  de  vision  qui 
élève  son  intelligence  à  voir  Dieu  nonpropter  ejiis  indistantiam  a  divina 
substantia,  comme  dit  saint  Thomas,  sed  propter  virtiitem  quam  a  Deo 
tortitut  ad  talem  effeciiim...  non  enim  hoc  lumen  creatum  intellectum 
Deo  conjungit  seciindum  esse,  sed  secundiim  inteUigere  solum.  (Contra 
Génies,  l.  m,  c.  54.)  Telle  est  la  dignité  de  la  nature  humaine  qu'elle 
est  toujours  en  état  de  recevoir  des  dons  surajoutés:  Quia  qiiidquid  Dem 
de  creatura  faciat,  adhuc  remanet  in  potentia  accipiendi  a  Deo,  dit 
saint  Thomas.  {DeVeril.,  q.  2"3,  a.  5,  ad  3.)  Et  ces  dons  surajoutés 
pouvant  être  reçus  conviennent  à  cette  nature,  la  perfectionnent,  la 
décorent  et  la  divinisent.  Mais  la  nature  est  toujours  la  base  et  le  fon- 
dement :  Subslernitur,  comme  parle  encore  saint  Thomas.  Tantum 
abest^  ajoute  le  P.  Schrader,  ut  supernaturale  pessumdet  naturam,  ut 
haec  iltiiis  sit  necesso.ria  condilio,  ut  in  eodem  subjecto  hœc  cum  illo 
componatur  ac  coexistât,  neque  confusio  gignatur  substantiarum,  neque 
polentiarum  eversio,  neque  operationum  ulla  dêstruclio,  sed  accessio, 
elevatio,  perfectio,  et  inde  nobilissima  rerum  harm  onia  ordinumque 
concentus  prxstanlissimus  (p.  124).  La  nature  ne  peut  donc  que  re- 
cevoir le  surnaturel;  le  connaître,  le  penser,  le  vouloir,  le  mériter,  elle 
ne  le  peut.  Et  quand  elle  le  reçoit,  elle  ne  cesse  pas  d'être  nature, 
mais  elle  devient  nature  élevée,  perfectionnée  et  divinisée.  Comme  le 
fer  sans  cesser  d'être  fer,  peut  être  pénétré  par  la  substance  du  feu  et 
en  produire  les  effets. 


72  DE  l'ordre  surnaturel. 

Tel  est  le  lieu  où  seront  reçus  les  dons  de  Dieu  surajoutés  à  la  nature  ; 
telle  la  disposition  de  la  nature  à  les  recevoir,  tels  sont  les  effets  de 
perfection  qu'il  produiront  en  elle  si  elle  les  reçoit.  Et  maintenant,  les 
a-t-elle  reçus?  Dieu  les  a-t-il  répandus?  Dieu  est  infiniment  riche, 
infiniment  bon.  Il  ne  cherche  qu'à  donner,  qu'à  se  répandre.  La  source 
répand  naturellement  ses  eaux.  En  Dieu  est  la  fontaine  de  la  vie  :  il  la 
répand  par  degrés  harmonieux  de  l'ange  aux  ailes  de  feu  au  grain  de 
sable  foulé  sous  les  pieds  des  passants.  Non  content  de  donner  la  vie, 
semblable  au  soleil,  notre  Dieu,  feu  consumant,  répand  sa  propre  vie,  la 
vie  divine  :  Ignis  ignificat,  Detis  deificat.  Il  convenait  que  Dieu,  bonté 
infinie,  se  communiquât  aux  créatures  d'une  manière  souveraine,  dit 
excellemment  l'Ange  de  l'école  :  Decuit  Deiim,  cum  sH  bonitas  infînita, 
summo  modo  se  ereaturis  cotnmwiicare  (III,  q.  1,  a.  1). 

Les  bienfaits  de  Dieu  sont  des  faits.  L'histoire  seule  peut  les  con- 
stater. Or,  l'histoire  n'est  que  la  grande  constatation  de  l'existence  du 
surnaturel.  Tous  les  peuples  ont  cru  à  ces  communications,  à  ces  rela- 
tions divines.  De  reali  supernoriim  donoriim  existentia  gentes  totius 
orhis  in  Etiropa,  Asia,  Africa  atque  Aînerica  universim  conspirant 
(p.  131).  L'histoire  du  peuple  Juif  n'est  que  l'histoire  du  surnaturel 
(p,  134)  continuée  par  l'histoire  plus  miraculeuse  encore  en  toutes 
manières  du  peuple  chrétien  :  car  si  tout  se  passait  chez  les  Israélites 
en  figures  surnaturelles,  tout  arrive  chez  les  catholiques  en  réafités 
divines  (p.  137).  Jésus-Christ  Homme-Dieu,  la  Vierge  mère  de  Dieu, 
les  saints  anges  et  leurs  célestes  hiérarchies,  les  sacrements,  l'Eglise, 
l'action  du  Saint-Esprit,  etc.,  etc.,  telles  sont  ces  admirables  réalités. 
Surajouté  à  l'ordre  naturel,  cet  ordre  surnaturel  trouve  d'admirables 
images,  de  véritables  symboles  dans  les  réalités  d'en-bas.  Ce  qui  se 
passe  dans  la  nature,  se  retrouve  en  un  sens  plus  élevé  dans  l'ordre  de 
la  grâce,  et  brillera  encore  plus  éclatant  dans  l'ordre  éternel  de  la  gloire. 
Ainsi  l'esprit  peut  aller  d'ascension  en  ascension,  de  faits  en  faits,  jus- 
qu'à ce  que  Dieu  soit  vu  dans  Sion.  Il  y  a  une  naissance  selon  la  nature; 
une  renaissance  selon  la  grâce,  une  naissance  dans  la  gloire  pour  l'âme 
et  pour  le  corps  ressuscité.  Il  y  a  une  vie  selon  la  nature,  une  vie  selon 
la  grâce,  une  vie  dans  la  gloire.  Il  y  a  un  principe  de  vie  naturelle,  un 


''  DE  l'ordre  surnaturel.  73 

fleuve  de  vie  surnaturelle,  un  torrent  de  volupté  dans  la  richesse  de  la 
maison  de  Dieu.  Bien  à  plaindre  qui  ne  connaît  pas  l'existence  de  ces 
adorables  réalités  et  qui  est  emprisonné  dans  les  illusions  et  les  étroitesses 
de  la  nature!  Heureux  celui  à  qui  la  foi  a  découvert  les  horizons  plus 
arges,  plus  beaux  et  plus  radieux  de  la  grâce,  en  attendant  la  naani- 
festation  infinie  de  la  très-sainte  éternité.  Qu'ils  sont  ennemis  d'eux- 
mêmes  et  de  leurs  frères,  ceux  qui  passent  leur  vie  à  attaquer,  au  mépris 
de  l'histoire  et  de  nos  meilleurs  instincts,  des  certitudes  qui  sont  le 
bonheur  de  toute  vie. 

Plus  l'ordre  surnaturel  élève  l'homme  au-dessus  de  lui-même,  plus 
il  contrarie  ceux  qui  se  plaisent  dans  la  nature  déchue.  Ces  clartés 
divines  incommodent  l'homme  animal,  et  il  lutte  contre  elles.  Que 
d'erreurs,  que  d'attaques  contre  cette  divine  théologie  î  Le  P.Schrader 
les  indique  toutes  (pp.  180-200).  Les  unes  attaquent  l'existence  on- 
tologique des  deux  ordres  ;  les  autres,  leurs  forces  respectives  ;  les 
autres,  leurs  conséquences  morales  et  juridiques  ;  les  autres,  leurs  rela- 
tions. Baïus,  Pelage,  celui  qui  fit  de  la  créature  une  chimère,  celui  qui 
supprime  Dieu,  les  spirites,  les  libertins.;  toutes  ces  formes  diverses 
d'une  négation,  une  au  fond,  multiple  dans  la  force,  viennent  corroborer 
à  leur  façon  la  grande  doctrine  catholique  de  la  théologie  de  nos  écoles. 
Cette  partie  du  livre  du  savant  religieux  est  pleine  d'intérêt  :  elle' 
forme  une  histoire  abrégée  des  erreurs  groupées  en  familles  autour  de 
leurs  principes. 

IV. 

Après  avoir  démontré  la  distinction  logique  et  réelle  des  deux  ordres, 
l'éminent  auteur  ajoute  une  dissertation  sur  le  préternaturel.  L'ordre 
préternaturel  comprend  tous  les  biens  qui  ne  sont  pas  dus  à  la  nature 
et  qui, s'ils  lui  sont  gratuitement  accordés,  la  perfectionnent  sans  la  tirer 
de  son  ordre  :  Intra  latissimum  perfectibilitatis  suum  ambitum  (p.  205). 
Par  où  l'on  voit  que  cet  ordre  diff"ère  totalement  de  l'ordre  naturel,  qui 
se  compose  des  biens  réclamés  par  l'essence  des  êtres,  de  l'ordre  sur- 
naturel, constitué  par  les  biens  reçus,  qui  perfectionnent  la  nature  et 
rélèvent  au-dessus  de  sa  condition. 

Rien  n'est  plus  important  que  cette  distinction,  pour  expliquer  la 


7A  DE  l'ordre  surnaturel. 

chute  de  l'homme  et  le  péché  d'origine.  C'est  pour  ne  l'avoir  pas  admise 
que  les  héréliques  ont  prétendu  que  ,par  la  faute  d'Adam,  l'homme  était 
atteint  dans  Tessence  môme  de  son  être.  Or,  la  vérité  est  que  le  premier 
des  humains  avait  reçu  les  dons  surnaturels  et  prélernaturels,  qui, 
avec  ce  caractère  commun  qu'ils  nelui  étaient  pas  dus,  le  perfectionnaient, 
l'un  dans  sa  propre  condition,  l'autre  au-dessus  de  sa  condition  même. 
Ces  dons  étaient  gratuits  :  le  péché  les  lui  fit  perdre  et  le  laissa  dans 
l'état  de  stricte  nature. 

Cette  distinction  si  importante  est  aussi  ancienne  que  la  théologie 
catholique.  Le  mot  préternaturel  est  très-juste  et  doit  être  conservé. 
Pour  être  immortel,  pour  avoir  toute  science  des  choses  naturelles, 
pour  être  à  l'abri  des  tentations,  des  erreurs  et  des  souffrances, 
l'homme  n'en  serait  pas  moins  homme.  Il  serait  aussi  parfait  que  possible 
dans  sa  condition.  Mais,  évidemment,  ces  dons  n'entrent  pourtant  pas 
dans  son  essence.  On  peut  être  homme  sans  avoir  ces  heureux  privi- 
lèges. Ils  sont  donc  surajoutés  à  la  nature  qu'ils  portent  au  plus  haut 
point  de  sa  perfection. 

Il  existe  trois  catégories  de  biens,  qui  sont  ou  peuvent  être  commu- 
niqués à  l'homme.  Il  doit  donc  exister  trois  ordres  et  trois  mots  pour 
les  désigner. 

Telle  est  la  marche  du  P.  Schrader.  Elle  est  juste,  elle  est  satis- 
faisante. L'auteur  expose  la  question,  la  délivre  des  diificultés  qui  la 
gênent.  Il  montre  que  la  distinction  de  Tordre  naturel  et  surnaturel  est 
logique  et  historique.  Il  combat  les  erreurs  qui  l'attaquent.  Enfin  il 
montre  que,  dans  cette  distinction,  il  faut  introduire  une  place  pour  les 
biens  préternaturels. 

Ce  livre  n'est  pas  un  traité  complet  de  la  grâce  :  c'est  une  belle 
étude  sur  les  bases  mêmes  et  le  fondement  de  toute  cette  doctrine.  Le 
surnaturel,  comme  idée  et  comme  fait,  y  est  solidement  étabU.  Nous 
pourrions  désirer  peut-être  en  France  quelques  développements  dirigés 
plus  particulièrement  contre  les  faux  raisonnements,  les  faux  principes, 
les  fausses  critiques  des  ennemis  du  surnaturel.  Mais,  en  un  sens  ou  en 
un  autre,  tout  se  trouve  dans  le  savant  traité  du  R.  P.  Schrader. 

H.  Girard. 


QUESTION  CANONIQUE. 


Du  refus  de  sépulture  prononcé  contre  les  suicidéa. 


Parmi  les  embarras  du  saint  ministère,  il  en  est  un  qui  fatigue  sin- 
gulièrement le  prêtre  :  c'est  la  dure  nécessité  où  il  se  trouve  quelque- 
fois de  refuser  les  honneurs  de  la  sépulture  chrétienne  à  une  certaine 
classe  de  pécheurs.  Malheureusement,  cette  pénible  obligation  se  re- 
présente chaque  jour  plus  fréquente  à  cause  des  suicides,  qui  se  multi- 
plient dans  une  effrayante  proportion.  Quelques  mots  d'explication  ne 
seront  pas  inopportuns. 

1.  La  loi  ecclésiastique  est  claire  et  précise.  Le  Rituel  romain,  au 
titre  de  Exeqiiiis,  et  sous  la  rubrique  :  Quibiis  non  licet  dare  ecclesia- 
sticam  sepuUtiram ,  dit  expressément  :  €  Seipsos  occidentibus  ob 
a  desperationem  vel  iracundiam,  non  tamen  si  ex  insania  id  accidat, 
«  nisi  ante  morlera  dederint  signa  pœnitentiae.  » 

Se  peut-il  rien  de  plus  formel  ?  Ainsi  l'on  doit  refuser  la  sépulture 
chrétienne  à  quiconque  s'est  tué  par  malice  et  avec  pleine  délibération, 
à  moins  qu'avant  de  mourir  il  n'ait  donné  des  marques  de  son  repen- 
tir. Quant  à  ceux  qui  se  tuent  dans  l'acte  de  la  folie,  ils  ne  tombent  pas 
sous  le  coup  de  la  loi. 

11  n'y  a  pas  deux  interprétations  possibles,  et  les  canonistes  sont  là- 
dessus  d'une  frappante  unanimité.  Nous  nous  contenterons  de  citer 
Schmalzgrueber. 

Dans  son  commentaire  sur  le  3«  livre  des  Décrétales,  tit.  xxviii,  de 
Sepulturis,  n.  64,  le  savant  auteur  se  pose  cette  question  :  Quando 
ecclesiastica  sepultura  privandi  sint  suiçidx  ?  A  quoi  il  répond  : 


76  QUESTION   CANONIQUE. 

«  Tum  solum  quando  id  fecerunt  sponte  et  nulla  urgente  causa,  et 
a  insuper  constat  quod  ipsemet  sibi  quis  raanus  intulerit,  nec  de  facto 
a  pœnituerit.,..  Ex  quo  sequitw\  sepultura  ecclesiaslica  privari  non 
«  posse  :  1°  Qui  seipsos  occiderunt  furore,  amentia,  aut  alla  mentis 
G  alienatione....  2°  Si  casu  id  factura  sit....  3°  Si  quis  in  flumen 
«  vel  per  fenestras  précipitera  se  dederit,  ut  malum  sibi  impendens 
a  evitaret,  v.  g.  incendiura,  insidias,  vel  aliud  vitae,  aut  etiam  pudi- 
«  citiae  periculum....  4"  Si  quis  animo  se  occidendi  seipsum  lelhaliter 
«  vulneravit,  aliquaradiu  tamen  supervixit  et  pœnituit....  5"  Si  quis 
«  reperiatur  mortuus  in  puteo,  vel  e  laqueo  suspensus,in  flumine  sub- 
«  mersus,  veneno  vel  alio  siraili  modo  interfectus,  ut  non  constet  quod 
a  a  seipso  interfectus  sit....  » 

Il  faut  toutefois  l'avouer,  nous  avons  entendu  des  ecclésiastiques  se 
demander  sérieusement  si  l'acte  du  suicide  n'implique  pas  essentielle- 
ment un  acte  de  folie.  11  est  manifeste  que  si  l'on  répond  d'une  ma- 
nière affirmative,  la  sévérité  de  la  loi  disparaît  ;  et  l'on  devra,  par 
conséquent,  ne  refuser  jamais  la  sépulture  à  celui  qui  s'est  donné  la 
mort. 

Mais,  énoncer  une  pareille  théorie,  n'est-ce  pas  la  réfuter?  Com- 
ment, en  effet,  n'a-t-on  pas  aperçu  l'étrange  raisonnement  que  l'on 
prête  au  législateur.  «  Quiconque,  aurait-il  dit  ;  quiconque  s'est  donné 
la  mort,  a  mérité  la  privation  de  la  sépulture,  à  moins  qu'il  n'ait  com- 
mis cette  œuvre  de  destruction  dans  l'acte  même  de  la  folie,  non  ta- 
men si  ex  insania  id  accidat.  Mais  la  folie  se  rencontre  toujours  et 
essentiellement  dans  l'acte  du  suicide.  Donc  le  suicide  mérite  une  peine 
qu'on  ne  lui  appliquera  jamais.  »  Évidemment,  le  législateur  n'a  pu 
se  rendre  coupable  d'une  telle  absurdité.  Il  est  vrai  que  le  suicide  est 
un  acte  de  folie,  mais  à  la  manière  de  tout  péché  mortel,  qui,  éloi- 
gnant le  pécheur  de  sa  fin  dernière,  est  par  là  même  un  acte  de  su- 
prême déraison. 

II.  Nous  proposerons,  à  notre  tour,  une  question.  Faut-il  aujour- 
d'hui retenir  toute  l'indulgence  des  canonistes  anciens  en  matière  de 
suicide?  Schmalzgrueber  nous  disait  tout-à-l'heure  qu'il  faut  être  in- 
dulgent pour  le  malheureux  que  l'on  trouve,  par  exemple,  noyé  dans 


QUESTION  CANONIQUE.  77 

le  fleuve  ou  pendu  à  un  arbre.  Il  ne  faut  pas  supposer,  ajoute-t-il, 
qu'un  aussi  horrible  malheur  soit  un  crime  de  sa  part.  «  Ratio  est, 
«  quod  in  dubio  prsesuraitur  potius  casu,  aut  per  vim,  vel  insidias 
«  ab  alio,  quam  sponle,  et  a  seipso  interfectus  esse,  cum  de  nemine 
«   prœsumatur  delictum,  prœsertim  aâeo  grave.  » 

Sans  doute  une  pareille  conduite  était  sage,  lorsque  la  foi  élant  plus 
vive,  les  fidèles  appréciaient  comme  il  convient  le  crime  du  suicide. 
Dans  ce  temps-là,  on  n'aurait  pu  présumer  le  délit;  il  etlt  fallu  recou- 
rir à  des  preuves  rigoureuses  ;  et  agir  autrement,  eût  été  une  grave 
injustice.  Mais  aujourd'hui,  lorsque  par  suite  de  l'affaiblissement  delà 
foi  et  de  l'envahissement  des  doctrines  matérialistes,  bon  nombre  de 
chrétiens  ne  trouvent  d'autre  remède  à  leurs  maux  que  dans  la  des- 
truction d'eux-mêmes;  sommes-nous  tenus  à  la  même  réserve?  Nous 
ne  le  pensons  pas.  Voici,  par  exemple,  un  homme  qui,  depuis  longues 
années,  a  rompu  complètement  avec  les  pratiques  religieuses.  Des  mal- 
heurs fondent  sur  lui  et  Taccablent  sensiblement.  Un  matin,  son  ca- 
davre est  retrouvé  dans  la  rivière.  Serez-vous  obligé  de  suspendre  votre 
jugement  et  de  dire  :  Peut-être  le  maUmiretix  s'est  noyé  en  voulant 
traverser  le  fleuve  ?  Nous  ne  le  pensons  pas,  et  nous  ne  condamnerions 
pas  le  prêtre  qui  traiterait  ce  noyé  en  véritable  suicide. 

III.  iVIais  voici  une  autre  difficulté.  A  qui  appartient-il  d'apprécier 
le  degré  de  folie  quia  pu  accompagner  ou  non  l'acte  du  suicide  ?  Est-ce 
au  prêtre?  Est-ce  au  médecin?  Volontiers  nous  reconnaîtrions  ici  la 
compétence  du  médecin.  Cependant,  à  voir  la  facihté  scandaleuse  avec 
laquelle,  dans  ces  tristes  circonstances,  se  délivrent  des  attestations 
d'aliénation  mentale,  nons  serions  porté  à  rejeter  tous  les  certificats 
du  médecin,  pour  laisser  au  prêtre  le  soin  de  trancher  la  question.  Qui 
n'a  rencontré  plusieurs  fois  le  cas  suivant  :  Un  homme,  fort  mauvais 
chrétien  et  fort  mal  dans  ses  affaires,  s'est  couché,  le  soir,  dans  le 
plein  exercice  de  ses  facultés  intellectuelles,  tout  le  monde  en  est  con- 
vaincu, ou  du  moins  le  doute  ne  se  présente  à  personne.  Le  matin,  on 
trouve  le  cadavre  de  ce  malheureux  pendu  à  une  poutre  de  sa  maison 
ou  à  un  arbre  de  son  jardin.  Le  suicide  est  patent  :  personne  ne  peut 
le  nier.  Et  toutefois,  voici  venir  un  médecin  complaisant  qui  veut  cer- 


78  QUESTION   CANONIQUE. 

tifier  que  le  suicidé  était  aliéné.  Où  est  la  vérité  ?  De  pareils  cas  se 
renouvellent  chaque  jour.  Or,  que  doit  faire  le  prêtre  ?  Peut-il  ne  te- 
nir aucun  compte  du  prétendu  certificat  ?  Nous  croyons  qu'oui.  Cepen- 
dant, pour  s'éviter  de  pénibles  tracasseries,  il  ferait  bien  de  consulter 
l'évêché.  Nous  connaissons  un  diocèse  où  l'évêque  a  solennellement 
déclaré  que,  par  lui-même,  le  certificat  du  médecin  ne  prouve  rien, 
et  qu'il  faut  le  tenir  pour  non  avenu.  En  ce  cas,  Je  prêtre  est  seul  juge 
compétent. 

IV.  Que  faire,  enfin,  lorsque  le  suicide  est  avéré?  La  culpabilité 
même  de  la  victime  semble  évidente,  et  pourtant  un  doute  raisonnable 
peut  s'élever  en  sa  faveur. 

Ce  cas  a  été  résolu  par  le  dernier  concile  de  Vienne  (1858)  avec  une 
rare  sagesse.  Il  nous  semble  difficile  de  mieux  concilier  la  rigueur  avec 
laquelle  il  faut  poursuivre  l'apparence  même  d'un  crime  aussi  horrible, 
et  la  miséricorde  de  l'Église,  qui  est  heureuse  d'accueillir  les  moindres 
indices  pour  prononcer  l'innocence  d'un  accusé.  Pourquoi  le  décret  du 
concile  de  Vienne  ne  serait-il  pas  suivi  partout  comme  règle  directive? 
En  voici  le  texte  : 

•  Prudente  obversante  dubio,  funus  ecclesiastico  quidera  ritu,  sed 
omni  majori  apparatu  secluso,  terrae  mandetur.  »  (Cap.  xiv,  de  Se- 
pultura  ecclesiastico .) 

D'après  ce  règlement,  on  accorderait  les  prières  et  les  cérémonies 
de  la  sépulture,  mais  en  les  dépouillant  de  toute  solennité.  Ainsi  pas 
de  chants,  pas  de  son  des  cloches,  pas  de  tentures  funèbres,  etc.  C'est 
ce  que  nous  avons  vu  pratiquer  dans  une  circonstance  semblable,  par 
ordre  du  vicaire  capilulaire,  à  qui  l'affaire  avait  été  soumise. 

H.  Montrouzier 


DU  CHANT  ECCLÉSIASTIQUE. 


Troisième  article. 


g  5.  —  Des  Psaumes 

Quatre  questions  se  présentent  ici.  Il  faut  voir  1  °  l'énumération  des  di- 
vers tons  de  psaumes  qui  se  trouvent  indiqués  dans  le  Directorinm  chori  ; 
2*  comment  et  d'après  quels  principes  ils  sont  appliqués  aux  antiennes 
et  aux  psaumes  des  offices  du  propre  du  temps,  du  propre  et  du  com- 
mun des  saints  ;  3°  si  l'on  peut  employer  d'autres  mélodies  que 
celles  qui  sont  dans  le  Directorinm  ;  4°  enfin  si  l'on  peut  changer  à 
volonté  le  ton  indiqué.  Ces  questions,  'nous  le  savons,  intéressent 
beaucoup  les  maîtres  de  chapelle  et  les  chantres  de  nos  églises,  qui 
sont  habitués  à  une  variété  plus  grande  :  il  est  aussi  des  chants  popu- 
laires dont  la  supression,  ici  comme  ailleurs,  offrirait  des  difficultés  pra- 
tiques. 

I.  En  umération  des  divers  tons  de  psaumes  indiqués 
dans  le  Directorium  chori. 

Nous  pouvons  donner  à  ces  rythmes  le  nom  de  chants  liturgiques 
dans  le  sens  ci-dessus  indiqué.  Aucun  psaume  n'est  noté  sur  le  di- 
xième, le  douzième,  le  treizième  et  le  quatorzième  modes.  Le  psaume 
In  exitu  Israël  est  seul  du  neuvième,  et  est  noté  aux  vêpres  du  di- 
manche. L'antienne  0  sacrum  convivium  qui  est  du  treizième  ton,  est 
indiquée  comme  du  cinquième  mode  ^vec  le  cantique  du  même  ton.  On 
donne  donc  seulement  huit  tons  et  aucun  de  ceux  que  l'on  appelle  vul- 
gairement irréguliers. 


80  DU   CHANT  ECCLÉSIASTIQUE. 

Le  premier  mode  a  pour  intonation  fa,  sol,  la,  avec  liaison  du  sol  ou 
la  pour  les  fêtes  doubles  et  semi-doubles.  lia  pour  mediante  cinq  sylla- 
bes, on  descend  au  sol  à  la  cinquième  avant  dernière,  la  suivante  porte 
la  et  si  bémol,  la  troisième  est  un  la,  la  deuxième  porte  la  sol,  et  la 
première  sol,  la.  On  indique  cinq  terminaisons,  la  première  en  fa,  la 
deuxième  en  sol,  la  troisième  en  ré,  savoir  sol,  fa,  sol,  la,  sol,  fa,  miy 
ré;  la  quatrième  en  la,  savoir  sol,  fa,  sol,  sol,  la,  la  cinquième  enfin 
est  en  ré,  comme  la  troisième,  sauf  la  suppression  du  la. 
Le  chant  du  deuxième  mode  ne  varie  pas  et  est  assez  connu. 
Le  troisième  ton  a  pour  intonation  sol,  la,  do,  sans  liaison.  La  me- 
diante est  de  quatre  syllabes,  savoir  ré,  do,  si,  la,  do,  avec  liaison  du  si 
au  la.  On  indique  quatre  terminaisons;  la  première  en  la,  savoir  rfo,  Zc, 
do,  si,  la,  avec  liaison  du  si  au  la  ;  la  deuxième  en  sol,  savoir  do,  la^ 
do  si  la,  sol,  avec  liaison  des  trois  notes  do,  si,  la  ,  la  troisième  en  la, 
savoir  do,  si,  la,  si,  la,  sol,  la;  la  quatrième  en  sol,  de  cette  manière 
do,  si,  la,  si,  la,  sol. 

L'intonation  et  la  mediante  du  quatrième  mode  sont  conformes  à 
celles  que  donnent  tous  les  livres  notés  qui  sont  entre  nos  mains.  On 
indique  trois  terminaisons,  la  première  en  mi,  savoir  la,  sol,  la,  si, 
sol,  mi  ;  la  deuxième  en  la,  savoir  la,  sol,  la,  si,  sol,  sol  la  avec  liai- 
son entre  les  deux  dernières  notes;  la  troisième  consiste  à  descendre  au 
sol  sur  la  dernière  syllabe. 

Le  cinquième  mode  a  l'intonation  et  mediante  qui  se  trouve  dans  tous 
les  livres  d'office,  et  la  seule  terminaison  re,  si,  do,  la. 

On  trouve  aussi  un  seul  chaut  pour  le  sixième  ton,  l'intonation  con- 
forme à  celle  du  premier,  la  mediante  sol,  la,  fa,  et  la  terminaison  /a, 
sol,  la,  sol,  fa,  avec  liaison  du  sol  au  la. 

Le  septième  ton  a  pour  intonation  do,  si,  do,  ré,  avec  liaison  de  la 
première  note  à  la  deuxième  et  de  la  troisième  à  la  quatrième  ;  la  me- 
diante est  de  quatre  syllabes.  Sur  la  quatrième  avant  dernière  on 
chante  les  deux  notes  ré,  fa,  sur  la  troisième,  la  note  mi  sur  la  deuxième, 
ré,  et  sur  la  dernière  les  deux  notes  ré,  mi.  Il  y  a  cinq  terminaisons 
différentes,  la  première  en  do,  de  cette  manière  :  mi,  ré,  do,  si,  do  avec 
liaison  entre  les  deux  dernières  notes  ;  la  deuxième  en  ré,  savoir  mi,  ré 


DU   CHANT   ECCLÉSIASTIQUE.  81 

doj  dOf  ré.  La  pénultième  n'est  pas  un  si  comme  dans  nos  éditions,  elle 
fait  liaison  avec  la  dernière  ;  la  troisième  terminaison  est  semblable  à 
la  première,  sauf  la  dernière  note  qui  est  un  la  et  non  un  do;  la  qua- 
trième ne  diffère  également  de  la  première  que  par  l'avant-dernière 
note  qui  est  un  ré  au  lieu  du  si  ;  la  cinquième  enfin  se  compose  seu- 
lement de  quatres  notes,  savoir  mi,  ré,  do,  si. 

L'intonation  et  la  médiante  du  huitième  mode  sont  conformes  à 
celles  de  tous  nos  livres.  On  indique  deux  terminaisons  qui  se  compo- 
sent de  quatre  syllabes  :  dans  la  première  on  chante  si,  do,  la,  sol  ;  et 
dans  la  seconde  la,  do,  ré,  do. 

n.  —  Principes  suivis  dans  le  choix  des  modes  pour  le  chant 
des  antiennes  et  des  psaumes. 

Il  est  assez  difficile  de  découvrir  les  principes  d'après  lesquels  on  a 
choisi  les  divers  tons  pour  les  antiennes  et  les  psaumes.  On  a  comparé 
la  structure  de  la  phrase  du  texte  avec  les  phrases  des  rythmes  du 
plain-chant  ;  on  a  consulté  aussi  le  rapport  de  certains  rythmes  avec 
la  pensée  à  exprimer  ;  on  a  même  parfois  mis  sur  un  même  ton  deux 
antiennes  qui  suivent,  lorsque  l'une  est  le  complément  de  l'autre.  Si 
parfois  l'on  a  pu  juger,  en  composant  une  antienne,  que  plusieurs 
rythmes  pouvaient  également  leur  convenir,  comme  par  exemple  pour 
l'antienne  Veni  sponsa  Christi,  notée  aux  vêpres  sur  le  huitième  mode, 
et  aux  matines  sur  le  septième,  il  est  aussi  des  choix  qui  paraissent 
pouvoir  bien  difBciiemenl  être  meilleurs. Nous  en  citons  quelques-unes 
seulement  dans  chaque  mode.  Dans  le  premier,  Tantienne  Montes 
Gelboe,  le  samedi  avant  le  cinquième  dimanche  après  la  Pentecôte; 
celles  du  Magnificat  des  secondes  vêpres  de  Noël,  des  secondes  vêpres 
de  l'Epiphanie,  des  secondes  vêpres  de  saint  André,  des  premières 
vêpres  de  sainte  Agathe,  des  premières  vêpres  de  l'Invention  et  de 
l'Exaltation  de  la  sainte  Croix,  des  secondes  vêpres  de  la  Pentecôte, 
des  premières  et  des  secondes  vêpres  des  saints  Jean  et  Paul,  martyrs; 
des  secondes  vêpres  des  saints  Apôtres  Pierre  et  Paul,  des  premières 
vêpres  de  la  Transfiguration,  des  secondes  vêpres  de  la  Nativité  de  la 

Revue  bes  sciences  ecclés.,  t.  x.— juillet  1864,  6 


§2  DU   CHANT    ECCLÉSIASTIQUE. 

s'ainfe  Vierge.  Daris  le  deuxième,  nous'pouvons' citer  la  première  du 
deuxième  dimatiche  et  toutes 'les  antiennes  majeul^es  de  l'Avént/les 
deux  premières  des  laiides  de  Noël,  "ta  troisième  des  vêpfes  du  com- 
mun des  Martyrs  au  temps  pascal,  l'antienne  du  Magnificat  àes  se- 
condes vêpres  de  l'Ascension,  la  deuxième  des  vêpres  du  très-saint 
Sacrement.  Le  troisième  mode^  quoique  d'un  emploi' plus  rare,  n'a  pas 
été  choisi  safls  motif  pour  la  première  antienne  des  vêpres  de  la  Pen- 
tecôte, la  'première  des  secondes  vêpres  de  saint  Jean-Baptiste  et  la 

'troisième  des  vêpres  de  l'office  de  la  sainte  Vierge.  Le  quatrième, 
quoique  ayant  un  caractère  moins  marqué,  exprime  une  belle  pensée 
dans  la  cinquième  antienne  du  premier  dimanche  de  l'Avent  et  la  hui- 
tième des  matines  de  Noël  ;  il  est  aussi  parfaitement  choisi  pour  les 
antiennes  du  Magnificat,  le  huitième  etie  quinzième  dimanches  après 
la  Pentecôte.  Le  cinquième  est  plus  rare  et  convient  à  des  chants  de 
triomphe,  comme  l'antienne  du  Magnificat  du  onzième  dimanche  après 
la  Pentecôte.  Nous  pourrions  citer  encore  la  cinquième  antienne  des 
vêpres  du  saint  Sacrement  ;  mais  celle-ci,  comme  la  deuxième,  dont 
nous  avons  parlé,  a  été  nutée  sur  ce  mode,  comme  on  l'a  fait  pour  les 
offices  composés  alors,  parce  qu'on  a  indiqué  les  cinq  premiers  tons 
pour  les  cinq  antiennes,  et  les  huit  tons  consécutivement  pour  celles  des 
matines.  On  retrouve  le  même  système  dans  les  offices  du  saint  Nom 
de  Jésus,  de  saint  Joseph,  de  la  sainte  Trinité,  du  Sacré-Cœur  de  Jé- 
sus et  de  la  Visitation,  au  moins  dans  beaucoup  d'éditions.  Le  sixième 
mode,  dont  le  rythme  est  si  expressif,  est  employé  assez  rarement  ; 

'iiiais'ir-  l'a  été  fort  heureusement  dans  la  septième  et  la  neuvième  an- 
tienhès  des  matines  de  Noël,  dans  la  huitième  et  la  neuvième  des  ma- 
tines de  l'Epiphanie,  dans  la  première  des  laudes  et  des  vêpres  de  la 
Circoncision  et  dans  les  antienn  es  du  Magnificat  de  la  Toussaint  et  de 
la  Dédicace.  Le  septième  ton  revient  très-fréquemment,  et  souvent  il 
exprime  d'une  manière  énergique  et  bien  sentie  la  pensée  qu'il  doit 
rendre,  surtout  au  commencement  d'un  office.  Telles  sont  les  premières 

V  antiennes  de  la  fête  de  saint  André,  de  celle  de  sainte  Agathe,  du 
commun  des  Confesseurs  pontifes.  Il  est  surtout  propre  à  exprimer 
deiix  pensées,  comme  il  le  fait  à  la  première  antienne  des  laudes  et  des 


DU  CHANT   ECCLÉSIASTIQUE.  83 

vêpres  de  sainte  Agathe,  à  cause  de  la  double  dominante.  Le  huitième 
mode  enfin  est  employé  plus  s^ouvent  que  tous  les  autres,  à.  cause  de.  la 
richesse  et  de  la  variété  de  ses  rythmes.  Nous  sommes  obhgés  de  nous 
borner  dans  nos  citations,  mais  nous  ferons  remarquer  tout  spé- 
cialement sur  l'antienne  des  vêpres  du  premier  dimanche  de  Carême, 
celle  du  samedi  avant  le  septième  dimanche  après,  la  Pentecôte,  celle, 
du  Magnificat  du  dixième  dimanche,  celle  du  Magnificat  des  secondes 
vêpres  de  la  Purification,  des  premières  et  des  secondes  vêpres  de 
saint  Laurent,  des  seçpndes  vêpres  de  l'Assomptipp,  les  dernières  des 
vêpres  et  des  laudes  de  la  Toussaint. 

.Ces, quelques  citations  suffisent  pour  nous  faif;e,  voir  Içs  règles  qui 
ont  étç  généralement  suivies  dans  le  choix  des  modes  adoptés.  On 
pourrait  peu,t-ôtre  parfois  désirer  une  plus,  grand^  variété  dans  un 
même  office,  comme  on  avait  coutume  de,  le  voir  dans  l'usage  des 
liturgies  françaises,  dans  lesquelles  jamais,  ou  presque  jamaiç,  deux 
psaumes  d'un  même  office  n'étaient  chantés  sur  le  même  mode.  Mais, 
on  le  comprend  facilement,  les  personnes  qui  voudi:;aient  adopter  ce 
système  tomberaient  dans  l'e^fcès  opposé  en  voulant  corriger  une  dé- 
fectuosité. Pour  donner  satisfaction  à  ce  désir  autant  qu'il  est 
possiblç  et  pour  faciUler  l'exécution  du  chant  dans  certaines  églises, 
nous  allons  examiner  quels  moyens  on  pourrait  employer  pour  arriver 
à  ce  but. 

in,  —  les  divers  ions  de  psaumes  indiqués  d,ans  le  Direclorium  chori 
sont-ils  les  seuls  qui  puissent  être  chantés  dans  les  églises  ? 

On  pourrait,  ce  semble,  appliquer  ici  la  distinction  déjà  adoptée  de 
chants  liturgiques  et  chants  ad  libitum,  et  si  nous  admettons  comme 
pouvant  se  concilier  avec  les  règles  de  la  liturgie  certaines  mélodies 
pour  le  Kyrie  eleison,  le  Gloria  in  excelsis,  le  Credo,  le  Sanctus^ 
VAgnus  Dei,  Vite  missa  est,  le  Benedicamus  Domino ,  et  les  hymnes, 
nous  ne  voyons  pas  sur  quoi  s'appuyer  pour  être  plus  sévère  relative- 
ment au  chant  des  psaumes.  Le  rythme  de  l'antienne  0  Sacrum  con- 
vivium  appellerait  même,  pour  le  Magnificat  des  secondes  vêpres  du 


84  DU   CHANT  ECCLÉSIASTIQUE, 

saint  Sacrement,,  la  mélodie  du  treizième  ton  usité  en  France,  et  qui  se 
termine  par  la,  si  bémol,  la,  sol,  fa,  ou  plutôt  mi,  fa,  mi,  re,  do.  Rien  ng 
paraît  s'opposer  à  l'emploi  de  cette  mélodie,  ni  du  dixième  ton,  connu 
sous  le  nom  de  deuxième  irrégulier,  ni  du  quatorzième,  appelé  sixième 
irrégulier  ou  sixième  royal.  On  peut  aussi  conserver  certaines  termi- 
naisons autres  que  celles  du  Directorium. 

IV.  —  Peut-on,  sans  changer  le  rythme  de  l'antienne,  modifier  celui 
du  psaume  qui  est  joint  à  eette  antienne  ? 

Nous  venons  d'examiner  la  question  en  elle-même;  mais  l'applica- 
tion du  principe  énoncé  soulève  une  grave  difficulté.  Le  rythme  du 
psaume  correspond  à  celui  de  l'antienne  à  laquelle  il  est  joint,  et  même 
l'antienne  et  le  psaume  forment  un  tout  complet.  Le  changement  de  la 
mélodie  du  psaume  amènerait  donc  la  modification  du  rythme  de  l'an- 
tienne, comme  on  l'a  fait  en  certains  pays.  Si  l'on  peut  changer  ainsi 
le  chant  d'une  antienne,  pourquoi  ne  ferait-on  pas  un  plain-chant  tout 
à  fait  nouveau  ?  Ces  conséquences  sont  inadmissibles  ;  elles  détruiraient 
l'ensemble,  et  jamais  une  si  grande  latitude  n'a  été  tolérée  par  l'É- 
glise. Quant  à  la  limite  positive  de  cette  latitude,  il  est  impossible  de 
la  fixer  d'une  manière  mathématique,  comme  nous  l'avons  suffisam- 
ment montré  ;  mais  elle  est  ici  évidemment  dépassée.  Tout  au  plus 
pourrait-on  demander  si  certaines  antiennes  pourraient  être  notées  sur 
un  chant  ad  libitum,  à  la  fin  du  livre  ;  jamais,  de  celte  manière,  on 
n'arrivera  à  un  ensemble  nouveau,  et  s'il  n'y  avait  d'autre  cause,  on 
serait  commandé  par  l'espace.  Nous  reproduisons  ici  textuellement  une 
question  qui  nous  a  été  adressée,  et  notre  première  réponse  consiste  - 
rait  à  engager  les  compositeurs  à  se  montrer  très-prudents,  car  ilg 
s'engagent  à  donner  un  chant  supérieur  à  celui  que  nous  trouvons  dans 
nos  livres.  Nous  ajoutons  que  le  chant  des  antiennes  de  l'Office  divin 
est  tellement  consacré  par  l'usage  et  si  uniforme  dans  tous  les  anciens 
manuscrits,  qu'il  nous  paraîtrait  bien  difficile  d'admettre  qu'il  fût  per- 
mis de  le  modifier.  Avec  un  pareil  principe,  il  serait  bientôt  permis  de 
changer  aussi  le  chant  des  oraisons,  de  la  préface  et  du  Pater. 


DU  CHANT  ECCLÉSIASTIQUE.  85 

Quant  à  changer  le  rythme  du  psaume  sans  changer  celui  de  l'an- 
tienne, la  question  appartient  à  ceux  de  nos  collaborateurs  qui  s'oc- 
cupent spécialement  de  ce  qai  concerne  la  partie  artistique  du  plain- 
âhant.  Nous  nous  restreignons  dans  la  partie  liturgique.  Mais  s'il  fallait 
donner  un  sentiment  sur  cette  question,  nous  dirions  qu'elle  nous  pa- 
raît n'être  pas  tout  à  fait  la  même  suivant  les  différentes  circonstances. 
On  peut  parfois  varier  le  psaume  quand  l'orgue  reprend  l'antienne,  ce 
qui  ne  se  ferait  pas  facilement  si  le  chœur  doit  la  chanter.  Cette  diffé- 
rence est  sensible  dans  la  variation  des  deux  finales  du  huitième  ton . 
Quoi  qu'il  en  soit,  la  variation  d'une  finale  nous  paraît  admissible, 
comme  aussi  la  substitution  du  neuvième  ton  au  premier,  du  dixième 
au  deuxième,  du  treizième  au  cinquième,  du  quatorzième  au  sixième. 
Quelques-uns  prétendent  pouvoir  substituer  le  sixième  ou  le  quator- 
zième au  premier,  le  neuvième  au  quatrième,  le  cinquième  ou  le  trei- 
zième au  septième,  en  le  transposant  ainsi  :  sol,  si,  ré.  Remplacer  en- 
core le  huitième  par  le  dixième  en  le  transposant  en  sol,  la,  do.  ou  par 
le  sixième  ou  le  quatorzième  en  le  transposant  en  sol,  la,  si.  Ici  toute  la 
question  serait  de  savoir  si  ces  rythmes  transposés  sont  dans  le  mode 
auquel  on  les  applique.  Nous  ne  croyons  pas  pouvoir  prononcer  sur 
cette  difficulté;  mais  nous  voyons  déjà  ici  des  concessions  bien  éten- 
dues. 

§6.  —  Des  Versets. 

Les  versets  se  chantent  avec  ou  sans  neume.  Le  verset  principal  de 
chacune  des  heures  se  chante  avec  neume  ;  ceux  des  mémoires,  de 
l'antienne  à  la  sainte  Vierge,  de  la  bénédiction  du  saint  Sacrement,  se 
chantent  sans  neume.  La  neume  est  différente  suivant  le  rite  de  l'of- 
ûce  ;  à  l'office  double,  elle  est  plus  longue  ;  moins  longue  à  l'office 
semi-double,  moins  longue  à  l'office  simple  ou  férial.  La  neume  propre 
à  l'office  double  n'est  employée  qu'aux  matines,  aux  laudes  et  aux 
vêpres,  et  est  corrélative,  par  conséquent,  à  la  duplication  des  an- 
tiennes. Aux  autres  heures,  si  l'office  est  double,  on  chante  la  neume 
comme  à  l'office  semi-double. 


86  DU  CHANT    ECCLÉSIASTIQUE. 

Ces  régies  se  trouvent  positivement  dans  le  Directorium.  Mais  que 
doit-on  penser  de  certaines  variantes  usitées  en  plusieurs  églises  pour 
ces  neuraes.  et  de  l'introduction  d'un  si  bémol  entre  le  do  et  le  la  de 
la  terminaison  du  verset,  sp?  neume?  Nous  ne  pouvons  réprouver  ici 
que  ce  qjjj  détruirait,  h,  distinction  po^ée  par  le  DirectQfï^^m  et, ce  qu^ 
poiirrai,t,ê,tre.  contraire  apx  règles  de  l'hqrn^pnie. 

§  T.  —  Des;  Répons  brefs. 

Les  répons  brefs  se  chantent  oïdinairement  sur  le.  sixième  ipode. 
On  en  excepte  les  répons  brefs  propres  à  l'office  des  dimanches  et  fériés 
de  l'Avent,  qui  sont  notés  sur  le  quatrième.  On  explique  par  là  l'in- 
dication du  quatrième  mode  pour  le  répons  La  manus  tuas  pendant 
l'Avent,  dans  la  plupart  des  livres  d'ofQce. 

§  8.  —  Des  Lamentations  de  Jérémie. 

Les  lamentations  de  Jérémie  sont  notées  dans  le  Directorium  sur  un 
chant  beaucoup  plus  simple  que  la  mélodie  usitée  dans  la  plupart  des 
églises  de  France.  Celle-ci,  cependant,  est  la  même  que  celle  du  Di^ 
rectorium  sauf  l'addition  de  quelques  notes  :  on  monte  jusqu'au  do 
dans  la  médiante,  et  la  phrase  se  termine  par  la  mélodie  sur  laquelle  le 
Directorium  note  la  lettre  hébraïque  en  y  ajoutant  un  si  bém  ol.  Le 
premier,  suivant  les  principes  posés,  peut  être  considéré  comme  chant 
liturgique,  le  deuxième  comme  chant  ad  libitum.  On  peut  encore  ranger 
de  ce  nombre  certaines  mélodies  publiées  en  divers  livres  d'office. 
Mais  si  l'on  croit  devoir  admettre  ces  rythmes,  ils  devraient  être  insérés 
par  forme  de  supplément,  suivant  ce  qui  a  été  dit. 

§  9.  —  Des  Litanies. 

On  trouve  un  chant  liturgique  des  litanies,  et  aussi  des  chants  ad 
Uhitum.  Nous  y  appliquons  les  mêmes  principes. 


ou   CHANT   ECCLÉSIASTIQUE.  87 

§  iO.  —  EST-IL  PERMIS  d'appliquer  UN  RYTHME  NON-LITURGIQUB 
A  DES  PARTIES  DE  l'OfFICE  NON  -  ÉNUMÉRÉES  DA^S  LES  PARA- 
GRAPHES  PRÉCÉDENTS? 

Cette  queslion,  posée  d'une  manière  générale,  offre  toutes  les  dif- 
ficultés indiquées  §  5,  n°  4.  On  peut  y  répondre,  ce  semble,  par  l'ob- 
servation que  nous  avons  faite  au  sujet  des  antiennes.  Une  réponse 
affirmative  autoriserait  un  ensemble  nouveau.  Il  nous  répugnerait  d'ad- 
mettre que  l'on  pût  changer  le  rythme  d'un  introït,  d'un  graduel,  d'un 
répons  qui  se  chante  partout  depuis  des  siècles  de  la  même  manière. 
Quant  aux  différentes  modulations  appliquées  aux  offices  et  aux  messes 
de  concession  récente,  l'Église  les  tolère,  malgré  les  inconvénients  qui 
en  résultent.  Mais  cette  diversité  disparaîtra  lorsque  sera  venu  pour 
cette  partie  de  la  science  ecclésiastique,  comme  il  est  déjà  arrivé  pour 
d'autres  points,  le  temps  du  triomphe  de  la  vérité.  Ajoutons  que  l'on 
ne  paraît  pas  rejeter  l'usage  de  certains  chants  populaires  et  non  litur- 
giques des  antiennes  à  la  sainte  Vierge  à  la  fin  de  l'office. 

§  H.  —  De  l'usage  du  plain-chant  musical. 

11  est  d'usage,  en  certaines  églises,  surtout  aux  grandes  solennités, 
de  chanter  plusieurs  parties  de  l'office  ou  de  la  messe  en  plain-chant 
musical.  C'est  ordinairement,  à  la  messe,  le  Kyrie,  le  Gloria  in  ex- 
celsis,  le  Credo,  le  Sanctus  et  YAgnus  Dei  ;  aux  vêpres,  le  premier  ou 
le  dernier  psaume  ou  les  deux,  et  le  cantique  Magnificat.  Cette  cou- 
tume, comme  on  le  comprend  suffisamment  par  tout  ce  qui  a  été  dit 
précédemnfent,  ne  présente  rien  de  contraire  aux  règles  de  la  liturgie  ; 
l'usage  des  Messes  en  musique  est  même  très-fréquent  à  Rome.  Seu- 
lement nous  exprimerons  ici  le  désir  de  voir  remplacer  par  des  for- 
mules du  chant  grégorien  les  modulations  plus  ou  moins  bizarres  de 
quelques  Messes  devenues  populaires  en  France. 


88  du  chant  ecclésiastique, 

§  12.  —  Conclusion. 

Ces  observations  détaillées  nous  ont  paru  nécessaires,  Elles  sont  le 
résultat  des  recherches  que  nous  avons  été  amené  à  faire  pour  pouvoir 
résoudre  les  questions  qui  nous  ont  été  adressées  ou  pour  connaître  les 
difficultés  de  solution  présentées  par  quelques-unes.  Nos  remarques  ne 
peuvent  avoir  de  caractère  scientifique,  ou  si  elles  en  présentent 
quelqu'un,  il  est  fort  incomplet^  et  elles  ne  sont  autre  chose  qu'une 
nouvelle  requête  présentée  aux  personnes  qui  ont  bien  voulu  prêter 
leur  concours  à  la  restauration  du  chant  grégorien.  Cette  requête  con- 
sisterait à  demander,  soit  dans  les  livres  d'ofiice  qu'il  y  aurait  lieu 
d'  éditer  de  nouveau,  soit  dans  un  ouvrage  spécial  qui  pourrait  servir 
de  livre  supplémentaire  dans  tous  les  diocèses,  n'importe  quel  livre 
d'office  on  ait  adopté,  l'exécution  des  principes  ci-dessus  énoncés,  s'ils 
sont  bons,  avec  les  modifications  que  l'on  croirait  nécessaires.  Indiquer 
les  divers  chants  suivant  qu'ils  sont  donnés  par  les  livres  authentiques, 
et  mettre  en  supplément  tous  ceux  que  l'on  croirait  pouvoir  être  cou- 
se rvés  ou  introduits  dans  les  saints  offices. 

P.  R. 


I 


CORRESPONDANCE. 


Monsieur  le^  Rédacteur, 

Mes  travaux  habituels  et  ma  santé  ne  m'ont  pas  permis  de  répondre 
plus  tôt  à  la  lettre  que  vous  a  adressée  le  R.  P.  Ramière,  et  que  vous 
avez  publiée  dans  votre  savante  Revue  (20  janvier  dSG^).  Vous  avez 
eu  la  bonté  d'ajouter  à  la  fin  de  celte  lettre  que  le  temps  ne  vous  avait 
point  permis  de  me  la  communiquer.  Je  le  regrette  ;  car  alors  j'aurais  pu 
présenter  tout  de  suite  à  vos  lecteurs  les  quelques  observations  que  je 
vous  adresse  aujourd'hui^  et  que  votre  impartialité  bienveillante  voudra 
bien,  je  l'espère,  se  hâter  d'accueillir. 

A  dire  vrai,  j'étais  loin  de  penser  que  la  petite  lettre  publiée  dans 
votre  numéro  de  novembre  1863,  sous  les  initiales  F.  J.,  pût  exciter 
â  ce  point  la  verve  féconde  du  R.  P.  Ramière,  que  je  n'avais  indiqué 
ni  de  près  ni  de  loin,  et  dont  j'estime"  considérablement  le  double  ca- 
ractère sacerdotal  et  religieux,  les  talents  et  les  vertus. 

En  effet,  quel  était  le  but  de  ma  lettre  du  mois  de  novembre  1863? 
C'était  tout  simplement  de  signaler  à  vos  lecteurs  le  mouvement  admi- 
rable qui  s'opère  et  s'étend  de  toutes  parts  en  faveur  de  saint  Thomas 
et  de  ses  doctrines,  et  aussi  d'appeler  leur  attention  spécialement  sur 
la  philosophie  du  R.  P.  Liberatore,  adoptée  récemment  dans  quelques 
séminaires  de  France,  en  ayant  soin  de  faire  remarquer  qu'elle  repro- 
duit plus  fidèlement  la  doctrine  de  l'Ange  de  l'École,  que  la  philo- 
sophie du  R.  P.  Tongiorgi. 

Or,  le  R.  P.  Ramière  ne  saurait  me  faire  un  crime  de  préférer  l'une 
de  ces  philosophies  à  l'autre,  quand  même  j'aurais  su  (je  l'ignorais 
alors)  que  le  R.  P.  Ramière  avait  renoncé  à  faire  paraître  son  propre 
Cours  de  philosophie,  pour  éditer  en  France  XeCompendïnmàn  P.  Ton- 
giorgi. Que  me  reproche  donc  le  P.  Ramière? 

D'être  le  censeur  sévère  du  R.  P.  Tongiorgi,  de  lui  faire  un  crime 
de  s'être  écarté  de  la  doctrine  de  saint  Thomas,  dans  des  points  qu'il 

Revue  des  sciences  ecclés.,  t.  x,  —  jwlleï  1864,  7 


90  CORRESPONDANCE. 

me  plaît  d'appeler  fondamentaux^  et  enfin  d'avoir  dît  que  l'adoption  de 
la  philosophie  du  P.  Tongiorgi  serait  un  RECUL  dans  le  mouvement 
qui  s'opère  en  faveur  du  Docteur  angélique. 

Mais,  j'en  appelle  ici  à  tous  ceux  qui  ont  lu  ma  lettre,  sans  idées 
préconçues,  en  quoi  me  suis-je  montré  censeur  sévère  du  P.  Tongiorgi? 
Est-ce  en  disant  que  ce  docte  Père  suit  saint  Thomas  en  certains 
points?  Est-ce  en  signalant  sa  philosophie  comme  un  progrès  sur 
certains  traités  modernes'!  Non,  sans  doute.  C'est  donc  en  faisant 
un  crime  au  P.  Tongiorgi  de  s'être  écarté  de  la  doctrine  de  saint 
Thomas,  etc.,  etc. 

Voici  ma  réponse  : 

Je  n'ai  point  fait  un  crime  au  P.  Tongiorgi  d'avoir  cru  pouvoir 
s'écarter  de  la  doctrine  philosophique  de  saint  Thomas,  même  dans  les 
points  que  j'ai  signalés;  car  je  n'ignore  pas  que  l'on  peut,  sans  crime 
aucun,  suivre, sur  les  questions  non  tranchées  par  l'Église, le  sentiment 
sufifisamment  probable  de  tel  ou  tel  docteur.  Je  suis  loin  de  proscrire 
toute  liberté  de  discussion  sur  les  points  les  plus  discutables,  d'exiger 
la  même  adhésion  pour  les  théories  purement  probables  et  pour  les 
dogmes  évidemment  démontrés.  Je  n'ai  jamais  dit  que  pour  une  théorie 
purement  philosophique  il  suffisait  de  l'appuyer  de  l'autorité  d'un  nom, 
ce  7iom  fût-il  celui  de  saint  Thomas.  Je  comprends  très-bien,  et  je  suis 
loin  d'exprimer  à  ce  sujet  le  moindre  blâme,  que  les  évéques  de 
Bruges  et  de  Liège,  pour  lesquels  je  suis  plein  de  vénération  et  dont  je 
reconnais  sans  peine  la  grande  autorité,  aient  adopté  avec  éloges  l'ou- 
vrage du  P.  Tongiorgi;  je  désirerais  même  que  d'autres  évoques  en 
fissent  autant,  et  consentissent  à  remplacer  par  ce  livre  d'autres  livres 
qui  lui  sont  à  coup  sûr  bien  inférieurs.  Les  séminaires  oùs'opèrerait  cet 
heureux  changement  ne  reculeraient  en  aucune  façon  ;  ils  accompliraient 
même  un  véritable  progrès. 

Mais  là  n'est  pas  la  question.  Ce  qu'il  y  a  de  capital  dans  la  lettre 
du  R.  P.  Ramiére,  le  voici  (le  reste  me  semble  un  hors  d'œuvre): 

Est-il  vrai,  oui  ou  non,  que  le  R.  P.  Tongiorgi  se  sépare  de  la  doc- 
trine de  saint  Thomas  sur  les  points  que  j'ai  indiqués,  c'est-à-dire  sur 
la  question  de  l'essence  et  de  l'existence,  de  la  substance  et  de  l'acci- 


CORRESPONDANCE.  91 

dent,  de  la  matière  et  de  la  forme  ?  Ces  points  sont-ils  fondamentaux 
dans  la  doctrine  de  saint  Thomas?  Si  les  réponses ù  ces  deux  questions 
doivent  être  alTu  matives^  et  si  d'autre  part,  il  est  constant  que  lé 
R.  P.  Liberatore  suit  fidèlement,  en  ces  matières,  la  doctrine  de  l'Ange 
de  rÉcole>  j'étais  en  droit  de  conclure  que  Yadoplion  de  la  philo^- 
Sophie  du  R.  P*  Tongiorgij  au  détriment  de  celle  du  P.  Liberatore^ 
serait  nn point  d'arrêt,  pour  ne  pas  dire  un  recul,  dans  le  mouvement 
qui  s'opère  en  faveur  du  Docteur  angélique  (1). 

1°  Le  R.  P.  Ramiére  ne  nie  point  que,  sur  la  question  de  la  sub- 
stance et  de  Vaccidenl,  le  P.  Tongiorgi  s'écarte  de  la  doctrine,  non- 
seulement  de  saint  Thomas,  mais  de  tous  lesscolastiques.  Sur  la  question 
de  la  matière  et  de  la  forme,  le  R.  P.  Ramiére  avoue  que  le  P.  Tongiorgi 
est  radicalement  opposé  à  saint  Thomas,  j'ajoute  encore,  à  tous  les 
scolastiques,  et  même  à  saint  Augustin,  si  explicite  et  si  remarquable 
sur  cette  question. 

Reste  la  question  de  Vessence  et  de  l'existence,  sur  laquelle  le 
R.  P.  Ramiére  affirme  que  le  P.  Tongiorgi  n'a  pas  une  doctrine  diffé- 
rente de  celle  du  Docteur  angélique  (2). 

J'en  demande  bien  pardon  au  R.  P.  Ramiére.  J'affirme  le  contraire, 
et  tous  ceux  qui  se  donneront  la  peine  de  comparer  la  doctrine  du 
P.  Tongiorgi  avec  celle  de  saint  Thomas  sur  ce  point  seront  de  mon  avis. 

Le  P.  Tongiorgi  admet  bien,  il  est  vrai,  comme  tous  les  auteurs,  que, 
dans  les  êtres  contingents,  l'existence  est  réellement  distincte  de  l'es» 
sence  possible.  Là  dessus  point  de  difficulté.  Mais  saint  Thomas  va  plus 
loin.  Il  enseigne  toujours,  que  dans  les  être  créés  hic  et  nunc,  l'essence 


(1)  En  disant  que  l'adoption  de  la  philosophie  du  I**  Tongioî'gi  serâit> 
(s'il  fallait  m'en  croire),  un  recul  dans  le  mouvement  qui  s'opère  en  faveur 
du  Docteur  Angélique,  le  R.  P.  Ramiére  fait  subir  à  mon  texte  une  mo- 
dification qui  altère  le  sens  dé  ma  pensée;  je  ne  suis  pas  aussi  absolu 
que  le  R.  Père  semble  le  supposer. 

(2)  En  énonçant  sa  doctrine,  le  R.  P.  Tongiorgi  n'ose  pas  assure^ 
qu'elle  soit  réellement  celle  de  saint  Thomas.  Essentiam  exisientem  ab 
essentia  abstracta...  reaider  distingui...  Atque  hoc  pacto  intelligendus 
VIDETUR  S.  Thomas,  quotiescumque  docet  essentiam  ab  existentia  realiter 
distingui.  |P.  Tongiorgi,  Ontolog.,  c.  m.)  Le  P.  Tongiorgi  n'a  osé  dire' 
que  videtur. 


92  CORR  ESPONDANCE . 

aetuée  comme  eisence,  se  distingue  réellement  de  l'existence,  bien 
qu'elle  en  soit  naturellement  ins(^parable  (1).  L'essence  est  le  sujet  ou 
le  premier  acte  qui  reçoit  l'existence,  laquelle  est  le  dernier  acte  reçu. 
Ce  n'est  pas  ici  le  lieu  d'expliquer  et  de  venger  au  besoin  la  sublime 
et  profonde  doctrine  de  saint  Thomas  sur  ce  point.  J'engage  le 
R.  P.  Ramière  à  lire  spécialement  le  c.  57  du  livre  2«  Cont.  Gentes^ 
la  q.  7  de  Potent.,  art.  A,  la  q.  3,  art.  4  de  la  i'^  part,  de  la  So7nme 
théologique  (voir  encore  1"  part.,  q.  34,  art.  3,  Opusc.  13,  c.  8  et  9, 
de  Spirit.  créât.,  art.  4),  et  je  ne  doute  pas  qu'un  examen  sérieux  des 
textes  ne  le  convainque  de  la  véritable  pensée  du  Docteur  angélique  (2). 
Il  est  vrai  qu'il  sera  encore  libre  de  rejeter  la  doctrine  de  l'Ange  de 
l'École,  et  de  rester  dans  le  camp  de  ceux  qui,  à  la  suite  de  Durand, 
(Durand  fût  un  des  premiers  à  attaquer  saint  Thomas  à  ce  sujet)  pré- 
tendent qu'il  n'y  a  poiat  de  distinction  réelle  entre  Vessence  actuelle  et 
Vexistence  dans  les  êtres  créés. 


(d)  Autre  chose  est  la  distinction,  autre  chose  est  la  séparation.  Dans 
tout  être  créé,  il  y  a  au  moias  deux  réalités  entièrement  distinctes  l'une 
de  l'autre,  bien  que  naturellement  inséparables  :  l'une  qui  spécifie  l'être, 
qui  le  range  dans  telle  catégorie  déterminée,  et  l'autre  qui  le  complète, 
l'actue  en  dernier  lieu,  le  met  tout-à-fait  extra  nildlum  et  extra  causas. 
\jdL  première  est  Vessence,  la  seconde,  l'existence,  que  l'on  peut  définir 
ultima  essendi  actualitas. 

(2)  Non-seulement  tous  les  thomistes  proprement  dits,  mais  encore 
plusieurs  autres  auteurs,  tels  que  Sylvius,  etc.,  reconnaissent  d'un  com- 
mun accord  que  saint  Thomas  enseigne,  en  plusieurs  endroits,  la  dis- 
tinction réelle  de  l'essence  actuelle  el  de  l'existence.  Le  R.  P.  Libera- 
tore  affirme  sans  hésitation  que  tel  est  l'enseignement  de  saint  Thomas, 
auquel  est  opposé  celui  de  Suarez.  Ce  même  P.  Liberatore  qui,  dans  la 
première  édition  de  sa  Philosophie,  avait  enseigné  l'opinion  de  Suarez, 
s'est  rangé,  dans  sa  dernière  édition,  à  la  doctrine  de  saint  Thomas. 
Voici  les  paroles  dont  il  se  sert,  et  que  nous  recommandons  â  l'at- 
tention du  P.  Ramière:  ....  Quamvis  hactenus  posteriori  (sententise 
Suarezii)  adhœserim,  nunc  tamen,  remelius  perpensa,  in  super iorern  (seu- 
tentiam  D.  Thomas)  valde  proptndeo.  Atque  ad  id  moveor  duplici  potissimum 
ratione.  Primum,  auctoritate  S.  Thomœ,  cujus  doclrinœ  partes,  saltem 
prœcipuœ,  adeo  sunt  iitter  se  connexœ,  ut  si  unam  removeas,  cœterœ  omnes 
vacillent....  Altéra  ratio  quœ  me  movet,  est  quod  argumentatio  contraria 
Suarezii  super ius  allata,  œquivocaliones  nonnullas  continet,  quœ,  si  dis- 
tinguantur,  vim  retinere  non  videntur,  etc.  [Metaphys.  gênerai.,  c.  I, 
art.  3.) 


CORRESPONDANCE.  93 

Quant  à  l'absurdité  que  le  R.  P.  attribue  à  un  thomiste  de  ses  amis, 
je  n'en  dirai  rien,  sinon  qu'elle  est  énorme  et  singulière.  Mais  je  sup- 
plie l'excellent  Père  de  croire  qu'aucun  disciple  sérieux  de  saint  Thomas 
ne  s'est  jamais  avisé  de  concevoir  l'essence  du  monde  actuée  dès  l'éter- 
nité, sans  que  le  monde  existât .  L'essence  actuée,  complétée  ^u  l'exis- 
tence, peut  fort  bien  être  conçue  par  l'esprit  (je  ne  dis  point  par  l'ima- 
gination) comme  une  réalité  distincte  de  l'existence,  id  est,  utsubjectum 
participans  aclualitatem  essendi;  mais  Vessence  qui  n'a  point  reçu 
l'existence,  n'étant  que  l'essence  possible,  ne  saurait  être  complètement 
extra  nihilum  et  causas  sans  l'existence.  Cela  est  élémentaire  dans 
l'École  de  saint  Thomas. 

Il  me  semble  donc  suffisamment  établi  que  le  R.  P.  Tongiorgi  se 
sépare  de  saint  Thomas  sur  la  matière  et  la  /orme,  la  substance  et  l'ac- 
cident, l'essence  et  l'existence. 

20  Je  dois,  pour  achever  de  répondre  au  R.  P.  Ramière,  montrer 
que  ces  points  sont  fondamentaux  dans  la  doctrine  de  saint  Thomas  et 
que  s'il  m'a  plu  de  les  appeler  ainsi,  ce  n'était  point  sans  motif. 

Et  d'abord,  quant  à  la  question  de-l'essence  et  de  rea;is/e«ce,  voici 
comment  s'exprime  le  R.  P.  Liberatore  :  Quod  autem  hssc  sententia 
(de  saint  Thomas  sur  l'essence  et  l'existence)  sit  ex  punctis  non  levis 
MOMENTi  doclrinœ.  ejus,  apparet  tum  quia  S.  Doctor  ipsum  ssepissime 
inculcat,  tum  quia  inde  desumit  plerumque  argumenta  ad  perfectiones 
prsesertim  divinas  demonstrandas  {loc.  cit.).  Ce  que  dit  le  R.  P.  Libe- 
ratore est  l'exposition  de  la  pensée  de  tous  les  commentateurs  fidèles  de 
saint  Thomas.  Le  célèbre  P.  Goudin,  dans  sa  Méthaphysique,  commence 
son  article  de  la  Distinction  de  l'essence  et  de  l'existence  par  ces  paroles 
remarquables  :  Celebris  est  hxc  difjicidtas,  et  una  ex  fundamënta- 

LIBUS  IN  DOCTRINA  D.  ThomSC. 

Sur  la  question  de  la  matière  et  de  la  forme,  il  suffit  d'ouvrir  un  saint 
Thomas  pour  voir  le  rôle  immense  qu'y  joue  la  solution  donnée  à  celte 
grande  question  par  le  saint  Docteur.  C'est  abandonner  saint  Thomas 
sur  une  foule  innombrable  de  points,  que  de  se  séparer  de  lui,  dans  sa 
belle  et  féconde  théorie  sur  la  inatière  et  la  forme.  Dans  son  premier 
numéro  de  juin  1854,1a  Civiltà  catiolica,  dont  l'autorité  est  si  grande, 


9A  CORRESPONDANCE . 

affirme  positivement  que  la  doctrine  des  seolastiques  (et  par  là  même  de 
saint  Thomas)  sur  ee  point  particulier,  est  un  des  principaux  fonde- 
ments DE  LA  PHILOSOPHIE,  et  qu'elle  a  des  liens  très-étroits  avec  p/w- 
sieurs  questions  théologiques  (p.  580). 

Les  mêmes  observations  peuvent  s'appliquer  à  la  question  de  la  sub- 
stance et  de  l'accident,  question  capitale  en  philosophie,  si  étroitement 
liée  en  particulier  au  dogme  eucharistique,  et  qui  revient  de  mille  façons 
en  la  doctrine  de  l'Ange  de  l'École.  DuresteleR.P.Ramière  lui-même, 
dont  j'approuve  si  fort  les  tendances,  l'ardeur  et  la  science  scolastique, 
n'a  pu  s'empêcher  d'appeler  les  deux  questions  de  la  substance  et  de 
l'accident,  de  la  matière  et  de  la  forme,  deux  grandes  questions. 

Ce  n'est  donc  point  par  pure  fantaisie  que  j'ai  appelé  fondamentau:r 
les  deux  points  philosophiques  signalés  dans  ma  lettre.  Ces  points,  er 
effet,  reviennent  à  chaque  instant  dans  les  œuvres  de  saint  Thomas;  il? 
servent  de  base  à  une  grande  partie  de  ses  orguments  rationnels  ;  et 
c'est  même,  disons-le  en  passant,  à  cause  de  la  difficulté  de  comprendre 
ces  notions  capitales  de  la  doctrine  de  l'Ange  de  l'École,  qu'un  si  grand 
nombre  d'intelligences  sont  arrêtées  dans  l'étude  de  ses  magnifiques 
ouvrages. 

J'en  ai  dit  assez  pour  maintenir  énergiquement  l'affirmation  de  ma 
lettre,  à  savoir  que  le  P.  Tongiorgi  ne  suit  pas  saint  Thomas  aussi  fidè- 
lement que  le  P.  Liberatore,  et  cela  dans  les  points  fondameîilaux  de 
sa  doctrine. 

Mais,  comme  je  n'ai  nullement  soutenu  que  le  P.  Tongiorgi  fût  en 
cela  condamnable;  comme  je  n'ai  jamais  prétendu  qu'il  suffisait  d'ap- 
puyer une  théorie  purement  philosophique  sur  l'autorité  d'un  nom,  ce 
nom  fiU~il  même  celui  de  saint  Thomas,  et  d'en  appeler  à  l'ipse  dixit; 
comme  je  suis  loin  de  vouloir  sacrifier  les  intérêts  du  vrai  progrès  â 
ceux  d'une  tradition  contestable;  comme  je  me  suis  bien  gardé  de 
vouloir  restreindre  la  liberté  dans  les  choses  douteuses,  je  me  demande 
contre  qui  se  bat  le  R.  P.  Ramière  à  la  fin  de  sa  lettre.  Ce  n'est  pas 
contre  moi,  à  coup  sûr. 

J'ai  dit,  il  est  vrai,  que  la  doctrine  de  saint  Thoraais  était  tout  d'une 
pièce  (dans  ses  points  fondamentaux,  cela  va  de  soi),  et  que  l'ébranler 


CORRESPONDANCE.  95 

sur  un  de  ces  points  c'était  l'ébranler  sur  les  autres;  c'est  là  une  vérité 
reconnue  de  tous  ceux  qui  connaissent  saint  Thomas,  une  vérité  que 
proclamait  tout  à  l'heure  le  R.  P.  Liberatore  ;  mais  de  là  à  assimiler 
les  thèses  pJdlosophiques  du  saint  Docteur  et  les  dogmes,  il  y  a  loin. 
On  peut  être  bon  catholique,  et  penser  autrement  en  philosophie  que 
saint  Thomas,  mais  est-on  aussi  bon  philosophe?  C'est  une  tout  autre 
question. 

Du  reste,  je  suis  persuadé,  comme  le  R.  P.  Raraière,  que  si  saint 
Thomas  revenait  parmi  nous,  il  ne  tiendrait  pas  pour  non  avenus  les 
travaux  que  l'esprit  humain  a  accomplis  depuis  cinq  siècles.  J*ai  peine 
à  croire,  il  est  vrai,  qu'il  reconnût  en  tout  l'incomparable  Suarez 
comme  son  héritier,  parce  que  certaines  modifications  apportées  par  cet 
illustre  théologien  à  la  doctrine  du  maître  me  semblentêtre  plus  que  des 
modifications  de  détail.  Mais  ce  que  je  pense  et  ce  que  j'affirme,  c'est 
que  le  Docteur  angélique  reconnaîtrait  bien  plutôt  pour  ses  héritiers  le 
R.  P.  Liberatore  et  les  rédacteurs  de  la  Civiltà  cattoUca,  qui  s'efforcent 
de  marcher  avec  tant  d'intelligence  sur  ses  lumineuses  traces,  que  le 
P.  Tongiorgi  et  le  R.  P.  Ramière  qui,  avec  tous  les  talents  que  je  leur 
reconnais,  croient  avoir  de  bonnes  raisons  de  se  séparer  de  lui. 

Est-ce  à  dire  que  je  sois  de  ces  thomistes  n^ourewx  qui  n  ont  jamais 
voulu  consentir  à  laisser  discuter  le  moindre  iota  de  la  doctrine  du 
Maître  ? 

Ces  thomistes,  je  ne  les  connais  point;  s'ils  existent,  je  les  répudie. 
Tout  théologien  catholique,  fût-il  thomiste  ardent,  doit  consentir  à 
laisser  discuter  des  théories  qui  n'ont  pas  reçu  la  sanction  suffisante  de 
l'Église;  il  est  même  bon  que  les  discussions  rationnelles  s'engagent 
sur  des  matières  libres.  Et  je  ne  sache  pas  que  les  vrais  disciples  de 
saint  Thomas  aient  jamais  craint  d'en  appeler  à  la  science  et  à  la  raison, 
pour  justifier  les  théories  du  saint  Docteur. 

Comme  vous,  Monsieur  le  Rédacteur,  je  confesse  volontiers  que 
Vétude  de  la  scolast'ique  ne  peut  être  féconde  qu'à  la  condition  d'être 
intelligente;  comme  vous  encore,  je  suis  loin  de  penser  qu'il /ai We  suivre 
l'Ange  de  l'Ecole  aveuglément  et  sans  discussion.  Mais  je  suis  persuadé 
que  plus  on  l'éludiera  sérieusement  et  consciencieusement,  en  s'aidant 


96  CORRESPONDANCE, 

des  lumières  de  la  foi,  de  la  raison,  et  des  conquêtes  légitimes  de  la 
science  moderne,  pius  on  reviendra  à  la  doctrine  de  saint  Thomas,  à  ses 
grandes  thèses  méthaphysiques  et  fondamentales,  que  n'atteignent  nul- 
lement les  vérités  dont  les  sciences  physiques  peuvent  nous  mettre  en 
possession.  La  doctrine  du  précepteur  angélique  est,  dans  son  ensemble 
et  ses  grandes  lignes,  un  magnifique  effort  de  l'esprit  humain.  Ge  qui 
était  vrai  du  temps  de  saint  Thomas  est  encore  vrai  aujourd'hui.  Le 
saint  Docteur  a  mis  la  dernière  main  à  l'édifice  théologique  commencé 
par  les  Pères  et  si  avancé  par  saint  Augustin.  Travaillons  donc  à  per- 
fectionner, à  embellir,  à  consolider,  à  illustrer  ce  superbe  palais.  Mais 
gardons-nous  d'en  détruire  les  assises  ou  les  constructions  principales. 
Conservons  saint  Thomas  substantiellement,  perfectionnons-le  acciden- 
tellement. Je  dis  plus.  Croirait-on  devoir  s'écarter  de  saint  Thomas, 
qu'il  faudrait  encore,  et  cela  pour  mille  motifs,  connaître  et  approfondir 
sa  doctrine,  d'autant  que,  comme  l'a  si  bien  dit  un  des  Pères  de  la 
Compagnie  de  Jésus  :  Didicit  omnes  qui  Thoman  intelligit,  nec  totum 
Thomam  vitelligit,  qui  omnes  didicit  (Labbe). 

Or,  pour  arriver  à  l'intelligence  de  saint  Thomas,  ne  vaut -il  pas  mieux 
s'attacher  aux  auteurs  qui  reproduisent  le  mieux  ses  enseignements?  A 
ce  point  de  vue,—  c'est  celui  auquel  je  me  place,  —  le  choix  entre  le 
P.  Liberatore  et  le  P.  Tongiorgi  ne  saurait  être  un  instant  douteux. 

J'ai  gardé  l'anonyme  en  ma  première  lettre  (1),  je  le  garde  encore 
dans  celle-ci,  nonobstant  la  remarque  du  R.  P.  Ramière  sur  le  peu 
de  cas  qu'il  est  très-permis  en  général  de  faire  des  autorités  anonymes. 

Je  ne  suis  poinl  et  je  ne  me  pose  point  comme  une  autorité.  Mon  nom 
du  reste  n'ajouterait  rien  aux  initiales  F.  J.;  et  le  R.  P.  Ramière  d  oit 
savoir  qu'il  existe  souvent  des  motifs  légitimes  de  taire  son  nom,  surtout 
quand  la  discussion  ne  porte  que  sur  des  points  de  doctrine.  Que  je 
sois  connu  ou  inconnu  du  P.  Ramière,  cela  importe  peu  à  la  question 
de  savoir  si  j'ai  tort  ou  raison. — Daignez  agréer,  etc.         F.  J. 

(1)  Il  va  sans  dire  que  l'anonyme  n'existe  pas  pour  la  Direction  de  la 
Revde.  Nous  n'acceptons  aucun  article,  aucune  communication,  sans 
que  l'auteur  se  fasse  connaître  de  nous,  alors  môme  qu'il  a  de  bonnes 
raisons  pour  ne  pas  livrer  son  nom  au  public.    {Note  de  la  Rédaction.) 


INDULGENCE  DE  LA  PORTIONCULE. 


L'approche  du  jour  mille  fois  béni  de  la  fête  de  Notre-Dame  des 
Anges  (2  août),  nous  fournit  l'occasion  de  rappeler  en  quelques  mots 
la  célèbre  indulgence  de  la  Portioncule,  celte  source  abondante  de 
richesses  spirituelles  ignorée  d'un  grand  nombre  de  catholiques  ou 
négligée  par  d'autres,  qui  la  connaissent  parfaitement  ;  car  la  France 
possède  toujours,  grâces  à  Dieu,  beaucoup  d'églises  et  de  chapelles 
publiques  des  enfants  de  Saint-François  d'Assise,  de  l'un  ou  de 
l'autre  sexe,  ou  du  tiers-ordre  franciscain,  et  on  sait  que  de  nom- 
breuses églises  paroissiales  et  autres  sont  aussi  enrichies,  par  con- 
cession pontificale,  du  privilège  de  la  Portioncule  (1).  On  sait  aussi 
que  les  églises  de  France  qui  ont  appartenu  autrefois  à  l'ordre  fran- 
ciscain conservent  le  privilège  de  cette  indulgence;  mais  on  ne  la 
gagne,  dans  ces  églises,  que  depuis  l'heure  des  vêpres  du  samedi  qui 
suit  immédiatement  le  1"  août  jusqu'au  soir  du  dimanche  suivant  (2). 

Un  autre  privilège  très-remarquable  attaché  à  cette  indulgence, 
c'est  la  faculté  accordée  à  tous  les  fidèles  indistinctement  de  la  gagner, 
non  pas  une  fois  seulement  à  l'époque  de  l'année  sus  indiquée,  mais 
chaque  fois,  etautant  de  fois  qu'ils  visitent,  en  y  priant,  l'une  ou  l'autre 
des  églises  ou  chapelles  qui  jouissent  de  l'indulgence  de  la  Portion- 
cule (3),  depuis  l'heure  des  vêpres  (cette  heure  peut  commencer  dés 
midi)  du  i"^  août  jusqu'au  dernier  crépuscule  du  jour  suivant.  On  a 
usé  de  tout  temps  de  ce  privilège;  Benoît  XIV  le  reconnaît,  et  plu- 
sieurs décrets  de  la  Congrégation  du  Concile  (12  juillet  1700  et 
4  décembre  1723),  et  de  celle  des  Indulgences  (22  février  1847  et 

(1)  On  peut  lire,  sur  ce  sujet,  l'excellent  opuscule  intitulé  :  Disserta- 
tion sur  rindulgence  de  la  Portioncule,  par  le  P.  Laurent,  de  l'Ordre  des 
Frères-Mineurs-Capucins.  Paris  "et  Lyon,  Guyot  frères,  1851. 

(2)  Décrets  du  20  juin  1817  et  du  4  mai  1819,  approuvés  par  Pie  VII. 

(3)  11  est  nécessaire  et  indispensable  de  sortir  de  l'Église  après  chaque 
visite,  puis  d'y  rentrer  pour  une  nouvelle  visite.  L'intervalle  entre 
chaque  visite  est  laissé  à  la  dévotion  de  chacun, 


98  BIBLIOGRAPHIE. 

24  décembre  1819),  qui  furent  confirmées  par  le  glorieux  Ponlife 
heureusement  régnant  (1),  constatent  et  confirment  ce  privilège. 

La  communion  n'est  pas  prescrite  pour  la  chapelle  de  la  Portion- 
cule  renfermée  aujourd'hui  dans  l'enceinte  de  la  basilique  de  Notre- 
Dame  des  Anges,  mais  elle  est  exigée  pour  toutes  les  autres  églises 
ou  chapelles  :  seulement,  on  peut  la  faire  en  quelque  lieu  que  ce  soit. 

Toutes  ces  indulgences  sont  applicables  aux  défunts. 

Les  Souverains-Pontifes,  persuadés  que,  dans  les  vues  de  la  Provi- 
vidence,  cette  sublime  expansion  de  la  divine  Miséricorde  était  un 
bienfait  général,  s'adressant  à  tous  les  fidèles,  ont  élevé  leur  voix  pour 
en  étendre  le  fruit  à  l'univers  entier,  comme  un  moyen  puissant 
et  efficace  de  conversion  et  de  salut.  Quel  aiguillon,  en  effet,  pour  ré- 
veiller dans  les  âmes  le  sentiment  religieux,  pour  leur  rendre  le  cou- 
rage et  la  sainte  espérance  de  la  vertu,  que  cette  preuve  touchante  de 
la  bonté  divine,  que  cette  facilité  de  se  purifier  aux  yeux  de  Dieu, 
d'effacer  toute  une  vie  de  péché  et  d'acquitter  tant  de  dettes  anciennes 
et  nouvelles  amassées  sur  leur  tête,  comme  des  trésors  de  colère  !  Pro- 
fitons donc  de  cette  grâce  si  précieuse  partout  où  il  nous  est  possible 
d'en  jouir,  et  faisons-en  sentir  le  prix  aux  âmes  dont  la  direction  nous 
est  confiée.  N.^G,  Le  Roy. 


BIBLIOGRAPHIE. 


Dionjsii  Petarii  opus  de  theojo^icis  dogmatibus,  a  J.-B.  Thomas,  in 
Semiuario  Virduaensi  Theologiae  Professore,  recogaituin  et  aaaolaluin. 
Tomu3  I.  Barri-Ducis,  typis  et  sumptibus  L.  Guérin.  1864.  Iq-4o  de 
xviu-629  pp.  et  portrait. 


Les  Dogmes  théologiques  du  P.  Petau  sont  un  ouvrage  de  premier 
ordre,  et  donton  ne  peut  absolument  se  passer  pour  une  étude  sérieuse 
de  la  dogmatique.  Laissons  parler  un  critique  peu  suspect,  Ellies  Du- 
pin.  «  Il  y  a,  dit-il,  une  érudition  et  une  recherche  prodigieuse  dans 

(1)  Voir  la  Raccolla  di  Indulgenze,  édit.  roni.  de  1855,  p.  369, 


BIBLIOGRAPHIE.  99 

cet  ouvrage  du  P.  Petau.  Il  y  traite  l'histoire  et  le  dogme  avec  étendue. 
Il  serait  peut-être  à  souhaiter  qu'il  eût  gardé  un  peu  plus  d'ordre  et 
de  méthode,  et  qu'il  ne  se  fût  pas  efforcé,  comme  il  a  fait  en  quelques 
endroits,  de  trouver  dans  les  Pérès  la  solution  de  questions  scholastiques 
auxquelles  ils  n'ont  point  pensé.  Mais  on  ne  peut  nier  que  ce  savant 
jésuite  n'eût  un  génie  trés-élendu  et  trés-vaste,  une  lecture  surpre- 
nante, une  facilité  merveilleuse  à  écrire,  particulièrement  en  latin.  Il 
a  excellé  également  dans  les  belles-lettres,  dans  la  science  des  langues, 
dans  la  poésie,  dans  l'astronomie,  dans  la  géographie,  dans  la  chrono- 
logie, dans  l'histoire  et  dans  la  théologie.  II  est  rare  de  trouver  un 
auteur  qui  ait  su  tant  de  chi)ses,  qui  ail  tant  travaillé  sur  différentes 
matières,  et  qui  ait  réussi  en  tout  genre.  » 

Aussi  les  Dogmata  theologica  ont-ils  recueilli  les  suffrages  les  plus 
éclatants,  que  l'on  peut  voir  résumés  ou  reproduits  en  tête  de  la  nou- 
velle édition  de  Bar-le-Duc.  C'est  donc  répondre  à  un  besoin  du 
moment  que  de  les  remettre  en  circulation  :  c'est  aider  le  mouvement 
de  restauration  des  sciences  théologiques  dont  nous  sommes  les  té- 
moins. 

On  l'avait  essayé,  il  n'y  a  pas  longtemps,  dans  la  capitale  du  monde 
chrétien.  L'imprimerie  de  la  Propagande  publia,  en  1857,  un  splen- 
dide  volume  sous  ce  titre  :  Dionysii  Petavii,  Aurelianensis,  e  S.  J., 
opus  de  theologkis  dogmatihus  expolitum  et  auctum  collatis  siudiis 
Car.  Passaglia  et  Clém.  Schrader  ex  eadem  Societate.  Hélas  !  c'est  le 
seul  qui  parut.  On  sait  par  quelle  suite  de  circonstances  déplorables  le 
principal  promoteur  de  l'œuvre  fut  enlevé  à  la  science  théologique,  à 
l'Ordre  qui  l'avait  accueilli  dès  sa  jeunesse,  et,  nous  avons  la  dou- 
leur de  le  dire,  à  l'Eglise  romaine,  qui  l'avait  nourri  dans  son  sein  et 
comblé  de  ses  faveurs.  Dieu  le  rendra  aux  ferventes  prières  de  ses 
disciples,  qui  ont  préféré  suivre  ses  leçons  d'autrefois  plutôt  que  ses 
exemples  d'aujourd'hui  :  trop  de  prières  le  demandent  pour  qu'elles 
ne  soient  pas  exaucées. 

L'édition  romaine  est  donc  restée  au  premier  volume.  Il  n'est  pas 
probable  qu'elle  soit  jamais  continuée.  Mais  voici  qu'au  lieu  d'une 

(1)  Bibliothèque  des  Auteurs  ecclésiastiques,  xviie  siècle,  t.  ji,  p.  236, 


100  BIBLIOGRAPHIE, 

réimpression,  nous  en  posséderons  deux,  l'une  qui  va  paraître  chez 
M.  Vives,  l'autre  qui  s'imprime  à  Bar-le-Duc,  et  dont  nous  avons  le 
premier  volume  sous  les  yeux.  Cette  concurrence,  de  quelque  part 
qu'elle  vienne,  est  regrettable  :  nous  avons  dit  ailleurs  notre  pensée 
là-dessus.  Nous  ne  savons  à  qui  notre  critique  doit  s'adresser  ici.  Mais 
quand  un  éditeur  se  décide  à  faire  de  grands  sacrifices  pour  réimpri- 
mer un  ouvrage  qui,  à  raison  de  sa  nature  spéciale,  ne  s'adresse  pas 
à  un  public  très-considérable,  il  faudrait  qu'on  n'allât  pas  immédiate- 
ment sur  ses  brisées.  Avec  ce  mercantilisme  étroit  on  finirait  par 
rendre  impossible  toute  entreprise  de  ce  genre. 

Nous  n'avons  que  des  éloges  à  donner  à  la  partie  matérielle  et  typo- 
graphique. Le  caractère  est  grand  et  beau;  le  papier  est  très-conve- 
nable et  en  même  temps  solide  ;  la  correction,  autant  que  nous  avons 
pu  en  juger  par  un  premier  examen,  nous  a  paru  soignée.  Le  tome  I 
contient,  outre  les  prolégomènes,  les  sept  premiers  hvres  du  traité  de 
Deo  Deique  proprielatibus.  Il  doit  y  avoir  en  tout  huit  volumes,  du 
prix  de  8  fr.  50  c.  chacun  pour  les  souscripteurs.  Ils  reproduiront 
tous  les  traités  et  opuscules  que  renferme  l'édition  de  Zaccaria 
(Venise  1757).  M.  l'abbé  Thomas  ajoute  au  texte  quelques  notes  très- 
courtes.  Il  comprendra  sans  aucun  doute  la  nécessité  d'annoter  d'une 
manière  plus  complète  le  premier  livre  du  Traité  de  la  Trinité,  et  de 
mettre  dans  tout  son  jour  la  doctrine  des  anciens  Pères  sur  le  Verbe. 
Il  pourra  se  servir  utilement  de  la  remarquable  Histoire  des  Dogmes 
avant  le  Concile  de  Nicée,  parle  D""  Schwane  (1). 

Quand  l'ouvrage  aura  entièrement  paru,  nous  le  ferons  connaître 
dans  toutes  ses  parties,  en  le  soumettant  à  un  examen  plus  complet. 
Aujourd'hui,  cette  courte  annonce  suffira  pour  appeler  l'attention  sur 
une  des  publications  les  plus  sérieuses  et  les  plus  importantes  de 
l'époque.  E.  Hautcœur. 

Cours  de  Conférences  sur  la  Relig^ion,  par  M.  l'abbé  Rua. 
2«  éd.  Paris,  V.  Palmé.  3  vol.  in-lâ  de  li-1412  pp. 

Voici  une  nouvelle  édition  augmentée  d'un  Hvre  qui  a  été  bien  ac- 
cueilli dès  l'origine,  et  revêtu  de  nombreuses  approbations.  Quelques 
(1)  Dogmengeschichte  der  vornicœnischen  Zeit   Munster,  ISôi. 


BIBLIOGRAPHIE.  101 

mots  feront  connaître  le  fond,  la  forme  et  la  méthode  du  Cours  de 
Conférences. 

L'auteur  y  traite  à  peu  près  toutes  les  matières  qui  doivent  être 
développées  du  haut  de  la  chaire  chrétienne  :  les  preuves  générales 
de  la  religion,  les  dogmes,  les  sacrements,  le  culte,  les  fêtes,  les  ver- 
tus, les  vices,  les  fins  dernières.  11  consacre  déplus  quinze  conférences 
à  l'histoire  de  l'Église.  La  richesse  de  ce  fond  recommande  beaucoup 
l'ouvrage.  Pour  exercer  le  ministère  de  la  prédication,  il  n'est  sans  doute 
pas  permis  de  s'en  tenir  à  un  sermonnaire  ou  cours  de  conférences, 
quelque  parfait  que  puisse  être  un  tel  recueil.  Il  faut  que  le  prédicateur 
ait  fait  des  études  plus  vastes,  et  qu'il  ait  médité  par  lui-même 
les  sujets  qu'il  traitera  devant  les  fidèles.  Mais  il  nous  semble  que 
même  un  homme  d'étude  doit  être  heureux  de  retrouver  ces  sujets 
d'instruction  et  d'exhortation  resserrés  dans  un  cadre  à  la  fois 
assez  vaste  pour  les  contenir  tous,  et  assez  restreint  pour  se  prêter 
à  l'instruction  des  fidèles.  Tout  en  rendant  pleine  justice  aux  efforts 
qu'a  faits  l'auteur  pour  être  le  plus  complet  possible,  nous  eussions 
aimé  qu'il  ne  nous  présentât  pas  iui-même'son  livre  comme  le  plus 
complet,  le  plus  suivi,  le  plus  neuf  sous  bien  des  rapports  et  peut-être 
aussi  le  plus  solide  qui  ait  encore  paru.  Nous  pensons  que  ces  appré- 
ciations doivent  être  abandonnées  à  la  sagacité  du  lecteur,  qui  décerne 
plus  volontiers  ses  éloges  quand  l'auteur  se  montre  plus  réservé. 
Nous  engagerions  volontiers  M.  l'abbé  Rua  à  supprimer  dans  une 
troisième  édition  ces  épithètes,  et  les  passages  de  son  introduction  où 
il  les  commente  avec  emphase.  Son  livre  ne  pourra  qu'y  gagner. 

La  forme  du  Cours  de  Conférences  est  attachante  et  pleine  de  vie 
L'auteur  semble  les  donner  telles  qu'il  les  prêche  lui-même.  On 
y  trouve  souvent  des  tableaux  animés  et  des  idées  neuves,  mêlés  à  des 
passages  de  prédicateurs  ou  conférenciers  modernes  tels  queLacordaire, 
Ravignan,  Mac-Carthy,  etc.  Les  divisions  sont  simples,  naturelles,  et 
pourront  souvent  être  suivies  utilement. 

L'auteur  suit  la  méthode  historique  :  le  Pentateuque, —  Dieu  et  ses 
perfections,  —  Rédempteur  à  venir,  —  Nouveau  Testament.  Puis 
viennent  les  séries  de  conférences  qui  ont  pour  titre  :  Jésus-Christ  Dieu, 


102  BIBLIOGRAPHIE. 

—  Jésus-Christ  docteur  (fins  dernières,  décalogue),  —  Jésus-Christ 
sanctificateur  (sacrements),  —  Jésus-Christ  Rédempteur,  —  l'Égliso, 
son  histoire,  ses  fêtes. —  Cette  méthode  a  permis  à  M.  Rua  de  bien  déli- 
miter ses  différents  sujets  et  offre  au  lecteur  le  moyen  de  se  retrouver 
dans  son  œuvre  avec  une  grande  facilité.  Nous  n'aurions  pas  à  en  cri- 
tiquer l'emploi  s'il  ne  s'agissait  que  d'un  grand  catéchisme.  Mais  nous 
ne  pouvons  en  aucune  façon  accepter  le  jugement  de  l'auteur  sur  les 
avantages  de  cette  méthode  pour  les  instructions  ordinaires  à  adresser 
aux  fidèles.  Nous  croyons  qu'elle  ne  répond  ni  aux  besoins  des  âmes,  ni 
à  l'esprit  de  l'Église. 

Si  nous  n'avions  devant  nous  que  des  hommes  complètement  étran- 
gers non-seulement  à  la  pratique,  mais  aussi  à  la  foi  chrétienne,  celte 
marche  s'expliquerait,  bien  qu'encore  elle  ne  fût  pas  la  meilleure.  Ce 
que  nous  leur  devrions  ce  serait  des  conférences  et  non  des  sermons. 
Mais  en  face  d'auditeurs  chrétiens,  il  nous  semble  qu'il  est  anormal 
d'imiter  le  genre  de  prédication  si  brillamment  représenté  à  Notre- 
Dame  de  Paris.  Autant  nous  recueillons  avec  bonheur  les  éloquentes 
conférences  tenues  dans  celte  chaire  exceptionnelle,  autant  nous 
regretterions  d'en  retrouver  l'imitation  auprès  d'auditeurs  à  la  fois 
moins  cultivés  pour  l'esprit  et  plus  chrétiens  par  le  cœur.  Les  hommes 
qui  assistent  à  nos  sermons  sont  généralement  des  hommes  qui  croient, 
et  chez  lesquels  il  s'agit  surtout  de  développer  la  vie  chrétienne,  de 
rendre  efficace  la  foi  qui  est  en  eux.  Bien  plus,  ils  ne  sont  le  plus  souvent 
que  l'élite  des  fidèles  croyants  et  pratiquants  ;  ils  assistent  au  sermon 
autant  pour  remplir  un  devoir  de  religion  que  pour  s'instruire.  Est-il 
bon  de  faire  devant  de  tels  auditeurs  des  conférences  au  lieu  de  ser- 
mons? 

Ce  n'est  pas  ainsi  que  l'Eglise  entend  les  instructions  à  donner  au 
peuple  chrétien.  Ne  nous  fait-elle  point  parcourir  chaque  année  le  cycle 
complet  de  ses  fêtes  ?  Or  est-il  possible  dans  ces  jours  de  solennité  de 
laisser  dormir  les  émotions  que  les  mystères  doivent  éveiller  dans  l'âme 
des  fidèles?  En  outre,  l'Eglise  nous  donne  chaque  dimanche  uneépître 
et  un  évangile  à  méditer.  N'est-ce  pas  là  que  nous  devons  chercher  avant 
tout  le  point  de  départ  de  nos  instructions,  et  n'est-ce  pas  à  ces  pas- 


CHRONIQUE.  108 

sages  de  l'Écriture-Sainte;,  et  à  l'objet  de  ces  mystères  qu'il  faudra 
rattacher  l'enseignement  pour  y  revenir  sans  cesse^  après  avoir  fait  de 
temps  en  temps  une  série  d'instructions  sur  un  sujet  déterminé  f 

Faut-il  admettre  avec  M.  l'abbé  Rua  que  o  ce  n'est  pas  savoir  la 
religion  que  d'en  connaître  seulement  quelques  lambeaux  décousus  et 
sans  ordre;  qu'il  faut  en  poséder  l'ensemble,  discerner  les  rapports 
qu'ont  entre  elles  ses  différentes  parties,  et  en  connaître  la  liaison  qui 
en  fait  un  tout  parfaitement  coordonné?  »  (P.  3.)  Il  n'appartient  qu'à  un 
théologien  consommé  de  savoir  ainsi  sa  religion.  Mais  nous  croyons 
que  la  connaissance  raisonnée  de  la  religion  existe  suifisamment  chez 
le  chrétien  qui  a  l'intelligence  de  son  Credo,  qu'elle  doit  surtout  se 
développer  dans  les  catéchismes  de  persévérance,  mais  que  les  fidèles 
ne  sont  pas  généralement  capables  de  faire  la  synthèse  de  toutes  les 
vérités  du  christianisme,  et  de  saisir  la  logique  qui  relierait  une  série 
d'instruction  s  de  plusieurs  années.  Ils  écouteront  volontiers  le  prédi- 
cateur qui  leur  parlera  de  l'évangile  du  jour,  qui  leur  expliquera  le 
mystère  de  la  fête,  et  leur  en  fera  comprendre  l'importance  pour  la  vie 
chrétienne  ;  mais  ils  ne  seront  pas  capables  de  saisir  le  lien  du  ser- 
mon d'aujourd'hui  avec  la  conférence  d'il  y  a  un  ou  deux  ans. 

Nous  désirons  que  ces  divergences  d'opinions  entre  M.  l'abbé  Rua 
et  nous  ne  fassent  pas 'perdre  de  vue  à  nos  lecteurs  les  mérites  que  nous 
avons  reconnus  plus  haut  dans  son  livre.  Nous  nous  faisons  un  devoir 
d'ajouter  avec  Son  Eminence  le  cardinal-archevêque  de  Bordeaux  et 
Monseigneur  l'évêque  de  Gap,  a  qu'il  peut  être  très-utile  aux  fidèles 
qui  ont  besoin  de  s'éclairer  et  aux  prêtres  qui  ont  besoin  d'un  guide 
pour  instruire.  »  J.-I.  Simonis. 

CHRONIQUE. 


4.  Livres  mis  à  l'index  par  décret  du  20  juin  1864  : 

La  Divina  Commedia,  di  Dante  Alighieri,  quadrosinottico,per  Luigi 

Mancini.  Fano  1861. 

Mosè,  Gesù  e  Maometto,  del  barone  d'Holbacb,  con  la  giunta  alla 

Vita  di  Gesù,  di  E.  Renan.  Milano,  tipografia  Scorza,  1863. 


10  A  CHRONIQUE. 

Mali  délia  ^Ihïesa  e  Rimedii,  analisi  e  proposte  del  P.  Antonio 
Salvoni,  ex-arciprete  di  Gavardo. 

Victor  Hugo,  les  Misérables.  Paris,  1863. 

Frédéric  Soulié,  les  Mémoires  du  Diable;  Si  Jeunesse  savait,  si 
Vieillesse  pouvait,  et  alia  id  genus  scripta  auctoris  ejusdem. 

Stendlial  (H.  Beyle),  le  Rouge  et  le  Noir,  et  ejusdem  auctoris  sirailia. 

Gustave  Flaubert,  Madame  Bovary;  Salammbô. 

Ernest  Feydeau,  Fanny,  étude;  Daniel^  étude;  Catherine d'Over- 
meyre,  étude,  et  similia  ejusdem  auctoris. 

M.  Champfleury,  le  Bourgeois  de  Molinchart ;  les  Aventures  de 
mademoiselle  Mariette  ;  le  Réalisme,  et  alia  ejusdem  auctoris, 

Mûrger  (Henry),  Scènes  de  la  Bohême;  Scènes  de  la  Vie  de 
jeunesse  ;  le  Pays  latin,  nec  non  alia  opéra  romanensia  ejusdem. 

H.  de  Balzac,  le  Père  Goriot  ;  Histoire  des  Treize  ;  Splendeurs 
et  Misères  des  courtisanes  ;  Esther  heureuse,  et  omnia  scripla 
ejusdem  auctoris. 

La  Religieuse,  par  l'abbé  X.,.,  auteur  du  Maudit.  Paris,  1864. 

Daniel,  o  sea  la  proximidad  del  fin  del  siglo  y  principio  del 
Reino  universal  de  Jesu  Cristo,  hastaque  es  entregado  a  su  Padre. 
Madrid,  1862.  Prohib.  décréta  Congreg.  1h  aprilis  1864.  Auctor 
laudabiliter  se  subjecit. 

2.  A  propos  de  l'article  sur  les  Cérémonies  du  Baptême,  publié  dans 
le  n"  de  juin,  p.  575,  on  nous  écrit  que  le  Rituel  imprimé  spécialement 
à  l'usage  du  diocèse  de  Beauvais  et  approuvé  par  induit  du  5  juin  1 862, 
contient  les  interrogations  en  langue  vulgaire  pour  le  baptême.  Nul 
doute,  par  conséquent,  que  le  Saint-Siège  ne  soit  disposé  à  donner  ces 
sortes  d'induits. 

3.  11  vient  de  paraître,  à  la  librairie  Lecoffre,  deux  monographies 
sur  des  points  de  droit  canonique  :  La  Paroisse  d'après  les  saints 
Canons,  par  M.  L.  Malet,  curé  de  Mont-de-Marsan  (in-12  de  264- pp.); 
Des  Chapitres  cathédraux  en  France  devant  l'Eglise  et  devant  l'Etat, 
par  M.  l'abbé  Victor  Pelletier,  chanoine  titulaire  de  l'église  d'Orléans, 
ancien  vicaire  général.  (In-S"  de  viii-572pp.)  Nous  publierons  pro- 
chainement un  compte-rendu  détaillé  de  ce  dernier  ouvrage. 

4.  Guide  pratique  de  la  Liturgie  romaine,  par  le  P.  A.  Maurel,  de 
la  C.  de  J.  (Paris  et  Lyon,  Pélagaud,  in-i2  de  xvi-451  pp.  3  fr.)  Ce 
petit  livre,  par  sa  brièveté,  sa  concision,  sa  clarté,  sa  solidité,  est  digne 
de  l'ouvrage  si  connu  du  même  auteur  :  le  Chrétien  éclairé  sur  la  nature 
et  l'usage  des  indulgences.  11  est  approuvé  par  un  décret  formel  de  la 
S.  C.  des  Rites,  du  19  février  1864.  E.  Hautcœur. 

Arras.  —  Typ.  Rousseau-Leroy,  rue  Saint-Maurice,  26. 


ETUDE  SUR  LA  LÉGISLATION  MOSAÏQUE. 


Troisième  article. 


Le  troisième  fait  important  de  l'époque  d'Abraham  est 
rinsiitution  de  la  circoncision.  Voici  comment  le  D'"  Hane- 
berg  parle  de  cette  institution  dans  son  Histoire  de  la  révé- 
lation biblique  (III, /?ev.  l'atr.^  ch.  i)  :  «  La  circoncision  fut 
comme  le  sceau  imprimé  dans  la  chair  du  peuple  élu  pour 
lui  rappeler  a  jamais  la  vocation  d'Abraham  et  de  la  race 
propagée  par  son  fils  Isaac.  Aucun  document  écrit,  aucun 
monument  taillé  de  la  main  des  hommes,  ne  pouvait  aussi 
sûrement  conserver  la  mémoire  de  l'alliance  divine  que  cette 
institution  sanglante,  qui  devait  en  même  temps  rappeler 
au  fidèle  circoncis,  que  les  forces  de  la  génération  ne  doivent 
point  être  abandonnées  aux  caprices  aveugles  de  la  concu- 
piscence, mais  qu'elles  doivent  être  soumises,  plus  que 
toute  autre  force,  à  la  volonté  divine,  et  légitimées  par 
l'obéissance.  L'homme  apprend  par  le  glaive  et  le  sang  par 
qui  et  comment  la  génération  peut  et  doit  être  sanctifiée.  » 
Dans  ces  lignes,  le  D'^Haneberg  ne  fait  qu'exprimer  et  tra- 
duire la  pensée  des  auteurs  inspirés,  notamment  dans  les 
passages  suivants  :  Deiiter.  x,  16-  xxx,  6.  Jer.  iv,  4;  vi,  10. 
Act.  VII,  Si.  Boni.  II,  28,  29.  Phil.  m,  3.  Le  second  texte 
allégué  du  Deutéronomeest particulièrement  digne  d'obser^ 
vation.  Moïse  dit  au  peuple  :  Circumcidet  Dominus  Deus  cor 
tuum  et  cor  seminis  iui  ;  ut  diligas  Doininwn  Deum  tuum  in 
toto  corde  tuo  et  in  tota  anima,  ut  possis  vivere.  Le  Seigneur 
intervient  pour  circoncire  le  cœur  des  enfants  d'Israël, 

Revue  des  Sciences  ecclés.,  t.  x.—  août  1864,  8 


106  ÉTUDE    SUR   LA    LÉGISLATION    MOSAÏQUE. 

comme  il  est  intervenu  pour  circoncire  leurs  corps,  et  cela, 
afin  que  le  peuple  aime  le  Seigneur  son  Dieu  de  tout  son 
cœur  et  de  toute  son  âme  ;  et  cela  encore,  afin  qu'il  puisse 
vivre.  Il  est  important  de  remarquer,  1°  la  relation  des 
idées  exprime'es.  Moïse  parle  seulement  de  la  circoncision 
du  cœur,  parce  que  la  circoncision  corporelle  n'était  qu'une 
figure  de  la  circoncision  spirituelle,  ce  qui  ressort  de  la 
manière  dont  les  idées  sont  exprimées.  Moïse  se  sert  du 
mot  circoncire,  pris  dans  un  sens  métaphorique,  pour  dési- 
gner la  circoncision  spirituelle.  2"  Les  raisons  de  la  circon- 
cision spirituelle  se  confondent  avec  celles  de  la  cir- 
concision corporelle,  parce  que  celle-ci  a  pour  but  unique 
de  figurer  la  circoncision  de  l'esprit  et  du  cœur.  Ces  raisons 
sont  les  mêmes,  toutes  les  fois  qu'une  promesse  renouvelle 
la  promesse  fondamentale  de  l'Éden  ^  le  péché  avait  détruit 
le  principe  de  vie  inhérent  a  l'humanité  -,  la  promesse  le 
rétablit  par  Celui  qui  est  la  vie,  et  dont  saint  Jean  a  pu  dire  : 
Et  vita  manifestata  est  (I  Jonn.  i,  2\  3"  Enfin,  il  est  remar- 
quable que  Dieu  est  donné  ici  par  Moïse  comme  l'auteur  de 
la  circoncision  spirituelle. 

-  L'étude  du  xvii"  cbap.  de  la  Genèse,  où  Abraham  reçoit 
la  circoncision,  jette  aussi  les  plus  vives  lumières  sur  la  na- 
ture de  ce  fait  important.  Voici  l'ordre  des  idées  de  ce  cha- 
pitre. Abraham  est  âgé  de  quatre-vingt-dix-neuf  ans.  Le 
Seigneur  lui  apparaît,  et  s'appelle  le  Tout-Puissant.  Il 
change  son  nom  d'Abram  {pater  excelsiis)  en  celui  d'A- 
braham [pater  multitudinis  populorum).  Il  lui  annonce  un 
pacte  solennel,  d'après  lequel  Abraham  deviendra  le  père 
d'une  immense  postérité.  Ce  pacte  ne  sera  pas  exclusi- 
vement personnel  a  Abraham^  il  s'étend  à  la  race 
qui  naîtra  de  lui  dans  toute  la  suite  des  siècles.  Dieu 
sera  le  Dieu  d'Abraham  et  le  Dieu  de  sa  postérité.  Le  signe 
de  ce  pacte  sera  la  circoncision  pratiquée  sur  Abraham  et 
sur  tous  ses  fils.  Les  étrangers  mêmes  pourront  donner  leur 


I 


ÉlUDE    SUR    LA    LÉGISLATION    MOSAÏQUE.  107 

nom  a  la  famille  d'Abraham,  s'ils  consentent  à  se  laisser 
marquer  de  ce  signe.  Le  nom  de  Saraï  {Domina  mea)  est 
changé  en  celui  de  Sara  [Domina],  parce  que  Sara  doit 
contribuer  pour  sa  part  à  la  formation  de  la  race  choisie. 
Dieu  promet  la  naissance  d'Isaac  contre  les  lois  naturelles, 
qui  ne  laissaient  ni  a  Abraham  ni  a  Sara  l'espoir  d'une 
postérité  nouvelle,  Abraham  accomplit  sur  lui-même  et 
sur  tous  les  membres  de  sa  famille  le  précepte  de  la  cir- 
concision. 

Exposons  les  faits  qui  résultent  de  cet  ordre  d'idées. 
Premier  fait  :  les  noms  d'Abraham  et  de  Sara  sont  chan- 
gés, en  vue  de  la  postérité  à  laquelle  ils  doivent  donner 
naissance.  Nous  n'insistons  pas  sur  la  signification  des  mots 
Saraï  et  Sara,  que  quelques  auteurs  ont  cherché  à  contes- 
ter. Tous  au  moins  sont  unanimes  a  reconnaître  la  modifica- 
tion que  le  nom  d'Abraham  a  subie  par  l'insertion  de  la 
lettre  n  entre  le  n  et  le  û,  et  sur  la  signification  du  noni 
ainsi  formé.  D'ailleurs,  dans  le  texte  même,  aux  versets  5 
et  16,  Dieu  explique  les  deux  noms  nouveaux  d'Abraham 
et  de  Sara,  et  il  les  explique,  parce  qu'Abraham  doit  être 
le  père  d'une  multitude  de  nations,  et  parce  que  Sara  doit 
être  la  mère  d'Isaac,  cui  benedicturiis  sum,  eritque  in  natio- 
nes^  et  reges  popiilorum  orientur  ex  eo.  C'est  donc  en  vue  de 
leur  postérité  que  les  noms  de  Sara  et  d'Abraham  sont 
changés.  —  Deuxième  fait  :  la  postérité  d'Abraham  et  de 
Sara  devait  se  former  par  voie  de  génération.  C'est  ce  que 
prouve  l'union  constante  établie  par  Dieu  dans  ce  passage 
entre  Abraham  et  sa  race  :  Et  staiuam  pactum  meum,  inter 
me  et  te^  et  inter  semen  tmnn  post  te  in  generaiionîbus  suis 
fœdere  sempiterno  :  ut  sim  Deus  tuus  et  seminis  tui  post  te, 
Daboqiie  tibi  et  semini  tua,  etc.  (v.  7  et  8).  C'est  ce  que  prouve 
le  doute  d'Abraham,  qui  objecte  à  Dieu  son  âge  et  l'âge  de 
Sara  (v.  17),  et  la  réponse  de  Dieu,  oîi  l'union  entre  Isaac 
et  sa  race  est  encore  clairement  exprimée  :  Sam  nxor  tua 


i08  ÉTUDE    SUR  LA    LÉGISLATION   MOSAÏQUE. 

pariet  tibi  fllhun...,  et  constituam  pactum  meum  illi  in  fœdns 
sempiternum,  et  semini  ejus  post  emn  (v,  19).  C'est  ce  que 
prouve  enfin  la  qualification  de  Tout-Puissant,  que  Dieu  se 
donne  au  verset  premier,  et  par  laquelle  il  montre  qu'il 
intervient    comme  celui  qui  peut  donner  à  la  nature  des 
forces  nouvelles,  renouveler  les  forces  perdues.  —  Troi- 
sième fait  :  le  caractère  essentiel  du  pacte  que  le  Seigneur 
conclut   avec  Abraham,  réside  dans  la  postérité  qui  doit 
naître  de  lui  selon  la  promesse.  Plusieurs  fois  avant  cette 
manifestation,  le  Seigneur  avait  promis  à  Abraham  une 
race   nombreuse.    Maintenant,    il   lui   révèle   la  manière 
dont  il  l'obtiendra.  11  l'obtiendra  en  dehors  des  lois  de  la 
nature  -,  il  l'obtiendra  en  vertu  du  pacte  que  le  Seigneur 
fait  avec  lui  et  avec  cette  même  postérité.  —  Quatrième 
fait  :   le  signe  extérieur  de  ce  pacte  sera  un  signe  dont 
Abraham  et  les  siens  marqueront  leur  chair  :  la  circon- 
cision. Qu'on  remarque  la  manière  dont  Dieu  en  parle 
au  verset  dixième  :  Hoc  est  pactum  meum  giiod  observabitis 
mter  me  et  vos,  et  semen  tuum  post  te   (  c'est-a-dire  inter 
me  et  semen  tuum,  évidemment).  Circumcidetur ^  etc.  Obser- 
vabitis, c'est  la  postérité  d'Abraham  qui  doit  se  marquer  de  ce 
signe.  Comme  la  première  formation  de  cette  postérité, 
dans  la  naissance  d'Isaac,  sera  le  signe  de  Dieu  en  ce  pacte 
solennel,  ainsi  la  circoncision  sera  le  signe  d'Abraham  et 
de  sa  race.  —  Cinquième  fait:  l'acte  par  lequel  Dieu  rend 
féconds  Abraham  et  Sara,  est  le  renouvellement  des  sources 
de  la  vie  -,  l'acte  par  lequel  Abraham  et  ses  fils  marquent 
leurs  organes,  est  le  symbole  de  la  purification  des  sources 
de  la  vie.  Si  la  première  de  ces  vérités  ressort  du  fait  même 
qu'elle  exprime,  la  seconde  est  clairement  exprimée  au 
verset  onzième  :    Et  circumcidetis  carnem   prœputii  vestrij 
ut  sit  in  signum  fœderis  inter  me  et  vos.  Et  saint  Paul  dit  aussi 
(Rom.   IV,  11):   Signum  accepit  (Abraham)  circumcisionis^ 
signaculum.  justitiœ  fidei  quœ  est  in  prœpulio.  C'est  le  signe 


ÉTUDE    SUR    LA    LÉGISLATION    MOSAÏQUE.  109 

de  la  justice  dans  la  race  qui  doit  naître.  Et  il  ajoute  : 
Non  enim  per  legem  promissio  Âbrahœ,  aut  semini  ejiis,  \it 
hœres  esset  mundi ;  sed  per  justitiam  fidei  [\.  13).  Non  in- 
firmatus  est  fide,  nec  consideravit  corpus  suum  emortuum, 
cum  jam  fere  centiim  esset  annorum,  et  emortuam  vidvam 
Sarœ...  Plenissime  sciens  quia  quœcumque  promisit ,  poiens 
est  et  facere  (v.  19,  21).  Et  dans  l'épître  aux  Galates  : 
Cognoscite  ergo  quia  qui  ex  fide  sunt,  ii  sunt  filii  Abrahœ... 
Lex  autem  non  est  ex  fide,  sed,  Qui  fecerit  ea,  vivet  in 
illis  {Gai.  III,  7,  12,  coll.  Lev.  xviii,  5).  Ainsi,  comme  Dieu 
renouvelait  les  sources  de  la  vie  en  réalisant  le  signe 
extérieur  de  son  pacte,  la  postérité  d'Abraham  purifiait 
ces  sources  en  les  soumettant  a  la  loi  imposée  par  le 
Seigneur. 

Tel  est  l'ordre  de  faits  que  nous  offre  le  chapitre  xyii^  de 
la  Genèse  sur  la  circoncision.  Mais  on  ne  doit  point  séparer 
ce  chapitre  de  toute  l'histoire  d'Abraham,  dont  il  forme 
comme  le  centre.  «  Le  récit  de  Xk  destruction  de  Sodome 
etdeGomorrhe  suit  immédiatement,  dans  la  Bible,  l'histoire 
de  la  circoncision,  ainsi  que  le  fait  observer  le  D"^  Haneberg 
dans  le  passage  déjà  cité,  comme  pour  confirmer  le  sens 
de  cette  institution-,  de  même  que  l'usage  légitime  des 
forces  génératrices  est  béni,  l'abus  en  est  maudit  :  les  pas- 
sions contre  nature  sont  frappées  d'un  châtiment  terrible.  » 
Avant  d'établir  cette  institution.  Dieu  avait  fait  à  Abraham 
la  promesse  plusieurs  fois  répétée  (xiii,  15,  16  5  xv,  18  5 
XVI,  10)  d'une  nombreuse  postérité.  Mais  après  une  obéis- 
sance exemplaire,  et  la  manifestation  d'une  soumission  hé- 
roïque aux  ordres  du  Seigneur,  Abraham  mérita  d'apprendre 
que  sa  postérité  serait  associée  aux  bénédictions  dont  il 
était  comblé  lui-même,  et  que  la  multiplication  de  ses  des- 
cendants serait  peu  de  chose,  comparativement  a  la  gloire 
qui  lui  reviendrait  des  bénédictions  spirituelles  réservées  à 
l'un  des  rejetons  de  cette  tige  vivifiée.  Ici  (Gew.xxiijlôss.), 


110  ÉTUDE    SUR    LA    LÉGISLATION    MOSAÏQUE. 

Dieu  prononce  le  serment  solennel,  celui  qu'il  profère 
quand  il  s'agit  du  salut  promis:  Per  memetipsum  juravi, 
dicit  Dominus  :  Quia  fecisti  rem  hanc,  et  non  pepercisti  filio 
iinigenito  tuo  propter  me  :  benedicam  tibi,  et  multiplicabo  semen 
timm  sicut  stellas  cœli  (Conf.  Gen.  xv,  5-,  c'est  le  renou- 
vellement d'une  promesse  déjà  faite)  et  velut  arenam  quœ 
est  in  littore  maris  ;  possidebit  nomen  tmim  portas  inimico- 
rum  suorum...  (Tout  cela  a  déjà  été  annoncé  -,  mais  voici  une 
parole  qu'Abraham  n'a  pas  encore  entendue.)  Et  benedi- 
centur  in  semine  tuo  omnes  gentes  terrœ ,  quia  obedisti  voei 
meœ.  Ce  que  saint  Paul  explique  de  la  manière  suivante,  la 
seule  intelligible,  même  au  point  de  vue  simplement  histo- 
rique :  Abrahœ  dictœ  sunt  promissiones,  et  semini  ejus.  Non 
dicit  :  Et  seminibus,  quasi  in  multis  ;  sed  quasi  in  uno  :  Et 
semini  tuo,  qui  est  Christus  {Gai.  m,  16) .  Il  résulte  de  cette 
explication  une  lumière  nouvelle,  relativement  au  mys- 
tère de  la  circoncision.  Comme  au  chapitre  xvii,  ainsi  dans 
ce  chapitre  Abraham  est  uni  a  sa  race  -,  mais  ici  c'est  un 
des  membres  de  sa  race,  né  de  lui  selon  la  chair,  qui 
devient  la  gloire  d'une  postérité  où  s'est  infusée  une  nou- 
velle sève  de  vie.  Ce  membre,  c'est  le  Christ,  le  même  qui 
a  été  annoncé  a  Adam  dans  le  protévangile,  au  moment  où 
la  vie  donnée  par  Dieu  a  nos  premiers  parents,  rendue 
après  leur  faute,  devait  être  transmise  et  propagée  par  eux 
sur  la  terre.  Toutefois,  la  propagation  de  la  vie  maté- 
rielle par  Adam,  comme  par  Abraham,  n'était  qu'un  sym- 
bole du  recouvrement  de  la  vie  spirituelle  par  le  nouvel 
Adam,  créé  dans  la  vraie  justice  et  la  vraie  sainteté. 
A  la  sortie  de  l'Éden,  comme  a  l'époque  d'Abraham,  la  vie 
est  donc  renouvelée,  renouvelée  par  Dieu,  renouvelé^  pour 
être  le  symbole  d'une  rénovation  plus  parfaite  et  plus  in- 
time, la  rénovation  par  le  Christ.  Dans  le  premier  cas,  le 
renouvellement  de  la  vie  ne  porte  que  le  seul  signe  de  la 
puissance  de  Dieu,  agissant  sur  une  nature  impuissante 


ÉTUDE    SUR    LA    LÉGISLATION    MOSAÏQUE.  ill 

pour  la  vivifier.  Dans  le  second,  a  ce  signe  qui  se  repro- 
duit. Dieu  en  ajoute  un  autre,  celui  d'une  purification  exté- 
rieure et  sensible  de  cette  nature  même,  celui  de  la  cir- 
concision. Il  y  a  donc  progrès  d'Adam  a  Abraham  •  la  pro- 
phétie est  mieux  harmonisée  avec  les  besoins  d'un  peuple 
indocile  et  charnel  ;  elle  prend  une  forme  sur  le  corps  des 
fils  d'Israël,  une  forme  ineffaçable,  qu'ils  ne  pourront  ni 
oublier  ni  méconnaître.  La  circoncision  revêt  donc  un  triple 
caractère  :  elle  est  un  symbole  historique,  en  tant  qu'elle 
rappelle  le  pacte  du  Seigneur  avec  Abraham  -,  elle  est  un 
symbole  moral,  en  tant  qu'elle  appartient  a  un  ordre  de 
faits  ayant  pour  but  la  rénovation  de  la  vie  matérielle  par 
la  purification  extérieure  et  sensible  des  organes  qui  la 
propagent;  elle  est  un  symbole  prophétique,  en  tant  qu'à 
l'institution  de  la  circoncision  se  rattache  cette  lignée  dont 
l'un  des  membres  sera  le  Messie,  le  consommateur  des  pro- 
messes. 

Il  nous  reste  à  savoir  si  Dieu  lui-même  a  donné  à  son 
peuple  la  circoncision  comme  une  chose  nouvelle,  ou  si 
Moïse,  par  l'ordre  de  Dieu,  a  adopté  celte  pratique  déjà  en 
usage  en  Egypte,  au  moins  dans  la  caste  sacerdotale.  La 
solution  de  cette  question  n'a  pas  un  grand  intérêt  théolo- 
gique. Peu  nous  importe  que  Moïse  ait  adopté,  par  l'ordre 
de  Dieu,  une  pratique  déjà  existante  dans  le  polythéisme, 
ou  que  Moïse  ait  reçu  cette  institution  de  Dieu  même.  11 
est  vrai  que  l'historien  hébreu  ne  dit  rien  qui  puisse  laisser 
croire  qu'Abraham  ait  reçu  de  Dieu  même  la  pratique  de 
la  circoncision  -,  mais  il  ne  dit  rien  non  plus  qui  puisse 
nous  autoriser  à  croire  que  la  circoncision  était  déjà  en 
usage  chez  les  prêtres  égyptiens.  Toutefois,  on  ne  peut 
méconnaître,  même  dans  l'hypothèse  qui  fait  de  la  cir- 
concision une  pratique  adoptée  parle  monothéisme,  et  em- 
pruntée par  lui  au  polythéisme,  que  la  circoncision  n'ait, 
dans  ce  passage,  changé  de  caractère,  et  qu'elle  n'ait  revêtu 


112  ÉTUDE    SUR    LA    LEGISLATION    MOSAÏQUE. 

chez  les  fils  d'Abraham  le  triple  caractère  historique,  moral 
et  prophétique,  que  nous  venons  de  constater.  Nous  pour- 
rions donc,  sans  crainte  de  compromettre  l'originalité  des 
institutions  mosaïques,  accorder  que  la  circoncision  est 
une  pratique  païenne,  adoptée  par  Abraham  et  par  Moïse, 
mais  revêtaiit  le  caractère  d'une  institution  originale,  dès 
qu'elle  entre  dans  le  cercle  des  institutions  du  peuple  mo- 
nothéiste et  porteur  des  révélations  divines.  Il  convient 
cependant  d'étudier  les  fondements  historiques  de  l'opinion 
qui  fait  de  la  circoncision  une  pratique  empruntée  au  poly- 
théisme. 

Hérodote  raconte  que  les  Colchiens,  les  Égyptiens  et  les 
Éthiopiens  sont  les  seuls  de  tous  les  peuples  qui  aient  eu 
la  circoncision  dès  le  commencement  -,  car  les  Phéniciens 
et  les  Syriens  de  la  Palestine  conviennent  qu'ils  ont  pris 
celte  coutume  des  Égyptiens,  et  quant  aux  autres  Syriens 
qui  habitent  près  des  fleuves  Thermodoon  et  Parthénius, 
ils  avouent  qu'ils  l'ont  depuis  peu  reçue  des  Colchiens. 
Pour  les  Égyptiens  et  les  Éthiopiens,  je  ne  puis  dire, 
continue  Hérodote,  lequel  des  deux  peuples  l'a  pratiquée 
le  premier,  quoiqu'il  y  ait  beaucoup  d'apparence  que  les 
Éthiopiens  l'ont  imitée  des  Égyptiens,  par  le  commerce 
qu'ils  ont  eu  avec  eux  {Herodot.  i,  3o,  36,  104).  Dans 
l'épître  connue  sous  le  nom  de  saint  Barnabe  (n.  32)  ,il  est 
dit  que  tous  les  Syriens,  les  Arabes  et  les  prêtres  égyptiens 
reçoivent  la  circoncision.  Saint  Épiphane  {Hœr.  30)  dit 
aussi  que  les  Ismaélites,  autrement  dits  Sarrasins,  les  Sa- 
maritains, leslduméens  et  lesHomérites  la  pratiquent  aussi 
bien  que  les  Juifs.  Saint  Jérôme  [inJer.  ix)  y  joint  les  Moa- 
bites  et  les  Ammonites.  Saint  Ambroise  Epist.  72'  avance 
que  non-seulement  les  prêtres  égyptiens,  mais  aussi  quel- 
ques-uns des  Éthiopiens,  des  Arabes  et  des  Phéniciens, 
pratiquaient  la  circoncision.  On  trouve  la  même  chose  dans 
le  livre  de  la  Circoncision,  parmi  les  œuvres  de  saint  Cy- 


ÉTUDE    SUR   LA    LÉGISLATION   MOSAÏQUE.  113 

prien  (r.  Un  assez  grand  nombre  d'auteurs  modernes, 
appuyés  sur  ces  aiilorités,  ont  soutenu  que  la  circoncision 
des  Juifs  ne  remontait  ni  a  Abraham,  ni  a  Dieu,  comme 
instituteur  de  cette  pratique,  mais  que  son  origine  se  ratta- 
chait aux  Égyptiens,  aux  Éthiopiens,  aux  Phéniciens,  aux 
Colchiens,  aux  Syriens  et  aux  Arabes  (2).  Parmi  ces 
peuples,  il  est  bien  évident  que  les  Phéniciens,  les 
Syriens  et  les  Arabes  ont  pu  recevoir  cette  pratique  des 
Hébreux.  Nous  savons  même  que  quelquefois  elle  leur  fut 
imposée  par  les  Juifs  Josèphe,  Antiq.  xiii,  17),  et  nous 
n'ignorons  pas  que  certains  d'entre  eux,  les  Samaritains, 
pratiquaient  la  loi  de  Moïse  -,  et  que  d'autres,  les  Ismaélites, 
descendaient  d'un  circoncis.  Quant  aux  Colchiens,  ils  se 
rattachent,  selon  les  uns,  aux  Égyptiens  ;  selon  les  autres, 
aux  Israélites,  ainsi  que  les  Syriens  qu'Hérodote  nous 
donne  comme  habitant  les  bords  des  fleuves  Thermodoon 
et  Parthénius.  Les  Éthiopiens  avouent  eux-mêmes  qu'ils 
ont  reçu  la  circoncision  des  Égyptiens^  ainsi,  la  question 
se  trouve  réduite  a  savoir  si  ce  sont  les  Égyptiens  qui 
ont  les  premiers  pratiqué  la  circoncision,  ou  s'ils  l'ont 
reçue  des  fils  d'Abraham,  a  une  époque  plus  ou  moins 
reculée. 

Il  est  assez  étrange,  observons-le  d'abord,  qu'un  peuple 
se  soit  soumis,  a  un  moment  donné  de  son  histoire,  à  une 
pratique  aussi  humiliante  et  aussi  douloureuse  que  celle  de 
la  circoncision,  pour  des  motifs  d'hygiène  assez  problé- 
matiques, et  dont  la  réalité  disparaît  devant  l'expérience 
des  temps  modernes.  Il  n'est  pas  moins  étrange,  s'il  est 
vrai  que  les  Égyptiens  aient  pratiqué  les  premiers  la  cir- 
concision,  de    la    voir   abandonnée    par   eux   dès  qu'ils 


(1).  Caluiet,  Dissert,  sur  l'origine  de  la  Circoncision.  —  Michaelis.  Moi. 
Recht.,  t.  IV,  p.  19  ss. 
(â)  V.  Danko,  Hist.  revel.  V.  T.,  p.  54,  note  5. 


i\h  ÉTUDE   SUR    LA.    LÉfrlSLATION    MOSAÏQUE. 

quittent  la  terre  d'Egypte  pour  aller  fonder  des  colonies 
lointaines.  Il  est  singulier  que  cette  pratique  inspirée, 
dit-on,  par  des  motifs  de  salubrité  et  de  propreté,  ait  été 
l'apanage  exclusif  des  prêtres  et  des  savants  Égyptiens. 
Enfin,  si  la  circoncision  a  été  vraiment,  en  Egypte,  une 
institution  nationale  et  religieuse,  on  peut  s'étonner  de 
la  voir  appliquée  comme  une  sorte  de  remède  facultatif, 
auquel  se  soumit  Appion,  d'après  Josèplie  (lib.  ii  contra 
Appionem,  §  \2\  dans  un  âge  avancé,  atteint  qu'il  était 
par  une  maladie  qui  le  rendait  nécessaire. 

De  nos  jours,  nous  ne  saurions  nousétonner  de  voir  un 
historien  grec  tel  qu'Hérodote,  fausser  les  antiquités 
égyptiennes,  et  prendre  l'Egypte  pour  le  centre  de  toutes 
les  inventions  et  le  foyer  de  toutes  les  institutions  utiles 
a  l'humanité.  Que  de  fables  ne  nous  débite-t-on  pas  sur 
les  influences  civilisatrices  des  races  indo-européennes? 
Le  goût  a  changé  de  direction.  Les  Grecs  rapportaient  a 
l'Egypte  les  pratiques  religieuses  des  temps  anciens, 
comme  on  les  rapporte  aujourd'hui  à  la  vallée  de  l'Indus. 
Ce  parti  pris  a  mérité  a  Hérodote  le  reproche  de  Mané- 
thon,  qui  l'accuse  d'avoir  avancé  bien  des  faussetés,  faute 
de  connaître  les  antiquités  égyptiennes.  Diodore  de  Sicile, 
tout  grec  qu'il  était,  lui  fait  le  même  reproche.  Il  est  plus 
prudent  qu'Hérodote,  et  il  se  contente  de  dire  :  Quelques- 
uns  ont  pensé  que  les  Colchiens  et  les  Juifs  étaient  des 
colons  égyptiens,  parce  qi'ils  pratiquent  la  circoncision, 
qu'ils  semblent  avoir  emportée  d'Egypte  lib.  i,  c.  28\ 
Strabon  est  moins  heureux  lorsqu'il  affirme  que  les  Égyp- 
tiens soumettent  à  la  circoncision  les  enfants  des  deux 
sexes,  ce  que  font  aussi  les  Juifs,  qui  étaient  originairement  des 
Égyptiens  (liv.  xvir.  Enfin,  Philon  n'est  que  pédant,  lors- 
qu'il donne  la  circoncision  comme  une  pratique  empruntée 
par  les  autres  peuples  a  l'Egypte,  une  des  p'us  anciennes, 
des  plus  illustres  ei  des  plus  savantes  nations  du  monde 


ÉTUDE   SUR    LA    LÉGISLATION    MOSAÏQUE.  115 

[de  Circonc.^,  On  le  voit,  c'est  chez  tous  les  auteurs  la 
même  manie  :  rattacher  à  l'Egypte  et  aux  Égyptiens  tout 
ce  qui  a  pu  former  chez  les  autres  peuples  un  lien  moral, 
social  ou  religieux. 

Nous  opposons  à  ces  autorités  très-peu  décisives,  l'au- 
torité de  la  Bible  et  des  Pères  de  l'Église.  Après  le  passage, 
du  Jourdain,  Dieu  ordonna  à  Josué  de  circoncire  tous  ceux 
qui  étaient  nés  dans  le  désert,  et  après  que  cet  ordre  fut 
exécuté,  il  dit  :  Hodie  abstuli  opprobrium  jEgijpti  a  vobis 
[Jos.,  V,  9)  :  parole  évidemment  analogue  a  celle-ci  :  J'ai 
ôté  de  vous  tout  ce  qui  vous  rendait  semblable  aux  Égyp- 
tiens, et  ce  qui  était  pour  vous  un  sujet  d'opprobre  et  de 
confusion.  —  Lorsque  les  fils  de  Jacob  firent  entendre  à 
Sichem  qu'ils  ne  pouvaient  s'allier  avec  sa  famille,  tandis 
qu'il  demeurait  incirconcis,  ils  lui  dirent  :  Nous  ne  pou- 
vons donner  notre  sœur  à  un  incirconcis  ^  c'est  parmi  nous 
un  opprobre  et  une  chose  honteuse  (Gen.,  xxxiv,  44)  : 
c'est-à-dire,  quiconque  ne  porte  pas  la  marque  de  la  cir- 
concision, est  regardé  parmi  nous  avec  horreur.  Le  Cana- 
néen et  l'Égyptien  étaient  donc  également  un  opprobre 
aux  Hébreux,  parce  que  ni  l'un  ni  l'autre  n'avaient .  la  cir- 
concision. —  Du  temps  des  prophètes  Ézéchiel  et  Jérémie, 
les  Égyptiens  sont  mis  au  rang  des  incirconcis  avec  les 
Babyloniens  et  lesTyriens.  [Ezeeh.,  xxxi,  18  ;  xxxii,  19,  21 , 
22;  Jer.,  ix,  25-,  D.  Calmet,  loc.  cit.)  Il  résulte  de  ces 
passages  de  la  Bible  que,  si  la  circoncision  était  pratiquée 
en  Egypte,  elle  ne  s'exerçait  pas  sur  tous  les  membres  de 
la  nation  .  il  en  résulte  par  conséquent  la  fausseté  des  af- 
firmations d'Hérodote,  de  Diodore,  de  Strabon  et  de  Phi- 
Ion,  qui  sont  beaucoup  trop  générales,  et  qui  changent 
par  là  même  la  nature  du  fait  sur  lequel  elles  portent. 
Aussi  est-il  plus  convenable  de  penser  avec  Clément 
d'Alexandrie,  Origène,  Josèphe  et  saint  Épiphane,  qu'en 


116  ÉTUDE    SUR    LA    LÉGISLATION    MOSAÏQUE. 

Egypte,  les  prêtres  seuls  el  les  savants,  étaient  soumis  a 
la  circoncision  ■1\ 

Il  est  impossible  de  découvrir  historiquement  l'époque 
à  laquelle  les  prêtres  égyptiens  ont  commencé  a  se  sou- 
mettre a  cette  pratique.  Artapane,  cité  par  Eusèbe,  assure 
que  ce  fut  Moïse  qui  la  communiqua  aux  prêtres  de  l'E- 
gypte et  aux  Éthiopiens  Euseb.,  Prœp.  ev.,  1.  ix,  cap.  28\ 
Origène  (lib.  v  Cont.  Cels.)  semble  favoriser  cette  opinion, 
lorsqu'il  dit  que  ce  qui  a  donné  une  si  grande  vogue  à  la 
circoncision  parmi  les  peuples  étrangers,  c'est  la  crainte 
qu'on  avait  d'un  ange  ennemi  des  Juifs,  qui  ne  pouvait 
nuire  a  ceux  qui  étaient  circoncis,  mais  qui  mettait  a  mort 
ceux  qui  ne  l'étaient  point.  Cette  opinion  est  fondée  sur  ce 
qu'on  lit  dans  VExodc,  d'un  ange  qui  vint  à  la  rencontre 
de  Moïse,  comme  il  retournait  en  Egypte,  et  qui  voulait 
ôter  la  vie  a  son  lils  Éliezer  :  Séphora,  mère  de  cet  en- 
fant, ne  trouva  pas  d'autre  moyen  de  le  délivrer,  que  de 
le  circoncire  sur  le  champ.  D'autres  ont  prétendu  que  cette 
coutume  venait  immédiatement  des  Israélites,  qui  en- 
trèrent en  Egypte  avec  Jacob  D.  Calmet,  loc.  cit.).  L'opi- 
nion la  plus  commune,  ajoute  D.  Calmet,  est  que  ce  fut 
sous  le  règne  de  Salomon,  que  les  Égyptiens  et  les  Éthio- 
piens adoptèrent  l'usage  de  se  circoncire.  Bochart  et  quel- 
ques autres  savants  ont  cru  que  la  circoncision  n'était  pas 
venue  dans  l'Egypte  par  le  canal  des  Juifs,  mais  par  le 
moyen  des  Arabes  voisins  de  ce  pays.  On  remarque,  en 
effet,  une  grande  différence  entre  la  circoncision  des  Égy))- 
.  tiens  et  celle  des^uifs,  et  au  contraire,  beaucoup  de  res- 
semblance entre  celle  des  Égyptiens  el  celle  des  Arabes. 
Dans  cette  dernière  opinion,  les  Égyptiens  auraient  reçu 
la  circoncision  û' Abraham  par  Ismaël. 

(])  Clem.  Alex.  Strom.,  i;  Orig.  m  Epist.  ad  Rom.  et  in  Jer,  Hom.  v; 
Joseph.  Cont.  Âpp.  1.  ii;  Epiph.  Hœres.  xxx. 


ÉTUDE    SUR    LA   LÉGISLATION   MOSAÏQUE.  117 

On  ne  saurait  tirer  une  objection  sérieuse  contre  l'ori- 
ginalité de  la  circoncision  patriarcale,  de  ce  que  Dieu  n'ex- 
plique pas  k  Abraham  la  manière  dont  il  devra  la  prati- 
quer. Il  n'est  pas  sûr  d'abord  que  le  mot  lui-même  n'ait 
pas  révélé  à  Abraham  l'acte  dont  il  s'agissait.  Puis,  Moïse 
n'avait  pas  a  rapporter  tous  les  détails  dans  lesquels  Dieu 
avait  pu  entrer  avec  Abraham  à  cet  égard,  puisqu'il  écri- 
vait pour  un  peuple  qui  connaissait  a  fond  cette  pratique, 
et  qui  la  suivait  depuis  longues  années. 

Ainsi,  aucun  argument  sérieux  ne  montre  qu'Abraham 
ait  pris  des  Égyptiens  la  circoncision  :  les  inductions  les 
plus  capables  de  former  une  persuasion  scientifique,  nous 
entraînent  à  penser  que  les  Égyptiens  l'ont  reçue  des 
Juifs,  quelle  que  soit  d'ailleurs  l'époque  assignée  à  cet 
emprunt. 

M.  Salvador  donne  très-peu  de  développements  a  l'insti- 
tution politico-religieuse  de  la  circoncision.  Il  se  précipite 
a  travers  plusieurs  phrases  assez  nuageuses  vers  la  fin  d'un 
paragraphe  où  il  écrit  (1)  :  «  Chacun  sait  combien  est  cha- 
touilleuse la  chasteté  de  notre  époque,  et  je  ne  voudrais 
pas  la  blesser,  m  C'est  d'une  pruderie  vraiment  albionnaise. 
Nous  ne  croyons  pas  avoir  blessé  jusqu'ici  la  chasteté  la 
plus  scrupuleuse  ^  mais  il  est  vrai  que  nous  n'avons  pas 
abordé  comme  l'a  fait  M.  Salvador,  les  théories  assez  crues 
de  Philon  sur  l'utilité  de  la  circoncision.  Michaëlis  cite 
Philon  en  latin  :  la  langue  allemande  a  avec  la  langue  la- 
tine des  affinités  qui  lui  ont  fait  quelquefois  appliquer  le 
vers  très-connu  de  Boileau.  On  conçoit  que  M.  Salvador 
se  soit  arrêté  en  présence  des  intempérances  de  style  où 
l'eût  conduit  son  guide.  Nous  regrettons  qu'il  se  soit  en- 
core attaché  à  un  auteur  dont  les  utopies  théoriques  ont 
été  démontrées  si  fausses  par  Michaëlis,  et  nous  concevons 

(1)  Tom.  u,  p.  253. 


lis  ÉTUDE    SUR    LA    LÉGISLATION    MOSAÏQUE. 

d'ailleurs  sans  peine,  qu'il  n'ait  pas  voulu  traduire  les  his- 
toriettes germaniques  du  docte  professeur  allemand.  M.  Sal- 
vador pouvait,  au  moins,  ne  pas  passer  aussi  légèrement- 
qu'il  l'a  fait  sur  le  point  de  critique  auquel  nous  venons  de 
donner  nous- même  les  développements  qu'il  comporte. 
C'est  peut-être  que  ses  idées  ne  sont  pas  très-arrétées  a 
cet  égard.  Montrons-le  par  ses  indécisions  même.  M.  Sal- 
vador écrit  d'abord  :  «  D'après  la  Genèse,  c'est  Abraham 
qui  dicta  le  premier  cette  coutume  aux  descendants  d'Hé- 
ber.  Elle  ne  tarda  pas  a  réunir  un  triple  intérêt  sanitaire, 
religieux  et  politique.  Bien  longtemps  après,  Hérodote  et 
Strabon  nous  apprennent  qu'elle  fut  commune  aux  Égyp- 
tiens et  aux  Éthiopiens)).  On  dirait  que  M.  Salvador  pense 
comme  la  Genèse,  ce  document  très-antérieur  aux  deux 
historiens  grecs.  Cependant,  cent  pages  plus  loin,  M.  Sal- 
vador nous  dit,  à  propos  de  la  circoncision  d'Abraham  et 
d'Ismaël  :  «  Suivit-il  en  cela  (Abraham  l'exemple  des 
prêtres  égyptiens,  ou  la  priorité  lui  appartient-elle?  Son 
Yoyage  en  Egypte  semblerait  favoriser  la  première  opi- 
nion. ))  Ainsi,  parce  qu'Abraham  est  allé  en  Egypte,  les 
Égyptiens  pratiquaient  avant  lui  la  circoncision  :  c'est  inef- 
fable! Un  autre  trait  délicieux  de  M.  Salvador  se  trouve 
dans  la  phrase  suivante  :  «  La  locution  hébraïque,  circon- 
'cire  son  cœur,  qui  exprime  au  moral  l'expulsion  de  toute 
pensée  nuisible,  prouve  bien  que,  au  physique,  on  y  atta- 
chait une  grande  valeur  sanitaire.  ))  C'est  encore  d'une  lo- 
gique rigoureuse  !  Dieu  nous  préserve  de  tels  professeurs 
d'hébreu  ! 

Pour  terminer  ce  qui  appartient  à  l'histoire  du  culte 
patriarcal,  il  nous  reste  a  parler  d'un  fait  qui  se  rat- 
tache a  l'époque  de  Jacob.  Après  une  vision  mystérieuse, 
pendant  laquelle  Dieu  lui  rappela  les  promesses  qu'il  avait 
faites  a  Abraham,  Jacob  prit  la  pierre  qui  lui  avait  servi  de 
chevet  pendant  son  sommeil,  Téleva  comme  un  monument, 


ÉTUDE   SUR    LA   LÉGISLATION    NOSAÏQUE.  119 

l'oignit  (l'huile,  consacrant  ainsi  et  cette  pierre  et  le  lieu 
lie  sa  vision,  et  fit  vœu  de  donner  au  Seigneur  la  dixième 
partie  de  tous  ses  biens,  si  le  Seigneur  l'assistait  durant  sa 
pérégrination  lointaine  {Gen.,  xxvm,  10,  seqq.}.  Plus  tard 
il  accomplit  son  vœu  a  son  retour  de  Mésopotamie  ;  il  éleva 
un  autel  au  Seigneur  à  Béthel  -,  le  Seigneur  lui  n^ontra  qu'il 
agréait  cette  consécration,  par  une  manifestation  nouvelle, 
en  changeant  son  nom,  comme  il  l'avait  fait  pour  Abraham, 
et  en  lui  renouvelant  les  promesses,  dans  des  termes  iden- 
tiques à  ceux  dont  il  s'était  servi  a  l'égard  de  ce  pa- 
triarche (6'en.,  XXXV,  1-15).  Quels  rapports  avaient  avec  le 
culte  cet  autel  et  le  vœu  de  Jacob?  C'est  ce  qu'il  est  assez 
difficile  de  déterminer.  Sans  doute,  l'autel  indique  la  pra- 
tique des  sacrifices  :  mais  la  Genèse  insiste  pour  nous  le 
donner  comme  un  simple  monument  commémoratif,  et  le 
nom  qu'il  reçoit  (rùSlû)  ne  veut  pas  dire  autre  chose.  Ce- 
pendant, le  vœu  qui  accompagne  l'érection  de  ce  monu- 
ment, et  dont  le  but  est  déterminé  par  les  mots  mêmes 
dont  se  sert  Jacob  :  Ciinctorumque  quœ  dederis  mihi  décimas 
offeram  iibi  {Gen.  xxviii,  22) ,  semble  bien  indiquer  que  Jacob 
offrit  au  Seigneur  un  sacrifice  véritable.  C'est  dans  ce  sens 
que  se  prononce  Conr.  Iken  [de  Inst.  et  Cerem.  Hœbr.  ante 
Mosen,  p.  19)  :  Ut  decimam  illam  partem  culiui  et  gloriœ  Dei 
et  secundum  ejus  voluntatem  pie  impenderet,  pariim  Deum  sa- 
crificiis  pie  colendo,  partim  sumpiusad  promovendum  cultum 
publicum,  quocumque  etiam  modo  id  fieri  posset,  suggerendo, 
pariim  erga  pauperiores  officia  caritatis  observando  et  jura 
hospitaliiatis pro  illorum  iemporum  ratione  exercendo. 

Telles  sont  les  institutions  cérémonielles  que  trouva 
Moïse.  Elles  se  réduisent  a  bien  peu  de  chose  :  des  sacri- 
fices qui  n'ont  rien  de  fixe  et  de  régulier,  des  autels  qui 
ne  sont  desservis  par  aucun  personnel  choisi,  des  bois  sa- 
crés contre  lesquels  s'élèvera  la  colère  du  Seigneur  parce 
qu'ils  doivent  se  peupler  d'idoles,  un  sacrifiée  figuratif, 


120  ÉTUDE    SUR    LA   LÉGISLATION    MOSAÏQUE. 

celui  de  Melchisédech,  se  produisant  en  dehors  du  cercle 
où  doivent  se  conserver  et  se  réaliser  les  promesses,  et 
enfin  la  circoncision,  la  seule  de  ces  institutions  ayant  un 
caractère  permanent  et  durable,  la  seule  qui  doive  passer 
dans  l'ordre  nouveau  sans  recevoir  des  modifications  es- 
sentielles. 

Il  y  a  plus,  les  patriarches  nous  apparaissent  comme 
une  famille,  un  peuple  nomade,  sans  autre  unité  nationale 
que  les  liens  du  sang,  et  c'est  dans  cette  situation  que  la 
prophétie  de  Jacob  nous  révèle,  que  ces  fils  doivent  former 
des  tribus  unies  en  un  peuple  civilisé,  dont  l'organisation 
et  les  développements  sont  intimement  liés  au  développe- 
ment de  l'œuvre  de  Dieu.  «  Cette  prophétie  rapportée  a  la 
fin  du  premier  livre  de  Moïse  ^Gen.  xlix  ,,  dit  le  D""  Han- 
neberg,  clôt  d'une  manière  solennelle  l'histoire  de  la  Révé- 
lation patriarcale.  Jacob  lit  dans  les  dispositions  des  fils 
réunis  autour  de  lui  l'histoire  des  tribus  dont  ils  seront  les 
pères,  et  dans  cette  histoire,  la  haute  mission  qui  leur  est 
attribuée.  Toutes  les  tribus  ne  contribueront  pas  de  la 
même  manière  a  l'accomplissement  des  promesses;  chacune 
a  sa  part  et  sa  fonction  spéciale,  »  Cela  se  passe  ainsi  dans 
les  nations  :  elles  nous  apparaissent  comme  des  corps 
organisés  où  chaque  membre  a  sa  fonction  dans  le  déve- 
loppement de  la  vie^  et  la  vie  du  peuple  de  Dieu,  le 
centre  qu'on  ne  saurait  déplacer  sans  méconnaître  le  ca- 
ractère essentiel  de  ce  peuple,  ce  sont  les  promesses  et  les 
révélations  divines  dont  il  est  le  porteur. 

Il  résulte  de  ces  deux  faits,  que  les  institutions  mo- 
saïques n'ont  pas  été  simplement  le  développement  natu- 
rel des  institutions  patriarcales.  L'idée  même  de  ces  insti- 
tutions ne  pouvait  pas  venir  naturellement  à  Moïse.  Depuis 
la  prophétie  de  Jacob,  la  nation  s'était  désorganisée,  ou 
plutôt,  elle  n'avait  existé  comme  nation  que  dans  l'idée  de 
Jacob,  et  cette  idée  même  était  une  idée  prophétique,  une 


ÉTUDE    SUR    LA    LÉGISLATION    MOSAÏQUE.  121 

idée  venue  de  Dieu,  et  qui  devait  être  fécondée  par  une 
nouvelle  idée  divine.  Ce  fut  Moïse  qui  la  reçut.  Elle  lui 
vint  accompagnée  de  miracles,  dont  le  but  était  a  la  fois 
didactique  et  polémique  :  didactique,  tandis  qu'ils  forti- 
fiaient en  Moïse  la  foi  en  la  révélation  qui  lui  était  faite  j 
polémique,  en  tant  que  le  vrai  Dieu  consentait,  pour  ainsi 
parler,  a  mesurer  sa  puissance  avec  celle  des  démons,  agis- 
sant par  les  magiciens  de  la  cour  des  Pharaons.  Il  fallait 
être  juif  pour  demander  si  Dieu  pourrait  dresser  des  tables 
au  désert,  disait  Voltaire.  Il  faut  être  juif  pour  conjecturer 
qu«>  les  miracles  de  Moïse  n'étaient  que  le  résultat  de  l'ha- 
bileté d'un  faussaire,  et  que  sa  législation  n'est  que  le  tra- 
vail d'un  homme  de  génie.  Depuis  le  buisson  ardent  jus- 
qu'au Nébo,  Moïse  nous  apparaît  toujours  le  même  dans 
son  œuvre-,  c'est  un  envoyé  qui  exécute  point  par  point 
les  ordres  de  son  Maître,  qui  se  sent  constamment,  et  avec 
une  irrécusable  soumission,  sous  l'influence  de  Celui  à 
qui  il  doit  sa  force  et  l'organisation  qu'il  lègue  à  son 
peuple.  M.  Salvador  suppose,  peut-être  a  bon  droit,  une 
dose  presque  miraculeuse  de  crédulité  chez  ses  lecteurs, 
lorsqu'il  travestit,  ainsi  qu'il  l'a  fait,  le  caractère  de  Moïse, 
les  miracles  du  Seigneur  et  les  institutions  divines  dont 
Moïse  est  le  hérault.  Un  tel  procédé  est  une  insuite  au 
sens  commun,  a  la  critique,  à  l'histoire  et  à  la  civilisa- 
tion. 

On  ne  saurait  méconnaître  que  Dieu  n'ait  préparé  la  vo- 
cation de  Moïse  et  la  vocation  de  son  peuple  par  un  con- 
cours de  circonstances  que  nous  n'appellerons  pas  simple- 
ment régulières,  comme  M.  Salvador,  mais  merveilleuses: 
par  l'entrée  des  fils  de  Jacob  en  Egypte,  l'élévation  de 
Joseph,  et  l'éducation  de  Moïse  à  la  cour  des  Pharaons. 
Bossuet  l'a  constaté  lorsqu'il  a  dit  :  «  L'inspiration  ne  fit 
que  porter  à  la  dernière  certitude  et  perfection  ce  qu'a- 
vaient ébauché  l'usage  et  les  connaissances  de  l'Egypte 

REVOE  des  sciences  ECCLÉS.,  t.  X. — AOUT  1864.  9 


122  ÉTUDE    SUR    LA    LÉGISLATION    MOSAÏQUE. 

(sur  Moïse\  »  Mais  nous  dirons  avec  le  texte  sacré  :  Dieu, 
qui  s'était  maniiesté  jusque-la  comme  Élohim,  le  Dieu  du 
monde,  le  Dieu  providence,  se  manifesta  a  Moïse  comme 
Jéliovah,  le  Dieu  du  saint  et  des  promesses  :  distinction 
importante  que  Moïse  n'a  point  oublié  de  mentionner  dans 
son  texte,  et  qui  suffit  seule  a  montrer  que  ses  institutions 
ne  sont  pas  plus  le  développement  naturel  des  institutions 
patriarcales,  qu'elles  ne  sont  la  réunion  systématisée  des 
traditions  cérémonielles  et  des  pratiques  religieuses  du 
polythéisme  égyptien.  C'est  la  question  qu'il  nous  reste  à 
traiter.  Faisons  d'abord  connaître  les  diverses  opinions  qui 
se  sont  produites  à  cet  égard. 

La  première,  qui  a  longtemps  eu  cours  parmi  les  théolo- 
giens orthodoxes,  consistait  à  dire  que  les  païens  avaient 
emprunté  aux  livres  de  Moïse,  avec  les  idées  raisonnables 
qu'ils  avaient  de  Dieu,  les  pratiques  cérémonielles  de  leur 
culte  qui  ressemblaient  aux  pratiques  du  culte  mosaïque. 
Cette  opinion  remonte  à  Josèphe,  qui  voulait  prouver  par- 
la la  supériorité  des  Juifs  sur  les  Grecs  et  les  Romains.  Au 
XVII*  siècle,  Vossius  \de  Theol,  gentili,  seu  de  orig.  ac  pro- 
gressu  idololairiœ^  1.  ix)  l'essaya  sur  des  arguments  histo- 
riques et  philologiques^  et  Daniel  Huet  l'a  formulée  de 
la  manière  suivante  :  Universa  propemodmn  Ethnicorum 
theologia  ex  Mose  Mosisve  actis  aut  scriptis  dérivât.  ^Dem. 
Ev.,  p.  1,  prop.  4,  capp.  m,  seqq.),  Schelling  donne  cette 
opinion  comme  insoutenable  a  l'heure  présente,  à  cause 
du  progrès  des  connaissances  historiques,  qui  a  révélé 
dans  le  polythéisme  l'existence  d'institutions  religieuses 
antérieurement  aux  institutions  mosaïques. 

D'après  une  opinion  aujourd'hui  beaucoup  plus  accré- 
ditée, les  points  communs  des  cérémonies  mosaïques  et 
païennes  viendraient  du  paganisme,  soit  l''  que,  par  une 
permission  divine,  ils  aient  été  empruntés  par  Moïse  afin 
de  prévenir  la  faiblesse  des  Israélites  et  leur  entraînement 


ÉTUDE    SUR  LA    LÉGISLATION   MOSAÏQUE.  J  23 

vers  l'idolâtrie  qui  s'étalait  dans  des  cultes  somptueux-, 
soit  2°,  que  ce  fond  commun  ait  été  comme  le  tronc  sur 
lequel  le  mosaisme  devait  être  enté  au  polythéisme,  afin 
de  le  remplacer  peu  a  peu. 

La  première  forme  sous  laquelle  se  présente  cette  opi- 
nion, nous  semble  reposer  sur  une  erreur  déjà  combattue. 
On  suppose  qu'il  n'y  a  pas  de  relation  entre  les  doctrines 
dogmatiques  d'une  religion,  et  les  cérémonies  extérieures 
dans  lesquelles  elle  se  manifeste.  On  croit   que  le  culte 
mosaïque  n'a  été  qu'un  moyen  par  lequel  on  a  arrêté  un 
peuple  ignorant  et  grossier  sur  la  pente  du  paganisme.  On 
n'admet  pas  que  les  formes  sensibles  du  culte  ne  soient 
que  la  manifestation  de  la  foi.  Or,  nous  pouvons  faire  à 
l'égard  des  pratiques  du  paganisme  deux  suppositions  :  ou 
bien  ces  pratiques  n'avaient  aucun  rapport  avec  les  dogmes 
polythéistes,  et  alors,  les  Israélites  pouvaient  les  accepter 
sans  aucun  danger  pour  leur  foi  :  ou  bien  ces  pratiques 
avaient  un  rapport  avec  les  dogpnes  polythéistes,  et  alors, 
leur  influence  sur  les  Israélites  eût  été  de  les  éloigner  de 
la  foi  monothéiste  :  Israël  ne  pouvait  pas  les  adopter.  C'est 
donc  une  erreur  de  penser  qu'acceptées  par  Moïse,  les  cé- 
rémonies [aïennes  auraient  pu  servir  a  éloigner  le  peuple 
de  l'idolâtrie.  —  On  reprend  et  l'on  dit  :  Ce  fond  commun 
était  diversement  modifié  dans  le  paganisme  et  dans  le 
mosaïsme  ;  il  était  susceptible  d'avoir  deux  rapports  diffé- 
rents avec  les  idées  polythéistes  et  les  idées  monothéistes. 
—  Mais  si  l'on  commence  par  nous  donner  d'Israël  l'idée 
d'un  peuple  dur  et  grossier,  nous  serons  peu  portés  à  croire 
qu'il  ait  pu  saisir  la  délicatesse  et  l'importance  de  ces  mo- 
difications. Que  si  l'on  revient  de  cette  première  assertion, 
pour  faire  d'Israël  un  peuple  intelligent  et  perspicace,  pou- 
vait-il, répondrons-nous,  retrouver  dans  le  Dieu  qui  se 
manifestait  a  lui  sous  des  formes  souillées  par  le   poly- 
théisme, le  Dieu  bon,  pur,  tout-puissant,  seul  créateur  et 


124  ÉTUDE  SUR  LA   LÉGISLATION  MOSAÏQUE, 

conservateur  du  monde,  conducteur  spécial  et  personnel 
du  peuple  qu'il  s'est  choisi?  Car  enfin,  dans  cette  hypo- 
thèse, Dieu  ne  se  distingue  que  par  un  nom  au  singulier,  du 
Dieu  aux  noms  pluriels  tel  que  le  fait  le  polythéisme.  Dieu 
est  déiste,  comme  le  ditBœhr,  ou  encore,  comme  il  ajoute 
(nous  n'acceptons  pas,  bien  entendu,  la  base  injurieuse  de 
cette  insinuation,  c'est  un  jésuite  qui  fait  le  mal  afin  d'ar- 
river au  bien  Symb.,  i,  §  41\ 

La  seconde  forme  donnée  à  cette  opinion,  reflète  évi- 
demment l'idée  fondamentale  du  panthéisme.  On  dit  :  les 
points  connus  du  mosaïsme  et  du  polythéisme  sont  le  ré- 
sultat de  la  divinisation  de  la  nature  par  le  paganisme.  Plus 
tard,  l'idée  de  l'unité  et  de  la  spiritualité  de  Dieu  a  jailli 
des  sources  profondes  et  sûres  de  la  conscience  despeuples. 
On  reconnaît  au  moins  une  relation  essentielle  entre  la 
forme  d'un  culte  et  l'idée  fondamentale  d'une  religion.  Mais 
comme  dans  le  premier  cas  on  ne  tenait  aucun  compte  de 
la  révélation  divine,  dans  le  second  on  la  fait  aussi  dispa- 
raître, on  en  supprime  d'un  coup  l'idée.  On  attribue  les 
rapports  moraux  du  Dieu  personnel  avec  l'homme,  à  un  dé- 
veloppement produit  par  ce  qu'on  appelle  l'esprit  du  monde 
sur  la  conscience  humaine-,  mais  on  ne  fait  pas  attention 
que  l'intelligence  humaine  ne  peut,  ni  pai*  ses  propres 
forces,  ni  à  l'aide  de  l'esprit  général  du  monde,  arriver  à  la 
notion  d'un  Dieu  unique  et  personnel,  entrant  en  rapports 
personnels  avec  un  peuple,  au  moins  une  fois  que  le  paga- 
nisme a  prévalu  comme  une  institution  dont  la  base  est  déjà 
la  divinisation  de  la  nature.  Puis,  supposé  que  les  choses 
se  soient  ainsi  passées,  il  faudrait  que  nous  puissions  suivre 
dans  les  cultes  polythéistes  un  développement  qui  les  eût 
conduits  a  répondre  a  l'idée  monothéiste,  comme  ils  répon- 
daient d'abord  a  l'idée  païenne.  Car,  s'il  y  a  une  différence 
profonde  entre  Jéhovah,  Dieu  d'Israël,  et  les  dieux  du  pa- 
ganisme, il  a  fallu  qu'un  jour  ou  l'autre  les  symboles  chargés 


ÉTUDE   SUR  LA  LÉGISLATCON  MOSAÏQUE.  125 

de  représenter  ces  dieux,  aient  fait  place  a  ceux  de  Jéhovah. 
Vous  admettez  qu'il  existe  une  relation  essentielle  entre 
les  formes  d'un  culte  et  l'idée  religieuse  qu'elles  expriment' 
comment  pourriez-vous  soutenir  la  coexistence  de  l'idée  mo- 
nothéiste sous  des  formes  polythéistes?  Non,  le  mosaïsme 
n'a  point  été  enté  sur  les  cultes  païens  qui  ont  pu  le  pré- 
céder historiquement.  On  ne  doit  pas  chercher  ses  origines 
dans  les  pratiques  superstitieuses  de  l'Egypte  ou  de  l'Asie. 
D'ailleurs,  on  comprend  très-bien  que  l'iniluence  des  cultes 
égyptiens  ail  pu  porter  les  Israélites  a  adorer  un  veau  d'or, 
mais  on  ne  concevrait  pas  comment  Moïse  aurait  pu  se 
servir  de  ces  cultes  pour  autoriser  des  institutions  que  cet 
acte  même  tendait  a  renverser. 

Avant  de  répondre  nous-mêmes  a  la  question  proposée, 
formons-nous  d'abord  une  idée  exacte  de  ce  qu'étaient  les 
mythologies  païennes.  Leur  cause  nous  apparaît  comme 
existant  dans  les  aptitudes  théogoniques  de  l'esprithumaiu, 
préparées  parune  révélation  primitive  dont  la  trace  ne  s'était 
point  complètement  effacée.  Schelling  l'a  victorieusement 
prouvé  dans  son  Introduction  à  la  philosophie  de  la  mijlho- 
logie.  Il  démontre  que  le  genre  humain  n'a  pas  commencé 
par  être  un  mutum  et  turpe  pecus,  que  la  poésie,  aidée  par 
les  forces  physiques  et  les  spéculations  de  quelques  hommes 
supérieurs,  aurait  peu  a  peu  civilisé,  en  lui  donnant  ses 
institutions  théogoniques.  La  mythologie  n'est  qu'une  alté- 
ration de  la  connaissance  du  vrai  Dieu,  du  vrai  concept  re- 
ligieux -,  ses  développements  ont  été  favorisés  en  divers  sens 
par  la  confusion  des  langues  et  la  dispersion  des  peuples. 
Supposé,  en  effet,  que  l'esprit  humain,  déclinant  sa  sujétion 
à  l'esprit  créateur  du  monde  visible,  ait  cru  reconnaître  à 
ce  monde  visible  la  puissance  qui  n'appartenait  qu'à  son 
Auteur,  il  se  précipite  par  la  même  et  se  perd  dans  l'inves- 
tigation des  causes  secondes,  tandis  que  le  bandeau  qu'il  a 
jeté  sur  ses  propres  yeux  lui  cache  la  cause  première.  Tou- 


126  ÉTUDE    SUR  L\   LÉGISLATION   MOSAÏQUE. 

tefois,  pour  leur  venir  de  la  cause  première,  l'action  et  la 
puissance  des  causes  secondes  ne  sont  pas  moins  réelles, 
et  lorsque  l'esprit  humain  leur  donne  une  existence  propre 
et  les  symbolise,  il  ne  crée  pas  seulement  des  symboles  iic- 
tifs  ou  imaginaireSjil  se  représente  une  action  et  une  puis- 
sance réelles  Saïu-ovia) .  C'est  la  la  divinisation  de  la  nature,  et 
c'est  aussi  la  mythologie.  M.  Stuhr  a  démontré  pareillement 
que  la  conscience  païenne  devait  son  développement  aux 
directions  multiples  de  !a  vie  naturelle  et  des  puissances  du 
monde-,  et  la  faison  sur  laquelle  il  se  fonde, c'est  que  la  vie 
spirituelle,  au  sein  du  paganisme,  était  complètement  plon- 
gée et  comme  ensevelie  dans  la  vie  de  la  nature.  De  la  vient, 
observe-t-ii,  que  les  mythologies  païennes  sonten  un  rapport 
parfait  avec  la  vie  naturelle  des  pays  où  elles  se  produi- 
sent (1).M.  Wuttke  est  peut-être  encore  plus  explicite  (2). 
Dans  son  parallèle  entre  le  paganisme  et  la  religion 
judaïco-chrétienne,  il  s'écrie  :  «  Le  divin  n'est  pas  libre 
dans  le  paganisme-,  il  l'est  au  contraire  parfaitement,  il  est 
pleinement  s?«\;Mm  dans  le  christianisme.  »  Puis,  il  dis- 
tingue dans  le  paganisme  un  côté  objectif  et  un  côté  sub- 
jectif, un  côté  purement  naturel  et  un  côté  purement  spiri- 
tuel, et  il  dit  :  «  Si  vous  considérez  dans  le  paganisme  ce 
qui  forme  son  côté  objectif,  celui  par  lequel  il  était  acces- 
sible aux  masses,  vous  vous  trouvez  en  plein  naturalisme. 
Vous  voyez  l'homme  chercher  la  vérité  hors  de  soi  el  non 
en  soi,  donc  hors  de  son  esprit,  donc  dans  la  nature  :  car 
la  nature  devient  alors  nécessairement  l'être  objectif  de 
l'esprit.  En  considérant  la  forme  subjective,  vous  voyez  les 
civilisations  même  les  plus  avancées,  celles  de  Rome  et  de 
la  Grèce,  se  former  une  idée  assez  confuse  de  la  distinction 
de  l'esprit  et  de  la  matière,  parce  que,  malgré  la  réaction  de 


(1)  Die  Religion-System  der  hsiden  Vœlker  des  Orient.  Berlio,  1836. 
;i)  Geschichte  dos  Heidcnthum.  Breslaw,  1852, 


ÉTUDE   SUR    L\   LÉGISLATION  MOSAÏQUE.  127 

l'esprit  sur  la  matière  qu'il  cherche  a  se  soumettre  par  l'ana- 
lyse, il  reste  à  la  matière  une  puissance  impérieuse  qui  lui 
donne  toujours  raison.  «C'est  aussi  la  manière  de  voir  de 
Creuzer  (1).  Il  établit  que  la  religion  des  Égyptiens  et  de 
tous  les  peuples  de  l'antiquité,  sauf  celle  des  Hébreux,  re- 
pose sur  un  fondement  physique  et  naturel. 

Cela  posé,  nous  reconnaissons  avec  Schelling  que  l'objet 
de  la  foi  païenne  était  purement  idéal,  et  qu'il  ne  convient 
pas  d'attribuer  aux  divinités  du  paganisme  une  réalité  objec- 
tive. Mais  alors  ne  faut-il  pas  avoir  recours  aux  procédés 
théogoniques  de  l'esprit  humain,  pour  expliquer  la  formation 
de  ces  mythes?  D'ailleurs,  l'influence  de  ces  procédés  se 
retrouve  jusque  dans  la  nature  même  des  divinités  païennes 
et  dans  l'ordre  hiérarchique  que  la  mythologie  établissait 
entre  elles.  L'amalgame  panthéistique  de  l'esprit  et  de  la  ma- 
tière tel  qu'il  existait  dans  le  paganisme,  l'ignorance  du  Dieu 
infini  et  personnel,  fournirent  les  représentations  cosmiques 
que  reçurent  ces  divinités.  On  leur  donna  un  corps,  quel- 
quefois un  corps  d'homme,  d'autres  fois  un  corps  d'animal, 
d'autres  fois  un  corps  mixte.  On  leur  assigna  pour  demeure 
le  xôffii-oçj  un  tout  très-indéfini,  et  on  imagina  entre  elles 
une  hiérarchie  analogue  a  celle  des  royaumes  de  la  terre. 
Enfin,  les  rapports  de  l'homme  avec  les  dieux  consistèrent 
en  un  ensemble  de  cérémonies  sensibles,  qui  manifestaient 
le  désir  de  l'homme  d'apaiser  la  colère  des  dieux,  de  mé- 
riter leurs  faveurs,  d'entrer  en  participation  de  leurs  dons  et 
de  leurs  forces. 

La  religion  mosaïque,  au  contraire,  fondée  sur  la  révéla- 
tion divine,  établit  le  peuple  d'Israël  dans  des  rapports  mo- 
raux, personnels,  et  vivants  avec  un  Dieu  vivant  et  person- 
nel. La  théocratie  révèle  au  peuple  le  côté  biblique  et 
terrestre  de  son  histoire-,  dans  les  rites  il  retrouve,  sous  un 

1)  Symb.  und  Myth.,  3  ausg.   18Î7. 


128  ÉTUDE    SUR   LA    LÉGISLATION   MOSAÏQUE. 

symbole,  la  forme  céleste  et  spirituelle  de  l'objet  de  sa  foi. 
Le  culte  devait  donc  représenter  louie  l'économie  des 
promesses  et  de  leur  Auteur,  de  la  mission  d'Israël  et  du 
royaume  spirituel  et  céleste  vers  lequel  il  marchait,  grâce 
a  la  miséricorde  de  Dieu,  qui  voulait  bien  entrer  dans  la 
vie  commune  de  son  peuple,  et  habiter  parmi  ses  enfants. 

Il  suit  de  la  que,  même  dans  sa  forme,  le  culte  mosaïque 
devait  essentiellement  différer  des  cultes  païens^  ce  qui 
n'empêche  pas  que  ces  deux  cultes  n'aient  pu  avoir  cer- 
taines analogies  éloignées,  certains  antécédents  communs. 
Israël  eut,  il  est  vrai,  comme  ses  voisins,  des  autels,  des 
temples,  un  sacerdoce,  des  sacrifices,  des  purifications,  etc. 
Toutefois,  s'ensuit-il  que  ce  soient  la  des  emprunts  faits  au 
paganisme?  ]Xous  ne  le  pensons  pas.  Sur  tous  les  points  de 
l'espace,  a  quelque  époque  qu'on  le  considère,  l'esprit  hu- 
main a  admis  ces  institutions  comme  la  base  essentielle  de 
son  culte.  En  supposant  l'unité  de  l'espèce  humaine,  et  sa 
dérivation  d'un  couple  unique,  on  conçoît  très-bien  que  les 
fils  d'Adam  aient  eu  des  instincts  religieux  communs.  Or, 
cette  hypothèse  est  aujourd'hui  une  vérité  historique,  phi- 
lologique et  physiologique,  aussi  bien  qu'une  vérité  ré- 
vélée. Enfin  la  révélation  suit  les  progrès  humains,  et  elle 
en  profite.  Le  séjour  des  Israélites  en  Egypte  et  l'éducation 
de  Moïse  a  la  cour  des  Pharaons,  devaient  préparer  Moïse 
a  devenir  le  législateur  de  son  peuple,  et  ce  peuple  aux 
pompes  des  cérémonies  mosaïques,  substituées  aux  cultes 
idolâtriques  qu'il  avait  vu  pratiquer  par  ses  oppresseurs,  et 
pour  lesquels  il  devait  éprouver  une  profonde  répulsion. 
To.utefois,  si  parmi  les  pratiques  superstitieuses  de  l'Egypte, 
il  y  en  avait  qui  appartinssent  au  fond  d'idées  religieuses 
commun  a  l'espèce  humaine,  et  surtout  qui  n'eussent  au- 
cun rapport  spécifique  avec  l'idolâtrie,  Moïse  pouvait  très- 
bien  les  conserver  dans  le  culte  de  Jéhovah.  Est-ce  ainsi 
que  cela  s'est  passé?  On  ne  connaît  pas  assez  l'origine,  les 


ÉTDDE   SUR   LA   LÉGISLATION   MOSiOiQUE.  129 

sources  et  les  pratiques  du  culte  égyptien,  pour  décider 
cette  question.  Dans  le  cuite  mosaïque,  nous  ne  pouvons 
pas  discerner  suffisamment  ce  en  quoi  l'Esprit-Saint  a  agi 
proprio  motu,  de  ce  en  quoi  il  a  profité  des  institutions  hu- 
maines. Les  éléments  de  la  révélation  divine  et  des  déve- 
loppements humains  ont  été  tellement  fondus  et  mêlés 
ensemble,  que  le  criticisme  le  plus  hardi  n'est  pas  toujours 
ingénieux  lorsqu'il  cherche  a  les  démêler.  Nous  croyons 
donc  que  la  question  proposée  estune  de  celles  qu'on  résout 
comme  question  de  droit,  mais  qui  restent  insolubles 
comme  question  de  fait. 

A.   GiLLY. 


LA  THEOLOGIE  DES  CATACOMBES. 


Cinquième  article, 


DBlIXIEllE    PARTIE. 


l'hérésie  et  les  catacombes  romaines. 


III. 


Non  loin  de  la  sépulture  de  Vincentius,  on  rencontre 
une  autre  tombe  décorée  aussi  de  peintures,  mais  sans 
inscriptions  ni  légendes.  Toutefois  le  thème  que  le  peintre 
a  développé  dit  assez  qu'un  adepte  de  la  Gnose  et  de 
Mithra  est  enseveli  sous  cet  Arcosolium.  Parcourons  rapide- 
ment les  degrés  successifs  de  son  initiation. 

i.  Tout  d'abord,  revêtu  du  costume  des  guerriers,  le  tniles 
Mithrœ,  comme  Tertullien  le  nomme  (1),  s'apprête  à  suivre 
un  personnage  dont  les  vêtements  rappellent  ceux  que  Manès 
portait  en  sa  conférence  avec  Archélaiis  (2).  Ils  consacrent 
à  leur  Dieu  une  guirlande  de  fleurs  qui  est  le  premier  hom- 
mage de  l'initié. 


(1)  De  Prœscriptionibus ,  c.  19,  et  de  Corona  milit.,  c.  15;  coll.  Hieron, 
ep.  ad  Lœfam.  Le  R.  P.  Garrucci  cite  encore  S.  Epiph.  Hœres.  xsvi,  Pbilas- 
trius,  S.  Jean  de  Damas,  etc. 

(2)  Mystères;  p.  33,  et  Additions  aux  Mélanges,  sub  fine. 


LA  THÉOLOGIE   DES   CATACOMBES.  131 

2.  Ils  arrivent  bientôt  au  pied  de  la  montagne  par  où 
l'âme  humaine  retourne  aux  régions  supérieures  d'où  elle 
est  tombée.  Le  mont  sacré  est  partagé  en  cinq  zones,  et  sa 
cime  touche  à  l'azur  du  ciel.  Là,  s'étend  un  chemin  tracé 
par  des  feuilles  de  laurier  ;  là  brillent  les  cinq  étoiles  ou 
puissances  intelligentes,  qui  occupent  une  place  importante 
dans  les  théories  des  anciens  hérétiques.  L'Église  faisait 
abjurer  aux  Manichéens  les  cinq  lumières  intelligentes  ; 
Fauste  les  vantait  dans  ses  prédications  ;  les  actes  apocry- 
phes de  saint  Thomas  disent  que  Marie  est  la  mère  des 
sept  demeures,  des  cinq  mélodies,  et  l'Enfant  divin,  celui  qui 

est  engendré  avant  les  cinq  mélodies etc.   (1).  Mais  pour 

que  l'âme  par  ses  élans  et  efforts,  puisse  atteindre  à  la  voie 
triomphale,  au  séjour  des  astres  immobiles,  elle  a  besoin  du 
secours  divin  que  la  prière  seule  lui  donnera.  La  nécessité 
des  sacrifices,  si  universellement  reconnue  dans  l'antiquité, 
n'a  pas  échappé  àl'esprit  des  gnostiques»  Tandis  que  l'adepte 
3'humilie  en  face  de  la  majesté  souveraine,  l'hiérophante 
élève  vers  les  étoiles  un  Agneau  immolé.  Fait  remarquable  ! 
ze  n'est  plus  ici  le  tauroholium  ou  le  crioholium  des  cultes 
orientaux,  mais  l'oblation  d'un  agneau.  «  Ce  changement, 
«  dit  le  R.  P.  Garrucci  (2),  paraît  suffisamment  justifié  par 
«  le  besoin  d'imiter  en  quelque  chose  les  symboles  du 
«christianisme,  dont  l'influence  tendait  alors  à  devenir 
«  prépondérante.  »  Mais  si  les  hérétiques  du  second  siècle 
empruntèrent  à  l'Église  cette  forme  particulière  de  sacrifice, 
DU  voit  bien  que  le  sacrifice  mystique  de  l'Agneau  divin 
était  dès  lors  un  dogme  fondamental  de  notre  foi,  une  de 
:es  croyances  chéries  que  l'homme  conserve  dans  ses  erreurs, 
ît  qu'on  ne  pourrait  lui  enlever  qu'en  le  déchirant  lui- 
nême. 

(1)  Voyez  pour  toute  cette  doctrine  les  savantes  et  lumineuses  recher- 
îhes  du  R.  P.  Garrucci,  op.  cit.,  p.  41  seqq, 

(2)  Mystères,  p.  33  seqq. 


132  LA   THÉOLOGIE   DES  CATACOMBES. 

3,  Quelquefois,  l'initiation  aux  mystères  de  l'Asie  s'ac- 
complissait par  le  double  ministère  d'un  prêtre  et  d'une 
prêtresse.  Les  gnostiques  de  la  voie  Appienne  en  usaient 
ainsi,  et  dans  la  troisième  des  scènes  que  nous  étudions, 
une  femme  couronnée  de  feuillage  guide  le  miles  entière- 
ment équipé  pour  le  combat,  abrité  derrière  son  bouclier, 
l'épée  haute  et  étincelante.  Tous  deux,  ils  ont  un  genou  en 
terre  et  les  pieds  nus.  L'initié  se  consacre  à  la  divinité  que 
l'on  voit  dans  un  médaillon  placé  au  centre  de  l'arcade  (1) . 
h.  C'est  la  grande  déesse  de  Phrygie,  «  mystérieusement 
((  isolée  dans  un  cercle,  image  de  son  empire  ;  le  cercle  est 
«  lui-même  renfermé  dans  un  carré,  symbole  des  quatre 
<(  éléments  du  monde.  »  Aux  angles,  le  peintre  a  repré- 
senté les  dauphins  qui  figurent  l'océan,  la  corbeille  fantas- 
tique de  fleurs  et  de  fruits  qui  indique  la  terre  féconde  et 
nourricière,  un  oiseau  au  plumage  de  pourpre  et  d'or  comme 
les  teintes  et  reflets  de  Y  air;  enfin,  le  phénix  qui  renaît  du 
feu  où  il  a  été  consumé  (2).  Mais  l'image  de  la  déesse  con- 
traste tout-à-fait  avec  la  sainteté  et  la  pureté  de  nos  pein- 
tures; elle  prouve  que  les  Pères  ont  combattu  à  bon  droit 
la  corruption  morale  des  hérétiques,  et  donne  un  démenti 
formel  aux  libres-penseurs  qui  se  chargent  de  réhabiliter  le 
gnosticisme  (3). 

5.  «  Au-dessous  de  l'arcade,  sur  le  mur  du  fond,  le 
«  peintre  a  représenté  une  porte  surmontée  de  douze  feuilles 
«  de  laurier  inclinées  les  unes  vers  les  autres,  et  des  deux 
((  côtés  de  la  porte,  deux  génies  qui  montrent  les  feuilles 
«  aux  spectateurs:  l'un  à  droite  laisse  pencher  des  branches 
«  d'amandier  ou  de  saule;  l'autre,  paré  d'un  collier  de 
«  perles,  élève  une  branche  de  laurier  {h).  »  L'épitaphe  de 

(1)  Garrucci,  op.  cit.,  pp.  34  et  48. 

(2)  Mystères,  pp.  35  et  40. 

(3)  /6.,"p.  38. 

(4)  Ibid,  p.  34 , 


LA    THÉOLOGIE    DES    CATACOMBES.  133 

Vincentius  aide  à  T interprétation  de  cette  peinture  :  Hoc 
ostkim  qidetis  quod  vides!  Ce  que  tu  vois  est  la  porte  du 
repos,  de  la  gloire,  du  plaisir.  Sans  doute  le  portrait  du 
défunt  devait  y  être  dessiné  et  son  nom  écrit  au-dessus  de 
l'arcade  dans  un  cartel  qui  est  resté  vide. 

Enfin,  comme  les  fossores  traçaient  sur  le  locuhis  de  nos 
pères  le  monogramme  du  Christ  ou  le  symbole  de  la  Croix 
dont  la  vertu  nous  ressuscitera;  ainsi,  sur  la  tombe  du  sec- 
taire, l'étoile  de  Mithra,  de  l'invincible  soleil,  épand  autour 
d'elle  ses  huit  rayons.  Lumière  orgueilleuse  qui,  comparée 
à  ta  lumière,  ô  sainte  Église  romaine,  n'est  que  ténèbres 
épaisses  et  profonde  obscurité  ! 


IV. 


Le  troisième  areosoUum  du  cimetière  gnostique  de  la  Via 
Appia,  n'offre  à  notre  attention  qu'une  inscription  incom- 
plète, et  partant  peu  intelligible.  Toutefois,  nous  voyons 
qu'elle  fut  consacrée  à  la  mémoire  de  «  Marc-Aurèle  (1), 
«  prêtre  du  Dieu-Soleil,  l'invincible  Mithra.  »  Sa  morale 
n'était  ni  plus  pure,  ni  plus  élevée  que  celle  de  Vincentius: 

.  .  .  VOLVPTATEM  •  lOGVM  •  ALVMNIS»  SVIS  •  DEDIT. 

Donc,  il  est  juste  de  répéter  avec  le  R.  P.  Garrucci  que 
cette  catacombe  contredit  puissamment  ce  que  Julien,  Jam- 
bUque  et  leurs  modernes  imitateurs  ont  dit  de  l'innocence 
de  la  philosophie  païenne,  et  qu'elle  convainc  les  sectes 
gnostiques  d'imposture;  la  sainteté  est  une  note  de  l'Église 


(1)  «  Ce  nom,  et  l'indication  du  prénom,  dit  leR.  P.  Garrucci,  me  por- 
«  tant  à  croire  que  ce  bras  des  Catacombes  n'est  pas  beaucoup  plus  ré- 
«  cent  (que  l'empereur  et  pliilosopbe  Marc-Aurèle).  1!  aura  été  creusé, 
«  selon  moi,  entre  le  ii»  et  le  m«  siècle,  et  peut-êlre  à  l'époque  d'Hélioga- 
«  baie.  »  {op.  cit.,  p.  50.) 


lâ/i  LA   THÉOLOGIE    DES    CATACOMBES. 

romaine:  l'hérésie  se   dislingue  à  un  caractère  absolument 
contraire. 

Si  l'on  rapproche  les  trois  tombeaux  que  nous  avons 
décrits,  leurs  peintures  et  leurs  inscriptions,  si  l'on  exa- 
mine les  influences  sous  lesquelles  ces  œuvres  singulières 
furent  produites  et  les  éléments  dont  elles  sont  formées,  on 
comprend  aisément  que  le  savant  archéologue  du  Collège 
romain  ait  dû  les  nommer  les  3J  y  stères  du  syticrétisme 
phrygien.  Oui  !  tout  est  syncrétisme  en  cette  catacombe:  des 
fragments  de  textes  bibliques,  des  traits  de  la  croyance  ca- 
tholique s  ur  les  anges,  l'intercession  des  saints  et  le  sacri- 
fice admirable  de  l'Agneau,  s'y  unissent  à  des  doctrines- 
franchement  païennes.  Et  encore,  ces  dernières  sont  le  ré- 
sultat d'un  mélange  bizarre  des  fables  persanes,  de  la  my- 
thologie phrygienne  et  des  rêveries  de  l'Occident.  Ainsi, 
l'unité  de  Dieu  y  est  assez  respectée  ;  mais  ce  Dieu  est  tout 
à  la  fois  le  Dis  poter,  Sabazius,  Mithra,  la  grande  Déesse, 
en  qui  se  confondaient  les  mythes  des  déesses  de  Phrygie, 
du  Pont,  de  l'Arménie,  de  Babylone,  d'Ephèse,  d'Athènes 
et  de  Rome  (1). 

La  multiphcation  des  rapports  entre  les  diverses  nations, 
l'établissement  de  l'empire  romain,  qui  s'étendait  sur  tous 
les  peuples  et  faisait  du  Capitole  le  centre  de  la  vie  poli- 
tique et  intellectuelle  du  monde,  le  soin  que  prenait  le 
vainqueur  de  recevoir  dans  son  culte  les  croyances  et  rites 
particuhers  des  vaincus,  amenèrent  ce  grand  mouvement 
d'assimilation  rehgieuse.  La  philosophie  s'en  empara  comme 
d'une  machine  de  guerre  contre  l'Évangile  :  car  la  forte 
unité  du  christianisme  est  à  la  fois  une  marque  de  sa  divi- 
nité et  un  grand  attrait  pour  les  esprits  lassés  des  contra- 


(1)  Le  Dis  Paler  revèi  ici  les  formes  du  Pluton  romain;  Abracura  est 
encore  un  mylhe  complexe  qui  rappelle  Proserpine  et  Minerve;  Mercure 
seul  conserve  son  nom  et  sa  physionomie  particulière.  (V.  celte  Revue, 
noy.  1862,  L'Archéul.  sacrée  à  Rome., 


LA    THÉOLOGIE  DES    CATACOMBES.  135 

dictions  et  des  interminables  disputes  de  la  science 
humaine.  Elle  chercha  donc  aussi  l'identité  des  doctrines, 
l'accord  des  sentiments,  l'unité  de  culte,  et,  par  des  procédés 
qu'on  a  nommés  depuis  syncrétisme  ou  éclectisme,  etc. , 
elle  essaya  de  fonder  un  système  scientifique  et  religieux 
où  les  principes  les  plus  opposés  s'étonnèrent  un  jour 
d'être  confondus.  Ce  fut  une  des  formes  de  gnosticisme. 

Une  tendance  un  peu  différente  se  manifestait  encore  à 
cette  époque  parmi  les  philosophes  :  partant  de  la  foi  catho- 
li  que  qu'ils  avaient  d'abord  professée,  et  rejetant  sa  mer- 
veilleuse austérité,  sa  rigoureuse  simplicité,  ils  s'aban- 
donnaient aux  spéculations  de  leur  raison,  et  envisageaient 
de  cent  façons  le  judaïsme,  le  paganisme  et  le  christianisme, 
comme  les  premières  tentatives  d'un  développement  pro- 
gressif qui  doit  nous  conduire  à  la  claire  vue  de  toute  vérité. 
Le  langage  de  ces  derniers  sectaires  conservait  plus  d'ana- 
logie avec  celui  de  l'Église,  et  à  l'entendre,  on  reconnaissait 
qu'il  était  d'un  apostat.  —  Qu'on  ,nous  permette  d'en 
donner  un  exemple. 


V. 


«  Désireuse  de  la  lumière  de  la  patrie,  ô  Sophe,  née  du 
«  même  sang  que  moi  et  mon  épouse  ! 

«  Consacrée  dans  le  baptême  du  Christ  par  le  baume 
«  incorruptible  et  pur, 

«  Tu  t'es  hâtée  de  contempler  les  visages  divins  des 
«  Éons, 

«  L'ange  du  grand  conseil,  le  fils  véritable  ! 

«  Tu  t'es  rendue  à  la  demeure  de  l'époux,  tu  t'es  élancée 
«  vers  la  chambre  nuptiale  de  la  patrie 

«  Mais  en  mourant  elle  n'a  point  eu  une  fin  vulgaire: 

«  Elle  est  morte  et  elle  vit  ;  elle  voit  la  lumière  essen- 
«  tielle,  incorruptible. 


136  LA    THÉOLOGIE    DES    CATACOMBES. 

«  Elle  vit  pour  ceux  qui  vivent,  elle  n'est  morte  que  pour 
«  ceux  qui  sont  vraiment  morts. 

«  O  terre  !  pourquoi  t' étonner  et  craindre  de  recevoir 
«  une  pareille  dépouille  (1)?  » 

Au  style  égoïste  et  orgueilleux  des  dernières  paroles,  au 
ton  prétentieux  et  affecté  de  toute  l'épitaphe,  mais  surtout  à 
cette  expression:  Les  visages  divins  des  Bons,  l'on  reconnaît 
bien  l'œuvre  d'un  hérétique.  Flavia  Sophe  (2)  appartenait 
à  quelque  secte  gnostique  de  la  voie  latine,  car  c'est  là  que 
son  tombeau  fut  découvert,  en  1858,  dans  les  fouilles  de 
Saint-Étienne-hors-les-Murs.  Sa  doctrine  est  remplie  de 
réminiscences  catholiques  :  le  baptême  du  Christ,  les  onctions 
de  l'huile  consacrée,  l'ange  du  grand  conseil,  le  fils  véri- 
table, la  lumière  de  la  patrie 

Les  rationalistes  de  ce  siècle  parlent  aussi  des  dogmes 
évangéliques,  qu'ils  aiment  à  louer,  du  Christ  revêtu  de 
grâce  et  de  sagesse,  du  céleste  messager  qui  nous  annonça 
la  liberté  et  le  progrès,  de  la  contemplation  infinie  où  ils 
veulent  voir  Dieu  sans  nuages.  Mais  aujourd'hui,  comme 
au  temps  de  Flavia  Sophe,  que  prétendent-ils  et  qu'en- 
seignent-ils, sinon  l'indépendance  de  la  raison  humaine,  la 
glorification  de  la  nature  matérielle,  la  confusion  du  bien 
et  du  mal,  de  la  vérité  et  de  l'erreur,  d'ans  un  absurde 
panthéisme  ? 

VI. 

Les  rapports  des  Catacombes  hérétiques  et  des  Catacombes 
catholiques  demandent  enfin  quelques  éclaircissements  qui 

(1)  Nous  traduisons  cette  inscription  d'après  le  texte  grec  publié  par 
la  Civiltà  (tom.  x,  p.  357),  et  par  Mommsen.  Mais  ce  texte  est  incom- 
plet: plusieurs  ligues  en  restent  encore  iuédites  et  nous  souhaitons  vi- 
vement que  le  R.  P.  Garrucci^  à  qui  elles  ont  été  contiées,  nous  fasse 
bientôt  connaître  ce  monument  tout  entier. 

(2)  L'inscription  est  acrostiche  et  nous  donne  par  cet  artifice  le  nom 
de  Sophe  :  4>AABIA. 


LA    THÉOLOGIE    DES    CATACOMBES.  137 

serviront  d'introduction  à  la  troisième   partie  de  notre 
Théologie  des  Catacombes. 

Ces  cimetières  gnostiques  et  catholiques  sont-ils  iden- 
tiques? Les  sectaires  ont-ils  reposé  parmi  ceux  qui  sont 
morts  pour  le  Christ  ou  entre  les  bras  de  l'Eglise  ?  Les 
docteurs  du  mensongeont-ils  partagé  la  sépulture  des  maîtres 
de  la  vérité  ?  Il  s'est  trouvé  des  écrivains  qui  ont  soutenu 
l'afTirmative,  et  qu'Aringhi  accuse  justement  d'ignorer  les 
rites  et  les  mœurs  du  christianisme  primitif  (1).  Le  docte 
oratorien  leur  oppose  l'antipathie  absolue  des  catholiques 
et  des  hérétiques,  les  constitutions  apostoliques  qui,  après 
l'Écriture,  interdisaient  toutes  les  relations  sociales  avec  les 
apostats  ;  les  lois  synodales  très-anciennes,  qui  prescrivaient 
de  détruire  les  basiliques  et  cimetières  des  hérétiques  et  de 
n'y  plus  ensevelir;  l'attention  que  les  donatistes  eux-mêmes 
prenaient  de  disperser  les  cendres  des  fidèles  quand  ils 
s'emparaient  des  cimetières  d'Afrique,  et  la  haine  barbare 
des  ariens  pour  la  Piome  souterra:ine  des  successeurs  de 
PiejTe. 

Mais  le  souterrain  mithriaque  du  Domine  que  vadis  touche 
aux  galeries  de  Prétextât  et  à  la  reine  des  Catacombes,  celle 
de  Calixte  :  dès  lors,  parmi  les  rehques  extraites  de  nos 
cimetières,  n'en  est-il  pas  de  fausses,  ossements  impurs  des 
ennemis  de  la  foi  ? 

De  grâce,  ne  doutons  point  de  la  sainte  Église,  ni  de  sa 
prudence  :  elle  saurait  discerner  entre  l'or  pur  et  la  pous- 
sière, entre  l'ivraie  et  le  froment.  Que  nos  fossores  aient, 
par  hasard,  poussé  leurs  excavations  jusque  dans  le  sol  des 
sépultures  gnostiques,  ou  qu'il  y  ait  eu  invasion  des  héré- 


(1)  Nonnulli  qui  parum  antiquos  chridianorum  ritus  ac  mores  callent,  in 
religionis  ovtliodoxœ  contumeltam  petulanti  ore  effutire  ausi  sunt  inurbis 
videlicet  cœtneteriis,  hœreticorum  quoquc  corpora  reposita  olim,   vel  certe 

supposita,  ut  ita  dixerim  fuisse [Roma  subterranea,  t.  Il,   1.  v,  c.  2, 

p.  434.) 

BEVUE  DES  Sciences  ecclés.,  t,  x. —  août  18C4.  10 


j38  LA  THÉOLOGIE    DES    CATACOMBES. 

tiques  dans  la  catacombe  de  Prétextai,  cela  importe  fort 
peu  :  «  La  petite  catacombe  sabazienne  et  mithriaque,  dit 
«  le  R.  P.  Garrucci  (1),  est  un  endroit  à  part,  dont  le  sol 
«  est  inférieur  à  celui  du  cimetière  voisin,  et  dont  V accès 
«  aoait  été  interdit  aux  fidèles,  ainsi  que  des  indices  sûrs  le 
«  font  connaître.  On  remarque,  lorsqu'on  descend  vers  les 
«  trois  arcosolia  païens,  des  trous  creusés  dans  les  murs  et 
«  en  face  l'un  de  l'autre,  soit  en  deçà  du  tombeau  de  Vin- 
«  centius,  soit  au  delà  de  celui  d'Aurélius.  C'était  évi- 
«  demment  pour  recevoir  les  solives  d'une  cloison  ;  au- 
«  dessous  de  ces  enfoncements,  se  trouvaient  de  gros 
«  moellons  transportés  d'ailleurs.  On  ne  peut  douter  que 
«  ce  ne  fût  pour  fermer  même  aux  regards  le  lieu  profané 
«  où  dormaient  les  adorateurs  des  idoles.  » 

On  voit  par  là  combien  se  sont  trompés  les  archéologues 
qui  ont  attribué  les  monuments  de  cette  catacombe  à  l'art 
de  l'Église.  Il  en  est  (2)  qui  se  sont  principalement  autorisés 
de  cette  hypothèse  dans  l'intérêt  de  leur  système  sur  l'ori- 
gine de  la  peinture  et  de  la  sculpture  chrétiennes.  —  Ils  se 
persuadent  qu'elles  se  formèrent  sous  une  influence  directe 
de  Técole  païenne  ;  qu'elles  furent  le  résultat  lent  et  pé- 
nible des  transformations  de  l'art  antique  ;  que  les  peintres 
convertis  au  christianisme  y  apportèrent  avec  eux  leurs 
sujets  mythologiques  et  leurs  idées  profanes,  puis  les  épu- 
rèrent par  degrés,  en  dégagèrent  l'élément  spiritualiste,  et 


(1)  Les  mystères  du  Syncrétisme,  etc.,  p.  54. 

(2)  Par  exftmpje.  M.  Raoul  Rochelle  dans  les  Mém.  de  l'Ac,  des  In- 
script, et  belles-lettres  t.  xiii  pp.  147  et  158,  et  dans  sov  Tableau  des  Ca- 
tacombes de  Rome,  2«  éd..  pp.  145  155.  Depuis,  le  savant  auteur  a  pleine- 
ment adhéré  à  la  dissertation  duR.  P.  Garrucci  ;Cf.  Les  Mystères, etc.  p.  2), 
et  ce  n'est  point  le  seul  exemple  qu'il  ait  donné  de  son  amour  pour  la 
vérité.  Mais  le  Tableau  des  Catacombes  renferme  encore  bien  des  inexac- 
titudes, bien  des  jugements  peu  sûrs,  et  il  ne  pourrait  servir  à  faire 
connaître  la  Rome  souterraine  qu'après  des  corrections  et  une  révision 
très-sojgueuses. 


LA.   THÉOLOGIE    DES    CATACOMBES.  139 

raccommodant  à  nos  dogmes,  préparèrent  l'art  des  mo- 
saïques et  des  fresques  du  Moyen  Age. 

Cette  accusation  de  syncrétisme,  de  condescendance 
esthétique  et  doctrinale,  portée  contre  la  sainte  Église  ca- 
tholique, est  aussi  bien  réfutée  que  la  doctrine  de  ceux  qui 
voyaient  dans  nos  Catacombes,  les  carrières  ou  même  les 
cimetières  de  Rome  antique.  Non,  l'ïlglise  n'a  jamais  pra- 
tiqué cet  éclectisme:  aucun  sujet  vraiment  païen  n'a  trouvé 
place  dans  le  livre  de  son  symbolisme  religieux.  De  nombreux 
sujets,  surtout  de  décors,  tels  que  les  feuillages,  les  guir- 
landes, les  couronnes,  les  arabesques,  appartiennent  uni- 
quement à  la  nature,  comme  les  principes  philosophiques  à 
la  raison  ;  l'Eglise  a  pu  les  adopter  sans  qu'une  ombre  de 
paganisme  ait  voilé  sa  divine  beauté  (1).  Et  quant  aux  res- 
semblances qu'on  peut  signaler  entre  la  manière  des  peintres 
des  Césars  et  des  peintres  des  Catacombes,  elles  sont  à  la 
fois  trop  nécessaires  et  trop  essentielles  à  la. notion  même 
de  l'art  pour  fournir  une  base  solide  aux  théories  que  nous 
signalons. 

Les  catacombes  hérétiques  et  les  Catacombes  catholiques 
sont  donc  très-différentes;  elles  ne  se  confondent  nullement. 
Elles  furent  toujours  ennemies,  et  le  rationalisme  moderne 
ne  les  réunira  point.  Elles  rappellent  la  cité  de  Dieu  et  la 
cité  du  mal  qui  se  combattent  jusqu'à  la  fin  des  siècles, 
Simon-Pierre  et  Simon  le  Magicien,  luttant  au  forum  avec 
les  armes  de  la  vérité  et  de  l'erreur. 

Les  donatistes,  retirés  dans  leur  caverne  obscure,  mau- 
dissaient la  Catacombe  vaticane,  et  n'avaient  jamais  abaissé 
leur  front  devant  le  sépulcre  où  dort  le  Prince  des 
Apôtres  (2).  L'abbé  J.  D. 


(1)  Nous  regrettons  de  ne  pouvoir  donner  à  cause  de  leur  étendue  les 
remarques  décisives  de  Boldetli  sur  ce  sujet.  (Cf.  Oiservazioni,  etc., 
pp.  26  et  27.) 

(«)  S.  Optât.  Milev.  loc.  cit. 


DU  DEOIT  COUTUMIER  DANS  L'EGLISE. 


Troisième  article. 


DES  COND[TIONS    CANONIQUES    DU    DROIT    COUTUMLER. 

La  matière  de  la  coutume,  pour  nous  servir  des  termes 
de  l'École,  consiste  dans  les  actes  répétés,  et  la  forme, 
dans  le  consentemfnt  du  législateur.  Ce  consentement, 
qui,  a  la  vérité,  constitue  un  élément  essentiel  du  droit 
non  écrit,  n'est  point  indiqué  néanmoins  dans  la  définition 
de  ce  droit  donnée  plus  haut,  d'après  le  canon  Consuetudo ; 
car,  comme  il  est  invariablement  attaché  à  certaines  con- 
ditions de  la  coutume  de  fait,  il  suffisait  de  rappeler  ces 
conditions. 

Mais,  comme  nous  avons  ici  à  décrire  les  caractères  pro- 
pres, c'est-k-dire,  a  déterminer  d'une  manière  spéciale 
la  matière  et  la  forme  du  droit  coulumier,  il  importe 
d'examiner  d'abord  la  nature  des  actes  et  leur  rectitude  in- 
trinsèque, et  ensuite  de  montrer  en  quoi  consiste  l'adhé- 
sion du  législateur.  S'il  s'agissait  d'une  société  politique, 
dans  laquelle  le  peuple  aurait  conservé  l'exercice  du  pou- 
voir législatif,  la  rectitude  et  runiformité  persévérante  des 
actes  seraient  les  seules  conditions  du  dioit  non  écrit;  il 
est  manifeste  qu'alors  le  consentement  du  législateur  est 
impliqué  dans  les  actes  répétés.  Aussi  les  légistes  romains, 
qui  se  placent  à  peu  près  exclusivement  au  point  de  vue 


DU  DROIT  COUTUMIER    DANS    l'ÉGLISE.  i!li 

d'une  démocratie,  font-ils  sortir  de  l'autorité  même  du 
peuple  souverain,  la  force  obligatoire  de  la  coutume. 

Or,  il  est  certain  que  dans  l'Eglise  le  pouvoir  législatif 
n'est  nullement  entre  les  mains  de  la  multitude  ou  des 
fidèles,  et  par  conséquent  nous  avons  ici  à  étudier,  d'une 
manière  distincte,  les  conditions  qui  déterminent  l'aptitude 
de  la  matière  et  l'existence  certaine  de  la  forme. 


I. 


Sous  le  premier  rapport,  il  faut  commencer  par  l'examen 
de  la  qualité  des  actes,  afin  de  voir  s'ils  ont  un  caractère 
vraiment  social  et  s'ils  tendent  a  introduire  une  obligation  ; 
ensuite,  il  importe  de  vérifier  leur  rectitude  en  vue  du  bien 
public. 

