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Full text of "Revue des traditions populaires;"

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Revue  des  traditions  populaires 

Société  des  traditions  populaires,  Paris,  Société 
des  traditions  populaires  (France) 


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REVUE 


DES 


TRADITIONS  POPULAIRES 


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SOaÉTÊ  DES  TRADITIONS  POPULAIRES 

AU  MUSÉE   d'ethnographie   DU   TROCADÉRO 


REVUE 


DES 


Ttimiiiis  nnmm 

RECUEIL  MEiVSUEL  DE  MYTHOLOGIE, 

LITTÉRATURE  ORALE,  ETHNOGRAPHIE  TRADITIONNELLE 

ET  ART  POPULAIRE 


TOME  XI— II*  ANNÉE 


PARIS 


EMILE  LECHEVALIËR 
39,  Quai  de*  Grands -Ang^ntUiit 


ERNEST  LEROUX 
28,  rae  Bonaparte 


1896 


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REVUE 


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DES 


TRADITIONS  POPULAIRES 


11«  Année*  —  Tome  XI.  —  N<>  1  —  Janvier  1896. 


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LES  ANCIENS  CHANTS  HISTORIQUES  ET  LES  TRADITIONS 
POPULAIRES  DE  L'ARMÉNIE. 


LES   SOURCES 

\      T  'ÉCRIVAIN  le  plus  ancien,  qui  ait  recueilli  les 

^'  chants  et  les  traditions  historiques  de  l'Armé- 

nie ancienne,  est  le  syrien  Mar-Abas  de  Mtzouin. 
C*est  à  sa  Chronique  Générale  que  Moïse  de 
Khorène,  selon  Fetter,  a  emprunté  Thistoire 
de  la  dynastie  Haicienne  sous  le  nom  de  This- 
toire  de  Mar  Abas  Katina.  Moïse  de  Khorène  a 
parfaitement  compris  Timporlance  des  chants 
historiques  et  des  traditions  populaires,  et  lui- 
même  en  a  recueilli  plusieurs  pour  composer 
son  histoire  des  Arméniens, 
Après  lui,  c'est  le  compilateur  de  l'histoire  d*Agathange  qui  nous 
a  fourni  un  petit  proverbe. 

Ce  sont  encore  Fauslus  de  Bysance  (V  s.)  et  Grégoire  Maguistros 
(XI  s.). 

Comme  on  le  voit  six  écrivains  seulement,  parmi  les  nombreux 
écrivains  arméniens  nous  ont  fourni  des  fragments  de  chants  histori- 
ques et  de  traditions  populaires,  extrêmement  intéressants  que  nous 
allons  voir  et  étudier. 

Se  basant  sur  les  renseignements  de  ces  écrivains,  le  Révérend 
Père  Gathrdjian.  savant  de  la  congrégation  des  Méchitharistes  armé- 
niens de  Vienne,  et  Emin,  ancien  professeur  de  la  langue  arménienne 
à  l'institut  des  Lasareff  des  langues  orientales  à  Moscou  ont  fait  en 

TOMB  XI.  —  JANVIER  1896,  1 


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2  REVUE    DES  TRADITIONS  POPULAIRES 

1851,  tout  à  fait  indépendamment  l'un  de  l'autre,  sur  cette  matière, 
deux  études  consciencieuses  et  d'un  réel  mérite.  Fait  important,  ils 
ont  abouti  tous  les  deux  à  la  même  conclusion.    . 

M.  Dulaurier,  célèbre  arméniste  français,  a  critiqué  Touvrage  de 
M.  Emin  eu  1852,  dans  le  Journal  Asiatique. 

L'étude  de  Palassanian  traitant  la  même  matière  date  de  186^. 

L'année  passée  M.  Fetter,  éminent  arméniste  etprofesseur  de  lan- 
gue arménienne  à  Tubingue,  a  aussi  consacré  à  ce  sujet  un  article 
intitulé  :  «  Die  nationalen  Gesange  alten  Armenier  >. 

Outre  ces  ouvrages,  dont  Télude  était  tout  indiquée,  nous  avons 
consulté  le  manuscrit  du  R.  P.  Tachian,  sur  l'histoire  de  la  littérature 
arménienne,  quand  dans  ce  but  nous  nous  sommes  retiré  dans  la 
célèbre  congrégation  dos  Méchitharistes  arméniens  à  Vienne,  qui  pos- 
sède une  grande  bibliothèque  délivres  imprimés  et  manuscrits. 


I 

l'origine  et  la  date  de  ces  chants.  —  LES  CHANTEURS 

Quoique  toute  TArménie  et  presque  tous  les  Arméniens  aient  pris 
part  à  la  composition  de  ces  chants  historiques  et  traditions 
populaires,  la  province  Koghten,  qui,  selon  les  écrivains  arméniens 
anciens,  abondait  et  abonde  même  à  présent  en  vins,  fut  la  plus 
renommée.  Elle  a  eu  des  chanteurs  célèbres  semblables  aux  bardes 
gaulois  et  elle  conserva  longtemps  après  l'introduction  du  Christia- 
nisme en  Arménie  ses  chants  et  ses  traditions  païennes,  comme 
l'indique  Moïse  de  Khorène  en  disant: 

«  Ceci  est  confirmé  par  les  chants  métriques,  qu'ils  conservèrent 
avec  passion  :  comme  je  l'ai  appris  des  habitants  du  Khoghten, 
canton  fertile  en  vins.  » 

Il  y  avait  deux  genres  de  chanteurs  :  érgist  et  goussan.  Il  nous 
semble  que  le  érgist  était  le  chanteur  ou  musicien,  qui  chantait 
ou  jouait  sur  un  instrument  quelconque,  tandis  que  le  goussan  était 
l'acteur, qui  représentait  lesujet  de  son  récit  enchantantou  en  jouant. 
Ces  chanteurs  voyagaient  de  ville  en  ville,  de  village  en  village,  pour - 
chanter  et  réciter  la  gloire  des  héros  nationaux.  Ils  étaient  admis 
partout  et  connaissaient  la  vie  la  plus  voilée  même  de  la  cour, 
puisque  l'amour  et  l'infidélité  de  la  reine  Satheinig  vers  Argam,  la 
jalousie  d'Artavazd,  etc.,  ont  été  chantés  par  eux. 

On  ignore  complètement  la  date  de  la  composition  de  ces  chants 


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REVUE  DES  TRADITIONS   POPULAIRES  3 

historiques.  Nous  avoDs  des  chants  et  des  traditions  qui  récitent  les 
œuvres  patriotiques,  des  patriarches  et  des  rois  Arméniens,  de  Haïg, 
premier  patriarche  Arménien  (20  siècles  avant  J.-Ch.)  jusqu'à  Arta- 
vazd  II,  roi  d'Arménie  (2  s.  après  J.-Ch.)  inclusivement.  Pourtant 
nous  ne  pouvons  pas  dire  que  le  peuple  Arménien  a  cessé  de  chanter 
ses  rois  et  ses  héros  postérieurs,  quoiqu'on  n  ait  pas  conservé  de 
fragments.  Malheureusement  tous  les  écrivains  arméniens  ont  été  des 
ecclésiastiques  qui  non  seulement  dédaignaient  ces  œuvres  païen- 
nes, mais  encore  tâchaient  de  les  effacer  de  la  mémoire  du  peuple 
comme  Tindiquent  Korun  et  Moïse  de  Koren  en  disant:  Lamé- 
moire  leur  faisait  défaut,  et  ils  ne  pouvait  absolument  rien  retenir 
dans  leur  esprit;  car  cet  esprit  n'était  occcupéque  de  choses  inutiles  et 
vaines.  Comme  des  enfants  gâtés  dans  leur  enfance  par  des  jouets,  et 
peu  habitués  à  songer  à  Tutile  et  au  nécessaire,  ils  dépensaient  avec 
leur  esprit  inculte  et  barbare,  leur  temps  et  leurs  facultés  à  étudier 
les  usages  et  coutumes  du  paganisme  ancien,  cette  œuvre  d'un  esprit 
pauvre  et  superficiel.  Ils  s'adonnaient  au  contraire  aux  études  de 
leur  mythologie  et  de  leurs  chants  épiques  avec  un  amour  vif  et  cons- 
tant, avec  une  foi  ardente,  d'où  découlaient  la  haine,  l'envie,  la 
discorde,  Tanimosité  qu'ils  nourrissaient  avec  constance  *. 

Mais  malgré  cela  ces  chants  sont  chantés  pendant  très  longtemps 
et  au  XI*  siècle  Grégoire  Maguistros  nous  a  transmis  un  fragment  de 
ces  chants  en  l'apprenant  d'une  paysanne.  Le  clergé  lui-même  fut 
charmé  par  la  beauté  de  ces  chants  et  on  vol  t  l'influence  de  ces  chants 
sur  leurs  ouvrages  et  leurs  traductions. 


LES  GENRES  LITTÉRAIRES 

Presque  tous  les  chants  qui  ont  été  conservés  jusqu'à  nos  jours 
sont  épiques,  et  s'il  y  avait  eu  un  compilateur  comme  Ferdousi,  ces 
chants  auraient  pu  former  un  «  Chahname  »,  glorifiant  les  œuvres 
poétiques  des  rois  Arméniens. 

En  ce  qui  concerne  les  genres  littéraires,  Moïse  de  Khoren  en  cite 
les  suivants  :  Erg,  (chantj.  Zroïtz  (récit),  Araspel  (fable).  Vèp  (histoire). 

Les  chants  Erg,  étaient  de  trois  espèces:  l*'  Erg  vipassanatz  2"  Erg 
thvéliatz  et  3^  Erg  banitz. 

Erg  vipassanatz  signifie  chant  historique.  Pour  Erg  thvéliatz,  Eniin 
dit  que  le  nom  thvéliatz  était  attribué  à  ce  chant  parce  que  peut-être 
le  poète  s'astreignait,  dans  son  récit,  à  l'ordre  chronologique.  Dulau- 

1.  Faustus  de  Bysanoe,  Liv.  III.  Cb.  XIII.  trad.  Emine. 


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4  REVUE    DES   TRADITIONS    POPULAIRES 

rier  croit  que  ceci  n*avail  été  autre  chose  que  des  poésies  dont  la 
versificatîoD  était  basée  sur  Tobseryation  du  nombre  des  syllabes  et 
peut-être  sur  la  division  de  ces  syllabes  en  pieds,  à  la  différence 
des  chants  qui  ne  consistaient  qu'en  une  prose  cadencée  et  qui 
furent  sans  contredit  les  plus  anciens.  Pourtant  il  n'y  a  aucune 
différence  entre  les  chants  historiques  et  ceux  de  thveliantz^  ou 
métriques,  parce  que  Moïse  de  Khoren  les  emploie  indifféremment 
pour  désigner  les  mêmes  chants.  Par  ex.  : 

«  Les  entreprises  du  dernier  Artachès  te  sont  la  plupart  révélées 
par  les  chants  historiques...  tous  ces  faits,  comme  nous  Tavons  dit, 
te  sont  tous  racontés  dans  les  chants  métriques...  »  Moïse  de, 
Khoren,  L.  II,  ch.  XLIX. 

Erg  banitz  ou  ergarang  banavorg^  littéralement  le  chant  rationelou 
raisonné,  selon  Felter  signifie  aussi  chant  historique,  et  en  effçl,  seu- 
lement par  ce  sens  on  peut  comprendre  la  phrase  suivante  de  Moïse 
de  Khoren  : 

«  Parceque  ces  chants  rationels  sur  la  bravoure  et  le  courage  ne 
paraissaient  pas  lui  convenir,  c'est  à  dire  que  les  chants  historiques 
ne  convenaient  pas  à  l'Hercule  arménien  Torgue  ». 

Zroïtz  signiKe  récit,  tradition  vraie  ou  non,  transmise  oralement  ou 
par  écrit,  métrique  ou  en  prose. 

Araspel,  selon  Emîn,  apoursensprimitif  celui  du  «  fable»  mythe, 
ou  plutôt  du  récit  réel  au  fond,  présenté  sous  le  voile  de  Tallégorie. 
M.  Fetter  en  comparant  toutes  les  expressions  de  ce  mot,  employé 
par  Moïse  de  Khoren  conclut  que  ce  mot,  contient  chez  Moïse  de 
Khoren  trois  points:  1°  incertitude  d'une  chose  ;  2**  relation  avec  les 
idées  religieuses-païennes  et  3°  la  forme  de  poésie. 

Vép,  selon  Dulaurier,  signifie  Thistoire.  Les  composés  danslesquels 
l'expression  de  vep  entre  comme  un  élément  de  formation  et  que 
Moïse  de  Khoren  nous  fournit,  ne  laisse  aucun  doute  à  cet  égard: 
ainsi  Moïse  de  Khoren  traduit  par  Basmavep  le  nom  de  Thistorien 
grec  Polyhistor. 

Les  anciens  arméniens  ont  eu  la  poésie  lyrique  que  nous  étudie- 
rons en  la  divisant  en  deux  genres  :  Les  chants  de  joie  et  les  chants 
de  tristesse. 

Du  premier  genre  on  cite  :  Noiag,  tzoutzg^  et  erg  paroutz^  et  de 
l'autre  :  Guéghongue^  mrmountch^  oghb^  éguérg, 

Noiag,  d'après  Elisée  Vardapède,  était  un  air  de  joie,  mais  nous 
ignorons  les  détails. 

Tzoutzg  était  la  chanson  qu'on  chantait  en  représentant  quelque 
chose  par  la  mime,  grimace,  etc. 

Erg  paroutz  était  le  chant  de  danse  qu'on  chantait  en  dansant,  et 


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REVUE  DES  TRADITIONS  POPULAIRES  O 

jusqu'à  nos  jours  les  jeunes  ûUes  et  les  jeunes  gens  arméniens  des 
villages  chantent  en  dansant. 

Pendant  les  noces,  les  banquets  et  les  festins,  les  rois  et  les  grands 
personnages  invitaient  les  chœurs  des  musiciens,  parmi  lesquels  il 
y  avait  aussi  des  musiciennes,  qui  chantaient  et  dansaient  et  cela 
se  voit  dans  le  passage  suivant. 

«  Arsace...  (roi  d'Arménie)  mettait  toute  sa  gloire  à  manger,  à 
boire  et  à  entendre  des  chanteuses  ^ 

«  Au  milieu  des  joies  de  Tivresse  Tiridale  voit  une  femme  d'une 
grande  beauté  qui  chantait  en  s'accompagnant  d'un  instrument...  il 
dit  à  Bagour:  «  Donne-moi  cette  chanteuse*. 

«  Les  tambours,  les  flûtes,  les  harpes  et  les  trompettes  commen- 
cèrent à  faire  entendre  leurs  fanfares...  El  le  roi  (Pap)  fixait  ses 
yeux  sur  les  joueurs  des  différents  instruments  '. 

Comme  pendant  la  joie  et  les  noces,  de  même  pendant  la  tristesse 
et  les  obsèques  les  chants  et  les  danses  ne  manquaient  pas.  Tous 
les  arméniens  païens  et  même  chrétiens  pleuraient  leurs  morts,  en 
chantant  des  mrmountch  (murmure),  egherg  (élégie)  et  oghb  (lamen- 
tation). Il  y  avait  des  groupes  de  pleureuses,  vêtues  de  noir,  qui 
s'appelaient  «  dsterg  sgo  »  —  les  filles  de  deuil  —  et  leur  chef 
€  maïr  oghbotz  »  —  mère  des  lamentations.  —  Celles-ci  en  disant 
et  en  frappant  des  mains  lune  à  Tautre,  chantaient  ou  jouaient  sur 
différents  instruments  :  en  même  temps  en  pleurant  elles  récitaient 
la  vertu,  la  force,  la  bienfaisance  du  défunt;  elles  demandaient  au 
défunt  en  lui  adressant  la  parole  pourquoi  il  laissait  inconsolable 
sa  jeune  femme^  ses  petits  enfants,  etc.,  ou  bien  «lies  disaient  adieu 
de  la  part  du  défunt  en  s'adressant  à  son  épouse,  aux  enfants,  aux 
amis,  etc.,  et  tout  ça  formait  une  espèce  de  poésie. 

Jusqu'à  présent  dans  quelques  coins  de  l'Arménie,  éloignés  du 
centre  de  la  civilisation,  subsiste  encore  cette  coutume  et  il  y  a 
des  pleureuses. 

Pour  conflrmer  nos  paroles,  citons  quelques  témoignages  de 
Faustus  de  Byzânce  : 

«  Le  roi  (Arsace)  donna  ordre  que  tous  ceux,  grands  et  petits  sans 
exception,  qui  se  trouvaient  au  camp,  se  réunissent  pour  se  lamen- 
ter et  pleurer  Knel. 

«  ...  Le  roi  en  personne  se  rendit  à  cette  cérémonie  funèbre  pour 
pleurer  son  neveu...  Assis  auprès  du  corps,  il  pleurait  Knel  et  ordon- 
nait en  même  temps,  qu'on  fit  entendre  de  grandes  et  tristes  lamen- 

1.  M.  de  Khoren  L.  III.  Ch.  XIX. 

2.  Ibid.  L.  II.  Ch.  LXIII. 

3.  Faustus  de  Byaance  L.  V.  Ch.  XXXIU 


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0  REVUE    DKS   TRADITIONS    POPULAIRES 

tations  autour  du  corps.  Pharandzème.la  femme  de  Knel,  la  tunique 
déchirée,  les  cheveux  épars,  le  sein  découvert,  pleurait  et  se  lamen- 
tait au  milieu  des  pleureurs;  elle  poussait  des  gémissements,  et  ses 
larmes  amères  faisaient  verser  des  pleurs  à  tous  les  assistants.... 
Pharandzème  se  mit  à  la  tête  des  pleureuses  qui,  toutes  ensemble, 
commencèrent  à  chanter  sur  un  ton  lamentable,  la  convoitise  de 
Diritha,  le  regard  amoureux  de  ses  yeux,  ses  secrètes  menées  contre 
Knel,  le  meurtre  de  ce  dernier,  avec  une  voix  déchirante,  pénétrante 
et  passionnée,  qui  se  faisait  entendre  au  milieu  des  lamentations 
générales.  (F.  de  Bysancc.  L.  IV,  ch.  xv). 

Le  même  historien  dit  encore  : 

On  faisait  les  obsèques  des  morts  en  poussant  de  grandes  lamen- 
tations, accompagnées  de  trompettes,  de  guitares,  de  harpes  et  de 
danses.  Les  femmes  et  les  hommes,  ayant  les  bras  ornés  de  ban- 
delettes, le  visage  bariolé  de  diverses  couleurs  se  tenant  les  uns 
devant  les  autres  et  battant  des  mains,  se  livraient  à  des  danses 
abominables  et  monstrueuses*.  (Liv.  V,  ch.  xxxi). 


DE  L  ART  DRAMATIQUE 

11  nous  faut  dire  aussi  quelque  mots  de  Tari  dramatique,  qui  selon 
M.  Letourneau  *,  étant  beaucoup  moins  abstrait  que  la  poésie,  doit  être 
au  moins  aussi  ancien,  sinon  plus  ancien,  qu'elle,  ou  plutôt  il  a  du 
nécessairement,  dans  le  principe,  se  confondre  avec  elle;  par  consé- 
quent les  anciens  arméniens  aussi  devaient  Tavoir,  et  justement  selon 
Moïse  de  Khoren  on  représentait  le  sujet  des  chants  par  des  chanteurs 
devant  le  peuple  dans  les  places  publiques  ^. 

11  me  semble  même  que  lâchant. suivant  transmis  par  Moïse  de 
Khoren  est  un  fragment  d  une  pièce  qui  représentait  la  noce  du  roi 
d'Artaschès  II,  avec  Sathinig,  fille  du  roi  des  Alains. 

Pendant  le  règne  de  Tigrane  le  Grand  (60  av.  J.-Ch.),  selon  les 
écrivains  grecs,  il  y  avait  à  Tigranacerte  un  théâtre,  ou  l'on  jouait 
ordinairement  des  pièces  grecques.  Même  Artavadz  I,  le  fils  de 
Tigrane  le  Grand,  selon  Plutarque,  a  écrit  une  pièce  en  grec  ;  Abgare 
(10  av.  J.-Ch.,  35  ap.  J.-Ch.)  pendant  son  séjour  à,  Rome,  a  fait  une 
demande  à  Tempereur  Auguste,  pour  fonder  à  Mzbin,  sa  résidence 


1.  Fetis  :  Hist.  gén.  de  la  musique.  V.  III,  p*  305,  306. 

2.  Letourneau:  Ëvolution  littéraire  p.  28. 

3.  M.  de  Khoren,  L.  I.  ch.  vi,  cité  par^min  p.  96. 


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REVUE  DES  TRADITIONS   POPULAIRES  7 

an  théâtre  el  un  cirque  \  Un  des  écrivains  arméniens,  Ohan  Manda- 
kouni  attaque  les  théâtres,  mais  selon  leR.  P.  Tachian,  nous  ne  pou- 
vons pas  constater  ce  fait,  parcequ'il  n*est  pas  encore  certain  si  cette 
homélie  est  Tœuvre  originale  de  cet  écrivain  ou  la  traduction  d*un 
écrivain  grec  ou  assyrien^  comme  par  exemple  les  homélies  de  Jean 
Cheissostoure  contre  les  théâtres  qui  sont  traduites  à  la  même 
époque. 

Bref,  il  est  certain,  que  le  théâtre  a  eu  son  origine  dans  Tancienne 
Arménie,  mais  la  condition  politique  de  TÂrménie  Tempécha  de 
se  développer.  Cependant  ie  théâtre  grec  a  existé  à  la  cour  royale 
et  dans  la  partie  de  l'Arménie  qui  était  soumise  àTempire  Bysantin. 
Pourtant  le  théâtre  national  subsiste  encore  dans  les  jeux  de  car- 
naval et  dans  les  fêtes  champêtres. 


LES  INSTRUMENTS  DE  MUSIQUE 

Si  nous  ne  possédons  pas  encore  de  spécimens  des  instruments 
anciens,  il  faut  Tattribuer  à  ce  que  TArménie  n'a  que  très  peu  été 
étudiée.  Les  renseignements  des  écrivains  arméniens  à  ce  sujet 
sont  très  courts,  et  s'ils  ont  mentionné  ces  instruments  de  musique, 
ils  ne  les  ont  pas  décrit.  On  voit  dan%  cette  sèche  énumération  que 
parmi  les  instruments  à  corde  nous  avons  eu  :  le  «  qunar  »,  le 
«  sthnar  »,  le  «  vine  »,  le  «  pendir  n  et  le  «  bambirn  ». 

On  ne  fait  pas  de  différence  entre  les  trois  premiers  instruments 
à  cordes  et  pourtant  on  peut  approximativement  les  identifier^  le 
premier  à  la  lyre,  le  second  à  la  cithare  et  le  troisième  au  luth. 
Pandirn^  c'était  le  pandourah  grec,  (navSora  ou  nav2oYtc).  Le  «  pan- 
dern  »  était  l'instrument  le  plus  employé  parles  musiciens  de  Kogh- 
then  et  selon  l'historien  Jean  Yl  il  était  monté  de  cordes  métalli- 
ques ou  en  boyaux,  que  l'on  frappait  avec  une  baguette  ou  archet. 

Au  nombre  des  instruments  à  vent,  nous  voyons  :  «  sring  »  sorte 
de  chalumeau,  dont  jouent  encore  de  nos  jours  les  bergers  armé- 
niens ;  nous  trouvons  encore  le  «  pogh  éghegnia  >  sorte  de  cornet 
et  le  a  pogh  peghenstia  »  la  trompette  d'airain. 

Des  instruments  de  percussion,  les  arméniens  ont  eu  le  tambour, 
«  temboug  »,  et  la  cymbale,  «  tzentzgha».  On  sait  que  la  cymbale  tire 
son  origine  de  l'Asie-Mineure,  et  on  l'employait  dans  le  culte  deCybèle, 
ainsi  qu'après  en  Grèce,  dans  les  fêtes  de  Bacchus  '.  11  est  probable 

1.  VaMllevfky.  «  Nor-Dar  »,  92.  N*  134. 


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HEVUE  DES  TRADITIONS   POPULAIKËS 


que  cet  inslrument  fût  employé  aussi  dans  le  culte  païen  arménien 
parce  que  c'est  seulement  cet  instrument  qui  a  persisté  dans  féglise 
arménienne  jusqu'à  nos  jours. 


LA   DANSE 

Les  danses  faisaient  partie  des  chants  et  étaient  inséparables  du 
culte  et  des  sacrifices,  par  conséquent  les  arméniens  ont  eu  les 
danses  sensitives,  les  danses  mimiques  et  les  danses  religieuses. 
C'étaient  surtout  les  dames  qui  dansaient  pour  amuser  les  hommes. 
On  dansait  non  seulement  pendant  la  réjouissance  et  les  fêtes,  mais 
encore  pendant  la  tristesse  et  les  obsèques.  Même  jusqu'à  présent 
les  villageoises  arméniennes  glorifient  en  dansant  non  seulement 
les  aventures  d'un  héros,  mais  encore  le  malheur  et  la  mort  d'un 
d'entre  eux. 

Les  historiens  mentionnent  les  danses  suivantes  :  kaguavg,  kaîlkg^ 
vasg,  stoustg^  par  et  paransloukg. 

Kaguavg,  selon  Palassanian  était  une  danse  qu'on  dansait  en 
sautillant. 

«  Kaïthg  »  ou  Vasg  —  en  frappant  des  pieds  et  des  mains. 

«  Stoustg  »  était  la  danse  mimique.  On  représentait  en  dansant  une 
scène  mythologique  ou  historique  et,  pendant  sa  durée,  le  chœur 
chantait.  La  «  Par  »,  littéralement,  cercle,  était  une  espèce  de  danse 
dans  laquelle  prenaient  part  plusieurs  personnes.  Ils  formèrent  un 
cercle  en  tenant  les  mains,  et  dansèrent  en  faisant  de  gracieux  pas 
en  avant,  en  arrière,  à  gauche  et  à  droite.  Jusqu'à  nos  jours  cette 
danse  est  très  répandue  dans  les  villages  arméniens.  Dans  cette 
danse  prennent  part  presque  tous  les  gens  du  village  des  deux 
sexes,  formant  un  grand  cercle,  au  milieu  duquel  se  tiennent  les 
musiciens  et  les  spectateurs. 


l'art  et  l'esprit  de  la  poésie 

Malheureusement  les  fragments  des  anciens  chants  arméniens 
sont  si  peu  nombreux,  qu'il  est  fort  difficile  de  juger  de  Tari  et  de 
l'esprit  de  la  poésie  primitive  des  Arméniens.  Plusieurs  écrivains 
ont  écrit  sur  cette  matière,  pourtant  aucun  n'a  abouti  aune  conclu- 
sion suffisante.  Quelques-uns  voulurent  en  modifier  la  versification, 


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REVUE    DES    TRADITIONS  POPULAIRES  9 

d*auires  ajouter  de  nouvelles  syllabes  ou  des  mots,  pourtant  tous 
leurs  efforts  n'eurent  pas  de  résultat  acceptable.  Deux  de  ces  critiques 
le  R.  P.  Gathrstian  et  M.  Fetter  ont  fait  des  études  spéciales  sur 
cette  matière,  quoique  insuffisantes,  mais  dignes  d'attention. 

Le  premier  savant  trouve  que  ces  chants  ont  une  grande  ressem- 
blance avec  Tancienne  poésie  des  Hébreux,  parceque  le  trait  essen- 
tiel de  ces  deux  poésies  consiste  à  répéter  dans  la  deuxième  ligne  le 
contenu  de  la  première,  et  cela  sous  une  nouvelle  forme  ajoutant 
toujours  de  nouveaux  mots  et  de  nouvelles  idées,  de  façon  à  former 
des  répétitions  harmonieuses  une  progression  graduée  des  idées. 

Ainsi  par  exemple  : 

Cantique  hébreu.  (Exod.  XV,  Juges  V). 

Au  souffle  de  tes  narines  les  eaux  se  sont  amoncelées. 

Les  courants  se  sont  dressés  cqraipe  une  muraille. 

Les  flots  se  sont  durcis  au  milieu  de  la  mer... 

0  Eternel  !  quand  tu  sortis  de  Séir, 

Quand  tu  t'avanças  des  champs  d'Edom, 

La  terre  trembla,  et  les  cieux  se  fondirent, 

Et  les  nuées  se  fondirent  en  eaux; 

Les  montagnes  s'ébranlèrent  devant  TEternel. 

Ce  Sinaî  devant  TEternel,  le  Dieu  dlsrael... 

Le  torrent  de  Kison  les  a  entraînés. 

Le  torrent  des  anciens  temps,  le  torrent  de  Rlson. 

Chant  historique  arménien  : 

Le  ciel  et  la  terre  étaient  dans  Tenfantement; 

La  mer  aux  reflets  de  pourpre  était  aussi  en  travail, 

Dans  la  mer  naquit  un  petit  roseau  vermeil, 

Du  tube  de  ce  roseau  sortait  de  la  fumées, 

Du  tube  de  ce  roseau,  jaillissait  de  la  flamme. 

De  cette  flamme,  s'élançait  un  jeune  enfant. 

Ce  jeune  enfant  avait  une  chevelure  de  feu  ; 

Il  avait  une  barbe  de  flamme. 

Et  q^s  petits  yeux  étalent  deux  soleils. 

Pourtant  nous  devons  ajouter  que  ce  trait  caractéristique  est 
commun  à  la  poésie  lyrique  populaire  de  toutes  les  nations  ;  par 
exemple  nous  le  remarquons  dans  la  poésie  populaire  de  TArménie 
moderne,  que  voici  : 

Cigogne,  tu  es  la  bienyenue, 

Toi,  cigogne,  tu  es  la  bienvenue. . . 

Cigogne,  descends  chez  nous, 

Toi,  cigogne,  descends  dans  notre  maison. . . 

Cigogne,  quiuid  t^  t'e^  allais, 

Qu^kd  tif  Vpi^  allais  de  notrç  ^bre  (f),  etc. 

1.  La  Lyre  arménienne,  p.  150. 


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10  REVUE    DES   TRADITIONS    POPULAIRES 

La  même  chose  se  remarque  dans  les  chansons  australiennes  : 

De  chaque  c6té  du  feu  ils  placèrent  une  femme, 
Le  feu  était  entre  les  femmes  ;  les  femmes  étaient  mortes... 
Les  noires  cherchèrent  des  fourmis. 
De  grasses  fourmis  bleues,,.. 
Bientôt  survint  un  brouillard, 
Un  brouillard  noir  comme  la  nuit... 
Une  grande  raie  à  aiguillon; 
Elle  était  grande  la  raie  à  aiguillon  (1). 

Ces  répétitions  et  ces  comparaisons  se  font  de  deux  manières  :  ou 
par  combinaison,  c'est-à-dire,  que  la  seconde  phrase  est  en  égale 
puissance  de  la  première  et  lui  fait  suite,  comme  par  exemple  ; 

Une  pluie  d'or  tombait  au  mariage  d'Artarchès. 
Une  pluie  de  perles  tombait  aux  noces  de  Sathinig. 

Où  par  opposition,  c'est-à-dire,  que  la  seconde  phrase  est  opposée 
à  la  première,  mais  exprime  avec  elle  une  seule  idée.  Cela  a  lieu 
dans  les  proverbes,  comme  par  exemple  : 

Si  tu  as  le  gosier  de  Schara, 
Nous  n'avons  pas  les  greniers  de  Schlrac. 

Passons  à  M.  Fetter  : 

a  Nous  voyons  avec  étonnement,  dit-il,  que  la  poésie  arménienne 
a  eu  les  mêmes  lois  métriques,  qui  sont  en  vigueur  dans  les  vers  de 
l'Avesta.  La  versification  de  TAvesta  est  des  plus  simples.  Le  nombre 
de  syllabes  par  une  césure,  qui  n'est  pas  absolument  nécessaire, 
forme  la  ligne,  et  les  lignes  forment  le  couplet.  Cette  même  loi  est 
en  vigueur  dans  la  poésie  arménienne  où  nous  pouvons  montrer 
quelques  lignes  de  huit  syllabes,  ce  qui  est  très  habituel  à  l'Avesta. 
Mais  la  plupart  des  fragments  ressemblent  beaucoup  aux  chants  de 
Gathas,  c'est-à-dire,  les  couplets  sont  composés  de  lignes  comme 
nombre  de  syllabes  inégaies.  Pourtant  les  chants  arméniens  ne  nous 
paraissent  pas  être  étroitement  liés  à  la  loi  qui  domine  dans  l'Avesta 
à  l'égard  du  nombre  des  syllabes  de  chaque  ligne.  Mais  nous  pou- 
vons penser  que  Moïse  de  Khoren  a  altéré  les  lignes  en  y  ajoutant 
ou  en  enlevant  des  mots. 

Après  cela,  M.  Fetter  tâche  de  classifier  les  chants  selon  leurs 
syllabes,  ce  qui  ne  nous  paraît  pas  exact,  c'est  pourquoi  nous  ne 
le  citerons  pas.  Ensuite  il  continue  :  La  versification  arménienne  est 
prosodique  et  cela  n'est  pas  habituel  aux  chants  de  l'Avesta.  Presque 

1.  Letoumeau,  Ev.  litt.^  33. 


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REVUE    DES    TRADITIONS    POPULAIRES  ii 

tous  les  mois  de  la  langue  ancienoe  arménienne  étant  accentués  sur 
U  dernière  syllabe,  la  langue  prend  d'elle-même  une  tournure  ïam- 
bique  courante^  et  vite.  Les  anciens  poètes  ont  employé  cette  règle 
de  l'accent  très  consciencieusement  et  en  parfaite  connaissance  de 
cause  ». 

Nous  n'avons  à  dire  contre  M.  Fetter,  que  les  chants  primitifs  de 
TArménie  ancienne,  ainsi  que  les  chansons  populaires  de  tous  les 
peuples  primitifs,  étaient  chantés  en  répétant  toutes  les  lignes  trois 
ou  quatre  fois,  donc  chaque  ligne  peut  être  considérée  comme  un 
couplet  à  part  et  par  conséquent  il  n'était  pas  tout-à-fait  nécessaire 
de  garder  le  même  nombre  de  syllabes  dans  toute  la  poésie.  C'est 
pourquoi,  il  nous  semble  qu'il  est  inutile  de  chercher  à  les  classi- 
fier  d'après  le  nombre  des  syllabes. 

Un  autre  orientaliste,  Schleguel  dit  :  Ces  fragments  ont  l'esprit  de 
la  poésie  orientale  et  par  leur  éclat,  leur  splendeur  et  leur  élégance 
peuvent  égaler  et  même  dépasser  la  poésie  homérique. 

Et  un  autre  écrivain,  Emin,  remarque  avec  beaucoup  de  vérité  : 
En  lisant  ces  chants,  il  nous  semble  voir  les  héros  helléniques, 
décrits  dans  l'Iliade  ^  Et  justement  les  chants  sur  Torg  se  rap- 
portent beaucoup  aux  chants  de  TOdissée  sur  Polyphème  le 
Cyclope. 

Dans  ces  chants  arméniens  on  trouve  plusieurs  analogies,  par  ex  : 
La  mer  aux  reflets  de  pourpre.  Chevelure  de  feu,  une  barbe  de  flam- 
mes. Ses' petits  yeux  étaient  deux  soleils.  Et  prompt  comme  Taigle 
au  vol  rapide,  il  franchit  le  fleuve. 

Mais  ce  sont  les  métaphores  et  les  allégories,  le  souflle  et  le  génie 
de  la  poésie  orientale,  qui  sont  très  bien  réussis  dans  ces  fragments, 
par  ex  : 

Une  pluie  d'or  tombait  au  mariage  d'Artaschés. 
Uue  pluie  de  perles  tombait  aux  noces  de  Sathinig. 

Où  la  dispersion  de  l'or  et  des  perles  est  regardée  comme  la  tom- 
bée de  la  pluie,  ou  bien  : 

Les  descendants  des  Dragons  avaient  dérobé  Tenfant  royal  et  lui  avaient  subs- 
titué un  Dev  (démon). 

Où  Dève  est  mis  au  lieu  de  vicieux.  C'est  une  jolie  allégorie  que  le 
fragment  suivant  : 

Le  ciel  et  la  terre  étaient  dans  des  douleurs  d'enfantement,  etc.  (2). 

i.  Cité  par  R.  P.  Gathrdjian,  p.  42, 
2.  Emin,  c.  24. 


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12  REVUE  DES  TRADITIONS  POPULAIRES 

Où  Ton  décrit  allégoriquement  la  naissance  de  Vahaken,  mais  pré- 
cisément la  levée  du  soleil  de  la  mer  aux  reflets  de  pourpre. 
Et  le  fragment  : 

Le  valeureux  roi  Artaschès  monté  sur  un  beau  (coursier)  noir. 

Tirant  la  lanière  de  cuir  rouge  fi^arnie  d'anneaux  d'or. 

Et  prompt  comme  un  aigle  qui  fend  l'air,  passant  le  fleuve, 

Lance  cette  lanière  de  cuir  rouge  garnie  d'anneaux  d'or. 

Autour  des  flancs  de  la  vierge  des  Alains  ; 

11  étreint  avec  douleur  par  le  milieu  du  corps  la  jeune  princesse. 

Et  Tentratne  brusquement  dans  son  camp. 

Ce  fragment  désigne  le  mariage  d'Artaschès,  roi  d'Arménie,  avec 
Sathinig,  princesse  Alaine. 

La  lanière  de  cuir  rouge  garnie  d'anneaux  d'or,  signiGe  même, 
d'après  Texplication  de  Moïse  de  Khorèn,  Tappas  de  cuir  rouge  et 
d*argent  : 

«  La  princesse  Sathinig  convoite  avec  ardeur  des  coussins  d'Arka- 
van,  rherbe  ardakhour  et  Therbelte  ditz  ».  Signifie  Tinfidélité  de 
Sathinig  et  son  amour  envers  Argam. 

(A  suivre,)  Ervand  Lalayantz. 


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REVUE    DES    TRADITIONS    POrULAlBES  13 


LES  METIERS  ET  LES  PROFESSIONS 


LXXl 


LES  MARCHANDS  AMBULANTS 

Marchands  de  sable 

^^^Ùj^  ux  environs  de  Binche  (Hainaut),  des  marchands,  accom- 
*^1jR!^1)C  P^K*^^^  d'ânes  de  bât  portant  des  sacs  de  sable,  parcourent 
'  1^  les  villages. 

La  moitié  du  sac  pend  d'un  cAté  du  dos  de  Tâne,  tandis 
que  Tautre  moitié  pend  de  l'autre  côté  ;  on  place  une  dou- 
zaine au  moins  de  ces  petits  sacs,  étroits,  allongés  sur  le  dos  des 
ânes.  Ordinairement  chaq[ue  marchand  a  six  ou  sept  ânes,  dix  ânes 
qui  raccompagnent. 

Ce  sac  de  sable  est  destiné  a  être  jeté  sur  le  pavement  des  maisons. 


Marchands  de  moules 

Dans  les  campagnes  Wallonnes  [arrondissement  de  Charleroij,  des 
industriels  parcourent  les  villages  avec  des  brouettes  chargées  de 
moules,  qu'ils  vendent  couramment.  Le  peuple  prétend  que  le  mar- 
chand urine  sur  ces  mollusques  pour  les  conserver  frais. 

J'ai  relevé  la  même  croyance  dans  le  Limbourg  belge. 

Alfred  Harou. 


LXXII 

LES  VIDANGEURS 

Dans  certaines  villes  ou  villages^  où  une  canalisation  spéciale 
n'existe  pas,  le  paysan  fait  un  accord  avec  la  personne  qui  désire 
voir  curer  sa  fosse  d'aisance.  Suivant  la  qualité  de  la  denrée^  le  prix 
qu'il  oiÉTre  est  plus  ou  moins  élevé. 


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14  REVUE    DES   TRADITIONS   POPULAIRES 

Une  chose  à  peine  croyable,  mais  qui  existe  dans  la  plupart  des 
campagnes,  le  paysan  trempe  le  doigt  dans  la  matière  fécale  et  la 
goûte.  Après  Tavoir  goûtée,  il  l'estime  et  fixe  le  prix. 

Alfred  Harou. 

X  [suite) 

COMMENCEMENT  ET  FIN  DUN  OUVÉAGE 

Ramoneurs  de  cheminée 

Ko  Hainaut  les  ramoneurs  de  cheminée  —  anciennement  presque 
tons  S«vii]^ajrds  —  lorsqu'ils  arriTeai  au  faîte  de  la  cheminée, 
chantent  un  peCil  touplet  de  circonstance*  Us  reçoivent,  outre  la 
suie  qu'ils  ont  enlevée^  un  lé^er  pourboire. 

ALFim  Harou. 

XII  {suite) 

FÊTES  DE  MÉTIERS 

S*il  était  permis  d  employer  une  comparaison  aussi  vulgaire  en 
parlant  d'une  comtesse,  nous  dirions  que  cette  riche  robe  de  brocart 
descendit  Tescalier  comme  les  petits  ramoneurs  qui,  le  premier  jour 
du  mois  de  mars  se  promènent  dans  les  rues  sous  une  forêt  de 
branches,  où  ils  sont  si  bien  cachés  qu'on  ne  voit  pas  là  dessous  le 
petit  être  quifait  marcher  tout  ce  feuillage. 

(Dickens.  La  petite  Dorrit  XX.) 

P.  S. 


LXI  [suite) 

CRIS  DES  RUES 

Paris 

Parmi  les  cris  d'origine  récente,  on  peut  placer  le  suivant  : 
—  Voilà  le  gui,  le  joli  gui  ! 

Il  est  proféré  par  les  hommes  qui  colportent  par  les  rues  des  touffes 
de  gui  accrochées  à  un  bâton  qu'ils  portent  sur  l'épaule. 

P.-S. 


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REVUE   DES   TRADITIONS    POPULAIRES  IS 


Anvers 

A  Anvers,  à  Tépoque  des  fraises,  des  colporteurs  \ont,  de  porte 
en  porte,  offrir  en  vente  des  petites  fraises  de  bois,  assez  savoureu- 
ses. UsuiBOiiceDi  leur  présence  danslarae  par  !eserisde  r  «  Kmtp^m^ 

Koopen  »  (à  vendre,  à  vendre). 

Ces  fraises^  qui  proviennent  généralement  de  la  Hollande  méridio- 
nale, sont  connues  à  Anvers  sous  le  nom  de  «  Koopen,  Koopen  », 
cris  employés  par  ceux  qui  les  vendent. 

Alfred  Harou. 

Rennes 

Vers  1864,  un  marchand  ambulant  criait  la  pâte  de  guimauve  : 

La  pâte  de  gui  gui, 
La  pâte  de  guimauve  ! 
Un  sou  rbâton, 
Y  a  des  rouges  et  des  blancs, 
L's  enfants  ! 

Des  marchandes  de  noix  les  annonçaient  ainsi  : 

Les  noix  du  grand  noyer  ! 
Les  noix  nouvelles! 
Mesdemoiselles  ! 

Vers  1840,  on  criait  la  bouillie  d'avoine  appelée  noces  : 

Aux  noces  chez  la  mère  Lise, 
Rue  de  Lille. 

Nantes 
A  deux  sous  les  échaudés-ah  ! 

Henriette  Monternier. 


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16 


RBVUE   DES  TRADITIONS    POPULAIRES 


LES  ORDALIES 


n)  En  Scandinavie 

^^jk     uoiQUE  abolie  de  bonne  heure,   l'épreuve  par  le  fer  rouge 
\K§)/     c^"^^"^^^  d'être  appliquée  jusqu'en  1320,  comme  on  le  voit 
^^^     par  la  loi  de  Helsingie  *.  Le  pape  Alexandre  III  avait  com- 
battu cet  usage  dans  une  lettre  aux  évéques  suédois  '. 
^  Le  roi  Hakon,  fils  de  Sverrer,  étant  mort  subitement,  sa 

femme  Marguerite  fut  accusée  de  lavoir  fait  empoisonner  :  son 
complice  fut  arrêté  par  les  Birkibeinetdut  se  soumettre  à  Tépreuve 
à  laquelle  il  se  prépara  par  le  jeûne.  11  porta  courageusement  le  fer 
brûlant,  mais  celui-ci  ayant  laissé  des  traces  de  brûlures,  l'accusé 
fut  emmené  hors  du  golfe  de  Bergen  et  noyé  *. 

Cette  épreuve  est  encore  mentionnée  comme  ayant  été  subie  à 
Bergen,  par  Erling  Steinweg,  en  présence  de  l'évéque  Nicolas  et  du 
roi  Valdemar  *. 

o)  Bénédiction  du  fer  rouge 

Un  texte  du  X*  siècle  nous  a  conservé  la  formule  employée  pour 
bénir  le  fer  rouge  qui  devait  être  employé  dans  Tordalie. 

I.  Dieu  tout  puissant,  Dieu  d'Abraham,  Dieu  d'Isaac,  Dieu  de  Jacob, 
Dieu  de  tous  ceux  qui  vivent  honnêtement,  Dieu,  origine  et 
manifestation  de  toute  justice,  qui  es  seul  juge  juste,  fort  et  patient, 
daigne  nous  écouter,  nous,  tes  serviteurs,  qui  te  prions  de  bénir  ce 
fer.  Nous  le  demandons.  Seigneur,  juge  universel,  que  tu  daignes 
envoyer  ta  sainte  et  vraie  bénédiction  sur  ce  fer  :  qu'il  soit  froid  pour 
ceux  qui  le  porteront  et  auront  le  bon  droit  de  leur  côté,  croyant  en 
ta  justice  et  en  ta  force:  qu'il  soit  brûlant  pour  le  méchant  qui 
commet  le  mal,  croyant  en  son  injustice  et  dans  l'injuste  pompe  du 

1.  Suite,  voir  t.  X,  p.  24. 

2.  Geyer.  Histoire  de  Suède,  tr.  Luodblad.  Paris,  1839,  ia-8,  p.  114. 

3.  Geyer,  op,  laud.,  chap.  VII,  p.  117,  note  2. 

4.  Historiée  regum  Hakonis^  Soerreris  filii^  Gullormi  Sigurdi  filii,  etc.  éd. 
Sveinbjôrn  Egilpson,  t.  IX  des  Scripta  historica  Islandorum,  Copenhague,  1840, 
in-8  ch.  m,  p.  4  ;  Historia  Guitormi  Sigurdi  filii,  p.  70. 

5.  Historia  regum  Hakonis,  ch.  IV,  p.  5.  Historia  Guttormi  Sigurdi  filii^  p.  69. 


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REVUE  DES  TRADITIONS    POPULAIRES  17 

diable.  Seigneur,  change  Tincrédulité  des  méchants  par  ta  vertu  et 
ta  bénédiction^  par  rinvocation  de  la  sainte  Trinité,  le  Père,  le  Fils 
et  le  Saint-Esprit;  envoie  dans  ce  fer  la  force  de  ta  vertu  et  de  ta 
vérité,  pour  que  toujours  la  justice  très  exacte,  qui  est  connue  de  toi 
seul,  éclate  en  lui  de  la  manière  la  plus  évidente,  par  ta  miséricorde 
et  ta  vérité  aux  yeux  de  tes  Mdèles,  pour  Tamendement  des  pécheurs, 
quelque  soit  Tobjet  du  débat.  Que  la  puissance  du  démon  n'ait 
aucun  pouvoir  pour  cacher  ou  altérer  la  vérité,  mais  que  ce  soit 
pour  tes  serviteurs  une  raison  de  croire  à  ta  di\ine  majesté  et 
d'affirmer  ta  miséricorde  très  manifeste  et  ta  vérité  très  exacte. 

II.  Dieu,  juste  juge  qui  es  auteur  de  la  paix,  qui  juges  Téquité,  nous 
te  supplions  de  daigner  bénir  et  sanctifier  ce  fer  destiné  à  un  juste 
examen  d'un  dpute,  de  telle  façon  que  si  l'innocent  de  Taccusation 
dont  il  a  à  se  purger,  prenne  dans  sa  main  ou  touche  du  pied  ce  fer 
brûlant,  il  apparaisse  sans  brûlure,  et  s'il  est  coupable,  que  ta 
puissance  très  juste  se  montre  ici  :  qu  en  cela  la  vérité  soit  déclarée, 
de  façon  que  l'iniquité  ne  domine  pas  la  justice,  mais  que  la 
fausseté  soit  soumise  à  la  vérité,  que  la  bénédiction  de  Dieu  le  Père, 
le  Fils  et  le  Saint-Esprit  descende  sur  ce  fer  pour  distinguer  le 
véritable  jugement  de  Dieu  *. 

p)  Dans  les  légendes  bretonnes 

Le  roi  Marc  ayant  des  soupçons  sur  la  vertu  de  sa  femme  Iseult, 
se  décide,  sur  le  conseil  de  l'archevêque,  à  la  conduire  à  la  pierre 
vermeille,  dans  l'île  de  Malufer.  La  reine  doit  toucher  cette  pierre, 
puis  prendre  un  fer  rouge  :  si  elle  n'éprouve  pas  de  dommage,  c'est 
qu'elle  est  innocente.  Toutefois,  à  deux  reprises,  Tristan  réussit  à 
conjurer  par  avance  le  danger  de  l'épreuve  qui  devait  tourner  à  la 
confusion  d'Iseult*. 

II 

PAR  l'eau  bouillante 

i)  France 

Deux  des  plus  anciennes  épreuves  par  Teau  bouillante  sont  celles 
que  mentionne  un  manuscrit   de   la  Bibliothèque  Nationaler^.   La 

\.  Monumenta  lUurgica  apud  Wigne,  Patrologia  latina,  t.  CXXXVIII.  Paris, 
1880,  gr.  in-S,  col.  1135-1136. 

2.  La  Tavola  Rilonda,  éd.  F.  H,  Polidori.  Bologne,  18641866,  2  v.  in-8,  t.  I, 
p.  237. 

3.  P.  Pari».  Les  Manuscrits  français  de  la  Bibliothèque  du  Roi,  t.  Il,  no  68,  54. 
Paris,  1838,  in-8,  p.  178. 

TOMl  XI.  —  JANVIER   1896,  2 


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18  REVUE  DES  TRADITIONS   POPULAIRES 

première  fut  pratiquée  en  1066  sur  la  personne  d'un  serviteur  de 
Tabbaye  de  Saint-Florent,  près  de  Saumur  ;  la  seconde,  en  1096  sur  la 
personne  de  Hernaud,  sujet  de  plusieurs  seigneurs  qui  prétendaient 
à  la  propriété  de  quelques  vignes  dépendant  de  Tabbaye  de  Notre- 
Dame  d'Angers. 

j)  BÉNÉDICTION  DE  l'eAU  BOUILLANTE 

I.  —  Dieu,  juste  juge,  fort  et  patient,  qui  es  l'auteur  de  la  paix  et 
juges  l'équité,  juge  ce  qui  est  juste,  Seigneur,  ton  jugement  est  droit  : 
tu  regardes  sur  la  terre  et  tu  la  fais  trembler.  Dieu  tout  puissant, 
qui  as  sauvé  le  monde  par  l'arrivée  de  ton  Fils  N.-S.  Jésus-Christ,  et 
qui  as  racheté  le  genre  humain  par  sa  très  sainte  Passion,  sanctifie 
cette  eau  bouillante,  toi  qui  as  sauvé  les  trois  enfaivts  Sydrac,  Mysac 
et  Abdénago  que  le  roi  Nabuchodonosor  avait  fait  placer  dans  une 
fournaise  embrasée,  et  qui  les  en  a  tirés  par  ton  ange.  Maître  très 
clément,  que  si  des  innocents  de  ce  vol  ou  de  cette  faute  mettent  leur 
main  dans  cette  eau  bouillante,  de  même  que  tu  as  tiré  de  la  four- 
naise les  trois  enfants  susnommés  et  que  tu  as  délivré  Suzanne  d'une 
accusation  calomnieuse,  fais  qu'ils  s'en  tirent  sains  et  saufs,  et  sans 
avoir  souffert  de  l'eau  bouillante.  Si  au  contraire  un  coupable,  poussé 
par  le  diable  ose  d'un  cœur  endurci  mettre  sa  main  dans  cette  eau 
bouillante,  que  ta  très  juste  vérité  le  fasse  connaître,  manifeste-la 
sur  son  corps  pour  que  son  âme  soit  sauvée  par  la  pénitence.  Si  le 
coupable  veut  cacher  ses  péchés  à  l'aide  de  quelques  maléfices  ou 
de  quelques  herbes,  que  ta  main  daigne  faire  disparaître  tout  cela. 
Par  Notre-Seigneur  Jésus-Christ,  ton  fils,  etc. 

II.  —  Je  te  bénis,  eau  bouillante,  au  nom  du  Père,  du  Fils  et  du 
Saint-Esprit  de  qui  procèdent  toutes  choses,  je  t'adjure,  par  celui 
qui  t'a  recommandé  d'arroser  toute  la  terre  par  quatre  fleuves,  qui 
t'a  fait  sortir  de  la  pierre  et  t'a  changée  en  vin,  que  ni  les  embûches 
du  diable,  ni  la  malice  de  l'homme  ne  puissent  t'écarter  de  la  vérité 
du  jugement;  punis  le  Coupable,  purifie  Tinnocent.  Par  celui  à  qui 
rien  de  caché  n'échappe,  qui  t'a  envoyée  par  le  déluge  sur  tout  le 
globe  pour  détruire  les  pécheurs  et  qui  viendra  juger  par  le  feu  les 
vivants  et  les  morts  et  le  siècle. 

III.  —  Dieu  tout  puissant,  nous  te  supplions  pour  l'examen  de 
.cette  affaire,  que  l'iniquité  ne  domine  pas  la  justice,  mais  que  la 
fausseté  soit  vaincue  par  la  vérité  :  Si  quelqu'un  par  quelque  maléfice 
ou  par  des  herbes  veut  cacher  ou  empocher  cette  épreuve,  daigne, 
ô  juge  très  juste,  le  faire  échouer  par  ta  Sainte  droite. 


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REVUE   DES    TRADITIONS    POPULAIRES  i9 

IV.  —  Dieu  éternel,  tout  puissant,  juge  universellement  juste,  qui 
distingues  tes  jugements  par  une  disposition  immuable.  Dieu  clément, 
fais  connaître  à  l'invocation  de  ton  Saint  nom,  par  ta  très  juste 
décision  ce- que  les  fidèles  implorent  de  toi  *. 


III  X 

PAR  LE  POISON 

ao)  Harar 

Chez  les  Oromos  ou  Gallas  établis  dans  le  Harar,  la  preuve  par  le 
poison  (Hadda)  existe  encore  :  les  prêtres  préparent  une  coupe  qu'ils 
font  boire  à  Taccusé  :  mais  cette  coutume  tend  à  disparaître,  car  on 
la  considère  de  plus  en  plus  comme  une  imposture  des  prêtres  ^. 


PAR  LE  FEU 

p]  Hesse 

Une  tradition  encore  vivante  dans  la  Hesse,  raconte  que  le  comte 
Ricperl,  ancien  compagnon  d'armes  de  l'empereur  OLhon  dans  la 
guerre  contre  les  Hongrois,  soupçonnant  sa  femme  Halmburg  d'avoir 
voulu  Tempoisonner,  l'obligea  de  prouver  son  innocence  par  l'ordalie 
du  feu.  La  comtesse  sortit  victorieuse  de  cette  épreuve  ;  néanmoins 
son  mari  voulut  la  faire  périr  ;  elle  échappa  par  miracle  et  finit  ses 
jours  dans  le  couvent  de  S'-Jean  bâti  par  elle,  à  l'endroit  où  elle 
avait  été  pour  la  seconde  fois  sauvée  de  la  mort  '. 

René  Basset. 

1.  Monumenta  liturgica,  coi.  1136-1137. 

2.  Prœtorius,  Harar^  Leipzig,  1888,  in-8,  p.  285. 

3.  Lyncker,  Deutsche    Sagen  und  Sillen  in  hessischen   Gauen,  Casse!,    1854, 
iQ-12  §  271,  p.  194-196. 


«sS— 


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20  REYCE  DES  TBADITIONS  POPULAIRES 


COUTUMES,  CROYANCES  ET  SUPERSTITIONS  DE  NOEL^ 


XII 

EN  Auxois  (suite) 

'usage  de  chanter  les  Noëls  avec  accompagnement  d'un  ins- 
trument de  musique  s'est  continué  jusqu'à  nos  jours  à  Semur 
en  Auxois.  Il  y  a  seulement  quatre  à  cinq  ans  qu'il  a  dis- 
paru. Le  père  Gally  Borgne  avec  son  violon,  et  accompagné 
de  sa  femme  ou  de  ses  enfants,  parcourait  chaque  veillée 
des  dimanches  de  TAvent  à  la  Semaine  Sainte  les  rues  de  la  ville  de 
Semur.  La  femme  chantait  de  vieux  Noëls  du  genre  de  ceux  de  la 
Grande  bible  renouvelée  des  Noëls  nouveaux  de  Garnier  de  Troyes,  mais 
qui  a  eu  un  imitateur  à  Arnay-le-Duc,  (Côte-d'Or),  qui  imprimait  éga- 
lement ces  petits  recueils.  Le  mari  accompagnait  sur  son  violon  ;  ils 
faisaient  une  pause  et  un  petit  arrêt  avec  ritournelles  devant  les 
niches  et  statues  des  saints,  fréquentes  dans  la  ville,  ainsi  que  chez  les 
patrons  des  confréries  chez  lequel  le  saint  était  déposé  chaque  année, 
et  oîi,  à  l'anniversaire,  une  procession  partant  de  l'église  Notre-Dame 
venait  le  chercher  pour  le  remettre  à  un  autre.  C'était  bien  un  hon- 
neur, mais  qui  se  payait  par  les  frais  de  la  messe  et  du  pain  bénit. 
C'était  une  source  de  profils  pour  ce  brave  homme,  lui  donnant  droit 
à  faire  une  quête  d'étrennes  ;  aussi  on  lui  donnait  des  pièces  de 
monnaie  et  divers  objets  en  nature;  avec  le  produit  il  achetait  un 
porc  pour  nourrir  sa  famille  et  appelait  très  naïvement  cette  quête  ; 
faire  son  cochon.  Lorsqu'on  entendait  le  violon,  les  habitants  disaient 
ce  sont  les  aivan  qui  passent. 

La  bûche  de  Noël  s'appelle  eune  seuche  :  sûche  tronc  d* arbre  ;  plus 
elle  était  grosse,  plus  elle  était  prisée  ;  c'était  une  grosse  affaire  pour 
la  faire  pénétrer  dans  la  maison  et  la  placer  sous  la  vaste  cheminée  ; 
on  avait  recours  quelquefois  à  un  cheval  et  elle  restait  enflammée  plu- 
sieurs jours.  Les  charbons  en  étaient  recueillis  et  mis  sur  les  greniers 
pour  faire  partir  les  rats  et  les  souris  et  c'était  aussi  un  préservatif 
contre  le  tonnerre.  L'aïeul  frappait  la  sûche  avec  une  pelle  à  feu  et  en 
faisait  jaillir  de  nombreuses  étincelles,  en  disant  :  Bonne  année, 
bonnes  récoltes,  autant  de  gerbes  et  de  gerbillons  î 

l.  Cf.  les  tables  des  années  1887,  1888,  1889.  et  t.  VllI,  p.  611,  t.  IX,  p.  11, 
t.  X,  p.  656. 


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REVUE  DES  TBADlTIOiNS    POPULÂlRfiS  21 

Ayant  de  se  rendre  à  la  messe  à  minnit  les  familles  et  les  amis  se 
réunissaient  pour  passer  la  veillée,  les  vieux  vidaient  des  pots  de 
vin,  les  jeunes  chantaient  des  Noëls  et  se  livraient  à  divers  jeux  et 
pronostics.  Ils  allaient  cueillir  à  reculons  des  rameaux  et  branches 
de  buis  et  ils  devaient  revenir  dé  môme  à  la  maison  où  se  faisait 
l'assemblée.  Les  feuilles  en  étaient  cueillies^  et  on  les  plaçait  sur  le 
careau  chaufiTé  du  foyer  devant  la  souche,  une  à  une  ;  par  son  renfle- 
ment de  chaleur  si  la  feuille  tournait  vertigineusement  comme  une 
toupie  jusqu'à  ce  qu'elle  prît  feu,  c'était  d'un  bon  augure,  une 
réponse  oui  à  la  question  qu'on  lui  avait  posée  :  Marierai-je  cette 
année  ?  Verrons-nous  un  tel  qui  est  au  régiment,  un  tel  amènera -t-il 
un  bon  numéro?  etc.,  etc. 

Un  charbon  était  suspendu  par  un  fil  8U  plancher  et  le  charbon 
était  placé  à  hauteur  de  la  bouche.  En  face  du  charbon  bien  allumé 
se  plaçaient  face  à,  face  à,  un  mètre  de  distance  deux  gaillards  qui  ne 
devaient  pas  faire  un  mouvement,  mais  souffler  le  charbon,  et  si  l'un 
ne  souffle  pas  assez  fort  il  a  mille  peines  à  l'éviter  et  à  se  laisser 
brûler  la  figure  aux  grands  contentements  des  veilleurs.  Ils  y  a  sou- 
vent divers  couples  qui  s'exercent  à  ce  jeu  en  même  temps  et  placés 
sur  une  même  ligne. 

On  doit  au  retour  delà  messe  donner  à  manger  aux  vaches  ;  on 
prétend  que  cette  nuit  elles  parlent  et  se  détachent  tout.es  seules  de 
leurs  liens.  On  ne  doit  pas  aussi  depuis  le  jour  de  Noël  leur  ôter 
leur  fumier,  car  tout  le  bétail  deviendrait  boiteux  dans  Tannée. 

HlPPOLYTE  MaRLOT 

XV 

ENFANTS  NÉS  LA  VEILLE  DE  NOËL 

C'était  anciennement  l'usage  en  Flandre,  de  donner  le  nom  d'Adam 
et  d'Eve  aux  enfants,  filles  ou  garçons,  nés  la  veille  de  Noël. 

On  eût  cru  leur  porter  malheur  en  ne  se  conformant  pas  à  cette 
coutume,  basée  sur  une  croyance  de  rachat  dans  les  24  heures. 

Les  calendriers  belges  indiquent  le  24  décembre  comme  fête 
d'Adam  et  Eve. 

Alfred  Harou. 

XVI 

les  soirées  de  chant  a  la  noel  et  a  la  nouvelle  année 

Les  rues  populaires  du  vieux  quartier  d'Outre-Meuse,  à  Liège, 
sont  curieuses  >  visiter  la  nuit  de  Noël  et  du  Nouvel  An,  tout  le 


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ââ  RËVCE  DES  TRADITIONS   POPULAIRES 

monde  est  en  fête  et,  à  cette  époque  de  l'année,  les  plus  pauvres 
ménages  se  régalent  de  bouquettes  (pâtisserie  confectionnée  avec  du 
blé  sarrasin),  de  viande  de  porc  ou  d'un  Japin  chez  les  plus 
opulents. 

Dans  la  plupart  des  cafés  sont  organisés  des  soirées  et  des  assauts 
de  chant. 

On  compte  dans  le  quartier  d'Outre-Meuse  une  quarantaine  de 
cafés  chantants,  où  les  amateurs  vont  exhiber  leurs  talents  et  les 
richesses  de  leur  gosier.  Certains  de  ces  cafés-concerts  pour  ama- 
teurs réunissent  jusqu'à  trente  chanteurs,  principalement  là  ou  se 
donnent  des  assauts  de  chant;  toutes  les  professions  sont  représen- 
tées parmi  les  exécutants:  cigariers,  armuriers,  tourneurs,  tisserands, 
peintres  en  bâtiments,  militaires,  etc. 

Une  mode  originale  existe  dans  la  plupart  de  ces  soirées  de  chant. 
Jadis,  on  donnait  au  meilleur  chanteur  un  bouquet  ou  une  caisse  de 
cigares,  mais  on  ne  parvenait  pas  toujours  à  mettre  tout  le  monde 
d*accord  et  cela  amenait  des  discussion's  sans  fin  ;  aujourd'hui,  depuis 
une  couple  d'années  surtout,  les  chanteurs  sont  invités  par  le 
propriétaire  du  café  à  un  régal  appelé  souper  à  la  fourchette  d' Adam 
ou  souper  sans  fourchette.  Voici  en  quoi  consiste  ce  régal.  A  la  fin  de 
la  soirée,  le  maître  du  café  fait  passer  sur  d'énormes  plats  des 
pommes  de  terre  en  robe  de  chambre  (crompires  Bolowes)  et  du 
foie  découpé  par  tranches,  que  les  chanteurs  appellent  par  dérision 
«  dé  jambon  sins  ohais  »  (du  jambon  sans  os). 

Alfred  Harou. 


XVII 

EN  DAUPflINÉ 

Jadis,  au  commencement  du  XIX*  siècle,on  donnait  aux  domes- 
tiques, le  jour  de  Noël,  un  pain  rond  ou  une  couronne  de  pain  fait 
avec  de  la  farine  sassée.  Cet  usage  s'est  perdu. 

Les  boulangers  continuent  à  faire  de  petits  pains  ronds  gros  comme 
le  poing,  appelés  poignes  de  Noël. 

On  faisait  deux  fournées  de  pain  avant  la  Noël.  C'était  le  pain  fait 
avec  la  mouture  des  Chalendes.  On  tue  le  porc  gras  pour  les  cha- 
lendes. 

Pour  la  veillée  de  la  messe  de  minuit,  on  brûle  la  bûche  de  Noël. 
C'est  un  tronc  d'arbre.  Si  la  bûche  est  grosse,  c'est  la  Groba  (patois 
d'Eclose)  si  cette  bûche  est  petite,  c'est  un  grobon,  (patois  d'Éclose). 
A  défaut  de  tronc  d'arbre,  on  brûle  une  mère-souche  de  haie  appelée 


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REVUE   DES  TRADITIONS  POPULAIRES  23 

roilli.  Si  la  souche  est  petite  c'est  un  roillon.  (Rouille,  désigne  une 
souche  de  haie  vivç). 

Si  on  ^n'avait  rien  de  neuf,  en  vôtements  ou  en  toilette,  k  Noél,  on 
pétait  à  la  messe  de  minuit.  On  ne  devait  pas  manger  de  pommes  le 
jour  de  Noël,  autrement  on  avait  des  furoncles  dans  Tannée. 

La  fougère  fleurit  pendant  la  messe  de  minuit. 

Les  meuniers  donnaient  le  pain  hénit  à  la  messe  de  minuit. 

Le  pain  bénit  à  la  messe  de  minuit  doit  être  gardé  toute  Tannée. 

Les  bœufs  se  mettent  à  genoux  pendant  la  messe  de  minuit  au 
moment  de  l'élévation. 

Si  le  vent  gagne  à  la  messe  de  minuit^  il  fera  un  hiver  mouillé,  la 
saison  sera  mauvaise. 

Si  le  vent  tenait  à  la  messe  de  minuit,  on  ne  réveillonnait  pas. 

S*)l  tonnne  à  la  messe  de  minuit,  on  moissonne  à  la  Saint-Jean 
(24  juin). 

Si  on  se  soleille  à  Noël,  on  se  chauffe  à  Pâques. 

Il  vaut  mieux  entendre  le  loup  hurler  que  de  voir  le  bœuf  pâtu- 
rer, ou  labourer  à  la  Noël. 

Auguste  Ferrand. 


CROYANCES  ET  SUPERSTITIONS  DU  JOUR  DE  L'AN 


XIII 

DAUPHINÉ 

Se  lever  matin  le  jour  de  Tan  porte  bonheur  pour  Tannée. 
Les  enfants  allaient  de  porte  en  porte  souhaiter  la  bonne  année, 
et  répétaient  Tunique  souhait  rustique  : 

Bonjo!  la  bon'  ânné! 
Le  z'elreinne  apré! 

Bonjour I  la  bonne  année! 
Les  étrennes  après. 

Ces  souhaits  ont  disparu  et  sont  remplacés  par  des  lettres  du  jour  de 
Tan,  aussi  intéressées  et  plus  fades. 

Le  premier  qui  allait  à  Teau  à  la  fontaine  y  déposait  une  étrenne 
qai  consistait  en  fruits  :  noisettes,  pommes  noix. 

L^année  bissextile  est  une  mauvaise  année. 


l.'cf.  t.  II,  p.  363;  t.  III,  p.  8;  t.  IX,  p.  35;  t.  IX,  p. 


Auguste  Ferrand. 

p.  120. 


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24  REVDE   DES  TRADITIONS   POPULAIRES 


MIEITES  DE  FOLK-LORE  PARISIEN 


m 


XXIV 

SUPERSTITIONS  PARISIENNES 

^^K,  ES  la  fondation  de  la  Revue,  nous  avons  essayé  d'attirer 
Wi^  l'attention  de  nos  lecteurs  sur  les  traditions,  les  superstitions 
et  les  coutumes  parisiennes;  c'est  dans  ce  but  que  nous 
avions  ouvert  la  rubrique  Miettes  de  Folk-Lore  parisien,  Flu- 
^0  sieurs  de  nos  collègues  nous  ont  envoyé  d'intéressantes 
communications,  en  moins  grand  nombre  toutefois  que  nous  ne  l'au- 
rions espéré.  Nous  pensons  en  effet  que  malgré  l'envahissement  de 
Paris  par  la  province,  il  subsiste  encore,  dans  les  quartiers  qui  n'ont 
pas  été  atteints  par  les  grandes  opérations  de  voirie,  des  coutumes 
et  des  superstitions,  peut-être  même  des  légendes  qui  mériteraient 
d'être  relevées.  Parmi  ces  quartiers  on  peut  citer  le«  Marais,  l'Ile 
Saint-Louis,  les  anciennes  rues  de  la  Cité  dans  le  voisinage  de 
Notre-Dame,  et  la  plus  grande  partie  de  la  montagne  Sainte-Gene- 
viève, et  ce  ne  sont  pas  les  seuls  dans  lesquels  il  y  aurait  k  gla- 
ner. Nous  signalons  cette  étude  à  ceux  de  nos  collègues  qui  sont 
nés  à  Paris,  surtout  à  ceux  dont  la  famille  y  habile  depuis  plu- 
sieurs générations.  Ils  pourront  se  rappeler  ce  qu'ils  ont  vu  autour 
d'eux  dans  les  différentes  circonstances  de  la  vie,  les  contes,  les 
chansonnettes  et  les  formuleltesque  leur  racontaient  leurs  parents, 
si  ceux-ci  étaient  de  Paris  ;  les  jeux  qui  étaient  en  usage  dans  les 
collèges  et  dans  les  jardins  publics. 

Voici  quelques  superstitions  que  je  relève  dans  le  Nouveau  tableau 
de  Paris  (1835)  t.  VIL  p.  46,  et  que  l'auteur  semble  indiquer  comme 
étant  courantes  à  cette  époque.  Il  est  vraisemblable  qu'elles  n'ont 
pas  disparu,  et  qu'il  y  en  a  bien  d'autres  qu'on  pourrait  relever. 

—  Si  deux  hommes  prononcent  ensemble  le  môme  mot,  la  première 
personne  venue  ne  devra  point  avoir  confiance  en  la  tîdélité  de  sa 
femme. 

—  Un  tison  roulant  du  foyer  dans  la  chambre  annonce  une  visite. 

—  Trois  seules  gouttes  de  sang  tombant  d'un  nez  qui  vous  est 
parent  présagent  la  mort  d'un  individu  quelconque  de  votre  famille. 

—  La  bouteille  vidée  par  un  garçon  ou  par  une  demoiselle  leur 


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REVOE  DES   TRADITIONS    POPULAIRES  25 

est  à  chacun  séparément,  le  signe  infaillible  d'un  très  prochain  ma- 
riage ; 

—  Se  rogner  les  ongles  les  jours  de  la  semaine  qui  ont  un  r  fait 
pousser  des  envies. 

—  Le  secret  des  amours  est  dans  le  bruit  sonore  ou  plat  produit 
par  la  feuille  d'une  rose  arrondie  entre  le  pouce  et  l'index  ; 

—  Rencontrer  trois  bossus  présage  de  la  pluie. 


XXV 

4EUX   AU   COMMENCEMENT  DU   RÈGNE    DE    LOUlS-PfllLlPPE 

Voici  le  jeu  du  rat  qui  enseigne  la  cruauté  :  figurez-vous  un 
pauvre  animal  fixé  sur  une  planchette  adossée  à,  un  mur,  étendu 
comme  saint  Sébastien,  et  servant  de  point  de  mire  à  tous  ceux  qui 
veulent  s'exercer  à  la  cible;  après  mainte  et  mainte  blessure,  il 
reçoit  enfin  le  coup  de  la  mort  que  lui  décoche  le  tireur  le  plus 
adroit  et  les  amateurs  d'applaudir.  Les  chats  sont  moins  cruels  avec 
les  rats. 

Passant  dans  la  ruelle  qui  conduit  du  Montparnasse  à  la  Chaussée 
du  Maine,  j'entendis  ces  cris  prononcés  d'une  voix  aigre  :  «  Cassez, 
cassez  les  carreaux....  cassez,  cassez  !  Je  m'arrête  et  je  vois  un  petit 
édifice  en  bois  percé  de  plusieurs  fenêtres  rondes  ;  une  vieille  femme 
m'engage,  toujours  pour  un  sou,  à  casser  les  carreaux  et  toujours 
dans  la  chance  de  gagner  une  douzaine  de  macarons.  J'appris  que 
ce  beau  jeu  avait  été  inventé  en  commémoration  des  journées  de 
juillet;  ainsi  les  enfants  pourront  se  faire  la  main  de  bonne  heure 
pour  briser  les  vitres.  {Le  livre  des  Cent-ei-Un.  III.  220.) 

Paul  Sébillot 


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26  REVUE  DES  TKADITIONS  POPULAIRES 


ÊTRES  FANTASTIQUES  ET  CHANSONS  POUR  ENDORMIR 
LES  ENFANTS  ARABES  ET  BERBÈRES 


ANS  la  région  de   Drâ~el-mizane,   département  d'Alger,   les 

mères  indigènes,  afin  d'obliger  leurs  enfants  à  s'endormir,  les 

menacent  de  Beauprêtre. 
Beauprêtre  était  un  vaillant  colonel  de  Tarmée  d'Afrique, 

qui,»lors  de  la  conquête  de  l'Algérie,  se  fit  remarquer  par  son 
courage,  son  énergie.  Lorsqu'il  était  capitaine  chargé  de  l'annexe  de 
Drà-el-mizane,la  région  était  le  foyer  de  nombreuses  séditions  contre 
la  domination  française,  les  tribus  berbères  et  arabes  ne  cessaient  de 
harceler  nos  troupes.  Beauprêtre  par  son  activité,  sa  bravoure,  sa 
juste  sévérité  réussit  à  pacifier  complètement  le  pays  et  acquit  auprès 
des  populations  indigènes  un  renom  d'intrépidité  qui  est  loin  de 
s'effacer  de  leur  esprit.  Malgré  que  Beauprêtre  soit  mort  depuis  déjà 
longtemps,  son  souvenir  est  encore  si  vivace  parmi  les  gens  de  la 
contrée  de  Drà-el-mizane,  que  son  nom  sert  encore  à  calmer  les 
petits  braillards  indigènes  que  leurs  mères  veulent  endormir. 

Dans  la  région  de  Guelma,  département  de  Constantine,  les  êtres 
fantastiques  suivants  servent  aux  mères  de  familles  arabes  pour 
jeter  l'effroi  et  ramener  le  calme  chez  leurs  enfants  : 

El  ghoul  L'ogre  ; 

El  ousif  bou  saadia  le  nègre  (déguisé)  ; 

Bou  chekara  l'homme  au  sac  ; 

El  ezghough  le  revenant  ; 

Er  rohbane  Termite  ; 

El  bouloulou  le  croquemitaine  ; 

Bou  kerche  l'homme  ventru. 

Comme  on  le  voit  les  sujets  d'effroi  en  usage  chez  les  arabes  se 
rapprochent  sensiblement  de  ceux  dont  se  servent  nos  excellentes 
mères.  S'il  pouvait  en  être  ainsi  pour  tout  ! 

Les  mamans  arabes  ont  aussi  des  chansons  qui  servent  à  endor» 


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REVUE  DBS   TRADITIONS  POPULAIRES 


27 


mir  leur  enfants.  Voici  une  berceuse  arabe  bien  connue  dans  le  dé- 
partement de  Constantine  : 


Bari  ia  Bari 
la  menaas  ed  drari 
Naas  li  oulidi 
Rebi  ia  el  ali 

Daïmene  nekhememe  ala  oulidi 
El  aziz  ali  a 
Aïchou  li  ia  rebbi 
Bach  ckhedem  alla 

Maïbkicbeazizi 
La  ighïer  hall 
Sektou  ia  Rebbi 
Enta  houa  el  ali 

Abeni  ad  ihabou 
Hâta  el  bab  dar 
Kif  ad  ibki 
Djabouli  el  djar 

Oulidi  ad  idjri 
Fi  ouest  drari 
Nethlob  men  el  bari 
idjàlou  li  gbali 

Oulidi  and  el  bab 
Ilàb  mâa  sahabou 
Ou  i]a  djed  noum 
Irequed  ild  hadjir  oumou. 

la  taleb  *  hafedhii  béni 
Bach  ikherodjli  radjel 
Ou  ila  mehafedhtou  chi 
Tesethal  khebta  bel  mendjel. 


Dieu,  6  mon  Dieu! 

0  celui  qui  endort  les  enfants, 

Fais  dormir  mon  fils, 

0  Dieu  le  Très-Haut  I 

Je  songe  toujours  à  mon  fils, 
Mon  bien  aimé, 

Conserve  lui  la  vie,  ô  mon  Dieu  ! 
Pour  qu'il  travaille  pour  moi. 

Il  ne  pleure  pas,  mon  chéri, 
Car  j'aurais  du  chagrin; 
Fais  le  taire,  ô  mon  Dieu  ! 
Toi  qui  es  le  Très-Haut  I 

Mon  fils  commence  à  se  traîner 
Jusqu'à  la  porte  de  la  maison^ 
Quand  il  se  met  à  crier. 
Le  voisin  me  Tamène. 

Mon  fils  commence  à  courir. 
Au  milieu  des  enfants, 
Je  demanderai  à  Dieu 
De  me  le  conserver  avec  soin. 

Mon  fils  est  devant  la  porte 
S'amusant  avec  ses  camarades. 
Si  le  sommeil  le  prend. 
Il  dormira  sur  les  genoux  de  sa 

[mère 

0  lettré,  instruis  mon  fils 
Pour  qu'il  devienne  un  homme. 
Et  si  tu  ne  l'instruis  pas, 
Tu  mériteras  un  coup  de  faucille. 

A.  Robert. 


\.  Taleb,  pluriel  tolba  lettré,  maître  d^école  savant,  étudiant. 


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28  REVUE   DES   TBADITIONS   POPULAIRES 


LE  TABAC  DANS  LES  TRADITIONS  POPULAIRES 


VIII  (Suite) 

LE  TABAC  EN  AMÉRIQUE  * 
§24 

^^i^  E  voyageur  italien  Benzoni  de  Milan,  qui  voyagea  en  Amé- 
Tfi^  rique  de  1541  à  1566  nous  a  donné  les  détails  suivants  sur 
^Ij^    remploi  du  tabac  par  les  naturels  d'Hispaniola  (Haïti)  *. 

Dans  cette  île,  comme  dans  d'autres  provinces  du  nouveau 
monde,  il  y  a  des  buissons  pas  très  grands,  comme  des  ro- 
seaux, qui  produisent  une  feuille  comme  celles  du  noyer,  quoiqu'un 
peu  plus  large.  Très  estimée  des  indigènes,  partout  où  Ton  en  use,  et 
très  prisée  par  les  esclaves  que  les  Espagnols  ont  amenés 
d'Ethiopie. 

Quand  ces  feuilles  sonl  dans  leur  saison,  les  indigènes  les  attachent 
en  faisceaux  et  les  suspendent  près  de  leurs  foyers  jusqu'à  ce  qu'elles 
soient  très  sèches.  Lorsqu'ils  veulent  s'en  servir,  ils  prennent  une 
feuille  de  leur  grain  (le  maïs),  y  font  entrer  une  des  autres  et  les 
roulent  ensemble  ;  ils  mettent  le  feu  à  une  extrémité  et  plaçant  l'autre 
dans  leurs  bouches,  ils  aspirent  leur  haleine  par  là,  de  façon  à  ce  que'* 
la  fumée  entre  dans  la  bouche,  la  gorge,  la  tête  ;  ils  la  retiennent  aussi 
longtemps  qu'ils  peuvent,  car  ils  y  trouvent  du  plaisir  et  ils  se  rem- 
plissent tellement  de  cette  fumée  atroce  qu'ils  en  perdent  la  raison. 
Il  y  en  a  qui  en  prennent  tant  qu'ils  tombent  à  terre  <;omme  s'ils 
étaient  morts  et  qu'ils  restent  étourdis  la  plus  grande  partie  du  jour 
et  de  la  nuit.  Quelques  uns  se  contentent  d'en  absorber  assez  pour 
causer  des  vertiges  et  pas  plus.  Voyez  quel  poison  dangereux  et 
mauvais  du  diable  cela  doit  être  1  II  m*est  arrivé  plusieurs  fois  quand 
je  traversais  les  provinces  de  Guatemala  et  de  Nicaragua,  d'entrer 
dans  la  maison  d'un  Indien  qui  avait  pris  de  cette  herbe,  qu'on 
appelle  tabacco  en  langue  du  mexique,  et  de  sentir  immédiatement 
l'odeur  pénétrante  et  infecte  de  cette  fumée  puante  et  vraiment 
diabolique  :  j'étais  obligé  de  m'en  aller  en  toute  hâte  et  de  chercher 
une  autre  place. 

1.  Suite.  Voir  t.  X  p.  620. 

2.  Girolaoïo  fienzoDi,  History  of  the  new  World,  trad.  aDgl.  par  Smith.  Lon- 
don,  1857,  iu-S,  t.  XXi  des  publications  de  la  Hakluyt  sociely,  p.  80-82. 


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REVUE    DBS  TRADITIONS    POPULAIRES  29 

La  fumée  du  lahiac  était  naturellement  employée  comme  remède. 
«  A  Tile  d'Hispaniola  et  dans  les  autres,  quand  leurs  docteurs  vou- 
laient guérir  un  malade,  ils  se  rendaient  là  ou  il  était  pour  lui  admi- 
nistrer la  fumée,  et  quand  elle  Vavait  complètement  intoxiqué,  la 
guérison  était  effectuée  en  grande  partie.  En  revenant  à  lui,  il  ra- 
contait mille  histoires,  qu'il  avait  assisté  à  l'assemblée  des  dieux  et 
d'autres  hautes  visions.  Alors  ils  tournaient  autour  du  malade,  trois 
ou  quatre  fois,  frottant  bien  son  dos  et  ses  reins  avec  leurs  mains, 
lui  faisant  beaucoup  de  grimaces  et  tenant  tout  le  temps  un  caillou 
ou  un  os  dans  leur  bouche  ». 


§25 

Antonio  de  Herrera  mentionne  aussi  remploi  de  la  fumée  de  tabac 
dans  la  thérapeutique  de  Haïti,  en  ajoutant  d'autres  détails  que 
ceux  donnés  par  Benzoni.  «  Lorsque  quelqu'vn  des  principaux 
esloit  malade,  on  le  portoit  au  Médecin,  lequel  estoit  obligé  de  faire 
diette  comme  le  malade,  et  se  purgeoit  aueque  (sic)  luy,  avec  vne 
certaine  herbe  qu'il  prenoit  par  les  narines,  îusques  à  ce  qu'il  deue- 
noit  imbriacle,  et  disoit  quantité  d'extrauagances.  Il  leur  faisoit 
entendre  qu'il  parloit  auec  les  Idoles,  et  alors  ils  s'oignoient  le  visa- 
ge auec  de  la  suiye,  et  lorsque  le  malade  se  purgeoit,  le  Médecin 
s'asseoit  auprès  de  luy,  obseruant  tous  le  silence  et  sans  voir  aucun 
iour  ny  clairté.  Il  faisoit  prendre  vne  certaine  boisson  au  malade 
pour  luy  faire  vomir  ce  qu'il  avoit  mangé  ;  puis  ils  allumoient  de  la 
chandelle,  et  le  Médecin  faisoit  deux  tours  autour  du  malade  et  le 
tiroient  par  les  jambes  et  s'en  alloit  à  la  porte  de  la  maison,  qu'il 
fermoit  et  disoit  :  Va  t'en  à  la  montagne,  ou  en  quelque  autre  lieu 
que  tu  voudras  ;  puis  il  soufTloit  et  ioignoit  les  mains  et  le  remUoit  ; 
et  luy  ayant  serré  la  bouche,  il  soutTloit  encore  les  mains,  et  suççoit 
le  col  du  malade,  l'estomac,  les  espaules  et  autres  endroits  *  ». 

Le  même  auteur  cite  la  première  fois  où  les  Espagnols  virent  du 
tabac,  lorsque,  en  1492,  après  avoir  quitté  Guanahani  (San  Salvador) 
et  se  dirigeant  sur  Cuba,  Christophe  Colomb  rencontra  un  Indien  en 
canot,  ayant  avec  lui  «  vn  morceau  d'vne  sorte  de  pain  qu'ils  man- 
gent, de  l'eau  dans  vne  calebace,  vn  peu  de  terre  noire  dont  ils 
se  peignent,  des  feuilles  sèches  d'vne  certaine  herbe  qu'ils  estiment 
beaucoup  pour  estre  saine  et  odorante  ^  ».  Les  Indiens  de  Cuba  avaient 

1.  A.  de  Herrera,  Histoire  générale  des  voyages  et  conauestes  des  Castillans, 
dans  les  Istes  et  Terre-Ferme  des  Indes  occidentales  traa.  de  M.  de  la  Goste. 
Première  décad.  Paris,  1660  iQ-4,  1.  llf,  ch.  IV  p.  182.  r 

2.  /6td.  T.  1,  ch.  Xni  p.  o6. 


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30  REVUE   DES    TBÂDITIONS    POPULAIRES 

d'ordinaire  «  vn  tison  à  la  main  pour  faire  du  feu,  pour  se  parfumer 
auec  certaines  herbes  qu*ils  portoient  *  ». 

IX 

LE  TABAC  DE  FRAUDE 

Dans  les  environs  dç  Saint>Malo  on  appelle  le  tabac  qui  est  con- 
sommé par  les  fumeurs  sans  passer  par  la  régie,  du  tabac  de  saute-' 
fossé.  On  voit  les  gens  dans  les  auberges  et  dans  les  maisons  le 
hacher  sur  une  sorte  de  planchette  qui  porte  le  nom  de  u  diable  ». 

P.-S. 


LA  DISCORDE  ET  LE  VEM^ 


m 

Dans  une  légende  d'Auvergne,  saint  Laurent  est  substitué  à  la 
Discorde.  Il  rencontra  un  jour  le  vent  et  tous  deux  firent  route  en- 
semble. Arrivés  à  la  montagne  qui  porte  aujourd'hui  le  nom  de 
Puy-Saint-Laurent,  au  nord  de  la  bourgade  de  Saînt-Mamet,  le  saint 
dit  à  son  compagnon  :  Ecoutez  :  j*ai  à  prier  dans  cet  oratoire,  veuil- 
lez m'attendre.  Il  entra  et  n'en  sortit  plus.  Depuis  ce  temps  Borée 
attend  toujours  à  la  porte,  et  de  là  vient  que  cet  endroit  est  conti- 
nuellement battu  par  des  rafales  de  vent  froid  '. 

René  Basset. 

1.  Ibid.  T.  I,  ch.  XIV  p.  62. 

2.  Suite,  voir  t.  X,  p.  450. 

3.  Cf.  F.  de  Lanoye,  Voyage  aux  volcans  de  la  France  centrale.  §  1.  Tour  du 
m<mde,  t.  XIII,  1866,  n»  318;  p.  66. 


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REVUE    DES   TRADITIONS  POPULAIRES 


31 


LES  SAINTS  MALTRAITÉS 


I 


ES  Petites  Sœurs  des  Pauvres  ont  une  dévotion  toute  parti- 
culière envers  saint  Joseph;  au  pays  de  Charleroi  chacune 
possède  de  ce  saint  une  statuette  en  bronze,  à  laquelle  elle 
adresse  ses  plus  ferventes  prières. 
Dans  la  chapelle  de  leur  couvent  à  Charleroi  se  trouve  une 
statue  de  saint  Joseph.  Lorsque  les  bonnes  sœurs  désirent  obtenir  un 
présent,  elles  attachent  au  cou  du  saint  un  exemplaire  de  ce  qu'elle 
désirent  :  si  elles  veulent  faire  bâtir,  elles  lui  attachent  le  plan  de  la 
bâtisse  désirée  ;  si  elles  désirent  des  vivres,  elles  lui  suspendent  une 
pomme  de  terre,  etc. 

Si  le  saint  reste  sourd  à  leur  prière,  elles  lui  retournent  la  figure 
du  c<)té  de  la  muraille. 

Cet  usage  s'est  transmis  dans  le  peuple  carolorégien.  Certaines 
jeunes  filles  qui  désirent  obtenir,  à  bref  délai,  un  bon  mari,  ou  qui 
désirent  être  aimées  d'un  jeune  homme  qui  ne  les  recherche  guère, 
vont  jusqu'à  enfermer  la  statuette  ou  Timage  du  saint  dans  leur 
table  de  nuit  —  s'il  ne  les  exauce  pas. 
(Charleroi  et  environs), 

0.  COLSON. 


II 


J'ai  entendu  dire  que  ce  même  usage  était  observé  en  Bretagne 
dans  un  établissement  du  même  ordre. 


P.  S. 


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32  REVUE    DES   TRADITIONS    POPl'LAIRES 


ROUPIOUPIOU 


VIEILLE   PAYSANNERIE  BOULONNAISE 

Ch'ëtait  la  fét*  ed  no  village 
Qu'  j'étioin'  content  {bis). 
J'étais  d  la  Qeur  de  mon  Age 

A  quator'ans. 

Rou  piou  piou  {bis) 

J'avious  une  belle  perruque 

En  piau  d'pourchiau  [bis] 

Je  rdemelais  lous  leg  dimanches 

Aveu  r  ratiau 

Rou  piou  piou 

J'avions  un  biau  capiau  de  paille 

Carré,  pointu  (bis) 

Qu  a  voit  coûté  chinquante  neuf  sous 

Moins  un  écu 

Rou  piou  piou  (6i^) 

J 'avions  une  belle  cravate 

Ed'  fin  can'vas  {bis) 

Je  rattachions  a  no  tourgoule 

Aveu  r  cad'nas 

Rou  piou  piou  {bis) 

J*avions  une  belle  culotte 

Trèuée  par  l'cul  (bis) 

Je  l'avions  trouvée  à  la  potence 

D'ein  pendu 

Rou  piou  piou  {bis) 

E.  T.  Hamy. 

Cette  chanson,  qui  a  sans  doute  d  autres  couplets  et  à  laquelle  on 
peut  d'ailleurs  en  ajouter  de  nouveaux  suivant  les  circonstances,  se 
chantait  encore  il  y  a  trente  et  quelques  années  dans  le  Boulonnais, 
où  M.  Hamy  l'a  transcrite  vers  1863, 


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REVUB.  DES  TRADITIONS  POPULAIRES  33 


LES  TRADITIONS  POPULAIRES  ET  LES  ECRIVAINS 
FRANÇAIS 


XXVII 

BRUEYS 


—  Tout  maître  de  cabaret  que  je  suis,  je  sçais  mon  pain  manger. 

Les  Quiproquos,  se.  4. 

—  Les  signes  ont  cela  d^excellent  ;  ils  sont  comme  les  cloches,  ils 
disent  tout  ce  qu*on  leur  fait  dire. 

Le  Muet,  I.  2. 

—  Brutal  comme  un  Corsaire  qu'il  est. 

Le  Muet,  I.  9. 

—  Je  viens,  comme  on  dit,  de  mettre  le  loup  avec  la  brebis. 

Le  Muet.  II.  9. 

—  Le  Baron,  Quelqu'un  aura  ensorcelé  mon  fils. 

Frontin.  Celte  vieille  juive  qui  passe  pour  sorcière,  vint  Tautre 
jour  au  logis  et  parla  longtemps  au  chevalier. 
Le  Baron.  Ah  !  la  maudite  femme. 

Le  Muet.  III.  8 

—  Pour  votre  propre  intérêt  seulement,  on  peut  vous  faire  voir 
que  Monsieur  vous  repaît  de  châteaux  en  Espagne. 

L'Important.  V.  5 

—  En  toutes  choses  je  crois  que  bien  ou  mal  il  faut  toujours  tenir 
le  grand  chemin  battu. 

Les  Empiriques.  I.  5 

—  Ce  monsieur  Guillaume  est  un  arabe,  qui  viendra  ici  faire  le 

diable  à  quatre. 

Patelin,  l.  9. 

—  M,  Patelin.  La  Cour  remarquera,  s'il  lui  plaît,  que  la  Piryque 

étoit  une  certaine  danse,  ta  rai,  la,  la,  la,  dansons  tous,  dansons 

tous,  ...  Ma  Commère  quand  je  danse. 

Patelin.  II.  3. 

TOMB  XI.  --  JANVIER  4896.  '^ 


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34  REVUE  DES  TRADITIONS  POPULAIRES 

—  Je  défie  le  diable  avec  ses  cornes  de  découvrir  la  supposition 

que  nous  avons  faite. 

La  force  du  sang,  ï.  1. 

—  Où  avez^vous  trouvé  que  votre  jocrisse  de  fils  puisse  se  marier 

à  une  autre. 

La  force  du  sang,  ill.  12." 

—  Le  monde  n'est  rempli  que  de  ces  preneurs  d'intérêt,  qui  dans 
le  fond  ne  se  soucient  non  plus  de  nous  que  de  Jean  de  Vert. 

Le  Grondeur.  I.  7. 

—  Il  me  souvient  d  avoir  entendu  dire  à  ce  vieux  roquentin. 

Le  Grondeur,  II.  45 

XXVIII 

CHAPELLE  ET  BACUAUMONT 

Sur  une  éclipse 


Pallas  dit  : 


Sache  que  ce  jour-là  mon  père 
Fit  à  déjeuner  si  grand*chëre 
Et  trouva  si  bon  le  nectar, 
Que  Morne,  le  Dieu  des  sornettes, 
Le  voyant  être  un  peu  gaillard 
Et  dans  ses  humeurs  de  goguettes 
Lui  proposa  que  les  planètes 
Jouassent  à  Colin -Mail  lard. 

—  A  Colin-Maillard,  dit  le  maître 
Du  char  biillant  et  lumineux. 
Si,  par  malheur,  je  lallois  être, 
Tous  les  hommes  sont  si  peureux 

Qu'ils  se  croiroient  morts  quand  mes  feux 

Commenceroient  à  disparoltre. 

Chacun  fermeroit  sa  fenèlre. 

Et  Morin,  le  plus  fort  d'entre  eux 

En  prédiroit  quelque  bicètre. 

—  Quoi  tu  veux  conclure  par  là 
Répond  le  grand  dieu  qui  foudroie 
Qu'un  fât  pourra  troubler  ma  joie  ? 
Que  m'importe  s'il  en  fera 

Des  contes  de  ma  mère  l'Oye. 

Je  jure  le  Styx,  dont  l'eau  tournoie 
Dans  le  pays  de  Tartara 
Qu'à  Colin-Maillard  on  jouera. 
Sus  qu'on  tire  au  sort  et  qu'on  voie 
Qui  de  vous  autres  le  sera.  » 


P.  S. 


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REVUE  DES  TRADITIONS  POPULAIRES 


33 


LES  VILLES  ENGLOUTIE^» 


CLXXIX 


l'église  de  gross-morin 


[Posnanie) 

uand  oq  suit  la  nouvelle  chaussée  de  Gross-Morin  à  AU 
Grabia  et  qu'on  a  dépassé  le  village  de  Morin,  on  voit  à 
gauche  un  étang  profond  entouré  de  collines  assez  élevées. 
Du  côté  nord,  on  trouve  un  fossé  immense.  La  légende 
raconte  qu'un  saint  homme  vint  un  jour  à  Morin,  fatigué  et 
couvert  de  poussière  et  qu'il  demanda  de  porte  en  porte  un  gîte, 
mais  partout  on  le  repoussa  avec  des  plaisanteries  et  des  railleries  ; 
11  dut  passer  la  nuit  à  la  belle  étoile.  Le  lendemain  était  un  diman- 
che. A  l'endroit  où  se  trouve  l'étang  s'élevait  une  hauteur  sur 
laquelle  était  bâtie  l'église.  Tous  les  gens  s'y  rendirent  le  matin  et 
le  saint  homme  fit  comme  eux,  mais  il  ne  put  trouver  de  place  et 
fut  encore  raillé  ;  même  un  garçon  impitoyable  lui  allongea  un  coup 
qui  le  laissa  à  moitié  mort.  Alors  il  leva  les  yeux  au  ciel,  maudit  la 
foule  cruelle  et  pria  Dieu  de  la  punir.  Il  fut  exaucé  :  à  midi,  le  sol 
s'ouvrit  et  la  colline  fut  engloutie  avec  l'église  et  tous  ceux  qui  s'y 
trouvaient.  Un  étang  se  forma  à  sa  place.  Les  gens  essayèrent  de  le 
mettre  à  sec  et  creusèrent  le  fossé  qu'on  voit  encore,  mais  il  en 
sortit  une  telle  quantité  d'eau  que  le  pays  fut  inondé.  En  même 
temps  un  jeune  homme  pâle  apparut  hors  des  flots  et  remit  une 
lettre  dont  le  contenu  était  qu'il  fallait  s'abstenir  de  détourner  l'eau 
de  Vétang.  Les  noyés  ne  pouvaient  être  délivrés  que  si  le  jour  de  la 
Saint-Jean,  à  midi,  un  jeune  homme  plongeaitdansTétang,  apportant 
les  os  de  ce  saint  et  allait  prier  à  Tautel  de  l'église  engloutie  pour 
obtenir  le  pardon  des  noyés.  Après  avoir  lu  cette  lettre,  on  chercha 
les  ossements  du  saint,  mais  on  ne  put  les  trouver.  Le  jour  de  la 
Saint-Jean,  quand  le  temps  est  clair,  on  peut  voir  l'église  au  Jond  de 
l'étang  et  entendre  les  cloches  sonner  ^. 


\,  Suite.  Voir  t.  X  p.  610. 

2.  KDOop,  Sagen  und  Erzahlungen  ausdet'  I*rovtnz  Posen.  Posen,  1893,  in-8  p.  31. 


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36  REVUE   DES  TRADITIONS     POPULAIRES 

CLXXX 

GOUBBAT   KHARAB 

(Abyssinie) 

Près  de  Tadjoura  est  une  sorte  de  golfe  appelé  Goubbat  Kharab. 
Diaprés  la  légende,  cet  endroit  aurait  été  autrefois  couvert  de  roches 
enflammées,  puis  tout  s*ablma  dans  la  mer  et  au  fond  des  eaux  :  là 
habitent  aujourd'hui  des  démons  qui  tirent  par  les  pieds  les  hommes 
qui  se  baignent  en  cet  endroit.  Ceux  qui  sont  ainsi  attirés  ne 
reparaissent  plus.  ^ 

CLXXXI 

LE  LAC  DE  LUTSCHMIN 

(Posnanie) 

Près  du  village  de  Lutschmin,  dans  le  cercle  de  Bromberg,  existe 
un  lac  qui  occupe  remplacement  d'une  ville,  engloutie  en  punition 
des  péchés  de  ses  habitants.  Un  jour  un  pêcheur  qui  y  jeta  une 
pierre^  Tentendit  heurter  contre  un  toit  et  couler.  Dans  les  temps 
d'orage,  des  charpentes  de  maison  sont  souvent  jetées  sur  le  bord. 
La  légende  ajoute  que  les  habitants  furent  changés  en  écrevisses 
aussi  n'ose-t-on  pas  pécher  de  ces  animaux.  Quand  leurs  péchés 
seront  expiés,  ils  reprendront  la  forme  humaine  et  la  ville  sortira 
de  Tabime. 

Avec  ce  lac  correspond,  sous  terre,  un  plus  petit  étang  situé  sur 
une  montagne  ronde^  près  de  là.  Un  château  y  serait  également 
englouti.  * 

CLXXXII 

LE  PFAFFENSEE 

(Posnanie) 

A  Gcross-Densen,  près  de  Filehue  vivait  autrefois  une  communauté 
anti-chrétienne  ;  même  le  pasteur  qui  devait  annoncer  aux  gens  la 

1.  L.  de  Salma.  Obock,  Paris,  1893,  in-16  p.  51. 

2.  Rnoop.  Sagen  und  Erzâhlungen  p.  39. 


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REVUE   DES  TRADITIONS   POPULAIRES  37 

parole  de  Dieu  et  les  ramener  dans  le  droit  chemin,  suivait  la  route 
du  mal  et  de  Timpiéié.  Mais  la  punition  divine  ne  tarda  pas.  Un 
jour  que  la  communauté  était  réunie  à  l'église  pour  s'acquitter  des 
devoirs  extérieurs  de  sa  religion,  l'édifice  s'abîma  tout-à-coup  en 
terre  avec  tous  les  gens.  Un  lac  couvrit  l'emplacement  où  s'était 
élevée  l'église  des  impies,  et  l'on  entend  encore  de  temps  à  autre  le 
son  des  cloches  tout  au  fond  du  Pfaffensee^ 


CLXXXIII 

LE  LAC  DE  GROSS-CHRZYPOKO 

{Posnanie) 

Au  milieu  du  lac  de  Gross-Chrzypoko^  se  trouve  un  tas  de  pierre 
qui  sort  de  Teau.  Là  aurait  été  jadis  une  église  qui  depuis  fut  abtmée. 
D'autres  racontent  qu'au  milieu  du  lac,  là  où  est  le  tas  de  pierres, 
s'élevait  une  ville,  il  y  a  longtemps.  Un  jour  une  femme  vint  au 
jour  du  marché  annuel  pour  y  vendre  un  porc.  Elle  trouva  bientôt 
un  acheteur,  maïs  il  trompa  la  femme.  Celle-ci  se  mit  en  colère  et 
dans  son  irritation  elle  s'écria  :  Puisse  toute  la  ville  périr  d'un  coup. 
Peu  après  elle  fut  effectivement  engloutie.  Tous  les  gens  prétendent 
avoir  entendu  les  cloches  sonner  au  fond  de  l'eau  '. 


CLXXXIV 

LE   CHATEAU  DE  KAMSVIKNO 

{Prusse) 

D'après  une  légende  mise  en  vers  par  Thiele,  il  existait  en 
Prusse,  sur  le  mont  Kamsvikno  un  château  qui  fut  englouti  com- 
plètement à  cause  des  crimes  de  son  seigneur  ;  outre  les  mauvais 
traitements  dont  il  accablait  ses  vassaux,  il  fit  emmurer  sa  femme 
vivante  '. 


1 .  Rnoop.  Sagen  und  Erzâhlungen  p.  39. 

2.  Knoop.  Sagen  und  Erzâhlungen  p.  40. 

3.  fiecker,  Bosse  et  Thiele,  Lillhauische  und  pretissiche  Volkssaqen,  Kœnîirs- 
berg,  1847,  in-16,  p.  1-3.  .  »  e 


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38  REVUE  DES  TRADITIONS  POPULAIRES 

CLXXXV 

SUBMERSION  DE    TROIE  . 

(Asie-Mineure) 

D'après  Démoclès,  cité  par  Strabon  *,  à  la  suite  de  terribles  trem- 
blements de  terre  en  Lydie,  en  lonie  et  en  Troade,  des  marécages 
furent  convertis  en  lacs  et  Troie  fut  couverte  par  les  vagues. 

CLXXXVI 

DESTRUCTION  DE  RAGAINE 

(Lithuanie) 

Une  tradition  prétend  que  le  château  de  Ragaine,  après  la  défaite 
de  ceux  qui  Thabitaient,  s'abima  dans  la  terre  avec  tout  ce  qu'il 
contenait;  quelquefois  les  spectres  reviennent  au  clair  de  la  lune*. 

CLXXXVll 

LE  LAC  DE  STECHLINSEE 

(Allemagne) 

Au  fond  du  lac  de  Stechlin,  dans  le  comté  de  Ruppin,  se  trouve- 
rait un  village  ou  une  ville  engloutie  dans  des  conditions  dont  la  tra- 
dition n'a  pas  conservé  le  souvenir.  Toutefois,  si  on  passe  par  une 
belle  après-midi  de  dimanche,  au-dessus  de  Tendroit  où  la  catastro- 
phe a  eu  lieu,  on  entend  nettement  le  son  des  cloches  venir  du  fond 
de  Teau  '. 

René  Basset. 

1.  Strabon,  Geographica,  éd.  Melneke,  Leipzig,  1866,  3  vol.  in-12.  L.  I,  ch.  III. 
§  17, 1. 1,  p.  76.  r 

2.  Becker,  Rosse  et  Thiele,  Lilthauische  und  preussische  Volk$sagen,  p.  76. 

3.  Haase,  Sagen  aus  der  Graffschaft  Ruppin  und  Umgegend,  1887,  iû-8,  §  42, 
p.  49. 


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RKVDE   DES  TRADITIONS  POPULAIRES  39 


LE  SURNATUREL  ET  LES  POUVOIRS  PUBLICS 


I 

MAISON  HANTÉE 

N  arrêt  du  parlement  de  Bordeaux  porte  résiliatioD  du  bail 
maison  hantée  par  les  lutins. 

;*agissait  d'un  locataire  qui  prétendait  que  la  maison 
^  qu*il  occupait  était  hantée  par  les  esprits,  et  qui  demandait 

CS    pour  cette  cause  à  résilier  son  bail  avec  son  propriétaire. 

Voici  textuellement  le  plaidoyer  du  propriétaire  que  M.  Carré  cite 
(p.  90),  indiquant  qu*il  Ta  extrait  d'un  autre  ouvrage  :  Curiosités 
judiciaires  par  B.  Warée,  p.  174.  (Je  copie). 

—  «  Quelques  esprits  que  ce  soient,  s'il  est  vrai  qu'il  en  vienne 
«  en  cette  maison,  le  locataire  devrait  plutôt  apporter  tous  les 
«  remèdes  pour  y  pourvoir,  que  de  décrier  cette  maison  au  préju- 
«  dice  du  propriétaire  ;  Dieu  et  nature  nous  ayant  donné  assez  de 
c<  moyen  pour  ce  faire.  Que  n'aurait-il  de  laurier,  de  la  Rue  plantée, 
«  ou  du  sel  pétillant  dans  les  flammes,  et  charbons  ardents,  des 
«  plumes  de  la  huppe,  de  la  rhubarbe  avec  du  vin  blanc,  du  soufre, 
«  d'eau  marine^  de  rameaux  d'olivier,  de  la  valériane^  du  cuir  du 
«  front  de  l'hyène,  du  fiel  de  chien  que  l'on  tient  être  d'une  mer- 
«  veilleuse  vertu,  et  efficace  à  chasser  les  démons  ? 

Et  M.  Carrée  puisant  toujours  ces  renseignements  à  la  même 
source  ajoute  : 

—  Sur  quoi  la  Cour  a  débouté  le  locataire  de  sa  demande,  et  cepen- 
dant députa  commissaires  pour  se  transporter  sur  les  lieux  et  visiter 
la  maison,  afin  d'être  juges  oculaires  du  droit  de  la  cause,  par  arrêt 
prononcé  en  robes  rouges,  le  21  Mars  1599,  par  M.  de  Nermond, 
second  président  au  parlement  de  Bordeaux. 

LÉON  COLLOT. 

II 

LA  CHASSE  AUX  LUTINS 

Le  19  février  1728,  un  Français  qui  passait  parla  petite  ville  d'He- 
chingen,  chef-lieu  de  la  principauté  allemande  du  même  nom,  fut 
surpris  de  l'animation  extraordinaire  qui  régnait  dans  cette  bour- 


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40  REVUE    DES  TRADITIONS  POPULAIRES 

gade,  d'ordinaire  si  calme  et  si  paisible.  La  nnoitié  des  habitants 
errait  par  les  rues  et  sur  les  places,  affublée  de  la  plus  étrange  ma- 
nière :  on  eût  dit  qu'elle  partait  en  guerre.  Les  uns,  casqués  et  cui- 
rassés étaient  armés  de  pertuisanes  remontant  aux  âges  préhisto- 
riques ;  les  autres  brandissaient  des  massues  ou  des  haches  ;  cer- 
tains étaient  munis  d'arbalètes  ;  le  plus  petit  nombre  maniaient 
de  respectables  arquebuses,  augustes  souvenirs  de  l'héroïsme 
paternel. 

a  Dieu  du  ciel  !  que  veutdiretout  cet  attirailbelliqueux?  demanda  le 
Français  à  son  hôte,  vieil  aubergiste  que  les  défaillances  de  l'âge 
enchaînaient  sans  doute  à.  son  tournebroche. 

—  Eh  quoi  I  monsieur,  répliqua  cet  honnête  industriel,  ignorez- 
vous  que  depuis  ce  matin  la  chasse  est  ouverte  dans  la  principauté. 

—  Quelle  chasse  ? 

—  La  chasse  contre  les  farfadets,  les  fantômes  et  les  lutins.  C'est 
Son  Excellence  le  Grand- Veneur  qui  la  dirige,  et  Son  Altesse  Séré- 
nissime,  le  prince  de  Hohenzollern-Hechingen,  notre  gracieux  sou- 
verain, a  promis,  par  ordonnance,  une  récompense  de  cinq  florins  à 
quiconque  livrerait  un  de  ces  esprits  malfaisants,  mort  ou  vif,  à  Son 
Excellence  M.  le  Grand-Veneur.  » 

Notre  Français  ne  pouvait  en  croire  ses  oreilles.  Il  fallut  qu'un 
des  notables  du  pays  le  menât  au  château  pour  lui  faire  lire  cette 
fameuse  ordonnance,  signée  par  le  prince,  à  la  date  du  i8  février 
1728,  et  conservée  depuis  dans  les  archives  d'Hechingen*. 

Malheureusement  ces  mêmes  archives  ne  nous  disent  pas  si  jamais 
personne  gagna  les  cinq  florins  annoncés. 

Paul  d'Estrée. 
Journal  des  voyages^  13  nov.  1893. 


1.  L*auteur  de  cet  article  ne  dit  pas  où  il  a  puisé  ce  renseignement  :  s'il  était 
exact  il  montrerait  que  M.  Berbiguier  de  Terre-Neuve  du  Tym, Fauteur  des  Fur- 
fadetSf  qui  chassait  les  esprits  qui  venaient  dans  sa  chambre,  aurait  eu  comme 
précurseur  une  tête  couronnée. 


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REVUE   DES  TRADITIONS  POPULAIRES  4t 


TRADITIONS  ET  SUPERSTITIONS  DU  MORBIHAN* 


ENVIRONS  DE  PONTIVY 

(Suite)     . 

ANS  le  Morbihan  on  dit  que  s'il  tombe  de  la  pluie  le  premier 
jour  de  mai  il  n'y  aura  pas  beaucoup  de  pommes.  Si  elle 
tombe  le  premier  jour  d'août  il  n'y  aura  pas  de  châtaignes  ; 
s'il  pleut  le  jour  des  Rameaux  au  moment  de  l'évangile  Tété 
sera  pluvieux  ;  si  pendant  tout  ce  jour  il  n'y  a  pas  de  pluie 
l'été  sera  sec. 

Quand  on  voit  trois  pies  sautiller  ensemble  sur  une  route  on  dit 
qu'il  y  passera  un  enterrement. 

Quand  on  entend  un  chien  hurler  le  soir  c'est  qu'il  sentla  mort  de 
son  maître  ou  celle  d'un  des  habitants  de  la  maison. 

Lorsqu'on  veut  mener  une  vache  à  la  foire,  on  remarque  au 
moment  où  elle  sort  de  Tétable  quel  pied  elle  met  dehors  le  premier. 
Si  c'est  le  droit,  c'est  signe  qu'elle  sera  vendue,  si  c'est  le  gauche 
on  est  sûr  de  la  ramener  à  la  maison. 

Dans  certaines  communes  du  Morbihan,  on  attribue  à  des  femmes 
réputées  sorcières  le  pouvoir  d'enlever  au  moyen  d'oraisons  ou  de 
paroles  magiques,  le  beurre  du  lait  que  leurs  voisines  barattent.  Il 
faut  que  ces  sorcières  connaissent  le  nom  des  vaches  qui  ont  fait  le 
lait  d'où  elles  veulent  soutirer  le  beurre,  mais  on  peut  empêcher  le 
vol  par  le  moyen  suivant  ;  le  voici  tel  qu'il  m'a  été  raconté  par  une 
fermière  des  environs  de  Pontivy  :  Depuis  quelques  jours,  me  dit- 
elle,  je  m'apercevais  que  le  lait  que  je  déposais  dans  des  pots  en 
terre  après  Tavoir  trait  ne  rendait  plus  autant  de  beurre  qu'aupara- 
vant. Je  vis  bien  par  là  que  le  beurre  m'était  enlevé  par  quelque 
sorcière.  Alors  je  pris  une  ronce  qui  avait  des  racines  aux  deux 
bouts  et  je  la  mis  dans  l'étable  aux  vaches,  au  dessus  de  la  porte^ 
puis  le  Dimanche,  je  mis  deux  sous  dans  la  tasse  des  défunts  en 
l'honneur  des  âmes  du  purgatoire,  et  depuis  je  ne  me  suis  plus 
aperçue  que  mon  beurre  m'était  enlevé. 

Dans  certaines  communes  des  environs  de  Pontivy  on  attribue 
aussi  aux  personnes  qui  passent  pour  être  sorcières  le  pouvoir 

1.  a.  U  VIII,  p.  178. 


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42  REVUE    DBS   TRADITIONS  POPULAIRES 

d'enlever  Targent  au  moyen  d^oraisons  ou  encore  de  certaines 
paroles  magiques  de  ceux  qui  ont  la  bourse  bien  garnie.  Pour  les 
empêcher  d'opérer,  ceux  qui  se  rendent  aux  foires  et  marchés, 
porteurs  d'une  certaine  somme,  ont  toujours  soin  de  mettre  dans 
leur  bourse  parmi  les  pièces  d'or  et  d'argent  une  pièce  de  dix 
centimes  destinée  à  la  tasse  des  défunts  pour  les  âmes  «lu  purgatoire. 
Les  sorcières,  paraît-il,  ont  beau  dire  des  oraisons  et  prononcer 
leurs  paroles  magiques  elles  ne  peuvent  rien  faire  sortir  d'une  bourse 
qui  contient  cette  pièce. 

On  doit  laisser  les  bœufs  en  repos  le  Vendredi-Saint,  car  ce  jour- 
là  ils  n'ont  pas  de  force  si  on  les  faisait  travailler  ils  crèveraient 
dans  l'année. 

Il  ne  faut  pas  semer  le  chanvre  le  jour  de  Saint-Marc,  il  devient 
fourchu  et  par  conséquent  il  ne  serait  bon  à  rien. 

t«'RANçois  Marquer. 


.>^o^^^^^^«v<^w^^^^#^x<w^ 


LA  NEIGE 


1 

FORMULBTTE  DE  LA  NEIGE 

Autun 

Quand  il  neige,  les  enfants  chantent  la  petite  chanson  qui  suit. 
Ils  croient  qu'elle  a  pour  effet  de  faire  cesser  la  tombée  de  la  neige 
dès  le  lendemain. 

Pleut,  Pleut,  Pleut, 
Neige,  Neige. 
Lei  sauterelles  sont  dans  la  crèche, 
Les  ouillaux  (oiseaux)  sont  dans  Tanhaux  (grenier). 
Que  demande  à  ton  manteau, 
Pour  demain  qui  ferait  chaud. 

M"*  J.  Lambert. 


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RBVtm   DBS   TRADITIONS  POPULAIRES  43 

LES   CLOCHES* 


XII 

LE  SON  DES  CLOCHES 

Nogent-le-RoIrou  il  y  a  trois  paroisses,  Saiat-Hilaire,  Saint- 
Laurenl  et  Notre-Dame.  Les  enfants  se  placent  dos  à  dos  et 
après  s'être  accrochés  par  les  bras,  ils  s'élèvent  et  s'abaisent 
alternativement  en  chantant  : 

Ban,  Bao, 
Saint-Hilaire  et  Saint- Laurent. 

Ban,  ban. 
Notre-Dame,  les  bonnes  dames, 
Saint-Laurent  les  bons  enfants, 
Saint-Hilaire,  les  bons  frères. 

Ban,  ban. 

Et  Ton  recommence  ;  ils  appellent  ce  jeu  :  Faire  ban,  ban. 

Filleul  Petigny. 


BLASON  POPULAIRE  D'EURE-ÈT-LOIR 


—  Nogent-le-Rotrou  n'est  appelé  dans  toutes  les  campagnes  que  : 
le  grand  Nogent. 

—  Nogent  la  ville  aux  bonnes  gens. 

—  Nogent  le  plus  gros  bourg  de  France. 

—  Mortagne  sur  montagne,  le  plus  haut  bourg  de  France. 

—  Chartres  en  Beauce, 

Ville  normande  bâtie  en  terre  et  en  beauge. 

—  Bonneval,  bonne  vallée, 

Plus  de  p...  que  de  cheminées,  ou  plus  de  femmes  que  de  che- 
minées. 

Dicton  sur  Saint^Jean  Pierre-Fixte  près  Nogent  :  Quand  il  gèle  à 
pien^e  fente  il  gèle  k  Pierre fixte  (Pierre fixte). 

1.  Cf.  t.  VI,  p.  110,  247,  292,  t.  VII,  p.  206,  273,  444,  t.  VIII,  p.  220,  477,  611. 


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4i  Revue  des  traditions  populaires 

Sur  les  habitants  de  la  Sarthe. 

—  Manciau,  comben  ton  viau  ? 

—  Quinze  jours. 

—  Tés  fou  Manciau. 

—  J'en  rabattrai  point. 

Dans  les  environs  de  Nogent  pour  se  rire  du  langage  du  départe- 
ment de  rOrne  où  le  pronom  lelle  se  dit  olle  eto,  ce  qui  fait  sembler 
bizarre  le  langage  de  cette  contrée,  on  récite  ce  dicton  : 

—  Quo  qu'olie  a,  quo  quolie  a  co  ?  —  Quo  crie. 
(coquollacoquoUacoquocrie). 

Qu'est-ce  qu'elle  a,  qu'est-ce  qu'elle  a  encore  ?  —  Elle  crie. 

A  Nogent-le-Rotrou  une  certaine  antipathie  règne  entre  les  habi- 
tants de  la  campagne  et  ceux  de  la  ville  qui  le  leur  rendent  bien. 
Une  sorte  de  légende  a  cours  à  ce  sujet  parmi  les  ouvriers  natifs  du 
pays. 

Lorsque  Dieu,  racontent-ils,  fit  l'homme  il  le  fit  comme  on  sait 
avec  de  la  terre  ;  mais  quand  il  voulut  faire  le  paysan,  il  prit  de  la 
boue  SOU&  ses  souliers  se  disant  que  ce  serait  bien  assez  bon  pour 
faire  un  paisan  (paysan). 

Dans  la  campagne  environnant  Nogent-le-Rotrou,  on  aime  à  se 
rire  de  l'accent  des  habitants  purement  nogentais  qui  traînent 
longuement  les  mots  où  se  trouvent  un  r^  d'où  cette  phrase  incohé- 
rente que  Ton  répète  par  mépris  : 

Et  ton  perrrey  et  ta  merrre  et  ton  frerrre  ?  Mangent  ti  corrre  du 
heurrre  dans  la  rue  des  Pouparryerrres. 
(La  rue  des  Poupardières  est  une  rue  de  Nogent). 

Filleul  Petigny. 


9i 


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REVUE  DES  TRADITIONS   POPULAIRES  43 


LES  METEORES 


XXII 

LA  VOIE  LACTÉE 

I 

N  Souabe,  la  voie  lactée  s'appelle  aussi  «  route  de  Joseph  n 
(Josephsstrasse)  parce  que  c'est  par  ce  chemio  que  saint  Joseph 
s'enfuit  en  Egypte  avec  Marie  et  Jésus.  Dans  quelques  loca- 
lités on  l'appelle  «  route  du  ciel  »  [HimmeUstrasse]  ^ 


II 

Quelques  tribus  indiennes  croient  qu'après  leur  mort,  les  âmes 
des  bons  iront  dans  un  excellent  pays  de  chasse,  par  un  chemin  qui 
passe  tantôt  sur  la  voie  lactée,  tantôt  sur  la  grande  Prairie-Médecine 
(prairie  magique)  *. 

III 

Les  Incas  s'imaginaienl  que  les  taches  noires  que  l'on  remarque 
dans  cet  assemblage  d'étoiles  que  les  astronomes  appellent  vulgai- 
rement la  Voie  de  tait  représentaient  la  figure  d'une  brebis  qui  allai- 
tait un  agneau.  Ils  voulaient  même  quelquefois  me  les  montrer  el 
me  disaient:  Ne  voyez-vous  pas  la  tête  de  la  brebis?  Voyez-vous 
bien  l'agneau  et  le  corps  de  tous  les  deux  '  ? 

IV 

«  J'ai  connu  chez  les  Bassoutos,  de  gros  garçons  qui  ne  se  hasar- 
daient qu'avec  beaucoup  de  répugnance  à  regarder  les  étoiles,  parce 
qu'ils  s'imaginaient  que  la  voie  lactée  était  un  assemblage  mons- 
trueux de  ces  êtres  diaphanes  dont  les  apparitions  imaginaires  sont 
tant  redoutées  ». 

Ler  Bassoutos  appellent  la  voie  lactée  le  chemin  des  dieux  ^. 

René  Basset. 

1.  Birlingen,  Volksth&mliches  aus  Sckwaben,  Fribourg  ea  Brisgau  1861,  2  \. 
n^8,  t.  1  §  299  p.  190. 

2.  Koortz,  Mârchen  und  Sagen  der  Nordameri  kanischen  Indianer,  léDa,  1871, 
pet.  in-8,  p.  21. 

3.  Garcilasso  de  la  Vega.  Histoire  des  Incas  rois  du  Pérou,  Paris,  1830,  iii-8,  t. 
1, 1.  Il,  ch.  23,  p.  262. 

4.  Casalis.  Les  Bassoutos.  Paris,  1860,  in-12,  p.  206. 


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46  RBVUE  DES   TRADITIONS  POPULAIRES 


LÉGENDES  ET  SUPERSTITIONS  PRÉHISTORIQUES 


XL 

LA  PIERRE  AUX  DIX  DOIGTS 

Département  de  VAube 

^s^.  ANS  un  mémoire  sur  les  polissoirs  du  département  de  TAu- 
^^^tt  be  *,  M.  Kmile  Pillot  indique  sur  le  territoire  de  la  commune 
cDJâW    de  Bercenay-le-Hayer,  quatre  polissoirs. 

Malheureusement^  Tun  d'eux,  qui  se  trouvait  au  sud  de 
Bercenay,  au  lieu  dit  les  Etommes,  a  été  détruit  depuis 
1860.  Il  mesurait  environ  1"  50  de  longueur  sur  1"  de  largeur.  Il 
portait  trois  rainures  très  apparentes  et  d'autres  moins  visibles. 

La  tradition  rapporte  que  saint  Flavit  passant  par  là,  donna  trois 
coups  de  bâton  sur  cette  pierre  et  que  les  trois  principales  rainures 
sont  les  traces  du  bâton  de  saint  Flavit. 

Sur  le  territoire  de  la  commune  de  Villemaur,  un  autre  polissoir 
connu  sous  le  nom  de  la  Pierre  aux-dix-doigts^  porte  aussi  les  traces 
du  passage  de  saint  Flavit;  saint  Flavit  étant  berger  se  coucha 
contre  cette  pierre  ;  lorsqu'il  voulut  se  relever  il  s'aida  en  appuyant 
ses  mains  dessus  et  ses  doigts  y  demeurent  marqués.  De  là  le  nom 
de  la  Picrre-aux-dix-doigts. 

Ce  polissoir  qui  se  trouve  sur  la  lisière,  au  nord  d'un  bois  dit 
BoiS'Luteau^  offre  sur  la  partie  gauche  dix  rainures  fort  apparentes, 
mais  en  l'examinant  attentivement,  on  peut  en  voir  vingt-deux,  dont 
plusieurs  cuvettes. 

Une  croix  en  bois,  dédiée  à  saint  Flavit,  se  trouve  placée  devant 
le  polissoir.    . 

XLl 

DOLMENS   QUI   SE  DÉPLACENT 

Pendant  la  nuit  de  Noël  et  principalement  à  Theure  de  minuit  la 
légende  nous  apprend  que  certaines  tables  de  dolmens  se  lèvent  ou 
tournent  sur  elles-mêmes  laissant  toujours  voir  des  trésors  insaisis- 
sables. 

1.  Les  polissoirs  mégalithiques  du  département  de  l'Aube.  Troyes,.188i.. 


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REVUE  DES  TRADITIONS  POPULAIRES  47 

L'Ami  du  foyer,  almanach  du  Perche  et  du  Saonnois  pour  1895, 
dans  son  chapitre  des  prédictions  comiques,  annonce  que  pendant 
la  nuit  du  25  décembre  1895,  le  dolmen  des  Sablons,  commune  de 
Saint-Cyr-la-Rosière,  ira  rendre  visite  à  sa  compagne  la  Grosse 
Pierre  de  Boissy-Maugis,  commune  de  Boissy-Maugis. 

Une  gravure  représente  cette  visite  et  nous  montre  le  monument 
tout  entier  qui  se  déplace. 


XLII 

LA  PIERRE-AU-POIVRE 

Entre  Thionville  et  Chalou-Moulineux  (Seine-et-Oise),  dans  une 
petite  vallée,  se  trouvent  plusieurs  grosses  roches  naturelles.  L'une 
d'elles  se  nomme  la  Pierre-au-Poivre  et  sert  à  attraper  les  enfants 
et  les  grandes  personnes  qui  ignorent  la  farce  qui  suit  : 

On  dit  au  novice  que  la  pierre  sent  le  poivre  et  on  Tengàge  à  s'en 
assurer.  Pendant  qu'il  aspire,  pour  s'en  rendre  compte,  on  lui  cogne 
le  nez  contre  la  pierre. 

Celui  qui  a  été  attrapé  cherche  a  en  attraper  un  autre  et  la  tradi- 
tion fait  qu'il  y  aura  encore  des  nez  cognés  contre  la  Pierre-au-Poivre. 

G.  Fouju. 
XLIli 

LES  PIERRES  DE  FOUDRE 

Au  voisinage  de  la  Fontaine-Sauve  à  Gernois,  près  Semur,  station 
de  l'âge  de  pierre,  on  a  trouvé  abondamment  des  silex  et  des  haches 
polies  ;  ou  sait  que  ces  dernières  sont  appelées  pierres  de  Tonnerre, 
il  règne  sur  la  fontaine  Sauve  une  légende:  on  dit  qu'elle  doit  sa 
découverte  à  la  foudre  qui  a  fait  jaillir  l'eau.  Cette  légende  doit 
avoir  son  origine  dans  les  nombreuses  haches  en  pierres  polies 
trouvées  autour. 

XLIV 

PIERRES  APPORTÉES  PAR  UN  SAINT 

Sur  les  limites  des  commmunes  de  Genay  et  Viserng  existe  un 
beau  menhir  en  granit  de  3^  27  de  haut  ;  on  raconte  qu'une  discussion 
sur  la  limite  des  deux  territoires  s'étant  engagée,  la  sainte  apporta 


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48  REVUE   DES   TRADITIONS    POPULAIRES 

une  nuit  cette  pierre  (dite  aussi  la  grande  borne)  sur  le  point  où 
elle  est  placée  et  que  les  habitants  s'empressèrent  d'accepter  le 
jugement  de  cette  sainte  qui  est  aussi  la  patronne  de  la  paroisse  de 
Viserag.  On  nous  a  raconté  au  sujet  d'autres  gros  blocs  qui  existent 
sur  d'autres  points  une  variante  :  Sainte  Christine  apportait  ces 
pierres  dans  son  tablier,  mais  l'attache  ayant  cassé,  elle  les  laissa  à 
cette  place. 

XLV 

PIERRES  DU  DIABLE 

A  Laroche  en  Breuil  (Côte-d'Or)  existe  un  énorme  rocher  dit  le 
Poron-Merger,  couvert  de  cavités  circulaires.  C'est  une  pierre,  à 
bassins  de  grandes  dimensions  :  le  diable  avait  été  chercher  cette 
roche  dans  un  pays  éloigné  avec  le  dessein  d'en  fermer  la  porte  de 
l'église  de  Laroche.  Le  Bon  Dieu  lui  avait  promis  que  s'il  pouvait 
le  faire  avant  que  la  cloche  ne  sonnât,  tous  ceux  qui  étaient  dans 
Téglise  lui  appartiendraient.  La  cloche  ayant  sonné  quand  il  n'était 
qu'à  cette  place,  il  fut  obligé  de  laisser  tomber  son  fardeau.  Les  creux 
et  bassins  sont  les  empreintes  de  ses  épaules,  ou  les  marques  des 
efforts  que  dans  sa  colère  il  fit  pour  le  ressaisir.  Un  lieu-dit  voisin 
s'appelle  le  Rèbraiement,  c'est  là  qu'à  la  suite  de  cette  déconvenue 
il  se  retira  et  où  on  Tentend  quelquefois  pousser  la  nuit  des  cris 
affreux  qui  n'ont  rien  d'humain.  Dans  une  commune  voisine,  à 
Saint  Léger  de  Fourcheret,  on  raconte  au  sujet  d'une  roche  semblable 
couverte  de  bassins  une  variante.  J^e  diable  s'était  engagé  par  un 
pacte  entre  lui  et  les  habitants  à  transporter  à  Saint-Léger  entre 
messe  et  vêpres  un  énorme  rocher  pris  dans  une  forêt  voisine,  il  la 
charge  en  effet  sur  ses  épaules  et  marche  en  toute  hâte,  mais  arrivé 
à  l'endroit  où  on  la  voit  encore,  il  entendit  sonner  les  vêpres  à 
toute  volée,  aussitôt  il  laissa  tomber  son  fardeau  et  s'enfuit. 

A  Sainl-Andeux  (Côte-d'Or)  on  montrait  la  pierre  Sassedin.  C'était 
encore  une  pierre  avec  un  bassin  qui  était  attribué  au  pouce  du  diable 
sur  le  bout  duquel  il  l'avait  apportée  et  il  fut  obligé  de  la  laisser  tom- 
ber, de  là  l'origine  de  la  cavité. 

HiPPOLYTE  MaRLOT. 


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REVUE  DES  TKADITIONS   POPULAIRE»  49 


LA  FÊTE  DES  ROIS' 


XIX 

LA  FÊTE  DES  ROIS  A  MARLY,  EN  1704 


i 


tN  trouve  dans  les  Mémoires  du  Marquis  de  Sourches^  publiés 
par  le  comte  do  Cosnac  et  M.  Edouard  Pontal,  tome  VUI, 
p.  257,  à  la  date  du  5  janvier  1704  : 

<'  Le  soir,  le  roi  fît  les  Rois  à  Marly  avec  assez  de  joie , 
Madame  fut  reine  à  la  table  du  roi^  et  la  comtesse  de 
Mailly  à  celle  du  duc  de  Berry,  car  Monseigneur  n'y  étoit  point, 
parce  qu'il  observoit  toujours  le  régime  de  souper  peu,  et  de  bonne 
heure.  Il  y  eut'  musique  pendant  le  souper,  on  y  chanta  des 
chansons  à  boire  à  deux  parties,  et  le  chœiir  chanta  :  la  reine  boit  ! 
toutes  les  fois  qu'une  des  deux  reines  en  donna  l'occasion. 

»...  Le  6,  au  soir,  le  roi  et  la  reine  d'Angleterre  vinrent  à  Marly  y 
rendre  visite  au  roi  et  souper  avec  lui,  et  ils  y  furent  reçus  avec  les 
honneurs  ordinaires.  Au  souper,  on  apporta  des  gâteaux,  comme  le 
jour  précédenl,  lesquels  ayant  été  coupés,  la  fève  iomba  à  la  reine 
d'Angleterre  à  la  table  du  roi,  et  elle  disposa  de  sa  royauté  en  faveur 
de  la  comtesse  de  Grammont,  qu'elle  chargea  d'en  faire  les  fonctions. 
La  comtesse  de  Ponlchartrain  fut  reine  à  la  table  de  Monseigneur, 
qui  se  débaucha  ce  soir  là.  à  cause  de  la  cour  d'Angleterre,  et,  à  la 
petite  table,  la  marquise  d'Urfé  se  trouva  reine  ;  il  n'y  eut  point  de 
musique  ce  soir-là,  mais  par  une  invention  nouvelle,  on  donna  à 
tous  les  conviés  des  silïlets  qui  faisoient  toutes  les  parties  de  la  mu- 
sique, et  on  sifïla  toutes  les  fois  que  les  reines  burent  ». 

A  Tausserat-Radel. 


XX 

DE  NOËL  AUX  ROIS 

Dauphiné 

De  Noël  aux  Rois,  les  garçons  donnaient  des  amandes  aux  filles  et 
les  filles  donnaient  des  noisettes  aux  garçons. 
Certains  portaient  des  papillottes  aux  filles. 

l.  Cf.  t.  H,   p.  56,  66  ;    t.    III,   p.    116,    167;   t.  IV,  p.  38,  111  ;   t.  VI,  p.  20  ; 
t.  VU,  p.  33;t:X,  p.  9. 

TOME  XI.  —  JANVIER    1896  \ 


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50  RfcIVUE  DBS    TRADITIONS    P0PULA1RF.S 

On  commençait  à  jouer  aux  olagnes,  alagnes  (noisettes)  à  la  messe 
de  minuit,  à  la  veillée  de  Noël. 

Noms  des  jeux,  en  patois  d'Éclose.  —  On  jouait  : 

!•*  à  churi  ou  suri  =  silence.  Les  noisettes  étaient  étalées  sur  la 
table  ou  sur  une  assiette  et  les  joueurs  étaient  rangés  autour.  Â  un 
signal  donné,  les  joueurs^  moins  deux,  baissaient  la  tête;  un  d*eux 
touchait  une  noisette  en  disant:  churi!  puis  à  tour  de  rôle,  ils  tiraient 
à  eux  les  noisettes  jusqu'à  ce  qu'ils  eussent  touché  celle  marquée 
du  doigt  et  du  mot  :  churi  ! 

2"  à  isolet-mignolet  =  à  un  poing  fermé. 

On  faisait  deviner  le  nombre  de  noisettes  renfermées  dans  son  poing 
fermé.  La  différence  se  soldait  au  profit  de  celui  qui  faisait  deviner. 
Le  nombre  exact  était  au  profit  du  devineur  heureux. 

3**  à  grillin-grillettes  =  à  noisettes  grillettes,  faisant  le  grelot  ren- 
fermées dans  les  mains  superposées. 

4**  à  sarrin-sairaille  ;  aux  deux  poings  fermés,  serrés.  La  serrure 
s'appelle  sarraille  on  dit  :  sarra  la  porta,  pour  «  ferme  la  porte  ».  On 
disait  sarrin-sarraille. 

De  que  cota  i*é  mon'  alagne. 
De  quel  côté  est  mon  olagne  (noisette). 
5°  à  parey,  pas  parey  =  à  pair,  à  impaii^,  parey  =  pareil. 

Gâteau  des  Rois,  —  La  brioche  des  Rois  est  donnée  à  Cour  par  le 
boulanger  à  ses  clients.  Il  reçoit  un  pourboire  pour  étrennes. 

De  Noël  aux  Rois,  ce  sont  les  courses  du  «  rey  d'Hérode  »  avec  son 
cliquetis  de  ferrailles,  de  chaînes  et  ses  chiens  chargés  de  grelots, 
que  Ton  croit  entendre  en  l'air.  Les  contes  de  «  luberu,  louberous  », 
iloups-garousl  s'en  vont  et  ne  rappellent  plus  que  les  terreurs  de 
nos  ancêtres  à  ce  temps-là. 

ArqrsTE  Ferband. 


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REVUE    DES  TRADITIONS   POPILAIRES  31 


LES  EMPREINTES  MERVEILLEUSES 


ex 

LES  DOIGTS  DES  GÉANTS 

EUX  géants  qui  habitaient  eu  face  Tun  de  Tautre,  l'uu  à  Toll- 
kamit,  l'autre  à  Kahlberg  en  Prusse,  vivaient  en  bonne  intelli- 
gence. Mais  l'un  d'eux  ayant  perdu  une  hache  que  son  ami 
lui  avait  prêtée,  celui-ci  furieux,  se  saisit  d'un  rocher  et  le 
lança  contre  lui.  Le  bloc  n'alla  pas  jusqu'au  bout,  mais  tomba 
au  milieu  de  la  rivière  de  la  Haffe  et  on  voit  encore  Tempreinte 
des  doigts  du  géant  dans  la  partie  qui  émerge  de  leau  ^. 

CXI 

LA  JUMENT  DU   PROPHÈTE 

Au  S.  0.  de  Ghadamès,  vers  le  Sabkbat  el  Malah',  on  voit  sur  de 
gros  blocs  de  grès  plats  des  empreintes  de  pieds  d'animaux  qui 
paraissent  avoir  été  faites  par  le  sabot  d'un  cheval.  Les  gens  du  pays 
les  attribuent  à  la  jument  du  prophète  -\ 

CXIl 

LA   PIERRE  DU  GÉANT    A  SCHWANOW 

Il  y  a  un  demi-siècle,  on  voyait  sur  une  hauteur  à  Schwanow, 
dans  le  comté  de  Ruppin,  un  bloc  de  pierre  qui  portait  l'empreinte 
de  cinq  doigts.  La  tradition  rapportait  qu'un  géant  l'avait  arraché 
près  de  Zechow  et  avait  voulu  le  lancer  h  Schwanow,  mais  que  la 
pierre  était  tombée  là  *. 

1.  Suite,  voir  t.  X,  p.  669. 

2.  Hecker,  RooseetTniele,  Uithauische  und  preussische  Volkssagen,  Kœnigsberg, 
1847,  in-16,  p.  100-102. 

3.  Largeau,  Ae  Sahara  algérien.  Pari?,  1881,  iD-16.  p.  237. 

4.  Haase,  Sagen  aus  der  Grafschaft  Ruppin  und  Omgegend,  Neu-Ruppin,  1887. 
in-8,  §  15,  p.  24. 


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32  REVUE    DES  TRADITIONS    POPULAIRES 

CXIII 
LA  PIERRE  DE   ZERNIKOW 

Sur  la  roule  du  village  de  Zernikow,  en  face  de  l'église,  on  voit 
un  bloc  de  pierre  long  de  huit  à  dix  pieds,  et  large  de  quatre  à  cinq, 
portant  Tempreinte  de  cinq  doigts  énormes  qu'on  dirait  avoir 
appartenu  à  un  géant.  La  légende  raconte  eu  effet,  que  l'un  d'eux 
qui  habitait  à  Gransee  voulut  détruire  la  première  église  bâtie  à 
Zernikow.  Il  saisit  le  bloc  et  le  lança  avec  tant  de  force  que  ses 
doigts  y  restèrent  imprimés,  mais  pas  assez  loin  pour  atteindre  son 
but.  Dans  le  pays  on  appelle  cette  pierre  Schlillerstein  parce  que 
les  enfants  s'amusent  à  s'y  laisser  glisser  [Schliliern]  *. 

René  Basset. 


L'ORIGINE  DES  PRENOMS 


LÉGENDE  ARARE 

//^^  N  raconte  d'après  Ibn  al  Âthir,  qu'un  roi  eut  un  fils  en  qui 
dîicj;  Ton  découvraitde  la  noblesse  naturelle,  et  il  l'aimait  beaucoup. 
v^^  Quand  l'enfant  eut  grandi  et  qu'il  fut  en  âge  d'être  instruit, 
son  père  le  fit  demeurer  dans  un  endroit  écarté  de  toute 
habitation  de  façon  qu'il  put  contracter  des  manières  élégantes 
sans  fréquenter  des  gens  qui  lui  feraient  perdre  son  temps.  Il  lui 
bâtit  une  maison  dans  le  désert,  l'y  transporta  et  lui  assigna  tout  ce 
dont  il  avait  besoin.  Il  plaça  près  de  lui  les  enfants  de  quelques-uns 
de  ses  proches,  de  ses  cousins  et  de  ses  émirs  pour  lui  tenir  com- 
pagnie, l'instruire  et  lui  faire  aimer  l'instruction  par  la  conformité 
de  leur  nature.  Au  commencement  de  chaque  année^  le  roi  allait 
visiter  son  fils  et  se  faisait  accompagner  de  ceux  dont  les  enfants 
étaient  élevés  avec  le  sien.  Quand  ils  arrivaient,  le  prince  demandait 
qu'on  lui  fit  connaître  par  des  désignalions  ceux  qui  étaient  venus 
avec  son  père,  on  lui  disait:  celui-ci  est  le  père  d'un  tel,  celui-là  le 
père  de  tel  autre,  désignant  par  là  les  pères  des  jeunes  gens  qui 
étaient  avec  lui  :  il  les  connaissait  par  les  relations  de  parenté  avec 
leurs  enfants.  C'est  depuis  lors  que  les  prénoms  se  sont  répandus 
chez  les  Arabes  ". 

René  Basset. 

1.  Haase,  Sagen  aus  der  Grafschafl  Ruppin^  §  46,  p.  52-53. 

2.  Le  prénom  dont  il  ejt  question  {Konyah)  est  formé  d'un  nom  propre  précédé 
des  mots  Abou^  père,  Ibn,  fils  de.  Ainsi  Abou'l  H'asan  AU  =  Ali  père  d  El  H*asao  ; 
AbouTabbàs  Ahiued  =  Ahmed  père  d*AbbÙH. 

3.  Es  Soyouti  Al  Mouna  fi'l  kouna^  éd.  Seybold.  Zeilschrifl  der  deulscken 
morgenlfindiachen  Geaellschaft,  1895,  p.  242. 


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REVUE    DES  TRADITJONS  POPULAIRES  S3 


LES  ALMANACflS  POPULAIRES 


VII 

ALMANACaS    NORMANDS 

Ji  la  ville  de  Rouen,  représentée  par  la  maisoa  Mégard,  est  le 
grand  centre  de  production  des  almanachs  normands,  d'au. 
t^^^  très  villes  ont  leurs  livrets  spéciaux  dont  Tétude  complétera 
^^  notre  dernier  article  sur  cette  question. 

C'est  d'abord  VAlmanach  du  Père  Lajoie^  édité  par  la  librairie 
Chénel,  à  Caen,  et  imprimé  chez  Mégard,  de  Rouen,  ce  qui  explique 
son  air  de  famille  avec  les  produits  personnels  de  cette  maison.  — 11 
comporte  128  pages  in-32,plus  32  pages  pour  les  foires  de  la  région. 
On  y  trouve,  indépendamment  des  calendriers,  indications  astrono- 
miques et  météorologiques,  pronostics,  etc.,  de  a  sages  conseils  » 
d'une  évidente  moralité,  les  travaux  mensuels  du  jardin,  des  histo- 
riettes et  des  bons  mots.  —  Couverture  bleue. 

Voici  maintenant  VAlmanach  du  Pays  de  Bray^  un  ancêtre  avouant 
fièrement  sa  45«  année  d'exislence,  publié  par  Th.  Duval,  imprimeur- 
éditeur  à  Neufchàtel«en-Bray^  au  prix  de  30  centimes  (in-16del92p.) 
—  Il  contient,  avec  le  calendrier,  les  heures  de  la  lune  et  du  soleil  ; 
puis,  sous  le  titre  :  «  Dominicales  et  fêtes  »,  l'indication  de  toutes  les 
fêtes  religieuses  de  Tannée  :  une  sorte  dVrdo  à  Tusage  du  commun 
des  fidèles.  Viennent  ensuite  les  heures  des  marées,  des  historiettes 
et  bons  mots,  des  recettes  utiles,  des  nouvelles  locales  de  belle  allure 
et  frisant  la  légende,  [Le  Poirier-Marie ^  Les  canards  de  Saint- Antoine ^ 
Jehan  le  lépreux),  des  chansons  également  locales  (La  Saint-Gorgon 
à  Canieleu^  Le  Cidre);  citons  surtout  Tarticle  iaiilulé  Le  Roi  boit ^  où 
sont  décrites  les  coutumes  de  quelques  pays  normands  (Bray  et  Caux) 
relatives  à  l'Epiphanie,  si  populaire  sous  le  nom  de  fête  des  Rois. 
Les  foires  de  la  région,  un  tableau  de  Tépiscopat  français,  la  liste  des 
communes  du  département  avec  les  bureaux  de  poste,  les  noms  des 
maires,  adjoints,  curés,  instituteurs,  etc.,  ceux  des  autorités  départe- 
mentales, justifient  pleinement  la  qualification  d\<  Annuaire  »  mise  en 
sous-titre  et  en  font  une  publication  des  moins  banales.  —  La  couver- 
ture verte,  donne  à  sa  deuxième  page  le  portrait  de  l'abbé  J.-E.  De- 


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.14  KEVUE    DES    TRADITIONS    t>ÛP(JLAlHES 

corde,  auteur  de  nombreux  ouvrages  archéologiques   sur  le  pays 
de  Bray. 

Il  existe  encore  VAlmanachdu  Calvados^  imprimé  par  M.  Bouchard, 
à  Condé-sur-Noireau  ;  nous  n'avons  pu  jusqu'ici  nous  le  procurer. 


Le  prospectus  des  almanachs  publiés  par  la  maison  Mégard  pour 
1896  n'offre  aucune  nouveauté  ni  modification.  Toutes  les  sortes 
décrites  l'an  dernier  s'y  retrouvent  absolument  semblables. 

11  en  est  de  même  des  «  Almanachs  de  Troyes  »  de  la  maison 
Saillard,  k  Bar-sur-Seine. 

Louis  Morin. 


LES  ÉPINGLES' 


Il  {suite) 
les  épingles  et  l'amour 

'Dans  rimporlante  commune  de  Beauvoir-sur-Mer  (Vendée)  le 
matin  du  mariage,  la  toilette  de  la  mariée  étant  achevée,  et  immé- 
diatement avant  le  départ  pour  la  mairie,  chacun  des  jeunes  gens 
des  deux  sexes  pique  une  épingle  à  la  couronne  d'oranger,  placée 
derrière  la  coiffe,  en  ayant  soin  de  la  disposer  de  manière  à  pouvoir 
la  reconnaître.  Ceux  dont  l'épingle  aura  résisté  aux  courses,  aux 
danses  et  à  tous  les  mouvements  désordonnés  de  la  journée,  et  qui 
la  retrouveront,  le  soir  à  la  même  place,  sont  certains  de  se  marier  dans 
Vannée. 

F.  Charpentier. 

1.  Cf.  t.  IX,  p.  p.  12,  354. 


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HEVIIE  DES  THADITIONS   POPULAIRES  55 


COUTUMES  DE  MARIAGE 

Saône-et'Loire 


XXVII 

LA   FUTURATION 

N  certaines  de  nos  localités  de  Saône-et-Loire,  il  existe  une 
coutume  qui  ne  manque  ni  d'intérêt  ni  d'attrait. 

Quand  un  garçon  et  une  fille  se  conviennent  et  doivent  se 
prendre  pour  époux,  ils  se  préparent  à  une  cérémonie  préli- 
minaire. Presque  partout  on  célèbre,  d'une  façon  quelconque, 
les  fiançailles  des  deux  jeunes  gens.  Nos  compatriotes  songent  aussi 
à  les  célébrer.  Seulement,  chez  eux,  on  ne  dit  pas  qu'ils  vont  «  se 
fiancer  »,  mais  qu'ils  vont  se  futurer.  Ce  verbe  réfléchi  est  presque 
une  locution.  Le  mot  est  plus  spécial  encore,  plus  clair,  et,  à  cause 
de  celte  clarté,  semble  avoir  convenu  à  la  population  de  nos  villages. 
Au  jour  dit,  les  amoureux,  en  habits  des  dimanches,  se  rendent 
à  l'église,  et  c'est  dans  la  chapelle  de  la  Vierge  que  la  fuluralion  a 
lieu.  Parents  et  intimes  accompagnent  les  jeunes  gens.  Une  affec- 
tueuse allocution  du  curé,  l'anneau  passé  au  doigt  de  la  ben- aimée, 
et  la  partie  religieuse  de  la  cérémonie  est  à  sa  fin. 

Maintenant  commence  la  petite  fête  extérieure.  A  la  sortie  de 
l'église  les  voix  s'animent,  les  félicitations  pleuvent  de  tous  côtés, 
enfin  la  poudre  parle,  et  pistolets  et  fusils  acclament  ce  premier 
lien  du  futur  ménage.  Les  invités  rentrent  chez  les  parents,  d'oQ 
Ton  ne  sort  qu'après  s'être  attablé  pour  un  repas  ou  au  moins 
pour  une  collation,  —  et  les  fiancés  (les  futures)^  heureux  déjà, 
n'ont  plus  qu'à  attendre  le  jour,  si  lent  à  venir,  de  la  noce. 

F.  Fertiault. 


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i}i)  REVUE    DES   TRADITIONS    POPULAIRES 

LES  COQUILLAGES  DE  MER^ 

IV 

Aberdour  on  fait  parfois  des  colliers  de  coquillages,  le  plus 
habituellement  avec  les  coquilles  du  Buccinum  undatum^ 

.^w^j^  lorsque  celui-ci  est  encore  jeune.  Pour  le  percer  on  intro- 

^^^^  duit  une  aiguille  parTorifice  de  la  coquille,  et  on  ia  pousse 
c^      avec  soin  au  travers  de  façon  à  ne  pas  la  briser  ;  il  ne  faut 
pas  moins  tîe  1400  de  ces  coquilles  pour  faire  un  collier. 

Souvent  oiv  fait  de  petites  boîtes  qui  sont  ornées  de  coquilles, 
tantôt  d'uiie  seule  espèce,  tantôt  d'espèces  variées,  qui  sont  fixées  sur 
le  bois  avec  de  la  colle. 

Des  coquilles  de  toutes  espèces,  grandes  ou  petites,  sont  employées 
comme  ornements  dans  les  maisons  et  dans  les  jardins;  les  plus 
belles  sont  arrangées  sur  le  manteau  de  la  cheminée,  et  les  (5lus 
communes,  mélangées  à  des  galets  de  quartz  blanc,  sont  mises  sur  les 
pots  de  fleurs  qu'on  place  sur  la  fenêtre.  Les  parterres  sont  souvent 
bordés  avec  des  Buccins  des  plus  grosses  espèces,  des  coquilles 
Saint-Jacques  et  des  Solens. 

A  Rosehearty,  à  Portessie,  les  enfants  imitant  les  marchands,  se 
servent  de  coquilles  comme  monnaie;  les  plus  grosses  représentent 
des  pennies  ou  sous,  les  plus  petites  des  pièces  d'argent. 

A  Broadsea  lorsque  les  pécheurs  sont  en  mer,  ils  ont  coutume  de 
prédire  le  temps  qu'il  fera  d  après  l'observation  du  a  Big  buckie  » 
{Buccinum  undatum  ou  Cyprinâ  islandica).  Si  l'un  d'eux  vient  dans 
les  filets,  on  le  place  sur  l'un  des  bancs  du  bateau.  S'il  se  meut,  se 
lève  un  peu  et  se  retourne,  on  peut  s'attendre  à  du  vent.  S'il  se  lève 
haut  et  ne  se  tourne  pas,  mais  se  promène  en  long  d'une  manière 
posée,  il  n'y  aura  pas  de  brise. 

Lorsque  le  temps  est  à  la  tempéle,  on  a  coutume  de  placer  un 
«  big  buckie  buccinum  undatum  dans  le  crochet  placé  au  bout  de  la 
chaine  qui  sert  à  suspendre  les  casseroles,  pour  faire  revenir  le  beau 
temps. 

A  Rosehearty  on  se  sert  du  «  limpet  »  patella  vulgaris^  pour  la  gué- 
rison  des  cors.  On  l'arrache  vivant  du  rocher,  et  on  l'attache  forte- 
ment sur  le  cor  où  on  le  laisse  un  certain  temps.  S'il  vient  des  cre- 
vasses au  sein  d'une  mère  qui  nourrit  son  enfant,  on  place  dessus 


1.  Cf.  t.  Il,  p,  297  ;  t.  IV,  p.  210  :  t.  VU,  p.  609. 


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REVUE  DES  TRADITIONS  POPULAIRES  ht 

une  patelle  vivante.  Avant  qu'on  se  servit  pour  ces  crevasses  d'ap- 
pareils en  verre  ou  en  caoutchouc,  on  les  remplaçait  par  des  coquilles 
de  patelles. 

A  Aberdour  on  mélange  quelquefois  à  la  nourriture  donnée  k  la 
volaille  des  coques  de  patelle  broyées. 

A  MacdufT  les  enfants  percent  des  coques  de  patelle  pour  s'en  faire 
des  lunettes. 

A  Pittulie,  les  enfants  se  servent  de  .coquilles  de  moule  pour 
prendre  les  abeilles  et  se  procurer  leur  miel.  Voici  comment  ils  pro- 
cèdent. Lorsqu'une  abeille  est  dans  une  tleur,  Tenfant  s'approche 
avec  précaution,  et  s'efforce  de  prendre  l'insecte  entre  les  valves  ; 
s'il  y  réussit  il  ouvre  alors  tout  doucement  jusqu'à  ce  que  l'abeille 
ait  mis  la  tôte  dehors  ;  alors  il  ferme  les  valves,  coupe  la  tête- de  l'a- 
beille ;  puis  il  ouvre  son  corps  et  avale  le  miel  qu'il  contient. 

Sur  une  grande  partie  du  littoral  les  coquilles  Saint-Jacques 
(Pecten  maximus)  servent  aux  femmes  pour  écrémer  le  lait. 

La  même  coquille  est  encore  employée  pour  prendre  le  beurre  salé 
dans  le  vase  où  il  est  conservé. 

On  fait  aussi  des  pelotes  à  épingles  avec  des  coquillages  sur  lesquels 
on  fixe  avec  de  la  colle  un  morceau  de  drap  ou  de  coton  rempli  de 
son. 

Walter  Gregor. 


LE  SINGE  ET  LE  MISSIONNAIRE 

Conte  de  la  Haute- Bretagne 


Il  était  une  fois  un  homme  qui  avait  un  singe  qui  le  servait  comme 
un  domestique  ;  il  parlait  de  lui  à  tout  le  monde  ;  un  missionnaire 
entendit  ce  qu'on  racontait  du  singe  ;  il  vint  trouver  son  mattre  et 
lui  dit: 

—  Ce  n'est  pas  un  singe  que  vous  avez  chez  vous,  c'est  le  diable  ; 
invitez-moi  à  dîner  et  vous  verrez. 

Il  fut  convenu  que  le  missionnaire  viendrait  dîner  et  le  monsieur 
ordonna  à  son  singe  de  faire  la  cuisine  ;  mais  dès  que  le  singe  vit 
entrer  le  missionnaire,  il  se  fourra  sous  le  lit.  Le  missionnaire  alla 
chercher  son  étole  et  de  l'eau  bénite  ;  il  passa  son  étole  au  coup  du 
singe  et  lui  jeta  de  l'eau  bénite.  Alors  le  singe  disparut. 

(Conté  en  1880,  par  F.  Marquer). 

P.  S. 


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08  REVUE  DES  TRADITIONS  POPULAIRES 


VARIÉTÉS 


CHARLES  PERRAULT  AUX  AUTEURS  DU  «  JOURNAL  DE  PARIS  » 
Des  Champs  Éiîsées  (4  avril  1785}.      ' 

Salut  : 

N  vérité,  Messieurs,  il  y  a  des  destinées  bien  bizarres  et  bien 
opiniâtres,  puisqu'elles  nous  poursuivent  même  après  notre 
mort.  Ma  famille  en  est  un  exemple  frappant.  Mon  frère 
Claude^  comme  vous  savez,  professa  d'abord  la  Médecine  et 
s'y  distingua  par  des  cures  brillantes.  Quelques  Ouvrages,  que 
les  Gens  de  Tart  n'ont  pas  encore  oubliés,  sembloient  lui  garantir 
une  réputation  durable....  Eh  bien,  Messieurs,  on  lui  disputa  ses 
Ouvrages,  on  attaqua  sa  réputation  :  un  de  ses  Confrères,  désespéré 
de  ne  pouvoir  mordre  sur  les  cures  admirables  qu'il  avoit  faites,  s'a- 
visa de  lui  disputer  l'honneur  d'avoir  avancé  les  jours  d'un  vieil 
Avare  dont  les  héritiers  s'étoient  déjà  partagé  la  succession.  iMon 
frère  ne  put  résister  à  ce  dernier  trait  ;  et  pour  tromper  son  étoile,  il 
changea  d'état  et  devint^  n'en  déplaise  au  Satyrique  de  notre  siècle, 
d'excellent  Médecin  un  habile  Architecte.  La  Colonade  du  Louvre, 
l'Observatoire,  etc.  font  mieux  son  éloge  que  tout  ce  que  je  pour- 
rois  vous  écrire  sur  les  succès  qu'il  eut  dans  sa  nouvelle  profession. 
Il  meurt,  et  croit  pour  ce  coup,  emporter  une  gloire  que  personne 
ne  lui  disputera.  Espérance  vaine  I  On  lui  enlève  après  sa  mort  les 
monumens  de  son  génie  ;  on  va  jusqu'à  nommer  l'auteur  auquel  on 
les  attribue,  et  son  détracteur  trouve  mille  partisans. 

ftMon  frère  Nicolas  fait  tout  exprès  un  mauvais  Livre  de  Morale  pour 
échapper  à  la  destinée  de  la  famille  ;  le  peu  de  mérite  de  l'œuvre  et 
de  l'ouvrier  ne  le  garantissent  pas  ;  on  assura  dans  le  temps  qu'il  n'en 
étoitquelepréle-nom.  Le  croiriez-vous  enfin.  Messieurs,  notre  hon- 
nète-homme  de  père,  (sic)  très  modeste  Auteur  du  petit  Poucet ^  de  Cen" 
drillon,  la  Barbe-Bleue^  etc.  n'a  pas  même  eu  la  satisfaction  de  jouir 
paisiblement  du  mérite  de  son  ouvrage.  Un  Cousin  Jacques  du  siècle 
dernier  prétendit  qu'il  lui  appartenoit,  et  cent  cinquante  ans  après 
sa  mort,  la  fureur  de  rajeunir  tout  vient  dénaturer  ces  jolis  petits 


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HEVUE  DES  TBADITIONS   POPULAlIlES  59 

Contes  si  réjouissans,  qui  ont  fait  les  délices  de  votre  enfance  et  de 
la  mienne.  » 

(Journal  de  Paris^  10  avril  1785). 

Le  dernier  paragraphe  de  cette  Lettre,  que  le  rédacteur  du  journal 
suppose  avoir  été  écrite  par  Charles  Perrault,  semble  dire  que  c'est 
son  père  et  non  lui,  qui  est  Tauteur  des  contes  de  Ma  Mère  TOye  ; 
c'est,  à  ma  connaissance,  la  première  fois  qu'on  enlève  la  paternité 
de  ces  contes  à  Charles  Perrault  pour  la  donner  à  son  père  ;  alors 
qu*on  Ta  parfois,  en  partie  du  moins,  altribuée  à  son  fils.  On  sait 
que  la  première  édition  de  ces  contes  parut  sous  le  nom  de  Perrault 
d*Arméncour,  fils  de  Charles  Perrault  l'Académicien,  auteur  du 
PmTatlèle  des  Anciens  et  des  Modernes, 

Quelqu'un  de  nos  collègues  pourrait-il  nous  dire  si  cette  affirma- 
tion s'eal  produite  ailleurs  que  dans  le  Journal  de  Paris  ? 

Quel  est  le  «  Cousin  Jacques  »  du  XVII'  siècle  auquel  il  est  fait 
allusion  ? 

Quel  est  le  «  rajeunissement  »  dont  il  est  parlé  ? 

P.  S. 


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60  REVUE    DES  TRADITIONS    POPULAIRES 


BIBLIOGRAPHIE 


Juan  B.  Ambrosettl.  Materiales  para  el  estudo  del  folk-lore 
misionero.  Ex.  de  la  Revist.  del  jardin  Zoologico  de  Buenos-Ayres, 
in-8,  de  pp.32. 

Les  matériaux  de  cette  brochure  ont  été  réunis  dans  ce  que  Tauteur  appelle 
le  territoire  des  missions,  qui  comprend  non-seulement  des  provinces  de  la 
République  argentine,  mais  des  parties  du  Brésil  et  du  Paraguay  :  c'est  une  ré- 
gion montagneuse,  boisée,  habitée  par  des  Indiens  plus  ou  moins  métissée,  qui 
ont  subi  des  influences  européennes,  qui  ont  eu  plusieurs  points  modifié  leurs 
légendes  et  leurs  superstitions.  C'est  ainsi  que  dans  un  récit,  Dieu  accompagné 
de  saint  Pierre  et  de  saint  Jean,  est  bien  reçu  d'un  vieillard  pauvre  qui  s'était 
retiré  à  Técart  pour  que  sa  fille  se  conservât  toujours  pure,  il  trausforme  celle-ci 
pour  le  récompenser,  en  l'herbe  appelée  maté.  Les  cueilleurs  de  maté  appelés 
«  mineros  »  ont  une  autre  version  d'après  laquelle  la  jeune  fille  serait  devenue  la 
dame  de  l'herbe;  ils  croient  qu'elle  existe  encore,  et  qu'elle  secourt  ceux  qui  ont 
fait  un  pacte  avec  elle.  Ils  la  nomment  la  Caâ-Yari  ou  TAîeule  de  la  plante.  Le 
«  minero  »  qui  veut  contracter  ce  pacte  attend  la  semaine  sainte,  et  s'il  est  près 
d*un  bourg,  il  entre  à  l'église  et  promet  formellement  de  vivre  toujours  dans 
les  montagnes,  de  faire  amitié  avec  la  Caâ-Yari,  et  jure  en  même  temps  de  n'a- 
voir aucune  relation  avec  une  autre  femme.  Après  ce  vœu  il  s'achemine  vers  la 
montagne  et  dépose  sur  une  touffe  de  maté  un  papier  sur  lequel  est  écrit  son 
nom,  avec  le  jour  et  l'heure  où  il  désire  se  rencontrer  avec  elle.  Ce  jour-là,  il 
doit  s'armer  de  courage,  car  la  Caâ-Yari,  pour  éprouver  sa  valeur,  lui  dépêche 
des  vipères,  des  serpens,  des  bètes  fauves  et  tous  les  monstres  de  la  montagne. 
S'il  a  supporté  cette  épreuve,  elle  lui  apparaît,  jeune  et  belle,  et  il  lui  renouvelle 
son  serment.  A  partir  de  ce  moment,  quand  il  va  cueillir  de  l'herbe,  il  tombe 
dans  un  doux  sommeil,  et  pendant  ce  temps  la  Caâ-Yari  lui  cueille  une  ample 
provision,  lui  aide  à  la  porter,  à  la  mettre  sur  la  balance,  invisible  pour  tout 
autre  que  pour  lui.  Mais  malheur  au  «  minero  »  qui  lui  fait  une  infidélité  ,  elle 
le  tue  aussitôt.  Quand  un  minero  meurt,  ses  compagnons  se  murmurent  à 
l'oreille  :  Il  a  été  traître  à  la  Caâ-Yari  ;  la  Cact-Yari  se  venge.  Il  y  a  quatre  autres 
légendes  relatives  aux  hantises  des  bois  et  des  montagnes.  Ces  régions  aussi 
ont  des  pierres  à  légendes:  M.  A.  en  donne  cinq  qui  sont  très  curieuses;  d'autres 
sont  relatives  à  des  lieux  divers,  à  des  métamorphoses,  parmi  lesquelles  s'en 
trouve  une  qui  se  rattache  à  la  série  des  loups-garous.  A  la  suite  de  ces  seize 
légendes,  l'auteur  raconte  les  pratiques  funéraires,  les  superstitions  relatives  à 
l'amour,  et  diverses  superstitions,  dans  lesquelles  celles  de  l'Europe  et  celles  des 
Indiens  se  mélangent.  Ce  travail  est  très  intéressant,  les  observations  bien 
recueillies,  et  il  est  à  désirer  que  l'auteur  continue  son  exploration  dans  ces  ré- 
gions jusqu'ici  peu  connues. 

P.  S. 

Juan  B.  Ambrosettl.  Apuntes  para  un  folk-lore  Argentino  (Gau- 
cho), in-8'  de  pp.  21.  (Extrait  de  la  même  Revue). 
Cette  nouvelle  brochure  se  rapporte  aux  superstitions  de    la  régions  de  gau- 


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REVLE    DES   TIIADITIONS    POPULAIRES 


61 


chos;  il  y  est  traité  du  rôle  très  important  du  crapaud  dans  la  médecine  populaire, 
de  la  médecine  des  hommes  et  des  animaux,  ainsi  que  de  diverses  superstitions 
de  ce  groupe. 

PS. 

Juan  B.   Ambrosetti.  Los  Jndios   Kaingangues  de  San  Pedro, 
Baenos-Ayres,  in-8°  de  pp.  80. 

Cette  monographie,  est  suivie  d'un  vocabulaire  assez  éteudu  de  la  langue 
de  cette  tribu,  qui  fait  partie  du  groupe  des  Tupis,  est  accompagnée  de  photogra- 
phie»* qui  représentent  des  types  de  ces  indiens  à  moitiés  européanisés  quant  au 
costume,  et  certains  de  leurs  ustensiles,  entre  autres  des  haches  en  pierre  polie, 
encore  d'un  usage  courant  chez  eux.  Leur  coutume,  leur  alimentation  et  les 
diverses  phases  de  leur  vie  de  tous  les  jours  y  sont  décrits  avec  beaucoup  de 
soin. 

P.  S. 

J.  Grand  Garteret.  Vieux  papiers,  vieilles   images.  Par  suite 


SAINT  JACÇUES  DE  COISPOSTELLE. 

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■  ii  I  iiii.  iMm  nMi  m  r»Mfw  fiiir*  *>  DgMiior»  h  ba^icei..  t  iitii 


d'une  erreur,  ces  gravures  qui  auraient  dû  accompagner  notre  notice 
n'ont  pas  été  placées  à  la  suite. 


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62  RSYUE    DES    TRADITIONS    POPULAIRES 


Spécimens  d'imagerie  populaire  de  la  fabrique  de  Basset  à  Paris  (Directoire). 


Découpage  au  ciseau  (1818). 

LIVRES  REÇUS  AUX  BUREAUX  DE  LA  REVUE 


Edmond  Le  Blant.  iXoles  sur  quelques  anciens  talismans  de 
batailles.  (Ext.  des  Mémoires  de  l'Académie  des  Inscriptions  et 
Belles-lettres),  ln-4  de  pp.  15. 

On  croyait  autrefois,  et  jusqu'au  XVI«  siècle,  que  des  phylactres  et  des  objets 


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REVUE    DES   TRADITIONS   POPULAIRES  63 

enchantés  pouvaient  préserver  des  blessures  :  en  i568,  un  soldat  muni  d'un 
Agnus  dei'et  condamné  à  mort  ne  put  être  atteint  par  le  feu  de  la  nnousqueterie, 
VEnchiridion  Leonis  papœ  présente  un  grand  nombre  de  prière»  recommandées 
n  pour  conjurer  toutes  sortes  d'armes  ».  Des  épées  comme  Durandal  et  Joyeuse 
avaient, encastrées  dans  leur  pommeau,  des  reliques;  de  simples  mots  gravés  sur 
les  glaives,  préservaient  des  blessures  ;  les  monnaies  à  Teffigie  d'Alexandre, 
des  nobles  d*or  à  Terfigie  d'Edouard  111  et  à  inscriptions  talismaoiqucs,  passaient 
pour  avoir  une  puissance  magique. 

Elude  sur  la  coutume  des  meuniers  de  Meung  et  de  Beaugency  au 
Moyen-âge,  par  L.  Jarry.  Orléans,  H.  Herlûison.  1895.  In-8  de 
44  p. 

Coutumes  curieuses  ?ur  les  obligations  impo^Ocs  aux  meuniers  dont  la 
profession  était 'en  quelque  sorte  discréditée,  ils  Taisaient  entre  autres  roflicc  de 
bourreaux. 

André  Lefèvre.  Les  temps  homériques.  Hommes  et  dieux^  mœurs 
et  croyances.  Jean  Maisonneuve,  in-8,  de  pp.  158  (Extrait  de  la 
«  Revue  de  linguistique  »). 


PÉRIODIQUES  ET  JOURNAUX 


Ethnologiscbe  Mitteilungen  aus  Ungam.  IV.  4-6.  —  Dr,  Fi\  S.  Krauss^ 
Dus  Fraulein  von  Ranizsa.  Ein  Abenteuer  auf  der  Adria.  Ein  moilimisches  Gus- 
larenlied  in  zwei  Fassungen  (Kortsetzung).  —  Dr.  Bernhad  Munk  Icsiy  Die  altesle 
bistorische  Erwahnung  der  Ugrier.  — -  Vid  Vulelic  Vukasovic,  Alcunc  legjicnde 
di  S.  Simeone  Protetlore  di  Zira  (Tradizioni  popolari).  —  Franz  Gonozi,  Die 
Kroaten  in  Murakoz  (Mit  25  lllustrationen  auf  10  Tafeln)  I.  Typus  uud  Ch.irakter. 
11.  HochzeitFgcbrauche.  III.  Volksglauben.  —  Kleinere  Miiteitunffen  :  Geselischafi 
far  die  Volkerkunde  Ungarns.  Karpatbennmseum  in  Nagy-Szeben.  -  /*.  Uiin- 
falvy,  Der  Zuname  Ralo.  —  S.  Kuj^z,  Todtenwache  bei  deu  Hienzen. 

Om  Volksleven.  VU.  9.  —  Contes  populaires.  Les  trois  compagnons  de 
voyage,  /.-//.  Vervliet.  —  Blason  populaire.  Les  «  courtes  Oreilles  ».  de  Uelhy. 
Les  Geais  de  Hamme.  Les  «  Kloddemans  >•  de  Zelc.  Les  Mangeurs  de  sable  de 
Grembergen.  Les  Oignons,  les  Tourneurs,  les  «  Pieds  blancs  »  d'.41ost.  Les  Ca- 
rottes de  Ninove.  Les  Fous,  les  Attrappe-mouches,  les  «  Tireurs  de  limaçons  » 
de  Renaix.  Les  Hommes  rampants  de  Grammont.  Les  Sorcières  d'Onkerz^le.  Les 
Mangeurs  de  lait  de  beurre  de  Winkel-St.  Kruis.  Les  Ecorcheurs  d'anguilles  de 
Mendonk.  Les  Mangeurs  de  marmelade  de  pommes  de  Desteldonk.  Sobriquets  des 
habitants  de  quelques  autres  localités  de  la  Flandre  Orientale,  Jozef  Comelissen. 
—  Usages  et  coutumes  populaires  de  la  Campine  anversoise  :  Lundi  perdu.  Le 
Poisson  d'avril.  Le  lundi  de  Pâques,  Fran  s  Zand.  Légendes  du  Pelit-Brabant. 
Les  Cloches  englouties  de  Bornhcm.  L'Homme  qui  ne  retrouve  plus  son  chemin. 
Une  rencontre  de  fantômes.  La  Dame  blanche,  Alf.  J.  C.  -  Usages  et  Coutumes 
populaires  du  Brabant  septentrional  (Hollande)  (suite)  :  Coutumeit  diverses  en 
rapport  avec  des  fêtes  et  des  solennités  de  l'église.  Usages  et  Réjouissances  des 
«  Gildes  ».  Les  chambres  de  rhétorique,  P.  N.  Panken, 


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Bi  BEVUE   DES   TUADITIONS    POPULAIRES 

Revista  lusitana.  lY.  1 .  —  Costumes  do  tempo  d'EUrai  D  .  Maooel,  Pedro 
d'Azevedo^—  Dialectos  alemtejano».  /.  leite  de  Vasconcellos,  —  Les  travaux  pu- 
blics et  les  mines,  par  Paul  Sébillot,  Severiano  Monteiro  (cet  article,  qui  n'occupe 
pas  moins  de  seize  pages  en  petit  texte,  contient  des  additions  très  intéressantes). 

Volkskunde.  VIII.  9.  —  Usages  et  croyances  populaires  relatifs  aux  animaux 
domestiques,  aux  produit?  agricoles  et  au  temps,  A,  De  Cock.  —  Nos  Chauteurs 
ambulants  flamands,  PoL  de  Mont.  —  Proverbes  et  Dictons  sur  les  femmes.  — 
i.  La  femme.  Ses  défauts  et  ses  qualités,  A,  De  Cock. 

Wallonia.  IV.  1.  Le  jour  de  l'an,  croyances  et  usages.  G.  CoUon,  —  Li  leup, 
li  gatte  et  les  biquets,  fable  de  Lincé  (Sprimont)  F.  Sluse.  —  Notes  et  enquêtes. 
La  prcmitTC  revue  de  folklore. 


NOTES  ET  ENQUÊTES 


/,  dominations  et  distinctions.  Parmi  les  promotions  faites  dans  la  Légiou 
d'honneur  à  l'occasion  du  centeuaire  de  Tlnstitut,  nous  ro1rvon$*  celles  de  nos 
éniineuts  collègues,  MM.  Jules  Claretic.  Maspcro,  Massonet,  Ga«>ton* Paris,  promus 
commandeurs  de  la  Légion  d'honneur,  et  celle  de  M.  Xavier  Charmes,  également 
promu  commandeur,  qui,  depuis  la  fondation  de  la  Société  n'a  cessé  d'encou- 
rager ses  travaux.  Parmi  les  nominations  de  chevaliers  nous  constatons  avec 
bien  du  plaisir  celle  de  notre  collègue  J.-F.  Bladé. 

,*,  Contemporains  divinisés.  A  Oris^a,  dans  la  présidence  du  Bengale,  une  secte 
adore  la  reine  Victoria  comme  sa  principale  divinité.  Le  colonel  Graham  a  aussi 
découvert  que  Sa  Majesté  était  aussi  l'objet  d'un  culte  dans  le  temple  du  Phodoug- 
Lama,  à  Tumloong  au  Thibet. 

Dans  les  Punjaub  une  secte  adorait  une  divinité  qu'elle  appelait  Nilkkal  Sen, 
et  qui  n'était  autre  que  le  redouté  général  Nicholson  [\ewcastle  weekltf  Chronicle, 
4  janvier  1896). 

M.  de  Saulcy,  membre  de  l'Académie  des  Inscriptions  et  Belles-Lettres,  avait 
une  nièce  mariée  en  Bretagne  qui,  après  sa  mort,  le  Ht  inhumer  dans  une  cha- 
pelle niiprùs  de  son  château.  Celte  chapelle  fut  d'abord  appeKe  la  chapelle  de 
M.  de  S«u!cy  ;  eu  1885,  on  m'assura  à  Dinan  que  les  paysans  des  environs  ne 
l'appelaient  plus  que  la  chapelle  de  Sainl-Saulcy.  J'iguore  si  depuis  le  nouveau 
canonisé  a  fait  des  miracles.  P.  S. 

RÉPONSE 


.',  Êtres  fantastiques  pour  endormir  les  enfants.   A  Abbeville   pour  faire  cou- 
cher les  enfants,  on  leur  dit  :  Voilà  la  mère  Saint  Valéry  qui  passe  ! 


En  l'absence  de  M.  A.  Certeux.  momentanément  éloigné  de  Paris^  les  cotisations 
et  abonnements  sont  reçus  chez  M.  Sébillot,  80^  boulevard  Saint-Marcel. 

Le  Gérant  :  \,  CERTEUX. 

Bavf/é  {Maine-et-Loire.  —  Imprimerie  Daloux. 


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REVUE 


DES 


TRADITIONS  POPULAIRES 


11«  Année.  —  Tome  XI.  —  N»  2  —  Février  1896. 


LA  CHANSON  DE  RENAUD 


{Essai  de  littérature  populaire  comparée] 

AiNTE  vieille  chanson  qui,  sur  les  lèvres 
d'une  paysanne,  nous  a  charmés  par  sa 
naïveté  et  dont  les  rudes  sentiments  ont 
étreiiîl  notre  cœur,  chantée  par  quelque 
lettré  délicat,  ami  des  choses  populaires, 
évoque  aussitôt  ànotre  esprit  une  lointaine 
époque  où  le  trouvère  s'en  allait,  la  son- 
nant, déjà  fameuse,  de  ferme  en  ferme, 
de  manoir  en  manoir. 
Telle  la  ballade  de  Jean  Renaud. 
Aucune  de  nos  anciennes  chansons  françaises  n'a  davantage  attiré 
l'attention  ;  peu  méritent  autant  d'être  encore  étudiées  :  d'une  indé- 
niable beauté  intrinsèque,  les  considérations  d'ordres  divers  aux- 
quelles, d'autre  part,  elle  sollicite,  si  elles  ne  permettent  pas  de  don- 
ner des  conclusions  absolument  fermes  sur  son  âge  vénérable,  nous 
ouvrent  tout  au  moins  de  merveilleuses  perspectives  sur  la  vie  de  la 
poésie  du  peuple. 

Pour  connaître  toute  Taventure  du  roi  Renaud,  il  ne  suffit  pas  de 
collationner  les  versions  françaises,  déjà  fort  nombreuses  cependant 
et  recueillies  uu  peu  partout,  principalement  dans  les  provinces  du 
Nord  et  celles  de  TOuest  :  il  est  indispensable  de  les  comparer  aux 
chansons  Scandinaves  de  «  Sire  Olaf  ».  Les  versions  que  nous  en 
TOMB  XI.  —  FévniRR  1896.  5 


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66  REVUE    DES   TRADITIONS   POPULAIRES 

possédons  sont  considérables.  S.  Grundtvig*  en  donne  68  (dont  8 
suédoises,  18  norvégiennes,  4  des  Farœer  et  12  islandaises,  les  autres 


Ce  nombre  non-seulement  en  prouve  Textraordinaire  expansion,  de 
rare  façon  aussi  il  témoigne  de  Tétonnante  fécondité  de  Timagination 
humaine  qui,  sur  un  fond  partout  le  même,  a  brodé  cent  motifs  et  des 
plus  poétiques. 

Le  chevalier  Olaf  se  disposant  à  monter  à  cheval,  sa  mère  lui 
demande  où  il  veut  aller  :  d'autant  que  sa  cotte  est  restée  pendue  en 
haut  dans  la  chambre.  Il  s'en  va,  dit-il,  dans  les  brandes  chasser  la 
biche.  «  Non,  reprend  la  mère, 

<«  Tu  ne  vas  paB  chasser  la  biche, 
Mais  tu  vas  voir  ta  maîtresse.  »  (2) 

• 
Et,  prophétesse  et  voyante  comme  toutes  les  femmes  dans  lanli- 

que  Scandinavie,  elle  cherche  à  le  détourner  de  son  projet.  Déjà  elle 
voit  en  son  esprit  qu'on  lui  apporte  la  chemise  de  son  fils  toute  teinte 
de  sang.  Olaf  lui  tourne  le  dos  et,  ne  tenant  aucun  compte  de  ces 
pressentiments,  il  part. 

Ce  début,  très  clair,  très  humain,  n'a  été  conservé  que  dans  la 
seule  tradition  des  Farœer.  Nul  doute  que  ce  ne  soit  le  plus  ancien  : 
parceque  de  tous  les  motifs  qui  ojit  été  plus  tard  imaginés  pour 
expliquer  la  chevauchée  du  héros,  qu'il  ait  nom  Olaf  ou  Renaud^ 
aucun  n'est  plus  vrai.  Dans  les  autres  chansons  Scandinaves,  la  mère 
ne  paraît  point  à  ce  départ.  Ce  n'est  que  plus  tard  qu'incidemment 
nous  apprenons  où  Olaf  voulait  aller.  De  même  les  chansons  fran- 
çaises ne  nous  le  révèlent  que  d'un  mot,  d'un  vers  jeté  en  passant  : 
c'est  à  la  guerre  ou  à  la  chasse. 

Renaud  à  la  chasse  est  allé, 
A  la  chasse  du  sanglier  ; 
11  a  manqué  le  sanglier, 
Et  le  sanglier  Ta  tué.  (3) 

D'après  la  très  curieuse  version  de  F.  M.  Luzel*,  le  seigneur  Com- 
te s'est  marié  à  treize  ans.  Sa  femme  en  a  douze.  Au  bout  de  neuf 

1.  Svend^Grundtvig  :  Danmarks  garnie  Folkeviser.  Il,  N<»  47. 

2-  «  Hvort  skaltu  ridha,  Olavur  min  ?  i  lofti  hongur  brynja  tin.  —  Eg  fari  mcer 
à  heidhi,  ta  villini  hind  at  veidha.  —  Tu  fert  ikki  at  veidha  hind,  Men  tu  fert  til 
tina  leika-lind.  »  {Chanson  des  Farœer). 

3.  Version  bretonne  communiquée  jjar  M.  Boucher  d*Argis,  conseiller  à  la  cour 
d'Orléans.  E.-J.-B.  Rathery.  (Revue  critique^  S  Nov.  1866.) 

4.  Gwertiou  Breii-Izel.  1,  p.  5. 


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RBVUE   DÈR   TRADITIONS   POPDIiAlliES  67 

mois,  elle  vient  de  mettre  au  monde  un  fils,  et  Taccouchée  exprime 
une  envie  à  son  mari  : 

«  Uq  peu  de  chair  de  perdrix  ou  de  lièvre 
Provenant  du  bois  me  ferait  plaisir.  » 

lui  dit-elle. 

Il  est  intéressant  de  remarquer  que  les  versions  bretonnes  qu'on 
pourrait,  sans  doute,  appeler  celtiques,  sont  seules  avec  celles  des 
Farœer  à  posséder  ce  début  aussi  complet.  Les  motifs,  il  est  vrai,  y 
sont  différents;  néanmoins,  ils  offrent  dans  les  unes  et  les  autres  une 
ressemblance  frappante  :  le  jeune  homme  y  va  au  bois,  soit-^isant 
pour  chasser  ;  en  réalité^  à  cause  d'une  femme. 

Sire  Olaf  est  donc  parti.  Mais,  ce  qu'il  a  pris  pour  Taube  n'était 
qu'une  lueur  trompeuse  que  les  elfes  avaient  fait  briller  à  ses  yeux 
pour  l'attirer.  La  nuit  est  profonde  encore  et  la  terre  appartient  aux 
esprits  des  ténèbres.  Sur  son  vigoureux  poulain  il  s'enfonce  dans  le 
bois,  suivi  seulement  de  son  petit  chien.  Comme  il  approche  d'un 
monticule,  voici  que  tout  à  coup  il  aperçoit  une  danse. 

Y  dansent  les  elfes,  et  grandes  et  petites,  (1) 
Y  dan^e  la  fillo  du  roi,  les  cheveux  flottants. 

Elles  y  dansent  en  rond.  Elles  sont  trois,  neuf,  Tantique  nom- 
bre sacramentel. 

Voilà  qu  une  jeune  fille  sortit  de  la  danse, 
Elle  passa  son  bras  autour  du  cou  de  sire  Olaf. 

El,  lui  disant  les  mots  les  plus  caressants,  elle  veut  connaître  le 
but  de  son  voyage.  Surpris^  il  essaie  de  se  débarrasser  :  c'est  sa 
fiancée  qu'il  veut  voir,  ou  déjà  les  invitations  à  ses  noces  qu'il  va 
faire.  La  jeune  fille  lui  tend  la  main  : 

«  Auparavant,  sire  Olaf,  il  faut  que  vous  dansiez  avec  moi  I 
—  Je  ne  le  puis,  ni  ne  le  dois, 
Demain  se  feront  mes  noces.  » 

Elle  insiste.  C'est  pour  lui  qu'elle  a  tressé  ses  cheveux.  Il  lui  faut 
son  amour. 

«  Sire  Olaf,  si  vous  voulez  m'aimer, 
De  si  riches  cadeaux  ]e  vous  ferai.  » 

Elle  lui  donnera  un  château,  un  cheval  gris,  si  rapide  qu'en  une 

1.  Toutes  ces  différentes  citations  sont  traduites  du  recueil  de  Sv.  Gnindtvig. 


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ft8  REVUE   DES    IHADITIONB   PO^ULAlRfiS 

heure  de  temps  il  peut  aller  k  Rome  et  en  revenir  ;  elle  n'oubliera 
non  plus  la  selle  d'or  pour  mettre  dessus. 

«  Je  vous  donnerai  une  cotte  neuve, 
Jamais  devant  personne  vous  ne  fuirez. 

Je  vous  donnerai  une  si  bonne  épée. 
Jamais  seigneur  n'en  eut  une  semblable.  i> 

Elle  pense  Téblouir  de  ses  richesses  :  chez  elle,  tous  les  bancs  sont 
garnis  d*or.  En  vain  : 

«  Garde  pour  toi  tout  ton  or  si  rouge, 
Je  veux  aUer  chez  ma  fiancée.  » 

Elle  reprend  Ténumération  de  tout  ce  qu'elle  lui  donnera  encore  : 
des  bottes  en  peau  de  chèvre  avec  des  éperons  dorés,  et,  don  su- 
prême, une  chemise  de  soie  que  sa  mère  a  blanchie  au  clair  de  lune. 

Ainsi,  de  nos  jours,  dans  nos  campagnes  de  France,  la  jeune 
fîUe  qui,  la  veille  de  ses  noces,  donne  à  son  futur  une  chemise 
qu'elle  a  de  ses  mains  filée  et  taillée.  Coutume  qui  doit  être 
aussi  ancienne  qu'elle  est  répandue  :  fréquente  en  Allemagne  et  en 
Italie,  elle  se  retrouve  chez  les  Wendes  de  la  Basse-Lusace  comme 
chez  les  Grands-Russiens,  en  Esthonîe  comme  en  Finlande.  Chez 
les  Indous  aussi,  d'après  l'Atharvaveda  (14.  2.  51),  l'époux  mettait 
un  vêtement  que  sa  fiancée  lui  avait  tissé  ^  Dans  les  chansons 
Scandinaves,  d'habitude,  quand  un  homme  demande  à  une  femme 
de  lui  faire  une  chemise  :  c'est  à  son  amour  qu'il  en  veut. 

Olaf  reste  inébranlable. 

«  Une  chemise  de  soie,  j'en  ai  moi-même  une 
Que  ma  fiancée  m'a  donnée  hier.  » 

Elle  revient  à  la  charge.  A  toute  force,  il  faut  qu'il  danse  avec 
elle  :  à  lui  une  précieuse  chaîne  d'or  et  sept  vaisseaux  qui  vont  sur 
l'eau  ;  à  lui  enfin  la  plus  jeune  et  la  plus  belle  de  ses  suivantes. 

Toujours  le  même  refus. 

Alors  aux  prières  et  aux  promesses  succèdent  les  menaces  et  la 
violence.  D'après  certaines  versions  danoises,  la  reine  des  Elfes 
force  Olaf  à  descendre  de  cheval  et  à  danser,  à  danser  jusqu'à 
complet  épuisement.  Puis,  le  remettant  en  selle,  elle  le  renvoie  chez 
lui.  Mais,  selon  les  plus  anciennes  chansons,  aussi  bien  Scandinaves 
que  bretonnes,  Telfe  n'ayant  pu  arriver  à  ses  fins  lui  donne  à  choisir 
entre  la  mort  immédiate  ou  une  longue  maladie. 

i.  Cf.  D^*  Leopold  von  Schrœder  :  Die  Hochzeiisbrâuche  der  Esten,  p.  151. 


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REVUE    DES   TRADITIONS    POPULAIRI^  69 

<«  Choisissez  ou  de  mourir  dans  trois  jours 
Ou  de  rester  sept  ans  sur  votre  lit  ». 

Il  aime  mieux  mourir  tout  de  suite. 

Et  alors,  soit  qu'elle  lui  ait  offert  une  coupe  empoisonnée  ou 
qu'elle  lui  ait  donné  un  baiser  non  moins  funeste  ;  soil  qu'elle  le 
touche  simplement  de  la  main  ou  lui  enfonce  un  poignard  dans  le 
cœur;  qu'elle  le  frappe  une  fois  seulement,  ou  trois  fois,  ou  cinq,  ou 
neuf:  la  source  de  vie  est  tarie^en  lui. 

«  Lève- toi,  sire  Olaf  !  Retourne-t'en  chez  toi  ! 
Tu  n'as  plus  qu'uù  jour  à  vivre  ». 

Cette  première  partie,  tout  au  long  développée  dans  les 
chansons  Scandinaves  et  bretonnes,  manque  dans  les  fran- 
çaises proprement  dites.  Est-ce  une  perte  que  le  temps  leur  a 
iaii  subir?  Ou  bien  n'est-eile  qu'une  excroissance  dans  les  autres? 
M .  Gaston  Paris  est  d'avis  que  a  la  rencontre  avec  une  fée  était 
l'introduction  de  la  plus  ancienne  forme,  antérieure  sans  doute  à 
toute  version  française.  Ce  trait  mythologique  étant  tombé,  on  lui 
a  substitué  des  explications  diverses.  » 

Dans  les  chansons  des  peuples  latins,  les  motifs  que  nous  avons 
trouvés  à  l'absence  de  Renaud  sont  variés,  et  sa  mort  inopinée,  dès 
son  retour  chez  lui,  y  est  fort  différemment  expliquée,  parfois,  d'une 
façon  naïve.  S'il  est  tout  naturel  qu'il  revienne  de  guerre  blessé  à 
mort,  ou  encore  qu'un  sanglier  aux  abois  Tait  décousu,  il  est  plus 
étrange  déjà  que  ce  soit  un  chien  enragé  qui,  comme  dans  la  version 
vénitienne,  l'ait  mis  en  cet  état. 

Mais,  môme  en  l'envoyant  à  la  guerre  ou  à  la  chasse,  ces  chansons 
oublient  le  véritable  motif.  Les  chansons  Scandinaves  et  les  breton- 
nes s'en  souviennent  mieux.  De  toutes  les  formes  vaporeuses  par 
elles  évoquées,  il  s'en  dégage  une  qui,  débarrassée  de  tous  ses 
voiles  et  rendue  à  la  vérité  nue,  nous  donne  seule  la  réalité  :  le 
héros,  qu'il  vienne  de  se  marier,  comme  dans  les  chansons  breton- 
nes, ou  qu'il  soit  à  la  veille  de  le  faire  comme  dans  les  Scandinaves, 
qu'il  aille  à  la  chasse  pour  contenter  un  désir  de  sa  jeune  épousée 
ou  qu'il  veuille  faire  ses  invitations  aux  noces  du  lendemain,  arrivé 
dans  un  bois,  à  une  heure  mystérieuse,  il  y  fait  la  rencontre  d'une 
amante  jalouse  ou  d'une  maltresse  délaissée.  Peut-être  même  avait- 
il  un  dernier  rendez-vous  avec  elle.  En  tous  les  cas,  c'est  bien  elle, 
elle  seule^  qui  le  frappe  :  il  ue  veut  plus  d'elle,  il  ne  sera  pas  à  une 
autre. 

Xous-  ne  vevrions  là,   nous,    qu'un  simple  fait  divers,  à  peind 


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70  REVCE  DES  TRADITIONS  POPULAIRES 

capable  de  nous  rester  dans  la  mémoire;  et  nous  avons  le  droit  de 
demander  ce  qui  peut  bien  lui  avoir  valu  une  si  tenace  célébrité. 

Ladate  de  son  origine  peut  seule  nous  Texpliquer. 

Aux  époques  primitives  où  le  mariage  n'était  encore  qu*un  rapt 
ou  un  marché,  la  femme  se  trouvait  dans  des  conditions  telles 
qu'elle  devait  rester  à  peu  près  indifférente  au  choix  de  son  maître. 
La  jalousie  n'était  pas  née  encore.  Cependant,  de  tout  temps  des 
exceptions  ont  surgi  de  la  foule.  Des  cœurs  ont  battu  plus  fort  et  plus 
noblement  que  les  autres.  Des  femmes  se  sont  distinguées  :  la 
vaillance,  Tamour,  la  vengeance  les  ont  sorties  du  commun,  et  elles 
sont  devenues  les  héroïnes  célèbres  des  plus  anciens  poèmes. 

Qu'il  s'en  soit  donc  trouvé  une  qui,  alors  que  toutes  autour  d'elle 
acceptaient,  insensibles,  Thomme,  quel  qu'il  fût,  se  soit,  elle, 
attachée,  donnée  tout  entière  à  celui  de  son  choix  :  plutôt  que  de  le 
perdre,  elle  le  tue.  Ce  fait  est  alors  si  nouveau,  que  tout  le  monde 
en  est  surpris  ;  il  semble  si  incroyable,  qu'il  met  toutes  les  imagi« 
nations  en  travail.  Ce  ne  peut  être  une  femme  qui  ait  fait  cela,  se 
dit-on.  Et  Ton  songe  avec  effroi  à  ces  êtres  surnaturels  qui,  la  nuit, 
sortent  de  leurs  souterraines  demeures  et  s'en  viennent,  à  la  clarté 
de  la  lune,  danser  en  rond  ;  on  sait  quel  penchant  ils  ont  pour  les 
enfants  des  hommes  et  que  quiconque  a  commerce  avec  eux,  l'expie 
de  sa  vie  ;  on  se  rappelle  que  tel  ou  tel  déjà  a  été  leur  victime  au 
fond  des  bois  ou  dans  la  solitude  des  landes,  soit  qu'il  y  soit  resté 
mort,  ou  qu'il  ait  été  emmené  dans  leur  palais,  d'où  Ton  ne  revient 
guère.  Ce  n'est  plus  douteux  :  Olaf  aussi  les  a  rencontrés. 

Là  est,  croyons-nous,  le  germe  de  l'aventure  :  c'est  d'un  fait  réel 
qu'elle  est  née.  Plus  tard  seulement,  l'oubli  venant,  la  mythologie 
s'en  est  emparée  :  la  fiction  a  pris  la  place  de  la  réalité. 

Chez  les  Scandinaves,  où  la  croyance  aux  esprits  de  la  nature  a 
été  aussi  profonde  que  chez  aucun  autre  peuple,  et  qui  l'ont  conser- 
vée vivace  jusqu'à  nos  jours,  ce  germe  s'est  développé  au  point 
d'en  faire,  pour  ainsi  dire,  une  chanson  à  part. 

Or,  les  Bretons  possédant  ce  même  développement  de  la  chanson, 
ne  serait-ce  pas  que,  peut-être,  il  s'est  produit  dans  un  temps  où 
Celtes  et  Scandinaves  étaient  encore  ensemble?  De  la  patrie  com- 
mune ils  ont  emporté  le  chant  anceslral  ;  partout  où  ils  ont  passé, 
il  a  retenti  ;  il  s'est  arrêté  là  où  ils  se  sont  établis.  Les  uns,  au 
bout  de  leurs  courses  à  travers  le  monde,  fixés  dans  la  péninsule 
armoricaine  ou  dans  celle  du  Jutland,  ou  plus  loin  même,  de  l'autre 
côté  du  Sund^  à  l'abri  de  presque  tout  contact  étranger,  l'ont 
conservé  jusqu'à  nos  jours  intact  ;  quant  aux  autres,  des  plaines  de  la 
Germanie  aux  Pyrénées,  les  invasions  les  ont  tant  de  fois  recouverts 


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REVUE    DES  TRADITIONS  POPULAIRES  71 

de  leurs  flots,  tant  de  peuples  se  sont  mêlés  à  eux,  qu'il  n'est  pas 
étonnant  que  le  patrimoine  familial  y  ait  été  gravement  altéré. 

Ainsi  s'explique  donc  que  dans  les  chansons  françaises  toute  cette 
première  partie  n'existe  pas. 

Par  contre,  la  deuxième  y  a  gagné.  Aussi  est-ce  à  celle-ci  que, 
dorénavant,  nous  allons,  en  grande  partie,  emprunter  la  suite  du 
récit. 

Sire  Olaf,  il  chevauche  vers  le  «  gaard  »  de  son  père, 
Le  sang  coule  de  la  blessure  qu'il  a  au  cœur. 

Il  coule  si  abondamment  que  ses  deux  bottes  en  sont  remplies.  Ce 
détail,  pour  différent  qu*il  soit  de  celui  donné  par  la  plupart  des 
chansons  françaises, 

Quand  Jean  Renaud  de  guerre  revint 
Tenait  ses  tripes  dans  sa  main, 

n*en  est  pas  moins  d'un  naturalisme  cruel. 

Quand  il  arriva  à  la  barrière, 

Sa  mère  chérie  s'y  tenait  appuyée. 

Deux  vers  traditionnels  dans  la  poésie  populaire  du  Nord  et  dont 
la  fréquence  s'explique  par  le  genre  de  construction  alors  en  usage. 

Le  «  gaard  »  Scandinave  était  au  village,  comme  en  pleine  campa- 
gne la  ferme,  un  espace  plus  ou  moins  grand,  entouré  soit  d'un 
échalier,  soit  d'une  espèce  de  mur  en  tourbe  et  en  pierre,  haul 
d'environ  cinq  pieds^  le  plus  solide  possible  pour,  en  cas  d'attaque, 
servir  à  la  défense.  A  l'intérieur  de  cette  enceinte  se  trouvaient  la 
maison  d'habitation  et  les  différents  bâtiments  d'exploitation.  Les 
Bobos  de  l'Afrique  Centrale  ne  construisent  pas  différemment.  A 
San,  le  colonel  Monteil  *  fut  hébergé  à  l'extérieur  de  la  ville,  dans 
un  grand  enclos  entouré  de  murs  élevés,  dans  l'intérieur  duquel 
sont  quelques  cases  en  terre  très  habitables.  Pour  voir  ce  qui  se 
passait  au  dehors  et  pour  pouvoir  causer  avec  les  voisins  il  fallait 
donc  venir  tout  au  moins  à  rentrée  de  cette  cour,  et  c'est,  en  effet,  là, 
que  sans  cesse,  dans  les  chansons,  nous  rencontrons  les  femmes, 
«  appuyées  contre  la  barrière  ». 

En  France,  ce  n'est  point  à  la  barrière  qu'attend  la  mère  de  Renaud  : 

Sa  mère  qu'est  au  grenier  haut 
Voit  arriver  son  fils  Renaud. 

1.  De  Saint-Louis  à  Tripoli  par  le  lac  Tchad,  p.  35. 


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72  RJI^VUE  DBS  TRADJTiONS  K)|»VLAlRfië 

La  différence  vaut  d'être  signalée.  Elle  prouve  tout  d'abord 
qn'k  Tépoque  où  les  chansons  se  sont  fixées  en  leur  forme  actuelle, 
la  façon  de  construire  n'était  pas  la  même  dans  les  deux  pays. 
Si  la  chanson  ne  datait  que  du  Moyen-Age,  il  y  a  fort  à  parier 
que  le  poète  eilt  fait  monter  cette  mère^  une  reine,  sur  la  plus  haute 
tour  de  son  château  ou  tout  au  moins  jusqu'aux  créneaux,  comme 
le  dit  d'ailleurs  une  version  de  Forez  : 

Sa  mère  était  sur  le  créneau, 
M  a  TU  venir  son  fils  Arnaud. 

Mais  alors,  que  la  chanson  fût  née  ici  ou  là,  émigrée  d'un  pays 
dans  Tautre,  Texpression  n'en  serait  pas  moins  restée  partout 
la  même  :  parceque  partout  on  Teût  comprise  et  qu'elle  a,  en  outre,  un 
cachetde  poésie  aristocratique  que  le  peuple  nedédaigne  point. Tandis 
que  plus  prosaïque,  non,  tout  simplement  plus  vieille,  notre  chanson 
dit  «au  grenier  haut».  Or  ce  «grenier  haut»,  c'est,  en  réalité,  la  mai- 
son elle-même,  c'est-à-dire  i'antique  habitation  de  bois,  haut  élevée 
sur  pilotis,  laissant  inoccupé  l'espace  au-dessous  ;  ou  bien  ainsi 
construite  que  cet  espace  soit  réservé  aux  diverses  servitudes,  la 
famille  occupant  l'étage  au-dessus,  le  grenier  par  conséquent,  autour 
duquel  court  celte  espèce  de  balcon  couvert  dont  parlent  tant  de  fois 
les  chansons  danoises  «  paa  hœjeloftsbro  ».  L'expression  est  restée 
dans  nos  chansons,  parceque,  tout  en  subissant  une  légère  altération 
de  sens,  elle  n'en  a  pas  moins  continué  d'être  claire  pour  tous.  Chez 
les  Scandinaves,  au  contraire,  l'habitation  s*étant  transformée, 
l'expression  aussi  a  dû  changer:  maintenue,  elle  n'eût  plus  eu  pour 
eux  aucune  signification. 

Et  ainsi  ce  pourrait  bien  être  la  chanson  française  qui  eût  gardé 
le  plus  fidèle  souvenir  de  sa  lointaine  enfance. 

Un  dialogue  s'engage  alors,  extrêmement  pathétique,  entre  la  mère 
et  le  fils.  Il  n'est  pas  le  même  dans  les  chansons  Scandinaves  que 
dans  les  françaises  :  c'est  qu'aussi  la  donnée  est  toute  différente. 

Dans  les  chansons  françaises,  en  effet,  Renaud  est  marié  ;  dans  les 
Scandinaves,  Olaf  n'était  que  fiancé. 

Au  fiancé,  la  mère  demande  pourquoi  il  est  si  pâle,  pourquoi  le 
sang  coule  tout  le  long  de  sa  selle.  Son  cheval,  dit-il,  a  buté  ;  ou 
bien  c'est  une  branche  qui  l'a  fait  tomber. 

«  Non,  non,  petit  Ole,  ce  n'est  pas  vrai  : 
Bien  sûr  tu  as  été  à  la  danse  des  Elfes  !  » 

Il  en  convient  et  raconte  ce  qui  lui  est  arrivé. 


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BEVUE  DBS   TRADITIONS  POPULAltlES       *  73 

La  mère  de  Renaud,  elle,  toute  entière  à  la  grande  nouvelle  qu*elle 
a  à  annoncer  à  son  fils,  ne  remarque  ni  sa  pâleur,  ni  son  affreuse 
blessure.  «  Réjouissez-vous,  lui  crie-t-elle  de  tant  loin  qu'elle  le  voit, 

Vot*  dame  vient  d'avoir  un  fiU  », 

tt  Ni  de  ma  femme,  ni  de  mon  fils 
Je  n'en  ai  le  cœur  réjoui.  ^ 

Qu'on  me  fasse  ici  faire  un  Ut. 
Un  chevet  blanc,  un  coussin  gris  ; 
Qu'en  secret  on  me  le  fasse  bien, 
Que  ma  femme  n'en  sache  rien  (1)  ». 

Ce  lit,  que  Renaud  recommande  de  lui  faire  avec  tant  de  précau- 
tion, afin  de  ne  pas  troubler  le  repos  de  la  jeune  acccouchée,  Olaf 
le  demande  égalemeot  à  sa  soeiur. 

<t  0  ma  sœur  chérie,  prépare-moi  mon  lit  ! 
0  ma  mère  chérie,  conduisez-y  moi  !  » 

Détail  encore  qui  a  son  prix.  Il  nous  rappelle,  un  temps  où  le  lit 
ne  consistait  qu'en  des  coussins  qu'on  mettait,  le  soir,  sur  des 
bancs  tout  autour  de  ta  salle,  et  qu'on  enlevait  le  lendemain  matin: 
coutume  qui  a  été  commune  à  beaucoup  de  peuples,  mais  à  une 
époque  déjà  bien  reculée  et  dont  maintes  chansons  Scandinaves 
ont  cependant  conservé  le  souvenir. 

Alors  Olaf,  sentant  la  mort  venir,  prie  son  frère  d'aller  lui  chercher 
le  prêtre.  Passage  ajouté  après  coup,  mais  qui  va  se  trouver  aussitôt 
suivi  d*une  scène  qui  nous  transporte  en  pleine  époque  païenne.     . 

Sa  mère  d'abord  cherche  à  le  rassurer  : 

Tais-toi,  sire  Olaf  I  Ne  parle  pas  ainsi  ! 
Plus  d'un  tombe  malade  qui  n'en  meurt  pas. 

Hélas  I  tout  espoir  est  perdu.  Plus  de  doute,  la  mort  est  là. 

n  Ecoute,  sire  Olaf,  mon  fils  si  beau  : 
Que  répond  rai- je  à  ta  fiancée  ?  » 

«  Vous  direz  que  je  suis  au  bois, 

A  easayer  mon  cheval  et  aussi  mes  chiens.  » 

Peut-être  même  sa  fiancée  est-elle  déjà  en.route,  s'acheminant  vers 
la  demeure  de  l'époux  ;  et  il  s'inquiète  de  ne  pouvoir,  en  personne, 
la  recevoir.  Il  demande  qu'on  aille  à  sa  rencontre  : 

«  Levez-vous  tous,  mes  sept  frères  I 

Montez  à  cheval,  allez  au-devant  de  ma  fiancée  !  » 

1.  Version  da  Boulonnais.  Riv,  dw  Trad.  pop.  111,  p.  195. 


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74  '     RBVUE  DES  TRADITIONS   POPULAIRES 

Pais,  de  nouveau,  lout  un  passage  Iraditîonnel. 

«  Ecoutez,  ma  mère  chérie  I  Allez  me  chercher  mon  écrin, 
Que  je  distribue  mon  or  I 

Mon  père  aura  mon  cheval  gris  : 
Il  va  si  souvent  au  «  gaard  »  du  roi. 

IMa  mère  aura  mû  voiture  suspendue  : 

Elle  m*a  porté  avec  tant  de  bonheur  dans  ses  bras. 

Ma  sœur  aura  mon  or  si  rouge  ; 
Mon  frère  aura  ma  fiancée  ». 

Dans  toute  Tantiquité  Scandinave  nous  retrouvons  cette  habitude 
qu'avaient  les  moribonds  de  distribuer  des  cadeaux  à  leurs  proches; 
d'autre  part,  la  cession  de  la  femme  ou  de  la  fiancée  du  mourant  à 
son  frère  n'existe  que  chez  des  peuples  primitifs. 

Tout  à  coup,  on  entend  au  loin  les  trompettes  du  cortège  nuptial; 
à  ce  moment  môme,  Olaf  rend  le  dernier  soupir. 

Il  est  étonnant  de  voir  comment  les  chansons  Scandinaves  et  les 
françaises  reproduisent  exactement  les  mômes  incidents,  se  servent 
pour  les  raconter  d'expressions  identiques,  tout  en  restant  cepen- 
dant, les  unes  et  les  autres,  fidèles  à  la  donnée  différente  qu'elles 
ont  une  fois  admise. 

Olaf  ou  Renaud  est  mort. 

Il  s'agit  désormais  d'apprendre  la  triste  nouvelle  soit  à  la  jeune 
femme,  soit  à  la  fiancée.  Cette  pénible  tâche  incombe  à  la  mère  du 
défunt. 

Le  dialogue  qui  alors  s'établit  entre  les  deux  femmes  peut 
compter  parmi  ce  que  la  poésie  humaine  a  créé  de  plus  réellement 
beau.  Plus  court  dans  les  chansons  Scandinaves,  les  chansons 
françaises  l'ont  allongé  et  varié  à  l'infini. 

Dès  Taube,  la  fiancée  d'Olaf  arrive  avec  son  cortège.  Toutes  les 
cloches  de  la  ville  sonnaient.  Elle  s'en  étonne  : 

«  Qu'ont  donc  les  cloches  à  tant  sonner  ? 
Je  ne  sais  ici  personne  qui  soit  malade.  » 

On  lui  répond  que  c'est  la  coutume  du  pays  de  sonner  ainsi  à 
l'arrivée  d'une  fiancée. 

Tout  à  coup,  elle  aperçoit  les  flambeaux  qui  brûlent  dans  la  cham- 
bre d'Olaf. 

0  Christ,  oh  I  secours-moi  dans  ma  peine  ! 
Des  lumières  y  brillent  en  plein  jour. 

0  Christf  oh  !  secours-moi  dans  ma  détresse  I 
Je  crois  bien  sûr  que  sire  Olaf  est  mort. 


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RBVUK   DBS   TRADITIONS    POPULAIRES  75 

Elle  arnve  à  la  porte  du  «  gaard  ».  Toutes  les  femmes  Ty  atten- 
daient, en  larmes.  Qu'ont-elles  donc  toutes  &  tant  pleurer  ?  Pourquoi 
la  mère  de  son  fiancé  porte-t-elle  les  vêtements  de  deuil  ?  Est-ce 
parce  que  sa  bru  arrive  ? 

«  PoîDt  Je  ne  pleure  à  cause  de  ton  arrivée  : 

Mais  c'est  une  femme  qui  est  morte  dans  notre  ville  ». 

Cette  réponse  ne  la  satisfait  pas.  Od  dpnc  est  Olaf,  son  fiancé  ? 
Ne  devrait-il  pas  être  là  pour  la  recevoir  ? 

On  rintroduit  dans  la  grande  salle  ;  on  la  fait  asseoir  sur  le  banc 
nuptial  ;  et. les  chevaliers  défilèrent  devant  elle,  lui  apportant  leurs 
cadeaux  :  de  la  même  façon,  avec  les  mêmes  vers  sont  racontés  tous 
les  mariages  dans  la  poésie  populaire  Scandinave. 

Que  dit  la  fiancée,  de  Tautre  côté  de  la  table, 
Elle  prononça  ces  paroles  pleines  de  chagrin  : 
«(  Je  vois  ici  les  chevaliers  aller  et  venir, 
Je  ne  vois  point  sire  Olaf,  mon  maître  chéri.  » 

On  versait  le  vin,  on  versait  l'hydromel.  De  nouveau  elle  demande 
où  est  Olaf. 

Lui  répondit  sa  mère,  du  mieux  qu'elle  put  : 

«  Chevalier  Olaf  est  au  bois,  à  dompter  son  cheval  », 

et  à  essayer  ses  chiens. 

«  Aime-t-il  donc  mieux  son  faucon  et  son  chien 
Que  sa  jeune  fiancée  ?  » 

Elle  ne  peut  pas  le  croire  ;  et,  d'ailleurs,  leur  pâleur  à  tous  lui 
indique  assez  que  ce  n*est  pas  la  joie  qui  règne  en  cette  maison. 

Le  soir,  à  la  nuit,  il  fallut  conduire  la  fiancée  dans  sa  chambre. 
Et,  traditionnellement  toujours,  ils  allument  les  torches  nuptiales  ; 
ils  l'accompagnent  jusqu'à  son  lit. 

Alors  la  vérité  éclate. 

Son  fiancé  n*est  plus.  Il  faut  qu'elle  épouse  son  frère.  Elle  pousse 
un  cri.  Non,  cela  ne  sera  jamais.  Maintenant,  elle  veut  voir  le 
cadavre  de  celui  qu'elle  venait  épouser  ;  elle  supplie  les  femmes  de 
la  conduire  auprès.  D'une  main,  elle  repousse  le  drap  qui  le  recou- 
vrait : 

Là  gisait  sire  Olaf  et  il  était  mort  I 

Elle  lui  caresse  la  joue,   lui  disant  les  choses  les  plus  tendres, 
puis,  se  jetant  sur  lui,  elle  lui  met  un  baiser  sur  la  bouche. 
Et  elle  mourut  à  la  même  heure. 


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76  REVUE   DES   TRADITIONS   POPULAlBES 

iQYolontaireiaeQt  on  pense  à  laGudrua  des  Bddas.  Assise  penchée 
sur  le  corps  de  Sigurd,  elle  ne  pleurait  pas  comme  font  les  autres 
femmes;  mais  la  douleur  faisait  presque  éclater  sa  poitrine.  Des 
hommes  et  des  femmes  s*approchèrent  pour  la  consoler  ;  mais  cela 
n'était  point  facile.  Alors  Gullrœnd^  ûlle  de  Giuki,  fit  découvrir  le 
corps  du  héros. 

u  Elle  enleva  le  linceul  qui  cachait  Sigurd,  et  posa  sa  tête  sur  les 
genoux  de  sa  femme  :  «  Regarde  ton  bien-aimé  et  pose  ta  bouche 
sur  ses  lèvres,  et  embrasse-le  comme  tu  faisais  quand  il  vivait 
encore.  » 

a  Un  instant  seulement,  Gudrun  leva  les  yeux  :  elle  vit  la  cheve- 
lure du  chef  raidie  parle  sang^  les  yeux  brillants  du  roi  sans  regard, 
et  son  cœur,  le  siège  du  courage,  transpercé. 

«  La  reine  tomba  en  arrière  sur  les  coussins  du  siège.  Ses 
cheveux  se  dénouèrent,  ses  joues  rougirent,  et  un  torrent  de  larmes 
inonda  ses  genoux. 

<r  Alors  elle  pleura,  Gudrun,  la  fille  de  Giuki,  et  un  flot  de  larmes 
ininterrompu  coula  de  ses  yeux,  et  les  oies  que  possédait  la  reine 
crièrent  dans  la  cour,  ces  nobles  oiseaux  K  » 

Plus  pathétiques  encore  sont  les  chansons  françaises. 

La  situation  y  est  d'un  bout  à  Tautre  exposée  avec  autant  de 
précision  que  de  vérité. 

La  jeune  femme  est  donc  accouchée  d*un  fils.  Naturellement,  elle 
est  surprise  de  ne  pas  voir  son  mari.  Elle  demande  à  sa  mère  ce  qui 
lui  est  arrivé.  Celle-ci  répond,  comme  dans  les  chansons  Scandina- 
ves, qu'il  est  allé  chasser  au  bois,  ou  encore  qu'il  a  été  mandé  k 
Paris. 

Mais,  quand  sur  les  minuit  il  a  rendu  le  dernier  soupir, 

SoD  dernier  cri  fut  tant  aigu, 
Que  sa  femme  ra-t-entendu. 

Elle  veut  savoir  qui  a  crié  si  fort.  Tantôt  on  lui  répond  que  ce  sont 
les  enfants  qui  se  plaignent  du  mal  de  dents  ;  tantôt 

C*eit  un  ptit  page  qu'on  a  fouetté 
Pour  un  plat  d'or  qu'est  égaré. 

Le  lendemain,  elle  voit  tout  le  monde  en  larmes  :  domestiques  el 
servantes. 

«  Dites- moi,  mère,  ma  mie, 

Qu'est-ce  que  les  domestiques  pleurant  tant  ici  ? 

LE.  de  Laveleye.  Les  Eddas,  p. 247. 


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REVCB   DBS   TRADITIONS  POfULAIRES  77 

—  Hélas  I  ma  filIO:  Je  V  le  dirai  : 
C'est  le  plus  beau  de  nos  cheyaux 
Qui  dans  Vécurie  est  tombé  mort  t 

—  Consolez-vous,  tretous  ! 