Le  droit  objectif,  considéré  dans  son  acception  la  plus 
générale,  consiste,  ainsi  que  nous  l'avons  montré,  dans  la 
direction  rationnelle  vers  une  fin  obligatoire^  le  droit  so- 
cial sera  donc  la  règle  morale  que  doit  suivre  la  société 
pour  parvenir  à  sa  fin-,  c'est  pour  l'acquisition  de  cette  fin 
sociale  ou  du  bien  commun  que  toutes  les  forces  collec- 
tives qui  constituent  la  personne  juridique  se  sont  réu- 
nies. Or  cela  étant,  il  s'agit  par  conséquent,  dans  la  question 
présente,  de  voir  si  les  actes  qui  introduisent  une  coutume 
sont  véritablement  sociaux,  et  en  outre,  s'ils  sont  doués 
de  cette  rectitude  intrinsèque  qui  est  une  condition  néces- 
saire de  toute  loi.  Quand  ils  réunissent  cette  dernière  qua- 
lité, qui  constitue  comme  la  matière  prochaine  du  droit 
non  écrit,  la  coutume  est  dite  raisonnable. 

1.  Et  d'abord,  pour  ce  qui  est  de  la  qualité  des  actes,  la 
plupart  des  canonistes,  d'après  la  Glose  sur  la  décrétale 
Cum  tanto  (1),  énumèrent  huit  ou  dix  conditions  particu- 

(.1)  Gap.  ult.  de  Consuet, 


142  DU  DROIT    COLTl  MIER 

lières,  que  doivent  réunir  les  opérations  qui  tendent  a  in- 
troduire un  usage  légal.  Cependant,  comme  quelques-unes 
de  ces  conditions  rentrent  dans  les  autres,  nous  nous  bor- 
nerons a  énumérer  celles  qui  caractérisent  la  matière  éloi- 
gnée du  droit  coutumier. 

1"  Les  actes  par  lesquels  une  coutume  prend  naissance, 
doivent  être  publics  et  exercés  par  toute  la  communauté, 
ou  du  moins  parla  majorité.  11  s'agit,  en  effet,  d'introduire 
un  usage  public  et  social,  avec  lequel  des  actes  secrets  et 
privés  n'ont  aucun  rapport*,  ensuite,  la  coutume  devant 
être  l'expression  de  la  tendance  commune  du  peuple,  il  est 
nécessaire  par  là  même  que  les  actes  soient  exercés  par 
toute  la  communauté,  ou  du  moins  par  une  fraction  suffi- 
sante pour  être  l'expression  vraie  de  la  société  entière. 

Et  il  importe  d'observer  ici,  qu'une  coutume  légale  ne 
peut  être  introduite  que  par  une  communauté  qui  con- 
stitue une  société  complète  en  son  genre,  comme  une 
nation,  une  province,  un  diocèse.  Conmetudo  juris,  dit 
Suarez,  no7i  a  quacumqne  commiinitate  introduci  potest,  sed 
ab  illa  quœ  sit  capax  potestatis  legislutivœ  pro  seipsa  tel  sal- 
lem  sufficiens  ut  vera  lex  illi  imponi  possit    'V  . 

2°  Les  actes  qui  introduisent  une  coutume,  doivent  être 
volontaires  et  libres,  car  autrement  il  n'y  aurait  pas  un  vé- 
ritable consentement  commun  par  rapport  a  cette  manière 
d'agir;  en  outre,  des  actes  volontaires  et  libres  sont  seuls 
capables  de  moralité,  et  par  conséquent,  seuls  ils  peuvent 
avoir  un  rapport  positif  avec  le  droit.  Bien  que  dans  l'E- 
glise, et  même  dans  les  monarchies  et  les  oligarchies,  le 
consentement  populaire  ne  confère  par  lui-même  aucune 
autorité  à  la  coutume,  néanmoins,  la  volonté  de  la  multi- 
tude constitue  comme  une  demande  tacite  et  une  condition 
nécessaire  exigée  par  le  législateur  pour  accorder  son  ap- 

(1)  De  Leg.,  1.  vu,  c.  9,  n.  6. 


DANS  l'église.  1/i3 

probation  :  ici  le  souverain  ne  veut  la  loi  qu  aulaul  que  les 
subordonnés  ont  voulu  unanimement  et  efiîcacement  le 
fait. 

Il  faut  donc  par-là  même  que  l'usage  général  ne  procède 
ni  de  l'erreur,  ni  de  l'ignorance,  ni  de  la  violence,  car 
alors  le  libre  consentement  dont  nous  venons  de  parler 
n'existerait  plus.  On  voit  aussi  que  la  majorité  populaire 
ne  peut  être  comptée  que  parmi  les  personnes  habiles  et 
formellement  assujetties  aux  lois. 

3°  Les  actes  doivent  être  exercés  avec  l'intention,  du 
moins  interprétative,  soit  d'introduire  une  obligation,  s'il 
s'agit  d'une  coutume  prœ^er  legem,  soit  d'abroger  une  loi, 
si  la  coutume  était  contra  legem.  Les  canonistes,  pour 
établir  ce  principe,  apportent  communément,  d'après  le 
dernier  chapitre  de  Prœbendis,  la  raison  suivante  :  Actus 
agentium  non  operantur  ultra  intentionem  eorum.  En  effet, 
comme  la  coutume,  ainsi  que  nous  le  montrerons  plus 
tard,  ne  tire  pas  sa  force  obligatoire  de  la  volonté  expresse 
du  souverain,  il  faut  bien  qu'elle  présente,  dans  sa  matière 
même,  le  principe  de  l'obligation;  et  ceci  a  lieu  lorsque 
les  individus  tendent  a  se  lier  eux-mêmes  par  des  actes 
répétés. 

C'est  parce  que  cette  condition  fait  défaut,  que  beaucoup 
de  pieux  usages  très-universels  et  très-anciens  ne  sont  ja- 
mais devenus  obligatoires  ;  tels  sont,  par  exemple,  celui  de 
réciter  la  Salutation  angélique  au  son  de  la  cloche,  de  prendre 
de  l'eau  bénite  a  l'entrée  et  à  la  sortie  des  églises,  de  rece- 
voir les  cendres  le  premier  jour  du  Carême,  etc.,  usages  qui 
ne  sont  jamais  devenus  des  coutumes  de  droit  5  et  la  seule 
raison  que  l'on  puisse  assigner  de  ce  fait,  c'est  que  les 
lidèles  se  sont  toujours  portés  à  ces  actes  par  un  pur  senti- 
ment de  piété,  et  non  avec  l'intention  de  s'obliger  :  ces 
pieux  usages  réunissent  eu  effet  toutes  les  autres  condi- 
tions de  la  coutume  légale. 


laa  DU  DROIT   COUTUMIER 

Mais  il  peut  arriver  parfois  que  l'existence  de  cette  con- 
dition reste  dans  le  doute;  alors,  quand  il  est  impossible 
de  discerner  si  un  usage  a  été  introduit  par  un  simple  sen- 
timent de  dévotion,  ou  avec  l'intention  de  s'obliger,  on  ne 
doit  point  présumer  cette  intention  1).  Et  ceci  est  fondé 
sur  une  règle  générale  du  droit  :  In  obscnris  minimum  est 
sequendum. 

2*  Outre  les  conditions  que  nous  venons  d'énumérer  et 
qui  tendent  a  déterminer  la  matière  éloignée  du  droit  non 
écrit,  il  est  encore  nécessaire  que  la  coutume  de  fait  soit 
raisonnable;  cette  condition  rend  l'usage  introduit  immé- 
diatement apte  a  devenir  loi. 

JNous  n'avons  pas  a  prouver  spécialement  ce  point,  qui 
découle  comme  conséquence  nécessaire  de  ce  que  nous 
avons  dit  de  la  notion  essentielle  du  droit-,  il  est  manifeste 
que  si  cette  notion  consiste  dans  la  rectitude  en  vue  d'une 
fin  obligatoire,  la  coutume  ne  peut  devenir  loi  qu'autant 
quelle  sera  raisonnable,  c'est-a-dire,  qu'elle  constituera  un 
moyen  régulier  d'atteindre  le  bien  commun,  qui  ^est  la 
fin  sociale. 

Mais,  s'il  est  facile  d'établir  la  nécessité  de  cette  condi- 
tion, il  n'en  est  plus  de  même  lorsqu'il  s'agit  de  définir 
d'une  manière  spéciale,  quand  une  coutume  pourra  être 
dite  rationnelle^  aussi  existe-t-il ,  parmi  les  canonistes, 
une  certaine  divergence  d'opinions  à  cet  égard.  Selon  les 
uns,  pour  qu'une  coutume  soit  rationnelle,  il  faut  qu'elle 
puisse  être  considérée  comme  juste  et  obligatoire,  si  elle 
devenait  loi  positive  (2)  ^  il  suûit  donc  qu'elle  ait  un  rap- 
port véritable  a  la  fin  sociale,  ou  puisse  concourir  en  quel- 
que chose  au  bien  public.  Selon  d'autres,  ce  caractère  de 
la  coutume  se  déterminerait  d'une  manière  négative,  en 


(1)  Rejffeastuel,  in  tilul.  de  Consuet.  §  5. 
{i)  Gonzalez,  in  c.  i,  lit.  4  de  Consuet.  n,  12. 


DANS   l'église.  1/15 

coiistataut  simplement  que  les  actes  répétés  et  uniformes 
ne  portent  aucune  atteinte  soit  au  droit  naturel,  soit  au 
droit  divin  positif.  Mais  ces  données  sont  vagues  et  géné- 
rales, ce  qui  n'est  point  étonnant,  car  il  est  impossible 
d'assigner  une  règle  certaine  et  absolue  sur  ce  point.  L'ap- 
préciation est  donc  laissée  à  la  conscience  et  à  l'arbitre 
d'un  juge  prudent ^  conséquemment,  lorsqu'il  s'agit  des 
coutumes  contraires  à  la  loi  canonique,  il  appartient  a  l'É- 
vêque  de  porter  un  jugement  sur  leur  rectitude  et  leur  uti- 
lité (1). 

On  peut  cependant  déterminer  certaines  règles  pratiques 
qui  peuvent  éclairer  et  diriger  l'appréciation  du  juge.  Une 
coutume  doit  être  tenue  pour  irrationnelle  :  1°  lorsqu'elle 
est  contraire  au  droit  naturel  ou  au  droit  divin  positif^ 
aussi  le  législateur  suprême  a-t-il  réprouvé  lui-même  ces 
sortes  de  coutumes  :  Quare  et  vos  transgredimini  prœceptuni 
Dei  propfer  traditioneni  vestram;  2"  lorsqu'elle  tourne  au  dé- 
triment de  la  religion,  de  la  piété,  en  restreignant  ou  en 
affaiblissant  le  culte  divin,  le  respect  pour  les  parents  ou 
pour  la  hiérarcliie  ecclésiastique,  etc.  ;  3"  lorsqu'elle  est 
pernicieuse  au  bien  public,  car  alors  elle  exclut  manifeste- 
ment la  raison  générique  du  droit  social-,  4°  lorsqu'elle  est 
cause  ou  occasion  de  péché  ^  5"  lorsqu'elle  est  formellement 
réprouvée  par  celui  a  qui  il  appartient  de  gouverner  la 
société  (2). 

Il  résulte  de  ce  qui  a  été  dit  plus  haut,  qu'une  coutume 
peut  être  rationnelle  lorsque,  n'étant  pas  condamnée  ex- 
pressément par  le  législateur,  elle  est  opposée  au  droit 
positif  humain.  Car,  bien  que  la  loi  de  sa  nature  soit  juste 
et  raisonnable,  il  peut  cependant  advenir  que  par  suite  de 


(1)  Pirhing,  1.  i,  t.  iv,  s.  1,  §  v,  n.  30;  Panormitan.  in  cap,  ult.  lit.  iv, 
et  la  plupart  des  canonistes. 

(2)  Schmalzgrûber,  p.   i,  t.  iv,  §  3;  Reiffenstael  in  1.  i  décret.,  t.  iv, 
§  II,  etc. 


1^6  DU   DROIT   COUTUMIER 

circonstances  nouvelles,  elle  perde  son  premier  caractère 
d'utilité  et  d'opportunité;  alors  des  actes  contraires  a  cette 
loi  pourront,  en  vertu  de  ces  conjonctures,  être  doués  d'une 
rectitude  véritable  par  rapport  a  la  fin  sociale.  Il  est  cer- 
tain qu'une  loi  juste  peut  être  abrogée  par  une  loi  opposée 
également  équitable;  et  cela  vient  de  ce  que  les  législa- 
tions humaines  s'exercent  surtout  dans  Tordre  des  moyens 
indifférents  de  leur  nature-,  or,  les  moyens  qui  n'ont  point 
un  rapport  nécessaire  avec  la  fin,  reçoivent  principalement 
leur  utilité  ou  leur  opportunité  des  circonstances,  qui  de 
leur  nature  sont  variables.  Il  est  donc  possible  qu'une  co\i- 
lume  contra  legem  soit  raisonnable-,  bien  plus,  une  loi  et 
une  coutume  contraires  pourront  être  a  la  fois  ordinatio  ra- 
tionis,  de  même  que  deujt  opinions  opposées  peuvent  être 
en  même  temps  probables,  c'est-a-dire,  fondées  sur  des 
raisons  sérieuses  de  part  et  d'autre. 

Comme  il  appartient  au  magistrat  de  juger  avec  autorité 
si  une  coutume  est  rationnelle,  quelques  canonistes  ont 
prétendu  qu'aucun  usage  ne  pouvait  être  tenu  pour  raison- 
nable, qu'autant  qu'il  avait  été  l'objet  d'un  jugement  con- 
tradictoire. Parmi  les  conditions  requises  a  la  rationalité 
des  coutumes,  il  faudrait  donc,  d'après  eux,  compter  en 
première  ligne  la  preuve  juridique  in  contradictorio  judicio. 
Mais  ce  sentiment  n'est  fondé  ni  en  raisons  ni  en  auto- 
rités. 

Lorsque  le  juge,  après  avoir  épuisé,  pour  apprécier  la 
rectitude  d'une  coutume,  tous  les  moyens  de  fait  et  de 
droit  qui  sont  en  sa  possession,  reste  encore  dans  le  doute, 
quelle  sentence  pourra-t-il  prononcer?  Schmalzgrûber  1), 
d'après  quelques  anciens  canonistes,  résout  cette  difficulté 
au  moyen  de  la  distinction  suivante  :  S'il  s'agit  d'une  cou- 
tume prœter  legem,  il  doit  s'en  tenir  a  cette  coutume,  at- 

(l)  Loc.  cit.,  n.  8, 


DANS    l'église.  ill7 

tendu  qu'un  délit  ne  se  présume  point,  même  lorsqu'il  s'a- 
git d'un  acte  isolé,  à  plus  forte  raison  quand  il  est  question 
des  actes  de  toute  une  société. 

Mais  si  la  coutume  était  contra  leyem,  il  s'en  tiendrait 
au  droit  préexistant;  car  d'un  côté,  la  coutume  est  cer- 
tainement réprouvée  par  la  loi,  qui  doit  toujours  être  pré- 
sumée juste  et  équitable;  et  d'autre  part,  la  rectitude  et 
la  convenance  de  l'usage  populaire  demeurent  douteuses  5  la 
présomption  de  justice  reste  donc  en  faveur  de  la  loi. 

Si  cependant  il  s'agissait  d'un  usage  immémorial,  alors 
le  temps  conférerait  a  la  coutume  la  présomption  de  jus- 
tice et  d'équité. 


II. 


I.  La  rationalité  de  la  coutume  ne  peut  constituer  le 
titre  en  vertu  duquel  elle  devient  obligatoire.  Quand  il 
s'agit  du  droit  naturel,  la  rectitude  absolue  des  moyens 
par  rapport  a  la  fin  essentielle,  constitue  a  la  vérité  le  mo- 
tif prochain  de  l'obligation^  la  fin  est  absolument  exigée 
par  la  nature,  et  les  moyens  sont  indispensables  pour  l'ac- 
quisition de  cette  fin  :  le  rapport  nécessaire  de  ceux-ci 
avec  le  but  adéquat  de  la  nature,  fait  qu'ils  sont  obliga- 
toires comme  la  fin  qu'ils  doivent  procurer-,  et  ce  qui  leur 
confère  le  caractère  de  loi,  c'est  qu'ils  sont  la  seule  voie 
par  laquelle  la  nature  peut  tendre  à  sa  fin  essentielle.  Il  est 
certain  alors  qu'ils  sont  voulus  absolument  par  Dieu,  qui  a 
établi  cet  ordre  de  choses  (1). 

Mais  lorsqu'il  s'agit  de  moyens  indifférents  de  leur  na- 
ture, c'est-à-dire,  qui  n'ont  aucune  relation  nécessaire 
avec  la  fin,  il  est  évident  qu'ils  ne  peuvent  être  obliga- 


U)  Gonzalez  la  c.  zi  de  Consuet.,  n.  8. 


illS  DU  DROIT  COUTUMIER 

toires  par  eux-mêmes-,  ce  ne  sera  donc  que  par  un  fait 
étranger  a  leur  nature,  c'est-k-dire,  par  l'acte  positif  d'une 
volonté  souveraine  et  compétente,  qu'ils  pourront  devenir 
des  lois.  Or,  telle  est  la  nature  de  la  coutume  raisonnable  ; 
sa  rectitude  consiste  simplement  en  une  certaine  propor- 
tion avec  la  ûu,  mais  non  en  un  rapport  nécessaire  par  lui- 
même. 

Nous  n'insisterons  pas  davantage  ici  sur  cette  question 
de  droit  public-,  au  surplus,  nous  avons  déjà  indiqué  pré- 
cédemment pourquoi  le  consentement  du  législateur  est 
nécessaire  a  la  légitimité  de  la  coutume-,  la  loi,  qui  est  un 
lien  moral,  doit  dériver  d'une  manière  quelconque  de  celui 
qui  possède  exclusivement  le  pouvoir  législatif,  ou  le  droit 
de  lier  la  société. 

Il  n'y  a  pas  la  moindre  divergence  parmi  les  juriscon- 
sultes, lorsqu'il  s'agit  d'affirmer  que  le  consentement  du 
législateur  est  nécessaire-,  mais  lorsqu'il  est  question  de 
déterminer  quelle  est  la  nature  de  ce  consentement,  on 
ne  rencontre  plus  la  même  unanimité. 

On  a  sans  doute  gardé  le  souvenir  d'une  controverse  qui 
s'esi  élevée  récemment  sur  ce  point,  controverse  dans  la- 
quelle ou  na  peut-être  pas  toujours  apporté  toutes  les 
distinctions  nécessaires.  Pour  éviter  donc,  autant  qu'il 
nous  sera  possible,  toute  confusion  a  cet  égard,  nous 
allons  d'abord  analyser  toutes  les  formes  que  peut  revêtir 
l'assentiment  du  souverain,  et  ensuite  nous  examinerons 
laquelle  de  ces  formes  est  requise  pour  les  coutumes 
diverses. 

II.  On  distingue  ordinairement  un  double  consente- 
ment :  celui  qui  est  appelé  particulier  ou  spécial,  et  celui 
qu'on  nomme  général  ou  juridique. 

V  Le  consentement  spécial  consiste  dans  une  approba- 
tion réelle,  et  non  présumée,  du  sujet  du  pouvoir  législa- 
tif. C'est  donc  un  consentement  personnel  fondé  sur  une 


DANS   l'église.  149 

connaissance  propre  de  l'usage  en  question.  Ce  consente- 
ment peut  être  exprimé  ou  tacite .  Il  est  exprès  quand  le 
législateur  le  manifeste  explicitement,  soit  avant  que  la 
coutume  s'introduise,  soit  au  moment  même  de  celte  in- 
troduction, soit  enfin  lorsque  l'usage  est  déjà  entré  dans 
les  mœurs  (1). 

Il  est  tacite,  lorsque  le  législateur,  ayant  connaissance 
de  l'usage  introduit,  n'y  forme  aucune  opposition,  bien 
qu'il  puisse,  sans  inconvénients  graves,  le  faire  disparaître. 
Il  s'agit  encore  ici  d'un  véritable  consentement  personnel, 
car  le  souverain  étant  obligé  de  veiller  à  la  pureté  des 
mœurs  et  a  l'observation  rigoureuse  de  la  loi,  serait  préva- 
ricateur s'il  restait  inactif  en  présence  des  abus  qu'il  peut 
extirper.  Si  donc  la  coutume  était  mauvaise,  si  la  tendance 
commune  se  trouvait  contraire  au  bien  public,  le  législa- 
teur serait  tenu  de  faire  un  acte  positif  de  correction  des 
mœurs,  et  devrait  ramener  à  la  voie  droite  ceux  qui  s'en 
écartent.  Conséquemment,  lorsqu'il  garde  le  silence,  ce 
ne  peut  être  qu'a  la  suite  d'un  jugement  porté  sur  l'utilité 
ou  l'innocuité  de  la  coutume  en  question  -,  et  il  résulte  de 
là  qu'il  s'agit  ici  d'une  approbation  personnelle,  bien  que 
mentale,  et  non  manifestée  de  la  manière  ordinaire  (2). 

2°  Le  consentement  général,  légal  ou  juridique,  n'est 
point  un  acte  personnel  du  prince,  dont  il  ne  procède  pas 
directement  et  immédiatement  :  il  consiste  dans  l'appro- 
bation donnée  d'avance  et  d'une  manière  générale  et  ab- 
solue à  toutes  les  coutumes  conformes  au  bien  public.  C'est 
donc  un  consentement  médiat  et  indirect:  le  législateur, 
au  moyen  de  cette  volonté  générale,  confirme  tous  les 
usages  utiles  à  la  société,  alors  même  qu'il  n'aurait  aucune 
connaissance  de  ceux-ci.  Comme  le  devoir  du  souverain 


(1)  Pirhing,  loc.  cit.,  seci.  i,  §  Iil. 

(2)  Schmalzgriiber,  n.  15;  Suarez,  c.  xiv,  n.  6. 


iSd  DU    DBOIT    COUTUMIER 

est  de  procurer  le  bien  public  par  tous  les  moyens  pos- 
sibles, il  faut,  par  conséquent,  que  sa  volonté  générale, 
qui  a  pour  règle  le  devoir,  approuve  les  coutumes  ration- 
nelles. 

Il  s'agit  d'examiner  maintenant  quel  consentement  est 
requis  pour  qu'une  coutume  ait  force  de  loi. 

Pour  résoudre  cette  question,  il  importe  de  rappeler  qu'il 
existe  une  grande  diversité  parmi  les  coutumes  -,  nous  avons 
déjà  indiqué  les  divisions  nombreuses  tirées  soit  de  l'ex- 
tension, soit  du  rapport  de  conformité  ou  d'opposition  avec 
le  droit,  soit  enfin  de  la  qualité  des  actes.  Or  les  différences 
quant  a  la  matière  nécessitent  quelquefois  une  certaine  di- 
versité dans  ce  qui  est  de  la  forme  intrinsèque  ou  de 
l'approbation.  Nous  ne  pouvons  donc  ici  établir  un  prin- 
eipe  absolu,  mais  nous  devons  procéder  par  voie  d'énumé- 
ration  des  coutumes  diverses. 

l*""  Théorème  à  établir.  Une  coutume  raisonnable  contra 
legem  ne  requiert  pas,  pour  être  légitime,  le  consentement 
personnel,  soit  exprès,  soit  tacite,  du  législateur  :  le  seul 
consentement  légal  suffît  (1).  Il  résulte  de  ce  principe  qu'une 
loi  peut  être  abrogée  par  une  coutume  dont  le  prince  n'au- 
rait aucune  connaissance^  mais  il  faut  pour  cela  que  cette 
coutume  réunisse  toutes  les  conditions  que  nous  avons 
énumérées.  Tel  est  l'enseignement  commun  des  canonistes 
et  des  légistes  romains. 

Le  droit  canonique  nous  fournit  d'abord  une  preuve  di- 
recte de  cette  assertion  :  L'icet  etiam  longœvœ  consvetudinis 
non  sit  vilis  auctoritas,  non  tamen  est  tisque  adeo  valitura,  ut 
vel  juri  posilivo  debeat  prœjudichwi  generare,  nisi  fiterit  ra- 
tionabilis  et  légitime  prœscripta.  [C.  Cumtanto,  lit.  de  Con- 
met.)  On  voit  par  ce  texte  que  deux  conditions  seulement 

(1)  Glose  in  c.  ult.,  lit.  iv  da  Consuet.;  Panormit.  in  eod.  cap.,  n.  13; 
Felinus  in  c.  Cum  ex  O/ficio,  de  Prescipt.;  Suarez,  1.  vu,  c.  13,  n.  7, 
Schmalz.,  lit.  iv,  §  4,  n.  15,  etc.,  etc.  ^ 


DANS    l'église.  iSl 

sont  requises  a  la  validité  de  la  coutume,  la  rectitude  et  la 
prescription,  sans  qu'il  soit  fait  mention  du  consentement-, 
ainsi,  d'après  cette  dëcrétale,  l'approbation  juridique  est  ac- 
cordée ipso  facto  à  toute  coutume  réunissant  les  conditions 
indiquées.  Et  la  déclaration  générale  faite  par  le  législateur 
d'approuver  toutes  les  coutumes  rationnelles  et  légitime- 
ment prescrites,  n'est  pas  moins  efïicace  que  si  elle  était 
réitérée  chaque  fois  qu'il  y  a  lieu  ;  il  suffit  qu'il  y  ait  réelle- 
ment volonté  de  reconnaître  la  coutume.  D'ailleurs,  s'il  en 
était  autrement,  «onn?si  rarixsime,  ditPirhing, /e</(?.'j  canonicœ 
per  conirariam  consuetudinem  abrogari  passent,  ciim  Pontifex 
fateatur  [c.  I ,  de  Consiiet.  in  sexto)  se  spéciales  locorum  consue- 
tudines  ignorare. 

Mais  ce  qui  vient  d'être  dit  des  coutumes  dérogeantes 
peut-il  s'étendre  aux  coutumes  prœter  legem?  Celle  question 
est  controversée  parmi  les  oanonistes.  Les  uns  prétendent 
que  lorsqu'il  s'agit  d'introduire  une  coutume  de  ce  genre, 
le  consentement  personnel  est  nécessaire  ^  cette  introduc- 
tion, disent-ils,  est  un  acte  positil  de  juridiction,  qui  ne 
peut  émaner  que  du  législateur  (1) .  Mais  l'opinion  contraire 
est  considérée  communément,  par  les  canonistes  modernes, 
comme  plus  probable. 

On  peut  donc  entendre  des  coutumes  prœter  legem  tout 
ce  que  le  chapitre  Cwn  tante  affirme  de  celles  qui  abrogent 
quelque  disposition  du  droit  écrit  [%.  Un  nouveau  droit 
coutumier  peut  par  conséquent  s'introduire  sans  aucun 
consentement  personnel  et  sans  aucune  connaissance  de  la 
part  du  souverain.  Y  a-l-il  en  effet  moins  de  difficulté  à  dé- 
lier quelqu'un  d'une  obligation  contractée  qu'à  lui  en  im- 
poser une  équivalente?  Or,  si  la  difficulté  est  la  même, 
il  faudra  donc  aussi  la  même  autorité  pour  abroger  une 


(1)  Layman  ia  c.  ult.  de  Comnet.,  n.  4  ;  Panormit,  in  eod.  cap.,  etc. 

(2)  Pirhing,  lit.  de  Consuet.,  n.  18;  Suarez,  loc.  cit. 


152  DU   DROIT    COUTUMIER 

loi  ancienne  que  pour  en  introduire  une  nouvelle^  et  il 
résulte  de  la  que  le  consentement  juridique  doit  suflire 
dans  l'un  et  l'autre  cas.  On  peut  même  dire,  avec  San- 
chez  (1),  que  l'abrogation  d'une  loi  renferme  une  opposi- 
tion plus  directe  et  plus  formelle  à  la  volonté  eta  l'autorité 
du  prince  que  la  simple  introduction  d'une  loi  nouvelle  : 
d'où  cette  abrogation  semblerait  exiger  un  consentement 
plus  explicite. 

Il  reste  vrai  toutefois  que  le  titre  d'autorité  de  la  cou- 
tume, ou  ce  qui  lui  confère  force  de  loi,  consiste  dans  la 
seule  approbation  du  législateur-,ia  forme  intrinsèque  du 
droit  coutumier,  d'après  l'expression  de  Suarez,  rappor- 
tée plus  haut,  n'est  donc  autre  chose  que  la  volonté  du 
souverain.  Et  le  chapitre  Cum  tanlo,  en  réduisant  à  deux 
seulement  les  conditions  du  droit  non  écril,  ne  renferme 
rien  d'opposé  a  cette  assertion  -,  la  seconde  condition  ou  la 
prescription  implique  le  consentement  légal,  le  législateur 
lui-même  ayant  déclaré  qu'il  attachait  son  assentiment  a 
cette  condition.  Il  n'y  a  pas  a  la  vérité  acte  direct  et  per- 
sonnel de  juridiction,  mais  cet  acte  est  renfermé  actuelle- 
ment et  suffisamment  dans  la  durée  déterminée  par  le 
droit. 

2«  principe.  Une  coutume  tendant  à  abroger  une  loi  an- 
cienne ou  à  introduire  un  droit  nouveau,  peut,  sans  avoir 
légitimement  prescrit,  acquérir  force  de  loi,  par  l'accession 
du  consentement  spécial  du  législateur.  Tel  est  l'enseigne- 
ment commun  des  canonistes  et  des  légistes^  conséquem- 
ment  il  est  inutile  d'apporter  ici  des  preuves  d'autorité.  Au 
surplus,  il  suffît  de  consulter  les  auteurs  cités  plus  haut,  aux 
passages  indiqués,  pour  confirmer  l'assertion  précédente. 

Il  est  facile  d'assigner  la  raison  de  cette  règle.  Comme 
le  peuple  ne  possède  en  aucune  sorte,  dans  l'Église,  le  pou- 

(1)  Lib.  7  deMatr.,  d.  4,  n.  11  et  14. 


DANS  l'église.  153 

voir  législatif,  et  que  le  seul  consentement  du  souverain 
peut  donner  force  de  loi  à  la  coutume,  il  faut  de  toute  né- 
cessité que  ce  consentement  soit  acquis;,  il  s'agit  donc  uni- 
quement de  constater  cette  approbation  pour  établir  qu'une 
coutume  rationnelle  est  devenue  légale.  Or,  le  consente- 
ment juridique  seul  dépend  de  la  prescription,  ou  des  con- 
ditions déterminées  par  les  saints  Canons  (1  ,  et  par  suite 
ne  peut  être  prouvé  que  par  la  vérification  de  ces  condi- 
tions. Mais  le  consentement  personnel  étant  un  fait  positif 
qu'on  peut  constater  avec  certitude  en  lui-même,  nous 
n'avons  plus  besoin,  lorsqu'il  est  certainement  accordé, 
de  la  présomption  légale  de  son  existence  :  il  serait  su- 
perflu alors  de  revenir  à  la  preuve  tirée  de  la  durée  pres- 
crite par  le  droit  positif;  le  consentement  ne  se  présume 
plus,  puisqu'il  est  évident.  Et  la  volonté  du  législateur  évi- 
demment n'est  pas  moins  efficace  lors(]u'elle  ratifie  un  ordre 
de  choses  déjà  usité  dans  la  société,  que  lorsqu'elle  propose 
des  prescriptions  inouïes  jusqu'alors, 'ou  des  lois  nouvelles. 

Pour  ce  qui  est  de  déterminer  quelle  espèce  de  consen- 
tement spécial  est  exigée,  les  eauonistes  enseignent  assez 
communément  que  s'il  s'agissait  d'une  matière  ayant  une 
haute  gravité,  l'approbation  expresse  serait  requise  ;  mais 
s'il  n'est  question  que  d'un  usage  de  moindre  importance, 
le  consentement  tacite  ou  interprétatif  suffit  (2  .  Toutefois 
l'opinion  qui  n'exige  que  le  consentement  tacite  dans  l'un 
et  l'autre  cas,  est  probable. 

Il  résulte  du  principe  posé  et  de  quelques  observations 
faites  précédemment,  qu'une  coutume  quelconque,  pourvu 
qu'elle  soit  rationnelle,  ou  réunisse  les  conditions  géné- 
riques du  droit,  acquiert  force  de  loi  par  le  seul  consente- 
ment personnel,  tacite  ou  exprès  du  prince,  lors  même 
que  les  autres  conditions  que  nous  avons  énumérées  fe~ 

(1)  C.  Cum  funio,  ull.  do  Consuet. 
f-n  Suarez,  lor.  cit.,  n.  Il  et  i2. 

U|-.VI:k  mis  Sr.iKNCES   ECCLÉS.,   T.    X     —  AOUT  1864.  W 


Ibli  DU    DROIT    COUTUMIER 

raient  défaut  ^1).  Et  même  dans  le  cas  où  il  y  a  doute  si  Uft 
usage  est  raisonnable,  l'approbation  du  prince  suffira  pour 
conférer  à  cet  usage  une  présomption  de  rectitude. 

III.  Il  nous  resté  maintenant  a  déterminer  en  quoi  consiste 
cette  prescription  requise  à  la  validité  des  coutumes,  pre- 
scription à  laquelle  est  attaché  lé  consentement  légal.  La 
question  présente  revient  donc  a  déterminer  quand  et 
comment  l'approbation  juridique  est  acquise  par  voie  de 
prescription, 

La  coutume  est  légitimement  prescrite,  lorsque  les  acteà 
qui  l'ont  introduite  ont  été  continués  pendant  un  temps 
réputé  considérable,  et  cela  sans  aucune  interruption  par 
des  actes  contraires:  La  prescription  de  sa  nature  tend  à 
amoindrir  et  à  annuler  les  droits  de  la  partie  lésée  (2).  Mais 
quand  il  s'agit  de  la  coutume,  le  laps  de  temps  n'est  pas 
précisément  requis  pour  amoindrir  les  droits  d'une  partie 
lésée,  mais  simplement  pour  établir  et  consolider  le  con- 
sentement populaire,  ainsi  que  pour  vérifier  l'utilité  de 
l'usage  qui  s'introduit.  Aussi  la  prescription  se  prend-elle 
ici  dans  un  sens  spécial  et  privé. 

INous  avons  dit  précédemment  que  la  coutume  diffère 
de  là  prescription,  en  ce  que  celle-ci  exige  la  bonne  foi, 
tandis  qu'une  coutume  introduite  par  la  mauvaise  foi  peut 
devenir  légitime.  Il  est  vrai  que  ce  point,  considéré  dans 
toute  sa  généralité,  est  controversé  parmi  les  canonisles. 
Suarez  (3  ,  Salas,  de  Lugo,  etc.,  prétendent  que  la  bonne 
foi  ici  n'est  pas  requise-,  et  cette  opinion  est  probable. 
Cependant  l'opinion  opposée,  soutenue  par  Felinus,  Lay-* 
man,  etc.,  n'est  pas  non  plus  dénuée  de  probabilité.  Mais 
s'il  s'agissait  d'une  coutume  introduite  via  conniventiœ, 
c'est-a-dire,  sous  les  yeux  et  à  la  connaissance  du  législa- 

(1)  Gonzalez  in  c.  xi,  de  Consuet.,  n.  7. 

(2)  Leurenius,  For.  Eccl.,  de  Consuet.,  c.  1. 

(3)  G.  I,  n.  li  ;  c.  XVIII,  11.  23. 


DANS  l'kclise.  155 

tetÉr,  t\M\  petmel  celte  îAtrbdiiction,  il  est  certain  qu'alors 
la  bonne  foi  n'est  point  nécessaire.  C'est  du  moins  l'ensei- 
gnement commun  dfeà  Canonistes. 

Mais  quel  laps  de  temps  est  fequis  pour  qUe  la  pre- 
scription sOit  définitivement  acquise?  Il  s'agit  ici  exclusi- 
vement de  la  coutume  prœtër  ou  dùntht  legêrn,  qUi  s'introduit 
'a  l'insu  du  souverain.  Le  droit  i*omàin  admet  qu'une  pé- 
riode de  dix  années  suffit  pour  qu'une  coutume  devienne 
légitime  t^u  prœscriptioM».  Il  déclare  d'abord  que  la  cou- 
tume» pour  devenir  obligatoire,  doit  être  de  longue  durée  : 
Et  ne  quid  contra  longam  comnetiidinem  fiût^  ad  sotlicitUdinem 
sua^  revocabit  prœses  (1).  Ensuite  il  explique  ce  que  l'on 
doit  entendre  par  cette  durée  de  la  coutume  i  Sttper  longi 
temporix  prœ^riptime,  quœ  decem  annis  introdmitur  (2). 
Toutefois,  il  importe  d'observer  ici  qu'il  exige  pour  certaines 
prescriptions  un  temps  plus  considérable;  il  admet  cepen- 
dant d'une  manière  générale  qu'en  matière  favorable  et  qui 
n«  cauee  de  détriment  a  personne,  la  possession  décennale 
suffit  pour  prescrire.  Or>  dans  tout  ce  qui  est  de  la  coutume, 
il  s'agit  uniquement  d'un  matière  favorable;  la  coutume, 
en  effet,  devant  être  rationnelle,  tend  par  conséquent  au 
bien  public.  En  outrie,  la  coutume  ne  cause  de  préjudice  à 
personne  -,  elle  n'est  point  nuisible  au  prince,  puisqu'il 
accorde  son  assentiment,  ni  aux  sujets,  puisque  c'est  par 
eux  qu'elle  s'est  introduite. 

Telles  sont  les  dispositions  du  droit  romain  et  l'enseigne- 
ment commun  des  légistes  sur  la  coutume  civile. 

Lorsqu'il  s'agit  de  la  coutume  canonique,  les  auteurs  ne 
sont  pas  complètement  d'accord  pour  la  détermination  du 
temps  requis  à  la  prescription.  Les  aticiens  oanonist^(3) 

(1)  Lib.  I,  Codex  quœ  sit  longa  Consuet. 

(2)  Leg.  Sup.  longi,  Cocl.  de  Prœscript.  longi  tempoHsi 

(3)  Panorm.  ia  c.  Cum  tanio,  n.  Il;  Fagnanin  c.  Treugas,  :,  de  Treïtga 
et  pace,  n.  40  et  67  ;  Layman.  1.  i,  Ir.  4,  c.  24,  de  Leg.  Dian,  p.  5>  itibl. 
5,  sect.  ï,  etc. 


156  DU    DROIT    COITUMIER 

exigent  généralement  une  durée  continue  de  quarante  ans. 
Et  cette  opinion  semble'confîrmée  par  plusieurs  décisions 
de  la  Rote  et  par  la  glose  sur  le  chapitre  Cum  tanto.  Ce  sen- 
timent est  fondé  sur  ce  que  le  droit  canonique  déclare  ch. 
dé  Quarto,  lit.  de  Prœscrîpt.  qu'on  ne  peut  prescrire  contre 
l'Église,  sinon  par  une  possession  de  quarante  ans^  et 
comme  une  coutume  qui  abroge  une  loi  semble  prescrire 
d'une  certaine  manière  contre  l'Église,  il  résulterait  de  là 
que  la  coutume  canonique  doit  avoir  pour  acquérir,  via 
prœscriptionis,  le  consentement  du  législateur,  une  durée 
non  interrompue  de  quarante  ans. 

Les  canonisles  plus  récents,  tels  que  Lessius  (1), 
Pirhing  (2  ,  Reiffenstuel  3\  Schmalzgrûber  (4),  etc.,  en- 
seignent communément  qu'une  coutume  de  dix  ans  peut 
abroger  une  loi  ecclésiastique.  Ils  montrent  d'abord  que 
l'argument  tiré  du  chap.  de  Qnarla,  n'est  point  concluant, 
attendu  qu'il  n'y  a  aucune  parité  à  établir  entre  la  pre- 
scription acquise  à  la  coutume  et  celle  qui  a  rapport  aux 
droits  et  aux  biens  des  Églises.  La  coutume,  ainsi  que  nous 
l'avons  montré,. ne  doit  rien  renfermer  qui  soit  contraire  aux 
droits  et  aux  prérogatives  du  Pontife  romain,  et  par  con- 
séquent ne  prescrit  jamais  contre  l'Église. 

Schmalzgrûber,  d'après  quelques  canonistes,  donne  une 
seconde  raison  :  c'est  que  la  preuve  apportée  par  la  pre- 
mière opinion  pèche  par  excès.  Comme  il  s'agit  surtout  de 
la  coutume  qui  abroge  une  loi  du  législateur  suprême  dans 
la  société  chrétienne,  ou  du  Pontife  romain,  il  faudrait  alors 
le  temps  exigé  par  le  droit  pour  prescrire  contre  l'Église 
romaine;  or,  il  faut  cent  ans  pour  acquérir  la  prescription 
contre  cette  Église   5'. 

(1)  Lib.  II,  de  Just  et  Jure,  c.  6. 

(2)  TU.  IV,  de  Cous.,  n.  39. 
■   (3)  Tit.  IV,  de  Cons. 

(4)  Tit.  IV,  n.  t05;  p.  i.  lit.  '.•  »■  10. 

(5)  Lnc.  cit. 


DANS  l'Église.  157 

Benoit  XIV  lait  observer  à  ce  sujet  qu'il  s'aj'it  d'un  pri- 
vilège spécial  de  l'église  de  Rome  comme  telle  -,  et  ce 
privilège  ne  s'étend  point  aux  diverses  dispositions  de  la 
législation  papale  pour  l'Eglise  universc!!o. 

Quelques  auteurs  soulèvent,  sur  le  temps  requis  pour 
prescrire,  une  question  accessoire  :  Faut-il  une  durée  plus 
considérable  dans  le  cas  d'absence  du  législateur  que  lors- 
qu'il est  présent?  La  doctrine  commune  est  que  dans  l'un 
et  l'autre  cas,  la  prescription  décennale  suffit.  Comme  il  ne 
s'agit  pas  ici  du  consentement  personnel,  mais  du  consen- 
tement général  accordé  par  le  droit,  il  est  évident  que  la 
présence  ou  l'absence  du  législateur  ne  peut  en  aucune 
sorte  modifier  la  question  (1). 

Nous  terminerons  cet  exposé  des  conditions  canoniques 
de  la  coutume,  par  une  remarque  qui  a  son  importance 
quand  il  s'agit  de  discerner  du  véritable  droit  coutumier  les 
usages  illégitimes  et  abusifs.  Le  législateur  suprême  dans  la 
société  chrétienne,  c'est-a-dire  le  §ouverain  Pontife,  étant, 
ainsi  que  nous  le  disions  dans  le  premier  article,  le  principe 
concret  et  permanent  de  l'unité  extérieure  de  l'Église,  il 
résulte  de  la  que  son  approbation,  dans  le  cas  dont  il  s'agit, 
ne  peut  se  présumer  trop  légèrement.  En  effet,  comme  la 
plupart  des  coutumes  sont  loin  d'être  générales,  le  droit 
non  écrit  est  donc  une  source  de  diversité  parmi  les  en- 
fants de  la  grande  famille  chrétienne-,  par  conséquent  la 
tendance  du  droit  coutumier,  considéré  d'une  manière  gé- 
)iérale  et  abstraite,  semble  être  plus  ou  moins  contraire  à 
la  tendance  du  pouvoir  souverain  ecclésiastique,  considéré 
comme  source  et  fondement  de  l'unité.  Aussi  trouvons- 
nous  dans  les  saints  Canons  des  déclarations  peu  favorables 
h  la  trop  grande  multiplicité  des  coutumes,  tant  à  cause 


(1)  Cap.  Cum  nobis,  xiv,  de  Prœscript. 
{i)  Schmalz.,  lieu  iud.,  n.  Il, 


158  nr  droit  roLTUMUîR  dans  l'église. 

de  la  raison  indiquée  que  pour  ne  pas  rendre  la  loi  ecclé- 
siastique trop  a  charge  aux  fidèles.  Nous  lisons  dans  le 
canon  Qrnnia  {\)  :  Qmnia  talia  quœ...  diversorum  locqrnm_  di- 
versis  moribus  innumerabiliter  variantur,  ita  ut  vix  aut  omnino 
nunqmw,  {ripeniri possent  causœ,  quas  in  eisinstituendis homines 
seçuti  sitftti  Vibi  facilitas  tribuitur^  sine  uliq  dubitatione  rese- 
cQ/i^^a,  çççistimo. 

C'est  ep  vue  du  même  principe  abstrait  de  l'unité  ou  de 
la  volonté  générale  du  législateur,  qu'il  n'est  point  permis 
^ux  évêques  de  faire  des  constitutions  synodales  conformes 
à  une  coutume  dérogeante,  fût-elle  légitime  ^).  Le  sou- 
verain qui  a  accordé  son  assentiment  a  la  coutume  légale, 
n'a  point  pour  cela  abdiqué  le  pouvoir  gouvernemental  pu 
?idministratif  sur  ce  point  particulier,  puisqu'au  contraire 
Iç  consentement  accprdç  constitue  un  acte  de  juridiction. 
Le  législateur  subalterne  qui,  par  une  ordonnance,  semble- 
rait vouloir  conférer  force  obligatoire  à  la  coutume  contraire 
au  droit  commun,  tenterait  donc  de  s'attribuer  la  laculté 
d'abroger  une  loi  de  son  supérieur  (3)  :  il  ferait  un  acte 
d'autorité  sur  un  point  qui  est  absolument  hors  de  sa  com- 
pétence, et  par  conséquent  cet  acte  serait  nul  de  plein 
droit. 

E.  Grandclaude. 


(1)  C.  xn,  dist.  xii. 

(«)  Benoît  XII,  de  Syn.  diœc,  1.  xii,  c.  18,  n.  viu. 

(3)  Barbosa,  in  cap.  fin.  de  Con^.,  ail.  93. 


DU  PROBABILISME. 


CasuB  Conscieutiœ,  auctore  J.-P.  GuHY.  Deux   volumes  in-lî. 
Lugduui  el  ParisHs,  1864 . 


11  y  a  quatre  mois  à  peine,  on  raetuit  en  vente  les  Cm  die  ceiX" 
sçienfie^  du  R.  P.  Gury,  et  déjà  les  six  mille  exemplaires  de  la  pre- 
mière édition  sont  écoulés.  A  quelle  cause  a^ribuei?  un  giuccèa  depuis 
longtemps  sans  exemple  dans  la  librairie  ihéologique  ?  Au  mérite  per- 
sonnel de  l'auteur  d'abord,  à  la  réputation  justement  acquise  à  son 
Compendium  theologise^  moralis,  à  la  mélbode  parfaite  par  laquelle  ce 
livre  est  devenu  le  roanuel  le  plus  commode  du  confesseur,  aussi  bien 
que  le  meilleur  résumé  de  la  théologie  morale.  A  tous  ces  titres, 
l'accueil  fait  au  nouvel  ouvrage  du  docte  professeur  était  facile  à  pré- 
voir. Toutes  les  qualités  du  Compendium,  on  s'attendait  à  les  retrou- 
ver dans  les  C^s  de  wiscience,  et  ce  second  ouvrage  était  ftvec  rais^q 
considéré  comme  le  complément  du  premier. 

Mais  la  perfection  de  la  méthode  n'aurait  pas  suffi  pour  assurer  un 
tel  succès  aux  œuvres  du  Pi.  F.  Gury  ;  il  a  fallu  que  le  fond  même 
des  doctrines  répondit  aux  besoins  de  notre  époque.  Or,  nul  traité  de 
théologie  morale  n'était  aussi  bien  adapté  à  ces  besoins. 

Qui  ne  se  souvient  de  ce  temps,  encore  peu  éloigné,  où  nos  écoles 
de  France  subissaient  le  joug  de  la  doctrine  rigoriste  que  nous  avait 
légwée  le  jansénisme  ?  Les  auteurs  classiques  de  nos  séminaires  étaient 
Collet,  Bailly,  Antoine,  la  Théologie  de  Toulouse,  de  Lyon  ou  de 
Rouen  ;  Pontas  et  les  Conférences  d'Angers  étaient  le  fond  de  la  bi- 
bliothèque de  tous  les  prêtres  ;  on  regardait  enfin  comme  bases  de  la 
théologie  uiors|le  les  principes  quelque  peu  sévères  de  Bossue!  et  leg 


160  DU    PRORABILISME. 

décrets  de  l'assemblée  de  1700.  Les  casuistes,  tant  calomniés  par  Pas- 
cal, étaient  encore  au  pilori. 

De  Rome  cependant,  du  centre  même  de  la  catholicité,  partait  une 
impulsion  destinée  à  réagir  contre  une  funeste  rigueur,  en  ramenant 
la  morale  dans  les  saines  voies  de  la  tradition  ancienne.  Oubliant  ses 
lenteurs  proverbiales,  la  Cour  romaine  se  hâtait  de  glorifier  le  grand 
moraliste  des  temps  modernes,  saint  Alphonse  de  Liguori.  Ni  amis  ni 
ennemis  ne  s'y  trompèrent  ;  dans  le  saint  Évêque,  on  vénérait  l'homme 
apostolique  orné  des  plus  éclatantes  vertus  ;  mais,  par  dessus  tout,  on 
rendait  hommage  au  docteur  suscité  par  la  Providence  pour  combattre 
les  doctrines  rigoureuses  qui  avaient  peu  à  peu  envahi  les  écoles. 

Le  clergé  de  France  ne  pouvait  rester  indifférent  à  cette  tendance 
de  l'Église.  Saint  Alphonse  y  trouva  des  partisans  zélés  à  propager  ses 
doctrines  ;  mais  i!  y  rencontra  un  plus  grand  nombre  d'adversaires. 
Ceux-ci,  prêtres  infiniment  respectables,  se  tenaient  en  garde  contre 
tout  ce  qui  avait  une  apparence  de  nouveauté.  C'était  le  temps  où  La 
Mennais  avait  donné  le  scandale  de  son  apostasie,  après  s'être  annoncé 
comme  le  défenseur  de  l'Eglise.  Or,  ceux  qui  patronnaient  les  œuvres 
du  saint  Évêque  avaient  été,  en  partie  du  moins,  les  disciples  du  sec- 
taire. De  là  je  ne  sais  quelle  défiance  qui  faisait  confondre  une  légitime 
réaction  avec  une  nouveauté  dangereuse.  La  doctrine  d'outre-monts 
gagnait  cependant  ;  un  secret  instinct  de  la  vérité  dominait  les  vieux 
préjugés  ;  l'on  commençait  à  comprendre  que'la  pnre  doctrine  n'était 
pas  la  propriété  exclusive  de  Bossuet,  du  clergé  de  France  ou  des  Uni- 
versités de  Paris  et  de  Louvain.  D'autant  que,  dans  la  pratique,  une 
longue  expérience  avait  prouvé  l'impossibilité  de  s'en  tenir  aux  ensei- 
gnements de  l'école  rigoriste.  N'avons-nous  pas  entendu  dire  maintes 
fois  qu'arrivé  au  confessionnal,  un  prêtre  devait  oublier  ses  principes 
de  théologie  morale  ?  Mais  cet  antagonisme  disparaissait  dans  la  doc- 
trine de  l'EvêquedeSainte-Agallie  ;  ses  principes,  solidement  appuyés 
sur  les  enseignements  des  grands  docteurs  et  des  grandes  écoles  catho- 
liques, étaient  approuvés  par  la  suprême  autorité  de  l'Église  ;  une 
faveur  particulière  s'attachait  même  à  son  nom.  Pourquoi  n'aurait-on 
pas  adopté  ses  décisions  '!  Pourquoi  ne  se  serait-on  pas  déclaré  dis- 


DU    PROBABILISME.  161 

ciple  du  théologien  que  le  Saint-Siège  proposait  comme  un  maître 
irréprochable  ' 

C'est  ce  qui  arriva  bientôt.  Un  savant  professeur  du  séminaire  de 
Besançon,  aujourd'hui  archevêque  et  cardinal,  voua  sa  vie  à  propager 
en  France  les  écrits  du  saint  Docteur.  Il  eut  de  terribles  luttes  à  sou- 
tenir ;  mais  on  sait  quel  succès  obtint  sa  théologie  morale.  Elle  serait 
bientôt  devenue  l'ouvrage  classique  dans  la  plupart  de  nos  séminaires, 
si  elle  eût  été  écrite  en  latin  et  si  elle  eût  conservé  la  méthode  scola- 
stique,  cette  méthode  si  favorable  à  l'enseignement. 

Pendant  que  la  réaction  commençait  en  France,  l'auteur  du  Cotn- 
pendinm  étudiait  la  théologie  à  Rome.  Entraîné  par  la  nature  de  son 
esprit  vers  les  questions  pratiques  plus  que  vers  la  spéculation,  le 
jfune  étudiant  s'imprégna  des  doctrines  des  moralistes  les  plus  accré- 
dités. Saint  Liguori  surtout  était  son  auteur  favori.  Appelé  plus  tard  à 
monter  dans  la  chaire  du  professeur,  il  se  mit  de  plus  en  plus  sous  la 
conduite  du  saint  Évêque,  sans  toutefois  négliger  les  autres  théolo- 
giens ;  ses  écrits  en  font  foi.  Enfin,  après  plusieurs  années  d'enseigne- 
ment, il  mit  an  jour  son  Compendmn  tlieologise  moralis. 

Œuvre  de  patience,  d'érudition  et  de  bon  sens,  ce  livre  était  un  ex- 
cellent résumé  des  opinions  de  saint  Alphonse  et  des  meilleurs  théo- 
logiens, même  de  ceux  dont  le  savant  professeur  n'adoptait  pas  les 
sentiments.  Ce  fond  de  doctrine,  présenté  dans  un  cadre  parfait,  avec 
son  exposition  courte,  mais  claire,  des  principes,  ses  applications  pra- 
tiques, fit  de  cet  ouvrage  le  manuel  indispensable  du  confesseur.  Non- 
seulement  la  France  l'accueillit  avec  la  plus  haute  faveur,  mais  la  Bel- 
gique, l'Allemagne,  l'Italie,  se  hâtèrent  d'en  multiplier  les  éditions  ; 
l'Angleterre,  l'Espagne,  les  missions  d'Amérique,  d'Asie,  en  un  mot, 
la  chrétienté  entière  reçut  le  Compendhim  comme  un  précieux  se- 
cours que  Dieu  donnait  à  son  Église. 

Nous  ne  voulons  ici  analyser  ni  le  Compendium  ni  les  Casus  con- 
$cientix,  encore  moins  insister  sur  les  mérites  de  ces  deux  ouvrages  ; 
nous  voulons  seulement  parler  de  la  question  qui  domine  toute  la  théo- 
logie de  saint  Liguori  et  de  son  fidèle  disciple  :  celle  du /jrofe«6i- 
lisme. 


162  DU    PROBABILISME. 

Pendant  plus  de  deyx  çiècies  on  a  vu  î^ux  prises  les  proba))ilistes,  et 
leurs  adversaires  ;  les  murs  des  anciennes  universités  retentissent  en-r 
core  des  derniers  échos  de  ces  longues  controverses.  Une  lutte  plus 
importante  a  succédé  aux  disputes  des  écoles.  Ce  n'est  plus  tel  ou  td 
point  de  doctrine,  abandonné  à  la  libre  discussion  des  savants,  qui 
attire  aujourd'hui  les  efforts  du  polémiste,  mais  il  faut  défendre 
contre  le  rationalisme  moderne  les  fondements  rainés  du  dogme  chré^ 
tien.  Nous  pouvons  donc,  avec  plus  de  sang-froid  que  nos  devanciers, 
jeter  encore  un  regard  sur  cette  grande  controverse  et  nous  rendrei 
compte  du  progrès  pratique  qu'elle  a  fait  jusqu'à  ce  jour.  Nous  ne  vou- 
ions pas,  par  une  feinte  impartialité,  nous  dire  indifférent  au  proba- 
bilisme  ou  au  probabiliorisme  ;  nous  avouons  franchement  notre  syrapa^ 
thie  pour  la  première  de  ces  opinions,  et  notre  but  dans  ce  travail  ^st 
de  montrer  le  rang  qu'elle  occupe  aujourd'hui  dans  les  écoles  c.atbo-r 
liques.  Mais  nous  espérons  que  notre  attachement  à  cette  doctrine  uq 
nuira  en  rien  aux  droits  de  la  vérité. 

Et  d'abord,  qu'est-ce  que  le  probabilisme  ?  Il  y  a  en  France  toute  une 
école  philosophique  qui  9  voulu  imprudemment  se  mêler  aux  discus- 
sions théologiques,  qu'elle  eonnaissait  seulement  par  les  écrits  de  Port- 
Royal  ;  cette  école  est  tombée  dans  d'étranges  erreurs  sur  la  nature 
du  probabilisme.  M.  Cousin  n'a  pasassez  d'anathèmes  contre  un  système 
qui  «  ruine  toute  cerlitiide  et  toute  obligation  morale.  »  (Des  Pensées 
de  Pascal,  préface  de  la  3«  édit.,  p.  li.)  Ainsi  parle  le  maître  ;  et  le§ 
disciples  de  répéter  que  le  probabilisme  est  une  forme  du  scepticisme. 
«  Les  jésuites,  dit  M.  Bouillier,  iwlinent  au  probabilisme  en  mélaphyi 
sique,  comme  leurs  casuistes  en.  morale,  ou  plutôt  leur  probabilisme 
en  morale  nesi  qu'iitie  conséquence  de  Imr  probabilisme  en  métaphy- 
sique. [Hisl.  du  Cartésian.,  ch,  xxyi.)M.  Cousin  et  ses  élèves  en  sont 
encore  aux  Provinciales  ;  c'est  là  qu'ils  ont  étudié  les  controverses 
théalogiques  ;  et  leur  conscience  timorée  a  pris  parti  pour  le  prétendu 
réformateur  de  la  morale.  Mais  voulant  aborder  les  hautes  questions, 
ils  ont  commis  la  faute  impardonnable  de  les  étudier  dans  les  satires 
d'un  spirituel  adversaire.  Ils  ont  cru,  sur  la  parole  de  celui  qui  fui 
l'aveugle  instrument  de  Port-Royal,  que  le  probabilisme  permettait  de 


UV    PROBABlLlSiME.  163 

voir  ^l^niçnl  la  yf^fiié  dans  les  cont,Fadictoi,re$  ;  qu'inditTérent  au 
fqnd  iiiêrne  des  choses,  le  probabiliste  se  mettait  en  quête  d'un  ou  deux 
auteurs  favorables  à  une»  apipioo  relâchée  pour  s'affranchir  du  joug  de 
la  loi  divine.  11  ne  sera  pas  difficile  de  montrer  combien  celte  accusa- 
tiofi  est,  injuste  ;  une  simple  exposition  de  ce  système  y  suffira. 

Telle  action  çst-elle  licite  ou  ne  l'est^elle  pas  ?  Telle  loi  exister t-elle, 
ou  s'é^end-elle  à  un  cas  donné  ?  Aucune  déclaration  authentique,  au- 
cun document  certain  ne  tranche  la  difficulté  ;  les  meilleurs  esprits  se 
partagent,  e^  les  raisons,  soigneusement  comparées,  ne  donnent  pas 
(^e  réipoQse  claire,  Que  feire  alors?  Prononcer  en,  faveur  de  la  loi 
contre  la  liberté,  qu  en  faveur  de  la  liberté  contre  la  loi  ?  Rendre  cer- 
taine dans  |a  pratique  une  obligation  incertaine  en  spéculation,  ou 
laisser  l'homme  ep  possession  de  sa  Uberté,  jusqu'à  ce  que  l'existence 
de  l'çiWigatifto.  spit  bieiji,  établie?  S'il  ne  s'agissait  que  d'un  conseil  de 
perfection,  n^l  doute  :  mieux  vaudrait  s'imposer  un  sacrifice  que  de 
s'çxposer  à  un  danger  même  incertain  de  transgresser  un  précepte. 
Mais,  ?utre  est  |e  conseil  de  perfection,  aulre  la  loi  chrétienne  obliga- 
^oif€.  Qp,  dans  1^  cas  de  la  )qi  incertaine,  le  tutioriste  enseigne  qu'il 
l'^ut  toujours  prepdre  parti  pour  l'obligation,  sous  prétexte  qu'on  ne 
peut  sans  pé^hé  s'çxposer  à  violer  un  commandement  quelconque  •  le 
vrobabilioriste  vçut  qu'qn  pèse  les  probabilités  pour  ou  contre  l'obliga- 
tion rigpureuse,  et  qu'on  maii^lienne  le  précepte  rigoureux,  à  moins 
que  les  probabilités  en  faveur  de  la  Hbçrté  ne  l'emportent  sur  celles  qui 
milileat  en  faveur  de  la  loi.  Çnfin  le  pro^abilhte  enseigne  que  là  où  il 
y  a  upe  vraie  prob£^l:)il,ité  cçi;»tre  l'existence  de  la  loi,  on  ne  saurait  im- 
poser comme  certaine  une  obligalioj^  que  r'^n  ne  peut  établir  (1). 


(J)  Les  probabilistes  se  subdiviaeut  encore  en  équi^robabilistes  et  pro- 
bflbilistes  fin^ples.  N(it,r^  but  n'est  pas,  dans  cette  étude,  de  comparer  en- 
seiçble  ces  deux  nuances  du  prQbabilispfie .  Distincts  en  théq^-ie,  ces 
deux  systèmes  se  confondent  dans  la  pratique  ;  et  les  arguments  que  les 
ôquiprobabilistes  apportent  contre  les  probabilioristes  sont  absolument 
les  mêmes  que  ceux  par  lesquels  les  probabilistes  simples  établissent  leur 
sentiment  :  Lex  dubia  non  obligat  ;  lex  non  promulgata  non  obligat.  Cette 
identité  de  doctrine  est  si  évidente  ^ux  yeux  çlçs  probabiliojfistes,  qq'ili?,  en 
tirent  leur  principal  argument  contre  les  équiprobabiUstes.  Çt  i^  filait,  on 


16/|  1)L    PU0IÎ\B1L15ME, 

Telles  sont  les  trois  solutions  principales  qui,  sous  une  foule  de 
nuances  diverses,  ont  partagé  les  théologiens  catholiques  ou  soi-disant 
catholiques.  Car  les  tutiorisles  ont  été  réprouvés  par  le  Saint-Siège, 
quand  Alexandre  VIII  a  condamné  cette  célèbre  proposition,  résuméde 
leur  doctrine  :  Non  Ucet  seqtii  opinionem  vel  inter  probabiles  proba- 
bilissimam.  Laissant  donc  de  côté  celle  solution^  rejelée  depuis  long- 
temps par  tous  les  bons  théologiens,  bornons-nous  à  comparer  ensemble 
le  probabiliorisme  et  le  prohabilisme. 

Le  premier  est  loin  sans  doute  de  h  sévérité  outrée  du  tutiorisme  : 
cependant,  appliqué  en  toute  rigueur,  il  mènerait  parfois  à  de  bien  dures 
conclusions.  Supposons,  par  exemple,  un  père  de  famille  qui  doute,  et 
non  sans  raison,  de  l'origine  de  sa  fortune.  Homme  consciencieux,  dis- 
posé à  tout  sacrifier  plutôt  que  de  vivre  dans  le  péché,  il  fait  les  plus 
exactes  recherches,  et  le  résultat  de  son  enquête  est  de  confirmer  de 
plus  en  plus  ses  soupçons,  sans  lui  donner  une  certitude  morale  que 
son  bien  a  été  mal  acquis.  Que  fera-t-il?  Devra-t-il,  en  stricte  justice, 
se  dépouiller  d'une  fortune  qui  lui  est  nécessaire  pour  l'entretien  et  l'é- 
ducation de  sa  famille?  S'il  était  certain  moralement  que  ce  bien  fût  la 
propriété  d'un  autre,  il  n'y  aurait  pas  à  hésiter;  et  mieux  vaudrait 
perdre  ses  ressources  que  de  rester  k^  détenteur  injuste  du  bien  d'au- 
ti'ui.  Cette  obligation  est  assez  dure  par  elle-même.  La  doit-on  aggra- 
ver encore  en  forçant  le  possesseur  à  renoncer  à  sa  propriété,  si  la 
somme  des  probabilités  en  sa  faveur  ne  l'emporte  pas  sur  celles  qui 
corabatlent  contre  lui?  C'est  ce  que  fait  le  probabiliorisle.  En  vain 
prétend-il  éviter  cette  odieuse  conséquence  en  vertu  du  principe  du 
droit  :  Mehor  est  conditio  possidentis. 

La  réponse  est  bonne  assurément  ;  mais  cet  axiome  de  droit  peut-il 
être  accepté  dans  sa  généralité  par  un  probabilioriste?  Le  fait  de  la  pos- 
session est  bien  un  préjugé  favorable  au  possesseur;  on  doit  en  faire 
l'un  des  éléments  des  probabilités  que  Ton  compare;  mais  quand  les 
droits  sont  incertains  de  part  et  d'autre,  la  plus  grande  probabilité 


voit,  dans  leurs  décisions,  les  probabilistes  presque  toujours  d'accord  avec 
les  équiiirobabilistcs. 


DU    PROBABILISMIi.  105 

sera-t-elle  nécessairement  du  côté  où  est  la  possession  ?  Et  si  elle  n'y 
est  pas,  il  faudra,  malgré  l'axiome,  renoncer  à  un  bien  dont  l'origine 
est  probablement  mauvaise. 

Quel  est,  en  effet,  le  point  de  départ  du  probabiliorisme  ?  Pour  agir 
en  toute  sécurité,  il  faut  être  assuré  que  l'acte  est  licite  ;  si  dans  la  spé- 
culation on  ne  peut  avoir  une  telle  assurance,  il  faut  au  moins  qu'un 
principe  réflexe  donne  en  pratique  celle  certitude  morale.  Or  elle  ne 
peut  exister  si  le  plus  grand  nombre  des  probabilités  n'est  pas  en  faveur 
de  la  liberté  contre  l'existence  de  la  loi.  Cette  doctrine  une  fois  admise, 
la  conclusion  est  facile  àjtirer  dans  le  cas  exposé  plus  haut.  Si  après 
avoir  pesé  toules  les  circonstances,  même  celle  delà  possession  acluelle, 
on  a  plus  de  raison  de  croire  que  le  bien  a  été  injustement  acquis,  on 
est  obligé  de  s'en  dépouiller  ;  la  même  obligation  existe  si  les  probabi- 
lités sont  égales  de  part  et  d'autre,  car  on  ne  risque  pas  de  pécher  en 
s'en  dépouillant,  tandis  qu'en  le  conservant,  on  s'expose  à  un  danger 
qu'on  est  tenu  d'éviter  suivant  le  système  des  probabiliorisles. 

Celte  rigueur  excessive  n'existe  pas  dans  le  probabilisme.  Là  aussi 
on  admet  qu'on  ne  peut  agir  sûrement  si  l'on  ne  reconnaît  son  acte 
comme  pratiquement  licite.  11  faut  donc  examiner  les  raisons  en  faveur 
de  la  loi  ou  de  la  liberté ,  les  peser,  les  comparer  ;  mais  souvent  tous 
les  raisonnements  liumains  ne  sauraient  aboutir  à  une  conclusion  cer- 
taine. Force  nous  est  alors  de  recourir  à  ce  que  les  théologiens  ont 
nommé  un  principe  réflexe  ;  probabilistes  et  probabilioristes  sont 
d'accord  en  ce  point.  Or  ce  principe  réflexe,  pour  le  probabdiste,  est 
qu'une  obligation  incertaine  en  spéculation  ne  saurait  devenir  certaine 
en  pratique  ;  qu'une  loi  douteuse  ne  peut  lier  la  liberté  humaine. 

En  vain,  le  probabilioriste  recourt  à  son  fameux  principe  :  que  nous 
sommes  tenus  d'éviter  le  danger  de  pécher,  selon  l'enseignement  du 
Saint-Esprit:  Qiiiamat  periculnm  in  illo  peribit .  Mais  ne  s'y  expose- 
t-il  pas  lui  aussi  dans  son  système?  Et  quand  les  raisons  qui  militent  en 
faveur  de  la  loi  sont  vraiment  probables,  quoiqu'elles  le  soient  moins 
que  celles  qui  favorisent  la  liberté,  le  probabiliorisle  ne  consent-il  pas 
à  la  transgression  probable  de  la  loi?  Seuls  les  tutioristes  évitent  cet 
écueil,  mais  en  nous  jetant  dans  le  désespoir  et  en  rendant  le  joug  du 


160  nu    PROBABÎLISàlE. 

Seigneur  impossible  â  potW.  Le  !seùl  avantage  du  probabiliorislè  sur 
le  probabilistè,  en  ce  point,  c'est  qu'il  est  moins  exposé  à  lirànsgrBsser 
matériellement  le  précepte  divin.  Mais^cet  avantage  apparent  est  nul  en 
réalité.  Car  nous  ne  sommes  pas  tenus  séulement^à  éviter  un  plus  grand 
danger  de  pécher,  mais  tout  danger  absolument;  et  quiconque,  sciem- 
ment et  volontairement,  s'exposerait  à  uri  p^il  probable  dépêché  foMel, 
quelles  que  soient  les  chances  opposées,  serait  pur  là  raémte  coupable. 
Que  si  le  probabilioriste  se  retranche  sur  la  distinction  entité  le  péché 
formel  et  le  péché  matériel,  il  ne  gagne  rien  pour  sa  cause  ;  car  il  est 
obligé  d'avouer  que  le  péché  purement  raatéi'Iel  n'altêt-ô  pas  l'amitié  de 
Dieu  ;  seul  le  péché  formel  nous  rend  coupable,  et  le  péché  formel  n'a 
jamais  lieu  quand  la  conscience  déclare  une  action  licite.  Or  le  pro- 
babilistè n'est  pas  moins  fondé  à  se  former  la  conscience  dans  les  càS 
douteux  que  son  adversaire. 

Il  reprend,  en  effet,  la  quèstiôft  de  plus  hàutr.  Dieu  en  créant  l'homme 
lui  donna  la  liberté.  La  liberté  s'étend  par  elle-diême  à  toutes  Ifô 
actions  dont  est  capable  la  nature  humaine.  11  suit  de  là  qu'antérieure- 
ment à  toute  loi,  au  moins  dans  l'ordre  logiqtte,  l'homme  est  en  pos- 
session de  sa  liberté.  Mais,  pour  mettt>e  dOs  limiteâ  à  un  droit  certain, 
ne  faut^il  pas  un  motif  également  certain?  Donc,  tant  que  l'existence  de 
la  loi  ne  sera  pas  moralement  certaine,  et  cela  n'arrivera  pas  tant  qu'il 
y  aura  des  vraies  probabilités  contre  elle,  l'homme  restera  en  posses- 
sion de  sa  liberté.  C'est  l'axiOme  du  droit  :  LÉèc  dubia  Hoh  obligât. 

Ainsi  ont  entendu  la  liberté  morale  les  plus  grands  théologiens  qui, 
depuis  près  de  300  ans,  ont  pris  part  à  la  grande  controVorse  du  pro- 
babilisme.  La  liste  de  ces  partisans  du  probabilisme  serait  longue  ; 
Rassler  en  compte  plus  de  2.^  (I)  ;  Etienne  Dechamps,  le  célèbre 
adversaire  do  jansénisme,  dans  sa  Savante  disserlatioti  sdt*  le  probabi- 
Usme,  en  cite  un  très-grand  nombre,  et  Zàècaria,  qui  à  reproduit  ce 
travail  en  tête  de  son  édition  de  la  théologie  de  Lacroix,  complète  Cette 
liste  déjà  très-étendue  (2).  Qu'il  nous  suffise  de  éiter  les  p\\is  célèbres  : 


([)  De  ^ormà  recta  disputandi,  disp.  3,  q.  9,  art.  2. 
2)  Qaœstto  facli.  ûanâ  cette  rtisserlation,  le  sàtnnt  idéolagion  a  poiir 


DU  PROBAniLTSME.  i67 

Médina,  Bannw,  D^  Solo,  Vasquez»  Suarez,  de  Lugo,  Lessliis,  les 
docteurs  de  Salamanque;  et  dans  l'ancienne  Université  de  Paris  :  lâam^ 
bert,  André  Duvâl,  Gâmache,  Abelly,  qui  tous  enseignent  leur  doctrine 
cortme  la  doctrine  commiJne  des  écoles  théologiques.  De  tels  noms 
peuvent  bieh  contrebalancer  l'â'utorilé  d'adversaires  tels  que  Noël 
Alexandre, CoBCina,  GontensOn,  Coniitolo,  Thyrse  Gonzatôs,  et  autre8> 
sans  môme  en  excepter  Bossuet  et  l'assemblée  de  1700. 

Personne  n'ig^flore  avec  quelle  ardeur  celte  assemblée  poursuivit  les 
casulfites.  Les  prélats  en  petit  honibre  féunis  à  Saint-Germain>  persé- 
vérant dans  les  funestes  tendances  de  l'assemblée  de  1682,  transfor-^ 
mèrent  l'assemblée  en  une  sorte  de  concile,  et  s'arrogèrent  le  droit  de 
revenir  sur  les  décisions  du  Souverain-Pontife,  sous  prétexte  que  leurs 
décrets  n'étaient  pas  reçus  en  France  ;  de  censurer  des  opinions  qui  ne 
l'avaient  pas  été  par  l'autorité  supérieure,  et  qui,  avant  comme  après 
leur  sentence,  ont  eu  cours  parmi  les  meilleurs  théologiens.  Enfin,  re^ 
prenant  le  plan  proposé  par  l'évêque  janséniste  d'Alet,  Nicolas  Pavillon, 
ils  prétendirent  couper  le  nM  da  laxistne  diafls  sa  racine  en  condam- 
nant solennellement  le  probabilisme. 

Nous  ne  voulons  pas  faire  ici  le  procès  à  cette  célèbre  assemblée  »• 
mais  il  nous  sera  bien  permis  de  ne  pas  accepter  une  sentence  portée 
par  un  tribunal  incompétent.  Quelle  autorité  avait,  en  effet,  pour  traiter 
des  affaires  de  doctrine,  cette  réunion  de  seize  évêques  convoqués  par 
ordre  du  roi?  Sans  doute,  chaque  évêque,  du  palais  de  Saint-Germain 
comme  de  son  dom'icile  épiscopal,  avait  autorité  sur  le  troupeau  confié 
à  ses  soins  ;  il  restait  juge  de  la  foi  dans  les  limites  de  sa  charge  pasto* 


bel  de  tïiôntrer  :  1°  qUé  Ife  prObabilisme  est  )a  doctï-iùè  la  plus  commu- 
nément reçue  dans  les  écoles  catholiques,  sans  en  excepter  l'Université  de 
Paris,  avant  l'invasion  du  jansénisme  ;  2°  que  les  thomistes  dominicains 
en  ont  été  les  plus  ardents  défenseurs;  a»  que  les  jésuites  n'en  sont  pas 
les  inventeurs  ;  4"  enfin,  que  les  théologiens  de  la  Compagnie  de  Jésus, 
bien  loin  de  se  servir  du  probabilisme  pour  favoriser  le  relâchement  de 
la  morale,  ont  tempéré  et  combattu  les  opinions  trop  bénignes  des 
probabilistes  étrangers  à  la  Compagnie.  C'était  une  réponse  aux  calomnies 
de  Pascal  et  des  jansénistes,  réponse  sans  réplique,  mais  qui  ne  put  con- 
trebalancer dans  les  esprits  prévenus  et  superficiels  les  mordante» 
ironies  des  Petites  lettres. 


168  nu  PROBABTLISME. 

raie;  mais  le  fait  de  son  union  avec  ses  collègues  n'ajoutait  rien  à  sa 
juridiction.  On  ne  saurait  assimiler  l'assemblée  du  clergé  à  un  concile 
national  ou  provincial,  pas  même  à  un  simple  synode.  Or,  dans  un  con- 
cile provincial,  comme  le  fait  remarquer  Fagnan,  et  après  lui  Be- 
noît X(V  {]),  on  ne  doit  pas  se  permettre  facilement  de  définir /es 
questions  douteuses  controversées  entre  les  théologiens,  surtout  là  où 
l'on  pourrait  craindre  quelque  grave  inconvénient,  pur  exemple  dans 
le  cas  d'usure  ou  autres  qui  jetteraient  dans  le  trouble  les  consciences 
timorées.  Et  tout  l'ouvrage  de  Benoît  XIV  sur  le  synode  a  pour  but  de 
montrer  aux  évêques  les  écueils  qu'ils  doivent  éviter  en  pareille  cir- 
constance. 

Si  telle  est  la  réserve  imposée  aux  conciles  provinciaux  et  aux  synodes, 
l'éunions  canoniques,  en  lesquelles  les  évêques  prononcent  dans  le  lieu 
de  leur  juridiction,  et  dont  les  décrets,  ceux  du  moins  des  conciles 
provinciaux,  ne  paraissent  que  revêtus  de  l'approbation  du  Souverain- 
Pontife;  que  penser  d'une  assemblée  dépouillée  de  tout  caractère 
canonique,  dont  les  arrêts  ne  passaient  jamais  sous  les  yeux  du  Pape, 
et  qui  ne  craint  pas  de  prononcer  une  condamnation  contre  la  doc- 
trine commune  des  écoles  !  En  vain  Concina,  entraîné  par  l'esprit 
de  parti,  égalera  presque  l'autorité  de  celte  réunion  à  celle  des  con- 
ciles généraux  et  la  décorera  du  nom  auguste  de  synode  national 
ou  de  concile  (2)  ;  en  vain  l'assemblée  e!le-mêm.e,  dans  ses  lettres  en- 
cycliques aux  évêques  de  France,  se  déclare  réunie  au  nom  de  Notre- 
Seigneur  et  dans  le  Saint  Esprit  (3),  nous  répondrons,  avec  un  des 
prélats  de  celte  même  assemblée,  l'archevêque  d'Auch,  «  que  leur 
décision  ne  pouvait  pas  lier  les  évêques  absents,  par  le  défaut  d'une 
autorité  capable  de  les  contraindre  à  s'y  soumettre  (4)...  Et  avec  saint 

(1)  De  Si/no'J.  diœces.,  1.  vu,  c.  1. 

(i)  «  Summam  qua  pollet  post  concilium  générale  Synodus  nationalis 
vastissituae  luonarchiae  el  doctissimi  cieri  auctoritatcra,  nou  est  quod 
exponam  ;  res  enim  omnibus  comperta  est.  Hîbc  erso  quse  sequuntur 
concilium  istud,  aouo  1700  celebratum,  deceroit.  »  (Concina,  ad  Theol. 
Christian,  appar.,  1.  m,  dist.  3,  c.  5.) 

(3)  Nos  in  Spiritu  Sancto  et  in  Christi  nomine  adunati.  {Procès-verbaux, 
p.  619.) 

(4)  Procès-verhuux,  p.    183. 


DU    PROBABILlSME.  169 

Alphonse  :  Hormntantorumprœsîdumauctoritatem  magnopereveneror, 
sed  omnes  docent  auctoritatem  extrinsecam  sapientiim  magni  non  posse 
esse  ponderis,  tibi  inlrinseca  ratio  cerla  videtur  et  coriviiicens  ;  tanto 
mayxs  cum  ipsa  svfficienti  aliorum  (mtoritale  non  destïtualur  (1). 

Cette  sentence  n'a  donc  d'autre  autorité  que  celle  des  évoques  qui 
la  portèrent.  Comme  saint  Liguori,  nous  vénérons  ces  prélats,  nous  nous 
inclinons  devant  leur  science  et  leur  zèle  ;  mais  si  les  meilleurs  esprits 
se  trompent  quelquefois,  faut-il  adopter  aveuglément  une  opinion 
parce  qu'elle  a  l'insigne  honneur  d'être  défendue  par  Bossuet?Non  as- 
surémentj  d'autant  qu'en  cette  question  l'autorité  deBossuetetcelledcs 
autres  évoques  de  rassemblée  est  singulièrement  amoindrie  par  les  cir- 
constances dans  lesquelles  fut  porté  cet  arrêt. 

L'élève  deNicolas  Cornet  n'était  pas  jinséniste,  sans  doute,  etla  plu- 
part des  évéqucs  réunis  à  Saint-Germain  ne  l'étaient  pas  davantage  ; 
cependant  de  Noailles,  archevêque  de  Paris,  et  Le  Tellier,  archevêque 
de  Reims,  qui  tour  à  tour  présidèrent  l'assemblée,  n'étaient  pas  d'une 
orthodoxie  à  l'abri  de  tout  soupçon.  Ils  purent  donc  en  cette  rencontre 
se  laisser  plus  ou  moins  entraîner  par  le_s  préventions  jansénistes.  De 
plus,  il  était  arrivé  dans  l'église  de  France  ce  qui  arrive  presque  tou- 
jours parmi  les  hommes  :  ceux  qui  crient  le  plus  fort  ont  toujours  rai- 
son. Par  une  manœuvre  habile,  les  jansénistes,  pour  détourner  de  leurs 
erreurs  trop  réelles  l'attention  des  catholiques,  avaient  imaginé  les 
périls  du  casuisme  ;  ils  avaient  fouillé  dans  les  écrits  des  jésuites,  leurs 
plus  redoutés  adversaires,  ils  en  avaient  déterré  quelques  propositions 
trop  larges  q;ie  personne  ne  nneltait  en  pratique,  et  que  bien  d'autres 
théologiens  avaient  enseignées  avant  eux  ;  ils  les  avaient  livrées  en  pâ- 
ture aux  railleries  d'un  public  dont  les  mœurs  se  seraient  trouvées  bien 
à  l'étroit  dans  les  limites  posées  par  ces  casuistes  relâchés  ;  puis  ils 
avaient  crié  au  scandale,  ils  avaient  appelé  toutes  les  foudres  de  l'É- 
ghse  sur  des  opinions  fausses,  il  est  vrai,  et  dangereuses  en  elles-mêmes, 
mais  qui  étaient  trop  discréditées  pour  nuire  beaucoup  à  l'Église  (2). 

{ijTheolog.  moral.,  1.  i,  tract.  I,  n.  80. 

(2j  Voyez  à  ce  sujet  l'excellente  iutroductiou  à  la  cinquième  Promti' 
eiale,  par  M.  Maynard,  dans  son  édition  et  sa  réfutation  det>  Lettres  de 
Pascal. 

Revue  pes  Sciences  kcclés.,  t.  ix.— août  1864.  12 


170  DL"  Pr.0nA15II.fSME. 

Ils  avaient  obtenu  du  Saint-Siège  la  condamnation  de  ces  proposi- 
tions, mais  leur  habilité  avait  échoué  devant  la  prudence  de  la  Cour 
romaine,  quand  ils  avaient  voulu  enveloiiper  dans  la  même  sentence 
des  assertions  fausses  et  le  probabilii=rae  lui- même.  L'assemblée  de 
1700,  à  laquelle  rinfailiibilité  n'était  pas  promise,  ne  sut  pas  éviter  le 
piège.  Pour  se  donner  une  apparence  d'impartialité,  elle  condamna 
quelques  opinions  des  jansénistes,  mais  tout  son  ziMe  se  tourna  contre 
les  doctrines  des  casuistes.  Les  prélats  de  1700  ressemblent  assez  à 
certains  catholiques  den^sjours,  qui  condamnent  timidement  les  erreurs 
des  rationalistes  en  ce  qu'elles  ont  de  plus  monstrueux,  et  leur  tendent 
la  main  sur  tous  les  antres  points  peur  accabler  ceux  qui  ne  savent 
transiger  avec  au^nin  principe.  On  sévit  sans  pitié  contre  des  proposi- 
tions que  personne  ne  songeait  plus  à  d.'fendre  ;  on  se  fit  l'instrument 
des  haines  jansénistes  contre  les  jésuites,  et  en  môme  temps,  par  respect 
pour  la  mémoire  du  grand  Arnanld,  on  épargna  une  proposition  sou- 
mise à  la  censure  de  l'assemblée. 

Bossuet  et  les  autres  membres  de  cette  réunion  se  rendaient-ils  bien 
compte  de  leur  manifeste  partialité?  Nous  n'oseiions  le  dire.  A  force 
d'entendre  déclamer  contre  une  doctrine,  les  meilleurs  esprits  peuvent 
se  laisser  surprendre.  En  tout  ce  qui  regardait  la  stricte  orthodoxie, 
on  avait  vaillaniment  soutenu  la  vérité  :  mais  comme  si  l'on  eût  été 
las  de  lutter,  sur  tous  les  autres  points  on  avait  besoin  de  s'entendre 
avec  les  adversaires.  Les  casuistes  avaient  prêté  à  cette  indignation  par 
quelques  décisions  trop  bénignes;  on  exagéra  leurs  torts,  on  les  con- 
damna, eux  et  le  casuisme  lui-même  ;  l'on  en  appela  à  la  pure  morale 
des  Pères,  sans  faire  attention  que  c'était  imiter  les  hérétiques,  qui  ont 
accoutumé  de  recourir  aux  Pères  contre  la  croyance  actuelle  de  l'Eglise  ; 
comme  si  la  doctrine  catholique,  soit  dogmatique,  soit  morale,  avait 
reçu  son  derniei'  développement  dans  saint  Augustin,  ou  même  dans 
saint  Thomas. 

Bossuet,  cet  homme  au  regard  d'aigle,  ne  vit  pas  que  dans  son  ar- 
deur à  poursuivre  le  probabilisrae,  il  tombait  lui-même  dans  le  tulio- 
I  isme.  Quoi  de  plus  conforme  à  cette  erreur  que  les  propositions  sui- 
vantes :  «  C'est  une  chose  arbitraire  et  où   il  n'y  a  point  de  règle. 


DU  PROBABILTSME.  i7l 

d'appeler  la  probabilité  petite  ou  grande  ;  il  y  a  une  règle  pour  fixer  - 
la  vérité,  mais  pour  h  probabilité  il  n'y  a  que  la  fantaisie...  Par  ce 
moyen  les  fondements  du  probabilisme  sont  renversés.  .  Si  la  moindre 
probabilité  (le  probabilisme)  a  lieu  dans  la  conduite  ordinaire  delà  vie 
humaine,  on  ne  peut  alléguer  aucune  bonne  raison  pour  l'exclure  de 
l'administration  des  sacrements...  Si  le  probabilisme  avait  lieu,  rien 
ne  pourrait  empêcher  celui  qui  serait  parvenu  à  croire  que  la  religion 
catholique  est  du  moins  la  plus  probable,  de  suivre  néanmoins  l'autre 
quoique  moins  probable  selon  lui  (I)....  In  duhiis,  tutius.  Le  cas  de 
cette  règle  est  précisément  celui  dont  il  s'agit  :  une  chose  est  véritable- 
ment douteuse  quand  les  raisons  de  part  et  d'autre  paraissent  également 
probables  à  celui  qui  doit  agir,  sans  qu'il  y  ait  rien  ciui  le  détermine  à 
un  côté  plutôt  qu'à  l'autre  (2).  C'est  donc  aux  probabilistes  une  ma- 
nifeste contravention  à  cette  régie  que  de  choisir  en  ce  cas  ce  qui  n'est 
pas  le  plus  sûr...  Que  s'il  fallait  entendre  cette  règle  au  sens  des  pro- 
babilistes, il  eût  fallu  dire,  dans  le  doute,  non  pas  :  Prenez  le  plus  sûr  ; 
mais  :  Faites  ce  que  vous  voudrez.  Que  si  dans  le  doute  on  est  obligé 
de  suivre  le  plus  sûr,  à  plus  forte  raison.ne  peut-on  pas  suivre  le  moins 
sûr  quand  il  paraît  en  même  temps  le  moins  probable  (3). 

Ces  paroles  sont  claires  :  Bossuet  veut  que  dans  les  cas  douteux  on 
prenne  le  parti  le  plus  sûr  ;  ce  n'est  pas  un  conseil  de  perfection,  mais 
un  précepte  rigoureux.  Et  si  la  détinition  du  doute  laissait  planer 
quelque  obscurité  sur  sa  pensée,  il  la  manifeste  suffisamment  par  la 
comparaison  de  l'obligation  de  simple  précepte  avec  celle  de  nécessité 


(I  I  Procès-verbaux  de  l'assemblée  de  1700,  p.  513:  Exposé  des  motifs  de 
la  censure,  par  Bossuet. 

(2)  Voilà  une  liabile  manœuvre  de  Bossuet  pour  sauver  le  probabi- 
liorisme  des  analbèaies  qu'il  lîince  contre  le  probabilisme.  Pour  qu'il  y 
ait  doute,  il  faut  que  les  raisons  soient  égales  de  part  et  d'autre.  Perssonue 
avant  et  après  Bossuet,  n'avait  ainsi  expliqué  le  doute;  on  croyait  qu'il 
existait  tant  que  l'une  des  deux  opinions  contraires  n'a  pas  atteint  la 
certitude  au  moins  morale.  Mais  si  Bossuet  avait  admis  la  notion  vul- 
gaire du  doute,  il  n'aurait  pu  réprouver  le  probabilisme  sans  admettre 
que  l'on  ne  peut  suivre  l'opinion  même  la  plus  probable  entre  les  pro- 
bables, contrairement  à  la  condamnation  d'Alexandre  Vlll. 

(3)  Procès-verbaux,  p.  517. 


172  DU    PROBABTLTSME. 

de  moyen.  Il  suit  de  cette  comparaison  que  l'on  est  obligé  d'embrasser 
le  sentiment  le  plus  sûr  en  matière  de  législation  comme  en  matière 
de  sacrement  ou  de  religion;  or,  quand  il  s'agit  des  sacrements,  ou 
de  la  religion  véritable,  on  est  tenu  de  prendre  le  plus  sûr,  quelque 
probable  que  soit  l'opinion  contraire.  Donc,  on  est  également  tenu  de 
suivre  en  tout  le  plus  sûr  :  l'opinion  favorable  à  la  liberté  fût-elle  plus 
probable  et  même  notablement  plus  probable.  La  conclusion  est  rigou- 
reuse. 

Parmi  les  motifs  sur  lesquels  Bossuet  appuie  sa  sévère  sentence,  il  en 
est  deux  surtout  qui  méritent  de  nous  arrêter  :  c'est  d'abord  la  nou- 
veauté du  probabilisme  ;  ensuite  son  union  étroite  et  nécessaire  avec  le 
laxisme.  Si  ces  deux  reprocbes  étaient  fondés,  nous  n'hésiterions  pas  à 
partager  l'indignation  du  grand  évêque  de  Meaux  contre  ce  système. 
Mais  le  sont-ils  ? 

La  controverse  du  probabilisme  sous  la  forme  actuelle  est  récente, 
nous  l'avouons  ;  elle  remonte  à  la  fin  du  XVÎe  siècle,  et  l'on  fait  hon- 
neur à  Barthélémy  Médina,  dominicain,  qui  écrivait  en  1577,  d'avoir 
le  premier  formulé  la  doctrine  du  probabilisme.  Mais  qui  ignore,  parmi 
les  théologiens  catholiques,  qu'on  ne  doit  pas  rejeter  une  doctrine 
comme  nouvelle  à  cause  de  la  nouveauté  de  son  exposition  ?  Si  saint 
Vincent  de  Lérins,  dans  son  magnifique  commonitoire,  veut  que  nous 
suivions  en  théologie  ce  qui  a  été  toujours,  partout  et  universellement 
reçu:  quod  sem[jer,  quod  iibique,  quai  ah  omiûbus  (c.  5);  le  même 
Père  nous  défend  d'entraver  le  légitime  progrès  de  la  vérité  chrétienne. 

Voici  quelques-unes  de  ses  paroles  :  Inlelligalur,  te  exponenle,  il- 
Instrius,  quod  antea  obscurius  credebatur...  Eadem  tameii  quds  didi- 
cisti  doce  ;  ita  ui  cum  dicas  nove,  non  dicas  nova  (c.  xxvii).  Pour 
condamner  le  probabilisme  à  titre  de  nouveauté,  il  faudrait  donc  prou- 
ver que  le  fond  de  la  doctrine  est  nouveau,  aussi  bien  que  la  foi  me  ; 
qu'avant  la  fin  duXVl«  siècle,  on  imposa  toujours  comme  certaine  une 
obligation  douteuse  quand  les  probabilités' en  faveur  de  la  liberté  n'é- 
taient pas  les  plus  grandes.  Or,  avec  toute  la  meilleure  volonté  du 
monde,  les  probabilioristes  n'ont  jamais  donné  cette  démonstration.  Il 
serait  long  et  fastidieux  de  reprendre  un  à  un  les  textes  des  saints  Pères 


DU    PROBARILISME.  173 

et  des  canons,  par  lesquels  les  antiprobabilistes  croient  pouvoir  ren- 
verser le  priibabilisme  ;  mais  tout  théologien  impartial  reconnaîtra  ai- 
sément que  les  passages  cités  ne  contiennent  le  plus  souvent  que  des 
conseils  de  perfection,  ou  qu'ils  se  rapportent  à  des  questions  d'absolue 
nécessité  pour  le  salut,  et  sont  toujours  conçus  de  manière  à  montrer 
que  les  anciens  Pères  n'ont  eu  aucune  intention  de  comparer  le  plus 
ou  moins  de  probabilité  pour  obliger  à  suivre  le  plus  probable  dans  les 
cas  douteux.  Du  reste,  le  nombre  des  témoignages  que  les  probabilistes 
opposent  aux  probabilioristcs  n'est  pas  moindre. 

Laissant  de  côté  cette  question  de  positive  que  chaque  parti  résoudra 
toujours  dans  son  sens,  nous  adresserons  à  nos  adversaires  celte  simple 
question  :  Est-il  possible  qu'une  doctrine  nouvelle,  opposée  aux  ensei- 
gnements des  saints  Pères,  soit  dès  son  apparition  acceptée  par  l'im- 
mense majorité  des  théologiens,  non-seulement  de  ceux  qui  ont  accou- 
tumé de  marcher  sur  les  traces  de  leurs  devanciers,  mais  de  ceux  qui 
ont  fait  les  travaux  de  première  main,  et  ont  laissé  le  plus  grand  nom 
dans  la  théologie  ?  Si  une  telle  innovation  était  possible,  on  devrait 
efficer  du  nombre  des  lieux  théologiques  celui  que  Melchior  Cano  dé- 
veloppe si  bien  au  livre  VlU"  de  son  bel  ouvrage  :  De  Locis  Iheolo- 
gicis.  Et  pourtant,  nous  l'avons  vu  plus  haut,  avant  le  baïanisme  et  le 
jansénisme,  le  probabilisme  était  la  doctrine  universelle,  même  dans 
l'Université  de  Paris.  Ne  craignons  donc  pas  de  l'affirmer  :  le  proba- 
bilisme n'est  pas  une  doctrine  nouvelle  dans  l'Eglise. 

L'accusation  de  laxisme  n'est  pas  mieux  fondée  que  celle  de  la  nou- 
veauté. Le  probabilisme  ne  dégénère  en  relâchement  que  par  la  faute 
de  ses  défenseurs,  car  il  n'y  a  jamais  relâchement  là  où  il  y  a  véritable 
probabilité.  Du  reste,  le  probabilicrisrae  ne  met  pas  plus  à  l'abri  de 
cet  écueil  que  le  probabilisme.  11  suffirait,  pour  s'en  convaincre,  de  se 
rap|)eler  que  telle  opinion,  taxée  plus  d'une  fois  de  laxisme,  a  trouvé  de 
zélés  défenseurs  dans  des  probabilistes  tels  que  Billuard  et  même  le 
fougoeux  Concina. 

En  effet,  quel  est  le  principe  du  probabiliorisme?  En  quoi  difîère- 
t-il  du  tuliorisrae?  En  ce  que,  si  l'obligation  est  douteuse,  il  permet  à 
chacun  de  suivre  l'opinion  favorable  à  la  liberté,  si  elle  lui  parait  plus 


i7li  DU    PROBABILISME. 

probable  que  le  sentiment  contraire.  Or,  tous  les  casuistes  relâchés, 
quand  ils  émettent  l'une  de  ces  opinions  contre  lesquelles  on  a  si  fort 
réclamé,  ne  l'émettent-ils  point  comme  étant  plus  probable  pour  eux? 
En  vertu  du  probabiliorisme  lui-même,  ne  devaient-ils  pas  la  regarder 
comme  permise?  En  suivant  la  manière  de  raisonner  de  nos  adver- 
saires, nous  pourrions  donc  rejeter  le  laxisme  aussi  bien  sur  le  proba- 
biliorisme, que  sur  le  probabilisme. 

Mais,  ajouie-t-on,  le  Saint-Siège  lui-même  a  condamné  le  proba- 
bilisme. 

Les  jansénistes,  en  effet,  triomphèrent  quand  Alexandre  Vil,  Inno- 
cent XI  et  Alexandre  VIll  proscrivirent  les  propositions  relâchées  ex- 
traites des  auteurs  probabilistes  ;  ils  répétèrent  en  tous  lieux  que  le 
probabilisme  était  lui-même  condamné  avec  elles  ;  que  quelques  unes 
de  ces  propositions  en  reproduisaient  la  formule  la  plus  précise  :  celles, 
par  exemple,  où  l'on  disait  que  le  juge  doit  prononcer  d'après  la  plus 
grande  probabilité  ;  ou  que,  dans  les  sacrements,  il  faut  suivre  l'opinion 
la  plus  sûre  ;  ou  enfin  qu'un  infidèle  qui  croirait  sa  religion  plus  pro- 
bable, n'est  pas  tenu  à  embrasser  la  religion  ctrétienne,  qu'il  connaît 
comme  plus  sûre.  Bossuet  a  commis  la  singulière  faute  d'accepter  cette 
conclusion  des  jansénistes  et  de  baser  sur  ces  motifs  la  condamnation 
du  probabilisme.  Mais,  dans  sa  préoccupation,  ce  grand  homme  ne  s'est 
pas  aperçu  qu'avec  un  tel  raisonnement,  le  probabiliorisme  n'était  pas 
moins  condamné  que  le  probabilisme;  car  enfin,  pour  la  validité  du 
sacrement,  aussi  bien  que  pour  la  religion  à  embrasser,  nous  sommes 
tenus  à  suivre  non-seulement  le  plus  probable,  mais  même  le  plus  sûr. 
Quant  au  juge,  y  a-t-il  la  moindre  probabilité  qu'il  puisse,  dans  sa 
sentence,  s'écarter  de  l'opinion  la  plus  probable  (1)  ? 

Nous  avons  dit  que,  pour  mieux  combattre  le  probabilisme,  il  avait 
fallu  le  dénaturer.  On  vient  d'en  voir  une  preuve.  En  voici  une  autre. 


(t)  Que  le  juge  puisse  prononcer  suivant  une  moindre  probabilité, 
beaucoup  de  scolasliques  l'avaieul  ensei^s^ué;  raais,  même  avant  le  décret 
d'Iunocent  XI,  les  auteurs  les  plus  approuvés  parmi  les  probabilistes, 
notamment  parmi  Ips  théologiens  jésuites,  avaient  combattu  ce  senti- 
ment, qui  n'a  eu  effet  aucune  connexion  avec  le  probabilisme. 


m  l'KoiîAniiJSMi;.  175 

P.irmi  les  propositions  condamnées,  il  en  est  une  qui  iirtlrmo  eu  géné- 
ral que  tonte  opinion  devient  probable  dès  q-i'elle  se  rencontre  dans  un 
auteur  et  qu'elle  n'a  pas  été  posilivoment  repoussée  par  TÉglise  C'est 
sur  cette  base  que  Pascal  a  bâti  presque  toutes  ses  Prov'inctnles.  Son 
grotesfjue  héros  rappelle  toujours  ce  fameux  principe  ;  et  comme  il  n'y 
a  pas  d'opinion  singulière  qui  n'ait  été  émise  par  quelque  auteur,  jé- 
suite ou  autre,  le  satirique  de  Poit-Rcyal  en  fait  sortir  les  consé- 
quences les  plus  monstrueuses  et  les  plus  ridicules.  Que  l'ironique  se- 
crétaire du  jansénisme  ait  agi  ainsi,  on  le  conçoit  ;  il  devait  divertir  la 
secte  aux  dépens  des  jésuites  ;  il  jouait  son  rôle  avec  esprit  ;  on  ne 
saurait  presque  lui  en  vouloir.  Mais  que  Bossuet,  dans  une  assemblée 
du  clergé,  reprenne  sérieusement  cette  accusation,  et  qu'il  fonde  sur 
elle  la  censure  d'une  doctrine  enseignée  par  un  si  grand  nombre  do 
théologiens  respectables,  on  ne  saurait  y  croire.  Bossuet  ignorait- il 
donc  que  les  probabilistes  n'admettent  la  liccilé  d'une  action  que  lors- 
qu'on a  de  bonnes  raisons  pour  la  (roire  permise?  Or,  un  théologien 
sérieux  a-t-il  jamais  pensé  que  le  sentiment  d'un  auteur  médiocre  suf- 
fit à  autoriser  une  action  douteuse?  Qir'il  eût  étudié  le  probibilisme 
dans  les  grands  docteurs  de  l'école,  dans  ce  Suarez  pour  lequel  il  pro- 
fessait une  si  grande  estime,  et  il  n'aurait  jamais  commis  la  faute  d'at- 
tribuer au  probabilisme  l'erreur  de  quelques-uns  de  ses  plus  obscurs 
défenseurs. 

L'assemblée  du  clergé  de  1 700  avait  trouvé  les  esprits  en  France 
prévenus  contre  la  doclrinf^  du  probabliismc  ;  les  intrigues  de',jansé- 
iii=tes,  surtout  les  Provinciales  i\e  Pascal,  avaient  porté  leurs  fruits. 
Avant  l'invasion  du  jansénisme,  les  grands  ilocteurs  de  l'Universitc  de 
Paris,  Isanibert,  Gamache,  Duval,  disaient  que  le  probabilisme  était 
l'opinion  commune  des  écoles;  on  devait  dire  le  contraire  vers  la 
fin  du  XVIP  siècle.  Mais  après  l'assemblée,  la  répulsion  contre  le  pro- 
babilisme fut  encore  plus  grande,  et  la  célèbre  censure  devint  comme 
la  base  d'.  l'enseignement  oft'iciel  en  France.  L'Italie  et  l'Espagne  ne 
furent  pas  entraînées  aussi  fortement  dans  ces  opinions  rigoureuses  ; 
crpendaiit,  outre  les  jansénistes  qui  d  jminèrent  au  synode  de  Pistoie, 
on  vil  d'exi'ellents  théologiens  se  prononcer  avec  ardeur  contre  la  doc- 


176  DU    PROBABILISME. 

trine  de  la  probabilité  ;  les  plus  célèbres  furent  le  cardinal  d'Aguirre, 
Comitolo,  Cuniliati,  Tliyrse  Gonzalès,  les  frères  Ballerini,  et  surtout 
le  savant  et  |)ieux  cardinal  Gerdil.  Mais  leur  autorité  ne  put  y  faire 
dominer  la  doctrine  du  clergé  de  France  ;  l'école  probabiliste,  même 
dans  le  dernier  siècle,  y  eut  de  valeureux  champions,  tels  que  Viva, 
Mazzotta,  Roncaglia,  Faure,  Zaccaria,  et  pardessus  tout,  saint  Al- 
phonse de  Liguori, 

Tel  fut  le  probabilisrae  dans  le  passé.  Avançons,  et  demandons-nous 
où  en  est  aujourd'hui  cette  controverse  si  grave?  Tout  homme  de 
bonne  fui  conviendra  que  sa  victoire  est  de  jour  en  jour  plus  complète. 
Jugeons-en  par  les  auteurs  les  plus  en  vogue  dans  les  écoles  théolo- 
giques. Bailly,  Antoine,  Collet,  ont  disparu  de  nos  séminaires;  en  leur 
place,  on  suit  Scavini,  Gury,  Bouvier,  le  cardinal  Gousset,  ou  d'autres 
disciples  de  saint  Liguori.  Saint  Li^-uori  est  aujourd'hui  le  docteur  par 
excellence  dans  la  théologie  morale.  A  la  déliance  qui  accueillit  sa  pre- 
mière apparition,  a  succédé  la  plus  grande  confiance  ;  quand  il  parut, 
ses  partisans  étaient  réduits  à  se  cacher,  s'ils  ne  voulaient  pas  encou- 
rir les  anathèmes  de  l'ancienne  école,  encore  toute  puissante  ;  nous 
savons  même  une  ville  où  un  imprimeur,  coupable  d'avoir  publié  ses 
écrits,  se  vit  refuser  la  communion  comme  un  pécheur  scandaleux.  Et 
aujourd'hui;  on  n'ose  se  déclarer  ouvertement  son  adversaire  ;  ceux 
mêmes  qui,  il  y  a  quelques  années,  ne  pouvaient  assez  combattre  ses 
doctrines,  se  voient  contraints  à  le  citer.  Plus  d'une  fois,  ils  le  font 
d'assez  mauvaise  grâce,  mais  c'est  toujours  un  hommage  qu'ils  sont 
obligés  de  rendre  à  ce  grand  théologien,  de  peur  de  froisser  le  senti- 
ment général  du  clergé.  Saint  Liguori  est  devenu,  dans  la  théologie 
morale,  ce  qu'est  saint  Thomas  dans  la  spéculative  :  on  peut  ne  pas 
approuver  l'une  ou  l'autre  de  ses  opinions  ;  mais  le  fond  de  la  doctrine 
est  désormais  h  règle  de  la  saine  théologie.  Or,  le  triomphe  de  saint 
Liguori,  c'est  celui  du  probabilisme  lui-même. 

Les  antiprobabilistes  l'ont  bien  compris.  Aussi  font-ils  de  vrais 
tours  de  force  pour  amoindrir  l'autorité  du  saint  Évêqne.  Quand  on 
leur  objecte  l'examen  rigoureux  des  écrits  qui  précèdent  la  béatifica- 
tion et  le  décret  qui  a  approuvé  les  ouvrages  du  saint  Evêque,  ils  ré- 


DU    PROBABILISME.  177 

pondent  que  le  décret  de  la  Sacrée  Congrégation  des  Rites  atteste  seu- 
lement qu'il  n'y  a  rien  de  sujet  à  la  censure  dans  les  œuvres  du  Saint, 
mais  sans  se  prononcer  sur  le  fond  môme  de  son  système.  Ils  font  la 
même  réfionse  à  propos  du  décret  de  la  Sacrée  Pénitencerie,  qui  dé- 
clara, le  5  juillet  1831,  qu'on  pouvait,  en  toute  sûreté  de  conscience, 
suivre  les  opinions  de  saint  Liguori,  par  cela  seul  qu'elles  étaient  celles 
du  saint  Évêque.  La  Cour  romaine,  prétend'^nt-ils,  n'a  pas  voulu  sta- 
tuer sur  le  fond  de  la  controverse,  mais  seulement  affirmer  que  le  pro- 
babilisme,  et  les  autres  opinions  embrassées  par  le  Saint,  n'étant 
pas  censurées,  on  les  peut  suivre  si  on  les  croit  les  meilleures.  C'est 
réduire  la  portée  de  cette  approbation  à  une  simple  question  de  bonne  foi. 

A  Dieu  ne  plaise  que  nous  tentions  dexagérer  l'étendue  des  juge- 
ments du  Saint-Siège;  nous  n'ignorons  pas  que  l'approbation  donnée 
aux  écrits  d'un  serviteur  de  Dieu  n'est  pas  la  délinition  des  contro- 
verses auxquelles  il  a  pris  part;  on  pourra  donc,  après  comme  avant, 
discuter  la  vérité  d'une  opinion  émise  par  un  saint. 

Toutefois  faisons  remarquer  une  grande  différence  entre  la  cause  de 
saint  Liguori  et  celle  des  autres  saints.  On  rîe  saurait  méconnaître  que, 
dans  le  procès  de  canonisation,  le  saint  Evéqueaélé  l'objet  d'une  pré- 
dilection motivée  surtout  par  ses  écrits.  C'était  sa  doctrine  plus  que 
sa  personne  que  l'on  semblait  canoniser,  afin  de  l'opposer  aux  derniers 
vestiges  du  rigorisme  janséniste.  El  depuis  le  décret  d'approbation,  la 
faveur  du  Saint-Siège  pour  ces  consolantes  doctrines  s'est  manifestée 
plus  d'une  fois.  Le  19  février  1825,  Léon  XJI  adressait  à  l'imprimeur 
Marietti  un  bref  de  félicitalion  et  de  remercîment  pour  le  service  qu'il 
avait  rendu  à  l'Église  en  réimprimant  les  œuvres  de  saint  Liguori  ;  le 
1-2  juillet,  le  pontife  Pie  IX  envoyait  un  bref  semblable  au  successeur 
de  ce  même  imprimeur.  Nori-seulement  Pie  IX  acceptait  la  dédicace 
de  la  théologie  morale  de  Scavini.ce  fidèle  disciple  de  saint  Alphonse, 
mais,  le  7  avril  1847,  il  louait  hautement  le  zèle  avec  lequel  ce  savant 
moraliste  propageait  les  doctrines  du  Saint.  Est-ce  là,  nous  le  deman- 
dons, une  simple  déclaration  que  la  théologie  de  saint  Alphonse  n'est 
pas  censurée,  et  qu'on  peut  la  suivre,  si  de  bonne  foi  on  la  croit  plus 
probable  que  la  doctrine  contraire  ? 


178  DU    PROBABILiSME. 

Ces  faits  sdit  bien  propres  à  faire  impression  sur  les  âmes  profon- 
dément dévouées  au  Saint-Siège;  maison  pourrait  dire  qu'ils  sont  l'ex- 
pression d'un  sentiment  privé  plutôt  qu'un  jugement  de  doctrine. 
Examinons  donc  plus  à  fond  la  portée  de  la  déclaration  des  congréga- 
tions romaines. 

Il  est  manifeste  que  ce  qui  domine  dans  les  œuvres  de  saint  Liguori 
c'est  le  probabilisme(l)  ;  ce  que  nous  aimons  en  lui,  ce  n'est  pas  t. lie 
ou  telle  opinion  particulière,  que  parfois  nous  n'adopterions  pas  ;  mais 
nous  aimons  l'esprit  qui  anime  tout  son  ouvrage.  Ce  qui  est  déclaré 
en  général  des  écrits  du  saint  évêque,  s'applique  donc  surtout  à  la 
doctrine  du  probabilisme  On  peut  donc  assurer  d'abord  que  celte 
doctrine  n'est  pas  digne  de  censure  ;  ensuite,  comme  corollaire,  qu'il 
est  permis  de  la  suivre  en  pratique.  Or  la  question  fondamentale  de  la 
controverse  entre  les  probabilioristes  et  les  probabilistes  est  de  savoir 
si,  dans  le  cas  de  doute,  quand  l'opinion  favorable  à  la  liberté  est  du 
moins  aussi  probable  que  l'opinion  contraire,  il  estpei'mis  de  la  suivre. 
Et  voilà  que  l'Église  intervient  dans  le  débat;  elle  déclare  que  la  dce- 
trine  de  saint  Liguori  n'est  pas  digne  de  censure  et  qu'on  peut  la 
suivre  en  pratique.  N'y  a-t-il  pas  là  un  vrai  jugement  sur  la  question 
en  litige  .^  N'est-ce  pas  déclarer  ouvertement  que,  dans  un  cas  douteux, 
à  probabilité  égale,  on  peut  adopter  le  parti  que  l'on  voudra?  Mais, 
dira-l-on,  il  est  arrivé  plus  d'une  fois  que  l'Église  a  approuvé  les 
écrits  d'un  saint,  dont  quelques  opinions  ont  été  abandonnées  plus 
tard.  Saint  Thomas  lui-même  n'enseigne-t-il  pas  que  le  Pape  ne  peut 
dispenser  des  vœux  soli3nnels,  opinion  en  tout  contraire  a  l'usage  actuel 
de  la  Cour  romaine  ?  De  même  en  pourrait-il  être  delà  question  de 

(1)  Nous  le  redisons  encore  :  nous  prenons  ici  le  probabilisme  dans 
son  sens  le  plus  large,  sans  distinguer  ses  diverses  nuances.  Saint 
Liguori  est  rangé  parmi  les  équiprobabilisles,  mais,  en  réalité,  il  s'attache 
surtout  aux  sentiments  des  probabilistes  ;  ses  auteurs  favoris  sont  d^îs 
probabilistes,  et  les  principe?  sur  lesquels  il  appuie  ses  décisions  sont 
ceux  qui  conduisent  nécessairement  au  probabilisme  simple,  comme  ue 
cessent  de  le  lui  obj-^cter  les  probabilioriiles.  Du  reste,  notre  but  n'est 
pas,  comme  nous  l'avons  déjà  dit,  de  choisir  entre  les  nuances  du  [iro- 
babilisme,  mais  de  montrer  que  le  probabiliorisme  est  de  plus  en  plus 
repoussé  par  la  tendance  actuelle  de  la  théologie  morale  . 


DU    PROBABILISME.  170 

probabilisme.  Controversée  à  l'époque  où  vivait  saint  Alphonse,  le 
saint  a  pu  impunément  embrasser  l'une  ou  l'autre  Ofiinion  ;  et  jusqu'à 
ce  que  l'Eglise  ait  prononcé  une  sentence  définitive,  on  pourra  la  sui- 
vre, si  de  bonne  foi  on  la  croit  vraie.  Mais  il  pourrait  se  faire  qu'un 
jour  la  controverse  fût  résolue  en  faveur  du  probabiliorisrae . 

Telle  est  assurément  l'objection  la  plus  sérieuse  qu'on  puisse  faire 
contre  l'approbation  des  écrits  de  saint  Liguori.  C'est  pourquoi  nous 
avouons  bien  volontiers  que  le  probabiliorisme  n'a  pas  été  condamné 
par  le  décret  qui  approuve  la  doctrine  de  saint  Liguori.  Mais  nous  ne 
saurions  nous  persuader  que,  après  ce  décret,  le  probabilisme  puisse 
l'être  jamais  lui-même.  Car  le  probabilisme  c'est  l'idée  dominante  de 
tous  les  écrits  du  saint;  c'estsur  lui  principalementqu'a  dû  porter  l'exa- 
men des  docteurs.  Il  s'agit  d'un  point  de  droit  naturel  discuté  depuis 
longtemps,  dans  lequel  on  a  assez  agité  le  pour  et  le  contre  ;  une  ques- 
tion semblable  ne  peut  être  assimilée  à  une  opinion  de  petite  impor- 
tance, sur  un  point  peu  controversé,  et  émise  en  passant  par  un  doc- 
teur. Donc,  c'est  le  fond  même  de  la  doctrine  considéré  en  lui-même, 
et  non  en  des  circonstances  accidentelles,  que'l'Eglise  a  déclaré  à  l'abri 
de  toute  censure.  Il  est  donc  certain  que  la  doctrine,  envisagée  en  elle- 
même,  et  non-seulement  au  point  de  vue  de  la  bonne  foi,  est.  sûre  en 
pratique. 

Tel  est  l'état  actuel  de  cette  grande  question.  Après  avoir  passé  par 
les  vicissitudes  par  lesquelles  la  Providence  divine  éprouve  toute  doc- 
trine importante,  le  probabilisme  est  devenu  l'opinion  dominante  dans 
l'Église,  et  tout  semble  lui  promettre  un  plein  triomphe.  Ceux  mômes 
qui  tiennent  encore  pour  Tantiprobabilisme,  n'osent  pas,  ce  semble,  le 
défendre  ouvertement.  Il  est  tel  livre  de  théologie  qui  ne  s'avance  que 
par  détours  dans  cette  route  scabreuse.  Sous  prétexte  d"imparliali;é, 
il  expose  les  raisons  pour  et  contre,  ne  prononce  pas  de  conclusion 
définitive,  laisse  l'étudiant  se  débrouiller  au  milieu  des  raisons  qui 
combattent  pour  l'un  ou  l'autre  système,  et  cependant  insiste  sur  le 
danger  do  mal  choisir,  sur  l'incertitude  où  se  trouve  le  probabiliste  et 
au  contraire  sur  la  sécurité  du  probabilioriste.  Telle  est  la  tactique  des 
adversaires  actuels  du  probabilisme.  Mais  celte  feinte  impartialité  ne 


180  DU    PROBABILISME. 

trompe  personne,  et  l'on  sait  bien  que  les  craintes  produites  habi- 
lement dans  l'âme  du  jeune  séminariste  ont  pour  but  de  le  jeter  dans 
l'opinion  la  plus  rigoureuse. 

Mais  un  professeur  de  morale  peut-il  en  agir  ainsi?  A-t-il  satisfait  à 
ses  devoirs  en  exposant  devant  les  élèves  les  raisons  pour  les  deux 
opinions  contraires  dans  une  si  grande  question  ?  Nous  ne  le  pensons 
pas.  Professeur,  ce  lui  est  une  obligation  rigoureuse  de  diriger  Tétu- 
diant  ;  la  route  d3  la  théologie  est  bordée  de  précipices,  il  doit  lui 
servir  de  guide  et  l'empêcher  de  rouler  dans  l'abîme.  Ce  n'est  donc 
pas  dans  l'une  des  questions  qu'il  regarde  avec  raison  comme  des 
plus  importantes  de  la  science  sacrée, qu'il  doit  abandonner  le  disciple 
à  son  inexpérience.  Il  faut  qu'il  lui  montre  en  toute  sincérité  l'élat  ac- 
tuel de  la  question  ;  et,  quoi  qu'il  en  soit  de  la  spéculation,  qu'il  lui  fasse 
connaître  les  décisions  du  Saint-Siège  et  leur  portée  ;  en  un  mot;,  qu'il 
lui  enseigne  qu'en  pratique  on  peut  suivre  en  sûreté  les  doctrines  du 
probabilisme. 

Nous  aurions  terminé  ici  notre  travail  ;  mais  un  des  cas  du  R.  P. 
Gury  (c'est  le  septième  du  1  volume)  nous  rappelle  une  nouvelle  ma- 
nière de  résoudre  la  controverse.  Voici  le  cas  tel  à  peu  près  que  l'expose 
le  savant  théologien. 

Philibert,  professeur  de  théologie  (1),  rejetant  tous  les  systèmes  de 
probabilisme  proposés  jusqu'à  ce  jour,  en  a  inventé  un  nouveau.  La 
loi  douteuse,  selon  lui,  n'est  pas  destituée  de  toute  obligation,  comme 
le  serait  une  loi  entièrement  inconnue  ;  et  cependant  elle  ne  saurait 
s'imposer  avec  la  rigueur  d'une  loi  certaine.  Elle  oblige  donc,  mais 
plus  ou  moins,  selon  qu'elle  est  plus  ou  moins  connue.  D'où  il  suit 
qu'un  uiotif  insuffisant  pour  dispenser  d'une  loi  certaine,  pourra  ne 
l'être  pas  si  la  loi  est  douteuse.  L'auteur  de  cette  solution  cherche 
à  la  prouver  d'abord  par  la  nature  même  de  l'obligation.  La  loi  cer- 
tainement connue  et  celle  que  Ton  ignore  absolument  sont  comme 


(1)  Ce  système  n'est  pas  tiré  d'un  cours  de  théologie,  mais  d'un  traité 
de  philosophie,  aujourd'hui  très-estimé  et  adopté  dans  un  grand  nombre 
de  séminaires  de  France.  La  dissertation  sur  le  probabilisme  a  été  im- 
primée à  part. 


DU   PROMTÎTLISME.  181 

deux  extrêmes;  à  l'un  correspond  la  pleine  obligation,  à  l'autre  la 
pleine  liberté,  mais  la  loi  douteuse  tient  le  milieu  entre  ces  ex- 
trêmes :  il  faut  donc  qu'elle  réponde  à  une  obligaticn  qui  tienne 
aussi  le  milieu  entre  l'obiigation  rigoureuse  et  l'exemption  de  toute 
loi.  Une  autre  raison  que  l'inventeur  de  cette  théorie  fait  valoir 
pour  sa  thèse  est  l'autorité  du  sens  commun.  Supposons,  dit  il,  un 
homme  qui  doute  s'il  peut  ou  non  manger  de  la  viande  aujourd'hui. 
Il  pèse  toutes  les  raisons  sans  qu'une  plus  grande  probabilité  fasse 
pencher  la  balance  d'un  côté  ou  d'un  autre  ;  de  plus,  sa  santé  s'accom- 
mode également  du  gras  et  du  maigre  ;  son  goût  se  plaît  (également  à 
l'un  et  l'autre  alinient,  et  il  ne  lui  sera  pas  plus  malaisé  de  se  procurer 
le  poisson  que  la  viande.  Supposons  que  cet  homme,  dans  un  tel  con- 
cours de  circonstances,  se  déleruiino  à  manger  de  la  viande,  ne  sera- 
t-il  pas  blâmé  par  tous  les  hommes  consciencieux  ?  Que  si,  au  contraire, 
dans  le  doute,  il  avait  eu  des  raisons  pour  préférer  le  gras  au  maigre, 
par  exemple  des  raisons  de  santé,  ou  de  goût,  la  difficulté  de  se  pro- 
curer des  aliments  maigres,  ces  motifs,  insuffisants  pour  l'exempter 
de  la  loi  certaine  de  l'abstinence,  auraient  suffi  pour  l'exempter  de  la 
loi  douteuse,  au  dire  de  tout  le  monde.  Donc,  conclut  l'auteur  de  ce 
système,  le  principe  du  probabilisme  :  Lex  dubia  non  ohligat,  doit  être 
modifié  ainsi  :  Lcx  dubia  nec  omni  obligalione  caret,  nec  omnem  suam 
vim  obligandi  habet  ;  sed  plus  minusve  stricte  oblignt  proid  plus  mi- 
nusve  cognomtur  ;  ac  proinde  causa  non  excusans  a  lege  certo  cognita 
aliquando  potest  a  lege  imperfecte  tantum  cognita  excusare. 

Un  le  voit,  c'est  une  traufaction  qu'on  nous  propose  ;  l'auteur  vou- 
drait concilier  le  probabilisme  avec  le  probabiliorisme  en  tempérant  la 
rigueur  de  l'un  par  la  bénignité  de  l'autre.  Mais,  comme  observe  judi- 
cieusement le  P.  Gury,  Philibert  s'est  donné  une  rude  mission,  quand 
il  a  entrepris  de  substituer  un  système  nouveau  aux  anciens,  dans  une 
quTStion  si  longtemps  débattue.  Nous  craignons  bien  qu'il  nesuccombe 
à  la  peinp,  sans  gagner  à  sa  cause  ni  les  probabilistes,  ni  les  probabi- 
lioristes.  il  n'aura  pas  les  probabilistes,  parce  que  le  milieu  qu'il  pro- 
pose entre  les  deux  extrêmes,  cette  loi  qui  n'est  ni  connue  ni  inconnue, 
mais  un  mélange  de  connu  et  d'inconnu,  ne  saurait  être  admis;  une 


182  DU    PROBABILTSME. 

loi  dont  l'existence  reste  douteuse  après  une  sérieuse  enquête,  est  pure- 
ment et  simpiement  une  loi  inconnue,  une  loi  invinciblement  ignorée  ; 
et  comme  telle,  dépourvue  de  toute  force  obligatoire.  Le  probabilioriste 
ne  voudra  pas  davantage  de  la  transaction  proposée,  car  pour  lui  toute 
loi  douteuse  en  spéculation,  si  elle  n'a  pas  contre  son  existence  une 
plus  grande  somme  de  i)robabilité,  devient  pratiquement  une  loi  cer- 
taine ;  elle  a  donc  toute  la  force  obligatoire  qu'obtiendrait  la  loi  com- 
plètement promulguée,  et  non  une  valeur  proportionnée  au  degré  de 
probabilité.  D'où  il  suit  que,  pour  se  dispenser  de  cette  loi,  il  faut  les 
mêmes  motifs  que  pour  se  dispenser  d'une  loi  certaine. 

Enfin,  probabilistes  et  probabiiioristes  s'uniront  contre  ce  nouveau 
système  parce  qu'il  mène  droit  au  tuliorisme,  malgré  son  apparence  de 
bénignité.  Car,  une  fois  admise  la  proposition  qui  résume  ce  système, 
toute  loi  douteuse  produit  une  obligation  ;  si  elle  est  i>eu  probable,  l'o- 
bligation est  légère,  néanmoins  elle  existe.  Or  il  n'est  jamais  permis  de 
transgresser  une  obligation,  quelque  petite  qu'elle  soit.  Il  faudra  donc 
conclure  :  Non  licet  seqiii  ojimonem  vel  inter  prohahiles  probabilissi- 
mam.  Ce  qui  est  la  proposition  des  tulioristes,  condamnée  par 
Alexandre  Vlll. 

L'auteur  du  nouveau  système  cherche  bien  à  éviter  cette  conséquence 
en  appliquant  à  certains  cas  la  règle  admise  communément,  qu'une 
cause  légère  suffit  pour  dispenser  d'un  précepte  peu  important.  Suppo- 
sons que  les  probabilités  contre  la  loi  aient  assez  diminué  sa  force 
pour  qu'elle  n'oblige  plus  que  sous  peine  de  péché  véniel,  un  motif 
d'une  certaine  importance  pourra  lui  enlever  toute  obligation  ;  et  dés 
lors  la  liberté  rentrera  dans  ses  droits.  Mais  cette  explication  ne  saurait 
être  acceptée.  De  deux  choses  l'une:  ou  bien  la  cause  d'exception  con- 
sidérée dans  l'ensemble  des  circonstances  est  certainement  suffisante 
pour  dispenser  de  toute  obligation,  ou  elle  ne  l'est  pas.  Dans  le  pre- 
mier cas,  la  loi  n'est  pas  même  probable,  puisqu'il  est  certain  qu'elle 
n'existe  pas;  nous  sommes  donc  en  dehors  de  la  question.  Dans  le  se- 
cond cas,  quelque  petite  que  soit  la  probabilité  en  faveur  de  la  loi,  on 
ne  peut  agir  contre  elle  sans  se  rendre  coupable.  Car,  après  tout,  une 


nu    PROBABII.ISME.  183 

loi  ne  doit  pas  se  considérer  dans  une  abstraction,  mais  dans  l'ensemble 
des  circonstances  où  elle  est  concrélée  (i). 

Quant  à  l'argument  tiré  du  sentiment  commun,  il  n'est  pas  de  nature 
à  faire  grande  impression,  si  on  l'examine  de  prés.  Toutle  monde  aime 
la  délicatesse  qui  va  au-delà  de  la  stricte  justice;  toule  transgression 
de  ce  sentiment  blesse  l'amour  que  nous  avons  naturellement  pour  !e 
bien.  11  n'est  donc  pos  étonnant  qiie  l'on  blâme  celui  qui,  doutant  de 
l'exifelence  d'une  loi  et  la  pouvant  facilement  observer,  la  transgresse. 
i\lais  ce  qu'il  faudrait  prouver,  c'est  que  le  bon  sens  po|)ulaire  regarde 
cette  action  comme  coupable  en  conscience  ;  et  cette  preuve  nous  la 
chercherions  en  vain. 

En  terminant  ce  travail,  félicitons  de  nouveau  l'auteur  des  Cas  de 
conscience,  et  remercions-le  du  service  signalé  qu'il  a  rendu  au  clergé, 
en  popularisant  parmi  nous  la  doctrine  de  S.  Liguori.  Espérons  que  le 
succès  de  ce  livre  ne  le  cédera  en  rien  à  celui  de  son  frère  aîné,  le 
Compendium  Iheologiœ  moralis.  Tous  ceux  qui  ont  déjà  le  Compendium 
voudront  avoir  les  Cas,  comme  un  complément  nécessaire;  et  leur 
forme  attrayante,  unie  à  la  précision  et  à  la  sûreté  de  la  doctrine,  dis- 
siperont de  plus  en  plus  les  nuages  par  lesquels  le  jansénisme  avait 
obscurci  la  théologie  morale. 

E.  G. 


(I)  C'est  ainsi  que  Ta  compris  l'auteur  de  la  philosophie  dont  uous 
pavions,  car  il  définit  la  loi  douteuse  :  Dubium  quod  cadit  non  solum  in 
exislentiain  legis,  sed  eliain  in  existeniinm  facti,  seu  in  applicationem 
legis  ad  alir/uod  factuni  parliculare. 


DES  CHAPITRES  CATHEDRAUX  EN  FRANCE  (^ 


M.  l'abbé  Pelletier  vient  de  publier  un  ouvrage  destiné,  ce  nous 
semble,  à  faire  sensation.  Ce  n'est  point  un  traité  des  chapitres  en 
général,  où  l'on  expose  les  principes  du  droit  sur  cette  matière  :  l'au- 
teur se  borne  à  parler  des  cliapitres  cathédraux  établis  en  France  de- 
puis le  concordai  de  1801 ,  avec  appréciation  des  circonstances  particu- 
lières, favorables  ou  défavorables,  dans  lesquelles  ils  se  trouvent 
respectivement,  en  droit  et  en  fait,  d'après  la  lettre  et  l'esprit  de  ce 
même  concordat. 

La  situation  de  ces  chapitres  est  examinée  devant  l'Eglise  ;  et,  pour 
mettre  en  relief  la  pensée  de  celle-ci  sur  le  sujet  qu'il  traite,  l'auteur 
passe  en  revue  les  documents  émanés  de  Tautorilé  ecclésiastique,  prin- 
cipalement ceux  du  Saint-Siège,  ensuite  les  décrets  des  Conciles  pro- 
vinciaux célébrés  dans  ces  derniers  temps  ;  enfin,  les  actes  des  cvêques 
concernant  les 'chapitres. 

Ici  de  nombreuses  questions  sont  successivement  abordées  :  elles  se 
réfèrent  au  sens  qu'il  faut  donner  à  l'art,  xi  du  concordat  (p.  1,  etc.); 
au  sens  et  à  l'intciprétation  de  la  bulle  Qui  Christi  Domini  et.  des 
deux  décrets  exéculoriaux  des  9  et  10  avril  1802,  émanés  du  Cardi- 
nal-légat (|t.  8,  n,  37);  à  la  rédaction  des  statuts  confiées  aux  pre- 
miers é\êques;  à  la  disiinclion  de  ces  statuts  en  cousdlutifs  el  en 
réglementaires  (p.  50)  ;  aux  statuts  donnés  par  Wgr  de  Bclloy  au 
chapitre  métropolitain  de  Paris  (p.  61)  ;  à  l'approbation  qu'on  dit  avoir 
été  donnée  auxdits  statuts  par  le  cardinal  Caprara  (p.  105)  ;à  l'examen 
détaillé  desdils  statuts,  article  par  article,  etc   (p.  64).  L'auteur  re- 

(I)  Des  Chapitres  cathédraux  en  France,  devant  l'Église  et  devant 
l'Étal,  par  M.  l'abbé  V.  Poll.-tiur,  cliau,  îit.  de  l'Église  d'Orléaus.  Paris, 
LtcoCfre,  uu  fort  volume  in-S". 


DES    CHAPITRES    CATIIKURAUX    EN    FRANCE.  18") 

(lierclie  quelles  causes  ont  pu  donner  naissance  aux  statuts  anticano- 
niques de  Paris,  et  il  les  trouve  dans  les  idées  qui  régnaient  en  1802 
sur  l'étendue  des  droits  des  évêques  en  matière  de  discipline,  idées  et 
maximes  qui  ne  lui  paraissent  pas  s'harmoniser  avec  la  bulle  Auclorem 
fidei  (p..  98,  113). 

Aux  actes  émanés  de  l'Église  se  rattachent  encore  les  avis  de  l'Arche- 
vêque de  Paris  en  1807,  pour  l'union  de  la  cure  de  la  métropole  au  cha- 
pitre (p.  151);  les  nouveaux  statuts  donnés  la  même  année  au  chapitre 
métropolitain  d'Aix  (p.  168);  les  dispositions  contenues  dans  les  lettres 
apostoliques  de  1808  portant  érection  de  Tévêché  et  du  chapitre  de 
Montauban  (p.  1S3)  ;  les  actes  du  Saint-Siège  dans  l'affaire  des 
évéques  nommés  par  le  gouvernement  et  élus  vicaires  capitulaires  par 
les  chapitres  fp.  192)  ;  les  distiibulions  quotidiennes  établies  à  Lyon 
en  1813  (p.  204)  ;  les  actes  du  Saint-Siège  et  ceux  des  évêques  à  l'oc- 
casion du  concordat  de  1817  (p.  217,  237,  252)  ;  les  statuts  dressés 
pour  Chambéry  en  1834  (p.  263),  pour  Digne  en  1843  (p.  328),  et 
pour  Nice  en  1845  (p.  332). 

Avant  de  rappeler  et  d'étudier  les  décrets  des  Conciles  provinciaux, 
l'auteur  examine  si  la  coutume  en  France  n'a  pas  régularisé  la  situation 
des  chapitres,  et  il  résout  négativement  celte  question  (p.  562). 

Les  décrets  des  Conciles  en  ce  qui  concerne  les  chapitres  sont  cités 
in  extenso,  et  l'auteur  explique  les  difficultés  qui  naissent  de  certains 
passages  (p.  382,  etc) .  Puis  des  actes  du  Saint-Siège  à  l'occasion  de 
l'érection  du  siège  de  Laval  (p.  460)  et  de  l'archevêché  de  Rennes 
(p.  469},  l'auteur  conclut  que  le  vœu  du  Souverain-Pontife  est  que  la 
restauration  capitulaire  s'accomplisse. 

Quant  à  la  situation  des  chapitres  devant  l'Etat,  l'auteur  part  de 
l'article  xi  du  concordat,  qui  vaut  autorisation  pour  leur  érection 
(p.  33),  et  il  envisage  l'article  35  des  organiques  comme  la  confirmation 
de  cet  article  xi.  il  explique  comment  le  gouvernement  s'est  déterminé 
à  demander  que  la  nomination  des  chanoines  fût  soumise  à  son  agré- 
ment (p.  125);  il  examine  quelle  est  la  valeur  de  l'approbation  donnée 
par  le  gouvernement  aux  premiers  statuts,  spécialement  à  ceux  de  Paris 
(p.  137)  ;  il  parle  successivement  de  l'intervention  de  l'Etat  dans  l'u- 
Hf.vue  nt.s  Sciences  ecclés.,  t.  x. —  août  ISGi.  13 


186  DES    CHAPITRES    CATHÉDRAUX    EN    FRANCE. 

nion  des  cures  aux  chapitres  (p.  151),  dans  l'adminislration  des  fa- 
briques des  calhédrales  par  le  règlement  général  de  1809  (p.  I95)jdes 
menses  capilulaires  par  le  décret  du  6  novembre  1813  (p.  2(.9)  ;  dans 
la  nomination  directe  aux  canonicats  pendant  la  Restauration  en  vertu  de 
la  régale  et  à  titre  àe  joyeux  avénei)ient  (p.  212),  enfin  dans  la  dola- 
tion  des  chapitres  (p.  475). 

Quand  il  s'agit  de  l'État,  l'auteur,  sans  sacrifier  les  vrais  principes, 
paraît  surtout  avoir  à  cœur  d'affaiblir,  autant  que  la  matière  le  com- 
porte, les  antagonismes  à  l'endroit  des  saints  Canons  et  de  concilier, 
toutes  les  fois  qu'il  le  peut,  les  textesquisemblenls'excUire  l'un  l'autre. 
Nous  ne  l'en  blâmerons  certes  pas,  mais  ne  pourrait-on  pas  s'étonner 
à  cet  égard  qu'ayant  à  parler  des  articles  organiques  (p.  33,  etc.),  l'au- 
teur ait  passé  sous  silence  une  question  préalable  fort  grave,  facile  à 
deviner,  et  dont,  pour  des  motifs  aisés  à  comprendre,  nous  ne  pouvons 
que  signaler  ici  l'omission?  L'auteur  avait  certainement  la  liberté  d'en 
parler  plus  au  long  dans  son  ouvrage,  et  il  est  à  regretter,  ce  nous 
semble,  qu'il  ne  l'ait  pas  fait. 

Sa  conclusion  est  que  rien  ne  s'oppose  à  ce  que  les  chapitres  cathé- 
draux  soient  constitués  et  régis  conformément  aux  saints  Canons.  Le 
chapitre  lxxv  et  dernier  offre  au  lecteur,  à  titre  de  spécimen,  un  pro- 
jet de  statuts  pour  un  chapitre. 

On  peut  juger  par  cet  exposé  de  l'importamce  de  l'œuvre  que  nous 
annonçons:  l'origine  de  nos  chapitres,  la  canonicité  de  leurs  constitu- 
tions et  de  leurs  statuts  réglementaires,  la  légitimité  de  leur  situation 
actuelle  soit  devant  l'Eglise,  soit  devant  l'État,  les  privilèges  dont  ils 
se  prévalent  en  divers  diocèses,  sont  ici  examinés  à  peu  près  à  fond, 
pièces  en  main,  d'une  manière  généralement  impartiale,  et  plus  impar- 
tiale qu'on  n'avait  lieu  de  l'attendre  d'un  auteur  intéressé  dans  les  ma- 
tières qu'il  traite,  d'une  manière  très  consciencieuse  aussi  et  presque 
toujours  d'après  les  vrais  principes.  Nous  devons  en  particulier  lui  rendre 
cette  justice  que,  s'il  n'oublie  rien  de  ce  qu'il  croit  être  un  droit  acquis 
aux  chapitres,  il  ne  dissimule  pas  non  plus  en  général  les  obligations 
qui  incombent  à  leurs  divers  membres.  Nous  croyons  donc  que  cet  ou- 
vrage est  digne  d'être  lu  et  profondément  médité. 


DES    CHAPITRES    CA  IHÉDUAl'X    EN    FRANCE.  187 

Quelques  esprits  seront  peut-être  offusqués  par  des  critiques  un  peu 
hardies  que  l'estimable  auteur  se  permet  au  sujet  de  certaines  mesures 
ou  actes  des  autorités  diocésaines.  Mais  si  l'on  considère  que  ces  cri- 
tiques sont  d'ordinaire  appuyées  sur  des  actes  émanés  du  Saint-Siège, 
et  que  ^es  réformes  que  l'auteur  demande  ont  été  opérées  sans  incon- 
vénient dans  plusieurs  localités,  même  en  France,  on  reconnaîtra, 
nous  semble-t-il,  qu'en  général  il  n'a  pas  outrepassé  les  justes  limites. 
Ce  qu'il  y  a  de  certain,  c'est  qu'il  ne  s'écarte  jamais  des  bornes  du 
respect  dû  à  l'autorité. 

Nous  avons  dit  que  l'auteur  se  tient  pres^we  toujours  dans  les  limites 
des  vrais  principes  :  nous  avons,  en  effet,  quelques  réserves  à  faire,  et 
nous  prions  M.  Pelletier  de  ne  pas  nous  en  savoir  mauvais  gré,  puisque 
c'est  l'intérêt  de  la  vérité  qui  nous  fait  parler. 

Ainsi  1"  après  avoir  relaté  (p.  174)  les  paroles  suivantes  des  statuts 
du  chapitre  de  la  métropole  d'Aix  :  «  11  y  aura  des  matines  les  veilles  des 
«  quatre  fêles  conservées  et  chômées,  ainsi  que,  etc.  » ,  l'auteur  ajoute  : 
'<  Mgr  de  Cicé  partageait  celte  erreur  très-commune  en  France,  celh^ 
<(  de  croire  qu'un  chapitre  peut,  comme  -tout  prêtre  récitant  son  bré- 
«  viaire  privatim,  dire  à  son  grêles  matines  la  veille.» —  Benoît XIV 
néanmoins  assure  que,  pour  de  justes  causes,  un  évêque  peut  autoriser 
à  réciter  matines  la  veille  en  chœur  (V.  Bouix,  de  Capitulis,  p.  288). 
L'auteur  n'aurait- il  pas  dû  supposer  que  Mgr  de  Cicé  avait  de  justes 
raisons  pour  autoriser  le  règlement  critiqué,  d'autant  plus  que,  d'après 
le  même  Benoit  XIV,  la  coutume  seule  peut  être  un  motif  légitime? 

2°  L'auteur  suppose  souvent  et  affirme  même,  à  la  page  224.,  que, 
d'après  les  bulles  pontificales,  les  dignités  à  ériger  en  France  dans  les 
chapitres  rfoife/jf  avoir  pour  base  un  canomcat.  Or,  nous  ne  voyons  pas 
bien  ici  sur  quoi  l'auteur  se  fonde.  C'est  une  question  controversée 
parmi  les  canonistes,  si  les  dignités  font  partie  du  chapitre.  On  con- 
vient qu'elles  en  font  partie  là  où  les  statuts  et  la  coutume  l'ont  ainsi 
établi,  quand  même  ces  dignités  n'auraient  pas  de  prébende  canoniale, 
pourvu  qu'elles  aient  droit  à  une  stalle  au  chœur  et  aient  voix  aux 
assemblées  capitulaires.  C'est  ce  qui  a  lieu  généralement  en  Italie  et 
a  été  établi  en  France  par  le  Cardinal  Légat  ;  mais  les  dignités  ne  sont 


J88  DFS    CHAPITRES    GATHÉDHAUX    EN    FRANCE. 

pas  pour  cela  nécessairemenl  fondées  sur  un  canonirat:  il  suffit  qu'elles 
le  soient  sur  toute  autre  prébende  convenable,  et  cela  aussi  bien  en 
France  qu'ailleurs,  jusqu'à  preuve  du  contraire  (Boui  x,  de  Capif.  p.  58) . 

3»  L'auteur,  à  la  page  339,  dit  quel'évêquede  Nice  n'avait,  confor- 
mément au  droit,  quun  seul  vicaire  général.  —  Cependant  bien  des 
auteurs,  comme  on  peut  le  voir  dans  mon  Manuale  (n"  1 157),  pensent 
qu'un  évéque  peut  avoir  plusieurs  grands  vicaires,  et  ceux-là  mêmes 
qui  sont  d'un  avis  opposé,  sont  d'accord  avec  leurs  adversaires  pour  le 
cas  où  telle  est  la  coutume  existante.  Ferraris  cite  à  l'appui  deux  déci- 
dions de  la  Congrégation  des  évêques  et  des  réguliers.  (V.  Vicarius 
yemralis,  art.  1,  n"  10.) 

4"  A  la  page  359,  l'auteur  affirme  qu'en  1847  Mgr  l'évéque  de 
Valence  ayant  consulté  le  Saint-Siège  pour  savoir  s'il  pouvait,  sans 
entamer  une  procédure  canonique,  interdire  à  un  chanoine  honoraire 
l'usage  des  insignes,  la  Sacrée  Congrégation  des  Rites  répondit  néga- 
tivement. —  On  peut  voir  dans  mon  Manuale  in°  22'! 5)  que  celte 
assertion  est  loin  d'être  exacte  ;  il  suffit  même,  pour  en  douter,  de  lire 
un  peu  attentivement  le  document  relaté  par  l'auteur  lui-même  à  la 
page  indiquée. 

5"  Au  sujet  des  statuts  de  certains  diocèses  qui  réduisent  à  deux 
mois  les  vacances  des  chanoines,  l'auteur  (p.  233,  410)  prétend  que 
le  paragraphe  limitatif  Sa/ds  nihilominus  du  Concile  de  Trente,  sess. 
24,  c.  12  de  [\eform.,  s'applique  seulement  aux  chapitres  existants 
lors  de  la  promulgation  du  Concile,  et  nullement  à  ceux  qui  ont  été 
érigés  par  la  suite.  Cette  assertion  aurait  besoin,  ce  nous  semble, 
d'être  prouvée,  vu  que  le  Concile  ne  prescrit  pas  d'accorder  ces 
trois  mois  entiers,  qu'il  ne  défend  même  pas  de  restreindre  ces 
vacances,  mais  seulement  de  les  étendre  au  delà  du  terme  susdit  en 
vertu  de  tout  statut  ou  coutume  quelconque.  Nous  accordons  du  reste 
que,  à  moins  d'un  induit  spécial  du  Saint-Siège,  on  n'a  pas  dii  res- 
treindre les  trois  mois  sans  l'agrément  des  chapitres.  Mais  si  les 
chanoines  ont  dressé  eux-mêmes  de  pareils  statuts,  ou  y  ont  donné 
leur  adhésion  en  les  revêtant  de  leur  signature,  on  ne  voit  pas  ce  qui 
y  manque  pour  les  rendre  obhgatoires.  ' 


DES    CHAPITRES    CATHEDRA  UX    EN    FRANCE.  189 

6"  L'auteur  en  plusieurs  endroits,  et  notamment  à  la  page  160,  pré- 
tend que  l'union  de  la  cure  dans  nos  cathédrales,  n'est  pas  une  véri- 
table union  au  chapitre  :;il_en  donnepour  raison  que  les  chapitres,  chez 
nous,  ne  sont  pas  proprement  curés.  Qu'est-ce,  dit-il,  quun  curé  ? 
C'est  celui  qui  a  charge  d'âmes,  etc.  Qui  est-ce  qui  a  charge  d'âmes  ? 
C'est  l'archiprêlre.  Que  reste-t-il  au  chapitre  ?  La  célébration  des 
offices  divins.  —  Ce  raisonnement  suppose  que  pour  unir  les  paroisses 
à  un  chapitre,  il  est  nécessaire  de  donner  à  celui-ci,  en  quelque  chose, 
l'exercice  du  pouvoir  pastoral  ;  nr  cela  n'est  pas.  D'après  renseigne- 
ment qui  paraît  communément  reçu,  celui  qui  est  curé  habituel  n'est 
pas  vraiment  curé,  il  n'a  aucun  pouvoir  d'exercer  le  saint  ministère  en 
vertu  de  ce  titre  (Bouix,  de  Parocho,  p.  187).  «  Exploratum  in  jure 
a  est,  est-il  dit  dans  le  Thésaurus  resol.  S.  C.  Conc,  dum  erigitur 
«  vicaria  perpétua,  habilualem  curam  residere  qnidem  pênes  capitu- 
«  lum  ;  at  acttialem,  sive  illius  exercitium,  transferri  omnimode  in  vica- 
«  rium  perpetuum.  Hinc  nullo  modo  potest  principalis,  spreto  vicario, 
et  se  ingerere  curiB  animarum.  »  (Bouix,  de  Capit.,  p.  232.) 

7°  A  la  page  241,  l'auteur  affirme  que  la  nomination  des  chanoines 
honoraires  n'appartient  pas  à  l'évêqueseul,  mais  à  l'évêque  et  au  cha- 
pitre. —  Mais  sil  est  vrai,  comme  l'enseignent  communément  les 
canonisles,  que  le  droit  de  collation  simultanée  tire  ordinairement  son 
origine  de  ce  que,  dans  le  principe,  les  revenus  qui  ont  formé  les 
prébendes  canoniales  appartenaient  en  commun  à  l'évêque  et  au  cha- 
pitre, ce  droit  ne  doit  pas  s'étendre  aux  titres  non  accompagnés  d'une 
prébende,  et  l'évêque  doit  pouvoir  y  nommer  seul,  comme  il  nomme 
aux  autres  emplois  du  diocèse.  (V.  mon  Manuale,  n"  2271,  etc.) 

8"  A  la  page  259,  l'auteur  trouve  répréhensible  le  projet  de  règle- 
ment pour  les  chapitres,  en  ce  qu'il  prétend  soumettre  les  chanoines 
aux  statuts  généraux  du  diocèse,  sans  communication  préalable  et 
avis  demandé.  —  Ce  reproche  suppose  que  les  statuts  généraux  d'un 
diocèse  ne  peuvent  jamais  éire  obligatoires,  sans  avoir  été  commu- 
niqués auparavant  aux  chanoines  ;  c'est  bien  en  effet  la  règle  établie  par 
les  canons  Episcopus,  dist.  24, et  0/im  17,  de  Priviligiis.  Mais  d'après 
Benoît  XIV  [de  Syn.  lib.  xiii,  c.  I,  n"  8),  on  doit  en  cette  ma- 


190  DES    CHAPITRES    CATHÉURAUX    EN    FRANGE. 

tière  déférer  beaucoup  à  la  coutume  établie  de  ne  pas  consulter  les 
chapitres,  et  il  cite  à  l'appui  le  chapitre  Ea  noscitur,  de  his  quxfiiint, 
et  le  chapitre  Non  est,  de  consneUidïne.  Et  cette  coutume  de  ne  pas 
consulter  le  chapitre  en  beaucoup  de  points,  existait  non-seulement  en 
France,  mais  presque  partout,  d'a[)rès  Ferraris  (V.  Capitnlum,  art.  2, 
n"  28-50;  :  Consuetudo  non  consulendi  capitulum  in  plurimis  fere 
ubique  habetur.  D'après  M.  BoiiiX;,  ces  sortes  de  coutumes  devenues 
générales  étaient  passées  en  droit,  ita  ut,  dil-il  {de  Capit.,  p.  368), 
novx  Galliarum  ecclesix  hoc  ipso  quod  ortx  sint  sub  jure  communi, 
ortxsxint  sub  juie prxdidx  universaUs  consuetudiuis.  Cela  supposé,  le 
reproche  de  l'auteur  nous  semble  au  moins  trop  généralisé,  et  il  aurait 
dû  être  accompagné  des  restrictions  nécessaires. 

Les  explications  que  nous  venons  de  donner  peuvent  aider  à  com- 
prendre les  lettres  apostoliques,  dans  ce  qui  est  relaté  à  la  page4G5, 
sans  que  l'on  soit  obligé  d'admettre  la  restriction  de  Tauleur,  qui  veut 
que  \equatenus  ipse  oportere  eensuertt,  ne  porle  que  sur  opéra  et  non 
sur  co7isilio. 

9"  A  la  page  316,  l'auteur  cite  un  Mémoire  envoyé  de  Rome  à  l'oc- 
casion d'un  démêlé  qui  s'était  élevé  à  Coutances  entre  l'évèque  et  le 
chapitre,  dans  lequel  le  canoniste  romain  dit:«  Nihil  impedimentoest 
«  quominusepiscopus  qui  hoc  jure  'celebrandi  comitia  capitularia),  sive 
a  per  se,  sive  per  vicarium,  a  rauUis  jam  annis  usus  est,  posthac  pariter 
«  pergat,  etc.  »  L'auteur  convient  qu'en  vertu  de  la  coutume,  avec  les 
correctifs  et  exceptions  dont  parle  le  Mémoire,  l'évèque  peut  présider 
toutes  les  réunions  capilulaires  ;  mais,  d'après  lui,  l'évèque  ne 
pourrait  se  faire  représenter  par  un  vicaire  que  dans  certains  cas, 
et  alors,  en  thèse  générale,  la  communication  une  fois  faite  au 
chapitre,  le  grand  vicaire  devrait  se  retirer  et  surtout  s'abstenir  de 
présider.  —  Or,  d'après  une  décision  de  la  Sacrée  Congrégation  en 
date  du  15  mai  1585,  rapportée  par  M.  Icard,  n"  389,  le  vicaire 
général  peut  convoquer  le  chapitre,  si  telle  est  la  coutume  en  vi- 
gueur, ou  si  cela  est  ainsi  réglé  dans  les  statuts  du  chapitre  ;  et  d'a- 
près Ferraris,  non-seulement  il  le  peut  quand  c'est  la  coutume,  mais, 
lorsque  le  cha[)itre  n'est  pas  exempt,  il  le  peut  toutes  les  fois  qu'il  en 


DES    CHAPITRES   CATHKDRAUX    EN    FRANCE.  191 

a  une  raison  légitime  pour  loules  les  affaires  dans  lesquelles  il  peut 
être  juge  ;  il  peut  alors  non-seulement  le  convoquer,  mais  assister  aux 
délibéralions  et  occuper  la  première  place.  (V.  Capitnlum,  n°  16  et  17, 
où  sont  cilés  à  l'appui  des  décisions  des  Congrégations  romaines  et 
plusieurs  auteurs,  tels  que  Barbosa,  Fagnan,  Pelra,  etc.)  A  la  vérité  le 
grand  vicaire  ne  peut  donner  son  vote,  à  moins  qu'il  ne  soit  membre 
du  chapitre,  en  qualité,  par  exemple,  de  chanoine  ou  de  dignitaire, 
mais  il  le  peut  dans  ce  cas. 

10°  Au  sujet  des  décrets  du  Concile  de  Soissons  tenu  en  1849  où 
il  est  dit:  a  Vicarii  générales,  qui  munus  exercent  archidiaconorum, 
0  quorum  nomine  insigniti  sunt,  apud  nos  habentur  ut  primae  digni- 
«  taies  calhedralis  ecclesiae,  »  l'auteur  affirme  que  ces  mots  :  Qui 
munus  exercent  archidiaconorum,  ne  seront  jamais  l'équivalent  do  ;  Qui 
sunt  vere  et  proprie  archidiaconi,  pas  plus  que  ces  mots  :  Habentur 
ut  primœ  dignitales,  ne  sont  l'équivalent  de  Sunt  vere  et  proprie  digni- 
lates.  Le  Concile,  dit-il,  a  pesé  ses  expressions,  et  il  a  bienfait.  Nous 
admettons  volontiers  la  différence  de  sens  de  ces  diverses  locutions, 
mais  suit-il  de  là  que  le  Concile  n'ait  pas  voulu  conserver  les  vicaires 
généraux  dans  la  possession  de  la  dignité  d'archidiacre  telle  qu'elle  est 
reconnue  en  France,  et  d'après  laquelle  ils  ont  la  préséance,  même  en 
habit  de  chœur,  sur  les  chanoines?  Nous  croyons  que  ce  serait  une 
erreur  de  le  penser. 

Reste  à  savoir  sans  doute,  si  les  statuts  dressés  dans  ce  sens  depuis 
le  concordat  de  1801,  ou  si  l'usage  établi  en  France,  ont  pu  légitimer 
cette  déviation  de  la  règle  établie  par  les  canons.  L'auteur  démontre 
très-bien,  il  est  vrai,  que  le  cardinal-légat  n'a  pu  autoriser  les  évoques 
à  dresser  des  statuts  contrairement  aux  lois  de  l'Eglise  ;  mais  on  a  pu 
croire  de  très-bonne  foi,  qu'à  cause  des  malheurs  des  temps,  il  approu- 
vait, ou  du  moins  qu'il  n'improuvait  pas  les  statuts  qui  avaient  été 
dressés,  et  que  par  conséquent  ils  n'étaient  pas  contraires  aux  canons. 
Est-il  d'a.ileurs  bien  clair  que  les  canons,  sur  le  point  qui  nous  occupe, 
s'opposent  absolument  à  ce  que  les  archidiacres  puissent  être  établis 
amovibles,  comme  ils  l'étaient  anciennement  d'après  Thomassin,  le 
cardinal  Soglia  et  autres''  (V.  mon  Manunle,x[^  1 197.)  Ensuite,  peut-on 


192  DES    CHAPITRES    CATHÉnR\U\'    EN    FRANGE. 

bien  assurer  que  ces  statuts,  illégitimes  dès  le  principe,  ne  peuvent 
pas,  aujourd'hui  au  moins,  être  légitimés  par  la  coutume?  Sans  con- 
damner l'auteur  qui  paraît  d'un  autre  avis,  nous  n'oserions  aller  aussi 
loin  que  lui  sur  le  point  en  question. 

11°  Nous  n'ajouterons  plus  qu'une  observation  ayant  trait  à  la  ma- 
nière dont  est  traduit  un  passage  des  lettres  apostoliques  du  3  janvier 
1859,  par  lesquelles  la  cathédrale  de  Rennes  est  élevée  au  rang  de 
métropole.  11  est  dit  dans  ces  lettres  :«  Perpétue  item  instituimus,  prae- 
cipiendo  ut  octo,  qui  nunc  inibi  exstant  canonicatus,  in  eodem  statu, 
etc.  »  L'auteur  traduit  ainsi  ces  paroles  (p.  470):  «  Nous  instituons  à 
toujours  huit  canonicats,  en  prescrivant  que  les  huit  qui  existent  à 
Rennes  demeurent  dans  leur  état  présent.  >>  Celte  manière  de  rendre 
les  paroles  de  la  Bulle  ferait  croire  que,  outre  les  huit  canonicats  déjà 
existants  dans  l'église  de  Rennes,  le  Pape  en  établit  huit  autres,  tandis 
qu'il  n'a  voulu  dire  autre  chose,  sinon  qu'il  institue  de  nouveau  les 
huit  chanoines  qui  existent  déjà  dans  cette  église  qu'il  vient  de  suppri- 
mer comme  cathédrale  pour  l'ériger  en  métropole. 

Nous  ne  devons  pas  oublier  de  dire  en  terminant  que  l'ouvrage  est 
bien  écrit,  que  l'édition  en  est  très-soignée  et  très-correcte.  Il  ren- 
ferme une  foule  de  documents  très  intéressants,  la  plupart  inédits. 
Puisse  sa  lecture  produire  l'heureuse  réforme  que  l'auteur  a  eu  en 
vue,  et  contribuer  au  retour  complet  des  observances  canoniques,  non- 
seulement  en  ce  qui  regarde  les  chapitres;  mais  sur  tous  les  autres 
points  de  la  disci[iline  ecclésiastiqne  qui  peuvent  encore  être  mis  en 
oubli.  Nous  le  souhaitons  de  foute  notre  âme,  car  nous  croyons  qu'il 
ne  peut  rien  arriver  de  plus  avantageux  à  l'Église  et  de  plus  propre  à 
attirer  sur  tout  le  clergé  et  le  peuple  fidèle  les  bénédictions  du  ciel. 

Craisson,  anc.  vie.  gén. 


QUESTIONS  LITURGIQUES. 


DES   FONCTIONS   FUNEBRES. 

L'usage  de  la  daltnalique  et  de  la  tunique  est-il  permis  dans  les 
convois  funèbres?  —  II.  Pendant  le  chant  de  Vcfflce  des  morts, 
l'officiant  peut-il  être  revêtu  de  la  chape  ?  Peut-il  avoir  deux  ou 
plusieurs  assistants  en  chape'!  Convient-il  qu'il  se  place  au  milieu 
du  chœur  ?  —  III.  Devant  quelle  croix  le  célébrant  doit-il  s'incli- 
ner à  l'absoute  ?  —  IV.  Que  doit-cn  penser  de  l'usage  de  certaines 
églises  où  l'on  chante  en  présence  du  corps  d'une  personne  défunte 
la  messe  du  jour  ou  une  messe  votive  ^e  la  sainte  Vierge  avant 
la  messe  de  Requiem?  Cet  usage  peut-il  être  mairitenu  ?  Si  cette 
coutume  ne  peut  être  conservée,  pourrait-on  chanter  cette  messe 
avant  la  levée  du  corps,  mais  l'église  étant  tendue  de  noiri  Est-il 
permis  de  célébier  à  l'autel  tendu  de  noir  des  messes  basses  de  la 
fête  occurrente  pendant  le  chant  de  l'office  des  morts?  —  V.  La  fa- 
culté d'omettre  quelques  strophes  de  la  prose  Dies  iriE  à  la  messe 
(hantée  de  Requiem,  est-elle  applicable  aux  églises  où.  il  y  a  plu- 
sieurs  chantres  et  à  celles  où  une  édition  spéciale  de  livre  de  chant 
est  prescrite  par  l'Ordinaire  ?  —  VI.  S'il  est  nécessaire  de  chanter 
pour  faire  les  fruits  siens  en  ass'istant  à  un  office  par  obligation, 
conunent  devra  se  conduire  un  ecclésiastique  dont  l'assistance  est 
rétribuée,  si  l'on  exécute  des  pièces  musicales?  —  VII.  Lorsque  le 
cimetière  est  à  une  distance  notable  de  l'église,  le  prêtre  ou  le» 
prêtres  qui  accompagnent  le  défunt  peuvent-ils  réciter  leur  brév'iaire 
on  vaquer  à  des  lectures,  se  contentant  de  chanter  par  intervalles? 
Que  penser  de  l'usage  de  chanter  le  cantique  Benedictus  en  appro- 
Rkvde  des  Sciences  écoles.,  t.  x.  —  août  1864.  14 


19ii  LiTinciE. 

chant  des  portes  de  la  ville,  et  de  garder  ensuite  le  silence,  un  seul 
prêtre  accompagnant  le  corps  jusqu'au  cimetière  ? 

I.  Usage  de  la  dalmalique  et  de  lu  tuniqtie  dans  les  convois  funèbres. 

1°  A  la  levée  du  corps,  il  ne  doit  point  y  avoir  de  ministres  sacrés 
en  dalmatique  et  tunique.  Le  rituel  n'en  parle  pas  et  un  décret  de  la 
S.  Congrégation  condamne  l'usage  de  faire  intervenir  un  diacre  et  un 
sous-diacre  à  celte  fonction.  Ce  décret  est  le  suivant  :  Question  :  «  In 
a  sepultura  defunctorum,  dum  cadaver  e  sua  domo  defectnr  ad  eccle- 
«  siam  cum  assislentia  parochi  et  ministris  sacris,  cum  pluviali,  dal- 

«  niatica,  et  tunicella  indutis an....  cogendi  sint  ministri  sacri  ut 

«  siniul  cum  dalmatica  et  tunicella  induant  amictum,  albam  et  cingu- 
«  Uim?»  Réponse  :  ServAndam  disposilionem  Rilualis  Romani,  quod 
«  in  casu  excludit  sacras  vestes  ibi  non  meraoratas.  »  (Décret  du 
2îmai  1846,  n»  5050,  q.  10.) 

2"  Pour  le  transport  du  corps,  au  cimetière^  la  rubrique  du  rituel 
suppose  lé  trajet  fort  court,  puisqu'elle  indique  seulement  le  chant  de 
l'antienne  In  pûraiisum.  Elle  suppose  aussi  que  le  prêtre  s'y  rend  avec 
l'aube  et  la  chape,  accompagné  du  diacre  en  dalmatique,  et  du  sous- 
diacre  portant  la  croix  comme  pendant  l'absoute.  Cet  ordre  peut  tou- 
jours être  gardé  ;  mais  si  l'on  doit,  aussitôt  après  l'absoute,  transporter 
le  corjps  à  un  cimetière  éloigne,  le  célébrant  et  ses  ministres  peuvent 
quitter  les  ornements,  un  clerc  prendre  la  croix  et  le  prêtre  se  revêtir 
du  surplis  et  de  l'étole  noire.  Ainsi  l'enseignent  les  auteurs. 

11.  Usage  dé  la  chape  à  l'office  des  morts  pour  l'officiant  et  les 
assistants. 

i°  Il  est  hors  de  doute  que  l'officiant  peut  être  revêtu  de  la  chape  à 
l'office  des  morts.  D'après  la  rubrique  du  rituel,  le  prêtre  peut  avoir 
la  chape  à  la  levée  du  corps  ;  «  Parochus  indutus  superpelliceo  et 
«  stola  nigra,  vel  etiam  pluviali  ejusdem  coloris.  »  Après  cette  céré- 
monie, lorsque  le  corps  est  apporté  à  l'église,  il  est  dit  que  l'on  co/ii- 


LITl  RGIE.  105 

hience  aussitôt  l'ofiice  des  morts,  sans  indiquer  qae  le  prêtre  doive  dé- 
poser la  chape.  Le  Cérémonial  des  évêques  est  plus  explicite.  Après 
l'indication  des  cérémonies  à  observer  à  l'oÊDce  pontifical  pour  les 
morts,  il.  est  dit  (1.  ii,  c.  X,  n,  10):  «  Haec,  ut  dixi,  servantur,  si 
((  ipse  episcopus  sit  in  Iiis  vesperis  et  matutinis  officium  factiirus  :  sin 
«  minas.  .  canonicus  hebdomadarins,  paralus  pluviyli  nigro  supra  ro- 
«  cheltum,  vel  cottam,  aut  sallem  stola  nigra,  faceret,  aut  diceret  om- 
«  nia  praèdicta.  ->  De  plus,  la  S.  Congrégation  des  Rites  a  répondu  : 
«  Posse  »  (Décret  du  l2août  1854,  ii"  5208  q.  4  et  5)  à  ces  deux 
questions  :  «  Utrum  in  exequiis  sacerdos  qui  stolam,  vel  etiam  plu- 
«  viale  nigri  coloris  assumpseril  pro  deferendo  cadavere  in  ecclesiani, 
0  possit  stolam  vel  pluviale  nigri  coloris  retinere  ad  canendum  noctur- 
a  num  oflicii  mortuorum,  aut  vesperas  mortuorum,  si  in  casu  neces- 
€  silatis  exequiae  vespere  fiant,  cum  immédiate  cantantur?  Utrum  in 
«  die  3,  7,  30,  et  anniversaria  ciEterisque  aliis  diebus,  sacerdos  as- 
a  sumerc  possit  stolam  et  pluviale  ab  initio  officii  mortuorum,  quod 
«  canlatur  ante  missam?  » 

2°  Quant  aux  assistants  en  chape,  ils  ne  sont  point  obligatoires  à 
l'office  des  morts,  même  dans  les  cathédrales.  Après  les  paroles  citées 
ci-dessus,  nous  Hsons  dans  le  Cérémonial  des  évêques  :«  Nequehoc  casu 
«  requiritur,  ut  aliqui  canonici  vel  beneficiali  cum  eo  parentur.  »  Ce- 
p  endani,  aucune  règle  ne  s'oppose  à  ce  que  l'officiant  soit  assisté  de 
cbapiers. 

3"  La  place  de  l'officiant  est  naturellement  celle  qu'il  a  coutume 
d'occuper  aux  vêpres  solennelles. 

m .  De  l'absoute. 

La  croix  que  le  célébrant  salue  pendant  l'absoute,  suivant  la 
rubrique  du  missel  et  celle  du  rituel,  est  la  croix  que  lient  le  porte- 
croix.  11  salue  aussi  la  croix  du  grand  autel,  s'il  y  a  lieu.  Il  est  dit 
dans  la  rubrique  du  missel  :  «  Accipit  fcelebrans)  aspersorium  de 
«  manu  diaconi,et  facta  altari  reverenlia,  comilante  eodem  diacono... 
«  circumiens  tumulum  aspergit  illum  aqua  benedicta,  ter  a  parte  dex- 
«  tra  et  ter  a  sinistra.  Cura  transit  ante  crucera,  profunde  inclinât, 


196  LITURGIE. 

ot  diaconus  vero  genuflectit.  »  Nous  lisons  dans  le  rituel  :  «  Ipse  inte- 
«  rim  (sacerdos)  accipit  a    diacono  vel  acolytho  aspersorium  aquae 
«  benedictae,  et  fada  profunda  inclinatione   cruci  quae  est  ex  ad- 
0  verso  ,   diacono   seu    niinistro    geriiiflecterte    et  fimbrias  pUivia- 
«  lis  sublevante,  circumiens  feretrum  (si  transit  anie  Sacramentum 
«  genuflectit  )   aspergit  corpus  defuncti.  »  M.  de  Conny,  commentant 
ces  deux   rubriques,  s'exprime  comme  il   suit  (Cér.  Rom.  3e  éd.  p. 
233)  :  a  On  voit  que  le  rituel  et  le  missel  ne  s'expriment  pas  dans  les 
«  mêmes  termes  sur  les  salutations  à  faire  par  le  célébrant  ;  nous 
((  croyons  qu'il  faut  les  compléter  l'un  par  l'autre,  parce  que,  très-sou- 
(i  vent,  les  livres  liturgiques  sons-entendent  certaines  particularités 
i  indiquées  suffisamment  par  les  principts  généraux.  11  faut  donc  sa- 
«  luer  tuut  d'abord    la  croix,  conformément  au  rituel,  bien  que  le 
«  missel  n'en  parle  pas,  et  saluer  ensuite  l'autel,  ainsi  que  le  veut  le 
a  missel,  bien  que  le  rituel  indique  seulement  un  peu  plus  bas  une 
a  génuflexion  au  tabernacle  du  saint  Sacrement.  Ces  deux  salutations 
«  sont  conformes  aux  principes,  l^elon  les  rubricistes  les  plus  graves, 
«  à  l'opinion  desquels  nous   nous  attachons  dans  tout  ce  livre,  toute 
«  action  à  faire  quand  on  est  en  face  du  milieu  de  l'autel  doit  être  pré- 
ce  cédée  par  une  salutation  soit  à  la  croix  ou  au  tabernacle  du  saint 
«  Sacrement,  avant  la   consécration,  soil  à  la  sainte  Hostie,  après  la 
«  consécration.  Le  rituel  abonde  ici  dans  ce  sens-là,  et  veut  que  le  ' 
a  prêtre  elle  diacre,  qui  sont  en  face  de  la  croix,  commencent  par  lui 
«  rendre  hommage  avant  d'entreprendre  l'aspersion  et  l'encensement 
«  du  corps.  Comme  ils  se  sont  rangés  un  peu  du  côté  de  l'épître,  afin 
«  de  ne  pas  tourner  directement  le  dos  à  l'autel,  pour  se  rendre  au 
«  côté  de  l'évangile  par  lequel  le  célébrant  commence  à  asperger,  ils 
a  ont  à  passer  devant  le  milieu  de  l'autel,  et  ils  le  saluent,  ainsi  que 
«  la  rubrique  du  missel  le  prescrit  expressément.  Nous  ne  pouvons 
«  donc  suivre  r.opinion  des  auteurs  qui  suppriment  la  première  incli- 
a  nation  à  la  croix,  omise,  il  est  vrai,  par  le  missel,  mais  marquée  dans 
«  le  rituel  à  ce  moment  d'une  façon  très-nette  et  qui  se  justifie  parfai- 
«  tement.»  Le  P.  Le  Yavasseur,  qui  n'avait  pas  parlé  de  cette  première 
inclination  à  la  croix  dans  son  ouvrage  publié  en  1859,  l'indique  posi- 


LITURGIE.  107 

tivement  dans  son  cérémonial  pour  les  petites  églises  écrit  en  1861. 
M.  Faiise  émet  un  autre  sentiment  (Gér.  rom.  5'  édit.  p.  223)  :«  Il 
«  est  très-difficile  de  mettre  d'accord  les  livres  liturgiques,  aussi  bien 
a  que  les  auteurs,  sur  les  inclinations  à  faire  pendant  l'absoule.  Le  cé- 
«  rémonial  et  le  misse!  romains  ne  [)arlent  que  d'une  inclination  à  faire, 
a  savoir,  à  la  croix,  quand  le  célébrant  y  passe  en  faisant  le  tour  du 
«  catafalque,  et  c'est  ainsi  que  l'enseignent  Mcrati,  Vinitor  et  quelques 
a  autres.  Le  rituel  romain,  au  contraire,  semb'e  indiquer  clairement 
«  une  inclination  cruci  qux  est  ex  adverso,  av'anl  le  commencement 
a  de  l'aspersion,  mais  il  n'en  marque  plus  pendant    l'aspersion  ou 
«  l'encensement  du  cadavre.  Toutefois,    les  auteurs  qui  prétendent 
«  suivre  à  la  lettre  le  rituel  admettent  encore  celle  du  missel  :  (^lava- 
«  lieri,  Corsetti,  Pavone,etc.  A  noire  avis,  il  faut  suivre  l'opinion  de 
«  Merati.  Le  rituel  n'exige  pas  ici  une  nouvelle  inclination  ;  il  rappelle 
<■  seulement  celle  du  missel,  en  l'anticipant  toutefois  dans  l'ordre  des 
«  cérémonies,  chose  très  fréquente  dans  le  rituel.  Les  termes  qnx  est 
0  ex  adverso  ne  nous  effraient  môme  pas,  car  ils  nous  paraissent  sirn- 
«  plement  signifier  la  croix  que  tient  le  sous-diacre,  pour  la  distin- 
«  guer  de  celle  de  l'autel.  D'après  notre  sentiment,  il  n'y  aurait  donc 
«  que  deux  révérences  et  deux  génuflexions,  ou  quatre  salutations, 
«  si  le  saint  Sacrement  n'est  pas  dans  le  tabernacle,  o  Telles  sont  les 
appréciations  des  auteurs  modernes  d'après  les  documents  qu'ils  ont 
sérieusement  compulsés.  La  première  opinion  nous  paraît  la   mieux 
fondée . 

IV.  Messe  votive  de  la  sainte  Vierge  ou  messe  de  la  fête  occurrente 
chantée  pour  les  morts  ou  célébrée  pendant  l'office  des  morts. 

i"  L'usage  de  chanter  en  présence  du  corps  d'une  personne  défunte 
la  messe  du  jour  ou  une  messe  votive  de  la  sainte  Vierge  nous  paraît 
entièrement  contraire  aux  rubriques  et  aux  décrets  de  la  S.  Congréga- 
tion des  Rites.  Nous  en  avons  donné  la  raison  (t.  v,  p.  473  et  476)  et 
nous  avons  argumenté  ainsi.  D'après  les  détirets cités  t.  iv,  p.  56, on  ne 
peut  célébrer  une  messe  festivale  devant  une  représentation  mortuaire  ; 


198  LITLKGIE. 

donc  a  pari,  et  même  a  fortiori,  on  ne  peut  le  faire  devant  le  corps 
même  du  défun'. 

2°  Rien,  cependant,  ne  peut  s'opposer  à  ce  que  la  messe  dont  il  s'agit 
soit  chantée  avant  la  levée  du  corps,  pourvu  toutefois  que  cette  raesse 
soit  celle  du  jour,  toutes  les  fois  que  les  messes  votives  ordinaires  sont 
interdites.  Mais  l'église  ne  doit  pas  ôtre  tendue  en  noir  pendant  cette 
messe.  Ceci,  sans  doute,  n'est  positivement  ni  expressément  inter- 
dit par  aucune  loi;  mais  aucun  auteur  n'a  jamais  supposé  cette  pra- 
tique et  elle  se  trouve  en  contradiction  avec  toutes  les  règles  liturgiques. 
Le  parement  de  l'autel,  d'abord,  doit  ôtre,  autant  qu'il  est  possible, 
delà  couleur  des  ornements  du  jour.  Ici,  sans  doute,  la  loi  n'est  pas 
expresse  :  elle  porte  le  tempérament  quoad  fieri  potest.  Mais  les  régies 
posées  dans  le  Cérémonial  des  évêques  pour  les  grandes  églises  et  dans 
le  }Jemorialeriluum  pour  les  petites,  montrent  assez  clairement  qu'on 
ne  peut  pas  se  servir  sans  raison  de  la  dispense  iQdiqii,é,e,  sgrtout  s'il 
s'agit  d'une  messe  chantée  ou  d'une  messe  publique,  et  s'il  faut  faire 
une  fonction  festivale  avec  un  parement  d'autel  qiji  convient  à  une 
fonction  fériale  ou  funèbre,  ou  réciproquement.  Il  est  positivement 
prescrit  pour  le  jour  de  la  Purification  et  le  samedi-sijiiflt,  de  mettre  à 
l'autel  deux  parements,  et  de  disposer  celui  de  dessus  de  manier  e  à 
pouvoir  être  facilement  enlevé.  Tous  les  auleurs  même  prescrivent  de 
mettre  sur  le  calice  de  la  messe  le  grand  voile  violet,  par  dessus  le 
le  blanc,  le  jour  de  la  Purification,  pendant  la  bénédiction  de,§  cierges. 
Pour  ce  qui  est  delà  décoration  de  l'église  en  général,  il  suffit  de  par- 
courir le  cil.  XII  (lu  livre  I  du  Cérémonial  des  évêques  pour  voir  combien 
les  règles  de  l'Église  tendent  à  multiplier  l'usage  Je  li  couleur  du 
jour,  et  à  mettre  teut  l'ensemble  des  décorations  en  rapport  avec  l'office 
que  l'on  célèbre.  Ces  raisons  nous  paraissent  plus  que  suffisantes  pour 
nous  autoriser  à  conclure  que  si  l'on  célébrait  une  inesse  festivale  pour 
un  défunt  au  jour  de  sa  mort,  il  faudrait  le  faire  ass?z  à  temps'  pour 
pouvoir  tendre  l'église  en  noir  après  celte  messe,  si  l'on  doit  mettre 
des  tentures.  Si  cependant  on  ne  posait  d'avance  que  les  tentures  les 
plus  difficiles  à  fixer,  et  si  l'autel  n'était  pas  tendu  de  noir,  on  pour- 
rait passer  là-dessus  ;  encore  vjulrait-il  mieux  ne  pas  le  faire  et  ame- 


LITUKGIE.  i99 

ner  peu  à  peu  les  fidèles  à  la  pratique  des  vraies  règles  liturgiques. 
La  concession  que  nous  proposons,  en  effe»,,  pourrait  plutôt  trouver  son 
application  au  chant  d'une  messe  d'obligation  qu'à  celui  d'une  messe 
célébrée  tout  exprès  pour  la  circonstance. 

3"  Pour  ce  qui  concerne  la  célébration  des  messes  basses  pendant 
l'office,  il  faut  observer  d'abord  que  pendant  une  fonction  publique 
dans  le  chœur,  on  ne  doit  point  célébrer  la  messe  à  l'autel  du  chœur  : 
«  Omnino  tollendum  abusum  celebrandi  missas  privatas  in  allari 
«  majori,  dum  in  choro  cantantur  horae  canonicœ  ;  in  aliis  vero  alta- 
«  ribus  quae  sunt  in  conspectu  chori  idem  faciendum  si  commode  fieri 
«  potest.»  (Décret  du  2  mai  1620,  n"  588.)  Il  est  donc  bien  important 
que  dans  les  églises  paroissiales  il  y  ait  toujours  au  moins  deux  autels 
où  l'on  puisse  célébrer  la  messe.  Souvent  il  arrive,  en  effet,  que  des 
prêtres  convoqués  pour  une  cérémonie  de  ce  genre  sont  obligés  Ap 
s'y  rendre  avant  d'avoir  célébré  le  saint  sacrifice  ;  il  arrive  encore 
qu'un  des  prêtres  de  la  paroisse  attend  pour  dire  la  sainte  messe  l'ar- 
rivée d'un  prêtre  invité  à  faire  l'office,  etc.,  et  souvent  il  y  a  lieu  de 
célébrer  une  ou  plusieurs  messes  pendant  l'office  des  morts.  Si  l'on  dit 
une  messe  festivale,  l'autel  où  elle  se  célèbre  ne  doit  pas  être  tendu  de 
noir,  d'après  ce  qui  est  dit  ci-dessus. 

V.  Omission  de  quelc^ues  strophes  de  la  prose. 

lo  La  S.  Congrégation  des  Rites  ayant  déclaré,  comme  nous  l'avons 
dit  t.  VI,  p.  45,  que  l'on  peut  omettre  quelques  strophes  de  la  prose 
Dies  irx,  sans  faire  aucune  distinction  relative  au  nombre  des  chantres, 
nous  ne  nous  croyons  pas  en  droit  de  faire  une  réserve  à  cet  égard. 
Cependint,  il  est  beaucoup  mieux  de  n'en  rien  omettre  ;  la  chose 
est  évidente. 

2°  L'adoption  d'une  édition  deshvres  de  chant  n'est  pas  non  plus  un 
ordre  de  no  rien  omettre  dans  la  prose,  et  il  n'est  pas  nécessaire  qu'il 
y  soit  dit  de  la  chanter  en  tout  ou  en  partie.  L'Ordinaire  paraît  deman- 
der purement  et  simplement  1  exécution  de  la  loi  générale,  toutçs  les 
fois  qu'il  n'a  rien  réglé  dans  les  points  qui  sont  de  son  ressort. 


200  LITURGIE. 

VI.  Conduite  à  tenir  par  un  prêtre  rétribué  pour  son  assistance  à  un 
office  ou  à  une  messe  chantée,  si  l'on  exécute  des  pièces  musicales. 

i"  L'obligation  de  s'associer  à  l'office  du  chœur  pour  les  ecclésia- 
stiijues  dont  l'assistance  est  rétribuée  est  fondée  sur  une  réponse  de  la 
S.  Congrégation  des  Rites  faite  à  Monseigneur  l'évéque  de  Périgueux 
le  9  mai  1837,  et  publiée  par  une  lettre  circulaire  du  môme  prélat  le 
31  du  même  mois.  Question.  «  Utrum  parochus  aiiique  sacerdotes 
«  exequiisraortuorum  aliisqueofticiisquotidianis  pro  iisdem  assistentes 
•  ac  pro  ea  functione  dispendium  accipientes,  teneantur  per  se  ofli- 
a  ciura  defunctorum  persolvere,  ita  ut  solummodo  assistentes,  et  non 
«  Gantantes  vel  psallentes,  fructus  non  faciant  suns?  An  vero  sufficiat 
«  ut  assistant,  et  schola  officium  persolvat,  ipsis  intereapro  lubitu  alias 
«t  preccs  fundenlibus,  v.  g.  breviarium  recitantibus  pro  sua  quoti- 
«  diana  obligatione?  »  Réponse.  «  Affirmative  quoad  primam  parlera  ; 
«  négative  quoad  secundam.  n  L'obligation  en  elle-même  est  donc 
incontestable  ;  mais  elle  ne  paraît  pas  exister  toutes  les  fois  qu'il  est 
stipulé,  soit  d'une  manière  expresse  soit  d'une  manière  tacitO;,  que  l'ho- 
noraire offert  est  pour  la  simple  assistance  et  le  déplacement  qu'elle 
occasionne. 

2°  Si  l'on  exécute  des  pièces  musicales  au  chant  desquelles  les 
prêtres  ne  peuvent  pas  s'associer,  la  force  des  choses  les  dispense  de  le 
faire,  et  il  devient  évident  que  l'honoraire  qu'ils  reçoivent  est  offert 
pour  l'assistance  et  le  déplacement. 

VIL  Ordre  à  suivre  dans  un  convoi  pour  la  conduite  du  corps 
au  cimetière. 

Les  divers  usages  ci-dessus  mentionnés,  et  sur  la  légitimité  desquels 
on  veut  bien  nous  demander  notre  sentiment,  nous  paraissent  pouvoir 
être  conservés,  sauf  quelques  légères  modifications.  i°  On  ne  voit  pas 
qu'il  soit  obligatoire  de  chanter  pendant  tout  le  trajet.  Le  Rituel  in- 
dique seulement  l'antienne  In  Paradisum.  La  Rubrique  suppose,  à  la 


LITURGIE.  201 

vérité,  un  cimetière  contigu  à  l'église,  et  les  auteurs  enseignent  que  si 
le  lieu  de  la  sépulture  est  éloigné,  01  chante  des  psaumes,  comme 
pendant  le  trajet  de  la  maison  mortuaire  à  l'église.  Cependant  rien  ne 
prouve  que  le  chant  ne  puisse  pas  être  interrompu,  et  que,  par  consé- 
quent, les  membres  du  clergé  ne  puissent  pas  réciter  leur  bréviaire  ou 
vaquer  à  des  lectures,  se  contentant  de  chanter  par  intervalles.  2»  11 
n'est  pas  prescrit  non  plus  à  tous  les  membres  du  clergé  d'accompa- 
gner le  corps  au  cimetière,  et  quelques-uns  peuvent  se  retirer  à  la 
sortie  de  la  ville  ;  on  pourrait  même  terminer  les  prières  à  l'église, 
comme  le  suppose  le  Rituel,  dans  le  cas  où  l'on  ne  conduit  pas  le  corps 
au  cimetière  immédiatement  après  l'absoute.  Rien  ne  paraît  absolument 
s'opposer,  par  conséquent,  à  ce  que  les  dernières  prières  soient  faites 
avant  d'arriver  au  cimetière,  s'il  n'y  a  pas  lieu  de  bénir  la  tombe. 
3"  Nous  ne  pensons  pas  de  la  même  manière,  par  rapport  à  l'usage  de 
ne  pas  joindre  le  chant  du  cantique  Benediclus  à  celui  des  dernières 
oraisons.  «  Le  Rituel,  dit  M.  de  Conny  [Céréin.,  5«  éd.,  p.  403, 
«  nete  1),  plaçant  ce  cantique  après  la  bénédiction  de  la  tombe  et 
«  comme  prélude  immédiat  des  dernières  oraisons,  il  nous  semble  plus 
«  régulier  datlendre,  pour  le  chanter,  qu'on  soit  arrivé  au  lieu  de  la 
«  sépulture,  lors  môme  que  le  tombeau  n'aurait  pas  à  être  bénit.  »  Si 
donc  un  prêtre  accompagne  le  défunt,  comme  on  le  suppose,  il  fau- 
drait lui  laisser  le  soin  de  terminer  la  cérémonie  au  cimetière. 

P.  R. 


BIBLIOGRAPHIE. 


liÇH  iQuatre  ÉYan^iles.  Traduction  nouvelle,  avec  préface,  notes, 
disserlations  et  sommaires,  par  M  l'abbé  Crampon,  approuvée  par 
Mgr  l'Evèque  d'Amiens,  autorisée  pour  les  écoles  par  le  Conseil  aca- 
démique de  Douai.  3^  éd.  Paris,  Jolra  et  Haton.  Gr.  io-18  de  m-47o  pp. 
1  fr.  25. 


Le  beau  travail  de  M.  Crampon  sur  les  Évangiles  a  fait  son  chemin, 
depuis  que  nous  l'avons  annoncé  une  première  fois.  Il  a  été  jugé  gé- 
néralement d'un  manière  très-favorable,  et  a  recueilli  en  dehors  de 
la  presse  les  suffrages  les  plus  illustres.  Citons  seulement  la  lettre 
suivante,  déjà  reproduite  par  plusieurs  journaux  : 

a  Monsieur  l'Abbé, 

«  J'ai  pris  connaissance  avec  grand  intérêt  du  beau  livre  que  vous 
«  venez  de  publier  sous  ce  titre  :  Les  quatre  Evmgiles,  traduction 
«  nouvelle  avec  notes  et  dissertations,  et  je  me  fais  un  plaisir  de 
«joindre  jnon  suffrage  à  tous  les  éloges  que  ce  travail  vous  a  déjà 
o  mérités. 

a  Votre  traduction,  M.  l'Abbé,  m'a  paru  faite  avec  beaucoup  de 
«  soin  et  d'exactitude.  Les  préfaces,  notes  et  dissertations  que  vous  y 
«  avez  ajoutées  supposent  et  résument  des  éludes  bien  conduites  et 
«  des  recherches  pleines  de  conscience.  Une  telle  publication  est  trés- 
«  opportune  et  ne  peut  manquer  d  être  utile  ;  elle  oppose  avec  avan- 
a  tage  la  simplicité  des  textes  aux  travestissements  que  des  plumes 
«  déloyales  ont  fait  subir  au  récit  évangélique  ;  de  plus,  avec  celte 
«  aide  que  vous  leur  offrez,  les  fidèles  arriveront  à  mieux  entendre  et 
«  goûter  les  paroles  de  Jésus-Christ,  et  ils  trouveront,  selon  votre  dé- 
«  sir,  de  quoi  se  maintenir  et  se  fortifier  dans  les  croyances  et  les 
a  pratiques  de  la  religion. 

0  Agréez,  etc.  t  G.,  arch.  de  Paris.  t> 


BIBLIOGRAPHIE.  3Q3 

L'auteur  a  été  engagé  par  son  succès  même  à  donner  uae  édition 
populaire  de  sa  traduction.  Celle-ci  s'est  épuisée  si  vite  qu'il  a  fallu  la 
réimprimer  presqu'aussitôt  ;  aujourd'hui  c'est  la  troisième  qui  parait. 

Le  but  de  celte  publication  avertit  assez  que  ce  n'est  point  une 
réimpression  pure  et  simple.  Le  pian  est  resté  le  même,  mais  l'appa^ 
reil  d'érudition  a  été  allégé^  quelques  explications  ajoutées  çà  et  là^ 
les  liaisons  mieux  indiquées  quand  on  l'a  cru  nécessaire.  La  distribu- 
tion du  texte  en  alinéas  a  été  conservée.  Nous  avons  dit  déjà  combien 
nous  la  trouvons  commode  et  avantageuse. 

Nous  nous  associons  bien  volontiers  au  vœu  de  l'auteur  :  «  Puisse 
cette  édition  populaire  contribuer  à  rendre  à  l'Évangile  son  antique 
place  au  foyer  de  toute  famille  chrétienne,  l'honneur  du  premier  rang 
dans  toute  bibliothèque  pieuse  I  Ce  livre  divin  convient  à  tous  :  d'une 
simplicité  et  d'une  profondeur  sans  égaie,  il  est  accessible  à  |in  enfant 
et  fait  l'étonnement  des  sages,  semblable,  selon  la  gracieuse  compa- 
raison d'un  Père  de  l'Église,  à  un  fleuve  raerveiijepx  dans  les  eaux 
duquel  peut  marcher  un  agneau  Cit  nager  un  éléphant.  »  (Préface., 
p.  II  s.) 

Que  l'on  fasse  connaître  donc  et  que  l'on  répande  ce  petit  livre  : 
c'est  une  des  meilleures  œuvres  de  propagande  que  l'on  puisse  se  pro- 
poser. Voilà  pourquoi  le  prix  a  été  fixé  si  bas,  malgré  l'étendue  du 
volume  et  sa  bonne  exécution  typographique.  Nous  ne  pouvons  trop  le 
recommander  [jour  être  distribué  «omme  récompense  dans  les  écoles  et 
les  catéchiscnes.  Si  l'eslimaWe  éditeur  était  à  mèm&  de  le  fournir  relié 
convenablement  sans  une  trop  graade  augmenta(,ion  dfi  prix,  il  fera  (t 
sans  doute  une  chose  très-agréable,  à  ce  point  de  vue,  pour  bâaucûu  p 
de  personnes.  E.  Hautccçu». 

li'Ordre  de»  Frères-Prêcheurs  e$  l'Imugifi^Itlée  CpllQçptip)9 
de  la  Très-si^inte  Viçergc.  Lettre  adressée  à  Miçr  Malou,  évêque 
de  Bruges,  par  le  R.  P.  Pie-Marie  Rouahd  de  Gard,  provinciat  des 
Frôreâ-Prêcbeurg,  docteur  eu  t'tiéologie.  -n-  Paris  ,  V«  P<îiu$ielgue- 
Rusand.rue  Cassette,  27.  In-8*  de  xi-ll2  pp. 

Nous  venons  de  hre  ce  remarqiiable  travail,  et  aous  espérons  prou/^ 
¥er  à  son  auteur,  en  prenant  aussitôt  la  pdume  pour  m  rendre  compte. 


20ll  BIBLIOGRAPHIE. 

qu'il  a  fait  passer  en  notre  âme  quelques  étincelles  du  feu  sacré  dont 
il  était  animé  en  écrivant.  Voici  l'occasion  de  cette  lettre  et  les  motifs 
du  retard  qu'elle  a  subi  dans  sa  publication.  Les  lecteurs  de  la  Revue 
connaissent  l'ouvrage  de  IMgr  iMalou,  évéque  de  Bruges,  sur  l'imma- 
culée Conception.  Le  savant  Prélat  y  disait  :  «  Indépendamment  des 
te.xles  des  écrits  de  saint  Thomas,  l'ensemble  de  ses  doctrines  conduit 
à  la  négation  du  privilège  de  l'Immaculée  Conception  de  la  Très-sainte 
Vierge...  On  peut  dire  que  l'Ordre  des  Frères-Prêcheurs  a  été  hostile 
à  l'Immaculée  Conception,  en  corps  et  d'une  manière  constante.  »  La 
première  de  ces  assertions  a  été  combattue  par  le  R.  P.  Fr.  Marianus 
Spada,  dans  une  brochure  publiée  à  Rome,  il  y  a  deux  ans.  Le  R.  P. 
Rouard  entreprend  de  réfuter  la  seconde.  Avant  de  publier  son  étude 
de  critique  historique,  le  Provincial  des  Frères-Précheurs  de  Belgique 
a  fait  à  Mgr  Malou  les  observations  les  plus  respectueuses.  L'Évoque 
de  Bruges  a  résisté  à  ses  instances.  C'est  alors  que  le  R.  P.  Domini- 
cain a  songé  à  publier  sa  lettre.  Toutefois,  comme  Mgr  TÉvéque  de 
Bruges  était  malade  au  moment  où  le  R.  P.  allait  h  livrer  à  l'impri- 
meur, le  Souverain-Pontife  a  demandé  qu'on  voulût  bien  suspendre 
cette  publication  jusqu'au  rétablissement  de  Mgr  Malou,  sauf  à  laisser 
au  R.  P.  Rouard  la  liberté  de  le  faire  après  la  mort  du  savant  évêque 
de  Bruges.  Ce  retard  était  demandé  dans  l'intérêt  de  la  santé  du  Prélat. 
Dans  une  question  si  grave,  on  ne  peut  qu'admirer  la  délicate  attention 
du  Souverain-Pontife  et  la  déférence  des  Frères-Prêcheurs.  Voilà 
comment  le  hvre  que  nous  avons  sous  les  yeux,  prêt  à  paraître  au  mois 
de  janvier  1863,  n'a  paru  que  cette  année. 

Le  R.  P.  Rouard  a  conservé  à  son  œuvre  la  forme  primitive  qu'elle 
avait  reçue.  C'est  une  lettre  respectueuse  adressée  à  Mgr  Malou.  Des 
points  indiquent  la  suppression  de  quelques  observations  qui  auraient 
aujourd'hui  un  caractère  trop  personnel. 

Deux  parties  forment  la  division  de  cette  lettre.  Dans  la  première, 
le  R.  P.  Rouard  démontre  que  les  faits  allégués  par  Mgr  l'Èvêque  de 
Bruges  ne  sont  pas  suffisants  pour  l'autoriser  à  formuler  l'assertion 
que  nous  avons  citée.  Dans  la  seconde,  l'auteur  établit  par  les  faits  les 
plus  décisifs  que  l'Ordre  des  Frères-Prêcheurs  n'a  jamais  été  opposé  à 
l'Immaculée  Conception  de  la  Trés^sainte  Vierge. 


BIBLIOGRAPHIE.  205 

11  nV.l  pas  possible  d'analyser  les  preuves  rapides  exposées  par  le 
R.  P.  Rouard.  Elles  sont  présentées  avec  une  concision  si  parfaite, 
qu'il  faudrait  les  transcrire  en  entier  pour  ne  rien  omettre  d'essen- 
tiel. C'est  un  mérite  assurément,  et  un  grand  mérite.  Beaucoup  de 
personnes  liront  cet  opuscule,  tandis  qu'elles  auraient  hésité  à  se  jeter 
dans  la  lecture  d'un  gros  volume,  malgré  l'importance  de  la  question 
traitée.  A  la  concision,  le  P.  Rouard  unit  la  clarté  et  une  élégante 
simplicité  qui  attachent  et  qui  entraînent.  Son  livre  est  un  de  ceux 
qu'on  n'abandonne  pas  sans  l'avoir  lu  tout  entier.  Nous  devons  louer 
aussi  l'érudition  sûre  de  ce  travail,  et  la  verve  d'exposition  qui  révèle 
une  âme  dévouée  à  un  intérêt  majeur,  le  poursuivant  avec  la  certitude 
du  triomphe  de  la  vérité  qu'elle  cherche.  «  L'Ordre  qui,  dés  son  ori- 
gine, a  choisi  pour  devise  ces  mots  :  veritas,  et  qui  a  reçu  le  beau 
nom  de  Défenseur  de  la  vérité,  ne  pouvait  accepter  sans  protestation  la 
flétrissure  qu'il  a  reçue  de  Mgr  l'Évoque  de  Bruges.  » 

Le  K.  P.  Rouard  nous  permettra  de  faire  une  observation  au  sujet 
du  quatrième  fait  qu'il  cite  pour  prouver  que  l'Ordre  de  Saint-Domi- 
nique n'a  jamais  été  oppo.sé  à  la  croyance  cle  l'Immaculée  Conception. 
Les  Universités  o'u  xv«  siècle  et  des  siècles  suivants,  d'après  l'exemple 
de  l'Université  de  Paris,  imposaient  à  leurs  docteurs  la  défense  de 
l'Immaculée  Conception.  Or,  il  y  a  eu,  de  cette  époque  à  la  Révolution 
française,  vingt  mille,  quinze  mille,  dix  mille  docteurs  dominicains  au 
moins  qui  ont  prêté  le  serment.  Auraient-ils  été  Hbres  de  le  faire  si 
l'Ordre  avait  clé  opposé  en  corps  à  l'Immaculée-Conception  ?  Le 
P.  Rouard  ne  le  pense  pas,  et  nous  ne  le  croyons  pas  non  plus.  Nous 
laissons  donc  à  son  argument  toute  sa  force.  Mais  nous  regrettons  le 
parallèle  que  le  R.  P.  établit,  après  le  cardinal  Gaude,  entre  la 
croyance  à  l'Immaculée  Conception,  et  les  théories  scolastiques  sur  la 
prémolion  physique  et  sur  la  grâce  efficace  de  sa  nature,  qu'il 
appelle  des  doctrines  acceptées  par  l'Ordre  des  Frères-Prêoheurs  (l); 


(1)  «  Du  seul  docteur  dominicain  pourrait-il  prêter  un  serment  ana- 
logue s'il  s'agissait  de  la  prémotion  physique,  de  la  grâce  efficace  de  sa 
nature,  ou  de  tel  on  tel  autre  point  dout  la  doctrine  est  acceptée  par 
l'Ordre  des  Frères-Prêcheurs  ?  »  Pag.  71. 


206  BIBtIOGRAPHIEi 

Quelle  que  fût  ia  liberté  laissée  par  l'Église  aux  écoles  et  aux  docteurs 
d'allaquer  ou  de  soulenir  l'Immaculée  Conception,  il  n'en  est  pas 
moins  vrai  que  c'était  là  une  croyance  de  l'Église,  conservée  par  Elle, 
professée  sur  toutes  les  plages  et  sous  toutes  les  zones,  enseignée  par 
des  doCteufs  q^Ji  appartenaient  à  toutes  les  écoles,  ayant  un  fondement 
bibliquié  exploité  par  des  Pères  tellement  nombreux  qu'on  a  pu  remplir 
trois  grands  volumes  de  leurs  témoigngges.  Lorsque  l'Église  a  défini 
le  dogme  de  l'Immaculée  Conception,  Elle  a  déclaré  que  celte  croyance 
était  de  celles  à  qui  convient  l'axiome  :  Qiiod  semper,  qttùd  ubique, 
qîtdd  ah  omnibus.  Lès  Universités,  sentinelles  avancées  de  la  science, 
imposaient  leur  serment  précisément  pour  les  mêmes  raisons.  Or,  il 
le  faut  avouer,  il  y  a  loin  de  là  aux  systèmes  thomistes  sur  la  pre'wo/ion 
physique,  sur  la  grâce  efficace  de  sa  nature.  Ils  sont  relativement  ré- 
cents, soutertus  par  un  rtûftibre  relativement  restreint  (nous  pourrions 
dire  progressivement  restreint)  de  théologiens;  beaucoup  croient  trou- 
ver dans  saint  Thomas  même  des  appuis  solides  aux  systèmes  con- 
traires :  c'est  enfin  une  opinion  d'école  et  non  un  sentiment  de  l'Eglise, 
tandis  que  l'Immaculée  Conception  est  si  bien  un  sentiment  de  l'Église, 
que,  le  R.  P.  Rouard  nous  l'a  démontré  d'une  manière  victorieuse,  la 
seule  école  qu'on  prétendait  avoir  été  opposée  à  ce  sentiment,  l'a  au 
contraire  presqu'unaniinement  professé. 

A  part  Cette  réserve,  dont  le  lecteur  appréciera  la  justesse,  nous 
pensorts  que  là  lecture  de  l'ouvrage  du  R.  P.  Rouard  sera  intéres- 
sante et  utile,  et  nos  sympathies  pour  l'Ordre  dont  il  a  si  bien  sou- 
tenu la  défense,  nous  conduisent  à  lui  exprimer  la  satisfaction  que 
fïous  Ont  causée  ses  recherches  et  la  manière  heureuse  dont  il  les  a 
{h-ésentées.  A.  GitLY. 

Uemoriale  prsedicatorum,  siœ  sytiopsis  biblica,  tlieologica,  mo" 
ralis,  hiàtori<a  et  oratoria  commentariorum   R.   P.  Cornelii   a  Lapide 

'  iu  scripturam  sacram,  complectens  analysim  omnium  rerum  quae  in 
hisce  commenlariis  euucleantur,  auctore  J.  M.  Péronne,  cauoD. 
houor.  el  ParocLo  decano  in  diœcesi  Suessiouensi,  olim  canon.  Iheologo 
et  S.  S.  necnou  Eloquentiee  sacrae  professore.  Paris,  Vives,  1803-1864. 
2  vol.  iu-4o  à  2  col.  imprimés  en  petit  texte,  vii-591,  609  pp.  24  fr. 

Nous  avons  consacré  autrefois  une  as.sez  longue  étude  aux  Commen- 


BiBLionHAî'Hit;.  -  207 

taires  rte  Cornélius  à  Lapide,  et  à  la  belle  é'ditiôtï  (Ju'err  a'  publié 
M.  Vives  (1).  Nous  faisions  remarquer,  entre  autres  choses,  l'abon- 
dance des  richesses  patriotiques  renfermées  dans  ces  commentaires,  ce 
qui  en  fait  pour  les  prédicateurs  <<  la  mine  la  plus  précieuse,  la  plus 
abondante,  la  plus  facile  à  exploiter  (2).  » 

M.  l'abbé  Péronne  a  eu  la  btrtine  idée  d'en  dresser  Un  inventaire 
exact.  A  l'aide  de  celle  table  qui  i-ésumè,  cort>jplète;,  el  souvent  rectifie 
les  tables  particulières  placées  à  la  fin  de  chaque  volume,  il  sera  dé- 
sormais possible  de  retrouver  en  quelques  instauts  tout  ce  que  ren- 
ferment sur  an  sujet  donné  les  vingt-qyatre  volumes  de  Cornélius. 
Cette  table  est  faite  avec  un  soin  minutieux  et  disposée  avec  beaucoup 
d'ordre.  Parmi  les  citations  que  nous  avons  vérifiées,  nous  en  avons 
trouvé  bien  peu  qui  fussent  défectueuses,  ce  qui  dans  une  telle  masse 
n'est  assurément  point  un  petit  mérite.  M.  l'abbé  Péroime  a  donc  droit 
à  toute  notre  reconnaissance  pour  s'être  soumis  à  un  labeur  aussi 
obscur  qu'il  est  ingrat  et  pénible. 

Le  Memoriale  renvoie  partout,  on  le  comprend,  au  tome  et  à  la 
page  de  l'édition  de  M.  Vives.  Il  ne  peut  servir  par  conséquent  â 
Corfapléter  les  autres  éditions.  É.  HAttCŒUR. 


CHKONIQUE. 


i .  Deux  volumes  d'une  édition  splendide  des  œuvres  de  saint  Bon- 
aventuré  ont  paru  chez  RI.  Vives.  La  révision  critique  des  textes  est 
confiée  à  M.  l'abbé  Peltier,  déjà  connu  par  divers  travaux  de  philoso- 
phie et  de  théologie.  Nous  reviendrons  prochainement  sur  cet  ouvrage, 
et  nous  lui  consacrerons  un  article  en  rapport  avec  son  importance.  Il 
doit  avoir  en  tout  quatorze  volumes  (prix,  160  fr.).  * 


tl)  Bévue,  t.  v,  p.  247-268. 
(2)  Ib.,  p.  254, 


208  CHRONIQUE. 

2.  A  Bar-le-Duc,  on  ne  se  contente  pas  de  réimprimer  Baronius, 
dont  le  premier  volume  a  paru,  du  moins  d'après  les  annonces  des 
journaux.  Outre  cette  vaste  entreprise  et  les  autres  en  voie  d'exécu- 
tion, il  est  question  de  nous  donner  encore  le  Gallia  ehrisfiana,  revu, 
corrigé,  augmenté.  C'est  un  travail  immense.  11  est  à  désirer  qu'il  soit 
confié  à  des  maisons  habiles,  et  qu'on  leur  laisse  le  temps  nécessaire 
pour  mener  l'œuvre  à  bonne  fin.  La  fuiia  francese  gâte  tout  en  ma- 
tière d'érudition.  En  même  temps  que  l'on  parle  de  rééditer  l'ouvrage 
latin,  il  en  paraît  une  édition  française  un  peu  restreinte,  accommodée 
aux  divisions  ecclésiastiques  actuelles  et  continuée  jusqu'à  nos  jours. 
{La  France  pontificale  [Gallia  christiana],  Histoire  chronologique  et 
biographique  des  archevêques  et  évêques  de  tous  les  diocèses  de  France, 
depuis  l'établissement  du  christianisme  jusqu'à  nos  jours,  divisée  en 
dix-sept  provinces  ecclésiastiques,  par  M.  H.  Fisquet.  Métropole  de 
Reims.  Paris,  Repos,  in-8  de  25ti  pp.  8  fr.  le  volume.) 

3.  Le  défaut  d'espace  nous  force  à  renvoyer  au  prochain  numéro  le 
compte-rendu  de  l'Instruclion  synodale  de  Mgr  l'évêque  de  Poitiers 
sur  les  principales  erreurs  du  temps  présent.  (Poitiers,  Oudin  ;  Paris, 
Palmé,  Giraud.  ln-12  de  515  pp.)  On  y  admire  les  mêmes  qualités 
que  dans  les  précédentes,  et  c'est  tout  dire.  Nous  croyons  être  agréiibles 
à  beaucoup  de  lecteurs  en  leur  annonçant  que  les  dfux  |iremières  In- 
ttruclions  synodales  ont  été  réimprimées  dans  ce  môme  format  in-12. 

4.  On  sait  que  les  grades  théologiques  ont  été  rétablis  canonique- 
ment  par  concession  pontificale  dans  plusieurs  diocèses  de  France, 
C'est  un  premier  pas  fait  vers  la  restauration  de  l'enseignement 
théologique.  L'un  des  piclats  qui  ont  obtenu  celte  concession, 
Mgr  l'évêque  de  Montauban,  vient  de  publier  un  programme  des  nja- 
tières  exigées  pour  le  baccalauréat.  (  Thèses  propugnandx  et  Quœs- 
tiones  solvendx  ad  promerendum  et  consequenduîn  Baccalaurei  in 
Theologia  gradum,  ex  data  III.  ac  Rêver.  DD.  Episcopo  Montai- 
banensi  a  SSmo  D.  N.  Pio  IX  facultate.  Montauban,  Bertuot.  In-8 
de  17  pp.) 

E.  iÎAUTCŒUft. 


Arras. — Typ.  Kousseau-Leroy,  rue  SaiiU- Maurice,  26. 


LA  QUESTION  LITURGIQUE 


DANS    L  ORDRE    DE    CITEAUX. 


Quoique  l'Ordre  de  Cîteaux  ne  soit  plus  aujourd'hui 
qu'une  ombre  de  ce  qu'il  a  été  autrefois,  il  constitue  encore 
la  partie  la  plus  considérable  de  la  grande  famille  mona- 
stique dont  saint  Benoît  est  le  patriarche  et  le  législateur^ 
11  compte  treize  abbayes  avec  environ  cinq  cents  re- 
ligieux dans  l'empire  autrichien  ;  dix-huit  abbayes  et  huit 
prieurés  en  France  et  dans  d'autres  pays,  avec  environ  deux 
mille  rehgieux  qui  observent  la  réforme  de  la  Trappe  :  huit 
ou  neuf  autres  abbayes  ou  prieurés  existent  encore  en  Italie, 
en  France  et  en  Belgique,  avec  un  personnel  qui  dépasse  les 
deux  cents.  Jusqu'ici  cet  ordre,  si  l'on  excepte  les  mo- 
nastères qui  forment  la  congrégation  d'Italie,  a  usé  d'une 
liturgie  qui  lui  est  propre  ;  nous  allons  examiner  quelle  est 
l'origine  de  cette  liturgie,  et  si,  dans  l'état  où  elle  se  trouve 
aujourd'hui,  elle  est  encore  légitime. 

Saint  Benoît,  qui  écrivit  sa  règle  vers  le  commencement 
du  Vl8  siècle,  emploie  dix  chapitres  (9-18)  à  déterminer 
l'ordre  et  le  rit  de  l'office  divin,  et  en  cela  il  s'éloigne  no- 
tablement de  l'usage  de  l'Église  romaine.  Nous  allons  expo- 
ser brièvement  les  différences  les  plus  remarquables. 

En  premier  lieu,  la  distribution  du  Psautier  n'est  pas  la 
même.  Pour  matines  saint  Benoît  prescrit  toujours  douze 
psaumes  ;  le  dimanche,  on  commence  par  le  vingtième.  A 
prime,  tierce,  sexte,  none  et  complies,  il  y  a  toujours  trois 

Revue  DES  Sciences  ECCLÉ3.,  T.  I.  —  SEPTEMBRE  1864.  15 


210  LA   QUESTION  LITURGIQUE 

psaumes,  excepté  les  dimanches,  où  il  y  en  a  quatre  pour 
prime  seulement.  Les  vingt-deux  divisions  du  psaume  118 
ne  se  disent  pas  deux  à  deux  sous  un  Gloria  comme  au  ro- 
main, mais  une  aune,  chacune  comptant  pour  un  psaume. 
Les  treize  premières  se  disent  le  dimanche  à  prime,  tierce, 
sexte  et  none,  et  les  neuf  dernières  à  tierce,  sexte  et  none 
du  lundi  ^  le  mardi  et  les  autres  jours  de  la  semaine,  on  dit 
à  ces  trois  dernières  heures  les  psaumes  llO'à  127,  trois 
pour  chaque  heure.  A  prime,  pendant  la  semaine,  les  psau- 
mes varient  chaque  jour,  commençant  le  lundi  par  le  pre- 
mier, Beatus  vir.  A  vêpres  on  ne  dit  que  quatre  psaumes, 
commençant  le  dimanche  par  le  109e,  Dixit  Domimis.  A 
compiles  on  dit  toujours  les  mêmes  psaumes,  Zj,  90  et  133. 

^  Qn  commence  m|ât,in§s,  comme  1^  autres  heures,  par 
Deiisipi  Çidjutorium;  ensuite  ojadit  le  yerset  Domine  labiq,  etc.  ^ 
qu'on  répète  trois,  (ois,  le  ps^-ume  3%  Domine  quid^  Sc^ns 
antienne,  le  Venite  exultemus,  et  l'hymne.  Les  dimanches 
et  les  jours  de  fête,  on  dit,  au  premier  nocturne  six  psaumes 
suivis  d'un  verset  et  de  quatre  leçons  avec  leurs  répons  ;  au 
second  nocturne  on  fait  de  même,  mais  ^u  troisième,  au 
Heu  de  psaumes,  on  dit  trois  cantiques  tirés  du  vieux  Testa- 
ment, ensuite  le  verset,  et  les  qu,atre  dernières  leçons  avec 
leurs  répons.  Après  le  douzième  répons,  on  dit  le  Te  Deum^ 
l'évangile  du  jour,  une  petite  hymne,  toujours  la  même,  et 
la  collecte. 

Les  jours  de  la  semaine  qui  ne  sont  point  occupés  par 
ujje  fête  de  douze  leçons,  on  dit  seulement  deux  nocturnes  ; 
au  premier  six  psaumes,  le  verset  e^  trois  leçons  avec  leurs 
répons;  mais,  depuis  Pâques  jusqu'au  l^""  novembre,  une 
seule  leçon  fort  courte  avec  un  répons  bref  ;  au  second  noc- 
turne six  psaumes,  un  capitule,  un  verset,  Kyrie  eleison,  le 
Pater  nosier,  et  la  collecte. 

A  laudes,  avant  de  commencer  l'antienne,  on  dit  toujours 
le  psaume  66,  Deiis  misereatvr,  ensuite  avec  antienne  le 


DANS  l'ordre  de  CITEAUX.  211 

psaume  50,  Miserere,  suivi  de  deux  autres  qui  varient  selon 
les  jours  de  la  semaine,  d'un  caixtique,  le  même  qu'au  ro- 
main, et  du  psaume  lZi8,  Laudate,  avec  les  deux  suivants. 
Après  les  psaumes  on  dit  un  capitule,  un  répons  bref,  une 
hymne,  un  verset,  le  Benedictus  avec  antienne,  Kyrie  eleison, 
Pater  noster,  et  la  collecte. 

Aux  petites  heures,  après  l'hymne,  on  dit  les  psaumes 
comme  ils  sont  marqués  ci-dessus,  le  capitule  et  le  reste 
comme  à  la  fin  du  second  nocturne  férial,  et  notez  qu'il  n'y 
a  point  de  répons  bref  après  le  capitule. 

A  vêpres,  après  les  quatre  psaumes,  on  dit  le  capitule  et 
le  reste  comme  à  laudes,  excepté  qu'on  remplace  le  Bene^ 
dictus  par  le  Magnificat. 

A  compiles,  après  les  psaumes,  on  dit  l'hymne,  ensuite 
le  capitule  et  le  reste  comme  aux  petites  heures  ;  il  n'y  a 
ni  répons  bref,  ni  JSunc  dimittis. 

Voilà  en  abrégé  ce  que  saint  Benoît  prescrit  pour  l'office. 
Il  ne  règle  rien  par  rapport  à  la  messe,  quoiqu'il  soit  cer- 
tain qu'elle  se  célébrait  de  son  temps  dans  ses  monastères; 
on  doit  en  conclure  que  sur  ce  point  on  se  conformait  à 
l'usage  de  Rome. 

Lorsqu'on  1098  saint  Robert  et  ses  compagnons  quit- 
tèrent Molesme  et  vinrent  fonder  l'abbaye  de  Gîteaux,  leur 
but  était  d'observer  la  règle  de  saint  Benoît  au  pied  de  la 
lettre,  et  sans  rien  omettre  de  tout  ce  qu'elle  prescrit.  Con- 
formément donc  à  cette  règle  qui,  entre  tous  les  exercices 
monastiques,  donne  le  premier  rang  à  l'office  divin,  qu'elle 
appelle  opus  Dei,  ils  s'appliquèrent  avec  un  soin  tout  parti- 
culier à  bien  régler  ce  point  capital  de  leur  observance.  En 
cela  comme  en  tout  le  reste,  ils  s'attachèrent  surtout  à  re- 
trancher les  usages  qui  existaient. dans  d'autres  monastères, 
mais  qui  leur  paraissaient  plus  ou  moins  contraires  à  l'es- 
prit de  leur  saint  législateur.  Ils  rejetèrent  la  magnificence 
des  églises  des  moines  de  Cluny  et  la  pompe  de  leurs  of- 


212  LA    QUESTION   LITURGIQUE 

fices  solennels,  pensant  que  la  pauvreté  dans  les  ornements 
de  l'oratoire  et  la  simplicité  dans  les  cérémonies  étaient 
plus  convenables  à  leur  état,  d'autant  plus  qu'ils  n'avaient 
point  alors  d'églises  publiques.  Pour  le  bréviaire,  ils  trans- 
crivirent à  leur  usage  celui  qu'ils  avaient  apporté  de  Mo- 
lesme  ;  et  pour  l'antiphonaire,  ils  firent  copier  celui  de  l'É- 
glise de  Metz,  pensant,  quoique  à  tort,  que  c'était  là  le  vé- 
ritable romain.  On  voit  par  là  que,  tout  en  gardant  l'ordre 
et  le  rit  de  l'office  prescrit  par  saint  Benoît,  ils  voulaient 
pour  le  reste  se  conformer  à  l'usage  de  Rome.  S' étant 
aperçu  plus  tard  que  cet  antiphonaire  était  très-défectueux, 
ils  le  corrigèrent  du  mieux  qu'ils  purent,  et  il  paraît  que 
saint  Bernard  prit  part  à  cette  correction.  Ils  rédigèrent, 
dès  avant  113  Zi,  le  livre  des  Us,  Liber  nsiium  Cisterciensium, 
qui  contient  principalement  le  cérémonial  et  les  rubriques 
du  missel  et  du  bréviaire.  Ayant  ainsi  réglé  dans  tous  ses 
détails  un  corps  complet  de  livres  liturgiques  à  leur  usage, 
ils  décidèrent  que  ces  livres  devaient  être  exactement  con- 
formes dans  toutes  les  maisons  de  l'Ordre.  Le  recueil  des 
décrets  des  premiers  chapitres  généraux  rédigé,  en  113ii, 
sous  le  titre  de  :  Instituta  capituli  generalis,  dit,  au  chapitre 
troisième  :  «  Missale,  epistolare,  textus,  coUectaneum,  gra- 
duale,  antiphonarium,  régula,  hymnarium,  psalterium,  lec- 
tionarium,  calendarium,  ubique  uniformiter  habeantur.  » 
Notez  que  Textus  est  le  livre  des  Évangiles  qu'on  lit  à  la  messe 
et  à  l'office  ;  CoUectaneum  est  un  livre  qui  contient  les  col- 
lectes et  les  capitules  de  l'office,  les  prières  pour  l'administra- 
tion des  sacrements,  les  bénédictions,  la  recommandation  de 
l'âme,  la  sépulture  des  morts  et  autres  semblables  fonctions 
sacerdotales  ;  Hytnnarium  est  le  recueil  des  hymnes,  et  Lec- 
tionarium  celui  des  leçons  qu'on  doit  lire  à  l'office  au  chœur, 
Calendariwn  signifie  le  martyrologe:  c'était  celui  d'Usuard, 
Ces  livres  devaient  donc  être  et  étaient,  de  fait,  uniformes 
dans  toutes  les  maisons  de  l'Ordre  :  on  n'y  pouvait  rien 


DANS   l'ordre    de    CITEAUX.  213 

changer,  ajouter,  ni  retrancher,  sans  l'autorité  du  chapitre 
général. 

Maintenant,  qu'on  confère  les  anciens  manuscrits  qui 
existent  encore  de  ces  livres  ;  les  premières  éditions  qui  en 
furent  faites  au  XVP  siècle  ;  les  décrets  des  chapitres  géné- 
raux qu'on  trouve  dans  le  quatrième  volume  du  Thésaurus 
anecdotorum  de  Martène;  les  quatre  compilations  qui  furent 
faites  de  ces  décrets,  et  qu'on  trouve  dans  le  nomasticon  Ci- 
sterciense;  l'édition  du  livre  des  Us  enrichie  de  notes  histo- 
riques et  explicatives  qu'on  trouve  dans  ce  même  Nomasticon; 
qu'on  confère,  disons-nous,  tous  ces  monuments  de  l'antique 
liturgie  Cistercienne,  si  vénérable  par  l'autorité  de  saint 
Bernard  qui  concourut  à  sa  rédaction,  et  on  pourra  se  con- 
vaincre que  du  temps  de  saint  Pie  V,  et  même  au  commen- 
cement du  XVIP  siècle,  elle  était  encore  dans  son  inté- 
grité primitive,  et  par  conséquent  légitime,  et  d'accord  avec 
les  lois  du  Saint-Siège. 

Avant  de  passer  outre,  il  importe  de  faire  observer 
quelques-unes  des  particularités  les  plus  saillantes  de  cette 
ancienne  liturgie  Cistercienne. 

Les  fêtes  étaient  divisées  en  fêtes  auxquelles  on  tra- 
vaillait, et  en  fêtes  auxquelles  le  travail  cessait  :  Festa  quihus 
laboramus^  et  Festa  quibus  non  laboramus.  A  ces  dernières 
fêtes,  ainsi  que  tous  les  dimanches,  on  chantait  deux  messes 
conventuelles,  ce  qui  leur  fit  donner  le  nom  de  fêtes  ou 
jours  de  deux  messes  :  Festa  seu  dies  duarum  missarum.  Aux 
plus  solennelles  de  ces  fêtes,  l'Abbé  devait  faire  un  sermon 
au  chapitre,  ce  qui  leur  fit  do'îiner  le  nom  de  fêtes  de 
sermon  :  Festa  sermonis.  Aux  fêtes  auxquelles  on  travaillait, 
on  ne  chantait  qu'une  messe  conventuelle,  mais  on  faisait 
l'oflice  à  douze  leçons.  Il  n'y  avait  point  de  fêtes  à  trois 
leçons,  mais  il  y  avait  des  fêtes  de  moindre  solennité  aux- 
quelles on  faisait  tout  l'office  de  la  férié  courante,  avec  mé- 
moire de  la  fête  aux  premières  vêpres  et  aux  laudes.  Quel- 


21A  LA    QUESTION  LITURGIQUE 

ques-unes  de  ces  fêtes  avaient  une  messe  propre  ;  d'autres 
n'en  avaient  point,  et  alors  on  en  faisait  seulement  mémoire 
dans  la  messe  de  la  férié. 

Toutes  les  hymnes,  comme  l'atteste  le  cardinal  Bona, 
étaient  prises  du  Bréviaire  ambroisien,  et  cela  parce  que 
saint  Benoît  désigne  l'hymne  par  le  nom  d'Ambrosianmn,  et 
qu'à  cette  époque  l'Église  romaine  n'avait  pas  encore  admis 
l'usage  des  hymnes,  comme  le  fait  observer  Merati.  Les 
hymnes  de  prime,  sexte  et  none,  étaient  toujours  les  mêmes 
que  nous  avons  encore  aujourd'hui,  mais  à  tierce  et  à  com- 
piles, aussi  bien  qu'aux  vêpres,  matines  et  laudes,  elles 
variaient  selon  le  temps  et  les  fêtes.  Les  fêtes  avaient  ordi- 
nairement trois  hymnes  propres  :  la  première  se  disait  en 
entier  à  vêpres  ;  à  matines  on  en  disait  la  première  partie, 
et  à  laudes  la  seconde.  La  deuxième  hymne  servait  pour 
compiles,  et  la  troisième  pour  tierce. 

Aux  fêtes  de  douze  leçons  on  a  pour  le  premier  et  le 
second  nocturne  des  psaumes  propres  à  la  fête  ;  et  alors  à 
laudes,  au  lieu  du  miserere  et  des  psaumes  et  du  cantique 
de  la  férié,  on  a  Dominus  regnavit,  Jubilate,  Deus  Deus  meus, 
et  Benedicite:  mais  ce  changement  n'a  pas  lieu  pour  les  di- 
manches ou  fériés  du  temps  pascal.  Aux  vêpres  aussi  bien 
qu'aux  petites  heures,  on  ne  changeait  jamais  les  psaumes 
du  jour  de  la  semaine,  et  même,  aux  premières  vêpres  des 
fêtes  qui  ne  sont  pas  de  sermon,  on  disait  les  antiennes 
fériales  du  psautier.  Aux  premières  vêpres  des  dimanches 
et  des  fêtes  de  deux  messes,  le  répons  bref  était  remplacé 
par  un  grand  répons,  excepté  les  dimanches  qui  n'avaient 
point  de  nouveaux  répons  à  matines. 

Les  dimanches  et  les  fêtes  avaient  trois  collectes  :  une 
pour  vêpres,  matines,  laudes  et  tierce  ;  une  autre  pour 
sejfte»et  une  troisième  pour  none.  Aux  fériés^  la  collecte  du 
dimanche  servait  seulement  pour  laudes  et  vêpres  ;  pour 
matines,  tierce,    sexte  et  none,  il  y  en  avait  quatre  qui 


DANS   l'ordre    de    CITEAUX.  215 

variaient  selon  le  temps  de  l'année,  par  exemple,  l'Avent, 
le  Carême,  etc.  ;  à  prime  et  à  compiles,  c'étaient  toujours 
les  mêmes  que  nous  avons  actuellement. 

Au  chœur  on  lisait  à  matines,  excepté  aux  fériés  depuis 
Pâques  jusqu'au  l"  novembre,  des  leçons  fort  longues. 
Toutes  étaient  prises  de  l'Écriture  sainte  ou  des  saints  Pères  : 
on  ne  lisait  jamais  de  leçons  de  la  Vie  des  Saints,  à  moins 
qu'on  ne  les  trouvât  dans  quelque  saint  Père,  par  exemple, 
pour  saint  Benoît,  dans  les  dialogues  de  saint  Grégoire.  Les 
dimanches,  les  huit  premières  leçons  étaient  de  l'Écriture 
sainte,  selon  l'ordre  qu'on  garde  encore  dans  le  Bréviaire 
romain  ;  aux  fêtes  elles  étaient  d'un  saint  Père,  sans  qu'il  y 
en  eût  de  l'Écriture,  excepté  à  Noël  et  à  l'Epiphanie  où  les 
trois  premières  étaient  de  l'Écriture.  Les  quatre  dernières 
étaient  toujours  d'une  homélie  sur  l'évangile  du  jour,  la  der- 
nière ne  se  changeait  jamais.  Hors  du  chœur  on  gardait  le 
même  ordre  pour  les  leçons,  mais  on  les  faisait  fort  courtes, 
ordinairement  d'une  seule  période  ou  deux  tout  au  plus. 

V  Alléluia  se  disait  jusqu'au.  Carême,  ce  qui  fut  changé 
par  le  chapitre  général  de  1601,  qui  ordonna  de  l'omettre 
depuis  la  Septuagésime. 

Les  trois  jours  avant  Pâques,  l'office  se  disait  précisément 
de  la  même  manière  qu'aux  autres  fériés,  avec  deux  nocturnes 
et  trois  leçons,  sans  omettre  le  Gloria  Patri,  ni  les  hymnes, 
ni  le  Venite  exultemus,  ni  aucune  des  parties  accoutumées. 
Le  samedi  saint,  les  vêpres,  qui  n'étaient  point  enclavées 
dans  la  messe,  avaient  les  quatre  psaumes  et  tout  le  reste 
comme  à  l'ordinaire. 

Voilà  ce  qu'il  y  avait  de  plus  remarquable  dans  les  heures 
canoniales.  Nous  ne  parlons  pas  de  la  forme  des  heures  de 
la  sainte  Vierge,  qu'au  commencement  de  l'Ordre  on  ne 
disait  point  au  chœur,  mais  seulement  en  particulier.  Ce  ne 
fut  qu'en  1256  qu'on  commença  à  les  psalmodier  ensemble 
dans  la  chapelle  de  l'infirmerie,  et  peu  à  peu  l'usage  fut 


216  LA    QUESTION    LITURGIQUE 

introduit  de  les  dire  au  chœur.  Quant  à  l'ofTice  des  morts, 
depuis  l'origine  de  l'Ordre,  on  le  disait  au  chœur  pendant 
la  semaine,  à  moins  qu'il  n'y  eût  un  office  de  douze  leçons, 
mais  on  ne  disait  jamais  qu'un  seul  nocturne. 

Tout  l'ordre  de  la  messe  est  conforme  à  la  liturgie  ro- 
maine, non  pas,  il  est  vrai,  précisément  telle  qu'on  la  trouve 
dans  le  missel  de  saint  Pie  V,  mais  avec  quelques  variantes 
du  genre  de  celles  qu'on  trouve  encore  aujourd'hui  dans 
les  missels  des  Chartreux,  des  Dominicains  et  des  Carmes. 
Gomme  l'a  très-bien  prouvé  Mgr  de  Gonny,  ces  variantes 
n'empêchent  pas  une  liturgie  d'être  romaine.  Nous  allons 
en  indiquer  quelques-unes  des  plus  remarquables,  d'après 
le  Liber  immni  et  le  Missale  Cisterciense  de  1560. 

Pour  la  grand'messe  des  fêtes  de  douze  leçons,  le  célébrant 
est  assisté  d'un  diacre  et  d'un  sous-diacre;  mais  aux  messes 
matutinales,  et  à  la  messe  conventuelle  des  fériés,  le  célé- 
brant n'a  qu'un  seul  ministre,  régulièrement  un  diacre. 
L'usage  des  dalmatiques  ne  fut  introduit  qu'en  1258,  à  la 
prière  du  pape  Alexandre  IV,  et  seulement  pour  les  messes 
les  plus  solennelles.  La  confession,  ou  Confiteor,  qui  est  fort 
courte,  n'est  pas  précédée  du  psaume  Judica,  ni  d'aucun 
verset,  mais  seulement  du  signe  de  la  croix.  Après  Vlnchd- 
gentianij  le  prêtre  dit  le  verset  Adjutorium  nostrum,  et  s'in- 
clinant  contre  l'autel,  il  récite  à  voix  basse  le  Pater  et  YAve: 
puis  il  se  redresse,  baise  l'autel,  et  faisant  le  signe  de  la 
croix,  il  dit  l'oraison  Aufer  a  nobis,  mais  pSiS  Oramns  te. 

L'oblation  du  pain  et  du  vin  se  fait  sous  une  seule  for- 
mule, Suscipe  sancta  Trinitas,  fort  différente  de  celle  que 
nous  avons  aujourd'hui  :  ensuite,  le  prêtre  encense  l'hostie 
et  le  calice,  tournant  une  fois  l'encensoir  autour  du  calice  ; 
il  encense  l'autel  d'un  coup  d'encensoir  à  droite ,  d'un 
autre  à  gauche  de  la  partie  supérieure,  enfin  d'un  troisième 
au  miheu  de  la  partie  antérieure.  Cela  fait,  il  se  lave  les 
mains,  puis  il  s'incline  contre  l'autel,  disant  :  In  spiritu  hi- 
militatis.  Il  baise  ensuite  l'autel  et  dit  :  Orate  fratres. 


DANS  l'ordre    de    CITEAUX.  217 

Le  canon  est  comme  au  romain,  excepté  les  mots  :  Pro 
guibus  tibi  offerùnus,  qui  ne  se  trouvent  pas  dans  le  Mémento 
pour  les  vivants.  Le  livres  des  Us  ne  fait  aucune  mention  de 
l'élévation  de  l'hostie  ou  du  calice  ;  il  est  même  certain,  par 
le  chapitre  56  de  ce  livre,  qu'on  ne  la  faisait  pas.  Cepen- 
dant, le  chapitre  général  de  1152  fait  déjà  mention  de  l'élé- 
vation de  l'hostie,  mais  celle  du  calice  paraît  avoir  été  in- 
troduite plus  tard. 

Après  Pax  Domini,  le  prêtre  dit  tout  de  suite  trois  fois 
Agnus  Dei,  ensuite  il  met  la  particule  dans  le  calice,  en  di- 
sant :  Hœc  sacrosancta  commixtio,  etc.  Avant  la  communion, 
il  dit  la  seule  oraison  :  Domine  Jesu  Christe,  FUI  Dei  vivi^ 
etc.,  après  laquelle  il  prend  immédiatement,  sans  autre 
prière  ni  formule,  la  sainte  communion  de  l'hostie  et  du 
calice.  La  communion  sous  les  deux  espèces  demeura  en 
vigueur  jusqu'en  1261,  et  pour  les  ministres  sacrés  de  l'au- 
tel jusqu'en  l/i37. 

Après  Ylte  missa  est,  le  prêtre,  incliné  contre  le  milieu 
de  l'autel,  dit  l'oraison  Placeai  tibi,  etc.;  il  baise  ensuite 
l'autel  et  dit  :  Meritis  et  precibus  istorum  et  omnium  sanc fo- 
rum suorum  misereatur  nostri  omnipotens  Dominus.  Amen.  Il 
fait  sur  soi  le  signe  de  la  Croix,  y  ajoute  une  inclination,  et 
se  retire.  Il  n'y  a  ni  bénédiction,  ni  évangile  de  saint  Jean. 

Nous  omettons,  pour  abréger,  un  grand  nombre  de  céré- 
monies, surtout  celles  qui  regardent  les  ministres  de  l'autel, 
et  qui  sont  fort  différentes  de  l'usage  romain  actuel,  quoique 
plusieurs  semblent  conformes  aux  anciens  Ordo  romains. 
Nous  ne  pouvons,  toutefois,  omettre  de  faire  observer  que 
l'ordre  des  épitres  et  des  évangiles  diffère  souvent  du  Missel 
romain,  ainsi  que  les  parties  chantées  par  le  chœur,  introït, 
graduel,  etc.;  la  veille  de  Noël  et  aux  trois  messes  de  cette 
fête,  l'épître  est  précédée  d'une  leçon  d'Isaïe.  Le  samedi 
saint,  il  n'y  a  que  quatre  leçons,  et  la  veille  de  la  Pentecôte 
de  même.  Il  n'y  a  jamais  de  prose  ou  séquence  avant  l'é- 
vangile, 


Î18  LA    QUESTION    LITURGIQUE 

Tout  cela  s'observait  encore  au  commencement  du  XYII^ 
siècle,  c'est-à-dire  cinq  siècles  entiers  après  la  fondation  de 
Cîteaux.  Le  Bréviaire  publié  en  1604  par  l'abbé  Edmond  de 
la  Croix  contient,  il  est  vrai,  deux  nouveaux  offices  propres, 
celui  de  sainte  Anne  et  celui  de  sainte  Ursule,  qui  ne  se 
trouvent  point  dans  les  anciens  manuscrits ,  mais  qu'on 
trouve  déjà  dans  l'antiphonaire  de  1545;  du  reste,  tout  y 
est  conforme  à  l'ancien  usage.  A  la  fm  de  ce  Bréviaire  on 
trouve,  en  forme  de  supplément,  cinq  nouveaux  offices 
propres,  pour  les  fêtes  de  saint  Robert,  de  saint  Malachie, 
de  saint  Guillaume,  de  saint  Louis  et  de  saint  Edmond.  Ces 
offices,  à  l'exception  de  celui  de  saint  Guillaume,  se  trouvent 
dans  le  corps  du  nouveau  Bréviaire  publié  en  1617  par 
l'abbé  Nicolas  Boucherat.  On  trouve  aussi,  dans  ce  dernier 
Bréviaire,  beaucoup  de  nouvelles  leçons  pour  les  fêtes  des 
Saints,  qui  sont  tirées  de  leur  Vie,  au  lieu  des  sermons  des 
saints  Pères  qu'on  lisait  auparavant.  Du  reste,  le  rit  ancien 
était  généralement  conservé.  11  en  est  de  même  des  éditions 
de  Pierre  Nivelle,  en  1627,  et  du  cardinal  de  Richelieu,  en 
l6Zil.  Quant  au  Missel,  les  changements  paraissent  avoir 
commencé  en  1615.  L'abbé  Boucherat  introduisit  alors 
l'usage  de  célébrer  les  messes  basses  selon  YOrdo  missœ  de 
saint  Pie  V  ;  et  en  1618,  le  chapitre  général  abolit  entière- 
ment l'ancien  rit  Cistercien.  Néanmoins, pour  le  propre,  tant 
du  temps  que  des  saints,  on  conserva  le  Missel  ancien  tel 
qu'il  était.  Le  Missel  imprimé  en  1643,  par  ordre  du  cardi- 
nal de  Richelieu,  présente  ce  mélange  assez  bizarre  et  sou- 
vent incohérent  de  l'ordre  romain  avec  le  propre  et  les  ru- 
briques Cisterciennes.  On  ne  tarda  pas  à  s'apercevoir  que 
cette  confusion  était  intolérable. 

Pendant  que  les  Cisterciens  remaniaient  et  gâtaient  ainsi 
de  plus  en  plus  leur  antique  liturgie,  le  pape  Paul  V  avait, 
en  1612,  approuvé  de  la  manière  la  plus  formelle  un  Bré- 
viaire à  l'usage  de  tous  les  moines  qui  font  profession  de  la 


DANS  l'ordre   de   CITEAUX.  219 

règle  de  saint  Benoît,  et  qui,  à  cause  de  cette  même  règle, 
ne  peuvent  pas  convenablement  réciter  le  Bréviaire  romain. 
Le  24  janvier  1615  (et  non  pas  1616,  comme  les  bréviaires 
portent  par  erreur) ,  la  Sacrée  Congrégation  des  Rites,  or- 
gane de  la  volonté  du  Saint-Siège,  porta  le  décret  sui- 
vant :  «  Sacra  Rituum  Congregatio  censuit  et  declaravit 
«  omnes  monachos  et  moniales  qui  et  quse  militant  sub  re- 
«  gula  S.  Benedicti,  posse  et  debere  uti  Breviario  Bene- 
((  dictino,  nuper  de  mandato  SS.  D.  N.  Papae  edito  pro 
«  omnibus  religiosis  qui  militant  sub  régula  S.  Patris  Be- 
«  nedicti,  nonobstante  quod  aliqui  ex  eis  in  prœteritum  usi 
«  fuerint  Romano  vel  alio  Breviario.  » 

Les  Cisterciens  n'avaient  rien  de  mieux  à  faire  que  de  se 
conformer  à  ce  décret  pour  sortir  du  labyrinthe  où  ils  s'é- 
taient si  malheureusement  fourvoyés.  Avec  cela,  ils  cou- 
paient court  à  toutes  les  difficultés  :  mais  malheureusement, 
cela  ne  faisait  pas  le  compte  des  abbés  de  Cîteaux  et  de  ceux 
qui  partageaient  leur  manière  de  voir.  Le  chapitre  général 
de  1651,  célébré  par  l'abbé  Claude  Vaussin,  successeur  de 
Richelieu  sur  le  siège  de  Cîteaux,  nomma  une  commission 
pour  réformer  de  fond  en  comble  les  livres  liturgiques  de 
l'Ordre,  ou  plutôt  pour  en  rédiger  de  nouveaux.  Le  Bré- 
viaire parut  en  1656,  et  le  Missel  en  1657  ;  l'un  et  l'autre 
étaient  précédés  d'un  monitum  qu'il  importe  de  citer  en  entier, 
parce  que  les  rédacteurs  y  avouent  sans  détour  leurs  inno- 
vations. 

Voici  celui  qui  se  trouve  en  tête  du  Bréviaire  : 
«  Fecit  tandem  pia  multorum  eemulatio ,  ut  prœsules 
Cisterciensis  ordinis  in  ultimis  generalibus  comitiis  anno 
Domini  1651  undequaque  coacti,  decretum  ediderint,  quo 
selectorum  virorum  examine  et  judicio  Breviarium  non  in 
paucis  depravatum,  sequiori  et  nitidiori  méthode  restituere- 
tur.  Opus  sane  a  nonnuUis  antea  tentatum,  sed  quo  plus 
accessere  correctiones,  centonis  ad  instar  eo  deformius  pro- 


220  LA    QUESTION    LITURGIQUE 

diit.  Hi  siquldem  nimio  veteris  traditionis  studio  prohibiti, 
parietem,  undequaque  rimis  hiantem  linire  frustra  desuda- 
runt.  Unde  aliquibus  satius  videbatur  Romanum  a  prima 
sede  postulandum,  quam  proprium  tam  variis  laciniis  iminu- 
tatum  diutius  esse  retinendum.  Verum  obstitit  constans 
quinque  saeculorum  usus,  trita  sanctorum  vestigia,  jactura 
non  modica  librorum  choralium,  quos  olim  ingenti  labore 
operosi  monachi  in  membranis  descripserunt,  secl  maxime 
ordo  pensi  divini  in  Régula  Sancti  Benedicti  praescriptus, 
quem  nemini  eam  profitenti  licet  omittere.  Eo  igitur  con- 
silio  factum  est  ut  in  prsesenti  editione  tria  rite  observentur. 
Primum  est  ut  salvo  uionastici  instituti  jure,  sit  Romano 
conforme.  Hinc  emendatio  psalmorum,  canticorum  et  le- 
ctionum  ad  amussim  editionis  vulgatae  jussu  Sixti  V  reco- 
gnitse  ;  quorumdam  sanctorum  festa  kalendario  inserta, 
officii  nocturni  lectiones  ex  Scriptura  ;  nova  dispositio  col- 
lectarum,  capitulorum,  antiphonarum  et  responsoriorum 
cum  majorum  in  primis  vesperis,  tum  brevium  alibi  ;  immo- 
bilitas  hymnorum  ad  tertiam  et  completorium  per  annum  ; 
in  sacro  triduo  officium  penitus  Romanum,  et  quamplures 
alise  mutationes,  quœ  sparsim  occurrent  recitanti.  Secun- 
dum  est  brevitatis  studium,  quod  elucet  in  prsesenti  méthode 
persolvendi  quotidianum  officium  Beatissimae  Virginis,  in 
institutione  festorum  trium  lectionum,  quas  chorum  absol- 
vunt  a  memoria  defunctorum;  in  compilatione  et  omissione 
commemorationum  horis  et  diebus  statutis,  etc.  Tertium 
denique  tenax  régulas  disciplina,  a  qua  recedunt  qui 
sanctorum  festa  et  octavas  cumulantes  longius  fmnt  ab  in- 
tégra psalterii  solutione  per  hebdomadam,  qui  tempore  pas- 
chali  alias  antiphonas  prœter  juge  Alléluia  horis  canonicis 
affigunt,  qui  prœceptum  sumendi  in  sestate  brèves  lectiones 
matutini  ferialis  de  veteri  testamento,  vel  capitula  de  apostolo 
in  laudibus  non  satis  perpendunt;  quique  ut  sint  Romani  a 
primigenio  instituto  deflectunt  ;  idque  maturo  haud  dubie 


DANS  d'ordre   de   CITEAUX.  221 

consilio.  Nostrum  tamen  fuit  rivum  ad  fontem  unde  cœpit 
fluere  absque  ullo  juris  monastici  dispendio  reducere.  Psal- 
terii  integritati  partim  consultum  est  per  mutationem  quo- 
rumdam  festorum  xii  lectionum  in  minora  quae  ordinem 
psalmorum  non  perturbant,  caetera  vero  hic  traduntur  juxta 
ritum  S.  Regulae,  quam  ad  litteram  esse  observandam  jubet 
primum  et  capitale  Cisterciensis  Ordinis  statutum.  Sed  non- 
nihil  facessit  negotii  usus  antiquorum  librorum  mandate 
superiorum  in  cantu  retinendus,  cum  vix  aliquid  habeant 
simile  cum  Romana  officii  divini  série,  idque  fecit  ut  inviti 
ab  ea  in  paucis  sit  deflexum,  quae  tamen  si  aliquando  nova 
cudantur  antiphonalia  (quod  a  multis  desideratur)  ad  limam 
revocabuntnr.  Intérim  cogimur  codicem  instruere  calci  ma- 
joris  psalterii  si  lubet  addendum,in  quoreperienturhymni, 
antiphonœ  et  responsoria  juxta  hanc  editionem,  et  prœter 
antiquum  morem  canenda,  a  quo  etiam  dempta  sunt  officia 
S.  Annae  et  S.  Ursulae,  utpote  quae  erant  dubias  fidei,  Co- 
ronœ  Domini,  quod  et  Scripturam  et  Ecclesiae  devotionem 
minus  saperet,  aliis  sive  in  comûiuni,  sive  in  proprio  sub- 
stitutis,  necnon  et  Evangelistarum  jam  ubique  ecclesiastico 
ritu  ad  commune  Apostolorum  remissum  ;  aliqua  vero  super- 
adduntur,  sive  ex  parte  propria,  ut  SS.  Joseph  et  Joachim, 
sive  ex  integro,ut  Nominis  Jesu,Transfigurationis  et  Angeli 
custodis.  Doles  forsan,  pie  lector,  quod  praeter  Evangelii 
normam  hic  novum  pannam  veteri  assuerimus.  Hoc  tecum 
aegre  tulimus,  sed  adegit  cantus  vetustas,  quae  litterœ  no- 
vitati  nondum  cessit  ;  melius  tamen  ominare  de  nostro  co- 
natu,  eoque  nos  potius  assimilare  etiam  juxta  Evangelium, 
homini  patrifamiUas  qui  profert  de  thesauro  suo  nova  et  ve- 
tera,  et  rehgiose  utere  ad  Majorem  Dei  gloriam.  » 

Voici  maintenant  le  Monitum  qui  se  trouve  en  tête  du 
nouveau  Missel. 

«  Ex  quo  Breviarium  Cisterciense  ad  Romanum  accessit, 
operae  pretium  fuit  etiam  Missale  veteri  forma  exui,  ut  juxta 


222  LA    QUESTION    LITURGIQUE 

constitution ein  Pii  quinti  sacra  liturgia  ab  officio  chori 
minime  dissentiret.  Jam  pridem  sanxit  eapitulum  générale 
anno  Domini  1618  celebratum,  sicut  duo  alia  sequentia,  ut 
sacrum  fieret  in  ordine  cum  ritibus  et  çgeremoniis  Romanis; 
hincque  orta  est  nécessitas  immutandi  nonnuUa  ex  primse.yo 
usu.  Nam  antea  vix  erat  in  paramentis  colorum  delectus, 
ex  altari  ornamenta  sumebantur,  Y>salmus  Judica  omittebatur, 
hymnus  Gloria,  w  excelsis.  in  missis  votivis  redundabat,  in 
festorum  octavis  symbolum  desiderabatur,  thus  quisque  ad 
libitum  adolebat  :  aliaque  multa  inordinate  fiebant,  quas 
rubricae  Romanae  ad  methodum  certam  et  canonicam  re- 
duxerunt.Verum  illud  decretum  non  potuit  hactenus  omnes 
antiquitatis  nœvos  abstergere;  et  ideo  ultimum  eapitulum 
générale  anno  Domini  1651  coactum,  statuit  ut  per  viros 
peritos  iterum  Missale  cum  caeteris  ecclesiasticis  libris  re- 
purgaretur,  quod  sane  pro  viribus  tentarunt.  Sed  quemad- 
modum  antiphonariorum  reservatio  non  mediocriter  obstitit 
ne  breviarium  recens  editum  Romano  exemplari  (salva  Ré- 
gulas forma)  usque  ad  ultimos  apices  redderetur  simile  ;  sic 
exceptio  gradualium  impedit  quominus  nova  hœc  Missalis 
editio  Romanam  prorsus  imitetur.  Nihilominus  correctione 
accuratiori,  forma  prœstantiori  et  Romano  longe  viciniori 
nunc  prodit  :  auctum  nonnullis  lestis,  quse  in  novo  kalen- 
dario  exponuntur  :  Rubricis  et  ritibus  tam  communibus 
quam  specialibus  ab  universali  Ecclesia  receptis  ;  série  mis- 
sarum  dominicalium  cum  epistolis  et  evangeliis  a  Pente- 
coste  usque  ad  Adventum  archetypo  Romano  conformi  : 
multiplie!  Kyrie  eleison^  Gloria  in  excelsis,  trisagio,  praefa- 
tione,  Agnus  Del,  lie  missa  est^  vel  Benedicamus  Domino^  juxta 
festorum  discretionem  et  ordinationem  sub  modulis  Grego- 
rianis  ad  taedium  toties  repetiti  ejusdem  tenoris  sublevan- 
dum,  integro  communi  sanctorum,  missis  quibusdam  vo- 
tivis, et  quatuor  solemnioribus  Ecclesiœ  prosis  (si  libeat) 
privatim  dicendis,  variis  benedictionibus,  aliisque  observa- 


DANS  l'ordre  de  citeaux.  223 

tioiiibus,  ubi  nécessitas  id  postulat,  sparsim  expressis.  Eo 
igitur  opère  iiostro  libentius  utere,  pie  lector,  quod  soluiii 
ad  majus  divini  cultus  incrementum  jubente  superioruni 
authofitate  fuit  a  nobis  susceptum.  » 

Voilà  deux  pièces  qui  n'ont  pas  besoin  de  commentaire. 
L'abbé  Vaussin  y  avoue  ingénuement  qu'il  a  refondu  de 
fond  en  comble  tout  l'ancien  Bréviaire  et  l'ancien  Missel  de 
son  ordre  :  encore  n'indique-t-il  pçis  tous  les  changements 
qu'il  y  a  introduits.  Nous  ne  ferons  qu'une  seule  réflexion 
sur  le  nouveau  Bréviaire  :  on  y  a  introduit  des  fêtes  à  trois 
leçons  à  l'imitation  des  fêtes  du  rit  simple  dans  le  bréviaire 
romain  et  dans  le  bréviaire  monastique;  mais  ces  fêtes 
simples  n'excluent  point  l'office  des  morts.  L'auteur  se 
trompe  en  disant  que  ces  fêtes  à  trois  leçons  déchargent  le 
chœur  de  cet  office.  Dom  Augustin  de  Lestrange,  abbé  de 
la  Val-Sainte,  et  ensuite  de  la  Trappe,  le  comprit  très-bien, 
et  ordonna  à  ses  moines  de  dire  l'office  des  morts  à  ces 
fêtes  aussi  bien  qu'aux  fériés.  Mais  quoi  qu'il  en  soit  de  ce 
changement  et  de  tous  les  autves,  l'abbé  Vaussin,  malgré 
toutes  les  raisons  qu'il  allègue  pour  les  justifier,  n'avait  pas 
le  droit  de  les  introduire  sans  l'assentiment  du  Saint-Siège, 
qu'il  ne  se  mit  pas  en  peine  de  demander.  L'Ordre  de  Cî- 
teaux,  en  les  adoptant,  perdit  le  droit  de  retenir  sa  liturgie 
propre,  et  se  mit  dans  la  nécessité  de  recevoir  celle  de 
Rome,  sauf  pour  le  Bréviaire,  auquel  Paul  V  en  avait  sub- 
stitué un  autre  pour  tous  les  moines  qui  suivent  la  règle  de 
saint  Benoît.  Gela  ne  souffre  pas  le  moindre  doute,  car  les 
constitutions  si  célèbres  de  saint  Pie  V  sont  très-claires  sur 
ce  point,  et  le  Saint-Siège  les  a  toujours  entendues  dans  ce 
sens;  té;iioins  la  lettre  de  Grégoire  XVI  à  l'archevêque  de 
Reims,  et  les  décisions  de  Pie  IX  et  de  la  Congrégation  des 
Rits  par  rapport  à  plusieurs  diocèses  de  France. 

Néanmoins,  cette  question  n'étant  pas  alors  aussi  généra- 
lement connue  qu'elle  l'est  aujourd'hui,  le   Bréviaire  de 


22/i  LA    QUESTION  LITURGIQUE 

Vaussin  fut  reçu,  sans  qu'on  sache  qu'il  y  ait  eu  de  l'oppo- 
sition, non-seulement  en  France,  mais  encore  dans  d'autres 
pays.  En  Belgique,  les  religieuses  de  l'abbaye  de  Roozen- 
dael,  près  de  Malines,  commencèrent  dès  le  30  juillet  de  la 
même  année  1656  à  réciter  l'office  de  la  sainte  Vierge  selon 
le  nouveau  Bréviaire;  et  le  dimanche  des  Rameaux,  25  mars 
de  l'année  suivante  1657,  elles  s'y  conformèrent  pour  le 
grand  office.  Cette  abbaye  était  sous  la  direction  de  l'abbé 
de  Saint-Bernard -sur-l' Escaut,  et  comme  cet  abbé  était 
alors  vicaire-général  de  l'abbé  de  Cîteaux  pour  la  Belgique, 
il  est  à  présumer  qu'il  fit  recevoir  sans  retard  ce  nouveau 
Bréviaire  dans  tout  son  vicariat. 

Mais  il  n'en  fut  pas  de  même  en  Italie.  Dès  la  fin  du 
XV^  siècle,  les  Cisterciens  y  formaient  une  congrégation, 
qui,  quoique  conservant  une  certaine  dépendance  à  l'égard 
des  abbés  de  Cîteaux,  avait  cependant  ses  supérieurs  à 
elle.  Le  personnage  le  plus  influent  de  cette  congrégation 
était  alors  le  savant  abbé  Hilarion  Roncati.  Il  déféra  le 
nouveau  Bréviaire  à  la  Congrégation  des  Rits  dont  il  était 
consulteur;  et,  le  2Zi  janvier  1660,  cette  congrégation  décida 
qu'elle  examinerait  l'affaire.  Après  un  assez  long  examen, 
après  plusieurs  délais,  elle  porta,  le  23  juillet  1661,  le 
décret  suivant^  qui  trancha  la  question  : 

«  S.  Rituum  Congregatio  die  2  currentis  mensis  julii  de- 
claravit  monachos  Cistercienses  comprehendi  in  decreto 
edito  die  2â  januarii  1615  impresso  in  breviario  monastico 
approbato  a  sa.  me.  Paulo  V,  ideoque  intra  annum  eos  de- 
bere  assumere  prœfatum  breviarium  monasticum  cum  mis- 
sali,  eoque  tam  in  choro  quam  extra  chorum  teneri  in  fu- 
turum  uti,  quamvis  hactenus  proprio  breviario  usi  fuerint; 
alias  non  satisfacere  praecepto  recitationis  offîcii,  salva  in- 
super manente  antiquissima  ipsius  ordinis  consuetudine  re- 
citandi  quotidie  officium  parvum  B.  Mariae  semper  virginis, 
necnon  officium  defunctorum  diebus  illis,  quibus  hactenus 


DANS  l'ordre  de  giteaux.  225 

recitare  consueverunt,  forma  tamen  et  ritu  in  ipso  Breviario 
monastico  praescriptis.  Retentis  prseterea  officio  proprio  cum 
octava  S.  Bernardi,  necnon  officiis  sanctorum  Ordinisecom- 
muni  tamen  breviarii  praedicti  desumendis,  quae  ex  anti- 
qua  et  probata  ejusdem  Ordinis  consuetudine  hactenus 
recitarunt.  Verum  quia  procurator  generalis  Ordinis  adhuc 
audiri  desuper  supplicavit,  placuit  Emo  et  Rmo  D.  Gardi- 
naîi  praefecto  novissime  per  eum  deducendis  aures  prseberi. 
His  itaque  deductis,ac  mature  perpensis,  Sacra  eadem  Con- 
gregatio  censuit  standum  esse  in  decretis,  iterumque  decla- 
ravit  monachos  Cistercienses  comprehendi  in  praedicto  de* 
creto  edito  anno  lôl5,  et  ideo  debere  uti  breviario  mona- 
stico approbato  a  sa.  me.  Paulo  V  ;  alias  non  satisfacere 
prœcepto  de  recitando  officio.  Die  23  julii  1661.  » 

Les  Cisterciens  d'Italie  se  soumirent  à  la  volonté  du  Saint- 
"Siége  si  souvent  et  si  clairement  exprimée.  En  France, 
la  soumission  prompte  et  sincère  aux  décrets  du  Souverain- 
Pontife  n'entrait  plus  depuis  longtemps  dans  les  habitudes 
des  abbés  de  Cîteaux  et  de  beaucoup  d'autres.  Ils  firent 
donc  semblant  de  se  soumettre,  mais  au  fond  ils  n'en  firent 
rien  ;  et  loin  de  communiquer  aux  autres  abbés  de  l'Ordre 
le  susdit  décret,  comme  c'était  leur  devoir,  il  paraît  qu'ils 
le  tinrent  soigneusement  caché,  ce  qui  était  beaucoup  plus 
facile  alors  qu'il  ne  le  serait  aujourd'hui.  Pour  gagner  du 
temps,  ils  demandèrent  la  permission  de  garder  leurs  an- 
ciens livres  de  chœur,  jusqu'à  ce  que  le  prochain  chapitre 
général,  dont  ils  ne  fixaient  point  l'époque,  en  eût  fait  im- 
primer de  nouveaux.  La  Sacrée-Congrégation  émit  le  3  juin 
1662  un  avis  favorable,  mais  Alexandre  VII  refusa  de  rati- 
fier ce  décret,  et  exigea  rigoureusement  l'exécution  de  celui 
du  23  juillet  1661.  Voici  le  décret  qui  prouve  ce  refus  du 
Pape. 

a  Delato  ad  Sanctissimum  Dominum  nostrum  sensu  S, 
Congregationis,  super  petitione  procuratoris  generalis  Or- 

REVUE   des  SCIENXES   ECCLÉS.,    T.    X. —  SEPTEMBRE  18C4.  16 


226  LA   QUESIION    LITURGIQUE 

dinis  Gisterciensis,  nempe  ut  Sacra  eadem  Congregatio  di- 
gnaretur  indulgere  manutenlionem  librorum  choralium  us- 
que  ad  capitulum  générale  in  quo  posset  deliberari  super 
provisione  novorum  codicum,  Sanctitas  Sua  abnuit  desuper 
praedicta  petitionequidqaid  remittere  ex  injunctis  in  decreto 
edito  die  23  julii  1661.  Sacra  igitur  Congregatio  juxta  men- 
tem  Sanctissimi  stetit  in  decretis,  et  universuiu  Ordinem 
Cisterciensemjuxta  praefatum  decretum  teneri  assumere  bre- 
viarium  monasticum  a  sa.  me.  Paulo  V  approbatum,  idem- 
que  tam  in  choro  quam  extra  chorum  recitare,  alias  prae- 
cepto  recitationis  officii  minime  satisfacere  post  lapsum 
temporis,  in  eodem  decreto  expressum.  Die  8  julii  1662.  » 
En  présence  d'un  ordre  si  clair  et  si  formel,  on  s'explique, 
il  est  vrai,  difficilement  comment  l'Abbé  de  Cîteaux  osa 
n'en  tenir  aucun  compte  ;  mais  malheureusement  il  n'est 
que  trop  certain  que  ce  dernier  décret  ne  fut  pas  plus  ob- 
servé que  les  autres.  Peut-être  doit-on  en  chercher  une 
raison  quelconque  dans  l'état  de  trouble  et  de  confusion  où 
l'Ordre  de  Giteaux  se  trouvait  alors  en  France.  Depuis  plus 
de  deux  siècles  l'antique  observance  de  l'Ordre  était  fort  re- 
lâchée, et  tout  ce  qu'on  avait  tenté  ou  fait  semblant  de  tenter 
pour  remédier  au  désordre  était  resté  sans  effet.  En  1615, 
dom  Denis  l'Argentier,  abbé  de  Glairvaux,  se  rappelant 
qu'il  était  le  successeur  de  saint  Bernai'd,  mit  sérieusement 
la  main  à  l'œuvre  pour  réformer  son  abbaye  ;  d'autres  imi- 
tèrent son  exemple,  et  c'est  ainsi  que  commença  la  congré- 
gation des  abbayes  de  l'étroite  observance.  Nicolas  Bou- 
cherat,  abbé  de  Giteaux,  favorisa  la  réforme  et  le  retour  à 
la  régularité;  malheureusement  d'autres  abbés  s'y  oppo- 
sèrent. De  là  des  querelles  et  des  procès  sans  fin,  tantôt  au 
parlement,  tantôt  au  conseil  du  roi,  tantôt  en  Cour  de  Rome, 
si  bien  qu'en  1663  ou  1664,  Glaude  Vaussin,  alors  abbé  de 
Cîteaux,  se  rendit  en  personne  à  Rome  pour  tâcher  de 
.mettre  fm  à  des  troubles  scandaleux  et  qui  allaient  toujours 


DANS  l'ordre  de  citeaux.  227 

en  croissant.  Ce  fût  le  19  avril  1666,  que  le  pape  Alexan- 
dre Vil  donna  son  bref  In  suprema  pour  la  réforme  géné- 
rale de  l'Ordre.  Sur  les  chapitres  delà  règle  qui  traitent  de 
l'office  divin,  il  donna  la  déclaration  suivante  : 

«  Forma  ista  exactissime  observetur,  et  materia  ab  Ec- 
clesiaî  Romanae  usu  ad  Dei  gloriam  et  proximi  aedificationem 
sumatur,  prout  hactenus  consuevit  ecclesia  Cisterciensis, 
Gui  tanquam  matri  omnes  aliœ  ecclesiae  dicti  Ordinis,  ex 
carta  caritatis,  Eugenii  III  et  Pii  V  definitionibus  et  prae- 
ceptis  conformari  tenentur  :  ut  autem  hœc  uniformitas  in 
divino  officio  persolvendo  teneatur,  in  omnibus  ordinis  mo- 
nasteriis  iisdem  ritibus  et  cantu,  libris  omnibus  ad  diurnas 
et  nocturnas  horas  et  missas  necessariis,  secundum  praedi- 
ctam  formam  Cisterciensis  monasterii  omnes  utantur.  » 

Il  ordonna  en  outre  la  célébration  d'un  chapitre  général, 
qui  eut  réellement  heu  le  9  mai  1667.  On  lit  dans  ce  cha- 
pitre le  décret  suivant  : 

«  Ut  in  divino  officio  persolvendo  in  omnibus  Ordinis  mo- 
nasteriis  hoc  vinculum  unifprmitatis  teneatur,  capitulum 
générale  statuit  atque  decrevit,  nullam  de  caetero  in  novo 
breviario  faciendam  esse  mutationem,  sed  ipsius  ordina- 
tioni  standum  esse  ex  integro  ab  omnibus  ordinis  professo- 
ribus.  » 

Le  pape  Clément  IX,  qui  avait  succédé  à  Alexandre  VII, 
par  son  bref  Écclesiœcatholicœ^  du  26  janvier  1669,  confirma 
in  forma  speciftca  tous  les  décrets  de  ce  chapitre.  De  là  on 
paraît  avoir  inféré  que  le  bréviaire  de  Vaussin  était  approuvé 
par  le  Saint-Siège;  c'est  ainsi  qu'on  interpréta  ces  paroles 
d' Alexandre  VII  :  Prout  hactenus  consuevit  Ecclesia  Cistercien- 
sis, et  celles-ci  du  décret  de  Clément  IX  :  In  novo  breviario. 
En  réalité  ce  n'était  pas  le  bréviaire  de  Vaussin,  mais 
bien  celui  de  Paul  V  que  ces  deux  Papes  avaient  en  vue. 
Le  savant  rédacteur  des  Analecta  juris  pontificii  démontre 
clairement  ce  point,  qui  est  capital  dans  la  question  qui 


228  LA    QUESTION    LITURGIQUE 

nous  occupe.  Voici  quelques-unes  des  raisons  qui  démontrent 
cette  assertion. 

1®  Le  Bréviaire  de  Vaussin,  rejeté  en  1661,  avait  été  lé- 
galement remplacé  par  celui  de  Paul  V,  que  le  Saint-Siège 
déclara  obligatoire  dans  l'Ordre  entier.  Les  Cisterciens  d'Ita- 
lie l'avaient  reçu  réellement,  et  le  procureur  général  français 
n'avait  fait  que  demander  un  délai  jusqu'au  prochain  cha- 
pitre général,  délai  qu'Alexandre  VII  avait  absolument  re- 
fusé. Ce  Pape  et  son  successeur,  Clément  IX,  supposaient 
donc  naturellement  que  le  Bréviaire  de  Paul  V  était  reçu  en 
France  aussi  bien  qu'en  Italie  :  c'est  par  conséquent  celui-là, 
et  pas  celui  de  Vaussin,  qu'ils  entendent  dans  leurs  brefs. 

2»  S'ils  avaient  voulu  parler  du  Bréviaire  de  Vaussin,  ils 
n'auraient  pas  simplement  passé  sous  silence  les  nombreux 
décrets  qui  l'avaient  tout  récemment  condamné,  mais  ils  les 
auraient  explicitement  révoqués,  surtout  Alexandre  VII,  qui, 
moins  de  quatre  ans  avant  son  bref,  avait  poussé  la  rigueur 
jusqu'à  refuser  un  délai  que  la  Congrégation  des  Rites  avait 
jugé  pouvoir  être  accordé. 

3° Les  Cisterciens  d'Italie  interprétèrent  les  brefs  dans  ce 
sens,  car  ils  continuèrent  de  se  servir  du  Bréviaire  de 
Paul  V,  ce  qui  aurait  été  illicite,  si  ces  brefs  parlaient  de 
celui  de  Vaussin. 

4°  La  Congrégation  des  Rites  interpréta  aussi  les  brefs 
dans  ce  sens.  Voici  entre  autres  un  décret  de  1673  ;  «  Sacra 
Rituum  Congregatio,  inhaerens  decreto  die  23  julii  1661 
edito,  quo  declaravit  monachos  Cistercienses  uti  debere 
breviario  monastico  a  sa.  me.  Paulo  V  approbato,  retentis 
officio  proprio  cum  octava  S.  Bernardi ,  nec  non  officiis 
sanctorum  Ordinis  de  communi  prsedicti  breviarii  desumen- 
dis,  suprascriptas  lectiones  proprias  pro  sanctis  ipsius  Or- 
dinis diligenter  revisas  per  Eminentissimum  D.  Cardinalem 
Bonam  approbavit  et  imprimi  posse  concessit.  Hac  die 
12  augusti  1673.  » 


DANS  l'ORDBE  de  CITEAUX.  229 

En  outre,  le  cardinal  Gabrielli,  de  la  congrégation  des 
Feuillants  d'Italie,  ayant  obtenu  pour  sa  congrégation  un 
grand  nombre  d'offices  et  un  nouveau  calendrier  per- 
pétuel, la  Congrégation  des  Rites  étendit,  le  9  décembre 
1702,  la  concession  de  ces  offices  et  du  calendrier  à  tout 
l'Ordre  de  Cîteaux  :  «  Extendit  et  concedit  omnibus  et  sin- 
gulis  monachis  utriusque  sexus  totius  ordinis  Cisterciensis 
eamdem  prorsus  facultatem,  ut  supra,  celebrandi  omnia 
prœdicta  festa,  ac  recitandi  memorata  officia  propria  ac 
missas ,  atque  acceptandi  proprium  kalendarium  eodem 
prorsus  modo  quo  illa  supradictae  congregationi  S.  Bernardi 
concessa  fuerunt  in  supra  enarratis  decretis  hujus  Sacrae 
Congregationis.  »  Clément  IX,  par  son  bref  Alias  a  congre- 
gatione,  du  25  septembre  1710,  confirma  tous  ces  décrets. 
La  Congrégation  des  Rites  suppose  certainement,  dans  le 
décret  précité,  que  tout  l'Ordre  de  Cîteaux  se  servait  du 
Bréviaire  de  Paul  V,  dont  on  se  servait  en  Italie  ;  sans  cela 
elle  aurait  ajouté  à  sa  concession  la  faculté  d'adapter  ces 
offices  au  Bréviaire  de  Vaussin,  de  même  qu'en  étendant,  le 
23  juin  1703,  ces  offices  aux  religieuses  qui  se  servaient  du 
Bréviaire  romain,  elle  avait  expressément  accordé  la  faculté 
de  les  adapter  au  rit  de  ce  Bréviaire. 

De  tout  ce  que  nous  venons  de  dire,  il  résulte  clairement 
que  les  Cisterciens  sont  obligés  de  réciter  l'office  selon  le 
Bréviaire  de  Paul  V,  et  que  ceux  qui  ont  retenu  jusqu'ici 
celui  de  Claude  Vaussin  doivent  le  quitter  au  plus  tôt,  sous 
peine  de  ne  pas  satisfaire  à  leur  obligation.  Nous  osons  espé- 
rer qu'ils  imiteront  l'édifiant  exemple  qui  leur  a  été  donné 
pendant  ces  dernières  années  par  l'épiscopatetparle  clergé 
séculier  de  presque  toute  la  France. 

Avant  de  terminer  cet  article,  nous  ne  pouvons  nous  dis- 
penser d'ajouter  quelques  mots  par  rapport  aux  cérémonies, 
principalement  celles  qu'on  doit  observer  au  chœur,  et  qui 
sont  l'objet  propre  du  cérémonial. 


230  I.A    QUESTION    LlTLRGIQUt 

Tant  que  l'antique  liturgie  Cistercienne  subsistait  dans 
son  état  primitif,  on  observait  le  cérémonial  du  Liber  iisuum  ; 
mais  le  bouleversement  du  Bréviaire  et  du  Missel,  opéré  par 
Vaussin,  ne  permit  plus  de  s'en  tenir  à  ces  cérémonies,  qui 
n'étaient  pas  en  harmonie  avec  la  nouvelle  liturgie.  On  s'en 
aperçut  partout,  et  comme  le  réformateur  n'avait  pas  publié 
de  cérémonial,  on  se  permit,  dans  chaque  monastère,  de 
réformer  les  cérémonies  d'après  des  manières  de  voir  fort 
différentes.  De  là  une  confusion  à  laquelle  il  devint  indis- 
pensable de  remédier.  Plusieurs  tentèrent  de  rédiger  un 
nouveau  cérémonial  Cistercien.  Enfin,  le  chapitre  général  de 
1683  adopta  provisoirement  la  rédaction   d'un  moine  de 
l'abbaye  des  Dunes,  qui  fut  publiée  en  1689  par  Jean  Petit, 
abbé  de  Cîteaux,  sous  le  titre  de  Rituale  Cisterciense,  mais 
seulement  comme  essai.  En  1721,  l'abbé  Edmond  Perrot, 
successeur  de  Jean  Petit,  lui  donna  sa  forme  définitive,  et 
l'imposa  à  tout  l'Ordre.   Les  cérémonies,  telles  qu'on  les 
trouve  dans  ce  Rituel,  sont  un  mélange  confus  et  souvent 
incohérent  de  cérémonies  romaines,  cisterciennes  et  fran- 
çaises. Il  contient,  en  outre,  le  rit  pour  l'administration 
des  sacrements,  pour  les  bénédictions  et  autres  fonctions 
sacrées  qui  sont  du  ressort  du  Rituel  proprement  dit.  On  y 
trouve,  de  plus,  un  assez  grand  nombre  de  règlements  rela- 
tifs à  l'observance  régulière  et  à  l'administration  des  com- 
munautés. Quant  à  cette  dernière  espèce  d'ordonnances,  nous 
n'avons  point  à  nous  en  occuper  ici,  puisqu'elles  n'ont  point 
de  rapport  avec  la  liturgie,  et  que  le  chapitre  général  avait  le 
droit  incontestable  de  statuer  sur  ces  matières.  Pour  le  Céré- 
monial et  le  Rituel,  nous  nous  contenterons  de  citer  le  décret 
suivant  :  «  Rmus  D.  Tegrimius,  episcopus  Assisiensis,  hujus 
Sacrae  Rituum  Congregationis  secretarius,  exposuit  ad  aures 
ejus  pervenisse  plures  regularium  religiones  ad  eorum  hbi- 
tum  propria  authoritate  composuisse  Ceremonialia  et  Ri- 
tualia  de  directe  contraria  Ceremoniali  episcoporum  et  Ri- 


DANS    l'ordre    de   CITLAUX.  131 

tuali  Romano,  eosque  ausos  etiam  imprimi  facere  absque 
ulla  licenlia  hujus  Sacras  Gongregationis,  proponente  hoc 
modo  viam  aperiri  aliis  regularibus  idem  faciendi  :  et  Sacra 
Congregatio  mandavitsub  censm-is  notificari  omnibus  reli- 
gionum  superioribus,  ut  quam  primum  exhibeant  propria 
Cœremonialia  et  Ritualia  in  hac  Sacra  Congregatione  revi- 
denda  ab  Emo  Spinula  ad  effectum  referendi  in  plena  Con- 
gregatione. Die  22  novembris  1631.  » 

On  voit  par  ce  décret  que  la  composition,  par  autorité 
propre,  de  nouveaux  Cérémoniaux  et  Rituels,  est  illicite  au 
jugement  de  la  Sacrée  Congrégation.  Le  Rituel-Cérémonial 
de  l'abbé  Edmond  Perrot  n'ayant  jamais  eu  la  sanction  du 
Saint-Siège,  les  Cisterciens  doivent  se  servir  du  Rituel  ro- 
main de  Paul  V,  et  observer  au  chœur  les  cérémonies  telles 
qu'on  les  trouve  dans  le  Missel  romain,  le  Bréviaire  mo- 
nastique, le  Cérémonial  des  Évêques,  et  les  décrets  de  la 
Sacrée  Congrégation  des  Rites.  Toutes  celles  qui  ne  sont 
pas  puisées  à  ces  sources  authentiques  sont  sans  autorité, 
surtout  si  elles  sont  contraire's  à  celles  qu'on  y  trouve  :  on 
ne  peut,  dans  ce  dernier  cas,  s'y  conformer  que  pour  autant 
qu'elles  auraient  été  expressément  approuvées  par  l'autorité 
du  Sa-int-Siége. 

E.  F. 


EXAMEN 


DE    QUELQUES    ERREURS    CONTEMPORAINES 


SUR  LE  SURNATUREL. 


M.  Guizot  vient  de  répéter  dans  la  Revue  des  Deux-Mondes 
et  dans  un  nouvel  ouvrage  religieux  quelques  erreurs  qui 
déparaient  déjà  l'opuscule  publié  en  1861  sous  le  titre  de 
Y  Eglise  et  la  Société  chrétiennes.  l\  nous  paraît  donc  opportun 
de  publier  de  notre  côté  quelques  observations  écrites  lors 
de  l'apparition  de  ce  dernier  ouvrage  et  que  nous  avions 
gardées  dans  nos  cartons.  Ceci  ne  nous  empêchera  pas  de 
soumettre  à  un  examen  spécial  la  rédaction  nouvelle  que 
l'illustre  écrivain  nous  donne  de  ces  mêmes  erreurs. 


I. 


«  C'est  sur  une  foi  naturelle  au  surnaturel,  sur  un 
«  instinct  inné  du  surnaturel  que  toute  religion  se 
«  fonde  (1).  » 

Un  protestant  quia  consacré  une  partie  de  sa  vie  à  l'étude 
de  l'histoire,  et  l'autre  au  maniement  des  affaires  politi- 
ques, est  excusable  de  ne  pas  bien  connaître  la  théologie 
et  de  n'avoir  pas  une  idée  précise  de  ce  que  l'on  entend 
par  le  surnaturel. 

(1)  Guizot,  l'Église  et  lu  société  chrétiennes,  186!,  p.  20. 


SUR  LE  SURNATUREL.  233 

Combien  s'imaginent  en  effet  que  le  surnaturel  c'est  tout 
simplement  Dieul  Tel  est  ici  le  sens  de  M.  Guizot,  il  le 
déclare  lui-même  un  peu  plus  loin  :  «  Le  Dieu  qui  est  par 
«  delà  tous  les  cieux,  dit-il,  ce  n'est  pas  la  nature  per- 
«  sonnifiée,  c'est  le  surnaturel  en  personne  (1).  » 

La  vérité  est  toutefois  que  rien  de  plus  naturel  que  Dieu, 
et  qu'il  serait  tout  aussi  exact  de  dire  de  lui  qu'il  est  le 
naturel  en  personne. 

On  ne  peut  pas  dire,  il  est  vrai,  que  Dieu  soit  la  nature 
personnifiée.  D'abord,  parce  que  Dieu  étant  éternel  n'a  ja- 
mais pu  être  personnifié  y  ce  qui  supposerait  que  Dieu  aurait 
commencé  par  exister  sans  avoir  de  personnalité,  et  puis 
qu'il  serait  devenu  une  personne. 

Ensuite,  parce  que  dire  de  Dieu  qu'il  est  la  nature  per- 
sonnifiée serait  donner  à  entendre  que  l'être  divin  n'est 
pas  autre  chose  que  l'ensemble  des  êtres,  en  un  mot  la 
nature  devenue  une  personne.  Ce  serait  le  panthéisme. 

Dieu  donc  n'est  pas  la  nature  personnifiée.  Mais  il  n'est 
pas  non  plus  le  surnaturel  en  personne. 

Dieu  est  à  la  fois  naturel  et  surnaturel.  Naturel  non- 
seulement  dans  ce  sens  qu'il  possède  sa  nature,  son  exis- 
tence, son  être  a  lui  ^  —  sous  ce  rapport  Dieu  ne  serait 
que  naturel,  et  alors  le  mot  naturel  ne  devrait  pas  être  op- 
posé au  moi  surnaturel:^  car  en  Dieu  et  pour  Dieu  tout  est 
naturel.  Il  n'est  rien,  dis-je,  dans  la  nature  divine  qui,  pour 
Dieu  même,  ne  soit  naturel  ^  en  d'autres  termes,  il  n'est 
rien  de  surnaturel  pour  Dieu,  ni  dans  les  êtres  distincts  de 
lui-même  :  tous  lui  sont  inférieurs,  ni  dans  son  être  propre, 
dans  sa  nature  :  elle  ne  lui  est  pas  supérieure,  et  loin  de 
lui  être  surnaturelle,  elle  est  pour  lui  précisément  et  essen- 
tiellement et  infiniment  naturelle. 

Donc,  par  rapport  k  lui-même,  Dieu  est  naturel. 

(l)  Id.  ib.,  p.  21. 


234   EXAMEN  DE  QUELQUES  ERREURS  CONTEMPORAINES 

Mais  il  y  a  plus.  Dieu  est  naturel,  même  par  rapport  à 
nous.  Sans  doute  Dieu  est  au-dessus  de  nous,  et  sa  nature 
est  infiniment  supérieure  a  la  nôtre  ^  mais  il  n'est  pas  hors 
de  la  capacité  de  notre  nature. 

Par  l'intelligence,  j'ai  l'idée  de  l'infini -,  par  la  volonté, 
j'ai  le  désir  de  l'infini.  Je  connais  l'infini,  je  veux  l'infini. 
Je  connais  Dieu,  je  veux  Dieu.  Cette  connaissance  et  cet 
amour  me  sont  tout-a-fait  naturels  -,  car  pour  peu  que  je 
veuille  bien  user  de  la  puissance  naturelle  que  j'ai  de  con- 
naître, j'arrive  nécessairement  a  conclure  que  Dieu  existe 
et  qu'il  est  le  bien  souverain. 

Enfin,  Dieu  est  le  principe,  la  cause,  l'auteur,  le  terme, 
la  fin  de  ma  nalurC;,  et  de  tout  l'ordre  naturel  :  et  aiosi 
Dieu  est  dans  l'ordre  naturel  comme  auteur  et  principe.  Il 
n'est  donc  pas  seulement  le  surnaturel  en  personne^  il  est 
aussi  le  naturel  en  personne. 

A  quel  point  de  vue  Dieu  est-i!  donc  surnaturel?  Tl  l'est 
en  ce  sens  que  s'il  est  en  Dieu  quelque  chose  que  je  ne  puis 
naturellement  connaître  et  vouloir-,  que  si  je  puis  et  dois, 
par  ma  seule  raison  naturelle,  reconnaître  l'existence  de 
Dieu,  et  l'infinité  de  ses  perfections,  il  y  a  aussi  en  Dieu 
tout  un  ordre  de  choses  que  je  ne  puis  pas  même  soupçonner, 
si  lui-même  ne  le  révèle.  Telle  est,  par  exemple,  la  Trinité 
des  personnes  dans  l'unité  de  l'essence  divine. 

Ainsi,  Dieu  principe  et  auteur  des  êtres  créés,  ou  Dieu 
a  la  portée  de  mon  intelligence:  voilà  le  Dieu  naturel. 

Dieu  principe  du  Fils  et  de  l' Esprit-Saint,  Dieu  Père, 
Fils  et  Saint-Esprit,  un  Dieu  en  trois  personnes  :  voila  le 
Dieu  surnaturel,  ou  le  surnaturel,  non  pas  en  personne^  mais 
en  trois  personnes^  ou  enfin,  voila  Dieu  hors  de  la  portée 
naturelle  de  mon  intelligence. 

Ceci  expliqué,  je  dis  1°  qu'il  n'y  a  pas  de  «  foi  naturelle 
au  surnaturel  » . 

La  foi  est  l'assentiment  de  la  raison  au  témoignage  d'un 


SUR    LE    SURNATUREL.  235 

autre  a  cause  de  sa  véracilé  reconnue,  mais  non  à  cause 
(Je  l'évidence  de  la  proposition  affirmée. 

La  foi  est  naturelle,  quand  elle  se  fonde  sur  la  nature 
même.  Ainsi  c'est  sur  la  foi  naturelle  que  se  fonde  l'his- 
toire, et  en  général  toute  créance  au  témoignage  humain. 
Je  crois  à  l'existence  de  César,  parce  que,  avec  le  seul  se- 
cours de  ma  raison  naturelle,  je  puis  vérifier  la  véracité, 
également  naturelle,  du  témoignage  des  hommes  qui  me 
transmettent  ce  fait. 

Mais  le  surnaturel  n'étant  pas  moins  au-dessus  de  la  ca- 
pacité naturelle  de  tous  les  autres  hommes  que  supérieur  h 
la  mienne,  il  ne  peut  pas  plus  y  avoir  foi  naturelle  au  sur- 
naturel que  science  naturelle  de  ce  même  surnaturel. 

En  d'autres  termes,  j'ai  deux  manières  de  connaître  : 
par  moi-même,  oa  par  autrui.  Ce  que  je  sais  par  moi-même, 
je  le  perçois  par  l'idée,  le  jugement,  le  raisonnement  na- 
turels. Ce  que  je  sais  par  autrui,  je  l'apprends  par  une  foi 
naturelle  au  témoignage  des  autres. 

Mais  le  surnaturel  ne  pouvant  être  connu  naturellement 
par  aucun  être  créé,  je  ne  puis  pas  plus  le  savoir  par  une 
autre  créature  intelligente  que  par  moi-même,  pas  plus  par 
la  foi  naturelle  que  par  l'évidence  naturelle. 

Je  dis  2°  qu'il  n'existe  pas  en  nous  «  d'instinct  inné  du 
surnaturel  ». 

L'éminent  publiciste  sans  doute  prend  ici  l'instinct  pour 
ce  mouvement  spontané,  cet  élan  naturel  de  la  volonté 
vers  l'infini.  Mais  l'infini  n'est  pas  pour  nous  le  surnaturel, 
et  cela  précisément  parce  que  nous  sommes  faits,  nous 
sommes  nés  pour  l'infini. 

Du  moment  que  cet  «  instinct  »  qui  nous  porte  vers 
Dieu  est  «  inné  »  en  nous,  son  objet  ne  sort  pas  de  la 
sphère  de  notre  portée  naturelle. 

Le  surnaturel  est  ce  qui  ne  nous  est  pas  dû,  ce  que  notre 
nature  n'exige  pas,  ce  dont  elle  aurait  pu  se  passer  si  Dieu 


236   EXAMEN  DE  QUELQUES  ERREURS  CONTEMPORAINES 

n'eût  daigné  l'élever  plus  haut.  Ces  deux  termes,  inné  et 
surnaturel,  se  contredisent.  Il  ne  peut  y  avoir  en  nous«  un 
instinct  inné  du  surnaturel,  »  et  le  surnaturel  ne  peut  être 
l'objet  de  nos  instincts  innés,  même  les  plus  sublimes  et 
les  plus  purs. 

II. 

Il  est  donc  pareillement  inexact  de  dire  que  «  sans  la 
«  foi  instinctive  des  hommes  au  surnaturel,  sans  leur  élan 
«  spontané  et  invincible  vers  le  surnaturel  la  religion  ne 
«  serait  pas  (1).  » 

Cette  assertion  contient  deux  graves  erreurs. 

La  première  est  dans  cette  foi  instinctive  au  surnaturel. 
L'instinct  dont  il  s'agit  ici  est  un  élan  naturel,  inné  a 
l'homme  ^  or,  la  foi  au  surnaturel  est  entièrement  et  de  tout 
point  surnaturelle,  non-seulement  dans  son  terme  et  son 
objet,  mais  dans  son  principe  et  son  motif  (2). 

Il  faut  en  dire  autant  de  cet  élan  spontané  et  invincible 
vers  le  surnaturel. 

Bien  loin  d'être  spontané  et  invincible,  cet  élan  vers  le 
surnaturel  est  impossible  à  l'homme,  sans  une  impulsion  et 
une  infusion  toute  gratuite  et  toute  surnaturelle  de  la  part 
de  Dieu. 

La  seconde  erreur  est  dans  cette  négation  absolue  de 
toute  religion  sans  la  foi  instinctive  au  surnaturel  et  sans 
l'élan  spontané  et  invincible  vers  le  surnaturel. 

On  oublie  que  la  religion  existerait  dans  le  cas  mêraeoii 
Dieu  n'eût  pas  daigné  nous  élever  a  un  ordre  supérieur. 
Nous  renvoyons  encore  a  notre  Triomphe  de  la  Foi  ceux  qui 
désireraient  une  explication  de  cette  incontestable  vérité. 


(1)  Id.,  ibid.,  p.  21. 

(2)  Nous  avons  expliqué  cette  doctrine  dans  l'ouvrage  intitulé  Triomphe 
de  la  Foi,  pag.  19,  §  12.  Nous  y  renvoyons  le  lecteur  qui  ne  trouve- 
rait pas  assez  complètes  l-^s  uolions  que  nous  rappelons  ici. 


SUR  LE    SURNATUREL.  237 

m. 

Puis  vient  un  admirable  passage  (1)  sur  la  prière,  où  la 
raisons'unità  l'éloquence  pour  démontrer  combienl' homme 
est  naturellement  religieux,  et  combien  la  religion  est  na- 
turelle et  nécessaire  à  l'homme.  Mais  dans  le  cours  de  cette 
belle  et  touchante  exposition,  il  n'y  a  pas  un  mot  qui  prouve 
Vinsiinct,  l'élan,  la  foi  au  surnaturel.  Dieu  n'y  est  présenté 
que  comme  créateur,  nullement  comme  révélateur. 

Il  y  a  plus,  si  le  philosophe,  si  le  sage  a  écrit  cette  page 
sur  la  prière,  c'est  le  protestant  qui  la  conclut.  M.  Guizot 
termine  en  'se  demandant  si  Dieu  exaucera  ceux  qui  l'im- 
plorent. Ce  doute  seul  renverse  et  annulle  tout  ce  qui  pré- 
cède. A  quoi  bon  prier  ?  Je  ne  sais  pas  si  Dieu  m'exaucera. 
«  Ici  est  le  mystère,  l'impénétrable  mystère  des  desseins 
«  et  de  l'acdon  de  Dieu  sur  chacun  de  nous  (2) .  » 

Si  l'on  disait  simplement  que  nous  ne  savons  pas  co/wmew< 
Dieu  nous  exaucera,  ni  ce  qu'il  accordera,  j'avouerais 
qu'm'  est  le  mystère,  mais  telle  n'est  pas  la  question  que  se 
pose  l'illustre  écrivain. 

Les  exancera-t-il  ?  (Dieu  exaucera-t-il  ceux  qui  l'implo- 
rent?) Quelle  est  Inefficacité  extérieure  et  définitive  de  la 
prière  ?  Ici  est  le  mystère. 

Non,  ce  n'est  pas  ici  qu'est  le  mystère.  La  raison  seule 
qui  commande  a  la  créature  d'implorer  son  Créateur,  et  sur- 
tout la  révélation,  la  parole  expresse  et  formelle  de  Jésus- 
Christ,  la  Bible,  le  saint  Évangile,  affirment  de  manière  à 
ne  jamais  permettre  le  moindre  doute,  que  Dieu  exauce 
toujours  celui  qui  l'implore  convenablement-,  que  la  prière 
a  une  efficacité  certaine,  définitive.  Il  n'y  a  que  le  mode  de 


(1)  Id.,  ibid.,  ch.  lY.  Du  Surnaturel. 

(2)  Id.,  ibid.,  pag.  28, 


238   EXAMEN  DE  QUELQUES  ERKEURS  CONTEMPORAINES 

celle  efficacilé,  ou  la  nature  de  l'effel  oblenu  par  une  prière 
bien  faite,  qui  demeure  un  mystère  impénétrable.  Malheu- 
reusement, si  le  protestantisme  n'a  pas  rejeté  le  dogme  de 
la  prière,  il  l'a  du  moins  singulièrement  altéré,  et  M.  Guizot 
a  peine  à  se  défaire  entièrement  des  préjugés  de  sa  pre- 
mière éducation  religieuse. 


IV. 


«  A  parler  exactement,  il  n'y  a  point  de  religion  natu- 
relle \  car,  dès  que  vous  abolissez  le  surnaturel,  la  religion 
aussi  disparaît  (1).  » 

«  A  parler  exactement,  il  n'y  a  point  de  religion  natu- 
relle. »  —  Assertion  vraie,  dans  ce  sens  que  Dieu,  dès 
l'instant  de  la  création,  ayant  élevé  le  premier  homme  a  un 
ordre  supérieur,  il  n'y  a  pas  et  il  n'y  a  jamais  eu  pour  le 
genre  humain  de  religion  purement  naturelle.  Car  tous  nous 
naissons  avec  la  vocation  a  un  ordre  supérieur. 

Mais,  dans  le  sens  de  l'auteur,  l'assertion  est  inexacte. 
Car  supposé  que  Dieu  n'eût  pas  élevé  l'homme  à  l'état  sur- 
naturel, il  y  aurait  eu  une  religion,  un  rapport  naturel  de 
l'homme  à  Dieu,  une  obligation  naturelle  de  reconnaître  et 
d'aimer  Dieu  comme  créateur,  par  une  connaissance  et  un 
amour  naturels  (2). 


Enfin,  après  avoir  merveilleusement  réfuté  l'hypothèse 
absurde  de  la  génération  spontanée  de  l'homme  ^3  ,  l'au- 
teur revient  encore  à  cette  notion  erronée  du  surnaturel. 

(1)  Id.,  ibid.,  pag.  25. 

(2)  EnoorL'  un  coup,  nous  ne  pouvons  pas  ici  développer  celte  vérité, 
et  nous  renvoyons  ceux  qui  eu  désireraient  la  démonstration,  aux  pre- 
mières pages  de  notre  Triomphe  sur  la  Foi. 

(3)  Id.,  tbuL,  fln  du  ch.  iv  sur  le  Surnalurel. 


SUR  LE   SURNATUREL.  239 

«  Le  fait  surnaturel  de  la  création  explique  seul  la  pre- 
«  mière  apparition  de  l'homme  ici-bas  (1).   » 

Répétons-le  encore,  la  création  n'est  pas  un  fait  surna- 
turel; c'est  le  premier  fait,  le  premier  fondement  de  l'ordre 
naturel.  Dieu  n'est  pas  surnaturel  comme  créateur.  Comme 
tel,  il  est  le  principe  de  la  nature  créée.  C'est  en  tant  que 
un  en  trois  personnes  et  comme  révélateur  que  Dieu  est 

surnaturel. 

VI. 

«  Ceux-là  donc  qui  nient  et  abolissent  le  surnaturel,  abo- 
«  lissent  du  même  coup  toute  religion  réelle  (2).  » 

Toujours  la  même  conclusion  d'un  principe  erroné. 
Rèpétons-le  donc  toujours  :  Niez,  abolissez  le  surnaturel, 
resterait  encore  toute  la  religion  naturelle,  c'est-à-dire, 
pour  l'homme  l'obligation  très-réelle  de  reconnaître,  d'aimer 
et  de  servir  Dieu,  créateur,  auteur  et  principe  de  la  nature 
et  de  tout  ordre  naturel. 

VII. 

«  Ils  sont  contraints  (ceux 'qui  nient  le  surnaturel)  de 
«  s'arrêter  devant  le  berceau  surnaturel  de  l'humanité, 
«  impuissants  à  en  faire  sortir  l'homme  sans  la  main  de 
«  Dieu  (3).  » 

Il  est  très-vrai  que  l'homme  n'a  pu  sortir  du  néant  sans 
la  main  de  Dieu,  mais  son  berceau  n'en  est  pas  moins  très- 
naturel. 

Mais  c'est  trop  insister  sur  une  vérité  dont  nous  avons 
suffisamment  rappelé  les  éléments.  Qu'il  nous  soit  seule- 
ment permis,  avant  de  déposer  la  plume,  d'exprimer  com- 
bien nous  regrettons  de  rencontrer  des  erreurs  si  graves 
dans  un  écrit  qui  paraît  inspiré  par  les  intentions  les  plus 
honorables  I  Marin  de  Boylesve,  S.  J. 

(1)  Id.,  ibid.,  pag.  29. 

(2)  Id.,  ibid.,  pag.  29. 

(3)  Id.,  ibid.,  pag.  29. 


ÉTUDE  SUR  LA  LÉGISLATION  MOSAÏQUE. 


Quatrième  article. 


Après  les  questions  que  nous  avons  traitées  par  rap- 
port à  une  législation  en  général  et  à  la  législation 
mosaïque  en  particulier  ^  après  avoir  fait  connaître  les 
institutions  cérémonielles  qui  ont  précédé  historiquement 
les  institutions  mosaïques,  et  le  rapport  qui  pouvait  exister 
entre  les  formes  sensibles  du  culte  mosaïque  et  les  formes 
sensibles  des  cultes  païens,  il  importe  d'exposer  l'état  du 
peuple  Juif  au  moment  où  il  reçut  ses  lois  de  Moïse,  de 
tracer  un  rapide  tableau  de  l'éducation  et  de  la  mission  de 
ce  législateur,  et  enfin  de  chercher  dans  le  Décalogue,  ou 
les  dix  paroles^  les  fondements  réels  de  toute  la  législation 
à  laquelle  il  sert  de  base.  C'est  ce  que  nous  allons  faire 
avec  ordre  dans  le  présent  article. 

Le  peuple  Juif  était  entré  en  Egypte  sous  les  auspices 
les  plus  favorables.  Joseph,  dont  l'histoire  a  charmé  notre 
enfance,  lui  avait  préparé  une  terre,  et  la  gloire  du  mi- 
nistre de  Pharaon  semblait  devoir  suffire  à  lui  assurer  à 
jamais  la  faveur  du  roi  et  du  peuple.  Mais  l'oubli  couvrit 
de  ses  ombres  la  mémoire  du  prolecteur  des  Hébreux,  et  la 
terre  classique  des  souvenirs  perdit  celui  d'un  de  ses  plus 
insignes  bienfaiteurs.  Cependant  le  peuple  hébreu  se  multi- 
pliait, et  le  nouveau  roi,  qui  ne  connaissait  pas  Joseph,  dit 
l'Exode  (ch.  i,  v.  5),  prit  ombrage  de  cet  accroissement. 


ÉTUDE    SUR    LA   LÉGISLATION   MOSAÏQUE.  2/ii 

Alors  il  chercha  a  peser  sur  cette  nation  infortunée  par  les 
lois  (le  la  proscription  la  plus  odieuse  et  de  la  servitude  la 
plus  insupportable.  Mais  comme  la  fortune  de  Joseph  avait 
aidé  ses  frères  à  maintenir  leur  unité  nationale,  religieuse 
et  morale,  ainsi  l'oppression  du  nouveau  Pharaon  éleva  un 
mur  de  séparation  entre  les  Hébreux  et  leurs  impitoyables 
maîtres.  La  tyrannie  qui  pesa  sur  eux  les  attacha  a  leurs 
dogmes,  à  leurs  institutions,  a  leur  nationalité-,  les  en- 
fants d'Abraham,  qui  portaient  sur  leurs  corps  le  signe 
de  l'alliance  du  Tout-Puissant  avec  leur  père,  crurent  plus 
que  jamais  à  l'intervention  divine  pour  la  cessation  de  leurs 
maux  et  pour  leur  délivrance.  L'ordre  donné  de  tuer  leurs 
premiers-nés  mâles  contredisait  trop  manifestement  le 
serment  du  Seigneur  à  Abraham,  pour  que  le  peuple  ne  vît 
pas  que  l'heure  de  l'affranchissement  allait  sonner  pour 
lui.  Il  n'est  dès  lors  plus  étonnant  qu'il  se  soit  levé  en 
masse  à  la  voix  de  Moïse,  surtout  après  les  miracles  qui 
attestaient  sa  mission,  en  même  temps  qu'ils  révélaient 
la  volonté  divine  dans  une  manifestation  parfaitement 
analogue  à  celles  qui  avaient  précédé.  Moïse  sauvé  des 
eaux  était  un  nouvel  Isaac  :  Moïse  en  rapport  personnel 
avec  Dieu,  c'était  Abraham  recevant  du  Seigneur  lui-même 
ses  ordres  et  ses  promesses  :  Moïse  thaumaturge,  con- 
fondant la  puissance  des  magiciens  et  des  devins,  c'était 
Joseph,  méritant  par  sa  sagesse  l'élévation  qu'il  reçut  : 
enfin  l'annonce  de  la  sortie  d'Egypte,  c'était  un  commen- 
cement de  réalisation  pour  |la  prophétie  qui  promettait  le 
retour  des  fils  de  Jacob  au  pays  de  leur  père. 

Nous  passerions  rapidement  sur  ces  faits,  qu'il  suffit 
d'énoncer  pour  être  compris,  si  nous  ne  nous  trouvions  en- 
core ici  en  présence  des  misérables  théories  de  M.  Salvador. 
Cet  auteur  a  soin  de  mettre  en  relief  le  caractère  ardent  de 
Moïse  et  l'indépendance  naturelle  de  son  caractère.  Puis,  il 
nous  représente   le   pasteur  de  Jéthro  «  promenant  sa 

Revue  df.s  Sciences  ecclés.,  t.  x. —  septembre  18Gi.  17 


•2/|2  ÉTUDE    SUR    LA   LÉGISLATION    MOSAÏQUE. 

science  et  ses  méditations  tantôt  dans  les  vallées  du  Sinaï 
et  d'Horeb,  tantôt  sur  les  bords  de  cette  mer  Rouge  dont  il 
observait  chaque  jour  les  mouvements,  et  qui  lui  offiit  dans 
la  suite  une  voie  si  merveilleuse  de  salut  pour  tout  le 
peuple.  La  solitude,  la  contemplation  continuelle  de  la  na- 
ture et  l'élévation  de  sa  pensée  vers  le  Dieu  infini  dont  le 
nom  par  excellence  lui  fut  dévoilé  en  ces  lieux  mêmes, 
tout  concourut  a  porter  au  plus  haut  degré  son  enthou- 
siasme ;  tout  concourut  a  le  jeter  dans  de  fréquentes  extases, 
à  imprimer  dans  son  imagination  la  teinte  poétique  qui  se 
réfléchit  sur  toute  sa  vie  (1) .»  Évidemment, dirait  M.Renan, 
le  désert  de  Madian  ne  se  doutait  pas  que  sous  le  front  de 
ce  pacifique  promeneur  s'agitaient  les  destinées  de  tout  un 
peuple  (2).  «  Alors,  continue  M.  Salvador,  Moïse  se  pro- 
posa non-seulement  de  rendre  la  liberté  a  ses  frères,  mais 
de  former  un  peuple  destiné  a  réaliser  les  principales  vues 
de  l'école  morale  déjà  fondée  par  ses  aïeux,  un  peuple  qui 
fût  en  état  de  devenir  l'étonnement,  la  lumière  et  comme 
le  type  des  nations.  »  M.  Salvador  ne  pouvait  mieux  faire 
que  de  citer  à  côté  de  ces  conceptions  ingénieuses  le  mot 
de  Mahomet  dans  le  Coran  :  Moïse  a  dit  en  voyant  le 
buisson  :  «  Yoila  le  feu  sacré  !  peut-être  en  emporterai-je 
une  étincelle  qui  servira  a  me  conduire.  »  Mahomet  est 
«  un  génie  brillant  »  aux  yeux  de  notre  critique  -,  peut-être 
M.  Salvador  a-t-il  voulu  lui  ravir  une  étincelle  de  son 
génie.  Quoi  qu'il  en  soit,  la  sortie  d'Egypte  est  aux  yeux 
de  M.  Salvador  un  fait  purement  naturel.  Moïse  avait  pré- 
paré les  anciens  du  peuple,  leur  avait  promis  la  liberté, 
avait  répondu  à  leurs  objections  et  préparé  la  confiance. 
Comme  la  servitude  les  avait  énervés,  comme  ils  avaient 
mêlé  à  la  foi  de  leurs  aïeux  la  plupart  des  superstitions 


(1)  Institutions  de  Mohe,  prélimiuaires,  p.  35. 

(2)  Vie  de  Jésus,  p.    14  4. 


ÉTUDE    SUR   LA    LÉGISLATION    MOSAÏQUE.  2^3 

égyptiennes,  il  fallait  offrir  à  leur  esprit  un  appât  puissant  : 
ainsi  fit  Moïse  en  leur  promettant  la  possession  de  la  terre 
heureuse  où  couleraient  un  jour  des  ruisseaux  de  lait  et  de 
miel.  «  La  grande  âme  du  législateur  est,  d'après  Jean^ 
Jacques,  le  vrai  mii-acle  qui  doit  prouver  sa  mission.  » 
Moïse  n'en  lit  pas  d'autres.  L'apparition  successive  des 
fléaux  les  plus  redoutes  dans  ces  climats,  la  nature  même 
des  prodiges  opérés  par  les  mages  égyptiens,  dont  des 
hommes  aussi  clairvoyants  que  Moïse  et  Aaron  surprirent 
facilement  les  secrets,  la  rapidité  avec  laquelle  les  ordres 
de  Moïse  étaient  communiqués  à  ses  frères  par  leurs  an- 
ciens, enfin  d'autres  accidents  sur  lesquels  on  n'a  pas 
l'entière  certitude  de  bien  comprendre  la  pensée  de 
l'historien,  ici  à  cause  du  laconisme  et  de  l'hyperbole  du 
langage,  la  en  raison  même  de  quelques-unes  des  sur- 
charges dont  l'existence  a  été  signalée  d'une  manière  géné- 
rale dans  le  Pentateuque,  tels  furent  à  peu  près  les  moyens 
dont  Moïse  se  servit  pour  soulever  les  Hébreux,  les  armer 
et  les  faire  sortir  triomphalement  de  la  terre  de  l'op- 
pression et  du  malheur.  «  Prenons  garde  d'ailleurs  que 
dans  le  style  hébraïque,  tout  ce  qui  se  rattache  a  l'huma- 
nité vient  de  l'éternel  :  tous  les  faits  vrais  ou  nécessaires 
dérivent  de  lui.  Il  produit  l'enthousiasme  du  grand  homme 
et  le  vertige  du  despote,  la  force  et  la  faiblesse  de  cœur.  » 
Parmi  les  faits  nécessaires,  attribués  à  Dieu  dans  le  docu- 
ment sacré,  M.  Salvador  place  la  dixième  plaie.  C'est  évi- 
demment, aux  yeux  du  critique,  une  conspiration  ourdie 
par  les  Hébreux,  une  Saint-Barthélémy,  que  la  mort  des 
premiers-nés  de  l'Egypte.  Ce  passage  est  trop  grave  pour 
que  nous  ne  le  reproduisions  pas  tout  entier  :  «  Mais 
quelles  que  fussent  la  force  et  la  prudence  des  mesures 
adoptées  pour  la  retraite  des  Hébreux,  leur  chef  céda  à  cette 
conviction  que  le  succès  en  resterait  incertain,  si  une  stu- 
peur profonde  n'était  définitivement  provoquée  en  Egypte. 


2hh  ÉTUDE    SUR   LA    LÉGISLATION   MOSAÏQUE. 

Quel  exemple  de  représailles  plus  terrible  que  cette  dixième 
plaie!  Une  nuit,  l'ange  de  la  mort  atteignit  les  premiers-nés 
de  l'Egypte,  jusqu'à  l'héritier  du  roi  :  on  aurait  pu  croire 
à  un  apaisement  offert  par  la  loi  du  talion  aux  mânes  des 
enfants  Hébreux  si  longtemps  et  si  froidement  immolés! 
Qui  saurait  dire  comment  les  choses  se  passèrent?  mais  un 
cri  affreux  retentit  au  loin  :  «  Sortez,  sortez!  »  et  les 
Hébreux  quittèrent  soudainement  leurs  demeures  dans  les 
premiers  jours  du  printemps,  armés,  organisés,  ayant  sur 
leurs  épaules  leurs  sacs  avec  des  vêtements  et  des  vivres, 
et  précédés  par  les  bestiaux  et  les  bagages  (1) .  » 

Les  beaux  projets  que  M.  Salvador  fait  former  au  pasteur 
madianite,  sont  en  contradiction  flagrante  avec  la  conduite 
que  Moïse  tint  au  moment  oii  Dieu  lui  ordonna  d'aller 
sauver  son  peuple.  Outre  que  rien  dans  son  éducation  ne 
pouvait  le  porter  a  concevoir  de  sa  mission  une  pareille 
idée,  Moïse  n'eût  été  qu'un  menteur  éhonté  s'il  eût  écrit, 
dans  l'hypothèse  de  M.  Salvador,  le  récit  de  l'Exode.  D'ail- 
leurs la  révélation  du  buisson  ardent  montre  a  Moïse  un 
être  personnel  et  tout-puissant,  un  être  dont  la  sagesse 
prévoit  et  dirige  les  actions  des  hommes.  Dieu  s'appelle 
Jéhovah  :  Je  suis  celui  qui  suis,  et  il  déclare  qu'il  ne  s'est 
pas  encore  manifesté  sous  ce  nom,  bien  qu'il  veuille  être 
appelé  en  même  temps  le  Dieu  d'Abraham,  d'Isaac  et  de 
Jacob.  C'eût  été  trop  même  pour  un  brillant  génie  d'in- 
venter toutes  ces  choses  :  la  chaleur  de  l'enthousiasme  ne 
pouvait  produire  des  conceptions  aussi  nettes  et  aussi  ma- 
nifestement confirmées  par  les  faits.  Car  il  ne  convient  pas 
de  séparer  la  révélation  du  buisson  ardent  de  la  chaîne  des 
événements  dont  elle  forme  comme  le  premier  anneau.  C'est 
de  là  que  vient  la  mission  de  Moïse,  et  dans  toute  la  ma- 
nière dont  il  l'a  remplie,  on  voit  qu'elle  ne  pouvait  venir 

(1)  Loc.  cit.  La  Délivrance,  p.  47. 


ÉTUDE    8UU    LA    LÉGISLATION    MOSAÏQUE.  2Z|5 

(l'une  exaltation  humaine  :  il  la  faut  rattacher  à  une  vo- 
lonté supérieure,  maîtresse  du  monde  et  capable  de  pro- 
duire des  faits  devant  lesquels  la  puissance  humaine  et  la 
puissance  des  démons  n'est  qu'impuissance  et  que  faiblesse. 
Ceci  nous  amène  à  parler  des  miracles  qui  accompagnèrent 
la  sortie  d'Egypte. 

On  ne  peut  nier  que  les  faits  rapportés  a  propos  de  la 
sortie  d'Egypte  n'aient  été  de  vrais  miracles,  c'est-à-dire 
des  faits  surpassant  le  pouvoir  humain,  et  produits  par  une 
force  intelligente  et  surnaturelle.  Ces  faits  s'opèrent  à  la 
parole  de  l'homme,  et  la  parole  de  l'homme  n'a  jamais  pu 
engendrer  spontanément  et  par  elle-même  des  armées  de 
sauterelles  et  de  grenouilles.  Parmi  les  miracles  opérés  a  la 
voix  de  Moïse  il  en  est  qui  sont  imités  par  les  chiroman- 
ciens et  les  magiciens  de  la  cour  :  imités,  disons-nous,  car 
dans  cette  lutte  c'est  Moïse  et  Aaron  qui  ont  la  priorité, 
ce  sont  eux  qui  commencent.  M.  Salvador  nous  donne  ces 
deux  hommes  comme  des  imitateurs  clairvoyants  des  ma- 
giciens d'Egypte.  S'il  y  a  eu  des  imitateurs  (et  il  y  en  a  eu 
en  effet) ,  ce  sont  ces  derniers  qui  l'ont  été.  Le  texte  biblique 
reconnaît,  en  effet,  a  côté  de  la  puissance  divine  qui  éclate 
en  Moïse,  la  puissance  des  démons  se  mettant  au  service 
des  prestidigitateurs  du  roi,  et  le  merveilleux,  par  le  fait, 
est  aussi  bien  d'un  côté  que  de  l'autre.  Mais  il  arrive  un 
moment  où  la  lutte-polémique  cesse,  parce  que  Dieu  a  en- 
chaîné son  ennemi  vaincu.  Il  lui  a  permis  quelques  pro- 
diges aûn  de  faire  éclater  plus  visiblement  sa  toute-puis- 
sance, et  de  punir,  en  favorisant  l'endurcissement  de  leur 
cœur,  des  nations  qui  se  livraient  aux  sottes  superstitions 
du  paganisme.  C'est  l'auteur  du  livre  de  la  Sagesse  qui  nous 
le  fait  entendre  lorsque,  parlant  des  miracles  d'Egypte, 
il  dit  .  «  Tu  as  envoyé  contre  eux  une  multitude  d'animaux 
muets,  car  par  où  chacun  pèche  il  est  puni  »  (xi,  46,  17). 

Que  penser  maintenant  de  la  prétendue  surprise  que 


246  ÉTUDE    SUR    LA   LÉGISLATION    MOSAÏQUE. 

Moïse  exerça  sur  les  vieillards  d'Israël,  d'après  M.  Salvador  ? 
Les  vieillards  ont  chez  tous  les  peuples  représenté  la  sa- 
gesse de  la  nation.  Le  jeune  téméraire  qui  cherche  a  les 
exploiter  n'obtient  d'ordinaire  que  le  noépris,  et  ils  savent 
lui  faire  sentir  les  dures  et  graves  leçons  qu'une  longue 
expérience  leur  a  appris  à  formuler.  Mais  qu'importent  ces 
données  générales  lorsque  les  besoins  d'une  thèse  exigent 
qu'on  dise  le  contraire  ?  On  transformera  les  sages  d'Israël 
en  enthousiastes  forcenés  :  on  ira  contre  le  sens  commun. 
C'est  un  sens  rare  :  on  peut  le  heurter  sans  compromettre 
l'écoulement  rapide  de  plusieurs  éditions. 

D'après  le  même  procédé  et  avec  les  mêmes  espérances, 
on  transformera  Pharaon  et  sa  cour  en  des  dupes  imbé- 
ciles. De  l'organisation  de  police  qui  avait  permis  à  une  loi 
de  proscription  d'étendre  les  voiles  du  deuil  le  plus  sombre 
sur  les  familles  juives,  on  ne  tiendra  aucun  compte,  et 
on  inventera  que,  malgré  la  surveillance  sévère  dont  ils 
étaient  l'objet,  les  Juifs  ont  pu  s'organiser  en  armée  ré- 
gulière, et  imposer,  à  un  moment  donné,  a  des  oppres- 
seurs habiles  et  puissants.  A  ce  sujet  M.  Salvador  enflera 
sa  lourde  période  de  quoHei  de  points  d'exclamations,  à 
l'adresse  de  saint  Jérôme,  qui  a  osé  traduire  le  mot  hébreu 
nî?1  par  amicus,  comme  s'il  eût  été  possible  a  des  opprimés 
d'exciter  la  sympathie  de  leurs  voisins,  et  il  se  reposera  en 
paix  d'avoir  donné  une  leçon  d'hébreu  au  docteur  de  Beth- 
léem. Mais  pourquoi  ne  pas  tenir  compte  de  ce  que  dit  le 
texte  :  Dominus  autetn  dédit  gratiam  populo  coram  jEgyptiis 
ut  commodarent  eis  et  spoliavenmt  J^gyptîos  [Exod.  xii,  36)? 
Ces  mots  sont  plusieurs  fois  répétés  dans  le  récit.  C'est 
comme  s'ils  n'existaient  pas  pour  M.  Salvador.  Il  ne  s'em- 
barrasse pas  non  plus  de  la  signification  donnée  par  tous 
les  lexicographes  au  mot  nï?"i.  Il  ne  tient  pas  compte  du 
parallélisme  des  membres  :  Dices  ergo  omni  plebi  nt  postulet 
vir  ab  auiico  siui  {*ir\yi)  et  mulier  a  vicina  ma  ^nmî''l)  vasu  ur- 


ÉTUDE    SUR    LA    LÉGISLAIION    MOSAÏQUE.  2A7 

(jentea  et  aurea  {Ex,  xi,  2).  dans  la  Iraduclion  de  saint  Jé- 
rôme, où  ce  grand  docteur  nous  fait  si  bien  sentir  la  signi- 
tication  complète  du  mot  ny"l.  Tout  cela  eût  gène  le  parti 
pris,  contrarié  l'ingénieuse  parodie  du  récit  mosaïque.  Il  est 
plus  commode  d'invectiver  à  tort  et  \  travere,  au  risque  de 
n'être  que  pédant  aux  yeux  de  la  science.  La  plupart  des 
lecteurs  n'y  regarderont  pas  de  si  près  :  cela  passera  comme 
bien  d'autres  choses  ;  notre  réputation  et  celle  de  nos  édi- 
teurs est  la  pour  servir  de  garant  à  toutes  nos  inepties,  et 
nos  quoi!  d'ailleurs  ne  font  pas  un  effet  si  misérable.  C'est 
aux  lecteurs  qu'il  appartient  de  caractériser  ces  procédés. 
Ce  n'est  pas  tout.  M.  Salvador  ose  nous  donner  la  mort 
des  premiers-nés  comme  le  résultat  d'un  calcul  politique 
de  Moïse,  qui  crut  que  le  succès  de  ses  naanœuvres  reste- 
rait incertain ,  si  une  stupeur  profonde  n'était  définiti- 
vement provoquée  en  Egypte.  Nous  ne  trouvons  pas  d'ex- 
pressions assez  fortes  pour  flétrir  un  pareil  travestissement 
de  l'histoire.  Toujours  mêmes  suppressions  des  détails  du 
récit  de  Moïse,  même  inanité  dans  les  explications,  La 
sottise  seule  a  fait  des  progrès,  et  nous  la  trouvons  unie 
dans  un  degré  peu  commun  avec  une  suprême  inconvenance. 
Le  fait  du  meurtre  des  premiers-nés,  parmi  lesquels  se 
trouvait  le  fds  du  roi,  était  matériellement  impossible, 
comme  conjuration.  Le  résultat  ne  devait  pas  naturelle- 
ment produire  l'assentiment  du  roi  à  la  délivrance  des 
Juifs.  Ce  cri  affreux  que  M.  Salvador  a  entendu  retentir  au 
loin  :  Sortez,  sortez;  c'est  Pharaon  lui-même  qui  Ta  pro- 
féré :  Vocalisque  Pharao  Moyse  et  Aaron  noete,  ait  :  Sur- 
gite  et  egredimini  a  populo  meo,  vos  et  filii  Israël  :  ite,  im- 
molate  Domino  sicut  dicitis.  Oves  vestras  et  armenta  sumite 
ut  pclieratis,  et  abeuntes  benedieite  mihi  {Ex.  xii,  91,  32). 
Pharaon  avait  reconnu  plusieurs  fois  l'intervention  divine 
dans  les  miracles  de  Moïse.  Sur  sa  demande  et  sur 
ses  promesses  les  plaies  avaient  cessé.    Mais  son  cœur 


248  ÉTUDE    SUR    LA    LÉGISLATION    MOSAÏQUE. 

s'était  endurci,  et  la  lumière  qu'il  avait  reçue  n'était  point 
arrivée  jusqu'à  triompher  des  ténèbres  de  son  âme.  Au 
moment  où  il  permet  la  sortie,  le  deuil  de  sa  famille,  plus 
encore  peut-être  que  le  deuil  public,  lui  a  fait  comprendre 
qu'il  luttait  contre  plus  fort  que  lui.  Il  n'y  a  d'étonnant 
dans  sa  résolution  que  le  retard  qu'elle  a  mis  a  se  produire. 
Quant  au  peuple  juif,  il  s'était  si  peu  prêté  à  la  honteuse 
conspiration  supposée  par  M.  Salvador,  que  Moïse  créa, 
immédiatement  après  la  sortie,  une  institution  propre 
à  lui  rappeler  le  meurtre  des  premiers- nés  d'Egypte, 
et  l'auteur  de  ce  miracle  qui  avait  déployé  la  force  de  son 
bras  pour  le  salut  de  la  nation  {Ex.,  ch.xiii) .  Est-il  croyable 
que  les  Hébreux  eussent  accepté  une  institution  aussi  fausse 
dans  son  principe,  s'ils  avaient  trempé  leurs  mains  dans 
le  sang  dont  elle  leur  conservait  le  souvenir  ?  Enfin  il  se 
forma  comme  un  proverbe  en  Israël.  A  côté  de  cette  pra- 
tique permanente,  et  dans  la  suite  des  âges  les  Juifs  répé- 
tèrent le  mot  de  Moïse  :  In  manu  forti  eduxit  nos  Dominus 
de  terra  J^gypti,  de  doino  servitutis  [Ex.  xiii,  14-). 

Aux  miracles  qui  avaient  préparé  la  sortie  d'Egypte 
succèdent  les  miracles  qui  l'accompagnèrent  et  qui  la  sui- 
virent, et  d'abord  le  passage  de  la  mer  Rouge.  Ici  encore 
M,  Salvador  fait  ressortir  l'habileté  du  pasteur  de  Jéthro, 
dont  les  études  solitaires  sur  le  mouvement  des  flots,  l'ai- 
dèrent à  profiter  du  flux  et  du  reflux  pour  faire  passer  son 
peuple.  Puissance  de  l'imagination  1  merveilles  inattendues 
dont  la  bucolique  de  M.  Salvador  était  déjà  grosse!  Voilà 
son  pasteur  bien  plus  habile  dans  ses  calculs  que  Pharaon 
et  tout  son  peuple,  qu'Alexandre  et  même  Napoléon.  Cette 
mauvaise  plaisanterie  n'a  rien  de  neuf,  et  voilà  pourquoi 
nous  nous  contentons  de  la  signaler.  On  a  répondu  victo- 
rieusement cent  fois  à  ces  misérables  élucubrations  d'esprits 
ténébreux.  La  forme  est  moins  vive,  moins  spirituelle  : 
le  fond  est  toujours  identique.  Mêmes  inepties  au  sujet  de 


ÉTUDE    SUR   LA    LÉGISLATION    MOSAÏQUE.  2/19 

la  manne,  des  eaux  de  Marah,  près  de  Raphidim.  Ce  n'est 
pas  plus  ingénieux  que  ce  qu'on  en  avait  dit  :  le  men- 
songe n'est  pas  moins  évident,  la  trame  du  récit  n'est  pas 
plus  heureuse.  Toujours  des  citations  tronquées,  détachées 
du  contexte,  faites  à  contre-temps. 

Reposons-nous  de  ces  pauvres  extravagances  sur  quelques 
lignes  dans  lesquelles  le  docteur  Haneberg  nous  retrace 
l'éducation  du  peuple  dans  le  désert.  «  Le  peuple  d'Israël, 
dit-il,  devait  être  conduit  dans  le  désert,  non-seulement 
pour  être  soustrait  a  l'influence  égyptienne,  pour  rester 
sous  l'impression  des  miracles  dont  il  avait  été  le  témoin, 
mais  encore  pour  faire  de  nouveaux  progrès.  Les  miracles 
({u'il  avait  vus  avaient  été  en  général  négatifs,  prohibitifs  : 
il  devait  assister  a  des  miracles  positifs,  propres  non-seule- 
ment a  combattre  sous  ses  yeux  les  erreurs  du  paganisme, 
mais  à  le  conduire  à  la  vraie  foi  et  a  l'y  confirmer.  Déjà  la 
vue  même  des  lieux  que  traversaient  les  Israélites  aff'ran- 
chis  était  faite  pour  les  instruire.  C'était  un  désert  qui  ne 
pouvait  nourrir  trois  million^  d'âmes.  Ils  y  avaient  été 
conduits  d'une  façon  miraculeuse  par  Dieu  5  ils  devaient 
continuer  à  y  attendre  et  a  y  recevoir  les  secours  de  Dieu. 
La  faim  et  la  soif  qu'ils  allaient  endurer  devaient  les  exciter 
a  invoquer  Dieu,  le  nourricier  céleste,  et  éveiller  en  eux 
la  faim  et  la  soif  de  la  justice  divine  (1).  » 

Ainsi  par  les  bienfaits  dont  il  le  comblait  Dieu  préparait 
ce  peuple  à  lui  dire  :  a  Nous  ferons  tout  ce  que  le  Seigneur 
a  dit.  »  {Ex.  XIX,  8.)  Ce  fut  alors  que  le  peuple  reçut  le 
Décalogue,  qui  devint  la  base  de  toutes  les  institutions  par 
lesquelles  Dieu  voulut  bien  le  compléter  et  le  développer. 
Nous  allons  le  montrer  par  un  coup-d'œil  d'ensemble  sur 
les  dix  paroles.  Il  conviendrait  d'indiquer  la  source  des  in- 
stitutions mosaïques  et  du  Décalogue  en  particulier^  mais 

(1)  Histoire  de  la  Révélation  biblique,  t.  l,  p.  94,  éd.  française. 


250  ÉTUDE    SLR    LA    LEGISLATION    MOSAÏQUE. 

outre  que  celte  question  se  rapporte  a  la  vérité  du  Penta- 
teaque,  on  pourrait  trouver  étrange  que  nous  prissions  au 
sérieux  la  théorie  aussi  ridicule  qu'impie,  qui  attribue  au 
génie  de  Moïse,  en  dehors  de  toute  communication  divine, 
le  code  souverain  de  1  humanité.  Tant  qu'on  ne  méprisera 
pas  le  bon  sens  et  la  philologie  au  point  d'oser  écrire  que 
«  dans  le  langage  d'Israël,  la  parole  de  Jéhovah,  loin  de  re- 
présenter une  voix  articulée  semblable  a  celle  de  l'homme, 
correspond  identiquement  à  la  vérité,  la  raison,  l'utilité 
commune,  opposées  h  la  vanité  (1)  «,  on  ne  sera  pas  tenté 
d'ôter  a  Dieu  la  part  qu'il  a  prise  dans  la  composition  du 
Décalogue  et  de  la  loi  mosaïque.  M.  Salvador  nous  avait 
dit  qu'il  ne  faisait  pas  son  objet  «  de  savoir  comment  les 
principes  des  institutions  allaient  se  peindre  ou  vibrer  dans 
l'esprit  de  Moïse  (2) .  »  Il  eût  bien  fait  de  suivre  cette  réso- 
lution :  c'était  nous  épargner  quelques  impiétés,  et  éviter 
un  ridicule  de  plus.  Il  y  en  a  certes  bien  assez  dans  ce 
chapitre.  Moïse  nous  y  est  représenté  comme  un  faussaire 
habile,  qui  profite,  pour  tromper  le  peuple,  des  phénomènes 
brillants  et  terribles  dont  le  sommet  du  Sinaï  est  parfois 
le  théâtre,  et  qui  par  ses  principes  est  le  véritable  ancêtre 
des  auteurs  de  la  déclaration  de  1791.  Il  y  a  la  les  contra- 
dictions les  plus  flagrantes  dont  on  nous  permettra  de  nous 
épargner  le  relevé  :  elles  sautent  aux  yeux.  Il  y  a  des  tra- 
ductions qui  sont  de  vrais  contre-sens,  notamment  celle  que 
l'éditeur  semble  avoir  rehaussée  par  l'emploi  de  lettres 
capitales  :  Je  suis  le  Dieu  qui  t'ai  tiré  du  pays  d'Egypte,  de 
la  MAISON  DES  ESCLAVES.  Il  y  a  ignorance  complète  de  la 
langue  et  du  sens  des  Écritures.  Il  y  a  les  détours  les  plus 
embarrassés  faits  pour  le  besoin  de  la  cause.  Il  y  a  les  im- 
piétés les  plus  vulgaires,  mêlées  aux  subtilités  les  moins 


(1)  M.  Salvador,  loc.  cit.,  p.  78.  Théorie  de  lu  Loi,  t.  i. 

(2)  Ibid.  quelques  ligues  plus  liaul. 


ÉTUDE    SUR    LA    LÉGISLATION    MOSAÏQUE.  251 

ingénieuses.  11  y  a  enfin  des  théories  sociales  subversives  de 
tout  ordre  public.  Nous  réservons  la  question  de  bonne  foi 
pour  l'auteur,  mais  nous  déclarons  qu'aucun  lecteur  atten- 
tif et  de  bonne  foi  ne  se  laissera  prendre  à  de  telles  misères. 
Ce  n'est  pas  une  fine  critique  que  celle  de  M.  Salvador. 
Son  œuvre  ne  porte  point  la  plus  légère  trace  de  l'esprit 
critique  épuré  :  c'est  une  rudis  indiyeslaque  maies,  percée  a 
jour  malgré  son  épaisseur,  par  le  tissu  grossier  dont  elle 
s'enveloppe.  Un  procédé  qu'il  convient  de  signaler,  c'est 
l'adresse  qu'il  a  mise  à  emprunter  des  citations  tronquées, 
ou  à  renvoyer,  sans  citer,  dans  ses  notes,  a  des  auteurs  qui 
n'ont  jamais  rien  écrit  qui  fût  de  nature  a  autoriser  ses  in- 
terprétations. Nous  trouvons  D.  Calmet,  l'abbé  Fleury, 
M,  de  Bonald,  l'abbé  Guénée,  cités  en  note.  Personne  n'i- 
gnore que  ces  auteurs  ont  entendu  le  Décalogue  autrement 
que  M.  Salvador,  Quelque  indulgence  que  l'on  y  mette,  il 
est  difficile  d'absoudre  ces  procédés. 

On  sait  qu'il  existe  deux  divisions  du  Décalogue  :  l'une 
connue  sous  le  nom  d'Origèneét  suivie  par  les  Calvinistes^ 
l'autre  connue  sous  le  nom  de  saint  Augustin  et  suivie 
par  les  catholiques  et  les  luthériens.  C'est  là  un  détail  insi- 
gnifiant par  rapport  a  l'intelligence  d'ensemble  du  Déca- 
logue, car  tous  sont  unanimes  a  reconnaître  que  le  Déca- 
logue forme  dix  commandements  ou  dix  paroles,  et  que 
certains  de  ces  commandements  se  rapportent  a  Dieu, 
d'autres  au  prochain.  Parcourons  rapidement  les  préceptes 
dogmatiques  et  moraux  consacrés  par  cette  première  révé- 
lation. 

1"  Dieu  se  manifeste  dans  l'unité  de  sa  nature  lorsque,  au 
V.  2  {Exod.  xx),  il  se  nomme  :  Ego  sum  Dominus  Dans  iuus. 
Par  ces  mots  mêmes  rilïT^  el  Q'^mbï^,  Dieu  rappelle  la  révé- 
lation du  buisson  ardent  et  les  révélations  antérieures  faites 
aux  patriarches  dont  le  peuple  descend.  A  l'unité  de  nature 
se  trouve  jointe  par  conséquent  l'unité  d'action  ^  la  miséri- 


252  ÉTUDE    SUK    LA    LÉGISLATION    MOSAÏQUE. 

corde  de  Dieu  n'agit  pas  à  l'égard  d'Israël  d'une  manière 
différenle  de  celle  qu'elle  a  suivie  dans  les  manifestations 
antérieures.  Ainsi  ce  premier  verset  nous  révèle  a  la  fois  et 
l'unité  de  la  nature  divine  et  l'unité  de  la  Providence  ou 
de  cette  nature  entrant  en  relations  avec  le  monde  et  avec 
l'humanité. 

2°  Le  dogme  de  la  création  ressort  de  l'institution  du 
sabbat  qui,  dans  les  versets  8-11,  est  donnée  comme  un 
précepte  calqué  sur  la  manière  dont  le  Créateur  a  tiré 
toutes  choses  du  néant.  Dieu  a  créé  le  ciel,  la  terre,  la  mer 
et  tous  les  êtres  qui  les  peuplent.  Son  empire  s'étend  donc 
à  tout.  Personne  ne  peut  contester  sa  puissance  ^  on  est 
préparé  par  la  à  le  voir  intervenir  pour  régler  l'usage  auquel 
il  soumettra  ces  diverses  choses  dans  les  développements 
de  la  loi.  On  aperçoit  déjà  la  relation  qui  existe  entre  l'in- 
stitution du  sabbat,  les  motifs  sur  lesquels  elle  se  fonde, 
et  les  institutions  qui  formeront  les  lois  religieuses,  poli- 
tiques et  sociales  des  Hébreux.  Dieu  établit  ici  sur  la  créa- 
lion  ses  droits  de  législateur.  Un  jour  lui  est  consacré  :  il 
est  l'auteur  de  tout  ce  qui  existe;  donc  il  a  le  droit  de 
régler  comme  il  lui  plaît  et  le  mode  de  sanctification  de  ce 
jour  et  l'usage  de  tout  ce  qui  existe. 

3"  Le  même  motif  de  l'institution  du  sabbat  révèle  en- 
core le  dogme  de  la  ressemblance  de  l'homme  avec  Dieu, 
et  comme  cette  ressemblance  est  imprimée  dans  l'âme, 
l'immortalité  de  l'âme  se  trouve  également  impliquée  dans 
cet  énoncé  dogmatique. 

4"  L'hypothèse  de  transgresseurs  de  la  loi  établit  le 
dogme  de  la  liberté  humaine  (v,  5-7\  D'ailleurs  ce  dogme 
lui-même  est  supposé  par  la  promulgation  de  la  loi.  Pour- 
quoi des  préceptes  si  nous  sommes  fatalement  entraînés 
dans  un  sens  ou  dans  un  autre  ? 

5°  La  foi  et  le  culte  ou  la  manifestation  de  la  foi  sont 
clairement  prescrits  par  le  précepte  prohibitif  de  l'idolâtrie 


ÉTUDE    SUR    LA    LÉGISLATION    MOSAÏQUE.  253 

(v.  4).  Les  tendances  théogoniques  que  Dieu  a  déposées  au 
fond  de  la  conscience  humaine  sonl  réglées  par  ce  com- 
mandement. L'homme  est  naturellement  religieux.  Sa  re- 
ligion consiste  dans  l'union  de  son  esprit  à  Dieu  par  la  foi, 
et  dans  l'efllorescence  de  cette  union  en  des  pratiques  qui  la 
rappellent.  La  discipline  de  son  esprit  consiste  a  adhérer 
par  la  foi  au  Dieu  un,  vivant  et  personnel  :  la  discipline  de 
ses  actes  consiste  k  ne  les  produire  que  selon  les  lois  d'un 
esprit  une  fois  bien  réglé  dans  ses  convictions.  Le  précepte 
prohibitif  de  l'idolâtrie  contient  encore  en  germe  le  devoir 
strict  pour  l'Israélite  de  détruire  tout  ce  qui  revêt  le  carac- 
tère d'une  pratique  idolâtrique,  et  il  indique  les  rigueurs 
qui  seront  exercées  contre  le  peuple  lui-même  s'il  devient 
infidèle  ou  prévaricateur. 

6°  Le  dogme  de  la  prière  est  implicitement  renfermé 
dans  celui  de  l'adoration.  Après  le  passage  de  la  mer  Morte, 
Moïse  avait  invoqué  Dieu,  l'avait  adoré  dans  un  cantique 
célèbre  [Ex.  xv) .  Pendant  le  combat  des  Hébreux  contre  les 
Amalécites,  Moïse  avait  encore  prié  le  Seigneur  [Ex.  xvii). 
Après  la  chute  d'Israël  devant  le  veau  d'or,  Moïse  priera 
encore  le  Seigneur  et  parviendra  a  modifier  ses  desseins. 
D'après  ces  pratiques,  il  était  évident  pour  l'Israélite  que  le 
dogme  de  l'adoration  renfermait  implicitement  celui  de  la 
prière,  et  un  précepte  nouveau  était  inutile. 

T  Enfin  la  manière  dont  le  Décalogue  est  transmis  au 
peuple  lui  révèle  le  dogme  de  la  médiation.  C'est  Moïse  qui 
reçoit  directement  du  Seigneur  ce  qui  doit  être  commu- 
niqué au  peuple.  Des  miracles  ont  autorisé  sa  mission,  en 
sorte  que  le  peuple  effrayé  en  viendra  lui-même  à  réclamer 
sa  médiation.  C'est  évidemment  la  la  consécration  d'un 
principe  et  d'un  dogme  :  a  savoir,  qu'il  y  a  des  organes 
autorisés,  chargés  de  transmettre  aux  peuples  les  volontés 
de  Dieu.  Que  plus  tard  il  y  ait  une  classe  formée  de  média- 
teurs, le  peuple  les  acceptera  :  il  y  aura  été  préparé  par  la 
manière  dont  il  a  reçu  le  Décalogue. 


2bll  ÉTUDE    SUR  LA    LÉGISLATION    MOSAÏQUE. 

A  côte  des  dogmes  se  placent  dans  le  texte  des  dix  pa- 
roles les  préceptes  moraux.  Nous  ne  reviendrons  pas  sur 
ceux  qui  découlent  des  institutions  dogmatiques  :  la  foi,  le 
culte,  l'usage  de  la  liberté  humaine  réglé  par  la  loi,  la  sou- 
mission aux  médiateurs  autorisés.  Tout  cela  tient  à  la  fois 
à  l'ordre  dogmatique  et  à  l'ordre  moral.  Les  préceptes  nou- 
veaux que  nous  allons  mentionner  se  relient  aussi  aux 
dogmes,  mais  sous  une  forme  qui  permet  de  les  en  séparer 
pour  la  clarté, 

r  La  famille  est  constituée  dans  ses  éléments,  dans  son 
mode  de  conservation  et  dans  son  inviolabilité,  aux  ver- 
sets 12, 14, 17,  Le  père,  la  mère  doivent  être  honorés  par 
leurs  entants.  Le  père  doit  a  la  mère  les  devoirs  d'un 
époux  îà  l'égard  de  son  épouse,  a(in  de  conserver  l'institu- 
tion divine  qui  les  a  unis.  La  force  de  cette  institution  est 
telle  que  le  simple  désir  porté  sur  la  iemme  d'un  autre  est 
strictement  défendu,  La  discipline  du  mariage,  ainsi  en- 
tendue, suppose  la  société  dont  la  famille  est  la  base,  et  le 
mariage  h  principe  de  conservation.  De  plus,  la  loi  de  la 
génération  a  des  influences  aussi  générales  dans  son  mode 
d'exercice  que  dans  ses  résultats.  Le  libertinage  est  aussi 
contraire  à  la  famille  et  a  la  société  qu'a  l'individu  lui- 
même.  Les  préceptes  qui  dans  la  suite  régleront  plus  spé- 
cialement les  devoirs  de  famille  ne  seront  que  le  dévelop- 
pement progressif  du  germe  contenu  dans  le  Décalogue. 

2"  A  l'institution  de  la  famille,  qui  est  le  préservatif  de 
la  vie  du  prochain,  succède  un  précepte  spécial,  qui  prend 
sous  sa  sauvegarde  la  vie  une  fois  formée  ,v.  13).  Mais  ce 
n'est  encore  ici  qu'une  première  assise  sur  laquelle  la  loi 
proprement  dite  établira  les  conséquences  directes  de  ce 
principe  général, 

3°  La  propriété,  qu'on  pourrait  regarder  comme  un 
dogme  du  Décalogue,  se  trouve  consacrée,  dans  le  respect 
qui  lui  est  dû,  par  la  défense  du  vol  (v,  15).  Et  encore  ici 


ÉTUDE    SUR    LA    LÉGISLATION    MOSAÏQUE.  255 

l'importance  de  cette  prohibition  ressort  du  soin  apporté  à 
•  prévenir  jusqu'aux  désirs  qui  pourraient  mener  à  violer  la 
loi  (v.  17).  Observons,  à  cet  égard,  que  la  loi  de  la  pro- 
priété et  la  constitution  de  la  famille  sont  dans  le  Déca- 
logue  unies  par  des  rapports  étroits.  Nous  pourrions  citer 
d'autres  législations  qui,  pour  avoir  méconnu  ces  relations, 
ont  porté  la  plus  grave  atteinte  à  l'existence  de  la  famille. 
Le  fait  du  développement  et  du  maintien  de  la  famille  re- 
pose sur  le  fait  de  la  propriété  et  de  sa  légitime  transmis- 
sion. C'est  le  point  où  la  loi  morale  se  confond  avec  la  loi 
sociale  -,  nous  ne  pouvions  manquer  de  le  signaler.  Les  lois 
politiques  et  sociales  de  Moïse  rouleront  sur  ces  deux 
pivots  :  la  famille  et  la  propriété.  La  famille,  parce  que  c'est 
d'elle  que  doit  naître  Celui  en  qui  se  réaliseront  les  pro- 
messes, parce  que  c'est  de  la  famille  renouvelée  en 
Abraham  qu'est  sorti  le  peuple  d'Israël.  La  propriété, 
parce  qu'elle  est  k  la  famille  cet  élément  essentiel  de  con- 
servation, sans  lequel  le  peuple  perdrait  sa  vie  sociale  et  sa 
vie  politique,  faute  d'avoir  daps  la  famille  la  pourvoyeuse 
des  éléments  de  ces  deux  vies,  et  le  type  selon  lequel  elles 
doivent  se  conserver. 

4"  La  conliance  avec  laquelle  Israël  est  appelé  a  traiter 
avec  le  Seigneur,  ne  doit  pas  dégénérer  en  une  familiarité 
blâmable.  De  la  vient  le  respect  prescrit  pour  le  nom  de 
Dieu,  qu'il  est  défendu  de  prononcer  en  vain.  Toutefois,  on 
peut  étendre  aussi  cette  défense  jusqu'à  l'allégation  du  nom 
de  Dieu  devant  une  autorité  juridique,  et  la  rattacher  à 
celle  qui  concerne  le  faux  témoignage.  Ce  n'est  pas  a  dire 
que  ces  deux  préceptes  n'en  fassent  qu'un.  Telle  n'est 
pas  no'.ie  pensée.  Le  Décalogue  défendait  l'abus  du  nom  de 
Dieu,  tel  qu'il  existait  dans  les  sociétés  païennes,  oii  l'on 
faisait  toutes  choses  au  nom  des  dieux.  A  plus  forte  raison 
défendait-il  cet  abus  particulier  du  nom  du  Seigneur,  qui 
consiste  a  le  mettre  au  service  d'un  mensonge  juridique. 


256  ÉTUDE    SUR    LA    LÉGISLATION    MOSAÏQUE. 

Cependant  on  peut  concevoir  aussi  le  faux  témoignage  sans 
qu'il  soit  accompagné  de  serment,  et  il  n'est  pas  étonnant 
que  Dieu  ait  fait  de  cette  défense  un  précepte  spécial.  Rien 
n'était  plus  capable  de  précipiter  la  société  dans  l'abîme, 
que  les  faux  témoignages.  Il  fallait  les  frapper  d'une  inter- 
diction souveraine,  afin  de  conserver  l'inviolabilité  des 
droits  particuliers  et  généraux.  Ce  n'est  que  par  une  contor- 
sion fort  pénible  du  texte  qu'on  peut  arriver  à  entendre  ce 
précepte  d'une  prohibition  relative  à  l'idolâtrie,  comme  si 
Dieu  eût  défendu  de  rendre  un  faux  témoignage  aux  divi- 
nités étrangères.  Alors  ce  précepte  serait  inutile  et  rentre- 
rait dans  le  premier. 

Au  point  de  vue  politique,  la  promulgation  du  Décalogue 
et  la  nature  des  préceptes  qu'il  contient,  n'offrent  pas  un 
médiocre  intérêt.  Dieu  se  donne  comme  le  législateur  de 
son  peuple  et  par  la  il  établit  la  base  du  gouvernement  théo- 
cratique.  C'est  la  le  résultat  immédiat  de  la  promulgation 
du  Décalogue.  Les  préceptes  dont  il  se  compose  ne  révèlent 
pas  avec  moins  d'éclat  l'institution  de  la  théocratie.  Ils  la 
révèlent  de  deux  manières  :  négativement  d'abord,  en  tant 
que  ce  premier  code,  et  le  code  subséquent  qui  le  déve- 
loppe, ne  font  mention  d'aucun  autre  pouvoir  constitué  : 
positivement  ensuite,  par  les  rapports  évidents  établis 
entre  les  diverses  prescriptions  de  la  loi  des  deux  Tables. 
Donnons  à  ces  pensées  quelques  développements. 

Lorsque  nous  considérons  les  Hébreux  au  pied  du  Sinaï, 
ils  ne  nous  apparaissent  plus  comme  des  familles,  n'ayant 
entre  elles  d'autre  lien  social  que  celui  d'une  origine  com- 
mune. La  famille  est,  il  est  vrai,  le  fondement  de  cette  so- 
ciété, mais  elle  n'intervient  plus  que  comme  l'élément 
constitutif  :  ce  n'est  pas  a  des  familles  isolées  que  Dieu 
s'adresse-,  c'est  à  Israël,  à  des  familles  réunies  qu'il  parle, 
établissant  entre  elles  des  liens  sociaux.  Or,  entre  tous  ces 
liens,  celui  de  l'autorité  n'est  pas  le  moins  important,  et  il 


ÉTUDE   SUR   LA.   LÉGISLATION   MOSAÏQUE.  257 

existe  en  effet  :  l'autorité  est  visiblement  exercée  par 
Moïse  -,  mais  Moïse  lui-même  ne  se  considère  que  comme 
le  représentant  et  l'organe  d'une  autorité  supérieure,  qui  est 
celle  de  Dieu.  Le  peuple,  qui  accepte  les  sanctions  de  l'au- 
torité dont  il  reconnaît  les  prérogatives,  n'accepte  pas  les 
sanctions  d'un  homme,  mais  les  sanctions  de  Dieu.  Les 
Hébreux  du  Sinaï  sont  loin  de  ressembler  aux  Juifs  de  Jéru- 
salem, qui  déclaraient  ne  vouloir  reconnaître  d'autre  roi 
que  César.  Ce  mot  qui  a  donné  le  coup  de  grâce  a  la  théo- 
cratie mosaïque,  n'était  pas  de  nature  a  l'établir  :  il  en  était 
le  renversement.  D'ailleurs,  les  impressions  du  Sinaï  se 
conservèrent  longtemps  au  milieu  d'Israël  :  des  miracles 
nombreux  firent  suite  a  ceux  du  désert,  et  il  est  pré- 
cieux de  constater  quelle  fut  la  persuasion  du  peuple, 
relativement  a  la  forme  de  son  gouvernement,  tant  qu'il 
resta  sous  l'influence  de  la  conduite  évidente  du  Seigneur, 
commencée  dans  le  désert.  Gédéon  avait  délivré  les  Israé- 
lites du  joug  des  Madianites  :  le  peuple  lui  offrit  le  pouvoir 
à  lui  et  à  sa  descendance  {Jud.  viii,  22,  23).  Gédéon,  qui 
comprenait  qu'il  n'avait  été  qu'un  instrument  de  la  puis- 
sance divine,  répudia  énergiquement  cette  offre  inconve- 
nante et  dit  :  Non  dominabor  in  vos  ipse,  nec  dominabitur  in 
vos  filius  meus^  sed  dominabitur  in  vos  Dominns.  Au  premier 
livre  des  Rois  (viii,  7),  Dieu  console  ainsi  Samuel  affligé  de 
voir  le  peuple  lui  demander  un  roi  :  Non  te  spreverunt,  sed 
me  spreverunt,  ne  regnem  super  eos.  C'est  Dieu,  d'après 
Jésus,  fils  de  Sirach,  qui  a  donné  des  rois  aux  nations,  et 
qui  s'est  réservé  la  royauté  sur  Israël  :  Pars  Dei  Israël  fada 
est  manifesta  (Eccli.  xvii,  ili,  15).  Aussi  l'Écriture  donne- 
t-elle  souvent  a  Dieu  le  titre  de  roi  (1)  :  aussi  le  trône  de 
Salomon  est-il  appelé  le  trône  du  Seigneur  (2),  le  royaume 


(1)  I  Reg.,  XI,  12.— Ps.  xLVii,  8.— Os.,  XIII,  10.— Jer.,  Lr,  57,  etc. 

(2)  Il  Par.  XXIX,  2,  3. 

Revue  des  Sciences  ecclés,,t.  x.  —  septembre  1864.  18 


258  ÉTUDE    SUR    LA    LÉGISLATION    MOSAÏQUE. 

de  ses  successeurs,  le  royaume  de  Dieu  (1),  et  eniin  les 
arrêts  de  la  justice  en  Israël  s'appellent  le  jugement  de 
Dieu  (2).  Citons  encore  le  passage  du  Psaume  149, 2  :  Filii 
Sion  exultent  in  rege  suo,  et  observons  que  sous  toutes  les 
formes  accidentelles  de  gouvernement  par  lesquelles  ils 
ont  passé,  les  Juifs  ont  toujours  regardé  les  représentants 
de  l'autorité,  comme  les  représentants  de  Dieu(3).  Josèphe 
exprime  ainsi  celte  idée  (C.  Appion.  ii,  16)  :  Infinita  morum 
atque  legum  ioto  passim  hominmn  génère  discrimina  sunt.  Alii 
quippe  VMi  tantwn,  paucis  quibmdam  alii,  alii  denique  populo 
summam  reipublicœ  potestatem  commiserunt .  At  legislator 
noster,  hisce  neglectis  omnibus,  theocraticam  reipublicœ  formam 
institua  —  ôsoxpaTtav  àTziU\lz  to  7roX(T£uaa  —  summo  princi- 
palu  Dei  numini  attributo  —  ôsô)  rV  «px^^v  xai  to  xpaToç  àvaOelç. 
Tous  ces  témoignages  qui  viennent  compléter  le  silence  du 
Décalogue,  montrent  avec  évidence  que  ce  silence  même 
avait  sa  signification,  et  que  le  principe  de  la  théocratie  se 
trouvait  consacré  par  la  loi  du  Sinaï. 

L'examen  des  rapports  établis  entre  les  dix  préceptes  ne 
donne  pas  à  cette  vérité  un  moindre  relief.  Nous  pouvons 
considérer  l'ordre  des  commandements,  leur  sanction,  leur 
raison  d'être. 

Les  commandements  qui  regardent  Dieu  occupent  le 
premier  rang.  Ce  sont  ceux  qui  reçoivent  le  plus  de  déve- 
loppement, évidemment  parce  qu'ils  sont  comme  les  prin- 
cipes d'où  dérivent  les  autres  par  manière  de  consé- 
quence. 

C'est  Dieu  qui  intervient  pour  punir  lui-même  les  infrac- 
tions commises  contre  sa.  loi.  Il  le  dit  expressément  aux 
versets  o,  7  et  12.  S'il  ne  le  dit  pas  à  propos  des  autres 


(1)  II  Par.  XIII,  6,  8. 
,  (2)  Deuter.,  ^,  17. 

(3)  BlacliîchiBidii,  Diss,  tjie  Theocr.    ia  Thés.    Ugolini,    xxiv,  59  s.  H. 
Hulsii,  0«s\  de  Jehova  Iho  reg.  ILiiL,  137  scq. 


ÉTUDE   SUR    LA    LÉGISLATION    MOSAÏQUE.  259 

préceptes,  c'est  qu'il  a  suffisamment  manifesté  par  trois 
fois,  qu'il  veille  sur  l'observance  de  la  loi  qu'il  a  don- 
née. EnOn  la  raison  de  la  sanctification  du  sabbat  est 
prise  du  repos  de  Dieu  lui-même  au  septième  jour-,  nous 
l'avons  déjà  remarqué. 

Par  là  Dieu,  auteur  du  Décalogue,  dont  les  dispositions 
régleront  désormais  la  vie  du  peuple  d'Israël,  se  donne 
comme  Celui  qui  est  préposé  à  la  garde  de  ces  préceptes, 
pour  veiller  a  leur  accomplissement,  pour  les  faire  observer. 
Mais  ce  sont  précisément  là  les  fonctions  du  souverain. 
Donc  les  rapports  des  dix  préceptes  manifestent  avec  évi- 
dence la  constitution  de  la  théocratie. 

Les  études  qui  précèdent  nous  permettront  de  consi- 
dérer désormais  les  institutions  mosaïques  comme  le  déve- 
loppement du  Décalogue,  et  comme  les  institutions  d'un 
peuple  théocratique.  Le  peuple  est  préparé  a  les  recevoir 
telles  que  Moïse  les  rapportera  du  Sinaï.  Nous  avons 
cherché  à  entrer  dans  les  dispositions  d'Israël.  Nous  savons 
ce  qui  a  précédé  Moïse  :  nous  savons  la  part  qu'ont  pu 
recevoir  dans  sa  loi  cérémonielle  les  pratiques  du  po- 
lythéisme. Il  n'y  a  plus  qu'à  exposer  en  détail  les  prescri- 
ptions du  code  mosaïque.  C'est  ce  que  nous  ferons  dans  les 
articles  suivants,  en  conservant  l'ordre  que  nous  avons  in- 
diqué dès  le  début  :  institutions^  religieuses,  institutions 
sociales,  institutions  politiques. 

A.  GiLLY. 


LA  MATIERE  ET  LA  FORME. 


Premier  article. 


L 

La  lettre  de  M.  F.  J.  insérée  dans  la  livraison  dejuilletde  la  Revue 
des  Sciences  ecclésiastiques  m'a  rappelé  une  promesse  dont  des  occu- 
pations de  plus  d'un  genre  m'avaient  empêché  de  m'acquilter  jusqu'à  ce 
jour.  Un  peu  pluslibre  en  ce  moment,  je  me  hâte  de  dégager  ma  parole. 

Je  voudrais  exposer  avec  toute  l'impartialité  possible,  l'état  présent 
d'une  controverse  qui  a  jadis  violemment  agité  les  écoles,  et  qui  aujour- 
d'hui même  n'émeut  pas  moins  les  esprits  au-delà  des  monts  que  ne  le 
fait  parmi  nous  la  controverse  relative  à  l'origine  des  idées.  Je  veux 
parler  de  la  question  de  la  matière  et  de  la  forme.  Cette  question  est 
à  peine  effleurée  parmi  nous  dans  la  plupart  des  cours  de  philosophie 
et  de  théologie  ;  et  pourtant,  elle  est  indubitablement  un  des  pivots  sur 
lesquels  roulent  les  plus  importants  problèmes  philosophiques  et  théo- 
logiques. Lorsque,  il  y  a  quelques  mois,  le  correspondant  romain  du 
Monde  nous  annonça  que  cette  question  avait  soulevé  au  Collège  romain 
des  débats  assez  animés  (1),  plusieurs  des  lecteurs  le  plus  au  courant 
des  controverses  philosophiques  eurent  sans  doute  quelque  peine  à  se 
rendre  compte  de  la  nature  et  du  motif  de  ces  débats.  D'autres  qui 
comprenaient  mieux  l'état  delà  question,  purent  se  demander  comment 
ce  pouvait  être  encore  une  question.  Il  y  a  deux  cents  ans  que  la  théorie 

(1)  11  n'est  peut-être  pas  trop  tard  pour  rétablir  la  vérité  des  faits  re- 
présentés d'une  manière  un  peu  inexacte  parle  correspondant  du  journal 
parisien.  Le  T.  R.  Père  Général  de  la  Compagnie  de  Jésus  n'est  intervenu 
en  aucune  manière  dans  la  controverse  en  question  pour  censurer  l'une 
des  opinions  rivales,  et  le  T.  R.  Père  Maître  du  sacré  palais,  qui  y  a  pris 
une  part  plus  active,  n'a  mis  aucune  opposition  à  la  défense  du  système 
qui  s'éloigne  le  plus  de  l'enseignement  scolastique  ;  tout  ce  qu'il  a  exigé, 
c'est  que  cet  enseignement  ne  fût  pas  directement  attaqué. 


LA   MATIÈRE   ET    L.\    FORME.  261 

des  formes  substantielles  paraissait  avoir  été  enterrée  par  Descartes  ; 
et  voilà  qu'elle  sort  de  son  tombeau,  et  semble  menacer  de  faire  naître 
encore  des  luttes  bruyantes  !  En  vérité,  Salomon  résumait  bien  l'his- 
toire de  la  philosophie  quand  il  disait  :  Rien  de  nouveau  sous  le  soleil. 
Ce  gui  a  été,  c'est  ce  qui  sera,  et  ce  gui  s'est  déjà  fait,  c'est  ce  qui 
se  fera  encore. 

Cependant  il  faut  l'avouer,  cette  vieille  question  se  présente  aujour- 
d'hui sous  un  aspect  nouveau.  La  théorie  scolastique  n'est  plus^  comme 
au  temps  de  Descartes,  attaquée  avec  une  violence  injuste,  et  battue 
en  brèche  jusque  dans  ses  fondements,  au  nom  de  la  science.  Au  con- 
traire le  mouvement  de  la  science  semble  plutôt  lui  être  favorable.  En 
Italie  surtout,  plusieurs  professeurs  et  écrivains  distingués  lui  ont  rendu 
d'éclatants  hommages  (1).  En  France  nous  ne  sommes  pas  aussi  avan- 
cés; cependant  les  derniers  mois  ont  vu  paraître  un  livre,  beaucoup 
plus  remarquable  qu'il  n'a  été  remarqué,  dont  les  revues  étrangères 
ont  fait  le  plus  grand  éloge,  et  que  nous  croyons  destiné  à  opérer  une 
révolution  dans  la  science  physiologique:  c'est  Y  Anthropologie  de 
M.  le  D'  Frédault.  Continuant  avec  courage  l'œuvre  de  restauration 
entreprise  par  le  D'  Tessier,  M.*  Frédault  démontre  qu'il  n'y  a  qu'une 
voie  par  où  la  physiologie  puisse  sortir  du  chaos  où  l'ont  jetée  les  théo- 
ries contradictoires  du  mécanicisme,  de  l'organisme,  du  vitalisme  et  de 
l'animisme  ;  et  cette  voie,  c'est  le  retour  à  la  théorie  scolastique  de  la 
matière  et  de  la  forme.  Il  donne  de  son  assertion  la  plus  persuasive  de 
toutes  les  preuves,  en  résolvant  à  l'aide  de  la  théorie  scolastique  les  pro- 
blèmes physiologiques  qui  dans  les  autres  systèmes  sont  complètement 
insolubles.  N'est-ce  pas  chose  merveilleuse  que  la  première  protesta- 
tion formulée  parmi  nous  en  faveur  de  la  théorie  la  plus  décriée  de  la 
théologie  scolastique,  soit  l'œuvre  d'un  médecin  ?  Il  y  a  là  tout  en- 


Ci)  Voir  ces  témoignages  et  les  autres  preuves  à  l'appui  de  la  théorie 
scolastique  dans  une  série  d'articles  publiés  d'abord  dans  la  Civiltà  cat- 
tolica  par  le  R.  P.  Liberatore,  et  réunis  ensuite  en  corps  d'ouvrage  sous 
le  titre  del  Composta  umano.  Nous  ne  pensons  pas  que  la  doctrine  des 
anciens  puisse  être  défendue  d'une  manière  plus  solide  et  plus  ingénieuse 
qu'elle  ne  l'a  été  dans  cet  ouvrage. 


2G"2  LA    MATIÈHE    ET    I.A    FORME. 

semble,  pour  les  théologiens,  une  grande  joie  et  un  grand  devoir.  SI 
nous  devons  nous  estimer  heureus.  d'avoir  été  devancés  dans  ce  mouve- 
ment de  restauration  qui  s'accomplit  en  faveur  de  nos  maîtres,  il  faut 
au  moins  nous  hâter  de  nous  mettre  au  courant,  pour  aider  ce  mouve- 
ment de  toutes  nos  forces. 

Ce  sentiment  ne  saurait  manquer  d'être  partagé  par  tous  les  philo- 
sophes et  les  théologiens  catholiques.  Les  Cartésiens  eux-mêmes  com- 
prennent la  nécessité  d'abandonner  en  ce  point  les  errements  de 
Descartes,  emporté  évidemment  beaucoup  trop  loin  par  son  envie  de 
combattre  le  péripatétisme.  Il  n'est  guère  aujourd'hui  de  philosophe 
sérieux  qui  n'avoue  avec  Leibnitz  que,  sous  ces  mots  tant  ridiculisés  de 
matière  et  de  forme,  se  cachait  une  doctrine  que  l'on  ne  peut  repousser 
sans  contredire  le  bon  sens  (1). 

Mais  Yoici  où  le  dissentiment  commence.  Cette  doctrine  scolastique 
dont  tout  le  monde  reconnaît  la  justesse,  quant  au  fond,  quelques-uns 
voudraient  la  soutenir  encore  dans  tous  ses  détails,  tandis  que  d'autres 
croient  indispensable  de  lui  faire  subir  quelques  modiûcations,  pour 
la  mettre  mieux  en  rapport  avec  les  progrès  des  sciences  physiques. 
Cette  seconde  opinion  a  été  soutenue  par  le  P.  Tongiorgi;  et  c'est  là 
ce  qui  lui  a  attiré  dans  ce  Recueil  même  des  attaques  contre  l'exagéra- 
tion desquelles  j'ai  cru  devoir  prolester.  Le  lecteur  sera  bientôt  en  état 
d'apprécier  la  justesse  de  ma  protestation  ;  il  verra  si  les  modifications 

(1)  Les  paroles  de  Leibnitz  sont  trop  remarquables  et  conviennent  trop 
bien  à  notre  sujet  pour  que  nous  ne  les  citions  pas  ici.  Elles  sont  tirées 
d'une  lettre  à  Aruault.  «  Je  sais  que  j'avance  un  grand  paradoxe  en 
prétendant  de  réhabiliter  en  quelque  façon  l'ancienne  philosophie,  et  de 
rétablir  post  limina  les  formes  substantielles  presque  bannies;  mais  peut- 
être  qu'on  ne  me  condamnera  pas  légèrement,  quand  on  saura  que  j'ai 
assez  médité  sur  la  philosophie  moderne,  que  j'ai  donné  bien  du  temps 
aux  expériences  de  physique  et  aux  démonstrations  de  géométrie, et  que 
j'ai  été  longtemps  persuadé  de  la  vanité  de  ces  êtres,  que  j'ai  enfin  été 
obligé  de  reprendre  malgré  moi  et  comme  par  force,  après  avoir  fait 
moi-même  des  recherches,  qui  m'ont  fait  connaître  que  nos  modernes 
ne  rendent  pas  assez  de  justice  à  saint  Thomas  et  à  d'autres  grands 
hommes  de  ce  temps-là,  et  qu'il  y  a  dans  les  sentiments  des  philosophes 
et  des  théologiens  scolastiques  bien  plus  de  solidité  qu'on  ne  s'imagine, 
pourvu  qu'on  s'en  serve  à  propos  et  en  leur  lieu.  »  (Nouv.  Lettres  et 
Opuscules,  édités  par  M.  Fouché  de  Gareil.) 


LA    MATIÈRE    Kl     LA    FORME.  26S 

apportées  à  la  doctrine  de  saint  Thomas  par  le  professeur  du  Collège 
romain  peuvent  autoriser  M.  F.  J.  à  dire  que  l'adoplion  de  son  livre 
dans  nos  écoles  serait  un  point  d'arrêt,  pour  ne  pas  dire  un  recula 
dans  le  mouvement  qui  s'opère  parmi  nous  en  faveur  du  docteur  an- 
gélique. 

Mais  avant  de  faire  connaître  ces  modifications,  il  faut  exposer  la 
doctrine  elle-même.  Il  sera  bien  plus  facile  de  comprendre  les  points 
de  détail  sur  lesquels  on  discute,  quand  on  aura  bien  saisi  le  fond  so- 
lide, sur  lequel  tout  le  monde  est  d'accord» 


II. 


La  forme  en  général  c'est  la  détermination  de  l'être,  ce  qui  lui  donne 
sa  dernière  actualité  et  le  distingue  de  tous  les  autres  êtres.  Quand 
d'un  bloc  de  marbre  l'artiste  fait  une  statue,  la  matière  demeure  la 
même,  la  forme  seule  change  ;  c'est  elle  qui  fait  toute  la  différence 
entre  une  masse  informe  et  un  chef-d'œuvre  de  l'art.  Cette  matière  que 
personne  auparavant  ne  daignait  regarder,  a  revêtu,  en  changeant  de 
forme,  des  qualités  toutes  nouvelles  ;  la  beauté,  l'expression,  le  pou- 
voir de  faire  naître  les  émotions  les  plus  vives. 

Cependant  nous  n'avons  ici  encore  qu'un  changement  tout  à  fait  ac- 
cidentel. Les  parties  qui  composaient  le  bloc  de  marbre  n'ont  pas  subi 
en  elles-mêmes  la  moindre  modification  ;  leurs  rapports  extérieurs  ont 
seuls  été  changés:  quelques-unes  de  ces  parties  ont  été  écartées; 
d'autres  qui  étaient  dans  l'intérieur  du  bloc  sont  venues  à  la  surface  ; 
le  travail  de  l'artiste,  quelque  remarquable  qu'il  soit  au  point  de  vue 
intellectuel,  n'a  produit,  dans  l'ordre  physique,  que  de  nouvelles  rela- 
tion d'espace.  - 

Mais  la  matière  subit  'parfois  des  changements  tout  autrement  pro- 
fonds. Les  éléments  minéraux  que  recèle  le  sein  de  la  terre,  absorbés 
par  les  racines  des  végétaux,  font  bientôt  partie  de  leur  substance,  par- 
ticipent à  leur  vie,  et  acquièrent  des  forces  que  la  nature  mihérale  est 
absolument  incapable  de  posséder.  Ces  mêmes  végétaux  se  transforme- 
ront bientôt  par  la  manducation  et  ladigestion  en  notre  substance,  forme- 


26ii  LA    MATIÈRE    ET    LA    FORME, 

ront  avec  noire  âiue  intelligente  un  même  tout,  et  deviendront  les  or- 
ganes de  nos  sensations.  Qu'est-ce  qui  a  changé  dans  ces  transforma- 
tions successives?  Ce  n'est  pas  la  matière,  qui  est  au  contraire  demeurée 
la  même.  Oui,  ce  sont  bien  les  mêmes  éléments  qui  étaient  d'abord  dans 
la  terre,  à  l'état  minéral,  qui  acquièrent  ensuite  dans  la  plante 
la  vie  végétale,  et  qui  se  revêtent  de  la  vie  sensitive,  en  passant 
dans  le  corps  de  l'animal.  Mais  si  la  matière  est  la  même,  qu'est-ce 
donc  qui  a  changé?  C'est  ce  qui  détermine  cette  matière,  c'est  par  con- 
séquent la  forme.  Voilà  ce  qui  fait  la  différence  des  espèces,  des  genres, 
des  classes  et  des  règnes,  dans  la  nature  sensible.  Sur  la  terre  au 
moins,  la  matière  est  commune  aux  êtres  les  plus  dissemblables  ;  elle 
est  dans  un  flux  perpétuel  :  minéraux,  végétaux,  animaux,  l'homme  lui- 
même,  échangent  constamment  ensemble  les  parties  dont  se  compose 
leur  substance.  Ce  qui  les  constitue  dans  leur  espèce,  ce  qui  les  dislin- 
gue, ce  qu'il  y  a  d'immuable  dans  chacun  d'eux,  c'est  ce  je  ne  sais 
quoi  qui  s'empare  de  la  matière,  et  lui  donne,  à  mesure  qu'elle  passe 
d'une  espèce  dans  une  autre  espèce,  d'un  règne  dans  un  autre  règne, 
une  manière  d'être  toute  nouvelle  et  les  propriétés  les  plus  opposées. 
Or,  ce  principe  déterminant,  cette  source  des  forces  et  des  propriétés 
spécifiques  de  l'être  matériel,  nous  l'avons  dit,  c'est  la  forme  ;  tandis 
que  la  matière,  dans  le  sens  propre  de  ce  mot,  c'est  ce  qui,  dans  les 
corps,  est  indifférent  à  recevoir  une  détermination  quelconque. 

Par  ce  qui  précède  on  peut  comprendre  qu'il  y  a  deux  sortes  de 
formes  :  l'une  accidentelle,  qui  ne  change  dans  l'être  que  sa  détermina- 
lion  extrinsèque  ou  les  qualités  modèles;  et  l'autre  substantielle,  qui 
change  sa  nature  intime  et  ses  propriétés  constitutives.  Un  arbre  croît 
et  décroît,  il  devient  plus  fécond  et  plus  stérile  :  c'est  pourtant  toujours 
le  même  arbre  ;  il  n'a  changé  que  sa  forme  accidentelle.  Mais  si  les 
végétaux  dont  j'ai  fait  ma  nourriture  se  transforment  en  ma  substance, 
ce  ne  sera  plus  une  moditication  purement  accidentelle  qu'ils  auront 
subie;  cette  forme  nouvelle  qu'ils  auront  revêtue  et  en  vertu  de  laquelle 
ils  sont  organes  de  sensation  et  d'intelligence,  est  vraiment  une  forme 
substantielle. 
Quoi  de  plus  clair  que  ces  notions?  Et  quoi  de  plus  fortement  ap- 


LA   MATIÈRE    LT    LA    FORME.  265 

piiyé  sur  la  raison  et  le  bon  sens  que  la  théorie  scolastique  ainsi  con- 
çue? 11  n'y  aurait  que  deux  moyens  de  la  nier  :  il  faudrait  nier  que  les 
même  éléments  concourent  à  la  formation  des  divers  genres  d'êlres^ce 
qui  serait  manifestement  contraire  à  l'expérience  ;  ou  bien  il  faudrait 
nier  qu'en  passant  d'un  être  dans  un  autre,  ces  éléments  constituent  de 
nouvelles  substances,  ce  qui  répugne  au  sens  commun.  Qui  oserait  dire 
qu'un  arbre,  un  animal  et  une  motte  de  terre  sont  une  seule  et  même 
substance?  Qui  oserait  dire  surtout  que  le  corps  humain  n'est  pas  une 
substance  distincte  des  végétaux  qui  lui  ont  servi  d'aliment? 

C'est  là,  en  effet,  que  conduirait  la  négation  absolue  de  la  théorie 
scolastique  de  la  forme  substantielle.  Dans  cette  théorie,  l'âme  raison- 
nable, en  s'emparant  des  éléments  que  la  nutrition  fait  entrer  dans 
notre  corps,  leur  donne  un  être  nouveau  ;  elle  leur  communique  une 
partie  des  forces  dont  Dieu  Ta  douée  ;  elle  en  fait  des  éléments  vivants 
et  sensibles.  L'âme,  en  effet,  n'a  pas  reçu  de  son  Créateur  un  seul  ordre 
de  puissances,  comme  le  supposent  les  animistes  ;  elle  n'est  pas  seulement 
intelligente  et  raisonnable,  elle  est  encore  sensible  et  végétante.  Ses 
facultés  raisonnables  n'ont  pas  besoin  d'organes  pour  s'exercer,  et  elles 
ne  peuvent  même  proprement  s'exercer  par  les  organes.  11  en  est 
autrement  de  la  vie  animale  et  de  la  vie  végétative  ;  ces  deux  vies  ne 
peuvent  être  dans  l'âme  que  comme  dans  le  principe  d'où  elles  émanent; 
pour  s'exercer,  elle  ont  besoin  d'organes  matériels  ;  ce  sont  donc  ces 
deux  vies  que  l'âme  communique  aux  éléments  matériels  qui  en  étaient 
auparavant  dépourvus.  En  vertu  de  cette  communication,  le  corps  et 
l'âme  ne  font  qu'un  seul  tout,  un  vrai  composé,  dont  les  parties,  sépa- 
rément incomplètes,  se  complètent  l'une  l'autre.  L'âme  n'est  pas  dans 
le  corps  comme  un  nautonnier  dans  sa  barque,  ainsi  que  Platon  se  l'était 
imaginé.  La  conscience  du  genre  humain  donne  en  ceci  un  solennel 
démenti  à  l'erreur  de  Platon.  11  n'est  pas  d'homme  qui,  en  parlant  de 
son  corps  ne  dise  moi,  et  qui,  en  recevant  un  coup,  ne  dise  :  on  m'a 
frappé.  Platon  lui-même  n'aurait  pas  parlé  autrement.  Ce  sentiment  de 
notre  unité  substantielle,  cette  fusion  intime  de  notre  âme  et  de  notre 
corps  en  un  même  tout,  que  l'abstraction  seule  peut  décomposer,  seront 
éternellement  la  réfutation  de  tous  les  systèmes  qu'on  cherchera  à 


266  LA    MATIÈRE    ET    LA    FORME. 

substituer  à  la  doctrine  scolastique.  Que  l'on  imagine  avec  Leibnitz 
une  harmonie  préétablie  de  Dieu  entre  l'âme  et  le  corps,  comme  entre 
deux  horloges  qu'un  habile  ouvrier  ferait  concorder  parfaitement;  que 
l'on  soutienne  avec  Malebranclie  le  rêve  plus  étrange  encore  des  causes 
occasionnelles,  et  que  l'on  fasse  agir  Dieu  seul  dans  le  corps,  à  l'occasion 
des  mouvements  de  l'âme,  et  dans  l'âme  à  l'occasion  des  mouvements 
du  corps  ;  que  l'on  pose  le  corps  et  l'âme  vis-à-vis  l'un  de  l'autre, 
comme  deux  substances  indépendantes,  qui  exercent  l'une  sur  l'autre  une 
influence  physique  :  rien  de  tout  cela  ne  pourra  tenir  contre  les  protes- 
tations du  sens  intime.  Seule,  la  doctrine  de  l'unité  substantielle  du 
composé  humain,  et  par  conséquent  la  théorie  de  l'âme  forme  substan- 
tielle du  corps  humain,  pourra  satisfaire  aux  exigences  du  sens  commun, 
comme  elle  concorde  seule  avec  les  données  de  la  foi. 

Ici,  en  effet,  nous  ne  sommes  plus  sur  un  terrain  purement  rationnel. 
La  doctrine  de  l'unité  substantielle  de  l'homme,  intéresse  la  foi  au  plus 
haut  degré  ;  plusieurs  de  nos  dogmes,  celui  de  la  résurrection  de  la 
chair,  par  exemple,  supposent  cette  unité.  Comment  d'ailleurs  ébrianler 
celte  unité  dans  l'homme,  sans  compromettre  l'unité  de  l'Homme-Dieu, 
et  sans  détruire  l'harmonie  de  ce  composé,  tout  autrement  admirable, 
qui  du  Verbe  de  Dieu,  du  corps  et  de  l'âme  de  Jésus-Christ,  ne  fait 
qu'une  seule  personne?  Comment,  enfin,  avec  l'unité  de  l'homme  et 
l'unité  de  l'Homrae-Dieu,  ne  détruirait-on  pas  en  même  temps  l'unité 
de  l'œuvre  divine,  si  merveilleusement  ébauchée  dans  la  nature  à  la 
fois  spirituelle  et  corporelle  de  l'homme,  et  plus  merveilleusement 
consommée  dans  le  composé  humain  et  divin  du  Verbe  incarné?,.. 

Quiconque  pèsera  ces  considérations,  ne  s'étonnera  plus  du  soin  avec 
lequel  l'Église  a  maintenu  dans  sa  pureté,  une  doctrine  qu'on  aurait  pu 
croire  au  premier  abord  assez  indifférente  à  la  foi.  Déjà  il  y  a  cinq 
siècles,  Clément  V  avait  défini,  avec  l'approbation  du  concile.de  Vienne, 
que  l'âme  raisonnable  est  par  elle-même  et  essentiellement  la  forme  du 
corps  humain  (i).  Léon  Xa  confirmé  cette  vérité  au  concile  de  Latran, 

(1)  Doctrinam  omnem  seu  positionem  temere  asserentem  aut  ver- 
teulem  ia  dubiuaj  quod  substautia  animée  rationalis  seu  iutellectivse  vere 
ac  per  se   humaui  corporis  nou  sit  forma,  velut    erroneam  ac  veritali 


LA    MATIKRE    ET    LA    FORME.  '267 

et  dans  les  derniers  temps  encore,  deux  philosophes  allemands  Giinlher 
elBalzer  ayant  essayé  d'ébranler  l'unité  du  composé  humain,  Pie  IX 
l'a  hautement  affirmée,  en  rappelant  que^  d'après  l'enseignement  de 
l'Église,  l'âme  raisonnable  est  par  elle-même  la  forme  vraie  et  immé- 
diate du  corps  humain  (1). 

Ainsi  sur  ce  point,  il  n'y  a  pas  de  dissentiment  possible  parmi  les 
catholiques.  Il  n'est  pas  de  professeurs  de  théologie  et  de  philosophie, 
qui  ne  doivent  suivre  la  tradition  scolastiqne  entendue  au  sens  que  nous 
venons  dédire.  Au  moins  nous  est-il  impossible  de  comprendre  comment 
on  pourrait  s'en  écarter  sans  se  mettre  directement  en  opposition  avec 
la  raison  et  avec  la  foi. 

H.  Ramière,  s.  J. 

calliolicse  inimicam  fidei,  prœdicto  sacro  approbante  concilio  roprobamus  ; 
definienles...  quod  quisquis  deinceps  asserere,  defendere.seu  tenere  per- 
tiuaciler  prœsucupserit  quod  anima  ratioualis  seii  intellectiva  non  sil  forma 
corporis  humani  perse  et  cssenlialiter tanquam  liœreticussit censendus. 
Clementin.  lib.  i,  tit.  i.  cap.  unico.  de  summa  Trinitate  et  fuie  catholica. 
(1)  Noscimus  iisdem  libris  laedi  catbolicam  senleutiam  ac  doctriuam 
de  homine,  qui  corpore  et  anima  ila  absolvatur,  ut  anima,  eaquc  ratjo- 
nalis  sit  vera,  per  se,  atque  immediatrf  corporis  forma.  LitLcrœ  aposlolicœ 
ad  cardinalem  Geissel,  arch.  Colon,  an.  1857. 


LITURGIE. 


EXAMEN   DE    PLUSIEURS    DIFFICULTÉS    RELATIVES   AUX   ÉGLISES 
ET    ORATOIRES. 

I,  Quelle  est  la  définition  bien  précise  d'une  église  et  d'un  oratoire 
public? — Peut-on  appeler  église  un  édifice  attenant  et  apparte- 
nant à  une  Communauté  religieuse,  mais  dans  lequel  le  public  n'est 
pas  admis  indistinctement,  ni  à  tous  les  offices  qui  s'y  célèbrent  ? — 
Peut-on  appeler  église,  ou  même  oratoire  public,  une  chambre  ou 
un  appartement  quelconque,  où,  provisoirement  et  en  attendant  une 
église  véritable,  des  religieuses  disent  lofflce  et  font  célébrer  la 
messe  ?  Le  public  y  est  admis.  —  Doit-on  regarder  comme  église 
un  édifice  religieux  construit  ad  hoc  au  milieu  d'un  hôpital  ou  d'un 
séminaire;  mais  dans  lequel  le  public  n'est  pas  admis  ?  —  H.  Un 
oratoire  public  peut-il  avoir  pour  titulaire  un  Saint  des  catacombes, 
dont,  par  induit  apostolique,  on  peut  célébrer  la  messe  une  fois 
l'an?  —  m.  Lorsqu'un  prêtre  étranger  se  présente  pour  dire  la 
messe  dans  un  oratoire  public,  si  la  couleur  qu'il  demande  n'est 
pas  admise  par  l'Orào,  y  a-t-il  obligation  rigoureuse  de  lui  refuser 
les  ornements  qnil  demande  ?  —  IV.  Lorsqu'une  église  paroissiale 
ou  un  oratoire  de  séminaire  sont  desservis  par  des  religieux,  quel 
Ordo  faut-il  suivre  ?  Est-ce  l'Orào  des  religieux  qui  doit  exclusi- 
vement y  être  suivi  ou  bien  celui  du  diocèse  ?  Ou  bien  encore,  faut- 
il  imposer  leur  Ordo  aux  religieux,  et  l'Orào  du  diocèse  aux  prêtres 
étrangers?  —  V.  Lorsqu'une  église  a  pour  titulaire  la  sainte 
Vierge  ou  un  Mystère  de  Notre-Seigneur,  peut-on,  doit-on  nommer 
à  la  lettre  N.  de  l'oraison  A  cunctis  le  patron  du  lieu,  s'il  en 
existe  un  ? 


LITURGIE.  269 

Malgré  les  nombreuses  dissertations  publiées  depuis  un  certain  nom- 
bre d'années  sur  les  points  relatifs  aux  églises  et  oratoires,  bien  des 
difficultés  sur  la  situation  canonique  de  certaines  chapelles  paraissent 
n'avoir  pas  été  résolues.  La  matière,  en  effet,  est  assez  compliquée,  et 
en  suivant  pas  à  pas  les  questions  qui  nous  sont  adressées,  nous  es- 
sayons, non  pas  de  les  éclaircir  complètement,  mais  de  fournir  notre 
faible  contingent  pour  y  apporter  quelque  lumière. 

I.  Pour  bien  comprendre  la  définition  d'une  église  et  d'un  oratoire 
public,  il  suffit  de  revenir  sur  ce  qui  a  été  dit  t.  viii,  p.  564.  1°  On 
donne  le  nom  d'église  à  tout  édifice  canoniquement  érigé  comme  église, 
et  telles  sont  les  églises  primatiales,  métropolitaines,  cathédrales,  col- 
légiales, paroissiales  et  conventuelles.  2°  On  donne  encore  le  nom  d'é- 
glise, avons-nous  dit,  à  certains  oratoires  ou  chapelles,  à  raison  de 
leur  importance  ou  de  la  structure  de  l'édifice.  3°  Pour  qu'un  édifice 
puisse  porter  le  nom  d'église,  il  faut  avant  tout  qu'il  soit  dans  les  con- 
ditions d'un  oratoire  public;  or,  d'après  ce  qui  a  été  dit  t.  vi,  p.  264, 
un  édifice  dans  lequel  le  public  n'est  pas  admis  indistinctement,  ne 
peut  pas  être  un  oratoire  public  proprement  dit,  et  à  plus  forte  raison, 
ne  peut  pas  être  une  église.  4°  Il  faut  encore  qu'un  oratoire  public 
soit  destiné  au  culte  d'une  manière  permanente  comme  il  a  été  dit  au 
môme  lieu,  p.  260;  on  ne  peut  donc  pas  appeler  oratoire  public,  ni, 
à  plus  forte  raison,  église,  un  appartement  où  l'on  dit  la  messe  d'une 
manière  provisoire.  5°  Outre  les  oratoires  publics,  nous  avons  parlé 
des  oratoires  quasi-publics,  et  nous  avons  analysé  un  votiitn  présenté 
à  la  Congrégation  du  Concile  :  on  y  voit  toutes  les  raisons  pour  les- 
quelles la  sacrée  Congrégation  a  différé  de  répondre  aux  questions 
qui  lui  étaient  posées. 

II.  Toutes  les  fois  qu'un  édifice  religieux  est  dans  les  conditions 
voulues  pour  avoir  un  titulaire,  il  peut  être  dédié  à  un  mystère  ou  à 
un  Saint.  Ici  deux  questions  se  présentent  :  1°  Quels  sont  les  édifices 
religieux  qui  peuvent  avoir  un  titulaire  proprement  dit?  2»  Quels  sont 
les  Saints  auxquels  un  édifice  rehgieux  peut  être  dédié? 

Sur  le  premier  point,  il  est  hors  de  doute  que  les  églises,  ainsi  que 
les  oratoires  publics  des  religieux  et  des  religieuses  obligés  au  grand 


270  LITURGIE. 

office,  ont  un  titulaire  liturgique.  Tout  le  monde  est  d'accord  sur  ce 
point,  et  il  a  été  confirmé  par  plusieurs  décisions.  Mais  le  point  en  li- 
tige est  relatif  aux  oratoires  publics  des  hôpitaux,  des  confréries,  des 
séminaires,  des  collèges,  etc.  Plusieurs  décisions  ont  été  portées  sur 
ce  sujet,  et  tout  le  monde  ne  les  interprète  pas  de  la  même  manière; 
quelques  personnes  même  y  trouvent  des  points  contradictoires.  Une 
partie  de  ces  décisions  ont  été  rapportées  eu  entier,  t.  v,  p.  292  et 
suivantes.  Nous  pouvons  ajouter  celles-ci  : 

V^  Queition.  «  Juxta  decretura  S.  R.^C.  diei  12  novembris  1831 
«  celebrari  non  débet  rilu  duplicis  primae  classis  cum  Credo  et  octava 
«  festum  titularis  capellarum  publicarum,  quae  existunt  in  hospitali- 
«  bus  domibusque  regulariura.  Verum  existunt  in  diœcesi  Mechli- 
a  niensi  plura  hujusmodi  oratoria  benedicta,  quandoque  etiam  conse- 
«  crata,  quibus  unus  saltem  sacerdos,  tanquam  director  seu  pastor 
«  adscriptus  est,  qui  ex  spécial!  commissione  Ordinarii  non  tantum 
a  ibidem  célébrât,  sed  et  raunera  qusedam  pastoralia  exercet,  v.  g. 
a  instruendo  populum,  aliqua  sacramenta  adminislrando,  etc.  Quaeri- 
«  tur  ergo  an  sub  decreto  supradicto  comprehendantur  etiam  prae- 
«  dicta  oratoria  :  1°  si  sint  publica;  2°  si  non  sint  publica,  sed  tan- 
a  tum  inserviant  determinatis  personis,  ex.gr.  inûrrais  in  nosocoraio, 
a  vel  monialibus,  aut  aliis  in  monasterio  seu  cooventu  commoran- 
«  tibus  ?  » 

Réponse  :  «Négative  juxta  decretum  12  nov.  1831.  »  (Décret  du 
7déc.  1844,  n°  4985,  q.  2). 

2^  Queslion.  «  1....  2.  Utrum  parochus  debeat  facere  octavam  de 
0  Sancto  titulari  alicujus  capellae,  in  qua  hic  et  nunc  celebratur 
«  missae  sacrificium?  3.  Utrum  professores,  necnon  seminaristae  in 
«  majoribus  conslituti  ordinibus  teneantur  ad  octavam  patroni  ecclesi» 
«  seminarii,  quae  omnibus  patet  fidelibus,  vel  potius  retinere  patro- 
«  num  civitatis  in  qua  seminarium  situm  est?  4....  5.  Ecclesia  se- 
«  minarii  Ruremundensis,  quae  quamvis  parochialis  non  sit,  tamen 
«  omnibus  patet  fidelibus,  quaeque  titularem  patronum  habet  S.  Ca- 
«  rolum  Borroraîeum;  pelitur  num  festura  hujus  Sancli  quarta  novem- 
«  bris  die  per  modum  festi  palronalis  sub  ritu  dupl.  I  class.  cum 


LITURGIE.  271 

«  octava  a  praeside,  professoribus,  atque  alumnis  serainarium  inhabi- 
«  lantibus  celebrari  possit  ac  valeat,  et  inter  suffragia  ad  vesperas  et 
«  laudes  de  eodem  S.  Carolo,  ut  in  Breviario,  commemoratio  fieri 
«  debeat?  »  Réponses.  «Ad  1....  Ad  2.  Négative  juxta  rubricas. 
«Ad  3.  Teneri  ad  octâvara  titularis  ecclesiae  adnexae.  Ad  4... 
a  Ad  5.  Jam  provisum  in  tertio  dubio  :  fieri  auteni  debere  comme- 
a  raorationera  in  suffragiis  ad  tramites  rubricae,  »  (Décret  du  27  fév. 
1847,  n'5079,  q,  2,  3  et  5.) 

3e  Question.  «  Festuni  Corporis  Christi  est  festum  patronale  ca- 
«  pellse  majoris  serainarii  Briocensis  omnibus  patentis  fidelibus,  in 
«  qua  missa  solemnis  celebralur,  et  vesperae  solemniter  cantantur  in 
a  omnibus  dominicis  et  diebus  festivis,  seu  festivitatis  ;  aliunde  festum 
a  S.  Brioci  est  festum  titularis,  necnon  patroni  urbis  et  diœcesis 
«  Briocen.  Igitur  quaeritur  1°  Utrum  professores  necnon  seminaristae 
et  in  majoribus  constituti  ordinibus  teneantur  ad  commemorationem 
«  festi  Corporis  Christi  inter  suffragia  ad  vesperas  et  laudes  in  diebus 
«  semiduplicibus  ;  et  infra  quaeritur,  2°  Utrom  iidem  teneantur  inter 
«  eadem  suffragia  ad  commemorationem  S.  Brioci  patroni  et  titularis 
a  urbis,  et  diœcesis  Briocensis  ?  »»  Réponse.  «  Qnoad  primam  quae- 
«  stionem,  affirmative,  si  agatur  de  ecclesia  publica.  Qnoad  secun- 
«  dam  quaestionem,  affirmative.  »  (Décret  du  22  juillet  1855,  n°  5221 , 
q.  6.) 

On  voit  par  ces  réponses,  qu'à  la  question  posée  d'une  manière 
générale,  savoir  si  les  lieux  pieux  peuvent  avoir  un  titulaire  propre- 
ment dit,  la  sacrée  Congrégation  a  toujours  donné  une  réponse  néga- 
tive. 11  ne  suit  pas  de  là,  cependant,  que  certaines  chapelles  publiques 
ou  quasi-publiques  ne  puissent  jouir  de  ce  privilège  et  être  considérées 
comme  églises  ;  et  de  fait,  cette  distinction  est  accordée  à  deux  cha- 
pelles de  séminaires  par  les  décrets  cités.  Maintenant;  pour  distinguer 
propremci.t  les  églises  des  oratoires,  il  y  aura  toujours  quelques  diffi- 
cultés pratiques.  Mais  il  semble  qu'on  doit  regarder  comme  églises 
celles  des  séminaires  qui  sont  ouvertes  aux  fidèles  et  ont  une  issue  sur 
la  voie  publique,  et  nous  ne  voyons  pas  pourquoi  les  chapelles  des 
autres  lieux  pieux  ne  seraient  pas  aussi  des  églises,  si  elles  sont  dans 


272  LITURGIE. 

les  mêmes  conditions.  Nous  devons  cependant  observer  que  la  sacrée 
Congrégation  ne  dispense  pas  du  suffrage  du  patron  du  lieu  ;  et  en 
cela,  les  églises  dont  il  s'agit  sont  soumises  à  la  règle  concernant  les 
oratoires. 

Sur  le  deuxième  point,  relatif  à  la  qualité  du  titulaire,  le  Saint  au- 
quel on  dédie  une  église  doit  être  canonisé.  11  ne  suffit  pas  que  son 
culte  ait  été  autorisé  par  l'Église,  et  l'on  ne  pourrait  même  dédier  un 
oratoire  à  un  simple  bienheureux.  Outre  les  décisions  qui  interdisent 
le  culte  public  d'un  bienheureux  sans  induit  spécial,  la  dédicace  d'une 
église  à  un  bienheureux  est  défendue  par  le  décret  suivant.  Ques- 
tions. «  1.  An  B.  Rita  de  Cascia  possit  eligi  in  litularem  ecclesiae  pu- 
ce blicae  erectae  in  hospitio  Meliapuriensi  patrum  Eremitarura  S.  Au- 
«  gustini,  quia  cum  de  titulari  cujusvis  ecclesiae  debeant  fieri  suffragia 
«  in  laudibus  et  vesperis,  quod  est  prohibitum  quoad  beatos  nondum 
a  canonizatos  ;  item  de  titulari  fit  officium  cum  octava,  de  beatis  vero 
«  non  fit  cura  octava,  absque  speciali  privilégie?  2.  Casu  quo  dicta 
«  beata  sit  electa  in  titularera  contradicente  ordinario  :  an  debeat  sup- 
«  primi  talis  titulus,  et  eligi  in  titularem  alius  Sanctus  jara  canoni- 
«  zatus?  »  Réponse.  «  Ad  1.    Non  hcere  patribus  |eremitis  S.  Au- 
«  gustini  Pontificio  indulto  nequaquam  munitis,  assumere  in  titularem 
«  propriae  ecclesiae  B.  Ritam  de  Cascia.  Ad  2.  Tilulum  sic  assum- 
«  ptum  debere  supprimi,  et  alium  pro  eo  de  Sancto  jam  canonizato 
«  substitui.  »  (Décret  du  23  janvier  1740,  n*  4101.)  Mais  on  ne 
peut  pas  conclure  de  là,  qu'une  église  ou  un  oratoire  ne  puisse  être 
dédié  à  un  Saint  des  catacombes  dont  la  sacrée  Congrégation  a  per- 
mis de  dire  la  messe.  Nous  ne  voudrions  pas  affirmer  la  licéité  de  la 
chose,  ni  coopérer  à  l'élection  d'un  Saint  des  catacombes  comme  titu- 
laire, sans  avoir  consulté  la  sacrée  Congrégation  ;  cependant  l'affir- 
mative^ ;nous  paraît  probable.  Des  auteurs  remarquables,  en  effet, 
enseignent,  quoiqu'avec  une  certaine  réserve,   que    les  Saints  des 
catacombes  dont  l'Eglise  autorise  le  culte,  doivent  être  rangés  au 
nombre  des  Saints  canonisés,  a  An  Sancti  extracli  e  cœmeteriis  Urbis, 
a  dit  Cavalieri  (t.  ii,  p.  247,  decr.  381,  n.  11),  canonizatorum,  vel 
«  non  canonizatorum  classi  sint  adhibendi,^licet  perquirere  ;  et  nos 


LITURGIE.  273 

«  canonizatorum  numéro  eosdem  jungimus;  eorurn  enim  sanclitas 
a  certa  est,  et  ab  Ecclesia  ipsa  tanquam  Sancti  universali  Ecclesiae  ve- 
«  nerandi  proponuntur  ;  et  quarido  pro  Christo  sanguinem  dederunt, 
a  tanquam  Christi  martyres  ab  eadem  ecclesia  coli  cœperunt,  et  hac 
a  de  causa  eorum  sepulcra  cum  signis  sanctitatis  et  martyrii  praeno- 
a  tata  fuere,  ne  débite  cuitu  a  posteris  defraudati  venirent.  Quod  si 
«  eorumdem  cultus  apud  Ecclesiara  desiit,  non  ideo  factura  est,  quod 
a  Ecclesia  crederel  eosdem  talem  cultum  non  raereri,  sed  quia  eorum- 
a  dem  notifia  ad  ipsam  non  devenit.  Cœterura,  quia  in  memoratis 
a  cœmeteriis  plurima  sanctorum  corpora  latere  fama  constans  ac  certa 
«  erat,  ad  eadem  loca  tanquam  ad  conditoria  sanctorum  corporum 
a  suura  cultum  seraper  direxit.  Ad  rem  item  admodum  facit,  quod 
a  Ecclesia  nunquam  in  usu  habuit  eosdem  inter  Sanctos  forraaliter 
a  referre.  »  Benoît  XIV  [De  Serv.  Dei  Beatif.  et  Beat,  canoniz. 
1.  IV,  part.  H,  c.  xxviii,  n.  34)  enseigne  que  les  Saints  dont  il  s'agit 
ici  ne  peuvent  être  comparés  aux  simples  bienheureux.  «  Non  valet 
«  aequiparatio  beatorum  ad  sanctos  baptizatos,  cum  in  beatis  aliud 
«  supersit  Ecclesiae  judicium,  et  Sanctis  baptizatis  non  item.  » 

III.  Les  règles  quirésultent  des  décrets  de  la  sacrée  Concrégation  des 
rites  relativement  à  la  messe  célébrée  dans  une  église  étrangère  sont 
assez  claires  et  assez  positives  pour  qu'on  ne  puisse  en  être  dis- 
pense par  une  cause  légère  ;  et  l'on  ne  peut  pas  supposer  que  le  prêtre 
qui  demande  des  ornements  d'une  couleur  dont  l'usage  n'est  pas 
admis  ce  jour-là  par  les  régies  de  l'Église  ne  soit  pas  heureux  d'être 
refusé  si  en  le  faisant  on  observe  les  lubriques  et  on  lui  évite  l'incon- 
vénient de  les  violer.  On  n'en  serait  dispensé  que  s'il  y  avait  une  raison 
d'appliquer  le  principe  :  Lex  non  ohligat  cum  tanto  incommodo. 

IV.  Dans  toute  église  et  oratoire^public,  il  doit  y  avoir  un  seul  Ordo  : 
sans  quoi  les  règles  dont  nous  venons  de  parler  pour  les  messes  célé- 
brées dans  une  église  étrangère  n'auraient  pas  leur  application.  Quel 
doit  donc  èireVOrdo  d'une  église  desservie  par  des  religieux  qui  ont 
leur  calendrier  propre?  Ainsi,  par  exemple,  un  séminaire  est  dirigé 
par  une  congre'gation  qui  suit,  par  induit  spécial,  le  calendrier  de  la 
ville  de  Ro  ne  :  ce  calendrier  doit-il  être  imposé,  au  moins  pour  la 

Revue  des  Sciences  ecclés.,  t.  x.—  septembre  18C4.  19 


274  LITURGIE. 

célébration  de  la  messe,  à  tous  les  prêtres  qui  célèbrent  dans  l'ora- 
toire public  du  séminaire?  Ce  cas  est  assez  pratique,  et  nous  avons 
toujours  pensé  que  si  la  concession  n'est  pas  locale,  et  sauf  un  induit 
spécial,  VOrdo  du  diocèse  doit  prévaloir  dans  une  église  ou  un  ora- 
toire public,  qui  n'est  pas  l'église  propre  des  religieux,  tellement 
que  la  présence  d'un  prêtre  étranger  pourrait  obliger  les  religieux  atta- 
chés au  service  de  cette  église  à  dire  ce  jour -là  la  messe  qu'indique 
VOrdo  du  diocèse, 

V.  A  la  lettre  N.  de  l'oraison  A  cunctis,  on  doit  nommer  le  titulaire 
de  l'église  où  l'on  célèbre.  Mais  il  peut  arriver  que  le  titulaire  soit  un 
mystère  de  Notre-Seigneur  ou  de  la  sainte  Vierge  ;  il  peut  se  faire 
encore  que  le  titulaire  soit  un  Saint  déjà  nommé  dans  cette  oraison, 
comme  saint  Pierre  ou  saint  Paul;  on  peut  aussi  célébrer  dans  un  ora- 
toire qui  n'a  point  de  titulaire  :  on  doit  sur  ce  point  se  conformer  aux 
règles  suivantes. 

1°  Que  l'on  doive  nommer  le  titulaire  à  la  lettre  N.  de  l'oraison 
A  canctig,  la  chose  est  bien  claire  d'après  les  décrets  suivants. 

1"  Décret.  Question.  «  In  missali  romano  praecipitur,  ut  pnst  no- 
«  mina  Apostolorum  Pétri  et  Pauli,  inoratione/4  cunctis  etc.,  dicatur 
a  noraen  patroni  praecipui  illius  ecclesiae,  seudiœcesis.  In  Hispania  est 
'(  praecipuus  illius  regni  patronus  B.  Jacobus  apostolus,  et  ex  conces- 
«  sione  Apostolica  in  ecclesia  et  diœcesi  Guadicensi  est  patronus  spe- 
«  cialis  S.  Torquatus,  B.  Jacobi  apostoli  discipulus,  et  ejusdem  eccle- 
«  siaeet  civitatis  primus  episcopus.  Quaeritur  :  An  inprœdictaoratione 
«  A  cunctis  debeat  dici  nomen  B.  Jacobi  apostoli,  an  B.  Torquati?  » 
Réponse,  a  In  oratione  A  cunctis  post  nomina  sanctorum  apostolorum 
«  Pétri  et  Pauli,  nomen  Torquati  tanquam  Ecclesiae  cathedralis  Gua- 
«  dicensis  Patroni  dumtaxat  ponendum  esse.  »  (Décret  du  22  janvier 
1678,  n»  2856,  q.  8.) 

2*  Décret.  Questions.  «...  15.  S.  Jacobus  est  patronus  universa- 
a  lis  regnorum  Hispaniae,  sancti  vero  martyres  Steraeterius  et  Caledo- 
tf  nius  fratres  sunt  patroni  particulares  ecclesiae  cathedralis,  et  totius 
«  diœcesis  Santanderiensisriteelecti,  et  novissime  approbatia  S.  R.  G. 
«  Quaeritur  igitur  :  Quis  ex  bis palronis debeat  nominari....  in  oratione 


LITURGIE.  275 

«  A  cunetîs,  quando  in  missis  haec  oratio  dicitur  in  ecclesia  matrice  et 

•  in  caeteris  diœcesis?  16.  In  casu,  quo  ob  dignitatis  praestantiam 
«  nominari  debeat  S.  Jacobus,  quseritur  an...  exprirai  etiam  possint 
«  nomina  SS.  Stemeterii  el  Caledonii  inpraedictaoratione...,praecipue 
«  in  ecclesia  matrice  ubi  sacra  eorum  capita...  venerantur?  Et  si  ne- 
a  gative,  supplicatur  pro  gratia  ad  promovendum  cultum  qui  ipsos 
a  decet  in  ecclesia  cathedrali  ac  tota  diœcesi  ratione  sui  specialissimi 
a  patronatus.  »  Réponses.  «Ad  15.  In  qualibet  ecclesia  norainandum 
a  esse  gatronum  seu  titularem  proprium  ejusdem  ecclesiae.  Ad  16. 
«  Provisum  in  praecedenli.  d  (Décret  du  23  janvier  1793,  n<»  4448, 
q.  15  et  16.) 

3e  DÉCRET.  Question.  «  An  patronus  nominandus  in  oratione  A 
«  cunctis  intelligi  debeat  patronus  principalis  loci?«  Réponse,  a  Nomi- 
«  nandus  titularis  Ecclesiae.  »  (Décretdu  ISnovembre  1831,  n°4669, 
q.31.) 

2°  Si  le  titulaire  de  l'Église  a  déjà  été  nommé  dans  l'oraison  A  cunctis, 
il  n'y  a  rien  à  ajouter  à  la  lettre  N.  On  n'ajoute  rien  non  plus  si  la 
messe  est  de  ce  Saint. 

Cette  règle  est  appuyée  sur  cette  décision.  Question,  a  Quis  nomi- 
«  nandus  sit  ad  litterara  N.  si  patronus  vel  titularis  jam  nominatus  sit 
«  in  illa  oratione,  aut  de  eo  celebrata  sit  missa  ?  »  Réponse.  «  Si  jam 
«  fuerit  nominatus,  omittenda  nova  norainatio.  b  (Ibid.) 

3"  Si  l'on  célèbre  dans  un  oratoire  qui  n'a  pas  de  titulaire,  on  nomme 
le  patron  du  lieu. 

Le  décret  suivant  vient  à  l'appui  de  cette  règle.  Question.  «  Sacer- 
«  dos  celebrans  in  oratorio  publico  vel  privato  quod  non  habet  sanctura 
«  patronum  vel  titularem,  an  debeat  in  oratione  A  cunctis  ad  litteram 
«  N.  nominare  sanctum  patronum  vel  titularem  ecclesiae  parochialis 
a  intra  cujus  limites  sita  sunl  oratoria,  vel  sanctura  patronum  eccle- 
«  siae  cui  adscriptus  est,  vel  potius  omnera  ulteriorem  nominationem 

•  omiltere  ?  »  Réponse.  «  Patronum  civitatis,  vel  loci  nominandum 
«  esse.  •  (Décret  du  12  septembre  1840,  n**  4897,  q.  2.) 

4»  Si  le  titulaire  de  l'église  est  un  mystère  de  la  vie  de  Notre-Sei- 
gneur  ou  de  la  très-sainte  Vierge,  les  auteurs  sont  partagés  sur  la 


276  LITURGIE. 

question  de  savoir  s'il  faut  nommer  le  patron  du  lieu  à  la  lettre  N,,  ou 
s'il  ne  faut  rien  ajouter.  M.  de  Conny  est  pour  ce  dernier  sentiment  et 
son  autorité  offre  assez  de  garantie  pour  nous  servir  de  guide.  La 
deuxième  règle  ci-dessus  énoncée  prouve  suffisamment  qu'il  n'y  a  rien 
à  ajouter  si  le  titulaire  est  un  mystère  de  la  sainte  Vierge,  car  l'au- 
guste Mère  de  Dieu  est  toujours  nommée  dans  cette  oraison.  Les  pa- 
roles de  la  conclusion  suffisent  peut-être  aussi  pour  dispenser  de 
l'obligation  de  nommer  le  Patron  du  lieu,  si  l'église  est  dédiée  à  un 
mystère  de  la  vie  de  Notre-Seigneur.  P-  -R. 


QUESTIONS   DIVERSES. 

L  Quand  une  fête  patronale  occupe  dans  le  calendrier  diocésain  une 
autre  place  que  dans  le  calendrier  de  VEglise  universelle,  à  quel 
jour  doit-on  la  célébrer  ?  —  If.  Lorsqu'un  prêtre  s'aperçoit  d'une 
manière  certaine  qu'il  y  a  une  faute  datis  l'Ovào,  par  exemple  dans 
la  translation  d'une  fête,  que  doit-tl  faire  ?  Doit-il  suivre  TOrdo, 
ou  transférer  lui-même  la  fêle  au  jour  qui  lui  appartient  d'après 
les  rubriques  générales? —  III.  Peut-on  avec  la  permission  de  l'or- 
dinaire, omettre  Vorai&on  ad  libitum  prescrite  par  les  Rubriques, 
pour  y  sîibstituer  une  oraison  commandée  par  l'évêque  ?  — 
IV.  Quand  un  Ordo  indique  plusieurs  choses  contraires  aux  rubriques 
générales  sans  annoncer  si  ces  points  sont  le  résultat  d'un  induit, 
doit-on  se  conformer  à  ces  prescriptionss,  surtout  si  /'Ordo  renferme 
en  outre  des  erreurs  assez  notables?  —  V.  L'évêque  peut-il  pres- 
crire la  procession  après  Vêpres,  le  jour  de  la  fête  du  Sainl- 
Sacrejnent,  sans  induit  apostolique  ? 

I.  Toutes  les  fois  qu'une  fête  occupe  dans  un  calendrier  diocésain 
une  autre  place  que  dans  le  calendrier  de  l'Église  universelle,  la  raison 
en  est  que  le  jour  consacré  à  cette  fête  par  l'Église  universelle  est  oc- 
cupé par  une  fête  locale  d'un  rit  au  moins  égal.  Or,  dans  les  régies 
d'occurrence,  une  fête  patronale  a  toujours  la  préférence  sur  toutes 
celles  qui  se  trouveraient  ainsi  déplacées,  sauf  quelques  exceptions  re- 
latives aux  fêtes  de  Notre-Seigneur,  de  la  Très-sainte  Vierge,  de  la 


LITURGIE.  277 

Nativité  de  saint  Jean -Baptiste,  des  saints  apôtres  Pierre  et  Panl,  de 
la  Toussaint  et  de  la  Dédicace.  On  doit  conclure  de  là  que,  dans  le  cas 
dont  il  est  ici  question,  la  fête  patronale  doit  être  célébrée  au  jour  in- 
diqué dans  le  calendrier  de  l'Église  universelle,  si  ce  jour  n'est  pas  em- 
pêché par  la  fête  de  la  Dédicace,  célébrée  sous  le  rit  double  de  première 
classe.  Aucune  des  autres  fêtes  ci-dessus  exceptées  ne  pouvant  se 
trouver  en  occurrence  avec  la  fête  patronale,  il  n'en  peut  être  ques- 
tion. Tel  est  le  sens  de  plusieurs  décisions  de  la  S.  Congrégation  ;  et 
nous  citons  en  particulier  la  réponse  donnée  à  Mgr  l'évêque  de  Sois- 
sons  le  22  juillet  1855  (n°  5213,  q.  2),  plus  spécialement  relative  à 
la  question  présente.  Question.  «  In  calendario  Suessionen.  proprio, 
a  aliquot  sancti  quarumdam  parochiarum  diœcesis  patroni  transferun- 
«  tur;  jsic  v.  g.  festum  S.  Fiderii,  quod  semper  celebratum  fuit  die 
«  30  augusti,  nunc  transfertur  ad  diera  3  septembris  Quaeritur,  an 
«  haec  translatio  intelligenda  sit  tantum  pro  parochiis  quarum  sanctus 
«  translatus  non  est  patronus,  ita  ut  parochiae  quarum  sancti  translati 
c  sunt  patroni  possint  et  debeant  celebrare  hos  patronos  iisdem  diebus 
«  ac  celebrabantur  ante  translationem?  »  Réponse.  «  Affirmative  in 
«  omnibus.  » 

Une  réponse  semblable  a  été  donnée  plus  récemment  pour  le  dio- 
cèse de  Cambrai.  Question.  «  Quando  duo  festa  occurrunt  eadem  die, 
«  horum  unum  transferri  débet  ad  diem  fixam.Si  auteni  sanctus,  cu- 
«  jus  festum  sic  translatum  fuit,  sit  alicujus  ecclesiae  patronus,  quae- 
«  rilur  an  ejus  officium,  licet  pro  caeteris  ecclesiis  transferatur,  non 
«  débet  fieri  propria  die  in  Ecclesia  cujus  est  patronus,  translato  al- 
a  tero  pro  liac  ecclesia,  v.  g.  festa  S  Vedasti  et  S.  Araandi,  die 
«  6  februarii,  quorum  unum,  scilicet  S.  Vedasti,  fit  propria  die,  al- 
«  terum  autem  transfertur?»  Réponse.  «  Si  sanctus  (cujus  festum  in 
«  kalendario  diœcesano  ad  diem  fixum  translatum  sit),  sit  alicujus 
t  ecclesiae  titulus  vel  patronus,  in  propria  ecclesia  celebrandum  erit 
a  die  qua  de  eo  fit  mentio  in  Martyrologio  Romano,  nisiforte  alla  de 
«  causa  haec  dies  sit  impedita.  »  {Cameracen.,  3  jul.  1859,  ad.  3.) 

L'exception  relative  à  la  dédicace  sera  traitée  ailleurs. 

II.  Lorsqu'un  prêtre  s'aperçoit  d'une  manière  certaine  qu'il  y  a  une 


278  LITURGIE. 

faute  dans  TOrdo,  que  doit-il  faire  ?  —  Lorsqu'un  prêtre  s'aperçoit 
qu'il  y  a  une  faute  dans  YOrdo,  il  doit  évidemment  suivre  la  rubrique 
générale.  LOrdo  indique  l'application  des  règles  de  la  liturgie^  et  il 
n'est  pas  surprenant  que  dans  un  travail  aussi  minutieux  ii  se  glisse 
parfois  quelques  fautes.  Mais  il  faut  que  l'erreur  soit  évidente,  autrement 
on  doit  s'en  tenir  à  VOrdo.  «  Quand  l'évêque  publie  un  directoire,  dit 
«  M.  Falise  (3'  édit.,  p.  276),  les  prêtres  diocésains  sont  tenus  de  s'y 
a  conformer  en  tout,  non-seulement  en  ce  qui  est  certain,  mais  aussi 
«  lorsque  les  questions  sont  controversées  par  les  auteurs,  quand  même 
«  le  contraire  de  ce  qui  est  prescrit  paraîtrait  certain.  Il  faut  néanmoins 
G  excepter  de  cette  règle  les  prescriptions  qui  seraient  évidemment 
«  contraires  aux  rubriques.  » 

Ces  règles  sont  appuyées  sur  les  décrets  suivants  : 

i"  DÉCRET.  Question,  a  An  in  casibus  dubiis  adhaerendum  est  ka- 
«  lendario  diœcesis,  sive  quoad  officium  publicum  et  privatum,  sive 
«  quoad  Missam,  sive  quoad  vestium  sacrarum  coUirem,  etiamsi  qui- 
«  busdam  probabilior  videtur  sententia kalendario opposita?  Et  quatenus 
«  affirmative,  an  idem  dicendum  de  casu  quo  certum  alicui  videretur 
«  errare  kalendarium?  »  Réponse.  «  Standum kalendario.  «(Décret  du 
23  mai  1833,  n"  4746,  q.  2.) 

2«  DÉCRET.  Questions.  «  ...  6.  Cum  pro  nonnuUis  sanctis  propriis 
«  regni  Hispaniarum  de  quibus  recitatur  officium  ritu  dupl.  min. 
«  habeantur  lectiones  primi  nocturni  de  xommuni,  pro  aliis  vero  de 
«  scriptura  occurrente,  quaeritur  quae  certa  régula  sequi  debeat  quoad 
«  numeratas  primi  nocturni  lectiones  in  officiis  duplicibus  minoribus? 
«  7.  An  quoad  easdem  lectiones  prirai  nocturni  in  duplicibus  mino- 
c  ribus  standum  sit  dispositionibus  directorii,  vel  breviarii?  8.  An 
«  licitum  sit  in  duplicibus  minoribus,  et  etiam  semiduplicibus,  lectiones 
«  primi  nocturni  pro  lubitu  desumere  vel  de  communi,  vel  de  scriptura, 
et  quando  diversitas  extat  inter  dispositionem  directorii  et  breviarii  ?  » 
—  Réponse.  «...  Ad  6.  Lectiones  primi  nocturni  in  casu  esse  de 
.  «  scriptura,  nisi  divers»?  in  indulto  expresse  assignentur.  Ad  7.  Jara 
«  provisum  in  proximo.  Ad  8.  Ut  ad  proximum.  »  (Décret  du  27 
août  1856,  n°  4787,  q.  6,  7  et  8.) 

in.  Peut-on,  avec  la  permission  de  l'ordinaire,  omettre  l'oraison  a 


LITURGIE.  279 

libitum  prescrite  par  la  rubrique ,  pour  y  substituer  une  oraison 
commandée  par  révêque?  —  Nous  croyons  devoir  répondre  affirma- 
tivement. L'oraison  commandée  dépendant  de  la  volonté  de  l'ordinaire, 
celui-ci  peut  restreindre  sa  prescription  ou  la  subordonner  à  certaines 
conditions  conformes  aux  régies  générales.  Il  peut  donc  prescrire  une 
oraison  et  en  dispenser  à  certains  jours,  comme  aussi  donner  pour 
condition  de  la  dispense  que  cette  oraison  ser5  choisie  toutes  les  fois  que 
la  rubrique  en  prescrit  une  ad  libitum. 

IV.  Quand  un  Ordo  indique  plusieurs  choses  contraires  aux  rubriques 
générales,  sans  annoncer  si  ces  points  sont  le  résultat  d'un  induit, 
doit-on  se  conformer  à  ces  prescriptions,  swiout  si  l'Orào  renferme 
en  outre  des  erreurs  assez  notables?  —  1*  A  cette  question  posée  en 
ces  termes  généraux,  on  doit  répondre  négativement.  Si  l'on  devait 
donner  une  réponse  affirmative,  il  faudrait  admettre  comme  règle  de 
conduite  non-seulement  une  erreur  canonique  ou  liturgique^  mais  même 
une  faute  d'impression.  2°  Il  est  certains  cas  prévus  par  le  droit  dans 
lesquels  toute  faculté  accordée  par  induit  doit  être  indiquée  avec  la  date 
de  la  permission.  Toutes  les  fois  que  cette  formalité  n'est  pas  requise, 
on  peut  et  l'on  doit,  ce  semble,  s'en  tenir  à  VOrdo,  surtout  pour  des 
points  que  l'on  n'invente  pas.  11  ne  faut  pas  non  plus  avancer  facilement 
que  VOrdo  renferme  des  erreurs  notables.  Pour  ne  pas  se  tromper  sur 
ce  point,  il  faut  avoir  une  science  plus  qu'ordinaire  des  rites  sacrés. 
Nosseigneurs  les  évoques  ont  soin  de  confier  la  rédaction  de  VOrdo 
aux  ecclésiastiques  qu'ils  croient  plus  capables  dans  la  partie. 