Pourvu  que  Dieu  prête  la  vie  à  Renaud, 
Nous  en  aurons  bien  de  plus  beaux. 
Dites-moi,  mère,  ma  mie. 
Qu'est-ce  que  les  servantes  pleurant  tant  ici  ! 

—  Hélas  I  ma  fille,  je  t'ie  dirai  : 
C'est  le  plus  beau  de  nos  linceuls 
Que  la  rivière  a-t-emmené  I  » 

Et  toujours  elle  cherche  à  les  consoler.  Pourvu  que  Renaud  soit 
vivant,  rien  ne  saurait  être  perdu. 

Elle  entend  clouer  la  bière.  Tourmentée  de  pressentimeuls,  elle 
s'informe  :  c'est,  lui  dit-on,  le  charpentier  qui  raccommode  le 
plancher.  Les  cloches  sonnent  le  glas  funèbre. 

«(  Dites-moi,  mère,  ma  mie, 
Qu'est-ce  que  j'entends  sonner  ici  ? 

—  C'est  le  p'iit  dauphin  nouveau-ué 
Dont  le  baptême  est  retardé.  » 

Ou  c*est  un  roi  des  alentours  qui  est  mort  depuis  trois  jours. 
Elle  entend  les  prêtres  chanter. 

«  Dites-moi,  mère,  ma  mie, 
Qu'est-ce  que  j'entends  chanter  ici  ? 

—  Hélas  !  ma  fille,  c'est  les  processions 
Qui  faisant  le  tour  de  nos  maisons  I  » 

La  chanson  bretonne  dit  que  c'est  un  pauvre  qu'on  logeait,  et  qui 
vient  de  mourrir. 

Le  moment  des  relevailles  est  arrivé.  Elle  doit  aller  à  Téglise. 
Elle  demande  à  sa  mère  quelle  robe  elle  mettra. 

«  Prenez  le  blanc  prenez  le  gris. 
Le  noir  est  beaucoup  plus  joli.  » 

D'ailleurs, 

Tout'femme  qui  relève  d'un  fils 

Du  drap  de  S'-Maur  doit  se  vèti.  (t) 

Chemin  faisant,  tous  ceux  qui  la  rencontrent  ne  peuvent  s'empê- 
cher d'exprimer  leur  compassion. 

I.  J.  Tiersot.  Uist.  de  la  chans,  pop,  en  France^  pp.  14-15, 


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78  REVUE  DKS  TRADITIONS    POPULAIRES 

Les  enfanU  la  voyant  'passer 
Disaient  entre  eux  tout  ohagrinés  : 
C'est  la  femme  de  Renaud, 
Enterré  d'hier  au  tantôt. 
Dites-moi,  ma  mère,  ma  mie, 
C^  paysans  que  disent-ils  ? 

—  Mm  fiUe,  ils  disent  que  les  moinaux 
On  fait  iMm  nids  dans  les  créneaux.  (1) 

Plus  loin, 

Trois  laboureurs  pe  promenant, 
Dedans  les  champs  allaiesl  disant  : 

—  N'est-ce  pas  la  femme  de  tt  grand  roi 
Qu'on  a  enterré  hier  au  soir  ? 

Enfin  elles  arrivent  à  Téglise.  Tout  de  suite,  en  traversant  le 
cimetière  elle  remarque  la  terre  fraîchement  remuée.  La  mère  ne 
peut  plus  longtemps  lui  cacher  la  vérité  : 

C'est  Jean  Henaud  qu'est  décédé  ! 

Le  chanteur  populaire  avait  là  une  situation  tragique  qu'il  atmftîi  ; 
il  Ta  prolongée  autant  qu'il  a  pu.  Ne  pouvant  s'en  séparer,  il  en  i^ 
rendu  tous  les  détails  et  toujours  avec  la  même  poésie,  inventant 
sans  cesse  invraisemblances  sur  invraisemblances.  Mais,  au  début,  il' 
n'en  était  sûrement  pas  ainsi.  La  mère,  aussitôt  le  décès  de  son  fils, 
cherchait  bien  à  en  cacher  la  nouvelle,  mais  elle  n'y  parvenait  pas  ; 
ses  propres  larmes  la  trahissaient. 

Mais,  dites,  ma  mère,  ma  mie, 
Pourquoi  donc  pleurez- vous  ainsi  ? 

—  Hélas  1  je  ne  puis  le  cacher, 
C'cpt  Jean  Renaud  qu'est  décédé  !  (2) 

Et  la  jeune  femme,  poussant  un  cri  : 

«  Ma  mère,  dit'au  fossoyeuz 
Qu'il  fasse  la  fosse  pour  deux. 
Et  que  l'espace  y  soit  si  grand 
Que  l'on  y  mette  aussi  l'enfant,  »  (3) 

Mourait  aussitôt. 

Ce  dénouement  est  le  même  dans  toutes  les  chansons.  Les  Scan- 
dinaves font  en  outre  mourir  la  mère  d'Olaf. 

1.  Version  tourangelle  recueillie  a  Bléré  par  M.  A.  Brachet.  (Revue  critique, 
25  août  1866.) 

2.  Version  du  Vermandois,  recueillie  par  Tarbé,  citée  par  M.  G.  Paris.  {Revue 
critique,  12  mai  1866.) 

3.  Bujeaud  :  Chans.  pop.  de  VOuest,  H.  p.  213. 


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REVUE  DES  TRADITIONS  POPULAIRES  79 

Le  matin,  de  bonne  heure,  au  point  du  jour, 
Sortirent  trois  cadavres  du  «  gaard  »  de  sire  Olaf. 
Le  premier  était  sire  Olaf,  Tautre  celui  de  sa  fiancée, 
Le  troisième  celui  de  sa  mère  chérie,  morte  de  chagrin. 

Mais,  c*est  encore  là  un  passage  traditionnel  dans  la  poésie  popu- 
laire Scandinave  et  qui  ne  prouve  rien  ici.  En  tous  les  cas,  aucune 
version  française,  à  ma  connaissance  du  moins,  n*est  aussi  com- 
plète. 

L'examen  de  ces  chansons,  Scandinaves  et  françaises,  incontes- 
tablement démontre  que,  toutes,  elles  ont  pour  origine  le  même 
motif. 

Ce  motif  est  excessivement  simple  :  un  jeune  homme,  nouveau 
marié  ou  à  la  veille  de  Tétre,  s'en  revient  du  bois,  blessé  à  mort. 
Une  amante  délaissée,  une  rivale  jalouse  Ta  frappé  au  cœur.  De 
retour  chez  lui,  cette  situation  donne  lieu  à  un  très  dramatique 
dialogue  entre  la  mère  du  jeune  homme  et  la  jeune  femme  ou  la 
fiancée,  qui,  en  apprenant  la  fatale  vérité,  meurt  de  chagrin. 

11  y  a  dans  tout  le  sujet  un  tel  enchaînement  que  toute  méprise, 
tout  changement  devient  Impossible  comme  Ta  fort  bien  fait  remar- 
quer S.  Grundtvig.  C'est  un  organisme  vivantiqui  conserve  son  uni- 
té à  travers  les  temps  comme  dans  les  pays  les  plus  éloignés. 

Néanmoins,  les  chansons  Scandinaves  ne  lont  pas  traité  de  la 
même  façon  que  les  chansons  françaises. 

Les  premières  ont  surtout  donné  de  l'importance  au  début,  à  la 
première  partie  de  Taventure.  L'imagination  y  a  transformé  un  fait 
très  ordinaire  en  une  rencontre  merveilleuse  d'Olaf  avec  une  fée 
qui  ne  lui  pardonne  pas  de  préférer  à  son  amour  celui  d'une  mortelle. 

Les  chansons  françaises,  au  contraire,  laissant  de  côté  cette 
rencontre,  nous  présentent,  dès  les  premiers  vers,  Renaud  c  tenant 
ses  tripes  dans  sa  main  »,  sans  nous  dire  le  plus  souvent  comment 
il  a  reçu  cette  blessure  ;  et,  avec  un  étonnant  sentiment  du  tragique, 
elles  ont  développé  la  situation  ainsi  faite  à  la  jeune  femme  qui 
vient  de  mettre  au  monde  un  ûls  de  roi. 

La  différence  entre  les  deux  groupes  de  chansons,  on  le  voit,  est 
essentielle. 

Non  moins  importante  est  cette  autre  différence  que  les  chansons 
françaises,  considèrent  Renaud  comme  marié,  tandis  que  les 
chansons  Scandinaves  ne  le  disent  que  fiancé. 

De  semblables  divergences  doivent  remonter  à  Tenfance  même  de 
la  chanson.  Car,  supposons  qu'il  y  ait  eu  emprunt  d*un  peuple  à  l'au- 
tre, alors  que  le  sujet  était  entièrement  constitué.  Les  Français,  par 
exemple,  l'auraient  reçu  des  Scandinaves,  au  moment  des  invasions 


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80  tlEVUE    DES  TRA.D1TI0NS    POPULAIRES 

normandes,  je  suppose.  11  a  suffi  d'an  mot  pour  éiayer  cette  théorie 
erratique,  trouvé  dans  une  chanson  bretonne.  Les  celtîsants  ne  le 
reconnaissent  pas  pour  appartenir  au  celtique  ;  or,  il  se  trouve  qu'en 
danois,  ce  mot,  a  broget  »,  veut  dire  bariolé,  sens  qui  va  avec  le 
contexte.  Donc,  ce  sont  les  Danois  qui  ont  apporté  la  chanson  aux 
Bretons.  Des  Bretons  elle  serait  passée  chez  les  Français  qui,  grâce  à 
leur  instinct  dramatique  et  à  leur  besoin  d'être  concis,  peu  à  peu 
auraient  laissé  tomber  tout  le  commencement  pour  mieux  faire 
ressortir  le  dénouement. 

Pourquoi  auraient-ils  aussi  transformé  les  personnages  ?  Serait-«e 
également  pour  rendre  Tim pression  du  drame  plus  poignante  ? 
Nous  ne  le  croyons  pas. 

Cette  jeune  fille  qui  s'en  vient  avec  son  cortège  nuptial  vers  sa 
nouvelle  demeure  et  qui,  surprise  de  ne  point  voir  à  sa  rencontre 
son  fiancé,  demande  à  sa  mère  ce  qu'ont  les  cloches  à  tant  sonner  ; 
puis,  si  vraiment  Olaf  lui  préfère  déjà  ses  chevaux  et  ses  chiens,  et 
qui,  le  soir  de  ses  noces,  meurt  sur  le  cadavre  de  celui  qui  n'a  pu 
la  recevoir  dans  ses  bras,  offre  une  situation  d'un  intérêt  poétique 
trop  saisissant  pour  qu'un  chanteur,  digne  du  nom,  ait  songé 
un  instant  ^à  remplacer  la  fiancée  par  l'épouse,  vînt-elle  d'accon- 
cher. 

L'hypothèse  contraire  ne  nous  semble  guère  plus  admissible.  C'est 
cependant  l'opinion  de  S.  Grundtyig  que,  non-seulement  les  versions 
françaises,  italiennes,  catalanes  et  celles  recueillies  dans  les  îles 
Baléares  sont- sorties  de  la  chanson  bretonne,  mais  que  celle-ci,  née 
en  Bretagne  à  une  époque  indéterminée  et  faisant  tache  d'huile, 
serait  passée  de  là  en  Normandie,  vers  le  XP  siècle,  d*où  au  XII', 
les  Scandinaves,  allant  et  venant  entre  leur  nouvelle  patrie  et 
l'ancienne,  l'auraient  transportée  dans  les  pays  du  Nord.  Et  alors, 
les  Danois  à  leur  tour,  au  XIII*  siècle,  l'auraient  communiquée  aux 
Wendes,  avec  lesquels  ils  avaient  de  fréquents  rapports. 

En  admettant  que  ces  pérégrinations  fussent  possibles  —  et  il  y 
aurait  bien  des  objections  à  faire,  —  les  différences  fondamentales 
que  nous  avons  observées  n'en  resteraient  pas  moins  inexpliquées. 

D'autre  part,  il  est  évident  que  toutes  ces  chansons  ont  été  forte- 
ment modernisées  :  la  forme  sous  laquelle  nous  les  possédons  n'est 
assurément  pas  très  vieille,  et  le  christianisme  y  a  mis  son  empreinte. 
Mais  tout  cela  n'est  qu'extérieur.  Si,  au  fond,  les  sentiments  qui  s'y 
trouvent  exprimés,  essentiellement  simples  et  absolument  humains, 
ne  peuvent,  par  conséquent,  pas  avoir  d'âge,  nous  avons  trouvé 
dans  l'ensemble  des  scènes  dont  l'exact  pendant  se  retrouve  dans  les 
plus  anciennes  poésies  connues  des  peuples  germano-scandinaves  ; 


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RBVUB  DES   TRADITIONS   POPULAIRES  81 

et  maiots  détails  nous  reportent  aux  tout  premiers  âges  de  la  vie  de 
ces  peuples. 

A  ces  détails  déjà  signalés  nous  ne  pouvons  nous  empêcher  d  en 
joindre  un  dernier. 

Dans  la  plupart  des  variantes  françaises,  la  femme  de  Renaud,  en 
apprenant  que  son  mari  est  mort,  confie  à  sa  belle-mère  4e  soin 
d'élever  son  enfant  nouveau  né,  et,  pour  cela,  lui  lègue  toutes  ses 
richesses. 

«  Ma  mère,  tenez  de  Tor, 
De  l'or  et  de  l'argent  la  clef  ! 
Faites  élever  mon  fils 
Avec  douceur.  y> 

Ou,  plus  simplement,  dans  la  chanson  poitevine  : 

Ma  mère,  voilà  la  clef  du  grenier  : 
11  y  a  là  du  seigle  et  du  froment. 
Nourrissez-le,  mon  cher  enfant  1 

Mais,  dans  celte  même  version,  la  veuve  pousse  un  cri  que  nous 
n'avons  entendu  nulle  part  ailleurs  : 

Dites-moi  donc,  mère,  ma  mie. 
Où  qu'sont  les  clefs,  que  j'aille 
Dans  son  tombeau  avec  lui  (i). 

Qu'est-ce  que  ce  tombeau,  dont  elle  veut  la  clef? 

Nous  savons  que  les  anciennes  sépultures,  celles  des  peuples  les 
plus  antiques,  des  Egyptiens  comme  de  ces  races  mystérieuses 
qui  ont  couvert  le  sol  de  leurs  monuments  funéraires,  dolmens 
et  «  kœmpehœjer  »,  étaient  à  l'intérieur,  absolument  semblables 
aux  maisons  des  vivants.  Le  tout  recouvert  d'un  monceau  de  sable, 
de  pierres  et  de  terre.  Ne  serait-ce  pas  un  tombeau  de  ce  genre, 
dont  il  s'agirait  ici  ?  Si  oui,  nous  comprenons  Texclamatioa  de  la 
chanson  recueillie  par  M.  Paul  Sébillot  dans  la  Haute-Bretagne^  : 

Ouvrez,  ouvrez,  sable  et  rocher! 
Avec  mon  mari  je  veux  aller. 

Telle  Sigrun  *  qui,  à  la  nouvelle  qu'Helge  le  mari  bien-aimé 
qu'elle  pleure  nuit  et  jour,  a  été  vu,  le  soir,  à  la  tète  de  ses  hommes, 
va  le  retrouver  dans  son  tombeau  sous  le  tertre  qu'elle  lui  a  fait 
élever,  haut  comme  une  colline:  là,  tous  deux  ils  s'entretiennent  en 

1.  L.  Pineau  :  le  Folk-lore  du  Poitou,  p.  400. 

2.  Revue  des  Trad.  pop.  111,  p.  196. 

3.  Die  Edda.  Helgakvidha  Hundingsbana. 

TOMB  XI.  —  FÉVRIBR  1896.  6 


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82  KEVUË   DES   TRADITIONS    POPULAIRES 

se  caressant;  elle  lui  prépare  une  couche  où  jusqu'au  point  du 
jour  elle  repose  dans  les  bras  du  héros,  comme  au  temps  où  il  était 
un  prince  puissant  sur  la  terre. 

Je  regrette  de  n'avoir  pas  eu  sous  la  main  toutes  les  variantes 
conaues  de  la  chanson  de  Renaud,  sans  parler  de  celles  qui,  igno- 
rées, gisent  encore  au  fond  de  la  mémoire  de  mainte  bonne  paysanne 
de  France  :  certainement  elles  m'auraient  fourni  de  nouveaux  docu- 
ments. Même  les  plus  indifférentes  d'apparence,  les  plus  mauvaises, 
peuvent  avoir  roulé  jusqu'à  nous  quelque  précreuse  paillette,  a  On 
voit  quelquefois,  dit  M.  Gaston  Paris,  un  trait  excellent  et  authenti- 
que conservé  uniquement  dans  une  version  qui  d'ailleurs  est  très 
rajeunie  et  fort  altérée  i^^ 

Néanmoins,  de  celles  que  nous  avons  pu  comparer  il  est  sorti  un 
tel  faisceau  dlndices,  j'allais  dire  de  preuves,  que  la  lointaine  origi- 
ne, tout  enveloppée  de  nuit^,  que  dès  le  début  de  cette  étude,  j  ai 
cru  pouvoir  attribuer  à  cette  chanson,  m'e  semble,  sinon  démontrée, 
du  moins  absolument  probable. 

Or,  ce  n*est  qu'en  entassant  les  probabilités  pour  un  grand  nom*- 
bre  de  chansons  populaires  que  nous  aurons  chance  pour  quelques- 
unes  d'arriver  à  la  vérité  sur  leur  origine.  En  fait  de  traditîonisme 
le  probable,  aussi  longtemps  que  des  faits  précis  ne  viennent 
pas  le  contredire,  équivaut  au  certain  :  tant  le  peuple  a  su  se  rester 
semblable  à  lui-même  à  travers  les  âges  et  maintenir,  tout  en  laug- 
mentaot,  le  trésor  qu'il  s'était  constitué  dès  son  enfance. 

Avec  raison,  P.  Loti,  errant  dans  les  rues  de  Damas,  au  milieu  des 
miliers  de  petits  marchands  ambulants  «  exaltant  la  qualité  de  leurs 
bonbons,  de  leur  limonade,  de  leur  cresson  de  fontaine  ou  de  leur 
pain  frais,  par  des  refrains  séculaires,  par  des  plaisanteries  éternel- 
lement pareilles  qui  prouvent  à  la  fois  la  naïve  bonhomie  et  Tim- 
muabilitédu  peuple  »,  a  pu  dire  :  «  Et,  parmi  tant  de  cris  baroques, 
consacrés  par  d'immémoriales  traditions,  il  en  est  de  si  vieux  que  le 
nom  de  Baal  s'y  retrouve  encore  »  *. 

Léon  Pineac. 

1.  Revue  Critique,  12  rofiLÏ  i8S6. 

2.  P.  Loti  :  La  Galilée,  p.  163. 


*sS-~ 


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RBVUB  DBS  TRADITIONS    POPULAIRES  83 


LES  METIERS  ET  LES  PROFESSIONS' 


LXXII 

NOMS  DONNÉS  A   CERTAINS   MATÉRIAUX 

ES  carriers  de  Fontainebleau  ont  trois  mots  expressifs  pour 
^  désigner  les  qualités  de  grès.  Ils  appellent  pif,  celui  qui  est 
^  J^j  ttrès  résistant,  paf,  la  pierre  simplement  de  bonne  qualité,  et 
c5j5^  pouf,  celui  qui  se  réduit  en  sable  sous  le  moindre  choc. 

A.  Certeux. 

LXI  (suite) 

LES     CRIS     DES     RUES 

Les  Cris  de  Troyes 

S'il  subsiste  encore  quelque  pittoresque  dans  notre  vieille  cité, 
qui  va  se  rajeunissant  tous  les  jours  sans  s'embellir  —  du 
moins  au  dire  des  artistes,  —  ce  n'est  pas  dans  les  cris  de  la 
rue  qu'il  faut  l'aller,  chercher.  A-t-elle  même  jamais  brillé 
sous  ce  rapport  ?  C*est  douteux  ;  les  documents  qui  nous  res- 
tent ne  font  mention  d'aucune  coutume  de  ce  genre,  et  TAlmanach 
pour  1629,  imprimé  par  Claude  Briden,  dans  lequel  M.  Emile 
Socard  *  croit  avoir  retrouvé  «  36  cris  populaii'es  de  Troyes,  »  n'est 
fort  probablement  qu'une  édition  locale  des  <*  36  cris  de  Paris» 
bien  connus  des  bibliophiles,  et  que  donnèrent,  entre  autres  Yves  II 
'  Girardon  et  les  Oudot. 

Les  porteurs  d*eau,  en  charrette  ou  à  bras,  qui  existèrent  ici  dès 
le  siècle  dernier,  n'ont  laissé  aucun  souvenir  pittoresque;  il  fbut 
arriver  à  celui-ci  pour  trouver  des  types,  et  encore,  combien  peu 
intéressants  !  aux  annonces  combien  banales  1  si  Ton  en  excepte  un 
seul. 

Celui-là  s'appelait  Coché;  il  avait  commencé  par  être  sonneur;  la 
Révolution  ayant  amené  le  chômage  dans  sa  profession,  il  se  fit 
passer  pour  un  prêtre  non  assermenté  et  vécut  sous  ce  titre  dans 
un  village  voisin  de  la  ville,  jusqu'au  jour  où,  reconnu,  il  dut  quitter 

1.  Voir  la  Revue  à  partir  de  novembre  1894. 

2.  Emile  Socard.  Etude  sur  les  Almanachs  et  les  calendriers  de  Troyes,  p:  85. 


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84 


REVUE  DES   TRÀDlflONS  PÔPUtÀIR^S 


la  place  et  revenir  à  ses  anciennes  occupations.  De  plus,  «  il  devint, 
à  la  suite  d'un  concours  public,  juré-crieur  de  vin.  » 

«  C'était  bien  alors  le  plus  drôle  d'homme  et  le  plus  drôle  de  corps 
dans  ce  nouvel  emploi,  c'était  merveille  de  l'entendre  moduler  le 
dithyrambe  en  l'honneur  d'un  cabaret  ou  d'un  vin  nouveau-né,  on  ne 
retrouvera  plus  cette  annonce  musicale,  pittoresque,  espèce  de 
chanson  poétique  et  burlesque  à  cent  facettes,  à  cent  couplets,  se 
cahotant  sur  une  tenue  d'rrrr  redoublés,  entrecoupés  de  notes  écla- 
tantes, et  terminé  par  le  ronflant  fortissimo  de  pas  de  crédit,  mes 
enfants  !  » 

L'article  de  La  Silhouette,  journal  satirique  local  (4  octebre  4840) 
auquel  nous  empruntons  ces  quelques  lignes,  donne  le  portrait  en 
pied  de  Coché,  dessiné  par  Charles  Fichot,  et  le  fait  suivre  du  cou- 
plet qu'il  lançait,  d'une  façon  inimitable,  aux  échos  de  sa  vieille 
ville  sympathique. 

Le  voici  tel  quel  : 


gi^i^mi^iti^ 


Hum  !  hum  I 


ifiirîr 


_N- 


m 


6  sous  lo 


îftr' 


9  sous  le 


lilr' 


fi--î5- 


=Sï^ 


10  80U3  le       lilr' 


cx-col-Ient    vin  rrroug'oil     Sou  -  li  -  gny  d'I'E-pin' 


de  Lain'&ux  bo       ois  lia-  tez-vous    d'y"^»!  -  1er       chez  la      mèr'Tri-  pier 


dan)  la    luo  des    bons  En-  fans      ou  donn'à    boir*à  man  -  gor  dans  la  sali'  ta-  pis  - 


^^I^^fË^ 


^ 


^§3 


^ 


se*    c-claUrc' par-fu  -   mé'   en  pay-ant    pas  d'cré-dit . 
hum  I  hum  !  Babet  11 


mes  enfans  tl 


Depuis  Coché,  qu'avons-nous  eu?  Quelques  imitations  parisiennes^ 
sans  couleur  et  sans  saveur,  indignes  pour  la  plupart  de  Tattenlion 
des  curieux:  En  voici  d'ailleurs  la  nomenclature  : 

11  y  a  une  vingtaine  d'années,  un  porteur  de  journaux  les  annon- 
çait ainsi  :  «  Demandez  VProgrès^  V Figaro  ;  (puis  baissant  un  peu  la 
voix)  vous  baiserez  l'bas  d'mon  dos  !  » 


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RËVOE  DES  TRADITIONS    POPULAIRES  8^ 

Un  marchand  d'oubliés,  en  faisant  cliquotler  ses  deux  poignées  de 
vole4  Hxées  sur  une  planchette,  criait  :  «  Voilà  rplaisir,  mesdames; 
voilà  Tplaisir!  »  avec  des  intonations  fort  agréables. 

—  Une  marchande  de  balais  de  bouleau  :  «  Baléais,  baléais  !  » 

—  Les  marchands  de  morue  ;  «  Morue,  morue  !  Morue  salée,  morue 
blanche.  Morue,  morue  !  » 

—  Les  limeurs  de  scies  :  a  A  tailler,  limer  les  scies  I  »  ou  bien  : 
«  Voilà  riimeux  d'scies  !  » 

—  Le  vitrier  :  «  Voilà  T vitrier  !  » 

—  Une  vieille  femme  qui  achetait  les  os  disait  :  «  Voilà  la 
marchande  d*os  !  » 

—  Un  chififonnier  :  «  Chiffons,  ferrailles  à  vendre  ;  peaux  de  lapins, 
peaux  !  » 

Un  autre  :  «  Les  verres  cassés,  les  os  rongés,  y  a  rien  à  vendre, 
par  là-haut  ?  » 

—  Un  autre  encore  :  «  Habits,  galons,  marchand  d'habits  !  » 

—  Un  marchand  de  vaisselle  :  a  Cassez,  brisez  vos  ménages  !  » 

—  La  marchande  de  mouron  :  «  Du  mouron  pour  les  p'iits  oi- 
seaux !  » 

—  Une  marchande  d'échaudés  :  «  Un  sous  et  deux  sous  les  éçhau- 
dés.  Ça  brûle,  ça  brûle  ;  tout  chaud,  tout  chaud  !  » 

—  Un  marchand  de  charbon,  du  haut  de  sa  voiture,  disait  en 
toute  saison  :  «  Voilà  Tcharbon,  mesdames;  dépéchons-noas,  i*n'fait 
pas  chaud  !  » 

—  Le  marchand  de  croquignoUes  (sorte  de  massepains)  :  «  Voilà 
les  criq  et  les  croq,  voilà  les  croquignoUes  !  » 

—  Le  marchand  de  cerneaux  (noix  fratches  dans  leur  enveloppe 
verte):  «  Aux  cerneaux,  aux  cerneaux  !  » 

—  Le  marchand  de  coco  :  «  A  la  fraîche  ;  qui  veut  boire  ?  » 

—  Les  marchandes  d'allumettes  :  «  Voilà  les  allumettes,  qu'est-ce 
qu'en  veut  ?»         ^ 

—  Le  marchand  d'articles  de  fumeurs  aux  fêtes  des  environs,  sur- 
tout aux  courses  et  aux  régates  annuelles  :  «  Des  cigares  et  du  feu, 
et  du  tabac  !  » 

—  Le  père  Lucas,  marchand  de  cirage,  qui  mangeait  sa  marchan- 
dise pour  en  prouver  l'innocuité  et  annonçait  son  passage  à  l'aide 
d'une  cloche. 

—  Les  marchands  d'almanachs  :  «  Almanachs curieux,  nouveaux: 
quand  i'  pleut  i'n'fait  pas  beau  !  »  ou  bien  :  <(  Almanach  d'papîer, 
qui  dit  plus  d'mensong'  que  d'vérités!  »  ou  encore  :  «  Almanachs 
d'cabinet  :  Liégeois,  Bàle  en  Suisse.  » 

—  Le  «  marchand  d'épingles^  qui  piquent  par  la  pointe.  » 


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8ti  RËVÙE   DES   TRADITIONS    POPULAIRES 

—  Le  marchand  de  :  t  Fromage  de  Marolles,  —  qui  pue,  qu'em- 
poisoune.  r 

—  Le  père  Hutinet,  marchand  de  plantes  médicinales  :  «  Voilà 
rherboriste  !  »  Sur  la  fin  de  ses  jours,  ne  pouvant  plus  crier,  il  appe- 
lait la  clientèle  k  laide  d'un  sifflet. 

—  Un  marchand  de  sucreries,  belle  figure  et  belle  prestance,  très 
proprement  habillé  en  pâtissier,  coiffé  d'un  bonnet  de  coton,  se  pro- 
menait dans  les  rues  portant  prétentieusement  sa  marchandise  sur  un 
plateau  ;  il  la  chantait  ainsi,  en  faisant  valoir  ses  formes  et  sa  jolie 
voix  : 

J*invite  tout  le  monde 
A  la  ronde 

A  venir  auprès  de  moi, 

Acheter  d'ma  guimauve  féconde  ; 

Et  chacun  en  aura  chez  soi. 

Messieurs  et  dames,  voilà  Tmarchand 

D'bàtons  d'guimauve,  régalez-vous. 

Accourez-tous,  ça  n^coûte  qu*un  sou. 

Un  sou  le  bâton,  le  bâton  ne  coût'  qu'un  »ou, 

Oui,  rien  qu'un  sou. 

Il  avait  composé  un  petit  recueil  de  chansons  sur  sa  marchandise, 
qui  fut  imprimé  à  Tépoque. 

Aujourd'hui,  les  chiiîonniers,  les  charbonniers,  les  étameurs,  un 
cordonnier  (vulgo  :  savetier)  se  contentent  de  crier  le  lydm  de  leur 
profession  :  «  Voilà  rchiffonnier,  etc.  »  A  part  ceux-là,  il  en  reste 
peu. 

—  Les  marchands  des  quatre  saisons  crient  leur  marchandise  : 
«  Aux  poires,  aux  pêches,  aux  prunes,  aux  abricots!  » 

—  Les  marchands  de  harengs  :  «  Frais!  frais!  en  voulez-vous  des 
frais  ?  » 

La  moule^  la  sardine  fraîche,  et  autres  marées  ;  le  marchand  de 
Camembert,  la  cocotte*  des  Vosges,  s'annoncent  par  la  simple  dési- 
gnation de  la  marchandise. 

—  Un  marchand  de  paillassons,  d'origine  douteuse  :  «  A  zin  zous 
les  baillazons  !  Les  baillazons,  dix  zous  bièze  I  » 

T-  Le  rémouleur:  «A  r'passer  couteaux,  ciseaux,  rasoirs  !  »  Mais  le 
type  du  vieux  repasseur,  avec  sa  roue  parangonnée  dans  un  bâti  de 
bois,  est  à  peu  près  disparu  ;  les  uns  viennent  en  voitures,  d'autres 
ont  un  manège  mû  par  de  gros  chiens  et  ne  crient  plus. 

—  Le  raccommodeur  d'objets  cassés  :  u  On  raccommode  le  cristal, 
la  faïence,  la  porcelaine,  le  marbre,  le  verre,  l'albâtre....  I  » 

1.  Pommes  de  pin  servant  à  allumer  le  feu. 


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REVCe   DES  TRADITIONS    POPULAIRES  87 

Quelques  laitières  annoacent  maintenaat  leur  passage  à  Taided'une 
corne  ou  d*uQe  cloche  ;  le  chevrier  joue  de  son  instrument. 

Va  vannier  court  les  rues  en  faisant  sa  réclame  à  peu  près  comme 
suit  :  «  Mesdames  les  ménagères,  cherchez  dans  vos  greniers,  dans 
vos  greniers,  dans  vos  salles  à  manger,  vos  vieux  paniers  percés  ; 
je  les  raccommode,  je  les  repeins,  et  je  ne  prends  pas  cher  I  » 

C'est  tout,  et  nous  n*avons  pas  de  métiers  d'alimentation  ambu- 
lants 

^  Louis  MoRiN. 

Rethel  (Ardennes) 

Il  y  a  une  ireniiiine  d  années,  à  Rethel,  le  marchand  de  marrons 
ambulant  parcourait  les  rues  en  faisant  résonner  une  sorte  de  cré- 
celle et  il  chantait  : 

Avec  ma  claquette, 

Je  fais  carillon 

Pour  que  Too  m'achète 

Tous  mes  gros  marrons; 

Si  l*on  me  demande 

Combien  Je  les  vends  ; 

Je  fais  la  réponse 

A  quat*  sousTquartr^on. 


Lucien  Torchbt. 


Cm    de    Lyon 


Parmi  les  cris  nombreux  des  industriels  ou  marchands  ambulants 
qui  parcouraient  la  cité  et  qui  ont,  pour  la  plupart,  disparu  aujour- 
d'hui, on  se  souvient  encore  de  ceux-ci  : 

—  Fraises  !  fraises  !  ah  !  les  belles  fraises  ! 
Mélodie  charmante. 

—  Abricots  d'Ampuis,  Mesdames. 

.    —  Mayorques  !  Mayorques  !  (oranges). 

—  Navets  de  Chirouble,  oh  I  les  bons  navets  ! 

—  Aloses  fraîches  I  oh  !  les  belles  aloses  ! 

Pendant  les  inondations  de  1840  et  de  1850,  où  Teau  n'était  pas 
potable,  une  corporation  de  porteurs  d*eau  annonçait,  sur  un  rythme 
fort  gai  : 

—  De  Teau  I  de  Teau  !  Voici  de  Teau  ! 

A  l'époque  du  jeudi  saint,  on  vendait  de  peliles  brioches  qu'on 
criait  : 

—  Scènes  bénites  !  bénites  scènes  ! 


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88  REVCE  DES  TBADITIONS  POPULAIBES 

Pendant  de  nombreuses  années,  jadis,  j'ai  entendu  annoncer  : 

—  MaroUe  I  Marolle  I  Bon  fromage  de  Marolle  ! 

Et  les  gamins  suivaient  en  criant  sur  le  même  air  : 
. —  Ma  grolle  I  ma  grolle  1  Bon  fromage  de  ma  grolle  !  qui  sent  le 
fond  de  ma  culotte  1  (groi/e,  vieux  soulier). 

Etait-ce  la  parodie  ?  était-ce  la  bonté  de  la  marchandise,  mais  ce 
commerce  fut  longtemps  florissant. 

—  A  repasser  les  ciseaux  1 

—  A  raccommoder  la  faïence  ! 

Autrefois  les  peirerou^  chaudronniers  ambulantS)  lançaienl  ce  cri 
particulier  qui  montait  jusqu'aux  plus  hauts  étages  : 

—  Ah  !  Peyrrou  I 

Il  annonçait  aux  ménagères  que  les  étameurs  étaient  prêts  à 
remettre  à  neuf  leur  batterie  de  cuisine. 

—  Marchand  d'habits  I 

Le  plus  bizarre  de  ces  appels  était  celui-ci  : 

—  Ahrsonyé  ! 

Ce  mot  sauvage,  qui  a  fort  intrigué  les  étymologistes,  était  simple- 
ment rappelle  des  gnaff'rons,  gnaffres  ou  regrolUers^  et  signifîait  : 
o  A  raccommoder  les  souliers  !  »  mais  avec  une  concision  et  une 
énergie  que  la  phrase  française  ne  possède  pas. 

Aimé  Vingtrinier. 


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REVCE  DES  TRADITIONS  POPULAIRES  89 


USAGES  DE  CARNAVAL 


LE    CARNAVAL   EN  HAUTE-AUTRICHE 

N  Haute-Autriche  comme  partout,  le  mardis-gras  amène  avec 
lui  des  défilés  de  garçons  travestis,  parmi  lesquels  en  certains 
endroits,  Carnaval  et  sa  femme  (celle-ci  représentée  par  un 
jeune  homme  déguisé],  en  habits  couverts  de  pailleltes  d'or  et 
d'argent  et  sans  masques,  qu'on  a  mariés  d'abord  sur  la  place 
principale  avec  accompagnement  de  danses. 

Dans  certaines  localités,  des  masques,  armés  de  fléaux,  traînent 
un  sac  où  se  trouvent  des  graines  de  chènevis  vides  et  des  épis  de 
blé  déjà  battus.  Devant  les  maisons  où  habite  un  couple  sans  enfants, 
ils  ouvrent  le  sac,  en  répandent  le  contenu  sur  un  grand  drap  étendu, 
et  commencent  à  le  battre  en  répétant  constamment:  «  Wo  nix  drin 
isy  gehi  nixausser.  D'où  il  n'y  a  rien  il  ne  peut  rien  sortir.» 

En  ce  môme  jour  aussi,  qui  clôture  la  joyeuse  saison  de  Carnaval 
commencée  aux  Rois  et  qui  a  été  l'occasion  de  tant  de  danses  —  le 
plaisir  favori  du  peuple  autrichien,  —  on  enterre  Carnaval.  Les  jeunes 
gens  se  réunissent  dans  une  auberge  et  y  revêtent  des  déguisements 
représentant  divers  métiers  ou  industries.  Puis  ils  se  rendent  les 
uns  en  voiture,  les  autres  à  cheval,  à  travers  les  rues,  jusqu'à  la 
place  principale.  En  tète,  une  voiture  contient  des  «  musiciens  », 
tenant,  en  guise  d'instruments,  une  planche  munie  d'une  corde,  une 
poêle  à  frire,  et  autres  ustensiles  du  même  genre,  dont  ils  tirent 
des  accords  rien  moins  qu'harmonieux.  Puis  vient  un  chariot  où  sont 
montées  des  blanchisseuses  secouant  sur  la  foule  des  draps  mouillés; 
ou  bien  des  batteurs  avec  des  fléaux  en  paille  dont  ils  frappent  les 
spectateurs  ;  etc.  Enfin,  ime  voiture  ou  un  traîneau  portant  un 
mannequin  bourré  de  paille.  Carnaval.  Arrivés  sur  la  place,  les 
chariots  se  mettent  en  cercle,  Carnaval  au  milieu.  Alors  on  le  jette 
à  bas  de  son  véhicule,  on  le  tiraille  de  tous  côtés  et  enfin  on  le  tue 
à  coups  de  fusil  ou  autrement  ;  puis  on  l'enterre.  En  certains  endroits, 
on  le  déterre  le  jour  suivant,  mercredi  des  Cendres,  on  le  traîne  par 


t.  VIII 


Cf.  le  1. 1,  p.  75,  t.  II,  p.  178,  t.  IV,  p.  271,  t.  V,  p.  90,  t.  VI,   p.   109,   118, 
III,  p.  77,  l.  IX,  p.  184,  t.  X,  p.  138. 


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90  REVUE    DES   TRADITIONS    POPtLAIRES 

les  rues  au  milieu  des  hurlements  et  des  cris,  et  on  Tenterre  de 
nouveau,  cette  fois  dans  un  tas  de  fumier. 

Mais  il  faut  citer  spécialement  deux  usages  très  curieux,  particu- 
liers à  deux  catégories  d'ouvriers  du  pays:  ceux  qui  travaillent  aux 
salines  de  la  pittoresque  contrée  du  Salzkammergut,  et,  dans  les 
mêmes  parages,  les  mariniers  du  yillage  de  GrUnau. 

La  Schwerttanz  (danse  de  l'épée)  est  surtout  usitée  dans  le  petit 
village  d*Ëbensee,  où  se  trouvent  les  plus  importantes  salines  du 
Salzkammergut.  Elle  est  exécutée  par  dix  hommes,  dont  un  chef, 
portant  de  longues  et  farouches  barbes  noires,  une  veste  écarlate 
sur  laquelle  tranchent  une  ceinture  et  un  baudrier  blancs  bordés  d*un 
galon  d'or,  un  pantalon  blanc  avec  passepoii  rouge  et,  sur  la  tôte,  un 
shako  rouge  avec  chenille  blanche  terminée  en  avant  et  en  arrière 
par  des  glands  verts  ;  à  Tépaule,  une  épée  nue.  Ils  sont  accompagnés 
d'un  «  fou  de  Carnaval  »,  en  veste  rouge  avec  ceinture  verte  munie 
de  grelots,  culotte  courte  rouge,  bas  rayés  et  escarpins  à  boucles, 
bonnet  rouge  à  fanfreluches  dorées  et  à  grelots,  tenant  une  latte  à 
la  main.  Un  tambour  et  deux  flûtes  complètent  la  troupe  qui,  sous 
leur  conduite  et  aux  sons  d'une  mélodie  toute  primitive,  sans 
cesse  répétée,  entre  dans  la  maison  et,  par  une  formule  spéciale, 
salue  la  société. 

Après  s'être  placés  vis-à-vis  les  uns  des  autres  sur  deux  rangs, 
comme  des  soldats  au  port  d'armes,  les  dix  a  danseurs  »  commencent 
à  tourner  en  rond,  puis  en  spirale,  chacun  tenant  son  épée  sur 
l'épaule,  et  de  l'autre  main,  la  pointe  de  celle  placée  sur  l'épaule  du 
précédent,  taudis  que  le  fou  gambade  tout  autour^  passant  sous  les 
épées  entre  les  danseurs,  accompagnai>t  de  claquements  de  sa 
batte  la  musique  des  flûtes  et  du  tambour.  Puis  ils  reprennent  leurs 
places  sur  deux  rangs  et,  la  musique  s  étant  tue,  le  chef  appelle  et 
provoque  successivement  chaque  membre  de  la  troupe  ;  l'interpellé 
se  détache  du  rang,  et  les  deux  adversaires  marchent  en  sens 
inverse  entre  les  deux  lignes,  choquant  leurs  sabres  lorsqu'ils  se 
rencontrent.  A  la  fin,  le  dernier  appelé  a  été  frappé,  il  tombe  mort 
étendu  tout  de  son  long.  Alors  le  fou  assis  sur  son  dos,  s'efforce  de 
le  rappeler  à  la  vie  en  lui  soufflant  au  visage  ;  n'obtenant  pas  de 
résultat,  il  imagine  enfm  de  lui  donner  au  bas  des  reins  un  bon 
coup  de  batte,  ce  qui  a  pour  effet  de  ranimer  aussitôt  le  faux-mort. 
Alors,  la  mélodie  sauvage  reprend,  aiguë  et  bourdonnante,  et  la 
danse  guerrière  recommence,  tous  les  dix  reliés,  comme  précédem- 
ment, par  les  pointes  des  épées  ;  sans  les  quitter  et  tout  en  conti- 
nuant leur  ronde,  ils  viennent  se  placer  successivement  vis-à-vis  l'un 
de  l'autre,   étendant  entre  eux  comme  une  barrière  l'arme  dont 


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RËVOE   DES  TRADITIONS    POPULAIRES  91 

ils  tiennent  les  bouts  et  que  les  suivants  franchissent  successivement 
pour  venir  ensuite  se  ranger  à  c6té  et  ajouter  d'autres  barrières, 
franchies  &  leur  tour,  sans  que  la  chaîne  des  mains  et.  des  épées  se 
rompe  un  moment.  Quand  tous  sont  ainsi  placés,  le  fou  h  son 
tour^  saute  par  dessus  les  épées.  Plusieurs  fois  cette  chaîne  et  cette 
course  d'obstacles  se  déroulent.  Après  quoi  les  danseurs  entourent 
le  fou  :  «  Wurstl  »,  lui  disent-ils,  «  tu  vas  déposer  3.OO0  florins  ou 
bien  on  va  te  faire  tomber  la  télé  à  tes  pieds  ».  Le  pauvre'  Hans- 
wurst  '  en  est  réduit  à  s'agenouiller,  et  tous  posent  leurs  sabres 
sur  ses  épaules,  à  l'exception  du  chef  qui  saute  sur  son  dos.  «  Me 
voici  grimpé,  dit-il,  j'aurais  mieux  fait  de  rester  en  bas  :  Carnaval 
est  un  prodigue,  il  a  dissipé  tout  son  bien,  il  a  tout  gaspillé, 
jusqu'à  un  chapeau  déchiré.  Il  va  bien  ça  et  là  par  le  pays,  mais  ce 
qu'il  reçoit,  il  le  boit  de  nouveau,  'Aussi  je  saute  hors  de  ce  cercle. 
Musicien,  commence  une  joyeuse  danse  de  l'épée».  Et,  après  qu'il  est 
redescendu,  a  lieu  encore  une  marche  en  spirale,  mais  cette  fois 
agrémentée  d'entrelacements,  de  tournoiements  des  plus  difficul- 
tueux  exécutés  avec  infiniment  de  souplesse  sous  les  épées 
balancées  au-dessus  des  tètes  en  un  lien  jamais  rompu.  Enfin,  tous 
entrechoquent  leurs  sabres,  accompagnant  ce  cliquetis  d'un  joyeux 
vivat,  puis  ils  s'en  vont  comme  ils  sont  venus,  tambour  et  fifres 
en  tête. 

Cette  danse  noble  et  caractéristique,  qui  exige  tant  d'adresse,  et 
qui  semble  remonter  aux  ancêtres  germains  du  temps  de  la  domina- 
tion romaine  (cf.  Tacite,  Germ,,  c.  24),  tombe  malheureusement  de 
plus  en  plus  en  désuétude. 

Le  mardi-gras  aussi,  dans  le  yillage  de  GrUnau,  si  joliment  situé 
dans  la  vallée  de  TAlm,  affluent  de  laTraun,  les  ouvriers  occupés  au 
flottage  du  bois  jeté  dans  le  torrent  du  haut  des  montagnes 
avoisinantes,  organisent  une  fête  spéciale.  Au-dessus  d'un  de  ces 
forts  traîneaux  dont  se  servent  les  charretiers  en  hiver,  on  a 
suspendu,  en  le  reliant  par  des  rubans  à  l'extrémité  de  petits  sapins 
qui  ornent  le  véhicule,  un  bateau  en  miniature  qui,  d'ordinaire,  est 
suspendu  au  plafond  de  l'auberge  des  mariniers  au-dessus  de  leur 
table  et  que,  pour  la  circonstance  on  a  fait  radouber,  repeindre, 
vernir  et  garnir  de  rames  et  de  petits  personnages,  chez  le  menuisier 
de  l'endroit.  Deux  ou  trois  paires  de  bœufs,  et,  au-devant,  un  bouc, 
la  tète  ornée  d'une  couronne,  des  banderoles  en  papier  de  couleur 
enroulées  autour  des  cornes  et  des  rubans  de  soie  flottant  tout 


i.  Hanewurts  (Jean  SauciMe),    l'équivalent  de  notre  Jean  Boudin  ou  de  Poli- 
ehio^lle. 


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92  REVUE    DES  TRADITIONS  POPULAIRES 

autour  de  lui,  tirent  le  véhicule.  Les  bouviers  ont  aussi  des  rubans 
éclatants  à  leurs  chapeaux  et  claquent  bruyamment  et  continuelle- 
ment du  fouet.  Aux  deux  côtés  du  traîneau  et  derrière,  des  mariniers 
marchent  armés  d'avirons.  L'un  d'eux  a  fixé  le  sien  dans  le  nœud 
d  une  corde  attachée  en  arrière  du  traîneau,  et,  de  la  plate-forme 
du  véhicule  comme  de  celle  d'un  bateau,  il  manœuvre  sans  cesse 
son  outil  à  droite  et  à  gauche,  écartant  la  neige  comme  les  ondes 
d'un  fleuve.  Quand  on  arrive  k  un  endroit  où  des  curieux  attendent 
le  cortège,  on  s'arrête  et  l'on  soulève  le  traîneau  au  moyen  des 
avirons  en  poussant  des  cris  qui  se  répercutent  au  loin  à  travers  les 
montagnes,  comme  s'il  s'agissait  de  remettre  k  flot  un  radeau 
échoué  sur  un  banc  de  gravier  ;  si  dur  est  le  travail,  que  souvent  un 
aviron  se  rompt  ;  d'ailleurs  pour  l'y  aider,  oh  l'avait  scié  à  moitié. 
On  mesure  aussi  et  on  annonce  à  grands  cris  la  profondeur  de  l'eau. 
Enfin,  l'auberge  atteinte,  on  décroche  le  petit  bateau  et  on  le 
rapporte  dans  la  salle  pour  y  être  suspendu  de  nouveau  jusqu'à  Tan 
prochain.  Un  repas  et  des  danses  terminent  la  fête. 

Auguste  Marguillibr. 


LE  PETIT  LANGADOU 


CONTE  BOURGUIGNON 


^^fj  de  chœur  qui  se  trouvait  derrière  l'autel  s'amusa  à  lui  répon- 
19  <ire  :  «  T'en  auré  pas  »,  lui  dit  il  en  patois  Bourguignon.  La 
paysanne  leva  les  yeux  et  s'adressant  à  l'enfant  Jésus  que  la  Vierge 
teuait  dans  ses  bras  ;  «  Couse  te,  petit  langadou  (tais-toi,  petit 
c<  bavard)  »,  lui  dit-elle,  laisse  parler  ta  mère,  elle  é  pu  de  raison 
«  qu'toi  I  » 

Conté  par  ma  grand^mère^  Madame  Retz). 

Morel-Retz  (Stop). 


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REVUE   DBS  TRADITIONS  POPL'LAIBES  93 


CROYANCES  ET  SUPERSTITIONS  DU  JOUR  DE  L'AN 


XIV 

ENVIRONS    DE   METZ 

Voici  le  souhait  que  les  vignerons  lorrains  adressaient  autrefois 

le  premier  jour  de  Tan  : 

Je  vous  souhaite  pour  ëtrennes 

Cent  bouteilles  de  muscat  pleines. 

L'œuf  de  l'heure,  pain  du  jour 

Toujours  plein  la  bouche,  du  four  ; 

Une  botte  de  pistoles, 

La  flûte  et  les  violes. 

Vivre  tant  que  vous  voudrez, 

Et  le  paradis  quaod  vous  mourrez. 

Le  dernier  jour  de  l'an,  les  femmes  sortent  de  la  veillée  à  huit 
heures,  vont  au  caniveau,  mettent  dans  une  coquille  de  noix  un  peu 
d'huile  et  une  petite  mèche,  allument  cette  dernière  et  posent  la 
coquille  dans  Teau.  Puis  elles  mettent  leurs  jupons  sur  leur  têle  en 
pleurant  et  criant  :  Il  se  noie  le  Jean  !  il  se  noie  le  Jean,  ce  qu'elles 
répètent  jusqu'à  la  noyade  de  la  coquille. 

Beaucoup  de  givre  avant  le  nouvel  an  annonce  une  année  de  poires. 
Beaucoup  de  givre  après  annonce  une  année  de  pommes. 

Pour  savoir  si  le  blé  haussera  dans  tel  ou  tel  mois  de  Tannée, 
prenez  douze  grains  de  blé.  Chauffez  Tâtre  pendantles  douze  jours  qui 
séparent  Noël  du  jour  des  Rois.  Commencez  le  26  décembre  à  jeter 
sur  Tâtre  un  grain  de  blé  en  disant:  Voilà  pour  le  mois  de  janvier. 
Continuez  les  jours  suivants.  Le  mois  pour  lequel  le  grain  de  blé 
sautera  le  plus  haut  sera  le  mois  de  la  plus  grande  cherté  du  blé. 

La  bûche  de  Noël  doit  durer  jusqu'à  la  veille  des  Rois  ;  on  la  met 

sur  la  serviette  pour  tirer  les  Rois,  la  nappe  ne  brûle  pas.  Quand  il 

se  présente  un  orage,  on  sort  la  bûche  dans  la  rue  ;   Torage   se 

détourne. 

M.  Poirier. 

1.  Cf.  t.  II,  p.  363.  t.  lïl,  p.  8,  t.  IV,  p.  330,  t.  IX,  p.  120,  t.  X,  p.  23. 


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94  REVUE    DBS  TRADITIONS  POPULAIRES 

UNE  CHANSON  DU  X VP  SIÈCLE 

RESTÉE  DANS  LA  TRADITION  POPULAIRE 


ANS  un  précédent  numéro  de  la  Revue  des 
traditions  populaires^  comparant  un  cou- 
plet mis  en  musique  au  XVI*  siècle  par 
Roland  de  Lassus  avec  la  poésie  d*une 
chanson  recueillie  de  nos  jours  dans  la 
tradition    populaire  la  chanson  :  «  Pour- 
,  quoi  vouloir  qu'une  personne  chante  r, 
qui  figure  dans  les  Chants  populaires  re- 
cueillis dans  le  pays  messin   (par  M.  de 
Puymaigre),  j'exprimais  le  regret  qu'une 
confrontation  analogue  ne  pût  pas  être  faite  au  point  de  vue  musical, 
le  recueil  moderne  n'ayant  pas  donné  la  mélodie  sur  laquelle  les 
vers  étaient  restés  populaires  en  Lorraine. 

Par  un  heureux  hazard,  j'ai  été  amené  moi-même  à  remplir  cette 
lacune.  Au  cours  de  mon  récent  voyage  dans  les  Alpes  françaises, 
accompli  sous  les  auspices  du  ministère  de  Tinstruclion  publique 
dans  le  but  de  recueillir  les  chansons  populaires  conservées  dans 
cette  région  jusqu'alors  inexplorée  à  ce  point  de  vue,  j'ai  en  effet 
retrouvé  la  chanson  de  la  «  Belle  Iris  »  :  même  la  version  qui  m'en 
fut  chantée  dans  le  Briançonnais,  outre  que  j'en  pus  noter  l'air, 
était,  au  point  de  vue  des  paroles,  plus  développée  que  la  version 
lorraine  :  elle  avait  en  effet  quatre  couplets  de  plus.  J'ai  tout  lieu 
de  supposer,  d'ailleurs,  que  les  trois  derniers  appartiennent  à  une 
autre  chanson,  et  sont  venus  artificiellement  se  souder  à  la  suite  de 
la  précédente,  cas  fréquent  dans  la  chanson  populaire  :  la  forme  des 
vers  et  des  couplets  est  la  même  ;  mais  le  sentiment  est  tout  autre, 
et  le  caractère  de  ces  trois  couplets  est  d'une  inspiration  bien  plus 
franchement  populaire  : 

Dedans  Paris,  il  y-a-t-une  fontaioe, 
Tou!e  entourée  de  lauriers  alentours. 


Dans  mon  jardin,  le  rossignol  y  chante,  etc. 

Le  principal  intérêt  de  la  trouvaille  —  indépendamment  du  fait 
inattendu  que  la  galante  chanson  de  cour  du  XVI*  siècle  s'est  con- 


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REVUE  DES  TRADITIONS  POPULAIRES 


95 


servée  dans  la  mémoire  des  habitants  d  un  pays  31  éloigné  de  tout 
centre  de  civilisatron,  —  réside  donc  d^ns  la  notation  de  la  mélodie. 
La  voici  : 


Assez  leut 


Comment  vou.  16ir  quu  -  ne  pep-son«ne     chan.te 


Quandell'ua    pas   son  cœur  en  li.bep.  té? —       Laissez  chwL 


.ter    ceux  que  l'amour  con  .  ten  .  t<*,        St —  lais-sez     moi. 


et  laissez    moi  daas  mon  malheur  pieu  -  rer —      Et — laissez 


moi^       et     lais.sez       moi  dans  mon  malheur  pieu  .  rer. 


Et  maintenant,  comparons  avec  la  musique  de  Roland  de  Lassus. 

On  sait  quels  étaient  les  procédés  de  composition  les  plus  fami- 
liers aux  musiciens  qui  avaient  coutume  d'emprunter  à  un  répertoire 
spécial  une  mélodie  préexistante  et  de  la  faire  chanter  plus  ou  moins 
textuellement  par  une  voix  qu'accompagnaient  les  contre-points  des 
autres  parties  ;  puis  peu  &  peu  la  partie  de  Superius  tendit  à  l'em- 
porter et  prit  le  chant  :  pourtant  il  resta  toujours  quelque  chose  au 
ténor  de  son  ancienne  prépondérance.  Peu  à  peu,  l'importance  du 
chant  antérieur  diminua  ;  au  temps  de  Lassus,  bien  que  Tusage  n'en 
eût  pas  absolument  cessé,  il  arrivait  souvent  qu'aucun  élément 
étranger  ne  s'introduisait  dans  la  composition  harmonique,  dont 
l'invention  appartenait  dès  lors  entièrement  au  compositeur. 

En  est-il  donc  ainsi  pour  la  chanson  qui  nous  intéresse?  En  tous 
cas,  dès  la  première  inspection,  il  faut  écarter  l'hypothèse  que  la 
musique  écrite  par  Roland  de  Lassus  ait  pu  devenir  populaire  :  elle 
est  trop  savante  pour  cela,  et  je  tiens  pour  certain  qu'aucun  esprit 
inculte,  comme  est  celui  des  chanteurs  populaires,  n'en  put  jamais 
dégager  aucune  mélodie  précise  Si  donc  nous  parvenions  à  déter- 
miner une  analogie  quelconque  entre  cette  musique  et  la  mélodie 
notée  dans  les  Alpes,  il  faudrait  en  conclure  que  c'est  Roland  de 


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96 


REVUE   DES  TRADITIONS  POPULAIRBS 


Lassus  qui  a  emprunté  le  thème  de  la  chanson  à  la  mélodie  même 
sur  laquelle  se  chantaient  antérieurement  les  paroles. 

La  composition  est  d'un  style  essentiellement  polyphonique,  et 
Ton  ne  peut  guère,  tout  d'abord,  reconnaître  une  partie  pour  être 
plus  mélodique  que  les  autres.  En  observant  avec  soin,  cependant, 
on  voit  un  chant  se  préciser  peu  à  peu,  cela  tout  justement  dans  la 
traditionnelle  partie  de  ténor.  Elaguant  les  notes  parasites,  mélis- 
mes,  répétitions,  etc.,  et  donnant  à  la  notation,  par  l'emploi  de 
valeurs  plus  brèves,  un  aspect  plus  moderne,  voici  quelle  mélodie 
j'ai  pu  extraire  de  cette  partie. 


Las!     vouliez  •  vous  qu'u    .     ne  per.son.ne 


chan.te  A  qui  le    cœur  ne   fait  que  soupi.,  vev?^ 


Lais.sezchan.ter  ce.luyqui    se  con.ten    -     te. 


^  sez  mon  seul  mal  en .  du   .     rer.  Et    me   lais  .  sez    mon 


^eul  mal  en  .  du  ,  cer,  mon  seul  mal      en  «  du    «      rer. 


L*on  ne  saurait  dire  évidemment  qu'il  y  ait  identité  entre  les  deux 
formes  de  mélodies.  Et  cependant  malgré  les  différences  considéra- 
bles, il  existe  entre  elles  de  grandes  analogies.  La  tonalité  est  la 
même  ;  les  cadences  finales  de  chaque  vers  tombent  presque  tou- 
jours sur  les  mêmes  notes  ou  sur  des  notes  appelant  harmonique- 
ment  le  même  accord  [cela  est  très  important,  car  si,  dans  la 
transmission  des  chants  populaires,  les  altérations  portent  presque 
toujours  sur  les  dessins  purement  mélodiques,  par  contre  le 
sentiment  harmonique  latent,  virtuellement  contenu  en  quelque 
sorte  dans  le  chant,  est  toujours  fidèlement  respecté)  :  même  il  est 


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BEVUE  DES  TRADITIONS  POPULAIRES  97 

certaios  mouvemeats  néaDmoins  de  frappantes  analogies  :  je  citerai 
notamment  le  dernier  vers  :  «  Et  laissez-moi  dans  mon  malheur 
pleurer  »  comme  comportant  de  notables  ressemblances,  surtout  au 
commencement  et  à  la  cadence  finale. 

Au  reste,  il  est  plus  que  probable  que  les  paysans  des  Hautes- 
Âipes  ne  chantent  plus  la  chanson  exactement  comme  on  le  faisait  à 
la  cour  d*Henri  II  :  nul  doute  qu'ils  y  aient  introduit  des  intonations 
qui  correspondent  mieux  à  la  rusticité  de  leur  nature  ;  il  se  {Pourrait 
donc  que  leur  mélodie  dérivât  elle-même  d'un  autre  chant  plus 
conforme  à  celui  de  Roland  de  Lassus.  Et  pour  ce  dernier  il  n*est  pas 
tiouteux  que,  loin  de  reproduire  exactement  Tair  antérieur,  il  en 
soit,  en  passant  dans  Toeuvre  polyphonique,  devenu  en  quelque  sorte 
la  variation. 

Quoi  qu'il  en  soit,  Tancienneté  de  la  chanson,  paroles  et  musique, 
est  bien  établie,  et  cet  exemple,  fût-il  unique  dans  son  genre,  est 
sudisant  pour  démontrer  combien  est  reculée  l'origine  des  chansons 
exclusivement  conservées  par  la  mémoire  populaire.  Car  si  cette 
mémoire  a  pu  garder  si  longtemps  et  fidèlement  un  chaut  tout  arti- 
ficiel, littéraire  et  hullement  destiné  à  la  transmission  orale,  combien 
ne  doivent  pas  être  plus  anciens  ceux  qui,  sortis  du  peuple,  conçus 
pour  lui  et  par  lui,  nous  sont  parvenus  parfois  en  si  mauvais  état, 
incomplets,  altérés,  —  en  ruines,  en  quelque  sorte,  —  conservant 
toutefois  cette  forte  saveur  qui  reste  toujours  à  ce  que  la  nature  a 
produit  directement  ? 

Julien  Tiersot. 


TOUE  XI.   —  FÉVRIER  1896. 


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98  REVUE    DES   TRADITIONS  POPULAIRES 


CONTES  TRO YENS  ^ 


VI 

LE  ROI  AU  GRAND  NEZ 

L  était  une  fois  un  roi  qu'on  appelait  le  roi  au  grand  nez,  et 
qui  était  très  méchant.  Il  avait  l'habitude  de  parcourir  inco- 
gnito son  royaume  et  de  faire  causer  les  gens  pour  voir  ce 
qu'on  pensait  de  lui,  puis  il  punissait  ou  récompensait  selon 
ce  qu'il  avait  vu  et  entendu. 
Un  jour,   il  entre  chez  une  dame    fort  âgée,   et  au  cours  de  la 

conversation,  il  vient  à  parler  du  roi,  et  demande  à  la  brave  femme 

ce  qu'elle  en  pense. 

—  Ben,  monsieur,  dit-elle,  je  vais  vous  le  dire,  bien  que  je  ne 
vous  connaisse  pas.  Il  y  en  a  qui  demandent  la  mort  du  roi  au 
grand  nez  ;  eh  bien  !  moi,  je  ne  suis  pas  de  leur  avis  :  je  dis  qu'il 
vive,  au  contraire. 

—  Je  ne  vous  comprends  pas.  Vous  êtes  la  seule  à  parler  ainsi. 
Tout  le  monde  désire  sa  mort. 

—  Et  bien  I  je  vais  vqus  dire  ma  raison.  Je  suis  déjà  vieille,  j'ai 
beaucoup  vu.  J'ai  connu  le  grand-père  du  roi  au  grand  nez,  il  ne 
valait  pas  cher  ;  j'ai  connu  son  père,  il  valait  encore  moins  ;  lui,  il 
est  encore  plus  méchant  qu'eux  ;  eh  bien  !  de  peur  que  son  fils  soit 
plus  méchant  encore  que  lui,  je  préfère  qu'il  reste. 

—  Tiens,  tiens,  tiens  !  fit  le  roi,  vos  raisons  ne  sont  pas  mauvai- 
ses. 

Rentré  dans  son  palais,  le  roi  fit  demander  la  vieille  femme. 
Celle-ci  fut  bien  étonnée  d'une  pareille  invitation  ;  mais  elle  y  alla 
tout  de  même,  et  le  roi  lui  donna  de  l'argent  afin  qu'elle  fût 
heureuse  le  reste  de  ses  jours. 

Une  autre  fois,  s'étant  attardé  dans  les  bois,  il  frappa  à  la*  hutte 
d'un  charbonnier  et  lui  demanda  à  manger^. 

—  Mais  je  n'ai  rien  du  tout,  monsieur. 

—  Comment  ?  vous  n'êtes  donc  pas  allé  à  la  chasse  ? 

1.  Cf.  t.  V,  p.  723  ;  t.  VI,  p.  481  ;  t.  VII,  p.  27. 

2.  Cet  épisode,  attribué  aussi  au  roi  Grand-Nez  se  trouve  dans  Sébillot,  Contes 
de  la  Haute-Bretagne,  t.  II.  p.  149. 


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RF.VUE   DES  TRADITIONS  POPULAIRES  99 

—  Vous  savez  bien  que  le  roi  au  grand  nez  Ta  défendu.  S'il  savait 
que  Ton  chasse  en  ce  temps-ci,  il  punirait  sévèrement. 

—  J'ai  pourtant  bien  faim  !   Voyons^  vous  n'êtes  pas  sans  avoir 
attrapé  quelque  gibier  ? 

—  Oh  !  tenez,  j'ai  là  un  lièvre,  nous  allons  le  manger  ;   mais  je 
vous  en  prie,  ne  me  vendez  pas,  car  j'irais  en  prison. 

—  Soyez  tranquille^  fit  le  roi. 
Après  le  repas,  le  roi  dit  encore  : 

—  Je  ne  puis  cependant  pas  m'en  aller  la  nuit.  Il  faut  que  je 
couche  ici. 

*  —  Ma  foi,  vous  coucherez  avec  moi  si  vous  voulez. 

Le  roi  accepta.  Mais  voilà  que  dans  la  nuit  le  charbonnier  pétait 
à  chaque  instant,  ce  dont  son  compagnon  se  plaignait  : 

—  Ah  !  que  voulez-vous  ;  charbonnier  est  le  maître  dans  sa  loge  ! 
De  retour  au  palais,  le  roi  fit  demander  le  charbonnier.  Celui-ci 

se  crut  dénoncé  et  eut  peur.  Mais  le  roi  au  grand  nez,   bon  enfant 
pour  cette  fois,  lui  donna  aussi  de  l'argent. 

{Conté  par  M^^  Morin  mère^  69  an$). 


VI 

LE   MARCHAND  DE  BALAIS 

H  était  une  fois  un  marchand  de  balais,  nommé  Grillot,  très 
paresseux,  toujours  à  la  recherche  de  moyens  de  vivre  sans  rien  faire. 
Il  va  un  jour  chez  un  orfèvre  : 

—  Combien  me  paieriez-vous  un  morceau  d'or  gros  comme  mon 
sabot? 

—  Entrez,  entrez,  mon  ami  !  fait  l'orfèvre,  ébloui  ;  et  il  le  fait 
mettre  à  table  aussitôt. 

Puis,  quand  Grillot  eut  bien  bu  et  bien  mangé,  Torfèvre  lui  dit  : 

—  Et  bien  !  mon  ami,  montrez-moi  votre  morceau  d'or. 

—  Ah  !  mais,  Monsieur,  je  n'en  ai  pas  ! 

—  Comment  !  vous  n'en  avez  pas  ;  mais  vous  m'en  proposiez  ? 

—  C'est  que,  voyez-vous,  je  suis  marchand  de  balais,  et  si  quel- 
quefois j'en  trouvais  en  faisant  mes  balais,  je  venais  vous  demander 
combien  vous  me  le  paieriez. 

—  Allez-vous  en,  maraud  !  lui  dit  l'orfèvre  en  le  mettant  à  la 
porte. 

Une  fois  dehors,  Grillot  pensa  :  «  C'est  égal,  j'ai  toujours  fait  un 
bon  repas!  » 


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100  REVUE  DES  TRADITIONS  POPULAIRES 

Le  lendemain,'  ayant  faim  de  nouveau,  il  va4ans  une  «^berge  et 
y  fait  un  repas  de  trente  sous,  après  quoi,  s'adressanl  à  la  dame  : 

—  Oh  !  madame,  je  suis  un  coquin,  un  brigand  ;  je  vais  me  tuer  ! 

—  Mais  pourquoi  ? 

—  J'ai  consommé  pour  trente  sous  et  je  n*en  ai  pas  un  pour 
payef  I 

—  Si  vous  vous  tuez,  ça  ne  me  rendra  pas  joaon  argent  ;  allez- 
vous  en. 

Le  lendemain  il  eut  encore  faim.  Il  alla  dans  un  village  et  se  mit 
à  crier  :  «  Au  devin  !  au  devin  !  » 

Justement,  il  y  avait  dans  ce  village  une  dame  qui  avait  peVdu 
son  alliance  et  n'osait  le  dire  à  son  mari,  de*  peur  que  celui-ci  ne 
Taime  plus.  Elle  se  mit  à  la  fenêtre  : 

—  Monsieur,  étes-vous  donc  devin  ? 

—  Oui,  madame. 

—  J'ai  perdu  mon  alliance  ;  pourriez-vous  me  la  retrouver? 

—  Oui,  madame. 

—  Combien  me  demandez-vous  de  temps? 

—  Trois  jours. 

—  Bien  ;  je  vais  vous  mettre  dans  une  chambre  en  haut,  parce  que 
mon  mari  est  un  ancien  soldat  et  il  ne  croit  pas  aux  devins.  S'il  vous 
voyait,  il  vo'us  tuerait. 

Cette  dame  avait  trois  bonnes.  Le  premier  jour,  Tune  d'elles 
apporta  à  déjeuner  au  devin,  et  il  ne  dit  rien  ;  à  diner,  il  ne  dit 
rien  ;  mais  quand  vint  le  souper,  il  s'écria  :  «  Ah  !  en  voilà  déjà 
une  !  »  11  voulait  dire  une  journée  de  passée. 

Rentrée  à  la  cuisine,  la  bonne  dit  à  ses  compagnes  :  «  Je  crois 
qu'il  le  sait,  »  et  elle  leur  raconta  ce  qu'avait  dit  le  devin. 

—  J'irai  demain,  dit  une  autre. 

«Le  lendemain,  les  choses  se  passèrent  de  même,  et  le  soir,  le 
devin  s'écria:  «  Ah  !  en  voilà  deux  !  » 

Il  fut  convenu  que  la  troisième  bonne  serait  de  service  le  jour 
suivant.  Au  souper,  le  devin  dit  encore  :  «  Ah  I  les  voilà  toutes  les 
trois  !  7> 

—  Vous  savez  donc  quelque  chose  ?  lui  dit  alors  la  bonne. 

—  Oui,  mademoiselle. 

—  Vous  savez  donc  que  nous  avons  pris  la  bague  ? 

—  Oui,  mademoiselle. 

—  Oh  !  je  vous  en  prie,  ne  nous  vendez  pas  :  nous  vous  la  ren- 
drons ! 

Il  se  fit  apporter. une  dinde,  à  qui  il  fit  avaler  la  bague,  en  recom- 
mandant à  la  bonne  de  bien  remarquer  l'animal. 


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REVUE  DES  TRADITIONS  POPULAIRES  101 

Le  lendemain  matin,  la  dame  vint  le  voir  : 

—  Et  bien  !  monsieur  le  devin,  avez-vous  retrouvé  mon  alliance  ? 

—  Oui,  madame. 

—  Oh  I  vraiment?  quel  bonheur  ! 

—  Veuillez  envoyer  une  de  vos  bonnes  chercher  une  dinde. 

Us  descendirent  eux-mé^es  dans  la  cour,  et  la  bonne  leur  apporta 
une  bête  :  «  Ce  n'est  pas  celle-là,  »  dit  Grillot.  On  lui  en  apporta 
une  deuxième  :  «  Gelle-la  non  plus  ».  Enfin,  quand  on  lui  en  eut  ap- 
porté une  troisième  (la  vraie),  il  la  fit  tuer,  puis  vider,  et  la  bague  fut 
trouvée  dans  les  tripailles. 

La  dame  était  bien  contente.  Elle  porta  la  bague  à  son  mari  : 

—  Tiens,  mon  ami,  j  avais  perdu  mon  alliance,  je  Tai  retrouvée. 

—  Où  donc  ? 

—  C'est  un  devin  qui  me  Ta  retrouvée. 

—  Un  devin  ! 

—  Mais  oui,  un  devin. 

—  Va  me  le  chercher,  ton  devin. 

Le  mari  n'y  croyait  pas  et  voulait  l'éprouver.  Il  mit  un  grillot  ^ 
entre  deux  assiettes  creuses  et  dit  au  devin  : 

—  Si  tu  ne  devines  pas  ce  qu'il  y  a  là  dedans,  je  te  brûle  le  cer- 
velle ! 

—  Oh  !  mon  pauvre  Grillot,  t'es  pris  !  t'es  pris  !  s'écria  la  malheu- 
reux,  tout  consterné. 

Alors  le  maître  :  «  Allons,  tu  es  un  bon  devin  !  »  Et  il  le  fit  déjeûner 
avec  lui  et  lui  donna  cent  francs. 

{Conté  par  if"*  Morin  mère). 


Nota.  —  Est-il  téméraire  de  penser  que  la  locution  :  «  pm  comme 
un  grillot  »,  employée  dans  nos  contrées  pour  dire  qu'une  personne 
est  pincée  sans  espoir  d'échapper,  est  née  de  ce  passage  du  Mar- 
ckand  de  balais  ? 

Un  conte  identique  :  Le  Devin,  conte  de  la  Bresse,  a  été  reproduit 
par  IdL  Revue  des  Traditions  populaires^  t.  1,  p.  228  (n**  8,  août  4886), 
sous  la  signature  de  Charles  Gui  lion.  C'est  le  même,  avec  quelques 
variantes. 


1.  Nom  local  du  grillon. 


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\0'2  KEVUE    DES    TRADITIONS    POPULAIRES 

VIII 

LE  FILEUR   D*OR 

Il  était  une  fois  une  dame  restée  veuve  av^c  trois  fils  qui  n'avaient 
de  profession  ni  l'un  ni  l'autre.  Elle  leur  dit  d'aller  chercher  de  l'ou- 
vrage et  d'apprendre  à  travailler,  et  comme  ils  n  avaient  pas  d'argent, 
elle  emprunta  trois  cents  francs  au  maire  du  village  pour  les  leur 
partager,  sous  la  condition  qu'ils  reviendraient  tous  ensemhle  au 
bout  d'un  an,  rapportant  les  cent  francs  qu'ils  recevaient  chacun. 

Arrivés  dans  un  pays,  ils  demandèrent  de  Touvrage,  mais  un  seul 
en  trouva  comme  boulanger  ;  dans  un  autre  pays,  un  deuxième 
s'employa  comme  cordonnier.  Le  troisième  partit  alors  tout  seul. 

Sur  la  route,  il  rencontra  un  monsieur  qui  lui  dit  : 

—  Où  allez- vous,  jeune  homme? 

—  Je  ne  sais  pas,  monsieur  ;  je  cherche  de  l'ouvrage. 

—  Que  voulez-vous  faire? 

—  Ce  que  je  trouverai,  pourvu  que  je  gagne  ma  vie. 

—  Venez  avec  moi,  lui  dit  le  mohsieur  ;  je  vous  apprendrai  à  tra- 
vailler. 

—  Quel  état  faites- vous  ? 

—  Mon  garçon,  je  suis  fileur  d'or. 

—  Oh  I  ce  doit  être  un  beau  métier  !  je  vais  avec  vous. 


Au  bout  d'un  an,  il  revint  et  trouva  ses  frères  sur  la  route.  Ceux- 
ci,  le  voyant  bien  habillé,  lui  dirent  : 

—  Oh  !  que  tu  es  beau  !  Quel  métier  fais-tu  donc  ? 

—  Je  suis  fileur  d'or. 

—  Nous  n'avons  pas  d'argent  pour  donner  à  M.  le  maire  ;  que  va- 
t-il  dire  ?  ] 

—  Ne  vous  tourmentez  pas  :  j'ai  les  trois  cents  francs. 

—  Tu  es  bien  heureux  d'avoir  un  bon  métier  ! 

La  mère  fut  bien  contente  de  revoir  ses  fils.  Elle  les  questionna 
sur  leur  profession  : 

—  Je  suis  boulanger,  dit  l'un.  Et  l'autre  dit  :  —  Je  suis  cordonnier. 
Et  tous  les  deux  avouèrent  qu'ils  n'apportaient  pas  d'argent. 

—  Comment  vais-je  faire  ?  dit  la  mère. 

Alors  le  fileur  d'or  :  —  Sois  tranquille,  maman  ;  moi,  je  suis  fileur 
d'or,  et  j'ai  les  trois  cents  francs. 


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REVUE  DES  TRADITIONS  POPULAIRES  103 

—  Oh!  mon  garçon,  tu  as  un  bon  métier  ;  je  voudrais  que  tes 
frères  soient  comme  toi. 

Puis  elle  alla  chez  le  maire  avecjargent. 

—  Bonjour,  monsieur  le  maire. 

—  Bonjour  madame  ;  comment  allez-vous?  et  vos  garçons  ? 

—  Us  vont  bien,  monsieur  le  Maire. 

—  Quels- métiers  ont-ils  appris? 

—  Monsieur  le  maire,  Tun  est  boulanger,  un  autre  cordonnier,  et 
le  troisième  est  fileur  d*or. 

—  Ëh  !  eh  I  en  voilà  un  métier,  fileur  d'or  I 

—  Monsieur  le  maire,  je  vous  rapporte  vos  trois  cents  francs. 

—  Alors,  vos  enfants  vous  ont  rapporté  cet  argent? 

—  Le  fileur  d'or  à  lui  tout  seul  ;  les  autres  n'ont  rien  gagné. 

—  Eh  bien  !  allez  me  chercher  votre  fileur  d'or. 

*   —  Oh  monsieur  !  c'est  un  bon  métier  ;  si  vous  voyiez  comme  il  est 
bien  habillé. 

Rentrée  chez  elle,  ta  mère  dit  au  fileur  d'or  que  le  maire  voulait 
ui  parler,  et  il  y  alla  aussitôt. 

—  Bonjour,  monsieur  le  Maire. 

—  Bonjour,  mon  garçon.  Il  paraît  que  tu  es  fileur  d'or  ? 

—  Mais  oui,  monsieur  le  maire. 

—  Kh  bien,  je  veux  voir  si  tu  es  bon  fileur  d'or.  Il  faut  que  cette 
Duit  tu  me  prennes  mon  pain,  moi  étant  dans  la  chambre  à  four  ^ 

—  Bien,  monsieur  le  maire. 

Dans  la  journée,  il  fait  une  ouverture  derrière  le  four,  et  la  nuit 
venue,  tandis  que  le  maire  veillait  dans  la  chambre  à  four^  il  prit  le 
pain  par  cette  ouverture.  Le  matin,  en  ouvrant  son  four,  le  maire 
fut  étonné  de  le  trouver  vide  :  —  «  Oh  !  le  coquin  !  dit-il  ;  il  m'a  pris 
tout  mon  pain  et  je  ne  lai  pas  entendu  !  »  Le  fileur  d*or  arriva  peu 
après  : 

—  Bonjour,  monsieur  le  maire. 

-r  Bonjour,  mon  garçon.  Ce  soir,  tu  prendras  les  draps  de  mon 
lit,  moi  étant  couché  dedans. 

—  Mais,  monsieur  le  maire,  ça  ne  sera  pas  facile. 

—  Arrange-toi  comme  tu  voudras. 

Dans  la  journée  le  fileur  d'or  pratiqua  une  ouverture  au-dessus  du 
lit  du  maire,  et,  pendant  que  celui-ci  dormait,  il  tira  les  couvertures 
et  le  drap  de  dessus  ;  puis,  le  maire  s'étant  levé  pour  les  rattraper, 
il  retira  le  drap  de  dessous.  Le  lendemain,  il  arriva  chez  le  maire. 


1.  A  partir  de  cet  endroit  le  conte  rentre  dans  la  donnée  bien  connue  du 
Fin  Voleur. 


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loi  REVUE  DES  TRADITIONS  POPCLAIRES 

—  Bonjour,  monsieur  le  maire. 

—  Bonjour,  mon  garçon. 

—  Êles-vous  content  de  moi  î 

—  Oui,  mais  ce  soir,  il  faut  que  tu  prennes  Tâlliance  de  ma  femme 
dans  son  doigt. 

—  M.  le  maire,  c'est  bien  difficile,  je  ferai  ce  que  je  pourrai. 
Dans  la  journée,  il  se  fourra  dans  la  ruelle  du  lit.  Quand  le  mari 

fut  endormi,  il  dit  à  la  femme  :  —  «  Ma  femme,  donne-moi  ton 
alliance  ;  le  fileur  d'or  te  la  prendrait  ».  Puis,  quand  ils  furent  en- 
dormis tous  les  deux,  il  partit. 

Le  matin,  le  maire  dit  à  sa  femme  : 

—  Eh  bien  !  le  fileur  d'or  t*a-t-il  pris  ton  alliance.  ? 

—  Mais  il  n'a  pas  pu,  puisque  tu  me  Tas  demandée  ! 

—  Comment  ?  je  te  Tai  demandée  ? 

—  Mais  oui,  tu  m'as  dit  :  «  Donne-moi  ton  alliance,  le  fileur  d  or" 
te  la  prendrait  ».  Je  te  Tai  donnée. 

—  Tu  ne  m'as  rien  donné  du  tout.  C'est  le  fileur  d'or  qui  te  Tas 
prise. 

Le  maire  le  voulut  éprouver  une  dernière  fois  ;  il  lui  dit  de  lui 
prendre  son  cheval  quand  il  serait  monté  dessus.  Le  fileur  d'or 
accepta.  11  se  déguisa  en  vieux  et  se  posta  sur  une  route  par  laquelle 
le  maire  devait  passer.  Le  voyant  venir,  il  l'accosta  : 

—  Comme  voilà  un  beau  cavalier  !  ça  me  rappelle  je  temps  où 
j'étais  jeune.  Je  ne  pourrais  pas  en  faire  autant  à  présent  ! 

—  Dame,  mon  brave  homme,  chacun  a  son  temps  ! 

—  C'est  égal  I  je  suis  tout  de  même  content  de  voir  un  cavalier; 
si  nous  buvions  une  petite  goutte  ? 

—  Le  maire  accepta  et  but  la  goutte  qu'on  lui  offrait,  sans  quitter 
la  selle  ;  mais  s'étant  ensuite  endormi  sous  l'influence  de  l'eau-de- 
vie,  le  fileur  d*or  le  descendit  à  terre  et  s'en  alla  avec  l'animal. 

Le  lendemain  il  vint  revoir  le-maire,  qui  lui  dit  : 

—  Je  reconnais  que  tu  es  un  bon  fileur  d'or  ;  mais  en  voilà  assez  : 

tu  me  ruinerais.  Je  ne  t'arrête  pas  parce  que  tu  m'as  pris  tout  cela 

sur  le  défi  que  je  t'avais  donné,  mais  ne  recommence  plus  ;  tu  fais 

là  un  métier  de  voleur  ! 

(Conté  par  M^*  Morin  mère). 

IX 

LE  MÉNÉTRIER  FARCEUR 

Un  ménétrier  revenait,  légèrement  ému,  d'une  noce.  En  passant 
vers  minuit  dans  le  faubourg  Sainte-Savine  (commune  contiguë  à 


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REVUE   DES  TRADITIONS  POPI^LAIRES  lOo 

Troyes),  il  vit  une  femme,  coiffée  d'un  bonnet,  agenouillée  devant  la 
croix  de  la  Mission. 

L*idée  farce  lui  vint  d*ealever  à  cette  femme  son  bonnet,  ce  qu'il 
fit  après  s'être  approché  doucement  et  sans  qu'elle  s'en  aperçût. 

Rentré  chez  lui,  il  mit  le  bonnet  dans  un  coffre  et  se  coucha.  Le 
lendemain  il  dit  à  sa  femme  : 

—  Je  t'ai  rapporté  quelque  chose  de  la  noce  ;  j'ai  un  beau  cadeau 
à  te  faire  :  va  voir  dans  le  coffre. 

La  femme  alla  voir  et  y  trouva  noi^-seulement  le  bonnet,  mais 
aussi  la  tète  de  la  dévote. 

Le  mari,  fort  tourmenté,  alla  consulter  son  curé,  qui  lui  conseilla 
d'aller,  à  minait  reporter  le  bonnet  avec  la  tète  à  l'endroit  où  il  les 
avait  pris. 

Le  ménétrier  s'exécuta  et  trouva  la  femme  toujours  à  genoux, 
mais  décapitée.  Il  remit  précipitamment  la  tète  sur  le  cou  et  s'enfuit. 

Mais^  dans  sa  hâte  de  s'acquitter  de  sa  tâche,  il  avait  mis  la  tète 
un  peu  de  travers,  et  depuis  ce  temps,  à  la  Rivière-de-Corps  (com- 
mune contigué  à  Sainte-Savine),  il  y  a  toujours  une  femme  dont  la 
tète  est  de  travers. 

(Conté  par  M.  Q.  Dauphin), 

Il  existe  à  Château-Chinon  (Nièvre)  une  variante  de  ce  conte. 

Dans  cette  variante,  il  y  a  plusieurs  femmes  agenouillées,  et  c*est 
une  tète  de  mort  que  la  femme  du  ménétrier  trouve  dans  le  bonnet. 
—  En  revenant  de  reporter  le  bonnet,  le  ménétrier  rencontre  des 
femmes  qui  dansent  sur  la  route  ;  il  prend  encore  le  bonnet  de  l'une 
d*elles  en  disant  :  «  Avec  celle-là,  du  moins,  je  n'aurai  pas  une  tète 
de  mort  !  » 

Mais  le  lendemain,  quand  sa  femme  regarde  à  nouveau,  c'est 
encore  une  tète  de  mort  qu'elle  trouve  dans  le  coffre,  et  qu'il  faut 
reporter. 

(Conté  par  M.  L.  Gautheron), 

Louis  MoRiN. 

Sur  ce  thème,  très  populaire  en  Bretagne.  Cf.  Sébillot.  Traditions 
et  superstitions  de  ta  Haute-Bretagne^  t.  I,  et  suiv. 


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106  REVUE  DES   TRADITIONS   P0PULA1B>;S 


QUELQUES  SUPERSTITIONS  DU  TARN 


M.  Gil,  instituteur,  a  fait  récemmeat,  à  Lacapelle-Ségalar  (Tarn), 
une  conférence  sur  ce  sujet.  «  Erreurs  et  superstitions  locales,  sor- 
cellerie, ses  secrets  et  mystères,  sciences  occultes.  » 

Nous  en  extrayons  le  curieux  passage  suivant,  relatif  à  quelques 
superstitions  en  cours  dans  le  département  du  Tarn  : 

Les  paysans  du  Tarn  tâchent  de  se  procurer  un  couteau  à  manche 
blauc^  remède  infaillible  contre  la  colique.  En  faisant  porter  une 
médaille  avec  les  noms  de  Gaspar,  MelchioretBalthazaràun  épileptique 
on  lui  retire  sa  grave  infirmité.  Contre  les  verrues,  un  spécifique  très 
simple  :  enfouir  une  pomme  sous  un  noyer.  Quiconque  a  mal  aux 
dents,  plante  un  clou  dans  un  mur,  la  douleur  disparait.  Appliquer 
un  soc  de  charrue  au  creux  de  Testomac,  préserve  du  mal  de  gorge. 

En  se  roulant  tout  nu  dans  un  champ  d'avoine,  en  arrachant  une 
poignée  d'avoine  en  grappe  et  en  la  laissant  sécher  sur  une  haie,  on  se 
prémunit  contre  la  gale.  On  éloigne  la  toux  en  crachant  dans  la  gueule 
d'une  grenouille  vivante.  Pour  qui  plonge  ses  mains  dans  le  fumier 
le  premier  mai,  pas  d'engelures  possibles.  On  extirpe  les  furoncles 
en  soufflant  èi  jeun  trois  fois  de  suite,  9  jours  durant,  dans  la  bouche 
du  malade. 

On  enlève  les  maux  d'oreilles  en  les  touchant  avec  une  main  de 
squelette.  On  dompte  le  mal  de  tête  en  se  liant  les  tempes  avec  une 
corde  de  pendu.  Pour  empêcher  de  se  soûler,  il  suffit  de  prononcer 
la  formule  suivante  :  Jupiter  his  halla  sonnuit  clementer  alo  idœ. 

Dans  quelques  endroits,  les  cuisinières  n'essuient  point  leurs  cas- 
seroles avec  un  morceau  de  pain,  cet  acte  leur  attirerait  la  pluie  le 
jour  de  leur  mariage. 

Pour  chasser  la  fièvre,  on  fait  sécher  à  la  crémaillère  un  chou 
dérobé  dans  un  jardin  voisin.  Il  ne  faut  point  manger  de  chou  le  jour 
de  Saint-Etienne.  Souvent  le  fiévreux  levé  de  bon  matin  marche  à 
reculons  et  arrache  dans  un  pré  une  poignée  d'herbes,  sans  se 
tourner  ni  la  voir  ;  il  la  jette  derrière  lui,  et  court  toujours  sans  se 
retourner  et  sa  fièvre  passe  au  diable. 

Faire  sortir  les  veaux  de  Tétable  à  reculons,  lorsqu'on  les  sépare 
de  leurs  mères,  est  un  préservatif.  Le  premier  jour  de  l'an,  la  ser- 


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REVUE    DES   TRADITIONS   POPULAIRES  f07* 

vante  de  chaque  maison  jette  un  morceau  de  pMn  dans  le  puits, 
pour  qu'il  ne  tarisse  pas,  quelle  que  soit  la  sécheresse. 

Les  signes  de  prospérité  égalent,  en  nombre  et  en  variété,  les 
signes  de  malheur.  Tout  le  monde  se  garde  d'acheter  à  prix  d'argent 
ies  abeilles. 

Le  catalogue  des  signes  funestes  tirés  des  moindres  faits  serait 
interminable.  Qu'il  suffise  de  dire  que  les  habitants  du  Tarn  qui  se 
tiennent  bien  droits  en  regardant  la  lune  pour  la  première  fois 
éprouvent  quelques  catastrophes. 

En  général,  pour  vaincre  la  peur,  il  n'y  a  qu'à  ficher  des  épingles 
dans  les  souliers  d'un  mort  ou  qu'à  monter  sur  un  ours. 

Afin  d'enlever  ses  rhumatismes,  le  malade  n'a  qu'à  faire  frapper 
trois  coups  d'un  marteau  de  moulin  par  le  meunier  ou  la  meunière 
en  disant  :  «  In  nomine  Patris,  etc.  » 

Le  Télégramme  de  Toulouse,  10,  11  février  1896  \ 


^^^WWWW^W^^»WMMU>iW»WM»W»^»l 


LES  EPINGLES 


II 

LES  ÉPINGLES  ET  L' AMITIÉ 

{Suite) 

Le  dicton  qu'une  épingle  pique  Tamitié  est  fort  répandu  dans 
tous  les  pays  sans  doute.  11  est  usuel  en  Allemagne  où  il  faut  sourire 
ou  s'embrasser  en  la  recevant  pour  rompre  son  charme  funeste.  En 
Angleterre  on  n'accepte  jamais  une  épingle  non  plus  sans  s'em- 
brasser on  donner  un  sou  en  échange. 

Hedwige  Heinecke 

1.  Ces  deux  numéros  dous  ont  été  commuoiqués  par  ud  correspondant  dont 
nous  regrettons  de  ne  pas  savoir  le  nom. 


^^<irv^ 


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108  REVDE-  DES   TRADITIONS    POPULAIRES 

LE  MOÏNE  ET  LE  f  ILLAGEOIS 

CHANSON  DU  PAYS  DE  LALLOEU  ^PaS-DE-CaLAIS) 


Le  Villageois  (en  patois) 

Mais,  di  m'in  po,  miû  frère, 
Quîj  qui  t*a  mis  drochi 
Pour  ti  faire  si  bonne  chière 
Et  avoir  tant  de  plaiji  ? 
Ch'la  surpasse  m*nejprit.  {hi$) 

Le  Moine  (en  Français) 

C'est  au  bon  Dieu,  mon  frère. 
Que  j*dois  c'que  je  suis. 
Exauçant  la  prière 
Que  souvent  je  lui  fis, 
11  me  plaça  ici  [bii] 

Le  Villageois 

Est  che  que  Dieu  donne  des  gr&ces. 

Sin  onc  pour  Tsalut  ? 

Quoi  I  pour  ti  faire  ducasse 

Des  grâces  t'airaus  réchu  ? 

Je  n*te  crois  point  la  déchus  ibis) 

Le  Moine 

Croyez-le  bien»  mon  frère 
Ce  n'est  qu*pour  le  salut 
Non  pour  la  bonne  chère 
Qu'ici  je  suis  venu  ; 
Soyez  en  convaincu,  [bis] 

Le  Villageois 

Malgré  toutes  tes  raijons, 
T'aime  mié  toutes  sortes  de  bon, 
Sans  tout  ch  là,  tin  gosier 
NVi  séro  mi  aller 
N'ri  séro  mi  canter  [bis] 


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RBVUE  DES  TRADITIONS  POPULAIRES  109 


Le  Moine 


Le  plain  chant,  sois  en  sûr^ 
Abime  restomac. 
Sans  boone  nourriture 
Ne  serioDS-nous  pas, 
Tous  réduits  au  trépas  ?  {bis) 

Le  Villageois 

E4  mi,  din  min  village. 
Malgré  qm  me  faut  ouvrer 
J*nai  focque  du  potage 
Et  des  pommes  cuites  à  mîé 
Al  fois  du  lard  salé,  {bis) 

Le  Moine 

Vous,  dans  votre  village, 
SU  vous  .faut  travailler. 
Vous  avez  Tavantage 
De  votre  liberté 
tEt  moi  j'en  suis  privé,  {bis) 

Le  Villageois 

Ni  éro  tienn  sai  qui 
Pour  te  c'mander  drochi  ? 
N'es  tu  point  maît  d'ti 
Gomme  j'suis  mait  d'mi  ? 
Pour  vràî  je  Tpinse  ainsi,  (bis) 

Le  Moine 

La  chose  n'est  pas  mon  frère 
Telle  que  vous  la  pensez 
Il  faut,  le  front  par  terre* 
Obéira  Fabbé 
Sans  jamais  répliquer,  (bis) 

Le  Villageois 

Et  mi,  din  min  village 
L'fem  que  j'ai  épousée 
Al  crie,  ail  mène  tapage 
Al  sait  bien  commander 
Aussi  bien  que  tnabbé.  [bis) 


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110  REVCB   DKS   TRADITIONS  POPULAIRES 

Le  Moine 

Faut  souffrir  ça,  vois-lu. 
Pour  conserver  la  paix 
Ici,  l'oD  est  tenu 
Par  le  vœu  qu'on  a  fait 
D'obéir  en  sujet  (W«) 

Le  Villageois 

Chanjons  d'  discours,  min  frère 
D'elle  chét  assez  parler 
Pourquoi  ché  biell  cahières 
Et  taus  ces  biaux  créchets 
Et  ces  tapis  dorés  (bis)  ? 

/^  Moine 

Ces  places  ne  sont  faites 
Que  pour  les  étrangers 
Et  pour  les  jours  de  fête. 
Nous,  nous  devons  rester 
Dans  de  simples  quartiers  (bis). 

Le  Villageois 

Esche  que  le  roi  de  France 

Et  tou^  chés  princes  aussi  ^ 

Viennent  ici  faire  bombance  ? 

Che  plaches,  selon  mi 

Sont  bielles  assez  pour  H  (bis). 

Le  Moine 

Les  princes  pour  les  fêtes 
Ne  viennent  point  ici, 
Ces  j^laces  ne  sont  faites 
Que  pour  nos  bons  amis 
Et  nos  parents  aussi  (bis). 

Le  Villageois 

-/  Mériterojou  Thonneur 

D'être  ichi  introduit  ? 
Te  ché  bien  que  m'demeure 
*  N'est  faite  qu'en  paillotis 

Et  qu'elle  n'est  nien  blanquie  (bis). 


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REVUE   DES  THADItlOKS   POPULAIRES 


m 


•    Le  Moine 

Ce  n'est  poinl  la  richesse 
Que  nous  devons  chercher 
Ni  même  la  noblesse 
Lorsqu'elle  est  séparée 
D'avec  la  probité  [b%$]. 

Le  Villageois 

Eh  bien  !  pour  un  brav'homme 
Te  sais  bien  que  je  V  suis 
Pache  qu*y  n'y  a  personne 
Qui  peut  dire  que  j'ai  pris 
Ene  se  quoy  à  autrui  [bis]. 

Le  Moine 

Brisons  V  discours,  mon  frère 

Nous  avons  trop  causé 

Et  vidons  notre  verre, 

Buvons  à  la  santé 

De  toute  l'assemblée  [bis], 

[Recueillie  par  M,  Emile  Becquart  de  Laventie,  Pas-de-Calais). 


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142 


REVUE   DES  TRADITIONS   POPULAIRES 


ROU  PIOU  PIOU  ' 

VIEILLE  PAYSANNERIE   B0UL0NNAI6E 


II 

Voici  la  musique  de  cette  chaosoa  dont  nous  avons  publié  le  texte 
dans  le  numéro  de  janvier. 

Assez  animé. 


>it  I'  I  MJ  j'ji,M|    f.  f-r  |! 


Che  toit    lu     tèt'   ed   no vil     lag-equ^j'é-tiom*  con. 


f  ï  f'înri'ii'ii  J' J^^B? 


.  tent^qu'j'étiçn   con  .  tent|J*é.tions  à         la  /leur  de— notr' 


^^ 


4 — • — a ■    .       * ■- 


Pi 


■■    I  m 


^c ,  à    qua  .  tore       ans .       Rourpiou-piouïRou  -  piou  -  piuu! 

E.  T.  Hamy. 


L'HABILLExMENT  DES  STATUES 


VI 

Je  me  souviens  que  le  jour  de  la  Saint-Joseph  aux  Mathurins,  ou 
labbé  de  Cerisy  prêchait,  on  avait  habillé  saint  Joseph  d'une  robe 
de  M.  le  Chevalier  (Seguier)  et  la  Vierge  avait  une  ôravate  de 
M.  d'Aiguillon. 

Tallemant  des  llÉAUx.  Historiettes,  T.  IV,  p.  ^22. 

P.  S. 

i.  Cf.  XI,  p.  32. 


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REVUE    DES  TRADITIONS  POPULAIRES  113 


LES  GATEAUX  ET  LES  BONBONS  TRADITIONNELS  K 


XII 


SEINE-INFERIEURE 

(Rouen) 

§ANS  les  trois  ou  quatre  derniers  jours  de  rannée,  on  vend  chez 
les  pâtissiers  des  gâteaux  en  pâte  feuilletée  connus  sous  le 
nom  d'Aguignettes  dont  les  prix  sont  de  5  cent.,  10  cent., 
^^  20  cent.,  25  eent.,  30  cent.,  40  cent.,  50  cent.,  60  cent., 
\D  75  cent,  et  1  fr.  Les  pâtisseries  sont  fabriquées  dans  des 
moules  en  fer  blanc,  les  sujets  en  sont  des  plus  variés  et  représen- 
tent des  cerfs,  des  poissons,  des  girafes,  des  cochons,  des  chiens, 
des  coqs,  des  lions,  des  renards,  des  polichinelles,  des  arlequins, 
des  bossus,  des  soldats,  des  chasseurs,  des  amazones,  des  Saint- 
Sacrements,  des  ballons,  des  trompettes,  des  moulins,  la  tour  Eiffel, 
etc.,  etc.,  etc.,  et  même  Napoléon,  je  connais  une  maison  qui 
possède  une  centaine  de  ces  moules'. 

Neufchàtel-en-Bray^  Forges -les-E aux  et  Goumay-en-Bray 

On  confectionne  également  pendant  les  deux  ou  trois  derniers 
jours  de  Tannée  des  pâtisseries  feuilletées  dont  il  n'existe  que  deux 
types,  des  cerfs  et  des  bonnes  femmes. 

A  NeufchâteUen-Bray,  la  date  peut  être  avancée  à  cause  du 
marché  qui  se  tient  le  mardi  de  chaque  semaine. 

Elbeuf'iur-Seine 

On  se  contenterait,  mais  je  ne  puis  affirmer  mon  dire,  de  vendre 
pendant  les  deux  ou  trois  derniers  jours  de  l'année  des  galettes  en 
pâte  feuilletée  affectant  une  forme  ronde. 

E.  Pelay. 

*.  Cf.  le  t.  IV,  p.  88,  270,  328,  le  t.  V,  p.  448,  le  t.  VI,  p.  19^,  le  t.  VHI,  p.  303, 
le  t.  IX,  p.  156,  le  t.  X,  p.  10,  209,  643. 

2.  Notre  collègue  dous  a  envoyé  pour  le  musée  de  la  Société  cl  celui  du 
Trocadéro  une  'série  de  ces  pâtisseries. 

TOaiE  XI.  —  FÉVRIER  1896.  8 


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114 


REVUE   DËb   TRADITIONS    POPULAIRES 


LES  DOUZE  PAROLES  DE  VERITE* 


IV 

DANS  LES  IMPRIMERIES  DE  TROYES 

Les  jeunes  gens  de  mon  atelier  chantent  la  parodie  suivante, 
des  Douze  paroles  de  vérité. 

Ecoutez  ces  priocipes-lâ, 

Que  personn"  De  bouge  ; 
La  terr*glais*  c'est  comme  Thomard 

Quaud  c'est  cuit  c'est  rouge. 

Qu'est-ce  qui  va  deux  ? 
Ya  deux  testaments, 
L'ancieu  et  le  nouveau  ; 
Ya  qu'ion  ch'veu 
Sur  la  tête  à  Mathieu  ! 

Ecoutez  ces  principes-là,  etc. 

Qu'est-ce  qui  ya  trois  ? 
Ya  Troyes  en  Champagne, 
Ya  deu:jè  testaments, 
L'ancien  et  le  nouveau  ; 
Ya  qu'un  ch'veu 
Sur  la  tête  à  Mathieu. 

On  continue  de  la  sorte  en  ajoulant  à  chaque  couplet  une  des 
phrases  suivantes. 

Ya  Ca/A'rine  de  Russie  ; 

Ya  Saint  Père  le  Pape  : 

Ya  système  métrique  ; 

Ya  c'est  épatan  I  ; 

Ya  huître  au  vin  blanc  ; 

Ya  n'œuf  à  la  coque  ; 

Ya  (/ûputez-vous  ; 

Ya  once  de  café  ; 

Ya  douzeÀue  de  mouchoirs  ; 

Ya  très  étonnant. 


L.  MORIN. 


1.  Cf.  t.  X  p.  650.  . 


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KEVUE  DES  TRADITIONS  POPULAIRES  115 


LES  OFFRANDES  AUX  SAINTS 


II 

LE    PAIN   DE    SAINT  ANTOINE 

M.  l'abbé  de  Terris  nous  donne  dans  la  Semaine  religieuse  d'Avi- 
gnon un  document  fort  curieux,  au  sujet  du  pain  de  saint  Antoine. 
H  cite  la  bénédiction  :  Benedictio  ad  pondus  pueri^  tirée  du  bréviaire 
aptésien  du  XIV*  siècle,  qui  nous  fait  connaître  un  usage  du  temps  : 

«  Les  familles  qui  voulaient  attirer  les  bénédictions  célestes  sur 
un  enfant  et  en  même  temps  contribuerfau  soulagement  des  pauvres 
du  bon  Dieu,  donnaient  à  un  établissement  dé  charité  un  poids  de 
blé  égal  au  poids  même  de  Tenfant  qui  était  censé  faire  la  bonne 
œuvre  et  qui  devait  en  retirer  le  profil  spirituel.  Or  cette  bonne 
œuvre  se  faisait  en  Thonneur  de  saint  Antoine,  dont  on  invoquait  la 
protection  pour  obtenir  la  faveur  demandée. 

»)  Ou  je  me  trompe  fort,  ajoute  M.  de  Terris,  ou  voilà  par  ce  texte 
de  nos  archives  aptésiennes  péremptoirement  démontré  que  la 
pratique  du  pain  de  saint  Antoine  est  vieille  de  six  cents  ans.  » 

Maria  Lecocq. 


LE  TABAC 


les  contrebandiers 

Dans  le  Jura  ceux  qui  font  la  contrebande  du  tabac  sont  connus 

sous  le  nom  de  tabatiers  ou  carottîers.  L'ivrognerie,  dit  Ch.  Toubin, 

les  contrebandiers  de  Moismard^  et  la  débauche  sont  leurs  moindres 

vices  ;  le  vol  leur  est  aussi  familier  que  la  fraude  et  les  incendiaires 

ne  sont  pas  rares  parmi  eux. 

P.  S. 

1.  Cf.  t.  X,  p.  620,  t.  XI,  p.  728. 


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116  '  REVlTE   DES   TRADITIONS   POPULAIRES 


ALLUSIONS  A  DES  CONTES  POPULAIRES 


XXI 

FORMULE    DE    CONTES 

N  sait  que  dans  les  coûtes  de  marins  et  de  soldats  revieni 
assez  fréquemment  la  formule  cric  crac  !  Au  XVIP  siècle 
on  se  servait  de  Tespèce  d'interjection  crac  lorsqu'une 
personne  racontait  une  histoire  qui  paraissait  fabuleuse 
ou  impossible. 

(Leroux,  Dict,  comique). 

XXII 

UN  SIMILAIRE  DU  PRÉAMBULE  DES  MILLE  ET  UNE  NUIT 

Un  seigneur  fort  riche  avait  une  singulière  fantaisie  ;  il  fallait  que 
la  femme  qui  lui  accordait  ses  faveurs  lui  donnât  sa  tabatière  ou  son 
anneau,  qu'il  payait  très  cher  et  étiquetait  sur  le  champ  du  nom  de 
celle  à  qui  il  en  était  redevable.  On  prétend  qu'à  sa  mort  on  trouva 
huit  cents  tabatières,  et  jusqu'à  4.000  bagues  qui  lui  étaient  parve- 
nues de  la  sorte  ^ 

(NouGARET,  Aventures  parisiennes  y  II,  59). 

PS. 

1 .  Uuc  noie  dit  que  c'était  le  prince  de  Coati. 


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REVIjË    des  TBADITtONS   POPULAIRISS  117 


JEUX  ET  JOUJOUX 


LE  DIABLE  DES  BOIS.  —  UN  AUTRE  DIABLE 

ES  iastruments  de  simple  curiosilé  ont  aussi  leur  intérêt,  en 
ce  qulls  se  rattachent  bien  souvent  à  des  particularités  de 
Texistence  dignes  d'être  conservées  et  divulguées.  Celui  que 
le  titre  de  cette  note  annonce,  est  un  pur  jouet  d'enfant,  très 
populaire  en  Flandre,  il  y  a  un  demi  siècle,  mais  dont  la  dé- 
nomination précise  échappe. 

Mon  savant  ami,  Karl  Krebs,  me  mande  k  ce  propos,  qu*à  Berlin, 
Tappellation  de  Waldteufel  prédomine.  Elle  n'aura  point  différé 
grandement,  je  pense,  avec  celui  que  notre  Flandre  a  longtemps 
porté. 

Il  s'agissait  de  préciser,  quant  à  la  forme  de  Tobjet  même,  car  les 
gens  d'âge  ne  s'accordent  guère  \k  dessus.  C'est  encore  M.  Krebs 
qui  a  bien  voulu  s'interposer. 
Je  lui  passe  la  plume  : 

A  Berlin  et  dans  les  alentours,  le  rommelpot  a  complètement  dis- 
paru. En  échange,  nous  en  possédons  un  antre  semblable  et  non 
moins  étrange  le  waldteufeld  ou  diable  des  bois,  qui  se  vend,  au  temps 
de  Noël^  sur  tous  les  marchés.  C'est  un  cylindre  en  carton,  ouvert 
d'un  côté  et  fermé  de  Tautre,  par  un  fragment  de  vessie.  Au  milieu 
du  rond  de  la  vessie,  est  fixé  un  bout  de  ficelle,  qui,  de  l'autre  bout, 
est  attaché,  au  moyen  d'un  nœud,  à  un  manche  de  bois.  L'entaille 
du  manche  est  frottée  avec  de  la  colophane.  Quand  on  prend  Tins- 
trumenl  par  le  manche,  en  faisant  un  mouvement  circulaire  avec  la 
main,  le  cylindre  à  la  ficelle  tourne  autour  du  manche,  et  le  frotte- 
ment du  bois  colophanisé  contre  la  ficelle  tournante  produit  un  son 
bourdonnant,  enflé  par  la  résonnance  du  cylindre  vide  couvert  de 
vessie.  Je  ne  doute  guère  qt\e  notre  waldteufel  ne  soit  un  descen- 
dant de  notre  rommelpot.  L'instrument  toutefois  est  déjà  en  déca- 
dence. On  a  remplacé  la  vessie  par  du  carton  ;  mais  il  fonctionne 
tout  de  même.  Avant  de  s'en  servir,  il  faut  mouiller  un  peu  le  bout 
du  manche  autour  duquel  tourne  le  bout  du  crin  de  cheval.  Et  voilà  !  » 
Ayant  reçu  l'instrument  môme,  j'ai  pu  constater  que  la  description 
technique  en  est  entièrement  exacte.  Il  mérite  bien  son  nom,  car 


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H8  REVUE    DES  TRADITIONS   I»0PULA1RES 

quand  il  fonctionne,  on  dirait  que  tous  les  êtres  du  royaume  de  Plu- 
ton  sont  déchaînés.  Bien  plus,  il  semble  que  tout  l'édifice  où  la  ré- 
sonnance  se  fait,  s*effbndre  sans  laisser  une  pierre  debout.  C'est  ef- 
frayant au  possible. 

Le  tube  a  44  centimètres  de  haut  et  mesure  9  centimètres  de  dia- 
mètre. Il  est  orné,  sur  sa  surface  circulaire,  de  dentelures  alternées 
de  couleurs  rouge  et  jaune.  La  partie  couverte,  par  où  passent  les 
crins,  est  verte. 

Instrument  de  foires,  jadis  très  en  vogue,  disent  les  vieillards  de 
notre  localité,  et  qui  passionna  vivement  lesbébéâ... 

L'un  d'eux  se  rappelle  vaguement  :  c<  une  botte  mesurant  4  à  5 
centimètres,  suspendue  par  un  crin  de  cheval  plié  en  nœud  coulant 
à  une  petite  baguette  à  encoche.  Un  seul  crin  pour  tout  cet  élernel 
tapage  !  » 

Ne  point  confondre,  s'il  vous  plaît,  cet  intéressant  diable  avec  un 
autre  qui  bourdonne  également,  mais  avec  des  moyens  bien  diffé- 
rents, comme  on  pourra  voir. 

Ëcoutons  Berhouble  : 

f  Hochet,  jouet  qui  consiste  en  deux  sphéroïdes  ou  ovoïdes  taillés 
dans  le  même  morceau  de  bois  et  creusés  avec  art,  que  Ton  fait  rou- 
ler sur  une  corde  faiblement  tendue,  et  dont  chaque  extrémité,  atta- 
chée à  un  bâtonnet,  reçoit  un  mouvement  alternatif  d'une  intensité 
croissante  par  degrés,  qui  établit  dans  les  deux  sphéroïdes  un  cou- 
rant d'air,  lequel  fait  un  ronflement  semblable  k  celui  de  la  toupie 
d'Allemagne.  Ce  jouet  est  imité  et  perfectionné  du  diable  chinois, 
instrument  beaucoup  plus  gros  et  moins  commode.  » 

Telle  est  la  définition  d'un  jouet  d'enfant  très  répandu  en  France. 

»  Toupie  d'Allemagne  double,  que  Ton  fait  tourner  rapidement  sur 
une  corde  attachée  à  deux  baguettes,  et  qui  ronfle  avec  beaucoup  de 
bruit,  •  dit  la  Rousse. 

Au  tour  de  La  Rive  et  Fleury  : 

«  Sorte  de  jouet  d'enfant  analogue  à  la  toupie  :  on  lui  a  acheté 
un  diable  avec  lequel  il  nous  casse  la  tête.  » 

On  lit  sous  les  initiales  G.  L.,  dans  la  Revue  delà  nature^  les 
lignes  suivantes  qui  clôturent  notre  esquisse  : 

c  Je  vous  envoie  une  photographie  que  j'ai  faite  avec  un  kodak  et 
qui  représente  un  joueur  au  moment  ou  le  diable  vient  retomber 
sur  la  corde. 

»  La  forme  de  ce  diable  varie  un  peu  de  celle  du  koiien-geu  ;  il  est 
formé  de  deux  cônes  en  fer  blanc  réunis  par  leur  sommets  et  percés 
de  trous  pour  produire  un  ronflement  lorsque  le  diable  tourne  très 
vite. 


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REVUE   DES   TRADITIONS   POPULAIRES  il9 

n  Un  boa  joueur,  vigoureux,  peut  facilement  le  lancer  à  plus  de 
i2  mètres  de  hauteur. 

»  Dans  notre  enfance,  vers  1853,  on  jouait  beaucoup  au  diable  à 
Paris  :  le  diable  était  fail  de  deux   boules  creuses  de  bois  de  buis. 

»  Ce  jeu  fort  amusant,  et  qui  exerçait  Tadresse,  est  presque  ou- 
blié aujourd'hui,  il  serait  intéressant  d'en  faire  revivre  Tusage.  » 

Il  a  été  également  populaire  parmi  nous. 

Edmond  Van  der  Straeten. 


MIErrES  DE  FOLK-LORE  PARISIEN 
IJHay  (Seine) 


XXVI 

SOUVENIR  DE  LA  REINE  BUNCHE 

E  magnifique  parc  des  Tournelles,  aurait  été  une  résidence 
royale  ;  plus  tard  il  appartint  à  M.  Chevreul,  le  savant 
centenaire,  qui  le  céda  aux  sœurs  de  S'-Vincent  de  Paul. 
On  montre,  dans  le  mur,  une  pierre  en  saillie  où  Blanche 
de  Castille  posait  le  pied  pour  monter  sur  son  ànesse,  quand 

la  sainte  reine  venait  à  la  campagne  avec  le  jeune  roi. 

Il  parait  aussi  que  Téglise  paroissiale  possédait  jadis  une  relique 

insigne  de  la  vraie  croix  et  un  reliquaire  digne  de  cet  objet  précieux. 

Pendant  la  révolution,   on  enterra  ces  choses  dans  le   parc  des 

Tournelles.  Depuis  lors,  dit-on^  L'Hay,  malgré  son  altitude,  est  à 

Tabri  de  la  foudre. 

Fra  Deuni. 


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I:Î0  KFAniE   DÈS  TRADITIONS    POPULAIRES 


ASSEMBLÉE  GÉiNÉRALE 


La  onzième  assemblée  générale  a  eu  lieu  le  31  Janvier  sous  la 
présidence  de  M.  E.  T.  Hamy,  président  de  la  société. 

M.  Paul  Sébillot,  secrétaire-général,  qui  pendant  Tabsence  de 
M.  Gerteux,  trésorier,  a  été  chargé  de  l'administration,  expose  la 
situation  fînancière  de  la  société.  En  1895^  les  recettes  se  sont  élevées 
à  4.863  fr.  09,  supérieures  de  282  fr.  81,  aux  prévisions  budgétaires, 
les  dépenses  à  3.879  fr.  77,  inférieures  de  120  fr.  23  aux  prévisions 
budgétaires.  L'exercice  1895  se  solde  par  un  excédent  de  recettes 
de  983  fr.  23  ;  c'est  le  plus  haut  chiffre  qui  ait  été  atteint. 

La  situation  est  donc  très  bonne  :  à  un  très  petit  nombre  près, 
tous  nos  collègues  habitant  la  France  sont  en  règle  ;  il  reste  à 
recouvrer  les  cotisations  d'uoe  partie  de  ceux  de  nos  collègues  de 
rétranger,  qui,  sans  doute,  ne  voudront  pas  tarder  à  s'acquitter  vis- 
à-vis  de  la  société. 

Le  nombre  des  simples  abonnés  a  augmenté,  de  même  que  la 
vente  au  numéro  et  celle  des  années  écoulées,  qui  entrent  mainte- 
nant pour  une  part  très  sérieuse  dans  les  recettes.  Des  collections 
entières  ont  été  achetées  par  des  bibliothèques  de  l'étranger.  Une 
cinquantaine  de  bibliothèques  sont  sociétaires  ou  abonnées. 

Pour  1896,  les  prévisions  sont  :  en  recettes  4.898  fr.  23^  en  dépen- 
ses 4.000  fr. 

Pendant  que  le  scrutin  reste  ouvert,  le  secrétaire-général  présente 
les  excuses  de  plusieurs  de  nos  collègues  qui  n'ont  pu  assister  à  la 
séance*.  Il  offre  à  la  société  ses  Ltgendes  et  Curiosités  des  Métiers  qui 
viennent  de  paraître. 

M.  T.  Volkov  exhibe  quelques  images  russes  concernant  la  reli- 
gion. Quelques-uns  de  ces  motifs  d'imagerie  populaire  se  font 
remarquer  par  l'introduction  d'idées  tout-à-fait  modernes.  Saint 
Elie  est  représenté  par  exemple  en  carosse  de  gala  avec  un  ange  en 
guise  de  cocher  et  un  autre  de  piqueur.  Le  caractère  cosmique 
de  ce  saint  (on  sait  que  la  foudre  et  le  tonnerre  dans  le  folklore 
russe  sont  produits  par  le  char  de  feu*  dans  lequel  saint  Elie  se 
promène  dans  les  cieux)   n'est  représenté  que  par  les  flammes 


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REVUE  DES  TRADITIONS  POPULAIRES  121 

jaillissant  de  dessous  les  roues  du  véhicule.  D'autres  images  mon- 
trent rinfluence  évidente  des  légendes  pieuses.  Ainsi  une  des  images 
représentant  la  Sainte  Vierge  à  trois  mains  fait  allusion  à  la  main 
coupée  d'un  personnage  qui  a  défendu  la  sainte  image  contre  la 
profanation  et  remise  ensuite  miraculeusement  à  sa  place.  Une 
autre,  celle  de  Notre-Dame  du  Buisson  ardent,  sert,  à  cause  des 
langues  de  flammes  entourant  la  Sainte  Vierge,  pour  conjurer  les 
incendies.  Certaines  images  frappent  par  la  naïveté  extrême  de  leur 
conception.  La  coupe  de  la  tunique  de  la  Sainte  Vierge  allaitant  son 
enfant  ne  manque  pas  d'originalité,  ainsi  que  les  détails  de  Tirnage 
de  la  Sainte  Vierge  «  consolatrice  de  tous  les  souffrants  ».  Sur  celte 
dernière,  qui  se  trouve  dans  une  chapelle  de  N.-D.  de  Tikhvine  à 
Vusine  de  verrerie  à  Saint-Pétersbourg,  la  Sainte  Vierge  est  repré- 
sentée en  train  de  distribuer  ses  bienfaits  en  espèces  :  les  gens  du 
peuple  à  genoux  tendent  les  mains  pour  attraper  les  pièces  de 
kopeks  et  demi-kopeks  avec  les  chiffres  de  Nicolas  I  et  Alexandre  II, 
volant  dans  Tair,  tandis  que  les  anges  habillent,  à  côté,  des  person- 
nages nus.  L'image  du  jugement  dernier  nous  fait  voir  les  morts 
sortant  de  leurs  tombes^  la  baleine  rejetant  les  corps  engloutis,  les 
lions  restituant  de  la  même  manière  des  personnages  dévorés,  des 
aigles  apportant  des  ossements  dissipés  par  eux.  Les  condamnés 
passent  en  file  indienne  dans  la  gueule  du  grand  serpent  où  préside 
Lucifer  tenant  dans  ses  bras  Judas  avec  Sa  bourse  traditionnelle.  A 
la  tète  du  cortège  se  trouvent  des  personnages  couronnés,  vêtus  de 
manteaux  royaux  en  pourpre  et  hermine,  puis,  suivent  les  repré- 
sentants mitres  du  haut  clergé  en  vêtements  sacerdotaux,  puis  les 
moines,  les  grands  fonctionnaires  décorés,  les  gros  bourgeois^  etc.. 
les  paysans  et  les  mendiants  sont  les  derniers... 

M.  Sébillot  présente  quelques  images  populaires  de  diverses 
fabriques,  qui  ont  une  certaine  affinité  avec  Timage  du  jugement 
dernier  au  point  de  vue  du  rang  dans  lequel  les  gens  des  différentes 
professions  font  leur  entrée  en  enfer. 

M.  le  D'  Hamy  appelle  l'attention  de  nos  collègues  sur  les  placards 
mortuaires  ornés  d'emblèmes  qui  étaient  encore  en  usage  il  y  a 
quelques  années  et  dont  quelques-uns  sont  fort  curieux.  Il  serait 
intéressant  de  savoir  à  quelle  époque  on  ac<èmmencéàenimprîmer. 
Les  plus  anciens  que  possède  la  Bibliothèque  Nationale  ne  remon- 
tent qu'au  milieu  du  XVII*  siècle. 


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122 


REVUE   DES   TRADITIONS    POPULAIRES 


BUREAU  DE  1896 


Présidents  honoraires 

D'Arbois  de  Jubainville 
Frédéric  Mistral 
Gaston  Paris 


Ancien  Président 
Girard  de  Rialle 

Président 
E.-T.  Hamy 

Vice 'Présidents 
Cuarles  Beauquier. 

COMMISSION  DE  RÉDACTION 


LoYs  Brueyre 
Eugène  Muntz 

Secrétaire-général 
Paul  Si^illot 

Secrétaires 

Lionel  Bonnemère 
Alexandre  Tausserat 

Trésorier 
A.  Certeux 


Trésorier- A  djoint 
Alfred  Michau 


Félix  Frank 
Girard  de  Rialle 
N.  Quellien 


Félix  Régamey 
Raoul  Rosières 
Julien  Tiersot 


COMITÉ  CENTRAL 


Membres  résidant  à  Paris 

Charles  Beauquier 
Raphaël  Blanchard 
Prince  Roland  Bonaparte 
Lionel  Bonmemère 
LoYs  Brueyre 
Comte  de  Charencey 
A.  Certeux 

H.  CORDIER 

J.  Deniker 
E.-T.  Hamy 
Alfred  Michau 
Morel-Retz 
Eugène  Muntz 


Cqmte  de  Puymaigre 
N.  Quellien 
Arthur  Rhoné 
Raoul  Rosières 
Paul  Sébillot 
Alexandre  Tausserat 
Julien  Tiersot 

Membres  ne  résidant  pas  à  Parts 

René  Basset 
J.-F.  Bladé 
Emmanuel  Cosqutn 
A.  Le  Braz 
Achille  Millien. 


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BEVUE    DES   TRADITIONS    POPULAIRES  123 


BIBLIOGRAPHIE 


Les  Contes  de  Pert^ault  mis  en  vers  par  Charles  des  Granges,  illustra- 
tions de  M'**  Ch.  Dufau.  Delagrave  in-4  de  pp.  56. 

Plusieurs  auteurs  ont  tenté  de  mettre  en  vers  la  prose  si  française,  si  parfaite 
dans  sa  simplicité,  si  bien  coupée,  des  contes  de  Perrault;  ils  n'ont  pas  fait  oublier 
la  version  originale  des  «  Contes  de  Ma  Mère  TOye  »,  et  on  ne  peut  considérer 
leur  ouvrage  que  comme  une  sorte  d'hommage  rendu  à  la  popularité  de  ces  contes 
qui  après  deux  cents  ans  paraissent  aussi  frais  que  lors  de  leur  publication. 
Mettre  en  vers  les  contes  de  Perrault  nous  parait  une  entreprise  aussi  superflue 
que  celle  de  réduire  en  prose  les  fables  de  Lafontaine  ;  ces  deux  auteurs  on 
trouvé  tous  deux  des  formes  définitives,  et  quelle  que  soit  l'ingéniosité  déployée 
on  est  forcé  de  reconnaître  qu'il  y  a  plus  de  poésie  véritable,  dans  le  petit 
Chaperon  rouge  par  exemple,  que  dans  toutes  les  imitations  ou  paraphrases 
en  vers  qui  peuvent  en  être  faites.  M.  C.  D.  6.  ne  pouvait,  pas  plus  que 
personne  du  reste,  échapper, à  la  terrible  comparaison  entre  des  vers,  souvent 
ingénieux,  et  une  prose  qui  est  un  modèle.  Des  sept  contes  qu'il  a  versifiés,  les 
moins  bien  venus  sont  précisément  les  plus  concis,  ceux  qui  se  rapprochent 
davantage  de  la  forme  populaire.  Pour  ceux-là,  il  faudrait  un  Lafontaine  pour 
en  rendre  l'esprit  naïf  et  leur  donner  une  forme,  sinon  supérieure,  du 
moins  égale  à  celle  que  Perrault  a  trouvée,  sans  s'en  douter  peut-être.  D'autres, 
plus  longs,  se  prêtent  davantage  aux  imitations  ;  c'est  ainsi  que  la  version  de 
la  Belle  au  Bois  dormant  soutient  mieux  que  le  Petit  Poucet  par  exemple  la 
comparaison  avec  la  prose  de  Perrault  ;  en  voici  un  passage  : 

...Les  vingt  ans 
S'écoulèrent  comme  un  printemps 
Pour  l'enfant,  la  belle  des  belles. 
Jusqu'au  jour  où,  fatal  destin. 
Un  fuseau  lui  perça  la  main. 
Comme  un  ange  perdant  ses  ailes, 
Aussitôt  elle  chancela. 
Jusqu'à  son  doux  lit  s'en  alla 
Pour  s'endormir,  suivant  l'oracle. 
Mais,  prodige  plus  étonnant. 
Tout  s'endort  comme  par  miracle 
Autour  d'elle  au  même  moment. 
Le  roi  d'abord  et  puis  la  reine, 
Leurs  gardes  et  le  capitaine 
Restent  dans  l'immobilité. 
Le  coureur  qui  déjà  s'élance 
La  Jambe  en  l'air,  comme  en  balance 
A  l'air  d'un  pendule  arrêté, 


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424  REVUE   DES   TBADITIONS    POPULAIRES 

Plus  loin,  c'est  le  garde  champêtre 
PriBonnier  dans  ses  attirails 
Qui  dans  un  verger  pourrait  être 
Le  meilleur  des  épouYantails  : 
Les  chambrières,  les  soubrettes 
(Pour  des  femmes  quel  triste  sort  !) 
Tout  à  coup  deYiennent  muettes, 
On  dirait  des  marionnettes 
Dont  on  a  brisé  le  ressort. 
Le  roquet  qui  tournait  la  broche 
Reste  roide  et  glacé  soudain. 
Le  mitron  cuisant  sa  brioche. 
Le  boulanger  faisant  son  pain. 
Le  cuisinier  sur  sa  marmite 
Se  tient  fixe  et  vitrifié, 
La  sauce  dans  la  lèche-frite, 
Le  feu  même  est  pétrifié. 

P.  S. 


LIVRES  REÇUS  AUX  BUREAUX  DE  LA  REVUE 


Çt.  Pitre.  Medicina  popolare  siciliana.  Palerme  Carlo  Clausen 
în-18  de  pp.  XXYIU,  494  (7  fr.). 

Ch.  Adolphe  d'Avril.  Choix  de  poësies  slaves.  Paris,  Leroux, 
în-i8  elzvir  de  pp.  X,  166.  (2  fr.  50). 

Comte  Henri  de  Castries.  Les  Moralistes  populaires  de  ris- 
lam  L  Les  Gnomes  de  Sidi  Ab-er-Rahman-El-Medjedoub.  Paris, 
Leroux,  p.  in-18  de  pp.  XXYIU,  121. 


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REVUE  DES   TRADITIONS    POPULAIRES  125 


PÉRIODIQUES  ET  JOURNAUX 


Ons  VolkSleven,  VIII.  —  Encore  un  mot  sur  MoU,  Baelen  et  Desslche, 
J.-Th,  de  Raadt,  —  Légendes  :  1.  Notre-Dame  d'Afflighem.  2.  La  Vierge  qui 
parle,  A,  G.  —  Le  Langage  des  Oiseaux,  Frans  Zand,  —  Contes  populaires.  La 
Trompeuse  trompée,  A,  G,  —  Rimes  et  Enfantines  anglaises  (suite),  J.  Feskens. 

—  Usages  et  Coutumes  populaires  du  Brabant  septentrional  (Hollande)  (suite)  : 
2.  Rites  et  Usages  funéraires,  P.  N,  Panken, 

SezÀtoarea,  III,  8,  L*élément  populaire  dans  la  littérature  savante,  par 
Arthur  Gorovei,  —  Traditions  populaires  de  Bucovine,  llie  Veslovski,  —  Méde- 
cine populaire,  M,  Lupesco.  —  Désenchantement?,  \/irMi/r  Gorovei.  -  Coutumes 
de  la  nouvelle  année,  S.  Mihdilesco, 

111,  9-iO.  La  grive  et  la  corneille  (conte).  M,  Lupesco.  —  Sons  interjectifs, 
Arthur  Gorovei.  —  Traditions  populaires  :  La  création  du  loup,  Dieu  et  la 
tante,  la  légende  des  bois,  T.  Balasel.  —  Prières  enfantines,  M.  Lupesco.  — 
Désenchantements,  Dobré  Stefanesco,  V.  FiUpovici,  C.  Serbanesco,  S.  Popesco, 
Formules  d'élimination,  Arthur  Gorovei.  —  Coutumes  de  la  Semaine,  M.  Lupesco, 

—  Médecine  vétérinaire  populaire,  M.  Lupesco.  —  Bibliographie  du  Folk-lore 
roumain,  Arthur  Gorovei.  —  Chansons,  T.  Balasel. 


NOTES  ET  ENQUÊTES 


,\  Diner  de  ma  Mère  VOye.  Le  105»  dîner  a  eu 
lieu  le  31  janvier  sous  la  présidence  de  M.  E.  T. 
Hamy,  président  de  la  société.  Les  autres  convives 
étaient  MM.  0.  Beauregard,  D'  Raphaël  Blanchard, 
Henri  Cordier,  George  Doncieux,  Lautermann, 
Madame  Malza,  MM.  Michau,  Napoléon  Ney  Adrien 
Oudin,  Paul  Sébillot,  Alexandre  Tausserat-Radel, 
Julien  Tiersot,  Th.  Volkov.  Le  diner  a  été  suivi 
d'une  très  intéressante  soirée  musicale  ;  Madame 
Malza,  très  bien  accompagnée  par  M.  Lautermann, 
s'est  fait  applaudir  en  chantant  avec  beaucoup  de 
grâce  et  d'une  voix  bien  timbrée  une  série  de 
chansons  et  d'airs  du  commencement  de  ce  siècle, 
et  de  la  fin  du  XVIII*,  qui  ont  donné  lieu  à  de 
curieuses  remarques;  MM.  Adrien  Oudin,  George  Doncieux,  Napoléon  Ney  ont 
récité  des  poésies.  Des  chansons  populaires  de  divers  pays  ont  été  chantées 
par  MM.  Julien  Tiersot,  E.  T.  Hamy.  et  l'on  ne  s'est  séparé  qu'après  minuit. 

Les  dîners  de  1896  auront   lieu  le  mardi  SI  mars,   mardi  30  juin^   lundi   SO 
novembre. 


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126  REVUE  DES  TRADITIONS    POPULAIRES 

«%  Oêyancu populaire»,  à  Brienne-la-Vieille  {Aube).  —  Il  ne  faut  pu  cuire 
de  pain  pendtal  ks  jours  des  Rogations,  sans  quoi  le  pain  moisit  tout  Tété. 

—  Il  ne  faut  pas  couler  la  lasaive  dans  Toclave  de  la  Fête-Dieu  :  cela  ferait 
mourir  le  mari  dans  Tannoée. 

—  Commencer  un  travail  le  vendredi  ;  mettra  une  chemise  propre  ce  jour-là  ; 
renverser  la  salière  sur  la  table,  portent  malheur. 

—  Faire  boire  une  goutte  de  sang  d*ao^uille  aux  ÎTrogiiM  leur  donne  le 
dégoût  du  vin. 

—  Ne  pas  manger  de  viande  le  jour  de  Pâques  après  s'en  être  abstemu  tout  le 
carême  empêche  d'avoir  mal  aux  dents. 

—  A  la  messe  de  mariage,  plus  le  mari  enfonce  Tanneau  profondément  dans 
le  doigt  de  la  femme,  plus  il  aura  d'autorité  dans  le  ménage.  (1) 

(Corn,  de  M.  Auguste  Marguilluh). 

,*,  y  a-t-il  encore  des  Druides  ?  Evidemment  nous  n'avons  pas  en  vue  ici  les 
habitants  de  Dreux  ;  ils  seraient  les  premiers  à  sourire  d'une  question  si  naïve. 
Nous  voulons  parler  des  sectateurs  de  la  vieille  religion  druidique.  Au  premier 
chapitre  d'un  livre  récent  que  nous  venons  de  parcourir  avec  beaucoup  d'inté- 
rêt :  La  Vergine  Addolorata  ou  N,-D.  de  Campovallo  (2)  nous  venons  de  lire 
une  page  que  nous  croyons  utile  de  reproduire.  L'auteur  après  avoir  rappelé  le 
culte  primitif  de  la  Sainte  Vierge  à  Chartres,  et  sa  statue  érigée  là  par  les 
druides  avant  l'ère  chrétienne,  ajoute  ce  qui  suit  : 

«  ...  Disons  en  passant  que  !e  druidisme,  qui  paraissait  être  éteint  depuis  le 
V1I«  siècle,  dans  un  chaos  de  paganisme  romain,  de  sauvagerie  celtique  et  de 
christianisme  dénaturé,  a  résisté  au  concile  de  Nantes,  qui,  en  618,  le  condamna 
solennellement. 

Sur  les  confins  de  l'Allié  et  de  Saône-et-Loire,  vers  Dompierre  et  Bourbon- 
Lancy,  les  druides  existent  encore  ;  ils  sont  connus  .sous  le  nom  de  BUmcs^  à 
cause  de  la  couleur  de  la  robe  dont  leurs  prêtres  sont  revêtus.  Leurs  réunions 
ont  lieu  la  nuit,  au  fond  des  bois,  sous  les  chênes  séculaires.  Ils  ont  quatre 
fêtes  par  an  ;  les  chefs  sont  désignés  sous  le  nom  d'archevêques  et  d'évêques 
des  Blancs.  Ce  sont  les  arcbi-dniides  et  les  druides. 

Les  Blancs  sont  d'une  probité  méticuleuse.  Les  femmes,  surtout,  sont  atta- 
chées à  leur  culte.  Ils  ne  se  marient  qu'entre  eux. 

Le  druidisme  s'est  sensiblement  épuré.  Plus  de  prêtresses,  plus  de  sacrifices 
d'aniuiaux,  mTurs  douces  et  honnêtes  !  Mais  le  culte  du  gui  a  survécu  ainsi 
que  les  danses  au  clair  de  lune. 

Les  Blancs  ont  une  horreur  instinctive  du  baptême.  En  voici  une  preuve 
récente  :  En  1894,  vers  Paray-Ie-Monial,  un  enfant  naquit  d'une  druidesse.  Une 
voisine  catholique  le  fit  baptiser  en  cachette.  La  mère  ayant  appris  ce  «  crime  », 
se  jeta  sur  la  coupable  et  faillit  la  tuer.  La  Correctionnelle  s'en  mêla,  dit-on. 

Mais  on  assure  —  qu'une  statue  de  femme  portant  un  enfant  dans  ses  bra^ 
figure  encore  aux  fêtes  officielles,  et  qu'elle  est  l'objet  d'une  profonde  vénéra- 
tion. Les  jeunes  filles  chantent  en  son  honneur  sous  les  «  arbres-prêtres  »  une 
sorte  d'hymne  en  langue  inconnue,  qui  pourrait  bien  être  du  celtique  défiguré. 

(ta  voir  de  Notre-Dame  de  Chartres ^  4  janvier  1896). 

(Com.  de  M^i«  Maria  Lbgocq). 


1.  A  Paris,  plus  l'anneau  est  enfoncé,  plus  la  femme  sera  fidèle. 

2.  La  Vergine  addolorata  ou  Notre-Dame  de  Campovallo  (Italie)  par  Albert 
Larosse. 


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REVUE   DES  TRADITIONS    POPULAIRES  t21 

Il  serait  intéressant  d'&^âir  énr  reifseignements  précis  sur  cette  secte,  qui 
pourrait  bien  ètri^  use  des  «  petites  églises  »  non  concordataires  comme  il  y  en 
a  encore  dMM  qoelques  parties  de  TOuest  de  la  France,  qui  n'ont  rien  à  voir 
a»ee  le  druidisme.  La  question,  réduite  à  une  information  de  ce  genre,  nous  a 
paru  curieuse. 

,%  Saini  de  plâtre  guérisseur  (Eure).  —  Dans  une  grange  est  un  saint  de  pl&tre  ; 
on  enlève  un  peu  de  son  ventre,  on  le  mêle  à  la  bouillie  pour  faire  passer  les  coli- 
ques des  enfants.  —  Inutile  de  dire  que  cela  demande  le  renouvellement  fré- 
quent du  ventre  de  Taimable  saint.  * 

(Com.  de  M.  Fra  Dbuki) 

/,  Crack-nul  Sunday  (Dimanche  de  Craque-noix).  —  A  Kingston  sur  Tamise, 
prés  Winchester,  existait  encore  il  y  a  peu  de  temps  une  singulière  coutume  : 
Le  dimanche  qui  précédait  la  S^-Michel  les  fidèles  se  rendaient  à  l'église  les 
poches  pleines  de  noix  qu'ils  s'am.usaient  à  briser  pendant  l'office  divin.  D'où 
craquements  continuels  et  nom  bizarre  de  dimanche  de  «  Craque-noix  »  donné 
à  ce  jour. 

Cette  coutume  est  ancienne,  car  on  a  retrouvé  un  mandement  de  Tévèque  Guil- 
laume de  Wykeham  cherchant  à  empêcher  ce  bruit  «  qui  allait  jusqu*à  couvrir 
la  voix  du  prédicateur  ». 

Cette  coutume  était  connue  de  Goldsmith  qui  la  cite  dans  le  «  Vicaire  de  Wa- 
kefield  »  comme  pratiquée  par  les  paroissiens  du  docteur  Primrose. 

(Com.  de  M.  René  Stiébel). 

,*.  Brimade  à  ^arrivée  au  collège.  —  Darsie  Latimer  à  son  arrivée  au  collège 
fut  bafoué  à  cause  de  son  accent  du  sud,  salé  avec  de  la  neige  comme  un  pour- 
ceau d'Angleterre,  et  roulé  dans  le  ruisseau  en  recevant  l'épithète  de  boudin 
saxon.  ' 

(W.  Scott.  Regtfauntlet), 

^\  Fantômes  contemporains.  —  D'après  le  Courrier  des  Etats-Unis,  la.  statue 
de  la  Liberté  (de  Bartholdi)  à  Bedlow's  island  est  hantée  et  elle  est  devenue 
pendant  la  nuit  un  objet  de  terreur  pour  les  pêcheurs,  bateliers  et  marins  de  la 
rade  de  New- York. 

Le  poste  militaire  qui  a  été  établi  à  Bedlow's  island  est  devenu  parfaitement 
inutile,  car  jamais  marin  ne  s'aviserait  d'y  aborder  après  le  coucher  ou  avant 
le  lever  dn  soleil.  Que  la  statue  soit  hantée,  aucun  doute  n'est  plus  possible 
là-dessus.  La  preuve  en  est  que  tous  les  hommes  d'équipage  de  tous  les  bateaux 
qui  ont  jeté  l'ancre  près  de  Bedlow's  island  déclarent  qu'il  est  parfaitement 
inutile  d'essayer  de  dormir  dans  le  voisinage  de  «  miss  Liberty  »  comme  ils 
rappellent,  attendu  qu'elle  donne  asile,  tous  les  soirs,  à  tous  les  fantômes  et 
esprits  qui  voltigent  sur  la  rade,  et  se  livrent  pendant  la  nuit  à  une  sarabande 
infernale  à  l'intérieur  du  monument. 

Les  soldats  du  poste  eux-mêmes  sont  tellement  effrayés  par  les  bruits  que 
Von  entend  la  nuit  à  l'intérieur  de  la  statue  que  plusieurs  d'entre  eux  ont 
demandé  à  permuter. 

Dans  le  jour  tout  est  calme  dans  le  monument.  Mais  très  souvent  le  soir, 
surtout  lorsqu'il  se  produit  de  brusques  changements  de  température,  on  dirait 
que  miss  Liberty  appelle  elle-même  les  fantômes   et  les  esprits   «  en   secouant 


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128  REVUE  DES  TBÂDITIONS  POPULAIRES 

ses  jupes  d'airain  ».  Et  alors,  c'est  pendant  toute  la  nuit  un  vacarme  effroyable. 
Tantôt  on  entend  des  gémissements  lugubres,  tantôt  un  bruit  de  squelette  se- 
couant des  cbaînes  qui  tes  attachent,' et  fréquemmeiit  aussi  des  plaintes  sinistres 
et  des  cris  ressemblant  à  ceux  du  chat-huant. 

(Le  Petit  Temps,  22  février  1896). 


REPONSES 


,*,  Figure  dans  Iti  noix,  y,  t.  X,  p.  631)  —  Uu  petit  clou  présentant  beaucoup 
d'analogie  avec  les  clous  ayant  fixé  Jésus  sur  la  croix,  se  trouve  dans  la  noix. 

Cet  instrument  de  la  Passion  se  trouve  dausce  fruit,  parce  que  la  croix  de  Jésus 
était  faite  de  noyer. 

(Hainaut,  Anvers  et  Liège.  Comm.  de  M.  Alkhëd  IIarou)  (1). 

,\  Ce  qu'on  dit  aur  personnes  ennuyeuses.  —  Le  pcu;)lc  dit  aux  importuns  qui 
demandent  et  quand  ?  Quand  les  canes  vont  aux  champs,  la  princesse  va  devant. 

(Lkroux.  Dictionnaire  comique  1724). 
1.  V.  t   IX,  p.  231,  536,  664,  720,  t.  X,  p.  256). 


En  Vabsence  de  M.  A.  Cbrteux,  momentanément  éloigné  de  Paris,  les  cotisations 
et  abonnements  sont  reçus  chez  M,  Sébillot,  80 ^  boulevard  Saint-Marcel. 

Le  Gérant  :  A.  CERTEUX. 


Uaugé  {Maine-et-ljoire.  —  Imprimerie  Oaloux. 


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REVUE 


DES 


TRADITIONS  POPULAIRES 


11«»  Année.—  Tome  XI.  —  N^  3-4  —  Mars- Avril  li596t 


LES  ANCIENS  CHANTS  HISTORIQUES  ET  LES  TRADITIONS 
POPULAIRES  DE  L  ARMÉME  ' 


ËRVAND  II  ET  ARTASCHÈS  II 

VEC  Erouand  II  commence  une  longue 
série  de  récits,  dont  nous  possédons 
quelques-uns  seulement. 

D'abord  Moïse  de  Khorèn  cite  d'après 
les  récits  de  la  naissance  d'Ervand  et 
de  son  frère  Ervaz,  «   Une  femme  de 
race    arsacide,    d'une    stature  élevée, 
d'une  figure  horrible  et  repoussante, 
que  personne   n'avait   voulu  épouser, 
met  au  monde  deux  fils  par  suite  d'un  honteux  commerce.  »  Puis  il 
raconte  qu'après  la  mort  de  Sanatroug,  Ervand  fut  proclamé  roi, 
celui-ci,  ayantconçudescraintesducôtédesfilsdeSanatroug,lesexter- 
mina  tous,  seulement  un  seul,  nommé  Artaschès,  fut  sauvé  par  sa 
gouvernante  et  son  gouverneur  Sempad  Bagratouni.  Ervand  les  pour- 
suit, «  c'est  pourquoi,  errant  pendaut  longtemps  sur  les  montagnes  et 
dans  les  plaines,  à    pied,    avec   l'enfant  sous    différents  déguise- 
ments, Sempad  l'élève  dans  des  cabanes,  au  milieu  des  bergers,  jus.- 
qu'à  ce  qu'enfin,  trouvant  l'occasion  favorable^  il  passe  près  de  Darius, 
roi  des  Perses,  chez  qui  l'enfant  fut  admis  parmi  les  fils  du  roi. 

Ervand  sollicita  par  des  ambassadeurs  et  avec  des  présents  le  roi 
des  Perses  de  lui  livrer  Artaschès,  en  lui  disant  qu'il  n'était  point  le 
fils  de  Sanatroug,  mais  d'un  Mède  et  quand  il  n'a  pas  réussi  il  fonda 

1.  Cf.  t.  XI,  p.  1. 

TOME  XI.  —  MARS-AVRIL   1896.  9 


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130  HEVUE  DES   TRADITIONS    POPULAIRES 

plusieurs  forteresses  entre  lesquelles  celle  d'Ervandachad  ;  il 
semble  que  Moïse  de  Khorèn  décrit  ainsi   Ervaolaehad  d*après  les 
récits  populaires  : 

«  Il  remplit  le  centre  de  la  grande  vallée  dliabitants  et  d'édifices 
magnifiques^  brillant  comme  la  pmodle  de  l'œil.  A  Tentour  de 
Tendroit  habité  s'étend  uoe  eetiiture  de  jardins  fleuris  et  odorifé- 
rants, comme  autour  de  la  prunelle  se  décrit  le  cercle  de  Toeil.  D*in- 
nombrables  vignobles  imitent  le  contour  frangé  et  gracieux  des  pau- 
pières. La  forme  arquée,  au  nord,  est  vraiment  comparable  aux 
sourcils  de  gracieuses  jeunes  filles  ;  au  sud,  la  forme  unie  des  prai- 
ries ressemble  à  la  beauté  des  joues  bien  lisses.  Le  fleuve  avec  ses 
rives,  comme  uue  bouche  entr'ouverte,  représente  les  deux  lèvres  ; 
et  ce  site  si  splendide  semble  regarder  fixement  le  sommet  où  se 
dresse  le  séjour  du  monarque,  séjour  vraiment  somptueux  et 
royal  ^  I  » 

Ervand,  selon  la  magie,  avait  le  mauvais  œil  :  c'est  pourquoi,  cha- 
que matin,  les  chambellans  du  palais  avaient  Thabitude  de  placer 
des  pierres  très  dures  en  face  d'Ervand,  et  elles  se  fendaient 
(sous  Tinfluence)  de  la  malignité  de  son  regard.  » 

La  guerre  d*Ervand  contre  Artaschès  et  surtout  la  vie  d'Artaschès 
furent  Tobjet  de  plusieurs  chants  et  récits,  d'après  lesquels  Moïse 
de  Khorène  a  composé  l'histoire  de  ces  deux  rois,  ce  qu'il  avoue  par 
ces  paroles  : 

a  Les  entreprises  du  dernier  Artaschès  sont  la  plupart  révélées 
par  les  chants  historiques  qui  se  récitent  dans  le  Koghtèn  :  la  cons- 
truction de  la  ville,  l'alliance  avec  les  Alains,  sa  race  et  sa  posté- 
rité, l'amour  de  Satinig  pour  les  descendants  des  dragons,  c'est-à- 
dire  d'Astyage,  comme  dit  la  fable,  qui  occupent  tout  le  pied  du  Mas- 
sis  ;  sà'guerre  contre  eux,  la  ruine  de  leur  puissance,  leur  meurtre 
et  l'incendie  de  leurs  domaines,  la  jalousie  des  fils  d'Artaschès  et 
a  guerre  suscitée  par  leurs  femmes.  Tous  ces  faits,  comme  nous 
l'avons  dit,  sont  racontés  dans  les  chants  métriques,  mais  nous 
les  rappellerons  en  peu  de  mots  et  nous  donnerons  Tinterpré 
tation  vraie  de  l'allégorie  *  ! 

Et  certainement  Moïse  de  Khorène  raconte  que  Sempad  Bagratouni 
vient  se  battre  contre  Ervand  avec  les  armées  perses,  et  pendant  la 
guerre,  il  «  ordonne  de  faire  sonner  les  trompettes  d'airain  et  fait 
avancer  son  armée  comme  un  aigle  qui  vient  fondre  sur  des  bandes 
de  perdrix  '.  »  Mais  dans  cette  mêlée  des  deux  camps,  Artaschès  est 

i.  Moïse  de  Khorène  :  Liv.  II  cb.  XLIl.  trad.  Langlois. 

2.  Moïse  de  Khorène.  II.  ch.  XLIX. 

3.  M.  de  Khorène.  L.  H,  ch.  XLVI. 


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REVOE   DES   TRADITIONS   POPULAIRES  431 

surpris  par  les  braves  habitants  du  Taurus,  qui  au  péril  de  leur  vie, 
avaient  promis  à  Ervand  de  tuer  Artaschès.  Mais  Kisag,  fils  de  la 
gouvernante  d'Artaschès,  se  précipite  à  pied  à  travers  leurs  rangs 
et  en  fait  un  grand  carnage  ;  cependant  il  a  la  moitié  de  la  figure 
emportée,  et  bien  que  triomphant,  il  meurt  de  cette  horrible  bles- 
sure. C'est  pour  cet  exploit  que  sa  race  fut  élevée  par  Artaschès  au 
rang  de  Satrapie,  nommée  Dimaksian,  qui  devrait  se  traduire  par 
«  Balafré.  »  ' 

Ervand  prit  la  fuite,  Artaschès  le  poursuit  et  commande  à  ses 
troupes  de  crier  à  la  fois  :  Mar  Amad,  ce  qui  veut  dire  :  Le  Mède  est 
arrivé,  pour  rappeler  l'insulte  qu'Ervand  adressa  au  roi  de  Perse  et  à 
Sempad  en  appelant  Artaschès  Mède.  Et  en  souvenir  de  ce  cri,  l'en- 
droit fut  appelé  Marmed.  Enfin  la  ville  d'Ervand  fut  prise,  et  «  un 
des  soldats,  pénétrant  aussitôt  à  Tintérieur,  fendit  d'un  coup  d'épée 
la  tête  d'Ervand,  dont  la  cervelle  se  répandit  sur  le  sol.  »  Artaschès 
fut  proclamé  roi  d'Arménie,  et  Sempad,  allant  par  ordre  du  roi  à  la 
forteresse  de  Bagaran,  s'empara  de  la  pei«onne  d-Ervaz,  «  lui  fit 
attacher  une  meule  au  cou  et  jeter  dans  un  tourbillon  du  fleuve.  *  » 

Peu  de  temps  après,  les  Alains*  envahissent  l'Arménie,  et  «  une 
bataille  s'engage  sur  les  frontières  des  deux  nations  composées 
d'hommes  braves  et  habiles  à  tirer  l'arc  \  »  Les  Arméniens  vain- 
quirent et  firent  prisonnier  le  fils  du  roi  des  Alains.  Celui-ci  demanda 
la  paix  en  promettant  de  donner  tout  ce  qu'on  exigerait  de  lui, 
mais  Artaschès  refusa  de  rendre  le  jeune  prince  ;  alors  la  sœur  du 
prisonnier  s'avance  au  bord  du  fleuve  sur  un  tertre  élevé  et  crie  par 
la  bouche  des  interprètes  au  camp  d'Artaschès  :  «  0  toi,  brave  guer- 
rier, valeureux  Artaschès,  vainqueur  de  la  valeureuse  nation  des 
Alains,  consens  à  me  rendre  ce  jeune  homme,  à  moi,  la  vierge  des 
Alains,  la  vierge  aux  beaux  yeux.  Il  n'est  pas  digne  des  héros  d'ôter, 
par  vengeance,  la  vie  aux  fils  des  autres  héros,  ni  de  les  tenir  pri- 
sonniers, ni  de  les  mettre  au  rang  des  esclaves,  ni  de  perpétuer  une 
éternelle  inimitié  entre  deux  peuples  braves.  » 

<  Artaschès,  ayant  entendu  ces  sages  paroles,  se  rendît  sur  la  rive 
du  fleuve,  et,  ayant  aperçu  la  belle  jeune  fille  et  écouté  ses  sages 
propositions,  brftla  d'amour  pour  elle.  Ayant  (pour  gouverneur  Sem- 
pad, il  lui  découvre  la  flamme  de  son  cœur)  prend  le  consentement  de 
son  gouverneur  Sempad,  et  envoie  demander  au  roi  des  Alains  la 
jeune  princesse  des  Alains,  Satinig,  en  mariage.  Mais  le  roi  des 
Alains  répond  : 

1.  Les  Alains,  nation  scytique,  habitaient  les  steppes  au  nord  du  Caucase. 
(Pline,  Hist.  nat.  Liv.  IV,  450 

2.  M.  de  Kh.  Liv.  II,  ch.  XLVIIL 

3.  M.  de  Kh.  Liv.  II,  Ph.  L. 


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•132  RfiVUE   DBS   TRADlTIOiNS    POPULAIRES 

«  Pourra-t-il  me  donner,  le  brave  Artaschès  des  milliers  et  des 
millions  (de  trésors)  en  échange  de  la  noble  princesse,  de  la  vierge 
des  Alains.  » 

Alors,  selon  les  chants  historiques  : 

«  Le  valeureux  roi  Artaschès,  monté  sur  un  beau  (courtier)  noir. 
Tirant  la  lanière  de  cuir  rou^e  garnie  d'anneaux  d'or. 
Et  prompt  comme  un  aigle  qui  fend  l'air,  passant  le  fleuve, 
Lance  cette  lanière  de  cuir  rouge  garnie  d'anneaux  d'or 
Autour  des  flancs  de  la  vierge  des  Alains  ; 
11  étreint  avec  douleur  par  le  milieu  du  corps  la  jeune  princesse, 
Et  l'entraîne  brusquement  dans  son  camp  (1).  » 

L'enlèvement,  décrit  par  cechant,  était  en  vigueur,  non  seulement 
chez  les  Arméniens  anciens,  mais  encore  chez  les  paysans  arméniens 
modernes,  et  ce  fait  n'est  jamais  blâmé  par  le  peuple  arménien  si 
c'était  par  amour  qu'on  enlevait. 

Pour  ce  qui  e^t  de  la  Janière  de  cuir  rouge  garnie  d*anneaux  d'or, 
voici  les  explications  de  Moïse  de  Khorène  :  Comme  le  cuir  rouge  est 
très  estimé  chez  les  Alains,  Artaschès  donne  beaucoup  de  peaux  de 
cette  couleur  et  beaucoup  d'or  en  dot  et  il  obtient  (disons  achète)  la 
jeune  princesse  Sathinig  ^. 

Et  quant  on  allait  fêter  la  noce  : 

«  Une  pluie  d  or  tombait 
Au  mariage  d'Artaschès 
Les  perles  pleuvaient 
Au  noce  de  Sathinig.  » 

«  C'était  en  effet  la  coutume  de  nos  rois,  dit  Moïse  de  Khorène,  à  leur 
mariage,  d'aller,  sur  le  seuil  du  palais,  jeter  des  pièces  de  monnaie 
à  la  manière  des  consuls  romains  ;  c'était  aussi  la  coutume  des  rei- 
nes de  jeter  des  perles  dans  leur  chambre  nuptiale.  » 

Cette  coutume  est  encore  usitée  en  Arménie,  seulement  dans 
certaines  provinces  au  lieu  d'argent  on  jette  des  fruits  et  surtout  du 
froment. 

Sathinig  mit  au  monde  un  Ois,  Artavazd,  mais  «  les  descendants 
le  jeune  du  dragon  ^  enlevèrent  Artavazd  et  mirent  un  dev  (démoni 
à  sa  place ^.  »  C'est  pourquoi  «  ayant  grandi  il  se  montra  brave,  fier 
et  orgueilleux.^»  Cet  «  Artavazd,  le  vaillant  fils  d'Artaschès,  ne  trou- 

1.  M.  de  Khorène,  II,  ch.  L. 

2.  Moïse  de  Rhoréne.  Hist.  d'Arménie.  L.  H  Ch.  L. 

3.  C'est-à-dire  d'Astiage  Assyrien. 

4.  M.  de  Khorène.  L.  Il  Cb.  LX. 

5.  M.  de  Khorène  L.  II  Ch.  LI. 


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REVUE   DES   TRADITIONS    POPllLÂlBES  133 

vant  pas  d'emplacement  convenable  pour  un  palaia  lors  de  la  fonda- 
tion d'Artaxata  (Àrtaschat)  alla  bâtir  chez  les  Mèdes  Maraguerd, 
située  dans  la  plaine  appelée  Scharoura^ 

Artaschès  a  conHé  le  second  rang  à  Arkam,  de  la  race  de  Mourat- 
zan,  qui  pendant  la  bataille  contre  Ervand  avait  trahi  ce  dernier  en 
passant  du  côté  d'Artaschës. 

Artavazd  fut  jaloux  de  lui  le  dépouilla  de  toutes  ses  dignités  et 
s  empara  du  second  rang.  Artaschès  aussi  était  très  irrité  coatre 
Arkam,  parceque  : 

«  La  princesse  Sathinig  convoite  avec  ardeur  des  coussias  d'Ar- 
kavan,  Therbe  ardakhour  et  l'herbette  ditz.  » 

Ce  qui  veut  dire  selon  M.  Chalathiantz,  que  Sathinig  étant  amou-» 
reuse  d*Arkam,  désirait  ardemment  à  mettre  l'herbe  magique  dans 
les  coussins  d'Arkam,  pour  qu'il  l'aimât. 

Et  une  fois, 

«  Arkavan  (Arkam)  donna  un  festin  en Thonneurd' Artaschès, et  lui 
dressa  des  embûches  dans  le  temple  des  dragons.  » 

Enfin  Artavazd  tue  Arkam  et  extermine  toute  sa  race. 

Artavazd  devient  jaloux  de  la  dignité  de  Sempad  Bagratouni,  qui 
était  un  héros  populaire. 

Les  chansons  populaires  le  décrivent  ainsi  : 

et  Sa  taille  n'était  surpassée  que  par  sa  valeur  et  par  sa  vertu.  Sa 
beauté  était  rehaussée  par  de  beaux  cheveux  blonds,  et  il  avait 
dans  les  yeux  une  légère  tache  de  sang,  comme  la  paille  qui  se  voit 
sur  Ypr  ou  au  milieu  d'une  perle.  Très  léger  de  sa  personne  et  agile 
de  corps,  il  était  prudent  en  toutes  choses  ;  aussi  il  était  plus  heu- 
reux dans  les  batailles  que  les  autres  guerriers.  » 

Pendant  ce  temps  Artaschès  devenu  vieux  se  souvient  du  prin- 
temps de  sa  vie,  un  matin  que  la  lumière  du  soleil  se  répandait  avec 
la  rosée  sur  les  villages  et  les  villes,  et  se  rappelant  les  plaisirs  de 
ses  chasses  s'écrie  : 

«  0  qui  me  rendra  la  fumée  de  mon  foyer, 
Et  le  joyeux  matin  de  Navasard  (2) 
Et  réian  des  biches  et  des  cerfs.  » 

Et  le  peuple  en  voyant  que  les  plaisirs  de  son  aimable  roi  étaient 
restés  incomplets,  se  met  en  deuil  en  chantant  : 

Noua  faisions  retentir  les  trompettes, 

(Suivant  Tusage  des  rois) 

Nous  faisions  résonner  les  tambours.  » 

i.  M.  de  Ktiorëne  («.  II.  Ch.  XXX  en  vers. 

2.  Navasard  était  le  premier  mois  de  Tannée  dans  ranci«n~  calendrier  armé- 
ien  et  le  premier  Jour  de  ce  mois  était  célébré  par  des  fôtea. 


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i34  REVCK   DEâ   TKADITIOKS    POPL'LAtttES 

£t  quand  Ariaschës  meurt  on  va  faire  ses  obsèques  ainsi  : 
La  civière  était  d'or,  le  trône  et  le  lit  d'étoffe  fine,  le  manteau  qui 
enveloppait  le  corps,  de  drap  d'or.  Une  couronne  était  posée  sur  la 
tète  d*Arlaschès;  son  épée  d*or  était  devant  lui.  Autour  du  trône  se 
tenaient  ses  fils  et  toute  la  foule  des  parents  et  des  proches.  Près 
d'eux  étaient  les  généraux,  les  chefs  des  satrapies,  les  classes  des 
nobles,  les  corps  de  troupes  armées  de  toutes  pièces,  comme  si  elles 
allaient  marcher  au  combat.  En  avant,  les  trompettes  d'airain 
retentissantes  ;  derrière  le  cortège,  des  jeunes  filles  vêtues  de  noir, 
des  femmes  éplorées,  et  enfin  la  foule  du  peuple.  Autour  de  son 
tombeau  eurent  lieu  bien  des  morts  volontaires,  ses  femmes  bien- 
aimées,  ses  concubines  et  ses  esclaves  dévoués  ^ 

Artavazt  en  voyant  ce  sang  versé  parla  ainsi  avec  amertume  à  son 
père  : 

Tandis  que  tu  es  parti  emportant  avec  toi  tout  le  pay9, 
Comment  régnerais-je,  moi,  sur  ces  ruines  ?    - 

Artaschès,  irrité  de  ce  langage,  maudit  Artavazt  : 

«  Tu  iras  à  cheval  chasser  sur  le  libre  Massis, 

Les  a  Kadche(2)  »  te  saisiront,  te  conduiront  sur  le  libre  Massis, 

Tu  resteras  là  et  tu  ne  verras  plus  la  lumière.  » 

Et  certainement  après  quelques  jours  Artavazt  fut  emprisonné 
dans  une  caverne,  chargé  de  chaînes  et  de  fer  :  deux  chiens  rongent 
continuellement  ses  chaînes,  et  il  s'efforce  de  s'échapper  pour  venir 
porter  la  dévastation  dans  le  monde.  Mais  au  bruit  des  coups  de 
marteau  des  forgerons,  ses  fers  acquièrent,  dit-on,  une  nouvelle  force. 
C'est  pourquoi,  explique  Moïse  de  Khorène,  môme  de  nos  jours, 
beaucoup  de  forgerons  s  en  rapportant  à  la  fable,  frappent  l'enclume 
trois  ou  quatre  fois  le  premier  jour  de  la  semaine  (dimanche)  pour 
consolider,  dfsent-ils,  les  chaînes  d'Artavazt  '.  » 

Il  y  a  une  autre  variante  de  ce  récit  que  voici  : 

Il  y  avait  un  roi  arménien,  nommé  Àrtavazd,  qui  avait  un  fils  du 
nom  de  Chidar.  Artavazd  en  mourant  n'a  pas  laissé  son  royaume  à 
son  fils  Chidar,  parcequ'il  était  fou.  C'estpourquoi  y  eut-il  beaucoup 
de  troubles  et  de  dévastations.  Un  jour,  Chidar  monte  à  cheval, 
ordonne  de  sonner  aux  trompettes  et  de  publier  qu'il  veut  régner, 
et  avec  des  cavaliers  d'élite  va  faire  des  chasses.  A  peine  était-il 

1.  Moïse  de  Rhorène.  II  Cb.  LX. 

2.  Les  esprits.  ,  ^.       ^      .,    .      ,v,        *         i       u     . 

3.  La  même  coutume  subsiste  encore  à  Diougha.  Emm,  Dissert.  surleschanU 
populaires  de  l'Arménie  p.  41  (en  arménien).  Cr.  sur  une  coutume  suisse  analo- 
gue. Sébillot.  Légendes  des  Méliere,  Les  Forgerons  p.  16. 


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RBVUE    DES   ThADITlONS   POPULAIRES  i3o 

monté  sur  le  pont,  que  Tesprit  méchant  le  frappe  et  il  tombe  dans 
le  fleuve  et  disparaît.  Les  cavaliers  annoncent  que  les  dieux  ont 
prit  Ghidar  et  après  Tavoir  enchafné  Tont  enfermé  dans  la  montagne 
noire  d'Ararat.  Deux  chiens,  Tun  blanc,  l'autre  noir,  rongent  les 
chaînes  pour  les  amincir. 

A  la  lin  de  Tannée  ces  chaînes  n'ont  que  Tépaisseur  d'un  cheveu  ; 
et  si  ces  chaînes  se  coupent,  Chidar  sera  délivré  et  dévastera  le 
monde  entier.  Et  pour  empêcher  la  destruction  du  monde,  les 
magiciens  ont  établi,  que  le  premier  jour  du  nouvel  an,  c'est-à-dire 
du  premier  mois  de  Navassard  (13  août)  tous  les  forgerons  frappe- 
raient Tenclume  trots  fois  avec  le  marteau  pour  que  les  chaînes  de 
Chidar  deviennent  plus  solides  et  épaisses  et  que  Chidar  ne  puisse 
être  délivré  et  anéantir  le  monde. 

Dans  ce  récit,  Chidar  est  traité  comme  un  fou,  et  nous  savons, 
d'après  Moïse  de  Khorène,  qu'Artavazt  a  eut  l'esprit  dérangé,  et  quand  * 
il  passait  par  le  pont  de  la  ville  d'Artaschat,  il  tombait  avec  son  cheval 
dans  un  abime  où  il  disparaît.  Par  conséquent  on  a  rapporté  à  son 
fils  ce  qu'on  racontait  de  son  père.  Et,  en  outre,  ce  récit  a  subi 
rintluence  du  Christianisme,  car  au  lieu  de  quastg  (Fesprit)  de 
Massis,  on  parle  des  dieux  de  Chidar. 

Le  Révérend  Père  Servantztiantz  nous  fournit  un  pareil  récit  que 
voici  : 

II  y  a  trois  montagnes  au  côté  oriental  de  la  forteresse  de  Van. 
Le  sommet  rocheux  de  la  montagne,  situé  entre  les  deux  autres, 
ressemble  beaucoup  à  une  porte  et  s'appelle  «  la  porte  de  Mhère  ». 
L'eau  coule  goutte  à  goutte  de  cette  porte.  On  dit  que  Mhère  et  son 
cheval  sont  enfermés  par  ordre  de  Dieu  dans  cette  caverne,  et  que 
l'eau  qui  en  coule,  c'esl  Turine  du  cheval  de  Mhère.  Dans  cette 
caverne  tourne  la  roue  de  l'univers.  Mhère  a  toujours  les  yeux  fixés 
sur  cette  roue  ;  le  moment  où  cette  roue  s'arrêtera,  Mhère  sera 
délivré,  il  sortira  de  sa  prison  et  anéantira  le  monde.  Ce  récit  a 
passé  en  Ibérie,  où  il  y  a  plusieurs  variantes^  dont  nous  citerons 
quelques-unes  : 

Une  femme,  surprise  en  chemin  par  les  douleurs  de  l'enfante- 
ment, mit  au  monde  un  fils,  qui  reçut  le  nom  d'Amiran.  Elle 
souhaitait  ardemment  pour  lui  le  baptême  ;  mais  il  n'y  avait  là 
personne  qui  pût  le  lui  conférer.  Elle  était  en  proie  à  une  extrême 
perplexité,  lorqu*un  vieillard  se  présente  à  elle,  qui  imprime  à 
Tenfant  le  sceau  du  christianisme,  et  promet,  d'après  le  vœu  de  la 
mère,  de  demander  à  Dieu  pour  lui  une  très  grande  force  corporelle. 
La  prière  du  vieillard  fut  exaucée,  et  lorsqu'Amiran  fut  parvenu  à 
l'adolescence,  doué  d  une  vigueur  extraordinaire,  il  accomplit  les 


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<;36  BEVUE  DBS  TRADITIONS  POPULAIRES 

prouftsses  les  plus  extraordinaires,  son  orgueil,  enflé  par  ses  succès, 
alla  si  loin,  qu*il  osa  défier  le  ciel  lui-même.  Dieu,  irrité,  l'attacha 
avec  des  chaînes  de  fer  dans  une  des  parties  du  Caucase.  L^épée 
d'Amiran  git  à  terre,  tombée  près  de  lui. 

Amiran  était  le  paysan  de  Diea  et  possédait  une  incomparable 
force.  Une  fois  il  enfonça  dans  la  terre  une  longue  barre  et  ordonna 
à  tous  les  passants  de  Tarracher  ;  ceux  qui  ne  réussissaient  pas 
perdaient  leurs  tètes.  La  barre  était  si  profondément  enfoncée,  que 
personne  ne  pouvait  Tarracher,  et  Amiran  tuait  tout  le  monde  sans 
aucun  regret.  Alors  Dieu,  sous  la  flgure  d'un  vieilllard,  descend  du 
ciel,  passe  près  de  la  barre  d'Amiran.  Celui-ci  lui  crie  :  «  Attends, 
arrache  la  barre,  autrement  tu  seras  tué  ».  Dieu  lui  répond  : 

—  Je  suis  un  vieillard,  je  ne  peux  pas  arracher  celte  barre. 
Cependant  Timpitoyable  Amiran  se  jette  sur  ce  vieillard  comme 

jun  lion  furieux.  Alors  le  vieillard  arrache  la  barre  et  maudit  Amiran. 
Dieu  construit  Une  maison  de  verre  sur  la  montagne,  il  enchaîne 
Amiran  et  l'enferme  dans  cette  maison,  en  mettant  son  épée  un  peu 
loin  de  lui.  Il  y  a  chez  Amiran  un  petit  chien  qui  lèche  les  chaînes 
tous  les  jours  et  le  jour  du  jeudi  saint  les  chaînes  sont  très  minces 
et  peuvent  être  coupées.  Mais  le  matin  de  ce  jour  les  forgerons 
frappent  l'enclume  avec  le  marteau,  et  les  chaînes  se  consolident  de 
nouveau.  Chaque  siècle  les  portes  de  la  maison  s'ouvrent.  Une  fois 
quelques  paysans  passèrent  devant  la  maison,  quand  ils  virent 
Amiran,  ils  eurent  peur  et  se  mirent  à  fuir.  Mais  Amiran  les  appela 
en  leur  disant  qu'il  était  aussi  une  créature  de  Dieu.  Les  paysans 
reprirent  courage  et  s'approchèrent. 

Amiran  les  reçoit  avec  une  grande  douceur,  les  interroge  sur  leur 
vie  et  leurs  habitudes  et  leur  demande. 

—  Qu'est-ce  donc  que  cette  barre  à  laquelle  vous  attelez  huit 
couples  de  bœufs  pour  aller  et  venir  dans  les  champs. 

—  C'est  la  charrue,  un  instrument  dont  nous  labourons  la  terre  et 
grâce  auquel  nous  avons  du  pain,  répondirent  les  paysans.  Amiran 
leur  demanda  un  morceau  du  pain,  il  le  serra  dans  sa  main,  si  fort, 
que  le  sang  coula  du  pain.  Après  il  prit  le  pain  qu'il  avait  reçu  de 
Dieu  et  le  serrant  encore  en  fit  couler  du  lait.  Quand  les  paysans 
voulurent  retourner  chez  eux,  Amiran  prie  l'aîné  de  ces  paysans  de 
lui  apporter  un  gros  fouet  de  cuir  de  bœuf  et  lui  dit  qu'en  rentrant 
vers  la  maison  de  verre  il  ne  devait  pas  regarder  en  arrière,  de  peur 
que  les  portes  ne  se  fermassent.  Ce  paysan  prend  un  gros  fouet  de 
cuir  et  revient  vers  Amiran;  mais  sa  femme  le  poursuit  et  lui  de- 
mande où  et  dans  quel  but  il  s'en  va  ?  Le  paysan,  agacé  de 
cette  question  continuelle  de  sa  fenime,   regarde  en  arrière  et  la^ 


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BEVUE  DES   TRADITIONS  POPULAIRES  137 

chasse  vers  sa  maison.  Ensuite  il  arrive  oCi  il  s^  vu  Amiran,  n>ais  il 
ne  le  trouve  plus.  Amiran  était  disparu.  Aujourd'hui  certains  appeK 
lent  cette  montagne  qui  se  trouve  dans  la  province  de  Djavaghg,  la 
montagne  d*Amiran.  Mais  d  autres  appellent  la  montagne  d'Amiran 
TElbrousse  et  l'Ararat.  ' 

Les  Cabardiens  racontent  même  aujourd'hui,  qu'il  y  a  un  grand 
rocher  conique  sur  la  montagne  d'Elbrousse.  Sur  ce  rocher  est  assis 
un  vieillard,  dont  la  barbe  descend  jusqu'aux  pieds.  Tout  son 
corps  est  couvert  de  poils  blonds  ;  les  ongles  des  doigts  et  des  orteils 
sont  très  longs  et  ressemblent  à  des  griffes  d'aigle  ;  les  yeux  rouges 
brûlent  comme  un  tison  ardent.  Il  porte  sur  son  dos,  sa  poitrine, 
ses  bras  et  ses  pieds  de  lourdes  chaînes  qui  l'attachent  depuis  le 
temps  le  plus  reculé.  Autrefois  il  était  pieux  et  pouvait  à  loisir 
approcher  le  grand  dieu  Echa.  Mais  quand  il  tenta  de  précipiter  le 
dieu,  pour  le  dominer,  il  fut  vaincu  dans  la  lutte  et  pour  toujours 
attaché  sur  ce  rocher.  Très  peu  l'ont  vu,  parce  qu'il  est  très  dange- 
reux de  s'approcher  de  lui.  Personne  ne  le  voit  deux  fois,  et  ceux 
qui  ont  essayé  de  le  faire  sont  morts. 

Ce  vieillard  est  presque  toujours  dans  un  état  apathique  et  en- 
gourdi; quand  il  s'éveille,  il  s'adresse  tout  de  suite  à  ses  gardiens, 
en  leur  demandant  :  «  Le  roseau  croit-il  encore,  les  brebis  mettent- 
elles  toujours  bas  ?  « 

—  Oui,  le  roseau  croît  et  les  brebis  mettent  bas,  répondent  les 
gardiens. 

Le  vieillard  devient  furieux,  parce  qu'il  sait  qu'il  doit  souffrir  tant 
que  le  roseau  croîtra,  que  les  brebis  mettront  bas.  Désespéré,  il 
essaye  de  broyer  ses  chaînes,  et  alors  la  terre  tremble  ;  du  frotte- 
ment des  chaînes  jaillissent  Téclair  et  le  tonnerre  ;  sa  lourde  respi- 
ration soulève  des  tempêtes  furieuses;  ses  soupirs  produisent  des 
bruits  souterrains  et  ses  larmes  forment  le  fleuve,  qui  s'élance  de  la 
cime  d'Elbrousse  avec  tant  de  violence  *. 

Les  Qssètes  racontent  ce  qui  suit  de  leur  Promethée  : 
II  y  avait  un  géant  du  nom  d'Amiran,  qui  était  tyran.  Comme  la 
tyrannie  était  un  crime  aux  yeux  de  la  divinité,  Dieu  le  prit  avec 
ruse  et  ordonna  de  l'enfermer  dans  une  caVerne.  Un  jour  Dieu 
amena  un  chasseur  égaré  à  la  pJorte  de  cette  caverne.  La  porte  était 
de  cuivre,  Dieu  l'ouvrit.  Le  chasseur  entra  dans  la  caverne  et  vit 
qu'Amiran  était  assis  et  avait  fi)^é.les  yeux  sûr  lui.  Ses  yeux  étaient 
extrêmement  grands.  Le  chasseur  recula  de  peur. 

i.  Le  journal  «  Kavkaze  »,  1846,  n^  35. 


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i.^8  REVUE    DES  TRADITIONS    POPULAIRES 

—  N'aie  aucune  crainte,  mon  soleil,  dit  le  géant  ;  je  suis  Amiran, 
attaché  ici  par  la  malédiction  de  Dieu. 

Quand  le  chasseur  se  fut  rassuré,  il  demanda  : 

—  De  quelle  race  es-tu,  et  que  fais-tu  ici  ? 

—  Je  suis  Amiran,  de  la  race  de  Darésan  *,  j'étais  un  tyran  et  tour- 
mentais sans  cesse  les  hommes  ;  je  luttais  contre  les  tzvars  (anges) 
divins,  et  même  je  ne  reconnaissais  pas  Dieu.  C'est  pourquoi  fl  s'irrita 
contre  moi  et  m'enferma  dans  cette  caverne.  Maintenant  je  suis 
attaché  ici,  et  si  tu  me  donnes  la  ceinture  de  mon  épée,  qui  est  ici 
près  de  nous,  je  te  récompenserai  richement.  Le  chasseur  prit  la 
ceinture  de  l'épée,  il  la  tira,  tira  encore,  mais  ne  réussit  pas  à  la 
soulever. 

—  Aie  pitié  de  moi,  dit  le  chasseur,  je  ne  puis  pas  la  lever. 

—  Attache  la  ceinture  à  une  de  tes  mains  et  allonge  l'autre  vers 
moi,  dit  Amiran. 

Le  chasseur  le  fait.  Amiran  prit  la  main  et  tira  si  fort  que  la  main 
du  pauvre  chasseur  faillit  se  détacher  du  corps. 

—  Par  pitié,  reprit  le  chasseur,  ne  me  brise  pas  les  membres. 
Amiran  eut  pitié  de  lui  et  lâcha  la  main. 

—  Va  immédiatement  à  ta  maison,  lui  dit-il,  et  apporte -moi  la 
chaîne  de  ta  charrue,  sans  dire  un  mot,  et  même  sans  regarder  der- 
rière toi,  quand  tu  rentreras  chez  moi,  ou  bien  la  porte  de  ma 
caverne  sera  fermée. 

Le  chasseur  s'en  alla,  entra  dans  sa  maison,  il  y  prit  la  chaîne  de 
la  charrue  sans  rien  dire  et  se  hâta  vers  la  caverne.  Mais  les  parents 
et  tous  les  paysans  le  suivirent,  en  pensant  qu'il  avait  perdu  l'esprit. 

—  Où  vas-tu  ?  Où  portes -lu  la  chaîne  ?  criaient-ils. 

Le  chasseur  courait  vers  la  caverne  et  était  déjà  près  de  la  porte, 
mais  peut-être  était-ce  le  dessein  de  Dieu,  il  se  tourna,  tout-à-coup  la 
porte  de  cuivre  de  la  caverne  se  referma  et  Amiran  resta  dedans 
pour  toujours. 

(A  suivre), 

ËRWAND  LALAYANTZ. 

i.  C*e8t  une  famille  de  géants  qui  est  mentionnée  aussi  dans  les  contes  aryens. 


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REVUE   DES  TRADITIONS  POPULAIRES  139 


CONTES  ET  LEGENDES  DU  VALAIS^ 
/ 


VII 

LA   a  GRENIÈRE  »   DE  LA  FORÊT  DE  PËILOZ 

A  forêt  de  Peiloz  tapisse  celte  arêle  qui  sépare  les  deux 
impétueux  torrents  de  Bruson  et  de  Versegères  dans  la 
vallée  de  Bagnes.  Elle  est  restée  célèbre  dans  les  annales 
du  pays  par  les  mines  d'argent  que  les  dixains  du  Haut- 
Valais  et  les  évéques  de  Sion  exploitèrent  vers  le  commen- 
cement du  XVI*  siècle.  Deux  larges  éraflures  jaunes,  taillées  dans 
répais  velours  des  sapins,  indiquent  encore  les  endroits  où  les 
ouvriers  venaient  vider  les  débris  et  les  mauvais  matériaux. 

Il  était  une  fois  —  après  Tabandon  de  la  mine  —  dans  la  for^t  de 
Peiloz,  une  femme  dont  on  ne  sait  indiquer  les  origines.  Tout  ce  que 
la  tradition  peut  affirmer  c'est  qu'on  l'appelait  la  «  Grenière  »  *  ; 
qu'elle  remplissait  les  fonctions  de  sage-femme  ;  qu'elle  avait  plu- 
sieurs autres  retraites  plus  ou  moins  mystérieuses,  et  que  la  cham- 
bre qu'elle  occupait  au  village  de  Bruson  était  de  forme  triangu- 
laire. 

Longtemps  les  populations  des  environs  rendirent  hommage  à 
son  dévouement  et  à  son  habileté;  mai^  un  moment  vint  où,  pour 
des  causes  restées  ignorées,  sa  conduite  changea  du  tout  au  tout. 

Une  femme  de  Bruson,  se  trouvant  seule  au  logis  avec  un  enfant 
au  berceau,  dut  s'absenter  un  instant  durant  le  sommeil  de  ce  der- 
nier. Lorsqu'elle  revint  elle  entendit  pleurer,  elle  courut  au  berceau, 
et  elle  y  vil  un  enfant  singulier  avec  un  seul  œil  au  milieu  du  front. 
Décidément  on  avait  profité  de  son  absence  pour  substituer  ce 
phénomène  à  son  véritable  enfant.  Sur  les  conseils  de  ses  voisins 
elle  fit  venir  le  curé. 

—  Voyez  voir,  mocheu  Tencuré,  dit-elle,  des  mauvaises  âmes  elles 
ont  pris  mon  enfant  pour  me  laisser  ce  faijon.  Savez  bin  pisque  est 
vouqu'avez  baptisé  mon  petit...  Y  n'a  qu'un  zieu  ! 

—  Pas  possible  ? 

—  Aregardez.... 

1.  V.  cf.  t.  VI,  p.  645. 

2.  Dans  la  contrée,  ce  mot  est  resté  synonyme  de  vieille  sorcière  ;  on  s'en 
sert  quelquefois  pour  injurier  quelque  femme  vieille  et  rusée. 


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14.0  REVUE  DES  TRADlTlOiNS  POPULAIRES 

Le  prêtre  lui  conseilla  de  fouetter  pendant  une  heure  cet  enfant 
avec  une  poignée  d'orties,  affirmant  que  ses  cris  prolongés  ramène- 
raient la  véritable  mère, 

Le  conseil  fut  fiuivi.  Au  bout  d'une  heure  la  Grenière  se  présenta, 
un  enfant  dans  les  bras,  et,  sans  entendre  les  reproches  de  la  mère 
indignée,  elle  dit  : 

Tin  la  tin  1 
Balle  me  lo  mio, 
Car  to  me  lo  depice  !  (1) 

Et  ayant  repris  son  petit  monstre,  elle  se  retira. 

Cette  aventure  n'était  pas  faite  pour  accroître  la  confiance  en 
la  Grenière,  quelle  que  fût  sa  réputation  d'habileté.  Cependant  en 
désespoir  de  cause,  il  fallait  bien  recourir  à  ses  lumières.  Mais,  se 
vengeant  sur  les  uns  de  l'abandon  des  autres,  la  sorcière  en  vint  à 
faire  périr  tous  les  nouveaux-nés  qui  passaient  entre  ses  mains  ; 
sans  que  Ton  piH  découvrir  les  moyens  quelle  employait. 

Vers  cette  époque,  les  abbés  de  Saint-Maurice,  seigneurs  temporels 
de  la  vallée  de  Bagnes,  mettaient  à  la  torture  ^  tous  ceux  qui  étaient 
suspects  de  sorcellerie.  Les  suspects  n'étaient  pas  rares,  le  seul  fait 
d'avoir  les  yeux  rouges.  —  un  coup  d'air,  un  brin  de  poussière  — 
suffisait  souvent  à  les  désigner.  Mise  à  la  torture,  la  Grenière  mon- 
tra une  longue  épingle  d'argent  au  moyen  de  laquelle  elle  piquait 
les  enfants  dans  certaine  partie  de  la  tôte  pour  leur  donner  la 
mort. 

Condamnée,  ell«  fut  décapitée  au  lieu  ordinaire  des  exécutions, 
devant  la  chapelle  de  Saint-Marc.  *  C'est  là  qu'elle  rendit  sa  vilaine 
âme  à  la  justice  de  Dieu.  On  montre  encore  tout  près  de  là  une 
pierre  sous  laquelle  ses  restes  auraient  été  enfouis. 


VIII 

LE    DEVIN   DE   SAINT-TRIPHON 

IJ alpage  de  la  Chaux  est  à  la  fois  le  plus  vaste^  le  moins  accidenté 
et  le  plus  prospère  des  vingt-deux  pâturages  d'été  de  la  vallée  de 

1.  liens  le  tien  !  —  Donne  moi  le  mien,  —  Car  tu  me  le  déchires.  Ce  dermer  mot 
depice  vient  du  français  dépecer. 

2.  A  la  maison  abbatiale  du  Chàble  on  voit  encore  divers  enffins  do  torture, 
notamment  d'énormes  blocs  de  minerai  de  fer  munis  d'une  boucle  que  Ton 
suspendait  aux  bras  ou  aux  jambes  du  patient  pour  lui  attacher  un  aDeu. 

3.  Ottc  chapelle,  plusieurs  fois  restaurée,  existe  toujours  à  quelques  minutes 
du  Chàble, 


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REVUE   DÈS   TRADITIONS    POPULAIRES  44H 

Bagnes.  Il  nourrit  durant  trois  mois,  une  moyenne  de  deux  cerft 
soixante  vaches  sur  le  passage  desquelles  paissent  ensuite  des 
troupeaux  de  génisses,  de  porcs  et  de  moutons. 

Le  privilège  d'y  placer  le  bétail  —  car  c'est  un  privilège  et  même 
un  grand  aux  yeux  des  éleveurs  montagnards  —  est  presque  exclu- 
sivement réservé  aux  habitants  du  village  de  Sarreyer  qui  passent 
pour  les  plus  attardés  de  la  vallée,  mais  en  même  temps  pour  les 
plus  «  à  la  hauteur  »  de  leurs  intérêts  tant  communs  que  privés. 
Ainsi  donc,  à  juste  titre,  ce  rustique  hameau  aux  maisons  de  bois 
enfumées,  considère  la  montagne  de  la  Chaux  comme  son  fief 
alpestre. 

C'était  vers  le  commencement  de  notre  siècle.  On  avait  remarqué 
depuis  une  série  d'années  que  les  bestiaux  placés  dans  les  pâturages 
de  la  Chaux  périssaient  en  grand  nombre,  sans  que  l'on  eût  jamais 
pu  savoir  à  quels  maléfices  attribuer  celte  désastreuse  mortalité. 
Le  curé,  le  chapelain,  le  vicaire  de  l'importante  paroisse  bagnarde 
et  plusieurs  autres  prêtres  réputés  saints  des  environs  avaient  été 
mandés  sur  les  lieux  sans  que  des  résultats  appréciables  eussent  pu 
être  enregistrés  ;  malgré  sa  foi  aussi  tenace  que  traditionnelle  la 
population  sarreyenne  se  lassa  des  stériles  bénédictions  de  ses 
pasteurs. 

A  cette  époque,  il  y  avaitàSaint-ïriphon  un  devin  dont  la  renom- 
mée avait  pénétré  jusqu'au  fond  des  dernières  solitudes  des  Alpes. 
Perdait-on  quelque  objet  de  valeur  ?  Avait-on  une  question  tant 
soit  peu  délicate  à  résoudre....  comme  de  s'assurer  des  intentions 
dernières  de  quelque  oncle  fortuné  ou  bien  de  tirer  quelque  horos- 
cope conjugal,  que,  par  quelque  temps  qu'il  fît,  le  profond  esprit 
accourait  en  toute  hâte.... 

Les  sarreyens  s'assemblèrent  devant  la  chapelle,  seul  bâtiment 
en  maçonnerie  du  hameau,  présidés  par  \e charge-ayant  *  du  quart^ 
et,  après  une  de  ces  longues  délibérations  qui  leurs  sont  propres  et 
auxquelles  leurs  plus  proches  voisins  sont  incapables  de  rien  dé- 
mêler, il  fut  fut  décidé  que  Ton  ferait  appel  aux  connaissances  du 
devin.  Une  délégation  composée  de  trois  hommes  et  d'un  mulet  fut 
désignée  sur  le  champ  pour  être  envoyée  à  Saint-Triphon. 
'  C'était  vers  la  fin  du  printemps,  juste  vers  l'époque  ordinaire  dé 
«  l'alpement  ».  Un  jour  les  Bagnards  émerveillés  virent  traverser  la 
vallée  par  la  délégation  triomphante  que  complétait,  monté  sens 
devant  derrière  sur  le  mulet,  un  homme  sec,  allongé,  à  demi  voûté, 

1.  Ancienoe  appeUtion  des  conseillers  muoicipaux. 

2.  Le  quart  ou  section  est  une  sorte  de  division  de  la  commune  comme  un 
quartier  dans  xsat  ville. 


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142  REVUE  DES  TRADITIONS  POPULAIRES 

aux  traits  accentués.  Il  était  coiffé  d'uu  chapeau  tricorne  :  ses  che- 
veux embroussaillés,  légèrement  argentés,  lui  descendaient  sur  les 
épaules  ;  une  longue  harhe  grise  flottait  sur  sa  poitrine  ;  un  grand 
manteau  noir  à  pèlerine,  râpé  jusqu'à  la  corde,  recouvrait  tout  son 
corps  et  des  souliers  à  longue  pointe,  munis  de  boucles  de  cuivre, 
complétaient  son  accoutrement  presqu'aussi  singulier  que  sa 
manière  de  chevaucher. 

A  Sarreyer,  l'accueil  fut  enthousiaste.  Le  charge-ayant  avait  «  eu 
dUtfge  »  des  honneurs  de  la  réception  et  de  Thospitalité.  Quant  à  la 
cours»  à  la  montagne,  elle  fut  fixée  au  surlendemain  jeudi,  car 
l'étranger  se  refusait  net  à  l'entreprendre  un  mercredi. 

Le  jour  Qxé»  àVexception  de  trois  hommes  restés  au  village  pour 
la  garde  locale,  «  Twit-Sarreyer  »  suivait  à  travers  les  sinuosités 
qui  découpent  les  pentes  rapides  des  mayens,  le  mystérieux  cavalier 
qui,  suivant  son  habitude,  ftiisait  conduire  son  mulet  par  le  chevétre, 
car  il  n  enfourchait  les  bêtes  que  le  éos  en  avant  et  la  tête  tournée 
vers  la  croupe.  De  plus  il  s'était  fait  bander  la  bouche  comme  pour 
empêcher  que  la  moindre  velléité  de  parler  ue  vint  troubler  ses 
méditations. 

A  titre  de  distinction,  le  charge  ayant  avail  obtenu  l'insigne 
faveur  d'empoigner  la  queue  du  quadrupède  ce  qui  eslune  habitude 
en  honneur  dans  ce  pays  et  procure  un  grand  soulagement  lorsqu'il 
s  agit  de  gravir  en  compagnie  d'un  mulet  chargé  les  rapides  sentiers. 

Arrivé  sur  les  lieux,  le  devin  examina  tout  avec  une  profonde 
attention,  il  sonda  la  terre,  lit  de  nombreux  gestes  plus  étranger 
les  uns  que  les  autres,  frappa  du  pied,  regarda  le  ciel,  lit  une  révé- 
rence à  chacun  de^  quatre  points  cardinaux,  se  prosterna,  tourna 
trois  fois  sur  place,  se  prosterna  de  nouveau.  Puis,  se  portant 
vers  le  point  o^i  Ton  parquait  les  bestiaux  durant  les  premiers 
jours  de  la  saison  il  prescrivit  que  :  Si  Ton  ne  pouvait  pas  «  alper  » 
le  premier  maFdi  après  la  Saint-Jean,  il  fallait  rigoureusement 
éviter  de  le  faire  les  jours  suivants  et  attendre  patiemment  la 
semaine  d'après,  tout  en  se  gardant  du  mercredi  et  du  vendredi  !... 

Le  curé  de  Bagnes  d'alors,  essaya,  dit-on,  de  combattre  cette  foi 
qui  s'établissait  en  concurrence  de  la  foi  religieuse,  mais  ce  fut  en 
vain  ;  il  trouva  à  qui  parler. 

On  reconnut,  de  toutes  parts,  que  les  intéressés  s'étaient  bien  trou- 
vés d'avoir  suivi  les  instructions  du  devin,  lesquelles  furent  si  bien 
appliquées  qu'aujourd'hui  encore,  ils  ne  fixeraient  à  aucun  prix  la 
montée  des  bestiaux  à  un  mercredi  ou  à  un  vendredi. 

Toutefois,  certaines  rumeurs  tendraient  à  atténuer  les  mystiques 
connaissances  de  ce  devin,  en  accréditant  qu41  pousse  sur  certains 


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IRAUgnOKS  POPULAIRES  143 


parages  de  la  montagne  une  herbe  dont  le  sue  seml  uteéaeax 
durant  la  floraison. 

Les  injonctions  de  Tétrange  personnage  ne  seraient  ainsi  qu^uo 
artifice  habilement  combiné  pour  empêcher  Tarrivée  du  bétail  sur 
les  lieux  avant  la  complète  maturité  de  cette  plante  restée  incon- 
nue. 

(Recueilli  à  Bagnes  chez  le  notaire  Filliez) . 

L.    COURTUION. 


LES  ALMANACHS  POPULAIRES» 


VIII 

ALMANACHS  NORMANDS  [Suite) 

Un  peu  tard,  mais  tout  de  même  le  bienvenu,  nous  arrive 
VAimanach  du  Calvados,  édité  seulement,  et  non  pas  imprimé, 
comme  nous  le  croyions,  par  M.  Bouchard,  à  Condé-sur-Noireau,  et 
dû  lui  aussi  aux  presses  de  la  maison  Mégard  et  C*%  de  Rouen. 

VAimanach  du  Calvados  y  un  in-32  de  160  pages,  y  compris  les 
foires,  se  distingue  par  une  composition  toute  spéciale.  A  la  suite 
des  divers  calendriers,  des  prédictions  sur  les  variations  du  temps, 
des  éphémérides  et  des  conseils  aux' jardiniers,  il  donne  les  heures 
des  marées,  les  noms  des  souverains  des  principales  puissances,  le 
tableau  des  garnisons  de  Tarmée  française  :  puis  de  petites  notices 
historiques  sur  une  localité  de  chacun  des  arrondissements  du  dépar- 
tement :  le  commencement  d'une  notice,  signée  «  Sylvaine  »,  sur  les 
Fées  (les  fées  normandes,  les  fées  du  château  de  Pirou),  des  vers, 
des  historiettes,  bons  mots»  etc.,  et,  enfin,  52  pages  de  foires  et 
marchés  de  la  contrée. 

VAimanach  du  Calvados^  revêtu  d'une  couverture  bleue,  en  est  à 
sa  treizième  année  et  coûte  30  centimes.  Disons  même  qu'il  les  vaut 
pour  les  indigènes. 

Louis  Morin. 

1.  cf.  t.  xr,  p.  53. 


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ni 


HBVCE  DK3i  TBaDITIOXS  POPCLAIRKS 


PRODIGES  ET  JEUX  DE  xNATURE 


I 

L  flElT  MO.NTHAXT  UNE  FIGCRE   HUMAINE 

■)  /  J 

/-'     Il  l'an  (le  grâce  1569,  les  Troyens  fde  Troyes  en  Champagne) 

,  y  ^  lurent  témoins  d'une  chose  merveilleuse.  Une  poule,  pondit 

^  un  œuf  sur  lequel  se  voyait  distinctement  une  figure  humaine  ! 

^  .     Que  devint  l'œuf  miraculeux?  quels  présages  furent  tiréâ  de 

^^    M  découverte  et  quelle  en  fut  la  suite  ?  Autant  de  questions 

auxquelles  il  est  impossible  de  K'pondre.  Le  fait  même  ne  nous  est 

connu  que  par  la  mention  existant  à  la 

fin  d'un   missel  in-folio   sur  parchemin, 

écrit  en  caractères   gothiques  par  Jean 

Perreau,  prêtre^  et  dont  seuls  les  derniers 

feuillets  se  trouvent  à  la  Bibliothèque  de 

Troyes,   daus  un  des  recueils  formés  au 

I  siècle  dernier  par  le  notaire  Sémillard 

{voL  IV,  aujourd'hui  III,  foL  i 39). 

Le   brave  copiste  avait   été   tellement 

frappé  par  l  événement  qu'il  s'en  servit 

pour  désigner   d'une  façon  plus  précise 

Tannée    où    il    exécuta    son    travail     11 

l'indique  en  un  quatrain  de  vers  latins  et  un 

de  vers  français,  le  premier  au-dessus,  le 

second  au-dessous  de  la  représentation  du 

phénomène.  Voici  ces  textes,  avec  une 

réduction  de  Timago  : 

Anno  quu  racios  hoiiiioia  latitaviL  in  ovo 
Angiiibus  horriiiciis  assnciata  pimul 
Hoc  Joannos  opus  scripMt  perdus  ad  uugiiem 
Pru  quo  (lecantet  quisquis  fidelis  ave. 

l/an  mil  cinq  cens  soixante  neuf 

Que  l(vuf  aïonstra  visaf^e  humain 

Kscriuit  ce  Hure  tout  neuf 

Jean  Perreau  pbre  et  vray  chrestiain       , 

Natif  de  Moustierramv  (1). 

Il  serait  intéressant  do  savoir  s'il  existe  d'autres  indications  sur 
celte  curieuse  histoire  et  si  d'autres  villes  en  possèdent  une  sem- 
blable dans  leurs  traditions. 

Louis  MORIN. 

I.  Monttéramey,  Aube. 


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REVUE  DJSS   TRADITIONS   POPULAIRES  145 


LA  VENGEANCE  DU  MORT 


II 

LÉGENDE   DU   LI1CB0UR6  BELGE 

Canoë  on  débite  un  conte  présentant  quelque  analogie 
avec  le  «  ménétrier  farceur  »,  de  la  «  Rev.  des  trad.  pop. 
XI,  104  ».  Le  voici. 

Trois  jeunes  filles  traversaient,   le  soir,   un  cimetière 
dans  lequel  convergeaient  plusieurs  chemins. 
Tout  en  cheminant  elles  aperçurent  un  fantôme  assis  sur  une 
tombe  et  coiffé  d'un  bonnet  de  nuit  blanc. 

L'une  d'elles  proposa  à  ses  compagnes  d'enlever  le  bonnet  du 
fantôme  et  avant,  qu'elles  se  fussent  mises  d'accord  sur  ce  point,  le 
bonnet  était  enlevé. 

L'imprudente  jeune  fille,   qui  venait  de  dérober  le  bonnet  au 
fantôme,  n'eût  plus  de  repos  à  partir  de  ce  moment. 
Une  voix  intérieure  lui  conseillait  de  restituer  au  fantôme  son  bien. 
Profondément  troublée,  elle  se  rendit  chez  le  curé  de  l'endroit  et 
lui  soumit  le  cas  ;  il  approuva  son  idée  de  restitution. 

Notre  jeune  fille  alla  donc  au  cimetière  trouver  son  fantôme  qui 
occupait  toujours  la  même  place. 

bille' lui  posa  à  différentes  reprises  le  bonnet  sur  la  tête,  mais 
chaque  fois  le  fantôme  déclarait  qu'il  était  mal  placé  et  qu'il  fallait 
modifier  sa  position. 

Après  de  nombreux  essais  la  jeune  fille  parvint  enfin  à  remettre 
le  bonnet  dans  sa  position  primitive  ;  le  fantôme,  se  levant  aussitôt, 
rompit  les  reins  de  la  jeune  téméraire. 

(Recueilli  à  Canne,  Limbourg  belge], 

Alfred  Harou. 


TOME  XI.  —  MARS-AVRIL   1896.  10 


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146  REVUE    DES   TRADITIONS    POPULAIRES 


USAGES  DE  CARNAVAL 


XI 

EN  ALSACE 


iltzhein  est  un  village  du  canton  de  Saar-Union,  sur  la  route 
^^^  départementale  de  Saar-Union   à    Sarreguemiues  et  sur  la 

f  limite  du  département,  mais  plus  accessible  depuis  l'ouver- 
ture de  laligne  stratégique  de  Mommenheim  àSarreguemines. 
Tous  les  ans,  au  jeudi-gras,  le  porcher  de  la  commune 
fait  le  tour  du  village  pour  ramasser  du  lard.  Le  dos  chargé  d*Un 
ac  destiné  au  produit  de  sa  collecte,  il  va  de  maison  en  maison  et 
parle  à  la  ménagère  à  peu  près  dans  ces  termes  : 

Viiici,  voici  votre  porcher, 

A  qui  son  droit  est  toujours  cher. 

Donc  que  cela  ne  vous  chagrine, 

De  prendre  un  couteau  pour  trancher 

Dans  le  porc  à  pleine  poitrine. 

Ce  dicton  dont  la  signification  n'est  pas  équivoque  donne  sujet  Iël 
à  la  ménagère  de  se  montrer  libérale  et  le  gardien  des  habillés  de 
soie  rentre  chez  lui  avec  de  belles  pièces  de  lard. 

P.  RiSTELHUBER. 


NOTES  SUR  LES  MILLE  ET  UNE  NUITS 


II 

<^^  n  sait  qu'il  existe  plusieurs  recensions  du  recueil  des  Milh 
//^^  et  une  Nuits  *  :  aucune  n'a  jamais  été  traduite  intégralement 
en  français,  ni,  à  part  les  versions  de  Burton  et  de  Payne 
Smith,  que  leur  prix  et  leur  rareté  rendent  inaccessibles  à  la 
plupart  des  folkloristes,  dans  aucune  langue  européenne. 

1.  Suite,  voir  t.  IX  p.  377. 

2.  Les  principales  versions  manuscrites  ont  été  décrites   par  M.   Zotenberg. 
Histoire  d'Ala  al  Din,  Paris,  1888  in-4  p.  3-27  et  35-52. 


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REVUE    DES   TRADITIONS    POPULAIRES  147 

La  traduction  de  Galland  ne  représente  qu'une  faible  partie  de  Tou- 
vrage,  de  môme  celles  de  Caussin  de  Perceval  et  de  Gauthier,  en  y 
joignant  les  suppléments  de  Trébulien  :  celles  de  Weil  et  de  Lane, 
malgré  les  promesses  du  titre,  sont  incomplètes  et  abrégées  : 
quant  à  celle  qui  est  mise  sous  le  nom  de  Habichl,  elle  ne  reproduit 
nullement  le  texte  arabe  dont  cet  orientaliste  avait  commencé  la 
publication  achevée  après  sa  mort  par  Fleisoher  *. 

Je  compte  donner  plus  tard  un  tableau  comparé  de  ces  traduc- 
tions (allemandes,  françaises  et  anglaises);  aujourd'hui,  je  me 
bornerai  aux  textes  ou  du  moins  aux  principales  éditions  des  textes: 
Le  Qaire  (  4  v.  in-8,  1302  h.)/Bombay  (4  vol.  in-4,  1297  h.),  Habicht 
(Breslau,  42  vol.  in-12,  1825-1843)  et  Beyrout  (1889-1890,  5v.in-8). 
Chacune  d'elles  présente  une  recen^ion  différente,  sauf  celle  de 
Bombay  où  le  texte  se  rapporte  absolument  à  celui  de  Beyrout  (sauf 
les  coupures)  et,  en  général,  l'ordre  des  contes  à  la  recension  du 
Qaire.  Quant  à  Tédilion  inachevée  du  Cheikh  El  Yemeni,  (Cal- 
cutta, 1811  et  1814-1818  en  2  v.  in-8),  à  celle  de  Macan  et  de 
Macnaghten  (Calcutta,  4  v.  in-8, 1839),  à  telle  de  Boulaq,  (1231  hég. 
2  v.  in-f®,  et  aux  réimpressions  du  Qaire,  elles  sont  absolument 
identiques  à  celle  de  1302  :  il  m'a  semblé  inutile  de  les  joindre  à  ce 
tableau. 

Je  n'ai  reproduit  que  les  éditions  complètes  et  (en  note)  partielles 
du  texte  arabe,  sans  bien  entendu  prétendre  indiquer  tous  les  moin- 
dres extraits  qui  en  ont  été  faits,  comme  par  exemple  les  courts  frag- 
ments que  contient  l'Anthologie  arabe  d'Humberl  ou  le  Medjâni 
Cadab  du  P.  Cheikho.  C'est  également  k  dessein  que  j'ai  laissé  de 
côté  l'énumération  des  traductions,  même  dans  les  langues  orienta- 
les (persan,  hindoustani,  turk,  berbère)  et  les  rapprochements  a.ux- 
quels  les  divers  conies  ont  donné  lieu  :  ce  sers^  l'objet  de  prochai- 
nes notes. 

1.  On  confond  souvent  cette  traduction  avec  le  texte:  c*est  ainsi  que  M.  Bé- 
dier  [Les  Fabliaiur  2«  édition,  1895,  Paris,  in>8,  p.  455)  indique  un  conte  de  même 
origine  que  le  Tablenu  de  Conslant  du  Hamel,  comme  formant  la  nuit  496  du 
texte  tunisien  du  XV1«  siècle  et  ajoute  que  Védition  de  Breslau  i*a  supprimé. 
Cette  édition  de  Breslau  étant  précisément  celle  qui  reproduit  le  texte  tunisien, 
il  y  a  contradiction  entre  ces  deux  aflBrmations.  En  réalité,  le  conte  dont 
M.  Bédier  donne  l'analyse  (Aa  femme,  le  Oadhi^  le  oualiet  le  roi)  ne  se  trouve 
pas  dans  la  recension  du  Sindibàh  Nâmen  oui  a  été  insérée  dans  le  texte  ,de 
Habicht,  mais  dans  les  recensions  de  Boulaq,  au  Qaire,  de  Calcutta,  de  Bombay 
et  de  Beyrout,  elle  remplit  les  nuits  593-596  (et  non  496,  comme  dit  M.  Bédier. 
Dans  le  man.  tunisien  reproduit  par  Habicht,  la  nuit  496  fait  partie  de  l'histoire 
de  la  Ville  d'airain)  —  Dans  un  autre  passage  (Les  Fabliaux  p.  147)  le  m^me 
auteur  semble  avoir  confondu  ce  conte  avec  celui  de  la  nuit  d'Ei  Qadr,  qui  se 
trouve  dans  TMition  de  Breslau  (mais  non  dans  la  traduction).  P.  171,  il  cite 
le  conte  des  Tresses  comme  existant  dans  le  texle  de  Breslau  :  on  verra  plus 
loin  qu*il  manque  dans  cette  recension  arabe  :  il  a  été  ajouté  Comme  tant 
d^autres  à  la  version  allemande  par  les  traducteurs. 


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448 


RGVOE    DES  TRADITIONS  POPULAIRES 


LB  QAIRB 
T.  I. 

Introduction. 

a)  Le  taureau,  Tàne  et  le  paysan  *. 
Histoire  du  marchand  et  du  gé- 
nie *  n.  4-3. 

a)  Le  vieillard  et  la  gazelle,  n.  4-2. 

b)  Le  vieillard  et  les  deux  chien- 
nes, n.  2. 

c)  Le  vieillard  et  la  mule,  n.  2. 
Le  pécheur  et  le  génie  ',  n.  3-9. 
a)  Le  roi  des  Grecs  et  le  médecin 

Rouian,  n.  4-5. 

a*)  Le  roi  Sindbâd  et  le  faucon, 
n.  5. 

Le  portefaix,  les  trois  dames  et 
les  trois  calenders,  n.  9-18. 

a)  Histoire  du  premier  calender 
borgne,  n.  14-42. 

b)  Histoire  du  second  calender 
borgne,  n.  42-44. 

c)  Histoire  du  troisième  calender 
borgne  *,  n.  44-45. 

d)  La  jeune  femme  et  les  deux 
chiennes  noires,  n.  46-17. 

e)  La  jeune  femme  maltraitée  par 
son  mari,  n.  47. 

La  femme  coupée  en  morceaux  et 
les  deux  vizirs  Chems  eddin  et  Nour 
eddin,  n.  48-49. 


1.  Ce  conte  reproduit  par  Àb*med  ecb 
Chirou&oi,  NafK'at  el  Yemen,  Le  Qaire, 
1305,  hég.,  a  été  donné  par  Arnold,  Chres- 
iomalhia  arabica.  Halle,  1853,  in-8  t.  1, 
p.  50. 

2.  Publié  avec  une  traduction  par  Tibal. 
Conte  du  marchand  et  du  génie,  Miiiana, 
1893,  in-8. 

3.  Autofirraphté  par  Combarel,  Le  pé- 
cheur et  le  génie.  Cran,  1857,  in-12. 

4.  Un  fragment  a  été  publié  sans  date 
par  Withe  :  Agib  sive  callender  tertius, 
fragmentum  narrationem  per  noctes  1001 
Oxônii  cœptum  20  p.  in-4. 


BOMBAY 
T.  I. 

Introduction. 
a)  Le  taureau  et  Tàne. 
Histoire  du  marchand  et  du  génie, 
n.  4-3. 

a)  Le  vieillard  et  la  gazelle,  n.  4-2. 

b)  Le  vieillard  et  les  deux  chien- 
nes, n.  2. 

■fc  Le  vieillard  et  la  mule). 
Le  pécheur  et  le  génie,  n.  3-9. 

a)  Le  roi  grec  et  le  médecin  Dou- 
bàn,  n.  4. 

a'}  Le  roi  et  le  faucon,  n.  5. 

b)  Le  vizir  rusé,  n.  5. 

Le  portefaix,  les  trois  dames  el 
les  trois  calenders,  n.  9-49. 

a)  Histoire  du  premier  calender 
borgne,  n.  44-42. 

b)  Histoire  du  second  calender 
borgne,  n.  42-44. 

a)  L'envieux  etTenvié,  n.  42. 

c)  Histoire  du  troisième  calender 
borgne,  n.  45-48. 

d)  La  jeune  femme  et  les  deux 
chiennes  noires,  n.  48. 

e)  La  jeune  femme  maltraitée  par 
son  mari,  n.  49. 

La  femme  coupée  en  morceaux  et 
les  deux  vizirs  Chems  eddin  et  Nour 
eddin,  n.  49-24. 


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REVUE   DES   TRADITIONS    POPULAlhES 


149 


HABICHT 
T.  I. 

Introdaction. 

a)  Le  taureau,  l'âne  et  le  paysan. 
Histoire  du  marchand  et  du  génie, 
n.  1-8. 

a)  Le  vieillard  et  la  gazelle,  n.  4-5. 

b)  Le  vieillard  et  les  deux  chien- 
nes, n.  6-7. 

.  c)  Le  vieillard  et  la  mule,  n.  8. 

Le  pêcheur  et  le  génie,  n.  8-27. 

a)  Le  roi  des  Grecs  et  le  médecin 
Douban,  n.  11-16. 

a  )  Le  jaloux  et  le  perroquet,  n.  14. 

b')  Le  vizir  rusé,  n.  15. 
Le  portefaix,  les  trois  dames  et 
les  trois  calenders,  n.  28-69. 

a)  Histoire  du  premie]>calender 
borgne,  n.  36-39 

b)  Histoire  du  second  calender 
borgne,  n.  40-52. 

a')  L'envieux  et  Tenvié,  n.  46-48. 

c)  Histoire  du  troisième  calender 
borgne,  n.  53-62. 

d)  La  jeune  femme  et  les  deux 
chiennes  noires,  n.  63-66. 

e)  La  jeune  femme  maltraitée  par 
son  mari,  n.  67-69. 

La  femme  coupée  en  morceaux  et 
les  deux  vizirs  Nour  eddin  et  Chems 
eddin,  n.  69-101. 


BEYROUT 
T.I.' 

Introduction. 

a)  Le  taureau,  Tàne  et  le  paysan. 
Histoire  du  marchand  et  du  génie, 
n.  1-3. 

a)  Le  vieillard  et  la  gazelle,  n.  1-2. 

b)  Le  vieillard  et  les  deux  chien- 
nes, n.  2. 

c)  Le  vieillard  et  la  mule,  n.  3. 
Le  pécheur  et  le  génie,  n.  3-9. 

a)  Le  roi  des  Grecs  et  le  médecin 
Douban,  n.  4. 

a')  Le  roi  Sindbad  et  le  faucon. 

b')  Le  vizir  rusé. 

Le  portefaix,  les  trois  dames  et 
les  trois  calenders,  n.  9-19. 

aj  Histoire  du  premier  calender 
borgne,  n.  11-12. 

b)  Histoire  du  second  calender 
borgne,  n.  12-14. 

a')  L'envieux  et  Tenvié,  n.  13. 

c)  Histoire  du  troisième  calende 
borgne,  n.  14-16. 

d)  La  jeune  femme  et  les  deux 
chiennes  noires,  n.  17-18. 

e)  La  jeune  femme  maltraitée  par 
son  mari,  n.  18. 

La  femme  coupée  en  morceaux  et 
les  deux  vizirs  Nour  eddin  et  Chems 
eddin,  n.  19-24. 


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150 


ftKVCE    DES    TRADITIONS    POPULAIRES 


LE  QAIRE 
a)  Les  trois  pommes,  n.  i8. 


BOMBAY 

a)  Les  trois  pommes,  n. '19-20. 


b)  Chems  eddin  et  Nour  eddio  *, 
n.  19-24. 

Histoire  du  bossu,  du  tailleur,  du 
barbier  et  de  ses  frères,  n.  24-32. 

a)  Histoire  du  pourvoyeur  chré- 
tien, n.  25-26. 

b)  Histoire  du  marchand,  n.  27. 

c)  Le  médecin  juif  et  le  mutilé, 
n.  27-28. 

d)  Histoire  du  tailleur,  n.  28-30. 

e)  Le  barbier  parasite  et  les  bri- 
gands^ n.  30. 

a)  Le  premier  frère  du  barbier,' 
n.  30. 

b)  Le  second  frère  du  barbier, 
n.  30-31. 

c)  Le  troisième  frère  du  barbier, 
n.  31. 

d)  Le  quatrième  frère  du  barbier  *, 
n.  31. 

e)  Le'cinquième  frère  du  barbier, 
n.  31-32. 

f  )  Le  sixième  frère  du  barbier  ', 
n.  32. 

Histoire  d*Enis  el  Djelis  et  de 
Nour  eddin  ♦,  n.  32-36. 

1.  Publiée  plusieurs  fois  par  Cherbon- 
neau,  mais  avec  des  altérations  considéra- 
bles :  Histoire  de  Chems  el  dine  et  de 
Nour  eddin  (avec  une  double  traduction 
française).  Paris,  1869,  in-12. 

2.  L^histoire  du  cinquième  frère  du  bar- 
bier\a  été  reproduite  dans  la  3«  édition 
de  VArabische  Chrestomathie  de  Michaeli?, 
revue  par  Bemstein,  Gœltingen,  1817, 
in-8,  p.  179-191. 

3.  Une  paitie  de  ce  conte  pe  trouve 
dans  Relkassem  ben  Sedira,  Cours  de 
titléralure  arabe.  Alger,  1879,  in- 12,  n» 
131,  p.  150. 

4.  Le  texte  a  été  publié  avec   une  tra- 


b)  Chems  eddin  et  Nour  eddin 
n.  20-24. 

Histoire  du  bossu,  du  tailleur,  du 
barbier  et  de  ses  frères,  n.  24-34. 

a)  Histoire  du  pourvoyeur  chré- 
tien, n.  25-26. 

b)  Histoire  du  marchand,  n.  27- 
28. 

c)  Le  médecin  juif  et  le  mutilé, 
n.  28-29. 

d)  Histoire  du  tailleur,  n.  29-31. 

e)  Le  barbier  parasite,  n.  30. 

a)  Le  premier  frère  du  barbier, 
n   31. 

b)  Le  second  frère  du  barbier,  n. 
31. 

c)  Le  troisième  frère  du. barbier, 
n.  32. 

d)  Le  quatrième  frère  du  barbier, 
n.  32. 

e)  Le  cinquième  frère  du  barbier, 
u.  32-33. 

f)  Le  sixième  frère  du  barbier,  n. 
33-34. 

Histoire  d'Enis   el  Djelis  et   de 
Nour  eddin,  n.  34-38. 

duction  française  par  M.  de  Kazimirski; 
Enis  el  Djelis  ou  histoire  de  la  Belle  Per- 
sane, Pans,  1863,  in-8. 


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RBVUE   DES   TRADITIONS    POPULAIRES 


iM 


HABICHT 

a)  Les  trois  pommes,  n.  71-72. 

T.  II. 

b)  Chems  eddin  et  Nour  eddin, 
n.  72-101. 

Histoire  du  bossu,  du  tailleur,  du 
barbier  et  de  ses  frères,  n.  102-108.      barbier  et  de  ses  frères,  n.  24-34. 