IV.  Lévêque  peut-il  prescrire  la  procession  après  vêpres,  le  jour 
de  la  fête  du  Saint-Sacrement,  sans  induit  apostolique?  —  La  pro- 
cession solennelle  du  jour  de  la  fôte  du  Très-saint  Sacrement  se  fait 
après  la  Messe  ;  les  rubriques  du  Rituel  et  du  Cérémonial  des  évêques 
sont  positives  sur  ce  point.  Elle  ne  peut  donc  pas  être  transférée  après 
les  vêpres.  Mais  l'ordinaire  peut  prescrire  une  seconde  procession 
après  les  vêpres  ;  l'évêque  peut  toujours  prescrire  des  processions  dans 
son  diocèse.  On  peut,  par  conséquent,  remettre  au  soir,  avec  la  per- 
mission de  l'ordinaire  la  procession  empêchée  le  matin.  L'induit  ne 
serait  nécessaire  que  pour  la  translation  habituelle  de  cette  procession 
après  l'office  du  soir.  P.  R. 


THEOLOGIE   MORALE. 


Peui'On  admettre  à  la  sainte  Table  les  filles  enceintes  ? 

L'Église  a  tracé/dans  le  Rituel  romain  [de  Sacramento  Eticharistix), 
les  régies  à  suivre  pour  l'admission  au  sacrement  de  l'Eucharistie  : 
«  Fidèles  oranes  ad  sacram  communionem  adraittendi  sunt,  exceptis  iis 
«  qui  justa  ratione  prohibentur.  Arcendi  autem  sunt  publiée  indigni, 
«  quales  sunt  excommunicali,  interdicti,  manifestoque  infâmes,  aut 
«  meretrices,  concubinarii,  fœneratores,  magi,  sortilegi,  blasphemi  et 
«  alii  ejus  generis  publici  peccatores  :  nisi  de  eorum  pœnitenlia  et 
«  emendatione  constet  et  publico  scandalo  prius  satisfecerint. 

a  OccuUos  vero  peccatores^  si  occulte  pétant,  et  non  eos  emendatos 
«  agnovcrit,  repellat;  non  autem  si  publiée  pétant,  et  sine  scandalo 
«  ipsos  praeterire  nequeat.  » 

De  ces  paroles,  les  auteurs  concluent  généralement  que  la  commu- 
nion doit  être  refusée  aux  pécheurs  publics  qui  la  demandent  soit  publi- 
quement, soit  en  secret,  à  moins  qu'il  ne  conste  de  leur  retour  sincère 
à  Dieu  et  qu'ils  n'aient  suffisamment  réparé  le  scandale  occasionné  par 
leur  mauvaise  conduite.  Quant  aux  pécheurs  occultes,  on  doit  aussi 
leur  refuser  la  communion,  si  on  ne  les  croit  pas  amendés  et  qu'ils  la 
demandent  en  secret;  mais  il  en  est  autrement  quand  ils  la  demandent 
en  public,  si  on  ne  peut  la  leur  refuser  sans  compromettre  leur  répu- 
tation ou  sans  scandale. 

Ces  règles  sont-elles  applicables  aux  filles  enceintes?  On  pourrait 
peut-être  en  douter  en  en  jugeant  par  la  conduite  tenue  assez  géné- 
ralement à  leur  égard  :  l'usage  général,  à  ce  qu'il  paraît,  est  de  leur 
refuser  publiquement  la  communion  tant  qu'elles  sont  dans  l'état  de 
grossesse^  ou  même  quelque  temps  encore  après  qu'elles  ont  accouché. 


THÉOLOGIE    MORALE.  281 

quoique  d'ailleurs  elles  se  soient  confessées  et  aient  été  absoutes,  et 
sans  égard  aux  marques  de  repentir  qu'elles  ont  pu  donner  extérieure- 
ment. Quant  à  la  communion  en  particulier,  les  uns  croient  devoir  en- 
core la  leur  refuser  :  d'autres,  plus  miséricordieux,  consentent  à  les  y 
admettre,  pourvu  que  celte  admission  demeure  bien  secrète,  à  cause 
du  scandale  qui  pourrait  en  résulter  si  elle  venait  à  la  connaissance  du 
public. 

Sur  quoi  se  fonde-t-on  pour  tenir  une  pareille  conduite?  Rien  dans 
les  prescriptions  générales  de  l'Église  n'oblige  à  suivre  à  l'égard  de  ces 
sortes  de  pécheresses  une  conduite  différente  de  celle  qui  doit  être  ob- 
servée pour  les  autres.  Nous  avons  eu  beau  chercher,  il  ne  nous  a  pas 
été  possible  de  trouver  un  canon,  un  statut  quelconque  émané  du  Saint- 
Siège  ou  d'un  concile  œcuménique  qui  statue  rien  de  particulier  sur  le 
cas  qui  nous  occupe.  11  semble  donc  qu'on  ne  doive  pas  ici  s'écarter  des 
règles  communes,  mais  seulement  adapter  ces  règles  aux  exigences  du 
cas  :  il  y  a,  en  effet,  ici  le  scandale  à  réparer  ou  à  prévenir,  et  il  est 
certain  que  le  public  est  très-susceptible  ordinairement  dans  ces  cir- 
constances. 

Pour  plus  de  clarté,  il  faut,  ce.  nous  semble,  distinguer  ici  entre  le 
confesseur  et  le  curé  ou  les  autres  prêtres  auxquels  la  communion  peut 
être  demandée. 

S'il  s'agit  du  confesseur,  il  est  clair  que  s'il  trouve  la  pénitente 
vraiment  convertie,  n'étant  pas  dans  l'occasion  prochaine,  non-seule- 
ment il  peut  l'absoudre  en  lui  imposant  une  pénitence  capable  de  ré- 
parer le  scandale  (Trid.  sess.  24,  c.viii,  de  Reform.),  mais  encore  lui 
permettre  de  communier  au  moins  en  secret,  et  même  en  public,  s'il  ne 
devait  pas  y  avoir  de  scandale.  C'est  la  conduite  qu'on  doit  tenir  à 
l'égard  de  tout  pénitent  bien  disposé,  si  l'on  ne  voit  pas  de  raison  qui 
oblige  à  en  suivre  une  différente  de  celle  qu'on  tient  d'ordinaire. 

Quant  au  curé  ou  autre  prêtre  auxquels  la  communion  est  de- 
mandée, assurément  ils  devraient,  d'après  les  règles  du  Rituel,  la 
refuser  à  une  fille  connue  comme  enceinte,  s'il  ne  leur  apparaissait  pas 
qu'elle  se  fût  confessée.  Dans  le  cas  même  où  la  confession  a  précédé, 
on  devrait  suivre  encore  la  même  conduite,  si  la  personne  se  trouvait 


•282  THÉOLOGIE    MORALE. 

encore  dans  l'occasion  prochaine,  ou  ne  donnait  pas  des  signes  d'un 
vrai  repentir,  en  sorte  que  le  public  ne  la  verrait  pas  approcher  de  la 
sainte  Table  sans  être  profondément  scandalisé.  Le  Rituel  est  formel  : 
«  Arcendi  sunt  publiée  indigni  (et  la  fille  connue  comme  enceinte  est 
dans  ce  cas),  nisi  de  eorum  pœnitentia  et  emendatione  constet  et  pu- 
ce blico  scandalo  prius  satisfecerint.  » 

Mais  que  devraient  faire  le  curé  ou  les  autres  prêtres,  si  l'on  savait 
que  cette  fille  s'est  confessée,  qu'elle  donne  des  marques  non  équi- 
voques d'un  sincère  repentir,  et  qu'elle  n'est  pas  ou  n'est  plus  dans 
l'occasion  prochaine  ?  Pourraient-ils  et  devraient-ils  lui  refuser  la  com- 
munion, parce  qu'elle  est  enceinte? 

N'ayant  trouvé  nulle  part  qu'il  y  ait  obligation  de  refuser  la  commu- 
nion dans  le  cas  spécial  que  nous  venons  d'exposer,  nous  nous  conten- 
terons de  rappeler  ici  la  doctrine  des  auteurs  sur  les  conditions  à  exiger 
d'un  pécheur  public  qui  demande  à  être  admis  à  la  Table  sainte,  en 
tâchant  de  l'adapter  au  cas  présent. 

Voyons  d'abord  ce  que  dit  S.  Liguori  (liv.  6,  n.  47).  «  Quid  re- 
c  quiratur  ut  publico  peccatori  Eucharistia  possit  ministrari?  Laym., 
«  Nav.,  etc.,  requirunt,  praeter  confessionem,  aliquod  tempus  bonae 
«  coaversationis  ad  toUendum  scandalum.  Possev.  et  Jo.  Sanch. 
((  dicunt  sufficere  confessionem  coram  pluribus  (modo,  addit  Bern. 
«  pœnitentia  brevi  sit  publiée  manifestanda).  Et  recte  Croix,  lib.  6, 
«  p.  1,  n.  141,  adhaeret  huic  sentenlia?,  quando  peccator  non  habet 
«  proximara  peccandi  occasionem  :  quia  qui  publiée  confcssus  est,  pu- 
0  blice  censelur  emendatus  :  secus  si  adesset  occasio,  et  ille  eara  non 
Cl  deseruerit.  Qui  autem  occulte  petit,  sufficit  occulte  egisse  pœniten- 
«  tiam.  »  Lorsqu'il  n'y  a  pas  d'occasion  prochaine,  S.  Liguori  se  con- 
tenterait donc  de  la  confession  faite  en  présence  de  plusieurs  témoins, 
si  elle  doit  parvenir  bientôt  à  la  connaissjnce  générale,  pour  admettre 
à  la  communion  un  pécheur  public.  Recte,  dit-il,  Croix  adhxret  huic 
sententise. 

Billuarl  paraît  un  peu  plus  exigeant  et  semble  s'accorder  avec  Laym. 
et  Navarre,  cités  par  S.  Liguori  :  «  Peccator  publicus  cui  deneganda 
«  est  comraunio,  dicitur  non  is  praecise  cujus  peccatum  est  aut  fuit 


THÉOLOGIE    MORALE.  583 

«  publicum,  sed  alio  duplici  sensu  :  4"»  Is  cujus  status  peccaminosus 
«  est  publicus,  id  est,  de  quo  moraliter  notorium  est  quod  sit  in  statu 
«  peccati;  puta  quia  pergit  in  crimine,  vel  nuUa  apparet  aut  piaesu- 
«  raitur  pœnitenlia.  2«  Dicitur  peccator  publicus  in  ordine  ad  priva- 
«  lionem  comraunionis,  is  qui,  licet  légitime  confessus  et  justificatus, 
«  nondura  tamen  sic  vilam  eraendavit,  ut  scandalum  publicum  ex  enor- 
«  raitate  et  infamia  criminura  secutum  reparaverit.  »  Il  est  néanmoins 
du  sentiment  de  S.  Liguori  pour  les  pécheurs  publics  ordinaires,  autres 
que  ceux  énumérés  dans  le  rituel  :  «  Propter  alia  peccata  communia, 
«  etsi  publica,  non  est  deneganda  communie,  saltem  inconsulto  Epi- 
«  scopo,  quia  per  confessionem,  imo  et  ipsam  communionem  reparatur 
«  scandalum  ex  bis  peccatis  comraunibus  sequi  natum  :  atque  baec  est 
«  praxis  CQraraunis.  »  (Bill.,  de  Eiichar.,  diss.  6,  art.  3,  Dico  2".) 

On  peut  voir  encore  les  Conférences  d'Angers  sur  l'Eucharistie, 
7^  conf. ,  quest.  2  ;  mais  nous  ne  reproduirons  pas  leurs  paroleS;,  qui  nous 
ont  paru  entachées  de  rigorisme,  et  nous  croyons  qu'on  peut  s'en  tenir 
à  l'enseignement  de  S.  Liguori  et  de  Billuart  sur  la  matière  présente. 

En  conséquence,  et  voulant  appliquer  au  cas  ci-dessus  exposé  l'en- 
seignement de  ces  auteurs,  nous  disons  : 

1"  Si  dans  la  localité,  on  n'est  pas  scandalisé  de  voir  communier  une 
fille  qui,  à  la  vérité,  est  enceinte,  mais  que  l'on  sait  s'être  confessée, 
se  repentir  sincèrement  de  sa  faute,  et  qui  n'est  pas  ou  n'est  plus  dans 
l'occasion  prochaine,  rien  ne  nous  paraît  s'opposer  à  ce  qu'on  l'ad- 
metle  à  la  sainte  Table,  à  moins  que  les  statuts  du  diocèse  ne  mettent 
obstacle  à  cette  admission. 

2*  Si,  comme  cela  paraît  exister  en  beaucoup  d'endroits,  une  pa- 
reille admission  était  un  scandale  public,  il  faudrait  respecter  l'opinion 
à  cet  égard,  et  quand  même  la  jeune  personne  serait  bien  disposée,  ne 
serait  plus  dans  l'occasion  prochaine  et  donnerait  des  marques  d'un 
véritable  et  sincère  repentir,  il  faudrait  attendre  que,  l'émotion  pu- 
blique étant  calmée,  la  communion  pût  être  donnée  sans  provoquer 
l'indignation  des  gens  honnêtes.  Mais  on  pourrait,  ce  nous  semble,  ad- 
mettre en  secret  cette  personne  à  la  Table  sainte,  en  prenant  les  pré- 
cautions nécessaires  pour  que  le  public,  venant  à  le  savoir,  n'en  fût  pas 


28ii  THÉOLOGIE  MORALE, 

scandalisée.  On  pourvoirait  ainsi  tout  à  la  fois  aux  besoins  spirituels  de 
la  pauvre  pénitente  et  au  respect  dû  à  l'opinion  publique.  Cette  solution 
nous  paraît  assez  bien  s'harmoniser  avec  là  conduite  du  divin  Maître  à 
l'égard  de  la  femme  adultère  (S.  Jean,  ch.  viii). 

Craisson, 

Ancien  vicaire-général. 


Est-il  nécessaire  de  réitérer  l'absolution  à  celui  qui  accuse  des  péchés 
mortels  oubliés,  lorsqu'on  a  lieu  de  croire  que  celui  qui  les  accuse 
avait  les  dispositions  requises  quand  il  a  été  absous  ? 

Cette  question  est  traitée  dans  le  Rituel  de  Belley  (tom.  i,  n.  465), 
et  dans  les  Ordonnances  de  Valence  (p.  221),  deux  ouvrages  qui  ont 
eu  pour  auteur  le  même  Mgr  Dévie,  d'abord  vicaire-général  de  Va- 
lence, et  ensuite  évêque  de  Belley.  «  On  demande,  y  est-il  dit,  s'il 
«  est  nécessaire  que  le  confesseur  réitère  l'absolution  quand  on  lui  ac- 
«  cuse  des  péchés  mortels  oubliés.  Nous  répondons  que,  quand  le  con- 
«  fesseur  est  persuadé  que  son  pénitent  a  fait  une  bonne  confession,  il 
«  peut  ne  pas  la  réitérer,  il  vaut  même  mieux  ne  pas  la  réitérer,  sur- 
ce  tout  à  l'égard  des  personnes  portées  au  scrupule.  »  Puis,  le  Rituel 
cite  à  l'appui  de  cette  opinion  Collet  et  Pontas, 

Ces  deux  auteurs,  en  effet,  sont  pour  ce  sentiment.  Au  mot  Confes- 
sion, cas  41®,  Pontas  dit  positivement  que,  quoiqu'il  y  ait  obligation 
de  déclarer  les  péchés  mortels  oubliés  lorsqu'on  se  les  rappelle,  il  n'y 
a  pas  obligation  rigoureuse  néanmoins  d'en  recevoir  une  nouvelle  abso- 
lution, l'oubli  n'étant  pas  supposé  coupable.  Mais,  ajoute-t-il,  la  pra- 
tique ordinaire  et  la  plus  sûre  est  d'absoudre  de  nouveau  un  tel  péni- 
tent lorsqu'il  s'accuse  d'un  péché  mortel  oublié  par  un  défaut  de  mé- 
moire. 

Quant  à  Collet,  voici  ce  qu'il  dit  [de  Pœnitentia,  c,  5,  de  Confes- 
sione,  n.  386)  :  «  An  autera  qui  sola  oblita  confitetur  nova  donandus 
a  sit  absolutione,  non  convenit  inter  theologos.  Affirmât  Sylvius  : 
«  Tum  quia  omnis  confessio  sacramentalis  [mortalium  pnesertim  pec- 
«  catorum)  ordinatur  ad  absolutionem  consequendam  ;  ergo  etiam  con- 


THÉOLOGIE   MORALE.  285 

«  fessio  mortalis  ohUti;  tum  quia  quando  per  contritionem  perfectam 
«  remissa  fuere,  ea  etiam  confiteri  oportet,  ac  super  iis  dari  absolu- 
«  tionera. 

«  Neutra  haec  doctissimi  viri  ratio,  ajoute  Collet,  omni  exceptione 
«  major  est  :  cum  prier  recte  ponderata  mera  sit  petitio  principii. 
«  Poslerior  parum  probat  :  1"  quia  nusquam  certo  constare  potest, 
«  dempto  revelationis  casu,  hominem  ex  sola  charitate  justifîcatum 
«  esse  :  ei  vero  qui  rite  confessus  est,  non  minus  certum  est  dimissum 
«  esse  peccatura  oblitum  quam  cœtera  a  quibus  denuo  absolvi  non  ju- 
«  betur.  2"  Quia  inviolata  lege  receptum  est,  ut  qui  ne  indirecte 
«  quidem  absolutus  est  a  peccato,  ab  eodem  absolvatur.  Unde  bis 
a  qui  peccatum  oblitum,  si  ante  communionera  redeat  in  memoriam, 
«  statim  açcusare  volunt,  negant  non  pauci  novam  impendi  debere  ab- 
«  solutionem.  » 

Parmi  un  assez  grand  nombre  d'auteurs  que  nous  avons  consultés 
sur  la  question  présente,  nous  n'en  avons  pas  trouvé  d'autres  qui 
fussent  du  sentiment  de  Collet  et  de  Pontas. 

Le  P.  Gury  (tom.  ii,  n.  386)  regarde  ce  sentiment  comme  pro- 
bable :  «  Duplex  est  sententia  probabilis,  dit-il,  au  sujet  de  ce  même 
«  cas  :  Prima  sententia  communior  affirmât  :  quia  omnia  peccata 
«  mortalia  ex  institutione  Christi  clavibus  subjici  debent  ut  directe  re- 
«  mittantur.  Elbel,  n.  33,  Sporer,  n.  627,  Coll.  Andeg.,  3»q.  3». 

«  Secunda  sententia  negat  :  1»  Quia  non  apparet  solida  ratio  quare 
«  debeant  remitti  peccata,  vi  sacramenti  jam  deleta  ;  2°  quia  non  vi- 
«  detur  alia  ratio  ea  declarandi,  nisi  ad  satisfaciendum  praecepto  di- 
«  vino  vi  cujus  omnia  peccata  ministre  pœnitentiae  patefacienda  sunt. 
a  Pontas,  v°  Confession;  Collet,  c.  5,  sect.  3,  §  3,  etc.  » 

Nous  avons  examiné  avec  toute  l'attention  dont  nous  pouvons  être 
capable  les  raisons  alléguées  en  faveur  de  ce  second  sentiment,  et  nous 
avons  Lion  de  la  peine  à  comprendre  qu'on  doive  le  regarder  comme 
vraiment  probable. 

Nos  doutes  se  fondent  :  1°  sur  la  nouveauté  de  ce  sentiment  et  le 
peu  d'auteurs  cités  en  sa  faveur.  On  ne  cite  absolument  que  Pontas  et 
Collet  :  or,  si  ces  auteurs  n'ont  pas  au  moins  quelque  raison  un  peu 


286  THÉOLOGIE    MORALE. 

solide  à  alléguer,  leur  autorilé  ne  paraît  pas  suffisante  pour  établir  une 
opinion  vraiment  probable.  Quant  à  leur  argumentation  elle  est  à  peu 
prés  négative  et  se  réduit  à  réfuter  les  preuves  de  leurs  adversaires.  Mais 
on  ne  voit  rien  dans  ce  qu'ils  affirment  qui  détruise  la  force  des  preuves 
suivantes. 

i°Jésus-Christ,  en  établissant  le  sacrement  de  Pénitence,  a  certaine- 
ment voulu  que  les  péchés  mortels  commis  après  le  baptême  ne  pussent 
être  rerais  qu'à  la  condition  d'être  soumis  aux  clefs  de  ses  ministres  : 
Quorum  remiseritis  peccata  remittuntur  eh,  quorum  retmueritis  re- 
tenta sunt;  et  cela  au  point  que  celui-là  même  qui  serait  certain  d'avoir 
la  contrition  parfaite,  est  tenu  de  se  confesser  de  tous  ses  péchés  mor- 
tels, et,  non-seulement  de  s'en  confesser,  mais  de  recevoir  l'absolution 
de  ces  mêmes  péchés,  sans  distinction  aucune,  absolument  sans  res- 
triction. Les  adversaires  conviennent  de  cette  vérité  :  «  Inviolata  lege, 
«  dit  Collet  à  l'endroit  cité  tout  à  l'heure,  receptum  est  ut,  qui  ne 
a  indirecte  quidem  absolutus  est  a  peccato,  ab  eodem  absolvatur.  » 
Mais  ils  prétendent  que  lorsque  le  péché  a  été  oublié  sans  faute,  il  a  été 
soumis  indirectement  aux  clefs  de  l'Église  et  a  été  remis  par  ces  mômes 
clefs,  en  sorte  qu'il  n'a  pas  besoin  d'autre  absolution.  Cette  préten- 
tion n'a  aucun  fondement  solide.  En  effet,  on  convient  que  ce  péché 
n'a  pas  été  directement  soumis  à  ces  clefs  et  c'est  là-dessus  qu'on  s'ap- 
puie pour  dire  qu'il  y  a  obligation  de  les  confesser.  Mais  Jésus-Christ 
n'a  pas  seulement  obligé  à  confesser  les  péchés,  il  a  prescrit  aussi  d'en 
recevoir  l'absolution  ;  on  ne  conclut  même  la  nécessité  de  la  confession, 
que  du  pouvoir  d'absoudre  donné  par  Jésus-Christ  à  ses  ministres.  Or 
l'absolution  n'a  pas  été  donnée  sur  les  péchés  oubliés,  et  s'ils  ont  été 
remis,  cela  ne  vient  de  ce  que  les  pèches  mortels  ne  peuvent  être  remis 
les  uns  sans  les  autres  :  il  est  tellement  vrai  que  les  péchés  oubliés 
n'ont  pas  été  remis  par  l'absolution  qu'il  faut  que  le  pénitent  s'accuse 
de  ces  fautes  à  un  prêtre  qui  ait  des  pouvoirs  pour  en  absoudre.  «  Si 
«  pœnitens(moribundus),  dit  saint  Liguori,  jam  receperit  absolutionera 
«  a  simplici  sacerdote  et  postea  recordetur  ahcujus  peccati,  superve- 
«  niente  approbalo,  tenetur  huic  confiteri,  cum  illa  sit  nova  confessio. 
«  Ita  communiter,  »  dit-il,  et  il  cite  Sanchez,  Suarez,  les  théologiens 


THÉOLOGIE   MORALE.  287 

de  Salamanque,  Renzi,  Diana  et  plusieurs  autres  (lib.  6,  n»  563, 
Rede  tameriy  etc). 

Bien  plus,  si  les  péchés  oubliés  sont  réservés,  les  auteurs  con- 
viennent qu'on  doit,  lorsqu'ensuite  on  se  les  rappelle,  les  confesser  à 
un  prêtre  qui  soit  approuvé  pour  ces  sortes  de  péchés.  Le  confesseur, 
dit  Billuart  {de  Pœnitentia,  diss.  G,  art.  6,  pet.  1°  à  la  fin),  «  habet 
«  jurisdictionem  ut  absolvat  directe  communia,  indirecte  reservata, 
«  quia  unum  non  potest  reraitti  sine  alio  ;  et  ideo  pœnitens  tenetur 
M  iterum  reser\rata  confiteri  hahenti  jurisdictionem  in  illa  ut  ab  illis 
«  directe  absolvatur.  Quia  Ecclesia  non  censetur  in  similibus  casibus 
«  conferre  jurisdictionem,  nisi  in  quantum  nécessitas  requirit,  cui  suf- 
«  ficit  absolutio  indirecta.  »  Collet  lui-même  avoue  que  d'après  le  sen- 
timent de  la  généralité  des  théologiens,  le  péché  réservé,  s'il  a  été  ou- 
blié, doit  être  confessé  à  un  prêtre  ayant  des  pouvoirs  spéciaux  pour 
absoudre  de  ces  sortes  de  fautes  :  a  Tum,  dit-il,  quia  haec  est  gene- 
«  ralis  theologorum  sententia,  tum  quia,  qui  non  satisfecit  legi  etscopo 
«  reservationis,  eidem  deinde  satisfacere  débet,  nisi  lex  contrarium 
a  statuai,  quod  in  prsesenti  locum  non  habet.»  (De  Pœnitent.^diTt.  2, 
ç.  8^  n°  375.)  Voir  encore  Noël  Alexand.  lib.  2,  de  Sacrum.  Pœnit. 
art.  7,  reg.  8.  —  Mais  à  quoi  bon  exiger  que  le  prêtre  auquel  les 
péchés  oubliés  sont  déclarés,  ait  des  pouvoirs  pour  absoudre  de  ces 
péchés,  si,  en  définitive,  il  n'a  pas  à  en  absoudre  ?  si  ces  péchés  sont 
tellement  remis  par  l'absolution  donnée  auparavant  qu'il  ne  reste  plus 
que  l'obligation  de  s'en  accuser? 

2*  Les  auteurs  exigent  que  la  confession  des  péchés  soit  sacramen- 
telle, c'est-à-dire  fasse  partie  du  sacrement  de  pénitence  ;  et  cela  tou- 
jours d'après  le  principe  que  Jésus-Christ  n'a  pas  voulu  qu'ils  fussent 
remis  indépendamment  de  ce  sacrement.  Mais  si  l'absolution  n'est  pas 
donnée  après  la  confession  des  péchés  oubliés,  impossible  de  voir  com- 
ment la  confession  de  ces  péchés  peut  être  sacramentelle  ou  faire  partie 
du  sacrement  de  pénitence  :  de  quel  sacrement  en  effet  peut-elle  faire 
partie?  Ce  n'est  pas  de  celui  qui  a  été  administré  quand  on  a  oublié 
ces  péchés,  puisque  la  confession  postérieure  n'est  pas  et  ne  peut  être 
unie  moralement  à  une  absolution  déjà  donnée,  soit  parce  qu'il  peut  y 


288  THÉOLOGIE   MORALE. 

avoir  un  intervalie  qui  ne  permette  aucune  union  morale,  soit  surtout 
parce  que  la  confession,  de  même  que  la  contrition,  doit  nécessaire- 
ment précéder  l'absolution.  L'une  et  l'autre  étant,  en  effet,  la  matière  à 
laquelle  elle  doit  s'appliquer  et  sans  laquelle  l'absolution  serait  nulle  et 
de  nul  effet,  il  n'y  aurait  pas  de  sacrement  si  la  confession  venait  après. 
La  confession  des  péchés  oubliés  ne  fait  pas  non  plus  partie  d'un  sacre- 
ment administré  quand  on  confesse  ces  péchés,  puisque,  d'après  l'hypo- 
thèse, il  n'y  a  pas  alors  d'absolution  donnée  et  par  conséquent  point  de 
sacrement,  La  confession,  dans  le  cas  supposé,  n'est  flonc  pas  sacra- 
mentelle ;  pour  qu'elle  le  soit,  il  faut  donc  qu'alors  l'absolution  soit 
donnée. 

Ces  raisonnements  ne  nous  paraissent  pas  détruits  parles  allégations 
des  partisans  du  sentiment  contraire. 

Ajoutons  que  non-seulement  ces  partisans  sont  en  petit  nombre,  mais 
que  les  auteurs  nombreux  qui  soutiennent  notre  thèse  la  donnent  comme 
l'enseignement  communément  reçu,  auquel  on  doit  tenir,  sans  faire 
mention  d'aucun  opposant.  Citons  les  paroles  de  quelques-uns  d'entre 
eux. 

,  «  Qui  ob  raoralem  impossibilitatem,  dit  Layman  (lib.  5,  tr.  6, 
«  c.  8,  n°2},  unum,  vel  plura  peccata  mortalia,  particulatim  non  ex- 
ce  plicarit,  débet  (qu'on  note  bien  ce  mot:  dehet)  ea  postea,  cessante 
a  inipedimento,  explicare,  propterea  quod  absolutio  ab  eis  directe  et 
(I  secundum  speciem  data  non  sit,  sicut  natura,  seu  institutio  hujus 
«  Sacramenti  postulat.  » 

On  doit  confesser  les  péchés  oubliés,  d'après  Layman,  parce  qu'ils 
iv'ontpas  été  remis  directement,  comme  l'exige  la  nature  et  l'instituliou 
du  sacrement  de  pénitence.  «  Si  pœnitens,  dit  Bonacina  (  de  Sacri 
«  pœnit.,  disp.  5,  q.  5,  art.  2,  punct.  2,  n"  9),  inchoataconfessione, 
«  obprobabilemmortis  metumabsolvatur,  antequam  integramet  perfe- 
«  ctam  faciat  confessionem,  sed  postea  obtenta  absolutione,  statim  non 
•  moriatur,  débet,  si  per  tempus  illi  concedatur,  prosequi  confessionem, 
«  ut  intègre  sua  peccata  fateatur,  Nam  omnia  peccata  mortaha  subji- 
«  cienda  sunt  confession!,  quantum  moraliter  fieri  potest.  Perfecta  vero 
«  confessione,  impendenda  est  nova  absolutio,  modo  pœnitens,  no- 


THÉOLOGIE  MORALE.  289 

«  vum  attritionis  actum  eliciat  :  nam  forma  non  potest  iterari  super 
a  eadem  raateria  proxima.  »  Ainsi,  d'après  Bonacina,  il  faut  donner 
une  nouvelle  absolution  ;  il  cite  Suarez,  Réginal,  etc.,  et  ne  men- 
tionne aucun  auteur  qui  pense  autrement. 

«  Qui  inculpabiliter  oraisit  declarare  aliquid  necessarium  circa  spe- 
«  cies,  numerum  aut  circumstantias  peccatorum,  tenetur  postea  illud 
«  confiteri,  si  memoria  occurrat,  quia  non  explevit  obligationem  suam 
«  ea  subjiciendi  clavibus  ;  licet  enim  indirecte  remissa  sint  illa  peccata 
«  cum  aliis,  débet  taraen  ea  subjicere  clavibus,  ut  directe  ab  iis  absol- 
«  vatur.  »  Théol.  de  Toulouse,  de  Pœnitentia  s.  2,  art.  §  1,  v* 
Colliges. 

«  Si  vero  inferior,  audita  omnium  peccatorum  confessione,  pœni- 
«  tentem  absolveret  ab  iis  a  quibus  potest,  quod  plerique  doctissimi 
«  theologi  jure  fieri  posse  consent,  remitterentur  illi  omnia  peccata, 
0  modo  recte  dispositus  esset,  cum  ordine  tamen  ad  absolutïonem  al- 
c(  teram  quam  paratus  esset  postuiare  ac  recipere  ab  eo  ad  quem  re- 
«  mitteretur,  accepta  congrua  pœnitentia.  »  (Noël  Alexandre,  lib.  2, 
de  Sacr.  Pœnit.,  art.  7,  reg.^;^8.) 

Nous  nous  contentons  de  ces  citations.  D'après  l'exposé  ci-dessus, 
on  peut  douter,  ce  nous  semble,  que  l'opinion  de  Pontas  et  de  Collet 
soit  vraiment  probable. 

Nous  n'en  conclurons  pas  moins  avec  le  P.  Gury  (tom.  2,  n°  386), 
que  c(  confessarius  omittere  potest  absolutionem  relate  ad  pœnitentes 
«  ordinarios,  seu  qui  ad  eumdem  confessarium  redire  soient  :  siquidem 
«  isti  in  alla  proxima  confessione  directe  absolvi  poterunt.  »  Mais  nous 
ajouterons  aussi  avec  le  même  Père  :  «  Melius  est  autem  omnibus  ab- 
«  solutionem  impertire,  quando  facile  fieri  potest,  ad  pœnitentis  sola- 
c(  tium  et  animi  tranquillitatem,  necnon  ob  fructum  ex  sacraraento 
«  percipiendum.  »  D'ailleurs  pourquoi  différer  l'absolution,  puisqu'elle 
doit  être  donnée  plus  tard,  et  qu'en  la  donnant  de  suite  tout  est  fini 
pour  le  pénitent,  qui  n'aura  plus  à  rappeler,  même  d'une  manière  gé- 
nérale, le  péché  oublié?  Nous  convenons  cependant  qu'il  peut  y  avoir 
des  pénitents,  les  scrupuleux,  par  exemple,  pour  qui  il  peut  être  oppor- 
tun de  suivre  une  autre  règle  de  conduite. 

Craisson. 

Ancien  vicaire  général. 
Revoe  des  sciences  ecclesust.,  t.  IX.— sept.  18C4.  20 


LA  POLÉMIQUE 

Entre  le  R.  P.  ^eirman  et  le   D'  Kîngsley. 

(correspondance.) 

11  y  a  quelques  mois,  le  Révérend  D'  Kingsley,  professeur  d'his- 
toire à  Cambridge,  rendait  compte  de  ['Histoire  d'Angleterre,  par 
Froude,  dans  un  article  signé  de  ses  initiales,  et  que  le  Mackmillan's 
magazine  a  publié.  Il  s'y  livra  contre  les  catholiques  à  des  déclamations 
dignes  du  Collège  de  France,  au  beau  temps  de  M.  Michelet.  «  Le 
«  respect  de  la  vérité  pour  elle-même,  dit-il  entre  autres  choses,  n'a 
«  jamais  été  une  vertu  aux  yeux  du  clergé  romain.  Le  Père  Newraan 
«  nous  informe  qu'en  effet  la  sincérité  ne  constitue  pas  et  ne  doit  pas 
a  constituer  une  vertu  ;  qu'au  contraire,  l'adresse  est  l'arme  que  le 
«  ciel  met  aux  mains  des  saints.  Arme  avec  laquelle  ils  résistent  à  la 
«  force  brutale  de  ce  monde  corrompu  qui  se  marie  et  se  donne  en 
a  mariage.  Que  sa  notion  sur  ce  point  soit  fondée  ou  non  en  doc- 
t  trine,  historiquement  du  moins,  elle  est  vraie.  » 

Une  polémique  s'engagea.  M.  Kingsley  se  vit  contraint  d'avouer  ou 
quele^Père  Newman  n'avait  jamais  tenu  un  pareil  langage,  ou  que,  s'il 
avait  énoncé  quelque  part  une  proposition  qui  ptlt  prêter,  de  près  ou  de 
loin,  à  la  censure  émise  dans  l'article  du  Mackmillan's  magazine,  c'était 
dans  un  sermon  intitulé  :  Sagesse  et  Innocence,  que  l'illustre  profes- 
seur d'Oxford  aurait  prononcé  dans  le  temps  où  il  appartenait  encore 
à  l'Église  anglicane  en  qualité  de  vicaire  de  Sainte-Marie  (1844). 
M.  Kingsley  se  voyait  au  pied  du  mur.  La  presse  le  flagellait,  ses  amis 
se  retiraient  de  lui  ;  il  écrivit  un  pamphlet  volumineux,  et  son  système 
de  défense  consiste  en  de  nouvelles  aggressions  plus  violentes  ou  plus 
insidieuses  que  les  premières.  En  voici  un  spécimen. 
,  «  Le  P.  Newman  me  demande  ironiquement,  écrit  M.  Kingsley, 
«  pourquoi  j'ai  accepté  le  démenti  qu'il  m'a  donné,  puisque  mon 
«  point  de  départ  était  que  sa  parole  ne  mérite  aucune  confiance.  A 
«  cela,  je  réponds  que  je  n'en  sais  rien.  11  y  a  bien  à  dire  dans  ce 


POLÉMIQUE  DU  R.  P.  NEWMAN  ET  DU  d'  KINGSLEY.     291 

«  sens.  Car,  depuis  le  !*•'  février  1864,  le  Père  Newman  s'est  dé- 
«  claré  tout  à  coup  converti  au  systènie  économique  de  saint  Alphonse 
«  de  Liguori  et  de  ses  compères.  Dès  lors,  en  effet,  je  dois  être,  et 
«  tout  honnête  homme  sera  comme  moi,  dans  le  doute  et  la  crainte 
f  sur  chaque  mot  qui  sortira  de  la  plume  du  P.  Newman.  Nesuis-je 
«  pas,  lorsqu'il  parle,  la  dupe  d'une  adroite  équivoque  appartenant  à 
a  l'une  des  trois  classes  que  le  bienheureux  Alphonse  de  Liguori  et 
u  ses  adeptes  autorisent?  Les  équivoques,  suivant  eux,  peuvent  faire 

•  la  matière  d'un  serment,  parce  que  ceux  qui  les  emploient  ne  trom- 
a  pent  pas  le  prochain,  mais  l'induisent  simplement  à  se  tromper  lui- 
«  même.  Si,  partant  de  ce  point,  nous  admettons  qu'il  est  permis 
<{  d'employer  les  mots  et  les  phrases  à  double  entente  et  de  laisser  à 
a   l'innocent  auditeur  le  soin  de  choisir  le  sens  de  ces  locutions  ambi- 

•  gués,  quelle  preuve  me  reste-t-il,  si  le  P.  Newman  dit:  Croyez-lcy 
«  je  n'ai  pas  dit  cela  ;  qu'il  n'entend  point  par-là  ceci  :  Je  n'ai  pas 
«  dit  cela,  mais  croyez-le,  » 

Tel  est,  pendant  quarante  pages,  le  genre  d'argumentation  employé 
par  M.  Kingsley..  Il  ne  lui  a  pas  fait  honneur.  Au  milieu  de  toutes  les 
assertions  frivoles  de  son  pamphlet,  U  y  en  a  une  qui  révolte  plus  que 
les  autres.  C'est  celle-ci  :  «  Que  le  sermon  du  p.  Newman  sur  la  sa- 
gesse et  l'innocence  n'est  pas  un  sermon  protestant,  mais  un  sermon 
romain,  romisch  sermon.  » 

a  Mais,  dit  M.  Kingsley,  j'aurais  appelé  ce  sermon-là  un  sermon 
protestant?  Je  l'appellerai  plutôt  un  sermon  bpudhiste.  Quand  il  le 
prononça,  il  y  avait  déjà  trois  mois  que  le  P.  Newman,  dans  la  Criw 
tique  britannique,  dénonçait  le  nom  de  prolestant  par  un  article  qui 
est  demeuré  fameux,  et  y  déclarait  que  le  projet  conçu  par  ceux  de  son 
parti  n'était  autre  que  celui  de  déprotestantiser  l'Angleterre.  » 
.  Cette  dernière  accusation  est  ce  qui  nous  vaut  cette  série  de  bro- 
chures que  le  P.  Newman  a  publiées  dans  les  cinq  premiers  mois  de 
cette  année,  et  qui  ont  été  récemment  réunies  en  un  volume  in-octavo. 
Comme  il  est  certain  que  le  sermon  incriminé  a  été  prononcé  par  le 
P.  Newman  quand  il  était  vicaire  de  Sainte-Marie  à  Oxford,  et  long- 
temps avant  son  retour  public  à  l'Église,  la  quoslion  à  vider  devenaijL 


292  POLÉMlQUEr 

celle  de  savoir  si  l'érainent  professeur  était  sincère,  à  celle  époque  de 
sa  vie,  et  s'il  n'était  pas  alors  au  sein  de  l'anglicanisme  un  agent  dé- 
guisé de  l'Église  romaine.  Pour  se  justifier  de  ce  soupçon  odieux,  le  R. 
P.  fait  l'exposé  du  travail  intérieur  par  lequel  son  esprit  a  été  conduite 
la  vérité,  et  des  différentes  phases  préparatoires  de  sa  conversion.  C'est 
une  étude  qui  fait  pénétrer  au  sein  de  l'anglicanisme,  initie  aux 
croyances  et  aux  doutes  qui  lui  sont  propres,  en  éclaire  les  nuances, 
et  donne  la  clef  des  difficultés  sur  lesquelles  une  observation  super- 
ficielle passe  sans  en  soupçonner  l'existence.  A  part  l'utilité  théolo- 
gique, il  y  a  un  grand  charme  à  suivre  les  développements  et  les  pro- 
grès d'un  esprit  fin,  délié,  profond,  clair,  méthodique  et  extrêmement 
circonspect,  tel  qu'est  celui  de  Tillustre  Oratorien,  l'oracle  d'Oxford 
jadis. 

Voici  de  son  enfance  un  trait  instructif  qu'il  tire  lui-même  de  notes 
écrites  dans  l'adolescence.  «  J'étais  très-superstitieux,  et  quand  j'avais 
«  quinze  ans,  je  pris  l'habitude  de  faire  constamment  le  signe  de  la 
«  croix  en  passant  dans  un  lieu  où  il  faisait  noir.  Sans  doute,  j'ai  ap- 
«  pris  cette  pratique  :  elle  n'a  pu  me  venir  que  de  quelque  enseigne- 
«  ment  externe  ;  je  ne  puis  pourtant  arriver  à  aucune  conjecture  sur 
«  son  origine.  Un  fait  est  certain,  c'est  que  personne  ne  m'avait  ja- 
«  mais  parlé  de  la  religion  catholique.  Je  la  connaissais  de  nom  :  c'é- 
«  tait  tout.  Mon  maître  de  français  était  un  prêtre  émigré,  mais  on  le 
«  considérait,  et  on  considérait  d'ordinaire  les  maîtres  de  français  à 
«  cette  époque,  comme  une  sorte  de  pièce  de  rebut.  11  parlait  l'anglais 
«  très-imparfaitement.  Dans  le  village  vivait  une  famille  catholique  ; 
a  tout  ce  que  j'en  connaissais  était  leur  nom.  Nous  nous  figurions  que 
«  c'étaient  de  vieilles  filles.  A  une  époque  plus  récente,  j'ai  su  qu'un 
«  ou  deux  enfants  catholiques  fréquentaient  notre  école  ;  j'ignore  si  ce 
«  fait  était  tenu  secret,  ou  s'il  se  fit  simplement  qu'il  ne  produisit  au- 
«  cune  impression  sur  notre  esprit.  Mon  père  me  mena  un  jour  à  la 
€  chapelle  de  Warwick  Street,  où  certain  morceau  de  musique  l'atti- 
flt  rait;  tout  ce  que  j'en  emportai  fut  le  souvenir  d'une  chaire,  d'un 
«  prédicateur,  et  celui  d'un  enfant  qui  balançait  un  encensoir.  Mais 
«  voici  ce  qui  se  passa  quand  j'étais  à  Littlemore.  En  regardant  mes 


DU  R.    P.    NEWMAN  ET  DU  D'^  KINGSLEY.  293 

«  vieux  cahiers  d'école,  je  trouvai  celui  qui  contenait  mes  premiers 
f  vers  latins,  et  sur  la  première  page,  je  vis  un  frontispice  qui  de  sur- 
•  prise  me  coupa  la  respiration.  J'ai  maintenant  même  le  cahier  de- 
«  vant  moi,  et  je  viens  de  le  montrer  à  d'autres.  De  ma  main  d'en- 
«  faut,  j'ai  écrit  sur  la  première  page  :  John  H.  Newman,  11  février 
«  1811.  Cahier  de  vers.  Entre  ces  deux  derniers  mots,  j'ai  dessiné 
a  l'image  d'une  croix  solide  et  droite.  Près  de  cette  croix  est  une 
a  autre  figure,  qu'on  prendrait  peut-être  pour  celle  d'un  collier,  mais 
«  qui  représente  en  réalité  un  chapelet  avec  une  petite  croix  qui  y  est 
«  attachée.  Je  n'avais  que  dix  ans  quand  je  traçai  ce  dessin.  L'idée 
«  m'en  aura  été  suggérée  soit  par  quelque  roman  de  Mme  Radchffe 
«  ou  de  Mlle  Porter,  soit  même  par  quelque  peinture  religieuse.  Ce 
«  qui,  de  toute  manière,  demeure  étrange,  c'est  qu'au  milieu  de  tant 
«  d'objets  qui  s'offrent  à  la  vue  d'un  enfant,  ceux-ci  soient  demeurés 
«  empreints  si  profondément  dans  mon  esprit  et  se  soient,  jusqu'à  ce 
«  point,  identifiés  avec  lui.  » 

Néanmoins  le  P.  Newman  crut  longtemps  que  le  Pape  est  l'ante- 
christ  prédit  par  saint  Jean.  L'immortalité  de  l'âme  et  la  vérité  des 
saintes  Écritures  étaient  pour  lui  l'objet  de  beaucoup  de  doutes  ;  il 
avait  plus  de  vingt  ans  quand  il  admit  la  régénération  par  le  baptême. 
Il  pouvait  réciter  sans  une  faute  le  Symbole  de  saint  Athanase  et  le 
Catéchisme  anglican,  mais  ces  formules  veulent  être  expliquées  pour 
avoir  un  sens,  et  quand  il  demandait  cette  explication  aux  docteurs  qui 
l'entouraient,  chacun  avait  la  sienne;  en  sorte  que,  placé  comme  il 
l'était  au  centre  de  l'enseignement  religieux  de  l'Angleterre,  il  était 
obligé  de  se  faire  à  lui-même  sa  religion.  On  l'accusait  d'arianiser 
quand  il  avait  vingt-cinq  ans.  Il  avoue  qu'à  cette  époque  plusieurs  pro- 
positions du  Symbole  d'Athanase  lui  paraissaient  inutilement  scienti- 
fiques. Voilà  pourtant  tout  ce  que  peut  faire  pour  les  esprits  les  plus 
droits,  les  plus  éclairés,  les  plus  solides,  cet  établissement  qu'on  ap- 
pelle l'Eglise  d'Angleterre  ;  qu'on  juge  par-là  de  ce  qu'elle  peut  don- 
ner aux  masses  pauvres  et  illettrées.  Un  des  hommes  qui  furent  le  plus 
utiles  au  R.  P.  Newman  est  un  docteur  Keble,  qui  avait,  en  effet,  de 
bons  principes  sur  les  sacrements,  mais  dont  la  doctrine  fondamentale 


294  POLÉMIQUE 

réduisait  la  science  humaine  à  une  simple  probabilité.  L'auteur  dit  de 
lui  agréablement  qu'on  aurait  pu  traduire  ainsi  le  sens  de  la  religioo 
Keble  :«  0  Dieu,  s'il  existe  un  Dieu,  sauve  mon  âme,  s'il  est  vrai  que 
«  j'en  aie  une.  »  Si  le  P.  Newman  était  loin  d'admettre  cette  doc- 
trinej  il  l'était  toat  autant  de  comprendre  la  portée  d'un  enseignement 
infaillible  avec  la  certitude  de  foi  qui  s'y  rattache.  11  avait  à  peine  con- 
science lui-même  de  la  force  qui  l'entraînait  de  ce  côté.  Suivent  300 
pages  qu'il  faudrait  traduire  tout  entières.  Le  récit  du  mouvement  po- 
litique libéral  est  lié  à  celui  du  mouvement  religieux,  et  en  fait  la 
contre-partie.  Ce  récit  est  concis,  très-bien  déduit,  tracé  de  main  de 
maître  ;  ce  n'est  pas  seulement  un  homme  qui  marche,  c'est  une  na^ 
tion  qui  avance.  Ce  qu'on  peut  donner  en  termes  généraux  comme  le 
résumé  de  cette  élaboration  progressive  en  tant  qu'elle  est  personnelle 
au  professeur  sur  qui  Oxford  avait  déjà  les  yeux,  c'est  qu'elle  le  con- 
duisit à  l'étude  des  Pères  antérieurs  au  concile  de  Nicée,  et  que  cette 
étude  acheva  de  dégager  et  de  fixer  dans  son  intelligence  les  principes 
qui  ont  présidé  à  la  formation  de  l'Église  chrétienne  et  qui  sont  la  né- 
cessité d'un  dogme,  celle  d'une  Église  enseignante,  et  par  conséquent 
d'un  épiscopat  investi  d'une  autorité  propre  et  indépendante.  Ces  prin- 
cipes étaient  formulés  dans  une  suite  de  traités  succincts  qu'on  a  nom- 
més les  Traités  du  temps  {Tracts  of  the  Times),  et  qui,  à  partir  de 
1834,  attirèrent  vivement  l'attention  du  clergé  anglican,  et  surtout 
celle  des  universités. 

Le  docteur  Pusey  prit  part  à  leur  rédaction  à  partir  de  183.5.  Le 
caractère  du  mouvement  était  celui  d'une  réaction  contre  l'invasion  des 
doctrines  ultra -protestantes,  antiépiscopales,  anlidogmatiques,  anti- 
sacramentelles, et  le  but  des  deux  hommes  était  de  sauver  l'anglica- 
nisme avec  un  parti  pris  très-arrêté  contre  Rome  et  la  papauté.  Le 
docteur  Newman  tenait  encore  alors  que  l'Église  romaine  a  prévariqué 
dès  la  fin  du  sixième  siècle.  11  fit  paraître,  en  1836,  son  ouvrage  inti- 
tulé :  Devoirs  futurs  de  l'Eglise  en  face  du  romanisme  et  du  protes- 
tantisme populaire.  Il  y  avait  travaillé  trois  ans,  et  entendait  prouver 
par  cette  publication  que  tout  retour  au  catholicisme  était  impossible 
pour  lui  et  pour  les  siens.  La  même  année,  il  perd  son  ami,  le  poète 


DU  R.  P.  NEWMAN  ET  DU  O'  KINGSLEY.  295 

Froude.  La  famille  l'invite  à  choisir  dans  la  bibliothèque  du  défunt  un 
livre  qui  lui  soit  un  souvenir.  11  y  prend,  à  la  suggestion  d'un  autre 
ami  protestant  lui-même,  le  Bréviaire  romain.  C'est  l'exemplaire  qui 
est  sur  sa  table,  et  dont  se  sert  aujourd'hui  le  supérieur  de  l'Oratoire 
de  Birmingham.  On  était  encore  loin  du  temps  où  ce  bréviaire  devrait 
avoir  une  utilité  pratique.  L'histoire  du  P.  Newman  est  celle  d'un  homme 
que  tout  éloigne  de  la  vérité  catholique,  mais  qui  arrive  à  l'Eglise  par 
la  seule  force  de  la  vérité,  et  malgré  toutes  les  forces  contraires  qui 
arrêtent  la  marche  de  son  esprit.  Son  éducation  première  est  protes- 
tante ;  son  esprit  est  tout  imbu  des  préjugés  de  cette  éducation.  Le 
milieu  dans  lequel  se  passe  son  adolescence  diffère  à  peine  sous  ce 
rapport  de  celui  dans  lequel  son  enfance  s'est  écoulée.  Sa  position  est 
celle  d'une  guerre  déclarée  à  l'Église  romaine  ;  ses  intérêts  sont  contre 
Rome,  ses  antécédents  le  sont  aussi.  Il  semble  lié.  Il  l'est  en  effet  non- 
seulement  par  une  position,  par  des  traitements,  par  sa  chaire,  mais  il 
l'est  encore  par  ses  professions  de  foi,  par  ses  prédications,  par  ses 
serments,  par  tout  ce  qui  est  sorti  de  lui-même,  par  tout  ce  qui  fait  de 
sa  personne  l'homme  d'Oxford  le  plus  goûté,  le  plus  admiré.  L'éta- 
blissement anglican  a  toutes  ses' sympathies  :  il  est  pour  lui  l'objet 
d'un  culte  véritable,  et  son  unique  aspiration,  c'est  de  travailler  au 
progrès  ou  au  salut  de  cet  établissement  menacé.  Néanmoins,  chacune 
des  illusions  favorables  A  l'église  anglicane  tombera.  Une  à  une,  ces 
préventions  contre  l'Eglise  catholique,  qui  vont  jusqu'à  voir  en  elle  la 
Babylone  maudite,  se  dissiperont  pour  faire  place  au  dévoûment  et  à 
l'amour.  Il  n'y  aura  pas  une  objection  qui  ne  trouve  sa  réfutation,  et 
ces  réfutations  sortiront  de  l'esprit  même  du  P.  Newman  ;  elles  seront 
le  fruit  de  son  propre  labeur,  et  non  le  gain  fortuit  d'un  commerce 
étranger.  Lui-même,  comparant,  mesurant,  fouillant,  examinant  de 
ses  yeux  chacune  des  pièces  du  long  procès,  il  deviendra  son  propre 
juge  et  le  condamnateur  de  la  doctrine  qu'il  a  enseignée.  La  vérité  s'é- 
lèvera en  lui,  contre  lui.  Elle  sera  d'abord  comme  la  lumière  diffuse 
qu'un  astre  voilé  projette  au  loin  ;  mais,  par  degrés,  le  foyer  d'où  cette 
lumièrejaillit  commencera  à  paraître  sur  lescîmesde  la  montagne  sainte. 
U  aura  la  consolation  de  voir  tous  ses  projets  combattus,  calomniés,  dé- 


296  POLÉMIQUE 

truits,  donner  pourtant  par  leur  défaite  même  à  sa  droiture  et  à  sa  sin- 
cérité une  victoire  meilleure  que  celle  qu'il  espérait. 

Le  Père  Newraan  sentait  les  défaillances  de  l'anglicanisme,  il  voulait 
sauver  l'institution  et  les  hommes  qui  lui  appartiennent.  Il  voyait  leur 
danger  :  les  catholiques  romains  d'un  côté  ;  de  l'autre,  les  évangéliques 
et  les  radicaux  dans  le  sein  même  de  l'anglicanisme,  et  qui  égale- 
ment hostiles  les  uns  et  les  autres  à  l'autorité  épiscopale,  sont  pourtant 
les  ministres  de  l'épiscopat  anglican,  et  tendent  à  devenir  la  majorité  de 
son  clergé.  De  cette  situation  est  sorti  le  système  de  la  via  média,  de  ce 
parti  appelé  tantôt  le  parti  du  mouvement,  tantôt  les  tractaires,  et  plus 
communément  aujourd'hui  le  puséisme.  Sauver  l'autorité  de  l'épiscopat 
et  le  principe  d'une  doctrine  et  d'une  liturgie  sans  passer  du  côté  de 
Rome,  tel  était  le  problème.  Pendant  dix  ans  le  Père  Newman  travaille  et 
combat  pour  lui  donner  une  solution  ;  c'est  l'objet  qu'il  se  propose  dans 
ce  traité  des  devoirs  futurs  de  l'Église  qui  l'occupa  de  1834  à  1856  et 
qui  eut  en  Angleterre  un  immense  retentissement;  c'est  aussi  le  but 
de  ses  thèses  et  de  ses  traités  contre  Rome,  qui  parurent  vers  la  même 
époque.  L'idée  mère  de  tout  le  système,  c'est  que  l'Église  anglicane 
admet  la  doctrine  des  Pères  et  des  premiers  siècles  de  l'Église,  qu'elle 
en  fait  sa  doctrine  et  que  par  là  elle  présente  tout  au  moins  l'un  des  ca- 
ractères de  la  véritable  Église,  qui  est  celui  de  l'antiquité  de  sa  foi,  de 
son  apostolicité.  Ce  système  était  mobile  dans  ses  combinaisons  de  dé- 
tail, comme  il  l'est  encore  aujourd'hui  parmi  les  puséistes.  Rome  y  était 
parfois  envisagée  comme  une  église  sœur,  et  d'autres  fois  elle  apparais- 
sait comme  une  corruptrice  du  dogme,  avec  laquelle  l'église  anglicane 
avait  dû  rompre  par  devoir  de  conscience.  Il  y  avait  d'ailleurs  une  faute 
dont  le  Père  Newman  ne  pouvait  disculper  la  papauté.  C'était  celle 
d'avoir  changé  le  dogme  par  superfétation  et  d'avoir  ajouté  au  symbole 
primitif  des  articles  nouveaux.  Comme  cette  dernière  objection  est  com- 
mune parmi  les  protestants  qui  dogmatisent  encore,  on  ne  lira  pas  sans 
.  intérêt  les  pages  ou  le  professeur  d'Oxford  expose  la  manière  dont  elle 
a  été  chassée  de  son  esprit.  Ce  fut  aussi  le  dernier  coup  porté  à  ses 
convictions  protestantes,  et  ce  qui  décida  de  toute  sa  vie.  L'époque  à 
laquelle  se  réfère  le  trait  qu'on  va  lire  était  celle  où  la  réputation  du 


DU  R.  P.  NEWMAN  ET  DU  D""  KINGSLEY.  297 

Père  Newman  à  Oxford  se  trouvait  à  son  apogée  :  la  foule  des  jeunes 
gens  accourait  à  lui  ;  les  hommes  les  plus  sérieux  venaient  le  consulter, 
il  s'était  fait  plusieurs  amis  parmi  ceux  qui  passaient  pour  des  sages,  et 
la  masse  des  disciples  se  passionnait  pour  le  maître. 

«  Les  grandes  vacances  1839  commencèrent  de  bonne  heure. 
Oxford  avait  eu  beaucoup  de  visiteurs  ;  l'attention  commune  paraissait 
se  porter  sur  le  docteur  Pusey  et  sur  moi  plus  peut-être  qu'en  aucune 
des  années  précédentes.  Depuis  plus  de  deux  ans,  j'avais  mis  de  côté 
la  controverse  avec  Rome  :  ce  sujet  n'avait  point  paru  dans  mes 
prônes;  nos  Traités  et  la  Critique  britannique  n'avaient  eu  aucun  ca- 
ractère polémique.  Je  repris,  pendant  mes  vacances,  le  cours  de  lectures 
que  je  suivais  depuis  plusieurs  années  avec  un  attrait  spécial.  Que  la 
pensée  de  Rome  ait  traversé  mon  esprit,  je  ne  le  crois  pas.  Je  com- 
mençai donc  vers  la  mi-juin  à  étudier  et  à  approfondir  l'histoire  des 
Monophysites  :  la  question  de  doctrine  m'absorbait.  Cela  dura  du  13  juin 
jusqu'à  la  tin  d'août,  et  c'est  pendant  ce  cours  de  lectures  que  pour  la 
première  fois  je  sentis  naître  un  doute  sur  la  possibilité  de  tenir  en  dé- 
fendant l'anglicanisme.  Je  me  souviens  que,  le  30  juillet,  rencontrant 
par  accident  un  de  mes  amis ,  je'  lui  fit  part  de  ce  que  celte  his- 
toire avait  pour  moi  de  remarquable  ;  à  la  fin  d'août  je  me  sentais  sé- 
rieusement alarmé. 

«  On  a  pu  voir  dans  un  autre  ouvrage  à  quel  point  l'histoire  m'a 
toujours  impressionné.  L'argument  tiré  de  l'antiquité,  était  le  rempart 
de  mon  système.  Et  voilà  qu'au  milieu  du  cinquième  siècle,  je  crois 
voir  paraître  tout  ce  qui  constitue  le  christianisme  du  seizième  siècle 
et  celui  du  X1X«.  Je  crus  me  voir  au  miroir  :  j'étais  un  monophysite  ; 
l'église  de  la  via  média  était  dans  la  même  position  que  la  communion 
d'Orient.  Rome  était  où  elle  est  maintenant  :  les  Eutychiens,  voilà  les 
protestants.  Parmi  tous  les  traits  que  l'histoire  a  enregistrés,  depuis 
qu'il  existe  une  histoire,  qui  eût  jamais  songé  à  prendre  les  faits  et 
dires  d'Eutychés,  de  ce  delirus  senex,  comme  je  crois  que  le  P.  Pétau 
l'a  nommé,  et  cela  à  l'effet  de  se  convertir  à  l'Église  romaine? 

«  Je  n'écris  pas  ici  une  controverse.  Mon  intention  est  de  relater  les 
faits  tels  qu'ils  se  passèrent  dans  le  cours  de  ma  conversion.  Et  dans 


298  POLÉMIQUE 

cette  vue,  je  citerai  le  passage  suivant,  emprunté  à  un  récit  que  je 
donnai  en  1850,  et  où  j'expose  ma  manière  de  raisonner  et  de  sentir 
en  1839  : 

«  11  paraît  difficile,  disais-je  alors,  d'établir  que  les  Eutychiens  ou 
Monophysites  étaient  hérétiques,  si  on  n'admet  en  même  temps  que  les 
Protestants  et  Anglicans  le  sont  aussi  ;  difficile  de  trouver,  contre  les 
Pères  du  Concile  de  Trente,  des  arguments  qui  n'atteignent  pas  ceux 
de  Chalcédoine  ;  difficile  de  condamner  les  Papes  du  XVI*  siècle,  sans 
frapper  sur  les  Papes  du  \h.  Le  drame  de  la  religion,  du  combat  de 
la  vérité  contre  l'erreur,  est  toujours  un  et  identique.  Les  principes  de 
l'Église  et  les  procédés  qu'elle  emploie  sont  aujourd'hui  ce  qu'ils  étaient 
alors.  Les  principes  et  les  procédés  des  hérétiques  de  ces  temps  sont 
ceux  des  protestants  de  nos  jours.  Voilà  ce  que  je  vis,  non  sans  effroi. 
Une  terrible  similitude  se  dressa  devant  moi.  Similitude  de  la  lettre 
morte  du  passé  et  des  chroniques  fiévreuses  du  présent,  d'autant  plus 
terrible  qu'elle  m'apparaissait  là,  silencieuse  et  sans  passion.  L'ombre 
du  V*  siècle  planait  sur  le  XVb. C'était  comme  un  fantôme,  sortant  des 
eaux  troublées  du  vieux  monde,avee  la  forme  et  les  traits  du  nouveau. 
On  pouvait  dire  alors  de  l'Eglise  tout  ce  qu'on  en  dit  aujourd'hui  : 
qu'elle  est  impérieuse,  raide,  tranchante,  arrogante,  inflexible.  Les 
hérétiques  étaient  adroits,  changeants,  réservés,  insidieux,  courtisans 
du  pouvoir  civil,  et  sans  autre  accord  entre  eux  que  ceux  que  ce  pou- 
voir leur  imposait.  Le  pouvoir  civil  lui-même,  à  la  poursuite  de  ce  qui 
est  du  ressort  naturel,  cherchait  constamment  à  écarter  les  choses 
abstraites,  et  à  substituer  ce  qui  est  expédient  à  ce  qui  est  de  foi.  Je 
me  disais  :  A  quoi  bon  pour  moi  continuer  la  controverse  et  défendre  ma 
position,  si  je  ne  fais  que  forger  des  arguments  en  faveur  d'Arius  et 
d'Eutychés,  et  me  constituer  l'avocat  du  diable  contre  l'invincible  pa- 
tience d'Athanase  et  la  majesté  de  Léon  (!)?... 

«  Je  terminais  à  peine  mon  cours  de  lectures,  lorsqu'un  de  mes 
amis ,  plus  favorable  que  moi  à  la  cause  de  Rome ,  me  mit  entre  les 
mains  un  n°  de  la  Revue  de  Dublin  de  ce  même  mois  d'août.  Ce  n» 
contenait  un  article  de  Mgr  Wiseman,  alors  évêque,  sur  la  cause 

(1)  Ici  fiait  l'empruut  fait  par  l'auleur  à  sou  récit  de  1850.  La  nouvelle 
uarratioa  reprend. 


DU  R.   P.  NEWMAN  ET  DU  D'  KINGSLEY.  299 

anglicane.  On  était  au  milieu  de  septembro.  L'article  était  sur  les  Do- 
natistes  avec  des  applications  à  l'anglicanisme.  Je  le  lus,  je  n'y  trouvai 
pas  grand'chose  ;  ainsi  que  je  l'ai  dit  plus  haut,  la  querelle  donatiste 
m'était  connue  depuis  longtemps.  La  cause  ne  répondait  pas  à  celle  de 
l'Église  anglicane.  Saint  Augustin  écrivait  en  Afrique  contre  les  Do- 
ïiatistes  établis  en  Afrique;  les  sectaires  formaient  un  parti  féroce, 
qui  créait  un  schisme  au  sein  même  de  l'Église  d'Afrique,  et  qui 
ne  s'étendait  pas  plus  loin.  C'était  donc  une  cause  d'autel  contre 
autel  ;  le  cas  de  deux  occupants  d'un  même  siège,  comme  serait 
celui  des  non-jureurs  en  Angleterre  en  face  de  VEglise  établie.  Ce 
n'était  pas  le  cas  d'une  église  contre  une  autre  église,  que  Rome  en 
face  des  Monophysites  d'Orient  m'avait  présenté.  Cependant,  mon  ami, 
homme  sincèrement  religieux,  qui  m'était  cher  comme  il  l'est  encore, 
et  qui  est  demeuré  protestant  ;  cet  ami  me  fit  voir  les  mots  saillants  de 
saint  Augustin  que  l'article  citait  dans  un  de  ses  extraits  et  qui  avaient 
échappé  à  mon  altenlion.  C'étaient  coux-ci:  Securus  jndicat  orbis 
terrarum.  11  répéta  ces  mots  à  plusieurs  reprises.  Ils  sonnaient  encore 
à  mes  oreilles  après  que  mon  ami  s'en  était  allé.  Securus  judicat  orbis 
terrarum.  Voilà  des  expressions  qu'f  portaient  bien  au-delà  de  l'affaire 
des  Donatistes.  Elles  s'appliquaient  à  celle  des  Monophysites.  Ces  mots 
donnaient  à  l'article  la  force  convaincante  qui  ne  m'avait  point  saisi. 
Us  donnaient  pour  la  décision  des  questions  ecclésiastiques  une  règle 
plus  simple  que  celle  de  l'antiquité.  D'ailleurs,  c'était  Augustin  que 
j'entendais;  c'était  l'un  des  premiers  oracles  de  l'antiquité,  c'était  donc 
l'antiquité  prononçant  contre  elle-même.  Quelle  lumière  ce  trait  ne 
jetait-il  pas  sur  toutes  les  controverses  de  l'Église?  Ce  n'est  pas  à  dire 
sans  doute  que  la  multitude  ne  puisse  pour  un  moment  faillir  dans  son 
jugement  ;  ce  n'est  pas  que  dans  l'ouragan  de  l'arianisme,  des  évêques 
plus  qu'on  n'en  peut  compter,  n'aient  plié  sous  la  tempête  et  n'aient 
abandonné  Athanase  ;  ce  n'est  pas  que  la  masse  des  évêques  d'Orient, 
pour  se  soutenir  dans  l'autre  contestation,  n'ait  point  eu  besoin  du 
regard  et  delà  voix  de  saint  Léon.  Mais  la  valeur  de  ce  mot,  c'est  que 
le  jugement  délibéré,  auquel  l'Église  dans  son  ensemble  acquiesce  avec 
maturité;  c'est  qu'un  tel  jugement  constitue  une  prescription  infaillible 
et  un  arrêt  final  vis-à-vis  des  partis  qui  protestent  et  qui  se  retirent 


300  POLÉMIQUE. 

Chose  étrange  que  nos  impressions  !  Ce  simple  trait  de  saint  Augustin 
me  frappa  avec  une  force  qu'aucune  parole  ne  m'avait  encore  fait  sentir. 
C'était  pour  moi  comme  le  Toile,  lege  de  l'enfant  qui  convertit  saint 
Augustin  lui-même,  et  la  théorie  de  la  via  média  était  pulvérisée  du 
coup.  » 

L'éminent  professeur  ne  se  rendit  pourtant  pas  sur-le-champ.  Il 
tenta  encore  de  se  prouver  à  lui-même  et  de  démontrer  à  ses  dis- 
ciples que  l'église  anglicane  a  le  caractère  de  la  sainteté,  et  que  ce 
caractère  suffit  pour  qu'on  reconnaisse  en  elle  la  véritable  Eglise. 
Souvent  la  crainte  d'être  trompé  par  une  nouvelle  utopie  après  l'avoir 
été  par  une  première  venait  ébranler  sa  conviction  naissante.  Mais 
désormais  la  confiance  lui  manquait  dans  l'œuvre  d'affermissement  et 
de  régénération  qu'il  avait  entreprise  au  profit  de  l'épiscopat  anglais. 
Lorsqu'il  écrivit  son  fameux  traité  90,  le  dernier  de  la  série,  et  celui 
qui  sert  de  fondement  à  tout  l'édifice  puséiste,  il  croyait  à  peine  à  la 
conciliation  qu'il  prétendait  établir  entre  la  vérité  chrétienne  et  la  doc- 
trine affichée  par  l'église  anglicane.  Enfin,  vers  les  derniers  mois  de 
l'année  1845,  la  grâce  avait  achevé  son  œuvre  sur  cette  âme  émi- 
nemment douée;  la  raison  s'était  rendue  à  la  foi,  et  le  8  octobre  1845, 
vit  se  consommer  entre  les  mains  du  Père  Dominique,  passioniste,  le 
travail  de  salut  aussi  abondant  dans  ses  fruits  qu'il  avait  été  lent  dans 
ses  progrès. 

Quant  à  la  théorie  de  la  voie  moyenne,  il  y  a  longtemps  que  ce  que 
dit  le  Père  Newman  est  accompli  et  qu'elle  est  pulvérisée.  Frayer  une 
nouvelle  route  entre  la  voie  de  l'autorité  et  les  sentiers  perdus  du  ju- 
gement propre,  c'est  une  tentative  qui  se  renouvelle  d'âge  en  âge 
depuis  les  débuts  de  la  gnose,  et  que  notre  siècle,  pas  plus  que  les  pré- 
cédents, ne  verra  réussir. 

Il  est  très-aisé  de  dire  :  Nous  revenons  à  l'antiquité,  aux  siècles  pri- 
mitifs, aux  premiers  conciles,  mais  pour  établir  ce  que  ces  siècles  ont 
cru,  il  faut  ou  s'ériger  en  oracle  ou  donner  des  preuves.  Les  premiers 
essais  faits,  le  plus  simple  comme  le  plus  sûr  paraît  encore  d'en  venir 
â  la  tradition  de  l'Église  et  à  son  autorité. 

Pour  extrait  :  E.  Hautcœcr. 


BIBLIOGRAPHIE. 


Instruction  synodale  de  Mgr  l'Évêque  de  Poitiers  sur  les  princi- 
pales erreurs  du  temps  présent.  2*  éd.  Poitiers,  Oudin  ;  Paris,  Giraud. 
In-12  de  313  pp. 

Sous  ce  titre,  Mgr  l'Évêque  de  Poitiers  a  réuni  ses  discours  tenus 
en  présence  de  son  clergé  dans  les  synodes  de  1862  et  de  1863.  Cette 
instruction  synodale  se  rattache  à  deux  autres  qui  l'ont  précédée,  et 
qui,  après  plusieurs  éditions  successives,  paraissent  aujourd'hui  dans 
le  même  format,  de  façon  à  former  un  ensemble  que  tout  prêtre  voudra 
posséder  dans  sa  bibliothèque.  Les  premières  en  date  sont  trop  con- 
nues, pour  que  nous  ayons  à  en  parler  de  nouveau.  On  sait  quelle  ira- 
pression  elles  ont  produite  en  dehors  même  du  monde  chrétien,  et 
parmi  les  coryphées  du  rationahsme. 

Dans  la  troisième  instruction  synodale,  l'illustre  successeur  de  saint 
Hilaire  passe  en  revue  et  discute,  avec  cette  manière  large  et  profonde 
qu'on  lui  connaît,  les  formes  les  plus  récentes  de  la  polémique  antichré- 
tienne. Tout  se  ramène,  en  résumé,  à  une  erreur  fondamentale:  la  né- 
gation de  l'ordre  surnaturel.  «  Nous  disons,  nous,  et  l'Église  catholique 
enseigne  que  Dieu,  par  un  acte  libre  de  son  amour,  a  établi  un  Hen  su- 
périeur et  transcendant  entre  notre  nature  et  la  sienne  ;  nous  disons 
qu'un  pareil  lien  n'était  pas  nécessaire  en  soi,  qu'il  n'était  commandé, 
ni  môme  formellement  réclamé  par  aucune  exigence  de  notre  être,  qu'il 
est  dû  à  la  charité  immense,  à  la  libéralité  gratuite  et  excessive  de  Dieu 
envers  sa  créature  ;  nous  proclamons  que  ce  lien,  par  suite  de  la  volonté 
divine,  est  devenu  obligatoire,  indéclinable,  nécessaire  ;  qu'il  subsiste 
éminemment  et  qu'il  subsistera  éternellement  en  Jésus-Christ,  Dieu  et 
homme  tout  ensemble,  nature  divine  et  nature  humaine  toujours  dis- 
tinctes, mais  irrévocablement  unies  par  le  nœud  hypostatique  ;  nous 
ajoutons  que  ce  lien  doit  s'étendre,  selon  des  proportions  et  par  des 
moyens  divinement  institués,  à  toute  la  race  dont  le  Verbe  incarné  est 
le  chef,  et  qu'aucun  être  moral,  soit  individuel  et  particulier,  soit  pu- 
blic et  social,  ne  peut  le  rejeter  et  le  rompre,  en  toutou  en  partie,  s£|ns 
manquer  à  ses  fins,  et,  par  conséquent,  sans  se  nuire  mortellement  à 


302  BIBLIOGRAPHIE. 

lui-même  et  sans  encourir  la  vindicte  du  Maître  souverain  de  nos  des- 
tinées. Telle  est,  non  pas  seulement  la  doctrine,  mais  la  substance 
même  du  christianisme 

«  Or,  si  l'on  cherche  le  premier  et  le  dernier  mot  de  l'erreur  con- 
temporaine, on  reconnaît  avec  évidence  que  ce  qu'on  nomme  l'esprit 
moderne,  c'est  la  revendication  du  droit,  acquis  ou  inné,  de  vivre  dans 
la  pure  sphère  de  l'ordre  naturel  ;  droit  moral  tellement  absolu,  telle- 
ment inhérent  aux  entrailles  de  l'humanité,  qu'elle  ne  peut,  sans  signer 
sa  propre  déchéance,  sans  souscrire  à  sa  honte  et  à  sa  ruine,  le  faire 
céder  devant  aucune  intervention  quelconque  d'une  raison  et  d'une  vo- 
lonté supérieures  à  la  raison  et  à  la  volonté  humaine,  devant  aucune 
révélation  ni  aucune  autorité  émanant  directement  de  Dieu. 

«  Cette  attitude  indépendante  et  répulsive  delà  nature,  à  l'égard  de 
l'ordre  surnaturel  et  révélé,  constitue  proprement  l'hérésie  du  natura- 
lisme :  mot  consacré  par  la  langue  bientôt  séculaire  de  la  secte  qui  pro- 
fesse ce  système  impie,  non  moins  que  par  l'autorité  de  l'Eglise  qui  le 
condamne. 

«  Cette  séparation  systématique,  on  l'a  aussi  appelée,  et  non  sans  fon- 
dement, V antichristianisme.  Par  le  fait,  elle  est  complètement  destructive 
de  toute  l'économie  chrétienne.  En  ne  laissant  subsister  ni  l'incarnation 
du  Fils  naturel  de  Dieu,  ni  l'adoption  divine  de  l'homme, elle  supprime 
le  christianisme  à  la  fois  par  son  faîte  et  par  sa  base,  elle  l'atteint  à  sa 
source  et  dans  toutes  ses  dérivations  (1).  » 

Les  faux  sages  de  notre  époque  ne  conçoivent  pas  tous  leur  œuvre 
de  la  même  façon.  «  Le  naturalisme  a  des  degrés  :  absolu  chez  les  uns, 
partiel  chez  les  autres;  là  niant  les  principes  des  premiers,  ici  écartant 
seulement  quelques  conséquences.  Mais  comme  tout  se  tient,  comme 
tout  est  fortement  lié  dans  l'œuvre  de  Dieu,  la  négation  des  moindres 
conséquences  fait  remonter  logiquement  à  la  négation  des  principes.  Le 
poison  du  naturalisme  n'est  donc  inoffensif  à  aucun  degré,  il  n'est  sup- 
portable à  aucune  dose  (2).  » 

Les  plus  modérés  sont  ceux  qui  suppriment  .toute  intervention  de  la 

(1)  Instruction  synodale,  p.  20  ss. 

(2)  lOid.,  p.  31. 


I 


BIBLIOGRAPHIE.  303 

religion  dans  la  vie  publique,  et  qui  prétendent  la  renfermer  dans  le 
sanctuaire  de  la  conscience  individuelle.  Ils  séparent  le  chrétien  du  ci- 
toyen, ils  nient  le  rôle  social  de  la  vérité  révélée  par  le  Verbe.  D'autres, 
soit  qu'ils  tranchent,  soit  qu'ils  laissent  de  côté  les  questions  relatives 
à  la  possibilité  et  à  l'existence  de  l'ordre  surnaturel,  prétendent  qu'au 
moins  cet  ordre  est  facultatif,  qu'on  e5t  libre  de  se  soustraire  aux  obli- 
gations qu'il  impose,  et  de  poursuivre  sa  fin,  connue  pour  la  raison, 
à  l'aide  des  moyens  que  fournit  la  nature  laissée  à  elle-même. 

«  Pour  ces  hommes,  la  question  de  religion  positive  n'étant  qu'une 
affaire  de  choix  et  de  goût,  l'État,  tout  en  assurant  aux  citoyens  qui 
appartiennent  à  un  culte  quelconque  la  liberté  de  le  suivre,  doit,  pour 
sa  part,  exercer  le  sacerdoce  de  l'ordre  naturel,  et  poser  l'éducation 
nationale,  l'enseignement  des  lettres,  de  l'histoire,  de  la  philosophie, 
de  la  morale,  en  un  mot,  toute  la  législation  sociale,  sur  un  fondement 
neutre,  ou  plutôt  sur  un  fondement  commun,  et  résoudre  ainsi,  en  de- 
hors de  tout  élément  révélé,  le  problème  de  la  vie  humaine  et  du  gou- 
vernement public.  C'est  ce  que  le  jargon  du  jour  nomme  l'état  laïque, 
la  société  sécularisée,  tenant  en  réserve  la  qualification  de  •  clérical  ■ 
à  l'adresse  de  tout  laïque  et  séculier  qui  n'est  pas  renégat  de  son  bap- 
tême et  transfuge  de  son  Église  (1).  » 

Ce  sont  là  les  moyens  termes  auxquels  s'arrêtent  beaucoup  d'esprits 
au  sein  de  notre  société  flottante,  incertaine  dans  ses  croyances,  attachée 
avant  tout  à  l'ordre  matériel  et  aux  intérêts  du  temps.  Toutefois,  les 
esprits  plus  conséquents  ne  s'arrêtent  pas  ainsi  à  moitié  du  chemin  ;  ils 
vont  jusqu'à  la  négation  absolue  de  l'ordre  surnaturel,  considéré  comme 
fait  et  comme  doctrine,  et  même  quelques-uns,  pour  le  déraciner  fon- 
cièrement, essaient  de  rajeunir  le  vieux  thème  de  la  philosophie  alle- 
mande, le  panthéisme.  A  tout  prendre,  cette  dernière  position  est  la 
seule  qui  soit  tenable  logiquement,  mais  ceci  même  est  la  condamna- 
tion des  systèmes  antichrétiens  qui  sont,  ou  chassés  de  toutes  leurs  po- 
sitions, ou  conduits  fatalement  à  cet  abîme.  Après  tout,  il  y  a  encore 
trop  de  bon  sens  en  France,  pour  que  Hegel  et  ses  disciples  puissent  y 
faire  fortune. 

I\)  P.  33  s. 


30/i  BIBLIOGRAPHIE. 

Encore  une  fois,  toute  cette  Instruction  synodale  demande  à  être 
lue  et  méditée  ;  elle  le  sera  par  les  prêtres  qui  ont  à  cœur  de  se 
tenir  à  la  hauteur  de  leur  ministère  comme  interprètes  et  défenseurs  de 
la  vérité  chrétienne.  La  dernière  partie,  relative  aux  théories  décevantes 
d'un  certain  catholicisme  libéral,  est  de  nature  à  dissiper  bien  des  erreurs 
et  des  illusions,  à  faire  cesser  bien  des  malentendus.  Puisse-t-elle  avoir 
pour  résultai  de  modérer  des  aspirations,  de  réformer  des  théories  et 
des  jugements  inspirés  par  des  idées  généreuses  sans  doute,  mais  peu 
exactes,  et,  quoi  qu'on  en  dise,  peu  en  rapport  avec  les  besoins  réels  de 
la  société.  E.  Hautcœur. 


Un  mot  sur  la  Patrologie  de  M.  l'abbé  Migpne. 

Nos  lecteurs  connaissent  cette  immense  publication  qui  réunit  siècle 
par  siècle  tous  les  monuments  de  la  tradition  catholique.  Deux  séries 
étaient  achevées  jusqu'à  présent:  la  série  latine,  conduite  jusqu'à 
l'époque  d'Innocent  III  (222  volumes  in-4);  la  première  série  gréco- 
latine,  allant  jusqu'à  Photius  (109  volumes). 

L'infatigable  éditeur  nous  annonce  que  la  deuxième  et  dernière  série 
de  la  Patrologie  gréco-latine  est  entièrement  composée  et  clichée  (61  vo- 
lumes). Le  tirage  a  dû  être  différé,  mais  il  marchera,  on  le  comprend, 
avec  la  plus  grande  rapidité.  Cette  série  s'étend  jusqu'au  concile  de 
Florence. 

Maintenant,  M.  l'abbé  Migne  va  s'occuper  de  conduire  la  tradition 
de  l'Eglise  d'Occident  jusqu'au  concile  de  Trente.  Nous  regrettons  que 
le  défaut  d'espace  nous  oblige  à  nous  contenter  aujourd'hui  de  ces  in- 
dications succinctes,  et  nous  terminons  en  engageant  instamment  tous 
les  amis  de  la  science  sacrée,  à  encourager  par  leur  souscription  cette 
entreprise  vraiment  incomparable.  La  Patrologie  devra  faire  la  base  de 
toute  bibliothèque  théologique.  On  ne  trouverait  nulle  part  réunis,  même 
dans  le  dépôts  les  plus  riches,  les  éléments  qui  la  composent.  Et  cepen- 
dant, on  peut  se  la  procurer  pour  une  somme  relativement  modique, 
tandis  que  les  grandes  éditions  des  Pères  de  l'Église  atteignent  toujours 
un  prix  fort  élevé.  E.  Hautcœur. 

Arras,  typ.  Rousseau-Leroi,  rue  Saint-Maarice,  26. 


ÉTUDE  SUR  LA  LEGISLATION  MOSAÏQUE. 


Cinquième  article 


Keil,  Handbuch  der  bibliscken  archœologie.  —  Haneberg,  Histoire  de  la 
liév.  biblique.  —  Micbaolis,  Mosahches  Recht.  —  Salvador,  Histoire 
des  institutions  de  Moïfte .  —  Hœvernick,  Spezielle  Einl.  in  den  Pen- 
tateuch. —  Canlù,  Histoire  universelle:  les  Hébreux. —  Kurtz,  Geschichte 
des  allen  Bundes,  —  Dankô,  Historia  Rev.  div.  vet.  Testamenti. 


On  ne  s'altend  pas  a  ce  que  nous  donnions  ici  des  détails, 
qu'on  pourrait  appeler  techniques,  sur  les  diverses  insti- 
tutions religieuses,  sociales  et  politiques  de  Moïse.  Une 
vue  d'ensemble  suffira.  Cç  sont  d'abord  les  institutions 
religieuses  qui  s'offrent  à  nous.  Nous  allons  les  examiner 
d'assez  près  pour  les  faire  connaître,  d'assez  loin  pour  ne 
pas  fatiguer  le  lecteur.  Nous  adoptons  l'ordre  suivi  par 
Varron,  dans  son  Exposition  des  antiquités  romaines, 
ordre  que  saint  Augustin  appelait  pulcherrimam  ac  subtilis- 
simam,  disposa ionem  (1)  :  il  consiste  a  parler  successivement 
des  lieux,  des  personnes,  des  choses  et  des  temps,  dans 
leur  rapport  avec  la  religion  et  le  culte. 

Le  tabernacle  dont  Dieu  avait  donné  la  forme  et  les  di- 
mensions, pour  la  construction  duquel  il  avait  préparé  deux 
ouvriers  habiles,  Bézaléel  et  Oholiab,  nous  est  déjà  connu 
par  son  symbolisme.  Les  matériaux  employés  sont  des 
matériaux  de  choix ^  la  place  qu'on  lui  donne  dans  le  camp 


(1)  De  Civ.  Dei,  1.  vi,  cap.  3. 

Revue  pes  Sciences  kcclés.  t.  ix.— octobre  1864.  24 


306  ÉTUDE    SUR    lA    LÉGISLATION    MOSAÏQUE. 

est  la  place  d'honneur.  Des  hommes  spéciaux  sont  chargés 
de  veiller  a  sa  garde  ;,  lorsqu'il  change  de  place,  il  faut 
appartenir  à  une  classe  choisie  pour  avoir  le  privilège  de 
concourir  a  son  transport  -,  enfin  les  noms  qu'il  reçoit  in- 
diquent tous  le  rang  qui  lui  convient  dans  l'ordre  des  insti- 
tutions religieusesde  Moïse.  On  l'appelle  en  eiïel  l' habitatiorf ^ 
la  tente  du  rassemblement  ou  de  l'alliance.  C'est  le  lieu  où  le 
Seigneur  a  voulu  habiter,  comme  en  un  palais  royal-,  le  lieu 
par  le  moyen  duquel  la  présence  de  Dieu  au  niilieu  d'Israël 
devient  sensible  au  peuple.  (Ps.  v,  8.)  C'est  le  signe  établi 
par  Dieu  comme  symbole  de  l'alliance.  (Exod.  xxv,  8;xxix, 
42,  43,  45,  46.  —  Deuter.  iv,  8.)  On  l'appelle  encore  la 
maison  de  Dieu  (Exod.  xxiii,  19. —  I  Reg.  i,  7),  la  maison 
que  le  Seigneur  a  bâtie,  cette  demeure  qui  remplace,  sur 
la  terre,  le  ciel  où  Dieu  habite,  lui  qui  ne  demeure  pas  en 
des  maisons  bâties  de  main  d'homme.  (Is.  lxvi,  1.)  On 
l'appelle  enfin  le  sanctuaire  (Numer.  ix,  15,  23),  le  lieu  d'où 
partent  comme  par  un  rayonnement  perpétuel  les  grâces  de 
Dieu,  celui  d'où  vient  la  sainteté.  Pour  la  trouver,  des 
hommes  saints  et  pieux  habiteront  dans  le  tabernacle. 
(Ps.  XXII,  6  ^  XXVI,  4;  xli,  2.) 

On  comprend  tout  ce  que  de  pareilles  appellations  devaient 
éveiller  de  sentiments  de  foi  en  Israël.  Dans  la  simplicité 
d'un  mot,  ou  d'une  formule  synthétique,  elles  ne  laissaient 
subsister  rien  de  vague  ou  d'indéfini,  ainsi  que  cela  avait 
lieu  dans  les  religions  païennes,  que  le  mystère  seul 
pouvait  sauver  du  ridicule  et  du  mépris.  Il  y  a  un  secret 
ici,  c'est  vrai  :  le  Saint  n'est  accessible  qu'aux  prêtres,  et 
le  grand-prêtre  seul  pénètre  une  fois  par  an  dans  le  Saint 
des  saints  ;  mais  le  peuple  a  vu,  il  a  palpé  la  raison  de  ce 
secret,  et  toutes  les  fois  qu'il  y  aura  utilité,  Dieu  la  lui 
fera  encore  saisir  et  comprendre  par  une  épreuve  aussi 
dure  que  nécessaire.  D'ailleurs,  dans  le  secret  même,  il 
n'y  a  pas  de  mystère.  La  mesure  du  secret,  c'est  la  sain- 


ÉTUDE   SUR  LA    LÉGISLATION   MOSAÏQUE.  307 

teté  :  elle  se  resserre  du  peuple  aux  lévites,  de  ceux-ci  aux 
prêtres,  et  des  prêtres  au  grand-prêtre.  Entre  ces  degrés 
hiéiarchiques,  il  y  a  comme  des  intervalles  qui  sont 
remplis  par  les  fils  d'Israël,  qu'une  vocation  spéciale  a  ap- 
pelés au  service  des  autels,  et  pour  qui  les  voiles  tombent 
parfois,  comme  aux  jours  où  la  tente  est  roulée,  et  où  un 
déplacement  met  en  pleine  lumière  les  diverses  parties  du 
tabernacle.  (Num.  iv,  4,  23;  vu,  3,  9-,  x,  17,  21.) 

La  tente  du  Seigneur  fut  dressée,  par  son  ordre,  le 
premier  jour  de  la  seconde  année  après  la  sortie  d'Égypie. 
On  en  consacra  les  diverses  parties,  et  aussitôt  la  gloire  de 
Dieu  se  manifesta,  et  sa  présence  fut  rendue  sensible  au 
milieu  du  peuple  par  la  nuée  qui  couvrait  jour  et  nuit  le 
propitiatoire.  (Exod.  xl.)  La  famille  d'Aaron  fut  aussi  con- 
sacrée au  service  des  autels, et  lorsqu'Aaron  offrit  le  premier 
sacrifice,  en  présence  de  Moïse  et  du  peuple,  le  feu  du  ciel 
descendit  et  consuma  les  victimes.  (Exod.  xl, 12. — Lev.ix, 
23.)  Après  la  prise  de  possession  du  pays  de  Chanaan,  le 
tabernacle  fut  dressé  a  Sijo,  où  il  resta  jusqu'au  temps 
d'Héli.  (Jud.  XVIII,  31.  —  I  Sam.  i,  .3  ^  ii,  12  seqq.)  Plus 
tard  nous  le  trouvons  a  Nob,  et  au  commencement  du  règne 
de  Saùl,  a  Gibéon.  (I  Reg.  m,  4.—  II  Par.  i,  3.)  C'est  ^e 
là  qu'il  fut  transporté  a  Jérusalem,  après  la  construction  du 
temple.  Le  lieu  qu'occupe  le  tabernacle  est  toujours  un 
lieu  saint,  un  lieu  où  l'on  offre  des  sacrifices,  où  il  y  a  un 
service  régulier  de  culte  et  un  personnel  chargé  de  veiller 
k  son  entretien.  Cependant  l'arche  se  sépare  du  labernacle. 
On  la  porte  dans  les  camps  :  elle  tombe  au  pouvoir  des 
ennemis  qui  la  rendent  ensuite,  a  cause  des  maux  dont  ils 
sont  frappés,  et  depuis  lors  même  elle  n'est  plus  replacée 
dans  le  tabernacle.  Devant  l'arche  aussi  on  offre  des  sacri- 
fices -,  on  conçoit  que  durant  cette  période  de  guerres  et 
de  fondation,  il  ne  fût  ni  dangereux  pour  la  foi,  ni  contraire 
à  l'esprit  du  législateur,  que  le  peuple  pût  offrir  des  sacri- 


308  ÉTUDE    SUR    LA    LÉGISLATION    MOSAÏQUE. 

lices  au  Seigneur  en  deux  endroits  différents.  La  preuve 
que  la  vigueur  de  la  constitution  mosaïque  a  cet  égard 
s'était  parfaitement  conservée,  ce  sont  les  saints  désirs  de 
David,  qui,  à  peine  remis  de  la  victoire  à  laquelle  l'unité 
nationale  devra  sa  consécration,  s'occupe  immédiatement 
d'élever  au  Seigneur  une  demeure  permanente,  où  Israël 
viendra  trois  fois  par  an  se  rendre  présent  a  Dieu,  et  où  l'on 
offrira  perpétuellement  au  Seigneur  les  sacrifices  prescrits 
par  la  loi.  On  ne  pourra  même  les  offrir  qu'en  ce  seul  lieu, 
et  lorsqu'un  schisme  aura  rompu  l'unité  nationale,  le 
premier  soin  des  tribus  rebelles  sera  de  fermer  l'accès  au 
temple  de  Jérusalem,  où  les  principes  d'unité  semblent 
trouver  leur  préservation  et  leur  appui. 

Un  fait  très-digne  d'observation  relativement  au  taber- 
nacle, c'est  le  soin  que  Dieu  prend  d'en  conserver  la 
forme  et  les  dispositions  essentielles,  dans  les  deux  temples 
de  Salomon  et  de  Zorobabel,  par  lesquels  il  est  successi- 
vement remplacé.  Ce  fait  nous  permet  de  constater  la  con- 
viction du  peuple  de  Dieu  a  trois  époques  fondamentales 
de  son  histoire,  la  formation^  l'apogée  de  la  gloire,  et  le 
plus  bas  degré  de  l'affaiblissement.  On  aurait  beau  demander 
aux  tendances  traditionnelles  et  conservatrices  des  Juifs 
les  raisons  de  cette  fidélité  à  garder  le  monument  de  la 
religion  révélée  dans  ses  formes  primitives,  on  ne  pourrait 
pas  réussir  a  donner  des  explications  plausibles  d'un  fait 
que  les  Livres  saints  présentent  d'ailleurs  comme  le  résultat 
d'une  volonté  spéciale  de  Dieu.  Toutefois,  comme  Israël 
pouvait  résister  a  la  volonté  divine,  la  soumission  qu'il 
manifeste  en  ces  trois  circonstances,  montre  la  vivacité  de 
la  foi  avec  laquelle  il  demeure  attaché  a  une  institution 
dont  on  serait  mal  venu  après  cela  de  méconnaître  l'im- 
portant caractère. 

La  nation  juive  formait  un  peuple  saint,  consacré  au 
Seigneur.C'est  au  chapitre  xix*  de  l'Exode  qu'est  rapportée 


ÉTUDE    SUR    LA   LÉGISLATION   MOSAÏQUE.  309 

cette  consécration  :  la  Bible  la  rappelle  en  bien  des  cir- 
constances. Israël  est  souvent  nommé  la  propriété  de  Dieu, 
l'héritage  du  Seigneur,  le  peuple  qu'il  s'est  acquis  par  ses 
bienfaits  et  qu'il  conserve  par  une  Providence  toute  spéciale. 

Toutefois,  Dieu  choisit  encore,  au  milieu  de  la  nation,  des 
hommes  à  qui  il  confia  la  garde  du  dépôt  sacré  de  ses  révé- 
lations saintes,  qui  devaient  continuer  dans  leur  ministère 
ordinaire,  le  ministère  extraordinaire  des  conducteurs 
d'Israël  ^  ce  furent  les  prêtres  ou  les  lévites.  Un  ordre  hié- 
rarchique fut  établi  entre  eux.  Le  grand-prêtre  avait  la 
plénitude  du  sacerdoce.  Ses  fonctions,  les  onctions  et  les 
sacriflces  dont  était  accompagnée  sa  consécration,  et  les 
vêtements  mêmes  qu'il  portait,  indiquaient  sa  suprématie. 
Les  lévites  se  distinguaient  pareillement  des  prêtres  par 
des  attributions  et  des  offices  spéciaux.  La  loi  souveraine 
de  la  descendance  par  rapport  a  la  souche  d'où  ils  prenaient 
leur  nom,  était  le  principal  moyen  de  la  classification 
établie  entre  les  ministres  des  autels.  Lévi  eut  trois  fils  : 
Gerson,  Caath  et  Mérari.  Aaron  descendait  de  Caath  ^  il  fut 
choisi  ainsi  que  ses  fils  pour  le  sacerdoce  proprement  dit. 
Les  fils  de  Gerson  et  de  Mérari  formèrent  l'ordre  lévitique,  à 
qui  l'on  donna  des  aides,  connus  dans  la  Bible  sous  le  nom 
de  nathinéens,  ou  esclaves  du  sanctuaire,  lesquels  rem- 
plissaient les  fonctions  les  plus  humbles  dans  le  tabernacle 
d'abord,  puis  dans  le  temple,  et  assistaient  les  lévites  de 
même  que  ceux-ci  assistaient  les  prêtres. 

On  vit  aussi  en  Israël  des  personnes  de  tout  sexe  se  con- 
sacrer d'elles-mêmes  au  Seigneur  par  des  vœux  perpétuels 
ou  temporaires.  En  général  leur  vœu  consistait  a  s'abstenir 
de  boissons  enivrantes,  à  laisser  croître,  sans  les  couper, 
leurs  cheveux  et  leur  barbe.  Ce  furent  les  Nazaréens  ou 
Naziréens.  Enfin  les  Réchabites  se  distinguèrent  aussi  du 
reste  de  la  nation  par  leur  retraite-,  ils  vivaient  à  la  cam- 
pagne, habitaient  sous  des  tentes,  ne  buvaient  ni  vin,  ni 


3J0  ÉTUDE    SUR    L\    LÉGISLATION    MOSAÏQUE. 

liqueurs  fermcntées.  Ils  ont  mérité  les  éloges  de  saint  Jé- 
rôme (1\  et  Jérémie  cite  un  fait  qui  les  honore,  en  les 
faisant  connaître  (xxxv,  1) . 

La  loi  permettait  ces  sortes  de  consécrations.  On  conçoit 
qu'il  y  eût  une  utilité  réelle  pour  la  conservation  de  la  foi 
et  de  la  morale,  a  ce  que  le  peuple  pût  contempler  des 
observateurs  plus  rigoureux  des  préceptes  ou  des  conseils 
de  sanctification  qu'elle  renfermait.  On  comprend  aussi 
que  ces  oblations  spontanées  des  fidèles  au  service  du 
Seigneur,  pussent  exciter  le  zèle  de  ceux  qui  par  leur  fa- 
mille y  étaient  consacrés,  et  de  ceux  qui  n'appartenaient  a 
Dieu  que  comme  membres  de  la  grande  famille  dont  il  était 
le  Père  et  le  Roi.  De  plus,  ces  classifications  volontaires 
opérées  dans  un  but  de  perfectionnement  moral,  n'of- 
fraient rien  qui  pût  autoriser  les  classifications  doctrinales 
introduites  dans  la  suite  des  temps,  et  dont  le  caractère 
était  essentiellement  réfractaire  à  l'ordre  et  à  l'économie 
doctrinale  établies  par  la  loi.  La  vie  des  écoles,  et  l'affaiblis- 
sement de  la  foi  en  Israël,  nous  apparaissent  comme  les 
principes  réformateurs  de  ces  sectes  rivales  que  l'on  trouve 
dans  les  derniers  temps  :  les  Pharisiens,  les  Sadducéens, 
les  Esséniens,  les  Hérodiens,  les  Gaulonites,  lesZélotes  et 
les  Sicaires.  Le  sacerdoce  était  le  gardien  de  la  science  et 
de  la  loi.  Dès  que  la  loi  et  la  science  tombèrent  comme 
dans  le  domaine  public,  grâce  a  l'ambition  de  maîtres  té- 
méraires ou  de  disciples  exaltés,  les  luttes  doctrinales  se 
déclarèrent,  et  l'esprit  de  secte  et  de  parti  dut  nécessai- 
rement se  déployer,  avec  son  cortège  de  rivalités,  de  per- 
turbations, de  désordres  religieux,  sociaux  et  politiques. 
Ce  n'était  plus  l'esprit  des  institutions  mosaïques.  Celles- 
ci  tendaient  à  l'unité,  prévenaient  tout  ce  qui  pouvait  la 
troubler  momentanément  et  la  détruire  ensuite.  Les  sectes 
portaient  a  l'unité  le  coup  le  plus  décisif  :  leur  principe 
(1)  Epist.  ad  Paul.  49  al.  13. 


ÉTUDE    SUR    LA    LÉGISLATION    MOSAÏQUE.  511 

ctai  t  éminemment  subversif  et  desorganisateur.  On  respecta, 
il  est  vrai,  les  attributions  extérieures  du  sacerdoce-,  on 
laissa  aux  prêtres  la  charge  d'offrir  des  sacrifices  et  de 
veiller  a  l'entretien  de  la  maison  du  Seigneur,  mais  on 
érigea  des  chaires  en  présence  de  leur  chaire  ^  on  commenta 
la  loi  en  dehors  de  leurs  commentaires  autorisés  -,  on  laissa 
déborder  un  flot  traditionnel,  chargé  d'une  multitude  de 
pratiques  et  d'explications  que  rien  n'accréditait,  dans  le 
sanctuaire,  où  il  aurait  dû  prendre  son  unique  source. 
D'autres  amoindrirent  l'autorité  des  traditions,  au  profit 
d'une  interprétation  de  l'Écriture  appuyée  seulement 
par  le  caprice  ou  les  élans  d'une  imagination  déréglée. 
Enfin,  la  désorganisation  politique  de  l'État  inspira  des 
théories  destinées  a  affermir  un  nouveau  trône,  ou  à  justifier 
des  excès  que  le  sens  commun  et  la  morale  réprouvaient 
avec  éclat  et  unanimité. 

Les  actes  extérieurs  de  religion  prévus  et  réglés  par  la 
loi  mosaïque  étaient  les  oblations  et  les  sacrifices.  Ce- 
pendant ces  actes  extérieurs  ne  sont  pas  l'élément  essentiel 
de  la  religion,  et  la  prière  du  prêtre  est  si  souvent  recom- 
mandée dans  les  livres  mêmes  de  Moïse  (1) ,  qu'on  ne  saurait 
ne  pas  la  regarder  comme  un  des  principaux  moyens  de  ré- 
conciliation, celui  sans  lequel  les  autres  sont  privés  de 
valeur  et  comme  frappés  d'impuissance  et  de  stérilité. 
D'ailleurs,  le  culte  extérieurdoit  trouver  dans  lesconvictions 
intimes  sa  raison  d'être.  A  celles-ci  appartient  le  premier 
rang,  et  l'acte  extérieur  des  oblations  ou  des  sacrifices  ne 
vient  qu'en  second  lieu.  Les  prophètes,  interprètes  auto- 
risés de  la  loi  de  Moïse,  ont  fréquemment  insisté  sur  cette 
doctrine, et  on  les  a  entendus  reprendre  énergiquement  un 
peuple  endurci  qui  s'imaginait  avoir  accomplie  la  loi  parce 
(pi'il  avait  répandudu  sang  ou  offert  des  dons  aux  ministres 
des  autels. 

(1)  Lev.  IV,  20,  26,  31,  33  ;  v,  C,  10,  13,  18;  VI,  7  ,  IX,  7  ;  XIX,  22. 


312  ÉTUDE    SUR  LA    LÉGISLATION    MOSAÏQUE. 

La  loi  déterminait  la  nature  des  oblations  et  la  nature 
des  victimes  que  l'on  pouvait  immoler  a  la  gloire  de  Dieu. 
Les  oblations  se  composaient  toujours  de  farine,  d'épis  de 
froment  ou  d'orge,  d'huile  d'olive,  de  vin  ou  d'encens.  On 
n'admettait  aux  sacrifices  sanglants  que  des  bœufs,  des  mou- 
tons, des  agneaux,  des  chevreaux,  des  colombes  et  de  petits 
tourtereaux.  Le  sel  était  employé  dans  tous  les  sacrifices. 

Pour  se  faire  une  idée  exacte  des  sacrifices,  il  convient 
de  rappeler  un  passage  de  saint  Thomas,  où  il  les  fait  con- 
naître parfaitement  en  quelques  mots  :  «  Duplicem  cau- 
sam  habebant  :  unam  scilicet  litteralem,  secundura  quod 
ordinabantur  ad  cultum  Dei  -,  aliam  vero  figuralem,  sive 
mysticam,  secundum  quod  ordinabantur  ad  fîgurandum 
Christum  :  et  ex  utraque  parte  potest  convenienter  causa  as- 
signari  ceremoniarum,  qu;»  ad  sacrificia  perlinebant...  Uno 
modo,  secundum  quod  per  sacrificia  reprsesentabatur  ordi- 
natio  mentis  ad  Deum,  ad  quam  excitabatur  sacrificium 
offerens  -,  ad  rectam  autem  ordinationem  mentis  ad  Deum 
pertinet,  quod  omnia  quœ  homo  habet  recognoscat  a  Deo 
tanquam  a  primo  principio,  et  ordinel  in  Deum,  tanquam 
in  ullimum  finem,  et  hoc  repnesentabatur  in  oblationibus 
et  sacrificiis,  secundum  quod  homo  ex  rébus  suis,  quasi  in 
recognitionem,  quod  haberet  ea  a  Deo,  in  honorem  Dei  ea 

offerebat Inter  omnia  autem  dona  quœ  Deus  humano 

generi,  jam   per  peccatum  lapso  dédit,  pra?cipuum  est, 

quod  dédit  filium Et  ideo  potissimum  sacrificium  est, 

quo  ipse  Christus  se  ipsum  obtulit  Deo  in  odorem  suavita- 
tis,...  ^Eph.  v;,  et  propler  hoc  omnia  alia  sacrificia  offere- 
bantur  in  veteri  lege,  ut  hoc  unum  singulare  ac  pr?ecipuum 
sacrificium  figuraretur,   tanquam   peij'ectum    per   imper- 

fecta Et  quia  ex  figurato  sumitur  ratio  figurée,  ideo 

raiiones  sacrificiorum  figuralium  veteris  legis  sunt  su- 
mendaî  ex  vero  sacrificio  Christi  (1).  » 

(1)  Summa,  i-2,  q,  102,  a.  a. 


ÉTUDE   SUR   LA   LÉGISLATION   MOSAÏQUE.  313 

Nous  résumons  la  doctrine  de  l'Ange  de  l'école  en  une 
série  de  propositions  :  la  loi  prescrivait  les  sacrifices  pour 
deux  motifs  principaux  5  le  premier  regardait  le  culte  que 
l'homme  doit  à  Dieu  ;  le  second  regardait  la  nécessité  pour 
la  loi  de  renfermer  une  institution  figurative  de  l'acte  sou- 
verain de  religion  que  Jésus-Christ  devait  rendre  a  son  Père. 
Ces  deux  motifs  étaient  en  une  relation  intime,  car  l'acte 
de  religion  de  Jésus-Christ  est  tellement  parfait  de  sa  na- 
ture, que  tous  les  autres  actes  de  religion  de  l'humanité 
doivent  le  figurer  ou  le  reproduire.  Mais  l'acte  de  religion 
de  Jésus-Christ  consiste  à  offrir  à  Dieu  le  don  le  plus  grand 
que  Dieu  ait  fait  à  l'homme.  Jésus-Christ,  en  tantqu'homme, 
s'offre  à  son  Père  comme  une  victime  d'agréahie  odeur, 
parce  que  l'union  hypostatique  du  Verhe  de  Dieu  avec  sa 
très-sainte  humanité,  faisant  de  lui  une  seule  personne,  la 
personne  du  Fils  de  Dieu  par  nature,  la  destruction  de  cette 
humanité  pour  la  gloire  de  Dieu  est  l'oblation  la  plus  ex- 
cellente que  le  Père  puisse  recevoir.  Cette  oblation  constitue 
donc  une  réalité  unique  par  rapport  à  toutes  les  oblations 
figuratives  qui  l'ont  précédée,  et  la  dignité  du  sacrifice  de 
Jésus-Christ  est  d'autant  plus  éminente  que  la  matière  de 
son  sacrifice  surpasse  infiniment  la  matière  des  sacrifices 
antérieurs.  Or,  c'est  le  propre  des  types  ou  des  figures 
d'être  déterminés  à  leur  valeur  typique  et  figurative,  par 
les  antitypes  ou  réalités  auxquels  ils  se  rapportent.  Pour 
entendre  donc  les  sacrifices  typiques  et  figuratifs  de  la  loi, 
il  faut  les  rapprocher  du  sacrifice  réel  de  Jésus-Christ.  Et 
comme  d'ailleurs  toutes  les  cérémonies  qui  accompagnaient 
les  sacrifices  mosaïques,  n'avaient  de  valeur  aux  yeux  de 
Dieu  que  par  leur  rapport  au  sacrifice  qu'elles  accom- 
pagnaient et  qui  figurait  le  sacrifice  de  Jésus-Christ,  il 
s'ensuit  qu'on  ne  peut  avoir  une  idée  exacte  de  ces  céré- 
monies mêmes,  que  par  leur  étude  comparative  avec  les 
actes  du  sacrifice  de  la  croix. 


'àih  ÉTUDE    SUR    LA    LEGISLATION    MOSAÏQUE. 

C'est  pour  avoir  méconnu  celte  règlç  qu'un  grand  nombre 
d'auteurs  ne  se  sont  pas  rendu  un  compte  exact  des  pte- 
scriptions  de  Moïse  relatives  aux  sacrifices  et  aux  oblations. 
Ajoutez  que  les  types  et  les  antitypes  se  renvoyant  des  uns 
aux  autres  des  flots  de  lumière,  c'est  pour  n'avoir  pas  assez 
tenu  compte  des  prescriptions  de  Moïse  relatives  aux  sacri- 
lices,  que  certains  hérétiques  n'ont  pas  compris  le  sacrifice 
de  la  croix,  et  le  sacrifice  de  la  messe,  son  complément  el 
son  renouvellement. 

Les  sacrifices  sanglants  se  composaient  ordinairement 
de  trois  actes  principaux  :  l'effusion  du  sang,  l'oblation  et 
la  manducation  de  la  victime.  L'effusion  du  sang  réveille 
toujours  l'idée  d'une  expiation,  et  par  conséquent  rappelle 
le  péché  (Lév.  xvii,  iO  ;  r,  4  -,  iv,  24, 2o  ;  vi,  30) .  Dans  les 
sacritices  expiatoires,  le  sang  est  soumis  a  une  multitude  de 
manipulations,  précisément  parce  que  ces  sacrifices  rap- 
liellent  le  péché  plus  que  les  autres.  Avant  de  simuler  son 
union  a  Dieu  par  une  action  qui  indique  la  jouissance  de 
lui  en  un  acte  physique,  la  manducation,  l'homme  doit  dé- 
clarer son  inhabileté  a  cette  union,  par  un  abandon  de  son 
bien  sur  l'autel  du  Seigneur.  C'est  l'oblation.  L'autel  ren- 
ferme le  feu  sacré  qui  dévore  les  victimes  :  on  appelle 
l'autel  Ariel,  lion  de  Dieu  Ezecli.  xliii,  15,  16)  a  cause  de 
cela.  Pour  goûter  au  sacrifice,  il  faut  ordinairement  être 
consacré  a  Dieu.  Lorsqu'on  n'est  pas  tel  par  vocation,  on 
se  prédispose  a  l'oblation  participée  en  donnant  des  témoi- 
gnages de  sa  culpabilité,  de  sa  faiblesse,  et  en  se  préparant 
]  ar  des  purifications.  Comme  le  sacerdoce  exprime  au 
milieu  du  peuple  un  état  saint  et  agréable  a  Dieu,  les  prêtres 
seuls  mangent  les  pains  de  proposition,  oblation  non  san- 
glante qui  ne  rappelle  pas  le  péché.  Le  simple  fidèle  par- 
ticipe cependant  a  Yhostie  pacifique,  et  alors  même  le  sacri- 
fice se  nomme  perfection,  intégrité  (Db©  \  mais  le  prêtre 
en  a  toujours  sa  part,  a  moins  qu'il  n'offre  le  sacrifice  pour 


ÉTUDE    SUR    LA    LÉGISLATION    MOSAÏQUE.  315 

lui-même  :  dans  ce  cas  toute  la  chair  est  brûlée  loin  de 
l'autel,  extra  castra.  On  se  rappelle  l'allusion  que  fait  saint 
Paul  à  celte  loi,  dans  l'épître  aux  Hébreux:  Jésus-Christ 
a  souffert  hors  la  porte  de  la  ville,  parce  qu'il  était  la  vic- 
time d'expiation  des  péchés  du  monde. 

Le  sacrifice  rend  a  Dieu  l'honneur  qui  lui  est  dû,  en 
rappelant  surtout  le  refus  qui  lui  a  été  fait,  à  un  moment 
donné,  de  cet  honneur.  La  loi  sur  les  premiers-nés,  les  pré- 
mices et  les  dîmes,  ne  supposait  pas,  comme  celle  sur  les 
sacrifices,  une  infraction  antérieure-,  elle  découlait  tout 
simplement  du  principe  général  en  vertu  duquel  Dieu  est 
le  premier  maître  du  monde,  le  Roi  temporel  et  terrestre 
d'Israël.  Les  premiers-nés  des  hommes  et  des  animaux  ap- 
partiennent au  Seigneur,  mais  on  peut  les  racheter  :  car 
Dieu  qui  a  miraculeusement  préservé  les  premiers-nés 
d'Israël,  lors  de  la  sortie  d'Egypte,  se  contente  d'un  droit 
fondamental,  qui  rappelle  ce  grand  fait,  en  même  temps 
que  son  souverain  domaine.  Les  premiers-nés  des  vaches, 
des  chèvres  et  des  brebis  doivent  être  offerts  en  sacrifice, 
entre  le  huitième  jour  depuis  leur  naissance  et  la  fin  de 
l'année.  En  les  offrant,  on  brûle  les  parties  désignées  par 
la  loi,  et  le  reste  appartient  aux  prêtres  \,  s'ils  ont  quelque 
défaut,  on  ne  doit  pas  les  immoler  au  Seigneur  -,  ils  appar- 
tiennent aux  prêtres  qui  en  disposent  à  leur  gré.  Les  pre- 
miers-nés des  autres  animaux,  doivent  être  tués  ou  échangés 
pour  un  agneau,  ou  rachetés  au  prix  déterminé  par  les 
prêtres  j  les  fruits  de  la  terre  sont  soumis  à  une  loi  analo- 
gue, qui  est  celle  des  prémices.  Il  est  défendu  de  moisson- 
ner avant  qu'on  n'ait  offert  au  Seigneur  \' Orner  ou  la  gerbe 
nouvelle,  le  lendemain  du  jour  des  Azymes,  et  il  est  dé- 
fendu de  cuire  du  pain  avec  du  blé  nouveau,  avant  l'obla- 
tion  des  pains  nouveaux,  le  second  jour  de  la  Pentecôte  j  la 
loi  sur  les  dîmes  complète  la  loi  sur  les  prémices.  Le  peuple 
les  paye  aux  lévites,  ceux-ci  aux  prêtres,  il  en  est  une  que 


316  ÉTUDE   SUR   LA  LÉGISLATION    MOSAÏQUE. 

l'on  paye  tous  les  trois  ans  seulement  et  qui,  convertie  en 
argent,  est  destinée  à  l'entretien  du  trésor  du  temple  de 
Jérusalem.  Racheter  la  dîme,  c'est  la  payer  un  cinquième 
au-dessus  de  sa  valeur.  (Lev.  xxvii,  31.  —  >um.  xviii, 
26,  29.; 

Dieu  se  doit,  il  est  vrai,  à  son  peuple  en  vertu  des  pro- 
messes qu'il  lui  a  faites,  et  qu'il  renouvelle  toutes  les  fois 
que  le  bien  moral  de  la  nation  l'exige  ;  mais  le  peuple  se 
doit  aussi  à  Dieu,  et  l'on  conçoit  a  ce  point  de  vue,  com- 
bien était  intelligente  (ne  voulût-on  pas  la  considérer 
comme  divine)  une  législation  qui  s'emparait  des  actes  les 
plus  ordinaires  d'Israël,  au  nom  du  Seigneur.  On  cherche- 
rait vainement  quelque  chose  de  pareil  dans  les  législations 
païennes.  Toute  tentative  de  ce  genre  était  a  peu  près  im- 
possible comme  conception,  et  pleinement  impossible 
comme  réalisation. 

Être  la  nation  sainte  constituait  encore  pour  les  Juifs  une 
sorte  d'obligation  qui  ne  trouve  nulle  part  son  analogue. 
IS'ous  voulons  parler  des  lois  de  purification.  Tout  ce  qui 
rappelle  de  près  ou  de  loin  le  péché,  comme  la  mort,  la 
maladie,  les  phénomènes  en  rapport  avec  les  fonctions 
sexuelles,  tout  cela  est  impur.  Quiconque  touche  un  être  ou 
un  objet  impur,  contracte  par  la  même  une  impureté  lé- 
gale^ il  est  séparé  pendant  un  court  délai  du  reste  des 
hommes,  et  soumis  ensuite  a  des  ablutions  purifiantes.  Que 
ces  ablutions  et  ces  lois  de  purification  aient  eu  rapport  avec 
la  salubrité  publique,  c'est  ce  qu'on  n'ose  ni  nier  absolu- 
ment, ni  résolument  affirmer.  Il  est  certain  que  ce  n'est  pas 
la  le  but  principal  de  cette  législation:  il  n'est  pas  prouvé 
que  ce  n'ait  point  été  un  but  secondaire.  Cependant  saint 
Thomas  conteste  aux  lois  de  purification,  une  influence  quel- 
conque de  salubrité  (T.  De  plus  l'abstinence  de  toute  sub- 
stance fermenlée  pendant  laPàque,indiquaitassez  comment 

(1)  s.  p.  3,  q.  102,  a.  5. 


ÉTUDE    SUR   LA   LÉGISLATION  MOSAÏQUE.  317 

les  iniquités  seraient  un  jour  purifiées  par  l'Agneau  véri- 
table :  Cum  Pascha  nostrum  immolatus  est  Chrishis;  ipse  enim 
Verus  est  Agnus  gui  ahstulit  peccata  mundi.  (Préface  du  jour  de 
Pâques.)  Ne  pas  perdre  de  vue  l'union  des  deuxTestaments, 
est  la  meilleure  manière,  nous  l'avons  dit,  de  comprendre 
les  institutions  mosaïques. 

Sans  ce  principe  lumineux,  on  va  voir  combien  les  trois 
fêtes  établies  par  Moïse  perdent  de  leur  caractère.  La  Pâque 
n'est  plus  que  le  souvenir  du  passage  de  la  mer  Rouge  et 
de  la  sortie  d'Egypte.  La  Pentecôte  rappelle  tout  simple- 
ment le  don  de  la  loi,  et  la  fêle  des  Tabernacles  le  sou- 
venir d'un  séjour  dans  le  désert,  qui  fut  loin  d'être  toujours 
glorieux  pour  Israël.  Au  contraire,  se  rappeler  que  la  loi 
n'est  que  la  figure  et  la  préparation  de  l'Évangile,  c'est 
entendre  d'une  façon  bien  plus  élevée  les  mystères  de  ces 
institutions  à  la  fois  typiques  et  commémoratives, 

L'Église  se  propose  de  mener  les  hommes  par  la  vie  sur- 
naturelle à  leur  union  avec  Dieu,  qui  se  commence  en  ce 
monde  par  la  grâce,  et  se, parfait  en  l'autre  par  la  vision 
béatifique.  L'union  se  fait  par  la  purification  des  sens  et 
de  l'esprit:  il  faut  rétablir  l'ordre  que  le  péché  a  troublé, 
et  la  paix  ou  la  tranquillité  de  l'ordre,  on  ne  l'atteint  que 
par  les  luttes  intimes  qui  la  préparent.  Il  faut  d'abord  que 
l'âme  soulève  le  joug  honteux  des  sens  et  de  leurs  attraits; 
il  faut  ensuite  qu'elle  accepte  la  discipline  souveraine  de  la 
foi,  et  que  ses  facultés  supérieures  s'habituent  à  porter  ce 
joug  salutaire.  Par  la  l'âme  arrive  aux  jouissances  paisibles 
de  l'union. 

Cet  ordre  de  faits  trouve  sa  figure  dans  les  trois  fêtes 
de  la  loi  mosaïque,  lesquelles  symbolisent  encore  les  fêtes 
chrétiennes.  La  Pâque  annonce  l'immolation  de  Notre-Sei- 
gneur-,  la  Pentecôte  annonce  la  descente  du  Saint-Esprit, 
figurée  par  la  descente  de  Dieu  sur  le  Sinaï,  et  qui  vient 
compléter  et  parfaire  tous  les  enseignements  antérieurs  : 


318  ÉTUDE    SUR   LA    LÉGISLATION   MOSAÏQUE. 

la  fête  des  Tabernacles  annonce  l'agglomération  symbolique 
des  fils  de  la  terre  dans  le  sein  de  TÉglise  visible,  qui  doit 
un  jour  les  déposer  dans  le  sein  de  Dieu.  On  se  prépare  a 
la  fête  des  Tabernacles,  par  les  deux  fêtes  qui  précèdent 
et  surtout  par  la  fête  de  VExpiation,  qui  la  précède  de  cinq 
jours.  C'est  le  grand  Prêtre  qui  fait  en  ce  jour  toutes  les 
fonctions  liturgiques.  Après  avoir  immolé  les  victimes,  il 
met  le  feu  et  l'encens  dans  l'encensoir,  il  entre  dans  le 
Saint,  asperge  l'autel,  le  tabernacle,  le  parvis,  avec  le  sang 
des  victimes  dans  lequel  il  a  trempé  le  doigt;  il  asperge 
aussi  sept  fois  le  voile  du  propitiatoire  et  pénètre  dans  le 
Saint  des  Saints,  l'encensoir  a  la  main.  C'est  un  jour  de 
jeûne  pour  tout  le  peuple.  Hazazel  va  perdre  au  désert  les 
péchés  de  la  nation  dont  on  l'a  chargé,  et  les  holocaustes 
font  monter  vers  Dieu  avec  la  prière  du  peuple,  les  gages 
de  sa  dépendance  et  de  sa  soumission. 

A  part  ces  fêtes  principales,  les  Juifs  célèbrent  aussi  des 
solennités  ordinaires.  Le  sabbat  revient  chaque  semaine 
établir  les  droits  de  Dieu  sur  leur  activité-,  l'année  sabba- 
tique rappelle  tous  les  sept  ans  le  domaine  souverain  du 
Seigneur,  ce  que  l'année  jubilaire  fait  aussi  tous  les  cin- 
quante ans.  Enfin,  le  premier  jour  de  chaque  mois  i^la  néo- 
ménie)  est  un  jour  saint,  où  l'on  offre  des  sacrifices  spé- 
ciaux, mais  où  l'on  peut  vaquer  aux  travaux  ordinaires.  La 
plus  célèbre  des  néoménies  était  celle  de  Tisri,  la  fête  des 
Trompettes,  dont  le  son  annonçait  la  grande  solennité  de 
\Expiation. 

Tel  est  le  tableau  succinct  des  institutions  religieuses 
de  Moïse.  Ce  qu'on  pourrait  appeler  le  caractère  distinctif 
de  ces  institutions,  c'est  l'unité  entre  les  diverses  parties 
qui  les  composent.  Tout  roule  sur  trois  pivots  dont  les  forces 
et  les  résistances  sont  coordonnées  ensemble  dans  le  but 
de  produire  une  résultante,  qui  maintienne  la  foi  et  la  mo- 
rale et  les  préserve  d'altérations  trop  communes.  Ces  trois 


ÉTUDE    SUR    LA    LÉGTSLVTION    MOSAÏQUE.  8i9 

pivots  sont  Dieu,  le  peuple  et  la  loi.  Dieu  ne  se  cache  pas 
sous  un  ingénieux  tissu  d'idées  métaphysiques,  sans  in- 
fluence sur  les  actes  ^  il  est.  au  contraire  au  premier  plan 
de  l'action,  et  tandis  que  la  mythologie  païenne  fait  de  la 
divinité  la  personnilication  des  caprices  et  des  crimes,  la 
théologie  mosaïque  lui  donne  une  forme  moins  austère, 
des  attitudes  pleinement  conformes  aux  idées  les  plus  pures 
du  bien,  du  vrai  et  du  beau,  Israël  n'est  pas  tellement  in- 
dépendant comme  peuple  qu'il  ne  relève  a  toute  heure  du 
maître  qui  a  fait  les  nations  ;  c'est  la  sa  gloire  en  même 
temps  que  le  secret  de  sa  préservation  et  de  sa  destinée  fu- 
tures. Le  principe  une  fois  posé  qu'à  Dieu  seul  appartient 
l'indépendance,  il  est  glorieux  pour  une  nation,  fùt-elle 
aussi  puissante  qu'on  voudra  l'imaginer,  de  relever  directe 
ment  de  celui  qui  possède  seul  le  privilège  de  la  force  qui 
ne  connaît  pas  de  limites,  de  la  grandeur  qui  ne  connaît 
pas  de  supériorité.  Le  sublime  de  la  dépendance  con- 
stitue dès  lors  le  sublime  de  la  dignité,  et  les  rapports  per- 
pétuels avec  le  Dieu  personnel  et  vivant,  élèvent  à  toute 
heure  la  personnalité  et  la  vie  au  plus  haut  degré  de  leur 
puissance  -,  c'est  a  la  loi  qu'il  appartient  de  créer  ces  rela- 
tions intimes  entre  les  deux  premiers  êtres  de  la  Trinité  de 
Moïse  :  c'est  la  loi  qui  doit  prendre  a  toute  heure  Lsraël  pour 
le  porter  vers  Dieu,  comme  elle  prend  à  tout  heure  Dieu, 
dont  elle  contient  les  promesses,  pour  le  porter  vers  Israël. 
Il  convient  dans  ce  but  que  les  prescriptions  de  la  loi  ne 
soient  point  impossibles  ^  il  convient  même  qu'elles  soient 
tempérées  selon  les  dispositions  du  peuple,  et  que  sa  doc- 
trine ne  soit  pas  tellement  élevée  qu'elle  doive  rester  étran- 
gère au  vulgaire  le  moins  intelligent.  Or,  l'étude  que  nous 
venons  de  faire  met  dans  tout  son  jour  cette  vérité.  Et  si 
l'on  se  rappelle  la  fidélité  avec  laquelle  ont  été  gardés  les 
préceptes  de  Moïse  pendant  vingt  siècles,  on  verra  combien 
le  législateur  avait  harmonisé  ses  prescriptions  avec  les  be- 


320  ÉTUDE    SUR    L\   LÉGtSLATION    MOSAÏQUE. 

soins  et  les  aptitudes  de  ceux  auxquels  il  donnait  des  lois. 
Les  pompes  religieuses,  principal  luxe  d'Israël,  dit 
Cantù  (4),  rappelaient  les  fastes  de  la  nation.  Ainsi,  lors  de 
la  solennité  de  Pâques,  si  l'enfant  en  demandait  le  motif  à 
son  père,  celui-ci  lui  répondait  :  «  C'est  en  mémoire  du 
jour  où  le  Seigneur  nous  délivra  de  l'oppression  étran- 
gère (^2)  )).  Et  quand,  aux  Azymes,  ils  mangeaient  pendant 
sept  jours  du  pain  non  levé,  ils  se  rappelaient  l'esclavage 
durant  lequel  ils  avaient  éprouvé  combien  est  amer  le  pain 
de  l'exil  (3).  Aux  temps  tixés  ils  se  rassemblaient  tous  au- 
tour du  tabernacle  qui  avait  voyagé  avec  eux;  ils  se  souve- 
naient de  Dieu  et  de  la  gloire  de  leur  nation  ^  ils  recevaient 
la  parole  sainte  de  la  bouche  du  Pontife  ^  et  dans  la  pai- 
sible joie  du  banquet  religieux,  ils  ravivaient  le  sentiment 
de  la  fraternité  et  de  l'unité  nationale.  Les  législations  des 
autres  peuples  ne  surent  pas  ainsi  combiner  entre  elles  l'au- 
torité qui  conserve  et  celle  qui  perfectionne,  de  manière  à 
obtenir  le  progrès  dans  l'ordre. 

A.   GiLLY. 

(1)  Histoire  universelle,  tom.  i,  ]'•  édit.  fr.  —  Les  Hébreux. 
[•i)  Exod.  XII. 
(3)  Deuter.  xvi. 


I 


DE  LA  PRESEANCE  DANS  LE  CLERGE 
d'après  les  lois  canoniques. 


Ce  n'est  pas  d'après  les  dispositions  des  lois  civiles  que 
nous  nous  proposons  d'examiner  la  question  des  préséances 
dans  le  clergé,  mais  d'après  ce  que  les  canons  et  les  décisions 
du  Saint-Siège  ont  statué  à  cet  égard. 

Cette  matière  est  importante  et  très-pratique  :  la  preuve 
en  est  dans  les  nombreux  recours  qui  ont  lieu  près  des  Con- 
grégations romaines,  recours  qui  ont  nécessité  cette  foule 
de  décisions  dont  nous  ne  pouvons  citer  que  la  moindre 
partie,  tant  pour  éviter  des  répétitions  inutiles  que  pour  nous 
restreindre  au  plus  nécessaire. 

Afin  de  nous  borner  à  ce.qu'il  y  a  de  plus  pratique  chez 
nous,  nous  laisserons  à  peu  près  entièrement  de  côté  ce 
qui  regarde  les  divers  membres  de  la  Cour  romaine  ;  nous 
nous  contenterons  de  parler  des  évêques  et  des  autres  mem- 
bres inférieurs  du  clergé,  tant  séculier  que  régulier.  Nous 
établirons  d'abord  les  règles  générales  de  préséance,  et 
nous  entrerons  ensuite  dans  le  détail  des  règles  plus  spé- 
ciales qui  ont  trait  aux  diverses  classes  de  personnes  en 
particulier,  selon  la  diversité  des  occurrences. 

RÈGLES   GÉNÉRALES. 

L  Le  pas  doit  généralement  être  cédé  aux  plus  dignes. 
(S.  R.  C.  1  sept.  1607,  n<>  211,  213  dans  Gardellini.) 

Ainsi  il  faut  avoir  égard,  1°  à  la  prérogative  de  l'ordre. 
Un  prêtre  doit  passer  avant  un  diacre,  celui-ci  avant  un 

Revue  des  Sciences  ecclés.,  t.  x.  —  octobre  1864.  22 


322         DE  LA  PRÉSÉANCE  DANS  TE  CLERGÉ 

sous-diacre,  etc.  (Capit.  Statuimus,  de  Major,  et  ohed.)  On 
suppose  toutes  choses  égales  d'ailleurs. 

2°  A  la  'prérogative  de  la  consécration.  Un  évêque  consacré 
doit  être  préféré  à  celui  qui  ne  l'est  pas  encore,  celui-ci  fût- 
il  plus  ancien  en  âge  ou  plus  anciennement  préconisé. 
Toutefois,  celui  qui  est  plus  anciennement  préconisé  devra 
avoir  le  pas  sur  celui  qui  est  plus  anciennement  consacré, 
lorsqu'il  aura  reçu  lui-même  la  consécration  épiscopale. 
(Cap.  Quanto,  de  Consecr.  S.  R.  C.  2  mars  16 /il  et  31  mars 
1609,  dans  les  Analecta,  A5''  livr.j  col.  903.  Voyez  encore 
Ferraris,  v.  Episcopus,  art.  â,  n®  3,  et  v.  Prœcedentia,  n"  3.) 

Ferraris  cependant,  aux  mêmes  endroits,  cite  une  décision 
du  9 avril  1596,  émanée  delà  Sacrée  Congrégation  du  Con- 
cile, d'après  laquelle  la  préséance  entre  évêques  doit,  dans 
les  conciles  provinciaux,  se  régler  d'après  le  temps  de  Vor- 
dination  ;  et  cela  est  conforme  au  canon  Episcopos  de  la  17* 
distinction  •  mais  selon  toutes  les  apparences,  ce  mot  Ordi- 
nation se  doit  entendre  là  du  moment  où  a  lieu  l'institution 
ou  la  promotion  faite  en  consistoire;  ce  qui  est  conforme 
au  Cérémonial  des  évêques,  liv.  I.,  ch.  31,  n"  15,  où,  parlant 
de  l'ordre  à  suivre  en  concile  dans  l'émission  des  votes,  il 
est  dit  :  «  In  ordine  proferendi  vota,  observatum  est  ut  epi- 
((  copi  praecedant  juxta  ordinem  eorum  promotionis,  nulle 
«  habito  respectu  ad  dignitatem  vel  prœeminentiara  eccle- 
«  siarum.  »  Ainsi  la  décision  du  2  mars  16Zii  peut  être 
suivie  comme  règle  générale;  elle  est  ainsi  conçue  :  «  Refe- 
«  rente  E""  Sabello,  controversiam  praecedentiae  inter  epi- 
«  scopos  servandœ,  S.  C.  respondit  :  Prœcedentiam  regulan- 
«  dam  esse  a  die  decreti  consistorialis  super  expeditione 
((  Ecclesia?.  »  (Gardellini,  n°  1145.) 

3°  A  la  dignité,  à  la  prééminence  du  pouvoir  ou  de  la  juri- 
diction. C'est  ainsi  qu'un  cardinal  l'emporte  sur  tout  autre 
prélat,  ses  rapports  intimes  avec  le  Chef  de  l'Église  l'élevant 
au-dessus  de  toute  autre  dignité.  De  même,  à  cause  de  la 


d'après  les   r.ors  canoniques.  323 

prééminence  de  sa  juridiction,  un  archevêque,  quoique 
moins  âgé  et  plus  récemment  consacré,  passe  avant  un 
simple  évêque.  L'archidiacre  passe  avant  l'archiprêtre, 
quoique  celui-ci  soit  d'un  ordre  supérieur,  parce  que  la  juri- 
diction de  l'archidiacre  était  autrefois  plus  étendue.  Ainsi 
encore  un  curé,  quoique  moinsancien  dans  l'ordre  sacerdotal, 
passe  tous  les  simples  prêtres,  etc.  (Voyez  Benoît  XIV,  de 
Syn.,  liv.  3,  ch.  10,  n°  1,  etc.  Cérémonial  des  évéques,  liv.  I, 
ch.  13,  etc.) 

li°  A  l'ancienneté.  «  Qui  prior  est  tempore  potior  est 
jure»  Reg.  bli,  in  6")  :  ainsi,  toutes  choses  égales,  celui 
qui  est  plus  ancien  en  ordination  doit  passer  avant  celui 
qui  est  moins  ancien  (cap.  1,  de  Major,  et  obed.)  -,  le  titulaire 
de  la  plus  ancienne  paroisse  a  le  pas  sur  le  titulaire  de  celle 
qui  est  moins  ancienne  (S.  R.  C.  10  mai  1642,  n"  1227)  ; 
ainsi  encore,  dans  les  processions,  la  préséance  entre  les 
ordres  mendiants  ou  autres,  se  règle  d'après  l'ancienneté  du 
monastère  dans  la  localité,  à  moins  que  l'un  de  ces  ordres 
ne  prouvât  qu'il  est  en  possession  d'avoir  le  pas  sur  les 
autres  (1).  S'il  s'agit  de  confréries  qui  se  disputent  la 

(1)  Ainsi  réglé  par  Grégoire  XIII.  dans  sa  Const.  Exposcit  du  2S  juillet 
1583.  Voici  ce  qu'on  y  lit  :  «  Aposlolica  auctorilate  decernimus  quod 
quicumque  in  dictis  fratribus  mendicantibus,  inter  se,  de  praecedentia 
hujusmodi  contendeutibus,  aut  confralribus  confraternitatum  prsedicta-» 
rum  inter  quos  lites...  orlae  jam  sint,  seu  oriri  conligerit  in  futurum, 
qui  lu  quasi-possessione  prœcedentiœ,  ac  juris  praecedendi  sunt  positi, 
quibuscumque  reclauiationibus,  nppellalionibus.  et  aliis  subterfugiis  pror- 
sus  remotis  et  cessautibus  et  postpositis,  in  processionibus,  tam  publicis 
quam  privatis  praecedere  debeant. 

«  Quando  vero  non  probetur,  aut  non  conslet  de  quasi-possessione 
prœcedenlise  hujusmodi,  inter  fralres  quidem  mendicantes  il  qui  anti- 
quiores  in  loco  controversiae,  contraires  vero  intorse  litigantes,  ii  qui 
prius  saccis  usi  sunt,  in  processionibus  tam  publicis  quam  privatis  prae- 
cedere debeant  ;  ita  ut  si  contigerit  nova  monasteria,  aut  domus  alicu- 
jus  ordinis  mendicanlium  fundari  in  loco  in  quo  alterius  ordinis  ex 
dictis  mendicantibus  monasteria  aut  domus  prius  erecta  et  instituta 
sint,  ille  ordo  qui  prius  monasterium  seu  doraum  in  loco  habuerit,  prœ- 
cedat. 

«  Praeterea,  quia  inter   praedictos   ordines,  plerumque  alia  iu  procès- 


32A  DE    LA    PRÉSÉANCE    DANS    LE    CLERGÉ 

préséance,  le  pas  doit  être  accordé  à  celle  qui  a  la  première 
possédé  ses  insignes  spéciaux.  Mais  ce  que  nous  venons 
de  dire  des  leligieux,  quant  aux  processions,  ne  peut  pas 
toujours  s'appliquer  aux  autres  actes  publics  ou  privés  et 
notamment  aux  conciles.  (Bulle  Exposcit  de  Grégoire  XIII.) 

5"  A  la  prérogative  de  celui  gui  a  conféré  l'ordination.  C'est 
ainsi  que  celui  qui  a  été  ordonné  par  le  Souverain-Pontife, 
doit  être  préféré  aux  autres  clercs  promus  aux  mêmes  ordres 
ou  aux  mômes  dignités.  (Cap.  Per  tuos  7,  de  Major,  et  obed. 
Voyez  aussi  Benoît  XIV,  de  Syn.,  liv.  3,  ch.  10,  n"  8.) 

6®  Aux  privilèges  des  insignes.  Ainsi  un  abbé  mîtré  doit 
passer  avant  les  abbés  non  mîtrés.  (Cap.  Ut  apostolicœ6,de 
Privil.  in  6".) 

II.  Il  faut  encore  observer  !•  que  dans  les  cérémonies  et 
fonctions  religieuses,  le  pas  doit  être  cédé  aux  clercs,  même 
inférieurs,  lorsqu'ils  sont  revêtus  des  ornements  sacrés. 
(S.  R.  C.  25  sept.  1621,  n°  458.) 

2°  Que  dans  son  diocèse  et  dans  les  fonctions  pontificales, 
l'évêque  a  la  préséance  sur  les  autres  évêques  plus  anciens, 
et  même  sur  les  archevêques,  à  l'exception  pourtant  du  mé- 
tropolitain. Il  ne  doit  pas  néanmoins  oublier  qu'il  est  con- 
venable qu'il  fasse  honneur  aux  étrangers  en  leur  déférant 
la  préséance.  Ainsi  décidé  par  la  Sacrée  Congrégation  des 
Rites,  le  JO  janvier  1609  (n°  253). 

3°  Ce  qui  est  dit  des  évêques  dans  leur  diocèse,  peut  se 
dire  également  des  curés  dans  leur  paroisse  :  ils  ont  le  pas 
sur  tout  autre  curé,  d'ailleurs  plus  digne  qu'eux,  mais  ils 
doivent  le  céder  au  chapitre  de  la  cathédrale,  et  à  plus  forte 
raison  au  grand-vicaire  du  diocèse.  (V.  Ferraris,  v.  Prœce- 

sionibus  et  alia  io  conciliis  generalibus  et  aliis  aciis  publicis  sive  priva- 
tiâ,  ratio  circa  modum  prœcedendi  servalur,  nolumus  per  prœsentes, 
prœrogativis  dictorum  ordinum  quoad  prœcedenlias  hujusmodi...  prœ- 
judicium  generare.  » 

Nous  verrons  ci-dessous  que  la  règle  établie  dans  cette  bulle  pour  les 
Ordres  mendiants,  doit  être  appliquée  aux  autres  Ordres. 


d'après    les    lois   CANOiNlQUES,  325 

dentia,  n°  8i!i-86,  où  sont  citées  diverses  décisions  des  con- 
grégations romaines  et  du  tribunal  de  la  Rote.) 

à°  Les  auteurs  paraissent  convenir  qu'en  matière  de  pré- 
séance, on  doit  avoir  généralement  beaucoup  d'égard  aux 
légitimes  coutumes,  et  que  dix  ans  dans  ce  cas  peuvent  suf- 
fire pour  légitimer  la  prescription.  VoirFerraris  {ib.  n°  87), 
qui  mentionne  plusieurs  décisions  du  tribunal  de  la  Rote, 
dans  l'une  desquelles  il  serait  dit  qu'un  acte  tout  seul  peut 
suffire  pour  conserver  la  quasi-possession  de  préséance. 
«  Rêvera  difficile  est,  dit  Benoit  XIV  [de  Sijn.  liv.  3,  ch.  10, 
«  n°  9),  in  hac  prsecedentiae  materia,  certam  regulam  defi- 
«  nire,  cum  potissimum  inhœrendum  sit  consuetiidini,  quse 
«  pro  locorum  diversitate  diversa  est.  »  Il  ne  paraît  pas 
toutefois  que  les  moins  dignes  puissent  prescrire  dans  tous 
les  cas,  ou  contrairement  aux  dispositions  formelles  du 
Rituel  et  du  Cérémonial  des  évoques.  (Voir  Ferraris,  ib.y 
n"  90-95.) 

RÈGLES   SPÉCIALES. 

I.  Concernant  les  évéqiies.  Nous  avons  dit  tout  à  l'heure 
qu'ils  doivent  prendre  rang  d'après  la  date  de  leur  institu- 
tion ou  promotion.  Il  faut  ajouter  :  1°  qu'un  évêque  promu 
à  un  archevêché  précède  les  archevêques  nommés  après 
lui,  quand  même  ces  derniers  seraient  plus  anciens  dans 
l'épiscopat  (Ferraris,  v.  Episcopus,  art.  A,  n"  43,  etc.)  ; 
2°  qu'il  paraît  résulter  d'une  déclaration  delà  Congrégation 
du  Concile,  en  date  du  24  août  1850,  citée  par  M.  Bouix 
{de  Episcopo, iom.  II,  p.  341).  qu'un  évêque  démissionnaire, 
s'il  est  admis  dans  un  concile  provincial,  ne  doit  prendre 
rang  qu'après  les  évêques  de  la  province,  quoique  ces  der- 
niers soient  moins  anciens,  à  moins  que  ce  démissionnaire 
ne  soit  archevêque,  et  dans  ce  cas,  il  précède  les  évêques 
promus  avant  lui,  ainsi  que  l'enseigne  le  cardinal  Petra, 


326  Dr,  LA  pr.ÉsÉANCi-    dans  le  clergé 

cité  par  M.  Bouix  (/6.,  p.  3/il);  3°  qu'un  évêque  qui  inter- 
vient dans  un  concile  au  nom  d'un  archevêque  précède  les 
évêques  plus  anciens  que  lui  {ib.)-,  li° que  d'après Ferraris, 
qui  cite  deux  autres  auteurs  pensant  comme  lui  (v.  Episcopus, 
art.  7,  n"  43),  les  évêques  simplement  titulaires,  quoique 
plus  anciennement  promus,  ne  viennent,  même  dans  les 
conciles,  qu'après  ceux  qui  sont  chargés  d'un  diocèse  :  nous 
devons  dire  cependant  que  M.  Icard  opine  autrement  dans 
ses  Prœlectiones,  n"  188;  et  il  apporte  en  preuve  une  raison 
bien  puissante  :  l'usage  observé  à  Rome,  où  les  archevêques 
simplement  titulaires  précèdent,  dit-il,  les  autres  archevê-* 
ques  moins  anciens,  quoique  ceux-ci  aient  un  diocèse  à 
gouverner;  5°  qu'un  évêque  chanoine  a  le  pas  sur  tous  les 
chanoines  et  doit  s'asseoir  à  la  première  stalle.  (S.  R.  C, 
16  mars  1833.) 

II.  Concernant  les  vicaires  généraux.  Les  vicaires  géné- 
raux ont  la  préséance  sur  le  chapitre  de  la  cathédrale  et  sur 
tout  le  clergé,  soit  en  présence,  soit  en  l'absence  de 
l'évêque  (S.  R.  C,  3  août  1602^  n°  ili;  voyez  encore  les 
n^s  46,  2251,  ad  3""  et  plusieurs  autres) ,  et  cela  nonobstant 
toute  coutume  contraire.  (S.  R.  G.,  12  janvier  16iil , 
n°  11/iO.)  Il  faut  excepter  le  cas  où  les  chanoines  seraient 
revêtus  des  ornements  sacrés  (S.  R.  C. ,  3  août  1602,  n°  14)  ; 
il  faut  excepter  aussi  l'heddomadier  (S.  R.  C,  27  février 
1847,  n°  4927) .  Mais  il  n'y  a  pas  à  excepter  les  protonotaires 
revêtus  de  leurs  insignes  (S.  R.  C. ,  16  juillet  1605,  n"  i  29) . 
Pour  jouir  de  ce  privilège  le  vicaire-général  doit  être  revêtu 
de  son  costume  propre,  soutane,  barette  et  petit  manteau  de 
cérémonie.  ,S.  R.  C,  16  juillet  1605  et  2  décembre  1690, 
n°  3085,  voir  aussi  le  n"  611.  i  Si  étant  chanoine  ou  digni- 
taire, il  veut  siéger  dans  le  chapitre  avec  l'habit  canonial, 
il  ne  doit  occuper  que  la  stalle  qui  lui  appartient  comme 
chanoine  ou  comme  dignitaire  (S.  R.  C,  6  août  1610, 
n°  283;  voir  encore  les  n»»  812,  866,  ad  6°^);  et  cela  en- 


I)  APUÈS   Li:s    LOIS    GANONIOULS.  o"?.? 

core  nonobstant  toute  coutume  contraire.  (S.  R.  C,  I7juillet 
idliO,  n°  1092.)  D'après  une  autre  décision  de  la  Sacrée 
Congrégation  des  Rites  du  25  septembre  1621,  n°  libS,  la 
coutume  ne  peut  non  plus  établir  que  les  vicaires  généraux 
précèdent  les  dignitaires  ou  les  chanoines  qui  seraient  re- 
vêtus des  ornements  sacrés,  parce  que.  cela  est  réputé  un 
abus  qui  ne  doit  pas  être  toléré.  Cependant,  d'après 
Benoît  XIV  {le  Sijn.,  liv.  m,  c.  10,  n'^  Ix),  il  faudrait  modi- 
fier ainsi  la  règle  susdite  :  «  Nisi  vicario  assistât  consue- 
«  tudo  etiam  tune  prsecedendi,  aut  nisi  ipse  pariter  sit  in- 
«  dutus  habita  praelatitio,  rochetto  videlicet  et  mantelletta 
((  juxta  alias  ejusdem  Congr.  (Concilii)  declarationes  re- 
«  latas  à  Massobrio.  »  Il  paraîtrait,  d'après  ces  paroles  de 
Benoît  XIV,  que  la  Congrégation  du  Concile  ne  serait  pas 
entièrement  d'accord,  sur  le  point  en  question,  avec  la  Con- 
grégation des  Rites.  Quoi  qu'ii  en  soit,  dans  une  décision 
du  17  septembre  16Zil,  n°  1195,  la  Sacrée  Congrégation 
des  Rites  «  censuit  vicarium  generalem,  quando  dignitates 
«  et  canonici  sunt  sacris  yestibus  induti,  debere  incedere 
«  post  episcopum,  et,  eo  absente,  post  celebrantem.  » 

Le  vicaire  général  doit  avoir  le  pas  également  sur  le  gou- 
verneur temporel  qui  n'aurait  pas  la  qualité  de  prélat,  et 
cela^  même  en  présence  de  l'évêque,  ainsi  que  l'a  décidé  la 
Sacrée  Congrégation  des  Rites,  le  28  avril  1607,  n''  193.  Il 
l'a  pareillement  sur  toutes  les  autorités  locales.  (S.  R.  C, 
15  mai  1610,  n°  280.) 

Quant  à  la  place  que  le  grand-vicaire  doit  occuper  dans  le 
chœur,  c'est  l'usage  qui  doit  la  déterminer  (S.  R.C.,n°8  30/i5, 
3085)  ;  et  cette  place  ne  doit  pas  être  changée  (S.  R.  C, 
15  mai  1663).  Si  aucune  place  ne  lui  était  assignée,  il  de- 
vrait occuper  la  première  stalle.  (S.  R.  C,  13  mars  1617, 
n°  533  ;  20  novembre  1627,  n°  565  ;  20  décembre  1692, 
n"  hihl  ;  voir  encore  les  n"»  1037, 1155,  3979,  A097.) 


328         DE  LA  PRÉSÉANCE  DANb  Lt  CLERGÉ 

III.  Concernant  les  vicaiî'es  capituloires  Dans  le  chœur,  le 
vicaire  capitulaire  ne  doit  pas  occuper  la  stalle  de  l'archi- 
diacre ;  il  doit  avoir  un  autre  siège  portatif.  (S.  R.  C, 
10  avril  1601.)  Il  précède  tous  les  membres  du  chapitre  et 
doit  se  placer  après  le  premier  dignitaire.  (S.  R.  Cjn"»  866, 
ad  5°»,  910,  1810,  2256  et  2861.)  Dans  les  processions  il 
doit  marcher  à  la  gauche  du  premier  dignitaire,  ou  du  cha- 
noine qui  représente  le  chapitre.  (S.  R.  C,  16  mars  1658, 
n°1730.) 

IV.  Concernant  les  chapitres  et  les  chanoines.  Lorsque, 
dans  un  chapitre,  les  prébendes  ne  sont  pas  distinctes,  les 
chanoines  prennent  rang  entre  eux,  non  d'après  la  date  de 
leur  prise  de  possession,  mais  à  raison  de  l'ordre  auquel 
ils  sont  promus  ^  et  une  fois  en  possession  de  leur  rang,  ils 
ne  le  perdent  pas,  quand  même  les  chanoines  plus  anciens 
seraient  élevés  aux  mêmes  ordres.  Voir  à  cet  égard  une 
foule  de  décisions  dans  GardelHni,  et  en  particulier  celle 
du  30  juillet  1689,  n°  30Zi8,  et  celle  du  16  décembre  1828, 
n"  lihQli.  Si  cependant  les  prébendes  sont  toutes  presbyté- 
rales  et  supposent  l'ordre  de  prêtrise,  la  préséance  se 
règle  d'après  la  date  de  la  réception  du  canonicat.  Ainsi 
décidé  le  10  décembre  1619,  par  la  Congrégation  des  Rites, 
n"  li'ii.  Plus  tard,  toutefois,  la  même  question  ayant  été 
proposée  à  la  même  Congrégation,  on  a  déclaré  que  l'on 
pouvait  suivre  la  coutume  de  chaque  église,  pourvu  que  les 
chanoines  eussent  soin  de  se  faire  ordonner  dans  l'espace 
de  temps  déterminé  par  le  Sacré  Concile  de  Trente.  (S.  R.  C. , 
2/i  mai  1659,  n°  1837.)  Voyez  dans  Gardellini  plusieurs 
autres  décisions  sur  des  cas  particuliers. 

Lorsque  les  prébendes  sont  distinctes,  on  doit  se  placer 
selon  l'ordre  des  prébendes.  (S.  R.  C. ,  6  décembre  1631, 
n°  797.) 

Les  chanoines  de  la  cathédrale  ont  le  pas  sur  ceux  des 


d'après  les  lois  canoniques.  329 

collégiales,  lors  même  qu'ils  assisteraient  à  des  enterre- 
ments qui  seraient  de  la  compétence  de  ces  derniers.  (S.  R. 
C,  1618,  n°  AÏS;  voir  encore  le  n"  1168.) 

Les  chanoines  de  cathédrale  out  également  le  pas  sur  les 
curés  et  autres  prêtres,  quand  même  les  curés  seraient  en 
surplis  avec  étole.  (S.  R.  G.,  19  décembre  165Zi,  n"  1598  ; 
voir  une  exception  ci-dessous,  n"  5.) 

Les  chanoines  de  collégiales  ont  aussi  le  pas  sur  les  curés 
et  autres  prêtres  (S.  R.  G.,  2/i  jum  1636,  n"  898:  13  sep- 
tembre 16/16,  n°  lliliQ);  mais  si  les  curés  étaient  en  étole, 
la  réponse  ne  peut  plus  être  aussi  catégorique  -,  plusieurs 
décisions,  dans  ce  cas,  donnent  la  préséance  aux  curés. 
(Voir  les  n»»  426,  1908,  2299,  3818,  A52Zi,  4546  et 
surtout  la  décision  du  2!i  octobre  1609,  n»  269.)  D'autres, 
au  contraire,  semblent  la  donner  aux  chapitres  collégiaux. 
(S.  R.  G.,  16  août  1618,  n"  413;  20  novembre  1627, 
n°  56/i  ;  2  juillet  1661,  n*  1956;  11  avril  18/iO,  n"  /i730  ; 
voyez  encore  le  n°  Zi819.)  Il  est  vrai  que,  dans  ces  dernières 
décisions,  il  n'est  pas  dit  «formellement  que  les  curés  sont 
en  étole  ;  et  alors  on  voit  la  possibilité  de  les  concilier  avec 
les  premières  décisions  citées  tout  à  l'heure.  Mais  une  dé- 
cision du  31  mars  16ZiO,  n"  1075,  donne  positivement  le 
pas  au  chapitre  collégial  sur  le  curé  revêtu  de  l' étole;  et 
l'on  ne  voit  le  moyen  de  concilier  celle-ci  avec  les  pre- 
mières qu'en  disant  qu'il  y  avait  ici  sans  doute  quelque  pri- 
vilège spécial  ou  une  raison  particulière  qui  n'est  pas 
indiquée. 

Pris  individuellement  les  chanoines  de  la  cathédrale  et  à 
plus  forte  raison  ceux  des  collégiales,  n'ont  pas  le  pas  sur 
les  curés  dans  leurs  paroisses  (S,  R.  G.,  n"  2508);  ni  sur  le 
vicaire  perpétuel  {ib.  n"  863);  ils  n'ont  aucune  prééminence 
{ib.  n^s  1090, 1095).  Il  en  serait  autrement  cependant  si  un 
chanoine  même  honoraire  accompagnait  l'évêque  :  il  aurait 
le  pas  sur  les  curés  dans  leurs  paroisses,  même  dans  un 


330  DE    LA    PRÉSÉANGi:    DANS    LE    CLER(iÉ 

diocèse  étranger,  parce  qu'alors  il  n'est  plus  censé  simple 
particulier,  mais  il  fait  corps  avec  l'évêque  qu'il  accom- 
pagne comme  membre.  Ainsi  décidé  par  la  Sacrée  Congré- 
gation des  Rites,  le  19  mai  1838,  n"  4682. 

Les  chanoines  de  la  cathédrale  qui  marchent  en  corps 
ont  le  pas  sur  les  abbés  bénits,  (S.  R.  G.  8  juillet  1 602,  n°  8  ; 
voir  encore  les  n»»  2939  et  Zi205.) 

Le  coadjuteur  d'un  dignitaire  doit  céder  le  pas  à  tous  les 
autres  dignitaires;  mais  il  a  le  pas  sur  tous  les  chanoines 
non  dignitaires.  (S.  R.  C.  n°s  /|799  et  4821.)  Il  va  de 
soi  que  les  chanoines  doivent  passer  avant  les  simples 
bénéficiers,  si  ceux-ci  ne  sont  pas  revêtus  des  ornements 
sacrés.  (S.  R.  G.  n"  776.) 

Le  chanoine  de  semaine,  même  lorsqu'il  n'est  revêtu  que 
de  la  cape  canoniale,  a,  dans  le  chœur,  droit  à  la  première 
place  du  côté  où  doit  commencer  l'office,  au-dessus  même 
du  premier  dignitaire.  (S.  R.  G.,  n"  2374.) 

V.  Concernant  les  curés.  Le  chanoine  surnuméraire  d'un 
chapitre,  qui  est  en  même  temps  curé  dans  une  autre  pa- 
roisse, a,  dans  les  enterrements,  la  première  place  en  pré- 
sence du  chapitre,  s'il  est  revêtu  de  l'étole.  (S.  R.  G.  n°  4972 
ad  l-".) 

Les  curés  qui  assistent  aux  fonctions  qui  se  font  dans  la 
cathédrale  doivent  se  placer  après  les  chanoines,  et,  s'ils 
font  partie  du  clergé  de  cette  église,  ils  ont  le  pas  sur  les 
bénéficiers  qui  en  font  aussi  partie;  s'ils  n'en  étaient  pas 
membres,  ils  devraient  céder  la  place  à  ces  mêmes  bénéfi- 
ciers. (S.  R.  G.,  nos  17/16,  1851.) 

Entre  curés,  la  préséance  doit  se  régler  d'aprèi  la  dignité 
ou  l'ancienneté  de  l'éghse  paroissiale.  Ainsi  décidé  par  la 
Sacrée  Gongrégation  des  Rites,  le  10  mai  1642,  n"  1227  ; 
et  cela  sans  distinction  de  cures  amovibles  ou  inamovibles, 
selon  une  autre  décision  de  la  même  Congrégation  du  27 
mai  1706,  mentionnée  dans  Ferraris,  v°  Prœceclentia,  n"  8, 


d'aPRLS   les    lois    CANONIOLES.  331 

Benoit  XIV  cependant  donne  pour  règle  de  préséance  entre 
curés  l'ancienneté  de  la  promotion;  mais  il  ne  cite  aucune 
décision  {de  Sijn.  lib.  3,  cap.  10,  n°6  in  fine),  et  ce  qu'il  dit 
pourrait  ne  s'entendre  que  du  cas  ou  les  églises  sont  égale- 
ment dignes  ou  anciennes. 

Ces  mêmes  règles  doivent  s'appliquer  aux  substituts  et 
remplaçants  des  curés,  selon  une  autre  décision  du  20  jan- 
vier 1691,  qui  ne  se  trouve  pas  dans  Gardellini,  mais  qui 
est  citée  par  le  mêuie  Ferraris  {ib,  n°  28). 

Le  curé  étant  le  chef  de  la  paroisse  doit  être  encensé 
avant  le  seigneur  du  lieu ,  et  par  conséquent  avant  le  ma- 
gistrat de  la  localité.  Ferraris  (v°  Parochus,  art.  2,  n"  69) 
cite  à  l'appui  une  décision  de  la  Sacrée  Congrégation  des 
Rites  du  lli  février  1672;  et  on  en  peut  voir  une  autre  dans 
Gardellini  du  26  janvier  1686,  n°  2952. 

Quant  aux  vicaires-curés  de  cathédrales,  voyez  quelques 
décisions  qui  les  concernent  dans  Gardellini  n"s  202  et 
i29I\  ad  3"".  Ceux  qui  sont  perpétuels  ont  le  pas  sur  ceux 
qui  sont  amovibles  {iOid) . 

VI.  Concernant  les  autres  clercs  séculiers.  Le  rang  parmi 
les  clercs  se  règle  d'après  l'ordre  auquel  ils  sont  promus, 
quand  même  parmi  eux  il  y  en  aurait  qui  seraient  bénéfi- 
ciers  ou  chapelains  attachés  à  une  église  et  d'autres  n'ayant 
aucun  titre  ecclésiastique.  Quand  ils  sont  de  même  ordre, 
la  préséance  doit  se  régler  d'après  l'ancienneté  dans  cet 
ordre.  (S.  R.  C.  n°s  3815  ad  l""  et  3867.) 

Il  faut  néanmoins  excepter  de  cette  règle  les  bénéficiers 
qui  font  partie  du  clergé  de  la  cathédrale  ou  d'une  collégiale. 
Car  ceux-ci  ont  le  pas  même  sur  les  curés  qui  ne  font  pas 
partie  de  ce  clergé.  (S.R.  C,  n''sl36,  17Zi6  et  1851;  Be- 
noit XIV,  de  Syn.  lib.  3,  cap.  10,  n°  8.) 

Les  protonotaires  apostoliques  n'ont  le  pas  sur  les  autres 
prêtres  que  lorsqu'ils  sont  revêtus  de  leurs  insignes  :  ils 
viennent  alors  après  les  chanoines  et  les  abbés  (S.  R.  C. 


332         DE  LA  PRÉSÉANCE  DA^'S  LE  CLERGÉ 

3  avril  1687,  n°  2670);  voir  encore  le  n"  2666  de  la  même 
date,  où  il  est  dit  :  «  Praecedentiam  deberi  dicto  pronotario, 
«  eumque  posse  intervenire  in  functionibus  ecclesiasticis 
«  controversis  et  in  praesbyterio  loco  digniori  cum  habitu 
«  tamen  prœlatitio,  nempe  rochetto  et  mantelletta  coloris 
«  violacei,  et  in  processionibus  incedere  debere  post  SS. 
«  Sacramentum,  vel  post  celebrantem,  etc.  » 

Les  vicaires  forains  (et  sous  ce  nom,  nous  croyons  que, 
chez  nous ,  il  faut  entendre  les  archiprêtres  et  les  doyens 
ruraux)  n'ont  aucune  préséance  en  cette  qualité;  et  cela, 
non  obstanie  contraria  consuetiidine ,  dit  la  Sacrée  Congréga- 
tion des  Rites.  (17  mars  1628,  n»  586;  2^  septembre  1605, 
n"  133.)  Benoît  XIV  néanmoins  est  d'un  avis  contraire,  dans 
son  traité  de  Sijnodo  (lib.  3,  cap.  19.  n°  7)  ;  il  cite  pour  son 
opinion  François  Bonhomme  ;  mais  cette  autorité  ne  peut 
contrebalancer  celle  des  Congrégations  romaines. 

Les  séminaires,  grands  ou  petits^  ne  sont  pas  censés  faire 
partie  du  clergé  de  la  cathédrale,  et  lorsqu'ils  interviennent 
aux  processions  générales,  ils  doivent  céder  le  pas,  non- 
seulement  aux  chanoines  et  aux  bénéficiers  de  la  cathédrale, 
mais  encore  aux  curés  et  au  clergé  des  églises  collégiales 
et  paroissiales  ;  mais  ils  ont  la  préséance  sur  les  ecclésia- 
stiques qni  ne  sont  pas  prêtres  et  qui  sont  bénéficiers  hors 
de  la  cathédrale.  (S.  R.  C.  n^  213,  433,  891,  352/i, 
etc.) 

Quant  aux  professeurs  de  séminaire,  ils  ne  sont  pas  censés 
faire  corps  avec  leurs  élèves  ;  et  s'ils  sont  prêtres,  ils  prennent 
rang  parmi  les  autres,  sans  prééminence  autre  que  celle  de 
l'ancienneté  dans  leur  ordre.  (S.  R.  C.  17  juillet  1730, 
n"  Zi512.) 

VIL  Concernant  les  régulier».  Les  réguliers  doivent  céder 
le  pas  au  clergé  séculier,  même  dans  leurs  églises.  (S.  R.  C. 
31  mars  1618,  n°  /i07.) 

Quant  au  rang  que  doit  occuper  chacun  des  divers  corps 


d'après  les  lois  canoniques.  333 

religieux,  lorsque  plusieurs  se  trouvent  ensemble  dans  les 
cérémonies  ; 

1"  La  préséance  doit  être  accordée  aux  Dominicains  sur 
les  autres  religieux  mendiants;  mais  ils  doivent  céder  le  pas 
aux  religieux  moines.  Ainsi  réglé  par  saint  Pie  V,  Const. 
Divina,  du  27  août  1578.  (Voir  Ferraris,  v.  Prœcedentia, 
n"  17.)  La  même  décision  se  trouve  dans  un  décret  de  la 
Sacrée  Congrégation  des  Rites,  du  23  mars  1619,  n°  424. 

Nous  avons  vu  ci-dessus  {Règles  générales,  li°)  que,  dans 
les  processions,  ce  n'est  pas  l'ordre  établi  par  saint  Pie  V  qui 
doit  être  suivi,  mais  celui  qui  est  indiqué  par  Grégoire  XIII 
dans  la  bulle  Exposcit,  et  dont  nous  avons  rapporté  les  paroles 
au  même  endroit.  Voir  Ferraris  (v.  Prœcedentia,  n"  li6),  qui 
cite  à  l'appui  une  constitution  d'Urbain  VIII,  du  18 
décembre  1639  et  plusieurs  décisions  des  Congrégations 
romaines.  Voir  en  particulier  la  décision  de  la  Sacrée  Con- 
grégation des  Rites  du  3  juin  1617,  n"  395.  On  pourrait 
néanmoins  suivre  l'usage,  si  la  coutume  existait  quelque 
part  que  la  préséance  dût  ge  régler,  non  d'après  l'ancienneté 
du  monastère  dans  l'endroit,  mais  d'après  celle  de  l'Ordre. 
Ainsi  décidé  par  la  Congrégation  des  Évêques  et  réguliers 
le23fév.  1693  (Ferraris,  ib.). 

Les  frères  Mineurs  Observantins  de  Saint-François  ont  le 
pas  sur  les  Conventuels.  Ainsi  réglé  par  Léon  X,  Const. 
Licet  du  6  décembre  1517  (Ferraris,  ib.  n°  22). 

Entre  religieux  du  même  Ordre  de  l'un  et  de  l'autre  sexe, 
la  préséance  se  règle  d'après  la  date  de  la  profession,  et 
non  d'après  la  prise  d'habit,  nonobstant  toute  coutume  con- 
traire. Ainsi  décidé  par  la  Congrégation  des  Évêques  et 
Réguliers,  le  12  septembre  1588  (Ferraris,  ib.  n"  30,  etc.). 
On  peut  voir  dans  cet  auteur  iib.)  diverses  décisions  pour 
des  cas  particuliers  de  préséance  entre  religieux. 

Il  n'y  a  pas  uniformité  entre  les  différents  Ordres  religieux 


33/|  DE    LA    PRÉSÉANCE    DANS    LE    CLERGÉ 

pour  la  préséance  à  observer  entre  les  novices  et  les  frères 
lais.  (Ferraris,  ib.  n"»  40,  Al.) 

Les  religieux  ont  le  pas  sur  les  simples  confréries.  (S.  R. 
C,  7  août  1621,  n"  456.) 

Dans  les  processions,  les  réguliers  ne  doivent  pas  se  mêler 
dans  les  rangs  du  clergé  séculier.  (S.  R.  C. ,  1h  septembre 
1605,  n«  13/|.) 

VIII.  Concernant  les  confréries.  Dans  les  processions,  les 
confréries  marchent  devant  les  réguliers,  comme  ceux-ci 
doivent  se  placer  devant  le  clergé  séculier,  conformément 
au  Cérémonial  des  évêques.  (S.  R.  C,  7  août  1621,  n"  456.) 

Entre  elles  les  confréries  doivent  suivre  l'ordre  tracé  par 
la  buUfe  Exposcit  de  Grégoire  XIII,  citée  ci-dessus;  de  sorte 
que  celle  qui  est  établie  depuis  plus  longtemps,  quœ  prius 
saccum  induit,  selon  l'expression  de  la  bulle,  doit  avoir  -le 
pas  sur  les  autres.  (S.  R.  C.  1608,  n**  230.)  On  excepte  la 
confrérie  du  Saint-Sacrement,  qui  doit  avoir  le  pas  sur  les 
autres,  mais  seulement  dans  les  processions  où  l'on  porte 
le  Saint-Sacrement,  ainsi  que  l'a  décidé  la  Congrégation  des 
Rites,  le  18  juin  1695. 

On  ne  tient  pas  compte  du  droit  de  préséance  au  retour 
des  processions  {ibidem). 

Voici  quel  est  l'ordre  indiqué  pour  les  proessions  du  Saint- 
Sacrement  dans  le  Cérémonial  des  évêques  :  «  Ordo...  erit  ut 
«  procédant  confraternitates  laicorum,  deinde  religiosi  se- 
«  cundum  ordinem  antiquitatis,  vel  prout  de  jure  vel  con- 
«  suetudine  praecedere  soient;  postmodum  curiales  et  offi- 
«  ciales  portantes  intorticia  accensa,  inter  quos  ultimo  luco 
«  ibunt  nobiliores  et  magistratus,  deinde  clerus  :  hoc  est 
«  primo  minister  portans  crucem  ecclesise  cathedralis,  me- 
«  dius  inter  duos  clericos  portantes  duo  candelabra. . .  Deinde 
«  si  aderunt,  clerici  seminarii,  et  post  eos  curati  ecclesia- 
«  rum  parochialium  cum  cottis,  tum  ecclesise  collegiatœ 


DANS    LES    LOIS    CANONIQUES.  335 

«  cum  earura  insignibus,  si  alias  illa  déferre  soleant,  et 
«  ultimo  loco  derus  ecclesiœ  catiiedralis,  etc.  » 

IX.  Concernant  les  magistrats  séculiers.  Les  magistrats  et 
les  officiers  de  la  localité  doivent  être  encensés  après  les 
dignitaires  et  les  chanoines  par  un  nombre  égal  de  coups 
d'encensoir.  Voir  Ferraris  (v''  Majgistrotus,  n°  3)  qui  cite 
plusieurs  décisions  de  la  Congrégation  des  Rites. 

Le  gouverneur  doit  être  encensé  immédiatement  après 
les  chanoines  qui  assistent  l'Évêque  et  le  grand-vicaire  ; 
par  conséquent  avant  les  autres  chanoines.  (S.  R.  C.  1  sep- 
temb.  1607,  n°  210;  5  septemb.  l67/i,  n<*1860.) 

Le  magistrat  civil,  lorsqu'il  n'est  pas  des  principaux  et 
n'est  pas  inamovible,  doit  toujours  céder  le  pas  aux  cha- 
noines de  la  cathédrale,  s'ils  sont  en  corps,  et  le  prédicateur 
doit  toujours  saluer  ceux-ci  avant  ces  sortes  de  magistrats. 
(S.  R.  G.,  16  octobre  1615,  n°  36/i.) 

Dans  les  processions  du  Saint-Sacrement,  le  gouverneur 
et  les  magistrats  ne  devraient  pas  marcher  après  le  balda- 
quin (S.  R.  G.,  27  août  1836,  n°  IxQho);  néanmoins  là  où 
l'usage  contraire  est  étabh,  on  doit  s'y  conformer  s'il  est 
ancien.  (S.  R.  G.,  ^  avril  1615,  n-^  356.) 

OBSERVATIONS. 

1°  Dans  les  processions,  les  chantres  et  le  maître  de  cha- 
pelle ne  doivent  pas  se  placer  parmi  les  bénéficiers  ^  mais 
immédiatement  après  la  croix,  nonobstant  toute  coutume 
contraire,  dit  Ferraris  (v°  Musica,  n°  27).  Il  cite  plusieurs 
décisions  qui  sont  extraites  de  Pignatelli. 

2°  Quand,  dans  les  processions  ou  ailleurs,  il  s'élève 
quelques  contestations  sur  la  préséance,  l'Évêque  a  le  droit 
de  les  régler,  nonobstant  tout  appel.  (Concile  de  Trente, 
sess.  XXV,  chapitre  13  de  Regul,;  S.  R.  G.,  dô  mai  169^, 
n°  3182.) 


336  DE    LA    PRÉSÉANCE    DANS    LE    CLERGÉ. 

3"  Nous  n'indiquons  pas  rordre  à  suivre  pour  les  encen- 
sements; on  le  trouve  exposé  dans  le  Cérémotiial  des  évêques 
(liv.  I,  chap.  22,  n"*  27,  32).  On  trouve  aussi  dans  le  même 
ouvrage  l'ordre  à  suivre  pour  le  baiser  de  paix  (liv.  i,  ch. 
2h  et  29)  ;  et  celui  qu'il  faut  observer  dans  les  synodes  (ibid. , 
chap.  31).  On  peut  aussi  consulter  Benoît  XIV  {de  Synodo^ 
lib.  m,  cap.  10). 

Craisson,  anc.  vic.-gén. 


LA  MATIERE  ET  LA  FORME. 


Deuxième  et  dernier  arlic.e 


IIL 

Nous  avons  exposé,  dans  un  précédent  artic.e,  la  théorie  de  la  matière 
et  de  la  forme  dans  ce  qu'elle  a  de  substantiel,  et  nous  avons  compris 
qu'au  double  point  de  vue  de  la  foi  et  de  la  raison  cette  théorie  était 
inattaquable.  Tant  qu'on  reste  sur  ce  fond  solide,  il  ne  peut  y  avoirentre 
philosophes  et  surtout  entre  philosophes  catholiques  aucun  dissentiment. 
Aussi  n'est-ce  pas  là  dessus  que  porte  la  dispute;  mais,  cette  doctrine 
une  fois  admise  en  commun,  voici  les  questions  qui  se  présentent,  et 
au  sujet  desquelles  on  a  plus  de  peine  à  se  mettre  d'accord.  Quand  et 
à  quelles  conditions  s'opère  la  transformation  substantielle?  Les  mo- 
lécules d'oxygène  et  d'hydrogène  qui  se  combinent  pourdevenir  de  l'eau, 
perdent-elles  leur  forme  première  pour  en  acquér'r  une  nouvelle? 
Généralement,  dans  les  composés  chimiques,  les  éléments  subsistent-ils 
réellement,  ou  bien  cessent-ils  d'exister  en  acte  pour  exister  seulement 
en  vertu  ?  Et  pour  présenter  la  question  sous  son  aspect  le  plus  saisis- 
sant :  Ya-t-il  dans  notre  corps,  comme  le  disent  généralement  les  phy- 
siologistes, de  l'oxygène,  de  l'hydrogène,  de  l'azote,  du  carbone,  etc., 
ou  bien  tous  les  éléments  ont-ils  complètement  perdu  leur  nature  pre- 
mière, au  moment  ou  ils  ont  commencé  à  faire  partie  de  notre  corps, 
de  telle  manière  qu'en  ce  moment  ils  n'ont  pas  d'autre  forme  que 
l'âme  ? 

Cette  seconde  opinion  est  indubitablement  la  plus  conforme  à  la  doc- 
trine de  saint  Thomas,  et  c'est  celle  que  maintient  le  P.  Liberatore. 
Selon  saint  Thomas,  l'âme  donne  au  corps  non-seulement  le  sentiment 
et  la  vie  végétative,  mais  encore  son  être  corporel  et  son  existence  (d). 

(I)  Anima  esl  aclus  corporis  ;  quia  per  auimam  et  c-bt  corpus  et  est 
orgauum,  et  est  potenlia  vitam  habeus.  {\  p.,  q.  70,  a.  4,  ad  1.) 

ReVI'E  des  i?CIENCES  ECCI.ÉS.  T.   X.  —  OCTOP.PE  1864.  23 


?)38  \A  M\Tif:r.i:  f.t  ta  forme, 

Il  ne  reste  donc  plus  dans  le  corps  humain  ni  oxygène,  ni  hydrogène, 
ni  azote  ;  tout  ce  qui  constituait  ces  substances  différentes,  leur  forme 
spécifique,  a  disparu  :  la  matière  première  est  seule  conservée.  Cette 
matière  première  est  du  reste  la  seule  chose  qui  passe  d'une  substance 
dans  une  autre,  de  la  terre  dans  les  végétaux  et  des  végétaux  dans  les 
animaux.  Or,  si  l'on  demande  aux  fauteurs  de  cette  doctrine  ce  qu'ils 
entendent  par  matière  première,  ils  répondent  que  c'est  quelque  chose 
d'absolument  indéterminé,  qui  n'a  ni  essence,  ni  quantité,  ni  qualité, 
ni  force,  ni  propriété  quelconque,  mais  qui  reçoit  toutes  les  différentes 
formes  auxquelles  elle  est  successivement  soumise.  Cette  doctrine 
s'appuie  surtout  sur  un  argument  dont  on  ne  saurait  méconnaître  la 
force.  Si  les  éléments  qui  entrent  dans  la  composition  de  notre  corps 
conservent  leur  forme  primitive,  ils  ne  subissent  donc  qu'une  modifica- 
tion accidentelle  ;  ce  sont  autant  de  substances  distinctes  qui  entrent 
dans  de  nouveaux  rapports  les  unes  avec  les  antres.  L'tiomme  n'a  plus 
d'unité  véritable;  il  n'est  plus  une  seule  nature,  mais  un  agrégat  de 
natures  diverses  unies  ensemble  par  un  lien  extérieur.  11  en  est  ainsi, 
à  plus  forte  raison,  de  tous  les  composés  organiques  et  inorganiques. 
On  n'aurait  plus  le  droit  de  les  appeler  des  substances,  si  la  doctrine  de 
saint  Thomas  n'était  pas  acceptée  dans  toute  son  étendue,  il  n'y  aurait 
de  vraies  substances  que  les  corps  simples,  qui  demeurent  toujours  les 
mêmes;  ces  corps,  en  passant  d'un  composé  dans  un  autre,  ne  subiraient 
que  des  modifications  accidentelles,  et  les  combinaisons  les  plus  mer- 
veilleuses, produites  par  la  nature  ou  par  la  science,  ne  différeraient 
pas  essentiellement  des  simples  mélanges. 

Les  partisans  les  plus  rigoureux  de  saint  Thomas  ajoutent  que,  si  on 
n'accepte  pas  dans  son  entier  la  théorie  de  la  forme  substantielle,  il 
faut  répudier  toute  la  philosophie  du  saint  Docteur  ;  et  sa  théologie 
elle-même,  selon  eux,  ne  peut  demeurer  intacte.  Car,  cette  théorie  de 
la  matière  première  et  des  formes  substantielles  est  un  des  points  ca- 
pitaux de  la  doctrine  thomiste,  et  elle  étend  son  influence  sur  toutes 
les  parties  de  cette  doctrine.  C'est  par  elle  que  saint  Thomas  explique 
la  sensation;  c'est  à  son  aide  qu'il  résout  la  question  de  l'origine  des 
idées;  enfin,  qui  ne  sait  combien  de  fois,  quand  il  s'agit  d'expliquer  la 


[,\    MATIÏ-Rr.    JT    T,A    FORME.  530 

nature  et  l'action  des  sacrements,  et  d'éclaircir  les  autres  enseignements 
de  la  révélation,  la  théorie  de  la  matière  et  de  la  forme  fournit  au  doc- 
teur Angélique  ses  explications  les  plus  ingénieuses  et  ses  plus  solides 
arguments? 

Ces  considérations,  quelque  puissantes  qu'elles  puissent  être,  ne  le 
sont  pas  assez  pour  déterminer  tous  les  admirateurs  sincères  de  saint 
Thomas  à  embrasser  dans  toute  son  étendue  sa  doctrine  sur  la  com- 
position des  corps.  Plusieurs,  au  contraire,  se  croient  obligés  par  leur 
attachement  même  pour  la  doctrine  scolastique  à  la  modifier  en  ce  point, 
de  même  que  pour  conserver  un  majestueux  édifice  on  est  souvent 
obligé  de  reparer  les  parties  qui  semblent  menacer  ruine.  On  ne  saurait 
s'étonner,  disent-ils,  qu'à  une  époque  où  les  sciences  physiques  étaient 
si  peu  développées,  et  acceptaient  comme  certaines  tant  d'hypothèses 
gratuites  ou  même  fausses,  la  philosophie,  qui  alors  ne  faisait  qu'un 
avec  ces  sciences,  n'eût  pas  encore  saisi  la  vraie  solution  du  problème 
de  la  constitution  des  corps.  N'est-ce  pas  rendre  à  celte  philosophie, 
si  solide  en  tout  le  reste,  le  plus  mauvais  de  tous  les  services,  que  de 
la  faire  dépendre  d'une  théorie  au  moins  très-problématique,  et  dont 
des  observations  plus  exactes  oKit  renversé  toutes  les  bases?  Quoi!  nous 
serons  obligés  de  repousser  tous  les  enseignen)ents  de  saint  Thomas 
sur  la  sensation  et  l'origine  des  idées,  parce  que  nous  reconnaîtrons 
avec  la  chimie  qu  il  y  a  de  l'azote  et  du  phosphore  dans  le  corps  hu- 
main !  La  théologie  se  sert  des  notions  de  matière  et  de  forme  pour 
expliquer  plusieurs  dogmes  ;  mais  aussi  personne  ne  songe  à  supprimer 
la  matière  et  la  forme.  Toute  la  question  est  de  savoir  s'il  faut  entendre 
la  matière  et  la  forme  dans  le  sens  précis  que  l'école  thomiste  a  donné 
à  ces  mots.  Or,  cela  n'est  certainement  pas  nécessaire  pour  comprendre 
les  enseignements  de  la  théologie  catholique.  L'école  scotiste  n'a  jamais 
accepté  ce  sens  et  pourtant  elle  a  eu  aussi  sa  théologie,  et  elle  explique 
très-bien  la  matière  et  la  forme  des  sacrements. 

II  est  vrai  que  si  on  n'admet  pas  le  système  thomiste,  il  faudra  re- 
connaître dans  le  composé  humain  plusieurs  substances  incomplètes  qui 
se  réunissent  pour  former  une  seule  substance  complète  ;  mais  y  a-t-il 
à  cela  un  si  énorme  inconvénient?  L'union  de  l'âme  et  du  corps  n'en 


!l 


3/|0  LA    MATIÈRE    El    LA    FORME. 

demeure  pas  moins  substantielle,  puisqu'elle  fournit  à  l'âme  le  com- 
plément nécessaire  pour  l'exercice  de  ses  facultés  et  élève  les  éléments 
corporels  à  une  manière  d'être  d'un  ordre  supérieur.  Cette  hypothèse 
est  certainement  conforme  au  sens  commun,  qui  suppose  bien  que  le 
corps  reçoit  de  l'âme  la  vie  et  le  sentiment,  mais  qui,  sûrement,  n'exige 
pas  qu'il  en  reçoive  également  ce  par  quoi  il  est  corps.  Les  définitions 
de  l'Église  ne  conservent  pas  moins  leur  vérité  dans  cette  doctrine  que 
dans  la  doctrine  opposée;  puisqu'elles  ne  disent  pas  que  l'âme  est  la 
forme  immédiate  de  la  matière  première,  mais  la  forme  immédiate  du 
corps  ;  ce  qui  est  parfaitement  vrai  dans  le  sentiment  de  ceux  qui  ad- 
mettent que  le  corps  est  constitué  en  lui-même  par  les  formes  propres 
aux  éléments  dont  il  est  composé,  et  qu'il  est  informé  tout  entier  par 
l'âme,  sans  l'intervention  d'aucun  principe  intermédiaire. 

C'est  ainsi  que  les  défenseurs  de  la  seconde  opinion  s'efforcent  de 
prouver  que  les  enseignements  de  la  foi  et  les  raisonnements  a  priori 
n'exigent  en  aucune  manière  qu'on  suive  à  la  lettre  la  doctrine  de 
saint  Thomas.  Ils  vont  plus  loin,  et  ils  soutiennent  qu'il  faut  nécessaire- 
ment s'en  écarter  si  on  veut  rester  fidèle  à  l'esprit  du  saint  docteur. 
Voyez,  en  effet,  disent-ils,  si  saint  Thomas  s'est  jamais  mis  en  contra- 
diction avec  la  science  physique  telle  qu'elle  était  généralement  ensei- 
gnée de  son  temps.  11  accepte  les  données  de  cette  science,  aussitôt 
qu'elles  lui  paraissent  fondées  sur  des  expérences  décisives  ou  sur  des 
raisonnements  concluants,  et  il  s'attache  à  les  faire  concorder  avec  les 
principes  métaphysiques.  C'est  ce  qu'il  ferait  indubitablement  aujour- 
d'hui, s'il  avait  vécu  jusqu'à  nos  jours.  Use  garderait  bien  de  repousser 
les  résultats  si  remarquables  de  la  chimie  et  de  la  physique  modernes  ; 
bien  plus  ami  de  la  vérité  que  d'Aristote,  il  ne  croirait  pas  manquer 
au  respect  dû  au  philosophe  de  Stagire  en  reconnaissant  que  vingt 
siècles  d'observations  ont  amené  la  découverte  de  faits  et  de  lois  que  le 
génie  si  prodigieusement  perspicace  de  ce  grand  homme  ne  lui  avait 
pas  permis  de  deviner.  Il  y  a  donc  tout  lieu  de  croire  que  saint  Thomas 
n'hésiterait  pas  à  modifier  sa  théorie  de  la  matière,  de  manière  à  la 
faire  concorder  avec  les  faits  que  la  science  démontre.  C'est  ce  que 
nous  devons  faire  nous-mêmes,  par  amour  pour  la  doctrine  scolasiique. 


LA    xMATIÈHE    ET    LA    FORME.  3Zil 

C'est  le  seul  moyen  de  la  faire  accepter  par  les  esprits  sincères,  et  de 
rétablir  son  règne  dans  nos  écoles. 

Or,  la  science  aujourd'hui  s'accorde  à  substituer  à  la  matière  pre- 
mière et  aux  quatre  éléments  des  anciens  un  certain  nombre  de 
corps,  qu'elle  nomme  simples,  parce  qu'elle  n'est  pas  encore  parvenue 
à  les  décomposer.  Ces  corps  simples  entrent  dans  la  composition  de 
tous  les  corps,  soit  inorganiques,  soit  organisés.  Ils  passent  d'un  com- 
posé dans  un  autre,  suivant  des  lois  que  chaque  jour  on  apprend  à 
mieux  connaître.  Ils  se  combinent  dans  des  proportions  fines  et  har- 
monieuses, La  science  les  suit  dans  leurs  différentes  transformations  ; 
elle  se  rend  compte  de  leur  synthèse,  elle  les  retrouve  ensuite  par 
l'analyse  ;  elle  se  sert  de  ces  éléments  constitutifs  pour  fixer  par  des 
formules  parfaitement  claires  la  nature  de  chaque  composé,  et  jamais 
1  "expérience  ne  vient  démentir  la  vérité  de  ces  formules. 

Ce  qui  est  vrai  des  composés  ordinaires  est  vrai  également  par  rap- 
port aux  végétaux,  aux  animaux,  au  corps  humain  lui-même.  Les 
corps  simples  entrent  dans  la  composition  de  ces  corps,  comme  de  tous 
les  autres:  seulement,  dans  les  composés,  leurs  formes  propres  sont 
soumises  à  une  forme  supérieure,  qui  leur  communique  des  forces  et 
des  propriétés  qu'ils  ne  possédaient  point  par  eux-mêmes.  Ainsi,  dans 
le  corps  humain,  il  y  a  de  l'oxygène,  de  l'hydrogène,  de  l'azote  et  du 
carbone;  ces  éléments  possèdent  leur  forme  propre;  ils  n'ont  rien 
l)erdu  de  leurs  forces  physiques  et  chimiques  ;  mais  ces  forces,  sou- 
mises à  la  force  vitale  qui  est  propre  à  l'âme,  s'exercent  selon  des  lois 
nouvelles.  La  vie  du  corps  n'est  q,ue  le  résultat  de  la  soumission  har- 
monieuse des  forces  physiques  et  ohimiques  de  ces  éléments  à  la  force 
vitale  de  l'âme  ;  la  mort,  au  contraire,  résulte  de  la  destruction  de  cet 
équilibre,  comme  la  décomposition  qui  suit  la  mort  est  le  résultat  des 
forces  chimiques  et  physiques,  désormais  indépendantes  de  1^  force 
supérieure  qui  les  dominait. 

Que  la  science  moderne  explique  universellement  de  la  sorte  la  com- 
position des  corps,  c'est  un  fait  que  personne  ne  saurait  nier.  Or, 
ajoutent  les  partisans  de  la  doctrine  que  nous  exposons  en  ce  moment, 
ce  consentement  unanime  des  savants  est  complètement  décisif.  Car  la 


352  I-\    MATIÈRE    ET    1. \    FORME. 

science  est  ici  sur  son  terrain  ;  il  s'agit  en  effet  d'une  question  de  t'ait, 
qui  doit  se  prouver  par  l'expérience  beaucoup  plus  que  par  le  raison- 
nement. Il  n'y  a  certainement  rien  d'absurde,  que  Dieu  ait  constitué  la 
matière  comme  nos  physiciens  l'afQrment.  Il  ne  s'agit  donc  pas  de  rai- 
sonner a  priori;  le  philosophe  n'a  autre  chose  à  faire  que  d'accepter  les 
données  de  l'expérience  et  de  les  adapter  aux  principes  métaphysiques, 
comme  saint  Thomas  l'avait  fait  de  son  temps. 

Du  reste,  ces  mêmes  philosophes  ne  manquent  pas  de  raisonnements 
pour  appuyer  les  conclusions  de  la  science.  Ils  font  remarquer  d'abord 
que  le  concept  de  la  matière  première  a  toujours  offert,  de  l'aveu  des 
plus  éminents  docteurs  scolastiques,  d'inextricables  difficultés.  Comment 
concevoir,  en  effet,  cet  être  qui  est  quelque  chose  et  qui  pourtant  est 
complètement  indéterminé?  Peut-il  exister  séparément  de  la  forme,  au 
moins  par  un  miracle  de  la  puissance  divine,  ou  ne  le  peut- il  pas?  S'il 
ne  le  peut  pas,  comme  l'afiirment  la  [ilupart  des  scolastiques,  comment 
est-il  un  être?  S'il  le  peut,  comme  l'enseigne  Suarez,  il  a  donc  un  acte 
par  lui-même,  il  n'est  donc  pas  une  potentialité  pure,  il  n'est  pas  ma- 
tière première. 

D'ailleurs,  si  les  corps  simples,  en  formant  un  composé,  perdaient 
leur  existence  propre,  qu'est-ce  qui  la  leur  rendrait  plus  tard  lorsque 
le  composé  vient  à  se  dissoudre?  H  y  a  là  une  sorte  de  création  nou- 
velle, puisqu'il  y  a  production  d'une  réalité  qui  avait  complètement  cessé 
d'exister.  Ainsi,  les  atomes  dont  s'est  formé  notre  corps  auraient  cessé, 
du  moment  qu'ils  ont  commencé  à  en  faire  partie,  d'être  de  l'oxygène, 
de  l'hydrogène,  de  l'azote  et  du  carbone  ;  la  forme  constitutive  de  ces 
substances  aurait  été  détruite  pour  faire  place  à  une  seule  forme  qui 
est  l'àme.  Mais,  à  notre  mort,  ces  éléments  reprendront  leur  forme 
première.  D'où  leur  viendra-t-elle?  Les  scolastiques  répondent  :  Cette 
forme  sera  tirée  de  la  potentialité  de  la  matière.  Mais  Suarez  lui-même 
avoue  que  cette  réponse  est  loin  d'éclaircir  la  difficulté.  Comment,  en 
etTet,je  le  demande,  la  matière  qui  est  pure  puissance,  et  par  conséquent 
négation  de  tout  acte,  de  toute  forme,  de  toute  propriété,  peut-elle 
contenir  en  elle  la  forme  qui  est  acte,  énergie,  perfection,  détermina- 
tion ;  et  la  contenir  de  manière  à  la  produire  d'elle-même,  au  moment 


LA    MATli'RE   ET    LA    FORME.  I^/|." 

OÙ,  abandonnée  par  sa  forme  actuelle,  elle  semble  n'avoir  plus  autre 
chose  à  faire  que  de  retomber  dans  le  néant? 

Autre  difficulté  :  la  forme  est  le  seul  sujet  des  qualités  et  des  forces; 
il  semble  donc  évident  que,  lorsque  la  forme  est  détruite,  toutes  les 
forces  physiques  et  chimiques,  et  par  conséquent  toutes  les  qualités 
sensibles  devraient  disparaître  avec  elle.  Comment  donc  se  fait-il  que, 
lorsque  l'homme  meurt,  son  corps  conserve  encore  quelque  temps  sa 
chaleur,  sa  couleur,  sa  cohésion?  11  faut  de  toute  nécessité  admettre, 
pour  être  conséquent  avec  la  théorie  scolastique,  que  la  chaleur  première 
a  cessé  d'exister,  et  qu'une  nouvelle  chaleur  a  été  produite.  Mais  cette 
supposition  est-elle  admissible?  Et  d'où  naîtrait  cette  nouvelle  chaleur? 

J'omets  bien  d'autres  arguments,  et  je  me  contente  d'en  citer  encore 
un  qui  paraît  décisif  au  Dr  Frédault  :  «  11  est  bien  certain  que  la  ma- 
tière nue  ou  simplement  possible  est  la  même  dans  toutes  les  substances 
malérielles,  et  que  celles-ci  ne  varient  entre  elles  qu'en  raison  de  leur 
forme  active  ;  tout  le  monde  le  concède.  De  sorte  qu'en  réalité,  si  la 
forme  matérielle  était  sans  utilité  dans  le  corps  vivant,  celui-ci  pourrait 
être  composé  indifféremment  de  substances  élémentaires  quelconques. 
Or  il  n'en  est  pas  ainsi.  Le  corps  vivant  réclame  pour  sa  constitution 
telle  ou  telle  substance  plutôt  que  d'autres. . .  Par  là  il  est  bien  clair  que, 
puisque  ces  substances  sont  nécessaires,  c'est  qu'elles  sont  pour  quelque 
chose  dans  l'action  du  composé  ;  et  comme  elles  ne  sont  différentes  que 
par  leur  activité  formelle,  c'est  que  cette  activité  entre  pour  quelque 
part  dans  l'union  du  composé  vivant... 

«  Si  on  voulait  admettre  que  les  formes  matérielles,  ou  autrement 
les  activités  des  substances  élémentaires  disparaissent  dans  l'union  avec 
l'àme,  ou  demeurent  simplement  en  puissance  et  non  en  acte,  on  se 
trouverait  conduit  à  deux  erreurs.  D'une  part,  ce  serait  nier  que  les 
divers  éléments  qui  entrent  dans  la  composition  du  corps  sont  pour 
quelque  chose  en  lui,  ce  qui  serait  aller  contre  un  fait  expérimental 
avéré.  D'un  autre  côté,  ce  serait  admettre  que  l'une  des  deux  natures 
du  composé  est  anéantie.  En  effet,  la  matière  nue  et  sans  forme,  qu'est- 
ce  si  ce  n'est  une  pure  privation?  L'âme  s'associerait  ainsi  non  une 
activité  possible,  mais  une  pure  possibilité.  Il  est  vrai  que  ce  quelque 
chose  prendrait  vie  au  contact  de  l'activité  animique  ;  mais  alors  ce 


Zllh  LA   MATIÈRE    ET    LA    FORME. 

serait  l'âme  qui  donnerait  tout  l'être;  c'est  sa  nature  seule,  c'est-à-dire 
sa  spiritualité  seule,  qui  serait  la  nature  de  l'être.  Dernière  erreur  trop 
visible  pour  avoir  besoin  de  réfutation.  » 

Que  répondent  à  nos  arguments  les  thonaistes  rigoureux?  Us  ré- 
pondent qu'on  n'a  aucun  droit  de  les  attaquer  au  nom  des  sciences 
physiques,  puisqu'ils  accordent  à  ces  sciences  tout  ce  qui  leur  appartient 
légitimement,  les  faits.  Quant  à  l'explication  de  la  nature  intime  des 
corps,  ils  nient  qu'elle  soit  du  ressort  de  ces  sciences;  elle  n'appartient 
qu'à  la  métaphysique.  Ainsi,  la  chimie  prouve  que  de  la  combinaison 
de  l'oxygène  et  de  l'hydrogène  il  s'est  formé  de  l'eau,  et  que  plus  tard 
de  la  décomposition  de  l'eau  il  s'est  formé  de  nouveau  de  l'oxygène  et 
de  l'hydrogène.  Personne  ne  conteste  à  la  chimie  ce  résultat  ;  on  lui 
permet  de  constater  la  loi  suivant  laquelle  s'opère  la  composition  et  la 
décomposition  du  liquide,  d'établir  la  proportion  des  éléments  d'où  est 
né  le  composé ,  mais  qu'elle  ne  s'arroge  pas  le  droit  de  prononcer 
qu'une  fois  la  combinaison  opérée,  les  éléments  conservent  leur  forme 
propre,  alors  surtout  que  cette  forme  ne  produit  plus  aucun  des  effets 
par  lesquels  elle  s'était  fait  auparavant  reconnaître. 

Il  est  vrai  que  la  doctrine  scolastique  ne  peut  pas  expliquer  avec 
une  égale  clarté  tous  les  phénomènes  physiques  ;  mais  quelle  est  la  doc- 
tnnequi  écarte  tous  les  mystères?  Est-il  bien  facile  dans  l'autre  système 
d'expliquer  comment  il  se  fait  que  l'observation  la^Tilus  minutieuse 
n'ait  pu  jamais  saisir  dans  un  corps  composé  les  divers  éléments  qui  le 
composent,  quoique  d'après  ce  système  ils  dussent  demeurer  distincts, 
et  par  conséquent,  extérieurs  l'un  à  l'autre?  Peut-on  bien  comprendre 
comment  un  même  corps  peut  avoir  des  propriétés  aussi  opposées  que 
le  multiplicité  et  l'unité,  s'il  n'y  a  pas  en  lui  deux  principes  distincts? 
Pour  que  l'étendue  qui  est  indifférente  à  toute  sorte  de  figures  puisse 
recevoir  une  figure  déterminée,  ne  faut-il  pas  un  principe  déterminant 
distinct  de  l'étendue  ?  Le  mouvement  pourrait-il  se  communiquer  d'un 
corps  à  un  autre,  si  pour  le  recevoir,  il  n'y  avait  dans  le  corps  un 
principe  vraiment  un  ?  Ce  principe  n'est-il  pas  nécessaire  aussi  pour 
produire  dans  la  matière,  inerte  par  elle-même, la  force  de  résistance? 
Ce  sont  là  tout  autant  de  phénomènes  capitaux  qui  témoignent  en  faveur 
de  la  théorie  scolastique. 


LA    MATIÈRE    ET    LA    FORME.  3A5 

Enfin,  quoiqu'on  dise,  en  dehors  de  cette  théorie,  l'unité subtantielle 
des  végétaux,  des  animaux  et  de  l'homme  demeure  privée  de  sa  base 
la  plus  solide  ;  et  la  hiérarchie  des  êtres,  si  belle  et  si  facile  à  concevoir 
quand  on  admet  les  formes  subtantielles,  sera  dépouillée  de  son  harmonie 
et  de  sa  beauté. 

IV. 

J'ai  exposé,  avec  toute  la  clarté  et  toute  la  sincérité  dont  je  suis  ca- 
pable, les  deux  explications  de  la  composition  des  corps  qui  se  partagent 
les  suffrages  des  philosophes  catholiques.  Si  je  n'ai  pas  donné  aux  argu- 
ments en  faveur  de  l'une  et  de  l'autre  de  ces  opinions  toute  leur  force, 
c'est  bien  involontairement,  car  je  n'ai,  pour  mon  compte,  aucun  parti 
pris.  Je  vois  des  deux  côtés  des  raisons  solides;  mais  des  deux  côtés 
aussi  je  vois  de  .sérieuses  difficultés.  Ce  qui  me  paraît  parfaitement 
clair,  'c'est  que,  ni  d'un  côté  ni  de  l'autre,  aucun  grand  intérêt  n'est 
en  péril .  C'est  là  une  question  ouverte,  qu'on  peut  agiter  dans  les  écoles 
catholiques,  sans  que  la  foi  périclite  et  sans- que  la  philosophie  tradi- 
tionelle  soit  ébranlée  dans  sa  subtance.  Quelle  différence  entre  cette 
controverse  et  celle  de  l'ontologisnie!  Dans  celle-ci  il  s'agit  d'un  pri- 
vilège qui,  s'il  était  réel,  serait  le  plus  précieux  apanage  de  la  raison 
Humaine.  On  conçoit  donc  qu'il  soit  rigoureusement  défendu  par  ceux 
qui  en  admettent  la  réalité,  alors  surtout  qu'il  fait  selon  eux  toute  la 
différence  entre  l'homme  et  la  brute.  D'un  autre  côté,  les  adversaires 
de  cette  théorie  ont  les  plus  sérieuses  raisons  pour  la  combattre,  car 
la  vision  en  Dieu,  qui  n'est  sûrement  pas  un  fait  d'expérience,  ne  peut 
se  démontrer  qu'en  prouvant  l'impossibilité  d'obtenir  sans  elle  aucune 
idée  générale,  et  par  conséquent  en  renversant  par  sa  base  toute  la 
philosophie  et  la  théologie  scolastique.  Ce  sont  donc  les  principes  les 
plus  fondamentaux  et  les  intérêts  les  plus  majeurs  de  la  science  qui 
sont  débattus  sur  ce  terrain.  Ici  rien  de  semblable^-  entre  les  deux 
partis  tous  les  principes  sont  communs;  sauf  un  seul  point,  on  peut 
être  d'accord  sur  tout  le  reste;  et  sur  ce  point  même,  on  n'est  pas  aussi 
éloigné  que  l'ardeur  de  la  lutte  pourrait  parfois  le  faire  supposer. 
•.  Dans  cet  état  de  choses,  que  doivent  faire  les  vrais  amis  de  la  science, 
tous  ceux  qui  désirent  voir  renaître  parmi  nous  les  fortes  études?  Us 


3/i6  L4    MATIÈRE    ET    LA    FORME. 

doivent  bien  se  garder,  ce  ine  senrible,  de  donner  à  ces  questions 
accessoires  une  importance  exagérée.  Si,  même  dans  ces  détails,  la 
doctrine  scolastique  est  vraie,  la  discussion  ne  ponrra  qu'en  faire  res- 
sortir la  vérité.  L'important,  c'est  qu'on  étudie  celte  doctrine;" qu'on 
rompe  définitivement  avec  cet  enseignement  superficiel,  qui  a  rompu 
lui-même  avec  la  tradition  de  l'école  catholique.  11  faut  rapprendre  le 
langage  de  cette  école,  nous  familiariser  avec  ses  illustres  maîtres,  nous 
mettre  au  fait  des  problèmes  qui  ont  rapport  avec  les  idées  qui  ont 
cours  à  notre  époque.  Le  livre  qui  sera  le  plus  propre  à  pro- 
duire ces  résultats,  qui,  s'adaptant  le  mieux  aux  conditions  présentes 
de  l'enseignement  classique,  nous  facilitera  davantage  le  retour  vers 
un  passé  injustement  dédaigné,  ce  livre-là  devra  être  accueilli  avec  re- 
connaissance, alors  même  qu'en  quelques  points  l'auteur  se  permettrait 
de  révoquer  en  doute  la  doctrine  scolasiique.  C'est  parce  que  je  trouve 
ces  qualités  à^ns  Y  Abrégé  de  philosophie  du  R.  P.  Tongiorgi,  que  je 
ne  puis  ra'empêcher  de  désirer  qu'il  soit  introduit  dans  nos  écoles.  Je 
n'établis  aucune  comparaison  entre  la  doctrine  de  ce  Père,  et  celle  du 
R.  P.  Liberatore.  Naguère  unontologisle  m'a  publiquement  accusé  d'a- 
voir fait  mon  idole  du  rédacteur  de  la  Civilià  Cattolica,  et  de  lui  avoir 
sacrifié  jusqu'à  mon  bon  sens.  Si  mon  admiration  n'a  pas  été  poussée 
jusqu'à  cet  excès,  au  moins  ai-je  bien  le  droit  de  n'être  pas  soupçonné 
de  partialité  contre  lui.  Quand  donc  M.  F.  J.  m'accuse  de  lui  avoir 
fait  un  crime  de  préférer  la  philosophie  du  R.  P.  Liberatore  à  celle  du 
H.  P.  Tongiorgi;  il  rend  aussi  inexactement  que  possible  le  sens  de 
ma  protestation.  J'avais  fait  des  vœux,  et  ces  vœux  sont  parfaitement 
sincères,  pour  qnf  les  œuvres  du  premier  se  répandent  de  plus  en  plus  ; 
mais  j'avais  constaté  que  le  temps  généralement  consacré  parmi  nous 
a  l'étude  de  la  philosophie  ne  permettait  guère  d'adopter  les  Institu- 
tiones  philosophicx  comme  livre  classique,  tandis  que  l'abrégé  que  le 
P.  Tongiorgi  a  fait  de  son  grand  ouvrage  répond  parfaitement  aux 
exigences  de  la  plupart  de  nos  écoles  (I).  Cei  Abrégé  est  court  et 
pourtant  assez  complet.  11  indique  toutes  les  grandes  questions  avec 

(1)  Cet  abrégé  vient  de  paraître  chi^z  M.  Marchessou,  imprimeur-édi- 
teur au  Puy,  en  2  vol.  grand  in-18.  Pris,  4  fr.  50.  On  le  trouve  à  Paris, 
chez  MM.  Lecoffre  et  Sarlit. 


L\    MATJÈPxt;    liT   LA    FORME.  3/i7 

leuus  principaux  arguments.  Ce  que  l'auteur  a  dû  resserrer  dans  un 
espace  trop  étroit,  se  trouve  plus  développé  dans  le  grand  ouvrage  (1). 
C'est  là  que  le  professeur  pourra  aller  puiser  la  matière  de  ses  expli- 
cations orales,  tandis  que  les  élèves  auront  entre  les  mains  un  texte 
concis,  clair,  méthodique. 