BEYROUT 

a)  Les  trois  pommes,  n.  19-20. 

b)  Chems  eddiu  et  Nour  eddin, 
n.  20-24. 

Histoire  du  bossu,  du  tailleur,  du 


a)  Histoire  du  pourvoyeur^  chré- 
tien, n.  107-128. 

bj  Histoire  du  roarchandy  n.  119- 
128. 

c)  Lç  médecin  juif  et  le  mutilé, 
n.  129-136. 

d)  Histoire  du  tailleur,  n.  137- 
149. 

e)  Le  barbier  parasite,  n.  149- 
150. 

a)  Le  premier  frère  du  barbier, 
n.  151-154. 

b)  Le  second  frère  du  barbier,  n. 
154-156. 

c)  Le  troisième  frère  du  barbier, 
n.  157-158. 

dj  Le  quatrième  frère  du  barbier, 
n.  158-159. 

e)  Le  cinquième  frère  du  barbier, 
n.  160-164. 

fj  Le  sixième  frère  du  barbier,  n. 
164-166. 


Histoire  de  'Ali  ben  Bakkâr  et  de 
Chems  en  Nahâr,  n.  169-198. 
(Le  tome  II  finit  avec  la  nuit  180]. 

Tome  m 

Histoire  d'Enis  el  Djelis  et  de 
Nour  eddin,  n.  199-227. 

Histoire  de  Qamar  et  Zemàn  et 
de  la  princesse  Badour,  n.  228-243. 

a;  Histoire  dAsad  et  Amdjad  fils 
de  Qamar  ez  Zemàn,  o.  235-243. 


a)  Histoire  du  pourvoyeur  chré- 
tien, n.  25-26. 

b)  Histoire  du  marchand,  n.  27- 
28. 

c)  Le  médecin  juif  et  le  mutilé, 
n.  28-29. 

d)  Histoire  du  tailleur,  n.  29-31. 

e)  Le  barbier  parasite,  n.  3t. 

a)  Le  premier  frère  du  barbier, 
n.31. 

c)  Le  2«  (troisième)  frère  du  bar- 
bier, n.  32. 

d)  Le  3*  (quatrième)  frère  du  bar- 
bier, n.  32. 

e)  Le  4*  (cinquième)  frère  du  bar- 
bier, n.  32-33. 

f)  Le  5«  (sixième)  frère  du  barbier, 
n.  33-34. 


Histoire  d'Enis  el  Djelis    et  de 
Nour  eddin  Ali,  n.  34-38. 


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<o2  RBVOE   DBS    TRADITIONS    POPULAIRES 

LE  QMRE  BOMBAY 


Histoire  de  Ghanim  b.  Ayoub,  n.  Histoire  de  Ghanim  ben  Ayoub, 

36-44.  n.  38-43. 

a)  Histoire  du  premier  esclave,  n.  a)  Histoire  du  premier  esclave. 
38. 

b)  Histoire  du  second  esclave,  n.  b)  Histoire  du  second  esclave. 
38-39. 


Histoire   du    roi    Omar    ben   En  Histoire    du    roi   'Omar    ben   En 

No'mân  et  de  ses  deux  fils  Charkàn  No'mân  et  de  ses  deux  fils,  Charkân 

et  Dhou'l  Makân,  n.  44-145.  et  Dhou  1  Makàn  n.  45-145. 

A   Histoire  de    Tâdj   el  Molouk,  a)    Histoire    de  Tâdj   el   Molouk 

n.  107-137.  n.  107-136. 

a)  Aziz  et Azizah  n.  112-128.  a')  Aziz  et  Azizah  n.  112-123. 

Histoire    des    animaux    et    des  Histoire    des    animaux    et    des 

oiseaux,  n.  146-452.  oiseaux  n.  146-152. 

a)  Le  paon,  le  canard,  le  lionceau  a]  Le  paon,  le  canard,  le  lionceau 

et  l'homme  n.  146  147  et  Thomme  n.  146-147. 


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""^ 


REVUE   DBS   TRADITIONS   P0PCLA1RCS 


183 


HABICHT 

Histoire  du  chevaL  d'ébène,  n. 
244-250. 

Les  sept  voyages  de  Sindbâd  le 
maria  \  n.  250-271.  , 

(Le  t.  III  finit  avec  la  nuit  253). 

Tome  nr 

Le  dormeur  et  réveillé,  n.  271- 
290. 

Histoire  du  roi  *As'im  et  de  son 
fils  Seïf  el  Molouk  avec  Badi  *el 
Djemâl,  n.  291-320. 

Histoire  de  Khalife  le  pécheur,  n. 
321-322. 

Histoire  de  Ghanim  ben  Ayoub, 
n.  332-341. 

a)  Histoire  du  premier  esclave,  n. 
334. 

b)  Histoire  du  second  esclave,  n. 
334-335. 

(Le  t.  IV  s^arréte  au  milieu  de  la 
nuit  337). 


BEYROUT 


1.  Le  texte  de  SindbAd  a  été  publié  par 
Langlès  à  la  suite  de  la  Grammaire  ardbe^ 
de  Savary.  Paris,  1813,  in-4,  et  ensuite 
séparément  :  Les  Voyages  de  Sindbad  le 
marin,  Paris,  1844,  in-18.  Une  version 
abrégée  se  trouve  dans  la  Chreslomalhia 
arabica  d'Humbert.  Paris,  1835,  in-8.  11  a 
été  autographié  par  Machuel  ;  Les  Voyages 
de  Sindbaâ  le  marin.  Alger,  1874,  2«  éd. 
1884,  in-12. 


Histoire  de  Ghanim  ben  Ayoub, 
n.  38-45. 


b)  Histoire  du  1* 
n.  39. 


(second)  esclave, 


Histoire  du  roi  'Omar  ben  En  No* 
màii  et  de  ses  deux  fils,  Charkàn  et 
Dhou'l  Makàn  n.  44-145. 

a)  Histoire  de  Tâdj  e\  Molouk, 
n.  107-138. 

a')  Aziz  et  'Azizah  n.  112-123. 

Le  tome  I  finit  avec  la  nuit  106. 

T.  II. 

Histoire  des  animaux  et  des 
oiseaux  n.  146-152. 

a)  Le  paon,  le  canard,  le  lionceau 
et  l'homme  n.  146-147. 


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!5t 


REVmi 


TRADITIONS    POPULAIRES 


LE  Q AIRE 

b)  L'ascète  et  les  pigeons,  n.  147- 
148. 

c)  L'oiseau  aquatique  et  la  tortue, 
n.  148 

d)  Le  chacal  et  le  renard,  n.  148- 
150. 

e)  La  belette  et  la  souris,  n.  150. 

f)  Le  corbeau  et  le  chat,  n.  150. 

g)  Le  corbeau  et  le  renard,  n.  150. 
152. 

a')  La  puce  et  la  souris,  n.  i50- 
151. 

b')  Le  faucon,  n.  151. 

c'j  Le  moineau  et  Taigle,  n.  152  *. 

h)  Le  hérisson,  n.  152. 

a')  Le  marchand  et  les  deux 
voleurs,  n.  152. 

b')  Le  singe  et  le  voleur,  n.  152. 

c'j  Le  tisserand,  n.  i52. 

d*)  Le  paon  et  le  moineau  son 
ministre,  n.  152  *. 

Histoire  de'  Ali  ben  Bekkâr  et  de 
Chems  en  Nahâr,  n.  153-169. 


BOMBAY 

b)  L'ascète  et  les  pigeons,  n.  147- 
148. 

c)  L'*oiseau  aquatique  et  la  tortue, 
n.  148. 

d)  Le  chacal  et  le  renard,  n.  148- 
150. 

e)  La  souris  et  la  belette,  n.  130. 

f)  Le  corbeau  et  le  chat,  n.  150. 

g)  Le  corbeau  et  le  renard,  n.  150- 
152. 

La  puce  et  la  souris,  n.  150- 


151. 
b' 

cl 


Le  faucon,  n.  151. 
Le  moineau  et  Taigle,  n.  152. 

h)  Le  hérisson,  n.  152. 

a')   Le    marchand    et    les    deux 
voleurs,  n.  152. 

b')  Le  singe  et  le  voleur,  n.l52. 

c*j  Le  tisserand,  n.  152. 

d')  Le  paon  et  le  moineau  son 
ministre,  n.  152. 

Histoire  de'  AH  ben  Bekkàr  et  de 
Chems  en  Nahâr,  n.  153-170. 


Histoire  de  Qamar  ez  Zemàn  et  de 
la  princesse   Badour,  n.  170-237. 
a]   Histoire   d'Asad   et   d'Amdjad 

Le  1. 1  finit  avec  la  nuit  186. 


Histoire  de  Qamar  ez  Zemân  et 
de  la  princesse  Badour,  n.  J 70-237. 

a)  Histoire  d*Asad  et  d'Amdjad 
n.  217-237. 

Le  t.  1  finit  au  milieu  de  la  nuit 
20. 


1.  Reproduit  dans  Ben  Sedira,  Cours  de 
iiUératureaiabe,  n»  137  p.  163.       f 

2.  Reproduit  par  Ben  Sedira,  Cours  de 
îittéiûtvre  arabe,  n^  138  p.  164. 


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RBVUE   DfiS   TRADITIONS   POPULAfttKS  455 

HABICHT  BEYROUT 

b]  L'aspôte  et  les  pigeons,  n.  148. 

c]  L'oiseau  aquatique  et  la  tortue, 
n.  148. 

'  d)  Le  cheval  et  le  renard,  n.  148- 
150. 

ej  La  souris  et  la  belette,  n.  150. 

fj  Le  corbeau  et  le  chat,  n.  150. 

g)  Le  corbeau  et  le  renard,  n.  150- 
152. 

a']  La  puce  et  la  souris^  n.  150- 
151. 

b')  Le  faucon,  n.  152. 

c')  Le  moineau  et  Taigle,  n.  152. 

h)  Le  hérisson,  u.  152. 

a)  Le  marchand  et  les  deux 
voleurs,  n.  152. 

b')  Le  singe  et  le  voleur,  n.  152. 

c'j  Le  tisserand,  n.  152. 

d')  Le  paon  et  le  moineau  son 
ministre,  n.  152. 

Histoiredu  dormeur  et  de  l'éveillé, 
n.  152-171  *. 


Histoire  de  Qamar  ez  Zemân  et 
de  la  princesse  Badour^  n.' 171-249. 

a)  Histoire  d'Asad  et  d'Amdjad, 
n.  217-237. 


T.  V 

Histoire  de  Ouerd  fil  Akmam  et 
d'Ons  el  Oudjoud,  n.  341-354. 

1.    Le  texte  arabe  des  autres  histoires 

3ui  se  trouvent  dans  Galland  et  manquent 
ans  toutes  les  édition,  a  été  publié  : 
celui  d'Aladin  par  M.  Zotenberg  :  Histoire 
d'^Ala  aldin  ou  la  lampe  merveilleuse, 
Paris,  4888,  in-4  et  celui  de  Zein  el  Asnàm 

Sar  M^i*  Groff  :  Zein  el  Asnam^  Conte  des 
\ille  et  une  NuiU.  Paris,  1889,  in-8. 


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i56 


REVUE    DES   TRADITIONS    P0P0LA1RES 


LE  QAIRB 
T.  n 


BOMBAY 
T.  n 


c)  Histoire  de  Na'amah  et  de  Na^am , 
n.  237-249. 

Histoire  de'Ala  eddin  Abou  Cha- 
înât, n.  249-269. 

H'alim  Taï  et  son  tombeau,  n.  269- 
270*. 

Ma'ao  benZaïdah,  n.  270  27!  >. 

Le  palais  de  Lebt'a,  n.  272  '. 

Hichàm  hen  *Abd  ei  Melik,  n. 
272  \ 

Ibrahim  ben  el  Mahdi,n.  272-275. 

Le  tombeau  de  Cheddâd,  n.  275- 
279. 


Histoire  de  Na'amah  et  de  Na*am, 
n.  237-248. 

Histoire  de'Aia  eddin  Abou  Châ- 
mat.  n.  249-270. 

H'atim  Taï  et  son  tombeau,  n.  270- 
271. 

Ma  an  b.  Zàidah,  n.  271-272. 

Le  palais  de  Lebt'it\  n.  272-273. 

Hichâm  b.  Abd  ei  Melik,  n.  273. 
• 

Ibrahim  ben  elMahdi,  n. 273-276. 

Le  Tombeau  de  Cheddâd,  n.  276- 
279. 


1.  Ben  Sedira,    Cours    de    littérature 
arabe^  qo  1$4,  p.  196. 

2.  Ben    Sedira,    Cours    de    Utléralure 
arabe,  n^  155  p.  198. 

3.  Ben  Sedira,  Cours  de  littérature  ara- 
be^ Qo  153  p.  194. 

4.  Ben  Sedira,  Cours  de  littérature  ara- 
be, Qo  147,  p.  181. 


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REVCE    DES   TRADITIONS    POPULAIRES 


157 


HABICHT 

Histoire  d'Aboifl  H'asan  el  'Oma- 
ni,  n.  354-364. 

Histoire  de  H'ayat  en  Nofous  et 
d,'Ardéchir,  n.  364-386. 

Histoire  de  H'asan  de  Bas'ra  et  de 
son  voyage  aux  Iles  Ouaqouaq,  n. 
386-431  ». 

Le  t.  Y  finit  avec  la  nuit  400. 

T.  VI 

L'esclave  de  Ha^oun  er  Rachid, 
n.  432. 

Les  poètes  el  'Omar  b.  'Abd  el 
Aziz,  u.  432-433. 

De  Tutilité  de  Tinstruction,  n.434. 

Haroun  er  Rachid  et  la  femme,  n. 
434. 

Histoire  des  Dix  Vizirs,  n.  435- 
486'. 

La  ville  d*airain,  n.  487-500. 

T.  VII 

Histoire  de  Na^amah  et  de  Na'am, 
n   501-509 

Histoire  de  'Ala  eddin  Abou  Cbâ- 
mat,  n.  510-531. 

H'atim  Taï  et  son  tombeau,  n.  531- 
532. 

Ma  an  ben  Zàïdab,  n.  532-533. 

Le  palais  de  Lebt'a,  n.  533-534. 

Hichàm  ben^'Abd  el  Melik,  n.  534- 
535. 

Ibrabim  ben  el  Mahdi,  n.  535-5387 

Le  tombeau  de  Cheddàd,  n.  539- 
540. 


BEYROUT 
T.  n 


Histoire  de  Na  amah  et  de  Na*am, 
n.  237-247. 

Histoire  de  Ala  eddin  Abou  Châ- 
mat,  n.  249-270. 

H'atim  Taï  et  son  tombeau,  n.  270- 
271. 

Ma  an  b.  Zâidah,  n.  272. 

Le  palais  de  Lebt'il\  n.  272. 

Hiehâm  b.  «Abd  el  Melik,  n.  272. 

Ibrahim  ben  el  Mahdi,  n.  272-275. 
Le  tombeau  de  Cheddàd,  n.  276- 

277. 


1.  Ce  texte  a  été  publié  plusieurs  fois 
isolément  au  Qaire,  entre  autres  en  1299 
et  en  1304  hég. 

2.  Le  texte  a  été  édité  jpar  Knœs,  liis- 
toria  decem  vezirorum.  âœttingen,  1807, 
in-12. 


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1S8 


UVtJE   DES  TRADITIONS   POPULAIHBS 


LK  QiVUiË 
T.  II 

Ish'aq  el  Maouseli,  n.  279-282. 

Prière  d'un  éqaarrisseur,  n.  282- 
285. 

Le  faux  Khalife,  n.  285-294. 

La  besace  merVeilleuse,  n.  294- 
296. 

Haroun  er  Rachid  et  Dja'far,  n. 
296-297. 

Khâled  ben  'Abdallah,  a.  297- 
299. 

L'Arabe  reconnaissant,   n.  299  ^ 

Haroun  er  Rachid  et  Abou  Mo- 
h'ammed  el  Keslan,  n.  299-305. 

Généro.silé  des  Barmékides,  n. 
305-306. 

Yah'ya  ben  Khàled  el  'Abdallah 
b.  MMek,  n  306-307. 


BOMBAY 
T.n. 

Ish'aq  el  Maouseli,  n.  279-282. 

trière  d'un  équarrisseur,  n.  282-' 
285. 

Le  faiir  Khalife,  n.  285-294 

La  besace  merveilleuse^  n.  294- 
296. 

Haroun  er  Rachid  et  Dja'far,  n 
296-297. 

Khàled  ben  'Abdallah,  n.  »7-299. 

L'Arabe  reconnaissant,  n.  299 

Haroun  et  Rachid  et  Abou  Mo- 
h'ammed  el  Keslan,  n.  299-305. 

Générosité  des  Barmékides,  n. 
305306. 

Yah'ya  b.  KhâîeJ  el  ^Abdallah 
b.  Màlek,  n.  306-307. 


Les    examens 
n;  308  \ 


d'El     Mansour, 


Les     examens 
n    307-308. 


d'Ël     Maus'our, 


Histoire  de  *Ali  Chfr,  n.  308-327. 

Histoire  d'ibn  Mans'our  el  de 
Badour,  n.  327-33 i. 

Le  Yéménite  et  les  six  jeunes 
filles,  n.  334-338. 

Abou  Noouâs,  n.  338-340. 

L'homme  endetté,  n.  340-341. 

L'effronté  voleur  et  Hîsam  eddin^ 
n.  341-342. 


Histoire  de  ^Ali  Char,  n.  308-327. 

Histoire  d'Ibn  Mans'our  et  de 
Badour,  n.  327-334. 

Le  Yéménite  et  les  six  jeunes 
filles,  n.  334-338. 

Abou  Noouâs,  n.  338-340. 

L'homme  endetté,  n.  340-34i. 

L'effronté  voleur  et  Hisam  eddio, 
n.  341. 


1.  Ben  Sedira,  Cours  de  liUéralure  ara- 
hty  DO  452,  p.  491.  Goriçuop,  Cours  d'arabe. 
Paris,  ISoO,  iD-12,  t.  H,  u»  48. 

2.  Gorçuos,  Cours  d*arabe^  t.  Il,  n<>  53; 
BeD  Sedira,  Cours  de  littérature  nrabe^ 
no  143  p.  172. 


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REVUE  DES  TRADITIONS  POPULAIRES 


159 


HABICHT 
T.  vn. 

ish'aq  el  Maouseli,  n.  540-543. 

Le  faux.  Khalife,  n.  54^^54. 


Haroun  er  Rachid  et  Dja'far,  a. 
555-556. 
Khâled  ben  'Abdallah,  n.  557-558. 


Haroun  er  Rachid  et  Abou    Mo- 
h'ammed  el  Keslan,  d.  558-564. 
Générosité  des  Barmékides,  û.565 

Yah'ya  b.  Kbàled  et  'Abdallah  b. 
Mâlek,  n.  566. 

Haroun  er  Rachid  et  son  anneau, 
n.  567. 

Haroun  er  Rachid  et  Ibn  es  Sau- 
rak,  n.  568. 

El  Mans'our  et  Zobaïdah,  n.  568. 


Histoire  de  'Ali  Ghîr,  n.  569-587. 

Histoire  dlbn  Mans'our  et  de 
Badour,  n.  587-594. 

Le  Yéménite  et  les  six  jeunes 
filles,  n.  594-599. 

Abou  Noouès,  n.  600-602. 

L'homme  endetté,  n.  602-603. 


BKYROUT 
T.  n. 

Ish^aq  el  Maouseli,  n.  277-282. 

Prière  d'un  équarrisseur,  n.  282- 
285. 

Le  faux  Khalife,  n.  285-294. 

La  besace  merveilleuse,  n.  294- 

296. 

Haroun  er  Rachid  et  Dja'far,  n. 
296-297. 

Khâled  b.  -Abdallah,  n.  297-299. 

L'Arabe  reconnaissant,  n.  299. 

Haroun  er  Rachid  et  Abou  Mo- 
haramed  el  Keslan,  n.  299-305. 

Générosité  des  Barmékides,  n. 
305-306. 

Yah'ya  ben  Khâled  el  'Abd  Allah 
b.  Mâlek,  n.  306  307. 


Les  examens  d'Ël   MansWr,  n. 
307-308. 

Histoire  de  *Ali-Châr,  n.  308  330. 


L'homme  endetté,  n.  330-331. 
L'effronté  voleur  et  Hisam  eddin, 
n.  331-333. 


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160 


REVUE  DES  TRADITIONS  POPULAIRES 


LE  QAIRE 
Tome  II 
Les  trois  gouverneurs  d'Egypte, 
n.  342-344. 
Le  voleur  et  le  changeur,  o.  344- 

345  '. 

Ala  eddin  et  le  voleur,  n.  345- 

346  ^ 

Ibrahin^  ben  El  Mabdi  parasite, 
n.  346-347. 


BOMBAY 
Tçme  II 
Les  trois  gouverneurs  d'Egypte, 
n.  341-344. 

Le  voleur  et  le  changeur,  n.  344- 
345. 
Ala  eddin  et  le  voleur,  n.  345-346. 

• 
Ibrahim  ben  El   Mahdi  parasite, 
n.  346-347. 


1.  Ben  Sedira,  Cours  de  liUérature  ara- 
be, n*  126  p.  44i. 

2.  Ben  Sedira,  Cours  de  littérature  ara- 
be, no  125  p.  140. 


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KEVUE    DES  TRADITIONS   POPULAIRES 


161 


HABICHT 
Tome  Vni 
Les  trois  gouverneurs  d'Egypte, 
n.  603-605. 

Le  voleur  et  le  changeur,  n.  605- 
606. 

Ibrahim  ben  El  Mahdi  parasite, 
n.  606^08. 

T.  vni. 

Histoire  du  roi  Kala'ad  et  de  son 
vizir  Chimâs,  n.  609-640  *. 

a)  Le  chat  et  le  rat,  n.  609  *. 

b)  Le  dévot  et  le  beurre,  n  610  '. 

c)  Les  poissons  et  Télang,  n.  6H. 

d)  Le  corbeau  et  le  serpent,  n.  611. 

e)  Le  renard  et  Tonagre,  n.611  *. 
f  j  Le  roi  et  le  dévot,  n.  612-613. 
g)  Le  faucon  et    les    corbeaux, 

n.  6^3^ 

hj  Le  sorcier,  sa  femme  et  ses 
enfants,  n.  614. 

i)  L'araignée  et  le  vent,  n.  615*. 

j)  Le  roi  juste  et  le  roi  injuste,  n. 
616. 

k)  L  aveugle  et  le  paralytique,  n. 
616. 

l)  Le  lion  et  le  chasseur,  n.  617. 

m)  L'homme  et  le  poisson  ^  n.  626. 

1.  Des  extraits  de  ce  cycle,  diaprés 
le  manuscrit  de  Genève  ont  été  publiés 
par  Humbert,  Analecta  arabica  'médita, 
Paris,  1838,  in-8  8ect.  II. 

2.  Ben  Sedira ,  Cours  de  littérature  ara- 
be^ no  135,  p.  158. 

3.  Ben  Sedira,  Cours  de  littérature 
arabe,  n«  139,  p.  165  ;  M.  Zotenberg  a 
donné  une  édition  critiaue  de  ce  conte  d'a- 
près sept  manuscrits  :  L  histoire  de  Gal'dd 
et  Schimds.  Paria,  1886,  in-8,  p.  19. 

4.  oBen  Sedira,  Coi/r^  de  lit téraljire  ara- 
be, n    134  p.    156. 

5.  Ben  Sedira,  Cours  de  littérature  ara- 
be, no  136,  p.  161. 

6.  Ben  Sedira,  Cours  de  littérature  ara- 
be, no  133  p.  155. 

7.  Reproduit  par  Humbert,  Analecta 
arabica  inedila.  Pari?,  1838,  in-8. 

TOME  XI.  —  MARS-AVaiL  1896. 


BEYROUT 
T.  ni. 

Les  trois  gouverneurs  d'Egypte, 
n.  333-335. 

Le  voleur  et  le  changeur,  n.  335- 
336. 

Ala  eddin  elle  voleur,  n.  336-337. 

Ibrahim  ben  El  Mahdi  parasite, 
n.  337. 


11 


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162 


REVUE  DES  TRADITIONS  POPULAIRES 


LE  QAIRE 
T.  n 


BOMBAY 
T.  n 


Le  roi  qui  avait  interdit  l'aumô- 
ne «,  n.  347-348. 

Le  Juif  charitable,  n.  348-349. 

Les  dettes  d'Abou  THasan,  n. 
349-351. 

Le  joaillier  ruiné  puis  enrichi,  n. 
351. 

Les  deux  songes  vérifiés,  n.  351- 
352. 

El  Motaouakkel  etHahboubah,  n. 
352-353. 

La  femme  et  Tours,  n.  353-355. 

La  fille  du  roi  et  le  singe^  n.  355- 
357. 

Le  cheval  d'ébène,  n.  357-371. 

0ns  el  Oudjoud  et  Ouerd  fil  Ak- 
mâm,  n.  371-381. 

Abou  Noouàs  etHarouo  er  Hachid, 
n.  381-383. 

L'esclave  amoureuse  de  son  maî- 
tre, n.  383. 

Histoire  d'un  amoureux  des  B. 
Odzrah,  n.  383-384. 

Le  professeur  et  son  élève,  n. 
384. 

L'écolier  et  Técolière  amoureux, 
n.  384-385. 

i.  Ben  Sedira  Coun  de  lUéérature  ara- 
be, n»  128  p.  145. 


Le  roi  qui  avaitinterditi  aumône, 
n.  347-348. 

Le  Juif  charitable,  n.  348-349. 

Les    dettes    d'Abou  THasan,    n. 
349-351. 

Le  joaillier  ruiné  puis  enrichi,  n. 
351,352. 

Les  deux  songes  vérifiés,  n.  352- 
353. 

El  Motaouakkel  et  Mahboubah,  n. 
352-353. 

La  femme  et  l'ours,  n.  353-355. 

La  fille  du  roi  et  le  singe,  n.  355- 
357. 

Le  cheval  d'ébène,  n.  357-371. 

0ns  el  Oudjoud  et  Ouerd  fi'l  Ak 
mâm,  n.  371-381. 

Abou  Noouâs  et  Haroun  er  Rachid, 
n.  381-383. 

L'esclave  amoureuse  de  son  maî- 
tre, n.  383. 

Histoire  d'un   amoureux  des  B. 
Odzrah,  n.  383-384. 

Le    professeur  et  son  élève,   n. 
384.  . 

L'écolier  et  Técolière  amoureux, 
n.  384-385. 


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REVUE  DES  TBÀDITIONS  POPULAIRES 


163 


HABICHT 
T.  vni 

n]  Le  garçon  et  les  voleurs,  n. 
627. 

o)  Le  jardiaier  et  sa  femme,  n. 
628. 

p)  Le  marchand  et  les  voleurs,  n. 
629. 

q)  Le  renard,  le  loup  et  le  lion, 
n.  630. 

r)  Le  berger  et  les  voleurs,  n.  632. 

s)  Le  francolin  et  les  tortues,  n. 
634. 

Le  roi  qui  avait  interdit  l'aumône, 
n.  641-642. 


Le  joaillier    ruiné   puis  enrichi, 
n.  643. 
Les  deux  songes  vérifiés,  n.  644. 


BEYROUT 
T.  m 


Le  roi  qui  avait  interdit  l'aumô- 
ne, n.  339-340. 

Le  Juif  charitable,  n.  340-341. 

Les  dettes  d'Abou  THasan,  n. 
341-343. 

Le  joaillier  ruiné  puis  enrichi,  n. 
343. 

Les  deux  songes  vérifiés,  n.  343- 
344. 

El  Motaouakkel  et  Mahboubah,  n. 
344-345. 

La  femme  et  Tours,  n.  345-348. 

Le  cheval  d'ébène,  n.  348-366. 

Oas  el  Oudjoud  et  Ouerd  fi'l  Ak- 
mâ.m,  n.  366-381. 


Abou  Noouàs  et  Haroun  er  Rachid, 
n.  381-383. 


Histoire   d'un  amoureux   des   B. 
Odzrah,  n.  646-647. 


L'esclave  amoureuse  de  son  maî- 
tre, n.  381-383. 


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164 


REVOE   DES  TRADITIONS   POPULAIRES 


LE  Q\IRË 
T.  n 

El  Motalammis  et  la  femme  fidèle, 
Q.  385. 

Haroun  er  Rachid  et  Zobeidah, 
n.  385-386. 

Haroun  er  Rachid  et  la  jeune  tille, 
n.  386. 

Mos'ab  ben  Zobeir  et  Azza,  n. 
386-387. 

Abou'l  Asouad  et  H'aoulah,  n  387. 

Haroun  er  Rachid  et  les  deux 
esclaves,  n.  387. 

Le  meunier,  la  femme  et  le  trésor, 
n.  387-388. 

Le  filou,  le  négligent  et  Tâine, 
n.  388  *. 

Haroun  er  Rachid,  n.  388-389. 

El  H'akim  biamrillah  et  le  mar- 
chand, n.  389  «. 

Kesra  Anouchirwân  et  la  jeune 
fille,  n.  389-390. 

Le  porteur  d'eau  de  Bokhara  et 
sa  femme,  n.  390-391. 

Khosrou,  sa  femme  et  le  poisson  '» 
n.  391. 

Générosité  de  Yah  ya  le  Barmé* 
kide,  *  n.  391-392. 

Dja'farben  Mousa  et  son  esclave) 
n.  392. 

Sa*id  ben  Salem  et  Dja'far  n.  392. 


BOMBAY 
T.  n 

El  Motalammis  et  la  femme  fidèle, 
n.  385. 

Haroun  er  Rachid  et  Zobeidah, 
n.  385-386. 

Haroun  er  Rachid  et  la  jeune 
fille,  n.  386. 

Mos'ab  ben  Zobeir  et  Azza,  n. 
386-387. 

Abou'l  Asouad  et  H'aoulah,  n. 
387. 

Haroun  er  Rachid  et  les  deux 
esclaves,  n.  388. 

Le  meunier,  la  femme  et  le  trésor, 
n.  388. 

Le  filou,  le  négligent  et  Vhxxe 
n.  385. 

Haroun  er  Rachid  n.  388-389. 

El  H'akim  biamrillah  et  le  mar- 
chand n.  389. 

Kesra  Anouchirwân  et  la  jeune 
fille,  n.  389-390. 

Le  porteur  d'eau  de  Bokhara  et  sa 
femme,  n.  390-391. 

Khosrou,  sa  femme  et  le  poisson 
n.  391. 

Générosité  de  Yah'ya  le  Barmé- 
kide,  n.  391-392. 

DjàTar  ben  Mousa  et  son  esclave 
n.  392. 

Sa'id  ben  Salem  et  Dja  far,  n.  392. 


1.  Gorguos,  Cours  d'arabe,  n»  58;  Ben 
Sedira,  Cours  de  littérature  arabe,  n^  123, 
p.  136. 

2.  Ben  Sedira,  Cours  de  littérature  ara- 
be, n«  129  p.  146. 

3.  Gorguo-s,  Cours  d'arabe  vulgaire 
n»  61  ;  Bresnier,  Anthologie  arabe.  Alger, 
1876,  in-16,  p.  89  ;  Ben  Sedira,  Cours  de 
litérature  arabe,  n<>  124  p.  138. 

4.  Gorguos,  Cours  a*arabe,  n«  62  ; 
Bresnier,  Antfiologie  arabe^  p.  57  ;  Ben 
Sedira,  Cours  de  littérature  arabe,  n»  151 
p.  188. 


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REYOE  DES  TRADITIONS    POPCLAIRES  165 

HABICHT  BEYROUT 

T.  VIII  T.  m 

El  Motalammis  et  la  femme  fidèle,         El  Molalammis  et  la  femme  fidèle, 
n.  648.  n.  383-384. 

Haroun  er  Rachid  et  Zobeidah, 
n.  648-649. 


Mos'ab  ben  Zobeir  et  Azza,  n. 
649-650. 

AbouU  Asouad  le  poète  et  H'aou- 
lah,  n.  651. 

Haroun  er  Rachid  et  les  deux 
esclaves,  n.  651. 


Le  filou,  le  négligent  et  Tâne, 
n.  652. 

HarouD  er  Rachid,  n.  652-653. 

El  H  akim  biamrillah  et  le  mar- 
chand, n.  653. 

Kesra  Anouchirwàn  et  la  jeune 
fille,  n.  653-554. 

Le  porteur  d'eau  de  Bokhara  et 
sa  femme,  n.  654-656. 

Khosrou,  sa  femme  et  le  poisson, 
n.  656. 

Générosité  de  Yah'ya  le  Barméki- 
de,  n.  656-657. 

Dja'far  ben  Mousa  et  son  esclave, 
n.  657. 


Le  meunier,  la  femme  et  le  tré- 
sor, n.  384-385. 

Le  filou,  le  négligent  et  Tâne, 
n.  385-386. 

El  H'akim  biamrillah  et  le  mar- 
chand, n.  386. 

Kesra  Anouchirwàn  et  la  jeune 
fille,  n.  386-387. 


Khosrou,  sa  femme  et  le  poisson, 
n.  387-391. 

Générosité  de  Yah'ya  le  Barmé- 
kide,  n.  388-389. 

DjaTar  ben  Mousa  et  son  esclave 
n.  389-390. 

Sa'id  ben  Salem  et  Dja'far,  n.  390- 
391. 


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166 


REVUE    DÉS  TRÀDItlONS   POPULAIRES 


LE  QAIRE 
T.  n 

Ruse  dune  femme,  n.  393-394. 

La  femme  honnête  elles  vieillards, 
n.  394. 

Haroun  er  Rachid  et  le  collyre, 
n.  394-395  K 


BOMBAY 
T.  n 

Ruse  d'une  femme,  n.  393-394. 

La  femme  honnête  et  les  vieil- 
lards, n.  394. 

Haroun  er  Rachid  et  le  collyre, 
n.  394-395. 


Omar  b.  El  KhatH'àb  et  le  meur- 
trier, n.  395-397. 

El  Mans'our  et  les  pyramides, 
n.  397-398. 

Le  voleur  et  son  ancien  confrère, 
n.  398-399  « 

Haroun  er  Rachid  et  Mesrour» 
n.  399-401. 

Haroun  er  Rachid  etson  fils,  n.40i_ 
402. 

Le  maitre  d'école  amoureux  d'une 
chimère,  n.  402-403. 

Le  maître  d'école  ignorant,  n.  403. 

Le  maître  d'école  qui  ne  sait  pas 
pas  lire,  n.  403-404. 

Le  roi  et  la  femme  vertueuse, 
n.  404  \ 

L'oiseau  Rokh,  n.  404-405. 

La  fille  d'En  No'mân  et  Adi  b.  Zeid, 
n.  405-407. 

Di'bil  le  Khozai,  n.  407. 

ish'aq  b.  Ibrahim  el  Maouseli, 
n.  407-409. 

Er  'Otbi,  n.  409-410. 

El  Qasim  b.  El  Adi,  n.  410-411. 

1.  Ce  texte  a  été  reproduit  avec  des 
variantes  dans  le  Miat  Amily  p.  -31, 
d'où  Ta  emprunté  Arnold,  Chreslomatia 
arabica,  p.  42  ;  Ben  Se  dira,  Cours  de  litté- 
rature arabe,  u^  148  p.  184. 

2.  Ben  Sedira,  Cours  de  littérature  ara- 
be, no  127  p.  142. 

3.  Ben  Sedira,  Cours  de  littérature  ara- 
be, no  149  p.  185. 


Omar  b.  el  Khat't'âb  et  le  meur- 
trier, n.  393-397. 

El  Mans'our  et  les  pyramides, 
n.  397-398. 

Le  voleur  et  son  ancien  confrère, 
n.  398-399. 

Haroun  er  Rachid  et  Mesrour, 
n.  399401. 

Haroun  er  Rachid  et  son  fils,  n.401- 
402. 

Le  maître  d'école  amoureux 
d*une  chimère,  n.  402-403. 

Le  maître  d'école  ignorant^  n.  403. 

Le  maître  ti'école  qui  ne  sait  pas 
lire,  n.  403-404. 

Le  roi  et  la  femme  vertueuse, 
n.  404. 

L'oiseau  Rokh,  n.  404-405. 

La  fille  d'En  No'màn  et  Adi  b. 
Zeid,  n.  405-407. 

Di'bil  le  Khozai,  n.  407. 

ish'aq  ben  Ibrahim  el  Maouseli, 
407-409. 

El'  'Otbi,  n.  410. 

El  Qasim  b.  El  Adi,  n.  410-411. 


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KBYUË   DES  TRADITIONS  POPULAIRES 


467 


HABICHT 
T.  Vin 

Ruse  d'uue  femme,  n.  658-659. 

La  femme  honnête  el  les  vieil- 
lards, D.  659. 

Harouner  Rachid  et  le  collyre, 
n.  660. 

Le  roi  No'mân  et  ses  deux  com- 
mensaux, n.  660-661. 


Le  voleur  et  son  ancien  confrère, 
n.  661-662. 

Haroun  er  Rachid  et  Mesrour, 
n.  662-664. 

Haroun  er  Rachid  et  son  fils, 
n.  664-665. 

Le  maître  d'école  amoureux 
d'une  chimère,  n.  665-666. 

Le  maître  d'école  ignorant,  n.  666. 

♦  Le  maître  d'école  qui  ne  sait  pas 
lire,  n.  667-668. 


BEYROUT 
T.  ni 

Ruse  d'une  femme,  n.  391-392. 

La  femme  honnête  et  les  vieil- 
lards, n.  392-393. 

Haroun  er  Rachid  et  le  collyre, 
n.  393-304. 


'Omar  ben  El  Khat't'âb  et  le 
meurtrier,  n.  394-397. 

El  ^Mans'our  et  les  pyramides, 
n.  397-398. 

Le  voleur  et  son  ancien  confrère, 
n.  398-400. 

Haroun  er  Rachid  et  Mesrour,  n. 
400-401. 

Haroun  er  Rachid  et  son  fils, 
n.  401-405. 

Le  maître  d'école  amoureux  d'une 
chimère,  n.  405-407. 

Le  maître  d'école  ignorant^  n.  407- 
408. 

Le  maître'd'école  qui  ne  sait  pas 
lire,  n.  408. 


La  fille  d'En  No'mân  et  Adi  b. 
Zeid,  n.  668-670. 

Di'bil  le  Khozai,  n.  670. 

Ish'aq  b.  Ibrahim  el  Maouseli, 
n.  670-672. 

Er  'Otbi,  n.  672-673. 

El  Qasim  b.  El  Adi,  n.  673-674. 


L'oiseatt  Rokh,  n.  408-409. 
,    La  fille  de  No'mân  et  b.  Adi  b. 
Zeid,  n.  408-411. 

Ish'aq   b.    Ibrahim  el  Maouseli, 
n.  411-418. 


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i68  RËVDE  D)ÙS   TRADITIONS  POt>IILAtRËd 

LE  QAIRE  BOMBAY 

T.  n  T.  n 

Abou'l  Abbàs  el  Mobarred,  n.  411-  Abou  l  Abbâs  el  Mobarred,  n.  411- 

412.  412. 


La  conversion  d'un  couvent,  n.  La  conversion  d'un   couvent,  n. 

412-414.  412-414. 

Aboulsa    et  Qorrat  el'   Aïo,   n.  Abou  Isa  et  Qorrat  el'Aïn,  n.  414- 

414-418.  418. 

Ibrahim  benEl  Mahdiet  El  Amin,  Ibrahim  b.  El  Mahdi  et  El  Amin,  n. 

n.  418-419.  418-419. 

El  Motaouakkel  et  le  remède,  n.  El  Motaouakkel  et  le  remède,  n. 

419.  419. 

Supériorité  des  femmes,  n.  419-  Supériorité  des  femmes,  n.  419- 

429.  423. 

Les  cheveux  blancs,  n.  423-424.  Les  cheveux  blancs,  n.  423-424. 

Ali  ben   Moh*ammed  ibn  Taher,  Ali  ben  Moh'ammed  ibnlaher,  n. 

n.  424.  424. 

Histoire  d*Abou  TAina,  n.  424.  Histoire  d'Abou  TAina,  n.  424. 

Histoire  du  marchand  Ali  TEgyp-  Histoire  du  marchand  Ali  l'Egyp- 
tien, n.  424-434.  tien,  n.  424-434. 

La  liberté  est  préférable  atout,  La  liberté  est  préférable  atout,, 

n.  434-435.  n.  434-436. 

Histoire  de  Téoueddoud,  n.  436-  Histoire  de  Téoueddoud,  n.  436- 

462.  462, 

Le  roi  orgueilleux  et  Tange  de  la  Le  roi  orgueilleux  et  Tange  de  la 

mort  *,  n.  462.  mort,  n.  462. 

Le  mauvais  riche,  n.  462-463.         '  Le  mauvais  riche,  n.  463. 

La  mort  du  tyran,  n.  463-464.  La  mort  du  tyran,  n.  463-464, 

Dzou*l  Qaruaïn  et  le  peuple  sau-  Dzou'l  Qarnaïn  et  le  peuple  sau- 
vage, n.  464.  vage,  n.  464. 

Anouchirwân    et  son  peuple,  n.  Anouchirwân  et  son  peuple,  n. 

464-465  «.  464-465. 

La  femme  accusée  injustement,  La  femme  accusée  injustement, 

n.  465-466.  n.  465-466. 


i.  Ben  Sedira,  Cours  de  littérature 
arabe,  n*  140  p.  167. 

2.  Ben  Seaira,  Cours  de  lillérature 
arabe,  n*  146  p.  180. 


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REVUE   DES  TRADITIONS  POPULAIRES 


169 


HABICHT 
T,  vm 

Abou'l  Abbàs  el  Mobarred,  n.  674- 
675. 

Le  roi  et  la  femme  veriueuse, 
n.  675^76. 

La  conversion  d'un  couvent^  n. 
676-678. 

Abou'Isa  et  Qorrat  el  Aïn,  d.  678- 
682. 

Ibrahim  b.  El  Mahdi  et  El  Amin^ 
n.  682-683. 

El  Motaouakkel  et  le  remède,  n. 
683. 

Supériorité  des  femmes,  n.  683- 
687. 

Les  cheveux  blancs,  n.  687-688. 

Ali  ben  Moh'ammed  ibn  Taher, 
n.688. 

Histoire  d'Abou*l  Qina  (sic),  n. 
688. 

Histoire  du  marchand  AU  TËgyp- 
lien,  n.  680-698. 


BEYftOUT 
T.  m 


Abou'Isa    et  Qorrat  el  Aïn,   n. 
414-448. 


Histoire  du  marchand  Ali  l'Egyp- 
tien, n.  419  434. 

La  liberté  est  préférable  à  tout, 
n.  434-436. 

Histoire  de  Téoueddoud,  n .  436- 
462. 

Le  roi  orgueilleux  et  Fange  de  la 
mort,  n.  462-464. 


Dzou'l  Qarnaïn  et  le  peuple  sau- 
vage, n.  464. 

Anouchirwàn  et  son  peuple,  n. 
464-465. 

La  femme  accusée  injustement, 
n.  465-466. 


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170 


REVUE  DES  TRADITIONS  POPULAIRES 


LE  QAIRE 
T.  n 

La  femme  vertueuse  à  la  Ka'abah, 
n.  366-467. 

Mâlek  ben  Dinar,  n.  467-468. 

Le  pieux  Israélite  récompensé, 
n.  468-470  ^ 

Evasion  d'un  captif  de  Hedjâdj, 
n.  470-471. 

L'homme  vertueux  el  le  forgeron, 
n.  471-473. 

Le  dévot  d'Israël  et  le  roi,  n.  473- 
474. 

Le  mariage  céleste,  n.  474-477. 

Ibrahim  ben  El  Khouas,  n.  477- 
478. 

Les  arrêts  de  Dieu  sont  impéné- 
trables, n.  478-479  \ 

L'homme  pieux  et  le  matelot,  n. 
479. 

La  famille  miraculeusement  réu- 
nie, n.  479-481. 

Aboul  H'asaned  Derràdj,  n.  481- 
482. 

Histoire  deH'âsebel  Kerim  fils  de 
Daniel,  n.  482-536. 

Voyages  de  Sindbâd  le  marin,  n. 
536-366. 

Mousa  ben  Nos'air  et  la  ville  de 
cuivre?  n.  566-576. 

Le  roi,  son  tils  et  les  sept  vizirs 
(Sindibâd  Nâmeh),  n.  578-608. 

a)  L'anneau  du  roi,  n.  579. 

b)  Le  marchand,  la  femme  et  le 
perroquet,  n.  579. 

c)  Le  foulon  et  son  fils,  n.  579  '. 


BOMBAY 
T.  n 

La  femme  vertueuse  à  la  Ka'abah, 
n.  466. 

Màlek  ben  Dinar,  n.  467-468, 

Le  pieux  Israélite  récompensé, 
n.  468-470. 

Evasion  d'un  captif  de  HedjÀdj, 
n.  470-471. 

L'homme  vertueux  et  le  forgeron, 
n.  471-473. 

Le  dévot  d'Israël  et  le  roi,  n. 
473-474. 

Le  mariage  céleste,   n.  474-467. 

Ibrahim  ben  El  Khouas,  n.  477- 
478. 

Les  arrêts  de  Dieu  sont  impéné- 
trables, n.  478-479. 

L'homme  pieux  et  le  matelot,  n. 
479. 

La  famille  miraculeusement  réu- 
nie, n.  479-481. 

Abou'l  H'asan  ed  Derràdj,  n.  481- 
482. 

Histoire  de  Hàseb  fils  de  Daniel, 
n.  483-536. 

Voyages  de  Sindbàd  le  marin,  n. 
536-566. 

Mousa  ben  Nos'air  et  la  ville  de 
cuivre,  n.  566-568. 

Le  roi,  son  fils  et  les  sept  vizirs, 
n.  578-608. 

a)  L'anneau  du  roi,  n.  579. 

b)  Le  marchand,  la  femme  et  le 
perroquet,  n.  579. 

c)  Le  foulon  et  son  fils,  n.  579. 


1.  Gor^uos,  Cours* (Varabe^  t.  II,  n*  36  : 
Ben  Sedira.  Cours  de  littérature  arabe^ 
no  145  p.  179  (très  abrégé). 

2.  Ben  Sedira,  Cours  de  littérature 
arabe,  n»  150  p.  187. 

3.  Ben  Sedira,  Cours  de  littérature 
arabe,  n°  117,  p.  128. 


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REVUE  DES  TRADITIONS  POPOLAIRES  174 

HABICHT  BEYROUT 

T.  Vin  T.  m 

La  femme  vertueuse    à  la  Ka'a- 
bah,  n.  466-467, 

Mâlek  ben  Dinar,  n.  467-468. 

Le  pieux  Israélite  récompensé, 
n.  468-470. 

Evasion  d'un  captif  de  Hedjâdj, 
n.  470-471. 

L'homme  vertueux  et  le  forgeron, 
n.  471-473. 

Le  dévot  d'Israël  et  le  roi,  n.  473- 
474. 

Le  mariage  céleste,  n.  474-477. 

Ibrahim  ben  El  Khouas,  n.*  477- 
478. 

Les  arrêts  de  Dieu. sont  impéné- 
trables, n.  478-479. 

L'homme  pieux    et   le    matelot, 
n.  479. 

La  famille  miraculeusement  réu- 
nie, n.  479-481. 

Abou'l  H'asan  ed  Derrâdj,  n.   48t- 
482. 
^  Histoire  de  H'aseb  el  Kerim  fils 

de  Daniel,  n.  482-536. 

Voyages  de  Sindbâd  le  marin,  n. 
536-566. 

Mousa  ben  Nos'air  et  la  ville  de 
cuivre,  n.  566-568. 

Le  roi,  son  fils  et  les  sept  vizirs, 
n.  578-608. 

a)  L'anneau  du  roi,  n.  579. 

b)  Le  marchand,  la  femme  et  le 
perroquet,  n.  579. 

c)  Le  foulon  et  son  fils,  n.  579. 


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172 


REVCE    DES  TRADITIONS    P0PCLA1HES 


BOMBAY 

T.  m 

d)  Le  libertin  et  la  femme^  n.  580. 

e)  Les  deux  pains,  n.  580-581  *. 

f)  L'écuyer  et  la  jeune  femme,  n. 
581. 

g)  La  jeune  fille,  le  prince  et  le 
vizir,  n.  581-582  ^ 

h)  La  goutte  de  miel,  n.  582  '. 
i)  Le  dirhem  perdu,  n.  582. 
j)  Le  prince  et  le  vizir,  n.  582-583. 
k)  Le  baigneur,  n.  584. 


LE  CAIRE 
T.  m 

d)  Le  libertin  et  la  femme,  n.  580. 

e)  Les  deux  pains,  n.  580-581. 
fjL'écuyerel  la  jeune  femme,  n. 

581. 

g)  La  jeune  fille,  le  prince  et  le 
vizir,  n.  581-582. 

h)  La  goutte  de  miel,  n.  582. 

i)  Le  dirhem  perdu,  n.  582. 

j)  Le  prince  et  le  vizir,  n.  582-583. 

k)  Le  baigneur,  n.  584. 


1)  Le  séducteur  et  la  femme,  n. 
584-585. 

m)  L'orfèvre^  et  la  chanteuse,  n. 
586587. 

n)  L'homme  qui  a  cessé  de  rire, 
n.  587-590  ♦. 

o)  Le  prince  et  la  femme  du  mar- 
chand, n.  591-592. 

p)  L'esclave  et  la  femme  de  son 
maître,  n.  592. 

q)  La  femme,  le  qadhi,  le  vizir  et 
le  roi,  n.  593-596. 

r)  Les  vœux  de  la  nuit  d'Elqadr, 
n.  596. 

s)  La  pie  voleuse,  n.  596-597. 

t)  Les  deux  pigeons,  n.  597  ^ 

u)  La  princesse  et  le  fils  du  roi, 
n.  597-598. 

v]La  vieille  et  le  fils  du  marchand, 
n.  598-602. 


1)  Le  séducteur  et  la  femme,  n. 
584-585. 

m)  L'orfèvre  et  la  chanteuse,  n. 
586-587. 

n]  L'homme  qui  a  cessé  dé  rire, 
n.  587-590. 

o)  Le  prince  et  la  femme  du  mar- 
chand, n.  591-592. 

p)  L'esclave  et  la  femme  de  son 
maître,  n.  592. 

q)  La  femme,  le  qadhi,  le  vizir,  et 
le  roi,  n.  593-596. 

r)  Les  vœux  de  la  nuit  d'El  Qadr, 
n.  596. 

s)  La  pie  voleuse,  n.  596-597. 

t)  Les  deux  pigeons,  n.  597. 

u)  La  princesse  et  le  fils  du  roi, 
n.  597-598. 

v)  La  vieille  et  le  fils  du  marchand, 
n.  598-602. 


1.  Cherbonneau,  Anecdotes  musulma- 
nes, Paris,  1847,  in- 8,  n»  28,  p.  19. 

2.  Ben  Sedira,  Cours  de  littérature 
arabe,  n«  121.  p.  132. 

3.  CherboDDeau,  Anecdotes  musulma-- 
nés,  n*»  26  p.  17  ;  Ben  Sedira,  Cours  de 
littérature  arabe,  n»»  119  p.  130. 

4.  Bresnier,  Anthologie   arabe,  p.   112. 

5.  Ben  Sedira,  Cours  de  littérature 
arabe,  n»  132  p.  155. 


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REVUE  DES  TRADITIONS   POPULAIRES  173 

HABlèflT  BEYROUT 

T.  vni!  T,  ni 

e)  Les  deux  pains,  n.  580. 


g)  La  jeune  fille,  le  prince  et  le 
vizir,  n.  581-582. 
h)  La  goutte  de  miel,  q.  582. 

j)  Le  prince  et  le  vizir,  n.  582-583. 

fj  L'écuyer  et  !a  jeune  femme,  n. 
581. 


m)  L'orfèvre  et  la  chanteuse,  n. 
585-587. 

n)  L'homme  qui  a  cessé  de  rire, 
n.  587-590. 


p)  L'esclave  et  la  femme  de  son 
maître,  n.  581-592. 

q)  La  femme,  le  qadhi,  le  vizir  et 
le  roi,  n.  593-596. 


s)  La  pie  voleuse,  n.  596-597. 
t)  Les  deux  pigeons,  n.  597. 
u)  La  princesse  et  le  lils  du  roi, 
n.  597-598. 


ij  Le  dirhem  perdu,  n.  598. 


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174 


REVUE    DES   TRADITIONS    POPULAIRES 


LE  QAIRE 

T.  ni. 

v/)  Le  fils  du  roi,  la  femme  et  le 
génie,  n.  602. 

X)  Le  marchand  et  ses  hôtes  \ 
n.  603. 

y)  Le  vieil  aveugle  *,  n.  603-604. 

z)  L'enfant  de  trois  ans,  n.  605. 

aa)  L'enfant  de  cinq  ans  ',  n.  605- 
606. 

Histoire  de  Djouder  le  pêcheur  *, 
n.  606-624. 

'Adjib  et  Gharib  S  n.  624-680. 


BOMBAY 
T.  ni. 

w)  Le  fils  du  roi,  la  femme  et  le 
génie,  n.  602. 

x)  Le  marchand  et  ses  hôtes, 
n.  603. 

y)  Le  vieil  aveugle,  n.  603-604. 

z)  L'enfant  de  trois  ans,  n.  605 

aaj  L'enfant  de  cinq  ans,  n.  605- 
606. 

Histoire  de  Djouder  le  pécheur, 
n.  606-624. 

'Adjib  et  Gharib,  n.  624-680. 


O'tbah  et  Raya,  n.  680-683. 

Hind  et  H'adjâdj.  n.  68i-6M. 

Khozaimah  et  'Ikrimah,  u.  689^ 
684  «. 

Younès  et  sa  femme,  n.  684-685. 

Haroun  erBachid  et  la  fille  arabe, 
n.  685. 

El  Asma'ï  et  les  trois  jeunes  filles, 
n.  686-687. 

La  vision  d'Abou  Ish'aq  el  Maou- 
seli,  n.  687-688. 

Les  deux  amants  'Odzrites,  n. 
688-691. 

Lafemfiic  fiJùle,  n.  691-693. 

Dhamrah  bent  El  Moghirah,  n. 
693-695. 

Ish'aq  el  Maouseli,  n.  695-696.v^ 


OHbah  et  Raya,  n.  680-683. 

Hind  el  H'adjâdj  ,n.  681-682. 

Khozaimah  et  'Ikrimah,  n.  683- 
684. 

Younès  et  sa  femme,  n.  684-685. 

Haroun  er  Rachid  et  la  fille  arabe, 
n.  685. 

El  Asma'ï  et  les  trois  jeunes  filles, 
n.  686-687. 

La  vision  d'Abou  Ish*aq  el  Maou- 
seli, n.  687-688. 

Les  deux  amants  'Odzrites,  n. 
688-691. 

La  femme  fidèle,  n.  691-693. 

Dhamrah  bent  el  Moghirah,  n. 
693-695. 

Ish'aq  el  Maouseli,  n.  695-696. 


1.  Ben  Sedira,  Cours  de  lilléralure 
arabe,  no  118,  p.  129. 

2.  Ben  Seoira,.  Cours  de  littérature 
arabe,  n»  144  p.  173. 

3.  Ben  Sedira,  Cours  de  littérature 
arabe,  n»  122,  p.  134. 

4.  Le  texte  a  été  autographié  par  Hou- 
das  :  Bisioire  de  Djouder  le  pêcheur. 
2«  éd.  Alger,  1884,  in-12. 

5.  Le  texte  a  été  publié  au  Qaire, 
4*  éd.  1297  hég. 

6.  Bresnier,  Anthologie  arabe,  p.  60. 


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AEYl'E  DBS  TRADITIONS  POPULAIRES 


ils 


HÂBIGHT 
T.  vin 


BEmOUT 
T.  m. 


'Adjib  et  Gharib,  n.  698-735. 
Le  tome  VII  finit  avec  la  nuit  103. 


x)  Le  marchand  et   ses    hôtes, 
n.  600. 

y)  Le  vieil  aveugle,  n.  600-603. 

z)  L'enfant  de  trois  ans,  n.  604. 

aa)  L'enfant  de  cinq  ans,  n.  604- 
605. 

Histoire  de  Djouder  le  pêcheur, 
n.  606-624. 

'Adjib  et  Gharib,  n.  624-680. 

Le  tome  111  finit  avec  la  nuit  641. 
T.  rv. 

'Otbah  et  Raya,  n.  680-683. 
Hind  et  Hadjâdj,  n.  681-682. 
Khozaimah  et  'Ikrimah,  n.  683- 
684. 
Younès  et  sa  femme,  n.  685-686. 


La  vision  d'Abou  Ish*aq  el  Maou- 
seli,  n.  686-687. 

Les  deux  amants  'Odzrites,  n. 
687-691. 

La  femme  fidèle,  n.  691-693. 

Dhamrah  bent  el  Moghirah,  n. 
693-693. 

Ish'aq  el  Maouseli,  n.  695-696. 


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176 


REVUE   DES   TRADITIONS   POPULAIRES 


LE  QAIRE 
T.  ni 

Ish'aq  et  le  page,  d.  696-697. 
Le  vizir  Abou  'Aniir  el  Eu  Nas'er, 
n.  697-698. 


BOMBAY 
T.  m 

Ish'aq  et  le  page,  a.  696-697. 
Le  vizir  Abou  'Amir  et  En  Na;s'er, 
n.  697-698. 


Ah'med   ed    Dânif  et   Dalilah  *, 
n.  698-719. 


Ah'med  ed  Dâoif  et  Dalilah,  n. 
698-699. 


Haïat  en    Nefous    et    Ardéchir, 
n.  719-738. 


Haïat    en   Nefous    et    Ardéchir, 
n.  719-738. 


Histoire  de  de  Bedr  Basiin  et  de 
Djaouherah,  n    738-756. 

Seïf  el  Molouk  et  Badi'at  el  Dje- 
mâl,  n.  756-778. 
Le  tome  UI  finit  avec  la  nuit  789. 

T.  IV 

Histoire  de  H'asan  de  BasVah, 
n.  778-831. 

Khalife  le  pécheur,  n.  831-845. 

Mesrour  et  ZeYn  el  Meouas^if,  n. 
845-863  ^ 

'Ali  Noureddin  et  Marie  la  Chré- 
tienne, n.  863-894  ^ 


Histoire  de  Bedr  Basim  et  de 
Djaouherah,  n.  738-756. 

Seïf  el  Molouk  et  Badi'at  el  Dje- 
màl,  n.  756  778 
Le  tome  IIL  finit  avec  la  nuit  778. 

T.  IV 

Histoire  de  H*asan  de  BasVah, 
n.  778-831. 

Khalife  le  pêcheur,  n.  831-845. 

Mesrour  et  Zeïn  el  Meouas'if,  u. 
845-853. 

'Ali  Nourdeddin  et  Marie  la  chré- 
tienne, n.  863-894. 


Es  Sa'uli  el  la  femme  franque, 
n.  894-896. 

Mésaventure  de  deux  amants, 
n.  896-899. 

Histoire  du  roi  Kala'ad  et  de  son 
vizir  Chimàs,  n.  899-930. 

a)  Le  chat  et  la  souris,  n.  900-901. 

b)  Le  dévot  et  le  beurre,  n.  902. 

1.  Le  teinte  a  été  publié  avec  des  alté- 
rations par  CherboDueau  :  Les  fourberies 
de  Dalilah.  Paris,  1856,  in-12,  cf.  un  arti- 
cle de  J.  Dubeux,  Journal  asiatique^ 
sept.-oct.  t859,  p.  389-391. 

2.  Publié   en   Egypte,   sans   date,   in-8. 

3.  Le  texte  a  été  publié  au  Qaire,  1297, 
bég.  iD-8. 


Es  S'aïdi  et  la  femme  franque, 
n.  894-899. 

Mésaventure  de  deux  amants,  n. 
896-899. 

Histoire  du  roi  Kala'ad  et  de  son 
vizir  Chimàs,  n.  899-030. 

a)  Le  chat  et  la  souris,  n.  900-901 . 

b)  Le  dévot  et  le  beurre,  n.  902. 


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REVUE  DES  TRADITIONS  POPULAIRES 


177 


HABIGHT 
T.  IX. 


BEYROUT 
T.  IV 

Ish  aq  et  le  page,  n.  696-697. 
Le  vizir  Abou  'Amir  et  En  Nas'er, 
n.  697-698. 


Ah'med    ed    Dàoif    et    Dalilah, 
n.  756-776. 


Ah'med  et   Dànif  et  Dalilah,  n. 
^719. 

Basim  le  forgeron  et  Haroun  er 
Rachid,  n.  J19-738  ». 


Djouder  le  pêcheur,  n.  776-794. 
Histoire  de    Bedr  Basim    et  de 
Djaouherah,  n.  794-811. 

Le  tome  IX  finit  avec  la  nuit  799. 


T.  X 


Histoire   de  Bedr  Basim    et   de 
Djaouherah,  n.  738-756. 

Seïf  el  Moiouk  et  Badinât  el  Dje- 
mal,  n.  756-778. 

Histoire  de  H'asan   de  Bas'rah, 
n.  778-831. 


Mesrour  et  Zeïn  el  Meouas'if,  n, 
812-832. 

Ali  Nouréddin  et  Marie  la  chré- 
tienne, n.  832-862. 

'    Es  Sa*'idi  et  la  femme   franque, 
n.  862-867. 


Khalife  le  pécheur,  n.  831-850. 

Ali  Nourdeddin  et  Marie  la  chré- 
tienne, n.  850-894. 

T.  V 

Es  Sa'ïdi  et  la  femme  franque, 
n.  894-896. 

Mésaventure  de  deux  amants,  n. 
896-899. 

Histoire  du  roi  Kaia*ad  Djalaâd  et 
de  son  vizir  Chimâs,  n.  899-930. 

a)  Le  chat  et  la  souris,  n.  900-901 

b)  Le  dévot  et  le  beurre,  n.  902. 


lOVB  XU   —  HARS-AVBIL   1896. 


1.  Deux  textes  de  ce  conte  ont  été 
publiés  par  M.  de  Landbcrg:  Bâsim  le 
forgeron  et  Hâroun  er  Hachid.  Leyde, 
1888,  in-8. 

J2 


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178 


REVUE  DES  TRADITIONS  POPULAIRES 


LE  QAIKE 
T.  rv 

cj  Les  poissons  et  Técrevisse^ 
n.  903. 

d)  Le  corbeau  et  le  serpent,  n.903- 
904. 

e)  Le  renard  et  Tonagre,  n.  904- 
905. 

f)  Le  roi  et  le  dév6t,  n.  906-906. 

g)  Le  faucon  et  les  corbeaux, 
n.  906-907. 

h)  Le  sorcier,  sa  femme  et  ses 
enfants,  n.  907. 

i)  L'araignée  et  le  vent,  n.  908. 

j)  Le  roi  juste  et  le  tyran,  n.  909- 
910. 

k)  L'aveugle  el  le  paralytique^ 
n.  910. 

1)  Le  lion  et  le  chasseur,  n.  911. 

m)  L*homme  et  le  poisson,  n.  918. 

n)  Le  garçon  et  les  voleurs,  n. 
918-919. 

o)  Le  jardinier  et  sa  femme,  n  919- 
920. 

p)  Le  marchand  et  les  voleurs, 
n.  920. 

q)  Le  renard,  le  lion  et  le  loup, 
n.  921. 

r)  Le  berger  et  les  voleurs,  n. 
921-922. 

s)  Le  francolin  et  les  tortues, 
n.  924. 

Histoire  d'Abous'ir  et  d'Abouqir, 
n.  930-940  *. 


BOMBAY 
T.  rv 

c)  Les  poissons  et  Técrevisse, 
n.  903. 

d)  Le  corbeau  et  le  serpent,  n.903- 
904. 

c)  Le  renard  et  l'onagre,  n.  904- 
905. 

f)  Le  roi  et  le  dévot,  n.  305-906. 

g)  Le  faucon  et  les  corbeaux, 
n.  906-907. 

h)  Le  sorcier,  sa  femme  et  ses 
enfants,  n.  907. 

ij  L'araignée  et  le  vent,  n.  908. 

j)  Le  roi  juste  et  le  tyran,  n.  909- 
910. 

k)  L'aveugle  et  le  paralytique, 
n.  910. 

l)  Le  lion  et  le  chasseur,  n.  911. 

m)  L'homme  et  le  poisson,  n.  918. 

n)  Le  garçon  et  les  voleurs,  n.  918- 
919. 

o)  Le  jardinier  et  sa  femme,  n. 
919-920. 

p)  Le  marchand  et  les  voleurs, 
n.  920. 

q)  Le  renard,  le  lion  et  le  loup, 
n  921. 

a)  Le  berger  et  les  voleurs,  n, 
921-922. 

s)  Le  francolin  et  les  tortues, 
n.  924. 

Histoire  d'Abous'ir  et  d'Abouqir, 
n.  930-940. 


'Abdallah  de  terre  et 'Abdallah  de         'Abdallah  de    terre  et  'Abdallah 
mer,  n.  940-946.  de  mer,  n.  940-946. 

4.  Le  texte  de  ce  conte  a  été  publié 
avec  une  traduction  française  par  Richert  : 
Conte  d'Abousir  et  (VAboukir,  Alger,  1876, 
in-8. 


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REVUE   DES  TRADITIONS    POPULAIRES 


179 


HABICHT 
T.  X 


BEYROUT 
T.  V 

c)  Les  poissons  et  récrev'sse,  n. 
903. 

d)  Le  corbeau  et  le  serpeut,  n. 
903-904. 

e)  Le  renard  et  Tonagre,  n.  904- 
905. 

f)  Le  roi  et  le  dévot,  n.  905-906. 

g)  Le  faucon  et  les  corbeaux, 
n.  906. 

h)  Le  sorcier,  sa  femme  et  ses 
enfants,  n.  907. 

i)  L'araignée  et  le  vent,  n.  908. 

j)  Le  roi  juste  et  le  tyran,  n.  909- 
910. 

k)  L'aveugle  et  le  paralytique» 
n.  910. 

1)  Le  lion  et  le  chasseur,  n.  911. 

m)  L'homme  et  le  poisson,  n.918. 

n)  Le  garçon  et  tes  voleurs,  n.  918- 
919. 


Histoire  d'Abous'ir  et  d'Abouqir, 
n.  867-877. 

Le  tome  X  finit  avec  la  nuit  870. 
T.  XI 

'Abdallah  de  terre  et  'Abdallah 
de  mer,  n.  877-884. 


p]  Le  marchand  et  les  voleurs, 
n.  920. 

q)  Le  renard,  le  lion  et  le  loup, 
n.  921. 

tI  Le  berger  et  les  voleurs,  n. 
921-922. 

s)  Le  francoliu  et  les  tortues, 
n.  924. 

Histoire  d'Abous'ir  et  d'Abouqir, 
n.  930-940. 


'Abdallah  de  terre  et    'Abdallah 
de  mer,  n  940-946. 


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180  REVUE   DES   TRADITIONS    POPULAIRES 

LE  CAIRE  BOMBAY 

Haroun  er  Rachid  et  ErOmâni,         Haroun  er  Rachid  et  El'Omâni, 
D.  946-952.  n.  946-952. 


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REVCE    DES  TRADITIONS    POPULAIRES 


i8^ 


RABICHT 

Histoire  du  roi  Chadbakht  et  de 
son  vizir  Er  Rahouan,  n.  884-930. 

a)  Le  Khorassanien,  son  lîls  et  le 
maître  d'école,  n.  886. 

b)  Le  parfumeur  et  le  riche,  n. 
888-891. 

c)  Le  roi  connaisseur  de  bijoux, 
n.  891-892. 

d)  L'ouvrier  dont  le  cheïkh  épou- 
sa la  fille,  n.  892-893. 

e)  Le  sage  et  ses  trois  fils,  u.  893- 
894. 

f)  Le  roi  amoureux  d'un  portrait, 
n.  894-896. 

g)  Le  foulon,  sa  femme  et  le  sol- 
dat, n.  896. 

h)  Le  marchand,  la  vieille  et  le 
roi,  n.  897-898. 

i)  Le  sot  qui  s'impose  ce  qui  ne 
le  regarde  pas,  n.  898. 

j)  Le  roi  et  le  percepteur  de  la 
dlme,  n.  899. 

k)  Le  voleur  qui  fit  l'aumône,  n. 
899-901. 

1)  Les  trois  individus  et  Jésus,  n. 
901. 

m)  Le  roi  qui  recouvra  son  royau- 
me, n.  901-903. 

n)  L'homme  victime  de  sa  pré- 
caution, n.  903-904. 

o)  L'homme  qui  donna  sa  maison 
et  sa  nourriture  à  quelqu'un  qu'il  ne 
connaissait  pas,  n.  904-905. 

p)  Le  sot  qui  perdit  sa  fortuna  et 
sa  raison,  n.  905-906. 

T.  XI 

q)  Khiblis,  sa  femme  et  le  savant 
n.  906. 

r)  La  femme  vertueuse  injuste- 
ment accusée,  n.  907-909. 


BEYROUT 

Haroun  er  Rachid   et  El'Omâni, 
n.  946-952. 


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18â 


REVUE    DÈS   TRADITIONS    POPlTLAlRlSS 


LE  QAIRE 
T.  IV 


BOMBAY 
T-  V 


El  Khorassàai  et  El  Mo'tadhed,  n. 
959-963  *. 

Le  marchand  'Abder  Rah'man  et 
soD  fils  Qamar  ez  Zamàa,  n.  963- 
978  «. 


El  Khorassàai  et  El  Mo'tadhed^  n. 
959-963. 

Le  marchand  'Abder  Rah'man  et 
son  fils  Qamar  ez  Zamàn,  n.  763- 
978. 


1.  Ce  conte  a  été  publié  par  Rosegar- 
ten,  Chrestomatia  arabica,  Leipzig,  1828, 
in-8,  p.  1t21. 

2.  Le  texte  a  été  publié  au  Qaire  1299, 
hég.  in-8. 


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REVUE  DES  TRADITIONS    POPULâIRBS 


483 


HABICHT 
T,XI 

s)  Le  mercenaire  et  la  femme 
dont  il  fendit  le  venlre,  n.  909. 

t)  Le  médecin  malgré  lui,  n.  909- 
911. 

u)  Les  deux  filous  qui  se  trompè- 
rent mutuellement,  n.  911-916. 

v).  Le  faucon  et  la  cigale,  n.  916- 
917. 

w)  Le  roi  et  la  femme  du  cham- 
bellan, n.  917. 

x)  La  vieille  et  la  femme  du  fau- 
connier, n.  917-918. 

y]  La  belle  femme  mariée  à  un 
homme  laid,  n.  918-919. 

z]  Le  roi  qui  perdit  tout  et  recou- 
vra tout,  n.  919-922- 

aa)  Le  jeune  homme  du  Khoras- 
sàn,  sa  mère  et  sa  sœur,  n.  922- 
928. 

bb)  Le  roi  de  Tlnde  et  son  vizir 
envié,  n.  928-929. 

Histoire  du  roi  Rokn  eddin  Beï- 
barSj  Bondoqdar  et  les  seize  séan- 
ces, n.  929-940. 

Haroun  er  Rachid  et  Tohfat  el 
Qoloub,  n.  940-957. 

Le  tome  XI  finit  avec  la  nuit  951. 


BEYROUT 
T.  rv 


T.  xn 


Aboul  H'asan  de  Damas  et  son  fils 
Nour  eddin  Ali,  n.  958-965. 


ElKhorassàni  et  El  Mo'tadhed,  n. 
959-963. 

Le  marchand  Abder  Rah'man  et 
son  fils  Qamar  ez  Zamàn,  n.  963- 
978. 


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184  REVDÊ    DES  TRADITIONS  POPULAIRES 

LE  QAIKB  BOMBAY 

Tome  IV  Tome .  IV 


Histoire    de   'Abdallah    ben    El         Histoire    de    'Abdallah     ben  El 
Fadhel,  d.  978-989.  Fadhel,  n.  978-989. 


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REVUE  DES  TRADITIONS  POPULAIRES 


183 


HABÏCHT 
TomeXn 

La  lille  du  roi  0ns  ben  Qaïs  et  le 
fils  du  roi  EFAbbâs,  n.  965-978. 


Le  roi,  son  fils  et  les  sept  vizirs, 
n.  978-iOOi. 

a)  Le  roi  et  la  femme  du  vizir,  n. 
980-981. 

bj  Le  marchand,  sa  femme  et  le 
perroquet,  n.  981-982. 

c)  Le  foulon  et  son  fils,  n.  982. 

d)  Le  libertin  et  la  femme,  n. 
982-984. 

e)  Les  deux  pains,  n.  984. 

f)  L'écuyer  et  la  jeune  femme,  n. 
984-985. 

g)  La  jeune  fille,  le  prince  et  le 
vizir,  n.  985. 

h)  La  goutte  de  miel,  n.  986. 
ij  Le  dirhem  perdu,  n.  986. 
j)  Le  prince  et  le  vizir,  n.  986- 
988. 
k)  Le  baigneur,  n.  988-989. 
1)  Le  séducteur  et  la  femme,  n. 


m)  L'orfèvre  et  la  chanteuse,  n. 
989-991. 

n)  L'homme  qui  a  cessé  de  rire, 
n.  991-993. 

o)  Le  prince  et  la  femme  du  mar- 
chand, n.  993. 

p)  Les  souhaits  de  la  nuit  d*Ël- 
qadr,  n.  993-994. 

q)  La  pie  voleuse,  n.  994. 

r)  La  princesse  et  la  fille  du  roi, 
n.  994-995. 

s)  La  vieille  et  le  fils  du  mar- 
chand, n.  995-998. 

t)  Le  marchand  et  ses  hôtes,  n. 
998. 


BEYROUT 
Tome  V 


Histoire    de  'Abdallah     ben 
Fadhel,  n.  978-989. 


El 


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186  Revue  des  traditions  populaires 

LE  Q\IRE  BOMBAY 

T.  IV  T.  IV 


Le  savetier  Ma'rouf,  n.  989-1000.         Le  savelîer  MaVouf,  n.  989-1000. 


Conclusion  des  Mille  et  une  Nuits»,         Conclusion  des  Mflle  et  une  nuits, 
n.  1001.  n.  1001. 

1.    Ben    Sedira,    Cours   de   littérature 
arabe ^  n»  156^  p.  200. 


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REVCJÊ    DES   TRADITIONS    POPULAIRES 


187 


HABICHT 
T.  xn 

u)  Le  vieil  aveugle,  n.  998. 

y)  L'enfant  de  trois  ans,  n.  998- 
999. 

x)  L'enfant  de  cinq  ans,  n.  999- 
iOÛO. 

y)  Le  renard  qui  fait  le  mort,  n . 
1000. 

Les  deux  rois,  leurs  deux  femmes 
et  les  deux  fils  du  vizir,  n.  1001. 

Aventure  d'un  Khalife,  n.  1001. 

Aventure  d'El  Mamoun,  n.  1001. 

Conclusion  des  Mille  et  une  nuits, 
n.  1001. 


BEYROUT 
T.  V 


Le  savetier  Ma'rouf,  n.  989-1000. 


Conclusion  des  Mille  et  une  nuits, 
n.lOOl. 


René  Basset. 


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488  REVUE    DES   TRADITIONS    POPULAIRES 


LES  MÉTIERS  ET  LES  PROFESSIONS 


LXXII 

CRIMES  PROFESSIONNELS 

Pâtissiers^  charcutiers  et  aubergistes  assassins 


^^^^-^  ES  légendes  de  pays  divers  accusent  des  aubergistes  d'assas- 


siner les  voyageurs  pour  s'emparer  de  leurs  dépouilles.  Le 
CJI^  crime  est  ordinairement  puni  par  la  victime  qui  hante  le  lieu 
où  elle  a  succombé,  et  dénonce  les  coupables  à  quelque 
voyageur  plus  hardi  que  les  autres,  qui  n*a  pas  craint  de  cou- 
cher dans  la  chambre  hantée  ;  les  annales  judiciaires  montrent 
d'ailleurs  que  ces  assassinats,  assez  fréquents  autrefois,  surtout  dans 
les  auberges  isolées,  se  sont  encore  produits  de  nos  jours. 

La  complainte  de  saint  Nicolas  et  des  trois  petits  enfants  mis  au 
saloir  conserve  le  souvenir  de  l'époque  où  Ton  assurait  que  certains 
bouchers  mettaient  en  vente  de  la  chair  humaine.  A  Paris  même, 
une  maison  de  la  rue  des  Marmouzels,  avait  été  démolie,  disait-on, 
à  la  suite  d'une  série  de  crimes  de  ce  genre  ;  j'ai  rapporté  dans  mes 
Légendes  et  curiosités  des  métiers,  (les  Pâtissiers)  les  diverses  ver- 
sions qui  couraient  à  son  sujet  ;  Tune  d'elles  où  un  barbier  coupe  le 
cou  à  ses  clients  et  livre  ensuite  leurs  cadavres  à  un  pâtissier  dont 
la  cave  est  contiguë  à  la  sienne,  ressemble  par  certains  côtés  à  la 
légende  liégeoise  qu'on  trouvera  ci-après;  il  est  possible  que  celle-ci 
soit  tronquée,  et  qu'on  ait  raconté  autrefois  que  ce  barbier-auber- 
giste servait  à  ses  hôtes  la  chair  des  voyageurs. 

On  reprochait  jadis  aux  charcutiers  bien  des  méfaits  profes 
sionnels  ;  on  allait  même  jusqu'à  les  accuser  de  mélanger  de  la  chair 
humaine  à  la  viande  de  porc.  Une  satire  du  temps,  dit  M.  Henri 
Bouchot,  montre  un  gai  convive  soulevant  son  bonnet  devant  un 
plat  de  charcuterie,  et  récitant  dévotement  un  Requiem  en  Thonneur 
du  chrétien  qui  pouvait  dormir  là  son  dernier  sommeil.  Une  con- 
damnation célèbre  avait  répandu  dans  le  peuple  cette  croyance 
monstrueuse  que  des  charcutiers  faisaient  cuire  des  petits  enfants 
volés  à  leurs  mères.  [Histoire  anecdoiique  des  métiers  avant  la  Hévo- 


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RKVDE   DES  TBADITIONS  POPULAIRES  489 

lution  p.  60).  Je  ne  connais  pas  ]e  procès  auquel  il  est  fait  allusion  ; 
mais  on  racontait  naguère  dans  le  quartier  Saint-Sulpice,  qu*un 
charcutier  avait  jadis  égorgé  de  petits  enfants,  et  qu'une  femme, 
trouvant  un  petit  doigt  dans  une  saucisse,  avertit  la  justice  qui 
arrêta  le  coupable.  Peut-être  ce  récit  se  rattache-t-il  au  procès  dont 
parle  M.  Henri  Bouchot.  Un  de  mes  amis  m'a  dit  avoir  vu  autrefois 
une  image  qui  représentait  le  charcutier  en  train  d'égorger  un 
enfant.  Sans  doute  quelques-uns  de  nos  lecteurs  pourront  nous 
renseigner  à  ce  sujet  et  nous  citer  des  variantes  des  divers  récits  où 
figurent  bouchers,  pâtissiers  ou  charcutiers  ayant  vendu  la  chair  des 
victimes  qu'ils  avaient  égorgées. 

P.  S. 


Le  barbier  assassin 

LÉOENDE   LIÉOBOISB 

Aux  confins  des  communes  de  Jalhay  (prov.  de  Liège)  et  de 
Membach  s'élevait  la  «  Petershaus  »,  traduction  du  vallon  Mohôn 
Piette,  maison  de  Pierre.  —  Aujourd'hui  il  n'y  a  plus  là  traces 
d'habitation. 

D'après  la  légende,  le  maître  de  l'établissement  —  un  cabaret  — 
faisait  l'office  de  barbier,  et  égorgeait  les  voyageurs  au  lieu  de  se 
contenter  de  les  raser. 

Un  certain  jour,  un  cavalier  entra  chez  lui  laissant  sa  monture 
à  la  porte;  à  un  moment  où  le  rasoir  s'apprêtait  à  faire  une 
nouvelle  victime,  l'enfant  du  barbier  —  un  enfant  terrible  comme 
il  s'en  rencontre  partout  —  ne  put  s'empêcher  de  s'écrier: 

—  Fré-v'  co  fé  on  si  laid  visedge  à  civolà  qu'à  l'autre  ? 

«  Allez-vous  faire  encore  un  si  laid  visage  à  celui-ci  qu'à  l'au- 
tre? » 

Cet  autre  n'eut  pas  de  successeur:  le  nouveau  venu,  bon  enten- 
deur, trouva  son  salut  en  prétextant  des  coliques  de  son  cheval,  et 
en  laissant  à  Tintérieur,  pour  ne  pas  éveiller  les  soupçons,  cravate 
et  chapeau.  Il  promena  son  cheval  en  tous  sens,  pendant  que 
les  gens  de  la  maison  l'examinaient  du  seuil  :  soudain  sautant  en 
selle,  il  descendit  la  Fagne... 

Des  coups  de  fusil  tirés  sur  lui  ne  l'atteignirent  pas  et  il  alla 
dénoncer  le  fait  aux  autorités  de  Jalhay  qui  trouvèrent  l'enfant  révé- 
lateur à  moitié  carbonisé  dans  un  four,  ainsi  que  des  cadavres  et 
des  ossements. 


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190  REVUE    DES   TRADITIONS  POPULAIRES 

Le  procès  des  habitants  de  la  chaumière  ne  fut  pas  long,  un  brin 
de  chanvre  les  débarrassa  bientôt  des  soucis  de  Texistence. 

Le  voyageur  égaré  qui  s'aventurerait  le  soir  dans  ces  parages, 
entendrait  bientôt  des  gémissements  et  pour  peu  qu'il  ne  hàtàt  point 
pas,  il  se  verrait  poursuivi  par  un  fantôme  blanc,  armé  d'un  énorme 
rasoir.  Aussi  cet  endroit  est-il  Tobjet  d'une  terreur  universelle. 

Alfred  Harou 

LXXIll 

MÉTIERS  DE  FORCE  EXERCÉS  PAR  DES  FEMMES 

Les  Bo  ter  esses 

Liège  a  été  surnommée  avec  raison  Tenfer  des  femmes,  car.  dans 
peu  de  pays  les  femmes  travaillent  autant  que  dans  cette  ville. 

La  Boteresse  est  une  femme  de  peine,  rude  à  la  besogne^  d'un  cœur 
excellent,  mais  assez  peu  retenue  dans  ses  expressions. 

On  l'emploie  à  confectionner  les  <c  plaquis  »  *,  dans  les  rues  et  les 
«  hoché  »  (mélange  de  charbon  et  de  glaise,  façonné  dans  un  moule 
et  ayant  la  forme  d'une  brique)  dans  les  caves  ou  dans  les  cours  des 
habitations. 

Aux  environs  de  la  ville,  la  Boteresse  porte  la  hotte  et  s'en  sert  à 
différents  usages.  Dans  les  endroits  très  montagneux,  où  la  brouette 
et  le  chariot  auraient  peine  à  atteindre^  c'est  à  la  hotte  de  la  boteresse 
qu'on  a  recours  pour  porter  les  engrais. 

X  (suite) 

COMMENCEMENT  ET  FIN  d'uN  OUVRAGE 

Avant  de  commencer  un  ouvrage  quelconque,  les  ouvriers  des 
environs  de  Liège  disent:  «  Allons,  houtans  icougnèye;  »  ce  qui 
pourrait  se  traduire  librement  en  français  :  Prenons  la  cognée,  met- 
tons la  cognée  à  l'arbre. 

Les  ouvriers,  lorsqu'ils  ont  dépensé  de  grands  efforts  physiques 
dans  un  travail^  disent  à  la  fin,  comme  cri  de  joie  :  «  c^est  d'à  nosse  » 
(c'est  à  nous).  Ils  prononcent  ces  mots  lorsque  l'ouvrage  s'est 
terminé  heureusement. 

1.  Chaque  habitant,  à  Litige  et  a  Namur,  fait  confectionner  son  «  plaqui$  », 
^élange  de  charbon,  d'eau  et  de  glaise)  devant  9a  demeure,  dans  la  rue.  Les 
Boieresses^  les  mains  sur  les  hanche?,  piétinent  cette  p&le  jusqu'à  ce  que  le  mé- 
lange se  soit  bien  opéré. 


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REVUE   DES  TBADITIONS    POPULAIRES  191 

XI 
MÉTIERS    PARIAS   {suile) 

Fripiers 

A  Liège,  derrière  l'Eglise  S'-Aiitoine,  autrefois  des  Mineursy  il  y  a 
une  rangée  d'échoppes.  C'est  le  quartier  général  des  fripiers. 

Lorsqu'on  veut  dire  de  quelqu'un  qu'il  a  une  existence  probléma- 
tique, on  dit  qu'il  vend  des  chats  borgnes,  derrière  les  Mineurs. 

XXI  {suite) 

CRITERIUM  DE  CAPACITÉ  PROFESSIONNELLE 

Armuriers 

Voici  un  dicton  très  répandu  parmi  les  armuriers  de  Liège  : 

I  n'y  a  nolle  armuri 
Qui  k'nohe  tôt  Tmesti. 

a  II  n'y  a  aucun  armurier  qui  connaisse  tout  le  métier  ». 

Cela  tient  à  l'extrême  division  du  travail  des  armuriers,  qui  fait 
que  les  ouvriers  ont  chacun  une  spécialité  et  ne  s'occupent  que  de 
telle  ou  telle  pièce  et  non  de  toutes. 

{BulL  soc,  liég.  de  litt.  Wall.  2'  série  XIX,  p.  220). 

LXXI  (suite) 

LES     MARCHANDS 

Formules  à  employer  pour  recevoir  gratis 

Quand  on  implore  un  négociant  ou  un  pharmacien  avec  cette  formule  : 

A  r honneur  de  Dieu  et  de   la  Vierge  »  il   doit  livrer  gratuitement 

l'objet  demandé  qui,   sans  cela,  n'opérerait  pas.  On  lui   demande 

parexemple  du  iai^d  (pour  le  mal  de  gorge),  du  levain  (entre  dans  la 

composition  de  remèdes  contre  la  fièvre  lente),  etc. 

{Bull.  Soc.  Li(^g.  de  litt.  wall.  g''  série,  t.  16.  p.  108). 

Alfred  Harou. 


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192  REVUE   DES   TRADITIONS    POPULAIRES 

LXI  (suite) 

CRTS   DES   RUES 

Paris 

Le  Marchand  de  dessus  de  fers  à  repasser 

C'est  moi  qui  Tai  faite  (sic), 
C'est  moi  qui  les  vends. 
C*est  ma  p'tit  femme  qui  boulotte  la  galette. 
C'est  pas  la  peine  de  s'en  passer 
On  peut  bien  boire  un  demi-s'tier. 

C'est  moi  qui  les  fait, 
C'est  moi  qui  les  vends. 
C'est  ma  p'tite  femme  qui  boulotte  le  poignon. 

(Marchand  de  menus  objets).  —  Les  rais,  les  rats  de  cave  deux  sous, 
la  mine  de  plomb,  le  s'on  (savon)  minéral,  deux  sous,  les  rats  de  cave  ! 

(Marchand  de  portefeuilles,  Boulevard  Saint-Michel).  —  La  ser- 
viette, un  franc,  les  jolies  serviettes  ! 

Paul-Yves  Sébillot. 


Paris-Montrouge 

—  V'Ià  le  marchand  d'gras  double;  j'ai  des  pieds  de  veau,  de  la 
tête  de  veau  toute  cuite  ! 

—  Du  lait  pur,  six  sous  un  litre  ! 

—  Le  marchand  de  poires  cuites  au  four. 
Est  là  autour,  tout  àl  'entour. 

—  Des  plats,  des  jolis  plats  !  carrés  longs  et  ovales  î 

—  Cop  !  cop!  copeaux  de  chêne  ! 

—  Marchand  d'habits!  chiffons!  ferraille  à  vendre! 

—  Faut-il  du  cirage  à  deux  sous  la  boîte! 

—  J'ai  des  aiguilles,  du  fil,  du  coton,  de  la  laine,  des  lacets 

—  Voilà  l'marchand  dlunettes  ! 

—  Treize  sous  les  foulards  î 

—  Faut-il  des  bonnets  de  coton! 

P.  T. 


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JVEVUE   DES   TRADITIONS   POPULAIRES  193 


Le  marchand  de  berlingot  de  Strasbourg 

(i  A  deux  liards  le  berlingot.  Il  n'y  arien  au-dessus  pour  le  rhume, 
Testomac,  la  poitrine  !  » 

Telles  sont  les  paroles  qui  retentissaient  dans  les  rues  de  Stras- 
bourg entre  1838  et  1848  et  qui  étaient  lancées  par  la  voix  grasse- 
yante d'un  grand  homme  k  l'air  paterne  et  respectable.  Si  Ton  en 
croit  un  biographe,  Mathieu-Jérôme  Xavier  Dieudonné  naquit  au  châ- 
teau de  Berlingot  en  Bretagne,  fils  de  Dieudonné  marquis  de  Berlin- 
got, issu  d'unedes  familles  les  plus  anciennes  de  France.  Dèsson  bas 
âge,  Jérôme  annonçait  les  plus  heureuses  dispositions...  à  ne  rien 
faire.  Il  se  décida  un  beau  matin  à  quitter  la  maison  paternelle  et 
suivit  la  route  de  Paris  où  il  arriva  aussi  raddé  qu'avant.  S'étanl 
arrêté  devant  un  magasin  de  sucreries,  il  y  entra  et  demanda  au 
propriétaire  de  l'admettre  en  condition  chez  lui.  Bientôt  on  fut  d'ac- 
cord et  dès  le  lendemain  le  jeune  marquis  fut  installé  au  milieu  des 
biscuits  et  des  croquants. 

Au  bout  de  trois  ans  son  maître  lui  offrit  la  main  de  sa  fille  et  son 
magasin  parfaitement  achalandé,  Berlingot  accepta  l'un  et  l'autre, 
mais  au  milieu  de  ses  occupations  une  pensée  l'obsédait. 

Ne  serail-il  pas  possible,  se  disait-il  sans  cesse,  de  fabriquer  une 
papillote  bonne  contre  toutes  les  maladies  et  dont  la  douceur  cache- 
rait les  vertus  médicinales?  La  trouvaille  fut  faite  et  reçut  le  nom 
de  Berlingot.  Mais  tout  entier  à  sa  découverte,  le  marquis  avait 
déserté  son  magasin  et  lavait  abandonné  à  des  serviteurs  infidèles 
qui  s'enrichirent  à  ses  dépens.  La  ruine  vint,  le  marquis  résolut 
(ilors  de  quitter  la  capitale  et  de  s'établir  dans  une  ville  de  province, 
il  choisit  Nancy  où  il  arriva  en  1832,  mais  il  n'y  fut  guère  plus 
heureux  qu'à  Paris.  En  1835  il  échoua  à  Strasbourg  et  alors  on  vit 
un  vifMllard,  allant  comme  les  saints  apôtres  de  ville  en  ville,  et 
montrant  d'une  voix  haute  et  sonore  les  merveilleuses  vertus  du 
berlingol,  à  deux  liards,  rien  au-dessus  pour  le  rhume,  l'estomac 
la  poitrine. 

P.  RiSTELHUBER. 

Rouen 

MARCHAND    DE    GUIMAUVE 

Un  nommé  Ambroise  Selmis,  qui  était  une  des  physionomies  popu- 
laires de  Rouen,  est  mort  cette  année. 
Tout  le  monde  connaissait  à  Rouen  ce  petit  bonhomme,  marchand 

TOMK  XI.   —  MARS-AVRIL   1896.  i3 


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194  BEVUE    DES  TRADITIONS    POPULAIRES 

de  guimauve,  qui,  chaussé  de  belles  bottes  à  récuyère,  le  chef  orné 
d'une  calotte  enrubannée,  sa  boite  en  cuivre  toujours  brillante, 
remplie  de  bâtons  de  guimauve^  parcourait  les  rues  en  chantant 
d'une  voix  retentissante  les  couplets  suivants,  dont  les  rîmes,  sans 
être  riches,  étaient  souvent  bizarres. 

Voici,  du  reste,  certains  couplets  que  les  Rouennais  ont  maintes 
fois  entendus  : 

La  dame  d'en  haut, 
La  dame  d'en  bas, 
Venez  avec  vos  assiettes  et  vos  plats, 
Et  le  marchand  vous  servira 
La  gui,  gui,  la  gui,  gui,  la  guimauve; 
Accourez  tous,  petits  et  grands. 
De  la  guimau/e  en  voilà  le  marchand. 
Au  chocolat, 
Pour  les  avocats. 
A  la  liqueur, 
Pour  les  imprlmeu  rs. 

A  la  vanille, 
Pour  les  jolies  Ûlles. 

Au  citron. 
Pour  les  garçons. 

A  la  chartreuse, 
Pour  les  blanchisseuses. 

A  la  gomme. 
Pour  les  petites  bonnes. 
Voilà  la  gui  gui,  la  guimauve  I 
De  la  guimauve  en  voilà  le  marchand  ! 
Bon  pour  le  rhume, 
Bon  pour  la  toux. 

P&te  de  guimauve 
Qui  guérit  tout  ! 
A  la  réglisse, 
Pour  les  nourrices. 

Au  chocolat, 
Pour  combattre  Tinfluenza  ! 


Réveil  de  Cherbourg^  février  1896. 


Loudéac 


Eugène  Vimont. 


Au  temps  des  semailles,  un  marchand  criait  par  les  rues  : 

t  A  la  graine  de  choux  et  de  uaviaux  (navets).  Qu'en  veut  parla!  » 


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REVUE   DBS  TRAOITIO.NS    POPULAIRES  195 

Saint'BHenc 

Un  marchand  de  pâte  de  guimauve  chantait  : 

A  la  p&te  de  guimauve  ! 
J)eux  sous  le  bàtoo, 
La  faridondaioe, 
La  faridoodon. 
En  voilà  pour  les  papas, 
A  la  menthe  pour  les  mamans. 
K.  la  vanille  pour  les  jeunes  filles, 
Au  citron  pour  les  garçons 
Contentez-les  donc. 

Un  marchand  de  chiffons  et  de  peaux  de  lapins  criait  : 
•  Ty  a  pas  d'pîaux  à  vendre  par  là!  Piaux  de  lièv'es,  piaux  de 
lapins,  et  de  tout  ce  qui  s'écorche  I  » 

M"*  Louis  Texier. 

Belgique  wallonne 

A  la  fête  de  Sainte  Balbine,  à  Liège,  les  marchands  de  petits  pains, 
crient: 

«  Haie  !  mes  bais  pissants  toriai  !  » 

Ce  qui  signiûe  :  «  Allons  mes  beaux  appétissants  tourteaux  !  » 
(Bovy,  t.  I,  p.  71-73). 

Jadis  vers  la  Sainte-Anne,  les  Ardennais  venaient  crier  dans  les 
rues  de  Vervi'^rs  (province  de  Liège  :  «  A  deux  cent  et  (Tmeye  les 
galets  d^Aywaille  »  (à  deux  censés  et  demi  les  galettes  d*Aywaille 
(village  du  Luxembourg). 

La  galette  a  la  forme  carrée  ou  arrondie,  elle  se  fait  avec  de  la 
pâte.  On  inserre  entre  les  couches  de  pÀte  soit  des  cerises,  soit  des 
prunes^  soit  diverses  confitures. 

Il  y  a  une  cinquantaine  d'années,  un  marchand  d'oubliés  (pâtisse- 
rie fort  mince)  établi  à  Liège  et  d'origine  française,  vendait  sa 
marchandise  dans  les  rues,  aux  cris  de  : 

€  Et  rvoilà  Tmarchand  d'oubliés  !  V'ià  Tmarchand  déplaisir,  mes- 
«  dames  I  Ils  sont  tout  chauds  et  tout  croquants,  achetez-les  moi,  je 
ff  vous  les  vends.  Voilà  les  oublies  à  une  censé  la  pièce  !  » 

C'est  de  cet  industriel  que  procèdent  les  boulangers  Liégeois 
quand  ils  disent  des  pains  :  «  Ils  sont  tout  chauds,  tout  croquants, 
ils  sortent  du  four  du  marchand  ». 

(Bull,  soc.  liég.  de  litt.  wall.  t.  21,  p.  277). 

Alfred  Harov. 


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196  REVUE   DES  TKADlTlOiNS  POPULAIRES. 


LA  CHANSON  DE  RENAUD* 


II 

o.\  étude  sur  la  chanson  de  Renaud  était  sous  presse 
quand,  dépouillant  les  «  Nyare  Bidwg  iill  Kœnnedom  om 
(^  de  Svenska  Landsmaalen  ock  sveyiskt  folklif  »,  j*y  trouvai 
(Année  1894,  B.  52*  fasc,  p.  369),  la  chanson  suivante,  qui 
semble  être  tout  à  l'appui  de   mon  hypothèse  :  que  c'est 

d'un  fait  réel  et  purement  humain   qu'est  née   l'aventure   du   roi 

Renaud. 

Qu'on  en  juge  : 

a  Ebbe  fit  un  rôve  la  nuit,  dans  le  lit  où  il  était  couché;  et,  le 
lendemain  matin  à  son  réveil,  il  le  raconta  à  sa  mère. 

—  A  tort  et  par  grande  fausseté,  ils  ont  pris  la  vie  à  Ebbe  ! 

«  Il  m'a  semblé  que  mon  manteau  bleu  était  devenu  noir,  cl  les 
oiseaux  qui  étaient  au  bois,  tous,  ils  me  disaient  bonne  nuit. 

—  A  tort  et  par  grande  fausseté,  ils  ont  pris  la  vie  à  Ebbe  ! 

«  —  Ne  va  pas  au  bois  des  roses  chasser  les  bétes  ni  la  biche  ! 
Reste  plutôt  k  la  maison  à  causer  avec  ta  fiancée.  » 

—  A  tort  et  par  grande  fausseté,  ils  ont  pris  la  vie  à  Ebbe  ! 

Mais  Ebbe  jugeant  indigne  d'un  chevalier  de  s'inquiéter  de  vains 
rêves,  monte  sur  son  cheval  rouge  et,  malgré  les  avertissements 
de  sa  mère,  le  voilà  parti. 

A  peine  arrivé  au  bois,  il  y  fait  la  rencontre  de  son  meurtrier. 

«  Où  est  ton  faucon,  o(i  est  ton  chien?  Où  sont  tes  hardis  compa- 
gnons? Comment  chevauches-tu  tout  seul  par  la  lande  verte? 

—  A  tort  et  par  graade  fausseté,  ils  ont  pris  la  vie  à  Ebbe  ! 

«  —  Mon  chien  est  au  bois  des  roses,  à  chasser  les  animaux  sau- 
vages et  les  chevreuils  ;  et  quelques-uns  de  mes  compagnons  sont 
sur  la  mer  salée  et  fendent  les  flots  bleus. 

—  A  tort  et  par  grande  fausseté,  ils  ont  pris  la  vie  à  Ebbe. 

«  —  Mon  chien  est  au  bois  des  roses  à  chasser  les  animaux  sau- 
vages et  les  biches,  et  quelques-uns  de  mes  compagnons  sont  à  la 
maison  qui  veillent  sur  ma  fiancée. 

1.  Cf.  t.  XI,  p.  66. 


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REVUE  DES  TRADITIONS  POPILAlRÉS  i  97 

—  A  tort  et  par  grande  fausseté,  ils  ont  pris  la  yîe  à  Ebbe.  » 

Avec  la  lance,  avec  Tépée  ils  Tassaillent  et  retendent  bientôt 
mort  sur  le  sol. 

«  Ils  ramassèrent  les  vêtements  d'Ebbe,  ils  étaient  si  lourds  de 
sang  I  Et  puis,  ils  laissèrent  son  bon  cheval  courir  tout  à  travers  la 
verte  forêt. 

—  A  tort  et  par  grande  fausseté,  ils  ont  pris  la  vie  à  Ebbe. 

«  Le  cheval  s'encourut  à  récurie  où  il  avait  l'habitude  ;  et  dehors 
se  tient  la  mère  d*Ebbe,  et  elle  Taperçoil. 

—  A  tort  et  par  grande  fausseté,  ils  ont  pris  la  vie  à  Ebbe. 

«  Malheur  à  celui  qui  t'a  dessellé  I  Que  Dieu'ait  pitié  de  celui  que 
tu  portais  !  Que  Dieu  sauve  ton  àme,  Ebbe  Tyckeson,  toi,  qui  étais 
un  si  hardi  compagnon  I 

—  A  tort  et  par  grande  fausseté,  ils  ont  pris  la  vie  à  Ebbe. 

t  C'était  la  mère  d'Ebbe.  Elle  était  habillée  de  brocart  et  de  peau 
d'hermine  ;  elle  monte  dans  la  chambre  à  coucher,  trouver  belle 
Adeline. 

—  A  tort  et  par  grande  fausseté,  ils  ont  pris  la  vie  à  Ebbe.  » 

D'abord  elle  cherche  à  la  préparer  à  la  terrible  nouvelle.  Mais 
Adeline,  dont  les  joues  ont  soudain  pâli,  veut,  sans  plus  tarder, 
savoir  la  vérité. 

a  Que  répondit  la  mère  d'Ebbe  —  les  larmes  lui  coulaient  sur  les 
joues  —  :  C'est  Ebbe  Skemmelson,  le  fîlsbien-aimé  de  ma  sœur!  » 

—  A  tort  et  par  grande  fausseté^  ils  ont  pris  la  vie  à  Ebbe  ! 

u  Les  uns  creusèrent  la  fosse;  les  autres  allumèrent  les  flam- 
beaux, et  fière  Adeline  était  assise  et  tant  elle  pleurait  Ebbe  ! 

—  A  tort  et  par  grande  fausseté,  ils  ont  pris  la  vie  à  Ebbe  I 

«  Malheur  à  toi,  Ebbe  Tyckeson,  qui  devais  revenir  à  la  maison  ! 
Ta  mère  vient  d'avoir  un  si  grand  chagrin^  à  cause  du  filsbien-aimé 
de  sa  sœur. 

—  A  tort  et  par  grande  fausseté,  ils  ont  pris  la  vie  à  Ebbe. 

«  Que  répondit  la  mère  d'Ebbe  —  elles  larmes  lui  coulaient  sur 
les  joues  — :  Lève-toi,  fière  Adeline,  et  reconnais  ton  fiancé  !  » 

—  A  tort  et  par  grande  fausseté,  ils  ont  pris  la  vie  à  Ebbe  I 

Le  lendemain  matin  il  y  avait  trois  cadavres  dans  la  maison 
d'Ebbe. 

«  L'un  était  Ebbe  Tyckeson  et  l'autre  sa  mère  ;  le  troisième  étai 
sa  fiancée:  de  chagrin  elles  étaient  mortes. 

—  A  tort  et  par  grande  fausseté,  ils  ont  pris  la  vie  à  Ebbe! 


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198  REVUE  DES  TRADITIONS   POPULAIRES 

Ce  sujet  est  évidemmeat  celui  de  la  chanson  de  Renaud  et  de  la 
«  vise  »  d*01af  ;  les  moments  principaux  en  sont  les  mêmes  :  pres- 
sentiment de  ta  mère  qui  ne  veut  pas  laisser  partir  son  fils  ;  ren- 
contre au  bois  de  qui  lui  donne  le  coup  mortel  ;  retour  du  cheval 
avec  ou  sans  son  maître  —  on  peut  croire  que  les  meurtriers  ont 
chargé  sur  le  dos  du  cheval  le  corps  ensanglanté  d^Ebbe  ;  désespoir 
de  sa  mère  à  qui  incombe  la  dure  mission  d'informer  la  fiancée  du 
malheur  qui  les  frappe  ;  précautions  prises  pour  annoncer  cette 
nouvelle  ;  le  dénoûment,  enfin  :  trois  cadavres. 

Or.  cette  chanson  se  trouve  dans  un  recueil  appartenant  à  dame 
Barbro  Margrelka  Baner,  et  qui  remonte  au  milieu  du  XVII*  siècle. 

A  cette  époque  donc  il  y  avait  dans  les  pays  Scandinaves  une  ver- 
sion de  la  chanson  d*Olaf  où  manquait  tout  l'élément  mystérieux. 
Est-ce  Tœuvrede  quelque  rationaliste  qui,  sur  un  thème  populaire, 
a  refondu  un  sujet  nouveau,  en  éliminant  les  parties  superstitieuses? 
il  y  a  trop  de  détails  différents  pour  qu'on  le  puisse  supposer;  et 
rien,  en  somme,  ne  semble  indiquer  qu'il  y  ait  eu  traduction  libre, 
ni  même  imitation.  Pourquoi  cela  ne  pourrait-il  pas  être  plus  tôt 
encore  la  souche  primitive,  du  moins  le  rejeton  le  plus  direct  qui 
en  soit  sorti  ? 

En  tous  les  cas,  même  dans  la  première  hypothèse,  il  serait 
curieux  qu'au  XVII*  siècle,  déjà,  on  eût  songé  à  Torigine  purement 
humaine  et  vécue  d'une  aventure  aussi  mêlée  de  fantaisie  que  celle 
d'Olaf  :  et  cela  seul  prouverait  en  faveur  de  ma  théorie. 

Léon  Pineau. 


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BEVCE  DES   THADITIONS  POPULAIRES  199 


LES  EMPREINTES  MERVEILLEUSES 


ex 

LE  SABOT  d'eL  MÂCOHOUR 

ans  le  pays  de  Madian,  à  Tendroit  appelé  Mah'atlat  el  H'isan 
(la  station  de  V étalon),  on  aperçoit  sur  des  rochers  des 
empreintes  assez  semblables  à  celles  des  sabots  d'un  chçval 
ce  serait  celles  d'un  célèbre  étalon  qui  aurait  vécu  avant 
l'islamisme '. 

CXI 

LES  ÉPERONS  DE   SIDI  ABDALLAH 

Sidi  *Abd  Allah  ben  Djàfer  est  encore  de  nos  jours  le  héros  des 
traditions  populaires  de  TEst  de  TAlgérie,  relatives  à  la  conquête 
arabe  '.  Dans  TAouras  on  montre  encore  sur  un  rocher  la  trace  des 
éperons  de  Sidi  Abdallah^. 

CXII 

LE  PIED  DE  JÉSUS-CHRIST 

Kn  descendant  de  la  porte  du  Temple,  murée  par  les  Turks,  dans 
la  vallée  de  Josaphat  «  on  trouve  au  fond  de  la  vallée  une  grande 
pierre  fort  dure,  sur  laquelle  on  voit  plusieurs  marques  que  Ton  peut 
prendre  pour  des  empreintes  de  pieds.  Les  Moines  disent  que  ce 
sont  celles  des  pieds  de  notre  bienheureux  Sauveur,  lorsqu'après 
avoir  été  arrêté,  il  fut  entraîné  au  Tribunal  de  ses  persécuteurs 
sanguinaires  »  ^. 


1.  Suite,  Toir  t.  X,  p.  669. 

2.  Burtoo,  The  land  of  Midian  revuited,  Londre»,  1879,  2  v.  in-8,  t.  Il,  p.  54. 

3.  Cf.  dans  mes  Contes  populaires   berbères  (Paris,  1887,  in-18,  jés.  n.  XXI II, 
Conquête  de  Conslantine  par  les  Arabes,  p.  46-47. 

4.  Masqiieray,  Voyage  dans  VAouras,  Bulletin  de  la  société  de  Géographie  de 
Pfiris,  juillet,  1876,  p.  43. 

5.  Alaundrell,  Voyage  d'Alep  à  Jérusalem^  Utrecbt,  1705,  in-12,  p.  73. 


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âOO  REVUE    DES   TRADITIONS  POPrr.AlRlîS 

CXIII 
LA  PIERRE  DE  STOLZENHAGEN 

Près  du  lac  de  Wandelitz,  sur  le  territoire  de  StolzeohageD,  dans  le 
baîllage  de  MQhlenbek,  se  trouve  une  pierre  gigantesque,  sortant 
de  terre  à  la  hauteur  d'un  pied,  et  sur  laquelle  on  voit  l'empreinte 
d'une  très  grande  main  dont  on  distingue  nettement  les  cinq  doigts. 
Les  habitants  de  Wandelilz  racontent  que  dans  les  temps  anciens, 
un  géant  souleva  cette  pierre  de  ce  ciMé-ci  du  lac,  et  comme  preuve 
de  sa  force,  y  imprima  ses  cinq  doigts'.  Une  pareille  tradition  existe 
relativement  à  des  marques  semblables  sur  des  pierres  à  Pétersbourg 
et  à  Wettin  et  sur  celle  de  Sonnewitz,  où  Ton  voit  encore  l'em- 
preinte de  deux  mains  ^. 

CXIV 

LA   CEINTURE  DE  LA  VIERGE 

ff  Proche  du  pied  de  la  montagne  (des  Oliviers),  il  y  a  une  grosse 
pierre  où  l'on  dit  que  la  bienheureuse  Vierge  laissa  tomber  sa  cein- 
ture après  son  Assomption,  pour  convaincre  saint  Thomas  qui  eut 
encore  une  attaque  d'incrédulité  en  cette  occasion.  On  voit  sur  cette 
pierre  l'empreinte,  que  fit  cette  ceinture  en  tombant,  laquelle  on 
montre  à  tous  ceux  qui  doutent  de  la  vérité  de  l'histoire  de  cette 
assomption.  »  '. 

cxv 

LA  PIERRE  DE  REIDENITZ 

Dans  le  baîllage  de  Zehden  en  Prusse,  près  du  village  de 
Reidenitz,  il  existe,  sur  le  sommet  d'une  montagne,  une  très  grosse 
pierre  portant  l'empreinte  du  pied  gauche  d'un  enfant  de  dix  ans, 
dont  les  doigts  sont  très  profondément  gravés.  Toutefois  la  tradition 
populaire  est  muette  à  ce  sujet*. 

René  Basset. 


1.  Beckraaun,  Beschreibung  der  Mark  Brandenhurg^  l»"»  parUe,  p.  776,  cité  par 
Grasse,  Sagenbuch  des  preuimchen  Staates  Glogau,  s.  d.,  2  vol.  iq-8,  t.  I,  §  76, 
p.  90. 

2.  Ureyhaupt.  SaaUreis,  !•■•  partie,  p.  650.  cité  par  Grasse  loc.  laud. 

3.  Alaundrcll,  Voyage  d'Alep  à  Jérusalem,  p.  176-177. 

4.  DeciduaDn,  Beschreibung  der  Mark  Brandenburg ^  p.  176-177.  1"  partie  p, 
175,  cité  par  Grasse,  Sagenbuch  des  preussischen  Staates,  t.  1,  §  78,    p.  90. 


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REVnÉ   DES  TRADITIONS  POPULAIRES 


201 


COUTUMES  SCOLAIRES 


VIII 

ORDALIES  ENFANTINES 

Tanligaies  dans  le  Hainaut,  lorsque  les  enfants  font  des 
échanges  avec  leurs  camarades,  ils  se  tiennent  par  le 
petit  doigt,  c'est  ce  qu'on  appelle  faire  poison. 

La  première  chose  qu'avale  celui  qui  a  fait  l'échange 
doit  lui  servir  de  poison,  s'il  ne  tient  pas  le  marché  pour 

Alfred  Harou. 


IX 

le  peloton  de  congé 

A  l'issue  de  la  classe,  c'est-à-dire  à  onze  heures,  avant  la  prière, 
la  première  élève  de  l'école  sort  de  sa  place,  et  munie  d'un  élégant 
peloton  surmonté  d'une  magique  image  coloriée  qui  porte  le  nom  de 
congé,  présente  à  chacune  des  élèves  le  peloton,  sur  lequel  chacune 
doit  piquer  une  épingle.  Ensuite,  toutes  les  fillettes  se  lèvent,  se 
placent  sur  deux  rangs  et  suivent  la  porteuse  de  congé,  qui  se  diri- 
ge vers  le  bureau  du  maître.  On  offre  à  celui-ci  le  peloton  étage 
d'épingles  en  chantant  en  chœur  : 

Taez,  not*  mait'  voilà  t*uii  présent: 

Donnez  congé  à  vos  enfants, 

II  est  onze  heures  avant  midi  : 

Que  Dieu  vous  rende  dans  le  paradis. 

Dans  l 'paradis  y  Tait  m  beau, 

Que  y  a  des  cierges  et  des  flambeaux. 

La  Vierge  Marie  s'y  promenant; 

Toujours  gr&cieuse,  vous  attendant, 

Le  p'tit  Jésus  entre  ses  bras, 

La  porte  toute  grande  vous  ouvrira. 

Le  maître  accordait  le  congé,  et  cette  petite  scène  se  renouvelait 
plusieurs  fois  par  an.  Les  épingles  étaient  destinées  à  attacher  les 
draps  blancs  le  jour  de  la  Fête-Dieu. 

(Jules  Grenier.  La  Brie  d'autrefois.  Coulommiers,  4883  p.  215). 

P.  S, 
i.  Cf.  le  V.  VIT,  p.  74. 


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202  REVUE  DES  TRADITIONS  POPULAIRES 


LES  POURQUOI 
CV 

l'origine  des  MYRTILLES 

u  sud-ouest  de  la  ville  d'Autuns^élève  uoe  colline  appelée 

;  Mont  S*-Claude.  On  y  voit  encore  les  ruines  d'une  maison- 

)  nette.  Là  vivait  autrefois  un  saint  ermite  qui  passait  son 

temps  en  prières  ou  à  soigner  les  malades  des  environs. 

^'      Un  jour  trois   paysans,  ne  voyant  point  sortir  de   fumée 

de  sa  cheminée,  entrèrent  chez  lui  et  le  trouvèrent  mort.  Sur  son  lit 

planait  un  crucifix,  une  odeur  douce  sortait  de  sa  bouche  et  autour 

de  lui  brûlaient  six  lampes  d'or. 

Avant  de  mourir,  il  avait  égrené  ses  chapelets  sur  la  montagne  et 
c'est  depuis  ce  temps  que  les  bois  des  alentours  sont  remplis  de 
«  pouliots  ». 

M"*  Jules  Lambert. 


LES  CHARITES* 


IMAGES  DE  CONFRÉRIES  ET  CHARITÉS 

e  recueille  les  éléments  pour  une  Iconographie  des  Confré- 
ries religieuses  et  des  Charités  (associations  pour  inhumer 
les  morts)  des  départements  de  la  Seine-Inférieure,  de  l'Eure, 
du  Calvados,  de  la  Manche  et  de  l'Orne  composant  Taucienne 
province  de  Normandie  et  dont  un  spécimen  se  trouve  repro- 
duit à  la  page  suivante. 

le  n'ai  jusqu'à  présent  rencontré  ces  images  que  dans  les  départe- 
ments de  la  Seine-Inférieure  et  de  l'Eure,  je  fais  appel  à  la  complai- 
sance des  lecteurs  de  la  Revue  des  Traditions  Populaires  pour  bien 
vouloir  m'indiquer  les  pièces  qu'ils  pourraient  connaître. 

Des  renseignements  sur  les  autres  départements  de  la  France 
seraient  également  accueillis   avec   reconnaissance.   Je  sais  qu'il 

1.  Cf.  le  t.  VI,  p.  413,  le  t.  VIII,  p.  48,  211,  556. 


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hBVDB   DES   TRADITIONS  POPULAIRES  203 

existe  de  ces  gravures  pour  Paris  et  les  environs  et  je  citerai  Tim- 
portant  recueil  du  Cabinet  des  Estampes  à  la  Bibliothèque  Nationale. 


£a  €\yàvi\i  be  $aint-€tiettne-Mi-îlau?rûp4éje-Il0Uctt. 

Les  Hautes- Nfsses  se  disent  tous  Us  premiers  Dimanches  de  chaque  mois. 

Les  associations  de  cette  nature  dans  lejmidi  de^iaj France  devaient 
posséder  également  les  planches  similaires.         Edouard  Pelay, 


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20i  REVUE    DES   TBADITiONS    P0PDLAIBE8 


NECROLOGIE 


ABEL  HOYELACQUE 

Abel  Hovelacque  était  né  à  Paris  le  14  novembre  1843  ;  il  y  est 
mort  le  22  février  dernier.  Fondateur,  avec  Chavée,  de  la  Revue  de 
Linguistique,  il  y  a  donné  de  nombreux  articles,  et  a  publié  sur 
cette  science  un  livre  très  estimé  La  Linguistique  (1875).  Parmi  ses 
ouvrages,  voici  les  titres  de  ceux  qui  se  rattachent  par  quelques 
points  à  ses  études:  La  Morale  de  rAvesta  ÏHIA,  La  Chien  dans 
rAvesta(iS16).  Le^  Médecins  et  la  Médecine  dans  VAvesta  (1877), 
VAvesta^  Zoroastre  et  le  Mazdéisme  1880.  Les  Nègres  de  V Afrique  sus- 
equatonale  1889.  Hif.  A.  H.  qui  comprenait  à  merveille  l'importance  des 
traditions  populaires,  se  fit  inscrire  à.  notre  société  dès  la  fondation  ; 
il  a  donné  à  la  Revue  plusieurs  articles,  et  un  assez  grand  nombre 
de  notes  intéressantes. 

P.  S. 

HENRI  DU  CLEUZIOU 

Henri  du  Cleuziou,  né  à  Lannion,  mort  à  Bicétre  à  Tâge  de  62  ans, 
est  lauteur  d'un  ouvrage  estimé  sur  la  Potene  gauloise^  du  livre 
tArt  national,  dans  lequel  on  trouve  à  côté  d*hypothèses  hasardées 
des  vues  très  justes,  de  curieux  documents  et  quelques  belles  pages. 
Il  avait  entrepris  sous  le  titre  de  la  France  pittoresque  et  artistique 
une  collection  de  monographies  provinciales,  dont  deux  volumes 
seulement  ont  paru  :  Bretagne  :  pays  de  Léon  ;  il  y  relève  un  assez 
grand  nombre  de  coutumes  et  de  récits  légendaires  ;  il  en  avait 
d'antres  en  portefeuille  qu'il  réservait  pour  les  monographies  du 
pays  de  Tréguier  et  de  la  Cornouaille,  qu'il  connaissait  mieux  encore 
que  le  Léon.  Il  est  à  craindre  que  ses  documents,  qui  remontent  à 
une  quarantaine  d'années,  ne  soient  jamais  publiés,  et  c'est  dom- 
mage, car  il  avait  parcouru  la  Bretagne  à  peu  près  dans  tous 
les  sens,  et  il  y  avait  recueilli  de  nombreux  récits. 

P.  S. 


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KEVU£    DES   TRAD1T10^.S    POPULAIRES  205 


BIBLIOGRAPHIE 


L'abbé  F.    Charpentier.  Les   Œufs  de  Pâques.  Fontenay-le- 
Comte.  L-P.  Gourand  io-lS  de  pp.  VliM84. 

Ce  volume  forme  une  monographie  très  curieuse  des  œuf«  de  Pâques;  fait  par 
un  prêtre,  u  contient  des  détails  sur  la  disp'»nse  de?  œufs,  les  opinions  religieu- 
ses sur  la  siguiûcation  des  crwh  de  Pâques  eL  leur  rôle  dans  la  liturgie.  Des 
chapitre-»  rétrospectifs  nou^  montrent  cet  usagechozies  grauds,  et  les  redevances 
seigneuriales  de  Tœuf  de  Pâques.  Tout  cela  se  rattache  à  no^  études,  moins  étroi- 
tement cependant  que  les  coutumes  que  l'auteur  relève  en  France  et  à  l'étran- 
ger, les  chansons  où  les  œufs  jouent  un  rôle,  ainsi  que  les  amusements  auxquels 
ils  priaient.  Dans  un  appendice,  l'auteur  a  relevé  un  assez  graud  nombre  de 
superstitions  et  de  proverbes  en  rapport  avec  le-'  œufs  ;  et  il  a  parsemé  son 
ouvrage  de  légendes  et  d'anecdotes,  parfois  typiques  et  amusautes,  dont  une 
bonne  partie  sont  empruntées  au  pays  vendéen,  dont  .M.  F.  C.  est  originaire.  Ce 
petit  volume,  d'une  lecture  facile,  est  l'un  des  premiers  essais  sur  l'ensemble  de 
cette  coutume  ;  si  l'auteur  n'a  pa^  épuisé  le  sujet,  il  est  juste  de  reconnaître 
qu'il  a  réuni  et  classé  un  grand  nombre  de  faits,  et  qu'il  fournit  de  très  inté- 
ressantes indications  pour  une  monographie  plus  complète,  qui  ne  pourrait 
ôtre  faite  que  par  une  personne  très  au  courant  des  coutumes  de  Pâques  dans 
l'est  de  l'Europe,  où  elles  sont  mieux  conservées  que  chez  nous. 

P.  S. 


H.  Moutet-Fortis,  Chansons  populaires  de  CAin^  in-8  de  pp.  33, 
musique  notée.  Bourg,  Ecochard  aîné. 

Il  n'est  pas,  je  pense,  de  province  française  où  la  chanson  populaire  ait  été 
l'objet  d'une  curiosité  égale  à  celle  qui  lui  a  été  témoignée  en  tout  temps  dans  le 
petit  pays  de  Bresse.  Dès  le  XVll*  siècle,  des  poètes  locaux  y  imprimaient  des 
noéis  en  patois  ;  l'un  d'eux,  Borjon,  a  publié  un  traité  de  musette  dans  lequel 
sont  notées  plusieurs  mélodies  rustiques  du  répertoire  des  ménétriers.  Vers  le 
milieu  de  ce  siècle,  Philibert  Le  Duc  entreprit  la  recherche  des  vestiges  de  ta 
littérature  et  de  l'art  populaire  ;  il  réédita  les  noéL^  bressans,  publia  un  livre  de 
chansons  et  lettres  patoises,  ainxi  qu'un  recueil  de  mélodies,  qu'il  eut  la  singu- 
lière idée  de  transcrire  pour  le  cor.  L'abbé  Nyd,  de  Sermoyer,  envoya  plusieurs 
communications  intéressantes  au  comité  chargé  de  l'enquête  sur  les  chansons 
populaires  :  on  les  retrouve  dans  le  manuscrit  de  la  Bib.  Nat.  :  Poésies  populai- 
res de  la  France.  Plus  récemment,  M.  Charles  Guillon  a  publié  un  gros  livre  de 
Chansons  populaires  de  VAin^  l'un  des  plus  intéressants  recueils  de  ce  genre  qui 
aient  été  compilés  de  nos  jours.  Le  poète  Gabriel  Vicaire  l'a  enrichi  d'une  pré- 
face ingénieuse  et  pleine  de  saveur  ;  lui-même,  non  content  d'avoir  su  retrouver 
daus  ses  vers  la  grâce  et  le  parfum  propres  à  la  poésie  populaire  du  pays  natal, 
a  oonsacré  à  cette  poésie  môme  plusieurs  remarquables  études  parues  dans 
diverses  nvues.  A  Bourg,  le  savant  historien  de  la  Bresse,  M.  Ch.  Jarrin,  tout 


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206  bëvue  des  traditions  pqpuiairks 

en  laissant  à  d'autres  le  soio  de  rechercher  les  documents,  a  consacré  à  la 
chanson  populaire  une  magistrale  étude  d'ensemble  qui  figure  dans  le  volume 
d'introduction  de  la  Géographie  de  VAin.  Enfin,  le  Courrier  de  VAin  de  ces  der- 
nières années  a  publié,  sous  la  signature  de  «  Denis  Bressan  »,  une  longue  série 
de  poésies  populaires,  dont  la  Rev.  des  tr.  pop.  a  parfois  reproduit  quelques 
extraits. 

J'ai  moi-même  recueilli  dans  ce  pays  plus  de  300  chansons  et  mélodies,  dont 
je  n'ai,  jusqu'à  présent,  publié  qu'un  petit  nombre  d'échantillons. 

L'intérêt  musical  de  ces  chansons  semble  avoir  séduit  particulièrement  les 
nouveaux  venus.  C'est  ainsi  que  récemment  une  suite  d'Airs  bressans  pour  le 
piano  a  été  publiée  par  M.  Blesset;  —  une  autre  composée  par  M.  Modas,  pour 
orchestre  militaire  ;  et,  si  l'on  cherchait  bien  sur  les  programmes  de  la  Société 
nationale  de  musique  et  des  Concerts  d'Harcourt,  on  y  trouverait  la  mention 
d'une  Rapsodie  pour  orchestre  sûr  des  chants  populaires  de  la  Bresse,  dont  je 
suis  l'auteur. 

Aujourd'hui,  un  nouveau  recueil  noua  est  offert  par  M.  Moutct-Fortis,  profes- 
seur À  l'Ecole  Normale  de  Bourg.  Les  chansons  sont  au  nombre  de  quinze,  tou- 
tes en  patois  (avec  traduction  française  en  regard).  Plusieurs  sont  modernes  ou 
ont  un  caractère  plus  local  que  véritablement  populaire  dans  le  sens  que  les 
folkloristes  attachent  à  ce  mot;  mais  quelques  autres  rentrent  mieux  dans  le 
cadre  de  nos  éludes.  Telles  sont  :  la  Saint- Martin,  dont  les  premiers  couplets 
font  allusion  à  une  coutume  locale,  et  dont  la  suite  n'est  autre  qu'une  transpo- 
sition de  la  chanson  du  Mal  marié  ;  —  la  chanson  bien  connue  :  Mon  mari  est 
bien  malade,  dont  l'adaplation  patoL^e  suit  de  près  le  français  original  ;  —  plu- 
sieurs autres  encore,  dont  les  sujet?  sout  bien  particuliers,  mais  dont  les  formes 
ont  conservé  les  caractères  traditionnels  de  la  poésie  populaire.  Au  reste,  an- 
ciennes ou  modernes,  touies  ces  chansons  ont  un  caractère  de  rusticité  très 
accusé. 

L'auteur  de  ce  recueil  a  cru  devoir  agrémenter  les  mélodies  d'accompagne- 
ments de  piano,  et  je  ne  puis  l'en  approuver.  C'est  une  règle  parmi  les  folk- 
loristes, et  une  règle  fort  sage,  lorsqu'il  s'agit  d'une  publication  ayant  essen- 
tiellement un  intérêt  documentaire,  comme  c'est  le  cas  ici^  de  noter  les  mélo- 
dies telles  qu'on  le»  a  recueillie?,  c'est-à-dire  sans  aucun  accompagnement.  Je 
sais  bien  qu'on  me  répondra  par  l'argument  personnel  :  que  j'en  ai  fait  moi-même 
autant.  Je  répomlrai  d'abord  en  faisant  appel  au  témoignage  des  lecteurs  de  la 
Revue  des  Traditions  populaires  ;  ils  pavent  mieux  que  personne  si  j'ai  l'habitude 
de  leur  présenter  les  mélodies  populaires  autrement  que  sous  leur  forme  simple 
et*nue,  et  si,  dans  les  documents  que  je  leur  al  communiqués  depuis  dix  ans 
et  plus,  j'ai  jamais  cessé  de  me  conformer  à  la  règle  qui  interdit  l'introduction 
du  moindre  élément  étranger.  J'ai  agi  de  même  pour  mon  Histoire  de  la  chan- 
son populaire.  S'il  en  est  différemment  pour  mes  recueils  de  Mélodies  populaires 
harmonisées,  c'est  qu'ici  mon  objectif  était  autre,  ces  recueils,  loin  d'avoir 
aucune  prétention  documentaire,  ayant  essentiellement  un  caractère  d'antholo- 
gie. Mon  seul  but,  en  les  présentant  sous  cette  forme,  a  été  de  faire  œuvre  d'art, 
en  associant  la  fraîcheur  et  la  sincérité  du  chant  primitif  aux  richesses  de 
l'harmonie  moderne,  et  en  mettant  en  relief,  par  cette  harmonie  même,  les 
lignes  si  pures  de  mélodies  choisies  tout  exprès  parmi  les  plus  belles  et  les 
plus  rares.  Et  je  sais  assez  par  expérience  combien  ces  mélodies,  par  leur 
simplicité  même,  sont  difficiles  à  interpréter. 

Les  incorrections  harmoniques,  les  fautes  d*orthographe  musicale,  sont  si 
nombreuses  dans  le  travail  de  M.  Moutet-Fortis,  elles  décèlent  une  main  si 


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REVUE    DES  TRADITIONS    POPULAIRES  207 

inexpérimentée,  le  véritable  sens  harmonique  des  mélodies  populaires  y  est  si 
peu  compris,  que  je  ne  puis  supposer  que  Tautcur  ait  eu  la  penscl'e  de  faire 
œuvre  d'art.  Si  donc,  comme  il  le  semble,  son  intention  est  de  poursuivre  la 
publication  des  cbansous  populaires  de  l'Ain  Je  ne  puis  lui  donner  de  meilleur 
conseil  que  de  s'inspirer  des  principes  énoncés  précédemment,  et  de  supprimer 
désormais  toute  espèce  d'accompaguement  aux  mélodies  populaires  qu'il  aura 
recueillies. 

Julien  Tibhsot. 


PÉRIODIQUES  ET  JOURNAUX 


ArchiTio  perlo  studio  délie  tradizioni  popolari.  XlV-4  —  Saggi  del  Fol- 
klore delllsola  di  Malta.  Voci  inrantili.  Facezie  di  Gaban.  —  Grida  di 
venditori.  Locuzioni  storiche  o  superstiziose.  Usi  e  Superstizioni.  Maldicenze 
paesane.  {Dr.  Luigi  Bonelll).  —  Le  dodici  parole  dcUa  Verità.  Novelliua-Cantilena 
popolare  ecc.  Slanislao  Prato.  —  Usi  agrarii  della  provincia  di  Caltanissetta  : 
Coltura  e  raccolta  délie  mandorle.  Raccolta  de*  pistacchi,  Coltura  della  vite. 
Franc,  Pulci.  —  Canti  funebri  di  Ploaghe  in  Sardegua.  Giuseppe  Caltia.  —  Im- 
precazioni,  Giuramenti,  Saluti  nella  provincia  di  Reggio  Emilia  e  nelPAlto  Mon- 
ferrato.  Giuseppe  Ferraro.  —  Le  due  feste  della  S.  Crooe  in  Casteltermini.  Vinc. 
Gaeiani.  —  11  primo  Maggio  in  Ozieri  [Sardegna]  Filipo  Valla.  —  I  Gînuu,  geni 
tutelari  nella  credenza  ebraico-tunisina.  Lina  Valenza.  —  11  Mazapegolo,  spirito 
folletto  neila  credenza  pop.  foriivese.  Ida  Ro»si.  —  Leggendc  e  Tradizioni  popo- 
lari siciliane.  G,  Pitre.  —  Usanze  portoghesi  nel  secolo  XVI.  — llTerremoto  del 
1726,  Storie  popolari  in  poesia  siciliana.  Salvatore  Salomone- Marina.  —  Insegne 
dellc  bottegbe  iu  Napoli.  G.  Amalfi.  —  1.  giuochi  dei  delinquenti.  —  Usi  nuziali 
aristocratie!  in  Abissinia.  —  Usi  nuziali  sardi  in  Gallura. 

Folk-Lore.  Vil.  1.  —  Leprosy  Stones  in  Fiji.  —  BoUon  GlanviU  Corney^ 
—  Presideotial  Address.  Edward  Clodd.  —  Micellanea.  —  Indian  Foiktales. 
Suzetle  M.  Taylor,  —  Ilazel,  poisonous  to  Soakes.  E.J.  Uoyd  Atkinson.  —  Second 
Sight.  Mary  H.  Debenham.  —  Easter  Day.  A.  G.  Fulcher.  —  First-foot.  E.  Sidney 
Hartland.  —  Some  Local  Names  for  certain  Plants  in  Golden  Valley,  Herefordshire. 
Harriet  C.  M.  Murray-Aynsley.  —  North  Indian  Notes  and  Queries,  Vol.  IV.  W. 
H.  D.  R. 

Journal  of  American  folk  lore.  VIlI-31.  —  The  Oraibi  Flûte  AlUr.  J.  Wal- 
1er  Feewkes.  —  Notes  on  the  Folk-Lore  of  Newtoundland.  George  Patlerson.  ~ 
Straw.  John  0*NeilL  —  Fortune-Tel ling  in  America  To-Day.  Henry  Carringlon 
Ballon.  —  Litiz.  Charlotte  C,  Herr.  —  An  Iroquois  Condolence.  W.  M.  Beau- 
champ.  —  Record  of  American  Folk-Lore.  A.  F.  C. 


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208  HGVUe  DES  TRADITIONS  POPULAIRES 


NOTES  ET  ENQUÊTES 


,*,  Dinei*  de  ma  Mère  VOye.  Le  106«  Dîner  a 
eu  lieu  le  31  Mars  au  Restaurant  des  Sociétés 
savante?,  fous  la  présidence  de  M.  Paul  Sébillot, 
secrélaire-général  de  la  Société.  Les  autres  convi- 
ves ëlaient  MM.  Henri  Cordier,  George  Doncieiix. 
Morel-Rctz  (Stop),  Charles  Normand,  Adrien, 
Oudin,  Alfred  Michau,  Pourlier,  Arthur  Rhône,  Raoul 
Rofliéres.  Alfred  Michau.  Après  une  causerie  sur 
différents  sujets  de  traditions  populaires,  et  sur 
l'art  populaire  ou  semi-populaire,  A  laquelle  ont 
pris  part  les  convives  présents,  M.  Morel-Rctz  a 
lu  de  Irôs-cu rieuses  iégend»»^  de  l'o^t  de  la  France, 
que  nous  publierons  prochainement  ;  notre  collè- 
gue, qui  comme  on  sait  est  un  dessinateur  de  grand 

talent,  a  promis  de  dessiner   un   nouveau   menu   pour  le    diner  prochain,   qui 

aura  lieu  le  30  juin, 

,%  Quelques  dictons  sur  le  mois  de  février.  Le  laboureur  allemand  voit  avec 
grand  plaisir  un  mois  de  février  froid  et  sec  ;  il  aime  le  vent  qui  dessèche  la  terre 
humide  et  demande  qu'il  souffle  avec  tant  d'impétuosité  »  qu'il  fasse  trembler 
les  cornes  de  ses  bœufs  >.  Le  froid  rigoureux  de  février  promet  un  printemps 
doux  et  normal,  c'est  pourquoi  le  paysau  dit  <«  Si  les  pierres  se  fendent  en 
février,  la  glace  se  brisera  en  mars  »>.  Ou  bien  ♦«  Quand  février  apporte  neige 
au  lieu  de  pluie,  toute  la  terre  en  sera  bér.ie  ». 

Le  laboureur,  pour  ces  raisons,  est  ennemi  du  temps  brumeux  et  humide 
qu'il  rxpic  Fi  souvent  par  un  printemps  glacial.  «  Quand  février  fait  danser  les 
mouchcruns  »  dit-il,  «  Mars  fera  geler  nos  oreilles  et  nos  blés  »,  ou  bien  encore  : 
'<  Douceur  de  février  sera  payée  par  rigueurs  de  mai  ».  Et,  cependant,  il  aime  à 
entendre  le  chant  de  l'alouette  au  milieu  des  frimas,  car  il  dit  :  «  Bon  gré,  mal 
gré  l'alouette  doit  chanter  en  février  »>. 

Pour  les  hommes,  en  générai,  il  n'y  a  pas  de  mois  plus  joyeux  que  le  mois  de 
février  où  les  plaisirs  mondains  battent  leur  plein.  Les  jeunes  gens  surtout  sont 
amis  de  ce  mois  qui  leur  fournit  mainte  occasion  de  se  rencontrer  et  de  se 
connaître.  «  11  n'y  a  pas  de  mois  où  l'on  verse  moins  de  larmes  »,  il  n'y  a  pas 
de  mois  où  se  trament  plus  de  mariages  »  dit  avec  raison  la  bouche  du  peuple. 

(Ck)m.  de  M"«  H.  Hbuibckb). 

Le  Gérant,  A.  CERTEUX 


liauffé  (Maine-et-Loire).  —  Imprimerie  Daloux, 


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REVUE 


DES 


TRADITIONS  POPULAIRES 


^^»^^^^v^^w^^v>»MV^» 


W^^^%^^^^»A»»^^^^^^A^^^»^^^^#^^^^^^^VMMV^^^MWVMMWMtf» 


11»  Année.—  Tome  XI.  —  N°  6  -  Mai  1896. 


LE  TRAINEAU 

DANS  LES  RITES  FUNÉRAIRES  DE  lVkRAÏNE 


»      M  'usage  funéraire  du  traineau  en  général  a  déjà 

\  I  été  étudié  très  largement  par  M.  le  professeur 

D.  N.  Anoutehine  dans  son  excellente  monogra- 
phie Le  traineau,  la  barque  et  les  chevaux  comme 
accessoires  des  rites  funéraires  *.  Ayant  à  notre 
disposition  quelques  faits  nouveaux  concernant 
cet  usage  en  Ukraine  et  dispersés  dans  les 
publications  ukrainiennes  peu  connues,  nous 
avons  en  vue  de  reprendre  ce  sujet  en  ce  qui 
regarde  ce  pays  où  Fexistence  de  l'emploi 
funéraire  du  traîneau  est  constatée  historique- 
ment depuis  le  x*  siècle,  et  où  il  se  rencontre  encore  de  nos  jours. 
Nous  croyons  que  les  faits  cités  par  nous  et  expliqués  à  Taide 
de  la  théorie  de  M.  Anoutehine  confirmeront  les  conclusions  de  ce 
savant,  que  nous  trouvons  utile  de  rappeler,  étant  donné  surtout 
que  Touvrage  de  M.  Anoutehine  n'a  été  publié  qu'en  russe. 

La  chronique  slave,  dite  de  Nestor^  le  plus  ancien  texte  local  que 
nous  ayons  sur  l'Ukraine,  nous  raconte  de  la  manière  suivante  les 
détails  des  funérailles  de  saint  Vladimir,  le  premier  prince  chrétien 
de  Kiev,  décédé  le  15/27  juillet  i0i5  :  «  Il  est  mort  à  Berestovo  et  on 
a  caché  cela  parce  que  Sviatopolk  était  à  Kiev.  Mais  pendant  la  nuit 
oaa  défait  le  plancher  entre  les  bâtiments,  on  a  enveloppé  le  corps 
avec  un  tapis,  puis  on  l'a  lié  avec  des  cordes,  on  l'a  descendu  sur  Ic- 

1.  D.  N.  Anoutchiue,  Sani^  ladia  i  koni  kak  prinadlet'nosti  pokhoronnaho  obriada^ 
Moscou  1890  (Extr.  de  Dretmosti  publ.  par  la  Société  Imp.  d'archéologie  de  Mos- 
cou, t.  XIV). 

TOME  XI.  -    MAI  1896.  il 


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210  REVUE  DES  TKADITIONS   POPULAIRES 

sol,  on  IVposé  dans  un  traineau  et  on  l'a  déposé  dans  le  lemple  de 
la  Sainte  Vierge  qu'il  avait  construit  lui-même  *  ».  Ses  deux  (ils 
Boris  et  Hliéb  furent  assassinés  sur  l'ordre  de  leur  frère  aîné  Svialo- 
polk  qui  voulut  s'emparer  du  pouvoir.  Dans  un  manuscrit  extrême- 
ment intéressant  du  xiv*  siècle,  contenant  leurs  biographies  et  pu- 
blié par  l'académicien  Ismael  Sreznievsky  ^,  nous  trouvons  non  seu- 
lement des  détails  importants  sur  leur  enterrement,  mais  des  images 
très  instructives:  «  et  les  princes,  lisons-nous  dans  ce  document, 
prirent  d'abord  sur  leurs  épaules  le  corps  de  sîiint  Boris  placé  dans 
un  cercueil  en  bois...  et  l'ayant  apporté,  ils  le  posèrent  dans  Téglise. 


HîV 


Fig.  1 

Après  cela  on  prit  (le  corps)  de  Hliéb  dans  le  cercueil  en  pierre,  on 
le  posa  sur  un  traîneau  et  en  prônant  les  cordes  on  le  traîna  dans 
l'église  et  on  l'y  déposa  le  deuxième  jour  du  mois  de  mai».  Plus  tard 
sous  Vladimir  Monomaque  on  décida  de  transporter  de  nouveau  les 
reliques  des  deux  princes  dans  une  église  de  Vychhorod  et  on  choi- 
sit aussi  pour  cela  le  jour  du  2  mai.  <t  Après  avoir  posé  d'abord  le 
cercueil  de  saint  Boris  dans  un  beau  traineau  fait  exprès,  on  le  trans- 
porta dans  l'église  en  le  traînant  avec  de  grandes  cordes.,  de  la  même 
manière  on  transporta  ensuite  le  corps  de  saint  Hliéb,  en  le  posant 

1.  Chronique  dite  de  Nestor,  d'après  le  manuscrit  Laurentin,  sous  Tan  1323 
(lOi:.). 

2.  Skazania  o  svialykh  Bori«ié  i  Hliébié.  Silvestrovsky  Spissok  XVI  v.  (Rela- 
tions sur  les  saints  Boris  et  Hliéb.  Manuscrit  Syhrestrien  du  XVh  s.)  pubt.  par 
Sreznievsky,  S.  Pétersb.  1860. 


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REVUE  DES   TRADITIONS  POPULAIRES 


211 


sur  un  autre  krtineau.  »  Les  trois  gravures  ajoutées  à  ce  texte  nous 
représentent  :  tej^mîëre,  deux  serviteurs  qui  descendent  le  corps  de 
saint  Vladimir  sur  iia  iraineau  à  travers  l'enclos  défait  à  moitié  ;  la 
deuxièmeftlg.  Ij, quatre  personnages  portant  sur  leurs  épaules  lecorps 
de  saint  Boris  étendu  daas  un  traîneau  également,  (la  légende  au 
dessus:  «  on  porte  Saint-Borhpou?'  t enterrer  »)  et  la  troisième  (fîg.  ^i 
le  sarcophage  de  saint  Hliéb  posé  aussi  sur  un  traîneau  et  introduit 
dans  Téglise  par  uù  homme  qui  le  lire  avec  des  cordes.  Derrière  le 
cercueil  se  tiennent  un  évêque  revêtu  de  ses  vêtements  sacerdotaux, 


Fig.  2 

un  diacre  qui  lient  la  mitre  et  un  homme  vêtu  d'un  manteau,  pro- 
bablement le  prince.  Au-dessus  la  légende  :  «  On  porte  saint  Hliéb 
sur  un  traîneau  dans  un  sarcophage  en  pierre  ».  Le  corps  du  prince 
Isiastav,  tué  dans  la  bataille  du  3  octobre  1079  à  Nejatina-niva,  fut 
transporté  à  Kiev  en  bateau,  mais  au  bord  de  Dniepr  il  fut  placé  sur 
UD  traîneau  et  transporté  delà  sorte  dan**  Téglise.  Le  prince  Michel- 
Sviatopolk,  mort  au  mois  de  mai  1113,  fut  mis  aussi  sur  un  traîneau 
et  transporté  dans  Téglise  de  S*-Michel.  De  la  même  manière  on 
transporta  sur  un  traîneau  les  corps  de  plusieurs  autres  princes 
kiéviens  énumérés  avec  tous  les  détails  de  leur  enterrement  dans 
l*onvrage  de  M.  Anoutchine. 

Toute  cette  série  de  faits  nous  montre  donc  que  dans  la  Russie 
ktévienne  existait  Tusage  de  transporter  les  morts  en  traîneau  et  que 


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212  RBVUE   DBS   THADITIONS    POPULAIRES 

cet  usage  élait  bien  Tusage  rituel^  puisque  l'on  employait  ce  mode 
de  traosporl,  non-seulement  pendant  Thiver,  mais  encore  en  été. 
L'expression  du  testament  de  Vladimir  Monomaque,  où  ce  prince  dit 
qu'il  a  décidé  de  rédiger  ses  derniers  conseils  à  ses  enfants  »  étant 
dpjà  assis  dans  le  traîneau  »  ne  nous  laisse  aucun  doute  :  Tusage 
funéraire  du  traîneau  était  si  répandu  que  cette  phrase  pouvait  être 
employée  pour  désigner  la  proximité  de  la  mort.  En  effet  nous  voyons 
dans  la  chronique  que  saint  Théodose  vivant  encore,  mais  sentant 
Tarrivée  de  la  mort,  fut  apporté  par  les  moines  dans  1  église  assis 
dans  un  traîneau  :  «  les  frères  le  mirent  dans  un  traîneau  et  le  portè- 
rent à  Téglise».  Ayant  constaté  cet  usage  au  moins  depuis  le  x%  siècle 
nous  pouvons  le  suivre  dans  les  chroniques  jusqu'au  Xix^,  où  il 
commence  à  disparaître,  pour  reparaître  plus  tard  d'un  côté  à  la 
Cour  des  princes  de  la  Moscovie  et  de  l'autre  toujours  en  Ukraine. 

Le  XIII'  siècle  était  Tépoque  de  la  formation  définitive  d'une 
nouvelle  nationalité  slave,  des  Grands  russiens  ou  des  Moscovites, 
nationalité  formée  d'une  part  de  colons  slaves  et  d'autre  de  divers 
peuples  pour  la  plupart  fmnois  qui  habitaient  jadis  tout  l'espace 
occupé  à  présent  par  la  Russie  centrale  et  septentrionale.  La  Russie 
ancienne,  celle  de  Kiev,  attaquée  par  les  princes  de  Souzdalie  et 
affaiblie  par  l'invasion  tartare,estdevenueunepartie  duGrand-Duché 
de  Lithuanie,  tandis  que  la  Russie  nouvelle,  celle  de  Nord-Est,  centra- 
lisée par  les  Tsars  de  Moscou,  forma  l'Etat  de  Moscovie.  A  partir  de 
cette  division,  nous  sommes  en  présence  d'un  fait  extrêmement 
intéressant  au  poini  de  vue  de  l'ethnographie  et  du  folk-lore  :  Tous 
les  usages  anciens,  comme  par  exemple  les  usages  nuptiaux,  funé- 
raires, etc.,  se  sont  conservés  en  Moscovie  dans  la  classe  supérieure, 
à  la  Cour  des  Tsars,  taudis  que,  dans  la  Russie  ancienne,  qui 
commence  à  cette  époque  à  porter  le  nom  d'Ukraine,  au  contraire, 
les  classes  supérieures  étant  plus  ou  moins  européanisées,  ou  plutôt 
polonisées,  les  usages  anciens  ne  se  sont  conservés  que  dans  le  bas- 
peuple,  dans  les  classes  inférieures.  Et  l'usage  funéraire  du  traîneau 
a  subi  le  même  sort.  Tous  les  Tsars  moscovites  jusqu'à  Pierre  I" 
étaient  portés  à  leurs  tombes  sur  des  traîneaux,  en  été  comme  en 
hiver.  Les  recherches  très  minutieuses  de  M.  Anoutchine  nous 
révèlent  qu'on  fabriquait  pour  ces  cérémonies  des  traîneaux  tout 
particuliers,  richement  ornés,  qui  servaient  non-seulement  pour  le 
transport  du  corps  du  défunt,  mais  aussi  pour  le  haut  clergé  et 
surtout  pour  les  princesses  qui  prenaient  part  au  cortège  funèbre. 
En  dehors  de  l'enterrement,  les  traîneaux  étaient  aussi  employés 
dans  d'autres  cérémonies  religieuses,  comme  moyen  de  transport 
plus   ou  moins   rituel.  Les  métropolitains    et   les  patriarches  de 


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HEVUE    DES   TRADITIONS    POPVLAIBES  âl3 

Moscou  prenaient  place  dans  les  cortèges  étant  assis  dans  des 
traîneaux. 

En  Ukraine  les  choses  se  sont  passées  d*une  manière  toute 
opposée.  L'usage  du  traîneau  aux  funérailles  a  survécu  seulement 
dans  la  classe  inférieure  :  chez  les  paysans,  dans  la  bourgeoisie  et 
quelquefois  seulement  dans  la  noblesse  rurale  qui  restait  encore 
fidèle  à  ses  vieilles  traditions  nationales.  Malheureusement  les 
documents  sur  les  funérailles  des  xv°  et  xvi*  siècles  nous  manquent 
jusqu'à  présent.  Un  document  du  xvii®  siècle  que  nous  avons  à  notre 
disposition  nous  montre  que  Temploi  funéraire  du  traîneau  persista 
toujours  en  Ukraine,  mais  il  fait  croire  en  même  temps  que  cet  usage  a 
subi,  à  ce  qu'il  paraît,  un  certain  changement.  Nous  avons  vu  que 
dans  les  anciennes  funérailles  princières  (les  renseignements  sur  les 
obsèques  ordinaires  ne  nous  sont  malheureusement  pas  conservés  par 
les  chroniques)  les  traîneaux  funéraires  étaient  déplacés  par  les  hom- 
mes qui  les  portaient  sur  leurs  épaules  ou  bien  les  traînaient  avec 
des  cordes.  Notre  document  du  xvii'  siècle  nous  fait  voir  que  pendant 
celte  époque  les  traîneaux  n'étaient  plus  transportés  par  les  hommes, 
mais  étaient  attelés  de  hœufs^  ce  qui  était  rituel  et  ce  qui  existe 
jusqu'à  présent,  en  dépit  des  chevaux  dont  remploi  était  et  quelque- 
lois  est  encore  considéré  comme  peu  convenable  en  cette  circons- 
tance. Nous  verrons  plus  loin  que  ce  changement  apparent  est  très 
douteux,  remploi  des  bœufs  devant  être  très  ancien,  mais  à  présent 
nous  nous  occuperons  seulement  du  traîneau  dans  les  rites  funé- 
raires du  XVII*  siècle.  Dans  une  protestation  judiciaire  d'un  fonction- 
naire de  Volynie,  présentée  au  tribunal  en  novembre  1690,  il  se 
plaint  que  sa  belle-sœur  «  extra  decentiam  status  nofnliaris^  ordonna 
de  transporter  le  corps  de  son  mari  (t  cadaver  mariti  sui  »)  et  frère 
du  plaignant  mort  au  mois  de  mai  de  la  même  année,  dans  un 
tratneau  attelé  de  bœufs^  quoiqu'elle  eût  à  sa  disposition  des  chevaux 
qui  lui  restaient  après  la  mort  de  son  mari...  *  L'usage  funéraire  du 
traîneau,  qui  se  conservait  presque  exclusivement  dans  les  classes 
inférieures,  parut  offensant  à  un  fonctionnaire  qui  se  croyait  évidem- 
ment au  dessus  des  pratiijues  populaires... 

Un  autre  document  très  intéressant,  est  un  dessin  se  rapportant  à 
peu  prés  au  milieu  de  notre  siècle  et  fait  par  M.  de  la  Flize,  médecin 
français  au  service  de  la  Russie  ^.  Ce  dessin  (fig.  3j  reproduit  d'après 

1.  Bielachev^ky,  Sani  v  pokhoronngch  obriadakh  (Traîneau  dans  les  rites  funé- 
raires), Kievskata  Starina  (Les  vieux  temps  de  Kiev)  1893,  avril,  p.  152. 

2.  En  communiquant  ce  document  si  mtéressant  conservé  pour  nous  par  M. 
de  la  Plize,  nous  ne  pouvons  le  Taire  sans  dire  quelques  mots  sur  ce  perPon> 
uage  tout  à  fait  inconnu,  dunt  le  nom  n'a  jamais  été  cité,  mais  qui  mérite  bien 
d'être  mentionné  dans  une  revue  française  des  traditions  populaires.  Le  D^*  de 


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211  REVCe  DBS  TRADITIONS  POPrL4IRES 

l'onginal  qui  est  inséré  dans  un  manuscrit  inédil  encore  et  conservé 
au  Musée  d  archéologie  chrétienne  de  Kiev,  représente  une  scène 
toute  entière  du  cortège  funéraire  dans  un  village  du  district  de 
Radomysl  du  gouvern.  de  Kiev.  La  procession  sort  de  Téglise  en 
bois,  derrière  laquelle  on  peut  remarquer  un  jardin  dont  les  arbres 
sont  couverts  de  tout  leur  feuillage,  ce  qui  nous  indique  que  cela  se 
passe  pendant  rêlé.  Sous  un  petit  clocher  deux  sonneurs  sonnent  le 
glas  funèbre.  Précédé  par  deux  assistants  portant  deux  grands  cîer> 
ges  en  cire  noire  (ou  peut-être  vert  foncé  comme  il  est  d'usage  en 
Ukraine  jusqu'à  présent),  un  paysan  marche  en  léle  du  cortège  avec 
une  grande  croix  drapée  d'un  essuie-mains  brodé.  Puis  marchent  des 
hommes  portant  des  bannières  surmontées  de  croix,  suivis  de  deux 
autres  qui  portent,  l'un  une  croix  plus  petite  et  l'autre  un  livre  ou 
un  icône.  Ensuite  vient  le  prêtre  en  ses  vêtements  sacerdotaux,  avec 
la  croix  et  fencensoirdans  les  mains;  il  est  accompagné  d*un  diacre 
ou  chantre -d'église.  Immédiatement  après  ces  ecclésiastiques  suit  le 
traîneau  attelé  de  deux  paires  de  bœuTs,  sur  lequel  se  trouve  la  trouna 
(le  cercueil)  en  planches  avec  un  pain  et  du  sel  au-dessus.  Derrière 
le  cercueil  se  tiennent  quelques  femmes  mariées,  dont  les  tètes  sont 
couvertes  des  namitkas  blanches,  espèce  de  long  voile,  et  dont  le 
costume  consiste  en  un  vêtement  [svyta)  de  drap  également  blanc. 
Les  jeunes  filles  se  font  reconnaître  dans  la  foule  par  leurs  têtes  non 
couvertes  et  entourées  seulement  d'un  bandeau  de  couleur.  Tout  Je 
monde,  excepté  le  prêtre  et  celui  qui  porte  un  livre,  est  chaussé 
probablement  de  posiohfs^  espèce  de  brodequins  en  peau  de  pofc 
ou  bien  peut-être  en  écorce  d'arbre,  attachés  par  de  longs  lacets. 
A  côté  de  l'attelage  marche  un  conducteur  de  bœufs  armé  d'un  fouet, 
des  deux  côtés  du  traîneau  deux  personnages  avec  des  cierges  égale- 
ment en  cire  de  couleur  foncée,  et  enfin  plus  loin  deux  mendiants 

la  Flize  était  médecin  militaire  dans  la  Garde  iirpériale  fraDcaii^e,  en  1812  à  la 
bataille  do  Kra$>noîé  il  fut  fait  prisoDDier  et  trouva  Thospitalité  dans  la  maison  du 
général  russe  Goud«>vitch.  Marié  à  la  nièce  de  sou  protecteur,  il  acheta  plus  tard 
une  petite  propriété  dans  le  gouvern.  de  Kiev  et  après  avoir  pasi^é  l'examen  àl'A- 
cadémie  de  médecine  de  S.  Pétersbourg  fut  nomme  en  18 i3  médecin  des  Domaines, 
prit  sa  retraiteen  1858et  mouruten  t86t.ll  a  laissédeux  manuscrits  jusqu  a  présent 
inédits  :  «  Description  medico-lopographigue  des  Domaines  du  district  de  Kiev  « 
1854,  contenant  beaucoup  de  renseignements  sur  Tétat  sanitaire  des  paysans, 
etc.,  et  «  Description  ethnoffraphique  des  paysans  du  gouvernement  de  Kiev  » 
(15i  pages  in-fotio';  appartenant  à  présent  au  Musée  des  antiquités  chrétienues  de 
l'Académie  théologique  de  Kiev.  Ce  dernier  travail  d'où  nous  extrayons  notre 
dessin  se  divise  en  trois  parties  :  archéologie,  histoire  et  ethnographie.  Les  deux 
premières  parties  sont  très  intéressantes,  même  aujourd'hui  ;  elles  contiennent 
quatre  planches  représentant  des  objets  de  l'âge  de  la  pierre  et  de  celui  du 
brouze,  un  dessin  d  un  menhir,  etc.  La  troisième  partie,  la  plus  importante, 
contieut  la  description  très  détaillée  des  habitations,  des  costumes,  etc.,  de-» 
données  philologiques  et  linguistiques,  les  usages  nuptiaux,  les  rites  funéraires, 
quelques  chansons,  proverbes  et  superstitions,  plusieurs  traditions  populaires 
etc.  Tous  les  deux  ouvrages  sont  en  français  et  en  russe. 


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ai  G  REVUE   DES   TRAUITIONS   POPtXAlHES 

aveugles  guidés  par  leurs  petits  conducteurs,  munis  de  gros  sacs 
pour  les  aumônes.  En  perspective  se  fait  voir  un  cimetière  situé  sur 
une  élévation  et  indiqué  par  des  croix  sépulcrales. 

On  peut  croire  que  Tauleur  de  ce  dessin  Ta  fait  parce  qu'il  n*a 
remarqué  Tusage  du  traîneau  funéraire,  même  en  été,  qu'au  district 
de  Radomysl.  Au  moins  tel  est  le  sens  de  Tinscription  au-dessous  du 
dessin  :  «  Dans  le  district  de  Radomysl  les  paysans  ont  la  coututfie 
d'exporter  le  corps  au  cimetière  sur  un  traîneau  tramé  par  des  bœufs ^ 
même  en  été  »,  On  pourrait  conclure  de  cela  que  M.  de  la  Flize  avait 
affaire  à  un  usage  qui  était  déjà  en  train  de  disparaître.  Néanmoins 
nous  le  retrouvons  dans  le  gouvernement  de  Kiev  encore  jusqu*à  nos 
jours.  M.  Yachtchourjinsky  Ta  signalé  au  Congrès  archéologique  tenu 
i\  Yaroslav  en  1887  \  et  la  décrit  plus  tard  dans  un  article  de  la  Revue 
historique  de  1  Ukraïne  *.  Peut-être  s'est-il  conservé  encore  dans 
quelques  endroits,  mais  en  général  le  traîneau  est  déjà  remplacé 
pour  le  transport  des  morts  en  été  parla  voiture  sur  toute  retendue 
de  la  partie  de  rUkraïne  appartenant  à  l'Empire  russe.  Mais  dans 
Tautre  partie,  dans  l'Ukraïne  Carpathienne  appartenante  la  Hongrie, 
et  en  Galicie  orientale  appartenant  à  l'Autriche,  beaucoup  plus 
montagneuses  et  par  conséquent  beaucoup  plus  conservatrices,  nous 
retrouvons  cet  usage  même  à  présent.  D'après  les  notices  de  M. 
Fenlzik,  citées  par  M.  Anoutchine,  chez  les  Ruthènes  de  la  Hongrie, 
on  porte  les  morts  au  cimetière  s'ils  sont  enfants,  mais  s'ils  sont 
adultes,  on  les  transporte  infailliblement  sur  un  traîneau  même  en  étéy 
—  tel  est  l'usage  dans  tout  le  pays  des  Ruthènes  des  Garpathes  '. 
Chez  les  Houtzoules  de  Houkovina  le  cercueil  est  porté...  sur  deux 
perches...  ou  bien  transporté  dans  une  voiture  ou  dans  un  traîneau 
attelé  de  bœufs.,,  il  arrive  qu'on  le  transporte  en  traîneau  même  en 
été  *.  Enfin  pour  la  Galicie  orientale  proprement  dite  nous  avons  une 
photographie  très  intéressante  que  nous  reproduisons  ici  en  dessin 
(fig.  4)  et  qui  a  été  faite  tout  récemment  (en  1894),  par  un  savant 
ukraïno-ruthène  M .  le  prof.  Choukhevitch  à  Berézov  dans  le  district 
de  Kolomyia  (Kolomeaj  '*.  Elle  représente  un  cortège  funéraire  arrêté 
en  route  pour  réciter  les  prières,  comme  on  fait  ordinairement  en 

1.  Les  restes  du  pnganisme  dans  les  usages  funéraires  de  la  Petite-Russie  {Bul- 
letin du  Congrès  archéologique  de  Yaroslav^  séance  du  17  août,  cité  par  M. 
Anoutchine,  op.  cit.  p.  5fi). 

2.  Yachtchourjinsky  Oslatki  yazytcheskikh  obriadov  v  malorousskom  pogrébeniï 
(Restes  des  rltps  païens  dans  les  funérailles  ukraïnienes).  IKievskaïa  Slarina. 
1890,  1,  130-132. 

3.  Anoutchine^  op.  cit.  p.  56. 

4.  Naouka,  ^la  Science)  revue  fondée  par  M.  Naouniovitch.  Vienne,  1889,  Juin. 

5.  Celle  photographie  pour  laquelle  nons  croyons  devoir  exprimer  notre  vive 
reconnaissance  à  M.  Hrouchevsky,  profesî^eur  à  l'Université  de  Léopol,  a  déjà 
été  reproduite  dans  une  revue  ruthène  «  Zoi^ia  »,  1895,  n»  U. 


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IlEVUE    DES   TRADITIONS    POnîLAinES  217 

UkraYiie.  Le  cercueil  repose  sur  un  traîneau  attelé  de  bœufs.  H  est 
fermé,  comme  il  est  d'usage  quand  le  parcours  de  la  procession  est 
assez  grand,  et  sur  son  couvercle  se  trouvent  un  pain  et  de  la  koutxa^ 
c'est-à-dire  des  grains  de  blé  oud*orge  piles  et  cuils  dans  deTeau  avec 
un  peu  de  miel.  Le  prêtre,  accompagné  par  quelques  personnages 
tenant  des  cierges,  récite  un  chapitre  de  TEvangile,  tandis  que  la 
foule  des  paysans  se  tient  nu-téte  derrière  le  cercueil.  Les  femmes 
qui  forment  un  groupe  tout  près  de  celui-ci  sont  des  platchkys  — 
pleureuses.  —  L'absence  de  neige  et  la  voiture  précédant  le  traîneau 
nous  montrent  que  la  scène  se  passe  en  été  (la  photographie  fut  faite 
au  mois  d'août)  et  que  l'emploi  du  traîneau  dans  ce  cas  est  bien 
rituel  aussi. 
L'emploi  funéraire  du  traîneau  n'est  nullement  un  usage  exclusi- 


•^    ':-    "^-^.-Ji. 


Fig.  4.  ~  Funérailles  eo  Galicie  orientale 
(d'après   la  photographie  de   M.  Choukhévitch.) 

vement  ukraïnien.  Nous  le  trouvons  presque  jusqu'à  présent  chez 
tous  les  peuples  Slaves.  M.  le  professeur  Jagic  a  constaté  au  Congrès 
archéologique  de  Yaroslav  l'existence  de  cet  usage  chez  les  Slaves 
méridionaux  *,  M.  Dobsinsky  Ta  rencontré  chez  les  Slovaques  *  ;  les 
Grands-russiens,dans  les  endroits  éloignés  du  gouvernement  de  Vo- 
logda  transportent  leurs  morts,  d'après  M.  Trouvorov,  non  autrement 
que  dans  un  traîneau,  hiver  comme  été...  '.  Chez  les  Polonais  nous 
retrouvons  une  survivance  de  l'emploi  funéraire  du  traîneau  dans 
une  cérémonie  très  curieuse  pratiquée  autrefois  le  jour  de  S'-Jean  à 

1.  Balletins  du  Congrès  de  Yaroslav,  cilé  par  M.  Anoutchine,  op.  cit.,  p.  52. 

2.  P.  Dobsinsky  Proslonarodnie  obycaie,  povery  a  hry  Slovenske.  (iJsages, 
croyances  et  jeux  populaires  slovaques),  18»0,  p.  109  (cité  par  M.  Anoutchine, 
p.  56). 

3.  Rousskata  Siarina,  (i/Antiquité  russe),  1887,  Dec.  p.  237  (cité  par  M.  Anout- 
chine,  p.  52). 


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218  REVUE  DES  THaDITIONS  IHMW.âmM 

MniasewdaAsfeidisUMt^leVMiefiîcy.  Dans  cet  endroit  pendant  la  fête 
pOfMénreée  Sûhotka,  on  faisait  sur  un  traîneau  une  espèce  de  huUe 
en  paille  et  après  y  avoir  introduit  le  cabaretier  du  village  en  compa- 
gnie d'un  chat  (dans  d*autrcs  endroits  on  ajoutait  encore  un  coq),  on 
menait  ce  traîneau  au  milieu  des  champs.  Là  on  Tentouraitde  paille 
et  on  y  mettait  du  feu.  La  paille  étant  enflammée,  le  cabaretier  bais- 
sait le  chat  se  sauver  et  puis  se  sauvait  lui-même  En  voyant  le  chat 
en  fuite  tous  les  assistants  poussaient  les  cris  ;  «  leci  dusza  !  »  (rame 
s'envole)  parceque  le  chat  représentait  dans  ce  cas  l'âme  du  caba- 
retier. .  *. 

Le  transport  des  morts  sur  le  traineau  étant  très  répandu  chez  les 
peuples  finnois  qui  occupent  tout  le  Nord  de  la  Russie,  M.  Anout- 
chine  se  demande  avec  beaucoup  déraison,  si  cet  usage  n'a  pas  été 
emprunté  par  les  Slaves  aux  indigènes  qui  sont  entrés  comme  un 
élément  très  important  dans  la  formation  de  la  nationalité  grandi'- 
russienne  ?  En  efl'et  les  Permiaks,  les  Votiaques,  les  Tchérémissos, 
les  Zyrianes  et  les  Tchouvaches,  ainsi  que  leurs  voisins  du  Nord  et 
de  l'Est,  les  Lapons,  les  Tchouktchis  et  les  Samoyèdes  transportent 
leurs  morts  toujours  en  traîneau  et  très  souvent  ils  ensevelissent  celui- 
ci  avec  les  corps  ou  bien  ils  le  déposent  au-dessus  de  la  tombe  *. 
Mais  M.  Anoutchinecroit  qu'étant  donné  Texistencede  cet  usage  chez  U's 
Slaves  méridionaux  et  occidentaux  dans  des  temps  très  éloignés,  ol 
les  traces  de  cet  usage  conservées  dans  les  contes  et  dans  les 
anciennes  images  populaires,  on  peut  bien  admettre  qu'il  existait 
chez  eux  indépendamment  de  toutes  les  influences  voisines. 

En  présence  de  quelques  indications  qui  montrent  que  Tusage  du 
traineau  dans  les  rites  funéraires  se  rencontre  aussi  dans  certains 
pays  de  l'Europe  occidentale,  nous  avons  cru  possible  d'aller  plus  loin 
et  de  chercher  les  origines  de  cet  usage  dans  l'antiquité  aryenne.  Dans 
les  contrées  montagneuses  de  l'Europe  et  notamment  dans  les  com- 
munes montagnardes  du  Jura,  si  le  cimetière  est  à  une  certaine  dis- 
tance on  transporte  les  morts,  en  été  comme  en  hiver,  sur  un  traineau 
dont  on  se  sert  ordinairement  pour  transporter  le  foin.  Dans  les  par- 
ties montagneuses  des  Alpes  et  des  Carpathes  le  traîneau  représente 
l'unique  équipage  employé  pour  le  transport  du  bois,  du  foin  et  aussi 
des  morts  \  Ces  traces  de  l'emploi  funéraire  du  traîneau,  énumérées 
par  M.  Anoutchine,  ne  sont  ni  assez  nombreuses  ni  assez  conchi- 

\.   Wisla,  1892,  Vl,  p.  689. 

2.  Anoiitchiuc  op  cit.  p.  'iVlîo,  Voir  aii4«i  Ritlich  Naterialy  dla  rounsLoï 
elnugraphii  (Matériaux  pour  IVlhuogrAphie  russe).  IL  120. 

a.'Uochholz,  Detttscher  Glaube  und  Hrauch.  Berl.  i867,  1.  p.  199,  cité  par  M. 
Anoutchine,  p.  57.  Il  y  a  quelque;»  années  les  journaux  iUustrés  ont  reproduit  un 
tableau  de  M.  Brion  représentant  la  trausportatiou  du  cercueil  po9é  sur  le  trai- 
neau dans  les  Vosgc:).  .Vu  Salon  de  189»  nous  avons  remarqué  un  tableau  de  .M. 


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REVUE    DBS   THAD1TI0KS  MVIII.AlttSS  219 


anles^  parcequ'il  s'agit  de  contrées  où  les  véhicules  à  roues  ne  i 
vent  pas  être  employés,  mais  il  ne  faut  pas  oublier  que  c*est  dans 
les  pays  montagneux  que  les  anciens  usages  persistent  le  plus  C*est 
pour  cela  probablement  que  M.  Anoutchine  a  cherché  !es  traces  de 
l'existence  du  traîneau  dans  les  montagnes  des  Indes  et  de  la  Perse, 
et  s*appuyant  sur  ropinion  de  M.  le  professeur  Vs.  Muller,  a  cru 
qu'il  y  était  inconnu,  en  admettant  en  même  temps  la  possibilité  de 
Texistence  dans  ces  pays  de  la  forme  du  traîneau  la  plus  primitive 
(p.  45).  M.  Vs.  MûUer  communiqua  à  M.  Anoutchine  que  pour  traduire 
le  mot  anglais  sledge  on  a  dû  inventer  exprès  dans  les  Indes  des  mots 
artificiels  et  descriptifs  dans  le  genre  de  «  niçcakrayâna  >y\oiinre 
sans  roues  ou  u  acah^avahanam  »  véhicule  sans  roues,  etc.  Cepen- 
dant dans  Touvragc  très  connu  de  M.  Zimmer  qui  a  étudié  Tancien- 
ne  civilisation  des  Aryens  védiques  d'après  les  livres  sacrés,  nous 
trouvons  dans  le  chapitre  cousacré  aux  funérailles,  un  fragment  de 
l'hymne  du  Rig-Veda  qui  contient,  nous  semble-t-il,  l'indication  un 
peu  vague,  il  faut  le  dire,  mais  toujours  intéressante,  qui  nous  a  fait 
croire  non-seulement  à  Texistence  du  traîneau  chez  les  anciens 
Aryens^  mais  aussi  à  l'emploi  de  ce  moyen  de  transport  dans  les 
rites  funéraires  : 

«  Tu  (le  défunt)  prends  place  sans  regarder  dans  une  voiture 
sans  roues,  toute  neuve,  que  toi,  6  jeune  homme,  tu  as  fabriquée 
il  laide  de  Tesprit,  dans  (la  voiture)  à  un  limon,  mais  tournée 
toujours  dans  tous  les  côtés.  »> 

«  La  voiture  que  toi,  ô  jeune  homme  tuas  roulée  icidevantleschan- 
leurs  et  après  laquelle  roula  la  chanson  (sâmon),  de  là  embarquée 
sur  un  bateau.  »  * 

Kn  interprétant  ce  texte,  M.  Zimmer  dit:  «  il  y  a  beaucoup  de 
choses  dans  cet  hymne  qui  restent  pour  nous  obscures  et  douteuses, 
où  même  les  commentaires  de  Sàyana  ne  nous  viennent  pas  en 
aide.  Cette  voilure  et  ce  bateau  sont-ils  seulement  une  allégorie 
du  bûcher?..  Ou  devons-nous  nous  rappeler  Tusage  qui  est  commun 
à  lantiquité  slave  et  germanique  ?  On  crigait  dans  un  bateau  ou 
dans  un  canot  le  bûcher,  on  posait  au-dessus  de  celui-ci  le  cadavre, 
on  mettait  le  feu  au  bûcher  et  on  envoyait  de  cette  manière  le 
défunt  sur  un  bateau  enflammé  dans  l'autre  monde  en  suivant  le 
courant  d'eau-  ». 

Rovel  Alsaciens  fuyant  devant  l'ennemi  en  Août  1870  :  le  cher  de  familie  descend 
dans  un  tratoeau,  sa  femme  et  ses  bagages  par  la  roule  pratiquée  dans  une 
forêt,  dont  les  arbres  pont  couverts  de  tout  leur  feuillage. 

1.  Riy-Veda,\,  133,  3  et  4. 

2.  H.  Zimmer,  AUindisches  Uben.  Die  Cullur  der  vedischen  Aner,  Berl.  1879, 
p.  4tO. 


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2â0  REVUE  nés  tbaditions  popitlairbs 

Ea  faisant  cette  supposition,  Taoteur  s^appuie  sur  les  faits  fournis 
par  Jac.  Grimm,  Weinhold,  Fraehn  et  Kotliarevsky  dont  il  cite  les 
ouvrages  en  note.  En  agissant  de  la  même  manière  et  en  nous  appu- 
yant sur  les  faits  mentionnés  chez  M.  Anoulchine  et  recueillis  par 
nous-méme,  nous  avons  cru  pouvoir  faire  une  supposition  non 
moins  vraisemblable  :  cette  voiture  sans  roues  (acakra  ratha)  de 
l'hymne  du  Itig-veda  n'était  autre  chose  que  le  traîneau  qui  a 
complètement  disparu  des  Indes  après  Tinvention  de  la  voiture 
à  roues  et  dont  le  nom  même  était  déjà  oublié  à  Tépoque  de  la 
rédaction  littéraire  des  Vedàs.  Pour  les  rites  funéraires  slaves,  M. 
Zimmer  s'est  servi  de  l'ouvrage  de  M.  A.  Kotliarevsky  quia  bien  connu 
Tusage  du  traîneau  funéraire  dans  Tantiquité  russe,  mais  qui  n'étant 
pas  renseigné  sur  les  faits  dont  nous  disposons  à  présent  (son  livre 
fut  publié  en  1868)  n'a  pas  pu  s'expliquer  cet  usage,  et  supposait 
même  que  le  traîneau  en  question  devait  être  «  une  espèce  de  voiture 
petite  et  commode  qu'on  a  employée  aussi  en  été  et  qu'on  a  mise 
quelquefois  dans  Téglise  avec  le  corps  d*un  mort*.  »  Eu  consé- 
quence M.  Zimmer  n'avait  à  sa  disposition  que  les  fails  concernant 
Tusage  funéraire  du  bateau  et  ignorait  complètement  celui  du 
traîneau,  mais  il  nous  semblait  qu'en  présence  des  faits  men- 
tionnés par  M.  Anoulchine  et  par  nous,  il  n'hésiterait  pas  à  être 
d'accord  avec  nous. 

En  trouvant  en  tout  cas  cette  question  au  dessus  de  notre  savoir 
nous  avons  eu  recours  à  la  haute  compétence  de  M.  A.  Barth,  membre 
de  l'Institut,  qui  très  obligeamment  a  voulu  nous  communiquer  son 
opinion  là-dessus.  Cette  opinion  n'est  pas  favorable  à  notre  suppo- 
sition. ((  Le  texte  de  Rig-Veda  X,  135  ».  dit  M.  Barth  dans  son  aimable 
lettre  :  «  est  absolument  obscur.  On  ne  sait  ni  quel  est  ce  jeune 
homme  (Kumàra),  ni  ce  que  représente  ce  char  sans  roues  [acakrn 
ratha)^  ce  char  merveilleux,  qui  n'a  qu'un  timon  et  se  dirige  pourtant 
en  tous  sens.  Peut-être  l'un  est-il  Agni,  le  dieu  du  feu,  et  l'autre  est- 
il  la  flamme  du  bûcher  funèbre  ;  car  Thymne  est  adressé  à  Yama,  le 
dieu  des  morts.  Mais  le  tout  est  présenté  expressément  comme  une 
énigme,  selon  un  usage  fréquent  dans  cette  poésie^  et  comme  il  est 
déclaré  nettement  aux  vers  5  et  6.  Dés  lors  il  semble  qu'un  traîneau 
funéraire  actuellement  en  usage,  soit  nettement  exclus,  car  l'éni- 
gme eût  été  dans  ce  cas  trop  facile  à  deviner.  Ajoutez  que  l'image 
d'un  véhicule  sans  roues  revient  plus  d'une  fois  dans  le  Veda  pour 
signifier  quelque  chose  de  merveilleux,  qui  roule  sans  (avoir  besoin 


1.  A.  Kotliarevsky,  0  pogrebalnykh  obytchdiakh  yazylcheskikh  Slavian,  {Sur  les 
rites  funéraires  des  Slaves  paiens\  Moscou,  1868,  p.  222, 


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REVUE   DES   TKADITlOiNS    rOPL'LAlRËS  221 

de)  poues.  Un  char  sans  roues  «'est  Timpossible,  qui  n'appartient 
qu  aux  dieux...  ». 

Mais  M  Barth  nous  indique  un  autre  texte  (Açvalàijana-ffrihyasùtra, 
IV,  2),  le  plusdétaiilésurce  sujet  ;  d'après  lequel  le  transport  des  morts 
chez  les  anciens  Hindous  pouvait  se  faire  «  au  moyen  d'un  pilhacakra 
attelé  de  bœufs.  Pithacakra  parait  signifier  û  (une  paire  de)  roues  mu- 
nies d*un  siège  n.  «  Elymologiquement,  dit  M.  Barth,  on  powi'ait  à  la 
rigueur  Vinterpréler  :  «  (une  véhicule)  ayant  le  siège  pour  roues  »  c'est- 
â'dire  une  sorte  de  traîneau.,.  Mais,  ajoute  M.  Barth,  le  commentaire 
l'explique  simplement  par  paAra/drfi  a  une  charrette  ou  autre  véhicule». 
Le  pariçishta  ou  supplément  de  rAçvalàyana-grihyasùtra  (III,  1)  laisse 
le  choix  entre  une  civière  (çivika)  et  une  charrette  à  bœufs  (goçakata)  ». 

M.  Barth  trouve  ces  explications  et  le  fait  que  deux  autres  textes 
[Kàiyàyana-çrautasitlra,  XXV,  7, 14  et  les  Çrautasùtras  du  Yajur  Noire 
cités  dans  le  commentaire  du  Taittiràya  Aranyaka  VI,  I,  4)  ne  nous 
parlent  aussi  que  des  chariots  pour  le  transport  des  morts  «  nettement 
contraire  »  à  notre  hypothèse.  Mais,  demandons  nous,  est-ce  qu'il 
n'est  pas  possible  de  supposer  qu'il  y  a  eu  ici  une  faute  du  commen- 
tateur, faute  pareille  àcelle  qui  a  été  commise  par  M.  A.  Kotliarevsky  ? 
N'est-il  pas  admissible  que  le  commentateur  qui  écrivait  dans  des 
temps,  où  les  commentaires  étaient  déjà  nécessaires  et  où  Fusage 
du  traineau  était  complètement  oublié,  ait  fait  cette  explication  parce 
que,  comme  Kotliarevsky,  il  n'avait  plus  aucune  idée  de  ce  «  véhicule 
ayant  le  siège  pour  roues  ?»  M.  Barth  appelle  notre  attention  sur 
le  fait  que  «  la  roue  védique  n'est  déjà  plus  la  roue  pleine  :  elle  est  à 
rayons  et  à  jante  ».  Ce  fait  ne  peut  que  confirmer  notre  supposition 
que  à  l'époque  des  Vedas  le  traîneau  devait  avoir  complètement  dis- 
paru et  c'est  justement  à  cause  de  celaque  le  commentateur  explique 
ainsi  le  texte  qui  a  conservé  probablement  son  sens  primitif. 

Nous  laissons  donc  ouverte  la  question  de  l'usage  funéraire  du.  traî- 
neau chez  les  peuples  indo-européens  aux  temps  védiques.  Maisaprés 
cela  il  nous  reste  encoreà  nous  demander  d'où  vient  cet  usage  ?  M .  Trou- 
vorov  et  après  lui  M.  Anoutchine,  qui  a  étudié  cette  question  à  fond, 
croient  avec  beaucoup  de  raison,  à  notre  avis,  que  l'origine  de  cet 
usage  doit  étrecherchée  dans  l'idée  du  grand  voyage  que  l'homme  doit 
faire  après  sa  mort  dans  les  pays  inconnus,  mais  sûrement  lointains, 
d'outre-tombe.  Les  hymnes  du  ttig-Veda  nous  parlent  aussi  de  cette 
longue  route  :  «  Le  voyage  à  l'autre  monde,  dit  M.  Zimmer,  c'est 
une  expédition  longue  et  pénible,  pour  laquelle  la  protection  de 
Pûshan  ^st  nécessaire  (R.  V.  X,  17,  4)  '.  »  Et  comme  tou^  les  peuples 

t.  H.  Zimmer  op.  cit.,  409.  L'idée  d'un  long  voyage  après  la  mort  est  rOpaoduc 
chez  tous  les  peuples  et  se  fait  remarquer  dans  beaucoup  de  rites  funéraires.  En 


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222  REVUE   DES   TRADITIONS    POPULAIRES 

sont  toujours  fidèles  à  leurs  rites  et  leurs  choses  aneieones,  ils  ont 
employé  pour  expédier  leurs  morts  les  moyens  de  transport  les 
plus  anciens  et  par  conséquent  les  plus  primitifs.  Nous  savons  que 
ks  anciens  Egyptiens  transportaient  aussi  les  cadavres  sur  des 
trafnewnL^  que  les  peuples  nomades  avaient  Tusage  d*enterrer  ou 
d'incinérer  avee  k^iaort  ses  chevaux  ;  il  y  a  beaucoup  de  peuples 
qui  enterraient  les  cadavres  dans  des  canots  ;  les  anciens  Scandi- 
naves employaient  non  seulemeai  les  bateaux  dans  leurs  funérailles, 
mais  encore  ils  construisaient  des  monaaMuts  entiers  en  pierre  repré- 
sentant des  canots  '  ;  d'après  Weinhold,  iîs  «terraient  quelquefois 
leurs  morts  dans  des  chars  et  dans  des  voitures  '  :  ht  lombe  gauloise  du 
Musée  de  Saint-Germain  contient  un  chariot  deguervt;  enfin  les 
anciens  Bretons,  d'après  M.  Le  Braz,  employaient  presque  jusqu'à 
no3  jours  «  les  charettes  grossières  et  toutes  primitives.  »  Dans  eer- 
taines  régions  de  la  Gornouaille,  dit-il,  on  peut  voir  encore  de  ces 
charettes  grossières  et  toutes  primitives.  «  Quand  j'étais  enfant,  me 
dit  mon  père,  on  transportait  les  morts  au  cimetière  du  bourg  dans 
un  tombereau,  au-dessus  duquel  on  avait  courbé  en  forme  d'arceau 
des  branches  de  saule  ou  d'osier  :  sur  ces  arceaux  on  tendait  un 
drap  blanc.  Des  draps  de  môme  couleur  étaient  jetés  sur  les  chevaux 
de  l'attelage  '...  »  Nous  nous  rappelons  à  propos  de  cette  descrip- 
tion la  reproduction  de  la  voiture  gauloise,  qu'on  a  vu  à  l'Exposition 
Universelle  de  1889. 

Les  bceufs  comme  attelage  obligatoire  pour  le  transport  des  morts 
en  UkraYne  doivent  être  considérés  aussi  comme  un  fait  de  la  survi- 

Ukraïne  par  exemple,  ou  mettait  autrefois  dans  le  cercueil  une  bonnet  en  peau 
de  mouton,  une  canne  et  quelquefois  une  bouteille d'eau-de- vie  (/Ctév^AraïaS^ari/ta 
1889,  t.  XXV,  p.  636).  Dans  la  cour  de  la  maison  de  mon  père,  à  Niéjine  (^ouv. 
de  Tchernihov)  on  a  trouvé  pendant  les  travaux  de  construction  une  ancienne 
tombe  qai  rcnûrmait  entre  autre  chose  une  bouteille  d  e;iu-de-vie,  qui  fut  vidée 
naturellement  séance  teuante  par  les  ouvriers.  Chez  les  Tchèques  on  donne  au 
défunt  une  paire  de  bottes  qui  seront  usées  pendant  sou  voyage  au  pays  des 
ancêtres  {Kotliarevsky  op.  cit.  p.  210).  Les  Russes  de  la  Lithuanie,  daprès  le 
témoignage  de  Melelîits  :  «  defunctorum  cadavera  vestibus  et  calciis  induuntur  et 
erecta  locantur  super  seilam  {Hesp.  Moscoviae  et  Urbes^  Lugd.  Batav.,  1630,  p.  184). 

1.  M.  Anoutchine  cite  à  propos  de  cela  une  série  de  documents  puisés  chez 
Wilkiruorit  The  manner  and  cueioms  of  the  Ancient  Egtfplians^  vol.  lif. 

2.  G.  Bœhmer,  Prehistoric  naval  archilecttire  of  Ihe  Sorlh  of  Europe  (Ann.  Rep. 
of  the  Smithsouian  Institution.  Rcp.  of  U.  S.  Nat.  Muséum)  1891,  p.  552-561. 
V.  Stassov.  Zamiélka  o  Boussakl  Ibn-Fadlana  (Notice  sur  les  Russes  d*Ibn* 
Fadlan).  Bev.  d.  Minist.  de  Vïnstr,  pubi.  russe,  CCXVI,  2,  p.  306. 

3.  Le  Braz.  La  Légende  de  la  Mort.  P.  1893,  p.  60.  Dans  certaines  contrées  de 
rukraîne  autrichienne  (Pokoutié)  la  tradition  exige  aue  les  bœufs  qui  transpor- 
tent le  mort  au  cimetière  soient  parfaitement  blancs.  Une  série  de  faits 
démontrant  que  la  couleur  blanche  est  le  signe  du  deuil  chez  plusieurs  peuples 
est  mentionnée  chez  M.  Anoutchine  (op.  cit.  p.  56)  et  chez  M.  A.  de  Gubernatis. 
Sloria  comparala  degli  usi  funebri.  Mil.  1877,  p.  53.  M.  Anoutchine  explique 
aussi  remploi  des  bœufs  blancs  par  Tancienneté  de  la  race  du  bétail  ukrainien, 
qui  comme  ceux  de  Hongrie  et  d'Italie,  d'après  Rûtimeyer  se  rapproche  le 
pluii  de  Bo$  prirnigenius . 


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REVUB   DES   TRADITIONS    POPULAIRES  223 

vance  de  pratiques  très  ancienaes.  L'emploi  du  traineau,  comme 
umm  Y»nm&  dîl^  na  M  eooserré  qne  êmts  qaeiyM»  fJhfoiii  d-  mI 

presque  oublié  daos  toute  Téteodue  de  ce  pays  ;  mais  Tusage  des 
bœufs  persiste  toujours  non  seulement  eu  UkraYoe,  mais  chez  les 
autres  peuples  slaves.  Et  cela  remonte  probablement  aussi  à  la  très 
haute  antiquité.  Nous  le  retrouvons  même  chez  les  anciens  Hindous  '. 
Si  nous  ne  le  rencontrons  pas  dans  les  cérémonies  des  funérailles 
princières  de  la  Russie  kiévienne,  décrites  au  commencement  de 
notre  article,  c'est  probablement  parce  que  les  premiers  princes  de 
ce  pays  ont  emprunté  le  rituel  byzantin,  et  que  le  clergé,  qui  était 
grec  aussi,  pouvait  à  son  tour  s'opposer  aux  anciens  rites  slaves  peu 
conformes  à  la  chrétienté  et  à  la  royauté.  En  Grèce  dans  les  temps  ho- 
mériques on  employait  déjà  pour  le  transport  des  morts  les  mulets  ^. 
Au  nombre  des  objets  funéraires  faisant  allusion  au  long  voyage  de 
Tàme  d  outre-tombe,  il  faut  rapporter  aussi  le  pain  que  nous  avons 
remarqué  sur  le  cercueil  daus  le  dessin  des  funérailles  de  Radomysl 
fait  par  M.  de  la  Flize.  Quoiqu'on  le  donne  à  présent  aux  serviteurs 
de  Téglise  ",  il  était  destiné  jadis  à  réconforter  le  mort  pendant  son 
voyage.  Au  commencement  encore  de  notre  siècle  on  mettait  dans  les 
cercueils  mômes  un  pain,  un  pot  de  kacka  et  une  bouteille  d'eau-de- 
vie  ^.  L*usage  de  donner  aux  morts  un  pain  est  aussi  très  ancien  et 
quoique  M.  le  prof.  Soumtzov  prétende  que  le  pain  funéraire  n'a  au- 
cune importance  dans  l'histoire  de  la  civilisalion,  n<ius  croyons  qu'il  a 
joué  un  rôle  assez  considérable  dans  les  rites  funéraires  de  bedtlcoup 
de  peuples.  Les  Hindous  de  l'époque  brahmanique  plaçaient  un  pain 
dans  les  mains  de  leurs  morts  avant  de  les  mettre  sur  le  bûcher  *. 
D'après  les  chroniques,  les  anciens  Tchèques,  mettaient  une  moitié 
de  pain  auprès  de  la  tombe  ;  les  Russes  de  Lithuanie,  selon  le  témoi- 
gnage de  Meletius,  mettaient  aussi  près  de  la  tète  du  cadavre  un  pain 
et  un  pot  rempli  de  vin,  les  Tchèques  modernes  ne  manquent  pas  à 
le  faire  jusqu'à  présent  ;  nous  trouvons  ie  même  usage  chez  les  Ser- 
bes et  chez  les  Polonais  '  ;  lés  traces  de  lusage  funéraire  du  paiu 
existent  aussi  chez  les  peuples  germaniques  et  romans  '^.  L'église 
orthodoxe  russe  fait  porter  devant  le  cercueil  pendant  les  funérailles 
un  plat  de  grains  cuits  d'orge  ou  de  blé  [kacha  ou  koutia)  qui  repré- 
sente le  pain  dans  sa  forme  probablement  la  plus  ancienne. 

1.  Açvalayna^  IV,  2. 

2.  Iliade,  XXIV,  697. 

3.  N.  Souintzuv  Chlieb  v  obriadakk  i  piesniakh  (Pain  dans  l«s  rites  et  obansons 
pop.).  Rharkov,  1885,  p.  67. 

4.  Kievskaia  Slarina,  1890,  I,  p.  130. 

5.  A.  Kotliarevsky,  op.  cit.  p.  182. 

6.  A.  Kotliarev0kv,  op.  cit.  pp<  143,  149,  207,  217,  221,  etc. 

7»  A.  de  Gubernatis,  op.  cit.  p.  51,  v.  aussi  Liebrecht,  Zur  Vàtk8kun<ie,  p.  399. 


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224  HEVUE  DES  TRADITIONS  POPULAIKCS 

Nous  voyons  donc  que  c'est  à  l'antiquité  du  traîneau  comme  moyen 
de  transport  qu'il  faut  attribuer  son  rôle  si  important  dans  les  rites 
funéraires  des  peuples  Aryens.  D'après  les  légendes  de  VUkraïne 
«  au  commencement  les  hommes  n'avaient  pas  de  voilures  et  em- 
ployaient toujours  rhiver  et  Télé  le  traîneau.  »  C'est  le  diable  qui  a 
inventé  les  roues  et  la  voiture  ;  les  autres  disent  que  c'étaient  saint 
Paul  et  saint  Pierre,  d'autres  encore  que  c'était  Salomon  *.  Ici  le 
folklore  ukrainien  est  d'accord  avec  les  données  d'archéologie  et 
d'ethnographie  comparée.  Après  avoir  étudié  les  diverses  formes 
du  traîneau  et  des  machines  à  battre  le  blé  qui  ont  une  ressem- 
blance évidente  avec  le  traîneau  'comme  iribulum  ou  traka  romains  et 
dikany  de  tous  les  peuples  balcaniques)  et  qui  sont  si  répandues  dans 
tous  les  pays  aux  bords  de  la  Méditerranée  où  elles  commencent  à  être 
remplacées  par  les  voitures,  M.  Anoutchine  fait  la  supposition  que  le 


Fig.  5.  Attelage  de  chien  (Canada). 

traîneau  présente  peut-être  la  forme  la  plus  primitive  de  la  voiture 
en  général,  non-seulement  dans  les  pays  septentrionaux  où  il  y  a 
beaucoup  de  neige,  mais  aussi  dans  les  pays  méridionaux  secs  et 
chau  Is  Crllc  hypothèse,  dit  l'éminent  professeur  de  Moscou,  est 
d'autant  plus  vraisemblable  que  la  voiture,  la  plus  simple  même,  est 
beaucoup  plus  compliquée  que  le  traîneau,  qui  dans  ses  formes  les 
plus  rudimentaires  ne  présente  que  deux  perches  ou  troncs  d'ar- 
bre réunis,  chargés  de  poids  et  traînés  par  l'homme  ou  l'animal.  En 
effet  dans  toutes  les  parties  du  monde  on  peut  trouver  des  traîneaux  do 
ce  genre.  Aux  exemples  cités  par  M.  Anoutchine  ^deux  perches  atta- 
chées à  la  selle  d'un  cheval  chez  les  Indiens  du  Texas,  un  tronc  d'ar- 
bre bifourché  et  attelé  de  bœufs,  en  Afrique  méridionale,  etc.)  nous 
pouvons  ajouter  encore  une  manière  de  transporter  les  charges  à 
l'aide  de  chiens  chez  les  Indiens  de  l'Amérique  du  Nord  (Canada), 

1.  Tchoubinsky  Troudy  Erpeditiii  {Travaux  de  Verpidition  ethnographique 
dans  les  provinces  du  Sud-Ouest  de  la  Russie),  1,  p.  104-106.  (Cité  che«  M. 
Anoutchine  op.  cit.  p.  60). 


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REVUE   DES  TRADITIONS  POPULAIRES  22S 

que  nous  avons  trouvé  sur  une  des  photographies  rassemblées  par 
M.  Stoddard  et  publiées  dans  le  Portfolio  Colonial  de  la  C*  de  Wer- 
ner  à  Chicago  et  à  Paris  (1895,  sér.  12).  Sur  la  reproduction  d'une 
partie  de  cette  photographie,  que  nous  donnons  ici  (fig. 5),  on  peut 
voir  deux  perches  attachées  au  collier  d'un  chien  d'attelage,  au  mi- 
lieu desquelles  se  trouve  une  espèce  de  siège  en  branches  et  en  cordes 
entrelacées,  où  on  met  la  charge.  C'est  à  peu  près  la  même  chose 


Kig.  6.  Tratneau  des  Ile»  Philippioes  (Musée  du  TrocadérD). 

que  les  diverses  espèces  de  volokouchis  russes  décrites  par  M.  Ânout- 
chine  qui  se  rencontrent  très  souvent  dans  les  parties  septentrio- 
nales de  la  Russie  et  ne  consistent  qu'en  deux  perches  réunies  par 
des  traverses.  Ces  volokouchis  peuvent  être  considérées  comme  pro- 
totype du  traîneau.  «  L'expérience,  dit  M.  Anoutchine,  a  pu  démontrer 
les  inconvénients  de  Tusage  des  longues  perches  qui  pouvaient  se 
rompre  très  souvent.  En  liant  avec  une  corde  oujunejcoiirroie  les 
deux  bouts  des  perches  cassées,  on  a  pu  remarquer  que  cela  pré- 


Fig.  7.  Iles  Philippines  (Musée  du  Trocadéro). 

sentait  certaines  commodités,  et  par  cela  l'invention  du  traîneau  était 
déjà  faite  en  principe  ;  il  ne  restait  qu'à  recourber  un  peu  les  bouts 
antérieurs  des  patins  aOn  qu'ils  glissent  plus  facilement  sans  se 
heurter  contre  le  sol...  *  » 

Il  n'est  pas  facile  de  retrouver  toutes  ces  formes  intermédiaires. 
Notre  article  nélanl  qu'un  supplément  à  l'ouvrage  de  M.  Anoutchine 
nous  profitons  de  l'occasion  pour  attirer  à  ce  point  Je  vue  l'attention 

1.  En  Haute-Bretagne,  les  enfants  ont  comme  charrette  primitive  une  sorte 
de.traineau,  formé  d'une  branche  fourchée,  à  laquelle  ils  adaptent  parfois  des 
demi-cercles  (comm.  par  M.  Paul  Sébillot). 

TOMK    XI.   —  IIAI    1896.  \ô 


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■^î 


22(i  REVUE   DES  TUADITIONS    POPULAIUES 

de  nos  collègues  sur  diverses  formes  du  traîneau  des  Iles  Philippines 
dont  nous  donnons  ici  les  dessins  d'après  les  photographies  faites 
au  Musée  du  Trocadéro  grâce  à  Tautorisation  bienveillante  de  M.  le 
\y  E.  T.  Hamy.  La  fig  6.  représente  un  traîneau  où  les  perches  pri- 
mitives sont  déjà  divisées  en  deux  tronçons,  quoique  d'une  manière 
peu  suffisante  encore,  probablement  parce  que  cet  appareil  estdesliné 
à  des  routes  qui  ne  sont  pas  couvertes  de  neige.  La  figure  7 
nous  donne  l'exemple  du  même  traîneau  pourvu  déjà  de  sa  caisse  en 
forme  de  panier.  Enfin  la  Hg.  8,  représente  un  véritable  traîneau 
avec  les  patins  légèrement  recourbés,  qui  a  beaucoup  de  ressem- 
blance avec  le  traîneau  de  rUkraïne  servant  pour  le  transport  du  foin 


Fig.  8.  Traîneau  des  Ue»  Philippines  (Musée  du  Trocadéro). 

pendant  l'hiver.  Les  brancards  sont  remplacés  ici  par  des  cordes.  Ces 
traîneaux  des  Iles  Philippines  sont  d'autant  plus  intéressants,  qu'ils 
proviennent  du  pays  où  il  n'y  a  jamais  dé  neige,  ce  qui  nous  prou- 
ve d'une  manière  certaine  que  les  traînaux  avaient  bien  pu  appa- 
raître comme  moyen  de  transport  dans  les  pays  chauds  et  être 
rorigine  des  véhicules  à  roues. 

Quant  à  ces  derniers,  M.  Ed.  Tylor  a  indiqué  depuis  longtemps 
déjà  que  leur  première  origine  tloit  être  cherchée  dans  les  rouleaux 
ou  morceaux  de  bois  cylindriques  sur  lesquels  on  plaçait  une  charge 
et  qui  se  transformèrent  plus  tard  en  roues  avec  un  axe  immobile  ^ 
Mais  ces  rouleaux  apparaissent  primitivement  comme  un  supplément 
du  traîneau,  étant  placés  sous  les  patins  de  celui-ci.  Sur  les  monu- 

I.  Ed.  Tylor.  Anlftropology^  p.  199-200.  Une  nouveUe  tliéorie  de  l'évolution  de 
la  voiture  est  proposée  tout  réciuinieut  par  M.  E.  Ilahn  dans  une  des  séance?  de  la 
Société  d'Anthropologie  de  Berlin  (Zeitschrift  fur  Ethtwloffie  XXVM  Jahr«jr, 
t895.  tleft  V,  p.  342-345;.  L'auteur  de  celle  Ihéone  un  peu  inattendue  trouve 
l'opinion  de  M.  Tylor,  adoptée  e».  développée  par  M.  Reuleaux  {TheoreUsche  Kine- 
maliky  Braunschw,  1815,  p.  204)  peu  satiAraisante  et  croit  que  la  première  idée  des 
roues  devait  avoir  élé  donnée,  pendant  l'époque  néolithique  encore,  par  lesfasa'io- 
les,  qui  avaient  d'après  lui  une  signification  sacrée  {heilig  waren)  «  parce  qu'elles 
étaient  souvent  faits  de  matières  précieuses  comme  ambre  jaune,  par  exemple, 
et  ornés  des  signes  sacrés.  «  11  fallait  seulement  enfiler   deux   fusaioles  sur      n 


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REVUE    DES  TRADITIONS  POPULAIRES  227 

menis  assyriens  nous  trouvons  des  bas-reliefs  représentant  la  scène 
du  transport  d'une  statue  colossale  qui  repose  sur  un  traîneau,  au- 
dessous  duquel  sontsupposésdes  rouleaux  (fig.  9)  Pour  faire  la  voiture  il 
ne  restait  qu'à  réduire  le  diamètre  du  rouleau  au  milieu  et  à  ratta- 
cher au  traîneau  qui  se  transforme  en  caisse  de  voiture.  De  là  déjà 


Fig.  9.  Transport  d*ua  traîneau.  Bas  relief  d'après  Flandin  (1). 

les  voitures  primitives  à  axes  mobiles  indiquées  par  M.  Ed.  Tylor  à 
Rome  et  en  Portugal  et  par  M.  Anoutchine  au  Caucase  (fig  10). 

Les  perches  réunies  présentent  sans  doute  une  forme  primordiale 
du  traîneau  ou  au  moins  Tune  de  ces  formes.  Mais  il  est  possible 
aussi,  dans  les  pays  froids  et  abondants  en  neige  surtout,  que  la  pre- 
mière idée  du  traineau  ait  été  par  exemple  donnée  par  combinaison 

axe  et  la  voiture  était  inventée  ».  L'auteur  insiste  sur  le  rôlo  sacré  des  fusaïoles 
parce  qu'il  cherche  à  prouver  un  rattachement  de  la  voiture  et  de  la  charrue  à 
certaines  divinités  mythologiques  du  Nord  de  l'Europe  auxquelles,  croit-il» 
étaient  consacrés  les  petits  chariots  eu  bronze  qu'on  trouve  dans  les  fouilles 
halstatiennes  et  de  la  période  de  la  Tène.  Nous  n'avonit  pas  besoin  d'apprécier 
cette  nouvelle  théorie  dont  la  valeur  scientiûque  ressort  d'elle  môme. 

I.  Gravure  extraite  de  V Histoire  narrative  et  descriptive  des  anciens  peuples 
de  rOrient,  par  Ch.  Seignobos.  1  v.  in  18  avec  HO  gravures  et  5  caitcs.  Paris, 
Armand  Colm. 


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!Î28  REVUE  DES  TRADITIONS    POPILAIRBS 

de  deux  patins  qui  ont  pu  être  inventés  d*avanee.  Il  faut  se  rappeler 
seulement  ringéniosité  elTesprit  d*invention  avec  lesquels  les  enfants 
des  pays  du  Nord  savent  tout  accommoderpour  pouvoir  patiner  ou  se 


Fig.  10.  «  Harba  »  de  Caucase  (d'après  M.  Anoutchine). 

promener  sur  la  glace  pendant  l'hiver,  pour  comprendre  combien  les 
origines  du  traîneau  pouvaient  élre  variées.  Comme  exemple  nous 
nous  permettons  de  reproduire  ici  une  figurine  d'un  coin  de  tableau 
de  Breughel  de  Velours  dont  nous  possédons  la  gravure  :  un  petit 
gamin  se  promène  sur  la  glace  assis  sur  la  mâchoire  inférieure 
de  bœuf  probablement  (fig.  H).  En  voyant  cette  petite  image  on 
se  rappelle  involontairement  le  rapprochement  remarqué  par  M. 
Anoutchine,  entre  le  traîneau  et  la  mâchoire  inférieure,  dans  les  lan- 
gues de  certains  peuples.  En  ossète  le  mot  dzonigh  signifie  le  traî- 
neau et  la  mâchoire  inférieure,  ainsi  que  le  mot  salazki  dans  la  langue 
grand-russienne,  et  si  nous  ne  nous  trompons  pas,  le  mot  gryndjoly 
dans  la  langue  ukraïnienne.  Tu.  Volkov. 


Fig.  11 


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REVrîE    DES    TRADITIONS    POPULAIftRS  229 


POÉSIES  SUR  DES  THÈMES  POPULAIRES 


XXXIX 

FLUTES  d'ÉCORCE 

Au  marchA  j'ai  fait  emplette 
D'un  couteau  d'acier  poli. 
Je  m'en  vais  au  Bois  joli 
Quand  chante  Talouette... 
Ilélého  Tého  ! 

La  tiédeur  d'avril  se  glisse 
Au  plus  fourré  des  gaulis. 
J'ai  choisi  dans  le  taillis 
Deux  arbres  au  tronc  lisse... 
Hélého  l'êho  ! 

Deux  arbres  de  bonne  taille, 

Blanc  bouleau,  brun  merisier, 

Que,  de  mon  couteau  d'acier, 

Très  doucement  j'entaille. 

Hélého  i'ého  ! 

Je  coupe,  en  larges  rouelles, 
L'écorce  où  la  sève  bout  : 
Quelques  épines.,  c'est  tout  ; 
J'ai  deux  flûtes  nouvelle:*... 
Hélého  I'ého  ! 

Sur  ces  flûtes  primitives 
Je  répète  mes  chansons  ; 
J'en  tire  de  joyeux  sons 
Et  des  notes  plaintives. 
Héléo  I'ého. 

Vous  plairait-il  d'en  entendre 
Quelques-unes  ?  Les  voici  ! 
J'en  sais  d'un  ton  triste,  aussi 
D'un  ton  gaillard  ou  tendre... 
Héléo  I'ého  ! 

Ma  musique  est  peu  savante 
Et  j'en  fais  l'aveu  sans  fard  ; 
Ne  cherchez  pas  beaucoup  d'art 
En  ces  airs  que  j'invente... 
Héléo  i'ého  ! 


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2<t0  RRVUR    DRS   TRADITIONS    POPULAIRE^ 


XL 

LE  GALANT  QUI  SE  NOIE 

{D'après  la  ballade  populaire) 

La  blonde  fille  est  sur  la  grève, 
Baignant  ses  bras  blancs  dans  la  mer  ; 
Non  loin  d'elle  un  jeune  homme  rêvp 
Aux  traîtrises  du  flot  amer. 

Qu'elle  me  dise  oui  ou  non 

J'aimerai  toujours  Manon. 

Uu  cri  soudain.,  qui  se  lamente? 
Vite  il  regarde  :  au  bord  de  Teau 
La  belle  blonde  se  tourmeute, 
Ses  pleurs  coulent  comme  un  ruisseau 

Qu'elle  me  dise  oui  ou  non 

J'aimerai  toujours  Nanon. 

Il  accourt  :  «  Qu'avez-vous,  6  blonde, 
Qu'avez-Yous  donc  à  pleurer  tant  ?  *> 

—  «  J'ai  laissé  dans  la  mer  proronde 
Choir  mon  anneau  d'or  éclatant.  » 

Qu'elle  me  dise  oui  ou  non 
J'aimerai  toujours  Nanon. 

Et  leurs  regards  à  l'instant  même 
Se  rencontrent...  pour  les  charmer 
C'en  est  assez  :  lui  sait  qu'il  l'aime, 
Elle  sent  qu'elle  va  l'aimer 

Qu'elle  me  dise  oui  ou  non 

J'aimerai  toujours  Nanon. 

—  «  CoDsolez-vous,  laissez  vos  larmes, 
0  belle  blonde,  se  tarir  ; 

L'anneau  qui  cause  vos  alarmes. 
Je  vais  aller  vous  le  quérir,  m 

Qu'elle  me  dise  oui  ou  non 

J'aimerai  toujours  Nanon. 

Et  le  jeune  homme  se  dépouille. 
En  un  clin  d'œii  de  son  manteau, 
11  se  jette  à  la  mer,  il  fouille 
L'abîme  inexploré  de  l'eau. 

Qu'elle  me  dise  oui  ou  non 

J'aimerai  toujours  Nanon. 

Une  première  fois  il  plonge 
Sans  rien  trouver  ;  il  plonge  encor  ; 
Comme  dans  le  vague  d'un  songe 
11  croit  entrevoir  l'anneau  d'or. 

Qu'elle  me  dise  oui  ou  non 

J'aimerai  toujours  Nanon. 


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hEVi:K  DES  TRVDITIQNS  POPITLAlKES  '2'M 

11  plonge  encore  :  son  àme  est  ferme, 
Mais  la  force  manque  à  ses  bras  ; 
Sur  lui  la  mer,  hélas  !  se  ferme 
Pour  jamais.,  il  ne  revient  pas. 

Qu'elle  me  dise  oui  ou  non 

J'aimerai  toujours  Nanon. 

Oh  !  quels  pleurs  versera  sa  mère. 
Comme  son  cœur  sera  broyé  ! 
Quoi  I  pour  un  amour  éphémère, 
Son  bel  enfant  ainsi  noyé  ! 

Qu'elle  me  dise  oui  ou  non 

J'aimerai  toujours  Nanon. 

Deux  cœurs  en  qui  l'espoir  succombe 
Pour  son  àme  prieront  souvent  : 
La  vieille  mère  sur  sa  tombe, 
La  belle  blonde  eu  un  couveut  I 

Qu'elle  me  dise  oui  ou  non 

J'aimerai  toujours  Nanon. 

Achille  Millien*. 

1.  Chez  nous  (Le  long  des  sentes  uivernai^es  —  Airs  de  flûte  —  Le  jour  qui  tombe). 
Pûrii»,  Lemerre,  in-18  de  pp.  212  (3  fr.).  Ce  nouveau  volume  de  notre  collabora- 
teur contient  beaucoup  de  pièces  où  il  s'est  inspiré  des  chansons  populaires  et 
des  traditions  du  Nivernais.  C'est  à  ces  dernières  que  sont  empruntées  la  Pierre 
de  la  fée,  Coly  et  la  Wivre,  le  Caraqui.  D'autres,  que  leur  longueur  seule  nous 
empêche  de  reproduire,  parleut  des  coutumes  locales  :  La  Quête  des  pâtres  pour 
le  moi  de  Mai,  le  mai,  etc.  D'autres  enfin,  comme  le  Galant  nui  se  noie,  la  ballade 
du  galant  qui  tua  sa  mère,  l'Infanticide,  le  Cœur  perdu,  sont  directement  inspirées 
par  des  chansons  populaires  ;  à  ce  point  de  vue,  et  en  dehors  du  mérite  poéti- 
que très  réel  de  certaines  pièces,  ce  livre  mérite  d'être  bien  accueilli  par  ceux 
qui  aiment  la  poésie  et  la  tradition  populaire.  P.  S. 


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232 


REVrE   DES  TRADITIONS   POPULAIRES 


CONTES  DE  LA  HAUTE-BRETAGNE 

Récits  surnaturels 


OUATRE-POUCES 

^^  L  était  une  fois  un  homme  et  une  femme  qui  avaient  un 
fils  ;  i]  était  si  petit  qu'à  dix-huit  ans  il  n'avait  que  quatre 
pouces  de  hauteur. 

Il  partit  alors  avec  un  petit  pain,  un  petit  paquet  et 
quelques  pièces  de  monnaie.  Il  vit  sur  sa  route  un  grand 
monsieur  bien  mis  auquel  il  demanda  la  charité. 

—  Je  te  fournirai  autant  d'or  que  tu  voudras,  répondit  le 
monsieur,  si  tu  veux  me  donner  ton  âme. 

Quatre-Pouces  vit  que  le  monsieur  avait  un  pied  fait 
comme  celui  d*un  cheval,  et  il  lui  dit  : 

—  Vous  pouvez  garder  votre  or,  mon  pauvre  monsieur  le  diable. 
Il  se  mît  à  marcher  près  du  diable,  et  comme  celui-ci  ne  faisait 

pas  attention  à  lui,  il  sauta  dans  sa  poche,  lui  prit  sa  bourse  et  sa 
baguette  de  vertu,  et  se  laissa  glisser  de  la  poche. 

Un  peu  plus  loin,  il  rencontra  une  vieille  femme  qui  avait  Tair 
bien  malheureux  ;  elle  demanda  la  charité  à  Quatre-Pouces  qui  lui  dit  : 

—  Tenez,  bonne  femme,  voici  ui\e  pièce  d'or  et  un  morceau  de  pain. 

—  Je  te  remercie,  mon  petit  homme,  lui  répondit-elle;  et  aussitôt 
elle  devint  une  belle  dame,  belle  comme  une  fée  qu'elle  était.  Je  vou- 
lais voir  si  tu  avais  bon  cœur.  Je  vais  te  donner  un  conseil.  Tu  as  pris 
la  bourse  du  diable  et  sa  baguette  de  vertu,  mais  ils  ne  sont  pas 
encore  à  toi.  Le  diable  va  venir  le  chercher,  et  il  t'emportera.  Va  à 
l'église,  fais  bénir  par  un  prêtre  la  baguette  de  vertu,  et  si  le  diable 
t'attrape,  tu  diras  :  Par  la  vertu  de  ma  petite  baguette,  va  en  enfer 
et  ne  reparais  jamais  sur  terre.  » 

Quatre-Pouces  remercia  la  fée,  et  se  hâta  d'aller  à  l'église  faire 
bénir  sa  baguette  :  il  prit  aussi  une  petite  bouteille  d'eau  bénite,  et 
se  remit  en  route.  Il  n'y  avait  pas  longtemps  qu'il  était  sorti  de 
l'église  quand  le  diable  le  prit  par  le  bras.  Quatre-Pouces  lui  jeta 
aux  yeux  de  l'eau  bénite,  et,  prenant  sa  baguette,  lui  dit  : 


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BEVUE   DK9   TBADITIONS   POPULAIRES  233 

—  Par  la  verta  de  ma  petite  baguette,  compère  le  diable^  disparais 
de  dessous  terre,  et  va  en  enfer  pour  n*en  revenir  jamais. 

Quatre-Pouces  retourna  chez  ses  parents,  qui  furent  bien  heureux 
de  le  revoir,  et  de  savoir  qu*il  avait  fait  fortune,  et  il  resta  à  vivre 
avec  eux. 

{Conté  en  i  881  ^  par  François  Marquer,  de  Saint-Cast). 


II 

COMME  DE  RAISON  POUR  DE  l'aRGENT 

Il  y  avait  une  fois  un  soldat  qui  n'avait  jamais  d'argent,  et  il  en 
était  si  désolé  qu'il  voulait  se  noyer. 

Comme  il  se  mettait  en  route  pour  aller  à  la  rivière,  il  rencontra 
un  homme  qui  lui  dit  : 

—  Où  vas-tu  ? 

—  Je  vais  me  noyer  parce  que  je  n'ai  p&s  un  sou  vaillant. 

—  Ne  te  noie  pas  :  quand  tu  voudras  que  ta  bourse  soit  pleine  de 
monnaie,  tu  diras  :  «  Comme  de  raison,  pour  de  l'argent.  » 

Le  soldat  regarda  en  l'air  et  prononça  les  paroles  qui  lui  avaient 
été  prescrites,  et  quand  il  tàta  ses  poches  elles  étaient  pleines  d'ar- 
gent. 

Il  se  mit  aloi*s  en  route,  et  le  soir  entra  dans  une  auberge  pour  y 
passer  la  uuit  ;  il  y  avait  à  l'auberge  deux  marchands  chargés  d'fir- 
gent,  et  la  maîtresse  de  la  maison  qui  était  une  mauvaise  femme  dit 
à  son  mari  : 

—  Il  faut  tuer  les  deux  voyageurs  et  cela  passera  sur  le  compte 
du  soldat. 

Le  lendemain  on  alla  chercher  les  gendarmes  qui  s'emparèrent 
du  soldat  dont  les  poches  étaient  pleines  d'argent  et  le  conduisirent 
en  prison.  Au  procès,  il  se  contentait  de  répondre  que  ce  n'était  pas 
lui.  Il  fut  condamné  h  mort,  et  le  prêtre  qui  le  confessa  lui  dit  : 

—  Est-ce  vous  qui  avez  tué  les  voyageurs  ? 

—  Comme  de  raison  pour  de  l'argent  î  répondit-il.  Et  à  chaque 
fois  qu*il  prononçait  ces  paroles,  ses  poches  grandissaient  et  s'em- 
plissaient. 

Quand  il  fut  sur  l'échafaud,  il  dit  encore  la  même  chose. 