Peut-être  M.  F.  J.  connaît-il  un  ouvrage  qui  offre  a  un  plus  haut 
degré  ces  mômes  avantages.  Qu'il  nous  le  fasse  connaître,  et  sûrement 
ce  n'est  pas  moi  qui  en  dirai  du  mal.  Mais  en  attendant  qu'il  nous 
offre  quelque  chose  de  mieux,  il  était  au  moins  inopportun  de  dé- 
noncer le  livre  du  P.  Tongiorgi,  connu  propre  seulement  à  produire 
un  temps  d'arrêt,  sinon  un  recul,  dans  le  mouvement  qui  nous  ramène 
vers  la  doctrine  de  saint  Thomas.  M.  F.  J.  a  beau  dire  qu'en  parlant 
ainsi,  il  a  tout  simplement  énoncé  un  fait;  je  lui  réponds  qu'il  a  fait 
beaucoup  plus  :  il  a  supposé  décidée  une  question  qui  est  loin  de  l'être, 
et  sans  prendre  la  peine  de  démentir  ce  qui  est  pourtant  très-discutable, 
il  a  infligé  un  blâme  qu'il  n'avait  pas  le  droit  d'infliger.  Qui  ne  voit  en 
effet  que  si  le  sentiment  du  P.  Tongiorgi  est  vrai,  l'adoption  de  ce 
sentiment,  loin  d'altérer  la  doctrine  de  saint  Thomas,  lui  fera  faire  un 
progrés  réel?  Qni  ne  voit  également  que  la  dénonciation  de  M.  F.  J., 
publiée  par  un  journal  aussi  grave  que  celui-ci,  devait  avoir  pour  ré- 
sultat de  mettre  les  directeurs  de  nos  séminaires  en  garde  contre  un 
enseignement,  adopté  pourtant  dans  les  premières  écoles  de  Rome  ? 

C'est  cette  sévérité  à  l'égard  du  docte  professeur  du  Collège  romain, 
et  non  pas  du  tout  la  préférence  donnée  au  directeur  delà  Civiltà,  que 
je  me  suis  permis  de  blâmer.  Ce  n'est  pas  moi,  c'est  l'honorable  ano- 
nyme qui  a  cru  ne  pouvoir  mieux  relever  le  second  qu'en  rabaissant  le 
premier.  Je  persiste  à  croire  qu'en  cela  il  a  dépassé  le  but.  Je  ne  crois 
pas  que  l'autorité  de  saint  Thomas  ait  rien  à  gagner  à  ce  qu'on  mette 
son  nom  en  avant,  au  bas  d'arguments  sérieux,  pour  combattre  des 
opinions  consciencieuses,  et  du  reste  parfaitement  libres.  Si  le  mépris 
de  l'autorité  peut  faire  courir  à  la  saine  philosophie  de  grands  dangers, 
je  suis  persuadé  qu'elle  ne  peut  retirer  aucun  avantage  d'une  crainte 
excessive  de  la  hberté.  H.  Ramièke,  S.  J.. 

(1)  Les  Instilutiones  philosophicœ  du  P.  Tongiorgi,  2«  édit.  en  3  vol. 
iu-8,  se  trouvent  à  Paris  et  à  Lyon,  chez  PelagauU.  Prix,  7  i'r.  50. 


LITURGIE. 


DE   LA    CONSÉCRATION    DES  ÉGLISES   ET    DE    LA    FÊTE 
DE    LA    DÉDICACE. 


I.  De.  la  Consécration  des  églises.  —  II.  De  la  fête  de  la  Dédicace  en 
général.  —  111.  De  la  fête  de  la  Dédicace  de  toutes  les  églises  de 
France. 

On  nous  adresse,  depuis  longtemps  déjà,  quelques  difficultés  relatives 
à  la  fêle  de  la  dédicace.  Il  fallait,  pour  y  répondre,  reprendre  la  question 
tout  entière,  et  la  rattacher  à  celle  de  la  consécration  des  églises  qui, 
elle-même,  suivait  tout  naturellement  certains  points  déjà  traités  sur 
les  églises.  Nous  essayons  aujourd'hui  d'en  donner  un  aperçu. 

§  I.  —  De  LA  CONSÉCRATION  DES  ÉGLISES. 

1.  L'usage  de  consacrer  les  églises  remonte  aux  temps  apostoliques 
et  est  passé  de  l'Ancien  Testament  au  Nouveau.  Les  Souverains-Pon- 
tifes, auxquels  certains  auteurs  ont  attribué  l'introduction  de  ce  rit,  ont 
seulement  tracé  des  règlements  y  relatifs.  Plusieurs  historiens  ont  pré- 
tendu que  l'origine  de  la  consécration  des  églises  remontait  seulement 
au  pape  saint  Évariste  :  «  Sed  multo  certius  est,  dit  le  cardinal  Bona 
«  [Rerum.  liturgie.,  1.  i,  c.  xx,  §  3),  apostolicum  institutum  esse, 
«  nisi  dicamus  ab  hoc  Pontifice  scriplo  promulgatum,  quod  sola  tradi- 
«  tione  ab  antecessoribus  acceperat.  Aut  forte  addidit  adveteres  caere- 
«  monias,  ut  sine  MissiB  sacrificio  basilicœ  non  consecrarentur,  ut  ex 
«  illo  referunt  canonum  collectores.  » 


LITURGIE.  3/i9 

D'autres  ont  enseigné  qu'aucune  église  ne  fut  consacrée  avant  le 
règne  de  Constantin.  Ceci  doit  être  entendu,  non  pas  de  la  consé- 
cration, mais  des  cérémonies  publiques,  qui.  ne  pouvaient  avoir  lieu 
pendant  les  persécutions.  Il  suifit,  pour  en  être  convaincu,  de  savoir: 
1°  que  les  chrétiens  ont  toujours  eu  leurs  églises  ;  2°  que  ces  églises 
ont  été  dédiées  au  culte  par  des  cérémonies  spéciales,  à  l'exemple  des 
temples  de  l'ancienne  loi,  et  par  une  institution  qui  remonte  aux  sainis 
Apôtres. 

i.  Les  chrétiens  ont  toujours  eu  leurs  églises,  ou  en  d'autres  fermes, 
des  lieux  consacrés  à  Dieu  pour  la  prière  et  la  réunion  des  fidèles.  C'est 
l'apôtre  saint  Paul  qui  nous  le  témoigne  en  disant  (I  Cor.  xi,  48  et 22)  : 

«  Convenientibus  vobis  inecclesiam  audio  scissuras  esseinter  vos 

«  Numquid  domos  non  habetis  ad  manducandum  et  bibendum,  aiit 
«  ecclesiam  Deicontemnitis?»  Le  mot  ecclesiam  ào\t  s'entendre  ici  non 
pas  de  la  réunion  des  fidèles,  comme  dans  d'autres  passages,  mais  du 
lieu  même  de  cette  réunion  :  «  Quemadmodum,  dit  saint  Basile,  ex- 
«  phquant  ce  texte  de  l'Apôtre  (Reg.  Brev.  Int.  .310),  ratio  non  per- 
ce mittit  ut  vas  ullum  commune  in  sancta  introferatur,  eodem  modo 
«  etiam  vetat  sancta  in  domo  communi  celebrari.  »  Saint  Augustin  dit 
la  même  chose  {in  Lev'it.  q.  57):  «  Ecclesia  dicitur  locus  quo  ecclesia 
«  coQgregatur.  Nam  ecclesia  homines  sunt,  de  quibus  dicitur,  iit 
«  exhiberet  gloriosam  ecclesiam.  Ilanc  tamen  vocari  etiam  ipsam 
«  domum  orationum,  idem  Apostolus  testis  est,  ubiait:  Numquid 
«  domos  non  habetis  ad  mandîicandum  et  bidendum,  aut  ecclesiam 
«  Dei  contemnitis?  Et  hoc  quotidianus  loquendi  usus  oblinuit,  ut  ad 
«  ecclesiam  prodire,  aut  ad  ecclesiam  confugere  non  dicatur,  nisi  qui 
«  ad  locum  ipsum  parietesque  prodierit,  vel  confugerit,  quibus  ecclesiae 
«  congregatio  continetur.  » 

2.  Ces  églises  ont  été  dédiées  au  culte  par  des  cérémonies  spéciales 
et  par  une  institution  qui  remonte  aux  saints  Apôtres.  Nous  lisons,  en 
elïet,  dans  un  ancien  Martyrologe,  au  1"  août  :  «  Romae,  dedicatio 
«  primse  ecclesiae  a  B.  Petro  constructse  et  conservatae  ;  »  et  dans  le 
Martyrologe  de  Nolker  :  «  Romae,  statio  ad  S.  Petrum  ad  vincula, 
u  quam  ecclesiam  ipse  primus  in  Europa  construxit  et  consecravil.  » 


350  LITIRGIE. 

Saint  Léon,  dans  son  discours  sur  les  Machabées,  dont  la  fête  est  au 
même  jour,  dit  :  «  Gratias,  dilectissimi,  agamus  Domino  Deo  nostro, 
«  quod  quanta  sit  hujus  diei  solemnitas.  ïanto  enim  conspiranli  studio 
«  et  devoto  anirao  convenisti,  ut  feslivitatis  magnificentiam  elsi  sermo 
«  non  indicet,  congregatio  tamen  ipsa  testetur.  Et  recte  :  duplex  enino 
«  laetitiae  causa  est,  in  qua  natalera  ecclesiae  colinius,  et  raartyrum 
«  passione  gaudemus.  » 

Nous  lisons  dans  les  Actes  de  saint  Marcel  et  dans  les  Bollandistes 
au  16  janvier:  "  B.  Lucina  fecit  donationem  de  faciiltate  sua,  et  ex 
«  omnibus  qua3  habuit,  ecclesiae  catholicaÊ:  hoc  audiens  Maximianus 
«  Auguslus,  indignatus  proscriptione  eam  damnavit  :  illa  autera  ro- 
«  gavit  S. Marcellum  episcopum.ut  domum  ejus  ecclesiam  consecraret, 
«  quod  cum  omni  devolione  fecit  Marcellus  episcopus.  » 

II.  Ces  témoignages,  et  bien  d'autres  qu'il  serait  trop  long  de  rap- 
porter, nous  montrent  que  la  consécration  des  églises  remonte  aux 
temps  apostoliques.  Mais  ce  fut  surtout  après  la  conversion  de  l'empereur 
Constantin  que,  la  paix  ayant  été  rendue  à  l'Eglise,  on  commença  à 
construire  des  temples  au  Seigneur  et  à  les  consacrer  avec  une  grande 
solennité.  «  Votivum  nobis  ac  desideratum  spectaculum  jiraebebatur, 
«  dit  Eusèbe  deCésarée  {Hist.,  1.  x,  c.  3),  dedicationumscilicetfesti- 
«  vitas  per  singulas  urbes,  et  oratoriorum  recens  structorum  consecra- 
«  tiones...  Jam  vero  antistitum  absolutissiraai  caeremoniae,  et  accurata 
«  sacrificia  sacerdotum,  et  divini  quidam  augustique  Ecclesiae  ritus, 
«  hinc  psalmos  canentium,  et  reliquas  nobis  divinitus  traditas  voces 
«  auscullantium,  illinc  divina,  et  arcana  obeuntium  ministeria.  »  El 
quoiqu'un  seul  évêque  puisse  consacrer  une  église,  on  avait  alors, 
comme  il  se  pratique  encore  de  nos  jours,  lusage  d'en  inviter  plusieurs 
à  cette  cérémonie  solennelle.  Le  temple  que  Constantin  fit  ériger 
sur  le  sépulcre  du  Sauveur  fut  consacré  par  un  grand  nombre  d*é- 
véques  réunis  en  concile  qui  en  consacrèrent  ensuite  plusieurs  autres, 
a  Circa  tricesimum  aimum  imperii  Constantini,  dit  Sozomène  (1.  ii, 
«  c.  xxvi),  absoluta  jam  ecclesia  Hierosolymis  in  Calvariae  loco,  quae 
c(  magnum  Marlyriura  (i)  appellatur,  Marianus  quidem  non  raediocri 

(1)  V.  lom.  VTU  de  celte  Rerue,  p.  56;J. 


LITURGIE.  351 

«  dignilale  praeditus,  imperatoris  notarius,  Tyruin  ingressus,  epi- 
«  scopis  in  concilio  congregatis  imperatoris  porrexit  epistolam,  qua 
«  eos  hortabatur  ul,  confeslim  profecii,  ecclesiam  illic  dedicarent.  « 
Théodoret  ajoute  {Hist.^  1.  i,  c.  xxxi)  :  «  Imperator  universura  con- 
«  cilium  relicta  Tyro  ^Eliam  proficisci  jusserat,  aliosque  complures 
«  undequaqueeo  corivenire  prseceperat,  ut  basilicas  ab  ipso  constructas 
«  dedicarent.  »  Les  anciens  iiistoriens  rapportent  de  plus  qu'à  la 
consécration  de  l'église  d'Antioche,  qui  fut  nommée  Dominicum 
aureum  (i)  à  cause  de  sa  magnificence,  il  y  avait  quatre-vingts évêques 
qui  célébrèrent  un  concile.  Ce  concile  fut  appelé  Synodus  in  encœniis. 
Le  mot  Encœnia  signifiait  dès  lors  la  consécration  d'une  église  neuve, 
comme  le  dit  Du  Gange  dans  son  dictionnaire,  au  mot  Encœnia.  Ce 
concile  fut  célébré  à  Antioche  l'an  341;,  et  Socrate  en  parle  en  ces 
termes:  «  Concilium  Antiochiae  in  Syria  curai  congregari,  prœlextu 
«  quidem  dedicandae  ecclesiae,  quam  Augustorum  pater  Conslantinus 
«  aîdificare  cœperat;  post  ejus  autem  obilum  Constantius  filius,  dccimo 
«  post  anno  quam  facta  fuerant  fundamenta,absolverat  »  Saint  Au- 
gustin, dans  une  lettre  à  Nobilius,  s'excuse  de  ne  pouvoir  assister  à  la 
dédicace  d'une  église:  «Tantaest  solemnitas,  ad  quam  me  affectus  tuae 
«  fraternitatis  invitât,  ut  corpusculum  meum  ad  vos  traheret  voluntas, 
«  nisi  tcneret  infirmitas.  1)  S.  Gaudens, contemporain  du  saint  docteur;, 
dans  son  écrit  sur  la  dédicace  de  la  basilique  des  Quarante-Martyrs, 
dit  :  «  Convenerunt  igitur  sanctissimi  antislites  et  apostolici  viri  ad 
«  persolvendura  beatissimis  Patribus  et  praeceptoribus  suis  debitae 
«  devotionis  obsequium,  ul  uberlate  pleiiissima  benedictionum  spiri- 
M  tualium  ditaremur.  »  On  sait  que  la  consécration  de  la  basilique  de 
la  B.  Vierge  Marie  Trans-Tiherim  fut  faite  par  Innocent  111,  assisté 
de  tous  les  cardinaux  et  évêques  rassemblés  pour  le  quatrième  concile 
œcuménique  de  Latran,  et  que  Pie  IX  profila  de  la  présence  d'un  grand 
nombre  d*  prélats,  réunis  dans  la  ville  sainte  à  cause  de  la  promulga- 
tion du  dogme  de  l'Immaculée-Gonception,  pour  consacrer  la  basilique 
de  Saint-Paul. 

(1)  V.  tom.  VJii,  p.  6ôi. 


352  LITURGIE. 

III.  Les  évoques  convoqués  à  la  consécration  des  églises  ne  le  sont 
pas  seulement  comme  témoins  de  la  cérémonie,  mais  il  peuvent  l'être 
et  l'ont  été  souvent  comme  coopérateurs  :  quoique  la  partie  principale 
appartienne  de  droit  à  un  seul,  qui  est  l'ordinaire  du  lieu  ou  un  autre 
par  lui  délégué,  plusieurs  peuvent  être  délégués  pour  consacrer  les  dif- 
férents autels  et  les  murs.  Nous  lisons  dans  les  Actes  du  concile  de  Reims 
sous  Léon  IX  ce  qui  se  passa  à  la  consécration  de  la  basilique  de  l'archi- 
raonastère  de  Saint-Remi  :  «  Domnus  Papa,  convocatis  episcopis,  intra 
«  dedicandi  monasterii  abdita,  singulis  singula  ad  consecrandum  dele- 
«  gavit  altaria  :  Remensem  vero  archiepiscopum  cum  Lisogiensi  epi- 
«  scopo  certam  circuitionem  cum  crucibus  et  sanctorum  reliquiis  secun- 
«  dum  ecclesiasticum  ordinem  exterius  constituit  agere ,  ibique 
«  consecrationis  ofticium  adiraplere  ;  ipse  vero  cum  sibi  necessariis 
«  reraanens  interius,  divini  tabernaculi  sanctificationem  strenue  dili- 
«  genterque  exequitur.  «Catalani,  d'où  nous  tirons  une  grande  partie 
de  ces  documents;,  nous  cite  cet  autre  exemple  (ibid.,  n.  10).  «  Aliud 
«  ejusdem  rei  exemplum  quidem  luculentissimum  in  dedicatione  eccle- 
«  siae  majoris  monasterii  Turonensis,  celebrata  ab  Urbano  11  pontifice 
c<  maximo,  in  qua  Rodulphus  Turonensis  antistes,  qui  jam  decennio 
«  ejusdem  monasterii  monachos  persequebatur,  jubente  Papa,  san- 
«  ctorura  pignora  sub  dominico  altari  propriis  manibus  collocavit, 
«  sanctasque  reliquias  una  cum  Hugone  Lugdunensi  archiepiscopo  ex 
«  capella  inûrmorum,  ubi  pernoctarant,  propriis  adportavit  bumeris, 
«  et  alphabetum  Latinum  descripsit;  Rangerius  vero  ex  monacho  me- 
«  morati  monasterii  ob  egregias  virtules  factus  archiepiscopus  Re- 
«  giensis  et  cardinalis,  Graecum  ;  cœmeterium  autem  ab  eodem  Ran- 
«  gerio  et  Brunone  Siginensi  episcopo  sacratum  est.  (n  dedicatione 

«  denique  ecclesise  S.  Benedicli  monasterii  Casinensis decem  ar- 

«  chiepiscopi  et  quadragiuta  très  episcopi  interfuere  :  Papa  quidem 
«  altaria  duo,  id  est  S.  Benedicti  et  S.  Joannis  consecravit;  altare  vero 
«  beatae  Mariae  episcopus  Tusculanus,  altare  S.  Gregorii  Hubaldus 
«  Savinensis,  altare  tandem  S.  Nicolai  Erasmus  episcopus  Pegrinus.  » 
La  même  chose  a  été  faite  à  la  consécration  de  la  métropole  de  Notre- 
Dame  de  Paris,  le  31  mai  1864  ;  un  grand  nombre  d'évêques assistaient 


LITURGIE.  353 

à  cette  cérémonie,  et  plusieurs  prélats  ont  consacré  des  autels  et  fait 
les  onctions  aux  piliers  de  la  basilique. 

IV.  Comme  les  documents  cités  nous  montrent  clairement,  il  serait 
bien  à  désirer  que  toutes  les  églises  fussent  consacrées.  Une  simple 
bénédiction  faite  par  un  prêtre  délégué  par  l'ordinaire  suffit,  à  la  vérité, 
pour  qu'on  puisse  y  célébrer  le  saint  sacrifice  de  la  Messe,  comme 
l'exprime  la  rubrique  du  Rituel  romain.  Geite  bénédiction  est  intitulée  : 
«  Ritus  benedicendi  novam  ecclesiam,  seu  oratorium  publicum,  ut  ibi 
a  SS.  Missse  sacrificium  celebrari  possit.  »  On  lit  ensuite  la  rubrique 
suivante  :«  Sacerdos  novam  Ecclesiam  delicentia  episcopi  benedicturus, 
«  ut  in  ea  divinum  sacrificium  Missae  rite  celebretur,  stola  ac  pluviali 

«  albi  coloris  indutus »  A  la  fin  il  est  dit:  «Ecclesia  vero  quamvis 

«  a  simplici  sacerdole,  ut  supra,  sit  benedicta,  ab  episcopo  tamen 
«  consecranda  est.  »  La  rubrique  du  Rituel  n'exprime  pas  simplement 
ici  que  le  prêtre  ne  peut  jamais  être  ministre  de  la  consécration  ;  mais 
elle  exprime,  comme  il  a  été  dit  t.  viii,  page -502  de  cette  Revue,  que 
cette  bénédiction  se  fait  provisoirement,  en  attendant  que  l'église  puisse 
être  consacrée.  On  peut,  en  effet,  avoir  besoin  de  s'en  servir  avant  le 
temps  où  l'évêque  pourra  le  faii'e^  et  avant  que  les  travaux  nécessaires 
ne  soient  terminés.  Cetle  interprétation,  qui  ressort  assez  du  texte  même 
de  la  rubrique,  est  donnée  par  les  auteurs.  «  Renedictio,  dit  Rarruffaldi 
«  (tit.  72,  n.  88),  est  in  subsidium,  et  ad  modum  provisionis,  non 
«  autem  de  natura  loci  tam  digni,  qui  de  jure  consecrandus  est.  » 
Le  titre  du  rit  de  la  réconciliation  d'une  église  violée  suffirait,  du 
reste,  pour  nous  en  convaincre.  Il  est  conçu  en  ces  termes  :  «  Ritus 
«  reconciliandi  ecclesiam  violatam  si  nondum  erat  ab  episcopo  con- 
«  secrata.  » 

Aujourd'hui,  dans  diverses  contrées,  peu  d'églises  sont  consacrées, 
et  l'on  se  contente  d'une  simple  bénédiction.  Cependant,  divers  conciles 
prescrivent  la  consécration,  et  Renoît  XIU,  dans  un  concile  tenu  à 
Rome,  ordonna  aux  évêques  de  consacrer  leurs  églises.  Nous  lisons  au 
canon  I  d'un  concile  tenu  à  Londres  en  1237  :  «  Rasilicarura  dedicalio 
«  a  vetcri  testamento  initium  dignoscitur  habuisse,  et  in  novo  est  a 
a  sanctis  patribus  observata.  In  quo  est  eo  dignius  etstudiosius  facienda, 

Uevue  des  Sciences  eixlés,,  t.  x. —  octobbe  1804.  24- 


854  LITURGIE. 

«  quo  in  illo  offerebantur  laiilum  liostia  animalium  mortuorum,  in  illo 
«  vero  cœlestis  bostia  viva  et  vera,  ipse  scilicet  Unigenitus  Dei  Filius 
«  in  altari  offertur  pro  nobis,  manibus  sacerdotis.  Quare  statuerunt 
«  provide  sancti  Patres,  ne  in  aliislocis,  quam  Deo  dicatis,  nisi  neces- 
«  sitatis  causa,  celebraretur  ofBcium  tani  sublime.  Porro  quia  vidimus 
a  per  nos  ipsos,  et  a  plerisque  audiviraus  lam  saiubre  ministerium 
«  contemni,  vel  saltem  negligi  a  nonnullis,  dum  multas  invenimus  ce- 
ci clesias,  et  etiam  cathédrales,  quae  licef  sint  ab  antique  construclae, 
«  nondura  tamen  sunt  consecratae  oleo  sanctificationis  :  volentes  hiiic 
«  periculosae  negligentiae  obviare,  slatuimus,  et  statuendo  praecipimus, 
«  ut  omnes  ecclesiae  cathédrales,  conventuales  et  parochiales^  quae 
«  perfectis  parietibus  sunt  constructae  infra  biennium  per  diœcesanos 
«  Episcopos,  ad  quos  pertinent,  vel  eorum  auctoritate  per  alios  con- 
«  secrentur,  sicque infra  simile  tempus  fiât  de  cseteris  construendis.  » 
Bientôt  le  méofie  concile  décréta  que  toutes  les  églises  fussent  consacrées  - 
dans  l'espace  de  deux  années,  sous  peine  d'être  interdites,  à  moins 
d'une  cause  raisonnable,  Benoît  XllI,  pendant  son  episcopat  et  son 
cardinalat,  et  même  pendant  son  souverain-pontificat,  et  à  un  âge  très- 
avancé,  consacra  beaucoup  d'églises  en  divers  endroits,  et  surtout  à 
Rome.  Dans  le  concile  qu'il  tint  à  Saint-Jean  de  Latran,  l'an  du 
jubilé  1725,  il  prescrivit  que  les  églises  simplement  bénites  fussent 
promptement  consacrées  ;  et  l'on  doit  entendre  ici  au  moins  les  églises 
cathédrales  et  paroissiales.  Nous  lisons  au  tit.  xxv,  ci:  «  Antiqua 
«  mandant  sanctorum  Patrum  décréta,  ut  sicut  non  alii  possunt  quam 
«  sacrati  Domino  sacerdotes  sacra  peragere,  et  hostias  offerre  super 
«  altare  ;  ita  non  alibi,  nécessitas  nisi  summa  coegerit,  quam  in  Deo 
«  dedicatis  locis,  id  est  in  tabernaculis,  divinis  ab  episcopo  precibus 
«  delibatis,  divina  debeant  sacrificia  celebrari.  Incumbant  quocirca 
et  episcopi,  ut  ecclesiae  saltem  cathédrales  et  parochiales,  et  majora 
«  ipsarum  altaria,  quae  adhuc  perfecta  non  sunt,  nec  dedicata,  infra 
«  annum,  si  fieri  poterit,  in  civitatibus,  per  diœceses  vero  infra  bien- 
«  nium,  omnino  perficiantur,  et  solemniler  consecrentur.  » 

V.  1.  La  veille  du  jour  où  une  église  doit  être  consacrée,  l'évêque 
qui  doit  faire  cette  cérémonie  et  toutes  les  personnes  à  la  demande 


LITURGIE.  355 

desquelles  cette  consécration  doitêtre  faite,  sont  tenus  au  jeûne.  Nous 
lisons  en  effet  dans  le.  Pontifical  cette  rubrique  :  «  Pontifex  consecrans, 
«  et  qui  petunt  sibi  ecclesiam  consecrari,  praecedenti  die  jejunare 
a  debent.  » 

2.  Ce  jeûne  n'est  pas  un  simple  conseil,  mais  une  obligation  :  elle 
atteint  les  personnes  qui  demandent  la  consécration  de  l'église. 

Deux  décrets  viennent  à  l'appui  de  cette  règle. 

l^r  Décrs;t.  Questions,  a  i.  An  jejuniura  in  Pontificali  Romano 
«  praîscriptum  iis  a  quibus  consecratur  ecclesia,  sit  strictae  obliga- 
«  tionis,  seu  potius  tantum  de  consilio?  2.  An  sit  locale  tantum,  an 
a  personale  ;  seu  potius  locale  et  personale  simul?  »  Réponses,  v  Ad  1 . 
«  Jejunium  in  Pontificali  romano  praescriptum  esse  strictae  obligationis 
«  pro  episcopo  consecrante,  et  pro  iis  tantum,  qui  petunt  sibi  ecclesiam 
«  consecrari.  Ad  2.  Négative  quoad  primam  partem,  affirmative  quoad 
«  secundam.  »  (Décret  du  29  juillet  1780,  n°  4400,  q.  1  et  2.) 

2«  DÉCRET.  «  Gum  in  diœcesi  Camberien.  diversae  circumferantur 
«  opiniones  circa  personas  adactas  servare  jejunium  in  pervigilio  dédi- 
er cationis  ecclesiie,  RR.  episcopus  Camberien.  S.  R.  C.  humillime 
«  rogavit  ut  declarare  dignaretur  a  quibus  sit  idem  jejunium  servandum? 
«  Et  EE.  ac  RR.  PP.  sacris  ritibus  tuendis  praepositi  respondendura 
«  censuerunt  :  Missis  opinionibus,  servetur  decretum  in  Mechlinien. 
«  die  29  julii  1780.  »  (On  relate  ensuite  la  décision  citée  ci-dessus.) 

VI.  La  consécration  des  églises  peut  se  faire  tous  les  jours  ;  mais  il 
est  plus  convenable  de  choisir  un  jour  de  dimanche  ou  la  fête  d'un  saint. 
Cette  cérémonie  n'emporte  pas  avec  elle,  pour  le  jour  où  elle  se  fait, 
l'obligation  de  s'abstenir  des  œuvres  serviles. 

La  première  partie  de  cette  règle  se  trouve  textuellement  dans  le 
Pontifical  :  «  Ecclesiarum  consecratio,  quamvis  omni  die  de  jure  fieri 
a  posait,  decentius  tamen  in  dominicis  diebus  vel  sanctorum  solemni- 
«  tatibus  fit.  »  La  seconde  partie  est  appuyée  sur  ce  décret.  Question. 
«  An  si  ecclesia  consecretur  die  feriali,  sitne  feslum  observandum  in 
«  populo  tali  die  cum  ob'igatione  in  hujusmodi  loco  abstinendi  ab  ope- 
«  ribus  servilibus,  et  audiendi  s.  missam?  »  Réponse.  «  Négative.  » 
(Décret  du  29  juillet  1780,  no  4400,  q.  3.) 


356  LITURGIE. 

VII.  La  consécration  d'une  église  ne  peut  pas  se  faire  séparément  de 
celle  de  raïUel  principal. 

Cette  règle  résulte  du  texte  même  du  Pontifical,  qui  indiquerait  la 
manière  de  faire  cette  cérémonie  si  elle  pouvait  être  faite,  comme  il 
donne  dans  un  paragraphe  spécial  les  règles  à  suivre  pour  la  consé- 
cration de  l'autel  sans  la  consécration  de  l'église.  De  plus,  la  Sacrée 
Congrégation  a  plusieurs  fois  déclaré  cette  pratique  illicite,  d'abord  par 
un  décret  du  24  mai  1844,  cité  ci-après  n'  VIII  et  par  le  suivant. 
«  RR.  Domine  uti  frater...  Prudenti  quidera  consilio  A.  T.  in  exe- 
«  quenda  consecratione  duarum  ecclesiarum  parochialium  istius  Fe- 
«  sulanae  diœcesis  non  acquiescens  opinioni  eorum,  qui  autumabant 
«  exequi  posse  consecrationeni  absque  dedicatione  altaris  a  Ponti- 
«  ficali  romano  et  a  decretis  omnino  requisita,  una  cum  ecclesiis 
«  altaria  etiam  dedicavit.  Cum  vero  litteris  datis  hoc  ipso  vertente 
«  anno  15  kal.  augusti  S.  R.  C.  sententiam  Amplitude  Tua  requirat, 
«  eique  sequens  dubium  expendendura  proponat  :  An  ecclesia  antea 
«  per  siraplicem  ritualis  benedictionem  ad  divini  cultus  servitium  apta 
«  reddita,  cujus  altaria  ad  incruentum  super  iisdem  litandum  Sacrificium 
«  absque  consecratione  lapide  tantum  sacratosunt  communita,  possitli- 
«  cite  consecrari,  quin  eodem  tempore  altare  consecretur?  Sacra  eadem 

c(  Congregatio ,  proposito  dubio  negativam  responsionem  dandam 

«  censuit,  ac  in  ecclesiarum  consecratione  altaris  omnino  dedicationem 
«  juxta  Pontificalis  romani  regulam,  et  ad  decretorum  praescriptum 
«  requiri  declaravit.  »  (Décret  du  12  aotit  1854,  n"  5204-.) 

VIII.  Après  la  consécration  d'une  église,  il  convient  que  le  Pontife 
célèbre  solennellement  la  Messe.  S'il  était  trop  fatigué,  il  pourrait  la 
faire  célébrer  par  un  prêtre. 

Cette  règle  ressort  du  texte  môme  de  la  rubrique  du  Pontifical.  Après 
la  dernière  oraison,  il  est  dit  :  «  Quo  dicto,  Pontifex  accedit  ad  sacri- 
stiam  sive  sacrariura,  ubi,  deposito  pluviali,  si  celebrare  voluerit,  quod 
«  conveniens  est,  accipit  sandalia,  dicens  psalmum  Quam  dileda,  cum 
«  aliis.  Deinde  lotis  manibus  accipit  omnia  paramenta  pontificalia  albi 
«  coloris....  Si  vero,  fatigatus  nimis,  celebrare  noluerit,  facit  Missam 
<(  solemniter  per  aliquem  sacerdotem  celebrari.  » 


LITURGIE.  357 

Il  suit  de  là  que  régulièrement  l'évêque  consécrateur  doit  célébrer 
lui-même  la  Messe  solennelle.  S'il  ne  pouvait  pas  le  faire,  à  cause  de 
la  fatigue  résultant  d'une  aussi  longue  cérémonie,  il  faudrait  néanmoins 
que  cette  Messe  fût  célébrée,  comme  on  le  voit  clairement  par  la  ru- 
brique. Mais  le  Pontife  peut-il,  en  vertu  de  cette  même  rubrique, 
déléguer  un  prêtre  pour  cette  fonction,  sans  avoir  obtenu  une  dispense 
du  Saint-Siège?  Le  continuateur  de  Catalani  (§  lxxviii,  no5)  tiendrait 
pour  l'affirmative  ;  cependant  il  cite  une  dispense  spéciale  accordée  sur 
ce  point,  dispense  que  l'on  n'accorderait  pas  si  elle  n'était  pas  jugée 
nécessaire.  «  Pontifex  igilur,  dit-il,  Missam  solemnem,  peracta  conse- 
a  cratione,  celebrare  débet,  nisi  ob  fatigationem  hanc  celebrari  mandet 
«  ab  aliquo  sacerdote  ;  ita  patet  ex  rubrica  quae  superius  descripta  est. 
«  Hinc  est  quod  nuUatenus  capiamus  ralionem  quare  episcopus  Oppi- 
«  densis  ad  Summum  Pontificem  récurrent,  indulgeri  sibi  petens  nt 
«  posset  Missam  hanc  solemnem,  cujus  celebratio  ipsi  impossibilis  facta 
«  erat  ob  setatis  et  valetudinis  imbecillitatem,  ab  alio  sacerdote  cele- 
«  brandam  relinqueret.  Attamen  expresse  concessa  est  talis  dispensatio, 
«  die  24  mail  1844.  Peritiores  judicent  de  necessitate  concessionis 
«  sicut  et  de  petilionis  opportunitate.  »  La  dispense  dont  il  est  ici 
question  est  conçue  comme  il  suit.  «  Cum  RR.  Oppiden.  episcopus 
«  praenoscat  ob  gravera  suam  aetatem  non  sine  considerabili  valetudinis 
«  dispendio  perficere  baud  posse  juxta  formam  in  Pontificali  praescri- 
«  ptam  imminentem  consecralionera  novae  suae  cathedralis  ecclesiae,  ac 
«  proinde  SS.  D.  N.  Gregorium  XVI,  pontificem  maximum,  enixe  rô- 
ti garit  indultum  hanc  ipsam  sacram  caeremoniara  exequendi  duobus 
«  consecutivis  diebus,Sanctitas  Sua,  referente  me  subscripto  S.  R.  C. 
«  secretario,  de  speciali  gratia  ita  annuit  bénigne  ut  uno  eodemque  die 
«  peracta  omnino  consecratione  ecclesiae  et  altaris  majoris  ab  ipso 
«  episcopo,  poterit  per  alium  sacerdotem  Missa  celebrari,  qua  fmita 
«  Episcopus  solemniter  populum  benedicet,  indulgentiara  publicabit,  et 
«  diem  anniversariam  ad  recolendam  consecralionera  assignabit.  Alia 
«  vero  die  quaecuraque  consecrari  polerunt  caetera  altaria,  strictim 
«  servalis  omnibus  a  Pontificali  Romano  praescriptis,coutrariisquibus- 
((  cumque  disponentibus  minime  obstantibus.  »    (Décret  du  24  mai 


358  LiTurxGiE. 

1844,  n°  4976.)  S'il  nous  est  permis,  à  nous  aussi,  de  dire  notre  sen- 
timent sur  la  poriée  de  celte  décision,  nous  n'y  trouvons  rien  qui  puisse 
faire  révoquer  en  doute  le  droit  de  l'évêque  consécrateur  de  déléguer 
un  prêtre  pour  célébrer  la  Messe  s'il  croit  avoir  un  motif  suffisant.  La 
demande  de  Mgr  l'évêque  d'Oppido  n'a  pas  pour  objet  la  dispense  de 
célébrer  lui-même  la  Messe  ;  mais  de  faire  en  un  seul  jour  toutes  les 
cérémonies  de  la  consécration  :  et  on  lui  répond  en  traçant  l'ordre  de 
choses  à  faire  d'après  la  rubrique  même  du  Pontifical,  et  en  déclarant 
quelles  sont  les  choses  essentielles.  Le  Pontife  pourra  se  contenter  de 
consacrer  l'église  et  le  grand  autel,  puis  faire  célébrer  la  Messe  par  un 
prêtre.  Quant  aux  autres  autels,  comme  rien  n'oblige  à  les  consacrer  le 
même  jour,  le  prélat  fera  cette  cérémonie  quand  il  le  jugera  convenable. 

§   2.   DE   LA   FÊTE   DE   LA   DÉDICACE. 

Le  jour  de  la  consécration  d'une  église,  la  Messe  solennelle  qui  se 
célèbre  par  l'évêque  ou  par  un  prêtre,  comme  il  vient  d'être  dit,  est  la 
Messe  de  la  dédicace,  et  les  membres  du  clergé  de  l'église  que  l'on 
consacre,  doivent  réciter  l'office  de  la  dédicace,  en  commençant  à  la 
partie  de  l'office  qui  correspond  à  l'heure  du  jour  à  laquelle  se  fait  la 
consécration,  c'est-à-dire  à  Tierce,  si  toutefois  la  solennité  du  jour  ne 
s'y  oppose  pas.  Jusqu'à  ce  moment,  l'office  est  celui  du  jour. 

La  première  partie  de  cette  règle,  relative  à  la  Messe  solennelle  du 
jour  de  la  dédicace,  est  dans  le  texte  même  du  Pontifical  :  «  Missa  di- 
<i  citur  ut  in  Missali,  in  ipsa  die  consécration is  ecclesiae.  » 

La  deuxième  partie,  concernant  l'office,  repose  sur  les  décrets  sui- 
vant. 

l*""  Décret.  Question.  «  Officium  dedicationis  ecclesife  particularis, 
«  quod  cum  octava  celebratur,  debetne  tam  privatim  quam  publiée  in- 
8  choari  primis  vesperis  pridie  dedicationis  cum  matutino  ejusdem 
«  festi,  vel  incipere  tantum  consecratione  ecclesiae  facta^id  est  circum 
«  circiter  ad  horas  minores?  n  Réponse. n  Négative  ad  primampartem, 
*«  affirmative  ad  secundam  ;  et  a  clero  tantum  servilio  ecclesiae  strictim 
«  addicto.  »  (Décret  du  23  mai  18.35, ii°  4742,  q.  1.) 


LITURGIE.  359 

2«  DÉCRET.  ((  Officium  dedicationis  ecclesiae...  solum  inchoandum 
«  esse  peracla  consecralione  ab  hora  minori  tertia.  «(Décret  du  7  déc. 
1844,  n»  4979.) 

Nous  avons  ajouté  :  Si  la  solennité  du  jour  ne  s'y  oppose  pas.  Il  est, 
en  effet,  des  jours  où  l'on  ne  peut  jamais  dire  une  autre  Messe  que  la 
Messe  du  jour;  il  en  est  d'autres  dont  l'office  ne  peut  jamais  être  trans- 
féré. La  rubrique  du  Pontifical,  qui  n'en  parle  pas,  ne  pourrait  cepen- 
dant ne  pas  les  excepter.  «  Verba  Pontificalis  sint  ita  intelligenda, 
0  dit  Gavalieri  (décret  I,  n°  63),  ut  non  contrarientur  rubricis  Missalis, 
«  el  loges  non  adversentur  legibus,  » 

II.  Les  jours  auxquels  on  ne  peut  dire  la  Messe  votive  de  la  dédi-» 
cace  le  jour  même  de  la  consécration  d'une  église  sont  le  premier  di- 
manche de  l'Avent,  le  mercredi  des  Cendres,  le  premier  dimanche  du 
Carême,  le  dimanche  des  Rameaux  et  tous  les  jours  de  la  semaine 
sainte,  les  dimanches  de  Pâques  et  de  la  Pentecôte  avec  les  deux  jours 
suivants,  les  jours  de  Noël,  de  l'Epiphanie,  de  l'Ascension  et  du  très- 
sàint  Sacrement. 

Nous  déduisons  cette  règle  de  la  rubrique  du  Missel  relative  à  la  fête 
du  titulaire  do-nt  l'office  serait  transféré  (Part,  i,  tit.  vi).  «  In  ecclesiis 
«  autem,  iibi  titulus  est  ecclesiae  vel  concursus  populi  ad  celebrandum 
«  festura  quod  transferri  débet,  possunt  cantari  duae  Missae,  una  de 
«  die,  alla  de  festo,  excepta  dominica  prima  Adventus,  feria  quarta 
«  Cinerum,  dominica  prima  Quadragesimse,  dominica  Palmarum  cum 
«  tota  hebdomada  majori,  dominica  Resurrectionis  et  dominica  Pente- 
a  costes  cum  duobus  diebus  sequentibus,  die  Nativitatis  Domini, 
«  Epiphaniae,  Ascensionis,  et  festo  Corporis  Christi.  »  11  semble  que 
Ton  peut  appliquer  à  la  dédicace  d'une  église  ces  paroles  :  Ubi  est 
concursus  populi  ad  celebrandum  festum  quod  transferri  débet. 

111.  Si  l'on  fait  une  consécration  d'église  un  des  jours  ci-dessus 
énumérés,  la  Messe  est  celle  du  jour,  avec  mémoire  de  la  dédicace, 
dont  on  dit  les  oraisons  sous  une  même  conclusion  avec  l'oraison  du 
jour. 

Telle  est  la  règle  donnée  par  les  auteurs.  Elle  se  déduit  de  celles 
que  nous  avons  posées  t.  VI,  p.  371  de  cette  Revue,  pour  une  solennité 


360  LITURGIE. 

transférée.  Cavalieri  compare  aussi  cette  Messe  à  celle  de  l'anniver- 
saire de  la  consécration  d'un  évéque,  où  l'on  joint  aussi  l'oraison  de 
cette  Messe  à  celle  du  jour,  s'il  est  empêché.  On  ajouterait  ensuite  les 
mémoires  de  la  Messe  du  jour  suivant  les  règles  données  t.  VI,  p.  362. 

IV.  Les  fêtes  dont  l'office  l'emporte  sur  celui  de  la  dédicace  sont 
celles  de  Notre-Seigneur  et  de  la  sainte  Vierge  du  rit  double  de  pre- 
mière classe,  de  la  Nativité  de  saint  Jean-Baptiste,  des  SS.  Apôtres 
Pierre  et  Paul,  et  de  la  Toussaint. 

Cette  règle  est  appuyée  sur  les  décrets  suivants. 

l*"'  DÉCRET.  Question.  «  An  octava  dedicationis  propriae  ecclesiae 
n  dignior  sit...  octavis  Assumptionis  B.  M.V.  etomnium  Sanctorura  ?« 
Réponse.  «  Négative.  «(Décret  du  13  mars  1804,  n°  4491,  q.  A.) 

2'  DÉCRET.  Question.  «  Ac  occurrenle  festo  dedicationis  in  festis  B. 
«  M.  V.,  sanctorum  Angelorum,  S.  Joannis  Baptistae,  S.  Joseph  sponsi 
«  ejusdem  B,  M.  V.  ac  SS.  Apostolorum,  quae  festa  sub  ritu  dupl. 
€  primae  classis  sint  celebrata^  debeat  in  his  casibus  fieri  officium  de 
«  dedicatione,  etsi  occurreret  festuni  Assumptionis  B.  M.  V.?» 
Réponse. (n  Négative,  proutjam  decisura  fuit  die  13  raartii  1804...,  et 
«  servetur  ordo  tabellae  excerptaeex  RubricisgeneralibusBrevario  Ro- 
te mano  praemissae.  »  (Décret  du  20  sept.  1806,  n"  4500,  q.  10.) 

V.  Si  la  fête  de  la  dédicace  est  en  occurrence  avec  celle  du  patron 
ou  du  titulaire  ;  la  dédicace  doit  avoir  la  préférence,  à  moins  que  le 
patron  ou  le  titulaire  ne  soit  du  nombre  des  fêtes  exceptées  au  numéro 
précédent. 

Le  deuxième  décret  cité  n°  IV  suffît  pour  appuyer  cette  règle,  puisque 
.dans  le  tableau  indiqué,  le  patron  et  le  titulaire  se  trouvent  placés  après 
la  dédicace.  On  peut  encore  en  citer  plusieurs  autres. 

1^''  DÉCRET.  «  Festum  consecrationis  prius  agendum  ut  dignius, 
«  festum  vero  titularis  transferendum.  »  (Décret  du  15  déc.  1632, 
n»  972.) 

S'^  DÉCRET.  «  Concurrente,  vel  occurrente  dedicatione  ecclesia)  ca- 
«  thedralis...  cum  tilulari  alicujus  alterius  ecclesiae,  quisnam  pra^ferri 
or  debeat  in  ecclesia  titulari  ?  »  /it;/;o?ise.«PrÊeferendam  esse  dedicatio- 
«  nera  ecclesiae  cathedralis.  »  (Décret  du  8  août  1643,  n"  1469,  q.  3.) 


LITURGIE.  361 

3*  DÉCRET.  «  Faciendum  de  dedicatione  in  casu  juxta  decretum 
«  Majoricen.  die  8  augustil643,  ad.dub.3et  festum  patroni  transfe- 
«  rendum  juxta  rubricas.  »  (Décret  du  12  sept.  1840,  n^  4897, 
q.  S.) 

VI.  Si  la  fêle  patronale  ou  titulaire  d'un  saint  Apôtre  se  trouve  en 
occurrence  avec  la  dédicace,  on  donne  la  préférence  à  celle-ci.  11 
semble  qu'on  doit  préférer  aussi  la  dédicace  à  une  fête  patronale  ou  ti- 
tulaire en  l'honneur  des  saints  Anges  ou  de  saint  Joseph. 

La  première  partie  de  cette  règle  repose  sur  celte  décision  :  Ques- 
tion. «  An  occurrente  festo  dedicationis  ecclesiae  et  festo  apostoli 
«  aequalis  ritus,  fieri  debeat  officium  de  dedicatione,  translate  festo 
((  apostoli  ;  vel  de  aposlolo,  translata  dedicalione,  ut  deduci  videtur 
«  ex  decreto  13  martii  1804?  »  Réponse.  «  Affirmative  ad  primam 
«  partem;  négative  ad  secundara.j) (Décret du  7  sept.  1816,  n"  4526, 
q.  9.) 

La  seconde  partie  paraît  une  conséquence  de  la  première.  Si  le  dé- 
cret du  13  mars  1804  et  celui  du  20  septembre  1806,  cités  ci-dessus 
n"  IV,  ne  donnent  aucun  privilège  aux  fêtes  qui  ne  sont  pas  indiquées 
sur  le  tableau  qui  îe  trouve  en  tête  du  Bréviaire,  les  fêtes  des  saints 
Anges  et  de  saint  Joseph  ne  peuvent  êlre  dans  une  condition  autre  que 
celle  d'un  Apôtre.  «  Licet  deilicatio,  dit  M.  de  Ilerdt  (part  iv,  n»  29), 
«  cedat  festis  primariis  Nativilatis  S.  Joannis  Baptistse,  SS.  Apostolo- 
«  rum  Pétri  et  Pauh,  Assumptionis  B.  M.  V.,  et  omnium  Sanctorum, 
a  non  tamen  aliis  festis,  slicet  Angelorum,  S.  Joseph,  aut  aUorum 

et  Apostolorum,  non  obstante  decreto  citalo  20  sept.  1806 quia 

«  licet  in  pelitione  haec  fesia  comprehendantur,  non  tamen  in  respon- 
«  sione,  in  qua  mandatur  servari  ordinem  tabellse  duplicium  primas 
«  classis,  ubi  sola  festa  Nativitatis,  S.  Joannis  Baptistae,  SS.  Aposto- 
«  lorum  Pétri  et  Pauli,  Assumptionis  B.  M.  V,  et  omnium  Sanctorum 
a  praeponunlur  dedicationi  ecclesiae.  Et  sic  S,  R.  C,  7  sept.  1816... 
«  respondit,  occurrentibus  festo  dedicationis  ecclesiae  et  festo  Apostoli 
«  aequalis  ritus,  fieri  debere  officium  de  dedicatione,  translate  festo 
«  Apostoli  ;  ratio  est,  quia  festum  Apostoli  in  hoc  casu  est  aequalis 
«  ritus  seu  primœ  classis  ratione  patronatus  vel  ex  privilégie  ;  dedica- 


362  LITURGIE. 

«  tio  aulem  prseferenda  est  festis  aeque  peculiaribiis  et  localibus, 
«  licet  non  illis,  quœ  juxta  tabellam  duplicium  primae  classis  praicep- 
«  tive  ab  omnibus  christiani  orbis  ecclesiis  diebus  propriis  recolenda 
«  sunt.  » 

VU.  On  célèbre  chaque  année  le  jour  anniversaire  de  la  dédicace 
d'une  église,  et  cette  fête  jouit  des  mêmes  privilèges  que  le  jour  même 
de  la  consécration. 

Cette  règle  n'a  besoin  d'autres  preuves  que  l'ensemble  de  toutes  les 
décisions  relatives  à  la  fête  de  la  dédicace.  Elles  se  rapportent, 
comme  on  le  voit  clairement,  au  jour  même  ou  à  son  anniver- 
saire. 

VIII.  Le  jour  où  l'on  célèbre  l'anniversaire  de  la  dédicace  d'une 
église  doit  être  fixé  par  l'évêque  consécrateur  dans  l'acte  même  de  la 
consécration,  et  il  ne  peut  plus  être  changé  que  par  l'autorité  du 
Saint-Siège. 

Cette  règle  n'est  autre  chose  que  le  texte  même  de  cette  décision  : 
«  Dedicalionis  festimutationemspectaread  consecratorem  in  actucon- 
«  secralionis,  adeo  ut  extra  ipsam  non  posset  amplius  immutari  in- 
((  consulta  Sede  Apostolica.  »  (Décret  du  21  janvier  1679,  n»  2873, 

q.  •2.) 

IX.  Lorsqu'on  ignore  le  jour  où  une  église  a  été  consacrée,  ou  si 
cette  fête  se  rencontre  de  manière  à  devoir  être  ordinairement  trans- 
férée, l'évêque  du  lieu  peut  fixer  le  jour  où  l'on  en  doit  célébrer 
l'anniversaire,  et  ce  jour  ne  peut  plus  être  changé  sans  l'autorité  du 
Saint-Siège. 

Plusieurs  décisions  confirment  cette  règle. 

1"  DÉCRET.  «  Episcopus  Recanaten.  asserens  ignorari  diem  conse- 
«  crationis  ejusdem  cathedralis,  supplicavit  assignari  certum  diem  pro 
«  anniversario  ipsius  dedicationis.  Et  S.  C.  censuit  :  Posse  per  epi- 
«  scopum  hoc  casu  eligi  certum  diem  pro  anniversario  ;  cum  hoc,  quod 
«  certus  dies  electus  amplius  immutari  nequeat.  »  (Décret  du  21  août 
4640,  n»  12.56.) 

2e  Décret,  «  Patres  Societatis  Jesu  exponentes  diem  dedicationis 
a  eorum  ccdesiae  celcbralam  fuisse  rctroactis  aniiis  in  die  Pentccostes, 


LITURGIE.  363 

«  et  postmodum  inlermissam  dictam  celebrationem  dedicationis,  sup- 
«  plicarunt  assigner!  alium  diem  pro  celebrando  anniversario.  Et 
«  S.  G.  respondit  :  Diem  certum  per  episcopum  esse  eligendum,  qui 
«  semel  electus  araplius  mutari  nequeat  pro  anniversario  dedicationis 
«  ecclesiae.  »  (Décret  du  H  nov.  1651,  n°  1353.) 

3"  DÉCRET.  0  Posse  episcopum  ordinarium  eidem  (festo  Dédica- 
ce tionis)  diem  assignare  suo  arbilrio,  si  diem  certam  non  habuerit, 
«  qua  semel  elecla,  hujusmodi  festum  amplius  non  esse  variandum.  » 
(Décret  du  3  mars  1674,  n"  2675.) 

4*  DÉCRET.  «  Cum  in  parietibus  antiquae  ecclesiae  S.  Joannis  Bap- 

«  tistae multae  depictae  sint  cruces,  ex  quibus  aperte  patet  dictam 

«  ecclesiam  consecratam  fuisse  ;  cumque  dies  festivns  consecrationis 
«  illius  ecclesiae  ob  lapsum  tanli  temporis  ignoretur  :  propterea  ex 
«  parte  plebani  et  cleri  supradiclaî  terrae  pro  facultate  imposterum 
«  celebrandi  die  22  octobris  officium  diei  festi  dedicationis  praediclse 
«  ecclesiae  cum  octava,  S.  R.  G.  humillime  supplicatum  fuit.  Et 
«  S.  eadem  R.  G.  gratiam  juxla  petita,  pro  die  tamen  ab  ordinario 
(1  designanda,et  numquamimmutanda,  oratorum  instanliae  annuendum 
«  esse  censuit.  »  (Décret  du  17  avril  1717,  n°3899.) 

5°  Décret.  «  Episcopus,  si  con'stetde  consecratione  alicujus  ecclesiae, 
«  sed  dies  ignoretur,  diem  assignabit  pro  celebratione  festi  dédica- 
ce tionis.  Idem  faciet,  si  perpétue  occurral  dies  dedicationis  in  festis 
«  primae  classis,  ac  propterea  esset  transferendus.  »  (Décret  du  3  mars 
17G1,  n«4300,  q.  2.) 

Nota.  Nous  avons  dit  :  Si  cette  fête  se  rencontre  de  manière  à  être 
ordinairement  transférée,  et  non  pas  perpétuellement  transférée,  suivant 
le  texte  du  quatrième  décret,  le  deuxième  ne  supposant  pas  une  trans- 
lation perpétuelle,  la  fête  et  l'octave  de  la  Pentecôte  n'arrivant  pas 
toujours  à  la  même  date. 

X.  Lorsqu'il  y  a  lieu  d'assigner  un  jour  pour  célébrer  la  fête  de  la 
dédicace,  suivant  la  règle  précédente,  cette  désignation  ne  peut  être 
faite  que  par  l'autorité  du  Saint-Siège  ou  celle  de  l'évêque  diocésain. 
Le  chapitre  général  d'un  ordre  religieux  ne  pourrait  pas  le  faire. 

Getle  règle  est  appuyée  sur  le  décret  suivant.  Question    «  Utrum 


36/i  LITURGIE. 

«  capitulum  gonerale  ordinis  facultatera  habucrit  diem  imlicendi  pro 
e  hocfesto  (dedicationis)  celebrando?  »  Réponse.  «  Négative.  «(Décret 
du  7  avril  1832,  n«  4688,  q.  2.) 

Gardellini,  dans  une  note  sur  ce  décret,  s'exprime  en  ces  termes  : 
«  Palet  ex  his  générale  capitulum  diem  indixisse  pro  festo  dedicationis 
«  celebrando.  Jam  quando  hoc  indixit?  Aut  ipso  consecrationis  die, 
«  aut  postea  :  utroque  in  casu  non  ipsi  erat  facultas,  sed  episcopo  ipsi 
«  consecranti,  et  ipso  consecrationis  die^  ut  ex  Pontificali  Romano 
M  eruitur...  A  capitule  generali  maie,  et  sine  ulla  facullate  praedictus 
«  pro  hoc  festo  celebrando  dies  fuit  adsignatus.  » 

XI.  Lorsque  la  fête  de  l'anniversaire  de  la  dédicace  d'une  église 
dont  on  ignorait  le  jour  de  la  consécration  a  été  fixée  à  un  jour  par 
l'ordinaire,  suivant  ce  qui  vient  d'être  dit,  si  l'on  vient  ensuite  à 
connaître  d'une  manière  certaine  le  jour  de  la  dédicace,  la  fête  doit  êti  e 
remise  à  son  jour  propre. 

Tel  est,  en  effet,  le  sens  du  décret  suivant:  «  Procurator  generalis 
«  strictions  observantise  C.  S.  R.  prsepositse  supplicavit,  ut  confirmare 
«  dignaretur  decretum  EE.  Archiepiscopi,  de  celebranda  dedicatione 
«  ecclesiœ  oppidi  Rappelli  die  6  julii  ob  incertitudinera  diei  consecra- 
«  tionis,  licet  modo  de  ea  notitia  habita  fueritexauthenticisscripturis, 
«  cum  dicta  dies  consecrationis  coincidiit  in  festo  S.  Bonaventurae  a 
«  toto  ordine  magna  cum  soleranitafe  celebrari  consueto.  Et  EE.  PP. 
M  responderunt  :  Non  sufFragari  decretum  EE.  archiepiscopi,  sed  ce- 
ce  lebrandum  esse  in  ipsa  die,  quando  repertum  fuit  ecclesiam  conse- 
((  cratam  fuisse.  »  (Décret  du  13  mars  1649,  n.  lôOS.) 

XII.  L'office  de  la  dédicace  d'une  église  particulière  doit  être  récité 
par  les  membres  du  clergé  de  cette  église  seulement  et  par  tous  ceux 
qui  y  possèdent  le  plus  petit  bénéfice.  Cet  office  est  du  rit  double  de 
première  classe  avec  octave. 

La  première  partie  de  cette  règle,  relative  aux  personnes  obligées  à 
la  récitation  de  l'office  de  l'anniversaire  de  la  dédicace  d'une  église  par- 
ticulière, est  appuyée  sur  les  décrets  suivants  : 

l^r  DÉCRET.  Question.  «  An  sacerdotes  qui  habent  capellanias  sive 
a  collativas  sive  non  collalivas  in  ccclesia  collegiata  S.  J(>annis  Ba- 


LITURGIE.  365 

«  ptislae....  valeant  recitare  officium  quod  récitant  canoniei  de  dedica- 
«  tione  ejusdem  ccclesiae  cum  octava?  Et  quid  de  aliis  sacerdolibiis  et 
«  clericis  tam  diclae  ecclesiae  inservientibus,  quam  non  inservientibus, 
«  attento  quod  dicta  ecclesia  sit  matrix  et  baptisraalis?  »  Réponse. 
«  Presbyteri  tantum  aliquo  perpetiio  gaudentes  beneficio  in  ecclesia 
«  matrice  possunt  se  conformare  in  recitalione  officii  cum  eadem  ec- 
«  clesia,juxta  alias  resoluta  in  Galaritana,  13  julii  1658.  »  (Décret  du 
5  août! 790.) 

La  décision  du  13  juillet  1658  dont  il  est  ici  question  est  ensuite 
rapportée  en  entier  comme  il  suit:  «Sacerdotes  diœcesis  Calaritange, 
«  licet  nulla  prsebenda  potiantiir  in  cathedrali  ecclesia,  attamen  eidem 
«  subditi,  ex  quo  in  sacris  ordinibus  constitua  reperiantur,  vel  aliquo 
«  potiantur  beneficio  in  ecclesiis  eidem  cathedrali  subjectis,  S.  R.  G. 
«  supplicarunt,  ut  facultatem  elargiri  dignaretur,  quod  in  officiorum 
«  recitatione  possent  se  conformare  cum  eadem  cathedrali.  Et  S.  R.  G. 
«  nihil  rescribi  mandavit  ». 

2'  DÉCRET.  Question.  «  An  capellani  ecclesiae  S.  Mariae  de  Horto, 
«  célébrantes  Missam  festivitatis  consecralionis  ecclesiae  die  6  octobris, 
«  et  per  totam  octavàm,  possint  pariter  recitare  officium  consecratio- 
«  nis  praedictae,  ut  se  conforment  cum  Missa  ?  »  Réponse.  «  Négative.  » 
(Décret  du  o  octobre  1697,  n«  3447.) 

3®  DÉCRET.  Questions.  «  Archipresbyter  nuncupatus  congregationis 
«  ecclesiae  S.  Marias  Gratiarum  terrae  montis  Filostrani  diœcesis  Au- 
«  ximanae  S.  R.  G.  humillime  supplicavit,  qualenus,  ad  toUendasom- 
«  nés  haesitationes,  infrascripta  dubia  declarare  dignaretur,  nempe  : 
«  1 .  An  clerus  datae  terrae  possit,  vd  debeat  recitare  officium  eum 
«  Missa  tam  in  die,  quam  per  octavam  dedicationis  ecclesiae  matricis? 
«  2.  An  excludantur  habentes  aliquod  beneficium  simplex  in  ecclesia? 
a  3.  An  etiam  excludantur  sacerdotes  adscripti  servitio,  vel  comrao- 
«  ditati  ejusdem  ecclesiae?  »  Réponses.  «Ad  1.  Non  teneri,  nisi  qui 
«  fuerint  ipsius  ecclesiae  servitio  adstricli,  aut  in  ea  aliquod  beneficium 
c(  vel  tenue  possiderent.  Ad  2  Jam  provisum  in  prima  responsione. 
«  Ad  5.  Ut  ad  proximum.  »  (Décret  du  16  mai  1744,  n°  4156.) 

4^  DÉCRET.  Question.  «  An  officium  dedicationis,  vel  titularis  ali- 


366  LITURGIE. 

«  cujus  eccleciae  parochialis  recitandum  sil  in  ecclesiisveloialoiiis  sub- 
«  jeclis?»  Réponse.  «  Juxla  alias  décréta,  a  clero  ecclesiae  tantum.  » 
(Décret  du  29  mars  1851,  n"  5152,  q.  5.) 

On  pourrait  citer  encore  le  décret  du  23  mai  1835,  rapporté  n.  I. 
Ces  décisions  relatives  à  la  fête  de  la  Dédicace,  se  rapportent  à  l'an- 
niversaire comme  au  jour  même  de  la  consécration  dune  église,  ainsi 
qu'il  a  été  dit  n.  VII. 

La  deuxième  partie  de  la  règle  énoncée,  par  rapport  au  rit  do  la 
fête  et  à  son  octave,  se  trouve  dans  le  texte  même  de  la  rubrique  du 
Bréviaire.  Dans  la  table  qui  est  en  tête  des  rubriques  générales,  on 
voit,  au  rang  des  doubles  de  première  classe  :«  Dedicatio  propriae  ec- 
«  clesiai  »  ;  et  au  lit.  vu,  n»  1  :  «  Fit  de  octava....  in  festo  dedica- 
«  tionis  propriae  ecclesiœ.  » 

XVII.  S'il  y  avait  quelque  doute  sur  la  consécration  d'une  église,  on 
ne  pourrait  pas  en  célébrer  l'anniversaire. 

Cette  règle  résulte  des  décrets  suivants. 

\^^  DÉCRET,  a  Non  posse  celebrari  festum  consecrationis  illius  ec- 
«  clesiae,  quara  certum  est  non  fuisse  consecratam,  imo  neque  si  est 
«  dubiura.  »  (Décret  du  18  août  1629,  n"  826,  q.  1.) 

2"  Décret.  Question,  u  Fr.  Emmanuel  Fonitsere,  monachus  pro- 
«  fessus,  caeremoniarum  magister  regalis  monasterii  divi  Hieronymi 
a  vallis  de  Hebron  diœcesis  Barchinonensis,  S.  R.  C.  humillime  cx- 
<(  ponit.atempore  iramemorabili  festum  celebralum  fuisse, recitatumque 
«  oificium  dedicationis  ecclesiae  supradicti  monasterii  usque  ad  annum 
«  1807,  quo  tempore,  cum  subortum  fuerit  dubiura,  utrum  praîdicfa 
«  ecclesia  esset  consecrata,  aut  benedicta  tantum,  omissa  est  illius 
«  festivitatis  celebratio.  Ambigendi  occasio  inde  sumpta  est,  quod 
«  nulla  crux,  nullum  aliud  signum  in  ecclesia  videatur,  unde  inferri 
CI  valeat  illam  fuisse  consecratam  Verum  praeter  allatam  consuetudinem, 
«  quod  non  levé  argumentum  praestat  ut  ecclesia  credatur  consecrata, 
«  extat  quoque  hujusce  rei  aliud  testimorium  in  quodam  libre  peran- 
«  liquo  manuscripto,  et  caute  custodito,  ubi  notatur  ac  legitur  :  Traditos 
((  fuisse  sexaginta  solides  RR.  D.  Episcopo  Rodenicopolis  ob  ecclesiae 
«  consecrationem  :  quae  tamen  ultima  verba  ambigentes  opinali  sunt 


LITURGIE.  367 

a  per  errorem  aut  inscitiam  seriptoris  in  praedictum  libriim  irrepsisse, 
«  adeoque  legendum  benedidionem,  non  consecrationem.  Poslmodum 
«  anno  I8''29,  consuUi  sunt  super  hac  re  duo  vicarii  ecclesiastici  civi- 
ot  talis  Barchinonensis,  iique  in  rubricis  et  sacris  ritibus  peritissimi, 
«  qui  omnibus  perpensis,  scrupuloseque  examinatis,  scripserunt  : 
«  praedictum  festura  haud  rite  fuisse  oniissum,  ideoque  rursus  cele- 
«  brandum,acprosequendum  in  posteranitara  ob  consueludinem  anti- 
«  quissiraam  et  iramemorabilem  recitandi  de  eo  officium,  tum  quia 
a  nullum  apparet  monumentum  evidenter  ostendens  dictara  ecclesiam 
«  non  fuisse  consecratam  ;  quinimo  probabilius  judicandam  esse  talem 
a  ob  probationes  adductas.  His  positis,  quaeritur  utrum  possit  necne 
a  celebrari  in  futurum  festum  dedicationis  suae  eeclesiae,  ac  recitari 
«  officium  a  patribus  Hieronyniianis  monasterii  vallis  de  Hebron?» 
Réponse.  «  Négative.  »  (Décret  du  7  avril  1832,  n*»  4688,  q.  1.) 

Cette  décision  est  motivée  dans  une  note  importante  dont  nous  de- 
vons indiquer  les  principaux  points.  Les  raisons  de  douter  de  la  con- 
sécration sont,  avant  tout^  l'absence  des  signes  qui  devraient  se  trou- 
ver dans  cette  église,  si  elle  était  réellement  consacrée.  Ces  signes  se- 
raient des  croix  sur  les  murs,  et- un  autel  fixe.  On  consacre,  en  effet, 
l'église  pour  l'autel,  et  non  pas  l'autel  pour  l'église.  En  outre,  si  aucun 
écrit,  aucun  témoin  ne  peut  attester  que  la  consécration  ait  été  faite, 
on  ne  peut  regarder  Téglise  comme  consacrée,  quand  même  on  aurait 
célébré  depuis  longtemps  l'anniversaire  de  sa  dédicace.  Bien  plus,  dans 
un  cas  de  consécration  douteuse,  le  droit  prescrit  de  réitérer  la  consé- 
cration. (Can.  Ecclesise,  de  Consecr.,  dist.  i.) 

XVIII.  La  fêle  de  la  dédicace  de  l'église  cathédrale  doit  être  célé- 
brée par  tout  le  clergé  séculier  du  diocèse,  sous  le  rit  double  mineur. 
Si  c'est  l'usage,  on  peut  lui  donner  le  rit  double  de  première  classe 
dans  tout  le  diocèse,  et  en  célébrer  l'octave  dans  toute  la  ville  épisco- 
pale. 

Celte  règle  résulte  de  la  comparaison  de  plusieurs  décisions  ren- 
dues sur  la  question  présente.  Ces  décrets  sont  les  suivants  : 

l*""  Décret.  «  S.  R.  C.  censuit  festum  dedicationis  eeclesiae  cathe- 
«  dralis  supradictae  tam  in  ipsa  cathedrali,  quam  in  aliis  ecclesiis 


368  LITURGIE. 

«  ejusdem  civilalis  celebrandum  esse  cum  octava  ;  in  aliis  vcro  cccle- 
«  siis  diœcesis  esse  solum  celebrandum  sub  rilu  du[ilici  sine  octava.  » 
(Décret  du  2  mai  1619,  n"  572.) 

2«  Décret.  Question,  a  Episcopus  Fesularum  declarari  postulavit  : 
«  An  officium  dedicalionis  ecclesiae  cathedralis  in  ipsa  cathedrali  lati- 
a  tum,  aut  etiam  in  tota  civitate  cum  octava  rccilari  debeat,  vel  prout 
«  in  diœcesi  (praeterquara  in  cathedrali)  in  reliquis  civitatis  ecclesiis, 
«  sub  duplici  sine  octava?  Rationem  dubitandi  assignans,  ex  quo  Bar- 
ce  bosa  et  Gavantus  decretura  Gonchen.  emanatum  die  2  maii  1619;, 
«  uti  legem  universalem  et  ubiquc  locorum  observabilem  afferant.  Et 
«  S.  G.  declaravit  :  Decretum  praedictum  attenta  tantum  immemora- 
«  bili,  quamvis  in  eo  non  expressa,  ab  ipsa  Congregatione  emanatum 
«  et  evulgatura  fuisse,  in  eisque  terrainis  tantummodo  hujusmodi  de- 
ce  cretura  alibi  observari  et  locum  habere  posse  censuit;  cum  alias 
c(  officium  dedicationis  in  cathedrali  tantum  cum  octava,  et  in  civitate 
c(  ac  diœcesi  sub  duplici  minori  sine  octava  recitandum  sit,  »  (Décret 
du  J6  mars  1658,  n»  1869  ) 

3*  Décret,  ce  Licere  officia  recitare  de  dedicatione  ecclesiae  cathe- 
cc  dralis  cum  octava  in  propria  tantum  ecclesia  ;  in  civitate  vero  et 
((  diœcesi  sub  duplici  majori  sine  octava.  d  (Décret  du  6  avril  1658, 
n»  1883.) 

4®  Décret.  «  Festura  dedicationis  ecclesiae  cathedralis  in  civitate 
«  et  diœcesi  celebrandum  esse  sub  duplici  minori  tantum,  ut  alias  de- 
«  claravit  in  Fesulana  26  niartii  1858,  et  Varnien.  6  aprilis  ejusdem 
«  anni.  »  (Décret  du  21  janvier  1689,  n°  3181,  q.  1.) 

5«  DÉCRET.  Questio}H(  Cum  ïeslum  dedicationis  ecclesiae  cathedralis 
«  ektra  civitatem  celebretur  sine  octava  ;  utrum  nihilominus  haec  annua 
ce  dedfcatio  extra  civitatem  per  totam  diœcesim  celebranda  sit  sub  ritu 
«  duplicis  primae  classis,  an  vero  sub  rit.  dup.  min.  dumtaxat?»  Ré- 
ponse. «  Servetur  solitura.  »  (Décret  du  19  juin  1700,  n"  3565, 
q.  1.) 

D'après  ces  réponses,  la  doctrine  de  la  S.  G.  paraît  bien  être  celle 
que  nous  avons  énoncée.  Le  16  mars  1638,  la  S.  G.  déclare  que  la 
réponse  du  2  mai  1619  est  une  dérogation  à  la  règle  générale.  La  dé- 


LITURGIE.  369 

cision  donnée  le  21  janvier  1689  confirme  cette  même  règle  et  donne 
encore  comme  étant  un  privilège  spécial  la  concession  du  rit  double 
majeur  dans  les  églises  particulières,  faite  le  6  avril  1658.  Enfin,  elle 
autorise  le  19  juin  1700  à  suivre  l'usage  de  célébrer  cette  fête  sous  le 
rit  double  de  première  classe  dans  toute  la  ville  épiscopale  si  c'est 
l'usage.  Gavalieri,  commentant  ce  dernier  décret,  l'explique  comme 
il  suit.  «  Dedicatio  itaque  ecclesiae  cathedralis  pro  diœcesi  nec  est  de- 
ce  terminale  duplex  primae  classis,  nec  duplex  minus,  sed  quoad  ritum 
«  jîixta  solitum  celebranda  est,  et  licet  decretum  hujusmodi  solitura 
«  explicet,  dum  subjungit,  scilicet  vel  sub  ritu  duplici  primx  classis, 
«  vel  stib  dtipliei  minori,  adhuc  tamen  non  ita  limitative  accipiendum 
«  est^  ut  si  solitum  sit  illud  recolere  sub  ritu  duplici  majori,  aut  se- 
«  cundae  classis,  in  hujusmodi  usu  persisti  non  possit.  Intentio  enim 
«  decreti  est,  quod  cum  festum  dedicationis  cathedralis  extra  civita- 
«  lem  celebretiir  sine  octava,  non  est  necesse  retinere  ritum  duplicem 
«  primae  classis,  sub  quo  celebratur,  quando  colitur  cum  octava,  sed 
«  adhuc  inferiori  ritu  valet  celebrari,  quo  consuetum  jam  est  recenseri, 
«  unde  vel  sub  ritti  duplici  minori  ponitur  exemplificative,  assi- 
«  gnando  scihcet  exemplum  illud  ritus  inferioris,  sub  quo  a  proponente 
«  dubium  asserebatur  aliquibus  in  locis  consuetum  esse  illud  cele- 
c(  brari.  » 

XV.  Le  clergé  réguUer  de  la  ville  épiscopale  doit  célébrer  la  fête  de 
la  dédicace  de  l'église  cathédrale  sous  le  rit  double  de  seconde  classe 
sans  octave.  Hors  la  ville,  le  clergé  réguher  du  diocèse  ne  fait  pas  cet 
office. 

La  première  partie  de  cette  règle  est  appuyée  sur  les  décrets 
suivants. 

l^r  DÉCRET.  «  S.  R.  G.  declaravit  regulares  in  ipsa  civitate  de- 
«  gentes  in  poslerum  teneri  ad  celebrandum  festum  dedicationis 
«  ecclesiae  cathedralis  cum  officio  dup.  2  classis,  non  tamen  cum  octava, 
«  si  ita  SSmo  visum  fuerit,  die  1  aprilis  1662.  Et  facta  de  praedictis 
a  SSmo  relatione,  Sanctilas  Sua  annuit,  die  8  ejusdem  mensis,  eodéra- 
a  que  anno  1662.  »  (Décret  général  du  1"  avril  1662,  n»  2159.) 

2e  Décret.  «  Regulares  degentes  in  civitate  debere  recitare  ofTicium 

Revue  des  Sciences  ecclés.,t.  x.  —  octobre  1864.  25 


370  LITURGIE. 

a  dedicationis  calhedralis  sub  duplici  tantum  sine  octava,  ex  decrelo 
«  edito  die  prima  aprilis  1662.  »  (Décret  du  10  janvier  1693,  n"  3301, 
q.  3.) 

3'  DÉCRET.  Question.  «  Cum  ab  hac  S.  R.  C.  emanaverit  hoc  de- 
«  cretum,  scilicet,  regulares  in  ipsa  civitate  degentes  tenentur  in  pos- 
a  terum  ad  celebrandum  festum  dedicationis  ecclesiee  cathedralis  cum 
«  officio  duplici  secundae  classis,  non  tamen  cum  octava,  dubitatur  :  An 
«  per  haec  verba,  in  ipsa  dvitate  degentes,  illi  tantum  veniant  degentes 
«  in  civitate,  in  qua  est  ecclesia  cathedralis,  an  etiam  illi,  qui  degunt 
«  in  aliis  ejusdem  diœcesis  oppidis,  quae  vulgo  in  Gallia  civitates  nun- 
«  cupantur?»  Réponse.  «  Affirmative  quoad  primam  partem;  négative 
«  quoad  secundam.  »  (Décret  du  16  juin  1708,  no  3788,  q.  3.) 

La  deuxième  partie  repose  sur  ces  autres  décisions. 

1"  Décret.  «  Regulares  degentes  in  civitate  debere  recitare  officium 
«  dedicationis  cathedralis  :  extra  civitatem  non  teneri,  neque  ad  reci- 
0  tationem  officii  in  die  festo,  ut  alias  pluries.  »  (Décret  du  10  jan- 
vier 1693,  n«  3301,  q.  3.) 

2*  DÉCRET.  *■  Regulares  degentes  extra  civitatem  non  tenentur  ad 
«  dedicationis  officium.  »  (Décret  du  5  mai  1736,  n»  4044,  alia  dub. 
q.  I.) 

3"  DÉCRET.  «  Regulares  degentes  in  civitate  tenentur  ad  officium 
«  dedicationis  cathedralis  :  extra  civitatem  non  tenentur  neque  ad  re- 
«  citationem  officii  in  die  festo.  »  (Décret  du  29  janvier  1752,  n»  4223, 
q.  1.) 

§  3.  De  LA  FÊTE  DE  LÀ  DÉDICACE  DE  TOUTES  LES  ÉGLISES 
DE  FRANCE. 

1.  En  France,  la  fête  de  la  dédicace  de  toutes  les  églises  consacrées 
a  été  fixée  au  dimanche  qui  suit  l'octave  de  la  Toussaint. 

Cette  règle  est  le  texte  même  du  décret  porté  par  le  cardinal  Caprara, 
le  21  juin  1804.  «  Dorainica  quas  subsequetur  diem  octavam  omnium 
a  Sanctorum  celebrabitur  anniversarium  dedicationis  omnium  ecclesia- 
c(  rum  consecratarum.  » 


LITURGIE.  371 

II.  La  fête  de  la  dédicace  que  nous  célébrons  le  dimanche  dans 
l'octave  de  la  Toussaint  est  à  la  fois  l'anniversaire  de  la  dédicace  de 
r^'glise  propre  et  celui  de  la  dédicace  de  l'église  cathédrale. 

Pour  appuyer  cette  règle,  nous  citons  deux  réponses  de  la  S.  C.:  la 
première  à  la  congrégation  du  Saint-Rédempteur,  la  deuxième  à  l'ordre 
des  Carmes  déchaussés  pour  un  cas  analogue.  Une  note  de  Gardellini 
sur  la  décision  donnée  à  la  congrégation  du  Saint-Rédempteur,  montre 
positivement  que  lorsqu'on  fixe  à  un  jour  l'anniversaire  de  la  dédicace 
de  toutes  les  églises  consacrées,  cette  seule  fête  suffit  pour  les  deux 
dédicaces  que  l'on  pourrait  être  obligé  de  solenniser. 

1"  DÉCRET.  «  Cum  festum  dedicationis  ecclesiae  sub  ritu  duplici 
«  primse  classis  non  sit  specialiter  concessum,  sed  praeceptive  celebran- 
«  dum,  PP.  Congregationis  teneri  celebrare  octavam  dedicationis  ec- 
a  clesiarum  omnium  consecratarum  ordinis  fixa  die  3  octobris  in  calen- 
«  dario  reviso,  et  adprobato  ;  et  non  posse  denuo  propriae  partlcularis 
«  ecclesiae  dedicationis  officium  persolvere,  quod  intelligitur  compre- 
«  hensum  et  celebratum,  quando  in  ordine  ex  speciali  indulto  festum 
«  celebratur  omnium  ecclesiarum  consecratarum.  (Décret  du  3  avril 
a  1821,  n°4581,  q.  5.) 

«  Si  ad  inducendam  in  calendario  congregationis  uniformitatem,  dit 
«  Gardellini,  indultum  est,  ut  una  eademque  die  celebretur  anniversa- 
«  riura  dedicationis  omnium  ecclesiarum  congregationis,  frustra  quae- 
«  ritur,  num  ecclesiae  singulae  aliud  queant  propriae  dedicationis  offi- 
«  cium  peragere.  Nam  ea  dies,  quae  fit  de  omnibus  congregationis 
«  ecclesiis,  perinde  habenda  est,  ac  si  propria  esset,  et  singulis  assi- 
a  gnata.  Quod  si  praeter  generalera  solemnitatem,  adhuc  unaquaeque 
a  ecclesia  peculiarem  recoleret,  cessaret  uniformitas  illa,  ob  quara  pri- 
«  vilegium  concessum  fuit.  Frustra  enira  pelitur,  non  Octava  dedica- 
«  tionis  abrogatis  debeat  annumerari  ;  hajc  siquidera  in  praecepto  est, 
«  nec  confundenda  cum  illis  quae  fuerant  specialiter  induite.  Utrumque 
«  declaratur  rescripto  ad  propositura  dubium.  » 

2*  DÉCRET.  Question.  «  Utrum  regulares  qui  sedis  Apostolicae  in- 
«  dultum  impetraverint  dedicationem  omnium  Hiberniae  necnon  suc- 
«  rum  ordinum  ecclesiarum  celebrandi,  possint  et  debeant  dedicationem 


372  LITURGIE. 

«  quoque  ecclesias  calhedralis  illius,  qna  degunt,  diœcesis,  absque 
«  sedis  Apostolicae  speciali  indulto,  celebrare,  cum  clerus  Scecularis, 
«  ul  jam  dictum  est,  dedicationem  omnium  ecclesiariim  Hibernias 
a  quotannis  celebret?  An  teneantur,  vel  possint  prseterea  cleri  saecu- 
«  laris  sacerdotes  et  alii  propriae  suae  ecclesiae  dedicationem  celebrare 
«  sive  cathedralis  illa  sit,  sive  quaevis  alia?»  Réponse.*  Dilata,  et  ad 
a  mentem.  Mens  autem  est  ut  per  S.  G.  de  PropagandaFide  scribatur 
«  archiepiscopis  Dublinensi,  et  Tuaraensi,  necnon  episcopo  Galva- 
«  niensi  per  modum  instructionis,  qua  dicatur  ad  eamdem  S.  G.  per- 
a  latum  esse  in  eorura  diœcesibus  praeter  festum  dedicationis  omnium 
((  istius  regni  ecclesiarum,  quod  habetur  dominica  secunda  octobris, 
«  celebrari  etiam  diera  anniversariura  consecrationis  propriae  ecclesiae 
«  calhedralis,  et  quatenus  ita  se  res  habeat,  hujusmodi  morera  conso- 
«  num  non  esse  et  decretis  S.  R.  G-,  et  'psi  rationi,  eo  quod  propriae 
«  particularis  ecclesiae  dedicationis  officium  intelligitur  comprehensum 
«  et  celebratum  in  festo  consecrationis  omnium  ecclesiarum,  acpro- 
«  pterea  eamdem  S.  G.  veheraenter  optare,  ut  praedictum  officium  de- 
«  dicationis  propriae  particularis  ecclesiae  ex  calendario  proximi  anni 
«  expungatur.  »  (Décret  du  46  avril  1842,  n»  4941,  q.  3  et  4.) 

m.  Les  régies  relatives  à  l'office  de  la  dédicace,  soit  par  rapport 
aux  personnes  qui  doivent  le  réciter,  soit  par  rapport  à  son  rit  et  à 
son  octave,  sont  toutes  applicables,  en  règle  générale,  à  la  fête  que 
nous  célébrons  le  dimanche  qui  suit  l'octave  de  la  Toussaint.  1»  Cette 
fête  est  du  rit  double  de  première  classe  avec  octave  pour  tous  les 
ecclésiastiques  attachés  à  une  église  consacrée;  2"  les  membres  du 
clergé  séculier  attachés  à  une  église  qui  n'est  pas  consacrée,  célèbrent 
seulement,  ce  jour-là,  l'anniversaire  de  la  dédicace  de  l'église  cathé- 
drale sans  octave  hors  de  la  ville  épiscopale,  et  en  suivant  l'usage, 
comme  il  a  été  dit,  pour  le  rit,  dans  tout  le  diocèse,  et  pour  l'octave, 
dans  la  ville  épiscopale  ;  3"  les  réguliers  de  la  ville  épiscopale,  qui 
n'ont  pas  d'église  consacrée,  ne  la  célèbrent  pas  d'un  rit  plus  élevé 
que  double  de  seconde  classe,  sans  octave,  et  ne  la  font  point  en  dehors 
de  la  ville  ;  4°  si  la  cathédrale  n'était  pas  consacrée,  les  membres  du 
clergé  d'une  église  non  consacrée  n'auraient  point  à  réciter  cet  office. 


LITURGIE.  373 

Ces  règles  sont  bien  claires.  Le  décret  du  cardinal  Caprara,  en 
effet,  a  fixé  la  fête  à  un  jour,  mais  n'a  pas  changé  les  règles  qui  la 
régissent.  On  se  tromperait  en  voyant  dans  ce  décret  l'institution  d'une 
nouvelle  fête  pour  toute  la  France,  ce  dont  il  n'est  nullement  question. 
Nous  avons  dit,  cependant,  en  règle  générale,  car  depuis  la  restaura- 
tion liturgique,  beaucoup  de  prélats,  en  présentant  à  l'approbation  de 
la  Sacrée  Congrégation  leurs  propres  diocésains,  ont  obtenu  la  fête  de 
la  dédicace  du  rit  double  de  première  classe  avec  octave  pour  le  di- 
manche qui  suit  l'octave  de  la  Toussaint.  Mais,  d'après  ce  qui  a  été 
dit,  on  pourrait  encore  légitimement  conclure  que  cette  concession 
s'applique  seulement  au  rit  de  la  fête  et  à  son  octave,  et  qu'elle  ne 
pourrait  avoir  son  effet  pour  les  ecclésiastiques  qui  n'appartiendraient 
pas  à  une  église  consacrée,  si  la  cathédrale  ne  l'était  pas.  Cette  ques- 
tion a  été  plusieurs  fois  proposée  à  la  Sacrée  Congrégation  par  Nos- 
seigneurs les  évêques  de  Belgique,  et  les  réponses  qui  ont  été  données 
confirment  notre  règle  :  la  Sacrée  Congrégation,  dans  la  première,  la 
confirme  complètement  ;  dans  la  seconde  et  la  troisième,  elle  autorise 
une  autre  pratique,  pai»  permission  spéciale,  dans  les  diocèses  de  Ma- 
lines  et  de  Bruges. 

I'"'  DÉCRET,  Question,  a  Una  superest  difïïcultas,  quae  ad  dedica- 
«  tionem  ccclesiarura  attinet,  aliis  aliter  interpretantibus  dispositionem 
«  indulti  EE.  cardinalis  Caprara  de  die  9  aprilis  1802,  quae  sic  sonat  : 
«  Anniversarium  dedicationis  templorum  quss  in  ejusdem  Gallïcanx 
«  reipublicx  territorio  erecta  sunt  in  Dominica  qux  octavam  festivi- 
V  talis  omnium  sanctorum  subsequetur,  in  cundis  ecclesiis  gallicunis 
«  celehretur.  Declaratio  autem  EE.  ejusdem  Cardinalis  a  latere  legati 
«  de  die  21  junii  1804  sic  habet  :  Dominica  qux  subsequetur  diem 
«  octavam  omnium  Sanclormn  celebrabitur  anniversarium  dedicationis 
«  omnium  ecclesiarum  consecratarum.  Hinc  triplex  orta  est  sententia. 
«  i°  AHis  videtur  indultnm  Apostolicum  de  die  9  aprilis  1802  insi- 
«  nuare  in  tota  reipublica  Gallicana  uno  eoderaque  die  celebrari  debere 
«  anniversarium  dedicationis  omnium  ecclesiarum  ;  ibique  nullam 
«  fieri  menlionem  de  anniversaria  dedicatione  ecclesiae  cathedralis, 
«  nec  de  secunda  dedicatione  a  pastoribus  variis  quandoque  parochiis 


37/i  UTURGIE. 

«  inservienlibus  peculiariter  servanda  :  irr.o  inJultum  Apostolicum 
«  tantummodo  prsescribere,  quod  in  dominica  post  oclavam  omnium 
«  Sanctorum  non  solum  quisque  anniversariuiu  dedicalionis  proprias 
«  ecclesiaB  celebrare  teneatur,  sed  quod  unanimiter  omnes  ecclesia- 
«  stici  (etiam  qui  nulli  ecclesiae  sunl  addicti,  vel  casu  non  haben 
«  ecclesiam  consecratam)  in  cumulo  et  per  unum  ideraque  officium, 
et  uno  eodemque  die  honorificent  anniversarium  dedicalionis  omnium 
«  ubique  ecclesiarum  intota  republica  erectarum  :  hincque  contendunt 
a  suppressa  velle  indultum  omnia  anteriora'  décréta  huic  dispositioni 
«  contraria  :  indeque  concludunt  pro  praxi  quod  circa  debitura  cele- 
«  brandi  anniversarium  dedicalionis  proprix  ecclesiae  et  insuper  ec- 
«  clesiae  calhedralis,  etc.,  quicumque  breviario  obligatus  salisfacit  se- 
«  mel  recitando  officium  dedicalionis  sub  ritu  dup.  1  cl.  cum  octava 
«  dominica  post  oclavam  omnium  Sanctorum.  2°  Aliis,  stando  decre- 
«  tis  S.  R,  C.  18  augusti  1629  et  22  aprilis  1780,  videtur  in  eccle- 
«  siis  non  consecratis  celebranda  solum  dedicatio  ecclesiae  calhedralis 
«  in  civilate  cum  octava,  et  extra  civitatem  sine  octava.  In  ecclesiis 
«  vero  consecratis  exlra  civitatem  celebranda  dedicatio  proprise  eccle- 
«  siae  cum  octava,  et  commemoratione  calhedralis  prima  tantum  die 
«  per  orationem  Deus  qui  invisibiliter  etc.,  prout  decreto  2  maii  1619 

«  prsescribitur,  et  ubique  fieri  solebat  ante  reduclionem 3°  Terlia 

«  paucorum  et  nuUibi  in  praxim  adducta  sententia  putat  EE.  card, 
«  Capraranullam  dedicatioiiem  suppressisse,  sed  novumfestum  super- 
«  addidisse....  »  Réponse.  «  Quoad  officium  dedicalionis  ecclesiarum 
«  servandura  decretum  in  Njmurcen.  die  25  maii  1835  ad  dub.  xiv. 
0  q.  5  »  (Décret  du  23  sept.  1837  inséré  dans  les  Mélanges  théolo- 
giqnes,  5*  série,  p.  392.)  Or,  le  décret  auquel  renvoie  ici  la  Sacrée 
Congrégation  prescrit  de  faire  l'office  comme  avant  la  réduction  des 
fêtes. 

2*  DÉCRET.  «  Ad  uniformitatem  oblinendam,  anniversarium  hujus- 
c(  modi  celebrandum  esse  ab  omnibus  ul  in  cathedrali  et  civitale  Me- 
«  chliniensi.  »  (Décret  du  1"  septembre  1838,  n°  4839,  q.  3.) 

3*  DÉCRET.  Question.  «  Decretum  in  Mechlinien.  de  die  1  septem- 
«  bris  1838,  praescribit  ut  saccrdotes  nulli  vel  non  consecratae  eccle- 


LITURGIE.  375 

«  siae  adscripti,  propter  uniformitatem  anniversariiim  dedicationis  ec- 
«  clesiarum  célèbrent  cum  octava  ut  in  calhedrali  et  in  civitate  Me- 
«  chliniensi.  Cum  hoc  decretuoi  videatur  solunomodo  applicandura 
«  archidiœcesi  Mechliniensi ,  petitur  ut  propter  eamdem  rationera 
«  eliani  extendatur  ad  diœcesim  Brugensera  ?  »  Réponse.  «  Pro  gra- 
c(  lia,  instar  concessionis  factge  clero  Mechliniensi  die  1  septembris 
«  1838.  »  (Décret  du  12  septembre  1840,  n'  4893,  q.  4.) 

IV.  Sauf  le  cas  d'un  induit  spécial,  il  n'y  aurait  pas  lieu  non  plus, 
ce  semble,  de  réciter  l'office  de  la  dédicace  au  jour  fixé  pour  la  dé- 
dicace de  toutes  les  églises  l'année  où  aurait  été  consacrée  l'église  à 
laquelle  on  appartient,  si  la  cathédrale  n'est  pas  consacrée,  ou  la  ca- 
thédrale, pour  ceux  qui  n'appartiennent  pas  à  une  église  consacrée.  11 
n'y  aurait,  en  effet,  pas  lieu  de  célébrer  alors  un  anniversaire. 

V.  L'institution  de  la  fête  de  la  dédicace  en  qualité  de  fête  univer- 
selle pour  toute  la  France  n'est  pas  contraire  à  la  pensée  de  la  Sacrée 
Congrégation,  comme  on  le  voit  non-seulement  par  la  réponse  faite  à 
Malines  et  à  Bruges,  mais  par  la  même  concession  faite  à  plusieurs 
diocèses  de  France  ;  une  simple  instance  suffit  pour  Tobtenir. 

P.  R. 


UN  ESSAI  MALHEUREUX  DE  FUSION  RELIGIEUSI': 

(CORRESPONDANCE.) 

Quoique  l'étendue  de  l'Église  catholique  soit  maintenant  quadruple 
de  ce  qu'elle  était  il  y  a  quatre  siècles,  il  est  permis  de  douter  que 
les  besoins  de  chacune  de  ses  provinces  aient  jamais  été  connus  et 
appréciés  à  Rome  aussi  complètement  qu'ils  le  sont  aujourd'hui,  ni 
qu'aucune  époque  ait  vu  la  solHcitude  du  Pasteur  répondre  avec  autant 
de  célérité  aux  nécessités  du  troupeau.  Les  fidèles  sont  prémunis  dès 
que  le  danger  paraît.  Pie  IX,  qui  a  créé  cent  nouveaux  évêchés  et  con- 
stitué les  Eglises  de  deux  vastes  continents,  ne  semble  perdre  de  vue 
aucun  des  détails  qui  intéressent  la  foi.  Chaque  question  qui  surgit  sur 
les  deux  hémisphères  lui  est  présentée,  et  le  nombre  des  difficultés,  qui 
va  en  s'accroissant  à  proportion  des  développements  de  l'Eglise,  n'a 
rien  qui  lasse  sa  vigilance  ni  qui  déconcerte  la  constance  de  son  esprit. 
Une  fois  de  plus,  il  vient  de  montrer  que  les  fausses  transactions  ne  lui 
conviennent  pas.  Les  trahisons  partielles  de  la  vérité  ne  profitent,  en 
effet,  à  personne  ;  et  les  accommodements  avec  les  faux  principes  ne 
peuvent  aboutir  qu'à  une  confusion  dont  l'erreur  se  prévaudra.  Une 
société  d'ecclésiastiques  anglais  avait  formé  un  projet,  né  des  aspira- 
tions nouvelles  de  l'école  d'Oxford  et  qui  malheureusement  est  trop  peu 
nouveau  pour  qu'on  puisse  s'en  promettre  aucun  succès.  Tel  qu'il 
était,  ce  projet  avait  rencontré  la  sympathie  de  plusieurs  catholiques  ; 
il  s'agissait  d'une  fusion  entre  l'AngUcanisme,  l'Église  grecque  séparée 
et  la  vraie  Église.  L'opération  devait  se  faire  à  peu  près  comme  une 
fusion  commerciale  ;  le  Czar,  la  reine  Victoria  avec  l'archevêque  de 
Cantorbéry,  et  le  Pape  arrivaient  chacun  avec  son  capital  social,  et 
devaient  former  une  sorte  de  banque  à  fonds  commun  pour  l'exploi- 
tation religieuse  de  l'univers.  Chacune  des  parties  contractantes  conser- 
verait pour  les  pays  de  son  obédience  les  formes  qu'elle  a  adoptées  ;  on 


CORRESPONDANCE.  377 

glisserait  légèrement  sur  les  nuances  du  dogme,  et  le  monstre  à  trois 
têtes  formé  par  cet  étrange  assemblage  deviendrait  le  véritable  Église 
catholique,  une,  sainte  et  apostolique.  Ce  programme,  avec  ses  déve- 
loppements et  variantes,  s'affichait  dans  une  publication  mensuelle  qui 
a  environ  un  an  d'existence,  et  qui,  malgré  ses  vastes  aspirations,  n'es 
pas  sortie  d'un  petit  cercle  d'adeptes  ;  on  l'appelle  Y  Union  Revieiv.  A 
la  Revue  se  rattache  une  association  de  prières  pour  le  succès  de 
l'Anglo-Gréco-Romano-Calholicisnie.  Tout  cela  était  fort  candide.  11  ne 
s'agissait  pas,  comme  au  temps  de  Molanus  et  de  Leibnitz,  de  constater 
la  vérité  pour  s'y  conformer,  mais  de  se  pardonner  les  erreurs  réci- 
proques, tout  en  les  conservant,  et  de  se  dire  unis  en  demeurant  dans 
la  division.  L'Anglicanisme,  par  exemple,  devait  être  admis  avec  les 
XXXIX  articles  qu'Elisabeth  lui  a  donnés,  et  avec  les  treize  évêques 
qu'il  a  reçus  de  lord  Palmerston.  Les  difficultés  sur  les  articles  étaient 
résolues  par  le  procédé  Pusey,  c'est-à-dire  en  les  détournant  du  sens 
qu'ils  ont,  pour  leur  en  donner  un  qu'ils  n'ont  pas.  Vos  lecteurs  con- 
naissent déjà  le  système  adopté  en  ce  qui  régarde  l'article  relatif  à  la 
sainte  Messe.  L'article  dit  :  «  Les  sacrifices  des  messes  dans  lesquels 
«  on  dit  communément  que  le  prêtre  offre  le  Christ  pour  les  vivants  et 
•  pour  les  morts  sont  des  fables  blasphématoires  et  de  dangereuses 
a  déceptions  »  (art  XXXI.  traduit  littéralement).  Ce  texte,  d'après  le 
traite  90  publié  jadis  par  le  R.  P.  Ncwman  et  par  le  docteur  Pusey, 
était  une  simple  condamnation  de  quelques  erreurs  vulgaires  sur  la 
messe,  qui  seraient  dérogatoires  au  mérite  de  la  passion  de  J .  C.  et 
entièrement  étrangères  à  la  doctrine  romaine.  D'après  M.  Stuart  l'ar- 
ticle est  plus  innocent  encore.  On  a  proscrit  uniquement,  dit-il,  la  plu- 
ralité des  sacrifices  distincts,  et  c'est  pour  cette  raison  que  le  texte  dit 
les  sacrifices  des  messes,  et  non  pas  le  sacrifice  de  la  messe.  Voulez- 
vous  un  autre  échantillon  de  cet  escamotage  théologique?  L'article  XXI 
dit  :  «  Les  conciles  généraux  ne  peuvent  pas  se  réunir  sans  le  comman- 
«  dément  et  la  volonté  des  Princes.  Lorsqu'ils  sont  réunis,  comme  ils 
«  ne  constituent  qu'une  assemblée  d'hommes,  ils  peuvent  errer  et, 
«  de  fait,  ils  ont  erré  même  dans  les  choses  qui  touchent  à  Dieu.  » 
—  Très  bien  !  disait  là-dessus  l'École  d'Oxford  ;  il  ne  s'agit  ici  que 


378  CORRESPONDANCE. 

des  conciles  assemblés  par  l'autorité  des  princes,  et  les  évéques  n'y 
sont  considérés  que  par  le  côté  humain;  on  peut  donc  signer  cet  article 
et  croire  à  l'infaillibilité  des  conciles  réguliers  et  que  le  Saint-Esprit 
assiste.  L'Union  Revieiu  faisait  sans  doute  allusion  à  des  procédés  de 
ce  genre,  quand  elle  assurait  dans  un  de  ses  premiers  numéros,  qu'un 
catholique  romain,  en  examinant  à  fond  les  59  articles,  n'y  trouvera 
rien  d'hérétique.  Mais  le  procédé  lui-même  est  inadmissible.  L'évêque 
d'Oxford  était  parfaitement  dans  le  vrai,  quand  il  s'écria  en  lisant  les 
Traités  du  temps  :  «  Par  ce  moyen  il  n'y  a  plus  un  seul  texte  qui  ait 
un  sens,  ou  plutôt  ils  auront  chacun  tous  les  sens  qu'on  voudra  !  »  Les 
Anglicans  qui  veulent,  malgré  leur  église,  croire  ce  que  nous  croyons, 
disent  à  cela  :  On  aurait  tort  de  nous  reprendre  ;  les  39  articles  sont 
ambigus,  mais  l'équivoque  qu'ils  contiennent  y  a  été  mise  à  dessein. 
Les  auteurs  des  articles  ne  voulaient  être  ni  luthériens,  ni  calvinistes 
ni  même  anticatholiques.  Ce  qu'ils  avaient  en  vue  était  précisément  de 
concilier  tous  les  esprits.  Nous  ne  faisons  donc  qu'user  de  notre  droit 
en  profitant  d'une  latitude  qui  est  là  exprès  pour  nous.  Tel  est  en  bloc 
le  raisonnement  qui  sort  d'un  fatras  de  contradictions  amoncelées  par 
les  auteurs  du  système.  Peut-être  ceprodédé  a-t-il  quelque  valeur  pour 
les  Anglicans;  mais  l'Église  acceptera-t-elle  l'équivoque?  De  ce  qu'on 
peut  à  la  rigueur,  avec  ou  sans  raison,  et  même  contre  toute  raison 
manifeste,  donner  un  sens  sain  à  un  contexte  qui  condamne  une  partie 
des  Livres  sacrés,  la  transubstantiation,  le  Purgatoire,  le  culte  des 
reliques,  l'invocation  des  Saints  ;  de  là,  de  cette  ressource  extrême 
de  l'évasion  qui  s'offre  à  des  esprits  ingénieux  pour  se  soustraire  à 
tant  d'erreurs,  peut-il  résulter  pour  l'Église  la  faculté  d'accepter  et 
d'autoriser  un  pareil  enseignement  ?  Cette  question  est  celle  qui  a  été 
résolue  jadis  dans  tous  les  conciles  tenus  contre  les  serai-ariens,  par  les 
Athanase,  par  les  Basile,  par  les  Hilaire,  en  face  des  faux  frères  et 
des  empereurs  persécuteurs.  C'est  celle  aussi  qui  se  reproduit  dans 
les  propositions  de  l'Union  Review  et  dans  son  programme  de  la  con- 
ciliation des  symboles  sans  l'unité.  Si  l'Église  grecque  admet  un 
pareil  pacte,  elle  renonce  elle-même  à  ses  propres  traditions  ;  le  prin- 
cipe en  est  aussi  contraire  aux  antécédents  de  cette  Église  qu'il  l'est 


GORRliSPONDANGE,  379 

à  ceux  de  l'Église  romaine.  Quant  à  celle-ci,  elle  a  toujours  repoussé 
les  expédients  de  cette  espèce.  Elle  doit  garder  la  vérité  tout  entière. 
Sa  mission  est  de  conserver  ce  dépôt  intégralement.  Elle  n'en  peut 
rien  céder  ni  par  crainte  ni  par  caprice,  el  ne  connaît  pas  la  voie 
moyenne  entre  la  vérité  et  le  mensonge. 
Voici  le  texte  du  décrel. 

Supremse  S.  Romanx  et  Universalis  Inqidsitionis  Epistola 
ad  omnes  Anglix  episcopos. 

Apostolicae  Sedi  nuntiatum  est,  calholicos  nonnullos  et  ecclesiasticos 
quoque  viros  Societati  ad  prociirandam,  utiaiunt,  Christianitatis  uni- 
tatem  Londini  anno  1857  erectae,  nomen  dédisse,  et  jam  plures  evul- 
gatos  esse  ephemeridum  articules,  qui  catholicorum  huic  Societali 
plaudentium  nomine  inscribuntur,  vel  ab  ecclesiasticis  viris  eamdem 
Societatem  commendanlibus  exarali  perhibentur.  Et  sane  quaenam  sit 
hujus  Societatis  indoles  vel  quo  ea  spectet,  nédum  ex  articulis  ephe- 
meridis  cui  titulus  «  the  Union  Review,  »  sed  ex  ipso  folio  quo  socii 
invilantur  et  adscribuntur,  facile  intelligitur.  A  proteslantibus  quippe 
efformata  et  directa  eo  excitata  est  spiritu,  quera  expresse  profitetur, 
très  videlicet  christianas  communiones  romano-catholicam,  grœco- 
schismalicam  et  anglicanam,  quamvis  invicem  separatas  ac  divisas, 
aequo  tamen  jure  catholicum  nomen  sibi  vindicare.  Aditus  igitur  in 
illam  patet  omnibus  ubique  locorum  degentibus  tum  catholicis,  tum 
graeco-schismaticis,  tum  anglicanis,  ea  tamen  lege  ut  nemini  liceat  de 
variis  doctrina3  capitibus  in  quibus  dissentiunt  quaestionem  movere,  et 
singulis  fas  sit  propriae  religiosae  confessionis  placita  tranquillo  animo 
sectari.  Sociis  vero  omnibus  preces  ipsa  recitandas,  et  sacerdotibus 
sacrificia  celebranda  indicit  juxta  suam  intentionem  :  ut  nempe  très 
memoralae  christianae  communiones,  utpote  quae,  prout  supponitur, 
Ecclesiam  catholicam  omnes  simul  jam  constituunt,  ad  unum  corpus 
efformandum  tandem  aliquando  coeant. 

Suprema  S.  0.  Congregatio,  ad  cujus  examen  hoc  negotium  de 
more  delatum.  est,  re  mature  jierpensa,  nccessariura  judicavit  sedulam 


380  CORRESPONDANCE. 

ponendam  esse  operara,  ut  edoceantur  fidèles  ne  haereticorum  ductii 
hanc  cum  iisdem  haereticis  et  schisnialicis  societatem  ineant.  Non 
dubitant  profecto  Emi  Patres  Cardinales  una  mecum  prgepositi  Sacrae 
Inquisitioni,  quin  istius  regionis  episcopi  pro  ea,  quae  eminent,  carltate 
et  doctrina  oranem  jam  adhibeant  diligentiam  ad  vitia  demonstranda, 
quibus  ista  Societas  scatet,  et  ad  propulsanda  quae  secura  affert  peri- 
cula  :  nihilominus  muneri  suo  déesse  viderentur,  si  pastoralem  eorum- 
dem  episcoporum  zeUira  in  re  adeo  gravi  vehementius  non  inflam- 
niarent  :  eo  enim  periculosior  est  liaec  novitas,  quo  ad  speciem  pia  et 
de  chrislianae  Societatis  unitate  admodum  sollicita  videtur. 

Fundamentum  cui  ipsa  innititur  huiusmodi  est  quod  divinam  Ecclesiae 
conslitutionem  susque  deque  vertit.  Tota  enim  in  eo  est,  ut  supponat 
veram  Jesu  Christi  Ecclesiam  constare  partim  ex  Romana  Ecclesia  per 
universum  orbem  diffusa  et  propagata,  partim  vero  ex  schismate  Photiano 
el  ex  Anglicana  hseresi,  quibus  aeque  ac  Ecclesise  Roraanae  unus  sit 
Doininus,  una  fides  et  unum  baptisma.  Ad  removendas  vero  dissen- 
siones,  quibus  hae  très  chrislianae  communiones  cum  gravi  scandalo  et 
cum  veritatis  et  caritatis  dispendio  divexantur,  preces  et  sacrificia 
indicit;,  ut  a  Deo  gralia  unitalis  impetretur.  Nihil  certe  viro  calholico 
polius  esse  débet,  quam  ut  inter  Christianos  schisraata  et  dissensiones 
a  radice  evellantur,  et  Cbristiani  omnes  sint  solliciti  servare  unitatem 
spiritus  in  vinculo  pam  (Ephes.  iv).  Quapropter  Ecclesia  Catholica 
preces  Deo  0.  M.  fundit  et  Ghristifideles  ad  orandum  excitât,  ut  ad 
veram  fidem  convertantur  et  in  gratiam  cum  Sancta  Roiuana  Ecclesia, 
extra  quam  non  est  salus,  ejuratis  erroribus,  restituantur  quicumque 
omnes  ab  eadem  Ecclesia  recesserunt  :  imo  ut  omnes  homines  ad 
agnilionem  veritatis,  Deo  bene  juvante,  perveniant.  At  quod  Ghristi- 
fideles et  ecclesiastici  viri  haereticorum  ductu,  et  quod  pejus  est,  juxta 
intentionem  haeresi  quammaxime  pollutam  et  infectam  pro  chrisliana 
unitate  orent,  tolerari  nullo  modo  potest.  Vera  Jesu  Christi  Ecclesia 
quadruplici  nota,  quam  in  symbolo  credendam  asserimus,  auctoritate 
divina  conslituilur  et  dignoscitur  ;  et  qnaelibet  ex  hisce  notis  ita  cum 
aliis  cohaeret  ut  ab  iis  nequeat  sejungi  :  liinc  fil,  ul  quae  vere  est  et 
dicilur  calhoUca,  unitatis  siinul,  sanclitalis  cl  Apostolicae  successionis 


CORRESPONDANCE.  381 

praerogativa  debeat  effulgcre.  Ecclesia  igitur  calliolica  iina  est  unilale 
conspicua  perfectaq^ue  orbis  terrse  et  omiiiuni  gentiiim,  ea  profecto 
Hiiitate,  cujus  principium,  radix  et  origo  indefectibilis  est  beati  Pétri 
Apostolorum  Principis  ejusque  in  Cathedra  romana  Successorum 
suprema  auctoritas  et  potior  principalilas.  Nec  alia  est  Ecclesia  catholica 
nisi  quae  super  unum  Petrum  aedificata  in  unum  connexum  corpus  atque 
compactum  unitate  fidei  et  caritatis  assurgit  :  quod  beatus  Cyprianiis 
in  ep,  45  sincère  professus  est,  dura  Corneliura  Papam  in  hune  modurn 
alloquebatur  :  Ut  te  collegx  nostri  et  cormnîinionem  tuant  id  est  Catho- 
licse  Ecclesix  iinitatem  pariter  et  caritalem  probarent  (îrmiter  ac 
tenerent.  Et  idipsum  quoqiie  Hormisdaspontifex  ab  episcopis  Acacianum 
schisma  ejurantibus  assertum  voluit  in  formula  totius  christianae  anti- 
quitatis  suffragio  comprobata,  ubi  sequestrati  a  communione  Ecdesix 
calholiex  ii  dicuntur,  qui  sunt  non  consentientes  in  omnibus  Sedi 
Apostolicée.  Et  tantum  abest  quin  communiones  a  Romana  Sede  sepa- 
ratae  jure  suc  catholicae  nominari  et  haberi  possint^  ut  potius  ex  bac 
ipsa  separatione  et  discordia  dignoscatur  quaenam  societates  et  quinam 
christiani  nec  veram  fidem  teneant,  nec  veram  Christi  doctrinam  :  quem- 
admodura  jam  inde  a  secundo  Epclesiae  saeculo  luculentissime  démon- 
strabat  S.  Irenaeus,  lib.  3  contra  haeres.  c.  3.  Caveant  igitur  summo 
studio  Christifideles  ne  hisce  societatibus  conjungantur,  quibus  salva 
fidei  integritate  nequeunt  adhœrere  ;  et  audiant  sanctum  Augustinum 
docentem,  nec  veritatem  nec  pietatera  esse  posse  ubi  christiana  unilas 
et  Sancti  Spiritus  caritas  deest. 

Praeterea  inde  quoque  a  Londinensi  Societate  fidèles  abhorrere  sura- 
mopere  debent,  quod  conspirantes  in  eam  et  indifferentismo  favent  et 
scandalum  ingerunt.  Societas  illa;,  vel  sallem  ejusdem  conditores  et 
rectores  profitentur,  Photianismuni  et  Ânglicanismura  duas  esse  ejusdem 
verae  Christianae  religionis  formas,  in  quibus  aeque  ac  in  Ecclesia 
catholica  Deo  placere  datura  sit  :  et  dissensionibus  utique  christianas 
hujusmodi  communiones  invicem  urgeri,  sed  citra  fidei  violationem, 
propterea  quia  una  eademque  manet  earuradem  fides.  Haec  tamen  est 
surama  pestilentissima?  indifferentiae  in  negotio  religionis,  quae  hac 
potissimum  aetate  in  maximam  serpit  animarum  perniciem.  Qnare  non 


382  CORRESPONDANCE. 

est  cur  demonstretur  catholicos  huic  Socielali  adhaerenlcs  spirilualis 
ruinas  calholicis  juxta  atque  acatholicis  occasionera  praebere,  praesertim 
quiini  ex  vana  especlatione  ut  très  memoralas  coramuniones  integrae  et 
in  sua  quaeque  persuasione  persistentes  simul  in  unum  coeant,  Socielas 
illa  acatholicorum  conversiones  ad  fidem  aversetur  et  per  ephemerides 
a  se  evulgatas  impedire  conetur. 

Maxima  igitur  sollicitudine  curandum  est,  ne  catiiolici  vel  specie 
pietatis  vel  mala  sententia  decepti  Societati,  de  qua  hic  habitus  est 
sermo,  aliisque  similibus  adscribantur  vel  quoquoraodo  fàveant,  et  ne 
fallaci  novae  christianae  unitatis  desiderio  abrepti  ab  ea  desciscant  uni- 
tate  perfecta,  quae  mirabili  raunere  gratiae  Dei  in  Pétri  soliditate  consistit. 

Romae  hac  die  16  septembris  186-4. 

.  C.  CARD.  PATRIZI. 


DECRETS  DE  LA  S.  C.  DES  INDULGENCES. 


h 


Lu  faculté  de  gagner  plusieurs  indulgences  le  même  jour,  en  répélant 
les  œuvres  prescrites,  s'applique  à  toutes  les  indulgences  sans  ex- 
ception, et  ne  concerne  pas  seulement  celles  qui  sont  attachées  à  un 
jour  fixe.  —  La  visite  d'une  église  ou  d'un  oratoire  public,  quand 
elle  est  exigée,  doit  être  répétée  autant  de  fois  qu'il  y  a  d'indul' 
gences  à  gagner. 

Decretum.  —  Congregatîonis  S.  Benedicti  in  Gallia.  —  In  gene- 
ralibus  comitiis  Sacras  hujus  Indulgentiarum  Congregationis  habitis  die 
29  februarii  1864  sequentia  dubja  per  J.-B.  Nicolas,  monachum  Con- 
gregationis Galliae  S.  Benedicti,  proposita  fuere. 

i.  Cura  ex  diversis  decretis  S.  Congregationis  Indulgentiarum  jam 
liceat  plures  plenarias  indulgentias  eadera  die  lucrari,  solutis  scilicet 
condltionibus,  quaerilur,  an  dictura  decretum  respiciat  solas  indulgentias 
in  una  die  occurrentes  propter  festivitatem,  vel  potius  etiara  illas,  quas 
unusquisque  ob  suam  devotionem  tali  per  hebdomadara  ant  raensera 
diei  adfixerit  ? 

2.  Qui  décrète  ipso  uti  voluerit,  an  teneatur  ecclesiam  vel  publicum 
oratorium  visitare  (quando  nempe  requiritur  talis  visitatio)  totidem  vici- 
bus,  quod  sunt  indulgentias  lucrifaciendae  ? 

Et  quali  nus  affirmative 
'     3.  An  sufficiat,  ut  in  una  eademque  ecclesia  tôt  preces  seu  visitationes 
repetantur,  quot  sunt  Indulgenliae  lucrandae,  quin  de  ecclesia  post 
quamlibet  visitationem  quis  egrediatur,  et  denuo  in  eam  ingrediatur? 

Hisce  itaque  ab  Eminenlissimis  Patribus  raature  discussis,  votisque 


38Zl       DÉCRETS  DE  LA  S.  G.  DES  INDULGENCES. 

consultorum  perpensis,  respondendura  esse  statuerunt:  ad  primum, 
A/firmalive;  ad  seciindiini,  Affirmative;  ad  tertium,  Négative. 

Datuni  Romse,  ex  Secretaria  S.  Congregationis  Iridulgentiarum,  die 
29  februarii  1864. 

F.  Antonius  Maria  Gard.  Panebiango,  Praefectus, 
A.  Colombo,  Secretarius. 


II. 


Le  prêtre  qui  célèbre  à  un  autel  privilégié  jouit  du  privilège,  même 
sans  célébrer  mie  messe  de  Requiem  aux  jours  où  la  rubrique  le  per- 
met, quand  il  en  est  empêché  ou  parce  que  le  Saint- Sacrement  est 
exposé,  ou  parce  qu'il  y  a  station  à  Véglise,  où  à  raison  de  toute 
autre  solennité. 

Decretum,  —  Urbis  et  Orbis.  —  Quamplures  Romani  cleri  sacer- 
dotes,  ac  praesertim  animarum  curatores  dubium  huic  Sacras  Congre- 
gationi  Indulgentiis  sacrisque  Reliquiis  praepositse  enodandum  propo- 
sueriint  :  Utrum  scilicet  sacerdos  celebrans  in  altari  privilegiato  legendo 
missam  de  festo  semiduplici,  simplici,  votivam,  vel  de  feria  non  pri- 
vilegiata,  sive  ratione  expositionis  sanctissimi  Sacramenti,  sive  stalionis 
ecciesiaî,  vel  alterius  solemnitalis,  aiit  ex  rationabili  motivo  fruatiir  pri- 
vilégie ac  si  legeret  missam  de  Requie  per  rubricas  eo  die  permissam? 

Sacra  itaque  Congregatio,  quae  habita  fuit  apud  Vaticanas  aedes  die 
29  februarii  1864,  auditis  Consultorum  votis,  respondendum  esse  duxit  : 
Affirmative,  deletis  tamen  verbis  :  Aut  ex  rationabili  motivo,  et  facto 
verbo  cum  Sanctissimo.  Facta  insuper  per  me  infrascriptum  ejusdem 
S.  Congregationis  secretarium  Sanclissimo  Domino  Nostro  relatione  in 
audienlia  diei  il  aprilis  ejusdem  anni,  Sanctitas  sua  EE.  PP.  senten- 
tiam  bénigne  confirmavit. 

Datum  Romae  ex  secretaria  ipsius  S.  Congregationis  Indulgentiarum, 
die  11  aprilis  1864. 

F.  Antonius  IVIaria  Gard.  Panebiango,  Prsefectus, 
A.  Colombo,  Secretarius. 


DECRETS  DE  LA  S.  C.  DES  INDULGENCES.       385 

m. 

Un  simple  signe  de  croix  ne  sn/fît  point  pour  bénir  les  rosaires  de 
saint  Dominique,  et  les  chapelets  de  N.-D.  des  Sept -Douleur», 
mais  il  faut  se  servir  de  la  formule  et  suivre  le  rit  indiqué. 

Galliarum.  Nonnulli  vicarii  générales  in  Gallia  humiliter  S.  C. 
Indulg.  exponunt  dubiucî  solvendum,  ut  infra. 

Constat  ex  pluribus  recentioribus  decretisS.  C.  l.circa  bcnedictionem 
criicium,  coronarum,  etc.,  cum  applicationeindulgentiarum  quas  Sum- 
mus  Pontifex  impertiri  solet,  signanter  ex  decretis  diei  1 1  aprilis  1840, 
diei  7  januarii  1843  et  23  januarii  1848,  nec  formulae  alicujus  recita- 
lionem,  nec  adspersionem  cum  aqua  benedicta,  nec  alium  ritura  requiri 
praeter  signura  crucis,  quamvis  in  induUodicatur  :  «  In  forma  Ecclesiae 
consueta  •  ;  et  ideo  sacerdolem  a  Summo  Pontifice  facultalem  habentera 
cruces,  coronas,  etc.,  solo  signo  crucis  benedicere,  iisque  indulgentias 
applicare  posse  et  valere. 

Quum  vero  décréta  supra  citala  specialiter  de  benedictionibus  cum 
applicalione  indulgentiarum  apostolicarum  loquantur,  ideo  dubitalur 
num  illse  declarationes  etiam  coniprebendant  benedictionem  cum  appli- 
catione  indulgentiarum  rosarii  S.  Dorainici  et  coronse  septem  Dolorum 
B.M.V.,  quae  impertiri  solet  a  patribus  ordinisPrœdicatorumet  ordinis 
Servorum  [Servîtes)  ^hrisd  ;  ita  utsacerdotes  qui  vel  immédiate  a  Sumno 
Pontifice  vel  a  superioribus  generalibus  prsdii'lorum  ordinum  ex  aucto- 
ritate  apostolica  ipsis  facta,  facultatem  habent  benedicendi  rosaria  S. 
Dominici  et  coronas  septcra  Dolorum  B.  M.  V.,  id  solosigno  crucis  per- 
ficere  possint  et  valeant  ;  an  vero  pro  valore  actus  omnino  adhibenda 
sit  formula  benedictionis,  simulque  adspersio  cum  aqua  benedicta.  Etsi 
hîBC  ultima  opinio  minus  probabilis  videatur,  eo  quod  décréta  S.  G.  l. 
omnino  generaliasint,  nec  uUam  distinctionem  aut  exceptionem  faciant, 
tamen,  pro  majori  securitate,  summopere  desiderandum  est  ut  S.  C. 
I.  illud  dubiumsolvere  dignelur,  et  in  casu  quo  formula  adhibenda  sit, 
ab  obligatione  illam  adhibcndi  dispensationem  implorant,  quum  pro 

REVUK   des   sciences  ECCIÉS.,  T.   X   —  OCTODUK   1864.  26 


386  DÉCPETS    DE    LA    S.     C.    DES    INDULGENCES. 

utraque  benedictione  et  iniiulgentiarum  applicalionc  eaedem  rationes 
militent. 

Erninentissirai  Patres,  in  congregatione  habita  die 29  februarii  1864, 
proposilo  dubio  respondendumduxerunt:  Pro  coronis  rosarii  et  septem 
Dolorum  servandam  formulani,  quum  responsa  S.  C.  dierum  11  aprilis 
1840  et  7  januarii  1845  non  comprehandant  casusde  quibus  agitur  in 
precibus.  —  Quoad  dispensationem,  non  expedire. 

Datum  Romae  ex  sécréta ria  S.  C.  l. 

A.  Gard.  Panebianco,  Praef. 
A.  Colombo,  Secret. 

Nous  croyons  être  utile  à  un  certain  nombre  d'ecclésiastiques  en 
plaçant  ici  les  formules  usitées  pour  ces  bénédictions. 

Bénédiction  des  rosaires  ou  chapelets  de  S.  Dominiqne. 

On  omet  les  parenthèses  lorsque  la  personne  à  qui  le  chapelet  est 
destiné  n,est  pas  membre  de  la  Confrérie  du  Rosaire. 

^  Adjutorium  nostrum,  etc. 

f  Domine,  exaudi,  etc. 

f  Dominus  vobiscura. 

Oremus.  Omnipotens  et  misericors  Deus,  qui  propter  eximiam  cha 
ritatem  tuara  qua  dilexisti  nos,  Filiuni  tuura  Unigenitum  Dominum 
nostrum  Jesum  Christum  de  cœlis  in  terram  descendere,  et  de  Bealis- 
siraae  Virginis  Mariai  Dominas  nostrae  utero  sacralissimo,  Angelo  nun- 
tiante,  carnem  suseipere,  crucemque  ac  mortem  subire,  et  tertia  die 
gloriose  a  mortuis  resurgere  voluisti,  ut  nos  eriperes  de  potestate 
diaboli  ;  obsecramiis  immensam  clementiam  tuam,  ut  haec  signa 
Rosarii  in  honorem  et  laudem  ejusdera  Genitricis  Filii  tui  ab  Ecclesia 
tua  fideli  dicata  bene  t  dicas  et  sancti  t  fices,  eisque  tantam  infundas 
virtutem  Spiritus  Sancti,  ut  quicumque  horum  quodlibet  secum  por- 
taverit  atque  in  domo  sua  reverenter  lenuerit,  et  in  eis  ad  te  secundum 
ejusdem  sanctae  societatis  instituta,  divina  contemplando  mysteria 
dévote  oraverit,  salubri  et  perseveranti  devotione  abundet,  sitque 
consors  et  particeps  omnium  gratiarum,  privilegiorum  el  indulgen- 
tiarum  quae  eidem  societati  per  sanctam  Sedem  apostolicani  concessa 


DÉCRET    DE    LA    S.    G,    DES  RITES.  387 

fuerunt,  ab  omni  hosle  visibili  el  invisibili  scmper  et  ubique  in  hoc 
saeculo  liberetur,  et  in  exitu  suo  ab  ipsa  beatissima  Virgine  Dei  géni- 
trice libi  plenus  bonis  operibus  praesentari  mereatur.  Per  eumdem 
Dominura  nostrum,  etc. 

Et  aspergantur  rosaria  aqua  benedicta,  cum  his  verhis  :  In  nomine 
Pa  t  tris,  et  Fi  t  iii,  et  Spiritus  +  Sancti.  Amen. 

Bénédiction  des  chapelets  des  Sept-Douleurs. 

f  Adjutorium  nostrum,  etc. 

ji  Domine,  exaudi,  etc. 

f  Donninus  vobiscum. 

Oremus.  Omnipotens  et  misericors  Deus,  qui  propfer  nimiam  chari- 
tatem  qua  diiexisti  nos,  Filium  tuum  Unigenitura  Dominum  nos- 
trnm  Jesum  Christum  pro  redemplione  nostra  de  cœlis  ad  terram  des- 
cendere,  carnem  suscipere  et  crucis  tormentura  subire  voluisti  ;  obse- 
cramus  immensam  clementiam  tuam  ut  banc  coronam  (bas  coronas)  in 
memoriara  septem  DolorumGenitricis  ejusdemFiliitui,  ab  Ecclesia  tua 
fideli  dicatam  (dicatas),  bene  t  dicas^  sancti  t  fices,  et  ei  (eis)  tantara 
Spiritus  Sancti  virtutem  infundas,  ut  quicumque  eam  recitaverit,  ac 
secura  portaverit,  atque  in  domo  sua  reverenter  tenuerit,  abomni  hoste 
visibili  et  invisibili  semper  et  ubique  in  hoc  saeculo  hberetur,  et  in  exitu 
suo  a  beatissima  Virgine  Maria  tibi  bonis  operibus  coronatus  praesentari 
mereatur.  Per  Christum  Dominum  nostrum.  Amen. 

Et  sacerdos  aspergat  coronam  aqua  benedicta  dicens  :  Asperges  me, 
etc. 


DÉCRET  DE  LA  S.   G.  DES  RITES. 

La  lampe  qui  brûle  devant  le  Saint-Sacrement  doit  être  régulièrement 
alimentée  par  de  l'huile  d'olives  ;  mais  quand  il  n'est  pas  possible 
de  s'en  procurer,  les  Evéques  peuvent  autoriser  l'usage  d'une  autre 
huile,  autant  que  possible  végétale. 

Plurium  Diœcesium. 
Nonnulli  reverendissimi  Galliarum  antistites,   serio  perpendentes 


388  DÉCIÎKT    Dr    LA    s.   C,    DES    RITES. 

in  nniliis  siiariim  diœcasium  ecclesiis  difficile  admodiim  et  non  nisi 
magnis  sumptibus  comparari  posse  oleiim  olivarum  ad  nutriendara  diu 
nocluque  saltem  unam  lanipadem  anle  Sanctissimum  Eiicharistiae  Sa- 
-cramenliim,  ah  Apostoiica  Sedo  dechrari  petierunt,  utrum  in  casn, 
atlenlis  difficnUatibus  et  ccclcsiaruni  paupcrtate,  oleo  olivarum  sub- 
slitui  possint  alla  olea,  quae  ex  vegetabilibus  babcntiir,  ipso  non  excinso 
polroleo.  Sacra  porro  Piiluiim  CongregJlio,  ctsi  semper  sollicita  lit 
eliam  in  bac  parte  quod  usque  ab  Ecclesias  priinordiis  circa  usiim  olei 
ex  olivis  inducUim  est,  ob  mysticas  significaliones  rctineatur  ;  attamen 
silcntio  prseterire  minime  censuit  rationes  ab  iisdem  episcopis  prulatas  ; 
ac  proinde  exquisito  prius  voto  alteriusex  Apostolicarum  cerenToniarum 
magisiris,  siibseriptirs  CardinaUs  f'raefcctus  ejnsdem  Saerae  Congre- 
galionis  rem  omnem  [iroposnil  in  ordinariis  comiiiis  ad  Valicanum  ho- 
iliernadie  babiiis.  Emineniissimi  autcm  cl  Reverendissimi  Patres  sacris 
luendis  Uitibus  prcepositi,  omnibus  accnrjle  perpensisac  diligentissime 
examinalis,  rescribendum  censuerunt  :  Generatim  ntendum  esse  olea 
olivarum;  ubi  vero  huheri  neqneat,  rem'Utendiim  prudentix  episco- 
poriim.  ni  lainpades  nulùanlur  ex  aliis  ole'is  quauttnn  fîeri  possit 
ve(j€lahilîbus.  Die  9  julii  186i. 

Facta  poslmoduni  de  prœmissis  Sanctissimo  Domino  Noslro  Pla 
Papœ  IX,  per  infrasripluni  Secrotariiim  fideli  relatiane,  Sanctitas  Sua 
sentenliam  SjorteCongregationis  ralam  liabuit  et  confirmavit.  Die  14, 
iiiilem  mense  el  annn. 

C.  Ep.  Pobtuen.  et  S<  RcFiNiE  Gard.  Pathizi 
S.  Pi.  C.  Prœf. 
Ijdêo  t  Signi. 

D.  Hautolim  s.  Pi.  c.  SccretariHs. 


AlU-HICONFRERlb:. 

de  i Assomption  de  Notre-Dame  pour  k  soulagement  des  âmes 
du  purgatoire. 

Nous  avons  parlé  déjà  de  cette  Archicorifrérie,  érigée  d  ins  l'église 
de  S.  Maria-in-Monlerone,  desRR.  PP.  Rédemptoristes,  à  Rome  (l). 
Pour  en  donner  une  connaissance  plus  complète,  nous  croyons  ne  pou- 
voir mieux  faire  que  de  publier  le  catalogue  des  faveurs  spirituelles 
accordées  à  cette  pieuse  association.  Ce  sommaire  est  revêtu  de  l'appro-  ' 
bation  de  la  S.  C.  des  Indulgences.  Il  répond  à  toutes  les  questions  que 
Ton  pourrait  se  poser. 

Le  directeur  général  de  rassociation  a  publié  en  italien  un  manuel 
qui  a  été  Iraduilen  français  (2),  etqni  compte  déjà  deux  édilions  dans 
notre  langue.  C'est  la  meilleure  preuve  des  progrès  de  l'Archiconfrérie. 
Déjà  de  nombreuses  sociétés  ne  sont  fiiit  affilier  à  elle:  il  en  existe  en 
particulier  dans  toutes  les  maisons  des  Rédemptoristes.  On  peut  s'a- 
dresser là  pour  en  faire  parlib. 

MONITA 

Ad  Directores  Confralernitalum  aggregatarum  el  ad  sncerdotes  pro 
adscriplione  fidelium  subdelegalos. 

1.  Promoveantpro  viribusdevotionemsuffragandi  animas  Purgatorii, 
prgecipue  per  erectionem  piarum  Unionum  seu  Confraternitatum  quae 
nostrae  Primariae  aggregontur,  et  exhortando  fidèles  ut  tam  salutiferae 
societali  dent  sua  nomina, 

2.  Satagant  ut  lingua  vernacula  lypis  imprimatur  ac  divulgetur 
sequens  indulgentiarum  et  gratiarum  Archiconfraternitati  concessarum 
summarium. 

(l)  Revue,  t.  viii,  p.  79. 

(ï)  Manuel  de  l'Archiconfrérie  de  l'AssompUou  de  Noire-Dame  pour  le 
soularjemcnt  da  ùoies  du  purgiloire  ,  par  le  11.  P.  Quoloz,  procureur 
général  de  la  Congrégation  Ju  T.  S.  Rédempteur.  Traduit  de  l'iLalicn  et 
auGjmenté,  avec  l'autorisation  de  l'auteur  par  uu  Ijénédieliu  di-  l'Aljbaye 
de  Sûlesmci.  1"  éd.  Paris  et  Tournai.  Caslnrraan.  isnj. 


390  ARCHIGONFRÉRIE 

3.  Adscriptio  fidelium  et  sumraarii  distributio  gratis  fiat,  ac  pro 
solius  Dei  honore  et  anima rum  solatio,  ad  norniam  Constitutionum 
Apostolicarum. 

4.  Aggregatio  piae  alicujus  associalionis  vel  confraternitatis  et  sub- 
delegatio  sacerdotura  pro  adseriptione  fidelium  a  moderatore  archicon- 
fraternilatis  in  ecclesia  S.  Mariae  in  Monterone  de  Urbe  peluntur.  De- 
sideratur  ut  singulis  quatuor  vel  quinque  annis  unaquaeque  confraternitas 
aggregatanumerum,  non  nomina,  suorum  adscriptorumin  Album  Pri- 
mariae  transmittat. 

5.  Pise  Uniones  seu  confraternitates  erigi  et  aggregari  nostraePri- 
mariœ  possunt  de  consensu  ordinarii  pro  omnibus  fidelibus  in  quibus- 
cumque  ecclesiis  vel  oratoriis  publicis.  In  ecclesiis  vero  vel  oratoriis 
Religiosarum  pariter  de  consensu  ordinarii  pro  ipsis  monialibus,  suis 
novitiis,  mulieribus  apud  se  comraorantibus,  suis  aluranis  aliisque 
puellis  sub  illarum  directione  et  educatione,  qnae  poslea  semper  ad- 
scriptae  rémanent. 

6.  Curent  ut  fréquenter  missae  pro  animabus  Purgatorii  applicentur, 
et  ut  die  secunda  novembris  et  per  septem  sequentes  dies  pium  aliquod 
exercitium  pro  illis  animabus  instituatur.Hoc  exercitiura  jam  in  variis 
ecclesiis  confraternitatum  aggregatarum  per  totum  mensem  novembris 
cum  sumraa  fidelium  consolatione  peragitur,  propterea  november  mensis 
animarum  Purgatorii  dk\l\xr. 

7.  Consolantissimum  est  adscriptis  nosse  se  cum  centenis  millium 
sodaliura  in  singulis  mundi  partibiis  communionem  precum  et  suffra- 
giorum  pro  se  suisque  charis  defunctis  habere.  Adscripti  sunt  fidèles 
ex  omnibus  statibus  hominum,  nec  non  ordinibus  religiosorum  ac  mo- 
nialium,  qui  fera  innuraerabilibus  pœnitentiis,  ciliciis,  jejuniis,  ora- 
lionibus,  eleeinosynis,  aliisque  [liis  operibus  ac  pra^cipue  niissis  cele- 
bratis  confratres  et  consorores  viventes  et  defunctos  adjuvant  et  suffra- 
gant. 

MONITA   AD   SODALES. 

1.  Adscripti  sacerdotes  infra  annum  semel  missam  célèbrent  ;  sae- 
culares  veroeam  celebrare  facianl  pro  omnibus  animabus  in  Purgatorio 
detentis,  speeialiter  pro  illis  qua3  huic  piae  unioni  nomen  dederunt,  quae 


DE    L'ASSOMPTION    DE   NOTRE-DAMEg  391 

majori  succursu  indigent,  vel  a  nemine  niemorantur,  aut  miserrime  in 
Purgalorio  existunt.  Sœpe  proillis  orenl. 

2.  Qui  nequeunt  missam  celebrare  nec  pro  missa  eleemosynam  dare, 
siipplerepossuntper  receptionemsacramenloruraPœnilentiae  el  Eucha- 
liae,  vel  per  assistentiam  missae  sacrificio,  vel  per  recilationem  lertiae 
partis  S.  Rosarii,  vel  eliara  per  pium  exercitium  Vix  Crucis, 

3.  Nullum  ex  diclis  suffrages  vel  piis  e:;ercitiis  sub  peccato  propo- 
nilur.  Conditiones  tamen  prounaquaqueindulgentialucranda  praescrip- 
tas  implere  debent  sodales  qui  eas  consequi  volunt. 

4.  Omnesindulgentiae  associationi  nostrae  concessœ  applicari  possunt 
animabus  Purgatorii.  Ob  finem  nostrae  associationi  proprium  sodalibus 
consulilur  ut  illas  et  alias  multas  dictis  animabus  l'requenlissirae  appli- 
cent. 

SUMMARIUM. 

Indulgentix  plenarix 

Indulgentia  plenaria  in  die  adscriptionis  piae  Unioni. 

Item  in  articule  raortis,  dumraodo  vere  pœnitentes,  confessi,  sacra- 
que  comraunione  refecti  fuerint,  et  si  non  possunt,  saltemSSmum  nonien 
Jesu  corde,  si  ore  nequiverint,  dévote  invocaverint. 

item  in  festis  Nalivitatis,  Epiphaniae,  et  Corporis  Domini  ;  Immaculataî 
Conceptionis,  Nativitatis,  Purificalionis  et  Annuntiationis,  et  Assump- 
lionis  B.  V.  M.;  Apparitionis,  8maii,  etDedicalionis  S.  MichaelisAr- 
changeli,  29  septembris  ;  S.  Josephi,  19  raarlii,  ejusque  Patrocinii,  5 
Dom.  post  Pascha  ;  SS.  Apostolorum  Pétri  et  Pauli,  29  junii. 

Item  in  die  Coramemorationis  omnium  fidelium  defunctorum,  2no- 
vembris,  die  festo  piae  nostrae  Associationis. 

Item  semel  in  quolibet  mense,  die  uniuscujusque  socii  arbitrio  eli  • 
gcnda. 

JSotse.  l.  Indulgentiae  plenariae  pro  festis  concessae  acquiri  possunt 
vel  ipsa  fesli,  vel  alla  die  infra  octavas.  Ad  illas  lucrandas,  praeler 
confessionem  et  communionem  requiritur,  ut  sodales  aliquam  ecclesiam 
vel  oratorium  publicum  visitent,  ibique  pro  concordia  inter  principes 
christianos,  haeresum  extirpa tione  et  exaltatione  S.  Matris  Ecclesiae 
orenl. 


392  ^  ARCHICONFRÉRIE 

2,  Personae  vivenles  in  communitatibuslucrare  possunt  indulgentias 
visitando  oratoriuin  in  quo  exercilia  sua  spiritualia  peragere  soient. 

3.  Adscripti,  ut  infra  diceliir,  lucrare  possunt  aliam  indulgentiam 
plenariam  in  mcnse  novembris,  alteram  semé!  quovis  mense  pro  visi- 
tatione  cœmeteriorum,  quatuor  in  diebus  slationalibus  per  annum  et 
unam  pro  stationibiis  specialibus  in  Quadragesima. 

//.  Indulgenùx  -partiales . 

Indulgentia  septeni  annorum  et  totidem  quadragenarum  in  omnibus 
aliis  festis  Dom.  N.  J.  C,  et  B.  M.  V.,  in  tota  Ecclesia  pra3scriptis, 
nncnon  in  festis  nalalibus  Apostolorum  snpra  non  recensilis,  nempe 

In  festis  Circumcisionis  Domini;,  1  januarii,  Ejus  SSœi  Norainis,  2 
Dom.  post  Epiphaniam,  Paschatis,  Invenlionis  S.  Crucis,  5  maii,  As- 
eensionis  Doniini,  SSmi  Cordis  Jesu,  feria  6  post  octavam  festi  Corpo- 
ris  Doraini,  Preliosissimi  Sanguinis  J.  C,  1  Dom.  julii,  et  Transfigu- 
rationis  D.  N.  J.  C,  6  Augusli,  Exaltalionis  8.  Crucis,  14 sept. 

In  festis  Compassionis  B.  V.  M.  feria  6  post  Dom.  Passionis,  Visi- 
tationis,  2  julii,  B.  V.  i\I.  de  Monte  Carmelo,  16  julii,  B.  V.  M.  ad 
Nives,  5  Augusli,  SS.  Nominis  MuriiE,  Dom.  infr.  octav.  ejus  Nativi- 
talis  ;  Septem  dolorum  B.  V.  M.  3  Dom.  sept.,  B.  V.  M.  de  Mercede, 
2'isept.,  SS.  Bosarii,  I  Dom.  octob.,PrsesentationisB.  V.  M.,  21  nov. 

In  festis  Commemorationis  S.  Pauli,  50junii,  S.  Andreae  Apost  , 
30  nov.,  S.  Joannis  Ap.,  27  dec,  SS.  Ap.  Jacobi  et  Philippi,  1  Maii, 
S.  Jacobi  Majoris,  21  juhi,  S.  Barlholomaei  Ap.,  25  aug.,  S.  Mathaei 
Ap.,  21  sept.,  SS.  Ap.  Simonis  et  Juda?,  28  octob.,  S.Thomae  Ap  ,  21 
dec,  S.  MalhiaeAp.,  24  febr.,  S.  Barnabse  Ap.,  Mjunii. 

Indulgentia  septem  annorum  lotidemquc  quadragenarum  in  septem 
diebus  immédiate  sequenlibus  commeraorationem  omn.  lidel.  defunct. 

Item  sabbato  ante  Dom.  Sexagesimœ  et  in  decem  seq.  diebus. 

item  in  qualibet  prima  feria  secunda  cujuslibet  mensis. 

nias  indulgentias  septem  annorum, etc.,  acquirunt  sodales  visitando 
aliquam  ecclesiam  et  orando  sicut  pro  plennriis,  quin  tamen  conlessio 
et  communie  requirantur.  Decretum-9aug.  1859. 

Indulgonlia  ter  cenlum  dieruiu  toliesquolies  adscripti  aliquam  eccle- 
siam vcl  oratorium  publioum  visitant  ibique,  ut  supra,  orant. 


DE    l' ASSOMPTION    DE    NOTRE-DAME.  393 

Indulgentia  centiim  dieruni  loties  quo'.ies  aliquod  caritalis  vel  pie- 
talis  opus  exercent. 

Adscripli  légitime  impedili,  visitationem  siipplere  possiinl  tam  pro 
indulgentiis  pienariis  qiiam  pro  partinlibus  per  quodcumque  aliiid  bo- 
num  opus. 

///.  Jndulgentix  stationales, 

Sodaîes  qui  diebus  stalioniira  Urbis  quamcumque  ecclesiam  vel  ora- 
torium  publicum  extra  Urbem  visilaverint  et  juxta  mentein  Summi 
Pontificis  dévote  oraverint,  omnes  indulgentias  acquirent,  quas  Gdeles 
Romae  lucrant  visitando  ecclesias  Stalionum.  Sunt  autera  sequentes  ex 
Decretis  Pli  VI  ,  9  julii  177?',  et  LeonisXll,  28  febniarii  1827. 
1.  Pei'  annnm. 

Indulgentia  plenaria,  peracta  eonfessione  et  communione,  in  terlia 
niissa  et  residuo  tempore  dielNativiJatis  D.  N.  J.  C,  in  Cœna  Domini, 
in  festisPaschatiset  Ascensionis  Domini. 

2.  Indulgenlia  30  annorum  et  30  çuadragenarum. 

In  festis  S.  Stephani  protom.,  S.  Joannis  Evang.,  Sanctorum  Inno- 
centium,  Gircuracisionis  et  l'ipiphaniae  Domini  ;  in  Doniinicis  Septuage- 
simae,  Sexagesimas  et  QuinquageSimae,  Feria  sexta  et  saljbato  Majoris 
Hebdomadae.  In  Iota  octava  Paschatis,  Dominica  in  Albis  inclusa.  In 
festo  Pentecostesetper  cet,  usqueadsabbatum,  inclusis  diebus4  temp. 
in  hac  octava. 

Indulgentia  25  annorum  et  25  quadragenarumin  Dom.  Palmarum. 

3.  Indulgentia  15  annorum  et  totïdem  quadragenarum. 

In  Dominiea  111  Adventus^  in  vigilia,  nocte,  ac  missa  aurorae  Nativi- 
tatis  Domini,  in  feria  4  Cinerura,  in  dominica  IV  Quadragesimae. 

4.  Indulgentia  10  annoruM  totideinque  quadragenarum. 

In  dominieis,  I,  II  et  IV  Adventus,  in  omnibus  diebus  tam  festivis 
quam  ferialibus  QuadragesiniîB  supra  non  recensilis,  in  vigilia  Penteco- 
stes,  in  diebus  quatuor  temporum  septembris  et  decerabris. 

5.  Spedaliores  indulgentix  stalionales  in  Quadragesima. 
Indulgentiam   40  annorum  totidemque  quadragenarum  acquirunt 

sodalessemel  in  omnibus  diebus  Quadrogesima?,  visitando  aliquam  eccle- 
siam vel  publicum  oralorium  ibique  recitando  preces  recensitas  in  li- 


39/i  ARCHIGONFRÉRIE 

bello  a  Leone  Xil  ad  hoc  edito,  scilicet  preces  ad  SS.  Martyres,  psalm. 
Miserere,  quinque Pofer,  Ave,  et  G/ona, gradusPassionis  D.  N.  J.  C, 
lilanias  Sanctorum  cum  versiculis  et  orationibiis,  ac  in  fine  psalm.  De 
profundis.  Quibus  non  conveniuntillae  preces  vel  deest  recensitus  libel- 
las^ ipsipossunt,  ex  declaratione  ejusdera  Leonis  XII,  recitare  tertiara 
partem  S/Rosarii,  litanias  B.  V.  M.,  aliasque preces  juxta  propriani 
devotionera,  terminandocura  psalm.  De  profundis  vel  uno  Pater,  Ave, 
et  Requiem  œternam  in  suffragiura  animarum  Purgalorii.  Acquirunt 
autem  indulgentiam  plenariani,  si  saltem  tribus  distinctis  Quadrage- 
simse  diebus  praedictam  visitationem  peregerint,  modo  una  die  ad  arbi- 
triura  eligenda  confiteanlur  et  communicent. 

Personae  religiosae  vel  aliae  in  communitale  viventes  illas  indulgen- 
tias  lucrabunt  recitando  preces  in  sua  ecclesia  vel  oratorio;  infirrai  et 
in  carceribus  detenti  supplebunl  quod  nequeunt  facere  per  opéra  pia 
t.ibi  a  confessario  injuncta. 

IV.  Mensis  Novemhris. 

Non  solum  sodales,  sed  omnes  fidèles  qui  assistunt  pio  exercilio 
quod  fit  prodefunctis  per  mensem  novembris  in  aliqua  ecclesia  vel  ora- 
torio in  que  sit  pia  unio  erecla  et  archisodalitati  noslrae  aggregata, 
dninmodo  orent  juxta  montera  Sumnii  Ponlificis,  lucrabunt  singulis  vi- 
cibus  indulgentiam  7  annorum  et  7  quadragenarum.  Si  vero  tali  pio 
exercitio  saltem  duodecim  vicibus  interfuerint  in  decursu  mensis, 
scaiel  in  eodem  raense  indulgentiam  plenariani  acquirent,  dummodo 
confiteanlur  et  communicent.  Sodales  infirmi  supplere  possunt  assisten- 
tiam  recitando  ter  psalm.  De  Profundis. 

V.  Indnlgentise  pro  visitatione  ciemeteriorum 

Sodales  nostri  toties  quoties  aliquod  publicum  cœmeterium  visilabunt 
in  eoque  pro  aeterna  requie  defunctorum  orabunt,  indulgentiam  7  an- 
norum et  7  quadragenarum  acquirent.  Si  vero  saltem  quater  in  mense 
talem  visitationem  inslituerint,  indulgentiam  plenariam  lucrabunt, 
dummodo  confiteanlur,  communicent  et  aliquam  ecclesiam  visitent. 
Vi.  Alix  gratise  et  privilégia, 

l.  Âllare  cujusvis  conlVaternitatis  ubivis  erectae,  et  Primariae  S.  M. 
in  Monterone  aggrcgat3e,est  privilegiatuni  quotidiepro  omnibus  sacer- 


DE    l' ASSOMPTION    DL    NOTRE-DAME.  395 

dolibus  etiam  non  adscriptis  in  favorem  adscriptorum  et  omnium  alio- 
riim  fidelium  in  Domino  defnnctorum. 

2.  Moderator  archiconfraternitatis  facultate  gaudet  subdelegandi 
sacerdotes^  in  locis  ubi  non  existit  aiiqua  confraternitas  aggregata,  ad 
adscribendos  fidèles,  ea  lege  ut  adscriptorum  nomina  in  album  nos- 
trse  Priraariae  vel  alterius  confraternitatis  huic  Primariae  aggregatae 
transmitiant. 

3.  Directores  designati  confraternitatiim  archiconfraternitati  aggre- 
gatarura  et  sacerdotes,  ut  supra,  subdelegati,  benedicere  possunt  pro 
adscriptis  coronas  sancli  Michaelis  Archangeli,  vulgo  Coronas  ange- 
licas  cum  adnexis  indulgentiis. 

4.  Post  lam  copiosas  gratias  et  privilégia  Summorum  Pontificum, 
varii  religiosorum  ordinummoderatores générales,  juxta  facultates  sibi 
a  Sancta  Sede  concessas,  nostram  archisodalitatem  aliis  therauris  vere 
preliosis  ditare  peramanter  dignali  sunt.  Documenta  gratiarum  in  ar- 
chivio  archiconfraternitatis  asservantur. 

Magister  generalis  Dominicanorum  et  praepositus  generalis  Carmeli- 
tarum  excalceatorum  concesserunt  direcloribus  pro  tempore  archicon- 
fraternitatis et  eonfraternitatum  ipsi  aggregatarum  facultatera  respec- 
tivam  qua  benedicere  possunt  pro  omnibus  fidelibus  rosaria  seu  coro- 
nas S.  Dominici  cnin  adnexis  indulgentiis  ;  benedicere  item  et  imponere 
scapularia  B.  M.  V.  de  Monte  Carmelo  omnibus  fidelibus,  eisque  bene- 
dictionem  et  indulgentiara  plenariam  in  artkulo  mortis  imperlire,  ac 
commutare  in  aliud  opus  pium,  ob  justara  causam,  obligationes  pecu- 
liares  pro  privilégie  sabbalinoconsequendo. 

Prier  Major  Eremitarum  Caraaldulensium  Direcloribus  pro  tempore 
ut  supra,  et  sacerdotibus  ad  fidèles  archiconfraternitati  adscribendos 
subdelegalis,  facultatein  coucessit  benedicendi  cum  adnexis  indulgentiis 
pro  omnibus  fidelibus  tum  coronas  D.  N.  J.  G. ,  tum  coronas  1mm. 
Gonceplionis  B.  M.  V. 

Prier  generalis  Augustinianorura  Direcloribus  et  sacerdotibus  sub- 
delegalis, Ht  supra,  lacultalem  concessit  adscribendi  fidèles  in  societa- 
tem  Cincluralorum  D.  V.M.  deConsolalmie  et  pro  iisdem  benedicendi 
cincluras  et  coronas  S.  Auguslini  et  S.  Monicae  cum  adnexis  indulgen- 
tiis eosque  absolvendi  in  articulo  mortis. 


396  ARCHICONFRÉRIE  DE  l'aSSOMPTION  DE  N.-D. 

Minislri  générales  SS.  Trinitalis  et  B.  V.  M.  de  M ercede  A'wecion- 
bus  et  sacerdolibiis  subdelogalis,  ut  snpra,  rcspeclivam  facultatem  con- 
cesserunt  benedicendi  pro  omnibus  fidelibiis  scapularia  soi  respectivi 
ordinis,  eosque  adscribendi  confraternitaii  ejusdeiii  ordinis,  necnon 
benedicendi  cum  adnexis  indulijentiis  trisasfia  seu  coronas  SS.  Trini- 
tatis. 

Superior  generalisMissionis  directoiibus  etsacerdolibus  subdelegalis, 
ut  supra,  facultatem  concessit  benedicendi  et  imperliendi  cum  adnexis 
indulgentiis  omnibus  fidelibus  scapularia  PassionisD  N.  J.  C.  et  SS. 
Cordium. 

Memorati  générales  Augustinianorum,  Caruielitanorum  et  SS.  Tri- 
nitatisiro  rcdemptionc  Captivorum,  necnon  ministri  générales  ordinis 
sancti  Francisci  Observantium  et  Capuccinorum  amplioribus  favoribus 
sodales  ntriusque  sexus  nostrae  arcliiconfraternitatis  prosequi  volentes, 
illos  inter  confrales  et  consorores  seu  oblalos  respectivi  sui  ordinis  annu- 
merarunt,  eisqne  omnium  bonorum  operum  quœ  ab  omnibus  respeclivi 
ordinis  utriusque  sexus  membris  peragunlur  communicationemin  vita, 
in  morte  et  post  morlem  peramanter  impertiti  sunt. 

Directores  et  sacerdùles  subdelegali  uti  nequeant  facullatibus  sibi 
supra  concessisin  locis  in  quibus  inveniuntur  conventus  memoratorum 
ordinum,  et  tenon tur  nomina  adscriptorum  pro  abqua  ex  memoralis 
confraternitatibus  in  album  ejusdera   tempore  opportune  transraittere. 

Cum  archiconfraternitas  B.  V.  M.  in  Cœlum  Assumptae  pro  juvan- 
dis  animabus  Purgatorii,  vigilantia  et  auctoriiate  CongregationisSS. 
Redemptoris  in  Urbe  gubernetur,  ex  bac  causa  utique  sodales  cum  dicta 
Congregatione  bonorum  operum  communionem  modo  spécial!  babent. 

Sacra  Congregatio  indulgentiis  Sacrisque  Reliquiis  praeposita  prae- 
fatum  Sumraarium  una  cum  articule  de  altari  privilegiato  recognitum  et 
revisura  ac  cum  suis  originalibus  plene  collatum  ut  authenticum  re- 
cognovit  typisque  imprimere  et  publicare  permisit. 

Datum  RoracC  ex  Secretaria  ejusdem  S.  Gongrcgalionis  Indulgentia- 
rumdie  26  aprilis  1803. 

A.  Archip.  Pr\nz[\m.li  Substit. 


BIBLIOGRAPHIE. 


^'.  II.  E.  Car<1înnlis  ^.  ISniiaTenfnrîe,  px  ordiiie  Minorum,  opi- 
sco[ii  Albanensi-,  eximii  Ecclet^ife  donloris,  opnra  oninia,  Sixli  V, 
PoiilificJs  Maximi  jussu  diligentissimn  cracndala.  Accedit  S.  Docloris 
vila.  una  cum  diatriha  liistorico-clirouologico-crilica.  Editio  acciirate 
recoguila,  ad  puram  cl  vcriorem  lesliuiouiorum  biblicûrum  eiuenda- 
lioneni  denuo  redacla  cura  et  studio  A.  C.  Peltier,  canonici  ecclesisB 
Remeiisis.  Pari^iis,  L.  Vives.  Toni.  T  et  n  in-4».  LXXXiV-55fi,  052  pp. 
(L'ouvrage  aura  14  volumes  dent  le  prix  est  de  ICO  fr.) 

Ce  qui  frappe  tout  d'abord  en  ouvrant  ces  deux  in-4",  c'est  la 
splendeur  de  l'exécution  typographique.  L'éditeur  a  emplojé  le  beau 
papier  vergé  que  nous  connaissons  déjà  par  son  Bossuet  :  le  caractère  est 
net  et  large  ;  on  ne  rencontre  pas  ici  cette  justification  serrée  qui  rend 
aussi  dillicile  que  pénible  la  lecture  de  plusieurs  livres  imprimés  ré- 
cemment dans  ce  format.  M.  Vives  a  voulu  faire  quelque  chose  qui 
fijt  digne  de  S.  Bonavenlure,  et  pour  la  partie  matérielle,  celle  qui  le 
concernait  spécialement,  on  peut  assurer  qu'il  y  a  réussi. 

Il  s'est  adressé  pour  le  reste  à  M.  l'abbé  Feltier,  déjà  connu  par 
divers  travaux  Ihéologiques  et  philosophiques.  A  lui  de  revoir  le  texte, 
à  lui  de  l'annoter,  à  lui  de  le  couronner  par  une  table  générale  des 
matières,  car  la  nouvelle  édition  aura  sur  les  précédentes  l'avantage 
d'en  posséder  une. 

M.  Peltier,  dans  une  préface  malheureusement  fort  courte  (p.  i-iii) 
et  écrite  en  français,  indique  ainsi  la  disposition  générale  adoptée  par 
lui.  «  Les  commentaires  sur  les  quatre  livres  des  Sentences  rempliront 
à  peu  près...  les  six  premiers  volumes  de  la  présente  édition.  Ils  seront 
suivis  des  autres  ouvragés  ou  opuscules  proprement  Ihéologiques  du 
saint  Docteur,  et  tous  ensemble  ils  feront  la  première  partie  et  en  même 
temps  la  plus  considérable  de  ses  œuvres.  Nous  donnerons,  pour  la 
deuxième  les  commentaires  sur  l'Ecriture  sainte,  en  suivant  exacte- 
ment l'ordre  de  la  Vulgale.  Les  opuscules  ascétiques  ou  moraux  feront 
la  troisième  partie  ;  les  sermons,  la  quatrième.  La  cinquième  se  com- 
posera des  opuscules  spécialement  relatifs  à  N. -S.  et  à  la  sainte  Vierge  ; 
et  la  sixième,  qui  sera  la  dernière,  comprendra  les  divers  écrits  composés 
par  le  saint  Docteur  pour  la  défense  de  l'ordre  des  Franciscains.  » 
.  Les  deux  volumes  publiés  comprennent  donc  le  commencement  du 
commentaire  sur  les  Sentences  ;  c'est  le  grand  ouvrage  théologique 
de  S.  Bonaventure,  c'est  en  quelque  sorte  sa  Somme  ;  c'est  là  qu'il  faut 


398  BIBLIOGRAPHIE. 

chercher  sa  doctrine  exposée  dans  toute  sa  pléniludo.  C'est  aussi  le 
premier  produit  de  son  génie^  et  celui  de  ses  ouvrages  qu'on  peut  le 
moins  lui  contester.  A  ces  divers  titres,  il  méritait  d'ouvrir  la  collec- 
tion, et  cette  préférence  est  pleinement  justifiée. 

L'éditeur  nous  dit  avoir  fait  souvent  usage  pour  cette  partie  de  son 
travail  d'un  manuscrit  du  commentaire  sur  les  Sentences,  appartenant 
à  la  bibliothèque  de  Reims,  et  qui  remonte  au  XIV'^  et  peut-être  même 
au  XlIIe  siècle  (1).  Il  ne  dit  rien  par  rapport  aux  autres  manuscrits  qu'il 
se  proposerait  de  consulter  ;  il  nous  laisse  ignorer  même  s'il  ss  pro- 
pose autre  chose  que  de  reproduire  le  texte  des  éditions  de  Rome  et  de 
Venise,  L'avenir  nous  éclairera  sur  tous  ces  points  que  la  préface 
n'aurait  pas  dû,  selon  nous,  passer  sous  silence.  Quoiqu'il  en  soit,  une 
réimpression  pure  et  simple,  j'entends  une  réimpression  correcte,  des 
œuvres  de  S.  Bonaventnre,  telle  qu'on  est  en  droit  de  l'attendre  de 
M.  Peltier,  est  un  service  réel  rendu  à  la  science  théologique. 

En  tête  du  premier  volume,  on  a  placé  la  dissertation  générale 
des  éditeurs  de  Venise  sur  les  écrits  de  S.  Bonaventure.  Cette  disser- 
tation s'avance  un  peu  loin  dans  la  voie  de  la  critique  négative. 
M.  Peltier  s'inscrit  en  faux  contre  plusieurs  des  jugements  qu'elle 
renferme  :  il  se  contente  néanmoins  d'y  opposer  quelques  observations 
très-courtes,  en  attendant,  dit-il,  que  l'occasion  se  présente  à  lui  de 
les  discuter  plus  à  loisir  (•21.  Le  docte  éditeur  se  propose  donc  d'y 
revenir,  soit  dans  une  introduction  particulière  à  ces  ouvrages  plus  ou 
moins  contestés,  soit  dans  une  dissertation  finale.  Nous  comprenons 
très-bien  qu'il  prenne  pour  cela  son  temps.  Ce  que  nous  comprenons 
moins,  c'est  qu'il  ait  écrit  en  français  ces  courtes  observations  insérées 
dans  le  texte  même,  à  la  fin  des  articles  qu'elles  concernent.  11 
aurait  pu  nous  épargner  cette  bigarrure.  M.  Peltier  nous  dit  à  ce 
sujet  :  «  Le  lecteur  ne  s'ofiensera  pas  si,  dans  la  plupart  de  ces  notes 
comme  dans  cette  préface,  nous  lui  parlons  en  français,  au  lieu  de  le 
faire  en  latin.  C'est  que  nous  voulons  exprimer  clairement  notre  pensée 
et  la  faire  comprendre  à  nos  lecteurs,  et  que  nous  courrions  risque  de 
manquer  ce  double  but,  si  nous  adoptions  une  autre  langue  que  notre 
langue  maternelle.  »  S'il  s'agissait  de  détails  techniques  difficiles  à  ex- 
pliquer dans  une  langue  ancienne,  à  la  rigueur  cela  se  concevrait,  et 
encore  le  laiin  est  un  instrument  bien  souple  pour  qui  sait  le  manier. 
On  peut  n'avoir  pas  acquis  ou  avoir  perdu  l'habitude  d'écrire  en  cette 
langue,  tout  en  la  comprenant  fort  bien,  en  la  possédant  même  à  fond, 

(1)  Préf.  p.  II,  et  note  de  la  p.  xxsxi. 

(2)  Fréf.,  p.  III. 


BIBLIOGRAPHIE.  390 

Mais  un  homme  instruit  comme  l'est  M.  Peltier  est  beaucoup  trop 
modeste  quand  il  hésite  à  mettre  en  latin  trois  pages  de  préface,  et 
quinze  ou  vingt  d'observations  composées  chacune  de  quelques  lignes, 
quelquefois  d'une  seule. 

Au  reste,  ce  point  est  assez  secondaire  et  nous  ne  voulons  pas  insister 
davantage.  Nous  n'acceptons  avec  reconnaissance  le  beau  présent  que 
l'on  nous  fait.  11  ne  peut  y  en  avoir  de  plus  éminemment  utile.  A  notre 
époque  de  doute,  d'indifférence,  d'apathie  religieuse,  de  prédominance 
des  intérêts  matériels,  d'amour  des  plaisirs  et  du  luxe,  il  faut  se 
prémunir  contre  les  influences  multiples  qui  affaiblissent  le  sentiment 
chrétien,  il  y  a  comme  une  atmosphère  glaciale  qui  nous  enveloppe, 
qui  nous  pénétre  â  notre  insu.  On  a  besoin  de  feu  plus  encore  que 
de  lumière.  Nous  en  sommes  là  nous-mêmes,  nous,  ministres  de 
l'Evangile,  appelés  à  prêcher  les  merveilles  de  la  grâce  et  à  en  préparer 
la  réalisation  dans  les  âmes  ;  nous  qui  montons  tous  les  jours  à  l'autel 
et  qui  vivons  au  milieu  des  choses  saintes  dont  nous  sommes  les  dis- 
pensateurs; nous  qui  devrions  vivre  tout  en  Dieu  et  qui  sommes  sou- 
vent trop  étrangers  aux  mystères  de  la  vie  surnaturelle.  Or,  quand  il 
s'agit  d'échauffer  le  cœur  en  éclairant  l'esprit,  d'initier  profondément 
aux  secrets  de  Dieu,  S.  Bonaventure  est  incomparable.  Aussi  l'illustre 
Gerson  le  préférait-il  à  tous  les  docteurs  ;  il  allait  jusqu'à  se  reprocher 
d'avoir  lui-même  écrit,  quand  il  suffisait  de  reproduire  les  ouvrages 
de  S.  Bonaventure  (J).  Le  célèbfe  Jean  de  Trittenheim  [Trithemius) 


(1)  «  Porro  si  quseratur  a  me  quis  inter  cseteros  doctoresplus  videatur 
idoneus,  rospondeo  siue  prœjudicio  quod  Domiuus  Bonaventura,  quo- 
niam  in  docendo  solidus  est  et  securus,  pius,  et  justus,  et  dévolus.  Prae- 
terea  recedit  a  curiositate  quaotum  polest,  non  immiscens  posiliones 
extraueas  vel  doctrinas  saeculares,  dialecticas  aut  physicas,  terminis 
theologicis  obumbratas  more  mullorum,  sed  diim  studet  illuminationi 
intellectus,  totum  refert  ad  pietatem  et  religiositatem  afTectus.  Unde 
faelum  est  ut  ab  indevotis  scbolaslicis,  quorum,  prob  dolor  !  major  est 
Dumerus,  ipse  minus  extiterit  frequentalus,  cum  (amen  nulla  sublimior, 
/lulla  diviuior,  nulla  salubrior  atque  suavior  pro  tbeologis  sit  doctrina. 
Quanto  denique  diligentius  in  senectute  mea  sum  revolutus  ad  studium 
ipsiu-,  tanto  facta  est  amplius  confusa  garrulitas  mea.  Dixique  mecum  : 
Sufficit  lieec  doctrina;  ul  quid  stullo  labore  consumeris,  quid  dictas, 
quid  sc;ibis?  Mulliplicentur  potius  et  transcribantur  opéra  Doctoris 
illius  de  quo  vere  dicitur  illud  Christi  de  Joanne  :  Erat  lucerna  ardens 
et  lucen.s  (Jo.  V,  25).  Praetera  sicut  apud  grammaticos  Donatus  de  parti- 
bus  orationis,  et  apud  logicos  summulae  Pétri  Hyspani  traduntur  ab  ini- 
tie uovis  discipnlis  ad  memoriter  recolendum,  etsi  non  statim  intelli- 
gant;    sic    apud    theologicos   discipulos    Breviloquium    Bonaventurae , 


ZlOO  BIBLIOGRAPHIE. 

lui  décerne  des  éloges  semblables  (I  ;.  Ces  éloges,  Sixte  V  les  confirme 
de  sa  haute  autorité,  et  il  va  même  jusqu'à  dire,  en  s'appropriant  un 
mot  de  Sixte  IV,  que  le  Saint-Esprit  semble  avoir  parlé  par  la  bouche  de 
S.  Bonaventure  (2).  De  tels  suffrages  en  disent  plus  que  tout  le  reste  ; 
ils  sont  éminemment  propres  à  nous  faire  comprendre  le  caractère  et 
la  portée  des  écrits  du  Docteur  séraphique.  E.  Hautcœur. 


quod  iucipit  :  In  principio  pritniim  principium.  Ilaqiie  laus  omnis  infe- 
rior  est  bis  tliiobiis  opusculis,  quorum  vim  agooscere  etiam  sola  credu- 
litate  non  parvus  est  profectus.  »  (Gers  Op.  lom.  i,  pag.  21,  cd.  Amstel. 
1706.) 

(1)  «  Scripsit  (Bonaventura)  mulla  et  profunda  et  devolissinia  opuscala, 
quibus  ardenlia  verba  profereus,  non  minus  aiîecluni  legenlis  in  Giiristi 
amore  succendit,  qiiam  intellectim  doclrinis  sanclis  illuminât.  Omnes 
enim  sui  temporis  doctoras  utilitale  operum  facilo  prœcellit,  si  Spiritum 
divini  amoris  et  cluistianae  dcvoliouis  in  eo  loquentem  attendas.  Pro- 
fundus  est,  non  verboèus;  subtilis^  non  curiosus;  disertus,  non  vanus  ; 
llammautia,  non  intlantia  verba  proferens  ;  unde  et  securius  legitur, 
ulilius  frequentalur,  dulcius  et  fructuosius  relinetur.  MuUi  doclrinam 
profernut,  devotionem  praedicaut  multi  ;  pauci  scribeudo  libros  docuerunt 
uU-imque.  Bonaventura  autem  et  multos  superavit  et  paucos  ;  dum  ejus 
doctrina  devotionem,  devotio  instruit  doctrinam.  Si  ergo  et  dodus  esse 
vis  et  devo'us,  illlus  opusculis  eslo  intenlus.  »  (Tritbem.  de  Scr.  eccl.) 

(2)  «  Ea  euim  divini  ingenii  sui  mouimeuta  posteris  reliquif,  quibus 
perdifficiles  et  multis  obscuritalibus  involutae  questiones  magna  optimo- 
rum  argumentorum  copia,  vi  et  ordine,  enucleate  ac  dilucide  explican- 
tur,  fidei  catbolicse  veritas  illustralur,  perniciosi  errores  et  profanée 
bœreses  profligantur,  et  piœ  fîdelium  mentes  ad  Dei  amorem  et  cœleslis 
patriae  desiderium  mirabiliter  inflammanlur.  Fuit  enim  in  S.  Bonaventura 
id  praecipuum  etsingulare,  ut  non  solum  argumentandi  subtilitatc,  do- 
ocndi  facilitale,  definiendi  solertia  praestaret  sod  divina  quadam  animos 
permovendi  vi  excelleret  :  sic  enim  scribendo  cum  summa  eruditione 
parem  pietatis  ardorem  conjungit,  ut  lectorem  docendo  moveat,  et  in 
intimos  anirai  rcccssus  illabatur,  ac  deuique  scrapbicis  quibusdam  acu- 
leis  cor  compungat,  et  mira  devoliouis  duicedine  perfundat:  quam  sane 
gratiam  in  ejus  orc  et  calamo  diffusam  admirans  prœdecessor  noster 
Sixtus  IV  Pontifex,  illud  dicere  non  dubitavit,  Spiritum  sanctum  in  eo 
locutum  videri.  »  (Sixlus  V  in  enc<jclicis  Utteris  edit.  Romanœ  Op.  S. 
Bonav.  prœfixis.) 


Arras  — Typ.  Pxousseuu-I.erriy,  rue  Sainl-;\!aurlcc  26 


I 


ÉTUDE  SUR  LA  LÉGISLATION  MOSAÏQUE. 


L 


Sixi^me  etdeinier  ar'.icle. 


Keil,  Handbuch  der  biblischen  archœoloyie.  —  Haneberg,  Histoire  da  la 
Rév.  bihlique.  —  Michaelis,  Mosdischea  Becht.  —  Salvador,  Histoire 
des  institutions  de  Moïse.  —  Hœvernick,  Spezielle  Einl .  in  den  Pen- 
tateuch. —  Canlù,  Histoire  universelle:  les  Hébreux. —  Kurtz,  Geschichte 
des  alten  Bandes.  —  Dankô,  Historia  Bev.  div.  vet.  Testamenti . 


Au  moment  de  faire  connaître  les  institutions  sociales 
et  politiques  de  Moïse,  nous  prions  le  lecteur  de  vouloir 
bien  se  rappeler  les  principes  posés  au  commencement  de 
cette  étude.  C'est  aux  législations  qu'il  appartient  d'or- 
donner la  vie  des  peuples  ;  une  législation  parfaite  doit 
subordonner  et  coordonner  les  institutions  qui  règlent 
leurs  développements  sociaux  et  politiques,  à  celles  qui 
fixent  les  principes  religieux  et  les  pratiques  du  culte. 
La  raison  en  est  que  les  peuples  ont  une  vocation  pins 
élevée  que  leur  vocation  terrestre,  qu'ils  doivent  s'unir 
à  Dieu  avant  de  s'unir  entre  eux,  et  que  les  principes  de 
leur  union  avec  Dieu  sont  les  mêmes  que  les  principes  de 
leur  union  sociale  et  politique.  La  législation  mosaïque 
reflète  au  plus  haut  degré  ce  caractère  d'unité  et  de  dé- 
pendance, dans  les  diverses  institutions  dont  elle  se  com- 
pose. Nous  ne  nous  étonnerons  donc  pas  de  voir  les  in- 
stitutions sociales  et  politiques  de  Moïse,  prendre  leur 
source  dans  les  institutions  religieuses  que  nous  venons 
d'étudier. 

Revue  des  Sciences  ecclés.  t.  ix,— novembre  1864.  27 


A02  ÉTUDE    SUR    LA    LÉGISLATION  MOSAÏQUE. 

Observons  encore  que  les  peuples  se  forment  à  la  vie 
sociale  par  la  vie  de  famille,  et  à  la  vie  politique  par  la 
vie  sociale.  L'individu  doit  à  la  famille  son  existence,  sa. 
conservation,  son  éducation.  La  société  lui  donne  des 
frères  ;  mais  c'est  la  famille  qui  les  a  formés  comme  elle 
l'a  formé  lui-même.  Les  frères  s^unissent  d'eux-mêmes, 
ou  sont  unis  par  une  volonté  supérieure  qui  les  rapproche 
pour  former  l'État;  d'où  il  suit  que  nous  avons  successive- 
ment à  examiner  les  principes  donnés  par  3Ioïse  à  la  fa- 
mille, à  la  société,  à  l'État. 

Qu'on  nous  permette,  avant  d'entrer  dans  le  détail  de 
ces  diverses  institutions,  de  faire  disparaître  une  difficulté 
relative  à  l'influence  de  la  vraie  foi  sur  les  développe- 
ments sociaux  et  politiques  des  nations.  Bien  des  gens 
s'étonnent  que  l'influence  de  la  religion  sur  la  civilisation, 
ne  soit  pas  toujours  proportionnelle  à  la  pureté  de  la  foi 
qu'elle  enseigne,  du  culte  qu'elle  prescrit.  Comment  se 
fait-il  que  les  effets  ne  répondent  pas  à  la  cause  ;  et  si  vous 
admettez,  nous  dit-on,  qu'Israël  ait  été  le  peuple  de  Dieu, 
comment  trouvez-vous  tant  de  lenteur  dans  les  progrès 
sociaux  et  politiques  de  cette  nation,  comment  pouvez- 
vous  concilier  les  retards  de  sa  civilisation  matérielle,  avec 
[es  éléments  de  progrès  que  devait  nécessairement  ren- 
fermer sou  organisation  religieuse?  La  réponse  à  cette 
difficulté  se  trouve  dans  la  manière  même  dont  elle  est 
posée:  il  suflit  de  distinguer  entre  la  puissance  d'une 
cause  et  la  nécessité  où  elle  est  de  produire  "les  effets 
dont  elle  est  capable;  ou  si  l'on  veut  encore,  entre  les 
éléments  de  progrès  que  renfermait  l'organisation  reli- 
gieuse d'Israël  et  la  fécondité  nécessaire  de  ces  éléments 
mêmes.  Ne  sait-on  pas  qu'une  multitude  de  causes  secon- 
daires ont  pu  modifier  les  effets  que  l'on  attendait  de  la 
cause  première?  L'état  social  du  peuple  d'Israël  reflète  le 
caractère  général  de  l'Orient  et  le  caractère  particulier  du 


ÉTUDE    SUR    LA   LÉCnSLATION   MOSAÏQUE.  A03 

sémltisme,la  simplicité  et  rimraobilité  de  l'aticieil  Otient, 
et  les  facultés  puissantes,  il  est  vrai,  du  séraitisme,  mais 
plus  propres  à  la  contemplation  et  à  la  vie  austère,  qu'à 
ractionet  au  luxe  des  développement  matériels.  Ces  deux, 
éléments  ont  été  comme  le  sol  vivant  sur  lequel  a  été 
planté   le  monothéisme.   Pour  atteindre   Tefflorescence 
extérieure  dont  il  était  susceptible,  le  monothéisme  devait 
diriger  les  forces  vives  qu'il  trouvait  dans  le  sol  où  il  avait 
pris  racine.  Il  avait  à  combattre   de  vigoureuses  résis- 
tances: ne  pas  en  tenir  compte,  c'est  s'exposer  à  juger  en 
aveugle  des  principes  d'après  leurs  résultats,  des  causes 
d'après  des  effets  à  la  production  desquels  elles  n'ont  pas 
(roncouru  isolément.  D'ailleurs  c'est  de  la  législation  mo- 
saïque que  nous  parlons  ici,  et  non  des  développements 
Sociaux  qu'elle  a  produits  dans  la  nationalité  israélite.  Il 
suffit  donc  de  montrer,  par  l'étude  de  cette  législation, 
qu'elle  était  propre  à  produire  les  résultats  sociaux  les 
plus  florissants,  pour  la  justifier  des  accusations  dont  elle 
a  été  l'objet.  Si  ces  résultats  ne  se  sont  pas  produits 
comme  on  était  en  droit  de  l'espérer,  qu'on  s'en  prenne 
au  peuple  et  non  à  la  constitution  qu'il  avait  reçue  de  son 
législateur.  Enfin,  nous  ne  voudrions  pas  accorder  abso- 
lument à  nos  adversaires  que  le  peuple  d'Israël  n'a  pas 
marché  avec  gloire  dans  la  voie  du  progrès  que  Moïse 
lui  avait  tracée.  Ce  serait  méconnaître  son  histoire,  le 
rang  qu'il  a  occupé  parmi  les  nations  ;  ce  serait  mécon- 
naître aussi  la  notion  véritable  de  la  civilisation,  qui  ne 
doit  pas  être  simplement  matérielle,  mais  dont  la  sève 
doit  monter  d'un  tronc  vivifié  par  les  saines  doctrines, 
préservé  par  l'action  supérieure  de  la  vraie  foi. 

Cela  posé,  voyons  quelles  sont  les  bases  essentielles 
données  par  Moïse  à  la  famille  pour  sa  conseï-vatioùetsôli 
développement. 

Le  législateur  hébreu  avait  à  lutter  contre  deux  coU*- 


llOh  ÉTUDE   SUR    LA   LÉGISLATION    MOSAÏQUEf 

tûmes  capables  d'introduire  dans  la  famille  les  désordres 
les  plus  déplorables,  et  subversives  de  TiDstitulion  primi- 
tive du  mariage  :  la  polygamie  et  le  divorce.  L'alTaiblisse- 
ment  de  la  foi  avait  fait  du  mariage  un  contrat  purement 
naturel  ;  sa  stabilité  reposait  sur  certaines  conditions, 
la  fidélité  par  exemple,  qui  venant  à  cesser,  justifiaient  sa 
dissolution.  Les  Juifs,  qui  achetaient  leurs  femmes, 
croyaient  avoir  sur  elles  un  empire  absolu,  et  pensaient 
qu'ils  pouvaient  en  avoir  autant  que  leurs  richesses 
le  permettaient,  que  leurs  passions  semblaient  l'exiger. 
Interdire  absolument  la  polygamie  et  le  divorce,  c'eût 
été  faire  une  loi  dérisoire,  à  laquelle  un  très-petit  nombre 
de  personnes  se  serait  soumis;  c'eût  été  vouer  les  femmes 
détestées  de  leurs  maris  à  une  mort  à  peu  près  certaine. 
11  suffit  de  connaître  les  habitudes  et  les  mœurs  qui  ré- 
gnaient en  Israël  à  cette  époque,  pour  en  être  convaincu. 
Moïse  ne  crut  pas  devoir  les  heuter  de  front  :  il  rappela 
l'institution  primitive  du  mariage  (Gen.  ii,  18-42);  il  fit 
soigneusement  connaître  la  première  violation  de  cette  loi 
(Gen,  IV,  19)  ;  il  mit  en  relief  les  inconvénients  nombreux 
de  la  polygamie  (Gen.  vi,  4-10;  xxx,  1,3,  15);  il  inter- 
disifaux  rois  d'avoir  de  nombreuses  femmes  (Dent,  xvii, 
17)  ;  il  détermina  la  durée  d'un  jour  pour  l'impureté  lé- 
gale résultant  du  commerce  des  sexes,  ce  qui  dimi- 
nuait autant  que  possible  les  funestes  effets  de  la  po- 
lygamie sur  la  génération  et  sur  la  concupiscence  (Lev. 
XV,  18,  coll.  Lev.  xx,  18);  il  établit  enfin,  par  le  fait 
et  par  le  droit,  une  différence  entre  les  femmes  épouses  et 
les  concubines,  et  entre  les  enfants  qui  résulteraient  de 
ces  diverses  unions.  (Gen.  xxi,  10,  coll.  Gen.  iv,  7  ;  xlix, 
4,  8.  II  Par.  xxi,  3.  Deuter.  xxi,  17.  I  Par.  i,  2.  Num. 
VIII,  14,  17.  Gen.  xxvii,  35,  36.) 

A  côté  de  ces  institutions  capables  de  rappeler  la  sain- 
teté du  mariage  et  de  prévenir  les  abus  sanctionnés  par 


ÉTUDE    SUR    LA    LÉGISLATION    MOSAÏQUE.  AOÔ 

la  coutume,  Moïse  établit  encore  des  lois  dont  l'elïet  de- 
vait être  de  montrer  combien  le  Seigneur  tenait  à  ce  que 
ceux  qui  l'approchaient,  les  prêtres  et  les  lévites,  con- 
servassent au  mariage  son  caractère  religieux.  Il  interdisit 
aux  prêtres  de  se  marier  avec  une  prostituée,  avec  une 
fille  qui  aurait  souffert  violence,  ou  avec  une  femme  ré- 
pudiée par  son  mari.  Le  grand-prêtre  devait  toujours 
épouser  une  vierge,  il  ne  lui  était  pas  même  permis  de 
prendre  une  veuve.  (Exod.  xxxiv,  15,  16.  Deuter.  vu,  3, 
Esd.  IX,  2,  12.  Néh.  xiii,  2.3.^ 

De  plus,  le  mari  qui  voulait  renvoyer  sa  femme,  devait 
lui  donner  une  scédule  de  renvoi,  et  le  divorce  n'était 
consommé  que  lorsque  l'épouse  avait  quitté  la  maison  de. 
son  mari.  Une  épouse  légalement  répudiée  et  mariée  à  un 
autre  homme,  ne  pouvait  être  reprise  par  son  premier 
mari.  Et,  bien  que  l'appréciation  des  motifs  du  divorce 
fût  laissée  au  mari,  cependant  la  loi  de  Moïse  exigeait 
pour  le  renvoi  d'une  épouse  un  motif  fort  sérieux.  Cela 
résulte  d'un  passage  du  Deutéronome  (xxiv,  1-4).  Les 
expressions  que  la  Vulgate  a  traduites  par  aliqunm  fœdi- 
tatein  signifient  à  la  lettre  :  nuditatem  rei.  Sous  Hérode  le 
Grand,  une  controverse  s'éleva  à  ce  sujet  entre  Hillel  et 
Schammaï,  Hillel  prétendait  qu'un  homme  était  libre  de 
renvoyer  sa  femme  pour  un  motif  quelconque.  Schammaï 
enseignait  au  contraire  qu'il  fallait  une  infidélité  conju- 
gale. On  sait  que  Notre-Seigneur  a  sanctionné  cette  der- 
nière interprétation.  (Math.  V,  31,  32;  xix,  3,  9.)  Tel 
devait  être  le  sens  de  Moïse;  car,  à  part  les  expressions 
dont  il  se  sert,  ses  efforts  pour  sauvegarder  l'indissolu- 
bilité du  mariage  se  concilient  difficilement  avec  la  pre- 
mière interprétation. 

Deux  autres  institutions  tendaient  encore  à  prévenir 
le  divorce  et  à  sauvegarder  l'existence  de  la  famille, 
C'étaient  la  zélotypio,  ou  le  sacrifice  de  la  jalousie,  et  le 


400  ÉTU»E    SUR    LA.    LÉGISLATION    MOSAÏQUE. 

lévirat.  (Num  y,  12-19.  Deuter.  xxv,  7,  10.)  Le  mari 
qui  soupçonnait  sa  femme  d'adultère  la  conduisait  au 
prêtre.  Celle-ci,  tête  nue  et  debout  devant  l'autel,  devais 
affirmer  son  innocence  avec  serment,  en  tenant  dans  la 
mc^in  le  sacrifice  de  la  jalousie.  La  femme  répondait  «me?i 
aux  imprécations  dont  le  serment  était  accompagné.  Ce 
serment,  mis  par  écrit,  était  ensuite  effacé  avec  de  l'eau, 
dite  d'amertume,  que  la  femme  buvait.  Cette  eau,  qui  ne 
puisait  en  rien  à  l'épouse  fidèle,  devait  être,  selon  la  loi, 
pour  l'épouse  infidèle  un  violent  poison.  Les  orientalistes 
pensent  que  cette  épreuve  était  destinée  à  remplacer 
dans  la  législation  mosaïque,  les  épreuves  par  le  fer  rouge 
et  par  l'eau  bouillante  que  l'on  pratiquait  alors  en  Orient 
et  en  Egypte  surtout.  Il  est  évident  qu'elle  était  loin  de 
ressembler  en  cruauté  à  ces  dernières  épreuves,  et  qu'ici 
comme  partout,  la  législation  mosaïque  a  un  Coractère 
qui  la  rend  très-supérieure  à  toutes  les  législations  an- 
tiques. La  preuve  que  Dieu  devait  nécessairement  inter- 
venir dans  bien  des  cas  pour  donner  raison  à  la  loi  qu'il 
avait  établie,  c'est  la  conservation  de  la  pratique  de  la 
zélotypie  pendant  toute  la  période  de  durée  de  la  légis- 
lation de  Moïse. 

En  vertu  de  la  loi  du  lévirat,  le  frère  ou  le  plus  proche 
parent  devait  épouser  la  veuve  de  son  frère  ou  de  son 
parent  mort  sans  enfants^  il  attribuait  au  défunt  le  pre- 
mier-né de  son  mariage,  et  cet  enfant  devenait  l'héritier 
naturel  du  défunt.  Le  but  de  cette  loi,  qui  paraît  con- 
sacrer un  usage  antérieur  à  Moïse  (Gen.  xxxviii,  3,  10), 
était  de  favoriser  la  propriété  et  de  la  maintenir  dans  la 
famille  sous  le  nom  de  son  premier  possesseur,  de  sous- 
traire les  veuves  à  l'opprobre  attaché  à  la  stérilité,  de 
faciliter  la  formation  des  tableaux  généalogiques,  dont 
l'importance  était  si  grande  en  Israël.  Toutefois,  ce  qu'il 
aurait  pu  y  avoir  de  gênant  pour  la  liberté  des  mariages 


ÉTUDE    SUR    LA   LÉC^ISI^AÏIOW   MOSAÏQUij.  AO? 

dans  la  loi  du  lévirat,  disparaissait  devant  la  clause  qui 
permettait  au  frère  qu  ^u  parent  dw  défiant,  dç  déclarer 
devant  les  juges  qvi'il  ne  vouait  point  s'y  soumettre, 
sauf  à  accepter  une  légère  humiliation  de  la,  part  de  la 
femme  qu'il,  repoussait.  (Deuter,  xxv^  7,  JO,  ïluth,  iv, 

7,,  ^..) 

Telles  furent  les  précautipns  prises  par  le  législateur 
hébreu  pour  sauvegarder  autaut  qu'il  le  pouvait  la  digniti^ 
et  l'indissolubilité  du  mariage,  pour  protéger  les  roœurs, 
pour  maintenir  la  famille  dans  sou  existence  temporaire 
et  pour  assurer  sa  conservation, 

La  société  qui  existait  ava^^t  Moïse  fut  pleinement  traus- 
l^ormée  par  la  constitution  qu'elle  reçut  de  lui.  C'est  la 
différence  qui  existe  entre  l'action  de  Moïse  sur  la  vie  de 
famille,  et  son  action  sur  la  vie  sociale  en  Israël.  Tandis 
que  le  lieu  de  la  famille  demandait  que  l'on  revînt  à 
l'institution  primordiale  du  mariage,  le  lien  de  la  société 
à  qui  étaient  confiées  les  promesses,  demandait  qu'elle 
prît  une  nouvelle  forme,,  qu'elle  fût  établie  sur  de  nou- 
velles bases.  lî  faut  bien  se  représenter  l'état  sociajl 
d'Israël  avant  Moïse.  C'était  uu  peuple  de  nomades  çt  de 
pasteurs  que  des  liens  de  famille  unissaient,  lesquels 
cillaient  s'affaiblissant  de  jour  en  jour,  et  devaient  être 
remplacés  par  des  liens  nouveaux.  «  Le  nomade,  dit  wn 
auteur,  possède  des  troupeaux  et  d'ordinaire  des  esclavçç. 
Les  seconds  sont  nécessaires  pour  soigner  et  défendre  les 
premiers,  surtout  dans  les  différents  voyages  de  la  tribu. 
Enfants,  esclaves,  troupeaux,  tout  à  peu  près  est  né  chez 
lui,  tout  fait  partie  de  ses  tùeus  presqu'au  mêm^  titre,  et 
un  même  mot  hébreu  nsplû  désigne  la  réunion  opulente 
de  ces  trois  éléments.  Les  esclaves  sont  à  la  fois  pasteurs 
pour  soigner  les  troupeaux,  et  soldats  ppur  les  défendre 
contrôles  bêtes  féroces  et  J^sbirigan^s.  Si  le  maître  le^ 
conduit  contre  les  Bédouins,  ou  m^P^e,  comme  fit  Abra- 


i08  ÉTUDE    SUR   LA    LÉGISLATIOÎS    MOSAÏQUE. 

ham  (Gen.  xit,  13-16),  contre  des  peuplades  ennemies  et 
des  petits  rois  barbares,  ils  manient  l'arc  et  la  lance.  Re- 
devenus bergers,  ils  se  contentent  de  la  fronde,  du  sac  et 
du  bâton  (1).  » 

A  ce  système  imparfait  de  possessions  qui  pouvait  con- 
venir à  des  tribus  errantes.  Moïse  substitua  le  système 
de  la  propriété  territoriale.  Chaque  membre  de  la  nation 
reçut  une  portion  de  terre  qu'il  devait  cultiver  et  tran- 
smettre à  ses  descendants.  Lorsque  le  besoin  portait  le 
propriétaire  à  aliéner  son  bien,  il  lui  était  loisible  de  le 
reprendre  à  un  moment  donné,  en  tenant  compte  à  l'a- 
cheteur des  pertes  qu'il  pouvait  par  là  lui  causer.  Des 
bornes  marquaient  les  possessions  de  chacun,  et  il  était 
défendu  d'y  toucher  sous  peine  d'anathème.  Le  Seigneur 
percevait  une  dîme  sur  les  biens  ainsi  divisés  :  Il  restait 
par-là  le  maître  de  la  terre  qu'il  avait  léguée  aux  enfants 
des  hommes,  ses  censitaires  ou  ses  colons.  De  telles  dis- 
positions étaient  de  nature  à  faire  d'Israël  un  peuple 
agricole.  Aussi  voyons-nous  se  développer  en  lui  le  goût 
de  l'agriculture  :  ses  généraux,  ses  rois,  ses  prophètes 
quittent  l'aire  ou  la  charrue  pour  le  conduire  à  la  victoire, 
pour  régner,  pour  lui  annoncer  les  volontés  du  ciel.  Ce- 
pendant Moïse  entrevoit  dans  l'avenir  la  transformation 
partielle  de  cette  constitution  primitive.  Il  sait  que  les 
tribus  d'issachar  et  de  Zabulon  s'enrichiront  par  leur 
commerce  sur  le  littoral.  (Deuter.  xxxiii,  19.  Lev.  xix, 
34,  37.  Deuter.  xxv,  13,  16.)  Il  établit  la  base  essen- 
tielle de  la  prospérité  du  commerce,  en  recommandant  aux 
Juifs  dans  les  achats  et  dans  les  ventes  la  plus  inviolable 
probité.  (Ibid.)  Le  commerce  fut  un  mouvement  presque 
inévitable  de  la  forme  sociale  introduite  par  Moïse  ;  mais 
la  propriété  n'en  resta  pas  moins  la  base  essentielle  de 
la  constitution  sociale  d'Israël,  jusqu'à  la  période  de  dé- 

(1)  Cellérier,  Esprit  de  la  léfjislation  mosaïque,  l.  i,  [i.  20. 


ÉTUDE    SUR    LA    LÉGISLATION    MOSAÏQUE.  /lOO 

sorganisation,  préparée  par  l'affaiblissement  de  la  foi  et 
par  la  corruption  des  mœurs.  La  foi  était  la  raison  sociale 
de  cette  institution  primitive  :  ses  fluctuations  devaient 
avoir  sur  l'institution  même  les  plus  décisives  influences. 
Pour  Israël,  s'éloigner  de  l'ordre  établi  par  Moïse,  c'est 
s'éloigner  de  Dieu.  On  le  conçoit  d'autant  mieux  qu'on 
connaît  davantage  l'unité  de  plan  de  sa  législation. 

Placé  à  ce  point  de  vue,  à  savoir,  la  convergence  des 
moindres  détails  vers  les  intérêts  de  foi  qui  sont  aussi 
les  intérêts  les  plus  sacrés  d'Israël,  un  homme  qui  étudie 
les  institutions  sociales  de  Moïse  n'est  point  étonné  de 
le  voir  entrer  dans  des  particularités  qui  sembleraient 
au  premier  abord  indignes  de  figurer  dans  un  code. 
Pourquoi,  par  exemple,  à  propos  des  vêtements  des  Juifs, 
défendre  le  mélange  des  étoffes  de  laine  et  de  fil? N'est- 
ce  point  là  une  puérile  observance  destinée  à  flatter  les 
tendances  minutieuses  de  ce  peuple  enfant?  Non,  évidem- 
ment, si  l'on  veut  bien  se  rappeler  que  la  législation  de 
Moïse  reflète  un  caractère  analogue  à  celui  de  toute  l'his- 
toire d'Israël,  où  la  conduite  de  Dieu  s'exerçait  par  des 
symboles  aussi  bien  que  par  des  préceptes  positifs. 
Après  avoir  établi  une  distinction  formelle  dans  la 
manière  dont  chacun  des  sexes  devait  se  vêtir,  Moïse 
établit  encore  une  distinction  symbolique  des  sexes,  en 
proscrivant  le  mélange  du  fil  et  de  la  laine  dans  les 
tissus,  afin  de  proscrire  parla  même  le  mélange  honteux 
des  sexes  dont  ne  rougissait  pas  le  paganisme.  Par  là 
l'enveloppe  même  dont  le  Juif  se  couvrait,  lui  rappelait 
sans  cesse  le  frein  nécessaire  au  débordement  de  la  con- 
cupiscence. (Lev.  XIX,  19.  Douter.  XXII,  11.) 

On  peu  raisonner  de  la  même  manière  sur  les  disposi- 
tions mosaïques  relatives  à  l'alimentation  des  Hébreux. 
Rien  de  plus  ridicule  que  les  prescriptions  alimentaires 
du  polythéisme.  Lu  nourriture  est  le  besoin  le  plus  frc~ 


ilO  ÉTUDE    SU  II    LA    LÉGISLATION    MOSAÏQUE, 

quent  de  l'homme.  S'en  emparer,  en  régler  l'usage  et 
l'objet,  c'est  intervenir  le  plus  fréquemment  possible  dai^ç 
la  vie  humaine,  c'est  rappeler  toute  une  législation  (iont 
c.e3  prescriptions  forment  un  rameau  au  premier  aspect 
insiguifiant. 

Pour  entendre  le  but  poursuivi  par  Moïse,  il  fau,t  perdrç 
de  vue  celui  que  poursuivait  Lycurgue  lorsqu'il  ne  per- 
mettait que  le  brouet  noir,  ou  l'école  de  Pythagore  lors- 
qu'elle s'interdisait  l'usage  de  la  chair  des  animaus». 
Je  veux  bien  que  la  discipline  alimentaire  du  législateur 
hébreu,  n'ait  pas  été  pleinement  insignifiante  et  sans  rér 
sultat  au  point  de  vue  sanitaire.  Je  veux,  ei^coye  que  çerr 
taines  prohibitions  aient  eu  un  intérêt  njoral  :  telle  est, 
par  exemple  la  défense  de  manger  un  chevreau  cuit  dans 
le  lait  de  sa  mère.  L'alimentation  a  avec  la  santé  et  avec 
les  mœurs  trop  de  rapports,  pour  que  Moïse,  en  réglant  le- 
régime,  n'ait  point  entrevu  les  avantages  sanitaires  et 
Viioraux  qui  pouvaient  en  résulter.  Mais  ce  n'est  là  qu'une 
fin  secondaire  de  son  système.  Il  poursuit  des  intérêts 
supérieurs  :  l'unité  nationale  et  la  conservation  de  la  foi. 
Or,  l'unité  nationale  se  trouve  bien  d'une  discipline  ali- 
mentaire réglée.  La  foi  peut  se  trouver  bien  aussi,  pour  sa 
conservation,  d'un  régime  dans  lequel  n'entrent  aucun  des 
aliments  qui  rappelle n,t  le  péché,  la  réprobation,  Fimpu- 
xelé,  la  mort.  De  là  vient  que,  parmi  les  animaux,  ceux  qui 
s'attaquent  à  la  vie  deg  autres,  le  lion,  l'aigle,  le  faucon, 
sont  défendus.  Pour  le  même  motif,  3Ioïse  défend  encore 
les  poissons  sans  écailles  et  sans  nageoires,  qui  habitent 
d'ordinaire  une  vase  dégoûtante,  les  coquillages  4e  toutes 
sortes  dont  l'usage  prépare,  en  Orient  surtout,  les  ma- 
ladies cutanées,  et  qui  chassent  également  à  leur  manière 
et  se  nourrissent  (l'autres  animaux.  Le  dogme  essentiel 
du  mosaïsme  est  le  péché  originel,  ses  influences,  sa  ré- 
paration. Le  but  essentiel  de  la  loi,  est  de  faire  éviter 


ÉTUDE  SUR   LA  tÉCISlATION   MOSAÏQUE.  AH 

tout  ce  qui  peut  produire  le  péché,  et  éloigner  de  la  voie 
que  doit  suivre  Israël  pour  marcher  vers  la  réparïitiou 
promise.  Ainsi,  l'objet  essentiel  des  prescriptions  ali- 
mentaires de  Moïse  ne  peut  être  compris,  que  lorsqu'on 
Je  rattache  au  système  général  dont  il  fait  partie  dans 
l'esprit  du  législateur. 

Il  nous  reste  à  parler  de  la  constitution  politique  donnée 
par  Moïse  à  Israël.  Cette  tâche  nous  est  rendue  facile  par 
tout  ce  qui  précède,  et  notamment  par  le  chapitre  où  nous 
avons  établi  la  forme  théocratique  du  gouvernement  des 
Juifs. 

Moïse  ne  fit  encore  ici  que  régulariser  et  vivifier  ce  qui 
existait  avant  lui.  Comme  la  famille  a  été  la  première  des 
sociétés,  ainsi  le  gouvernement  paternel  a  été  le  premier 
des  gouvernements.  Mais  la  famille  devait,  selon  le  but 
même  de  sa  formation,  se  propager  et  s'étendre.  L'autorité 
paternelle  devait  un  jour  être  contestée  par  les  rejetons 
éloignés  de  la  souche,  et  si  la  nature  la  rendait  moins 
sujette  à  cette  altération,  l'autorité  du  frère  aîné  du  moins, 
après  la  mort  du  père  commun,  ne  pouvait  pas  participer 
aux  mêmes  avantages.  Les  tribus  gardèrent  des  douze 
patriarches  les  noms  qui  les  désignaient  ;  elles  se  don- 
nèrent des  chefs  par  l'élection,  et  elles  élurent  de  même 
un  chef  commun  à  qui  fut  confiée  l'autorité  souveraine. 

Dieu  prépare  les  Juifs  à  devenir  les  dépositaires  de  sa 
loi.  Il  se  nomme  par  l'organe  de  Moïse  le  roi  de  son  peuple, 
et  le  peuple  accepte  la  royauté  du  Seigneur.  Tel  est  le 
principe  fond^imental  du  droit  mosaïque.  Tout  le  rappelle, 
depuis  le  sol,  ses  divisions,  ses  redevances,  jusqu'aux  cé- 
rémonies les  plus  ordinaires  du  culte.  L'idolâtrie  est  un 
crime  politique  aussi  bien  qu'un  crime  religieux,  par  cela 
seul  qu'elle  méconnaît  Dieu,  le  souverain  légitime  de  la 
nation.  Le  Seigneur  permet,  ordonne  même  la  destruction 
de  l'idolâtrie,  dans  la  mesure  convenable  à  ses  desseins. 


412  ÉTUDE    SUR    LA    LÉGISLATION    MOSAÏQUE. 

Un  médiateur   est  établi  entre  Dieu,  roi  d'Israël,  et  le 
peuple. 

C'est  un  lieutenant,  un  vice-roi,  qui  ne  perdra  pas 
son  caractère  de  dépendance,  même  lorsqu'il  s'appellera 
le  roi.  Israël  sera  jugé  par  ses  pairs,  des  citoyens  que 
leurs  vertus  rendent  rccommandables,  et  auxquels  Moïse, 
d'après  le  couseil  de  Jîthro,  confie  une  part  d'autorité 
plus  ou  moins  étendue.  Séparés,  ils  gouvernent  la  tribu  ^ 
réunis,  ils  forment  le  conseil  supérieur  de  l'État,  Dans  ce 
dernier  cas,  ils  se  rassemblent  sous  la  présidence  du  chef 
de  la  république,  et  à  son  défaut  sous  celle  du  grand- 
prêtre.  La  loi  de  succession  ne  fixe  pas  d'une  manière  si 
inébranlable  la  couronne  sur  la  tête  d'une  famille,  qu'elle 
ne  puisse  être  déplacée  par  Dieu  même,  ou  par  son  en- 
voyé extraordinaire.  Enfin  il  appartient  aux  anciens  d'Is- 
raël d'entendre  les  causes  des  diverses  tribus,  de  recevoir 
les  appels  et  de  porter  une  sentence  définitive.  Les  trans- 
formations que  subit  dans  la  suite  des  âges  cette  consti- 
tution primitive,  sont  toutes  imprégnées  du  même  esprit. 
On  a  d'autant  moins  lieu  de  s'en  étonner,  qu'on  comprend 
mieux  les  rapports  qu'elle  avait  avec  la  foi,  dont  les  prin- 
cipes se  conservèrent  en  Israël,  lors  même  qu'on  eût  à 
regretter  des  défaillances  morales  et  des  bouleversements 
politiques. 
'"-  ■•')  > 

COKCLUSIOM. 

En  terminant  cette  Étude  su?'  la  législation  mosaïque^ 
le  lecteur  voudra  bien  me  permettre  de  lui  rappeler  que 
je  n'ai  pas  eu  la  prétention  de  donner  un  tableau  complet 
des  institutions  religieuses,  sociales  et  politiques  de  Moïse. 
Un  semblable  travail  aurait  exigé  des  développements  et 
une  étendue,  dont  les  avantages  n'auraient  peut-être  pas 
compensé  les  inconvénients  qu'il  pouvait  offrir  dans  un 


ÉTUDE  SUR    LA    LÉGISLATION    MOSAÏQUE.  /il3 

recueil  périodique.  ^lon  but  principal  était  de  poursuivre 
d'abord  les  explications  naturalistes  du  code  mosaïque 
tentées  par  la  critique  moderne.  Je  voulais  montrer 
qu'on  ne  peut  aborder  de  telles  questions,  sans  avoir  du 
surnaturel  une  idée  convenable. 

Je  voulais  essuyer  ensuite  une  classification  logique  du 
plan  des  institutions  mosaïques,  telles  que  je  les  avais 
conçues,  et  indiquer  en  peu  de  mots  comment  les  insti- 
tutions sociales  et  politiques  dérivent  des  institutions  re- 
ligieuses. 

Je  crois  avoir  rempli  la  première  partie  de  ce  pro- 
gramme dans  les  quatre  premiers  articles,  et  la  seconde 
dans  les  deux  derniers. 

J'ai  d'abord  insisté  sur  la  réfutation  de  l'ouvrage  de 
M.  Salvador.  Plus  tard  je  n'ai  pas  même  cité  son  nom;  je 
ne  me  suis  plus  occupé  de  lui. 

Ce  n'est  pas  qu'il  n'y  eût  eu  beaucoup  à  dire,  même  dans 
les  questions  secondaires.  Mais  il  m'a  semblé  qu'une  ré- 
futation plus  complète  m'entraînerait  trop  loin,  et  qu'elle 
était  d'ailleurs  inutile,  après  avoir  relevé  les  erreurs  es- 
sentielles de  ses  deux  volumes,  et  être  arrivé  au  point 
culminant  de  la  législation  mosaïque,  que  j'ai  trouvé  dans 
le  décalogue. 

Ces  hauteurs  une  fois  atteintes,  était-il  nécessaire  de 
s'inquiéter  d'échos  affaiblis,  qui  expiraient  impuissants 
devant  nos  oreilles  suffisamment  prévenues?  La  grande 
voix  de  la  révélation  couvrait  cette  voix  barbare  ;  et  tan- 
dis que  celle-ci  formait  des  accents  stridents  et  confus 
dans  la  plaine,  l'autre  résonnait,  dans  toute  son  ampleur 
et  toulc  sa  majesté,  sur  les  hauteurs  que  nous  habitions. 

A.    GlLLY. 


IDÉE  DE  LA  BIBLE. 


La  parole  humaine  est  Un  objetd'étude  plein  d'intérêt, 
et  l'un  des  plus  étonnants  qui  s'offrent  à  la  pensée.  Et 
quoique  cette  étude  soit  difficile  et  toujours  incomplète, — 
car  plongés  et  emprisonnés  comme  nous  le  sommes  dans 
la  région  des  apparences,  il  est  près  de  nous,  autour  dé 
nous,  d'admirables  réalités  que  nous  côtoyons,  que  nous 
mettons  en  œuvre  à  tout  moment  de  notre  vie,  sans  les 
apercevoir  ni  les  pressentir,— cependant,  siTon  s'applique 
à  pénétrer  l'essence  de  la  parole,  on  ne  tarde  pas  à  re- 
connaître qu'elle  est,  pour  ainsi  dire,  le  corps  de  la  pensée, 
et  que,  comme  le  corps  humain,  pendant  cette  vie,  est 
nécessaire  à  Tàme,  en  premier  lieu,  suivant  une  belle 
théorie  de  saint  Thomas ,  pour  qu'elle  précise,  qu'elle 
développe  sa  puissance  intellective,  èten  second  lieu,  pour 
qu'elle  communique  avec  les  autres  âmes,  ainsi  la  parole 
est  nécessaire  à  la  pensée,  d'abord  pour  la  préciser,  la 
développer,  et  ensuite  pour  la  manifester  et  la  répandre. 

Mais  la  parole  n'est  pour  la  pensée  qu'un  corps  sans 
consistance,  un  corps  mourant  aussitôt  que  né.  L'écriture 
seule  donne  à  la  pensée  un  corps  viable,  car  l'écriture 
c'est  la  parole  affranchie  de  l'état  successif,  la  parole 
prenant  un  point  d'appui  daus  l'espace  pour  défier  le 
temps;  l'écriture,  c'est  la  parole  devenue  visible  ;  c'est 
une  sorte  de  création,  comme  la  création  elle-même  est 
une  sorte  d'écriture,  car  des  deux  côtés  je  vois  une  pa- 
role qui  se  solidifie,  se  cristallise. 


IDÉE    t)E    LA    BTRIE.  415 

Aussi  récritUïê  possède  au  centuple  les  deux  prôpHé** 
tés  que  nous  avons  reconnues  à  la  parole.  Celle-ci,  dis- 
sions-nous, précisé  et  développe  la  pensée  :  combien 
plus  de  précision  la  pensée  ne  doit- elle  pas  à  Técriture  ! 
«  L'écriture,  dit  un  philosophe  contemporain,  est  une 
filière,  un  laminoir  qui  étend  merveilleusement  les  idées 
et  exploite  toute  leur  ductilité....  En  écrivant  une  penâée, 

on  l'analyse et  il  arrive  sous  là  plume,  pat  le  seul  fait 

de  renonciation  successive,  une  fôtile  de  choses  que  l'on 
n'apercevait  point  auparavant  (1)...  En  parlant  son  idée, 
non-seulement  on  la  fait  comprendre  aux  aUtfes,  mais 
on  la  comprend  mieux  soi-même....  L'écriture  ajoute 
encore  à  la  parole....  On  pénètre  à  des  profondeurs  plus 
grandes....  Nous  pouvons  affirmer  qu'on  n'a  jamais  toute 
la  conscience  de  sa  pensée  qu'après  l'avoir  écrite  (2).  » 
Un  autre  philosophe,  après  avoir  démontré  que  pour 
arriver  à  la  sagesse  il  faut  écouter  Dieu,  dit,  après  saint 
Augustin,  qu'on  l'écoute  en  écrivant  (.3)  ;  et  il  ajoute  : 
«  Si  vous  consacrez  à  écrire  les  meilleures  heures  du  jour, 
rien  ne  peut  vous  donner  autant  de  chances  pour  en- 
tendre ou  pour  voir  la  vérité  (4) .  w 

La  parole,  en  second  lieu,  exprime  et  propage  la  pen- 
sée. Mais  l'écriture,  en  cela  aussi,  est  à  certains  égards 
incomparablement  supérieure.  Elle  fait  pénétrer  une  idée 
dans  tous  les  siècles,  et  en  même  temps  par  toute  la 
terre. 

Ainsi  l'écriture,  plus  encore  que  la  parole,  contribue 
à  former  la  pensée  et  à  la  rendre  manifeste. 

Toutefois,  ces  deux  fonctions  de  l'écriture  n'embras- 
sent pas  toutes  les  relations  qu'elle  entretient  avec  la 

<l)  Étude  sur  l'art  de  parkr  en  pttàlie,  par  M.  Bautaia,  p.  186. 

(2)  laid.,  p.   187. 

(3)  Les  Sources,  par  A.  Gratry,  p.  11. 

(4)  Ibid.,  p.  15. 


/lie  IDÉE    DE    L\    BIBLE. 

pensée.  Il  nous  en  reste  à  faire  connaître  une  face  en- 
tière. Si  l'écriture  est  une  condition  de  l'achèvement  de 
la  pensée,  celle-ci  en  même  temps  est  le  principe  d'où 
sort  l'écriture  ;  entre  elles  deux,  il  y  a  action  et  réaction; 
elles  se  développent  ensemble,  comme  l'àme  et  le  corps 
de  l'enfant,  La  pensée  ne  grandit  que  moyennant  récri- 
ture, c'est  vrai;  mais  de  toute  pensée  qui  grandit,  jail- 
lit une  écriture  qui  la  reflète.  Ainsi  en  est-il  de  la  se- 
conde fonction  'de  l'écritnre,  c'est-à-dire,  de  sa  puis- 
sauce  de  manifestation.  Oui,  l'écriture  est  vraiment  le 
grand  véhicule  de  la  pensée  ;  mais  c'est  aussi  la  pensée 
qui  propage  l'écriture.  Combien  de  livres,  corps  sans 
àme,  aussitôt  morts  que  nés  !  Ce  n'est  pas  tout  que  de 
tracer  des  lettres,  de  remplir  des  pages  ;  l'écriture  ré- 
siste quand  on  lui  fait  violence,  quand  on  veut  la  con- 
struire et  la  lancer  à  vide ,  contre  sa  nature.  Il  n'y  a 
qu'une  pensée  forte  et  féconde  qui  porte  son  écriture 
jusqu'aux  extrémités  de  la  terre,  pendant  une  longue 
suite  de  siècles. 

Voyons  maintenant  ce  qui  découle  de  là.  Puisque  c'est 
une  loi  de  notre  nature,  loi  constatée  par  les  plus  pro- 
fonds philosophes,  qu'on  précise,  qu'on  trouve  même  ses 
idées  en  écrivant,  et  que,  par  conséquent,  à  toute  écri- 
ture est  attachée  une  sorte  d'inspiration  naturelle,  il 
s'ensuit  que  Dieu,  voulant  faire  connaître  aux  hommes, 
par  l'un  d'eux,  une  pensée  qui  dépasse  l'intelligence 
humaine,  prend,  pour  élever  cet  homme  jusqu'à  cette 
pensée,  ua  moyeu  beaucoup  plus  conforme  aux  lois  ordi- 
naires, en  la  lui  faisant  écrire,  qu'en  la  lui  donnant  par 
uue  illumination  purement  intérieure.  C'est  la  plume  à  la 
main  que  tout  homme  précise  et  achève  sa  pensée,  que 
s'obtiennent  les  inspirations  les  plus  sublimes,  les  chefs- 
d'œuvre  du  génie.  Dieu  donc  use  de  condescendance 
envers  la  nature  humaine  quand  c'est  la  plume  à  la  main 


IDÉE    nii    LA    P.IBLE.  Al 7 

que  le  prophète  rcçoitlaconuaissanced'une  pensée  divine, 
quand  c'est  en  écrivant  (lu'il  est  éclairé,  inspiré  sur  les 
mystères  les  plus  profonds  de  l'essence  infinie,  et  sur  la 
destinée  ineffable  heureusement  su  rajoutée  à  notre  nature. 
De  sorte  que  Dieu,  en  voulant  que  sa  parole  fût  écrite, 
et  pour  éviter  toute  chance  d'erreur  dans  un  ouvrage  de 
cette  importance,  conduisant  la  plume  des  prophètes,  a 
pour  ainsi  dire  greffé  le  mystère  de  l'inspiration  surna- 
turelle sur  le  phénomène  inférieur,  mais  analogue,  de 
l'inspiration  naturelle,  coïncidence  admirable  qui  se  re- 
marque à  chaque  pas  dans  les  dogmes  révélés. 

Aussi  l'inspirationdivinedessaintesÉcrituresa  toujours 
été  la  foi  du  genre  humain,  et  a  reçu  l'hommage  des  peu- 
ples infidèles  eux-mêmes,  tant  ce  mystère  est  conforme  aux 
lois  de  la  raison,  aux  besoins  de  l'homme,  et  aux  tradi- 
tions des  premiers  âges.  Les  Indiens,  les  Chinois,  les  Per- 
ses, les  Romains,  les  Arabes,  les  Japonais,  les  Mandchoux, 
les  Thibétains,les  Siamois,  les  Javanais,  les  Scandinaves, 
les  Druses,  d'autres  peuples  encore,  ont  cru  qu'il  y  a  des 
livres  inspirés  de  Dieu,  et  ont  témoigné  de  cette  croyance 
par  leurs  actes,  restant  ainsi  dans  le  vrai  sur  un  point 
capital;  s'égarant,  hélas!  en  mettant  l'inspiratien  où  elle 
n'est  pas,  mais  moins  égarés  que  ceux  qui  ne  la  voient  pas 
où  elle  est. 

Voilà  où  nous  mène  l'action  de  l'écriture  sur  la  pensée. 
L'action  inverse  delà  pensée  sur  l'écriture  conduit  au 
même  but.  Dès  là  que  toute  grande  pensée  se  déploie  en 
écriture,  comment  la  forme  humaine  de  la  pensée  de  Dieu 
n'aurait-elle  pas  sa  place  dans  le  domaine  de  l'Écriture, 
et  la  première  place  ?  En  vertu  même  de  cette  loi  de  la  na- 
ture, la  parole  surnaturelle,  plus  que  tout  autre,  doit  tendre 
à  la  pérogative  du  livre,  et  aspirer,  pour  ainsi  dire,  à  ce 
qu'on  l'écrive.  Et  elle  doit  garder,  étant  écrite,  un  cachet 
à  part,    duquel    n'approche   aucun  autre  livre  sacré  :  un 

Revue  des  Sciences  ecclés.,  t.  x. —  novembre  1804.  28 


AÏS  IDÉE    HE    LA    BIBLE. 

éclat  qui  tantôt  ravit,  tantôt  éblonit  :  des  abîmes  inson- 
dables; de  là  des  solutions  de  continuité  ;  en  même  temps 
une  simplicité  qui  charme,  une  autorité  qui  impose,  une 
sincérité  qui  parfois  scandalise  ;  d'apparentes  contradic- 
tions, les  unes  dues  à  notre  ignorance,  les  autres  gagnées 
dans  le  trajet  entre  deux  langues;  enflndes  hauteurs  ac- 
cumulées les  unes  sur  les  autres,  dans  lesquelles,  au  pre- 
mier abord,  on  n  aperçoit  que  des  inégalités. 

C'est  assez  considérer  l'écriture  et  la  pensée  se  formant 
mutuellement.  Considérons -les  se  manifestant  l'une 
l'autre,  et  voyons  s'il  ne  découlera  pas  de  là  quelque 
nouvelle  conséquence. 

D'abord,  à  s'en  tenir  à  ce  principe  que  l'écriture  est  le 
grand  propagateur  de  la  pensée,  il  faut  reconnaître  que 
nulle  pensée  n'étant  aussi  nécessaire  à  l'homme  que  celle 
de  Dieu,  il  n'en  est  aucune  qu'il  fût  plus  convenable  de 
confiera  l'écriture,  moyen  plus  simple  d'ailleurs  que  de 
multiplier  les  révélations  orales.  Et  puisque,  d'autre  part, 
c'est  la  pensée  même  qui,  à  proportion  de  sa  vigueur, 
fait  la  fortune  de  son  écriture,  il  doit  naturellement  ar- 
river que  la  parole  de  Dieu  soit  incomparablement  plus 
écrite  et  plus  lue  que  tout  autre.  Et  c'est  en  effet  ce  qui 
est  arrivé.  Il  est  des  écrivains  de  génie  qui  ont  fait  péné- 
trer leurs  ouvrages  loin  dans  le  temps  et  loin  dans  l'es- 
pace ;  mais  ces  ouvrages  sont  restés  confinés  dans  le  cer- 
cle étroit  des  hommes  instruits,  et  ont  passé  inaperçus 
delà  foule.  Il  est  d'autres  livres  vénérés  comme  saints, 
et  qui  moyennant  les  débris  qu'ils  gardaient  de  la  révé- 
lation primitive,  ont  pu  devenir  populaires,  s'identifier 
avec  les  croyances  et  les  pratiques  religieuses  des  peuples 
entiers,  et  traverser  ainsi  des  siècles.  Mais  ces  livres  sont 
demeurés  captifs  dans  les  bornes  de  pays  arriérés,  et 
quelque  durée  qu'ils  y  aient  eue,  l'avenir  n'en  est  guère 
mollis  incertain  que  l'origine.  La  Bible  seule  a   rompu 


IDÉE    DE    LA    niBLE.  ài9 

ton  tes  les  barrières.  Trente  siècles  l'ont  Tiie  passer  intacte; 
elle  a  pénétré  chez  tous  les  peuples,  elle  règne  sur  les  plus 
influents,  et  c'est  elle  en  grande  partie  qui  les  a  portés  si 
haut.  Ce  n'est  pas  tout:  elle  s'est  infiltrée  dans  toutes  les 
conditions,  dans  l'intimité  du  penseur,  dans  la  mémoire 
de  l'ignorant,  dans  la  trame  des  plus  populaires  et  des 
meilleurs  livres  humains.  Le  Catéchisme  n'en  est  que 
l'analyse;  le  Paroissien,  qu'un  extrait  ;  V  Imitât  ion  ^  qu'un 
seul  mot  commenté,  Ahneget.  Destinée  incomparable  de 
la  Bible  !  Elle  n'a  été  écrite  qu'une  fois  sous  la  dictée  de 
Dieu;  mais  le  genre  humain  l'a  copiée,  lue,  traduite, 
commentée,  imprimée  sans  relâche,  et  le  livre  enfin  le 
plus  écrit  par  les  hommes  est  celui  qu'ils  n'ont  pas  com- 
posé !  On  eût  dit,  à  l'origine  de  l'imprimerie,  que  cet  art 
merveilleux  n'avait  été  inventé  que  pour  multiplier  les 
exemplaires  des  Livres  saints,  et  l'on  pourrait  soutenir, 
peut-être,  que  le  désir,  le  besoin  de  cette  multiplication 
avait  été  le  stimulant  de  cette  mémorable  découverte. 

Quelle  différence  entre  cette  Écriture  divine,  et  celle 
qui  se  lit  dans  les  astres,  dans  l'univers,  que  nous  avons 
consenti  à  regarder,  en  quelque  manière,  comme  une  pa- 
role de  Dieu  écrite  !  Le  monde  matériel  est  beau,  mais  il 
n'est,  comme  écriture,  que  l'enfance  de  l'art.  Dieu  ne  s'en 
est  pas  tenu  à  ces  hiéroglyphes.  Il  a  voulu  y  ajouter  une 
autre  écriture,  laquelle,  quoique  d'apparence  plus  humble, 
est  infiniment  plus  sublime,  de  même  qu'un  feuillet  dé- 
chiré d'Hérodote  surpasse  en  éloquence  le  plus  colossal 
obélisque.  Oui,  l'univers  est  une  parole  de  Dieu  écrite, 
mais  la  Bible  en  est  une  plus  récente  et  de  bien  autre 
conséquence  ;  la  Bible  est  un  double  Testament  qui  con- 
tient les  dernières  disposition  d'un  Père  immortel. 

Pénétrons  plus  avant,  et  après  avoir  considéré  quel- 
qu€s-unesdes  propriétés  de  la  Bible,  tâchons  d'en  connaî- 
tre l'essence,  Qu'est-elle   cette  Écriture  sainte  ?  Quelle 


420  IDÉE    DE    LA    BIBLE. 

idée  en  retenir  ?  Quelle  place  lui  assigner  dans  Tëcono- 
mie  du  monde  surnaturel  ?  La  parole,  avons-nous  dit, 
et  la  parole  écrite  surtout,  est  le  corps  de  la  pensée. 
Quand  donc  le  Verbe  éternel  a  parlé  à  nos  ancêtres 
par  les  prophètes,  et  surtout  quand  des  lèvres  de  ceux- 
ci  il  est  descendu  jusqu'à  leur  plume,  il  s'est  laissé 
écrire  sous  l'inspiration  de  l'Esprit-Saint  :  il  a  réalisé  la 
plus  frappante  image  de  son  incarnation  ;  il  a  pris  un 
corps  dans  les  langues  humaines,  pour  éclairer  par  le 
dehors  nos  âmes,  qu'il  éclaire  au  dedans  dès  leur  entrée 
dans  le  monde.  Et  il  n'a  pas  pris  nos  paroles  sans  nos 
idées,  pas  plus  que  notre  corps  sans  notre  àme.  Seulement 
comme  il  a  pris  un  corps  et  une  àme  dépouillés  de  la  per- 
sonnalité humaine,  il  a  pris  nos  pensées  et  nos  paroles 
dépouillées  de  toute  humaine  responsabilité.  La  Bible  donc 
c'est  le  Verbe  fait  livre.  11  sestfaitlivre,  comme  il  s'est  fait 
homme  par  l'opération  de  l'Esprit-Saint  ;  il  a  été  conçu 
et  mis  au  jour  par  les  prophètes,  et,  sous  la  forme  bibli- 
que, il  a  eu  le  même  sort  que  sous  la  forme  humaine  : 
caché  sous  la  lettre,  et  y  descendant  jusqu'à  des  abais- 
sements inouïs  ;  laissant  percer  toutefois  quelques 
rayons  de  sa  splendeur  ;  insulté,  bafoué,  déchiré,  cloué 
au  pilori  par  des  plumes  déicides  ;  mais,  sous  la  lettre 
aussi,  attirant  les  cœurs  simples,  contemplé  avec  amour 
par  les  générations  agenouillées,  salué  de  leurs  chants, 
mouillé  de  leurs  larmes,  vengé  par  leur  pénitence  et 
leur  enthousiasme. 

Cette  vue  générale  ne  suffit  pas  -,  il  faut  descendre 
dans  le  détail  et  décomposer  en  quelques  sorte  l'axiome 
que  nous  venons  de  formuler  -,  c'est  le  seul  moyen  de 
faire  un  nouveau  pas  dans  la  conception  du  mystère. 
Que  doit  contenir  le  Livre  divin?  D'abord  des  idées,  des 
doctrines,  qui  nous  .fassent  connaître,  d'une  part,  ce  que 
Dieu  est,  ce  qu'il  fait  pour   nous  ;  d'autre  part,  ce  que 


IDÉE    DE    LA    BIBLE.  Il2i 

nous  devons  faire  pour  atteindre  notre  destinée  finale  -, 
car  la  raison  elle-même  sent  son  impuissance  à  définir 
ce  double  objet.  Mais  les  exemples  nous  instruisent 
mieux  que  les  théories  et  que  les  préceptes.  Aussi  Dieu, 
dès  le  commencement  du  monde,  a-t-il  éclairé  le  genre 
humain  par  des  faits.  Le  saint  Livre  devait  donc  renfer- 
mer dans  ses  pages  les  faits  qui  rappellent  avec  le  plus 
d'éclat  soit  les  mystères  de  l'essence  et  de  l'action  de 
Dieu,  soit  les  devoirs  qui  découlent  pour  nous  de  ces 
mystères.  Ce  n'est  par  tout  :  comme  les  faits  sont  dans 
le  domaine  de  la  succession^  et  que,  par  conséquent,  ils 
se  divisent  en  deux  grandes  classes,  les  uns  passés,  les 
autres  futurs,  le  livre  de  Dieu  devait  s'étendre  aux  uns 
et  aux  autres,  pour  porter  pleineiiient  le  cachet  de  son 
auteur  ;  il  devait  nous  faire  connaître  des  événements  à 
venir,  impénétrables  à  la  prévoyance  humaine  comme 
il  nous  fait  connaître  des  événements  passés,  inaborda- 
bles à  l'histoire  profane  ;  et  parmi  ces  faits  racontés  pur 
une  mémoire,  ou  annoncés  par  une  prescience,  toutes 
les  deux  infaillibles,  il  devait  s'en  trouver  d'inexécu- 
tables par  les  lois  ordinaires,  pour  rendre  plus  manifeste 
le  doigt  de  Dieu,  et  plus  croyable  ce  qu'il  y  a  de  néces- 
sairement incompréhensible  dans  les  dogmes.  De  là 
trois  éléments,  le  doctrinal,  l'historique,  le  prophétique  ; 
éléments  réunis  dans  la  plupart  des  Livres  sacrés,  mais 
dont  l'un  prédomine  dans  chacun  de  ces  livres.  Il  faut 
des  livres  historiques  et  prophétiques  pour  frapper 
l'imagination,  pour  aider  l'intelligence,  et  aussi  pour 
enseigner  ce  qui  ne  peut  trouver  place  dans  une  théorie, 
c'est-à-dire  pour  enseigner  les  faits  qui  servent  de  base 
à  la  religion ,  laquelle  ,  comme  l'existence  même  du 
genre  humain,  n'est  qu'un  grand  fait.  Et  il  faut  aussi 
des  livres  doctrinaux  pour  dégager  des  faits  les  mystè- 
res et  les  préceptes,  et  pour  empêcher  les   hommes  de 


422  IDÉE    DE    LA    BIBLE. 

s'arrêter  comme  des  entants  à  l'écorce  des  récits.  Et  soit 
qu'elle  raconte,  soit  qu'elle  dogmatise  et  exhorte,  soit 
qu'elle  prophétise,  la  Bible  est  le  Yerbe  de  Dieu,  parce 
qu'elle  est,  sous  une  forme  terrestre,  la  connaissance 
que  Dieu  a  des  vérités  éternelles  et  des  faits  passés  et 
futurs,  connaissance  qui  ne  fait  qu'un  avec  Dieu  même. 

Ces  trois  éléments  se  retrouvent  dans  chacune  des 
deux  grandes  parties  de  la  Bible.  En  cela  se  ressemblent 
l'ancien  Testament  et  le  Nouveau,  lequel  a  pour  livres 
historiques  les  Évangiles  et  les  Actes  ;  pour  livres  sa- 
pieutiaux  les^Épitres,  et  pour  prophétie  l'Apocalyse.  Mais 
pourquoi  l'ancien  Testament  a-t  il  demandé  pour  sa  Com- 
position près  de  quatorze  siècles,  tandis  que  le  nouveau  a 
été  terminé  sous  les  yeux  des  Apôtres!  Voici,  ce  me  sem- 
ble, la  raison  de  cette  différence.  Les  livres  historiques 
de  l'ancien  Testament,  étant  destinés  à  nous  instruire  des 
faits  écoulés  depuis  la  création  jusqu'à  la  rédemption, 
devaient  être  échelonnés  à  larges  intervalles  entre  ces 
deux  points  extrêmes  ^  autrement,  les  faits  n'étant  plus 
racontés  par  des  témoins  oculaires  ou  des  contemporains, 
l'inspiration  divine  fût  devenue  un  tissu  de  miracles,  au 
détriment  du  côté  humain  et  sympathique  de  la  Bible, 
D'autant  plus  que  le  principal  objet  de  cet  immense  récit 
étant  d'établir  la  généalogie  humaine  du  Sauveur,  d'ap- 
puyer sur  des  titres  authentiques  sa  noblesse,  qui,  par 
une  suite  non  interrompue  de  personnages  historiques, 
remonte  à  Adam,  il  convenait  qu'on  en  retrouvât  les  preu- 
ves sur  des  parchemins  signés  de  Dieu  et  de  l'homme,  et 
datés  des  grandes  époques  du  vieux  monde. 

D'ailleurs,  cette  longue  et  nécessaire  histoire,  pour 
rester  complète,  ne  pouvait  s'achever  que  peu  avant  la 
venue  du  Messie.  Et  pourtant  elle  devait  commencer  et  se 
continuer  des  siècles  plus  tôt,  sans  quoi  les  générations 
antérieures  eussent  été  privées  de  la  consolation  de  lire 


IDÉE    DE    LA    BIBLE.  425 

daus  les  premiers  livres  historiques  les  noms  et  les 
exemples  de  leurs  ancêtres,  l'origine  du  genre  humain, les 
bienfaits  et  les  commandements  de  Dieu.  De  même,  les 
prophéties  devaient  commencer  dans  les  premiers  temps, 
pour  faire  germer  de  longue  main  dans  les  esprits  l'idée 
messianique,  et  aussi  pour  devenir  plus  frappantes  par  la 
dislance  qui  les  séparait  de  leur  accomplissement.  Et 
pourtant  elles  ne  devaient  point  paraître  d'un  seul  coup 
dès  l'origine,  car  alors  elles  n'eussent  pu  réveiller  de 
temps  en  temps  de  sa  torpeur  le  peuple  choisi,  ni  se  ma- 
nifester par  degrés,  avec  ce  beau  et  continuel  progrès, 
qui  ménage  la  faiblesse  de  nos  yeux,  et  annonce  l'appro- 
che de  la  pleine  lumière. 

Enfin,  l'ancien  Testament  tout  entier  devait  grandir 
peu  à  peu,  s'enrichir  successivement  de  ses  divers  livres, 
parce  qu'il  était  immédiatement  destiné  à  former  le  peuple 
juif,  et  que  ce  peuple  à  son  tour  devait  servir  d'instru- 
ment à  la  formation  du  Livre  divin.  Le  livre  a  formé  le 
peuple  en  lui  fournissant  à  chaque  moment,  au  fur  et  à 
mesure  des  besoins,  îe  secours  qu'il  pouvait  supporter  ;lç 
peuple  a  formé  le  livre  en  écrivant,  à  chaque  siècle,  l'his- 
toire, la  prophétie,  la  prièce  ou  la  sentence  que  les  grâces 
précédentes  l'avaient  rendu  digne  de  sentir  et  de  forrau- 
1er  sous  l'inspiration  d'en-Haut.  Chaque  besoin  du  peuple 
amène  un  accroissement  du  livre  ;  chaque  accroissement 
du  livre  éveille  dans  la  partie  saine  du  peuple  un  besoin 
plus  élevé  :  livre  et  peuple,  tous  deux  instruments  divins, 
tous  deux  commencés  par  Moïse,  finis  par  les  Machabées, 
dans  l'intervalle  grandissant  ensemble  et  par  une  action 
réciproque;  l'un,  l'ébauche  de  l'Église,  l'autre,  la  préface 
divine  de  l'Evangile. 

Chose  étonnante  I  un  même  principe  a  déterminé  les 
conditions  si  diverses  des  deux  Testaments,  la  composi^ 
tiou  treize  fois  séculaire  de  l'Aucien,  le  rapide  achèvement 


i2/i  IDÉE    DE    LA    BIBLE. 

du  Nouveau.  Etant  admis,  en  effet,  que  chaque  Livre  saint 
n'attend,  pour  paraître,  que  l'opportunité  de  son  objet  et 
la  disposition  de  son  instrument,  le  nouveau  Testament 
tout  entier  devait  voir  le  jour  dans  le  premier  siècle  de 
l'ère  chrétienne.  Dès  lors  étaient  accomplis  tous  les  faits 
qu'il  devait  raconter,  et  approchaient  ceux  qu'il  devait 
prédire.  L'Eglise,  définitivement  constituée,  n'avait  plus 
besoin  que  le  Saint-Esprit,  qu'elle  portait  en  elle,  vînt  d'âge 
en  âge  l'exhorter  du  dehors,  et  apporter  à  la  terre  des 
révélations  nouvelles  Ou  plutôt,  il  fallait  à  l'Église,  dès 
le  temps  de  cette  nouvelle  Genèse,  la  charte  inspirée 
•qu'elle  devait  lire  à  haute  voix,  et  interpréter  dans  tous 
les  siècles.  Il  la  lui.  fallait  alors,  et  alors  aussi  elle  était 
digne  de  récrire.  Alors  l'Église,  avec  la  plénitude  primi- 
tive de  ses  dons,  la  prérogative  de  ses  Apôtres,  la  trace 
encore  visible  des  pas  de  son  Chef,  était  l'instrument  le 
mieux  préparé  pour  que  le  Saint-Esprit,  qui  l'assiste  à 
jamais,  lui  inspirât  lapartiecapitaledes  divines  Écritures. 

Oui,  la  partie  capitale,  car  la  diff  rence  des  deux  Tes- 
taments dans  la  durée  de  leur  fondation,  en  recouvre  une 
autre  plus  fondamentale,  dans  l'importance  de  leur  cou- 
tenu.  Certes,  l'ancien  Testament  nous  a  tous  charmés.  L'ère 
des  patriarches,  enfance  du  genre  humain  déchu  et  relevé, 
parfume  de  ses  souvenirs  l'enfance  de  chaque  fidèle.  Mais 
de  cette  école  poétique  il  faut  passer,  comme  l'a  fait  le 
genre  humain,  sous  une  discipline  plus  dégagée  de  la 
terre.  Les  âmes  qui  se  sentent  plus  de  goût  pour  l'ancien 
Testament  que  pour  l'Évangile,  ou  que  pour  les  incom.- 
parables  Épîtres  de  saint  Paul,  n'ont  encore,  dans  la  ma- 
turité même  de  la  raison,  qu'une  foi  et  une  charité  com- 
mençantes. Ce  sont  à  tout  âge  deschrétiens  dans  l'enfance. 

Mais  pourquoi,  taudis  que  la  Bible  efface  tous  les  livres, 
et  que  le  nouveau  Testament  surpasse  tout  le  reste  delà 
Bible,  l'Évangile  se  détache-t-il  si  vivement  sur  le  fond 


IDÉE    DE    LA    BFBLE.  ii25 

du  nouveau  Testament  lui-même?  En  voici  la  raison,  ce 
me  semble.  Souvent  la  Bible  est  simplement  la  connais- 
sance divine  d'une  parole  humaine,  d'un  fait  humain. 
Souvent  aussi,  divine  à  double  titre,  dans  son  essence  et 
dans  son  objet,  la  Bible  est  la  connaissance  divine  d'une 
parolediviue,d'uufaitdivin.OrrÉvangile  dépasse  encore, 
par  rapport  h  nous,  ce  degré  supérieur.  L'Évangile  c'est 
la  connaissance  divine  d'une  parole  ou  d'une  action  à  la  fois 
divine  et  humaine-,  l'Evangile,  c'est  le  Verbe  racontant 
sous  sa  forme  biblique,  à  toutes  les  nations  et  à  tous  les 
siècles,  ce  que,  sous  sa  forme  humaine,  il  dit  et  fit  dans 
son  passage  ici-bas;  et  voilà  pourquoi,  quelqu'insouciant 
que  soit  l'homme,  il  se  remue  quelque  chose  dans  ses 
entrailles  au  seul  nom  de  l'Évangile. 

Il  est  à  remarquer  toutefois  que,  tandis  que  l'Église  a 
pour  ainsi  dire  absor])é  la  Synagogue,,  le  nouveau  Testa- 
ment, loin  de  remplacer  l'Ancien,  lui  a.donné  non  seule- 
ment une  fonction  plus  étendue  et  plus  durable,  mais  une 
saveur  plusdouce,  tout  en  le  surpassant  et  en  laissantvoir 
plus  à  découvert  la  béatitude  suprême  vers  laquelle  ils 
nous  portent  l'un  et  l'autre.  Il  est  même  tel  livre  de  l'an- 
cien Testament,  celuides  Psaumes  de  David,  par  exemple, 
qui  semble  avoir  été  fait  surtout  pour  les  temps  nouveaux, 
et  que  l'Église  pourrait  être  jalouse  de  n'avoir  pas  écrit 
sous  la  dictée  de  Dieu,  si  elle  ne  sentait  que  ce  livre,  eu 
même  temps  qu'il  est  une  prière  qu'elle  devait  chanter, 
est  une  prophétie  d'où  elle  devait  sortir,  et  qu'il  lui  est 
glorieux  que  le  Saint-Esprit  le  lui  ait  préparé  plus  de 
mille  ans  d'avance,  pour  lui  faire  respirer,  dès  son  berceau, 
des  parfuns  antiques,  pour  la  rendre  plus  fière  de  David 
son  ancêtre,  et  pour  consoler  Israël  qui  n'avait  pas  l'Évan- 
gile. 

Tels  sont  les  deux  Testaments  :  profondément  divers 
dans  leur  formation  et  dans  leur  objet  ;  semblables  dans 


/i26  IDÉE    DE    LA    BIBLE. 

leurs  subdivisions  ;  égaux,  si  Tou  n'en  considère  que 
l'autorité  ou  la  source  -,  identiques  dans  leur  essence, 
qui  est  le  Verbe  devenu  lisible  ;  présentant  d'ailleurs,  à 
qui  les  compare,  une  foule  d'autres  analogies  et  d'autres 
différences  qui  ne  se  laisseront  jamais  rassembler  dans 
un  cadre  fait  de  main  d'homme,  ni  dans  un  horizon 
terrestre  :  l'un,  le  bruit  avant-coureur  de  l'approche  du 
Messie  -,  l'autre,  l'attesîation  authentique  de  la  rédemp- 
tion ;  tous  deux  offrant  dans  leurs  épisodes,  leurs  para- 
boles, leurs  narrations,  leurs  apostrophes,  des  peintures 
tantôt  formidables ,  tantôt  ravissantes ,  mais  toujours 
d'une  telle  vérité  que  le  genre  humain  les  sent  vivre, 
et  y  reconnaît  les  secrets  de  son  cœur  :  l'un,  prenant  le 
globe  à  son  origine  ;  l'autre,  le  conduisant,  je  ne  dis  pas 
jusqu'à  sa  fin,  mais  jusqu'à  sa  rénovation  ;  l'un  et  l'autre 
se  rattachant  à  toutes  les  sciences  humaines  et  à  tous 
les  arts,  moins  encore  pour  les  faire  avancer,  que  pour 
attendre  l'homme  au  passage  sur  tous  les  chemins  ;  tous 
deux  enfin  remplis  des  trésors  de  la  sagesse  divine,  du 
A'erbe  divin,  mais  du  Verbe  s'abaissant  dans  l'un  jus- 
qu'à telles  de  nos  idées,  tels  de  nos  sentiments,  telles 
de  nos  images  qui  lui  eussent  répugné  dans  sa  chair,  et 
élevant  dans  l'autre  la  parole  humaine  jusqu'à  des  con- 
ceptions qu'il  ne  pouvait  non  plus  communiquer  de  vive 
voix  sur  la  terre,  parce  que  l'Eglise  n'était  capable  de 
concevoir  ces  mystères  du  ciel,  qu'en  y  entrant  dans  la 
personne  de  sou  divin  Chef. 

Et  cependant  (car  il  ne  faut  rien  exagérer  ,  la  Bible, 
quoique  si  grande,  ne  suffit  pas.  IN'ous  en  aurions  mal 
défini  le  rôle,  si  nous  n'avions  ajouté  cette  restriction. 
JVon,  elle  ne  suffit  pas  à  l'enseignement  religieux,  et  il 
faut  bien  que  le  Verhe  en  ait  jugé  ainsi,  qu'il  ait  jugé 
insuffisant  ce  moyen,  tout  sublime  qu'il  est,  de  nous 
mettre  en  communication  visible  avec  sa  divinité  cachée. 


IDÉE    DL    LA    CIBLE.  427 

puisqu'il  a  voulu  s'allier  plus  intimement  à  l'homme,  et, 
après  eu  avoir  pris  l'écriture,  en  prendre  la  voix,  en 
prendre  le  corps,  avec  la  précaution  de  laisser  ici-bas 
des  continuateurs  de  sa  vie  parlante  Comment  donc  un 
livre  divin  peut-il  ne  pas  suffire  ?  C'est  qu'il  est  obscur. 
Le  Yerbe  qui,  sous  l'apparence  du  pain,  cache  la  pré- 
sence réelle  de  son  corps,  cache  sous  la  lettre,  comme 
autrefois  sous  son  corps  visible,  l'alliance  intime  de  sa 
divinité  avec  une  existence  inférieure.  Ainsi  caché,  il 
lie  résiste  pas,  se  laisse  méconnaître,  se  laisse  profaner, 
et  serait  ravi  enfin  à  l'indigence  humaine,  si  une  armée 
défensive  ne  veillait  sur  le  saint  Livre,  comme  sur  le 
tabernacle  ;  si  l'autorité  d'un  interprète  sûr  ne  réglait 
l'enseignement,  comme  la  liturgie.  Dieu  sans  doute 
pouvait  choisir  une  providence  tout  autre.  Mais  cette 
division  et  cette  pondération  des  cléments  surnaturels 
n'a  rien  que  de  conforme  à  la  nature.  Dans  toute  école  en 
ce  monde,  il  y  a  un  livre  et  un  maître,  un  livre  sous  les 
yeux  de  l'élève,  et  un  maître  qui  explique  ce  livre,  et  il 
est  de  la  nature  du  livre,  laissé  seul  en  face  de  l'élève, 
d'être  obscur.  Or  la  vie  présente  qu'est-elle,  sinon  une 
école  ?  et  le  genre  humain  qu'est-il,  sinon  un  élève,  à 
qui  Dieu,  pour  l'instruire,  et  pour  le  préparera  la  véri- 
table vie,  a  donné  un  texte,  la  Bible,  et  un  professeur, 
l'Église  ? 

Que  si  nous  voulions  creuser  ici  davantage,  nous  ver- 
rions que  cette  obscurité,  qui  rend  la  Bible  insffîsanle, 
la  rend  aussi  plus  sublime  et  plus  riche  en  divines  in- 
tentions pour  le  bien  de  l'homme.  S'il  y  a,  pour  un  en- 
fant, tant  d'énigmes  dans  la  parole  d'un  homme  fait, 
comment  pourrions-nous  ici-bas  ne  pas  trouver  obscure 
la  parole  de  Dieu,  je  ne  dis  pas  quand  il  s'abaisse  à  nos 
pensées,  mais  quand  il  nous  élève  aux  siennes,  quand 
il  nous  parle  de  lui,  et  de  ce  qu'il  fait  pour  nous  cout 


A28  IDÉE    DE    LA    BIBLE. 

duire  aux  magnifiques  destinées  qui,  bien  qu'annoncées 
tant  de  fois,  seront  encore  des  surprises  ?  Qu'est-ce  donc, 
lorsqu'à  cette  cause  inévitable  d'obscurité  viennent  se 
joindre  les  nuages,  les  ténèbres  d'une  vie  sensuelle,  ou 
l'aveuglement  de  l'orgueil  ?  Il  est  vrai,  l'obscurité  de  la 
Bible  diminue  pour  les  Saints  et  pour  ceux  qui  les  veu- 
lent imiter  ;  mais  elle  n'est  jamais  dissipée  tout  en- 
tière, et  il  ne  nous  serait  pas  bon  qu'elle  le  fût.  Indépen- 
damment de  sa  nécessité,  il  faut  qu'elle  persiste  pour 
pouvoir  diminuer  sans  cesse  à  proportion  du  perfection- 
nement des  âmes,  et  pour  qu'en  approfondissant  le  saint 
Livre  on  y  trouve  toujours  de  nouveaux  traits  de  la 
lumière  divine,  comme  le  télescope  découvre  sans  fin 
dans  l'espace  de  nouvelles  étoiles.  De  ces  endroits  mê- 
mes, qui,  malgré  tout,  demeurent  obscurs,  un  grand  et 
nécessaire  enseignement  découle,  c'est  que  l'homme  ne 
peut  pas  tout  comprendre^  et  il  en  découle  aussi  cet 
inappréciable  avantage  de  rendre  plus  héroïque,  plus 
généreuse,  et  par  conséquent  plus  douce  au  cœur,  en 
même  temps  que  plus  méritoire,  notre  foi  en  la  divinité 
de  la  Bible. 

Et  pourtant  Dieu  a  parlé  pour  être  pleinement  com- 
pris ^  aussi  finira-t-il  par  l'être,  et  bientôt.  Eu  égard  à 
l'immortalité,  l'ignorance  présente  ne  dure  que  le  temps 
d'un  éclair,  et  la  suprême  clarté  doit  être  le  partage  de 
la  presque  totalité  de  notre  existence.  Un  jour  donc,  ô 
livre  divin  !  s'évanouiront  tes  ombres,  et  se  publiera  ton 
commentaire  définitif.  Un  jour,  Dieu  brisera  ton  écorcc, 
et  d'obscur  que  tu  es  tu  deviendras  si  éclatante  qu'il 
nous  faudra  d'autres  yeux  pour  te  lire.  Puissé-je  alors 
être  de  ceux  que  tes  rayons  n'éblouiront  pas  !  Livre  des 
livres,  livre  que  j'ai  rabaissé,  voulant  te  faire  connaître, 
livre  dont  on  ne  parle  pas  dignement,  et  dont  il  faudrait 
se  taire,  si  s'en  taire  n'était  pire  encore  que  d'en  balbu- 


IDÉE    DE    LA    BIBLE.  A29 

ticr  les  grandeurs,  puissé-je  t'interroger  tous  les  jours 
de  ma  vie,  te  demander  lumière,  consolition  et  force  ! 
Puissent  mes  mains  user  ton  enveloppe,  mes  yeux  se 
fatiguer  sur  tes  i)ages,  mes  lèvres  s'y  coller  pour  te 
répondre,  et  s'en  détacher  moins  indignes  de  parler  de 
tes  mystères  !  Livre  qui  es  une  création  nouvelle,  une 
incarnation  commencf  e ,  un  autre  et  plus  splendide 
univers,  je  veux  explorer  tes  prairies,  gravir  tes  som- 
mets, me  plonger  dans  tes  sources  profondes.  Je  vep\ 
jouir  de  la  chaleur  de  ton  soleil,  du  recueillement  de  tes 
nuits,  des  parfums  de  tes  campagnes,  du  commerce  de 
tes  sages,  de  la  douceur  de  tes  lois,  en  attendant  que 
les  voiles  se  lèvent,  et  que  le  règne  de  Dieu  arrive. 

C.  Berton. 


I 


DE  LA  MANIÈRE  DE  PRÊCHER  SUR  L'ENFER. 


Dans  sa  seconde  Instruction  synodale  sur  les  principales  erreurs 
du  temps  présent,  Mgr  l'évêque  de  Poitiers  s'écriait  :  ail  y  a  de  toutes 
«  parts,  à  cette  heure,  une  sorte  de  conspiration  contre  le  dogme  de 
«  la  damnation  éternelle  des  pécheurs.  »  {Discours  et  instructions, 
t.  m,  p.  263.)  Oui,  le  dogme  catholique  de  Venfer  est  l'objet  d'une 
conspiration  générale  :  les  rationalistes  le  nient,  les  indifférents  s'ef- 
forcent de  l'oublier;  les  mauvaises  passions  voudraient,  à  tout  prix,  le 
détruire.  Hélas  !  pourquoi  faut-il  que  la  nature  gâtée  de  l'homme  ré- 
clame impérieusement  l'existence  de  supplices  éternels!  Sans  l'enfer, 
quelle  sanction  à  la  loi  divine,  quel  frein  suffisant  à  arrêter  le  vice, 
quel  aiguillon  capable  de  stimuler  la  vertu? 

Aussi,  de  tout  temps,  le  prédicateur  chrétien  a-t-il  placé  à  la  pre- 
mière ligne  de  ses  devoirs  l'obligation  d'instruire  le  peuple  du  dogme 
de  l'enfer.  Sans  faiblesse  et  sans  respect  humain,  les  ministres  de  l'É- 
vangile ont  toujours  parlé  de  l'éternité  de  l'enfer,  du  ver  rongeur  qui 
ne  cessera  pas  de  déchirer  la  conscience  des  réprouvés,  des  flammes 
qui  les  brûleront  sans  relâche. 

Si  la  tradition  catholique  n'a  pu  être  encore  entamée  sur  un  dogme 
aussi  redoutable  à  la  nature  corrompue,  quelle  ne  doit  pas  être  la  vi- 
gilance des  gardiens  de  la  révélation,  alors  que  ses  ennemis  tentent 
une  dernière  mais  suprême  tentative?  Comment  résister  aux  efforts 
réunis  du  rationalisme,  de  l'indifférence,  du  spiritisme?  Un  seul  moyen 
nous  est  offert,  mais  il  est  infaillible,  et  la  victoire  est  assurée.  Il  faut 
que  le  prêtre,  et  plus  souvent  et  plus  haut  que  jamais,  proclame  la 
doctrine  de  la  foi  sur  l'enfer  et  ses  supplices.  Telle  est  la  pressante 
recommandation  que  faisait  aux  pasteurs  des  âmes  le  dernier  concile 


DE   LA    MANIÈRE    DE    pnftClIiîR   SUR    t'ENFER.  Aî^l 

de  Périgueux  (ann.  1857)  :  telle  est  la  voie  que  nous  ont  ouverte  Içs 
apôtres  et  le  divin  Sauveur  lui-même,  lequel  n'oppose,  le  plus  souvent, 
à  ses  adversaires,  que  le  dogme  de  l'enfer  et  de  ses  tortures  :  Qui 
bona  egerttnt,  ihuni  in  vitam  xternam,  qtii  vero  mala,  in  ignern 
œternum. 

Toutefois  un  double  écueii  se  présente  au  prédicateur  et  au  caté- 
chiste. Car  il  est  aisé,  en  parlant  de  l'enfer,  de  blesser  la  vérité,  tan- 
tôt par  exagération,  tantôt  par  diminution  :  c'est*à-dire  que  l'on  peut 
aller  au-delà  des  enseignements  de  îa  foi,  comme  aussi  l'on  peut  ne 
pas  tout  dire  et  rester  en  deçà. 


1. 


Ij'exagération,  il  est  vrai^ne  semble  guère  possible  quand  on  prêche 
sur  l'enfer,  et  plus  d'un  lecteur  s'étonnera  que  nous  en  ayons  pro- 
noncé le  mot.  Qui  pourra  jamais  comprendre  l'intensité  des  supplices 
du  damné,  la  violence  de  ses  fîanfimes,  l'amertume  de  ses  remords, 
l'horreur  de  ses  ténèbres,  la  rage  de  son  désespoir?  Quelle  imagina- 
tion assez  sombre  fera  jamais  Je  tableau  de  tant  de  douleurs?  C'est 
Dieu  qui,  dans  l'enfer,  exerce  sa  justice  :*c"en  est  assez  pour  conclure 
à  l'existence  de  tourments  inimaginables. 

Aussi  bien,  redisons-le,  le  danger  d'exagération  ne  peut  pas  se  ren- 
contrer dans  la  description  des  peines  éternelles.  Mais  il  est  dans  une 
certaine  manière  de  parler  trop  conforme  à  la  nôtre,  et  qui  tendrait 
à  faire  de  Dieu  non  un  juge,  mais  un  bourreau  qui  torture  sa  victime. 
Nous  n'avons  jamais  aimé  entendre  parler  de  Dieu  comme  d'un  mo- 
narque trop  longtemps  outragé,  et  qui  prend  plaisir  à  se  venger  enfin 
d'un  malheureux  dont  la  vie  ne  sera  plus  qu'une  longue  torture.  Il  est 
sans  doute  très-vrai  que  Dieu  est  glorifié  en  sa  justice  par  les  châti- 
ments éternels  du  damné  ;  mais  il  nous  répugne  de  penser  que  Dieu 
trouve  quelque  jouissance  à  voir  souffrir,  môme  des  malheureux  qui 
n'ont  que  trop  mérité  leur  triste  sort,  et,  s'il  faut  l'avouer,  de  pa- 
reilles descriptions  nous  paraissent  faites  pour  inspirer  de  l'intérêt  en 
faveur  des  victimes  dévouées  à  Fenfer, 


/l32  DE    LA    MANIÈRE    DE    PRÊCHliR   SUR    L*ENFER. 

Oh  !  que  l'Écriture  est  différente  dans  la  description  des  justices  di- 
vines! Ce  n'est  pas  Dieu  qui  a  creusé  l'enfer,  pas  plus  qu'il  n'a  fait  la 
mort.  Le  pécheur  est  seul  l'artisan  de  sa  ruine.  Seul,  il  s'est  séparé  de 
Dieu,  son  principe  et  sa  fin  ;  seul,  il  a  cherché  son  bonheur  dans  des 
jouissances  qui  ne  pouvaient  que  causer  son  malheur  ;  seul,  il  a  refusé 
une  réconciliation  que  Dieu  lui  offrait  avec  un  empressement  et  des 
prévenances  infinis;  seul  enfin,  il  s'est  jeté  dans  l'abîme  sans  fond  du 
désespoir  et  l'enfer.  11  est  vrai  que  Dieu  condamne  le  pécheur,  qu'il  le 
punit,  qu'il  le  livre  aux  démons,  mais  il  est  vrai  aussi  que  si  Dieu  agit 
en  juge,  c'est  comme  à  regret,  et  non  sans  avoir  accordé  de  longs  dé- 
lais aux  cris  de  sa  miséricorde.  C'est  de  la  sorte  que  le  psaume  108 
nous  représente  les  maiédiclions  éternelles  du  réprouvé  :  Dilexit  ma- 
ledietionem  et  veniet  ei  :  et  noluil  bemdidionem,  et  elongabilur  ab  eo. 
Le  pécheur  ne  souffre  que  du  mal  qu'il  a  voulu  :  Dieu  le  punit  en 
s.anctionnanl  son  choix. 

Assurément  l'Ecriture  n'ôte  rien  à  l'enfer  des  salutaires  terreurs 
qu'il  doit  inspirer;  et  toutefois,  elle  n'a  pas  un  mot  qui  éloigne  de 
Dieu  et  attache  au  pécheur.  Voilà  donc  comment  nous  voudrions  voir 
prêcher  le  dogme  de  l'enfer,  et  nous  recommandons  à  nos  lecteurs  la 
méditation  approfondie  de  ce  magnifique  psaume. 


n. 


Le  second  écucil  est  plus  fréquent  et  bien  plus  dangereux,  car  si  la 
diminution  de  la  vérité  est  toujours  un  grand  malheur,  combien  plus 
déplorable  ne  serait  pas  l'altération  d'un  point  de  doctrine  aussi  capi- 
tal pour  la  conscience  humaine  ! 

Or,  il  n'est  que  trop  vrai,  quelques  esprits  inclinent  manifestement 
vers  certaines  théories,  qui,  si  elles  prévalaient,  ruineraient  bientôt  le 
dogme  de  l'enfer.  Le  lecteur  devine  sans  doute  qu'il  est  question  du 
feu  métaphorique  et  de  là  mitigation  des  peines  de  l'enfer. 

Que  faut-il  penser  de  ces  deux  opinions  ?  Méritent-elles  une  censure 
théologique?  Peut -on  les  soutenir  sans  pécher  contre  la  foi?  Nous 
n'avons  pas  à  l'examiner,  et  nous  laissons  de  côté  la  question  purement 


I 


I 


DE   LA   MANIÈRE    DE    PRÊCHER   SUR  l'eNFER.  433 

dogmatique  (i)  :  qu'il  nous  suffise  d'affirmer  que  ni  l'un  ni  l'autre  de 
ces  sentiments  ne  peut  devenir  le  thème  d'une  prédication  évangé- 
lique. 

En  effet,  il  est  évident  que  la  chaire  chrétienne  ne  doit  servir  qu'au 
développement  de  la  vérité.  Donc,  elle  repousse  tout  ce  qui  est  nou- 
veau, hasardé,  contestable. 

Or,  peut-on  soutenir  sérieusement  que  le  feu  métaphorique  et  la 
mitigation  des  peines  de  l'enfer  aient  jamais  eu  quelque  apparence  de 
certitude  ?  Écoutons  plutôt  les  docteurs. 

1°  Contre  le  feu  métaphorique. 

S.  Thomas  (in  lib.  iv  Sententiar.,  dist.  44,  art.  3)  : 

<i  Videtur  quod  animae  non  paliantur  ab  igné  corporeo... 

«  Sed  contra  est  :  Eodem  igné  damnali  puniuntur  post  resurre- 
«  ctionem  et  dtemones  :  sed  damnati  post  resurrectionem  punientur 
«  igné  corporeo  :  ergo  et  daemones  igné  corporeo  puniuntur. 

•  Respondeo  dicendum  quod  circa  punitiones  animae  fuit  multiplex 
«  opinio  :  quidam  enim  dixerunt  (ut  Origenes),  omnia  quse  de  pœnis 
«  corporalibus  damnatorum  dicuntur  secundum  metaphoram  debere 
«  intelligi;  ut  per  eas  spirilualis  afflictio  designetur.  Sed  secundum 
«  hoc  non  esset  ibi  nisi  pœna  damni,  quae  respondet  aversioni,  non 
«  pœna  sensus,  quae  respondet  conversioni  :  nara  spirilualis  dolor  erit 
«  de  carentia  beatitudinis....  Et  ideo  dicendum  quod  igné  corporeo 
«  animae  damnatorum  separatae  puniuntur  et  spiritus  dseraonum.  » 

SuAREZ  (de  Angelis,  lib.  viii,  cap.  12)  : 

«  Certa  et  calholica  sententia  est,  ignem  inferni  qui  paratus  est 
a  diabolo  et  angelis  ejus  ut  in  illa  crucienlur,  verum  ac  proprium 
a  ignem  corporeum  esse.  Hic  est  commiinis  consensus  scholasticorum 
a  omnium;...,  imo  est  communis  Ecclesise  sensus  et  catholicorum, 

(1)  Nous  ne  voulous  point  engager  de  discusâion  tbéologique,  et  sur 
ces  deux  opinions  l'on  peut  consulter  les  nombreux  auteurs  qui  s'en  sont 
occupés.  11  serait  à  foubaiter  que,  dans  les  écoles  ecclésiastiques,  on  in- 
sistât sur  des  questions  si  graves .  Nous  désirerions  aussi  voir  les  nouveaux 
éditeurs  du  P.  Petau  reprendre  et  traiter  avec  tout  le  soin  qu'elle  mérite 
la  discussion  qu'il  avait  engagée  sur  la  nature  des  peines  de  l'enfer.  {De 
Angelis,  1.  m.) 

Revue  des  Sciences  écoles.,  t.  x.  —  novembre  1864.  29 


T>E    LA    MANIÈRE    DE    PRÊCHER    SUR   I.'eNFER. 

c  ut  experientia  noturaesl.Fundatur  autera  prœoipue  in  scriptura,  quse 
«  ut  efficaeiter  probet  in  hune  niodum  induei  débet.  Deiis  saepe  in 
«  scripturis  pronuntiat  spiritus  et  homines  damnatos  igné  perpétue 
«  eruoiandos  esse  :  et  tum,  fréquenter  hoc  repeiit,  ut  verisimile  non 
«  sit  melaphonce  loqui;  et  generalh  régula  interpretandi  scripturai 
a  sacras  ab  Augustino  et  aliis  patribus  tradita  est,  ut  cum  proprietate 
(t  inlelUgantw,  quando  sine  absurdo  possunt,  ut  rêvera  imprœsenlia- 
«  riètn  possunt.  Âddilque  Conciliura  Tridentinuna  (sess.  iv)  secundum 
«  communem  Patrum  sensuro  esse  interpretandas.  Patres  vero  com- 
«  muniter  id  in  praesenti  irateria  praesiant;  ergo  in  prsesenti  materïa 
et  ita  intelligendœ.  suiit,  ac  proinde  nobis  cerlam  fidein  faciunt  ex 
«  testimonio  Dei,  quod  ille  ignis  c&rporeus  et  verus  sit.  » 

Lessius  {de  Perfect.  divinis.,  liv.  xiii,  cap.  2i)  : 

«  Calvinus,  Beza  et  multi  calvinistae  putant  ibi  non  esse  verum 
f  ignem,  aul  sulpbur,  aut  tenebras;  sed  hœc  omnia  et  alia  qtix  in 
«  Seriptutis  dicunttir  de  pœnis  inferorum  metaphoriee  accipienda,  et 
«  Bibii  aliud  desig-nare  quana  raiserum  statura  impioruni,  quorum  ml- 
«  seriara  totarain  eo  ponont,  quod  a[)prehendant  Denra  sibi  iratum... 
(i  Eorum  ergo  relicto  errore,  dicendum  :  Certum  esse  ili  fore  verum 
«  et  corpcralem  ignem.  Ubique  enim  Scriptura  sacra  de  pœnis  infero- 
«  rum  loquens,  meminit  ignis,  tgnera  incuicat  et  minatur,  et  in  ipsa 
«  sentenlia  judicis  poena  ignis  exprimitur;  quod  apertum  est  signum, 
«  esse  veruna  ignem.   » 

De  pareils  noms  nous  garantisseat,  on  en  convieadra,  l'existence  de 
la  tradition  e»  faveur  du  feu  nmtérid  de  l'enfer.  Nous  croyons  donc 
superflu  de  produire  le  témoignage  de  Bellarmin,  Vaientia,  Tanner, 
Gotli,  Patuzzi,  Gazzaniga,  Ziccaria,  etc.,  qui  tous  sont  unanimes  à 
rejeter  la  doctrine  du  feu  métaphorique  comme  contraire  à  l'Écriture 
et  au  sentiment  unanime  des  SS.  Pères  et  de  l'Église. 

Quelques  théologiens,  il  est  vrai,  insistent  sur  ce  que  l'Église  n'a 
point  encore  formulé  de  défÎ7iition  touchant  le  feu  de  l'enfer,  mais  ils 
sont  si  éloignés  de  favoriser  le  feu  métaphorique,  qu'ils  veulent  abso~ 
lument  que  les  fidèles  n'adnoetlent  qu'un  feu  matériel  et  corporel. 

a  Firmum  tamen,  dit  Vasquez,  flrmum  tamen  hujus  senteutise  fun- 


DE    LA   MANIÈRE    DE    tUÊCHETl    StJfe    t'ENFEft*  495 

«  damentum  est  in  Scriptiii'ô,  in  qua  saepius  vocatur  igtlis  lA  qiletti 
«  destinanlur  damnati.  Verba  atitem  Scriphirse  in  prûpriiitti  sètisum, 
«  explicanda  sunt,  quando  sine  absurdo  aliqtio  id  fieri  potest.  ti  (In 
4*'°  S.  Thom»,  Disput.  243,  c.  1.) 

Le  P.  Petau  n'est  pas  moins  formel,  quand  il  dît  t 

«  Caeterum,  uti  corporeum  et  matéria  conslafltem  esse  infér'ortlHi 
«  ignem,  theologi  omnes  hcdie,  iino  et  chrhliani  consentiUnt  ;  itâ 
«  nulle  Ecclesiae  decreto  adhuc  obsignatum  videtur,....  étsi  nûfinufii 
et  rem  esse  fidei  pronuntient.  »  [De  Angelis,  1.  iir,  c.  v,  n.  12.) 

Quel  préjugé  en  faveur  d'une  doctrine  que  ce  consentement  ifnâninte 
des  théologiens  et  des  fidèles!  Et  puis,  est-il  bien  sûr  que  l'Église 
n'ait  rien  défini?  Le  P.  Petau  né  l'affirme  pas:  Videtur.  D'autres  Taf- 
fiiment,  et  il  n'ose  pas  les  blâmer. 

Petau  ne  veut  même  pas  que  l'on  doute  du  coftsérifement  unanirhè 
des  SS.  Pères  en  faveur  dtt  feu  matériel  de  l'enfer.  Saint  Augustin 
avait  paru  à  quelques-uns  hésitant  sur  ce  point  :  Petau  îlffii*me  et 
prouve  que  le  grand  d(M;ténr  a  toujours  invariabflemetrf  professé  la  doc- 
trine du  feu  matériel:  «  Augustinus  véfo  corporeum  ae  Vérufh  i^efà 
«  non  minus  agnoscit,....  neque  dubitavit  de  hac  re,  ut  qui'dcftn 
«  aiunt.....  »  {Ibid.,  n.  4.) 

Avec  le  même  succès  il  explique  certaines  paroles  o'bscur'es  de  stêttt 
Grégoire  le  Grand  et  de  saint  Jean  Damascène;  et,  grâce  à  l'érudition 
du  théologien  moderne  qui  a  le  mieux  compris  la  doctrine  des  SS. 
Pères,  les  solutions  essayées  déjà  par  saint  Thomas,  et  acceptées  pa'r 
ses  disci[)les,  se  trouvent  être  matoïewant  d'une  incontestable  êimi- 
tude.  Désormais,  il  sera  impossible  à  nos  adversaires  de  S'âtrtôtiser 
avec  fondement  d'un  seul  des  Pères  de  l'Église. 

Enfin.,  pour  que  rien  ne  manque  aux  témoignages  de  h  tradition 
catholique,  voici  que  les  Grecs  scbismatiqiies  eux-mêmes  s'accordent 
avec  nous  touchant  le  feu  de  l'enfer.  C'est  le  savant  P.  Leqnien  qoi 
l'affirme  dans  sa  cinquièine  dissertation  p'éliminaire  aut  œuvres  dé 
saint  Jean  Darnascène.  -—  Voici  ses  paroles  : 
-  a  Hic  porro  obiter  léetorem  raonebo,  Marcurti  (Ephesintim)  aliosquè 
a  schismattcos  auctores u«a  sententia  tteiterfe,  post  résiitrectionem 


li'àQ  DE    LA    MANIÈRE    DE     PRÊCHER   SUR   l'eNFER. 

«  extremumque  judicium  vero  igné  torquenda  esse  impiorum  corpora; 
«  nec  metaphoricum  duntaxat  illic  ignem  admiltere.  »  (0pp.  S.  Joan. 
Damascen.,  1. 1,  col.  360,  n.  12,  édit.  Aligne.) 

Rien  ne  manque  plus,  ce  semble,  pour  que  la  doctrine  du  feu  mé- 
taphorique soit  dite  peu  conforme  à  la  tradition.  Aussi,  le  P.  Perrone, 
tout  en  déclarant  ne  pas  vouloir  discuter  la  question,  a-i-il  pu  se  borner 
à  une  affirmation  énergique.  «  Profilemur,  dit  il,  nos  adhaerere  sen- 
a  tentiae  in  Ecclesia  communiter  receplae  circa  harum  pœnarum  quae 
«  posilivae  dicuntur  nalurani  et  qualitatem  :  qux  nempe  est  de  igjie 
a  materiuli  et  corporeo.  H aecenim  doctrina  certa  est,ita  ut  in  diibium 
<x  absque  temeritate  vocari  nequeat.  »  (Praelect.  theolog.  de  Deocrea- 
tore,  p.  3a,  cap.  vi,  art.  3",  de  Inferno.) 

Si  vous  ajoutez  avec  Lessius  que  Eèze  et  Calvin  ont  les  premiers 
érigé  en  système  le  sentiment  du  feu  métaphorique  de  l'enfer,  il  ne 
vous  sera  pas  difficile  de  reconnaître  qu'une  pareille  doctrine  doit  re- 
noncer désormais  à  vouloir  s'appuyer  sur  la  tradition. 

2°  La  mitigation  des  peines  de  V enfer  n'est  pas  mieux  traitée  par  les 
docteurs.  Nous  nous  contenterons  de  citer  saint  Thomas  et  saint  Bo- 
naventure. 

L'Ange  de  l'école  ne  veut  pas  que  l'on  puisse  prier  pour  obtenir  aux 
damnés  un  soulagement  quelconque  ;  et  cela  pour  une  raison  d'une 
admirable  profondeur:  «  Et  ideo  dicendum  est  qiiod  damnati  nullo 
a  modo  juvantur  suffragùs  ;  et  hoc  ideo  est  quia  sunt  extra  vinculum 
a  charitatis  quo  membra  Ecclesiaj  uniuntur  ut  opéra  unius  alium  ju- 
«  vare  possint.  »  (In  lib.  iv.  Sentent.,  dist.  45,  art.  3.) 

Le  docteur  séraphique  est  plus  explicite  : 

«  CoNCLUSio.  Damnatorum  pœna  post  taxationem  nullam  habet 
«  mitigationem;  ante  vero  utique  mitigationem  recipit. 

«  Resp.  dicendum ,  quod  mitigatio  pœnae  damnatorum  dupliciter 
a  polest  intelligi.  Aut  quantum  ad  taxationem  et  inflictionem  pœnae  ^ 
«  et  sic  absque  dubio  est  ibi  mitigatio,  quia  divina  justilia  non  tantum 
a  vel  totum  exigit,  pro  eo  quod  ejus  pielate  intervcniente  aliquam 
a  partem  pœnae  affligendo  remiltat.  —  Alio  modo  potest  intelligi  mi- 
a  tigatio  post  pœnss  taxationem  et  inflictionem  :  et  hoc  modo  nulla 


DE    LA    MANIÈRE    DE    PRÊCHER    SUR  l'eNFER.  /JBT 

«  cadit  mitigatîo  a  divina  misericordia,  quia  ex  tune  claudit  eis  Do- 
<t  minus  viscera  pietalis.  »  (Inlib.  iv.  Sentent.,  dïslA&,  art,  i,q.  2.) 
—  Un  peu  plus  haut  saint  Bonavenlure  avait  dit:  «  Ideo  est  corn" 
«  munior  et  verior  opinio  quod  siiffragia  damnatis  non  prosunt^  nec 
a  Ecclesia  inlendit  pro  eis  orare.  »  [Ibid.,  art.  1,  q.  1.) 

Les  deux  saints  docteurs  se  réunissent  donc  pour  admettre  comme 
vraie,  certaine,  incontestable^  la  doctrine  qui  défend  de  prier  pour  les 
damnés.  N'est-ce  pas  là  évidemment  rejeter  la  mitigation  des  peines? 
Car,  pourquoi  défendre  de  demander  ce  qu'il  n'est  pas  sûr  que  l'on  ne 
puisse  pas  obtenir?  Aussi  nos  adversaires  eux-mêmes  ont-ils  de  bonne 
grâce  reconnu  que  l'usage  de  ne  pas  prier  pour  les  damnés  fournit 
contre  eux  un  argument  considérable. 

A  la  suite  de  saint  Thomas  et  de  saint  Bonaventure  marchent  les 
théologiens  du  plus  grand  renom:  Suarez,  Bellarmin,  Soto,  Gotti, 
Patuzzi,  Zaccaria,  Petau,  Perrone,  etc.,  qui  tous  affirment  s'appuyer 
sur  l'Écriture  et  la  tradition,  et  ne  permettent  pas  à  leurs  adversaires 
de  s'autoriser  de  quelques  paroles  mal  comprises  des  SS.  Pères.  Suarez 
appelle  erroné  le  sentiment  de  la  mitigation  :  Censeo  esse  erroneam, 
[De  Suffragiis,  disp.  sect.  iv,  n.  14  )  Le  cardinal  Gotti  va  plus  loin 
encore  :  a  In  pœnis  damnâtorum  nulla  requies,  aut  intermissio,  sive 
«  miligatio  erit.  Est  contra  aliquos  antiques  theologos,  certa  tamen 
«  assertio,  adeo  ut  censeatur  proxima  fideï.  d  [Theolog.  tract,  xvi,  de 
Judicio  universali,  quaest.  8,  dub.  3.) 

Le  P.  Petau  est  cette  fois  un  peu  plus  doilx.  Néanmoins,  quoiqu'ils 
en  aient  dit,  nos  adversaires  ne  sauraient  se  prévaloir  de  son  suffrage. 
Ecoutons-le  conclure  la  discussion  de  quelques  textes  difficiles  que  les 
scolastiques  avaient  déjà  suffisamment  éclaircis  : 

«  De  hac  daranalorum  saltem  hominum  respïratione  nihil  adhuc 
ot  cerli  decretum  est  ab  Eccclesia  catholica,  ut  propterea  non  lemere 
a  lanquamabsurda  sit  explodendasanctissimorum  Patrum  haec  opinio, 
«  quamvis  a  commujti  sensu  catliolicorum  hoc  tempore  sit  aliéna.  Et 
e  vero  maximum  prxjudicium  adversus  illam  est,  quod  Ecclesia  nun- 
«  quara  pro  damnatis  orare  consuevit;  quod  profecto  faceret,  si  levari 
a  saltem  illorum  cruciatus  passent,  etsi  penitus  terminari  non  passent.  » 
{DeAngelis,  1.  m,  c.  vill,  n.  18. J 


A^8  DE    tA    MANIÈRE    DE    PRÊCHER    SUL   L* ENFER. 

Selon  nous,  le  P.  Petau  a  tort  de  ne  pas  se  déclarer  satisfait  de» 
explications  fournies  par  saint  Thonoas,  Suarez  et  les  autres  scolastiques, 
au  sujet  des  textes  qui  l'embarrassent.  Mais  enfin  que  donne-t-il  à  nos 
adversaires  ?  Rien  du  tout,  si  ce  n'est  la  petite  consolation  de  penser 
que  leur  seniiment  n'est  pas  absurde.  En  est- il  plus  certain?  Nullement-^ 
puisqu'il  répugne  au  sentiment  commun  des  fidèles  et  à  la  pratique 
de  r Eglise. 

Nous  le  demandons  maintenant  avee  la  plus  entière  confiance  :  des 
sentiments,  des  opinions  que.  tant  et  de  si  graves  docteurs  s'accordent 
à  combattre,  sont-elles  faites  pour  la  chaire?  Est-ce  avec  des  aliments 
aussi  peu  solides  que  l'on  voudrait  nourrir  l'intelligence  et  le  cœur 
des  fidèles?  Quoi  que  l'on  fasse,  jamais  le  sentiment  du  feu  métaphorique 
et  de  la  mitigation  des  peines  ne  franchira  les  limites  d'une  simple 
conjecture;  or,  ce  n'est  pas  une  conjecture  hasardée,  mais  uniquement 
le  certain  et  le  vrai  que  le  prêtre  a  mission  d'enseigner. 

Disons  plus.  La  théorie  du  feu  métaphorique  et  de  la  mitigation 
des  peines  est  dangereuse.  Admettez  le  feu  méta|>horlque,  et  voici  que 
la  peine  du  sens  disparaît  de  l'enfer,  pour  n'y  laisser  subsister  que  la 
peine  du  dam.  Admettez  la  mitigation,  et  voici  que  la  logique  vous 
amène  à  nier  Véternité  des  peines.  C'est  de  la  sorte  que  raisonnait  saint 
Thomas  ;  et  si  l'Ange  do  Técole  a  vu  la  négation  totale  de  l'enfer  au 
bout  de  ces  opinions  hasardées^  comment  oser  prétendre  que  les  mau- 
vaises passions  n'auront  pas  la  môme  logique  ? 

Le  spiritisme  l'a  bien  compris.  Voyez  comme  il  s'efforce  de  per- 
suader à  ses  adeptes  qu'en  enfer  il  n'y  a  pas  âe  feu;  que  tout  le  malheur 
du  damné  consiste  à  être  privé  de  la  vue  de  Dieu,  malheur  bien  grand 
sans  doute,  mais  dont  toutefois  l'âme  ne  saurait  être  écrasée,  ne  con- 
itaissant  pas  Tobjet  qu'elle  a  perdu  ;  que  les  supplices  du  damné  ne 
sont  pas  sans  quelque  consolation,  etc.,  etc.  Certes,  îl  est  facile  d'a- 
percevoir où  tendent  ces  manœuvres  du  spiritisme.  Il  veut  nier  l'enfer; 
mais  il  y  faut  procéder  avec  prudence  ;  et  voilà  pourquoi  on  caresse 
avec  tant  d'amour  la  doctrine  du  feu  métaphorique  et  de  la  mitigation. 
Avis  aux  catholiques  et  surtout  aux  ministres  de  l'Évangite  ! 

Au  siècle  dernier,  l'illustre  évêque  de  Boulogne,  Mgr  de  Pressy,  et 


DU   LA    MÂNIÈRIi   OË    PRÊGHtiK   SUR   LENFER.  k'à9 

au  coramencement  de  celui-ci,  le  vénérable  M.  Émery,  supérieur  de 
Saint-Sulpice,  écrivirent  en  faveur  des  deux  opinions  que  nous  com- 
battons. Mgr  de  Pressy  ,  dans  son  instruction  sur  l'incarnaiion 
(Œuvres  complètes,  t.  i,  édit.  Migne),  et  M.  Émery  dans  une  disser- 
tation devenue  fort  célèbre  (Œuvret  compl.  de  M.  Émery,  éd  Migne), 
s'efforcèrent  de  prouver  que  ces  deux  sentimentSj  principalement  celui 
de  la  mitigation,  n'avaient  rien  d'absurde  ni  d'impie,  et  que  l'on 
pouvait  les  embrasser  sans  aller  contre  les  définitions  de  l'Église. 

Les  deux  illustres  auteurs  prouvaient-ils  leur  assertion?  Encore  une 
fois,  nous  ne  voulons  pas  entrer  dans  ce  débat  ;  que  l'on  consulte  les 
théologiens  qui,  ce  nous  semble,  ont  déjà  depuis  longtemps  prévenu  et 
suffisamment  résolu  toutes  les  difficultés  tirées  des  SS.  Pères  et  de  la 
tradition. 

Mais,  remarquons-le  bien,  la  pensée  des  deux  illustres  écrivains  n'a 
pas  été  comprise.  L'on  a  voulu  voir  dans  Mgr  de  Pressy  et  M.  Émery 
les  champions  d'une  doctrine  qu'ils  avaient  résolu  de  faire  triompher. 
La  vérité  est  que  ni  Mgr  de  Pressy  ni  M.  Émery  ne  voulurent,  pas 
même  un  instant,  se  séparer  de  la  doctrine  commune.  Ils  crurent  bien 
que  de  la  théorie  qu'ils  exposaient  il  pouvait  dans  certains  cas  extrêmes 
ressortir  quelque  avantage  ;  hiais,  à  coup  sûr,  ils  n'eussent  jamais  con- 
senti à  la  voir  prendre  pour  thème  d'un  enseignement  quelconque. 

il  peut  bien  nous  être  permis  de  trouver  étrange  que  ces  deux 
illustres  écrivains  aient  cru  devoir  recourir  à  la  mitigation  pour  con- 
soler plus  facilement  un  parent  ou  un  ami  de  la  perte  d'un  homme  qui 
a  laissé  peu  d'espoir  relativement  à  son  salut  éternel  ;  nous  nous  de- 
mandons, en  effet,  si  la  doctrine  catholique  toute  simple  n'arrive  pas 
plus  directement  à  ce  but.  Car,  si  jamais  il  n'est  permis  à  qui  que  ce 
soit  d'affirmer  que  son  semblable  est  mort  en  état  de  péché  mortel,  le 
dogme  du  purgatoire  n'apparaît-il  pas  toujours  avec  ses  consolantes 
espérances?  —  Mais  enfin,  et  nous  tenons  à  le  constater,  ils  n'ont  pas 
voulu  ouvrir  une  nouvelle  carrière  aux  prédicateurs  et  aux  catéchistes. 
Écoutons-les. 

Après  avoir  cité  Bayle  qui  trouve  très-moral  le  dogme  de  l'enfer,  et 
recommande  de  n'en  rien  relâcher,  dans  l'intérêt  méoae  du  genre  bu- 


àhO  DE  LA  MANIÈRE  DE  PRÊCHER  SUR  l' ENFER. 

main  (l),Mgr  de  Pressy  ajoute:  «Ces  dernières  réflexions  de  Baylesont 
a  judicieuses;  nous  croyons  qu'elles  doivent  vous  empêcher  de  proposer 
a  dans  vos  instructions  publiques,  certaines  opinions  permises  ou  to- 
«  lérées,  qui  favorisent  cette  espèce  de  relâchement.....  Nous  disons 
a  publiques,  car  nous  n'oserions  blâmer  {dans  quelques  cas  rares  et 
«  extraordinaires)  des  instructions  particulières,  etc..  »  {Loc.  cit. y 
page  641  et  suiv.)» 

M.  Émery  n'est  pas  moins  explicite  :  «  Nous  croyons,  dit-il  en  ter- 
€  minant,  nous  croyons  devoir  répéter  encore,  avant  de  finir,  ce  que 
a  nous  avons  déjà  déclaré  plus  d'une  fois  dans  le  cours  de  notre  dis- 
a  sertation,  c'est  que  notre  intention  n'a  point  été  de  combattre  Vo- 
a  pinion  commune  des  théologiens  sur  la  mitigation  de  la  peine  des 
a  damnés;  que  nous  avons  voulu  seulement  montrer  que  celte  opinion 
«  n'appartenait  pas  à  la  foi,  et  pouvait  être  abandonnée  sans  exposer 

«  à  aucune  censure «  Il  avait  dit  un  peu  plus  haut:  «  Nous  ne 

«  prétendons  pas  même  faire  entendre  que  nous  adoptions  un  sentiment 
a  contraire  (à  celui  des  théologiens)...  » 

Voilà  bien  des  réserves;  et  assurément  ce  n'est  pas  là  le  langage 
d'hommes  qui  veulent  réformer  ou  détruire  l'enseignement  reçu.  Qu'ils 
y  prennent  garde,  les  défenseurs  du  feu  métaphorique  et  de  la  mitigation, 
qui  voudraient  encore  s'abriter  derrière  les  grands  noms  de  l'évêque 
de  Boulogne  et  du  supérieur  de  Saint-Sulpice. 

Que  si  l'on  s'obstinait  à  prétendre  porter  dans  l'enseignement  public 
des  opinions  que  l'Éghse  n'a  pas  formellement  censurées,  nous  ferions 
observer  que  c'est  une  erreur  de  croire  pouvoir  enseigner  tout  ce  qui 
n'est  pas  expressément  condamné.  Une  doctrine  est  adoptée,  disons 
mieux,  est  canonisée  par  l'Eglise,  dés  lors  que  le  sentiment  commun 
des  fidèles  et  des  théologiens  lui  est  manifestement  lavorable;  comme 
aussi  le  discrédit  que  rencontre  une  opinion  de  la  part  des  docteurs  et 
du  peuple,  est  la  marque  non  équivoque  dune  doctrine  réprouvée. 
Dans  l'un  et  l'autre  cas  nulle  délinition  n'est  nécessaire  pour  diriger  la 

(1)  Voici  les  paroles  de  Bayle  :  «  Il  n'est  donc  point  de  l'iutérèt  des 
particuliers  qu'aucun  dogme  qui  est  capable  de  diminuer  la  peur  des 
enfers  s'établisse  dans  le  pays » 


DE    LA    MANIÈRE    DE    PRÊCHER    SUR    L  ENFER.  hlii 

foi  du  catholique;  et  quoique  non  solennellement  définies,  les  doctrines 
simplement  avouées  par  l'Église  seront  toujours  embrassées  et  défen- 
dues avec  sincérité  par  quiconque  s'honore  de  son  baptême  et  de  sa  foi. 
Écoutons  là  dessus  le  Souverain-Pontife  lui-môme.  C'est  Pie  IX  qui  écrit 
à  l'archevêque  de  Munich  et  aux  évoques  de  Bavière  (21  déc.  1865)  : 

«  Namque  eliamsi  agerelur  de  illa  subjeclione  quae  fidei  divinae  actu 
«  est  praestanda,  limitanda  tamen  non  essel  ad  ea,  quae  expressis 
«  œcumenicorum  Conciliorum,  autRomanorura  Pontificum,  hujusque 
«  apostolicae  Sedis  decretis  definita  sunt,  sed  ad  ea  quoque  extendenda 
«  quae  ordinario  tolius  Ecclesiae  per  orbeni  dispersas  magisterio  tanquam 
«  divinitus  revelata  tradunlur,  ideoque  universali  etconslanti  consensu 

a  a  catholicis  theologis  ad  fidem  perlinere  retiiienlur Sapientibus 

«  catholicis  haud  satis  esse,  ut  praefata  Ecclesiae  dogmata  recipiant  ac 
«  venercntur,verum  etiam  opusesse.ut  se  subjiciant  tum  decisionibus 
«  quae  ad  doclrinam  pertinentes  a  Ponlificiis  Gongregationibus  profe- 
«  runtur,  tum  iis  doctrinss  capitibus,  qux  eommuni  et  constanti  ca~ 
«  tholicorum  consensu  relinentur,  îit  Iheologkse  veritates  et  conclu- 
«  siones  Ha  cetix,  ut  opinione^  eisdem  doctrinse  capilibus  adversx, 

«  QUANQUAM  UJERETICJE  DICI  NEQUEANT,  TAMEN  ALIAM  THEOLOGICAM 
«   MERENTUR  CENSURAM.  )) 

Aux  prédicateurs,  aux  catéchistes,  aux  professeurs  de  méditer  ces 
graves  paroles  '  Elles  sont  venues  avec  un  admirable  à  propos  déprendre 
nos  voisins  d'oulre-Rhin  d'un  faux  semblant  de  conciliation  et  de  liberté 
en  matière  de  doctrine.  Peut-être  n'ont-elles  pas  pour  nous  en  France 
une  utilité  moins  considérable.  A  nous  de  savoir  profiter  d'un  remède 
si  efficace  que  la  Providence  nous  envoie. 

Dans  l'admirable  instruction  synodale  que  nous  rappelions  en  com- 
mençant, Mgr  l'évêque  de  Poitiers  signalait  de  fines  et  spirituelles 
observations  du  Journal  des  Débats  (6  avril  1858),  sur  un  certain 
christianisme  à  la  mode  du  jour,  qui  n'est  pas  précisément  le  christia- 
nisme de  lEvangile,  et  qui  remplit  le  monde  de  païens  baptisés  qui  se 
croient  chrétiens  ;...  sur  cet  enfer  moderne  et  philosophique  ou  l'âme 
seule  pâlit,  privée  pour  toujours  de  la  vue  de  Dieu,  qui  n'est  plus 
l'antique  géhenne,  l'enfer  où  le  corps  brûle,  et  tel  qu'on  ne  le  décrit 
plus  que  dans  les  départements. 


hll'2  DE    LA    MANIÈRE    DE    PRÊCHER   SUR    l'eMFER. 

Grâce  à  Diei;,  ce  ne  sont  là  que  des  calomnies,  et  nous  n'avons 
jamais  à  ce  point  trahi  notre  divine  mission.  Mais  les  sarcasmes  de 
nos  ennemis  nous  disent  éloquemment  à  quel  abîme  nous  conduirait 
une  fausse  prudence,  et  une  bonté  apparente  qui  en  réalité  ne  serait 
que  de  la  mollesse.  Encore  une  fois,  redoublons  de  vigueur  et  de  sainte 
hardiesse  ;  et,  dans  un  siècle  où  tout  conspire  contre  la  vérité,  affirmons 
plus  fortement  que  jamais  celle  qui  en  le  contrislant  le  guérira  et  le 
sauvera. 

«  Pour  nous,  c'est  Mgr  Pie  qui  parle,  pour  nous,  prédicateurs  de 
«  la  ville  ou  de  la  campagne,  nous  annoncerons  aux  hommes  de  toutes 
«  les  conditions,  ?elon  toute  l'exactitude  de  la  saine  doctrine  caiho- 
«  lique,  le  dogme  capital  de  la  réprobation  éternelle,  considérée  soit 
«  dans  la  peine  du  dam,  soit  dans  la  peine  du  sens.  Assurément,  nous 
«  éviterons  tonte  amplification,  toute  exagération,  et  nous  nous  en 
((  tiendrons  aux  points  définis  de  cette  croyance;  mais  il  ne  sera  jamais 
«  dit  que  par  de  vains  ménagements  inconnus  à  nos  pères,  nous  avons 
«  dissimulé  quoi  que  ce  soit  des  saintes  et  nécessaires  rigueurs  de  la 
a  justice  éternelle.  » 

H.  MoNTROuzim. 


THEOLOGIE   MORALE. 


SUR   LES    SOCIETES   SECRETES   PROHIBÉES. 


Règles  de  conduite  pour  les  confesseurs,  quand  il  se  présente  à  eux  des 

péniteuls  qui  appartiennent  à  ces  sociétés  ou  qui  les  favorisent  d'une 
manière  quelconque. 

De  plus  en  plus  les  sociétés  occultes  anathématisées  par  l'Église  se 
répandent  partout,  au  grand  détriment  de  la  religion  et  de  la  sécurité 
des  états  (l),  car  le  luit  final  de  ces  associations  ténébreuses  n'est  nul- 
lement un  mystère  pour  ceux  qui  ont  étudié  avec  tant  soit  peu  d'at- 
tention l'histoire  de  ces  derniers  temps. 

La  diffusion  malheureuse  des  sociétés  prohibées  impose  des  obliga- 
tions graves  aux  prêtres  voués  au  ministère  des  âmes.  Je  ne  parle  pas 
de  l'obligation  qui  leur  incombe  de  travailler,  par  tous  les  moyens  que 
le  zèle  uni  à  une  prudence  industrieuse  peut  suggérer,  à  détourner  de 
ces  sociétés  dangereuses  les  fidèles  confiés  à  leurs  soins  ;  mais  comme  un 
certain  nombre  d'entre  eux,  entraînés  vers  elles  par  des  motifs  d'un  bien 
apparent,  n'ont  pas  perdu  tout  sentiment  de  foi  et  se  présentent  encore 
de  temps  en  temps  au  sacré  tribunal,  il  est  nécessaire  que  les  confesseurs 
sachent  bien  quelles  sont  les  régies  qu'ils  ont  à  suivre  à  leur  égard. 
Doivent- ils  avertir  ces  pénitents  qu'ils  sont  obligés  de  renoncer  à  ces 

(I)i  Elles  pullulent  jusqu'eu  Amérique  et  particulièrement  daus  les 
États-Unis  :  «  Il  y  en  a  de  tous  noms  et  de  toutes  couleurs,  est-il  dit 
daus  le  Monde  (20  septembre  1864)  ;  le  mat  qu'elles  produisent  est 
affreux.  Ce  sont  bien  les  succursales  de  l'enfer.  Les  Évêques  catholiques 
font  tous  leurs  efforts  pour  en  éloigner  leur  troupeau  :  Mgr  Purcell,  ar- 
chevêque de  Cincinnati,  exhorte  vivement  les  fidèles  à  ne  pas  y  entrer  et 
leur  rappelle  le»  condamuali'ons  formelles  de  l'Egiise.  » 


hkk  THÉOLOGIE    AlOKALE. 

associations  perverses?  Quelle  conduite  doivent-ils  tenir  à  l'égard  de 
ceux  qui  refuseraient  de  rompre  avec  elles?  — Ont-ils  le  pouvoir  deles 
absoudre  lorsqu'ils  les  trouvent  bien  disposés?  —  Doivent-ils  les  obli- 
ger à  dénoncer  leurs  coassociés  ? 

Pour  résoudre  convenablement  ces  différentes  questions,  il  est  né- 
cessaire d'avoir  présente  à  l'esprit  la  législation  de  l'Eglise  sur  les  so- 
ciétés secrètes. 

Dans  sa  bulle  In  e/mnen/i,du28  avril  1738,  Clément  Xll  condamna 
et  interdisit  certaines  associations,  réunions,  collections,  conventicules, 
agrégations  vulgairement  connues  sous  le  nom  de  Francs  ■■  maçons. 
Après  avoir  rappelé  cet  acte  do  son  illustre  prédécesseur,  Benoît  \l\\ 
dans  sa  Constitution  du  18  mai  l7oI,  commençant  par  le  mot  Providas, 
ajoute  que  Clément  XII  prescrivit  «  omnibus  Christi  t^idelibus,  sub 
«  pœna  excoramunicationis  ipso  facto,  absque  ulla  declaratione  incur- 
c(  renda,  a  qua  nemo  per  alium  quam  per  flomanum  Pontificem  pro 
«  tempore  existentem,  cxcepto  mortis  articulo,  absolvi  posset,  ne  quis 
«  auderet  vel  praesumeret  hujusraodi  societates  inire,  vel  propagare, 
«  aut  confovere,  receptare,  occultare,  iisque  adscribi,  aggregari  aut 
«  interesse  et  alias  prout  in  eisdem  latius  et  uberius  continetur.  »  Et 
comme,  depuis  la  mort  de  Clément  Xll,  on  osait  révoquer  en  doute  que 
sa  défense  continuât  à  être  en  vigueur,  Benoît  XIV,  ayant  relaté  dans 
toute  sa  teneur  la  susdite  bulle  In  eminenti  et  fait  observer  que  les 
décrets  pontificaux  ne  cessent  pas  d'avoir  toute  leur  force  pour  lier  les 
consciences,  même  après  le  décès  des  Papes  qui  les  ont  publiés,  ajoute, 
pour  ôter  tout  prétexte  à  la  désobéissance  :  «  Eamdem  praedecessoris 
«  nostri  constiiulionem...  confirmamus,  roboramus  et  innovamus,  ac 
«  perpetuam  vim  et  efficaciam  habere  volumus  et  decernimus.  » 

Plus  tard  de  nouvelles  associations  tout  aussi  dangereuses  à  l'Église 
et  à  l'État  que  celle  des  Francs-maçons,  s'organisèrent  sous  le  nom 
de  Carbonari,  principalement  en  Italie.  Pie  VII  ne  voulant  pas  qu'on 
pût  prétexter  que  les  anciennes  défenses  ne  s'étendaient  point  à  ces  so- 
ciétés nouvelles  autrement  dénommées  et  autrement  organisées,  publia 
sa  bulle  Ecxlesiam  a  Jesu  Christo,  datée  du  13  septembre  18-21,  où 
il  renouvelle,  contre  les  carbonari,    toutes  les  défenses  et  toutes  les 


THftor.OGIE    MORALE.  /4'|5 

peines  portées  par  ses  prédécesseurs  contre    les  Francs  -  maçons. 

Voyant  que  le  mal,  loin  de  diminuer,  ne  faisait  que  s'accroître,  et 
que,  sous  diverses  dénominations,  les  sociétés  secrètes  se  répandaient 
partout  et  menaçaient  la  société  d'un  cataclysme  universel,  Léon  XII, 
dans  sa  bulle  Quo  graviora,  du  3  des  ides  de  mars  1825,  trancha  toute 
ditTiculié,  et  étendit  à  toutes  les  sociétés  occultes  existantes,  ou  qui 
pourraient  par  la  suite  s'organiser  contre  lÉglise  et  la  sécurité  des 
Etals,  les  prohibitions  et  les  peines  antérieurement  portées  contre  les 
Francs-maçons  et  les  Carbonari.  «  Itaque,  dit  le  pontife,  societates 
«  occultas  oinnes,  tam  qnx  nunc  sunt  quam  quœ  fartasse  deinceps 
«  eriimpent,  et  quae  ea  sibi  adversus  ecclesiam  et  supremas  civiles  po- 
te testâtes  proponunt  quae  superius  commemoravimus ,  quociimque 
«  tandern  nomine  appellentur,  nos  perpétue  prohibemus  sub  eisdem 
«  pœnis  quae  continentur  in  praedecessorum  nostrorum  litteris,  in  hac 
«  nostra  constitutione  allatis  (i),  quas  expresse confirmamus,  » 

Le  Pape  défend  ensuite  à  toute  personne,  de  quelque  état,  rang,  di- 
gnité que  ce  puisse  être,  de  s'agréger  à  ces  sociétés,  à  quelque  degré 
que  ce  soit:  «  Aut  cuicumque  eorum  gradui  adscribentes.  » 

Puis  il  prescrit,  sous  la  même  peine  d'excommunication,  réservée  au 
Saint-Siège,  de  dénoncer  aifx  Évoques,  ou  autres  auxquels  il  peut 
appartenir,  «  eos  omnes  qiios  noverint  his  societatibus  nomen  dédisse, 
a  vel  aliquo  ex  ils  cnminibus  quae  modo  commemorata  sunt,  se  inqui- 
«  nasse.  »  Il  déclare  nuls  tous  les  serments  prêtés  en  s'engageantdans 
ces  sociétés  dangereuses. 

Ces  prescriptions  ont  été  renouvelées  par  Grégoire  XVI,  dans  son 
encyclique  IiUerprxcipuas  machiuationes  ;  et  enfin  Pie  IX,  d'immor- 
telle mémoire,  après  avoir  analhémalisé,  dans  son  encyclique  Qui  plu- 
ribiis,  diverses  erreurs  contraires  au  pouvoir  de  l'Eglise  et  de  l'État, 
ajoute:  •  Hue  spectant  nefariae  molitiones  contra  hanc  Romanam  Bea- 
«  tissiiTii  Pelri  calhedram,  in  qua  Christus  posuit  inexpugnabile  cccle- 
«  siae  suae  fundamenlum  ;  hue  clandestinae  illae  sectae  e  lenebris  ad  rei 
«  tum  sacrae  tum  publicae  exitium  et  vastitalem  emersae,  atque  a  Ko- 

(I)  Ce  sont  les  bulles  sus-meutionnées  de  Clément  XII,  Benott  XIV  et 
Pie  VII. 


lilif)  THÉOLOGIE    MORALE. 

«  manis  Ponlificibus  prâedecessoribus  nostris  iteratoanathemate  dam- 
«  natae  suis  apostolicis  litteris,  qua<5  Nos  apostolicae  nostrae  poteslatis 
«  pleniludine  confirraamus  et  diligentissirae  servare  raandamus.  » 

Nous  pouvons  maintenant  répondre  aux  diverses  questions  que  nous 
nous  sommes  proposées  tout  à  l'heure. 

I.  Les  confesseurs  doivent-Hs  avertir  les  pénitents  qu'ils  sont 
obligés  de  renoncer  attx  associations  dangereuses  analhématisées  par 
les  Souverains-Pontifes  ? 

Réponse.  Il  est  clair  que  ces  associations  étant  prohibées  par  l'Église 
sous  les  plus  graves  peines,  le  confesseur  doit  exiger  de  ses  pénitents 
qu'ils  s'en  tiennent  éloignés.  Il  doit  donc  les  avertir  de  cette  obligation, 
s'il  les  trouvait  dans  l'ignorance  à  cet  égard.  Cela  ne  peut  comporter  la 
moindre  difficolté  lorsqu'il  y  a  lieu  d'espérer  quele  pénitent  sera  docile 
à  la  salutaire  munition  qui  lui  sera  donnée.  Mais  en  est-il  de  même  pour 
le  cas  où  le  confesseur  a  lieu  de  croire  que  son  avertissement  sera 
inutile  et  que  le  pénitent,  qui  était  peut-être  de  bonne  foi  jusque-là, 
persistera,  après  la  moniiion,  à  demeurer  attaché  à  ces  agrégations 
criminelles?  —  Ceci  revient  à  la  question  où  l'on  demande  en  général 
si  un  confesseur  est  tenu  d'avertir  son  pénitent  lorsqu'il  prévoit  que  sa 
monition  sera  inutile.  Or,  dit  saint  Liguori ,  liv.  6,  n°  610,  o  certum 
t  est  teneri  si  igaorantia  sit  culpabilis,  vel  sit  circa  aliquod  médium  ad 
«  salutcra  necessarium  ;  alias  pœnitens  esset  certe  indispositus.  »  En 
dehors  de  ces  deux  cas,  il  y  a,  d'après  le  même  auteur,  deux  senti- 
ments :  l'un  qui  affirme,  surtout  s'il  s'agissait  d'une  obligation  qui  est 
de  droit  divin.  On  peut  voir  à  l'endroit  cité  les  noms  des  partisans  de 
ce  premier  sentiment  et  les  motifs  sur  lesquels  ils  s'appuient.  //  est  une 
autre  opinion  qui  nie  et  qui  soutient  que,  dans  le  cas  supposé,  le  con- 
fesseur doit  généralement  laisser  son  pénitent  dans  la  bonne  foi,  aussi 
bien  quand  il  s'agit  du  droit  divin,  que  quand  il  est  question  du  droit 
humain.  C'est,  dit  saint  Liguori  (i6.),  l'opinion  commune  et  certaine: 
Sententia  communis  et  rera.  Il  cite  en  faveur  de  celte  opinion  plus  de 
trente  théologiens  dont  les  noms  sont  ce  qu'il  y  a  de  plus  autorisé  dans 
l'école;  tels  que  Suarez,  Soto,  Layman,  Sanchez,  Lugo,  Yasquez,  les 
théologiens  de  Salamanque,  etc.,  etc. ,  dont  plusieurs  même  sont  réputés 


THÉOLOGIE    MORALE.  447 

trés-s^vères  dans  leurs  décisions,  comme  Habert,  Anloine,  etc.  Ces 
auteurs  allèguent  en  leur  faveur  divers  textes  tirés  du  dro't  qui,  à  la 
vérité,  ne  paraissent  pas  très-probants;  mais  ils  s'étaient  à  meilleur 
droit  du  suffrage  de  saint  Bernard,  et  ils  prouvent  surtout  leur  thès« 
par  cette  raison  puissante  qu'entre  deux  maux  il  fant  choisir  le  moindre, 
et  par  conséquent  qu'on  doit  permettre  le  péché  matériel  pour  empê- 
cher de  tomber  dans  le  péché  formel,  qui  est  un  mal  beaucoup  plus  grand, 
le  seul  qui  outrage  Dieu  et  qu'il  punit  après  la  mort. 

Les  partisans  de  ce  second  sentiment  exceptent  communément  trois 
cas:  1"  Celui  où  il  s'agirait  du  bien  public:  par  exemple,  si  de  bonne 
foi  un  prêtre  enseignait  des  erreurs  contraires  aux  bonnes  mœurs,  et  aussi 
si  quelqu'un  croyait  de  bonne  foi  êire  revêtu  du  sacerdoce  et  qu'il  ne  fût 
pas  réellement  prêtre,  ou  encore  si.  comme  le  dit  Benoît  XIV  dans  sa 
«  bulle  Apostolka,  du  26  juin  1749,  «  in  iis  verselur  facti  circum- 
«  stantiis  quae,  confessario  dissimulante,  peccatorem  in  pravo  opa'e  ohr» 
a  firmant,  non  sine  aliorum  scandalo,  cum  quis  arbitretur  ea  sibi  licere, 
«  quae  ab  iis  qui  Ecclesiœ  sacramenla  fréquentant  irapune  exerceri  ani- 
«  madvertil.  »  La  raison  de  cette  exception  est  que  le  confesseur  doit 
plutôt  chercher  à  éviter  le  mal  public  que  celui  d'un  particulier. 

2o  Celui  où  le  pénitent  inferroge  :  car  alors  l'ignorance  cesse  d'être 
invincible  et  le  confesseur  interrogé  est  tenu  de  répondre  à  la  question 
qui  lui  est  faite  pour  ne  pas  autoriser  le  mal  par  son  silence.  Ainsi  l'en- 
seignent communément  les  théologiens. 

3"  Celui  où  l'on  a  lieu  de  croire  que  le  pénitent,  qui  d'abard  résis^ 
tera  à  la  monition,  s'y  rendra  bientôt  docile  après  mûre  réflexion. 

Benoît  XIV,  dans  la  kille  citée  il  n'y  a  qu'un  instant,  veut  même 
qu'on  avertisse  le  pénitent  «  quando...  in  proxima  peccati  occasione 
«  versatur,  sio  minus  in  externis  actibus,  sallem  in  pravis  eupidila- 
«  tibus  ac  morosis  delectationibus  assentiri  consuevit.  » 

Si  nous  appliquons  maintenant  ces  régies  de  morale  au  cas  du  péni- 
tent engagé  dans  les  sociétés  prohibées  ou  qui  les  favorise,  et  que  l'on 
n'espère  pas  ramener  eu  l'avertissant,  il  est  clair: 

1°  Que  si  son  ignorance  estvincible  (et  elle  doit  être  jugée  telle  cer^. 
tainement  s'il  a  été  mis  à  raéme  de  connaître  les  desseins  pervers  de  la 


/|/|8  THÉOLOGIE    MORALE. 

société,  ou  s'il  connaît  les  anaihèmes  portés  contre  elle  par  l'Église), 
on  doit  l'avertir  de  l'obligation  où  il  est  de  s'en  séparer  ou  de  ne  la  pins 
patroner,  et  lui  refuser  l'absolution  s'il  s'obstine  à  ne  pas  se  rendre  à 
cette  salutaire  monition. 

2°  Même  décision  pour  le  cas  où  il  interroge  son  confesseur  pour 
savoir  s'il  lui  est  permis  de  rester  attaché  à  ces  sociétés  prohibées  ou  de 
les  favoriser  de  quelque  manière.  Nous  avons  vu  que  dans  ce  cas  son 
ignorance  est  vincible. 

3°  Il  faut  l'avertir  encore  s'il  se  trouvait  dans  l'occasion  prochaine  de 
pécher  en  demeurant  dans  ces  associations  dangereuses,  et  ceci  doit  se 
présenter  souvent. 

4°  On  doit  l'avertir  enfin  lorsqu'on  ne  pourrait  pas  l'admettre  aux 
sacrements  sans  grand  scandale  de  la  part  des  fidèles  qui  sachant,  nous 
le  supposons,  que  ce  pénitent  est  affilié  à  des  sociétés  anathématisées 
par  l'Eglise,  ou  favorise  ces  sortes  de  réunions,  ne  pourraient  com- 
prendre comment  on  peut  ne  pas  tenir  compte  de  semblables  anathèmes, 
et  seraient  parla  même  entraînés  à  pécher  mortellement  d'une  manière 
ou  d'une  autre. 

Ces  cas  exceptés  et  la  bonne  foi  supposée  ainsi  que  l'inutilité  pré- 
sumée de  l'avertissement,  on  pourrait  laisser  le  pénitent  tranquille,  pour 
ne  pas  le  mettre  dans  le  cas  de  commettre  un  péché  formel,  au  lieu  de 
celui  qu'il  commet  matéripUement.  Nous  croyons  en  particulier  que  ce 
cas  pourrait  se  rencontrer  dans  les  pénitents  qui  ne  sont  pas  initiés  aux 
degrés  où  les  secrets  de  la  secte  commencent  à  être  manifestés  aux 
adeptes. 

11  peut  souvent  arriver  que  l'on  doute  si  le  pénitent  est  vraiment  dans 
la  bonne  foi,  ou  si  la  monition  produira  l'amendement  désiré  et  devien- 
dra plutôt  salutaire  que  nuisible.  Que  faut -il  faire  dans  cet  état  de  per- 
plexité? Doit-on  avertir  le  pénitent  quand  même  ? 

Si  l'on  doute  que  le  pénitent  soit  de  bonne  foi  et  qu'on  ait  lieu  de 
croire  qu'il  se  rendra  à  la  monition,  il  ne  faut  pas  hésiter  à  l'avertir, 
et  la  raison  en  est  assez  claire  pour  n'avoir  pas  besoin  d'être  exprimée 
de  nouveau.  Mais  si  le  doute  porte  également  sur  le  fruit  que  produira 
la  monition,  il  ne  faudrait  pas,  hors  les  cas  ci-dessus  exceptés,  avoir 


THÉOLOGIE   MORALE.  A49 

pour  régie  générale  d'avertir,  mais  il  y  aurait  lieu,  ce  nous  semble,  de 
faire  usagede  la  règle  posée  par  saint  Liguori,  liv.  vi,  n''6l6,§  Utrum: 
«  Si  vero  dubitatur  tam  de  damno  quam  de  fructu  secuturo,  tunccon- 
«  fessarius  pensare  débet  damnum  et  utile,  item  gradum  timoris  damni 
a  ac  spei  utilitalis,  et  eligere idquod  judicat  prgeponderare.  Ita  Luge. . 
«  Salmant.  etc..  Hinc  Concina  dicitquod  in  dubio  an  correctio  sit  pro- 
«  fiitura  vel  nocitura  omitti  débet,  quia  (ut  ait)  iraprudenter  agit  qui 
«  dubius  operationi  morali  se  committit.   » 

H.  Quelle  conduite  doit  tenir  le  confesser  quand  le  pénitent  a  été 
averti,  et  ne  veut  pas  rompre  avec  les  sociétés  prohibées  ? 

Réponse.  Il  est  évident,  dans  ce  cas,  que  le  pénitent  ne  peut  être  admis 
aux  sacrements:  il  est  en  opposition  avec  les  ordres  formels  de  l'Église 
et  tombe  sous  l'excommunication  majeure  dès  le  moment  où  il  a  pu 
connaître  que  cette  peine  luiétaitintligée,  Pointde  difficulté  à  cet  égard. 
Mais  on  comprend  que  le  confesseur  doit  employer  tout  ce  qu'il  peut 
avoir  de  charité,  de  zèle  et  de  lumière,  pour  amener  ce  pauvre  pécheur 
à  résipiscence.  Ce  devoir  ne  peut  non  plus  comporlerlemoindre  doute. 

III.  Si  le  pénitent  en  question  est  disposé  à  faire  tout  ce  que  lui 
prescrit  le  confesseur,  celui-ci  peut-il  toujours  l'absoudre  ? 

Réponse.  Non  certainement,  puisqu'il  peut  arriver  que  ce  pénitent, 
n'ignorant  pas  les  censures  portées  par  l'Église  contre  ceux  qui  se  font 
initier  aux  sociétés  occultes  ou  les  favorisent  de  quelque  manière,  s'y 
soit  néanmoins  fait  agréger  ou  les  ait  patronées  sans  être  retenu  par 
l'analhème,  et  l'ait  parla  même  encouru.  Or  l'excommunication  encou- 
rue dans  ce  cas  est  réservée  au  Souverain-Ponlife.  (Nous  l'avons  vu  plus 
haut.)  Le  confesseur  ne  peut  donc  en  absoudre  qu'autant  qu'il  a  des 
pouvoirs  particuliers  pour  relever  de  ces  sortes  de  censures,  ou  que  le 
pénitent  se  trouve  dans  l'une  des  circonstances  où  la  réserve  au  Saint 
Siège  cesse  d'exister  pour  lui,  si,  par  exemple,  il  ne  pouvait  se  ren- 
dre à  Rome,  ou  si  son  cas  était  occulte  ;  et  encore,  comme  alors  la 
réserve  est  dévolue  à  l'Évêque,  le  confesseur  devrait  obtenir  de  celui-ci 
le  pouvoir  d'absoudre. 

Mais  si,  sans  connaître  l'excommunication  dont  il  s'agit,  le  pénitent 
s'était  affilié  à  la  société  prohibée  ou  l'avait  favorisée,  il  n'aurait  pas 

Revue  des  Sciences  ecclés.,t.  x.  —  novembre  1864.  30 


Ô50  THl':OT.OnTE  MORAf.C. 

alors  encouru  la  peines  et  sa  faute,  dans  ce  cas,  n'étant  pas  réservée, 
il  pourrait  être  absous  par  un  confesseur  qui  n'aurait  que  les  pouvoirs 
ordinaires. 

IV.  Le  confesseur  doit-'d  obliger  le  pénitent  dont  nous  parlons  à 
dénoncer  ses  coassociés  ? 

Réponse.  NousavonsVuci-dessusque,danssa bulle  Quograviora^  Léon 
XII  prescrit  à  tous  les  fidèles,  sous  peine  d'excommunication,  de  dé- 
noncer auxEvêques  ou  autres  auxquels  il  appartient,  «  eos  omnesquos 
«  noverint  his  socielalibus  nomen  dédisse,  vel  aliquo  ex  lis  crimi- 
ct  nibus,  qu33  modo  commémorât»  sunt,  se  inquinasse.  »  Il  suit  de  la 
clairement  que  le  pénitent  en  question  est  tenu  de  faire  connaître  les 
associés  ou  les  fauteurs  de  la  secte  prohibée.  Il  faut  néanmoins  observer 
à  cet  égard  que,  dans  la  situation  où  se  trouve  TÉglise  en  France  et 
dans  la  plupart  des  autres  états,  on  ne  voit  pas  trop  à  quoi  serait  utile 
une  dénonciation  de  cegenrOi,  puisque  ni  les  Évêques,  ni  aucune  autre 
autorité  ecclésiastique,  n'ont  dans  ces  pays  aucun  moyen  de  réprimer 
le  mal.  La  situation  étant  donc  telle,  nous  croyons  que  le  pénitent  est 
dispensé  de  faire  «ne  dénonciaticn  parfaitement  inutile  et,  par  consé- 
quent, que  le  confesseur  n'est  pas  tenu  àeh  lui  imposer  sous  peine  de 
refus  d'absolution. 

Il  est  bien  entendu  néanmoins  que  si  le  pénitent,  quel  qu'il  pût  être, 
avait  connaissance  de  projets  d'où  pourrait  dépendre  la  tranquillité  pu- 
blique, la  sécurité  de  l'Etat  ou  la  paix  de  l'Église,  le  confesseur  devrait 
l'obliger  à  découvrir  ces  projets  à  ceux  qui  pourraient  y  remédier,  sup- 
posé que  cette  manifestation  fournît  le  moyen  eÔicace  d'empêcher  le 
mal.  Le  motif  de  cette  décision  est  évident  et  n'a  pas  besoin  d'autre  dé- 
veloppement. 

Craisson, 

Ancien  vicaire  général. 


LITURGIE. 


DE    L'HABIT    DE  CHOEUR. 


I.  Do  Hochet.  —  II.  Du  Subplis  et  de  sa  forme. 
§1.  — -  Du  Rocket. 

Le  rochet  est  un  vêtement  de  chœur  à  manches  élroites,  comme  on 
on  peut  le  voir  par  les  décrets  qui  y  sont  relatifs,  et  l'enseignement 
de  tous  les  auteurs.  «  Difïert  rocheltum  a  snperpelliceo,  idit  iCatalani 
[Pontif.  proîog.  c.  xii,  n"  1),  quod  illud  striclas,  istud  vero  latas 
«  manicas  habet.  »  Le  même  auteur  s'exprime  ainsi  au  snjet  de  l'éty- 
mologie  de  ce  nom.  «  Quod  rochetti  etymologlam  spécial,  eam  a  voce 
«  Germanicœ  Roch  dérivât'  Joannes  Mewsiiis  in  Glossario  ..  At  vero 
s  aUter  docent  qui  etymon  hujus  vocabuli  a  ivoce  Anglo-Saxonica  roce 
a  deducendum  putant.  »  Nardi  {Dei  Parochi,  t.  ii.  «,  29)  est  d'un 
autre  senliment:  «  Mullis  monumenlis  probari  posset  rocheltum  (a 
«  vocibus  graecis  peojv  -/mov,  tunica  mollis),  vestem  nempe  illam 
«  lineam  praelatorum  propriam,  cum  arctis  usque  ad  manum  imanicis 
«  solis  episcopis  et  canonicis  permissura  fuisse.  »  Scarfantonius,  d'a- 
près Gavantus,  a  fait  dériver  ce  mol  de  richa  ou  de  supçarus  qui  corres-. 
pondrail  au  mol  français  roquet,  et  le  nom  de  rochet  aurait  élé  donné 
à  ce  vêtement  lorsque  les  Souverains-Pontifes  étaient  à  Avignon.  Mais, 
ajoute  Catalani  :  «  Labilur  certe  Gavantus,  cum  salis  liqueat  ex  Mo-r 
«  nastico  Anglicano,  lomo  ui,  p.  331,  in  descriptione  ornamentorura 
c(  ecclesiic  S.  Fidei  in  crypiis  S.  Pauli  Londinensis  facta  anno  Christi 
«  1298,  enumerari  duo  rochelta  et  quatuor  super pellicea.  Aliqui  putant, 
«  dit  Macri  {Hierolexicon,  an  mot  Rochetlum),  hoc  vocabulum  a  voce  rô- 
ti quet  Gallica  originari  ;  alii  a  ruceo^  ut  supra  ii&.4\tk  Rocus  dictwn  est. 


A52  LITURGIE. 

a  Alii  tandem  etymon  ex  grsecis  vocibus  pswv,  id  est  fluens,  vel  mollis, 
«  et-/tTtov,id  est  tunica.  De  hac  veste  Curopalata  agit...,quampou/ov 
«  et  pouj^iov  vocatj  unde  formatur  vocabulum  ruchariura,  id  est 
a  vesliarium.  » 

On  demande  maintenant  qui  peut  porter  le  rochet,  et  dans  quelles 
circonstances  il  peut  être  porté.  Pour  répondre  à  cette  double  question 
il  suffit  d'établir  les  règles  suivantes  : 

Première  règle.  L'usage  du  rochet,  ou  d'un  surplis  à  manches 
étroites,  est  prohibé  à  tous  les  ecclésiastiques  qui  n'ont  pas  le  privilège 
de  le  porter. 

Cette  règle  est  appuyée  sur  un  décret  de  la  S.  C.  qui  se  trouve  en 
tête  du  Missel.  «  Prohibetur  usus  rochetti  exceptis  tamen  quibus  de 
a  jure  competit,  et  praeter  hoc  statuitur,  et  declaratur,  nemini  licere 
«  inservire,  aut  assistere  in  celebratione  missarum  aut  divinorum  offi- 
«  ciorum  cura  rochetto,  neque  cum  cotta  habente  manicas  anguslas  ad 
«  instar  rochetti,  et  idem  servandum  est  in  concionibus.  » 

Deuxième  règle.  Le  rochet  est  un  vêlement  propre  aux  évêques 
et  aux  prélats  séculiers. 

La  rubrique  du  Cérémonial  des  évêques  est  trop  formelle  pour  que 
nous  puissions  douter  de  ce  principe.  Dès  qu'un  nouvel  évêque  a  été 
informé  de  sa  promotion  en  consistoire,  s'il  est  à  Rome,  il  se  présente 
à  la  première  audience  du  Saint-Père  en  soutane  violette  et  en  mante- 
let,  pour  recevoir  le  rochet  de  ses  mains.  S'il  n'est  pas  à  Rome,  il  peut 
se  revêtir  du  rochet  aussitôt  qu'il  a  eu  connaissance  de  sa  préconi- 
sation.  On  ajoute  que  l'usage  du  rochet  n'est  point  concédé  aux 
réguliers.  Le  texte  est  ainsi  conçu  (1.  1,  c.  i,  n°  i,  2,  5  et  4)  • 
«  Cum  primum  aliquis  certior  factus  fuerit  se  alicuiecclesiae  metropoli- 
a  tanae,  cathedrali,  vel  majori  a  Summo  Pontifice  in  consistorio  prae- 
a  fectum...,  super  vestem  inferiorem  talarem...  induit  aliam...  Man- 
«  tellettura  vocant.  Vestes  autem  liujusmodi  erunt  vel  ex  lana,  vel  ex 
«  camelolto  coloris  violacei.  Praesentes  in  curia,  induti  ut  supra, 
a  quampriraura  poterunt,  adibunt  Summum  Pontificem...  et  tune  e 
«  Sanctitatis  Suae  manibus  rochettum  accipient...  Absentes  vero  seip- 
«  SOS  rochetto  et  vestibus,  ut  supra,  induent...  Promoti  vero  ex  regu- 
«t  lari  ordine  non  clericali,  non  utuntur  rochetto.  » 


LITURGIE.  453 

Dans  la  rubrique  du  Missel  de  prxparatione  sacerdotis  celebraturi, 
(part.  II,  tit.  1,  n°  2),  il  est  dit:  «Induit  se,  si  sit  praelatus  saecularis, 
a  super  rochettum,  si  sit  praelatus  reguluris  vel  alius  sacerdos  saecu- 
«  laris,  super  superpelliceum,  si  commode  haberi  possit.  ■ 

On  peut  s'appuyer  encore,  pour  ce  qui  regarde  en  particulier  les 
protonolaires  apostoliques,  sur  les  décrets  suivants  : 

1  «'  DÉCRET.  ((  Protonotariis  extra  nuraerum  non  posse  prohiber!  déferre 
«  habiturapraelalitium,  nerape  rochettum  cummantelletto coloris  viola- 
it cei,  et  in  ecclesiis  et  functionibus  ecclesiaslicis  cum  eodera  habitu 
a  incedere  et  sedere  juxta  dispositiones  Cseremonialis,  1.  i,  c.  xiii.  > 
(Décret  du  28  septembre  1630,  n»  877.) 

2^  DÉCRET.  Question.  «Aniiceat  canonico  vel  dignitati,  quisitetiam 
a  protonotarius  titularis,  in  calhedrali  concionari  cum  habitu  praela- 
«  titio,  videlicet  subtana,  rochelto,  et  mantelletto,  et  stola  (1)?» 
Réponse.  «  Licere.  »  (Décret  du  11  novembre  1641,  n»  15S0.) 

5«  DÉCRET.  Question.  «  Ad  instantiam  Erasmi  Lopez  supplicatum 
«  fuit  declarari  an  ipsi,  qui  est  protonotarius  apostolicus  intra  nume- 
«  rura,  liceat  concionari  cum  habitu  praelatitio,  videlicet  subtana,  ro- 
8  chetto,  et  mantelletto  ?  »  Réponse,  a  Licere.  »  (Décret  du  9  août 
1653,  n"  1679.)  «...  Pr«cedentiam  deberi  dicto  protonotario,  eura- 
«  que  posse  intervenire  in  functionibus  ecclesiasticis  conlroversis.et  in 
a  presbyterio  loco  digniori  cum  habitu  tamen  praelatitio,  nempe  ro 
«  chetto  et  mantelletto  coloris  violacei.  »  (Décret  du  3  avril  1677,  n* 
2818.) 

Troisième  règle.  Le  rochet  d'un  évéque  doit  toujours  être  couvert 
du  mantelet  lorsqu'il  se  trouve  en  dehors  du  lieu  de  sa  juridiction  :  il 
ne  peut  le  découvrir  sans  la  permission  de  l'Ordinaire.  Tous  les  évo- 
ques d'une  province  réunis  pour  le  concile  provincial,  portent  le  rochet 
découvert  pendant  toute  la  durée  du  concile. 

Nous  lisons  dans  le  Cérémonial  des  évêques,  au  chapitre  déjà  cité 
(1.  I^  c.  i,  n»  34)  :  «  Si  erunt  in  propria  diœcesi,  vel  provincia,  cum 
«  de  eorum  promotione  certum  nuntium  habuerint,  utantur  domi  et 

(1)  On  peut  porter  l'étole  pour  prêcher  si  c'est  l'usage.  (S.  C,  12  nov. 
1831,  n.  4669,  q.  21.) 


!lh!l  LITURGIE. 

«  foris,  loco  mantelletti;,  mozzelta  ejusdem  coloris  supra  rochetlura... 
«  Cum  autemepiscopi...  extra  diœcesim  fuerint,  mozzetta  super  raan- 
«  tellettum  utantur,  ubi  talis  viget  contueludo.  »  Au  chapitre  m  du 
même  livre  (n*  1),  on  dit  la  mêmechose,  et  de  plus,  que  tous  les  évê- 
ques  assistant  au  concile  provincial  portent  le  rochet  découvert  :  «Epi- 
a  scopus  postquaai  ad  suam  diœcesim  et  civitatem,  etarchiepiscopusad 
«  suam  provinciamdevenerit,  utipoterit  vestibus  violaceis,  sive  laneis, 
■  sive  ex  camelotto,  superinduta  super  rochettum  mozzetta.  Et  demi 
«  eodem  utetur  habilu,  saltem  dum  fit  aliqua  congregatio  coram 
t  ipso  episcopo,vel  ordinandorum  examen,  vel  aliquid  simile,ac  eliam 
«  quûlies  erunt  congregationes  coram  metropolitano,  dum  celebratur 
a  concilium  provinciale  ;  quo  liabitu  scilicet  mozzetta  cum  rochetto  dis- 
a  cooperto  in  dictis  congregationibus  utentur,  tam  ipse  nielropolitanus 
a  quam  alii  episcopi  provinciales,  qui  ibidem  pro  synodo  celebranda 
«  convenerint.  »  Monseigneur  l'Evêquede  Montréal,  commentant  ces 
divers  passages,  s'exprime  comme  il  suit:  «  A  Rome,  les  cardinaux 
«  elles  patriarches  portent  le  rochet,  leraantelet  et  la  mozelte,  tandis 
«  que  les  évêques  séculiers  et  autres  prélats  privilégiés  sont  en  rochet 
«  et  en  mantelet  seulement...  La  coutume  à  laquelle  fait  ici  allusion 
a  kCérémonial,  d'userdelamozetteetdu  mantelet  par-dessus  le  rochet, 
«  quand  on  se  trouve  dans  un  diocèse  étranger,  mettrait  toutes  les 
a  églises  delà  chrétienté  en  harmonie  avec  la  pratique  de  Rome.  » 

Quant  à  l'autorisation  nécessaire  pour  qu'un  évêque  puisse  porter 
le  rochet  découvert  dans  un  diocèse  étranger,  elle  peut  être  donnée 
par  l'Ordinaire.  Celui-ci,  en  effet,  peut  permettre  à  un  autre  évéque  de 
porter  la  crosse  dans  son  diocèse,  comme  on  le  voit  par  ce  texte  du 
Cérémonial  des  évêques,  (l.  i,  c.  xvii,  n.  5)  :  «  Utitur  ergo  episcopus 
a  baculo  pastorali  in  sua  tanlum  civitate  vel  diœcesi,  et  etiam  alibi,  ex 
«  perraissione  loci  Ordinarii.  »  Le  port  du  rochet  découvert  étant, 
comme  celui  de  la  crosse,  l'insigne  de  la  juridiction,  l'Ordinaire  peut  le 
permettre  comme  il  autorise  l'usage  du  bâton  pastoral. 

Quatrième  règle.  Les  protonotaires  apostoUques  ne  portent  pas  le 
rochet  découvert. 

Les  décrets  suivants  viennent  à  l'appui  de  cette  règle. 


MTURGIE.  455 

1*"^  DÉCRET  :  «  Taies  protonotarios  non  posse,  nec  debere  déferre 
«  rochettura  loco  superpellicei.  »  (Décret  du  U  mars  1639,  n^  799.) 

2r  DÉCRET.  Question,  m  An  possit  (praaposilus)  tanquam  prolor- 
«  notarius  accedere  cum  rochetto  detecto  cum  sola  mozzetta  ad  instar 
a  episcopi?  »  Héponse.  i  Non  licere,  dummodo  tamen  idem  praspo- 
«  situs  non  doceat  de  indullo  particulari.  »  (Décret  du  10  ayril  1666, 
n»  2870,  q.  3.) 

Cinquième  règle.  Les  évéques  et  les  prélats  réguliers  qui  ont,  un 
habit  monastique  ne  portent  pas  le  rochet. 

Cette  régie  repose  d'abord  sur  les  deux  textes  du  Missel  et  du  Céré- 
montai  des  évêqties  cités  à  l'appui  de  la  première  règle;  puis  sur  le 
décret  suivant  :  «  Regulares  rochettum  non  déférant,  nisi  ex  lali 
«  ordine  fuerint,  oui  indumentura  hujusmodi  corapetat.  »  (Décret  gé- 
néral du  27  septembre  d659,  n"  2003,  q.  9.) 

Plusieurs  auteurs  donnent  pour  raison  de  cette  règle  l'impossibilité 
de  mettre  le  rochet  sur  un  vêtement  à  larges  manches.  Catalani  n'admet 
pas  ce  sentiment,  et  dans  les  prolégomènes  de  ses  commentaires  sur 
le  Pontifical  (c,  xii,  n"^  3  el  4},  il  s'exprime  de  la  manière  suivante  : 
<(  Quaerel  quispiam  cur  tantopere  Romanum  Pontificale  moneat,  ut  si 
«  episcopus'  sit  reiigios  is,  hon  rochettum,  sed  loco  illius  superpel- 
(1  liceum  induere  debeat?  Âiuntnonnulli..,.  ideo  loco  rochetli  gestare 
a  superpelliceum,  quia  cum  ex  praescripto  sacrorum  canonum,  suae 
c  religionishabitum.quilatas  manicas  habere  solet,  déferre  teneantur, 

<  l'ochetti  manicas,  qu£  strictae  sunt,  vix  brachium  c^peret.  Sed  hanc 
0  responsionem,  quam  plerique  alias  viri  docli  amplecluntur,  pulo  ievis 

*  esse  moraenti,  cum  quotidie  videamus  fratres  v'el  monaclios  alba 

*  indutos,  quae  instar  rochetti  strictas  manicas  babet,  vel  cum  ipso 

<  rochetto  subtus  albam....  divinum  njissae  sacriOcium  celebrare.... 

*  Quidquid  autera  de  ea  quaestione  sit,  mos  çerte  inyaluit,  et  pluribus 
«  quidem  ab  hinc  saeculis,  ut  fratres  mendicantes,  et  raonachi  facti 
«  episcopi  superpelliceum  geslent,  clerici  aulem  tam  saeculares  quam 

<  regulares  rochettum.  Oujus  disciplinae  lenax  sempçr  fuit  Pominicani 
t  ordinis  preestantissimum  sidu3>  YincentiusTMaria  cardinahs  IJrsinus, 
«  postea  Benedictus  XUl,  ponlifex  maximus.  Is  enim,  ex  canonum 


A5(5  LITURGIE. 

•  quidero  praescripto,  qaandiu  cardinalis  fuit,  habitum  semper  inclytae 

•  siiae  religionis  detulit,  et  loco  rochetti  superpelliceum.  Sane  caulum 
«  est  ex  generali  decreto  S.  R.  G.  §  9,  die  27  septembris  1659, 
«  Alexandre  Vil  pontifice  maximo,  ne  regulares  praelati  rochettum 
«  déférant,  nisi  ex  taii  ordine  fuerint  quibus  indumentum  hujusmodi 
a  competat.  Caeterura  non  omitlendum....  nonniillos  Summos  Ponti- 
«  fices  usum  rochetti  episcopis  quibusdam  a  monachatu  assumptis 
i  concessisse.  » 

Sixième  règle.  Les  chanoines  ont  aussi  l'usage  du  rochet,  s'il  leur 
est  accordé  par  le  Saint-Siège.  Le  vêtement  de  chœur  de  chaque  cha- 
pitre doit  être  fixé  par  l'autorité  du  Souverain-Ponlife  ;  si  aucun  costume 
spécial  ne  leur  était  concédé,  ils  ne  pourraient  porter  d'autre  habit  de 
chœur  que  celui  des  simples  clercs. 

La  première  partie  de  cette  règle,  relative  aux  insignes  que  le  Saint- 
Siège  accorde  ordinairement  aux  chapitres,  est  appuyée  sur  toutes  les 
décisions  rapportées  ci-après.  Quant  à  la  seconde,  elle  en  est  une  con- 
séquence rigoureuse.  Et  d'après  la  table  alphabétique  de  la  collection 
authentique  des  décrets  de  la  Sacrée  Congrégation,  la  décision  suivante 
se  rapporte  au  cas  dont  il  s'agit  :  «  Canonicos,  caeterosque  divinis 
«  officiis  assistentes,  decenti  habitu  talari,  necnon  superpelliceo  ac 
«  bireto  indutos  esse  debere,  et  contrarium  abusura  oranino  abrogan- 
«  dura.  »  (Décret  du  30  juillet  1689,  n°  5 199,  q.  2.) 

«  Usus  seu  delatio  cappas  et  rochetti,  dit  Scarfantonius(t.  i,  p.  37^ 
«  éd.  1723),  quinimoetiara  almutiae,  non  permittitur  canonicis  eccle- 
«  siarum,  tam  collegiatarum  quamcathedraliura,  nisi  spéciale  indultum 
«  habeant  a  Sede  Apostolica,  cum  illorum  insignium  concessio  sit  de 
«  regalibus  Summi  Pontificis,  neque  quoad  ea  quidquam  statuere  pos- 
•  a  sint  episcopi.  Omnibus  illis  quibus  ex  peculiari  privilegio  illius 
«  (rochetti)  usus  perraissus  non  ostenditur,  intelligitur  a  jure  prohi- 
«  bitus  ;  ut  de  rochetto  ac  etiam  de  cappa  testatur  Corradus  [Prax. 
€  benef.  1.  ii,  c.  xiv)  ubi  plura  refert  Congregationis  Rituura  décréta, 
«  ac  numéro  26  ait  :  Episcopos  in  hac  materia  habituura  et  insignium 
«  in  choro  per  canonicos  gestandorum,  ac  etiam  circa  illorum  colores, 
«  nullam  prorsus  auctoritatem  habere,  cum  omnia  Papae  sint  reservata.  » 


LITURGIE.  457 

«  Novum  signum,dit  Monacelli  (lit.  ii,  t.  iv,  adnot.  28)  sive  habiturr. 
«  in  choro  assumere  et  déferre  non  debent  absque  Sedis  apostolicae 
«  indulto.  »  Dans  la  bulle  d'érection  d'un  chapitre,  le  Souverain- 
Pontife  a  coutume  d'en  déterminer  les  insignes,  et  pour  ce  qui  concerne 
ceux  de  France,  le  pape  Pie  Vil  délégua  le  cardinal  Caprara,  qui  à  son 
tour  subdélégua  les  premiers  évêques  pour  le  déterminer,  chacun  dans 
leur  diocèse. 

Septième  règle.  Les  membres  d'un  chapitre  n'ont  pas  le  pouvoir 
de  porter  l'habit  du  chapitre  partout  et  toujours,  de  sorte  que  ce 
costume  remplace  en  toute  circonstance  le  vêtement  de  chœur  ordinaire. 
Les  chanoines  d'une  cathédrale  ou  d'ime  collégiale  ne  doivent  jamais 
porter  les  insignes  canoniaux  en  dehors  de  leur  propre  église,  à  moins 
qu'ils  ne  marchent  en  corps  ou  au  nom  du  chapitre.  Même  dans  leur 
propre  église,  ils  doivent  prendre  le  surplis  pour  toutes  les  fonctions 
pour  lesquelles  il  est  prescrit  par  les  rubriques,  et  en  particulier  pour 
l'administration  des  sacrements. 

Les  décrets  suivants  viennent  à  l'appui  de  cette  règle. 

1"  DÉCRET.  Question.  «  An  canonicis  usum  cappse  et  rochetti  ha- 
«  benlibus  liceat  sacramenta  administrare  cum  solo  rochetto,  et 
«  deposita  cappa  ?  >  Réponse.  •  Sacramenta  esse  adrainistranda  cum 
«  superpelliceo  et  stola,  juxla  Rituale  Romanum.  »  (Décret  du  12 
juillet  1618,  nol^9,  q.  i.) 

2"  DÉCRET,  «  Non  licere  uli  habitu  canonicali  nisi  in  propria  eccle- 
«  sia  ubi  est  canonicus.  »  (Décret  du  10  septembre  1630,  n»  1619.) 

3"  DÉCRET.  Question.  «  Capitulum  et  canonici  calhedralis  ha- 
«  bentes  ex  indulto  apostolico  usum  cappae  et  rochetti  tam  in  eorum 
a  quam  in  quibuslibet  aliis  ecclesiis.in  functionibus,  ac  divinis  officiis, 
a  supplicarunt  humiliter  C.  S.  R.  praepositae  declarari,  se  illis  uli 
a  posse  etiara  in  aliis  ecclesiis,  dum  conciones  habent,vel  ab  eis  pœni- 
«  tentiae  aut  baptismatis  sacramenta  ministranlur,  et  in  aliis  similibus 
«  funclionibus.  »  Réponse,  a  Id  eis  non  licere,  nisi  in  propria  ecclesia.o 
(Décret  du  13  juillet  1671,  n»  1626.) 

4e  DÉCRET.  Question.  «  Supphcante  Josepho  de  Coraizares,  cano- 
«  iiico  ecclesiœ  Panorraitaiiae,  pro  declarationc  :  An  extra  diœcesim 


hbS  LITURGIE. 

«  Panorraifanam  liceat  oratori  uli  insignibus  canonicalibus,  si  fuent 
«  inibi  invitatus  ad  a'.iquas  funcliones  ecclesiasticas,  puta  ad  con- 
«  cionanduni,  seu  ad  rainislrandum  de  licentia  parochi  sacramentum 
«  baplismi,  vel  assistendura  malrimonio,  elsirailia?  »  Réponse.  «  Ne- 
«  gative.  y>  (Décret  du  12  mars  1678,  n°  2861.) 

5^  DÉCRET.  Question.  «  An  dignilatibus,  et  caiionicis  ecclesiarum 
«  coUegiatarum  diœcesis  Syracusanae,  habentibus  usum  mozzellae,  duin 
«  sacramenta  administrant,  et  conciones  tam  intra  qnara  extra  pro- 
«  prias  ecclesias  sunt  habituri,  sit  permittendus  usus  stolae  super 
«r  mozzptta  ?  M  Réponse.  «  Pro  observalione  decretorum  et  Cxremonialis 
«  respective.  »  (Décret  du  :2  août  1698^  n°  3484.) 

6^  DÉCRET.  (1  Conlroversiarum  super  usu  cappae  in  adrainistra- 
«  lione  sacramentorura  inter  Rî\.  episcopura  et  canonicos  ccclesiaB 
a  calhedralis  Pisauren.  cum  episcopus  Pisauren.  privalis  litteris  ad 
•  suum  agentem  datis,  ei  significaverit  se  calhedralis  suae  canonicis  ne 
«  cum  solo  rochetlo  sacramenta  adrainistrarent,  idque  jure  omnino  ab 
«  eo  fjctum  sit>  ideo  capitulura  et  canonici  nullara  occasionem  habeiit 
0  recurrendi  ad  S,  R.  C.  »  (Décret  du  22  décembre  1750, 
n»  4214.) 

7^  DÉCRET.  «  Cum  ex  parte   nonnullorum   capitularium re- 

«  cursum  habilum  fuerit,  quosdam  ex  canonicis...  abusum  induxisse 
«  administrandi  pœnitentias  sacramentum  cura  cappa,  vel  solo  rochetlo 
K  indulos,  S.  eadem  (i...  rescribendumcensuit  :  Detur  decretum  prout 
«  sequitur.  »  On  rapporte  ensuite  la  décision  du  12  juillet  1618. 
(Décret  du  19  juin  1773,  n»  4365,  q.  I.) 

8*  DÉCRET.  Questions.  «  1.  An  canonici  calhedralis  in  administra- 
«  lione  sacramenlorum,  lam  intra  quam  extra  calhedralem  ecclesiam 
«  teneantur  deponere  cappam,  atque  uti  superpelliceo  et  stola,  juxta 
«  RitualeRomanum?2.An  teneantur  dicti  canonici  cappam  deponere, 
«  tam  intra,  quam  extra  calhedralem,  dum  verbumDei  praedicant,  vel 
«  dum  officium  sacerdotis  assistentis  in  Missa  nbvi  celebrantis,  aliasque 
«  quascumque  non  capitulares  funcliones  exercent?  »  Réponses,  a  Ad  1 . 
«  Affirmative.  Ad  2.  Négative  in  propria  ecclesia,  etiam  in  concionibus 
«  aliisque  functionibus,  excepta  sacramenlorum  administratione,  in  qua 


LlTURr.IE.  hb9 

a  utendum  est  siiperpelliceo  et  siola,  ut  ad  primum  ;  atfirmative  extra 
«  propriam  ecclesiam,  et  detur  decrelum  générale.  »  (Décret  du  31 
mai  1827,  n»  4536.  Dub.  add.  q.  1  et  2.) 

9*  DÉCRET.  «  Dignitatibus  vero,  et  canonicis,  eliamsi  gaudearU 
«  indulto  deferendi  cappam  et  rochettum,  lam  in  propria  quam  in 
«  alienis  ecclesiis,  hujusmodi  tamen  aliorunique  canonicalium  insi- 
«  gnium  usum  extra  propriam  ecclesiam  licitum  esse  duntaxat  quando 
«  capitulariter  incedunt,  vel  assistunt,  et  pcragunl  sacras  functiones  ; 
«  non  autem  si  intersint  uti  singuli,  nisi  spéciale  privilegium  nedum 
«  collegium  coraprehendat,  verum  etiam  singulariter  et  distincte  ad 
«  personas  exleiidatur.  n  (Décret  général  du  51  mai  18 17,  n"  4557.) 

10*  DÉCRET.  Question.  «  Benedictus  XIII  rec.  mem.  Raveniia- 
8  tenses  [larochos  privilegio  insignivit  superimponendi  mozzetlara,  vel 
<  stolam  superpelliceo  praesente  capitulo,  eo  aulera  absente,  alteruira, 
a  vel  utraque  conjunctim  addendi  ;  huic  autem  et  alterum  novissimura 
«  cumulavit  SS.  D.  N.  Plus  Vil,  dum  cottae  loco  induisit  rochettum 
t  in  supplicalionibus  aliisque  publicis  functionibus,  induendum  lam  in 
«  propria,  quam  in  alienis  ecclesiis.  AstApostolicarum  litleiarum  fines 
a  praetergredientes  parochi,  eodem  nedum  in  supplicationibus,  et 
a  publicis  functionibus, verum  eliaminsacranienloriim  administratione, 
«  benedictionibus  aliisque  functionibus  indui  posse  praesumunt  :  quod 
«  cum  indultas  facilitâtes  excédât,  rubricarum  legibus,  et  S.  R.  G. 
«  decrelis  adverselur,  metropolitanse  capitule  moderandum  est  visum, 
«  quocirca,  proposilo  in  S.  R.  G.  ordinaria  dubio  :  An  parochi  Ra- 
«  vennatenses  apostolico  privilegio  suffulti  geslandi  in  ecclesiasticis 
«  functionibus,  et  publicis  supplicationibus,  sive  intra,  sive  extra 
«  eorura  curae  commissas  ecclesias  rochettum  loco  cottae  sub  mozzetta 
«  violacea,  et  stola  auro  intexta,  possinl  uti  rochello  etiam  in  sacra- 
a  meniorum  administratione,  benedictionibus,  aliisque  functionibus, 
«  in  quibus  ex  rubricae  praecepto  sacerdos  coltam  assumera  débet?  d 
Réponse.  <  Négative,  et  in  casu  solara  cottam  cum  stola  esse  abhiben- 
«  dam.  »  (Décret  du  17  septembre  1822,  n»  4591.) 

11*  DÉCRET.  Queition.  a  In  buUa  erectionis  collegiatae  ecclesiae  loci 
«  Cuprae  Montanae  vulgo  Massaccio  intra  fines  diœcesis  usinas  sic  ha- 


A60  UTURGIE. 

«  bentur  :  Canojiicirochettum  ctim  suis  manicis,  et  mozzettam  violacei 

a  colorh  tam  in  dicta  parochialiecclesia,  quam  extra  eam quibus- 

((  cumque  actibus  et  functionibus  publicis  et  privatis...  défende  et 
0  gestare...  libère  et  licite  possint,  et  valeant,  et  qiiilibet  eorum  possit 
a  et  valent.  Ex  illiraitata  bullae  enunliatione  usque  ab  anno  1778, 
a  in  quo  coUegiata  erecta  fuil,  canonici  cum  rochelto  et  stola  sacra- 
«  menta  baptisnii,  pœnitenliaeet  eucbarislicae  ministrare  cœperunt,  et 
«  archipre^byter;  qui  est  unica  collegialae  dignitas,  rochetto,  mozzetta, 
a  et  stola  induius,doraoriini  benedictionem  in  sabbalo  sancto  perficit. 
a  Hisce  posilis,  alter  ex  canonicis  S.  R.  C.  supplicavit  pro  declara- 
«  tioiie  :  iiimirum  an  slanle  illimitata  concessione  tum  canonici,  tum 
a  archipresbyler,  perseverare  queant  in  invecla  consuetudine?  >»  Ré- 
ponse. «  Négative,  et  detur  decretum  in  una  S.  Mariae  in  Cosmedin. 
«  Urbis  die  J9  junii  1773.  d  (Décret  du  16  avril  I8.il,  n»  4664.) 

12*  DÉCRET.  «Detur  decrelum  diei  31  rnaii  1817  in  una  dubiorura, 
a  nimirnm  tam  intra,  quam  extra  propriam  ecclesiam  tenentur  cano- 
«  nici  in  sacramentorum  administratione  cappam  vel  mozzettam  depo- 
«  nere,  et  assumere  superpelliceum  et  stolam.  Si  concionem  haLeant 
«  in  propria  ccclesia,  cappa  vel  mozzetla  utantur,  non  item  exira.  » 
(Décret  du  12  novembre  1831,  n»  4669,  q.  26.) 

15*  DÉCRET.  Question,  «  Canonici  et  capellani  ecclesiae  primatialis, 
«  itemque  parochi,  aliique  sacerdotes  per  diœcesirn  occasione  mini- 
«  strandi  sacraraenta  pœnitenliae  et  eucharistiae  induere  soient  stolam 
a  super  cappam,  et  mozzettam,  aut  caputiura.  Hune  abusura  est  diffi- 
«  cile  eveilcre.  Cum  enim  hujusmodi  presbyteri  ex  antiquissimo  privi- 
a  legio  pro  superpelliceo  utantur  rochetto,  continuo  conqueruntur, 
(i  praesertim  pauperiores,  sibi  esse  in  promptu  habendum  superpelli- 
»  ceuni  super  rochetto  imponcndura.  Pro  ecclesia  vero  conventuali 
«  divi  Stephani  papae  et  martyris,  cum  a  jurisdictione  Ordinarii  non 
<(  pendeat,  nescio  quo  pacto  animadverti  possit  in  consuetudinem  hu- 
«  jusraodi,  seu:  Utrum  1"  dignitates,  canonici,  parochi,  et  sacerdotes 
«  tum  ecclesiae  primatialis,  tum  aliarum  ecclesiarum  diœcesis  Pisanae 
«  adigi  debeant  ad  superpelliceum  cum  slola  in  administratione  sacra- 
a  menlorum  juxta  Rituale  Romanum  deposita  cappa,  et  mozzetta,  vel 


r.ITURGTK.  461 

«  caputio,  etc?  Utrum  2°  in  ecclesia  conventuali  S.  Stephani  papae  et 
«  marlyris  exempta  presbyieri  ministrantes  sacramenta  sine  super- 
«  pelliceo  cogi  valeant  ab  Archiepiscopo  ad  servandam  recensitam 
«  Ritualis  Romani rubricam?»  Réponse.  «Affirmative  quoad  utramque 
«  partem.  »  (Décret  du  21  novembre  1831,  n°  4672,  q.  22.) 

14^  DÉCRET.  Question.  «  Utrum  canonirusqui  per  aposlollcas  litle- 
«  ras  in  forma  brevis  expeditas  favore  sui  collegii  canonicorura  gaudet 
«  usu  rochetli  et  mozzettae  etiam  coram  Pontifice,  illis  uti  valeat  in 
a  sacramenlorum  administratione,  et  verbum  Dei  annuntiando?  » 
Réponse.  «  Négative  ad  primam  partem,  affirmative  ad  secundam,  sed 
«  in  propria  tantum  ecclesia,  vel  in  aliis  ecclesiis  ubi  adest  usus  de- 
«  ferendi  cappani  vel  mozzettara,  juxta  decretum  inuna  dubiorum  diei 
«  51  maii  1817.  ->  (Décret  du  7  avril  1832,  n°  4683,  q.  1.) 

15e  DÉCRET.  Question.  «  1  canonici  délia  collegiatadisanta  Crislina 
0  di  Gabbio  avendo  iiso  di  rochetto  e  mozzetta,  con  privilegio  délia  sa. 
•  me.  di  Leone  Xll  di  vestirne  anche  fuori  délia  propria  chiesa,  fanno 
0  il  quesito  se  sia  loro  lecito  nell'amministrazione  dei  sagramenli,  et 
«  nella  predicazione  usare  rochetto  e  colta  com*  è  di  privilégie  délie 
«  chiese  cathedrali.  Che  etc.  »  Réponse.  «  Dentur  décréta  pluries 
«  super  re  édita.  »  (Décret  du  16  avril  1842,  n"  49.Ô8). 

16'  DÉCRET.  Question.  «  Etsi  in  litteris  Apostolicis  in  forma  brevis 
«  expeditis  a  sa.  me.  Benedicto  Papa  XIV,  usque  ab  anno  1740 
«  capitule  canonicorum  ccllegio  parochiali  ecclesiaecivitatisVetrallse  intra 
«  fines  diœcesis  Viterbien.  induUura  fuerit  ut  canonici  ipsi  in  ecclesiasticis 
«  functionibus  intra  propriam  ecclesiam,  et  dura  collegialiterincedunt, 
«  licite  ac  libère  gestare  valeant  rochetlum  cum  suis  manicis,  etmoz- 
«  zetlam  violacei  coloris;  altamen  decursu  temporis  in hujusraodi  insi- 
«  gnium  usu  nonnulli  irrepsere  abusus,  queis  ut  occurratur,  aliqui  ex 
«  niemoralae  collegiatae  parochialis  ecclesiae  canonici  S.  R.  G.  se- 
a  quentia  dubia  enodanda  proposuere,  nimlrum  : — 1.  An  ea  slante  in 
«  bulla  Denedicti  XIV  verborum  clausula  Dum  collegialiter  incedunl, 
«  archipresbyter  Vetrallensis,  aut  quisquam  ex  canonicis  sejunctus  a 
«  collegio,  et  separalim  agens  tara  intra  collegiatam  ecclesiam,  quam 
«  extra,  rochetti  et  mozzettae  usu  gaudeat?  —  2.  An  eo  gaudere 


/i62  LITURGIE. 

«  archipresbyter  unus  putandus  sii,  c\  oo  quod  priniusesl  inter  œqua- 
«  les,  non  obstante  quod  bulla  mentionem  ejus  rei  singularis  nullara 
«  faciat?  —  3.  An  archipresbyter  vel  canonicus  in  génère  sacramenta 
«  pœnitentiae,  eucharistias,  aliaque  administratrurus,  tara  in  ecclesla 
«  collegiata  quara  extra  induere  sibi  possit  choralia  insignia  praedicta 
ot  desuper  imposita  stola?  Et  quatenus  négative,  an  superpelliceo  et 
«  stola  tantura  in  sacramentorum  et  sacramentaliura  omnium  perfunc- 
«  tione  rite  nti  teneatur  ?  —  4.  An  forsan  uni  archipresbytero  propter 
«  personam  quam  gerit  parochi,  liceat  rochetto^  niozzetta  et  stola  in- 
«  duto  sacramenta  in  parœcia  sua  administrare?  —  5.  An  uti  valeat 
a  ea  veste  in  benedictione  domorum,  quae  fit  in  sabbatosancto?  — 
«  6.  An  in  associatione  funeris  sive  in  sua,  sive  in  aliéna  parœcia?  — 
«  7.  An  in  associatione  funeris  una  cum  toto  collegio  canonicoruni ? 
«  —  8.  An  in  publicis  supplicationibus,  cum  archipresbyter  conjiinctim 
a  cum  capitulo  incedit  ? —  9.  An  habitus  ullus  sit,  qui  rite  competat 
«  archipresbytero,  si  adstat  benedictioni  matrimonii,  quod  admini- 
«  strat  alius  sacerdos  ab  eo  depulatus,  et  in  casu  an  sit  rochettum, 
u  mozzetta,  et  stola? —  10.  An  archipresbyter  vel  canonicus  rite 
a  adhibeat  choralia  insignia,  et  desuper  impositam  stoiam  in  concione, 
«  et  quatenus  négative,  an  uti  posset  rochetto,  superpelliceo,  et  stola?» 
«  Réponse.  «Ad  1.  Posse  intra  collegiatam,  extra  illam  non  posse. 
«  —  Ad.  2,  Négative.  —  Ad  3.  Négative  et  servandum  decretum 
«  alias  editum.  —  Ad  4.  Négative,  sed  tantum  in  casu  cum  rochetto 
a  et  superpelliceo.  —  Ad  §.  Négative.  —  Ad  6.  Négative.  —  Ad  7. 
a  Affirmative  si  incedat  sine  stola.  —  Ad  8.  Ut  ad  proximum.  —  Ad 
«  9.  Semper  in  casu  sine  stola,  et  cum  habituchorali  in  propria  eccle- 
«  sia  lantum.  —  Ad  10.  Négative  ad  primam  partem  ;  affirmative 
«  ad  secundam,  si  adsit  consuetudo.  »  (Décret  du  23  mai  1846,  n" 
3058.) 

17®  DÉCRET.  «  Rochettum  non  esse  vestera  sacram'adhibendam  in 
«  administratione  sacramentorum,  acproindetum  ad  ea  adminitranda, 
t  tum  ad  suscipiendam  primam  tonsuram  et  minores  ordines  necessario 
«  superpelliceo  utendum.  «(Décret  du  10  janvier  1852,  n»  5165,  q.  6.) 

Gardellini,  dans  ses  commentaires  sur  le  septième  décret,  s'exprime 


LTTURGTE.  A63 

comme  il  suit  :  Clfira  et  f eneralis  est  rubrica  Ritualis  Romani,  tit.  i,  n«> 
«  1 ,  videlicet  :  In  omni  %QcramenioTMmaàmxrmlral\one  superpellkeo 
«  sit  indutus,  et  destiper  stola  ejus  coloris,  quem  sacramenti  ritus 
«  exposcit...  Ciim  autem  lex  generalis  sit,  nulla  excipitur  persona, 
«  quali  dignitate  pragfulgens...  Nemini  dubium,  quod  canonici  cappae 
«  magnae  usum  habentes,  autaliis  honorificis  insigniis  decorati,  illam 
«  vel  ista  adhibere  possintin  propria  ecclesia,  vel  assistentes,  vel  ince* 
«  dentés  et  sacras  funcliones  peragentes  capitulariter,  vel  uti  singuli 
«  opérantes,  excepto  duntaxat  casu  adrainislrationissacramentoruni... 
«  Ex  hoc  decreto  colligimus^  quod  privilégia  ita  sunt  intelligenda,  ut 
«  id  liceat  quando  canonici  capitulariter  vel  in  processionibus  incedunt, 
«  vel  in  alienis  ecclesiis  sacras  peragunt  functiones,  aut  iisdem  assi- 
€  stnnt  :  corpori  siqiiidem  concessa  sunt,  non  canonicis  uti singulis.  »  Il 
rappelle  encore  les  mêmes  principes  en  commentant  la  onzième  déci- 
sion ci-dessus  indiquée  et  ajoute  :  «  Si  qui  snnt^  qui  ex  concessione  usu 
•  gaudent  rochetti  et  mozzettae,  his  uti  nequeunt  in  administrandis 
«  sacramenlis,  pro  quorum  administratioiie  taxative  vestis  praescribi- 
«  tur  a  rubrica,  ut  vidimus,  sed  illis  tanlum  uti  possunt  in  choro,  in 
t  processionibus,  et  functionibus  omnibus  in  quibus  habilum  choralem 
«  induunt.  » 

Au  sujet  de  la  question  présente,  voici  comment  s'exprime  M.  de 
Gonny  (Cér.  Rom.  S^  édit,  p.  28)  :  «  Les  chanoines  ne  doivent  porter 
«  l'habit  de  chœur  qui  leur  est  propre  que  dans  la  cathédrale  ou  collé- 
«  giale  dont  ils  sont  chanoines,  ou  bien  quand  ils  accompagnent  ou  as- 
«  sistentl'évêque,el  autres  occasions  où  ils  agiraient  capitulairement.  » 
L'auteur  ajoute  en  note:  «  Les  insignes  canoniaux  ont  été  établis  par 
«  l'Église  pour  relever  les  fonctions  canoniales,  et  non  pas  pour  déco- 
«  rer  les  personnes  des  chanoines.  Tout  ainsi  que  le  prêtre  se  revêt 
0  de  la  chasuble  pour  célébrer  le  saint-sacrifice,  le  chanoine,  pour 
«  faire  dans  la  cathédrale  son  office  public,  qui  est  la  prière  solennelle 
«  de  l'Église,  prend  la  raozette  ou  la  cappa;  mais  ces  actes  achevés, 
«  le  prêtre  ne  conserve  point  la  chasuble  pour  des  fonctions  différentes 
a  ou  pour  ses  actions  personnelles,  et  le  membre  du  chapitre  n'a  point 
«  à  prendre  les  insignes  du  canonicat  pour  aller  prêcher,  faire  le  curé, 


hôh  LITURGIE. 

«  le  catéchiste,  etc.  Ces  principes  sont  fort  clairs,  et  il  n'est  pas  éton- 
«  nant  que  la  Congrégation  des  rites  ait  constamment  répondu  en  ce 
«  sens  aux  consultations  qui  lui  étaient  proposées.   » 

Huitième  règle.  S'il  est  d'usage  que  les  membres  d'un  chapitre 
administrent  dans  l'église  capitulaire  le  sacrement  de  pénitence  avec 
l'étole  sur  l'habit  canonial,  on  peut  le  suivre.  La  S.  C.  des  rites  a 
aussi  toléré  dans  un  cas  particulier  la  coutume  de  donner  la  sainte  com- 
munion avec  le  rochet  et  l'étole. 

La  première  partie  de  celte  règle  repose  sur  l'interprétation  que 
donne  Gardellini  au  sens  des  décrets  qui  s'y  rapportent.  Dans  une 
note  sur  le  huitième  décret  cité  à  l'appui  de  la  seplième  règle,  il  s'ex- 
prime en  ces  termes  :  «  Haud  tamen  inficior  in  more  positum  esse  in 
«  basilicis  Urbis  sacramentum  pœnitentiae  administrari  tam  a  canonicis 
«  quam  a  beneficiatis  stola  imposita  supra  cappum  in  propria  ecclesia. 
«  Improbandane  erit  hujusmodi  consuctudo,  immone  potius  retinen- 
«  da?  Si  mihi  licet  proprium  exprimere  sensum^  crederem  morem 
«  hune  posse  reiineri  :  difficile  namqueesset  illum  abrumpere,  et  cer- 
«  lum  est  regulares,  vel  ex  consuetudine,  vel  ex  privilégie  sacramen- 
((  tum  pœnitentiae  administrare  solitos,  stola  duntaxat  adhibita,  sine 
«  superpelliceo.Lex  igitur  coarclari  polest  ad  aliorum  sacramentorum 
t  administrationem,  baptismatis  scilicet,  eucharistiae,  matrimonii.  » 
On  pourrait  appliquer  ici,  ce  semble,  cette  rubrique  du  rituel  : 
a  In  omni  sacramentorum  adminislratione  superpelliceo  sit  indutus 
«  (sacerdos),  et  desuper  stola  ejus  coloris  quem  sacramenti  riius  ex- 
«  poscit,  nisi  in  sacramento  pœnitenliae  minislrando  occasio,  vel  con- 
«  suetudo,  vel  locus  inlerdum  aliter  suadeat.  » 

Quant  à  la  seconile  partie,  savoir,  la  tolérance  de  la  coutume  de 
donner  la  sainte  communion  avec  le  rochet  et  l'étole  dans  un  cas  par- 
tieuher,  elle  est  exprimée  dans  cette  décision  :  «  Pro  parte  canonicorum 
«  ecclesiae  coilegiataeS.  Lanrentii  Florenliarumexpositum  fuitin  S.  R. 
«  C.quod  in  dicta  eorum  collegiata  adestconsuetudo,  ut  canonici,qui 
«  ex  concessione  Apostolica  habent  usum  rochelti,  in  administrando 
«  SS.  eucharistiae  sacramento  in  pascbate  Resurrectionis  D.  N.  J.  C. 
«  utantur  illa  cuni  stola,  ideoque  supplicatum  fuit  pro  declaratione  : 


LITURGIE.  AC5 

«  An  haec  consueludo  servanda  sit,  vel  polius  inducendus  sit  usus  ro- 
«  clielti?  »  Réponse.  Ulantur  rochello,  etstola.  «  (Décret  du  17  jnin 
1673,  n"  2598.)  Quel  est  le  cas  particulier  dont  il  s'agit,  et  pour 
lequel  les  chanoines  de  la  collégiale  de  Saint-Laurent  ne  pouvaient 
prendre  le  surplis?  Nous  ne  le  savons  pas;  mais  ce  qui  est  certain, 
c'est  que  la  réponse  est  relative  à  un  cas  particulier.  Nous  lisons,  en 
effet,  dans  la  table  alphabétique  des  décrets  :  «  Canonici  habenles  usuni 
«  rochetti  possunt  administrare  eucharistiam  induli  rochetto,  et 
a  stola.  2635.  Ita  in  casu  particulari.  Régula  tamen  est  ut  superpel- 
a  liceum  adhibeatur,  ceu  patetex  posterioribus  decretis  3484,  4214, 
«  4365,  4336.  . 

Neuvième  règle.  Le  principe  de  porter  le  rochet  ne  peut  jamais 
s'étendre  aux  circonstances  pour  lesquels  le  port  du  surplis  est  spé- 
cialement prescrit  par  la  rubrique. 

Cette  règle  est  le  corollaire  des  principes  énoncés  ci-dessus,  et  est 
spécialement  appuyée  sur  le  deuxième  décret  cilé  à  l'appui  de  la  sep- 
tième règle. 

Dixième  règle.  Dans  les  chapitres  où  l'on  porte  la  cape,  les  cha- 
noinesenusent  seulement  pendant  la  saison  d'hiver,  et  portent  pendant 
l'été  le  surplis  sur  le  rochët.  Le  jour  où  l'on  change  de  costume  est 
fixé  par  l'évêque.  Toutes  les  fois  que  les  chanoines  doivent  prendre  le 
surplis,  suivant  les  règles  ci-dessus  énoncées,  si  c'est  en  hiver,  iis 
quittent  la  cape  et  prennent  le  surplis  sur  le  rochet;  mais  ceux  qui 
n'ont  pas  le  privilège  de  porter  la  cape  doivent  alors  quitter  le  rochet 
pour  prendre  le  surplis. 

La  première  partie  de  cette  règle  est  appuyée  sur  la  rubrique  du 
Cérémonial  des  évéqiies,  1.  i,  c.  m,  no3.  «  Quoad  cappas  vero,  quibus 
«  episcopi  in  propriis  ecclesiis  utunlur,  id  eritobservandum....  Quibus 
«  quideni  cappis  pelHculse  circa  collum  et  pectusderaoreconsulaesint, 
(i  quse  deinde  vigilia  Penlecostes,  seu  pro  diversitate  locorum  citius, 
«  aut  lardius,  prout  episcopo  opportunum  videbitur,  praeintimatis  etiam 
u  canonicis,qui  cappis  ulantur,  quo  diemutari  debeant,  removentur. .. 
«  Canonici  vero  regulariter  in  ecclesiis  ubi  illis  utunlur,  eas  deponunt, 
«  etloco  earum  assumunt  cottas  supra  rochetlum.  »  Celte  rubrique, 

RF.VI;E  DEC  SOIF.NCES   ECCLÉH.   T.    X.— NOVEMBRE  1864,  31 


A  643  LITURGIE. 

comme  on  le  voit,  indique  la  veille  de  la  Pentecôte  comme  le  jour  où 
peut  commencer  la  saison  d'élé.  D'auires  auteurs  indiquent  la  fête  de 
Pâques,  et  tous  s'accordent  a  donner  la  veille  de  la  Toussaint  comme 
lepremier  jour  de  la  saison  d'hiver.  Quelques  discussions  ayant  eu 
lieu  sur  ce  point,  la  S.  C.  a  donné  cette  réponse:  «  S.  C.  tempus  con- 
«  gruum  declaravit,  nempe  quod  a  primis  vesperis  vigilige  omnium 
0  Sanctorum  usque  ad  sabbatum  sanctum  Paschse  Resurrectionis  ca- 
«  nonici  déférant  cappam  supra  rochettum,  et  deinde  postea  cottam 
«  seu  superpelliceum  ad  instar  canonicorum  S.  Pétri.  »  (Décret  du 
27  mars  1677,  n«  2855,  q.  2.) 

Quant  à  la  seconde  partie,  elle  ressort  de  plusieurs  des  réponses 
rapportées  ci-dessus,  et  de  plus,  le  principe  énoncé  est  exprimé  posi- 
tivement dans  la  réponse  au  deuxième  doute  de  la  cause  qui  a  donné 
lieu  à  la  décision  du  7  avril  4832.  Question,  a  Et  quatenus  négative, 
a  utrura  superpelliceum  rochetto  imponere  valeat  (canonicus)  iisdem  in 
a  functionibus?  »  Réponse.  «Affirmative,  si  capitulum  in  choro  uta- 
a  tur  superpelliceo  tempore  aestivo  ;  secus  négative  juxta  prsedictum  de- 
a  cretum,  sed  colta  tantum  et  stola  utendum  juxta  Rifuale  Romanura.  » 
(Décret  du  7  avril  1832,  n"  4683,  q.  2.)  De  plus,  Gardellini,  dans 
une  note  sur  le  septième  décret  rapporté  ci-dessus,  et  dans  lequel  il 
est  dit  :  solam  cottam  cum  stola,  s'exprime  en  ces  termes  :  «  Parochi 
«  igitur  Ravennatenses  exuere  rochettum,  mozzettam  dimittere  debent, 
«  soloque  uti  superpelliceo  cum  stola,  dura  administraturi  sunt  sacra- 
«  menta,  veluti  S.  R.  C.  proposito  dubio  respondit,  Indulfum  quippe 
«  ipsis  est,  ut  sub  mozzetta  vice  superpeliicei  déférant  rochettum,  haud 
«  vero  concessum,  ut  eo  utantur  in  sacramentis  administrandis,  aut 
a  rochetto  cottam  superimponant.  Permissum  id  est  canonicis  dunta- 
«  xat,  qui  habent  usum  cappae  magnae,  nam  haec  commutatur  cum  cotta 
«  tempore  aestivo,  in  publicis  supplicationibus,  etc.  Quamobrem  iidem 
«  in  propria  ecclesia,  cum  ex  praescripto  Ritualis  et  decretorum  neque- 
«  ant  cum  cappa  vel  cum  solo  rochetto  sacramenta  administrare,  hcite 
«  possunt,  imo  debent  cottam  assumere,  quin  rochettum  dimitfant.  » 
On  fait  seulement  une  exception  à  cette  règle  en  faveur  d'un  archi- 
prêtre,  dans  le  seizième  décret  rapporté  à  l'appui  de  la  septième  régie. 


LITURGIE.  /i67 

Telles  sont  les  règles  liturgiques,  relativement  â  l'usage  durochet.  II 
nous  reste  à  répondre  à  deux  ditTicullés. 

La  première  se  rapporte  au  sens  de  la  réponse  donnée  par  la  S,  G. 
le  6  avril  1832  (septième  règle,  14«  décret).  On  demande  si  cette 
décision  ne  modifierait  pas  un  peu  la  loi  relative  à  l'usage  du  rochet 
pour  les  chanoines  ou  les  prêtres  qui  auraient  le  privilège  de  le  porter. 
On  avait  demandé  d'abord  pour  un  chanoine,  membre  d'un  chapitre 
qui  jouissait  de  privilèges  particuliers,  si  ce  chanoine  pouvait  user  du 
rochet  pour  l'administration  des  sacrements.  La  réponse  a  été  négative 
comme  toutes  celles  qui  se  rapportent  au  même  point.  On  avait  ensuite 
posé  la  queslicn  au  sujet  de  la  prédication,  et  la  réponse  a  été  affirma- 
tive avec  cette  clause  :  Sed  in  propria  tanfum  ecdesia,  vel  in  aliis 
ecclesiis  ubi  adest  tistis  deferendi  cappam  vel  mozzeltamjuxla  decre- 
tum  in  una  diibiorum  diei  31  maii  1817.  Gela  posé,  peut-on  se  con- 
former à  l'usage  suivi  en  France  d'après  lequel  les  prédicateurs,  s'ils 
sont  chanoines,  portent  l'habit  du  chapitre  dans  toutes  les  églises  où  ils 
annoncent  la  parole  de  Dieu?  Nous  disons  les  prédicateurs,  caria  con- 
cession ne  peut  pas  s'étendre  plus  loin  sans  être  en  opposition  avec  la 
doctrine  de  la  Sacrée  Congrégation,  qui  ferait  ici  une  exception  à  la 
règle  générale.  Nous  ne  le  pensons  pas,  et  nos  raisons  sont  les  suivantes. 
l°Ges  paroles  in  aliis  ecclesiis  ne  peuvent  pas  s'entendre  de  toutes  les 
églises,  ou  bien  la  règle  générale  serait  abrogée  ;  or  telle  est  la  signi- 
licalion  que  paraîtrait  avoir  la  concession  entendue  comme  il  faudraitia 
comprendre  dans  l'hypothèse  actuelle.  2o  On  ajoute  juxta  decretum  in 
una  dubiorutn  diei  31  maii  1817.  Ge  décret  ne  contient  pas  l'exception 
indiquée,  mais  décide  d'après  la  loi  générale  ;  la  réserve  paraît  donc 
relative  à  un  cas  particulier  qui  n'est  point  énoncé  dans  la  cause,  ou  à 
des  privilèges  spéciaux  auxquels  la  supplique  fait  allusion.  La  réserve 
pourrait  se  rapporter  aussi  à  une  clause  de  la  loi  générale,  comme  le 
cas  où  le  prédicateur  paraîtrait  en  qualité  de  membre  du  chapitre. 
3"  L'usage  suivi  en  France  faisant  partie  d'un  ensemble  de  coutumes 
illégales  que  l'on  réforme  de  plus  en  plus,  ne  nous  paraît  pas  présenter 
les  garanties  suffisantes  pour  qu'on  puisse  affirmer  qu'il  soit  toléré  par 
celte  réserve.  M.  Bouix,  e.\aminant  celte  question  {Tractatus  de  Câ* 


468  LITURGIE.       • 

p?/M/is,  edit.  II,  p.464),lermineendisant:  «Memoratam  Galliae  praxim 
«  ego  non  auderem  asserere  non  esseabusivam  et  de  medio  tollendam  » 
La  deuxième  difficulté  est  celle-ci  :  Le  port  du  rochet  pour  tous  les 
clercs  ne  serait-il  point  autorisé  par  un  décret  du  27  février  1847? 
Voici  cette  décision.  Question.  Cum  superiori anno  a  S.  G.  RR.  PP.  S. 
«  Concilii  Tridenlini  interpretum  ad  hanc  S.  R.  C.  transmissae  fuerint 
0  preces  RR,  Mas?en.  episcopi,  queis  exponebat  quod  in  principatu 
a  Carrariensi  mos  vigeat  ut  clerus  universus,  ne  exceptis  quidem 
«  parochi  clericis,  rochetto  utatur,  et  hoc  fortasse  quia  olira  jurisdi- 
a  ctioni  canonicorum  regulariura  S.  Frigdiani  subjectae  erant  ecclesiae 
«  omnes  principatus  ipsius,  ac  proinde  hujus  S.  Apostolicae  Sedis  ora- 
«  culura  exquirebat,  num  adhucsibi  superhocusu  silentio  insistendum 
ot  sibi  sit,  ne  turbas  excitet,  siqnidem  admodum  anti(|ua  consueludo 
0  islhaec  prohibetur,  vel  potius  tenealur  hune  usum  tollcre,  déficiente 
«  privilégie?  Réponse.  «Non  esse  inquietandos.  »  (Décret  du  27 
février  1847,  n°  5072.)  Il  est  difficile  de  supposer  que,  par  celte  ré- 
ponse, la  S.  C.  ait  voulu  abroger  les  lois  relatives  à  l'habit  de  chœur. 
Comme  il  est  facile  de  le  voir  il  s'agit  ici  d'un  cas  particulier.  Il  s'agit 
d'une  église  où  s'était  introduit  un  usage  contraire  à  la  loi,  il  est  vrai, 
mais  aussi  une  coutume  fort  ancienne  dont  la  suppression  semblait 
entraîner  d'assez  graves  difficultés,  et  la  S.  C.  a  bien  voulu  tolérer.  De 
plus,  la  S.  C.  a  confirmé  la  règle  générale  dans  un  décret  du  10 
janvier  1852  (septième  règle,  17«  décret),  ce  qui  prouve  bien  qu'elle 
n'a  pas  abrogé  la  loi. 

§  U. — Du  Surplis  et  de  sa  forme. 

Le  surplis  [svperpelUceum)  est  ainsi  appelé,  parce  qu'on  s'en  revêt 
par-dessus  les  habits  ordinaires,  qui  sont  confectionnés  aves  des  peaux 
d'animaux.  Tel  est  le  sentiment deDurand  {Rationale,  1.  i,  c.  i,  n.  H) 
de  Gavantus  (t.  i,  part,  xii,  tit.  i.),  et  de  plusieurs  auteurs  anciens. 
Suivant  Catalani  {Ponlif.  Prolog,  c.  xii,  n.  5)  et  quelques  autres^  le 
surplis  tire  son  nom  de  ce  que  les  chanoines,  principalement  dans  les 
pays  froids,  se  couvraient  le  corps  de  fourrures,  et  mettaient  ce  vête- 
ment par-dessus. 


LITURGIE.  Il69 

Le  surplis  diffère  du  rochet  par  la  largeur  des  manches.  Les  décrets 
rapportés  au  paragraphe  précédent  le  témoignent,  conrime  aussi  les  au- 
teurs cités  ci-dessus.  • 

KL  La  forme  du  surplis  peut  varier  un  peu  sans  être  contraire  aux 
règles  de  la  liturgie  ;  il  peut  être  plus  long,  plus  court,  avoir  des  man- 
ches plus  ou  moins  larges,  etc  ,  comme  on  le  voit  par  le  décret  suivant. 
Question.  «An  canonici  assistentes  episcopo  in  missa  pontificali  debeant 
a  induere  albam,  eo  quod  dictum  capitulum  adhuc  utatur  superpelli- 
«  ceis  rotundis,  et  non  rochetto,  neque  colla,  super  quametamiclum 
«  innuit  Caeremoniale  episcoporum  induere  dalmaticam?  »  Réponse, 
«  Canonici  assistentes  episcopo  non  albam,  sed  rocheltum  vel  cottam 
«  quoquo  modo,  vel  forma  ad  regionis  morem  compacta  illa  sit  et  con- 
«  suta,  induere  debent  una  cum  amiclu  vel  aliud  chori  peculiare  insi- 
«  gne.  »  ("Décret  du  4  septembre  1745,  n°  4176.  q.  2.) 

IV.  La  forme  du  surplis,  comme  celle  de  tous  les  vêtements  sacrés, 
a  beaucoup  varié  suivant  les  divers  temps.  Autrefois,  le  surplis  était 
fort  long.  Nous  pouvons  citer  sur  ce  point  quelques  anciens  auteurs. 

Bauldry  et  Gavantus  en  donnent  ainsi  les  dimensions:  «  Super- 
*  pelliceum  e  lela  potius  tenui,  raanicis  ita  oblongis,  ut  crispataî  usque 
«  ad  digitos  summos  pertingant,  quae  esse  possunt  cubitis  circiter 
«  duobus,  in  ipso  ore  potius  forma  sit  rolunda  quam  quadrata,  a  pec- 
a  tore  nullo  modo  scissum  aut  dissectura,  longe  ducatur  infra  genua, 
«  fere  ad  média  crura,  late  pateat  ab  extremis  oris  in  ambitura  cubitis 
«  circiter  tredecim,  ab  huraeris  circiter  oclo,  a  nulla  parte nimis  affec. 
a  tata  artificiosi  operis  elegantia  elaboratum,  ab  humeris  prasertim  non 
«  specioso  arlificii  ornatu.» 

S.  Charles  donne  absolument  les  mêmes  règles,  et  l'on  voit  qu'elles 
sont  puisées  dans  les  auteurs  que  nous  venons  de  citer.  ■  Superpel- 
«  liceum  e  lela  lini,  aut  cannabi  purisit,  eaque  nonrudi,  sed  candida, 
«  non  crassiori,  sed  tenui  potius;  manicis  ita  oblongis,  ut  crispatae- 
«  usque  ad  digitos  summos  pertingant,  quae  esse  possunt  cubilis  cir- 
«  citer  duobus,  vel  circa,  late  aulem  palentibus  in  orbera  cubilos  cir- 
t  citer  quatuor,  in  ipso  ore  forma  rotunda  potius  quam  quadrata,  lalum , 
a  pro  capitis  crassitudiiie,  a  pectore  nullo  modo  scissura,  aut  dissec-j 


/l70  LITURGIE. 

a  tum,  longe  ductum  infra  genua,  atque  adeo  fere  usque  ad  crura 
«  média  :  late  patentibus  extremis  in  ambitura  cubitis  circiler 
«  tredecim,  vel  circa,  absumens  cubitis  octo  circiler,  ita  ut  apte  con- 
«  sutum  et  crispatum  decenter  appareat,  pro  liumerorum  lalitudine, 
«  corporisve  crassitudine  :  a  nulla  parte  neque  nirais,  neque  affeclala 
a  artificiûsi  operis  elegantia  elaboratum,  ab  hume  ris  praîsertim  non 
«  specioso  artificio  ornala.  » 

Plusieurs  conciles  provinciaux  tenus  en  Italie  et  en  France  depuis 
saint  Charles,  et  un  concile  de  Bordeaux  tenu  en  1583,  défendent 
l'usage  de  surplis  trop  enrichi  sde  broderies  et  ce  dernier  ajoute  :  «Ri- 
«  diculum  est  enira  abuti  eo  quod  ad  demonstrandum  simplicilalem 
a  animorum,  et  corporum  puritatem  religiose  introductum  est.  » 

V.  Les  modifications  apportées  dans  la  longueur  du  surplis  sont  rap- 
portées en  ces  termes  par  Catalani  {Pontif.  Prol.,  c.  xii,  n.  6)  :  «  Super- 
«.pelliceum  etsi  hodie  ita  contraclum  aliqui  deferunt,  ut  vix  illis  ad 
a  pectus  perveniat,  olira  tamen  ad  talos  usque  descendebat,  teste  Ste- 
c  phano  Tornacensi,  qui  vivebat  annoUSO,  in  epistola  sua  cvi,  ad 
«  Albinum  S,  Rom.  Ecclesia3  presbyterum  cardinalem,  cui  non  modo 
«  ejus  vestimenli  formam,  sed  et  mysterium  in  hune  modum  explicat  : 
«  Hujus  habitusindicitim  principale  vohismitto,  snperpellieeum  novum 
a  candidum  et  talare,  quod  reprsesentet  vobis  viiœ  novitatem,  munditix 
a  candorem,  perseverantix  finem.  Contractum  deinde  fuit  ad  médias 
«  tibias,  nti  constat  ex  sessione  XXI  concilii  Basileensis,  in  qua  consti- 
«  tutum  fuit  :  Ut  clerici  tiinica  lalari  et  superpellieeis  mundis  ultra 
fl  médias  tibias  longis,  sine  confahulalionibuschoro  inlenint.  Servatara 
•  passim  hanc  disciplinam  ferendi  superpelliceum  usque  ad  médias 
a  tibias  ad  saeculum  usque  XVI  docent  nos  temporis  ipsius  piclurse 
«  quse  nobis  cardinales,  vel  cpiscopos,  seu  alios  inferiores  sacerdotes, 
«  aut  clericos  rochetla  vel  superpellicea  usque  ad  médias  tibias  haben- 
c(  tes.  Cœpit,  elapso  sseculo,  ea  veslis  usque  ad  genua  contrahi,  qua 
«  brevitate  homines  hodierni  quidam  ecclesiastici  nequaquam  contenli. 
«  priscum  morem  floccipendentes,  siraulque  mysteria,  qu»  ob  suam 
((  longitudinem  habitus  ille  significat,  rochetta  vel  superpellicea  gestant 
o:  quae  vix  ad  pectus  perveniunt.  » 


LlTLUGli:.  A  71 

VI.  Le  surplis  dont  on  se  sert  actuellement  en  Italie  est  foit  court, 
et  ne  descend' guère  qu'à  la  ceinture.  Quoique  ce  vêtement  de  chœur 
s'éloigne  un  peu  de  nos  usages  français,  il  est  loin  de  produire  un  mau- 
vais effet,  comme  on  le  prétend  parfois.  On  donne  communément  à  ce 
genre  de  surplis  le  nom  de  coUa.  Cependant,  comme  on  le  voit  claire- 
ment par  l'ensemble  des  rubriques  et  des  décrets  de  la  Sacrée  Congré- 
gation, le  surplis  et  la  cotte  sont  le  même  vêtement  et  ne  diffèrent 
point  dans  le  langage  liturgique  :  seulement  nous  avons  continué  de 
désigner  par  co</a  le  petit  surplis  dont  nous  parlons  ici. 

VU.  Le  surplis  à  ailes  n'est  autre  chose  que  le  surplis  déformé.  En 
exatninant  certaines  estampes,  on  peut  se  rendre  compte  de  la  transfor- 
mation que  ce  vêtement  a  subie  en  France  dans  la  suite  des  temps  ; 
peu  à  peu  les  manches  sont  devenues  des  ailes,  comme  les  manches  de 
la  dalmatique  et  de  la  tunique  ont  été  remplacées  chez  nous  par  des  pièces 
d'étoffe  retombant  sur  les  bras.  Cela  posé,  l'usage  du  surplis  à  ailes 
est-il  compatible  avec  la  liturgie  romaine?  Nous  n'oserions  pas  le 
nier.  Cependant  les  liturgistes  modernes  ne  l'admellenl  pas  et  semblent 
le  rejeter  comme  faisant  partie  d'un  ensemble  de  coutumes  illégi- 
times. 

VllL  Quant  au  surplis  sans  ailes  et  sans  manches,  c'est  une  espèce 
de  rochet  particulier  dont  l'usage  est  réservé  aux  bénéficier^  de  certains 
chapitres.  «  Beneficiati,  dit  Macri  (au  mot  cappa)  l'erunt  cappam  un- 
«  dique  clausam...  et  roehettum  gerunt  sine  manicis.  »  Barruffaldi, 
décrivant  une  procession  de  pénitence  faite  à  Ferrare  en  1708,  s'ex- 
prime ainsi  en  parlant  des  chanoines  et  des  bénéficiers  de  la  cathédrale 
(Tit.  Lxxvi_,  n.  43):  «  Sequebantur  primo  capiiulum  et  canonici, 
«  absque  solita  cappa,  sed  unice  cum  rochetto  non  lacinioso,  dein 
«  mansionarii  et  simihter  capellani  beneficiati  ejusdem  cathedralis  cum 
Qt  rochetto  absque  manicis.  »  «  Notât  autem,  dit  Catalani  [Cérémonial 
des  évêqties,  1.  i,  c.  ii,  §  i,  n.  6),  post  Turrigium  Macrius  in  suo 
•  HieroJexico,  verbo  cappa,  beneficialos  praeler  differentiam  pelliceae 
a  coloris,  déferre  cappam  undequaque  clausam,  ac  solum  anlerius 
«  apertam,  ut  possint  manus  emittere  ad  instar  cappae  advocatorum 
«  consislorialium  almae  Urbis,  et  roehettum  gère  ro^sine  manicis.  » 


475  LITURGIE. 

IX.  Quoi  qu'il  en  soit  de  la  licéité  de  l'usage  des  surplis  â  ailes, 
nous  voyons,  dans  tous  les  diocèses  de  France  où  s'opère  le  retour  à 
la  liturgie  romaine,  rétablir  le  surplis  à  larges  manches.  La  forme 
diffère  probablement  d'un  diocèse  à  l'autre.  Les  régies  de  la  liturgie, 
sans  doute,  ne  condamnent  pas  cette  divergence  ;  mais  elle  n'est  pas 
sans  inconvénients,  et  il  serait  â  désirer  que  l'on  pût  se  rendre  compte 
des  raisons  qui  ont  fait  préférer  une  forme  à  une  autre,  afin  d'éta- 
blir partout  celle  qui  paraîtrait  préférable  sous  le  rapport  de  la  fidélité 
aux  règles  liturgiques  comme  aussi  sous  celui  du  bon  goût  et  du  bon 
effet  à  produire,  pour  rehausser  la  splendeur  des  cérémonies  de  l'église. 
Il  est,  dans  la  liturgie,  certains  points  sur  lesquels  l'autorité  de  l'Eglise 
n'a  pas  voulu  tout  régler,  jusqu'aux  moindres  détails  ;  il  en  est  même 
qui  ne  peuvent  pas  être  l'objet  d'une  loi,  comme  une  note  de  plain- 
chant,  une  couture  dans  un  habit  de  chœur,  etc.  Mais  quand  il  s'agit 
d'en  venir  à  l'exécution,  il  faut  ou  prendre  un  parti  sur  ces  points  de 
détail,  ce  qui  est  parfois  d'autant  plus  difficile  qu'il  y  a  moins  déraison 
pour  opter  en  faveur  d'une  pratique,  ou  bien  se  décider  au  hasard  et 
sans  avoir  consulté.  La  chose  importante  ici  serait,  ce  semble,  la  plus 
grande  uniformité  possible.  Outre  l'édification  qu'elle  produirait  infailli- 
blement, on  ne  peut  pas  douter  que  la  pratique  ainsi  adoptée  ne  fût 
la  meilleure. 

P.  R. 


JURISPHUDENCE   CANONIQUE. 


DÉCISIONS  DE   LA    S.    CONGRÉGATION   DU  CONCILE. 


Parisien.  Matrimouii.  Die  25  junii  1864. 

Frédëric-Émile  "*,  banquier  à  Paris,  demanda  au  mois  de  février 
1858  la  main  d'Édilh-Louise-Florence  L"*.  Le  père,  qui  le  croyait  juif, 
refusa  de  l'accorder.  (Fils  d'un  juif  de  Francfort  qui  avait  passé  au 
luthéranisme,  Frédéric  avait  été  baptisé  suivant  le  rit  luthérien.)  Du 
reste^  la  jeune  fille,  à  peine  âgéede  18  ans,  approuva  hautement  cerefus. 
Frédéric  espère  être  plus  heureux  en  s'adressant  à  la  mère  ;  celle-ci, 
qui  est  légalement  séparée  de  son  mari,  s'empresse  de  lui  promettre 
son  concours.  Au  commencement  de  juin,  pendant  une  absence  de  son 
père,  Edith  dut  accompagner  .à  Dieppe  sa  sœur,  dont  la  santé  réclamait 
les  bains  de  mer.  Conduites  par  une  gouvernante  nommée  Sara,  qui 
exerçait  sur  elles  un  empire  vraiment  tyrannique,  les  deux  sœurs  des- 
cendirent dans  un  hôtel  où  se  trouvait  déjà  leur  mère.  On  soupçonne 
facilement  que  cette  rencontre  n'était  pas  l'effet  du  hasard. 

Un  jour,  Edith  fut  invitée  par  sa  mère  à  aller  visiter,  avec  elle  et 
Sara,  une  maison  qu'elle  disait  avoir  louée  dans  l'intention  de  l'habiter. 
Cette  offre  fut  acceptée  sans  défiance.  Dés  qu'elles  furent  entrées  dans 
la  maison,  la  mère  sortit  sous  quelque  prétexte,  et  ne  reparut  point;  puis 
Sara  se  relira  également,  et  aussitôt  Frédéric  se  présente  à  la  jeun  e 
fille,  lui  annonçant  qu'elle  est  dans  sa  propre  maison,  et  en  son  pouvoir. 
Elle  proteste,  crie,  et  cherche  à  s'enfuir  ;  mais  personne  ne  l'entend  à 
cause  de  l'isolement  de  la  maison,  les  portes  sont  fermées,  et  elle  se 
voit  contrainte  de  passer  la  nuit  entière  avec  cet  homme.  Sara  ne  revint 
que  le  lendemain  à  une  heure  fort  avancée. 

Edith  prend  la  résolution  de  retourner  immédiatement  à  Paris  :  sa 


hlh  JURISPRUDENCE    CANONIQUE. 

mère  y  consent  ainsi  que  Sara.  Cependant  ces  deux  femmes,  craignant 
de  perdre  le  fruit  de  leur  indigne  trahison,  l'engagent  vivement  à  ne 
point  se  présentera  son  pore,  qui  ne  manquerait  pas  d'être  très-irrité 
de  ce  qui  venait  d'arriver  ;  ils  lui  conseillent  de  descendre  dans  un  hôlel 
pour  prendre  le  temps  d'aviser.  —  Il  faut  dire  ici  que  Frédéric  avait 
demandé  passage  sur  un  vaisseau  pour  lui  et  pour  une  jeune  fille  qu'il 
voulait  conduire  en  Angleterre  afin  de  l'épouser,  mais  que,  sur  son  refus 
de  se  faire  connaître,  il  n'avait  pu.  l'obtenir.  En  outre  il  arriva  que, 
par  ses  soins,  les  journaux  de  Paris  annoncèrent  l'événement  de  Dieppe, 
qui  devint  ainsi  le  thème  de  toutes  les  conversations;  le  but  manifeste 
de  cette  scandaleuse  publicité  était  de  forcer  la  jeune  fille  à  consentir 
au  mariage,  pour  sauver  son  honneur.  —  Elle  partit  donc  le  soir 
naême, accompagnée  de  Sara,  son  inséparable  gardienne.  A  une  station 
peu  éloignée  de  Dieppe,  Frédéric,  qui  avait  pris  le  même  train,  entre 
lout-à-coup  dans  le  compartiment  occupé  par  Edith  ;  mais  les  cris  et 
les  sanglots  delà  jeune  fille  effrayée  attirant  l'attention  de  tous  les  voya- 
geurs, il  est  obligé  de  se  retirer. 

Arrivée  à  Paris,  Edith  s'installe  dans  un  petit  hôtel  delà  rue  d'Ar- 
oole,  et  y  reste  trois  semaines  sans  pouvoir  ni  sortir,  ni  écrire,  ni  recevoir 
qni  que  ce  soit,  et  en  butta  anx  mauvais  traitements  de  son  inflexible 
gouvernante;  elle  obtint  cependant  une  seule  fois  d'être  conduite  chez 
un  avocat,  auquel  elle  exposa  sa  triste  situation.  Celui-ci  écrit  au  père 
pour  lui  rendre  compte  de  cette  entrevue,  et  lui  faire  comprendre  que 
le  mariage  est  le  seul  remède  au  mal  ;  et  bientôt  la  publicité  du  scandale 
et  les  instances  de  ses  amis  lui  arrachent  son  consentement.  Frédérie 
obtient  la  dispense  de  l'empêchement  de  disparité  de  culte,  et  le  ma- 
riage est  enfin  célébré  le  30  juin  dans  l'église  de  la  Madeleine.  Cette 
cérémonie  fut  si  triste,  au  dire  du  curé,  qu'elle  ressemblait  bien  plus  à 
des  funérailles  qu'à  une  noce. 

Le  même  jour,  Frédéric  partit  pour  l'étranger  avec  sa  nouvelle  épouse, 
et  pendant  quatre  ans  il  la  promena  malgré  elle  dans  les  différentes  parties 
do  l'Europe,  sans  qu'elle  pût  jamais  réclamer  contre  la  violence  et  les 
snauvais  traitements  dont  elleétail  l'objet.  Enfin,  au  mois  de  septembre 
tô62,  Edith  prétexta  une  maladie,  afin  de  ne  pas  suivre  son  niaj 


DÉGISIONS    DE    LA   S.    G.    DU    GONCILE.  470 

dans  iin  nouveau  voyage;  elle  le  quitta  donc,  et  revint  à  la  maison  pa- 
ternelle, pour  entrer  ensuite  dans  nn  monastère.  Frédéric,  ne  pouvant 
la  faire  revenir,  obtint  du  tribunal  civil  de  Francfort  une  sentence  de 
divorce,  le  18  décembre  1862.  Au  mois  d'août  1863,  Edith  adres- 
sait au  Souverain-Pontife  une  snpplique  tendant  à  obtenir  la  déclaration 
de  nullité  de  son  mariflge. 

Le  Souverain-Pontife  ordonna,  le  M  janvier  suivant,  que  la  causefût 
examinée  par  la  Sacrée  Congrégation  du  Concile,  et  voulut  qu'à  cet  effet 
des  instructions  fussent  adressées  à  l'archevêque  de  Paris,  pour  qu'il 
fit  la  procédure  canonique  selon  les  formes  prescrites  par  la  Constitu- 
tion Dei  miseratiotie,  de  Benoît  XIV. 

Le  folium  du  rapporteur  contient  les  dépositions  des  époux  et  de 
dix  témoins  qui  furent  entendus  par  le  vicaire  général  de  Paris  et  par 
le  défenseur  du  mariage,  nommé  d'office.  En  voici  le  résumé. 

Les  époux  affirment  l'un  et  l'autre  que  le  mariage  n'a  jamais  été 
consommé.  —  Edith,  interrogée  sur  le  consentement  de  ses  parents, 
répond  :  «  Mon  père  n'a  jamais  consenti,  il  ne  s'est  présenté  à  l'église 
au  moment  du  mariage  que  pour  éviter  le  scandale.  »  Dans  un 
second  interrogatoire,  elle  dit:  «  Mon  père  a  protesté  jusqu'à  la  fin.... 
etc.  »  Et  parlant  de  sa  mère  :  «  C'est  elle  qui  avait  tout  combiné.  » 
Par  rapport  à  son  propre  consentement,  elle  affirme  «  ne  pas  avoir  été 
libre  de  manifester  son  opposition  » .  —  Frédéric  avoue  qu'il  a  donné 
à  Sara  l'ordre  formel  de  ne  pas  quitter  l'hôtel  de  la  rue  d'Arcole,  et  de 
ne  pas  permettre  qu'Edith  en  sortît;  il  ajoute  qu'Edith  voulait  réclamer 
contre  cette  espèce  de  détention,  mais  que  la  chose  était  impossible  à 
cause  de  l'exaspération  du  père  ;  que^  du  reste,  Sara  et  lui  auraient 
trouvé  moyen  de  rendre  inutile  toute  tentative  dans  ce  sens.  —  Le  père 
interrogé  parle  de  l'événement  comme  d'un  véritable  rapt  :  il  dit  que 
tous,  amis  et  ennemis,  l'ont  circonvenu  pour  obtenir  son  consentement 
comme  le  seul  moyen  de  sauver  l'honneur  de  sa  fille.  «  J'ai  donné  mon 
consentement  de  force,  comme  un  homme  qui  donne  sa  bourse  quand 
il  se  voit  le  pistolet  sous  la  gorge...  Si  j'ai  assisté  aux  diverses  cérémo- 
nies, ce  n'a  été  que  pour  éviter  le  scandale.  »  —  Les  autres  témoins 
font  connaître  une  foule  de  détails  très-importants,  qui  donnent  à  l'in- 


Û76  JURISPRUDENCE    CANONIQUE. 

cident  de  Dieppe  le  caractère  d'un  véritable  rapt,  et  confirment  pleine- 
ment la  complicité  de  la  mère  et  surtout  de  Sara,  qui  a  reçu  de  Fré- 
déric de  grandes  sommes  d'argent,  la  tentative  d'évasion  en  Angle- 
terre; les  cris  d'Edith  à  l'arrivéo  de  Frédéric  dans  le  wagon  occupé 
par  elle;  sa  détention  forcée k  l'hôtel  de  larued'Arcole  ;  enfin  la  triste 
physionomie  que  présenta  la  cérémonie  du  mariage, 

1.  Cela  posé,  le  défenseur  da  la  suppliante  entreprend  de  démontrer 
que  dans  l'espèce  il  y  a  eu  ahdiidio  malenalis  de  loeo  ad  îocum,  et 
par  conséquent  un  véritable  rapt,  qui  est  un  empêchement  dirimant. 
Voici  comme  il  procède. 

1°  Le  rapt  existe,  quand  même  la  femme  consentirait,  si  elle  est 
emmenée  contre  le  gré  de  son  père.  Cette  assertion  se  prouve  par  la 
raison  et  par  l'autorité.  «  Ralione  quidem,  quianulla  honestaac  vere- 
cunda  puella  sine  patris  venia  abducta  credi  potest,  quin  illius  hbertas 
per  dolum  fraudemque  violata  fuerit  :  aucloritatevero,  quiahanc  tenue- 
runt  senlentiam  Navarr.  Consil.  seu  resp.  lib.  5,  cons.  2;  De  Luca,  de 
Matrim.  dise.  5  ;  Cosci^  de  Sep.  thori  cap.  15,  n.  \l  seqq.  ;  Riganti 
ad  Reg  49  Cancell.  n.  68  seqq.,  aliique  ;  Rota,  deds.  498,  part.  14, 
et  alibi. 

2°  Il  suffit  que  la  femme  soit  victime  d'une  fraude,  et  tombe  ainsi 
malgré  elle  au  pouvoir  de  son  ravisseur.  Car  «  violentura  diciturquid- 
quid  contra  voluntatem  commitlilur  ;  at  hoc  verificatur,  quoties  per 
fraudem  aliquid  palratur.  Idcircodistinguilur  physica  a  morali  coaclione, 
atque  auctores  affirmant,  in  matriraonio  libertatem  Isedere,  quidquid 
vi  simile  ad  extorquendum  consensum  videatur.  (Cosci,  de  Sep.  thori 
lib.  1,  c.55,n.  2,seqq.;ë2iï\c\iez,  de  Matrim.  lib.  1,  disp.  12,  n.  13; 
Reifï'enstuel,  lib.  4  décret.,  tit.  1,  §  10,  n.  373,  aliique.)  » 

3°  Dans  le  cas  présent  il  y  a  eu  violence  manifeste.  «  Certum  est 
contrariam  fuisse  puelliE  voluntatem  ad  matrimonium  contrahendum  ; 
certae  suntmatris  insidiae  ad  eamdera  dedomo  educendam  ;  certa  deni- 
que  violentia  qua  in  domo  a  Federico  conducta,  detenta  est.  Igitur 
etiamsi  raptus  violentia  morali  inceperit,  vi  taraen  materiali  consum- 
matus  est.  » 
iMais,  d'après  le  concile  de  Trente,  le  rapl,  même  consommé,  cesse 


DÉCISIONS   DE"l.\    s.    C.    DU    CONCILE.  A77 

d'être  un  erapôchement,  i°  quanti  la  femme  enlevée  n'est  pas  restée  au 
pouvoir  du  ravisseur  ;  2°  quand  elle  en  a  été  séparée  ;  3°  quand  elle  a 
été  mise  en  lieu  sûr  et  libre;  4»  quand,  toutes  ces  conditions  étant  réa- 
lisées, elle  consent  à  épouser  son  ravisseur.  Or  il  est  clair  qu'aucune 
de  ces  conditions  ne  se  trouve  ici  vérifiée.  Donc  le  rapt  est  et  demeure 
une  cause  de  nullité. 

Le  défenseur  prouve  ensuite  que  le  mariage  n'a  pas  été  ratifié  par  la 
cohabitation  de  quatre  ans,  à  cause  de  l'aversion  manifestedes  époux  l'un 
pour  l'autre,  et  surtout  à  cause  de  la  violence  et  des  mauvais  traitements 
dont  Edith  fut  la  victime  pendant  les  longs  et  fatigants  voyages  que 
Frédéric  lui  imposa  malgré  elle.  Il  termine  en  observant  que,  même 
abstraction  faite  de  la  réalité  du  rapt,  si  on  veut  considérer  le  mariage 
comme  nul  pour  cause  de  violence  et  de  crainte,  la  ratification  n'a  pas 
eu  lieu  davantage;  car,  dit-il,  cet  empêchement  ne  pourrait  cesser  par 
la  cohabitation  prolongée,  que  dans  le  cas  oïl  il  serait  occulte  :  que  s'il 
est  public,  le  mariage  n'est  pas  pour  cela  revalidé.  Ainsi  l'enseignent 
Barbosa,  de  Offîc.  episc.  coll.  23,  n.  149;  Fagnan,  in  cap.  de  illis, 
H,  deSpotis.  imp.,  n.  13  ;  Schmalzgrueber,  Jus  eccl.  univ.,tom.  4, 
p.  1 ,  tit,  1 ,  §  420  ;  et  la  Sacrée  Congrégation  in  Panormitana  nulli- 
talis  matrim.  30  sept.  1719. 

H.  Le  défenseur  nommé  d'office  combat  pour  Ja  validité  du  mariage. 
Il  s'appuie  sur  ce  que,  d'après  le  récit,  la  jeune  fille  n'a  été  déterminée 
au  mariage  par  aucune  cause  externe,  par  aucune  violence  ni  physique, 
ni  morale,  mais  seulement  par  le  désir  de  sauver  son  honneur  com- 
promis. De  plus,  dans  sa  supplique,  pour  obtenir  l'annulation  de  son 
mariage,  elle  n'allègue  d'autre  motif  que  l'impossibilité  de  vivre  et  de 
s'accorder  avec  son  mari.  Il  attaque  ensuite  les  assertions  émises 
par  l'avocat  d'Edith,  et  voici  la  substance  de  son  argumentation. 

1"  11  n'y  a  pas  eu  rapt,  car  le  rapt  exige  deux  conditions,  sa- 
voir :  renuentia  mulieris,  et  de  plus  :  physica  abslractio  de  loco  ad 
locum  a  raptore  perpelrata.  (S.  Thom.  9-2,  q.  154,  a.  7;  Sanchez, 
diss.  12,  /.  7,n.  6.)  Or,  dans  le  cas  présent,  Edith  est  allée  librement, 
quoique  trompée,  dans  la  maison  de  Frédéric;  et  ce  n'est  pas  Frédéric 
qui  l'a  emmenée  chez  lui. 


478  JURISPRUDENCE    CANONIQUE. 

2''  Quand  même  la  raére  d'Edith  aurait  agi  comme  mandataire  de 
Frédéric  en  lui  amenant  sa  fille  par  fraude,  il  n'y  aurait  pas  encore 
rapt,  parce  qu'il  a  été  question  de  mariage  auparavant  (S.  Gong.  Conc. 
in  Olomucen.  9  julii  1769);  et  que  si  le  père  a  rejeté  la  demande  en 
mariage,  c'est  dans  la  fausse  supposition  que  le  jeune  homme  était  juif. 
Du  reste,  la  mère  avait  admis  clairement  la  proposition  de  mariage. 

3"  En  admettant  que  le  rapt  a  eu  lieu,  il  cesse  d'être  un  empêche- 
ment, du  moment  que  la  jeune  fille  n'est  pas  restée  au  pouvoir  du  jeune 
homme,  mais  qu'elle  est  sortie  librement  de  sa  maison,  qu'elle  esi 
retournée  librement  à  Paris,  qu'elle  a  habité  de  son  plein  gré  l'hôtel 
de  la  rue  d'Arcole,  où  elle  était  libre,  puisqu'elle  a  pu  aller  trouver  un 
avocat. 

4''  Le  père  a  assisté  au  mariage,  la  jeune  fille  a  consenti  ;  on  ne 
voit  là  aucune  apparence  de  violence  physique  ou  morale. 

5"  Quand  même  le  consentement  aurait  été  donné  par  suite  de 
violence,  ou  sous  l'empire  delà  crainte,  il  n'y  a  pas  empêchement  dans 
le  cas  présent,  parce  que,  de  l'aveu  de  tous  les  canonistes,  il  faut  que 
l'objet  de  la  crainte  soit  un  grave  dommage,  il  faut  que  celui  qui  inspire 
celte  crainte  puisse  ou  soit  supposé  pouvoir  donner  suite  à  ses  menaces; 
il  faut  de  plus  que  Ton  ne  puisse  pourvoir  à  sa  sécurité  en  recourant  à 
ses  supérieurs,  à  ses  parents,  ou  à  ses  amis.  Or  rien  de  lonl  cela  n'ap- 
paraît dans  l'espèce. 

6"  Enfin,  les  canonisles  enseignent  que  la  cohabitation  quadriennale 
est  plus  que  suffisante  pour  ratifier  le  mariage,  «  quia  tam  diuturna 
vitae  consuetudo  inducit  prœsumplionem  juris  et  de  jure,  mulierem 
libère  consensisse.  » 

Le  lecteur,  qui  a  sous  les  yeux  les  pièces  du  procès,  comprend  fa- 
cilement que  les  réponses  du  défenseur  d'office  ne  peuvent  subir  un 
examen  sérieux,  et  qu'elles  doivent  céder  à  la  force  des  arguments 
développés  par  l'avocat  delà  suppliante;  aussi  les  éminentissimes  cardi- 
naux, après  a  voir  pesé  mûrement  les  raisons  alléguées  de  part  et  d'autre, 
ont  résolu  celte  grave  affaire  en  se  déclarant  pour  la  nullité  du 
mariage. 

Dubium.  Anconslet  de  nulUtate  malrimomi  in  casu. 

Resp.  Affirmative. 


DÉCISIONS  DE    LA    S.    C.    DU   COKClLE.  â7Ô 

11. 
Calanen.  Parochialis.  Die  25]uniM864. 

L'église  paroissiale  de  Bronte  devint  vacante,  le  31  décembre  1847, 
par  la  mort  du  titulaire.  Bronte  est  une  ville  de  quinze  mille  âmes, 
appartenant  au  diocèse  de  Catane  (Sicile).  Avant  de  procéder  à  la 
nomination  canonique  d'un  successeur,  l'évêque  exigea  qu'on  produisît 
les  titres  originaux  constatant  l'érection  de  cette  église  en  cure  archi- 
presbytérale  ;  et  comme  ces  titres  avaient  péri,  il  donna  l'administra- 
tion de  la  paroisse  à  un  curé-économe.  L'affaire  en  resta  là  pendant 
plusieurs  années.  En  1852,  la  décurie  de  la  commune  (conseil  com- 
munal), craignant  qu'on  ne  vînt  à  nommer  un  simple  recteur  amovible 
ad  tiutum,  s'adressa  au  préfet  de  la  province  pour  faire  confirmer  le 
droit  de  cette  église  au  titre  de  paroisse  (jus  parochialilalis);  et  le 
8  juin  de  l'année  suivante,  un  décret  royal  déclara  que  l'église  de 
Bronte  était  une  véritable  paroisse,  que  son  titulaire  avait  la  dignité 
d'archiprêtre,  et  que  ce  bénéfice  ne  pouvait  être  conféré  que  par  voie 
de  concours.  Une  autre  difficulté  avait  été  soulevée  en  même  temps;  la 
commune  revendiquait  le  droit  de  patronage  sur  cette  cure,  sous  pré- 
texte qu'elle  en  payait  le  revenu.  Mais,  considérant  que  ses  prétentions 
allaient  apporter  de  nouvelles  entraves  à  la  marche  de  l'affaire,  la  dél«- 
curiese  décida  à  y  renoncer  le  21  août  1853,  et  supplia  instamment 
l'évéque  de  vouloir  bien  sans  retard  intimer  le  concours. 

Près  de  six  années  s'écoulèrent  encore.  Enfin,  le  l"^'  avril  1859 
l'évéque  ouvrit  le  concours.  Un  seul  candidat  se  présenta  dans  le  délai 
voulu  :  ce  fut  un  prêtre  âgé  de  28  ans,  originaire  delà  ville,  et  nommé 
Salvalore  P.  Il  fut  examiné  et  admis  le  25  mai  suivant.  A  peine  connue, 
cette  admission  produit  un  immense  scandale,  et  soulève  de  toutes 
parts  les  plus  vives  réclamations.  Le  clergé  rédige  une  protestation  si- 
gnée de  30  prêtres  ;  et  la  décurie  «  considérant  que  l'élu  est  jeune, 
sans  expérience,  détesté  du  peuple  pour  l'irrégularité  de  sa  conduite..,* 
notifie  au  gouvernement,  à  l'évéque,  et  à  l'intendant  de  la  province,  le 
vœu  unanime  de  la  commune,  afin  qu'on  prenne  les  moyens  d'empêcher 
l'institution  canonique. 


480  JURISPRUDENCE    CANONIQUE. 

Mais  toutes  ces  réclamations  ayant  élé  inutiles,  le  clergé  s'adresse  au 
Saint-Siège  le  26  juin.  Observant  entre  autres  raisons  que  l'évoque, 
après  avoir  laissé  passer  six  mois  sans  intimer  le  concours,  ne  pouvait 
plus  faire  la  collation,  il  supplie  la  Sacrée  Congrégation  de  donner  la 
déclaration  suivante  :  Jus  providendi  ecc  lesiam  parochialem  Bronlis 
de  idoneo  redore  ab  Antistite  ad  S.  Sedem  devolntum  esse,  ex  Con- 
tilutione  S.  Pii  Fin  conferendis  diei  15  Marlii  1567. 

Le  17  septembre,  on  écrit  àl'évêque  de  Çatane  de  vouloir  bien  en- 
voyer des  explications  sur  les  causes  du  retard,  sur  les  formes  obser- 
vées dans  le  concours,  sur  l'âge,  les  mœurs,  la  science  et  les  qualités 
du  sujet  admis.  Il  se  contente  de  répondre  qu'il  a  observé  en  tout  les 
formes  prescrites  par  les  SS.  Canons  ;  et  quelquesjours  après,  il  donne 
à  Salvatore  ses  lettres  d'institution  et  de  collation.  Bientôt  le  clergé  de 
h  ville  réitère  ses  instances  à  la  Sacrée  Congrégation,  en  lui  dénon- 
çant la  conduite  scandaleuse  que  mène  le  nouvel  archiprélre  depuis  sa 
prise  de  possession.  L'archevêque  de  Monreale,  consulté  sur  cette  af- 
faire en  qualité  demétropolilain,  confirme  toutes  lesaccusations  portées 
contre  l'élu.  L'évêque  de  Catane  étant  mort  sur  ces  entrefaites,  le  vi- 
caire capitulaire  reçoit  l'ordre  de  faire  une  nouvelle  enquête.  Dans  sa 
réponse  du  25  février  1862,  il  expose  les  diverses  raisons  du  retard 
qu'éprouva  la  convocation  du  concours,  et  quant  au  concours  lui- 
raéme,  il  observe  :  i"  Que  le  jour  de  l'examen  n'a  pasétéfixé,  ni  dans 
l'édit  de  convocation,  ni  ultérieurement  ;  2°Queles  examinateurs  pro- 
synodaux ont  en  effet  été  constitués  du  consentement  des  chanoines 
présents  ce  jour-là  à  l'office,  mais  que  les  chanoines  n'étaient  pas  as- 
semblés capitulairement  et  qu'il  n'y  eut  pas  de  scrutin  secret.  Du 
reste  la  faute  n'est  pas  imputable  aux  chanoines,  parce  que  depuis  1854 
l'évêque  se  contentait  de  notifier  au  chapitre  par  son  premier  notaire 
les  noms  des  examinateurs,  qu'il  choisissait  lui-même.  3°  Il  ajoute 
qu'il  n'y  a  dans  les  actes  du  concours  que  deux  attestations  de  bonnes 
mœurs,  données  par  le  curé-économe  de  Bronte.  11  ne  peut  dire 
pourquoi  l'évêque  a  conféré  un  bénéfice  réservé  au  Saint-Siège  par 
droit  de  dévolution,  ni  pourquoi  il  a  donné  l'institution  malgré  les  ré- 
clamations qui  se  sontélevées.  Enfin  il  atteste  la  mauvaise  réputation  de 


I 


DÉCISION   DE    LA   S.   C.    DU   CONCILE.  A81 

Salvatore,et  transmet  à  l'appui  plusieurs  pièces  contenant  les  accusa- 
tions les  plus  graves  contre  lui. 