Il  y  avait  tout  auprès  de  la  potence  un  grand  homme  à  cheval  qui 
avait  le  pied  semblable  à  celui  de  sa  monture  ;  il  aperçut  l'auber- 
giste et  sa  femme  et  leur  cria: 

—  Voici  les  deux  coquins  :  c'est  vous  qui  avez  tué  les  voyageurs  1 


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2*U  REVUE    DES   TRADITIONS    POPULAIRES 

—  Moi,  s'écria  la  femme  de  Tauberge,  si  c'est  moi,  je  veux  bien 
que  le  diable  m'emporte. 

Aussitôt  le  grand  cavalier,  qui  était  le  diable,  l'emporta,  et  le  soldat 
ae  fut  pas  pendu. 

{Conté  à  Saint-Cast,  par  J,-M,  Hervé,  de  Pluduno,  1S79). 


m 

LES  CHATS-SORCIERS  DE  LA  CROIX-BRAS  * 

Au  temps  jadis,  les  chats-sorciers  allaient  danser  autour  des  croix, 
et  ils  récompensaient  ceux  qui  leur  rendaient  service  en  passant. 

Un  soir  un  homme  de  la  métairie  du  Bois-Bras  qui  revenait  du 
bourg  où  il  était  allé  faire  forger  le  soc  de  sa  charrue,  entendit  du 
bruit  derrière  lui,  et  vit  venir  sur  le  chemin  une  petite  troupe; mais 
il  ne  savait  pas  ce  que  c'était,  car  il  faisait  noir,  et  il  se  cacha  dans 
un  champ  pour  voir  ce  qui  allait  se  passer. 

Quand  les  chats-sorciers  arrivèrent  près  de  la  croix,  ils  s'arrê- 
tèrent et  se  mirent  à  parler  ensemble.  LTiomme  écouta  et  entendit 
les  chats  qui  disaient  : 

—  OCi  étais-tu  hier  soir,  Robin  ? 

—  A  la  Cour,  répondit-il. 

—  Et  toi,  Gilles?  demanda  Robert  qui  était  leur  roi. 

—  Au  Biot  près  du  Bé. 

Ils  parlèrent  ainsi  pendant  une  heure  et  Thomme  qui  était  caché 
avait  envie  de  les  voir  finir^  car  il  voulait  savoir  ce  qu'ils  allaient 
faire  ensuite. 

Quand  ils  eurent  fini  de  causer,  ils  se  mirent  à  danser  autour  de 
la  croix  et  ils  chantaient  : 

Samedi,  Dimanche  et  Lundi, 
Samedi,  Dimanche  et  Lundi. 

L'homme  de  la  métairie  s'ennuya  de  les  entendre  toujours  répéter 
la  même  chose  et  il  cria  : 

Mardi  ! 
Et  que  ce  soit  fini. 


1.  Cf.  Contes  populaires  de  la  Haute- Bretagne,  t.  IT,  n.  LX.  Les  Chais  sorcier» 
et  les  Bossus,  et  sur  ce  fait  les  jours  de  la  semaine  comme  refrain  de  danse,  le 
n»  LIX  du  même  volume  et  le  n<>  XLIX  du  t.  TU,  et  Retme  des  Traditions  popu- 
laires, t.  X,  p.  575. 


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R&VLîR    DES   TRADITIONS  l*OPIJLAIRES  231) 

Aussitôt  les  chats  sorciers  s'écrièrent: 

Bofé  (bonne  foi)  nenni, 
Ça  ne  sera  pas  flni. 

—  Qui  a  dit  :  Mardi  ? 

—  C'est  moi,  répondit  le  fermier. 

—  Où  es-tu  ? 

—  Me  voici,  dit-il  en  sautant  dans  le  chemin. 

—  Qui  es-tu  ? 

—  Laboureur. 

—  Hé  bien  I  s'écrièrent  les  chats,  ton  soc  ne  s'usera  plus  :  mets-le 
par  terre. 

Le  fermier  posa  son  soc  à  terre,  et  les  chats  passèrent  leurs  queues 
par  dessus. 

Depuis  ce  moment  il  n'eut  plus  besoin  de  reporter  son  soc  à  la 
forge,  car  il  ne  s'usait  point. 

Mais  il  avait  reconnu  son  chat  dans  la  compagnie  des  sorciers,  il. 
lui  coupa  le  bout  de  la  queue  pour  l'empêcher  de  retourner  au 
sabbat.  Les  autres  chats  pour  le  venger  crevèrent  les  yeux  à  son 
maître  qui  fut  aveugle  et  devint  aussi  gueux  qu'un  rat. 

{Conté  en  1881  par  François  Marquer,  de  Saint-Cast,  mousse^  âgé 
de  14  ans,) 

IV 

LE    REVENANT 

Il  était  une  fois  un  homme  qui  était  bien  vieux  ;  il  avait  vu  mourir 
beaucoup  de  ses  parents,  et  il  les  avait  même  ensevelis. 

Quelques-uns  d'entre  eux  lui  avaient  dit  avant  de  mourir  que  s'ils 
allaient  en  purgatoire,  ils  reviendraient  le  voir  pour  lui  recomman- 
der de  leur  faire  chanter  des  messes.  Il  leur  avait  mis  en  les  enseve- 
lissant une  belle  robe  blanche,  afin,  disait-il,  de  les  reconnaître  quand 
ils  reviendraient. 

Un  soir  que  le  bonhomme  était  tout  seul  à  se  chauffer  dans  son 
foyer,  et  qu'il  pensait  à  eux,  un  cochon  blanc,  qui  était  poursuivi 
par  un  loup,  voyant  la  porte  ouverte,  entra  tout-à-coup  dans  la 
maison  pour  se  sauver.  Le  bonhomme,  en  le  voyant  tout  blanc,  crut 
que  c'était  un  de  ses  parents  qui  revenait  vêtu  de  sa  robe  blanche. 

—  Tu  n'as  pas  donc  été  en  Paradis,  mon  pauvre  Pierre  ?  lui  deman- 
da-t-il. 


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2.1H  REVCE  DES  TRADITIONS  POPI'LAllieS 

A  rînstani  le  cochon  dit  :,Hon  !  Hon  !  et  il  passa  la  porte.  Le  bon 
homme  crut  qu'il  avait  répondu  :  non  1  et  il  alla  se  coucher  tout  triste. 

Le  lendemain  le  bonhomme  alla  raconter  au  recteur  qu'il  avait  eu 
une  vision,  et  qu'il  fallait  dire  des  messes  pour  son  frère  Pierre, 
jusqu'à  ce  qu'il  lui  dise  de  les  cesser.  Cela  dura  longtemps,  et  un 
soir  que  le  bonhomme  était  encore  seul  à  se  chauffer,  un  cochon 
blanc  entra  chez  lui. 

—  Ah  I  Pierre,  dit-il,  croyant  que  c'était  son  frère,  es-tu  encore  en 
Purgatoire  ? 

Le  cochon  alla  «  sentiner  »  auprès  d'un  bassin  en  disant  :  Hon  ! 
Hon  I  puis,  comme  il  passait  la  porte,  elle  se  referma  sur  lui,  et  lui 
prit  la  queue  ;  il  grogna  et  dit  :  Houie  I 

Le  lendemain  le  bonhomme  alla  chez  le  recteur  et  lui  dit  : 

—  Mon  frère  est  maintenant  en  Paradis,  vous  pouvez  cesser  les 
messes. 

{Conté  en  i  883,  par  Pierre  Esnault,  de  Saint-Cast,  âgé  de  14  am). 


V 

LA  VISITE  A  l'enfer  * 

il  y  avait  une  fois  à  La  Malhoure  un  recteur  qui  avait,  dit-on,  de 
mauvais  livres  comme  en  ont  encore  les  prêtres,  pour  tirer  de  sous 
la  haire  du  diable  les  personnes  qui  se  sont  vendues  à  lui. 

Un  jour  le  recteur  vint  dans  la  cuisine  portant  un  de  ces  livres,  et 
ayant  été  appelé  au  dehors,  il  l'oublia  sur  une  table.  Le  domestique 
qui  savait  lire  et  était  très  curieux,  se  hâta  de  l'ouvrir.  Mais  il  y  a 
dans  le  Pelit  Albert^  dans  le  Grand  Albert  et  dans  le  Dragon  rouge, 
qui  sont  des  livres  de  l'enfer,  une  page  qu'il  ne  faut  pas  tourner,  ou 
Ton  est  emporté  parle  diable.  Le  domestique  ne  le  savait  pas,  et  il  la 
tourna.  De  chacune  des  lettres  de  celte  page  sortit  un  petit  diable, 
et  le  domestique  fut  vite  enlevé.  11  ne  resta  que  son  chapeau. 

Quand  le  recteur  rentra,  il  vit  que  son  domestique  avait  été 
curieux  ;  il  retourna  la  page,  en  disant  les  paroles  que  le  domestique 
ne  connaissait  pas,  et  qu'il  aurait  dû  dire  avant  de  la  tourner,  puis 
il  (it  le  signe  de  la  croix,  et  le  domestique  reparut. 

1.  Cf.  sur  les  descentes  en  enfer  dans  les  Contes  de  la  Haute-Bretagne. 
Contes  populairen,  t.  I,  p.  i90,  t.  11,  p.  297,  303,  301.  Traditions  et  superstitions 
de  la  Haute- Bretagne^  t.  1,  p.  198,  200.  Con/e«de«  ^art;i«,  extrait  de  «rArchiviO's 
1791,  p.  58,  et  Archivio  t.  V,  p.  259  et  sur  les  livres  de  la  Sorcellerie.  Contes 
pop,,  t.  1,  p.  287.  Traditions  et  superstitions,  t.  I,  p.  302,304. 


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BEVUE  DES  TBADITIONS    rOPLLAlHES  237 

l.c  recleur  lui  demanda  ce  qu'il  avait  vu  en  enfer:  —  Quand  j'y 
suis  entré,  répondit-il,  je  vis  une  bonne  femme  couchée  dans  un 
beau  lit.  Je  m'en  approchai  en  disant  :  «  Vous  êtes  bien  dans  ce  beau 
lit.  »  —  «  Pas  si  bien,  dit-elle,  touchez-le  du  bout  du  doigt.  »  Aussi- 
tôt je  sentis  une  brûlure,  et  il  sortait  du  feu  du  bois  du  lit.  Un  peu 
plus  loin,  je  vis  un  autre  femme  qui  ribottait  (barattait/  —  Pourquoi 
faites-vous  cet  ouvrage?  lui  dis-je  »  —  «  Quand  j'étais  sur  terre,  j*ai 
tué  mon  petit  enfant  ;  depuis  deux  cents  ans,  je  nbotte  son  sang, 
et  je  n'arrêterai  ni  jour  ni  nuit,  jusqu'à  ce  que  je  sois  parvenue  à 
en  faire  du  beurre  ;  touchez-moi  un  peu.  »  Dès  que  je  l'eus  tou- 
chée avec  un  bâton,  la  femme  et  sa  baratte  furent  tout  en  feu. 

Un  jour  qu'il'était  à  la  porte  de  Téglise,  un  homme,  qui  était  c  un 
peu  chaud  de  boire  »,  lui  demanda  si  on  était  heureux  en  enfer. 

—  Il  faut,  répondit-il,  aller  le  demander  à  ta  grand'mère  qui  est 
au  fin  fond  des  enfers  àécarder  de  Tétoupe. 

Quand  le  recteur  sut  que  son  domestique  parlait  ainsi  des  uns  et 
des  autre?!,  il  lui  défendit  de  raconter  à  àme  qui  vive  ce  qu'il  avait 
vu  chez  le  diable. 

[Conté  en  i  883,  par  Alexandre  Renault,  du  Gouray), 


VP 

LA  FAUCILLE  LE  COQ  ET  LE  HIBOT 

Il  y  avait  une  fois  un  pauvre  paysan  qui  mourut  ;  ses  trois  fils  se 
partagèrent  son  maigre  héritage,  et  le  plus  jeune,  ainsi  que  cela  a 
lieu  souvent,  n*eut  pas  la  meilleure  part.  Tout  son  lot  se  composait 
d'une  faucille,  d'un  coq  et  d*un  ribot,  ou  si  vous  aimez  mieux,  d'un 
pilon  à  faire  le  beurre. 

11  se  mit  à  voyager  pour  chercher  de  l'ouvrage,  et  il  arriva  dans 
un  pays  assez  éloigné  au  moment  ofi  Ton  faisait  la  moisson.  Les 
gens  n'avançaient  guère  à  la  besogne,  car  pour  couper  le  blé  ils  se 
servaient  d'alênes  ;  le  jeune  garçon  se  mit  à  scier  le  blé  avec  su 
faucille,  et  eu  quelques  minutes,  il  fit  plus  que  la  journée  de  dix 
personnes  qui  se  servaient  d'alênes. 

1.  J  ai  publié  trois  autres  ver^iuus,  moius  altérées  que  celle-ci,  des  Trois 
héritiers  chanceiix^  l*une  sous  le  titre  de  :  Les  Trois  fils  qui  vont  chercher  fortune 
(AimaDach  du  Petit  Uennais  1881),  Tautrc  sous  celui  du  Le  Marquis  de  tarabas 
dans  le  Père  Gérard,  6  mars  1884  ;  une  troisième  La  Faucille,  le  Chat  et  le  Coq 
(Revue  de  Bretagne,  1892,  p.  18  du  tirage  à  part). 


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238  IKEWVtù   DKS    TRADITION»    POPULAIRES 

Les  moissonneurs  émerveillés  se  pressèrent  autour  de  lui  en 
disant  : 

—  Ah  !  quel  outil  commode  I  voulez-vous  nous  le  vendre? 

—  Oui,  si  vous  m'en  offrez  un  bon  prix, 

—  Voulez-vous  cinq  cents  francs  ? 

Le  garçon  qui  n'avait  jamais  vu  autant  d'argent^  se  hâta  d  accep- 
ter, et  quand  il  eut  les  écus  dans  sa  poche,  il  crut  qu*il  irait  au 
bout  du  monde  et  se  remit  à  voyager. 

Il  passa  par  un  pays  où  les  gens  allaient  chercher  le  jour  ;  toutes 
les  nuits  les  uns  parlaient  avec  des  charrettes,  les  autres  avec  des 
sacs,  et  ils  marchaient  jusqu'à  ce  qu'ils  eussent  rencontré  le  jour; 
alors  ils  retournaient  sur  leurs  pas,  s'imaginant  rapporter  la  lumière 
avec  eux. 

Le  garçon  les  rencontra  qui  allaient  ainsi  au-devant  du  jour,  et 
quand  ils  lui  eurent  expliqué  ce  qu'ils  allaient  chercher,  il  leur  dit  : 

—  Voici  un  animal  qui  vous  donnera  le  jour  sans  que  vous  ayez 
besoin  de  vous  déranger  toutes  les  nuits.  Quand  il  se  met  à  chanter, 
le  jour  arrive. 

—  Combien  voulez-vous  le  vendre?  demandèrent-ils. 

—  Cinq  cents  francs. 

Quand  il  eut  touché  cet  argent,  il  ne  lui  restait  plus  de  Théritage 
paternel  qu'un  ribot  qu'il  gardait  toujours  avec  lui.  Il  trouva  à  se 
placer  comme  garçon  d'écurie  ;  mais  son  bourgeois  et  les  autres 
domestiques  étaient  mal  disposés  pour  ce  hors-venu.  Ils  lui  dirent  de 
curer  un  puits  profond,  et  quand  il  fut  sur  le  bord,  ils  le  poussèrent 
dedans  et  son  argent  tomba.  Son  ribot  qu'il  tenait  à  la  main  l'em- 
pêcha de  dégringoler  trop  vite,  et  il  descendit  en  s'aidant  des  pier- 
res et  des  herbes  qui  garnissaient  le  bord,  au  milieu  du  puits,  il 
rencontra  une  vieille  bonne  femme  qui  lui  ouvrit  une  porte,  et  lui 
dit  de  se  sauver  par  là  sans  essayer  de  retrouver  son  argent. 

Après  avoir  cheminé  quelque  temps,  il  se  trouva  dans  une  vallée, 
et,  à  la  nuit  tombante,  il  arriva  devant  un  moulin  à  eau  et  il  pria  le 
meunier  de  vouloir  bien  le  loger. 

—  Non,  répondit-il,  personne  ne  peut  rester  dans  le  moulin  après 
la  chute  du  jour,  car  il  y  vient  des  sorciers  et  toute  une  diablerie. 

—  J'y  coucherai  bien,  moi. 

—  Hé  bien  !  si  vous  êtes  encore  en  vie  demain,  je  vous  donnerai 
cinq  cents  francs. 

Le  jeune  garçon  se  barricada  dans  le  moulin  ;  un  peu  avant 
minuit  il  entendit  du  bruit  comme  si  l'enfer  avait  été  déchaîné,  et  il 
vit  une  espèce  de  fantôme  qui  marchait  vers  lui  en  criant  horrible- 
ment. Mais  il  prit  une  faulx  et,  profitant  d'un  moment  où  le  fantôme 


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UEYUE   DKS   TKADITIONS   POPLLAIRES  239 

se  baissait^  U  lui  porla  dans  le  dos  ua  coup  de  faulx.  Aussitôt  le 
blessé  s'écria  : 

—  Âb  !  mon  ami,  grâce  à  toi  me  voilà  délivré  ! 

Le  lendemain,  quand  il  eut  touché  son  argent,  il  demanda  s'il  y 
avait  d'autres  moulins  dans  la  vallée. 

—  Oui,  lui  répondit-on,  il  y  eu  a  un  autre,  mais  il  est  encore  plus 
dangereux  que  celui-ci. 

Il  y  arriva  le  soir  et  demanda  à  coucher. 

—  Etes-vous  fou,  dit  le  meunier,  il  vient  des  diables  et  des  sor- 
ciers dans  le  moulin,  et  je  ne  voudrais  pas  y  passer  la  nuit,  même 
pour  mille  francs  ! 

—  Donnez  m'en  la  moitié  seulement  et  j'y  coucherai. 

Il  ferma  soigneusement  les  portes,  et  vers  minuit  il  entendit  un 
tel  tapage  qu'il  croyait  pour  le  moins  voir  apparaître  le  Grand 
Biquion,  ou  si  vous  aimez  mieux,  le  diable  en  personne  *.  Il  vit 
encore  un  grand  fantôme  qui  lui  dit  : 

—  Je  vais  te  coller  le  long  de  la  muraille. 

—  Si  tu  peux,  dit  le  jeune  garçon  qui  s'était  armé  d'une  barre  de 
fer  et  en  porta  un  coup  sur  la  tête  de  l'apparition. 

Dès  que  le  sang  coula,  le  blessé  s'écria  : 

—  Ah  I  vous  m'avez  tiré  des  griffes  du  diable  !  je  veux  faire  votre 
bonheur  pour  reconnaître  ce  service. 

Le  blessé,  qui  auparavant  était  loup-garou,  maria  le  jeune  garçon 
à  une  de  ses  filles,  à  leur  grand  contentement  à  tous  deux,  et  moi 
quand  je  les  vis  heureux,  je  les  laissai-là,  et  je  m'en  vins. 

I Conté  par  Joseph  André,  couturier  et  chantre  à  IVébry,  i  879). 


yii 

i 

LA  MAIRE  DC  DIABLE 

Il  était  une  fois  un  soldat  qui  s'en  revenait  du  service.  Un  soir  il 
entra  dans  une  maison  pour  demander  un  gîte. 

—  Nous  voudrions  bien,  lui  répondit-on,  mais  tous  ceux  que  nous 
logeons  dans  la  maison  d*à  côté  sont  enlevés  et  le  lendemain  on  ne 
retrouve  que  leurs  souliers. 

Le  soldat,  qui  n'avait  pas  peur,  accepta  de  coucher  dans  cet 
appartement:  on  lui  fit  un  bon  feu,  et  on  jirépara  son  lit.  Mais  le 

{.  Biquion  s  bouc. 


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2i0  REVUE    DES   TRADITlOi^S    l»OPULAiRES 

soldai,  craignant  quelque  embûche,  se  coucha  sous  le  lit  au  lieu  de 
se  mettre  dans  les  draps. 

A  minuit,  il  entendit  gratter  à  la  porte,  qui  s'ouvrit  d'elle- 
même,  et  il  vit  entrer  un  grand  bœuf  qui  fouilla  le  lit  avec  ses 
cornes,  puis  s*en  alla.  Quelques  minutes  après  entra  une  grande 
truie  qui  sauta  sur  le  lit,  et  se  mit  à  le  fouiller  avec  sou 
grouin  ;  puis  comme  elle  n'y  trouvait  rien,  elle  vînt  se  chauffer  ;  1c 
soldat  la  vit  6ter  sa  peau  de  truie,  et  il  reconnut  la  vieille 
femme  de  la  maison  où  il  avait  demandé  un  gîte.  Il  pensa  qu'elle 
était  sous  la  haire  du  diable,  ets'altirant  tout  doucement  de  dessous 
le  lit,  il  lui  frappa  le  bras  d'un  coup  de  sabre,  au  moment  où, 
rayant  aperçu,  elle  rallongeait  pour  reprendre  sa  haire.  Elle  fut 
blessée,  et  elle  le  supplia  de  la  la'sser  toucher  la  haire  avec  le  petit 
doigt.  Mais  il  ne  voulut  pas,  et  fit  la  garde  toute  la  nuit  autour  de 
la  peau.  Quand  vint  le  jour,  la  peau  s'envola  par  la  cheminée,  et  la 
bonne  femme  ne  fut  plus  sous  la  haire  du  diable. 

(Conté  en  1881  y  par  J.-M.  Comault). 

[A  suivre),  Paul  Sébillot. 


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REVuE  DBS  TRADITIONS   POPULAIRES  2il 


LES  METIERS  ET  LES  PROFESSIONS 


LXXY 

LE  VANNIER 


Ed  mon  enfance,  au  coun  d'une  de  ces  Journées 
Que  Tautomne  assombrit,  dans  la  rumeur  des  venU, 
Ce  cri  :  Les  vans,  les  vans  !  raccommodez  les  vans  ! 
Ketentissait  jeté  par  une  voix  de  basse 
Dans  la  rue.  —  On  disait  :  c'est  le  vannier  qui  passe. 

J'accourais...  Voici  l'homme  :  il  marche  lentement, 
Sous  sa  hotte,  d'où  sort  comme  un  hérissement 
De  lames  de  bofs  fin,  son  dos  voûté  s'incline  ; 
Sa  barbe  à  reflets  roux  tombe  sur  sa  poitrine 
Qu'un  lambeau  de  vieux  cuir  pour  le  travail  défend. 

Achille  Millien.  Chez  notu^  p.  41. 

LXXVI 

les  armuriers 

Les  annales  chinoises  relatent  un  fait  qui  s  est  passé  dans  le 
royaume  de  Ou  à  l'époque  où  la  Chine  était  divisée  en  trois 
royaumes.  Le  chef  des  forgerons  du  roi  fut  accusé  de  ne  plus  four- 
nir que  des  armes  d'une  qualité  inférieure,  quand  sa  fille  Ly-Mo  se 
précipita  au  milieu  des  métaux  en  fusion  et  sauva  ainsi  son  père.  Le 
roi  ordonna  qu'on  élevât  un  temple  en  son  honneur. 

Revue  de  Vhist,  des  religions^  1881,  I,  227.  H.  Cordier  [Bulletin  des 
religions  de  la  Chine).  V.  B. 

VUl  {Suite) 

JEUX  DE  MÉTIERS 

Routeurs  de  tonneaux 

Une  course  originale  a  eu  lieu,  le  22  mars,  à  Nogent-sur-Marne, 
entre  des  rouleurs  de  tonneaux  de  Paris  et  de  la  banlieue,  pour  la 
plupart  employés  de  la  Halle  aux  Vins,  du  port  de  Bercy  et  des 
Magasins  généraux.  Uu  nombreux  public  a  suivi  ce  curieux  match  et 
a  applaudi  les  nombreux  concurrents  qui  luttaient  de  rapidité. 

TOME   XI.   —  MAI    1896.  Ut 


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2i2  REVUfc:  DES  traditions  populaires 

LV  (Suite) 

LES    POTIERS 

Dans  le  règlement  des  potiers  lournésiens  (Tournai,  Haioaul),  il 
était  défendu  de  travailler  pendant  les  trois  mois  d'hiver,  du  21  dé- 
cembre au  21  mars,  à  peine  d'une  grosse  amende  et  de  voir  sa  mar- 
chandise brisée,  on  ne  pouvait  travailler  la  nuit;  le  potier  était  soumis 
à  des  redevances  tant  en  argent  qu'en  nature  ;  au  jour  de  la  Procession 
se  prélevait  chez  lui  la  meilleure  pièce. 

Eugène  Soil.  Potiers  et  faïenciers  Tournaisiens^  Lille,  L.  Quarré, 
in-8,  220  p.  et  XX  planches. 

LXIV  [Suite) 

REDEVANCES  ET  POURBOIRES 

Les  «  Lanteeren-aanstekers  »  (allumeurs  de  réverbères)  forment,  à 
Gand,  comme  dans  toutes  nos  grandes  villes  du  reste,  une  petite 
corporation. 

A  partir  de  Tannée  1803,  ils  distribuèrent  aux  habitants,  à  Tocca- 
sion  de  la  nouvelle  année,  ce  qu'ils  appelaient  et  appellent  encore 
des  «  nieuwjaai'wenschen  »,  ou  «  nieuwjaargiften  »  [pièces  de  vers 
chantant  les  louanges  de  la  corporation). 

Depuis  quelques  années  les  vers  sont  remplacés  par  des  petits 
calendriers  ou  par  des  cartons  représentant  l'un  ou  l'autre  monu- 
ment de  la  ville. 

Alfred  Harou. 

LXXI  {suite) 

LES   CRIS 

Environs  de  Paris 

Ces  cris  sont  à  peu  de  chose  près,  les  cris  que  Ton  entend  dans 
les  rues  de  la  capitale.  Ceux  qui  suivent  ont  été  recueillis,  eu  partie, 
dans  la  petite  ville  de  Choisy-le-Roy  (Seine)  et  tlans  les  communes 
de  Villeneuve-le-Roi,  Ablon  et  Athis  (Seine-et-Oise). 

Les  marchands  de  légumes,  le  plus  grand  nombre,  crient  en  por- 
tant leur  main  contre  l'oreille  et  en  inclinant  la  tête.  Ce  n'est  pas 
pour  s'en  faire  un  porte-voix,  c'est,  d'après  ce  que  l'un  m'a  dit,  pour 
ne  pas  s'entendre.  Ils  crient  : 

—  Pois  verts,  pois  verts,  au  boisseau  î 

—  Des  pommes  de  terre,  des  pommes  de  terre  1 


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REVUE  DES  TRADITIONS  POPULAIRES  243 

—  A  la  hollande,  au  boisseau,  la  hollande  ! 

—  Ah  !  les  beaux  choux-fleurs,  les  beaux  choux-fleurs  î 

—  Cassez,  brisez  la  noix  nouvelle  ! 

—  Du  pissenlit,  à  la  salade  ! 

—  A  la  tendresse,  la  verduresse  ! 

—  A  Toseille,  la  belle  oseille  ! 

Les  marchandes  de  marée,  car  ce  sont  les  femmes  qui  le  ))lus  sou- 
vent font  ce  commerce,  viennent,  par  le  premier  train  du  matin, 
faire  leur  provision  aux  halles.  Elles  se  hâtent  de  rentrer,  car  la 
vente  avant  le  déjeuner  est  toujours  la  meilleure.  Elles  crient  : 

—  Merlan  à  frire,  à  frire  ! 

—  Sardines  de  Nantes,  sardines  nouvelles  ! 

—  A  Tanguille  de  mer,  à  Tanguilie  ! 

—  Qui  glace,  qui  glace,  hareng  nouveau  ! 

—  V*la  dla  raie  tout  en  vie! 

—  La  moule  est  fraîche,  la  moule  est  bonne,  fi  la  moule,  à  la 
moule  ! 

—  Du  maquereau,  du  brillant  maquereau  I 

—  Ah  !  qu'il  est  beau  rmaquVeau  !  Il  arrive,  il  arrive  ! 

—  Des  coques,  des  coques,  qui  veut  des  coques  ! 

Les  petits  merciers  ceux  qui  vendent  au  panier  et  ceux  qui  ont 
leur  marchandise  installée  sur  une  légère  voilure  nommée  baladeuse, 
qu'ils  poussent  devant  eux,  crient  en  allongeant  Tintonalion  des 
dernières  syllabes  : 

—  Du  (il,  du  coton,  des  aiguilles. 

—  Des  lacets,  deux  sous  les  grands  lacets. 
Allons  !  les  ménagères,  pas  cher  I 

Les  marchands  plus  importants,  ceux  qui  voyagent  avec  de  gran- 
des voitures,  véritables  magasins  ambulants,  ne  crient  presque  pas. 
Us  se  contentent  d'annoncer  leur  passage  avec  une  corne,  comme 
les  boulangers,  et  les  clients  s  habituent  à  reconnaître  à  ces  sons 
différents  tel  ou  tel  marchand. 

D'un  marchand  qui  voyage  aussi,  on  dit  «  qu'il  chine,  ou  bien, 
qu'il  va  sur  les  champs  ». 

J'ai  .souvent  entendu  dire  à  Choisy-le-roi,  un  marchand  de  dessous- 
de-plat  en  fil  de  fer  qui  chantait  ainsi  pour  annoncer  sa  marchandise  : 

C'est  moi  qui  les  fait, 
C'est  moi  qui  les  vend. 
C'est  ma  petite  femme 
Qui  mange  l'argent. 

C'est  un  métier  ambulant  et  celui  qui  le  professe  est  obligé  de 


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2ii  REVUE    DES  TRADITIONS  POPULAIRES 

visiter  beaucoup  de  pays  pour  arriver  à  gagner  sa  journée.  Il  en  est 
(le  même  des  vanniers  qui  chantent  :' 

—  Avez-vous  des  pannîers  à  raccommoder  ? 

—  Voilà  i'raccomodeur  de  paniers  percés  ! 

Ce  sont  ces  gens  qui  passent  et  qui  reviennent  périodiquement. 

Gustave  Fouju. 


^mmtttwt^t^ttit 


LE  FOLKLORE  DANS  LES  ÉCRITS  ECCLÉSIASTIQUES» 


II 

LE   CONCILE  DE   SÉLEUCIË 

N  410,  SOUS  la  présidence  de  Maruthas,  évoque  de  Meyafare- 
kin,  eut  lieu,  pendant  le  règne  de  Yezdedgerd^  roi  sassaniJe 
de  Perse,  le  second  des  conciles  tenus  à  Clésiphon  et  Sélcu- 
cie.  Ses  actes  nous  ont  été  conservés  en  syriaque  et  le  sixième 
est  ainsi  conçu  : 

«  Relativement  aux  augures,  aux  divinations,  aux  autres  œuvres 
d'impiété  et  de  péché  qui  touchent  au  paganisme,  aux  enchan- 
tements et  aux  incantations,  à  la  magie  e(  à  tout  le  culte  des  démons, 
que  tout  cela  soit  rejeté  par  Tanathème  et  les  malédictions  loin  de 
nos  églises  et  des  enfants  de  notre  foi.  Si  quelqu'un  est  trouvé 
coupable  de  quelqu'un  de  ces  crimes,  quMl  soit  chassé  sans  pitié 
de  toute  Téglise  du  Christ  et  qu'il  ne  lui  soit  jamais  accordé 
de  pardon  »  *. 

René  Basset 

1.  Suite,  voir  t.  X  p.  266. 

2.  Concilium  Seleuciœ  et  Ctesiphonle  kabitum.  Ed.  Lamy,   Louvaiu,  1868,   gd. 
iu-8,  p.  46. 


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KEVUE   DES    TRADITIONS    POPULAIRES  24? 


LKS  METEORES 


VII  {Suite), 

l'arc   EN  CIEL* 

Chez  les  Namaquas 

'arc  en  ciel  [Tsnviraù  ou  Aïb]  est  le  beau-père  de  réclair. 
D'après  un  vieux  Namaqua,  l'arc  en  ciel  est  un  feu  allumé 
yM^  par  Gaunab  (nom  du  mauvais  esprit  et  aussi  d'une  espèce 
d*ôrthoptère  :  latin  iwawa*5,  français  manie)  et  dans  lequel  le 
dieu  du  mal  précipite  et  fait  périr  quiconque  se  laisse  trom- 
per par  lui.  Les  individus  supposés  morts  de  cette  manière  sont 
appelé  Gauna  ô  Khoïn  fie  peuple  des  morts  de  GaunaD*. 


Chez  les   Waiaou 

Dans  la  tribu  des  Wajaou,  ou  Ajawa,  sur  la  côte  orientale  du  lac 
Nyassa,  on  appelle  l'arc  en  ciel  Oumloungou,  c'est-à-dire  Dieu  : 
c'est  par  ce  mot  qu'on  désigne  l'Être  suprême  et  les  pouvoirs  surna- 
turels. Quand  on  veut  distinguer  l'Être  suprême  de  l'arc  en  ciel,  on 
l'appelle  Lixoka^  l'invisible'. 

§8 

En  Sibérie 

L'arc  en  ciel  joue  un  rôle  assez  obscur  dans  la  légende  altaïque 
de^an-Pud&i  et  de  sa  lutte  contre  les  deux  Môs.  Lorsque  le  matin 

1.  Suite,  voir  t.  X  p.  595. 

2.  Quatrefages,  Croyances  de$  Holtenlots  et  des  Bosckimans,  Journai  des  Sa- 
vants, mai  1886,  p.  2  et  3,  d'après  Th.  Huho.  Tsudni-Goam  ihe  suprême  Being  of 
the  KkoiKotu.  Londres,  1881  io-8. 

Z.  Gallaway.  The  religions  system  of  the  Amazulu.  NataL  1870  in-S 
p.  124. 


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ii{}  REVUE    DE8    TRADITIONS    POCCLAIRES 

arriva,  un  arc  en  ciel  s'afiFermit  dans  le  ciel;  au  milieu  était  un  fil 
rouge,  visible.  Kan-Pûdài  l'ajusta  avec  une  flèche.  «  Noire  forêt  boisée, 
mon  château  de  rochers,  donne  la  bénédiction  ;  ma  mer  rocheuse 
qui  roule  et  ne  roule  pas,  donne  ta  bénédiction.  Mon  château  de 
fer,  donne  ta  bénédiction  ».  Kan  PUdâi  tira,  il  perdit  le  sens^ 


§9 
En  Bohême 

Bechstein  rapporte,  mais  sans  citer  ses  sources,  qu'à  Prague, 
vingt-sept  individus  ayant  été  condamnés  à  mort  pour  leurs  méfaits, 
un  arc  en  ciel  croisé  se  montra  en  signe  qu'ils  obtiendraient  la 
grâce  et  le  pardon  de  Dieu^. 

§10 

Dans  sou  Traité  de  l'amour  de  Dieu,  S' François  de  Sales  fait 
allusion  à  une  légende  relative  à  l'arc  en  ciel.  «  Comme  lare  en  ciel, 
touchant  Tespine  Aspalathus,  la  rend  plus  odorante  que  les  lys, 
aussi  la  Rédemption  de  Noire-Seigneur,  touchant  nos  misères,  elle 
les  rend  plus  utiles  et  plus  aimables  qui  n'eusrt  jamais  esté  Tlnno- 
cence  originelle  »  ^. 


XII  (Suite). 

LE   FEU    SAINT-ELME  * 

On  a  VU  '^  que  les  compagnons  de  Magalhaens  (Magellan)  furent 
assez  frappés  par  la  vue  du  feu  S'-Eline  sur  les  côtes  de  Malaisie 
pour  faire  vœu  d'afl'rancbir  une  esclave.  Ils  avaient  cependant, 
au  rapport  de  Herrera'^,  été  témoins   de   ce   même  phénomène  au 

1.  Radloff.  Proben  der  Volkslitteratur  der  lilrkischend  StGmme  Sild-Sibirieti^ 
t.  I.  St-Pétersbourg.  1886,  p.  74-75. 

2.  Mythe,  Sage  Murchen  und  Fabet  {Das  Deutsche  Volk  XIV-XVI).  Leipziir, 
1854-1855,   io-12,  t.  III.  p.  12. 

3.  Cité  par  Sainte-Beuve,  Port-Royal^  Paris,  1878,  7  volumes  in-18  jésus  l.  I, 
p.  226. 

4.  Suite.  Voir  t.  X.  p.  338. 

5.  Voir  t.  VI  p.  488. 

6.  Histoire  générale  des  voyages  et  conqvestes  des  Castillans,  dans  les  hles 
et  Terre-ferme  des  Indes  occidentales  trad.  N.  'de  la  Coste.  —  Seconde  Décade, 
Paria,  1660,  in-4,  1.  IV  ch.  X  p.  280. 


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RKVUE    DES  TRADITIONS  POPCLAIRES  247 

commencement  de  leur  voyage,  tandis  qu'ils  se  trouvaient  dans  les 
parages  de  la  Guinée,  -c  Au  milieu  de  ces  grandes  tempestes,  les 
mariniers  dirent  que  Saint-Elme  leur  apparoissoit  sur  les  hunes 
avec  une  chandelle  allumée,  et  quelquefois  avec  deux,  dont  les  gens 
receurent  les  larmes  aux  yeux  vue  grande  consolation  et  resiottîs- 
sance,  et  le  salttoient  ainsi  que  font  ordinairement  les  mariniers. 
Que  lorsqu'il  paroissoit,  il  y  esloit  toujours  vn  quart  d'heure,  et 
lorsqu'il  s'en  vouloit  aller,  il  faisoil  vn  grand  esclair  qui  aveugloit 
tous  ceux  qui  le  regardoient  ». 

Le  même  météore  leur  étail  encore  apparu  sur  le  rivage  de  l'Amé- 
rique du  Sud,  avant  qu'ils  ne  découvrissent  le  détroit  qui  porta  le 
nom  de  Magellan  :  «  Le  dimanche  iâ  de  février,  ils  surgirent  à  neuf 
brasses  et  il  s'esleva  une  furieuse  teinpeste,  accompagnée  d'esclairs, 
de  foudre  et  de  tonnerre,  et  l'orage  qui  dura  vn  bon  espace  de  temps. 
Comme  la  plus  grande  force  en  fut  passée,  il  parut,  selon  l'opinion 
des  mariniers,  le  glorieux  corps  de  saint  Elme,  dont  les  vus  disoient 
que  c'estoit  saint  Pierre  Gonçales  ;  d'autres  sainte  Claire;  et  d'autres 
saint  Nicolas.  EnGn  quelque  chose  que  ce  fust  qui  leur  parust,  il 
leur  sembloit  que  c'estoit  vne  chose  toute  céleste  et  de  grande 
admiration  et  consolation  spirituelle  ;  et  plusieurs  qui  s'en  estoient 
gaussez,  le  virent,  le  creurent  et  l'aflirmerent  '.  » 

René  Basset. 


LE  PETIT  LANGADOU* 


H 

Une  personne  de  Canne  (Uimbourg  belge),  devant  laquelle  je  lisais 
le  conte  bourguignon,  rapporté  à  la  p.  92,  du  t.  XI,  de  la  «  Revue  des 
Trad.  popul.  »  m'assure  qu'une  version  complètement  identique  se 
débite  couramment  dans  sa  localité. 

Alfred  Harou. 

1.  Histoire  générale,  seconde  décade,  t.  IX,  ch.  XI,  p.  «26. 

2.  Voyez  «  Revue  des  Trad.  popul.  o  t.  XI,  p.  92. 


*0*^t^f^t^^*l^0^^0^^f*0*t*0*t^m 


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248  RBVCB    DRS   TRADITIONS    POFULA1RKS 


TRADITIONS  ET  SUPERSTITIONS  DES'  FORÊTS 


I 

CULTE  DES  FORÊTS 

,  PRÈS  avoir  mangé  la  dernière  victime  luée  à  ThoDoeur  du 
dieu  Inemare,  les  Voiiaques  recueillent  tous  les  os,  recou- 
vrent ces  os  d'un  linge  propre,  mettent  dessus  une 
^^  monnaie  en  cuivre  ou  bien  (très  rarement)  en  argent  et 
c  '  portent  tout  cela  dans  l'intérieur  de  la  forél^  au  moins  à 
un  kilomètre  du  lieu  où  a  été  fait  le  sacrifice.  Pendant  tout  leur 
chemin  ils  chantent  ;  arrivés  dans  un  point  éloigné  ils  pendent 
le  linge  avec  les  os  sur  une  branche,  ensuite  ils  reviennent  chez 
leurs  amis  qui  sont  restés  au  lieu  du  sacrifice.  On  les  reçoit  avec 
bien  des  honneurs  tout  en  leur  demandant,  quel  accueil  ils  ont  trou- 
vé, et  qu*esl-ce  que  Ton  leur  a  dit. 

(P.  BoGAÏEVSKY  :  Religion  des  Votiaques.  {Revue  ethnogr.)  (en  russes 
1890,  I,  139-140). 

11 

FORÊTS  SACRÉES 

«  Loude  »  —  c'est  chez  les  Voiiaques  un  petit  bois  situé  assez  près 
du  village.  Au  milieu  de  ce  bois  se  trouve  parfois  une  cabane,  ou 
bien  tout  simplement  un  autel,  sur  lequel  on  tue  des  animaux  offerts 
aux  dieux.  Ce  bois  est  considéré  comme  sacré,  on  le  tient  très  pro- 
pre. Pas  un  seul  arbre  ne  peut  y  être  abattu,  le  dieu  qui  séjourne 
dans  cet  endroit  se  vengerait  cruellement  sur  celui  qui  le  ferait. 

Chez  les  Yotiaques  il  y  a  beaucoup  de  bois  sacrés  où  vivent  des 
dieux  inférieurs  a  Loutes  ou  Quérémètes  ».  On  ne  peut  pas  toucher 
à  ces  bois,  si  on  coupait  un  seul  arbre,  les  esprits  tueraient  le  mal- 
faiteur ou  bien  lui  feraient  perdre  la  raison. 

Le  dieu  «  Quérémète  »  ne  peut  pas  être  adoré  dans  une  plaine 
sans  forêts.  Seulement  hl  oii  il  y  avait  autrefois  un  boiSy  coupé ensnile 
pour  une  cause  quelconque,  on  peut  prier  k  lui. 

D'après  Max  Buch  quand  un  groupe  de  Yotiaques  émigré  et  qu'il 


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RBVL'E   DBS  TRAD1TIO!l8    POPULAIRES  249 

veut  transporter  Tautel  du  Quérémète,  le  magicien  monte  sur  un 
cheval  et  se  laisse  emporter  par  lui  dans  la  forêt  n'importe  où.  Lk 
où  le  cheval  s  arrête  enfin,  on  place  Tautel. 
(P.  BoGAïcosKY  :  1.  c.  p.  132,  156,  459,  160). 


III 

ESPRITS   DES  FORÊTS 

Dans  les  gouvernements  russes  situés  autour  du  lac  d'Onega  il  est 
recommandé  de  ne  pas  se  disputer  ou  s'insulter  réciproquement 
dans  une  forêt.  Car  Wsprit  forestier,  le  «  liesavike  »  peut  rapporter 
TolTense  à  lui-même,  et  à  la  suite  de  cela  il  vous  enverra  une  mala- 
die qui  ne  pourra  être  guérie  que  par  des  prières  et  des  offrandes 
^adressées  à  lui. 

(KouLicovsKY  :  Revye  ethnographique  fEtuografiteskoTe  abosrYeniïe), 
1890,  ï,  fasc.  p.  45.  . 


IV 

FORÊT  HANTÉE 

Dans  le  village  de  Gross-Sisbeck  deux  frères  se  disputèrent  un  mor- 
ceau de  forêt.  Pour  Tavoir  pour  lui  un  des  frères  fit  ^n  faux  serment, 
après  quoi  on  lui  attribua  la  forêt.  Mais  après  sa  mort  il  ne  pouvait 
pas  avoir  de  repos  dans  sa  tombe;  par  ordre  de  Dieu  il  hante  Xbl  forêt, 
court  vers  les  gens  qui  y  passent  et  les  effraie.  Quand  on  le  voiU 
on  entend  toujours  son  cri  :  HoUaho,  c'est  la  fausse  frontière. 

(Vosges  :  Sagen  aus  Braunschweig^  Brunsvick,  1895). 

V 

LES  ANIMAUX  DES  FORÊTS 

Les  Altaïens  d'OurianUiaY  racontent  qu'après  le  déluge  envoyé  par 
le  dieu  Djelbéga  sur  l'humanité,  deux  personnes  seulement  restè- 
rent vivantes.  C'était  un  vieillard  et  sa  femme.  Ils  s'enfuirent  dans  la 
forêt  et  le  vieillard  se  transforma  en  un  ours.  Voilà  pourquoi  Tours 
a  de  rintelligence  quasi-humaine. 


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250  REVUE    DES   TRADITIONS  POPULAIRES 

Les  Sammoïèiles  croient  que  l'ours  est  né  de  Tunion  d'une  femme'' 
et  de  r  «  e$pril  de  la  forêt  »  (liechiï). 

(Iadrintzeo  :  Le  culte  de  Vours.  Revue  eiknogr,  (russe),  1890,  I,  fasc, 
p.  i09,  112). 

VI 

LES  SOCIÉTÉS  SECRÈTES 

La  société  secrète,  chez  les  peuples  des  bords  du  Rio-Nunez,  a  un 
chef,  qui  est  magistrat  et  que  Ton  nomme  le  Simo  ;  il  dicte  les  lois, 
elles  sont  mises  à  exécution  par  ses  ordres  ;  cet  homme  se  tient 
dans  les  bois,  et  reste  inconnu  à  ceux  qui  sont  étrangers  à  ses  mys- 
tères ;  il  a  pour  acolytes  des  jeunes  gens,  qui  ne  sont  qu'en  partie 
initiés  dans  ses  secrets. 


VU 

MALADIE  TRANSMISE 

Forêts 

Quand  dans  le  district  de  Pétrosavodske  (des  bords  du  lac  d'Onega 
un  phtisique  est  aux  abois,  on  ferme  toutes  les  fenêtres  et  toutes  les 
portes,  on  retourne  les  vêtements  et  on  jette  sur  la  poitrine  du 
moribond  un  chat  noir;  c'est  dans  ce  chat,  que  passera  la  maladie. 

Après  la  mort  du  phtisique  on  porte  ce  chat  dans  la  forêt  et  on 
rattache  à.  un  arbre.  Le  pauvre  animal  périt  là-bas  de  faim  ou  sous 
les  griffes  d'un  animal  plus  fort  et  c'est  ainsi  que  la  maladie  restera 
définitivement  dans  la  forêt. 

(KouLiKOvsKY  :  Revue  ethnogr.  [Etnogr,  i4 Ao.çr.)  1890,  I,  fasc.  p.  48). 

Vl.  Bugiel. 


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HKVrE    DES   TRADITIONS    POPULAIRES  231 


GARGANTUA 


XII 

LES  GRAVOIS  DE   GARGANTUA 

ARGANTUA  était  uo  géaDt  d'une  grande  taille,  d*une  grande 
force  et  d'une  gloutonnerie  sans  pareille.  Il  possédait  des 
biens  immenses  dont  les  produits  suffisaient  à  peine  pour 
le  nourrir.  Le  nombre  de  ses  troupeaux  de  bœufs  et  de 
moutons  était  incalculable.  Les  bergers  menaient  pâturer 
leurs  bètes  dans  les  plaines  et  sur  le  flanc  des  coteaux.  Comme  les 
vallées  que  traversent  des  cours  d'eau  sont  toujours  fertiles  en 
herbe,  Gargantua  en  avait  défendu  l'entrée  à  ses  serviteurs.  II 
parait  que  c'était  lui-même  qui  coupait  Therbe  de  ses  prés.  Mais  il 
fauchait  bien  15  à  20  acres  par  jour.  Aussi  lui  fallait-il  une  nuée  de 
faneurs  et  de  botteleurs  pour  remplir  ses  fenils. 

Un  jour  (il  y  a  de  cela  bien  longtemps),  Gargantua  vi.it  de  Char- 
tres à  Laigle  ;  il  portait  sur  son  épaule  sa  gigantesque  faulx,et  avait 
son  bihot^  attaché  à  sa  ceinture.  La  chaleur  était  grande,  attendu 
que  l'on  se  trouvait  au  moment  de  la  moisson.  Le  géant  pressait  le 
pas,  car  il  avait  hâte  de  couper  les  herbes  des  prés  qui  avoisinent  la 
Rille. 

En  arrivant  sur  les  hauteurs  d'Ëcublei,  il  s'aperçut  que  son 
soulier  le  blessait.  «  Qu'y  a  t-il  donc  dans  ma  chaussure  !  s'écria-t-il. 
Mon  pied  commence  à  me  faire  bien  mal.  En  vérité,  je  ne  pourrai 
me  mettre  à  faucher  tant  que  je  souffrirai  comme  cela  !  » 

Gargantua  examina  la  semelle  de  son  soulier  et  il  vit  diverses 
aspérités  qui  étaient  fort  mobiles  :  <(  Bah  I  dit-il,  ce  n'est  pas  grand 
chose.  Ce  sont  seulement  quelques  gravois  qui  me  gênaient  I  »  Il 
secoua  donc  sa  chaussure  et  les  gravois  allèrent  tomber  tant  dans  le 
fond  de  la  vallée  de  Saint-Sulpice  que  sur  ses  flancs  où  ils  reposent 
encore  aujourd'hui. 

«  J'ai  bien  soif  et  bien  faim  maintenant  1  Que  l'on  m'apporte  à 
boire  et  à  manger  !  Et  promptement,  car  je  suis  fort  pressé  I.  » 

1.  Cf,  t.  I,  p.  198,  t.  II,  p.  175,  186,  t.  ni,  p.  422,  t.  IV,  p.  479,  t.  VI,  p.  387, 
t.  Vlî,  p.  83,  670,  t.  IX,  p.  264,  t.  X,  p.  267. 

2.  Enveloppe  de  la  pierre  à  aiguiser. 


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252  REVUE   DES   TRADITIONS    POPULAIRES 

Aussitôt  des  centaines  de  domestiques  allèrent  puiser  de  Teau 
dans  les  belles  fontaines  de  Saint-Sulpice.  Ils  remplirent  de  grandes 
cuves  semblables  à  celles  dont  on  se  sert  pour  faire  la  lessive. 
Gargantua  vidait  d'un  trait  ces  cuves  aussi  promptement  que  vous 
et  moi  nous  viderions  un  verre  de  bon  cidre.  Les  fontaines  furent 
bientôt  à  sec  et  Ton  vit  le  moment  où  il  aurait  fallu  aller  puiser  à  la 
rivière. 

Pendant  que  Gargantua  étanchait  sa  soif,  on  lui  amena  une  de 
ses  bergeries.  Les  moutons  furent  placés  autour  de  lui,  à  portée  de 
sa  vaste  main.  Vous  allez  peut-être  croire  qu'il  fit  cuire  ces  pauvres 
bêtes  !  Nullement,  le  géant  était  trop  affamé  et  trop  pressé.  Il  saisit 
les  moutons  et  les  avala  tous  les  uns  après  les  autres. 

Se  sentant  bien  dispos  après  avoir  pris  un  pareil  repas.  Gargan- 
tua afli  la  sa  faulx  et  descendit  la  vallée  de  la  Rille  en  coupant 
rherbe  des  prés.  Quand  il  eut  fauché  ses  48  acres,  le  soleil  était 
prêt  de  se  coucher.  Le  géant  était  un  peu  fatigué  et  comme  il  lui 
fallait  regagner  le  soir  sa  demeure  située  dans  la  Beauce,  il  se  dit  : 
«  Pourquoi  empurterais-je  avec  moi  cette  dure  affiloire?  N'en  ai-je 
pas  assez  d'autres  dans  les  carrières  qui  environnent  mon  palais? 
A  quoi  bon  me  gêner  dans  ma  marche  I  » 

Gargantua  prit  donc  sa  pierre  à  faulx,  et  Tenvoya  dans  le  lointain 
où  elle  tomba  sur  la  rive  gauche  de  la  Rille  près  Neauphle.  L'affl- 
loire  resta  piquée  debout,  dépassant  encore  le  sol  de  plus  de  quatre 
mètres.  Mais  pour  que  cette  pierre  sur  laquelle  les  paysans  vont 
aiguiser  leurs  outils,  conserve  depuis  des  siècles  sa  position  verti- 
cale dans  un  terrain  humide  et  sans  consistance,  il  faut  qu'elle  soit 
enfoncée  bien  avant. 

Avant  son  départ,  Gargantua  lit  semer  deux  glands  entre  Saint- 
Sulpice  et  Saint-Santin.  De  ces  deux  glands  sont  sortis  deux  chênes 
géants  que  Ton  désigne  dans  le  pays  sous  le  nom  de  «  chênes  à 
Gargantua.  » 

Eugène  Vimont. 


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REVUE    DES  THADITIONS   TOrULAlKES  2o3 


LES  ALMANACHS  POPULAIRES 


VIII 

ALMANACHS  DE  TROYES  (16^) 

LMANACH  pour  Tan  de  grâce  mil  six  cens  vingt-neuf.  Dilige- 
ment  calculé  par  Pierre  Delarîvey-le-jeune,  Troyen.  — 
Imprimé  à  Troyes  chez  Claude  Briden^  et  se  rendent  chez 
Louys  Thomassin,  in-fol.  Placard  rouge  et  uoîr  (Bibliothè- 
que Denlin,  d'Epernay). 
«  Cet  almaiiach,  aussi  curieux  que  rare  est  surmonté  de  La  vie 
récréative.  Au  coin,  adroite,  on  lit  au-dessus  d'une  porte  de  jardin  : 

Voicy  comment  od  vit  dans  le  monde  : 
Ceux-là  s'estiment  plus  contents, 
A  qui  plus  de  plaisir  abonde 
Et  qui  y  passent  mieux  le  temps. 

A  Tangle  gauche,  les  lettres  majuscules  L.  T.  (Louis  Thomassin  . 

«  La  grande  gravure  qui  surmonte  le  texte  retrace  une  fête  ou  une 
orgie  champêtre.  De  chaque  coté  du  texte  est  une  suite  de  i!2 
tableaux  correspondant  aux  12  mois  de  Tannée  et  retraçant  les  cris 
populaires  de  Troyes  à  cette  époque.  Trois  personnages  criant  sont 
dans  chaque  tableau  :  soit  en  tout  36  criant.  » 

(Emile  Socard,  Etude  sur  les  almanachs  et  les  calendriers  de  Troyes, 
p.  85). 

Nous  n'avons  pu  retrouver  Texemplaire  décrit  par  M.  Socard  ', 
que  nous  soupçonnons  fort  d'avoir  pris  pour  les  «  cris  de  Troyes  » 
une  édition  locale  des  «  cris  de  Paris  ». 

Ceci  nous  semble  d  autant  plus  vraisemblable  que  Claude  Briden 
imprimait  des  calendriers  qui  n'étaient  que  des  imitations  de  ceux 
publiés  à  Paris.  La  preuve  en  est  facile  à  faire  par  la  comparaison 
de  deux  types  conservés  aux  Archives  de  TAube  :  Tun  pour  i6i3, 
contenant  les  foires  de  Paris,  sans  nom  d'éditeur  ;  l'autre  pour  1632. 
venant  de  chez  Claude  Briden  et  offrant  une  médiocre  mais  incon- 
testable imitation  des  fort  beaux  ornements  gravés  du  précédent. 

L.  MORIN. 

i.  La  Bibliothèque  Nationale  ne  possède  pas  cet  almanach. 


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254 


KEVUE  DES  TKADITIO.N»  POPITLAIRES 


VIEILLES  CHANSONS  DU  MAINE 


LA  PETITE  iN'ANKTTE 

Comme  yélaïa  petite,  tra  la  la  la  la  la  la  la  laire, 
J'avais  tant  d*amoureux,  j'avais  tant  d*amoureux 
A  présent  que  j'suis  grande,  tra  la  la  la  la  la  la  la  la  laire 
Je  n*eD  ai  plut  que  deux,  je  n'en  ai  plus  que  deux. 

Mon  papa  me  demande,  tra  la  la,  etc. 

—  Lequel  aimes  tu  le  mieux,  lequel  aimes-tu  le  mieux? 

—  Je  ne  veux  point  de  Pierre,  tra  la  la,  etc. 
Car  il  est  trop  glorieux,  car  il  est  trop  glorieux. 

J'aimerais  mieux  Antoine,  tra  la  la,  etc. 

Mon  ancien  amoureux,  mon  ancien  amoureux 

Il  me  mène  à  la  danse,  tra  la  la,  etc. 

Je  danse  tant  que  je  veux,  je  dause  tant  que  je  veux. 

Puis  quand  la  danse  est  faite,  tra  la  la,  etc. 

Noua  allons  boire  tous  deux,  nous  allons  boire  tous  deux. 

Quand  la  bouteille  est  vide,  tra  la  la,  etc. 

J'nous  en  allons  joyeux,  j  nous  en  allons  joyeux. 

Bonsoir  ma  p'tite  Nanette,  tra  la  la,  etc. 
A  la  prochaine  revue,  à  la  prochaine  revue 
Bonsoir  ma  p'tite  Nanette,  tra  la  la,  etc. 
A  la  prochaine  revue,  à  la  prochaine  revue. 


il 


DEJA  MAL  MAKIEE 

Mon  père  m'a  mariée  l 

A  un  planteur  de  vigne,      ) 
Déjà  mal  mariée  déjà, 
Déjà  mal  mariée. 

Dès  le  lendemain 

11  m'envoya  aux  vignes. 

Déjà  mal  mariée,  etc. 


Je  me  suis  enivrée 
De  ce  jus  de  la  vigne. 
Déjà  mal  mariée,  etc. 


6i>. 


bis. 


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REVUE    DKS  TKAUmOiSS    POI>LXAIRES 


2^0 


Mon  mari  est  venu 
Qu'il  m*a  tanl  battue,^ 
Déjà  mal  mariée,  etc. 

Que  je  m*eQ  suis  écriée 
Au  curé  de  la  ville. 
Déjà  mal  mariée,  etc. 

Hier  vous  me  fîtes  femme 
Aujourd'hui  faites-moi  fille. 
Déjà  mal  mariée,  etc. 


6m. 


bis. 


bis. 


Il  m*a  répondu  }     . 

C'est  une  chose  impossible,  ] 
Déjà  mal  mariée,  etc. 


Que  d'une  jeune  femme 
En  faire  une  jeune  fille. 
Déjà  mal  mariée  déjà, 
Déjà  mal  mariée. 


m 


bis. 


LE    COUCOU 

I 

En  passant  près  d'un  moulin 
Le  moulin  j'entendis,  le  moulin  j'euteudis  ; 

Qui  dans  son  langage  disait  : 

Et  tic,  et  tac,  et  tic  et  tac, 

Et  mé  j'craydis  qu'i'  me  disait: 
De  prendre  mon  sac,  de  prendre  mon  sac 

Et  mé  de  m'en  quatre  cou  cou 

Et  m'é  de  m'en  courir. 

En  passant  prés  d'un  étang 
Les  canards  j'entendis,  les  canards  j'entendis  ; 
.  Qui  dans  leur  langage  disaient  : 

Et  can  can,  et  can  can, 
Et  mé  je  croyais  qu'ils  me  disaient . 

Et  prend,  prend,  et  prend  prend 

Et  mé  de  m'en  etc. 

Ed  passant  près  d'une  Eglise. 
Le  curé  j'entendis,  le  curé  jVntendis, 

Qui  dans  son  langage  disait  : 

Mea  culpa,  mea  culpa. 

Et  mé  je  croyais  qu'il  me  disait  : 
Qu'  fais-tu  donc  là,  qu'  fais-tu  donc  làl 

Et  mé  de  m'en  etc. 


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236  REVUE  DES   TRADITIONS    POPULAIRES 

En  paesaDt  près  d'un  taiUis 
Le  coucou  j'entendif,  le  coucou  j'entendis; 

Qui  dans  sa  langue  disait  : 

Et  coucou,  et  coucou, 
Et  mé  je  croyais  qu'il  me  disait  : 

Que  j'étais  fou  que  j'étais  fou  : 

Et  mé  de  m'en  quatre  coucou 

Et  mé  de  m'en  courir. 


IV- 

LE  ROULIER 

['il  jour  de  la  Madeleine. 
M'en  revenant  d*0rléans. 
J'avais  ma  bouteille  pleine. 
Et  je  chantais  en  marchant  : 
Dia,  hûo  petit,  tire  cordet  tiré. 
11    faut  qu'un  roulier  roule,  roule,  rouie,  roule. 
Et  toujours  joyeusement. 
Et  toujours  joyeusement. 

J'avais  ma  bouteille  pleine. 
Et  je  chantais  en  marchant  ; 
J'aperçois  fille  bien  faite. 
Marchant  à  grands  pas  devant. 
Dia  hûo  petit,  etc. 

J'aperçois  fille  bien  faite. 
Marchant  à  grands  pas  devant. 
Vite  je  touche  mes  bètes  ; 
Pour  la  rejoindre  promptcmeut. 
Dia,  hQo,  etc. 

Vite  je  touche  mes  bête."!. 
Pour  la  rejoindre  promptement  ; 
Montez  dedans  ma  charette. 
Vous  irez  plus  sûrement. 
Dia,  hûo,  etc. 

Montez  dedans  ma  charette. 
Vous  irez  plus  sûrement, 
Quoi  que  placée  à  son  aise. 
Elle  pleurait  amèrement. 
Dia,  hiio,  etc. 


Quoique  placée  à  son  aise. 

Elle  pleurait  amèrement. 

— •  Mais  qu'avez-vous  donc  la  belle  ? 

Est-ce  que  vous  manquez  d'argent? 

Dia,  hûo,  etc. 


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REVUE  DBS  THVDITIONS    POI'ULAIKES  2o7 

Mais  qu'ayez-vous  donc  la  belle  7 
Est-ce  que  vous  manquez  d'argent  ? 

—  Oh  !  non,  me  répondit-elle  ; 
C'est  que  j'ai  perdu  mon  amant. 
Dta,  hao,  etc. 

Oh  I   non,  me  répondit-elle. 
C'est  que  j'ai  perdu  mon  amant. 

—  Ne  pleurez  pas  tant  la  belle. 
Et  entrons  au  Pélican. 

Dia,  hûOf  etc. 

Ne  pleurez  pas  tant  la  belle. 
Et  entrons  au  Pélican. 

—  Bonjour  madame  Tbôtesse. 
Donnez-moi  vile  des  draps  blancs. 
Dia,  htio  petit  tire  cordet,  tire  cordet 

Il  faut  qu'un  roulier  roule,  roule,  roule,  roule. 
Et  toujours  joyeusement. 
Et  toujours  joyeusement. 

M"«  Destrichk. 


SI  ^^T^ 


TOMK    XI.    --    M. M    IS'.>G. 


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238  REVLK    DKS   TIVADITIO.NS    i»0l»L'LAIHK8 


TRADITIONS  ET  CROYANCKS  LORRAINES 


Environs  de  Metz 

Le  Sotré  esl  une  chimère  qui  la  nuit  vient  se  balaacer  dans  les 
crinières. des  chevaux,  leur  apporte  de  Tavoine  pour  qu'ils  lui  per- 
mettent de  se  balancer,  et  les  étrille.  S'il  survient  un  garçon  d'écurie, 
te  Sotré  jette  son  étrille  ;  mais  n'en  atteint  jamais  personne.  C'est 
pourquoi  Ton  dit  :  Tu  jettes  de  travers  comme  le  Sotré. 

Il  ne  faut  jamais  cuire  de  pain  le  jour  des  Morts  ;  au  lieu  de  tirer 
de  la  braise  du  four^  on  en  lire  des  os  de  mort. 

Il  faut  toujours  tuer  les  porcs  à  la  nouvelle  lune,  pour  que  le  lard 
gonfle  dans  la  marmite. 

Les  trois  jours  des  Rogations  ont  leur  valeur.  S'il  fait  beau  le  pre- 
mier jour,  il  fera  beau  pour  la  fenaison.  Le  temps  du  second  sera 
le  temps  de  la  moisson.  Le  temps  du  troisième  sera  celui  de  vendange. 

A  la  Saint-Jean  on  fait  un  feu  de  joie  en  brûlant  une  grande  quan- 
tité de  bois  que  les  garçons  du  village  volent  de  côté  et  d'autre  ;  puis 
l'on  danse  en  rond  autour  du  feu.  Ensuite  les  femmes  font  trois  tours 
autour  du  feu  qui  s'éteint  en  disant  cinq  Pater  et  cinq  Ave  pour  ne 
pas  avoir  mal  au  dos  en  coupapt  les  blés.  Puis  il  y  en  a  qui  ramassent 
la  braise  pour  semer  sur  les  oignons  afin  que  ces  derniers  deviennent 
gros. 

Autant  de  jours  avant  la  Saint-Jean-Baptiste  fleurissent  les  lys, 
autant  de  jours  avant  la  Saint-Remi  d'octobre  se  font  les  vendanges. 

S'il  pleut  le  jour  de  l'Ascension,  le  blé  diminue  jusqu'à  la  moisson. 

Le  jour  de  la  Fête-Dieu,  si  les  branchages  ou  feuillages  ne  fanent 
pas  dans  les  rues,  la  fenaison  ne  sera  pas  belle. 

Il  est  d'usage  que  le  soir  du  dernier  jour  de  l'an  les  garçons  vont 
répandre  le  fumier  des  maisons  où  il  y  a  des  jeunes  filles. 

Si  le  soleil  luit  le  jour  de  la  Chandeleur  avant  la  messe,  l'ours 
retourne  à  sa  caverne  pour  quarante  jours. 


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REVLTE    DES    TRADITIONS    POPULAIRES  2o9 

Chandli  Chandlou  —  partage  son  fourrage  en  dou 
Et  retiens  le  miou,  (la  moitié) 

Mars  sec  et  beau 
Promet  plus  de  vin  que  deau. 

Saint- Vincent  clair  et  beau 
'  Promet  plus  de  vin  que  d'eau. 

Pour  avoir  une  bonne  année,  il  faut  que  mars  remplisse  les  fossés 
trois  fois  et  les  vide  trois  fois. 

Tonnerre  en  mars 
Vin  en  ravasse. 

Pluie  d'avril 
N'engendre  que  des  chenilles. 

Si  la  pomme  surpasse  la  poire, 
Vends  ton  vin  ou  fais  le  boire. 
Si  la  poire  surpasse  la  pomme, 
Garde  ton  vin,  bonhomme. 

  la  Saint-Martin 

Bois  ton  vin 

Et  laisse  aller  Teau  au  moulin. 

M.  Poirier. 


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260  HEVUE    DES  TRADITIONS   POPULAIKES 


COUTUMES  ET  SUPERSTITIONS  bU  PAYS  DE  BR AY 
ET  DU  PAYS  DE  CAUX 


LE  FEU  DE  SAINT-CURISTOPHE 

)r^^    RESOL 'entièrement  disparue  de  noire  pays  la  pratique  de  «  feu 
<^^   de  carrefour  »,  subsiste  encore  à  la  Heuze,  hameau  situé  dans 
(îl^jl    la  forêt  d'Eawy,  canton  de  Bellencombre,  à  six  ou  sept  kilo- 
.'^sp    mètres  de  Saint-Saëns. 
y       Ce  feu  s'allume  le  24  juillet,  fête  de  saint  Christophe,  patron 
de  la  Heuze.  Ce  jour-là,  un  immense  bûcher  fait  de  bourrées  dispo- 
sées en  pyramide  est  élevé  dans  un  carrefour  de  la  forêt.  Au  som- 
met de  la  pyramide  on  attache  un  bouquet  blanc,  destiné  sans  doute 
à  rappeler  le  pigeon  blanc  qui,  dit-on,  venait  jadis  s^abattre  dans  le 
feu  de  saint  Onuphre. 

Au  moment  où  le  soleil  disparait  de  Thorizon  les  Heuzois,  en  habits 
de  fête,  arrivent  au  carrefour  désigné  et  on  met  le  feu  au  bûcher.Un 
des  assistants  entonne  le  Te  Deum  et  fait  le  tour  du  bûcher;  tous  le 
suivent  en  chantant  et  tenant  un  gros  bâton  à  la  main.  Quand  la 
flamme  a  atteint  le  bouquet  bhinc  les  chanteurs  font  silence  ;  on  se 
range  autour  du  feu,  puis  on  entonne  le  Magnificat  ;  entre  chaque 
verset  les  chanteurs  intercalent  ce  singulier  refrain  : 

Nous  chanterons  pour  eUe, 

Pour  elle  [bis) 
Nous  chanterons  pour  elle 
Un  bracchio  suo. 

Le  Magnificat  achevé,  tous  les  porteurs  de  bâtons  placent  leur 
bâton  dans  le  feu,  surveillent  la  combustion,  et  selon  que  le  feu  fait 
plus  ou  moins  vile  son  œuvre  dessaquent  (enlèvent;-  le  tison  devenu 
miraculeux  qui  préserve  de  la  foudre,  de  la  grêle,  de  la  peste.  On 
place  ce  fétiche  à  l'entrée  de  la  maison,  sur  la  porte  des  étables,  ou 
encore  entre  le  rameau  bénit  du  dimanche  des  Rameaux. 

Pour  que  le  tison  possède  ses  vertus  préservatrices,  il  faut  que 


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KFAI:E    des  TBADITIONS    POPrr.AlHRS  201 

son  propnélaire  le  melle  de  ses  propres  mains  au  feu,  et  le  d(*ssa- 
que  (l'enlève)  sans  secours  étranger. 

Quand  le  dernier  tison  est  retiré,  les  assistants  se  disposent  à  faire 
«  pauvre  homme  ».  Pour  cela  on  s'aligne  par  terre  autour  du  bra- 
sier, les  hommes  les  pieds  au  feu,  les  femmes  en  sens  inverse.  Un 
homme,  une  femme,  un  homme,  une  femme.  —  Les  dispositions 
prises  ainsi,  ils  imitent  le  balancement  des  cloches,  en  levant  tour  à 
tour  les  jambes,  puis  la  léte,  tout  en  chantant  très  lentement  celte 
espèce  d'incantation  : 

Pauvre  hoDiine 
Tu  es  mort 

Jeudi 
A  midi 
Din-don 

Balan 

Sonuons 

Pour  lui. 

Alors  que  le  brasier  s'éteint,  chacun  prend  son  tison  et  l'on  va 
danser  dans  un  pré. 

Autrefois  le  clergé  de  Bellencombre  montait  à  la  Ueuze  bannière 
en  léte,  entonnait  le  Magnificat  après  avoir  béni  le  feu.  Mais 
depuis  bien  des  années  les  excès  qui  suivaient  le  bal  ont  décidé  le 
clergé  à  ne  plus  paraître  au  feu  de  Saint-Christophe. 


Il 

LES  FEriLLES  DE   LIERRE  , 

La  pratique  de  la  feuille  de  lierre  est  en  vigueur  dans  tout  le  pays 
de  Bray  et  à  Saint-Saëns,  capitale  du  Caux  pouilleux.  —  Dès  qu'on  se 
sent  malade,  ou  qu'on  voit  les  enfants  souflrants,  on  court  chez  celui 
qui  a  le  don  —  homme  ou  femme  —  et  on  lui  expose  le  désir  de  con- 
sulter les  saints  —  Le  sorcier  ou  la  sorcière,  verse  alors  de  l'eau 
bénite  dans  une  bassine,  ou  plat,  et  en  prononçant  des  «  paroles  » 
et  en  disant  cinq  Pater  et  ciuq  Ave  y  dépose  autant  de  feuilles  de 
lierre  qu'il  y  a  de  saints  à  consulter.  Chaque  feuille  représente  un 
saint.  Les  saints  en  renom  sont  saint  Vimer,  saint  Mein,  saint 
Martin,  sainte  Clotilde,  saint  Etienne,  saint  Alexis...  —  Le  lendemain 
on  regarde  les  feuilles  de  lierre,  qui  sont  toujours  dans  leau  bénite 
—  et  selon  qu'une  feuille  présente  une  ou  quelques  taches  à  la 
surface,  on  sait  qu'on  est  tenu  du  saint  représenté  par  la  feuille. 
Pour  se  délivrer  de  ce  saint,  on  commence  par  faire  une  neuvaine. 


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ayl  REVCB    DES    TRADITIONS    POPULAIRES 

au  cours  de  laquelle  il  ne  faut  pas  manger  d  œuf,  puis  le  dernier 
jour  de  la  neuvaine,  on  fait  pèlerinage  à  cœur  jeun  au  sanctuaire  où 
le  saint  irrité  est  vénéré.  Il  faut  faire  trois  fois  le  tour  de  Téglise 
avant  de  franchir  le  porche  —  on  se  prosterne  devant  la  statue  du 
saint  et  avant  de  se  retirer  on  noue  au  bras  de  la  statue  un  bout 
de  ruban  —  (on  a  eu  soin  de  couper  le  ruban  en  deux  car  on  garde 
l'autre  moitié  par  devers  soi). 

Quand  on  a  affaire  à  saint  Vimer  pour  un  enfant  au  maillot,  (ce 
saint  a  la  spécialité  des  maux  d^entrailles)  on  a  soin  de  prendre  un 
ruban  assez  long  pour  en  laisser  une  part  à  saint  Vimer,  et  on.  en- 
toure les  poignets  et  les  chevilles  dudil  ruban  qu'on  se  gardera  d'en- 
lever. La  vétusté  seule  doit  le  faire  tomber.  . 

N.  B.  —  On  peut  charger  un  étranger  de  faire  la  neuvaine  en 
votre  lieu  et  place.  Souvent,  presque  toujours  même,  celui  ou  celle 
qui  a  le  don  accomplit  cette  mission,  on  assure  que  cela  vaut  mieux 

parce  que  le  saint  le  connaît. 

B.  Reyac. 


LK  CONSCRIT  DE  iSiO' 


m 

Pays  chartrain 

C'était  un  conscrit   d'Gorbeil 
Qui  n'avait  pas  son  pareil 
Avant  qu'  d'être  2'au  régiment 
Il  avait  un  attachement. 

Dit's  à  ma  tant'  que  son  neveu 
A  amené  l'numéro  deux. 


Si  Fauchon  vîent  mi  demander 
Dit'  lui  que  j'suis  t'engage 
.Qu'eir  me'gard'  son  cœur,  sa  foi, 
Si  ça  se  peut  quelquefois.  |j 

Dit's  aux  fileurs  de  coton 
Que  leur  brave  compagnon 
Qui  filait  bonnets  et  bas 
D'vant  l'en'mi  ne  filera  pas. 


Luc-Olivu»  Mirson. 


1.  Cf.  t.  X,  p.  220,  347. 


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REVrR  DES  tRADtnONS  P01>ULA1RES  263 


LE  COQ  ET  LA  POULE 

Randonnée  lorraine 


Lunéville,    en  Lorraine,  il    existe  une    randonnée    qu'on 
récite  encore  aux  enfants  pour  les  amuser.  La  voici  telle  que 
,-jjj^  je  l'ai  entendue  autrefois. 
j^      Un  coq  et  une  poule  allèrent  se  promener  au  bois  pour 
c/     cueillir  des  noisettes.  Le  coq  se  nommait  Jalot  et  la  poule 
Senseline 

La  poule  monta  sur  un  noisetier  et  se  mit  à  cueillir  des  noisettes, 
il  manger  les  amandes  et  à  laisser  tomber  les  coquilles.  Le  coq  se 
précipita  sur  les  coquilles  et  en  mangea  beaucoup.  La  poule  ne 
Tentendant  plus  descendit  de  Tarbre  et  trouva  Jalot  à  moitié  pâmé. 
Elle  courut  à  la  fontaine  pour  avoir  de  Teau  et  dit  : 

Fontaine  donne  moi  de  ton  eau 
Que  je  donne  de  l*eau  au  petit  Jalot 
Qui  est  tombé  dans  le  crafouillot. 

La  fontaine  répondit  :  Je  ne  te  donnerai  pas  de  mon  eau  si  tu  ne 
me  donnes  de  la  mousse.  La  poule  alla  trouver  le  chêne  : 

Chêne,  donne  moi  de  la  mousse, 
Que  je  donne  de  la  mousse  à  la  fontaine, 
Que  la  fontaine  me  donne  de  Teau, 
Que  je  donne  de  Teau  au  petit  Jalot 
Qui  est  tombé  dans  le  crarouillot. 

Je  ne  te  donnerai  pas  de  mousse  si  tu  ne  me  donnes  pas  de  la 
poix,  La  poule  alla  trouver  le  cordonnier  : 

Cordonnier,  donne-moi  de  la  poix 
Que  je  donne  de  la  poix  au  chêne 
Que  le  chêne  me  donne  de  la  mousse 
Que  je  donne  de  la  mousse  à  la  fontaine 
Que  la  fontaine  me  donne  de  Teau, 
Que  je  donne  de  Teau  au  peUt  Jalot 
Qui  est  tombé  dans  le  crafouillot. 


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'2{}ï  REVrE  DES  TRADITIONS   POPPLAinËS 

Je  ne  te  donnerai  pas  de  poix  si  tu  ne  me  donnes  des  soies  La 
poule  s'en  alla  chez  le  cochon  : 

Cochon,  donne-iuoi  des  soies, 
Que  je  donne  des  soies  au  cordonnierf 
Que  le  cordonnier  me  dnnne  de  la  poix, 
Que  je  donne  de  la  poix  au  chône, 
Que  le  chêne  me  donne  de  la  mousse, 
Que  je  donne  de  la  mousse  à  la  fontaine 
Que  la  Tontaine  me  donne  de  l'eau, 
Que  je  donne  de  Teau  au  petit  Jalnt 
Qui  est  tombé  dans  le  crafouiltot. 

Je  ne  te  donnerai  pas  de  soies  si  tu  ne  nie  donnes  pas  d'avoine.  La 
poule  alla  trouver  le  batteur  et  lui  dit  : 

Batteur,  donnez-moi  de  l'avoine. 
Que  je  donne  de  l'avoine  au  cochon. 
Que  le  cochon  me  donne  des  soies, 
Que  je  donne  des  soies  au  cordonnier. 
Que  le  cordonnier  me  donne  de  la  poix, 
Que  je  donne  de  la  poix  au  chêne, 
Que  le  chêue  me  donne  de  la  mousse. 
Que  je  donne  de  la  mousse  à  la  fontaine. 
Que  la  fontaine  nte  donne  de  l'eau, 
Que  je  donne  de  leau  au  petit  Jalot 
Qui  est  tombé  dans  le  Crafouillot. 

Le  batteur  donna  de  l'avoine  pour  le  cochon  qui  donna  des  soies 
pour  le  cordonnier,  qui  donna  de  la  poix  pour  le  chêne,  qui  donna 
(le  la  mousse  pour  la  fontaine,  qui  donna  de  Teau  à  la  petite  Sense- 
line,  mais  quand  elle  arriva  près  de  Jalot,  le  petit  coq  était  mort. 

C'est  comme  on  le  voit,  une  variante  complète  de  la  randonnée, 
La  pouillote  et  le  coucherillot,  recueillie  dans  la  Meuse  par  M.  Cos- 
quin  *.  La  poix  que  demande  le  chêne  est  remplacée  par  une 
bande  et  un  des  termes  de  la  série,  la  dame  qui  demande  des 
pantoufles,  a  disparu  ;  il  en  est  de  même  de  la  gerbe.  Pour  les  ran- 
données semblables,  cf.  les  notes  de  M.  Cosquin  *. 

Resè  Basset 


*.  Conter  populaires  de  Lorraine^  Paris,  2  v.  in-S,  s. 
2.  Op.  laud.  t.  I.  p.  282-28i  et  t.  I!  et  t.  111  p.  361. 


d.  t.  I,  p.  281-282. 


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REVITK   DES  TRADITIONS    POPIILAIRES  26îl 


BIBLIOGRAPHIE 


"E.  Jaoottet,  Contes  populaires  des  Bassoutos  (Afrique  du  Sud), 
Paris,  E.  Leroux  1895,  in-i8,  XXIU,  292  pages,  5  francs.  (Forme 
le  tome  XX  de  la  Collection  des  Contes  et  Chansons  populaires). 

Il  y  a  treote-six  ans,  ud  des  devanciers  de  M.  Jacoltet,  Casalis,  un  des  fonda- 
teurs de  la  mission  française  dans  TAfrique  du  Sud,  publiait  dans  sob  volume 
sur  les  Bassoutos  (Paris,  1860,  in-12)  quatre  contes  recueillis  par  lui  au  milieu  de 
cette  population.  A  part  six  autres  contes  parus  dans  Tintrouvable  Folk-ijore 
Journal  du  Cap  (1)  et  un  mémoire  de  Schrumpf,  ce  domaine  fut  négligé  jusqu'au 

1.  Ce  recueil  qui  n'a  paru  que  pendant  «eux  années  étant  excps!>ivement  rare, 
je  crois  utile  d'en  faire  connaître  le  contenu  :  i^^  année  1879,  6  parties  iV-lV- 
in  page»  in-8.  Janvier:  Mac  Theal.  The  storu  of  Long  Snake^  p.  6-10  (texte 
kaffir  et  tr.  augl.,  reproduit  dans  le  Kaffir  folk-tore  du  même  auteur.  Londres, 
s.  d.,  in-8,  p.  145-148.  Traduction  seulei  ;  A.-J.  Wookey.  The  Lion  and  the  Ostrich 
(texte  s'tchoiiana  et  trad.  p.  10-12)  ;  Miss  Meeuw^eu,  A  Nursery  taie  (texte  set- 
chouana  et  trad.  p.  12-17.  —  Mars  187^:  A  Kropf,  Ulusanana  (texte  kaûr  et  trad. 

g.  20-23)  :  Mac  Theal,  Story  of  Liltle  red  Stomach  (texte  kafir  et  trad.  p.  23-28  ; 
tory  of  five  heads^  p.  28-31,  texte  kafir  et  trad.  Ce  dernier  conte  a  été  repro- 
duit en  traduction  dans  le  Kaffir  Folk-lore  p.  47-34)  ;  Kropf.  The  Gods  of  the 
Hasulo  p.  :i2-33  ;  Miss  Mceuwsen.  Customs  and  superstitions  among  the  Bel- 
shuana  p.  33-34  ;  R.  Price,  The  ceremony  of  the  Dipheku  p.  35-36.  —  Mai  :  W. 
Palgrave,  Some  Customs  of  the  Ooaherero  p.  37-67.  — Juillet:  Th.  Bain,  Th. 
Story  ofa  Dam  (conte  hotteutot,  p.  69-73)  ;  Callaway,  The  romance  of  Unyenge- 
bule  (texte  zoulou  et  trad.  an^i.  p.  "^^"^^  i  Stanford,  éSews  from  Zutuland  (texte 
zoulou  et  tr.  angl.  p.  8U-83)  ;  Carbutt,  The  story  of  Ngangezwe  and  Mnyàmana 
ftexte  zoulou  et  trad.  angl.  p.  81-97).  —  Septembre  :  O.  Stavem.  The  bèwitched 
KÎng  (texte  zoulou  et  trad.  an^l.  p.  9J-109)  ;  S. -H.  Edwards,  Kgolodikane  (texte 
setchouana  et  trad.  an^i.  p.  110-116);  Seshuana  provcrbs  (p.*  116-1!7).  Sloere, 
Deux  contes  en  soiabili  (texte  souahili  et  trad.  p.  118-123).  —  Novembre:  Sta- 
vem, Usomamekutyo  ^texte  zoulou  et  trad.  p.  126-133)  ;  KOck,  The  onnual  Fe:tti- 
val  of  the  Zulus  (texte  zoulou  et  trad.  angl.  p.  134-138)  ;  S.-H.  Edwards,  Masilo 
and  Masilonyana  (texte  setchouana  et  trad.  p.  138-145);  Hahn,  Herero  sayings  or 
procerbs,  texte  héréro  et  tr.  p.  146-147.  Le  texte  seul  avait  paru  dans  l'ouvrage 
de  Hahn  :  Omahongiie  Uokuleza  Molyiherero,  Giiter^loh,  1862). 

T.  11,  1880,  116  p.  in-8.  —  Janvier':  Bleek,  A  draught  Sketch  for  an  Anthro- 
pological  Jnslilute  p.  1-5;  Ireland,  The  story  of  Umshalishali  and  Umlcmosib 
uen  (texte  zoulou  et  trad  angl.  p.  6-10)  ;  H.  Lancastcr  Carbutt,  Some  minor 
superstitions  and  customs  of  the  Zulus  p.  10-15  ;  Bcvau,  Much  Searching  disturbs 
sings  that  were  iyingslilt  (texte  setrhouana  eX  trad.  p.  15-19).  -  Mars  :  Th.  Bain, 
Thé  distributions  of  animais  etc.,  a  fier  the  création,  as  retated  by  a  Kafir  p.  21-25  ; 
Ireland,  The  ox  which  returned  to  life  (texte  znulou  et  trad.  p.  22-261  ;  The 
slorv  of  Umkuywana  texte  zculou  et  trad.  p.  26-30)  :  Bevan,  How  the  Children 
of  the  Bafurutsi  separated  from  their  fathers  (texte  f^etchouana  et  trad.  angl.  p. 
30-32^;  Snme  belieh  conceming  the  Bakgalagati  (texte  setchouana  et  trad.  angl  p. 


32-34) ,  Edwards,  Tradition  of  the  Baye  p.  34-37.  —  Mai  :  Bushman  Folk-tore 
p.  39-43  ;  The  Losl  Sons  of  God,  Rafolsioe  and  ïkotofetsy  and  Imahaka  ;  The 
Manner  in  which  ïkotofetsy  and  Imonoka  came  by  their  Death  p.  46-49  trad.  par 
Miss  (3ameron,  de  trois  contes  malgaches  dont  le'texte  avait  paru  dans  le  recueil 
de  Dahle,  Spécimens  of  Malagasy   Folk- tore,  Antananarive,  1877  :    une  version 


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26i>  REVDK  DBS  TRADITIONS  POPCLAIBCS 

moment  où  M.  Jacottet  enrichit  la  science  du  folklore  du  volume  le  plus  impor- 
Uot  qui  ait  paru,  relativement  au  bantou,  depuis  les  ouvrages  de  Callaway  (l)i 
de  Mac  Call  Tbeal  (2)  et  de  Steere  (3),  exception  faite  de  c^ui  de  Héli  Châtelain* 
que  n'a  pu  connaître  Tauteur.  ' 

semblable  du  second  a  été  traduite  par  M.  Ferrand,  Conlu  populaire*  malgùchesy 
Pari»,  1803,  iu-18  p.  216-217)  ;  W.  Murray.  Een  waarachttg  Verhaal  p.  49-50; 
A  true  Story  p.  50  ;  SouM  African  Art  p.  51.  —  Juillet  :  Th.  Bain,  The  liùn  and 
Ihe  Jackaly  a  hottentot  Story  p.  53-56  ;  Callaway,  A  fragment  iUustralive  of 
religious  idean  among  tké  kafirs  (texte  kafir  et  tr.  an^l.  p.  56 -601  ;  Carbutt,  Six 
tulu  Riddles  (texte  zouloa  et  tr.  sngl.  p.  60-61)  ;  Dauuert,  Custom^  of  ihe  Ooa- 
herero  al  ihe  blrlh  of  Ihe  Child  p.  6l>68.  Raatanen,  Some  sacrificial  Cusioms 
among  ihe  Ooambo  p.  68-74.  ~  Septembre  :  Beiderbecke,  The  fleeing  Girls  and 
ihe  rock  (texte  utyibéréro  et  anfflais  p.  76-84i  ;  Proverbe  of  ihe  ooahêrero  (texte 
otiyehérèro  et  trad.  p.  84-87)  ;  Some  religious  ideas  and  cusioms  of  ihe  Ovahé- 
réro  p.  88-î*7.  —  Novembre:  Gordon,  \\'ords  aboui  spiriis  itexte  zoulôu  et  tr. 
angl.  p.  100-104)  ;  Daunert,  The  cusioms  and  Cérémonies  of  ihe  Ooahêrero  of  ihe 
birth  of  iwini  p.  104-114;  A  few  wor/is  concerninf  ihe  Rev.  /.  G.  Chrisiallers 
recentty  published  CoUeciions  of  ishi  prooerbs  p.  114-116. 

1.  The  religious  System  of  ihe  Amazulu  divisé  en  quatre  parties  :  I.  Izinyanga 
Zoknbula  or  Divination.  Il,  Amaiongo  or  Ancestor  worship  ;  lil.  Izinyanga  zokubu- 
la  or  Diviners;  IV.  Abaiakati  or  médical  magie  and  toitchcraft,  texte'  zoulou  et 
trad.  anglaise.  Natal,  1870,  in-8.  Le  môuie  auteur  avait  déjà  fait  paraître  en 
1868,  À  Natal,  un  précieux  recueil  intitulé  Nursery  tales^  traditions  and  historiés 
of  ihe  ZuluSy  in-8,  texte  zoulou  et  trad.  ang.  dont  le  premier  volume  seul  a  été 
publié.  Il  comprend  les  contes  suivants,  dout  quelques  uns  soot  donnés  avec 
des  variantes  et  des  appendices  :  1.  Uihlakanyana;  ^.Usikulumi-Kathiokoihloko ; 
3.  Uzembeni  (1  var.)  ,  4.  (Jtombinde  (1  var.  et  app.)  ;  5.  Amavukutu  ;  6.  Usitun- 
gusobenthle;  7.  Usitungusobenthle  and  ilve  Amajubatenie ;  S.  Utuihlazase  ;  9. 
UlonncUasenthla  and  Ulangalasenzansi  ;  10.  Ubabuze  ;  1 1 .  The  man  and  ihe  Bird  : 
\2.Ukcombekcansini  (deux  app.)  ;  13.  The  Rock  of  Two-hotes  ;  14.  The  Girl  and 
ihe  Cannibale  (var.  et  app.)  ;  15.  Umbadhlanyana  and  ihe  Cannibals  ;  16.  Canni- 
bals  {upp.)  ;  17.  Ugunggu-Kubantwana  (3  app.);  18.  Umkxakaza-Kubaniwana 
(3  app.)  ;  19.  The  two  Brothers  ;  20.  Ubongopa-Komagadllela  ;  21.  Umdhlubu  and 
ihe  trog  (2  app.)  ;  22.  V thlangunihlangu  (2  app  )  ;  23.  The  Great  Fiery  Serpent  ; 
24.  The  Rainbow  ;  25,  Uishinisha  and  ihe  Rambow  (var.);  26.  Utombiyapansi 
(2  app.)  ;  27.  Umamba  ;  28.  Vnanaboftele\  29.  The  Wise  Son  of  the  King  ;  30;  The 
Gréai  Tortoise  (appenl.)  ;  31.  The  IsHwalangcengce  ;  33,  The  hi^iory  of  Vdhtok- 
uyeni;3Z.  The  Isiishakimaua.  34.  The  Utikoloshe;  35.  The  Abalwa  ;  36.  The 
Dreadfulneis  of  ihe  Abaima;  37.  The  Hyrax  went  wiihout  a  Tail  because  he  sent 
for  il  ;  38.  The  Hyœna  and  the  !ioon\  39.  The  Baboons  and  the  Léopard  ;  40.  The 
taie  of  Man  who  threw  away  some  bread  ;  41.  The  laie  of  a  Crow  ;  42.  Another 
laie  of  a  Crow  ;  43.  The  taie  of  a  Oog  which  made  a  Song-Enigmes.  La  valeur  de 
cette  collection  a  été  mi^e  en  lumière  par  un  article  de  M.  Max  Muller,  traduit 
dans  ses  Essais  sur  la  mythologie  comparée,  Paris,  1874,  in-12,  chap.  VI.  Contes 
zoulous  p.  238-2S2. 

2.  Kaffir  folk  lore,  Londres,  s.  d.,  in-8.  Il  comprend  les  contes  suivants  : 
1.  The  story  of  the  bird  that  made  Milk  ;  2.  The  story  of  Five  Heads  ;  3.  The 
story  Of  Tangalimlibo  ;  4.  The  story  of  a  Girl  who  disregarded  ihe  Custom  of 
Sionjane  ;  5.  The  story  of  Simbukumbakwana  ;  6.  The  story  of  Sikulume  ;  7.  The 
story  of  Hlakanyana  ;  8.  The  story  of  Demane  and  Demazana  ;  9.  The  story  of 
the  Runaway  Children  ;  10.  The  story  of  ïronside  and  his  Sister;  11.  Tne  story 
of  ihe  wonderful  Bird  of  the  Canntbal;  12.  The  story  of  the  Cannibal  Mother 
and  her  Children  ;  13.  The  story  of  the  Girl  and  the  Mbulu  ;  14.  The  story  of 
Mbulukazi;  15.  The  story  of  long  Snake  ;  16.  The  story  ofKenkebe  ;  17.  The  Hory 
of  Wonderful  Horns  ;  18.  The  story  of  the  Glution  ;  19.  The  story  of  the  Great 
Chief  of  the  Animais  ;  20.  The  story  of  the  Rare  ;  21.  The  story  of  Uon  and  littte 
Jackal,  —  Proverbe. 

3.  La  collection  de  Steere  n'est  pas  moins  importante  pour  les  Bantous  du  N.-E. 
(Souahilisi  que  les  précédentes.  Elle  est  intitulée  Swahili  taies  as  lold  by  natives 
of  Zanzibar  et  a  été  publiée  à  Londres,  1870,  in-8  :  elle  comprend  (texte  souahili 
et  traduction  angltti«e)  les  contes  suivants:  1.  The  story  of  the  Washerman's 
Donkey  ;  2.  Sultan  Durai  ;  3.  An  indian  taie  ;  4.  Mohammed  the  lanquid  ;  5.  Sul- 
tan Majnun  ;  6.  Goso  the  teacher  ;  7.  Sell  dear,  dont  Sell  cheap  ;  8.  The  hare^ 
Ihe    hyœna    and   the    lion  ;    9.    The    story    of  Hasseebu    Kareem    eddeen  and 


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nEVUE  DES   TUADITIO?»»   POPIJf.AlRES  267 

Je  Q'ai  pas  à  préaeoter  M.  Jacottet  aux  lecteurs  de  la  Revue  :  les  contes  qu'il 
a  publiés  ici  tnème  sont  les  meilleurs  garanties  de  la  valeur  de  son  livre.  Celui-ci 
comprend  vingt-trois  contes  cl  soixante  proverbes  ou  énigmes.  Les  premiers 
sont  donnés  pour  la  première  fois  bu  présentent  des  variantes  importantes  de 
ceux  que  nous  connaissons. 

Le  Petit  Lièvre,  forme  archaïque  d'un  conte  semblable  donné  par  Casalis  (Les 
Bassoulos,  p.  366-370)  Schrumpf  {Sessuto  p.  471)  avait  déjà  publié  et  traduit  la 
partie  de  ce  conte  où  le  lapin  et  le  lièvre  jouent  à  se  brôler  :  elle  est  suivie  de 
la  variante  indiquée  en  note  par  M.  Jacottet  (p.  16,  n»  1)  (1).  Une  partie  des 
épisodes  qui  le  composent  se  rencontre  aussi  dans  un  conte  zoulou  (Callaway, 
Nursery  (aies  p.  164-178).  La  seconde  fable,  Le  chacal  et  la  source  existe  chez 
les  Hotlentols  {Folk-lore  Journal  of  the  Cap,  1879  p.  69-73.  The  Story  of  a  Dam) 
et  M.  Jacottet  croit  qu'elle  leur  a  été  empruntée  à  cause  du  rôle  joué  par  le 
chacal.  11  en  est  de  même,  selon  lui,  de  la  troisième  fable  :  Le  chacal,  la 
colombe  et  la  panthère  qui  est  d'importation  récente  et  que  possèdent  égale- 
ment les  Hottentots  (2).  Si  la  question  d'emprunt  n'est  pas  douteuse,  la  ques- 
tion de  provenance  l'est  davantage. 

Le  conte  se  compose  de  deux  épisodes  :  Un  chacal  menace  une  colombe  nichée 
sur  un  rocher  de  pénétrer  chez  elle  et  de  la  dévorer  si  elle  ne  lui  abandonne  pas 
un  de  ses  trois  petits  :  l'oiseau  cède  jusqu'au  moment  ou  un  héron  lui  fait 
remarquer  que,  si  elle  refuse,  jamais  le  chacal  ne  pourra  mettre  sa  menace  à 
exécution.  Quand  il  revient  le  lendemain,  il-  échoue  ;  mais  il  parvient  à  savoir 
que  c'est  le  héron  qui  a  conseillé  la  colombe.  Il  va  le  trouver  et  essaie  de  le 
surprendre  par  des  questions  captieuses.  Enfin,  il  finit  par  lui  persuader  de 
lui  montrer  comment  il  fait  pour  dormir.  Le  héron  couvre  sa  tête  de  ses  ailes  et 
le  chacal  en  profite  pour  le  saisir  (3). 

Cette  première  partie,  la  seule  qui  existe  dans  le  texte  hottcntot,  n'est  autre 
qu'un  chapitre  du  Kalilah  et  Dimnah  qui   manque   dans  la   version  arabe  (4), 

the  king  of  the  makes  \  10.  The  Kites  and  the  Crows  ;  11.  The  hare  and  the 
lion  ;  12.  ihe  Spirit  who  was  cheated  by  the  suUan's  son  ;  13.  Blessing  or  pi^per- 
ty;  14.  The  Cheat  and  the  Porter  %  15.  Tobacco;  16.  The  ape,  the  lion  and  the 
snake  ;  17.  The  lioness  and  the  anlelope  ;  18.  The  story  of  Liongo  ;  i9.  Poem  of 
Liongo  ;  20.  Gungu  dance  song.  Proverbes  et  énigmes. 

1.  Dans  une  note,  p.  4,  M.  Jacottet  remarque  que  dans  le  folk-lore  bantou  du 
Sud  de  l'Afrique,  c'est  le  lièvre  oui  joue  le  même  rôle  que  le  chacal  en  Europe. 
Cette  donnée  existe  encore  chez  a'autrcs  races,  en  Afrique  :  Cf.  un  conte  typique 
wolof  ;  Le  lièvre  et  les  moineaux  ap.  Boilat,  Grammaire  Wolofe.  Paris,  1858,  in-8  p. 
402-404  ;  en  haoussa  :  Le  lièvre  qui  tua  te  lion  ap.  Schôn,  Magana  Hausa,  Lon- 
dres, 1885,  in-16,  p.  272;  en  bambara  :  Le  càiman,  le  nain  et' le  lièvre  ap.  Mon- 
tel.  Eléments  de  la  grammaire  bambara,  S.-Joseph  de  N^asobil,  1887,  in-12  ,  en 
berbère.  Le  lièvre  et  le  chacal,  dans  mes  Contes  beroères.  Paris,  1887,  in-18 
p.  5.  Parmi  les  contes  inédits  que  j'ai  recueillis  au  Sénégal  chez  les  Sérères- 
Nônes,  huit  ont  le  lièvre  oour  héros  :  La  hyène  et  le  lièvre  ;  Le  hyène,  la  vache 
et  le  lièvre  ;  Le  lièvre,  l  éléphant  et  le  chameau  ;  Le  lièvre  et  la  hyène  ;  Le  lièvre, 
la  gueule- tapée  et  la  biche  ;  Le  cheval,  la  hyène  et  le  lièvre  ;  Le  lièvre,  la  hyène 
et  f oiseau- trompette.  Dans  le  Pantchatanlra  (1.  9),  le  lièvre  parvient  d  faire 
périr  son  ennemi  le  lion. 

2.  Bleek,  Reineke  Fuchs  in  Afrika,  Weimar,  1870,  in-8  p.  16-17.  La  colombe  et 
le  héron, 

3.  Ce  trait  est  devenu  ailleurs  la  ruf^e  des  yeux  Termes,  grâce  à  laquelle  le  renard 
peut  se  saisir  de  sa  proie.  Cf.  Sudre,  Les  sources  du  roman  de  Renart,  Paris, 
1893,  in-8,  p.  283-286.  Les  marnes  détails  existent  chez  les  Slaves  du  Sud  :  Krauss, 
Sagen  und  nârchen  der  SUd-Slaven,  t.  I,  Leipzig,  1883,  in-8,  X,  Fuchs  und  Taube. 

4.  Du  moins  dans  celle  que  nous  possédDUS  ;  mais  Benfey  (Pantschatantra, 
Leipzig,  1859,  2  vol.  in-8,  t.  I,  §  237,  p.  609),  s'appuyant  sur  un  passage  de  la 
version  latine  de  Raymond  de  Bézieri,  montre  que  ce  conte  a  passé  par  un 
intermédiaire  arabe. 


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268  REVrE  DES  TRADITIONS   POPULAIRES 

mais  qui  a  été  conservé  dan?  la  version  hébraïque  attribuée  à  Joël  (i)  et  traduite 
en  latin  par  Jean  de  Capoue  (2)  :  le  héron  est  remplacé  par  un  moineau  et  le 
chacal  par  un  renard.  Eu  Occident,  outre  la  Aersion  slave,  nous  retrouvons  encore 
ce  conte  en  finnois  :  le  renard  menace  le  canard  sauvage  d'abattre  avec  sa  queue 
l'arbre  où  il  a  son  nid  s'il  ne  lui  jette  pas  un  de  ses  petits  en  pâture.  Deux  ont  été 
sacrifiés  (comme  en  sesouto),  quand  le  corbeau  démontre  au  canard  sauvage  qu'il 
n*a  rien  à  craindre  du  renard.  Celui-ci,  frustré,  veut  se  venger  du  conseiller  (3). 
Un  conte  allemand  de  Transilvanie  ne  dortne  qu'une  partie  du  récit  :  la  menace 
du  renard  contre  la  mésange  (4). 

C'est  donc  l'arabe  qui  est  la  source,  médiate  bien  entendu,  des  contes  finnois, 
bantou  et  hottentot,  comme  nous  le  prouve  la  présence  de  ce  conte  chez  d'au- 
tres populations  africaines  en  contact  avec  les  Arabes.  En  Nouba  (dialecte  de 
Fadidja  (5),  et  en  Bilin,  au  nord-est  de  TAbyssinie  (6),  le  renard  effraie  le 
canard  sauvage  par  la  menace  d'abattre  avec  une  hache  (7)  le  baobab  où  il 
niche,  s'il  ne  lui  donne  un  de  ses  petits.  Après  que  deux  ont  péri,  le  corbeau 
donne  au  canard  le  même  conseil  que  dans  les  autres  versions,  ma  la  finis 
diffère  :  le  renard  fait  le  mort  et  saisit  ainsi  le  corbeau  qui  s'échappe  par  une 
ruse  différente  dans  les  deux  contes.  —  A  l'autre'  extrémité  de  l'Afrique  du 
Nord,  un  conte  kabyle  des  Zouaouas  (8)  met  en  scène  l'alouette,  le  chacal  et  la 
cigogne.  La  première,  craignant,  comme  en  sesouto,  de  voir  son  ennemi  mon- 
ter jusqu'à  elle,  se  résoud  au  sacrifice  exigé  jusqu'au  moment  où  la  cigogne  la 
rassure  contre  la  menace.  Le  texte  kabyle  a  conservé  un  détail  qui  devait  se 
trouver  dans  la  version  primitive  commune  :  la  cigogne  demande  à  l'alouette 
de  ne  pas  dire  que  c'est  d'elle  que  vient  le  conseil  :  cette  recommandation  est 
oubliée  et,  surprise  par  le  chacal,  elle  s'échappe  en  le  faisant  parler,  comme 
dans  d'autres  versions  citées  par  M.  Sudre. 

La  fin  du  conte  sesouto  a  une  ressemblance  évidente  avec  le  conte  kab^ie,  et 
même  avec  lui  s^^ut,  de  tous  ceux  que  j'ai  cités.  Pris  par  le  chacal,  le  héron 
n'obtient  la  vie  qu'en  lui  indiquant  une  portée  de  jeunes  panthères  dont  il 
pourra  faire  aisément  sa  proie.  Le  chacal  s'offre  à  les  garder  pendant  que  la 
mère  est  à  la  chasse  ;  sa  proposition  est  acceptée,  et  chaque  jour  il  en  dévore 
une.  Pour  dissimuler  la  diminution,  il  fait  sortir  plusieurs  fois  le  même  petit 
pour  être  allaité  par  la  mère,  jusqu'au  moment  où  il  a  dévoré  le  dernier.  11 
s'enfuit  alors,  poursuivi  par  la  panthère  qu'il  amène  jusque  devant  une  fente  de 
rocher  où  des  abeilles  se  sont  établies  ;  il  lui  fait  croire  qu'elle  est  devant  une 
école  et  que  le  bourdonnement  de  l'essaim  est  le  murmure  de  ses  petits  récitant 
leurs   leçons  (9),  après  quoi  il  s'évade.  Le  conte  berbère  présente  les   mêmes 


1.  J.  Derenbourg.  Deux  versions  hébraïques  du  livre  de  Kalilah  et  Dimnah, 
Paris,  1881,  in-8,  p.  306. 

2.  Directorium  humanse  vilœ  éd.  Puntoni,  Pise,  1884,  in-8,  ch.  XVIl,  p. 
264. 

3.  E.  Schreck,  Finnkche  Miuchen,  Weimar,  1887,  in-8,  p.  189. 

4.  Haltrich,  Zur  Voikskunde  der  SiebenbUrger  Sachsen^  Vienne,  1879,  in-8. 
n.  XXL 

5.  Rtinisch,  Die  Nuba-Sprache^  1,  Vienne,  1879,  in-8,  n.  IV. 

6.  Reinisch,  Dte  Bilin  Sprache,  I,  Leipzig,  1883,  in-8  p.  231-234. 

7.  Et  non  plus  avec  sa  queue  :  cette  concession  faite  à  la  vraisemblance  est 
une  altération  de  la  forme  primitive. 

8.  Mouliéra*»,  Légendes  et  contes  merveilleux  de  la  Gi^ande  Kabylie^  texte  kaby- 
le. Ile  fasc.  Paris,1894,  in-8,  n.  XVIl,  p.  224. 

9.  Comme  le  fait  observer  M.  Jacottet,  mais  sans  en  tirer  les  conséquences 
(p.  40  note  1]  ce  trait  est  inadmissible  chez  tes  Bassoutos  à  une  période  même 
peu  ancienne.  Il  s'accorde  très  bien,  au  contraire,  avec  les  habitudes  arabes. 


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REVCE    DES   TRADITIONS   POPCLAIRES  269 

particularités  avec  cette  différence  que  la  panthère  est  remplacée  par  une  laie. 
Le  chacal  8  engage  à 'instruire  ses  petits  (i)  ;  il  les  dévore  successivement  et 
fait  croire  à  la  mère  que  le  bourdonnement  des  abeilles  dans  la  grotte  où  il 
habite  est  produit  par  les  marcassins  qui  étudient  :  il  parvient  ensuite  à 
3*échapper. 

La  légende  de  la  Tortue,  (^2-46),  qui  a  déjà  parue  dans  la  Revue  des  Traditions 
populaires,  termine  la  partie  du  recueil  consacrée  aux  contes  d'anmiaux  propre- 
ment dits.  Les  suivants  sont  des  contes  de  fées  empreints  du  merveilleux  parti- 
culier à  la  race  bantouc. 

Masilo  et  Masilonyané  (p.  47-54)  est  un  conte  connu  par  une  variante  sesouto 
publiée  par  Casalis  [Les  Bassoutos  p.  335-359),  une  variante  setchouana  [Folk- 
lore Journal  of  the  Cape,  1879,  p.  i39-145)  et  un  conte  similaire  zoulou  (Calla- 
way,  Nursery  laies  p.  217-220).  Le  début  de  Masilo  et  Thakané  (p.  55-68)  rappelle 
celui  du  conte  Saho  :  La  jeune  fille  qui  ne  veut  pas  épouser  son  frère  (2).  Celui 
de  Tsélané  (p.  69-77)  existe  en  Zoulou  «Callaway,  Nursery  taies  p.  7i-74,  Usitin- 
yusobenthle;  Mac  Thcal,  Kaffir  folk- tore  p.  111-114,  Demane  et  Demazane,  et 
p,  123-128.  L'oiseau  merveilleux  du  Cannibale).  Ceux  de  Mosélantja  (p.  78-98}  et 
de  Nyopakatala  p.  ^99-122;  sont  égdlemcnt  connus  par  des  variantes  zouloues 
(Callaway.  Nursery  taies  p.  296-315,  Utombi-yapansi  et  p.  105-130  Ukcombek- 
cansinij.  L'oiseau  qui  fait  du  lait  p.  123  133,  se  retrouve  en  zoulou  (Callaway. 
Nursery  laies.  L'homme  et  Voiseau  p.  99-104,  Mdc  Theal,  Kaffir  folk-lore  p.  29-38); 
en  Setchouana  (Mac  Theal,  Kaffir  folk-lore  p.  39-46),  en  tonga  (Torrend,  A  com- 
parative grammar  of  Ihe  south  african  language.  Londres  1892  in-4  p.  295- 
300). 

Ln  épisode  du  conte  de  Modisa-ou-dipodi  (p.  136-134;  rappelle  celui  de 
Psyché jtle  mari  invisible);  la  môme  donnée  existe  aussi  dans  celui  de  Boulané 
et  Senképeng  (p.  178-180)  et  dans  celui  de  Mongolie  (p.  206-223).  L'idée  morale 
de  Tobligé  que  son  bienfaiteur,  en  punition  de  son  ingratitude  rend  à  sa  condi- 
tion première,  existe  dans  toutes  les  littératures,  mais  nulle  part  nous  ne  la 
trouvons  traitée  comme  dans  le  sujet  d'Utuf  (p.  134-167),  où  le  mari,  sorti  d*un 
œuf  grâce  à  une  opération  magique  faite  par  sa  femme,  y  rentre  quand  il  s*est 
montré  ingrat  envers  elle.  C'est  la  même  inspiration  qui  domine  dans  le  conte 
de  Siétèlanë  (p.  259-262).  l)4ns  le  conte  de  Polo  et  Khoahlakhoubedou  (p.  168- 
177;  dont  il  existe  une  variante  en  zoulou  (Callaway,  Nursery  taies,  p.  321-331. 
Vmambà),  nous  avons  une  explication  rationaliste  du  mythe  de  la  femme 
â  peau  de  serpent,  si  répandu  dans  l'ancien  monde. 

Le  conte  de  Koumongoé  (p.  187-203)  est  un  des  plus  extraordinaires  de  la 
collection  :  On  y  trouve  des  souvenirs  d'anciennes  coutumes  (le  cannibalisme, 
le  meurtre  des  filles  à  leur  naissance)  mêlés  à  des  imaginations  fantastiques  (^le 
cœur  devenu  rocher  et  dévorant  les  gens  qui  reviennent  à  la  vie,  le  pays  au 
fond  d'une  source-,  quelques  traits  se  retrouvent  en  Zoulou.  Celui  de  Séilatatsi 
oa  Mohalé  (p.  206-213;  est  une  variante  (plus  ancienne)  de  celui  de  Tangalimlibo 
qui  existe  en  Zoulou  (Mac  Theal,  Kaffir  Folk-lore  p.  54-63).  Le  début  de  celui 
de  Khoédi-Séfoubeng  (p.  226-232)  rappelle  un  épisode  du  conte  arabe  des  Deux 
Sœurs  jalouses  de  leur  cadette,.  La  seconde  partie  de  celui  de  Mosimodi  et  Mosi- 

1.  Le  trait  de  l'allaitement  qui  manque  en  Kabyle  se  retrouve,  comme  épisode, 
dans  un  conte  zoulou  ;  Uhlakanyana  et  le  léopard  (variante  une  chevrette)  ; 
Callaway,  Nursery  taies  p.  25-27,  et  à  la  limite  nord  des  populations  de  race 
bantouc,  dans  lOunyoro  :  c'est  le  chien  qui  emploie  ce  stratagème  avec  le 
léopard.  Casati,  Dix  années  en  Equaloria,  Parii.  1892,  in- 8,  ch.  XXI  p.  282), 

2.  iWinisch.  Uie  Saho-Sprache,  I,  Vienne,  1889,  in-8  p,  156, 


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270  REVIE    DES   TRADITIONS    POPULAIRES 

molsané  (p.  223-244)  est  une  variante  du  conte  des  Métamorphoses  d'une  jeune 
fille  (Casalis.  Les  Bassoulos  p.  350-362).  Celui  de  Ntoloatsana  (p.  245-252)  parait, 
malgré  les  traits  naervetllcux  qui  s'y  rencontrent,  un  épisode  des  relations  entre 
Basoutos  et  Matébëlés.  La  légende  des  Quatre  jeunes  gens  et  la  femme,  semble 
avoir  conservé  un  souvenir  de  hi  polyandrie  qui  aurait  existé  autrefois  chez  les 
Basoutos.  Enfin  le  conte  de  Sekholomi  (p.  263-270),  dont  une  variante  peu  diffé- 
rente a  paru  dans  la  Bévue  des  Traditions  populaires  (1888,  p.  654-662}  existe  en 
Zoulou  (Mac  Theal,  Knffir  folk-tore,  Sikulume  p.  74-81). 

Le  volume  se  termine  par  uue  très  bonne  bibliographie  du  Folk-lore  bantou. 
Au  point  de  vue  des  contes,  je  ne  vois  à  ajouter  que  les  ouvrages  suivants  : 

Du  Chaillu.  L'Afrique  sauvage,  Paris,  1858,  in-8,  (un  conte  apono,  un  conte 
achira,  un  conte  avira,  un  conte  kama,  un  conte  otando). 

Schrumpf,  Sessuto,  Ein  Beitrag  zur  SUd-Afrikanischen  Sprachenkunde  (Zeits- 
chrift  der  deutschen  morg.  GeseUschaft,  t.  XVI,  1862,  p.  448).  (La  chrestomathie 
renferme  un  fragment  de  conte  et  des  chansons). 

Jcannest.  Quatre  années  au  Congo.  Paris,  1883,  in-18  jés.,  (un  conte  fiote). 

Wilson  et  Felkin.  Uganda  and  Ihe  egyptian  Sudan.  Londres,  1882,  2  v.  in-8, 
(une  fable  en  rouganda). 

Duloup.  Huit  jours  chei  les  Bengas^  Revue  d'ethnographie,  Paris,  1883,  (trois 
contes  Bengas). 

Essai  de  grammaire  ruganda,  Paris,  1885,  in-12  ;iin  conte  en  rougauda). 

J.  Becker.  La  vie  en  Afrique.  Paris,  1887,  2  v.  in-8,  (coules. souahilis). 

V.  Giraud.  Les  lacs  de  l  Afrique  équatoriole.  Paris,  1890,  in-8,  (une  fable 
vouahébé). 

Casati.  Dix  années  en  Equatoria.  Paris,  1892,  in-8  (10  fables,  dont  deux  de 
rOunyorô). 

Elmslie.  Folk-lore  taies  of  central  Africa  (Nyassaland).  Folk-lore,  t.  III,  1892, 
p.  92-110.  (1) 

Macdonald.  Bantu  Customs  and  Legends  (ibid  p.  337-360). 

Héli  Châtelain.  Folk- taies  of  Angola  (Kimboundou).   Boston,  1894,  in-8.  (2). 

L.  African  folk-lore,  U.  Contributions  in  lulu  (1  fable  et  un  conte).  S.  I.  n.  d., 
in-8. 

Cette  rapide  analyse  aura  donné,  j'espère  une  idée  suffisante  de  Timportance 
de  Touvrage  de  M.  Jacottet.  U  nous  fait  connaître  (p.  v.)  qu'il  a  encore  en 
portefeuille  les  éléments  d'un  second  volume  ;  puisse  le  succès  du  premier  hAter 
Tapparition  du  second. 

René  Basset 

Auguste  Marguillier.  A  travers  le  Salzkammergui^  voyage  pitto- 
resque dans  la  Suisse  autrichienne,  illustré  de  80  dessins  par  Tony 
Grulhofer  et  Alfred  von  Schrotter.  Paris,  Hachette,  gr.  in-4  de 
pp.  92. 

Ce  livre  n'a  pas  été  écrit  à  l'usage  des  traditionnistes,  mais  l'auteur  qui  a 

1 .  Huits  contes  :  Story  of  the  plan  who  lived  by  Overreaching  others  ;  The 
story  of  a  Tshewa  Hunier  ;  The  story  of  the  Man  who  was  a  ueceiver  ;  The 
story  of  the  Coney  ;  The  story  of  the  Man  and  the  reed-Buck  ;  The  story  of  the 
Traveller  ;  The  story  of  Tangalemilingo  ;  The  story  of  the  Doings  of  Caktde. 

2.  Je  ne  donne  pas  ici  la  liste  des  contes  sur  lesqueU  j'ai  1  intention  de 
revenir  dans  la  Revue  des  Traditions  populaires.  L'ouvrage  a  paru  quand  celui 
de  M.  Jacottet  était  sous  presse. 


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REVUE  DES  TKADITIONS   TOPILAIRES  27  I 

donné  à  cette  revue  plusieurs  communications  intéressantes,  a  recueilli  avec 
soin  les  traditions  et  les  coutumes  dans  ce  curieux  pays  que  les  Français 
connaissent  peu.  Pays  de  montagnes,  la  Suisse  autrichienne  a  des  légendes  de 
dragons,  de  burgs  hantés  par  des  apparition?,  de  chercheurs  d'or  dans  les 
cavernes,  de  villes  englouties.  Uu  couvent  est  le  théâtre  d'une  légende  apparen- 
tée À  celle  de  Héro  et  Léandre,  en  passant  M.  M.  note  des  danses  curieuses, 
celle  de  Tépée  'par  exemple,  des  superstitions  et  des  coutumes  singulières  en 
rapport  avec  les  fêtes  de  Tannée,  des  chants  populaires  d'une  naïve  poésie,  il  nous 
fait  descendre  dans  les  mines  de  sel,  ou  pénétrer  dans  les  cabanes  des  bûcherons, 
deux  ou  trois  pages  traitent  des  mœurs  et  usages  de  ce  groupe  forestier  si  peu 
étudié  et  pourtant  si  curieux.  M.  M.  a  été  très  heureusement  secondé  par  ses 
deux  dessinateurs  qui  ont  reproduit  avec  talent  et  fidélité  les  aspects  du  pays, 
les  monuments  et  les  scènes  de  mœurs.  P.  S. 

RaphaSl  Blanchard.  LAvt  populaire  dans  le  Brianronnais.  Les 
Cadrans  solaires,  Paris,  Soc.  d'éditions  scientifiques,  in-8  de 
pp.  51. 

C'est  une  monographie  très  curieuse,  très  documentée  et  accompagnée  de  31 
reproductions,  des  cadrans  solaires  en  usage  dans  le  Briançonuais  ;  ils  sont  très 
nombreux  dans  ce  pays  ;  les  plus  anciens  remontent  au  commencement  du 
XVIII*  siècle,  le  plus  moderne  porte  la  date  de  1883  ;  il  s'agit  donc  d'un  usage 
naguère  encore  très  vivant,  mais  qui  parait  appelé  à  une  destruction  prochaine. 
L'ornementation  de  ces  petits  monuments  est  curieuse  ;  curieuses  aussi  sont  les 
inscriptions  morales  qu'on  y  voit  :  Vous  qui  passé  souvené-vous  en  passant  que 
tout  passe  comme  je  passe  (1773\  Cesl  toujours  l'heure  de  bien  fah*e  (1830^. 
Lheure  va  naître,  elle  passe,  elle  est  passée  (t868)  sans  compter  l'inscription 
latine  fréquente.  Vulnerant  omnes  uUima  necat.  P.  S. 

O.  Pltrè.  Medicina  popolare  siciliana.  Palerme,  Carlo  Clausen, 
in-lS  de  pp.  XXVIlI-494.  (7  fr.). 

Le  livre  de  M.  G.  P.  complète  ses  intéressants  travaux  sur  la  Sicile,  qu'il  a 
fouillée  avec  une  patience  et  une  sagacité  qui  le  placent  au  premier  rang  parmi 
les  explorateurs  des  traditions  populaires.  Sa  médecine  populaire  pourra  servir 
de  guide  à  ceux  qui  entreprendront  des  travaux  analogues,  et  ils  pourront  le 
consulter  avec  d*autant  plus  de  fruit  que  l'auteur  a  lui-même  pratiqué  la  méde- 
cine pendant  une  trentaine  d'années,  et  qu'il  a  eu  parmi  sei  confrères  et  ses 
compatriotes  de  nombreux  correspondants  qui  souvent  lui  ont  fourni  de  précieu- 
ses notes. 

A  moins  d'entrer  dans  une  étude  comparative  que  mériterait  oertaiuenieut  le 
livre,  il  est  difficile  de  faire  autre  chose  que  de  le  signaler,  «t  ^e  dire  aux 
lecteurs  de  M.  G.  P.,  c'est-à-dire  à  tous  ceux  qui  s'intéressent  à  l'ensemble 
des  traditions  populaires^  qu'ils  y  trouveront  '  les  renseignements  les  plus 
précieux  et  les  plus  curieux.  P.  S. 

liOUis  Léger.  Etudes  de  mythologie  slave^  n^  2.  Svantovit.  Maison- 
neuve,  in-8  de  pp.  40. 

*    M.  L.  Léger  nous  avait  donné  il  y  a  quelques  mois  un  premier  fascicule  de 
ses  études  de  nôythologie  slave  ;  la  clarté  qu'il  avait   apportée  à  dégager  les 


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272  HEVIJE  DES  TRADITIONS  POPULAIRES 

doniinantea  de  l'énorme  qualité  de  oiatériaui  accumulés  par  les  mythologues 
des  divers  pays  slaves,  nous  faisait  vivement  désirer  la  continuation  de  ses 
publications.  Il  étudie  aujourd'hui,  les  dieux  en  vit  ainsi  que  la  façon  dont  ils 
ont  cédé  la  place  à  des  saints,  dont  les  noms  se  rapprocheut  des  leurs. 

P. 


NOTES   ET  ENQUÊTES 


,',  La  chemise  de  l'homme  heureux.  Un  de  nos  collègues  désirerait  savoir 
quelles  sont  les  versions  qui  se  rapprochent  d'un  conte  tunisien  que  Cherbon- 
neau  fit  paraître  dans  Vlllitsl ration  il  y  a  une  trentaine  d'années.  Un  marabout 
appelé  près  du  fils  malndi*  d'un  pacha  dit  qu*il  guérira  en  se  revêtant  de  la 
chemise  d'un  homme  heureux  ;  après  de  nombreuses  recherches  un  des  minis- 
tres finit  par  rencontrer  l'homme  qu'il  cherchait,  c'était  un  charbonnier  et  il  lui 
offre  mille  ducats  d'or  en  échange  de  sa  chemise.  —  Je  vous  la  donnerais  bien 
pour  rien,  dit  le  charbonnier  ;  mais  je  n'en  ai  jamais  porté. 

,**  Chanter  la  Chanson  du  coucou.  Cette  expression  est-elle  usitée  ailleurs 
(|u'en  Allemagne  ? 

Nous  lisons  dans  les  Œuvres  de  Buffon^  annotées  par  Flourens,  t.  VU,  p.  318, 
note  A  :  «  Lorsque  quelqu'un  répète  souvent  la  même  chose,  cela  s*appelle,  eu 
Allemagne,  chanter  la  cAan«on  dt/  coucou  (le  cri  (lu  coucou  est  monotone  et  sans 
aucune  variation,  il  consiste  dans  la  répétition  de  la  syllable  cou).  «  On  le 
dit  aussi  de  ceux  qui,  n'étant  qu'un  petit  nombre,  semblent  se  multiplier  par  la 
parole,  et  fout  croire,  en  causant  beaucoup  et  tous  à  la  fois,  qu'ils  forment  un 
assemblée  considérable  ». 

(Comm.  de  M.  Alfubd  Harou) 


REPONSES 


/,  Vélocipèdie.  —  ^Voy.  Rev.  des  Trad.  popul.  t.  X,  64,  192,  255). 
A  Paris  les  automobilistes  sont  désignés  sons  le  sobriquet  de  «  chauffeurs  ». 

(Gazette  de  Bruxelles]  du  28  fév.  1896). 

.\  Noms  du  gigol  (Voyez  Rev.  des  Trad.  pop.  t.  Vllï,  A64,  624). 

Les  osselets.  Ce  sont  ces  petits  os  de  forme  bien  connue  qui  se  trouvent  dans  la 
jointure  du  gigot.  Les  petites  filles  surtout  jouent  aux  osselets.  Pour  cela,  elles 
font  rebondir  sur  une  pierre  plate  une  bille  qu'elles  rattrapent,  non  sans  avoir 
au  préalable  déposé  sur  le  sol  les  osselets  ou  repris  ceux  qu'elles  y  avaient 
déposés. 

Actuellement  ce  jeu  a  pris  tant  d'extension,  qu'on  a  confectionné  des  osselets 
métalliques,  les  os  de  gigot  étant  insuffisants. 

(Comm.  de  M.  Alfrxd  Harou). 

Le  Gérant,  A.  CERTEUX 

Baugi  (Maine-el-Loire).  —  Imprimerie  Daloux, 


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REVUE 


DES 


TRADITIONS  POPULAIRES 


11«  Année.—  Tome  XI.  —  No  6  —  Juin  1896. 


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CONTES  ARABES  ET  ORlEiNTAUX 


Xli 

HISTOIRE  Df  ROI   SABOUR   ET  DE  SON  FILS  ABOU'n  NAZHAR 

E  conte,  corame  celui  des  Trois  coffres^  est 
traduit  sur  le  texte  inédit  du  manuscrit  1915 
de  ]a  Bibliothèque-Musée  d'Alger'  où  il  occupe 
les  i^*  153-156.  L  auteur  du  catalogue  de  ces 
manuscrits,  à  la  suite  d*un  examen  superfi- 
ciel, a  intitulé  ce  récit  «  Histoire  du  roi  Çabour 
(ou  Sabour)  et  Hindi  et  de  son  vizir  et  des  choses 
merveilleuses  quils  virent  dans  l'île  de  Serendib  »,  en  traduisant  le 
titre  arabe  donné  au  T  153,  il  n*a  pas  reconnu  que  cette  indica- 
tion, comme  on  le  verra  en  lisant  cette  traduction,  ne  s'applique 
qu'à  la  moitié  de  l'histoire,  et  que  cette  même  moitié  se  compose 
de  traits  empruntés,  par  voie  orale,  à  la  légende  du  Voyage 
dWlexandre  en  Paradis  terrestre  '. 

>\ous  n'avons  pas  alTaire  ici,  il  faut  le  remarquer^  à  une  version, 

1.  Cf.  1. 111,  p.  561,  t.  IV,  p.  324,  433,  525,  t.  V,  p.  354,  t.  VI,  p.  165,  304.  445, 
678,  t.  Vni,  p.  391,  t.  X,  p.  441,  505. 

2.  Catalogue  des  manuscrits  des  bibliolhèoues  publiques  de  France.  OéparteineDls, 
t.  XVIII.  Alger,  Paris,  1893,  ia-S,  p.  548.  Lo  autre  texte  existe  dans  le  n»  1922. 
ilbid.,  p.  551). 

3.  La  confusion  de  Serendib  (Ceylan)  avec  le  Paradis  lerrestre  est  aisée  ârecon- 
uallre  :  c'était  encore,  au  xvii«  siècle,  une  tradition  courante  que  le  Paradis  avait 
existé  sur  le  Pic  d'Adam  (Argensola,  Histoire  de  la  Conquête  des  Isles  Moluques^ 
tr.  fr.  Amsterdam,  n06,  3  vol.  in-12,  L.  v,  t.  ],p.  319  ;  Gautier  Schouten,  Voyage 
aux  Indes  Orientales,  Rouen,  1725,  2  v.  in-12.  t.  I,  p.  33).  C'était  au  moyen-âge, 
une  croyance  générale.  Cf.  Jordanus,  Mirabilia  descripta^  the  Wonder  of  the 
Bast,  trad.  Yule,  Londres,  1863,  in-8,  p.  42-43. 

TOMB  XI.  —  JUIN  1896.  18 


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27 i  REVUE  DES  TRAD1TI0^8    POl»lH-AinES 

môme  populaire  de  la  légende  d'Alexandre  comme  celle  qui  avait 
cours  chez  les  Maures  d'Espagne  *  ;  cette  légende  a  fourni  simple- 
ment divers  traits  que  le  narrateur  a  fait  entrer  dans  son  récit  dont 
les  héros  sont  Sâbour  puis  son  fils  Abou'n  Nazhar;  le  premier 
figure  d'ailleurs  dans  un  certain  nombre  de  contes  populaires 
orientaux  *.  En  résumé  le  récit  se  divise  en  deux  parties  dont  la 
seconde  renferme  plusieurs  traits  communs  dans  la  littérature  des 
contes  et  que  je  signalerai  au  fur  et  à  mesure. 

Les  histoires  anciennes  des  nations  nous  racontent  —  et  Dieu 
sait  le  mieux  ce  qui  est  caché,  et  il  est  le  plus  savant  —  qu'il  exis- 
tait un  roi  très  âgé.  Dieu  ne  lui  avait  pas  accordé  d'héritier  de  ses 
richesses,  de  son  trône,  ni  de  son  royaume.  Ce  prince  était  puissant  et 
possédait  des  richesses  immenses,  des  trésors  et  de  grands  biens.  11 
craignait  que  ses  Etats  ne  se  perdissent  après  lui,  puisqu'il  n'avait 
pas  d'héritier.  Un  jour  qu'il  pleurait  beaucoup,  ses  vizirs  et  les  grands 
se  réunirent  autour  de  lui,  et  il  leur  dit  :  Enseignez-moi  un  remède 
que  j'emploierai,  peut-être  Dieu  m'accordera-t-il  un  fils  qui  me  suc- 
cédera et  sera  roi  à  ma  place.  —  Prince,  dirent-ils,  c'est  une  chose 

1.  Cr.  la  traduction  du  texte  eu  aljamiado,  publiée  par  M.  Robles  :  Leyendas 
de  José  hijo  de  Jacob  y  de  Alejandro  Magno,  Saraçosse,  1888,  in-8. 

2.  Je  citerai  eutre  autres  Thistoire  de  sa  captivité  chez  les  Grecs  (Mas'oudi, 
Prairies  d'or,  trad.  Barbier  de  Aleynard  et  Pavet  de  Courteilie,  Paris,  1867-1879, 
9  vol  in-8,  t.  Il,  ch.  xxiv,  p.  181;  Ibn  Zhafer,  Solouân  el  Mola\  Tunis,  1279,  hé«. 
in-8,  p.  27  el  suiv.  ;  Amari,  Solouân  el  Mola\  Florence,  1851,  in-12,  p.  61  et  suiv. 
et  notes,  p.  261  et  suiv.,  rearoduit  par  Taqi  eddin  el  iraaiaoui,  Thimdrel  el 
Aourdqy  Le  Qaire,  1300  hég.,  in-8,  p.  79  ;  Ibn  Badroun,  Commenlaire  du  poème  û'Ibn 
\4bdoun,  éd.  Dozy,  Leyde,  18 tÔ,  in-8,  p.  34-35,  Tabari,  Annales,  t.  I,  in«  partie, 
éd.  Nôldeke.  Leyde,  1881,  iu-8,  p.  844;  Nôldeke,  Gesckichte  der  Perser  und  Ara- 
ber,  Leyde,  1879,  in-8,  p.  65);  —  sou  aveuture  avec  Daizan,  fille  du  roi  de  H'adhr, 
légende  analogue  à  celle  de  Nisus  et  Scylla  (Nikbi  ben  Mas'oud,  Histoire  des  rois 
de  Persej  Irad.  et  anal,  par  de  Sacy.  Notices  et  extraits  des  manuscrits  t.  II. 
Paris,  1789,  in-4,  p.  324.  Tabari,  Annales,  t.  !,  iir  partie,  p.  827;  Nœldeke,  Ges- 
ckichte der  Araber^  p.  36);  —  Tanecdote  de  Sâbour  et  du  Marzoubàn  (Mas'oudi. 
Prairies  d'or,  t.  V,  ch.  xciv,  p.  283;  El  Ibchihi,  MostaCref,  Boulaq,  1292,  hég., 
2  vol.  in-4,  t.  11,  p.  297;  Belkas^^em  ben  Sedira,  Cours  de  littérature  arabe, 
Alger,  1879,  in-l2,  n»  46);  —  la  naissance  de  Sàbour,  et  les  circonstances  qui  l'ac- 
compagnèrent et  d'où  lui  vient  son  nom  (ChahpoursChah-pousar,  fils  de  roi',  el 
(|ui  se  rattachent  d'un  côté  à  la  légende  de  Cyrus  telle  que  la  raconte  Hérodote 
et  de  l'autre  à  celle  de  Combabus,  telle  qu'on  la  trouve  dans  Lucien.  (Cf.  Nœl- 
deke, Gesckichte  des  Artacksir  i  Papakan,  Gœttineen,  1879,  in- 12,  p.  57;  Tabari, 
Annales,  t.  1,  111°  partie,  p.  823,  Nœîdeke,  Gescnickte  der  Araber,  p.  26;  El 
Ibchihi,  MoslaVref,  t.  I,  p.  116;  Ibn  Badroun,  Commentait*e  du  poème  d'ibn- 
Abdoun,  p.  24;  Quatreniére,  Notice  de  V ouvrage  persan  qui  a  pou»'  litre  Siodjmel 
et  tawartkkj  Journal  asiatique,  mars  1839,  p.  276).  Les  néros  de  ces  aventures 
sont  Sàbour  I  (Chahpour,  fils  d'Ardéchirj  et  Sàbour  11  (fils  de  Hormouz)  ;  mais 
souvent,  ils  sont  confondus.  Dans  un  épisode  de  la  légende  d'Alexandre  qui  se 
retrouve  dans  la  version  grecque  du  pseudo  Callisthënes,  dans  la  version  syria- 
que et  la  version  arabe,  le  combat  de  ce  prince  et  du  dragon  est  attribué  à 
Sàbour  (II)  par  le  Talmtid  de  Jérusalem.  Cr.  Nœldeke,  Beitrsege  zur  Gesckichte 
des  Alexanaerromans,  Vienne,  1890,  in-4,  p.  22-25.  11  faut  aussi  citer  une  his- 
toire de  Sàbour  et  de  son  fils  Sélim  qui  existe  en  manuscrit,  dans  un  recueil  de 
contes,  à  la  bibliothèque  de  Leyde.  (De  Gœje  et  Houtsma,  Catalogue  codicum  a- 
rabicorum  Bibliothecœ  academiœ  Lugduno-Batavœ,  t.  I,  Leyde,  1888,  in-8. 
No  DXLV,  p.   338-339. 


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REVUE   DBS  TRADITIONS  POPULAIRES  275 

au-dessus  du  pouvoir  de  toute  créature  ;  si  Dieu  ne  la  crée  pas,  tout 
remède  sera  inutile.  Mais  aie  recours  à  l'humilité  et  à  la  prière,  car 
lorsque  le  serviteur  prie  avec  ferveur,  il  n'est  pas  frustré.  Le  roi 
Sàbour  commença  à  invoquer  Dieu,  ti  s'humilier  devant  lui,  à  se 
vouer  entièrement  à  Tadoration,  aux  supplications  et  à  la  charité 
envers  les  malheureux. 

Une  nuit  qu'il  était  endormi,  il  entendit  une  voix  lui  dire  :  Sàbour, 
Dieu  t'a  exaucé  :  il  a  accepté  ton  humilité  et  il  t'accorde  un  fils, 
mais  dans  la  vallée  de  Serendib.  —  Le  prince  s'éveilla  et  dit  :  Qu  on 
m*amène  le  vizir.  Quand  il  fut  arrivé,  il  lui  commanda  de  faire  venir 
tous  les  ministres.  Lorsqu'ils  furent  présents,  il  leur  dit  :  J'ai  vu  en 
songe  telle  et  telle  chose.  Ils  louèrent  Dieu  et  le  remercièrent 
puisqu'il  avait  exaucé  sa  demande  et  lui  avait  accordé  un  fils.  — 
Que  me  conseillez-vous  ?  demanda-t-il  à  ses  fonctionnaires?  Nous 
te  conseillons  de  partir  pour  cette  vallée  et  nous  sommes  à  ta 
disposition.  —  Faites,  dit-il,  et  il  prit  la  résolution  de  se  mettre  en 
route.  On  chargea  les  mules  de  tout  ce  qui  était  nécessaire  pour  le 
voyage,  il  fit  ses  préparatifs  et  partit  avec  les  grands  de  son  royau- 
me, ses  familiers  et  ses  soldats.  Ils  marchèrent  un  mois  jusqu'à  ce 
qu'ils  arrivèrent  en  vue  d'une  montagne  appelée  Ëz  Zahraouân.  Il 
considéra  sa  masse,  la  quantité  de  ses  arbres,  la  variété  de  leurs 
fruits,  la  multitude  des  cours  d'eau  et  dit  à  ses  vizirs:  comment 
ferons-nous  ?  Où  est  située  cette  vallée  par  rapport  à  cette  montagne  ; 
Y  a-t-il  parmi  vous  quelqu'un  qui  le  sache  ?  —  Prince,  lui  répon- 
dirent-ils tous,  nul  de  nous  ne  le  sait  ;  jamais  nous  n'avons  vu  cet 
endroit;  nousn'en  avons  pas  connaissance.  —  Que  me  conseillez-vous? 
reprit  il  (f.  134),  que  ferai-je  ?  —  Notre  avis  est  que  tu  ailles  trouver 
les  gens  de  cette  montagne  ;  peut-être  savent-ils  quelque  chose.  Le 
roi  ordonna  de  descendre  et  de  dresser  les  tentes  dans  un  endroit 
spacieux  et  envoya  mille  hommes  aux  environs.  Ils  interrogèrent 
beaucoup  de  geus  et  les  amenèrent  au  prince.  Quand  ils  furent 
arrivés  devant  lui,  il  leur  souhaita  la  bienvenue,  leur  témoigna  des 
égards  et  leur  dit  :  Je  vous  ai  envoyé  chercher  pour  que  vous  m'indi- 
quiez le  vallon  de  Serendib:  de  quel  côté  est-il?  Tous  se  turent: 
personne  ne  lui  répondit.  —  Il  renouvela  sa  question,  mais  ne  reçut 
pas  de  réponse.  —  Pourquoi  vous  taisez-vous  quand  je  vous  inter- 
roge ?  leur  demanda-t-il  ;  pourquoi  ne  répondez-vous  pas  ?  —  Prince, 
dirent-ils,  personne  de  nous  ne  connaît  ce  vallon  et  ne  sait  où  il  est, 
ni  dans  quel  endroit  de  la  terre  il  se  trouve,  sinon  que  nous  avons 
entendu  raconter  à  nos  pères  et  à  nos  ancêtres  que  Dieu  y  fit  des- 
cendre notre  aïeul  Adam.  Personne  de  nous  n'y  est  entré  ni  ne  le 
connaît,  sinon  un  vieillard  qui  a  passé  cent  ans.  Il  rapporte  qu'il  l'a 


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276  REVUE  DES  TBADITÏONS    POPULAIKES 

traversé  en  suivant  une  route  de  celte  montagne,  qu'il  perdit  soû 
chemin  et  y  erra  pendant  soixanle-dîx  jours  sans  savoir  où  il  allait, 
mangeant  des  fruits  et  buvant  de  Teau.  Un  jour  qu'il  marchait  ainsi, 
il  arriva  dans  une  vallée  verdoyante,  la  plus  belle  de  celles  qui 
existent:  chaque  arbre  était  bien  proportionné  en  longueur  et  en 
largeur  :  aucun  ne  dépassait  Tautre.  Il  y  pénétra  jusqu'à  ce  qu'il  fut 
arrivé  au  milieu  et  dit  :  Si  je  savais  ce  qu'est  cette  vallée  !  il  n*y  a 
pas  un  endroit  pareil  au  monde.  Alors  les  pierres  lui  adressèrent  la 
parole  et  lui  dirent  :  C'est  la  vallée  de  Serendib  :  tout  ce  qu'elle 
contient  en  fait  de  pierres  et  d*arbreste  parlera  et  t'apprendra  leurs 
particularités  et  leurs  propriétés. 

Quand  le  roi  entendit  ces  paroles,  il  fut  saisi  d'étonnement  et  dit  : 
Qu'on  m'amène  ce  vieillard.  —  Prince,  dirent-ils,  il  est  bien  âgé  et 
ne  peut  pas  se  lever  :  nous  Tavons  laissé  à  la  ville.  —  Comment  s'ap- 
pelle-t-il  ?  demanda  Sâbour  —  El  Hindi  {VIndien).  —  Il  envoya  vers 
lui  un  homme  intelligent  avec  beaucoup  de  personnes.  Quand  ils 
furent  arrivés,  ils  lui  dirent:  Vieillard,  obéis  au  roi  un  tel  —  Oui, 
répondit-il.  Puis  on  l'amena  au  prince  :  celui-ci  dit  à  ses  vizirs  : 
Prenez  ce  vieillard,  faites-le  descendre  et  témoignez-lui  des  égards 
jusqu'à  ce  qu'il  soit  reposé.  Le  cheikh  demeura  trois  jours  chez  les 
vizirs  qui  s'occupèrent  de  lui. 

Le  quatrième  jour,  ils  ramenèrent  au  roi  qui  le  salua  et  lui  dit  : 
vieillard,  j'ai  diverses  choses  à  te  demander  pour  que  tu  m'en 
instruises.  —  Demande,  prince,  je  te  satisferai  sur  tout  ce  que  tu 
voudras  de  moi.  —  Je  désire  que  tu  me  renseignes  sur  la  vallée  de 
Serendib;  comment  un  jour  tu  as  perdu  ta  foute,  comment  tu  as 
aperçu  cette  vallée,  tu  y  es  entré  et  tu  y  as  vu  des  choses  étranges  et 
merveilleuses.  —  Oui,  répondit-il,  cela  m'est  arrivé,  mais  pourquoi 
le  demandes-tu  ?  Quel  motif  as-tu  ?  —  Le  roi  lui  répondit  :  Vieil- 
lard, je  vais  t'en  informer.  Alors  il  lui  raconta  son  histoire  depuis 
le  commencement  jusqu'à  la  fin  et  ce  que  la  voix  mystérieuse  lui 
avait  dit.  —  Le  vieillard  reprit  :  Je  ne  t'indiquerai  pas  cette  vallée 
que  je  n'aie  reçu  de  toi  une  promesse,  c'est  que  personne  autre  que 
toi  ni  moi  n'y  entrera.  —  J'accepte,  répondit  le  roi,  et  le  vieillard 
reçut  de  lui  sa  promesse  et  son  engagement  K  —  Sàbour  s'occupa 
de  se  mettre  en  route  et  il  pensa  :  Je  n'ai  pas  de  garanties  de  ce 
cheikh  pour  ma  vie.  —  Vieillard,  dit-il,  c'est  à  condition  que  nous 

1.  Le  vieillard  qui  guide  Sàbour  est  peut-être  un  souvenir  de  Khidhr  de  la 
légende  arabe  :  il  rappelle  aussi  les  deux  vieillards  qui  dans  le  Roman  cV Alexan- 
dre de  Lambert  li  Tort  tt  la  lettre  à  Arislote  proposent  à  Alexandre  de  le 
conduire  auprès  d'arbres  merveilleux  qui  lui  feront  connaîtrez  l'époque  de  sa 
mort.  (P.  Mever,  Alexandre  le  Grand  dans  la  lUléralure  française  du  moyen- 
âge,  Paris,  1886,  2  v.  in-12,  t.  Il,  p.  180). 


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REVUE    DEâ   TRADITIONS   POPULAIRES  277 

prendrons  des  vizirs  et  des  chambellans  pour  nous  garder.  —Quand 
tu  seras  arrivé  à  la  vallée,  tu  les  laisseras  dans  le  voisinage  et  nous 
entrerons  seuls,  loi  et  moi  *.  —  Volontiers,  répondit-il. 

Puis  il  partit  avec  ses  familiers,  ses  vizirs,  précédés  du  vieillard 
jusqu'à  ce  quMl  leur  eût  fait  traverser  la  montagne  ;  le  roi  marcha 
plusieurs  jours  et  plusieurs  nuits,  tant  qu*à  la  On  ils  dominèrent  une 
belle  vallée,  dont  les  arbres  étaient  des  aloès,  des  girofliers  et  des 
santals  ;  les  cailloux,  des  agathes«  des  pierreries  et  des  émeraudes 
vertes.  Sâbour  se  réjouit  et  dit  :  Vieillard,  apprends  nous  quelle  est 
cette  vallée  :  peut-être  est-ce  celle  de  Serendib,  —  Roi,  dit-il,  on 
rappelle  la  vallée  d'El  Laml  ;  il  reste  encore,  avant  d'arriver  à  Se- 
rendib, une  autre  vallée  plus  belle  que  celle-ci  ;  il  y  a  aussi,  de  plus, 
une  vallée  qui  lui  ressemble.  Ne  prenez  rien  d'ici,  ajouta-t-il.  —  Le 
roi.  fit  cette  recommandation  à  ses  compagnons.  Ils  marchèrent 
depuis  l'aurore  jusqu'au  milieu  do  la  journée,  traversèrent^  cette 
vallée  et  en  rencontrèrent  une  seconde  où  les  arbres  étaient  égaux  ; 
aucun  d'eux  ne  dépassait  l'autre  ;  les  plantes  étaient  du  safran,  des 
fleurs,  des  narcisses,  des  lis  et  des  violettes.  Ils  continuèrent  leur 
marche  et  arrivèrent  à  une  source  d'eau  courante,  autour  de  laquelle 
étaient  des  pierres  vertes  pareilles  à  des  émeraudes,  Us  y  passèrent 
la  nuit.  Le  lendemain,  ils  remontèrent  à  cheval  et  marchèrent  jus- 
qu'à ce  que  le  soleil  devint  brûlant.  Ils  rencontrèrent  une  vallée  d'un 
aspect  agréable,  parfumée  de  musc  et  dont  les  cailloux  étaient  des 
onyx  et  des  pierreries  ;  il  y  avait  un  lieu  de  divertissement  construit 
en  pierres  précieuses  vertes,  rouges,  bleues,  jaunes,  blanches  et 
noires.  L'eau  coulait  tout  autour,  pareille  à  la  neige,  plus  douce  que 
le  sucre  ;  aux  environs  étaient  des  palmiers,  des  vignes  et  toutes 
sgjr les  de  fruits.  —  Qu'est-ce,  demanda  le  roi  au  vieillard  ?  —  C'est 
le  vallon  des  palmiers,  et  celui  où  nous  avons  passé  la  nuit  dernière 
esl  le  vallon  des  violettes  ;  demain,  s'il  plaît  à  Dieu,  nous  arriverons 
à  la  vallée  de  Serendib. 

Le  roi  passa  la  nuit  joyeux  et  content  ;  le  lendemain  matin  on  par- 
lit,  et,  après  avoir  marché  trois  heures  de  la  journée,  on  arriva  à 
une  vallée.  Quand  le  vieillard  l'eût  aperçue  et  eut  flairé  son  parfum, 
il  dit  à  Sàbour  :  Réjouis-toi,  prince  ;  tu  est  arrivé  à  cette  vallée,  tu 
as  atteint  ton  désir  et  ton  but  :  rappelle-toi  le  serment  que  tu  m'as 
fait  :  laisse  tes  compagnons  à  leur  place  et  défends  leur  d'en  bouger. 
—  Le  roi  dit  à  ses  vizirs  :  Restez  ici  à  vos  places  et  n'en  bougez  pas, 

1.  C'est  également  avec  un  détachement  de  son  armée  qu'Alexandre  guidé  par 
les  deux  vieillards  se  rend  près  des  arbres  qui  parlent,  dans  le  Roman  d'Alexandre 
et  \eL  Lettre  à  Arislole,  (Meyer,  Alexandre  le  Grand,  t.  H,  p.  46)  ;  Julius  Vale- 
rius,  ap.  Ârrien,  éd.  Mûller,  Paris,  1846,  gr.  in-8,  p.  125. 


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ât8  ^ttfiVUE  DBS  TRADITIONâ  POPtJLAIliBS 

car  je  crains  la  mort  pour  vous  :  vous  voilà  avertis.  —  Prince,  reprit 
le  vieillard,  c'est  dans  celte  vallée  que  Dieu  fit  descendre  Adam 
quand  il  le  ût  sortir  du  Paradis,  il  n'est  permis  à  personne  d'y  entrer 
sur  une  monture,  par  respect  et  par  vénération. 

Tous  descendirent.  Le  vieillard  s'avança  suivi  par  le  roi  et  ils 
marchèrent  sur  le  bord  du  fleuve,  tandis  que  les  arbres  leur  adres- 
saient la  parole  en  langue  humaine  avec  éloquence,  par  la  permis- 
sion du  Très  Haut  ^  Chacun  disait  :  Homme,  je  te  conseille  telle  et 
telle  chose,  jusqu'à  ce  qu'il  arriva  à  l'un  d'eux  qui  leur  dit  :  Qui- 
conque prendra  sept  de  mes  feuilles  et  les  mangera  aura  un  enfant 
mâle.  En  entendant  ces  paroles,  Sàbour  voulut  en  prendre  :  Avance, 
lui  dit  le  vieillard,  et  prends-en  ni  plus  ni  moins.  —  Le  roi  obéit. 
Puis  ils  continuèrent  leur  marche  et  trouvèrent  un  arbre  qui  par- 
lait :  sur  lui  se  tenait  un  oiseau  brun-jaune  dont  les  yeux  étaient 
des  perles.  Le  roi  s'arrêta  pour  le  regarder  et  l'admirer.  L'oiseau 
lui  dit  :  Pourquoi  t'arrétes-lu  pour  me  regarder  etm'admirer? —  Je 
t'admire  ainsi  que  la  beauté  de  ta  forme,  et  tes  paroles  augmentent 
mon  étonnement.  Le  moineau  reprit  :  Ce  qui  est  plus  étonnant,  c'est 
que  vous  soyez  trois  (f°  155)  tout  en  croyant  n'être  que  deux.  — 
Sàbour  se  tourna  à  droite  et  à  gauche  et  ne  vit  rien.  —  Quel  est  le 
troisième  ?  demanda-t-il.  —  C'est  celui  qui  se  tient  debout,  caché 
derrière  cet  arbre,  derrière  vous,  et  il  en  désigna  avec  son  bec  un 
qui  ressemblait  au  santal.  Le  roi  se  retourna  :  il  vit  son  vizir  qui 
s'avançait  rapidement.  A  cette  vue,  le  vieillard  mécontent  lui  dit  : 
Prince,  ne  m'avais-tu  pas  promis  que  personne  n'entrerait  dans  cette 
vallée,  sinon  loi  et  moi?  Sàbour  demanda  à  son  ministre  :  Qui  t'a 
donné  l'ordre  de  pénétrer  ici  ?  —  C'est  celui  qui  vous  a  introduits 
dans  cette  vallée  qui  m'a  commandé  d'y  entrer,  c'est  le  Mattre  des 
mondes  Prince,  ajouta-t-il,  mon  père  a  pris  de  moi  cet  engagement  : 
il  avait  lu  les  livres  anciens  et  les  histoires  du  temps  passé  et  m'avait 
raconté  qu'il  me  fallait  absolument  pénétrer  ici  car  j'y  acquerrais 
une  science  cons'dérable.  —  Par  Dieu,  dit  Sâbourau  vieillard,  j'igno- 
rais absolument  qu'il  fût  entré.  —  U  est  vrai,  reprit-il,  que  personne 
n'a  pénétré  dans  cet  endroit  illustre,  sinon  ceux  que  Dieu  veut  hono- 
rer et  à  qui  il  en  a  donné  la  permission. 

Le  roi  regarda  le  vizir  qui  avait  une  étoffe  blanche  à  la  main  ;  il 
ne  passait  pas  devant  un  arbre,  sans  que  celui-ci  ne  lui  indiquât  à 
quoi  il  était  bon  en  fait  de  remèdes  ;  il  en  prenait  qu'il  serrait  djans 

i.  Les  arbres  merveilleux  qui  savent  parler,  rappellent  les  arbres  du  soleil  et 
de  la  lune  éfiralement  doués  de  la  parole  et  auxquels  les  deux  vieillards  condui- 
sent Alexandre  qui  apprend  d'eux  la  date  de  sa  mort.  (Meyer,  Alexandre  le 
Grand,  t.  II,  p.  185). 


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REVUB    DES   TKADITIONS    POPULAIRES  279 

ce  vêtement  et  écrivait  son  nom  et  celui  de  son  usage.  Sàbotir  en 
ressentit  une  grande  joie  *. 

Ils  marchèrent  jusqu^à  ce  qu'ils  arrivèrent  à  une  place  tapissée 
de  fleurs  :  il  n'en  était  pas  de  plus  belle  ;  il  y  avait  des  choses  incon- 
nues, et  tout  autour,  des  oliviers  dont  les  uns  portaient  leurs  charges 
et  les  autres  se  brisaient  sous  elles  ;  leurs  fruits  tombaient  ;  on  y 
voyait  un  pavillon  sur  quatre  piliers  de  marbre  blanc,  àTintérieur,  il 
y  avait  une  lampe  suspendue  à  une  chaîne  d'or  dont  la  tête  était  un 
rubis  rouge  ;  elle  brillait  par  la  permission  de  Dieu  et  elle  lançait 
une  lumière  éclatante  et  une  lueur  brillante.  En  dehors  de  ce  pavil- 
lon était  un  mihràbd'oCi  s'exhalait  un  parfum  de  musc.  Au-dessous 
il  y  avait  une  pierre  dure,  verte,  contenant  un  boeuf  rouge  comme  de 
Tor  ;  un  poisson  d'une  énorme  grandeur leur  dit  d'une  voix  élo- 
quente :  «  De  quoi  vous  étonnez»-vous  ?  pourquoi  vous  arrêtez-vous 
devant  le  mihràb  de  Seth  (Chétbi,  fils  d'Adam?  Entrez  et  lisez  ce 
qui  est  à  l'intérieur,  car  il  y  a  là  un  enseignement  pour  qui  sait  en 
profiter  et  un  sujet  de  pensée  pour  qui  réfléchît.  »  Quand  ils  eurent 
entendu  ces  paroles,  ils  entrèrent,  firent  quatre  génuflexions  et 
lurent  à  chacune  d'elles  ce  qui  se  trouvait  dans  le  mihràb.  Voici  ce 
qui  y  était  écrit  : 

Ce  monde  n'est  qu'une  extrémité  ;  l'autre  est  la  durée  ;  la  mort 
est  la  suite  de  la  vie.  Si  je  savais  ce  qu'il  y  a  après  la  mort  I  Sera-ce 
le  paradis  élevé?  Sera-ce  l'enfer  brûlant?  Homme,  vis  à  ta  guise, 
car  quand  tu  seras  mort,  tu  iras  à  la  récompense  ou  au  châtiment. 
Par  Dieu,  ne  meurs  pas  sans  t'étre  repenti,  et  tremble. 

Ils  demeurèrent  stupéfaits  et  émerveillés.  Le  roi  dit  au  vieillard  : 
Bnlre  avec  nous  dans  le  pavillon.  Il  les  y  introduisit  et  ils  trouvèrent 
un  oiseau  qui  ressemblait  à  un  francolin  couronné  de  toutes  sortes 
de  pierreries  entremêlées  de  perles,  il  se  tenait  les  yeux  ouverts 
dans  le  pavillon,  regardant  la  lampe.  Il  s'envola  de  son  attache  vers 
le  pavillon  et  se  mit  à  siffler  agréablement.  Ils  étaient  à  peine  à  cet 
endroit  qu'un  autre  oiseau  s'avança  tenant  dans  son  bec  une  olive, 
il  l'apporta  vers  la  lampe  et  l'écrasa.  Les  visiteurs  en  furent  émer- 
veillés, louèrent  Dieu  très  haut  et  le  gloriûèrent  de  sa  puissance. 
Puis  ils  marchèrent  jusqu'à  ce  qu'ils  arrivèrent  à  une  source  d'où 
coulait  du  sang  qui  débordait  à  la  surface  de  la  terre  ;  à  côté  était 
une  sorte  de  statue  où  entrait  et  d'où  sortait  le  vent  et  elle  criait  : 
Buvez  à  cette  source.  Ils  y  burent  et  partirent.  Si  vous  n'en  aviez 

1.  Peut-être  est-ce  un  souvenir  des  simples  et  des  auiinaux  envoyés  par 
Alexandre  à  Aristote.  Dans  quelques  versions  du  romane  le  philosophe  accompa- 

eia  le  prince.  Cf.  Hertz.   ArUiote.'es  in  der  Aleranderdichlvngen  des  MiUelalters^ 
unicb,  1890,  in-4,  p.  126. 


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â80  RSVtJK   D&S   TRADITIONIS    K)PrLAtRiîS 

pas  bu,  dit  le  vieillard,  Timage  aous  aurait  tués.  Ils  marchèrent  jus- 
qu'à ce  qu'ils  arrivèrent  k  une  source  d'eau  à  côté  de  laquelle  était 
un  beau  chien  qui  leur  dit  :  Buvez  à  celle  source.  Ils  burent  et  se 
remirent  en  route  si  'bien  qu'ils  arrivèrent  à  un  arbre  pareil  à  un 
palmier  sur  lequel  étaient  des  robes  rouges,  jaunes,  blanches,  vertes 
et  noires.  Il  y  avait  aussi  un  oiseau  d'or  qui  sifflait  avec  la  plus  belle 
voix  du  monde  et  qui  disait  :  Revêtez-vous  de  ces  habillements.  Le 
vieillard  prit  une  robe  blanche  et  s'en  revêtit  ;  le  roi  une  robe  verte, 
le  vizir  une  robe  noire.  Si  nous  ne  l'avions  pas  fait,  dit  le  premier, 
l'oiseau  aurait  été  notre  maître. 

Ils  marchèrent  jusqu'à  ce  qu'ils  arrivèrent  à  une  pierre  blanche  et 
creuse  ;  elle  renfermait  du  lait  plus  doux  que  du  miel  ;  à  côté  d'elle, 
il  y  avait  comme  une  bête  féroce  ouvrant  la  gueule.  Le  vent  y 
entrait  et  en  sortait  et  elle  disait  :  Buvez.  Ils  burent  et  le  vieillard 
leur  dit  :  Si  nous  n'avions  pas  bu,  cette  bête  féroce  nous  aurait 
dévorés  *.  Ils  se  remirent  en  route  et  arrivèrent  à  un  fleuve  d'eau 
courante,  la  plus  pure  du  monde,  surmonté  d'un  pont  et  sur  le  boni 
duquel  était  un  oiseau  blanc  qui  sifflait  mélodieusement  et  disait  : 
Lavez- vous.  Le  vieillard  se  jeta  dans  le  fleuve  et  les  autres  en  Orent 
autant.  Après  s'être  baignés,  ils  reprirent  leurs  vêtements.  Si  nous 
ne  nous  étions  fas  baignés,  dit-il,  cet  oiseau  nous  aurait  fait  périr. 
Puis  ils  continuèrent  leur  marche  jusqu'à  ce  qu'ils  arrivèrent  à  un 
arbre  verdoyant  autour  duquel  étaient  des  roses  blanches  et  rouges  ; 
en  haut  de  l'arbre,  un  oiseau  pareil  à  un  étourneau,  aux  yeux  rouges, 
était  debout  sur  une  colonne  de  bronze  et  parlait.  Le  vieillard  prit 
des  fruits  de  cet  arbre  ;  les  autres  en  flrent  autant  et  quand  ils 
les  eurent  mangés,  il  dit  à  Sâbour  :  Roi,  nous  sommes  à  la  fln  de 
notre  excursion  dans  cette  vallée  ;  tu  y  as  vu  ce  que  tu  y  as  vu  ;  ne 
révèle  pas  aux  insensés  ce  que  tu  y  as  contemplé  ;  celui-là  doit  seul 
le  savoir  à  qui  Dieu  Ta  fait  connaître  :  c'est  l'homme  intelligent.  Il 
réfléchit  de  plus  en  plus  sur  les  merveilles  de  la  puissance  divine.  — 
Vieillard,  dit  le  roi,  comment  se  fait-il  que  ces  objets  admirables  et 
ces  images  soient  dans  cette  vallée  ?  indique-moi  leur  sens.  —  Je  te 
l'apprendrai  quand  nous  serons  revenus  vers  ton  armée^  s'il  platt  à 
Dien. 

Ils  se  remirent  en  route  et  arrivèrent  à  un  arbre  pareil  à  un  pal- 
mier, mais  ce  n'en  était  pas  un  ;  le  goût  de  ses  fruits  était  celui  des 
dattes.  Quand  ils  furent  auprès,  il  parla  avec  une  voix  humaine  et 

\.  Cf.  dans  le  Roman  cC Alexandre  de  Lambert  li  Cort  et  Alexandre  de  Paris, 
les  trois  fontaines  «  faées  »  dont  l'une  ramène  à  l'âge  de  trente  ans  tout  vieil- 
lard qui  8*y  baigne;  la  seconde  rend  immortel,  mais  on  ne  peut  lavoir  deux  foi» 
en  un  an;  la  troisième  ressuscite  les  morts.  (Meyer,  Alexandre  le  Grand,  t.  Il, 
p.  175-183).  '      "^  . 


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REVUS   t>es   TRADITIONS   POPULAIRES  281 

dit  :  Celui  qui  prendra  une  de  mes  branches  et  la  mootera,  s'il  se 
dirige  où  il  voudra,  à  lest  ou  à  l'ouest,  il  y  arrivera  en  un  instant 
par  la  puissance  de  Dieu  Très-Haut.  En  entendant  ces  paroles^ 
le  vieillard  détacha  trois  branches  et  dit  :  Faites  comme  moi. 
Chacun  monta  sur  Tune  d'elle,  puis  quand  ils  les  eurent  enfour- 
chées, il  dit  :  Rappelez  la  place  de  larmée.  Us  la  mentionnèrent.  — 
Fermez  les  yeux.  —  Ils  les  fermèrent  et  en  moins  d'un  instant,  ils 
étaient  en  vue  des  troupes,  ils  louèrent  Dieu  très  haut  et  le  remer- 
cièrent. Le  roi  donna  des  vêtements  d'honneur  au  vieillard,  lui  fit 
présent  d'une  sommme  considérable  et  le  fit  asseoir  près  de  lui. 

Puis  le  cheïkh  raconta  :  Quand  j'étais  jeune,  j'entrai  dans  cette 
vallée  ;  j'étais  beau  et  gracieux  (f°  156.)  Je  m'égarai  dans  ma  rouie  et 
j'y  pénétrai  ;  j'y  restai  longtemps  sans  savoir  où  me  diriger.  Un 
jour  je  pleurai  et  je  demandai  à  Dieu  de  me  sauver.  Il  eut  pitié  de 
moi  et  me  délivra  par  l'intermédiaire  des  génies  croyants.  Ils  m'ap- 
parurent  et  me  dirent  :  Hélas  I  comment  est  il  arrivé  que  tu  te  sois 
égaré  en  chemin.  —  J'ai  perdu  ma  route  et  j'ai  marché  jusqu'à  ce  que 
j'y  suis  entré.  — Nous  sommes  les. djinns  croyants,  reprirent-ils  ;  Dieu 
t'a  mis  sous  notre  protection.  Nous  te  ferons  une  recommandation, 
exécute-la  et  tu  seras  sauvé.  Ils  me  prescrivirent  tout  ce  que  vous 
m'avez  vu  faire.  Quand  j'arrivai  à  l'arbre  dont  nous  avions  pris  deç 
branches,  j'eu  coupai  une  qui  me  transporta  auprès  de  ma  famille. 
Ensuite  Sàbour  lui  fit  beaucoup  de  bien  ;  le  vieillard  lui  donna  l'ex- 
plication des  figures  et  des  merveilles  qui  existaient  dans  la  vallée 
de  Serendib  :  après  avoir  reçu  du  prince  des  richesses  considérables 
et  un  vêtement  magnifique,  il  prit  congé  de  lui  et  alla  rejoindre  les 
siens. 

Le  roi  se  mit  en  marche  avec  ses  troupes  jusqu'à  ce  qu'il  revint 
dans  son  pays.  Ses  sujets  le  félicitèrent  de  son  salut  ;  il  entra  dans 
son  palais  et,  la  nuit  venue,  dormit  avec  sa  cousine  ^  Celle-ci 
devint  enceinte,  et  lorsque  le  terme  de  sa  grossesse  fut  arrivé,  elle 
mit  au  monde  un  fils  pareil  à  la  lune  apparaissant  dans  sa  perfec- 
tion. Son  père  le  nomma  Abou'n  Nazhar  et  le  remit  aux  nourrices 
et  aux  femmes  chargées  de  l'élever.  On  lui  donna  la  meilleure  édu- 
cation et  la  meilleure  instruction.  Quand  on  eut  accumulé  eu  lui  tout 
ce  qui  est  nécessaire  aux  fils  des  rois  ;  il  devint  un  jeune  Homme 
instruit,  sage,  brave,  avisé,  éloquent,  généreux,  doux  ;  il  réunissait 
toutes  les  connaissances  ;  il  était  le  premier  des  gens  de  mérite  et 

1 .  Dans  la  plupart  des  contes,  ce  n'est  pas  une  feuille  mais  un  fruit  qui  pro- 
cure la  fécondité  ;  dans  d'autres,  c'est  un  poisson.  Cf.  les  rapprochemeuts  indi- 
qués dans  Cosquin.  Contes  populaires  de  Lorraine^  Paris,  s.  d.,  2  vol.  in-8,  t.  1, 
p.  69. 


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292  HBVUE  DBS   TRADITIONS    POPULAIRES 

des  hommes  supérieurs  ;  il  n'y  avait  de  son  temps  personne  qui  pût 
lui  tenir  tète,  parmi  ses  contemporains.  Il  était  si  brave  que  tous, 
grands  et  petits,  femmes  et  hommes,  s'entretenaient  de  sa  bravoure 
dans  toutes  les  parties  de  la  terre  et  dans  toutes  les  contrées.  Il 
atteignit  ainsi  Tàge  de  vingt  ans. 

Une  miit  qu'il  était  endormi,  il  lui  sembla  voir  autour  de  lui  des 
jeunes  filles  et  une  image  dans  un  songe  agréable.  On  Tentendit 
pousser  des  gémissements  et  des  plaintes  comme  s'il  était  possédé  ; 
puis  il  s  éveilla  éfîrayé^  troublé  comme  un  insensé.  Il  avait  perdu 
rintelligence  ;  ses  mains  tremblaient.  H  se  cacha  le  visage,  se  mit  & 
pleurer  et  à  se  lamenter  ;  ses  plaintes  s'élevèrent,  il  perdit  le  senti- 
ment, puis  ses  gémissements  s'apaisèrent  et  sa  langue  devint  muette. 
On  lui  parla,  mais  il  ne  répondit  pas.  A  cette  vue,  ses  compagnons 
allèrent  en  toute  hâte  trouver  son  père  et  lui  apprirent  ce  qui  était 
arrivé  à  son  fils.  Le  roi  accourut  sur  le  champ,  l'esprit  troublé,  la 
raison  égarée,  la  couleur  changée  ;  il  se  pencha  vers  lui  en  l'embras- 
sant et  en  lui  disant  :  Mon  fils,  de  quoi  te  plains-tu  ?Que  t'est-il 
arrivé  ?  mais  ce  prince  ne  répondit  pas  un  mot.  Sou  père  manda  les 
médecins  qui  se  présentèrent  devant  lui  :  Hàtez-vous  de  soigner  mon 
nis,  leur  dit-il,  et  guérissez-le.  Quand  ils  l'eurent  enfermé  et  exa- 
miné, ils  dirent  au  roi  :  Prince,  ton  fils  n'a  pas  de  mal  ;  du  moins 
n  est-il  pas  malade;  il  est  seulement  en  proie  à  une  obsession  et  il 
n'y  a  pas  de  crainte  à  avoir  à  son  sujet,  mais  il  a  vu  en  songe  quel- 
que chose  qui  l'a  changé  et  amené  là  où  tu  le  vois.  L'un  d'entre  eux 
ajouta  :  Laisse-moi  avec  lui,  j'espère  que  je  le  guérirai  s'il  ptaît  à 
Dieu.  —  Prends-le  avec  toi,  lui  dit  le  roi. 

Le  médecin  resta  seul  avec  le  prince  et  lui  dit  :  Seigneur,  raconte- 
moi  ce  que  tu  as  vu  en  songe  ;  je  te  ferai  arriver  à  ton  but,  grâce  à 
Dieu  et  à  sa  puissance.  Quant  Abou'n  Nazhar  entendit  ces  paroles,  il 
ouvrit  les  yeux  et  dit  :  Tu  viens  de  me  faire  désirer  la  vie  et  je  te 
mettrai  au  courant  de  tout.  Il  m'a  semblé,  en  rêve,  être  dans  un 
endroit  agréable,  rempli  de  verdure,  d'arbres  et  de  ruisseaux.  Tan- 
dis que  je  le  regardais  et  que  je  respirais  son  parfum,  que  je  con- 
templais la  beauté  de  ses  rivières,  de  ses  arbres  et  de  ses  fruits,  de 
belles  jeunes  filles  vinrent  couper  des  roses  et  des  fleurs  d'oranger 
et  jouer  parmi  les  arbres  ;  elles  portaient  toutes  sortes  de  parures, 
des  vêtements  de  brocart  et  des  anneaux  d'or  rouge  ;  de  ma  vie,  je 
n'en  avais  vu  de  pareilles  ni  de  plus  belles.  Quand  je  m'approchai 
d'elles,  elles  se  mirent  à  me  faire  signe  avec  leurs  paupières  comme 
pour  me  dire  :  Retourne  sur  tes  pas  de  peur  que  notre  maîtresse  ne 
te  voie.  Sur  ces  entrefaites,  celle-ci  s'avança  ;  mon  regard  la  fixa,  je 
fus  interdit  et  peu  s'en  fallut  que  la  vie  ne  me  fût  ravie  par  l'éclat 


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REVCK    DBS   TRADITIONS   POPULAIRES  283 

de  son  ^il  ;  elle  me  détourna  des  jeunes  filles  k  cause  de  la  beauté 
qui  se  manifestait  en  elle.  Elle  portait  trois  robes  de  couleurs  dilTé- 
rentes.  La  stupeur  me  saisit  et  mon  esprit  disparut  devant  ce  que  jo 
voyais  ;  je  ne  pus  lui  adresser  une  parole,  je  ne  pus  même  la  regar- 
der. En  voyant  mon  ,état,  elle  dit  à  une  de  ses  suivantes  :  Fais-le 
approcher.  Quand  je  fus  près  d'elle,  elle  me  sourit  et  je  lui  dis  :  Ma- 
dame, qui  es-tu  ?  Quel  est  ton  nom  ?  —  Je  m'appelle  Ouah'chyah,  tille 
d'En  No'mân,  roi  de  Sîn  (Chine).  Puis  elle  ajouta: Et  toi, comment  te 
nommes-tu?  —  Abou'nNazhar,filsdeSâbourel  Hindi.  Tandis  que  nous 
causions  ensemble,  une  jument  s'avança  portant  un  voile  et  une  selle 
d'or  et  d'argent.  Une  jeune  fille  appela  la  princesse  :  Madame,  c'est 
l'instant  de  partir  ;  nous  avons  été  longtemps.  Le  cheval  s'approcha, 
elle  le  monta  ;  les  jeunes  filles  montèrent  en  même  temps  qu  elle  ; 
elle  me  fit  ses  adieux  et  me  dit  :  Tu  sais  qui  je  suis  ;  mets-toi  à  ma 
recherche  pour  que  je  te  rende  heureux  et  pour  que  nous  soyons 
réunis  par  le  destin.  Puis  elle  partit,  le  regret  me  prit  et  je 'suis 
devenu  tel  que  tu  me  vois  ;  mon  cœur  s'est  attaché  à  elle  ;  voilà  mon 
histoire  ^ 

Jeune  homme,  dit  le  médecin,  je  demanderai  là-dessus  Tautorisa* 
tion  de  ton  père  ;  il  sera  d'accord  avec  toi  et  ne  te  refusera  pas  ce 
que  tu  désires  ;  je  t'aiderai  à  arriver  au  pays  de  Sîn  et  je  verrai 
comment  réaliser  ton  songe  ;  s'il  est  réel,  nous  demanderons  pour 
toi  la  jeune  fille  à  son  père.  Il  alla  trouver  le  roi,  le  mit  au  courant 
de  l'histoire  et  du  rêve  du  prince.  —  Quel  est  ton  avis,  demanda 
Sàbour  ?  —  Envoie  un  messager  dans  le  pays  de  Sin,  pour  vérifier  la 
réalité  du  songe  ;  s'il  est  réel,  nous  demanderons  la  jeune  fille  à  son 
père.  Le  roi  rassembla  ses  vizirs,  les  grands  fonctionnaires  et  ses 
familierset  leur  raconta  tout.  Puis  il  prit  parmi  eux  des  gens  intel- 
ligents, savants  et  habiles  ;  il  leur  donna  des  richesses  considérables 
et  des  cadeaux  (f**  157)  magnifiques,  parmi  ce  qui  convient  aux  rois  ; 
il  mit  à  leur  tête  l'habile  médecin  et  dit  :  Je  ne  veux  pas  te  faire  d<^ 
recommandations  ;  quand  tu  seras  arrivé  en  Chine,  cherche  si  le  roi 
se  nomme  En  No'mân  et  sa  fille  Ouah'chyah  ;  porte-lui  les  cadeaux 
et  demande-lui  la  main  de  la  princesse  ;  sinon  ne  parle  de  ton  afi*aire 
à  personne. 

Ils  le  quittèrent  et  se  mirent  à  voyager  jusqu'à  ce  qu'ils  arrivèrent 
en  Chine:  ils  descendirent  dans  une  ville  qu'on  appelle  'Adzbah  et 
demandèrent  quel  était  le  nom  du  roi.  On  leur  répondit  :  En  No'màn. 
—  A-t-il  une  fille  nommée  Ouah'chyah  ?  —  Oui.  —  Quand  cette  pres- 
cription  fut  vérifiée,  ils  descendirent  dans  un  palais  proche  de 

12.  Cf.  dans  les  Mille  et  Une  Nuits,  un  épisode  semblable  dans  Thistoire  dç 
Qamar  ez  Zem&o  et  de  la  fille  du  roi  de  la  Chine. 


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284  RGVUB  DES  TRADITIONS  POPCLAIRISS 

celui  du  roi.  Le  savant  médecin  se  préseala  avec  les  cadeaux  el  les 
offrit  au  prince.  Celui-ci  les  trouva  superbes  et  en  fut  joyeux  ;  il 
témoigna  les  plus  grands  égards  à  Tambassade  et  lui  fit  donner  les 
meilleurs  mets  et  les  meilleures  boissons. 

Un  jour,  le  roi  prit  le  médecin  à  part  el  lui  dit  ;  Sage,  apprends- 
moi  ce  qui  t*a  amené  dans  ce  pays.  Il  lui  raconta  Thistoire  du  Gis  de 
S&bour  et  son  rêve;  comment  lui-même  était  venu  lui  demander  sa 
fille,  il  lui  fit  connaître  la  passion  du  jeune  hommme,  son  amour 
pour  la  princesse  et  ce  qui  lui  était  arrivé  à  cause  d'elle.  La  satis- 
faction du  roi  augmenta;  il  ressentit  une  grande  joie,  puis  il  dît  : 
Comment  te  guider?  Ma  fîlle  ne  veut  pas  se  marier;  une  foule  de 
rois  Tout  demandée,  elle  a  refusé;  mais  je  lui  exposerai  votre 
requête  et  voire  demande.  11  en  informa  la  princesse;  dès  que 
celle-ci  l'eut  appris,  elle  dit  à  une  de  ses  suivantes  :  Va  trouver 
celui  qui  m'a  demandée  à  mon  père  et  vois  à  qui  il  veut  me  marier. 
La  jeune  fille  s  en  alla  chez  le  médecin  et  flt  semblant  d'être  venue 
acheter  quelques  curiosités  de  Tlnde.  Vieillard,  dit-elle,  apprends- 
moi  qui  a  demandé  en  mariage  Ouah'chyah,  la  fille  du  roi.  Il  lui 
répondit  :  Il  se  nomme  Abou'n  Nazhar,  ills  de  Sàbour,  roi  de  Tlnde 
[sic)  ;  je  ne  suis  venu  dans  ce  pays  qu'à  cause  d'elle .  —  La  messa- 
gère était  intelligente  et  sensée;  elle  ajouta  :  Vieillard,  je  t'en  con- 
jure, qu'est-ce  qui  Ta  amené  dans  cette  ville  et  qui  t'a  fait  connaître 
la  fille  du  roi  En  No'màn?  —  Je  te  prie,  répondit-il,  de  ne  révéler 
à  personne  ce  que  je  le  raconterai  et  de  ne  le  faire  connaître  à  qui 
que  ce  soit.  —  Soit.  —  Mors  il  lui  raconta  le  rêve  qu'avait  fait  le 
jeune  homme  et  ce  qui  lui  était  apparu  dans  son  sommeil.  —  Par 
Dieu,  dit-elle,  c'est  le  même  souge  qui  a  laissé  notre  maîtresse  triste 
et  affligée  :  elle  ne  prend  goût  ni  à  la  nourriture  ni  à  la  boisson 
depuis  son  rêve  ;  mais  sois  satisfait,  car  aujourd'hui  je  mènerai  à 
bien  l'affaire  de  ton  maître  avec  l'aide  de  Dieu.  Le  vieillard  apprit 
ainsi  que  la  princesse  avait  fait  le  même  songe  qu'Abou'n  Nazhar  et 
il  n'en  fut  que  plus  désireux  de  conclure  l'affaire. 

La  suivante  entra  dans  le  palais  et  informa  la  fille  du  roi  de  ce 
que  le  savant  médecin  lui  avait  dit,  La  joie  et  la  satisfaction  rentrè- 
rent chez  elle;  elle  ne  put  se  tenir  d'envoyer  dire  à  son  père  :  Ne 
me  marie  qu'au  fils  du  roi  de  Tlnde,  car  il  a  vu  la  même  chose  que 
moi.  Son  père  dressa  l'acte  de  mariage  avec  le  prince,  conclut  l'af- 
faire, écrivit  au  roi  Sàbour  et  remit  la  lettre  au  médecin  qui  prit 
congé  de  lui  et  partit. 

Lorsqu'il  fut  arrivé  et  qu'il  eut  remis  la  lettre  au  roi,  celui-ci  res- 
sentit une  grande  joie.  Le  cœur  du  prince  fut  calmé  et  sa  tristesse 
disparut.  Sàbour  mit  sur  pied  une  armée  considérable  et  prépara 


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REVUE    DES   TRADITIONS    lOPlJLAlRES  283 

beaucoup  de  magnifiques  présents  qu'il  envoya  avec  son  fils.  Celui-ci 
se  mit  en  roule  pour  la  Chine;  En  No'mân  alla  au  devant  de  lui 
avec  des  troupes  nombreuses  et  se  réjouit  de  le  voir.  I^a  princesse 
Ouah'chyah,  du  haut  du  palais,  aperçut,  au  milieu  des  soldats,  le 
prince  pareil  à  la  lune  au  milieu  des  étoiles  :  elle  tomba  évanouie. 
Quand  elle  revint  à  elle,  elle  s'écria  :  Par  Dieu,  c'est  lui  que  j'ai  vu 
en  songe.  Son  père  célébra  le  mariage,  remit  à  Abou'n  Nazhar  sa 
femme;  il  resta  quelque  temps  chez  son  beau-père,  puis  révint  dans 
sa  famille  et  regagna  son  pays.  A  son  arrivée,  Sâbour  ressentit  une 
grande  joie  et  le  prince  mena  la  vie  la  plus  agréable  jusqu'à  ce  que 
son  père  mourut.  Il  lui  succéda  sur  le  trône  et  goûta  tous  les  plai- 
sirs; le  peuple  et  les  habitants  des  grandes  villes  lui  obéissaient. 

Il  avait  aussi  une  cousine  qui  désira  se  marier  avec  lui.  Il  Tépousa, 
mais  elle  devint  jalouse  de  sa  (première)  femme  et  chercha,  sans  y 
réussir,  à  la  faire  périr  par  tous  les  moyens.  Elle  employa  la  ruse 
daas  sa  magie  et  sa  perfidie  et  ne  cessa  d'en  vouloir  à  sa  vie  jusqu'à 
ce  qu'un  jour  Ouah'chyah  se  trouva  comme  morte,  sans  mouve- 
ment. Quand  le  roi  s'avança  vers  elle  et  qu'il  la  vit  morte,  il  poussa 
des  cris,  répandit  de  la  poussière  sur  son  visage  et  sur  sa  tête  en 
s'écriant  :  0  princesse  î  ô  fraîcheur  de  mes  yeux  I  et  il  songea  à  se 
tuer.  Les  fonctionnaires  et  les  grands  de  l'Etat  allèrent  le  trouver  et 
le  questionnèrent  ;  il  leur  raconta  son  histoire.  Ils  l'exhortèrent  à  la 
constance  et  réussirent  à  lui  faire  prendre  patience  et  à  le  consoler. 
Malgré  cela,  il  ne  cessait  de  pleurer  et  de  gémir.  Il  alla  vers  elle, 
répandit  sur  elle  et  sur  son  visage  du  musc  parfumé  et  du  camphre  ; 
il  la  revêtit  de  ses  vêtements  et  de  ses  parures  et  la  plaça  sur  le 
trône  ;  il  préposa  des  gens  qui  ne  devaient  pas  cesser  de  prendre 
soin  d^elle  ;  chaque  fois  qu'il  sortait  pour  aller  au  conseil,  il  ne  com« 
prenait  ni  ne  saisissait  rien.  Quand  il  entrait,  il  l'embrassait  entre 
les  yeux,  lui  lavait  les  mains,  s'asseyait  en  face  d'elle  et  gémissait. 

Il  resta  ainsi  sans  rompre  avec  ces  habitudes,  pendant  un  long 
espace  de  temps,  ne  prenant  goût  ni  à  la  nourriture,  ni  à  la  boisson. 
Les  génies  fidèles  eurent  pitié  de  ses  larmes  et  lui  apparurent  une 
nuit  qu'il  était  assis  à  se  lamenter.  Ils  entrèrent  chez  lui.  Quand  il 
les  vil,  il  fut  très  effrayé  —  Ne  crains  pas,  lui  dirent-ils,  nous 
sommes  une  troupe  de  génies  croyants  ;  nous  avons  eu  pitié  de  loi. 
Patiente  et  ne  désespère  pas  :  ta  femme  Ouah'chyah  n'est  pas  morte. 
—  Et  comment  cela  ?  demanda-t-il  :  voilà  une  année  entière  qu'elle 
n'a  mangé  ni  bu.—  Elle  a  été  enchantée  tout  ce  temps  \  —  tt 

i .  La  jeutie  fille  ou  la  jeune  fetume  endormie  oa  jetée  en  léthai^ie  par  rarti- 
fiee  d'une  rivale,  quelquefois  sa  mère,  sa  sœur  et  sa  belle-mère,  se  rencontre 
fréquemment  dans  un  cycle  de  coqtes  :  quelquefois,  c'est  à  Taide  d'une  épingle. 


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286  REVl?E    DES   TRADITIONS    POPULAIRES 

comment  son  corps  est-il  resté  sans  nourriture  pendant  un  an 
entier  ?  —  Nous  avions  chargé  des  femmes  de  notre  race  de  la  nour- 
rir et  de  l'abreuver  de  temps  en  temps.  Si  tu  veux  la  rendre  à  la  vie, 
fais  venir  le  vizir  de  ton  père  qui  est  entré  avec  lui  dans  le  vallon  de 
Serendib  ;  il  a  les  moyens  de  la  guérir  et  fera  cesser  le  charme  qui 
est  en  elle.  —  Puis  ils  disparurent  et  il  resta  stupéfait,  essuyant  ses 
larmes  sur  son  visage. 

Il  demeura  debout  jusqu'au  lendemain  matin  ;  alors  il  appela  les 
esclaves  qui  l'entouraient  et  leur  dit  :  Hier,  m'avez-vous  vu  (f*  158) 
dormir?  —  Non,  lui  répondirent-ils,  mais  nous  avons  entendu  des 
genss*entretenir  avec  toi,  sans  voir  personne.  Il  réunit  ses  vizirs  et  leur 
raconta  son  aventure.  Prince,  lui  dirent-ils,  le  vizir  de  ton  père  est 
entré  avec  lui  dans  le  vallon  de  Serendib  et  il  a  écrit  tout  ce  qui  s\ 
trouvait  en  fait  de  remèdes  pour  chaque  chose.  —  Qu'on  me 
ramène,  reprit  le  roi.  —  On  lui  présenta  le  vizir  qui  savait  tout  ce 
qui  était  arrivé  ^  Abou*n  Nazhar  avec  la  fille  du  roi  de  Chine.  Le 
prince  lui  dit  :  Vizir,  as-tu  jamais  vu  quelqu'un  mort  depuis  un  an 
revivre  après  cela  et  être  en  bonne  santé? —  Dans  le  temps  jadis,  je 
pénétrai  avec  loti  père  dans  le  vallon  de  Serendib  ;  un  arbre  lui  parla 
et  dit  :  Je  puis  guérir  un  mort  enchanté  depuis  une  année  entière  ; 
si  quelqu'un  prend  de  mes  feuilles,  les  broie,  les  met  dans  le  feu  et 
en  frotte  le  mort,  si  celui-ci  n'est  qu'enchanté^  il  revivra  ;  s'il  est 
réellement  mort,  il  ne  reviendra  pas  à  la  vie.  Ton  père,  que  Dieu  lui 
fasse  miséricorde,  me  dit  :  Prends  des  feuilles  de  cet  arbre. 

Quand  le  prince  entendit  ces  paroles,  il  s'écria  :  Je  jure  que  si  ce 
que  tu  dis  est  vrai,  je  te  donnerai  ce  que  tu  voudras.  —  Puis  il  Gt 
apporter  le  vêtement  dans  lequel  étaient  ces  secrets  et  commença  à 
les  lire  jusqu'à  ce  qu'il  arriva  à  l'arbre  qui  défaisait  l'œuvre  de  magie 

(imbriani,  La  NovelUija  fiorenlina^  Livouroe,  4817»  in-l2,  N.  XVIII.  //  re  che  an- 
dova  a  caccia,  p.  232);  par  un  coup  de  poignard.  (Pitre,  Novelle popolari  toscane^ 
Florence,  1885,  in- 12,  p.  57.  Le  Locandiera  di  Pariffi),  par  des  fruits  ou  ôe» 
objets  empoisonnés.  (Imbriani,  La  Novellaja  fiorenlina,  N.  XIX,  p.  239.  La  belta 
ostessina;  Marc  Monnier,  Les  Contes  populaires  en  Italie,  Paris,  1880,  in-i8  j., 
p.  311;  Gonxcnbach,  Sicitianische  Maercheny  Leipzig,  1870,  2  v.  in-16,  t.  Vll, 
N.  4.  Von  der  schônen  Anna,  t.  I,  p.  15;  Nerucci,  Sessanla  novelle  popolari  mon- 
lalesi,  Florence,  1880,  in-12,  La  bella  ostessina^  p.  43  ;  Hahu,  Grieçhische  und 
albanesische  Maerchen,  Leipzig.  1864,  2  v.  in-8,  t.  11,  N.  103,  Scttneewil/chen  : 
Grimm,  Kinder-und  Hausmaerchen,  Berlin,  1880,  in-8,  N.  53,  p.  206,  Sneewittchen)  ; 
par  des  fleurs.  (A.  de  Gubernalis,  La  Novelline  di  Sanlo  btefano,  Turin,  1869, 
in-8,  nov.  XII.  p.  32.  La  crudel  matrigna);  par  un  anneau  magique  ou  des  objets 
ensorcelés.  Gonzenbach,  Sicitianische  Maerchen,  t.  I,  n.  2,  Maria,  die  bôse  Stief- 
mutter  und  die  sieben  Raeuber,  p.  A;  u^  3,  Von  Maruzzedda,  p.  7;  Schnelter, 
Maerchen  und  Sagen  aus  Wetsch/irol,.  innsbruck,  1867,  in-8,  p.  55.  Die  drei 
Schwestern;  Dozon,  Ccntes  populaires  albanais,  Paris,  1881,  in-18,  p.  1.  Fa  limé; 
Legrand,  Con/e*  ;?opM/airM  r/7'fw,  Paris,  1881,  in-1 8,  p.  133,  Rodia^  celle-ci  finit 
aussi  par  6tre  changée  en  pigeon  à  Taide  d'une  épine,  par  ses  sœurs  jalouses). 
Sur  ce  dernier  genre  de  métamorphoses,  cL  une  note  de  Ralston,  ap.  Maive 
Stokes,  Indian  fairy  taleSy  Londres,  1880,  in  8,  p.  253. 


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REVUE    DES   TRADITIONS    POPULAIRES  287 

pareille  à  la  mort.  Il  prit  des  feuilles,  les  mil  sur  le  feu,  et  quand 
elles  furent  refroicTies,  il  versa  sur  elles  de  l'eau  de  rose;  puis  il 
enleva  les  vêtements  de  Ouah'chyah  et  la  frotta  avec  ce  remède. 
Elle  se  leva,  par  la  puissance  de  Dieu  Très-Haut  ;  les  suivantes  pous- 
sèrent des  cris  de  joie  et  louèrent  Dieu.  Abou'n  Nazhar  les  entendit  ; 
il  entra  en  toute  hâte,  se  jeta  sur  elle  et  s^évanouit.  Quand  il  revint 
à  lui,  il  questionna  la  reine  sur  son  état.  J'étais  comme  endormie, 
lui  dit-elle  ;  j'étais  avec  des  femmes  qui  répandaient  ma  chevelure 
sur  la  surface  de  la  terre,  jusqu'à  ce  qu'un  torrent  est  arrivé  sur 
moi  ;  elles  ont  pris  la  fuite,  je  me  suis  levé  et  j  ai  trouvé  ces  jeunes 
filles  qui  poussaient  des  crisde  joie  et  célébraii'ntDieu.  — Quand  elle 
eut  finison  récit,  il  lui  rappela  ce  qui  lui  était  arrivé  et  le  chagrin  qu  il 
avait  ressenti.  Puis  il  loua  Dieu,  le  remercia  de  l'avoir  guérie,  donna 
des  richesses  immenses  au  vizir  de  son  père  et  le  mit  au-dessvs  des 
autres. 

11  mena  la  vie  la  plus  heureuse  ;  jusqu'à  ce  qu'arriva  le  moment 
inévitable,  contre  lequel  il  n'y  a  ni  remède  ni  préservatif,  qu'aucun 
être  créé  ne  peut  fuir. 

René  Basset. 


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288 


REVUE   DKS   TRADITIONS    POPULAIRES 


SUPERSTITIONS  DUCAP-SIZUN' 

(Suiie) 


1 

EVOCATION  DU  MAUVAIS-(E1L  :  LE  DROUK-AVVIS 

(Suite) 

mon  bureau  de  percepteur,  uoe  femme  paie  une 
amende.  Une  peccadille  qui  méritait  toutes  les 
circonstances  atténuantes  :  pendant  Thiver  rigoureux 
de  1888,  pas  de  bois  à  la  maison,  pour  se  chauffer, 
pour  cuire  les  pommes  de  terre,  seul  aliment  d'une 
nombreuse  famille  !  Son  fils  avait  dérobé  un  faix  de 
4^     '»  brindilles  sur  un  terrain  gardé  :  d'où  procès-verbal 

et  condamnation. 
Jetant  son  argent,  12  fr.  65,  sur  ma  table  : 

—  a  Cet  argent,  murmure  la  bonne  femme,  dune  voix  sourde  et 
scandant  ses  paroles,  —  «  cet  argent-là  ne  profitera  pas.  Il  sera 
toujours  entre  le  Paradis  et  celui  qui  me  le  fait  payer  ». 

Je  regarde  mon  interlocutrice:  une  femme  de  soixante  ans,  cassée 
par  le  travail  et  les  privations.  Une  cyphose  lombaire  indice  de 
multiples  parturitions,  la  tient  légèrement  courbée.  Ses  mâchoires 
saillantes,  entre  lesquelles  paraissent  des  dents  jaunes,  déchaussées 
à  la  base  et  pointues,  démontrent  l'énergie  et  quelque  chose  de 
sauvage.  Ses  paupières,  sanguinolentes,  rongées  par  un  ectropion 
scrofuleux,  découvrent  entièrement  la  sclérotique  injectée,  enca- 
drant, d'une  teinte  jaune  sale,  le  disque  d'un  iris  verdàtre,  au  milieu 
duquel  brille  la  pupille,  au  regard  acéré  et  faux.  Ses  doigts  maigres 
noueux  et  terminés  en  massues,  froissent  Tavertissement  qu'elle  a 
reçu.  C'était  un  vrai  type  de  sorcière  ! 

Pendant  ma  rapide  inspection  de  sa  personne,  nos  yeux  se  croi- 
sent. Un  flot  de  sang  lui  monte  à  la  figure  ;  un  frémissement  parcourt 
tout  son  corps  ;  ses  traits  se  contractent  ;  ses  dents  se  serrent  à  se 
briser. 
Tout  à  coup  elle  blêmit. 

n  a.  t.  IV,  p.  338,  465,  t.  V,  p.  169,  287,  t.  VI,  p.  377,  335,  650. 


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RBVU1I  DB&  TRADITIONS  POPULAIRES  299 

—  «  Ma  façz  a  c'hlazo  c'hoaz....  ma  face  verdira  eacore,  s'écrie-t- 
etle,  et  le  mal  frappera.  » 

—  «  Ah  !  vous  êtes  Drouk-awizères  ?  vous  jetez  le  «  mauvais  œil  ?» 
répondis-je. 

A  ces  mots,  les  globes  de  ses  yeux  oscillent  et  se  convulsent  ;  ses 
muscles  se  raidisseut.  Tout,  en  elle,  indique  late\ision  de  la  volonté. 
Au  bout  de  quelques  instants  d'immobilité. 

—  «  Malheur  à  qui  est  cause  !  s'écrie-t-elle,  —  Oui  !  j'ai  «  le  pou^ 
voir et  j'en  use.  » 

Fuis,  se  reprenant. 

—  «  Oui  !  j'ai  le  pouvoir!  je  jette  les  choses^  (les  sorts,)  et  les  ôte... 
u  quand  je  veux...  Nombreux  sont  ceux  que  j'ai  frappés....  et  ils  ont 
«  tous  péri,  dans  leurs  biens,  dans  leur  vie,  dans  celle  de  leurs  en- 
c  fants.  Rien  n'a  pu  les  délivrer.  Le  mal  que  je  leur  ai  jeté  les  a 
«  poursuivis  jusque  dans  l'autre  monde.  » 

—  «  Ils  ne  connaissaient  pas  le  louzou.,..  moi,  je  le  connais.  » 

—  a  Vous  ?....  vous  n'êtes  cause  de  rien.,,  il  ne  vous  arrivera  rien.  » 

—  «  Je  vous  en  sais  obligation  !  » 

—  «  Mais  celui  qui  est  cause,....  le  garde  qui  a  fait  punir  mon  Hls 
«  injustement...  il  sera  justement  puni.  Il  sera  frappé  bientôt,  et 
t  vous  le  verrez  :  » 

Et  s'animant  : 

—  «  Vous  le  verrez  bientôt  !  » 

—  €  Bientôt  ?...  comment  cela?...  Dans  combien  de  temps?  » 

—  «  Vous  le  verrez  ! 

Se  tournant,  raide,  vers  le  nord,  étendant  le  bras  dans  la  direction 
de  la  demeure  du  garde,  et  s'exaltant  davantage  : 

—  t  A  toi  qui  es  cause,  malheur!....  que  mon  argent  soit  toujours 
«  entre  toi  et  le  bonheur,  dans  ce  monde  !....  entre  toi  et  le  Paradis, 
«  quand  lu  mourras  !... 

—  «  Ah  !  il  ne  portera  pas  votre  argent  en  Paradis? 

—  «  Non  !  je  serai  toujours,  là,  pour  l'empêcher  d'entrer...  non, 
il  n'y  entrera  pas  !  » 

—  c  Mais  alors,  vous  aussi,  vous  qui  serez-là,  devant  la  porte, 
«  pour  Tempêcher  de  la  franchir,  vous  n'y  entrerez  pas  vous-même  ». 

—  «  Peu  importe,  pourvu  qu'il  soit  puni  !  » 
Je  venais  d'assister  à  révocation  d'un  sort. 

J'avais,  devant  moi,  un  sujet  intéressant  à  étudier.  Vite,  j'avan- 
çai une  chaise.  Vite,  je  crayonnai  les  feuilles  des  neuf  plantes  qui 
composent  l'amulette  guérissant  du  mauvais  œil,  et  les  présentant  à 
la  vieille  : 

—  «  Voilà,  fis-je,  les  neuf  plantes  du  louzou  : 

TOMB  xi«  —  JuiM  4896.  lu 


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290  REVUE  DES  TRADITIONS  POPULAIRES 

La  vieille  les  reconnaît,  ses  traits  se  détractent,  sa  voix  devient 
naturelle  et  elle  me  les  nomme  en  breton  : 

—  «  C'est  bien  cela  !  Voilà  Vizar^  le  flemm-doua)\  le  melchen-lri- 
«  taich^  le  blêun-hân,  le  kleiz,  le  skier ^  le  sklerik-bras^  le  skier ik  et  le 
barlen  qui  est  la  plus  efficace  de  toutes.  »  (Le  glecoma,  le  fumeterre, 
le  trèfle  tacheté  (T.*  pratense,  vel  subterraneum),  la  pâquerette,  le 
mouron,  la  chélidoine,  le  géranium  mollet  ou  robert,  la  ffcaire  et  la 
verveine). 

Je  venais  de  gagqer  la  conBance  de  ma  vieille  qui  se  mit  à  causer 
tranquillement. 

C'était  une  jeteuse  de  sorts,  de  la  classe  la  plus  puissante,  que  je 
croyais  ne  plus  exister,  dans  le  Cap-Sizun,  depuis  la  mort  de  la 
Kerzéas  dont  les  marins,  aujourd'hui  encore,  après  plus  de  dix  ans, 
ne  prononcent  le  nom  qu'avec  un  sentiment  de  frayeur. 

Elle  avait  le  double  pouvoir  de  faire  des  maléfices  et  de  les  conjurer 
par  ses  amulettes.  Elle  tenait  sa  puissance  du  fait  de  sa  naissance, 
étant  née  la  neuvième  enfant  de  sa  mère  et  venue  au  monde ^  les  pieds 
en  avant.  Son  père,  lui-même,  avait  eu,  dans  les  temps,  des  accoin- 
tances avec  le  diable  qui  lui  apportait  souvent  de  l'argent,  sous  la 
forme  d'un  chat  noir.  Mais  l'argent  du  diable  ne  profite  guère  :  passé 
une  génération,  il  se  change  en  son.  De  riche  qu'était  devenu  son 
père,  elle,  et  son  frère,  sont  aujourd'hui  réduits  à  rien. 

Le  Louzou  qu'elle  emploie  est  le  même  que  j'ai  déjà  décrit,  (Rev. 
T.  P.  1889,  page  467).  Mais  le  rite  pour  le  préparer  diffère  essentiel- 
lement. Ici  interviennent  les  prières. 

Voici  comment  elle  le  compose  : 

Invocation  :  Doue  auraucq  oll  '  Dieu  avant  toutes  choses  ;  Dieu 
d'abord,  dans  le  sachet. 

Puis  trois  tiges  de  chacune  des  neuf  herbes  disposées  en  croix 
l'une  sur  l'autre  ; 

Trois  pater  et  trois  ave,  sans  inspirer  ; 

Trois  autres  tiges  de  chaque  plante,  disposées  de  même  ; 

Trois  pater  et  trois  ave  ; 

Le  reste  des  herbes  ; 

Trois  autres  patei^  et  ave; 

Neuf  grains  de  sel. 

Le  tout  est  cousu,  au  moyen  d'un  fil  écru,  dans  un  morceau  de 
toile  neuve  qui  n'a  pas  été  passé  à  l'eau. 

Ma  vieille  doit  avoir  une  grande  pratique  du  louzou  ;  pendant  les 
longues  tirades  qu  elle  me  débitait,   ses  doigts  allaient  au  tour, 

i.  Doue  araucq  est  aussi,  d'après  le  père  Grégoire  de  Rostrenen,  la  devise  de 
raocienae  famille  Carainoo,  en  breton  :  Kervaan. 


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REVUE   DES  TBADITIONS  POPULAIRES  291 

comme  pour  disposer  les  herbes  de  son  sachet,  el  sa  respiration 
souvent  retenue,  au  delà  même  du  temps  qu'il  faut  pour  réciter  les 
trois  paler  el  les  trois  ave.  Cette  condition  de  ne  point  reprendre  son 
haleine  est  indispensable,  faute  de  quoi,  le  louzou  perd  toute 
vertu. 

Dans  le  Cap-Sizun,  la  foi  dans  le  louzou  du  mauvais  œil  est  bien 
vive.  Cette  croyance  existe  même  dans  des  familles  où  Ton  s'attend 
le  moins  à  la  rencontrer.  Ainsi  je  connais  la  mère  d'un  prêtre  qui 
est  allée  la  nuit,  de  peur  d'être  reconnue,  à  trois  lieues  de  sa 
demeure,  chez  une  Drouk-Aunzères,  chercher  le  louzou^  pour 
lapposer  au  cou  de  son  petit  enfant  malade  du  croup.  On  m'a 
même  alïlrmé  que  des  prêtres,  originaires  du  Cap,  avaient  toutes 
peines  à  se  dépouiller  des  superstitions  qu'ils  avaient  apprises,  tel 
que  le  Drouk-awis,  dans  leur  enfance. 

Ma  vieille  initie  à  ses  secrets,  le  neuvième  de  ses  treize  enfants, 
une  fllle  qui  est  née  dans  les  mêmes  circonstances  que  sa  mère,  les 
pieds  en  avant. 


II 

LE  VERBL 

Outre  le  pouvoir  de  jeter  le  mauvais  œil^  ma  bonne  femme 
possède  le  don  de  guérir  certaines  maladies^  au  moyen  de  paroles 
spéciales.  Elle  le  doit  aussi  aux  conditions  de  sa  naissance. 

Voici  quelques-unes  de  ses  formules  : 

An  Verbl,  —  C'est  l'adénite  des  ganglions  de  l'aisselle,  parfois  de 
l'aine,  le  bubon  ;  alors  la  maladie  s'appelle  al  laich.  Quand  une 
tumeur  s'est  formée  dans  ces  régions,  elle  sera  suivie  de  huit 
autres.  Si  l'une  aboutit,  toutes  le  feront,  à  moins  qu'on  ne  les  fasse 
déguerpir. 

Voici  comment  procède  le  ûiskonter  ; 

Le  Verbl  est  assimilé  à  une  dame  qui  a  neuf  filles  pour  lesquelles 
elle  a  une  grande  sollicitude.  Elle  est  tout  le  temps  à  les  compter  : 
de  l'une  elle  va  à  deux,  de  deux  à  trois ^  etc.,  à  la  neuvième,  elle  les 
recompté  à  rebours  pour  encore  recommencer.  Il  faut  les  compter 
avec  elle,  diskonta  ar  Vei^bl,  et  les  décompter,  pour  les  réduire  de 
neuf  à  une,  et  de  une  à  point,  et  cela  sans  reprendre  sa  respiration. 

Voici  la  formule  entière  :  .  .. 

€  Ar  verbl  a  devoa  nao  merc'h  :  d'Oc'h  a  eun  a  ias  da  Ziou  ;  d'oc'h 
a  ziou  da  deir  ;  d'oc'h  a  deir,  d'à  bedir  ;  d'oc'h  a.bedir,  da  bemp  : 


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292  REvee  dbs  traditions  popllaiiib6 

d'oc'h  a  bemp,  da  fecTi  ;  d'oc'h  a  fec*h,  da  seiz  ;  d'oc'h  a  seîz,  ou  eiz  ; 
d'oc'h  i^eiz  da  nao  ; 

«  D'oc*h  a  nao,  a  teuaz  da  eiz  ;  d'oc*h  a  eiz,  da  seiz  ;  d'oc'h  a  seiz, 
da  féc*h  ;  d'oc'h  a  fec'h  da  bemp  ;  d'oc'h  a  bemp,  da  bedir  ;  d'oc'h  a 
bedir  da  leir  ;  d'oc'h  a  deir,  da  ziou  ;  d'oc'h  a  ziou  da  eun  ;  d'oc'h  a 
eun,  da  c'houp.  » 

De  une  à  aucune.  Le  Verbl  ayant  perdu  ses  neuf  filles,  s  en  va. 

Cette  formule  se  dit  trois  fois  sans  respirer  aucunement  et  sans  se 
tromper,  sinon  le  Verbl  retrouve  le  nombre  de  ses  neuf  filles  et  la 
guérison  est  compromise. 

Elle  est  une  des  plus  ardues  à  prononcer.  Rares  sont  les 
Diskonter  qui  arrivent  à  sa  fin,  sans  être  obligés  de  respirer. 


m 

LE  TELOr-DEVED 

Ce  sont  des  dermatoses  sous  deux  formes  principales  :  l'Herpès 
circiné  et  surtout  le  Zona. 

On  le  croit  un  génie  malfaisant  qiii  s'attache  à  la  peau.  Il  s'étend 
toujours  et  finit  par  entourer  le  membre  ou  le  corps  de  celui  sur 
qui  il  s*est  posé  :  alors  c'est  la  mort. 

Voici  la  formule  qui  le  fait  partir  : 

«  Telou-Deved,  tec'h,  tec'h  ; 
Neked  ama  ma  da  lec'h  ; 
Nag  ama,  nag  e  neb-Iec'h  ! 
Etre  oao  mor  a  nao  meoe, 
Eno  ma  da  vêle  I  » 

«  Telou-deved,  retire-toi,  retire-toi  ;  Ce  n'est  pas  ici  ta  place  ;  ISi 
ici,  ni  ailleurs  !  Entre  neuf  mers  et  neuf  montagnes.  Là  est  Ion  gîte.  » 

Croiser  le  mal  avec  une  pièce  d'argent,  et  prononcer  cette  formule 
trois  fois  sans  respirer. 

Un  Diskonter  d*Esquibien  croise  le  mal  avec  son  pouce  enduit  de 
sa  salive,  à  jeun.  A  la  formule  ci-dessus,  il  ajoute  ces  mots  : 

«  Kars  da  Vene-Are  I  »  —  •«  Retire-toi  aux  Montagnes  Arrées.  » 
Chez  lui,  pour  être  guéri,  il  faut  retourner  trois  fois,  avant  le  lever 
du  soleil. 


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BfiVDE   BRS   TRADITIONS   POPULAIRES  â93 

IV 

AN  TAICH.  —  LA  TAIE  DE  lVîETL 

Elle  indique  iapréseace  d*ua  déoioo,  ou.d'ua  esprit  mauvais,  sur 
rœil. 

Ou  le  fait  partir  en  Tobjurganl  de  toutes  façons:  «  Tec'h,  men- 
argaz  !  etc..  Tout  le  vocabulaire  des  injures  connues  dans  le  Cap,  y 
passe. 

Aux  insultes,  se  joignent  encore  certaines  pratiques: 

A  Primelin,  une  vieille  femme  croise  Toeil  avec  une  pièce  d'argent 
qu'elle  garde,  et  souffle  trois  fois  sur  le  mal. 

Une  autre  prend  neuf  grains  de  blé  avec  lesquels  elle  fait  le  signe 
de  la  croix  sur  Toeit  malade  ;  puis  les  jette,  un  à  un,  en  récitant 
trois  pater  et  trois  ave,  dans  une  écuellée  d'eau.  Lorsque,  au  fond 
du  vase,  une  bulle  d'air  se  détache  de  chaque  grain  et  vient  crever 
à  la  surface  de  Teau,  c'est  le  mal  qui  s'en  va.  Le  remède  le  plus 
employé  est  la  ficaire^  qu'on  appelle  aussi  Louzaouen  an.  taich,  . 
l'herbe  à  la  laie.  On  la  pile  avec  neuf  grains  de  sel  et  on  l'applique 
sur  l'auriculaire  de  la  main  opposée  à  l'œil  malade. 


AN  l'RLOU. 

C'est  l'engorgement  des  membres  pelviens,  provenant  de  toutes 
sortes  de  causes  :  Goutte,  rhumatisme,  etc. 

Ce  mal  se  guérît  par  une  opération  :  la  scarification  du  palais. 

Il  faut  être  Diskonler  pour  que  cela  réussisse. 

L'opération  consiste  à  faire,  avec  un  couteau,  deux  incisions  en 
V,  ou  en  croix,  au  voile  du  palais.  Pendant  que  le  patient  crache  le 
sang  en  abondance,  il  doit,  avec  les  doigts,  détacher  le  lambeau  de 
muqueuse,  entre  les  incisions,  et  l'arracher.  Cela  fait,  il  est  guéri. 
Sinon,  il  gardera  son  mal.  Au  bout  d'une  heure  ou  deux,  le  patient 
se  gargarise  à  l'eau  salée. 

On  m'a  cité  deux  accidents  mortels  survenus  après  celte  opération. 
Le  Diskonler  qui  avait  celte  spécialité  et  que  j'ai  vu  exercer  son 
art  sur  un  enfant  atteint  d'un  commencement  de  rachitisme,  et  sur 
un  ivrogne,  voulant  guérir  ses  jambes  qui  ne  le  tenaient  plus  debout, 
est  mort  il  y  a  deux  ans.  La  célérité  avec  laquelle  les  deux 
opérations  ont  été  faites  m'a  empêché  d'intervenir.  Il  avait  une 
grande  renommée.  On  venait  chez  lui,  d'au-delà  de  Douarnenez,  se 
faire  opérer. 

H.  Le  Carguet. 


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2Ui  BBVtTe  DfiS  tRADlTlONS  POPirL^IRGS 


POESIES  SUR  DES  THEMES  POPULAIRES 


XLI 

AUX  CHAMPS 

Par  la  pluie  et  le  vent,  seutette, 
L*enrant  grelotte  dans  les  chainpa  : 
(•  Las  !  quand  je  serai  grandelette, 
On  ne  m'enverra  plus  aux  champs, 
Oui-dà 
0  ce  bon  tems-lA  l  » 

Petite  fille  est  jouvencelle, 
Elle  s'en  va  toujours  aux  champs  : 
«  Quand  j'aurai  mari,  ce  dit-elle, 
On  ne  m'enverra  plus  aux  champs, 
Oui-dà, 
0  ce  bon  tems-là  !  » 

Voici  l'anneau  des  fiançailles. 
Elle  s'en  va  t(»ujours  aux  champs  : 
tt  Vienne  le  jour  des  relevailles, 
On  ne  m'enverra  plus  aux  champs, 
Oui-dà, 
0  ce  bon  tems-lA  !  »> 

L'épouse  est  mère  devenue, 
Elle  s'en  va  toujours  aux  champs  : 
«  Quand  je  serai  vieille  chenue, 
On  ne  m'enverra  plus  aux  champs, 
Oui-dà, 
0  ce  bon  tems-là  I  » 

La  vieille  n'est  pas  sur  sa  porte, 
Pluie  et  vent  pleurent  dans  les  champs  ; 
La  vieille  ud  jour  s'est  Taite  morte, 
Et  puis  on  l'a  portée  aux  champs, 
Oui-dà, 
0  ce  bon  tems-là  ! 


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RBVri?    DES   TRADITIONS  POPULAIRES  29o 

XLI 

l'herbe  o*oldli 

Par  delà  le  ruisseau 
Je  sais  une  coliioef 
Au  penchant  du  coteau 
Je  sais  une  herbe  fine  ; 
Une  herbe  pâle  et  grise, 
Et  qui  m^le  ses  brins 
Parmi  les  angéliques. 
Parmi  les  romarins, 

La  brebis  en  broutant 
A  mangé  de  cette  herbe, 
La  tourlre  en  voletant 
A  becqueté  sa  graine. 
Maintenant  brebiettes 
Oublient  les  blancs  agneaux. 
Maintenant  tourterelles 
Oublient  leurs  tourtereaux. 

Allez,  ma  mère,  allez, 
Montez  sur  la  montagne, 
Allez  vite  et  cueillez 
La  fleur  de  Therbe  p&le  ; 
Faites-en  un  breuvage, 
Je  vous  dirai  pourquoi  : 
Quand  j'aurai  rendu  Tâme, 
Buvez,  oubliez-moi. 

Mais  moi,  j'en  boirais  bien 

Des  coups,^des  coups^sans  nombre. 

Tout  autant  qull  en  tient 

Dedans  la  mer  pro ronde  : 

La  blonde  à  qui  je  songe 

Et  pour  qui  je  m'en  vas, 

La  folle  fille  blonde, 

Je  ne  Toublierai  pas  ! 


George  Doncieux. 


(Extrait  de  Vidée  libre,  février  iS9o). 


La  première  pièce  est  faite  sur  un  thème  recueilli  dans  un  village  du  Niver- 
nais; la  seconde  inspirée  d'une  chanson  grecque.  Elles  ont  été  mises  en  musique, 
l'une  par  M.  G.  Dubreuiih,  l'autre  par  notre  collaborateur  M.  J.  Tiersot. 


v^m0^0*f*t^0*t*t*f^kf*tv^té^^t0t^t0t0*0*^^^ 


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âfM)  kfiVlJE    DE8    TRADtTfOXS   t^^PtlLAIftCS 


LES  ORDALIES 


XVIIÏ 

PAR    LE    CALICE    D'ÉPREUVE 

à)  chez  les  Juifs 

E  chapitre  V  des  Nombres  décrit  ainsi  l'épreuve  que  la  femme 
soupçoiiaée  d'infidélité,  mais  contre  laquelle  il  n'existait  au- 
cune preuve,  avait  à  subir  ;  «  Si  cette  femme  a  péché,  mépri- 
sant son  mari,  et  dormi  avec  un  autre  homme,  s'il  ne  peut  la 
surprendre,  si  l'adultère  reste  caché,  si  Ton  ne  peut  l'accuser 
par  témoins,  pour  ne  l'avoir  surprise  pendant  le  péché;  si  Tesprit  de 
jalousie  excite  un  mari  contre  sa  femme,  soit  qu'elle  ait  été  souillée, 
soit  qu'elle  soit  l'objet  de  faux  soupçons,  le  mari  l'amènera  au 
prêtre,  fera  une  offrande  pour  elle,  la  dixième  partie  d'une  mesure 
de  farine  d'orge,  il  ne  répandra  pas  d'huile  sur  elle  et  ne  placera 
pas  d'encens  sur  elle,  car  la  jalousie  est  la  cause  de  ce  sacrifice  qui 
a  pour  but  de  rechercher  l'adultère.  Le  prêtre  l'offrira  au  Seigneur 
et  la  placera  devant  lui;  il  prendra  de  l'eau  sainte  dans  un  vase 
d'argile  et  y  mettra  un  peu  de  la  terre  du  sol  du  tabernacle.  Quand 
la  femme  se  tiendra  en  présence  du  Seigneur,  le  prêtre  découvrira 
sa  tête,  placera  sur  ses  mains  le  sacrifice  du  souvenir  et  l'offrande 
de  la  jalousie,  lui-même  tiendra  des  eaux  très  amères  où  il  entassera 
les  malédictions  avec  l'exécration.  Il  adjurera  la  femme  en  ces  ter- 
mes :  Si  aucun  étranger  n'a  dormi  avec  toi,  si  tu  n'as  pas  souillé  le 
lit  conjugal^  ces  eaux  très  amères  où  j'ai  entassé  les  malédictions 
ne  te  nuiront  pas.  Mais  si  tu  t'es  séparée  de  ton  mari,  si  tu  as 
été  souillée,  si  tu  as  couché  avec  un  autre  homme,  tu  seras  soumise 
à  ces  malédictions.  Que  le  Seigneur  Dieu  te  maudisse  et  fasse  de  toi 
un  exemple  pour  son  peuple:  qu'il  fasse  pourrir  ta  jambe  et  que 
ton  ventre  gonflé  éclate.  Que  les  eaux  maudites  entrent  dans  ton 
ventre,  et  que  celui-ci  se  gonQant,  ta  jambe  pourrisse.  La  femme 
répondra  :  Ainsi  soit-il,  ainsi  soit-il.  Le  prêtre  écrira  sur  un  billet 
ces  malédictions  et  les  effacera  avec  l'eau  amère  où  il  a  entassé  les 

1 .  Suite,  voir  t.  XÎI,  p.  16. 