Averti  de  pourvoir  à  sa  défense,  le  nouvel  archiprêlre  se  contenle 
de  prolester  dans  quelques  lettres  contre  la  jalousie  et  la  rivalité  de 
ses  adversaires,  et  atTirme  qu'il  n'y  a  pas  lieu  de  douter  de  la  légilinnité 
de  son  élection. 

Après  tous  ces  préliminaires,  la  cause  fut  enfin  proposée  au  jugement 
de  la  Sacrée  Congrégation  du  Concile. 

I.  Le  clergé  de  Brome  s'est  constitué  un  défenseur  chargé  de  sou- 
tenir sa  réclamation.  Voici  ses  principaux  arguments: 

i"  Pour  une  paroisse  de  libre  collation,  le  concours  doit  être  intimé 
par  l"évéque  dans  les  six  mois  qui  suivent  la  vacance.  {Syn.  Trid.  sess. 
24,  cap.  18,  de  Reform.  S.  Pu  V.  Constitutio  In  conferendis  ; 
Beuedicti  XIV  Constitulio  Quod  inscrutabili.)  Or,  il  s'écoula  non 
pas  six  mois,  mais  bien  dix  ans  avant  la  convocation  du  concours. 
L'évoque  avait  donc  perdu  son  droit,  et  la  collation  était  dévolue  au 
Saint-Siège. 

2°  Aucun  empêchement  extrinsèque  et  invincible  ne  s'opposait  à 
l'intimalion  du  concours,  cgr  la  prétention  de  vérifier  les  titres  origi- 
naux de  fondation  de  la  paroisse  n'était  pas  soulenable  en  présence 
des  registres  paroissiaux,  des  bulles  d'institution  des  prédécesseurs, 
et  d'un  usage  de  plus  de  trois  siècles,  qui  ne  laissaient  aucun  doute  sur 
la  queslion. 

3°  Même  en  admettant  la  réaliié  de  cet  empêchement,  il  faudrait 
prouver  que  l'évêque  a  fait  ses  diligences  pour  l'écarter  ;  et  comme 
plusieurs  années  s'écoulaient,  il  devait  recourir  au  Saint-Siège  pour 
obtenir  un  délai. 

A"  Le  déciet  royal  de  jure  parochialitatis  ayant  été  donné  le  8  juin 
1  855,  l'obstacle  n'existait  plus,  et  le  délai  de  six  mois  accordé  pour 
l'intimation  du  concours  courait  à  partir  de  ce  jour.  Or  le  concours  n'a 
été  ouvert  que  cinq  ans  plus  tard,  le  30  mars  1859. 

5°  La  prétention  de  la  commune  au  droit  de  patronage  n'était  pas  un 
obstacle,  puisqu'elle  fut  retirée  à  la  suite  du  décret  du  8  juin  1853. 
Du  reste,  à  cette  époque,  il  s'était  écoulé  plus  de  quatre  mois  sans  que 
Revoe  des  sciences  eccles.,  t.  jx.— novembre  1864.  32 


482  JURISPRUDENCE    CAIJJO^'IQUE . 

la  commune  eût  présente  son  candidat  ;  elle  avait  donc  perdu  son  droit 
de  présentation. 

6°  Le  droit  revenait  alors  tout  entier  à  l'évêque,  qui  devait  immé- 
diatement conférer  le  bénéfice  dans  les  formes  prescrites  ;  et  comme  il 
a  tardé,  il  y  a  eu  lieu  à  la  dévolution.  {Fagnan,  in  cap.  Cu m  propter, 
de  jure  patron.  ;  Vivian,  de  jure  patron,  lib.  5,  cap.  %  n.  26^  p.  2; 
Rota  in  Bononien,  Parochiali  26jaîniar.  171!,  etc.) 

1"  Après  avoir  rappelé  les  régies  canoniques  qui  doivent  être  obser- 
vées dans  les  concours,  le  défenseur  prouve  la  nullité  du  concours  en 
question,  à  cause  de  plusieurs  vices  de  forme. — 1°  Le  jour  del'examen 
n'a  pas  été  fixé  ; —  2°  le  candidat  n'a  produit  aucun  témoignage  attes- 
tant l'intégrité  de  sa  foi  ;—  3*  il  n'y  a  pas  eu  d'examinateurs  synodaux 
et  prosynodaux  élus  dans  les  formes;  —  4°  les  examinateurs  désignés 
n'ont  pas  prêté  serment;  —  5"  on  a  négligé  l'enquête  sur  les  mœurs 
du  candidat,  enquête  que  les  accusations  rendaient  nécessaire.  Or,  un 
seul  de  ces  vices  frappe  le  concours  de  nullité,  d'après  les  termes  des 
constitutions  de  S.  Pie  V et  de  Benoît  XIV,  et  d'après  la  jurisprudence 
reçue  dans  la  Sacrée  Congrégation. 

8"  Le  défenseur  passant  à  l'examen  du  jugement  de  l'évêque,  prouve 
qu'il  est  injuste  et  nul,  parce  que  le  clergé,  après  avoir  inutilement  pro- 
testé de  concert  avec  le  peuple  et  la  décurie,  s'était  adressé  au  Saint- 
Siège  le  29  juin  1859,  pour  l'avertir  que  le  droit  de  collation  lui  était 
dévolu  depuis  longtemps.  Parlant  de  cette  démarche  près  du  Saint- 
Siège,  l'orateur  s'exprime  ainsi  :  «  Haec  aut  incidens  est  petilio  super 
determinanda  competentia,  antequam  instilutio  locum  habeat  ;  aut  ap- 
pellatio  ab  actis  concursus.  Utroqne  in  casu  instilutio  locum  habere 
non  debuisset,  nam  quando  in  primo  casu  agitur  de  quaestione  praeju- 
diciali,  ex  Leg.  2,  Cod.  de  Ord.  cognition.  supersederi débet  in  merito 
principali,  donec  prœambula  qusestio  absolvatur.  Quando  vero  agitur 
in  secundo  casu  de  appellatione  ad  superiorem,  orania  pênes  inferiorem 
in  suspenso  manere  debent,  juste  vel  injuste  provoealio  interposita  sit, 
ïeg.  6  ff.  de  appeU.'  »  D'autant  plus,  ajoute-t-il,  que  le  Saint-Siège 
avait  déjà  commencé  l'examen  de  la  cause  en  procédant  aux  infor- 
mations ordinaires.  11  était  donc  absurde  de  donner  l'institution,  et 
de  dirioier  ainsi  la  controverse  avant  le  jugement  du  Saint-Siège. 


DÉCISIONS   DE   LA   S.    C.    DU    CONCILE.  483 

9°  Le  jugement  de  l'évêque  est  encore  nul  et  wjuste,  à  cause  de  la 
baine  et  de  l'aversion  de  toute  la  ville  pour  le  prêtre  admis  ;  car, 
d'après  le  droit,  «NuUus  invilus  et  non  pelentibus  ordinetiir,  ne  civi- 
las...  non  optatum  aut  contemnat,  aut  oderit.  »  {Can.  Nullus  invitas 
dist..Q^,  et  çan.  Si  farte,  d'ist.  63,  in  fine.)  Que  cette  haine  fût  juste 
ou  injuste,  il  fallait  s'abstenir  de  donner  l'institulion  à  Salvatore.  Car, 
comme  l'a  dit,  dans  une  cause  précédente,  cette  même  Congrégation,  si 
inimicitiae  parochianorum  justae  et  rationabiles  sint,  parocbus  est  omnino 
privandus  ;  si  vero  sint  iDJustae  et  irralionabiles,  tune  estremovendus.  » 
{In  Reatina  Parochialis,  Z  sept,  il \S,  et  nuperrime  in  Bergom. 
Siispensionian,  irregularitatis  etprivationis  payœcix,5decemb.  1863, 
g  Atlamen.)  Du  reste  cette  haine  générale  dont  l'élu  était  l'objet  n'avait 
d'autre  cause  que  son  inexpérience  et  sa  conduite  déréglée.  L'évoque 
ne  pouvait  donc  en  aucune  manière  lui  donner  l'institution,  car  selon 
la  pensée  de  la  constitution  Cim  illudàa  Benoît  XIV,  Instituendi  tan- 
tum  .sunt  qui  morihus,  gravitate  ac  pndenlia,  prohalo  nomine,  diu- 
turno  Ecclesix  famulalirac  mulliplici  virliitum  laude  prxcellnnt. 

IL  Le  préire  Salvatore,  comme  il  a  été  dit  plus  haut,  n'a  constitué 
aucun  avocat  pour  la  défense  de  ses  droits.  Voici  cependant  les  ar- 
guments qu'on  pourrait  faire  valoir  en  sa  faveur. 

1°  A  cause  de  la  double  question  pendante  devant  les  tribunau;x 
suprêmes  [questio  parochialitalis  et  qusestio  juris  patronatus),  l'évo- 
que gardait  le  droit  de  la  collation, d'après  ce  principe  :  Ignoranti,  vel 
légitime  impedito  tempora  non  currunt. 

2»  La  première  question  ayant  été  résolue  le  8  juin  i853,  restait  la 
question  du  droit  de  patronage;  or  la  sentence  de  renonciation,  donnée 
par  la  décui  ie  le  21  août  1853,  ne  pouvait  avoir  de  valeur  qu'après 
avoir  élè  ratifiée  par  décret  royal,  ce  qui  n'a  eu  lieu  que  le  17  février 
•1859:  l'évêque  pouvait  donc  encore  ouvrir  le  concours  le  1^' avril 
suivant. 

3<*  Les  différentes  irrégularités  qui  se  sont  glissées  dans  le  concours 
ne  paraissent  atteindre  que  sa  forme  accidentelle  et  extrinsèque,  d'où  il 
suit  qu'elles  ne  sont  pas  une  cause  de  nullité. 

4°  L'aversion  du  peuple  pour  le  piêlre  Salvatore  fut  injuste,  car  si 


/|84  JURISPRUDENCE    CANONIQUE. 

l'évêque  avait  trouvé  quelque  chose  de  réprehensible  dans  ses  mœurs, 
ii  ne  lui  aurait  pas  donné  l'instilulion.  Et  comme  le  clergé  et  le  peuple 
se  sont  ensuite  élevés  contre  lui  à  cause  de  son  admission,  il  doit  être 
excusé, s'il  a  dû  prendre  des  moyens  extrêmes  pour  imposer  silerce  â 
ses  adversaires  et  faire  cesser  le  scandale,  qui  du  reste  n'a  d'autre 
cause  que  la  jalousie  et  l'envie. 

50  Cela  posé,  les  éminentissimes  cardinaux  sont  Invités  à  examiner 
s'il  n'y  a  pas  lieu  d'invoquer,  dans  l'espèce,  la  règle  36  delà  chancel- 
lerie sur  la  possession  triennale:  Si  quis ecclesiastka  bénéficia  absque 
timû7iiaco  ingressu  exApostolicavel  ordinaria  collatione  per  triennixim 
pacifiée  possèdent,  super  iisdem  leneficiis  taliter  possessis  nequù  mo- 
kstari.  Mais  comme  le  bénéfice  de  celte  règle  ne  s'applique  qu'à  la 
possession  pacifique,  c'est  à  la  sagesse  de  leurs  Eminences  Révérendis- 
simes  à  décider  si  les  réclamations  et  les  plaintes  de  tout  genre  qui  se 
sont  élevées  contre  le  jeune  archiprêtre,  ont  empêché  sa  possession 
d'être  pacifique,  et  à  résoudre  en  conséquence  les  doutes  suivants: 

Dubia. 

I.  A71  constet  de  nullitate  concursus  incasuf 

Et  quatenus  négative. 

II.  An  et  quomodo  sustineattir  collalio  Parœcise  favore  Salvatoris 
P.  in  cxishf 

Resp.  Ad  T"  et  S"""  CoUationem  non  suslineri^  et  provisionem 
speclare  ad  Sanctam  Sedem. 

N.  F. 

Prof,  (te  droit  canonique. 


BIBLIOGRAPHIE. 


Caesarls  Hi.  R.  E.  Card.  Baronii,  Od.  Kaynai.di  et  Jac.  Laderchii. 
Cougregationis  Oratorii  presbylerorum,  Annales  ccclcsiastici  de- 

nuo  e.xcusi  et  ad  nostra  usque  tempora  perdiicii  ab  Augustino  Theiner, 
ejusdem  Congregalionis  presbytero,  sanctiorum  tabulariorum  Vatica- 
ni  prœfecto,  etc.,  etc.  Barri-Ducis,  typis  et  sumptibus  L.  Guérin.  Tomi  i 
et  II,  gr.  40,  xvi-615  et  iv-644  pp.  (la  fr.  le  volume  pour  les  souscri- 
pleura  actuels.  L'ouvrage  aura  45  volumes  environ.) 


Dans  un  temps  où  l'activité  des  esprits  se  tourne  vers  l'étude  du 
passé,  les  catholiques  ne  peuvent  avoir  rien  de  plus  à  cœur  que  de  se- 
conder ce  mouvement.  L'histoire  mieux  connue,  c'est  la  glorification 
de  l'Église  dans  tous  les  âges,  malgré  les  misères  inséparables  de 
l'humanité  ;  c'est  l'hérésie,  c'est  le  rationalisme  privés  de  tous  leurs 
moyens  d'attaque  et  de  défense.  Les  immortelles  Annales  de  Baronius 
sont  nées  au  xvl*"  siècle  du  besoin  de  réfuter  les  calomnies  et  les  in- 
dignes travestissements  des  centurialeurs  de  Magdebourg.  Une  nou- 
velle édition  du  Père  de  l'Histoire  ecclésiastique  n'a  pas  moins  d'op- 
portunité en  ce  moment.  Cet  ouvrage  est  de  ceux  dont  le  mérite  est 
impérissable,  malgré  des  fautes  de  détail  inévitables  quand  on  fraie  le 
premier  la  voie,  inévitables  surtout  à  une  époque  où  les  ressources  lit- 
téraires n'étaient  pas  multipliées  comme  aujourd'hui.  Telles  qu'elles 
sont,  les  Annales  de  Baronius  n'en  restent  pas  moins  l'ouvrage  clas- 
sique tout  à  fait  indispensable  à  l'historien  comme  au  théologien.  La 
continuation  de  Raynaldi  jouit  delà  même  réputation  parmi  les  savants  : 
elle  reproduit  les  sources  avec  beaucoup  d'abondance,  de  critique  et 
de  fidélité.  En  joignant  à  cet  ensemble  la  critique  de  Pagi,  on  a  une 
véritable  Somme  historique  digne  de  prendre  place  à  côté  delà  Somme 
théologique. 


486  BIBLIOGRAPHIE. 

Il  y  manquait  cependant  quelque  chose  encore.  Baronius  s'arrête  â 
la  fin  du  XII'  siècle,  Raynaldi  continue  le  fil  de  l'iiistoire  jusqu'en 
1565,  Laderchi  jusqu'en  4571.  Restait  la  période  écoulée  depuis  lors, 
et  qui  n'est  pas  la  moins  importante.  Un  oratorie  n  connu  par  ses 
grands  travaux  historiques,  le  R.  P.  Theiner,  a  depuis  longtemps  en- 
trepris de  continuer  les  Annales.  Déjà  trois  volumes  de  cette  conti- 
nuation ont  paru  à  Rome  en  1856. 11  était  tout  naturel  que,  songeant 
à  réimprimer  Baronius,  M.  Guérin  chcrcliâl  à  s'assurer  le  concours  de 
ce  savant  spécial,  désigné  d'avance  par  ses  travaux  et  par  sa  position 
comme  préfet  des  archives  du  Vatican.  Le  célèbre  oratorien  hésitait  à 
se  charger  d'une  semblable  lâche  :  les  encouragements  de  Pie  IX 
firent  tomber  toutes  ses  hésitations,  et  l'entreprise  fut  décidée. 

Nous  n'avons  pas  à  en  faire  ressortir  longuement  l'importance  ;  nous 
n'avons  pas  à  dire  non  plus  tout  ce  que  promet  la  direction  du  P.  Thei- 
ner. Il  suffira  de  faire  connaître  le  plan  de  l'édition. 

Le  texte  de  Baronius  et  de  ses  continuateurs  est  réimprimé  en  en- 
tier, avec  la  critique  de  Pagi.  Les  notes  de  Mansi,  moins  importantes, 
sont  fréquemment  omises.  Un  avis  de  M.  Guérin  nous  apprend  que  le 
P.  Theiner  se  propose  de  donner  plus  tard  et  séparément  une  série 
d'annotations  en  rapport  avec  l'état  actuel  de  la  critique  et  des  investi- 
gations de  la  science.  Toutefois,  le  P.  Theiner  ne  parle  point  de  ce 
projet  dans  sa  préface.  Nous  désirons  vivement  qu'il  puisse  le  réaliser 
un  jour. 

Les  monuments  insérés  dans  les  Annales,  tels  que  chartes,  privi- 
lèges des  papes  ou  des  empereurs,  etc.,  seront  revus  avec  un  grand 
soin  et  une  grande  exactitude.  Le  P.  Theiner  regrette  que  différentes 
causes  et  surtout  le  manque  de  temps  l'empêchent  d'étendre  le  même 
travail  aux  textes  des  conciles  et  des  auteurs  ecclésiastiques.  Nous 
partageons  ses  regrets;  mais  tout  le  monde  comprend  que,  dans  la 
nécessité  de  faire  un  choix,  il  fallait  aller  au  plus  pressé,  et  laisser  au 
lecteur  le  soin  de  consulter  lui-même, quand  la  nécessité  s'en  fera  sen- 
tir, les  sources  facilement  accessibles. 

La  question  du  pouvoir  temporel,  soulevée  par  les  aspirations  anti- 
chrétiennes de  la  Révolution  j  a  pris  de  nos  jours  une  grande  inipor- 


BCTIIOGRAPHIE.  487 

tance.  Le  P.  Theiner  détachera,  pour  les  insérer  à  leur  place,  les 
principales  pièces  publiées  par  lui  dans  son  Codex  diplomaticus  Domi- 
niei  temporalis  S.  Sedis, 

La  continuation  est  prête  jusqu'à  la  fin  du  xviiP  siècle,  ou  du  moins 
tous  les  matériaux  sont  réunis  et  coordonnés  ;  il  n'y  a  plus  qu'à  y 
mettre  la  dernière  main  :  l'auteur  nous  en  donne  l'assurance.  Cette 
continuation  sera  publiée  parallèlement  avec  les  parties  anciennes,  â 
partir  du  quatrième  ou  cinquième  volume.  H  est  facile  d'établir 
d'avance  la  tomaison  sur  un  calcul  précis,  pour  que  plus  tard  elle  se 
suive  régulièrement. 

L'ensemble  sera  couronné  par  un  Apparalus  criticus  plus  riche  que 
celui  de  l'édition  de  Mansi  :  on  y  trouvera  des  ootiom  de  chronologie 
universelle,  des  tables  de  concordance  et  autres^  une  notice  sur  les  an- 
ciens Calendriers  et  Martyrologes,  des  listes  chronologiques  des 
papes,  des  empereurs,  des  chefs  des  principaux  États,  des  trois  élec- 
teurs ecclésiastiques,  chanceliers  de  l'empire,  et  comme  tels  appelés 
souvent  à  signer  les  diplômes  des  rois  et  des  empereurs.  Enfin  cet 
Apparattts  comprendra  aussi  un  catalogue  de  toutes  les  provinces  ec- 
clésiastiques, des  évêchés  et  des  monastères  au  moyen-âge.  Ce  der- 
nier appendice  est  un  travail  nouveau  fait  sur  des  manuscrits  du  xiii» 
et  du  xiv«  siècles. 

Un  autre  supplément  sera  consacré  à  l'histoire  des  auteurs  ecclésia- 
stiques jusqu'à  la  fin  du  xv"  siècle.  On  y  traitera  brièvement,  par 
ordre  chronologique,  de  leurs  principaux  ouvrages  et  de  leurs  éditions. 
€Sette  notice  sera  d'une  grande  utilité  pour  comprendre  et  apprécier  à 
leur  valeur  les  citations  faites  à  chaque  pas  dans  le  cours  des  Annales. 

Nous  terminons  cette  exposition  un  peu  aride,  mais  qui  suifit  pour 
faire  apprécier  à  sa  valeur  une  des  plus  magnifiques  p\ib|lications  de  ce 
tôBopa.  La  science  n'aurait  qu'à  s'applaudir  de  l'activilé  ^e  nos  édi- 
tôora,  s'ils  étaient  toujours  aussi  intelligent^  dans  le  chw  <i^Ç  ouvrages 
à  reproduire  et  des  forces  dont  ils  doivent  s'assurer  lo  concourç.  Ud 
mot  maintenant  sur  la  partie  matérialle  et  t^cbaiqu^  de  l'entreprise. 
L'ejéeutiôD  typographique  est  très-belle,  trè«,->netle  et  ti'^-cofrecte  ; 
U  papier,  bo»  at  solide;  la  dis|)osition  du  le>}iMf  ^9  ç^m^iioée  en 


A88  BIBLlOGRAPmE. 

vue  du  coup  d'œi!,  de  la  commodité  du  lecteur  et  de  la  facilite  des 
recherches.  Le  format  est  majestueux,  sans  être  embarrassant  :  c'est 
le  grand  in-4'',  dont  les  dimensions  reproduisent  celles  du  petit  in-folio 
d'autrefois.  Les  amateurs  diificiles  trouveront  peut-être  que  l'épaisseur 
des  volumes  n'est  point  proportionnée  à  la  grandeur  du  format.  Plu- 
sieurs eussent  désiré  que  les  volumes  fussent  plus  forts,  sauf  à  les  payer 
en  proportion  :-la  différence  eût  été  compensée  par  le  nombre,  et  cette 
combinaison  aurait  même  permis  de  réaliser  une  économie  sur  les 
frais  de  reliure.  Nous  avons  souvent  eu  tendu  faire  des  observations 
analogues  à  propos  de  certaines  publications  modernes.  Avis  à  mes- 
sieurs les  éditeurs. 

Nous  engageons  vivement  les  théologiens  et  surtout  les  établisse- 
ments publics  et  religieux  à  se  procurer  cette  édition  de  Baronius,  qui 
sera  évidemment  la  meilleure,  la  seule  complète,  et  que  nulle  autre  ne 
pourra  remplacer.  Le  prix  en  est  relativement  modique  :  celte  dé- 
pense, d'ailleurs,  est  rendue  presque  insensible  par  les  délais  inhérents 
au  mode  de  souscription  et  par  les  autres  facilités  qu'offre  l'éditeur. 

E.  Hautcœur. 


De  fitacratissima  Verbi  DiTini   Incarnatione  Compendium, 

auclore  P.  Dion.  Paris,    Vivèi,  rue  Delambre,  9  ;  Limoges,    Dilhaa- 
Vivès,  nie  Faubourg-Boucherie,  8.  Ia-12  de  198  p. 

C'est  avec  un  vif  plaisir  que  nous  annonçons  cet  ouvrage  â  nos  lec« 
teurs.  M.  l'abbé  Dion  n'est  pas  à  son  début.  En  1862,  il  a  donné  un 
petit  traité  de  l'Église,  qui  a  reçu  des  théologiens  le  meilleur  accueil 
et  qui  a  exercé  une  salutaire  influence  sur  l'enseignement  (Tour- 
nai et  Paris,  Casternian).  Le  volume  qui  paraît  cette  année  mérite  éga- 
lement de  fixer  l'attention  des  esprits  sérieux. 

Le  traité  est  divisé  en  trois  parties  :  Pars  triplex  erit  :  1.  De  Us 
qux  sacram  Incarnalionem  antecedunt  ;  IL  De  m  quss  ipsam  consti- 
tuunt;  IlL  De  Us  quœ  stibseqmintur. 

La  nécessité,  la  convenance  et  les  causes  de  cet  adorable  mystère 
sont  exposées  dans  la  première  partie.  L'auteur  y  a  résumé  tout  ce 
que  les  auteurs  ont  enseigné  à  ce  sujet.  Il  l'a  résumé  avec  vie,  netteté, 


BIBLIOGRAPHIE.  /l89 

intérêt  et  science.  Si  l'espace  le  permettait,  nous  citerions  la  page  14, 
qui  traite  de  la  nécessité  de  l'Incarnation  dans  l'hypothèse  que  Dieu 
exige  une  réparation  complète,  et  tout  l'article  consacré  à  la  conve- 
nance de  l'Incarnation.  On  ne  peut  rien  lire  de  plus  intéressant  que 
l'endroit  où  est  examinée  la  question  de  savoir  si  l'Incarnation  n'a  eu 
pour  fin  prochaine  que  le  rachat  des  pécheurs  (pp.  33-40).  Parlant  de 
la  cause  efficiente,  l'auteur  termine  ainsi  •  Âctio  Incarnationis  in  iclu 
omli  effecta  fuit.  Sacratissimmn  momentum  iîlud  quo  Verbum  caro 
factum  est,  us  anni  diebus  positum  fuit  quando  hiems  transit  et  flores 
apparent  in  terra  noslra.  Tune  flos  de  radice  Jesse  ascendit  e  quo  flores 
omnes  alii,  et  in  Nazareth  ascendit,  hoc  est,  in  civitate  florida.  Vox 
turturis  audila  fuit,  quando  Beata  Virgo  dixil  :  Fiat,  et  suum  Magni- 
ficat cecinit  (p.  28). 

La  deuxième  partie  traite  de  l'existence  et  de  la  nature  de  l'Incar- 
nation. Paucis  evolvendum  habemus  Jncarnationem  esse  l'>  factum, 
2°  revelalum,  3°  scitu  necessarium.  Quibus  patefît  utrum  et  quo  sensu 
existât  :  trois  pensées  fort  bien  développées  de  la  page  40  à  la  page 
46.  Quant  à  la  nature  de  cet  adorable  mystère,  le  Compendium  la 
montre  en  établissant  que  Jésus-Christ  est  Dieu  et  homme  ;  en  lui  ces 
deux  natures  sont  unies  hypostatiquement. 

Il  traite  de  cette  union  hypostatique  avec  une  clarté  et  une  précision 
qui  ne  laissent  rien  à  désirer  (pp.  54-59)  :  Admittenda  omnino  est 
in  Cliristo  :  1»  Unie  non  moralis  sed  hypostatica;  2°  non  confusionis, 
sed  distinctionis  naturarum  ;  3°  non  confusionis,  sed  distinctionis  vo- 
luntatum  et  operationum ;  ^^  ex  qua  idiomatum  communicatio ;  b^qtix 
e/floruit  in  vita  Christi,  et  6"  ctijus  pars  qusedam,  ut  loquitur  Suarez, 
fuit  B.  Virgo  Maria  et  S.  Joseph,  quse  omnia  per  partes  exponenda 
S2Ui/(p.5y).Chacun  des  points  de  cette  division  si  naturelle  est  ensuite 
examiné.  Le  punctum  v,  consacré  à  la  vie  de  Notre-Seigneur  com- 
mence ainsi  (p.  76)  :  Florem  fuisse  Dominum  Jesum,  ieslem  habemus 
Isaiam.  Quomodo  flos  ille  effloruerit  ubique  mirum  spargens  odorem  : 
et  abiit  opinio  ejus,  ac  fructum  nobis  salutiferum  gustandum  in  mortis 
8UX  tempore  prxbuerit,  evolvendum  esset,  sed  ne  nimii  stmws,  ad  eum 
remittimus  qui  de  Christo,  teste  Christo,  bene  scripsit,ad  S.  Thomam, 


490  BIBLIOGRAPHIE. 

qui  tottts  et  accurale  de  hae  materia  îegendus  est.  Cela  n'empêche  pas 

l'auteur  de  donner  un  excellent  abrégé  de  cette  vie  sacrée. Or,  ajoute- 
t-il, cette  vie  appartient  à  l'histoire;  il  n'est  permise  personne  d'en  al- 
térer les  faits  par  des  interprétations  de  fantaisie. 

Présentée  selon  la  belle  doctrine  de  Suarez  comme  une  certaine 
portion  de  l'Incarnation,  Marie  s'offre  à  nous  après  Jésus.  Avec 
tonte  la  théologie,  l'auteur  place  sur  la  tête  de  la  Reine  du  ciel  la 
couronne  d'une  sainteté  presque  infinie^  la  couronne  d'une  perpétuelle 
virginité,  et  enfin  la  couronne  de  la  maternité  divine  (pp.  82-84). 
Saint  Joseph  apparaît  après  son  incomparable  épouse  (p.  83), 
r  La  troisième  partie  est  consacrée  aux  elïets  de  l'Incarnalion.  Trac- 
iandoriim  in  isla  tiUïma  parle  summa  hxc  est  :  Ex  incarnatione 
qnxdam  immédiate  veniunt  quoad  Christum,  id  est  :  Dotes  et  Tituli  ; 
immédiate  quoad  nos  :  satisfactio  ac  mérita  in  nos  effusa.  Ob  ipsam 
auiem  qnscdam  immédiate  redeunt  ad  Christiim  :  Cullus  lalr'xx  quo 
adoratur  et  cultus  crucisiiUus  quam  sanguine  coulactuque  consecravit  : 
et  médiate,  cultus  Sandorum  quœ  sunl  Christi  mystica  membra.  Sed, 
cum  reliquix  an  imagines  pars  Sandorum  sint  aut  certe  ipsorum  ex- 
tensio,  ideo  de  ipsarum  çultu  tractandum  eril  sicque  omnia  absolven- 
fur  quse  deChr'isto  sunt  dicenda. 

Parmi  les  titres  de  Jésus-Christ,  nous  avons  lu  avec  plaisir  ceux  de 
roi,  de  médecin,  admirablement  développés.  Ne  pouvant  citer  ces  pas- 
sages, bornons  nous  à  les  indiquer.  Rien  de  mieux  résumé  que  le  pas- 
sage consacré  à  la  vérité  de  la  satisfaction  de  Notre-Seigneur. 

Citons  encore  l'appendice  (p.  457-196),  où  se  lisent  des  extraits  de 
la  théologie  de  Périgueux,  et  surtout  une  courte  réfutation  des  sys- 
tèmes récents  contre  le  caractère  de  l'histoire  évangélique  et  la  divinité 
du  Christ. 

En  un  mot, ce Compendiwm  est  complet,  bien  divisé,  bien  nourri  de 
doctrine  :  l'exposition  y  est  claire,  intéressante  et  pieuse. 

Il  est  dédié  au  Sacré-Cœur  de  Notre-Seigneur  et  à  la  Très-sainte 
Vierge,  in  injuriarum  reparationem .  Cette  dédicace,  unie  à  son  mé- 
rite intrinsèque,  lui  assureront  tout  le  succès  qu'il  mérite  et  que  noss 
désirons  pour  lai.  N.-C.  Le  Roy. 


BIBLIOGRAPHIE.  491 

lift  C^nfeflston  on  l'Amour  de  Jésus  poar  les  pénitents,  par  H.-E  ; 

Manning.  Traduit  de  l'anglais  par  L.  Pallabd.  Paris,  Martin  Beaupré 
frères.  In-18  de  vu-192  pp. 

Ce  petit  livre,  qui  a  paru  l'an  dernier,  et  qui  vient  d'être  traduit 
en  français,  est  peut-être  la  production  la  plus  exquise  qui  soit  sortie 
de  la  plume  de  iMgr  Manning.  Tout  ce  qui  vient  de  l'illustre  converti 
est  simple  autant  que  savant.  C'est  le  résultat  de  l'élude  et  celui 
de  l'expérience,  d'une  double  étude  et  d'une  double  expérience,  avant 
et  après  la  conversion.  L'auteur  a  vu  la  confession  se  dresser  devant 
lui  comme  une  question  formidable,  longtemps  avant  qu'il  l'acceptât 
comme  une  croyance  dans  la  plénitude  de  la  foi.  Il  a  dû  chercher, 
pour  s'en  rendre  compte,  les  causes  de  l'institution  divine,  ses  preuves, 
sa  portée.  Il  en  a  vu  le  côté  rebutant,  et  sous  cet  aspect,  il  a  deviné, 
puis  reconnu  son  ulilité.  Ce  livre  est  fait  pour  démontrer  cette  utilité, 
ou  plutôt  cette  nécessité  du  sacrement.  Il  est  divisé  en  cinq  confé- 
rences, où  la  confession  est  présentée  corarae  le  moyen  spécial  choisi 
par  Notre-Seigneur  Jésus-Christ  pour  y  exercer  sa  miséricorde  envers 
nous,  pour  donner  au  pécheijr  la  vraie  connaissance  de  lui-même, 
pour  perfectionner  sa  contrition,  pour  assurer  la  réparation  de  ses 
fautes,  pour  l'affermir  enfin  dans  la  voie  de  la  persévérance.  C'est  un 
traité  pratique  où  la  théologie  et  la  philosophie  ont  leur  part,  et  où  la 
théologie  sait  être  profonde  en  restant  claire.  Mgr  Manning  a  tou- 
jours détesté  le  fracas  des  grands  mots. 

Ce  qu'il  déteste  également,  c'est  d'avancer  une  opinion,  ou  même 
un  fait  dont  il  ne  s'est  pas  rendu  compte.  Vous  reconnaissez  à  chaque 
page  l'exercice  de  celui  qui  a  dû,  sous  la  conduite  de  l'Esprit-Saint, 
frayer  pour  soi  la  route  vers  la  vérité.  Le  sujet  a  été  décomposé,  et 
chacun  de  ses  éléments  analysé.  Le  lecteur  passe  avec  satisfaction 
à  travers  les  diverses  phases  de  celte  élaboration,  parce  qu'il  a  sous 
les  yeux  des  résultats  complets,  et  qu'il  touche  la  vérité  du  doigt.  Rien 
de  meilleur  que  les  chapitres  où  la  confession  s'offre  comme  moyen 
d'obtenir  la  coanaissance  de  soi-même  et  la  contrition  parfaite.  La 
description  de  notre  amour-propre  est  achevée.  On  y  voit  à  nu  ses 


A02  BIBLIOGRAPHIE. 

ruses,  ses  détours,  ses  rêves,  ses  illusions,  ses  mensonges,  et  dans  son 
plein  jour,  l'impossibilité  pour  l'homme  de  se  bien  connaître  lui-même 
s'il  ne  s'examine  avec  le  plus  grand  soin^  et  s'il  ne  réfère  à  un  autre 
ses  propres  jugements.  L'auteur  dit  :  Ceux  qui  se  connaissent  le 
mieux  eux-mêmes  sont  les  moins  trompés.  Sans  un  don  extraordinaire, 
riiomme  s'apprécie  rarement  à  son  juste  prix.  Il  surfait  la  valeur  de 
toutes  ses  bonnes  qualités,  et  comme  le  Pharisien  de  lÉvangile,  il  se 
trompe  grossièrement  quand  il  se  met  en  parallèle  avec  le  prochain. 
Cette  parabole  de  Noire-Seigneur  a  inspiré  à  l'auteur  une  page  admi- 
rable. Les  protestants  ne  sont  pas  désignés  sous  le  masque  de  l'homme 
superbe  qui  lève  le  front  et  refuse  d'avouer  ses  fautes,  et  de  frapper  sa- 
poitrine,  mais  quoiqu'ils  ne  soient  pas  nommés,  on  les  voit.  Sous 
l'image  duPublicain,qui  dit  son  crime,  qui  s'abaisse,  qui  s'humihe  jus- 
qu'au pavé  du  Temple,  on  reconnaît  le  chrétien  fidèle  à  la  confession, 
et  qui  trouve  dans  ses  humiliations  salutaires  le  remède  à  l'orgueil  et 
à  tous  les  maux  qui  l'accompagnent.  Voici  le  même  homme  hier 
et  aujourd'hui  :  ee  qu'il  faisait  en  s'applaudissant,  tout  à  l'heure 
deviendra  détestable  à  ses  yeux,  et  lui  fera  verser  des  ruisseaux  de 
larmes.  L'art  des  gens  du  monde  est  de  ne  s'inquiéter  d'aucune  de 
leurs  fautes  ;  puis  l'amour-propre  et  ses  flatteries  font  que  l'on 
rejette  sur  autrui  le  mal  de  la  propre  faute  ;  et  de  tout  cela  naît  un 
contraste  frappant  avec  les  saints  qui  s'approchaient  chaque  jour 
du  tribunal  sacré,  examinaient  chaque  jour  leur  conscience  et  trou- 
vaient aussi  quotidiennement  en  eux  la  matière  pour  dire  à  Dieu  : 
«  Pardonnez-nous  nos  offenses  »  En  lisant  ce  petit  livre,  on  recon- 
naît d'un  bout  à  l'autre  l'homme  qui,  pendant  toute  sa  vie,  s'est  péné- 
tré de  la  sainte  Écriture  et  des  écrits  des  Saints,  et  qui  commente  les 
textes  les  plus  sublimes  de  l'Apocalypse  avec  la  même  lucidité  qui 
coule  doucement  dans  son  Catéchisme  aux  enfants. 

H.  Girard. 


CHRONIQUE. 


1.  Livres  mis  à  l'index  (décret  du  20  septembre  1864)  : 

La  Judia  errante,  Novella  filosofico-social,  por  Ceserino  Tressera. 
Madrid,  libreria  de  Antonio  San  Martin  1862. 

Almanaque  rfemocra/ico  para  elano  bisiesto  de  1864,  por  varios  so- 
cios  del  Ateneo  catalan.  Barcellona,  J  Lopez  editor,  libreria  espanola. 

Die  Rœmische  Index  Congrégation  tind  Ihr  Wirken.  Historisch 
Kiitische  Betrachtungen  zur  Aufklœrung  des  Gebildeten  Publikums. 
Miinchen  1863.  Latine  vero:  Romana  IndicisCongregatioejusqueacta. 
Animadversiones  historico-criticae  etc.  Monachii  1863. 

Risposta  del  Senatore  Giovanni  Siotto  Pintor  alla  lettera  dell'  Ar- 
civescoYO  di  Cagliari  intorno  al  Dominio  temporale  dei  Pontefici.  Milano 
1864. 

Vita  ed  avventure  galanti  del  cavalière  Faublas  de  Lotivet.  Livorno, 
societa  éditrice  1862. 

Vita  di  Gesù  Cristo  messa  a  confronta  con  Napoleone  I,  Garibaldi 
èl  col  Papato,  alla  portata  dellintelligenza popolare,  perR.  Vella.  Na- 
poli,  tipografia  di  Luigi  Gargiulo  1864.  —  Decr.  S.  Officii,  fer.  IV, 
die  14  julii  1864. 

Corne  si  possa  difendere  la  Chiesa  cattolica  nelle  sue  preghiere  pei 
Defonti  incrirainata  dagli  eterodossi.  Memoria  del  Sacerdote  Vincenzo 
DeVit.  Prato,  tipografia  F.  Alberghetti  et  G.  1863.—  Decr  S.  Officii, 
fer.  IV,  die  7  sept.  1864,  Auctor  laudabililer  se  subjecit,  et  opus 
reprobavit. 

2.  Les  bibliothèques  de  bons  livres  sont  incontestablement  un  des 
moyens  de  propagande  les  plus  recommandables  et  les  plus  efficaces. 
Au  poison  des  mauvaises  lectures,  de  jour  en  jour  plus  répandu,  il 
n'y  a  qu'un  seul  remède  à  opposer  :  les  bonnes  lectures,  les  bons 


A9A  CHRONIQUE. 

livres,  mis  à  la  disposition  de  tous.  Nous  croyons  donc  être  utile  à  nos 
confrères  en  leur  indiquant  un  moyen  facile  de  fonder  les  bibliothèques 
paroissiales.  11  est  proposé  par  la  maison  Casterman,  de  Tournai  (suc- 
cursale à  Paris,  rue  Bonaparte,  66,  M.  P.  Laroche,  gérant).  Quel- 
ques lignes  du  prospectus  feront  connaître  cette  combinaison. 

«  Une  personne  dévouée  au  bien  réunira  25  membres  ou  associés, 
s'engageant  à  verser  chacun  5  cenlimes  par  semaine  durant  20  mois. 

«  Moyennant  ce  modeste  tribut,  les  associés  obtiendront  immédia- 
tement, en  toute  propriété,  une  bibliothèque  de  100  à  200  volumes 
d'une  valeur  de  loû  francs,  à  choisir  dans  un  vaste  catalogue  de  livres 
nouveaux,  irréprochables  au  point  de  vue  de  la  foi  et  de  la  morale,  et 
dont  les  prix  ont  été  réduits  d'un  tiers  en  faveur  de  l'œuvre. 

«  Ces  150  francs  de  livres  ne  seront  facturés  que  100  francs, 
payables  eh  cinq  versements  de  20  francs  chacun,  échelonnés  de  quatre 
en  quatre  mois;  le  premier  paiement  se  fera  donc  seulement  lorsque 
la  cotisation  hebdomadaire  de  o  cenlimes  aura  pu  produire  ladite 
somme  de  20  fr.,  et  ainsi  des  autres. 

«  Si,  lors  du  dernier  versement,  on  veut  doubler  la  bibliothèque, 
on  pourra  recommencer  un  nouveau  terme  aux  mêmes  conditions  pour 
d'autres  hvres. 

((  Inutile  de  faire  ressortir  que,  par  les  facilités  d'un  si  long  crédit, 
la  dépense  deviendra  presque  insensible. 

«  Plusieurs  autres  faveurs  viennent  encore  s'ajouter  à  celle-ci  ; 

«  l'^  Transport  gratuit  pour  toute  la  France  et  la  Belgique  sur  les 
grandes  voies  desservies  par  chemins  de  fer  ou  messageries. 

«  2°  Franchise  des  frais  d'emballage,  ce  qui  constitue  un  avantage 
sensible,  car  le  colis  renfermant  une  bibliothèque  formera  une  masse 
très-pondéreuse  qu'il  faut  préserver  de  toute  avarie  pendant  un  trajet 
qui  peut  être  très-long. 

*  ù°  Aux  livres  étiquetés,  numérotés  et  catalogués,  nous  joindrons 
un  REGISTRE  à  l'usage  de  la  Société,  et  quarante  exemplaires  du  Ca- 
talogue DE  LA  BIBLIOTHÈQUE  et  d'uu  RÈGLEMENT  conçu  dans  l'espril 
de  l'œuvre.  » 

On  peut  se  procurer,  en  le  demandant  par  lettre  affranchie,  un  ca- 
talogue détaillé  qui  renferme  tous  les  renseignements  désirables. 


CHRONIQUE.  h9h 

3.  La  maison  Castcrman,  dont  nous  venons  de  parler,  se  dislingue 
par  son  incessante  activité  et  le  bon  choix  de  ses  publications.  Beau- 
coup d'ouvrages  de  piété  ou  d'éducation,  beaucoup  de  livres  populaires 
sortent  de  ses  presses,  mais  elle  édite  aussi  des  ouvrages  d'un 
caractère  plus  scientifique  et  plus  élevé.  Nous  citerons,  parmi  les 
plus  récentes,  et  nous  recominanderons  à  l'attention  de  tous  :  Eccle- 
six  catholicx  demonstratio,  ex  probatis  anctoribus  deprompta  et  {id 
usum  scholartim  conclnnata,  curante  F.  Labis  {S"  324  pp.,  3  fr.).  — 
Expositio  rubricarum  Breviarii,  Missalis  et  Ritualis  Romani,  cum  ad- 
notalionibus  de  origine, ratione  ac  sensu  mystico  rubricarum, caererao- 
niarum  et  festorum,  in  quatuor  partes  distincta,  cura  G.-F.-J.  Bou- 
VRY.  Altéra  éd.  aucta  et  emendata  (2  vol.  8^,  xxvi-1266  pp.,  \0  fr.). 
—  Vie  ei  Institut  de  saint  Alphonse-Marie  de  Liguori,  évêque  de 
Sainte-Agathe  des  Goths,  et  fondateur  de  la  Congrégation  du  Trés- 
Saint-Rédempteur,  par  S.  E.  le  cardinal  Clément  Villecourt,  d'après 
les  Mémoires  du  P.  Tannoia  et  divers  documents  authentiques  (4  vol. 
8«,  xxvii-2231  pp.  et  portrait,  20  fr.j. 

4.  De  grands  travaux  de  réimpression  continuent  toujours  à  alimen- 
ter l'activité  de  nos  éditeurs  ^religieux.  M.  Vives  a  donné  le  premier 
volume  des  Dogmes  ihéologiques  de  Thomassin,  qui  étaient  depuis 
longtemps  annoncés:  Dogmata  theologica Ludovici  Thomassini  preshy- 
teri  Congrégation is  oratorii  D.  Jesti.  Editio  nova,  in  qua  textus  ipse 
auctoris  diligcnter  fuit  recognitus,  et  cuncta  loca,  lam  SS.  Patrum, 
quam  variorum  scriptorum,  fuerunt  innumeris  mendis  expurgata,  et 
quando  opporlunum  visum  est,  adnotalionibus  illustrata,  opéra  et  stii- 
dio  P. -F.  Escalle,  in  seminario  Trecensi  sacrae  theologiœ  professons. 
T.  i,  gr.  8"  à  2  col.,  X'.i-660  pp.  L'ouvrage  complet,  en  7  vol.,  coû^ 
tera  80  fr.  sur  papier  vergé,  et  50  fr.  sur  papier  vélin.  —  Une  autre 
grande  maison  de  librairie  nous  offre,  dans  une  élégante  réimpression, 
V Ancienne  et  la  Nouvelle  discipline  de  l'Eglise,  de  Thomassin,  revue 
et  continuée  jusqu'à  nos  jours  par  M.  l'abbé  André.  (Bar-le-Duc,  Guérin. 
T.  let  II,  gr.  8°  à  2col.,  xxxi-549,608pp.  11  y  aura  7  vol.  du  prix<le 
49  fr.).  Le  nouvel  éditeur  reproduit  le  texte  français,  qui  offre  la  ré- 
daction primitive  de  l'ouvrage  :  seulement  il  adopte,  pour  la  distribu- 


hQQ  CHRONIQUE, 

lion  des  matiéreS;  l'ordre  plus  méthodique  de  la  traduction  latine  pu- 
bliée par  Thomassin  lui-même.  Quant  aux  notes  du  nouvel  éditeur, 
elles  contiennent  des  matériaux  intéressants  et  utiles.  A  ce  titre  elles 
ne  peuvent  manquer  d'être  bien  accueillies.  Nous  ne  sommes  pas  en 
mesure  de  nous  prononcer  dune  manière  plus  complète  sur  ce  travail: 
c'est  à  peine  si  nous  avons  pu  y  jeter  un  rapide  coup  d'œil. 

5.  En  même  temps  qu'il  annonce  le  quatrième  volume  des  Acia 
sanctontm,  M.  Victor  Palmé  fait  connaître  ses  grands  projets  pour 

l'avenir.  Nous  reviendrons  là-dessus  quand  ces  projets  auront  pris 
plus  de  consistance  et  quand  nous  pourrons  apprendre  à  nos  lecteurs 
quelque  chose  de  positif.  Nous  nous  bornons  en  ce  moment  à  un 
acte  de  sympathie  accompagné  d'une  prière.  Nous  voudrions  que 
pour  la  collection  des  Conciles,  au  lieu  du  lourd  in-folio,  on  choisît 
rin-4'',  plus  maniable  et  moins  cher.  En  ce  qui  concerne  les  Acta 
sanctorum,  le  choix  du  format  n'était  pas  libre  :  il  fallait  prendre  ce- 
lui de  la  continuation  qui  se  publie  à  Bruxelles.  Mais  pour  les  Conciles, 
il  en  est  tout  autrement.  Nous  regretterions  beaucoup  qu'on  s'arrêtât  à 
l'in-folio. 

6.  Chez  M.  Palmé  encore,  le  R.  P.  Marin  de  Boylesve  publie  une 
série  d'études  historico-apologéliques.  Deux  parties  ont  paru  jusqu'à 
présent  :  Les  Luttes  de  l'Eglise.  Première  lutte  :  l'Eglise  et  le  Paga- 
nisme (1865,  8°  de  H3  pp.).  —  Deuxième  lutte  :  l'Église  et  l'Hé- 
résie (1863,  8°  de  145  pp.).  Nous  nous  contentons  d'annoncer  ces 
productions  d'une  plume  bien  connue,  qui  a  déjà  mérité  beaucoup 
de  l'Eglise  et  de  la  vérité.  Nous  y  reviendrons  plus  tard.  Une  mention 
en  passant  à  la  belle  Histoire  du  Monde,  de  MM.  Henri  et  Charles  de 
Riancey,  considérablement  augmentée  ou  plutôt  refaite  par  ce  dernier, 
qui  a  tenu  à  conserver  sur  le  titre  le  nom  d'un  frère  chéri,  enlevé  de- 
puis longtemps  aux  lettres  chrétiennes.  La  seconde  édition  aura  10 
volumes  in-8°,  dont  deux  sont  publiés.  (Paris,  Palmé.  50  fr.,  avec 
prime  pour  les  souscripteurs.)  L'exécution  typographique  a  un  cachet 
vraiment  exceptionnel. 

E.  Hautcœur. 


Arras.  — Typ.  Rousseau-Leroy^  rue  Saint-Maurice,  id. 


TRIPLE  GALLICANISME. 


L  oa  a  déjà  beaucoup  écrit  contre  le  gallicanisme,  et 
toutefois  on  pourrait  croire  que  la  controverse  n'est  pas 
encore  terminée  C'est  ce  que  semble  révéler  la  fièvre 
de  gallicanisme  qui,  depuis  la  déplorable  affaire  de  la 
liturgie  lyonnaise,  tourmente  la  presse  protestante  et 
antireligieuse.  Est-ce  à  dire  que  nous  ayons  le  dessein 
de  recommencer  contre  les  gallicans  une  polémique  en 
forme  ?  Non,  les  bornes  de  la  Revue  ne  nous  ne  le  per- 
mettent pas.  Nous  voulons  du  moins  contribuer  à  rendre 
cette  polémique  plus  simple  et  plus  facile,  en  indiquant 
les  branches  diverses  du  gallicanisme,  avec  leurs  carac- 
tères distinctifs,  et  le  genre  d'arguments  qu'il  convient 
de  leur  opposer.  Peut-être  notre  travail  ne  sera-t-il  pas 
entièrement  inopportun. 


Le  gallicanisme  peut  revêtir  et  revêt  une  triple  forme. 
Il  est  tantôt  le  gallicanisme  laïque  et  des  parlements, 
tantôt  le  gallicanisme  théologique  et  des  écoles,  tantôt  enfin 
le  gallicanisme  pratique. 

I.  Le  gallicanisme  parlementaire  consiste  dans  un  en- 
semble de  maximes  empruntées  au  césarime  païen  pour 
opprimer  l'Église  et  la  réduire  en  servitude.  Le  docte 
Charlas  l'a  défini  :  Oppressionem  jurisdictionis  ecclesiasticœ 
a  laïca  (de  Libertat.  Eccles.  Gallic  ).  C'est  celui  des 
Pithou,  des  Dupuy,  des  Fébronius,  des  Durand  de  Mail- 
lare,    des  Camus,   des   Portails,  des  Dupin,  des  auteurs 

Revue  des  Sciences  ecclés.,  t.  x. —  hécembre  18C4.  33 


/l98  TRIPLE    GALLICANISME. 

de  la  couslitutioii  civile  du  clergé.  Sou  dogme  à  lui 
c'est  l'omuipotence  de  l'État,  et  l'absorption  de  l'É- 
glise au  profit  de  la  société  civile.  Sa  formule  c'est  la 
célèbre  parole  de  M.  Dupin  :  Soyons  catholiques,  mais 
soyons  gallicans!  Ce  qui  signifie  fort  clairement  que  la  foi 
doit  toujours  céder  à  la  politique  et  à  la  raison  d'État. 
Quelques  citations  textuelles  de  Portails  et  de  Dupin,  ces 
deux  fidèles  disciples  de  Pithou,  ne  laissent  aucun  droit 
à  cet  égard. 

«L'unité  de  la  puissance  publique  et  sou  universalité,  « 
dit  Portails,  «  sont  une  conséquence  nécessaire  de  son 
«  indépendance  :  la  puissance  publique  doit  se  suflQre  à 
«  elle-même  :  Elle  nest  rien,  si  elle n  est  tout.  Les  ministres 
c(  de  la  religion  ne  doivent  pas  avoir  la  prétention  de  la 

«  partager  ni  de  la  limiter A  (elle)  seule  il  appartient 

«  de  prendre  le  nom  de  puissance  dans  le   sens  propre.  » 
[Rapport  sur  les  articles  organiques,  etc.) 

«  Je  laisse,  »  dit  M.  Dupin,  «  au  pouvoir  spirituel  tout 
«  ce  qui  tient  au  dogme  et  à  la  foi  -,  mais  je  revendique  pour  le 
a  pouvoir  politique  le  droit  de  veiller  avec  empire  sur  la  disci- 
«  pline  ecclésiastique  et  sur  la  police  des  cultes,  et  de  contenir 
a  chacun  dans  le  devoir.  »  [Manuel  du  Droit  public  ecclésia- 
stique, introduction.) 

II.  Le  gallicanisme  théologique  a  d'autres  tendances.  11 
respecte  sincèrement  l'Église,  et  la  proclame  entièrement 
indépendante  de  l'État.  11  affirme  hautement  la  pleine 
liberté  des  ministres  ecclésiastiques,  et  c'est  à  ses  yeux 
un  sacrilège  que  de  vouloir  les  troubler  dans  la  sphère 
de  leurs  attributions.  Le  gouvernement,  de  l'Église  est 
monarchique,  il  eu  convient  ;  et  au  Pape  il  accorde  sans 
hésiter  la  primauté  suprême  et  l'universalité  de  juridic- 
tion que  le  Concile  de  Florence  lui  reconnaît  avec  toute 
l'antiquité  :  Definimns  sanctam  apostolicam  Sedem  in  univer- 
sum  orbem  ienere  primatum,   et  ipsum  Pontificem  Romanum 


TRIPLE    GALLICANISME.  499 

svecessoi'em  esse  B.  Pétri et  ipsi  in  B.  Petro  pascendi,  re- 

(jendi  ne  gubeniandi  nniversalem  Ecclesiam,  a   D.  N.  J.  C. 
plenam  potestatem  traditam  esse. 

Mais  la  monarchie  ecclésiastique  est-elle  absolue  ou 
tempérée?  Le  pouvoir  du  monarque  peut-il  être  pondéré 
par  l'action  des  princes  subalternes,  ou  Lien  s'exerce-t-il 
dans  la  plus  entière  indépendance?  Telle  est  la  grande 
question  que  le  gallicanisme  a  soulevée  et  qu'il  veut  ré- 
soudre. La  monarchie  absolue  lui  inspire  des  répugnances. 
Il  préfère  admettre  dans  l'Église  un  système  de  gouver- 
nement semblable  aux  monarchies  constitutionnelles,  où 
le  monarque  reste  toujours  justiciable  des  pouvoirs  qui 
lui  sont  associés.  11  opte  donc  pour  une  monarchie  tem- 
pérée dans  le  sens  de  la  division  des  pouvoirs  ;  et  voilà 
son  dernier  mot. 

On  le  voit,  le  gallicanisme  de  l'École  dispute  sur  des 
questions  purement  théologiques,  et  qu'il  croit  de  bonne 
foi  appartenir  au  domaine  des  opinions  libres  :  Le  Pape 
est-il  infaillible?  le  Pape  est-il  supérieur  au  Concile  général  ? 
A  quoi  les  gallicans  disent  :  Non  -,  mais  avec  tant  de  pré- 
cautions et  de  réserves  qu'en  vérité  leur  assertion  doit 
être  placée  au  rang  de  ces  idées  et  de  ces  systèmes  des- 
tinés à  n'amener  jamais  aucune  conséquence  pratique  (1). 


(1)  Touruely,  dansson  traité  de Ecclesia,  offre  un  remarquable  exemple 
des  restrictions  et  des  réserves  que  les  gallicans  apportent  à  leurs  prin- 
cipes pour  les  empêcher  de  tourner  à  mal.  C'est  ainsi  que  tout  ep 
niant  l'infaillibilité  du  Pape,  il  oblige  les  fidèles  à  acquiescer  en  toute 
sincérité  aux  décisions  dogmatiques  émanées  du  Saint-Siège,  avant  même 
que  l'Église  dispersée  ait  pu  témoigner  de  son  adhésion  :  «  Tenentur 
«  fidèles  Poutiticùm  de  Fide  constitutionibus,  juxta  morem  receptum  in 
«  unoquoque  regno  promulgatis,  acquiescera,  etium  mentis  obsequio  ; 
«  quanquam  nondum  constat  de  acceptalione  ac  consemu  aliarum  Eccle- 
«  siarum  ;  adeoque  etiamsi  nondum  plane  irreforma'nles  dici  possùit  tune 
«  temporis  illœ  Constitutiones.  »  (Tom.  u,  pag.  '-285.) — Bien  plus,  en  cas 
de  dissentiment  survenu  entre  le  Pape  et  une  partie  du  corps  épiscopal, 
la  vérité  sera  toujours  du  côté  de  ceux  qui  ont  le  Pontife  pour  eux, 
fusseot^ils  en  miuofité  :  «  Quod  si  contingeret,  in  aliqua  fidei  contro- 


500  TRIPLE    GALLICANISME. 

An8si  leur  formule  est-elle  dans  le  motjusleraeut  célèbre 
de  3lgr  Frayssinous  :  «  Soyons  gallicons,  mais  soyons  cntho- 
«  lignes.  Eestons  fermes  dans  nos  maximes  françaises.,  mais 
«  ne  prétendons  pas  nous  eu  faire  un  bouclier  contre  les 
«  droits  divins  du  Saint-Siège  ou  TÉglise  universelle.  » 

Que  d'autres  examinent  si,  en  toute  rigueur  de  logique, 
le  gallicanisme  de  FÉcole  n'aboutirait  pas  à  la  négation  du 
catholicisme,  et  même  du  christianisme  il)  :  nous  tenons 
seulement  à  constater  que  ni  Bossuet,  ni  les  évêques  de 
France  qui  pendant  plus  d'un  siècle  ont  soutenu  la 
doctrine  de  la  trop  fameuse  déclaration  de  1682,  n'ont 
consenti  aux  indignes  et  fréquents  attentats  du  gallica- 
nisme parlementaire  (2  . 

III.  Enfin,  à  côté  du  gallicanisme  spéculatif  qui  se  con- 
tente de  disserter,  s'en  élève  un  autre  qui  agit.  Rarement 
il  tourne  ses  regards  vers  Rome  :  bien  moins  encore 
songe-t-il  à  lui  emprunter  une  règle  de  conduite.  C'est 
aux  théologiens  français  qu'il  va  demander  la  connais- 
sance des  dogmes,  aux  canonistes  français  la  science  des 


«  verîia  divisos  esse  ppiscopos,  atque  plures  ex  una  parte  cum  Pontifice 
«  Romano,  plures  ex  altéra  parte  sine  Pontifice  stare,  hnud  dubie  ei 
«  parti  adhœrendum  foret  quœ  capiti  conjuncta  esset  ;  ista  enim  pars  me- 
«  lior  ac  sanior  censeri  deberet,  et  Ecclesiam  sufficienter  referre,  n  (Tom.  i, 
p,  313;  tom.  ti,  p.  163.) 

De  tels  aveux  ôtent  tout  danger  aux  doctrines  gallicanes.  Cependant 
il  est  fàcbeu.x  que  Tournely  n'ait  pas  su  se  préserver  des  embrouillements 
qui  déparent  son  traité.  Tel  qu'il  est,  un  commençant  ne  pourrait  le  lire 
avec  fruit.  Moyennant  quelques  corrections,  le  traité  de  JScc/esî'a  devien- 
drait digne  des  autres  ouvrages  de  ce  pieux  et  savant  théologien.  Nous 
espérons  qu'un  éditeur  intelligent  rendra  ce  service  aux  bonnes  études. 

(1)  Le  pape  Pie  VII  dit  un  jour  à  quelques  évêques  français  :  Si  vous 
vous  obstinez  à  être  gallicane,  vous  finirez  par  ne  plus  être  catholiques.  — 
Le  Journal  de  Rome  (août  1823),  allant  plus  loin  encore,  disait,  au  grand 
scandale  de  M.  Dupin  :  Un  Christianisme  gallican  n'est  rien  moins  que  le 
Christianisme. 

(S)  Dans  son  traité  de  Jura  Liturgico  (p.  89  et  suiv.),  M.  Bouix  a  par- 
faitement apprécié  les  doctrines  du  gallicanisme  théologique  touchant 
l'indépendance  des  deux  pouvoirs.  Nous  y  i envoyons  nos  lecteurs. 


TRlPLli:    GALLICANISME.  501 

lois,  aux  moralistes  français  la.  méthode- pour  diriger  les 
âmes.  Doctrine,  discipline,  morale,  rien  n'est  bon  que  ce 
qui  se  dit,  se  pense  et  se  pratique  en  France.  Voilà  le 
gallicanisme  'pratique. 

Or,  de  quelle  source  émane-t-il? 

Vraisemblablement  ces  enthousiastes  défenseurs  des 
maximes  et  des  usages  de  la  France  obéissent  à  un  sen- 
timent très-catholique  en  lui-même,  mais  fort  mal  dirigé, 
l'amour  des  traditions.  Au  fond,  ils  aiment  tendrement 
l'Église  et  le  Pape,  et  parce  qu'ils  ont  entendu  dire  que 
plusieurs  fois  dans  le  cours  de  son  histoire,  la  France  mé- 
rita d'être  proposée  par  les  Papes  eux-mêmes  à  l'univers 
entier  comme  un  modèle  de  dévouement  intelligent  et 
fort,  ils  croient  en  toute  sincérité  ne  pouvoir  mieux  faire 
que  d'imiter  ce  qu'ils  ont  vu  dans  le  cercle  où  ils  se  meu- 
vent. Volontiers  ils  prendraient  pour  devise  :  Soyons  gal- 
licans afin  d'être  plus  catholiques.  Ils  oublient  malheureuse- 
ment que  les  éloges  décernés  par  les  Papes  à  la  France  du 
moyen-âge,  n'ont  pas  toujours  été  confirmés  par  eux  en 
faveur  de  la  France  moderne. 

IV.  Mais,  nous  demande-t-on,  par  quel  lien  ces  trois 
gallicanismes  se  rattachent-ils  ? 

Il  faut  bien  l'avouer-,  les  gallicans  catholiques  n'aper- 
çoiventpas  ce  lien.  Comment  en  effet,  pourraient-ils  rester 
un  instant  gallicans,  s'ils  soupçonnaient  que  leurs  maximes 
les  rapprochent  des  disciples  de  Pithou  ?  Toutefois,  pour 
ne  pas  être  aperçu,  le  lien  commun  n'en  est  pas  moins 
réel;  un  peu  d'attention  nous  en  convaincra.  T  Dire  avec 
le  gallicanisme  théologique  que  le  Pape  n'est  point  in- 
faillible, et  que  sa  primauté  ne  le  soustrait  pas  à  l'autorité 
des  conciles  généraux,  n'est-ce  pas  affirmer  par  là  même 
la  possibilité  d'une  scission  entre  le  Chef  de  l'Église  et  le 
corps  épiscopal?  Dès  lors,  n'est-ce  pas  créer  au  pouvoir 
civil  la  dangereuse  tentation  de  faire  naître  cette  scission 


602  TRIPLE    GALLICANISME, 

si  fuaesfce,  d'entraver  ainsi  l'action  de  l'Église  et  de  s'em- 
parer finalemcat  de  l'adiniuistration  des  choses  spiri- 
tuelles? On  prête  à  Napoléon  F""  une  parole  énergique  : 
Avec  les  quatre  articles  de  la  déclaration  de  1682,  je  puis  me 
passer  du  Pape.  Le  mot  est-il  authentique  ?  Nous  ne  le  dis- 
cuterons pas:  et  au  fond,  il  importe  peu.  Toujours  est-il 
que  cette  parole  exprime  parTaitement  la  pensée  des 
légistes  et  le  but  secret  de  leurs  efforts. 

Nous  croyons  même,  et  la  chose  nous  semble  susceptible 
de  démonstration,  que  le  gallicanisme  théologique  est  né 
sous  rinflucncc  du  gallicanisme  parlementaire.  Ou  s'a- 
perçut en  effet,  que  le  clergé  n'accepterait  jamais  une 
&<OQ,irme-  schismatique .  Ou  la  pallia  donc,  et  on  la  lui  pré- 
senta sous  la  forme  adoucie  d'articles  qui,  en  affirmant 
l'autorité  du  Pape,  relevaient  en  même  temps  l'autorité 
des  évêques.  Le  clergé  se  laissa  prendre  au  piège,  et  ne 
s'aperçut  pas  que  sous  prétexte  de  restaurer  sa  grandeur 
primitive,  les  parlementaires  avaient  en  réalité  détruit 
toute  sa  force,  en  l'isolant  du  centre  de  l'unité  catholi- 
que :  Divide  et  imper  a. 

2"  Le  gallicanisme  pratique  n'échappera  pas  davantage 
à  la  délétère  influence  du  gallicanisme  des  parlements. 
Car  enfin,  l'habitude  de  se  renfermer  en  matière  de  reli- 
gion dans  la  sphère  étroite  des  idées,  des  appréciations 
et  des  mœurs  nationales,  n*amène-t-elle  pas  forcément 
un  oubli  quasi-total  de  la  règle  suprême  et  du  centre 
unique  ?  Et  comment  résisterait-il  aux  ingérences  du  pou- 
voir civil  dans  les  choses  spirituelles  ?  Est-ce  que  le  prince 
n'est  pas  la  plus  haute  représentation  des  idées  du  pays  ? 
Non,  jamais  le  Grecs  n'eussent  quitté  le  chemin  de  l'or- 
thodoxie et  la  voie  de  l'unité,  si,  cédant  à  des  vues  moins 
étroites,  ils  n'eussent  pas  obstinément  rejeté  les  avertis- 
sements et  les  coutumes  de  Rome.  Leur  patriotisme  ex- 
cessif les  a  conduits  à  substituer  leurs  empereurs  au  suc- 


Tl'.il'LI-    GALLICANISME.  ^Q?( 

scur  de  saint  Pierre,  et  du  joug  des  Césars  ils  ont  vite 
passé  à  la  tyrannie  des  sultans. 

C'en  est  assez  pour  la  perspicacité  de  nos  lecteurs. 

Or,  quelle  est  la  situation  actuelle  du  gallicanisme  parmi 
nous? 

Un  examen  attentif  semble  pouvoir  amener  les  conclu- 
sions suivantes  : 

Le  gallicanisme  parlementaire  est  puissant,  il  est  vrai, 
dans  la  classe  de  ses  défenseurs  naturels;  mais  aujour- 
d'hui plus  que  jamais  il  inspire  aux  catholiques  l'horreur 
et  la  répulsion  qu'il  mérite- 
Le  gallicanisme  théologique  va  s'effaçant  de  plus  eu 
plus. 

Le  gallicanisme  pratique  perd,  grâce  à  Dieu,  beaucoup 
de  terrain  ;  mais  il  est  encore  bien  répandu,  et  trop  sou- 
vent il  crée  des  obstacles  sérieux  à.  un  légitime  progrès 
et  à  de  salutaires  réformes. 

Voyons  donc  quelles  armes  l'on  peut  manier  avec  plus 
de  succès  contre  un  adversaire  aussi  souple  et  aussi  dan- 
gereux . 


IL 


I,  Il  serait  à  coup  sûr  bien  peu  clairvoyant  celui  qui  ne 
découvrirait  pas  ce  que  le  gallicanisme  parlementaire 
renferme  d'éléments  de  schisme  et  d'hérésie.  Il  ne  pour- 
rait du  moins  apporter  aucune  excuse  légitime  à  son  dé- 
faut de  perspicacité,  puisque  de  solennels  avertissements 
ont  souvent  retenti,  capables  de  réveiller  les  moins  at- 
tentifs. Que  de  fois,  depuis  trois  siècles,  les  oracles  des 
successeurs  de  Pierre  ont  dénoncé  au  monde  les  erreurs 
pernicieuses  du  gallicanisme  parlementaire!  Comptez  les 
condamnations  qu'il  a  subies.  C'est  lui  que  l'on  condamne 
dans  Marc-Antoine  de  Dominis  etRicher,  dans  Fébronius 


50/i  TRIPLE    GALLICANISME. 

et  Eybel,  dans  le  P.  Laborde  et  S'cipion  de  Ricci,  dans 
Nuytz  et  Yigil.  C'est  lui  que  Pie  IX  dénonce  aux  évêques 
comme  un  serpent  monstrueux  qui  se  glisse  dans  toutes 
les  parties  du  monde  :  «  Yempiétement  de  la  puissance  sé- 
«  culière  qui  voudrait  dominer  la  sainte  Église  de  Dieu  » 
(Lettre  du  Pape  aux  évêques  du  Canada,  16  novembre 
I86"2) ,  et  que  plus  solennellement  encore  il  stigmatisait 
dans  son  immortelle  allocution  du  9  juin  1 862  :  «  Perperam 
«  animo  et  cogitatione  confingunt  et  imaginantur  jus 
«  quoddam  mdlis  limiiibus  circumscriptum.,  quo  reipublicae 
«  statum  pollere  existimant,  quem  omnium  jurium  ori- 
«  ginem  et  fontem  esse  temere  arbitrantur.  « 

Est-ce  que  le  gallicanisme  parlementaire  a  été  un  in- 
stant respecté  ou  même  laissé  en  repos  par  les  évêques 
français,  depuis  qu'il  a  osé  se  produire  à  la  lumière? 
N'est-ce  pas  lui  que  dans  sa  Lettre  à  tous  les  évêques  de 
France,  l'assemblée  du  clergé  de  1641  dénonçait  comme 
une  ivraie  empoisonnée,  comme  îm  aconit  vénéneux,  comme 
une  doctrine  hérétique,  schismatique,  impie,  contraire  à  la 
parole  de  Dieu,  etc.,  etc.?  (Collection  des  Procès-verbaux, 
t.  3,  Pièces  justificatives,  p.  1  )  N'est-ce  pas  lui  que  fou- 
droyaient au  siècle  dernier  les  prélats  français  à  la  suite 
des  Bissy,  des  Languet,  des  Belzunce,  des  Christophe 
de  Beaumont?  N'est-ce  pas  lui  enfin  que  Tépiscopat  de 
notre  siècle  a  terrassé  par  la  vigueur  des  de  Broglie,  des 
d'Aviau,  des  de  Bonald,  des  Parisis? 

Et  pour  que  rien  ne  manque  à  sa  honte,  n'avons-nous 
pas  entendu  mille  fois  la  presse  protestante  applaudir  au 
gallicanisme  parlementaire,  et  solliciter  instamment  ses 
adeptes  de  se  déclarer  franchement Jes  disciples  de  Luther 
et  de  Calvin  (!}? 

(1)  A  propos  de  l'ouvrage  de  M.  Dupiu,  intitulé  :  Réfutation  des  asser- 
tions de  M.  le  comte,  de  Montalembert  dam  son  manifeste  cat/iolique  (Paris, 
1844).  un  journal  protestant,  /e  Semeur,  fngageait  Ip  célèbre  procureur- 


TRIPLE    GALLlCANISMli;.  505 

IT.  Eu  présence  d'un  tel  adversaire  le  plan  d'attaque  est 
tout  tracé.  Le  gallicanisme  des  parlements  est  une  hérésie; 
il  faut  donc  le  démasquer  et  eu  toute  rencontre  le  signaler 
comme  telle.  Assurément  nul  catholique  vraiment  sincère 
ne  voudra  eu  aucune  façon  partai;er  des  doctrines  qui  lui 
feraient  faire  naufrage  dans  la  foi. 

Mais  avertir  ne  suffit  pas.  Il  faut  de  plus  que  dans  les 
esprits  soient  fortement  enracines  les  principes  opposés 
à  Terreur  dont  nous  dîsirons  les  garantir.  C'est  pourquoi 
le  pasteur  des  âmes  ne  saurait  travailler  avec  trop  d'in- 
sistance à  convaincre  les  fidèles  des  grands  dogmes  de  la 
liberté  de  V Eglise,  du  pouvoir  absolu,  plein,  infaillible 
qu'elle  tient  de  Dieu  pour  régler  tout  ce  qui  regarde  la 
foi,  la  discipline  et  les  moeurs,  enfin  de  sa  compétence  exclusive 
à  juger  les  transgresseurs  de  ses  lois,  et  à  gérer  ses  propres 
affaires. 

En  d'autres  termes,  il  faut  combattre  l'erreur  gallicane, 
comme  toute  autre  erreur,  par  V attaque  et  par  la  défense; 
par  Yattaque  eu  ruinant  ses  principes,  par  la  défense  eu 
l'écrasant  sous  le  poids  des  ana thèmes  de  l'Église  (1). 

général  à  passer  ouvertement  dans  le  camp  des  réformés.  Pour  lui,  le 
gallicanisme  parlementaire  n'offrait  rien  que  la  réforme  pût  désavouer  ; 
et,  n'était  leur  défaut  de  franchise  qui  en  fait  des  protestants  polirons, 
les  gallicans  peuvent,  quand  ils  le  voudront,  réclamer  une  place  hono- 
rable parmi  les  partisans  du  libre  examen. 

(1)  Nous  avons  sous  les  yeux  un  Mandement  de  Mgr  Bourget,  évêque 
de  Montréal  (25  décembre  1863),  portant  à  la  connaissance  des  fidèles 
la  condamnation  doctrinale  de  soixante-et-une  propositions  relatives  à 
la  foi  et  aux  mœurs.  Nous  en  extrayons  quelques-unes  qui  vont  à  notre 
sujet  : 

«  9.  Le  bien  de  la  société  chrétienne  demande  que  la  puissance  spiri- 
«  tuelle  ne  soit  pas  distincte  et  indépendante  de  la  puissance  civile.  » 
Fausse  et  hérétique. 

«  10.  La  distinction  et  indépendance  de  la  puissance  spirituelle  de  la 
«  puissance  civile  est  cause  que  la  puissance  spirituelle  absorbe  les 
«  droits  essentiels  de  la  puissance  civile.  » 

Fausse  et  hérétique. 

«  11.  Cette  distinction  et  indépendance  de  la  puissance  spirituelle  de 
«  la  puissauce  civile  doit  être  considérée  comme  accidentelle  et  tempo- 


5 06  TRIPLE    GALLICANISME. 

III. 

I.  Tout  autres  seront  nos  procédés  avec  les  partisans 
du  gallicanisme  théologique.  Ils  sont  eu  effet  nos  véritables 
frères,  et  méritent  les  égards  de  la  plus  exquise  charité. 
Aussi  fort  éloignés  d'user  à  leur  égard  d'un  ton  de  voix 
courroucé,  bien  moins  encore  de  paroles  acerbes,  nous 
regarderons-nous  comme  rigoureusement  obligés  à  rendre 
justice  au  talent  et  à  la  vertu  qui  les  ont  souvent  illustrés. 
Nul  plus  que  nous  n'admirera  le  génie  de  Bossuet;  et 
personne  ne  sera  plus  empressé  à  tomber  à  genoux  devant 
les  palmes  triomphales  des  prélats  martyrs  du  siècle 
dernier.  Toutefois  il  nous  sera  permis  des  constater  que 
Bossuet  ne  doit  pas  sa  gloire  au  gallicanisme  qu'il  a  dé- 
fendu-, et  même  de  soupçonner  que  sans  le  gallicanisme  sa 
gloire  eut  été  plus  pure.  Il  ne  nous  sera  pas  non  plus  in- 
terdit de  douter  si  c'est  le  gallicanisme  qui  a  fait  nos 
martyrs.  Certes,  s'il  y  aurait  de  l'injustice  à  imputer  au 
gallicanisme  modéré  les  indignes  faiblesses,  pour  ne  pas 
dire  les  trahisons,  des  Duvoisin,  de  Barrai,  Lacombe,  etc., 
etc.,  ne  serait-ce  pas  un  excès  d'indulgence  que  de  lui 
faire  honneur  de  confessions  si  généreuses  et  de  martyres 
si  illustres? 

II.  Ces  réserves  une  fois  faites,  nous  entrerons  en  dis- 


«  raire,  mais  nullement  comme  une  condition  normale  de  la  société  ré- 
«  générée  par  le  Christ.  » 

Fausse  et  hérétique. 
((  15.  L'Église  ne  peut  rien  décréter  qui  puisse  lier  la  conscience  des 
«  fidèles  dans  l'ordre  concernant  les  choses  temporelles.  » 

Hérétique. 
«  20.  Les  lois  de   l'Eglise  n'obligent  en  conscience  que  lorsqu'elles 
«  sont  promulguées  par  la  puissance  civile.  » 

Hérétique. 
Nous  regrettons  de  ne  pouvoir  pas  transcrire  tout  entière   la  série  si 
intéressante  de  ces  propositions  détestables.  On  connaît  la  position  déli- 
cate qui  est  faite  à  la  presse  non-politique. 


TRIPLE    GALLICANISME.  507 

cussion  avec  les  gallicans,  et  faisant  appel  à  leur  tendre 
amour  pour  l'Église  ;  nous  les  prierons  de  juger  eux-mêmes 
leur  cause  et  de  prononcer  leur  sentence. 

«  Yous  aimez  l'Église,  leur  dirons-nous;  ehbien!  Yoyez 
«  si  vos  doctrines  peuvent  se  concilier  avec  le  sentiment 
«  d'amour  filial  qui  vous  anime.   » 

Car  enfin  un  fils  aime-t-il  sa  mère  lorsque,  sans  cesse  en 
défiance,  il  cherche  toujours  à  amoindrir  sou  autorité? 
Or,  n'est-ce  pas  là  la  position  des  gallicans?  L'Église  ne 
parle  que  par  son  Chef,  et  si  les  gallicans  refusent  d'ad- 
mettre cette  proposition  dans  toute  son  étendue,  du  moins 
conviennent-ils  de  bonne  grâce  que  le  Chef  de  l'Église 
est  son  organe  habituel.  Or^  c'est  à  l'endroit  de  ce  Chef, 
de  cet  organe  habituel  de  l'Église,  que  les  gallicans  sont 
dans  une  perpétuelle  défiance.  L'injure  ne  retombe  t-elle 
pas  sur  l'Église  elle-même? 

III.  Qu'on  veuille  le  remarquer.  Les  privilèges  d'm- 
faillibilité  et  de  primauté  absolue  que  nous  revendiquons 
pour  le  Pape,  sont  bien'moins  la  prérogative  de  celui-ci 
que  la  condition  même  de  l'existence  de  l'Église.  Jamais 
les  saints  Pères  et  les  théologiens  n'ont  pensé  qu'en 
conférant  à  saint  Pierre  et  à  ses  successeurs  l'infaillibilité 
de  la  foi  et  une  supériorité  absolue,  même  sur  les  Con- 
ciles, Notre-Seigneur  Jésus-Christ  ait  voulu  pourvoir  à 
l'avantage  particulier  et  personnel  des  premiers.  Ils  ont 
tous  cru  que  le  Sauveur  a  voulu  par  ces  glorieux  privi- 
lèges accordés  à  son  Yicaire,  assurer  plus  efficacement 
l'existence  de  son  Église  une  et  visible.  En  sorte  que  si  le 
successeur  de  saint  Pierre  reste  exposé  à  se  perdre  et 
n'est  point  impeccable,  il  est  néanmoins  doué  à.' infaillibiliie 
pour  empêcher  le  troupeau  de  s'égarer,  et  d'une  puis- 
sance absolve  pour  être  sa  règle  sûre  de  conduite. 

C'est  ce  que  trop  longtemps  ont  paru  oublier  les  dé- 
fenseurs du  gallicanisme.  Plus  d'une  fois  ils  ont  taxé  de 


508  TRIPLE    GALLiCANiSME. 

flatteurs  et  de  courtisans  les  champions  de  rinfaillibilité 
papale.  Et  pourtant  un  examen  sérieux  découvre  que,  loin 
de  soutenir  une  doctrine  adulatrice,  les  défenseurs  des 
prérogatives  pontificales  faisaient  une  œuvre  souveraine- 
ment utile  au  corps  même  de  l'Eglise,  puisqu'ils  établis- 
saient les  conditions  mêmes  de  son  existence.  N'est-ce  pas 
dire  par  là  même  que,  à  leur  insu  sans  doute,  mais  toute- 
fois d'une  manière  très-réelle,  les  gallicans  ébranlent  la 
solidité  de  l'Église,  puisqu'ils  ébranlent  le  fondement 
sur  lequel  elle  repose  ?  Ce  n'est  assurément  pas  montrer 
un  amour  bien  tendre  envers  l'Église. 

IV.  Ce  n'est  pas  ici  le  lieu,  on  le  comprend,  d'entre- 
prendre une  argumentation  en  forme  pour  démontrer 
combien  sont  gratuites  les  assertions  gallicanes.  L'on  a 
beaucoup  écrit,  même  en  France,  pour  le  triomphe  des 
prérogatives  du  Saint-Siège,  et  plus  d'un  lecteur  se  de- 
mandera sans  doute  comment  il  a  pu  se  rencontrer  des 
esprits  capables  de  résister  à  tant  d'évidence.Maisqui  ne 
sait  la  triste  influence  qu'exercent  sur  les  meilleurs  esprits 
les  préjugés  d'école  et  surtout  de  nation?  Du  moins,  nous 
ne  pouvous  nous  empêcher  de  faire  observer  que  l'amour 
filial  pour  l'Église  se  concilie  assez  difficilement  avec 
l'adhésion  à  des  doctrines  que  cette  tendre  Mère  semble 
repousser. 

Or,  comment  pouvoir  s'aveugler  là-dessus  ?  L'Église  re- 
pousse toute  doctrine  nouvelle;  or,  les  doctrines  gallicanes 
sont  nouvelles  :  est-il  un  fait  plus  certain  ?  L'on  connaît 
les  célèbres  paroles  de  Pierre  de  Marca,  citées  par  Soardi, 
Litta,  et  un  grand  nombre  d'autres  auteurs  : 

«  L'opinion  qui  attache  l'infaillibilité  au  Pontife  romain 
«  est  la  seule  qui  soit  enseignée  en  Espagne,  en  Italie  et 
«  dans  toutes  les  autres  provinces  de  la  chrétienté,  de 
«  sorte  que  ce  qu'on  appelle  le  sentiment  des  docteurs 
«  de  Paris  doit  être  rangé  parmi  les  opinions  qui  ne  sont 


TRIPLE    GALLICANISME.  509 

«  que  tolérées La  plus  grande  partie  des  docteurs, 

«  soit  en  théologie,  soit  en  droit,  adhèrent  à  l'opinion 
«  commune,  dont  les  fondements  sont  excessivement  dif- 
«  ficiles  à  ébranler,  et  se  moquent  de  lopinion  de  l'an- 
«  cienne  Sorbonne.  » 

Fleury,  tout  en  supposant  que  la  doctrine  gallicane  est 
réellement  Y  ancienne  et  la  vraie,  avoue  toutefois  ingénu- 
ment que  la  doctrine  nouvelle  a  eu  pour  défenseurs  tout  ce 
qu'il  y  a  eu  de  saints  et  savants  personnages  depuis  mille 
ans,  et  que  la  conduite  des  Papes  et  des  conciles  y  a 
toujours  été  conforme.  {Discours  sur  les  libertés  gallicanes.) 
Ce  qui  revient  à  dire  que  la  doctrine  qu'il  appelle  nouvelle 
est  réellement  Vancienne  :  autrement  il  faudrait  admettre 
un  obscurcissement  général  de  la  doctrine  dans  l'Église, 
ce  qui  est  contre  la  foi.  (Bulle  Auctorem  Fidei,  prop.  \.) 

Enfin,  qui  ne  connaît  le  remarquable  et  naïf  aveu  de 
Tournely,  touchant  la  doctrine  de  la  déclaration  de  1682? 
«  Non  dissimulandum,  dit-il,  difficile  esse  in  tanta  testi- 
«  moniorum  mole  quœ  Bellarminus  et  alii  congerunt,  non 
«  recognoscere  apostolicae  Sedis  seu  Romanae  Ecclesiae 
«  certam  et  infallibilem  auctoritatem  ;  at  longe  di/ficilius 
a  est  ea  conciliare  cum  declaratione  cleri  gallicani,  a  gua  re- 
«  cedere  nobis  non  permit titur.  «  [De  Ecclesia,  t.  ii,  p.  134  ) 

Pour  tout  homme  de  bonne  foi  la  cause  est  jugée. 

V.  Voudrait-on  échapper  à  la  force  des  témoignages  de 
la  tradition  sous  prétexte  qu'ils  ne  contiennent  après 
tout  qu'un  langage  hyperbolique,  arraché  aux  fidèles  par 
le  respect  et  par  l'amour,  ou  même  des  déclarations  de 
Pontifes  incompétents  à  prononcer  dans  leur  propre 
cause?  C'est  Bossuet  qui  se  charge  de  la  réponse  à  l'ob- 
jection. 

Ellies  Dupin  s'était  permis  de  traiter  de  simples  com- 
pliments la  lettre  que  Théodoret  écrivit  à  saint  Léon  pour 
recouvrer  son  siège.  Bossuet  répond  :  «  Comme  si  c'était 


510  TRIPLE    GALLICANISME. 

«  un  simple  compliment  de  reconnaître  la  supériorité  du 
((■  Siège  de  Home  qui,  comme  parle  Théodoret,  avait  le 
«  gouvernement  de  toutes  les  Églises  du  monde,  et  non 
«  pas  le  fondement  nécessaire  du  recours  qu'il  avait  à  lui. 
«  C'est  entrer  dans  Vesprit  des  Grecs  schismatiqiies,  qui,  dans 
«  le  concile  de  Florence,  voitlaient  prendre  pour  honnêteté  et 
«  pour  compliments  tout  ce  que  les  Pères  écrivaient  aux  Papes 
«  pour  se  soumettre  à  leur  autorité.  »  [Remarques  sur  l'histoire 
des  conciles  d^Ellies  Dupin.) 

Dans  un  autre  ouvrage,  Bossuet  prend  ainsi  à  partie 
ceux  qui  n'acceptent  pas  le  témoignage  des  Papes  se  pro- 
nonçant dans  leur  propre  cause  : 

«  Audio  quid  dicant  :  Romanis  Pontificibus  Sedis  suœ 
«  digaitatcm  conimendantibus,  in  propria  videlicet  causa 
«  non  esse  credendum,  sed  absit.  Pari  enim  jure  dixerint, 
«  ne  episcopis  quidem,  aut  presbyteris  esse  adhibendam 
«  fldem,  cum  sacerdotii  sui  honorera  praedicant;  quod 
«  contra  est.  Nam  quibus  Deus  singularem  honoris  digni- 
«  tatisque  praerogativam  contulit,  iisdem  inspirât  verum 
«  de  sua  potestate  sensum,  ut  ca  in  Domino,  cum  res  po- 
rt poscerit,  libère  et  confidenter  utantur,  fiatque  illud 
«  quod  ait  Paulus  :  Accepitnus  spiritum  qui  ex  Deo  est,  ut 
«  sciamus  quœ  a  Deo  donata  simt  nobis.  Quod  quidem  semel 
«  hic  placuit  dicere ,  ut  pessimam  ac  iemerariam  respon- 
«  sionem  confutarem  :  profiteorque  me  de  Sedis  apostolicae 
(c  majestate  Romanorum  Pontificum  doctrinae  ac  tradition! 
«  crediturum.  »  [Defens.  déclarât.,  part,  m,  1.  x,  c.  G.) 

Voilà  certes  de  belles  et  vigoureuses  paroles.  Il  est 
seulement  à  regretter  que  Bossuet  les  ait  oubliées  à 
propos  de  l'infaillibilité  et  du.  pouvoir  absolu  du  Saint-Siège: 
car  pourquoi  ce  langage,  vrai  lorsqu'il  est  question  de 
soutenir  la  primauté  de  Pierre,  cesserait-il  de  l'être  en 
présence  des  autres  prérogatives  de  la  papauté  ? 

YI.  Mais  enfin,  dira-t-on,  la  thèse  des  ultramontains 


TRIPLE    GALLICANISME.  511 

n'est  pas  encore  un  dogme,  et  elle  reste  toujours  dans  ia 
classe  des  opinions  libres. 

En  êtes-vous  Lien  sur  ?  et  pourriez-vous  affirmer  avec 
une  entière  certitude  qu'aujourd'hui  la  doctrine  de  Tin- 
faillibilité  du  Pape  est  une  opinion  sur  laquelle  l'Église 
tolère  la  controverse?  Qu'il  en  ait  été  de  la  sorte  à  la  fia 
du  XVIP  siècle,  Pierre  de  Marca  l'affirme,  et  nous  ne 
voulons  pas  le  contredire.  Mais  depuis,  l'Église  n'a-t-elle 
pas  parlé  assez  souvent  et  assez  fort  pour  convaincre  tous 
les  esprits  qu'elle  a  pris  son  parti  touchant  l'infaillibilité, 
et  qu'elle  n'entend  pas  laisser  ce  point  capital  aux  con- 
troverses de  l'École?  Nous  estimons  qu'il  en  est  ainsi  -,  car 
nous  sommes  de  ceux  qui,  obéissant  aux  moindres  paroles 
du  Souverain-Pontife,  croient  fermement  devoir  adhérer 
à  tous  les  enseignements  de  l'Église,  non-seulement 
lorsqu'ils  sont  donnés  par  elle  ex  professa  et  avec  toute 
la  solennité  qui  accompagne  la  promulgation  d'un  dogme, 
mais  encore  lorsqu'elle  se  contente  de  nous  manifester  sa 
pensée  par  les  pratiques  de  son  culte  ou  l'approbation 
dont  elle  honore  la  doctrine  de  ses  théologiens.  (Bref  du 
pape  Pie  IX  aux  évêques  de  Bavière,  21  décembre  1863.) 
Que  si  le  Souverain-Ponlife  a  eu  raison  de  s'étonner  de 
l'hésitation  de  certains  catholiques  touchant  des  questions 
en  apparence  bien  autrement  problématiques,  sur  les- 
quelles toutefois  les  encycliques  de  Grégoire  XVI  ne 
doivent  plus  laisser  de  doute,  combien  plus  étonnante 
encore  ne  serait  pas  la  tergiversation  à  propos  de  l'in- 
faillibilité (1)  ! 

Le  cardinal  Gousset  a  donc  été  en  droit  d'écrire  ce  qui 
suit  :  «  Non  il  n'est  point  permis  à  un  professeur  de  théo- 
ce  logie  de  présentera  ses  élèves  la  thèse  de  l'infaillibilité 
«  comme  une  de  ces  opinions  que  l'Eglise  abandonne  aux 

(1)  Voir  la  lettre  de  Mgr  Mercurelli  à  M.  du  Val  de  Beaulieu.  (Monrfc, 
7  novembre  1864.) 


512  rniPLE    frALUCANlsME. 

«  discussions  de  l'École.  »  [Exposition  des  principes  du  Droit 
canon,  p.  87.)  Nous  ne  trouvons  aucune  exagération  dans 
ces  paroles. 

VII.  Toutefois  soyons  généreux,  et  consentons  à  ne 
voir  dans  les  doctrines  qui  nous  divisent,  que  de  simples 
opinions....  Eri  quoi!  un  enfant  docile  peut-il  de  gaieté  de 
cœur  embrasser  une  opinion  qui  n'a  point  les  sympathies 
de  sa  mère  ?  Peut-il  rester  indifférent  en  présence  des 
opinions  que  sa  mère  favorise  et  professe  ?  Assurément, 
le  cœur  a  répondu  et  la  cause  est  finie,  car  personne 
n'ignore  de  quel  côté  il  a  plù  à  l'Eglise  d'incliner. 

D'ailleurs  qu'on  y  prenne  garde,  et  c'est  encore  Bos- 
suet  qui  nous  avertit  :  «  Tout  ce  qui  est  mauvais  en  ma- 
»  tière  de  doctrine  n'est  pas  pour  cela  formellement 
«  hérétique...  L'amour  de  la  vérité  doit  donner  de  l'éloi- 
«  gnement  pour  tout  ce  qui  l'affaiblit,  et  je  dirai  avec 
«  confiance  qu'on  est  proche  d'être  hérétique,  lorsque, 
«  sans  se  mettre  en  peine  de  ce  qui  favorise  l'hérésie, 
«  on  n'évite  que  ce  qui  est  précisément  hérétique  et  con- 
«  damné  par  l'Église.  »  [Défense  de  la  Tradition  et  des  SS. 
Pères,  1"  partie,  1.  i,  chap.  22.} 

En  voilà  assez,  ce  nous  semble,  pour  faire  comprendre 
que  les  doctrines  gallicanes  s'accordent  mal  avec  un  amour 
sincère  pour  l'Église.  Cependant  qu'on  nous  permette 
encore  une  observation  destinée  à  confirmer  notre  thèse. 

VIII.  Si  quelqu'un  était  assez  malheureux  pour  ne  pas 
reconnaître,  après  l'examen  sérieux  des  monuments  de 
la  tradition,  la  vérité  sur  le  gallicanisme,  nous  le  conju- 
rerions de  prêter  l'oreille  à  une  voix  bien  différente. 
Entendez  en  effet  les  cris  de  joie  et  les  acclamations  dont 
est  saluée  la  déclaration  de  1682  par  les  jansénistes  et  les 
calvinistes  (1).    En  vérité   ces  acclamations  parties  du 

(1)  Dans  soa  Histoire  générale.  Voltaire  dit,  à  propos  de  la  fameuse 
déclaration  :  «  Cette  fermeté  fut  regardée  par  tous  les  protestants  de 


TRIPLE    GALLICANISME.  513 

camp  de  T hérésie  épouvantent,  car  Terreur  ne  peut  saluer 
que  l'erreur.  Qu'a-t-elle  donc  cette  doctrine  de  la  décla- 
ration qui  puisse  réjouir  à  ce  point  les  ennemis  de  TÉ- 
glise?  Peu  de  fchose,  il  est  vrai  :  la  ruine  de  la  règle  de 
foi  par  la  suppression  de  l'infaillibilité  pontificale  et  la 
totale  transformation  du  régime  ecclésiastique.  Écoutez 
Puffendorf  : 

«  Concilium  esse  supra  Papam  thesis  est,  —  sed  quod 
«  isti  quoque  hanc  propositionem  asserere  velint  qui 
«  Sedem  Romanam  omnium  Ecclesiarum  centrum ,  ac 
«  Papam  œcumenicum  episcopum  agnoscunt,  id  quidem 
«  non  parum  absurditatis  habet,  cum  status  Ecclesiae  Ro- 
«  mauae  monarchicus  sit  j  ista  autem  thesis  meram  aristo- 
«  cratiam  oleat.  »  (Apud  Zallinger.) 

Il  y  a  plus.  Les  plus  fougueux  démocrates  ont  voulu 
voir  dans  la  doctrine  de  la  déclaration  la  consécration  de 
leurs  principes  révolutionnaires.  Le  constitutionnel  Gré- 
goire ne  crut  pas  qu'il  lui  fût  bien  difficile  de  retourner 
la  rédaction  des  célèbres  quatre  articles  au  bénéfice  des 
assemblées  démagogiques.  Le  socialiste  Louis  Blanc  n'a 
pas  un  autre  sentiment  que  Grégoire.  Écoutons-le  ;  ses  pa- 
roles sont  instructives  : 

a  Affirmer  la  supériorité  des  conciles  sur  les  Papes, 
«  c'était  conduire  à  celle  des  assemblées  sur  les  rois. 
«  Quel  motif  pour  qu'une  monarchie  temporelle  fût  plus 
«  absolue  qu'une  monarchie  spirituelle?  Une  couronne 
«  était-elle  donc  plus  sacrée  qu'une  tiare?  Yoilà  vers  quel 
«  rapprochement  redoutable  la  déclaration  de  1682  pré- 

«  cipitait  les  esprits Et  pourtant  cette  doctrine  où  le 

«  régicide  germait,  Louis  XIV  l'établit  avec  une  satisfac- 
«  tion  hautaine,  etc..  »  [Histoire  de  la  Révolution  françaisey 
t.  I,  chap.  6.) 

«  l'Europe,  comme  uu  faible  effort  d'une  Église  née  libre,  qui  ne  rom- 
«  pait  que  quatre  chaînons  de  sa  chaîne.  » 

REYOE  des  sciences  ECOLES.,  T.  IS.— DÉCEMBRE  1864.  34 


51 'l  TRIPLE    GALLICANISME. 

Chose  admirable!  L'écrivain  socialiste  se  trouve  ici 
parfaitemeDt  d'accord  avec  les  Pères  du  concile  de  Trente. 
Nous  demandons  au  lecteur  la  permission  d'entrer  dans 
quelques  détails.  Le  fait  en  vaut  la  peine.  Yoici  donc  ce 
que  raconte  le  cardinal  Pallavicini,  historien  du  Con- 
cile. 

Les  ambassadeurs  protestants  de  Maurice ,  électeur  de 
Saxe,  ayant  été  introduits  pendant  la  quatorzième  session, 
demandèrent  entre  autres  choses  que  l'on  rappelât  et 
publiât  de  nouveau  les  décrets  du  concile  de  Constance 
et  de  Bàlc  «  dans  lesquels  on  établit  que  dans  les  causes 
«  de  la  foi,  et  dans  celles  qui  regardent  le  Pape  lui- 
«  même,  celui-ci  doit  se  soumettre  au  Concile.  »  Ils  ajou- 
taient que  leur  demande  était  d'autant  mieux  fondée,  que 
le  Concile  ayant  pour  tâche  de  corriger  beaucoup  d'abus 
qui  regardaient  le  Souverain-Pontife,  le  Pape  ne  pouvait 
être  juge  dans  sa  propre  cause.  Or,  il  fut  répondu  aux 
ambassadeurs  :  «  Qu'autant  ce  raisonnement  était  popu- 
«  laire,  autant  il  était  vicieux  :  car,  si  on  l'admettait,  ce 
«  serait  détruire  toute  espèce  de  monarchie,  gouverne- 
ce  ment  dans  lequel  le  prince  doit  être  sa  loi  à  lui-même, 
«  sans  craindre  d'autre  juge  que  Dieu  et  la  conscience 

«  publique Que  si  l'on  examinait  plus  à  fond  le  même 

«  raisonnement,  on  le  trouverait  propre  à  détruire  même 
«  toute  autre  espèce  de  bon  gouvernement,  parce  que 
«  tous  les  gouvernements  doivent  aboutir  à  une  autorité 
«  suprême,  soit  qu'elle  réside  en  un  seul  ou  dans  pin- 
ce sieurs,  et  c'est  cette  autorité  suprême  qui  donne  et  qui 
«  reçoit  les  lois.  Qu'ainsi  non-seulement  tous  les  princes 
«  devaient  examiner  sérieusement  s'ils  admettraient  chez 
((  eux  la  pratique  d'une  pareille  doctrine,  mais  que  même 
«  tous  les  politiques  devaient  examiner  aussi  s'ils  pour- 
ce  raient  avec  elle  maintenir  aucune  forme  de  gouverne- 
ce  ment,  quand  elle  ne  serait  pas  avouée  par  toute  la  lie 


TKIPLL    GALLICANISME.  515 

«  du  peuple  ».  (Histoire  du  concile  de  Trente^  l.  xii,  ch.  15.) 

Cet  épisode  du  concile  de  Trente  jette,  il  faut  en  con- 
venir, une  vive  lumière  sur  les  doctrines  gallicanes,  et 
nous  comprenons  à  merveille  que  les  historiens  protes- 
tants Hallam  et  Guizot  les  aient  rattachées  aux  théories 
schismatiques  de  Bàle   Voici  les  paroles  de  M.  Guizot  : 

«  Les  principes  du  concile  de  Constance  et  de  Bàle 
«  étaient  puissants  et  féconds.  Des  hommes  supérieurs  et 
«  d'un  caractère  énergique  les  avaient  soutenus.  Jean  de 
«  Paris,  Pierre  d'Ailly,  Gerson  et  un  grand  nombre 
«  d'hommes  distingués  du  XY^  siècle  se  vouent  à  leur 
«  défense.  En  vain  le  Concile  se  dissout,  en  vain  la  prag- 
«  matique-sanction  est  abandonnée,  les  doctrines  géné- 
«  raies  sur  le  gouvernement  de  l'Église,  sur  les  réformes 
«  nécessaires  à  opérer  ont  pris  racine  en  France,  elles  s'y 
«  sont  perpétuées,  elles  ont  passé  dans  les  parlements, 
«  elles  sont  devenues  une  opinion  puissante,  elles  ont 
«  enfanté  d'abord  les  jansénistes,  ensuite  les  gallicans. 
«  Toute  cette  série  de  maximes  et  d'efforts  tendant  à  ré- 
«  former  l'Église,  qui  commence  au  concile  de  Constance 
«  et  aboutit  aux  quatre  propositions  de  Bossuet,  émane 
«  de  la  même  source  et  va  au  même  but.  »  [Histoire  de  la 
Civilisation  en  Europe^  leçon  xi^.) 

Après  cela,  un  seul  mot  est  possible  :  Et  nunc  intel- 
ligite  ! 

IX.  En  résumé  le  gallicanisme  provient  de  l'oubli  d'une 
maxime  fondamentale  du  christianisme,  à  savoir  que, 
suivant  l'expression  de  saint  François  de  Sales,  le  Pape  et 
l'Église  c'est  tout  un.  «  On  considère  l'Église  comme  un 
«  être  abstrait,  invisible,  qui  est  partout  et  nulle  part,  au 
«  lieu  de  la  considérer  tout  d'abord  dans  l'homme  qui  la 
«  résume  tout  entière.  Cet  homme  c'est  le  monarque  su- 
«  prême  de  l'Église,  le  dépositaire  de  la  vérité  de  Dieu, 
«  le  vicaire  de  Jésus-Christ,  le  Souverain-Pontife,  le  Pape. 


516  TRIPLE    GALLICANISME. 

(c  Entendre  le  Pape ,  c'est  entendre  l'Église  ;  obéir  au 
«  Pape,  c'est  obéir  à  l'Église  ;  être  avec  le  Pape,  c'est  être 
«  avec  l'Église.  Désobéir  à  l'un  c'est  désobéir  à  l'autre, 
«  ou  plutôt  à  Jésus-Christ  lui-même  qui  est  tout  dans  son 
«  Église.  »  C'est  ainsi  que,  sans  nommer  le  gallicanisme, 
le  R.  P.  Libermann,  de  pieuse  et  vénérable  mémoire,  en 
décrivait  le  vice  constitutif.  {Vie  du  R.  P.  Libermann,  par 
le  cardinal  Pitra,  p.  528.) 

Grâce  à  Dieu,  il  en  est  du  gallicanisme  comme  du  ri- 
gorisme, dont  les  plus  zélés  partisans  avouent  que,  vrai 
dans  la  spéculation,  il  ne  peut  en  aucune  manière  être 
appliqué  dans  la  pratique.  Tel  est  le  gallicanisme.  Ses  dé- 
fenseurs tremblent  devant  les  conséquences  pratiques 
qu'il  amène,  et  ils  préfèrent  le  répudier  dans  les  habi- 
tudes journalières  de  la  vie.  On  a  souvent  répété  qu'en 
pratique  les  gallicans  ne  le  cèdent  point  aux  ultramontains 
pour  ce  qui  est  du  dévouement  au  Saint-Siège.  Des  ré- 
serves pourraient  sans  doute  modifier  un  peu  ce  dire. 
Toutefois,  il  prouve  manifestement  une  chose  :  c'est  que, 
pour  être  dociles  aux  saintes  et  légitimes  affections  de  leurs 
cœurs,  les  gallicans  doivent,  en  pratique  du  moins,  renon- 
cer à  leurs  principes.  Dès  lors  le  gallicanisme  est  jugé  (1). 

IV. 

I.  Nous  voici  maintenant  en  présence  du  gallicanisme 
pratique.  CQ&i  l'histoire  à  la  main  que  nous  croyons  devoir 


(1)  Mgr  Fraysslnous  prononçait  à  la  Chambre  des  Députés  (26  mai  1826) 
ces  remarquables  paroles  :  «  l.e  concordat  de  1801  est  une  violation 
«  complète  de  toutes  nos  maximes  et  de  tous  uos  usages...  Encore  une 
«  foi?,  ce  n'est  qu'en  foulant  aux  pieds  nos  usages  et  nos  libertés,  que 
«  ce  concordat  a  pu  s'établir.  »  En  d'autres  termes,  les  gallicans  n'ont 
pu  obéir  au  Pape  et  éviter  le  schisme,  qu'en  renonçant  à  leurs  principes. 
On  pourrait  encore  demander  comment  les  gallicans  s'y  prendraient  pour 
juger  le  Pape,  car,  de  leur  aveu,  toutes  les  Églises  du  monde,  excepté 
celle  de  France,  admettent  sans  réserve  l'infaillibilité  pontificale. 


TRIPLE    GALLICANISME.  517 

le  combattre.  Aussi  biea  est-ce  lui-racme  qui  nous  pro 
voqiie  à  l'examen  des  vieilles  traditions,  puisqu'il  ne  cesse 
d'appuyer  sur  le  pass6.  Penser  comme  nos  pères,  dire  et 
agir  comme  eux,  telle  est  son  unique  règle.  Il  dit  avec 
Bossuet  :  «  Conservons  ces  fortes  maximes  de  nos  pères, 
«  que  l'Église  gallicane  a  trouvées  dans  la  tradition  de 
«  l'Église  universelle.  »  [Discours  de  l^ Unité  de  l'Église.)  Et 
mieux  encore,  avec  le  pape  saint  Etienne:  ISihilinnovetur^ 
nisi  quod  traditum  est. 

Assurément  nul  sentiment  n'est  plus  respectable,  et 
dans  un  siècle  où  le  mépris  du  passé  est  si  tristement  à  la 
mode,  nous  n'aurons  garde  de  blâmer  chez  qui  que  ce 
soit  le  culte  des  antiques  traditions.  Honneur  donc  à 
tous  ceux  qui  aiment  à  s'inspirer  du  passé  et  des  an- 
cêtres !  Toutefois  la  circonspection  leur  est  nécessaire, 
car  il  leur  importe  de  ne  pas  confondre  avec  les  saintes 
et  légitimes  traditions  du  passé,  des  usages  plus  ou  moins 
licites  qui  voudraient  s'en  donner  l'apparence.  Or,  c'est 
rhistoire,  et  l'histoire,  seule,  qui  peut  nous  dire  où  et 
quelles  sont  les  traditions  légitimes  du  passé.  Que  les 
gallicans  daignent  nous  suivre  un  instant-,  ils  n'ont  à  re- 
douter de  notre  part  aucune  discussion  irritante.  Il  ne 
s'agit  en  effet  ni  de  principes,  ni  de  droit  coutumier,  toutes 
choses  qui  malheureusement  ne  peuvent  presque  jamais 
se  discuter  sans  occasionner  de  profondes  blessures  à 
Tesprit  et  au  cœur  (1). 

II.  Mais,  dira-t-on,  à  quelles  sources  voulez-vous  nous 


(1)  Plusieurs  lecteurs  pourront  s'étonner  qu'en  décrivant  le  gallica- 
'  nisme  théologique  nous  n'ayons  pas  fait  mention  de  ses  doctrines  sur  le 
droit  coutumier,  lesquelles  sont  pourtant  aujourd'hui  l'objet  de  toute  sa 
sollicitude.  Leur  étonnement  cessera,  pensons-nous,  s'ils  veulent  obser- 
ver attentivement  l'étroite  connexion  qui  existe  entre  la  doctrine  de  U 
supériorité  des  Conciles  au-dessus  du  Pape,  et  la  théorie  gallicane  de  la 
coutume.  Il  est  clair,  en  effet,  que  celle-ci  croule  lorsqu'on  renverse 
celle-là. 


518  TRIPLE    GALLICANISME. 

conduire?  Auriez-vous  par  hasard  la  prétention  d'avoir 
trouvé  des  monuments  de  notre  passé,  inconnus  jusqu'à 
vous?  Ou  bien,  voudriez-vous  insinuer  que  jusqu'à  présent 
personne  n'a  su  lire  dans  notre  histoire,  et  en  comprendre 
les  dépositions?  Non,  assurément.  En  vous  provoquant  à 
l'étude  du  passé,  nous  ne  faisons  que  vous  indiquer  des 
monuments  à  la  portée  de  tous,  mais  que  nous  nous  plai- 
gnons de  voir  trop  souvent  négligés.  Bien  éloignés  de  la 
méthode  des  jansénistes  qui,  en  rappelant  sans  cesse  l'É- 
glise à  la  vénérable  antiquité,  en  rendaient  néanmoins  la 
connaissanceimpossible  a  tous  par  la  sévérité  exagérée 
de  leur  critique,  notre  méthode  consiste  à  compulser  des 
ouvrages  vulgaires  et  que  réunit  la  plus  humble  des  bi- 
bliothèques. Toile  et  lege.  Quoi  de  plus  simple?  Où  ne  ren- 
contre-t-on  pas,  par  exemple,  la  Collection  des  Actes  du 
clergé  de  France?  Sont-ils  rares,  les  ouvrages  de  matières 
ecclésiastiques  produits  par  le  XVIP siècle?  Encore  une 
fois,  prenez  et  lisez  :  c'est  là  que  vous  pourrez  apprendre 
quelles  senties  vraies  traditions  de  la  France. 

III.  Or,  nous  n'hésitons  pas  à  le  dire,  s'il  est  un  fait 
constant  dans  notre  histoire,  c'est  celui  du  filial  dévoue- 
ment de  la  France  pour  le  Saint-Siégc,  qui,  jusqu'en 
1682,  n'a  connu  aucune  limite,  et  n'a  été  ni  surpassé,  ni 
peut-être  même  égalé  en  d'autres  pays.  C'est  au  Siège 
apostolique  que  la  France  aima  toujours  à  demander  ses 
inspirations;  c'est  à  Rome  qu'elle  emprunta  toujours  non- 
seulement  la  règle  de  sa  foi,  mais  ses  rites  et  sa  disci- 
pline ;  c'est  Rome  qu'elle  aima  toujours  à  regarder  comme 
sa  maîtresse  et  sa  mère.  Aussi  les  Pontifes  romains  ont- 
ils  pu  en  toute  vérité  la  proposer  comme  modèle  aux 
autres  nations  catholiques.  Nous  ne  pouvons  résister  au 
plaisir  de  citer  quelque  chose  de  ces  éloges  si  bien  mé- 
rités. 

«  Gallicana  Ecclesia,  »  écrivait  Alexandre  HT  au  roi  de 


TRIPLE    GALLICANISME.  519 

France,  «  inter  omnes  alias  orbis  Ecclesias,  quaecumque 
«  aliae.provenieutibus  scandalis  in  tribulatione  mutassent, 
«  numqaaiu  a  catholicae  matris  Eiclesiae  unitate  recessit, 
«  iiumquam  ab  ejus  subjectione  et  reverentia  se  subtraxit» 
«  sed  tanquam  devotissima  filia  firma  semper  et  immo- 
«  bilis  in  ejus  devotione  permansit.  » 

«  GaUican:i  Ecclesia,  »  écrivait  Grégoire  IX  à  Tarche- 
«  véque  de  Reims,  »  post  apostolicam  Sedem  est  quoddam 
«  totius  christianitatis  spéculum  et  imraotum  fidei  funda- 
«  mentum,  utpote  quae  in  fervore  fidei  christianae  ac  de- 
«  volioue  Sedis  apostolicae  non  sequatur  alias  sed  ante- 
«  cedat.  » 

Ajoutons  que  la  France  sut  longtemps  encore  mériter 
de  si  magnifiques  louanges.  Quelques  détails  sont  ici  né- 
cessaires. 

IV.  L'on  a  plus  d'une  fois  remarqué  les  frémissements 
d'indignation  qui  agitèrent  les  évêques  des  Gaules 
(VP  siècle),  à  la  nouvelle'  du  pape  Symmaque  jugé  par 
une  assemblée  de  prélats  inférieurs.  L'admirable  protes- 
tation de  S.  Avit,  archevêque  de  Yienne,  est  connue.  Elle 
est  un  monument  éternel  de  l'inébranlable  attachement 
de  nos  ancêtres  à  l'infaillible  et  irréformable  autorité 
du  successeur  de  saint  Pierre. 

Ce  qui  est  moins  connu,  c'est  un  détail  de  cette  vrai- 
ment antique  et  vénérable  liturgie  gallicane,  objet  de 
l'affection  amoureuse  de  nos  ancêtres,  que  toutefois,  sur 
un  signe  de  Rome,  ils  n'hésitèrent  pas  à  sacrifier  sans 
retour  pour  embrasser  les  rites  de  rÉglise-mère.  Voici  le 
fait  Les  fragments  de  la  vieille  liturgie  gallicane  recueillis 
par  Mabillou  portent,  attaché  à  trois  dimanches  consé- 
cutifs, le  titre  de  :  Dominica  post  cathedram  S.  Pétri,  et  les 
dimanches  que  nous  appelons  de  la  septuagésime,  de  la 
sexagésime  et  de  la  quinquagésime,  tirent  leur  dénomi- 
nation de  la  Chaire  de  saint  Pierre  :  Dominica  V,  T  et  3* 


520  TRIPLE    GALLICANISME. 

post  cathedrcm  S.  Pétri.  En  sorte  que  pour  nos  ancêtres  la 
chaire  de  saint  Pierre,  c'est-à-dire  sa  primauté,  fut  dès 
l'origine  l'objet  d'une  de  ces  fêtes  cardinales  autour  des- 
quelles roule  et  se  développe  le  cycle  liturgique.  Le  fait 
nous  a  paru  significatif,  et  d'autant  plus  digne  de  re- 
marque, que  la  vieille  liturgie  gallicane  est  peut-être  seule 
à  le  présenter. 

Ajoutez  à  cela  les  capitulaires  de  Charlemagne,  expres- 
sion si  fidèle  de  son  époque,  et  pour  arriver  tout  de  suite 
à  des  temps  plus  rapprochés  de  nous,  lisez  dans  la  Col- 
lection des  Actes  du  clergé  l'admirable  discours  du  cardinal 
Duperron  aux  États  généraux  de  1614,  les  discours  et 
protestations  des  évêques  en  faveur  de  la  réception  du 
concile  de  Trente,  contre  les  erreurs  et  les  menées  du 
jansénisme,  et  dites  ensuite  si  les  véritables  traditions 
gallicanes  ne  sont  pas  celles  du  plus  filial  dévouement 
pour  le  Saint-Siège  (1)  1 

V.  Lors  donc  qu'en  face  du  mouvement  qui  de  nos 
jours  nous  pousse  et  nous  conduit  si  heureusement  vers 
Rome ,  des  voix  discordantes  se  font  entendre  qui 
s'écrient  :  Ainsi  ne  faisaient  pas  nos  pères  !  nous  n'avons 
qu'à  répondre  comme  ce  Luthérien  converti  qui,  pour  être 
enseveli  dans  la  tombe  de  ses  ancêtres,  fajsait  creuser  la 
sienne  un  peu  plus  profondément  que  de  coutume.  Creusez 
un  peu  plus  bas,  répondrons-nous  à  la  critique,  et  sûre- 
ment vous  rencontrerez  la  tradition  de  nos  ancêtres. 

Il  vous  semble  étrange,  dites-vous,  qu'on  vienne  main- 
tenant enseigner  dans  nos  écoles  la  thèse  de  V infaillibilité 
du  Pape  et  de  Virréformabilité  de  ses  jugements,  et  vous 
protestez  contre  ces  nouveautés  que  la  France  n'a  jamais 
connues. 

(1)  Encore  un  fait  très-significatif.  C'est  en  France  que  les  évoques  ont 
spontanément  introduit  la  coutume  de  s'intituler  :  Episcopus. . .  sedis 

APOSTOLICiE  GRATU. 


TRIPLE    GALLICANISME.  521 

A  notre  tour,  nous  sommes  étrangement  surpris  et  de 
l'étonnement  et  de  l'assurance  de  tos  critiques.  Il  y  a 
ongteraps,  en  eflPet,  que  la  perpétuité  de  la  croyance  des 
Français  à  l'infaillibilité  du  Pape  a  été  rigoureusement 
démontrée  par  les  théologiens  étrangers  à  notre  nation. 
Mais  ce  serait  peut-être  trop  exiger  que  de  vouloir  ren- 
voyer nos  adversaires  à  Zaccaria,  Muzzarelli,  Soardi,  Roc- 
caberti,  aux  théologiens  de  Wurzbourg,  à  S.  Liguori.  Du 
moins,  ils  devraient  connaître  les  savants  travaux  des 
théologiens  de  notre  pays,  et  savoir  les  belles  démon- 
strations qui  ont  été  faites  par  Charlas  {de  Libertatibus  Ec- 
clesiœ  gatlicanœ),  etFénelon  {Dissert.de  romani  Pont,  auctori- 
tate).  Ils  devraient  de  plus  savoir  que,  si  l'on  excepte 
quelques  théologiens  de  l'ancienne  Sorbonne  (I),  les  théo- 
logiens dont  la  France  s'honore  le  plus  ont  tous  été  infail- 
libilistes.  Qu'on  lise,  pour  s'en  convaincre,  Ysambert, 
Duval,  Coëffeteau,  Mauclère,  Abelly,  ces  grandes  lumières 
de  la  sacrée  faculté.  Ils  devraient  enfin  leur  être  connus, 
ces  Actes  du  Clergé  que  si  souvent  ils  invoquent,  ainsi  que 
la  célèbre  et  immortelle  déclaration  de  l'assemblée  de 
1625  :  «  Ils  respecteront  notre  saint  Père  le  Pape,  chef 
«  visible  de  l'Église  universelle,  vicaire  de  Dieu  en  terre, 
«  évêque  des  évêques  et  patriarche,  en  un  mot  successeur 
«  de  saint  Pierre,  auquel  l'apostolat  et  l'épiscopat  ont  eu 
«  commencement,  et  sur  lequel  Jésus-Christ  a  fondé  son 
«  Église,  en  lui  baillant  les  clefs  du  ciel  avec  l'infaillibilité 
«  de  la  foi  que  Von  a  vu  miraculeusement  durer  dans  ses 
«  successeurs  jusqu'aujourd'hui.  » 

Nous  le  demandons  avec  confiance  :  de  quel  côté  se 
trouvent  les  nouveautés  doctrinales  (2)  ? 

(1)  Pierre  de  Marca,  dans  le  texte  que  nous  avons  cité  plus  haut, 
affirme  que  l'ancienne  Sorbonne  a  toujours  été  hostile  à  la  doctrine  de 
rinfaillibilité.  Cette  assertion  est  trop  absolue. 

(2)  Sou  Ém.  le  cardiual  Villecour  a  excellemmeut  développé  cette 
thèse  dans  l'ouvrage  intitulé  :  la  France  et  le  Pape. 


525  TRIPLE    GALLICANISME. 

VI.  L'on  insiste,  et  Ton  demande  grâce  pour  Vantique 
discipline  de  la  France,  qui  va  être  supplantée  par  une 
discipline  toute  nouvelle. 

Expliquez-vous,  et  veuillez  nous  dire  quels  sont  les 
points  de  la  discipline  romaine  qui  vous  semblent  menacer 
les  antiques  traditions  de  l'Église  gallicane.  Est-ce  la  re- 
connaissance des  Congrégations  romaines  ?  Est-ce  V Index 
et  ses  règles?  Est-ce  la  bulle  in  cœna  Domini?  Est-ce  l'a- 
doption de  la  liturgie  romaine? Est-ce  la  mise à'exécution 
des  décrets  disciplinaires  du  concile  de  Trente? 

Or,  nous  l'affirmons  sans  hésiter,  l'ancienne  Église  gal- 
licane professa  toujours  le  plus  sincère  attachement  à 
tous  ces  points  de  sa  discipline  qu'on  voudrait  faire  passer 
pour  nouvelle.  Nous  en  avons  encore  pour  garants  les 
Actes  du  clergé,  et  une  foule  d'ouvrages  imprimés  pour  le 
clergé  pendant  le  XYIP  siècle.  IVous  n'en  citerons  que 
deux,  lesquels  à  raison  de  leur  immense  popularité, 
peuvent  à  bon  droit  être  regardés  comme  les  Manuels  du 
clergé,  et  par  là  même  l'expression  fidèle  de  la  discipline 
du  temps.  L'un  est  V Instruction  d's  prêtres,  du  cardinal 
Tolet,  traduit  et  annoté  à  l'usage  de  la  France  (Lyon, 
dernière  édition,  1671),  l'autre,  le  Parfuict  ecclésiastique^ 
par  messire  Claude  de  la  Croix  (Paris,  1666)  (1). 

VII.  L'autorité  des  congrégations  romaines  fut  reconnue 
en  France  depuis  l'époque  de  leur  institution  (fin  du 
XVP  siècle),  jusque  vers  la  fin  du  XVIP  siècle.  Le  Par- 
faict  ecclésiastique  cite  fort  souvent  la  Congrégation  des  Rites 
à  l'appui  de  ses  décisions.  Le  P.  Bauny,  dans  sa  Pratique 
du  droit  canonique  (Paris,  1638), invoque  fréquemment  les 
décrets  de  la  Congrégation  du  Concile  de  Trente.  Enfin,  les 
prél  its  français  ne  faisaient  aucune  difficulté  de  sollici- 

(l)  L'ouvrage  de  Claude  de  la  Croix  est  un  livre  d'or.  Il  est  à  désirer 
qu'on  le  réédite  eu  lui  faisant  subir  quelques  remaniements. 


TRIPLE    GALLICANISME.  523 

ter,  auprès  de  ces  diverses  Congrôgations,  la  réponse  à 
leurs  doutes,  et  même  des  permissions.  En  preuve,  par- 
courez les  collections  de  Gardellini  et  de  Zamboni.  Les 
Analecta  juris  pontificii  ont  publié  récemment  une  longue 
série  de  décrets  encore  inédits  de  la  Sacrée  Congrégation 
des  Rites.  Un  bon  nombre  d'entre  eux  regarde  la  France. 
Exemples  :  l'archidiacre  de  Ehodcz  se  fait  autoriser  à 
bénir  les  linges  et  ornements  sacrés  ((609)  ;  un  dignitaire 
de  Grenoble  recourt  à  la  Sacrée  Congrégation  pour  la 
faculté  de  biner  (1628),  etc.,  etc. 

Il  est  vrai  qu'en  France  l'on  a  plus  d'une  fois  disputé 
sur  l'authenticité  et  l'interprétation  des  décisions  ro- 
maines. Que  peut-on  en  conclure?  Rien,  si  ce  n'est  que 
la  prudence  de  nos  pères  ne  leur  permettait  pas  de  croire 
à  tout  esprit.  Les  théologiens  ultramontains  n'agissent 
pas  autrement;  et,  avant  d'accepter  comme  loi  obligatoire 
une  décision  partie  de  Rome,  ils  veulent  s'en  démontrer 
l'authenticité  et  le  véritable  sens. 

Vin.  Vlndex,  le  terrible  Index  des  livres  prohibés, 
n'effrayait  pas  non  plus  les  Français  d'autrefois,  car  ils 
savaient  comprendre  tout  ce  qu'il  y  a  d'efficace  protection 
pour  la  foi  et  les  mœurs,  dans  cette  admirable  partie  de  la 
législation  ecclésiastique.  Aussi  reçurent-ils  les  règles  de 
Vlndex  el  le  catalogue  des  prohibitions,  successivement 
publiés  par  différents  Pontifes.  Le  fait  a  été  mis  dans  tout 
son  jour  par  Mgr  Baillés,  ancien  évêque  de  Luçon. 
{Instruction  pastorale  sur  l'Index^  1853.) 

Comment  expliquer,  sans  cela,  la  conduite  de  nos  pré- 
lats ?  Les  Actes  du  Clergé  nous  attestent  que,  plus  d'une 
fois,  ils  ont  dénoncé  à  Rome,  pour  les  y  faire  condamner, 
des  auteurs  et  leurs  livres  :  les  PP.  Ccllot  et  Bauny,  par 
exemple.  Apparemment,  les  évêques  reconnaissaient  quel- 
que autorité  aux  sentences  de  Vlndex  ;  autrement,  pour- 
quoi les  invoquer  ? 


524  TRIPLE   GALLICA^NISME. 

Aussi,  le  traducteur  de  YInstrucHon  de  Tolet,  citée  plus 
haut,  ne  contredit-il  nullement  son  auteur,  en  lui  oppo- 
sant l'usage  contraire  de  la  France,  lorsqu'il  est  question 
de  Y  Index  et  de  ses  règles. 

Chose  étrange  !  parmi  les  prohibitions  de  V Index,  il  en 
est  deux  qui  ne  peuvent  se  faire  accepter  de  nos  galli- 
cans ;  à  savoir,  la  défense  de  lire  la  Bible  en  langue  vul- 
gaire, ainsi  que  celle  de  traduire,  également  en  langue 
vulgaire,  les  paroles  de  la  sainte  Liturgie. 

Or,  il  est  certain  que  l'origine  de  cette  double  prohibi- 
tion est  toute  française.  Les  premiers  documents  que  le 
droit  fournit,  relativement  à  la  prohibition  de  la  lecture 
de  la  Bible  en  langue  vulgaire,  ne  sont-ils  pas  une  décré- 
tale  d'Innocent  III,  adressée  au  clergé  de  3Ietz,  et  un  ca- 
non du  Concile  de  Toulouse,  en  1229  ?  La  loi  fut  même 
exécutée  avec  une  telle  rigueur,  que  plus  tard,  au  Concile 
de  Trente,  les  théologiens  de  la  Sorbonne  ne  craignaient 
pas  de  taxer  d'hérésie  quiconque  s'en  faisait  le  transgres- 
seur.  —  Quant  à  la  défense  de  traduire  la  Liturgie  en 
langue  vulgaire,  le  lecteur  peut  voir,  dans  les  Actes  du 
Clergé,  -avec  quelle  sollicitude  les  évêques  dénoncèrent  et 
firent  condamner  par  le  pape  Alexandre  VII,  la  fameuse 
traduction  du  Missel  romain,  par  Voisin  (1660). 

IX.  Pas  plus  que  V Index,  la  célèbre  bulle  In  cœna  Do- 
mini  ne  trouva  d'opposition  en  France,  du  moins  de  la 
part  des  gens  d'Église.  Le  traducteur  de  Tolet  n'a  aucune 
contradiction  à  faire  au  long  commentaire  que  renferme 
V Instruction  des  prêtres,  et  le  Parfaict  ecclésiastique  signale 
avec  le  plus  grand  soin,  aux  confesseurs,  les  cas  plus  fré- 
quents de  l'excommunication  réservée  en  la  bulle  de  CœwA  > 
DoMiNi.Ge  qui  signifie,  apparemment,  que  les  confesseurs 
ne  regardaient  pas  la  bulle  comme  dénuée  de  toute  va- 
leur. Au  reste,  dans  son  ouvrage  de  Synodo,  Benoît  XIV 


TRIPLE    GALLICANISME.  525 

apporte  des  faits  qui  prouvent  péremptoirement  la  ré- 
ception parmi  nous  de  la  bulle  in  cœna. 

X.  Quant  à  la  liturgie  romaine,  tout  discours  est  désor- 
mais superflu.  Les  savantes  discussions  de  Dom  Guéran- 
ger  ont  prouvé  jusqu'à  la  dernière  évidence,  que  depuis 
le  temps  de  Charlemagne  jusqu'au  siècle  passé,  la  France 
s'est  toujours  fait  gloire  d'un  inviolable  attachement  aux 
rites  romains.  Le  nier,  c'est  faire  preuve  d'ignorance  ou 
de  mauvaise  foi.  Nous  n'insisterons  donc  pas. 

Toutefois,  en  faveur  de  ceux  de  nos  adversaires  dont  le 
gallicanisme  fort  iuoffensif  consiste  dans  l'usage  du  sur- 
plis à  ailes  ou  du  bonnet  carré ,  nous  tenons  à  constater 
qu'en  France,  l'on  fut  attaché  non  seulement  aux  formules 
de  la  liturgie  romaine,  mais  encore  aux  moindres  rites  et 
cérémonies,  que  l'on  y  pratiquait  avec  la  plus  parfaite  exac- 
titude. Quelques  traits  sont  à  citer. 

C'est  ainsi  que,  d'après  le  Parfaict  ecclésiastique  : 

L'autel  doit  être  revêtu  d'un  antependium,  ou  devant  de 
la  couleur  du  jour.  (JRubr.  gêner.  Miss,  xx,  de  Prœpar. 
altaris.) 

La  nappe  supérieure  qui  couvre  l'autel  doit,  de  chaque 
côté,  descendre  jusqu'à  terre.  {Ihid.) 

Le  tabernacle  où  repose  le  Saint-Sacrement  doit  être  re- 
vêtu d'un  cowo^e'e,  OM  pavillon  d'étoffe  précieuse  de  couleur^ 
selon  l'office  qui  se  fait  en  l'église.  (Ritual.  Rom.,  de  SS.  Eu- 
charist.  ) 

Pendant  le  Mémento  des  vivants,  à  la  messe,  le  servant 
doit  allumer  un  troisième  cierge,  préparé  pour  l'élévation 
du  Saint-Sacrement,  et  qui  ne  doit  s'éteindre  qu'après  la 
communion  du  prêtre  et  des  fidèles.  {Eitus  celebr.  missam, 
VIII,  6  ) 

Le  prêtre,  en  s'en  retournant  à  la  sacristie  après  la 
messe,  dit  tout  bas  l'antienne  Trium  puerorum  et  le  can- 
tique Benedicite.  {Ibid.,  xii,  6.) 


52(3  TRIPLE    GALLICANISME. 

h" encensement  se  pratique,  non  pas  en  lançant  l'encen- 
soir, mais  eu  le  conduisant  tout  doucement  vers  l'objet 
qu'il  faut  encenser.  {Cœremon.  Episc,  1.  i,  c.  23.) 

Vétole  n'est  pas  employée  par  celui  qui  préside  aux 
vêpres  solennelles  ou  au  chœur.  [Ibid.,  1.  ii,  c.  3.) 

Tous  les  clercs  assistant  au  chœur,  ou  employés  à 
quelque  fonction  sacrée,  font  la  génuflexion  devant  la  Croix, 
et  même  devant  l'évêque.  [Ibid.,  1.  i,  c.  18.) 

Les  chandeliers  et  les  cierges  de  Tautel  sont  d'inégale 
hauteur,  et  dominés  parla  Croix.  {Ibid.,  c.  12.) 

La  bénédiction  avec  le  Très-saint  Sacrement  se  donne 
en  silence.  [Ibid.,  1.  ir,  c.  33.) 

On  pourrait  citer  indéfiniment  ;  mais  c'en  est  assez 
pour  faire  voir  à  nos  adversaires  de  quelle  exactitude  nos 
pères  se  piquaient  à  l'endroit  des  rites  romains.  La  dé- 
monstration serait  plus  évidente  encore,  si  nous  invoquions 
le  témoign.ige  du  vénérable  M.  Olier,  et  du  coura- 
geux M.  delà  Tour.  Elle  atteindrait  la  dernière  perfec- 
tion, à  l'aide  de  témoins  d'ailleurs  peu  suspects  d'ultra- 
montanisme,  D.  Claude  de  Vert,  J.-B.  Thiers,  et  l'auteur 
du  Eituel  d'Aleth. 

XL  Enfin,  il  y  a  déjà  longtemps  que  la  discipline  du 
Concile  de  Trente  a  reçu  en  France  ses  lettres  de  natura- 
lisation. Nous  ne  pouvons  pas  transcrire  ici  les  savantes 
dissertations  qui,  de  nos  jours,  ont  mis  ce  fait  en  lumière. 
Nous  prions  le  lecteur  de  consulter  les  ouvrages  de  Mgr 
Baillés  {des  Sentences  épiscopales),  de  M.  Bouix  {du  Concile 
provincial),  et  du  P.  Prat  {Histoire  du  Concile  de  Trente). 
Elle  n'est  donc  pas  nouvelle  pour  nous,  cette  admirable 
législation  des  Pères  de  Trente.  11  est  vrai  que  trop  sou- 
vent les  légistes  et  les  politiques  ont  entravé  la  mise  à 
exécution  des  décrets  du  Concile  ;  mais  il  est  un  fait  non 
moins  certain,  à  savoir  que  le  clergé  protesta  toujours  de 
sa  ferme  et  inébranlable  résolution  de  rendre  lui-même, 


TRIPLE    GALLICAMISME.  5*27 

et  de  procurer  de  la  part  des  fidèles,  une  entière  obéis- 
sance aux  décrets  du  dernier  Concile  général.  Qu'on  dise 
encore  que  le  Concile  de  Trente  n'a  pas  été  reçu  en 
France  ! 

XII.  Que  si  l'on  veut  encore  récriminer,  et  demander, 
avec  un  étonnement  mêlé  d'amertume,  pourquoi  il  s'in- 
troduit en  France  des  nouveautés  en  fait  de  morale  et 
d'histoire;  pourquoi,  dans  nos  écoles,  l'on  enseigne  le 
probabilisme  et  la  hante  valeur  historique  du  Bréviaire  ro- 
main,; la  réponse  ne  sera  pas  plus  difficile. 

Il  est  faux  que  le  probabilisme  soit  parmi  nous  une  doc- 
trine nouvelle.  Ysambert,  Duval,  AbelIy,ont  été  probabi- 
listcs,  et  leurs  contemporains  n'ont  pas  connu  d'autre 
système  de  morale  (I). 

Il  est  encore  faux  que  nos  ancêtres  n'aient  pas  attribué 
au  Bréviaire  romain  une  haute  valeur  historique.  Témoin 
l'énergie  déployée  par  la  Sacrée  Faculté  de  Paris  contre 
les  légèretés  d'Erasme.  (Voyez  Dom  Guéranger,  Instit. 
liturg.,  t.  I,  et  M.  Faillon,  Eecherches  sur  sainte  Madeleine^ 
etc.)  Grâce  à  Dieu,  nos  pères  avaient  assez  de  confiance 
en  leur  Mère,  pour  consentir  à  recevoir  d'elle-même  tout 
ce  qui  intéresse  son  histoire.  Le  protestantisme  et  le  jan- 
sénisme vinrent,  hélas!  éveiller  la  défiance;  et  voici  qu'à 
leur  suite  «  certains  gallicans  rédigèrent  l'histoire,  et 
«  firent  des  recherches  critiques  d'après  un  système  prê- 
te conçu,  et  avec  le  parti  pris  que  leurs  adversaires  au- 
«  raient  tort;  et  l'on  sait  quelles  énormes  et  immenses 
«  faussetés  ces  préoccupations  accumulèrent  sous  la  plume 

«  d'écrivains  ecclésiastiques Tout  n'est  pas  encore  dit 

M  sur  h  s  assertions  passionnées  et  gravement  partiales 
«  des  Fleury,  des  Baillet,  des  Tillemont,  des  Dupin  et 


(1)  Voir,  dans  la  Revue,  un  excellent  article  sur  le  Probabilisme,  par 
M.  l'ahbé  E.  G.  (Août  1864.) 


528  TRIPLE    GALLICANISME. 

«  des  Launoy  (1).  »  [Introduction  aux  œuvres  de  saint 
Denys  l'Arêopagite,  par  M.  l'abbé  Darboy,  p.  lxxx-i.) 

XIII.  Il  est  temps  de  conclure. 

Non,  les  traditions  de  l'Église  de  France  ne  sont  aucu- 
nement en  désaccord  avec  les  doctrines,  les  opinions,  les 
sentiments  et  la  discipline  de  l'Église-Mère.  L'histoire  té- 
moigne, au  contraire,  de  la  plus  filiale  conformité  de  pen- 
sées et  de  conduite  au  sein  de  l'Église  de  France  (2). 
Les  gallicans  peuvent  donc,  sans  renier  leur  passé,  se  li- 
vrer au  mouvement  qui  nous  emporte  vers  Rome.  Bien 
plus,  ils  n'ont  que  ce  moyen  de  se  montrer  dignes  de 
leurs  pères.  Interrpga  patrem  tuum  et  annuntiabit  tibi  ;  ma- 
jores iuos,  et  dicent  tibi. 

Les  perfides  manœuvres  de  l'hérésie  purent  sans  doute 
obscurcir  nos  traditions  ^  la  nuit  a  pu  être  longue  ;  car, 
qui  ne  sait  l'empire  que  peut  prendre  le  mensonge  sur  les 
esprits  une  fois  abusés  !  Mais  enfin,  ces  ténèbres  ne  sont 
pas  destinées  à  durer  toujours,  et  voici  le  moment  d'être 
dociles  à  la  lumière.  En  revenant  à  Rome,  en  demandant 
à  Rome  nos  inspirations,  en  acceptant  les  décisions  de 
Rome,  en  recevant  sa  liturgie  et  sa  discipline,  nous  ne 
faisons  qu'être  fidèles  au  culte  de  nos  aïeux  ;  et,  suivant 
l'expression  d'un  grand  évêque  de  France,  nous  nations 
pas  brisé  la  chaîne  de  nos  traditions,  nous  n  avons  fait  que  la 
renouer.  (Mgr  de  Salinis  au  synode  d'Amiens,  1853.) 

H.  MoiNTROUZIER. 

(1)  M.  i'abbé  Freppel  a  vengé  d'une  manière  supérieure  l'autorité  du 
Bréviaire  Romain,  en  ce  qui  regarde  l'origine  apostolique  de  nos  Eglises. 
Voir  son  Sai?it  bénée,  leçons  3,  4  et  5. 

(2)  L'on  ne  nous  objectera  certainement  pas  les  impertinentes  boutades 
de  quelques  évêques  courtisans  au  temps  de  Louis-le-Débonnaire,  ainsi 
que  du  fameux  Hincmar,  ue  Rheims,  et  du  moine  Gerbert,  devenu  son 
successeur  sur  le  siège  de  cette  grande  église.  Que  sont  quelques  faits 
isolés  au  milieu  d'une  vaste  histoire? 


LA  PERSÉCUTION  EN  ANGLETERRE 


sous     LES     SUCCESSEURS     D'ÉUSABETH    (i). 


«  Ce  n'est  pas  seulement  une  histoire,  »  a  dit  Mgr  TÉ- 
vêque  d'Arras,  à  propos  du  premier  travail  de  M.  Des- 
tombes sur  la  Persécution  religieuse  enAtigleterre;  «  c'est  un 
«  drame  plein  de  scènes  émouvantes  et  de  péripéties  extra- 
a  naturelles.  Il  est  évident  que,  d'un  côté,  préside  celui 
«  qui  fut  homicide  dès  le  commencement,  et,  de  l'autre, 
(c  celui  qui  a  dit  :  «  Je  serai  avec  vous  jusqu'à  la  con- 
«  sommation  des  siècles  ».  L'homme,  par  lui-même,  n'est 
(c  capable  ni  de  ces  cruautés  féroces,  ni  de  ces  vertus 
«  sublimes.  » 

La  Revue  a  fait  connaître  le  premier  ouvrage  de 
M.  l'abbé  Destombes.  Nous  sommes  heureux  d'avoir  à 
parler  aujourd'hui  du  second,  digne  à  tous  égards  du 
bienveillant  accueil  que  le  public  a  fait  au  premier. 
Du  reste,  on  conçoit  que  M.  Destombes  ait  pu  être  en- 
couragé dans  son  œuvre  par  les  éloges  donnés  à  une 
publication  dont  tout  le  monde  souhaitait  \oir  bientôt 
la  continuation.   Nous  lui   savons  bon  gré  d'avoir  re- 


(1)  La  Persécution  religieuse  en  Angleterre  sous  les  successeurs  d'Eli- 
sabeth, Jacques  I^i-,  Charles  !«»',  Gromwell  et  Charles  II,  par  M.  l'abbé 
Destombes,  supérieur  du  l'Institution  Saint-Jean,  à  Douai.  Paris,  Lecotl're. 
In-so  de  540  pages. 

Revue  tik^  (^cirncks  Kcciiis.  t.  x.— afxEMBRE  1864  35 


530  LA  PERSÉGUTJON    RELIGIEUSE 

produit,  en  tête  du  nouveau  volume,  les  félicitations 
que  le  Saint -Père  lui  a  fait  transmettre  par  Mgr  le 
Secrétaire  des  Lettres  latines,  et  celles  de  NN.  SS.  les  Ar- 
chevêque et  Évêques  de  Cambrai,  d'Arras,  de  Montauban, 
de  Nîmes  et  de  Poitiers.  De  tels  noms,  il  est  vrai,  rendent 
nos  appréciations  timides  ^  mais  c'est  un  inconvénient 
que  le  lecteur  ne  regrettera  pas.  Il  préférera  une  analyse 
succincte  aux  lieux  communs  de  la  critique,  et  il  verra 
volontiers  par  ses  propres  yeux  comment  les  suffrages  si 
compétents  et  si  élevés  qui  ont  honoré  le  premier  volume, 
se  rapportent  également  au  second. 


II. 


Le  résultat  le  plus  net  des  rigueurs  d'Elisabeth  fut  un 
ébranlement  remarquable  de  l'autorité  que  lui  avaient 
transmise  ses  prédécesseurs,  et  qu'elle  avait  portée  d'abord 
à  un  si  haut  degré.  Pour  rappeler  cette  physionomie  et 
ce  caractère,  au  moment  où  Jacques  r^  va  hériter  de  ses 
fautes  comme  de  son  trône,  nous  ne  saurions  mieux  faire 
que  de  citer  le  rigoureux  portrait  tracé  par  Mgr  Plantier, 
après  la  lecture  de  l'ouvrage  de  M.  Destombes  :  «  Élisa- 
«  beth  d'Angleterre,  cette  digne  fille  de  son  père,  cette 
«  vierge  dont  la  licence  compta  sur  le  cynisme  pour  se 
«  faire  absoudre  ^  cette  reine  débonnaire  dont  la  mansué- 
•  «  tude  prit  ses  délices  à  multiplier  les  massacres  et  les 
«  assassinats  ;  cette  grande  prophétesse  du  libre-examen 
«  qui  décréta,  contre  la  foi  catholique  et  contre  toute 
«  liberté  de  conscience,  des  pénalités  qui  font  presque  pâlir 
«  celles  qu'avaient  portées  contre  les  chrétiens  les  ty- 
«  rans  les  plus  barbares  de  Rome  païenne  ;  cette  sainte 
«  suprême  de  l'anglicanisme,  dont  elle  fut  la  mère,  avait 
«  besoin  d'être  connue  à  fond,  pour  qu'on  put  bien  juger 
«  de  son  œuvre  par  sa  vie  et  son  caractère.  Vous  lui 


EN    ANGLETERRE.  531 

a  avez  admirablement  restitué  sa  vraie  physionomie,  et 
«  certes,  il  s'en  faut  qu'elle  soit  céleste.  Yivaute,  on  dit 
«  qu'elle  craiguait  pour  son  visage  les  miroirs  fidèles. 
«  Morte,  on  les  a  craints  pour  sa  mémoire.  Une  foule 
«  d'adulateurs  l'ont  flattée  dans  la  tombe,  comme  d'autres 
,«  l'avaient  flattée  sur  le  troue.  Heureusement  il  en  est 
«  d'autres,  même  parmi  les  sectateurs  de  la  Réforme, 
«  qui  l'ont  peinte  au  naturel.  C'est  avec  les  couleurs 
«  qu'ils  vous  ont  fournies  que  vous  en  avez  tracé  le  por- 
te trait,  et  je  vous  en  félicite.  On  protesterait  contre  vos 
«  appréciations  ;  on  ne  peut  échapper  à  leurs  témoi- 
«  gnages.  »  On  n'échappera  pas  davantage,  croyons-nous, 
aux  témoignages  des  historiens  protestants  qui  servent 
à  M.  Destorabes  pour  rétablir  la  vraie  physionomie  de  la 
nation  anglaise,  des  courtisans,  des  ministres,  des  par- 
lements et  des  chefs  suprêmes  de  l'État.  Le  lecteur  se 
sentira  pris  d'indignation  à  la  vue  des  procédés  iniques 
dont  les  catholiques  anglais  vont  être  l'objet;  mais  l'au- 
teur n'avance  rien  ^ui  ne  soit  appuyé  sur  des  docu- 
ments authentiques,  et  si  l'on  recule  d'épouvante  à  la 
vue  de  ses  révélations,  ou  ne  saurait  protester  contre  des 
appréciations  que  l'on  a  partagées  soi-même,  avant  de 
les  trouver  formulées  dans  son  livre. 


III. 


Jacques  I"  monte  sur  le  trône,  et  Robert  Cecil  va  lui- 
même,  avec  ses  collègues  du  conseil,  le  proclamer  à 
Whitehall,  en  présence  des  plus  puissants  seigneurs, 
qu'il  s'était  hâté  d'appeler  dans  la  capitale.  A  ses  yeux, 
comme  à  ceux  de  plusieurs  hauts  dignitaires,  le  danger 
de  voir  le  catholicisme  rétabli  ou  simplement  toléré 
dans  le  royaume  était  sufiisamment  prévenu  par  la  reli- 
gion  même   et  l'éducation  dn   prince.   Quant  à  la  part 


532  LA    PERSÉCUTION   RELIGIEUSE 

qu'ils  avaient  prise  dans  l'assassinat  juridique  de  sa  mère, 
ils  comptaient  que  Fintérêt  fermerait  la  bouche  à  leur 
royal  protégé.  Les  événements  montreront  clairement  que 
ces  politiques  égoïstes  ne  s'étaient  pas  trompés. 

Les  catholiques  anglais  offrent  à  leur  nouveau  monarque 
l'humble  expression  de  leurs  sentiments  et  de  leurs  espé- 
rances. Dans  cette  pièce  admirable  éclatent  la  franchise, 
le  dévouement.  Les  catholiques  demandent  pour  leur  re- 
ligion la  tolérance  dont  Henri  IV  vient  de  doter  ceux  de 
ses  sujets  qui  suivent  une  religion  contraire  à  la  religion 
professée   publiquement.   Leurs   raisons    doctrinales    et 
historiques  étaient  bien  faites  pour  toucher  le  cœur  d'un 
roi  qui  aurait  voulu  être  le  père  intelligent  de  son  peuple. 
Mais  l'ingratitude  et  la  frivolité  fermèrent  le  cœur  de 
Jacques  1"  aux  inspirations  de  la  droiture  et  de  l'énergie. 
Les  persécuteurs  trop  fameux  des  catholiques,  Cecil  et 
Bacon,  reparurent  dans  son  conseil.  C'est  au  milieu  de 
ces  politiques  sans  principes  et  sans  cœur  que  nous  ap- 
paraît ce  monarque,  dont  la  faiblesse  prétentieuse  et  la 
puérile  vanité  de  savoir  deviendront  bientôt  pour  ses  su- 
jets un  objet  de  dérision,  eu  même  temps  qu'elles  ren- 
dront plus  facile  à  ses  conseillers  l'accomplissement  de 
leurs  projets.  Ses  propos  ébruités  le  trahissent  :  les  ca- 
tholiques ne  peuvent  plus  conserver  leurs  illusions  pre- 
mières.  Un  crime  de  deux  prêtres  abusés,  Watson    et 
Clarke,  sert  de  prétexte  aux  mauvaises  dispositions  de  la 
cour.  Bien  que  l'archiprêtre  Blackwell  eût  dévoilé  lui- 
même  le  projet  à  Robert  Cecil,  après  en  avoir  été  informé 
par  les  jésuites,  que  Watson  avait  vainement  cherché  à 
séduire,  les  catholiques  devinrent  suspects.   On  les  re- 
garda  comme   des   traîtres   dont  la  fidélité  ne   saurait 
jamais  être  garantie. 

Cependant  des  sectes  rivales  se  forment  et  se  déve- 
loppent au  sein  de  l'Église  établie.  Devenu  chef  suprême 


EN   ANGLETERRE.  o3o 

de  l'Église  anglicane,  Jacques  V  s'efforce  de  la  soutenir. 
La  pétition  des  puritains  excite  son  mécontentement.  Il 
dénonce  «  les  tentatives  séditieuses  de  ces  esprits  qui 
travaillent  plutôt  à  détruire  qu'à  réformer,  »  et  il  essaye 
d'une  conférence  pour  calmer  ces  excitations.   Le  mo- 
narque-théologien  l'ouvre   lui-même,    et  il  force    les 
évoques,  d'ailleurs  complaisants,  à  accepter  ses  conclu- 
sions. Les  pasteurs  puritains,  admis  à  la  seconde  et  à  la 
troisième   séances,  ne   sont  pas  plus  heureux  que   les 
évêques  :  Jacques  P'  leur  impose  à  tous  une  soumission 
aveugle  et  absolue.  Quant  aux  catholiques,  le  roi  déclare 
«  qu'il  déteste  leur  religion  superstitieuse,  et  qu'il  est 
«  si  loin  de  vouloir  les  favoriser  que,  s'il  croyait  que  son 
«  fils  et  successeur  dût  accorder  la  tolérance  de  cette  re- 
«  ligion,  il  aimerait  mieux,  en  toute  vérité,  le  voir  ense- 
«  velir  sous  ses  yeux.  »  Les  shérifs  reçoivent  en  même 
temps  l'ordre  de  publier  dans  toutes  les  paroisses  une 
proclamation  qui  bannit  à  perpétuité  tous  les  prêtres,  jé- 
suites ou  autres.  (P.  87.)  Le  parlement  anglais  entend  un 
manifeste  royal  contre  le  catholicisme,  et  dès  le  24  avril 
1603,  un  mois  après  le  discours  du  roi,  un  bill  contre  les 
catholiques  est  présenté  à  la  Chambre  des  communes. 
Les  catholiques,  assimilés  aux  faussaires,  aux  parjures  et 
aux  hommes  mis  hors  la  loi,  sont  déclarés  inhabiles  à 
siéger  au  parlement.  Le  vicomte  Montagne  se  lève  pen- 
dant la  troisième  lecture  et  proteste  noblement  contre 
des  mesures  qui  n'ont  aucune  raison  d'être.  Son  discours 
est  jugé  «  un  scandale  et  une  offense  »  par  les  partisans 
de  la  libre-pensée,  et,  le  lendemain,  le  vieillard  est  con- 
duit à  la  prison  de  la  Flotte.   Toutefois,  les  catholiques 
essayent  encore  d'une  pétition  au  parlement.   Un  pam- 
phlet insultant  est  la  seule  réponse  qu'on  donne  à  leur 
supplique.  Quant  aux  évêques  anglicans,  ils  ne  sont  déjà 
plus  que  des   fonctionnaires  du  pouvoir  civil,  ils  cxpc- 


53/|  LA    PERSÉGUl'TON    KELIGIEUSE 

dient  à  leurs  suffragants,  au  nom  du  roi,  des  circulaire» 
où  ils  révèlent  les  intentions  du  monarque,  et  où  ils 
prescrivent  de  rechercher  les  catholiques  dans  leurs  fa- 
milles ou  au-dehors,  afin  de  les  déclarer  excommuniés  et 
de  les  frapper  de  la  confiscation  de  leurs  biens  et  de  la 
prison.  Découvrir,  poursuivre  et  accuser  les  catholiques, 
tel  est  le  mot  d'ordre  qui  passe  dans  tous  les  rangs  de 
l'ordre  civil  et  ecclésiastique.  Jacques  pouvait  se  dispen- 
ser de  recommander  aux  magistrats  de  se  montrer  «  dili- 
gents et  sévères  »  :  des  faits  multipliés  proclament  assez 
haut  l'activité  et  la  violence  déployées  parles  émissaires 
du  gouvernement. 

Coup  sur  coup  paraissent  plusieurs  édits  qui  activent 
la  persécution.  Le  clergé  s'associe  aux  colères  du  pou- 
voir et  formule  des  canons  qui  répondent  aux  édits  du 
roi.  Les  prisons  deviennent  bientôt  insuffisantes  :  on 
mêle  l'insulte  à  la  cruauté  :  1  effusion  du  sang  suit  de  près 
ces  divers  actes,  et  dès  le  16  juillet  lfi04,  un  mis- 
sionnaire est  écartelé  sur  la  place  publique  de  War- 
wick.  Le  sang  de  Jean  Sugar  a  ruisselé  sous  les  yeux  de 
Robert  Grissold  et  excité  son  enthousiasme  :  il  paye  de 
sa  propre  tête  sa  noble  sympathie.  Vingt-et-uu  prêtres  et 
trois  laïques  sont  coiidaumés  au  bannissement  perpétuel. 
Ils  signent  inutilement  contre  l'arrêt  qui  les  frappe  une 
protestation  pleine  des  témoignages  irrécusables  de  leur 
loyauté  et  de  leur  fidélité.  Pourquoi  tous  leurs  frères  ne 
les  imitent-ils  pas,  et  pourquoi  Catesby  ajoute-t-il  à  toutes 
ses  faiblesses  antérieures  la  machination  de  l'ignoble 
complot  des  poudres^  dont  le  résultat  devait  être  si  funeste 
au  catholicisme?  En  vain,  de  Rome,  les  voix  les  plus  auto- 
risées cherchent-elles  à  prévenir  cet  attentat  et  en  flé- 
trissent les  auteurs.  Le  P.  Garnet  essaye  de  faire  entendre 
raison  à  Catesby  :  la  prudence  du  missionnaire  échoue 
devant  l'astucieuse  obstination  du  conspirateur.  Des  re- 


EN    ANGLETERRE.  535 

tards  ont  beau  être  ménagés  :  tout  est  prêt  dix  jours 
avant  l'ouverture  du  parlement.  C'est  l'heure  de  la  tra- 
hison. Un  page  de  lord  Mounteagle  reçoit  une  lettre  où  son 
maître  est  averti  du  danger.  Les  plus  graves  auteurs  ne 
craignent  pas  d'attribuer  cette  lettre  à  lord  Cecil,  devenu 
comte  de  Salisbury,  et  impliqué  dans  le  complot,  comme 
son  père,  lord  Burleigh,  l'avait  été  dans  celuide  Babington. 
L'effronterie  de  Cecil  lui  peçmitde  présenter  lui-même  la 
lettre  au  roi,  lequel  déclare  ensuite  à  l'ouverture  du  par- 
lement qu'il  a  été  aidé  d'une  manière  surnaturelle  pour 
découvrir  la  conspiration.  Des  précautions  puériles  sont 
gardées  afin  de  faire  juger  au  peuple  de  la  vérité  des  in- 
spirations du  monarque  et  de  préparer  ainsi  un  mouve- 
ment populaire  d'autant  plus  violent  qu'il  pouvait  prendre 
le  caractère  dune  légitime  indignation.  Blackwell  et  les 
catholiques  nient  vainement  toute  complicité  dans  cet 
odieux  attentat.  L'instruction  du  procès  commence  ^ 
Londres,  dès  que  les  troupes  de  sir  Richard  Walsh  ont 
enveloppé  et  saisi  les  quatre  principaux  chefs  de  la  con- 
juration. —  Il  faut  lire  tous  ces  détails  dans  l'ouvrage  de 
M.  Destombes  :  les  Jésuites  sont  pleinement  dégagés  de 
toute  responsabilité  par  rapport  à  ce  crime  ;  on  y  voit 
comment  la  fourberie  de  Cecil  put  arriver  à  obtenir,  de 
juges  pervers  ou  surpris,  le  supplice  du  P.  Garnet,  dont 
tous  les  efforts  avaient  tendu,  selon  la  limite  du  possible, 
à  déjouer  le  complot. 

La  persécution  continue  plus  acharnée  que  jamais,  et 
de  nouvelles  lois  pénales  sont  ajoutées  à  celles  déjà  exi- 
stantes C'est  en  vain  que  le  roi  de  France  écrit  à 
Jacques  I"  pour  le  déterminer  à  entrer  dans  les  voies  de 
la  modération  :  sa  dépêche  est  habilement  retardée. 
Paul  V  exprime,  dans  deux  lettres  au  roi  d'Angleterre, 
toute  son  horreur  pour  le  forfait  de  Catesby.  Les  catho- 
liques protestent  encore  de  leur  fidélité  et  de  leur  sou- 


536  LA    PERSÉCUTION    RELIGIEUSE 

missiou.  Tout  est  inutile.  Jacques  1"  imagine  l'astucieux 
serment  d'allégeance  que  Borne  ne  peut  accepter,  et  dont 
la  rédaction  avait  étô  confiée  à  Bancroft,  archevêque  de 
Cantorbéry,  et  au  jésuite  apostat  Perkins.  Quelques  ca- 
tholiques prêtent  ce  serment  grâce  à  une  imprudence  de 
Blackwell  qui  a  semblé  l'autoriser.  Celui-ci  a  encore  la 
faiblesse  de  cacher  la  lettre  du  Pape.  Le  roi  connaît  le 
bref,  et  sa  fureur  devenant  plus  grande,  il  exige  le  ser- 
ment avec  une  extrême  rigueur.  Blackwell,  déjà  vieux, 
a  la  condescendance  coupable  de  le  signer,  et  il  en  est  ri- 
goureusement repris  par  le  cardinal  Bellarmin.  Alors 
commence  une  persécution  tellement  atroce,  que  le  roi 
lui-même  est  obligé  de  faire  faire  une  enquête  sur  les 
violences,  les  abus  du  pouvoir  et  les  crimes  commis  par 
les  agents  de  l'État.  (P.  13.3.)  Mais  la  persécution  san- 
glante n'en  continue  pas  moins,  et  de  nouvelles  victimes 
tombent  sans  cesse  sur  l'échafand,  un  milieu  des  raffi- 
nement d'une  affreuse  barbarie. 

IV. 

Un  chapitre  très-intéressant  nous  repose  de  toutes  ces 
horreurs.  C'est  l'histoire  des  fondations  anglaises  sur  le 
continent.  Proscrite  de  Vile  des  Saints^  la  vie  catholique 
se  transplante  en  un  sol  voisin  d'où  ses  radiations  se 
feront  sentir  à  la  nation  infortunée.  De  ces  centres  nou- 
veaux d'activité,  Bruxelles,  Douai,  Bome,  Beims,  Valla- 
dolid  et  Séville,  partent  des  foyers  de  lumière  contre  les 
ténèbres  accumulées  par  les  théologiens-politiques  de 
l'Église  établie.  De  là  aussi  viennent  des  martyrs  qui 
mêlent  leur  sang  aux  flots  de  sang  répandus  depuis  un 
siècle.  Aussi  les  conversions  commencent  :  l'aurore  du 
jour  que  "nos  yeux  voient  brille  déjà  sur  l'auglicanisme. 

Toutefois,  Jacques  I"  poursuit  ses  violences.  Aussi  ha- 
bile à  tromper  les  rois  d'Espagne  et  de  France  que  le 


EN    ANGLETERRE.  537 

Pape,  il  ne  meurt  pas  sans  avoir  formé  une  soi-disant 
sainte  alliance,  où  l'on  voit  des  républiques  catholiques  et 
la  France  unies  aux  protestants  de  l'Allemagne  et  du 
Daneraarck.  Il  obtient,  pour  son  fils  Charles,  la  main  de 
de  la  fille  du  roi  d'Espagne,  et  il  prépare  l'union  du 
prince  de  Galles  avec  Henriette  de  France. 


V. 


Jacques  I",  en  mourant,  laissait  à  son  fils  un  trône 
ébranlé  et  miné  de  toutes  parts  par  les  discordes  reli- 
gieuses et  politiques.  L'heure  est  venue  où  Dieu  va  livrer 
«  aux  instincts  déréglés  de  la  force  ce  peuple  resté 
muet  sous  la  main  des  tyrans  qui  lui  arrachèrent  sa  foi 
religieuse.  Charles  F"  et  Cromwell,  le  premier  sur  l'écha- 
faud,  le  second  sur  le  trône;  telle  est  la  leçon  terrible  et 
la  sévère  expiation  que  les  règnes  précédents  avaient 
préparée,  et  que  Dieu  réservait  à  l'Angleterre  comme  un 
châtiment  de  miséric'orde  plus  encore  que  de  justice. 
Comme  toutes  les  révolutions,  celle  qui  éclate  à  cette 
époque  présente  aux  regards  attentifs  de  l'observateur 
une  réunion  d'intérêts  et  de  passions  contraires,  qui  se 
cachent  sous  différents  masques,  et  au  milieu  desquels 
apparaissent  de  loin  en  loin  des  volontés  droites,  mais 
abusées,  des  convictions  sincères,  mais  outrées  jusqu'au 
fanatisme.  Des  idées  religieuses  et  politiques  en  opposi- 
tion ouverte,  des  amours-propres  froissés,  des  animosités 
surrexcitées  par  l'arbitraire  du  pouvoir,  enfin  des  dupli- 
cités et  des  tromperies,  parce  que  la  royauté,  d'une  part, 
est  poussée  à  des  promesses  irréalisables,  et  que,  de 
l'autre,  les  factions  cherchent  à  cacher  le  but  réel  où 
tendent  leurs  efforts  ;  telles  sont  les  causes  multipliées 
qui  aboutiront  aux  termes  fatal,  que  beaucoup  ne  pré- 
voyaient pas,  ne  voulaient  pas,  mais  où  le  doigt  de  Dieu 


538  LA    PERSÉCUTION  RELIGIEUSE 

dirigeait  les  événeraents.  Toutes  ces  factions  auront  leur 
succès  éphémère,  pendant  que  les  catholiques,  poursuivis 
par  toutes  les  haines  comme  par  toutes  les  erreurs,  con- 
tinueront de  gémir  sous  le  joug  de  fer  qui  les  écrase.  » 
C'est  par  ces  graves  pensées  que  M.  Destombes  ouvre 
le  récit  du  règne  de  Charles  I".  Elles  résument  admira- 
blement Tordre  de  faits  dont  il  se  compose,  et  dont  se 
composeront  les  deux  règnes  suivants.  Le  génie  du  mal 
n'est  pas  très-varié  dans  ses  attaques  contre  le  bien  :  il 
suit  des  plans  fort  analogues  les  uns  aux  autres.  Cette 
remarque  apparaît  en  toute  sa  vérité  dans  rjiistoire  que 
nous  analysons.  Faiblesse,  ineptie,  malveillance,  adula- 
tion, cruauté  :  tels  sont  les  mots  qui  caractérisent  les 
trois  règnes  de  Charles  I",  de  Cromwell  et  de  Charles  II. 
On  connaît  la  suite  de  cette  malheureuse  histoire,  qui 
aboutit  au  meurtre  légal  de  Charles  I"  et  au  protectorat 
de  Cromwell.  Lorsque  la  restauration  de  la  monarchie 
par  Charles  II  vient  donner  des  espérances  aux  divers 
partis  qui  divisent  le  royaume,  c'est  pour  les  sujets 
vraiment  fidèles,  les  catholiques,  une  ère  nouvelle  de 
soupçons,  d'intrigues,  de  calomnies,  de  persécutions  et 
de  meurtres.  Des  juges  toujours  iniques  condamnent 
d'innocentes  victimes,  et  celles-ci  expirent  en  appelant 
les  miséricordes  de  Dieu  sur  leurs  persécuteurs.  Les  dé- 
tails sont  pleins  d'intérêt  :  ou  les  lira  dans  l'ouvrage  de 
M.  Destombes 


VI. 


Quel  saisissant  spectacle  que  celui  d'une  nation  livrée, 
comme  l'a  été  la  nation  anglaise,  pendant  plus  de  cent 
cinquante  ans,  aux, horreurs  de  la  guerre  civile,  et  d'une 
persécution  dans  laquelle  la  religion  couvre  les  passions 
les   plus  ignominieuses  I  On  voit  passer  devant  soi  les 


EN    ANGLETERRE.  539 

sinistres  figures  de  rois  incapables  ou  pervers,  de  mi- 
nistres astucieux  et  perfides,  déjuges  iniques  et  courti- 
sans. On  suit  un  peuple  farouche  qui  se  transmet  de 
génération  en  génération  les  instincts  de  la  férocité  la 
plus  implacable.  D'un  autre  côté,  on  découvre  les  in- 
fluences de  tranquillité,  de  constance  et  de  paix  que  la 
foi  répand  sur  Tàme  des  nobles  victimes.  Celles-ci  lèvent 
les  yeux  au  ciel  d'où  descend  pour  elles  et  pour  leur 
malheureux  pays  un  rayon  d'espérance  d'autant  plus 
puissant  que  l'heure  où  elles  expirent  est  avancée,  et  que 
les  flots  de  sang  sillonnent  depuis  plus  longtemps  un  sol 
qui  dut  au  sang  des  premiers  apôtres  sa  merveilleuse 
fécondité.  Cependant  il  s'est  rencontré  des  historiens  qui 
ont  dénaturé  l'histoire  du  catholicisme  en  Angleterre  et 
transfiguré  celle  de  ses  persécuteurs.  Leur  œuvre  de 
mensonge  avait  obtenu  de  l'esprit  public  une  complicité 
universelle  et  comme  incurable.  L'Église  catholique  vient 
d'être  vengée  de  l'accusation  d'intolérance  qu'elle  a 
longtemps  subie.  M.  Dtstombes  a  arraché  à  l'erreur  son 
masque  de  modération.  Son  livre  «  est  précieux  aussi  en 
«  ce  qu'il  révèle,  chez  ce  peuple  persécuté,  plus  d'éner- 
«  gie  et  de  résistance  que  l'histoire  ne  lui  en  a  attribué, 
«  A  tout  prendre,  l'épreuve  de  l'Angleterre  catholique  a 
«  été  plus  délicate  et  plus  périlleuse  que  la  nôtre  en  93, 
«  et  il  faut  bénir  Dieu  qui  nous  a  épargné  plusieurs  des 
«  côtés  les  plus  dangereux  et  les  plus  difficiles  de  la  sé- 
«  duction.  »  (Lettre  de  Mgr  l'Évêque  de  Poitiers,  à  l'au- 
teur.) A.  GiLLY. 


DÉCISION  RECENTE 

SUR    l'amovibilité    DES     DESSERVANTS, 

et  sur  la  nécessité  de  /'imprimatur  pour  les  écrits  des  ecclé- 
siastiques en  France. 


Tout  reste  de  nuage  sur  ces  deux  importantes  questions 
se  dissipera,  il  faut  l'espérer,  en  présence  du  rescrit  que 
nous  allons  mettre  sous  les  yeux  du  lecteur.  Yoici  en  ré- 
sumé l'historique  des  faits  qui  l'ont  provoqué. 


I. 


Un  ecclésiastique  du  diocèse  d'Évreux  avait  publié 
une  brochure  intitulée  Kéhabilitatio?i  du  desservant.  L'écrit 
portait  le  nom  de  l'auteur,  qu'il  serait  inutile  de  repro- 
duire ici  ;  mais  il  n'était  point  muni  du  permis  d'imprimer, 
requis  par  les  lois  de  l'Église.  Il  attaquait  la  discipline 
actuelle  des  diocèses  de  France  sur  l'amovibilité,  qu'il 
disait  ne  pas  venir  de  l'Église,  mais  être  repoussée  par  l'E- 
glise-^ il  allait  même  jusqu'à  traiter  de  scandaleux  l'emploi 
des  mots  parochi  amovibilesj  dont  Mgr  d'Évreux  avait  fait 
usage  dans  la  lettre  d'indiction  de  son  synode. 

Par  une  ordonnance  du  22  décembre  1863,  Mgr  l'É- 
vèque  d'Évreux  condamna  cet  écrit.  Eu  même  temps  il 
exigea  de  l'auteur  l'aveu  de  sa  faute,  des  excuses  à  son 
évèque,  l'engagement  d'arrèterla  circulation  de  l'ouvrage, 
enfin,  une  adhésion  au  jugement  que  pourrait  porter  le 
SouviTÙn-Poulife,  le  toul  sous  peine  de  suspense  à  en- 


DÉCISION   SUR   l'amovibilité  DES  DESSERVANTS        5iil 

courir  ipso  facto.  L'auteur  iit  la  soumission  demandée  -,  elle 
fut  toutefois  difficile  à  obtenir  pour  l'un  des  points  énon- 
cés. «  Il  a  reconnu  (dit  le  rapport  du  vicaire-général, 
chargé  de  notifier  l'ordonnance},  quoiqu'un  peu  difficilement, 
qu'il  avait  commis  une  faute  grave  en  faisant  publier  ce 
livre  sans  une  autorisation  préalable  de  l'Ordinaire,  con- 
formément aux  prescriptions  du  dernier  concile  de  la  pro- 
vince et  des  statuts  diocésains.  » 

Le  24  décembre  1863,  Mgr  d'Évreux  adressa  au  Sou- 
verain-Pontife une  relation  accompagnée  du  texte  de 
son  ordonnance. 

L'examen  de  la  cause  fut  confié  à  une  congrégation  par- 
ticulière de  cardinaux,  qui  émit  son  sentiment  le  l*""  sep- 
tembre dernier.  lieu  fut  référé  au  Souverain-Pontife,  qui 
donna  ordre  de  répondre  à  Mgr  l'Évêque  d'Évreux  ainsi 
qu'il  suit  :  L'opuscule  composé  et  publié  par...,  et  qui  a  pour 
titre  :  Réhabilitation  du  desservant,  doit  être  réprouvé;  en 
premier  lieu,  parce  que  V ecclésiastique  susdit  n'a  pas  même  ob- 
servé pour  cette  publication  les  lois  du  diocèse  et  du  concile 
provincial  de  Rouen;  en  outre,  parce  quil  a  osé  accuser  les 
évêques  de  transférer  d'ordinaire  les  desservants  sans  motif 
raisonnable  ;  enfin,  parce  qu'il  s'est  arrogé  le  î'ôle  de  juge  dans 
une  question  réservée  au  Saint-Siège,  auquel  elle  a  été  précé- 
demment déférée,  et  en  particulier  au  sujet  des  curés  amovibles 
de  la  Belgique  y  sous  le  pontificat  de  Grégoire  XVI  de  sainte  mé- 
moire. Ce  Pontife  donna  sur  ce  sujet,  par  V intermédiaire  de  la 
Sacrée  Congrégation  du  Concile,  une  réponse  à  févêque  de 
Liège,  le  l"  mai  1845. 

Voici  la  lettre  de  Son  Eminence  le  cardinal  Quaglia, 
qui  transmet  cette  décision  à  Mgr  l'évêque  d'Evreux  : 

IL 

Perillustris  ac  Revereurlissime  Domine,  uti  frater.Quœ 


542        DÉCISION    SUR    l'aMOVIBILLTÉ    DES    DESSERVANTS 

per  litteras  diei  24  decenibris  1863  ad  sanctissimum  Do- 
miuum  DostViim  Pium  papam  IX  detulit  Amplitudo  tua 
quoad  opusculum  a  sacerdote  Ludovico  Desiderato  Dago- 
mer  conscriptum,  et  typis  impressum,  cui  titulus  :  héha- 
bilation  du  desservant,  et  judicium  ab  ampli tudiiie  tua  su- 
per eodeni  opusculo  latuni,  Sanctitas  Sua  ea  qua  prœstat 
apostolica  sollicitudine  excepit.  Yerum  priusquam  decer- 
neret  quid  Amplitudini  tuœ  esset  respondendum,  voluit 
ut,  in  cougregatione  parliculari  nonnuUorum  Emineutis- 
simorum  et  Reverendissimorum  sanctae  Romauœ  Ecclesiae 
cardinalium  hujus  Sacrâe  Congregationis  negotiis  episco- 
porum  et  regulariura  praepositae,  omnia,  quae  ab  Amplitu- 
dine  tua  exposita  fuerunt,  mature  expenderentur.  Parti- 
cularis  congregatio  habita  fuit  sub  die  1  septembris  nuper 
elapsi,  ac  sanctissimus  Dominas  noster  in  audientia  diei 
2  insequentis,  audita  relatione  infrascripti  domini  pro- 
secretarii  ejusdem  sacrœ  Congregationis  episcoporum  et 
regularium,  et  voto  Eminentissimorum  et  Reverendissi- 
morum Patrum,  Amplitudini  tuai  rescribi  mandavit  :  Opus- 
culum a  sacerdote  Dagomer  redactum,  ac  in  lucem  editum, 
cui  titulus  :  Réhabilitation  du  desservant,  esse  reprobandum, 
tum  quia  praeraemoratus  sacerdos  nequidem  legibus  dioe- 
cesanis,  et  Concilii  provinoialis  Rothomagensis  in  illo 
edendo  obtemperavit  ;  tum  quia  episcopos  ineusare  ve- 
ritus  non  sit  ac  si  absque  probabili  causa  parochos  amo- 
vibiles  vulgo  desservants  transferre  incaute  soleaut  ;  tum 
demum  quia  judicis  sibi  partes  occupaverit  in  quœstione 
Sanctae  Sedi  reservata,  ad  quam  delata  alias  fuit,  ac  prœ- 
sertim  quoad  parochos  amovibiles  regni  Belgici,  sub 
pontificatu  sanctae  memoriae  Gregorii  XVI,  qui  persacrara 
Concilii  Congregationemdie  1  maii  1845  responsum  super 
eadem  episcopo  Leodiensi  dédit.  Cjeterum  laudandam 
esse  submissionem,  quam  prœnominatus  sacerdos  Dago- 
mer judicio  proprii  episcopi  praestitit. 


ET    SUR    LA   NÉCESSITÉ    DE    LIMPRIMATUR.  oh"^ 

Haec  Amplitudini  tuae  a  me  significauda  erant  de  man- 
date sanclissimi  Domini  iiostri,  cujus  insuper  jussafaciens 
hic  adnecto  exemplar  prœfati  rcsponsi,  una  cum  precibus 
ab  episcopo  Leodiensi  porrectis.  Intérim  cuncta  faiista  ac 
prospéra  Araplitiidiui  tuae  adprecor  a  Domino.  Amplitu- 
dinis  tuae_,  etc.  —  Romae,  5  octobris  1864.  —  A.  Gard. 
QuAGLiA,  Preef.  —  Eegliati,  pro-secretarius. 


III. 


Les  conséquences  sont  faciles  à  déduire. 

r  En  ce  qui  concerne  la  nécessité  de  Vimprimatur,  elle 
ressort  de  la  teneur  du  rescrit.  L'une  des  raisons  pour 
lesquelles  l'ouvrage  en  question  est  à  réprouver  (esse  re- 
probandum),  c'est  qu'en  le  publiant  l'auteur  n'a  pas  même 
observé  les  lois  de  son  diocèse  et  du  concile  provincial  de  Rouen. 
Un  décret  du  concile  provincial  de  Rouen  de  1850,  et 
l'article  40  des  statuts  du  diocèse  d'Évreux,  interdisent 
l'impression  des  écrits  relatifs  à  l'Église,  à  la  religion,  à 
la  foi,  à  la  discipline  et  à  la  morale,  sans  une  autorisation 
préalable  de  l'Ordinaire.  Le  rescrit  pontifical  reproche  à 
l'auteur  de  l'opuscule  d'avoir  violé  ces  prescriptions,  et 
déclare  pour  ce  seul  chef  l'ouvrage  digne  de  réprobation. 
En  outre  par  l'expression  nequidem  [na  pas  même  observé) , 
le  rescrit  fait  entendre  que  d'autres  lois  ont  été  aussi  vio- 
lées, et  nul  doute  qu'il  n'ait  eu  en  vue  les  prescriptions 
du  V®  concile  de  Latran  (sess.  10),  du  concile  de  Trente 
(sess.  4,  c.  2',  et  de  la  10^  règle  de  l'Index.  Aux  termes 
de  ces  décrets,  qui  sont  des  lois  générales  de  l'Église, 
l'impression  et  la  publication  des  écrits,  sans  nom  d'au- 
teur et  sans  l'autorisation  de  l'Ordinaire,  est  formellement 
interdite.  Néanmoins,  avant  les  derniers  conciles  pro- 
vinciaux de  France,  qui  ont  expressément  statué  sur 
cette  matière,  les  membres  du  clergé  publiant  des  écrits 


àhh        DÉCISION    SUR    L'AMOVIBILlTfi    DES    DESSERVANTS 

sans  la  permission  requise,  pouvaient  alléguer  une  sorte 
d'excuse.  L'opinion  que  certains  décrets  disciplinaires 
du  concile  de  Trente,  et  ceux  de  l'Index,  n'étaient  pas 
reçus  en  France,  et  qu'il  ne  fallait  pas  les  considérer 
comme  obligatoires  dans  ce  pays,  n'avait  malheureusement 
que  trop  prévalu.  Ce  n'est  pas  ici  le  lieu  de  réfuter  cet  en- 
seignement erroné  ^mais  on  conçoit  la  bonne  foi  dans  les 
membres  du  clergé  qui  en  avaient  été  imbus. 

Ce  qui  est  déplorable,  c'est  de  voir  des  ecclésiastiques 
publier  leurs  écrits  sans  l'autorisation  requise,  depuis  que 
les  récents  conciles  provinciaux  de  France  le  leur  ont 
expressément  interdit.  Il  est  incontestable  que  la  matière 
est  grave  et  que  le  précepte  oblige  sous  peine  de  péché 
mortel.  On  se  demande  comment  ces  prêtres  peuvent  s'ar- 
ranger avec  leur  conscience.  Le  fait  d'une  si  regrettable 
transgression  vient  de  se  produire  presque  simultanément 
à  Lyon,  àVersailles  et  dans  le  diocèse  d'Évreux.  Notre 
Revue  a  déjà  parlé  des  brochures  de  Lyon  sur  la  question 
liturgique.  Elles  ont  été  publiées  sans  nom  d'auteur  et  sans 
le  permis  de  l'Ordinaire.  Celle  qui  n'est  point  anonyme  et 
qui  a  pour  auteur  un  curé,  est  également  dépourvue  de 
l'imprimatur.  Un  décret  du  dernier  concile  provincial  de 
Lyon  prohibait  expressément  ce  désordre.  On  n'en  a  tenu 
aucun  compte.  A  Versailles,  un  ecclésiastique  a  publié  une 
série  de  lettres  sous  le  pseudonyme  de  Sophronius.  Les 
trois  premières  ont  été  condamnées  par  Mgr  Mabile  et 
peu  après  tnises  à  Y  index.  L'auteur  s'est  soumis;  mais  no- 
nobstant sa  rétractation,  sa  quatrième  lettre  a  été  mise  en 
vente  ;  et  il  en  a  paru  une  cinquième,  avec  le  même  pseudo- 
nyme, et  toujours  sans  imprimatur.  Le  prêtre  de  Versailles 
auteur  de  ces  tristes  productions  violait  ouvertement 
un  décret  du  concile  de  Paris,  Derrière  quels  principes 
de  morale  se  retranche-t-on  pour  innocenter  de  tels  actes? 
jXous  ne  savons.  Ce  qui  nous  semble  certain  au  point  de 


ET    SUR    LA.  xNÉCIiSSiTÉ    DE    l' IMPRIMATUR.  5/i5 

vue  de  la  théologie,  c'est  qu'une  pareille  infraction  est 
une  faute  grave,  ainsi  que  Tu  jugé  Mgr  d'Évreux,  dans  les 
pièces  communiquées  aux  évêqucs  de  France  par  sa  cir- 
culaire du  23  octobre  1864.  Ce  qui  nous  paraît  également 
certain,  au  point  de  vue  du  droit  canonique,  c'est  qu'un 
pareil  délit  peut  légitimement  donner  lieu  à  la  peine  de 
la  suspense  et  à  la  privation  de  tout  bénéfice.  Un  seul  cas 
est  à  excepter  :  si  l'Ordinaire  refuse  d'examiner  les  ou- 
vrages qui  lui  sont  soumis  par  les  auteurs,  on  doit  con- 
clure que  ceux-ci  ne  sont  plus  astreints  à  la  loi  de  Yim- 
primaivr,  attendu  qu'il  n'est  pas  en  leur  pouvoir  de  l'ob- 
server. Mais  l'auteur  des  lettres  de  Sophronius  n'était  pas 
dans  ce  cas  exceptionnel.  Il  n'a  point  soumis  ses  écrits  à 
sou  évêque,  et  le  prélat  lui  a  reproché  cette  infraction 
aux  décrets  du  concile  de  sa  province. 

L'ecclésiastique  du  diocèse  d'Évreux,  auteur  de  la  bro- 
chure Réhabilitation  du  desservant,  avait  aussi  devant  lui 
le  décret  prohibitif  d'un  concile  provincial,  celui  de 
Rouen.  Malheureusement  il  a  passé  outre.  Mais  à  la  diffé- 
rence des  écrivains  mentionnes  ci-dessus,  il  n'a  pas  ajouté 
la  faute  de  l'anonyme  à  celle  de  la  publication  sans  im- 
primatur.  Lui  du  moins  a  loyalement  signé  son  écrit.  Il  n'a 
pas  pris  un  masque  pour  attaquer  sou  évêque. 

Eu  présence  du  texte  si  clair  des  prescriptions  cano- 
niques, une  décision  du  Saint-Siège  n'était  point  ici  néces- 
saire. !Vous  l'aurons  néanmoins  désormais,  et  en  des  termes 
capables  de  désabuser  les  esprits  les  plus  malades.  Le 
rescril  pontifical  du  2  septembre  18G4,  transmis  par  la 
lettre  de  Son  Émineuce  le  cardinal  Quaglia  du  5  octobre, 
déclare  un  ouvrage  digne  de  réprobation ,  parce  qu'en  le  pu- 
bliant, l'auteur  ne  s'est  pas  conformé  aux  statuts  de  son 
diocèse  et  au  décret  du  concile  provincial,  qui  prescrivent 
la  formalité  de  l'imprimatur  :  «  Esse  reprobandum  quia 

Kf.VI'E  DFS  '^Cll-.NCKS   KCCLÉ?.   T.    X  —DÉCEMBRE  1864  36 


5/j6      DÉCISION   SUR   l'amovibilité   DES   DESSERVANTS. 

iicquidem  legibus  diœccsauis  et  cciicilii  provincialis  Ro- 
thomagensis  in  illo  edendo  obtemperaverit.  « 

2^  En  ce  qui  concerne  la  révocabilité  des  desservants, 
le  rescrit  du  2  septembre  vient  mettre  fia  à  une  opinion 
qui  avait  encore  des  adhérents,  et  qui  a  été,  dans  la  pra- 
tique, le  prétexte  de  plus  d'un  écart  regrettable.  Dans 
înon  traité  de  Parocho  et  ailleurs,  j'ai  soutenu  que  les 
évoques  de  France  et  de  Belgique  ont  le  droit  de  révo- 
quer ad  nutum  les  curés  desservants,  tant  que  le  Saint- 
Siège  n'aura  pas  autrement  statué  sur  ce  point  de  disci- 
pline. Je  m'appuyais  principalement  sur  la  réponse  de 
Grégoire  XYI  à  l'evêque  de  Liège  (l"mai  1845).  Le  prélat 
belge  avait  posé  la  question  en  ces  termes  : 

«  Au,  attentis  praesentium  rerum  circurastantiis,  in  re- 
gionibus  in  quibus,ut  in  Belgio,  sufflciens  legum  civilium 
fieri  non  potuit  immutatio,  valeat  et  in  con&cieniia  obUijet, 
usque  ad  aliara  SauctœSedis  dispositionem,  disciplina  in- 
dueta  postcoucordatum  anni  1802,  ex  qua  episcopi  juris- 
dictiouem  pro  cura  animarum  conferre  soient  ad  nuii{}^ 
revocabilem,  et  illi  si  revocentur  et  alio  mittantur  leneantur 
obedire?  Caeterum  episcopi  hac  rectorcs  rcvocandi  vel 
traust'erendi  auctoritate  haud  irequeuler  et  non  nisi  pru- 
denter  uti  soient  ;  adco  ut  sacri  luiuisterii  stabilitati, 
quantum  fieri  potest  in  hisce  rerum  adjunctis,  satis  cou- 
sultum  videatur.  w 

11  fut  répondu,  par  l'intermédiaire  de  laSacrée  Congréga- 
tion du  Concile  :  «  SanctissimusDominus  noster,  universa 
rei  de  qua  iu  piecibus  ratione  mature  pcrpensa,  gravi- 
busque  ex  causis  animum  suum  moventibus,  refereute 
infra  scripto  Cardinali  S.  Congregationit;  Concilii  Praefecto, 
bénigne  annuil  ut  in  regimine  ecclesiarum  siœcursalium  de 
quibus  agitur  nulla  immutatio  fiat^donec  aliter  a  Sancta  Aposto- 
lica  Sede  stalutum  fuerit.  » 


ET   «UP.    LA    NÉCESSIO-ft   ©E  l'iMPRIMATUR.  547 

Par  ce  rcscrit,  le  pape  Grégoire  XVI  expriraaitclaire- 
ment,  selon  nous,  sa  volonté  par  rapport  à  la  discipline 
de  la  révocation  ad  nutiimdes  desservants.  Non  seulement 
il  en  penneltait  la  continuation  aux  évoques  de  France 
et  de  Belgique,  mais  il  défendait  de  la  changer  (nulla 
immutatio  fiai),  tant  que  le  Saint-Siège  naïa-ait  pas  statué 
autrement.  Il  ne  nous  paraissait  pas  moins  clair  qu'en  vertu 
de  ces  derniers  mots,  le  changement  de  cette  discipline 
se  trouvait  désormais  réservé  au  Souverain-Pontife, 

On  nous  objecta  les  termes  bénigne  annuit ,  qui  expriment 
sculeœent  un  induit,  c'est-à-dire  une  faveur,  une  dispense 
de  la  loi,  dont  les  évêques  sont  libres  de  ne  pas  user. 
Cette  explication  nous  parut  une  subtilité.  Les  mots  bé- 
nigne annuit  expriment  que  le  Souverain-Pontife  a  voulu 
accorder  ce  que  l'évêque  de  Liège  témoignait  désirer  Or 
ce  prélat  sollicitait  précisément  une  réponse  affirmative  à 
la  question  ;  An  disciplina  inducta  (celle  de  la  révocation 
ad  nulum)  valeat  et  in  conscientia  obligel  vsquead  aliam  Sancfœ 
Sedis  dispositionem.  Vour  accorder  cela,  il  fallait  non  seule- 
ment que  la  discipliné  des  révocations  ad  nntiim  fût  dé- 
clarée licite  aux  évêques,  tant  quMls  jugeraient  à  propos 
d'en  user,  mais  qu'il  leur  fût  fait  défense  de  la  changer, 
et  que  ce  changement  fût  réservé  au  Saint-Siège.  Ce 
(\vCaccorde  Grégoire  XVI,  c'est  la  prohibition  de  changer 
cette  discipline  [nulla  immutatio  /îaf),tant  que  le  Saint- 
Siège  n'aura  pas  statué  autrement. 

Quant  aux  écrits  où,  malgré  cette  réponse  du  pape 
Grégoire  XVI,  on  a  osé  accuser  d'injustice  les  prélats  qui 
usaient  de  la  discipline  des  révocations  ad  nvfiim,  ce  sont 
de  déplorables  écarts  qui  ne  méritent  pas  de  réfuta- 
tion. 

A  ces  erreurs,  et  aux  subtilités  imaginées  pour  éluder 
la  réponse  de  1845,  nous  aurons  désormais  à  opposer  le 
rcscrit  de  Pie  IX.  L'opuscule  Réhabilitation  du  desserrant 


5A8  DÉCISION  SUR  l'amovibilité  des  desservants. 
y  est  déclaré  digue  de  réprobation,  parce  que  l'auteur  s  est 
attribué  le  rôle  déjuge  dans  une  question  réservée  au  Saint-Siège, 
La  question  de  la  révocabilité  ad  nutum  des  desservants  est 
doue  bien  certainement  réservée  au  Saint-Siège.  Et,  en 
attendant  que  la  discipline  suivie  à  cet  égard  en  France 
et  en  Belgique  soit  modifiée  par  le  Souverain-Pontife,  nul 
n'a  droit  d'accuser  d'injustice  les  prélats  qui  s'y  confor- 
ment. Le  desservant  révoqué  ou  transféré  par  son  évoque 
est  tenu  d'obéir.  L;i  doctrine  contraire  serait  désormais 
une  aberration  inexcusable. 

D.  Bouix. 


QUESTIONS  LITURGIQUES. 


I. 


Peut'On  tolérer  Image  de  la  soutane  à  queue  pour  les  simples 
prêtres? 

Un  simple  prêtre,  quelle  que  soit  sa  dignité,  ne  peut  avoir  une 
soutane  à  queue. 

Plusieurs  décisions  de  la  Sacrée  Congrégation  relatives  à  rarchidiacre 
de  Ravenne  nous  le  prouvent  clairement. 

t«'  DÉCRET,  «  Non  licuisse,  neque  licere  canonico  praeposilo  ca- 
«  thedralis  Ravennae  usum  vestis  talaris  cuni  cauda,  ad  instar  praela- 
«  torum  Romanae  Guriae,  etc.;  ideoque  usum  praediclura  eidem  prohi- 
«  bendum  esse  censuit,  prout  prohibuit.  »  (Décret  du  17  juin  1673, 
n"  2642.) 

2"  DÉCRET.  «  Neutri  licuisse,  neque  licere,  nempe  archidiacono  et 
«  praeposilo  ecclesiae  metropolitanœ  Ravennaten.,  usum  vestis  talaris 
«  cum  cauda  ad  instar  praelatorum  Romanae  Gurio:;  ;  ideoque  abusum 
€  praedictum  omnino  eisdem  prohibendum  esse  censuit,  prout  prohi- 
«  huit.  »  'Décret  du  2  déc.  1673,  n"2666.) 

Si  l'archidiacre  de  Ravenne,  malgré  ses  instances  réitérées,  n'a  pu 
obtenir  cette  permission,  il  en  résulte  clairement  que  la  soutane  à 
queue  est  regardée  comme  un  insigne.  Les  paroles  ad  instar  prxlato- 
rum,  d'ailleurs,  le  montrent  suffisamment.  Ajoutons  que  l'usage  des 
soutanes  à  queue  pour  les  simples  prêtres  n'a  point  été  introduit  en 
Italie,  ni  dans  les  pays  où  la  pratique  des  règles  canoniques  a  toujours 
été  en  vigueur. 

Supposons  un  instant  que  l'usage  de  la  soutane  à  queue  ne  soit  pas 
prohibé  par  une  loi  positive:  les  prêtres  qui  en  useraient  ne  pourraient 


550  LITURGIE. 

jamais  la  laisser  liaîner.  Si  l'on  examine  les  règles  posées  par  les  ru- 
bricistes,  règles  fondées  sur  le  texte  du  Cérémonial  des  évêques  et  la 
tradition  toujours  suivie  à  Rome,  l'i-vêque  ne  laisse  traîner  la  queue 
de  sa  soutane  que  lorsqu'il  officie,  et  alors  il  y  a  un  caudataire. 

Divers  conciles,  dit  Catalani  {Cœr  ep.,  1.  i,  c.  xv,  §  I,  n.  H),  ont 
défendu  aux  clercs  et  aux  simples  prêtres  l'usage  de  la  soutane  à  queue. 
Le  savant  liturgiste  qui  a  dirigé  la  nouvelle  édition  de  ce  précieux  ou- 
vrage s'exprime  ainsi  à  ce  sujet  :  «  Pauca  de  cauda  subtanae  subnec- 
a  tamus.  Notum  est  subtanain  ab  inferiore  parte  dilatatam  seu  cauda- 
d  tain  inter  insignia  Episcoporum  et  praelatorum  recenseri,  et  nulli 
«  alii,  eliam  archidiacono  velvicario  generali,  esse  permissam,  sicut  a 
a  S.  C.  sancitura  est.  » 

La  soutane  à  queue  est  donc  un  insigne,  et  elle  n'appartient  pas  aux 
simples  prêtres.  Il  est  bon  d'observer  encore  que  la  soutane  traînante 
des  évêques  et  des  prélats  est  faite  de  manière  que,  lorsqu'elle  est  re- 
levée, elle  a  la  forme  des  soutanes  sans  queue. 


II. 


\,  Quelle  est  la  bonne  manière  de  réciter  les  Litanies  des  Saints  ?  Faut- 
il  répéter  les  invocations  du  commencement  jusqu'à  Pater  de  cœlis 
Ueus  ?  A  la  fin  faut-il  répéter  Cbriste  audi  nos  et  ce  qui  suit  jusqu'au 
dernier  Kyrie  eleison  inclusivement?  —  11.  Doit-on  faire  de  même 
pour  les  litanies  de  la  sainte  Vierge  ?  Doit-on  dire  à  la  fin  Cliriste 
audi  nos  et  Christe  exaudi  nos?  —  III,  Peut-on  chanter  au  salut 
ou  en  procession  les  litanies  du  saint  Nom  de  Jésus?  —  IV.  Aux 
différents  exercices  qui  se  font  en  Vhonneur  du  Sacré-Cœur  de 
Jésus,  de  saint  Joseph,  etc.,  peut-on,  comme  il  se  pratique  en  cer- 
taines églises,  chanter  les  litanies  particulières  à  la  dévotion  qui  est 
l'objet  du  concours  du  peuple,  avec  r oraison!  Peut-on  même  réciter 
ces  litanies  publiquement  dans  l'église  ? 

I.  Litanies  des  saints.  Les  Litanies  des  saints  étant  une  prière  litur- 
gique, elles  occupent  naturellement  ici  le  premier  rang.  La  manière  dont 


Lri^UR(ilE.  6m 

on  ies  récite  est  clairement  indiquée  dans  le  Rituel.  Après  le  premier 
Kyrie  eleison,  il  est  dit  :  Chômé  îtlhm  repetit,  et  sic  in  sequentibiis 
usque  ad  Pater  de  ccelis  exclusive.  Après  sancta  Maria,  on  lit  :  Chorus 
responàet  Ora  pro  nobi's  ;  la  même  rubrique  se  trouve  après  Propitiià 
esta,  après  Peccatores  e\  après  le  premier  Agmis  Dei.  Après  Christe 
à'itdi  nos,  il  est  dit  :  Chorus  idem  repetit  usque  ad  ultimum  Kp'ie 
eleison  exclusive.  La  dilticulté  nous  a  été  posée  dans  des  termes  où 
l'on  supposerait  que  ces  rubriques  ne  se  trouveraient  pas  dans  le  Rituel, 
ou  qu'il  ne  serait  pas  conforme  à  la  disposition  indiquée  dans  le  graduel 
de  la  commission  Rémo-cambfésienne.  On  aura  vraisemblablement  faiï 
erreur  dahs  Ta  confrontation. 

11.  Litanies  de  la  sainte  Vierge.  Les  répétitions  prescrites  dans  là' 
r.''cilation  des  Litanies  des  saints  ne  sont  indiquées  nulle  part  pour  lés 
litanies  delà  sainte  Vierge,  pas  plus  dans  les  éditions  imprimées  à  Rômé 
que'  dans  celles  que  l'on  a  imprimée?  en  France.  L'édition  du  petit- 
office  que  nous  avons  citée  t.  ix,  p.  572  renferme  ces  litanies.  Aplréfé 
Agnus  Dei,  il  n'y  a  point  Christe  audi  nos,  mais  l'antienne  Sub  tmim 
avec  le  mot  nostris  après  necessitatibus ,  puis  le  f  Ora  pro  nobis,  et  l'o- 
ràiëon  Gratiam  tuani  avec  la  petite  conclusion. 

Iti.  Lïiâhies  du  saint  Noni  de  Jésus.  La  concession  relative  aux  li- 
tanies du  saïril  Nom  de  Jésus  ne  nous  paraît  pas  suffisante  pour  autorise'r 
leur  introduction  dans  les  fonctions  liturgiques.  S'il  en  était  autrement, 
on  pourrait  introduire  dans  ces  fonctions  toutes  les  prièi'es  eiirichies 
d'indulgences. 

IV.  Autres  litanies.  Les  autres  litanies  étaient  autrefois  prohibées 
d'une  manière  générale  :  «  Prohibitae  litaniae  omnes  praeter  antiquis- 
«  simas  et  communes  quae  in  breviariis,  missalibus,  pontificalibus,  ac 
«  ritualibus  conlinentur  et  praéter  litanias  de  Beala  Virgine.  »  (Index 
lib.  prohibit.  fnst.  Clem.  VIII,  de  Prohibitione  librorum.)  Elles  sont 
aujourd'hui  permises,  avec  certaines  réserves,  comme  prières  de  dé- 
votion, mais  elles  ne  doivent  point  figurer  dans  l'usage  public  et  litur- 
gique. (V.  Revue,  t.  iv,  p.  564,  et  t.  vin,  p.  577.) 


552  LITURGIE. 


III. 


Lorsqu'il  se  trouve  au  mat'.re- autel  une  statue  de  la  sainte  Vierge, 
objet  priticipal  de  la  dévotion  des  fidèles,  comme  au  Puy,  à  Notre^ 
Dame  de  Liesse,  etc.,  ne  peut-on  pas  tolérer  que  cette  statue  ne  soit 
pas  voilée  pendant  le  temps  de  la  Passion  ? 

L'obligation  de  couvrir  les  images  pendant  le  temps  de  la  Passion 
est  une  loi  ge'nérale  de  l'Église.  Dans  la  rubrique  du  Missel, 
après  la  messe  du  samedi  de  la  quatrième  semaine  de  Carême,  il  est 
dit  :  ((  Ante  vesperas  cooperiuntur  cruces  et  imagines.  »  La  Rubrique 
du  Cérémonial  des  évêques  (1.  il,  c.  xv,  n.  5)  n'est  pas  moins  ex- 
presse :  «  Ad  primas  autem  vesperas  dominicae,  quae  de  Passione  di- 
«  citur,  cooperiantur  antequam  officium  inchoetur,  omnes  cruces  et 
a  imagines  Salvatoris  nostri  Jesu  Chrisli  per  ecclesiam.  »  Il  n'est 
question  ici,  à  la  vérité,  que  dos  images  de  Notre-Seigneur  ;  mais  la 
rubrique  du  Missel  est  générale,  et  de  plus,  nous  pouvons  citer  le 
décret  suivant  :  Question.  «  An  cruces,  et  imagines  sanctorum^  quae 
«  in  iconibus  allarium  reperiunlur,  debeant  In  primis  vesperis  domi- 
a  nicas  Passionis  tegi,  an  vero  cruces,  et  imagines  Salvatoris  tantum  ?» 
Réponse.  «  Debent  tegi  omnes  imagines  in  primis  vesperis.  »  (Décret 
du  4  août  1663,  n.  2241,  q.  2.) 

Avant  cette  réponse,  la  Sacrée  Congrégation  avait  déjà  déclaré  qu'au- 
cune fête  ne  peut  dispenser  de  cette  règle,  comme  on  le  voit  par  les 
décrets  suivants  :  Question  «  1...  2.  An  debeant  velari  imagines  et 
a  cruces  sabbato  Passionis,  si  occurrat  eo  die  festum  S  titularis  vel 
a  patroni  ecclesiae?  3.  An  detegi  illae  debeant,  quando  in  hebdo- 
«  mada  Passionis  occurrit  feslum  S.  tilul.iris,  vel  dedicatio  eccle- 
a  siae?  »  Réponses.  i  Ad  2.  Affirmative.  Ad  3.  Négative.  »  (Décret 
du  16  novembre  1649,  n.  I6!3,  qq.  2  et  3.) 

Les  auteurs  qui  ont  traité  cette  question  enseignent  qu'on  ne  peut 
admettre  aucune  exception  à  cette  règle.  «  Si  enim  sabbnto  P.is- 
a  sionis,  »  dit  Cavalieri  (dec.  295,  tit.  iv,  p.  218),   «  veland*  sunt 


LITURGIE.  553 

«  sanclorura  imagines,  etsi  eo  die  occurrat  festum  solerane  patroni, 
«  vel  titularisa  ulique  detegendse  nec  erunt,  si  quid  simile  accidat 
«  reliquo  Passionis  tempore,  quod  consecratura  est  dolorosae  recorda- 
a  lioni  Passionis  Ghristi  qui  sicuti  média  Passione  sua  salutem  ora- 
•  nium  nostrum  operatus  est,  factusque  est  coramunis  omnium  Re- 
«  demptor,  ita  etiam  tristitiae  argumenta,  quae  ad  recolendara  ejusdem 
«  Passionem  invexit  Ecclesia,  ecclesiis  omnibus  debent  esse  communia, 
«  absque  eo  quod  earumdem  aliquae  ob  spéciales  raliones  valeant  dis- 
a  crepare.  Id  utique  ubertim  ostendit  Ecclesia,  dum  in  feria  quinla 
«  OœnaeDomini,  in  qua  recolit  institutionem  Sacramentorum  maximi, 
a  pluriraum  quidem  dispensai  super  tristitiae  signis,  sed  crucem,  sa- 
«  crasque  imagines  nihilaminus  lenet  velatas ,  argumenlum  utique 
«  validum,  quod  quaecumque  feslivitas,  quae  Passionis  tempore  cele- 
«  bretur,  aut  consueludo  quaelibet,  quae  in  opposilum  esset  inducta, 
or  potis liaud  est  tum  temporis  lueri  discooperilionem  cruciura  sacrarum- 
a  que  imaginum.  » 

Il  résulte  de  là  que,  pour  découvrir  une  image  pendant  le  temps  de 
la  Passion,  il  faut  avoir  une  autorisation  spéciale  du  Saint-Siège.  Cette 
permission  s'accorde  ; 'et  l'on  obtient,  à  Rome,  de  S.  E.  le  Cardinal- 
vicaire,  la  permission  de  découvrir  l'image  d'un  saint  au  jour  de  sa 
fête. 


IV. 


Qtie  doit-on  penser  de  l'usage  de  certaines  églises,  où  l'on  anticipe  au 
jeudi-saint  l'adoration  de  la  Croix,  qui  se  fait  le  vendredi,  de 
sorte  que  l'église  est  presque  déserte  le  vendredi-saint  ? 

La  solution  de  celte  difficulté  dépend  de  la  manière  dont  on  doit  en- 
tendre l'Adoration  de  la  Croix  dont  il  est  ici  question.  Il  est  d'usage, 
en  plusieurs  diocèses,  de  faire  chaque  semaine,  pendant  le  temps  du 
Carême,  un  exercice  en  l'honneur  de  la  Passion  de  Notre-Seigneur  et 
de  la  Compassion  de  la  sainte  Vierge.  Cet  exercice  est  non-seulement 


55'4  Li\'i]kà,\k. 

ap^V6uvé,  rii'âis  enrichi  d'indulgences  :  ttn  y  fait  l'Âdobtibn  de  la 
Ctà\i.  On  peut  dciiic  faire  rexercîce  de  l'ÀdoratioW  de  la  Croix  non  - 
s'eiitèiii'è'rit  lé  jèudi-saiiit,  niais  tous  les  jours  de  l'année.  Cependant, 
on  né  pourrait  pas  intercaler  cette  cérémonie  dans  une  fonctiort 
liturgique  autre  qbe  celle  du  vendredi-saint ,  ni  la  supprimer  dans 
'"olfice  de  ce  jour.  D'où  il  suit  que  l'on  pélU  admettre  l'usage  de  faire 
rAdoratiôh  de  la  Croix  lé  îeudî-saint  eu  dehors  des  offices,  pourvu 
qu'elle  ne  s'oit  pas  supprimc'edàris  la  fonction  du  vendredi-saint.  Quant 
à  la  raison  tirée  de  la  diminution  du  concours  des  fidèles  en  ce  saint 
jour,  elle  ne  touche  pas  les  règles  canoniques.  C'est  aux  (^vêques  et 
aitx  pi'êti'es  ayant  charge  d'àmes  à  juger  des  moyens  à  prendre  pour 
faire  le  bien  parmi  les  fidèles. 