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RBVUB  DSS  TRADlTlONe  POPULAIRES  ^97 

iôiprécàiions  et  les  lui  donnera  à  boire.  Quand  elle  aura  l)u,  le 
prêtre  prendra  de  ses  mains  le  sacrifice  de  jalousie,  relèvera 
devant  le  Seigneur  et  la  placera  sur  Tautel  :  auparavant,  il  prendra 
un  peu  de  ce  qui  est  offert  et  le  brûlera  sur  lautel  :  qu'il  donne 
ainsi  à  la  femme  à  boire  les  eaux  amères.  Quand  elle  aura  bu,  si  elle 
est  souillée  et  coupable  d'adultère  pour  avoir  méprisé  son  mari, 
Teau  de  malédiction  passera  en  elle,  son  ventre  enflera^  sa  jambe 
pourrira  :  elle  sera  maudite  et  en  exemple  à  tout  le  peuple.  Si  elle 
n'a  pas  été  souillée,  elle  n'éprouvera  aucun  mal  »  *. 


h)  chez  les  Coptes 

Antérieurement  au  XVIP  siècle,  les  Coptes  avaient  adopté  cette 
ordalie,  comme  on  le  voit  dans  la  description  que  nous  en  a  laissée 
Vansleb  : 

«  Anciennement,  le  calice  de  Soupçon  était  encore  en  usage  chez 
eux  lorsque  le  mari  doutoit  de  la  fidélité  de  sa  femme. 

«  Voici  de  quelle  manière  ils  le  préparoient  : 

«  Le  Prêtre  meltoit  dans  un  pot  de  terre  de  l'eau  soufifrée,  la  mê- 
lant avec  de  la  poussière  qu'il  prenoit  d'un  des  endroits  de  l'Autel 
ou  des  coins  du  Heikel  (sanctuaire).  Il  découvroitla  tête  de  la  femme 
soupçonnée,  il  la  fesoit  jurer  par  la  vertu  du  Heikel  et  par  la  des- 
cenle  du  Saint-Esprit,  qui  y  opère  les  mystères,  de  dire  la  vérité,  si 
quelqu'autre  que  son  mari  a  voit  eu  commerce  avec  elle,  ou  non  ? 
il  lui  disoit  encore  qu'en  cas  qu'elle  fût  innocente,  cette  eau  ne  lui 
feroit  aucun  mai;  mais  que  si  elle  étoit  coupable  et  qu'elle  jurât 
faussement,  cette  eau  ruineroit  son  ventre  et  tout  son  corps,  et  que 
la  malédiction  de  Dieu  tomberoit  sur  elle. 

«  Voici  les  cérémonies  qu'on  observoit  lorsqu'on  donnoit  cette  eau 
à  boire  à  la  femme  soupçonnée  : 

w  Le  mari  alloit  auparavant  trouver  l'Evêque,  ou  le  Curé,  et  lui 
déclaroit  le  soupçon  qu'il  avoit  de  sa  femme.  Alors  l'Evêque  l'exhor- 
loil  de  prendre  garde  de  ne  rien  faire  par  haine,  ou  par  légèreté;  et 
si  après  cette  exhortation  II  persistoit  encore  à  demander  cette 
épreuve,  l'Evêque  les  obligeoit  tous  deux  de  se  laver  et  de  jeûner  au 
pain  et  à  l'eau  trois  jours  de  suite  ;  et  le  quatrième  jour  il  alloit  avec 
trois  autres  prêtres,  trois  séculiers,  et  trois  femmes  à  l'EgLse  et  ils 
se  présentoient  devant  la  Heikel,  oCi  l'on  fesoit  allumer  une  lampe 
seulement;  puis  on  dépouilloit  l'autel  tout  nud,  et  on  mettoit  des- 

1.  Nombres,  V,  v.  l»-28. 


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298 


REVCB  DES  TRADITIONS  POPULAIRES 


SUS  les  quatre  Evangiles;  et  cela  étant  fait,  TEvêque  demandoît  à  la 
femme  si  elle  étoit  innocente  ou  non;  et  si  elle  répondoit  qu'elle 
étoit  innocente,  alors  il  découvroit  la  tête  du  mari  et  de  la  femme; 
il  haussoit  le  voile  du  Heikel  jusqu'à  la  moitié,  il  prenoit  le  pot  plein 
d'eau,  il  commençoit  les  Prières,  il  lisoit  le  5*  Chapitre  du  livre  des 
Nombres  jusqu'à  la  fin,  et  pendant  qu'on  disoit  cent  fois  le  Kyrie 
eleison,  il  mettoit  de  la  poussière  du  Heikel  dans  le  pot,  avec  quel- 
ques gouttes  d'huile  dans  la  lampe,  et  il  falloit  que  la  femme  bût 
une  partie  de  cette  eau,  et  si  elle  étoit  coupable,  on  le  connoissoit 
aussi  tôt,  en  ce  qu'elle  commençoit  à  sentir  des  douleurs  dans  le 
ventre  qui  n'étoîent  pas  concevables.  Mais  aujourd'hui  (1672),  ils 
n'observent  plus  cette  cérémonie  »  *. 

René  Basset. 


»»^M»^WMM^VMMW»/W^^V^ 


COUTUMES  SCOLAIRES 


X 

l'jiabit  neuf 

Une  coutume  assez  générale  existe  parmi  les  collégiens. 

Lorsque  l'un  d'eux  met  pour  la  première  fois  un  habit  neuf,  ses 
camarades  le  frappent  à  coup  redoublés  sous  prétexte  de  «  rabattre 
les  coutures  »  (Collège  de  la  paix,  à  Namur). 

Alfred  Harou. 

1.  Vangleb,  Histoire  de  VEglise  d'Alexandrie,  Paris,  1677.  in-12,  p.  107-109. 

2.  Cf.  le  t.  Vil  p.  74,  le  t.  X,  p.  201. 


M^ëimm, 


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RRVIÎR   DES  TBAOmOiSS    POPtLAIRES  *       299 


CONTES  DE  LA  HAUTE-BRETAGNE 

Contes  comiques 


LE  HAUSSE  (JR 

L  y  avait  une  fois  un  homme  qui  ne  savait  comment  gagner 
sa  vie.  Comme  il  était  bon  farceur,  et  qu'il  avait  la  langue 
bien  pendue,  il  résolut  de  parcourir  les  campagnes  et  de 
tromper  les  diots  (sots). 
Un  jour  il  passa  sous  les  fenêtres  d'un  château  en  criant  : 

—  C'est  moi  qui  les  hausse,  qui  les  baisse,  qui  les  laisse 
de  même  I  La  dame  du  château  dit  à  sa  servante  : 

—  J'aurais  bien  besoin  d'être  haussée,  moi  qui  suis  si 
petite. 

—  Et  moi  aussi,  dit  la  servante.  Faut-il  l'appeler  ? 

—  Oui. 

L'homme  fut  introduit  dans  la  chambre  de  la  dame^  qui  lui  dit  : 

—  Est-ce  que  vous  haussez  les  gens  ? 

—  Oui,  je  les  hausse  suivant  la  somme  qu'ils  me  donnent. 

—  Combien  me  prendriez-vous  pour  me  grandir  de  ceci  ?  deman- 
da-t-elle. 

—  Deux  mille  francs. 

—  Je  ne  vous  donnerai  pas  tant,  moi,  dit  la  servante  ;  je  n'ai  que 
cent  écus. 

—  Ah  I  répondit-il,  je  vous  hausserai  tout  de  même,  mais  pas  tant 
que  votre  maîtresse.  Avez-vous,  dit-il,  un  veau  né  de  ce  matin  ? 

—  Oui. 

—  Allez  lui  couper  la  queue  et  apportez-la  ici. 

La  servante  apporta  la  queue  au  hausseur  qui  fit  asseoir  la  dame 
sur  une  chaise,  et  lui  plaça  la  queue  sur  la  tête,  en  lui  recomman- 
dant de  rester  vingt-quatre  heures  sans  bouger. 

11  mit  un  œuf  pondu  le  matin  sur  la  têle  de  la  servante,  en  apla- 
tissant un  peu  le  bout,  et  lui  dit  de  rester  aussi  sur  sa  chaise  vingt- 
quatre  heures  sans  bouger.  Il  leur  dit  alors  qu'il  allait  au  jardin 
chercher  les  plantes  nécessaires  pour  achever  l'opération  ;  mais  il 
se  hâta  de  détaler. 


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300  REvre  des  traditions  populaires 

Quand  le  maître  du  chÀteau  rentra  et  qu'il  vit  sa  femme  et  sa 
servante  si  drôlement  arrangées,  il  se  fît  tout  raconter,  et  il  les  traita 
de  sottes.  Il  ordonna  de  préparer  bien  vite  un  cheval  et  une  voiture 
pour  poursuivre  le  voleur. 

Il  laperçut  de  loin  qui  marchait  bon  pas,  mais  lui^  qui  Tavait 
aussi  vu,  monta  sur  la  couverture  d*un  moulin  dont  le  meunier 
était  absent,  et  se  mit  à  arracher  les  ardoises.  Le  monsieur  lui 
demanda  s*ii  n*avHit  pas  vu  passer  un  homme  par  là. 

—  Oui,  répondit-il,  il  ne  doit  pas  être  bien  loin.  Je  suis  à  ma  jour- 
née à  arracher  des  ardoises,  si  vous  voulez  monter  les  arracher  à 
ma  place  pendant  quelque  temps,  je  vous  le  ramènerai. 

Le  monsieur  y  consentit  ;  le  hausseur  monta  dans  la  voiture,  et 
partit  au  triple  galop.  Bientôt  le  meunier  arriva. 

—  Que  faites-vous  là  ?  demanda-t-il  ;  qui  vous  a  permis  de  décou- 
vrir mon  moulin  ? 

—  Je  remplace  un  ouvrier  qui  vient  de  partir. 

—  Je  n'ai  dit  à  personne  d'enlever  mes  ardoises  ;  aussi  vous  me 
paierez  la  réparation. 

Le  monsieur  vit  bien  que  c'était  le  hausseur  qui  lui  avait  joué  ce 
tour,  et  il  s'en  alla  tout  penaud  à  la  maison. 

{Conté  en  i  SH3  par  Alexis  Leparc,  du  Gouray,  âgé  de  i7  an$]. 

II 

L  ANE  OUI  DANSE 

Il  y  avait  une  fois  à  Saint-Malo  des  charpentiers  qui  travaillaient 
Si  un  navire.  Us  virent  passer  une  bonne  femme  qui  conduisait  un 
àne  chargé  de  pots  de  lait  qu'elle  allait  vendre  au  marché. 

Un  des  ouvriers  s'approcha  d'elle  et  lui  dit; 

—  Y  a-t-il  moyen,  la  mère,  de  dire  deux  mots  à  l'oreille  de  votre 
âne? 

—  Oui,  répondit-elle,  vous  pourrez  même  en  dire  dix  si  vous 
voulez. 

Le  charpentier  fit  mine  de  parler  à  Tàne  et  lui  laissa  tomber  du 
vif-argent  dans  Toreille.  L'àne  se  mit  à  danser  et  à  se  rouler  pour 
gagner,  comme  on  dit  Tavoine,  et  tous  les  pots  de  lait  furent  perdus. 

La  bonne  femme  fit  assigner  l'ouvrier  devant  le  juge  de  paix. 

—  Pourquoi,  demanda-t-il,  avez-vous  dit  deux  mots  à  Toreille  de 
cet  àne  ? 

—  Parce  que,  monsieur  le  juge  de  paix,  j'en  avais  la  permission. 

—  Que  lui  avez-vous  dit  ? 


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RKVUE    DES  TRADITIONS   rOl>ULAIilE8  301 

-—  Je  lui  ai  dil  que  tous  ses  parents  étaient  morts,  et  qu'il  étai^ 
leur  seul  héritier.  C'est  pour  cela  qu'il  s'est  mis  à  danser  de  joie. 

Tous  ceux  qui  étaient  là  se  mirent  à  rire,  et  même  la  bonuQ 
femme,  qui  demanda  au  charpentier  : 

—  Est  ce  bien  vrai  que  mon  âne  héritera  de  ses  parents? 

—  Oui,  c'est  bien  vrai. 

—  Sont-ils  riches? 

—  Oui,  ils  ont  laissé,  outre  leurs  pâtures,  cent  mille  francs  en  or. 
La  bonne  femme  qui  crut  que  cela  était  vrai,  s'en  retourna  bien 

contente,  sans  demander  le  prix  de  son  lait. 

{Conté  en  (882^  par  François  Marquer  de  Saint-Casi). 


III 

JEAN  SANS  PEUR 

Jean  Sans  Peur  était  fils  d'un  bedeau,  et  tous  les  matins  à  cinq- 
heures,  il  allait  sonner  l'Angelus.  Son  père  se  dît  : 

—  n  faudra  que  je  tâche  de  lui  faire  peur. 

Il  habilla  trois  bonshommes  de  paille,  et  alla  les  placer  dans  le 
clocher.  Quand  Jean  Sans  Peur  arriva  le  matin  pour  sonner  les 
cloches,  il  vit  un  bonhomme  qui  avait  le  pied  sur  la  première 
marche. 

—  Monte,  lui  cria  Jean  Sans  Peur. 

—  Tu  ne  veux  pas  monter,  répéta-t-il.  Et  ne  recevant  pas  de 
réponse,  il  lui  donna  un  grand  coup  de  pied  qui  le  renversa. 

Un  peu  plus  haut,  il  vit  un  autre  bonhomme  dans  l'escalier  : 

—  Veux-tu  monter!  cria  Jean  Sans  Peur. 

—  Monte  donc  1  Ah  !  tu  ne  veux  pas  ;  je  vais  t  aider. 

Il  le  renversa  à  son  tour,  et  quand  il  arriva  au  lieu  où  étaient  les 
cloches,  il  vit  un  troisième  bonhomme  qui  tenait  la  corde  de  la 
cloche  comme  s*il  avait  été  prêt  à  sonner. 

—  Sonne,  lui  dit  Jean  Sans  Peur. 

—  Sonne  donc,  répéta-t-il.  Ah  !  tu  ne  veux  pas  sonner  !  je  vais  te 
tirer  de  là. 

II  le  renversa  comme  les  autres  d'un  coup  de  pied,  puis  il  se  mita 
sonner  TAngelus,  et  sa  besogne  faite,  il  retourna  chez  son  père  et 
lui  dit: 

—  Vous  avez  voulu  me  faire  peur,  mais  vous  n'y  avez  pas  réussi. 
Son  père  lui  donna  de  l'argent  tout  plein  ses  poches^  et  Jean  Sans 
Peur  s'en  alla  par  la  for^t.  Mais  depuis  qu'il  avait  de  l'argent,  il 


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302  RBV(JE    DES   TRADITIONS   POPULAIRES 

n  était  plus  le  même  :  à  chaque  feuille  qui  craquait  sous  ses  pieds^  î 
croyait  voir  un  voleur.  Ce  qui  fait  que  Jeaa  Sans  Peur,  eut  tout  de 
même  peur. 

(Conlc  en  1 880^  par  Jean-Louis  Roussel^  (TEvcé,) 


LE  PÈRE  BERNARD 

Le  père  Bernard  était  un  bonhomme  qui  allait  chercher  son  pain 
Il  arriva  dans  une  ferme  et  demanda  à  coucher  pour  la  nuit  : 

comme  il  n'y  avait  pas  de  place  dans  les  lits  et  qu'il  faisait  froid,  on 

lui  dit  d  aller  coucher  dans  le  four,  il  s'y  blottit  et  s'endormit. 
Le  lendemain,  le  fermier,  qui  ne  savait  pas  que  le  père  Bernard 

était  là,  remplit  le  four  de  fascines  et  y  mit  le  feu,  puis  il  revint  à  la 

maison  dire  que  le  four  était  chaud. 

—  Ah  !  malheureux,  s'écria  sa  femme,  tu  as  mis  le  feu  dans  le  four  ! 
tu  ne  sais  donc  pas  que  le  père  Bernard  y  était  couché  ? 

—  Non,  dit-il,  tu  ne  m'en  avais  pas  prévenu. 

—  Jésus  !  dit  la  fermière,  nous  voilà  dans  de  beaux  draps  ! 
qu'allons-nous  faire  du  père  Bernard  ?  Il  faut  aller  demander  au 
bedeau,  qui  est  un  malin,  s'il  peut  noi*s  tirer  d'embarras. 

Quand  le  bedeau  ouït  le  cas,  il  dit  : 

—  Je  veux  bien  vous  aider,  mais  il  ne  sera  pas  facile  de  vous 
débarrasser  du  bonhomme. 

—  Combien  voulez-vous  pour  votre  peine  ? 

—  Deux  cents  francs. 

—  Deux  cents  francs,  soit. 

A  la  nuit,  il  prit  le  cadavre  du  père  Bernard  sur  son  dos  et  alla  le 
placer  à  la  porte  du  presbytère,  contre  laquelle  il  l'appuya;  il  alla 
ensuite  au  clocher,  fit  sonner  deux  ou  trois  fois  la  cloche  et  s'en 
riGtourna  chez  lui. 

Quand  le  prêtre  entendit  le  son  des  cloches,  il  se  hâta  de  se  lever 
en  pensant  qu'il  était  arrivé  quelque  chose,  et  au  moment  où  il 
ouvrit  la  porte,  le  père  Bernard  tomba  dans  la  place,  et  quand  il 
voulut  le  relever,  il  s'aperçut  qu'il  était  mort. 

Il  courut  réveiller  sa  servante  et  lui  dit  : 

—  Nous  voici  dans  de  belles  affaires  :  le  père  Bernard  est  mort 
cette  nuit  à  la  porte  ;  si  en  le  sait,  on  ne  manquera  pas  de  dire  qu'on 
Ta  laissé  mourir  de  faim  devant  le  presbytère.  Que  faire  de  son 
cadavre?  Il  faut  aller  chercher  le  bedeau  qui  nous  en  débarrassera 
sans  doute,  car  il  est  bien  malin. 


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HKVUE    DCS   TRADITIONS    POPULAIRES  303 

Le  bedeau  venu,  on  lui  conta  Taffaire  qu'il  écoula  d*un  air  soucieux  : 

—  Ah  !  dit-il,  je  ne  sais  pas  comment  faire  ;  c'est  un  cas  très- 
embarrassant. 

—  A  tout  prix,  dit  le  recteur,  il  faut  que  vous  nous  tiriez  de  ce 
mauvais  pas. 

—  Si  vous  voulez  me  donner  quatre  cents  francs,  je  me  charge 
de  tout. 

La  somme  lui  fut  comptée,  et  la  nuit  suivante,  il  chargea  le  père 
Bernard  sur  ses  épaules,  et  alla  le  planter  debout  à  la  porte  du 
couvent.  Au  matin  la  supérieure  ouvrit  la  porte  et  le  père  Bernard 
lui  tomba  dans  les  bras. 

—  Ah  !  s'écria-t-elle,  nous  voici  bien  prises  :  si  on  sait  que  le  père 
Bernard  est  mort  à  la  porte  du  couvent,  tout  le  monde  va  dire  que 
nous  lui  avons  refusé  assistance  II  faut  allef  chercher  le  bedeau  ;  il 
n'y  a  que  lui  qui  puisse  nous  éviter  cle  fâcheux  propos. 

Le  bedeau  arriva,  et  quand  on  lui  eut  conté  Taffaire^  U  se  gratta 
l'oreille  et  dit  : 

—  Mais  ma  sœur,  si  je  vous  aide,  je  me  mettrai  dans  un  mauvais 
cas,  aussi  moi. 

—  Demandez-moi  ce  que  vous  voudrez,  vous  Taurez. 

—  Si  vous  pouvez  me  procurer  un  cheval  borgne  et  me  donner 
huit  cents  francs,  je  trouverai  moyen  de  faire  sortir  le  père  Bernard 
d'ici  sans  qu'on  le  sache. 

—  Voici  huit  cents  francs,  dit  la  supérieure,  mais  chargez-vous  du 
cheval  borgne. 

Le  bedeau  prit  un  vieux  cheval  aveugle,  attacha  sur  son  dos  le 
cadavre  du  père  Bernard,  et  au  point  du  jour  il  alla  mener  le  cheval 
au  coin  d'une  rue  où  des  marchands  avaient  étendu  par  terre  de  la 
poterie  et  de  la  vaisselle  ;  il  lui  donna  un  coup  de  fouet,  elle  cheval 
se  mit  à  courir^  cassant  les  pots  et  les  écuelles,  et  faisant  des  dégâts 
pour  bien  de  l'argent. 

Les  marchands,  à  cette  vue,  coururent  en  colère  après  le  père 
Bernard,  qu'ils  frappèrent  à  toute  volée  de  coups  de  bâton,  puis 
quand  ils  virent  qu'ils  ne  bougeait  plus,  ils  crurent  l'avoir  tué.  lisse 
sauvèrent  chacun  de  son  côté,  laissant  le  père  Bernard,  et  je  ne 
sais  pas  s'il  y  est  encore  '. 

(Conté  par  Elisa  Durand,  de  Saint-Cast,  18  79.) 

Paul  Sébillot, 

1.  Ce  conte  présente  plusieurs  épisodes  qui  rappeUenfc  celui  intitulé  :  O'un 
vieux  cheval  et  d'une  vieUle  fetnme.  Contes  populaires  de  la  Haute-Bretagne,  l, 
n,  36. 


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3fti  REVUE    DES   TRADITIONS    POPLLAJRES 


LKS  METIERS  ET  LES  PROFESSIONS 


LXXV 

LES  CHARPENTIERS  DANS  LA  CROYANCE  POPULAIRE  RUTBÈNE 

ANS  un  article  bien  intéressant  de  la  revue 
rulhène  «  Jyiié  i  slovo  »  de  1896,  un  jeune 
folk-loriste,  M.  Zoubrytzwi  publie  des  ma- 
tériaux très  curieux  sur  les  charpentiers. 
I  Ils  ont  été  recueillis  dans  le  district  de 
'  Stare  Miasto  aux  Carpathes  (Galicie);  nous 
les  traduisons  en  entier  en  les  arrangeant 
cependant  d'une  façon  plus  systématique  et 
en  rejetant  plusieurs  iutercalations  super- 
flues. 

Quand  on  abat  un  arbre  pour  une  maison,  on  regarde  s*il  ne  porte 
pas  quelque  part  des  branches  qui  d'abord  horizontales  deviennent 
ensuite  verticales  et  forment  ainsi  comme  un  autre  sommet.  Dans 
ce  cas-là  on  les  coupe  et  on  les  rejette,  car  elles  rendent  impur  le 
tronc.  Dans  une  maison  dont  les  parois  ou  le  plancher  contien- 
nent de  telles  branches,  il  craque  toujours  et  cela  annonce  la  mort 
ou  un  malheur  prochain. 

Ce  n'est  pas  un  bon  signe  non  plus,  si  le  premier  arbre  abattu  s'ar- 
rête en  tombant  sur  le  tronc  d'un  autre  encore  intact.  Si  on  s'en  sert 
tout  de  même,  la  maison  brûlera  tôt  ou  tard. 

Mais  voilà  déjà  les  arbres  par  terre  près  de  la  place  ofi  s'élèvera  le 
bâtiment.  On  commence  à  les  façonner.  Le  premier  copeau  tombe 
du  côté  recouvert  de  Técorce.  Alors  quelqu'un  mourra.  S'il  tombe 
par  l'autre  côté,  on  célébrera  bientôt  une  noce.  Si  la  hache  donne 
du  feu  au  premier  coup,  on  brûlera.  On  jette  ensuite  les  fondements, 
mais  ceux-ci  sont  rarement  en  pierre.  Car  on  craint  que  la  vie  de.s 
habitants  futurs  ne  soit  fort  dure.  Quelquefois  on  fait  dire  oe  jour  là 
une  messe.  A  tous  les  quatre  angles  on  met  souvent  un  quart  d'un 
kreuzer  et  un  fil  de  soie  noire.  Alors  la  misère  ne  s'approchera  pas 
de  la  maison  et  le  bétail  noir  s'élèvera  bien.  A  Zaroudié  on  met  aussi 
du  mercure  —  pour  que  tout  augmente  —  du  plomb,  de  la  vinca,  de 
l'avoine,  du  sel,  de  l'arbre  blanc  et  du  charbon,  ces  deux  dernières 
choses,  pour  que  louf  bétail,  le  blanc  et  le  noir,  se  porte  bien.  Au 
milieu  de  la  maison  on  plante  dans  le  sol  une  croix  de  saule.  Cielte 


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REVUE  DES    TRADITIONS   POPULAIRES  305 

coutume  s'observe  aussi  quand  on  bâtit  un  enclos  pour  les  brebis: 
aux  champs. 

Après  cela  on  continue  les  travaux.  En  érigeant  les  parois  il  faut 
faire  attention  à  ce  que  le  bas  et  le  haut  des  planches  qui  les  compo- 
sent correspondent  au  bas  et  au  haut  des  arbres  dont  elles  sont  faites  '. 
«  Qu'on  mette,  monsieur  le  curé,  le  bois  comme  il  croît  à  la  forél  v 
disait  le  charpentier  de  Rybotytché  en  bâtissant  la  maison  de  Babyne 
Maintenant  encore  on  fait  attention  aux  premiers  copeaux.  S'ils  tom- 
bent en  dehors  de  la  maison  commencée  il  y  aura  mort  ou  perte,  si 
en  dedans,  noce. 

Quand  le  bâitimenl  est  élevé,  il  faut  éviter  d'y  ajouter  quelque 
chose  du  côté  du  nord. 

Aussi  est-il  à  craindre  qu'il  n'y  ait  des  punaises,  si  le  charpentier 
a  commis  Timprudence  de  cracher  dans  ses  mains  en  commençant 
le  travail.  Pour  les  chasser  il  faudrait  se  déshabiller  la  veille  d'un 
jour  où  on  veut  se  rendre  au  pardon,  courir  autour  de  la  maison  et 
demander  du  dehors  par  la  fenêtre  ouverte  :  Les  cousines  sont-elles 
chez  elles.  De  l'intérieur  on  répond  :  Non,  elles  sont  parties  au  par- 
don de  Lypi  i  ou  autre  part. 

Dans  les  pratiques  énumérées  ci-dessus,  le  charpentier  joue  un 
wle  peu  important.  Ce  n*est  qu'un  personnage  superstitieux.  Mais 
voilà  des  faits  qui  démontrent  qu'il  est  quelc^e  chose  de  plus. 

Paul  Goudze,  chantre  et  écrivain  public  au  village  de  Ploskié,  se 
faisait  élever  une  maison.  Le  charpentier  allait  commencer  le  plafond, 
quand  soudain  il  s'adressa  à  Paul,  a  Voulez-vous,  lui  demanda-t-il, 
avoir  une  perte  maintenant  ou  plus  tard.  Maintenant  elle  ne  sera 
pas  grande.  Donnez-moi  un  quart  de  litre  d'eau-de-vie  ». 

Paul  ne  voulait  pas  entendre  parler  de  cela,  mais  sa  femme  épou- 
vantée éclata  en  sanglots  et  il  consentit  à  donner  au  charpentier  ce 
qu'il  désirait  en  y  ajoutant  encore  dix  à  douze  œufs.  Le  «  maître  » 
ne  toucha  pas  à  la  boisson.  Il  souffla  dans  la  bouteille  qui  la  conte- 
nait, la  recouvrit  de  sa  main  et  recula  ensuite.  Au  bout  de  quelques 
secondes  la  bouteille  éclata  en  plusieurs  parties  et  dans  Tétable  un 
veau  sursauta  et  périt.  »  {Raconté  par  Fedio  Goudze  à  Mchanelzi^  le 
le  7  juillet  1891). 

Donc,  le  charpentier  non  seulement  sait  ce  qui  arrivera  aux  gens 
pour  lesquels  il  travaille^  mais  encore  il  peut  conjurer  le  danger 
qu'ils  courent. 

Voilà  un  cas  qui  prouve  la  science  de  l'avenir  que  possèdent 
ces  artisans.  Bien  que  M.  Zoubrytzki  (souvent  très  obscur)  ne  Tait 

1.  Cf.  une  croyance  japonaise  analogue,  t.  III,  p.  t42. 

TOME  XI.  —  JUIN   1896.  20 


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306  REVUE    DES    TltADITlONS    POI*LLAIUES 

pas  trop  précisé,  je  crois  'qu'il  appartient  à  la  catégorie  précitée. 

C'était  un  juif  pour  lequel  on  construisait  une  cabane.  Justement 
était  arrivée  la  voiture  chargée  de  bois  dans  ce  but,  mais  le  charpen- 
tier ne  savai*,  où  la  faire  entrer,  car  la  place  où  devait  s'élever  la 
hutte  était  entourée  d'une  haie.  «  Enlevez  la  haie  ici  a,  luiditHryt- 
zouna,  un  paysan  qui  passait  parla.  Le  charpentier  le  regarda  d'un 
air  craintif.  Ici?  enlîn  comme  vous  voudrez.  Hrytzouna  partit  et 
quelques  jours  plus  tard  il  décéda. 

Il  est  possible  que  le  charpentier  sût  qu  à  celui  qui  lui  conseillait 
de  faire  quelque  chose  d'un  certain  côté,  devait  arriver  un  malheur. 
Il  essayait  de  s'y  opposer,  mais  il  céda  finalement.  Peut-être  y  aurait- 
il  une  autre  explication  populaire  de  ce  fait  (p.  e.  une  rencontre  mal- 
heureuse), mais  M.  Zoubrytzki  ne  précise  pas  davantage. 

En  commençant  la  maison  le  charpentier  fait  une  incision  «  sur 
les  hommes  »  ou  «  9ur  le  bétail  »,  pour  que  rien  de  mauvais  ne  lui 
arrive.  A  Mykhniouka  le  charpentier  qui  coupa  chez  le  curé  la  fenê- 
tre dans  une  paroi  qui  en  était  dépourvue,  fit  trois  incisions  en  pro- 
nonçant :  C'est  sur  le  curé  ;  c'est  sur  sa  femme  (les  prêtres  ruthènes 
catholiques  grecs  se  marient)  ;  c'est  sur  ses  enfants.  Au  même  vil- 
lage il  tint  la  hache  pendant  quelques  moments  le  tranchant  tourné 
vers  sa  face.  A  Bystré  il  a  jeté  (probablement  au  commencement, 
bien  que  l'auteur  n'en  aise  rien)  sa  hache  hors  du  bâtiment,  et  c'est 
pourquoi  les  propriétaires  de  ce  dernier  moururent  bientôt. 

En  général  un  charpentier  doit  être  bon  ami  avec  le  diable  et  s'il 
n'en  a  pas  le  renom^  peu  de  clients  l'appellent. 

Si  un  charpentier  se  blesse,  il  sait  empêcher  le  sang  de  couler. 
Comment,  on  n'en  sait  rien.  Deux  charpentiers,  le  père  et  le  fils,  tra- 
vaillaient à  Ploskié.  Soudain  la  hache  échappa  au  dernier  et  le  blessa 
au  front  et  à  la  jambe.  Mais  il  ne  laissa  pas  le  sang  sortir.  H  avait 
appris  celle  science  chez  un  charpentier  allemand  nommé  Guillaume. 

Ce  Guillaume  fut  même  consulté  par  le  peuple  des  environs  de 
Nowe  Miasta.  Un  paysan  de  Mchanetzi  ressentit  une  douleur  violente 
au  genou.  Il  lomba  sans  pouvoir  se  relever.  Alors  on  fit  appeler 
Guillaume,  celui-ci  arriva,  ùla  son  chapeau,  s'agenouilla,  chuchota 
quelque  chose  et  le  malade  fut  guéri. 

Si  deux  charpentiers  rivaux  se  rencontrent,  on  peut  être  témoin 
d'une  lutle  curieuse.  Les  deux  sorciers  cherchent  à  se  jouer  des 
lours  bien  singuliers.  Encore  Hrytzi  avec  son  fils  travaillaient  une 
fois.  En  Tabsence  du  père  vient  le  charpentier  Rymanow  qui  jette  un 
sort  sur  le  fils,  de  sorte  que  celui-ci  ne  peut  plus  manier  la  hache. 
Arrive  Hrytzi  qui  défait  le  sort  et  se  venge,  comment?  Il  fait  tomber  le 
charpentier  de  Romanow  sur  quatre  pattes  et  le  laisse  ainsi  pen- 


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REVL'B  DBS  TRADITIONS   POPULAIRES  307 

danl  une  bonne  heure,  jusqu'à  ce  que  celui-ci  se  rachète  moyen- 
nant un  bock  de  bière. 

W.  BUGIEL. 

LXXVI 

IMrORTUNlTÉS  D£  MARCHANDS 

Marchands  d'habits  confectionnés 

A  Gand,  les  dimanches  et  les  jours  de  marché  ou  de  fêtes,  les 
boutiquiers  avoisinant  le  marché  du  vendredi  (place  de  la  Ville)  se 
tiennent  sur  le  seuil  de  leurs  portes  dès  Taube  et  engagent  les 
passants,  principalement  les  gens  de  la  campagne,  à  venir  s'appro- 
visionner chez  eux.  C'est  surtout  dans  les  magasins  d'effets 
confectionnés  que  cet  appel  aux  clients  se  fait  avec  le  plus  d'instance. 

Autrefois  les  a  meestercleerverkoopers  »  (marchands  d'habits)  em- 
ployaient d'autres  arguments  que  la  persuasion  et  l'éloquence  pour 
attirer  les  clients.  La  chasse  aux  clients  se  faisait  manu  militari. 

Malheur  au  paysan  qui  se  risquait  à  passer  devant  la  boutique  de 
Tun  deux.  Il  était  appréhendé  au  corps  et  traîné  de  gré  ou  de  force 
dans  le  magasin.  On  allait  même  si  loinque  dans  les  faubourgs  se 
trouvaient  appostés  des  individu?,  à  la  solde  des  boutiquiers,  qui 
s'emparaient  du  campagnard  dès  son  arrivée  aux  portes  de  la  ville, 
l'escortaient  et  ne  le  quittaient  que  lorsqu'ils  l'avaient  conduit  dans 
le  magasin  de  leur  patron. 

Il  y  avait  même  des  rues  où  les  paysans  n'osaient  plus  passer  de 
peur  dêtre  pris  au  collet  et  entraînés  dans  Tune  ou  Tautre  boutique 
où  on  les  dépouillait  de  leurs  vêtements  pour  leur  endosser  un 
costume  tout  flambant  neuf. 

Le  12  mars  1753,  les  échevins  de  Gand  rendirent  une  ordonnance 
par  laquelle  ils  défendaient  dorénavant  aux  «  meesterscleerverkoo- 
pers  9  de  se  livrer  aux  manœuvres  déloyales  et  aux  actes  de  violence 
visés  ci-dessus. 

{Messager  des  Sciences  historiques^  1888,  p.  231  et  suivantes). 

LXXVIÏ 

LES  PILORIS  DES  FRAUDEURS 

J'isserands 

Jadis  un  marché  aux  toiles,  se  tenait  chaque  semaine,  au  marché 
du  vendredi,  à  Gand. 


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308  UEVIJE   DES   TtlADITIONS   POPLL.UHE» 

Un  curieux  usage  consistait  à  peodre  à  la  tourelle  du  marché  les 
pièces  de  toiles  auxquelles  le  vendeur  avait  attribué  frauduleusement 
une  largeur  ou  une  qualité  qu  elles  n*avaient  pas. 

Cette  exposition  publique  était  une  peine  beaucoup  plus  eflicace 
que  la  confiscation  de  la  pièce  de  toile  inventée  au  début. 

(Messager  des  Sciences  hist,  1890,  p.  346,  347). 


LXXVIII 

LE  MEUNIER   IMPIE 

A  Aerschot  (Brabant),  sur  la  montagne  nommée  Oriasioore^  on 
remarque  un  vieux  moulin  de  pierre,  aujourd'hui  en  ruines,  et  au- 
trefois habité  par  un  impie.  A  proximité  de  cet  endroit  s'élève  un 
second  moulin,  en  activité. 

Toutes  les  nuits,  à  minuit  sonnant,  un  fantôme  blanc  sortait 
du  vieux  moulin  et  venait  frapper  à  la  porle  du  nouveau  moulin. 

Le  meunier  n'avait  garde  d'ouvrir  sa  porte,  car  le  fantôme  était 
menaçant;  il  aurait  sûrement  fait  un  mauvais  parti  à  son  confrère. 

Maintes  fois  le  spectre  a  essuyé  des  coups  de  feu,  sans  en  être 
autrement  incommodé. 

Les  gens  de  l'endroit  assurent  que  c'est  en  punition  de  son  im- 
piété que  le  meunier  apparaît  chaque  nuit  sur  la  terre  pour  y  subir 
de  mauvais  traitements;  ils  ajoutent  encore  que  c'est  pour  servir 
d'exemple  au  nouveau  meunier  et  l'engager  à  ne  pas  falsifier  ses 
farines  que  Dieu  opère  ce  miracle. 

[Recueilli  de  la  bouche  du  nommé  Van  Syngel], 

LXXIX 

LE  TAILLEUR  FACÉTIEUX 

Douze  gais  compagnons  avaient  commandé  chez  un  tailleur  douze 
costumes  de  diable  qu'ils  devaient  revêtir  certain  soir  dans  le  but  de 
se  gausser  de  la  crédulité  populaire. 

Revêtus  de  ces  costumes,  ils  devaient  faire  une  apparition  sou- 
daine dans  le  cimetière,  à  l'heure  choisie  par  les  fidèles  pour  faire 
leurs  dévotions  sur  les  tombes. 

Comme  il  fut  convenu,  il  fut  fait. 


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REVUE  DES  TRADITIONS    POPULAIRES  309 

Seulement  au  lieu  de  se  trouver  douze  au  rendez-vous,  on  comp-. 
tait  treize  diables. 

Nos  amis  se  regardèrent  avec  effroi  aussitôt  cette  constatation  faite, 
et  prirent  la  fuite  dans  toutes  les  directions,  persuadés  que  le  trei- 
zième diable,  l'intrus,  était  le  diable  en  personne. 

On  sut  plus  tard  que  le  treizième  diable  était  le  tailleur  qui  lui 
aussi  aussi  avait  voulu  s'amuser. 

[Recueilli  â  Anderlecht,  faubourg  de  Bruxelles). 

LXXIII  {suite) 

CRIMES  PROFESSIONNELS 

Le  charcutier  assassin 

Dans  le  peuple,  à  Bruxelles,  on  rapporte  que  jadis  un  homme  bien 
portant,  gros  et  gras,  avait  disparu  de  son  domicile  sans  qu  on  fût 
parvenu  à  savoir  ce  qu'il  était  devenu. 

Or  il  se  fit  qu'à  son  lit  de  mort  un  charcutier  avoua  qu'il  avait  tué 
cet  homme  et  nombre  d'autres  encore  pour  en  débiter  les  morceaux 
en  guise  de  viande  de  porc. 

Sa  charcuterie  passait  pour  la  meilleure  de  tout  Bruxelles,  elle  était 
la  plus  achalandée  et  on  recommandait  Texcellence  de  ses  produits. 

Voici  comment  ilopérait:  Lorsqu'il  trouvait  un  client  de  son  goût,  il 
l'attirait  soujs  un  prétexte  quelconque  derrière  le  comptoir,  et  d'un 
simple  coup  de  pied  faisait  manœuvrer  une  trappe  et  l'homme  tom- 
bait dans  la  cave. 

LXIV  {suite}. 
Redevances  et  pourboires 

k  Bruxelles  lorsque  quelqu'un  passe,  le  premier,  sur  le  travail  que 
viennent  d'achever  les  paveurs,  maçons,  etc.,  ceux-ci  l'entourent  et 
se  mettent  à  essuyer  ses  souliers  avec  leurs  casquettes  ou  leurs 
mouchoirs. 

Cette  ancienne  coutume  signifie  :  «  Vous  êtes  le  premier  qui  pas- 
«  sez  sur  le  travail  que  nous  venons  de  terminer,  et  cet  événement 
«  vaut  bien  une  tournée.  » 

AxFRED  Harou. 


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310  REVIJR  DES  TBilDniONS   POPtîLAlHES 

XXIV  [suite], 

LES   ENSEIGNES  SINGULIt:RES 

Au  bourg  de  Montmort  (Marne)  un  perruquier  avait  pour  enseigne 
dans  ces  dernières  années,  un  plat  à  barbe  en  cuivre  surmonté  de 
cette  inscription  : 

Ici  l'on  embellit  la  jeunesse 
Et  Ton  rajeunit  la  vieillesse. 

Dans  une  des  principales  rues  de  Lorient,  il  y  a  quelques  années 
une  boutique  de  bottier  avait  pour  enseigne  un  tableau  représen- 
tant une  paire  de  bottes  énormes  de  l'une  desquelles  sortait  le  cou 
d'une  oie,  avec  cette  légende  à  double  entente  :  «  Prenez  vos  bottes 
et  laissez  la  mon  oie  »  (laissez  la  monnoie). 

A  Reims,  un  autre  magasin  de  chaussures,  inauguré  à  Tépoque  de 
la  visite  du  shah  de  Perse  en  France  a  pour  enseigne  un  tableau 
représentant  un  chat  qui  s'escrimait  du  fleuret  contre  une  botte 
pendue  au  mur  :  Au  chat  perçant. 

A  Paris  môme,  dans  la  rue  de  Rivoli,  un  cordonnier  affiche  à  sa 
porte  une  peinture  figurant  un  lion  acharné  sur  une  paire  de  chaus- 
sures avec  cette  légende  magnifique  :  «  Tu  peux  la  déchirer,  mais 
non  pas  la  découdre.  »  * 

Ailleurs,  sur  le  quai  de  l'Hôtel-de-Ville,  c'est  un  loup  empaillé  qui 
orne  la  devanture,  ayant  une  botte  à  l'une  de  ses  pattes.  Enseigne  ; 
Au  loup  botté. 

En  maint  endroit,  le  conte  de  Perrault  a  fourni  l'enseigne  et 
Timage  de  l'Ogre  :  Aux  bottes  de  sept  lieues, 

A.  Tausserat-Radel. 

i.  Le  texte  exact  sous  une  forme  moins  concise  et  poétique^  mais  émaillé 
(l'une  faute  de  français,  est  celui-ci  :  «  Tu  pourras  la  déchirer,  mais  pour  la 
découdre,  je  te  le  défends  !  » 


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nCVrE    DKS   TRADlTTOi^S  POPULAlReS  31 1 

RITES  ET  USAGES  FUNÉRAIRES  ' 

[Seine-et-Marne] , 


XX 

DERNIERS    ADIEUX 

A  grande  sépararatîon  qui  s'appelle  la  mort  a  toujours  été 
accompagnée  de  coutumes,  qu'il  est  intéressant  pour  les  tra- 
ditionnistes  de  recueillir.  Voici  une  des  expressions  de  ce 
sympathique  souvenir  des  survivants.  Elle  a  été  observée 
dernièrement  dans  une  petite  localité  du  département  de 
Seine-et-Marne. 

Aimée  de  ses  parents,  de  ses  amies,  de  ses  voisins,  une  personne 
vient  de  mourir,  autour  du  cercueil,  c'est  une  douleur  générale. 

Le  service  va  avoir  lieu,  et  tout  le  monde  se  prépare.  La  famille 
serait  navrée  si  le  cher  entourage  n  y  assistait  pas  jusqu'à  la  fin.  — 
Et  ce  n'est  pas  seulement  pour  le  service  entier  que  l'usage  affec- 
tueux demande  la  présence  de  tous  ;  c'est  encore  pour  les  délicates 
cérémonies  qui  le  suivent,  et  qui  sont  le  plus  touchant  et  le  plus 
gracieux  final  qui  puisse  clore  des  funérailles. 

On  arrive  au  cimetière.  Là,  quand  la  bière  est  descendue  dans  la 
fosse,  l'usage  veut  que  chacun  des  intimes  jette,  sur  la  première 
pelletée  de  terre,  un  bouquet  composé  de  fleurs  prises  en  son  pro- 
pre jardin. 

Pour  l'enterrement  en  question,  et  qui  se  fit  en  mai,  l'un  des  assis- 
tants envoya  à  la  défunte  un  bouquet  des  derniers  lilas  blancs;  une 
assistante  jeta  une  poignée  de  roses  blanches  ;  une  jeune  fille,  des 
pâquerettes  blanches,  etc.,  etc. 

A  ce  moment  c'est  toujours,  comme  symbole,  le  blanc  qui  inter- 
vient. En  outre,  dans  son  bouquet  chacun  avait  introduit  une  petite 
branche  de  buis  bénit. 

Et  ce  n'est  pas  tout  :  un  dernier  mol  tombe  avec  le  dernier  don. 
En  jetant  leur  bouquet  les  jeunes,  qui  se  croient  encore  loin  de  la 
fin,  disent  :  «  Adieu  I  »  ;  les  vieux,  qui  se  sentent  près  des  limites, 
disent  :  «  Au  revoir  1  à  bientôt  !  »,  et  les  croyants  en  l'eau-delà,  qui 
prévoient  que  l'étape  n'est  qu'interrompue,  disent  :  «  Repose-toi  !  » 

F.  Fertiault. 

1.  Cf.  l.  m,  p.  45,  81,  188,  365,  599,  le  t.  IV,  p.  421,  506,  le  t.  VI,  p.  48,  628,  le 
t.  VII,  p.  225,  420,  558,  le  t.  VIIÏ,  p.  700,  le  t.  IX.  p.  250,  le  t.  X,  p.  108,  224. 


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Hi2  RKVI7IS  DR!;   TRADIttONS    PjOPlîLAIliRS 


LES  EMPREINTES  MERVEILLEUSES 


CXVl 

LA   JMERRE    DE    BELLINGKN 

la  sortie  du  village  de  Darnstaedl,  dans  la  direction  de 
Bellingen,  h  un  mille  de  Stendal,  dans  TAltmark,  en 
Prusse,  il  existe  une  pierre  grosse  comme  un  sac  de 
deux  boisseaux  de  blé  où  l'on  peut  voir  assez  pro- 
fondément imprimé  un  pied  de  cheval.  On  raconte 
que  le  mauvais  esprit  emmena  de  la,  à  cheval,  une 
cabaretière  qui  avait  juré  effroyablement,  et  ce  serait 
l'empreinte  du  sabot  du  cheval. 

D'autres  prétendentqu'ilseseraitlivrélàune  bataille  et  que  le  géné- 
ral doutant  du  succès  aurait  dit  qu'aussi  sûr  que  son  cheval  entre- 
rait dans  la  pierre,  il  remporterait  la  victoire.  Le  pied  de  sa  monture 
s*y  imprima  et  il  fut  victorieux.  La  bataille  à  laquelle  il  est  fait  allu- 
sion serait  celle  que  l'ancien  markgrave  d'Anhalt,  Albert  aurail  livré 
au  comte  Huder  *. 

ex  Vil 

LE    GHEV.\L    DE    MOÏSE 

Près  du  puits  de  Timissaou,  au  pied  du  versant  nord-ouest  de  la 
chaîne  du  Tassili,  dans  le  pays  des  Touaregs  Ifoghas,  est  une  émi- 
nence  rocheuse,  pareille  à  un  château  où  Ton  voit  une  empreinte 
attribuée  par  la  légende  au  cheval  de  Moïse  \ 

CXVIII 

LA    PIERRE    D'OSTHERRN 

On  montre  dans  les  champs  du  village  d'Ostherrn,  qui  est  à  un 
demi-mille  de  Darnstaedt,  près  du  chemin  de  Stendal  une  pierre  où 
est  imprimé  comme  dans  de  la  cire  un  soulier  d'enfant  ;  sur  l'autre 

1.  Suite,  voir  l.  XI.  p.  i99. 

2.  Beckniann,  Beschreibung  der  Mark  Brandenburg^  Ir«  partie,  p.  375,  Zichnert, 
Preussische  Volkssagen,  t.  I,  p.  265,  cités  par  Gmpssc,  Sagenbuch  der  preussischen 
Staatesy  Glocnu,  2  vol.  in-8,  t.  1,  §  79,  p.  91  et  §  i60,  p.  147. 

3.  Brouftsais,  De  Paris  au  Soudan^  Alger,  1891,  in-8,  p.  189. 


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HeVUR   DES  TRADITIONS   POPULAIRES  313 

côté  est  marqué  de  la  même  manière  un  soulier  de  femme.  La  tradi- 
tion est  muette  sur  l'origine  de  ces  deux  empreintes  *. 


CXIX 

LA    PIERRE    DE    DEMBLOWO 

Surle  chemin  deSchwontnik  àDemblowo,danslecercle  de  Gaesne, 
en  Posnanie,  on  voit  une  énorme  pierre  avec  des  traces  de  chaines. 
Un  paysan  de  Demblowo  qui  voulait  s'en  servir  pour  construire  sa 
maison,  n'ayant  pu  la  charger^  déclara  qu'il  l'aurait,  dût-il  donner 
son  âme  au  diable.  Celui-ci  lui  apparut  et  s'engagea  à  transporter  la 
pierre.  Le  paysan  effrayé  finit  par  promettre  son  âme  à  condition  que 
le  bloc  serait  apporté  dans  sa  cour.  Puis  il  raconta  la  chose  à  sa 
femme  ;  celle-ci  alla  au  devant  du  démon  et  le  retarda  en  priant  et 
en  chantant  des  cantiques.  La  pierre  n'ayant  pas  été  apportée  dans 
le  délai  fixé,  Tâme  du  paysan  fut  sauvée,  mais  on  voit  encore  l'em- 
preinte des  chaînes  qui  servirent  au  démon  pour  mouvoir  le  bloc  *. 

cxx 

LA    PIERRE    DE    REEZ 

Entre  Reez  et  Rietzig,  en  Prusse,  est  une  grosse  pierre  entourée 
d'autres  plus  petites,  portant  toutes  sortes  d'empreintes  de  mains  et 
de  griffes,  parmi  lesquelles  celles  d'un  pied  d'enfant  ou  de  femme  et 
d'un  sabot  de  cheval  se  distinguent  nettement.  On  raconte  que  Satan 
avait  enlevé  une  cabaretière  et  l'avait  placée  sur  celte  pierre  ;  puis, 
avec  beaucoup  de  mauvais  esprits  à  pieds  de  chevaux  et  de  boucs, 
il  dansa  autour  d'elle.  —  Ce  sabbat  disparut  à  l'arrivée  de  deux 
enfants  innocents,  mais  les  traces  restèrent  -^ 

René  Basset. 


1.  Beckmann,   Beschreibung  der  Mark  Brandenburg^  t.   Il,  p.  376,    cité    par 
Grœsse,  Sagenbuch,  t.  I,  §  80,  p.  91. 

2.  0.  Knoop,  Sagen  und  Erzaehlungen  aus  der  Provinz  Posen.  Posen,1893,  in-8, 
p.  281. 

3.  Beckmann,  Beschreiburg  der  Mark  Brandenbung,  t.    II,    p.   376,  cilé  par 
Grœsse,  Sagenbiichy  t.  1,  §  81,  p.  91. 


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3H  nEVlIE    DES  TRADITIONS  POPULAIRES 


LES  ÊTRES  FANTASTIQUES  EN  BELGIQUE 


1 

LES  FEUX  FOLLETS 

ux  eaviroQs  de  Furn«s,  voici  ce  qu'une 
vieille  femme  disait  aux  petits  enfants 
à  propos  des  feux  follets  : 

«  Tous  ces  petits  feux  sont  des  âmes. 

Lorsque  le    corps    «  est  décomposé, 

rame  prend   son  vol  ;  si  votre  vie  a 

été  «  pure,  Tâme  monte  vers  les  cieux, 

sous   forme    d'une    petite    «  flamme, 

mais    si    au    contraire    vous    avez    des    crimes    à    vous    repro- 

«  cher,  la  flamme  qui  se  dégage  de  Tàme  est  saisie  dans  son  ascen- 

«  sion  par  des  esprits  invisibles^  qui  en  obscurcissent  Téclat  et  Talti- 

a  rent  vers  les  profondeurs  de  la  terre,  où  elle  disparaît.  » 

[Recueilli  à  Adinkerke-lez-Furnes,  (Flandre  occidentale). 

Il 

LES  DAMES  BLANCHES 

A  Wyneghem  (Anvers)  on  raconte  que  deux  paysans  se  rendant,  le 
soir,  à  un  village  voisin  aperçurent  une  dame  blanche  qui  s'appro- 
chait d'eux. 

Elle  s'approcha  si  près  de  ces  deux  hommes  qu'elle  les  frôla  du 
bord  de  sa  robe.  En  même  temps,  ils  étaient  enlevés  du  sol  à  une 
certaine  hauteur.  L'un  d'eux  fut  tué  en  retombant  sur  le  sol,  l'autre 
eut  les  membres  paralysés.  Ce  dernier  revoit,  chaque  nuit,  depuis 
cette  aventure,  la  dame  blanche. 

[Conté  par  François  Gysbruhts,  de  Wyneghem], 

A  Anvers  j'ai  entendu  un  vieux  marin  qui  déclare  avoir  aperçu 
en  mer  une  dame  blanche  qui  devançait  le  navire  pendant  la  tem- 
pête et  semblait  vouloir  l'entraîner  dans  des  endroits  dangereux. 


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KBVUË    DfiS  TRADITIONS  HOPULAlHES  34  H 

La  légende  d'une  petite  dame  blanche^  apparaissant  *jprès  d'un 
ruisseau  et  attirant  à  elle  les  petits  enfants,  est  très  répandue  à  An- 
vers et  aux  environs.  C'était  une  personne  fort  bienfaisante,  elle 
consolait  les  enfants  et  leur  donnait  les  moyens  de  secourir  leurs 
parents. 

III 

LES  GÉANTS 

On  raconte,  aux  environs  de  Bruxelles,  qu'il  existait  jadis  sur  la 

Woluwe  un  géant  qui  allait  de  la  source  à  l'embouchure  de  la  rivière. 

A  minuit  il  disparaissait  sous  Teau  et  se  nourrissait  de  poissons. 

(Recueilli  â  WoluweSaint^Pierre), 

IV 

LES  ANIMAUX  FANTASTIQUES 

A  Wyneghem,  près  d^Anvers,  on  parle  d'un  animal  ressemblant 
à  un  bœuf,  mais  ayant  les  pieds  du  cheval,  qui  avait  le  pouvoir  de 
clouer  au  sol  ceux  qui  le  regardaient. 

(Rpxueilli  à  Wineghem), 

A  DufTel  (province  d'Anvers)  on  dit  aux  enfants  qu'on  rencontre 
dans  les  blés  mûrs  de  grands  loups  rouges,  qui  sucent  le  sang  des 
hommes  et  des  animaux.  Ces  loups  disparaissent  après  la  moisson. 

{Recueilli  à  Du/fel). 


LES  ÉDIFICES   HANTÉS 

Il  existait  à  Duffel  (province  d'Anvers)  une  ferme  offrant  une  cer- 
taine paKicularité. 

A  minuit  sonnant,  si  les  étables  renfermaient  des  vaches  ou  des 
bceufs,  on  voyait  apparaître  une  petite  lumière,  qui  disparaissait 
une  heure  après. 

Si  au  contraire,  les  étables  ne  renfermaient  que  des  moutons  ou 
d'autres  animaux  la  lumière  n'apparaissait  pas. 

(Recueilli  à  Duffel). 

Alfred  Harou. 


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â4()  RBVUE    DEft   TRADITION»    POPL'LAIRfiS 


LEGENDES  CONTEMPORAINES 


l'NE   LÉGI2NDE   ARABE   EN   FORMATION 

K  peuple  arabe  est,  on  le  sail,  un  des  peuples 
les  plus  crédules  du  mofide.  Il  n*y  a  pas  ud 
fait  merveilleux,  pas  uae  eroyaoce,  (surtout 
en  matière  reli^euse)  qui  n  obtienne  immmé- 
diatement  créance  auprès  des  indigènes  du 
nord  de  T Afrique. 

Aussi  dans  chaque  région,  dans  chaque  loca- 
lité algérienne  petite  ou  grande,  les  musulmans 
vous  racontent-ils  avec  le.  plus  grand  sérieux 
un  miracle  quelconque  ayant   pour  héros   un 
merabet  (religieux)  local.  Si  Ton  était  obligé 
de  procéder  au  recensement  des  choses  surnaturelles  opérées  par 
les  pseudo-saints  arabes,  Ténumération  en  serait  d'une  longueur 
désespérante  et  laisserait  bien  loin  derrière  elle  la  liste  des  miracles 
effectués  par  nos  saints  chrétiens. 

Pour  le  moment  nous  ne  nous  occuperons  que  d'une  légende  qui 
est  en  train  de  se  créer  dans  le  déparlement  d'Alger,  et  qui  dans 
quelques  années  d'ici  aura  sûrement  franchi  cette  limite  adminis- 
trative et  sera  acceptée  définitivement  par  toutes  les  populations 
algériennes. 

Voici  cette  légende,  telle  que  la  racontent,  d*un  air  absolument 
convaincu,  les  indigènes. 

Le  cheikh  Si  Mohammed  beu  bel  Kassem,  un  des  quatre  princi- 
paux chefs  religieux  de  l'ordre  des  Rahmania,  réside  à  la  Zaouïa 
(chapelle)  d'Ël-Hamel,  à  quarante  kilomètres  sud-ouest  environ  de 
Bousaada. 

Son  influence  est  considérable  auprès  des  Khouans  (frères)  de  sa 
secte  et  s'étend  principalement  sur  les  populations  musulmanes  des 
départements  d'Alger  et  de  Constantine  (région  ouest). 

Il  y  a  quelques  années,  Si  Mohammed  ben  bel  Kassem  se  rendait 
pn  voiture  de  Bousaada  à  Alger  afin  d'assister  à  une  fête  que  donnait 
le  gouverneur  général,  puis  voulant  retourner  chez  lui  par  Blida, 
Médéa,  Berrouaghia,.  Boghari,  Djelfa,  il  prit  le  chemin  de  fer  à  Blida. 


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REVUE    DES   TttADlTlONS   POPULAIKRS  317 

Ses  adeptes  racootent  k  ce  sujet  que  Si  Mohammed  ben  bel  Kas- 
sem,  désirant  à  Theure  de  la  prière  de  Tacer  (après  midi)  remplir 
ses  devoirs  religieux,  demanda  au  conducteur  du  train  de  faire 
arrêter  la  locomotive  un  instant. 

Le  conducteur  n  ayant  pu,  vu  les  règlements,  accéder  à  son  désir, 
Si  Mohammed  ben  bel  Kassem  n'aurait  eu,  d  après  ses  coreligion- 
naires, qu'à  frapper  du  pied  le  plancher  du  compartiment  dans 
lequel  il  se  trouvait  pour  que  tout  le  train  s  arrêtât  subitement. 

Ce  stationnement  dura  tant  que  le  chérif  d'El  Hamel  fût  en  prières 
cl  la  locomotive;  malgré  les  appels  réitérés  du  conducteur  du  train 
et  les  efforts  désespérés  du  mécanicien,  ne  s'ébranla  qu'après  la  An 
des  dévotions  de  Si  Mohammed  ben  bel  Kassem. 

Celle  histoire  est  racontée  dévotement  par  les  adeptes  de  Si  Mo- 
hammed ben  bel  Kassem  à  tous  les  Khooans  de  l'ordre  des  Rahma- 
nia  qui  s'empressent  naturellement  de  la  propager  parmi  les  popu- 
lations arabes  ;  aussi  elle  gagne  annuellement  du  terrain  et  est  déjà 
parvenue,  jusque  dans  Test  du  département  de  Conslanline. 

Si  Mohammed  ben  bel  Kassem  depuis  le  lancement  de  cette  fan- 
taisie, passe  aux  yeux  des  moumnine  [croyants)  non  seulement  pour 
un  marabout  effectuant  exactement  toutes  les  pratiques  religieuses 
musulmanes,  mais  encore  pour  une  sorte  de  saint  faisant  à  volonté 
des  miracles. 

11  est  actuellement  âgé  de  plus  de  75  ans,  de  petite  taille,  le  teint 
coloré,  la  barbe  blanche,  le  chef  branlant.  Il  marche  avec  difOculté  ; 
aussi  apprécie-t-il  beaucoup  nos  moyens  de  locomotion  (chemin  de 
fer  ou  voiture). 

La  vénération  dont  il  est  entouré  est  inimaginable  I  Lorsqu'il 
arrive  dans  une  localité,  immédiatement  tous  les  indigènes  secouent 
leur  apathie  accoutumée  et  se  rendent  en  masse  au  devant  du  mara- 
bout vénéré  pour  pouvoir  embrasser  le  pan  de  son  burnous,  loucher 
les  étriers  de  sa  monture  et  lui  souhaiter  la  bienvenue  ;  L'excitation 
augmente  bien  vite  et  souvent  il  arrive  aux  croyants  de  Tenlever  de 
sa  voiture  et  de  le  porter  à  bras  jusqu'au  premier  ou  au  deuxième 
étage  du  logement  qu'il  doit  occuper. 

A  El  Hamel  près  Bousàada,  la  Zaouïa  du  cheikh  est  le  point  de 
réunion  de  cent  ou  deux  cents  pèlerins  par  jour  (dans  la  bonne  sai- 
son). Ces  fidèles  sont  nourris  aux  frais  de  Si  Mohammed  ben  bel 
Kassem  et  en  retour  ce  dernier  reçoit  de  nombreuses  offrandes. 

Dans  son  remarquable  livre  «  Tableaux  algériens^  9  Guillaumet,  le 
peintre  regretté  des  Fileuses  de  laine  et  de  la  Seguia^  décrit  d'une 
façon  parfaite  les  habitations  arabes  de  Bousàada  et  consacre  au 
marabout  d'Ël  Hamel  un  chapitre  ;  nous  renvoyons  le  lecteur  à  ce 


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31  h  REVUE    l)KS    TKADITlOrsS    POPLLAIKBS 

livre,  au  cas  oCi  il  voudrait  avoir  des  renseignements  plus  complets 
sur  le  héros  de  la  légende  que  nous  venons  de  raconter. 

Nous  ne  terminerons  pas  ces  lignes  sans  faire  remarquer  la  dupli- 
cité bien  orientale  des  propagateurs  intéressés  de  cette  histoire.  Ils 
ont  choisi  comme  exemple  la  locomotive  pour  bien  démontrer  aux 
crédules  musulmans  que  la  science,  le  progrès  émanant  des  chrétiens 
est  une  quantité  négligeable  vis-à-vis  de  la  volonté  quasi  divine 
manifestée  par  un  sectateur  de  Mohammed.  Allah  akbar  !  Dieu  est 
grand  I 

AcHUiLE  Robert, 


COUTUMES  DE  MI-CAREME 


111 

lin  Indre  el' Loire 


^^"^^^^    Lx  environs  de  Chinon  les  enfants  ont  la  coutume  d'aller 


0  ^ft/IÇ  placer  sur  la  grande  route,  où  la  Mi-Caréme  doit  passer, 
V^l^  des  petites  bottes  de  foin  quHs  abandonnent  en  guise  de 
A^  présents. 

c>  En  rentrant  chez  eux  ils  trouven  t  toujours,  soit  des  jouets, 

soit  des  choses  utiles  à  leur  usage,  que  les  parents  leur  donnent 
comme  étant  des  cadeaux  apportés  par  la  Mi-Caréme,  justement 
pendant  leur  absence. 

IV 

En  Eure-et-Loir 

M.  A.-S.  Morin,  dans  le  Glaneur  de  1874  (Almanach  pour  Eure-«t- 
Loir)  nous  rappelle  que  celui  qui  allait  le  jour  de  la  Mi-Caréme  au 
pied  de  la  Pierre  Tournante  d'Ymorville,  et  y  restait  un  certain  iemps^ 
voyait  apparaître  la  Mi-Caréme  en  personne  qui,  moyennant  la  mo- 
dique offrande  d'une  poignée  de  foin,  gratifiait  le  visiteur  d'une 
énorme  quantité  de  harengs  salés. 

,.  Cf.  t..  p.  78  u.  185.  Gustave  Fouiu. 


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RBVCB  DES  TRADITIONS  l\^n  LAlHES 


319 


LÉGENDES  ET  SUPERSTITIONS  PRÉHISTORIQUES 


XLVI 

LA  KOCHE   Dr  JARDON 

(Storvan) 

ES  roches  de  Glaioe,  commune  de  la  Grande- 
Verrière  dans  TAutunois  soûl  une  des  curiosités 
du  département  de  Saône-et-Loire.  Elles  sont  Tété 
le  but  d'excursions  des  plus  agréables.  Les 
énormes  châtaigniers  plusieurs  fois  séculaires,  aux 
troncs  noueux  et  aux  larges  branchages  qui  les 
entourent  en  font  le  paysage  le  plus  charmant  que 
Ton  puisse  rêver, 
(les  rochers  sont  un  grand  dyke  de  quartz  blancs  massifs  qui  s*é- 
tendent  sur  plus  d'un  kilomètre  sur  le  flanc  d'une  petite  colline  aux 
p?ntes  rapides.  Plusieurs  de  ces  roches  ont  une  forme  assez  étrange 
et  capricieuse.  Leur  puissance  est  par  endroits  de  plus  de  15  mètres 
sur  20  de  hauteur.  Au  point  le  plus  élevé  ou  Ton  domine  toute  la 
centrée  et  où  Ton  jouit  d'une  belle  vue  sur  le  Mont  Beuvray  où  s'éle- 
vait Bibracte  ;  il  reste  un  pan  d'une  ancienne  et  épaisse  muraille, 
vestige  d'un  manoir  féodal,  ayant  succédé  lui-même  à  des  vestiges 
d'habitations  Gallo-Romaines  dont  nous  avons  reconnu  les  débris. 
Des  restes  de  défenses  ou  relèvements  des  terres  avec  profondes 
dépressions  creusées  arliliciellement  dans  la  roche  vive  en  font  un 
lieu  accidenté  et  sauvage. 

Aussi  un  pareil  lieu  a-t-il  été  toujours  aussi  bien  dans  les  temps 
anciens  que  même  de  nos  jours,  l'objet  de  récits  merveilleux. 

Le  plus  imposant  groupe  est  appelé  la  roche  du  Jardon.  Au  sommet 
existe  une  pierre  branlante  dite  la  «  Balle  »  en  raison  d'une  forme 
qui  rappelle  celle  du  mannequin  porté  paries  marchands  colporteurs 
ambulants  ;  tout  au  pied  dans  une  dépression,  sort  une  petite  source, 
dite  la  Fontaine  des  fées,  et  quelques  pas  plus  loin  une  autre  beau- 
coup plus  belle  qui  ne  jouit  d'aucune  considération.  Dans  la  contrée, 
il  régne  un  dicton  : 

La  Roche  du  Jardon, 
Vaut  Beaune  et  Dijou. 

Kn  effet  son  sein  renferme  un  trésor  immense.  KUe  s'ouvre  seule- 
ment un  moment  le  dimanche  des  Rameaux,    dit  «  dimanche  des 


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320  KËVt'Ë    Dh;»   TUADniO>ii$    POPULAIRES 

Pâques  fleuries  dans  le  Morvan  ».  Lorsque  la  procession  rentre  à  Té- 
glise  et  que  le  prêtre  frappe  à  la  porte  avec  la  crosse  de  la  croix  eu 
chantant  rAitotlitre  portas^  un  grand  serpent  noir  aux  yeux  brillants 
gardien  de  ces  richesses  sort  alors  de  cette  fracture  donnant  accès 
à  la  caverne  et  vient  boire  et  se  baigner  à  la  fontaine  ;  ce  serait  le 
moment  propice  avant  qu'elle  se  referme  pour  entrer  dansTexcava- 
tion  ei  y  puiser.  Mais  la  tradition  ne  dit  pas  qu'on  l'ait  jamais  osé. 

Dans  les  moments  de  grandes  sécheresses  on  y  venait  aussi  en 
procession  pour  obtenir  la  pluie  et  les  bonnes  femmes  puisaient 
abondamment  de  Teau  qu'on  jettait  sur  le  curé^  qui  s'en  retournait 
trempé  comme  une  soupe.  Cet  agréable  divertissement  n'aurait  cessé 
que  depuis  peu  d'années  au  grand  scandale  des  braves  femmes,  le 
nouveau  curé  ne  voulant  plus  permettre  cette  licence. 

On  y  venait  aussi  prier  pour  les  malades  atteints  de  la  lièvre  et  y 
tremper  le  linge  des  enfants.  On  y  apportait  comme  offrande  un  œuf 
ou  une  pièce  de  monnaie  qui  étaient  déposés  après  la  prière  sur  une 
pierre  à  côté  et  que  s'appropriaient  les  visiteurs  mendiants  ou  autres, 
à  l'affût  de  cette  aubaine.  Ou  y  vient  encore  maintenant,  mais  avec 
moins  de  ferveur  qu'autrefois  et  plus  de  scepticisme.  Aussi  les  jeunes 
plaisantent-ils  narqiioisemenl  les  personnes  âgées  qui  y  viennent 
encore,  en  disant  qu'elles  vont  faire  :  l  offrande  aux  mouches. 

H  existe  au  Mont-Beuvray  la  fontaine  de  S'  Martin  qui  est  égale- 
ment le  sujet  de  pratiques  semblables  et  où  l'on  venait  de  fort  loin. 

Au  hameau  de  Vaupitre,  commune  de  Sainl-Germain-des-Champs, 
dans  le  Morvan  Avallonais  existe  aussi  une  roche  énorme  où  l'on  voit 
des  cuvettes  ou  pierres  à  bassins  et  où  I  eau  de  pluie  se  conserve  dans 
les  cavités.  Cette  eau  est  également  recherchée  pour  la  guérison  de 
plusieurs  maladies  et  donnent  lieu  à  de  petites  offrandes,  d'œufs 
ou  menue  monnaie. 

HipPOLYTfi  Marlot. 


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RBVUB   DBS   TRADITIONS  POPULAIRES  32i 


DK  MAL  EN  PIS  «  COMME  TRIBUET  » 


CONTE  CHAMPENOIS 

A  mère  de  Tribuet  Tenvoie  au  moulin  avec  une  mesure  de 
grain.  —  a  Tu  diras  au  meunier  que  voilà  assez  de  seigle 
pour  que  ça  rendre  unbichet  de  farine.  »  —  Tribuet  se  dé- 
fie de  sa  mémoire,  et  le  long  du  chemin,  il  s'en  va  répétant  : 
«  Que  ça  rende  un  bichet.  »  Un  semeur  Tinterpelle  ;  mais  lui 
ne  veut  pas  se  laisser  distraire,  et  de  toute  sa  voix  redit  :  <  Que  ça 
rende  un  bichet.  »  —  «  Gomment,  malandrin,  que  ça  rende  un 
bichet,  un  champ  comme  celui-ci  !  Attends,  attends  un  peu  !  —  Et 
l'homme  tombe  à  bras  raccourcis  sur  Tribuet  qui  rentre  tout  pleurant 
chez  sa  mère.  —  «  Eh  ben,  as-tu  meulu?  »  —  «  Non,  je  n'ai  pas 
meolu,  mais  j'ai  été  ben  battu  »  —  t  Que  donc  qu't'as  dit,  que  donc 
quH'as  fait  î...  —  Et  Tribuet  raconte  son  aventure.  —  «  Grand  bêla, 
fallait  dire  :  »  Qu'on  les  mène  à  la  charretée  l  Retourne  au  moulin.  » 
Tribuet  reprend  son  sac,  et  se  remet  en  route.  Il  rencontre  un  con- 
voi funèbre  :  —  «  Qu'on  les  mène  à  la  charretée  !..  dit-il,  docile  à 
l'avertissement  de  sa  mère  —  »  Hein  !  qu'est  -ce  qu'il  a  dit  I  —  Et 
on  le  roue  de  coups. 

Retour  à  la  maison,  comme  lout-à-l'heure....  —  «  Malheureux, 
fallait  dire  :  »  —  «  Que  Dieu  ait  pitié  de  son  âme  !  » 

Pourquoi  Tribuet,  à  son  troisième  voyage  trouva-t-il  des  équaris- 
seurs  enfouissant  la  carcasse  d'un  vieux  cheval?  —  «  Que  Dieu  ait 
pitié  de  son  Ame  I  clama-t-il  avec  componction.  —  Et  une  fois  de 
plus  on  charge  de  coups  ce  mauvais  plaisant. 

Chez  sa  mère,  nouveau  récit,  nouvelle  leçon.  —  «  Fallait  dire  »  : 
€  Fi  !  la  carne  I  •  va  —  Il  va,  le  pauvre,  et  tombe  au  beau  milieu 
d'une  noce  :  —  «  Fi  !  la  carne  î  —  Vous  jugez  de  la  fureur  des  no- 
ceurs et  de  ce  qu'il  advint  au  malheureur  Tribuet. 

—  ft  Mon  pauvre  garçon,  fallait  dire  :  «  Que  tous  les  autres  en 
sint  !  »  —  C'eût  été  bon  à  dire,  en  effet,  dans  une  noce,  mais  pas 
dans  un  incendie.  Hélas!  Tribuet  n'eut  pas  d'autre  occasion,  et  en 
face  d'une  maison  qui  flambait:  «  Que  tous  les  autres  en  sint  ! 
s'écrie-t-il.  —  Les  pompiers  quittent  leur  manœuvre  et  assomment 
Tribuet. 

TO«E  XI.  —  jui»  1896.  •  21 


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322  REVUE  DES  TRADITIONS  POPULAIRES 

—  «  Malheureux  enfant,  dit  la  mère  désolée,  pourquoi  qu't'as  pas 
dit  :  Que  Dieu  Téleinde  !  —  Tribuet,  le  dos  courbé  plus  bas  sous  son 
sac^  reprend  le  chemin  du  moulin.  Il  passe  devant  latelier  d'un  for- 
geron qui  lirait  avec  rage  son  soufflet  sur  un  feu  qui  commençait 
enfin  à  s*allumer  péniblement.  Tribuet  relevant  un  peu  la  télé  sous 
son  fardeau,  se  campa  devant  le  foyer  de  la  forge  et  par  manière  de 
salut,  dit  :  »  Que  Dieu  Téteinde  !  » 

Ma  foiS;  ce  fut  la  fin  des  maux  de  Tribuet.  Le  forgeron  saisit  une 
barre  de  fer,  et  le  tua  raide. 

{Hrcit  de  Marie-Anne  Lucas,  de  Pargues  [Aube).  {1799-1 S SO). 

LoDis  Dart. 


LES  GATEAUX  ET  BONBONS  TRADITIONNELS 


XIII 

GATEArX  DE  FÊTES  A  CANNES ' 

Le  gâteau  de  Pâques  orné  d'œufs  durs,  —  A  Cannes,  les  pâtissiers 
confectionnent  pour  le  dimanche  de  Pâques  seulement  et  sur  com- 
mande, des  couronnes  en  pâle  de  brioche  avec  fleurons  d'œufs  durs 
retenus  par  une  petite  bande  de  la  même  pâte  placée  en  long  el  en 
travers.  Les  œufs  rouges  dominent,  mais  cependant  on  voit  beaucoup 
de  couronnes  ornées  d'œufs  de  couleurs  variées. 

  Nice,  les  gâteaux  de  Pâques,  aux  œ.ufs  uniformément  rouges  sont 
agrémentés  de  festons  eu  pâte  blanche  sucrée  formant  des  dessins 
variés,  rehaussés  de  bonbons  argentés,  en  forme  de  perles  et  de  pe- 
tits radis  roses  en  sucre  parfaitement  imités. 

Le  gâteau  de  la  /'•  communion.  —  Il  n'est  famille  si  pauvre  à  Cannes 
qui  ne  fasse  l'impossible  pour  acheter  le  gâteau  traditionnel  de 
première  communion.  Ce  gâteau,  sorte  de  biscuit  de  Savoie,  a  grande 
apparence  ;  très  haut,  avec  des  formes  architecturales  variées,  il  est 
surmonté  d'une  figurine  en  carton-pâte  représentant  un  jeune  garçon 
ou  une  jeune  fille  en  habits  de  première  communion. 

A.  Certeux. 

1.  Cf.  t.  IV,  p.  88,  270,  328,  t.  V,  p.  448,  t.  VI,  p.  191,  t.  VHI,  p.  303.  t.  IX, 
p.  156,  t.  X,  p.  10,  209,  643,  t.  XI,  p.  113. 


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REVUE   DKS   TRADITIONS   POPULAIRES  323 


LES  ANCIENS  CHANTS  HISTORIQUES 
KT  LES  TRADITIONS  POPULAIRES  DE  L'ARMÉNIE* 


^^^  ANS  les  numéros  de  janvier  et  de  mars-avril  de  ia  Hevue  des 
;!B|Nft  Traditions  populaires^  M.  E.  Lalatianz  a  donné  une  curieuse 
^^^tt  étude  sur  les  chants  populaires  de  l'Arménie,  d'après  les  his- 
b^f  toriens  arméniens.  L'un  de  ces  derniers,  le  plus  fréquemment 
^  cité,  est  Moïse  de  Khorène.  Les  récentes  recherches  de  M.  Car- 
rière, professeur  d'arménien  à  TEcole  des  Langues  orientales  ^'  ont 
démontré  que  cet  écrivain,  appelé  à  tort  Y  «Hérodote  arménien», 
loin  d'avoir  vécu  au  v*  siècle  de  notre  ère,  date  en  réalité  du  viii',  et 
que,  pour  la  période  ancienne,  son  ouvrage,  en  dépit  des  sources 
fabriquées  comme  le  pseudo-Mar  Apas  Gatina,  n'a  aucune  valeur. 
D'un  autre  côté,  dans  un  livre  récent,  publié  à  Moscou  en  1896, 
M.JChalatianz  {L'épopée  arménienne  dans  l'histoire  de  V Arménie  de 
Moïse  de  Khorène)  a  pris  pour  objet  de  sa  démonstration  que  ce  qui 
se  trouve  sous  le  nom  d'épopée  dans  l'histoire  (?)  en  question  ne 
repose  pas  sur  des  traditions  populaires,  mais  que  c'est  le  produit 
d'emprunts  littéraires  faits  particulièrement  sur  le  domaine  biblique 
ou  provenant  de  traductions  étrangères.  La  question  mérite  d'être 
étudiée  à  fonds  pour  savoir  quelle  valeur  on  doit  réellement  donner 

attribuer  aux  citations  de  Moïse. 

René  Basset. 

1.  Cf.  t.  XI,  p.  129. 

2.  MoUe  de  Knoren  el  les  généalogies  palriarcales.  Paris,  1891,  in-12.  —  Nouvelles 
sources  de  Moise  de  Khoren^  Vienne,  lo93,  in- 12.  —  Nouvelles  sources  de  Moïse 
de  Khoren,  supplément.  Vienne,  1894,  in-12.  —  La  légende  d'Abgar  dans  V histoire 
d Arménie  de  Moïse  de  Khoren.  Paris,  1895,  in-4. 

3.  M.  Khalatiauz  s'est  d'ailleurs  lait  connaître  par  des  travaux  de  mérite  sur 
ce  sujet,  à  propos  de  Moïse  de  Khoren,  Wiener  Zeitschrift  fUr  die  Kunde  âes 
Morgenlandess  t.  vu,  p.  21  el  sur  Zéuob  de  Klag.  Le  llantess  (Handes)  revue 
artnénienne.  Vienne,  1893,  p.  75  et  suiv. 


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324  nuYue  uf^s  Tii.vi)ino.N6  populaibbs' 


USAGES  DE  PENTECOTE 


I 

En  Alsace 

LES  COUPS  DB  FOUKÏ 

ARMi  les  coutumes  singulières  qui  se  sont  conservées  dans 
l'ancien  pays  dit  de  Hanau  [canton  de  Bouxwiller)  en  parlicu- 
vlï^î  lier  dans  les  villages  d'Uhrviller,  Eugviller,  Mietesheim,  il 
;^p  faut  mentionner  celle  des  coups  de  fouet.  Après  Toffice  du 
Çj  matin,  les  jeunes  gens  se  réunissent,  munis  de  longs  fouets 
et  parcourent  les  villages  en  les  faisant  claquer.  Celui  qui  sait  le 
mieux  user  de  son  instrument  est  proclamé  roi  de  la  Pentecôte.  Ce 
claquement  symbolise  le  bruit  du  vent  qui  accompagna  la  descente 
de  l'Esprit  saint.  Cet  usage  pourrait  aussi  être  en  rapport  avec  la 
chevauchée  de  la  Pentecôte  qui  se  pratiquait  dans  certaines  contrées 
d'Allemagne  et  qui  ne  fut  pas  inconnue  en  Alsace  (Eckwersheim, 
Ibsteim). 


LE  FOU  DE  PENTECOTE 

Aux  environs  de  Bouxwiller  la  jeunesse  promène  un  garçon  caché 
dans  des  branches  et  des  fleurs  et  recueille  de  maison  en  maison 
des  œufs,  du  lard,  des  gâteaux  et  daulres  comestibles  qui  servent  à 
un  joyeux  repas  d*après-dinée.  Dans  le  Kocheirsberg  la  quête  se  fait 
par  deux  groupes.  Celui  des  petits  garçons  chante  : 

La  poule  de  Pentecôte  a  mangé  les  œufs. 

Elle  a  oublié   les  bœufs  et  les  chevaux  de  l'élable. 

Cherche  en  bas,  cherche  en  haut. 

Déniche  tous  les  oiseaux  du  monde. 

Un  œuf  !  un  œuf  ! 

Ou  je  t'envoie  la  martre  au  poulailler. 


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REVUE  DES  rwiomoNs  poprîLAmiîs  3251 


Puis  vient  le  groupe  des  adolescents  : 

Voici  les  garçons  de  mai 

Qui  réclament  le  droit  de  Pentecôte, 

Trois  œufs  et  un  morceau  de  lard 

Pris  au  côté  de  la  truie  ; 

Une  demi-mesure  de  vin 

Dans  le  seau 

Et  les  garçons  de  mai  seront  contents. 


LA  COURSE  DES  (CUFS 

Le  lundi  de  PcnteciHe  les  jeunes  gens  se  rassemblent  dans 
une  prairie  et  se  partagent  en  deux  camps  dont  chacun  choisit  dans 
son  sein  le  meilleur  coureur.  Cent  œufs  sont  placés  dans  un  sentier 
de  manière  que  chacun  est  à  un  pas  de  Tautre.  Le  rôle  des  deux 
coureurs  est  lire  au  sort.  L'un  doit  rassembler  les  œufs  dans  un 
panier  placé  à  rexlrémilé  du  soulier  tandis  que  l'autre  a  pour 
mission  de  boire  chez  un  aubergiste  une  chopine  de  vin  et  de  rappor- 
ter le  verre  dans  lequel  il  a  bu.  Le  camp  dont  le  représentant 
s'acquitte  îe  plus  vite  de  sa  besogne,  reste  vainqueur  et  le  camp 
opposé  lui  faîl  les  honneurs  d'un  souper  où  les  œufs  ramassés  trou- 
vent leur  emploi,  si  tant  est  que  le  coureur  n*aitpas,  en  les  cassant, 
devancé  la  cuisinière. 

Dans  la  vallée  de  la  Moder 

Le  village  de  Wiugen  dans  la  vallée  supérieure  de  la  Moder,  se 
fournit  d'eau  potable  à  des  fontaines  munies  d'auges  qui  servent 
tant  au  puisage  qu'au  lessivage.  Comme  la  violence  des  sources  est 
une  cause  d'ensablement,  il  faut  nettoyer  les  auges,  sinon  les  ména- 
gères, qui  tiennent  à  la  blancheur  du  linge,  ne  seraient  pas  conten- 
tes du  tout  !  Ce  nettoyage  s'opère  le  samedi  avant  la  Pentecôte  ; 
leur  journée  terminée,  les  jeunes  gens  se  munissent  de  pelles  et  de 
crocs  et  nettoient  les  auges  jusque  tard  dans  la  nuit.  Mais  le  lundi 
suivant  ils  veulent  leur  salaire  et  ils  le  demandent  de  maison  en 
maison  en  chantant  un  couplet  analogue  à  ceux  que  nous  avons 
cités  plus  haut. 

P.  RlSTELHUBER. 

En  I Ile-et-Vilaine 

Dans  riHe-el-Vilaine,  les paysans]appellent  Orc/n'«  Vvlgarisu  Fleur 
de  Pentecôte  ».  .: 


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3â6 


tlEVUË   DES  TRADITIOÏ^S  t>Ol>ULAIIlfiS 


Voici  comment  ils  parodient  deux  des  chants  liturgiques  de  ce 
jour.  Je  mets  le  texte  latin  en  regard  de  la  parodie. 


(Hymne) 


Accende  lumen  sensibus, 
lofunde  amorem  cordibus, 
Infirma  Dostri  corporis 
Virtute  firmaos  perpeti. 


Accende  lumen  cent  six  bœufs, 
Infunde  amorem,  core  dix  bœufs  ! 
Infirma  nostri  corps  pourri, 
Virtute  firmans  Père  Petit  ! 


In  labore  roquies 
In  œstu  teroperies 
In  fletu  solatiuni. 


(Prose) 


A  labourer  qui  qui  est  1 

Y  es-tu,  ton  père  y  est  ! 

Y  fais-tu  collation  ? 


Fra  Deuni. 


»  ^^^^>^^^^^**^M^^^»^^^>^ 


LK  REFRAIN  A  COMPLETER 


IV 

c>Qji- N   des   invités   d*une   noce   qui  avait  lieu   dans  une  ferme, 

iSii^jîr devant  être  rentré   chez  lui  pour  le  lendemain,   résolut  de 

|i||^  partir   seul,    en   prenant  le   chemin   le  plus  court,    malgré 

'!ci^£3  l'observation  qu  on  lui   faisait  que,   lorsqu'il  faisait  clair  de 

(c)    lune,  ce  chemin  était  fréquenté  par  les  Korrigans. 

Voyant  qu'il  persistait  dans  sa  résolution,  on  lui  recommanda 
seulement,  s'il  voyait  les  danj^ereux  petits  êtres,  de  dire  tout  ce 
qu'ils  diraient  ;  puis  il  pîirlit. 

Arrivé  à  moilié  chemin,  l'homme  onlendil  derrière  lui  :  «  Il 
dansera  avec  nous  »,  mais  il  ne  répondit  pas  ;  alors  il  se  vit  entouré 
d'une  quantité  de  nains  très  laids  qui  dansaient  en  chantant: 
u  Lundi,  mardi,  mercredi,  jeudi,  vendredi,  samedi.  »  A  la  fin, 
énervé  de  n'entendre  que  cela  pendant  plusieurs  heures,  il  s'écria  : 
«  Et  dimanche  !  » 

Le  lendemain,  on  le  trouva  mort  sur  la  place.      , 

[Conlé  par  Af'"''  Louis  Morin  ;  source  inconnue) 

Louis  MoRiM 


1,  Cf.  t.  m,  p.  533,  t.  IX,  p.  375,  t.  X,  p.  234. 


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REVIJB  DBS  TRADITIONS    POPCLAIRRS  327 


COUTUMES  DE  MARIAGE 


XXVIII 
En  Saône-et'Loire 


c/CJ: 


ANS  le  village  de  la  Grande-Verrière,  ont  subsisté  quelques 
|^^|)  coutumes  anciennes  de  mariage,  assez  curieuses. 

fOnconfeclionne  une  sorte  d'arbuste  pyramidal d*une  hauteur 
de  0™  50  avec  nombreux  rameaux  étages,  entourés  de  papier 

^0  frisé  aux  couleurs  multicolores.  11  est  porté  par  le  garçon 
d'honneur  en  télé  du  cortège  se  rendant  à  la  messe  et  précédé  du 
joueur  d'acordéon.  La  panse  de  brebis,  la  musette  et  même  le  violon 
y  ont  à  peu  près  disparu.  Cet  arbuste,  ou  autrement  appelé  gros 
bouquet,  est  cloué  à  la  façade  de  la  maison  pour  indiquer  qu'il  s'y 
trouve  une  jeune  mariée.  Après  la  cérémonie  de  l'église,  on  se  rend 
au  cabaret  pour  les  embrassades  et  toute  la  noce  est  abreuvée  le 
plus  copieusement  possible  de  vin  sucré  offert  par  les  garçons  d'hon- 
neur. H  y  a  bien  encore  quelques  salves  et  coups  de  fusils  ou  de 
pistolet  surle  passage  du  cortège. 

L'enlèvement  de  la  jarretière,  lorsque  le  dîner  de  noce  touche  à  sa 
fin,  a  son  coté  original.  Le  garçon  s'introduit  furtivement  sous 
la  table  et  au  moment  où  la  jeune  épousée  est  distraite,  il  lui  pince 
les  mollets  et  enlève  la  jarretière.  Celle-ci  surprise  pousse  un  cri 
perçant.  Alors  ce  garçon'sort  vivement  de  dessous  la  table  et  agitant 
une  pelote  de  rubans  au  dessus  de  sa  tête,  crie  ;  c<  A  moi  la  jarre- 
tière! ».  Ce  ruban,  petite  faveur  rose  achetée  préalablement,  est 
ensuite  divisé  et  placé  à  la  boutonnière  de  chaque  invité.  C'est 
aussi  le  moment  de  faire  une  petite  quête  d'argent  pour  un  but 
déterminé. 

Dans  une  autre  partie  du  Morvan  voisin  de  la  côte  d'Or,  l'enlève- 
ment de  la  jarretière  se  pratiquait  autrement.  La  mariée,  elle,  était 
assise  et  un  plat  placé  devant  elle  ou  chacun  déposait  une  pièce  de 

1.  a.  t.  II,  p.  521,  t.  m,  p.  107,  446,  609,  t.  IV,  48,  157,  t.  V,  p.  181,  221,  421, 
500,  614,  621,  t.  VI,  p.  627,  t.  VIT,  p.  177,  272,  682,  le  t.  Vlll,  p.  219,  290.  le 
t.  IX,  p.  51,  565,  le  t.  X,  p.  294,  le  t.  XI,  p.  55. 


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3^8  RBVUK  DES  tK4DniONS   t»OMXAlAËd 

monnaie.  L'un  décrochait  la  jarretière,  Tautre  la  remettait,  jusqu'à 
ce  que  toute  la  noce  y  eut  passé. 

Dans  la  Côte  d'Or  et  particulièrement  dans  rAuxois,à  tous  les  dîners 
de  noce,  la  quête  est  faite  par  le  garçon  et  la  demoiselle  d'honneur 
et  le  produit  remis  immédiatement  au  maire  qui  est  ordinairement 
invité  au  banquet  ;  il  est  destiné  à  Tachât  de  livres  pour  la  biblio- 
thèque scolaire. 

H.  Marlot. 


LA  MORTE  RESSUSCITEE 


LÉGENDE  LIÉGEOISE 

L  y  avait  une  fois  un  mari  dont  la  femme  venait  d'éire  inhu-* 
mée  au  cimetière  de  la  ville. 

Le  soir  de  Tinhumation,  le  malheureux  époux  se  livrait 
aux  plus  vifs  transports  de  désespoir  lorsque,  tout  à  coq]), 
il  entendit  frapper  à  la  porte  de  sa  maison. 
Qui  est  là  ?  clama  t-il. 

—  Ouvre  la  porte,  je  suis  ta  femme,  lui  fut-il  répondu. 

—  C'est  impossible,  ma  femme  est  morte,  bien  morte,  et  enterrée. 
Et  sans  plus  faire  attention  aux  bruits  et  aux  cris  du  dehors, 

notre  homme  continue  à  se  livrer  à  sa  douleur. 

Le  lendemain  les  mêmes  faits  se  reproduisirent,  sans  plus  de 
résultat  que  le  premier  jour. 

Le  troisième  jour,  sur  un  nouveau  refus  du  mari  d'ouvrir  la  porto, 
la  femme  ajouta  :  «  Je  suis  cependant  bien  réellement  ta  femme,  tu 
«  ne  me  crois  pas  et  cependant  ce  que  j'avoue  est  aussi  certain  que 
«  la  présence  de  tes  deux  chevaux  k  la  fenêtre  du  grenier.  » 

Devant  une  afiirmalion  aussi  catégorique  et  aussi  facile  à  vérifier, 
le  mari  fil  appeler  ses  valets,  qui  eurent  bientôt  constaté  la  présence 
des  chevaux  à  la  fenêtre  du  grenier. 

Il  courut  alors  ouvrir  la  porte,  sa  femme  se  jeta  aussitôt  dans  ses 
bras,  elle  était  vivante. 

C'est  depuis  lors  qu'on  aperçoit,  aux  fenêtres  d'Aix-la-Chapelle 
•  Prusse),  les  tètes  de  bois  de  deux  chevaux,  placés  en  souvenir  de 
cet  événement. 

Recueilli  à  Liège  et  dans  le  Nord  de  la  province, 

Alfred  Haroi*. 


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RRVlîB    niîS  TRADITIONS    POPIÎLAIRRS  329 


LES  EPINGLES 


II  (suite) 

LES    ÉPINGLES    ET    l'aMOUR 

A  chapelle  de  Noire-Dame  de  Boulogne  qui  s'élève  à  rentrée 
de  Saint -Saëns  (pays  de  Bray)  est  le  but  d'un  pèlerinage  tout 
particulier. 

Quand  une  jeune  fille  aime  un  jeune  homme  qu'elle  vou- 
drait épouser,  mais  qui  ne  songe  point  à  elle,  elle  fait  une 
neuvaine  à  N.-D.  de  Boulogne.  Chaque  matiu  elle  se  rend  à 
«  cœur  jeun  »  à  la  chapelle,  s'agenouille  devant  la  statue  miracu- 
leuse et  récite  trois  Ave  Maria.  Entre  chaque  «  Ave  »  elle  jette  une 
épingle  au  pied  de  Tautel. 

Ces  épingles,  selon  la  tradition,  sont  agréées  parla  Sainte- Vierge, 
qui  les  emploie  à  attacher  fortement  le  cœur  du  jeune  homme  désiré 
à  celui  de  la  jeune  fille. 

Les  filles  qui  désirent  se  marier  et  s'en  remettent  à  la  Sainte- 
Vierge  du  soin  de  choisir  pour  elles,  font  aussi  une  neuvaine  et 
viennent  à  la  chapelle  de  N.-D.  de  Boulogne  toujours  à  «  cœur  jeun  ». 
Elles  ne  jettent  point  d'épingles,  mais  après  avoir  prié  dévotement 
elles  ajoutent  aux  «  Ave  »  la  vieille  et  efiicace  prière  : 

Bon  Dieu  !  Bonne  Vierge 

Donnez-moi  un  mari  j  vous  donnerai  un  cierge  ; 

Donnez  Tmoi  bientôt 

J'vous  l'donnerai  bien  gros. 

Donnez  m'en  un  qui  n'soit  point  calleux  *, 

J'vous  en  donnerai  deux  î 

B.  Reyac. 

i.  Cf.  t.  I,  p.  82,  l.  11,  p.  528,  439,  t.  III,  p.  560,  580,   t.   VU,   p.   .^83,    t.    TX, 
p.  12,  354,  t-  XI,  p.  54. 
2.  Calleux,  signifie  paresseux. 


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330  HEVUE  DBS  TRADITIONS  POPULAIRES 


LA  MER  ET  LES  MARINS 


XVi 

UN   NAVIRE   FANTOME 

L  y  a  quelques  années  les  pécheurs  du  Nord  de  TEcosse  avaient 

coutume  de  transporter  dans  leurs  bateaux  aux  grandes  villes 

du  Sud  les  pommes  quHls  avaient  cueillies. 
Un  jour  cinq  bateaux  quittèrent  ensemble  Broadsea,  village 

de  pêcheurs  situé  près  de  Fraserburgh  ;  une  forte  brise  s'éleva 
et  ils  durent  chercher  un  abri  à  Pelerhead.  Le  lendemain  le  temps 
se  calma,  et  le  temps  parut  favorable  pour  la  traversée,  mais  comme 
on  était  au  dimanche,  plusieurs  ne  voulaient  pas  quitter  le  port  ce 
jour-là  ;  cependant  deux  bateaux  partirent  ;  mais  ils  ne  s'étaient 
pas  beaucoup  éloignés  de  la  côte,  lorsque  la  conscience  de  quelques- 
uns  commença  à  les  tourmenter,  et  ils  proposèrent  à  leurs  camarades 
de  rentrer  au  port.  Après  plusieurs  discussions  il  fui  convenu  que 
Ton  irait  à  Aberdeen  ;  Ton  était  à  moitié  de  la  traversée,  lorsque  des 
nuages  commencèrent  à  se  montrer  au  Sud-Ouest  à  l'horizon  et  la 
nuit  arrivait,  ils  résolurent  d'aller  un  peu  au  large.  La  tempête  ne 
tarda  pas  à  éclater,  et  la  nuit  tomba  aussi  noire  que  de  la  poix.  Le 
bateau  de  G.  N.  continua  bravement  sa  course  et  vint  s'abriter  sous 
Girdleness,  cap  un  peu  au  sud  de  l'entrée  d'Aberdeen.  Pendant 
environ  deux  heures  G .  N.  eut  en  vue  un  bateau  qui  brillait  à  travers 
les  ténèbres  ;  il  appela  sur  lui  l'attention  de  ses  matelots.  Le  bateau 
se  dirigea  sur  le  port  d'Aberdeen,  et  en  passant  sous  le  feu  de  la 
jetée,  ses  voiles  furent  éclairées  par  sa  lumière  ;  G.N.  voyant  que  le 
bateau  avait  pu  entrer  dans  le  port,  résolut  de  le  suivre  II  arriva 
au  port,  et  en  côtoyant  le  premier  bateau  qui  s'y  trouvait,  il 
demanda  si  l'on  avait  vu  passer  un  bateau.  Personne  ne  l'avait  vu, 
l'autre  bateau  n'était  pas  dans  le  port,  il  avait  fait  naufrage  pendant 
l'ouragan  ;  tous  les  hommes  avaient  péri,  et  l'on  n'avait  vu  que  son 
ombre. 

(Conté  par  G.  iV.,  âgé  de  70  atn], 

Walter  Grfgor 


^f>^^^^t^ft^f^f>f^ 


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REVrE   DES  TRADITIONS  POPf  LAIRRS 


33  i 


NÉCROLOGIE 


JULES  SIMON 

'illustre  écrivain  que  la  France  vient  de  perdre  était  trop 
bon  Breton  pour  ne  pas  aimer  les  traditions  populaires  ;  on 
^  peut  le  considérer  comme  un  des  précurseurs  de  nos  études  ; 
il  eut  quelque  part  à  la  rédaction  de  Guionvac'h  études  sur  la 
Bretagne;  il  a  avoué  à  M.  Kervler  qu*il  en  avait  écrit  «  à 
la  demande  de  Dufilhol  (l'auteur  du  livre)  deux  ou  trois  pages,  je  ne 
sais  plus  si  c'est  à  la  fin  ou  au  commencement  ». 

Il  rendit  aussi  à  Dufilhol  le  service  de  demander  à  ses  compatriotes 
du  Morbihan  des  renseignements  sur  les  mœurs  et  les  superstitions 
et  il  reçut  de  ce  côté  des  communications  curieuses,  parmi  lesquelles 
plusieurs  chansons.  Quand  la  société  des  traditions  populaires  fut 
fondée,  il  y  adhéra  Tun  des  premiers  (8  mars  1886),  et  lorsque  je  le 
rencontrais  aux  diners  de  la  «  Pomme  »  il  ne  manquait  presque 
jamais  de  me  dire  quel  intérêt  il  prenait  aux  enquêtes  ouvertes 
par  la  Revue. 

P.  S. 


L*Ankou  (la  mort  personnifiée),  d'après  la  tradition  bretonne 


l 


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*i32  RKVl'E    DRS  TBADITIONS    POPULAIRES 


BIBLIOGRAPHIE 


E.  Montet.  Religion  et  superstition  dans  C Amérique  du  Sud. 
Paris,  1895.  16  p.  iQ-8. 

Amené  pour  des  raisons  particulières  à  parcourir  le  Hrénil  et  la  République 
ArgentiDCf  M.  E.  Montet  en  a  profité  pour  noter  au  passage  diverses  observations 
qui  se  rattachent  à  ses  études,  la  science  des  religions.  Ses  reiuarques  sur  le 
catholicisme  et  le  protestantisme  dans  les  deux  Républiques  ne  sont  pas  du 
domaine  de  cette  revue,  mais  il  importe  de  signaler  ce  qu'il  rapporte  de  cer- 
taines superstitions  populaires  et  do  certains  usages  qui  s'y  rapportont  :  Tauto- 
da-fé  à  Rio  et  dans  Tintérieur  de  mannequins  représentant  Judas  Iscariote,  les 
convois  d'enfants  accompagnés  d  une  joyeuse  fanfare,  les  porteurs  du  Saint- 
Esprit  qui  vont  quêter  de  fazenda  en  fazenda  ;  la  croyance  au  mauvais  œil,  â  la 
sorcellerie,  aux  ruses  des  serpents.  En  général,  ces  croyances  sont  propres  aux 
nègres  et  aux  basses  classes  du  peuple  bréi^ilien;  dans  la  République  Argentine, 
il  faut  citer  le  velorio^  veillée  mortuaire  où  Tou  danse  autour  du  cataralque  quand 
c'est  un  enfant  qui  est  mort,  la  superstition  propre  aux  Indiens  et  relative  aux 
nombres  néfastes,  etc.  Cette  brochure  est  une  utile  addition  aux  ouvrages  publiés 
par  MM.  Coelho,  Joaquim  Sura,  de  Magalhaens  et  de  Sante-Anna  Néry. 

Rbné  Bassrt. 

Zeitschrift  fur  afrikanische  und  oceanische  Sprachen  publiée  par  A. 
Seidel.  2''  année  1896,  fasc.  I,  Berlin,  lib.  Reimer. 

La  nouvelle  revue  qui  a  remplacé  la  Zeîtschnft  fnr  afrikanische  Spf*achen  dis- 
parue à  la  mort  de  Bûttner,  contient,  comme  sa  devancière,  des  matériaux  de 
toute  sorte  pour  Tétude  du  folklore.  On  en  jugera  par  Ténumération  suivante  : 
BôCKiNo  :  Sagen  der  Wa-Pokomo,  p.  33-39.  Les  Wa-Pokomo,  tribu  bantou  de  TA- 
frique  orientale,  prétendent  descendre  d'un  homme  nommé  Sangowere  qui 
n'avait  ni  père  ni  mère.  Il  donna  naissance  aux  Mbouou  {Mbuu).  Le  récit 
s'étend  ensuite  sur  les  luttes  des  Wa-Pokomo  contre  les  Gallas  et  ensuite  contre 
les  Souahilis.  11  se  termine  par  la  description  de  deux  sortes  d^associations  :  la 
Yaganga  et  la  Ngadsi,  et  de  la  coutume  du  paiement  de  la  femme  prise  en  ma- 
riage. —  IlÉLi  Châtelain  :  Die  Begriffe  und  Wiyrier  fur  Leben,  Geist^  Stèle  und 
Tod  im  Kimbundu,  p.  42-45.  Il  est  à  remarquer  qu'en  Kirabundu,  langue  bantou 
de  TATrique  occidentale,  le  mot  Kalunga  n  mort  »  entre  dans  la  composition  des 
mots  signifiant  «  Océan  »  (Mu'alunga)  «  monde  des  ombres  »  (Ku'aiunffa)  «  rôi 
du  monde  des  ombres  »  [Kalunga  ngombé)^  éternité  {Kalunga).  Dans  le  monde 
des  ombres,  on  continua  à  mener  la  vie  terrestre  ;  il  n  est  nullement  question 
de  paradis  ni  d'enfer  ;  les  esprits  sont  bons  pour  ceux  qui  les  traitent  bien  et 
méchants  pour  ceux  qui  les  maltraitent  ou  les  négligent.  —  J.  Tobrknd,  contes 
en  Chwabo  ou  langue  de  Quélimane  (Mozambique),  p.  46-50.  —  }.  Un  plein  cabas 
d'enfants.  Une  femme  ayant  mis  au  monde  un  plein  cabas  d'enfants  est  chassée 
par  son  mari  :  en  route  un  oiseau  dévore  successivement  les  enfants,  puis  elle- 
même  et  enGn  le  cabas.  —  Les  chansons  dont  le  conte  est  mêlé  sont  en  langue 
de  Séna  qui  est  regardée  comme  supérieure  à  celle  de  la  côte.  —  IL  Le  lapin  et 


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tIEVL'E    DES   TUADlTIOiNS  rOlULAlRE^  «333 

la  hyène.  Uq  lapin  après  s'être  enivrt^,  voulant  procurer  à  sa  femme  une  Jambe 
de  Uoo,  fait  un  trou  dans  un  tronc  d*arbre  par  lequel  il  s'échappe,  tandis  que  son 
ennemi  y  reste  pris.  11  lui  coupe  la  jambe  et  la  porte  à  sa  femme  qui  en  donne 
à  celle  de  la  hj^ène.  Celle-ci  veut  imiter  la  ruse  du  lapin,  mais  le  lion  passe 
par  le  trou  qu'elle  a  creusé  dans  Tarbre  et  l'assiège  dans  sa  tanière  où  la  faim 
Toblige  à  manger  sa  femelle  et  ses  petits.  —  Christallrr.  SprichwÔrler  d^r 
Tshwi-Neger  (côte  de  Guinée),  p.  51 -5t.  —  A.  Wkrnbr,  Ràthsel  (quatorze  énigmes 

en  langue  du  Nyassa),  p.  82-83. 

RENé  Basset. 

J.  Ooldziber  et  G.  de  Landberg-Hallberger.  Die  Légende 
vom  Mônch  BarsUâ,  Kirchhaio  N.  L.,  1896,  in-8. 

La  légende  du  moine  Barstsâ  est  la  version  orientale  d'un  fableau  bien  connu  : 
Les  trois  péchés  de  Vennile^  et  MM.  Goldziher  et  de  Landberg  ont  étudié  son  dé- 
veloppement en  arabe  et  en  turk,  en  remontant  à  fa  plus  ancienne  version 
connue,  celle  d'Abou'l  Leith  et  Samarqandi,  mort  en  315  ou  385  de  l'hégire,  dans 
son  Tanbih  el  ghafilîn.  On  la  retrouve  successivement  dans  Qazouiui  et  El  Ibchihi 
et  aujourd'hui  encore,  elle  a  cours  dans  la  littérature  orale  du  Hadhramaout. 
Elle  existe  aussi  dans  le  recueil  turk  connu  sous  le  nom  de  Qurante  Vizirs.  Les 
noms  dcR  auteurs  de  cette  étude  sont  Ips  meilleurs  garants  du  soin  et  de  l'exac- 
titude avec  lesquels  elle  a  été  faite.  Ils  ont  parfaitement  reconnu  que  la  légende 
a  son  point  de  départ  dans  cette  idée  que  l'homme  de  Dieu  est  sans  cesse  ex- 
posé aux  attaques  du  démon.  Quelques-uns  succombent  comme  Barstsà  et  Faust  ; 
les  autres  triomphent  comme  Job  et  les  ermites  de  divers  contes  dévots.  Aux 
versions  citées  par  les  auteurs  et  Dunlop-Liebrecht  auxquels  ils  renvoient, 
j'ajouterai  les  suivantes  :  Pour  l'Orient,  Ibn  Kelhir,  mort  en  174  hég.  (1);  Ah'med 
el  Qalioubi,  Naouâdir  (2).  En  Occident,  l'archiprèlre  de  Hita,  Poesias,  copias 
503-507  (3)  ;  D.  Juan  Manuel.  Le  comte  Lucanor  [iK  Dans  ces  récils,  l'ermite  paie 
ses  crimes  de  sa  vie;  ailleurs,  la  protection  de  Dieu  s'étend  sur  lui  et  le  fait 
échapper  par  un  miracle.  Dans  Jacques  de  Vitry,  dont  le  conte  est  analysé  dans 
les  notes  de  Tédition  des  Contes  moralises  de  Nicole  Boz(m  (5) ,  l'ermite,  après 
avoir  tué  la  jeune  fille,  reconnaît  qu'il  s'est  laissé  séduire  par  le  diable;  il  se  met 
en  prière,  la  morte  ressuscite  et  est  rendue  à  son  père.  Le  récit  de  Nicole 
Bozon(6)  diffère  davantage;  le  début  de  la  tentation  par  le  coq,  les  poules  et  la 
servante  est  le  même,  mais  une  prière  de  l'ermite  fait  évanouir  tous  ces  êtres 
suscités  par  le  démon  (7).  Enfin,  M.  d'Ancona  a  étudié  ce  fableau  dans  son  intro- 
duction à  la  Leggenda  di  SanV  Albano  (8\ 

René  Basset. 

1.  La  version  turke  de  son  histoire  inédite  contient  ce  conte  d'après  Pleischer, 
Catalogus  Codicum  orienlalîum  Bibliuthecœ  Lipnensis^  n^  274,  p.  519,  Grimui, 
1838,  in-4. 

2.  Le  Qaire,  1302,  in-8,  p.  22. 

3.  Sanchez,  Poesias  castellanas  antertores  al  siglo  XY,  Paris,  1842,  Jn-8, 
p.  454-456.  Le  récit  est  identique  au  fableau. 

4.  Gavanffos,  Escritores  en  prosa  anteriores  al  siglo  XV.  Madrid,  1859,  gr.  in-8, 
Ex.  XLV  :  De  ce  qu*it  advint  d'un  homme  gui  s'était  donné  au  diable.  La  conclu- 
sioD  de  l'histoire  seule  est  semblable  à  celle  de  Barsisà. 

5.  Ed.  Lucy  Toulmin  Smith  et  P.  Meyer,  1889.  iu-8,  p.  297. 

6.  Op.  /dwâ.,  *no  GXLV,  p.  186;  Quod  quasi  sub  virtulis  specie  diabolus  vicia 
fréquenter  induit. 

7.  Ce  récit  a  beaucoup  de  rapports  avec  un  épisode  d'un  conte  des  Mille  et 
Vue  Nuit^,  Le  Berger  pieuVy  éd  de  Beyrout,  t.  11,  p.  120,  nuit,  148;  éd.  du  Qaire, 
t.  I,  p.  293,  nuits,  147-148. 

8.  Bologne,  1865,  p.  40  et  suivantes. 


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334  HBVDE    DBS    THAIimON8    POPULAIRES 

Alfred  Maury.  Croyances  et  légendes  du  moyen-âge;  nouvelle 
édftion  des  Fées  du  moyen-âge  et  des  légendes  pieuses,  publiée 
d'après  les  noie?  de  Fauteur  par  Auguste  Longnon  et  G.  Bonet- 
Maury,  avec  une  préface  de  Michel  Bréal.  Honoré  Champion, 
in-8  de  pp.  LV-459  (12  fr.). 

F^es  élévea  d*Aifred  Maury  ont  eu  la  t>onne  pensée  de  rééditer  deux  des 
ouvrages  de  leur  maître  :  les  Fées  du  moyen-âge^  et  les  Légendes  pieuses  du 
mQyen-âge,  qui  avaient  paru  en  18i3,  et  étaient  devenus  extrêmement  rares.  Ce 
n>st  pas  une  pure  et  simple  réimpression,  les  éditeurs  s'étant  servis  des 
not«s'  d*A.  M.  et  des  adjonctions  ou  modifications  qu'il  avait  apportées  à 
soi^  œuvre  primitive.  Après  un  demi-siècle,  celle-ci  conserve  encore  toute 
sa  valeur,  et  Ton  peut  être  surpris  de  rencontrer  dans  ces .  ouvrages,  que 
Tauteur  écrivit  à  vingt-six  ans,  une  hardiesse  et  une  maturité  de  pensée,  des 
vue9  ^ensemble,  des  hypothèses  ingénie ui^es  et  bien  déduite?,  qu'on  s'attendrait 
plutôt  ^  rencontrer  dans  des  livres  écriL-^  par  des  savants  d*un  &ge  mûr,  après 
de  longqes  et  patientes  études.  A.  M.  était  avant  tout  un  esprit  clair  et  libre,  et 
tous  ceuj  qui  s'intéressent  ci  uos  études  pourront  relire  avec  fruit  ces  deux 
ouvrages,  auxquels  on  aurait  pu  donner  com:iie  épigraphe  ce  passage  de  la 
préface  àe\  Fées  du  moyen-âge:  «  J'ai  tAché  de  inoiijrcr  couinant  dans  des 
investigations  de  ce  genre,  il  ne  faut  négliger  aucun  élément  de  la  question  et 
combien  il  serait  dangereux  de  se  ranger  tout  d'abord  pour  une  opinion 
exclusive.  Eu  matière  de  légendes  et  de  superstitions  populaires,  rien  n'est 
arrêté,  limité,  tout  se  confond  et  fc  mêle  ;  le  cercle  dont  on  cherche  à  s'entourer, 
pour  les  examiner,  doit  donc  se  déplacer  et  s'étendre  suivant  les  époques  et  les 
lieux.  » 

P.  S. 


LIVRES  RKÇUS  AUX  BUREAUX  DE  LA  REVUE 


Ullland.  Poésies  choisies^  traduites  par  André  Pottier  de   Cyprcy. 
Didier,  in-18  de  pp.  xxix-246.  (3  fr.j. 

Hugues  Lapaire.  Au  pays  du  Berri,  A.  Lemerre,  in-18  de  pp. 
162.  (3  fr.). 

M.  Messina  Faulln.  //  folk-lore  in  Orazio.  Palerme,  in-8  de  pp. 
30.  (Ext.  de  TArchivio). 


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BBVUE  DBS  THADITIO.Nâ    l'O^UL/VlUBS  335 


PÉRIODIQUES  ET  JOURNAUX 


«  Asgagrakan  handess  ».  (La  revue  ethnographique),  seaiestrielle,  illustrée, 
en  arménien.  Rédigée  par  E.  Lalayantz,  à  Schouscba  (Caucase).  —  ii*»  année, 
1896.  Numéro  1. 

SoMNAinB.  Premièt*e  partie.  —  Quelques  mots  de  la  rédaction.  —  Evolution 
historique  de  l'Ethnographie  arménienne,  par  E.  lafnyanlz.  —  Le  reigne  des 
Mauiltes  par  le  prof.  V.  Belque,  trad.  par  Sabàïan,  —  Les  tumultus  de  Chodjallou, 
en  Arménie  russe  par  Kësler.  —  La  place  du  Caucase  dans  l'histoire  de  la  civi- 
lisation, par  R.  Virchov,  trad.  par  E.  Babafan.  —  La  province  de  Djavachq,  en 
Arménie  russe  par  J?.  Lalayantz,  —  (1.  Les  traits  historiques.—*  2.  La  topogra- 
phie. —  3.  La  population.  —  4.  La  Ftalistique.  —  5.  L'état  économique.  —  6. 
L'instruction  pnbliqne.  —  7.  —  Les  logements.  —  8.  L'habillement  et  la  parure. 
9.  —La  vie  familiale.  —  a.  Le  mariage.  —  b.  La  naissance  et  le  baptême.  — 
c.  L'éducation.  —  d.  La  vie  familiale.  —  e.  Les  rapports  juridiques  des  membres 
de  la  famille.  —  f  Les  maladies  et  le  traitement.  —  g.  Le  rite  funéraire.  —  h. 
La  vie  future).  —  La  mythologie  populaire,  pages  320-80.  --  Les  airs  populaires 
par  Kara-Mourza, 

Adresse  :  Rédaction  de  la  revue  «  Azgagrakan  Handess  »  ou  E.  Lalayantz. 
Schouscka  (Caucase). 

Arohivio  par  lo  studio  délie  tradizioni  popolariXV.  1.  —  Montovolo  nel 
Bolognese  e  le  sue  leggende  :  Leggende  cristiane.  —  I  paladein.  —  11  tesoro. 
—  Gli  spiriti  {Arluro  Palmieri).  —  Zoologia  popolare  senese  {G.  B.  Corsi).  — 
A^lronomia  e  iMeteorologia  popolare  sarda  e  specialmentt;  del  Logudoro  :  Sole 
e  Luna.  Stelle^  —  Comète  {Giuseppe  Caloln).  —  Cousuetudini  che  governano  le 
proprietà  dei  terrien  coltivate  in  comune  di  Caltanissetta  :  I.  Patti  colonie!  (F* 
Putci),  —  Usi  c  Costumi  de  Contadini  délia  Valdelsa  :  Battesimo  e  Puerperio. 
(Ijr,  Giuseppe  Bacci),  —  Acque  miraeolose  iu  Sicilia  :  Spigolaturc  {G.  f*.).  — 
Croyances  et  Mœurs  popuiareâ  du  Gessenay  (Suisse).  —  InJovinelli  siciliani 
raccolti  in  Castroreale  {Paolo  Giorg'i).  —  Indoviuelli  di  Ba?ilicata  raccolti  a  Mis- 
sanello  uW.  Pasquerelti),  —  Ninne-nanne  del  Casenlino  {Ida  Rossî).  —  Ninne- 
nanne  di  Tunisi  {Lina  Valenza).  —  Sant'Audrea  e  Sant'Antonio.  Novelline  sarde 
'G.  Ferraro),  —  Le  dodici  parole  delta  Verità.  Novellina-Gantilena  popolare  con- 
siderata  nelle  vari  redazioni  italiane  e  straniere.  Continuazione  e  fine  {Pro/. 
Stan.  Prato).  —  Le  storie  popolari  in  poesia  siciliaoa  messe  a  stampa  dae  sec. 
XV  ai  di  nostri  (S.  Salomone-Marino).  —  Sullo  scritto  <c  De  Sortilegtis  »  di 
Slariano  Sozzini  il  vecchio  (Lodovico  Zdekauer).  —  Miscellanea  :  Leggenda  sopra 
quattro  altorilievi  délia  chiesa  di  S.  Marco  in  Venezia.  —  La  procession  del  bue 
grasso  a  Parigi.  —  Mascbere  e  ma  scherati  in  Germania.  —  Uua  canzone 
abissina. 

Ia  Opinion  de  Villavioiosa  (!«''  avril  et  no*  suivants).  —  Vocabulario  dia- 
lectologico  del  concejo  de  Colunga  Braulio  Vigon,  (ce  vocabulaire  asturien  est 
très  intéressant  par  les  locutions,  proverbes  et  formuleltes  qu'il  contient,  ainsi 
que  par  l'explication  succincte  des  superstitions  locales). 


l 


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Xi6  HEVi}^    DES  TKADlTiONS   P0PULAJRK8 

Wallonia,  juin.  —  Légendes  liégeoises.  —  1.  La  chaise  du  bon  Dieu.  —  IL 
Charlemagne  et  les  sotaîs,  /.  Vrindls,  —  IIL  La  petit')  femme  blanche.  —  lY. 
Le  corbeau  d*or.  —  V.  La  chèvre  blanche.  ^  VI.  Le  pommier  du  S^-Esprit, 
0.  C.  —  J'ai  pris  une  maîtresse,  chanson  ]i<^geoise  (air  noté),  0.  Cohon,  —  La 
belle  Dondon  et  le  Barbon,  chanson  dialoguée,  Jos.  Defrecheux,  —  Devinettes 
wallonnes,  0.  Colson,  —  Humour  populaire.  ^  Les  pièces  de  monnaie,  0.  C. 


NOTES  ET  ENQUÊTES 


,\  Natninalions  el  distinctions.  Tous  nos  collègues  apprendront  avec  plaisir 
que  M.  Gaston  Paris,  qui  fut  le  premier  président  de  la  société,  a  été  élu  membre 
de  l'Académie  française. 

/,  Aventure  Tragico-Comigue  du  Sire  de  Clignancourt, 

Image  du  genre  de  celles  dites  d'Epinal  encore  pubik'c  chez  Delhalt  à  Nancy 
sous  le  no  447. 

16  petites  images  de  4  à  la  rangée,  ornée  chacune  d'un  distique  dont  voici  le 
premier.  _ 

«  Aux  portes  de  Paris  dans  un  tout  petit  bourg,  naquit  Jacques  Lîger,  sire  de 
Cligoancourt.  » 

A  quel  personnage  cette  image  fait-elle  allusion,  et  quelle  est  la  plus  ancienne 
counujs? 


REPONSES 


/,  Casser  le  verre  après  avoir  bu,  (V.  T.  x.  p.  654).  En  1666,  le  gouverneur 
général  des  Provinces -Unies  se  rendant  de  Gand  à  Bruges  passa  par  la  com- 
mune de  S^-Georges-ten-Distel,  qui  était  alors  en  pleine  kermesse. 

Le  curé  de  S^-Georges  présenta  à  son  Excellence  le  vin  d'honneur  dans  une 
coupe  aux  armes  d'Espagne. 

La  coupe  fut  ensuite  jetée  dans  ta  rioière,  et,  ô  miracle,  au  lieu  de  s'enfoncer, 
ou  la  vit  surnager,  flotter  et  revenir  au  bord.  Une  pièce  de  vers  relatant  cet 
événement  a  été  imprimée  à  Bruges,  chez  Lucas  van  den  Kerchove,  en  1668, 
c'est  de  ce  document  que  nous  extrayons  ce  qui  précède. 

(Comm.  de  M .  Alfred  IIarou) 

,%  Etres  fantastiques  qui  font  dormir  les  enfants.  (T.  IX,  p.  64).  Marie  Groète^ 
femme  dont  on  fait  peur  aux  petits  enfants.  (Hécart.  dictionnaire- Uouchi-fran- 
rais,  p.  291). 

En  patois  de  Mons,  on  dit  «  Magrite  ». 

(Cumm.  de  M.  Alfrbd  Uarou). 

Le  Gérant,  A.  CERTEUX 
liaugé  {Maine-et-Loire)»  —  Imjprimerie  Daloux, 


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^ 


REVUE 


DES 


TRADITIONS  POPULAIRES 


11'  Année.—  Tome  XI.  -.  No  7  ~  JuiUet  1896. 


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LES  ANCIENS  CHANTS  HISTORIQUES 
ET  LES  TRADITIOiNS  TOPULAIRES  DE  L'ARMÉNIE  ^ 


HAÏG 

A  tradition  la  plus  ancienne,  c'est^celle  d'Haïg, 
que  Moïse  de  Khoren  raconte  d'après  Mar  Abas 
Katina  (Mar  Abas  de  Mtzuinj  de  la  manière 
suivante  : 

a  TerriWes,  extraordinaires  étaient  les  pre- 
miers dieux,  auteurs  des  plus  grands  biens 
dans  le  monde,  principes  de  l'univers  et  de  la 
multiplication  des  hommes.  De  ceux-ci  se  sé- 
para la  race  des  géants,  doués  d'une  force  ter- 
rible, invincibles,  d'une  taille  colossale,*  qui 
dans  leur^orgueil,  conçurent  et  enfantèrent  le 
projet  d'élever  la  tour.  Déjà  ils  étaient  à  Toeuvre  :  un  vent  furieux 
et  divin,  soufûé  par  la  colère  des  dieux,  renverse  l'édifice.  Les 
dieux,  ayant  donné  à  ces  hommes  un r langage]  que  les  autres  ne 
comprenaient  pas,  répandirent  parmi  eux  la  confusion  et  le  trouble. 
L'un  de  ces  hommes  était  Haïg,  de  la  race  des  Japhétos.  chef  renom- 
mé, valeureux,  puissant  et  habile  à  tirer  Tare. 

«  Haïg,  dit-il,  célèbre  par  sa  beauté,  sa  force,  sa  chevelure  bouclée, 
par  la  vivacité  de  son  regard,  par  la  vigueur  de  son  bras,  prince  va- 
leureux et  renommé  entre  les  géants,  s'opposa  à  tous  ceux  qui 

I.  Cf.  t.  îl,  p.  1,  129. 

TOHB  XI.  —  JUIIXIT  1896.  22 


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338  REVUE   DES   TRADITIONS    POPULAIRES 

levaient  une  main  dominatrice  sur  les  géants  et  les  héros.  Dans  son 
audace,  il  entreprit  d  armer/  son  bras  contre  la  tyrannie  de  Bélus, 
lorsque  le  genre  humain  se  dispersa  sur  toute  la  terre,  au  milieu 
d'une  masse  de  géants  furieux  d'une  force  démesurée.  Car  chacun, 
poussé  par  sa  frénésie,  enfonçait  le  glaive  dans  le  flanc  de  son  compa- 
gnon ;  tous  s'efforçaient  de  dominer  les  uns  sur  les  autres.  Cependant 
la  fortune  aida  Bélus  à  se  rendre  maître  de  toute  la  terre.  Haïg, 
refusant  de  lui  obéir,  après  avoir  engendré  son  fils  Arménag  à.  Baby- 
lone,  s'en  va  au  pays  d'Ârarat,  situé  du  côté  du  Nord,  avec  ses  fils, 
ses  filles,  les  fils  de  ses  fils,  hommes  vigoureux,  au  nombre  d'environ 
trois  cents,  avec  les  fils  de  ses  serviteurs,  les  étrangers  qui  s'étaient 
attachés  à  lui,  et  avec  tout  ce  qu'il  possédait.  Il  s'arrêta  auprès 
d'une  montagne  où  quelques-uns  des  hommes,  précédemment  dis- 
persés, avaient  fait  halte  pour  s'y  fixer.  Haïg  les  soumit  à  son  auto- 
rité, fonda  en  ce  lieu  un  établissement,  et  le  donna  en  apanage  à 
Catmos,  fils  d'Arménag. 

Ceci  donne  raison  aux  récits  des  anciennes  traditions  non  écrites, 
ajoute  Moïse  de  Khoren. 

Quand  à  Haïg,  il  s'en  va,  avec  les  restes  de  sa  suite  au  nord -ouest, 
s'établit  sur  une  plaine  élevée,  appelée  Hark  (Pères),  ce  qui  veut 
dire  :  Ici  habitèrent  les  pères  de  la  race  de  Thorgom.  Puis  il  bâtit  un 
village  qu'il  appela  Haïcachen  (construit  par  Haïg). 

«  Bel,  ce  Titan,  ayant  afl'ermi  sur  tous  sa  domination,  envoie  dans 
le  nord  vers  Haïg  un  de  ses  fils,  accompagné  d'hommes  fidèles,  pour 
l'obliger  à  se  soumettre  à  lui  et  à  vivre  en  paix  : 

«  —  Tu  t'es  fixé,  dit-il  (à  Haïg),  au  milieu  des  glaces  et  des  frimas  ; 
réchauffe,  adoucis  Tàpreté  glaciale  de  ton  caractère  hautain,  et 
soumis  à  mon  autorité,  vis  tranquille  là  où  il  te  plait,  sur  toute  la 
terre  de  mon  empire.  Mais  Haïg,  congédiant  les  envoyés  de  Bel, 
répondit  avec  dédain,  et  le  messager  retourna  à  Babylone. 

«  Alors,  Bel  le  Titan^  rassemblant  ses  forces  marcha  au  nord  avec 
une  nombreuse  infanterie  contre  Haïg,  et  arriva  au  pays  d'Ararat, 
non  loin  de  l'habitation  de  Gatmos.  Celui-ci  s'enfuit  vers  Haïg,  et 
envoie  en  avant  des  rapides  coureurs  : 

«  —  Sache,  dit  Gatmos,  le  plus  grand  des  héros,  que  Bel  vient 
fondre  sur  toi  avec  ses  braves  immortels,  ses  guerriers  à  la  taille 
élevée  et  ses  géants.  En  apprenant  qu'ils  approchaient  de  mon 
domaine,  j'ai  pris  la  fuite.  Me  voici,  j'arrive  en  toute  hâte  ;  avise 
sans  plus  tarder  à  ce  que  tu  dois  faire. 

«  Bel,  avec  son  armée  audacieuse  et  imposante,  pareil  à  un  torrent 
impétueux  qui  se  précipite  du  haut  d'une  montagne,  se  presse  d'ar- 
river sur  les  confins  des  possessions  de  Haïg.  Bel  se  confiait  dans  la 


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BEVUE    DÉS  TRADITIONS   POPULAIRES  339 

valeur  el  la  force  de  ses  soldats  ;  mais  Haïg,  ce  géant  calme  et  réflé- 
chi, à  la  chevelure  bouclée,  à  Tœil  vif,  rassemble  aussitôt  ses  fils  et 
ses  petits  fils,  guerriers  intrépides,  habiles  tireurs  d'arc,  mais  très 
peu  nombreux,  avec  les  autres  hommes  qui  vivaient  sous  la  dépen- 
dance du  pays,  et  arrive  au  bord  d'un  lac  dont  les  eaux  salées  nour- 
rissent des  petits  poissons.  Là,  haranguant  ses  troupes,  il  leur  dU  : 
—  En  marchant  contre  Tarmée  de  Bel,  efforçons-nous  d'arriver  à 
Tendroit  où  il  se  tient  entouré  par  la  multitude  de  ses  braves  :  si 
nous  mourons,  ce  que  nous  possédons  tombera  aux  mains  de  Bel  ; 
si  nous  nous  signalons  par  l'adresse  de  nos  bras,  nous  disperserons 
son  armée  et  nous  serons  maîtres  de  la  victoire. 

«  Aussitôt,  franchissant  un  large  espace,  les  soldats  de  Haïg  s'é- 
lancent dans  une  plaine  située  entre  de  très  hautes  montagnes,  et 
se  retranchèrent  sur  une  hauteur,  à  droite  d'un  torrent.  Alors,  levant 
les  yeux,  ils  virent  la  masse  confuse  de  l'armée  de  Bel,  courant  çà  et 
là  avec,une  audace  farouche  et  dispersée  sur  toute  la  surface. 

«  Cependant  Bel,  tranquille  et  confiant,  se  tenait,  avec  une  forte 
escorte,  à  la  gauche  du  torrent,  sur  une  éminence,  comme  dans 
un  poste  d'observation. 

«  Haïg  reconnut  le  détachement  où  était  Bel  en  avant  de  s^s  trou- 
pes, avec  des  soldats  d'élite  et  bien  armés.  Un  large  espace  de  terre 
le  séparait  de  sa  troupe.  Bel  portait  un  casque  de  fer  à  la  crinière 
flottante,  une  cuirasse  d'airain  qui  lui  garantissait  le  dos  et  la  poi- 
trine, des  cuissards  et  des  brassarts  ;  au  côté  gauche  et  fixée  à  la 
ceinture,  une  épée  à  double  tranchant  ;  de  la  main  droite,  il  portaft 
une  bonne  lance  et  de  la  gauche  un  épais  bouclier.  A  sa  droite  et  à 
sa  gauche  se  tenaient  ses  troupes  d'élite.  Haïg  voyant  le  Titan  ainsi 
armé  de  toutes  pièces  et  flanqué  des  deux  côtés  d'une  escorte  choisie, 
place  Arménag  avec  ses  deux  frères  à  sa  droite,  Gatmos  et  deux 
autres  de  ses  fils  à  sa  gauche,  parce  qu'ils  étaient  habiles  à  tirer  l'arc 
et  à  manier  l'épée  ;  pour  lui,  se  plaçant  à  l'avant-gaade,  il  forma 
derrière  lui  en  triangle  ses  autres  troupes,  qu'il  fit  avancer  douce- 
ment. 

(c  S'étant  rapprochés  de  tous  côtés  les  uns  sur  les  autres,  les 
géants,  dans  leur  choc  impétueux,  faisaient  retentir  la  terre  d'un 
bruit  épouvantable,  et  par  la  fureur  de  leurs  attaques  ils  répandaient 
parmi  eux  la  terreur  et  l'épouvante.  Grand  nombre  de  robustes 
géants  de  part  et  d'autre,  atteints  par  le  glaive,  tombaient  renversés 
à  terre  ;  cependant  des  deux  côtés  la  bataillle  restait  indécise.  A  la 
vue  d'une  résistance  aussi  inattendue  et  pleine  de  dangers,  le  roi 
effrayé  remonte  sur  la  colline  d'où  il  était  descendu,  car  il  croyait 
trouver  un  abri  sûr  au  milieu  des  siens,  jusqu'à  ce  qu'enfin,  toute 


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340  RBVUE  DES  TRADITIONS    POPULAIRES 

Tarmée  étaot  arrivée,  il  put  recommencer  Taltagae  sur  toute  la 
ligne.  Haïg,  l'habile  tireur  d'arc,  comprenant  cette  manœuvre,  se 
place  en  face  du  roi,  bande  son  arc  à  la  large  courbure,  décoche 
une  flèche  munie  de  trois  ailes,  droit  à  la  poitrine  de  Bel,  et  le 
trait,  le  traversant  de  part  en  part,  sort  par  le  dos,  et  retombe  à  terre. 
C'est  ainsi  que  le  fier  Titan,  abattu  et  renversé,  expire.  Ses  troupes, 
à  la  vue  de  ce  terrible  exploit,  prennent  la  fuite^  sans  qu'aucun  ne  se 
retournât  en  arrière. 
Or,  notre  pays  est  appelé  Haïk  du  nom  de  ce  brave  ancêtre  Haïg. 


ARAM 

Le  deuxième  héros  demi-historique  c'est  Âram,  huitième  descen- 
dant d'Haïg.  C'est  de  son  nom  que  tous  les  peuples  appellent  les 
Haïciens  Arméniens. 

Aram,  «  ami  des  labeurs  et  de  sa  patrie,  eût  préféré  mourir  pour 
son  pays  que  de  voir  les  (ils  de  Tétranger  fouler  le  sol  natal  et 
commander  à  ses  compatriotes  et  à  ses  frères. 

Cet  Âram,  inquiété  par  les  nations  voisines,  rassemble  toute  la 
multitude  de  ses  braves  guerriers,  habiles  à  manier  Tare  et  à  lancer 
le  javelot,  jeunes,  nobles,  doués  d'une  grande  adresse  et  d'une 
beauté  remarquable,  troupe  qui,  pour  le  courage  et  dans  l'action, 
valait  autant  que  cinquante  mille  hommes. 

Aram  rencontre  sur  les  confins  de  l'Arménie  la  jeunesse  des 
Mèdes,  sous  la  conduite  de  Nioukar,  surnommé  Madës,  guerrier 
orgueilleux  et  vaillant. 

Avant  le  lever  du  soleil,  Aram  fondant  sur  lui  à  Timproviste, 
extermina  toute  la  multitude  de  son  armée.  Quant  à  Nioukar,  appelé 
Madès,  Aram  l'ayant  fait  prisonnier,  le  conduit  k  Armavir,  et  là,  au 
sommet  de  la  tour  des  murailles^  le  front  traversé  avec  un  long  clou 
de  fer,  Nioukar  est  fixé  au  mur,  par  ordre  d'Aram,  à  la  vue  de  tous 
les  spectateurs  qui  étaient  venus  là,  et  des  passants. 

H  nous  faut  ajouter  que  cette  description  est  tout-à-fait  orientale. 

Cependant,  Ninus,  roi  de  Ninive,  nourrissait  dans  son  cœur  un 
souvenir  de  haine,  à  cause  de  son  ancêtre  Bélus,  car  il  connaissait  le 
passé  par  la  tradition.  Il  songeait  depuis  de  longues  années  aux 
moyens  de  se  venger,  épiant  le  moment  d'exterminer  et  d'anéantir 
jusqu'au  dernier  rejeton,  toute  la  race  de  fils  du  brave  Haïg.  Mais  la 
crainte  de  se  voir  lui-même  dépouillé  de  son  royaume  en  exécutant 
un  tel  projet,  le  retint.  11  cache  ses  perfides  desseins  et  ordonne 


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REVUE    DES   TRADITIONS   POM'LAIRES  341 

à  Aram  de  conserver  la  puissance  sans  inquiétude,  lui  accorde  le 
droit  de  porter  le  bandeau  de  perles,  et  le  nomme  son  second. 

Ce  même  Aram,  après  avoir  (erminé  sa  guerre  contre  rOrient, 
marche  avec  les  mêmes  troupes  en  Assyrie.  Il  y  trouve  un  homme 
qui  ruinait  sa  patrie  avec  quarante  mille  fantassin^  et  cinq  mille 
cavaliers  ;  il  était  de  la  race  des  géants  et  avait  nom  Parscham... 
Aram  lui  livre  bataille,  le  jette,  fugitif,  au  milieu  du  pays  du  Gor- 
touk,  dans  la  plaine  d'Assyrie,  et  extermine  un  grand  nombre 
d'ennemis.  Parscham  mourut  sous  les  coups  des  soldats  d'Aram... 
H  marche  ensuite  sur  TOccident,  avec  quarante  mille  fantassins  et 
deux  mille  cavaliers,  arrive  en  Cappadoce,  dans  un  endroit  appelé 
aujourd'hui  Césarée:..  Baïabis  Kaghia  lui  livre  bataille  ;  ce  Titan 
occupait  tout  le  pays  situé  entre  les  deux  grandes  mers,  le  Pont  et 
rOcéan.  Aram  fond  sur  lui,  le  défait,  le  refoule  jusque  dans  une  île 
de  la  mer  asiatique.  Puis,  laissant  un  de  ses  parents,  nommé 
Mschag,  avec  dix  mille  hommes  de  ses  troupes  pour  garder  le  pays, 
il  retourne  en  Arménie. 

Le  gouverneur  Mschag  établit  un  village^  auquel  il  donna  son  nom  ; 
les  anciens  habitants  du  pays  le  nommaient  Majak,  ne  pouvant  bien 
prononcer,  jusqu'à  ce  qu'ensuite,  agrandi  par  d'autres  ce  village 
fut  nommé  Césarée. 

On  raconte  d'Aram,  dit  Moïse  de  Khoren,  bien  d'autres  actions 
d'éclat  ;  mais  nous  en  avons  dit  assez  sur  ce  sujet  ^ 


ARA 

Moïse  de  Khoren  raconte  d'après  les  traditions  populaires  qu'après 
Aram,  le  gouvernement  d'Arménie  échut  à  son  fils  Ara,  surnommé 
le  Beau.  Quelques  années  après  la  reine  d'Assyrie,  «  la  lubrique  » 
Sjmiramis  devint  éperdûment  amoureuse  de  lui  et  le  pria  à  plu- 
sieurs reprises  de  venir  la  prendre  pour  épouse.  Mais  Ara  refusa 
toutes  les  fois. 

«  Outrée  de  ses  dédains,  dit  Moïse  de  Khoren,  la  grande  reine  des 
Assyriens  vient  en  Arménie,  à  la  tête  de  ses  troupes,  fondre  sur  lui. 
Mais  au  moment  du  combat,  elle  veut  que  ses  généraux  épargnent, 
s'il  est  possible,  la  vie  de  l'objet  de  sa  passion.  Cependant,  au  milieu 
de  la  bataille.  Ara  fut  tué  en  combattant,  sans  être  connu.  Alors  elle 
donne  l'ordre  k  ceux  qui  dépouillaient  les  cadavres,  de  chercher  son 
corps  parmi  les  morts,  et  elle  le  fait  transporter  sur  la  terrasse  de 

i.  M.  de  Kb.  I,  ch.  XIII  et  XIV. 


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34â  RBVtJfi  DES  TRADITIONS  POPULAIRlfiS 

son  palais.  Comme  les  Arméniens  revenaient  à  la  charge  pour  ven- 
ger le  trépas  de  leur  souverain,  elle  fait  entendre  ces  paroles  :  «  J*ai 
commandé  à  mes  dieux  de  lécher  les  plaies  d'Ara,  et  il  sera  rappelé 
à  la  vie  ».  Elle  espérait,  en  même  temps,  par  la  puissance  de  ses 
enchantements  magiques,  le  ressusciter.  Cependant,  la  putréfaction 
ayant  gagné  le  cadavre,  elle  le  fait  jeter  dans  une  fosse  profonde, 
loin  de  la  vue  de  tons  Puis,  prenant  auprès  d'elle  un  de  ses  amants 
qu'elle  avait  fait  travestir  en  secret,  elle  répand  cette  nouvelle  :  «  Les 
dieux  ayant  léché  les  plaies  d'Ara,  lui  ont  rendu  l'existence  ».  Ces 
bruits,  propagés  en  Arménie,  persuadent  les  esprits  et  mettent  un  à 
la  guerre  '  ». 

Cette  tradition  correspondait  parfaitement  à  certaine  croyan'ce  des 
Arméniens,  aux  Aralez.  La  signiGcation  propre  du  nom  d'Aralez  est 
«  léchant  continuellement,  complètement  <«  et  il  parait  avoir  désigné 
une  classe  d'êtres  surnaturels  ou  de  di\inités  nées  d'un  chien  ^  et 
dont  les  fonctions  étaient  de  lécher  les  blessures  des  guerriers  tom- 
bés sur  le  champ  de  bataille  et  de  les  faire  revenir  à  la  vie.  Cette 
croyance  a  duré  jusqu'au  V  siècle,  même  dans  la  classe  des  nobles, 
quoique  le  christianisme  fût  devenu  la  religion  dominante  du  pays. 
Faustus  de  Byzance  nous  en  cite  un  exemple  : 

Le  général  en  chef  des  Arméniens  Mouschègh  Mamiconian  fut 
calomnié  auprès  du  roi  arménien  Yarazdat  (384-386)  par  Saharouni 
et  tué  dans  un  festin  offert  par  le  roi  à  la  noblesse. 

«  Lorsque  l'on  eut  apporté,  dit  Faustus,  le  corps  du  général  Mous- 
chègh dans  sa  mai:^on,  chez  ses  parents,  ceux-ci  ne  croyaient  pas  à 
sa  mort,  quoiqu'ils  lui  vissent  la  tête  séparée  du  tronc.  Ils  disaient  : 
«  Mouschègh  a  affronté  bien  des  fois  les  hasards  de  la  guerre  et 
jamais  il  n'a  reçu  de  blessure  ;  jamais  flèche  ne  Ta  atteint  ;  ni  arme 
ennemie  ne  Ta  percé  ».  Quelques-uns  d'entre  eux  espéraient  le  voir 
ressusciter  ;  ils  réunirent  la  tête  et  le  tronc,  qu'ils  transportèrent  sur 
la  plate-forme  d'une  tour.  Ils  disaient  ;  «  Puisqu'il  est  un  brave,  les 
Arléz  descendront  et  lui  rendront  la  vie  ».  Ils  restèrent  à  garder  son 
corps,  jusqu'à  ce  qu'enfin  il  tombât  en  putréfaction  ;  alors  ils  le  des- 
cendirent et,  versant  des  larmes,  ils  l'enterrèrent  suivant  l'usage.  » 

Selon  le  même  Moïse  de  Khoren,  le  conte  d'Ara  était  très  répandu 
et  il  nous  semble  qu'Emin  a  raison  de  l'identifier  avec  le  conte 
d'Er,  intercalé  par  Platon  dans  sa  République  '  que  voici  : 

«  Er  l'Arménien,  originaire  de  Pamphylie,  avait  été  tué  dans  une 
bataille  ;  dix  jours  après,  comme  on  enlevait  les  cadavres  déjà  défi- 

1.  Moïf»e,  liv.  1,  ch.  XV. 

2.  Eznig,  Réfutation  des  secteft,  p.  98-100.  Edit.  arménienne. 

3.  Platou  :  La  République  y  t.  X,  liv.  X. 


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REVUE    DES   TRADITIONS    POPULAIRES  343 

$2:urés  de  ceux  qui  étaient  tombés  avec  lui,  le  sien  fut  trouvé  sain  et 
entier;  on  le  porta  chez  lui  pour  faire  les  funérailles,  et  le  dou- 
zième jour,  lorsqu'il  était  sur  le  bûcher,  il  revécut  et  raconta  ce 
qu'il  avait  vu  dans  l'autre  vie. 

Le  récit  d'Ara  ressemble  beaucoup  aux  récits  des  nations  orien- 
tales. 

Ainsi,  chez  les  Grecs,  la  déesse  Artemis  devient  amoureuse 
d'Orion,  un  très  beau  jeune  homme,  et  étant  refusée  de  lui,  elle 
ordonne  à  un  scorpion  de  le  piquer,  mais  après  elle  regrette,  le 
guérit  et  l'envoie  au  ciel,  où  il  forme  la  brillante  constellation 
d'Orion. 

Encore  Hippolyte,  Pelée,  Phinée,  Bellérophon,  fils  de  Glaucon, 
o  à  qui  donnèrent  les  dieux  la  beauté  et  une  aimable  vigueur  » 
avait  résisté  aux  avances  de  la  divine  Anteia,  et  celle-ci,  furieuse, 
s'adressa  au  roi  Prœtos  :  «  Meurs,  Prœtos,^  ou  tue  Bellérophon,  car 
il  a  voulu  s'unir  d'amour  avec  moi  qui  n'ai  point  voulu.  »  Prœtos 
envoya  le  héros  en  Lycie  où  il  dut  combattre  la  Chimère  *. 

La  tradition  hébraïque  aussi  a  conservé  un  récit  analogue  :  Joseph, 
dans  la  maison  de  Putiphar,  repoussant  la  passion  de  la  femme  de 
son  maître,  fut  calomnié  par  elle  et  mis  en  prison. 

Il  me  semble  que  l'origine  de  notre  récit  d'Ara,  avec  tous  les  récits 
pareils,  consiste  dans  le  conte  «  de  deux  frères  »  égyptien,  parvenu 
dans  un  manuscrit  du  xm*  siècle  avant  J.-Ch.  et  traduit  par  l'émi- 
nent  égyptologue  Maspero. 

«  Ce  conte  se  résout  à  première  vue  en  deux  contes  différents.  Au 
début,  c'est  l'histoire  de  deux  frères,  l'un  marié,  l'autre  célibataire, 
qui  vivent  dans  la  même  maison  et  s'occupent  aux  mêmes  travaux. 
La  femme  d'Anoupou  s'éprend  de  Bitiou  sur  le  vu  de  sa  force  et  veut 
profiter  de  l'absence  du  mari  pour  satisfaire  un  accès  de  passion 
subite.  Il  refuse  avec  indignation;  elle  l'accuse  de  viol  et  manœuvre 
si  adroitement  qu'Anoupou,  saisi  de  fureur,  se  décide  à  tuer  son 
frère  en  trahison.  Celui-ci,  prévenu  par  les  bœufs  qu'il  conduisait, 
s'enfuit,  échappe  à  la  poursuite  grâce  à  la  protection  du  soleil,  se 
mutile  et  se  disculpe,  mais  refuse  de  revenir  à  la  maison  commuue 
et  s'exile  au  val  de  l'Acacia.  Le  frère  aîné,  désespéré,  rentre  chez 
lui,  met  à  mort  la  calomniatrice,  puis  «  demeure  en  deuil  de  son 
petit  frère  ». 

Jusqu'à- présent,  le  merveilleux  ne  tient  pas  trop  de  place  dans 
l'action  ;  sauf  quelques  discours  prononcés  par  les  bœufs  et  l'appa- 
rition miraculeuse  d'une  eau  remplie  de  crocodiles  entre  les  deux 

i.  Iliade f  Z.  155-210,  cité  par  iMaspero,  o.  c.  p.  Xl-XIL 


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344  REVUE   DES   TRADITIONS    POPULAIRES 

frères,  au  plus  chaud  de  la  poursuite,  le  narrateur  ne  s'est  guère 
servi  que  de  faits  empruntés  à  la  vie  courante.  L'autre  conte  n'est 
que  prodiges  d'un  bout  à  l'autre.  Bitiou  s  est  retiré  au  Val  pour 
vivre  seul  et  a  déposé  son  cœur  dans  une  fleur  de  l'Acacia.  C'est 
une  précaution  des  plus  naturelles  :  on  enchante  son  cœur,  on  le 
place  en  lieu  sûr  au  sommet  d'un  arbre;  tant  qu'il  y  restera  intact, 
aucune  force  ne  prévaudra  contre  le  personnage  auquel  il  appar- 
tient *.  Cependant,  les  dieux  descendus  en  visite  sur  la  terre,  ont 
pitié  de  la  solitude  de  Bitiou  et  lui  fabriquent  une  femme.  Il  l'aime 
éperdûment,  lui  confie  le  secret  de  sa  vie,  et  lui  recommande  de  ne 
pas  quitter  la  maison,  car  le  Nil  qui  passe  à  travers  la  vallée  est 
épris  de  sa  beauté  et  ne  manquerait  pas  de  vouloir  l'enlever.  Cette 
conOdence  faite,  il  part  pour  la  chasse,  et  naturellement  la  fille  des. 
dieux  agit  au  rebours  de  ce  qu'il  avait  dit  :  le  Nil  la  poursuit  et 
s'emparerait  d'elle  si  l'Acacia  qui  joue,  on  ne  sait  trop  comment,  le 
rôle  de  protecteur,  ne  la  sauvait  en  jetant  à  l'eau  une  boucle  de  ses 
cheveux.  Cette  épave,  charriée  jusqu'en  Egypte,  est  remise  au  Pha- 
raon, et  Pharaon,  conseillé  par  ses  magiciens,  envoie  ses  gens  à  la 
recherche  de  la  fllle  des  dieux.  La  force  échoue  une  première  fois; 
à  la  seconde  tentative  la  trahison  réussit,  on  coupe  l'Acacia  et  la 
chute  de  l'arbre  produit  la  mort  immédiate  de  Bitiou.  Trois  années 
durant,  il  reste  inanimé;  la  quatrième,  il  ressuscite  avec  l'aide  de 
son  frère  et  songe  à  tirer  vengeance  du  crime  dont  il  a  été  victime. 
C'est  désormais  entre  l'épouse  infidèle  et  le  mari  outragé  une  lutte 
d'adresse  magique  et  de  méchanceté.  Bitiou  se  change  en  taureau  : 
la  fille  des  dieux  obtient  qu'on  égorge  le  taureau.  Le  sang,  tombé 
sur  le  sol  en  fait  jaillir  deux  perséas,  qui  trouvent  une  voix  pour 
reprocher  à  la  fille  des  dieux  sa  double  perfidie;  la  fille  des  dieux 
obtient  qu'on  abatte  les  deux  perséas,  qu'on  en  façonne  des  plan- 
ches, et  pour  être  certaine  de  sa  vengeance  veut  assister  à  l'opéra- 
tion. Un  copeau,  envolé  sous  Therminette  des  menuisiers,  lui  entre 
dans  la  bouche  :  elle  l'avale,  conçoit,  accouche  d'un  fils  qui  devient 
roi  d'Egypte  à  la  mort  de  Pharaon.  Ce  fils  est  Bitiou  réincarné;  à 
peine  monté  sur  le  trône,  il  rassemble  les  conseillers  de  la  couronne, 
leur  expose  ses  griefs  et  condam.ie  celle  qui,  après  avoir  été  sa 
femme,  est  devenue  sa  mère  *. 

Moïse  de  Khoren  a  conservé  un  récit  sur  la  mort  de  Sémiramis. 
Cette  reine  d'habitude  passait  Télé  en  Arménie,  dans  la  ville 
de  Semiramakert,  fondée  par  elle-même,  sur  le  bord  du  lac  de  Van. 

1.  C*est  la  donnée  du  Corps  sans  âme  qui  se  retrouve  dans  un  grand  nombre 
de  contes  orientaux  et  occidentaux. 

2.  Maspero  :  Les  Conte»  populaires  de  VEgyple  ancienne.  Paris,  18S9,  p.  YllI-X. 


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BEVUE   DES  TRADITIONS  POPULAIRES  34a 

Et  pendant  son  absence  elle  laissait  la  charge  du  gouvernement  de 
TÂssyrie  au  mage  Zoroastre  (Zradaochd),  qui  était  le  chef  des  Mèdes. 
Celui-ci  se  révolta  contre  elle  et  la  défit.  Sémiramis  prit  la  fuite  à 
pied  et  ayant  soif,  elle  se  rendit  au  bord  du  lac  de  Van  pour  se  désal- 
térer, Mais  comme  les  soldats  arrivaient,  elle  jeta  son  talisman  dans 
le  lac  et  se  changea  en  pierre. 

«  C'est  de  là,  dit  Moïse  de  Khoren,  que  nous  est  restée  cette 
phrase  :  Les  perles  de  Sémiramis  dans  la  mer  »  ^ 

Même  jusqu'à  nos  jours  le  peuple  arménien  raconte  des  secrets  sur 
Sémiramis.  Un  de  ces  récits,  mentionné  par  Ëmin,  est  le  suivant  : 

Sémiramis  rencontre  pendant  une  promenadedans  une  plaine  de  la 
contrée  de  Yaspouracan,  quelques  enfants,  qui  ont  trouvé  une  perle. 
Sémiramis  la  prend  en  donnant  des  présents^  et  par  la  magie  de 
cette  perle  elle  parvenait  à  entraîner  facilement  ceux  qui  lui  plai- 
saient, et  tuer  sans  aucunedifficultéceux  qui  lui  déplaisaient.  Un  vieil- 
lard, son  conseiller,  désirant  délivrer  le  pays  de  la  tyrannie  de  Sémi- 
ramis, et  de  sa  perle,  arrache  un  jour  la  perle  de  sa  main  dans  la 
ville  d'Artamed  (en  Arménie)  et  s'enfuit.  Sémiramis  court  après  lui, 
mais  ne  peut  pas  l'attraper  ;  alors  elle  défait  ses  cheveux  longs  et 
épais,  tisse  une  fronde,  y  met  un  grand  rocher  et  le  lance  sur  le  vieil- 
lard. La  natte  se  détache  et  va  tomber  avec  le  rocher  dans  la  fosse, 
située  près  de  la  ville  d'Artamed.  Mais  le  vieillard  court  jusqu'au 
bord  de  Datvan  ^  et  jette  la  perle  dans  la  mer  (lac)  de  Van.  Ainsi  le 
pays  est  délivré  de  la  fascination  de  Sémiramis. 


TI6RANE  I 

Le  héros  demi-historique  de  la  période  Haïcienne  c'est  Tigrane 
Premier,  Tallié  de  Cyrus  et,  selon  la  tradition,  le  meurtrier  d'Astyage. 
Moïse  de  Khoren  énumère  les  aventures  de  ce  héros  national  avec 
un  enthousiasme  extrême  en  empruntant  les  récits  populaires  qui  le 
décrivent  de  la  manière  suivante  : 

Chef  et  modèle  des  guerriers,  signalaut  partout  son  courage,  il 
éleva  haut  notre  nation  ;  nous  étions  courbés  sous  le  joug,  il  la 
mit  en  état  de  subjuguer  et  de  faire  payer  tribut  à  de  nombreux 
peuples.  Partout  s'élevaient  des  monceaux  d'or  et  d'argent,  de 
pierres  précieuses  ;  partout  on  voyait  des  vêtements  de  toute 
forme,  de  toute  couleur,  pour  hommes  et  pour  femmes  ;  si  bien  que 

i.  Moïse  de  Khoren,  L.  Il,  ch.  XVII  et  XVIII. 
2.  Ua  uilborge  au  bord  du  lac  de  Van. 


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346  RKVDE    DES  TRADITIONS    POPULAIRES 

la  laideur  paraissait  aussi  belle  que  la  beauté,  et  la  beauté,  selon 
Tesprit  des  temps,  était  déitiée.  On  voyait  les  fantassins  chevaucher, 
les  frondeurs  devenus  d*habiles  tireurs  d*arcs,  les  hommes  aupara- 
vant armés  de  pieux  manier  le  glaive  et  la  lance,  les  gens  autrefois 
sans  armes  couverts  de  boucliers  et  d'armures  de  fer.  La  vue  des 
soldats  rassemblés,  le  feu,  Téclat  resplendissant  de  leurs  armures 
et  de  leurs  armes,  suffisaient  pour  dérouter  Tennemi.  Tigrane  inau- 
gure la  paix,  multiplie  les  édi lices  et  féconde  tout  le  pays  avec  des 
ruisseaux  d'huile  et  de  miel. 

Tels  sont^  avec  beaucoup  d*autres  encore,  les  bienfaits  dont 
gratifia  notre  patrie  Tigrane,  fils  d'Ervand,  prince  à  la  blonde  cheve- 
lure bouclée,  au  visage  coloré,  au  regard  doux,  puissamment 
membre,  large  des  épaules,  à  la  marche  rapide,  le  pied  bien  tourné, 
sobre  toujours  dans  le  boire  et  le  manger,  et  réglé  dans  ses  plaisirs. 
Nos  ancêtres  le  célébraient  au  son  du  pampirn,  en  chantant  sa  pru- 
dence, sa  modération  dans  les  plaisirs  de  la  chair,  sa  sagesse, 
son  éloquence  et  son  désir  d'être  utile  à  rhumanité  '. 

Ces  épithëtes,  aux  cheveux  blonds,  argentés  par  le  bout,  au 
visage  coloré  etc.,  par  lesquelles  un  poète  très  certainement  con- 
temporain peint  Tigrane,  rappellent,  comme  le  fait  observer  Emin, 
la  manière  d'Homère.  Ne  croirait-on  pas  avoir  sous  les  yeux  le 
portrait  d'un  des  héros  de  Tlliade  *  ? 

Un  grand  danger  menaçait  le  Mède  Astyage,  dit  Moïse  de  Khoren, 
par  le  fait  de  l'union  de  Cyrus  et  de  Tigrane.  C'est  pourquoi,  de 
relTervescence  de  ses  pensées,  lui  apparaît  dans  le  sommeil  de  la 
nuit  un  songe,  où  il  vit  ce  qu'étant  éveillé,  il  n'a  jamais  vu  ni 
entendu.  11  se  réveille  eu  sursaut,  et,  sans  attendre  le  cérémonial 
usité,  l'heure  du  conseil,  car  il  restait  encore  bien  des  heures  de  la 
nuit,  il  appelle  ses  confidents.  Le  visage  triste,  les  yeux  fixés  à 
terre,  il  gémit  du  plus  profond  de  son  cœur  et  soupire.  Pourquoi 
cette  douleur?  demandent  les  confidents.  Et  lui,  reste  plusieurs 
heures  sans  répondre  ;  enfin,  poussant  des  gémissements,  il  com- 
mence à  dévoiler  toutes  ses  secrètes  pensées,  les  soupçons  de  son 
cœur  et  aussi  les  détails  de  l'horrible  vision. 

«  Il  advint,  ô  mes  amis,  dit-il  que  je  me  trouvais  aujourd'hui  sur 
une  terre  inconnue,  près  d'une  haute  montagne  dont  la  cime  parais- 
sait enveloppée  de  glaces  et  de  frimas.  On  dirait  que  c'était  le  pays 
des  descendants  d'iïaïg.  Mon  regard  plongeait  au  loin  vers  la  mon- 
tagne, lorsqu'une  femme  revé'ue  de  la  pourpre,  enveloppée  d'un 
voile  bleu  céleste,  m'apparut  assise  au  plus  haut  de  la  cime.  Ses 

1.  Moïse  de  Khorène.  L.  I,  ch.  XXIV. 

2.  Emin,  page  24,  cité  par  Dulaurier,  page  34. 


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REVÛ«   DES  TRADmONS   POPULAIRES  347 

yeux  étaient  beaux,  sa  stature  était  élevée,  sont  teint  était  de  rose  ; 
elle  était  dans  les  douleurs  de  Tenfantement.  Comme  j^avais  le 
regard  tendu  vers  ce  spectacle  étonnant,  cette  femme  mit  au  monde 
tout-à-coup  trois  héros  accomplis  pour  la  taille  et  pour  la  force.  Le 
premier,  monté  sur  un  lion,  prit  son  vol  vers  l'Occcident  ;  le  second, 
sur  un  léopard,  s'élança  vers  le  nord  ;  le  troisième,  sur  un  énorme 
dragon,  se  précipita  avec  fureur  sur  notre  empire. 

a  Au  milieu  de  ces  visions  confuses,  il  me  semblait  que,  debout  sur 
la  terrasse  de  mon  palais,  j'en  voyais  la  frise  ornée  de  magnifiques 
tentures,  et  la  plate-forme  couverte  de  tapis  émaillés  de  diverses 
couleurs.  Nos  dieux,  à  qui  je  suis  redevable  de  la  couronne,  étaient 
là  présents  dans  tout  Téclat  de  leur  majesté,  et  moi  avec  vous,  leur 
offrant  des  sacrifices  et  de  Tencens.  Tout  à  coup,  levant  les  yeux,  je 
vis  le  héros,  monté  sur  le  dragon,  prendre  son  vol  avec  des  ailes 
d'aigle,  en  fondant  sur  nous  :  il  croyait  venir  exterminer  nos  dieux  ; 
mais  moi,  Astyage,  me  précipitant  à  sa  rencontre,  je  soutins  ce  choc 
formidable  et  je  combattis  ce  merveilleux  héros.  D'abord  nous  nous 
frappâmes  Tun  l'autre  de  la  lance  et  nous  répandîmes  des  flots  de 
sang,  et  la  plate-forme  du  palais,  inondée  des  rayons  du  soleil,  se 
transforma  en  un  mur  de  sang.  Puis,  recourant  à  d'autres  armes, 
nous  combattîmes  encore  des  heures  entières. 

«  Mais  à  quoi  bon  prolonger  ce  récit,  puisque  la  fin  de  tout  était 
ma  ruine  ?  L'impression  du  danger  me  couvrit  d'une  sueur  violente, 
le  sommeil  s'enfuit  loin  de  moi,  et  depuis  ce  jour  je  ne  compte  plus 
parmi  les  vivants.  Car  le  résultat  d'un  tel  songe  n'a  d'autre  signifi- 
cation que  la  terrible  invasion  que  Tigrane,  le  descendant  d'flaïg, 
doit  faire  chez  nous  ». 

Le  songe  prophétique,  dit  Dulaurier*,  a  quelque  chose  de  l'ins- 
piration et  du  style  épiques.  La  couleur  symbolique  doupt  il  est 
empreint,  la  manière  si  dramatique  dont  il  est  amené,  attestent  que 
c'est  là  une  des  créations  de  l'antique  poésie  arménienne.  Autant  le 
songe  de  Jacob,  dans  la  Genèse  est  beau  de  cette  simplicité  de 
l'esprit  patriarcal,  autant  la  pompe  et  la  grandeur  du  génie  oriental 
éclatent  dans  le  songe  d'Astyage.  On  dirait  un  reflet  de  cette 
teinte  sombre  qui  plane  sur  les  visions  apocalyptiques  d'Ezéchiel 
et  de  saint  Jean,  une  émanation  de  ce  même  ordre  d'idées  qui  a 
enfanté  les  monuments  de  la  vieille  civilisation  assyrienne,  tels 
qu'ils  se  sont  montrés  à  nos  regards,  dans  ces  derniers  temp^, 
arrachés  du  sein  de  la  terre  qui  les  recelait  depuis  tant  de  siècles. 

Après  avoir  entendu  les  avis  de  ses  conseillers,  Astyage  préfère 

1.  Journal  asiatique  1852,  p.  35. 


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3iâ  RËVtB  DES  TRADITIONS   POPULAIRES 

prendre  la  sœur  de  Tigrane,  la  belle  Tigranouhî,  pour  épouse,  et 
à  Taide  d'elle,  empoisonner  son  frère  Tigrane.  Et  c'est  pourquoi,  il 
envoie  un  de  ses  conseillers  à  Tigrane  avec  de  riches  trésors  et 
demande  la  main  de  Tigranouhi.  Tigrane  consent  à  donner  sa  sœur 
et  renvoie.  Astyage  l'élève  au  premier  rang  de  ses  femmes,  non 
seulement  pour  le  succès  des  ruses  qu'il  médite  en  son  cœur,  mais 
encore  à  cause  de  la  beauté  de  Tigranouhi. 

Un  jour  Astyage  dit  à  Tigranouhi.  «  Tu  ne  sais  pas,  que  ton  frère 
Tigrane,  excité  par  sa  femme  Zarouhi,  est  jaloux  de  te  voir  com«* 
mander  aux  Arik?  Qu'en  adviendra-t-il  ?  D'abord,  je  devrai  mourir, 
et  ensuite  Zarouhi  régnera  sur  les  Arik,  et  occupera  la  place  des 
déesses.  Donc,  il  faut  que  tu  choisisses  l'un  de  ces  deux  partis  :  ou, 
par  amour  pour  ton  frère,  d'accepter  sous  les  yeux  des  Arik,  la 
ruine  et  l'infamie,  ou  bien  consultant  ton  propre  intérêt,  proposer 
quelque  utile  conseil  et  conjurer  les  événements. 

u  La  prudente  et  belle  princesse  Tigranouhi  répond  très  tendre- 
ment à,  Astyage,  et,  aussitôt,  par  des  ûdèles  messagers,  elle  révèle 
à  son  frère  les  termes  perfides  de  son  époux  ». 

Astyage  demande  une  entrevue  àTigrane,  mais  celui-ci  découvre  la 
perfidie  et  déclare  la  guerre,  a  Astyage  se  trouve  alors  en  danger 
d'avoir  à  se  mesurer  avec  les  descendants  d'Haïg  ».  La  lutte  se  pro- 
longea pendant  cinq  grands  mois,  car  la  vivacité,  l'ardeur  de  l'action 
se  ralentissaient  lorsque  Tigrane  songeait  au  sort  de  sa  sœur  bien 
aimée  ;  aussi  il  manœuvrait  de  façon  à  sauver  les  jours  de  Tigra- 
nouhi. Cependant  l'heure  du  combat  approchait. 

«  Mais  je  ne  saurais  trop  louer  mon  héros,  sa  taille  majestueuse, 
son  sûr  coup  de  lance,  la  juste  proportion  de  tous  ses  membres,  la 
loyauté  parfaite  de  son  visage  ;  car  il  était  agile,  en  tout  bien  con- 
formé, et  nul  ne  l'égalait  en  force.  Pourquoi  prolonger  ce  récit? 
L'afifaire  engagée,  le  héros,  d'un  coup  de  lance,  fend  comme  (une 
lame  d'eau)  la  lourde  armure  d'airain  d*Astyage,  le  transperce  avec 
le  fer  de  sa  longue  lance,  puis,  retirant  la  main,  il  ramène  avec 
l'arme  la  moitié  de  ses  poumons.  Le  combat  était  magnifique,  car 
c'étaient  braves  contre  braves,  ne  tournant  pas  facilement  le  dos  : 
aussi  l'action  dura  longtemps.  Ce  qui  mit  fin  au  combat  fut  la  mort 
d'Astyage.  Cet  exploit,  ajouté  à  tous  les  succès  de  Tigrane,  aug- 
menta sa  gloire  ^ 

l.  M.  Kh.  l,  ch.  XXIX. 


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RBVDÉ  DES   TIIADITIONS'  POPULAIRES  349 


VAHAEEN 

Le  fifs  cadel  du  roi  Tigrane  I  Vahaken,  remporte  plusieurs  vic- 
toires contre  les  Dragons,  c'est  pourquoi  il  fut  nommé  «  Vichapa* 
guagh  »  —  Dompteur  des  dragons  ;  il  monte  encore  en  hiver  au 
ciel  et  vole  la  paille  de  Dieu  de  Barcham  Assyrien  et  pendant  son 
retour  il  laisse  tomber  la  paille  et  de  cela  se  forme  la  voie  lactée 
qui  en  arménien  s'appelle  «  la  voie  du  voleur  de  paille  ». 

La  naissance  de  cet  Hercule  arménien  était  célébrée  dans  un  chant 
cosmogonique,  où  selon  Dulaurier,  respire  en  plein  le  génie  symbo- 
lique du  vieil  Orient,  Moïse  de  Khoren  en  a  retenu  quelques  vers, 
où  l'expression,  d*une  concision  extrême  et  d'une  admirable  beauté, 
nous  donne  une  bien  haute  idée  de  la  perfection  à  laquelle  était 
parvenue  la  langue  arménienne  dans  ces  âges  reculés,  et  du  talent 
des  poètes  qui  surent  si  bien  la  mettre  en  œuvre  ^ 

Le  ciel  et  la  terr&  étaient  dans  Tenfantement 

La  mer  aux  reflets  de  pourpre  était  aussi  en  travail; 

Dans  la  mer  naquit  un  petit  roseau  vermeil, 

Du  tube  de  ce  roseau  sortait  de  la  fumée. 

Du  tube  de  ce  roseau  jaillissait  de  la  flamme, 

De  cette  flamme  s'élançait  un  jeune  enfant, 

Ce  jeune  enfant  avait  une  chevelure  de  feu, 

l\  avait  une  barbe  de  flamme 

Et  ses  petits  yeux  étaient  deux  soleils. 

On  chantait  ses  louanges  au  son  du  pampirn,  et  nous  les  entendî 
mes  de  nos  propre  oreilles  ;  puis  on  répétait  dans  les  chants  ses 
combats  ;  ses  victoires  contre  les  dragons  et  ses  exploits  égalant 
ceux  d'Hercule.  On  disait  même  qu'il  était  placé  au  rang  des  dieux, 
et,  dans  le  pays  des  Ibériens  (Virk),  on  lui  éleva  une  statue  à  laquel- 
le on  offrit  des  sacrifices.  De  lui  descendent  les  Yahnouni  '^ 

Yahaken  était  élevé  aux  rang  des  dieux,  et  dans  le  pays  des  Ibériens 
on  lui  éleva  une  statue,  devant  laquelle  en  offrait  des  sacrifices  '. 

Sa  femme  était  Astghik,  la  déesse  de  la  beauté,  qui  avait  à  Asti- 
chate  un  temple,  nommé  «  Le  cabinet  du  Vahaken  ».  En  même 
temps  il  y  avait  aussi  un  autre  temple  consacré  à  Vahaken  et  qui 
s'appelait  Vahevahian  ;  il  était  rempli  d'or,  d'argent  et  de  présents 
précieux,  donnés  par  les  grands  rois  *. 

Le  culte  de  ces  deux  divinités  était  si  enraciné  dans  le  peuple, 

1.  Dulaurier.  Journal  asiatique  1852.  pp.  40-41. 

2.  M.  de  Kh.  L.   1.  ch.  XXXI. 

3.  ai.  de  Khoren.  I.  I,  ch.  XXXI. 

4.  Rostanian:  Le  paganisme  arménien. 


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)jj^ 


350  REVUE  DES   TRADITIONS   POP.ULAHIES 

que  jusqu^au  temps  de  Moïse  de  Khoren  on  le  chantait  et  même  les 
traducteurs  de  la  Bible  (VS.)  ont  employé  le  nom  de  Vahakea  au 
lieu  de  Hercule^  parceque,  dit  M.  de  Khoren,  ces  chants  avaient 
beaucoup  de  ressemblance  avec  les  actes  de  courage  d*Hercule. 


ARTZROUNl  ET   SANATROUK 

Moïse  de  Khoren  cite  un  récit  sur  la  satrapie  d'Artzrouni,  en 
disant  qu'un  enfant  dormait  exposé  à  la  pluie  et  au  soleil,  lorsqu'un 
oiseau,  (selon  le  sens  un  aigle),  couvrit  de  ses  ailes  Tenfant  défaillant. 

Il  me  semble  que  le  texte  de  ce  récit  est  un  fragment  d*un  chant 
historique.  • 

Moïse  de  Khoren  nous  a  fourni  un  récit  sur  le  roi  Sanadrouk  : 
Odée,  sœur  du  roi  Abgar,  voyageant  Thiver  en  Arménie,  fut  assaillie 
dans  les  monts  Gartouk  par  un  tourbillon  de  neige  qui  dispersa  tous 
les  voyageurs.  Sanod,  la  gouvernante  de  Sanalrouk,  prit  l'enfant  qui 
était  encore  tout  petit,  le  plaça  sur  son  sein^  ot  resta  avec  lui  sous 
la  neige  pendant  trois  Jours  et  trois  nuits.  C'est  de  là  qu'est  venue 
la  fable  qui  dit  : 

((  Uu  animal  d'une  nouvelle  espèce  merveilleux  et  de  couleur 
blanche,  envoyé  par  les  dieux,  garda  Tenfant.  Mais,  ajoute  Moïse 
de  Khoren  *,  d'après  nos  informations^  voici  le  fait  :  un  chien  blanc^ 
qui  était  avec  les  (gens)  envoyés  à  la  découverte,  trouva  l'enfant  et  la 
gouvernante.  Cet  enfant  fut  donc  appelé  Sanadroug,  du  nom  de  sa 
gouvernante,  c'est  à  dire  don  de  Sanod  *.  » 

Le  Révérend  Père  Garthrdjiantz  suppose  qu'en  Arménie  aussi,  où 
les  avalanches  sont  très  fréquentes,  on  devait  garder  des  chiens 
dressés,  comme  ceux  du  mont  Saint-Bernard.  Mais  en  général,  selon 
Strabon,  hs  voyageurs  d'Arménie  tenaient  dans  leurs  mains  de 
longues  barres,  afin  de  percer  l'avalanche  pour  laisser  entrer  l'air  et 
avertir  les  passants  du  malheur. 


TORQUE 

Un  autre  héros  national  et  en  même  temps  dieu,  c'est  Torque 
Anguègh.  Moïse  de  Khoren  en  racontant  ses  légendes,  le  préfère  à 
Hercule,  à  Samson  et  à  Boston,  héros  orientaux  les  plus  renommés. 

Un  homme  au  visage  repoussant,  dit  Moïse  de  Khoren,  grand,  mais 
difforme,  au  nez  aplati,  à  l'œil  enfoncé,  d'un  aspect  féroce,  de  la 

t.  Moïse  de  Khoren.  II.  Ch.  XXXVl. 

2.  Le  mot  ariQéniea  dourg,  si^oitie  «  doa  », 


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REVUE    DES    TRADITIONS  POPIJLAIRES  3ol 

descendance  de  Barkam,  petit  fils  de  Haigag,  appelé  Torque,  et  sur- 
nommé à  cause  de  sa  laideur  Angéghîa  (le  laid),  doué  d'une  taille  et 
d'une. force  de  colosse,  est  établi  gouverneur  de  l'occident.  A  cause 
de  la  laideur  de  Torque,  sa  race  prend  le  nom  de  maison  d'Angegh. 
Mais,  si  tu  veux,  je  débiterai  sur  le  compte  de  Torque  des  fables  et 
des  extravagances,  comme  ont  fait  les  Perses  pour  Rcstom  Sakdjig, 
du']uel  on  disait  que  sa  force  égalait  celle  de  cent  vingt  éléphants. 
Des  chants  rationnels  touchant  la  force  et  la  valeur  de  Torque  étaient 
en  vogue  et  on  ne  pouvait  pas  attribuer  au  même  degré  la  même 
chose  à  Samson,  à  Hercule  et  à  Sakdjig. 

On  disait,  dans  ces  chants,  qu'ilsaisissaitdaiis  ses  mains  des  pierres 
très  dures,  sans  aucune  fêlure,  qu'il  les  rendait  à.volonté  grandes  ou 
petites,  les  polissait  avec  ses  ongles^  en  formait  comme  des  tablettes, 
et  y  traçait,  aussi  avec  Tongle,  des  aigles  et  autres  figures.  Ayant  vu 
des  vaisseaux  ennemis  s  approcher  du  rivage  de  la  mer  de  Pont,  il 
s'élance  à  leur  rencontre,  mais  les  vaisseaux  gagnent  la  haute  mer  à 
une  distance  de  huit  stades,  et  il  ne  peut  les  atteindre  ;  il  prend,  à 
ce  que  Ton  raconte,  des  pierres  grandes  comme'des  collines  et  les 
lance  sur  ces  navires.  L'immense  tourbillon  engloutit  un  grand 
nombre  de  vaisseaux,  et  les  flots,  soulevés  dans  le  vide,  portent  à 
plusieurs  milles  au  loin  le  reste  des  vaisseaux. 

Les  aventures  de  Torque  ressemblent  beaucoup  à  celles  du  Cyclope, 
que  Homère  décrit  dans  VOdijssée  de  la  manière  suivante  : 

Le  Cyclope  m'enlenfl,  et,  trani>porté  de  rage 
Brise  le  haut  d'un  mont,  voisin  de  ce  rivage, 
L*arracbe,  le  soulève,  et,  d'un  bras  foudroyant, 
Lance  à  notre  vaisseau  ce  rocher  effrayant, 
Qui,  tombant  à  la  poupe  et  faisant  jaillir  Tond^, 
S'engloutit  à  grand  bruit  dans  la  vague  profonde  ; 
Le  gouffre  tourbillonne,  et  les  flots  mugissans 
Repoussent  le  vaisseau  vers  les  bords  blanchissans. 

Et  comme  Ulysse  continuait  de  se  moquer  du  Cyclope  : 

Cependant  le  Cyclope  aux  montagnes  voisines 

Arrache  un  roc  suivi  d'effroyables  ruines, 

Et,  d*un  bras,  vigoureux,  le  lance  dans  les  airi«. 

Le  rocher,  en  tombant  au  sein  profond  des  mers, 

Effleura  du  vaisseau  la  poupe  colorée. 

Et  fit  jusques  aux  cieux  jaillir  l'onde  azurée. 

Le  flot  se  soulevant  rend  un  horrible  bruit, 

Et  vers  les  bords  voisins  nous  porte  et  nous  conduit.  (2) 

{A  suivre).  Ervand  Lalayantz. 

1.  M.  de  Kh.  L.  II.  ch.  VUL 

2.  L'Odyssée  Livre  IX.  Trad.  de  Rochcfort,  1717, 


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352 


REVDB  DBS  TRADITIONS  POPOLAIRES 


VIEILLES  CHAiNSOJNS  DU  MAINE 


LE  GALANT  DE  VILLAGE 


J'allas  voir  ma  maîtresse, 

Ma  mère  et  mé. 
Je* me  plentis  derrière  la  porte, 

Dré  comme  un  mai, 
Toperié, 

Dré  comme  un  mai. 

J'avas  une  belle  perruque 
Dé  poil  de  pourciau, 

Que  j*pagnais  fête  et  dimanche, 
Avec  un  ratiau, 

Toperié, 
Avec  un  ratiau. 

J'avas  une  belle  cravatte 

De  fin  canevas, 
Que  j'attachas  dessous  la  goule 

Avec  un  cadenas, 
Toperié, 

Avec  un  cadenas. 


J'avas  une  belle  ragagotte 

Cousue  de  fil  blanc. 
On  disait  par  tout  le  village  : 
-     Vlà  le  président, 
Toperié, 
Vlà  président. 

J'avas  une  belle  culotte 

De  toile  barrée, 
On  disait  partout  le  village  : 

Vlà  noute  préfet, 
Toperié 

Vlà  noute  préfet. 

J'avas  un  biau  chapiau  de  paille 

Pointu,  boussu  ; 
On  disait  partout  le  village  : 

Vlà  plus  cossu, 
Toperié, 

Vlà  plus  cossu. 


VI 

LE    BEAU   MEUNIER 

—  Meunier,  mon  beau  meunier, 
Veux-tu  moudre  mon  blé  ? 

—  Oui-da,  la  Jolie  fille, 
Oui-da  quand  vous  voudrez. 

Tic,  tic,  tac,  tac 
Mie,    mie,  mac,  mac. 
Qu'on  fasse  tourner  la  meule, 
La  meule  du  moulin, 

Train,  train. 
Chacun  aura  son  tour  lourira, 
Qui  veut  moudre,  moudra,  la,  la. 
Qui  veut  pQoudre,  moudra. 


1.  Cf.  t.  XI,  p.  254. 


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REVUE   DES  \TRAD1T10NS  POPULAIRES  353 

Il  la  prend,  il  Tem brasse, 
La  met  de  sur  son  blé, 

—  Finissez  donc  meunier. 
Vous  cassez  mon  collier. 

Tic,  tic,  tac,  etc. 

FinisFez  donc  meunier, 
Vous  cassez  mon  collier, 
Si  ma  mère  le  savait. 
Bien  grondée  je  serais. 

Tic,  tic,  tac,  etc. 

—  Vous  lui  direz,  la  belle, 
Que  c'est  votre  meunier, 
Et  si  votre  mère  veut 

Je  vous  épouserai. 

Tic,  tic,  tac,  tac, 

Mie,  mie,    mac, 
Qu'on  fasse  tourner  la  meule, 
La  meule  du  muulin. 

Train,  train. 
Chacun  aura  son  tour  lourira, 
Qui  veut  moudre,  moudra,  la,  la. 
Qui  ^eut  moudre,  moudra. 

M"'  Destriché 

Chàteau-du-Loir  (Sarthe). 


TOUB  XI.  —  JUILLET  1896.  l^ L, ^     ■  '^'à 


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354 


REVUE   DES   TRADlTlOiNS   POPULAIRES 


LES  MÉTIERS  ET  LES  PROFESSIONS 


LXI  [%u\t^ 

LES  GRIS  DES  RUES 

Lez  cris  de  Frayes  [suite]  *. 

La  marchande  de  cartons  à  chapeaux  (1846  à  1853).  —  50  à  55  ans, 
habillée  à  l'ancienne  mode,  cotillon  rouge,  grand  bonnet  tuyaut(5, 
grand  châle  sur  les  épaules,  menant  sa  marchandise  sur  une  brouette. 
Elle  chantait  : 

VlVêOê 


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Car  -   tons,  car  -   tons  bom  -  bés  ;  car  -  tons,  car  -  tons  car  -   lës  ;  etr 


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lor.s,  car-tons  ronds.  La  Toi    -    là,   la  voi   "    là,   la  mar-chande  de  car    -    tons  I 
(Parlé)  :  La  voilà,  la  voilà,  la  marchande  de  cartons  !  Voyez,  mesdames  ! 

Le  chiffonnier  artiste  (1858).  —  Prétentieux  ;  voix  de  baryton, 
chantant  très  juste,  une  chanson  dont  on  ne  trouve  que  le  refrain  : 

Vieux  chiffons  à  vendre, 

Vieilles  bottes  à  vendre  ; 

Des  peaux  diapin. 

Vieux  chiffons  à  vendre  ; 

Des  peau\  d lapin. 
Des  peaux,  des  peaux,  des  peaux. 
Des  peaux,  de^  peaux,  peaux,  peaux  ! 

Vieux  chiffons  à  vendre  ; 

Des  peaux  diapin  ! 

La  marchande  de  poivre  [i%o^i^o), — Jeune,  coquettement  attifée, 
tablier  blanc,  à  bavette  ;  bonnet  coquet  avec  de  longs  rubans.  Elle 
se  plaçait,  le  samedi,  avec  sa  petite  table,  ses  pots  remplis  et  ses 
balances,  rue  du  Petit-Credo  (plus  large  alors  qu'aujourd'hui)  au  coin 
de  TEtape-au-Vin,  aujourd'hui  place  Audiffred. 

1.  V.  Xn  Revue,  t.  XI,  p.  83-81. 


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REVTJB  DES  TRADITIONS  POPULAIRES 


355 


Âllâgrêtto 


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Voi   -    là   la  marchande  de      poi-vre       qui     vient  d'ap-ri- Ter,  vo   -   yez  !      tous 


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ceux  qui  veulent  du    poi-vre 


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appro  -  chez,  j'vas  vous  en  pe    -    ser  c'est  dn  poi-vre 


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fin    loi  qu'il    est  en      grain    il    est   ton-jours     fin.        Poi  -   vrez  donc  bien  mes- 

m    m 


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dames 


poi-vpez      vot'fri-cot  il        se-ra    bon. 


Elle  pesait,  servait  gracieusement  dans  des  cornets  de  papier;  à 
chaque  mesurageelle  prenait  quelques  grains  supplémentaires  et  les 
mettait  peu  à  peu  dans  le  cornet,  tenu  de  la  main  gauche,  en 
chantant  ^ 


En  voi-  là    an      peu  pour  la  cni  -  ti-  niëre,  en  voi-  là   un    peu  pour  le  cui  -  si  - 


^  r  iTJvS 


U-U-U-U 


-i-U-iu 


tt=U 


nier,  en  voi -là    un     peu  pour  la  jar-di- nière       et  la   ser- vante  de  vo-tre  eu 


JPl    # 


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tn^Uv 


ré.     Poi- vrez  donc  bien  mes- damofly       Poi-vrez     vot'fri-cot   il       se-ra    bon. 


î 


C'est  moi   qui      Tmoud  c'est  moi .  qui     l'vend  c'est  mon  hom' qu'on  mange  l'i 


^ 


"r~F~P: 


£EE 


P=îcr 


qu'on  mange  l'ar- 

gentrgourmand  Poi- vrez  donc  bien  mesdames       poi -vrez   vol' fri  -  cot    il      se-ra  bon. 

(Comm.  de  M.  Dauphin.) 

Facétie  cTun  marchand  de  guimauve.  —  Ma  mère^me  raconte  sou- 
vent la  facétie  suivante,  à  laquelle  elle  fut  prise  étant  enfant  : 
Un  marchand  de  bâtons  de  sucre  de  guimauve  criait  sa  marchan- 

1.  Voir  au  sujet  de  cette  partie  les  cris  parisiens  reproduits  daas  la  Reoue, 
t.  XI,  p.  192  et  243. 


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356  HEVUe   DES  TB:àDITia«8   POPULAIKES 

dise  à  «  deux  liards  le  bout  »  ^  ;  ma  mère  se  présente  avec  un  sou 
pensant  obtenir  deux  morceaux  de  Talléchante  sucrerie  ;  quelle  ne 
furent  pas  sa  surprise  et  son  désappointement  quand  le  marchand 
lui  dit  que  chaque  morceau,  comportant  deux  bouts,  coûtait  un  sou 
et  non  deux  liards  I 

Louis  MORIN. 


Metz 

Cn  des  laitières»  —  Hauzi  las  ! 

Marchand  d'oubliés,  —  Ancien  usage  qui  s'est  éteint  à  Metz  avec 
un  nommé  Bordier  dont  la  voix  retentissante  se  faisait  entendre,  il 
n*y  a  pas  longtemps  encore,  pendadt'îes  soirée  d'hiver:  Voilà 
Tplaisir  !  Messieurs,  Mesdames,  voifà  Tplaisir  !  Régalez  donc  ces 
dames,  voilà  l^plaisir  ! 

Marchandes  de  fLawens,  —  Pains  au  lait,  flons  tout  chauds,  ils  sont 
tout  chauds,  tout  bouillants  ! 

Marchandes  de  poissons. -^  Aixx  p'chomb!  corruption  du  patois 
messin.  Aux  plchon  !  c'est*à-dire,  aux  poissons  1 

Marchands  de  fagots.  —  Gots  !  Gots  !  pour  ;  aux  fagots  ! 

E.  AURICOSTB  DE  LaZARQUE. 

1.  Ceci  se  passait  vers  1840,  et  l*on  parlait  encore  couramment,  à  Troyes,  de 
Uards,  d*aune8,  etc. 


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RKVUfi   Des  TRADITIONS  POPCLAtRES 


387 


CONTES  DE  LA  BEAÙCE  ET  DU  PERCHE 


BOCÉVAINE 


ocÉVAiNE  était  un  paysan  rusé,  Un  jour  il  ap- 
prend que  la  guerre  venait  d*éclater,  il  abat 
aussitôt  ses  deux  vaches  en  met  la  viande  au 
saloir  et  s'en  va  avec  les  peaux  vers  la  forêt 
pour  les  faire  sécher.  Tout  à  coup  il  entend  un 
grand  bruit^  ce  sont  les  ennemis,  il  grimpe  en 
.toute  h&te  sur  un  arbre  avee  ses  peaux  et  s'y 
tient  immobile. 

jOr  il  advint  que  les  ennemis  firent  halte  pré- 
cisément en  cet  endroit  ;  les  chefs  s'assemblè- 
rent au  pied  même  de  Tarbre  et  se  prirent  à  compter  un  trésor 
qu'il  avaient  dérobé. 

Bocévaine  ébloui  par  la  vue  du  précieux  métal,  perdit  la  léte  ; 
dans  son  trouble  il  laissa  tomber  les  peaux.  Les  officiers,  croyant  à 
une  surprise,  crièrent  aux  armes  et  séance  tenante  Tarmée  entière 
s'en  alla* 

Bocévaine,  étant  descendu  de  larbre,  constata  avec  joie  que  les 
officiers  dans  leur  trouble  avaient  abandonné  le  trésor.  Il  mit  le 
tout  dans  ses  poches,  et  même  dans  son  bonnet  et  ses  sabots  et 
accourut  en  toute  hâte  h  sa  demeure.  Sa  femme  croyait  rêver. 

N'ayant  point  le  temps  de  compter  tout  cet  or.  —  Bonne  femme, 
lui  dit-il,  va  chercher  la  petite  mesure  de  monsieur  le  curé.  Elle  y 
court  ;  le  curé  la  questionne  alors  pour  savoir  ce  que  Bocévaine 
avait  à  mesurer  si  tard.  Elle  lui  dit  que  c'étaient  des  pièces  d'or. 

Intrigué  le  curé  se  rend  à  la  demeure  de  Bocévaine  —  Où  as-tu 
pris  tout  cet  or  ?  lui  dit-il. 
—  C'est  le  prix  de  mes  deux  peaux,  dit  Bocévaine. 
Le  curé  avait  quatre  vaches,  et  pensant  gagner  le  double  de 
Bocévaine,  11  les  fit  tuer  et  envoya  sa  bonne  les  vendre  au  marché. 
A  chaque  acheteur  qui  se   présentait,   elle  leur  répondait:   Le 


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358  PKVGB   DB8  TRADITIONS    POPULAlRfiS 

même  prix  que  Bocévaiae.  Oo  la  crut  folie  et  elle  dat  rapporter  les 
peaux  au  presbytère. 

Voulant  tirer  veogeanee  de  cette  mystification,  le  curé  accourut 
furieux  à  la  demeure  de  Bocévaioe,  mais  ce  dernier  l'ayant  aperça 
mit  au  milieu  de  la  chambre  sa  marmite  où  bouillait  une  soupe 
appétissante,  après  avoir  éteint  le  feu  avec  un  seau  d'eau.  Il  s*arme 
alors  d'un  fouet  dont  il  cingle  la  marmite  et  lorsque  le  curé  entre. 
—  Tenez,  monsieur  le  curé,  s*écrie-t-il,  vous  n'avez  jamais  vu,  je 
parie,  une  telle  marmite,  elle  bout  sans  feu  ! 

Le  curé  ne  voit  point  la  ruse  :  —  Vends  moi  cette  marmite,  dit-il. 

Bocévaine  n*y  consent  point  tout  d'abord,  mais  enfin  il  s'écrie.  — 
Tenez,  monsieur  le  curé,  parce  que  c  est  vous.  Je  vous  la  vends, 
mais  pas  moins  de  cinquante  écus. 

—  Cinquante  écus,  soit,  dit  le  curé.  Il  paie  cette  somme  et  em- 
porte la  marmite. 

Le  dimanche  sa  bonne  n'assistait  jamais  h  la  messe  sous  prétexte 
de  soigner  le  pot-au-feu,  dorénavant  elle  n'aura  plus  cette  excuse. 
Mais  celle-ci  lorsqu'on  lui  montre  la  prétendue  merveille  hausse  les 
épaules  disant  que  c'est  encore  là  un  des  tours  de  Bo(révaine. 

Le  dimanche  matin  elle  met  cependant  les  légumes  et  la  viande 
dans  la  marmite  et  va  à  la  messe.  Le  tout  était  dans  le  même  état  à 
son  retour. 

Nouvelle  explosion  de  colère  du  curé  qui  bondit  vers  la  demeure 
de  Bocévaine,  bien  résolu  cette  fois  à  se  venger. 

Bocévaine  l'avait  vu  venir.  Déshabille4oi,  dit-il  à  sa  femme,  et 
fais  la  morte.  La  femme  obéit  en  toute  hâte,  Bocévaine  lui  rejette  le 
drap  sur  la  figure,  allume  une  chandelle  et  lorsque  le  curé  entre,  il 
éclate  en  sanglots.  ti^^ 

N'écoutant  alors  que  son  devoir,  le  curé  s'efforce  de  le  consoler. 
Bocévaine  est  inconsolable.  Mais  tout  à  coup  se  ravisant  : 

—  J'y  pense,  dit-il,  j'ai  là  un  petit  sifflet  qui  fait  revenir  les  morts. 
Et  aussitôt  il  court  à  son  armoire  et  se  met  à  siffler  à  plusieurs 

reprises  dans  l'instrument. 

Aussitôt  la  bonne  femme  se  lève  comme  mue  par  un  ressort  et 
fait  entendre  un  long  soupir.  Le  curé  stupéfait  veut  à  tout  prix 
acquérir  ce  sifffet.  Bocévaine  n'y  consent  qu'au  même  prix  de 
cinquante  écus. 

Le  curé  emporte  donc  le  sifflet,  mais  cette  fois  il  se  garde  d'en 
parler  à  sa  bonne,  et  pour  cause.  Elle  lui  faisait  journellement  un 
bruit  d'enfer  ;  pour  y  mettre  bon  ordre,  il  s'arme  d'un  manche  à 
balai  dont  il  lui  assène  un  si  vigoureux  coup  qu'il  l'éteod  à  ses 
pieds.  Il  comptait  ne  la  faire  revenir  qu'au  moment  de  préparer  le 


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REVUE  DBS  TRADITIONS  POPULAIRES  359 

dtner.  L'heure  venue  il  se  met  à  siffler,  peine  inutile,  la  pauvre  fille 
était  morte  et  bien  morte.  Cette  fois,  la  colère  du  curé  fut  effroyable, 
s'armant  d'un  sac  il  ne  fit  qu'un  saut  jusque  chez  Bocévaine. 

Bocévaine  était  à  bout  de  ruse.  Force  lui  fut  donc  de  se  laisser 
entraîner  par  le  curé.  Parvenus  au  bord  d'une  rivière  le  curé  le  fit 
entrer  dans  le  sac  et  lui  accordant  un  quart  d*heure  pour  se  recoijn- 
mander  à  Dieu  il  s'éloigna. 

Un  quidam  vint  à  passer  qui  voulut  savoir  pourquoi  on  Tavait 
ainsi  enfermé  dans  un  sac. 

—  C'est,  lui  dit  Bocévaine,  parce  que  je  ne  sais  pas  mon  pater  et 
mon  ave, 

—  Je  connais  ces  prières,  dit  l'individu,  je  vais  me  mettre  à  votre 
place.  Bocévaine  n'eut  garde  de  refuser  une  telle  proposition. 

[jorsque  le  curé  revint  le  malencontreux  passant  eut  beau  lui 
réciter  toutes  ces  prières,  rien  n'y  fit,  il  dut  faire  le  plongeon. 

Monsieur  le  curé  ne  pensait  plus  à  Bocévaine,  lorsqu'un  beau 
jour  il  entend  des  claquements  de  fouets  dans  la  rue.  Intrigué  il 
regarde  et  que  voiU-il  ?  Bocévaine  en  chair  et  en  os,  conduisant  un 
troupeau  de  cochons  d'url^  maigreur  extrême. 

Bocévaine  devinant  son  doute,  lui  apprend  qu'il  est  bien  ce  môme 
Bocévaine  qu'il  a  jeté  dans  la  rivière,  mais,  ajoute  t-il,  si  vous 
m'aviez  jeté  plus  loin,  les  cochons  seraient  tous  gras. 

Emerveillé,  le  curé  oublie  tout  ressentiment  et  prie  Bocévaine  de 
le  mettre  dans  un  sac,  Bocévaine  s'empresse  de  lui  obéir.  Il  lança  le 
sac  aussi  loin  qu'il  put  dans  la  rivière,  mais  le  curé  n'en  est  jamais 
revenu. 

11 

JEAN-BÊTE 

Jean-Béte  était  un  garçon  fort  bête.  Un  jour  sa  mère  lui  dit  de 
veiller  sur  la  lessive.  «  Plus  on  la  fait  tomber  de  haul,  lui  dit-elle, 
meilleure  est-elle,  n 

Jean-Bôte  monte  sur  une  chaise  pour  vider  son  vide-lessive  dé 
plus  haut.  Voulant  faire  mieux  encore  il  fit  un  trou  au  plancher 
au-dessus  du  cuvier  et  se  met  à  monter  la  lessive  au  grenier,  la 
laissant  tomber  par  ce  trou. 

L'expérience  lui  semblait  merveilleuse,  et  selon  lui  la  lessive  était 
excellente  ;  se  rappelant  alors  combien  leurs  vaches  avaient  les 
pieds  sales,  il  alla  dans  Tétable,  et  à  l'aide  d'une  serpe  leur  coupa 
les  pieds  qu'il  mit  dans  la  lessive. 


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860  nËVOE    DES   TRADttlONS    POPCLAtR«S 

A  son  retour  sa  mère  fat  bien  en  colère  et  elle  se  promit  bien  de 
ne  plus  rien  lui  commander. 

Jean-Bête  n'avait  jamais  été  à  la  messe  ;  un  jour  il  voulut  y  aller  ; 
Qu'y  doit-on  faire?  demande-t-il  à  sa  mère.  — Ce  que  tu  verras  faire 
aux  autres. 

Muni  de  ce  renseignement  et  d'un  livre  de  messe,  Jean-Béte  se 
rend  à  Téglise.  Lorsque  les  gens  se  levaient,  il  se  levait,  et  lorsqu'on 
s  asseyait  ou  s  agenouillait  il  faisait  de  même. 

Or  il  arriva  qu*un  paroissien  placé  deux  rangs  en  avant  de  lui 
avait  son  pantalon  percé  et  chaque  fois  qu*il  s'agenouillait  cette 
déchirure  augmentait.  Une  dévote  scandalisée  se  prit  alors  à  lui 
frapper  le  derrière  pour  le  prévenir  de  l'accident.  Ce  que  voyant 
Jean-Béte  se  mit  à  taper  sur  le  derrière  de  la  dévote  placée  juste 
en  face  de  lui.  La  femme  indignée  se  retourne  brusquement  et  lui 
demande  ce  qu'il  lui  prend.  —  Je  fais  ce  qu  on  m'a  recommandé, 
dit  Jean-Béte,  je  fais  ce  que  je  vois  faire. 

Une  autre  fois  Jean-Béte  voulait  se  marier.  Il  demanda  à  sa  mère 
comment  il  lui  faudrait  s*y  prendre. 

—  A  la  sortie  dé  la  messe,  lui  dit-elle  ,*  quand  les  fllles  sortent, ou 
leur  jette  des  coups  d'oeil  et  on  voit  celle  qui  vous  plait. 

Jean-Béte  pense  en  lui-même  ;  Des  coups  d'œil,  comment  faire  ! 
mais  aussitôt  il  a  trouvé.  U  va  dans  sa  bergerie  et  arrache  tous  les 
yeux  des  moutons  dont  il  emplit  ses  poches.  Et  à  la  sortie  de  la 
messe  il  se  poste  à  la  porte  de  Téglise  et  quand  les  Olles  sortent  il 
leur  lance  ses  yeux  à  poignée.  Les  filles  se  sauvent  en  jetant  de 
grands  cris.  Jean-Béte  les  poursuit  en  leur  jetant  ses  yeux  jusqu'à 
ce  que  ses  poches  soient  vides.  Et  à  son  retour  chez  sa  mère  elle  lui 
demande  s'il  a  fait  son  choix,  Jean-Bête  lui  explique  que  plus  il  leur 
jetait  de  coups  d'œil  plus  elles  se  sauvaient.  Je  les  leur  jetais  pour- 
tant à  poignée  ajoule-t-il.  La  mère  comprend  qu'il  vient  de  faire  une 
nouvelle  bêtise,  elle  court  k  la  bergerie  et  voit  tous  les  moutons 
aveugles.  Elle  dut  les  faire  tuer. 

Une  autre  fois  Jean-Béte  et  sa  mère  étaient  partis  dans  les  champs. 
Jean-Béte  n'a  point  fermé  la  porte,  sa  mère  le  renvoie  la  fermer,  il 
rapporte  sur  son  dos  de  peur  que  les  voleurs  ne  l'enfoncent.  Sa 
mère  en  le  voyant  ainsi  chargé  s'emporte  de  nouveau  contre  sa 
bêtise  ;  mais  comme  la  nuit  est  venue  ils  montent  tous  deux  dans  un 
arbre.  Jean- Bête  hisse  sa  porte  qui  va  leur  servir  de  toit  ;  mais  au 
milieu  de  la  nuit  des  voleurs  viennent  compter  de  l'argent  au  pied 
de  Tarbre,  il  leur  jette  sa  porte  sur  le  dos  et  les  tue. 

Ils  descendent  ensuite  de  l'arbre,  prennent  l'argent  que  les  voleurs 


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REVDE   DEâ  TRADITIONS   POPULAIRES  361 

ont  sur  eux  et  s'en  reviennent  à  leur  maison.  Ils  vécurent  par  la 
suite  comme  de  gros  seigneurs  avec  Targent  des  voleurs. 


III 

LE  DIABLE  MIS  EN  DÉFAUT 

Un  fermier  avare  avait  à  son  service  une  fille  dont  il  exigeait  beau- 
coup d^ouvrage,  un  jour  il  lui  commanda  sous  peine  d'être  chassée 
de  jeter  du  fumier  dans  un  vaste  champ.  C'était  l'ouvrage  de  plusieurs 
jours,  mais  le  dur  fermier  exigeait  qu'il  fût  fait  dans  la  journée. 

La  pauvre  fille  se  lamentait,  désespérant  d'en  «venir  à  bout.  Elle  vit 
alors  venir  à  elle  un  étranger  qui  lui  offrit  de  faire  cet  ouvrage  ne 
demandant  en  retour  que  la  première  botte  qu'elle  lierait  le  lende- 
main matin. 

La  fille  accepta  la  proposition.  L'inconnu  se  mit  aussitôt  à  1  œuvre. 
Il  volait  dans  son  travail..  Il  fit  si  bien  qu'avant  midi  toute  la  besogne 
était  finie.  "" 

La  fille  s'en  revint  bien  joyeuse  k  la  ferme  et  conte  aussitôt  son 
aventure.  Chacun  fut  vivement  intrigué  de  cet  étranger..  On  comprit 
que  ce  ne  pouvait  être  que  le  diable  et  qu'il  fallait  se  méfier  de  sa 
malice  ;  on  avertit  aussi  la  fille  qu'elle  eût  soin  le  lendemain  de  ne 
point  s'habiller,  car  la  première  botte  dont  voulait  parler  le  diable 
c'était  elle  même  :  en  attachant  son  jupon  elle  se  liait  chaque  malin. 

La  fille  eut  garde  de  suivre  cet  avertissement.  Elle  se  leva  en 
chemise  et,  montant  au  fenil,  fit  une  botte  qu'elle  jeta  dans  la  cour, 
mais  elle  ne  tomba  point  jusqu'à  terre,  le  diable  l'avait  saisie  au  vol 
et  emportée.  Il  en  eût  fait  de  même  de  la  fille  sans  cette  ruse. 


IV 

l'aveugle-né 

Un  aveugle  de  naissance  avait  un  guide  pour  le  conduire.  Un 
jour  cet  homme  le  conduisit  dans  une  forêt  et  comme  il  avait  assez 
de  son  service,  il  le  perdit  et  s'en  revint  disant  que  des  bêtes  féroces 
l'avaient  dévoré. 

Le  pauvre  aveugle,  resté  seul  dans  cette  forêt  ne  savait  que  deve- 
nir et  comme  la  nuit  était  venue,  il  monta  dans  un  arbre  et  s'y  tint 
immobile. 

Il  b')'  était  qu'^  depuis  un  instant  lorsqu'il  entend  venir  au  pied  de 


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362  REVUB  DBS  TRADITIONS  POPULAIRES 

Tarbre  trois  animaux,   uq  Iîod,  uq  loup  et  un  reaard;  trois  animaux  . 
qui  ne  peuvent  grimper,  il  était  dope  à  Fabri  de  tout  danger.  Les 
trois  animaux,  ne  soupçonnant  point  la  présence  de  Taveagle,  se 
mirent  à  faire  leurs  confidences. 

—  Compère  le  lion,  disent  les  deux  autres,  qu'avez-vous  appris? 

—  J*ai  appris,  dit  le  lion,  que  Taveugle  qui  se  frotterait  les  yeux 
avec  les  feuilles  de  ce  chêne  verrait  à  Tinstant,  fut-il  aveugle  de 
naissance. 

—  Et  vous,  compère  le  loup,  qu'avez-vous  appris? 

—  J'ai  appris,  dit  le  loup,  que  dans  la  grande  plaine  qui  est  si 
desséchée,  les  habitants  n'auraient  qu'à  enlever  ujie  grosse  pierre 
qui  se  trouve  au  milieu  pour  qu'à.  Tinstant  ils  aient  une  source 
abondante. 

—  Et  moi,  dit  compère  le  renard,  je  connais  le  remède  pour 
guérir  la  fille  du  roi  de  la  lèpre.  Il  y  a  sur  la  montagne  une  certaine 
herbe  qui  lui  rendrait  à  l'instant  la  peau  plus  blanche  qu'à  sa  nais- 
sance. 

Après  s'être  ainsi  appris  leur  secret  lestroisanimauxseséparèrent 

L'aveugle,  dès  qu'il  ne  les  entendit  plus,  voulut  essayer  la  vertu 
des  feuilles  de  ce  chêne.  Il  ne  s'en  fut  pas  plus  tôt  frotté  les  yeux 
qu'il  vit  clair. 

Il  descendit  de  l'arbre  et  se  dirigea  vers  la  plaine  desséchée.  Il 
apprit  aux  habitants  qu'il  connaissait  remplacement  d'une  source. 
Et  il  les  conduisit  à  la  grosse  pierre  que  l'on  enlève.  Aussitôt,  il  en 
sort  une  source  qui  forme  une  rivière  et  tout  le  pays  est  arrosé. 

En  récompense  de  ce  service,  les  habitants  lui  donnèrent  sa 
charge  d'or. 

De  là^  il  alla  dans  la  montagne  chercher  la  plante  dont  avait  parlé 
le  renard  et  lorsqu'il  l'eut  trouvée,  il  vint  à  la  cour  du  roi  disant 
qu^il  possédait  un  remède  capable  de  guérir  la  jeune  princesse. 

On  accepta  ses  services  avec  empressement,  et  il  n'eut  pas  plus 
tôt  touché  la  jeune  princesse  de  sa  plante  qu'elle  était  guérie. 

Le  roi  dans  sa  reconnaissance  la  lui  donna  en  mariage  et  il  fut 
fort  heureux. 

Cependant  son  conducteur  ayant  appris  sa  bonne  fortune  voulut 
tenter  le  même  sort.  Il  vint  à  la  forêt,  monta  sur  l'arbre  et  s'y  tint 
coi  jusqu'à  l'arrivée  des  trois  animaux.  ^ 

—  Compère  le  renard,  dirent  les  deux  autres,  quavez-vous 
appris  ? 

—  Jai  appris  que  la  fille  du  roi  était  guérie  de  la  lèpre. 

—  Et  moi,  dit  le  loup,  que  la  plaine  desséchée  est  devenue  fertile. 

—  Et  chose  plus  grave  encore,  dit  le  lion,  c'est  qu'un  aveugle-né 


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REVUfi   DES   TRADITIONS   POPULAIRES  363 

s'est  servi  des  feuilles  de  cet  arbre  et  voit  clair.  II  a  surpris  notre 
secret  lorsque  nous  nous  sommes  assemblés  la  première  fois. 

—  Mais,  ajoute  le  renard  en  levant  la  tète,  il  me  semble  qu^il  y 
est  encore. 

Les  deux  autres  levèrent  également  la  léte  et  virent  notre  homme. 
Ils  entrent  tous  trois  dans  une  grande  colère  et  jurent  de  se  venger. 

L*homme  se  croyait  en  sûreté  dans  l'arbre,  sachant  que  ces  trois 
animaux  ne  pouvaient  monter  ;  mais  ils  se  mirent  à  gratter  la  terre 
tout  autour  et  à  le  déraciner.  Ils  n'eurent  point  de  peine  ensuite  à 
le  faire  tomber.  Le  malheureux  fut  précipité  à  terre  et  dévoré  en  un 
instant. 

Tandis  que  celui  qui  avait  été  aveugle  continua  de  vivre  fort 
heureux,  et  àja  mort  de  son  beau-père,  il  fut  roi  à  son  tour. 

{A  suivre)  Filleul  PktigiNY. 


^WW^W^W«MMMM«^W«A«W« 


LES  TRADITIONS  POPULAIRES 
ET    LES    ÉCRIVAINS    FRANÇAIS 


XIX 

LES  SUPERSTITIONS  CBAMPÊTRES  AU  XVI*  SIÈCLE 

Aussi  de  ces  démons  les  vds  à  la  ruyne 
Tendent  de  l'univers  et  des  hommes  mortelz, 
D'autres  les  secourans  ue  se  montrent  pas  telz. 
Ceux  qui  tiennent  au  feu  sont  volontiers  colères, 
Et  comme  les  terrains  nous  causent  des  misères, 
Comme  aussi  ceux  de  l'eau  ;  mais  quant  aux  aériens 
Hz  ne  sont  procureurs  soigneux  que  de 'nos  biens, 
Aydant  en  plusieurs  lieux  à  faire  les  mesnagcs. 
Comme  j*ay  entendu  de  ceux  qui  aux  villages 
Se  tiennent,  mesmement  où  Ton  a  faute  d'eau, 
Telle  qu'on  la  garde  ati  dedans  d'vn  vaisseau, 
Pour  abreuver  au  soir  toute  la  nourriture 
Du  bestail  reuenant  de  prendre  sa  pasture, 
Auoir  assez  de  fois  curieux  obserué 
Que  leurs  timbres  vuidez  ils  les  ont  retrouués 


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'r>^ 


364  RBVUE   DES   TRADITIONS    POPULAIRES 

Tous  plains  dé  léodeniain  sans  que  pendant  la  brune. 

11  eust  pieu  nullement,  ny  que  personne  aucune 

Ëust  au  puys  deuuallé  la  chaîne  ou  le  cordeau 

Qui  soustient  volontiers  de  chacun  bout  un  seau. 

Clairement  néammoins  ayant  esté  ouye 

Braire  toute  la  nuit  la  chaisne  ou  la  pouUie. 

Comme  aussi  vn  cheval  en  l'estable  souillé 

Qu'on  auroit  mis  au  soir,  le  trouuer  estrillé 

Et  net  le  lendemain,  sans  que  de  créature 

Il  eust  esté  touché  pour  en  oster  Tordure, 

On  a  fait  prou  de  fois  vn  tel  experiment 

A  ce  que  m'a  conté  homme  d'entendement, 

Et  digne  d'eslre  creu  à  sa  simple  parolle, 

Asseurant  n'entre  chose  ou  fallau  ou  frivole. 

Mais  ie  n'aurois  paà  faict  si  voulois  raporter 

Ce  qu^en  diuers  endroitz  ici  ay  ouy  conter, 

Non  plus  que  des  mallins  qui  faignans  de  conduire 

Au  haure  désiré  la  nuit  quelque  nauire 

L'ont  fait  courir  fortune  et  briser  rudement 

A  rencontre  un  rocher,  sur  lequel  luisamment 

Très  meschant  ils  montpoient  une  clarté  flambante 

Paroistre  sous  couUeur  de  quelque  lampe  ardente 

Pendue  en  vue  tour  qui  enseigne  le  port 

La  nuit  à  celuy  qui  en  cherche  l'abort. 

Faisant  bien  le  pareil  assez  souvent  sur  terre 

A  celuy  qui  ne  sçait  en  quelle  part  il  erre 

Qu'ilz  conduisent  toujours  jusqu'à  oe  qu'il  soit  prest 

Ou  de  quelque  fossé  ou  de  quelque  forest 

Le  délaissant  allors  priué  de  leur  lumière 

Qu'il  est  proche  d'eulrer  au  fons  d'une  rivière 

Ou  bien  d'vn  précipice  et  dangereux  et  hault 

Si  tost  que  la  clarté  qui  le»  guidoit  luy  faut 

Trouuaot  bien  en  leur  fait  cela  sur  tout  estrange 

Qu*un  chacun  d'eux  ainsi  comme  il  désire  change 

Sa  forme  sa  fasson  et  inuisibleroent 

Demeure  ou  il  estoit  premier  apparamment, 

Sans  que  l'on  puisse  voir  Testât  de  sa  posture, 

Contre  toutes  les  loi  de  la  mère  nature. 

Les  Honnestes  loisirs  de  Messire  François  Le  Poulchre,  seigneur  de  la  Motte 
Messemé.  Paris,  in-12,  1587,  p.  84. 

P.  S. 


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RKVDE   DES  TRADITIONS  rDPULAIRfcS  305 


CONTES  ARABES  ET  ORIENTAUX 


XIV 

LES     TROIS    FILS    DU    MARCHAND    ET    LE    CHEIKH    'aRIF 

E  manuscrit  arabe  1915  de  la  Bibliothèque 
du  musée  d'Alger  se  compose  de  deux 
parties,  de  dates  et  d*écriture .différentes*. 
La  seconde,  très  moderne,  comprend  une 
sériede  contes  et  de  légendes,  dont  le  rédac- 
l.6ur  du  catalogue  n*a  pas  toujours  signalé 
rimportance.  Ainsi  il  n  a  pas  reconnu  dans 
la  première  moitié  du  Voyage  de  Sabour  à 
Serendib  (f.  153-158),  une  version  populaire 
de  la  visile  d'Alexandre  au  Paradis.  11  en 
est  de  même  du  conte  dont  on  trouvera  la  traduction. ci-après  et  qui 
est  ainsi  désigné  dans  le  catalogue  :  «  Conte  relatif  aux  trois  fils  d'un 
marchand  de  Baghdad  dont  chacun  reçoit  un  coffre  comme  héritage 
paternel  >.  Avec  un  peu  d'attention,  il  était  facile  à  quiconque  est 
versé  dans  la  littérature  arabe,  de  reconnaître  une  variante  assez 
curieuse  d'un  conte  bien  répandu  en  Orient  :  le  partage  de  l'héritage 
entre  les  quatre  fils  de  Nizàr  et  leur  perspicacité.  H  y  a  une  dizaine 
d'années  j'ai  étudié  dans  Mélusme  l'histoire  de  ce  conte  et  sa  diffu- 
sion dans  diverses  littératures  d'Orient  et  d'Occident  ;  cette  étude  a 
été  complétée  par  M.  Israël  Lévi.  De  nouvelles  recherches  m'ont 
depuis  fait  connaîtra  d'autres  documents.  Aux  auteurs  orientaux 
que  j'ai  cités,  il  faut  joindre  une  version  du  sud  de  l'Inde  qui  a  été 
recueillie  par  M*^  Howard  Kingscote  et  le  pandit  NatésaSastri  '  ;  elle 
forme  le  début  de  l'histoire  du  roi  d'Alakapura  et  de  ses  ministres. 
Chez  les  Arabes  Ibn  el  Djouzi,  dans  \e  Kitàb  el  Azkiâ^  a  traité  ce 
sujet  d'après  'Ali  ben  El  Moghirah;  il  faut  y  joindre  Taqi  eddin  el 

i.  Suite.  Voir  t.  ÏII,  p.  561,  t.  IV,  p.  324,  433,  52.5,  t.  V,  p.  354,  t.  VI,  p.  163, 
304,  445,  678,  t.  VIII,  p.  391,  t.  X,  p.  441,  305,  t.  XI,  p.  273. 