V. 


Est'il  vrai  de  dire  que  dans  toute  église  et  oratoire  public,  il  ne  puisse 
jamais  y  avoir  qnun  seul  Ordo  ? 

Dans  un  article  publié  au  mois  de  septembre  dernier,  intitulé  : 
Examen  de  plusieurs  difficultés  relatives  aux  églises  et  oratoires,  pour 
résoudre  la  quatrième  question,  nous  sommes  parti  de  ce  principe, 
que,  dans  toute  église  et  oratoire  public.,  on  doit  suivre  un  seul  Ordo. 
Ce  principe  nous  a  paru  ressortir  des  décisions  relatives  à  la  conduite 
à  tenir  par  un  prêtre  qui  célèbre  dans  une  église  étrangère.  La  Sacrée 
Congrégation;  en  effet,  paraît  exiger, d'une  manière  bien  positive,  que 
dans  une  église  ou  un  oratoire  public,  aux  jours  de  fêtes  doubles,  toutes 
les  messes  soient  célébrées  suivant  le  rit  et  avec  la  couleur  qui  con- 
vient à  ces  fêtes;  or.  cette  règle  ne  saurait  être  observée,  s'il  y  a  deux 
Ordo  dans  la  même  église.  Si  le  principe  d'un  seul  Ordo  doit  être 
suivi,  il  faudra  nécessairement  déterminer  le  calendrier  qui  doit  préva- 
loir. Nous  avons  ajouté  que  des  religieux^  célébrant  dans  une  église  qui 
n'est  pas  celle  de  leur  Ordre,  pourraient,  a  raison  de  la  présence 
d'un  prêtre  étranger,  être  obligés  de  se  conformer  j>our  la  messe  à 
rOMo  diocésain. 


LITURGIK.  555 

On  nous  a  adressé,  sur  ce  point,  des  observations  importantes.  Il 
peut  se  faire,  en  effet,  que  les  membres  de  deux  clergés  différents,  et 
ayant  chacun  leur  Ordo,  soient  autorisés  à  célébrer  chaque  jour  la 
messe,  et  même  l'office  divin,  dans  une  même  église.  Ni  les  uns  ni  les 
autres  ne  seront  dans  une  église  étrangère.  Nécessairement  alors  il  y  aura 
deux  Ordo,  et  les  étrangers  pourront  se  conformer  à  l'urt  ou  à  l'autre. 
Le  cas  est  assez  pratique  dans  certaines  paroisses  où  sont  établis  des 
religieux  ayant  un  calendrier  particulier  à  leur  Ordre,  dans  les  grands 
séminaires  dirigés  par  des  religieux,  et  oîi  se  trouvent  avec  eux  des 
prêtres  séculiers  attachés  à  l'établissement. 

Les  raisons  qu'on  apporte  pour  admettre,  dans  ces  différentes  cir- 
constances, ou  d'autres  analogues,  une  exception  à  la  règle  que  nous 
avons  posée,  d'une  manière  peut-être  trop  générale  ou  trop  absolue, 
sont,  sans  contredit,  très-fortes.  Malgré  nos  recherches,  nous  ne  trou- 
vons aucune  décision  sù^*  ce  point,  et,  dans  aucun  auteur,  la  question 
n'est  traitée  de  manière  à  éclaircir  la  difficulté.  On  peut,  ce  semble, 
pour  la  pratique,  adopter  le  sentiment  le  plus  favorable,  jusqu'à  ce  qUfe 
la  Sacrée  Congrégation  ait  prononcé. 

P.  R. 


JURISPRIDENCE   CAiNOMQUE. 


DÉCISIONS  DE    LA    S.    CONGRÉGATION    DU   CONCILE. 


Signina.  Canoiiici  pœnitentiarii  quoad  optionem. 
Die  2o  junii  1864. 

L'exercice  du  droit  d'option  pour  les  prébendes  canoniales  ne  donne 
lieu  généralement  à  aucune  difficulté  sérieuse,  et,  comme  ce  droit  ne 
peut  exister  avec  la  législation  qui  régit  actuellement  nos  églises  de 
France,  c'est  un  point  très-secondaire  de  la  discipline  ecclésiastique, 
qui  n'offrira  peut-être  à  nos  lecteurs  qu'un  médiocre  intérêt.  Il  est  bon, 
cependant,  que  le  canoniste  sache  ce  qui  se  pratique  encore  dans  beau- 
coup de  chapitres  et  d'églises  collégiales  ;  et  rien  ne  saurait  mieux 
nous  faire  entrer  dans  le  fond  de  la  question;,  que  l'examen  de  l'affaire 
proposée,  le  25  juin  dernier,  à  la  Sacrée  Congrégation  du  Con- 
cile. 

Qu'est-ce  que  le  droit  d'option?  —  «  In  plerisqae  calhedralibus  et 

collegiatis  adest  usus  optandi  vacantes  praebendas Optio  est  quod- 

dam  jus,  cujus  vigore  antiquiores  canonici  gradatim  vacaiitem  praeben- 
dara  (quae  reservata  non  sit),  propria,  dimissa,  intra  certum  lempus 
eligere  et  consequi  valeant.  »  Ainsi  s'exprime  Scarfantoni,  dans  son  re- 
marquable ouvrage  intitulé  :  Animadversiones  ad  lucubrationes  cano- 
nïcales  Francisa  Coccapani  [t.  ii,  p.  47,  édit.  de  Lucques,  1725).  Ce 
droit  appartient  donc  au  chanoine  le  plus  ancien  dans  le  chapitre,  quelle 
que  soit  d'ailleurs  son  ancienneté  dans  les  saints  ordres.  C'est  d'après 
cette  règle,  qu'un  cardinal -diacre  a  le  droit  d'opter  pour  un  autre  titre 
cardinalice,  avant  un  cardinal-prèlre  moins  ancien  que  lui  dans  le 
Sacré  Collège.  Gomme  l'usage  de  ce  droit  d'option  ne  change  que 
lappllcatioM  de  tel  revenu  à  tel  canonicat,  il  suit  de  là  que  le  litre ca- 


DÉCISIONS   DE^LA    S.    C.    DU    CONCILE.  557 

nonial  reste  le  même,  et  qu'il  n'j  a  pas  lieu  à  une  nouvelle  collation 
de  la  part  de  l'ordinaire.  —  Cet  éclaircissement  étant  donné  pour 
l'intelligence  de  ce  qui  va  suivre,  nous  entrons  en  matière. 

Le  chanoine  Jean  ***,  pénitencier  de  la  cathédrale  de  Segni  (Etats  de 
l'Église),  par  une  lettre  du  20  janvier  1863,  expose  à  la  Sacrée  Con- 
grégation, que  la  prébende  dont  il  jouit  ne  s'élève  qu'au  chiffre  minime 
de  7  écus  romains  de  rente  annuelle  (environ  37  fr.).  11  n'y  a  donc 
aucune  proportion  entre  l'importance  de  son  office,  et  l'exiguité  d'un 
pareil  revenu  ;  de  plus,  sa  qualité  de  pénitencier  le  privant  du  droit 
d'option,  il  se  trouve  dans  une  condition  inférieure  à  celle  des  autres 
chanoines,  qui  peuvent,  par  option,  arriver  successivement  à  des  pré- 
bendes plus  riches.  C'est  pourquoi  il  demande  «  qu'on  lui  accorde  le 
droit  d'option,  ou  plutôt,  que  l'évêque  pro  tempore  reçoive  la  faculté 
de  pouvoir  affecter,  nunc  pro  Uunc  à  l'ofiBce  du  pénitencier,  une  pré- 
bende plus  considérable.  » 

L'évêque,  consulté  sur  ce  qui  se  pratique  dans  sa  cathédrale  par 
rapport  au  droit  d'option,  et  sur  la  valeur  exacte  de  la  prébende  du 
pénitencier,  y  compris  les  distributions,  répondit  par  un  votum  dont 
voici  la  substance  : 

«  Les  revenus  de  mes  chanoines  sont  formés  par  des  biens  qui 
sont  divisés  en  deux  parts  ;  l'une  forme  la  masse  capilulaire,  ainsi  que 
les  distributions  quotidiennes  ;  l'autre  se  partage  pour  constituer  autant 
de  prébendes  qu'il  y  a  de  chanoines.  Lorsqu'une  vacance  se  présente, 
le  droit  d'option  est  donné  aux  chanoines  dans  l'ordre  accoutumé; 
quant  au  pénitencier  et  au  théologal,  ils  ne  peuvent  opter,  par  la  rai- 
son qu'ils  possèdent  des  prébendes  fixes.  Mais,  vu  l'insuffisance  de  la 
prébende  dont  il  s'agit,  la  règle  générale  paraît  devoir  admettre  une 
exception,  car  il  ne  convient  pas  que  celui  qui  exerce  l'office  le  plus 
difficile  et  le  plus  important,  reçoive  le  traitement  le  plus  faible.  Du 
reste,  la  Sacrée  Congrégation  a  déjà  accordé  le  droit  d'option  à  un  cha- 
noine-pénitencier, pour  des  raisons  analogues  ;  par  exemple,  in  Pismi- 
ren.,  23  maii  1648;  in  Milevitana,  23  februarii  1726.  Le  chapitre, 
que  j'ai  consulté,  est  favorable  à  la  demande  du  suppliant  ;  seulement, 
pour  que  la  concession  ne  porte  aucun  préjudice  aux  chanoines  plus 


558  JURISPRUDENCE    CANONIQUE. 

anciens,  il  exige  que  le  pénitencier  ne  soit  admis  à  opter  qu'à  son  tour  ; 
et,  à  cette  condition,  il  consent  à  ce  que  la  prébende  plus  riche,  qu'il 
aura  ainsi  obtenue,  soit  pour  toujours  aiî'ectée  à  la  pénitencerie,  et  ne 
puisse  plus  être  l'objet  de  l'option.  Celte  réserve  faile  par  le  chapitre 
ne  manque  pas  de  motifs  raisonnables  ;  mais,  si  l'on  agit  ainsi,  il  est 
fort  à  craindre  que  jamais  aucun  pénitencier  n'arrive  à  une  prébende 
plus  riche.  En  effet,  si  le  pénitencier  actuel,  qui  est  le  plus  jeune  des 
chanoines,  ne  peut  opter  qu'après  tous  les  autres,  il  devra  attendre 
très-longtemps  pour  obtenir  une  prébende  convenable,  et  il  est  à  peu 
près  impossible  qu'il  arrive  jamais  à  la  plus  riche.  Le  même  inconvé- 
nient se  présentera  pour  son  successeur,  qui,  se  trouvant  le  dernier  par 
ordre  d'ancienneté,  ne  pourra  obtenir  que  la  dernière  prébende,  pour 
laquelle  naturellement  personne  n'aura  opté.  11  arrivera  donc  ce  qui  est 
déjà  arrivé  cinq  fois  depuis  douze  ans,  c'est-à-dire  que  tous  les  péni- 
tenciers, se  trouvant  dans  une  condition  aussi  peu  favorable,  deman- 
deront à  se  démettre  et  à  obtenir  un  canonicat  simple.  Or,  tous  ces 
changements  ne  peuvent  qu'être  très-préjudiciables  au  bien  de  l'Eglise 
et  au  salut  des  âmes.  H  est  donc  urgent  de  donner  au  suppliant  le  droit 
d'option. 

«  Quant  à  la  manière  d'exercer  ce  droit,  continue  l'évêque,  il  serait 
à  désirer  que  le  pénitencier  put  opter  à  son  tour  comme  les  autres 
chanoines,  jusqu'à  ce  qu'une  des  meilleures  prébendes  vînt  à  vaquer  ; 
celle-ci  serait  alors  affectée  pour  toujours  à  l'office  de  pénitencier,  et 
on  ne  pourrait  plus  opter  pour  elle.  Que  si  la  v'^acrée  Congrégation 
n'approuvait  point  cette  solution,  il  faudrait  au  moins  accorder  au  sup- 
pliant la  faculté  d'opter  dans  l'ordre  accoutumé,  à  condition  que  son 
successeur,  quoique  ayant  la  dernière  stalle  au  chapitre,  pourra 
néanmoins  opter  comme  s'il  avait  le  rang  de  son  prédécesseur,  jusqu'à 
ce  qu'enfin  il  ait  obtenu  une  des  prébendes  les  plus  considérables.» 

A  la  suite  du  volum  de  l'évêque,  se  trouve  l'évaluation  de  la  pré- 
bende. Le  revenu  fixe  n'excède  jamais  10  écus;  et,  déduction  faite  des 
impôts,  il  se  réduit  à  7  écus  ijH.  Les  distributions  quotidiennes  s'éle- 
vant  au  chiffre  annuel  de  36  écus,  le  revenu  total  est  donc  de  43  écus 
1/2  (environ  233  fr.). 


DÉGISIONS    DE    I.V    S.    G,    DU    GONGILK.  559 

Dans  une  nouvelle  leltre,  le  pénitencier  fait  observer  à  la  Sapréç 
Congrégation,  que  les  expédients  proposés  par  l'évêque  ne  résolvent 
pas  complétenjent  la  ditriculté  ;  car,  dans  ce  cas,  il  renoncera  à  son 
office^  plutôt  que  d'attendre,  jusqu'à  un  âge  trés-avaflcé,  une  prébende 
convenable;  c'est  pourquoi  il  pense  que  l'on  doit  déroger  au  droit  des 
anciens  chanoines,  en  désignant  une  des  meilleures  prébendes  qui  sera 
annexée  à  la  pénitencerie,  dès  qu'elle  deviendra  vacante.  C'est  le  seul 
moyen  de  satisfaire  proniptement  et  sûrement  à  des  exigences  que  tpyg 
reconnaissent  très-fondées. 

Après  avoir  exposé  tout  ce  qui  précède,  le  rapporteur  de  la  cause 
passe  à  l'ejtamen  des  principes  du  droit  qui  se  rapportent  à  la  question. 
11  rappelle  d'abord  la  règle  du  Concile  de  Trente,  touchant  l'augmen- 
tation des  prébendes  insuffisantes  :  In  ecclesiis  calhedralïbus  et  coller 
giatis  insignibus,  ubi  fréquentes,  adeoque  temiea  sunt  firxbenflse  si^f{l 
cum  dislr.ibiUîonibiis  qmtidianis,  ut  suslinsndo  decenli  cqnomcoimm 
gradui,pro  loci  et  personarum  qualitate,  non  sufficiqnt;  lic,eat  epi^co- 
pis  cum  consensu  capiluli,  vel  aliquot  svnplicia  bénéficia,  nqn  tamen 
regularia,  m  unire;  vel  &ï  hac  ratipne  provideri  non  possit,  aliqi^ibi^s 
ex  Us  suppressis..  ..,  quarum  fructus  et  provfi^tus  relig-n^rnr^  pr?^r 
bendarum  distr^but^omb^$  qmtidianis  appUcentur^  cas  ad  paudorem 
numerum  reducere....  etc.  (Sess.  xxiv,  cap.  15,  (ie  Reform.)  L^ 
même  Concile  dit,  en  ordonnant  l'institution  d'une  prébende  Ihéolq- 
g^le  :  Et  quat^us  in  ipsis  ecclesiis  nuUa,  vel  no,n  suffîciens  prsebenda 
foret,  metropolifanus  vel  episcopus  ipse  per  assignationem  frucluum 

alicujus  simplicis  benefîcii vel  per  contributionem  beneficiatoruJV' 

suse  civitatis,  et  diœcesis,  vel  alias,  prout  comtnodius  fîeri  ypterit,  de 
Capituli  consilio  ila  proiideat,  ut  ipsa  sacrée  Scriplurx  lectio  habea- 

tur etc.  (Sess.  v,  cap.  i,  de  Reform.)  Or,  d'après  Bientôt  XIV 

(Const.  Pastoralis,  an.  1725),  et  le  cardinal  Petra  (ad  Const.  2  In- 
noc.  VI,  num.  25),  la  prébende  du  pénitencier  doit  ^trp  assimilée  à 
celle  du  théologal;  l'évêque  de  Segni  peut  donc  user  du  moyen  indi- 
qué, pour  améliorer  la  positipn  de  sojo  pé.niteAcier. 

11  faut  observer,  cependant,  qup  la  règle  du  Concile  de  Trente  s'ap- 
plique au  cas  de  l'insuffisance  absolue  d'une  prél\en(lje^  et  dfi  ria[\ppssi- 


560  JURISPRUDKNCK    CANONIQUF, . 

bilité  de  l'augmenter  aulrement.  Mais  ici,  il  s'agit  seulement  d'une 
insuffisance  relative,  c'est-à-dire  que  la  prébende  du  pénitencier  est 
insuffisante,  eu  égard  à  l'importance  de  son  office,  et  à  la  condition  des 
autres  chanoines  qui  peuvent,  par  option,  obtenir  peu  à  peu  les  meil- 
leures prébendes.  Donc,  quoique  en  principe  la  prébende  du  péniten- 
cier soit  fixe,  en  ce  ?ens  que  les  autres  chanoines  ne  puissent  opter 
pour  elle,  et  que  le  pénitencier  ne  puisse  opter  pour  les  autres,  il  faut 
bien  cependant  déroger  à  la  loi,  quand  cette  prébende  n'est  nullement 
en  rapport  avec  la  dignité  et  l'iniporlance  de  l'office  auquel  elle  est 
annexée.  C'est,  du  reste,  ce  que  la  Sacrée  Congrégation  a  déjà  fait 
par  ordre  du  Souverain-Pontife.  Ainsi,  in  Pisauren.,  ^'5  maii  1648 
(lib.  décret.  18,  p.  478),  il  a  été  répondu  :  Canonko  pœnitentiario 
dandum  esse  induUum  onlandi  prsebendam  pinyuiorem,  qiix  in  futu- 
rum  semper  conferutur  canonico  pœnitentiario,  si  SSmiis  D.  N.  an- 
nuat.  La  même  réponse  a  été  faite  in  Sibenicen.,  8  maii  1688. 

Quant  au  mode  à  suivre  dans  l'exercice  de  ce  droit,  il  paraît  juste 
que  le  pénitencier  ne  puisse  opter  que  selon  l'ordre  accoutumé,  comme 
il  a  été  réglé  dans  la  cause  Sibenicen.,  citée  tout-à-l'heurc  :  S.  Con- 
gregatio  bénigne  induisit  ut  pœnitentiarius  et  theologus  cathedralvs 
Sibenicensis  prœbendas  optare  possint  sicut  ceteri  Canonici,  donec  ad 
aliquatn  ex  pinguioribus  prœbendi.'^  ascendant.  De  celte  façon,  il  ne 
s'élèvera  aucune  opposition  de  la  part  du  chapitre  de  Segni. 

En  terminant,  le  rapporteur  invite  les  cardinaux  à  examiner  attenti- 
vement la  solution  proposée  par  l'évéque  dans  la  dernière  partie  de  son 
vottim;el  il  ajoule  que  si  Leurs  Éminences  veulent  permettre  que 
l'on  désigne,  dès  maintenant,  une  des  meilleures  prébendes  qui  sera 
affectée  au  pénitencier  aussitôt  qu'elle  deviendia  vacante,  elles  peuvent, 
pour  accorder  cette  grâce,  s'appuyer  sur  la  décision  qui  a  été  donnée 
récemment  in  Bellun.  De  cette  façon,  la  réponse  de  la  Sacrée  Congré- 
gation sera  tout-à-fait  conforme  aux  vœux  du  suppliant. 

DUBIUM. 

An  et  quomodo  annuendum  sit  oratoris  precibus  in  casu? 

RESP. 

Affirmative  juxta  modvm.  nemps  ut  salvo  jure  oj)tionis  canonico- 


DÉCISIONS    DE    I,A    S,    C.    DU   CONCILE.  5(il 

rum  nunc  existentium,  pœnitentiario  ascensio  gradatim  detur,  juxta 
ullimam  partem  voti  episcopi,  qnonsf^ue  assequatur  unain  ex  pingiiio- 
ribus  prxbendis  ah  eodem  Episcopo  designandam,  qux  nunc  pro  tune 
pœnitentiario  perpetuo  addicatur,  facto  verbo  cum  SSmo. 

II. 

Montisfalisci.  Archipresbyterarus  super  onere  magisterii. 
Die25junii^86i. 

La  petite  ville  délie  Grotte,  diocèse  de  Montefiascone  (Étals  de  l'É- 
glise), possède  une  collégiale  sous  le  titre  de  Saint-Jean-Baptiste.  La 
prébende  arcbipresbylérale,  qui  est  en  même  temps  un  bénéfice  curial 
avec  charge  d'âmes,  étant  devenue  vacante  par  la  renonciation  du  ti- 
tulaire, Ferdinand  F...,  prêtre  de  la  même  ville,  l'obtiDt  par  voie  de 
concours,  le  3  août  1863.  Or,  les  lettres  apostoliques  d'institution  por- 
tent la  clause  suivante:  Ut  intra  animm  proximum  gradum  magisterii 
in  theologia  vel  doctoratus  aut  licentiaturx  in  decretis  in  aliqna  ap- 
probata  studii  generali  universitate  susciperet.  Le  nouvel  archiprêlre 
supplie  la  Sacrée  Congrégation  de  vouloir  bien  annuler  cette  clause, 
qui  paraît  avoir  été  apposée  par  la  Daterie,  dans  la  fausse  persuasion 
que  la  prébende  est  une  dignité  de  la  collégiale. 

Avant  de  rien  décider,  la  Sacrée  Congrégation  attendit,  selon  l'usage, 
l'avis  et  les  informations  de  l'évôque-administrateiir  du  diocèse.  Celui- 
ci,  dans  réponse  du  12  avril,  produisit  plusieurs  documents  très-im- 
portants, qui  vont  jeter  une  vive  lumière  sur  la  question,  et  aider  à  la 
solution  de  la  difficulté. 

Le  rapporteur  de  la  cause  rappelle  d'abord  ce  qui  a  été  réglé  par  le 
Concile  de  Trente,  touchant  les  dignités  des  cathédrales  et  des  collé- 
giales :  Hortatur  S.  Synodus,  lit  in  provinciis  ubi  id  commode  fieri 
potest,  dignitates  omnes,  et  saltem  di7nidia  pais  canonicatuum,  in 
cathedralihus  e(clesiis,  et  collegiatis  insignibus  conferantur  tantum 
magistiis,  vel  doctoribus,  aut  etiam  licentiatis  in  theologia  vel  jure 
canonico.  (Sess.  xxiv,  cap.  12,  de  Reform.)  De  plus,  la  règle  quatrième 
de  la  chancellerie  porte  que  la  collation  de  toutes  les  dignités,  même 
dans  les  collégiales,  est  réservée  au  Saint-Siège.  11  importe  donc  de 

BKVDE  des  sciences  ECOLES.,  T.  IX.— DÉCEMBRE  1864  .  37 


562  JURISPRUDENCE    CANONIQUE. 

savoir  si  la  prébende  archipresbytérale  de  Saint-Jean  est  une  dignité, 
et  si  elle  a  toujours  été  conférée  par  la  Daterie  apostolique.  Or,  les 
documents  fournis  par  l'évêque-adnfiir.istrateur,  contiennent  une  réponse 
authentique  de  la  Sacrée  Congrégation,  dont  voici  la  teneur  :  An  die-' 
tus  archipresbyteratiis  (Ecclesiae  S.  Jpannisoppidi  Cryptarum)  censen- 
dus  sit  parochialis ,  vel  prima  dignitas  in  eollegiala?  —  Resp. 
Archipresbyteratum  censendiim  esse  paror.hialem .  (in  ^'!ontisfalisci  ar- 
chipresbyteratiis.  die  12  decemb.  1676,  in  lib.  décret.  29,  p.  316 
seq.)  Voici  maintenant,  d'après  les  renseignements  de  Tévêque,  le  re- 
levé des  vacations.  Depuis  1076  jusqu'en  1793,  la  prébende  a  vaqué 
huit  fois;  or  les  lettres  d'institution,  expédiées  tantôt  par  la  Daterie 
apostolique,  tantôt  par  la  cour  épiscopale,  ne  lui  donnent  jamais  le  litre 
de  dignité.  Bien  plus,  en  1793,  les  lettres  de  la  Daterie  disent  de  cet 
archipresbytérat  :  Cujus,  dum  ille  vacat,  collatio,  provisio  et  omni- 
moda  alia  dispositio  ad  pro  tempore  existentem  episcopum  Montisfa- 

lisci ,    cessantibus  reservationibus  et  affectionibus  apostolicis,  spe- 

dare  dhjnoscitur .  Dans  la  collation  faite  en  1796  au  prêtre  Joseph 
Marenghi,  docteur  in  utroque  jure,  on  lit  pour  la  première  fois  :  Qui 
inibi.  parochialis.  et  forsan  unica  dignitas  existit.  En  1803,  la  Date- 
rie confère  celte  prébende  comme  une  dignité,  et  dit  pour  la  première 
fois:  Volumus  prxterea,  quoi  infra  anniim  proximum  gradum  ma- 
gisierii  in  S.  Theologia  aut  licenliaturœ  in  aligna  approbata  nniver- 
sitate  suscipere  teneaiur.La  même  clause  a  été  formulée  dans  les  colla- 
tions suivantes  ;  mais,  en  fait,  aucun  des  trois  archiprêtres  n'a  pris  les 
grades  académiques.  En  1854,  à  Toccasion  d'une  nouvelle  vacance, 
s'éleva  la  question  de  savoir  si,  en  raison  de  la  clause  contenue  dans 
les  quatre  collations  précédentes,  la  prébende  devait  avoir  définitive- 
ment le  titre  de  dignité  ;  on  fit  des  recherches  à  la  Daterie,  à  la  chan- 
cellerie épiscopale,  et  dans  les  archives  de  la  collégiale,  mais  il  ne  se 
présenta  aucune  trace  d'érection  authentique  de  celle  prébende  en  di- 
gnité. 

Le  rapporteur  dit  quelques  mots  de  la  science  érainente  qui  rend  le 
nouvel  arcbiprêtre  très-capable  de  bien  exercer  ses  fonctions  ;  il  a  au- 
trefois soutenu  avec  distinction  des  thèsts  publiques  sur  la  théologie, 


DÉClSlOPi^    l>t    J.A    .S.    C.    D,U    CONCILE.  Ô(?^ 

l'Écriture  sainte  et  l'histoire  ecclésiastique  ;  et  il  |  étç  pomrfl^  récem- 
raent  juge  et  exaraintiteyr  prosynodal.  Enfin,  voici  le^  raisons  qi^e  l'jip 
pourrait  alléguer  pour  et  contre  sa  demande. 

I.  Contre  le  suppliant,  on  peut  invoquer  les  quatre  considérations 
suivantes  : 

1«  L'église  de  Saint-Jean  est  une  collégiale,  çompie  l'a  déclaré  la 
Sacrée  Congrégation  le  13  septembre  1856.  11  s'ensuit  que  larchi- 
prêtre,  qui  e^t  le  premier  du  collège,  est  une  dignité.  On  se  servit 
même,  en  1856,  de  l'existence  de  cette  prébende  coran^e  dignité,  pour 
prouver  que  l'église  ,ét?iit  une  collégiale. 

2°  La  Daterie,  dans  quatre  collations  successives,  a  donné  à  l'ar- 
chiprêlre  le  titre  de  dignité.  Or  il  suffit  que  le  supérieur  donne  sciem- 
ment  un  titre  à  quelqu'un  pour  qu'il  en  jouisse  réellement  et  puisse 
s'en  prévaloir.  (Lotter,  de  Re  hen.,  lib.  i,  q.  14,  n.  41.  —  hinoc. 
in  cap.  Ciim  Ecclesiarum,  de  offic.  ord.  n.  2.) 

5"  Dans  les  trois  dernières  collations,  la  Daterie  a  apposé  la  clause 
obligeant  l'élu  à  prendre  les  grades  académiques. 

4»  Quanti  même  la  prébende  ne  serait  pjis  upe  dignité,  le  suppliant 
n'en  e^t  pas  moins  obligé  de  s'en  tepir  aux  termes  des  lettres  d'insti- 
tution. «  Nemo  siquidem  inficias  ire  prsesunipserit  nullatenus  Summo 
a  Pontitici  velituip  esse  praecipere,  ut  ii  etiam  Beneficiati,  qui  alias 
«jure  canoflico  ad  lauream  obtinendam  minime  teneantur,  ex  spécial! 
«  Pontificio  prœscriplo  ad  eamdem  sibi  comparandam  valeant  ad- 
«  stringi.  »  Or,  cette  obligation  luia,él,é  imposée  ;  il  doit  donc  la  rem- 
plir. 

II.  Quant  aux  arguipents  qui  militent  en  faveur  de  la  demande,  on 
ne  peut  leur  refuser  upe  grande  valeur. 

1°  De  ce  que  l'église  de  Saint-Jean  est  une  collégiale,  on  ne  peut 
conclure  que  l'archiprêtre  soit  une  dignité;  car,  comme  dit  le  rappor- 
teur, «  ad  Collegialam  constiluendara  satis  tantum  est,  juxla  in  cap. 
a  Novit.  4.  de  his  qux  fiunl  a  prxlat.,  ut  Canonici  unum  corpus 
«  efforment,  ita  ut  adsil  caput  et  adsint  menibra  Collegii.  »  (Cf.  Fran- 
ççsc,  de  Cathedr.,  cap.  xxii,  num.  39.  —  Loiier,  de  Re  benef., 
lib.  1,  q.  14,  n.  2.  —  Barbosa,  Jus  ecd.,  Ijb.  ii,  cap.  yi,  n.  10.) 


bQk  JUKlSPnUDENCE    CANONIQUE. 

—  Une  collégiale  peut  subsister  sans  dignités  ;  bien  plus,  l'enseigne- 
ment des  docteurs  et  la  pratique  de  la  Sacrée  Rote  et  de  la  Sacrée 
Congrégation  elle-même  ont  consacré  le  principe  suivant  :  De  jure 
communï  dignilates  non  stint  de  capitulo.  Enfin,  on  pourrait  citer 
un  grand  nombre  de  collégiales  qui  n'ont  pas  de  dignités,  et  alors,  il 
faut  dire  avec  Devoli  :  Digtiitas  est  pênes  corpus  universum.  [Inst. 
can.,  lib.  f,  tit.  m,  sect  7,  ^  60,  tora.  i.) 

2°  De  ce  que  le  Souverain-Pontife  a  quelquefois  désigné  l'archipres- 
bytérat  de  Saint-Jean  comme  une  dignité,  il  ne  s'ensuit  pas  qu'il  ait  été 
véritablement  élevé  à  ce  rang.  On  connaît  la  constitution  du  Concile 
de  Vienne  :  Si  quem  Summus  Ponlifex  snb  titulo  cvjuslibet  dignita- 
tîs  ex  certa  scientia,  verho,  conslilut'wne,  vel  litteris  nominel,honoret, 
seu  quovis  alio  modo  tradet;  per  hoc  in  dignitate  illa  ipsum  appro- 
bare  non  intelligulur,  mit  quidqiiam  ei  tribuere  novi  juris.  (Inter 
Cleraentinas,  de  Sent,  excom.  cip.  Si  Summus  Pontifex.)  Celte  régie 
a  été  plusieurs  fois  sanctionnée  par  les  Papes,  et  récemment  encore 
par  Grégoire  XVI.  Ajoutons  que  si  celte  prébende  avait  élé  considérée 
comme  une  dignité,  la  collation  aurait  toujours  appartenu  au  Saint- 
Siège.  Or,  on  sait  que  cette  collation  se  faisait  allernativement  par  la 
Cour  épiscopale  et  par  la  Daterie  apostolique. 

3°  Puisque  la  Daterie  croyait  à  l'existence  d'une  dignité,  il  ne  faut 
pas  s'étonner  que,  par  suite  de  cette  erreur,  elle  ait  imposé  l'obliga- 
tion de  prendre  les  grades  académiques  ;  et  le  suppliant  a  droit  de  ré- 
clamer contre  celte  erreur.  Du  reste,  nous  avons  dit  que  les  archi- 
prétres  ainsi  nommés  n'ont  jamais  pris  leurs  grades,  non  par  négli- 
gence ou  mauvaise  foi,  puisqu'ils  étaient  trés-recommaiidables  par  leur 
science,  leur  piété  et  leur  dévouement  au  Saint-Siège,  mais  unique- 
ment d'après  l'exemple  donné  par  leurs  prédécesseurs. 

4°  Le  Souverain-Pontife  pourrait,  à  la  vérité,  imposer  cette  obliga- 
tion; mais  l'a-t-il  voulu  réellement?  Cela  n'est  pas  évident;  au  con- 
traire, on  doit  présumer  qu'il  n'a  pas  voulu  déroger  au  droit  commun, 
en  imposant  l'obligation  du  doctorat  à  un  bénéficier  qui  n'est  pas  une 
dignité,  et  que,  par  conséquent,  il  a  agi  dans  la  fausse  persuasion  que 
^'archipresbytérat  de  Saint-Jean  était  une  dignité.  Cette  présomption 


CIRCULAIRE    DE    LA    S.    G.    DE    l'iNDEX.  565 

est  d'autant  plus  fondée,  que  les  paroles  du  concile  de  Trente,  citées 
plus  haut,  n'ont  pas  le  caractère  d'une  loi  proprement  dite,  mais  ren- 
ferment une  simple  exhortation,  laquelle,  du  reste,  ne  regarde  que  les 
collégiales  insignes,  et  non  pas  les  simples  collégiales,  comme  l'est 
celle  de  Saint-Jean  délie  Grotte. 

Après  avoir  pesé  toutes  les  raisons  alléguées  de  part  et  d'autre,  les 
Éminentissiraes  Cardinaux  ont  résolu  comme  il  suit  le  doute  proposé  : 

DUBIUM. 

An  et  quomodo  annuendum  iil  oratoris  precibus  in  casu  ? 

RESP. 

Afjîrm'itive,  facto  verho  cum  Sanctissimo  ;  et  nolifîcetur  ministris 
Datarix  Apostolicx  pro  futuris  vacationibiis. 

N.  F., 

Professeur  do  droit  canonique 

CIRCULAIRE 

DE    LA    S.    CONGRÉGATION    DE    l' INDEX 
Adressée  à  tous  les  évêques  du  monde  catholique. 

Illustrissime  ac  Reverendissime  Domine  ! 

Inter  multipliées  calamitates,  quibus  Kcclesia  Dei  luctuosis  hisce 
temporibus  nndique  premilur,  recensenda  profecto  estpravorum  libro- 
rum  colluvies  universum  pêne  orbem  inundans,  qua  per  nefarios  ac 
perditos  homines  divina  Chrisli  religio,  quae  ab  omnibus  in  honore 
est  habenda,  despicitur,  boni  mores,  incautae  praesertira  juventutis, 
penitus  labefactanlur,  et  socialis  qunque  consuetudinis  jura  et  ordo 
sus  deque  vertitur,  et  omnimodo  perlurbatur.  Neque  ut  velus  ipsorura 
raos  erat,  id  [iraestare  tantum  nituntur  libris  magno  apparalu  scientiae 
elaboratis,  sed  et  parvis,  qui  minimi  veneunt,  libellis^  et  per  publicas, 
atque  ad  hocconfectas  ephemerides,utnon  litteratis  modo  et  scientibus 
viris  illud  insinuent,  sed  rudioris  cujusque  et  infimi  populi  fidem,  sim- 
plicitalemque  corrumpant. 


566  cirCul.ùre  de  la  s.   c.   de  l'index. 

Qui  autem  super  gregem  Chrisli  vigiliasâgunt  legitirai  pastofes,  Ht 
hartc  pêrniciciera  a  populis  sibi  conimissis  avertant,  ad  Sacram  IndidS 
Congregationem  quoscumque  ex  iis  libris  de  more  deferunt,  zelo  âdlâ- 
borantes,  ut  Roraanae  Sedis  habito  judicio,  et  proscriptione  a  vetita 
lectione  talium  librorum  fidèles  deterfeant.  Neque  iis  difficilem  se 
pràebiiii,  etpràebetS.Congregatio,  quaequolidianam  operam  studiunrque 
impefidit,  ut  offi&io  sibi  a  Romanis  Pontificibus  demandato  satisfaciat. 
Quia  tamen  ex  toto  christiano  orbe  increbrescentibus  denuntiationibus 
praegravatur,  non  id  praestare  perpétue  valet,  ut  proraptum  et  expe- 
dilum  super  quavis  causa  ferai  judicium  ;  ex  quo  fit,  ut  aliquando 
èerôtinà  nirtiis  sit  provisio,  et  inefficax  remedium,  curnjarti  ex  leclione 
istorura  librorum  enorraia  damma  proeessere. 

Ad  hoc  incoramodum  avertendum  non  semel  Romani  Pontifices 
prospexerunt,  et  ut  aliarum  aetatum  exempla  taceamus,  sevo  nostro  per 
S.  M.  Leonem  XII  mandatura  editum  est,  sub  die  26  raartii  1825, 
ad  calcem  Regularum  Indicisinserlum,  et  hisce  litteris  adjunctum,  vi 
cujus  ordinariis  locorum  praecipitur,  ut  libres  omnes  noxios  in  sua 
diœcesieditos,  vei  diff'usos,  propria  auctoritate  proscribere  et  e  manibus 
Hdelium  avelleré  studèant. 

Cura  aulem  liujus  Apostolici  mandat!  provida  conslitutio  presentibus 
fideliura  necessitatibus,  et  tuendai  doctrinae  raorumque  mcolumitati 
optirae  respondeat,  SSmo  Domino  I^'oslro  Pio  Papae  IX  placuit  ejus 
meraoriam  esse  recolendam,  tenorem  iterum  vulgandum,  et  ab  ordi- 
nariis locorum  observantiaraexigendam,  quod  excilatoriis  hisce  nostris 
litteris,  nomme  et  auctoritate  Apostolicae  Sedis  solhcite  praestamus. 
Quels  si  débita  obedieiitia  respondeat  (sicuii  jiro  certo  habemus),  gra- 
vissiraa  mala  removentur  in  iispraesertira  diœcesibus,  in  quibus  proraptae 
coercitionis  urgeat  nécessitas.  Ne  vero  quis  praetextu  defectus  jurisdic- 
tionis,  autalio  quaesito  colore  ordinariorUm  sententias  et  proscriptiones 
ausu  teraerario  spernere,  vel  pro  non  latis  habere  prajsumat,  eis  Sanc* 
titas  Sua  concessit,  sicut  nomine  et  auctoritate  ejus  praesentibus  con- 
ceditur,  ut  in  hac  re,  etiam  tamquam  Apostolicae  Sedis  delegati,  con- 
trariis  quibuscumque  non  obslantibus,  procédant. 

Ad  Aposlolicum  autem  judicium  ea  deferantur  opéra  vel  scripta, 


ClRCULAlRt    DE    LA    S.    C.    DE    LINDEX.  507 

quae  profandius  examen  exigant,  vel  in  quibus  ad  salutarem  effeclum 
consequendum  supremae  auctoritalis  sententia  requiratur. 

Intérim  Tibi  Illme  et  Rme  Domine  copiosa  divinorum  charismatum 
incremcnta  ex  animo  precamur,  et  ad  pergrata  quaeque  officia  nos 
paratissimos  exhibemus. 

Datum  Romae,  die  24-  Augiisti  I8G4. 
Amplitudinis  Ta» 

Addictissimus 
LuDOVicus  Cardinalis  de  Alteuiis 
S.  lodieis  Congregationis  PraBfoctus. 

Loco  t  SigiHi. 

Fr.  Angélus  Vincentius  Modena 

Ord.   Praed.  Sacrae  Indicis  Gong, 
a  Secretis. 

MA.JSDATUM 

S.  M.  Leonis  XII  additum  Decreto  Sac.  Congreg.  Indicis 
die  Sabbati  XXVI  Martin 825. 

Sanctitas  Sua  mandavit  in  memoriam  revocanda  esse  universis  pa- 
Iriarchis,  archiepiscopis,  episcopis,  aliisque  in  Ecclesiarum  regimen 
praepositis  ea,  quae  in. Regulis  Indicis  sacrosanclae  synodi  Tridenlinae 
jussu  editis  atque  in  observationibiis,  instructione,  additione,  et  gène- 
ralibus  decrelisSummorum  pontificom  démentis  VllI,  Alexandri  VII, 
et  Benedicli  XIV  auctoritate  ad  pravos  libres  proscribendos  abolen- 
dosque,  Indici  librorum  prohibitoriuii  praeposila  sunt,  ut  nimirum, 
quia  prorsus  impossibile  est  Hbros  omnes  noxios  incessanter  prodeuntes 
in  Indicem  referre,  propria  auctoritate  illosemanibus  fidelium  evellere 
sludeanl,  ac  pereos  ipsimel  fidèles  edoceanlur,  quod  pabuli  genus  sibi 
salulare,  quod  noxium  ac  mortiferum  ducere  debeant,  ne  ulla  in  eo 
sifêcipiendo  capiantur  specie,  ac  pervertantur  illecebra. 


LETTRE  - 

AUX    ÉVÊQUES    DE    BELGIQUE 
Su7'  certaines  doctrines  enseignées  à  Louvain. 


Illustrissime  ac  Reverendissime  Domine  uti  Frater, 
Quura  non  levis  moraenti  sit  pluribus  ab  hinc  annis  istis  in  regio- 
nibus  agitata  quaestio  circa  doctrinara  a  nonnuUis  Universitatis  Lova- 
niensis  doctoribus  traditam  de  vi  naliva  humanae  ralionis,  Sanctissimus 
D.  N.  qui  in  Apostolicae  Sedis  fastigio  positus  advigilare  pro  suo  mu- 
nere  débet,  ne  qua  minus  recta  doctrina  diffundatur,  quaestionem  illam 
examinandara  commisit  duobus  S.  R.  E.  Cardinalium  conciliis,  tum  S. 
Offîcii  tum  Indicis.  Jam  vero  cum  esset  hujusmodi  examen  instituendum, 
prae  oculis  habitas  sunt  resolulionesquae  sacrum  idem  concilium  Indicis 
edidit,  jam  inde  ab  annis  1843  et  l844,posteaquam  ad  illius  judiciura 
delata  sont  opéra  Gerardi  Ubaghs  in  Lov.  Univ.  doctoris  decurialis»  in 
primisque  tractatus  logicae  ac  theodiceae.  Etenira  sacer  ille  consessus 
malure  adbibita  deliberatione  duobus  in  convenlibus  habitis  die  23 
mens.  jun.  an  1845,  ac  die  8  aug.  an.  1844,  emendandas  indicavit 
expositas  tam  in  logica  quam  in  theodicea  doclrinas  de  humanarura 
cognilionum  origine  sive  ordinem  raelaphysicum  spectent  sive  moralem, 
et  illarum  praesertim  quae  Dei  existenliam  resoiciant.  Id  sane  constat  ex 
duobus  notationum  foliis,  qute  ex  ejusdem  sacri  consessus  sentenlia 
Gregorii  XVI  SS.PP.  auctoritate  confirmata  ad  Emum.  Gard,  archiep. 
Mechliniensem  per  Nuntiaturara  Apost.  transmissa  fuerunt,  monendi 
causa  auctorem  operis  —  ut  nova  aligna  edilione  libriim  suum  emen^ 
iandum  curet,  atque  intérim  in  scholasticis  suis  lectionibus  ab  iis  sen- 
tentiis  docendis  abstinere  velit.  —  Quae  duo  notationum  folia,  modo 
res  spectetur,  simillima  omnino  sunt  ;  si  namque  in  folio  posteriori 
aliqua  facta  est  specie  tenus  immutatio,  id  ex  eo  repetendum  est,  quod 
auctor  accepto  priori  folio  libellum  die  8  Dec.  an.  1843  Emo  Ar- 
chiepiscopo  tradidit,  quo  libelle  doctrinae  suae  rationem  explicare  atque 
ab  omni  erroris  suspicione  [lurgare  nilebatur.  Quem  sanc  libellum,  licet 


LETTRE    AUX    ÉVÊQUES    DE    BFLftIQUE.  569 

idem  Emorum  Patriim  concilium  accurate  perpendisset^  minime  taraen 
a  sententia  discessit^  atque  adeo  tractatus  illos  ac  nominatim  tractatum 
de  Theodicea,  qui  typis  impressi  in  omnium  versabantur  manibus, 
alque  in  Universitate  aliisque  scholis publiée  explicabantur,  corrigendos 
judicavit.  Fafendum  quidem  est,  post  annum  1844  nonnullos  inter- 
venisse  aclus,  quibus  praedicto  Lov.  doctori  laus  tribuebatur,  perinde 
ac  si  in  posterioribus  sui  operis  cdilionibus  sacri  consessus  voto  ac 
sententiae  paruisset,  sed  tamen  uti  firmum  ralumque  est  bina  illa  nota- 
tionum  folia  post  sacri  ejusdem  concilii  senlenliam  SS.  P.  aucloritate 
compiobatara  fuisse  conscripta,  ita  pariter  certura  est,  posteriores  illos 
actus  haudquaquam  S.  consessus,  miiltoque  minus  SS.  P.  continere 
sententiam,  quod  quidem  actus  illos  Jegentibus  videre  licet.  Quae  quum 
ita  sint,  necessarium  invesligare  ac  perpendere  visum  est,  num  me- 
moralus  Lov.  doctor  in  editionibus  logicae  ac  theodiceae,quas  postdiera 
8  mens.  aug.  an  1844  confecit,  accurate  sit  exsequutus  quod  a  S. 
Concilio  libris  notandis  inculcatum  ei  fuit  in  memoratis  notationum 
foliis  per  Gard,  archiepiscopum  eidem  auctori  transraissis.  Hujusmodi 
porro  instituto  examine  rebusque  diu  raultum  ponderalis.'memorati 
cardinales  tum  qui  S.  Inquisitioni  tum  qui  libris  notandis  praepositi 
sunl,  convenlu  habilo  die  21  sept,  proxirae  praileriti  judicarunt 
récentes  eoriimdem  tractatunm  edïlïones  minime  fuisse  emendatas  juxta 
prsedidi  sacri  consessus  notationes,  in  iisque  udhuc  reperiri  ea  doc- 
trinse  principia  quse  uti  prœscriptum  fuerat,  corrigere  oportebat. 

Quod  quidem  auctor  ipse  recenti  in  epistola  ad  Emum  card,  Ludo- 
vicum  Allieri  praef.  S.  G.  libris  notandis  missa  aperte  fatetur.  Scribit 
enim  quatuor  adhuc  se  publicasse  Iheodiceae  editiones,  1*™  nimirum 
an.  1841,  quae  primitus  subjecta  est  S.  Sedis  judicio;  2="^  an.  1845, 
typis  impressam  haud  ita  multo  post  notationes  a  S.  Card.  consessu 
propositas.  Utraque  vero  edilio,  quemadmodum  suis  ipse  verbis  fatelur 
aucior y  similes  prorsus  sunt,  idem  capitum,paragraphorum  et  pagi- 
narum  numerus,  exdem  locutiones;  hoc  solum  differunt,  quod  secunda 
editio  aliquot  diversi  generis  notas  et  paucas  phrases  incidentes  con- 
tinet,  quse  simul  paginas  forte  duodecim  implere  possint.  Editiones 
vero,  ut  ipse  prosequitur,  tertia  an.  1852,  et  quarta  an.  1863,  etiam 


57*0  LETTRE    AUX    É\ÈQUES    DE    BELGIQUE. 

in  se  similes  suni  et  a  prsecedentibus,  si  formnm  exleriorem,  non 
doctrinam  spectes,  multum  differunt.  Ad  logicam  porro  quod  spectat, 
cuni  illius  tractatiim  iterum  typis  mandavit,  post  acceptas  S.  consessus 
nolationes  haec  in  praefalioiie  signiticaTit  :  Quantiincnmque  scripta  iw- 
mutaverim,  nunquam  minime  recedendum  esse  duxi  a  principiis,  qux 
in  primis  editionibus  assumpseram,  qnx  tamen  repudiare  vel  mutare 
me  non  puderet,  si  illafalsa  vel  minus  recta  esse  qiiisquam  ostendisset. 
— Hinc  pariter  rnemorati  Cardinales  judicarunt,  exsequendum  ab  auctore 
esse  quod  minime  adhuc  praeslitit,  nimirum  emeridandam  illi  esse  ex- 
positara  doctrinam  in  cunctis  lis  Jocis  seu  capitibus  quae  S.  consessus 
librorum  notandorum  judex  minus  probavit,  juxta  notationes  in  siipra- 
diclis  duobus  foliis  comprehensas  et  peculiariter  in  primo^  utpote  quod 
rem  aperlius  ac  distinctius  explicat.  Ex  quo  tamen  haudquaquam  in- 
telligendum  est  probari  doclrinas  reliquas,  quae  in  recentioribus  operum 
prsediclorum  editionibus  continenlur.  Hanc  porro  Eraorum  Patrum 
sentenliara  SSmus  D.  N.  Pius  IX  auctorilate  sua  ratam  habuit  et 
confirraasit. 

Quae  cum  ita  se  babeant,  dum  Emus  Car.  Mecbliniensis  juxta 
demandatas  ei  partes  raemorafura  doctorera  Gerardum  Casimirum 
Ubaglis  admonebil  otïicii  sui  eique  vehementiusinculcabit,  ut  doctrinam 
suam  ad  exbibitas  S.  consessus  notationes  omnino  coraponat,  erit 
vigilantiae  tuique  studii  pastoralls  una  cum  archiepiscopo  aliisque  suf- 
fragaueis  episcopis  omnein  dare  opeiani  ut  hujusmodi  Emorum  Patrum 
sententia  executioni  nulla  iulerjecta  mora  mandetur,  neque  in  ista 
Lovan.  Universiiate,  quae  ab  Archiep.  Mechl.  et  sutïrag.  antistilura 
auetoritate  pendet,  neque  in  semiuariorum  scholis  aliisque  iyceis  illae 
ampliusexplicenlur  doctrinae,  quae  uti  primum  ad  Apost.  Sedis  judicium 
delatae  fuerunt,  visas  ïunl  a  scholis  catholicis  amandandae. 

Haec  significanda  mihi  erant  Einorum  Patrum  nomine  Amphludini 
Tuae  cui  lausta  omnia  ac  felicia  precor  a  Domino. 
Ampliludinis  Tuae 

Addictissimus  uti  Frater, 

G.  Gard.  Patrizi. 

Komaed.  41  oct.  1864. 


BIBLIOGRAPHIE. 


■j'Histoire  ecclésiastique  «le  Rohfbacher,  nouvelle  étlilion(ï) 
et  traduetiOQ  allemaude. 


L'ouvrage  de  l'abbé  Rohrbacher  est  une  de  ces  productions  théolo- 
giques, beaucoup  trop  rares  malheureusement,  qui  font  honneur  à  notre 
pays,  fit  ((aï  doivent  se  trouver  dans  toutes  leâ  bibliotlièques.  Nous 
îi'avoWS  pas  d'autre  histoire  ecclésiastique  un  peu  étendue  qu'on  puisse 
lui  comparer,  car,  quel  que  soit  le  jugement  que  l'on  porte  sur  celles 
qui  sont  actuellement  en  voie  de  publication,  aucune  du  moins  n'est 
achevée.  Nous  saluons  donc  avec  plaisir  la  nouvelle  édition  qui  paraît, 
.  dans  un  forniat  plus  grand  que  les  précédentes,  et  dans  des  conditions 
plus  économiques. 

En  môme  temps,  la  docte  Allemagne  s'approprie,  par  une  traduction, 
l'Histoire  ecclésiastique  de  Rohrbacher,  Nous  ne  pouvons  résister  au 
désir  de  citer  le  jugemenC  qu'elle  en  porte  par  la  bouche  d'un  de  ses 
savants  les  plus  illustres,  le  D'  Héfélé.  a  Parmi  les  travaux  les  plus 
remarquables  publiés  récemment  sur  l'histoire  ecclésiastique,  dit-il,  on 
doit  ranger  incontestablement  le  volumineux  ouvrage  de  l'abbé  Rohrba- 
cher..., Depuis  Fleury,  rien  n'a  paru  en  France  qui  soit  aussi  étendu, 
qui  entre  autant  dans  le  détail,  et  qui  repose  au  même  degré  sur  l'élude 
des  sources.  Fleury  et  Rohrbaiher  ont  encore  ceci  de  commun,  que 
tous  deux  évitent  ce  flux  de  paroles  brillantes  et  vides,  que  nous  ren- 
controns assez  souvent  chez  les  Français  ;  leur  exposition  est  simple 
et  naturelle.  Le  récit  n'a  pas  dans  Rohrbacher  le  charme  et  l'intérêt 
que  nous  admirons  dans  Fleury  ;  le  style  n'a  point  la  même  élégance, 
mais,  en  revanche,  le  nouvel  historien  surpasse  son  devancier  par  une 
étude  plus  étendue  des  sources  ;  il  connaît  mieux  les  travaux  étrangers, 
surtout  les  travaux  allemands;   il  saisit  souvent  d'une  manière  plus 

(1)  4"  éd.  Paris,  Gauoie.  15  vol.  gr.  iu-S"  à  2  col.  dont  quatre  sout  pu- 
bliés. Prix  du  volume  :  8  fr. 


572  BIBLIOGRAPHIE. 

vraie  le  sens  et  ia  marche  des  événements  ;  il  a  le  sens  catholique  plus 
développé,  il  est  libre  de  tous  les  préjugés  gallicans  (1).  » 

Nous  avons  sous  les  yeux,  et  nous  venons  de  parcourir  rapidement, 
de  feuilleter  plutôt,  les  trois  premiers  volumes  de  la  traduction  alle- 
mande (2).  C'est  un  travail  trés-remarquable,  et  dont  pourront  profiter 
les  théologiens  français  pour  qui  la  langue  ne  sera  point  un  obstacle. 
Ce  n'est  pas,  en  effet,  une  traduclion  pure  et  simple;  le  texte  y  est 
remanié,  mis  au  niveau  de  la  science,  enrichi  de  citations,  mais  toujours 
de  façon  à  ce  que  l'on  puisse  distinguer  l'œuvre  primitive  des  change- 
ments ou  additions.  Il  gagne  par  là  beaucoup  en  valeur,  car  il  repré- 
sente, avec  la  somme  dos  travaux  de  Rohrbacher,  les  résultats  les  plus 
récents  et  les  plus  certains  de  la  science  allemande. 

Des  travaux  de  divers  genres  ne  m'on>t  point  permis  jusqu'à  ce  jour, 
el  je  le  regrette  vivement,  de  hre  à  tête  reposée  ces  volumes  qui  sont 
toujours  là  depuis  longtemps,  à  une  place  distincte,  et  dont  la  vue  me 
tourmente  comme  un  remords.  Je  n'ai  pu  en  prendre  qu'une  connais- 
sance générale,  suffisante  pour  me  faire  apprécier  l'œuvre  à  sa  valeur, 
et  pour  augmenter  mes  regrets.  Je  les  recommande  de  la  manière  la 
plus  vive  à  l'attention  des  théologiens  qui  connaissent  la  langue  alle- 
mande. Les  juges  les  plus  compétents  ont  signalé,  dans  divers  recueils 
scientifiques,  le  zèle  et  l'attention  consciencieuse  avec  laquelle  ont  pro- 
cédé MM.  Hulskamp  et  Pairap,  le  talent  et  les  connaissances  dont  ils 
ont  fait  preuve  (3),  Nous  apprenons  qu'ils  viennent  de  s'adjoindre  de 
nouvelles  forces  pour  la  continuation  de  leur  entreprise.  Puissent-ils 
la  conduire  bientôt  à  bon  terme  1 

E.  Hautcœur. 

(1)  Theohgische  Qmrtalschrift,  Tubingen  1859,  S,  632. 

[i)  Abbé  Rohrbaotiers  Universalgeschichte  der  kalholischeu  Kirche.  la 
deutscher  Bearbeilung  imter  Milwirliunfç  mehrerer  Freunda  heraasgege- 
ben  von  Franz  Hûlskimp  uad  HermanD  Rump.  i-in,  viii-ix  Bde.  Mnnster, 
Tlieissing  1860-1864. 

(3)  Eulre  autres,  le  DocfMir  Héfélé,  dans  la  Revue  de  fubingue  de  1859, 
p.  642-649,  el  le  Docteur  Welle,  dans  le  même  recueil,  1861,  p.  451-466. 


BlBLIOGRAPHIi:.  573 

Manuel  d'Archéologpie  pratique,  par  M.  l'abbé  Pierret,  docteur 
aa  théologift,  arcliiprêlre.  membre  de  plusieurs  sociétés  savanles.  Ou- 
vrage dédié  à  S.  É.  Mgr  le  cardinal  Gousset,  archevêque  de  Reims. 
i  vol.  in-8o.  Paris,  Didron.  Prix,  5  fr. 

Ce  livre  a  pour  épigraphe  une  parole  profondément  vraie  de 
Mgr  l'Evêquc  de  Poitiers  :  L'archéologie,  c'est  la  théologie.  C'est  en 
effet  la  théologie  qui  a  inspiré  toutes  les  parties  du  culte  chrétien  ;  c'est 
particulièrement  à  sa  foi  en  la  présence  réelle  de  Notre-Seigneur  Jésus- 
Christ  dans  la  sainte  Eucharistie  que  l'Église  a  emprunté  les  règles  qui 
président  à  la  construction  et  à  la  décoration  de  ses  temples. 

L'auieur  du  Manuel  d' archéologie  pratique  a  voulu  marcher  unique- 
ment à  la  lumière  de  cette  vérité;  il  s'est  efforcé  de  réunir  dans  sob 
Jivre  tout  ce  qui  concerne  la  construction,  l'ameublcnîentet  la  décoration 
des  églises,  et  en  ceci  il  n'a  suivi  qu'un  seul  guide,  la  liturgie  catholique. 
Si  donc  vous  voulez  construire,  ou  meubler,  ou  orner  une  église  sans 
vous  écarter  des  prescriptions  liturgiques,  vous  trouverez  réunies  là 
toutes  les  indications  nécessaires  à  l'architecte  comme  au  prêtre.  On 
n'a  pas  oublié  non  plus  d'indiquer  dans  ce  livre  les  précautions  à 
prendre  pour  assurer  la  solidité  des  édifices  en  construction,  et  celles, 
non  moins  importantes,  qiii  doivent  assurer  la  conservation  des  églises 
récemment  ou  anciennement  construites» 

La  publication  de  ce  livre  vraiment  sérieux,  est  des  plus  opportunes. 
11  faut  reconnaître  qu'en  France,  grâce  à  la  liberté  qu'on  s'était  jadis 
octroyée  en  matière  de  rubriques,  on  sait  peu  ce  qu'exige  la  liturgie; 
de  là,  beaucoup  d'erreurs  regrettables.  «  Ce  qu'il  y  a  de  fâcheux,  » 
dit  M.  l'abbé  Bourrasse,  dans  son  Dictionnaire  d'archéologie,  «  c'est 
que  lii  plupart  des  architectes  appelés  à  bâtir  les  églises  nouvelles  ne 
soupçonnent  guère  leur  ignorance  en  matière  de  liturgie.  Ils  sont  tous 
experts  dans  l'art  de  distribuer  agréablement  les  divers  pièces  d'une 
maison  de  plaisance  et  d'une  habitation  commune.  En  pareille  circon- 
stance le  goût  tient  quelquefois  lieu  de  science,  et  le  but  n'en  est  pas 
moins  atteint.  Chacun  disserte  à  son  aise  et  abondamment  sur  cet  objet, 
et  il  n'est  pas  de  maçon  se  parant  du  titre  de  constructeur  qui  ne  soit 
prêt  à  pérorer  plus  ou  moins  pertinemment.  Mais,  quand  il  s'agit  de 


57/i  r,TBf  lOClUAPUIF,. 

dresser  le  plan  d'une  église,  d'en  distribuer  les  diverses  parties,  si 
vous  leur  demandez  quelles  sont  les  conditions  essentielles  imposées  par 
la  liturgie,  ils  vous  regardent  étonnés,  ils  ne  vous  comprennent  pas.  » 

Malgré  leur  sévérité,  ces  paroles  peignent  bien  la  situation  ;  surtout 
si  on  remonte  de  quelques  années  en  arriére.  Aujourd'hui,  il  est  vrai, 
on  veut  mieuxfâire,  on  étudie  davantage  ces  questions;  mais  la  science 
de  l'archéologie  dans  son  côté  pratique  et  liturgique  n'est  pas  encore 
popularisée,  même  dans  le  clergé.  L'ouvrage  que  nous  annonçons  ici 
vient  donc  fort  à  propos,  et  il  n'est  pas  douteux  qu'il  ne  soit  bien  accueilli 
dans  les  séminaires  et  parmi  les  prêtres,  qui  tous  ont  besoin  d'avoir 
sous  la  main  un  livre  assez  complet  pour  ne  rien  laisser  ignorer  d'essen- 
tiel, et  assez  court  pour  n'obliger  pas  à  de  longues  recherches. 

Ce  qui  donne  au  Manuel  lïarchéologie  pratique  un  attrait  particulier, 
c'est  qu'en  même  temps  qu'il  est  un  livre  d'art  et  de  liturgie,  il  est 
aussi  un  ouvrage  historique.  Avant  de  dire  ce  qu'il  faut  faire,  l'auteur 
rapporte  ce  qu'ont  fait  autrefois  nos  pères. 

Voici,  pour  ne  donner  que  deux  exemples,  ce  qu'il  dit  du  vase  pour 
verser  l'eau  dans  le  baptême,  el  du  confessionnal. 

«  D'après  certains  vitraux  du  moyen^âge,  le  prêtre  ou  l'évêque  qui 
baptise,  tient  à  la  main  une  fiole  de  verre  ou  de  métal.  Cette  fiole  a  le 
cou  très-allongé  ;  elle  ressemble  à  une  burette.  Très-souvent  aussi  on 
donnait  au  vase  destiné  à  cet  usage  la  figure  d'une  conque  marine. 
C'est  la  forme  qui  est  la  plus  employée  de  nos  jours.  Il  est  convenable 
que  ce  vase  soit  en  argent.  » 

L'auteur  rapporte  à  la  suite  de  ce  passage  les  prescriptions  de  saint 
Charles  sur  le  même  objet. 

Quant  au  confessionnal,  t  on  pense  que  dans  les  Catacombes,  les 
prêtres  employaient,  pour  entendre  les  confessions,  des  sièges  mobiles 
en  bois,  dont  les  débris  ont  dû  être  depuis  longtemps  réduits  en  pous- 
sière. Le  P.Marchi  a  cru  reconnaître  cependant  des  confessionnaux  dans 
certains  sièges  isolés  en  tuf,  placés  dans  les  angles  de  certaines  cha- 
pelles, et  qui  ont  la  forme  de  fauteuils  avec  dossiers.  11  augure,  d'après 
un  texte  de  Minutius  Félix,  que  le  pénitent  se  mettait  à  genoux  devant 
le  prêtre  pendant  l'acte  de  la  confession.  Pendant  la  période  du  moyen- 


BIBLIOGRAPHIE.  575 

âge,  la  confession  s'entendait  de  cette  manière  :  le  confesseur  s'asseyait 
sur  un  banc  ou  petit  siège  ;  le  pénitent  commençait  par  ôler  ses  ciaaus- 
sures,  déposait  son  bâton  ou  ses  armes  et  se  roellait  à  genoux  à  ses 
pieds.  Après  que  le  prêtre  avait  récité  certaines  prières,  le  pénitent  se 
levait  et  venait  s'asseoir  auprès  de  lui.  Morin  fait  observer  que  tous  les 
anciens  Rituels  veulent  que  le  pénitent  soit  assis.  Les  Grecs  de  nos 

jours  observent  encore  cet  usage Le  banc  destiné  à  recevoir  les 

confessions  était  placé  dans  le  voisinage  oe  l'autel,  quelquefois  dans  la 
sacristie,  comme  au  temps  d'Alcuin,  quelquefois  aussi  auprès  du  por- 
tique intérieur  ou  narthex.  » 

«  A  quelle  époque  a-t-on  commencé  à  placer  un  voile  entre  le  prêtre 
et  le  pénitent?  Je  pense  que  c'est  vers  le  milieu  du  XIII"  siècle.  Saint 
Edmond,  archevêque  de  Cantorbéry  en  1255,  parle  d'un  voile  qui  em- 
pêchait de  voir,  non  d'entendre Quant  à  la  forme  moderne  du 

confessionnal,  M.  Didron  affirme  qu'on  la  trouve  déjà  au  XIV^  siècle. 
Je  crois  qu'on  est  plus  près  de  la  vérité  en  disant  que  ce  n'est  que  vers 
la  fin  du  XYl'^  siècle.  » 

Après  avoir  fourni  les  preuves  à  l'appui  de  son  opinion,  l'auteur 
rapporte,  comme  ci-dessus,  les  prescriptions  de  saint  Charles. 

La  partie  pratique  du»  livre  ne  mérite  pas  moins  de  confiance  que  la 
partie  historique.  L'une  et  l'autre  ont  été  puisées  aux  meilleures  sources. 
«  Bourassé,  Gareiso,  Oudin,Texier,  Aubert,  Crosnier,  Godard,  Jouve, 
Jules  Corblet,  Pascal,  Neher,  Carli,  Viollet-Leduc,  Schmit,  de  Gau- 
mont,  Raymond  Bordeaux,  parmi  les  auteurs  contemporains  ;  »  sont 
ceux  qui  ont  été  les  plus  consultés,  et  parmi  les  auteurs  plus  anciens, 
ce  sont:  «  Saint  Paulin,  Fortunat,  Alcuin,  Walafride  Strabon,  Hono- 
rius  d'Autun,  saint  Charles  Borromée,  Macri.Thiers,  le  cardinal  Bona, 
Dom  Martène,  le  sieur  de  Moléon,  Selvaggi,  de  Albertis,  Gasali,  Kraser, 
Pellicia  :  aimables  vieillards ,  anciens  pour  la  plupart  de  plusieurs 
siècles,  di  ant  toujours  les  mêmes  choses,  et  n'excitantjamais  l'ennui.  » 

En  première  ligne  parmi  toutes  ces  autoriti's,  il  importe  de  citer  les 
décisions  des  Congrégations  romaines.  Pour  saint  Charles,  son  nom 
revient  à  chaque  page,  on  ne  craint  pas  de  reproduire  les  détails  minu- 
tieux dans  lesquels  il  entre,  non  pas,  est-il  dit  dans  une  note,  que 


576  fUBLIOC.RAPHIE. 

toutes  ces  recommandations  aient  un  caractère  autre  qu'un  caractère 
purement  directif,  mais  parce  que  ce  sont  là  des  indications  précieuses 
à  recueillir,  sur  l'esprit  de  l'Église  et  de  ses  saints  dans  tout  ce  qui 
touche  au  culte  de  Dieu, 

Le  livre  est  terminé  par  deux  appendices,  l'un  sur  les  cimetières  et 
l'autre  sur  l'orgue.  Ce  dernier  travail  est  d'une  clarté  qui  ne  laisse  rien 
à  désirer. 

L'ouvrage  entier  est  divisé  en  quarante -trois  lettres^  l'auteur  ayant 
choisi  la  forme  épistolaire  comme  plus  facile  et  plus  attrayante.  Mais 
cette  forme  ne  me  paraît  convenir  qu'aux  ouvrages  de  polémique  ou 
bien  aux  livres  dont  le  fond  est  moins  sérieux  que  celui-ci.  La  division 
en  chapitres,  plus  didactique,  eût  été  aussi  plus  en  rapport  avec  le 
titre  et  la  nature  de  cet  ouvrage.  Le  livre  n'y  perdrait  que  quelques 
anecdotes  et  quelques  citations  peu  importantes,  qu'il  serait  même  pos- 
sible de  conserver  en  les  faisant  passer  du  texte  dans  les  notes. 

Mais  ceci,  qui  n'est  du  reste  qu'une  opinion,  ne  préjudicie  en  rien 
au  mérite  solide  du  livre  qui,  je  n'en  doute  pas,  est  appelé  au  succès, 
parfois  lent,  mais  toujours  certain,  des  publications  utiles  et  soigneuse- 
ment travaillées.  L'abbé  T.  M. 


Brevis  elucidatio  totius  Missœ,  fib  III.  et  Rev.  DD.  Francisco 
Van  DER  i3("RCH,  arcbiepiêcopo  el  duce  Cameraceusi,  etc.,  ex  plurimis 
Missae  exposiloribus  aliisque  probatis  aulhoribus  collecta,  Tornaci  et 
Parisiis,  Gasterman.  1863.  Gr.  iu-32  de  366  j.p.  1  fr. 

Mgr  l'évoque  de  Tournai  a  réédité  l'excellent  opuscule  de  Van  der 
Burch,  en  l'ornant  de  quelques  additions  qui  augmentent  encore  son 
prix,  et  il  l'a  offert  à  ses  prêtres  comme  souvenir  du  vingt-cinquième 
anniversaire  de  son  sacre.  De  son  côté,  M.  Casterman  a  soigné  tout 
particulièrement  l'exécution  typographique.  Ce  volume  se  recommande 
donc  sous  tous  rapports,  et  nous  sommes  persuadé  qu'il  trouvera  au- 
près du  clergé  le  meilleur  accueil.  E.  Hautcœur. 


Arras.  —  Typographie  Kousseau-Lcroy,  rue  SaiDt-Maurii;e.  20. 


REVUE 


DES  SCIENCES 


ECCLÉSIASTIQUES 


r         r 


TABLE  GENERALE  DE  LA  1"  SERIE 


1**  Liturgie,  .'.......  m 

2"*  Théologie,  Droit-Canon,  Histoire 

et  Exégèse xv 

3°  Bibliographie xxxi 


AMIENS 

BUREAUX  DE  LA  REVUE 

V«  ROUSSEAU-LEROY,  ÉDITEUR 


PARIS 

LIBRAIRIE  ST.-GERMA1N-DE?-PRÉS 

CHEZ    M.    Henri    ALLARD 


Place  Saint-Denis,  32.  1  Rue  de  l'AbbayeTSt.-Germain,  13. 

1875 


LITURGIE. 


Agni'S  Dei.  Divers  chants  de  VAgnus  Deiy  ix,  252. 

Ange  gardien.  OfBce  du  saint  Ange  gardien,  iv,  181.  —  Doit-on  y 
faire  mémoire  des  saints  Anges  gardiens,  iiid. 

Absoldtion.  Dans  la  formule  de  l'absolution  sacramentelle,  doit-on 
dire  le  mot  Dninde  ?  viii,  454. 

Absoute  pour  les  Défunts.  L'absoute  qui  suit  la  Messe  de  Requiem 
n'e>t  pas  obligatoire,  vi,  56.  —  Elle  doit  être  faite  par  le  prêtre 
qui  a  célébré  la  Messe  :  l'évéque  diocésain  seul,  assistant  au 
trôiie,  peut  faire,  l'absoute  sans  avoir  célébré  lui-même  la  Messe 
solennelle,  vi,  58  ;  —  principes  sur  cette  question,  vi,  60.  —  On 
admet  une  exception,  dans  un  cas  particulier,  pour  un  enterre- 
ment, ibid. 

Adoration.  Pendant  que  le  Saint-Sacrement  est  exposé,  il  doit  tou- 
jours y  avoir  des  adorateurs,  i,  553, 

Aspersion.  L'aspersion  de  l'eau  bénite  avant  la  Messe  doit  être  faite 
par  le  célébrant,  vi,  62.  —  On  ne  doit  point  k  faire  d«ux  fois,  le 
même  dimanche,  dans  la  même  église,  vn,  276. 

Aube.  L'aube  doit  être  en  fll,et,  si  l'on  y  ajoute  une  garniture  d'une 
autre  matière,  cette  garniture  .doit  toujours  être  une  partie  ac- 
cessoire, vn,  571. 

Aumône.  (Questions  sur  l'aumùne  prescrite  par  l'ordinaire  pour 
compenser  l'abstinence  du  Carême,  vn,  173. 

Autel.  L'aulel  du  Saint-Sacrement  doit  être  distinct  du  grand  au- 
tel, au  moins  dans  les  grandes  églises,  iv,  568. —  Raison  de  cette 
règle,  i6id.— Peut-on,  dans  les  grands  froids,  tenir  un  réchaud  sur 
l'autel  ?  vu,  276.  —  Autel  privilégié,  iv,  196. 


—  IV  — 

Angèle.  La  fête  de  sainte  Angèle  de  Mérici  étendue  à  l'Eglise  uni- 
verselle, IV,  198.  214. 

Baptême.  Les  interrogatoires  qui  se  font  dans  l'administration  du 
sacrement  du  Baplêii.e  doivent  se  faire  en  latin,  ix,  575  ;  — sauf 
un  induit  spécial,  comme  celui  qui  a  été  accordé  à  Mon.-eigneur 
l'Evéque  de  Beauvais,  vni,  53. 

Barrette.  Ne  doit  avoir  que  trois  pointes,  iv,  575.  —  Le  prédica. 
leur  peut  être  couvert  de  la  barrette,  môme  lorsqu'il  prêche 
debout,  IX,  476.  —  C'est  une  exception  à  la  règle  générale,  ix, 
477.  —  On  ne  peut  avoir  la  barelle  dans  l'Eglise  sans  être  en 
habit  de  chœur  ;  ni  en  marchant,  si  l'on  n'est  pas  revêtu  d'un 
ornement,  ibid. 

BÉNÉDICTION.  Aucune  formule  de  bénédiction  ne  peut  être  em- 
ployée, si  elle  n'est  dans  le  Rituel  Romain,  ou  si  elle  n'est  spé- 
cialement approuvée,  vu  577. 

Bis  DE  EODEM.  Qu'cst-cc  que  faire  his  de  endeml  iv,  181. 

Bonnet  grec  L'usage  de  cette  coiffure  ne  saurait  être  toléré  dans 
l'intérieur  de  l'église,  ix,  477. 

Bodgie.  Usage  des  bougies  stéariques,  i,  549,  vu,  376. 

Carême.  Notions  liturgiques  sur  le  Carême,  vu,  169.  —  Questions 
relatives  au  jeûne,  à  l'abstinence,  et  aux  œuvres  prescrites  pour 
compenser  les  dispenses,  vu,  171. 

Canons.  Les  canons  d'autel  doivent  être  enlevés  après  les  Messes, 
IX,  475. 

Canot  (saint).  L'incidence  de  la  Septuagésime  au  20  janvier  peut 
seule  exiger  la  suppression  de  l'office  de  S.  Canut  pour  le  rem- 
placer par  celui  d'un  dimanche  anticipé,  ix,  478. 

Ceinture.  Peut-on  remplacer  par  une  ceinture  le  cordon  qui  se  met 
sur  l'aube  ?  ix,  266. 

Chape.  On  ne  doit  pas  donner  la  chape  aux  laïques,  viii,  285.  —  A 
la  Messe  solennelle,  les  chantres  ne  portent  pas  la  chape,  viii, 
286. 

Communion.  On  ne  doit  pas  distribuer  la  sainte  communion  à  un 
autel  où  le  Saint-Sacrement  est  exposé,  ii,  340.  —  Distribution 
de  la  sainte  communion  à  une  Messe  de  Requiem,  vi,  45. 

Congrégation  des  Rites.  Autorité  de  la  Sacrée  Congrégation  des 
Rites,  îii,  451  IV,  262;  VI,  586. 

Chant,  Ce  qu'on  entend  proprement  par  chant  Romain,  i,  232.  — 
Rapports  du  chant  ecclésiastique  avec  les  règles  de  l'Eglise,  i, 


—    V    — 

234  ;  vin,  174  ;  ix,  249,  465.  —  Il  peut  y  avoir  des  différences 
notables  dans  la  notation  de  divers  livres  d'ofiBce  sans  qu'on 
puisse  en  rejeter  aucuns  comme  contraire  aux  règles  liturgiques, 
I,  253.  —  On  peut  cependant  tracer  certaines  règles  liturgi- 
ques :  1°  il  y  a  deux  manières  de  chanter  les  oraisons,  la  Pré- 
face et  le  Pater,  et  certaines  règles  pour  l'usage  de  chacune 
d'elles,  I,  234,  235;  2°  les  livres  liturgiques  prescrivent  aussi 
des  rythmes  pour  certaines  fêtes  et  certains  temps  de  l'année, 
I,  239;  IX,  250,  465.  —  Règles  concernant  les  chants  des  Kyrie 
eleison,  des  Gloria  in  excelsis,  des  Credo,  des  Sancius,  et  de  VAgnus 
Deiy  IX,  252. —  Règles  concernant  le  chant  de  Vite  Missa  est  et  du 
Benedicamus  Domino,  w,  263. — Vite  Missa  est  se  chante  sur  le  pre- 
mier Kyrie.  Si  l'on  doit  dire  Benedicamus  Domino,  ce  verset  se 
chante  sur  le  même  rythme  comme  aussi  aux  Vêpres  et  aux 
!  audes,  ibid.  —  Explic.ition  des  mots  :  Etiam  Adventus  et  Quadra- 
gcsimœ  qui  se  trouvent  dans  le  Direclorium  Chori  pour  le  Benedi- 
camus des  Vêpres  du  dimanche,  ibid.  —  Règles  concernant  le 
chant  des  hymnes,  ix,  465.  —  Règles  concernant  le  chant  des 
psaumes,  x,  79.  —  Divers  tons  de  psaumes  indiqués  dans  le 
Directorium  Chori,  ibid.  —  Principes  suivis  dans  le  choix  des 
modes  pour  le  chant  des  antiennes  et  des  psaumes,  x,  81.  — Peut- 
on  chanter  des  tons  qui  ne  se  trouvent  pas  dans  ce  livre  ?  x,  83. 
—  Peut-on  changer  le  rythme  de  l'antienne,  ou  modifier  celui  du 
psaume  ■?x,  84.  —  Règles  concernant  le  chant  des  versets,  x, 
85  ;  des  répons  brefs,  x,  86  ;  des  Lamentations  de  Jérémie,  ibid; 
des  Litanies,  ibid.  — Peut-on  changer  le  rythme  des  autres  par- 
ties de  l'office  ?  x,  87.  Usage  du  plain-chant  musical,  ibid.  — 
Doit-on  chanter  toutes  les  parties  de  la  Messe?  vu,  272.  —Chant 
d'une  strophe  ou  d'une  note  après  l'élévation  de  la  Messe  chan- 
tée, IX,  267.  —  La  question  du  plain-chaut  en  1861,  iv,  496.  — 
Congrès  pour  la  restauration  du  plain-chant,  ibid.  — Travaux  de 
l'abbé  Raillard  sur  le  plain-chant,  iv,  479  ;  travaux  de  l'abbé 
Gonthier^  iv,  481.  —  Chant  parisien  nouvellement  réédité  à 
Toulouse,  Rouen  et  Digne,  iv,  484.  —  Journaux  de  plain-chant, 
IV,  389.  —  Le  plain-chant  mis  à  la  portée  de  tout  le  monde,  vi, 
576,  — Notations  du  plain-chant,  ibid;  notes  et  signes  neumali- 
ques,  VI,  578.  —  Gui  d'Arrezzo  a-t-il  inventé  le  nom  des  notes  ? 
VI,  479.  —  Chant  du  dernier  jour,  viii,  588. 
Chascble.  On  ne  doit  pas  se  servir  de  la  chasuble  pour  donner  la 
bénédiction  du  Saint-Sacrement,  ni  pour  présider  à  la  proces- 
sion de  la  Fête-Dieu,  u,  560. 


—    VI    — 

Chceuu.  Tenue  au  chœur,  vi,  90. 

Cierge.  Les  cierges  prescrits  par  la  rubrique  doivent  être  en  cire, 
I,  518;  vn,  571.  Nombre  prescrit  pour  une  grand'Messe,  m,  471; 
poui  rexposition  liu  Saint-Sacrement,  ii,  183. 

Cimetière.  Bénédiction  des  fo-<ses,*v.  396. 

Cloches.  Des  ciocbes,  vi,  154.  —  Invention  des  cloches,  leur  in- 
troduction dans  les  églises,  ibid.  —  Bénédiction  des  cloches,  vi, 
150.  —  Elle  est  réservée  aux  évéques,  vi,  159;  et  ne  peut  être 
déléguée  à  un  prêtre  que  par  induit  apostolique,  'bid.  ;  vn,  51. 
—  Usage  des  cloches,  vi,  159  ;  son  de  l'Angelus,  vi,  161  ;  la 
veille  et  le  jour  des  grandes  solennités,  vi,  164,  176  ;  pendant 
certaines  parties  de  la  Messe  et  des  saints  OlDces,  vi,  165  ;  lors- 
qu'on porte  la  sainte  communion  aux  malades,  vi,  166  :  on  doit 
sonner  seulement  au  dépirt,  ibi'! ;  à  l'arrivée  de  l'Evêque,  vi, 

167  ;  au  passage,  au  départ  et  à  l'arrivée  d'une  procession,  vr, 

168  :  pour  annoncer  les  offices,  vi,  169  ;  pour  les  agonisants  et 
pour  les  morts,  vi,  170.  On  peut  encore  employer  le  son  des 
cloches  pour  détourner  les  fléaux,  jittendu  que  le  son  de  la  cloche 
est  une  prière,  vi,  174  ;  va,  51  ;  il  faut  cependant  éviter  d'y  at- 
tacher quelque  pensée  superlilieuse,  vi,  175;  vu,  51.  —  Silence 
des  cloches  pondant  les  irois  derniers  jour»  de  la  semaine  sainte, 
VI,  177  —  Nombre  des  cloches,  vi,  178.  —  Manière  de  sonner 
les  cloches,  VI,  178. 

Clocher.  L'usage  de  construire  des  clochers  remonte  au  milieu  du 
ix«  siècle,  VI,  178.  —  On  met  ui;e  croix  au  sommet  vi,  179.  — 
Raison  de  l'usage  de  certains  pays  oià  cette  croix  est  .«urmontée 
d'un  coq,  ibid. 

Clochette.  La  clochette  est-elle  de  rigueur,  même  quand  il  n'y  a 
point  d'assistants  à  la  Messe  ?  ix,  264. 

Communion.  On  ne  peut  pas  donner  la  sainte  communion  à  un  autel 
où  le  Saint-Sacrement  est  exposé,  i,  340.  —  Diverses  opinions 
sur  la  distribution  de  la  sainte  communion  aux  Messes  de  Requiem, 
VI,  45.  —  Règles  à  suivre  sur  ce  point,  vi,  54.  —  Jamais  on  ne 
peut  la  donner  en  ornements  noirs  avant  ou  après  la  Me.-se,  vi, 
56. 

Congrégation  DES  Rites.  Son  autorité,  i,  191  ;  iv,  202  ;  vi,  887. 

Consécration  des  Eglises  ;  x,  348, 

Coq.  V.  Clocher. 

CoDTCME.  Coutume  (des)  en  matière  de  liturgie,  iv,  77. 

Credo.  Divers  chants  du  Credo,  ix,  252. 


—    VII    — 

Deinde.  V.  Absolution. 

Dimanche.  Office  d'un  dimanche  aniicipé,  vu,  377  ;  ii,  477.  V.  Ca- 

suel. 
DoxoLOGiE.  Règles  concernant  les  doxologies  propres,  vu,  381    V. 

Sacré-Cœur. 
Dédicace.  V.  Eglise. 

Eglise.  Des  églises  en  général,  vm,  581.  —  Des  premières  églises 
des  chrétiens,  m,  444.  —  Différents  noms  donnés  aux  églises 
des  chrétiens,  vui,  561.  —  Différentes  espèces  d'église.«,  vm, 
564.  Des  basiliques,  vm,  566.  —  Consécration  des  églises,  x, 
348. 

Enfants  de  .hoedr.  Costume  des  enfants  de  chœur,  iv,  380. 

Enterrement.  Ori  ne  doit  pas  faire  d'enterrement  dans  une  église 
où  le  Saint-Sacrement  est  exposé,  n,  341. 

Etole.  Le  prêtre  qui  fait  baiser  un  reliquaire  porte  une  étole,  ix, 
476. 

ExposuioN.  V.  Saint-Sacrement. 

Fêtes.  Des  fêtes  dont  la  solennité  est  transférée  à  un  dimanche,  vi, 
353.  —  Ce  qu'on  entend  par  la  translation  de  la  solennité,  ihid. 
—  Du  dimanche  auquel  cette  translation  doit  avoir  lieu,  vi, 
359;  quelles  sont  les  fêtes  dont  on  transfère  la  solennité,  vi, 
371  ;  quelles  sont  les  églises  où  cette  solennité  doit  être  trans- 
férée, VI,  372.  —  Les  fêles  qu'on  célèbre  chaque  semaine  en 
l'honneur  de  la  Passion  de  N.-S.,  depuis  la  Septuagésime  jusqu'à 
Pâques,  sont-elles  primaires  ou  secondaires  ?  vu,  379.  —  Clas- 
sement des  fêtes  de  l'année  sous  le  rapport  de  la  solennité  exté- 
rieure, IX,  173. 

Gloria  in  excelsis.  Divers  chants  du  Gloria  in  excelsis,  ix,  252. 
Graduel.  A  une  grand'Messe,  peut-on  se  dispenser  de  changer  le 
graduel  ?  va,  873. 

Habit  de  chcedr,  x,  410. 

Hthne.  Chants  des  hymnes,  ix,  465,  V.  Iste  confesser. 

iNxaoïT.  Peut-on  se  dispenser  de  chanter  la  répétition  de  l'introït, 

VII,  273. 
Iste  confessor.    Règles  pour  le  changement  du  troisième  vers, 

VU,  572. 

Ktaie  eleison.  Divers  chants  du  Kyrie  eleison,  ix,  252. 


—    VIII   — 

Laïques.  Costume  de  chœur  attribué  aux  laïques  dans  les  cérémo- 
nies, viii,  280.  —  Usage  de  les  revêtir  d'ornements  sacrés,  \ni, 
281. 

Leçons.  Motifs  pour  lesquels  on  dit  à  certains  jours  les  leçons  des 
Communs  au  lieu  de  celles  de  l'Ecriture  occurrente,  iv,  189.  — 
Leçons  du  premier  nocturne  le  jour  de  la  fête  de  S.  Pierre  Da- 
mien,  vu,  S'ÎS. 

Litanies.  1°  Litanies  du  saint  nom  de  Jésus.  Texte  de  ces  litanies, 
VII,  57.  —  Décret  d'approbation,  vu,  58.  —  Réflexions  sur  ces 
litanies  et  les  oraisons  qui  les  terminent,  vu,  55  ;  vni,  577.  — 2° 
Litanies  des  Saints  :  rit  à  suivre  pour  la  récitation  des  litanies 
des  Sainls  le  jour  de  S.  Marc  et  les  trois  jours  des  Rogations, 
vui,  177.  —  3°  Litanies  nouvelles  :  l'évêque  peut  maintenant  en 
au'.oriser  la  publication,  iv,  564. 

LiTCRGiE.  Importance  des  moindres  prescriptions  en  matière  de 
liturgie,  I,  48  ;  iv,  491.  —  Autorité  des  Rubriques  du  Bréviaire, 
du  Missel,  du  Rituel,  du  Cérémonial  des  évéques,  du  Pontifical, 
du  Martyrologe,  (  t  des  décrets  de  la  S.  C  des  Rites,  m,  451  ;  iv, 
262;  ibid.,  587.  —  Les  suppléments  au  Rituel  sont  prohibés  s'ils 
ne  sont  pas  autorisés  par  le  Saint-Siège,  vu,  363.  —  Statistique 
des  diocèses  de  France  qui  suivent  la  liturgie  Romaine,  v,  579  ; 

VI,  303  ;  IX,  385,  486. 

Mancterge.  Le  manulerge  peut-il  rester  sur  l'autel  ?  ix,  264. 

Mariage.  Mes?e  du  mariage,  m,  4ri3  ;  ix,  263. 

Messe.  Questions  sur  les  cérémonies  de  la  Messe  basse,  iv,  78  ; 

VII,  395  ;  IX,  264.  Messe  dans  une  église  étrangère,  i,  50  ;  dans 
une  église  de  religieux  ayant  un  Missel  propre,  v,  386, 

Messe  chantée.  On  ne  doit  point  chanter  deux  fois  la  Messe  solen- 
nelle dans  la  même  église  sauf  le  jour  d'une  pieuse  fondation, 
Vil,  275.  —  Usage  de  la  banquette  à  h  Messe  chaulée  devant  le 
Saint-Sacrement  exposé,  ix,  266. 

Messes  votives.  Notion,  ii,  257.  Division,  ii,  258  ;  vu,  50.  — 
Quelles  sont  celles  que  l'on  peut  célébrer,  u,  259.  —  Jours  oii  on 
peut  les  célébrer,  ii,  269.  —  Messe  votive  solennelle  pour 
une  cause  grave  et  publique,  u,  343.  —  Rubriques  particulières 
aux  Messes  votives,  ii,  348.  —  Messe  du  mariage,  ii,  363  ;  ix, 
268.  —  Messe  votive  de  la  sainte  Croix,  iv,  191. 

Messes  de  Requiem.  Messes  de  Requiem  en  général,  v,  42,  —  Des 
différentes  espèces  de  Misses  de  Rtquiem,  ibid.,  43. — Des  Messes 
ie  Requiem  ordinaires,  ibid.,  43. —  Des  Mes'-es  de  Requiem  privi- 


—   IX   — 

Icgiées;  règles  générales  concernant  ces  Messes,  v,269.=Messes 
de  Requiem  privilégiées  :  1"  Me'^?cs  de  Requiem  en  présence  rlu 
corps,  V,  471.  Antiquité  de  l'usai;  «  de  célébrer  la  Messe  de  Re- 
quiem en  présence  du -corps,  ibii.  On  pouvait  autrefois  biner  pour 
la  célébrer,  v,  4~2.  Raison  de  l'omettre,  v,  473.  On  ne  peut 
jamais  célébrer  en  présence  du  corps  une  autre  Messe'  que  la 
Messe  de  Requiem,  v,  475.  On  ne  peut  pas  la  célébrer  dans  une 
église  ovi  il  n'y  a  qu'une  seule  Mesra,  un  jour  de  précepte,  v. 
478  ;  quand  même  le  prêtre  qui  la  célèbre  n'a  d'ailleurs  aucune 
obligation  de  la  dire,  v,  479.  On  pourrait  le  faire  dans  une  an- 
nexe, ihid.  —  2"  Messe  du  jour  de  !a  mort  ou  des  fun.^raiiles,  et 
translation  de  la  Messe  de  l'inhumation,  v,  547.  —  3"  Messe  des 
troisième,  septième  et  trentième  jours,  v,  554.  —  Raisons  du 
privilège  de  ces  jours,  ibid.  —  Quelques  auteurs  mentionnent 
comme  ayant  une  solennité  particulière  les  neuvième,  quaran- 
tième,cinquantième  s  nixaniième  et  centième  jours, v,556, L'usage 
de  célébrer  le  quaraniième  jour  paraît  pouvoir  être  conservé,  v, 
557. —  4"  Messe  des  anniversaires,  v,  559.  Il  y  a  une  différence 
enfre  les  anniversaires  fondés  par  testament  et  ceux  qui  ne  le 
sont  pas,  ihid.  Règles  concernant  les  anniversaires,  ibid. — 5°  Plu- 
sieurs auteurs  mettent  au  nombre  des  Messes  privilégiées  celle 
qu'on  célébrerait  à  la  réception  de  la  nouvelle  de  la  mort  d'une 
personne,  v,  552  ;  iflais  ce  n'est  point  une  règle  générale  :  c'est 
un  privilège  spécial  accordé  à  certains  ordres  religieux,  vn, 
602.  =r  Rubriques  spéciales  aux  Messes  de  Requiem,  vi,  34:  P 
De  la  Messe  que  l'on  doit  dire,  ibid.  —  2°  Des  oraisons,  vi,  37. 
—  3°  De  l'épître  et  de  l'évangile,  vi,  43.  —  4°  Du  graduel,  du 
trait  et  de  la  prose,  vi,  44.  —  5"  De  la  préface  et  du  Commumcan- 
les,  VI,  45.  —  6»  De  la  distribution  de  la  sainte  communion, 
ibid.  Diverses  opinions  sur  cette  question,  vi,  46.  Ce  qu'on  doit 
penser,  \i,  54.  On  ne  peut  pas  donner  la  sainte  communion  avec 
des  ornements  noirs  avant  ou  après  la  Messe,  vi,  56.  —  7°  De 
l'absoute  :  elle  doit  être  faite  par  le  célébrant  ;  l'évêque  dio- 
césain seul,  assistant  au  trône,  peut  faire  Tabsuute  après  la  Messe 
célébrée  par  un  autie,  vi,  59.  Explication  de  cette  règle,  vi, 
60.  Exceptions,  vi,  61. 

Office  Petit  office  de  la  sainte  Vierge,  ix,  573. 

Oraison    Oraison?  à  dire  à  la  Messe  votive  de  la  sainte  Croix,  iv, 

191. 
Oratoire.  Diverses  notions  sur  ce  sujet,  v,  80.  —  Questions  di^cu- 


—    X    — 

tées  à  la  S.  C   du  Concile,  vi,  259;  oratoire  public,  vi,  260; 

oratoiro  privé,  vi,  263  ;  oratoire  quasi-public,  vi,  267.  —  L'évé- 

que,  en  érigeant  un  oratoire,  peut-il  s-tatuer  que  les  personnes 

étrangères  n'y  satisferont  pas  au  précepte  d'entendre  la  Messe  ? 

VI,  270. 
Ordination.  Pénitence  imposée  aijx  diacres  et  aux  sous-diacres 

après  leur  ordination  iv,  192. 
Orgue.  Fonction  de  l'orgue,  viii,  176. 
Ornements.    Décret  de  la  S.   C.  des  Rites  sur  les  ornements  de 

forme  gothique,  ix,  77. 

Pénitence.  V.  Ordination. 

Pierre  de  Arbues.  Concession  de  sa  fête,  iv,  179 

Patron.  On  ne  peut  pas  faire  l'office  d'un  patron  douteux,  v,  480. 
—  A  la  fête  du  patron  de  la  ville,  l'évêque  doit  officier  dans  sa 
cathédrale,  vu,  439.  —  En  France  et  en  Belgique,  on  transfère 
au  dimanche  la  solennité  du  Patron,  vi,  371.  —  Patrons  des 
églises  non  con-^acrées,  viii,  551. 

Pontificales  (Fonction*).  Fonctions  qu'un  évêque  doit  remplir  par 
lui-môrae  dans  sa  cathédr  le,  m,  68  ;  vu,  438.  — Quel  est  le 
droit  et  le  devoir  de  la  première  dignité  du  chapitre  relative- 
ment à  ces  tondions,  vu,  451.  —  Questions  [relatives  à  diverses 
fonctions  pontificales,  vu,  268. 

Propre  diocésain.  L'évêque  peut  l'imposer  à  son  clergé,  vi,  586.  — 
Nature  de  cette  obligation,  vi,  587. 

Reposoir.  a  la  procession  de  la  Fête-Dieu  on  ne  peut  pas  s'arrêter 

à  plus  de  deux  reposoirs,  ii,  562. 
Rituel.  Suppléments  au  rituel  romain  ;  conditions  de  leur  légiti- 

miié,  VII,  363. 
Rochet,  X,  451. 

Sacré-Cœur  de  Jésus.  Certaines  raisons  pourraient  faire  croire  que 
l'institution  de  cette  fête  pour  l'Eglise  universelle,  le  lendemain 
de  l'octave  du  T. -S.  Sacrement  ne  '^hmge  rien  aux  concessions 
faites  précédemment,  de  sorte  que,  dans  les  éi;lises  oîi  elle  se 
célébrait  un  autre  jour,  on  la  ferait  nne  seconde  fois,  iv,  74.  — 
tlcpendant  le  décret  r.e  doit  pas  s'entendre  ainsi,  et  dans  les 
églises  oîi  cette  fête  a  étô  fixé>  à  un  autre  jour,  il  n'y  a  pas 
lieu  do  la  célébrer  le  lendemain  de  l'octave  du  Saint-Sacrement, 
V,  59.  —  Analogie  de  cette  fête  avec  celle  du  Saint-Sacrement  : 


—   XJ  — 

ia  S,  C.  n'a  pas  voulu  se  prononcar  sur  la  question  de  savoir  si 
Tofiice  du  Suiiit-Sacrcment  exclu!  la  coramémorai^on  du  Sacré- 
Cœur  de  Jésus,  ou  réciproqueme  ',  iv,  183.  —  Doxologie  à  dire 
à  l'office  de  cette  fête,  iv,  185-  —  La  mémoire  du  Sacré-Cœur 
de  Jésus  au  petit  ofûie  de  la  sainte  Vierge  est  une  concession 

,    spéciale,  ix,  575. 

Saint-Sacrement.  Zèle  qui  doit  animer  le  clergé  pour  le  culte  ex  • 
térieur  du  T. -S.  Sacrement,  i,  474.  Les  maintes  c?pèces  doivent 
être  renouvelées  tous  les  huit  jours.  Cette  règle  ne  s'entend  pas 
dans  le  sens  fetricl  ;  mais  il  ne  faudrait  pas  rester  plus  de  quinze 
jours  fan«  les  renouveler,  i,  112  ;  iv,  567.  —  Dans  les  grandes 
églises,  il  faut,  autant  que  possible,  que  l'autel  du  Sainl-Sacrc- 
ment  ne  soit  pas  le  grand  autel,  i\,  567.  Le  tdbernacle  du  Siiint- 
Sacrcment  est  le  premier  objet  qui  doit  fixer  l'attention  de  celui 
qui  est  chargé  du  soin  d'une  église,  i,  109,  Il  doit  être  fermé  à 
clef,  et  l'on  ne  doit  point  apercevoir  le  ciboire,  ibid.  —On  couvre 
le  ciboire  de  son  couvercle  et  d'un  voile  blanc,  i,  110.  —  Devant 
le  tabernacle  du  Saint-Sacrement,  on  entretient  une  ou  plusieurs 
lampes,  l  l'jjours  en  nombre  impair,  ibid.  —  On  ne  doit  rien 
mettre  devant  la  porte  du  tabernacle,  ibid.  —  On  revêt  d'une 
tapisserie  de  soie  blanche  l'intérieur  du  tabernacle,  et  la  partie 
extérieure  doit  être  çecouverle  d'un  voile  blanc,  ou  de  la  cou- 
leur du  jour,  ibtd.  Ce  voiîe  est  obligatoire,  et  ne  doit  jamais  être 
noir.  On  remplace  le  noir  par  le  \io\eA,  ihid.  =  Exposition  du 
Saint- Sacrement.  Autorité  de  l'Instruction  Clémentine  pour  les 
règles  qui  se  rapportant  aux  expositions  du  Saint-Sacrement,  i, 
425.  Ce  que  c'e=t  que  cette  instruction,  ibid.  —  L'autorité  de 
l'ordinaire  est  requise  pour  faire  l'exposition,  i,  426.  —  Les 
auteurs  ne  sont  pas  d'accord  .sur  la  question  de  savoir  si  les  ex- 
positions doivent  être  fréquentes,  i,  428.  —  On  peut  cependant 
affirmer  qu'aucun  auteur  n'improuve  la  fréquence  des  exposi- 
tions, si  elles  sont  accompagnées  de  la  solennité  qui  lenr  est  due, 

.  et  .s'il  y  a  concours  de  fidèles,  i,  429.  =  Quelles  s^ont  les  causes 
pour  lesquelles  il  est  à  propos  de  faire  l'exposition,  i,  730  :  1» 
Les  prières  des  quarante  heures,  ibid,  n,  333.  L'exposition  doit 
durer  pendant  quarantf^  heures  consécutives,  i,  431  ;  cependant 
on  peut  l'interrompre  pendant  la  nuit,  pour  des  raisons  graves, 
et  gagnnr  l'indulgence,  u,  333.  —  2»  L'exposiiion  le  jour  de  la 
fête  ef  pendant  l'octave  du  Saint-Sacrement,  i,  432.  —  3»  L'ex- 
position qu'on  a  coutume  de  faire  dans  les  jours  qui  précèdent  le 


—  XII    — 

Carême  :  explication  sur  cette  exposition  qu'on  appelle  chez 
nous  des  quarante  heures,  dénominalion  impropre  et  inexacte 
lians  le  langage  liturgique,  ifeid,  vu,  579.  —  4°  L'expositios!  pour 
le  repos  de  l'âme  des  ûdèles  trépassés,  i,  434:  cette  exposition 
ne  se  ferait  point  pour  une  personne  défunte  en  particulier,  ibid.  ; 
elle  se  fait  avec  la  soîeniiit  ordinaire,  i,  435.  L'église  peut  être 
tendue  de  noir,  si  l'on  en  excepte  la  chapelle  de  l'expositioa, 
ihid.  On  ne  peut  copr^nlant  pas  tendre  une  partie  de  l'église  en 
noir,  pendant  l'exposition  pour  une  sépulture,  n,  341.  5"  L'ex- 
position pour  les  calamités  publiques  ou  en  actions  de  grâces,  i, 
438.  —  6°  L'exposition  dans  les  jours  de  fête  :  elle  n'est  pas 
conlraire  aux  règles  !ituri;iques,  pourvu  qu'il  n'y  ait  aucune  ir- 
révérence à  craindre,  i,  439  ;  mais  il  faut  remarquer  qu'il  ne 
s'ugit  pas  d'une  exposition  de  tout  le  jour,  mais  de  l'exposition 
de  courte  durée  que  nous  appelons  salut  du  Sainl-Sacremenl, 
II,  331.  — 7°  L'ex position  pendant  les  neuvaines  el  les  triduums, 
I,  440.  =  Solennité  extérieure  à  donner  à  l'exposition,  i,  542  :  1" 
La  sainte  Hoslie  doit  être  dans  l'ostensoir,  ibid  ;  —  2°  l'ostensoir 
doit  être  sur  un  trône,  i,  544  ;  —  3°  il  doit  y  avoir  une  illumi- 
nation, ibid.  Certains  auteurs,  il  e^t  vrai,  ont  paru  enseigner  que 
l'on  pourrait  se  contenter  de  six  cierges  allumés,  i,  547  ;  mais 
c'est  une  erreur  :  si  l'on  peut  se  contenter  de  six  cierges,  c'est 
pour  une  exposition  privée,  qui  se  fait  en  ouvrant  simplement  la 
porte  du  tahernacle,  ou  tout  au  plus  quand  il  y  a  un  grand  nom- 
bre d'autres  lumières,  ui,  183.  Il  en  faui  au  moins  dix  dans  les 
églises  les  plus  pauvres,  m,  188.  Les  bougies  >téaiiques  ne  peu- 
vent remplacer  les  cierges  prescrits,  i,  549,  au  moins  les  six 
principaux  ;  les  aunes  pourraient  êlie  remplacés  par  une  illu- 
mination, III,  187.  —  4°  Objets  qui  doivent  servir  à  la  décora- 
tion de  l'dut-l,  1,  545.  Vases  de  fleurs,  i,  551  ;  ne  mettre  ni  sta- 
tues ni  relique-i  sur  l'autel,  i,  552.  =  Exposition  privée,  ii,  186  ; 
six  cierges  sutBsent  pour  l'exposition  privée,  m,  187.  Mais  s'il 
faut  tirer  le  Saint-Sacrement  pour  bénir  le  peuple,  il  doit  y  en. 
avoir  deux  autres  dans  des  chandelier-,  ou  soutenus  par  des 
clercs,  ibid-  =  Quelques  autns  règles  à  observer  pendant  l'expo- 
sition: 1°  Il  n'est  pas  conforme  aux  règles  de  célébrer  Ja  Messe 
à  l'autel  lie  l'exposition,  quand  on  peut  faire  autrement,  ii,  334  ; 
et  jamais  on  n'y  doit  donner  la  sainte  communion,  i,  348.  —  2° 
Règles  à  observer  dans  la  prédication  en  prctence  du  Sainl-Sa- 
cremenl expo-é.  Il,  413.  —  3»  Il  n'est  pas  permis  de  chantrr 


—   XIII  — 

des  cantiques  en  langue  vulgaire  devant  le  Saint-Sacrement  ex- 
posé; m  lis  il  n'est  pas  défeniu  de  réciter  des  prières  en  langue 
vulgaire,  ii,  410.  =  RègUs  concernant  les  saints  liu  Saint-Sacre- 
ment. 1°  Le  salut  du  Saint-Sacrement  e-^t-il  une  fonction  litur- 
gique spéciale  ?  ii,  246";  m,  279.  —  2°  Quelles  prières  doivent 
y  être  chantées,  ibid.  Il  n'y  a  rion  de  pre;ciitdans  la  miilioùe  à 
suivre  dans  les  prières  à  chanter;  laquelle  !<emble  la  meilleure, 
m,  279  ;  ix,  369.  —  3°  Cérémonies  à  observer  au  salut  :  on  ne 
peut  le  donner  avec  le  manipule,  ni  avec  la  chasuble  ;  mais  le 
prêtre  doit  avoir  la  chape,  n,  560.  Peut-il  être  assisté  de  cha- 
piers  ?  11,  252.  Inclination  à  Veneremur  cernui,  ix,  360.  Le  diacre 
ou  l'assistant  doit-il  doaner  et  recevoir  l'ostensoir,  ix,361.  Règles 
à  observer  pour  cette  cérémonie,  ix,  365.  Pendant  la  bénédic- 
lion,  il  convient  de  sonner  les  cloches,  vi,  166  ;  ix,  366.  Il  est 
facultatif  d'encenser  pendant  la  bénédiction,  mais  il  est  mieux 
de  ne  pas  le  faire,  ix,367.  On  n'encense  point  après,  ix,  368. — 
4»  Si  le  clergé  se  rassemble  à  Téglise  pendant  le  cours  d'une 
expo.-ilion  pour  le  chant  de  quelques  pi ières,  il  n'y  a  point  de 
ministres,  ii  251  :  et  si  le  Saint-Sacrement  est  exposé  d'avance, 
il  suffit  que  le  célébrant  et  ses  ministres  arrivent  pour  le  Tantum 
ergo,  ibid. 

Salut.  V.  Saint-Sacrement. 

Septoagésime,  \n,  167.  Quel  jour  doit-on  faire  l'office  du  deuxième 
dimanche  après  l'Epiphanie,  si  U  Septuagésime  arrive  le  18,  le 
19  ou  le  20  janvier  ?  vu,  377. 

Solennités  transférées.  V.  Fêtes. 

Surplis,  Forme  du  surplis,  x,  468. 

Sdspice,  sancta  Trinitas.  Dans  cette  prière,  faut-il  lire  in  honore  ou 
t>i  honorem  ?  viii,  560. 

Tabernacle.  V.  Autel,  Saint- Sacrement. 

Te  Deum.  Doit-on  dire  l'hymne  Te  Deum  au  petit  office  iela  sainte 

Vierge  ?  ix,  574. 
Titulaire.  Quels  sont  les  églises  qui  peuvent  avoir  un  titulaire  pro 

prement  dit  ?  v,  392  ;  vni,  550. 

Votive.  V.  Messe. 


TjjÉOLOGIE   DOGMATIQUE    ET   MORALE. 

DROIT-CANON 

EXÉGÈSE,  HISTOIRE  &  PHILOSOPHrE. 


Absolution.  De  >a  formule,  viii,  454.  — *Faut-il  !a  réitérer  à  qui 
accuse  les  péchés  mortels  oubliés  ?  x,  280. 

Abstinence.  Déci.-ioi:  de  la  Pénitencerie,  viii,  456. 

Académie  d'Archéologie  à  Rome,  vi,  444. 

Actes  et  décrets  du  concile  provincial  de  Vienne,  i,  555,  575. 

Actions  industrielles..  Le  prêtre  et  les  communautés  religieuses 
peuvent  en  prendre,  n,  444. 

ALBÉnic.  Son  Recueil  de  Chinons,  m,  512. 

Allemagne.  Tableau  de  l'Allemagne  catholique,  ii,  97.  —  Réunion 
de  catholiques  allemands  à  Aix-la-Chapelle,  vi,  399.  —  Littér  i- 
lure  théologique  en  1862,  vu,  506. 

Anaclet.  Le  pape  saint  Anaclet  a-t-il  enseigné  l'institution  divine 
des  curés?  ii,  260. 

AwGES.  Des  Anges  dan  -  l'Ancien  Testament,  v,  540. 

Anglicanisme.  Sa  situation,  controverses  qui  l'agitent,  ix,  578.  — 
Le  P.  Newman  le  quitte,  progrès  de  sa  conversion,  x,  290.  — 
Essai  malheureux  de  fusion  religieuse,  x,  376.  —  Persécution 
sous  la  reine  Eli.-abeth,  vu,  95,  389  ;  sous  les  successeurs  d'E- 
lisabeth, x,529. 

Annales,  i,  33. 

Apologétique.  Méthode  à  y  suivre,  v,  574.  —  Méthode  apologéti 
que  du  P.  Deschamps,  vu,  240. 

Apostolicité  de  l'Eglise  ;  doctrine  de  l'école,  ii,  46. 


—   XVI   — 

Appel  au  Pape,  i,  30,  —  Au  futur  conci!  ',  fait  sons  Loui-  XIV,  m, 

500. 
Approbation  des  livres,  i,  574.  —  Différentes  sortes  d'approbations 

d'une  doctrine  dans  l'Eglise,  ii,  425. 
Arras,  Origine  de  cette  égli.-e,  sa  tradition,  m,  510  ;  iv,  21,  111. 
Assemblée  des  savants  catholiques  à  Munich,  eu  1863,  \\,  56. 
Assemblées  du  clergé.  Remontrances  à  Henri  IV,  ni,  291. 
Athéisme,  i,  564. 
Admônerie.  De  la  gronde  aumôneric  en  France  (bref  de  Sa  Sainteté 

r-ie  IX),  vu,  179. 
Adthenticité.  Ce  quec'e-t,  iv,  519. 

Bacon  (Nicola>),  ni,  251. 

Baptême.  Décret  du  concile  de  Vienne,  n,  233  ;  iv,  35.  —  Interro- 
gations, IX,  575. 

Barbe.  Défense  de  l:i  porter,  viii,  sO- 

Barnabe  (St).  Son  Epitre,  m,  478. 

Babette  à  trois  cornes,  iv,  575. 

BEDE.  Le  vénérable  Bède  n'est  pas  parochiste,  ii,  261. 

Bellarmin.  Se-  accusations  contre  la  Bible  de  Sixte-Quint,  v,  18. 

BÉNÉFICES.  Le  Pape  peut  s'en  réserver  la  collation,  i,  33.  —  Réser- 
ves établies  à  ce  ^ujet,  ibid.,  98  et  suiv.  —  Vente  de  biens- 
fonds  constituant  un  bénéfice,  iv,  83.  —  Décision  sur  leur  union, 
ibid.,  84.  —  Droit  de  l'évêque  à  retenir  des  pen rions  sur  les 
bénéfices  qu'il  confère,  ibid.,  268. 

Benoît  XIV.  Allocution  en  faveur  des  Maronites,  m,  58. 

Bible  et  science  de  la  nature,  viii,  194,  401,  515.  —  Explication 
du  récit  de  la  Genèse  ;  jours  génésiaques  ;  hypothèse  des  jour.- 
époques  combattue,  ix,  138,  323.  —  Accord  de  la  science  avec 
le  1"  chapitre  de  la  Genèse  ;  idée  de  la  Bible,  x,  414. 

Binage.  De  l'honoraire  en  cas  de  binage,  m,  280.  —  Décision,  ibid., 
461. 

BispiNG.  Commentaire  sur  S.  Paul,  m,  300. 

BcLLES  nécessaires  aux  évêques  nommé-,  m,  289,  481.  —  Innocent 
XI  les  refuse  aux  députés  de  l'Assemblée  de  1682,  m,  484  ;  iv, 
5,  383. 

Bosscet.  Conveisation  sur  la  Déclaration,  ni,  491.  —  Accusations 
faussement  portée-  contre  S.  Gr<^goire  VII,  iv,  301,  531;  v,  121, 
209.  —  Son  gallicaiii-nie  jugé  par  Lamartine,  iv,  13. —  NouvUe 
édition  de  ses  œuvres,  v,  79,  597  ;  vu,  80. 

Bdss  (le  D'^),  professeur  à  Fribourg,  ii,  101. 


\] 


—   XVII   — 

Cambrai.  Origine  et  tradition  de  celte  Eglise,  m,  510  ;  iv,  21, 111. 

Cantique  de?  cantiques.  Réfalation  biblique,  philosophique,  histo- 
rique et  littéraire,  de  l'ouvrage  de  M.  Renan,  ii,  121. 

Cakbière  (l'abbé).  Son  erreur  sur  le  poHvoir  des  Princes  dans  les 
empêchements  do  mariage,  n,  110.  —  Modiflcation  apportée 
dans  .'OU  en-eignement,  ihid. 

Cas  réservés  (V.  Pénitence)  au  Pape,  m,  366,  555.  —  Décisions  de 
l'Inquisition,  m,  366  ;  de  la  l'éuilencerle,  in,  555. 

Catéchiste.  Sss  qualilés,  ii,  211. 

Catholicité.  A  quoi  se  recor)naU  le  vrai  catholique;  ce  que  fait 
l'hérésie  et  le  schisme,  n,  49. 

Catacombes  romaines,  vi,  446.  —  Théologie  des  Catacombes,  ix, 
45,  97,  289  ;  x,  49,  130,  et  Supplément  au  X«  volume. 

Causes  matrimoniales,  ii,  246. 

Cecil  (Guillaume).  Son  rôle,  son  plan  de  réformation,  m,  223. 

Cekscres.  Principales  excommunications  réservées  au  Pape,  n,  67. 

Ceutitude.  Série  de  propositions  certaines,  i,  525,  541. 

Chancellerie  Romaine.  —  Ce  que  c'est,  i,  97.  —  Règles  pour  la 
collation  dps  bénéfices,  ihid,  98,  101.  —  —  Etaient- elles  en  vi- 
gueur en  Fraice  et  en  Belgique  avant  la  Révolution?  ibid.,  101. 
—  Les  bénéfices  autres  que  les  cures  sont-ils  soumis  aujourd'hui 
en  France  et  en  Belgique  aux  règles  de  la  chancellerie,  ibid., 
105 

Chanoines.  Leurs  revenus  quand  ils  s'absentent  pour  cause  d'étude, 
m,  558.  —  Comment  se  compte  leur  ancienneté,  m,  558, 

Chaphres  cathédraux,  ii,  152.  —  Réponse  de  la  S.  Pénitencerie  à 
diverses  questions  les  concernant,  vu,  581.  —  Ouvrage  de  M. 
Pelletier,  x,  184.  —  Droit  d'oplion,  x,  556. 

Charlemagne,  prolecteur  des  Maronites,  m,  45.  —  Pouvoir  tempo- 
rel de^  Pi^pes,  IV,  424. 

Christ  et  Antéchrist.  J.-C.  dans  l'Ecriture,  dans  l'histoire,  dans  la 
conscience,  viii,  305. 

Cimetières,  ii,  369.  —  Bénédiction  de?  fosses,  v,  396. 

Cloches,  vi,  154. 

Cluny.  Séjour  qu'y  fait  S.  Grégoire  VII,  i,  322,  342. 

Codex  Sinaiti^u-,  m,  475. 

Collège  Romain.  Juste  célébrité  dont  il  jouit,  m,  12. 

Commerce  inierdit  aux  prêtres,  u,  445. 

Communion  fréquente,  u,  432.  —  La  communion  ne  peut  être  re- 
fusée aux  condamnés  à  mort,  ii,  437.  —  Fruits  de   la  commn- 

2 


—  xvin  — 

nion,  IV,  124.  —■  Peut-on  y  admettre  aussi  les  filles  enceintes,  x 
281. 

Communisme,  i,  568. 

Compréhension  de~  noms,  i,  76. 

Conception  (immaculée),  i,  S'I.  —  Décret  touchant  la  solennité  de 
cette  fête,  ii,  477.  —  Lettre  de  S.  Bernard  aux  chanoines  de 
Lyon,  ibid.,  177. 

Confession  des  enfants  avant  la  première  communion,  ix,  164. 

Concile  général.  Deux  erreurs  de  ia  théologie  de  Toulouse,  i,  552. 

Concile  provincial  de  Vienne,  i,  555  ;  ii,  143,  232,  364.  —  Néces- 
sité canonique  et  règle  du  concile  provincial,  ii,  149.  —  Peut-il 
absolument  arriver  que  parmi  les  décrets  d'un  concile  provincial 
renvoyé  de  Rome  sans  correction,  il  y  en  ait  quelqu'un  de  nul, 
II,  193.  —  Confirmation  d'un  concile,  ibid.,  196;  m,  151. 

Conférences  eccleriasliques,  i,  23,  §7,  200,  474;  n.  252. 

Confirmation.  Ministre  de  ce  sacrement,  ii,  54.  —  Pur  qui  le  saint 
Chrême  doit-il  être  béni  ?  ibid. 

Congrégation  des  Rites.  Son  autorité,  vi,  587. 

Congrégation  du  Concile.  Pouvoirs  qui  lui  ont  été  accordés  dans 
son  institution.  Trois  sortes  de  décisions  qu'elle  rend  ;  opinion 
des  théologiens,  i,  179.  —  Distinction  sur  les  ordonnances  de 
la  congrégation  ;  différence  enlre  une  loi  nouvelle  et  l'inter- 
prétation d'une  loi  ancienne,  ibid.,  182  ;  m,  152.  —  Décisions, 
VIII,  68. 

Congrégations  Romaine?.  S.  Liguori  s'est-il  rétracté  en  ce  qu'il 
avait  dit  relativement  à  la  valeur  de  leurs  décirions,  i,  56. 

Connaissance.  Sens  de  ce  mot  ;  classification  de-  connaissances 
humaines^  i,  517.  —  Connaiîsance  appréhensive,  conuexive,  dé- 
duite, immédiate,  intuitive,  ibid.,  518, 

Constitutions  capitulaires  de  l'église  de  Moulins,  ii,  360  ;  pontifi- 
cales. Mode  de  leur  promulgation,  m,  142.  —  Ce  qui  se  passa 
dans  l'affaire  de  Fénélon,  ibid. 

Coutume.  Ses  conditions,  m,  320.  —  Son  existence  difficile  à  éta- 
blir, ibid.  —  Le  législateur  juge  de  sa  légitimité,  ibid  ,  iv,  77  ; 
vm,  278.  —Comment  les  usages  s'introduisent,  ibid.,  573.  —  Du 
droit  coutumier  dans  l'Eglise,  ix,  334  ;  ibid..,  534.  —  Ses  condi- 
tions canoniques,  X,  140. 

CoRÉs.  A  qui  >uccè'Jent-ils  dans  l'Eglise  ?  Epoque  de  leur  institu- 
tion ;  leur  juridiction  ;  leurs  droits  ;  billet  de  confession  ;  con- 
corde entr'eux,  i,  24  et  suivantes  ;   ii,  259.  —  Un  curé  qui 


—   XIX   — 

contracte  des  dettes  à  l^irc  scandile  pcul  il  être  privé  de  sou 
bénéfice  ?  ii,  185  ;  m,  459.  —  Erreurs  des  Jansénistes  sur  l'o- 
rigine et  l'ordre  hiérarchique  des  curés,  ihid.,  272.  —  Inamo- 
vibililé,  viu,  186.  —  Concours  à  Munster,  ibid.,  183  ;  x,  479. 

Daniel  (le  prophète).  Sa  mission  parmi  les  Gentils,  v,305.  — 
Etude  de  sa  prophétie  sur  l'empire  éternel  de  Jésus-Christ,  v, 
312,  417. 

Danses.  Sur  les  danses  modernes,  ix,  457. 

Déclakation  du  clergé  de  France.  Manière  doul  elle  est  présentée 
danî  une  certaine  tàéulogie,  i,  371.  —  Conversation  de  Dossuçl 
à  ce  sujet,  m,  491. 

DÉISME,  I,  565. 

Démon  dans  l'Ancien  Testament,  v,  539. 

Desservants.  Leur  inamovibilité  est  une  question  réservée  au  Sl.- 
S  ége,  X,  540 

DiSTRiCH.  Codiciiœ  Syuacorum  specimina,  ni,  583. 

Diocèse.  Droit  de  les  circonscrire,  32. 

DALHii.  Histoire  ecclésiastique,  m,  382.  —  Ouvrage  sur  la  Papauté, 
V,  75. 

Dhoit  ecclésiastique  et  canonique,  nécessité  de  l'étudier  et  avan- 
tages de  celte /élude,  i,  3.  —  Ditfiouité  pour  les  prolestants  de  le 
traiter,  ibid.,  35.  —  Meyer,  36.  —  Blubme,  41.  —  Richler,  43. 

Doyens  ;  n,  158. 

Druses.  Notions  sur  ce  peuple,  m,  51  ;  ihid.,  lOo. 

DiBLiN.  Détails  sur  l'Université  catholique  de  cette  ville,  ii,  495. 

Ecoles.  Soin  qu'en  doit  prendre  le  curé,  ii,  212,  —  Relations  né- 
cesaires  avec  Tinstiluteur,  ibid.  —  Nécessité  des  écoles  de 
chant,  ibid.,  SQ6. 

EcRiiuRE.  y.  Livres  saints,  Inspirations,  Ministère  pastoral.  —  Ecri- 
ture considérée  comme  document  historique  ;  comme  perfectiim- 
nement  de  la  pensée  humaine,  comme  renfermant  de  grands 
caractères,  i,  504. 

Education  intelleduelle  du  clergé  corrélative  des  institutions  aea- 
démiqucs,  ii,  481. 

Eglises  dans  les  premiers  siècles,  m,  414.  —  Différents  noms,  viii, 
561.  —  Paroissiale,  qui  doit  l'entretenir  et  la  restaurer,  iv, 
373. 

Eglise.  Esquisse  d'un  traité  de  l'Egli  se,  iv,  3i3.  —  Les  uuleurs 
gallicans  ei  le  Traité  de  l'Eglise,  ibid.,  464  ;  v,  235. 


—    XX    — 

Elisabeth  d'Angleterre.  Ses  rigueurs  contre  le  catholicisme,  m, 
221. 

Energumènes,  I,  240. 

Enfer.  Manière  de  prêcher  sur  le  dogme  de  l'enfer,  x,  430. 

Erasme.  Letire  de  Léon  X  à  Erasme,  v,  339. 

Erreurs  de  notre  temps  indiquées  dans  le  concile  devienne,  i,  563. 
—  Théorie  philosophique  de  l'erreur,  ii,  531  ;  ni,  28. 

Espagne.  S.  Paul  y  a  prêché,  iv,  47. 

Esprits  frappeurs,  i,  413. 

Essence,  i,  72. 

Etienne  (saint).  Elude  sur  l'ouvrage  de  Mgr  Zizzani  relatif  au  célè- 
bre et  prétendu  conflii  entre  .-^aint  Etienne  et  saint  Cyprien,  vu, 
211,  305,  41.%  513. 

Etre,  i,  71. 

Etudes  ecclésiastiques.  Décrets  du  concile  de  Vienne  à  ce  .«ujet, 
II,  370. — Néce.'^silé  de  suivre  les  règlements  du  concile  de  Trente 
sur  l'érection  des  séminaires;  utilité  d'un  cours  sérieux  de  théo- 
logie de  quatre  ans  au  moins  :  choix  des  profeseurs  ;  universi- 
tés par  rapport  aux  études,  ibid.y  481,  —  Moyen  de  les  relever 
en  France,  m,  16. 

Evangiles.  Original  de  saint  Matthieu,  i,  205.  —  Découvertes  de 
la  science;  les  Catacombes  ;  Moïse  ;  Voiture  ;  Strauss  ;  Renan  ; 
les  Pères  de  l'Eglise  ;  les  Actes  des  Apôtres  ;  textes  du  nouveau 
Testament  ;  la  Vulgate;  les  textes  et  les  manuscrits  ;  texte  des 
Evangiles  des  Eglises  orientales,  ihid.,  205  et  suiv.  —  La  Tra- 
duction, 213.  —  Saint  Matthieu  et  saint  Paul,  214.  —  A  quelle 
occasion  saint  Matthieu  écrivit  son  Evangile,  215.  —  Lumière 
produite  par  la  publication  de  M.  Curéton,  217.  —  Dans  quelle 
langue  saint  Matthieu  a  écrit,  222.  —  Les  deux  versions  Curé- 
ton  et  Peschito,  ii,  15. 

Eucharistie.  Institution;  présence  réelle,  iv,  38 

Evêque  auxiliaire  chanoine  ;  sa  position  -vis-à-vis  du  Chapitre,  iv, 
565. 

EvÊQUEs.  Pourquoi  ils  sont  aujourd'hui  plus  en  relations  avec  le 
Saint-Siège  qu'autrefois,  i,  23.  —  Ce  qu'ils  sont  par  rapport  au 
Pape  :  mode  de  leur  élection  aux  diverses  époques  ;  leur  élection 
et  confirmation,  27.  Droit  de  les  transférer  ;  de  les  déposer, 
30.  —  Valeur  de  leurs  sentence-,  ihid.,  350.  — ■  Ce  qu'ils  sont 
par  rapport  aux  prêtres,  ibid.,  575.  —  Différence  entre  les  évé- 
ques  et  les  prêtres,  ibid.,  578.  —  V.  Prêtres.  —  Dignités,  de- 


—   XXI   — 

voirs,  droits  des  évêques,  ii,  145.  —  Leur  éleclion  appartient  au 
Souverain-Pontife,  ii,  506.  —  En  vertu  d'un  concordat  les  prin- 
ces peuvent  avoir  droil  d'éleclion  ou  de  présentation,  ibid.  —  l.c 
sujet  nommé  à  un  évêché  ne  peut  administrer  le  diocèse  à  aucun 
titre  avant  d'avoir  reçu  et  présenté  ses  Bulles,  u,  506  ;  m,  289, 
481.  — Erreurs  de  M.  Lequeux  sur  les  évéques  nommés,  iv,  17. 

ExEAT.  Conditions  requises  pour  qu'un  ecclésiastique  soit  excorporé 
d'un  diocèse  et  incorporé  dans  un  autre,  v,  29. 

Exorcisme,  ii,  368. 

Extension,  i,  76. 

Fiançailles.  Leur  validité  confirmée  par  la  Congrégation  du  Con- 
cile, IV,  89. 

Foi.  Acte  de  foi,  i,  522.  —  Foi  el  doctrine  catholique,  ibid.,  558. — 
L'intelligence  à  la  recherche  de  la  foi,  ibid.^  559. 

Forme.  Sens  de  ce  mot,  i,  74;  x,  260,  337. 

Froscbammer.  Sa  condamnation  par  Pie  IX,  vu,  175,  480. 

François  I",  protecteur  des  Maronites,  m,  53. 

Gallicanisme  (le)  et  l'Université  de  Douai,  m,  359.  —  Comment  il 
expliquait  le  traité  de  l'Eglise,  iv,  464.  —  Triple  gallicanisme, 
laïque,  théologique,  pratique,  x,  496. 

Gaules.  Introduction  de  la  foi  catholique  dans  les  Gaules,  iv,  163. 

Georges  de  ??ossoul.  'Son  opinion  sur  la  présence  réelle,  m,  537. 

Gerson.  Son  caractère,  ii,  264.  —  Ce  qu'ont  pensé  de  lui  ses  con- 
temporains et  ses  disciples,  ibid.,  —  Rapport  de  quelques-unes 
ùe  ses  doctrines  avec  le  protestantisme,  xbid.,  265.  —  Ce  qu'il  a 
fait  pour  le  parorhisme,  ibid. 

Grégoire  VII  (Si.)  Etat  de  l'Eglise  à  son  exaltation,  iv,  225,  301, 
531.  —  Evénements  et  pièces  essentielles,  ibid.  —  Fausseté  des 
accusations  de  Bossuel  contre  lui,  v,  121,  209. 

Grégoire  de  Nazianze  (St.)  orateur,  ix,  374. 

GoNDULPHiENS,  hérétiqucs  manichéens  du  xi«  siècle,  iv,  34. 

Gunther.  Condamnation  de  ses  erreurs,  m,  61. 

Henri  VIII.  Son  divorce,  son  schisme,  v,  514. 

Hiérarchie  ecclésiastique,  i,  2.  —  Décret  du  concile  de  Vienne,   i, 

143. 
Honoraires.  V.  Mesaes. 
HoNORius  (le  Pape),  m,  433. 

Idées.  Leur  réalité  subjective,  ii,  343. 


—    XXII    — 

Ignorance.  Ses  diûérentes  espèces,  m,  410. 

Immortalité  de  l'àme  consignée  dans  l'Ancien  Testament,  v,  541. 

Jndex.  Décrets,  ii,  192,  480  ;  iv,  301  ;  v,  96,  413;  vi,  112  ;  vu,  93; 
VIII,  96,  299  ;  ix,  79,  383,  485  ;  x,  493.  —  Circulaire  de  la  Con- 
grégation h.  lous  les  évoques  en  1854,  x,  565.  —  La  Censure  et 
l'Index  d'après  !e  D''  Fessier,  v,  157.  —  L'Eglise  doit  prendre 
l'es  moyens  de  prémunir  les  fidèles  contre  l'erreur.  Historique  de 
la  législation  ecclésiastiqne  touchant  les  mauvais  livres.  Résumé 
méthodique  des  règles  de  l'Index.  Etal  actuel  de  la  législation  de 
l'Index,  jbid. 

Imprimatur.  Sa  nécessité  canonique,  x,  543. 

Indifférentisme,  I,  565. 

Indulgences.  Doctrine  du  concile  de  Vienne,  ii,  242.  ~  Critiques 
de  quelques  ouvrages,  v,  278.  —  Décrets  sur  le  scapulaire,  sur 
la  confession  et  la  communion,  sur  les  fêtes,  vu,  76,  290,  578  ; 
viii,  79.  —  Portioncule,  x,  97.  —  Quelles  indulgences  peut-on 
gagner  plusieurs  fois  le  même  jour  ?  x,  383. 

Infaillibilité  du  Pontife  Romain,  ii,  386  —  Ouvrage  de  M.  Saint- 
Bonnet,  m,  103. 

Innsbrlck.  Détails  ^ur  cette  université,  ii,  97. 

Inspirations  des  livres  saints,  i,  442.  —  Elle  a  toujours  été  admise, 
même  par  lc>  hérétiques.  Efforts  du  protestantisme  actuel  et  des 
rationalistes,  ibid  ,  450.  —  Exame;i  des  monuments  d'Israël  : 
les  Psaumes,  Isaïe,  Daniel,  i'Ecdésiastiqne,  ibid.,  452.  —  Tra- 
dition de  la  Synagogue,  ibid.,  453. —  Jésus-Christ  et  les  apôtres, 
ibid.,  455.  —  Les  Pères  de  l'Eglise,  ibid..,  457.  —  Opinions 
fausses  sur  l'in-piration,  ibid.,  508.  —  En  quoi  consiste  l'in-pi- 
ralion  ;  ses  conditions,  lèifi.,  510.  —  Si  Dieu  est  l'auteur  unique 
des  Ecritures  ;  conjectures,  ibid.,  513.  —  Arguments  tirés  de  la 
Bible,  ibid.,  514. 
Institutions  iheologicœ  ad  usum  seminarii  Tolosani.  Examen  critique 
de  ce  livre.  Sort  actuel  de  ces  sortes  d'ouvrages  ;  mise  at  l'index 
de  Bailly  ;  la  plupart  des  autres  ouvrages  non  moins  répréhen- 
sibles,  1,  343.  —  Perronc,  Scavini,  Mgv  Bouvier,  ibi'..,  344.  — 
Projet  de  correction  de  la  théologie  de  Toulouse.  Coniment  il  a 
été  réalisé,  ibid.  —  Examen  déUiillé;  ibid.,  345.  —  Tiaiié  d-:  l'É- 
glise. La  pierre  de  touche  pour  apprécier  un  cours  de  théologie, 
ibid.,  346.  Unité  de  l'Eglise.  Doctrine  des  théologiens  roinains. 
Celle  de  l'auteur,  ibid.,  346.  —  Vaines  excuses,  ibid.,  349.  — 
Les  évêques  n'ont  pas  le  pouvoir  de  résoudre  les  contioverses. 


—   XXIII   — 

ibid.,  350.  —  Collège  apostolique.  Ce  qu'en  dit  l'auteur.  Incon- 
séquences, iUd.y  353.  —  Un  vice  en  engendre  un  autre.  Nou- 
velles équivoques  sur  l'infaillibilité,  ihid.,  356.  —  Concile  géné- 
ral. Deux  erreurs  à  ce  sujet,  ihid.,  358.  —  Autorité  du  Souve- 
rain-Pontife ;  l'auteur  parle  des  évêques  avant  de  parler  du 
Pape,  ihid.,  361.  —  Ce  qu'est  la  primauté.  Doute  singulier  de 
l'auteur,  ihid.,  362.  —  Infaillibilité  du  Pape,  ibid  ,  364,  —  Dé- 
faut de  méthode.  Précautions  de  l'auteur,  ihid.  —  Le  Pape  par- 
lant ex  cathedra.  Sentiment  de  l'auteur.  Réfutation,  ihid.,  366. 

—  Inconvénients  de  rabaisser  la  doctrine  de  l'infaillibilité  du 
Pape,  ibid.,  369.  —  L'auteur  essaie  de  prouver  l'infaillibilité  du 
Pape,  ibid.,  370.  —  11  manque  d'espace  pour  réfuter  la  Déclara- 
tion du  clergé  de  France,  ibid..,  371.  —  Double  mesure,  ihid.,  372. 

—  Dans  ses  conclusions,  l'auteur  renverse  en  partie  ce  qu'il  a 
établi,  ibid.,  373.  —  Inexactitudes  sur  l'apo-tolicité,  u,  47.  — 
Ce  que  pense  Pauteur  sur  la  catholicité,  ibid.,  50.  —  Le  gallica- 
nisme coule  à  pleins  bords  dans  ce  traité  de  TEglise  ;  .=on  venin 
inonde  à  ne  plus  permettre  de  doute,  la  question  de  l'infaillibi- 
lité du  Pape,  ibid.,  53.  —  Inexactitudes  à  propos  de  la  Confir- 
maiion,  ibid.,  55.  —  Le  gallicanisme  se  retrouve  dans  la  double 
question  de  juridiction  et  des  cas  réservés,  ibid.,  61. —  L'au- 
teur prend  à  tâche  d'être  incomplet  et  bilingue  dans  le  traité 
des  Censures,  ibid.,.Q6.  —  Inexactitudes  relatives  au  3Iariage; 
vice  malheureux  dans  la  distribution  des  matières,  ihid.,  76.  — 
La  Théologie  de  Toulouse  profes-e  le  rigorisme  en  morale,  ihid  , 
421,  —  Tendance  au  particularisme  dan?  les  questions  de  disci- 
pline el  de  liturgie,  ni,  121,  195. 

Institdtions  académique;^,  leur  nécessité  et  leur  influence,  ii,  482  ; 

m,  5.  —  Lettre  du  D'  Buss  à  ce  sujet,  v,  357.  —  Projet  relatif 

à  la  France,  v,  369  ;  vi,  303, 
Intelligence.  Ce  que  c'est,  i,  522. 
Irrégclarité  ex  defeciu,  vu,  187. 

Jésus-Christ.  Preuves  de  sa  divinité,  m, 173. 

Job.  Examen  du  système  moral  attribué  au  livre  de  Job,  par  M. 
Renan,  i,  305. 

Jocrnal.  Est-il  permis  de  coopérer  à  un  journal  professant  de  mau- 
vaises doctrine*:,  mais  très-répandu,  dans  le  seul  intérêt  delà 
science,  u,  252. 

Juridiction  ecclésiastique.  Principes  sur  cette  matière,  m,  413. 

Justification,  Erreurs  des  Gondulphiens,  iv,  601. 


—    XXIV    — 

Kledtgen.  Théologie  de  Passé,  ni,  9j. 

Labre  (le  B.).  Reprise  de  sa  cause,  m,  556. 

Laemmer.  Analecla  romaaa,  m,  383. 

Laïques.  Ce  qu'ils  sont  dans  les  univei  sites  allemandes,  ii,  97. 

La  Harpe.  Jugement  sur  Téloquence  des  Pères,  ix,  371. 

Lamy.  De  Syorum  fide  el  disci'plina  in  re  Eucharislica,  m,  533. 

Langlois.  xOpascule  sur  la  question  des  Lieux-Saints,  lu,  567. 

Lemerre  pose  des  principes  schismatiques  dans  ses  Mémoires  du 
clergé,  ni,  385. 

Libère  (le  Pape),  m,  428. 

Lieux  saints  de  Jérusalem  ;  sont-ils  authentiques,  m,  567. 

Livres  défendus.  Décret  du  concile  de  Vienne,  i,  573.  V.  Index. 

Livres  saints.  V.  Inspiration. 

LccAR  (Cyrille)  et  le  protestantisme  en  Orient  au  xvii«  siècle,  vi, 
209. 

LouvAiN.  Résurrection  de  sou  Université,  ii,  489.  —  Son  organi- 
sation, ibid.,  492.  —  Thèse  des  docteurs  Reusens  et  Moulart,  vi, 
202.  —  Question  de  Louvain,  vi,  205.  —  Lettre  du  C.  Palrizi 
sur  certaines  doctrines  enseignées  à  Louvain,  x,  568. 

Magie.  Ses  diverses  espèces,  i,  385.  —  Fondement  de  la  magie 
diabolique,  ihid.,  401.  —  Il  ne  suffit  pas  de  protester  contre 
Fintervention  du  diable  pour  l'empêcher,  ihid.,  403.  —  On 
n'empêche  pas  l'intervention  du  diable  en  ignorant  que  les 
effets  sont  diaboliques,  ibid.,  405.  —  Péché  de  ceux  qui  doutant 
si  les  moyens  qu'ils  emploient  sont  licites,  les  emploient  néan- 
moins, ibid.,  408.  Y  a-t-il  intervention  diabolique  dans  les  phé- 
nomènes de  la  baguette  divinatoire,  des  tables  tournantes,  etc., 
ibid  ,  409. 

Magnétisme  animal.  Décision,  i,  417.  -  Appréciation  des  princi- 
paux phénomènes,  ibid.,  421.  —  Encyclique  du  Saint-Office, 
VIII,  488. 

Mai  (le  card.).  Edition  des  Septante,  m,  92. 

.^Ialou.  Consultation  de  Mgr  Malou  au  sujet  du  titre  clérical  pour 
pour  l'ordination.  Réponse  de  la  S.  Congrégation  du  concile,  i, 
481. 

Mariage.  Essence  et  propriétés,  ii,  76.  —  L'Eglise  catholique  a 
seule  le  pouvoir  d'établir  des  empêchement.--,  ibid.,  82.  —  Domi- 
cile requis,  ix,  274.  —  Décision  de  la  S.  Congrégation  du  con- 
cile, X,  473. 


—    XXV    — 

Maronites.  Considcraticns  sur  ce  peuple,  ii,  274.  —  Ils  se  préser- 
vent de  l'hérésie  de  Nestorius  a  d'Eulychès,  ii,  310.  —  Leur 
constanle  orthodoxie,  ibid.,  319.  —  Leurs  Jails  et  gestes  à  l'épo- 
que des  succès  de  IMahomel  cl  d'O  ca'-,  ibid.,  471,  —  Proleclion 
de  la  Friincc,  m,  45. —  Sollicitude  des  Papes.  ibiL,  58.  — Luttes 
récentes,  ibid.,  97. 

Martyrologe,  i,  235. 

Matérialisme,  j,  564. 

Matière  et  fobme,  x,  260,  338. 

MÉMOIRE  sur  le  droit  coutumier,  ni,  139. 

Mes.-e.  Quelle  mesje  doit  dire  celui  qui  célèbre  d.ins  une  église 
dont  Toffice  diUère  du  sien  ?  i,  50.  —  L'obligation  de  dire  la 
messe  pro  populo  alteint-clle  les  aumôniers  de  religieuses,  d'hô- 
pitaux, etc.  ?  ibid.,  52.  —  Décision  de  la  Congrégation  du  con- 
cile sur  la  messe  pro  populo,  ii,  286  ;  m,  464.  —  Questions  di- 
verses relativement  aux  honoraires,  m,  280,  370,  461  ;  vi,  92  ; 
VIII,  77.  —  Messe  paroissiale,  m,  467. —  Peut-on  retenir  quelque 
partie  de  l'honoraire  en  faveur  d'une  bonne  œuvre  ?  ix,  556. 

Métropolitain,  ii,  204. 

Ministère  pastoral.  Ce  que  c'est,  i,  490.  —  Préparation  spiritu- 
elle ;  qualités  du  bon  pasteur,  ibid,,  491.  —  Le  zèle  et  la  pru- 
dence, i'iid.,  495.  -•  Préparation  scientifique,  ibid.,  498.  — 
Moyens  |jour  étudier  l'Ecriture,  les  Pères  :  la  traduction,  la  pa- 
raphrase, ibid.,  502.  V.  Orateur  chrétien. 

Mode.  Sens  de  ce  mot,  i,  78. 

Modération.  Ce  que  c'est;  sens  de  ce  mot,  ii,  302.  —  Fausse  mo- 
dération, îbid.  —  Vraie  modération  dans  la  doctrine,  la  litur- 
gie, le  droit-canon,  ibid. 

Moïse.  Inspiration  de  ses  écrits,  lu,  177.  —  But  et  caractère  de  sa 
législation,  ix,  492  ;  x,  5,  105,  240,  303,  401. 

MoY  DE  Sons,  professeur  à  Inrsbruck.  Ses  ouvrages,  ii,  99. 

Nature  (éiat  de)  et  du  péché  originel,  viii,  32.  —  Caractère  de  la 
cen-ure  des  propositions  de  Baïus  et  sens  authentique  de  ces 
propositions  ;  gratuité  des  dons  que  le  péché  originel  nous  a  fait 
perdre,  ibid. 

Obsédé,  i,  210. 

Ontologisme.  Propositions  le  concernant  jugées  par  le  Saint-OtTice, 
IV,  563.  —  Examen  de  ces  sept  propositions,  v,  374  ;  vi,  101, 
374.  —  De  la  vision  ontologique,  vu,  345  ;  viii,  446. 


—   XXVI  — 

Or.\teur  chrétien,  Comment  il  doit  se  perfectionner  dans  le  minis- 
tère de  la  parole,  i,  159.  —  Exemples  et  sources,  160, 

Oratoires  privés,  ii,  366.  —  Diverses  notions  à  ce  sujet,  v,  80  ; 
VI,  259. 

Ordination.  Pénitence  imposée  aux  diacres  et  aux  sous-diacrés,  iv, 
192.  —  Quand  faut-il  réitérer  la  cérémonie  ?  ix,  5.  ^ 

Ordre.  V.  Pouvoir,  —  Décret  du  concile  de  Vienne,  n,  143. 

Orient.  Institution  d'une  congrégation  pour  les  affaires  ecclésiasti- 
ques d'Orient,  v,  84. 

Origèxe.  Scholies  sur  les  Proverbes,  ni,  480. 

Panthéisme,  i,  564. 

Pape.  (V.  insliiutions,  Vas  réservé,  Censures,  Confirmation,  Modéra- 
tion, Pénitence,  Probnbilsme,  Universilés).  Sa  supériorité  sur  les 
évéque^',  i,  25.  —  Manière  dont  il  est  parlé  de  son  auiorité  dans 
la  Théologie  de  Toulouse,  ibid.y  356.  —  Son  infaillibilité,  ii, 
886.  —  De  son  élection,  ix,  342,  426. 

Parocuîsme.  Pauvreté  de  ce  système,  ii,  259. 

Paroisses,  h,  157. 

Patristiqde  en  Allemagne,  vi:i,  90. 

PÉCHÉ.  Sa  nature,  iv,  112.  —  Péché  originel,  tbid. 

Paul  IV  calomnié  par  les  historiens,  m,  229. 

Pauvreté.  Le  P.  de  Buch  prétend  que  le  vœu  de  pauvreté  n'empê- 
che pas  les  religieux  de  posséder,  a  1.  — DifCu^sion,  ibid.  et 
suivantes. 

PÉNITENCE.  Ministres  de  ce  sacrement,  n,  6i'.  —  Cas  réservés,  ibid., 
68  ;iY,  21,41. 

Pentateuque  (le),  e>  la  critique  moderne.  —  Importance  de  la 
question  de  son  authenticité.  Historique  du  déhat.  Preuves  in- 
ternes et  externes.  Réfutation  des  objections.  Des  noms  divins 
dans  la  Genèse  et  l'Exode.  Hypothèses  critiques  sur  la  composi- 
tion de  la  Genèse,  iv,  137. 

Perceptions.  Réalité  des  perceptions,  ir  524.  —  V.  Connaissance. 

Philosophie.  Désaccord  de  la  philosophie  séparatiste  avec  le  dogme, 
!,  62.  —  Essai  sur  diverses  questions  de  philosophie,  ibid.,  517, 
• —  La  philosophie  au  service  de  la  théologie,  ibid.,  560.  —  De 
l'unité  dans  l'enseignement  de  la  philosophie,  v,  397,  —  Un 
mot  sur  quelques  problèmes  importants  de  la  jhilosophie,  v«, 
59,  564.  Rapports  avec  le  principe  d'autorité,  ix.  59. —  Discus- 
sions sur  la  philosophie  de  S.  Thomas,  x,  89. 


—  xxyii  — 

Philippe  (docteur).  Sou  ouvrage  des  Principes  du  droit  ecclésiastique 
11,  98. 

Philippe  II.  Ses  relations  avec  Elij.  beth,  m,  227. 

Philologie  et  Révélation,  vi,  113,  ?72,  426,  527.  —  Témoignage 
de  la  philologie  en  faveur  di;  !a  révélation.  Langage  articulé. 
Dénombrement  des  langues  du  globe,  [.eur  parenté.  Explication 
de  cette  miiliiplicilé  par  la  révélaiioM.  Réfutation  de  l'inlerpré- 
lation  naturaliste  de  M.  Renan.  Récit  de  la  Genèse  pleinement 
confirmé  par  la  science,  vu,  5,  97,  193.  —  Caractères  de  la  lan- 
gue primitive.  Origine  du  langage.  Le.'!  langues  et  les  peuples, 
le»  langues  et  les  religion.*,  ibid. 

Pie  IX.  Encyclique  sur  les  controverses  agitées  en  Relgique,  v,  203. 

Pontifical,  i,  235,  574. 

Portioncdle  (indulgence  de  la),  x,  97. 

Possession.-,  i,  240,  280,  305.  —  Obligation  de  croire  aux  posses- 
sions, ibid.,  24(5.  —  Ses  signes,  ibid.,  259.  —  Examen  do  divers 
phénomènes,  ibid..  259.—.  Possession  douteuse  ou  probable,  ibid.. 

289.  —  Systèmes  imaginés  pour  en  contester  la  réalité,  ibid.. 

290.  —  Causes  de  la  possession,  ibid.,.  294.  —  Y  a-t-il  des  objets 
qui  aient  naturellement  la  vertu  de  chasser  le  démon,  ibid.,  295. 
— Pouvoir  d'exorciser,  ibid.,  301. 

Pouvoir  ecclésiastique.  Ses  rapports  avec  la  hiérarchiCj  i,  2.  — 
Pouvoir  d'ordre,  rfe  juridiction,  doctrinal,  ibid.,  9 

Prébende  théologale,  iv,  86. 

Prédication.  Fonction  importante,  ii,  205.  —  Le  recte  sappre  dans 
l'invention  d"un  di.'^cours.  Divers  sujets.  Fonds,  forme  du  dis- 
cours, tbid.,  VIII,  381.  —  Elude  des  Pères,  ix,  154,  370,  448. 

PnESBTTERiANiSME.  Réfutation  des  objections,  i,  576. 

Préséance  dans  le  clergé  d'après  les  règles  canoniques,  x,  321. 

Prêtres.  En  quoi  ils  diflërent  des  évêques.  Solution  des  difficultés 
du  système  presbytérien,  i,  577. 

Principe  vital  de  l'homme,  viii.  56. 

Probabilisme.  Ce  qu'il  est,  n,  421.  —  Sou  histoire.  Sou  approbation 
constante  à  Rome,  ihid,,  x.  159. 

Procédure  .'spéciale  pour  les  causes  de  nullité  de  profession  reli- 
gieuse, IV,  496. 

Prônes.  Nécessité  de  les  faire  en  rapport  avec  les  fêtes  de  l'Eglise, 
u.  221. 

PCRGATOIRE,   IV,  43. 

Protestantisme  (le  Saiut-Siége  devant  le),  vk  500,  —  Importance 


—   XXVIII   — 

de  l'imprimerie.   Collèges  catholiques.  Luther.  Introduction  du 
proiestanti.>^iue  en  France,  vi,  384. 
Province.  Vie  intellectuelle  en  province,  vu,  67. 

Québec.  Son  Université,  u,  497. 

Raison.  Ce  qu'elle  est,  i,  522. —  Son  usage  dans  les  choses  divines, 
ihid.  559. 

Rationalisme,  i.  375. 

Reinee.  Ses  travaux  sur  les  prophéties  messianiques,  ni,  93. 

Religieux.  Droit  de  les  exempter,  i,  30. —  Communautés  de  Savoie 
et  du  comté  de  Nice  sous  le  régime  fraiiçais,  iv,  500.  —  Condi- 
tion canonique  des  congrégations  religieuses  en  France,  v,  381. 
—  De  leur  exemption,  x,  17.  —  Elle  est  surtout  un  droii  du  Sou- 
rain-Pontife,  ibid. 

Renan.  Examen  de  sa  Vie  de  Jésus,  viu,  5,  150,  237. 

Reserve  des  cmses  majeures,  i,  31. 

Resdrrection  dans  l'Ancien  Testament,  v,  544. 

Revue  des  Scienci^s  ecclésiastiques.  Lettres  de  Mgr  l'évêque  de 
Versailles  aux  rédacteurs,  i,  177;  —  de  S.  E.  Mgr  ie  cardinal 
Gousset,  m,  193  ;  —  de  Mgr  l'évêque  de  Beauvais,  iv,  109. 

Revce  de  théologie  catholique  en  Allemagne,  vi,  107  ;  —  de  théo- 
logie protestante,  vi,  598. 

RiEUL  (saint).  Etude  sur  son  apostolat,  ix.  193,  307. 

Rigorisme,  u,  421. 

RossHiRS,  professeur  à  Heidelbert,  n,  100. 

Sabbat,  i,  414. 

Sacrajîentadx,  11,  245. 

Sact  (Silvestre  de).  Ses  mélanges,  m,  381. 

Saint  S.atdrnin.   Examen  des  actes  de    son  martyre,  n,    160  ; 

VII,  27. 
.Saint-Esprit.  Ea  quoi  consiste  le  blasphème  contre  le  Saint-Esprit, 

IV,  115. 
ScHEOL.  Ce  que  c'est  dans  l'Ancien  Testament,  v,  531. 
Scholastique.  Etude  sur   la   p')ilo-ophie  scholastique.   Jugement 

porté  p  ir  l'assemblée  de  Munich,  ix,  353. 
ScHULTE,  professeur  à  Prague,  u,  101. 
Sépulture.  Décret  du  concile  de  Vienne,  n,  369.  —  Du  refus  de 

sépulture  contre  les  suicidés,  x,  75. 
Sorcières,  i,  414. 
SÉMINAIRES  français  à  Rome,  iv,  200  ;  viii,  178. 


—   XXIX    ^ 

Sémitiques  (Racines).  Etude  sur  leur  formation,  par  M.  Le  Guest, 

IV,  285.  —  Lii  \h-'\{é  ^m  la  F:'eulté  de   théologie  de  Paris  de 

1663  à  1682;  les  six  fanaeux  articles  de  1663  ne  doivent  pas 

être  attribués  à  la  Faculté,  ibid. 
Sociétés  commerciales,  u,  453. 
Sociétés  secrètes  prohibées,  x,  442. 
SoRBONNE.  Ce  que  vaut  son  autorité  dans  le  système  parochiste,  ii, 

265. 
Spiritisme,  vu,  233,  321,  401. 
ScBSTANCE.  Sens  de  ce  mot,  i,  79. 
Suffrages  pour  les  morts,  iv,  43. 
Surnaturel.  Sa  notion.  Sa  possibilité,  v,  456.  —  Quelques  erreurs 

contemporaines,  x,  232. 
Suspense  de  trois  pré  ires  annulée  par  la  Sacrée  Congrégation  du 

Concile,  iv,  83. 
Synode  diocé?ain.  —  Règles  établies  par  le  concile  de  Vienne,  ii, 

159. 

Tables  tournantes,  i,  411 . 

Terminologie  scientifique,  i,  68. 

Theodulphe,  évoque  d'Orléans,  ne  peut  être  invoqué  par  les  paro- 
chistes,  u,  262. 

Théologie.  Méthode,  ^21.  —  Théologie  biblique,  v,  532.  —  Trai- 
tés divers,  ix,  80,  90.  ~  Etudes  théologiques,  ix,  68. 

Titre  clérical  d'ordination.  Consultation  de  Mgr  Malou,  i,  481. 

Thomas  (S.).  Sa  philosophie,  vin,  47v, 

Tolède.  Le  2«  concile  n'appuie  pas  le  parochisme,  ii,  263. 

Tolérance,  qui  a  compassion  de  ceux  qui  errent,  i,  568  ;  —  qui 
tournent  au  détriment  de  la  vérité,  ibid. 

Tradition  dans  les  églises  particulières,  ni,  507;  iv,  21,  111. 

Traditionalisme.  Ce  qu'en  dit  la  théologie  de  Toulouse,  m,  213  — 
Encyclique  aux  évêques  de  Belgique,  v,  96,  203.  —  Exposé  de 
la  question,  vi,  563. 

Trente.  Troisième  anniversaire  séculaire  du  concile,  vin,  288. 

Trinité.  Est-elle  exprimée  dans  l'Ancien  Testament,  v,  534. 

Unions  clandestines.  Ce  qu'en  dii  le  concile  de  Vienne,  ii,  245. 

Unité  romaine,  d'après  le  P.  Schiader,  vu,  121,  508. 

Universités,  de  Innsbruck,   de  Loumin,  de  Qwb  c.  (Voir  ces  mots). 
Leur  influence  sur  l'éducation  Inlellcciuellc  du  clergé,  ii,  481 
—  Allemandes,  ui,  5,  25.  —  En  Angleterre,  v,  359. 


—  XXX  — 

Vicaire  capitulaire.  —  Il  ne  déviait  y  en  avoir  qu'un  seul,  ii,  289, 
—  Droit  commun  relativement  à  la  nomination,  ibid.  Déciion 
relative  au  diocèse  de  Reiras,  ibid.  Note  sur  les  statuts  capitulai- 
res  de  Sois«ons,  lii,  164. — Droit  commua  applicable  à  la  Fiance, 
malgré  une  prétendue  coutume,  m,  147,  320,  415.  —  Un  seul 
nommé  au  Mans,  iv,  574,  —  Sainî-Brieuc,  v,  61.  —  Doutes  por- 
tés à  la  Sacrée  Congrégation  du  concile,  v,  444.  —  Ilépoose  de 
la  Congrégation,  vi,  474. — Réponses  à  Gahors,  vu,  277.  — 
A  Périgueux,  ibid.,  400. —  A  un  chanoine  de  Poitiers,  ibitl.,  580. 

Vicaires  généraux.  L'évéque  peut  en  avoir  [plusieurs,  ii,  301. 

Vicaires  paroissiaux,  ii,  158. 

Vicaires  coadjuteurs.  Leur  amovibiliié,  ix,  182. 

Vie  commune  au  sein  du  clergé,  vi,  295.  —  liisqu'à  saint  Augus- 
tin, ibid.  —  Chanoine  et  règles  de  Sainl-Chrodegand.  Règles 
d'Aix-la-Chapelle,  vn,  140,  — Chanoines  réguliers  et  séculiers: 
M.  Olier,  Holzbauser,  ibid. 

Vie  religieuse.  Dispositions  du  concile  de  Vienne  à  ce  sujet,  n, 
368. 

VisîTE  décanale,  n,  159. 

Vœu  solennel  de  pauvreté.  Son  incompatibilité  avec  la  propriété, 
u,  1. 

Vralsemblance,  i!1,  39. 

VuLGATE,  Décret  du  concile  de  Trente  le  concernant,  iv,  509.  — 
Comment  ce  décret  a  été  apprécié  et  défendu.  Valeur  scientifi- 
que de  ladite  version  ;  en  quel  sens  elle  est  déclarée  authenti- 
que. Elle  n'est  pas  mise  au-dessus  de<  textes  originaux.  Sa  eor- 
rectioi!  par  Clément  VIII,  v,  5. 

Walter  (le  D')  professeur  à  Bonn  eu  Prusse,  n,  100.  —  Incroya 
ble  méprise  de  M.  l'abbé  Icard  à  son  sujet,  ibid. 


BIBLIOGRAPHIE. 


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sur  l'antiquité  des  églises  de  France,  iv,  385,  394. 
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BœHRiNG(Bh.) —  Bvnsen's  ISihelwcj-ch  nacÀ  einer  Bedcutung  fur  die 

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Bergier,  —  Histoire  de  la  controverse  et  de  la  réforme  liturgique 

en  France  au  xix«  siècle,  vi,  302. 
Berlage.  —  Dogmatique,  vu,  508. 

Berthau.  —  Die  Bûcher  Esra,  Neliemia  und  Ester  erklœrty  v,  413. 
Be.nger.  -     Pastorale,  viii,  303. 


—   XXXIl   — 

BispiNG  (D.  Augusl).    —  Erklœrang  des  Bricfes  an  d'C  Rœmer,  :ii 
3-3  381. 

BizouABD.  —  Des  rapporis  de  l'hoimno  avec  le  démon,  viii,  86. 

Blaîipignon.  —  De  S.  Cypriano  :t  dt  p'imœva  Carthagmsni  Efclesia, 
V,  409. 

Bleck.  —  Elnleitun]  -n  ias  N.  T..  \.  412.  —  Synopliche  Er]ûcerd.^g 
der  drei  erteii  Evangdien.  ibid. 

BoEnMER.  —  Liier  Genesis  Penia'ev.lichus,  iv,  91,.  99. 

BoLLANDisTEs.  —  RcimpressioD,  ix,  388. 

Bonaventure(S.).  —  OEuvres,  x,  207,  397. 

BossoET.  —  Edition  nouvelle  de  ses  œuvres,  v,  597.  —  Œuvres 
inédites,  vu,  80. 

BocGACD.  —  Histoire  de  sainte  Chantai  et  des  origines  de  lu  Visi- 
tation, IV,  92,  101. 

BouiLLiER.  —  Du  principe  vital  et  de  l'âme  pensante,  ou  examen 
des  diverses  doctrines  médicales  et  pyschologiqvies  sur  les  rap- 
ports, de  l'âme  et  de  la  vie,  vu,  190. 

Bouix  (Fabbé).  —  De  Jure  lilurgico,  11,  95.  —  Histoire  des  vingt- 
six  martyrs  du  Japon,  v,  410.  —  La  question  liturgique  à  Lyon, 
viii,  602. 

Bocix  (le  P.  Marcel).  —  Œuvres  spirituelles  de  saint  Pierre  d'Al- 
cantira,  v.  409. 

BorRBON.  —  Petit  Cérémonial  paroissial  selon  le  rit  romain,  iv, 
299.  —  Introduction  aux  cérémonies  romaines,  ix,  391. 

Bourgeois.  —  Ordo  de  1860  pour  ceux  qui,  en  vertu  d'un  induit, 
récitent  l'o.Tice  comme  le  c'ergé  de  Rome,  1,  80. 

BouRQUART.  —  Essai  sar  la  méthode  dans  les  sciences  théologiques, 
11,  88  ;  V,  291. 

Bouquet  (dom).  —  Collection  des  histoiiens  de  France,  iv,  396. 

BoDVRY.  —  Expiisitio  rubricarum  llreviarii,  Mhsalis  et  Ritualis  Ro- 
mani, 11,  96  ;  X,  495.  —  Solutions  de  difficultés  théologico-lilur- 
giques,  v,  4ûl. 

BoYSLESVE  (le  P.  Marin  de).  —  Triomphe  de  la  foi;  iv,  388.  —  Les 
luttes  de  l'Eglise,  x,  496, 

Bremont(A.  de).— Un  Pape  au  moyen-ége,  Urbain  1 1 ,  vi,49o  ;  vu,  293. 

Brun.  —  Tractatus  de  Eccl  sia  Christi  compendium,  v,  284. 

Bunsen.  —  VoUstœndiges  Bibelwi'rk  fur  die  Genieinde^  Traduction, 
commentaire  et  critique,  11,  91. 

BuRGER. —  Die  eidgenœssirchen  ïind  Kanionakm  Concordate,  vin,  303. 

Buss  (D').  —  La  constitution  religieuse  de  l'Autriche  d'après  le 
concordat  et  les  patentes,  v,  598.  —  Edit  de  religion  du  Reichs- 
raht  autrichien,  vi,  202,  —  Troisième  anniversaire  sécilaire  d;i 
concile  de  Trente,  viii,  479. 


—         III  — 

Carnet.  —  J(?sus-Christ  :   la  question  religieuse  des  temps  pré- 

."^ents,  VU),  95. 
Caro.  —  L'idée  de  Dieu  et  ses  nouveaux  critiques,  ix,  390. 
C.ARON.  —  Méthofie  pour  les  classes  de  plain-chaut,  viii,  83.  —  Le 

surnaturel,  principe  général  d'explication  pour  .'^ervir  à  l'étude 

des  questions  philosophiques  et  religieuses,  ix,  390. 
Catalani.  —  Cœremoniale  episcoporum,  iv,  95.  104. 
Ceillie»  (dom).  — Histoire  des  auteurs  sacrés  et  ecclésiastiques, 

M,  92. 
Cekiani. —  Monumenia  sacra  el  profana  ex  codiccihus  prœserlim  hiblio  • 

ihecœ  Amhrosianœ,  iv,  91,  99. 
Champion.  —  S.  Venance,  évêque  de  Viviers,  viii,  480 
CuANTREL.  —  La  royauté  pontificale  devant  l'histoire  et  la  bonne 

loi,  1,  288. — Histoire  des  Papes,  n,  94. — Annales  ecclésiastiques 

de  1816  à  1860,  iv,  386,  394.  —  Les  Fêtes  de  Rome,  vi,  201. 
Clabu^.  —  Lehen  ds  heilifien  Franz  von  Sales,  Sdfter  den  Ordens  von 

dm  lleimsuchung  Mariens,  w.,  375,  384. 
Clemens  et  KuHN.  —  Ouvrages  polémiques  sur  les  rapports  entre  la 

philosophie  et  la  théologie,  u,  89.  —  V.  Rœss. 
Cloqdkt.  —  Recueil  d'indulgences,  vi,  304. 
CoRBLET.  —  De  l'influence  du  protestantisme  sur  la  philosophie,  les 

lellres  et  les  arts,  ii,  94. 
Cou'.s&iNiER.  —  Le  catéchisme  en  images,  viii,  96. 
CoNSACvi  (le  cardinal)."—  Mémoires,  ix,  587. 
CowPER.  —  Syrias  3Iiscellanies,  \\,  92,  101. 
CozzA.  —  V.  Toscani. 
Craiî^son.  —  ManuaU  tolius  Juris  co.onici,  vi,  494  ;  vu,  497  ;  vin, 

459. 
Crampox.  —  Edition  nouvelle  de  Cornélius  à  Lapide,  \i,  90.  —  Les 

quaire  Evangiles,  i\,  191,  285. 
Cred.ner.  —  Getchiclhe  der  neulestamenllichen  kanon,  u,  91. 
Crelier.  —  Le  livre  de  Joh  vengé  des  interprétations  fausses  et 

impii^s  de  M.  E.  Renan,  u,  380. 
Cretineau-Joly.  Mémoires  du  cardinal  Consalvi,  ix,  587. 
Croczet.  —  Traduction  du  traité  du  Droit  ecclésiastique  dans  ses 

principes  généraux  par  le  D''  Philippe,  ii,  95. 
Crlice  (Mgr). —  Philosophwnvna  sioe  haresium  omnium  confulaiio; 

opus  Origeniadscriplum,  m,  84,  94. 

Daller.  —  De  l'erreur  considérée  comme  empéchemcntidirimont 

du  mariage,  vin,  303'. 
Dambergers.  —  Syncronisliche  Geischiche  der  Kirehe  und  der  Welt  im 

Alillelaier,  etc.,  m,  84,  94.  ^ 

3 


—    XXXIV   — 

Daniel  (Mgr).  — Cérémonial  selon  le  rit  romain,  à  l'usage  du  dio- 
cèse de  Coutances,  iv,  579. 

Dacko.  —  Historia  revolutionis  divinœ  Y.  T.,  vu,  509. 

Darbins.  —  La  vie  et  les  œuvres  de  Marie  Lataste,  vu,  191,  490. 

Darbas.  —  Histoire  générale  de  l'Eglise,  \i,  396. 

Davin.  —  S.  Grégoire  VII,  vu,  83. 

Dechamps  (le  K.  P.)  —  La  question  religieuse  résolue  par  les  faits, 
11,  89.  —  Lettres  théologiques,  iv,  94,  102.  —  La  question  de 
Louvain,  v,  68,  69,  77.  —  Pie  IX  et  les  erreurs  coutemporaines, 
IX,  192.  —  Opuscules,  ibid.  ;  viii,  479. 

Dehaisnes.  —  De  l'art  chrétien  en  Flandre,  ni,  90,  95.  —  Elude 
sur  le  rétable  d'Anchin,  ibid. 

Delaporte.  —Vie  du  T.-R.  P.  J.-B.  Rauzan,  ii,  190.  —  La  criti- 
que et  la  tactique,  viii,  300. 

Delgairns.  —  La  sainte  Communion  considérée  au  point  de  vue 
philosophique,  Ihéologique  et  pratique,  viii,  300.  —  De  la  dé- 
votion au  Sacré-Cœur  de  Jésus,  ibid. 

Delitzsch.  —  Commentar  ùher  die  Genesis,  ii,  91.  —  Commenlar  iib. 
d':n  Psalier^  m,  373,  384.  —  BandsckrifUichi  Funde,  v,  62,  74. 
—  V.  Keil 

Deschamps  (l'abbé  A.).  —  De  la  discipline  boudhique,  ses  dévelop- 
pements et  ses  légendes,  v,  409. 

Des  Genettes  (M.  Dufriche).  —  Œuvres  inédites,  contenant  ses 
sermons,  prônes,  instructions,  etc.,  m,  378,  384. 

Des  Modsseacx.  —  Les  médiateurs  et  les  moyens  de  la  magie, 
VHi,  293. 

Destombes  (l'abbé  C-J.).—  La  iiadilion  des  églises  de  Cambrai  et 
d'Arras,  iv,  386,  394.— La  persécution  religieuse  en  Angleterre, 
sous  Elisabeth,  \n,  95,  389. 

Denti.nger.  —  Das  Reich  GoUes'nach,  dem  Apostel  Johannes,  v,  411  ; 
vni,  304. 

DiLMANN.  — Z,i6Ênyu6JiœorMm,  II,  380.— Z?i6[(a  V.  T.  JElhiopica,  iv, 
90,  99. 

DiNHKEFF.  —  Revue  théologique,  vi,  601. 

Dion.  —  De    Sacratissimo    Verbi  divini    incarnatione  compendiumiy 

X,  488. 
DoEELiNGER.  —  Christeiilhum  uni  Kirche  in  der  zeii  der  Grundlegung^ 
ni,  375,  382  ;  vu,  190  ;  ix,  191.  —  L'Eglise  et  les  églises,  v,  66, 
75  ;  vu,  190.  —  Discours  à  l'assemblée  de  Munich,  ix,  185. 
DûNEY  (Mgr).  —  Lettre  au  sujet  de  l'enseignement  de  la  philoso- 
phie clans  les  collèges  de  l'Etat  et  de  la  liberté  de  conscience,  ix, 
192.  —  Thèses  propugnandœ  et  qnœsliones  solvendœ  ad  promerendum 
et  consequendum  Baccalaurei  in  theologia  gradum,  x,  208. 
DoRNER.  —  V.  Lvbner. 


—   XXXV   — 

♦ 

DowE.  —  Revue  de  droit  ecclésiastique,  vr,  600. 

Dressel.  — Urelii  Prudenti  quœ  cxsuinl  carmina,  il,  382. 

MciLHÉ  DE  Saint-Projet.  —  Des  études  religieuses  en  France,  v, 

291. 
DcPANLODP  (Mgr).  —  Défense  de  la  liberté  de  l'Eglise,  iv,  95,  102. 

—  La  charité  chréiienne  et  ses  œuvres,  viii,  479. 

EsTDis.  —  Commentaire  sur  saint  Paul,  vu,  191. 
EwALD.  —  Gischichte  des  Volhes  Isrnel,   ii,  90.  —  Annales  des 
sciences  bibliques,  vi,  600. 

Falise.  —  Manuel  du  diacre,  du  sous-diacre  et  du  maître  des  cé- 
rémonies ;  manuel  du  .sacristain  et  du  clcrc-chantre,  v,  304.  — 
Reaoluliones  et  Décréta  irnlhentica  S.  C.  Indxilgcnliis  sacrisque  reliq. 
prœpusilœ,  etc.,  vi,  400. —  Sacrorum  riluum  ruhricarumque  Missa- 
lis  Brev  arii  et  Uilualis  Romani  compendiosa  elucidatw,  vu.  96. 

Fazzini  et  Palottim.  —  CoUeciio  bipartifa  omrmm  conclusionum  et  ré- 
^olulionuni,  eic  ,  u,  96. 

FÉLIX  (le  R.  P.).  —  M.  Renan  et  sa  Vie  de  Jésus,  vni,  299. 

Tessler.  —  Traités  sur  le  procès  canonique  et  #ur  l'excommunica- 
tion, u,  95. 

Fisqdet.  —  La  Fr-.nce  pontificale,  x,  208. 

Floss.  —  De  suspecta  librorum  Carolinorum  a  Jounne  Tillo  editorum 
comme iitatio,  iv,  386,  394. 

Follioley.  —  Histoii'e  de  la  littérature  française  au  xvii»  siècle,  ix, 
392. 

Franco.  —  Direction  morale  et  religieuse  de  l'enfance  et  de  la  jeu- 
nesse, etc.,  trad.  par  M.  l'abbé  Lallineur,  vi,  495. 

François  de  Salles  (S  )  —  OEuvres  complètes,  éd.  de  l'abbé  Bau- 
diy,  IV,  96,  103. 

Frbppel.  —  Les  apologi^tes  chrétiens  au  xu"»  siècle  :  S.  Justin,  u, 
94.  —  Tatien,  Hermias,  Athcnagore,  Théophile  d'Anlioche,  Mé- 
liton  de  Pardes  etc.,  u,  383.  —  S.  Iréaée  et  l'éloquence  chré- 
tienne dani  les  Gaules,  pendant  les  deux  premiers  siècles  v, 
66,  76  ;  VI,  96.  —  Examen  critique  de  la  vie  de  Jésus  de  M.  Re- 
nan,  VIII,  299.  —  Une  édition  populaire  de  la  Vie  de  Jésus,  ir., 

390.  —  Tertallieti,  ix,  587. 

Fribocrg  (l'archevêque  de).  —  nenkscrhift  des  Ërsbischofs,  ii,  384. 
Friedrich.  —  Die  Lehre  des  Johann  Uns,  vui,  93.  —  Vie  de  Jean 

Wessel,  ibid. 
Frind.  —  Dca  gesrh'chllichc  heilige  Joannes  von  Nepomuk,  iv,  386, 

391.  —  Histoire  ecclésiastique  de  Bohême,  viii,  94. 
Froschammer. —  Ueber  die  Freiheil  den  Wissenschaft,  iv,  390,  394. 
Gadcel.  —  Vie  du  V.  serviteur  de  Dieu.  Barlh.  Holzhausen,  v,  66, 

76. 


—    XXXVI    — 

Gams  (D'  B.).  Gei-chacht  d.r  Kirche  Christi,  etc.,  iii,  85;  94.  —  His- 
toire de  l'église  d'Espagne,  viii,  92. 

GxRRUCci.  —  Monumenti  del  Museo  Lateranense,  v,  411. 

Gassiat.  —  Rome  vengée,  ou  la  vérité  sur  les  personnes  et  les 
choses,  vu,  191. 

Gaume.  —Le  Nouveau  Testament  de  Notre  Seigneur  Jésus-Christ, 
VU!,  464. 

Gauthier.  —  Définition  catholique  de  l'histoire,  i,  480. 

Gelzer.  —  Feuille  protestante,  vi,  602. 

Genthon.  —  Le  zèle  catholique,  ses  motifs,  ses  qualités,  etc.,  vi, 
495. 

Gerlach,  —  Définition  du  droit  canonique,  vni,  303. 

Gfr^erer.  —  Vie  de  Grégoire  Vil,  ii,  94  ;  v,  66,  75. 

GiLLY. —  L'Ecclésiaste  de  Salomon,  vui,  4C7.  —  L;  Mère  admira- 
ble du  Bouquet,  ix,  488. 

Ginzel.  —  Manuel  du  droit  ecclésiastique  en  vigueur  en  Autriche, 
vui,  301. 

Glaire.  —  La  sainte  Bible  selon  la  Vulgate,  iv,  90,  99.  —  Princi- 
pes de  grammaire  arabe,  iv,  391,  394. —  Introduction  historique 
et  critique  aux  livres  de  l'Ancien  el  du  Nouveau  Testament,  vi, 
203. 

Goschlet. — V.  Wetzer. 

Gousset  (le  cardinal).  — Du  droit  de  l'Eglise  touchant  la  possession 
des  biens  destinés  au  culte  et  la  souveraineté  temporelle  du 
Pape,  VI,  197. 

Grandclacdk. — ManuL^  de  philosophie,  viii,  300,  400,  602,;  ix,  392. 

Gratry.  —  La  philosoph  e  du  Credo,  iv,  94,  102.  —  Les  sources, 
ou  le  premier  et  le  dernier  livre  de  la  science  du  devoir,  v,  600. 
—  Commentaire  sur  l'Evangile  selon  saint  Matthieu,  vui,  96.  — 
Les  sophistes  et  1 1  critique,  ix,  390. 

Gr^ne.  —  Tetzel  und  Luther,  m,  85,  94. 

Gcericke.  —  V.  Rudelhach. 

Gdérin.  —  Edition  nouvelle  des  œuvres  de  Bossuet,  Bourdaloue, 
S.  Augustin,  Pétau. 

Gdizot.  —  L'Eglise  et  la  société  chrétienne  en  1861,  v,  66,  75. 

Gdmpach.  —  Der  Prophet  Bahakak,  etc.,  ni,  81,  94. 

GuRY.  —  Compendium  Iheologiœ  moralis,  viii,  479  ;  Casus  coAncientiœ, 
VIII,  602  ;  IX,  90. 

Haas.  —  Histoire  des  Papes,  ii,  93. 

Habeut  (Isaac).  —  Theologiœ  grœcorum  Patnnn  vindiclœ  circa  univer- 

sam  materiam  gratiœ  libri  1res,  vu,  191,  508. 
HiEFLER.  —  Les  conciles  de  Prague  avant  la  période-hussite,  viii,  94. 
Hahn.  —  Commentar  Uber  das  Predigerbuch  Salomo's,  m,  81,  94. 


—   XXXVII   — 

Haine.—  De  la  cour  romaine  sous  le  pontificat  de  N.  S.  P.  le  Pape 

Pic  IX,  m,  376,  384. 
Hâhon.  —  Notre-Dame  de  France.  Histoire  du  culte  de  la  sainte 

Vierge  en  France,  etc.,  m,  376,  384,  473. 
Hanicq.  —  Editions  liturgiques,  ix,  480. 
Hacsher.  —  Paschase  Radbcrt,  viii,  93. 
Hautcœur.  —  Institutions  académiques,  vi,  203. 
Héfélé.  —  Histoire  des  conciles,  u,  94  ;  vu,  190  ;  vin,  92.  —  V. 

Kuhn. 
Heidenkeim.  —  Deutsche  VierteJjrahrsschrift,  etc.,  vi,599. 
Heinrich.  —  Trad.  de  la  Vie  d'Holzauaer,  vui,  95. 
Heugstesberg.  —  Das  Evangelium  des  heiligen  Johannes  erlœutert,  jv, 

90,  99.  Journal  évangélique,  vi,  602. 

Herdt  —  Cérémonial  à  l'usage  des  Sacristains,  Chantres,  ;)rga- 
nistes,  etc.,  iv,  581.  —  Compendiosa  suhliaconorum  et  diaconorum 
inslruclio,  etc.,  viii,  400. 

HiLGENFELD.  —  Rcvue  de  théologie  scientifique,  vi,  599. 

HiLLEN.  —  démentis  Alexandrini  de  S.  Eucharislia  doctrina,  v,  412  ; 
vi'i,  90. 

HiMPEL.  —  V.  Kuhn. 

H  PLF.R  (D^  Franz).  — Dionys  der  Aeropagite,  iv,  93,  101. 

H^LEMAN,  —  Bibelsiudien,  ni,  373,  384. 

HoFMANN.  —  Zeitschfrift  fiir  Prolestanlismus  und  Kirchey  vi,  601. 

HoLLENBERG.  —  Joum^l  allemand,  vi,  599. 

HcBER.  —  Joannes  Sco'vs  Erigena,  iv,  387,  394. 

HuLSKAMP.  —  Lilerarmhn  Bandweiser,  v,  411  ;  vi,  492  ;  vin,  603. 

HUNDESHAGEN.  —  V.  NitZSCh. 

HcPFELD.  —  Die  Psalmen  uherselz  und  ausgelegt,  u,  90. 
Hdssey.  —  Sozomeni  Ecclesiaslica  Bistoria,  ii,  382. 

Jager.  —  Histoire  de  l'Eglise  de  France,  vi,  203,  482. 
Jazdzewskï.  —  Zeno  Veronensis  episcopus,  v,  412.  —   Commentalio 

palrologica,  vin,  90. 
JoovE.  —  Du  mouvement  liturgique  en  France,  durant  le  xix» 

siècle,  i  287;  n,  191. 

KiELHEB-    -  Commentaire  sur  Aggée,  n,  381. 

Kamphausen.  —  Das  Lied  Moses  Deul.,  v,  413. 

Kardec  (Allan).  —  Revue  spirite  ;  revue  spiritualiste,  v,  410. 

Kaclen  (Franz).  —  Légende  du  Bienheureux  Hermann  Joseph,  va, 

91.  —  Commentaire  sur  Jonas*,  vu,  511. 

Kril.  —  BiUischen  Commenlar  ùber  Aile  Testament,  y,  63,  74. 
Kerker.  —  Biographie  de  Fischer,  n,  94. 
Kerschbaumer.  — Pastorale  vin,  303. 


—    XXXVIII    — 

Ketteler.  —  Freiheit,  Autoriiœl  uml  Ki'che,  v,  412,  512,  587. 
KiEPERT,  —  Carte  de  la  Palestine,  ii,  381. 

Klei^heij. — S.Greyorii,  Efiscopi  iSysseni,  doctrinadeAngehs,  ii.  382. 
Klectgen.  —  Die  (heologie  der  Vorzeit  vertheidigt,  m,  87,  95.   — 

Théologie  und  Philosophie  der  Vorzeit^  vi,  109. 
Kl'efort.  —  V.  Dinkhoff. 

Klofdtar.  —  C.'nimentarium  in  Ecangelium  S.  JohanniSf  vu.  512. 
Klopp  (Onno).  —  Tilly  im  dreissigyahrigen  Kriege,  v,  67,  75. 
K.NOBEL.  —  Die  Genesis  erklœft,  ii,  91.  —  Kurgefass'es  exi^gelisches 

Hmdbruch  zum  Âllem  Testament,  etc.,  iv,  91,  100;  v,  63,  74. 
KoBEL.  —  V.  Kuhn. 

KoBtR.  —  Traité  des  suspenses,  V!ii,  303. 
KoRtM.  —  De  Deo  une.  vi  ,  399. 
Krause.  — Journal  ecclésiastique  protestant,  vi.  603. 
Kuhn.  —  Revue  de  Tubingue   vi,  108.  —  Dogmatique,  vu,  191. 

Labi^.  —  Ecclesiœ  catholicœ  demonstralio,  x,  495. 

Lâchât. — Edition  nouville  des  œuvres  de  Bossuet,  v.  597.  — 

Œuvres  inédiles  de  Bossuet,  vu,  SO. 
L^MMER.  — Analecla  Romana.  m.  376,  383.  —     onumenta  yalic(^- 

na.  IV,  104.;  v,  67,  76.  —  Eusebii  Pamphili  Bisloriœ  Ecdesiaslicœ 

libri  d'cem,  vui,  90.  —  Spicilegium  Romanum.  viii,  94.  —  Miseri- 

cordias  Domini,  ix.  191.  —  Scriplorum  Grœciœ  onhodoeœ  Bibliolhe- 

ca  selecla,  ibid. 
Laforêt   —  Pourquoi  l'on  ne  croit  pas,  ix,  191. 
Lagaroe  (de).  —  Titi  Boslreni  conira  Manirhœos  libri  IV syriace,  n, 

92.  —  Lihn  Veteris  Tesiamenli  npocriphi  syriace,  iv,  91,  99. 
Laloux.  —  Tracintus  de  Aclibus  humanis,  v,  409. 
LaMenn.ms  (J.-M.  el  F.).  —  Lettres   inédites   adressées   à   Mgr 

Brute,  v,  410. 
Làmy.  —  Examen  de  la  Vie  de  Jésus  de  M.  E.  Renan,  ix,  191.  — 

L'Evangile  et  la  critique,  ix,  390. 
Landf.rer.  —  V.  Liebner. 

Lanoen.  —  Die  Deulerokm.  Strûcke  des  Busches  Esther,  v,  411. 
Lantages  (de).  —  Vie  de  la  vénérable  Mère  Agnès  de  Jésus,  vui, 

480,  584. 
Latoo.  —  Vie  de  saint  Saturnin,  ix,  384.  —  V.  Passama. 
Lr.  Brethon.  —  Petiie  Somme  théo'ogique,  vi,  594. 
Legcest.  —  Etudes  sur  la  formation  des  racines  sémitiques,  v,  285. 
LÉONARD  DE  Purt-Macrice  (le  B  )  —  OKuvies  complètes,  pré'^édées 

de  sa  vie,  par  le  R.  P.  Salvator  d'Orméa,  iv,  96,  103. 
Le?ids.  —  De  Perfedionibvs  monb".sque  divinis,  iv,  94,  104.  —  OpuS' 

culum  asceticum  de  L.  nominibus  Dei,  vi,  495. 


—   XXXIX   — 

Le  VASfiiECR.  —  Cérémonial  à  l'usage  des  petites  églises  de  pa- 
roisse, 111,  80,  95;  IX,  391. 

LiAGRE.  — Interpretalio  epistolœ  catholicœ  S.  Jacobi,  u,  380. 

LiBE«ATORE.  —  Instilutioncs  philosophicœ,  v,  494. 

LiEBNER.  —  Annales  de  la  théologie  allemande,  \i,  599. 

LiGuoai(S.  Alph.  de).  —Œuvres  traduites  par  le  P.  Dujardin,  iv, 
97,  103. 

LiNAS  (de).  —  Anciens  vêtements  sacerdotaux  et  anciens  tissus  con- 
servés en  France,  vi,  194. 

LoEER.CHEiNER.  —  Des  bleus  ecclésiastiques  en  Autriche,  viii,  302, 

Loch.  —  Novum  Testamenium.  Textum  grœtum  ex  cod.  Valicann,  lat. 
ex  Vulgatœ  exemplaribus  Romanis  correctuin,  \,  63,  74. 

Mabile.  —  Inst.  pastoralis  et  deer.Versaliensis  fpiscopi,  ix,  385. 

Macaire.  —  La  théologe  dogmatique  orthodoxe,  ii,  90. 

Magnan.  —  Histoire  d'Urbain  V  et  de  son  siècle,  vi,  495  ;  \ii,  88 

Maier.  —  Comm.  iiber  d.  Brie  fan  d.  Bœmer,  iv,  893, 

Maldonat,  —  Commentaire  sur  les  Evangiles,  v;i,  191. 

Malet.  —  La  paro  sse  d'après  les  saints  canons,  x,  104. 

iMalou  (Mgr).  —  De  bono  Pauperlatis,  ix,  585. 

.Manning.  —  La  confession,  ix,  585. 

Marschall.  —  Christian  Missions,  vi,  496;  ix,  5,  391. 

ftlARTiN  (l'abbé). —  S.  Jean  Chrysostôme,  ses  œuvres  et  son  siècle 
ni,  376,  384.  —  Vie  de  M.  l'abbé  Gorini,  vin,  480. 

Martin  (!)■■  Conrad.).  —  Commentaire  de  Maldonat  sur  les  Evan- 
giles, vn,  512.  —  Théophilus,  vm,  303. 

Mathieu  (le  cardinal).  —  Le  Pouvoir  temporel  des  Papes  justifié 
par  l'histoire,  via,  96. 

Matignon  (le  P.).  —  Les  morts  et  les  vivants  ;  la  question  du  sur- 
naturel, la  foi  et  la  liberté  de  l'esprit  humain,  etc.,  v,  410: 
viii,  400  ;  IX,  390. 

Madrel.  —  Guide  pratique  de  la  liturgie  romaine,  x,  104.  —  Le 
chrct'cn  éclairé  sur  la  nature  et  Tusage  de>  indulgences,  ibvi. 

Maynard.  — Saint  Vincent  de  Paul,  sa  vie,  son  temps,  etc.,  ii,383. 

Meignan.  —  M.  Renan  et  le  Cantique  des  cantiques,  n,  380. 

Menaclt  (le  P.  dom).  —  Vie  de  saint  Guilhera  de  Gelloné,  i,  479. 

Messnen.  —  Nouveau  journal  évangélique,  vi,  602. 

MEYtR.  — Krisiich-exeyelischer  Komm.  nb.  das  N.-T  ,  iv,  384,  392. 

Mkhehs.  —  Die  Philosophie  Plalons,  etc.,  ni,  380,  384. 

MiGNE.  —  Pairologie  grecque,  ii,  92.  —  Diclionnaire  des  preuves 
de  la  divinité  de  Jésus-Christ,  vin,  579.  —  Patrologie,  x,  304. 

.VioNTALEMBERT  (comic  de).  —  Lcs  moines  d'Occident,  ii,  §83.  — 
Lacordaire,  v,  410. 


—   XL   — 

MoNTuoNo  (Maxime  (la).  —  Fleurs  de  !a  vie  monastiqae,  ii,  383. 

MoRONÏ.  —  Dizionario  di  erudizionn,  v,  76. 

MocLART.  —  Des  sépultures  et  des  cimetières,  vi,  202. 

Mot  de  Sons.  —  Archives  du  droit  C'^clésiaslique,  ii,  95  ;  vi,  109. 

McHLBANER.  —  Décrcts  de  la   Sacrée  Congrégation  des  Rites,  v, 

412  ;  Mil,  304. 
?îitLLER.  —  V.  Niizsh. 

Narih.  —  Scrilti  a  ihffsa  délia  Sanla  Sede,  vi,  201. 
NEur.ART.  —  Episcopalus  Constenliensis  Alemmanicus   suh  métropolt 

Moçjunlina,  vi,  202. 

NÈVE.  —  L'Eglise  d'Orient  et  son  histoire,  ui,  86,  94. 

Newmann.  —  Commentaire  sur  Zacharie,  u,  381. 

Nicolas.  —  La  vierge  Marie  vivant  dans  l'Eglise,  n,  89.  —  La  di- 
vinité de  J.-C,  IX,  191. 

NiEDNER.  —  Revue  de  théologie  historique,  vi,  600. 

NiTzscH  —  TheiAoç/ische  Sludten  inid  Kriliken,  vi,  598. 

NoLTE.  —  Magistii  ac  Donhni  Florentd  Radewigas,  iraclaius  dévolus 
de  exslirpaiione  vilinrum,  etc.,  v,  412. 

OsiHiNGER.  —  Di'  EinhilsUhr'-  d-r  gaUlicher  Trinitœt,  etc.,  vu,  507. 
Orsi  (le  cardinal).  Histoire  ecclésiastique,  n,  93 

Paillard. —  Truduclionde  la  Confession,  par  H  -E  Manuing,  x,  491. 

Palmé.  —  Nouvelle  édition  des  Acta  Sauciorum,  x,  496, 

Pal'.:er.  —  V.  Liebner. 

Palottini.  —  V.  Fazzini. 

Pas.-aglia.  —  Histoire  des  Papes,  u,  93. 

Passama  et  Latod.  —  Bibliothèque  catholique  de  Toulouse,  vi,  304. 

pATRizi.  —  Commenlarius  in  S.  Marcum,  v,  410. 

Payne  Smith. — Traduction  anglaise  de  l'ouvrage  de  Jean  d'Ephèse, 
11,  382. 

Pelletier.  —  Des  chapitres  calhédraux  en  France,  devant  l'Eglise 
et  devant  l'Etat,  x,  104. 

Peltier.  —  Lettre-  au  P.  Dechamps  et  pièces  relatives  à  la  ques- 
tion du  Traditionalisme,  vu,  190.  .—  Edition  des  œuvres  de  S. 
Bonaveiiture,  x,  207,  397. 

Penon.  —  Hymnus  Angelicus,  ix,  585. 

PÉRiN.  —  Do  la  r.chessft  dans  les  sociétés  chrétiennes,  v,  72,  78. 

Permanedf-r.  —  .Manuel  de  dro;t  canonique,  viii,  302. 

Perrone.  — Vopera  di  Din...;  Vopera  deW  nomo...,  m,  480. — 
Traduction  française  de  ^a  théologie,  v,  195.  —  Traités  de  con- 
troverse, VI,  496.  —  l'apostolat  catholique  et  le  prosélytisme 
protestant,  vu,  299.  —  De  Malrimonio  chrisiianOy  ix,  80. 


—    XLI   — 

pETAU.  —  Opus  de  theologicis  dogmalhus,  x,  98. 

Philip.  —  Dict.  de  Ihéologie  moral  ,  iv,  503. 

Philips.  —  Traité  de  droit  canoniqas,  ii,  95;  vin,  301. 

PiCHLER.  —  Gesch  des  Protfstanl.  in  rfer  oriental.  Kirche,  v,  412. 

Pie  )Mgr).  —  Instiuction  synodale  sur  les  principales  erreurs  du 
temps  présent,  x,  208,  301. 

PiERRET.  —  .Manuel  d'archéologie  pratique,  x,  573. 

pLÀNTiER  (Mgr).  —  [nstruction  pa>!torale  contre  un  ouvrage  inti- 
tulé :  Vie  de  Jésus,  vm,  299   —  La  vraie  Vie  de  Jésus,  ix,  190. 

PoHLMANN.  —  S.  Ephrœmi  Syri  comment,  in  S.  S.  etc  ,  viu,  90. 

Prat  (le  P  ).  —  Histoire  de  Ribadeneyra,  v,  409. 

Prinzivalli.  —  Resoluiione!<  seu  d'creta  aulhenlica  S.  C  Iniulgentiis 
sacrisque  Reliquiis  prœpositœ ,  etc  ,  v,  411. 

Pruddntids  Maranus.  —  Divinitas  D.  N.  J.-C.,  i,  176. 

Qdatrbfages.  —  Unité  de  l'espèce  humaine,  v,  72,  78. 
QoATREMrRE.  —  Mélangps  d'histoire  et  de  philologie  orientale,  etc., 
IV,  98,  100. 

Ramiers  (le  P.)  —  L'Eglise  et  la  civilisation  moderne,  v,  73,  78. 
—  De  l'unité  dans  l'enseignement  philosophique,  v,  397, 

Uaumeb.  —  PalcBstina,  u,  381. 

Reinke.  — Die  messinnischfn  Weiissagungen  bei  den  grossen  und  Klei- 
nen  Prophetcn  des  A.  T.  Etieitung — Die  messïanischen  Wfissagun- 
gen  hnia  Prophelen  lesaia,  m,  92,  93,  v,  411  ;  vu,  510. 

Reit.-chl.  —  S.  Pairis  nostri  CyrilU  Ilierosolymorum  archiepiscopi 
oieraquœ  supersuni  omnia,  v,  92. 

Renan.  —  Le  CantM]ue  des  cantiques,  traduit  de  l'hébreu  avec  une 
élude  sur  le  plan,  l'âge  et  le  caracière  du  poème,  u,  91. 

RedïCh.  —  Préci'  d'mlroduclion  à  l'ancien  Testament,  i,  281  —  Bible 
et  nature,  vu,  510. 

Reuseos.  Syntagma  doclrinœ  Alexandri  VI.  vi,  202. 

RiANCEY  (H.  et  C.  de).  —  Histoire  du  monde,  x,  495. 

RiTTER.  —  ^Manueld'hietoire  ecclésiastique,  viii,  91. 

Rœs-.  —  Le  catholique,  vi,  108. 

RoHRHAHER.  —  Traduclion  allemande  de  son  histoire  ecclésiasti- 
que. 11,  93  ;  X,  571. 

Rondelet.  —  Mémoires  d'un  homme  du  monde,  v,  599. 

RosKOVANY.  —  Cœlibatus  et  llreviarium,  v,  71,  77. 

Rossh;rt.  —  Manuaie  latinitatis  juris  canonici,  vi,  496  ;  vm,  303 

Rua.  —  Cours  de  conférences  sur  la  religion,  x,  100. 

RuDLBACH  et  GcERicKE.  —  Revuc  de  théologie  luthérienne,  vi,  600. 

RcMP.  —  V.  Bulskamp. 

Rdndschau.—  Kamp  und  Wachslum  der  Kirche  in  usern  Tagen,  v,  503. 


—  XLn  — 

Sacy  (Silvestre  de).  —  Mélange?  de  litléralure  orientale,  pré- 
cédés de  l'éloge  de  l'autenr,  par  31.  le  duc  de  Broglie,  m,  380, 
381. 

Sagette — L'Eucharistie.  Méditations  pour  chaque  jour  de  l'année, 
d'après  le  R.  P.  Marchault,  vr,  96. 

Sailer.  —  Thé.ologie  pastorale,  ii,  96,  280. 

Sa  nt-Albin  (A.  de).  —  Les  Francs-Maçons  et  les  Sociétés  secrètes , 
Y,  599. 

Saint-Bonnet  (M.  Blanc).  —  L'infaillibilité,  iv,  94,  102. 

Samson.  —  Le  Guide  de  la  parfaite  religieuse",  vu,  96. 

Sanseverino.  Philosophia  chr.sliana  cum  anliqua  et  nova  comparala. 
vin,  458. 

ScBJîZLER  (D''  C.  Voi>).  —  Die  Lehre  von  der  WirUs'ikmeit  dr  .acra- 
menie,  etc.,  ii,  89. 

Sharpff.  —  Nicolas  de  Cusa,  vir,  93. 

ScHEEBEN.  — Nalur  uni  Gnade,  iv,  94,  101.  —  Quid  est  ho  lO  sive. 
de  slalu  naturœ  purœ,  auclore  Cav.nio,  vi,  202  ;  vu,  508. 

ScHEGG.  —  Die  hdligen  Evangelien  iibersetz  und  eck'œrt,  \n,  82,  92  ; 
VII,  512. 

ScHENKEL.  —  Revue  ecclésiastique  universelle,  vi,  602. 

ScuENZL.  —  V.  Hofmann. 

ScHMiD  (D^  A.).  —  U Eglise  et  la  Bibk^  vu,  509.  —  Wissenchafiliche 
Richtnngen  avf  dem  Gebiete,  vu,  506.  —  V.  Hofmann. 

ScnxEiDER.  —  Manuale  sacerdomm,  vj.  400  ;  viii,  587. 

ScHOLz  —  Handbuch  den  Théologie  des  AHen  Bunden  in  Lichte  des 
w'ien,  IV,  385.  —  Théologie  de  l'Ancien  Te.^'.ament,  vu.  JS12. 

ScBOCPPE.  —  Théologie,  v,  409.  —  Elementa  ih  ologica,  vi,  104. 

ScHRAiiER.  —  Thèses  tiieologiœ,  v,  289;  v;u,  300.  —  De  Unitaie  ro- 
mana,  vu,  5U8. 

ScHDLTE. — Traités  de  droit  canonique,  u,95.  — IdirÈcc/i.vui,  302. 

ScHUSTEiï.  —  /ianuel  d'histoire  bihlique  vn,  510. 

ScHWANE.  —  De  Controversis  de  valore  baplismi  hœrelicorum  intsr  S. 
Slephanud^  fapam  et  S.  Cypriamm,  n,  90.  —  Dogmengeschichte  der 
vornicœuischeu  ZAt,  v,  411.  —  Histoire  des  dogmes  avant  le  con- 
cile de  Nicée,  vri,  91. 

Segretain.  —  Six  e-Quintet  Henri  IV,  lu,  377,  384. 

SÉGUR  (Mgr  de).  —  Le  Souverain-i  oiitife,  ViU,  96.  —  La  piété  et  la 
vie  intérieure,  ix,  587. 

Sepp.  —  Das  Leben  Jesu  Christi,  ai,  82,  92  ;  v,  64,  74.  —  Vie  de 
N.  S.  J  -C,  traduite  de  l'allemand  par  Charles  de  Sainle-Foi, 
ibid. 
SÉRAPHIN  (le  P.).  —  Grandeurs  et  apostolat  de  Marie,  ou  la  cité 
mystique  de  la  V.  Mère  Marie  d'Agreda,  in,  88,  94  ;  iv,  584. 


—   XLIII   — 

Skat  Bordam.  —  Libri  Judicum  et  Ruth,  ii,  386  ;  v,  63,  74. 

SoFFNER.  —  Dogmathrhf  Begrûnâmifi  der  KirchUchen  Lehre  vnn  06 
Betlandlheden  des  Menschen,  iv,  388,  394. 

SouoHET.  —  Les  vo  {;■-.  du  cimetière  ou  le  jurgaloire,  vi,  400. 

MERKc>  (le  cardinal).  —  La  conslilulion  belge  ei  l'encyclique  de 
Grégoire  XVI,  ix,  392. 

Stier.  —  Dir.  Rrdan  der  Apostel,  etc.,  m,  82,  94.  —  Die  Reden  der 
Engii  in  heiliyer  Schrif(.  etc.,  ibid. 

St^ckl.  —  Dar  Opfn  nach  seinem  Wesen,  etc.,  iv,  388,  394 

ST.a;nLiN.  —  Specielle  Eninl.  in  die  Kaa.  Bûcher  des  .1.  T.,  v,  412. 

Strack.  —  Allgensi'ine  Kirthenzfilnng,  vi,  603. 

Stremler. —  Traité  des  peines  ecclésiastiques,  de  l'Appel  et  de- 
Congrégations  romaines,  ii,  384. 

Tanner.  —  Etber  das  Katolische  Tradition,  vu,  509. 
Tarqtiini.  —  Jiiris  ecdesiasiici publiciinslilutiones,  vu,  296. 
Tesson.  —  Le  chant  du  dernier  jour,  vui,  586. 
Thalofer.  — Ernlœrung  der  Psalm  ns,  etc..  )ii,  82,  93. 
ÏHEiNER.  — Continuation  des  Annales  de  Bironius,  ix,  388  ;  x, 
285. 

Thérèse  (5te).  ~  Lettres  traduites  par  le  P.  Marcel  Bo'ux,  iv,  97, 
103,  276. 

Thibaudier.  —  Du  principe  vital  et  d'une  réponse  de  Pie  IX,  Vii, 

196. 
Th'  MAS.  —  V.  Peteau.  ^ 
Th'imassin.  —  Dogmati'-a  T/ieo/ogîVa,  x,  493.  —  L^ancienne  et  la 

nouvelle  di,scipline  de  l'Eglise,  ibid. 
TiLLOY.  —  Les  Schismaliques  démasqués,  v,  190. 
Tischendorf.  —  T.  Y.  grœcejuxia  LXX  interprètes,  lu,  82.  — No- 

lilia  edilionis  codicis  bibliorum  Sinaitici  auspicii  imperatoris  Alexan- 

dri  II susceplœ.,  m,  83,  92,  475. 
TizzANi. — La  célèbre  Conteza  ffa  S   Ste^yhano  e  S.  Cypriann,  vi,  201. 
ToscANi  et  CozzA.  —  De  Immaculaia  Deiparœ  Conccptione  hymnologia 

grœcorum,  vi,  202. 
TuRENNics.  —  Vie  abrégée  de  ')igr  Vincent-Marie  Slrambi,  vii',  480. 

Ulmann.  —  V.  Nilzsch. 

Valadier. —  Tractalus  de  vera  Ecdesia.  v,  589. 

Valroger  (H.  d  )  —  Introduction  historique  et  critique  aux  livres 

du  N.  T.,  pur  l\eitbmayer,.Hug,  Tholuc,  etc.,  m,  283. 
Van  der  Burch.  —  Brevis  elucidaiio  tottus  missœ,  x,  576. 
Van  Gambren.  —  De  Oratoriis  publias  atque  privatis  canonica  disputa 

lio,  IV,  389,  395  ;  v,  80. 


—    XLIV    — 

Vebcello.ne.  —   Var.œ  leciiones  V-lgaiœ  latinœ  Bibliorum  editionis,  i, 

ne  ;  11,  90  ;  V.  410,  —  BMia  sacra  Yuhjalœ  edilionis,  v,  62. 
Vec  llot  (Louis).  —  Vie  de  N.  S.  J.-C,  ix,  587. 
ViLLECoDRT  (le  cardioal).  —  Vie  et  institut  de  ^-t  Alphonse  de  Li- 

guori,  X,  495. 
ViLLERMONT  (de).  —  Tilly  ou  la  Guerre  de  trente  ans,  ii,  94. 
VivTS.  —  Edition  de  *uarez,  Dora  Cei;lier,  Cornélius  à  Lapid£, 

Bossuet,  V,  78  ;  de  Grenade,  de  .«ainl  Fraîiço  s  de  Sale»,  Ribade- 

neyra,  v,  578  ;  de  l'etau,  Thomassin,  Ritîenstucl,  vin,  300. 
VoGT.  —  Législation  diocésaine  de  Roltenburh,  viii,  303. 
VoLH.  —  Vies  de   saint  François  de  Sales,   de  sainte  Jeanne  de 

Chantai,  et  des  [.remières  Sœurs  de  la  Visitation,  viu,  95. 
VoN  .Ml'ralt.  Nomm  Teslamentum  (jrœce  stcundum  codicem  principem 

Valicanum,  ii,  379. 
VosEN. —  Rudimenia  linguœ  hehraice,  m,  84,  93;  vi,  9i.  — Das 

ChrisleiUlmm  uad  die  Einsprûche  seiner  GetjMr,  iv,  389,  394. 

Wallon.  —  Jeanne  d'Arc,  i,  94.  —  La  Vie  de  Jésus  et  son  nouvel 

historien,  ix,  .')87. 
Walter.  —  Fontis  Juris  ecdesiastici,  w,  396  ;  v,  71,  77.  —  Manuel 

de  droit  canonique,  viu,  302. 
Werneb.  —  Geschisle  der  apologelischen  und  polcmischen  Liiteralur 

der  Chrisllichen  Théologie,  v,  69,  79,   viii,  91. 
Wertermayer.  —  Dds  aile  Testament  und  seine  Bedeutung,  darges  tell 

mit  Ru':ksi(la  aufdie  Behawpiungen  des  modernen  Uaglauben^iUy  84. 

93. 
Wetzel.  —  Dictionnaire  encyclopédique  delà  théologie  catholique, 
traduit  par  l'abbé  Goschler,  n,  87. 
Wœrter.  —  Dif  Ciirisiliche  Lehre  ïiber  das  Verhaltniss  von  Gnade 

und  Frcilieit,  etc.,  m,  378,  384  ;  vu,  507. 
Weiz^eker.  —  V.  Liehur. 

WiNKLER.  —  Manuel  du  droit  canonique,  vsii,  302. 
WoLFK.  —  Das  Buch  Jadiih,  etc.,  v,  65,  74. 

Zamboni.  —  Co'leclio   DecUrationum  S.  C.  Cardinalium  S.   Concilii 

Tridentini  interprelum,  n,  95  ;  iv,  508. 
ZiMMERMANN.  —  TkeAogisches  Litteralurblatt,  vi,  603. 
ZwiCHY.  —  De  Dec  creatore^  vu,  398. 


Aiuieus.  —  Imp.  A.  DOUILLET  et  C%  rue  du  Logis-du-Roi,  13. 


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