2.  Catalogue  général  des  manuscrits  des  bibliothèques  publiques  de  France^ 
Départements,  t.  XVIII,  Alger,  Paris,  1893,  in  8,  p.  548-549. 

3.  Taies  of  the  Sun,  Londres,  I8l0,  in-12,  ch.  XUI,  p.  140.  The  Lost  Camel, 
Le  conte  magyar  que  j'avais  cité  d'après  Stier,  a  été  reproduit  par  Jones  et 
Rropf,  The  folklales  of  the  Magyars.  Loodrep,  1889,  in-S.  The  three  areams^  p.  117. 

4.  Le  Qaire,  1304,  hég.  in-8,  p.  67. 


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S&6  REVUE   DES  TRADITIONS  POPULAIRES 

Hamaoui  ^  Voici  le  récit  dlbu  el  Djouzi  qui  est  le  plus  complet. 
'Ali  ben  El  Moghirah  nous  a  raconté  ceci.  Lorsque  Nizàr  ben 
Ma*ad  fut  sur  le  point  de  mourir,  il  partagea  sa  fortune  entre  ses 
fils  qui  étaient  au  nombre  de  quatre  :  Modhar,  Rcbi*ah,  lyàd  et 
Anmàr.  Mes  (ils,  leur  dit-il,  cette  tente  de  cuir  rouge  et  tout  ce 
qui  lui  ressemble  seront  pour  Modhar,  qui  fut  appelé  Modhar  el 
Hamra.  Cette  tente  noire  et  ce  qui  y  ressemble  appartiendront  à 
Rabi'ah,  il  prit  les  chevaux  noirs  et  fut  appelé  Rabi'at  el  Paras.  Cette 
servante  et  ce  qui  lui  est  semblable  seront  le  lot  d'Iyàd.  Il  prit  ce  qui 
était  bigarré,  Anmàr  aura  cette  peau  d  agneau  et  ce  salon  pour  s'y 
asseoir.  —  Il  prit  ce  qui  lui  revenait.  Nizar  ajouta  c  Si  vous  avez 
quelque  difficulté  ou  quelque  contestation  dans  le  partage,  je  vous 
recommande  El  Af  a  le  Djorhomite.  Ils  ne  furent  pas  d'accord  et  se 
rendirent  chez  lui.  Tandis  qu'ils  étaient  en  route,  Modhar  aperçut 
un  pâturage  qui  avait  été  mangé.  Le  chameau  qui  paissait  ici  était 
borgne,  dit-il.  —  Il  penchait  d'un  côté,  ajouta  Rebi'ah.  —  Il  n'avait 
pas  de  queue,  dit  lyâd.  —  Il  était  sauvage,  termina  Anfnâr.  —  Ils  ne 
marchèrent  pas  longtemps  sans  rencontrer  un  homme  qui  avait  per- 
du sa  monture.  Il  leur  demanda  après  son  chameau.  —  Il  était  bor- 
gne, dit  Modhar.  —  Oui.  —  11  penchait  d'un  côté,  dit  Rebi'ah. —  Oui. 

—  H  n'avait  pas  de  queue,  dit  lyàd.  —  Non.  —  Il  était  sauvage, 
dit  Anmàr.  —  Oui,  c'est  bien  la  description  de  mon  chameau;  indi- 
quez-moi  où  il  est.  Ils  jurèrent  qu'ils  ne  l'avaient  pas  vu.  —  Il  s'atta- 
cha à  eux  et  leur  dit  :  Comment  vous  croirai-je?  Vous  me  l'avez 
décrit  exactement.  Us  marchèrent  jusqu'à  ce  qu'ils  arrivèrent  à 
Nedjràn  et  descendirent  chez  El  Afa  le  Djorhomite.  Le  propriétaire 
du  chameau  s'écria  :  Ils  oiTt  ma  monture;  ils  me  l'ont  décrite  trait 
pour  trait.  —  Nous  ne  l'avons  pas  vu,  répondirent-ils.  Le  Djorhomite 
leur  dit  :  Comment  avez-vous  pu  le  décrire  si  vous  ne  l'avez  pas  vu  ? 

—  Modhar  répondit  :  J'ai  vu  qu'il  avait  pâturé  d'un  côté  et  qu'il  avait 
laissé  l'autre  et  j'ai  reconnu  qu'il  était  borgne.  —  Rebi'ah  continua  : 
J'ai  vu  qu'une  de  ses  pattes  laissait  une  empreinte  ferme  et  l'autre 
une  empreinte  médiocre;  j'en  ai  conclu  que  c'était  à  cause  de  la 

•  pesanteur  de  sa  marche,  parce  qu'il  penche  d'un  côté.  —  lyàd 
ajouta  :  J'ai  reconnu  qu'il  n'avait  pas  de  queue  parce  que  ses  crot- 
tins restaient  en  tas  ;  s'il  en  avait  eu  une,  ils  les  aurait  dispersés. 
Enfin  Anmàr  dit  :  J'ai  reconnu  qu'il  était  farouche,  parce  qu'il  pais- 
sait dans  un  endroit  où  l'herbe  était  touffue  ;  puis  il  passait  à  un 
autre  où  elle  était  plus  rare  et  plus  laide.  —  Le  cheïkh  dit  à  Thomme  : 
Ils  n'ont  pas  ton  chameau  ;  cherche-le.  Il  leur  demanda'qui  ils  étaient, 

1.  Thimâral  el  Aourâq,  Le  Qaire,  1300  h.  p.  66. 


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REVDE    DES  TRADITIONS  POPDLAIRES  367 

ils  len  informèrent.  11  leur  souhaita  la  bienvenue  et  leur-  dit  :  Tels 
que  je  vous  vois,  vous  avez  besoin  de  moi  !  —  Puis  il  leur  ût  appor- 
ter de  la  nourriture,  il  mangea  et  but  avec  eux.  Je  n'aurais  jamais  vu 
un  vin  meilleur  qu'aujourd'hui,  dit  Modhar  s'il  n'avait  été  récolté 
sur  un  tombeau.  —  Je  n'aurais  jamais  vu  de  meilleure  viande  qu'au- 
jourd'hui, dit  Rebi'ah,  si  l'agneau  n'avait  été  nourri  avec  du  lait 
de  chienne.  —  Je  n'ai  jamais  vu  d'homme  généreux  comme  aujour- 
d'hui, dit  lyâd,  sauf  qu'il  n'est  pas  le  fils  de  celui  qu'il  prétend  étte 
son  père.  —  Nous  n'avons  jamais  prononcé  de' paroles  plus  utiles  à 
nos  affaires,  dit  Ànm&r.  Quand  leur  hAte  eut  entendu  leurs  paroles, 
il  dit  :  Ce  sont  des  démons.  11  interrogea  sa  mère  :  elle  lui  raconta 
qu'étant  l'épouse  du  roi,  elle  n'avait  pas  d'enfants  ;  elle  craignit  que 
la  royauté  ne  luf  échappât  et  se  livra  à  un  homme  qui  était  descendu 
chez  eux.  El  Af  a  demanda  à  son  intendant  :  Qu'est-ce  que  le  vin  que 
nous  avons?  —  Il  provient  d'une  vigne  que  j'ai  plantée  sur  le  tom- 
beau de  ton  père.  Il  interrogea  le  berger  sur  la  viande.  —  C'est  une 
brebis  que  nous  avons  allaitée  avec  du  lait  de  chienne.  Il  n'y  avait 
pas  d'autre  agneau  dans  le  troupeau.  —  Il  alla  trouver  ses  hôtes  et 
leur  dit  :  Racontez-moi  voire  histoire.  Ils  lui  racontèrent  les  recom- 
mandations de  leur  père  et  les  contestations  qui  s'étaient  élevées 
entre  eux.  Il  leur  dit  :  Tout  ce  qui  ressemble  à  la  qoubbah  rouge 
appartient  à  Modhar;  il  aura  les  pièces  d'or  et  les  chameaux  qui 
sont  rouges  :  on  l'appelle  Modhar  el  Hamrà  ;  ce  qui  ressemble  à.  la 
tente  noire,  en  fait  de  troupeaux  et  de  montureS'^  appartiendra  à 
Rebi'ah;  les  chevaux  de  couleur  foncée  lui  revinrent  et  il  fut  appelé 
Rebi'ah  el  Faras  :  ce  qui  ressemble  à  la  servante  grisonnante  est  pour 
lyàd  ;  il  eut  les  chevaux  et  les  bestiaux  de  couleur  bigarrée;  l'argent 
et  les  terres  furent  adjugés  à  Anmàr.  Alors  les  quatre  frères  parti- 
rent de  chez  lui. 

La  perspicacité  montrée  par  les  quatre  fils  de  Nizâr  pendant  leur 
séjour  chez  El  Afa  se  manifeste  par  les  mêmes  traits  dans  la  légende 
de  Hamlet,  telle  que  la  rapporte  Saxo  Grammaticus  *  et  dont  voici 
le  résumé  :  Hamlet  (Amletts)  arrivé. avec  deux  compagnons  à  la  cour 
du  roi  d'Angleterre,  refuse  de  prendre  part  au  repas  et  dit  aux 
siens  que  le  lard  sent  le  cadavre,  que  le  pain  a  l'odeur  du  sang  et  la 
bière  un  goût  de  fer.  Il  ajoute  en  outre  que  le  roi  a  des  yeux  de  serf 
et  la  reine  des  manières  de  cuisinière.  Ce  propos  est  rapporté  au  roi 
qui  l'attribue  d'abord  à  la  foUe  de  Hamlet  ;  ensuite  il  interroge  son 

1.  Gesla  Danorum,  éd.  A.  Hœlder,  Strasbourg,  1886,  iu-8,  L.  II!,  p.  93-94;  0. 
Eeton  et  F.  York  Powel.  The  first  nine  hooks  of  Ihe  danish  historiés  of  Saxo 
Gramînalicust  Londres,  1894,  in-8,  p.  113-114  ;  Dobritz,  Contes  et  légendes  Scan- 
dinaves, Pdri»,  1887,10-18,  p.  281-^. 


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368  REVUE  DBS  TRADITIONS  POPULAIRES 

fermier  :  celui-ci  lui  déclare  que  le  seigle  dont  od  a  fait  le  paiu  vient 
d'un  champ  où  Ton  a  trouvé  des  ossements  humains.  Le  cochon  qui 
a  fourni  le  lard  s*étaat  échappé  un  jour  de  Tétable  avec  d^autres 
porcs,  ils  ont  dévoré  le  cadavre  d  un  assassin.  Quant  à  la  bière,  elle 
a  été  brassée  avec  leau  d'un  puits  au  fond  duquel  il  y  avait  des 
glaives  rouilles.  Le  roi,  étonné  de  ces  révélations,  pousse  plus  loin 
son  enquête  ;  il  interroge  sa  mère  :  elle  lui  avoue  qu'il  est  le  fils  d'un 
esclave.  Quant  à  la  reine,  Hamlet  justifie  son  accusation  en  disant 
qu'elle  cache  sa  tète  dans  un  chaperon  comme  font  les  serfs,  qu'elle 
retrousse  ses  habits  en  marchant  et  que  quand  elle  nettoie  ses  dents 
elle  avale  ce  qu'elle  en  Ole. 

Le  conte  des  Trois  fils  du  marchand  et  du  cheikh  'Arif  occupe  les 
derniers  folios  du  manuscrit  qui  est  incomplet  de  la  fin  ;  ce  n'est 
pas  une  version  pure  et  simple  du  texte  arabe  popularisé  par 
Mas'oudi,  Meïdàni,  Ibn  el  Djouzi,  El  Hamaouî;  c'est  un  remaniement 
où  sont  intercalés  divers  épisodes  étrangers  à  la  donnée  primitive  : 
ces  derniers  font  partie  du  cycle  des  contes  énigmatiques  :  quelques- 
uns  existent  dans  des  recueils  Kabyles.  La  langue  n'a  rien  de  litté- 
raire ;  la  rédaction  est  peu  correcte  et  parfois  diffuse  :  c'est  un  conte 
transcrit  par  un  demi-lettré  qui  a  modifié  à  peine  les  termes  dans 
lesquels  il  l'a  entendu,  ce  qui  est  uue  preuve  de  son  extension  dans 
la  tradition  orale. 

(f.  220)  On  raconte  —  et  Dieu  sait  le  mieux  ce  qui  est  caché  — 
parmi  les  événements  anciens,  qu'il  existait  jadis  un  marchand 
d'entre  les  principaux  de  la  ville  de  Baghdàd  ;  il  possédait  beaucoup 
de  richesses  et  des  biens  nombreux  ;  il  avait  une  grande  quantité  de 
maisons,  de  chameaux  de  race,  de  chevaux,  de  dromadaires,  d'es- 
claves et,  en  outre  toutes  sortes  de  biens,  de  sorte  qu'il  n'était 
personne  do  plus  riche,  ni  de  plus  important  que  lui.  Il  avait  trois 
fils  :  c'étaient  ses  seuls  enfants,  avec  lesquels  il  menait  une  vie  agréa- 
ble jusqu'à  ce  que  Dieu  décréta  sa  mort  et  son  départ  de  cette 
demeure  périssable  pour  la  demeure  immortelle.  Il  fit  venir  ses  trois 
fils  et  leur  dit  :  Mes  enfants,  je  vous  recommande  de  craindre  le 
Dieu  tout  puissant,  en  secret  et  ouvertement  ;  ne  vous  fiez  qu'à  lui, 
ne  formez  pas  de  longues  espérances  ;  je  vais  vous  quitter  et  partir 
pour  l'autre  vie,  car  je  suis  avancé  en  âge  et  mon  corps  est  afifaibli. 
Il  vous  faut  de  l'argent  pour  vivre  après  ma  mort,  je  vous  laisse  ces 
trois  coffres  que  vous  voyez  —  ils  étaient  là  près  de  lui.  —  Le  pre- 
mier est  pour  mon  fils  atné  ;  le  second  est  pour  mon  fils  cadet;  le 
troisième  pour  mon  dernier  fils.  Chacun  porte  écrit  le  nom  de  son 
possesseur.  Lorsque  je  serai  mort  et  que  vous  m'aurez  mis  en  terre, 
que  chacun  de  vous  en  revenant  à  la  maison  prenne  son  lot. 


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BflTUB  DB«  TRÀtmOllS    POPULAIRES  369 

Ils  écoutèrent  la  recommandation  de  leur  père  qui  mourut  -*  que 
la  miséricorde  de  Dieu  soit  sur  vous  et  sur  lui. —  Ils  rensevelirent 
et  Tenterrèrent  ;  trois  jours  après,  ils  entrèrent  dans  la  maison 
paternelle  et  trouvèrent  les  trois  coffres.  Chacun  d'eux  prit  celui 
sur  lequel  son  nom  avait  été  écrit  par  leur  père.  L'aîné  ouvrit  le 
sien  et  le  trouva  rempli  d'or  flamboyant  ;  le  coffre  du  second  était 
plein  d'os  ;  celui  du  troisième  de  terre.  L'atné  ressentit  une  grande 
joie  et  resta  avec  la  gaîté  et  la  satisfaction  :  son  contentement  ne  fît 
que  s'accroître  ;  il  se  moqua  de  ses  frères  et  leur  dit  :  Mon  père 
m'aimait  plus  que  vous.  Quant  aux  deux  autres,  ils  éprouvèrent 
beaucoup  de  chagrin  et  dirent  :  Notre  père  (f.  221)  était  dans  les 
affres  de  la  mort  ;  il  ne  savait  ce  qu'il  disait  ;  comment  se  fait-il  que 
nous  soyons  trois  frères  et  qu'un  de  nous  prenne  toute  la  fortune  ! 
Sa  situation  sera  élevée  ;  nous  resterons  sans  rien,  dans  le  travail  et 
la  misère  ;  cela  ne  sera  pas.  —  Us  soumirent  leur  affaire,  au  q&dhi 
de  la  ville. 

En  entrant  chez  lui,  ils  le  trouvèrent  assis  dans  sa  salle  d'audience 
et  entouré  de  docteurs.  — ^  Salut  sur  toi,  q&dbi,  dirent-ils.  —  Il  leur 
répondit:  Sur  vous  soit  le  salut.  Quelle  est  votre  affaire?  Que  dési- 
rez-vous ?  Que  voulez-vous  ?  —  Que  Dieu  favorise  le  qâdhi  !  notre 
père  sur  le  point  de  mourir  nous  a  légué  trois  coffres  portant  chacun 
le  nom  du  destinataire.  Après  qu'il  fut  mort  et  quenousTeûmesenterré, 
chacun  de  nous  ouvrit  son  coffre  :  notre  aîné  a  trouvé  le  sien  rempli 
d'or  flamboyant  ;  celui  du  second  était  rempli  d'os  ;  celui  du  troisiô* 
me  de  terre.  Explique  nous  cela,  que  Dieu  te  fasse  miséricorde. 
Comment  se  fait-il  que  l'ainé  reste  riche  et  un  des  principaux  de  la 
ville  comme  était  notre  père,  tandis  que  nous  deux  nous  serons 
pauvres?  —  La  volonté  de  Dieu  le  permet-elle? —  Le  qàdhi  qui 
était  un  homme  de  savoir  et  d'intelligence  fut  étonné  et  dit  :  Que 
Dieu  préserve  votre  père  de  tout  donner  à  l'un  et  ne  rien  laisser  aux 
autres!  c*est  interdit  :  vous  êtes  tous  ses  enfants;  allez  trouver  le 
ehetkh  'Ârif  en  tel  pays  ;  c'est  un  homme  perspicace  et  de  bon 
conseil  ;  c'est  lui  qui  décidera  entre  vous. 

Nous  obéirons  à  notre  seigneur  le  qàdhi,  répondirent-ils.  Ils  pri- 
rent sur-le-champ  les  provisions  nécessaires  et  sortirent  de  la  ville. 
Ils  ne  cessèrent  de  marcher  toute  la  journée  jusqu'à  la  nuit  et  trou- 
vèrent dans  le  désert  un  arbre  dont  la  moitié  était  verte  et  l'autre 
desséchée.  Ils  s'avancèrent  vers  la  partie  verte  au-dessous  de  laquelle 
ils  passèrent  la  nuit.  Le  lendemain  matin,  ils  regardèrent  la  partie 
desséchée  de  l'arbre  et  virent  qu'elle  était  redevenue  verte  :  la  partie 
verte  qui  était  au-dessus  de  leur  tète  était  devenue  sèche.  —  Louange 
à  Dieu  !  dirent-ils  ;  comment  cela  peut-il  se  faire  ?  C'est  une  chose 

TOMB  XI  —  JCnXBT  1896  2i 


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370  REVUE   DES   TRADITIONS   POPULAIRES 

étrange.  —  Ils  continuèrent  droit  devant  eux  jusqu'à  la  moitié  du 
jour  et  rencontrèrent  un  berger  qui  faisait  paître  son  troupeau  dans 
lequel  se  trouvait  un  grand  bélier  :  devant  lui  était  une  roche  énorme 
qu'il  frappait  avec  sa  tête,  à  grands  coups  de  cornes,  jusqu'à  ce  qu'il 
fut  fatigué  ;  alors  il  alla  se  coucher  près  de  la  roche  et  s'endormit. 
Ils  furent  surpris  de  ce  qu^ls  voyaient.  En  continuant  leur  chemin, 
ils  trouvèrent  un  cheval  au  milieu  d'un  pâturage  verdoyant  où  il  y 
avait  beaucoup  de  plantes  ;  il  semblait  qu'il  n'en  eût  jamais  mangé; 
il  était  mort  de  maigreur.  Ils  en  furent  encore  étonnés  et  continuè- 
rent leur  chemin.  Ils  virent  un  étalon  dans  un  terrain  desséché  où 
il  y  avait  peu  d*herbe  ;  il  était  fort  comme  pne  montagne  et  semblait 
avoir  passé  quarante  automnes  dans  le  paradis.  Ils  en  furent  surpris 
et  marchèrent  jusqu'à  ce  qu'ils  arrivèrent  à  une  grande  ville. 

Ils  demandèrent  après  le  cheikh  'Arif  ;  on  leur  répondit  :  Il  est 
dans  son  château,  à  une  certaine  distance  de  la  ville  ;  c'est  là-bas. 
—  Ils  se  mirent  eu  route,  et  arrivés  chez  lui,  ils  demandèrent  à  être 
reçus  ;  il  leur  accorda  leur  demande.  Ils  entrèrent  et  trouvèrent  un 
vieillard  très  âgé  dont  les  sourcils,  à  cause  de  sa  vieillesse,  retom- 
baient sur  son  visage. —  Salut,  vieillard,  dirent-ils;  c'est  toi  le 
cheikh  'Arif  ?  —  Salut  sur  vous,  leur  répondit-il,  ce  n'est  pas  moi  le 
cheikh  'Arif,  c'est  mon  grand'père,  allez  devant  vous,  vous  le  trou- 
verez. Ils  marchèrent  droit  devant  eux  et  rencontrèrent  un  vieillard 
plus  âgé  que  le  premier.  —  Salut  sur  toi,  vieillard.  —  Le  salut  soit 
sur  vous.  —  Tu  es  le  cheikh  'Arif  ?  —  Non,  c'est  mon  père,  marchez 
droit  devant  vous,  vous  le  trouverez.  —  Ils  furent  stupéfaits  et  se 
dirent  :  Ces  gens4à  sont  les  plus  vieux  des  hommes  ;  comment  sera 
leur  père? —  Us  entrèrent  et  trouvèrent  un  jeune  homme  d'une 
belle  figure,  à  la  barbe  noire.  Salut  sur  toi,  lui  dirent  ils.  —  Salut 
sur  vous.  —  Tu  es  le  cheikh  'Arif  ?  —  Oui,  répondit-il.  Leur  éton- 
nement  s'accrut,  parce  que  ses  enfants  étaient  les  vieillards  les  plus 
âgés,  et  lui  un  beau  jeune  homme.  —  Qu'est-ce  qui  vous  amène 
chez  nous?  leur  demanda-t-il  ;  soyez  les  bienvenus.  Us  lui  répondi- 
rent :  Seigneur,  nous  avions  un  père.  Quand  la  mort  l'a  surpris,  il 
nous  a  laissé  trois  coffres  marqués  chacun  du  nom  de  leur  destina- 
taire. En  ouvrant  le  sien,  notre  aîné  l'a  trouvé  rempli  d'or  brillant  ; 
celui  du  second  est  plein  d'os  ;  celui  du  troisième,  de  terre.  Nous 
sommes  venus  te  trouver  pour  que  tu  décides  entre  nous,  car  nous  ne 
sommes  pas  satisfaits  du  partage  de  notre  père,  il  a  enrichi  notre 
frère  aîné  et  nous  a  appauvris  tous  deux.  —  Sachez,  dit  le  cheikh 
'Arif,  que  le  partage  de  votre  père  a  été  fait  suivant  la  justice.  Il 
savait  que  votre  frère  avait  du  goût  pour  le  commerce  (f.  222)  et 
qu'à  cause  de  cela  il  a  contracté  des  engagements  :  il  lui  a  donné  de 


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REVOB   DKS   TRADITIONS   POPULAIRES  371 

largent  pour  son  négoce,  ses  achats  et  la  prospérité  de  son  trafic. 
Quant  au  second,  il  savait  qu'il  aime  les  chameaux,  les  chevaux,  les 
vaches,  les  mulets,  les  moutons:  votre  père  qui  en  possédait  beau- 
coup, lui  a  donné  tous  ces  animaux.  Pour  le  troisième,  votre  père 
savait  qu'il  est  porté  pour  l'agriculture,  les  jardins,  les  vergers,  les 
maisons  et  tout  ce  qui  tient  à  la  terre  :  il  lui  a  donné  tout  cela. 

—  Tu  as  raison,  cheikh  'Arif,  lui  dirent-ils,  et  nous  sommes 
satisfaits  de  toi  et  de  tes  paroles.  —  Mais,  que  Dieu  te  fasse  miséri- 
corde, explique  nous  les  choses  que  nous  avons  rencontrées  en 
venant  chez  toi.  —  Quelles  sont-elles?  demanda-t-il.  —  Nous 
sommes  arrivés  dans  une  terre  déserte,  près  d*un  arbre  dont  une 
moitié  était  verte  et  l'autre  desséchée,  tandis  que  Tautre  était 
redevenue  verte.  — Vous  dites  vrai,  répondit-il,  et  en  voici  la  raison. 
Quand  un  hommoa  deux  femmes  légitimes  dans  une  seule  maison, 
s'il  passe  la  nuit  chez  Tune,  elle  ressent  une  grande  joie,  et  son 
cœur  s'épanouit  S  elle  se  parfume  et  montre  une  grande  satisfaction 
après  avoir  mis  ses  parures.  Quanlàlautre,  elle  éprouve  une  grande 
jalousie  et  un  vif  chagrin  ;  le  monde  l'attriste  et  elle  passe  ainsi  la 
nuit,  tant  que  son  mari  est  auprès  de  sa  compagne.  Quand  son  tour 
arrive,  elle  se  réjouit,  elle  est  heureuse,  reposée,  joyeuse,  contente, 
tandis  que  sa  compagne  devient  comme  elle  était,  également  triste 
et  jalouse. 

—  Cest  vrai.  Puis  nous  avonsrencontré  un  grand  bélier  ;  devant  lui 
élait  un  rocher  énorme,  contre  lequel  il  donnait  toute  la  journée 
des  coups  de  tète,  jusqu'à  ce  que  la  nuit  fut  proche.  Alors  il  se 
plaça  auprès  et  s'endormit.  Le  cheïkh  'Arif  leur  dit  :  —  Le  bélier, 
c'est  l'homme,  et  la  roche,  c'est  la  femme.  L'homme  passe  toute  la 
journée  à  crier  fortement  contre  elle  ;  quand  vient  la  nuit,  il  se  couche 
près  d'elle  et  s'endort  à  ses  côtés,  car  la  femme  lui  enlève  tous  ses 
soucis*. 

—  Tuas  raison.  Explique-nous  maintenant  ce  que  c'estque  l'étalon 
que  nous  avons  vu  au  milieu  d'un  vert  pâturage,  plein  d'herbe,  de 
plantes  et  de  verdure,  dans  une  terre  fertile  ;  et  cependant  il  était 
mort  de  maigreur  et  ne  mangeait  pas.  —  C'est  l'homme  qui  possède 


1 .  Mot  à  mot  :  verdit. 

2.  Cette  rencontre  symbolique  existe  dans  deux  contes  zouaouas,  mais  IVxpli- 
cation  est  différente.  Dans  l'un  (Rivière,  Recueil  de  contes  populaires  de  la 
Kabylie  du  Jurjura.  Paris,  1882,  in-18,  p.  163,  Le  Marchand)  «»  le  mouton  qui 
frappait  le  rocher  avec  ses  cornes,  signifie  l'ancien  temps  où  les  mauvaises 
familles  régnaient  sur  les  bonnes,  où  les  hommes  corrompus  commandaient  aux 
honnêtes  gens  *.  Dans  le  second  (R.  Basset,  Contes  populaires  berbères,  Paris, 
1887,  in-i8,  p.  99-100.  Rencontres  singulières)  «  le  mouton  qui  donne  des  cornes 
contre  le  rocher  pour  y  passer  la  nuit,  désigne  Fhomme  qui  a  une  mauvaise 
maison  ». 


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3^7^  RÇVUE  PE8  TRADITION^  pOPUI^^IRCf 

de  graods  biens  et  qui  se  dit  :  si  j'en  dépense,  je  les  dissiperai  ;  il 
n'en  dépense  rien  et  tous  les  jours  sa  maigreur  augmente  jusqu'à  la 
résurrection.  —  C'est  exact  ;  mais  qu'est-ce  que  l'étalon  dans  une 
terre  déserte,  sans  verdure  ni  p&turage  et  qui  semble,  tant  il  est 
gras,  sortir  du  paradis.  —  C'est  Thomme  dont  les  moyens  d'exis- 
tence sont  peu  considérables  ;  s'il  y  a  quelque  chose  devant  lui^  il 
se  dit  :  J'en  mangerai  sur-le-champ  et  Dieu  très  haut  me  donnera 
ma  subsistance  ensuite.  Pendant  toute  sa  vie,  il  est  dans  l'abondance 
et  la  prospérité,  car  il  est  content  de  ce  que  Dieu  lui  a  donné.  ' 

—  Tu  as  raiiion  ;  mais  parle-nous  de  toi  et  de  tes  fils,  car  ce  que 
nous  avons  vu  en  vous  est  bien  étrange  —  Quoi  donc  ?  —  Nous 
avons  vu  que  tes  enfants  sont  des  vieillards  avancés  en  éige  et  toi  tu 
es  encore  tout  jeune  !  —  Vous  dites  vrai  :  c'est  que  mes  fils  ont 
épousé  des  vieilles  femmes  ;  or,  quand  un  jeune  homme  dort  une 
heure  avec  une  vieille  femme,  il  perd  la  force  d'une  année,  car  elle 
la  lui  enlève  et  ne  la  lui  rend  pas  ;  aussi  je  le  leur  ai  défendu,  mais 
ils  ne  s'en  sont  pas  abstenus;  quant  à  moi,  je  n'ai  épousé  que  des 
jeunes  femmes  ^  ». 

—  C'est  juste.  Il  reste  encore  quelque  chose  à  nous  expliquer, 
puis  nous  repartirons  dans  notre  pays.  —  Dites  ce  que  vous  avez 
dans  le  cœur.  —  Nous  désirons  que  tu  nous  fasses  connaître  pour- 
quoi tu  habites  seul  et  isolé  dans  ce  château  avec  tes  fils,  alors  que 
la  ville  est  voisine.  —  C'est  une  aventure  surprenante,  une  chose 
étrange.  —  Raconte-la  nous  ;  dis-nous  ce  qui  t'est  arrivé. 

—  J'étais  un  des  principaux  habitants  de  cette  ville,  je  possédais 


1.  Dans  le  conte  zouaona  des  Rencontres  singulières^  un  homme  en  voyage 
«  rencontre  une  jument  qui  paissait  dan^  les  prés  :  elle  était  maigre,  décharnée 
et  n'avait  que  la  peau  et  les  os.  Il  marcha  jusqu'à  un  endroit  où  il  tro  «va  une 
jument  grasse,  quoiqu'elle  ne  mangeât  pas  ».  L'interprétation  dilTëre  de  celle 
du  conte  arabe  :  La  jument  maigre  représente  l'homme  riche  dont  les  frères  ne 
possèdent  rien  ;  la  jument  grasse  reprépente  l'homme  pauvre  dont  les  frères  sont 
riches  ».  Dans  un  conte  gascon,  l'enfant  envoyé  par  Dieu  porter  une  lettre  à  la 
Vierge  rencontre  en  chemicant  à  travers  la  mer  «  un  pré  bon  à  faucher.  Les 
bestiaux  y  étaient  maig^res,  secs.  11  s'en  alla  loin,  loin,  loin,  loin.  Là,  il  trouva 
un  pré  si  maigre»  si  maigre  qu'on  y  aurait  ramassé  du  sel.  Les  bestiaux  y  étaient 
gras  à  tard  ».  La  Vierge  lui  expliqua  que  le  pré  où  on  aurait  Tauché  l'herbe  et 
où  les  bestiaux  étaient  maigres  représentait  les  mauvaises  herbettes,  et  le  pré 
si  sec,  les  bonnes  herbettes.  (Bladé,  Contes  populaires  de  la  Gascogne,  Paris, 
3  V.  pet.  în-8,  1886,  t.  H,  p.  166.  /-€*  trois  enfants). 

2.  Cette  rencontre  et  1  explication  sont  altérées  dans  le  conte  zouaoua  du 
Marchand  ».  Parmi  les  joueurs  était  un  vieillard  qui  avait  un  enfant;  Penfant 
d'un  autre  homme  ne  jouiiit  pas  ;  il  était  triste  parce  qu'on  avait  porté  son  père 
au  tombeau...  Le  vieillard  est  l'image  d'un  homme  qui  achète  une  honnête 
femme  dans  une  honnête  maison,  l'enfant  est  l'image  d'un  homme  qui  achète 
une  femme  mauvaise  dans  une  mauvaise  maison  ».  —  Le  conte  des  Rencontres 
singulières  est  plus  logique  :  «  Plus  loin  il  vit  un  homme  qui  jouait  avec  une 
boule  ;  ses  enfants  étaient  des  vieillards...  Celui  dont  tu  as  vu  les  enrants  vieillis, 
que  représente-t-il  ?  Cet  homme  a  pris  une  belle  Temme  et  ne  vieillit  pas  ;  ses 
enfants  en  ont  pris  de  mauvaises  ». 


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REV17B  DES  TRAD1TT0NS  POPULAIRES  373 

des  richesses  considérables  et  je  menais  la  vie  la  plus  agréable  du 
monde  avec  mes  enfants  jusqu'à  ce  qu'un  jour  nous  fûmes  atteints 
par  la  misère  et  la  pauvreté.  Je  leur  dis  :  Mes  chers  enfants,  je  ne 
puis  plus  rien  pour  vous  ;  nous  allons  mourir  de  faim  ;  mais 
prenez-moi,  conduisez-moi  au  marché  et  vendez-moi  ;  mon  prix 
vous  fera  vivre  jusqu'à  ce  que  Dieu  me  vienne  en  aide  ainsi  qu*à 
vous.  —  0  excellent  père,  que  Dieu  nous  préserve  que  cela  arrive  ! 
tu  es  notre  père,  notre  seigneur  et  le  maître  de  nos  vies  ;  vends- 
nous  d'abord,  puisque  tu  es  notre  père,  comme  un  maître,  vis  à-vis 
de  ses  esclaves,  et  plus  encore  ;  il  ne  convient  pas  que  tu  sois  vendu, 
mais  nous  d'abord.  —  Je  savais  cela  avant  vous,  leur  dis-je  ;  mais 
si  je  suis  vendu,  vous  recevrez  mon  prix  et  je  reviendrai  vers  vous  ; 
si  je  vous  vends,  je  ne  pourrai  vous  délivrer.  —  Ils  me  répondirent: 
Ton  avis  est  le  plus  sage,  nous  ferons  ce  que  tu  voudras.  Ils  m'en- 
menèrent  à  un  marché  et  crièrent  :  Qui  veut  acheter  le  cheïkh  qui 
connaît  toutes  choses.  —  Les  enchères  montèrent  jusqu'à  ce  qu'elles 
atteignirent  un  chiffre  élevé,  (f.  223).  Tandis  que  le  courtier  criait  la 
vente,  le  vizir  du  roi  vint  à  passer.  Il  était  monté  sur  son  cheval  et 
traversait  le  marché.  Quand  il  me  vit,  il  fit  des  questions  sur  moi. 
On  lui  dit:  C'est  le  cheïkh  connaisseur  (Arif;  de  toutes  choses  et  qui 
nous  les  apprend  grandes  ou  petites.  Il  pensa:  Un  tel  homme  ne 
convient  qu'au  roi  qui  l'interrogera,  car  il  est  habile  et  intelligent. 
Puis  il  dit  aux  gens  du  marché  :  Ne  le  vendez  pas  avant  que  je  vous 
en  aie  donné  la  permission.  Oui,  répondirent-ils.  Il  alla  trouver  le 
roi  et  lui  raconta  l'affaire  et  mon  histoire.  —  Amène-le  moi,  dit  le 
prince.  —  On  nous  conduisit  devant  lui  ;  il  me  mît  à  un  prix  consi- 
dérable et  mes  fils  me  vendirent  à  lui.  Je  restai  chez  lui  à  ifiener 
une  vie  délicieuse  ;  il  recommanda  à  son  cuisinier  de  me  donner 
chaque  jour  cinq  pains  et  un  plat  de  viande.  Je  demeurai  chez  le 
roi  dans  l'existence  la  plus  agréable  ;  mes  fils  prirent  l'argent  qu'il 
avait  donné  pour  moi,  achetèrent  une  maison  pour  y  habiter,  des 
vêtements  pour  s'habiller  ;  quant  à  la  nourrriture,  ils  la  trouvèrent 
chez  leur  père,  de  ce  que  le  roi  lui  donnait. 

Un  jour,  ce  prince  était  assis  quand  un  vieil  Arabe  se  présente 
devant  lui  avec  un  grand  cheval  comme  cadeau.  En  le  voyant,  le 
prince  ressentit  beaucoup  de  satisfaction.  Mais  après  l'avoir  regardé, 
je  dis  au  roi  :  Ce  cheval  a  pour  père  un  étalon  comme  lui  et  pour 
mère  une  vache;  si  sa  mère  n'est  pas  une  vache  ou  s'il  n*a  pas  été 
nourri  de  son  lait,  je  ne  sais  rien.  —  Le  roi  appela  cet  homme  et  lui 
dît  :  Est-il  vrai  que  sa  mère  était  une  vache  ?  —  Oui,  répondit-il  ; 
quand  ma  jument  eut  mis  bas  cet  étalon,  elle  mourut,  le  laissant  tout 
petit.  Alors  je  pris  une  vache  et  je  le  mis  sous  sa  protection  pour 


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374  REVUE    DES  TRADITIONS  POPULAIRES 

qu'elle  le  nourrit  de  son  lait  jusqu^à  ce  qu'il  eut  grandi.  Il  est  devenu 
magnifique,  comme  tu  le  vois.  —  Tu  as  raison,  me  dit  le  roi,  et  il 
ordonna  à  son  cuisinier  d'augmenter  ma  ration  de  cinq  pains  et  d'un 
plat  de  viande,  de  sorte  que  chaque  jour,  je  recevais  dix  pains  et 
un  demi  mouton. 

Quelques  jours  se  passèrent;  on  amena  au  prince  une  jeune 
fille  en  cadeau.  Quand  il  la  vit,  il  me  demanda  :  Cheïkh  'Arif, 
que  penses-tu  de  cette  jeune  fille?  —  Maître,  lui  dis-je,  ordonne- 
lui  de  marcher  devant  moi  et  de  revenir.  Elle  marcha;  il  la  regar- 
dait et  elle  le  regardait.  —  Maître,  dis-je,  son  père  était  un  bala- 
din et  sa  mère  une  servante,  sans  noblesse  ni  orij:,ine.  —  A  quoi 
as-tu  reconnu  cela?  — Maître,  lorsqu'elle  s'est  éloignée,  elle  a  remué 
fortement  les  épaules;  quand  elle  est  revenue,  elle  agitait  ses  han- 
ches et  nous  regardait  sans  honte.  —  Tu  as  raison,  mais  interrogeons 
son  maître.  Il  le  fît  chercher,  l'homme  arriva  et  le  salua;  le  prince 
lui  dit  :  Un  tel,  je  t'ordonne  de  me  faire  savoir  quelle  est  l'origine 
de  cette  fille  et  de  quelle  extraction  elle  est.  —  Seigneur,  dit- il,  son 
père  était  un  grand  personnage  ;  mais  il  aimait  le  jeu  de  cannes 
comme  le  pratiquent  les  baladins;  il  allait  aux  fêtes,  et  partout  oti  il 
y  avait  une  réjouissance,  il  s'y  trouvait;  chaque  fois  on  l'en  détour- 
nait, mais  il  ne  s'en  abstenait  pas.  Quant  à  sa  mère,  elle  n'avait  pas 
de  noblesse  ni  d'origine. —  C'est  exact,  reprit  le  roi:  c'est  justement 
ce  qu'avait  dit  le  cheïkh  'Arif.  Il  augmenta,  suivant  sa  coutume  ma 
ration  de  pain  et  de  viande. 

Un  jour  qu'il  était  assis  dans  ses  jardins,  sous  un  grand  arbre,  il 
réfléchissait  à  sa  situation  quand  passa  un  de  ses  serviteurs.  Il  lui 
ordonna  d'appeler  son  cheïkh  'Arif.  Il  l'appela*,  celui-ci  se  présenta 
et  dit  :  Salut  sur  toi,  —  sur  toi  le  salut.  —  Il  l'accueillit  bien,  le  fit 
asseoir  devant  lui  et  voulut  rester  seul  avec  lui.  —  Je  veux,  dit-il, 
que  tu  m'éclaircisses  sur  ma  naissance  et  mon  origine.  —  Maître, 
répondit-il,  donne-moi  l'assurance  de  la  vie.  —  Tu  l'as  pleine  et  en- 
tière. —  Ton  père,  dit  le  cheïkh  était  un  boucher,  et  ta  mère  une 
boulangère  qui  vendait  du  pain.  —  Comment  cela?  Mon  père  était 
roi  de  cette  ville  et  souverain  de  ce  pays,  après  ses  aïeux,  comme 
j'en  ai  hérité  de  lui.  — Le  cheïkh  reprit:  lien  est  certainement 
ainsi.  Le  prince  changea  de  couleur,  alla  trouver  sa  mère,  la  veuve 
du  Sultan,  tira  son  sabre  du  fourreau  et  lui  dit  :  Par  le  Dieu  puissant 
et  le  devoir  des  rois,  si  tu  ne  me  révèles  qui  est  mon  père  et  ce  qui 
s'est  passé  entre  toi  et  lui,  je  te  fais  périr  de  la  pire  mort.  —  Prince, 
dit-elle,  je  suis  ta  mère,  et  le  roi  était  ton  père.  —  Laisse  ce  men- 

1.  On  remarquera  le  changemeDt  de  personnes  dans  le  récit. 


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BBVUE    D|SS  TRADITIONS  POPULAIRES 


37S 


songe  et  dis  la  vérité.  —  Donne-moi  Tassurance  de  la  vie.  —  Je  te  la 
garantis  par  Dieu  et  son  Prophète.  —  Elle  reprit  :  Ton  père  était 
boucher  et  la  mère  boulangère.  —  Comment  cela?  —  Je  suis  la 
femme  de  tel  roi,  ton  prédécesseur;  je  n'avais  pas  d*enfant  mâle;  il 
passa  longtemps  dans  une  violente  fureur  et  craignit  que  le  royaume 
(ne  passât  à  une  autre  famille).... 

Ici  s'arrête  le  manuscrit  ;  il  est  permis  de  supposer  que  la  lacune 
renfermait  l'explication  de  la  découverte  du  cheïkh  'Arif  éclairé  sur 
Torigine  du  roi  par  les  cadeaux  peu  relevés  qu'il  lui  faisait.  Sans 
doute  aussi,  pour  éloigner  ce  témoin  gênant,  Tavait-il  relégué  dans 
le  ch&teau  où  le  trouvèrent  les  trois  fils  du  marchand  et  ceux-ci 
après  avoir  obtenu  les  renseignements  qu'ils  désiraient  rentraient 
dans  leur  patrie. 

Ce  texte  montre  que  les  anciens  contes  arabes  circulent  encore  de 
nos  jours  parmi  le  peuple,  modi6és  quant  aux  incidents  et  parfois 
à  la  disposition  du  récit,  mais  identiques  quant  au  fonds. 

René  Basset. 


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376  REVUE  DES  TRADITIONS  POPULAIRES 


LES  MUSÉES  D  ETHNOGRAPHIE 


IV 

L'Ethnographie  Française  au  Musée  du  Trocadéro 

ES  colleclions  de  la  section  française  d'ethno- 
graphie du  Trocadéro  sont  Tobjet  en  ce  moment 
d'assez  importants  travaux  d'aménagement  et 
remaniement  dirigés  par  notre  collègue,  M.  Ar- 
mand Landrin,  conservateur  du  Musée.  Les 
collections  d'ethnographie  nationale  s'étant,  en 
effet,  accrues  sensiblement  depuis  quelques 
années  par  suite  de  dons  nombreux  et  de  quel- 
ques acquisitions  intéressantes,  il  est  devenu 
possible  de  scinder  une  grande  partie  des 
groupes  primitifs  pour  arriver  à  une  classifica- 
tion géographique  et  ethnique  des  séries  plus  exacte  et  plus  saisis- 
sante pour  le  public. 

La  révision  des  objets,  et  la  confection  d'étiquettes  indiquant 
l'usage,  le  nom  patois,  le  pays  d'origine  et  le  donateur  de  chaque 
pièce,  sont  maintenant  terminées;  et  on  achève  leur  installation 
dans  les  vitrines  dont  le  nombre  a  été  doublé. 

Un  dépouillement  rapide  de  l'inventaire  des  collections  françaises 
réunies  au  Musée  d'Ethnographie  précisera  mieux  que  toutes  phrases 
Tétat  actuel.  Ce  relevé  nous  fournit  les  chiffres  suivants  pour  les 
provinces  dont  l'Ethnographie  est  la  plus  complète  : 

Auvergne,  657  pièces,  données  par  MM.  F.  Fabre,  F.  Faucon, 
Kuhn,  Aymé  Rambert,  D'  Pommerol,  Lefebvre,  Grange,  Le  Rlanc, 
D'  Bonnet,  de  la  Foulouse,  M""*  Blanc,  etc.  —  Bretagne,  630  pièces, 
achats  et  dons  de  MM.  Paul  Sébillot,  Eugène  Bonnemère,  Landrin, 
Rodallcc,  Schœlcher,  Prince  Roland  Bonaparte,  Lucien  Decombe, 
D'  Closmadeuc,  Michel  Tirard,  Lemonnier,  Léon  Bureau,  Bischoffs- 
hein,  Martial  Imbert,  Thomas,  Gaston  Flobert,  A.  Certeux,  D'  Bales- 
trié,  Prudent,  Dandurand,  M°"  Legoff,  A.  Durand,  Lecomte  et  Albi- 
gise.  —  Provence  et  Niçois,  272  pièces,  achats  et  dons  de  M"' 
Eléonore  d'Aubergne  et  de  MM.  D'  Marignon,  Bonnemère,  Revoit,  D' 
Pourteyron,  Lemonnier,  J.-B.  Andrews,  H.  Racine,  Verdier,  Certeux, 


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REVUE  DBS  TRADITIONS   POPULAIRES  377 

Cl.  Miissier  et  Faucon.  '^  Normandie^  196  pièces,  achats  et  dons  de 
MM.  Lennier,  Drouet,  Henri  Jonan,  F.  Roger,  E.  Rondel,  D*  Raoall, 
Faucon,  abbé  Lautour,  Corbet.  —  Maine^  199  pièces,  dons  de 
M»"  Destriché,  Rocher,  Failgon,  V.  Pié  et  de  MM.  T.  David,  Hen- 
riquet,  G.  Crosnier,  Pîé,  Lemonnier,  etc.  —  Lorraine  et  Alsace^ 
120  pièces,  dons  de  M"*  Ménestrel  et  de  MM.  Demangeot,  Weill 
et  Jules  Sain.  •—  Champagne,  83  pièces,  dons  de  MM.  D'  Vincent, 
Mélard,  Commctndant  Vautier,  Hanriquet,  Durocher,  Multier, 
D'  Raison,  D*"  Marignon,  F.  Roger  et  du  musée  de  Troyes.  «-- 
Bourgogne  et  Lyonnais^  i\A  pièces,  achats  et  dons  de  MM.  i. 
Sain,  A.  Guillon,  A.  BuUiot,  V.  BuUiot,  Nicaise,  Lemonnier,  Bauche, 
Landrin.  —  Guyenne  et  Gascogne^  73  pièces  landaises,  achats  et 
dons  de  MM.  D^  Pourteyron,  député,  A.  Lefebvre,  Dubalen,  Amau- 
dtn,  Jumel,  député,  D^  Duconrnean.  —  Foix  et  fioussillon,  69  pièces, 
achats  et  dons  de  MM.  Ch.  Meunier,  Rufiié,  G.  Sain,  J.  Renaud.  — 
Beam^  59  pièces,  achats  et  dons  de  MM.  D'  Goyénéche,  G.  Lérem- 
boure,  Gabade,  O'Shea,  D'  Guilbeau,  Merville,  M"*  Vénat.  —  Poitou, 
Saintonge  et  Aunis^  57  pièces,  dons  de  MM.  Henri  Gélin,  Abbé  Noguès, 
Schœlcher,  D'  Rochebrune,  Lemonnier,  L.  Bonnemère,  M"*  Perri- 
ncau.  —  Bourbonnais^  57  pièces,  dons  de  MM.  F.  Pérot,  Abbé  Blet- 
terie,  Lavergne,  AbbéBontemps,  D'  Bailleul.  — Anjou,  53  pièces, 
dons  de  MM.  D'Fiévée^  L.  Bonnemère,  Lemonnier. 

Viennent  ensuite,  avec  un  nombre  moindre  d'objet  les  provinces 
suivantes  dont  il  serait  bien  important  de  compléter  les  séries  : 
Flandre  et  Artois  (donateurs  :  MM.  D^Hamy,  Ozenfant,  Desrousseaux, 
Quarré  Reybourbn,  E.  Gallois,  Mérainy)  :  Languedoc  (donateurs: 
MM.  P.  Fagot,  D'  Marignan,  H.  Vaschalde,  D'  Delîsle)  ;  Picardie 
(donateurs  :  MM.  Z.  Badin,  Wiguîez,  Dimpre)  ;  Franche-Comté  (dona- 
teurs: MM.  Beauquier,  député,  H.  L'Epée,  Ch.  Thuriet,  Grosgogeat, 
Colomb)  ;  Savoie  (donateurs  :  MM.  Bauche,  Pitavino,  Landrin)  ;  Ile 
de  France  (donateurs:  MM.  D'  Chervin,  Frédéric  Moreau,  Gillet  de 
Grammont,  D'  Harmand,  Leforestier)  ;  Limousin  (donateurs  :  MM. 
Rupin,  Martial  Imbert)  ;  Berry  (donateurs  :  M.  Beauvais,  M"«  Chevril- 
lon)  ;  Dauphiné  (donateurs  :  MM.  L.  Bonnemère,  Lemonnier). 

Le  Musée  ne  possède  rien  de  la  Corse,  de  la  Marche,  du  Nivernais, 
de  la  Touraine  ni  de  rOrléanais. 

De  ce  relevé  il  résulte  que,  si  un  nombre  important  de  provinces 
sont  maintenant  représentées  au  Musée  assez  richement  pour  qu*on 
ait  pu  même  en  certains  cas  subdiviser  les  collections  en  consacrant 
des  vitrines  spéciales  à  quelques  terroirs  d'un  caractère  particulier, 
comme  la  Camargue  et  la  Bresse,  il  en  est  quelques  autres  dont  les 
séries  ethnographiques  laissent  encore  à  désirer.  Dans  les  provin« 


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378  RBVDE  DES  TRADITIONS  POPCLAIRES 

ces  mêmes  dont  le  coulingent  semble  satisfaisant,  il  y  en  a  quelques- 
unes  où  des  régions  cependant  intéressantes  font  encore  à  peu  près 
défaut,  par  exemple  le  Périgord,  le  Quercy,  le  Rouergue  datis 
la  Guyenne  et  Gascogne  ;  la  Haute- Vienne  dans  le  Limousin  ; 
TAunis  et  TAngoumois  dans  le  Poitou  ;  le  pays  Cévenol  dans  le 
Languedoc  ;  etc.  C'est  là  une  situation  regrettable  au  point-de-vue 
des  études  scientifiques  et  nous  nous  permettons  d^adresser  ici  un 
chaleureux  appel  à  nos  collègues  et  collaborateurs  pour  qu'ils  veuillent 
bien  contribuer  à  combler  ces  lacunes  en  adressant  au  Musée  tout  ce 
qu'ils  pourront  recueillir  dans  les  départements  qu'ils  ont  occasion 
de  parcourir  et  d'étudier.  Grâce  à  leur  savant  concours,  nous  ne 
doutons  pas  que  les  collections  si  précieuses  et  si  utiles  aux  tradi- 
tionnistes  de  la  section  française  du  Musée  d'Ethnographie  soient 
rapidement  complétées  et  deviennent  tout-à-fait  dignesdu  grand  pays 
dont  elles  sont  destinées  à  faire  connaître  les  mœurs  et  coutumes. 

J.  S. 


9j 


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BEVUE  DES   TRADITIO1N8  POPULAIRES  3T9 


LES  VILLES  ENGLOUTIES' 


CLXXXVIII 

LE  LAC  DE  BETSCHE 

(Posnanie) 

ON  loinjde  la  petite  ville  de  Betsche,  s'élevait 
autrefois  un  château  habité  par  un  seigneur 
dont  la  principale  occupation  élaitde  piller 
les  passants.  Un  fils  lui  étant  né,  faible  de 
corps,  il  le  confia  aux  moines  d'un  couvent 
pour  l'élever  et  continua  ses  brigandages. 
Le  jeune  homme  étant  revenu  chez  son 
pèrele  supplia  un  jourd'épargner  un  convoi 
de  marchands  qu'il  s'apprêtait  à  piller:  le 
seigneur  ne  tint  aucun  compte  de  ses  prières  ; 
bien  plus,  le  jeune  homme  s'étant  couché  en  travers  de  la  route 
déclarant  qu'il  aimait  mieux  mourir  que  d'être  témoin  d'un  pareil 
crime,  le  père  dénaturé  éperonna  son  cheval-  et  passa  sur  le  corps 
de  son  fils  ainsi  que  ses  compagnons.  Le  jeune  homme  resta  écrasé 
sous  les  sabots  des  chevaux.  Mais  aussitôt  la  terre  trembla  effroya- 
blement et  s'ouvrit,  le  château  et  la  montagne  s'abîmèrent  dans  un 
lac  formé  subitement  au  fond  duquel,  par  un  temps  clair,  on  aperçoit 
encore  aujourd'hui  les  débris  de  la  tour. 

Il  existe  une  autre  légende  sur  l'origine  de  ce  lac.  Une  première 
ville  avait  été  engloutie  et  une  seconde  avait  été  construite  lorsqu'un 
pauvre  pèlerin  vint  demander  l'aumône.  Les  habitants  impitoyables 
le  repoussèrent.  Après  être  sorti  de  la  ville,  il  enfonça  son  bâton  dans 
le  sable  en  annonçant  qu'il  deviendrait  un  grand  tilleul  :  lorsqu'il 
mourrait,  la  ville  devait  être  détruite  en  punition  de  l'inhumanité  de 
ses  habitants.  En  effet,  le  bâton  est  devenu  un  bel  arbre  dont  on 
prend  très  grand  soin  de  peur  de  voir  la  prédiction  se  xéaliser*. 

i.  Suite,  voir  t.  Xi  p.  35. 

2.  Knoop,  Sagen  und  Erzâhlungen  aus  der  Provinz  Posen.  Posen,  1893,  in-8,: 
p,  41-41. 


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380  RBVtrS   DfiS   TRADtTlONS    POHJtAfBGS 

CLXxxrx 

LE  LAC  DU  DIABLE 

{Prusse) 

Au  pied  du  Ravensberg  se  trouve  le  lac  du  diable  (Teufelssee)^ 
une  mare  noire  et  sans  fond^  entourée  de  vieux  pins  d*un  vert  som- 
bre qui  obscurcissent  encore  sa  surface  :  aucun  oiseau  n*y  boit  et  on 
n'y  trouve  qu'une  espèce  particulière  de  poisson  noir.  Là  existait 
jadis  une  idole  vers  laquelle  les  Vendes,  même  après  leur  conver- 
sion au  christianisme  venaient  encore  en  pèlerinage  et  à  laquelle  ils 
offraient  des  sacrifices.  Le  diable  substitua  un  jour  sa  propre  image 
à  la  statue,  sans  que  les  Vendes  se  fussent  aperçus  de  rien.  Un 
moine  chrétien,  habile  dans  Tart  de  conjurer  les  démons,  résolut  de 
détruire  celte  idole  et  il  s  achemina,  suivi  d'une  nombreuse  proces- 
sion, vers  Te  idroit  où  les  païens  adoraient  le  diable.  Le  ciel  qui 
était  pur  commença  à  s'obscurcir,  l'orage  éclata,  mais  le  moine  ne 
SQ  lai$sa  pas  dominer  par  les  éléments  déchaînés.  Lorsqu'ilapprocha 
BYW  lô  crucifix  et  Teau  bénite,  la  terre  s'abima  tout  autour  de 
l'idolie,  et  depuis  ce  temps,  cet  emplacement  est  couvert  par  le  lac 
du  diable  K 

GXC 

LE  SCfiWENTESEE  PRÈS  DE  CUWAttNS 

{Posnanie) 

Sur  un  plateau,  au  nord  du  village  de  Ghwalîn,  s*étend  un  lac  de 
dix  arpents,  d*uue  très  grande  profondeur,  dans  la  partie  sud,  on 
n'a  pas  encore  trouvé  le  fond.  Là,  s'élevait  à  une  époque  indéter- 
minée, un  riche  village.  Un  soir,  un  pauvre  voyageur  vînt  demander 
un  abri  de  maison  en  maison.  Repoussé  de  partout,  il  ne  fut 
recueilli  que  dans  la  dernière  habitation,  chez  de  pauvres  gens  qui 
lui  donnèrent  à  boire  et  à  manger.  Le  lendemain  malin,  en  sortant 
de  chez  eux,  ses  hôtes  remarquèrent,  à  leur  grande  surprise  que 
tout  le  village  avait  disparu  et  qu'à  sa  place  se  trouvait  un  étang 
entouré  de  hautes  montagnes.  L'étranger  se  fit  alors  reconnaître 
pour  le  seigneur  Jésus  qui  avait  voulu  mettre  à  l'épreuve  les  cœurs 
des  habitants*. 


1.  Cf.  ReÎDhard.   Sagen   un4  M^rchen  aus   PostdanC-t  V^g€it,  PoHdatM,  1841, 

2.  knoop.  Sageii  und  Erxâhlungen^  p.  41-42. 


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RBTUK   DBS  TRàBinom  rOPULAIBU  'Mi 

cxei 

LE  LAC  MORT  A  POSTDAM 

(Prusse) 

Autrefois  dans  le  vieux  Postdam,  où  se  trouve  aujourd'hui  la 
Wilhelmplatz,  existait  une  mare  qui  servait  k  mettre  k  Tépreuve  les 
sorciers  et  sorcières.  Ud  jour  un  vagabond  dérionça  une  vieille 
femme  qui  n'avait  pas  voulu  lui  donner  d'argent,  comme  lui  ayant 
demandé  de  lui  amener  un  enfant  de  trois  ans,  dont  la  langue,  le 
cœur  et  le  doigt  devaient  servir  à  ses  opérations  magiques.  La 
vieille  femme  fut  arrêtée  et  mise  à  Tépreuve  :  près  du  marais  sur  un 
endroit  élevé  se  tenait  le  vagabond  qui  prit  Dieu  à  témoin  de  la 
vérité  de  ce  qu'il  avançait.  Au  même  moment*  le  terrain  où  il  se 
trouva  s'engloutit  et  à  la  place  apparut  un  marais  noir.  Le  peuple 
cria  au  miracle  et  on  délivra  l'accusée  qui  fut  conduite  en  procession 
à  Téglise  pour  remercier  Dieu  *. 

CXCII 

LE  LAC  DE  KLEIN  KREUTSCH 

[Posnanie) 

Entre  les  villages  de  Kleinkreutsch,  Grosskreutsch  et  Gollmitz,  on 
voit  un  grand  lac  auquel  s'en  rattachent  d'autres  plus  petits.  Là 
existait  une  ville  dont  les  habitants  étaient  si  impies  que  les  mères  se 
servaient  de  croûtes  de  pain  pour  nettoyer  leurs  enfants,  et  cela 
même  à  l'église.  Un  tremblement  de  terre  détrusit  la  ville  qui  fut 
abîmée  dans  le  lac.  A  plusieurs  reprises,  on  a  entendu  sous  l'eau  le 
son  des  cloches  :  chaque  année  le  lac  exige  une  vie  humaine,  et 
lorsque  cela  n'arrive  pas  une  année.  Tannée  suivante,  deux  per- 
sonnes se  noient  ^ 

René  Basset. 

CXCIII 

LE   STE1NERNE   MANNSBERG 

{Alsace] 

Non  loin  de  Ratzwiller,  village  du  canton  de  Saar-Union,  là  où 
le  moulin  de  Neuwerk  fait  retentir  la  solitude  de  son  joyeux  tic-tac, 
au  milieu  de  belles  forêts  de  sapins,  de  chênes  et  de  hêtres,  se  trouve 

1.  Cf.  Reiohard.  Sagen^  und  Mûrchen^  p.  90, 
3*  Kaoop.  Sagen  und  Erzùhlungen,  p.  42, 


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382  RB^VUE   DES   TRADITIOTfS   POPULAIRES 

le  Steineme  Mannsberg,  Cette  colline  est  environnée  d'un  rempart  en 
terre  très  élevé  de  neuf  à  dix  mètres  d'épaisseur  et  toute  l'enceinte 
est  appelée  die  Burg,  le  fort. 

Plus  loin,  à  la  lisière  de  la  vallée,  sont  les  ruines  d'une  chapelle 
qu'on  appelle  communément  V église  païenne.  Autour  de  cette  église, 
là  où  s'étendent  aujourd'hui  des  prairies  marécageuses  que  traverse 
le  ruisseau  dit  Spiegelbach,  la  tradition  place  une  ville  perdue  dont 
Torigine  est  enveloppée  de  profondes  ténèbres.  Voici  quelle  aurait 
été  la  cause  de  sa  ruine  : 

C'était  l'époque  où  Materne  avec  ses  compagnons  Euchaire  et 
Valère,  évangélisait  TAlsace.  Sur  les  ruines  des  idoles  et  des  faux 
dieux  le  saint  éleva  des  trophées  à  la  vraie  religion.  Il  érigea  de 
nouveaux  temples  à  la  gloire  de  celui  qu'il  annonçait  et  reconnais- 
sant la  main  qui  l'avait  conduit  en  Alsace,  il  les  consacra  à  l'honneur 
dé  l'apôtre  Pierre  de  qui  il  avait  reçu  la  mission  par  la  voix  médiato 
de  ses  successeurs.  Les  églises  de  Helvelus,  de  Novienlum,  de 
Dompetri  lui  furent  redevables  de  leur  établissement  el  les  popula- 
tions des  rives  de  la  Sarre  elles-mêmes  furent  touchées  par  la 
nouvelle  doctrine.  Mais  il  y  avait  dans  la  ville  en  question  un 
homme  riche  et  influent  qui  ne  voulait  rien  savoir  du  christianisme. 
Il  était  en  relations  avec  l'empereur  Dioclélien  et  se  sentait  protégé 
par  lui.  Il  excita  donc  le  peuple  contre  les  nouveaux  apôtres,  se 
répandit  en  railleries  sur  les  places  et  les  marchés  et  enfin  réussit  à 
faire  lapider  et  chasser  les  ministres  de  Dieu.  Bien  plus,  ayant 
aperçu  dans  un  coin  de  ses  vastes  propriétés  une  petite  chapelle 
consacrée  k  la  Vierge,  et  qui  avait  échappé  à  la  rage  des  démolis- 
seurs, il  ordonna  à  ses  gens  de  Tabatlre  et  de  la  remplacer  par  un 
temple  païen.  Mais  à  peine  la  valetaille  avait-elle  terminé  sa  sinistre 
besogne  qu'un  éclair  traversa  le  ciel,  le  tonnerre  fît  entendre  de 
sour(i§  grondements  et  la  terre  s'enlrouvrant,  engloutit  la  ville  sous 
les  regards  du  patricien  qui,  d'effroi^  se  changea  en  froide  masse 
de  pierre.  Le  Steineme  Mannsberg  c'est-à-dire  le  mont  de  V homme  de 
pierre^  conserve  le  souvenir  de  cette  transformation  et  depuis  plus 
de  quinze  siècles  il  domine  tristement  la  petite  église  ruinée. 

P.  RlSTELHUBER 


,.:^S^S^ 


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>  REVUE  DES  TRADITIONS  POPTILAIBBS  -vSBS 


PRODIGES  ET  JEUX  DE  NATURE  ^ 


II 

LES  nARICOTS  DU  SAINT  SACREMENT 

{lUe-et-Vilaine) 

E  recteur  de  X...  allait  porter  le  Saint-Sacrement  à  un 
malade  ;  c'était  après  des  pluies,  et  comme  la  roule  était 
mauvaise,  il  voulut  passer  par  un  champ  ensemencé  ;  celui 
auquel  il  appartenait  lui  défendit  de  fouler  sa  récolté  ;  mais  il 
y  avait  à  côté  un  autre  cultivateur  qui  lui  dit  :  Monsieur  le 
recteur,  vous  pouvez  passer  par  chez  moi  —  Non,  répondit  le  recteur, 
cela  foulera  vqs  haricots.  —  Cela  ne  fait  rien,  passez  tout  de  même. 

Lorsque  vint  la  récolte,  les  haricots  qui  furent  cueillis  à  Tendroit 
où  avait  passé  le  Saint-Sacrement  portaient  l'image  d*une  hostie., On 
raconte  en  Franche-Comté  la  légende  qui  suit,  à  propos  de  Torigine 
de  l'espèce  connue  sous  le  nom  de  Haricots  du  Saint-Sacrement. 
Un  homme  avait  un  jour  commis  un  larcin  ;  il  avait  dérobé  un 
osteusoir  dans  la  chapelle  du  Moutherot.  C'était  au  xii*  siècle,  alors 
qu'il  existait  en  ce  lieu  un  prieuré  de  l'ordre  de  Saint-Benoît.  Afin 
de  soustraire  aux  investigations  de  la  justice  le  fruit  de  son  larcin, 
le  voleur  enterra  Tostensoir  dans  son  jardin  et  sema  en  cet  endroit 
des  haricots  ordinaires.  Quand  ils  parvinrent  à  maturité,  plusieurs 
personnes  remarquèrent  avec  surprise  que  tous  les  grains  de  haricots 
portaient  une  image  peinte  et  tout  à  fait  pareille  à  Tauréole  d'un 
ostensoir.  Cette  singularité  éveilla  le  soupçon.  On  ne  tarda  pas  à 
faire  une  fouille  et  l'on  trouva,  à  quelques  pieds  du  sol,  l'ostensoir 
volé.  Le  coupable  fut  puni  après  avoir  fait  l'aveu  de  son  crime  ;  mais 
cette  nouvelle  espèce  de  haricots,  que  la  curiosité  populaire  multiplia 
par  de  nombreux  semis,  reçut  et  conserve  encore  le  nom  de  Haricots 
du  Saial-Sacrement.  (Cu.  Theuriet,  Traditions  populaires  du  DoubSy 
p.  24). 

P.  S. 

1.  Cf.  t.  XI.  p.  144. 


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taVUS  DBS  TRADraONS   FOPULATftXS 


COUTUMES  ET  SUPERSTITIONS  DU  PAYS  DE  BRAY 
ETDECAUX* 


III 


LA  SAINT-JEAN 


AiNT  Jean-Baptiste  est  en  grand  honneur  en  pays 
Normand,  et  tout  cultivateur  bien  avisé  lui  conGe 
le  soin  d'éloigner  les  animaux  nuisibles  de  ses 
greniers.  Pour  se  délivrer  des  souris,  véritable 
fléau  des  récoltes,  il  faut  se  lever  le  jour  de  la 
Saint-Jean,  c'est-à-dire  le  24  juin,  à  la  première 
lueur  de  Taube  et  avant  Tapparition  du  soleil, 
recueillir  à  Taide  d'une  cuillère  de  bois,  sorte  de 
spatule  plate,  la  rosée  qui  recouvre  les  plantes. 
On  cherche  en  même  temps  et  on  cueille  une 
poignée  d'herbes  de  la  Saint-Jean,  (petite  herbe 
légère  a  feuille  très  découpée). 

On  rentre  alors,  on  verse  la  rosée  dans  un  verre  à  boire  bien 
propre  el  qui  doit  être  plein,  on  le  pose  sur  les  herbes  où  on  le 
laisse  quelques  instants,  puis  on  se  rend  au  a  tas  »  (grenier)  et  là, 
on  place  au  milieu  et  dans  les  quatre  coins  les  herbes  qu'on  dispose 
en  croix  de  Saint-André.  Puis  on  jette  Teau  recueillie  en  aspergeant 
partout,  et  en  récitant  une  prière  particulière  en  Thonneur  de  saint 
Jean.  Jamais  une  souris  ne  s'aventure  dans  un  grenier  ainsi  défendu. 


Un  bouquet  de  marguerillettes  de  la  Saint-Jean,  (sorte  de  grande 
marguerite  blanche),  coupé  9vant  le  lever  du  soleil  et  déposé  sous 
le  toit  de  la  maison,  éloigne  la  foudre  et  préserve  des  mauvais 
sorts. 


\.  Cf.  t.  IX,  p. 


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RBVCC  DES  TBADITIONS   POPULAIRES  385 

IV 

LE    BUIS   BÉNIT 

Une  coutume  commune  au  pays  de  Canx  et  au  pays  de  Bray  se 
rapporte  au  buis  bénit. 

Le  dimanche  des  Hameaux  est  en  ces  pays  la  fête  par  excellence 
et  TafQuence  des  fidèles  à  Téglise  est  plus  considérable,  même  que 
le  jour  de  Pâques.  Après  TofRce  de  la  bénédiction  des  rameaux  les 
fidèles  vont  avec  la  procession  au  cimetière  et  piquent  sur  les 
tombes  de  leurs  parents  une  branche  de  buis  bénit.  Les  cultivateurs 
après  la  messe  vont  à  leurs  champs  et  dans  chaque  champ  fixent 
un  rameau  bénit.  Ils  en  placent  un  autre  dans  les  écuries  et  dispo- 
sent les  rameaux  qui  leur  restent  dans  les  chambres  de  la  maison^ 
sans  oublier  de  garnir  la  cheminée  de  la  salle. 


LA  PROCESSION  DE  SAINT  PATERNE  A  ORIVAL 

{Canton  de  Bellencombre.  Seine-Inf.) 

Vers  le  milieu  du  xvii*  siècle  une  épidémie  épouvantable  ravagea 
le  pays  de  Bray.  Les  villages  de  Bures,  de  BuUy  et  de  Pommeréval 
furent  particulièrement  éprouvés.  Dans  cette  extrémité  les  pasteurs 
de  ces  paroisses  implorèrent  le  secours  de  saint  Paterne,  promettant 
en  leur  nom  et  au  nom  de  leurs  paroissiens  d'aller  chaque  année  en 
procession  honorer  le  saint  dans  Téglise  d'Orival,  son  sanctuaire  de 
prédilection.  Ils  promirent  de  plus  de  faire  fondre  en  Thonneur  du 
saint  un  cierge  de  trente  livres  qui  serait  porté  par  les  premiers  de 
la  paroisse  et  brûlerait  pendant  tout  le  trajet.  Le  lendemain  même 
le  ûéau  cessa  brusquement. 

Le  vœu  fut  accompli  et  depuis  deux  siècles  chaque  mardi  de  la 
Pentecôte  voit  les  paroisses  de  Bures,  de  Bully  et  de  Pommeréval 
venir  en  procession  à  Orival  et  assister  à  la  messe.  Ni  la  longueur 
de  la  course,  ni  la  fatigue  n'arrêtent  les  pèlerins.  Ceux  de  Bures  et 
de  Bully,  les  plus  éloignés,  doivent  se  mettre  en  marche  vers  deux 
heures  du  matin  pour  arriver  à  l'heure  de  la  messe  du  vœu  à  six 
heures. 

Chaque  paroisse  marche  sous  la  bannière  de  son  saint  patron  et 
précédée  par  la  croix.  L'honneur  de  porterie  cierge  de  saint  Paterne 
est  confié  au  plus  «  ancien  »  qui  doit  veiller  à  ce  que  la  flamme  ne 
s'éteigne  pas.  Telle  année  où  la  flamme,  en  dépit  de  toutes  les  pré- 

TOVB  XI.  —  JUILLET  1896.  2o 


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386  REVUE   DES  TRADITIONS    P0PULAIRB8 

cautions,  s'est  éteinte  trois  fois,  a  toujours  été  une  année  de  malheur. 
Telle,  Tannée  1870  ! 

Les  processions  ne  doivent  pas  s'écarter  du  chemin  suivi  par  les 
premiers  pèlerins.  Il  leur  faut  prendre  le  sentier  qui  traverse  la 
forêt  d'Eavvy,  passer  devant  la  mare  de  saint  Paterne.  (En  1793 
les  habitants  d'Orival,  pour  soustraire  la  statue  de  leur  saint  vénéré 
aux  profanations  des  a  ravageurs  d'églises  »,  lavaient,  pendant  la 
nuit,  portée  dans  la  forêt  et  jetée  dans  cette  mare  où  ils  sont  allés 
la  rechercher  après  la  tourmente  révolutionnaire.  Ils  la  retrouvèrent, 
dit  l'histoire,  aussi  brillante,  aussi  fraîche  que  le  jour  où  ils  l'avaient 
confiée  à  la  mare,  Teau  n'avait  altéré  ni  l'éclat  des  peintures  ni  le 
brillant  des  ors). 

Un  curé  de  Bures  voulut,  il  y  a  quarante-cinq  ans  à  peu  près, 
rectifier  l'itinéraire  suivi  jusqu'alors,  en  passant  par  la  grand'route 
plus  commode  et  plus  directe.  Une  partie  de  ses  paroissiens  le 
suivit,  l'autre  refusa  et  prit  par  le  sentier.  Le  lendemain  même  une 
épidémie  se  déclarait  à  Bures  et  frappait  particulièrement  les 
pèlerins  dissidents.  Le  ciiré  mourut  le  premier  !  Ceci  est  ^^  notoriété 
publique  et  les  fils  des  victimes  existent  encore  assez  nombreux 
pour  en  porter  témoignage. 

B.  Reyac 


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RBVCE    DES  TRADITIONS    POPULAIRES 


387 


LEGENDES  DES  VOSGES 


LE     HONEGK 

E  Honeck  est  une  montagne  des  Vosges  qui  domine 

la  vallée  de  Munster,  célèbre  par  ses  fromages. 

D'après  la  tradition,  les  eaux  s^étaient  accumulées 

au  sommet  de  cette  montagne  et  y  formaient  une 

sorte  de  réservoir.   Un   géant  vint,   fendit  de  sa 

cognée  le  plateau  du  Honeck,  déblaya  le  couloir 

par  où  les  eaux  s'échappèrent  et  forma  ainsi  la 

vallée  de  Munster.  Après  quoi  il  se  retira  sur  le  sommet  dans  une 

caverne,  où  les  bûcherons  de  la  forêt  l'entendent  encore  ronfler,  le 

soir^  quand  il  fait  grand  vent. 

[Entendu  conter  au  pèlerinage  des  Frois-Epis,  dans  les  Vosges). 


LÉGENDE  DES   TROIS  ÉPIS 

Sur  le  chemin  d'AmmerschwiràOrbey,  au  sommet  d'une  haute  mon- 
tagne couverte  de  vieux  sapins,  un  faucheur,  retournant  chez  lui  le 
soir,  trouva  devant  ses  pieds  un  limaçon  ;  il  prit  le  manche  de  sa 
faulx  pour  l'écraser,  mais  il  se  planta  le  fer  dans  le  cou  et  se  tua. 
A  sa  mémoire  on  installa  dans  le  creux  d'un  vieux  chêne  qui  se  trou- 
vait sur  le  lieu  de  l'accident,  un  petit  groupe  de  pierre  représentant 
la  Vierge  tenant  le  Christ  mort  sur  ses  genoux  (cet  ex-voto  existe 
encore  aujourd'hui  dans  l'église  des  Trois-Epis). 

Eu  4491,  un  maréchal-ferrant  d'Orbey  nommé  Théodore  Schera, 
passant  par  là,  fit  une  prière  à  l'intention  du  mort;  la  Vierge  lui 
apparut  «  reluysanle  d'une  beauté  sortable  à  la  qualité  de  sa  per- 
sonne ;  »  elle  tenait  trois  épis  dans  la  main  droite  et  un  lingot  de 
glace  dans  la  main  gauche;  elle  lui  ordonna  de  se  rendre  àAmmers- 
chwir,  d'exhorter  les  gens  à  la  pénitence  et  à  la  vertu,  après  quoi 
elle  disparut. 

Notre  homme  se  rendit  en  effet  à  Ammerschwir,  mais,  arrivé  là,  la 
peur  le  prit  qu'on  ne  le  crût  pas  et  qu'on  ne  le  traitât  d'imposteur, 
et  il  ne  dit  rien  de  son  aventure. 

Or,  un  jour  qu'il  avait  acheté  un  sac  de  blé  et  qu'il  se  disposait  à 


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388  RBVUE  DES  TRADITIONS   POPULAIRES 

le  charger  sur  son  cheval,  le  sac  se  trouva  si  lourd  qu'il  lui  fui  im- 
possible de  le  soulever;  il  appela  les  voisins  à  son  aide,  mais  le  sac 
résista  à  tous  les  eflForts  et  ne  bougea  pas.  Schera  se  souvint  alors 
de  ce  que  la  Vierge  lai  avait  dit  et  ne  doutant  pas  qu'elle  n'eût  vou- 
lu, par  ce  fait  extraordinaire,  lui  rappeler  ses  instructions,  il  alla 
trouver  lesEchevins  et,  en  présence  du  clergé  qu'on  avait  rassemblé 
en  toute  hâte,  il  raconta  son  histoire;  aussitôt  après,  étant  retourné 
prendre  son  sac  de  blé,  il  le  souleva  sans  peine  et  le  chargea  sur  son 
cheval. 

Alors,  sur  le  lieu  de  l'apparition,  on  éleva  une  chapelle  à  la  Vierge 
des  Trois-Epis,  et  cet  endroit  devint  et  est  encore  un  pèlerinage  très 
populaire  en  Alsace. 

La  légende  que  je  viens  de  résumer  est  racontée  en  latin  et  en 
Allemand  dans  un  manuscrit  du  XP  siècle,  écrit  sur  parchemin,  et 
conservé  encore  aujourd'hui  au  presbytère  établi  dans  les  vastes 
b«^timents  d'un  ancien  couvent. 

Il  existe  une  seconde  légende,  très  postérieure  à  la  première,  car 
elle  remonte  seulement  au  commencement  du  XVIII*  siècle;  elle  a 
été  relatée  pour  la  première  fois  par  Robert  d'Ichlersheîm  (Ratis- 
bonne,  1710),  la  voici  dans  sa  grâce  poétique. 

Un  homme  allant  à  la  communion,  avait  gardé  l'hostie  dans  sa 
bouche  et  l'emportait  pour  la  profaner;  arrivé  près  d'un  champ  de 
blé,  il  fut  effrayé  de  son  action  et  jeta  dans  le  champ  l'hostie,  qui 
demeura  suspendu  entre  trois  épis.  Des  passants  le  lendemain  re- 
marquèrent des  abeilles  qui  voltigeaient  autour  de  ces  épis;  ils  s'ap- 
prochèrent et  virent  l'hostie  autour  de  laquelle  les  insectes  avaient 
bâti  comme  un  nid  de  cire  et  de  miel  ;  et  c>st  là  que  la  chapelle  aurait 
été  bâtie. 

11.  MoREL  Retz  (Stop). 


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REVUE    DES    TRADITIONS  POPULAIRES  389 


LES  SOCIÉTÉS  DES  TRADITIONS  POPULAIRES 


SOCIÉTÉ  DU  COSTUME  POITEVIN 

^^^  ous  apprenons  avec  plaisir  que  cette  société,  dont  la  fon- 
^1^3  dation  remonte  à  environ  deux  ans,  vient  d'entrer  eu  pleine 
^IjW  période  d'activité.  Son  siège  est  à  Niort,  dans  le  Musée  des 
-^Cs^  Costumes  poitevins,  dont  nous  parlerons  plus  longuement 
Jp  un  de  ces  jours  et  qui  contient  déjà  beaucoup  de  costumes 
intéressants.  Le  premier  numéro  de  la  Revue  des  Traditions  popu- 
laires du  Poitou  que  nous  venons  de  recevoir,  contient  le  rapport  du 
conservateur  —  on  pourrait  dire  le  créateur  —  du  Musée,  M. 
H.  Gelin,  qui  montre  qu'on  y  a  déjà  réuni  une  nombreuse  série  de 
coiffes  poitevines,  anciennes  et  modernes,  des  costumes,  des 
bijoux,  des  vêtements  et  des  objets  enfantins  (y  compris  des  amu- 
lettes, des  ustensiles  servant  au  travail^  aux  jeux,  etc.,  et  des  spé- 
cimens de  pâtisserie  traditionnelle).  11  y  a  lieu  d'espérer  que  de  gé- 
néreux donateurs  voudront  venir  en  aide  à  ceux  qui  ont  entrepris  de 
recueillir  quand  il  en  est  temps  encore,  des  spécimens  des  a  choses 
du  Poitou  9,  qui  là,  comme  partout  ailleurs,  ont  une  tendance  à 
disparaître.  La  société  n'enlend  pas  se  borner  à  cette  œuvre,  elle 
fera  aussi  son  possible  pour  diriger  des  enquêtes  sur  la  littérature 
orale  el  l'ethnographie  traditionnelle.  Après  Bujeaud,  après  nos 
collaborateurs  MM.  Léon  Pineau,  R.-M.  Lacuve,  Léo  Desaivre,  etc., 
il  reste  encore  beaucoup  à  glaner  en  Poitou,  et  nous  sommes  cer- 
tains que  la  Revue  poitevine  présentera  à  ses  lecteurs  bien  des  faits 
curieux,  iÀtn  des  morceaux  de  littérature  orale  qui  sans  elle  au- 
raient risqué  de  tomber  dans  l'oubli. 

P.-S. 


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390  REVUE    DES  TRADITIONS   POPULAIRES 


CONTES  DE  LA  HAUTE-BRETAGNE^ 


Contes  comiqites 


VI 

LE  SOLDAT  DE  PARIS 

L  était  une  fois  un  soldat  qui  revenait  de  l'ar- 
mée ;  il  alla  prier  une  bonne  femme  de  le  loger 
pour  la  nuit,  ce  qu'elle  fit  volontiers.  Le  lende- 
main, elle  lui  demanda  d'où  il  venait  : 

—  De  Paris,  ma  bonne  femme,  répondit-il. 

La  bonne  femme  crut  qu'il  disait  de  Paradis, 
et  elle  lui  dit  : 

—  Vous  venez  de  Paradis?  avez- vous  vu  mon  bonhomme  par  là? 

—  Comment  s'appelle-t-il? 

—  Jean,  comme  vous  ? 

—  Oui,  bonne  femme,  il  est  dans  le  Paradis,  et  il  y  tient  auberge. 

—  Est-il  riche  ? 

—  Pas  beaucoup  ;  il  est  obligé  de  vendre  une  tonne  de  cidre  pour 
en  acheter  une  autre^  et  il  n'a  pas  de  chemise.  Quand  un  train  de 
chemin  de  fer  arrive,  il  fait  le  métier  de  porte-faix  et  va  chercher 
les  bagages  sur  son  dos. 

—  Des  chemins  de  fer  1  dit  la  bonne  femme  tout  étonnée  ;  est-ce 
qu'il  y  en  a  dans  le  Paradis  ? 

—  Oui,  bonne  femme,  et  des  voitures  aussi,  et  dès  demain  matin, 
j'y  serai  rendu. 

—  Puisque  vous  allez  en  Paradis,  voulez -vous  porter  des  chemises 
et  de  l'argent  à  mon  bonhomme  ? 

—  Je  veux  bien,  dit  le  soldat. 

Elle  lui  donna  une  douzaine  de  chemises  et  quinze  cents  francs 
d'argent  et  quinze  francs  pour  sa  peine  de  faire  la  commission. 

Aussitôt  qu'il  fut  parti,  le  fils  de  la  bonne  femme,  qui  était  prêtre, 
arriva  à  cheval  ;  sa  mère  lui  dit  : 

—  Mon  pauvre  gars,  si  tu  étais  venu  un  peu  plus  tôt,  tu  aurais  vu 
un  homme  qui  vient  du  Paradis  ;  il  y  a  rencontré  ton  père  qui  n'est 


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REVUE   DES   TRADITIONS  POPULAIRES  ^91 

guère  riche ,  il  y  Ueiil  auberge,  et  n'a  plus  de  chemises.  J'ai  donné  à 
rhomme  des  chemises  el  de  1  argent  pour  lui  remettre. 

—  Comment  Thomme  est-il  habillé  ?  demanda  le  prêtre. 

—  En  soldat. 

Aussitôt  le  prêtre  remonta  à  cheval  pour  reprendre  l'argent  et  les 
chemises.  Il  arriva  à  la  lisière  d'un  bois,  où  il  vit  un  homme  qui 
semblait  occupé  à  ramasser  des  branches  mortes  :  c'était  le  soldat  ; 
mais  comme  il  avait  retourné  son  habit  et  s'était  mis  un  mouchoir 
sur  la  tête,  il  ne  le  reconnut  pas. 

—  Vous  n'avei  pas  vu  un  soldat  par  ici  ? 

—  Si,  répondit  l'homme,  il  en  est  passé  un  tout  à  l'heure  qui  cou- 
rait bien  ;  il  doit  être  au  milieu  du  bois,  paria. 

Le  prêtre  qui  ne  pouvait  aller  à  cheval,  au  milieu  des  arbres,  dit  à 
rhomme  : 

—  Gardez  mon  cheval  ;  je  vous  donnerai  la  pièce  quand  je  revien 
drai. 

Le  prêtre  se  mit  &  courir  dans  le  bois  ;  quand  il  fut  un  peu  éloi- 
'gné,  le  soldat  retourna  son  habil,  monta  à  cheval  et  s'enfuît  au 
grand  galop.  Un  peu  plus  loin,  le  prêtre  le  vit  passer  et  reconnais- 
sant son  cheval  il  lui  cria  d'arrêter  ;  mais  le  soldat  ne  Técouta  pas  et 
frappa  sur  le  cheval  qui  marcha  encore  plus  vite. 
Le  prêtre  revint  à  la  maison,  à  pied,  et  sa  mère  lui  dit  : 

—  Qu'as-tu  fait  de  ton  cheval  ? 

—  Ah  !  répondit-il,  je  l'ai  donné  au  soldat,  pour  qu'il  arrive  plus 
vite  au  Paradis. 

(Conté  en  i  885,  par  François  Marquer,  de  Saint-Cast). 


VII 

LES  VOLEURS  DE  BOTTES 

Dans  ce  temps-là,  quand  quelqu'un  mourait,  on  le  paraît  de  ses 
pins  beaux  habits,  et  on  l'exposait  dans  l'église  où  on  le  laissait 
seul  la  nuit,  et  les  survivants  de  la  famille  recevaient  une  somme 
d'argent. 

Un  homme  qui  n'était  pas  riche,  se  dit  un  jour  : 

—  Si  je  faisais  le  mort,  nous  toucherions  quelques  bons  écus  et 
cela  nous  aiderait  à  passer  le  temps. 

Il  parla  de  son  projet  à  sa  femme,  et  qui  fut  dit  fut  fait. 

On  l'habilla  comme  s'il  venait  réellement  de  trépasser,  on  lui  mit 


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392  REVUE  DES  TRADITIONS  POPULAIRES 

une  belle  paire  de  bottes  toute  neuve  qu'il  avait,  et  on  le  porta  à 
réglise,  où  il  resta  exposé. 

Deux  de  ses  voisins,  qui  avaient  vu  les  bottes,  conçurent  le  pro- 
jet de  les  voler.  Quant  la  nuit  fut  venue,  ils  se  glissèrent  dans 
Téglise.  Ils  se  croyaient  seuls  ;  mais  il  y  avait  par  hasard  dans 
l'église  un  homme  qui  s'était  endormi  dans  le  confessionnal. 

11  se  mirent  à  ôler  les  bottes  du  défunt;  celui-ci,  qui  était  bien 
vivant,  crachait  les  doigts  de  pied,  et  ils  ne  pouvaient  les  lui  enlever. 
Mais  à  force  de  tirer,  ils  finirent  par  ôter  une  des  bottes,  et  le  pré- 
tendu défunt  s'écria  d'une  voix  lugubre  : 

—  Que  tous  les  morts  du  cimetière  viennent  à  mon  secours  I 

Ces  paroles  donnèrent  la  chair  de  poule  aux  voleurs,  et  réveillè- 
rent rhomme  qui  s'était  endormi  dans  le  confessionnal. 

—  Que  tous  les  morts  du  cimetière  viennent  à  mon  secours  !  ré- 
péta le  défunt  pour  la  seconde  fois. 

—  Combien  t'en  faut-il,  dit  l'homme  qui  était  dans  le  confes- 
sionnal, combien  t'en  faut-il  ! 

Les  voleurs  à  ces  mots  s'enfuirent  sans  demander  leur  reste, 
tremblant  de  peur  et  les  cheveux  dressés  sur  la  tête. 

(Conté  par  M,  E,  Hamonic  qui  le  tient  de  Roivsin^  menuisier  à  Mon- 
contour^  natif  du  Mené). 


VIII 

LE  TESTAMENT  DE  LA  CHIENNE 

Il  y  avait  une  fois  un  monsieur  qui  voulait  faire  faire  le  testament 
d'une  chienne  qu'il  avait,  et  il  envoya  son  domestique  chercher  le 
recteur  pour  la  confesser.  Monsieur  le  recteur  répondit  que  sûre- 
ment il  n'irait  pas.  Comme  le  domestique  était  sur  le  point  de  s'en 
aller,  le  vicaire  se  trouva  sur  son  passage  et  lui  dit  : 

—  Qu'étes-vous  venu  chercher,  mon  ami  ? 

—  Mon  maître  m'a  envoyé  quérir  M.  le  recteur  pour  confesser  sa 
chienne  et  faire  son  testament;  mais  M.  le  recteur  s'est  fâché,  et  a 
dit  qu'il  n'irait  pas. 

—  Je  vais  bien  y  aller,  moi,  dit  le  vicaire. 

Le  domestique  sortit,  et  le  vicaire  qui  le  suivait  entrli  chez  un 
cordonnier  qui  était  voisin  du  presbytère. 

—  Cordonnier,  lui  dit-il,  donnez-moi  les  deux  alênes  les  plus 
pointues  que  vous  avez. 


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REVUE    DES  TRADITIONS  POPULAIRES  393 

Qimad  il  eut  les  alênes,  11  vint  chez  le  moqsieur  : 

—  Vous  avez  quelque  chose  à  me  dire  ?  lui  demanda-t-il. 

—  Oui,  je  veux  que  vous  confessiez  ma  chienne,  et  que  vous  lui 
fassiez  faire  son  testament. 

—  J'y  consens,  dit  le  vicaire  ;  mais  vous  savez  que  les  confessions 
doivent  être  secrètes  ;  il  faut  que  vous  me  laissiez  seul  avec  votre 
chienne. 

Il  entra  dans  la  chambre  oCi  elle  était,  et  lui  dit  : 

—  Vous  voilà  donc,  ma  pauvre  chienne,  vous  repentez-vous  de 
vos  fautes  ? 

—  Houoh  I  houoh  I  répondit  la  chienne  à  qui  le  vicaire  enfonçait 
une  alêne  dans  la  chair. 

—  Vous  avez  traversé  les  champs,  passé  sur  les  récoltes  et  endom- 
magé les  blés  noirs  ? 

—  Houoh  !  houoh  I  répondit  la  chienne. 

—  Vous  en  êtes  bien  repentante,  n'est-ce  pas  ? 

—  Houoh  !  houoh  I 

—  Que  désirez-vous  donner  aux  pauvres,  pour  que  vos  péchés 
vous  soient  pardonnes  ;  trois  mille  francs,  ce  ne  serait  pas  de  trop, 
n'est-ce  pas  ? 

—  Houoh  !  houoh  1 

—  Et  à  moi  qui  suis  venu  vous  confesser,  vous  donnerez  bien 
mille  francs,  n'est-ce  pas  ? 

—  Houoh  I  houoh  î, 

A  mesure  qu'il  disait  cela,  il  écrivait  Le  testament  sur  ua  papier  ; 
quand  il  eut  fini,  il  revint  trouver  le  monsieur  et  lui  dit  : 

—  Voyez,  monsieur,  quel  bon  testament  elle  a  fait,  elle  donne 
trois  mille  francs  aux  pauvres  et  mille  à  son  confesseur. 

—  Est-ce  que  le  paiement  en  est  bien  pressé?  demanda  le 
monsieur. 

—  Oui,  plus  il  sera  vite  fait,  plus  vite  elle  sera  soulagée. 

—  A  qui  faut-il  donner  cela  ? 

—  A  moi,  je  me  chargerai  de  le  distribuer  aux  pauvres. 

Le  monsieur  remit  quatre  mille  francs  au  vicaire,  qui,  en  s'en 
allant,  passa  chez  le  cordonnier  et  lui  remit  cent  francs  en  même 
temps  que  ses  alênes. 

—  Voilà,  dit-il,  cent  francs  que  j'ai  acquis  par  mes  bonnes  œuvres. 
Le  cordonnier  qui  raccommodait  une  paire  de  souliers  à  monsieur 

le  recteur  fut  si  content  de  recevoir  son  argent,  qu'il  jeta  les  sou- 
liers par  la  fenêtre  et  s'écria  : 

—  Je  ne  veux  plus  travailler  aujourd'hui,  qu'il  les  fasse  raccom- 
moder par  qui  il  voudra  I 


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394 


REVUE  DES  TRADITIONS  POPULAIRES 


Quand  le  recteiir  apprit  ce  qui  s'était  passée  il  dit  à  don  vicaire  t 

—  Monseigneur  va  avoir  de  tes  nouvelles. 

—  Âh  !  répartit  le  vicaire  ;  il  ne  me  dira  pas  grand'chose  ;  tâchez 
plutôt  de  faire  comme  moi.  En  un  jour  j*ai  plus  gagné  que  vous  en 
vôtre  année  entière. 

(Conté  en  i88i  au  château  de  la  Saudraie  par  Amateur  Audet^  de 
Saint-Glen,  laboureur^  âgé  de  2i  ans). 


iX 


LE  VOLEUR  DE  NAVETS 

Il  y  avait  une  fois  un  bonhomme  à  qui  on  volait  chaque  nuit  ses 
navets  ;  il  alla  se  cacher  dans  un  coin  de  son  champ  pour  surprendre 
le  voleur  ;  mais  celui-ci  qui  l'avait  aperçu  se  mit  à  dire  : 

Depuis  que  je  suis  sorti  de  Tenfer, 

Jamais  je  n'ai  vu  une  nuit  si  nère  ; 

Depuis  que  je  suis  sorti  du  tombeau, 

Jamais  je  n'ai  vu  de  si  gros  naveaux; 

Je  ne  veux  ni  naveaux  ni  navelière, 

Je  ne  veux  que  Tbonhomm'  qu*est  dans  la  cornière.  .  . 

Le  bonhomme  croyant  avoir  affaire  au  diable  s'enfuit  au  plus  vite. 

[Conté  en  1S8i  par  M,  Emile  Hamonie,  de  Moncontour^  âgé  de 

20  ans). 

Paul  Sébillot. 


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REVUE  DES  TRADITIONS  POPULAIRES  39?) 


LES  DOUZE  PAROLES  DE  VÉRITÉ 


DANS  LES  IMPRIMERIES  DE  TROYES 

Un  «  trimardeur  »,  embauché  dernièrement,  chante  la  parodie  des 
douze  paroles  de  vérité  publiée  dans  le  dernier  numéro,  avec  les 
changements  suivants  : 

Oq  dit  qu'y  en  a ? 

Y  a  dotice  et  gracieuse  ; 

Y  a  <ft>location  ; 

Y  a  huUrea  d'Ostende  ; 

Y  a  «ep/uagénaire  ; 

Y  a  simplification. 


Mais  y*a  qu*un*  dent 
Dans  la  m&choire  à  Jean. 


VI 
AU  QUARTIER  LATIN  (VCTS  1870) 

Y  a  d*oiit-ce  que  tu  sors  ? 

Y  a  on  «e  tort  de  rire. 

Y  a  dis.,,  que  du  soleil 

Y  a  Cath,,,  erine  de  Russie 

Y  a  7ro£ff...  cadero. 


L.  MORIN. 


On  ajoutait  même  à  cette  époque  : 

Y  a  treize.,,  heureux  de  vous  Toir. 

Y  a  Quatorze  et  Pollux. 

Y  a  quinz...  eul  Dieu 
Qui  règne  dans  les  cieux. 

Le  Progrés  de  VEst^  24  février  1896. 

L'auteur  de  l'article  cite  cette  variante  à  la  suite  d*un  compte 
rendu  des  versions  données  par  la  revue. 

B.  R. 

1.  CL  L  X,  p.  650  et  t.  IX,  p.  114. 


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396  REVUE   DES   TRADITIONS   POPULAIBKS 


BIBLIOGRAPHIE 


S.  Trébucq.  La  Chanson  populaire  en  Vendée,  Paris,  Lecheva- 
lier,  in-8  de  pp.  XI.3i2  (7  fr.). 

Ce  recueil  se  compose  de  deux  parties  ;  la  première  est  intitulée  la  chanson 
populaire  en  Vendée  ;  la  seconde  porte  le  titre  de  Chansons  populaires,  çt  se 
subdivise  en  les  rondes  (48},  chansons  d'amour  (19),  chansons  de  mariage  (44), 
chansons  satiriques  et  joyeuses  (23),  les  chants  de  Tannée,  complaintes,  chaots 
historiques  (14).  Le  nombre  est  plus  considérable  si  Ton  y  comprend  les  varian- 
tes ;  presque  toutes  ces  chansons  sont  notées  ;  les  textes  sont  bien  établis, 
recueillis  avec  fidélité.  Je  ne  m'occuperai  que  de  la  première  partie  ;  elle  con- 
tient plusieurs  indications  précieuses  sur  le  patois  vendéen  des  environs  de 
Fontenayle-Comte,  et  un  chapitre  très-curieux  sur  la  chanson  populaire  et  la 
vie  rurale  :  M.  T.  a  pensé,  et  en  cela  il  a  eu  grandement  raison,  que  les 
chansons  qu*il  essayait  de  sauver  de  Toubll,  seraient  mieux  comprises  si  on  ne 
les  isolait  pas  des  milieux  où  elles  sont  le  plus  habituellement  chantées  ;  dans 
une  autre  section  il  nous  fait  la  description  de  ce  qu'on  pourrait  appeler 
«  Tannée  chantante  »  depuis  la  chanson  du  nouvel  an  jusqu'aux  Noëls,  et 
chemin  faisant,  il  nous  indique  comment  ces  diverses  fêtes  étaient  célébrées 
autrefois  et  ce  qui  s'en  est  conservé  jusqu'à  nos  jours.  Toute  cette  première 
partie  est  très  curieuse  au  point  de  vue  ethnographique  ;  nous  voyons  se 
dérouler  devant  nous  tout  un  tableau  de  la  vie  rustique  qui  sert  de  cadre  à  la 
chanson  populaire,  et  la  fait  mieux  comprendre  ;  elle  n'est  pas  pour  le  paysan 
vendéen  un  simple  régal  pour  les  oreilles,  elle  se  li»  à  son  existence,  et  elle  a 
parfois  un  caractère  prei»que  rituel,  au  moment  du  mariage  par  exemple.  Si  ce 
livre  apporte  un  contingent  précieux  à  l'étude  des  chansons  populaires,  sa 
préface,  de  près  de  100  pages,  est  pleiue  de  renseignements  sur  les  mœurs  et 
les  costumes  de  la  Vendée,  et  c'esi  pour  oela  qu'il  plaira  à  la  fois  à  ceux  qui 
aiment  les  chansons  et  à  ceux  qu'inÛresjient  ks  études  ethnographiques. 

P.  S. 

E.  Sachau.  Ueber  die  Poésie  in  der  Volkssprache  der  Nestoria" 
ner.  Berlin,  1896,  37  p.  in-S. 

J'ai  eu  Toccasion  de  signaler  précédemment  {pevue  des  traditions  populaires^ 
1895,  p.  626]  un  travail  de  M.  Sachau  qui  se  rattache  par  certains  côtés  à  la 
science  des  traditions  populaires.  La  récente  publication  du  savant  direoteur  de 
TEcole  dee  Langues  Orientales  de  BerMo  est  une  nouvelle  contribution  à  ces 
études  ;  elle  a  trait  à  la  poésie  populaire  syriaque  des  populations  nestorien^es 
de  Tempire  ottoman.  Le  plus  ancien  de  ces  textes,  précieux  au  point  de  vue  de 
Thistoire  du  syriaque  vulgaire,  fut  composé  entre  1611  et  1632  par  le  prfttre  Israël* 
d'Alqoch  dont  Tœuvre  poétique  est  connue  par  quelques  fragments  existant  à  la 
Bibliothèque  royale  de  Berlin.  11  en  est  de  même  de  Yaousip  Djoundàri  de 
Teikef,  qui  vivait  un  peu  après  lui,  dans  le  milieu  et  à  la   fin  du  x.viii*  siècle. 


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REVIE  DES  TRADlTrONS  rOPULAlRfik  397 

et  d*un  troisième  poète  populaire,  Tévéque  Yoh'aanan  de  Maouànâ.  Il  faut  y 
joindre  deux  poètes  du  xix«  siècle,  Yoh'aiiQan  Gouodira.  d'Alqoch  et  Tomâ 
Sindjari  de  Telkef.  On  avait  pu  croire  que  chez  ces  poètes,  la  forme  aussi  bien 
que  la  langue,  était  nouvelle  ;  mais,  parmi  les  manuscrits  syriaques  de  la  biblio- 
thèque royale  de  Berlin  dont  il  fait  le  catalogue,  M.  Sachau  a  retrouvé  le  modèle 
d'un  genre  de  composition  moderne,  une  lenzonê  d*un  poète  du  nom  de  Narsès 
appartenant  à  la  génération  qui  suivit  Théodore  de  Mopsueste,  mort  en  428  de 
notre  ère.  Le  moule  de  la  poésie  moderne  existait  donc  à  cette  époque  de  }^ 
floraison  de  la  langue  littéraire  et  cette  observation  est  d'une  importance  eapi- 
taie  pour  Thistoire  de  la  poésie  syriaque.  Il  est  possible,  et  c'est  un  point  qui 
devra  attirer  ratteiition  et  les  recherches,  que  ce  phénomène  ne  soit  pas  isolé 
dans  rhistoire  des  langues  sémitiques  ;  les  études  5:nr  la  poésie  populaire  arabe 
pourront  en  faire  leur  profit.  Le  texte  publié,  avec  une  traduction  allemande, 
par  M.  Sachau  comprend  un  des  neuf  poèmes  composés  par  Narsès  et  conservés 
à  Berlin  —  c'est  un  dialogue  entre  un  chérubin  et  un  brij^and  —  et  la  version 
en  dialecte  fellih'i  moderne  par  David  de  Nouhadhrâ.  —  Quelle  influence  la  lit- 
térature grecque  si  puissante  sur  le  syriaque,  a-t-elle  exercée  sur  ce  genre  ?  — 
C'est  une  question  réservée  par  l'auteur  et  il  est  à  désirer  qu'il  la  traite  avec  sa 
compétence  reconnue  dans  un  prochain  mémoire. 

René  Basset. 

Li.  Quarré-Reybourbon.  Les  Monuments  mégalithiques  dans 
les  départements  du  Nord  et  du  Pas-de-Calais,  Tournai,  Casterman, 
in-8  de  pp.  14  (avec  photogravures). 

Bien  qu'il  n'existe  actuellement  qu'un  assez  petit  nombre  de  monuments  dans 
cette  région,  elle  n'en  a  pas  été  aussi  dépourvue  qu'on  le  croi^  généralement  ; 
mais,  ain!>i  que  le  constate  M.  Q.  K.  on  en  a  détruit  plusieurs  depuis  le  com- 
mencement de  ce  siècle.  Parmi  ceux  qu'il  décrit,  plusieurs  éveillent  d^s  idées 
légendaires  :  Le  menhir  de  Lecluse  est  appelé  •*  Pierre  du  diable  »,  et  une 
éraflure  pa.«se  pour  être  la  trace  de  ses  griffes  ;  des  pierres  martines  à  Soire-le- 
Château  ont  été  déposées  par  saint  Martin,  et  un  creux  a  été  formé  par  le  dos 
du  saint.  Les  pierres  jumelles  de  Cambrai  ont  surgi  du  ^o\  k  l'endroit  où  deux 
jumeaux,  amoureux  d'une  même  femme  s'entretuèrenf  ;  sept  petites  pierres 
qui  s'élèvent  au-dessus  d'un  tumulus  à  N.-D.  de  Vitry  .lont  des  jeunes  filles  qui, 
ayant  été  danser  sur  le  tertre  au  moment  où  l'on  sounaît  l'office,  ont  été  ainsi 
métamorphosées.  P^  S. 

Georges  Nicolas.  —  Brins  d' Œuvre ^  poésies  ouvrières,  Paris, 
Alphonse  Lemerre,  1896  ;  in-12  de  XVI-204  p. 

Ce  joli  volume,  écrit  par  un  ouvrier  typographe  de  Paris,  nous  intéresse  par 
quelques  pièces,  entre  autres,  La  fontaine  du  Bû,  une  petite  source  qui  coulait, 
dans  la  rue  Audran  actuelle, 

Au  temps  où,  moins  chargé  de  gloire, 

Montmartre  n'était  pas  Paris, 
et  qui  avait  la  propriété  de  guérir  du  choléra.  L'auteur  raconte  comme  quoi  son 
grand-père,  en  1819,  abandonné  du  médecin,  recouvra  la  santé  en  faisant  usage 
de  SCO  eaa. 

Citons  aussi  Les  cocottes  traditionnelles^  un  souvenir  des  vitrines  de  la  Société 
des  TfaditioDS  à  l'Exposition  des  Arts  de  la  Femme,  en  1892. 

L.  MOKIN. 


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^98  REVUE   DBS   TRADITIONS   POPULAIRES 


PÉRIODIQUES  ET  JOURNAUX 


Folk-Lore,  Vil,  2.  >-  The  Barlaam  andJosaphat  Legend,  F.  C.  Conybeare.  — 
Folklore  Firstfruits  from  Lesbos,  W.  H.  D,  Rosisse.  —  Fairy  Reliefs  and  other 
Folklore  Notes  from  GouQty  Leitrim,  Leland  L,  Duncan.  —  lodian  Folktales, 
t.  Goldmerslein,  —  Magical  Sacrifice  in  the  Jewish  Kabbala,  L.  Goldmerstein. 

Volkakunde,  IX,  i-2.  --  La  laitière  et  le  pot  au  lait  {A,  De  Cock.)  ~  §  i.  A 
quoi  on  peut  reconnaître  les  sorcières  {A,  De  Cock),  —  Proverbes  et  dictons 
sur  les  femmes  {A,  De  Cock),  —  Les  pourquoi.  Pourquoi  les  meuniers  prennent 
dans  les  sacs.  Pourquoi  Taiglefln  a  deux  taches  noires  sur  le  dos  {A.  De  Cock). 
—  Blason  populaire.  La  création  du  premier  Français  (A,  de  Cock),  —  Esprits 
frappants  {A,  D,  C).  —  Chanson  de  nouvel  an  {A.  De  Cock), 


NOTES  ET  ENQUÊTES 


,*,  Diner  de  ma  Mère  VOye,  Le  107«  Dîner  a  eu 
lieu  le  30  Juin  au  Restaurant  des  Sociétés  savantes, 
sous  la  présidence  de  M.  Charles  Beauquier,  vice- 
président  de  la  Société.  Les  autres  convives   étaient 
MM.  Raphaël  Blanchard,  A.  Certeux,  Henri  Cordier, 
Georges  Doncieux,  Lucien  Franche,  Adrien  Oudin, 
Arthur  Rhône,  Raoul   Rosières,    Paul  Sébillot,  M.  de 
^  Toustain.  Le  D»-  E.  T.  Hamy,  président  de  la  Société, 
absent  de  Paris  et  quelques  autres  membres  s'excu- 
sent de  ne  pouvoir  assister  au  dîner.  M.  Raphaël 
Blanchard  parle  de  Texploration  qu'il  a  entreprise 
dans  le  Briaoçonnais,  et  dont  le  premier  résultat  a 
été    la    publication  de  sa    curieuse  étude   sur   les 
cadrans  solaires,  dont  il  a  été  rendu  compte  dans 
le  dernier  numéro  ;  cette  année,  il  assi<*tera  à  la  danse  du  Ba'^chu-ber.  M.  A. 
Certeux  exhibe  une  petite  effigie  en   plomb  de  saint  Antoine  de  Padoue  »  qui 
fait  retrouver  les  objets  perdus  ;  b  ce  saint,  qui  est  chargé  de  cette  mission  en 
maints  endroits  de  France,  a  dans  le  Sud-Est  été  un  peu  détrôné  par  un  nou- 
veau venu,  saint  Expédit.   M.   Adrien   Oudin   raconte    que  lorsqull    habitait 
Carnac,  il  était  d'un  usage  courant  d'offrir  à  saint  Michel  un  sou  pour  retrouver 
ce  qu'on  avait  perdu.  M.  de  Toustain  parle  d'une  maison  hantée  en  plein  milieu 
de  Paris,  9«  arrondissement,  qui  depuis  plusieurs  années  n'est  pas  louée.  M.  Paul 
Sébillot  cite  une  maison  des  environs  de  Saint-Malo  qui  a  été,  il  y  a  une  trenr 
taine  d'années,   délaissée   par  son   propriétaire,  à  cause  des   bruits   qu'on  y 
entendait  ;  ce  propriétaire  fit  construire  à  côté  une  nouvelle  maison.  11  ajoute 
qu'étant  devenu  possesseur  par  héritage  d'un  ancien  ch&teau  dans  les  Côtes-du- 


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RBVUC  DE»  THAWTIOÎI»  poputAms^  399 

Nord,  il  ET.ait.. choisi  pour  sa  chambre  h  co[ucher  une  pièce:  <}i]i:'D^Tftii*jaipai8 
été  habitée  parce  qu^oo  y  «  oyait  ».  Oa  y  eDteodait  en  effet»  et,  de  Ur  seulement, 
trois  bruits  ^  Tun  n'était  perceptible  que  quand  il  faisait  du  vent  ;  c*était  un 
grincement  de  chaînes,  parfaitement  explicable  d'ailleurs,  puisqu'il  était  produit 
par  le  grincement. d'une  girouette,  et  le  cliquetis  de  la  chaîne  d*une  cloche; 
certaines  nuits,  aus^i  quand  il  faisait  du  vent,  on  entendait  d'abord  quelque 
chose  de  très  analogue  au  bruit  qu'aurait  fait  un  cheval  qui  se  serait  promené 
FOUS  la  fenêtre  ;  peu  aprè?,  il  semblait  qu'il  y  avait  deux  chevaux.  Une  de  ces 
nuits  M.  Sébîllot  descendit  et  s'assura  qu'il  n'y  avait  aucun  cbevaldans  la  cour, 
au  moment  où  de  la  même  pièce  M««  Sébillot  entendait  parfaitement  le  bruit. 
.11  est  probable  qu'il  était  produit  par  le  vent  qui  se  heurtait  contre  plusieurs 
murs  de  diverses  hauteur?,  formant  des  angles  irréguliers  dans  cette  partie  de 
la  cour.  Quant  au  troisième  bruit,  il  avait  lieu  la  nuil  vers  la  même  heure 
dix  heures  du  soir,  et  il  ne  pouvait  être  mieux  comparé  qu'aux  coups  de  bâton 
par  lesquels  les  régisseurs  de  théâtre  annoncent  le  lever  du  rideau.  Croyant  que 
des  chats  ou  des  rats  pouvaient  faire  basculer  dans  les  greniers  des  objets  en 
équilibre,  il  eut  soin  de  faire  déplacer  tout  ce  qui  s'y  trouvait  ;  le  bruit  persista 
il  se  rendit  dans  le  grenier  vers  l'heure  où  avait  lieu  le  bruit,  ayant  recommandé 
à  M»*  Sébillot,  restée  dans  la  chambre,  de  regarder  à  sa  montre  le  moment 
précis  où  elle  entendrait  quelque  chbse  ;'  elle  l'entendit  encore,  alors  que  du 
grenier  on  n'entendait  rien.  Ce  bruit  persista  pendant  cinq  ou  six  ans,  sans 
qu'il  ait  été  possible  de  s'en  rendre  compte.  Il  n'y  avait  aucun  oiseau  dans  la 
cheminée  de  la  chambre  ni  dans  les  cheminées  voisines. 

«%  La  pierre  qui  se  détache.  Pendant  la  nuit,  si  une  pierre  se  détache  de  la 
cheminée  et  rouie  jusque  sur  le  pavement,  c'est  un  présage  de  malheur. 

{Recueilli  à  IxeUes-lex-Bruxelles). 

(Comm.  de  M.  Alfred  Hauou). 

,\  Les  Francs-maçons.  Dans  le  peuple,  à  Bruxelles,  on  dit  que  le  Vendredi 
Saint  le  diable  assiste  aux  réunions  des  Francs -Maçons.  Il  est  masqué  ainsi 
que  le  président. 

Cette  réunion  a  lieu  dans  un  souterrain,  connu  des  adeptes  seuls. 

{Recueilli  à  Ixelles^  près  Bruxelles). 

(Comm.  de  M.  Alfred  Harou). 

,*,  Une  bière  trois  fois  centenaire.  La  ville  de  Quedlinbourg^  la  patrie  de 
KIopstock  va  célébrer  cette  année  le  troisième  centenaire  d'une  boisson  connue 
sous  le  nom  de  Broihan.  Cette  bière  très  légère  qui  était  en  grand  renom 
autrefois  et  qui,  sous  le  nom  de  Kônigsbroîhan,  était  même  bu  à  la  table  des 
rois,  tend  à  disparaître.  Elle  fut  inventée  à  Halbersladt  en  1574  par  un  nommé 
Andréas  Westphal,  et  l'emplacement  de  cette  ancienne  brasserie  est  connu  de 
tous  les  habitants  puisque  la  maison,  située  dans  la  Gerberstrasse,  est  ornée 
d'une  vieille  sculpture  en  bois,  représentant  un  tonneau  derrière  lequel  se  lient 
un  homme  ayant  à  la  main  une  cruche  remplie  de  Bioïhan.  Non  moins  ancienne 
est  une  autre  bière  que  nous  avons  bu  souvent  à  Goslar  dans  le  Harz.  On 
l'appelle  Gose^  d'après  le  ruisseau  du  même  nom  qui  arrose  cette  ville  et  dont 
elle  a  la  couleur  paie  et  jaunâtre  ;  la  Gose  coule  sur  un  terrain  ferrugineux  très 
fertile,  dont  elle  charrie  les  dépôts,  et  comme  elle  rend  quand  même  de  grands 
services  aux  habitants,  on  n'avait  trouvé  rien  de  mieux  que  de  lui  emprunter 
son  nom  pour  la  bière  qu'on  brassait  dans  cette  ville.  Elle  est  accidulée, 
très  mousseuse  et  légèrement  gazeuse  comme  le  Champagne. 

.   (Comm*  de  M.>i«  Hbuwiob  Hbimegkb). 


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400  REVUE   DES  TRADITIONS  POPULAIRES 

,*«  Ckatiièurs  des  cours.  Vieille  plaisanterie  classique  des  ebantétirs  daas  lés 
coars  qui  reçoivent  des  sous  sur  la  tète  :  »  Tombez,  tyrans,  la  loi  Tordonoe.  » 

(Comm.  de  M.  A.  Cbrtkux). 

«%  Facéties  sur  les  oies.  Au  dernier  Carnaval,  à  Nice,  figurait  Jm  fille  de  ma 
mère  VOi/e.  Cette  mascarade  nous  a  remis  en  mémoire  la  «  Tabatière  libérale  » 
qui  fit  scandale  sous  Charles  X  :  elle  représentait  le  roi  sous  la  forme  d^uoe  oie, 
entourée  d'oisons  très  reconnai^sables  pour  ses  ministres.  Au  bas  de  ce  dessin 
allégorique  on  lisait  :  «  Où  peut-on  être  mieux  qu'au  sein  de  sa  famille  ?  » 

(Comm.  de  M.  A.  Cbrtbux). 

,*.  Trembletnents  de  ten^e.  En  Provence,  on  dit  en  parlant  des  tremblements 
de  terre  :  «  C  est  la  terre  qui  secoue  ses  puces.  » 

(Comm.  de  M.  A.  Csrtbux]. 

,\  Marine.  Les  officiers  d'un  navire  de  guerre  désignent  en  plaisantant  par 
ces  mots  :  «  garde  nationale  »  les  assimilés  qui  ne  portent  pas  le  sabre,  le  docteur, 
le  mécanicien,  le  commissaire  ;  eu  parlant  du  commandant  du  bord,  ils  disent  : 
le  pacha  (vers  1856). 

(Comm.  de  M.  A.  Gbrteux). 


REPONSES 


«*,  Ce  qu'on  dit  quand  on  laisse  une  porte  ouverte,  (V,  t.  IX,  p.  600,  120,  t.  X, 
p.  64,  508). 

Au  pays  v(ra11on,  Ton  dit  de  quelqu'un  qui  entre  dans  une  pièce  en  laissant 
la  porte  ouverte,  qu'i7  est  né  dans  une  église  ;  On  sait  que  le»  portes  des  églises 
restent  généralement  ouvertes  à  la  disposition  des  fidèles. 

(Comm.  de  M.  A.  Tacssbrat-Uadbl). 

/.  La  claudication  des  boiteux.  (V.  t.  IX,  p.  600,  720). 
Les  quatre  boiteux  nogentais. 

Le  feu  vient  de  se  déclarer  dans  un  des  quartiers  de  la  ville.  Tous  les  boiteux 
courent  à  l'incendie. 
Premier  boiteux  (il  botte  en  jetant  la  jambe). 

—  Ya  Ifeu  !  Va  l'feu  ! 

Deuxième  boiteux  (il  boite  en  se  penchant  en  devant). 

—  Où  donc  ?  Où  donc  ? 

Troisième  boiteux  survenant  (il  botte  de  côté  en  s'entortillant  les  jambes). 
~  Chez  mon  beau-père  I  Chez  mon  beau-père  ! 

Quatrième  boiteux  arrivant  du  lieu  de  l'incendie  (il  boite  en  allongeant  le 
derrière). 

—  Ça  n'est  rien  !  Ça  n'est  rien  ! 

En  contant  cette  prétendue  aventure  on  ne  manque  pomt  d'imiter  chacun  des 

divers  boiteux  mis  en  scène. 

(Comm.  de  M.  Fillbul-Pétiont). 

Le  Gérant,  A.  CERTEUX 
Baugi  {fiaine-et-hoire).  —  Imprimerie  Daloux, 


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REVUE 


DES 


TRADITIONS  POPULAIRES 


11<'  Année.  —  Tome  XI.  —  N«>  8-9  —  Août-Septembre  1896. 


CONTES  ARABES  ET  ORIENTAUX 


XV 

BALACII  ET   SES  DEUX  FEMMES  ^ 

ALACU,  lils  de  Firouz,  dit  el  Kosraoui,  écrivit 
un  jour,  au  roi  de  Tlnde,  pour  lui  demander 
la  main  de  sa  fille  ;  celui-ci  n'accueillit  point 
sa  demande  et  renvoya  son  ambassadeur  avec 
une  réponse  défavorable.  Balach  ressentit 
vivement  cette  injure,  et  se  mit  en  campagne  à 
la  tête  de  son  infanterie  et  de  sa  cavalerie. 
Quand  les  deux  troupes  furent  rangées  en  ordre 
de  bataille,  Balach  provoqua  le  roi  de  Tlnde  à 
un  combat  singulier.  Il  était  honteux,  disait-il, 
pour  des  rois,  d'envoyer  leurs  armées  à  la  mort,  tandis  qu'eux-mêmes 
mettaient  leur  vie  à  Tabri  du  danger.  Le  roi  de  Tlnde  accepta  le 

1.  Ce  conte  est  tiré  d'un  ouvrage  d'el  Djahiz,  intitulé  «  Livre  des  Belles  Ac- 
tions et  des  Contraires  »  et  composé  vers  Tannée  244  de  Thégire.  On  en  connaît 
trois  manuscrits,  l'un  à  Leyde,  l'autre  à  Vienne  et  le  troisit^me  à  Pétersbourg. 
M.  le  baron  Rosen  eu  a  publié  le  texte  arabe  avec  une  traduction  russe,  dans 
le  magnifique  recueil  que  la  Faculté  des  Langues  Orientales  de  rUniversité  de 
Saint-Péterf^bourg  vient  de  publier,  à  l'occasion  du  centenaire  de  TEcole  des  Lan- 
gues Orientales  de  Paris  (p.  153).  M.  le  baronRosena  montré,  dans  une  savante 
étude,  que  ce  récit  est  emprunté  à  une  adaptation  du  Khoqdai  Namé  :  mais 
nous  n'avons  pas  à  nous  occuper  ici  de  cette  question,  quelque  intéresi^ante 
qu'elle  ?oit  pour  le  folk-lore.  Nous  résumerons  seulement  une  note  de  M.  Olden- 
bourg sur  l'origine  indoue  des  deux  contes  qui  Font  intercalés  dans  l'histoire  de 
Balach  :  Le  Renard  et  les  Oiseaux,  ei  Le  Corbeau  et  la  Colombe. 

M.  0.  cite  sept  versions  indoues  du  premier  conte.  Le  thème  général  est  celui- 
ci  :  un  animal  grand  et  vigoureux  (renard,  chacal,  chat,  corbeau,  vieux  cygne), 
ayant  éprouvé  un  accident,  ou  simplement  ayant  faim,  ga^ne  la  confiance  d'ani- 
maux plus  Taibles  (oiseaux,  souris)  et,  par  une  ruse,  réussit  à  en  détruire  le  plus 
grand  nombre.  Au  bout  de  quelque  temps,  le  criminel  est  pris  et  puni  (dans 
une  seule  version,  il  échappe  au  châîimeut.  Quant  à  la  morale  qui  ressort  du 
récit,  elle  se  présente  sous  trois  formes  diiïérentes  :  !•  six  versions  sont  une 
satire  des  gens  prétendus  bienfaisants,  qui  se  couvrant  d'un  masque  de  pitié, 

TOME  XI  —  AOUT-SEPTEMBRE  1896  % 


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402  REVUE    DES  TRADITIONS    POPULAIRES 

combat.  Après  deux  engagements,  Balach,  que  protégeait  la  solidité 
de  sa  cotte  de  mailles,  frappa  son  adversaire  à  Tépaule,  d'un  coup 
qui,  lui  coupant  la  veine,  fit  pénétrer  le  sabre  jusqu'au  milieu  de 
la  poitrine.  Le  roi  de  l'Inde  tomba  mort,  et  son  armée  prit  la  fuite. 

Balach  s'empara  de  la  capitale  du  roi  de  Tlnde.  Sur  son  ordre,  ses 
gardes  cernèrent  le  palais  de  la  fille  du  roi.  Il  sVmpara  de  toutes 
les  richesses  qu'il  contenait  ;  puis  il  fit  dire  à  la  fille  du  roi  qu'elle 
se  présentât  devant  lui.  Celle-ci  répondit  en  pleurant  à  rotticier, 
que  le  roi  lui  avait  envoyé  :  «  Tu  diras  au  roi,  ornement  de  la 
justice,  amour  de  ses  sujets,  favori  de  la  victoire.  Tu  es  mon  maître  ; 
je  suis  de  ceux  qui  ont  droit  de  réclamer  la  bienveillance  et  ta 
clémence.  Ne  voudras-tu  point  consentir  à  t'abstenir  de  ma  vue, 
jusqu'au  jour  où  tu  rentreras  dans  la  capitale  de  ton  royaume  ?  » 
L'ofïîcier  transmît  la  prière  de  la  jeune  fille  à  Balach,  qui  l'accueillit 
favorablement. 

Il  se  mit  en  route  et  la  fil  porter  jusqu'à  la  capitale  de  son  royau- 
me. Là,  il  fit  construire  pour  elle  un  appartement  séparé  des 
logements  de  ses  autres  femmes,  et  l'y  installa.  Puis  il  lui  fit  donner 
des  étoffes  anciennes  et  précieuses,  de  splendides  bijoux,  des  coffres 
d'or,  des  cadeaux,  des  objets  de  prix,  des  meubles,  tels  qu'il  n'en 
avait  jamais  donné  à  aucune  de  ses  femmes.  Enfin,  il  lui  demanda 
la  permission  d'entrer  chez  elle,  et  elle  le  lui  accorda.  Il  entra  donc 
chez  elle,  et  y  resta  sept  jours  et  sept  nuits,  plein  de  sou  amour, 
sans  qu'elle  lui  répondic  et  sans  qu'elle  bougeât  du  lit  où  elle  était 
assise.  Quand  il  sortit  le  huitième  jour,  il  avait  sur  le  cœur  qu'elle 
n'eut  manifesté  aucune  joie  de  sa  présence,  et  il  resta  plusieurs 
mois  sans  la  visiter. 

Elle  dit  un  jour  à  sa  nourrice: 

—  Est-il  rien  de  plus  étrange  que  ce  roi  qui  a  exposé  son  sang  à 

accomplissent  les  actions  les  plus  noires  ;  le  chat  joue  un  rôle  important  dans 
ce  groupe  de  récHs  (Manou  IV,  30, 195).  2o  Dans  THitopadesa,  I,  3,  la  morale  est 
contenue  dans  un  vers,  dont  te  sens  est  celui-ci  :  11  ne  faut  point  donuer  asile 
aux  gens  dont  on  ne  connaît  ni  la  race,  ni  le  caractère.  3<>  La  version  arabe 
emprunte  un  caractère  spécial  au  récit  dans  lequel  elle  se  trouve  enchâssée. 

M.  0.  ne  donne  que  quatre  versions  du  second  conte.  Le  thème  ent  l'union 
d'un  corbeau  et  d'une  colombe,  l'un  étant  pris  pour  type  de  la  méchanceté, 
Tautre  pour  type  de  la  bonté  et  de  la  douceur  ;  le  corbeau  trompe  la  colombe 
et  e:«t  puni  de'  sa  méchanceté.  Dans  la  version  que  donne  notre  texte,  le  corbeau 
est  puni  d'avoir  rendu  service  à  la  colombe,  et  celle-ci  qui  lui  joue  un  fort 
méchant  tour,  a  l'audace  de  lui  reprocher  «  sa  trahison  ».  On  ne  comprend  guère 
cette  étrange  conclusion.  11  semble  que  notre  auteur  désireux  de  fournir  à  la 
princesse  indienne  un  apologue  qui  réponde  à  celui  de  sa  rivale,  ait  été  un  peu 
a  court  d'imagination  ou  de  mémoire,  et  qu'U  ait  pris,  faute  de  mieux,  l'histoire 
du  corbeau  et  de  la  colombe  en  en  dénaturant  la  morale.  Nous  n'avons  encore 
entre  les  mains  aucun  texte  qui  permette  de  discuter  l'histoire  de  Balach  dont 
il  n'est  fait  qu'une  seule  mention  dans  l'ouvrage  anonyme  intitulé  Moudjmil  et 
Taouarikhe  {Mohl  in  Joum.  AsiaL  1842,  3«  série,  XIV,  p.  115  et  135  ;  Rosen,  op. 
laud.  p.  172). 


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REVUE   DBS   TRADITIONS   POPULAIRES  403 

ma  poursuite,  et  qui,  quand  il  m'a  obtenu,  ne  se  soucie  plus  de 
moi.  Va  l'informer  du  nombre  de  ses  femmes  ;  sache  quelle  est 
celle  qu'il  estime  le  plus,  et  reviens  me  l'apprendre.  » 

La  nourrice  prit  des  informations,  et  quand  elle  eut  appris  ce 
qu'elle  désirait  savoir,  elle  revint  auprès  de  sa  maîtresse  : 

—  J'ai  appris,  lui  dit-elle,  que  le  roi  a  quatre  cents  femmes  tant 
libres  qu'esclaves,  et  que  celle  qu'il  estime  avant  toutes  les  autres 
est  la  fille  d'un  de  ses  palefreniers,  qui  a  excité  son  amour  et  qu'il  a 
épousée. 

—  Hé  bien  !  dit  la  princesse,  va  la  trouver,  présente-lui  mes 
compliments,  et  dis-lui  que  je  souhaite  de  devenir  son  amie  et  de 
me  lier  avec  elle  d'une  exclusive  affection. 

La  nourrice  se  rendit  auprès  de  la  fille  du  palefrenier  et  lui 
répéta  les  paroles  dcmt  la  princesse  Tavait  chargée. 

—  Porte,  lui  dit  la  jeune  femme,  mes  compliments  à  ta  maîtresse, 
et  dis-lui  que  je  l'aime  déjà,  et  que  je  consens  volontiers  à  ce  qu'elle 
me  demande.  Qu'elle  vienne  donc  me  voir. 

La  nourrice  revint  auprès  de  la  princesse,  qui,  informée  des 
paroles  de  la  jeune  femme,  se  para  de  ses  plus  beaux  habits  et  se 
rendit  chez  elle.  Quand  elle  entra  dans  son  appartement,  celle-ci  se 
leva  et  vint  à  sa  rencontre.  La  princesse  lui  exprima  l'amour  qu'elle 
ressentait  pour  elle  et  le  désir  qu'elle  avait  de  faire  sa  connaissance. 
La  fille  du  palefrenier  lui  rendit  ses  compliments  de  la  manière  la 
plus  gracieuse,  et  lui  exprima  la  joie  que  ses  paroles  lui  donnaient. 
Elles  restèrent  quelque  temps  à  causer,  puis  la  princesse  se  retira. 
Elle  prit  l'habitude  de  faire  de  temps  en  temps  visite  à  la  jeune 
femme,  et  peu  à  peu  l'intimité  s'établit  entre  elles.  Quand  la  prin- 
cesse eut  ainsi  lié  amitié  avec  elle,  elle  lui  dit  : 

—  Ton  mérite  nous  a  toutes  vaincues,  et  tu  t'es  emparée  du  cœur 
du  roi,  de  façon  à  ne  nous  en  laisser  aucune  part.  Apprends-moi 
par  quel  moyen  tu  as  acquis  cette  supériorité  sur  nous,  et  augmente 
ainsi,  avec  la  joie  que  je  ressens  de  ton  succès,  mon  amitié  et  mon 
attachement  pour  toi. 

—  Quand  je  considérai,  lui  répondit-elle,  l'humilité  de  ma  nais- 
sance et  la  médiocrité  de  ma  beauté,  je  compris  qu'aucune  séduction 
ne  pourrait  ramener  le  roi  auprès  de  moi,  sinon  ma  complaisance 
dans  le  téte-à-téte.  Je  devais  l'égayer  quand  il  était  soucieux,  et 
m'attirer  son  cœur  par  ma  douceur  et  ma  soumission.  Il  me  vit 
persister  dans  cette  attitude,  sflors  qu'il  trouvait  chez  toutes  ses 
autres  femmes  l'orgueil  de  la  naissance^  la  vanité  de  la  beauté  ou 
l'infatuation  de  la  faveur.  J'avais  compris  que,  obtenant,  malgré  la 
bassesse  de  ma  naissance,  la  médiocrité  de  mes  charmes  et  la  fai- 


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40(  REVUG    DES   raADlTlONS  POPULAIRES 

blesse  de  mon  esprit,  tout  ce  qu'elles  avaient  obtenu,  Tattitud^  qui 
était  convenable  chez  elles  ne  l'était  point  chez  moi.  Et  c'est  ainsi 
que  le  roi  ma  estimé  plus  que  toutes  ses  autres  femmes. 

En  Tentendant,  la  princesse  comprit  que  le  cœur  des  hommes  n'est 
conquis  que  par  la  complaisance  et  la  prompte  soumission  à  leurs 
désirs.  Elle  résolut  alors  d'employer  ce  moyen  pour  gagner  le  cœur 
du  roi.  Elle  revint  dans  son  appartement,  et  dit  à  Tune  de  ses  femmes! 

—  Va-t-en  chez  la  fille  du  palefrenier  et  dis-lui,  si  le  roi  se  trouve 
chez  elle,  que  je  souffre  d'un  mal  qui  vient  de  me  saisir. 

La  servante  s'éloigna,  et  comme  le  roi  était  chez  la  fille  du  pale- 
frenier, elle  informa  celle-ci  de  ce  qui  était  arrivé  à  sa  maîtresse,  l^e 
roi,  saisi  de  pitié,  se  rappela  qu'elle  était  étrangère  et  qu'il  avait  tué 
son  père  ;  et  se  tournant  vers  la  fille  du  palefrenier,  il  lui  dit  : 

—  Qu'en  penses-tu  ?  Si  j'allais  la  voir  ? 

—  0  roi,  lui  répondit-elle,  il  n'y  a  parmi  vos  femmes  personne 
dont  la  présence  me  soit  plus  agréable.  Allez  la  voir  ;  elle  est  étran- 
gère ;  elle  a  quitté  sa  famille  ;  elle  est  dans  une  situation  qui  mérite 
la  pitié. 

Le  roi  se  leva,  se  rendit  à  l'appartement  de  la  princesse»  et  arriva 
à  la  porte  de  la  chambre  où  elle  se  trouvait.  Elle  se  leva  et  vint  à  sa 
rencontre.  Elle  était  parée  de  ses  plus  beaux  habits,  couverte  de 
bijoux  et  d'ornements,  et  elle  répandait  de  doux  parfums.  Elle  le 
baisa  au  front,  le  prit  par  la  main  et  le  fit  asseoir  au  milieu  de  sou 
lit.  Puis  elle  se  mit  à  lui  baiser  les  mains  et  les  pieds,  en  lui  sou- 
riant et  en  manifestant  sa  joie.  Il  l'attira  à  lui,  et  lui  demanda  de  se 
coucher  avec  elle  ;  elle  y  consentit,  et  il  n'y  eut  rien  qu'il  ne  deman- 
dât et  qu'elle  n'accordât.  Quand  il  eut  satisfait  son  désir,  il  eut  envie 
de  causer  avec  elle  et  lui  dit  : 

—  Quel  est  donc  ce  mal  douloureux,  dont  parlait  ta  servante? 

—  Seigneur,  lui  répondit-elle,  je  souffrais  de  votre  absence,  et 
votre  présence  m'a  guérie.  Je  parlais  des  peines  où  me  jetaient  votre 
amour,  votre  longue  absence  et  votre  négligence. 

Le  roi,  s'abandonnant  au  plaisir  qu'il  goûtait  avec  elle,  resta  sept 
jours  dans  son  appartement.  Ils  étaient  ainsi  occupés  à  jouer,  à  cau- 
ser et  à  s'embrasser,  quand  une  esclave  de  la  fille  du  palefrenier 
entra,  et  après  avoir  salué  le  roi  avec  le  respect  qui  lui  est  dû,  elle 
dit  à  la  princesse  : 

—  Ma  maîtresse  m'envoie  vous  dire  :  Trois  vices  sont  réunis  en 
vous  :  d'abord,  la  trahison  envers  celle  qui  vous  a  instruite;  secon- 
dement, l'extrême  arrogance;  troisièment,  l'oubli  des  bienfaits  que 
vous  avez  reçus.  Mais  bientôt  je  vous  jetterai  dans  l'angoisse,  en 
excitant  contre  vous  la  colère  du  roi. 


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REVDE   DES   TRADITIONS    POPULAIRES  40o 

A  ces  mots,  les  sanglots  de  la  princesse  la  suffoquèrent,  et  s6â 
larmes  se  mirent  à  couler  en  abondance;  elle  regarda  le  roi,  comme 
pour  implorer  sa  protection.  Celui-ci  lui  dit  alors  : 

—  0  mon  amie,  ne  prends  point  souci  des  paroles  de  ton  esclave  ; 
je  te  la  donnerai,  avec  tout  ce  qu'elle  posssède. 

Alors  le  chagrin  de  la  princesse  se  dissipa,  et  elle  dit  à  l'esclave  : 

—  Va  trouver  ta  maîtresse,  et  dis-lui  que  le  roi  me  Ta  donnée, 
avec  tout  ce  qu'elle  possède.  Dis-lui  que  la  bassesse  de  son  âme  ne 
pouvait  la  conduire  qu'à  une  conduite  basse  et  indigne  d'une  femme 
bien  élevée.  Qu'elle  vienne  nie  trouver,  humble  et  pleine  de  honte 
m'oÊFrir  les  hommages  d'un  dévouement  sans  bornes. 

Quand  l'esclave  eût  rapporté  ces  paroles  à  la  ûllo  du  palefrenier, 
celle-ci  se  leva  et  vint  aussitôt  chez  la  princesse.  Elle  salua  le  roi,  et 
se  tint  debout  devant  lui. 

—  Rien,  lui  dit  la  princesse,  u'est  tel  que  l'orgueil  que  tu  as  mon- 
tré dans  les  paroles  que  lu  m'as  fait  porter. 

—  Madame,  répondit- elle,  me  permettez-vous  de  parler. 

—  Parle. 

—  Madame,  en  me  présentant  devant  vous,  je  n'espère  point  d'au- 
tre intercession  auprès  de  vous  que  votre  douceur,  d'autre  défenseur 
que  votre  bonté.  Certes  elle  n'agit  point  avec  injustice  celle  qui 
s'élève  au-dessus  de  moi  parce  que  son  mérite  est  au-dessus  du 
mien;  toute  branche  rejoint  le  tronc  et  toute  fleur  s'attache  à  la  lige. 

—  Tu  dis  vrai,  interrompit  la  princesse,  mais  laisse  de  côté  les 
paroles  de  courtoisie.  Je  t'ai  vaincue  en  dépit  de  loi  ;  je  te  donnerai 
en  mariage  à  un  tel,  mon  esclave;  tu  ne  lui  es  en  rien  supérieure. 

—  Quiconque  s'est  accoutumé  aux  grandeurs,  dit  la  fille  du  pale- 
frenier, ne  saurait  être  heureux  dans  une  humble  situation.  L'âme 
de  celui  qui  devient  le  compagnon  des  grands  se  détourne  de  celle 
des  humbles.  J'espère  en  votre  douceur  et  en  la  bonté  de  votre  cœur. 
Si  vous  avez  pris  une  pareille  résolution,  la  mort  me  sera  plus  douce 
que  tout;  que  puis-je,  en  effet,  attendre  désormais  de  vous?  0  roi, 
ajouta-t-elle,  vos  plaisirs  ne  seront  point  longtemps  paisibles,  et  la 
suite  n'en  sera  pour  vous  que  déception.  Prends-garde  à  cette  In- 
dienne; elle  n'est  point  loyale  envers  vous.  Est-elle  de  votre  race, 
pour  que  les  liens  du  sang  vous  unissent  à  elle?  Est-elle  de  vos  su- 
jettes, pour  que  votre  générosité  envers  elle  vous  attire  sa  recon- 
naissance. Elle  est  comme  quelqu'un  qui  aurait  une  vengeance  à 
exercer  et  qui  n'y  saurait  parvenir.  Vous  avez  tué  son  père  et  vous 
avez  détruit  sa  puissance.  Prenez  garde  à  elle  ;  ne  vous  laissez  point 
distraire  par  l'influence  qu'elle  prend  sur  votre  cœur.  Car  maintenant 
qu'elle  cherche  une  ruse  pour  vous  tuer,  nous  n'avons  pour  voua 


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406  REVUE  DES  THADITIONS  POPULAIRES 

protéger  d'autre  moyea  que  de  la  faire  périr.  C'est  l'histoire  du 
renard  et  du  roi  des  oiseaux  ^ 

—  Quelle  est  donc  leur  histoire  ?  demanda  le  roi. 

u  —  On  raconte  quune  nuit,  un  renard  affamé  monta  sur  un  arbre 
pour  en  manger  les  fruits.  Mais  voilà  que  le  torrent,  dans  lequel  cet 
arbre  avait  poussé,  se  mit  tout-à-coup  à  rouler  des  flots  énormes,  et 
engloutit  l'arbre,  et  le  renard  avec  lui.  Celui-ci  emporté  par  le  cou- 
rant, fut  jeté  sur  une  terre  lointaine.  Le  matin,  quand  il  ouvrit  les 
yeux,  il  vit  que  le  torrent  Tavait  déposé  au  pied  d*une  montagne, 
couverte  d'arbres  aux  branches  chargées  de  fruits;  des  oiseaux  d'une 
espèce  inconnue  les  habitaient.  Le  renard,  tout  tremblant,  alla 
s*asseoir  sur  son  derrière  au  pied  d'un  arbre  isolé;  il  ne  reconnais- 
sait point  son  pays,  et  ne  savait  comment  entrer  en  relations  avec 
ces  bétes  inconnues.  Le  roi  des  oiseaux  vint  à  passer  près  de  lui,  et 
lui  dit  :  «  Qui  es-tu?  —  Je  suis,  répondit  le  renard,  une  béte  que  le 
«  torrent  a  emportée  et  jetée  dans  vos  montagnes,  où  je  suis  seul  et 
t  étranger.  —  As-tu  un  métier,  dit  le  roi  des  oiseaux.  —  Oui,  je 
«  sais  reconnaître  le  moment  où  les  fruits  des  arbres  sont  parvenus 
«  à  maturité;  je  sais  aussi  construire  dans  la  terre  des  chambres  où 
M  les  petits  des  oiseaux  sont  à  l'abri  du  chaud  et  du  froid.  —  Tu  ne 
u  pouvais  atteindre  mieux  que  chez  nous  le  but  de  tes  désirs;  reste 
«  avec  nous;  nous  te  consolerons,  et  tu  m'apprendras  ta  science.  > 

«  Le  renard  s'installa  donc  chez  le  roi  des  oiseaux.  Il  leur  appre- 
nait l'époque  où  les  fruits  sont  mûrs^  et  il  leur  creusait  avec  ses  griffes 
des  Irous^  pour  qu'ils  y  fissent  leurs  œufs.  La  nuit  venue,  le  renard 
quand  il  avait  envie  de  chair  fraîche,  passait  sa  patte  dans  l'un  des 
trous,  en  tirait  un  oiseau  ou  un  petit,  le  mangeait,  et  en  enterrait 
soigneusement  les  plumes.  Les  oiseaux  étonnés  cherchaient  qui 
pouvait  ainsi  les  manger  les  uns  après  les  autres.  «  Depuis  que  celte 
c  béte  est  installée  chez  nous,  se  disaient-ils,  nous  ne  pouvons  re- 
t  trouver  les  meilleurs  d'entre  nous.  Jamais  ils  n'ont  été  si  long- 
c  temps  absents,  et  nous  ne  savons  ce  qui  leur  est  arrivé.  —  Toutes 
«  vos  paroles,  leur  répondait  le  roi,  viennent  de  la  jalousie  que  vous 
<c  ressentez  contre  cette  béte.  Vous  ne  comprenez  donc  pas  que  vous 
u  lui  devez  une  nourriture  plus  abondante,  ainsi  que  les  trous  où 
«  vos  petits  sont  si  bien  à  l'abri  du  chaud  et  du  froid.  —  Tu  es 
«  notre  maître,  dirent  les  oiseaux,  et  tu  sais  mieux  que  nous  com- 
f  prendre  les  choses.  —  C'est  à  moi  en  effet,  dit  le  roi,  à  décider 
«  cette  question  et  à  démêler  lé  vrai  du  faux  o. 

1.  La  version  des  Mille  et  une  nuits  (le  faacon  et  les  corbeaax)  est  assez  diffé- 
rente. Edit.  Habicht,  t.  VllI,  n.  613  ;  édit.  Qaire,  t.  IV,  p.  149.  -  Cf.  René 
Basset.  Revue  des  Trad,  pop.f  t.  XI,  p.  167. 


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RKVUE   DES  TRADltlOiSS  POl^ÛLAlftÊS  40l 

ff  La  nuit  venue,  il  descendit  de  son  arbre  et  se  blottit  dans  Tun  des 
trous.  Le  renard,  selon  son  habitude,  s'arrêta  devant  un  trou,  y  fit 
entrer  sa  patte  et  attrapa  la  tète  du  roi.  «  Les  oiseaux,  se  dit  ce  der- 
«  nier  en  lui-même,  m'avaient  donné  un  bon  conseil;  que  n'ai-je  su 
«  le  suivre!  —  Est-ce  loi,  lui  dit  le  renard.  —  Oui.  —  Tu  n'avais  pas 
«  cru  que  telle  serait  la  conséquence  de  ta  sottise.  —  Laisse-moi 
«  aller;  je  te  ferai  reconduire  dans  ton  pays;  j'admire  retendue  de 
«  ta  science  et  Télégance  de  ta  ruse.  —  Mes  parents,  dit  le  renard, 
a  m'ont  donné  Thabitude  de  ne  point  lâcher  ce  sur  quoi  j'ai  mis  une 
c  fois  la  dent.  Dans  ta  stupidité,  tu  n'as  pas  su  te  contenter  des 
«  fruits  et  des  nids  qui  avaient  suffi  à  tes  ancêtres.  Tu  n'as  été  con- 
«  tent  que  quand  tu  as  pu  faire  toi-même  Texpérience  des  choses, 
«  Tout  cela  vient  de  ton  aveuglement.  »  Puis  il  le  mangea  et  enterra 
ses  plumes.  Les  oiseaux  cherchèrent  partout  leur  roi,  et  furieux  de 
de  douleur,  tuèrent  le  renard  à  coups  de  becs  et  de  griffes.  Ainsi  ils 
ne  trouvèrent  à  la  mort  de  leur  roi  d'autre  remède  que  la  mort  du 
renard.  »  —  Prends  donc  garde,  ô  roi,  à  l'Indienne. 

—  La  femme,  dit  la  princesse,  ne  peut  être  heureuse  que  si  elle  a 
près  d'elle  quatre  hommes  :  son  père,  son  frère,  son  fils  et  son  mari. 
La  meilleure  des  femmes  est  celle  qui  préfère  son  mari  à  toute  sa 
famille,  et  qui  l'estime  plus  qu'elle-même.  Quand  une  femme  a  perdu 
son  père  et  son  frère,  et  qu'il  lui  reste  son  mari,  voudra- t-elle  le 
faire  périr?  Aura-t-elle  comme  toi  un  naturel  méchant  et  un  carac- 
tère pervers  ?  C'est  bien  là  l'histoire  du  corbeau  et  de  la  colombe. 

—  Quelle  est  donc  cette  histoire,  dit  le  roi  ? 

«  —  On  raconte  qu'un  corbeau  fréquentait  la  cuisine  d'un  roi.  Il 
arriva  que  les  meilleures  viandes  disparaissaient  quand  elles  étaient 
toutes  préparées.  On  pensait  que  c'était  le  corbeau  qui  les  avait 
volées,  tant  on  avait  peu  de  confiance  dans  son  caractère.  Les  gens 
du  roi  le  chassèrent  donc,  en  disant  :  «  Nous  ne  pouvions  rien  atten- 
a  dre  de  bon  de  ce  corbeau  :  il  est  de  ces  oiseaux  qui  planent  dans 
«  l'air  et  dont  on  tire  les  mauvais  présages  ».  Le  corbeau  raconta 
son  aventure  à  une  colombe,  avec  laquelle  il  avait  fait  connaissance 
et  dont  il  suivait  tous  les  conseils.  Il  lui  avait  dit  quelle  bonne  nour- 
«  riture  il  trouvait  dans  cette  cuisine.  «  Emmène-moi  voir  tout  cela, 
«  lui  dit  la  colombe  ?.  Le  corbeau  y  consentit  et  l'emmena  sur  la 
terrasse  de  la  cuisine,  t  Je  ne  vois,  dit  la  colombe,  aucun  endroit 
«  par  où  je  puisse  entrer.  Creuse-moi  un  trou  assez  grand  pour  que 
«  j'y  puisse  passer;  mon  bec  est  trop  faible  pour  que  je  puisse  le 
«  faire  moi-même  ».  Le  corbeau  perça  le  plafond  de  la  cuisine 
avec  son  bec,  et  la  colombe  put  y  entrer.  Elle  y  ravit  tout  le  monde 
par  la  beauté  de  son  corps  et  l'éclat  de  son  plumage.  Le  chef  de  la 


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REVUE   DES  TRADITIONS    POPULAIRES 


cuisine  lui  arrangea  un  endroit  où  elle  fui  à  Taise  pour  passer  la 
Duil;  et  elle  vécut  en  paix  dans  celte  cuisine.  c<  Je  ne  t'aurais  pas 
•  cru  capable  d'une  pareille  action,  lui  dit  le  corbeau.  —  Si  j*avais 
c(  abusé  de  ta  confiance,  répondit  la  colombe,  tu  aurais  le  droit  de 
«  me  traiter  en  ennemie.  Mais  les  gens  savent  bien  ce  qu'ils  peuvent 
«  attendre  de  ta  bonne  foi  et  ce  que  procure  ta  société.  Ils  connais- 
<'  sent  ton  caractère  fourbe  et  menteur  ». 

—  Telle  est  notre  histoire  à  toutes  deux,  fille  du  palefrenier.  Si 
j'avais  eu  confiance  en  toi,  tu  m'aurais.trahie,  et  ta  fourberie  m'aurait 
tuée.  C'est  en  moi,  continua- t-elle,  qu'a  et  :  la  confiance,  et  en  toi, 
la  trahison.  —  Madame,  dit  la  fille  du  palefrenier,  les  paroles  que 
j'ai  laissé  échapper  ne  venaient  que  de  mon  excès  d'orgueil.  J'ai 
voulu  seulement  repousser  loin  de  moi  votre  dessein  de  me  marier 
k  votre  esclave. 

—  Il  le  faut,  dit  la  princesse. 

—  Hélas  1  dit  la  fille  du  palefrenier,  quiconque  s'est  habitué  aux 
grandeurs  ne  saurait  vivre  désormais  dans  l'abaissement.  La  mort 
me  sera  seule  agréable. 

A  ces  mots,  elle  prit  du  poison  qu'elle  portait  sur  elle,  et  le  versa 
dans  sa  bouche.  Elle  tomba  morte.  La  princesse  indienne  resta  fidèle 
k  son  mari,  et  ils  furent  heureux. 

Gaudefroy-Demombynes. 


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REVUE  DES    TRADITIONS  POPULAIRES  40& 

LES  MÉTIERS  ET  LES  PROFESSIONS 


IV  [suite] 

CHANSONS  DES  MÉTIERS 

La  chanson   des   tailleurs 

ETTE  chanson  est  encore  connue  et  se  chante, 
au  moins  en  partie»  dans  la  presqu'île  de 
Quibéron.  L'unique  copie  rencontrée  jusqu^ici 
sortait  du  presbytère  de  Locmaria-Quibéron. 
Des  recherches  faites  dans  la  tradition  de  ce 
pays  ont  appris  que  la  chanson,  ancienne- 
ment composée  par  un  moine,  dont  le  nom 
est  perdu,  a  été  refondue  et  considérablement 
augmentée,  au  commencement  de  ce  siècle, 
par  le  prêtre  Mathieu  Grouhel,  originaire  du  village  de  sainte-Barbe 
en  la  commune  de  Plouharnel,  nommé  vicaire  de  Quibéron  en  1815, 
et  mort  recteur  de  Sauzon  en  Belle-Isle,  le  16  mars  1837. 

L^idiome  breton  employé  dans  ce  document  est,  non  seulement 
celui  du  pays  vannetais  en  général,  mais  encore  celui  qui  se  parle 
dans  la  région  comprise  entre  Vannes  et  Quibéron,  un  peu  différent 
déjà]du  langage  usité  dans  les  environs  de  Lorient.  Le  lecteur  voudra 
bien  remarquer  que  l'orthographe  de  ce  breton  n'étant  pas  encore 
i\\ée^  —  elle  ne  le  sera  jamais  —  il  n'y  a  rien  d'étrange  à  ce  que  le 
même  mot  soit  écrit  de  différentes  manières. 

Quant  au  fond  même,  tout  l'esprit  de  la  pièce  ne  respire  qu*un 
profond  mépris  pour  la  race  des  tailleurs.  Les  auteurs  n'ont  fait  que 
traduire  l'impression  publique  qui  persiste  toujours,  surtout  dans 
es  campagnes  bretonnes. 

Pour  la  forme,  parfois  un  peu  leste,  il  faut  noter  que  la  langue 
celtique,  comme  la  latine^  n'a  pas  les  pruderies  de  la  langue  française 
de  nos  jours.  On  pourrait  la  comparer  au  français  du  temps  de 
Rabelais.  D'ailleurs,  les  auteurs  de  la  chanson  et  celui  de  Gargantua 
ont,  entre  eux,  plus  d'un  point  de  ressemblance. 

La  version  française,  publiée  en  regard,  se  tient  aussi  près  que 
possible  du  texte  breton.  A  cet  effet,  on  n'a  pas  craint  de  sacrifier  à 
une  rigoureuse  exactitude  les  agréments  dont  il  eût  été  facile,  peut- 
être  agréable  d'ornementer  la  traduction. 
Parfois,  le  traducteur  s'est  permis,  au  profit  des  lecteurs,  croit-il, 


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RBVL'E   DES  TRADITIONS  POPtLAIRES 


d'ajouter  des  notes  explicatives  et  de  donner  quelques  rares  étymo- 
logies  ;  le  tout  cependant  sans  la  moindre  prétention. 

{Ecrit  et  traduit  par  Cabhé  Lueo,  de  Vannes,  en  janvier  ISS 8), 


GUÉR  6ANMEN  ER  GAMINERION 

Chetui  amen,  tud  a  fœcon, 
Guér  histœr  er  gaminérioD  : 
Denaus  é  mant  bet  deit  ér  vro 
Aq  euo  hum  strawet  tro  a  tro. 

Ë'ty  Melkahec  a  Verous 
£*  hoai  bet  gannet  Comobus, 
Tad  Adam  er  gaminerion, 
Hoa  Aposlol  a  Sant  Patron. 

E*  dad  e  hoai  ann  antér  dal, 
Ur  fac  sioch  ag  hav  bancal. 
Ma  Tarai  open  hur  bonn  famm 
E*  hoai  bet  eun  diaul  guet  é  vam. 

Hou  mab  Cornobus  à  groaidur 
E  hoai  minet  fal  dré  natur  ; 
Ma  hoai  lesbanwet  eaminer 
£  signifie  min-cam  à  guer. 

A  pe  hoai  Cornobus  deit  bras, 
E  hoai  barw  ha  bleu  el  Judas  ; 
Ur  goal  barly,  hunn  traitour  fin, 
Haval  doh  é  dad  coh  Caîu. 

Mœs,  quement  e  ras  er  finot, 
Eun  doue,  er  guine  ag  enn  dévot, 
Quen  a  *hounias  confianz 
Enn  duchentil  ag  enn  noblanz. 

En  amzér  hont,  é  leh  dillat, 
Ne  vezai  meit  penneu  guyat 
Ar  dro  d'en  dud,  ag,  angélleu 
El  er  sœnt  eun  hou  Elesieu. 

Nezé,  Cornobus  peligour, 
Eun  tamig  go  ag  angeniour, 
E  zas  d'invantein  ur  veçhér 
E  zoug  é  leshanw  camenér. 

Doh  en  hirdet  ag  é  vampreu, 
Ean  e  drohas  guet  coutelleu 
Tameu  lienn  et  ré  mehér 
Aveit  hum  holein  pen  a  rœr. 


VÉRITABLE  CHANSON   DES  TAILLEURS 

Voici,  bonnes  gens, 
La  véritable  histoire  des  tailleurs  : 
Comment  ils  sont  venus  au  pays 
Et  se  sont  répandus  tout  au  tour. 

Dans  la  maison  de  Melkahec  de  Bernas  (f) 

Naquit  Cornobus, 

Père  Adam  des  tailleurs, 

Lear  apôtre  et  saint  patron. 

Son  père  était  un  demi  aveugle  (borgne), 
Une  figure  de  singe  et  un  boiteux. 
Ce  qoi  faiMÎt  dire,  en  oatre,  ptr  noe  vieille  fomme 
Que  le  diable  avait  élé  avec  sa  mère. 

Leur  fils  Cornobus,  dès  son  enfance, 
Avait  mauvaise  mine  par  nature  ; 
S*il  fut  surnommé  Ca  min  er 
Cela  sisrnifie  mine  d*un  boiteux  de  vtUe. 

Quand  Cornobus  fut  devenu  grand, 
II  était  barbe  et  cheveux  comme  Judas  ; 
Une  forte  partie  et  un  traître  rusé,  ■ 
Semblable  à  son  grand^père  Caîn. 

Mais  il  fit  tant  le  rusé, 

Le  doux,  le  gracieux  et  le  dévot, 

Qu'il  gagna  la  confiance- 

Des  Messieurs  (bourgeois)  et  de  la  noblesse. 

Dans  ce  temps-là,  en  guise  dliabits, 
11  n'y  avait  que  des  bouts  de  pièce  de  toile 
Autour  des  gens,  et  des  couvertures, 
Comme  les  saints  dans  leurs  Eglises  (2). 

Alors  Cornobus  chaudronnier, 
Un  peu  forgeron  et  ingénienr, 
Vint  à  inventer  un  métier 
Qui  porte  son  surnom  de  Caminer (tailleur). 

A  la  longueur  de  ses  membres. 

Il  coupa  avec  des  couteaux 

Des  morceaux  de  toile  et  de  drap 

Pour  s'en  couvrir  tète  et  derrière  (cul^. 


1.  Bernus  est  un  village  voisin  de  Vanne?. 

2.  Allusion  aux  statues  voilées  pendant  le  temps  de  la  Passion. 


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REVUE   DES  TRADITIONS   POPULAIRES 


4H 


E'  Gaosortet  e  zibouasquas 
Ha  der  secour  e  ziredaa  ; 
Mœs  aben  ma  boent  arriwet, 
Ne  hoai  miri  Cornobus  er  bet. 

Beq  é  voes  e  laras  debé 
£'  hoai  oueit  corfhabloh  guet  Doué, 
Ag  en  hou  assamblé  canvus 
lud  er  groas  sant  patron  Bernus. 

Ino  e  rer  goudé  peb  blé 
Gouil  Gornobufl  de  valardé 
Ag  e  huiler  caminerion 
Er  peu  aq  er  précion. 

Er  guer  zé,  hanwet  a  guetan, 
Bet  en  amzér  zé  Kergoban, 
Hou  des  bet  transhanwet  Bernus, 
De  laret  é  borb  Cornobus. 

A  viscouab  er  gaminerion 
Ne  boent  bet  meit  fripponnerion, 
Pautred  friand,  discueh,  didail 
Et  houî  oi  en  troyeu  canaii 

Glorius  ind  el  pohonnet 
Ha  curius  ei  carellet, 
E  buél,  e  gleu  ag  e  cbong  tout 
Ag  e  vout  hou  frieu  partout. 

Ne  ^ai  na  foer  nac  assemblé 
Hemb  caménerion  noz  a  dé  ; 
Aveit  corol  et  peb  canton, 
Gonzel  ding  a  Gaminerion. 

Guet  er  merbet  u  pe  grollant, 
£'  Tai  guet  bai,  é  leh  argant, 
Becbenneu  a  tacheu  gouhab 
Dobér  carillon  en  hou  sab. 

Rac  ne  gaver  den  à  fœçon 
Sawet  à  rac  caminerion  ; 
Hoah,  à  fond*,  n'hel  quet  bout  un  den, 
Meit  ur  bamcnér,  ha  pas  quin  (1). 

Raçbley,  raçsineh,  raç  quy,  raçcab, 
Ha  rac  serpant,  goab  ar  hoab, 
Raç  bourraw  ba  raç  caminer, 
En  diaulan  seib  raç  e  gaver. 


Ses  compagnons  il  éveilla 
Et  ils  accoururent  à  son  secours  ; 
Mais  quand  ils  furent  arrivés, 
U  n'y  avait  plus  aucun  Cornobus. 

La  bouche  de  sa  femme  leur  dit 
Qu'il  était  allé  corps  et  tout  avec  Dieu, 
Et  dans  leur  assemblée  joyeuse 
Ils  le  firent  saint  patron  de  Bernus  (1). 

Là  on  fait,  depuis,  chaque  année 
La  fête  de  Cornobus  à  Carnaval, 
Et  on  voit  des  tailleurs 
A  la  tète  de  la  procession. 

Ce  village^  nommé  d'abord 
Jusqu'à  ce  temps  là,  Rercohan, 
Ils  Tout  surnommé  Bernus, 
C'est-à-dire  bourg  de  Cornobus. 

De  tous  temps  les  tailleurs 

N'ont  été  que  des  fripons, 

Gars  friands,  désœuvrés,  mal  bâtis 

Qui  savent  tous  les  tours  de  canaille. 

Ils  sont  orgueilleux  comme  des  paons 
Et  curieux  comme  des  belettes, 
Qui  voient,  entendent  et  pensent  tout 
Et  qui  fourrent  leurs  nez  partout. 

Il  n'est  ni  foire,  ni  assemblée 
Sans  tailleurs  nuit  et  jour  ; 
Pour  danser  dans  chaque  canton, 
Parlez-moi  de  tailleurs. 

Avec  les  filles  quand  ils  dansent^ 
U  est  avec  eux,  en  guise  d'argent, 
Des  dés  et  des  clous  de  couvreur 
Pour  faire  carillon  dans  leur  sac. 

Parcequ'on  ne  trouve  un  homme  honnête 
Issu  de  la  race  des  tailleurs  ; 
Encore  au  fond,  il  ne  peut  être  un  homme, 
(Il  ne  peut  éVn)  qu'an  tailleur  et  rien  de  plus. 

Race  de  loup,  race  de  ilnge,  raee  de  chien,  race  de  chat 
Et  race  de  serpent^  de  pire  en  pire. 
Race  de  bourreau  et  race  de  tailleur, 
Les  plus  endiablées  sept  races  que  Ton  trooTe. 


1.  Non  loin  du  bourg  communal  de  Plumelec  (Morbihan],  autrefois  peuplé  d'un 

grand  nombre  de  tailleurs,  on  voit  encore,  dit-on,  une  statue  en  pierre  de  saint 
ornobus,  perché  sur  le  coin  d'un  mur,  portant  d'une  main  une  boule  de  pierre 
figurant  une  pelote  de  fil,  et  de  l'autre  un  morceau  de  retaille. 


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412 


REVCB  DKS   TRADITIONS  POPULAIRES 


Ean  hou  staquas  guet  nedenneu 
Ârdran,  ha  rauq  doh  é  vampreu  ; 
Mœs,  el  ne  chôment  jainœs  mat, 
E'  chugeas  penaus  hou  grouyat. 

Eao  e  guemiras  ur  spilleo. 
En  hé  feutas  dré  dal  er  pen, 
Ag  é  hanwas  aben  hadoué, 
El  ur  présant  deit  a,berb  Doué. 

EY  hlaw  é  passas  eun  nedden 
E  glommas  queateh  dré  er  pen, 
Aq  c  gommancas  de  houryad 
Aq  a  ben  Caër  de  huitellad. 

MœSf  el  ma  rai  hoah  drouq  dé  vis, 
E  santas  ur  vechcn  requis, 
Ag  e  ras  dehi  quent  é  hanw 
Ha  vechen,  poinson  ha  guitan. 

Anfin  é  tas  a  ben  el  ce 
D'achèwiu  é  habit  nehué 
Ha  dlnyantein  eun  ol  vin  huer 
E  zou  requis  eit  er  vechér. 

De  husquas  é  guetan  habit, 
E  hoai  haval  doh  hun  ermit, 
Quem  ne  gredai  bloh  er  réral 
Ne  hoais  qnet  ean,  mœs  ur  Ion  fal. 

Touchant  e  vezai  bet  chasset. 
De  n'eun  duézai  hum  zihusquet  ; 
Mœs,  pe  hanawezaot  é  hoai  eon, 
£*  houantant  houi  laquât  el  d'hon. 

Bloh  é  famill  dré  erbanton 
E  xai  devuut  caminerion, 
A  g  eun  noblanz,  ag  er  princet 
E  zai  duvout  quet  bon  gusquet. 

Int  e  rai  dehon  prœsanteu 
Ag  e  voquai  dé  verlimeu 
Forh  gracius  ag  humblement, 
Rac  mer  sellent  bloh  el  ur  sant. 

Ne  larein  quet  doh  ne  hoai  quet, 
Rac  en  diaul  doh  t'hon  coleret 
E  za»  de  noz  guet  é  ziscoué. 
Ag  er  sammas  hag  é  hulé. 

Cornobus,  é  monnet  guet  bon, 
E  vucellas  el  hunn  ejon, 
Queû  ne  scontas  chass  ha  brandy 
Ha  ma  crénas  ker,  é  mtnt  d*hy. 


H  les  attacha  avec  des  fils 
Devant,  derrière,  contre  ses  membres  ; 
Mais,  comme  ils  ne  restaient  jamais  bien, 
11  songea  comment  les  coudre. 

il  prit  une  épingle, 

La  fendit  auprès  de  la  tête, 

Et  la  nomma  aussitôt  aiguilUf 

Comme  un  présent  venu  de  la  paride  Dieu. 

Dans  la  chasse  il  passa  un  fil 

Qu'il  noua  immédiatement  par  le  bout. 

Et  il  commença  à  coudre 

Et  tout  aussitôt  à  siffler. 

Mais,  comme  elle  faisait  encore  mal  &  son  duigt. 
Il  sentit  qu*un  dé  lui  était  requis, 
Et  il  lui  donna  (pour  compagnons),  avant  son  nom 
De  dé,  un  poinçon  et  une  grande  cisaille. 

Enfin  il  vint  à  bout  ainsi 
D'achever  son  habit  neuf 
Et  d'inventer  tout  le  mobilier 
Qui  est  requis  pour  le  métier. 

Quant  il  mit  son  premier  habit, 

U  était  semblable  à  un  ermite. 

Au   point  que  tous  les  antres  ne  croyaient  pas 

Que  c'était  lui,  mais  un  animal  méchant. 

Bientôt  il  eût  été  chassé. 

S'il  ne  s'était  déshabillé  ; 

Mais,  quand  ils  reconnaissent  que  c'est  lui. 

Ils  désirent  se  mettre  comme  lui. 

Toute  sa  famille  (1)  par  le  canton 
Devenaient  tailleurs. 
Et  la  noblesse  et  les  princes 
Venaient  pour  être  par  lui  habillés. 

Il  lui  faisaient  des  présents 

lit  baisaient  ses  instruments  (meules  &  aiguiser) 

Très  gracieusement  et  humblement. 

Car  tous  le  considéraient  comme  un  saint. 

Je  ne  vous  dirai  qu'il  ne  l'était  pas. 

Car  le  diable  en  colère  contre  lui 

Vint  de  nuil  avec  ses  épaules 

Et  le  chargea  (sur  ses  épaules)  de  son  lit. 

Cornobus,  en  allant  avec  lui. 

Beugla  comme  un  bœuf 

Au  point  qu'il  épouvanta  chiens  et  corbeau  x . 

Et  que  la  ville  trembla,  dit-on. 


1.  Pour  :  tous  les  membres  de  sa  famille. 


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BEVUE  DES  TBADÎTIONS    POPULAIRES 


413 


Âveit  hoD  mé,  ne  gredan  quet 
Efael  bout  caminer  er  bet 
E  ^ehai  mad,  é  cas  requis, 
Sehuel  en  ur  rang  à  daoi  pris. 


Quant  à  moi,  Je  ne  crois  pas 
Qu'il  peut  être  aucun  tailleur 
Qu'il  soit  bon,  en  cas  requis, 
D'élever  à  un  rang  du  moindre  prix. 


Hur  hamenér  mar  guel  bout  den  Un  tailleur,  sll  peut  être  homme, 

E  voé  poen  d'en  douar  en  douguen  ;  La  terre  à  peine  à  le  porter  ; 

E  za  de  vout  quer  rauc  à  fier  II  devient  si  arrogant  et  si  fier 

El  hur  baron  en  é  vener.  Qu'un  baron  dans  son  manoir. 


Ilur  hanener  n'en  dé  quet  mad 
Mcit  dobér  droug  a  de  barrad 
Doh  er  réral  a  vout  tranquil; 
£'  nitra  quen  n'hel  bout  habil. 

Guel  é  gueneign  Kaminerion 
E  heli  hou  vocation, 
E  vihue  en  hou  mechér  gannet 
Ag  e  varhue  en  é  el  juifTet. 

Bredér  a  houereziet  ha  yoh 
Ampecbet  m'ar  bai  moyant  d'oh, 
Hur  valignour  (1}  à  vout  belec 
A  gaus  dé  ben  ha  dé  fal  vcc. 

Hur  haméner,  den  à  bluen, 
Ne  vou  meit  chican  en  é  beu  ; 
Avocat,  m'ar  bé,  pé  notair 
Miracl'  vou,  m'ar  ne  vai  ur  lair. 

Ur  haméner,  m'ar  n'en  dé  sot 
Ne  glasquou  quet  bout  martelot, 
Rac  er  mor  zou  beneguet 
Ag  ur  jiaméner  n'en  dé  quet. 

Er  varteloded  a  Guerver  (2) 
Aoibarquet  drè  un  amzer  gaer, 
K  sondas  bag  a  btoh  ér  mor 
Guet  er  haméner  Sanigor. 

Hur  haméuer,  tam  er  goal  chang. 
Ne  ra  meit  mal  hur  ha  dirang 
Der  réral  a  pe  vai  guet  hai, 
Ar  en  doar,  ar  mor,  en  armé. 

Er  haménirik  Dissonnik 
Ui^coah  de  zen  ne  sonnai  grik  ; 
Mœs  ean  e  scrappë  paud  a  dra 
Hemb  gober  seblant  à  nitra. 


Un  tailleur  n'est  bon 

Que  pour  faire  mal  et  empêcher 

Les  autres  d'être  tranquilles  ; 

En  rien  autre  il  ne  peut  être  habile. 

J'aime  mieux  des  tailleurs 
Qui  suivent  leur  vocation. 
Vivent  dans  leur  métier  originel 
Et  yf  meurent  comme  des  Juifs. 

Frères  et  sœurs  en  grand  nombre, 
Empêchez,  si  vous  avez  moyen. 
Un  tailleur  d'être  prêtre 
A  cause  de  sa  lèle  et  de  sa  mauvaise  laogue. 

Un  tailleur,  homme  de  plume, 

11  n'y  aura  que  chicane  dans  sa  tête  ; 

Avocat,  s'il  est,  ou  notaire, 

.Miracle  sera,  s'il  n'est  pas  un  voleur. 

Un  lallleur  s'il  n'est  sot, 

Ne  cherchera  pas  à  être  matelot, 

Car  la  mer  est  bénite 

Et  un  tailleur  ne  l'est  pas. 

Les  matelots  de  Bclle-Isle, 
Embarqués  par  un  beau  temps, 
Sombrèrent  navire  et  tout  dans  la  mer 
Avec  le  tailleur  Sanigor. 

Un  tailleur,  pièce  de  mauvaise  chance , 
Ne  cause  que  malheur  et  dérangement 
Aux  autres  quand  il  est  avec  eux, 
Sur  la  terre,  sur  mer,  à  l'armée. 

Le  petit  tailleur  silencieux 
Jamais  à  homme  ne  disait  mot  ; 
Mais  il  rapinait  bien  des  choses 
Sans  faire  semblant  de  rien. 


1.  Valigne  est  une  grosse  couverture  de  lit,  en  toile,  remplacée  maintenant  par 
les  couvertures  en  laine.  Pliêe  en  plusieurs  doubles,  elle  sert  de  coussin  au  tail- 
leur qui  ne  se  met  jamais  sur  une  chaise. 

2.  Littéralement,  Guerver  pour  Guerveur^  signifie  ville  grande.  C'est  encore  le 
nom  celtique  de'3elle>lie-en-Mer. 


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414  RBVDB   DES  TRADITIONS  POPULAIRES 

Tammeu  leyen,  coh  retailleu,  Morceaux  de  toile,  vieilles  retailles 

De  husqueia  é  vugalégueu,  Pour  habiller  ses  petits  enfants,    ' 

Dobér  hivisieu  de  Jannik  Faire  des  chemises  k  Jeannic 

Bit  me  vezai  d'er  sui  propih.  Pour  qu'elle  fût  le  dimanche  proprette. 

Chetui  azen,  é  guirion^  Voilà,  en  vérité, 

Buhédegueah  Raménerioo  ;  La  vie  des  tailleurs  ; 

Ne  gaver  quet  hisloer  hirroh  On  ne  trouve  pas  histoire  plus  longue 

Nac  en  diaul  tam  hanni  villoh.  Ni  au  diable  du  tout  aucune  plus  vilaine. 

Paul  Guieyssb. 


XXVI  [suite) 

COUTUMES  DE  MARCHÉ 

En  Hainaut,  les  marchands  de  moules  ambulants  autorisent  leurs 
clients,  réunis  autour  d'eux,  k  manger  autant  de  moules  quils  peu- 
vent pour  la  somme  de  dix  centimes.  L*aulorisation  cesse  dès  que 
le  client  a  toussé. 

Alfred  Harou. 


LXXX 

LES  VERRIERS 

En  1469,  Jean  II  de  Lorraine  conféra  aux  verriers  tous  les  privi- 
lèges attachés  à  la  noblesse  :  on  les  qualiGait  au  xvi®  siècle,  de 
gentilshommes  verriers. 

Les  gentilshommes  de  verre  étaient  peu  estimés  du  reste  dan^  la 
noblesse  ;  témoin  cette  épigramme  de  Maynard  contre  le  poëie 
Saint-Amand  dont  les  ancêtres  étaient  verriers  : 

Votre  noblesse  est  mince 
Car  ce  n'est  pas  d*un  prince, 
Daphnis,  que  vous  sortez  : 
Gentilhomme  de  verre 
Si  vous  tombez  à  terre, 
Adieu  vos  qualités. 

Les  gentilshommes  verriers  se  vengeaient  des  dédains  de  la 
noblesse  sur  les  roturiers  qu'ils  appelaient  «  sacrés^mâtins  »  ;  ceux-ci 
leur  donnaient  le  nom  de  Hazis,  c'est-à-dire  Havis,  desséchés,  parce 
que  le  travail  des  verriers  les  tient  exposés  à  Tardeur  des  fours. 

(Florentin  Tiiierriat,  Trois  traictez^  Paris,  1606^  8*) 


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REVUE   DES  TRADITIONS  POPULAIRES  413 

Tous  les  ouvriers  indistinctement  prétendirent  arriver  à  la  no- 
blesse, comme  les  verriers,  par  le  seul  fait  de  leur  travail  ;  ils  crurent 
qu'il  suffisait  d'avoir  obtenu  un  privilège  de  fabrication  pour  être 
anobli  et  comme  le  dit  le  Manuel  du  verrier  (collection  Roret),  le 
peuple  les  crut  sans  contrôle,  et  la  noblesse  alors,  passablement 
ignorante,  se  contenta  de  les  appeler  «  Savonnette  à  Vilain  ». 

Une  tradition  de  TArgonne  rapporte  que  Henri  IV,  lors  du  voyage 
qu'il  fit  à  Metz,  en  1600,  apercevant  de  loin  les  gentilshommes  ver- 
riers de  la  forêt  d'Argonne  qui  accouraient  se  ranger  sur  son  passage 
au  pont  de  la  Biesme,  demanda  ce  que  c'étaient  que  ces  gens  : 

«  Ce  sont  les  souffleurs  de  bouteilles  »  répondit  le  postillon  qui 
conduisait  la  voiture  du  roi. 

—  Eh  bien  !  dis  leur  de  soulHer  au  c.  de  tes  chevaux  pour  les 
faire  aller  plus  vite. 


Aux  environs  de  Charleroi  —  où  Tindustrie  verrière  est  très 
développée  —  les  souffleurs  (ouvriers  qui  soufflent  le  verre)  héritent 
ce  métier  de  leur  père.  On  est  souffleur  de  père  en  fils. 

Ce  métier  lucratif  (des  souffleurs  gagnaient  naguère  12  ou  1400  fr. 
par  mois]  est  réputé  très  malsain. 

Les  souffleurs  sont  des  messieurs  parmi  les  ouvriers,  aussi  leur 
morgue  est-elle  proverbiale. 

Alfred  Harou. 


^. 


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416 


R^YUE   DES   TRADITIONS    POPULAIRES 


COiNTES  ET  LÉGENDES  DE  L EXTRÊME  ORIENT* 


XLII 

NAISSANCE  DE  LA  TERRE  ET  DES  GÉANTS 

VANT  la  conversion  des  habitants  de  Macaçar  à 
Tislamisme,  ils  croyaient  o  que  le  ciel  n  avoit  jamais 
eu  de  commencement,  que  le  soleil  et  la  lune  y 
avoient  toujours  exercé  une  puissance  souveraine,  et 
vécu  en  paix  Tun  avec  Tautre,  jusqu'à  un  certain 
jour  qu'ils  se  brouillèrent  ensemble  et  que  le  soleil 
poursuivit  la  lune  pour  la  maltraitter;  que  s'estant 
blessée  en  fuyant  devant  luy,  elle  avoit  accouché  de  la  terre,  qui  étoit 
tombée  par  hazard  dans  la  situation  où  nous  la  voyons  aujourd*huy  : 
que  ceste  lourde  masse  s'estoit  entre-ouverte  en  tombant,  et  qu'il  en 
estoit  sorti  deux  sortes  de  geans  :  que  les  uns  s'estoient  rendus  les 
maîtres  de  la  mer,  où  ils  commandoieiU  aux  poissons,  excitoient  des 
tempêtes  quand  ils  estoient  en  colère  et  n'esterntioient  jamais  sans 
y  causer  quelques  naufrages.  Que  les  autres  geans  sestoicnt 
enfoncés  jusqu'au  centre  de  la  terre  pour  y  travailler  à  la  produc- 
tion des  métaux,  de  concert  avec  le  soleil  et  la  lune  ;  et  quand  ils 
s  agiloient  avec  trop  de  violence,  ils  faisoient  trembler  la  terre,  el 
renversoient  quelquefois  des  villes  entières.  Qu'au  reste  la  lune 
estoit  encore  grosse  de  plusieurs  autres  mondes,  qui  n'avoient  pas 
moins  d'étendue  que  celuy-cy  ;  qu'elle  accoucheroît  de  tous 
successivement  Tun  après  l'autre,  pour  réparer  les  ruines  de  ceux 
qui  seroient  consommez  de  cent  mille  ans  en  cent  mille  ans,  par  les 
ardeurs  du  soleil  ;  mais  qu'elle  en  accoucheroit  naturellement,  et 
non  plus  par  accident,  comme  elle  avoit  fait  la  première  fois; 
parce  que  le  soleil  el  la  lune  ayant  reconnu  par  une  commune 
expérience,  que  le  monde  ne  pouvoit  subsister  que  par  leurs 
mutuelles  influences,  ils  s'étoient  enfin  reconciliez,  sous  condition 
que  TEmpire  du  ciel  se  partageroit  également  entre  l'un  et  l'autre, 
c'est-à-dire,  que  le  soleil  regneroit  la  moitié  du  jour,  et  la  lune 
l'autre  moitié  »  '. 

4.  Suite,  voir  t.  X,  p.  110,  36o,  411,  663. 

2.  Gervaise.  Description  historique  du  royaume  de  Macaçar,  Ratisbonne,  1700, 
iD-12,  p.  154-156. 


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RSVUE   DES  TRADITIONS   P0PULA1B%;S  417 

XLÏII 

l'interdiction  du  vin 

Pour  expliquer  Tinterdictioa  du  vin,  les  habitants  de  Ternate, 
dans  les  Moluques,  racontaient  la  légende  suivante  ^  :  «  Dieu 
envoioit  tous  les  jours  à  Mahomet  deux  de  ses  anges  nommés  Harot 
et  Mirot,  qui  lui  aidoient  dans  toutes  les  choses  qui  dévoient  lui 
servir  à  rétablissement  de  sa  religion.  Un  jour  ils  furent  tous  trois 
invitez  à  un  festin  chez  une  fort  belle  femme,  qui  avoit  à  parler  avec 
eux.  lis  y  allèrent  et  elle  leur  Gt  tant  boire  de  vin  qu'ils  s'enivrèrent 
tous  trois.  Elle  leur  offrit  alors  de  coucher  avec  eux,  sous  condition 
qu'ils  lui  aprendroient  auparavant  une  prière  qui  pût  la  faire  monter 
au  ciel,  et  redescendre  ensuite  sur  la  terre. 

Lorsqu'elle  fut  au  ciel,  Dieu  à  qui  le  péché  qu'elle  avoit  commis 
D'étoit  nullement  caché,  commanda  aux  anges  de  la  prendre  par  les 
cheveux,  et  de  la  transporter  dans  une  caverne,  qui  était  proche  de 
Babilone,  où  elle  devoil  demeurer  suspendue  jusques  au  jour  du 
jugement.  Or  comme  le  vin  avoit  donné  occasion  à  ce  péché, 
Mahomet  en  défendit  l'usage  à  Tavenir  d  '. 


1.  Recueil  de  voyages  qui  ont  servi  à  Véiablissemenl  et  aux  proorès  de  la  com- 
pagnie des  Indes  Orientales  formées  dans  les  Provinces  Unies  de  Pais-Bas,  Rouen, 
nte.  1  V.  in-12,  t.  II,  p.  243-244. 

2.  Altération  de  la  légende  musulmane  de  Harout  et  de  Marout.  Ceux-ci  étaient 
deux  anges  qui,  ne  pouvant  comprendre  rendurcissement  de  la  race  humaine, 
furent  envoyés  par  Dieu  sur  terre  pour  juger  les  hommes.  Afin  de  les  mettre  à 
l'épreuve,  il  permit  qu'ils  fussent  tentés  par  une  femme  d'une  rare  beauté  nom- 
mée Zohrah  (Vénus).  Us  étaient  prés  de  succomber  quand  elle  disparut  tout-à- 
coup  et  Dieu,  pour  punir  les  anges  prévaricateurs  leur  offrit  à  choisir  entre  les 
peines  du  monde  et  celles  de  l'autre.  Us  se  décidèrent  pour  les  premières  et 
furent  condamnés  k  repter  suspendus  la  tète  en  bas,  dans  un  puits,  près  de 
Babylone,  jusqu'au  jugement  dernier;  là,  ils  apprirent  aux  hommes  la  magie, 
comme  il  est  rapporté  dans  le  Qorân,  Sourate,  II,  verset  96.  —  El  Modjâhid  pré- 
tend avoir  vu  Harout  et  Marout  dans  la  position  qui  leur  était  infligée  comme 
châtiment.  J'aimais,  dit-il,  à  voiries  choses  curieuses,  et  ayant  appris  qu*à  Baby- 
loue  (Babil)  existait  le  puits  de  Harout  et  de  Marout,  je  partis  pour  le  visiter. 
En  y  arrivant,  je  trouvai  des  habitatious;  j'entrai  dans  l'une  et  je  vis  un  indi- 
vidu que  je  saluai.  Il  me  souhaita  la  bienvenue  et  me  demanda  ce  que  je  dési- 
rais, Je  rinformai  de  ce  qui  m'amenait  et  il  ordonna  à  un  juif  de  m'accompa- 
gner,  de  me  faire  arrêter  auprès  du  puits  et  de  me  rcnsei^uer  sur  les  deux 
anges.  Nous  allâmes  au  puits,  mon  guide  ouvrit  un  souterrain  où  nous  descen- 
dîmes, en  me  recommandant  de  ne  pas  prononcer  le  nom  de  Dieu.  J'aperçus 
les  deux  anges,  pareils  à  deux  grandes  montagnes  et  suspendus  la  tête  en  bas; 
ils  portaient  des  chaînes  de  fer  qui  allaient  de  leurs  cous  à  leurs  genoux.  En  les 
voyant,  je  mentionnai  Dieu  très  haut  ;  il  s'ensuivit  un  trouble  effroyable  ;  peu 
s'en  fallut  que  leurs  chaînes  ne  fussent  brisées.  Le  Juif  s'enfuit,  je  le  suivis  et  il 
me  dit  :  Ne  t'avais-je  pas  recommandé  de  ne  pas  prononcer  le  nom  de  Dieu  ?  » 
(El  Ibchihi,  UostaVref,  Boulaq,  1292  hég.,  2  v.  in-4,  t.  11,  ch.  LXV,  p.  161).  Cette 
légende  de  la  magie  enseignée  par  deux  anges  se  trouve  déjà  dans  Hermias, 
écrivain  chrétien  du  second' siècle  de  notre  ère  (cf.  Renan,  marc-Aurèle^  Paris, 
1884,  in-8,  p.  379-380). 

TOMI  XI.  —  AOCT-SBPTBMBRK  1896.  27 


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418  REVUff  DES  TRADITIONS   POPULAIRES 

XLIV 

LE  MARU6E  DE  L'eSPRIT  DU  FEU 

Le  voyageur  français  Dernier,  raconte  la  légende  suivante,  d'après 
les  livres  sanscrits  consultés  par  le  P.  Roa  :  Ils  (Les  Indiens)  disent 
aussi  que  la  troisième  personne  de  la  Trinité  s'est  manifestée  au 
monde  ;  sur  quoi  ils  content  que  la  Slle  d'un  roi  étant  en  état  d*étre 
mariée,  et  lui  ayant  été  demandé  par  son  père,  qui  elle  vouloil  en 
mariage,  répondit  qu'elle  ne  vouloit  être  unie  qu'à  une  personne 
divine,  et  qu'en  même  tems  apparut  au  roi  la  troisième  personne  de 
la  Trinité  en  forme  de  feu,  que  ce  roi  en  donna  incontinent  avisa  sa 
fille,  qui  consentit  aussitôt  aux  noces  ;  que  cette  personne  de  la 
Trinité,  toute  en  feu  qu'elle  étoit,  fut  appelée  au  conseil  ;  et  que 
voyant  que  les  conseillers  du  roi  s'opposoient  à  ce  mariage,  elle  se 
prit  à  leurs  barbes,  et  les  brûla  avec  toute  la  Maison  Royale  ;  après 
quoi  elle  épousa  la  tille  ^ 

XLV 

l'origine  du  feu 

D'après  une  légende  recueillie  à  Nouka-Hiva,  «  Mahoike  (tremble- 
ment de  terre),  chargé  de  garder  le  feu  en  enfer,  s'acquittait  de  cette 
tâche  en  conscience.  Mauï,  à  qui  on  avait  vanté  l'utilité  du  feu, 
descendit  en  enfer  pour  en  dérober.  Mais,  ne  pouvant  tromper  la 
vigilance  du  gardien,  il  fit  appel  à  sa  générosité.  Mahoike  resta  sourd 
aux  prières  ;  Tautre  alors  le  provoquant,  un  combat  s'engagea  et 
Mauï  s'étant  rendu  maître  de  Mahoike,  lui  arracha  un  bras  et  une 
jambe.  Le  malheureux  mutilé  pour  sauver  les  membres  qui  lui 
restaient,  parut  consentir  enfin  à  donner  son  feu  et  voulut  en  frotter 
la  jambe  à  son  vainqueur  ;  heureusement  ce  dernier  devina  la  fraude. 
Le  feu  ainsi  porté  sur  la  terre  n'eût  pas  été  sacré.  Il  somma  vlonc 
Mahoike  de  procéder  autrement,  et  celui-ci  enfin  se  décida  k  en 
frotter  la  tête  de  Mauï  en  lui  disant:  Retourne  d'où  tu  viens  et 
touche  de  ton  front  tous  les  arbres  excepté  le  Keïka,  tous  te 
donneront  du  feu  »  '. 

René  Basset. 

i.  Dernier.  Des  Gentils  de  VHindouslan,  dans  ses  Voyages.  Amsterdam,  1711, 
2  V.  in-12,  t.  II,  p.  142-143. 
2.  Radjguet.  l>es  derniers  sauvages,  Paris,  s.  d.,  in- 12,  p.  230-231 . 


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REVUB  DES  TRADITIONS  POPULAIRES 


419 


LES  VEILLERYS  AR6ENTEN0IS 


ONsiEUR  de  la  Sicotière,  notre  regretté  collègue, 
a,  dans  sa  bibliographie  des  Traditions  popu- 
\  V^C^fiW  ^  laires  de  TOrne  parue  dans  \s.  Revue  en  1892 
r  XJBv  V  (t. VII  p.  669  et 722),  parlé  de  cet  ouvrage  dont 
il  possédait  le  manuscrit  dans  sa  bibliothèque. 
Il  avait  pour  auteur  Chrétien  de  Joué-du-Plain, 
qui  de  1840  k  1845  en  avait  amassé  les  maté- 
riaux et  les  avait  préparés  pour  l'impression . 
M.  Eugène  Vimont  put  prendre  chez  M.  de  la 
Sicotière  copie  d'une  grande  partie  de  ce  travail,  et  fit  des  extraits 
du  reste  du  volume.  La  première  pièce  que  nous  donnons  est 
comf)lète,  à  Texception  de  quelques  paragraphes  qui  formaient  des 
hors  d'œuvre  ;  elle  donnera  une  idée  de  la  manière  dont  l'auteur 
arrangeait  les  légendes,  qu'il  avait  pourtant  recueillies  de  la  bou- 
che des  paysans.  Pour  les  autres,  nous  nous  contenterons  d*en 
extraire  ce  qui  est  véritablement  populaire. 


BASTIEN  ET  LES  FÉES 

Baslieo,  gros  réjoui  de  vingt  ans,  si  j'ai  bonne  mémoire,  revenait 
un  soir  de  courtiser  Rosalie,  il  était  un  peu  tard  car  minuit  appro- 
chait, mais  un  samedi  on  peut  passer  quelque  chose,  d'ailleurs  il 
avait  reçu  les  bonnes  paroles  et  gaiment  regagnait  son  village. 

Arrivé  dans  le  sentier  de  Montmilcent-sur-Tournay,  il  se  mit  à 
chanter,  puis  à  sifller,  puis  à  chanter  encore,  un  son  léger  frappa 
son  oreille,  il  s'arrêta:  c'est  une  musique,  se  dit-ril,  qui  pénètre  le 
cœur,  il  s'avance  et  l'harmonie  se  fait  encore  mieux  entendre, 
ayant  passé  un  escalier  de  pierre  qui  protégeait,  avec  un  fossé 
garni  d'une  haie  épaisse,  la  pièce  d'où  il  sortait  pour  entrer  dans 
l'herbage  de  Montmilcent,  il  aperçut,  au  clair  de  la  lune,  près 
d'énormes  fragments  de  rochers,  gisant  au  pied  d'un  massif  de 
chênes  séculaires,  des  femmes  qui  lui  parurent  jeunes  et  belles  ; 
toutes  portaient  des  robes  blanches,  longues,  flottantes  et  seulement 
fixées  sur  la  taille  par  une  ceinture  bleue,    leurs  cheveux  épars 


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420  REVUE   DES   TRADITIONS   POPULAIRES 

descendaient  en  longues  boucles  sur  leurs  épaules,  une  couronne 
de  gui  ornait  leurs  têtes,  des  guirlandes  de  fleurs  se  dessinaient  en 
festons  sur  leurs  robes  et  chacune   d'elles  tenait  à  la  main  un 
rameau  de  verveine.  Bastien  pensa  d'abord  aux  dames  du  château 
voisin  qui,  dans  celte  belle  soirée,  auraient  pu  venir  en  ce  lieu  pour 
respirer  le  frais  et  se  récréer,  mais  l'heure  et  le  nombre  le  laissè- 
rent dans  le  doute  et  piquèrent  sa  curiosité  ;   il  s'avança  encore, 
admirant  leurs  danses  naYves,  leurs  pas  variés,  lents,  puis  animés, 
qu'elles  exécutaient  en  décrivant  un  cercle.  Quelle  musique,  quelle 
danse,  quels........  pensa-t-il  en  lui-môme  !  Si  Rosalie  était  là!  elle 

danse  bien  aussi  et  serait  des  plus  jolies.  Ayant  pu  examiner 
chacune  d*elle,  il  se  dit  encore  :  mais  en  voilà  une  qui  est  rousse, 

une  qui  est  bossue,  une il  allait  continuer  sa  critique,  mais  les 

fées,  (car  c'étaient  des  fées)  trouvaient  déjà  son  indiscrétion  inconve- 
nante ;  simples  femmes  ou  déesses  ne  pardonnent  pas  sur  ce  point  ; 
elles  résolurent  donc  de  se  venger. 

La  danse  continue,  s'approche  insensiblement,  et  notre  curieux 
se  trouvant  au  milieu,  dans  un  instant  fut  enlevé  au-dessus  des 
nuées  et  là  lancé  à  de  grandes  distances,  des  mains  d'une  fée  dans 
les  mains  d'une  autre;  tantôt  il  croyait  monter,  tantôt  il  croyait 
descendre  et  se  casser  le  cou,  puis  il  était  renvoyé  à  droite  puis  à 
gauche,  puis  d'un  côté  puis  d'un  autre,  au  milieu  des  éclats  de 
rire.  Le  jeu  continuait  depuis  longtemps  et  le  malheureux  hors  de 
lui,  comptait  sur  une  fin  tragique,  lorsqu'il  tomba  dans  les  mains 
d'une  fée  pour  lui  compatissante,  ayant  calmé  ses  sœurs,  elles  le 
mirent  à  la  place  où  elles  l'avaient  pris  en  lui  reprochant  tendrement 
son  imprudence.  Bastien  se  repentit  et  voyant  la  paix  faite,  il 
demanda  s'il  pouvait  connaître  le  nom  de  celle  à  qui  il  devait  la  vie. 

Je  me  nomme  Artémise,  dit  la  fée,  et  je  présidais  autrefois  aux 
eaux  d'une  fontaine  que  l'on  appelle  aujourd'hui  le  puits  d'enfer. 
L'antique  usage  s'étant  conservé  dans  votre  maison  de  mettre  une 
serviette  blanche  sur  une  petite  table  avec  un  couvert  pour  la  fée 
qui  doit  prendre  soin  du  nouveau-né,  c'est  moi,  qui,  dans  votre 
enfance,  calmais  vos  peines  par  de  douces  illusions  et  si  quelque 
génie  malfaisant  vous  arrachait  des  cris,  c'est  encore  moi  qui,  par 
mes  soins,  parvenais  à  détruire  le  charme.  Bastien  ayant  exprimé 
sa  reconnaissance  ajouta  :  ma  mère  m'a  souvent  raconté  les  histoires 
de  vos  sœurs  les  fées  qui  ont  coutume  d'apparaître  à  Rànes,  à 
Crevecœur,  à  Argentan,  à  la  Ferté-Fresnel  et  autres  lieux,  merci, 
n'ayant  rien  vu  de  pareil,  je  ne  savais  quelle  foi  je  devais  avoir  à 
ses  récils  ;  du  reste,  de  grâce  faites-moi  connaître  votre  demeure. 

Notre  patrie,  répondit  Artémise,   est  l'immensité,   nous  avons 


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hëVCé  des  traditions  populaires  421 

aussi  habité  la  terre  où  nous  nous  rendons  souvent  pour  visiter  des 
lieux  qui  nous  sont  encore  chers,  parfois  nous  nous  réunissons 
dans  des  sites  qui  nous  paraissent  agréables,  pour  y  célébrer  nos 
fêtes.  Notre  puissance  est  grande,  mais  nous  n'en  faisons  usage  que 
pour  le  bien.  Quelques-unes  de  nos  sœurs  sont  renommées  par  leur 
sévérité  qu'on  a  souvent  prise  pour  de  la  méchanceté  ou  des  caprices  ; 
la  fée  du  vieux  moulin  de  Joué-du-Plaîn  fait  tomber  à  Veau  le  mal 
poli  qui  ne  la  salue  pas  en  Tinvitant  de  passer  la  première  le 
ruisseau  où  se  réunissent  les  eaux  de  la  fontaine  voisine  dont  elle 
prenait  soin  :  celle  d'Argentan  fait  tomber  à  l'eau  les  laveuses  qui 
bavardent  ou  boivent  avec  excès  ;  celle  de  Rànes  corrige  les  impru- 
dents qui  ne  se  retirent  pas  lorsqu'ils  la  surprennent  faisant  sa 
toilette  ;  celle  de  Tanques  punit  les  fripons  ou  les  arrête  dans  leurs 
courses  nocturnes  ;  celle  de  la  Ferté-Fresnel  donne  aux  méchants 
des  illusions  qui  les  égarent  ;  et  mes  autres  sœurs,  ajoula-t-elle,  ont 
des  corrections  pour  toutes  les  circonstances,  nous  pensons  et  nous 
agissons  comme  à  Tépoque  où  nous  habitions  la  terre,  tout  est 
changé,  mais  ce  qui  était  juste  doit  toujours  l'être,  nous  suivrons 
dans  la  suite  des  siècles  les  préceptes  de  nos  druides  si  vaillants  et 
si  sages. 

Il  y  a  parmi  nous  des  fées  qui  sont  filles  du  ciel  et  d'autres  filles 
de  la  terre,  celles-ci  partagent  l'immortalité  avec  les  premières, 
mais  seulement  pour  quelques  milliers  de  siècles,  après  lesquels 
elles  reviennent  simples  mortelles  habiter  la  terre  pour  mériter  les 
mêmes  récompenses  ;  nous  sommes  si  nombreuses  que  pour  vous 
citer  tous  les  noms,  il  me  faudrait  plus  d'une  année,  nous  avons 
sous  notre  protection  les  forêts,  les  prairies,  les  fleurs,  les  rivières, 
les  ruisseaux  et  les  fontaines. 

Bastien  demanda  les  noms  de  quelques  fées  de  l'arrondissement 
d'Argentan  et  les  lieux  qu'elles  affectionnaient. 

Artémise  Marion  prend  soin  des  fontaines  de  notre  chef-lieu,  c'est 
elle  qu'on  entend  parfois  frapper  du  battoir,  lorsqu'elle  fait  sa  les- 
sive au  clair  de  lune  ;  Audoine  prend  soin  de  la  fontaine  du  bois  de 
Fil  sur  Rànes;  Plaisance  prend  soin  d'un  vallon  gracieux  où  l'on  voit 
ses  pas  sur  un  rocher  avec  ceux  d'enfants  qu'elle  y  amène  pour  jouer 
à  la  fossette  que  Ton  aperçoit  à  huit  ou  neuf  pieds  de  distance  :  le 
but  est  fixé  par  un  pas  d'àne,ce  rocher  qui  porte  le  nom  de  la  fée  est 
situé  près  du  village  de  la  Folletière  et  à  peu  de  distance  du  Montgad 
commune  de  Joué-du-Plain.  Sa  fontaine  favorite  se  trouve  au  midi 
et  porte  à  i'Udon  le  tribut  de  ses  eaux  ;  Gournoue  prend  soin  d'une 
fontaine  qui  porte  son  nom  dans  la  commune  de  Tanques  et  elle 
fréquente  dans  ses  promenades  les  bords  de  la  Cance.  Les  rivières 


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4ââ  RëVUË  DBS  TRADITIONS  POPULAIRES 

avaient  aussi  leurs  fées  protectrices.  Je  ne  vous  citerai  que  TOrne  qu 
prend  sa  source  à.  Aunou,  près  Séez,  la  Baise  dont  les  eaux  de  cer- 
taines fontaines  qui  s'y  trouvent  mêlées  et  qui  étaient  consacrées  à 
des  fées,  mes  sœurs^  passent  sous  terre  à  Saint-Christuphe-le-Jajolet 
avant  d'arriver  à  Téglise  et  reparaissent  à  Grogny  pour  se  réunir  de 
nouveau  à  la  Baise  qui  se  décharge  dans  l*Orne;  TAvre  qui  roule  des 
paillettes  de  couleur  d*or  ;  la  Guiel  qui  prend  naissance  dans  la 
fontaine  d*enfer  passe  sous  terre  au-dessous  de  la  commune 
d'Heugon  au  hameau  des  fuyards  pour  reparaître  volumineuse  dans 
la  commune  de  Ternant,  continuer  sa  route  et  se  Joindre  à.  la 
Carentonne  ;  Tlton  qui  passe  sous  terre  tout-à-coup  vis-à-vis  Téglise 
de  Villatet  pour  sortir  et  donner  à  une  lieue  plus  loin  naissance  à 
plusieurs  fontaines  dont  la  plus  renommée  se  nomme  fontaine  aux 
Dames  ;  la  Dives  qui  partage  ses  eaux  au-dessous  de  Chambois  ;  un 
des  courants  conserve  son  nom,  Tautre  porte  le  nom  de  Vie. 

Le  son  que  vous  entendez  en  plaçant  l'oreille  contre  terre  dans 
les  lieux  oQ  ses  eaux  disparaissent  est  produit  pas  les  paroles  de 
nos  sœurs,  qui  habitent  des  palais  pratiqués  dans  les  bords  de  ces 
conduits  souterrains  et  garnis  de  vitraux  qui  reflètent  mille 
couleurs. 

Je  ne  peux,  répéta  Arlémise,  vous  citer  tous  les  autres  lieux  où 
présidaient  mes  sœurs,  je  ne  ferai  que  vous  indiquer  la  fontaine  du 
Bourget,  à  Avesnes,  de  Gourgon,  de  Thion  à  Sévigny,  de  Saint-Jean 
à  Francheville,  du  Trépied  à  Neuvy,  de  Saint-Martin  à  Rosnay,  de 
Renette  à  Moulins,  d'Ozon  au  Sap,  de  Sainl-EvrouU  dans  la  commune 
de  ce  nom.  Les  rochers,  les  bois,  les  prairies  et  les  campagnes  que 
protégeaient  nos  sœurs  sont  aussi  très  nombreux  et  tous  ces  lieux 
sont  remarquables  par  leur  fertilité  ou  leur  agréable  situation. 


LA  DEMOISELLE  ET  LE  MONSIEUR  HABILLÉ  DE  ROUGE 

Une  jeune  fille  de  Nouant  se  lamentait  sur  le  bord  d'un  chemin. 
Un  homme  habillé  de  velours  rouge  vint  à  passer  et  offrit  à  la  jeune 
fille  de  la  prendre  à  son  service.  Il  la  fît  monter  sur  son  cheval  noir 
et  elle  pénétra  dans  un  palais  éclairé  par  une  lumière  obscure.  Elle 
devait  rester  là  et  faire  bouillir  une  chaudière  qu'elle  ne  devait 
jamais  ouvrir.  Trois  ans  se  passèrent.  Un  jour  entendant  des  cris, 
elle  ouvrit  et  vit  sa  mère  qui  brûlait  et  qui  lui  dit  qu'elle  brûlait 
pour  n'avoir  pas  corrigé  assez  tôt  sa  fille.  L'homme  rouge  chassa  la 
fille  qui  revint  trouver  son  père.  Elle  pria  pour  sa  mère  qui  fut  sau- 
vée et  qu'elle  alla  rejoindre. 


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RfiVOB  DES   THADITIONS    POPULAIRES  4^3 

LA  DEMOISELLE  DE  VRIGNY  ET  LE  VOITURIER 

On  voyait  autrefois  pendant  les  nuits  dans  un  vieux  chemin  qui 
conduit  de  Flemé  à  Vrigny  une  demoiselle  se  promener  au  clair  de 
la  lune.  Un  jeune  charretier,  Tayant  un  soir  rencontrée,  fut  saisi 
par  elle,  et  forcé  de  faire  cinq  ou  six  culbutes.  Elle  s'éloigna  en- 
suite et  le  jeune  homme  vit  encore  un  instant  sa  robe  flotter  dans 
Tobscurité,  puis  disparaître. 

Dans  le  buisson  du  bon  Dieu,  môme  commune,  près  le  grand  che- 
min d'Ecouché  à  Sées,  une  lumière  luit  à  certaines  heures  de  la  nuit. 
Tout  près  de  là,  on  voit  encore,  vers  la  croix  du  tronc,  un  être  de 
forme  humaine,  compter,  vers  minuit,  à  la  lumière  d'une  chandelle 
sur  une  petite  table,  des  louis  d'or  en  grande  quantité.  Il  en  a  offert 
à  des  voyageurs  qui  n*ont  pas  voulu  les  accepter. 

Il  y  a  d'autres  lieux  hantés  :  le  Pommier  au  Chat^  à  Vrigny  ;  le 
Champ  au  Diable,  sur  Argentan  ;  le  réage  d'Enfer,  sur  Sentilly  ; 
l'acre  au  Garon,  sur  Montabard  et  le  Champ  Godain  sur  Croisilles. 


LE  RESTE  AU  DIABLE 

Un  homme  d'auprès  Ecouché  jurait  toujours,  il  se  plaisait  à  dire 
des  litanies  de  jurons.  Un  jour,  il  termina  en  souhaitant  «  que  le 
diable  l'exterminât.  »  Aussitôt  il  s'éleva  une  grande  tempête,  et  au 
milieu  d'un  bruit  terrifiant  il  fut  saisi  par  une  main  invisible  et  jeté 
avec  tant  de  force  dans  un  buisson  d*épines  qu'on  le  crut  tué.  Il 
n'avait  cependant  que  quelques  côtes  brisées,  les  bras  et  une  jambe. 
On  fut  obligé  de  couper  le  buisson  pour  le  retirer  et  comme  il  porte 
encore  les  traces  des  déchirures  d'épines  l'on  ne  le  connaît  que 
sous  le  surnom  de  «  Reste  au  Diable.  »  Cela  l'a  corrigé. 


LE  BLATIER,  l'arracheur  DE  DEVISE,  LE  VALET  DE  MEUNIER  ET  LA  BIÈRE 

Il  faut  que  chacun  vive  de  son  métier.  Les  boulangers  vendent  à 
faux  poids,  les  aubergistes  ne  donnent  pas  la  mesure  et  falsifient 
leurs  boissons.  Ceux  qui  transportaient  les  bornes  des  propriétés 
étaient  punis  du  fouet  et  bannis.  Le  possesseur  du  Champ  de  la 
Devise  ayant  arraché  des  devises  pour  les  replacer  plus  loin  a  été 
condamné,  après  sa  mort,  à  les  poser  aux  places  qu'elles  occupaient. 
Souvent  on  l'entend  de  nuit,  s'écrier  d'une  voix  lamentable  :  «  Où  la 
remettrai-je  ?»  La  nuit  entière  il  cherche  sa  place  inutilement.  Sans 
cesse,  il  pose  la  devise  en  disant  :  «  Est-ce  là?  »  mais  jamais  il  n'ar- 


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i2i  AËVÛË  des  tftAt)tTIONS   POPCLAIBËS 

rive  juste.  Il  s*avance,  recale,  et  toujours  pose  la  devise  en  disant  : 
«  Est-ce  là?  »  Puis  le  jour  arrive  et  le  malheureux  damné  recom- 
mence. 

•  Un  soir  un  garçon  meunier  revenant  au  moulin  aperçut  dans  sa 
route  une  bière  avec  quatre  cierges  allumés.  Il  donna  à  la  bière  Veau 
bénite  avec  un  calme  parfait  et  la  replaça  après  avoir  passé  ;  elle 
renfermait  le  corps  d'un  valet  de  meunier  autrefois  voleur  et  qui 
avait  été  damné. 

LE  FRANC-MAÇON 

Un  homme  s'était  fait  recevoir  franc-maçon  en  signant  un  pacte 

avec  lediable.  11  s'enrichissait  de  jour  en  jour  et  assistait  aux  réunions 

où  le  treizième  couvert  était  pour  le  diable.  Avant  de  mourir  cet 

homme  vit  chez  lui  des  choses  étranges  et  le  diable  s'empara  de  lui 

aussitôt  après  son  trépas. 

Eugène  Vimont. 


/ 


COMMENT  ON  SOUHAITE  LA  FÊTE 


I 

dans  le  LUXEMBOURG  BELGE 

^^^^  Haut- Pays  (Luxembourg),  la  veille  de  la  fête  d'un  habitant 
^^■y  du  village,  les  amis  préparaient,  à  son  insu,  ua  bouquet, 
Uyi^  composé  le  plus  souvent  d'une  branche  d'aubépine  ou  de 
sapin  sur  laquelle  se  trouvaient  suspendus  des  biscuits, 
des  caramels,  des  macarons  et  quelquefois  un  mouchoir. 
Ce  bouquet  émergeait  d'une  pomme  dans  laquelle  il  était  enfoncé 
ou  d'un  paquet  de  tabac.  La  fête  s'annonçait  par  une  salve  tirée  par 
les  voisins,  puis  on  allait  ensuite  frapper  à  la  porte  du  héros  de  la 
fête.  Celui-ci  ouvrait  aussitôt;  on  lui  débitait  alors  ce  petit  boni- 
ment, en  lui  offrant  le  bouquet  : 

Je  viens,  ici,  ce  soir,  avec  un  bouquet  à  la  main 
Pour  vous  aoDOUcer  la  fête  de  demain  ; 

Mais  s*il  y  manque  une  fleur. 

Mettez-y  celle  de  votre  cœur. 

[Reoj^lli  à  Haut'Foys).  Alfred  Harou. 


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REVUE   DES  TRADITtONS    POPULAIRES  42o 


LÉGENDES  CONTEMPORAINES^ 


II 

LE  MARABOUT  QUI  ARRÊTE  LE  TRAIN 

oici  une  légende  qui  ressemble 
beaucoup  à  celle  insérée  dans  le 
numéro  6  de  la  Bévue  des  traditions 
populaires. 

Malgré   ses  nombreux  points  de 
ressemblance  avec  la  légende  de  Si 
Mohammed-ben-bel-Kassem,    nous 
n'hésitons  pas  à  la  donner,  pour 
bien  démontrer  que  Tidée  d'obs- 
truction au  progrès  fait  son  chemin 
auprès  des  Arabes  et  que  d'ici  à  peu  de  temps  il  ne  se  trouvera  plus 
un  seul  disciple  de  Tordre  de  Sidi-Abderahmane-bou-Kobrine  qui  ne 
revendique  son  petit  miracle. 

Près  de  la  gare  du  Nador  ',  station  située  sur  la  ligne  ferrée  de 
Bône  à  Guelma,  à  vingt  kilomètres  est  de  cette  dernière  localité,  la 
voie  traverse  la  tribu  des  Nbaïls  qui  comporte  4031  indigènes,  une 
superBcie  de  i4720  hectares  et  est  dirigée  par  le  cheikh  (adjoint 
indigène)  El  Arbi  ben  Mekki  ^. 

Dans  cette  tribu  existe  le  nommé  Sidi-Amara-ben-bou-Diar^  Mara- 
bout vénéré,  Khouan  de  Tordre  religieux  des  Bah  mania. 

Ce  religieux  prétend  qu'un  certain  jour  se  trouvant  dans  le  train 
avec  une  dizaine  de  ses  coreligionnaires,  il  voulut,  vers  quatre  heu- 
res deTaprès-midi,  faire  arrêter  le  train  afin  de  dire  la  prière  de  Tacer 
au  milieu  de  ses  Khouans  (frères),  mais  le  chef  du  train  n'ayant  pas 
voulu  Técouter,  il  n'eut  qu'à  étendre  la  main  pour  que  la  machine 
s'arrêtât  immédiatement  comme  par  enchantement. 

Les  admirateurs  du  marabout  ajoutent  que  tant  que  la  prière  ne 
fut  pas  terminée,  le  mécanicien  s'épuisa  en  vains  eÏÏbrts  pour 
mettre  en  marche  sa  machine  et  qu'il  n'y  réussit  qu'autant  queSidi- 

i.  Cf.  t.  XI,  p.  316. 

2.  Ne  pas  confondre  avec  la  montagne  Nador  près  de  Médéa. 

3.  Ck)mmune  mixte  de  la  Sé6a  département  de  Constantine. 


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426  REVUE    DES   TRADITIONS   POPULAIRES 

Amara-ben-bou-Diar  et  ses  coreligionnaires  eussent  terminé  leurs 
dévotions. 

Comme  on  le  voit,  la  version  de'Sidi-Âmara-ben-bou-Diar  ne  diffère 
de  celle  de  si  Mohammed-ben-bel-Kassem  que  par  le  remplacement 
du  pied  par  la  main. 

Les  musulmans  de  la  région  de  Guelma  ne  disent  pas  encore  si 
Sidi-Amara-ben-bou-Diar  a  le  geste  onctueux  des  patriarches,  ils  se 
contentent  de  dire  qu'il  approche  de  Dieu  (qu'il  soit  exalté)  et  qu'il 
est  un  des  plus  puissants  marabouts  de  la  région. 


III 

LE  MARABOUT  ENLEVÉ  AU  CIEL 

A  treize  kilomètres  au  nord  de  Sedraia,  dans  le  douar  Méida  de 
cette  commune,  se  trouvent  les  ruines  romaines  appelées  par  les 
indigènes  Henchir-Sidi-Yahia-ben-Affif. 

Ces  ruines  sont  situées  sur  un  piton  élevé  distant  de  la  route  de 
Guelma  d'environ  sept  cents  mètres  à  louest  de  la  maison  canton- 
nière  et  près  de  la  limite  des  communes  mixtes  de  Sedrata  et  Ouad- 
cherf. 

Au  milieu  de  ces  ruines  qui  ont  une  superficie  approximative  de 
un  hectare  et  demi  se  trouve  une  construction  sous  terre  ayant  neuf 
compartiments  de  six  mètres  de  long  sur  un  mètre  quatre -vingt 
centimètres  de  large,  un  mètre  soixante-dix  centimètres  de  haut  et 
recouverts  de  grosses  dalles  en  pierre  dont  deux  sont  percées  de 
trous  circulaires  pouvant  donner  passage  à  un  homme. 

Les  compartiments  communiquent  entre  eux  par  une  ouverture 
demi-circulaire  située  à  la  base  de  chaque  muraille  séparative. 

Les  indigènes  racontent  qu'un  certain  marabout  nommé,  Sidi- 
Yahia-ben-Aflif,  très  vénéré,  s'étant  aventuré  dans  les  compartiments 
précités  s'avança  très  loin  sous  le  sol  et  ne  pouvant  parvenir  à 
retrouver  son  chemin  y  mourut. 

Toutes  les  recherches  faites  en  vue  de  découvrir  son  cadavre 
demeurèrent  vaines,  Dieu  l'avait  enlevé  au  ciel  ! 

Depuis  cette  époque  les  ruines  de  Sidi-Yahia-ben-AlTif  sont  l'objet 
d*une  grande  vénération  de  la  part  des  indigènes. 

Ceux  de  la  fraction  Oulad  Si  Affif  *  de  la  commune  mixte  de  TOuad- 

1.  DesceDdants  de  Sidi-Ydhia-beo-Affîr. 


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REVUE  DBS  TRADITIONS  POPULAIRES  427 

cherf  et  ceux  de  la  commuDe  mixte  de  Sedrata  s'y  rendent  chaque 
année  en  pèlerinage. 

Ils  y  font  un  repas  religieux  composé  de  couscouss  et  de  poulets 
bouillis,  allument  quelques  petites  bougies  en  cire  rouge^  verte  et 
jaune  au  pied  de  Tunique  arbre  qui  se  trouve  sur  les  ruines  et  accro- 
chent aux  branches  de  cet  arbre  un  petit  morceau  de  leur  gandoura 
(chemise)  ou  de  leur  haïck  (pièce  d'étoife  qui  se  place  sur  la  tète). 

Puis  ils  redescendent  du  piton  après  avoir  récité  la  prière  finale 
conformément  aux  prescriptions  du  Ktab  Allah  (le  livre  de  Dieu  :  le 
Coran). 


IV 

AIN-KHAMISSA 

A  quatorze  kilomètres  Nord-Est  de  Sedrata,  existent  les  ruines 
de  la  ville  romaine  de  Thubursicum  Numidarum,  que  les  Arabes 
appellent  Khamissa. 

Ces  ruines  sont  assez  importantes  et  comportent  entr'autres 
vestiges,  lés  restes  de  Thermes  près  desquels  coule  une  source 
donnant  un  assez  fort  débit. 

Les  indigènes  prétendent  que  Teau  de  cette  source  charrie  du 
sang,  des  entrailles,  de  la  graisse  provenant  des  cadavres  romains 
dont  les  tombes  se  dressent,  encore  debout,  dans  la  nécropole  située 
au-dessus  et  à  quelque  distance. 

Depuis  que  cette  légende  a  été  lancée^  les  Arabes  du  pays  se 
gardent  bien  d'employer  Teau  de  TAïn-Khamissa.  Ils  ne  s*en  servent 
même  pas  pour  leurs  ablutions,  malgré  cependant  qu'ils  ne  soient 
pas  très  exigeants  sous  ce  rapport. 


SIDI-BEL6H1T 

Ce  nom  est  celui  d'un  saint  homme,  très  vénéré,  qui  est  enterré 
dans  une  mosquée  dont  il  était  le  desservant  et  qui  est  située  à 
environ  deux  kilomètres  nord-est  de  Sedrata.  D'après  les  indigènes, 
ce  marabout  vivait  à  Tépoque  ou  le  bey  Salah  régnait  à  Constan- 
tine*. 

1 .  Salab,  soldat  turc,  fut  d'abord  caïd  des  Haracta,  puis  Kalifat  et  enfla  Bey  en 
1171  de  notre  ère. 


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428  REVCB   DES  TRADITIONS  POPULAIRES 

Le  tombeau  de  Sidi-fielghit  est  un  but  de  pèlerinage  pour  les 
Arabes  du  pays  ;  en  outre  lorsqu'ils  ont  entr*eux  une  discussion 
d'intérêt  quelconque,  ils  en  appellent  au  m&nes  de  Sidi-Belghit.  Si  un 
fuit  est  contesté  par  une  des  deux  parties,  celle-ci  défère  à  l'autre  le 
serment,  sur  la  tombe  vénérée  du  marabout  ;  dès  que  l'adversaire 
a  juré  dans  la  forme  voulue,  le  différend  est  aplani. 

Le  plus  souvent,  un  arrangement  intervient  avant  que  la  forma- 
lité du  serment  soit  remplie,  car  les  indigènes  craignent  en  mentant 
(cela  leur  arrive  fort  souvent)  d'irriter  Sidi-Belghit  qui  leur  ferait 
payer  cher,  par  une  infortune  survenant  dans  Tannée,  leur  faux 
serment. 

Les  Arabes  attribuent  à  Sidi-Belghit  une  masse  de  choses  surnatu- 
relles, mais  nou3  ne  mentionnerons  que  les  plus  répandues  : 

1.  Un  certain  marabout  appelé  Sidî-Mabrouk  dont  la  djemaa 
(mosquée)  se  trouve  à  environ  cinq  kilomètres  de  celle  de  Sidi- 
Belghit  vivait  en  mauvaise  intelligence  avec  ce  dernier. 

Un  jour,  Sidi-Mebrouk  eut  l'audace  de  tirer  un  coup  de  canon  sur 
la  mosquée  de  Sidi-Belghit  qui  brisa  un  magnifique  figuier  situé 
près  de  ladite  mosquée. 

Sidi-Belghit  pris  de  colère,  chargea  aussitôt  un  canon  qu'il  possé- 
dait et  tira  sur  la  mosquée  de  son  adversaire.  D'après  la  tradition, 
ce  coup  de  canon  fut  si  violent,  eut  des  effets  si  terribles,  qu'il  suffit 
pour  démolir  complètement  l'importante  habitation  de  Sidi-Mabrouk. 

Ce  dernier  essaya  bien  souvent  de  reconstruire  sa  djemaa,  mais 
il  ne  put  y  parvenir.  La  simple  volonté  de  Sidi-Belghit  empêchait 
les  murs  de  s'élever  au-dessus  du  sol  *. 

2.  Le  bey  Salah  ayant  entendu  vanter  le  pouvoir  et  Ja  piété  de 
sidi  Belghit,  résolut  de  s'en  rendre  compte  par  lui-môme.  11  se  ren- 
dit auprès  du  célèbre  marabout  et  lui  demanda  de  prouver  sa 
puissance. 

Sidi-Belghit  fit  alors  tuer  une  vache  et  l'ayant  découpée  en  mor- 
ceaux, il  pria  le  bey  d'inscrire  sur  chaque  morceau  le  nom  des 
divers  marabouts  des  environs  ;  le  bey  fit  comme  il  le  désirait  ;  tous 
les  morceaux  furent  alors  placés  dans  une  grande  marmite  pleine 
d'eau  sous  laquelle  un  bon  feu  fut  allumé.  Au  bout  d'un  certain 
temps,  la  viande  de  tous  les  morceaux  était  cuite,  sauf  celle  du 

1.  Le  marabout  Sidi  Abderahmane  ben  el  Hafsi  ût  dernièretuent  reconstruire 
une  Roubba  (chapelle)  sur  remplacement  de  rancienne  mosquée  de  Sidi- 
Mebroulc.  Le  charme  de  Sidi-Belghit  est  donc  rompu. 


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REVUE  DES  TRADITIONS   POPULAIRES  l29 

morceau  portant  le  nom  de  Sidi-Belghît  qui  était  au  contraire,  toute 
saignante. 

Devant  cette  manifestation  de  la  puissance  de  Sidi-Belghit  le  bey 
Salah  fut  convainx;u  et  le  tint  alors  en  grande  estime. 

3.  Le  même  bey  Salah  se  trouvant  à  la  tête  d'une  troupe  de  pèle- 
rins se  rendant  à  la  Mecque,  rencontra  sur  sa  roule  un  fort  cours 
d'eau  qui  empêchait  sa  troupe  de  passer.  Sidi-Belghit,  qui  était 
parmi  les  pèlerins,  fut  appelé  et  le  bey  Salah  qui  avait  grande  con- 
fiance en  sa  sagesse  lui  demanda  conseil. 

Sidi  Belghit  lui  répondit  :  «  Rebbi  houa  moalana  »  Dieu  est  notre 
maître,  et  étendant  son  bâton  de  voyage  sur  les  flots,  ceux-ci  se 
divisèrent  et  laissèrent  passer  les  pèlerins  * . 

Salah-bey  pour  marquer  sa  reconnaissance  envers  Sidi-Belghit, 
lui  fit  construire  à  son  retour  de  la  Mecque  la  djemaa  qui  existe 
encore  et  qui  est  actuellement  administrée  par  Si  Bouziane  ben 
Tahar  descendant  direct  (6*  génération)  de  Sidi-Belghit. 

Achille  Robert. 


LES  HEROS  POPULAIRES 


BARBE  BLEUE 

En  Remouillé  (Loire-Inférieure)  se  trouve  une  sorte  de  camp  dont 
il  est  malaisé  de  déterminer  l'âge  ;  on  lui  donne  dans  le  pays  le  nom 
de  Camp  de  Barbe-Bleue...  Dans  le  comté  nantais  la  renommée  de 
César  est  souvent  contrebalancée  par  celle  de  Gille  de  Retz,  autre- 
ment dit  Barbe-Bleue  ;  tous  les  châteaux  sans  propriétaire  avéré  lui 
appartenaient  suivant  la  croyance  populaire,  toutes  les  fois  que  cet 
ogre  apparaît  quelque  part,  on  peut  être  sûr  qu^il  s'agit  de  vesti- 
ges anciens.  (Léon  Maître,  dans  Revue  de  Bretagne  et  de  Vendée, 
XVL33).  F,  S. 

I.  Légende  copiée  sur  celle  de  Moïse. 


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430  REVUE   DES   TBADITIONS  POPULAIRES 


LES  VILLES  ENGLOUTIES  * 


CXCIV 

LE  LAC  NOIR  A  SCHOKKEN 

(Posnanie) 

ON  loin  de  la  petite  ville  de  Schokken,  il  y 

a  un  petit  lac  circulaire,  d'une  profoo- 

deur  démesurée  :  son  eau  a  un  aspect 

noir  ;  de  là  lui  vient  son  nom.  Autrefois 

s'élevait  là  une  ville  dont  les  habitants  se 

distinguaient  par  leur  zèle  et  leur  activité 

et  étaient  arrivés  à  un  grand  bien-être  : 

mais    leur    impiété    s'accrut   en    même 

temps  ;  ils  menèrent  une  vie  dissolue  et 

raillèrent  les   choses  saintes.    Toute  la 

ville  fut  engloutie  et  il  n'en  reste  plus  de  traces.  Mais  lorsqu'un 

voyageur,  en  été,  longe  le  lac  de  bon  matin,  avant  que  le  soleil  se 

lève,  il  peut  encore  entendre  souvent  le  son  mystérieux  des  cloches 

de  la  ville  engloutie  ^. 


CXCV 

DESTRUCTION  DE  FETL-HUKU 

{Nouka-Hiva) 

Dans  les  temps  reculés,  le  rocher  de  Fetu-Huku  était  un  vaste 
plateau,  porté  comme  un  champignon  sur  un  pied  étroit.  Ses  habi- 
tants, malgré  les  menaces  réitérées  de  Tiki,  s'adonnaient  aux  plus 
extravagantes  débauches.  Le  Dieu,  enfin,  las  de  ces  débordements, 
prit  l'île  par  la  base  et  l'engloutit  dans  les  flots.  Depuis  cette  époque, 
il  n'en  reste  plus  qu'un  îlot  aride,  environné  de  poissons  maudits  et 

1.  Suite,  voir  t.  XI,  p.  379. 

2.  Rnoop,  Sagen  una  Erzùhlungen  ans  der  Provinz  Posen,  Poseo,  1893,  in  8,  p.  4'i. 


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REVUE    DES  TRADITIONS   POPULAIRES  131 

I 

hantés  par  les  oiseaux  noirs  de  la  mer  qui  sont  les  &més  de  ses 
anciens  habitants  ^ 


CXCVl 

l'étang  d*ascuenforth 

(Posnanie) 

A  Aschenforlh,  dans  le  cercle  de  Kolmar,  vivait,  il  y  a  de 
nombreuses  années,  un  homme  très  riche.  Un  jour  toute  sa  récolte 
fut  abîmée  ;  il  en  fut  si  attristé  qu'il  commençaà  injurier  Dieu.  Pour 
sa  punition,  le  Seigneur  le  fit  disparaître  avec  toutes  ses  constructions 
à  la  place  desquels  il  existe  un  étang  sans  fond  '. 


CXCVII 

le  CHATEAU  PRÈS  DE  LOSSLN 

[Poméranie] 

Près  de  Lossin,  sur  la  Stolpe,  un  pont  est  dominé  sur  la  rive 
droite  de  cette  rivière,  par  une  haute  montagne  sur  laquelle 
s'élevait  autrefois  un  ch&teau.  Les  crimes  de  ses  habitants  furent 
tels  qu'il  fut  abtmé  dans  la  Stolpe  avec  tout  ce  qu'il  renfermait.  Un 
jour  on  aperçut  au  fond  de  l'eau  la  porte  en  treillis  de  fer  qui 
conduisait  au  château  :  un  flotteur  parvint  à  l'amener  à  la  surface, 
mais  tandis  qu'il  appelait  ses  compagnons  à  son  aide,  la  porte 
disparut  tout  à  coup  '. 


CXCVIII 

LE  MARAIS  DE  BOFFERDANG  PRÈS  d'oBERKERSCUEN 

[Luxembourg] 

Sur  le  territoire  d'Oberkerschen,  à  environ  300  mètres  de  la  pointe 
orientale  de  la  forêt  communale,  existe  un  marais,  dont  la  surface 

i.  Badiguet.  Les  derniers  sauvages.  Paris,  s.  d.,  in-12,  p.  231. 

2.  Knoop.  Sagen  und  Erzâhlungen,  p.  43-44. 

3.  Knoop.  Volkssagen,  Erzilhlungen,  Aherglauben^  Gebrâuche  und  Mârchen  aus 
dem  Ôsllicnen  Hinierpommern,  Posen,  1885,  in-8,  p.  51. 


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432  REVUE  DK8  TRADITIONS  POPULAIRES 

occupe  de  deux  à  trois  arpents  et  forme  un  triaogle  alloogé.  Pen- 
dant la  saison  humide,  il  est  entouré  d'eau  et  il  en  sort  de  grands 
roseaux.  Pendant  la  saison  sèche,  on  peut  s'y  aventurer  sans 
danger;  il  faut  seulement  prendre  garde  k  Tendroit  où  doit  se 
trouver  le  puits  profond  du  château  englouti.  La  surface  du  marais 
est  couverte  d'une  mousse  qui  a  poussé  si  dru  qu'on  ne  pourrait  pas 
facilement  s'enfoncer  dans  la  vase  qui  se  trouve  au-dessous.  L'eau 
s'écoule  des  deux  côtés. 

11  y  a  bien  des  années,  s'élevait  là  un  château  dont  les  maîtres 
étaient  renommés  dans  le  pays  pour  leur  avarice  et  leur  dureté 
envers  les  pauvres.  Ils  lâchaient  leurs  chiens  contre  les  mendiants 
qui  venaient  implorer  une  aumône,  en  sorte  qu'aucun  malheureux 
n'osait  y  solliciter  la  charité. 

Un  jour  un  vieillard  vénérable  arriva  dans  la  cour  du  château  : 
mourant  de  faim  et  appuyé  sur  son  bâton,  il  demanda  une  aumôae  : 
mais  le  seigneur  fit  lâcher  les  chiens  contre  lui.  Une  servante, 
émue  à  ce  cruel  spectacle,  rappela  les  chiens,  courut  dans  sa 
chambre  et  apporta  au  mendiant  une  partie  de  ses  économies. 
Quand  il  eut  reconnu  qu'elle  avait  un  cœur  compatissant,  il  la  pria 
avec  insistance  de  quitter  immédiatement  le  château  et  de  le  suivre 
rapidement.  En  même  temps,  il  lui  ordonna  de  ne  pas  regarder 
derrière  elle  jusqu'à  ce  qu'il  fit  halte.  Après  avoir  marché  on  peu,  le 
vieillant  s'arréla  près  de  deux  grands  poiriers.  La  jeune  611e 
regania  autour  d'elle,  mais  rien  n  apparaissait  plus  do  magnifique 
château  qu'elle  venait  de  quitter  :  il  était  englouti  :  seule,  la  chemi- 
née émergeait  de  Teau  profonde.  Un  superbe  berceau  en  or  où  se 
trouvait  un  petit  enfant  surnagea  quelque  temps  sur  Teao  —  quelques 
uns  disent  huit  jours  —  et  fut  englouti  à  Tendroît  où  se  trouvait  le 
puits  du  château.  Lorsque  la  jeune  fille  se  tourna  vers  son  compa- 
gnon, il  avait  disparu.  Elle  seule  avait  été  sauvée,  tandis  que  tous  les 
autres  habitants  du  château  avaient  été  misérablement  engioutis. 
On  prétend  qull  y  a  cent  vingt  ans  environ,  les  mines  étaient 
enc\>re  visibles  :  le  château  se  serait  abimé  d'un  bloc  et  se  serait 
conservé  au  milieu  du  marais. 

Diaprés  d^autres  traditions,  un  valet  et  une  servante  offrirent  leur 
pn^pre  déjeuner  au  vieillard  chassé  par  leur  maître.  Pour  ne  pas 
laisser  leur  charité  sans  récompense,  il  ordonna  au  valet  de  prendre 
le  meilleur  chevaK  à  la  servante,  la  meilleure  vache  de  Télahle  et  de 
le  suivre.  Quand  il>  furent  éloignés  du  château  de  quelques  mètres, 
ils  regant^reot  derrière  eux  et  ne  virent  plus  que  les  Ianus  qai 
sVu^ioutissaieut  dans  le  sol.  Le  coq  sVnvola  sur  le  denier  pîgnon, 
|Kms8a  euo\)re  un  cri  et  disparut.  Au^jourd^liiii  tes  eubals 


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REVUfi    DES  THADITIONS    POPULAIRES  433 

diverses  places  où  auraient  dû  se  trouver  les  puits.  —  Seul  un 
enfant,  à  ce  qu'on  prétend,  aurait  été  sauvé  dans  un  berceau  d'or  et 
ses  descendants  doivent  de  nouveau  bâtir  un  château  et  être 
puissants  ^ 


CXCIX 

LE  CUATEAU  DE  KLEHNITZ 

[Poméranie] 

On  raconte  à  Jershôft  qu*il  existait  jadis  sur  le  rivage  de  la 
Baltique  un  château  du  nom  de  Klemnitz  0(1  vivait  un  chevalier  qui 
exerçait  le  brigandage.  Plus  tard,  il  fut  détruit  par  les  vagues  et 
quand  le  temps  est  clair,  on  voit  encore  les  pierres  au  fond  de  la 
mer^ 


ce 

LE  CHATEAU  DE   LEUDBLIN6EN 

{Luxembourg) 

Sur  le  territoire  de  Leudelingen,  âTendroit  appelé  Heisenkopp,  à 
dix  minutes  environ  de  Kockelscheuer,  existe  un  marais  ou  poussent 
des  touffes  d'herbe  ;  à  cette  place  s'élevait  autrefois  un  château  dont 
les  maîtres  étaient  des  gens  avares  et  durs.  Quand  des  pauvres 
venaient  demander  une  aumône,  on  lâchait  sur  eux  une  paire  de 
gros  chiens.  Un  jour  quelques  mendiants  vinrent  implorer  la  charité. 
Le  maître  du  château  ordonna  k  ses  serviteurs  de  lancer  les  chiens 
sur  cette  racaille.  Les  pauvres  gens  s'éloignèrent  sur  pette  menace, 
mais  lorsqu'en  route,  ils  regardèrent  derrière  eux,  il  leur  sembla 
que  le  château  était  enfoncé  plus  profondément  qu'auparavant.  Il 
s'enfonça  de  plus  en  plus,  jusqu'à  ce  qu'il  ne  resta  plus  de  visible 
que  les  tuyaux  de  cheminée  et  les  tourelles.  Les  mendiants  vinrent 
à  Leudelingen  et  racontèrent  ce  qu'ils  avaient  vu.  Poussés  par  la 
curiosité,  les  gens  du  village  coururent  au  château  ;  il  était  déjà 
profondément  englouti  '. 

1.  Gredt.  Sagenschalz  des  Luxemburger  Landes^  Luxembourg,  1885,  in-8,  §21, 
p.  14-15. 

2.  Knoop.  Vokssagen,  Erzâhlungen.  p.  91-92. 

3.  Gredt.  Sagenschalz  des  Luxemburger  Landes  §  22,  p.  15-16. 

TOMB  XI.  —  AOUT- SEPTEMBRE  1896.  28 


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434  RBVUE   DBS   TRADinONS  POPULAIRES 

CCI 

LE  LAC  DE  DOBRITZ 

(Poméranie) 

Entre  Schivelbein  et  KClstzkow,  od  voit  à  gauche  du  chemin  le  lac 
de  Dôbritz.  D*après  une  vieille  légende  populaire,  il  aurait  existé  là 
une  ville  du  nom  de  Dôbritz  qui  aurait  été  engloutie  dans  Teau.  Le 
bailli  Christophe  de  Poienz.  mort  en  1497,  crut  entendre  un  jour  un 
son  de  cloches  sortir  du  lac  :  il  fit  construire  sur  une  colline 
voisine  une  chapelle  qui  fut  détruite  par  un  de  ses  successeurs, 
Georges  de  Drusewitz,  en  1540,  quand  la  Réforme  s'établit  dans 
le  pays'. 

CCII 

DESTRUCTION  DU  PAYS  d'ADULIS 

{Abyssinie) 

Autrefois  Adulis  était  une  grande  ville  :  Desset  et  Dikoa  étaient 
aussi  des  villes  ;  il  n'y  en  avait  pas  d*autres  dans  le  pays.  A  Adulis 
vivait  un  magicien  :  Moïse  (Mosa)  qu'on  appelait  le  prophète  Youla 
vint  le  trouver  sur  sa  flotte.  Il  lui  dit  :  Les  matelots  m*ont  maltraité. 
Alors  ce  magicien  fit  un  charme  et  la  flotte  fit  naufrage:  tous  les 
soldats  se  noyèrent  dans  la  mer.  Moïse  en  fut  très  affligé  :  comme  il 
était  triste,  les  anges  le  furent  aussi,  ainsi  que  Dieu.  C'est  pourquoi 
le  Seigneur  fit  engloutir  par  un  tremblement  do  terre  tout  le  pays 
depuis  la  vallée  d* Adulis  jusqu'à  Afta  et  Abboucale  ^ 

René  Basset. 


1.  Knoop.  VoLkssagen,  Erzâhlungen,  §  298,  p.  147. 

2.  Reinisch.  Die  Saho-Sprache,  Vienne,  1889,  2 


vol.  in-8,  t.  I,  p.  5-6. 


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REVUe  DES  TRADITIONS  POPULAIRES 


433 


CONTES  DE  LA  HAUTE-BRETAGNE 

Contes  comiques. 


LE  FILLEUL  DU  PILLOTOUS 

L  y  avait  une  fois  un  pillotous  ^  qui  vint  à  Sainl- 
Gouéno,  et  il  enlra  dans  une  maison  où,  suivant 
Tusage  du  pays,  les  bétes  et  les  gens  demeuraient 
dans  le  même  appartement.  Dans  un  coin,  il  y 
avait,  sauf  votre  respect,  un  petit  cochon. 

—  Bonjour,  mon  ûlleul,  dit  le  chiffonnier. 

^  C'est  votre  filleul  ?  répéta  la  bonne  femme. 


Oui, 


—  Par  ma  foi,  je  n'en  savais  ri^n, 

—  Je  viens  l'inviter  à  mes  noces. 

—  Ah  !  il  ne  sera  guère  propre  ;  attendez  un  peu,  je  vais  le  mettre 
beau. 

Elle  commença  à  le  nettoyer,  et  quand  elle  l'eut  arrangé,  elle  dit  : 

—  Comment  fera-t-il  à  s'en  revenir? 

—  Soyez  tranquille,  répondit  le  pillotous,  son  parrain  ne  Taban- 
donnera  pas. 

Le  pillotous  s'en  fut  avec  le  petit,  pourcé,  et  un  peu  après  l'homme 
arriva  et  dit  à  sa  femme  : 

—  Où  est  notre  pourcé  ? 

—  Son  parrain  est  venu  le  chercher  pour  qu'il  assiste  à  ses  noces, 
et  ils  s'en  sont  allés  ensemble. 

—  Âh!  ma  diote,  (sotte)  s'écria-t-il,  viens  m'aider  à  reprendre 
notre  cochon,  que  cet  affronteur  nous  enlève  ! 

Ils  se  mirent  en  route,  et  arrivèrent  à  un  endroit  où  il  y  avait  trois 
chemins: 

—  Il  est  allé,  dit  la  bonne  femme,  par  celui-ci,  par  celui-là,  ou 
par  celui-là.  Lequel  prendre? 

—  Diote,  lui  répondit  son  homme,  prends  une  des  routes  et  moi 
l'autre,  et  si  tu  vois  le  parrain  de  ton  pourcé,  tu  m^appelleras. 

i.  Chiffonnier  ambulant. 


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436  REVUE   DES  TRADITIONS  POPULAIRES 

Ils  se  mirent  à  marcher,  et  au  bout  de  quelque  temps,  la  femme 
hucha  (cria)  sur  son  homme^,  qui  accourut  à  travers  champs. 

—  Qu'y  a*t-U  7  lui  âemanda*t-il  tout  essoufflé, 

— :  Voilèi  un  chien  qui  vient  de  faire  une  crotte  sur  un  piquet  ;  c*est 
bien  drôle  que  les  piquets  ae  lui  soient  pas  entrés  dans  le  derrière. 

Pendant  ce  temps  là,  le  pillotous  s'en  allait  avec  son  filleul. 

(Conté  en  i  88f,  au  château  de  ta  Saudraxe  en  PenguUly  par  J.-M 
Comault,  du  Gouray^  âgé  de  iô  ans). 


XI 

l'ombre 

Il  y  avait  une  fois  &  Saint-Cast  un  homme,  qui  était  plus  connu 
sous  le  nom  de  Polon,  sa  signorie  *,  que  par  son  nom  de  famille. 

Poion,  qui  n'était  pas  le  plus  fin  du  pays,  allait  à  ses  journées,  et 
mangeait  beaucoup  quand  il  revenait  le  soir  :  ses  sœurs  l'appelaient 
gourmand,  et  souvent  elles  le  battaient.  Polon,  qui  aimait  la  tran* 
quillité,  les  laissait  le  frapper  et  l'insulter,  et  ne  répondait  mot. 

Un  soir  qu  il  faisait  un  beau  clair  de  lune,  Polon  sortit  de  chez  lui 
pour  aller  faire  la  cour  aux  filles  ;  en  passant  près  du  pignon  d'une 
maison,  il  vit  son  ombre  sur  le  mur  ;  il  crut  que  c'était  un  homme 
vivant  qui  suivait  la  même  route  que  lui,  et  il  lui  dit  en  bégayant  : 

—  Al',  allez-vous  du  co,  côté  du,  du  bourg  de  de  Saint,  Saint-Cast, 
l'homme  ? 

Ne  recevant  aucune  réponse,  Polon  se  mit  à  courir  sur  la  route, 
mais  l'ombre  courait  aussi  fort  que  lui. 

—  Pour  l'amour  de  Dieu,  dit  Polon  qui  commençait  à  avoir  peur, 
parlez-moi  ! 

Et  Polon  s'arrêta,  l'ombre  s'arrêta  aussi,  et  Polon  effrayé  se  hâta 
de  rentrer  chez  lui. 

Le  lendemain,  il  raconta  à  tous  ses  voisins  ce  qu'il  avait  vu  et  il 
leur  disait  : 

—  Je  crois  bien  que  c'était  le  diable  qui  venait  pour  me  chercher, 
car  j'avais  beaucoup  juré  après  lui.  Mais  ce  qui  me  faisait  le  plus 
de  peur,  c'est  que  quand  je  marchais,  il  marchait,  quand  je  m'arrê- 
tais il  s'arrêtait  ;  quand  je  lui  parlais,  il  ne  me  répondait  point  ;  je 
crois  vraiment  que  c'était  le  diable. 

Les  voisins  se  moquaient  de  lui,  mais  ils  lui  faisaient  peur  de 

1.  Sobriquet. 


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RBVUE   DES   TRAWtlONS    POPUtAlRlSS  Wi' 

l'hotnole  quil  avait  vu,  si  bien  que  Polon  n'osait  plus  soriîr'ie  soir, 
pas  même  dans  sa  cour,  et  il  n'allait  plus  voir  les  filles. 

Il  eu  était  très  contrarié,  et  il  se  dit:  a  11  faut  que  j'aille  à.  Mati- 
gnon acheter  de  la  poudre  et  un  revolver  à  six  coups;  ^ile  soir^  je 
vois  encore  ce  maudit  homme,  je  le  tuerai  ». 

Un  soir  quelque  temps  après  avoir  acheté  son  revolver,  il  se  déci- 
da à  retourner  voir  les  llUes.  Il  mit  des  cartouches  dans  son  revolver, 
et  sortit.  Pendant  qu'il  était  en  route,  la  lune  sortit  des  nuages,  et 
aussitôt  il  vit  Tombre  qui  marchait  à  côté  de  lui. 

—  Ah  !  s*écria  Polon  ;  ce  soir  je  ne  veux  point  de  votre  compagnie  ; 
quittez-moi  de  suite,  ou  je  vous  tue. 

Mais  Tombre  continua  sa  route  avec  Polon.  Tout  à  coup,  il  rencon- 
tra sa  sœur  qui  revenait  de  coudre,  et  quand  il  la  croisa,  Tombre 
passa  sur  elle. 

—  Coquin,  dit  Polon,  tu  saules  sur  ma  sœur  î  c'est  fait  de  toi. 

n  tira  un  coup  de  revolver,  mais  ce  fut  sa  sœur  qu'il  atteignit,  et 
elle  tomba  raide  morte. 

Il  s'en  alla  bien  content,  car  la  lune  étant  cachée  sous  les  nuages 
il  ne  voyait  plus  Tombre,  et  il  croyait  avoir  tué  Thomme  qui  le 
poursuivait.  En  entrant  il  dit  à  ses  deux  sœurs  : 

—  Ce  soir  j'ai  encore  rencontré  l'homme  que  j'avais  vu  Tautre 
jour,  mais  je  Tai  tué,  et  il  esl  tombé  sur  la  route  auprèsde  Virginie. 

Les  sœurs  allèrent  à  Tendroit  qu'il  leur  indiquait,  et  au  lieu  d'un 
homme,  elles  virent  leur  sœur  étendue  morte.  Quelques  jours  après, 
les  gendarmes  menèrent  Polon  en  prison,  et  s'il  n'est  pas  mort,  il  y 
est  encore. 

{Conté  en  i  88 Ji,  par  Françoi$  Marquer^ de  Saint^Cast). 


XII 

l'innocent 

îl  y  avait  une  fois  un  innocent  :  tm  jour,  avant  de  partir  pour  le 
marché,  sa  mère  lui  dit  en  lui  montrant  une  oie  qui  couvait: 

—  Ne  vas  pas  toujours  après  l'oie;  si  tu  y  vas,  je  le  saurai  et  je  te 
fouetterai. 

Sa  mère  n'était  pas  trop  partie  qu'il  alla  du  côté  de  l'oie  qui  allon- 
gea en  sifflant  le  cou  de  son  côté  ;  il  prit  une  trique  et  tuaToie,  puis 
quand  elle  fut  morte,  il  se  déshabilla  et  s'assit  sur  les  œufs  qu'il 
écrasa  sous  lui  *. 

1.  Cf.  sur  Jean  le  Diot  couveur.  Contes  de  la  Haute-Bretagne^  t.  I  ;  p.  2^ 


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438  RCVfJR   DES   TRADITIONS  POPCTLAIRGS 

Quand  sa  mère  fat  revenue,  elle  le  chercha  partout  :  elle  vit  foi  a 
allongée  dans  la  cour,  et  alla  au  nid  où  elle  vit  Tinnocent  assis  sur 
son  omelette  : 

—  Vilain  diot,  lui  dit-elle,  tu  aurais  mieux  fait  de  mettre  la  poule 
dessus. 

—  Oui,  ma  mère,  répondît-il,  je  n'y  serai  pas  repris.  La  bonne 
femme  le  fouetta  bien  dur. 

Un  autre  jour,  en  partant,  elle  lui  dit  : 

—  Ne  vas  pas  toujours  après  les  petits  quetlim  (agneaux)  ou  tu 
te  feras  fouetter. 

Sa  mère  n'était  pas  trop  partie  qu'il  alla  où  étaient  les  quettins  et 
il  en  tua  un  ;  quand  il  vit  qu*il  l'avait  tué,  il  alla  chercher  son  petit 
frère  qui  était  dans  le  ber  (berceau)  et  il  l'emporta  dans  l'étable  parmi 
les  quettins. 

Quand  la  mère  fut  arrivée,  elle  alla  au  ber  et  ne  vit  plus  son  enfant  ; 
elle  fut  droit  dans  Tétable,  et  vit  la  pauvre  garçaille  qui  était  quasi- 
ment morte  parce  que  les  quettins  avaient  monté  par  dessus. 

Et  elle  fouetta  encore  son  innocent  de  fils. 

Un  autre  jour,  elle  lui  dit  : 

—  Ne  vas  pas  faire  tes  fredaines  par  le  logis,  ou  tu  le  feras  encore 
fouetter* 

Sa  mère  ne  fut  pas  trop  partie,  qu'il  mit  le  feu  dans  une  barge  de 
paille.  A  son  arrivée  sa  mère  vit  la  barge  en  feu,  et  fouetta  bien  dur 
linnocent,  en  lui  disant: 

—  Mais,  vilain  fou,  quand  tu  vois  le  feu  comme  cela,  il  faut  jeter 
de  Teau  dessus. 

—  Ne  dites  rien,  ma  mère,  je  n'y  serai  plus  repris. 

Une  autre  fois  sa  mère  avait  chauffé  le  four,  et  elle  était  prête  k 
enfourner  le  pain  dedans,  quand  il  arriva  et  se  mit  à  arroser  le  four 
avec  de  l'eau. 

Sa  mère  le  fouetta  encore  en  lui  disant  : 

—  Quand  on  met  le  feu  exprès,  il  ne  faut  pas  jetçr  de  Teau  dessus. 

—  Ne  dites  rien,  ma  mère,  je  n'y  serai  plus  repris. 
Sa  mère  lui  dit  : 

—  Tu  n'es  point  fin,  tu  ne  sais  point  te  faire  aimer  des  filles. 

—  Comment  s'y  prend-on  ? 

—  On  leur  lance  des  œillades. 

Il  alla  à  retable  et  enleva  les  yeux  des  moutons  pour  lancer  des 
œillades  aux  filles  S  et  quand  sa  mère  voulut  faire  sortir  les  moutons 

1.  Cr.  un  épisode  analogue.  Contes  de  la  Uaute-Breiagne^  t.  T,  p.  227.  lÀtté- 
rature  otale,  p.  104. 


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REVUG   DES  TRADITIONS  POPULAIRES  439 

de  retable,  ils  ne  savaient  comment  se  conduire,  parce  qu'ils  étaient 
aveugles.  Elle  le  fouetta  encore  et  lui  dit  : 

—  H  faut  hanter  les  filles  pour  leur  plaire. 

Il  alla  chercher  des  hanies  (manches)  de  faux,  et  il  voulait  les  jeter 
aux  filles  qui  se  sauvaient  de  lui. 

Il  en  trouva  pourtant  une  qui  voulait  bien  de  lui  ;  quand  il  s'agit 
de  la  demander  en  mariage,  sa  mère  lui  dit  : 

—  Tu  la  demanderas,  mais  tu  en  diras  un  peu  plus  long. 
Quand  il  arriva  à  la  ferme,  il  dit  : 

—  Barattez  donc. 

—  Oui  ! 

—  Je  sais  (suis)  venu  vous  demander  si  fille  à  vous  sera  femme  à 
ma,  ou  ben  veste  (zutj,  v'ia  le  courti  que  ma  mère  m'a  dit. 

(Conté  par  J.  L,  Roussel,  d'Ercé,  Î880). 


XIII 

JEAN  LE  FOU 

La  mère  de  Jean  le  Fou  l'envoya  au  bourg  pour  acheter  de  la 
farine  et  du  cidre. 

—  Quand  tu  seras  revenu,  ajouta-elle,  tu  mettras  cela  dans  la 
place. 

A  son  retour  Jean  le  Fou  versa  dans  la  place  le  sac  de  farine  et  le 
pot  de  cidre  ;  car  il  prenait  au  pied  de  la  lettre  tout  ce  qu*on  lui 
disait'. 

—  Oti  est  ta  farine  ?  lui  dit  sa  mère,  qui  était  allée  soigner  ses 
vaches. 

—  Dans  la  place. 

—  Et  le  cidre  ? 

—  Je  l'y  ai  mis  pareillement. 

—  Ah  I  pauvre  innocent,  ne  pouvais-tu  poser  ton  sac  h  terre  et 
ton  pot  de  cidre  à.  côté  au  lieu  de  tout  perdre  par  ta  sottise  !  Mais 
tu  ^tes  tout  ce  que  tu  touches. 

—  Ne  me  grondez  pas,  ma  mère,  je  serai  une  autre  fois  plus  fin. 
Quelques  jours  après,  la  bonne  femme  eut  besoin  d'un  trépied,  et 

chargea  son  fils  d'aller  le  chercher. 

Jean  s'ennuya  bientôt  de  porter  le  trépied  ;  il  le  posa  par  terre, 
et  lui  dit  : 

1.  cr.  Liiiéralure  orale  de  la  Haute- Bretagne,  p.  96,  et  pour  ce  coûte  et  les 
suivaDtfl  les  contes  de  Jean  le  Dtot,  Contes  de  la  Haute^ Bretagne,  1. 1,  p.  219,  229, 
et  LUI.  orale,  p.  92  et  suiv. 


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440  REVUE   DES  TRADITIONS   POPULAIRES 

—  Voilà  la  route,  tu  n*as  qu*à  la  suivre  tout  droit  pour  arriver 
chez  nous,  où  tu  seras  avant  moi,  puisque  tu  as  trois  pieds  et  le 
milieu  percé. 

Quand  la  bonne  femme  revit  son  fils  : 

—  Où  est  ton  trépied  ? 

—  Comment,  il  n'est  pas  encore  ici  :  j'en  suis  bien  surpris,  vu 
qu'il  a  trois  pieds,  et  que  moi  qui  n*en  ai  que  deux  me  voici  de 
retour.  Je  lui  avais  pourtant  indiqué  la  roule. 

—  Le  trépied  est  perdu  !  tu  aurais  dû  prendre  ton  bissac  et 
l'apporter  dedans. 

—  Bien,  se  dit  le  gars,  je  saurai  une  autre  fois  comment  m'y 
prendre. 

C'était  le  temps  de  la  récolte,  et  on  avait  besoin  à  la  ferme  d'un 
van  pour  nettoyer  le  blé  :  Jean  fut  chargé  d'en  acheter  un  '. 

Il  prit  son  bissac  sur  son  dos,  et  en  sortant  de  la  boutique  du 
vannier,  il  coupa  le  van  en  petits  morceaux  et  les  emporta  précieu- 
sement dans  son  bissac. 

En  voyant  cette  nouvelle  preuve  de  la  sottise  de  son  garçon,  la 
mère  leva  les  yeux  au  ciel,  et  lui  reprochant  encore  sa  simplicité, 
elle  lui  dit  : 

—  Ce  n'était  pas  comme  cela  que  tu  aurais  dû  t'y  prendre  ;  il 
fallait  passer  ton  bâton  dans  les  oreilles  du  van. 

Quelques  jours  après,  sa  mère  lui  remit  de  l'argent,  et  lui  dit  : 

—  Nous  avons  besoin  d'un  cheval,  voici  cinquante  écus  pour  en 
acheter  un  ;  mais  entends  bien  ce  que  je  te  dis,  ne  mets  pas  un 
sou  de  plus. 

—  Soyez  tranquille,  ma  mère,  je  sais  mon  affaire. 

Sur  le  champ  de  foire  de  Rennes,  Jean  marchanda  plusieurs 
chevaux,  mais  tous  les  marchands  auxquels  il  s'adressait  lui  deman- 
daient plus  de  50  écus  ou  moins,  de  sorte  qu'il  allait  retourner  chez 
lui  sans  avoir  rien  acheté,  quand  il  aperçut  un  paysan  qui  avait  un 
cheval  aveugle,  et  avant  de  sortir  du  champ  de  foire,  il  demanda  le 
prix,  du  bidet. 

—  Cinquante  écus,  dit  le  rusé  fermier,  qui  avait  remarqué  l'air 
niais  du  pauvre  gars. 

—  Marché  conclu,  dit  celui-ci,  en  frappant  dans  la  main  du 
vendeur. 

Il  prit  le  cheval  qui  valait  à  peine  le  prix  de  sa  peau,  et  monta 
dessus  :  en  passant  près  d'une  auberge,  il  eut  envie  de  voir  quelle 
heure  il  était,  et  il  voulut  y  entrer  sans  descendre  de  cheval;  la 
pauvre  bête  qui  était  aveugle  alla  frapper  de  la  tète  dans  le  contre- 

1.  Cf.  Lut.  orale,  p.  93,  99. 


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REVUE  DES  TRADITIOXS  POPULAIRES  441 

hu  (où  demi-porte)  et  le  renTersa  dans  la  maison  oti  il  cassa  plusieurs 
bols  à  cidre. 
L*aubergiste  accourut  et  Jean  lui  demanda  avec  tranquillité  : 

—  Quelle  heure  est-il  ? 

—  L'heure  où  les  fous  s'en  vont,  répondit  Thomme. 

—  Merci  bien,  monsieur,  dit  Jean. 

—  Innocent,  lui  dît  sa  mère  en  voyant  la  piteuse  emplette  de  son 
fils,  tu  as  acheté  une  béte  qui  ne  vaut  pas  dix  pièces  de  cent  sous  et 
qui  de  plus  est  aveugle. 

—  Aveugle,  dit-il,  non,  j'étais  monté  dessus,  el  il  ne  m'a  pas  jeté 
par  terre  ;  mais  s'il  ne  vous  convient  pas,  je  le  revendrai  et  je  parie 
bien  d'en  tirer  deux  cents  francs. 

Il  alla  à  la  foire  au  grand  Saint-Aubin,  et  à  tous  les  marchands 
qui  lui  demandaient  le  prix  de  sa  béte,  il  répondait  : 

—  Deux  cents  francs  î 

—  Deux  cents  sous  !  disaient  les  maquignons  en  riant  et  en  haus- 
sant les  épaules  ;  c'est  un  cheval  qui  ne  vaut  que  Targent  de  sa  peau. 

Voyant  qu'l  Saint-Aubin,  on  ne  lui  offrait  pas  une  grosse  somme 
pour  son  cheval,  il  demanda  à  le  conduire  à  Renjies  oikil  espérait  \e 
vendre  plus  avantageusement. 

Mais  il  ne  put  en  trouver  que  quatre  pièces  de  cent  sons,  et  il  le 
donna  pour  ce  prix. 

A  la  foire  suivante,  il  acheta  pour  quarante  écos,  un  cheval  assez 
bon;  mais  comme  il  avait  oublié  dans  son  marché  de  stipuler  qu'il 
conserverait  la  bride,  son  vendeur  la  garda  pour  lui. 

Jean  fit  sortir  le  cheval  du  champ  de  foire  en  le  traînant  par  les 
crins  ;  mais  arrivé  sur  la  route,  il  s'ennuya  et  se  mit  à  réfléchir  au 
moyen  d'emmener  sa  béte. 

—  Ma  foi,  dit-il^  c'est  bien  simple  pourtant,  je  vais  lui  passer  mon 
bâton  à  travers  les  oreilles;  ma  mère  m'a  dit  l'autre  jour  que 
j  aurais  dû  faire  comme  cela  pour  apporter  le  van. 

li  essaya  de  mettre  son  bâton  dans  les  oreilles  du  cheval  ;  mais 
l'animal  qui  était  vigoureux,  ne  se  laissa  pas  maltraiter,  il  se  cabra, 
rua,  et  finit  par  s'enfuir  au  galop,  laissant  Jean  tout  penaud. 

Il  vint  raconter  sa  disgrâce  à  sa  mère  : 

—  En  bonne  conscience,  lui  dit-elle,  tu  ne  seras  jamais  plus  fin  à 
une  fois  qu'à  l'autre  :  ne  sais  tu  donc  pas  quïl  fallait  lui  passer  un 
licol  au  coa  et  monter  dessus. 

On  renvoya  chercher  une  servante  que  sa  ipère  avait  gagée  : 
quand  ils  furent  dans  la  route,  Jean  attira  un  licou  de  sa  poche,  le 
passa  au  cou  de  la  fille  et  monta  sur  son  dos.  Elle  se  laissa  faire, 
parce  qu'il  n'y  avait  là  personne,  et  apporta  le  garçoa  qui  était  bio» 


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442  REVUE  DES  TBADlTIOxNS   POPULAIRES. 

lourd.  Quand  elle  arriva  à  la  ferme,  elle  suait  à  grosses  gouttes  ;  lui 
la  mit  à  Técurie  et  plaça  du  foin  devant  elle  ;  puis  il  entra  dans  la 
maison. 

—  Où  est  la  servante  ? 

—  Dans  Técurie. 

La  bonne  femme  y  courut,  et  fit  venir  la  servante  k  la  maison  ; 
mais  elle  avait  eu  si  peur  et  avait  éprouvé  tant  de  fatigue  qu'elle 
resta  plusieurs  jours  malade. 

[Recueilli  à  Ercé près  Liffré  vers  i 876), 

XIX 

CELUI  OUI  MOURUT  AU  TROISIÈME  PET  DE  SON  ANE 

Il  était  une  fois  un  homme  qui  avait  un  &ne  ;  il  mit  du  fumier 
dans  deux  mannequins  et  les  lui  attacha  sur  le  dos  pour  les  porter 
dans  un  de  ses  champs.  Comme  il  conduisait  son  àne,  il  rencontra  une 
vieille  femme  qui  lui  dit  : 

—  Où  vas-tu  ? 

—  Cela  ne  te  regarde  pas,  répondit-il  :  qu'est-ce  qui  m*a  donné 
une  vieille  sorcière  comme  toi  ! 

—  Tu  te  repentiras  de  m*avoir  mal  parlé,  dit  la  vieille  ;  avant  ce 
soir  tu  auras  une  jambe  démise. 

L'homme  partit  sans  trop  faire  attention  aux  menaces  de  la  vieille  ; 
mais  en  arrivant  à  son  champ,  il  frappa  son  àne  qui  rua  et  d'un  coup 
de  pied  lui  cassa  la  jambe,  si  bien  qu'il  tomba  dans  le  fossé. 

Un  homme  qui  passait  par  là  l'emporta  chez  lui  et  il  resta  sur  son 
lit  un  an  et  un  jour.  Quand  il  fut  guéri,  il  dit  : 

—  Si  jamais  la  vieille  me  tombe  sous  la  main,  je  me  vengerai 
d'elle,  elle  m'a  enfaîné  (jeté  un  sort). 

£n  allant  à  son  champ  avec  son  àne,  il  la  rencontra  et  elle  lui 
demanda  encore  où  il  allait  : 

—  Cela  ne  te  regarde  pas,  vieux  tison  d'enfer!  répondit-il. 

—  Tu  t'en  repentiras,  de  m  avoir  encore  parlé  mal  I 

Il  leva  son  bâton  p(»ur  la  frapper,  mais  il  se  retint  et  lui  dit  : 
.  —  Hé  bien,  puisque  tu  es  sorcière,  dis-moi  quand  je  mourrai  I 

—  Quand  ton  àne  aura  pété  trois  fois. 

Comme  elle  disait  ces  mots,  l'àne  se  mit  à  péter,  puis  il  péta  encore, 
prout  I  une  seconde  fois.  Alors  l'homme  qui  avait  peur  de  mourir 


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RfiVUE  DBS  TRADITIONS  POPULAIRES  443 

prit  un  morceaa  de  bois  et  se  mit  à  renfoncer  pour  boucher  le 
derrière  de  son  àne  ;  mais  Tàne  fit  tant  d*eff6rts  qu'il  péta  pour  la 
troisième  fois  et  le  morceau  de  bois  atteignit  à  la  tète  l'homme  qni 
tomba  par  terre  et  resta  étendu  sans  mouvement  et  comme  mort. 

Tout  le  monde  crut  qu'il  était  trépassé^  et  on  l'ensevelit  dans  une 
châsse.  Dans  ce  temps  là  on  portait  les  morts  sur  les  épaules,  et  pour 
aller  au  cimetière  il  y  avait  deux  routes,  lune  qui  était  bonne,  l'autre 
mauvaise  et  rocailleuse. 

Ceux  qui  le  portaient  ne  savaient  laquelle  prendre,  et  l'un  d'eux 
demandait  aux  autres  : 

—  Par  ofi  faut-il  aller  ? 

—  Du  temps  que  j'étais  vivant,  dit  le  bonhomme  du  fond  de  sa 
châsse,  c'est  par  telle  route  que  j'allais. 

En  l'entendant  parler^  ils  démolirent  la  châsse  et  le  bonhomme 
s'en  fut  chez  lui,  bien  vivant  et  n'ayant  point  envie  de  mourir. 

{Conté  en  i  S80,  par  Joseph  Macé,  de  Saint-Cast,  mousse,  âgé  de 
io  ans). 


XV 

L*ANE  QUI  PÉTE,   L'HOMME  QUI  TUE  SEPT  BOURDONS 

II  y  avait  une  fois  un  homme  qui  n'était  pas  bien  riche  et  qui 
n'était  guère  plus  fin.  Il  avait  un  àne  maigre  comme  un  clou  qui  lui 
aidait  à  porter  ses  fardeaux. 

Un  jour  qu'il  était  à  ramasser  du  bois  dans  la  forêt,  il  avait  mis 
son  âne  à  pâturer  ;  un  farceur  qui  passait  par  là  dit  à  l'homme  : 

—  Que  fais- tu  là  I 

—  Je  cherche  du  bois  pour  me  chaufiFer. 

—  Hé  bien  !  prends  garde,  au  troisième  pet  que  fera  ton  âne,  tu 
seras  mort. 

L'homme  prît  cette  parole  pour  de  l'argent  comptant  ;  il  ramassa 
de  l'herbe  pour  boucher  le  derrière  de  son  âne  ;  mais  il  ne  put  l'em- 
pêcher de  péter.  Je  suis  perdu,  pensa-t-il,  si  cela  continue.  II  prit 
un  marteau  et  se  mit  à  lui  enfoncer  dans  le  derrière  un  morceau  de 
bois  rond  ;  l'âne  péta  pour  la  seconde  fois  ;  il  essaya  encore  de  bou- 
cher le  derrière  de  son  âne  ;  mais  l'âne  poussa  un  pet  retentissant, 
et  l'homme  se  laissa  choir  tout  de  son  long.  Il  resta  trois  ou  quatre 
jours  sans  manger  et  sans  bouger  ;  au  bout  de  ce  temps,  un  de  ses 
voisins  le  rencontra  et  lui  dit  : 

—  Que  fais-tu  là  ? 


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4ii  REVUE  DES  TRADITIONS  POPULAIRES 

—  Tu  ne  vois  donc  pas  que  je  suis  mort  ;  mon  àae  a  pété  trois 
fois,  et  au  troisième  coup  je  suisi  tombé  mort. 

—  Es-tu  donc  diot,  répondit  son  voisin  ;  tu  vois  bien  que  tu  D*es 
pas  mort,  puisque  tu  parles. 

—  Si,  si,  je  suis  mort. 

Us  se  disputèrent  et  l'homme  qui  prétendait  être  mort  battit 
Tautre,  et  même  le  maltraita  très  fort,  puis  il  se  recoucha. 
Un  géant  vint  à  passer  qui  lui  dît  : 
-.  Que  fais-tu  là  ? 

—  Mon  àne  a  pété  trois  fois,  je  suis  mort. 

—  Es-tu  sot  de  croire  pareille  chose,  répondit  le  géant;  et,  comme 
il  avait  tout  pouvoir,  il  lui  envoya  neuf  à  dix  bourdons  poar  le  taqui- 
ner, lise  laissa  d'abord  faire,  mais,  Tun  d'eux  Tayant  piqué  k  l'oreille, 
il  se  leva,  et  avec  une  aiguille  qu'il  avait,  il  enfila  sept  bourdons. 

ir  se  dit  alors  : 

—  Comme  je  suis  fort,  j'ai  tué  sept  bourdons  d'un  coup. 
11  aîla  à  la  cour  et  dit  au  roi  : 

—  Sire  le  roi,  c'est  moi  qui  suis  fort,  j'en  ai  tué  sept  d'un  coup. 

—  Bien,  répondit  le  roi,  puisque  tu  es  si  vaillant,  il  y  a  dans  la 
forêt  une  bête  qu'on  appelle  la  GabouUe  ;  il  faut  aller  la  tuer. 

L'homme  se  rendit  dans  la  forêf,  il  vit  venir  à  lui  la  grande  bêle 
qui  avait  la  forme  d'un  cheval  et  deux  cornes  sur  le  front  ;  elle  prit 
son  élan  pour  le  transpercer,  mais  lui,  qui  n'était  pas  sot  cette  fois, 
se  cacha  derrière  Tarbre^  et  la  bête  enfonça  ses  deux  cornes  dans  le 
tronc,  et  ne  put  les  retirer.  Il  se  mit  alors  à  la  tarder  avec  son  aiguille, 
et  il  finit  par  la  tuer. 

Il  la  prit  sur  son  dos,  et  l'apporta  au  roi  en  disant  : 

—  Regardez  si  je  suis  fort,  maintenant  je  tuerais  bien  mille  hom- 
mes. 

—  Puisque  tu  es  si  fort,  répondit  le  roi,  j'ai  dans  une  cave  sept 
chats  marcous  (mâles),  il  faut  les  tuer  tous  les  sept. 

Il  alla  dans  la  cave^  mais  les  chats  lui  sautèrent  aux  yeux,  puis  ils 
le  tuèrent,  et  le  dévorèrent  tout  entier,  sauf  la  tête  avec  laquelle  ils 
se  mirent  à  jouer  en  disant  : 

—  Voici  la  tête  de  celui  qui  tue  mille  hommes. 

Le  roi  tua  les  sept  chats  marcous,  et  les  fit  enterrer  avec  la  tête  de 
rhomme,  et  les  chats  et  les  souris  se  mirent  &  danser  sur  la  fosse. 

[Conté  en  i  880^  par  Joseph  Macé,  de  Saint-Cast). 


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REVUE   DES  TRADITIONS  POPCLAIRfiS  445 

XVI 

LE  MEUNIER  VOLÉ 

Il  y  avait  une  fois  un  menoier  de  Plessala  qui  avait  besoin  d*ar- 
gent  ;  il  conduisit  son  àiie  et  sa  chèvre,  et  de  peur  d'être  volé,  il  at- 
tacha sa  chèvre  à  la  queue  de  Tàne,  et  lui  mit  au  cou  une  clochette, 
en  disant  : 

—  Tant  que  j'entendrai  sonner  la  clochette,  je  serai  sûr  qu'on  ne 
m'aura  pas  volé  mes  bétes. 

Par  là  passèrent  trois  voleurs  qui  firent  entre  eux  la  gageure  de 
voler  au  bonhomme  sa  chèvre,  son  âne  et  son  habit  qu'il  avait  sur 
le  dos. 

L'un  d'eux  détacha  adroitement  la  chèvre  et  l'emmena  après  avoir 
attaché  la  clochette  à  la  queue  de  l'àne.  Le  meunier  se  retourna,  et, 
voyant  le  voleur  qui  emmenait  sa  chèvre,  il  dit  à  l'autre  voleur  qui 
marchait  sur  la  route  avec  un  air  d'innocence  : 

—  Voulez-vous  garder  mon  àne,  brave  homme,  pendant  que  je 
cours  après  ma  chèvre  ? 

—  Volontiers,  dit  l'autre  qui  se  hâta  de  s'enfuir  avec  l'âne. 

Le  troisième  larron  qui  avait  parié  de  voler  Thabit,  s'assit  sur  le 
bord  d'un  puits  avec  une  bourse  vide  k  la  main  et  il  criait  d  un  ton 
lamentable  : 

—  Ah  !  la  triste  jourpée  ! 

—  Vous  n'avez  point  vu  mon  âne  ?  demanda  le  meunier. 

—  Non,  mais  suis  plus  malheureux  que  vous  ;  j'étais  ici  à  comp- 
ter  mon  argent  sur  le  bord  du  puits  et  il  est  tombé  dedans.  Ah  !  la 
triste  journée  !  Je  donnerais  bien  la  moitié  de  mon  argent  à  celui  qui 
descendrait  dans  le  puits  pour  Ten  retirer. 

Le  meunier  dépouilla  ses  habits  et  descendit  dans  le  puits,  pen- 
sant y  trouver  assez  d'argent  pour  compenser  la  perte  de  son  âne 
et  de  sa  chèvre  ;  mais  le  voleur  lui  enleva  son  habit  ainsi  qu*il 
lavait  gagé. 

XVH 

ORAISON  FUNÈBRE 

Un  bonhomme  du  côté  de  Broons  tomba  malade,  et  Tune  de  ses 
commères  qui  demeurait  à  quelque  distance  vint  pour  le  voir  ;  mais 
elle  ne  se  pressa  pas  assez,  car  lorsqu'elle  arriva  à  l'endroit  où  de- 


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446  REVUE   DES   TRADITIONS   POPULAIRES 

meurait  le  bonhomme^  elle  apprît  qu'il  était  mort  et  enterré  depuis 
la  veille. 

—  C'est  égal,  dit-elle,  je  vais  aller  consoler  sa  veuve. 

—  Mon  Dieu,  s'exclama-*t-elle  en  entrant  dans  la  maison,  le  pau- 
vre compère  qui  est  mort  ! 

—  Hélas  !  oui,  répondit  la  veuve  en  pleurant  ;  j  ai  tout  perdu  en 
le  perdant.  Le  pauvre  cher  homme,  il  a  la  barbe  olmont  (en  haut)  dans 
le  cimetière  de  Broons.  Voilà  ses  hautbois  qui  ne  diront  plus  : 

Lantille,  tille,  tille 
Qui  ne  diront  plus 
Lantille,  tille,  tille 
Lantille  laridon. 

.    Mon  pauvre  homme,  il  n'avait  que  faire  de  mourir  à  cette  heure  : 
il  avait  encore  quatre  chemises  et  une  percée, 

Et  la  dibe  dibe 
Dibe,  dibe,  dibe, 
Et  la  dibe  daubonnée  (raccomodée), 

Ma  pauvre  commère,  voilà  encore  son  tabac  et  sa  pipe, 

0  quai  (avec  laquelle)  qui  pipochait, 
Maluré  I! 
0  quai  qui  pi  pochait  I 

Ah  !  ma  pauvre  commère,  voilà  encore  ses  hannes  (culottes)  —  que 
le  bon  Dieu  lui  veuille  pardonner  —  à  califourchon  sur  le  haut  du 
fef(lit). 

Ma  bonne  commère,  voilà  encore  son  chapeau  —  que  le  bon  Dieu 
lui  veuille  pardonner  — ,  dans  la  goule  du  let.  Et  voilà  son  bonnet 
—  que  le  bon  Dieu  lui  veuille  pardonner  —,  snr  la  presse  (l'armoire). 

[Conté  par  Joseph  André,  chantre  à  Tréby,  i 875), 


XVIII 

VEXILLA 

Il  y  avait  une  fois  deux  marchands  forains  qui  voyageaient  en- 
semble ;  c'était  le  samedi  d'avant  la  Passion,  et  tout  en  marchant, 
ils  vinrent  à  parler  de  la  fête  du  lendemain  : 

—  C'est  ce  jour-là,  dit  l'un  d  eu^,  que  l'on  chante  :  Vexilla  régis 
prodiis. 

—  Non  répartit  l'autre,  c'est  Vexilla  régis  produunt, 

—  Je  parie  que  j'ai  raison. 

—  Je  suis  sûr  que  c'est  moi  qui  suis  dans  le  vrai. 


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REVUE   DÈS  TRADITIONS    POPDLAIRES  417 

-*•  Si  tu  veux,  j*ai  on  cheval  qui  in*a  coûté  trois  cents  francs,  je  le 
parie  contre  pareille  somme. 

—  Le  mien  a  coûté  autant  :  gageons  cheval  contre  cheval. 

II  fut  convenu  qu'en  arrivant  au  premier  bourg,  on  irait  consulter 
les  prêtres. 

Le  vicaire  seul  demeurait  dans  le  bourg  où  ils  passèrent,  et  le  rec- 
teur était  à  son  presbytère  situé  à.  quelque  distance. 

—  Jugez  notre  différend,  dirent-ils  au  vicaire,  j'ai  parié  que  de- 
main on  chantait  :  Vexilla  régis  prodiU,  et  mon  compère  prétend 
que  c'est  Vexilla  regû  produunt,  lequel  de  nous  deux  a  raison? 

—  Qu'avez-vous  gagé  ? 

—  L'enjeu  de  chacun  de  nous  est  un  cheval  de  trois  cents  francs. 
-—  Cela  fait  six  cents  francs,  dit  le  vicaire.  Si  vous  voulez,  je  vais 

parier  aussi  moi.  Je  ne  sais  comment  chantera  monsieur  le  recteur, 
qui  est  le  maître  ;  mais  je  parie  six  cents  francs  qu'il  dira  «  Vexilla 
régis  prodeunt  ;  »  et  si  vous  acceptez,  voici  trois  cents  francs  que  je 
dépose. 

Les  marchands  acceptèrent,  et  le  lendemain  le  recteur  qui  devait 
juger  la  pari,  entonna  ainsi  Thymne  du  jour  : 

Vexilla  régis  prodeunt 
A  pied  Ie.i  Anes  8*en  iront, 
Ce  n'est  oi  prodiùt  ni  produunt 
C'est  vejnlla  régis  prodeunt. 

Et  voilà  les  deux  marchands  attrapés. 

(Conté  par  Joseph  Andréa  chantre  à  Trébnj^  1 879), 


XIX 


CELUI  OUI  VIENT  DU  PARADIS' 

Il  y  avait  une  fois  un  mendiant  qui  alla  demander  la  charité  à  la 
porte  d'une  veuve  qui  s'était  remariée  : 

—  De  quel  pays  es-tu,  brave  homme  ?  dit-elle. 

—  De  Paris,  répondit  le  mendiant. 

—  Du  Paradis?  s'écria  la  bonne  femme  qui  avait  mal  entendu; 
avez-vous  ouï  par  là  des  nouvelles  de  mon  défunt  homme  ? 

—  Oui,  dit  le  mendiant,  il  tient  auberge  à  la  porte  ',  et  il  n'a  pas 
trop  chaud. 

1.  Cf.  Le  soldat  de  Paris,  t.  XI,  p.  390. 

2.  Dans  une  variante,  Thomme  vend  du  «c  poiré  de  naviaux  (navets)  »  à  quatre 
sous  le  pot. 


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448  REVUE   DES   TRADITIONS   POPULAIRES 

—  Ah  !  répondit-eUe,  cela  ne  m*étonne  pas  :  il  n'était  guère  habillé 
quand  on  le  mit  dans  la  châsse  ;  mais  attendez,  je  Tais  vous  donner 
des  vêtements  pour  lui  porter. 

La  femme  fît  un  paquet  des  meilleures  hardes  qui  fussent  à  la 
maison,  et  les  remit  au  mendiant  en  lui  recommandant  bien  d'avoir 
soin  de  les  porter  à  son  défunt. 

Quand  le  mendiant  fut  parti  le  mari  de  la  femme  rentra  : 

—  Tu  ne  sais  pas,  lui  dit-elle  ;  il  est  venu  un  homme  qui  m*a 
appris  des  nouvelles  de  mon  défunt  mari  ;  il  tient  auberge  à  la  porte 
du  Paradis,  et  il  n'a  pas  trop  chaud  ;  aussi  je  lui  ai  envoyé  un 
paquet  de  hardes  pour  qu'il  puisse  se  vêtir. 

—  Pauvre  innocente  !  s'écria  le  mari  ;  tu  t  es  laissée  bien  attraper. 
Par  où  est  parti  le  mendiant  ? 

La  femme  lui  dit  quelle  route  il  avait  prise,  et  il  monta  à  cheval 
et  se  mit  à  courir  sur  la  route. 

Cependant  le  mendiant  rencontra  un  homme  qui  cassait  des  pierres 
sur  le  chemin. 

—  Vous  m'avez  Tair  fatigué,  mon  ami,  lui  dit- il;  si  vous  voulez,  je 
vais  casser  des  cailloux  à  votre  place  pour  m'échauffer  pendant 
que  vous  ferez  un  petit  tour  pour  vous  dégourdir  les  jambes. 

Le  cantonnier  accepta,  et  le  mendiant  se  mit  à  genoux,  la  masse 
à  la  main,  après  avoir  caché  son  paquet  dans  un  creux  de  fossé. 
Le  mari  ne  tarda  pas  à  arriver  : 

—  Cantonnier,  lui  dit-il,  n'avez- vous  pas  vu  passer  un  homme  qui 
portait  un  paquet  ? 

—  Si  ;  il  est  entré  dans  ce  champ  d'ajoncs. 

—  Tenez  mon  cheval,  brave  homme,  je  vais  courir  après  lui  pour 
le  rattraper. 

Dès  que  le  mari  eut  franchi  l'échalier,  le  faux  cantonnier  se  hâta 
de  reprendre  son  paquet,  et  de  monter  sur  le  cheval,  et  il  ne  tarda 
pas  à  disparaître. 

Le  bonhomme  eut  beau  regarder  de  tous  côtés,  il  ne  vit  pas  le 
voleur,  et  en  arrivant  sur  la  roule,  il  ne  retrouva  plus  son  cheval. 
Il  rentra  bien  penaud  à  la  maison,  et  quand  sa  femme  sut  la  fin  de 
Taventure  elle  lui  dit  : 

—  Tu  me  disais  que  j'étais  une  pauvre  innocente;  si  je  le  voulais, 
je  pourrais  t'appeler  Jean  le  Diot,  car  lu  es  bien  mieux  attrapé  que 
moi« 

Le  mendiant  vendit  le  cheval  qu'il  avait  volé,  et  les  habits  que  la 
bonne  femme  lui  avait  donnés,  puis  il  continua  à  mendier,  et  vint 
demander  la  charité  à  la  porte  d'un  château  : 

—  Vous  n'êtes  pas  d'ici,  lui  répondit-on  ;  qui  ètes-vous? 


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REVUE  DES  TRADITIONS  POPULAIRES  449 

—  Devin. 

~  Puisque  vous  êtes  devin,  dit  le  maître  du  château,  vous  pouvez 
bien  me  dire  qui  a  pris  l'anneau  de  ma  femme. 

—  Je  le  veux  bien,  mais  à  une  condition  :  c'est  que  vous  me 
nourrirez  de  votre  mieux  pendant  trois  jours. 

On  accepta,  et  il  pensait  en  lui  même  :  «  J'aurai  toujours  trois 
jours  de  bon  temps.  » 

Le  premier  jour  on  le  servit  copieusement,  et  le  soir,  il  dit  quand 
on  desservit  la  table  : 

—  En  voilà  toujours  un  de  pris. 

C'étaient  les  trois  domestiques  qui  avaient  volé  l'anneau,  et  les 
deux  autres  demandèrent  à  celui  qui  avait  servi  le  repas  ce  que  le 
devin  avait  dit  : 

—  Ma  foi,  il  a  dit  en  me  regardant  :  En  voilà  toujours  un  de  pris. 

—  C'est  toi  qu'il  a  voulu  désigner,  il  te  connaît,  répondirent  les 
deux  autres. 

Le  lendemain,  ce  fut  un  autre  domestique  qui  lui  porta  à  manger, 
et  le  soir  le  bonhomme  s'écria  : 

—  En  voilà  toujours  deux  de  pris. 

Le  troisième  jour,  celui  qui  le  servait  eut  peur  et  il  emporta  avec 
lui  Tanneau  volé  ;  et  quand  il  fut  pour  desservir  le  souper,  il  entendit 
le  mendiant  s'écrier  ; 

—  Ah  I  en  voilà  toujours  trois  de  pris  ! 

—  Ahl  dit  le  domestique,  voici  l'anneau,  ne  nous  dénoncez  pas,  ne 
dites  pas  que  c'est  nous  qui  l'avons  ou  nous  sommes  perdus. 

Le  devin  prétendu  prit  l'anneau,  le  roula  dans  de  la  pâte,  et  le 
jeta  à  un  dindon  qui  passait  par  là  et  qui  lavala. 

Le  seigneur  vint  voir  si  son  homme  savait  où  était  passé 
l'anneau  : 

—  Oui,  dil-il,  c'est  cette  poule  d'Inde  qui  l'a  avalé  ! 

On  ouvrit  le  dindon  et  l'anneau  fut  retrouvé  dans  son  jabot. 
Le  monsieur  dit  au  devin  de  rester  au  château,  car  il  voulait 
montrer  son  savoir  à  des  amis  qu'il  avait  invités  à  dîner. 
Quand  on  fut  au  dessert,  on  apporta  une  petite  boite  bien  fermée  : 

—  Qu'y  a-t-il  là-dedans? 

—  Par  ma  foi,  répondit-il,  mon  pauvre  Leral,  te  voilà  bien 
attrapé. 

Le  devin  s'appelait  Lerat,  et  quand  on  ouvrit  la  boite,  on  vit  qu'il 
y  avait  un  rat  dedans.  Et  tous  les  messieurs  frappèrent  dans  leurs 
mains  pour  applaudir  le  devin. 

(Conté  par  Pierre  Depais,  de  Saint-Cast^  i  879). 

TOME  XI.  —  AOUT-SBPTBMBRB   1896.  20 


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4oO  REVUE    DES  TRADITIONS  POPULAIRES 

XX 

LE  DEVIN 

Un  jour  un  monsieur  très  riche  perdit  trois  diamants  auxquels  il 
tenait  beaucoup,  et  comme  il  se  promenait  dans  la  campagne  en  son- 
geant aux  moyens  de  les  ravoir,  il  vint  à  passer  devant  une  petite 
cabane,  et  il  entendit  une  femme  qui,  b<'ittue  par  son  mari,  lui  disait  : 

—  Laisse-moi,  vilain  sorcier  ! 

Il  entra  à  la  maison,  et  dit  à  Thomme  : 

—  Vous  allez  me  dire  tout  de  suite  qui  m*a  volé  mes  diamants, 
puisque  vous  êtes  sorcier. 

—  Mais  répondait-il,  je  ne  suis  pas  sorcier. 

—  Si  monsieur,  il  Test,  disait  la  femme. 

Le  monsieur  Temmena  et  le  mit  en  prison  où  il  devait  rester  trois 
jours. 

Le  soir  du  premier  jour,  une  des  servantes  de  la  maison  vint  lui 
porter  à  dîner,  et  lui,  pensant  à  la  journée  qui  venait  de  s'écouler, 
dit  tout  haut  : 

—  En  voilà  une  ! 

La  servante  fut  bien  surprise,  car  c'était  elle  qui,  avec  les  autres, 
avait  pris  les  diamants,  et  elle  dit  k  sa  compagne  d*aller  porter  à 
manger  h  Thomme. 

Le  lendemain,  à  midi,  la  seconde  servante  en  apportant  le  repas 
entendit  le  prétendu  sorcier  qui  disait  : 

—  En  voilà  deux. 

La  servante,  effrayée,  vint  dire  aux  autres  qu'elle  ne  retournerait 
pas  à  la  prison  parce  que  le  sorcier  savait  tout. 

La  troisième  alla  la  dernière  journée  porter  à  manger,  et  elle  en> 
tendit  Thomme^dire  tout  haut  : 

—  Et  voici  la  troisième. 

—  Comment,  dit-elle,  vous  savez  donc  bien  que  c'est  nous  qui 
avons  volé  les  diamants  ?  Si  vous  voulez  nous  tirer  d'affaire,  nous 
vous  donnerons  de  l'argent. 

—  Hé  bien  I  si  vous  voulez  me  remettre  les  diamants,  je  me  charge 
de  tout. 

fie  lendemain,  il  donne  les  diamants  à  avaler  à  un  canard  auquel 
il  avait  coupé  des  plumes  à  la  queue  pour  le  reconnaître. 
Le  monsieur  arriva  et  demanda  quel  était  le  voleur  : 

—  Monsieur,  répondit-il,  c'est  votre  canard. 

On  tua  l'animal,  et  on  trouva  dans  son  corps  les  trois  diamants. 


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REVUB  DES  TRADITIONS  POPOLÂIRBS  4SI 

Le  monsieur  fut  si  content,  qu'il  lui  fit  présent  d'une  somme  d*ar- 
gent,  et  voilà  sa  fortune  quasiment  faite. 

En  sortant  de  là,  il  rencontra  un  autre  monsieur  qui  avait  quel- 
que chose  dans  un  sac. 

—  Sorcier,  devine  ce  que  j'ai  là  ? 
,    —  Merde  !  dit  l'autre. 

—  C'est  vrai,  répondit  le  monsieur. 

(Conté  par  Françoise  Dumont^  d'Ercé,  i 880). 


XXI 

LES  TROIS  BOSSUS 

Il  y  avait  une  fois  trois  frères  qui  étaient  bossus,  et  tous  les  trois 
étaient  fort  laids,  mais  ils  se  ressemblaient  tant  qu'on  avait  peine  à 
les  distinguer  l'un  de  l'autre.  Les  enfants  se  moquaient  d'eux  à 
cause  de  leur  difformité,  ils  étaient  devenus  hargneux,  et  souvent  ils 
poursuivaient  les  gamins  pour  les  battre. 

Un  jour  les  enfants  de  l'école  leur  firent  une  farce  plus  grosse  que 
d'habitude,  et  l'un  des  bossus  sortit  et  leur  distribua  une  volée  de 
coups.  Parmi  ceux  qu'il  frappa,  se  trouvait  le  fils  du  juge  de  la  ville, 
et  son  père  vint  faire  une  enquête  pour  savoir  qui  avait  battu  les 
écoliers.  Celui  qui  avait  fait  le  coup  se  cacha,  et  le  magistrat  inter- 
rogea les  autres. 

—  Est-ce  vous?  dit-il  à  celui  qui  se  présenta  le  premier. 

—  Non  je  viens  d'arriver  à  l'instant. 
Survint  un  autre  des  frères. 

—  Ah  !  dit  le  juge,  c'est  vous  qui  avez  frappé. 

—  Non,  monsieur,  j'arrive  de  route. 
Le  troisième  vint  à  son  tour. 

—  Ah  !  pour  cette  fois  c'est  vous. 

—  Moi,  monsieur,  j'étais  encore  loin  d'ici  il  n'y  a  qu'un  instant. 
Le  magistrat  ne  sachant  quel  était  le  coupable  condamna  les  trois 

frères  à  sortir  de  la  ville,  et  ils  se  séparèrent.  L'un  alla  du  côté  de 
l'ouest,  et  les  deux  autres  vers  le  nord  et  l'est. 

Celui  qui  s'était  dirigé  vers  Touest  arriva  à  Paimbœuf,  et  trouva 
de  Touvrage  chez  un  coutelier  (C'était  le  métier  des  trois  bossus).  A 
la  mort  du  coutelier  jsa  veuve  songea  à  se  remarier,  et  épousa  son 
ouvrier.  Il  laissa  alors  l'état  de  coutelier  et  se  mit  marchand  de  vin 
en  gros;  il  faisait  de  bonnes  affaires,  mais  s'enivrait  souvent,  et 


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4S2  RBVUS   DES  TRADITIONS  POPULAIRES 

quand  il  laissait  sa  raison  au  fond  d'un  verre,  il  mettait  quelque 
temps  pour  la  retrouver. 

Ses  deux  frères  ayant  appris  qu'il  se  trouvait  dans  une  position 
aisée  vinrent  lui  demander  db  secours.  Mais  lui  qui  ne  se  souvenait 
plus  d'avoir  été  pauvre,  les  reçut  fort  mal.  Il  leur  donna  à  chacun 
un  louis  de  vingt-quatre  francs,  en  leur  disant  d'aller  au  diable,  et 
il  recommanda  à  sa  femme  de  ne  pas  les  recevoir  s'ils  se  présen- 
taient. 

Quand  les  deux  bossus  eurent  dépensé  leur  argent,  et  ce  ne  fut 
pas  long,  ils  revinrent  à  la  maison  de  leur  frère  qui  était  absent^  et 
leur  belie-sœur  leur  donna  à  boire  et  à  manger,  mais  entendant  son 
mari  qui  arrivait  en  faisant  du  tapage  parce  qu'il  était  ivre,  elle 
ouvrit  la  porte  de  la  cave  et  les  y  enferma  en  disant  que  bientôt 
elle  reviendrait  leur  ouvrir.  Mais  son  mari  arriva  de  fort  méchante 
humeur  en  criant  :  La  soupe  n'est  encore  pas  prête  !  au  reste,  viens  te 
coucher  avec  moi  ;  je  ne  veux  pas  souper. 

La  femme  fut  obligée  d'obéir,  et  les  deux  bossus  qui  étaient  dans 
la  cave  burent  tellement  de  vin  qu'ils  en  moururent.  Quand  la  femmo 
alla  dans  la  cave  le  lendemain,  et  qu'elle  vit  que  ses  beaux-frères 
étaient  allés  porter  des  lettres  à  leur  grands-parents,  elle  se  dit  : 

—  Comment  faire?  je  n'en  parlerai  pas  à  mon  mari,  car  il  me 
gronderait.  Il  y  a  à  Paimbœuf  un  portefaix  qui  est  fort  comme  un 
Turc,  mais  qui  passe  pour  un  peu  fou,  ce  soir  j'irai  le  trouver  et  lui 
dirai  de  prendre  un  sac  et  de  jeter  les  bossus  dans  la  Loire. 

Quand  elle  vit  le  portefaix  : 

—  Il  est  entré  un  voleur  par  les  grilles  de  la  cave,  dit*elle,  et  il  a 
tant  bu  de  vin  qu'il  en  est  mort  ;  il  faut  que  vous  alliez  le  porter  ce 
soir  à  la  rivière. 

—  Ce  n'est  pas  le  premier  que  je  porte,  dit  le  portefaix. 

—  Voyez  par  où  il  a  passé,  poursuivit-elle  en  montrant  les  grilles  ; 
j'ai  peur  qu'il  ne  s'en  revienne. 

—  Jamais  ceux  que  je  jette  ne  reviennent. 

—  Vous  aurez  six  francs  pour  votre  peine  ;  je  vous  en  donnerai 
trois  quand  vous  emporterez  le  corps,  et  les  trois  autres  à  votre 
retour  quand  je  serai  sûr  qu'il  ne  reviendra  pas 

Le  portefaix  chargea  le  bossu  sur  ses  épaules  (l'autre  bossu  était 
caché)  et  alla  le  jeter  dans  la  Loire  où  il  le  vit  disparaître,  puis  il 
revint  chez  la  femme. 

—  Donnez-moi  une  goutte,  dit-il. 

—  Volontiers,  et  nous  allons  voir  si  le  bossu  ne  serait  pas  revenu. 
Quand  ils  descendirent  à  la  cave,  il  y  avait  encore  un  bossu  étendu 

sur  le  sol. 


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REVUE  DES  TRADITIONS  POPULAIRES  453 

—  Ah  I  s'écria  le  portefaix,  il  a  pour  sûr  le  diable  au  corps,  mais 
s'il  revient  cette  fois-ci,  cela  me  surprendra  fort. 

Il  chargea  le  second  bossu  sur  ses  épaules,  et  alla  le  jeter  dans  la 
rivière  à  un  endroit  où  le  courant  était  violent,  et  resta  quelque 
temps  sur  le  rivage  pour  voir  s'il  ne  reparaîtrait  pas. 

Comme  il  revenait  pour  toucher  ses  trois  francs,  il  rencontra  le 
bossu  marié  qui  revenait  de  souper  en  ville  et  qui  était  très  ivre. 

Il  alla  à  lui,  lui  mit  le  sac  sur  la  tête  et  le  fourra  dedans  avec  sa 
lanterne  et  l'ayant  lié  solidement. 

—  Cette  fois,  dit-il,  il  ne  se  sauvera  pas. 

Il  jeta  le  sac  dans  la  Loire,  et  revint  pour  se  faire  payer. 

—  Allons  voir  dit  la  femme. 

—  C'est  inutile,  répondit  le  portefaix,  je  l'ai  rencontré  qui  s'en 
revenait  une  lanterne  à  la  main  en  contrefaisant  l'homme  saoûl^  je 
l'ai  mis  dans  un  sac,  et  ai  jeté  sac  et  bossu  à  la  rivière. 

La  femme  paya  le  portefaix  et  moi  je  m'en  revins. 

{Conté  par  Joseph  Andréa  de  Trébry,  1 879), 

XXII 

JEANNETTE  * 

Il  y  avait  une  fois  un  homme  qui  allait  glaner,  et  dans  sa  journée 
il  ne  ramassa  rien  qu'un  épi  de  blé.  Comme  il  était  loin  de  chez  lui,  il 
entra  dans  une  ferme  et  demanda  à  coucher. 

—  Je  suis  bien  lassé,  dit-il,  et  pourtant  je  n'ai  trouvé  qu'un  seul 
épi  de  blé. 

—  Mettez-le  sur  le  joûg  à  nos  poules,  dit  la  fermière,  et  il  n'aura 
pas  de  mal. 

Quand  l'homme  fut  levé  le  lendemain,  il  dit: 

—  Bonjour. 

—  Bonjour,  lui  répondit-on. 

—  Où  est  mon  épi  de  blé  ? 

—  Mon  pauvre  bonhomme,  nous  avons  une  mauvaise  poule  noire 
qui  l'a  mangé. 

—  Procès,  procès,  dit  l'homme. 

—  Point  de  procès,  bonhomme,  prenez  la  poule  et  vous  en  allez. 
11  prit  la  poule  et  le  soir  venu,  il  entra  dans  une  autre  maison 

pour  demander  à  coucher. 

—  Où  mettrai-je  ma  poule  ? 

—  Dans  retable  au  cochon. 

1.  Cf.  Vadoyer,  Contes  populaires  de  la  Haute-Bretagne,  t.  I,  n.  64. 


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4î)i  REVUE   DES   TBADITIONS    POPOLAÎRÉS 

Le  lendemain,  quand  il  fut  levé,  il  dit  : 

—  Bonjour. 

—  Bonjour. 

—  Où  est  ma  poule  ? 

—  Mon  pauvre  bonhomme,  nous  avons  un  mauvais  cochon  qui  Ta 
mangée. 

—  Procès,  procès  ! 

—  Point  de  procès,  mon  bonhomme,  prenez  le  cochon  et  vous  en 
allez. 

Il  alla  encore  plus  loin  et  demanda  à  coucher,  et  on  mit  le  cochon 
parmi  les  vaches. 

—  Quand  il  fut  levé  au  matin,  il  dit  : 

—  Bonjour. 

—  Bonjour. 

—  Où  est  mon  cochon  ? 

—  Mon  pauvre  bonhomme,  nous  avons  une  méchante  vache  qui 
Ta  étripé  avec  ses  cornes. 

—  Procès,  procès  I 

—  Point  de  procès,  bonhomme  ;  prenez  la  vache  et  vous  en  allez. 
Il  marcha  encore  toute  la  journée,  et  le  soir  il  demanda  à  coucher  ; 

on  lui  offrit  un  lit  et  on  lui  dît  : 

—  Mettez  votre  vache  avec  les  nôtres. 

Il  y  avait  à  la  ferme  une  petite  fille  qui  s'appelait  Jeannette,  et 
qui  avait  soin  de  Télable.  Elle  alla  pour  traire  les  vaches,  et  celle  du 
bonhomme  voulut  lui  donner  des  coups  de  cornes  ;  alors  Jeannette 
prit  une  fourche  et  élripa  la  vache  du  bonhomme. 

Lorsqu'il  se  leva,  il  dit  comme  à  Tordinaire  : 

—  Bonjour. 

—  Bonjour. 

—  Où  est  ma  vache  ? 

—  Mon  pauvre  bonhomme,  nous  avons  une  petite  fille  qui  s'ap- 
pelle Jeannette  et  qui  Ta  tuée  d*uncoup  de  fourche. 

—  Procès,  procès. 

—  Point  de  procès,  bonhomme  ;  prenez  plutôt  Jeannette  et  vous 
en  allez. 

11  mit  Jeannette  dans  un  sac,  et  la  porta  bien  loin,  et  le  soir  il 
entra  chez  la  marraine  de  la  fille  et  demanda  à  coucher  et  à  déposer 
son  sac  dans  un  coin. 

Pendant  qu'il  était  sortit,  le  chien  de  la  maison  venait  sentir  le 
sac,  et  Jeannette  qui  avait  peur  d'être  mordue  criait  : 

—  Marraine  !  marraine  !  tirez-moi  du  sac  au  bonhomme  et  mettez 
à  ma  place  votre  grand  chien  qui  veut  me  mordre. 


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BEVUE  DES  TRADITIONS  t^OPULAIRES  4S5 

La  marraine  ôta  Jeannette  du  sac  et  y  mît  le  chien. 
Le  lendemain,  quand  Thomme  fut  levé,  il  dit  : 

—  Bonjour. 

—  Bonjour. 

—  Où  est  le  sac  que  j'ai  mis  là  hier  ? 

—  Le  voilà,  bonhomme. 

Il  prit  sur  son  dos  le  sac,  et  le  chien  se  débattait  et  lui  faisait  sen- 
tir ses  griffes.  Le  bonhomme  posa  le  sac  à  terre  et  Touvrit  pour 
corriger,  à  ce  qu'il  croyait,  Jeannette  ;  mais  le  chien  s'enfuit  rapide- 
ment, et  le  bonhomme  courait  après  en  criant  : 

—  Jeannette,  revenez  ici,  vous  aurez  le  fouet  1 

(Conté  par  J,  M,  Hervé,  de  Pluduno,  1879). 


XXIII 

JEAN  LE  FAINÉANT 

Il  y  avait  une  fois  un  homme  et  une  femme  qui  avaient  un  garçon 
qu'on  appelait  Jean  le  Fainéant  parce  qu'il  était  paresseux  comme 
une  couleuvre  ;  il  avait  déjà  vingt-cinq  ans  et  ses  parents  ne  pou- 
vaient rien  en  faire. 

Un  jour  le  bonhomme  dit  à  sa  femme  : 

—  Bonne  femme,  tu  ne  penses  pas  à  faire  un  avenir  à  notre  gar- 
çon? 

—  Quel  avenir  veux-tu  qu'il  ait?  il  est  déjà  sur  vingt-cinq  ans, 
et  il  ne  sait  faire  œuvre  de  ses  dix  doigts. 

—  Il  faut  le  marier,  dit  le  bonhomme  ;  une  fois  marié,  il  sera  peut- 
être  plus  vaillant  à  la  besogne. 

—  Le  marier,  ciel  adorable  !  s*écria  la  bonne  femme,  qui  jamais 
le  voudrait  ? 

—  Mais  peut-être  bien  Marie -Antoinette  ;  elle  m'appelle  quelquefois 
son  beau-père,  il  faudra  essayer. 

Quand  Jean  le  Fainéant  fut  de  retour  à  la  maison,  ses  parents  lui 
dirent  : 

—  Puisque  tu  ne  veux  rien  faire,  il  faut  aller  voir  Marie-Antoi- 
nette et  la  demander  en  mariage. 

—  Je  veux  bien,  répondit-il,  si  cela  lui  plait  aussi, 

Voilà  le  bonhomme  et  le  gars  partis  pour  aller  chez  Marie-Antoi- 
nette qui  demeurait  auprès  de  chez  eux,  dans  une  maison  bourgeoise 
où  elle  était  domestique. Elle  avait  envie  de  se  marier,  et  elle  dit  oui 
tout  de  suite. 


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4!>6  BEVUE  DES  TRADITIONS  POPULAIRES 

On  fit  une  belle  noce  où  rien  ne  manquait  ;  le  bourgeois  de  Marie- 
Antoinette  lui  promit  une  ferme,  et  dit  qu'il  la  garnirait  de  tout,  de 
chevaux,  de  Vaches,  de  cochons  et  de  moutons. 

Au  bout  de  quinze  jours,  les  voilà  partis  à  leur  ménage  ;  mais  Jean 
était  aussi  fainéant  dans  la  ferme  que  chez  lui.  Sa  femme  lui  disait 
tous  les  jours  : 

—  Travaille  donc,  Jean,  ou  nous  ne  pourrons  payer  notre  maître 
et  il  nous  mettra  dehors. 

Une  année  se  passe,  le  maitre  ne  dit  pas  grand  chose  ;  mais  la 
seconde,  il  se  fâcha  un  peu  : 

—  Si  tu  ne  travailles  pas  mieux,  je  te  mettrai  hors  de  ma  ferme  ; 
tu  ne  fais  rien  ;  il  n*y  a  pas  la  moitié  de  mon  terrain  qui  soit 
ensemencé. 

—  Je  ne  peux  pas  travailler  plus  que  cela,  répondit  Jean,  je  fais 
ce  que  je  peux. 

Gela  dura  cinq  ans  de  la  sorte,  et  ils  avaient  cinq  enfants. 
A  la  fin,  le  maitre  se  fâcha  pour  tout  de  bon,  et  lui  déclara  que 
celte  fois,  il  le  mettrait  à  la  porte. 

—  Ah  !  dit  Jean,  serez-vous  dans  le  cas  de  le  faire  ? 

—  Nous  verrons  ;  si  demain  matin  je  te  retrouve  ici,  je  te  fais  em- 
poigner par  la  justice. 

Après  avoir  réfléchi,  Jean  partit  de  la  ferme  oti  il  laissa  sa 
femme  et  ses  enfants  ;  il  ne  savait  quel  métier  prendre  ;  à  la  fin  il  se 
mit  dans  l'idée  de  naviguer. 

—  Je  serai  toujours  porté  étant  sur  un  navire,  pensa-t-il. 

11  alla  s'engager  avec  un  capitaine  qui,  voyant  qu'il  avait  Tair  d'un 
gars  de  métairie,  lui  dit  : 

—  Es-tu  matelot,  pour  t'embarquer  ? 

—  Oui,  oui,  je  suis  dans  le  cas  de  faire  mon  service  ;  si  je  ne  le 
fais  pas,  vous  ne  me  paierez  pas. 

—  Cela  suffit,  dit  le  capitaine  qui,  voyant  son  air  résolu,  pensa 
qu'il  connaissait  le  métier. 

Le  navire  se  mit  en  mer,  et  Jean,  qui  n'était  pas  du  premier  quart, 
alla  se  coucher.  Quand  on  Tappela  pour  relever  les  autres,  il  y  avait 
de  la  besogne  à  le  faire  se  lever,  car  il  ne  voulait  pas. 

—  Capitaine,  dirent  les  marins,  vous  avez  un  matelot  qui  refuse 
de  prendre  le  quart. 

—  Comment,  s'écria  le  capitaine  quand  il  fut  descendu,  tu  ne  veux 
pas  te  lever  ? 

—  Croyez-vous  que  je  vais  travailler  la  nuit,  moi  ? 

—  Par  ma  foi;  me  voilà  bien  gréé  !  qui  m'a  donné  un  fainéant 
comme  cela  ! 


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REVUE   DES   TRADITIONS    POPULAIRES  457 

—  Vous  ne  me  dites  pas  de  sottises,  répondit  Jean,  j*ai  nom  Jean 
le  Fainéant. 

Il  finit  pourtant  par  se  lever,  et  il  monta  sur  le  pont  où  lui  et  un 
autre  matelot  devaient  faire  leur  quart.  Dès  qu'il  y  fut,  il  s'installa 
pour  y  faire  un  somme. 

—  Ce  n*est  pas  comme  cela  qu'on  fait,  lui  dit  l'autre  matelot  ;  on 
se  promène  sur  le  pont  pour  s'engarder  de  dormir. 

—  Promèae-toi  si  tu  veux  ;  crois-tu  que  je  vais  passer  la  nuit  à 
me  promener  de  même. 

Et  il  se  mit  à  dormir  ;  on  alla  chercher  le  capitaine  qui  prit  une 
corde  pliée  en  double^  et  frappa  Jean. 

—  Ah  I  disait  Jean,  j'en  ai  attrapé  un  à  terre,  j'en  attraperai  bien 
un  second  ici. 

Après  sa  correction,  il  ne  travaillait  pas  plus  qu'avant,  et  chaque 
fois  qu'on  lui  faisait  des  reproches,  il  disait  : 

—  Mettez-moi  à  terre,  je  ne  vous  demande  rien. 

Mais  ils  étaient  en  pleine  mer  à  ce  moment  ;  dès  que  le  capitaine 
aborda  à  un  port,  il  le  débarqua  sans  rien  lui  donner.  Jean  resta 
dans  la  ville,  il  n'y  connaissait  personne,  et  comme  il  n'avait  pas  un 
sou  vaillant,  il  couchait  dehors  et  mourait  de  misère. 

Une  nuit  qu'il  était  couché  sur  une  pierre,  il  sentit  qu'elle  remuait 
il  entendit  toc,  toc,  au-dessous,  et  la  pierre  se  souleva.  Cinq  ou  six 
hommes  sortirent  de  dessous  terre,  et  lui  dirent  : 

—  Que  fais-tu  là  ;  toi  ? 

—  Je  dors. 

—  Veux-tu  venir  avec  nous  ? 

—  Volontiers,  mais  je  n'ai  rien  dans  le  ventre  et  je  voudrais 
manger. 

On  lui  donna  un  peu  de  nourriture,  et  il  les  suivit  ;  mais  ils  allaient 
plus  vite  qu'il  n'aurait  voulu. 

C'étciient  des  faiseurs  de  fausse-monnaie  qui  étaient  établis  dans 
un  souterrain  et  allaient  volerjla  nuit.  Ils  s'en  revinrent  bien  chargés 
de  butin,  et  ils  mirent  un  sac  pesant  sur  le  dos  de  Jean  qui  se  plai- 
gnait souvent  et  s'arrêtait.  Les  voilà  arrivés  à  la  pierre  : 

—  Il  faut  que  tu  descendes^  dirent  les  faux-monnayeurs. 

—  Je  ne  descendrai  pas  le  premier,  répondit-il. 

On  lui  montra  la  route  et  il  arriva  dans  le  souterrain  où  il  trouva 
une  centaine  de  bons  sujets  qui  faisaient  de  la  fausse  monnaie.  Jean 
travailla  aussi  et  il  prit  le  métier  à  cœur,  si  bien  qu'il  devint  l'un 
des  plus  habiles. 

Il  était  bien  avec  eux,  mais  il  avait  du  regret  de  sa  famille  ;  il 


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458  REVUE   ûfiS  TRADITIONS    POPULAIRES 

pensait  à  sa  femme  et  k  ses  enfants  qui,  peutrétre,  étaient  sur  les 
roules  à  chercher  leur  vie  ;  mais  il  ne  savait  comment  sortir 
delà. 

Le  chef  de  la  bande  mourut  après  avoir  dit  qu*il  voulait  que  Jean 
prit  le  commandement  à  sa  place.  Quand  il  se  vit  assez  riche,  il  se 
disait  : 

—  Si  je  pouvais  m*en  aller,  je  saurais  si  ma  femme  et  mes  enfants 
vivent  encore. 

11  trouva  moyen  de  faire  porter  une  caisse  d*or  en  dehors  du  sou- 
terrain, puis  il  put  en  sortir  et  le  voilà  bien  content,  avec  son  coffre 
d'or. 

Il  se  dit  «  Je  vais  me  mettre  charlatan  avec  cet  argent-là.  »  Ce  qui 
l'y  fit  penser,  c'est  qu'il  avait  vu  les  charlatans  remuer  les  pièces  de 
cent  sous  à  poignées. 

Il  s'acheta  un  habit  galonné,  une  belle  voiture  avec  des  chevaux 
chamarrés,  et  il  prit  avec  lui  un  domestique  ;  il  n'allait  que  dans  les 
grandes  villes,  et  il  y  avait  du  succès,  car  il  avait  le  bageolet  bien 
pendu,  et  il  avait  appris  de  la  malice  dans  le  souterrain. 

Laissons  là  Jean  le  Fainéant,  et  retournons  à  son  ancien  bourgeois. 

Le  maître  de  la  ferme  avait  laissé  la  femme  et  les  enfants  dans  sa 
terre.  C'était  un  vieux  garçon  qui  vivait  joyeusement. 

Il  avait  avalé  une  arête  qui,  depuis  deux  ans,  lui  était  restée  dans 
la  gorge  ;  il  avait  été  à  tous  les  médecins,  mais  aucun  n'avait  pu 
la  lui  ôter,  et  il  se  voyait  pour  mourir. 

Jean  le  Fainéant  vint  dans  une  ville  auprès  de  Tendroit  où  il  de- 
meurait, et  on  parla  beaucoup  de  lui. 

—  Notre  maître,  dit  la  fermière  à  sou  bourgeois,  il  y  a  à  la  ville  un 
homme  qui  est  si  capable  qu'il  guérit  de  tout.  Si  vous  vouliez,  il  vien- 
drait ici. 

—  Que  veux-tu  que  je  fasse  d'un  charlatan?  répondit-il.  Elle  le 
pria  tant  qu'il  finit  par  lui  dire  d'aller  le  chercher.  11  était  presque 
nuit  lorsqu'elle  arriva  devant  lui,  mais  il  \b  reconnut  bien  : 

—  Monsieur,  lui  dit-elle,  jai  mon  maître  qui  est  bien  mal.  Si  vous 
vouliez  venir  le  voir. 

Elle  tenait  à  la  main  son  dernier  enfant,  celui  qui  était  encore  au 
bers  '  quand  Jean  était  parti . 

—  Vous  avez  un  joli  enfant^  lui  dit-il  ;  oQ  est  votre  mari  ? 

—  Je  ne  sais  pas  ce  qu'il  est  devenu  ;  il  est  parti  il  y  a  sept  ans, 
parce  qu'il  avait  eu  le  malheur  de  se  mettre  mal  avec  notre  maître... 
Mais,  dit-elle,  vous  avez  un  grand  air  de  lui. 

i.  Berceau. 


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REVCB    DES   TRADITIONS   POPULAIRES  459 

—  Votre  mattre  est  donc  bien  mal  ?  qu'est-ce  qu'il  a  ? 

—  11  lui  est  resté  une  arête  dans  la  gorge  et  il  dit  qu'il  donnerait 
la  moitié  de  son  bien  à  celui  qui  pourrait  la  lui  ôter. 

—  Je  vais  aller  le  voir,  je  ne  vous  promets  pas  de  le  débarasser, 
mais  je  ferai  ce  que  je  pourrai. 

Quand  le  charlatan  fut  en  présence  de  son  ancien  mattre,  il  lui 
dit: 

—  Vous  donneriez  beaucoup  sans  doute  pour  être  guéri? 

—  Ah  I  oui,  répondit-il. 

—  Donneriez-vous  bien  le  Val-Orio  ? 

—  Qui  vous  fait  connaître  mon  Val-Orio?  demanda-t-il  tout  surpris. 

—  Est-ce  que  vous  ne  me  reconnaissez  pas  ? 

—  Non. 

—  Vous  ne  connaissez  pas  Jean  le  Painéant  ? 

—  Jean  le  Fainéant!  s'écria-t-il  en  le  regardant,  et  il  s'esclaffa  tel- 
lement de  rire,  que  Tarête  lui  sortit  de  la  gorge.  Il  fut  si  content 
d'être  guéri  qu'il  lui  dit  :  ^ 

—  Je  te  fais  mon  héritier,  toi  et  tes  enfants. 

Il  leur  signa  tous  les  papiers  pour  cela.  Jugez  si  Jean  le  Fainéant 
fit  une  belle  affaire. 

Ils  étaient  bien  aises,  sa  femme  et  lui,  et  en  signe  de  joie,  ils  firent 
de  nouvelles  noces  où  ils  convièrent  tous  leurs  amis,  et  le  lendemain 
on  voyait  le  long  de  la  route  les  invités  égaillés  sur  les  mètres  de 
pierres  et  ronflant  comme  des  bienheureux. 

{Conté  en  i  880^  par  Rose  Renault^  de  Saint-Cast,  qui  Va  appris  d'un 
cultivateur  de  Matignon^  nommé Urban,  âgé  de  40  ans  environ), 

Paul  Sébillot. 


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460  REVUE    DES   TRADITIONS    POPULAIRES 


CONTES  TROYENS 


VII 

LE   RUSÉ    ET   LE    SEIGNEUR 

eus  ce  litre,  ma  mère  me  contait  le  récit  que  M.  Filleul- 
Petigny,  dans  le  numéro  de  juillet  dernier,  intitule  Bocévainp, 
Quelques  variantes  sont  à  signaler.  Dans  le  conte  troyen, 
le  curé  est  remplacé  par  le  seigneur  du  lieu  ;  au  lieu  de 
s'appeler  Bocévaine,  le  paysan  s'appelle  Jean  ;  —  les  farces 
qu'il  fait  au  seigneur  sont  une  vengeance  de  celle  que  ce  dernier  lui 
avait  jouée  en  lui  conseillant  de  vendre  sa  vache  à  raison  d'un  louis 
le  poil,  prix  auquel  personne  n'en  voulut  au  marché,  et  pour 
cause.... 

Pour  se  venger,  Jean  envoie  son  fils  emprunter  le  boisseau  du 
seigneur,  puis  le  lui  renvoie  en  y  laissant  un  louis,  avec  ordre  de 
dire  que  Jean  n'en  est  pas  à  cela  près,  car  il  les  mesure  au  boisseau. 
Le  seigneur  vient  pour  avoir  Texplication  d'une  telle  richesse,  et 
Jean  lui  dit  qu'il  a  un  âne  qui  fait  des  louis  au  lieu  de  crottes.  Le  sei- 
gneur le  lui  achète  très  cher,  et  se  trouve  déçu. 

Les  épisodes  de  la  marmite  et  du  sifflet  sont  les  mêmes,  avec 
cette  différence  que  le  seigneur  tue  sa  femme  ;  notre  conte  se 
termine  par  la  noyade  d'un  individu  à  la  place  de  Jean. 

YIII 

JEAN-BÊTE 

Jean-Bôte  se  retrouve  aussi  dans  les  contes  troyens,  avec  les 
épisodes  de  la  lessive  et  des  œillades  ;  celui  de  la  messe  n'y  figure 
pas,  mais  il  est  avantageusement  remplacé  par  les  deux  suivants  : 

Un  jour,  Jean-Béte,  envoyé  à  la  ville  pour  rapporter  des  aiguilles, 
une  marmite  et  de  l'huile,  met  les  aiguilles  dans  la  voilure  de  foiù 
d'un  de  ses  voisins  rencontré  en  route,  avec  la  pensée  de  les  repren- 
dre à  l'arrivée  ;  il  laisse  la  marmite  sur  la  route,  en  faisant  cette 
réflexion  qu'ayant  trois  pieds  elle  peut  marcher  aussi  bien  que  lui, 
qui  n'en  a  que  deux  ;  enfin,  il  donne  son  huile  à  boire  à  la  terre, 
qui  lui  parait  avoir  soif. 

Une  autre  fois,  sa  mère  l'envoie  vendre  de  la  toile,  en  lui  recom- 


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REVUE   DES   TRADITIONS    POPULAIRES  461 

mandant  de  ne  pas  la  céder  à  une  babillarde.  A  toutes  les  femmes 
qui  lui  demandaient  le  prix  de  sa  toile  il  refusait  de  vendre,  sous 
prétexte  qu*eUes  étaient  des  babîllardes.  N^ayant  rien  vendu,  il 
revint  au  logis.  En  chemin,  entrant  dans  une  église,  il  vit  la  statue 
d'une  sainte  et  lui  dit  :  «  Veux-tu  ma  toile  ?»  —  La  sainte  ne  répon- 
dit pas.  —  «  A  la  bonne  heure,  tu  n'es  pas  une  babillarde,  tu  auras 
ma  toile  ;  d  et  il  Tenroule  autour  de  la  statue.  Ensuite,  il  lui  réclame 
le  prix  de  sa  marchandise,  et  comme  elle  ne  s'exécute  pas  il  lui 
donne  un  coup  de  pied  dans  le  ventre.  La  statue  était  creuse,  elle 
cassa,  et  il  tomba  4  fr.  50  qui  s'y  trouvaient.  Jean-Béte  se  crut  payé 
et  revint  au  logis,  où  il  essuya  une  dure  réprimande  pour  avoir 
rapporté  si  peu  d'argent. 
A  la  fin  du  conte,  Jean-Béle  est  chassé  par  sa  mère. 

Louis  MORLN. 


USAGES  ALSACIENS 


E  jour  de  la  Saint-Laurent,  10  août,  est  le  jour  où  l'on  ré- 
colte le  lin  dans  les  communes  du  canton  de  Wissembourg. 
Ce  môme  jour  on  a  coutume  de  remuer  la  terre  pour  trouver 
du  charbon.  Sur  les  bords  de  la  Lauter  chaque  enfant  s'in- 
génie à  recueillir  le  plus  fort  butin  et  Ton  fouille  avec  fréné- 
sie. Ordinairement  le  théâtre  de  ces  fouilles  est  le  verger  ou  le  pota- 
ger et,  comme  dans  ceux-ci,  lorsqu'on  retourne  la  terre,  souvent 
disparaissent  des  branches  qui  plus  tard  se  réduisent  en  charbon, 
on  est  à  peu  près  sûr  de  trouver  la  denrée  que  Ton  cherche. 

Le  charbon  trouvé  sert  de  remède  dans  les  douleurs  d'entrailles  et 
les  maux  de  dents.  Il  doit  y  avoir  un  rapport  entre  cette  recherche 
du  charbon  et  le  martyr  de  saint  Laurent  qui,  comme  on  sait,  fut 
placé  sur  un  gril  sous  lequel  pétillaient  des  charbons  ardents. 

Paul  RisiELauBER, 


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462  REVUE  DES  TRADITIONS  POPULAIRES 


CONTES  D'ANVERS 


MIËKE    ET    JANNEKE 

Conte  (Tenfants. 

"/MSff  ^  y  ^vait  une  fois  deux  enfants,  le  frère  et  la  sœur,  qui  se  nom- 
o^jjB!  maient  Mxeke  (Marie)  et  Janneke  (Jean). 

^^^      Un  jour  qu'ils  se  promenaient  dans  les  champs,  mangeant 
leur  tartine,  ils  aperçurent  une  pauvre  petite  vieille. 
La  pauvresse,  s'adressant  à  Janneke,  lui  demanda  de  sa 
tartine. 

—  Non,  répondit  Janneke,  si  tu  as  faim,  j'ai  faim  aussi,  tu  n  auras 
rien. 

La  vieille  renouvela  la  même  demande  à  Mieke,  qui  s'empressa 
aussitôt  de  lui  donner  sa  tartine  toute  entière. 

Notre  pauvresse,  ayant  mangé  sa  tartine,  remit  à  Janneke  une 
carte  noire  et  à  Mieke  une  carte  blanche.  Avec  la  carte  noire  il  fallait 
frapper  à  la  première  porte  noire  qu'on  rencontrerait  sur  le  chemin, 
et  avec  la  blanche  à  la  première  porte  blanche. 

Comme  il  fut  dit,  il  fut  fait.  À  la  porte  noire  Janneke  fut  reçu  par 
une  légion  de  diablotins  qui  l'emportèrent  dans  les  entrailles  de  la 
terre;  à  la  porte  blanche  une  foule  de  petits  anges,  roses  et  mignons, 
reçut  Mieke  qui  fut  transportée  au  ciel  dans  une  voiture  rose  et 
traînée  par  les  anges. 

{Recueilli  à  Anvers], 

11 

SEKB  ET   SYKE 

Conte    d'enfants. 

Seke  et  Syke,  deux  sœurs,  folâtraient  le  long  des  chemins  du  vil- 
lage et  cueillaient  des  mûres  aux  ronces  qu'elles  rencontraient. 

Comme  le  soir  tombait,  Seke  dit  à  Syke  :  «  Retournons  k  la  mai- 
son, il  se  fait  tard!  » 

—  Non,  répondit  Syke,  nous  avons  encore  le  temps. 


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REVUE  DES  TRADITIONS    POPULAIRES  463 

—  Ah  !  c'est  ainsi,  lu  refuses  de  m'obéir.  Eh  bien!  je  voudrais 
voir  apparaître  un  vilain  chien  qui  le  morde  cruellement. 

Le  chien  apparut,  mais  ne  mordit  point  Syke,  malgré  l'ordre  de 
Seke. 
Ce  que  voyant,  Seke  de  dire  : 

—  Je  voudrais  voir  apparaitre  un  bâton  pour  battre  ce  maudit 
chien,  qui  ne  veut  pas  mordre  Syke,  qui  ne  veut  pas  retourner  à  la 
maison. 

Ce  fut  au  tour  du  bâton  d'apparaître  et  de  refuser  de  battre  le 
chien. 

Seke  dit  encore  : 

—  Je  voudrais  voir  apparaître  un  feu  violent  pour  brûler  ce  bâton, 
qui  ne  veut  pas  battre  le  chien,  qui  ne  veut  pas  mordre  Syke,  qui  ne 
veut  pas  retourner  à  la  maison. 

Comme  les  précédents,  le  feu  apparut  et  ne  brûla  pas  le  bâton. 
Seke,  hors  d'elle-même,  fit  un  dernier  souhait  : 

—  Je  voudrais,  dit-elle,  voir  apparaître  de  l'eau  qui  éteindrait  ce 
feu  qui  ne  veut  pas  consumer  le  bâton,  qui  ne  veut  pas  battre  le 
chien,  qui  ne  veut  pas  mordre  Seke,  qui  ne  veut  pas  retourner  à  la 
maison. 

L'eau  apparut  et  aux  injonctions  de  Seke,  elle  éteignit  le  feu  qui 
brûla  le  bâton,  qui  bâtit  le  chien,  qui  mordit  Syke,  qui  retourna  à  la 
maison  ^ 

{Co7iié  par  Marie  Plaschaert^  née  à  Anvers,  en  i 836^  qui  le  lient  de 
ses  parents) . 

Alfred  Harou.. 

1.  La  randonnée  de  Bricou,  étudiée  dans  plusieurs  numéros  de  la  Revue. 


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464 


REVUE   DES    TRADITIONS  POPULAIRES 


TRADITIONS,  SUPERSTITIONS  ET  COUTUMES 
DU  MENTONNAIS* 


ETUDE  COMPARATIVE 

>^^.  A  table  suivante  indiquerait  que  les  croyances  mentonnaises  se 
v\^^  rapprochent  plus  de  celles  de  la  Provence  que  de  celles  de  la 
^})1^  rivière  de  Gênes,  s  accordant  ainsi  avec  la  linguistique '.  Une 
^1]]^  exception  apparente  se  voit  dans  le  Mariage  ;  elle  pourrait 
"o  résulter  d'alliances  plus  fréquentes  avec  des  Génois.  D*ailleurs 
les  faits  qu  on  a  pu  collectionner  pour  celte  rubrique  sont  peu 
nombreux  ;  on  y  est  surtout  frappé  par  la  couleur  locale.  Quant  aux 
Fêtes,  où  le  rapprochement  avec  le  Provençal  est  relativement 
faible,  il  est  à  observer  que  Menton  se  trouvait  dans  le  diocèse  de 
Vintimille  jusqu'au  Concordat.  Une  base  de  comparaison  plus 
étendue  serait  sans  doute  à  désirer,  mais  celle-ci  suffit  au  moins 
provisoirement. 

Les  causes  de  celte  ressemblance  pourraient  être  cherchées  dans 
rhistoire  et  la  topographie  du  pays^  selon  les  connaissancesactuelles. 
11  n'y  a  pas  à  accuser  des  influences  ethniques. 


1 

1 

il 

1 

111 

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a 

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Menl. 

2 

1 

2 

6 

4 

7 

5 

32 

Prov.  et 
MeDt. 

6 

0 

5 

10 

46 

13 

23 

24 

101 

6«Doi8  et 
Ment. 

1 

2 

0 

9 

2 

3 

5 

1 

23 

Pn>v.  G  en. 
et  Ment. 

53 

26 

28 

24 

53 

71 

68 

71 

394 

Totaux 

62 

33 

34 

43 

n 

93 

103 

101 

530 

J.-B.  Andrews. 

\.  Revue  des  Traditions  Populaires  t.  XII. 

2.  Romania  Xll,  3o4.  XYU  543,  Archivio  OloUologico  Italiano  XII,  100. 


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HEVUE  DES   TRADITIONS    POPILAIUES  462 


LA  FRATERNISATION  PAR  LE  SANG 


<^. 


LXI 

Scandinavie 

Àju^  adlinc  ayant  été  dépouillé  de  ses  états,  s'unit  à  un  pirate 
piaffe  borgne  du  nom  de  Liser;  tous  deux,  suivant  la  coutume 
rtj)]^!!^^  des  ancêtres,  aspergèrent  réciproquement  de  leur  sang  la 
]3  trace  de  leurs  pas  *. 

LXII 

Arménie 

C'est  sans  doute  à  une  pratique  analogue  qu'il  faut  rattacher  le 
trait  cité  par  Valère  Maxime  '.  Sariaster,  fils  de  Tigram,  roi  d'Armé- 
nie, conspira  contre  son  père  avec  plusieurs  de  ses  amis  :  les  conju- 
rés se  tirèrent  du  sang  de  la  main  droite  et  se  le  firent  boire 
mutuellement. 

LXllI 

Australasie 

On  a  vu  qu'à  plusieurs  reprises,  Magellan,  dans  son  voyage  autour 
du  monde  eut  à  se  soumettre  à  cette  coutume.  Herrera^  la  mention- 
ne dans  l'île  de  Zebu  «  Le  Roy  envoya  dire  à  Magellan  qu'avant 
toutes  choses,  il  vouloit  qu'il  fist  paix  avec  luy  ;  et  comme  Magellan 
luy  Gt  dire  qu'il  en  estoit  d'accord,  le  Roy  lui  fist  dire,  qu'il  avoit 
accoustumé,  lorsqu'il  faisoit  paix  avec  des  Ëstrangers,  que  les  deux 
Chefs  se  tiroient  du  sang  de  l'estomac,  et  qu'ils  beuvoient  le  sang 
l'un  de  l'autre.  Magellan  luy  mande  qu'il  en  estoit  content;  si  bien 
que  Magellan  attendant  le  Roy  le  lendemain  au  matin  dans  la 
Capitainesse  pour  faire  cette  cérémonie,  il  luy  envoya  dire,  qu'il 
estoit  satisfait  de  sa  bonne  volonté,  et  qu'il  tenoit  la  paix  pour 
conclue.  » 

René  Basset. 

1.  Suite.  Voir  t.  X  p.  476. 

2.  Saxo  Graminaticus,  Gesta  Danorutn,  éd.  A.  Holder.  Strasbourg,  1886,  in-8, 
t.  1  p.  23. 

3.  t.  IX,  ch.  XI,  2«  parUe,  §  3. 

4.  Histoire  générale  des  voyages  et  conauesles  des  Castillans  dans  les  Isles  et 
Terre-ferme  des  Indes  occidentales^  tr.  N.  de  ia  Coste.  Paris,  3  v.  in-4,  1660- 
1671,  t.  III,  p.  U. 

TOJIB   XI.  —  AOUT-SEPTEMBRE  1896.  30 


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465  HEVUE    DES    TRADITIONS    POPULAIRES 


LA  MORTE  RESSUSCITEE* 


II 

ALLEMAGNE 


OTRE  confrère,  M.  Alfred  Harou,  place  à  Aix-la-Chapelle  les 
têtes  de  bois  des  deux  chevaux  dont  il  parle  dans  sa  légende 
de  la  Morte  ressuscitéê  (juin  1896i.  Comme  il  ajoute  «  re- 
cueillie  à  Liège  et  dans  le  nord  de  la  province,  nous  croyons 
ne  pas  le  désobli>:er  en  disant  que  ce  n'est  pas  à  Aix-la-Chîi- 
pelle,  mais  à  Cologne  qu'il  faut  chercher  l'origine  de  cette  légende  et 
les  deux  têtes  de  chevaux  qui  la  symbolisent.  Nous  croyons  même 
pouvoir  affirmer  qu'il  n'y  a  pas  de  chevaux  du  tout  à  Aix-la-Chapelle, 
car  il  est  plus  que  probable  qu'on  nous  les  eût  montrés  lorsque  nous 
nous  y  sommes  arrêtés. 

Les  véritables  chevaux  de  bois  de  toute  façon  se  trouvent  à  Colo- 
gne, sur  la  place  centrale;  leurs  têtes  en  grandeur  naturelle,  sont 
peintes  en  blanc.  Ils  ne  regardent  pas  par  une  fenêtre,  mais  par  une 
lucarne,  tout  en  haut  du  loit  d'une  très  belle  maison  de  patricien. 
Nous  les  y  avons  vus  souvent,  et  lors  de  notre  première  visite  à 
Cologne  on  nous  a  raconté  k  leur  sujet  à  peu  près  la  même  légende 
que  celle  que  donne  M.  Harou  avec  la  variante,  seulement,  que  le 
riche  commerçant  qui  apprend  la  nouvelle  de  la  résurrection  de  sa 
femme  s'écrie  :  «  Je  n'en  crois  rien,  je  pourrais  aussi  bien  apercevoir 
mes  deux  chevaux  blancs  à  la  lucarne  de  ma  maison  lorsque  je  ren- 
trerai. » 

Cette  légende  de  la  morte  ressuscitéê  et  des  chevaux  blancs  (Schim- 
mel)  qui  annoncent  sa  résurrection  est  d'ailleurs  fort  répandue  en 
Allemagne.  Nous  avons  vu  dans  la  cathédrale  de  Magdebourg  un  très 
bel  ex-voto  en  pierre  sculptée  relalant  le  même  sujet.  Tandis  qu'à 
Cologne,  l'homme  incrédule  était  un  riche  commerçant,  c'est  un 
chanoine  à  Magdebourg.  Vex-volo  le  représente  à  genoux,  en  compa- 
gnie de  sa  femme  et  de  ses  enfants,  rendant  grâce  à  Dieu  devant  sa 
propre  maison  où  l'on  aperçoit  tout  en  haut  à  une  lucarne  les  têtes 
des  deux  chevaux. 
La  lucarne  offre  d'aillleurs  une   image  plus  frappante  pour  la 

1.  Cf.,  t.  XI,  p.  328. 


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REVUE    DES  TRADITIONS    POPULAIRES  467 

superstition  populaire.  Plutôt  que  d'arriver  à  une  fenêtre  quel- 
conque du  rez-de-chaussée  ou  du  premier,  les  chevaux  ont 
accompli  le  tour  de  force  miraculeux  de  grimper  trois  ou  quatre 
étages,  et  le  dernier  sur  un  escalier  raide  et  étroit  comme  ceux  qui 
mènent  généralement  au  grenier,  même  dans  les  maisons  les  plus 
luxueuses. 

Hedwige  Heineckb. 


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LA  FÉE  ET  LA  SAGE-FEMME 


CONTE  DE  LA  VALLÉE  D*ASPE 

Accous  Ml  y  a  la  grotte  des  fées.  Or  la  fée  de  cette  très 
profonde   caverne  était  en  travail  d*enfant.   Le  mari  va 

chercher  Taccoucheuse  à  Bédous,  qui  fait  de  grandes  difïi- 

^N^  cultes,  elle  a  peur  ;  mais  l'homme  lui  promet  qu'aucun  mal 
cy  ne  lui  arrivera.  Elle  part,  en  arrivant  à  la  porte  de  la 
grotte  rhomme  commande  à  un  rocher  de  s'ouvrir.  Il  obéit.  L'accou- 
cheuse entre,  reste  là  plusieurs  jours  très  bien  nourrie,  et  opère  la 
délivrance  de  la  fée.  Elle  pouvait  emporter  tout  ce  qu'elle  voulait  à 
condition  de  le  dire  Or  le  pain  qu'on  lui  donnait  était  très  blanc. 
Elle  en  mil  un  morceau  à  la  poche  sans  rien  dire,  et  puis  elle  s'ap- 
proche de  la  porte  pour  s'en  aller  ;  mais  elle  ne  peut  jamais  passer 
par  cette  porte.  Vous  avez  pris  quelque  chose  sans  nous  le  dire,  dit 
la  fée.  La  femme  répond  que  non,  qu'elle  n'a  rien  pris  ;  mais  elle  fut 
forcée  d'avouer  qu'elle  avait  mis  du  pain  dans  sa  poche.  Alors  on  lui 
en  donna  encore  et  elle  put  sortir.  Elle  a  dit  depuis  qu'elle  avait  vu 
tout  un  pays  dans  cette  profonde  caverne,  des  plaines,  des  villages, 
et  que  tout  y  était  très  beau  :  mais  elle  n'y  est  jamais  revenue. 

Anselme  Gallon. 

i .  Accou!»,  Osse  et  Bédous  sont  tous  les  trois  dans  le  Bassin  de  Bédous,  dans 
la  vallée  d'Aspe  (Basses-Pyrénées). 


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468  REVUE    DES   TRADITIONS    POPULAIRES 


THEATRE  POPULAIRE^ 


m 

ARRÊT  DU  PARLEMENT  DE  RENNES  CONCERNANT  l'eXERCICE 
DES  COMÉDIES  ET  TRAGÉDIES 

en  date  du  24  septembre  i733  (ou  53) 

^^i,  RRÊT  de  la  Cour  rendu  sur  les  remontrances  et  conclusions 
^  '^l5^r<'  ^®  ^'  ^®  Procureur  général  du  roi.  qui  fait  défense  à  tout 

'iV^^  artisan,  laboureur  de  représenter  des  tragjédies  ou  comédies. 

^f}^  (Extrait  des  registres  du  parlement).  Le  substitut  de  M.  le 
c/  Procureur  du  roi,  entré  en  la  Cour,  a  dit  que  dans  quelques 
paroisses  de  la  Basse-Bretagne, et  surtout  dans  Tévéché  de  Saint- 
Brieuc,  les  gens  oisifs  ont  imaginé,  ou  plutôt  renouvelé  un  divertis- 
sement public,  qui  bien  qu*il  semble  indifférent  en  soi,  est  très 
dangereux  dans  ses  suites. 

Les  jeunes  gens  de  la  campagne  veulent  représenter  dans  les 
places  publiques  des  comédies  et  des  tragédies  en  breton  ;  ce  sont 
des  farces  ridicules,  mêlées  de  paroles  et  de  figures  indécentes  et 
souvent  obcènes  ;  quarante  ou  cinquante  enfans  de  familles  de 
différent  sexe  s'attroupent  pour  cet  effet,  et  abandonnent  pendant  un 
temps  assez  considérable  leur  devoir  et  les  travaux  de  la  maison 
paternelle  pour  se  mettre  en  état  de  jouer  leurs  rolles. 

Le  jour  de  la  représentation  est  annoncé  publiquement  aux  foires 
et  aux  marchés  et  à  l'issue  des  grand'mesaes  des  paroisses  du  lieu. 
Les  acteurs  tirent  en  cachette  de  la  maison  tout  ce  qui  est  nécessaire 
pour  se  mettre  en  état  de  paraître  sur  le  thcAtre,  les  curieux  pour 
se  montrer  avantageusement  au  spectacle  emploient  les  mêmes 
moyens  et  tel  de  ces  spectacles  dure  quelquefois  trois  ou  quatre 
jours. 

A  chaque  représentation  les  acteurs  ont  soin  de  faire  courir  un 
plat  dans  toute  l'assemblée  et  chacun  s'empresse  d'y  donner  des 
marques  de  sa  générosité,  et  le  produit  de  ces  quêtes  est  employé  à 
entretenir  la  débauche  de  ceux  qui  en  ont  le  goût  et  à  le  faire  naître 
en  ceux  qui  ne  l'ont  pas. 

1.  Cf.  t.  Il,  222,  429,  vin,  463  ;  on  peut  remarquer  une  différence  entre  la 
(laie  du  titre  et  celle  de  l'extrait. 


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REVrE   DES   TnADITlONS    POPULAIRES  405) 

Outre  ces  abus,  la  Cour  sent  bien  les  inconvénients  qui  résultent 
nécessairement  de  ces  assemblées  ;  le  mélange  d'une  jeunesse  et  de 
différent  sexe  et  de  différente  paroisse,  qui,  pour  se  rendre  au  lieu 
de  rassemblée,  voyage  pendant  une  partie  de  la  nuit  et  qui  séjourne 
pendant  plusieurs  jours,  ne  peut  que  causer  beaucoup  de  désordres 
dans  les  paroisses  et  dans  les  familles. 

Les  représentations  des  pères  et  mères  sont  inutiles  ;  les  recteurs 
et  les  curés  ont  beau  crier  contre  ces  speclacles  et  ces  spectateurs  ; 
Tatlrait  ou  le  désir  remporte  et  les  assemblées  n'en  sont  pas  moins 
nombreuses. 

Un  arrêt  du  7  novembre  1714  arrêta  ce  désordre  dans  la  ville  de 
Guingamp  et  les  paroisses  circonvoisines  ;  il  paraît  juste  de  le 
répéter,  de  renouveler  et  d'étendre  même  les  peines  qu'il  prononce. 

A  ces  causes,  ledit  Substitut  a  requis  qu'il  y  fut  pourvu,  et  sur  ce, 
ouï  le  rapport  de  M.  de  Caradeuc,  conseiller  en  la  chambre  des 
vacations  et  tout  considéré. 

La  Cour,  faisant  droit  sur  les  remontrances  et  conclusions  du 
procureur  général  du  roi,  fait  défense  à  tous  artisans,  laboureurs  et 
autres  personnes  semblables,  de  quelque  âge  ou  sexe  qu'elles  soient, 
de  s'attrouper  et  s'assembler  pour  représenter  des  tragédies  ou 
comédies  en  français  ou  en  breton,  ni  d'en  représenter  soit  dans  les 
places  publiques  soit  dans  les  maisons,  à  la  peine  de  30  1.  d'amende 
contre  chacun  des  acteurs  et  de  pareille  peine  contre  les  ouvriers 
qui  travailleront  à  dresser  le  théâtre  et  de  confiscation  des  bois  au 
profit  des  fabriques  des  églises  des  lieux  et  à  toutes  personnes  de 
prêter  ou  louer  leurs  maisons  et  leurs  bardes  pour  ces  sortes  de 
représentations  sous  pareilles  peines  ;  enjoint  aux  juges  des  lieux 
et  en  cas  d'absence  ou  d'éloignement,  aux  trésoriers  en  charge  de 
tenir  la  main  à  l'exécution  du  présent  arrêt  et  de  faire  démolir  les 
théâtres  que  l'on  se  proposerait  de  faire  élever,  et,  à  ce  que  personne 
n'en  ignore,  ordonne  que  ledit  arrêt  sera  imprimé,  lu  et  publié 
dans  les  paroisses  de  l'évêché  de  Saint-Brieuc  et  autres  de  la  Basse- 
Bretagne  où  ses  spectacles  sont  en  usage. 

Fait  au  Parlement  à  Rennes,  le  14  septembre  1753. 

(Revue  de  Bretagne  et  Vendée^  15  août  1896). 

L'Abbé  Hery. 


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470  KEVUG  DES   TRADITIONS    POPULAIRES 


VIEILLES  CHANSONS  DU  MAINE 

[suite) 


VII 

VERSION   DE  LA  PROMENADE 

Voilà  ma  journée  faite, 

Et  ioup  là  là  deridou  là  là, 

Voilà  ma  journée  faite, 

Je  vais  me  promeoer, 

Voyez,  je  vais  me  promener  {bis). 

Dana  mon  chemin  rencontre. 
Et  ioup  là  là  deridou  là  là, 
DaDs  mon  chemin  rencontre, 
Jolie  fille  à  mon  gré. 
Voyez,  jolie  fille  à  mon  gré  {bis). 

La  prends  par  sa^  main  blanche, 

Et^ioup  là  là  deridou  là  là, 

La  prends  par  sa  main  blanche, 

Dans  le  bois  la  menai, 

Voyez,  dans  le  bois  la  menai  {bis). 

Quand  elle  fut  dan?  le  bois, 

Et  ioup  là  là  deridou  là  là. 

Quand  elle  tut  dans  le  bois, 

Elle  s'est  mise  à  pleurer, 

Voyez,  elle  s'est  mise  à  pleurer  (bis). 

—  Ah  qu'avez-vous,  la  belle. 
Et  ioup  là  là  deridou  là  là  I 
Ah  qu'avez-vous  la  belle  ? 
Qu'avez-vous  à  pleurer. 

Voyez,  qu'avez-vous  à  pleurer?  {bis). 

—  Je  pleure,  car  je  suis  fille 
Et  ioup  là  là  deridou  là  là  I 
Je  pleure,  car  je  suis  fille, 
Encore  à  marier, 

Voyez,  encore  à  marier  {bis). 


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RKVUE  DES   THADITIONS    POPULAIKKS  471 

La  pris  par  sa  main  blanche, 

Et  ioup  là  là  deridou  là  là, 

La  pris  par  ea  main  blanche, 

Hors  du  bois  la  menai, 

Voyez,  hors  du  bois  la  menai  (bis). 

Quand  elle  fût  hors  du  bois, 

Et  ioup  là  là  deridou  là  là, 

Quand  elle  fut  hors  du  buis, 

Elle  s'est  mise  à  chanter. 

Voyez,  elle  s'est  mise  à  chanter  {bis). 

—  Ah  qu'avez-vous,  la  belle. 

Et  ioup  là  là  deridou  là  là 

Ah  qu'avez-vous  la  belle, 

Qu'avez-vous  à  chanter, 

Voyez,  qu'avez-vous  à  chanter  (bis). 

Je  chante  ce  lounteau. 

Et  ioup  là  là  deridou  là  là, 

Je  chante  ce  lourdeau, 

Qui  n'a  pu  m'embrasser, 

Voyez,  qui  n'a  su  m'embrasaer  (bis). 

Quand  on  lient  l'aloucllp, 

Et  ioup  là  là  deridou  là  là 

Quaud  on  tient  l'allouette, 

11  faudrait  la  plumer, 

Voj^ez,  il  faudrait  la  plumer  {bis). 

Madame  Destrichb. 


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472  REVUE  DES  TRADITIONS   POPTTLAIRES 


DEVINETTES  SAVOYARDES 


rf^  AS  plus  gros  qu'une  amende,  qui  remplit  toute  la  chambre  ? 
7^f&^       I-«a  flamme  d^une  lampe. 

—  Qui  passe  l'eau  sans  faire  d'ombre  ? 
Le  son. 


—  Qui  est  ce  qui  n'a  ni  cul,  ni  queue,  mais  dont  la  mère  en  a? 
Un  œuf. 

—  Qui  se  repose  dans  un  coin  après  avoir  fait  le  tour  de  la  chambre  ? 
Le  balai. 

—  Plus  il  y  en  a,  moins  ça  pèse. 
Des  trous. 

—  Qui  se  perd  le  jour  et  se  retrouve  la  nuit  ? 
La  lumière. 

—  Comment  se  nomment  ces  milliers  de  demoiselles  qui  se  don- 
nent à  boire  les  unes  aux  autres? 

Les  tuiles  ou  les  ardoises. 

—  Quelle  est  cette  dame  blanche  que  je  vois  en  entrant  dans  la 
chambre  et  que  j'éventre  aussitôt  d'un  coup  de  couteau  ? 

Une  tome  (fromage). 

—  Qui  est-ce  qui  ^  les  cornes  au  derrière  ? 
Le  soufflet. 

—  Qu'est-ce  qui,  gros  comme  un  œuf,  fait  un  étron  comme  une 
paille  ? 

Une  taupe. 

—  Qu'est-ce  qui  rond  comme  un  pain  à  la  queue  longue  comme 
un  ruban  ? 

La  poêle. 

—  Quelles  sont  ces  quatre  dames  qui  se  courent  toujours  après 
sans  pouvoir  jamais  s'attrapper  ? 

Les  roues  d'une  voiture. 


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REVUE    DES   TRADITIONS   POPULAIRES 


473 


—  Grand  le  père,  mauvaise  la  mère,  noire  la  nourrice,  blanche  la 
fille? 

La  châtaigne . 

—  Qui  porte  cent  gerbes  de  paille  et  ne  porte  pas  une  aiguille  ? 
L'eau. 

—  Tant  haut,  tant  haut  qu'on  voudra,  c'est  toujours  bas? 
Des  bas. 

—  Qui  est  noir  le  jour,  et  blanc  la  nuit  ? 
Un  curé. 

^  Le  riz  tenta  le  rat,  le  rat  tàta  le  riz. 

—  Qu'est-ce  qui  est  dans  un  palais  entourée  de  petits  tabourets. 

La  langue. 

« 

—  Si  vous  ne  lavez  pas,  prétcz-le  moi,   si  vous  lavez  ne  me  le 
prêtez  pas  ? 

Le  battoir. 

—  Qui  pose  son  ventre  pour  aller  boire  ? 
Une  paillasse. 

—  Pied  contre  pied,  ventre  contre  ventre,  on  met  le  pendu  dans 
le  fendu. 

La  clef. 

Jean  de  la  Suie. 


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414  RKVCE    DES   TRADITIONS    POPULAIRES 


COUTUMES    DE    MARIAGE 


\S^ 


XXV 

LE   REPAS  MONSTRE 

ES  noces  pantagruéliques  ne  sont  pas  un  mythe,  même  de 
-  jC^y  nos  jours  si  nous  en  croyons  une  notice  parue  dans  le  Jour- 
i^li^i  nal  de  Salzwedel^  du  14  juin  1896.  Il  s*agissait  de  célébrer 
Tunion  de  deux  richissimes  agriculteurs,  M.  Fritz  Wielman  de 
Benkendorf  et  M"*  Marie  Roloff,  de  Maxdorf,  deux  localités 
situées  dans  la  vieille  maVche  brandenbourgeoise  dont  Salzwedel  est 
la  ville  principale. 

Dès  le  matin  la  fiancée  arriva,  précédée  de  ses  trente  garçons  d'hon- 
neur, tous  montés  superbement.  Bientôt  le  cortège  nuptial  se  forma 
de  la  façon  suivante  :  d'abord  la  musique  militaire  du  16'  hulans, 
puis  un  groupe  de  50  fillettes  et  jeunes  filles,  vêtues  de  blanc  et 
couronnées  de  fleurs.  Derrière  elles  marchaient  les  fiancés  el  ensuite 
la  longue  file  des  invités  du  nombre  de  500.  La  cérémonie  religieuse, 
très  imposante  par  elle-même,  se  termina  par  des  chants  liturgiques 
et  par  TofiFrande  d'un  superbe  calice  en  argent  que  la  mariée  dédia 
au  maitre-autel. 

Pour  le  festin  nuptial,  on  avait  dressé  deux  grandes  tentes  qui  se 
trouvèrent  insuffisantes  pour  la  foule  accourue  de  toutes  parts,  qui 
dut  se  loger  tant  bien  que  mal  dans  la  maison  et  la  grange.  Trente 
cuisinières,  venues  de  Salzwedel,  avaient  préparé  le  repas  de  noce 
pour  lequel  on  avait  tué  :  deux  vaches,  six  veaux,  trois  cochons  et 
quarante  poulets.  On  servit  en  outre  cent  kilos  de  poissons,  deu\- 
cent  trente  gâteaux,  cent  brezeln  et  une  cinquantaine  de  kugelhopfs  ; 
il  fallut  cent  kilogrammes  de  beurre  pour  assaisonner  les  sauces,  les 
légumes  et  les  rôtis,  et  une  centaine  d'œufs  pour  préparer  les  plats 
sucrés.  On  but  sept  cent  cinquante  bouteilles  de  vin,  quatorze  ton- 
neaux de  bière  et  une  quantité  illimitée  de  spiritueux  et  de  café. 
Puis  on  dansa  jusqu'au  lever  du  jour  et  tandis  que  les  uns  allèrent 
cuver  leur  vin,  les  autres  reprirent  leur  travail  des  champs  comme 
si  de  rien  n'avait  été. 

Hedwige  Heinegke. 


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REVUE  DES  TRADITIONS  POPULAIRES  47o 


CROYANCES  DES  INDIGENES  DES  ENVIRONS 
DE  SEDRATA 

I 
Département  de  Constantine  [Algérie] 

ES  indigènes  de  Sedrata  sont  persuadés  qu*en  plaçant  le  cada- 
vre d'un  serpent  près  d'une  ruche,  la  quantité  de  miel  donpée 
par  cette  ruche  sera  plus  importante. 

Les  indigènes  ont  la  même  croyance  pour  les  moutons.  La 
dépouille  d'un  serpent  placée  dans  un  parc  aurait  la  propriété  de 
faire  augmenter  le  nombre  des  agneaux. 

La  bergeronnette  ou  hoche-queue,  appelée  par  les  Arabes  oum- 
sissi,  est  considérée  par  eux  comme  merabta  (maraboute)  et  ne  doit 
pas  être  tuée  par  Thomme. 

Celui  qui  tue  cet  oiseau  est  sûrement  atteint  de  fièvres  pendant 
Tannée  et  en  meurt. 

La  même  croyance  existe  pour  l'hirondelle  appelée  par  les  indi- 
gènes KhetaYfa. 
Le  proverbe  arabe  suivant  a  trait  à  ces  deux  oiseaux  : 

El  MUk  ma  idrob  nich^ 
Ou  el  Kebih  ma  iguess  nie  h. 

L'homme  boQ  ne  me  frappe  pa», 
L*homme  mauvais  ne  m*atteiiit  pas. 

Achille  Robert. 


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470  REVUE   DES  TRADITIONS   POPULAIRES 


LES  ONGLES^ 


XVII 


^  'est  pour  les  habitants  de  Macaçar  une  propreté  et  même  une 
obligation  indispensable  que  d'entretenir  leurs  ongles  dans 
cette  peinture  rouge  qu'ils  ont  commencé  de  leur  donner  dès 
leur  enfance,  et  de  les  couper  une  ou  deux  fois  la  semaine, 
car  ils  s'imaginent  que  le  diable  s'y  cache  quand  ils  sont 
longs*. 

XVIII 

Aux  Iles  Marquises,  du  temps  du  paganisme,  les  ongles  humains 
étaient  employés  comme  parure.  Une  idole  portait  un  collier  compo- 
sé de  dents  de  porc  et  d^ongles  humains  alternaltivement  efOlés'. 

XIX 

Dans  la  Poméranie  orientale,  on  croit  que  si  Ton  coupe  les  ongles 
des  enfants  d:ins  leur  première  année,  il  seront  exposés  au  malheur. 

Quand  on  se  coupe  les  ongles  régulièrement  chaque  vendredi,  on 
est  préservé  contre  le  mal  de  dents. 

Celui  dont  les  ongles  fleurissent  (ont  de  petites  taches  blanches]  a 
du  bonheur. 

Dans  un  conte  populaire,  le  soldat  qui  a  vendu  son  àme  au  diable 
ne  peut  se  faire  couper  les  ongles  ni  les  cheveux  que  lorsque  le 
pacte  est  rompu  *. 

René  Basset. 

1.  Suite,  voir  t.  X,  p.  603. 

2.  Gervaise,  Description  historique  du  royaume  de  Macaçar.  Ratisbonoe.  1700. 
iD-12  p.  101-102. 

3.  Cf.  Radiguet.  Les  derniers  sauvages.  Paris,  s.  d.,  in-i2,  p.  43>44. 

4.  0.  Knoop.  Volksagen,  Erzùhlungen,  Aberglauben  Gebrnuche  und  Mûrchen 
aus  dem  Ôstlichen  Hinierpommeren.  Posen,  1885,  in-8  p.  IKT,  162.  163,  189. 


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REVL'E    DES   THADITIOS    POPULAIRES  477 


TRADITIONS  ET  SUPERSTITIONS  DES  PONTS 
ET  CHAUSSÉES* 


II 

LE   CHEMIN    DE    FER  (suite) 

ORS  de  la  création  du  premier  chemin  de  fer  belge  (de  Brux- 
elles à  Maliaes),  les  paysans,  au  passage  des  trains,  accou- 
raient le  long  de  la  voie,  pour  regarder  passer  le  monstre  de 
fer,  que  les  uns,  dausleur  patois  familier,  appelaient  le  «  Jan 
_  Vapeur  »  (Jean  vapeur),  que  les  autres,  effarouchés  et  supers- 
titieux, avaient  baptisé  de  Vuurduivel  (diable  de  feu). 

(P.  Hymans.  Bruxelles  à  travers  les  âges,  111,  117,  114). 

N 

Au  Parlement  nombre  d'orateurs  combattirent  le  projet  de  créa- 
lion  des  chemins  de  fer,  en  Belgique.  Parmi  les  arguments  invoqués 
contre  le  projet,  relevons  les  suivants  : 

—  Les  chemins  de  fer  ne  vaudront  jamais  les  canaux. 

—  On  mettra  ainsi  les  chevaux  hors  d'usage  et  Ton  privera  de 
pain  des  milliers  d'ouvriers. 

—  Le  lait  transporté  par  les  trains  arrivera  à  Tétat  de  beurre  et 
les  œufs  en  omelette. 

—  Les  chevaux  n'étant  plus  employés  les  plantes  fourragères  ser- 
vant à  leur  nourriture  seront  frappées  de  dépréciation. 

Alfred  Harou. 

1.  Cf.  le  t.  VI,  p.  10,  99,  218,  220,  363,  40o,  583,  t.  VII,  p.  70,  t.  VIII,  p.  31, 
t.  X,  p.  5o:>  et  sur  les  préventions  contre  les  chemins  de  fer.  Paul  Sébillot.  Les 
Travaux  publics  et  les  Mines  dans  le^  superstiLions  de  tous  pays^  p.  276  et  suiv. 


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478  REVUE   DES   TRADinONS  POPULAIRES 


BOTANIQUE  POPULAIRE 


I 

NOMS  DE  PLANTES  EN  ARABE  VULGAIRE  d'aLGÉRIE 

Absinthe  :  Chedjra  Meriem  (arbre  de  Marie). 
Angélique  :  H'achichet  el  malak  (herbe  d'ange). 
Anis  vert  :  Bezr  el  h*aiou  (aromate  doux). 
Belladone  :  H'achich  el  Morr  (herbe  amère). 
Belle  de  Nuit  :  Chpbb  el  lil  (beau  de  nuit). 
Bourrache  :  Le\idn  eth  ikour  (langue  de  taureau). 
Capillaire  \  Keçber  el  bir  (cerfeuil  de  puits). 
Capucine  :  Châbir  bâcha  (éperon  de  pacha). 
Centaurée  :  Mrâret  el  k'anech  (bile  de  serpent). 
Chardon  :  Chouk  el  h'amir  (épine  desânes). 
Chèvrefeuille  :  SolVan  el  Ghàbah  (roi  de  la  foret). 
Chiendent  :  Sboulel  el  fàr  (épi  de  rat). 
Clématite  :  Dalia  Souda  (vigne  noire). 
Courge  :  Bou  choukah  (celui  à  Tépine). 
Douce-amère  :  Yasmin  el  kheln  (jasmin  sauvage). 
Groseille  :  'Aneb  ed  dib  (raisin  de  chacal). 
Glaïeul  :  Sifel  Ghoràb  (épée  de  corbeau). 
Marguerite  :  Zhar  el  loulou  (fleur  de  perle). 
Myosotis  :  Ouden  el  far  'oreille  de  rat). 
Noix  vomique  :  Bou  za'kah  (celui  à  la  queue). 
Oreille  d*ours  :  Ouden  ed  debba  (oreille  d'oursel. 
Passionnaire  :  Bou  seba'  louân  (celui  aux  sept  couleurs). 

iBou  Chouiber  (celui  au  petit  éperon). 
Rijl  el  imàmah  (pied  de  la  tourterelle). 
Châbir  el  Ouçif  (éperon  du  nègre). 
Pissenlit  :  Senn  el  Asad  fdent  du  lion). 
Pois  de  senteur  :  MoKammed  ou  'Ali  (Moh*ainmed  et  'Ali). 
Primevère  :  Zhar  er  rebia  (fleur  du  printemps). 
Raiponce  :  Qema'  el  Qâq  (entonnoir  de  la  pie). 
Sai-tk  PiFiTRPrn  •  ^  0mm  es  Soualef  (m^v^  àQ^hoMcX^^]. 
(  Salefel  /4 ara  (boucle  de  la  Vierge). 
SciLLA  MARITIMA  :  Bçol  Fera'oun  (oignon  de  Pharaon). 
Tamus  communis  :  Ben  Meîmoun  (fils  de  bonheur). 
Tournesol  :  fJâret  ech  chems  (tour  du  soleil). 

René  Basset. 


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BEVUE  DES  THADITIONS*  POPULAIRES  479 


BIBLIOGRAPHIE 


Henri  de  Kerbeuzec.   —   Cojou  Dreiz.   ^"  série,  Plougasnou. 
Paris,  Bouillon,  in-8  de  pp.  IX-16i. 

Les  matériaux  de  ce  petit  livre  ont  été  recueillis  au  village  de  Plougasnon,  près 
de  Morlaix.  qui  depuis  quelques  années  est  deveuu  une  Ptation  balnéaire.  L'au- 
teur, qui  est  un  ecclésiastique,  a  consacré  sa  première  partie  aux  petites  cha- 
pelles de  la  région;  quelques-unes  ont  été  détruites  récen.ment,  comme  celle  de 
Saint- Nicolas,  qui  était  le  théâtre  d'une  foule  d'apparitions,  parmi  lesquelles 
celle  du  prêtre  mort  qui  revient  à  minuit  pour  dire  sa  messe.  La  seconde  partie, 
les  Formes,  contient  la  traduction  d'une  vingtaine  de  chants  populaires,  dont  il 
eiH  été  intéressant  de  connaître  le  texte  breton.  Enfin,  deux  enfants  de  Plougas- 
non, Agés  de  douze  et  treize  ans,  ont  raconté  à  l'auteur  les  douze  contes  qui  fout 
la  troisième  partie.  Plusieurs  sont  des  parallèles  de  récits  de  Luzel;  mais  ils 
sont  beaucoup  plus  courts;  c'est  ainsi  qu'une  version  du  Pape  Innocent,  assez 
ditférente  de  la  légende  chrétienne  qui  porte  ce  titre  (t.  I,  p.  282),  est  environ 
quatre  fois  moins  lons^'ue,  et  l'allure  générale  est  bien  plus  vive,  bien  plus  rapide 
((ue  celle  des  contes  de  Basse- Bretagne  publiés  jusqi/jci;  ils  rappellent  plutôt, 
non  les  récits  faits  en  la  Haute-Bretagne  par  des  femmes,  mais  ceux  du  même 
pa3's  qui  m'ont  été  racontés  aussi  par  âc-*  enfants,  dont  la  mémoire  n'était  pas 
ti'UJours  sûre.  L'auteur  fera  sagement  à  Fa  prochaine  campa^^ue,  d'écouter  des 
conteuses;  il  est  probable  qu'en  cherchant -bien,  il  en  rencontrera  encore  de  la 
vieille  souche,  les  filles  de  celles  qui  dirent  à  Luzil  des  récits  si  touffus. 

P.  S. 


PERIODIQUKS  ET  JOUKiNAUX 


Journal  of  American  Folk-Iore  IX.  33.  Notes  on  the  Language  and 
Folk-Usage  of  the  Rio  Grande  Valley.  John  G.  Bowke.  —  A  Miracle  Play  in  the 
West  Indies.  Alfred  M.  Williams.  —  Créole  Folk-Lore  from  Jamaica.  William  C. 
Baies,  —  An  Old  Mauma's  Fulk-Lore.  John  Hawkins.  —  Some  Japanized  Chi- 
nesc  Proverbe.  Michitaro  Hisa.  —  In  Memorîam  —  John  Gregory  Bourke.  F,  W, 
Hodge, 


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480  REVUB    DES   TRADITIONS    POPULAIRES 

VoUukunde  IX.  4-5.  Nos  arbres  indigènes  dans  le  Culte  des  Plantes,  U. 
Teirlinck,  —  Proverbes  et  dictons.  Méfiez-vous  de  ceux  que  Dieu  a  marqués  A. 
de  Cock,  —  Un  Diseur  de  bonne  aveulure  devant  le  Tribunal  de  TOud-Burg  à 
Gand,  en  1632  A.  Van  Werveke.  —  Contes.  La  femme  Misère  A.  de  Cock.  — 
Sorcellerie.  §  1.  A  quoi  on  peut  reconnaître  les  Sorcières  A.  de  Cock,  —  Vieuz- 
Gand.  Différentes  acceptions  du  mot  «  kinderen  »  (enfants),  A  Van  Werveke,  — 
La  préciosité  chez  les  paysans,  P,  d.  M,  —  Proverbes  et  Dictons  sur  les  fem- 
mes. 3.  La  femme  laide.  —  4.  La  jeune  Femme.  —  5.  La  vieille  Femme.  — 
La  Veuve,  par  A,  de  Cock, 

Zeitschrift  des  Vereins  fur  VoUukunde  VI.  3.  Kulturgeschicbtliches  aus 
Iflland.  Nach  dem  Islaendischen  M.  Lehmann-Pilhés.  —  Geburt,  Hochzeit  und  Tod 
in  der  Iglauer  Sprachinsel  in  Maehren.  Franz  Paul  Pifjer,  —  Aus  dem  Volkstuui 
der  Berber.  Af.  Hartmann.  —  Italienische  Volksraetsel.  Johannes  Tschiedel.  — 
*Aus  dem  deiitschen  Volks-uod  Hechtsieben  in  All-Steiermark.  Theodor  Uixfjer 
(Fortsetzung).  —  Kinderreime  aus  dem  Marchfelde.  Hans  Schukowitz.  —  Zum 
Volkslied,  Spruch  uod  Kinderreim.  Anton  Englert,  —  Das  Leben  in  der  Auffas- 
sung  der  Gossensasser.  Marie  Rehsener. 


^A^w^^^^/^«AM<s^w«A^M» 


NOTES  ET  ENQUÊTES 


,*,  Guérison  des  verrues  des  animaux.  —  Verrue  je  te  souhaite  le  bonjour.  — 
Tu  as  autant  de  racines  que  le  bon  Dieu  a  d'amis.  —  Les  amis  du  bon  Dieu 
prospéreront  et  tes  racines  périront.  —  Au  nom  du  père,  du  fils,  et  du  Saint. 

On  dit  cette  prière  aux  environs  d'Autun  pour  guérir  les  verrues  des  animaux, 
notant  ment  df^s  \aches.  Pour  qu'elle  réussisse,  elle  doit  £'tre  dite  avant  le  lever 
du  soleil  el  il  faut  que  les  propriétaires  de  la  bête  malade  y  croient  fermement. 

(Comm.  de  M™«  J.  Lambert.) 

/«  Les  œufs  trouvés.  —  Dans  l'Autuoois,  si  on  trouve  des  œufs  dans  un  champ, 
il  faut  se  garder  d*y  toucher.  Ils  ont  été  déposés  là  par  le  diable  ou  par  un 
sorcier  qui  veut  vous  jeter  un  Fort.  —  D'autres  personnes  croient  au  contraire 
qu'on  doit  les  casser,  un  sorcier  les  ayant  mis  là  pour  jeter  un  sort  sur  une 
personne  malade.  Si  on  les  casse  le  malade  guérit. 

(Comm.  de  M™«  J.  Lambert.) 


Le  Gérant,  A.  CERTEUX 


Baugé  {Maine-et-Loire),  —  Impjnmerie  Daloux, 


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REVUE 


DES 


TRADITIONS  POPULAIRES 


^m0»0»tk^ftttt>^fttt0kt^k^^^0*t*tt0»t»0tH0t0k0>0t0^t0t0<0tÊ 


±±^  Année.  —  Tome  XI.  —  N<»  10.  —  Octobre  1896, 


NIEDRISCHU  WIDEWUTS* 

Epopée  latavienne  en  !è4  chants 


EPUis  longtemps  déjà,  en  collectionDanl 
des  traditions  populaires  dans  les  différen- 
tes contrées  des  peuples  lataviens,  à  partir 
de  la  Vistule  jusqu'au  delà  de  la  Duna,  on 
avait  ren)arqué  des  traces  évidentes  d'une 
épopée  nationale.  C'est  le  poète  latavien 
magisterJ.  Lautenbach-Juhsmin  (rYoucemi- 
gne),  lecteur  en  langue  latavienne  à  l'Uni- 
versité de  Youryiéff  (Dorpat),  qui  avait  en- 
trepris la  tâche  difficile  de  recueillir  et  de 
collectionner  les  matériaux  se  rapportant  aux  héros  nationaux  dont 
on  trouvait  partout  les  traces  dans  les  traditions  du  peuple  latavien. 
Latavien  lui-même^,  Lautenbach  pouvait  mieux  qu'un  autre  saisir 
les  sons  des  temps  passés  qui  frappaient  son  oreille  dans  les  dainasj 
teikas  et  pasakas  (chansons,  légendes  et  contes). 

Néanmoins  il  a  fallu  un  travail  assidu  pour  pouvoir  faire  paraî- 
tre le  volume  contenant,  en  24  chants  avec  11.491  vers  dactyliques, 
le  poème  héroïque  latavien. 

Loennrot  donna  aux  Finnois  leur  Kalewala,  Kreutzwald  le  Kale- 
tvipoeg  aux  Estoniens  ;  c'est  Lautenbach  qui  a  fait  rentrer  avec  Wi- 
dewut  les  Lataviens  (Letloniens)  au  nombre  restreint  des  peuples 
épiques.  Pourtant  on  ne  peut  pas  encore  regarder  ce  travail  comme 

1.  L.  Niedrischou  Widewouts.  Mitau,  1891,  381  pagef<. 

TOMB  XI.  —  OCTOBRB  1896.  31 


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482  REVUE   DES   TRADITIONS   POPULAIRES 

définitif.  C'est  par  milliers  que  se  recueillent  et  se  publient  chaque 
année  des  matériaux  de  toutes  sortes  :  chansons,  légendes  et  con- 
tes... Ils  ouvrent  souvent  encore  un  monde  nouveau,  peu  connu 
jusqu'ici,  un  monde  rempli  de  dieux  et  de  héros,  de  filles  du  soleil 
et  de  fils  de  dieux,  de  guerriers  vaillants  et  de  femmes  fières,  de 
combats  acharnés  et  d'exploits  héroïques,  de  souffrances  profondes 
et  de  joies  élevées.  Aussi  j'estime  que  dans  quelque  temps  Thono- 
rable  auteur  devra  compléter  son  œuvre.  Toutefois,  sans  épuiser 
toute  la  richesse  épique  du  peuple  latavien,  cette  œuvre  avec  ses 
joies  et  ses  souffrances,  avec  ses  vœux  et  ses  espérances,  n'est  pas 
moins  apte  à  toucher  le  cœur  de  chaque  Latavien.  La  légende  de 
Wissukuok  (1.  Wissoukouok)  lui  rappelle  son  ancienne  noblesse, 
anéantie  en  combattant  pour  le  salut  de  la  patrie  ;  les  noms  de  vil- 
lages, de  fleuves,  de  bourgs  en  ruines,  encore  aujourd'hui  existant, 
tels  que  Wissukuoki,  Pèrkuone  (1.  Pèrkouoné),  SehlpiU^  Saka^ 
Daugawa  (1.  Daougava=Duna),  Melnupe^  Mèmele,  Muhse  (1.  Moucé), 
Lielupe  (1.  Lieloupé),  etc.,  lui  font  passer  devant  les  yeux  les  lieux 
des  exploits  de  ses  héros  qui  ne  cessent  pas  de  continuer  leur  vie, 
sous  des  noms  différents,  dans  la  mémoire  du  peuple. 

Dans  l'épopée  de  Wideumt  nous  trouvons  une  source  abondante 
pour  Tétude  des  mythes  aryens.  En  effet,  il  n'y  a  pas  de  peuple  qui 
ait  conservé  autant  d'anciens  biens  communs  aux  Aryens,  que  le 
peuple  lithuano-latavien.  Ce  poème  nous  montre  le  culte  divin  et  fait 
passer  devant  nos  yeux  la  vie  et  l'activité  de  ce  peuple  jadis  grand 
et  célèbre  :  nous  apprenons  comment  le  Latavien  prie  ses  dieux, 
comme  il  sacrifie  à  Pèrkun  (1.  Pèrkoune),  comme  il  croit  aux  Puhki 
(l.  Poùki=dragons)  et  combat  contre  les  Sumpurni  (1.  Soumpourni= 
hommes  aux  têtes  de  chiens,  réminiscence  probable  aux  incursions 
des  Huns),  comme  il  s'imagine  Tenfer  et  la  vie  dans  Tautre  monde, 
comme  il  prend  sa  lihgawa  (fiancée)  et  fête  trois  jours  la  noce, 
comme  sa  sœur  et  sa  fiancée  le  décorent  au  départ  à  la  guerre...  en 
un  mot,  la  vie  avec  ses  joies  et  ses  tristesses,  passent  devant  nos 
yeux. 

Mais  aussi  le  côté  archéologique  nous  intéresse,  car  nous  appre^- 
nons  à  connaître  les  habits  et  les  armes,  les  outils  de  travail  et  les 
objets  de  ménage,  les  mets  et  les  boissons. 

Les  traditions  iithuano-lataviennes  nous  montrent  jusqu'à  l'évi- 
dence que  ce  peuple  avait  dans  Tantiquité  ses  runes  qui  se  décou- 
paient sur  des  bâtons  de  bois  ou  se  brodaient  sur  les  drapeaux  et  les 
ceintures.  Encore  aujourd'hui  runa  (l.  rouna)veut  dire  en  latavien  le 
discours,  ruwa/=parier.  Les  lettres  runiques  mêmes  (les  lettres 
alphabétiques  également)  s'appellent  et  s'appelaient  burti  (1.  bourti) 


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REVUE  DES  TRADITIONS   POPULAIRES  483 

(en  lithuan,  burtai)  ;  delà  burtinieks  en  iatav.,  burtininkas  en  lithuan.^ 
dénominations  de  ceux  qui  savaient  lire,  une  classe  spéciale  de 
Waïdelotes  fprètres).   Burlinieks=burwis  (1.   bourvisse)  veut  dire 
aujourd'hui  mage,  sorcier. 
Résumons  maintenant  l'œuvre  de  Lautenbach. 

l"  CHANT 

Au  premier  printemps  Mënesis  emmena 
Saoulité,  fiancée,  à  la  montagne  céleste, 
Les  fils  de  dieu,  les  grands  guides  de  Saoulité, 
Sellèrent  cent  chevaux  pour  le  festin  ; 
Përkons,  se  mettant  à  la  poursuite,  arriva 
A  la  porte,  foudroya  le  chêne  d'or. 

Tous  les  dieux  sont  assemblés  aux  noces  joyeuses.  Mènesis  (la  lune) 
danse  avec  Saoulilé  (le  soleil),  chaussée  de  souliers  d'argent. 

Mais  voilà  que  Kiida^j  aux  yeux  étincelanls,  invitée  à  la  fête  par 
Liktenis  *,  soulève  une  querelle  parmi  les  dieux  assemblés,  à  la 
suite  de  laquelle  ils  se  partagent  en  deux  groupes  ennemis. 

D'un  côté  Mënesis,  Yupis  (1.  Youpice), 
DebesskaUsy  Welns,  d*autres  géants  puissants  ; 
D'autre  côté  Perkons,  Lihga,  Uhsin  (1.  Oucigne) 
Et  les  neuf  fils  du  père  Pèrkans. 

Ils  sont  définitivement  divisés  par  la  trahison  de  MènesiSy  quittant 
sa  belle  épouse  Saoulé  pour  Kilda  ^Aoustra). 

Pèrkom  {Pèrkutis]^  le  gardien  jaloux  et  vigilant  des  bonnes  mœurs 
et  des  bonnes  actions,  devient  furieux  là-dessus  et  pourfend  Mènesis  de 
son  sabre  tranchant,  Yupis,  Debesskalis  et  Welus  veulent  le  défendre. 

Mais  alors  les  neuf  fils  de  Pèrkons  : 

Trois  grondèrent,  trois  frappèrent,  trois  firent  des  éclairs. 

Pèrkons  expulsa  du  ciel  les  trois  partisans  de  Mènesis  et  les  jeta 
avec  une  telle  force  sur  la  terre  qu*ils  s'y  enfoncèrent  profondément. 
Kilda  fut  jetée,  sur  ordre  de  Pèrkons,  à  la  mer  par  IViësuls,  fils  de 
Wehja-mahte  (1.  Wèya-mâté  —  mère  des  vents).  Alors  Pèrkons  ' 
monte  à  cheval  avec  ses  fils  et  prend  le  royaume  de  la  montagne  des 
airs  (Gaïssinou  kalnà). 

Sur  la  côte  d'ambre  habitait  un  exellent  homme  du  nom  de  Wis- 

1.  Kilda,  celle  qui  soulève  des  querelles  ;  littéralement  la  querelle. 

2.  Liktenis,  le  sort. 

3.  J'emploie  à  dessein  les  deux  formes  Pèrkuns  et  Pèrkons^  car  le  peuple  les 
connaît  toutes  les  deux. 


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«ti^oA:.(l..Wiss9,ukouok).,  C'était  un  caractère  noble  et..élQvé.  I1|i*<hi- 
bliait  jamais  de  faire  ses  offrandes  aux  dieux  ;  aussi  fut-il  aimé. par 
ç.ux  et  comblé  de.  bonheur. 

Un  jour  qu'il  péchait  dans  la  mer,  il  aperçi^t  dans  son  filet  uoe 
femme  belle  et  jolie  ;  il  Ta  sauva  et.Temmena  avec  lui. 

Son  bonheur  souleva  la  jalousie  des  Sàmi  [Souomi),  mauvais 
esprits  des  eaux,  ils  veulent  anéantir  Wissukuok;  à  bout  de  forces 
celui-ci  doit  fuir  ;  un  gouffre  marécageux,  impossible  à  franchir,  barre 
le  chemin  à  Wissukuok.  Déjà  les  Sàmi  veulent  l'engloutir,  quand  le 
vieux  lui-même  (Pèrkons)  vint  à  son  aide  :  il, lança  une  pierre  énor- 
me^ couvrant  la  moitié  du  gouffre,  sur  la  tête  des  Sàmi»  Les  esprits 
de  la  terre,  ennemis  des  Sàmi,  couvrirent  bien  vite  d'herbe  le 
gouffre  et  en  firent  une  prairie  fleurissante. 

A  l'endroit  ou  il  avait  été  sauvé,  Wissukuok  éleva  le  château  /tada- 
galssa  (à  l'endroit  du  village  actuel  Wissoukoudkou  ciëms)^  y  planta 
un  chêne  et  éleva  un  autel  à  ses  dieux. 

Alors  Siëwalka,  la  femme  sauvée  des  vagues  de  la  mer,  deviat 
épouse  de  Wissukuok, 

Elle  lui  donna  un  fils,  Radagalsu  Stiprals  (1.  Radagaïssou). 

Le  sang  de  héros  ne  se  dément  pas.  Dès  son  enfance  il  montre 
une  force  peu  commune  ;  à  sa  quatorzième  année  H  se  fait  forger 
une  hache  gigantesque  avec  laquelle,  à  vingt-et-un  an,  il  abat  d'un 
seul  coup  un  chêne  de  dimensions  énormes. 

Wissukuok  avait  donc  une  femme  et  un  fil3  comme  personne 
n'en  avait. 

Stiprals  s'en  alla  à  travers  le  monde  chercher  du  b.opheur  et  delà 
gloire. 

Entre  temps  Wissukuok  était  devenu  un  vieillard;  seule  sa  fepime 
ne  viellit  pas  et  resta  jeune  et  jolie,  comme  auparavant.  Tout  le 
monde  en  était  jaloux,  des  querelles  s'élevèrent  partout  où  apparaît 
Siëwalka  ;  on  tenta  de  l'enlever  kWissukuok.  Désireuse  de  rendre  la 
paix  au  peuple,  elle  avoua  à  son  mari  qu'elle  était  Kilda,  jetée  à  la 
mer  par  ordre  de  Pèrkons.  Là  elle  devint  une  Lauma  (1,  Laouma) 
(une  fée)  ;  comme  telle  elle  pouvait,  d'après  les  circonstances,  ren- 
dre les  enfants  heureux  ou  malheureux,  bons  ou  mauvais^  suivant 
qu'elle  les  regardait  de  l'œil  droit  ou  de  l'œil  gauche. 

Après  avoir  raconté  à  son  mari  combien  elle  l'aimait,  elle  promit 
de  faire  du  bien  à  sa  famille,  de  rester  sa  prolectrice  ;  ^uis  elle 
reprit  sa  qualité  divine  et  disparût  dans  une  mer  de  lumière  devant 
Wissukuok  attristé  II  pria  alors  Pèrkuns  de  le  foudroyer,  lu^  et  son 
château.  De  cette  mort,  la  plus  noble  aux  yeux  d'un  Latavien,  s'en 
alla  Wissukuok,  le  progéniteur  de  héros  latavien^  (l^^ouiejs^). 


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RÉirèE   DES   TRADITIONS    POPULAIRES  485 

Entre  temps  son  fils  Stipraïs  continuait  son  chemin.' 

Bientôt  il  arriva  dans  une  grande  forêt  ;  un  ure  (sumbris)  se  jeta 
sur  lui,  Radagaïsu  Stipraïs  le  prit  par  les  cornes  et  le  traîna  comme 
une  chèvre  après  lui.  L'ure  devint  docile  et  obéit  à  son  maître. 

Puis  Stipraïs  entreprend  d'abattre  une  grande  forêt,  il  arrache  les 
arbres  avec  leurs  racines,  et  bientôt  il  a  labouré  une  énorme  éten- 
due. 

Pïus  loin  il  arrive  au  bord  de  la  mer  qui  n'a  point  de  nom  encore. 
Les  pêcheurs  y  sont  en^querelie  à  cause  des  puits^  chacun  préten- 
dant le  sien  le  meilleur  et  demandant  à  ce  que  toute  la  côte  soit 
appelée  du  nom  de  la  qualité  de  l'eau  de  son  puits. 

Stipraïs  donne  le  bon  exemple  en  cultivant  la  terre,  en  soignant 
les  abeilles,  en  brassant  de  l'hydromel  (miëstinsch),  de  la  bière  (alus) 
et  en  se  montrant  sage  dans  toutes  les  questions. 

H  s'étonîie  des  querelles  constantes  de  ses  voisins.  Pèrkons  lui- 
même  en  est  mécontent.  Pour  y  mettre  fin,  il  envoie  sur  terre  Gie- 
dîna  *,  fille  de  dieu,  pour  qu'elle  donne  à  Radagaïsu  Stispraïs  un  fils 
qui  sera  un  législateur,  un  roi  et  un  maître  pour  son  peuple. 

La  naissance  fut  assistée  des  trois  Laïmas^  déesses  du  bonheur.  Il 
reçut  le  nom  de  Niedriitchu  Widewut  (1.  Niëdrischou  Widwouts). 

A  peine  né,  un  ours  (lacis)  se  jeta  sur  l'enfant  —  Widewut^  le 
prit  par  les  oreilles  et  lui  ôta  la  peau,  comme  on  ôte  un  gant  de  la 
main. 

Ainsi  commença  l'enfance  de  Widewut^  de  cet  homme  au  cœur 
noble,  aux  pensées  élevées,  au  courage  viril,  aux  actions  puissantes 
qui  fut  dans  la  suite  le  roi  et  le  législateur  des  peuples  prousso- 
lithuano-lata  viens. 

Ile  CHANT 

Une  force  inaccoutumée,  une  conception  et  un  esprit  supérieurs 
se  manifestent  chez  Widewut  dès  Tâge  le  plus  tendre.  Radagaïsu 
Stipraïs  et  Giedina  sont  pleins  de  joie  en  voyant  les  brillantes  qua- 
lités de  leur  fils. 

Un  jour  père,  mère  et  fils  passent  près  de  Welna  akmens  (pierre 
du  diable),  sous  lequel  ils  trouvent  Pèrkouna  zouobens  (le  sabre 
de  Pèrkouns)  et  Welna  arklis  (la  charrue  du  diable].  Le  sabre  était 
de  dimensions  formidables,  son  poids  énorme,  mais  déjà  le  petit 
Wideumt  pouvait  le  brandir. 

Giedina  conseille  alors  à  son  mari  de  percer  avec  la  charrue  trou- 
vée une  tranchée  à  travers  les  puits  jusqu'à  la  mer  d'ambre. 

1.  Gulëdîna  ou  Kaouniba=la  pudeur. 


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486  REVUE  DES   TRADITIONS  POPULAIRES 

\lors  Badagaisu  Stipraîs  attela  un  ure  (urochj  devant  la  charrue 
et  fit  comme  sa  femme  lui  avait  dit.  L'eau  des  puits  se  précipita 
dans  la  tranchée,  formant  la  Sakampe  (1.  oupé=le  fleuve  de  Saka)  et 
Sakasleja  (1.  leya,  la  vallée  de  Saka). 

Dès  ce  moment  toute  la  discorde  est  disparue  dans  le  peuple, 
enchanté  d'avoir  un  chemin  navigable  pour  aller  à  la  mer.  On 
s'adonnait  aux  travaux  pai^sibles. 

Radagaisu  Stipraîs  et  son  fils  Widewut  vont  souvent  à  la  chasse. 

L'enfant  aimait  la  nature  et  souvent  il  s'en  ^allait  dans  les  forêts, 
où  les  arbres  chuchotaient  mystérieusement  des  temps  passés,  où 
les  ruisseaux  jaillissaient  en  cascades  joyeuses,  charmant  l'œil  du 
spectateur,  et  où  les  oiseaux  faisaient  entendre  leurs  chants  prophé* 
tiques  des  temps  futurs,  plongés  encore  dans  l'inconnu. 

Un  jour  errant  ainsi  dans  la  forêt,  le  jeune  Widewul  rencontra 
un  berger,  baigné  de  larmes.  Il  apprit  que  le  géant  ATenft^  qui  n'avait 
qu'un  œil  au  front,  lui  avait  enlevé  son  troupeau.  Aussitôt  Widewul 
se  met  à  sa  recherche,  lui  reprend  le  troupeau  et  le  ramène  à  l'heu- 
reux berger. 

Giedina,  voyant  que  la  mission  dont  elle  était  chargée  était  accom- 
plie, disparaît  au  -grand  chagrin  de  son  mari  Radaijaïsu  Slipraïs. 
Depuis  on  ne  la  vit  plus.  Seulement  tous  les  vendredis  elle  apportait  à. 
son  fils  une  chemise  blanche  de  lin  et,  se  montrant  à  son  époux  affligé 
une  nuit  pendant  un  rêve,  elle  lui  dit  qu'elle  ne  reviendrait  plus, 
qu'elle  était  la  fille  de  Pèrkons,  envoyée  par  ce  dernier  pour  lui 
donner  un  fils  qui  deviendrait  le  bienfaiteur  et  le  souverain  des 
peuples  lataviens. 

III*  CHANT 

Hospitalier  est  le  Latavien.  Tel  est  aussi  Widetvut. 

Un  vieillard  entre  un  jour  dans  sa  maison.  Widewut  lui  donne  à 
boire  et  à  manger  tant  qu'il  veut  et  ne  lui  demande  en  récompense 
que  de  lui  raconter  un  conte  qu'il  avait  grand  désir  d'entendre.  Le 
vieillard  s'assit  et  raconta:  «  Il  y  avait  une  fois  deux  vieux  époux 
qui  n'avaient  pas  d'enfants.  La  vieille  épouse  en  était  affligée.  Un 
jour  le  vieux  mari  rencontra  dans  la  forêt  un  vieillard  qui,  renseigné 
sur  sa  tristesse,  lui  dit  de  se  faire  une  charrue  toute  neuve,  d'y  atte- 
ler son  jeune  cheval  et  d'en  labourer  la  terre  fraîche,  où  il  trouverait 
neuf  œufs  que  l'on  devrait  couver  à  la  maison  et  d'où  lui  sortiraient 
neuf  fils.  Ainsi  les  vieux  époux  eurent  neuf  fils  dont  le  neuvième 
était  boiteux  et  fut  appelé  pour  cette  raison  Klibais.  Mais  c'est  juste- 
ment celui  qui  devint  héros  Après  avoir  enlevé  la  jument  blanche 
au  moment  où  elle  vient  prendre  les  meules  de  foin  pour  en  nourrir 


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REVUE  DBR   TRADITIONS  POPULAIRES  487 

ses  neuf  fils,  il  ne  la  relâcha  qu'à  la  condition  d'amener  ces  derniers 
dans  l'écurie  de  Klibais.  Ainsi  chacun  des  frères  eut  un  beau  cheval  ; 
seul  le  cheval  de  Klibaïs  était,  laid  et  maladif.  Aussi  ne  pouvait-il 
aller  avec  ses  frères  à  travers  le  monde  et  il  resta  à  la  maison 
pour  aider  son  père  à  garder  la  forêt.  Là  il  rencontra  un  vieil  homme 
qui  lui  enseigna  comment  il  pouvait  transformer  son  cheval  et  le 
faire  devenir  plus  beau  et  plus  splendide  que  ceux  de  ses  frères. 
Ainsi  Klibaïs  devint  Theureux  possesseur  d*un  cheval  comme  on 
n'eu  avait  jamais  vu  encore,  d*un  cheval  doué  de  la  faculté  de  parler. 
«  Monte,  allons  vite,  tes  frères  sont  en  danger  »,  lui  dit  le  cheval,  et 
aussitôt  il  emporta  Klibaïs  à  travers  les  airs  et  il  rejoignit  ses  frères. 
Ils  arrivèrent  à  une  maison  dangereuse.  En  y  entrant  le  cheval  dit  à 
Klibais  :  «  Les  tètes  de  tes  frères  et  des  filles  à  ses  côtés  seront  ornées 
de  couronnes.  Quand  je  hennirai,  viens  immédiatement  chez  moi  », 
En  effet,  les  têtes  des  frères  étaient  ornées  de  couronnes  de  laiton, 
celles  des  ûlles  de  couronnes  d'argent.  Juste  à  minuit  le  cheval 
hennit,  et  le  cheval  dit  à  Klibais  :  a  Change  les  couronnes,  celles  d'ar- 
gent mets  les  sur  la  tête  des  frères,  celles  de  lailon  sur  la  tête  des 
filles.  Aussitôt  des  couteaux  viendront  du  plafond  et  couperont  les 
têtes  qui  ont  les  couronnes  de  laiton  ».  Klibais  fit  comme  le  cheval 
le  lui  avait  dit  et  sauva  ainsi  la  vie  de  ses  frères.  Yuodu-maht  (mère 
des  Youodi)  était  furieuse  d'avoir  été  ainsi  trompée.  Le  soir  suivant  les 
n^uf  frères  arrivèrent  de  nouveau  devant  une  autre  maison  pareille. 
Le  cheval  de  Klibaïs  lui  donna  les  mêmes  instructions.  Maintenant 
on^mit  à  ses  frères  des  couronnes  d'argent,  des  couronnes  d'or  aux 
filles  avec  lesquelles  ils  couchaient.  A  minuit  sonnant,  le  cheval  or- 
donna de  changer  les  couronnes.  De  nouveau  tombèrent  les  têtes 
des  filles.  Y'uodu-maht  vomissait  du  feu,  de  la  colère  qu'elle  avait, 
car  sa  sœur  avait  été  également  trompée  par  Klibaïs  ;  furieuse,  elle 
se  jetta  après  lui,  mais  elle  ne  put  le  rejoindre.  Les  neuf  frères 
continuèrent  leur  chemin.  Le  soir  ils  arrivèrent  encore  devant  une 
pareille  et  terrible  maison.  Des  couronnes  d'or  furent  mises  mainte- 
nant sur  la  tête  des  frères,  des  couronnes  de  diamants  sur  celles  des 
filles.  Les  couteaux  coupèrent  si  vile  et  si  terriblement  qu'ils  cou- 
pèrent à  Klibais  le  petit  doigt  et  c'est  à  peine  s'il  réussit  à  changer 
les  couronnes.  Ainsi  il  avait  sauvé  pour  la  troisième  fois  ses  frères,  et 
trompé  aussi  la  troisième  sœur  de  Ynodu-maki  qui  jura  de  tirer  de 
lui  une  vengeance  terrible. 

Enfin  les  frères  arrivèrent  dans  une  grande  ville,  où  Klibais 
devint  le  palefrenier  du  roi.  A  l'instigation  de  son  ancien  palefrenier, 
jaloux  de  Klibaïs,  le  roi  donna  à  ce  dernier  différents  ordres  difficiles 
à  remplir  et  il  réussit  néanmoins  à  les  exécuter  à  l'aide  de  son  incom- 


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488  REVUE   DES  TRÂDlTIOiNS    POPULAIRES 

parable  cheval.  Klibaïs,  fut  chargé  d*em mener  au  roi  qui  était  fort 
laid,  une  belle  princesse  qu'il  désirait  épouser  depuis  longlemps. 
Klibaïs  Tenleva  à  l'aide  de  son  cheval  et  la  remit  au  roi.  Le 
lendemain  la  princesse  dit  au  roi  qu'elle  pouvait  transformer  son 
palefrenier  en  un  bel  homme.  Le  roi  le  lui  permit.  Elle  trancha  la 
tête  de  Klibaïs^  coupa  son  corps  en  morceaux,  les  lava  dans  du  lait, 
puis  les  ajusta  Tun  à  l'autre  et  lui  rendit  la  vie  à  faide  d'un  élixir. 
Klibaïs  n'était  plus  boiteux  ;  au  contraire  c'était  maintenant  un  bel 
homme,  vigoureux  et  bien  bâti.  Le  roi,  voyant  un  tel  miracle,  mani- 
festa le  vif  désir  d'être  de  même  transformer  en  un  bel  homme,  car 
il  était  vraiment  trop  laid.  La  princesse  lui  coupa  alors  la  téte^  mais 
elle  ne  le  fit  plus  revivre.  Elle  le  laissa  mort.  Son  corps  fut  brûlé 
sur  un  bûcher  suivant  la  coutume  du  pays.  La  princesse  prit  Klibaïs 
pour  mari  et  pour  roi  ;  il  devint  un  guerrier  célèbre,  conquit  un 
grand  nombre  de  pays  et  vécut  d'une  vie  longue  et  glorieuse  ». 

Ce  conte  du  vieillard  réveilla  chez  le  jeune  Widewut  le  désir  in- 
domptable de  suivre  l'exemple  de  Klibais  ;  aussi  le  vieillard  lui 
communiqua  une  force,  destinée  à  vaincre  tout  sur  terre  et  lui 
recommanda  de  ne  monter  jamais  qu'un  cheval  blanc,  baigné  aupa- 
ravant dans  les  flots  d'un  fleuve  limpide.  «  Et  maintenant  sache  », 
dit-il  à  Widewut^  «  je  ne  suis  point  un  pauvre  vieillard,  mais  bien  le 
dieu  lui-même  ».  Ceci  dit,  il  disparût. 

IV*   CHANT. 

Widewut,  mû  par  un  élan  indomptable  vers  l'inconnu,  vers  les 
dangers  innombrables  à  braver,  s'en  va  à  travers  le  monde.  Bientôt 
il  s'égare  dans  une  grande  forêt.  Le  soir  venu,  il  se  met  à  dormir 
sous  un  sapin.  Toute  la  forêt  retentit  de  son  ronflement.  A  minuit 
Widewul  est  réveillé  par  des  gémissements  plaintifs.  Il  se  lève  pour 
aller  voir  la  cause  de  ces  sons  lamentables,  mais  se  heurte  à  chaque 
pas  contre  d'énormes  troncs  d*arbres  —  toute  la  forêt  était  renver- 
sée, déracinée,  comme  si  un  ouragan  y  était  passé  !  Serré  sous  un 
arbre  gigantesque  se  tordait  un  grand  serpent  avec  une  tête  déjeune 
fille,  ornée  d'une  couronne. 

«  Je  suis  la  reine  des  serpents  »,  dit-ellç,  «  c'est  ton  ronflement 
qui  a  renversé  les  arbres  de  cette  forêt;  délivre-moi  de  ce  supplice, 
je  t'obéirai  toute  ma  vie  ». 

Aussitôt  Wideiout  la  délivra  en  enlevant  l'arbre  qui  pesait  sur 
elle. 

Pour  récompense  Wideiout  ne  demanda  que  de  lui  montrer  com- 
ment il  pourrait  sortir  de  la  forêt. 


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REVUE   DES  TRADITIONS  POPULAIRES  489 


lors,  sur  Tordre  de  la  reine  des  serpents,  un  ^grand  .serpent 
ge  le  reconduisît  au  bord  dé  la  forêt,  et  lui  dit  :  «  Si  queiquefois 


Alors, 
rouge  le  reconduisît  au  bord  de  la  forêt,  et  lui  dit  :  «  Sî  quelquef 
tu  avais  besoin  du  secours  de  la  reine,  frappe  à  un  arbre  eh  disant  : 
«  Entends,  fils  de  la  forêt  î  »  et  aussitôt  les  fils  de  la  forêt  accour- 
ront à  ton  aide  ». 

En  poursuivant  sa  route  Wideivut  s'égara  de  nouveau  dans  une 
grande  forêt.  Différents  obstacles  et  dangers  se  présentèrent  à  lui. 

Entre  autres  il  arrive  à  la  montagne,  sur  laquelle,  dans  une  forêt^ 
est  situé  le  château  du  terrible  géant  Sarkandars, 

Ce  dernier  enlevait  beaucoup  de  monde  cl  faisait  endurer  une 
mort  terrible  à  ses  prisonniers.  Il  les  attachait  par  les  pieds  à  deux 
grands  arbres  qui,  en  se  redressant,  les  déchiraient  en  deux  et 
rejetaient  au  loin  leurs  membres  mutilés. 

Sarkandars  veut   anéantir    Widewui   en  usant  de  perfidie  :  il  le 
charge  de  trois  travaux  difficiles  ;  néanmoins  Widewut  en  sort  va.in-  ^ 
queur.  Alors,  Sarkandars^  furieux  de^son  insuccès,  frappe  avec  une 
massue,  d*un  coup  terrible,  la  tête  de  Wideivut  :  mal  lui  en  prit,  il 
est  tué  sur  place  par  les  forces  que  Widewut  a  su  s'asservir. 

Notre  héros  continue  son  chemin  en  faisant  vibrer  Tair  de  son 
chant.  Mais  voilà  qu'il  rencontre  le  géant  Knokurûwejs  [l.Kouokoura- 
veys)  qui  avait  arraché  avec  toutes  les  racines  les  arbres  d'une  forêt 
entière.  Il  invite  Widewut  à  se  mesurer  avec  lui.  Celui  qui  jetterait 
le  plus  haut  une  énorme  barre  de  fer  (milna),  serait  le  maître,, 
l'autre  deviendrait  son  domestique. 

Le  géant  jeta  la  barre  :  la  barre  se  courba  en  retombant  sur  la 
terre.  Widewut  la  jeta  à  son  tour  :  la  barre  mit  beaucoup  plus  de 
temps  pour  retomber  sur  terre  et  se  cassa  en  deux  morceaux. 

Kuokurawejs  (rarracheurdes  arbres)  ne  savait  comment  réparer  1^ 
massue.   Alors    Widewut  se  montra  habile  forgeron.   Il   prit  cincj^^ 
pouodi  (iOO  livres]  de  fer  et,  les  joignant  à  la  massue  de  dix  pouodi, 
il  les  forgea  sur  son  genou  avec  le  coude. 

Kuokurawejs  devint  son  valet  et  le  suivit. 

Poursufvant  son  chemin,    Widewut  rencontre  un   second   çéant 
Kalnustumejs {[.KdilnQiisioiitneys)  qui  était  si  fort  qu'avec  sa  poitrine  , 
il  déplaçait  des  montagnes.  Il  se  montra  très  hautain  envers  Wide-^ 
uîut^  mais  il  fut  bientôt  puni  —  il  dut  devenir  le  serviteur  de  Wide- 
tout  de  même  que  Kuokurawejs. 

Après  avoir  reforgé  sa  massue  de  vingt  pouodi,  Wifteivut  po\xrs\i}i^ 
son  chemin  avec  ses  deux  compagnons. 

Ils  arrivent  au  bord  de  la  mer,  où  ils  aperçoivent  endormi  l;e  ^ 
géant  Garbakrzdis  (barbe  longue)  dont  la  barbe  mesure  soixante 
aunes;  le  corps  était  dans  Teau,  seule  la  tête  sortait  de^  la  mer,. 


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4d0  tlEVUB   DES  TRADITIONS  POPULMRtt 

C'était  un  aspect  à  faire  tressaillir  le  plus  brave  parmi  les  hommes. 
Ce  n*était  pas  le  cas  de  notre  héros  :  il  prit  le  géant  par  la  barbe  et  le 
secoua  vigoureusement.  Le  géant  est  furieux  de  cette  hardiesse  et 
se  propose  de  le  broyer  littéralement. 

Pourtant  il  est  frappé  du  calme  et  du  sang-froid  de  Widewut  et  il 
accepte  de  se  mesurer  avec  lui  en  jetant  en  Tair  la  barre  de  fer. 
Gaaiéakrzdù  la  jeta  le  premier  et  avec  une  telle  force  qu'elle  prit 
deux  fois  plus  de  temps  que  chez  les  deux  premiers  géants  pour 
arriver  toute  courbée  à  terre.  Mais  quand  la  jeta  Widewut^  elle  prit 
trois  fois  plus  de  temps  pour  arrivera  terre  et  se  cassa  raide  au 
milieu.  Il  ne  fallut  pas  moins  de  dix  pouodi  de  fer  pour  réparer  les 
deux  morceaux  de  la  barre  qui  pesait  maintenant  trente  pouodi.  De 
même  qu'auparavant,  Wideioul  la  forgea  avec  le  coude  sur  son  genou. 

De  cette  manière  Widewut  était  devenu  le  maître  de  trois  hommes 
qui  liii  devaient  une  obéissance  absolue. 

Widewut  les  amène  à  son  père  Radagaïsu  Slipraïs,  Celui-ci,  tout 
désolé  encore  de  la  perte  de  sa  femme  bien-aimée  Giedina,  résolut 
de  marcher  avec  ses  hommes  vers  le  «  pays  chaud  »  (ussiltuo  zemi), 
où  on  ne  connaît  ni  automne,  ni  hiver. 

Radagaïsu  Sipraïs^  ceint  du  sabre  de  Pèrkons^  que  Debesskalis  (le 
Forgeron  du  ciel)  avait  autrefois  forgé  pour  ce  dernier,  Niédrischu 
Widewut  et  ses  trois  ^éBLnisAuokurawejs^  Kalnustumejs  et  Garbahrzdis 
se  mettent  à  la  tète  du  corps  des  braves  et  le  conduisent  vers  le  sud. 

V*   CHANT 

A  Tiie  de  Rugen,  dans  son  château  de  Kupréné  (1.  Koupréné), 
régnait  alors  le  roi  Odus  (l.  Odousse),  heureux  et  content,  avec  sa 
femme  Smaïdina. 

Un  jouT  que  Odus  chassait  au  bord  de  la  mer  il  s'éleva  une  tem- 
pête terrible.  Wiesulis  *  (tourbillon),  Auka  (tempête;,  enfants  de 
Wehja-mahte  *  (mère  des  vents),  avaient  déchaîné  les  vagues  de  la 
mer.  On  voyait  un  navire  luttant  contre  les  éléments  furieux  ;  bien- 
tôt il  se  brisa  contre  les  rochers.  Un  seul  homme  réussit  à  se  sauver 
du  désastre  —  c'était  Niédrischu  W  idewut  qui  était  en  route  avec  sa 
troupe  pour  Sakas-leja^  sa  patrie,  sur  la  côte  d'ambre. 

Odus  et  Widewut  vont  à  la  chasse.  Le  roi  de  Rugen  est  étonné  de 
radresse  de  son  hôte  et  de  ses  divers  faits  miraculeux. 

Odus  comprit  qu*il  n'avait  pas  donné  Thospitalité  à  un  homme 
ordinaire. 

1.  L.  Viëçoulisse. 
2:  Vèya-mâté. 


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REVUE   DES  TRADITIONS   POPULAIRES  4M 

VI'  CHANT 

WideiDut  passe  des  jours  agréables  au  château  de  Kuprene,  Odus 
et  sa  femme  Smaïdina  rivalisent  pour  lui  rendre  la  vie  agréable.  Sur 
les  instances  de  cette  dernière).  Widewut  se  laisse  persuader  de 
raconter  ses  aventures  de  guerre.     . 

a  Je  suis  le  fils  de  Radagaisu  Stipraîs.  Nous  partîmes  avec  nos 
guerriers  de  la  côte  d*ambre  de  Sakas-leja^  pour  les  pays  chauds. 
Après  avoir  bravé  mille  dangers,  passé  maints  fleuves,  maintes  val- 
lées, nous  arrivâmes  devant  des  montagnes  gigantesques. 

«  Nous  avions  beaucoup  de  peine  à  les  traverser.  De  Tautre  côté 
nous  trouvâmes  des  hommes  tout  petits,  mais  tout  en  fer  et  grands 
magiciens  que  nous  dOmes  tout  d  abord  mettre  hors  d*état  de  nous 
nuire.  Plus  loin  nous  passâmes  â  travers  un  pays  peuplé  de  géants 
terribles  ;  ils  avaient  un  grand  oeil  <ians  le  front  et  un  œil  plus  petil 
dans  la  nuque  ;  ils  mangeaient  tout  vivants  des  hommes  aussi  bien 
que  des  animaux.  Quand  ils  se  couchaient  la  nuit  sur  le  ventre,  ils 
voyaient  avec  le  petit  œil  ;  quand  ils  se  couchaient  le  jour  sur  le  dos, 
ils  voyaient  avec  le  grand  œil.  Quand  nous  traversâmes  leurs  pays, 
ils  étaient  à  une  fête  dans  la  caverne  d*une  montagne,  aussi  nous  ne 
fûmes  pas  incommodés. 

«  Après  ce  pays  nous  arrivâmes  dans  un  autre  qui  était  peuplé 
d'hommes  de  la  grandeur  du  pouce.  Leur  barbe  était  plus  longue 
qu'eux-mêmes,  ils  vivaient  dans  des  cavernes.  Mais  aussitôt  que  nos 
gens  se  mirent  à  dormir,  ils  sortirent  de  leurs  demeures  et  ils  nous 
incommodaient  fort.  Nous  réussîmes  à  faire  prisonnier  leur  roi  â 
Taide  du  miel  qu'ils  aimaient  beaucoup.  Entre  temps,  lès  géants 
dont  nous  venions  de  traverser  le  pays,  avaient  remarqué  les  traces 
de  notre  passage  et  s'étaient  mis  à  notre  poursuite.  Notre  troupe 
était  trop  petite  pour  pouvoir  leur  résister.  Alors  le  roi  des  petits 
poucets,  qui  étaient  les  ennemis  acharnés  des  géants,  nous  donna 
des  casques  miraculeux  qui,  aussitôt  mis  sur  la  tète,  nous  rendirent 
invisibles  aux  yeux  des  ennemis.  Le  combat  était  acharné.  Nous  invo- 
quions l'aide  de  notre  père  Pèrkuns  et  aussitôt  apparut  le  petit  vieil 
homme  qui  nous  avait  aidé  souvent  et,  enfonçant  sa  lance  dans  l'œil 
d'un  géant,  il  nous  donna  l'exemple  de  finir  plus  vite  la  besogne 
sanglante.  Pas  un  des  géants  n'échappa  â  la  mort.  Leur  saqg  se 
répandit  à  flots  partout  et,  s'infiltrant  dans  la  terrç,  noya  les  petits 
poucets  qui  s'y  étaient  réfugiés.  Mais  avec  leur  mort  nous  perdîmes 
les  casques  miraculeux. 

«  Puis  nous  continuâmes  notre  chemin.  Bientôt  nous  fûmes  atta- 
qués â  la  fois  par  trois  nations  guerrières.  Nous  nous  battions  comme 


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492'  REVUE  DES  THADiTIONS  P<»PULA1HE9 

des  ours  noirs  (melni  lahischi}i-.M|iiâie  nombre  des  ennemis  nous 
devait  écraser.  Serrés  de  près,  nous  invoquons  notre  père  Pèrkons 
qiM-nousaidçu  à  vaincre  nos  adversaires. 

«  NouS'.  avions  perdu  beaucoup  d'hommes  quand  nous  arrivâmes, 
a^ec  noire  petite  troupe,  à  une  ville  magnifique,  appelée  Roma. 
Mon  père  Radagaïsu  Stipraïs  tomba  malade.  Il  m'appela  alors  et  me  ' 
donna. eajnourant  son  sabre  en  disant  : 

«  Voilà,  mon  fils,  ton  seul  héritage,  qui  t*élèver«  aux  grands 
<c  bonneupsv  Quand  je  serai  mort,  enterre  moi  dans  un  fleuve  pour 
ce  que  tu  n'aies  pas  è.  garder  ma  tombe.  »  Après  avoir  dit  ces  mots, 
Welumahte  (mère  de%  âmes  des  morts]  éteignit  le  feu  de  la  vie  de 
mon. père,  un  héros  était  mort.  Nous  Tenterràmes  dans  le  lit  d'un  ' 
fleuve  avec  les  honneurs  dûs  à  uu  héros.  Je  devins  rot  après  mon 
père^  Je  me  mis  à  la  tète  de  notre  troupe  pour  la  ramener  à  sa 
patrie  Sakas-leja.  Mes  hommes  étaient  aguerris  et  courageux,  aussi 
nous  balayions  notre  chemin  à  travers  les  nombreux  peuples  qui 
nous  ,1e  barraient  ;  le  septième  été  nous  arrivâmes  au  bord  du  fleuve 
PFi^ia  (la.Vistule).  Là,  au  milieu  de  nos  compatriotes,  mes  hommes 
fl»èfent  leur  demeure.  Accompagné  de  mes  trois  serviteurs  Kuoku- 
ràwejs^y  Kalnusiumejs  et  Garbakrzdiê,  j*y  bâtis  un  navire  et  nous 
partîmes  pour  regagner  Sakasleja,  Mais  le  sort  nous  était  défato- 
rdibleiiZiemelis  (le  vent  du  nord),  le  fils  le  plus  fort  de  Wèhjamahté, 
cottVi&«' par, elle  pendant  trois  semaines  sur  la  cime  d*un  sapin, 
s'éleva^^vec  grande  vigueur  ;  Bangpùtis  *  (dieu  des  vagues)  roulait 
de3.>vague8  terribles,  chassant  notre  navire  à  son  gré;  et  nous* 
échouâmes  sur  les  rochers  de  celte  fie.  Voilà  comment  j«  suis  votre 
h6te.d.a  château  de  Kupréné,  » 

Cecii.dit^  Wideiout  remercie  le  roi  Odus  de  son  hospitalité  et  il  * 
moqUi  dansun  bateau   pour  se  mettre  en  route  pour  sa  patrie. 
Mais  avant  d'y  arriver  il  devait  essuyer  nombre*  d^aventn^es  périU  '- 
leiises.. 

{A  suivre]  Henri  Wissendorff  de  Wissukuok. 

i.  L.  Bangpoùtisse. 


«sSr- 


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REVUE   DBS  TRADITIONS 'POPVbAIRBS  •4*93 


POÉSIES  SUR 'DES  THÈMES 'POPtJLAIRES 


XïtV 

LES  CONTES'DUiGAOIUllDiD^VAlVT  ' 

thanson 

Avec  du'lftr^ae  dans  KécouU, 
La  nuit,  au  vêht,  sur  le  gallïal'd, 
Ud  vieux  eonte  que  Toû  éebûte 
Est  un  compagnon  de  quart. 

—  Cric  1  crac  I  maleJots,  il  faut  être 
Toujours  parés  à  manœuvrer. 
Ne  dormons  pas  I  a  dit  le  maître, 
£h  bien  I  attrape  À  démetrrer 
Les  langues  d'or  !...  Et  droit  en  rodre 
Pour  le  pays  où  les  boti leurs 
Disent  qu'on  volt  sur  la  dhoùcroule 
Les  boutons  de  gu6ir6fe  4m  'Oenn  : 
Avec  du  lar|^,  etc. 

Pays  de  bombance  et  de  joie 
Où  Ton  reçoit  en  ration 
Du  céleri,  des  cuisses  d*oie 
Et  du  vin  À  discrétion. 
La.  pas  de  soin,  pas  de  trislesses, 
Toujours  de  merveilleux  fricots  ; 
Là,  les  reines  et  les  princesses 
N'épousent  que  ées  matelots. 
Avec  du  largue,  -etc. 

En  avant,  le  vrai  fantastique  ! 
Monsieur  Satan,  le  diable  noir, 
Et  la  légende  apostolique 
Des  saints  qu'honore  le  bossoir  : 
Saint  Elme,  saint  Jacques,  saiut  Pierre, 
Et  saint  Houardon  qui,  dans  Brest, 
A  bord  de  son  auge  de  pierre. 
Entra  par  un  coup  de  vent  d'Est. 
Avec  du  largue^  etc. 

i.  Cette  chanson  est  loin  d'être  un  ckef-d'œvftey  waâh  ëtïe  a  le  mérite  d'énu- 
mérer  un  assez  grand  nombre  de  croyances  el  de  superstitions  de  la  mer. 


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i94  REVUE   DBS   TRADITIONS   POPULAIRES 

Kb  ft^iant,  mesdames  les  fées, 
Les  sorcitffs,  les  géants,  les  nains, 
Les  sirènes  «t  leurs  trophées 
Pires  que  ceux  dea  carabins  l 
Figurez-vous  que  e««  ogresses, 
Au  fond  des  eaux  d'un  «àr  genti, 
Vous  attirent  par  leurs  canaaes, 
Et  puis  nous  mangent  en  r6ti  s 
Avec  du  largue,  etc. 

«En  avant,  Nathan  la  Flibuste, 
£t  le  Hollandais  voltigeur, 
Et  Sans-Peur  qui,  comme  de  Juste 
Et  de  raison,  n'eut  jamais  peur. 
Sauf  que  chez  la  reine  Eau-de-vie 
11  eut  frayeur,  ou  peu  s'en  faut, 
Quand  un  tas  de  pigeons  en  vie 
S'envolèrent  du  p&té  chaud. 

Cric  !  crac  !  apprenez  A  la  ronde 
L'histoire  du  roi  des  Anchois, 
Qui  fit  sept  fois  le  tour  du  monde 
Sans  éternuer  une  seule  fois, 
Quoique  plongé  dans  la  moutarde 
Qui  ne  lui  monta  pas  au  né. 
Mais  notre  cal  fat,  par  mégarde 
.    L'avait  un  peu  trop  goudronné. 

Gric  I  crac  1  s'agit  de  la  fabrique 
Du  premier  navire  à  vapeur 
Que  Piuton  se  gardant  A  pique 
Sur  le  diable  son  inventeur 
Gagn^  par  une  ruse  telle 
Que  Sa^n  repic  et  capot, 
Ne  vouli^t  plus  jouer  la  belle 
De  peur  d'y  perdre  son  sabot. 

Après  le  Grand  Chasse-Tonnerre, 
Grand  ChassorFoudre  autrement  dit, 
Cric  î  crac  !  voici  le  Reste-à-Terre, 
Naviguant  sur  le  Pissenlit, 
Rivière  de  vase  Cordée, 
Vilaine  navigation 
De  fainéants  courant  bordée 
Avec  ces  tas  de  gros...  capons 

Le  dévoûment  et  le  courage. 
Dans  nos  contes  gagnent  toujours, 
La  main  calleuse  a  l'avantage 
Sur  cette  patte  de  velours 
Si  fameuse  par  sa  traîtrise, 
Que  Jean  Loustic,  en  ses  propos, 
Vigoureusement  agonise 
A  grand  carillon  de  gros  mots. 


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REVUE   DES  TRADITIONS  POPULAIRES  495 

L'honnête  bon  sens,  la  morale, 
N'ont  jamais  exclu  la  gatté  ; 
Le  gaillard  d'avant  se  régale 
De  pimentade  en  liberté  ; 
Le  piquant  de  la  rocambole 
Emporte  la  gueule  souvent. 
Il  va  jusqu'à  la  gaudriole 
Et  parfois  même  plus  avant. 

Nos  chers  conteurs,  je  le  confesse, 
Se  donnent  volontiers  le  tort 
D'épicer  avec  hardiesse 
La  sauce  des  contes  de  bord. 
Mais  pourvu  qu'en  définitive. 
Le  coupable  ait  son  ch&timent. 
Pourvu  que  l'innocent  arrive 
A  bon  port  pour  le  dénouement. 

Po\^vu  que  la  chance  punisse 
Le  Crime  en  vengeant  la  Vertu 
Et  que  la  Princesse  s'unisse 
A  son  matelot  revêtu 
D'un  paletot  doré  sur  tranche 
Comme  un  inca  péruvien. 
Chacun  de  nous  a  sa  revanche. 
Car  tout  est  bien  qui  finit  bien. 

Avec  du  largue,  etc. 

G.   DE  LA   LaNDELLE. 

(Chansons  maritimes). 


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REVUE  DÉS  TRADITIONS  k>OPULAlRES 


SUPPLÉMENT  AUX  CONTES  DE  SI  DJEH  A 


1     . 

L  y  a  quelques  années,  j'ai  donné,  en  tète  d'une 
traduction  de  la  version  kabyle  des  Fourberies  de 
Si  DjeKafKv  M.  Mouliéras*,  un  tableau  compara- 
tif de  différentes  recensions  arabes^  turke  et 
berbère  en  les  rapprochant  des  anecdotes  du 
même  genre  qui  existent  dans  les  diverses  littéra- 
tures. Ces  rapprochements  naturellement  sont 
susceptibles  d'additions  et  j'en  ai  réuni  un  certain 
nombre  sans  me  flatter  d'épuiser  la  matière. 

XIX  (version  turke),  p.  9  (vers,  arabe  de  Boulaq,  vers,  arabe  de 
Beyrout)  Un  Juif  adroitement  dépouillé.  —  XX  (vers,  berbère)  Si 
DjeKa  et  le  Juif  — -  cf.  Georgeakis  et  Pineau,  Le  Folk-lore  de  Lesbos  * 
p.  441-115.  Le  Juif  et  le  Chrétien  XXVlfl  (version  turke,  p.  34,  (vers. 
arabe  de  Boùlaq)  —  p.  26  (version  arabe  de  Beyrout)  :  La  lune  tirée 
du  puits,  La  version  d'un  conte  populaire  corse  :  U  ^astelicacciu  et 
son  âne^  est  tout  à  fait  semblable  à  la  variante  du  paysan  citée  par 
Kohler  [Tableau  p.  33,  noie  3).  Le  récit  est  plus  développé  dans  un 
conte  allemand  de  Transilvanie.  Les  Seklers  voyageant  en  convoi 
s'endorment  dans  leurs  voitures  :  l'un  d'eux  s'éveiliant  brusquement 
près  de  l'eau  où  il  aperçoit  l'image  de  la  lune,  croit  qu'elle  y  est 
tombée.  Il  avertit  ses  compagnons  et  tous  se  jettent  dans  l'eau  pour 
l'en  retirer  et  tirent  sur  une  perche  dont  le  crochet  a  rencontré 
une  souche.  Celle-ci  cède  tout  à  coup,  les  Szeklers  tombent  à  la 
renverse  dans  l'eau  et  quand  ils  en  sortent,  ils  aperçoivent  la  lune 
au  ciel.  Leurs  descendants  sont  encore  Gers  de  ce  service  qu'ils  lui 
ont  rendu  *. 

XL  (version  turke),  p.  14  (vers,  arabe  de  Boulaq),  p.  12  (vers,  de 
Beyrout)  :  Excuse  tirée  d'une  échelle.  Si  Djeh'a  surpris  avec  une 
échelle  au  moment  où  il  va  voler  dans  un  jardin  répond  qu'il  est 

1.  Paris,  1892,  in- 12,  Cf.  Hartmann,  Schwanke  und  Schnurren  im  islamischen 
Orient.  Zeitschrift  des  Vereins  fiir  Volkskunde^  1895,  p.  40  et  suiv. 

2.  Paris,  1893,  pet.  in-8. 

3.  Ortoli,  Contes  populaires  corses.  Paris,  1883,  pet.  in-8,  p.  252-234. 

4.  Mûller,  Siebeniurgische  Sagen.  Vienne,  1885,  in-8,  §  240,  p.  168-169. 


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RËVUfi   DES  TRADITIONS   POPULÂfRBS 


497 


marchand  d'échelles —  cf.  F.  Mttller.  Grûndriss  der  Sprachwissens- 
chaft  t.  II.  2*»  partie,  p.  304  ». 

LXXXIV  (version  turke)  La  laitière  et  le  pot  au  lait,  —  XXXIX 
(version  berbère)  La  pastèque. 

Un  individu  d'Obernau  en  Souabe  trouve  sur  la  route  une  courge 
que  ses  concitoyens  prennent  pour  un  œuf  de  bourrique.  On  le 
fait  couver  par  Tarcher  de  Técuelle  :  la  courge  roule  dans  une  haie 
d'où  sort  un  lièvre  qu'il  prend  pour  un  petit  âne  -.  —  Dans  une 
variante  de  Poméranie,  les  œufs  de  bourrique  sont  remplacés  par 
des  œufs  de  chevaux.  Hans,  du  village  de  Darsikow,  célèbre  pour 
la  naïveté  de  ses  habitants,  est  le  héros  de  l'aventure.  Un  jour,  il  va 
au  marché  à  Stolp,  où  il  voit  une  voiture  pleine  de  citrouîlleà. 
Qu'est-ce  que  c'est?  demande-t-i).  —  Des  œufs  de  chevaux.  -^  On 
lui  apprend  en  outre  qu'il  doit  se  rendre  sur  une  haute  montagne, 
se  placer  sur  un  œuf,  et  au  bout  de  quatre  semaines  il  en  sortira  un 
poulain.  Après  élre  resté  longtemps  sur  la  citrouille,  Hans  veut  la 
retourner,  comme  font  les  oies  pour  leurs  œufs,  mais  elle  roule  au 
bas  de  la  montagne  et  se  brise  contre  un  buisson  de  genévriers 
derrière  lequel  il  y  avait  un  lièvre.  Celui-ci,  effrayé,  prend  la  fuite 
et  Hans  se  précipite  derrière  lui  en  criant  :  Hîch  !  Hich  !  Hich  I  ne 
reconnais-tu  pas  ta  mère  ?  Il  croyait  que  c'était  le  poulain  qui  était 
sorti  de  l'œuf. 

La  donnée  du  conte  est  altérée  dans  les  variantes  suivantes  qui 
cependant  proviennent  du  même  fonds.  Les  gens  de  Dittis  n'ayant 
que  des  bœufs  et  pas  de  vaches,  achètent  des  fromages  en  boule  que 
le  marchand  leur  vend  pour  des  œufs  de  vaches.  Ils  les  font  couver 
par  leurs  femmes,  mais  les  vers  qui  en  sortent  au  bout  de  quelques 
jours  ayant  mordu  l'une  d'elles,  elle  se  remue,  le  fromage  roule 
dans  une  haie  d'où  s'enfuit  un  jeune  lièvre  qu'elle  prend  pour  un 
veau  *. 

Une  forme  plus  altérée  encore  est  celle  d'après  laquelle  il  s'agit 
d'un  œuf  de  lièvre,  ce  qui  supprime  la  méprise  plaisante  de  la  fîn. 
Les  Boffînger  de  Souabe  trouvent  sur  la  route  des  «  Rossbollen  »  le 
conseil  déclare  que  ce  sont  des  œufs  de  lièvre  et  les  font  couver  par 
le  bourgmestre  :  du  buisson  où  on  le  met,  s'échappe  un  lièvre  qu'il 
croit  sorti  de  l'œuf  ^.  La  même  aventure  est  attribuée  aux  gens  de 


1.  Vienne,  1882,  in-8. 

2.  Birlinger,   Volksthûmliches  ans  Schwaben,  Fribourg  en  Brisgau,  )861,  2  ▼« 
in-8,  t.  I,  §  663,  p.  436-447. 

3.  Knoop,  Volkssagen,  Erzâhlvngen^  Aberglauberiy  Gebr Cache  und  Mûrchen  au9 
dem  àstlichen  Hinterpommem.  PoseL,  iH85,'in-8.  §239,  p.  il6. 

4.  Bechstein,  Die  Sagen  des  RhÔngebirges.  Wurzbourg,  184^,  îVcit,  p.  9S-93* 

5.  Birlinger,  VolksthUmliches  ans  Schwaben,  t.  I,  §  661,  p.  436-437. 

TOHB  XI  — •  OCTOBRE  1896  32 


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498  REVUE  DES  TRADITIONS  POPULAIRES 

Ganslose,  à  roccasion  d'un  œuf  de  cigogDe  trouvé  sur  la  route  K 

Daus  une  variante  de  Posnanie,  la  sottise  est  une  punition  divine. 
Un  homme  devenu  fou  parce  qu'il  injuriait  Dieu,  vient  dans  un 
village  près  de  Schrimm  :  il  voit  une  citrouille.  H  demande  ce  que 
c'est  ;  une  femme  lui  dit  que  c'est  un  œuf  de  lièvre  sur  lequel  il 
doit  rester  assis  pendant  trois  semaines  :  au  bout  de  ce  temps,  il  en 
sortira  un  lièvre.  Il  prend  cet  œuf  et  se  met  à  couver,  mais  au  bout 
de  quelques  jours,  la  citrouille  tombe  en  morceaux.  Au  même 
moment,  un  lièvre  passe  en  courant  et  le  fou  s'écrie  plein  de  joie  : 
Chi  I  Chi  !  viens  ici,  ne  connais-tu  pas  ta  mère  ?  ^. 

XCVII.  (Version  turke)  Loreille  mordue.  Le  texte  turk  de  cette 
anecdote  a  été  publié  par  A.  Mtiller^  Elle  manque  dans  les  versions 
arabes  de  fieyrout  et  de  Boulaq,  mais  elle  existe  dans  le  recueil  du 
chaïkh  'Abd  el  Selam  el  Loqâni  n°  VI  *. 

CCXXIX.  (Version  turke)  Danger  de  tirer  sur  son  propre  manteau, 
(version  arabe  de  Boulaq,  p.  27),  n^LVII.  (Version  berbère)  Si  Djeh'a 
et  son  burnous.  Une  autre  recension  arabe  existe  dans  le  recueil 
d'Es  Soyouti,  consacré  aux  sottises  de  Qaraqouch  (n°  I.  La  chemise 
tombée)  et  dans  El  Loqàni  (n""  VII)  ^  Cette  version  se  rattache  à  la 
seconde  classe  des  recensions  (El  Qalyoubi,  Allaoua  el  la  version 
kabyle  de  Bou  Qondour). 

XXXVI.  (Version  berbère)  Si  Djeh'a  et  la  couple  de. taureaux.  Dans 
Jean  des  pois  verts,  conte  des  nègres  de  la  Louisiane,  le  héros  vend 
au  rot  une  oie  sous  les  ailes  de  laquelle  il  a  mis  des  pièces  d'or  et 
lui  fait  croire  qu'elle  dounera  de  Tor  si  on  lui  joue  du  violon  ®. 

XXVVIIl.  (Version  berbère)  Si  ÛjeWa  et  le  trésor.  Une  version  en 
chelb'adu  Maroc  a  été  publiée  avec  une  traduction  par  M.  Stumme^  ; 
de  même  une  version  arabe  recueillie  chez  les  Hoouàra*.  On  y 
retrouve  les  épisodes  du  conte  zouaoua  :  la  vente  à  une  chouette,  la 
réclamation  de  Djeh'a,  la  découverte  du  trésor,  la  pluie  de  crêpes 
(remplacée  par  une  pluie  de  fèves).  Dans  un  conte  de  Poméranie 
dont  Hans  de  Darsikow  est  encore  le  héros,  les  premiers  épisodes 


{.  Birlinger,  op.  laud.,  t.  I,  §  669,  p.  445. 

2.  Kooop,  Sagen  und  Enâhlungen  aus  dem  Provinz  Posen.  Posen,    1893,   in-8, 
p.  208. 

3.  Tûrkische  Grammatik.  Berlia,  1889,  iD-12,  p.  65. 

4.  Publié  et  traduit  par  M.  Casanova,  Mémoires  publiés  par  les  membres  de  la 
mission  archéologique  française  au  Caire,  t.  VI,  III«  fasc.  Pari?,  1892,  iD-4. 

5.  Cf.  Casanova,  op.  laud. 

6.  A.  Portier,  Louisiana  Folk-tales.    Boston  et  New- York,   1895,  in-8,  conte 
XXVI,  p.  88. 

7.  tCf  SiUcke  im  Silha  (chelh'a)   Dialekt    von   Tazerwalt.    Leipzig,  1894,  in-8, 
U*  vu,  histoire  de  la  chouette,  p.  12  et  25-26. 

8.  Socia  et  Stumme,  Der  arabische  Dialeckt  des  Houwdra  der  Wâd  Sus    in 
Marokko.  Leipiig,  1894,  gr.  in-S,  n«  VI. 


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REVUE  DES  TRADITIONS  POPULAIRES 


499 


sonl  semblables,  mais  le  texte  a  conservé  un  trait  qui  manque  en 
arabe  et  en  berbère.  La  mère  du  niais  lui  a  recommandé  de  ne  pas 
faire  d'affaire  avec  les  bavards,  aussi  vend-il  sa  vache  à  un  cruciOx 
qui  ne  dit  pas  mol  et  qu'il  brise  ensuite  en  réclamant  son  argent  '. 

La  pluie  de  beignets  existe  dans  un  conte  espagnol  introduit  par 
Frescaly  (Palat)  dans  le  roman  de  Fleur  d^Alfa  '.  La  femme  du 
bûcheron  pour  prévenir  les  indiscrétions  de  son  mari  Tamène  à 
croire  que  la  bourse  a  été  trouvée  le  jour  où  il  est  allé  à  l'école  et  la 
veille  de  celui  cù  il  a  plu  des  beignets. 

XLIX.  (Version  berbère)  Lépée  de  Si  DjeK'a  qui  tue  et  qui  ressuscite. 
Ce  conte  a  passé  au  Brésil,  sans  doute  par  le  Portugal.  Le  pauvre 
vend  à  son  frère  riche  et  avare  la  marmite  qui  bout  toute  seule, 
puis  le  couteau  qui  ressuscite  et  dont  il  a  fait  Texpérîence  en  fei- 
gnant de  tuer  sa  femme  ^  On  peut  en  rapprocher  un  épisode  d  un 
conte  du  Luxembourg  :  un  paysan  vend  à  trois  étudiants  qu*il  a 
plusieurs  fois  dupés  par  manière  de  représailles,  et  qui  veulent  se 
venger  de  lui,  le  bâton  par  les  coups  duquel  il  feint  d'avoir  été 
ressuscité  *. 

,  René  Basset. 


§  248,  p.  115. 

brésilien,  Paris,  1889,  in-12, 


1.  Knoop,  Volkssagen,  Erzàhlungen^ 

2.  F.  de  Santa  Anna  Néry,  Folk-lore 
ch.  V,  §  1,  Les  deux  frères ^  p.  223-224. 

3.  Paris,  1884,  in-l$  jés.,  p.  85-88. 

4.  Gredt,    Sagenschati   des    Luxemburger  Landes.  Luxembourg,    1885 
p.  492-494. 


1II«  partie. 


in-8. 


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RBVnt  DBS  TRADITIONS   POPULAIRES 


LES  MÉTIERS  ET  LES  PROFESSIONS 


LXXXI 


CORPORATIONS  DE  Mt'SICIENS 

L  y  avait  à  Metz  une  corporation  de  piusiciens  dont  le 
métier  était  de  faire  danser,  de  donner,  aux  portes  des 
maisons  riches,  des  aubades  ou  des  sérénades,  lors  de 
la  nouvelle  année,  des  fêtes  patronales,  des  mariages, 
baptêmes,  nominations,  prix,  etc.  Parmi  eux  se  recru- 
taient les  musiciens  de  la  ville,  chargés,  moyennant  une 
rétribution  annuelle,  d'accompagner  les.  magistrats 
municipaux  aux  cérémonies  publiques.  (V.  notamment, 
pp.  160  et  164  de  l'Inventaire  des  Arch.  municipales). 
Cette  joyeuse  corporation  fut  dissoute,  comme  les  autres,  lors  de  la 
Révolution.  Deux  de  ses  membres  continuèrent  néanmoins  jus- 
qu'après 1830,  Tusage  des  aubades.  Mirguet  d'abord,  grand  et  maigre 
vieillard.  Affublé  commue  au  temps  du  Directoire,  il  marchait  grave- 
ment, le  violon  et  Tarchet  sous  le  bras  ;  se  cambrait  en  attaquant  un 
morceau  ;  saluait  avec  grâce  et  faisant  d'une  voix  retentissante  le 
compliment  traditionnel  ;  il  ne  manquait  pas  de  répartie^  parlait 
patois  et  fêtait  souvent  la  bouteille.  C'était  un  type.  Son  compagnon 
le  fidèle  Soudan,  n'avait  rien  que  de  vulgaire.  L'as  boin  po  Vambade 
(pour  jouer)  disait  Mirguet,  ma  po  l'compliment  nani.  Soudan  donnait 
le  signal  Ensanne  Mirguet  !  et  les  deux  violons  de  faire  rage.  C'étaient 
après  tout,  de  braves  gens,  on  les  appelait  les  Béyons, 

AURIGOSTE  DE  LaZARQUE. 


M.  Louis  Morin  vient  de  publier  une  intéressante  élude  sur  les 
Associations  coopératives  des  Musiciens  à  Troyes  au  XV  11^  siècle. 
(Troyes,  Nouel,  1896  in-8  de  pp.  33.  Exlr,  des  Mémoires  de  la  Société 
archéologique  de  TAube)  ;  il  publie  les  statuts  en  18  articles  des 
musiciens  associés  en  divers  pays,  et  il  constate  l'existence  à  Troyes, 
dès  le  XVP  siècle,  de  cette  association.  Les  membres  s'engageaient 
par  une  période  déterminée  à  aller  jouer  ensemble  ou  séparément  et 
à  rapporter  fidèlement  leurs  gains  au  siège  spécial,  la  répartition  avait 
lieu  à  des  époques  fixées  et  les  malades  y  avaient  part.  Ils  étaient  sous 


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RBVUS   DfiS   TRADITIONS    POPCLAIRES  SOt 

Tautorité  d'un  lieuteDaDt,  qui  tenait  ses  pouvoirs  du  roi  des  diéné- 
triers  ou  roi  des  violons.  Il  semble  que  l'association  cessa  d'exister 
au  milieu  dû  XVII*  siècle,  le  dernier  acte  connu  étant  de  1662. 

P.  S, 


LXXXII 

LES  ALLUMEURS  DE  RÉVERBÈRES  x 

Au  commencement  du  siècle^  des  individus  vêtus  d'une  blouse 
bleue,  avec  un  tablier  blanc  et  des  gants  de  laine  blanche,  circu- 
laient à  Bruxelles,  le  1"  janvier,  dans  les  rues  et  sonnaient  à  toutes 
les  portes. 

C'étaient  des  allumeurs  de  réverbères,  les  ouvriers  de  la  ferme  des 
boues  (du  Mest-Bak),  c'était  le  trompette  de  l'église  de  la  Chapelle, 
qui  allaient  de  porte  en  porte  solliciter  des  étrennes,  en  remettant 
une  image  grossière  représentant  un  hoiïime  monté  sur  une  échelle 
adossée  à  un  réverbère,  un  ouvrier  appuyé  sur  un  balai  devaqt  la 
tète  du  cheval  de  sa  charrette,  un  mousquetaire  du  moyen-àge,  son- 
nant de  la  trompette.  Les  enfants  attendaient  ces  images  avec  la 
plus  vive  impatience.  (P.  Hyman.  Annales  à  travers  les  âges,  II,  192). 

Alfred  Harou. 


XII  (suite) 
fête  de  métiers 

Les  tonneliers  étaient  autrefois  chargés  d'éteindre  les  incendiés 
(Atour  de  1320.  Preuves  de  l'Hist.  de  Metz,  T.  III,  p.  334)  ;  ils  ne 
recevaient  aucun  salaire  pour  ce  service,  par  contre,  ils  jouissaient 
de  certains  privilèges.  (V.  notamment  Preuves  de  UHist.  de  Metz,  T. 
III,  30  Janvier  1298  p.  251  et  Baltus,  Annales  de  Metz,  p.  2èl,  en 
note)  de  plus  la  ville  chaque  année  les  régalait  pendant  trois  jours  & 
partir  du  lendemain  de  la  Saint-Barthélémy  {Arck,  municip,,  carton 
124,  1320-1780  p.  31  de  l'inventaire,  cart.  208,  p.  48  de  l'Inventaire, 
cart.  210,  p.  49  de  l'Inventaire)  ce  qui  ne  laissait  pas  de  coûter  assez 
cher  :  témoin  ces  mentions  que  je  trouve  dans  les  Comptes  des 
Trésoriers  conservés  aux  mômes  Archives  municipales  : 

«  Il  est  dheu  aux  comptables  la  somme  de  144  liv.  pour  les  festins 
((  des  Mutliers  faits  en  la  d"  année  1616  au  Palais  (C.  17,  cah.  14). 

«  Délivré  à  N*  du  Dhesne  rôtisseur  la  somme  de  100  messins  pour 


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502  REVUE   DBS   TRADITIONS   POPULAIRES 

«  les  trois  festins  par  lui  faicts  aux  muttiers  de  la  Cité  que  la  ville 
«  leur  doit  chacun  an  (1646-47)  (C.  18,  cah.  15) 

«  A  Jean  Belchamps  traiteur,  110  livres  pour  ces  mêmes  trois 
«  repas  (1697)  (Reg.   570,  Inventaire  p.  142).  Fait  dépense  de  110 

«  livres  pour  le  repas  que  la  ville  a  donné  pendant  trois  jours 

«  aux  maîtres,  six  et  commis  des  tonneliers  à  cause  de  l'obligation 
«  où  ils  sont  d*aller  aux  incendies  et  d'y  porter  de  Teau  avec  leurs 
«  muids.  »  (Reg.  695,  année  1760.  Inventaire,  p.  157). 

Une  ordonnance  de  police  du  16  août  1725  rappelait  aux  tonneliers 
leurs  devoirs  et  les  engageait  à  les  remplir  sous  peine  de  3  fr. 
d'amende  contre  chacun  des  contrevenants.  {Arck,  munie.  Portf. 
intitulé  :  Police,  Ordonnances  IJL.  Placard  imprimé). 

E.  AURICOSTE  DE  LAZAKQUb:. 


XXX 

FACÉTIES  SUR  LES  TAILLEURS 

A  Gand,  comme  dans  la  plupart  de  nos  villes,  tout  tailleur  qui  se 
respecte  se  rend  ou  feint  de  se  rendre  une  couple  de  fois  Tan  à 
Paris,  pour  s'inspirer  des  modes  nouvelles. 

Un  tailleur  gantois,  au  lieu  d*aller  à  Paris,  s'était  claquemuré  chez 
lui  pendant  huit  jours,  annonçant  à  tous  ses  clients  son  absence. 
Cependant,  raconte-t-on,  il  se  trahit  un  jour  de  la  manière  suivante. 
Comme  la  porte  de  sa  maison  était  restée  ouverte,  une  bande  de 
petits  polissons  tapageait  bruyamment  dans  le  corridor,  incommodant 
de  leurs  cris  le  voyageur  en  chambre.  Celui-ci  n'y  tenant  plus,  des- 
cendit du  premier  étage,  armé  d'une  énorme  canne,  et  tout  cour- 
roucé :  «  Ah  !  si  je  n'étais  pas  à  Paris,  vous  me  le  paieriez  cher  »  ; 
n'osant  achever  sa  poursuite  au-delà  du  seuil  de  sa  porte  de  crainte 
d'être  aperçu  de  ses  clients. 

Ceci  est  très  répandu,  à  Gand,  oCi  on  se  moque  des  tailleurs  dans 
les  termes  que  je  viens  de  rapporter. 


LV 

LES  POTIERS  [suite) 

Saint  Etienne  est  le  patron  des  potiers  ;  sa  statue  qui  se  trouve 
dans  l'église  de  Bouffioulx  (près  Charleroi  —  ancienne  fabrique  de 
pots),  porte  un  tablier  dans  lequel  on  voit  des  boules  de  terre  et  des 
pierres  qui  ont  servi  à  le  lapider. 


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RBYUB  DES  TRADITIONS  POPULAIRES  503 

Chez  les  anciens  potiers  du  pays  de  Gharleroi  les  tessons  de  poterie^ 
dits  lestias  ou  canistias,  dans  le  langage  vulgaire,  mêlés  de  vases  de 
rebuts  dits  cafuts  ou  cornus,  étaient  jetés  à  la  voirie  le  long  des 
chemins  effondrés  et  servaient  de  remblai,  ou  bien  le  plus  souvent 
on  les  entassait  dans  de  fortes  tranchées  où  ils  étaient  couverts  de 
terre  et  le  peuple  appliquait  à  c^s  dépôts  de  décombres  le  nom  carac- 
téristique de  saloirs  de  testias  et  de  cafuts,  par  comparaison  aux  lieux 
d'enfouissement  des  masses  de  soldats  tués  sur  les  champs  de  bataille. 
Ce  fut  les  scherbengraben  des  Allemands. 

[Documents  et  Rapports  de  la  société  paléontologiqué  et  archéologi- 
que de  Charleroi,  XI,  70). 

Chez  les  anciens  potiers  du  pays  de  Charleroi,  on  payait  les 
ouvriers  par  centaines  de  pots  fabriqués.  Comme  il  y  a  des  vases  de 
différentes  grandeurs,  on  avait  pour  type  ou  étalon  un  pot  de  compte. 
Il  y  avait  des  pots  de  deux  comptes,  dont  il  fallait  cinquante  pour 
cent  pots  de  compte.  11  y  en  avait  d'autre  part,  de  plus  petits  dont 
il  fallait  2,  3,  4  et  jusqu'à  16  pour  Tétalon.  Le  compte  des  pots  était 
évalué  un  peu  arbitrairement.  C'était  cependant  proportionnel  à  la 
quantité  de  terre  employée. 

(Doc.  et  rapp,  de  la  socpaléont.  et  archéoL  de  Charleroi,  XI,  52) 

Alfred  Harou. 


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504  REV&I  DBS  TRADITIONS  P0PCLA1RB8 


CONTES  DE  LA  HAUTE-BRETAGNE 


Contes  comiques  * 


XXV 

JEAN  LE  DIOT 

E  mère  de  Jean  le  Diot  Tenvoya  à  la  foire,  pour  ven- 
dre une  \ache,  et  elle  lui  recommanda  bien  de  ne 
pas  la  donner  à  un  sou  de  moins  de  deux  cents 
francs. 

Voilà  mon  Jean  le  Diot  qui  part  pour  la  foire 
avec  sa  vache  ;  il  rencontra  un  marchand  qui  lui 
demanda  le  prix  de  sa  vache. 

—  Ma  mère,  répondit-il,  m'a  dit  de  ne  pas  la  donner  à  moins  de 
deux  cents  francs. 

—  Marché  conclu  !  s'écria  le  marchand  qui  compta  l'argent  à  Jean 
le  Diot. 

—  Voilà  une  journée  qui  commence  bien,  dit  Jean  le  Diot  en  ser- 
rant ses  pièces  d'argent. 

Il  retourna  à  la  foire  el  paya  le  même  prix  que  la  vache  un  lièvre 
qui  était  attaché  par  les  pattes. 

Quand  Jean  le  Diot  arriva  auprès  de  sa  maison,  il  détacha  le  liè- 
vre pour  le  mettre  à  pâturer,  et  courut  dire  à  sa  mère  : 

—  Ah  !  mamau,  venez  voir  comme  notre  petite  vache  mange  bien  : 
elle  sera  bientôt  grasse. 

—  Va  t'en  la  chercher  et  amène-la  que  je  la  voie. 

Mais  quand  il  arriva  à  la  prairie,  il  n'y  trouva  plus  de  lièvre  et  îi 
revint  dire  à  sa  mère  que  la  vache  était  partie. 

—  Gomment,  dit-elle,  as-tu  pu  la  laisser  échapper  ?  Va-t'en  à  sa 
recherche. 

—  Vas-y  toi-même,  dit  Jean  le  Diot,  p'est  à  ton  tour. 

Le  lendemain,  sa  mère  lui  dit  d'aller  vendre  un  cochon  ;  il  entra 
menant  la  bête  avec  lui  dans  une  église^  et  demanda  à  haute  voix  si 

î.  Cf.  t.  IX,  p.  299/J90,  433. 


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REVUE   DES  TBADl-nONS  POPULAIRES  505 

quelqu'un  voulait  loi  acheter  sott  cochon.  Il  ne  reçut  pas  dô  réponse, 
mais  en  parcourant  Téglise  il  aperçut  dans  une  chapelle  un  saint 
de  bois  et  lui  dit  : 

—  Veux-tu  m'acheter  mon  cochon,  toi  ?  Je  ne  veux  pas  chipoter 
avec  loi,  et  je  le  vais  te  le  donner  au  prix  que  ma  mère  m*a  dit  de  le 
vendre.  Tu  ne  réponds  rien  ?  Qui  ne  dit  mot  consent  :  le  marché  est 
conclu. 

Il  laissa  là  son  cochon,  et  s*en  retourna  chez  lui.  Il  dit  à  sa  mère 
qu'il  avait  vendu  son  cochon  à  un  homme  de  bon  compte  qui  ne  l'a- 
vait pas  payé,  mais  qui  viendrait  sûrement  le  payer  le  lendemain. 

Le  lendemain  se  passe  et  Ton  ne  voit  pas  venir  l'acheteur.  Voilà 
mon  Jean  le  Diot  parti  pour  aller  réclamer  son  argent.  Il  entre  dans 
Téglise  et  va  à  la  chapelle  où  était  le  saint  : 

—  Bonjour,  lui  dit-il  ;  je  suis  venu  chercher  de  largpnl.  Si  tii  ne 
veux  pas  m'en  donner  gare  au  bâton.  Tu  ne  me  réponds  pas  ?  Il  m'en 
faut  de  suite.  Je  vais  te  frapper.  Parle  donc  1  Ah  !  tu  ne  veux  rien  dire  ; 
je  vais  te  donner  un  coup  de  bâton. 

Il  frappa  le  saint  et  Tabattit  à  ses  pieds  :  la  statue  était  pleine  de 
louis  d  or.  Il  les  ramassa  et  vint  tout  joyeux  dire  à  sa  mère  en  lui 
montrant  : 

—  Je  suis  payé  et  bien  payé  ;  il  ne  voulait  ni  parler,  ni  me  donner 
de  largent,  mais  je  Ty  ai  bien  forcé. 

(Conté par  J.  M,  Pluet  de  Saint-Cast,  iS79). 

Dans  un  autre  conte  c'est  une  vache  que  Jean  le  Diot  va  vendre. 

—  Jean,  nous  n'avons  plus  d'argent  :  voici  une  vache  que  tu  vas 
aller  vendre. 

En  passant  pour  se  rendre  au  marché  ;  il  vit  une  église  ouverte,  et 
offrit  sa  vache  à  un  saint.  Comme  il  ne  répondait  pas. 

—  Qui  ne  dit  rien,  consent  !  s'écria  Jean.  Tu  as  ma  vache,  mais 
donne-moi  de  l'argent. 

Gomme  le  saint  ne  se  pressait  pas  de  payer,  Jean  se  mit  à  le 
frapper,  et  la  statue  brisée  laissa  tomber  de  Targent  à  terre.  Jean  le 
ramassa  et  alla  à  l'auberge  où  on  le  lui  vola. 

—  Où  est  ton  argent,  dit  la  mère. 

—  Je  ne  sais  pas,  répondit-il. 
Sa  mère  tomba  malade. 

—  Va  quérir  le  médecin,  lui  dit-on. 

Le  médecin  ordonna  des  bains  chauds.  Jean  mit  de  Teau  à  chauf- 
fer et  quand  elle  fut  bouillante,  il  descendit  la  mère  du  lit,  et  la  mit 
dans  lé  bain. 


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506  REVUE   DES  TRADITIONS   POPULAIRES 

Comme  elle  se  brûlait,  elle  grinçait  des  dents  et  criait. 

—  Venez  voir,  disait  Jean  le  Fou,  comme  ma  mère  rit  bien. 

Mais  la  pauvre  vieille  était  trépassée. 

(Conté  par  Jean  Piou  de  Gosné.) 


XXVI 

LE  MEUNIER 

Il  était  une  fois  un  meunier  dont  la  vache  passait  à.  tout  instant 
en  dommage  dans  la  prairie  d'un  seigneur  : 

—  Meunier,  disait  le  seigneur,  si  lu  continues  à  ne  pas  mieux 
garder  ta  vache,  je  la  tuerai. 

La  vache  fut  tuée  en  effet  ;  le  meunier  Técorcha  et  porta  la  peau 
au  marché  ;  il  ne  la  vendit  point,  et  comme  il  s'en  revenait  le  soir 
la  peau  sur  le  dos  et  les  cornes  de  la  vache  sur  la  tête,  il  passa  par 
un  champs  de  genêts  où  des  voleurs  étaient  en  train  de  compter  leur 
or,  et  h  sa  vue,  ils  s'enfuirent,  croyant  voir  le  diable. 

Le  meunier  laissa  là  sa  peau  de  vache  et  ramassa  Tor,  puis  quand 
il  fut  de  retour  chez  lui,  il  envoya  son  petit  garçon  chez  le  seigneur 
emprunter  une  mesure. 

—  Qu'est-ce  que  ton  père  veut  en  faire  !  demanda  le  seigneur  au 
petit  garçon. 

—  C'est  pour  mesurer  l'or  que  sa  vache  lui  a  rapporté. 

—  Il  l'a  donc  vendue  bien  cher  ? 

—  Oui,  on  la  lui  a  payée  cent  sous  le  poil. 

Le  scigricar  lit  tuer  toutes  les  vaches  de  ses  métairies,  et  quand 
il  fut  rendu  au  marché,  il  voulut  les  vendre  cent  sous  le  poil  ;  mais 
personne  n'en  acheta  à  ce  prix  et  on  se  moqua  de  lui. 

Le  seigneur  entra  un  dimanche  chez  le  meunier,  il  le  vil  qui 
donnait  de  grands  coups  de  fouet  à  sa  marmite. 

—  Que  fais-tu  là  ? 

—  Je  fais  bouillir  ma  soupe  avec  ce  fouet. 

—  Veux-tu  me  le  vendre  ? 

—  Oui,  si  vous  voulez  me  donner  cent  sous. 

—  Tiens,  les  voilà,  dit  le  seigneur,  qui  tout  joyeux  emporta  le  fouet. 
Le  dimanche  d'après,  il  dit  à  ses  gens  d'aller  à  la  messe,  qu'il  se 

chargeait  de  faire  bouillir  la  soupe.  Il  mit  la  marmite  dans  le  milieu 
de  la  place,  et  pendant  plus  de  deux  heures  il  cingla  la  marmite  de 
coups  de  fouet  sans  pouvoir,  bien  entendu,  faire  bouillir  la  soupe. 


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REVUE   DBS  TRADITIONS    POPULAIRES  507 

Le  meunier  trouva  ua  loup  qu'un  homme  conduisail,  et  il  le  lui 
acheta,  et  comme  il  passait  devant  le  château  en  le  tenant  en  laisse, 
le  seigneur  lui  dit  : 

—  Quel  est  cette  bête  ? 

—  C'est  un  chie-brebis. 

—  Combien  veux-tu  me  le  vendre. 

—  Cent  sous. 

Le  seigneur  enferma  le  loup  dans  la  bergerie,  et  pendant  la  nuit 
il  étrangla  tous  les  moutons.  Quand  le  seigneur  ouvrit  la  porte  pour 
voir  ce  qui  s'était  passé,  le  loup  se  précipita  entre  ses  jambes,  et  il 
resta  à  cheval  sur  son  dos  en  criant  : 

—  Au  secours  !  voilà  chie-brebis  qui  m'emporte. 

Le  seigneur,  outré  de  tous  ces  tours,  résolut  de  se  venger  du  meu- 
nier ;  il  le  fit  mettre  dans  un  sac,  et  le  porta  sur  le  bord  d'un  étang 
pour  l'y  jeter.  Mais  il  s'éloigna  quelque  peu,  et  pendant  ce  temps 
le  meunier  entendit  passer  sur  la  route  un  chaudronnier  dont  la 
marchandise  faisait  du  bruit  ;  il  se  mit  à  crier  : 

—  Je  ne  veux  pas  coucher  avec  madame. 

En  entendant  ces  paroles,  le  marchand  descendit  de  sa  voiture,  et 
dit: 

—  Je  veux  bien  y  coucher,  moi. 

Il  délia  le  sac,  et  se  mit  à  la  place  du  meunier  qui  emmena  la 
charrette  et  les  chaudrons. 
Quand  le  seigneur  revint,  le  chaudronnier  criait  : 

—  Je  veux  bien  coucher  avec  madame. 

—  Oui,  oui,  dit  le  seigneur,  je  vais  t'y  mener. 
Et  il  le  précipita  dans  Tétang. 

Le  meunier  mit  les  bassins  dans  son  jardin,  et  il  se  mit  à  frapper 
dessus,  en  faisant  un  tel  vacarme  que  le  seigneur  accourut  : 

—  Où  as-tu  pris  tout  cela  ?  tu  n'es  donc  pas  noyé  ! 

—  Non^  dit-il,  l'étang  est  plein  de  chaudronnerie,  et  j'en  ai  appor- 
té quelque  peu. 

Le  seigneur  ordonna  à  ses  domestiques  de  se  jeter  dans  l'étang, 
et  comme  ils  coulaient  sous  l'eau,  le  meunier  disait  : 

—  Voyez  comme  ils  sont  chargés  ! 

Et,  profilant  d'un  moment  où  le  seigneur  ne  s'attendait  à  rien,  il 
le  poussa  dans  l'étang,  où  il  le  laissa  se  noyer. 

f Conté  à  la  Saudraie,  par  Pierre  Derou^  de  Collinée,  i 879}, 


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508  REVUB   DES   TRADITIONS    POPULAIRES 

XXVIl 

PAÏPIN  (poil  fin) 

Un  jour  Païfîn  tua  sa  femme,  puis  il  la  mit  dans  son  lit,  et  il  pleu- 
rait comme  si  elle 'avait  été  réellement  morte.  Son  bourgeois  arriva 
et  lui  dit. 

—  Païftn^  tu  t'es  mal  conduit,  tu  as  tué  ta  femme. 

Païfin  se  mit  à  jouer  du  hautbois,  et  sa  femme  se  leva  du  lit  et  elle 
dansait  dans  la  place. 

—  Prête-moi  ton  hautbois,  lui  dit  son  bourgeois  ;  j'ai  chez  moi  une 
cpiinzaine  de  coiffes  (femmes),  je  vais  toutes  les  tuer,  parce  qu'elles 
sont  mauvaises,  et  je  les  ressusciterai  après. 

Le  bourgeois  emporta  le  hautbois,  et  dit  aux  femmes  de  se  mettre 
au  Kt.  Quand  elles  furent  couchées,  il  fuma  son  cigare,  aiguisa  son 
couteau  et  leur  coupa  la  tête  à  toutes,  puis  il  se  reposa  un  peu. 

Il  commença  ensuite  à  jouer  du  hautbois  ;  mais  aucune  des  fem- 
mes ne  donnait  signe  de  vie. 

—  C'est  étonnant,  disail-il^  celle  de  Païfm  dès  qu'elle  entendit  le 
son  du  hautbois  se  leva  et  se  mît  à  danser  par  la  place. 

Il  prit  les  femmes  et  les  jeta  hors  du  lit,  puis  recommença  à  son* 
ner,  mais  sans  plus  de  succès. 
Il  alla  chez  Païfin  et  lui  dit  : 

—  Quel  malheur  tu  m'as  fait  faire,  Païfin,  tu  es  cause  que  j'ai  tué 
mes  quinze  femmes. 

Païfin  se  mit  à  casser  toutes  les  marmites  qu'il  avait  chez  lui,  puis 
il  joua  du  hautbois,  et  voilà  toutes  les  marmites  qui  ressuscitent  et 
qui  se  recollent. 

Le  bourgeois  emprunta  encore  le  hautbois  à  Païfin,  et  brisa  toute 
sa  vaisselle,  et  toute  sa  batterie  de  cuisine,  mais  il  avait  beau  jouer, 
ce  qui  était  cassé  ne  se  recollait  point. 

Il  retourna  chez  Païfin  et  lui  dit  : 

—  Païfin,  tu  es  cause  de  mon  malheur.  Tu  m'as  fait  couper  le  cou 
à  mes  quinze  femmes  et  casser  toutes  mes  marmites  et  mes  assiet- 
tes, mais  je  vais  te  tuer. 

Il  le  mit  dans  une  châsse  (bière),  et  avec  un  autre  homme,  il  alla  le 
porter  auprès  de  la  rivière  pour  le  noyer  ;  mais  comme  ils  avaient 
appétit,  ils  s'en  allèrent  dîner,  laissant  Païfin  dans  sa  botte. 

Païfin  entendit  un  cavalier  et  lui  cria  : 

—  Descendez  de  cheval  et  me  tirez  de  là,  car  mon  bourgeois  et  son 
camarade  veulent  me  jeter  à  la  rivière  quand  ils  auront  dîné. 


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REVUE    DES   TRADITIONS   POPULAIRES  509 

Le  cavalier  tira  Païfin  de  sa  châsse,  mais  Païfin  le  mit  à  sa  place, 
et  le  laissa  là,  et  il  fut  jeté  h  Teau. 
Un  peu  plus  tard  PaïGn  se  présenta  à  son  bourgeois. 

—  Comment,  Païfin,  tu  n'es  pas  noyé  ? 

—  Non,  dit-il,  je  suis  tombé  à  la  rivière,  jamais  vous  n'avez  vu 
autant  d'argent  comme  il  y  en  a  dans  le  fond. 

—  Je  pensais  bien,  dit  le  bourgeois  qu'il  y  avait  quelque  chose  là, 
car  à  chaque  instant  je  voyais  les  canes  s'y  plonger. 

Le  bourgeois  alla  sur  le  bord  de  la  rivière,  et  il  s'y  jeta,  mais  com- 
me il  ne  savait  pas  nager,  il  ^'écriait  : 

—  Je  me  nà,  je  me  nà  (je  me  noie). 

—  Ecoutez-le,  disait  Païfin,  aux  deux  camarades  du  bourgeois 
qui  étaient  là,  il  dît  :  Queue  monna  queue  monna  (quelle  monnaie  !). 

Les  deux  autres  prirent  leur  élan  et  sautèrent  dans  la  rivière,  mais 
ils  ne  tardèrent  pas  à  boire  plus  qu'ils  n'auraient  voulu  ;  Païfin  avec 
un  bâton  les  empêchait  de  s'approcher  du  rivage  en  les  repoussant 
avec  son  bâton  et  ils  se  noyèrent. 

[Conté  par  J,  M.  Hervé,  de  Pluduno,  i879.) 

XXVIIl 

LE  FERMIER  RUSÉ 

II  y  avait  un  fermier  dont  la  récolte  avait  été  mauvaise,  et  qui  ne 
pouvait  payer  son  maître.  Celui-ci  lui  dit  qu'il  le  tiendrait  quitte  de 
tout,  s'il  voulait  vendre  sa  vache  et  lui  en  donner  le  prix. 

11  alla  à  la  foire,  conduisant  sa  vache  avec  une  corde,  et  portant 
son  chat  sur  l'épaule. 

—  Combien  la  vache  9  demandaient  les  marchands. 

—  Un  écu,  répondait-il,  et  le  chat  quarante  écus;  mais  je  ne 
les  vends  pas  l'un  sans  l'autre. 

Cela  parut  bizarre  aux  acheteurs  ;  toutefois  comme  la  vache  était 
bonne,  il  s'en  trouva  un  qui  Tacheta  ainsi  que  le  chat  et  lui  donna 
quarante  et  un  écus  pour  le  tout. 

Après  la  foire,  le  fermier  alla  trouver  sqn  maître,  et  lui  réunit  un 
écu,  en  lui  ofl'rant  de  prouver  par  témoins  que  c'était  bien  là  le  prix 
réel  de  la  vache  qu'il  avait  vendue,  et  le  maître,  lié  par  sa  promes- 
se, fut  obligé  de  s'en  contenter. 

Le  domestique  d'un  recteur  qui  avait  entendu  leur  conversation 


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310  REVUE  DES  TRADITIONS  POPULAIRES 

et  appris  qu*un  seul  chat  avait  été  payé  quarante  écus,  ramassa 
dans  UQ  sac  tous  les  chats  qu'il  put  trouver>,  et  les  porta  k  la  foire. 

—  O^'as-tu  dans  ton  sac  ? 

—  Des  chats  à  quarante  écus  la  pièce. 

—  Tu  n*as  pas  honte,  disaient  les  marchands  en  riant  de  lui  et  en 
haussant  les  épaules. 

—  Non^  messieurs,  pas  aujourd'hui. 

Il  ne  trouva  point  à.  vendre  sa  marchandise,  qu'il  remporta  en 
en  disant  : 

—  La  foire  n^était  pas  bonne  pour  les  chats,  mais  il  paraît  qu'elle 
était  bonne  pour  la  honte,  puisque  tout  le  jnonde  me  demandait  si 
j'en  avais. 

A  quelque  temps  de  là,  le  recteur  qui  avait  du  monde  à  diner 
envoya  son  garçon  chercher  des  huitres. 

En  revenant  avec  son  panier  au  bras,  il  rencontra  un  chasseur 
qui  lui  demanda  ce  qu'il  portait. 

—  Ma  foi,  dit-il,  ce  sont  de  drôles  de  bêtes  que  mon  maître  m'a 
dit  d'aller  lui  checher. 

—  Te  les  a-t-on  données  avec  des  boyaux? 

—  Oui. 

—  Ah  I  mon  pauvre  garçon,  on  s'est  moqué  de  toi  ;  mais  je  vais 
les  étriper,  moi. 

11  ôta  effectivement  le  dedans  des  huitres  et  lui  donna  les  écailles, 
qu'il  alla  porter  à  la  cuisinière. 

—  Où  avez-vous  pris  cela?  dit-elle,  sur  quelque  tas  de  fumier? 

—  Non,  répondit-il  ;  mais  j'ai  été  bien  heureux  de  trouver  en 
route  }în  brave  monsieur  qui  les  a  étripées. 

Peu  après,  le  chasseur  qui  venait  dîner  au  presbytère,  entra  et  le 
domestique  lui  dit  : 

—  Ah  I  monsieur,  c'est  notre  servante  qui  est  béte  !  elle  prétend 
que  j'ai  pris  ces  petites  bétes  sur  un  tas  de  fumier.  Je  sais  bien  que 
ce  n'est  pas  vrai,  puisque  vous  avez  eu  l'obligeance  de  leur  ôter  les 
tripes. 

En  entendant  cela,  le  chasseur  se  contracta  la  bouche  et  dit  : 

—  Celui  qui  t'a  aidé  avait-il  la  bouche  de  travers  ? 

—  Non,  monsieur. 

—  Alors  ce  n'est  pas  moi. 

[Conté  par  Constant  Joulaud,  de  Go$né), 


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REVUE   DES  TRADITIONS    POPULAIRES  SU 

XXIX 

LE  UON  ET  LE  VOLEUR 

Un  fermier  qui  allait  porter  à  son  maître  l'argent  de  ses  fermages 
traversait  à  cheval  une  forêt.  Quand  il  fut  arrivé  vers  le  milieu,  il 
entendit  des  cris  d'hommes  qui  semblaient  implorer  son  secours  ;  il 
se  dirigea  du  côté  d'oîi  ils  venaient,  et  il  vit  qu'ils  partaient  d'une 
fosse  profonde.  Il  détacha  la  corde  qui  servait  à  lier  un  sac  qu'il 
portait  en  croupe,  mit  un  morceau  de  bois  à  chacun  des  bouts,  et 
se  tenant  ferme  à  un  arbre,  il  jeta  la  corde  dans  la  fosse. 

Il  sentit  bientôt  qu'elle  se  raidissait,  et  il  vit  sauter  à  ses  pieds  un 
singe,  qui  le  remercia,  et  lui  promit  de  lui  rendre  service  si  jamais 
il  avait  besoin  de  lui. 

Le  fermier  la  lança  une  seconde  fois,  et  retira  de  la  fosse  un  loup 
qui  lui  dit,  en  se  frottant  contre  lui  en  signe  de  joie  : 

—  Tu  m'as  rendu  aujourd'hui  un  service  que  je  n'oublierai  pas, 
et  que  je  te  paierai  à  la  prochaine  occasion  ;  mais  il  y  a  encore  d'au- 
tres personnes  à  secourir. 

Le  paysan  descendit  sa  corde  pour  la  troisième  fois,  et  il  vit  pa- 
raître un  ours,  qui  lui  dit  de  ne  rien  craindre,  qu'il  serait  son  zélé 
serviteur.  Jette  encore  ta  corde,  ajouta-t-il. 

Cette  fois  le  fermier  vit  avec  épouvante  un  lion. 

—  N'aie  pas  peur  de  moi  ;  je  ne  te  ferai  aucun  mal,  dit-il  en 
adoucissant  sa  voix,  mais  garde-toi  de  lancer  encore  une  fois  ta  cor- 
de, dans  le  précipice,  car  tu  t'en  repentirais,  et  c'est  alors  que  tu 
aurais  besoin  de  mon  secours. 

En  disant  cela,  il  s'éloigna,  et  le  fermier  allait  remonter  à  cheval 
et  continuer  sa  route,  quand  il  entendit  une  voix  humaine  qui  l'im- 
plorait. 

—  Je  ne  peux  pourtant  laisser  périr  mon  semblable,  pensa-t-il, 
après  avoir  tiré  d'affaires  des  bêtes  non  baptisées. 

Il  jeta  encore  une  fois  sa  corde,  et  vit  paraître  un  homme^  qui, 
dès  qu'il  fut  hors  de  la  fosse,  s'enfuit  sans  lui  adresser  un  seul  mot 
de  remerciement. 

—  C'est  singulier,  dit  le  fermier,  en  rattachant  son  sac  avec  la 
corde,  ces  animaux  m'ont  tous  parlé  de  leur  reconnaissance,  et  seul 
l'homme  que  j'ai  sauvé  ne  m'a  pas  même  dit  merci.  Enfin,  je  ne 
regrette  pas  tout  de  même  de  lui  avoir  fait  du  bien. 

En  continuant  sa  route,  le  fermier  vit  paraître  l'homme  qui  lui 
demanda  à  marcher  près  de  lui. 

—  Volontiers,  répondit-il. 


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S12  REVUE    DES  TRADITIONS    POPULAIRES 

Mais  au  bout  de  peu  de  temps,  cet  homme  renversa  de  cheval  son 
bienfaiteur,  qui  était  sans  défiance,  et  le  frappant,  il  lui  demanda 
son  argent  et  ses  habits. 

—  Au  secours  I  au  secours  !  cria  le  fermier. 

—  Tu  peux  Végosiller  à  crier,  dit  le  voleur,  il  n'y  a  âme  qui  vive 
à  plus  de  deux  lieues  à  la  ronde. 

Mais  à  ses  cris,  le  lion  accourut,  ainsi  que  les  autres  animaux  et 
le  voyant  à  terre  dépouillé  et  maltr^^ilé, 

—  Est-ce  vous,  dit-il,  qui  m'avez  sauvé  de  la  fosse  ? 
— T  Oui,  répondit-il  d'une  voix  faible. 

—  Je  vous  avais  conseillé  de  ne  pas  jeter  une  corde  au  voleur  qui 
ét^it  dans  la  fosse,  et  vous  n'avez  pas  voulu  m'écouter.  Mais  je  vais 
tâcher  de  reconnaître  le  service  que  vous  m'avez  rendu. 

11  courut  après  le  voleur,  et  lui  dit  d'une  voix  terrible  : 

—  C'est  toi  qui  a  volé  ton  sauveur  :  rends-lui  son  argent  et  ses 
habits  ou  je  te  tue. 

Le  voleur  épouvanté  tomba  par  terre  :  le  lion  le  dévora,  et  le  fer- 
ipier  put  reprendre  ses  habits  et  son  argent. 

Et  pour  le  protéger  contre  de  nouvelles  aventures,  le  lionTaccom- 
p^gQft  jusqu'à,  une  petite  distance  de  la  maison  de  son  maître. 

(Conté  en  i  878,  par  Jean  Bouchery^  de  Dourdain), 


XXX 

LES  BATEAUX  A  VAPEUR  ET  LE  JAGUEPf 

C'était  dans  les  premiers  temps  où  les  bateaux  à  vapeur  commen- 
çaient à  naviguer.  Il  y  avait  à  Saint-Jacut  un  pécheur  qui  n'était 
pas  des  plus  malins. 

(Jn  jour  que  son  petit  garçon  travaillait  aux  champs,  un  navire  à 
vapeur  qui  passait  fit  entendre  sa  trompe  ;  et  comme  c'était  la  pre- 
mière fois  que  le  garçon  entendait  un  pareil  bruit,  il  eut  peur  et 
courut  à  la  maison.  Le  Jaguen  suivit  son  fils,  et  comme  en  se  ren- 
dant à  son  champ  il  passait  près  d'une  pièce  d'orge  qui  appartenait 
au  maire,  la  corne  se  fit  de  nouveau  entendre.  Il  eut  peur  à  son  tour 
en  entendant  ces  mugissements,  et  il  pensa  que  c'était  ceux  d'une 
grosse  béte  qui  se  cachait  dans  la  peaumelle  ^  Le  Jaguen  n'était  cou- 
rageux que  lorsqu'il  avait  son  fusil  ;  mais  alors  il  n'avait  peur  de  rien. 

1.  Orge. 


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BEVLK   DES   TRADITIONS   POPULAIRES  51 3 

Il  se  hâta  d'aller  le  prendre,  et,  après  Tavoir  chargé,  il  sauta  dans  le 
champ  de  M.  le  maire,  où  il  pensait  que  la  bêle  était  cachée.  Mais  il 
eût  beau  le  parcourir  en  tous  sens,  il  ne  découvrit  rien  et  brisa  bien 
des  tiges  d'orge.  Il  se  disposait  à  s'en  aller,  quand  survint  le  garde- 
champêtre  qui  lui  dressa  procès-verbal,  et  le  pauvre  homme  dutpayer 
chèrement  le  dommage  qu*il  avait  fait. 

Les  autres  Jaguens  rirent  beaucoup  de  sa  mésaventure  et  il  se 
moquèrent  souvent  de  lui. 

On  raconte  aussi  que  plusieurs  Jaguens  qui  pochaient  aux  Bourdi- 
neaux  ;  près  la  pointe  de  Saint-Cast,  ayant  vu  un  bateau  à  vapeur-qui 
marchait  sans  voiles  et  sans  rames,  en  faisant  du  bruit  et  en  lançant 
de  la  fumée,  s'imaginèrent  que  c'était  le  bateau  du  diable,  monté 
par  Satan  en  personne  ;  ils  se  hâtèrent  de  lever  l'ancre  et  de  chercher 
un  refuge  à  Saint-Jacut. 


XXXI 

JEAN   LE  MATELOT 

H  y  avait  une  fois  un  jeune  garçon  qui  se  nommait  Jean  le  Mate- 
lot ;  il  entra  au  service  dans  la  marine  à  Tàge  de  dix-huit  ans. 
Comme  il  aimait  beaucoup  le  tabac  et  qu'il  avait  toujours  une  grosse 
chique  dans  la  bouche,  on  lui  donna  le  surnom  de  père  la  Chique. 

Un  jour  le  maître  canonnier  du  vaiseau  lui  dit  : 

—  Père  la  Chique,  tordez-moi  ce  faubertlà. 

—  Non,  je  ne  suis  pas  ici  pour  tordre  les  fauberts. 

—  Tordez-le,  je  vous  le  commande. 

—  C'est  toi  que  je  vais  tordre,  répondit  le  père  la  Chique,  si  tu 
continues  à  m'embêter. 

Et  ayant  pris  le  maître  canonnier  par  les  jambes,  et  par  le  cou,  il 
le  fit  passer  par  dessus  bord  et  le  jeta  à  la  mer. 

Les  autres  matelots  allèrent  raconter  au  commandant  ce  que  le 
père  la  Chique  avait  fait  ;  le  commandant  fit  venir  le  père  la  Chique 
et  lui  dit  : 

—  Je  vais  vous  envoyer  en  prison,  puisque  vous  ne  faites  que  de 
mauvais  coups. 

Père  la  Chique  ôta  sa  chique  de  sa  bouche,  et  la  jetant  sur  la 
figure  du  commandant,  il  lui  dit  : 

—  Eh  bien,  cap'taine,  avant  de  me  faire  mettre  en  prison,  avalez 
ma  chique. 

Dès  qu'on  fut  à  terre,  le  commandant  donna  l'ordre  è,  deux  gen- 

TOUS  XI.  —  OCTOBRE  1896.  33 


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514  REVCE  DES  TRADITIONS  POPULAIRES 

larmes  de  cohclùire  père  la  Chique  en  prisoii.  Père  la  Chique  se 
laissa  faire,  mais  quand  il  fut  rendu,  il  donna  au  gardien  un  grand 
coup  de  pied  dans  le  ventre,  lui  ôta  ses  clés,  et  renferma  lui  et  les 
deux  gendarmes. 
Il  retourna  ii  bord,  et  présentant  les  clés  au  commandant  il  lui  dit  : 
--  Tenez,  commandant,  ramassez  les  clés  de  votre  étable,  lés  trois 
cochons  sont  dedans, 
I^e  capitaine  prit  les  clés,  et  il  dit  à,  Père  là  Chic^W  : 

—  Avant  qu'on  vous  reconduise  en  prison,  avez-vous  quelque 
réclamation  à  faire  ? 

—  6ui,  répondit  la  Ôhique,  et  montrant  tous  les  officiers,  les 
lieutenants  et  les  enseignes  qui  étaient  là,  il  dit:  Je  veux  qu'oti 
apporte  un  seau  d'eàù  et  une  boite  de  foin  pour  tous  ces  «Ânes-làî 
qui  m'entourent. 

—  Âh  I  dit  un  officier  ;  il  est  fin,  lui  ;  demandez-lui  donc  quel  vent 
il  vente. 

Or  il  ne  ventait  pas  du  tout. 

—  Par  ma  foi,  s'écria  père  la  Chique,  il  ne  vente  pas  plus  que  dans 
le  trou  de  mon  derrière. 

—  C*est  bien,  dit  un  amiral  qui  se  trouvait  là  ;  vous  n'irez  pas  en 
prison.  Père  la  Chique,  si  vous  voulez  continuer  le  service  jusqu'à 
cinquante  ans. 

Père  là  Chique  accepta  ;  il  continua  le  service,  et  devint  coih- 
mandant  de  vaisseau.  Quand  il  eut  sa  retraite,  il  revint  chet  lui  ,* 
et  s'il  n'est  pas  mort,  il  y  est  encore. 

(Conté  en  i  88i  y  par  François  Marquer^  de  Saint-Casi), 


XXXII 

LA  PRÊME 

Il  ëtailuné  fois  des  pêcheurs  de  Saint-Cast  qui  s'embarquaient 
pour  aller  pécher  le  maquereau  à  la  pointé  de  là  Garde.  Le  bateau 
était  prêt  à  partir  du  Port-Jacquet,  et  il  ne  manquait  plus  qù'ud 
des  hommes  de  Téqûipage  ;  ils  Tappelèi^ent,  mais  comme  il  ne  ve- 
nait point,  le  patron  s'ennuya  d'attendre,  et  il  donna  Tordre  de 
partir. 

Quelque  temps  après,  le  pécheur  qui  était  eh  retard  arriva  sur  la 
cale  du  Port-Jacquet,  et  quand  il  vit  que  son  bateàii  était  déjà  loin, 
il  se  mit  à  s'arracher  les  cheveux,  et  à  montrer  le  poing  à  riord- 
Est. 


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REVOe   DES   TRADITIONS  POPULAIRES  oli) 

—  Ah  !  maudit  Nord-Est,  s'écria-t-il,  c'est  torqui  es  eaitsé  ef*e  jai 
manqué  ma  marée  ;  mais  je  ne  la  manquerai  pas  tout  de  métne,  je 
vais  aller  tout  seul  à  la  pèche. 

II  se  mit  à  réfléchir  pour  savoir  comment  il  pourrait  bien  faire  ; 
mais  le  temps  se  passait  et  il  ne  trouvait  rien.  A  la  fin,  il  lui  vint  ùtie 
idée.  11  se  déshabilla,  fit  un  paquet  de  ses  lignes  et  de  ses  hardes,  se 
les  attacha  sur  la  tète,  et  se  mit  à  nager  ters  son  bateati  qui  était 
bien  à  une  demie-lieue  de  là. 

Quand  les  autres  pécheurs  le  virent,  de  loin  ils  le  prenaient  pour 
Nicole  S  et  ils  disaient  qu'il  allait  faire  peur  au  poisson  et  qu'ils  ne 
prendraient  plus  rien  ;  mais  au  contraire  le  poisson  suivait  le  pé- 
cheur, et  il  y  en  avait  tout  autour  de  lui.  Il  finit  par  atteindre  son 
bateau,  et  quand  il  fut  à  bord,  il  se  rhabilla,  puis  il  mit  ses  lignes  à 
la  mer. 

Le  premier  poisson  qu'il  prit  était  une  brème  qui  avait  trois  pieds 
de  large  et  cinq  de  lodg  ;  jamais  on  n'en  avait  vu  une  pareille  dans  le 
pays;  on  fut  obligé  de  la  couper  en  trois  morceaux  pour  la  faire 
cuire  ;  car  il  n'y  avait  a  Saint-Cast  aucdn  vase  assez  grand  pour  la 
mettre  entière,  pas  même  les  poêles  à  lessive. 

Et  avec  les  lançons  qu'elle  avait  dans  sa  panse,  on  affara  pendant 
plus  de  huit  jours  et  on  prit  du  poisson  en  abondance. 

{Conté  en  i  880 y  par  François  Hunault^  matelot) 


XXXIII 

LES  PETITS  BIQUETS 

Il  y  avait  une  fois  trois  petits  biquets  et  une  maman  chèvre.  Le 
petit  biquet  blanc  ressemblait  beaucoup  à  sa  maman.  La  maman 
leur  dit  : 

—  Je  vais  aller  à  la  ville,  mes  petits  biquets,  acheter  une  mar- 
mite pour  cuire  ma  soupe.  Il  ne  faudra  pas  sortir,  parce  que  compère 
le  loup  est  par  là,  qui  vous  mangerait. 

Voilà  la  maman  qui  part  :  les  petits  biquets  en  commençant 
jouaient  à  la^ cache-cache  ;  mais  à  la  fin  ils  s'ennuyèreut.  Il  y  en  eut 
un  qui  dit  : 

—  Si  j'allais  voir  si  maman  arrive  ? 
Les  petits  frères  dirent  : 

—  Non,  non,  mon  petit  frère,  car  il  y  a  là  compère  le  loup  qui  te 
mangerait. 

i.  Nicole  est  un  pohson^luUn. 


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otg  RjSVUE  DES  TRADITIONS   POPULAIRES 

—  Mais  si,  j'ai  envie  d'aller  voir. 

Le  voilà  qui  ouv^e  la  porte  et  re;;;arcle  ;  mais  il  ne  voyait  point  sa 
maman.  Il  vit  compère  be  loup,  il  n'eut  que  juste  le  temps  de  s'en 
aller.  Il  ferma  la  porte.  Le  loup  frappa  à  la  porte.  Les  petits  biquets 
dirent  : 

—  Qui  est-ce  qui  est  là  ? 

—  C'est  moi,  votre  maman  chèvre. 

-^  Montrez  la  patte  blanche,  on  vous  ouvrira. 
Le  loup  avait  une  patte  noire  et  il  montra  sa  patte  noire;  mais 
les  petits  biquets  dirent  : 

—  Non,  noQ,  nous  n'ouvrirons  point,  tu  n'es  pas  notre  maman. 
Le  loup  s'en  fut  au  moulin.  Il  monta  dans  le  grenier  pendant  que 

le  meunier  dormait  et  il  trempa  sa  patte  dans  le  sac  de  farine,  et  11 
ne  marchait  que  sur  trois  pattes  de  peur  de  salir  sa  blanche.  Le 
voilà  qui  arrive  à  la  petite  maison,  il  frappe  à  la  porte: 

—  Qui  est-ce  qui  est  là  ?  dirent  les  petits  biquets. 

—  C'est  votre  maman. 

—  Montrez  la  patte  blanche,  on  vous  ouvrira. 

Il  montre  sa  patte  blanche  :  les  petits  biquets  ouvrirent  en 
croyant  que  c'était  leur  maman.  Ils  eurent  grand  peur  en  voyant  le 
loup.  L'un  sauta  sur  la  cheminée,  l'autre  sur  le  haut  de  l'armoire, 
l'autre  se  mit  dans  la  met  (huche}.  Voilà  le  loup  qui  n'était  pas  leste, 
qui  ne  pouvait  pas  sauter,  et  il  ne  pouvait  pas  non  plus  ouvrir  la 
met. 

Voilà  la  maman  chèvre  qui  arrive,  qui  trouve  la^  porte  ouverte  et 
le  loup  qui  était  là.  Elle  fit  un  grand  trou  avec  ses  cornes  dans  le 
ventre  au  loup,  puis  elle  creusa  un  grand  trou  dans  la  terre  et 
enterra  le  loup. 

Et  le  petit  biquet  qui  était  sur  la  cheminée  sauta  dans  la  place, 
l'autre  sauta  du  haut  de  l'armoire,  la  maman  ouvrit  à  celui  qui  était 
dans  la  met,  et  ils  furent  bien  contents  de  se  retrouver  ensemble. 

(Conté  en  1883^  par  Marguerite  Escàlan^  de  Montauban,  ma  nièce 
âgée  de  huit  ans), 

XXXIV 

LE  FAUX  MOINE 

La  fille  d'une  fermière  qui  était  allée  au  marché  s'en  retournait  un 
soir  chez  sa  mère,  à  qui  elle  rapportait  trente  francs  qu'elle  avait 
touchés  pour  un  cochon  vendu. 

A  la  tombée  de  la  nuil,  elle  entra  dans  un  bois  par  où  passait  le 


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REVUE  DES  TRADITIONS   POPILAIRES  uf? 

sentier  qui  conduisait  chez   elle.  Elle  yit  venir  un   moine  qui  lui 
dit: 

—  Vous  êtes  bien  tard  par  les  chemins,  ma  fille  ? 

—  C'est  que  je  voudrais  bien  rentrer  à  la  maison  d'où  je  suis  par- 
tie ce  matin. 

—  Où  allez-vous  ?  .  . 

—  Chez  ma  mère. 

' —  Et  comment  se  nomme-t-elle  ? 
Quand  la  jeune  fille  eut  dit  son  nom. 

—  Ah  !  s*écria  le  moine,  je  la  connais  bien,  c'est  à  moi  qu'elle  va 
à  confesse.  Mais  n'éles-vous  pas  fatiguée  *. 

—  Si,  répondit-elle. 

—  Venez  avec  moi;  j'ai  ici  près  une  cabane  où  je  viens  pendant  le 
beau  temps,  et  il  y  a  tout  ce  qu'il  faut  pour  manger  et  pour  boire. 

Elle  se  fit  un  peu  prier,  puis  elle  suivit  le  moine  qui  lui  donna  à 
manger  et  à  boire.  Quand  elle  eut  fini,  il  lui  dit  d'une  voix  rude  : 

—  Déshabille-loi. 

—  Me  déshabiller,  et  pourquoi? 

—  Déshabille- toi  que  je  le  tue,  dit-il  en  posant  un  sabre  sur  la 
table. 

—  Ah  I  dit  la  fille,  auriez-vous  bien  le  cœur  de  me  tuer  ?  Prenez 
mes  trente  francs  et  laissez-moi  la  vie. 

—  Oui,  je  vais  te  tuer  ;  nul  de  ceux  qui  entrent  ici  n'en  sort  vi- 
vant. 

11  ouvrit  une  porte  et  lui  montra  un  appartement  rempli  de  cada- 
vres. 

La  fille  commença  à  se  déshabiller,  elle  ôtait  ses  vêtements  un  à 
un,  lentement,  et  les  pliait  avec  soin.  Quand  il  ne  lui  resta  plus  que 
sa  chemise  à  ôter,  elle  lui  dit  : 

—  Par  pitié,  tournez  au  moins  la  tête  pendant  que  je  tire  ma  che- 
mise. 

Le  faux  moine  se  détourna,  et  la  fille  sauta  sur  le  sabre  et  le  tua, 
puis  elle  s'en  alla  bien  promptement,  affolée  par  la  peur,  et  sans  sa- 
voir où  elle  allait. 

Elle  rencontra  deux  gendarmes  à  cheval  qui  rarrêtérent  : 

—  D'où  venez-vous,  la  fille  ? 

—  Je  viens  de  tuer  un  prêtre,  répondit-elle  et  elle  leur  raconta 
toute  son  aventure. 

—  Il  y  a  longtemps,  dit  le  gendarme,  que  nous  cherchions  ce  bon 
apôtre  ;  conduisez-nous  à  sa  cabane. 

1.  Cf.  sar  uoe  ruse  analogue,  Contos  de  la  HauteSreiagnêy  t.- 1,  n<>  60;  .  . 


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iS18 


FKYUE   DBS  TRADITIONS    Pf*' 


^.,..^îit.^ 


La  fille  dtoonta  sur  un  des  chevaux  que 
bride,  et  quand  ils  arrivèrent  à  ]a  cabar^ 
la  table,  et  le  brigand  4(ait  étendu  raid€ 

<C*él;ait  un  voleur  qui  avait  tué  un  moi 
on  fit  une  perquisition  dans  la  cabane,  < 
de  plus  de  cent  cadavres.  Quand  le  bri^r 
le  mettait  dans  de  la  chaux  vive  pour  en 

(Conté par  Etienne  Piron,  i  877,  Saihi 


XXXV 

GRAND  VENT 

Il  y  avait  unéfois  un  laboureur  qui  î'w 
il  vint  un  ouragan  qui  lui  ravagea  tout,  j 
avait  fait  le  mal.  ^    j 

—  C'est  le  Grand  Vent,  lui  répondit-v-i  | 

—  Je  vais  le  tuer,  dit-il.  v  • 
'Il  arriva  à  la  demeure  des  vents,  en  t  ^t 

—  Le  Grand  Vent  est-il  ici  ? 

—  Won,  lui  répondit-on,  il  n'y  a  que 
Lorsque  le  Grand  Vent  revint,  le  1..'- 

payer  le  dégât  ;  le  Grand  Vent,  lui  don  m 

—  Toutes  les  fois  que  tu  lui  diras  :  ^ 
crottera  de  l'or. 

Le  laboureur  s'en  alla  bien  content,  mî 
il  faisait  crotter  sa  chèvre.  Vers  le  soir  i. 
dit  â  l'hôte  : 

—  Soignez  bien  ma  chèvre  et  donna- 
faut  pas  lui  dire  :  «  Crotte  ma  chèvre. 

Pendant  la  nuit  l'aubergiste  se  leva  v\ 
mais  comme  elle  faisait  de  Tor,  il  empru  ci 
sins  et  la  Mit  à  la  place  de  celle  du  bonlioi 
sa  chèvre  ne  faisait  plus  d'or,  îlretourm»  m 

—'Ma  chèvre  ne  crotte  plus  d'or. 

—  C'est  qu'on  te  Ta  volée,  mon  bon?  ii 


1.  Ce  conte  présente  de  grandes  ressembl  'W 
Vents,  Contes  des  Marina,  n«»  23-30  ;  c'est  le  /: 
loin  de<ki<cète  oÀ  les  v«iito  soient  peisonaifii  ^ 


CD 

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REVUE    DES  TRADITIONS    POPOLAÎRES  519 

quand  in  diras  :  «  Fais  ce  que  je  veux,  mon  bâton,  »  il  frappera  sur 
ceux  que  tu  voudras. 
Le  laboureur  retourna  à  Tauberge  et  il  dit.  ^ 

—  Vous  allez  loger  mon  bâton  ;  mais  il  ne  faut  pas  lui  dire  : 
«  Fais  ce  que  je  veux,  mon  bâton.  » 

L'aubergiste  pensant  que  le  bâton  avait  comme  la  chèvre  une 
vertu  cachée,  se  leva  au  milieu  de  la  nuit  et  dit  au  bâton  :  t  Fais  ce 
que  je  veux,  mon  bâton. 

Mais  aussitôt  il  lui  tombe  sur  le  dos  une  grêle  de  coups,  et  il 
criait  miséricorde  ;  le  laboureur  se  réveilla  au  bruit  et  Taubergiste 
lui  dit  : 

—  Bonhomme,  ramassez  votre  bâton.  » 

—  Rendez-moi  ma  chèvre,  répondait  le  bonhomme. 

L  aubergiste  finit  par  lui  rendre  sa  chèvre,  et  le  laboureur  s'en 
retourna  bien  content  ». 

(Conté  en  1881 ,  au  château  de  la  Soudraie,  par  J.  M.  ComauU,  du 
Gouray^  âgé  de  1  ô  ans). 


^XXVl 

LE    PETIT   BONHOMME  PAS  TROP  FIN  ET  LA    PETITE    BONNE    FEMME 
PAS  GUÈRE  FINE 

Il  y  avait  une  fois  un  petU  bonhomme  et  une  petite  bonne  femm 
qui  avaient  trente  ans  de  mariage. 

Le  petit  bonhomme  tomba  malade  et  la  petite  bonne  femme  fut 
chercher  le  médecin  qui  lui  dit  : 

—  Vous  allez  lui  mettre  sur  le  côté  une  douzaine  de  sangsues. 
La  petite  bonne  femme  alla  quérir  des  sangsues  et  les  mit  â  frire. 

Quand  elles  furent  bien  cuites,  elle  les  posa  toutes  chaudes  sur  les 
cotes  du  .bonhomme  qui  criait  :  i 

—  Oh  I  que  ça  me  brûle  !  que  ça  me  brûle  !  Retourne  promptement 
chercher  le  médecin. 

La  petite  bonne  femme  se  dépécha  d'y  courir  ;,le  médeciu  vint, 
regarda  les  sangsues  et  s'écria  : 

—  Piable  de  bonne  femme  I  je  favais  dit  qu'il  fallait  lui  mettre  les 
sangsues,  mais  je  ne  t'avais  pas  dit  de  les  frire.  Tu  vas  aller  cher- 
cher du  chiendent,  et  en  faire  de  la  tisane  à  ton  bonhomme. 

La  petite  bonne  femme  qui  avait  entendu  de  travers  regarda 
partout  pour  voir  si  elle  apercevait  un  chien  blanc  ;  à  force  de 
chercher,  elle  en  trouva  un  qui  n'avait  de  noir  que  le  pçtit  bout  de 


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O20  REVUE    DES    TBADITIONS  POPULAIRES 

là  queue.  Elle  le  mit  à  cuire  et  en  fit  de  la  tisane  au  bonhomme. 
Mais  il  ne  put  en  boire,  tant  il  lui  trouvait  mauvais  goût. 

Il  fallut  encore  aller  chercher  le  médecin  qui  goûta  la  tisane  et 
dit  à  la  bonne  femme  : 

—  Pauvre  bonne  femme,  votre  bonhomme  va  mourir,  et  moi  je 
vous  Tabandonne. 


XXXVII 

A   REBOURS 

Une  bonne  femme  s*en  allait  sur  une  route  ;  un  monsieur  passait 
auprès  d*elle,  et  elle  pétait  de  gros  coups.  Le  monsieur  lui  dit  : 

—  Bonne  femme,  vous  pétez  donc  ! 

—  Oui,  monsieur,  je  cherche  mes  moutons. 

—  Je  disais  que  vous  pétiez. 

—  Je  disais,  monsieur,  que  vous  les  voyiez.  » 

—  Je  disais  que  vous  allez  pétant. 

—  Oui,*  monsieur,  ils  sont  bruns  et  blancs. 

—  Le  Diable  scie  la  vieille  et  son  eu  ! 

—  Pas  de  moitié,  monsieur,  qu'ils  soient  tous  perdus  ! 

—  Au  diable  la  vieille,  le  diable  l'emportera  ! 

—  Oui,  monsieur,  mon  fils  est  marécha.  (maréchal). 

{Conté  en  i  880,  par  Françoise  Dumoni^  dCErcé). 


XXXVllI 

l'épreuve 

Il  y  avait  une  fois  une  bonne  femme  de  Saint-Jacut  qui  avait  fait 
de  beaux  draps  de  lit  de  brin  sur  brin  :  elle  voulait  être  ensevelie 
dedans,  et  pour  les  garder  neufs,  elle  couchait  sur  la  paille. 

—  0  (Elle)  tient  bien  à  ses  draps  de  lit,  disait  son  bonhomme  ;  si 
je  mouràs,  o  ne  m'en  mettrait  pas  vantiez  (peut-être)  iun. 

Pour  l'éprouver,  il  fît  la  mine  d'être  mort,  après  avoir  recommandé 
à  son  compère  le  menuisier  qui  devait  faire  la  châsse,  de  ne  rappor- 
ter que  quand  les  prêtres  seraient  sur  le  point  d'arriver. 

Voilà  le  bonhomme  étendu  sans  mouvement  sur  son  lit,  et  les  yeux 
fermés  ;  sa  femme  alla  chercher  une  voisine  pour  l'ensevelir  : 

—  Je  n'ai  ren,  dit-elle,  pour  cela;  j'ai  bien  des  beaux  linceirx 


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BEVUE  DES  TBADÏTI0N8  POrULAlRES  321 

neufs,  mais  ce  serait  {>'ché  de  les  mettre  dans  la  terre,  pas  vrà  !  J*ai 
eune  vieille  seûne  (filet)  à  haut,  est-ce  qui  ne  serait  pas  bien  dedans  ? 
Personne  ne  le  verra. 

—  Oui,  dit  la  voisine,  cela  ne  l'étranglera  point,  les  mailles  sont 
larges. 

Voilà  les  prêtres  qui  arrivent,  et  la  châsse  en  même  temps  ;  ils 
dirent  au  menuisier  r 

—  Est-ce  que  vous  n'auriez  pu  rapporter  plus  tôt  ? 

Le  menuisier  mit  son  compère  dans  la  châsse,  et  cogna  sur  le 
couvercle  deux  ou  trois  pointes. 

—  Adieu,  mou  pauv'bonhomme,  criait  la  femme  en  pleurant,  où 
vas-tu  ? 

—  A  la  seune,  vieille  rosse  !  répondit  le  prétendu  mort  en  faisant 
sauter  le  couvercle  de  la  châsse. 

{Conté  à  Saint'Cast^  en  i  880^  par  Rose  Guinel), 


XXXIX 

LE  DIABLE  ET  LE  RECTEUR 

Il  y  avait  une  fois  un  recteur  qui  avait  une  vieille  église  qui  tom- 
bait en  ruines;  il  aurait  bien  voulu  la  rebâtir;  mais  il  n'avait  pas 
d'argent. 

Un  jour,  il  trouva  le  diable  qui  lui  dit  : 

—  Si  tu  veux  me  donner  tous  ceux  qui  mourront  entre  la  grand* 
messe  et  les  vêpres  le  jour  où  tu  chanteras  la  première  messe  dans 
la  nouvelle  église,  je  t'en  bâtirai  une  neuve. 

Le  recteur  y  consentit  ;  mais  dè^  que  la  grand'messe  fut  finie^  il 
entonna  les  vêpres,  et  le  diable  n*eul  rien. 

(Conté  en  i  880^  par  François  Marquei\  de  St-Cast), 


XL 

LES    TROIS   AMIS 

Il  y  avait  une  fois  trofs  amis  qui  voyageaient  ensemble,  Pourcéve- 
nigo  qui  était,  en  vous  respectant,  un  cochon,  et  deux  petites  poules  : 
Piretle  et  Poulette. 

Pourcévenigo  pria  ses  amies  de  lui  aider  à  construire  une  maison, 


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§22  REVUE  DES   TRADITIONS  POPULAIRES 

et  quand  eUe  fut  faite,  il  y  entra  :  mais  il  D*en  sortit  point  et  leur 
dit  : 

J*y  suis  si  bel  et  si  bien 
Que  J*  n*én  sortirai  point. 

Piratte  dit  à  Poulette  : 

—  Pourcévenigo  a  mal  agi  ;  aide-moi  à  me  eopalrvilre  \ine  ^naison 
et  je  t'aiderai  à  mon  tour. 

Quand  la  maison  fut  faite,  Pirette  .y  finlvBL  ;  4ps^is  ^  UiTf^^  la 
porte  sur  elle  et  dit  : 

J'y  suis  si  bel  et  si  bien 
Que  j*  n'en  sortirai  point. 

Gomme  Poulette  se  désolait,  elle  vit  passer  un  Leau  monsieur  qui 
lui  demanda  ce  qu'elle  .avait  : 

—  Ah  !  dit-elle,  j'ai  aidé  Pourcévenigo  et  Poulette  à  se  construire 
une  maison,  et  quand  elle  a  été  faite,  ils  m'ont  fermé  la  porte  au  nez. 

—  Hé  bien  !  Poulette,  si  tu  veux  me  pondre  une  bassinée  d'œufs, 
je  te  bâtirai  une  jolie  maison  tout  en  fer*  blanc. 

—  Je  veux  bien,  régondit-elle. 

Elle  fit  des  œufs  plein  un  bassin,  et  le  monsieur  lui  bâtit  sa 
.f|}^jsp.a.  Q(i.apd  elle  fut  dedans,  elle  s'écria  à  son^tpUir  : 

J'y  suis  si  bel  et  si  bien 
Que  je  n'en  sortirai  point. 

Glaume  le  loup  qui  se  promenait  vint  frapper  à  la  porte  de  la 
maison  de  Pourcévenigo,  et  lui  dit  : 

—  Ouvre-moi,  Pourcévenigo. 

—  Nenni,  tu  me  mangerais. 

—  Je  vais  monter  sur  Caubeile  (le  toit). 

—  Nenni,  tuj'^bï^ltirais. 

Je  frapperai  tant 
Je  cognerai  tant 
Que  j'abattrai  le  beau  bâtiment. 

Il  démolit  la  maison  et  mangea  Pourcévenigo. 
Il  s'en  vint  ensuite  à  la  cabane  de  Pirette. 
—^Quvre^ffjoi,  ma, petite jPj^ette. 
r-  >?|e,nflii,  tu  ,|Re  .pj^ngerais. 

—  Je  vais  monter  sur  l'aubette. 
— jff^f^i,  ^tp,i'^hattr|^is. 


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Je  frapperai  tant 
Je  cognerai  tant 
Que  jaïifit^ai ^e ^Qf u.MUwent, 

.4îl  Glaume  en  ^oatont  sur  la  ^Mai^oa.  Il  ral;^ttU,et  ,9;^i^^  Picetie. 
.GlfLume  le  <iQup  alla  frapper  à  la  por,le  de  la  uiais^n  de  Po^uIeUe  : 

—  Ouvre-moi,  ma  petite  Poulette. 

—  NoD,  mon  Glaume,  t\i  me  man^er^is. 

—  Tu  ne  veux  pas  ?  hé  bien  ! 

Je  frapperai  tant 
Je  cognerai  tant 
Que  J'abattrai  le  beau  bâtiment. 

—  Tu  peux  monter,  Glaume,  dit  Poulette. 
Le  loup  monta  sur  la  maison  en  répétant  : 

Je  frapperai  tant 
Je  .cûgi|.Qrai  tant 
Que  j'abattrai  le  beau  bâtiment. 

Mais  il  y  avait  des  clous  pointus  sur  la  petite  maison,  et  le  loup 
qui  s*écorchait  disait  : 

—  Ah  !  Poulette,  que  je^^e  piq^e,dur  ! 

—  Tant  mieux,  mon  Glaume. 

Quelque  temps  après,  le  loup  .reviql  et  dit  à  la  poule  : 

—  Veux-tu  venir  à  la  foire. avec  moi  ? 
— Nenni,  tu  me  mangerais. 

—  Non,  je, te  le  promets. 

—  Hé  bien  !  j'irai,  mais  je  ne  partirai  que  tard  ;  ai  tu  »vepx,  nous 
nous  mettrons  en  route  à  midi. 

Dès  le  matin,  Poulette  partit,  et  elle  alla  h  la  ^ville.où  .elle  ach^lA 
un  trépied,  une  timbale  (bassine)  .et  une  marmite.  En  s*en  revenant, 
elle  aperçut. Glaume  qui. courait  sur  la  lande.  lËlle  po^atS^sc^pl^t^js 
à  terre  et  se  cacha  sous  la  marmite.  Quand  le  loup  eut  passé  auprès 
et  se  «fut  éloigné,  Poulette  rentra  à  sa  maison,  et  peu  après  Glaume 
le  loup  lui  raconta  qu'il  avait  vu  sur  La  route  uqe  mqrmite^renyersée. 

—  C'est  moi  qui  étais  sous  la  marmite,  dit  Poulette  à  GLaume  le 
loup. 

—  Ah  !  s  écria-t-il,  si  je  Ta  vais  su,  je  Saurais  mangée  ! 
Cependant  la  maison  commença  à  se  vieillir,  et  Glaume  le  loup 

vint  frapper  k  la  porte  : 

—  Ouvre-moi,  ma  petite  Poulie tte. 

—  Nenni,  tu  me  mangerais. 

—  Ouvre-moi. 

—  Non. 


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82 i  REVUE  DES  TRADITIONS    POPULAIRES 

Je  frapperai  tant 
Je  cognerai  tant 
Que  j*abattrai  le  joli  bAtimeot. 

De  fait  il  fiait  par  démolir  la  petite  maison;  mais  Poulette  se 
sauva  dans  un  arbre  et  depuis  ce  temps-là  on  n*a  jamais  entendu 
parler  d'elle. 

{Conté  en  1 881  y  par  M.  E.  Hamonic,  Il  tient  ce  conte  de  Maihurin 
Rucllan^  sabotier  à  Moncontour). 

Paul  Sébillot. 


LA  LEGENDE  DE  DIDON' 
VII 

délimitation  par  la  poire 
Le  jet  de  la  poire 

N  jeune  homme,  choisi  parmi  les  plus  robustes  et  les  plus 
\[o  alertes  de  Fallais  (Hesbaye,  Belgique),  lançait  une  poire  du 
haut  dé  la  colline  de  Saint-Sauveur  dans  la  direction  du  bois 
Robert,  et  une  autre  dans  la  direction  du  ruisseau  qui  sépa- 
rait la  seigneurie  de  Fallais  de  celle  de  Fumai.  Les  endroits 
où  la  poire  tombait  marquaient  les  limites  de  la  seigneurie  de  Fal« 
lais  II  était  fait  mention,  tous  les  ans,  au  rôle  de  la  Gourde  Justice, 
de  racj>mpliss3ni3nt  de  cette  cérémonie,  qui  eut  lieu  pour  la  der- 
nière fois,  au  mois  d'août  1793.  (Bovy,  Promenades  historiques^  //, 
28Ô). 

Alfred  Harou. 

1.  Cf.  t.  11,  p.  295,  t.  V,  p.  186,  717,  VI,  52,  333,  420,  Vil,  549,  VUl,  381,  489. 


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R£VUC    DES  TRADITIONS  POPULAIRES  525 


LES  EMPREINTES  MERVEILLEUSES 


CXXI 

LE  TAS  DE  PIERRES  DU  LAC  GARDESCB 

N  Poméranie,  an  voit  dans  le  lac  Gar- 
desch  une  petite  île  de  granit  et  Tun 
des  blocs  porte  Tempreinte  d'un  pied  de 
cheval  d'une  profondeur  de  deux  pouces. 
D'après  la  légende,   un  pêcheur   avait 
conclu  avec  Satan  un  pacte  par  lequel 
celui-ci  devait  lui  construire  dans  l'Ile 
une  église  avant  le  chant  du  coq,  moyen- 
nant quoi,  il  recevrailson&me.  Le  pécheur 
qui  croyait  avoir  demandé  l'impossible, 
s'aperçut  bientôt  que  Téglise  allait  être 
terminée  avant  le  délai  fixé  :  dans  son  effroi,  il  se  mit  à  chanter 
comme  un  coq  ;  les  autres  lui  répondirent.  Le  Diable,  furieux  d'avoir 
perdu,  détruisit  l'œuvre  coipmencéeet  l'empreinte  de  son  pied  resta 
gravé  sur  la  pierre  où  il  se  tenait.  ' 


CXXII 

LE  GRAUENSTEIN 

Près  de  Grevenmacher,  dans  le  Luxembourg,  il  existait  un  bloc  de 
pierre  appelé  le  Grauenstein,  aujourd'hui  brisé  en  plusieurs  mor- 
ceaux :  on  y  aperçoit  encore,  creusés  par  la  pluie  et  le  vent,  des  trous 
quelque  peu  semblables  à  des  traces  d'animaux.  D'après  la  légende, 
le  Diable  ayant  apris  qu*on  construisait  à  Trêves  une  maison  de 
plaisir,  y  transportait  ce  bloc  sur  une  route,  lorsqu'en  chemin,  il  fut 
informé  que  c'était  une  église  que  Ton  bâtissait  et  à  la  construction 
de  laquelle  il  allail  contribuer.  Dans  sa  fureur,  il  lança  le  bloc  sur  la 

4.  Suite,  t.  XI,  p.  312. 

2.  Cf.  0.  Kqood,  Volksaagen^  Erzàhlungen^  Aberglauhtn^  Gebrâuche  und  Mâr^ 
chen  atts  dem  Ôstiichen  Hinterpommem^  Posen,  1887,  in-8,  p.  71. 


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5â'&  RKVOS  D«S   TltADrriOXS   POPULAtRRS 

hauteur  où  il  existe  encore,  après  avoir  trépigné  dessus,  ce  qui  laissa 
des  traces  apparentes  encore  aujourd'hui. 

Suivant  une  autre  légende^  il  s'était  engagé  à  transporter  cette 
pierre  k  Trèvét^  k^àth  qdè  toAiftii  rre  soAnàC.  Le'  paysan  qui  avait 
traité  avec  lui  avait  mis  son  âme  comme  enjeu.  Mais  en  route,  le 
diable  entendit  sonner  minuit  et  if  TàcTia  la  pierre,  trépigna  dessus 
et  disparut  '. 


cxxin 

LA  PIERRE  DU  DIARLE  A  SCHOJOW 

Sur  Jè'  chemin  de  Soichow  à  Schojûw,dans  là  J^omérsnle  orientale, 
oh  aperçoit  âiir  ultle  pierre  c(ùi  auf-âii  été  apportée  pB.t  le  diable,  les 
efflpFëinteâ  d'ùti  pièà  de  cheval  et  d'une  patte  de  pottlei  tl^asl  que 
celle  d^tfïté  fàie  p^odUite  par  sa  cravache  *. 


CXXIV 

LE  DEIWELSLEH 

Stir  Ife  Hàâfd,  entj'e  Diekirch  et  Ettelbrock^  dans  le  Luxembourg, 
existe  le  Déiwèsléh  (téufelsfelâen)  où  le  diable  avait  coutume  de 
s'arrêter  et  qui  porté  Tempreinté  de  Sdn  pied  ^ 


CXXV 

LA  PIERRRE  DU  DIABLE  A  BEWERSDORF 

En  Poméranie,  près  de  Bewersdorf,  il  existait  autrefois  une  grosse 
pîé'rr'ë  sur  Idqiièlle  oh  Voyait  Tempreinlé  d'un  pied  dé  cheval  et  d'une 
pàtté  dé  poulet.  Le  diable  dit-on,  avait  fait  marché  avec  un  paysan 
de  Ëèweïèddrf  qtli  lui  avait  phomiè  èori  âme  si  une  digde  était  cohà- 
trfiitè  à  tracera  fè  lac  avant  le  i:haht  du  coq.  Lé  diable  ii  aVait  paô 
fitfl  tôrsqtië  le  tio4  chanta.  Il  dut  laisser  tomber  le  bloc  qu'il  tenait 
et  difeparul  après  y  avoir  làiàsé  ses  traces  *. 


1.  Cf.  Gredt,  Sagentchatz  des  Luxemburger  Landes^  Luxembourg,  1835,  in-S, 
g  144,  p.  81-82. 

2.  Kuoop,  Volkssagen^  Erzûhlungen,  §  146,  p.  73. 

3.  Gréiit,  SàgehÈcftutz  des  Luxemburger  Landes,  §  145,  p.  82. 

4.  Rnoop,  Volksstigéh,  Ertrihltingény  i  153,  p.  75-76. 


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RGVDE    DES  TRADITIONS    POPULAIRES  527 

cttifi 

LE  l^IED  DB  PHARAON 

Une  légende  de  TAouràs  rapporte  que  les  Romains  demand( 
à  Pharaon,  leur  roi,  de  leur  dresser  àGuela'a  une  pierre  qu'ils 
reraient.  Il  y  consentit  et  la  pierre  subsista  longtemps  portant  1 
preinte  du  pied  de  Pharaon.  De  nos  jours  elle  a  complètement 
paru  * . 

CXXVll 

LA  PIERRE  DE  PERSANZIO 

Près  de  Persanzig,  en  Poméranie,  on  voit  un  las  de  pierres  r€ 
sentant  un  berger  et  son  troupèâtr:  ils  auraient  été  ainsi  meta 
phosés  parce  que  les  moutons  avaient  fait  du  dégât  dans  un  cl 
appartenant  à  une  sorcière  de  Klingbeck  dont  les  plaintes  n'aur 
oi)tènti'  qâ''urïë  réponse  ^fossJêfè.  Vhé  pîèffë  ftôrtë  rehi|)fè*irfée 
pleâ  :  c'est  ck\Ûi  hit  bèr^ef  qui  fa^àit  posé  sur  cette  ^iëfi*è  fiéii 
^ii'«}flitifîàUfàs6rciérS*. 


CXXVIII 

LE  CHEVAL  DE  ROLAND 

On  montre  près  de6avarn|e,dans  les  Pyrénées,  Tempreinte  la 
parle  cheval  de  Roland  pendant  que  son  mattre  taillait  dans  lai 
la^Hë  îa  fcVèclî'è  Ijtîl  jp'oftfe  sb'â  nom  ^ 

tiitii 

LE  REITERLEH  A  MARIENTHAL 

En  face  de  Tancien  couvent  dé  Hariénthal  dans  le  Luxembourg 
la  rive  droite  de  TEisch.à  environ  deux  mètres  du  mur  de  rochi 
trouve  un  bloc  de  trente  mètres  de  haut,  appelé  Reiterleh.  - 
râcbiiité  qii'ttn  BrâVfe  dieVillër  Jjodrsiiivi  pat*  les  ehrifeiûis  èl  kcc'i 

i.  Masqueray,  TradiiUm  de  TAourds  oriental.  Bulletin  de  Correspondance 
cûifie,  t.  lu,  l»85,.psg24.       ..     ...,,.,..>,.     „      .      't.    ,   .  i..  Wu    v.;i^.*» 

2.  Rasiski,  Beschreibuhp  ,der  naterlândischefi  AflerthUm^  i^  IS^euatellme 
ScMochauer  Kreise,  p.  75,  cité  dm  Knooo.  Vollcssc^^,  Ô^^Ô^jp.  .139,    ^^m 

3.  Ampèhe,  La  Sciefkce  et  les  lettrée  en  Orient,  Paris,  1863,  m-12,  p,  463. 


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S28  REVUE    DES   TRADITIONS    POPULAIRES 

cet  iibime  oe  trouva  d'autre  moyen  de  salut  que  de  s'y  précipiter 
avec  son  cheval.  Il  échappa  miraculeusement,  et  l'on  voit  encore  sur 
le  rocher  d'où  il  s'élança  les  traces  des  fers  de  son  cheval  *. 


cxxx 

l'empreinte  du  géant 

Près  de  Heidendorf,  dans  le  cercle  de  fiistrîlz  en  Transilvanie, 
sur  la  montagne  appelée  Hûgei  (Ja  colline),  on  voit  la  Heintrappe 
(Hiinen trappe)  ;  un  géant  qui  passait  y  imprima  sur  la  pierre  dure 
Tempreinte  de  son  pas  ^. 

CXXXI 

LA  PIERRE  QUI  PROTÈGE  CONTRE  LA  FATIGUE 

Sur  la  hauteur  de  Draufelt,  à  l'endroit  nommé  Brétschent,  dans  le 
Luxembourg,  il  existait  sur  une  route  bordée  à  droite  par  une  forêt, 
à  gauche  par  des  champs,  une  énorme  pierre  qui  portait  l'empreinte 
d'un  pied.  Quand  un  passant  y  mettait  son  pied,  il  ne  ressentait 
plus  de  fatigue  de  toute  la  journée.  Maintenant  la  pierre  a  disparu '. 


CXXXII 

LE  PAS  DU  GÉANT 

Un  géant  qui  demeurait  à  Ungersch,  en  Transilvanie,  était  venu  à 
Moldau,  en  temps  de  famine,  pour  chercher  des  provisions.  De  son 
premier  pas,  il  atteignit  une  montagne  située  entre  Baierdorf  et 
Heidendorf  :  on  distingue  encore  sur  une  pierre  la  trace  de  son  pied, 
d'où  toute  la  montagne  a  pris  le  nom  de  Haintrapp  ^. 

CXXXIII 

l'empreinte  d'arzilla 

A  Ârzilla,  au  Maroc,  les  habitants  montrent  sur  une  roche  les  traces 
d'un  pied  gigantesque,  souvenir  de  leur  ancêtre  •. 

1.  Gredt,  Sagenschaiz  des  Luxemburger  Landes,  §  895,  p.  460. 

2.  Mûller,  Siehenbûrgische  Sagen^  Vienne,  1885,  in-8,  |  13,  p.  10. 

3.  Gredt,  Sagenschaiz  des  Luxemburger  Landes^  §  1170,  d.  626. 

4.  Mûller,  ^tebenbUrgische  Sagen,  §  12,  d.  9-10. 

5.  C.  de  Gampou,  Un  empire  qui  croule.  Paris,  s,  d.,  in-18  jés.,  p.  233. 


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REVnE    DES   TRADITIONS    POPULAIRES  529 

CXXXIV 

LE   CHEVAL  DE   SALOMOX 

Sur  le  sommet  d'une  roche  calcaire  qui  porte,  près  de  Kronstadt, 
en  Transilvanie,  le  nom  de  pierre  deSalomon,  on  voit  une  excava- 
tion :  c'est  la  trace  laissée  par  le  sabot  du  cheval  deSalomon,  roi  de 
Hongrie,  lorsque  celui-ci,  poursuivi  par  les  Bulgares,  ou  suivant 
d'autres,  par  les  Byzantins,  fit  franchir  d'un  saut  à  sa  monture  le 
Waldbachlein  et  échappa  ainsi  à  ses  ennemis  ^ 

René  Basset. 

CXXXV 

les  genoux  de  la  vierge 

Dans  le  canton  de  Passis,  (département  de  TOrne],  au  pied  d'une 
croix,  l'on  montre  une  pierre  où  sont  deux  cavités.  L'on  dit  que 
c'est  la  marque  des  genoux  de  la  Vierge  qui  s'arrêtait  là  pour 
prier  quand  elle  allait  h  la  messe  à  Saint-Mars  d'Egrenne. 

Fra  Dbune. 

CXXXVI 

LES  SOULIERS  DU   BON  DIEU 

Dans  la  commune  d'Arleuf,  au  hameau  des  Barras,  près  du  château 
de  la  Tournelle,  on  remarque  sur  deux  grosses  roches  porphyriques 
deux  empreintes  ayant  la  forme  de  semelles.  On  les  connalf  sous 
le  nom  de  souliers  du  bon  Dieu. 

H.  Marlot. 

1.  Mûller,  Siebenbargische  Sagen,  §  367,  p.  242-243. 


TOME  XI.  —  OCTOBRE  1896.  34 


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*)30  REVUE. Dfc;S    TRADITIONS    POPULAIRES 


LE  LAI  D'ARISTOTE 


I 

EN  PERSE 


^^  K  Kttab  el  Mahassin  d'el  Djahize  contient  de  nombreuses  anec- 
Mfw)  dotes  et  contes  sur  les  rois  de  Perse.  L'une  d'elles  est  une 
variante  d'une  histoire  bien  connue  et  très  répandue  dans  la 
littérature  européenne  du  moyen  âge,  celle  de  la  femme 
experte  qui  se  moque  du  philosophe  et  l'oblige  à  lui  servir 
de  monture  (lai  d'Aristote).  Le  rôle  du  philosophe  est  rempli  ici 
par  le  grand  mobed.  Quand  ce  personnage  se  présentait  devant 
le  roi  Kesra  Pervis,  il  avait  coutume  de  le  saluer  par  les  paroles 
suivantes  :  «  Puisses-tu  vivre  longtemps,  ù  roi,  dans  un  bonheur 
«  absolu.  Puisses- lu  remporter  une  victoire  complète  sur  tes 
«  ennemis.  Puisses-tu  te  délivrer  de  la  domination  des  femmes.  » 
Ces  remontrances  finirent  par  exaspérer  la  femme  du  roi,  Chirina, 
qui  résolut  de  ruiner  la  réputation  du  mobed.  Elle  lui  envoya  une 
belle  esclave,  chargée  de  dompter  par  ses  charmes  le  farouche 
misogyne.  La  jeune  femme  accomplit  sa  mission  avec  un  remarqua- 
ble succès:  et  un  jour,  Chirina  put  emmener  le  roi  à  Tune  des 
fenêtres  de  son  palais  et  lui  montrer  le  grand  mobed,  sellé  et  bridé, 
qui  marchait  à  quatre  pattes  et  portait  sur  son  dos  la  charmante 
écuyère.  Le  roi  l'appela  et  lui  dit  :  «  Que  fais-tu  là?  —  Je  montre, 
u  lui  répondit  le  mobed,  ce  qu'est  cette  soumission  aux  femmes 
a  contre  laquelle  je  te  mettais  en  garde.  » 

Gaidefroy-Demonbynes. 

i.  Baron  Ro?en  :  étude  sur  les  traductious  arabes  du  Rhoudai  Namé, 
p.  180,  dans  le  recueil  de  mémoires  publiés  (en  russe)  par  rAcadémie  Impé- 
riale de  SaiDt-Péiersbourg  à  Toccasion  du  cenleuaire  de  TEcole  des  Langues 
Orieulales  de  Parii».  —  V.  sur  el  Djahiz,  une  note  du  conte  de  Balach  et  ses 
deux  femmes  (Revue  des  Trad.  Pop.  t.  XI,  p.  401).  La  traduction  complète  du 
passage  d'el  Djahiz  a  été  donnée  par  B.  Rosen  dans  son  introduction  a  Tétude 
de  Schiefur  ;  Mahakatjajana  und  Koini  Tsbanda  —  Fradjota  (Mém.  de  l'Ac.  Imp. 
des  Sciences  de  S^-P.  VII«  Série,  t.  XXH,  u»  7)  que  nous  n'avons  pas  eue  sous 
les  yeux.  M.  René  Basset  a  donné,  dans  sou  introduction  à  la  traduction  des 
contes  de  Si  Djeha  (version  kabile)  de  M.  Mouliéras  (p.  29),  une  bibliographie 
complète  du  lai  d'Aristote.  Il  serait  iutéressant  d'en  faire  l'iconographie  ;  tout 
le  monde  notamment  connaît  le  chapiteau  de  Téglise  Saint-Pierre  de  Caen 
(xiii^  siècle). 


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REVUE    OËS  TRADITIONS   POPULAIRES  iVM 


LES  METEORES 


Vil  {suitej 

l' ARC-EN-CIEL  ' 

§" 

En  Guinée 

iiEZ  les  Yopouba  ',  Oshuroare  [Ochoumare)^  Tarc-en-ciel  est  le 
(w^  serviteur  de  Shango  [Chango]  :  son  office  coosisle  à  porter 
cV)^J|-  de  Teau  de  la  terre  au  palais  dans  les  nuages.  On  retrouve  là 
\>^  une  trace  de  la  tradition  d'après  laquelle  l'arc-en-ciel  aspire 
(5  l'eau.  Il  a  un  messager  appelé  a*ra  (coup  de  tonnerre)  ou  cre^ 
qui  est  une  variété  de  python.  Oshuinare  est  le  grand  serpent  sou- 
terrain qui  vient  de  temps  à  autre  au  bord  de  la  terre  pour  boire 
l'eau  du  cieP.  Son  nom  est  formé  de  shu  (clioui,  rassembler  de 
sombres  nuages,  devenir  obscur;  et  de  mare  ou  maye  une  des 
épithètes  d'Olorun,  dont  le  sens  est  incertain. 

§12 

Au  Dahomey  et  chez  les  peuples  de  race  ewé,  Anyi-èwo  est  le 
dieu  de  rarc-en-ciel  et  se  manifeste  sous  l'apparence  d'un  serpent  ; 
il  n'apparaît  que  lorsqu'il  a  soif  et  veut  boire.  Le  nom  d'Anyi-èwo 
signiûe  le  grand  serpent  [èwo]  du  monde  souterrain  (Anyi),  On  lui 
attribue  l'origine  des  chapelets  de  popo,  sorte  de  mosaïques  dont 
l'origine  est  incertaine.  Ses  excréments  ont  le  pouvoir  de  changer 

1.  Suite,  voir  t.  XI  p.  245. 

2.  Ellis,  The  Yoruba-Speaking  peuples,  Lomlres,  1894,  io-S  p.  48,  81. 

3.  Cf.  tes  vers  de  Ttbulle  [Elégies  t.  1  el.  IV  v.  43-44} 

Quamvis  prœtexen»  picea  ferrugtne  cœlum 
Venturam  admittal  imbrifer  arcus  aquaoi 

Malgré  Tare,  signe  de  pluie,  qui  teignant  le  ciel  de  sombres  couleurs,  aspire 
Tondée  future. 
Et  ce  vers  de  Martial  [Epigrammes.  I.  XII,  ép.  29  v.  6). 

Casuras  alla  sic  rapit  iris  aquas 

De  roéme  Iris  absorbe  eu  haut  les  eaux  qui  vont  tomber  (en  pluie). 


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532  REVUE   DES   TWAnmONS    POPULAIRES 

les  graios  de  maïs  en  cauries.  Les  temples  qui  lui  soat  consacrés 
sont  peints  de  raies  de  couleur  imitapt  celles  de  Tarc-en-ciel,  et  au 
milieu,  est  un  serpent  grossièrement  représenté.  Son  messager  est 
une  variété  de  boa,  mais  Timmunité  n'est  accordé  qu'à  ceux  que 
les  prêtres  ont  désignés.  Son  emblème  spécial  est  un  serpent 
grossièrement  façonné  en  argile,  avec  deux  appendices  en  forme  de 
cornes,  replié  dans  un  pot  de  terre  peu  profond  :  on  le  blanchit  à  la 
chaux  et  on  le  place  communément  sous  les  cotonniers  ^ 


§13 

Dans  la  Pharsale  ^  Lucain  fait  allusion  à  la  croyance  populaire 
d'après  laquelle  Tarc-en-ciel  boit  la  mer  :  «  De  là,  Tare  embrasse  les 
airs  d'un  cercle  imparfait;  coloré  de  faibles  nuances,  ilboitTOcéan, 
apporte  aux  nuages  les  flots  qu'il  ravil  et  rend  au  ciel  cette  mer  qui 
en  tombe  sans  cesse  ». 

§14 

Chez  les  Saxons  de  Transilvanie,  l'apparition  d'un  arc-en-ciel  au 
mois  de  décembre  est  considérée  comme  un  fâcheux  présage  ', 


§15 

En  1080  de  Tère  des  martyrs  (768-769)  l'apparition  d'un  arc-en-ciel 
au  mois  de  mai  annonça  des  calamités  de  toute  sorte  en  Syrie  parce 
qu'il  paraissait  renversé.  «  Sa  courbure  était  tournée  en  bas  et  ses 
extrémités  vers  le  haut,  et  il  ressemblait  à  un  arc  tendu  pour  le 
combat  par  la  main  d'un  homme  *  ». 


§16 

Quand  les  nuages  ont  cessé  de  pleuvoir,  l'arc-en  ciel  apparaît 
dans  les  cieux.  Ses  extrémités  s'abaissent,  sans  qu'on  le  voie 
toujours,  dans  un  fleuve,  dans  un  lac  ou  dans  une  mer  et  attirent 
l'eau.  De  loin,  on  aperçoit  très  bien  Teau  qui  monte  dans  le  ciel. 
Dieu  a  parfaitement  établi  que  les  nuages  ne  resteraient  jamais 

1.  Cf.  Ellia  The  Ewe-Speaking  peuples^  Londres,  Ï890,  in-8,  p.  47-49. 

2.  L.  IV,  V.  79-82. 

3.  Mùller,  Siebenbargiscfte  Sngen.Alennc,  iSSi,  in-8,  §102,  p.  71. 

4.  Chabot.  Quatrième  partie  de  la  chronique  de  Denya  de  Tell-Mahré,  Paris, 
1893,  ia-8  p.  132  du  texte,  111  de  b  traduction. 


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REVL'E  DES  TKADITIONS   POPULAIRES  533 

longtemps  vides,  mais  qu^ilsse  rempliraient  de  nouveau  après  s*être 
épuisés. 

Un  jour  un  berger  qui  faisait  paître  un  grand  troupeau  de  moutons 
sur  la  pente  d'une  montagne,  voulut  par  une  coupable  curiosité, 
voir  Tarc-en-ciel  attirer  Teau.  Il  fît  descendre  son  troupeau  près  du 
fleuve.  Mais  lui-même  fut  aspiré  avec  toutes  ses  bêtes  et  maintenant 
il  les  fait  paître  dans  le  firmament  pour  Téternité.  Dans  les  chaudes 
journées  de  printemps  et  d'été,  on  peut  Tapercevoir  avec  ses  mou- 
tons. Les  parents  le  montrent  à  leurs  enfants  et  leur  racontent  sa 

triste  histoire*  ». 

René  Basset 


.^W^^^^W^^^^WWWMVMWM» 


LES  RITES  DE  LA  COlNSTRUCTION 


XXIV 

FONDATION  DE  CHAH  DJEHANABAD 

^^  NE  tradition   rapporte  que   lorsque  le  Gfrand  Moghol  Chah 
^Itr   ^J^^^"  voulut  faire  construire  aux  Indes  la  ville  à  laquelle 
pljliifc  îl  donna  son  nom,  il  fit  verser  le  sang  de  plusieurs  criminels 
^^^  qu'on  égorgea  dans  les  fondements  de  Chah  Djehànabàd  *. 

Une  cérémonie  semblable  eut  lisu  en  1881  à  Coumassie  chez  les 
Achantis.  Un  tremblement  de  terre  ayant  détruit  une  partie  des 
remparts  de  cette  ville,  le  roi  Mensah,  sur  l'avis  des  prêtres,  calma 
la  colère  du  dieu  Sasabonsum  en  faisant  rebâtir  ces  remparts  avec 
de  Targile  imprégnée  du  sang  de  cinquante  jeunes  filles.  —  Souvent 
des  esclaves  sont  égorgés  au  moment  d'une  construction  et  leur 
sang  est  versé  dans  les  fondations  pour  en  assurer  la  durée.  Quand 
il  s'agit  d'un  édifice  peu  important,  on  se  contente  de  sacrifier  une 
brebis  '. 

On  raconte  que  les  gens  murèrent  vivant  un  étudiant  avec  une 
lampe  et  une  toge  dans  la  ville  basse  d'Hermanstadt  en  Transilvanie, 
pour  en  assurer  la  solidité  ^. 

René  Basset. 

1.  Mûller.  SiebenbUrgische  Sar/ev  §  235,  p.  166. 

2.  Catrou,  Histoire  générale  de  Vempire  du  MogoL  La  Haye,  1708,  in-12,  p.  218. 

3.  Ellis,  The  Tahi-speaking  neoples,  Londres,  1887,  in -8,  p.  36. 

4.  MûUer  Siebenbargische  Sagen^  Vienne,  1885,  in-8,  §  157,  p.  99. 


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534  REVUE    DES  TKADITIONS  POPULAIRES 


LES  MINES  ET  LES  MLNEURS^ 


XXVI 

DIVINITÉS   DES   MINES 

^^k  'ES  Tshis  de  rAchanli  partagent  la  croyance  des  nègres  de 
'1^  l'Afrique  occidentale  sur  les  divinités  à  qui  Ton  doit  les  mines 
l^j  ^^^'  ^^  ^^^  sacrifices  qu'elle  exige.  Dans  les  districts  auri- 
fères, connme  Essaman  dans  le  Wassan,  les  gens  croient  que 
Tor  est  apporté  par  une  divinité  locale  qui  récompense  ainsi 
son  peuple  de  son  culte  et  de  ses  offrandes.  Les  naturels  recherchent 
seulement  Tor  d'alluvion,  et  d'ordinaire  ils  procèdent  en  creusant 
une  fosse  circulaire  de  six  pieds  de  diamètre.  Ces  fosses  sont  souvent 
profondes  de  vingt  à  vingt-cinq  pieds  et  comme  on  ne  fait  pas 
attention  aux  parois,  les  gens  qui  y  travaillent  sont  souvent  enseve- 
lis vivants  ou  aplatis  par  la  chute  de  la  terre.  En  pareil  cas,  on  ne 
songe  pas  à  les  délivrer,  car  on  croit  que  l'accident  a  été  causé  par 
Itf  divinité  qui  réclame  l'aide  de  ceux  qu'elle  a  fait  périr,  pour 
apporter  Tor  des  profondeurs  souterraines  :  on  s'imagine  que  les 
esprits  de  ceux  qui  ont  rencontré  la  mort  de  cette  façon,  entrent  au 
service  d'outre-tombe  du  dieu  qui  produit  l'or.  On  pense  que  c'est 
une  lourde  tâche  de  le  transporter  de  l'intérieur  de  la  terre,  aussi 
l'exploitation,  grâce  aux  prêtres,  est  limitée  à  deux  ou  trois  mois 
par  an.  Le  reste  du  temps  on  ne  touche  pas  aux  fosses  pour  donner 
au  dieu  le  temps  d'apporter  plus  d'or.  Si  les  résultats  sont  médio- 
cres, les  naturels  ont  l'habitude  de  sacrifier  deux  ou  trois  esclaves 
au  dieu,  dans  la  croyance  qu'il  est  mécontent  ou  fatigué.  Dans  le 
premier  cas,  le  sacrifice  a  pour  but  de  lapaiser  ;  dans  le  second,  de 
lui  fournir  des  aides  *. 

René  Basset 

\.  Cf.  t.  1,  p.  2  :  II,  61,  413,  :îOO  ;  IM,  300  b  ;  IV,  392  ;  V.    323  ;    VI,    Ui.    240, 
312,  338,  436,  485,  634,  669,  612  ;  VII,  490  ;  VIII,  75  ;IX,  522,  655  ;  X,  478,  593. 
2.  EIUs.  The  Tshi-speaking  peoples,  Londres,  1887,  in-8,  p.  70-71. 


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REVUE  DES  TUADITIONS    POPULAIIIES  533 


THEATRE  POPULAIRE 


LE   POÈME  ALPESTRE 

Aloccasion  de  TExposition  de  Genève,  les  Suisses  ont 
eu  ridée  de  faire  représenter  au  théâtre  par  des 
tableaux  et  des  scènes  symboliques,  Thistoire  de  leur 
pays  dans  ses  coutumes  traditionnelles  et  ses  ancien- 
nes croyances.  C'est  à  ce  titre  que  le  Poëme  alpestre 
nous  a  paru  pouvoir  être  mentionné  dans  la  Revue 
des  Traditions  populaires. 
L'auteur  du  poëme  est  M.  Daniel  Baud-Bovy,  la  musique  est  du 
compositeur  iacques  Delcroze,  qui  conduit  lui-même  un  orchestre  de 
cent  cinquante  musiciens  et  les  chœurs  dont  les  exécutants  amateurs 
ne  sont  pas  moins  de  quatre  cents,  tous  costumés  aux  couleurs 
locales  anciennes  des  vingt-deux  cantons  Suisses.  Les  auditions  au 
nombre  de  six,  ont  été  données  dans  la  grande  salle  des  fêtes  de 
l'Exposition  qui  a  pu  contenir  chaque  fois  près  de  trois  mille 
personnes. 

Au  lever  du  rideau  on  voit  le  décor  d'un  village  suisse  entouré  de 
montagnes.  L'orchestre  et  les  chœurs  célèbrent  la  montagne  caracté- 
ristique de  la  Suisse.  Un  orage  s'annonce,  les  Bergers  ramènent 
leurs  troupeaux,  en  achevant  le  ranz  des  vaches  ;  ils  invoquent  le 
Génie  de  la  montagne  afin  qu'il  les  préserve  de  la  foudre  et  de 
l'inondation. 

C'est  que  le  Génie,  le  bon  génie  a  toujours  été  pour  les  Suisses  et 
est  même  encore  dans  les  villages  alpestres,  le  tout  puissant,  on 
pourrait  dire  le  Créateur. 

CHOEUR  DES  BERGERS 

Dieu  gardien  de  notre  montagne, 
Toi  dont  l^eUe  est  le  messager, 
Toi  dont  l'oréade,  Tondine, 
Et  le  servant  qui  nous  lutine 
Vont  accomplir  la  loi  divine 
0  consens  à  nous  protéger. 


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33G  KEVUE  DES  TBADITIONS  POPULAIRES 

Pour  tes  farfadets,  en  échange, 
Le  meilleur  du  beurre  et  du  lard, 
Et  tous  les  soirs,  sur  le  toit  même 
Pour  ta  fée  un  plein  bol  de  crème  * 
Afin  que  ta  bonté  suprême 
Soit  favorable  aux  montagnards. 


Les  bergers  se  retirent,  le  Génie  parait  et  cherche  à  apaiser  la 
tempête  ;  il  appelle  à  son  aide  les  esprits,  les  gnomes,  les  follets,  les 
elfes,  les  fées,  les  servants*,  les  sylphes,  les  ondines.  Il  termine  ainsi 
son  évocation  : 

A  moi  !  fervers,  colbods,  dracs,  trolls,  syl vains,  follets  ! 

Tous  les  esprits  ainsi  interpellés,  accourent  successivement  à  sa 
voix.  Les  fées  sont  en  robes  longues  à  traîne  blanches  et  roses,  les 
ondines  en  gaze  verte,  les  sylphes  ont  de  longues  et  hautes  ailes 
etc..  La  nnise  en  scène  est  vraiment  saisissante. 

CHOEUR   DES   ESPRITS 

Heureux,  trois  fois  heureux,  le  peuple  de  génies 
Admis  à  servir  tes  projets  divins, 
A  te  seconder.  Nature  infinie, 

Parfaite  harmonie, 
Déité  fécondante,  Gros  au  front  serein. 

LBS  FOLLETS 

Nos  tremblantes  chandelett^s 
La  nuit,  quand  la  peur  le  guette. 
Guideront  le  bûcheron. 

LES  SERVANTS 

Quand  le  fruitier,  las,  sommeille. 
Nos  balais  feront  merveille 
Dans  la  boïlle  et  le  chaudron. 

LES   SYLPHES 

Nous  ornerons  de  rosée 
Et  de  lueurs  irisées 
Tous  les  rayons  du  matin. 

1.  «  La  coutume  de  poser  sur  U  toit  du  chalet  une  jatte  de  lait  pour  la  fée 

f>rotectrice  était  encore,  presque  de  nos  jours,  observée  dans  certaines  parties  de 
a  Suisse  ».  —  (Note  de  1  auteur  du  poërae  alpestre). 

2.  Les  servants  sont  des  protf'cteurs  qui  peudaut  la  nuit  ou  l'absence  de  ceux 
auxquels  ils  s'intéressent  font  leur  travail;  ils  balaient  les  écuries,  rangent  daQ< 
la  maison.  On  les  représente  sous  la  forme  de  naius  à  la  physionomie  enjouée. 
Les  Suisses  ont  fait  uii  servant  leur  porte-bonheur  ;  beaucoup  de  commerçants 
placent  daus  la  vitrine  de  leur  magasin  un  petit  bonhomme  en  carton-pâte,  qui 
porte  un  plateau  sur  lequel  sont  rangés  quelques  échantillons  des  produits  les 
plus  appétissants.  H  y  avait  des  servants  en  quantité  à  1  exposition  de  Genève. 


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REVUE    DES   TRADITIONS    POPULAIRES  o37 

LES  ONDtIfBS 

Nos  flots  OÙ  le  soleil  joue 
Feront  s'animer  la  roue 
Et  le  blutoir  du  moulin. 

LES  FÉES 

La  fraîcheur  de  notre  haleine 
Fleurir^  Talpe  de  la  plaine 
Qu'embelliront  nos  regarda*. 


Maître  aimé,  pour  te  complniro, 
Nous  rendrons  calme  et  prospère 
Le  Destin  des  montagnards. 

La  deuxième  partie  qui  symbolise  rhisloire  de  la  Suisse  commence 
par  la  fête  du  travail  ;  on  voit  le  défilé  des  corporations  ouvrières 
des  vingt-deux  cantons,  avec  leurs  bannières  et  les  pittoresques 
costumes. 

Les  bûcherons,  les  chasseurs,  les  bateliers,  les  laboureurs,  les 
horlogers,  les  tisserands  chantent  tour  à  tour.  La  chanson  des 
tisserands  nous  à  paru  la  plus  intéressante  à  citer  : 

LA  CHANSON  DES  TISSERANDS 

Au  cliquetis  du. métier,  Au  cliquetis  des  anneaux, 

Beau  roi,  donne-moi  ta  01',  Je  veux  brocher  pour  ta  ÛV 

Si  gentil'  ;  Si  gentil'  ; 

Au  cliquetis  du  métier.  Au  cliquetis  des  anneaux, 

Bel',  voulez-vous  m'épouser?  Du  brocard  pour  son  manteau. 

Au  cliquetis  du  métier,  Au  cliquetis  du  métier. 

Non,  tu  n'auras  pas  ma  fil'  Beau  roi,  donne-moi  ta  fiP 

Si  gentil'  ;  Si  gentil'  ; 

Au  cliquetis  du  métier,  Au  cliquetis  du  métier, 

Garde-toi,  passementier.  Bel',  voulez-vous  m'épouser? 

Au  cliquetis  du  battant,  Au  cliquetis  du  battant, 

Je  veux  tisser  pour  ta  fil'  Mon  père,  adieu  votre  fil'. 

Si  gentiP  ;  Si  gentil'  ; 

Au  cliquetis  du  battant.  Au  cliquetis  du  battant. 

Un  ruban  d'or  et  d'argent.  Prends  ma  main,  beau  tisserand. 

Refrain 

Courez,  courez  la  navette, 

L'écbelette, 

Le  tacot. 

Courez,  courez  la  navette, 

Mignoonette, 

La  navette 

Et  le  sabot  1 


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o38  REVUE    DES    TKADITiONS    POPULAIRES 

Dans  la  chanson  des  horlogers  un  couplet  rappelle  une  coutume 
encore  en  usage  au  commencement  du  siècle:  Lorque  le  cadran 
solaire  de  Saint-Pierre  marquait  midi,  on  sonnait  une  cloche  spéciale 
afin  que  les  horlogers  de  Saint-Gervais  pussent  régler  leur  montre. 

Qand  midi 

Sonne  aux  tours  Saint-Pierre  : 
Arriére,  avant,  le  volant, 

Le  retard,  Féchappement  : 
Rëglons-nous  sur  te  cadran, 

Le  cadran  solaire. 

Les  enfants  viennent  à  leur  tour  chanter  une  de  ces  rondes  qui 
autrefois,  les  dimanches  et  les  jours  de  fête,  faisaient  les  délices  des 
jeunes  gens  et  des  jeunes  filles,  réunis  l^après-diner^  sur  la  place 
du  village. 

LA  ROXDE  ENFANTINE  DES  MÉTIERS 

Prends  trois  grains  de  rhénevis, 

Ma  gentille  hirondelle, 

Prends  trois  grains  de  chénevis, 

Mets-les  par  là, 

Mets- les  par  ci, 

Ce»i  pour  faire  à  mon  habit 

Des  revers  de  dentelle. 

Ah  I  soleil,  soleU  joli, 
Vire,  vire,  vire,  vire. 
Ah  !  soleil,  soleil  joli, 
Fais  mûrir  mon  chénevis. 

C'est  bien  cela, 

Mûr  me  voilà 
Qui  ni*aime  m*cmbrassera. 

Coupe  les  trois  plus  beaux  brins, 

Pose-les  sur  Therbette, 
(k^upc  les  trois  plus  beaux  brins, 
Etends-les  là, 
Etends-les  bien, 
C'est  pour  tisser  des  draps  fins, 
Des  draps  pour  ma  couchette. 

Ah  !  soleil,  soleil  joli, 
Vire,  vire,  vire,  vire, 
Ah  '.  soleil,  soleil  joli, 
Fais  sécher  mon  chénevis, 

C'est  bien  cela. 

Sec  me  voilà, 
Qui  m'aime  m'embrassera. 


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REVDE    DES  THADITIONS    rUilUlKES  o39 

Prends  en  main  ton  gai  fuseau, 

Fais  tourner  la  bobine, 
Prends  en  main  ton  gai  fuseau, 
Tiens-le  plus  bas. 
Tiens-le  plus  haut, 
C'est  pour  lisser  un  rideau 
De  blanche  mousseline. 

Ah  !  rouet,  rouet  joli 
Vire,  vire,  vire,  vire. 
Ah  !  rouet,  rouet  joli, 
Change  en  fil  mon  chêne  vis 

C'est  bien  cela, 

Fil  me  voilà, 
Qui  m'aime,  m'embrassera. 

Fais  voyager  les  anneaux 

Et  la  navette  ailée, 

Fais  voyager  les  anneaux 

De  haut  en  bas, 

De  bas  en  haut, 

C'est  pour  tisser  un  manteau 

Un  manteau  d'épousée. 

Ah  !  métier,  métier  joli, 
Vire,  vire,  vire,  vire, 
Ah  !  métier,  métier  joli, 
Mon  manteau  Tas-tu  fini  ? 

C'est  bien  cela. 

Tiens,  le  voilà. 
Ton  manteau  de  chénevis,  * 

Maintenant  prend  pour  mari. 

Prend  celui-ci. 

Prend  celui-là, 
Celui  qui  t'embrassera. 


Celte  ronde  est  chantée  par  des  fillettes  et  des  garçonnets  en 
nombre  égal 

Une  des  fillettes,  placée  au  centre,  choisit  à  chaque  couplet  — 
durant  lequel  la  ronde  mime  l'action  chantée  —  autant  d'autres 
fillettes  qu'il  y  a  d'objets  nommés  :  grains  de  chénevis,  brins  de 
chanvre,  bobine,  etc.,  à  la  fin  elle  s'entoure  de  toutes  celles  qui 
restent  et  représentent  les  anneaux.    - 

A  chaque  refrain,  la  ronde  tourne  dans  un  sens  et  chante  les 
quatre  premiers  vers,  auxquels  les  fillettes  du  centre,  tournant  dans 
l'autre  sens,  répondent  par  les  trois  derniers. 

Au  dernier  couplet,  chaque  fillette  prend  la  main  d'un  des  petits 


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oiO  BEVUE   DES  TRADITIONS  POPULAIRES 

garçons,  danse  avec  lui  et  rentre  dans  la  ronde,  qui  se  déroule  en 
coquille. 

La  fête  des  métiers  se  lernîine  par  l'hymne  traditionnel  :  A  la  Patrie, 
avec  apothéose. 

A.  Certeux. 


NÉCROLOGIE 


F.-J.  CUILD 


E  professeur  Francis-JamesChild, de  Jlar\ard  Collège, 
Université  de   Cambridge,  Etats-Unis  d'Amérique, 
vient  de  mourir  à  Tâge  de  71  ans.  Depuis  plus  d'un 
demi-siècle  dévoué  à  l'instruction  universitaire,  ses 
cours  d'anglo-saxon,  ses  leçons  sur  Chaucer,  Sha- 
kespeare et  tous  les  grands  écrivains  du  temps  d'Eli- 
sabeth ont  été  suivies  avec  enthousiasme  par  tous  les  étudiants  dési- 
reux de  bien  connaître  les  origines,  les  richesses  et  les  ressources 
de  la  langue  et  de  la  littérature  anglaises. 

En  1857  il  publia  huit  volumes  de  ballades  anglaises  et  écossaises 
(English  and  Scotch  Ballads)  avec  des  annotations  critiques  et  histo- 
riques. En  1894  parut  le  neuvième  tome  de  ce  «  magnum  opus  »  et  lo 
dixième,  contenant  le  glossaire,  avec  les  tables  des  matières  et  des 
titres,  devait  paraître  cette  année  même.  Il  a  aussi  fourni  «  Des 
observations  sur  le  langage  de  Chaucer  et  de  Gower  »  appréciations 
qui  éclairent  définitivement  des  questions  obscures.  On  lui  doit  la 
grande  édition  américaine  des  «  Bristish  Poets  »  avec  une  rédaction 
toute  spéciale  des  œuvres  d'Edmund  Spenser. 

Dans  le  monde  universitaire  de  sa  ville  natale  de  Cambridge  cet 
érudit  8*est  fait  aimer  et  respecter  par  sa  chaleur  de  cœur,  sa  no- 
blesse d'àme,  sa  haine  de  toute  corruption  et  injustice,  ses  ardentes 
sympathies,  son  dévouement  au  devoir,  ses  vives  convictions,  son 
profond  sentiment  religieux,  sa  sincérité  et  son  humour  original 
et  inépuisable.  Sa  combativité  même,  ses  préjugés,  sa  sauvagerie  ne 
servaient  qu'a  rendre  sa  conversation  plus  intéressante  et  lui-même 
plus  sympathique.  Peilrans'ùl  benefaciendo, 

Henry  Gréville. 


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BEVUE  DES    TRADITIONS    POPLXAIRES  341 


BIBLIOGRAPHIE 


Léo  Rouanet.  Chansons  populaires  de  VEspagne,  traduites  en 
regard  du  texte  original.  Paris,  A.  Charles,  18%,  in-i8  de  pp. 
XVI-265  (3  fr.  50). 

Les  chansons  héroïques  de  l'Espagne  ont  été  Tobjet  de  travaux  fort  intéres- 
sants depuis  1822,  date  de  la  publications  des  Romances  historiques,  faite  par 
Abri  Hugo  jusqu^à  ceux  de  notre  collègue  M.  le  comte  de  Puymaigre  ;  mais,  si 
Ton  en  excepte  quelques  morceaux  traduits  par  M.  Achille  Fouquier  et  le  comte 
de  Puymaigre,  on  ne  s'était  guère  occupé  des  chansons  populaires  proprement 
dites.  D'après  M.  L.  R.,  les  traducteurs  auraient  été  détournés  de  cette  t&che 
par  la  brièveté  des  chansons  espagnoles  qui,  sauf  les  trobos  qui  forment  une 
exception,  ne  comptent  qu'uue  seule  strophe,  de  sept  vers  au  plus.  L'auteur 
donne  dans  sa  préface  de  curieux  détails  sur  la  passion  des  Espagnols  pour  la 
musique  populaire,  qu*il  a  pu  observer  sur  place  dans  ses  séjours  en  Espagne. 
H  rend  pleine  justice  aux  deux  auteurs  dont  il  a  surtout  mis  les  recueils  à 
contribution,  notre  regreté  collègue  Machado  y  Alvarei  (Demofilo)  et  Francesco 
Rodriguez  Marin,  dont  la  collection  est  un  véritable  monument,  et  il  donne  la 
bibliographie  des  autres  recueils  à  consulter.  11  a  divisé  sa  traduction  suivant 
le  genre  des  pièces.  Les  Soleares  corruption  de  Soledadea,  pluriel  de  soledad, 
solitude,  sont  de  courtes  strophes,  le  plus  souvent  de  trois  et  quelquefois  de 
quatre  vers,  qui  expriment  en  général  des  idées  tristes,  et  dont  la  musique  a 
aussi  un  accent  poignant  et  douloureux.  M.  Machado  pourtant  fait  dériver  ce 
titre  du  nom  d'une  cantatrice  célèbre  dans  le  genre,  la  Soledad  (4-23).  Les 
Copias  ou  couplets  sont  des  strophes  de  quatre  vers  auxquelles  peuvent  s^adapter 
différents  rythmes  musicaux  (28-141).  Les  Se^iitdt7/0S  ou  séguedilles  se  composent 
eu  général  de  sept  vers,  les  premier,  troisième  et  sixième  de  sept  syllabes,  les 
deuxième,  quatrième  et  septième  de  cinq  syllabes.  Les  quatre  premiers  doivent 
contenir  l'idée  principale,  les  trois  derniers  ne  font  que  la  commenter  ou  la 
répéter  (146-191).  Plusieurs  strophes  se  succédant  et  unies  par  le  sens  consti- 
tuent un  trobo  ;  dans  les  chansons  espagnoles,  ce  sont  celles  qui  se  rapprochent 
le  plus  des  nôtres  ;  mais  c'est  une  des  formes  les  plus  rares  en  Espagne.  M.  R. 
nous  a  donné  la  traduction  de  34  seulement  de  ces  pièces  Ce  recueil  sera  le 
très  bien  venu  en  France,  et  il  forme  un  complément  agréable  à  lire  et  utile 
aux  publications  antérieures  sur  la  poésie  populaire  en  Espagne.  Il  aurait  été 
à  désirer  —  ceci  au  point  de  vue  purement  musical,  —  que  l'auteur  eût  donné 
quelques  spécimens  des  mélodies  espagnoles  qui  accompagnent  les  poésies  qu'il 
a  traduites.  Souhaitons  à  son  livre  une  seconde  édition,  qui  lui  permette  de 
donner  satisfaction  à  ce  désir.  P.  S. 

Fertiault  (F.).  Dictionnaire  du  langage  populaire  verduno-chalon' 
nais  (Saône-et-Loire).  Paris,  Bouillon.  In-8,  473  p.  (15  fr.). 

Notre  collègue  a,  dans  ses  longs  séjours  à  Verdun-sur-Doubs,  son  pays  nataL 
et  &  Chalon-sur-Saône,  recueilli  patiemment,  pieusement,  les  termes  populaires  et 


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5i2  REVUE    DES   TKÂDITIONS    POPULAIRES 

patois  qu'il  entendait,  et  il  nous  donne  aujourd'hui  le  résultat  de  sa  récolte 
dans  un  gros  et  intéressant  volume  où  il  a  souvent  comparé  les  formes  des 
mots  de  cet  idiome  à  ceux  des  autres  dialectes  de  la  langue  doit.  Chemin  fai- 
sant M.  F.  qui  donnait,  en  1842,  une  bonne  édition  des  Noêls  de  La  Monnoye 
et  fournissait  à  divers  recueils  dtê  articles  sur  les  coutumes  de  la  Bourgogne, 
a  noté  nombre  de  dires  pittoresques  ou  proverbiaux,  des  formuleUes  ainsi 
que  des  coutumes,  des  superstitions  et  de  curieuses  anecdotes  qui  font  que 
son  livre  se  rattache  par  plusieurs  points  aux  études  tradttionnisles,  en  même 
temps  qu'il  constitue  un  document  linguistique  d'un  incontestable  intérêt. 

P.  S. 


Abbé  MM.  Oof  se.  Au  ba$  pays  de  Limosin,  Etudes  et  tableaux, 
[llustrations  de  J .   Ravoux.  Paris,  Leroux,  in-8  de  pp.  Xn-327.' 
(6  fr.) 

Ce  livre  n'a  pas  été  écrit  pour  les  traditionnistes  ;  ils  y  trouveront  toutefois 
beaucoup  à  glaner  ;  des  centaines  de  proverbes,  et  des  détails  nombreux  et 
circonstanciéi  sur  les  diverses  phases  de  la  vie  limousine,  surtout  de  la  vie 
rustique,  que  l'auteur,  curé  d'une  paroisse  rurale,  a  vue  de  prés,  et  bien  étudiée, 
avec  une  tendance  parrois  à  l'optimisme.  Il  y  a  des  tableaux  très  réussis,  comme 
celui  de  la  veillée  à  la  campagne.  L'auteur  nous  donne  quelques  couplets  des 
chansons  qu'on  y  chante,  des  devinettes  qu'on  y  propose,  et  des  divers  jeux 
qui  y  sont  en  usage.  On  y  dit  aussi  des  contes,  souvent  d'une  nature  très 
graveleuse  ou  scatologique.  Le  patois  limousin  brave  l'honnêteté  autant  et  plus 
que  le  latin  ;  il  n  a  pas  toutefois  le  monopole  de  la  licence  ;  j'ai  entendu  en 
Haute- Bi*etagne  des  jeunes  filles  qui  se  tenaient  bien  et  des  pères  de  famille  très 
estimable  raconter  des  facéties  que  Ton  ne  peut  imprimer  que  dans  des  recueils 
spéciaux.  J'imagine  pourtant  qu'il  s'y  en  dit  dont  la  note  n'est  que  comique, 
et  que  l'auteur  aurait  pu  donner  parmi  les  autres  échantillons  de  la  littérature 
orale  de  la  veillée,  comme  en  un  autre  chapitre  il  nous  raconte  de  gracieuses 
légendes  sur  les  oiseaux.  L 'avant-dernier  chapitre  est  consacré  à  la  médecine 
des  campagnes,  et  il  nous  donne  maintes  recettes  pour  la  guérison  des  botes  et 
des  gens.  L'ouvrage,  qui  est  d'une  lecture  facile,  constitue  une  bonne  contribu- 
tion à  l'étude  de  la  vie  rustique  en  Limousin,  que  l'auteur  aime  de  tout  son 
cœur,  ce  dont  je  suis  loin  de  le  biumer  en  ma  qualité  d'originaire  d'un  pays 
dont  le  patriotisme  local  est  proverbial  ;  il  aurait  pu  toutefois  songer  que 
tous  ses  lecteurs  ne  seraient  pas  nés  au  pays  où  «  ûeurit  le  châtaignier,  n  et 
donner  la  traduction  françai9e  des  morceaux  en  patois.  Je  souhaite  au  livre 
une  nouvelle  édition  qui  permette  à  l'auteur  de  le  mettre  un  peu  plus  à 
la  portée  des  lecteurs  non-limousins.  Chemin  faisant  il  est  souvent  question 
des  costumes  et  des  ustensiles,  que  le  dessinateur  a  représentés  avec  plus  de 
bonne  foi  que  de  science  du  dessin  ;  peu  familier  avec  la  reproduction  par  la 
photogravure,  il  a  souvent  alourdi  ses  compositions  en  accumulant  les  petits 
détails,  au  détriment  parfois  de  la  ligne  et  de  l'effet. 

P.  S. 


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REVLE   DES   TRADITIONS    POPULAIRES  543 


LIVRES  REÇUS  AUX  BUREAUX  DE  LA  REVUE 


E.  S.  Hartland.  The  legend  of  Persetis,  a  study  in  story  custom 
aad  belief.  vol.  III.  Andromeda-Medusa.  Loodon,  David  Nutt, 
in-Sde  pp.  XXXVI-224.  (Grimm  Library). 

Louis  Morin.  Les  Assodations  coopératives  de  joueurs  dHnstruments 
à  Troyesau  XVIl^  siècle.  Troyes,  Nouel,  1796,  in-8  de  pp.  38. 
(Extrait  des  Mémoires  de  la  Société  archéologique  de  l*Aube.  XLIX^. 

Cf.  sur  quelques  parties  de  cette  intéressante  brochure  les  pp.  du  présent 
numéro  qui  renseigue  sur  l'engagement  des  apprenti?,  les  divers  statuts,  l'icono- 
graphie et  mt>me  le  mobilier  professionnel. 

Paul  SéblUot.  Bibliographie  des  traditions  populaires  de  la  Breta- 
gne, 1882-1894.  Paris,  Lechevalier,  1896,  in-8  de  pp.  42.  (1  fr.  50) 
(Extrait  de  la  Revue  de  Bretagne,  de  Vendée  et  d*An]ou,  t.  XII,  n.  2,  3,  4,  5). 

Ce  mémoire  est  la  suite  de  celui  paru  en  1882  dans  la  Revue  Celtique.  Après 
rénumération  sommaire  des  œuvres  principales  antérieures  à  1882,  on  trouve 
à  chaque  section  l'indication  de  quelques  ouvrages  qui  avaient  échappé  aux 
auteurs  de  la  première  bibliographie.  P.  25  un  lapsus  a  fait  attribuer  au 
premier  recueil  de  Luzel,  1870  sept  contes  alors  qu'il  n'eu  comptait  que  six. 

Giuseppe  Pitre.  La  Novella  del  conto  sbagliato.  Palerme,  in-8 

de  pp.  32. 

Essai  sur  la  légende  de  l'homme,  qui  croyant  n'avoir  qu'un  certain  temps  à 
vivre,  dissipe  ses  biens  et  est  contraint,  son  existence  s'étant  prolongée  au-delà 
de  ses  prévisions  ou  des  prédictions  qu'on  lui  a  faites,  d'implorer  la  charité  des 
passants.  G.  P.  cite  de  nombreuses  variantes  italiennes  de  ce  thème,  deux 
versions  portugaises  et  deux  françaises,  ces  dernières  de  source  littéraire. 


PERIODIQUES  ET  JOURNAUX 


Folk-Lore  Vil.  3.  —  Fairy  Taies  from  inedited  Hebrew  MSS.  of  the  Ninth 
and  Twelfth  Centuries,  M,  Gaster,  —  The  Genesis  of  a  Romance-Hero  as 
illustrated  by  the  Development  of  Taillefer  de  Léon,  F. -H.  Bourdillon.  — 
Executed  Criminals  and  Folk-Medicine,  Mabel  Peacock,  —  Easter  Day,  A, -P. 


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044  RKVUE    DES   TRADITIONS    FOPI'LAIRES 

MockUr-Ferryman.  —  Charming  for  the  Hiog^s  Evil,  A. -G,  Fulcher.  —  Easter 
Sunday  at  Mypdus,  Asia  Minor,  W.-R.  Paton.  —  A  Survival  of  Odin-worship 
ÎD  Kent,  T.'W.'E.  Biggens,  —  Notes  on  Irish  Folklore  from  Connaught,  /.  Cooke. 
—  The  Plôughoian  and  fhe  Fairies,  P. -H.  Emerson.  —  Gleft  Ashes  lor  lafaDtile 
Uernia  (with  two  plates),  E.  Sidney  Harttand.  —  Berber  Gora  Festival,  J.-B. 
Round.  —  De  vil  Dances  in  Ceylon,  J.-B.  Andrews.  —  Personal  Expériences  in 
Witchcraft,  Alex.  Jf.  Mcaldowie.  —  Norlh  Indian  Notes  and  Queries,  Vol.  V., 
7-9,  W.  a.  D.  B. 

Revue  des  Traditions  populaires  du  Poitou,  organe  de  la  société  du 
costume  poitevin  (Niort)  n.  1  juin.  Statuts  de  la  société,  —  Simples  considérations, 
Gustave  Boucher.  —  Rapport  du  conservateur  du  musée  sur  les  coiffes  poitevines, 
etc.  B.  Gelin. 


NOTES  ET  ENQUÊTES 


,*.  Nominations  et  distinctions,  —  Nous  apprenons  tfvec  le  plus  grand  plaisir 
que  notre  collègue,  M.  Félix  Frank,  a  été  nommé  chevalier  de  la  Légion 
d'honneur. 

,%  Les  gens  mariés^  En  parlant  des  gens  mariés,  on  dit,  à  Mons  :  «  Leur  char- 
retée est  vendue.  »  Cela  signifie  :  ils  ont  leur  affaire,  ils  n'ont  pas  besoin  de  se 
tourmenter  pour  la  trouver.  Cette  expression  ne  s'emploie  guère  qu*en  parlant 
de  gens  mariés. 

(Comm.  de  M.  Alfred  Harou). 

,%  Formulette  du  chien.  —  En  Auxois,  en  lui  Jetant  un  morceau  de  pain,  on 
lui  dit  :  Attention  !  —  Bon  pain  —  Bon  chien.  —  Attrappe  bien. 

(Comm.  de  M.  H.  Marlot). 


REPONSES 


/,  Us  bélemnites  (cf.  t.  VIII,  p.  304,  576,  624,  t.  IX,  p.  172).  Les  bélemnites, 
outre  le  nom  de  fuseaux  de  la  bonne  sainte  Beine^  sont  encore  appelées  par  les 
paysans  de  l'Auxois  «  chandelles  du  diable,  doigt  du  diable,  pierres  du  tonnerre, 
et  tue-chevaux  »,  la  pointe  de  la  bélemnite  étant  regardée  comme  un  dard  lancé 
par  la  foudre.  (Notes  de  M.  Ch.  Nodot,  pharmacien  à  Seniur,  vers  1840). 

Dans  le  Bazols  et  le  Haut-Morvan,  les  bélemnites  apportées  des  terrains  liassi- 
ques  sont  dénommées  fuseaux  de  Saint-Antoine  et  sont  comme  spécifique» 
appliquées  sur  les  yeux  malades  pour  les  guérir. 

(Comm.  de  M.  H.  Marlot). 

,\  Peler  le  ventre.  (V.  t.  IX,  p.  71).  On  ajoute  dans  certaines  localités  de  la 
Belgique,  avec  un  couteau  de  bois. 

L*expression  devient  donc  :  «  Vous  me  pelez  le  ventre  avec  un  couteau  de 
bois  »• 

(Comm.  de  M.  Alfred  Harou). 

Le  Gérant,  A.  CERTEUX 

Baugé  {Maine-et-Loire).  —  Imprimerie  Daloux, 


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REVUE 

DES 

TRADITIONS  POPULAIRES 

11«  Année.  —  Tome  XI.  —  N*  11.  —  Novembre  1896. 


NIEDRISCHU  WIDEWUTS^ 

Epopée  latavienne  en  J^4  chants 

(soitb) 


VIP  CHANT 


N  pleine  mer   Widewut  entend  chanter 
une  voix  douce.  Irrésistiblement  il  est 
attiré  dans  les  profondeurs  de  la  mer 
d'où  partent  les  sons  enchanteurs. C'était 
Nièce  *   qui  attirait  ainsi   les   hommes 
dans  les  profondeurs  et  les  faisait  périr 
dans  les  flots.  Son  frère  Nieks  faisait  la 
même  chose  avec  les  femmes.  Ils  agis- 
saient ainsi  par  un   sentiment  de  ven- 
geance,  car  les  deux   fils  d'Antinivars 
assaillirent  un  jour,  avec  les  hommes  du  village,  leur  père  Zalktis^  le 
roi  de  la  mer,  au  moment  où  celui-ci  accompagnait  sa  femme,  fille 
de  Dzirciems,  qui  allait  voir  son  père  dans  le  village,  au  bord  de  la 
mer.  Un  combat  terrible  s'était  engagé  et  Zalktis,  privé,  hors  des 
eaux,  de  ses  meilleures  forces,  fut  serré  de  près  par  les  fils  d'An- 
tinwars  qui  étaient  forts  comme  des  ours  noirs.  Pour  échapper  aux 
mains  de  ses  ennemis,  Zalklis  se  jeta  dans  le  bûcher,  allumé  au  bord 
de  la  forêt  de  pins;  au  même  moment  sa  femme  se  transforma  en  un 
sapin  ;  encore  aujourd'hui  elle  cherche  son  mari  en  chuchotant. 
Voilà  pourquoi  Nieks  et  Nièce  devinrent  juhras  laumas  (l.  yoùrasse 
laoumasse  =  fées  de  la  mer)  et  cherchent  à  faire  périr  le  genre 
humain  dans  les  flots  froids  de  la  mer  incommensurable. 

i.  L.  Niedrischou  Widewouts.  Mitau,  1891,  381  pagep. 
2.  L.  Niëtzé. 

TOHB  XI.  —  NOVBIIBRB  1896.  3o 


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Si6  REVCE    DES  TRADITIONS   POPULAIRES 

Mais  Nièce  ne  réussit  pas  à  faire  périr  le  héros  et  jaaleawBt  elfe 
eu  conclut  qu'il  oe  pouvait  être  autre  que  WHewnt^  le  fils  du 
courageux  Radagaïsu  Stipraîs  et  de  sa  femme  Gtedina^.  Elle  ne  veut 
pas  le  laisser  partir  et  lui  pose  nombre  d'énigmes  que  Widewut 
résout  avec  facilité.  Niece^  voyant  la  mauvaise  réussite  de  ses  efforts 
pour  retenir  le  héros,  jure  d'en  tirer  vengeance  et  fait  soulever  par 
Bangputis  des  vagues  terribles  qui  l'emportent  à  la  côte  du  roi- 
sorcier,  à,  travers  un  serpent  noir,  moulant,  au  milieu  de  la  mer,  de 
la  farine  sur  une  pierre. 

VIII"  CHANT 

Ainsi  Widewut  arrive  dans  un  pays  plein  de  sorcellerie  et  de  cho- 
ses ensorcelées.  Le  roi  de  ce  pays  est  un  grand  tyran  et  un  sorcier. 
Il  a  trois  filles  qui^  chaque  nuit,  usent  ses  souliers.  Le  roi  ne  parve- 
nant pas  à  en  découvrir  la  cause,  charge  Widewut  de  la  surveillance. 
S'il  ne  parvenait  pas  à  lui  dévoiler  le  secret,  sa  tête  devait  tomber 
comme  celle  de  beaucoup  de  ceux  qui  l'avaient  précédé. 

Mais  voilà  que  Widewut  rencontre  le  petit  vieil  homme  qu'il  avait 
hospitalièrement' accueilli  dans  sa  maison  aux  bords  de  la  Hùr/a 
(Yistule)  et  qui  lui  avait  donné  une  bague  qui  l'avait  préservé  de 
beaucoup  de  malheurs.  Le  vieux  enseigna  à  Wideivut  comment  il 
parviendrait  à  dévoiler  le  secret  des  ûlles  du  roi.  En  quittant  ce  pays 
ensorcelé  trois  bonheurs  devaient  se  présenter  à  Widewut,  mais  il 
n'en  fallait  prendre  aucun  ;  il  gagnerait  alors  un  quatrième  bonheur 
dont  il  faudrait  profiter. 

Wideivut  agit  conformément  aux  conseils  du  vieillard,  et  parvient 
en  effet  à  savoir  que  les  trois  filles  du  roi  s'en  allaient  chaque  nuit 
danser  dans  un  palais  en  diamants  avec  trois  jeunes  gens  aux  tètes 
cornues. 

Mais  le  despote  ne  s'en  contente  pas.  Il  envoie  Widewut  à  Ruojoa  ^ 
atwars  (le  gouffre  de  Rouoya)  chercher  le  coffre  d'argent  qui  y  est 
gardé  par  un  Puhkis  (l.  Poùkisse).  dragon  à  trois  tètes. 

mdewut  sort  de  nouveau  vainqueur  et  apporte  au  roi  le  dragon 
avec  le  trésor.  Enfin  le  roi-sorcier  laisse  partir  Wideivut. 

Mais  voilà  qu'en  route  il  se  heurte  partout  aux  barres  d'argent 
dont  est  parsemé  le  chemin.  Il  se  rappela  le  conseil  du  vieillard 
concernant  les  trois  bonheurs  et  n'y  toucha  pas.  Plus  loin  il  vit  sur 
la  route  des  pièces  d'or,  il  n'y  fît  pas  plus  d'attention.  Bientôt  après, 
toute  la  route  était  parsemée  de  diamants.  —  Widewut  n'avait  pour 

i.  L.  GuiëdiDa. 
2.  L.  Rouoyasse. 


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REVC£   DfiS  TRADITIONS  POPULAIRES  547 

ces  derniers  qu'un  regard  dédaigneux  et  poursuivait  tranquillement 
son  chemin.  En  se  retournant  il  voit  monter,  en  forme  de  cheval 
noir,  des  nuages  menaçants.  Au  môme  moment  le  pays  ensorcelé  fut 
inondé.  Les  eaux  approchaient  avec  des  roulements  et  fracas  sinis- 
tres ;  alors,  résolument,  Widetvut  enfonça  dans  la  teire  un  bâton  de 
sorbier  —  les  eaux  s'y  arrêtèrent  et  formèrent  désormais  le  lac  de 
Tasmare. 

Mais  le  bâton  de  sorbier  devint  un  arbre  à  neuf  tiges  sous  lequel 
on  apportait  des  offrandes  aux  dieux. 

IX'  CHANT 

Un  jour,  à  la  pèche,  Widewut  prend  un  poisson  d'or  qui  le 
supplie  de  ne  pas  le  tuer  ;  en  récompense  il  lui  donnerait  Télixir  du 
roi  des  poissons  pour  comprendre  la  langue  des  oiseaux. 

Wideumt  accepte  Toffre  et,  après  avoir  bu  de  Télixir  merveilleux, 
il  continue  son  chemin  le  long  de  la  mer.  Un  navire  qui  aborde  à  la 
côte,  accueille  Widewut.  Bangpùtis^  reconnaissant  envers  Widewut 
qui  lui  a  rendu  son  poisson  d'or,  cesse  de  le  poursuivre  et  s'en  va  de 
l'autre  côté  de  la  mer,  voir  les  filles  de  Zemes-mahie  *  (mère  de  la 
terre). 

De  l'autre  côté  de  la  mer,  dans  les  profondeurs  de  la  terre,  tout  est 
comme  chez  nous.  Quand  le  soleil  se  couche  sur  la  terre,  il  se  lève 
soui  elle.  Quand  il  fait  jour  chez  nous,  il  fait  nuit  sous  la  terre.  Seul 
Pèrkons  n'y  est  pas.  C'est  Vùpis  (l.Youpice)  qui  règne  sous  la  terre. 
De  sa  liaison  avec  Zemes-mahie  naqdirent  deux  filles  —  Rassina  (la 
rosée)  et  Liésmina  (la  flamme). 

Ce  que  Liésmina  brûlait,  Rassina  le  rafraîchissait. 

Liésmina  donna  du  feu  à  Debesskalis  (forgeron  du  ciel)  pour  qu'il 
puisse  forger  des  sabres  et  des  massues. 

Rassina  arrosait  les  flews  et  toutes  les  plantes.  Bangpùtis  devint 
amoureux  d'elle.  Les  vagues  cessèrent,  la  mer  se  calma  quand  il 
était  chez  sa  bien-aimée  —  c'était  alors  qu'il  faisait  bon  naviguer. 

Le  navire  qui  avait  accueilli  Hideivut  appartenait  au  prince 
Zemgalien  Meschuotnis^  qui,  avec  sa  fiancée,  était  parti  en  route 
pour  son  pays  Zemgalie.  Sa  bien-aimée  était  orpheline.  Sa  mère  ne 
lui  avait  laissé  qu'une  vache  bigarrée.  Restée  seule  elle  devait  faire 
paitre  le  troupeau  d'une  sorcière  ;  puis  on  lui  donnait  tanl  à  filer 
qu'elle  ne  savait  comment  en  venir  à  bout.  Alors  c'était  sa  vache  qui 
lui  faisait  ce  travail,  en  recevant  ce  qu'il  y  avait  à  filer  par  l'oreille 

1.  L.  Zemesse  maté. 

2.  L.  Mejouutnisse. 


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348  RKVUE   DES  TRADITIONS  POPULAIRES 

gauche  el  rendant  un  fil  très  mince  par  l'oreille  droite.  Mais  la  sor- 
cière surprit  le  secret  à  Taidc  de  sa  fille  Trihs-acé^  (trois  yeux),  qui 
avait  un  troisième  œil  sur  le  derrière  de  la  tête,  et  elle  résolut  de  tuer 
la  vache  bigarrée.  Alors  celle-ci  recommanda  k  la  jeune  fille  d'ôter 
de  son  intérieur.deux  diamants  qm  y  étaient  cachés  et  de  les  planter 
à  côté  de  la  porte  de  la  maison  —  c'est  de  là  que  lui  viendrait  son 
bonheur  d'orpheline. 

En  effet,  au  troisième  jour  on  vit  à  la  porte  un  pommier  magni- 
fique aux  pommes  d'or,  tandis  que  le  puits  était  plein  du  meilleur 
vin.  Le  même  jour  arrivèrent  des  jeunes  gens  de  haute  naissance 
dans  une  voiture  brillante,  attelée  de  chevaux  bruns  et  ils  demandè- 
rent des  pommes  d'or  et  du  vin. 

La  sorcière  envoya  ses  filles  en  offirir  aux  hôtes.  Mais  le  pommier 
s'élera  en  Tair,  le  puits  s'en  alla  sous  la  terre  aussitôt  qu'elles  s'en 
approchèrent. 

La  sorcière  dut  faire  sortir  la  belle  orpheline  du  poêle,  où  elle 
avait  été  enfermée.  Aussitôt  le  pommier  et  le  puits  se  mirent  à  sa 
disposition  ;  elle  en  offrit  aux  nobles  hôtes  qui  la  firent  monter  dans 
leur  voiture  et  l'enlevèrent  à  la  sorcière  ;  le  pommier  et  le  puits  de 
vin  les  suivirent. 

Ce  ravisseur  n'était  autre  que  Meschuolnis^  le  prince  zemgalien^ 
avec  ses  compagnons.  C'étaient  eux  qui  avaient  accueilli  Widewut. 

En  pleine  mer  un  grand  oiseau  s'assit  sur  le  navire  et  prédit 
qu'arrivés  dans  leur  pays  une  sorcière  à  trois  tôtes  tuerait  la 
première  nuit  même  le  jeune  couple  ;  mais  celui  qui  entendrait 
cette  prédiction  et  en  parlerait  seVait  immédiatement  transformé  en 
pierre  jusqu'aux  genoux. 

Après  quelque  temps  vint  un  autre  grand  oiseau  prédisant 
qu'arrivés  chez  eux  un  lièvre  courrait  dans  le  jardin,  ce  serait  le 
frère  de  Meschuotnis  ;  le  père  lui-même  tuerait  le  lièvre,  son  propre 
fils  ;  mais  celui  qui  en  parlerait  deviendrait  à  moitié  en  pierre. 

Après  un  certain  temps  vint  un  oiseau  plus  énorme  encore, 
renversant  presque  le  bateau  ;  il  prédit  qu'une  sorcière  à  neuf  têtes 
viendrait  la  deuxième  nuit  et  tuerait  le  jeune  couple  ;  mais  celui  qui 
entendrait  ceci  et  en  parlerait,  serait  transformé  en  pierre. 

Widewut  comprit  tout  ce  que  ces  oiseaux  racontaient. 

Le  navire  ayant  touché  un  bas-fond  près  d'une  île,  on  alla  voir  la 
côte. 

Les  voyageurs  arrivèrent  dans  la  maison  d'un  géant  plus  terrible 
encore  que  KentU,  En  un  instant  il  avait  avalé  un  des  marins, 

i.  L.  Trice-atzé. 


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REVUE  DBS  TBADrnONB  POPULAIRES  549 

après  quoi  il  se  mit  à  dormir  en  barrant  la  porte  de  son  corps,  se 
réseryanl  ainsi  les  autres  pour  les  manger  plus  tard. 

Son  ronflement  était  pareil  à  un  ouragan  soulevé  par  une  tem- 
pête boréale.  Aucun  moyen  de  sortir.  Ënfm  Widewut  trouva  dans 
un  coin  une  bâche  énorme  du  géant.  Personne  ne  put  la  soulever. 
Mais  Widewut  la  brandit  avec  facilité  et  d'un  coup  terriWe  il  trancha 
la  tète  du  géant.  Ainsi  délivré  on  rentra  sur  le  bateau  et  s'embarqua. 

Toute  une  troupe  de  géants  les  poursuivit,  soulevant  des  vagues 
énormes  en  se  jetant  à  la  mer  après  le  navire.  C'est  avec  peine  que 
les  voyageurs  échappèrent  au  péril.  Le  bateau  marchait  maintenant 
bien,  car  ^an^/)ù/?>,  absorbé  dans  ses  amours  avec  ^amna,  n'iaquié- 
tait  pas  les  eaux. 

Pendant  que  Mesckuotnis  était  dans  l'île,  Meks,  le  frère  de  Nièce 
(l.  Nietzé)  s'était  eflForcé  par  son  chant  d'attirer  la  fiancée  du  roi 
zemgalien  dans  les  profondeurs  de  la  mer.  Heureusement  Laîmina 
(Laïma  ou  Laïmîna  —  déesse  du  bonbeur)  l'en  préserva.  Les  servan- 
tes de  Jukras-mahie  (mère  de  la  mer)  Taidèrent. 

Sains  et  saufs  ils  arrivèrent  dans  le  port  zemgalien,  au  pays  des 
magiciens,  au  chAteau  de  la  lumière  d'or.  Le  pommier  et  le  puits  de 
vin  s'arrêtèrent  devant  la  porte  du  château. 

Au  moment  de  l'arrivée  des  voyageurs,  un  lièvre  courut  dans  le 
jardin.  Le  vieux  roi  zemgalien  voulut  tirer  sur  lui  son  arc.  mais 
Widewut  l'empêcha  d'accomplir  son  dessein  en  lui  criant  de  ne  pas 
tuer  son  propre  fils.  Aussitôt  les  pieds  de  Widewut  se  transformè- 
rent en  pierre. 

On  fêta  royalement  les  noces  du  prince  zemgalien  Meschuotnis  avec 
l'orpheline.  La  première  nuit  Widewut  se  cacha  dans  la  chambre  à 
coucher  du  jeune  couple. 

'  Aussitôt  les  jeunes  gens  endormis,  un  Puhkis  (dragon)  à  trois 
têtes  de  feu  vint  par  la  fenêtre.  Widewut  saisit  son  sabre  et  trancha 
les  trois  têtes  avec  une  telle  force  que  le  feu  jaillit  de  tous  les 
côtés.  Le  lendemain  on  s'étonna  beaucoup  de  trouver  la  chambre 
ensanglantée. 

La  deuxième  nuit  Widewut  prit  les  trois  sabres  les  plus  tran- 
chants du  roi  zemgalien  et  se  cacha  de  nouveau  dans  la  chambre 
nuptiale. 

Soudain  toute  la  chambre  se  remplit  de  feu.  Un  Puhkis  à  neuf 
têtes,  vomissant  du  feu,  entra  par  la  fenêtre.  Widewut  se  mit  coura- 
geusement à  la  besogne  sanglante  :  les  têtes  tombaient  l'une  après 
l'autre,  le  feu  jaillissait  terriblement,  les  trois  sabres  s'étaient  tous 
cassés  ;  enfin  de  son  propre  sabre  Wideivut  fit  tomber  la  neuvième 
tête. 


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550  REVUE  DBS  TRADITIONS  POPULAIRES 

Le  lendemain  on  fit  des  recherches  pour  découvrir  d'où  venait  te 
sang  dont  était  éclaboussée  toute  la  chambre.  On  sut  enfin  que 
Widewui  en  était  la  cause.  En  racontant,  sur  les  instances  du  roi  et 
de  sa  cour,  ce  qu'il  avait  entendu  des  grands  oiseaux  et  comment  il 
avait  sauvé  la  vie  au  jeune  couple,  Widewut  tomba  soudain  par 
terre,  devenu  une  masse  glaciale  de  pierre. 

Le  deuil  était  maintenant  grand  au  palais  zemgalien.  Seul  hurmis  * 
(la  taupe),  un  des  proches  du  roi  s'en  réjouissait,  car  il  avait  remar- 
qué TafTection  que  portait  à  Widewut  la  belle  Skatsiite,  Tunique  fille 
du  roi  zemgalien,  sœur  du  prince  Meschuolnis,  Elle  était  affligée  par 
dessus  toute  mesure  du  triste  sort  de  Widewut, 

Mais  la  pierre,  en  laquelle  il  fut  transformé,  fut  déposée  à  Tendroit 
le  plus  joli  du  jardin,  près  d'une  source  d'argent,  ombragée  de 
chênes  et  de  fleurs. 

X*   CHANT 

Au  bout  d'un  an  l'épouse  bien-aimée  du  jeune  roi  zemgalien  J/e«- 
chnotnis  *  lui  donna  des  jumeaux  —  deux  fils,  à  qui  on  donna  le  nom 
Mufuc  ^  et  Mèmele.  Ils  grandirent,  à  la  grande  joie  du  père  et  de  la 
mère.  Mais  voilà  que  trois  nuits  de  suite  Wideumt  se  montra  au 
jeune  roi  en  lui  disant  :  «  Je  deviendrai  vivant  si  tu  tues  tes  fils  ». 

Le  roi  et  la  reine,  trop  désireux  de  rendre  la  vie  à  leur  sauveur 
devenu  pierre  à  cause  d'eux,  résolurent  après  beaucoup  de  pleurs, 
de  tuer  leurs  fils  chéris.  Le  père  lui-même,  leur  trancha  la  tête  avec 
son  sabre.  Au  môme  moment  la  pierre  et  le  corps  des  eufanls  se 
transformèrent  en  un  grand  fleuve  que  l'on  appela  Lielupe,  avec 
deux  confluents  Muhse  et  Mèmele, 

Et  voilà  que  dans  l'après-midi  arriva  un  beau  cavalier,  accompa- 
gné de  deux  jeunes  gens,  tous  vêtus  en  or,  ornés  de  diamants  — 
c'était   Widewut   avec  les  deux  fils  du  roi  et  de  la  reine  zemgaliens. 

La  joie  en  fut  grande  ;  on  fêta  splendidement  Theureux  événement. 
Le  roi  offrit  à  Widewut  la  moitié  de  son  royaume  de  Zemgalie  ;  en 
outre  il  avait  en  vue  de  lui  donner  pour  femme  sa  sœur,  la  belle 
princesse  Skatstité^  fille  unique  du  roi  de  Zemgalie  et  de  la  reine 
Zwaïgznité. 

Zwaïgznité  était  la  fille  du  roi  d'Augschgaie  *  dont  la  résidence  était 
au  château  de  Sehlpils.  Et  voilà  comment  elle  était  devenue  la  femme 
du  roi  Zemgalis:  son  père,  le  roi  de  Sehlpils,  après  la  perte  de  sabelle 

1.  L.  Kourmisse. 
â.  L.  Mejouotntsse. 

3.  L.  Moùcé. 

4.  L.  Aougschgalé. 


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REVUB    DBS  TRADITIONS  POPULATBBS  0;)1 

femme,  ne  pouvant  trouver  une  autre  femme  aussi  jolie,  résolut 
d'épouser  sa  propre  fille  qui  était  belle  comkne  sa  mère.  Pour  éviter 
ce  mariage  celle-ci  se  fit  faire  cadeau  d'une  simple  pelisse,  d'un 
vêtement  d'argent,  d'une  bague  en  diamants  et  de  souliers  d'or. 

La  veille  des  noces,  sur  le  conseil  d'une  vieille  femme,  elle  s'en- 
fuit de  la  maison  paternelle. 

Après  plusieurs  aventures  elle  rencontra  dans  une  forêt,  un  vieil- 
lard qui,  par  compassion,  lui  donna  un  bâton  et  une  noix.  En  frap- 
pant avec  le  bâton  on  pouvait  tout  avoir  ;  en  ouvrant  la  noix  on  y 
trouvait  trois  vêtements  différents  :  vêtements  des  astres,  de  la  lune 
et  du  soleil. 

Le  soir  venu  la  princesse,  enveloppée  dans  sa  pelisse,  se  glissa 
dans  un  grand  arbre  pour  dormir.  Mais  voilà  que  deux  rois  qui 
étaient  à  la  chasse,  la  découvrirent.  L'un  d'eux  la  prit  pour  sa  ser- 
vante et  pour  femme  ensuite.  C'était  le  roi  de  Zemgalie  lui-même. 
De  leur  union  étaient  issus  deux  fils,  Meschuotms  elJaunutis  (1.  Yaou- 
noulisse)  et  une  fille  Skaïstitt^^  le  plus  beau  présent  de  Dehkla, 
Kahrla  et  Laima  *  relevèrent  heureusement  à  la  montagne,  quoique 
launadiena  fie  mauvais  jour)  s'efforçait  de  la  perdre. 

Kurmis^  le  compagnon  des  jeunes  princes  Meschuotnis  et  Jaunu- 
lis  devint  amoureux  de  Skaïstité  qui  le  détestait.  A  la  première  vue 
de  Wideiruty  arrivé  avec  son  frère  Meschuotnis ^  elle  s'éprit  d'amour 
pour  lui.  Son  chant,  plein  d'une  tristesse  touchante,  se  fit  entendre 
quand  Widewut,  son  bien-aimé  fut  transformé  en  pierre. 

Le  matin  des  noces  de  son  frère  MeschuotniSy  ne  sachant  rien 
encore  de  ce  qui  arriverait^  Skaïstité,  attiré  par  le  bleu  azuré  d'un 
ciel  doux  et  ensoleillé,  sortit  dans  le  jardin  et  y  s'assit  en  proie  à  de 
tristes  méditations.  Le  joli  chant  d'un  petit  oiseau  la  réveilla  de  ses 
rêveries.  Elle  descendit  au  bord  du  ruisseau  pour  voir  le  petit  chan- 
teur ;  mais  celui-ci  s'éloignait,  en  le  suivant  Skaïstité  s'égara  dans 
la  forêt.  Elle  y  fut  surprise  par  un  terrible  ouragan  ;  les  éclairs  par- 
taient de  tous  les  c<Hés.  Skaïstité  se  sduva  dans  une  chaumière,  mais 
WiesiUis  (1.  Wiessoulisse)  (le  tourbillon),  le  fils  de  Wehja-mahte 
(mère  des  vents)  l'emporta  dans  un  pays  inconnu. 

Avec  la  disparition  de  Skaïstité,  le  deuil  entra  au  château  du  roi 
zemgalien.  Le  peuple  tout  entier  était  profondément  affligé.  Les 
feuilles  des  arbres  pâlirent,  les  fleurs  se  courbèrent  et  se  flétrirent 
les  ruisseaux  pleurèrent,  les  oiseaux  devinrent  silencieux  et  SauU 
(1.  Saoulé  =  le  soleil)  elle-même  se  couvrit  de  nuages,  car  Skaïstité^ 
le  bijou  zemgalien,  était  emportée  par  Nelabats  (le  mauvais)  ou  Tiws 

1.  Déesses  du  sort. 


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Soâ  RGVU£    De&  TAADltlONS   POPULAIRES 

{ideotique  avec  Typhon)  dsûs  Tautre  moade,  ddns  Likienabedre  (le 
gouffre  du  sort). 

Le  roi  zemgaiien  promit  la  belle  SkaUiiié  pour  femme  à  celui  qui 
la  ramènerait. 

mdewut^  comprenant  que  ce  devait  être  le  quatrième  bonheur, 
fit  son  offrande  aux  dieux  et  se  mit  immédiatement  en  route  à  la 
recherche  de  la  belle  princesse,  accompagné  des  trois  hommes 
zemgaliensles  plus  forts  :  Kyrmis,  Uogiunesefi  (1.  Ouoglounesseys)  et 
Simtpuhrusehjejs  (l.  Simtpoùrouceyeys),  pendant  que  ZveUgzniteleixT 
invoquait  la  protection  de  Celamahie  (1.  Tzelyamàlé  =  protectrice 
des  voyageurs). 

XI"  CIUNT 

Une  série  de  dangers  commence  pour  Widewul^  et  il  a  besoin  de 
tout  son  héroïsme,  de  toute  sa  vigilance. 

Après  une  marche  assez  longue,  il  arrive  avec  ses  compagnons  à 
un  vieux  château,  situé  dans  une  grande  forêt.  Dans  la  cour  de  ce 
château  il  y  avait  beaucoup  de  bœufs,  mais  on  ne  voyait  pas  une 
seule  âme  d'homme. 

Widewut  s'en  alla  avec  deux  de  ses  compagnons  dans  la  forêt  à  la 
recherche  de  la  princesse,  laissant  Uoglunesejs  au  château,  avec 
ordre  d'abattre  un  bœuf  et  d'en  préparer  un  repas  pour  leur  retour. 

Mais  à  peine  Uoglunespjs  avait-il  préparé  le  manger  que  de  la 
terre  sortit  un  nain-mendiant,  à  la  barbe  longue  et  blanche,  et,  il 
se  transforma  en  homme  de  grande  force,  et  commença  à  battre 
Uogtuneêejs  qui  tomba  presque  mort.  Après  avoir  avalé  le  repas,  le 
mendiant  disparut. 

Widewut  arrive  avec  ses  compagnons  et  est  fort  mécontent  de  ne 
rien  trouver  à  manger.  Uoglunesejs  prétendit  qu'il  était  subitement 
tombé  malade,  se  gardant  de  dire  ce  qui  s'était  passé. 

Le  deuxième  et  le  troisième  jour  la  même  chose  se  répéta  avec 
Simipuhrusehjejs  et  Kurmis, 

Ceci  parut  très  suspect  à  Widewut,  aussi  resta-t-il  le  quatrième 
jour  lui-même  au  château,  envoyant  ses  compagnons  seuls  à  la 
recherche  de  Skaïstité 

Après  avoir  abattu  un  bœuf  et  en  avoir  préparé  le  repas,  Widewut 
se  trouva  tout-à-coup  en  face  du  même  filou-mendiant  qui  voulut 
recommencer  avec  lui  la  même  manœuvre.  Mais  mal  lui  en  prit.  H 
fut  tout  d'abord  impitoyablement  rossé,  sa  barbe  fut  enfoncée  dans 
un  bloc  de  bois.  Widewut  sortit  et  quand  il  rentra,  le  vieux  mendiant 
avait  disparu,  laissant  sa  barbe  blanche  dans  le  bloc.  Widewut  \r 
garda  et  attendit  ses  compagnons  ;  mais  ce  fut  en  vain,  ils  ne  vinrent 
pas.  Alors  Widewut  se  mit  à  la  recherche  des  égarés. 


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R£VUS  DES  TfiÀDlTIONS  P0ri;4.AtRBS  553 

Dans  uii  bosquet,  sur  uue  pelit^e  moaiia^e,  était  un  énarine  yI^ux 
chèoe  donile  tronc  était  tout  creux.  C'était  là  la  demeure  dun 
diévredzisy  un  prophète-magicien. 

Le  soleil,  au  soir,  montait  déjà  dans  son  canot  d'or^  au  milieu  de 
la  mer,  quand  arriva  Widewut  chez  le  vieil  astrologue. 

Entre  temps  ses  compagnons,  poursuivant  une  biche,  s'égarèrent 
et  furent  transformés  eu  pierres  bleues  par  une  sorcière. 

Sur  la  demande  de  Widewut  le  sage  lui  dit  que  Skaïstité  avait  été 
enlevée  par  Nelabaïs  (le  Mauvais)  qui  habite  Liklenabedre  [la  fosse 
(gouffre)  du  sort].  Pèrkons  le  poursuit  aussitôt  qu'il  se  montre  sur 
terre.  Mais  quand  le  dieu  des  tonnerres  s'en  va  à  travers  la  mer  se 
chercher  une  épouse,  yelabais^  s'élevant  dans  Tair,  pareil  au  Puhkis 
(dragon),  emporte  chaque  année  une  àme  de  la  terre.  Si  on  la  lui 
refusait,  toutes  (es  eaux  dans  la  terre  dessécheraient.  Cette  fois 
c*était  la  belle  Skaïstité  qu'il  avait  emportée  ;  autrement  il  aurait 
entraîné  dans  la  terre  tout  le  château  zemgalien.  Quoique  Pèrkons 
lança  ses  foudres  après  Nelabaïs,  celui-ci  ne  fut  pas  atteint,  car 
elles  ne  se  croisèrent  pas.  —  Debesskalis  avait  forgé  une  massue 
dont  les  éclairs  ne  se  croisaient  pas,  par  vengeance  d'avoir  été 
séparé  par  Pèrkons  de  sa  lihgawa  (fiancée)  Liesmina  (la  flamme), 
fille  du  soleil. 

€  Pour  sauver  Skaïstité  »,  dit  le  mage,  x  il  faut  vaincre  Nelabaïs^ 
mais  avant  d  engager  la  lutte  avec  ses  géants^  il  faut  vaincre  le  roi 
des  serpents  qui  habite  les  gouffres  du  grand  Dzenu  purws  (1.  Dzenyou 
pourvce,  marais  des  piverts).  Le  roi  des  serpents  est  très  âgé,  il  est 
tout  noir,  couvert  de  mousse  et  d'herbe,  avec  trois  lignes  de  feu  au 
dos,  une  couronne  d'or  ornée  de  diamants  et  d'autres  pierres  précieu- 
ses, sur  la  tête!  La  crête  de  la  couronne  fera  de  celui  qui  en 
goûtera  le  premier,  Ihomme  le  plus  intelligent  qui  saura  tout  ce 
qui  se  passe  sur  la  terre.  Celui  qui  la  mettra  en  sa  possession,  ne 
mourra  jamais  ;  il  pourra  en  outre  trouver  Nekté  qui  connaît  la 
demeure  de  Skaïstitf^,  Cette  couronne  de  serpent  vaut  plus  que  tout 
un  royaume.  Le  roi  des  serpents  ne  se  montre  qu'une  fois  tous  les 
cent  ans.  A  maintes  reprises  on  avait  déjà  tenté  de  lui  enlever  la 
couronne,  personne  n'était  encore  revenu  vivant.  L'entreprise  est 
d'autant  plus  périlleuse  et  diilicile  que  le  roi  des  serpents  ne  s'en- 
dort que  pendant  une  minute,  il  faui  profiter  de  ce  court  instant 
pour  enlever  la  couronne.  Dans  Liktena  bedré  le  roi  des  serpents 
avec  les  géants  gardent  5to.v^i/<?.  On  ne  peut  les  vaincre  que  sépa- 
rément. Et  quand  lu  auras  sauvé  Ska:ist?té,  quand  tu  rentreras  dans 
ta  patrie,  au  château  du  soleil,  n'oublie  pas,  mon  fîls,  d'y  planter 
ton  chêne  et  de  donner  tes  offrandes  aux  dieux  qfM  irègn.ent  à  la 


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554  REVUE  DES  TRADITIONS  POPULAIRES 

montagoe  des  deux  ;  honore  ce  chéoe  qui  m'abrite,  quand  Welu- 
mahmina  m*aura  éteint  le  feu  de  la  vie  ».  Ceci  dit,  diévredzis 
disparut. 

(A  suivre).  H.  Wissendorff  de  Wissukuok. 


»«MW««^W^>W»WWWW^M»»WWMWW» 


LA  DISCORDE  ET  LE  VENT 


ÏV 

LA  LÉGENDE  DE  LA  CATHÉDRALE  DE  STRASBOURG 


t  fouette  la  figure.  Le  fait  a  son  analogue  devant  tous  les 
édiQces  élevés  et  isolés  ;  il  n*en  reste  pas  moins  qu'un  souffle 
aussi  violent  s'observe  rarement.  Cette  circonstance  a  donné  lieu  à 
la  légende  suivante  qu'une  vieille  femme  raconta  jadis  à  un 
journaliste. 

Satan  s'ennuyanl  dans  le  marais  des  enfers  fit  ve«ir  un  Vent  du 
Harz  pour  s'en  servir  comme  de  cheval  et  voir  du  pays.  S'étant 
abattu  sur  le  Lottelfelsen  dans  les  Vosges,  il  aperçut  dans  le  lointain 
la  flèche  de  la  cathédrale.  Poussé  par  la  curiosité,  il  lira  vers 
Strasbourg,  descendit  de  sa  monture  et  entra  dans  la  nef 
majestueuse. 

Tandis  qu'il  faisait  attendre  le  Vent  sur  la  place,  il  visita  les 
curiosités  de  la  cathédrale,  le  Roraffe,  c'est-à-dire  une  figure  grima- 
çante placée  au  bas  des  orgues  et  mise  en  jeu  par  le  mécanisme  de 
rinstrument,  la  chaire,  enfin  sa  propre  image.  Pendant  ce  temps 
le  temple  se  remplissait  de  6dèles  et  parmi  ceux-ci  Satan  reconnut 
des  hypocrites  avec  lesquels  il  se  réjouit  de  faire  plus  ample 
connaissance  dans  son  royaume  souterrain.  Tout  à  coup  un  enfant 
de  chœur  sonna  et  le  prêtre  éleva  Thoslie.  Satan  se  vit  au  même 
moment  emprisonné  dans  un  pilier,  dans  lequel  ?  on  l'ignore.  Mais 
au  dehors  le  Vent  attend  toujours  son  retour  et  lorsqu'il  s'impatiente 
il  remue  les  portes  et  les  fenêtres  et  occasionne  aux  passants,  surtout 
aux  femmes,  des  mésaventures  fort  désagréables. 

P.  RiSTELHUBER. 
1.  Cf.  t.  m,  p.  137,  t.  X,  p.  450. 


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REVUS   DBS   THADITIONS    l'OPULAIBES 


5So 


LA  VIEILLE 

rondh: 


Dijon 


Jài  de    .   man-dè  à    la  vieiLle  Quelle    robeeLlevoo. 


y  \   I  iii  'niii!  h)  riii  p  I, 


Jait      La  vieD  ,1e  jn'a-ré-pon.-duiUn*  rob'  de  soie  s'y  en  a , 


.vait 


Une  robe.de  soie!     Pour  la  vieille!  Ah! 


^'ii.j  j'(i^j'ij  j  j[.jjij  j||i  ^^ 


Et  vous  en  aurez.vieill^et  vousjen  aurez  doncBeqùînquez  vous  la 


i'  H^j'n 


ï  j,  J'  I  j,  I,  i 


^s 


Re  .  quin.quez  vous 


vieille^et  requinquez  vous  donc. 


^Vj.  j'U  i'iJ.  nT^ij.  Jij  ^ 

donc  la    vieil,  le.        La  vieill' .  re  ._quin.quez„vous  donc! 

J'ai  demandé  à  la  vieille 
Quelle  robe  elle  voulait. 
La  Tieille  m*a  répondu  : 
Un'  rob'  de  soie  s'il  y  en  avait. 
Un'  rob'  de  soie  !  Pour  la  vieille  î  Ah  ! 
Et  vous  en  aurez,  vieille. 
Et  vous  en  aurez  donc. 
Requinquez-vous.  la  vieille, 
Et  requinquez-vous  donc  ! 
Requinquez  vous  donc,  la  vieille, 
La  vieille,  requinquez-vous  donc  \ 


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556 


REVUE  DES  TRADITIONS  POPITLAIRES 


J'ai  demandé  à  la  Tieille 
Quel  ch&le  elle  voulait. 
La  vieille  m'a  répondu  : 
Un  chàl*  tapis  s'y  eu  avait. 
Un  ch&le  tapis  !  Pour  la  vieille  !  Ah  I 

Et  vous  en  aurez,  etc. 

J'ai  demandé  à  la  vieille 
Quel  chapeau  elle  voulait. 
La  vieille  m'a  répondu  : 
Un  chapeau  ros*  s'y  en  avait. 
Un  chapeau  rose  !  Pour  la  vieille  !  Ah  ! 

Et  vous  en  aurez,  etc. 


J*ai  demandé  k  la  vieille 
Quels  souliers  elle  voulait. 
La  vieille  m'a  répondu  : 
Eu  peau  de  chévr'  s'y  en  avait. 
En  peau  de  chèvre  !  Pour  la  vieille  !  Ah  ! 

Et  vous  en  aurez,  etc. 

J'ai  demandé  à  la  vieille 
Quel  manteau  elle  voulait. 
La  vieille  m'a  répondu  : 
En  velours  s'y  en  avait. 
En  velours  I  Pour  la  vieille  !  Ah  î 

Et  vous  en  aurez,  etc. 


J'ai  demandé  à  la  vieille 
Quel  jupon  elle  voulait. 
La  vieille  m'a  répondu  ; 
Un'  crinoUn'  s'y  en  avait. 
Une  crinoline  !  Pour  la  vieille  !  Ah  ! 

Et  vous  en  aurez,  etc. 


J'ai  demandé  à  la  vieille 
Quels  gants  elle  voulait. 
La  vieille  m'a  répondu  : 
Des  gants  de  peau  s'y  en  avait. 
Des  gnnt4  de  peau  !  Pour  la  vieille  !  Ah  ' 

Et  vous  en  aurez,  etc. 


J'ai  demandé  à  la  vieille 
Quelle  chemise  elle  voulait. 
La  vieille  m'a  répondu  : 
En  batiste  s'y  en  avait. 
En  batiste  !  Pour  la  vieille  !  Ah  ! 

Et  vous  en  aurez,  etc. 


J'ai  demande  à  la  vieille 
Quelle  collerette  elle  voulait. 
La  vieille  m'a  répondu  : 
En  dentelle  s'y  en  avait. 
En  dentelle  !  Pour  la  vieille  !  Ah  ! 

Et  vous  en  aurez,  etc. 


J'ai  demandé  à  la  vieille 
Quels  bas  elle  voulait. 
La  vieille  m'a  répondu  : 
En  filoseir  s'y  en  avait. 
En  filoseile  I  Pour  la  vieille  !  Ah  ! 

.  Et  vous  en  aurez,  etc. 


J'ai  demandé  à  la  vieille 
Quel  pantalon  elle  voulait. 
La  vieille  m'a  répondu  ; 
A  petits  plis  s'y  en  avait, 
petits  pllis  !  Pour  la  vieille  î  Ah  ! 

Et  vous  en  aurez,  etc. 


J'ai  demandé  à  la  vieille 
Quel  manchon  elle  voulait. 
La  vieille  m'a  répondu  : 
En  astrakan  s'y  en  avoit. 
En  astrakan  !  Pour  la  vieille  I  Ah  ! 

,  Et  vous  en  aurez,  vieille. 
Et  vous  en  aurez  donc, 
Requioquez-vou?,  la  vieille. 
Et  requinquez-vous  donc  I 
Requinquez-vous  donc,  la  vieille, 
La  vieille,  requiuquez-vous  donc  ! 


Morel-Retz  (Stop). 


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REVUB  DES  TBADITIONS  POPdtAIRES  557 

Cette  ronde  était  populaire  au  XYII*  sièete  et  probablement  elle 
remonte  plus  haut.  Tallemant  des  Réaux  rapporte,  t.  11,  p.  6  (éd. 
Monmerqué),  qu'un  jour  que  Maugars,  célèbre  joueur  de  viole,  était 
chez  la  comtesse  de  Tonnerre,  la  vicomtesse  d'Auchy  y  vint.  «  Il 
quitte  aussitôt  ce  qu*il  a  commencé,  et  quoiqu'il  ne  chantât  pas 
autrement,  tant  qu'elle  fut  là,  il  ne  Ht  que  chanter  et  jouer  sur  sa 
viole  une  chanson  dont  le  refrain  est  : 

Hsquioquez-voui,  yiciUe, 
Requinquez-TOUB  donc.  » 

Monmerqué  ajoute  en  note  que  c'est  le  refrain  de  la  quatorzième 
chanson  de  Gaultier  de  Garguille. 

P.  S. 

H 

(ffaute-Bretagne) 

On  demande  à  la  vieille       ^  i^-      / 
Quels  souliers  elle  voulait.  ) 
La  vieille  a  répondu  : 

—  Des  souliers  en  peau  de  chèvre. 

Des  souliers! 

En  peau  d 'chèvre  I 

Pour  la  vieille  ! 
Oh  !  (f) 
Requinquez-vous  donc,  la  vieille, 
Vieille,  requinquez-vous  donc  !  (2) 

On  demande  à  la  vieille  |  . . 
Quels  bas  elle  voulait.      ( 
La  vieille  a  répondu  : 

—  Des  bas  blancs  s'il  y  en  avait. 

Des  bas  blancs  ! 
Pour  la  vieille  ! 
Oh! 
Vous  en  aurez,  vieille, 
Vous  en  aurez  donc, 
Requinquez- vous,  vieille, 
Requioquez-vous  donc  I 
Requinquez- vous  donc,  la  vieille, 
Vieille,  requinquez-vons  donc  i 
* 

1.  Arrêt. 

2.  On  se  balance  deux  par  deux. 


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35ft  BEVIJK    DES   TRADITIONS   POPULAIRES 

Oa  demande  à  U  vieille       } 
QfmSoà  chemise  elle  voulait  )  ^^' 
tm  ^«ilfa»  a  répondu  : 

—  Une  ciMié»  d»  calicot  s'il  y  en  avait. 

-    Chemi8»^«^ttQot! 
Pour  la  vieille  t 
Oh! 
Vous  en  aurez,  vieille, 
Vous  en  aurez  donc  ! 
Requinquez-vous,  vieille,  etc. 

On  demande  &  la  vieille,  J  . . 

Quel  jupon  elle  voulait.  )     *' 

La  vieille  a  répondu  : 

—  Un  jupon  d'crin  s'il  y  en  avait  : 

Jupon  d'crin  ! 
Pour  la  vieille  ! 
Oh! 
Vous  en  aurez,  etc. 

On  demande  à  la  vieille,  ) 
Quelle  robe  elle  voulait.  )  ***• 
La  vieille  a  répondu  : 

—  Une  rob'  d'  satin  s'il  y  en  avait. 

Robe  de  satin  ! 
Pour  la  vieille  ! 
Oh! 
Vous  en  aurez  vieille,  etc. 

On  demande  a  la  vieille,      i 
Quel  mouchoir  elle  voulait.  )  *"' 
La  vieille  a  répondu  : 

—  Un  mouchoir  cachmtr*  s'il  y  en  avait. 

Mouchoir  de  cachemire  ! 
Pour  la  vieille  ! 
Qh! 
Vous  en  aurez,  vieille,  etc. 

On  demande  à  la  vieille,  )  . . 
Quel  tablier  elle  voulait,  j 
La  vieille  a  répondu  : 

—  Un  tablier  dsoie  s'il  y  en  avait. 

Tablier  d'soie  I 
Pour  la  vieille  I 
Oh! 
Vous  en  aurez,  etc. 


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REVUE   DES  TRADITIONS  POPULAIRES  3o9 

On  demande  à  la  TieiJle,  ^  . . 
Quel  col  elle  voulait.       \ 
La  vieille  a  répondu  : 
—  Un  col  piqué  sll  y  en  avait. 

Un  col  piqué  I  * 

Pour  la  vieille  ! 
Oh  ! 
Vous  en  aurez,  etc. 


On  demande  à  la  vieille,       )  . . 
Quelle  coiffure  elle  voulait.  ) 

La  vieille  a  répondu  : 
—  Une  coiffe  brodée  s'il  y  en  avait. 

Une  coiffe  brodée  I 
Pour  la  vieille  ! 
Oh! 
Vous  en  aurez,  etc. 


On  demande  à  la  vieille 
Quel  diadème  elle  voulait. 
La  vieille  a  répondu  : 
--  Un  diadème  vert  s'il  y  en  avait. 


t.  \  '" 


bis 


Diadème  vert  ! 
Pour  la  vieille  I 
Oh! 
Vous  en  aurez,  etc. 


On  demande  à  la  vieille 
Quel  bouquet  elle  voulait. 
La  vieille  à  répondu  : 
—  Un   bouquet  à  traîne  sll  y  en  avait 

Bouquet  à  traîne  î 
Pour  la  vieille  ! 
Ohl 
Vous  en  aurez,  etc. 


bU 


On  demande  à  la  vieille 
Quelle  bague  elle  voulait 
La  vieille  a  r3p  o  ndu  : 
—  Une  bague  d'or  s'il  y  en  avait 

Une  bague  d'or  I 
Pour  la  vieille  1 
Ohl 
Vous  en  aurez,  ete. 


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aBO  RKVOB  DES  TRADITIONS  POPULAIRES 

On  demande  à  la  vieille      > 
Quels  jartiers  elle  voulait   )      ** 

La  Tieîlle  a  répondu  : 
—  Des  jartien  de  dentelles  s*il  en  a^ait. 

Jartiers  d'dentelles  I 
Pour  la  yieilie  ! 
Oh! 
Vous  en  aurez,  vieille, 
Vous  en  aurez  donc, 
Requinquez-Tous,  vieille. 
Requinquez -vous  donc  ! 
Requinquez-vous  donc,  la  vieille  ! 
Vieille,  requinquez-vous  donc  ! 


Paul  Sébillot. 


LES  ESPRITS  FORTS  A  LA  CAMPAGNE  ' 


IV 

ILLK-BT-V1LAINB 

—  Dis-don,  ma  Perrioe,  faudrait  que  j*ôgîoDS  à  TEglise. 

—  Yan,  (Oui)  moD  houme. 

—  Allons,  Jean,  viens  d'o  (avec)  nous. 

—  Ma,  jamen  !  (jamais).  L'Eglise  c'est  une  grand*maison  qui  nour- 
rit trop  de  faignanls. 

Petit  dialogue  populaire,  —  Canton  de  Dol). 

Frâ  Deuni. 

11  y  a  aussi  en  Haute- Bretagne  une  devinette^  dont  le  mol  est 
l'église  : 
Qui  n*a  ni  feu  ni  cheminée,  et  nourrit  deux  fainéants  toute  Tannée  ? 

P.  S. 

III 

DAINALT 

K  la  messe,  lorsque  le  prélre  chante  :  «  Oremus  »,  les  paysans 
disent  —  mentalement  s^ntend  ^*  «  gralie  tes  puces  ». 

Alfred  Haaoc. 

!.  Cf.  t  VII,  p.  293. 


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REVUE    DBS   TRADITIONS    POPULAIRES  361 


LES  MÉTIERS  ET  LES  PROFESSIONS 


LXXXIII 

DANGERS  DE  MÉTIERS 

A  tradition  populaire  veut  que  l'ouvrier  qui  forgea 
le  cylindre  de  la  première  machine  à  feu  (pompe 
à  feu)  introduite  en  Belgique  pour  Tépuisement  de 
Teau  des  houillères,  soit  mort  par  suite  de  la  cha- 
leur à  laquelle  il  fut  exposé  dans  cette  opération. 
[Doc,  et  rapp.  de  la  soc.  paléontol.  et  arch.  de 
Charleroi^  JT,  563 y  note). 


LXXXIV 

LA  QAUSSE  ET  LA  BAISSÉ  DES  SALAIRES 

A  Tournai,  lorsqu'on  promet  à  Touvrier  une  augmentation  de 
salaire,  il  n'attache  aucune  importance  à  cette  promesse  et  répond 
infailliblement  :  «  A  côté  de  ta  bouche ^  ce  sera  ton  oreille,  »  C'est-à- 
dire,  il  n'y  aura  rien  de  changé. 


LXXXV 

LA  VENTE  DES  MINERAIS  DE  FER 

.  La  vente  des  minerais  de  fer  s'opère  de  la  façon  suivante. 

Le  minerai  se  met  en  tas  à  base  carrée.  La  mesure  des  côtés  de 
la  base,  dite  vergey  et  la  hauteur  dite  poignard,  sont  deux  tiges  en 
fer  fort  anciennes  qui  reposent  au  siège  de  certaines  administrations 
communales,  où  l'on  tire  le  minerai  depuis  longtemps,  telles  que 
Florenne,  Flaire,  Morialmé,  etc. 

Dans  plusieurs  communes  le  minerai  se  vend  toujours  brut,  jamais 
lavé.  En  revanche  dans  quelques  autres  villages  le  minerai  est  tou- 
jours lavé. 

Dans  le  premier  cas,  on  mesure  au  poignard^  dans  le  deuxième 

TOa  XI  —  NOYIMBM  1896  36 


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a62  REVUE    DES  TRADlTIOiNS    POPULAIRES 

cas,  au  Bon  Dieu  ou  au  rassis.  Le  nom  de  Bon  Dieu  vient  de  la  trousse 
clouée  en  forme  de  croix  sur  le  poignard^  pour  empêcher  qu'on  ne 
l'enfonce  trop  en  terre  quand  on  le  planle  dans  le  minerai  pour  me- 
surer le  tas. 
{Province  de  Nàmur.) 


LXXXVl 

LES  OUVRIERS  CONGÉDIÉS 

A  Tournai,  lorsque  les  buresses  (lessiveuses)  et  autres  journalières 
sont  renvoyées  d'une  maison  bourgeoise  où  elles  ont  été  employées, 
elles  ont  coutume  de  dire  en  quittant  leur  service  :  «  Il  faudrait  des 
bras  de  fer  et  une  gueule  de  bois  »,  (c'est-à-dire  il  faut  travailler  beau- 
coup et  manger  peu). 

LXXXVll 

LES  VALETS  DE  FERME 

Le  6^  dimanche  après  Pâques,  les  valets  de  ferme,  (les  varlets,  en 
Wallon)  parcourent  au  grand  galop  de  leurs  chevaux  le  tour  de  la 
Vierge^  c'est-à-dire  le  trajet  que  parcourt  la  procession  d'une  statue 
miraculeuse  de  la  Vierge,  dans  la  journée. 

Cette  course  effrénée  se  termine  au  point  de  départ,  à  Téglise, 
autour  de  laquelle  les  cavaliers  effectuent  leurs  dernières  évolutions^ 

[Deux-Acren^  Hainaui). 


LXXXVIU 

LES  ÉCRIVAINS 

On  dit  en  proverbe,  à  Liège  :  un  écrivain  va  au  diable  tout  droit. 

Le  peuple  oppose  d'une  manière  générale,  l'homme  de  plume,  le 
commis,  l'employé  de  bureau  aussi  bien  que  le  lettré,  à  l'artisan. 

Le  c(  scrieu  »  (l'écrivain),  est  à  la  fois  l'objet  d'un  certain  respect 
et  d'une  grande  défiance.  Il  semble  que  son  devoir  soit  incompatible 
avec  la  franchise  et  la  droiture  :  de  là  le  proverbe. 

[Bull,  soc,  liég,,  liit,  Wall,  ,2'  série,  /.  XVII,  p.  316), 


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REVïJE    DES    TRADITIONS    POPULAIRES  ;)08 

LXXXIX 

LES  TISSERANDS 

Il  faut  être  dévideur  avant  de  monter  sur  le  métier.  (Vieux  pro- 
verbe du  tisserand  touruaisien). 

A  rSaint-Blaise, 

Les  léheu  sont  maissfî. 

(A  la  Saint-Blaisc, 

Les  tisserands  sont  maîtres). 

Saint-Biaise  (3  fév.).  En  vertu  de  ce  dicton  dont  Torigine  est  igno- 
rée, la  plupart  des  tisserands  s'abstenaient  de  tout  travail  le  jour  de 
la  Saint-Biaise.  (Gobert.  Les  f*ues  de  Liège^  1890) • 


XG 

LES  MARCHANDS  DE  VILLAGE       ^ 

Les  marchands  de  dindons 

Dans  Tarrondissement  de  Gharleroi,  des  marcbands  de  dindons 
parcourent  les  villages,  à  la  tète  de  troupeaux  composés  de  plusieurs 
centaines  de  ces  volailles.  Ge  sont  de  véritables  troupeaux,  conduits 
et  dirigés  à  la  façon  des  troupeaux  de  moutons. 

Ges  industriels  sont  pour  la  plupart  originaires  de  Ronquières, 
où  rélève  du  dindon  est  la  principale  industrie  locale. 

XGI 

LES  ARRACHEUSES  DE  POILS 

A  Molembeck,  près  Bruxelles,  dans  le  monde  des  travailleurs,  on 
donne  couramment  le  nom  c<  d'arracheuses  de  poils  »  aux  «  èf/ar- 
retAses  »  ou  éplucheuses,  c'est-à-dire  à  cette  catégorie  d'ouvrières, 
jeunes  filles  et  femmes  mariées,  qui  préparent  les  peaux  de  lapins, 
de  lièvres,  etc.,  et  notamment^  enlèvent  les  jarres  ou  gros  poils 
pour  ne  laisser  que  le  duvet,  qui  seul  peut  convenir  pour  la 
chapellerie.  Les  ouvrières  en  matières  premières  pour  la  chapellerie 
peuvent  être  classées  en  deux  groupes  principaux  :  les  éjarreuses 
(arracheuses),  et  les  coupeuses  de  poils  dont  le  labeur  est  aussi 
pénible  et  insalubre  que  faiblement  rétribué. 


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o64  REVUE  DES  TRADITIONS    POPULAIRES 

Il  y  a  aussi  les  monteuses^  les  trieuses  et  les  mouilleuses.  Dans  les 
ateliers  les  éja^Teuses  sont  assises  sur  des  bancs  placés  de  chaque 
côté  de  tables  allongées,  elles  <(  épluchent  »  à  Taide  d'un  couteau 
«  ad  hoc  »  les  peaux  qui  leur  ont  été  confiées  et  qu'elles  bnttent  au 
préalable  pour  en  dégager  la  poussière. 

Le  mouvement  rapide  et  continu  de  la  lame  frottant  sans  cesse 
contre  le  tissu  de  leur  corsage,  use  et  déchire  rapidement  celui-ci, 
de  sorte  que  toutes  portent,  épingle  à  la  hauteur  du  sein  gauche,  un 
petit  plastron  en  cuir. 

Alfred  Haroi. 

XCII 

les  CHEFS-^'(EUVRE  IMPOSSIBLES 

A  Troyes,  on  dit  facétieusement  qu'aucun  compagnon  boulanger 
pour  son  chef-d'œuvre,  n*est  parvenu  à  faire  du  pain  à  trois  croûtes. 

Louis  MORIN. 

,  XCIII 

LES  BOUCHERS 

11  y  a  quelques  années,  les  bouchers  étrangers  à  la  ville  étalaient 
leur  viande,  sur  le  marché  aux  Herbes,  à  Mons.  On  les  nommait 
Binchoux,  parce  que  la  plupart  de  ces  bouchers  venaient  de  Binche. 

(H.  Delmotte,  œuvres  facétieuses^  Glossaire,  p.  107). 

Lorsque  les  ménagères  se  plaignent  aux  bouchers  qu'on  leur 
donne  trop  d'os,  ceux-ci  répondent  : 

tt  Achetez  des  limaçons,  madame,  il  n'y  aura  pas  d'os.  » 
(Sigart.  Dictionnaire  du  Wallon  de  Mons  (Hainaut),  1870). 

Alfred  Harou. 


IV 

chansons  de  métiers 

La  chanson  des  chiffonniers 

A  Saiiil-Gouéno  A  Langourla 

11  y  en  a  que  trop.  *Est  là  qu*y  en  a. 

Gai,  gai,  deliron  delirette.  Gai,  gai,  deliron  delirette. 

Ah  !  ah  !  deliron  délira.  Ah  !  ah  î  deliron  délira. 


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REVUE   DES   TRADITIONS    POPULAIRES  565 

A  Saint-Gilles, 
11  y  en  a  pille  (1) 

A  Mélin 
Il  n*y  en  a  point. 
Gai,  gai,  etc. 

A  Tregenètre 
Ils  sont  les  maîtres . 
Gai,  gai,  etc. 


La  Chanson  du  Pillotous^ 

C'est  le  pillotous  qui  est  jaloux,  A  Trébry 

II  bat  sa  femme  trois  fois  le  jour,  Encore  'emme  petit, 

Gai,  gai,  deliron,  delirette  Gai,  gai  deliron  delirelle  etc. 

Ah  !  ah  I  deliron  délira  ;  ^  Saint-Glen 

A  Moncontour  ils  le  sont  tous,  U  y  en  a  tout  plein 

Gai,  gai,  deliron  delirette  Gai,  gai,  etc. 

Ah  !  ah  I  deliron  délira.  x  GoUinée,  à  la  chapelée  (3) 

A  Hénon  ^*^'  «**'  ^^*^- 

Il  y  en  a  des  bons  A  Plénée 

Gai,  gai,  deliron,  delirette  -   A  la  rouablée  (4) 

Ah  !  ah  !  deliron  délira  Gai,  gai,  etc. 

Au  Gouray 
Tout  en  est  net. 

Paul  Sébillot. 


Le  Matelot  préféré  ^ 

En  haut,  à  la  petite  fenêtre, 

Se  trouvait  une  belle  jeune  fille. 

Un  forgeron  vint  à  passer. 

«  Jeune  fille,  lui  dit-il,  voulez-vous  de  moi  ? 

(Voulez-vous  être  ma  femme)  ? 

«  Mon,  forgeron,  noir  animai, 

<(  Retourne  à  la  maison  et  lave- toi  d'abord  ». 

«  Vous  ne  serez  pas  mon  mari, 

«  Vous  ne  serez  pas  mon  mari  •». 


\.  Beaucoup. 

2.  Chiffonnier  ambulant. 

3.  Plein  les  chapeaux. 

4.  A  remuer  à  la  pelle. 

5.  Iraduction  littérale  du  flamand. 


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S66  REVUE   DES   THADlTlOxNS    POPULAIRES 

En  haut,  à  la  petite  fenêtre, 

Se  trouvait  une  belle  jeune  fille. 

Vint  à  passer  un  cordonnier. 

«  Jeune  flUe,  lui  dit-il,  Toulez-vous  de  moi  ?  » 

«  Non,  cordonnier,  noir  comme  poix, 
M  Vous  qui  tirez  tant  de  fils, 
»  Vous  ne  serez'pas  mon  mari, 
u  Vous  ne  serez  pas  mon  mari  *>. 

En  haut,  à  la  petite  fenêtre. 

Se  trouvait  une  belle  jeune  fiUe. 

Un  meunier  vint  à  pasj^er.     . 

»  Jeune  fille,  lui  dit-il,  voulez-vous  de  moi  ?  » 

«  Non,  meunier,  blanc  comme  farine, 
n  Vous  qui  volez  tant  de  petits  pains. 
•  Vous  ne  serez  pas  mon  mari, 
«  Vous  ne  serez  pas  mon  mari  •. 

En  haut,  à  la  petite  fenêtre. 

Se  trouvait  une  belle  jeune  fille, 

Un  boulanger  vint  à  passer. 

M  Jeune  fille,  lui  dit-il,  voulez-vous  de  moi  ?  »* 

«  Non,  boulanger,  pâle  comme  la  mort, 
«  Vous  qui  trompez  tant  de  gens, 
«  Vous  ne  serez  pas  mon  mari, 
«  Vous  ne  serez  pas  mon  mari  », 

En  haut,  à  la  petite  fenêtre, 

Se  trouvait  une  belle  jeune  fille. 

Un  matelot  vint  à  passer. 

«  Jeune  fille,  lui  dit-il,  voulez-vous  de  moi  ?  » 

«  Oui,  matelot,  mon  doux  amant, 
«  Vous  qui  savez  veiller  et  naviguer, 
«  Vous  serez  mon  mari, 
«  Vous  serez  mon  mari  !  » 

[Recueilli  à  Eccloo,  Flandre  Orientale), 

A.  Harou. 

Xll  [suite) 

FÊTES  DE  MÉTIERS  * 

En  Flandre,  la  lumière  de  l'hiver  s'allumait  pour  la  première  fois  à 
la  Saint-Martin,  (10  Novembre)  ;  les  ouvriers  commençaient  à  travailler 

1.  Cf.  i.  X,  p.  329, 


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REVUE   DES   TRADITlOIfS    P0PULA1BBS  567 

à  la  lumière,  et  chez  les  artisans,  qlii  formaient  des  corporations  de 
métiers,  la  dame  maîtresse  donnait  un  repas,  où  Toie,  entourée  de 
lumières,  jouait  un  rôle  obligatoire. 

A  Groningue  (Hollande],  le  lundi  perdu  est  le  grand  jour  d'amuse- 
ment des  imprimeurs  et  des  relieurs. 

(CoREMANS.  L Année  de  r anciennes eigique^  dans  les  bulletins  delà 
Commission  royale  d'histoire  VII,  41,  54). 


XVII  (suite) 

PRÉSENTS  A  CERTAUfES  ÉPOQUES 

Les  inarchands  de  beurre  des  environs  de  Liège  offrent  à  leurs 
clients  de  la  ville,  la  veille  des  fêles  paroissiales,  des  «  Floyon  »,  flan 
ou  tarte  à  la  crème. 


XXiV  [suite) 

LES     ENSEIGNES 

Les  roues  attachées  à  la  porte  delà  maison  ou  à  tout  autre  endroit 
portent  bonheur.  C'est  pourquoi  beaucoup  de  charrons^  tant  Wallons 
que  Flamands,  suspendent  aux  murs  de  leurs  maisons  les  roues  à 
réparer. 

Beaucoup  de  pharmaciens^  tant  Flamands  que  Wallons,  ont  pour 
enseigne  une  licorne,  souvent  couleur  d'or. 

La  licorne  de  mer(zee-eenhoorndes  Flamands)  s'approchait  souvent 
des  nautonniers  et  payait  de  sa  vie  son  imprudence.  Sa  corne  mer- 
veilleuse était  vendue,  fort  cher,  aux  pharmaciens  des  princes,  elle 
ranimait  les  forces  du  corps^  prolongeait  la  vie  et  était  efficace  en  cas 
d'empoisonnement. 


LXI  (suite] 

LES  CRIS  DES  RUES 

A  Liège 

Todi   pus    gros]    (Toujours    plus   gros).    Cris  des  vendeurs  de 
poissons  à  la  minque  (halle  aux  poissons),  à  Liège. 
[Bull.  soc.  liég,  de  litt.  WalL  2«  série,  XVII,  p.  .5), 


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568  REVUE  DE^  IHAOITIONS  POPULAIRES 

LXIV  {suite) 

REDEVANCES  ET  POURBOIRES 

Il  est  d*usage  dans  les  briqueteries  des  enviroos  de  Bruxelles, 
lorsqu'une  brigade  de  travailleurs  a  atteint  le  chiffre  d'un  millimde 
briques^  que  le  patron  remette  un  pourboire  à  ses  ouvriers. 

LXXX  (suite) 

LES     VERRIERS 

Parmi  les  verriers  des  environs  de  Charleroi  (Jumet)  l'expression 
Jambes  de  bois  sert  à  qualifier  ceux  d'entre  eux  qui  manquent  de 
courage. 

Ces  ouvriers  sont  très  sensibles  à  cette  injure,  expression  de 
leur  plus  profond  mépris. 

ALFRED  HaROL*. 


USAGES  ALSACIENS 


II 

^^^  Schleithal  et  dans  d'autres  communes  du  canton  de  Lauter* 
^(rl{%  ^^"^S  ^^*^*  comme  les  gens  déterminent  la  température  de 

llpjte  toute  Tannée  :  la  nuit  de  Noël,  ils  tracent  douze  anneaux 
r^  dans  un  grand  oignon  et  sèment  du  sel  dans  les  ouvertures 
(;■)  ainsi  produites.  Les  douzes  ouvertqres  signifient  les  douze 
mois  de  Tannée.  A  la  fête  des  Trois  Rois,  6  janvier,  Toignon  ainsi 
salé  doit  donner  réponse.  Les  ouvertures  où  le  sul  est  resté  entier, 
indiquent  des  mois  secs  et  les  ouvertures  où  ils*est  fondu,  indiquent 
des  mois  humides.  Il  y  a  des  vieilles  gens  qui  prétendent  que  ce 
baromètre  alimentaire  a  toujours  été  reconnu  juste;  cependant  Tan- 
née présente  semble  démentir  les  prophéties  de  Toignon  météorolo- 
gique, car  il  annonçait  de  la  sécheresse  pour  septembre,  et  des  quinze 
premiers  jours  du  mois,  il  y  en  a  onze  qui  furent  des  jours  de  pluie. 
Néanmoins  les  baromètres  à  bulbe  n'ont  pas  cessé  d'être  en  usage 
dans  la  campagne  alsacienne. 

P.  RiSTELHCBER. 
l.  Cf.  t.  IX,  p.  460, 


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BEVUE   DES  TRADITIONS  P01»LLA1RES  369 


CONTES  DE  LA  BEAUCE  ET  DU  PERCHE 


LUOMME    QUI  NE  VOULAIT  PAS  MOURIR 

L  y  a  de  cela  bien  longlemps.  Un  garçon  de 
ferme  nommé  Pierre  ne  pouvait  se  faire  à  son 
humble  condition  ;  il  ne  rêvait  que  grandeur  et 
richesses.  Il  se  fit  soldat  et  comme  il  était  assez 
courageux,  il  obtint  bientôt  un  grade  et  le  roi, 
rayant  remarqué,  lui  confia  le  commandement  de 
son  armée. 

Il  remporta  de  nombreuses  victoires.  Le  roi  en  récompense  le 
nomma  son  premier  ministre.  Dès  lors  Torgueil  de  notre  homme  ne 
connut  plus  de  bornes. 

Les  courtisans  le  voyaient  d'un  mauvais  œil  et  jurèrent  de  l'abais- 
ser. L'un  d'eux  eut  l'imprudence  de  lui  reprocher  sa  basse  origine  ; 
Pierre  en  fut  courroucé  et  obtint  du  roi  qu'il  soit  enfermé  dans  un 
sombre  cachot. 

L'ordre  fut  exécuté  ;  mais  comme  onTentraînaitil  jette  à  l'orgueil- 
leux parvenu  ces  mots  : 
«  Tu  as  beau  être  puissant,  il  ne  l'en  faudra  pas  moins  mourir.  » 
Ces  paroles  frappèrent  Pierre.  «  Non,  se  dit-il,  je  ne  mourrai  pas!  » 
et  il  prit  congé  du  roi  et  partit  à  la  recherche  d'un  pays  où  l'on  ne 
mourait  pas. 

Après  avoir  longtemps  marché  il  trouva  enfin  ce  pays  fortuné. 
Aucun  des  habitants  n'y  était  encore  mort  depuis  la  création  du 
monde.  Pierre  s'y  fixa  et  il  vécut  sans  soucis. 

Il  y  avait  déjà  trois  cents  ans  qu'il  était  dans  ce  pays  lorsqu'un 
jour,  on  vit  s'abattre  un  oiseau  si  gros  qu'il  obscurcissait  le  ciel.  Cet 
oiseau  se  nourrissait  de  sable  et  de  terre,  et  les  habitants  du  pays 
apprirent  à  Pierre  que  lorsqu'il  aurait  mangé  tout  le  pays  ce  serait 
pour  eux  la  fin  du  monde  ;  mais  ils  étaient  tous  si  vieux  que  la  vie 
leur  était  à  charge  et  ils  n'appréhendaient  point  la  mort. 

1.  Cf.  t.  IX,  p.  357. 


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570  REVUB   DBS  TRADITIONS    POPULAIRES 

Tel  n'était  point  Tavis  de  Pierre,  il  quitta  aussitôt  ce  pays  et  par- 
tit à  la  recherche  d'un  autre  où  la  vie  serait  également  indéfinie  ; 
mais  où  il  n'y  aurait  point  d'oiseau  pour  y  mettre  un  terme. 

Il  arriva  dans  une  lie  où  Ton  ne  mourait  point.  Il  y  resta  six 
cents  ans.  Et  certes  il  ne  pensait  pas  mourir  lo/feque  Ips  habitants 
lui  signalèrent  un  poisson  d'une  grosseur  monstrueuse  qui  buvait 
d'énorme  quantité  d'eau  ;  quand  il  aurait  bu  toute  la  mer  qui  entou- 
rait cette  Ile  ce  serait  pour  eux  la  fin  du  monde. 

Pierre,  effrayé  de  cette  révélation,  prit  son  bâton  et  partit  à  la 
recherche  d'un  pays  plus  favorisé  que  ces  deux  premiers.  Mais  il  eut 
beau  parcourir  la  terre  en  tous  sens  il  ne  put  en  découvrir. 

Combien  il  regrettait  alors  d'avoir  quitté  l'Ile  où  les  habitants 
avaient  encore  de  longues  années  à  vivre  avant  que  le  poisson  n'eût 
épuisé  toute  la  mer  ! 

Il  prévoyait  que  sa  fin  était  proche  ;  il  s'assit  tristement  sur  l'herbe 
les  yeux  fixés  au  sol.  Tout  à  coup  son  attention  est  attirée  par  la  vue 
d'une  mouche  qui  se  débattait  dans  une  toile  d'araignée.  Machinale- 
ment il  enlève  la  toile  et  délivre  la  mouche.  Il  avait  fait  cela  sans  y 
penser;  sa  bonne  action  n'en  fut  pas  moins  récompensé.  La  mouche  se 
transforma  aussitôt  en  une  fée  richement  vêtue  qui  lui  demanda  de 
souhaiter  ce  qui  lui  plaira  pour  sa  récompense. 

—  Je  voudrais  ne  jamais  mourir,  lui  dit  Pierre. 

—  Ce  n'est  point  sur  la  terre  que  tu  trouveras  cela,  dit  la  fée  ;  mais 
je  vais  te  transporter  dans  une  étoile  où  nous  demeurons.  Là,  on  ne 
meurt  jamais. 

La  fée  le  toucha  aussitôt  de  sa  baguette  et  il  se  trouva  transporté 
dans  l'étoile. 

Des  siècles  et  des  siècles  se  passèrent,  Pierre  était  devenu  immor- 
tel ;  mais  on  s'ennuie  de  tout,  même  d'être  trop  heureux.  Il  désirait 
revoir  son  village  ;  il  parla  à  la  fée  de  son  désir.  Elle  s'efforça  de  l'en 
dissuader  ;  mais,  voyant  que  c'était  bien  son  idée,  elle  lui  donna  un 
cheval  qui  devait  Ty  conduire.  Mais  surtout,  lui  recommanda-t-elle, 
garde-toi  bien  de  descendre  sous  aucun  prétexte. 

Le  cheval  fendit  l'air  et  bientôt  Pierre  arrive  à  son  village,  mais  il 
ne  put  le  reconnaître,  tellement  tout  était  changé.  C'était  maintenant 
une  grande  ville  et  tous  ceux  à  qui  il  voulut  raconter  qu'il  y  avait 
demeuré  quelque  chos^  comme  mille  à  douze  cents  ans  avant  eux, 
outre  qu'ils  avaient  peine  à  comprendre  son  langage,  le  prirent  pour 
un  fou  et  le  chassèrent. 

Pierre  poussa  le  galop  plus  loin.  Il  fit  alors  rencontre  d'un  char- 
retier embourbé  qui  lui  demanda  de  venir  Taider. 

«  Je  n'aurai  pas  cette  simplicité  »  se  dit  Pierre,  Mais  le  charretier 


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REVUE   DBS    TRADITIONS    rOHULAIRfiS  571 

est  si  iDsinuanl  que  force  lui  est  de  céder  ;  il  met  pied  à  terre  et  se 
met  en  devoir  d  aider  le  charretier. 

Ce  charretier  était  la  Mort.  Elle  reprend  sa  forme  habituelle,  tan- 
dis que  sa  voiture  devient  un  tas  ie  souliers. 

—  Voilà  bien  du  temps  que  je  te  cherche,  toi,  lui  dit-elle,  mais 
cette  fois  tu  ne  m'échapperas  pas. 

Pierre  veut  remonter  sur  son  cheval,  mais  il  s'est  enfui.  La  Mort 
s'apprête  à  le  trancher  de  sa  faux. 

—  Au  moins  me  diras-tu,  lui  demande  Pierre,  ce  que  sont  tous 
ces  souliers? 

—  Ce  sont  tous  ceux  que  j  ai  usé  à  te  chercher,  lui  dit-elle  et  elle 
le  Iranche  de  sa  faux^ 


VI 

LE  DUBLE  ET  LA  CHANDELLE 

A  l'époque  où  régliseSa'.nt-Agnan,  à  Chartres,  renaissait  de  ses 
cendres,  vivait  un  homme  du  nom  de  Magloire.  Il  exerçait  la  profes- 
sion de  tailleur,  et  son  échoppe  était  adossée  auprès  de  Tédifice. 
Ce  bonhomme  avait  une  fille,  nommée  Colette,  de  la  plus  grande 
beauté  ;  elle  venait  d'avoir  dix-huit  ans. 

Le  fils  d'un  riche  drapier,  épris  de  ses  charmes,  vint  la  demander 
en  mariage.  Le  père  Magloire  accepta  favorablement  celte  deman- 
de ;  mais  le  drapier  ne  l'entendait  point  ainsi.  Son  fils  ne  s'allierait 
qu'à  une  riche  héritière. 

Colette  en  ressentit  un  vif  chagrin  ;  chaque  jour  on  la  voyait 
dépérir.  Sa  mère  dut  Temmener  chez  un  parent  à  la  campagne  où 
elle  devait  rester  quelques  jours. 

Jamais  le  père  Magloire  n'avait  autant  envié  de  devenir  riche.  Un 
soir,  par  un  temps  affreux,  il  entend  frapper  un  coup  sec  à  sa  porte  ; 
il  va  ouvrir  et  se  trouve  en  présence  d'un  inconnu,  vêtu  d'écarlate, 
et  coiffé  d'une  toque  de  même  couleur;  ses  habits  trempés  par  la 
pluie  exhalaient  une  épaisse  vapeur. 

•  Bonsoir,  bonhomme,  lui  dit-il  en  le  foudroyant  de  son  regard 
d'acier  ;  je  viens  de  roussir  mon  manteau,  tu  vas  m'y  mettre  une 
pièce,  car  je  dois  aller  en  soirée,  » 

Le  père  Magloire  prit  le  manteau,  et  se  mit  à  chercher  dans  ses 


1.  Un  conte  corse  recueilli  par  Ortoli.  Conles  de  Vile  de  Corse,  n.  XXVIJI, 
présente  de  sranden  ressemblances  avec  ce  récit.  C'est  la  première  fois,  croyons- 
nous,  qa'on  l'a  relevé  dans  la  France  continentale. 


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o7â  REVUE    DES   TRADITIONS  POPULAIRES 

retailles  un  morceau  pour  Vy  appareiller  ;  mais  aucune  étoffe  n'était 
assez  rouge.  Il  en  trouva  pourtant  une  qui  approchait  ;  mais  plus  il 
rognait  le  morceau  plus  il  semblait  s'agrandir,  et  le  fil  brûlait  à 
mesure  qu'il  cousait.  Jamais  il  n'arriverait  à  boucher  le  trou.  Enfin 
il  put,  tant  bien  que  mal,  mettre  la  pièce. 

a  Tu  me  parais  bien  maladroit  »  lui  dit  le  mystérieux  personnage  ; 
ce  n'est  pas  ainsi  que  tu  amasseras  une  dot  à  ta  fille,  et  il  lui  jette 
une  pièce  d'or  pour  sa  peine.  Puis  il  ajoute,  en  sortant  une  bourse 
qui  s'arrondissait  à  mesure  qu'il  l'approchait  des  yeux  du  bonhomme  : 
Avec  cela  tu  pourrais  la  marier  ;  mais  comme  je  ne  donne  rien  pour 
rien,  signe  moi  ce  papier,  dans  un  an  j'aurai  ton  â.me. 

C'était  le  diable.  Le  père  Magloire  en  sursauta  sur  son  établi,  mais 
pensant  à  sa  fille,  il  accepta  et  signa  la  fatale  obligation. 

Lorsque  sa  femme  et  sa  fille  revinrent,  il  leur  dit  qu'un  riche 
étranger  lui  avait  fait  don  d'une  bourse  pour  marier  leur  fille. 
Colette  fut  bien  joyeuse  et  recouvra  la  santé.  Bientôt  la  nouvelle  se 
répandit  de  la  fortune  du  père  Magloire.  Le  drapier,  revenu  à  de 
meilleurs  sentiments,  vint  lui-même  demander  Colette  en  mariage. 
La  noce  eut  lieu.  Mais  si  chacun  s'abandonnait  à  la  joie,  il  n'en  était 
pas  de  même  de  Magloire  qui  ne  riait  que  du  bout  des  lèvres. 

Le  jeune  couple  vivait  heureux  et  déjà  un  enfant  était  né  de  ce  ma- 
riage. Le  père  Magloire  eût  été  lui  aussi  heureux  si  le  terme  fatal 
n'eût  été  là  pour  le  torturer.  Il  dépérissait  chaque  jour,  hanté 
d'horribles  cauchemars. 

Sa  femme,  voyant  son  profond  chagrin,  lui  en  demanda  un  jour  la 
cause.  Magloire  s'ouvrit  à  elle  et  avoua  sa  faute. 

La  mère  Magloire  était  pieuse  ;  elle  n  accabla  point  son  homme  de 
reproches,  mais  elle  alla  prier  la  bonne  Notre-Dame  de  Chartres  de 
leur  preler  son  appui. 

Enfin  le  délai  fatal  était  expiré.  Ce  soir-là  comme  le  jour  du  pacte 
maudit,  il  faisait  un  temps  affreux,  la  pluie  fouettait  les  vitres  et  le 
vent  s'engouffrait  par  la  cheminée  en  sifflements  lugubres.  Magloire 
attendait  avec  la  résignation  d'un  condamné.  Tout-à-coup  la  porte 
s'ouvre  comme  poussée  par  le  vent  et  messire  Satanas  apparaît. 
«  Eh  bien,  dit-il,  sommes-nous  prêt?» 

Magloire  se  lève  d'un  bond  convulsif.  Mais  la  femme  s'interpose  et 
désignant  la  chandelle  sur  la  table,  c  Je  ne  vous  demande  qu'une 
grâce,  dit-elle  à  Satan,  c'est  de  me  laisser  mon  mari  jusqu'à  ce  que 
cette  chandelle  soit  consumée  ». 

—  Volontiers,  dit  le  diable,  en  s'asseyant  ;  mais  la  femme  souffla 
aussitôt  la  chandelle  et  s'enfuit  dans  la  rue.  Satan  se  met  à  sa  pour- 
suite, mais  ses  pieds  fourchus  le  gênent  pour  couriret  la  bonne  femme 


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REVDE  DES   TRADITIONS  POPULAIRES  373 

avait  de  Tavance  sur  lui.  Elle  peut  atteindre  Téglise  en  réparation  et 
cacher  sa  chandelle  dans  un  des  piliers. 

Le  diable,  se  voyant  bafoué,  disparut  en  poussant  un  cri  de  rage. 

Les  maçons  enfermèrent  cette  chandelle  dans  leur  ouvrage.  Elle 
existe  toujours  dans  un  des  piliers  de  Téglise,  lequel  est  marqué 
d'une  croix. 


Vil 

M.  DE  MONTDRAGON  * 

Le  château  de  Montdragon,  situé  commune  de  la  Bosse  (Sarthe)  et 
en  grande  partie  ruiné,  appartenait  autrefois  à  une  famille  du  mémo 
nom. 

Un  des  possesseurs  avait  fait  de  grandes  dépenses  pour  Tembellir 
et  s'y  était  ruiné.  Ses  créanciers  réclamaient  avec  instance  et  mena- 
çaient de  faire  vendre  le  château. 

M.  de  Montdragon,  ne  sachant  où  donner  la  tête,  sortit  faire  une 
promenade  dans  ses  bois.  Il  fit  alors  rencontre  d'un  charbonnier,  le 
père  Mathurin,  dont  le  visage  renfrogné  Tintrigua  vivement. 

Qu'as-lu-donc,  lui  demande-t-il  ? 

—  C'est  que,  lui  dit  Mathurin,  ma  femme  est  bien  malade  et  j'ai 
bien  peur  de  la  perdre  ;  mais  vous  non  plus^  monsieur,  vous  ne  pa- 
raissez pas  gai. 

—  Peu  t'importe.  Mon  chagrin  et  le  tien  sont  deux,  et  certaine- 
ment que  ce  n'est  pas  toi  qui  pourrais  me  fournir  Targent  dont  j'ai 
besoin. 

—  A  savoir,  reprend  le  bonhomme  d'un  air  malicieux,  de  l'argent, 
moi  j'en  ai  autant  que  je  veux;  je  connais  un  particulier  qui  ne  m'en 
laisse  point  manquer^  et  si  vous  le  voulez  bien,  je  vous  l'enverrai 
demain  sur  les  deux  heures. 

Les  deux  interlocuteurs  se  séparent  alors,  mais  M.  de  Montdragon 
n'ajoutait  guère  foi  au  dire  du  charbonnier.  Il  attendit  pourtant  le 
lendemain  à  l'heure  indiquée. 

Tout-à-coup  un  bruit  de  voiture  lui  fait  mettre  la  tète  à  la  fenêtre. 
Un  superbe  carosse  attelé  de  deux  chevaux  couleur  feu  et  conduit 
par  un  cocher,  aux  cheveux  et  aux  favoris  carotte,  vient  de  s'arrêter 
à  la  porte.  Un  monsieur  vêtu  de  noir  en  descend,  qui  demande 
M.  de  Montdragon.  On  le  fit  monter  à  son  appartement. 

Après  avoir  foudroyé  le  châtelain  du  regard,  cet  inconnu  s'assied 

1.  Variante  du  précédent  conte  et  qui  se  raconte  dans  le  Maine. 


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.'i7i  REVUB    DES  TRADITIONS   POPULAIRES 

et  lui  dit  sans  autre  préambule  :  a  Vous  êtes  ruiné,  vous  voulez  de 
Targent  !  je  puis  vous  en  donner  autant  que  vous  voudrez,  mais  à 
une  condition,  c*est  que  votre  âme  m'appartienne  dans  vingt  ans, 
jour  pour  jour  ». 

•—  Soit,  dit  M.  de  Montdragon,  heureux  de  faire  face  à  ses  dettes. 

La  fortune  élut  dès  lors  domicile  au  ch&teau  de  Montdragon  ;  les 
coffres  du  riche  seigneur  regorgaient  d'or  et  semblaient  inépuisables. 

Mais  les  vingt  ans  prirent  fin.  Depuis  huit  jours  M.  de  Montdragon 
no  dormait  plus.  Un  soir  le  même  carosse,  attelé  des  mêmes  chevaux 
couleur  feu,  et  conduit  par  le  cocher  aux  cheveux  et  aux  favoris 
carotte,  s'arrêtait  k  la  porte  du  château  ;  le  visiteur  en  habit  noir  en 
descendit,  demandant  M.  de  Montdragon. 

M*"*  de  Montdragon,  vivement  intriguée  de  cette  visite,  vint  en 
prévenir  son  mari.  «  Je  sais,  dit-il,  c'est  le  diable.  Voici  aujourd'hui 
vingt  ans,  j'ai  fait  un  pacte  avec  lui,  et  en  échange  de  mon  àme  il 
m'a  procuré  l'aisance  qui  règne  ici  ». 

M"*  de  Montdragon  aimait  son  mari,  elle  résolut  de  le  sauver;  elle 
alluma  une  torche  déjà  en  partie  consumée  et  descendit  à  la  rencontre 
du  visiteur.  «  Mon  mari,  lui  dit-elle,  est  en  train  de  faire  son  testament, 
il  sera  prêt  d'ici  un  instant.  Accordez-lui  seulement  le  temps  que 
durera  cette  torche  ». 

—  Soit,  dit  le  diable,  j'attendrai. 

Alors,  la  dame  soufflant  la  torche,  lui  dit  d'un  air  de  défi  :  «  Vous 
attendrez  longtemps,  car  je  vais  ranger  précieusement  cette  torche 
et  elle  n'est  point  près  d'être  consumée  ». 

Le  diable,  se  voyant  joué,  entra  dans  une  colère  effroyable  ;  mais  îl 
était  lié  par  sa  promesse  ;  il  prit  le  parti  de  s'en  retourner,  et  à  peine 
élait^il  monté  en  voiture  que  le  cocher  aux  favoris  carotte  fouette 
les  chevaux  avec  rage.  Ceux-ci  bondissent  à  travers  la  muraille  et  y 
font  une  brèche  énorme  et  le  carosse  s'enfonce  sous  terre. 

Cette  brèche  se  voit  encore  aujourd'hui  ainsi  fue  le  précipice. 
Tous  les  seigneurs  du  château  ont  vainement  tenté  de  boucher  cette 
brèche  et  de  combler  le  précipice.  Cne  pierre  jetée  dans  ce  gouffire 
sans  fond  y  roule  longuement  et  disparait  on  ne  sait  où. 


IX 

LKS  VOLEIRS  DE  NAVETS 

l/endroit  des  promenades  de  Nogent-le-Rotrou,  dit  le  Road-Point, 
était  autrefois  un  cimetière.  A  la  Révolution,  Téglise  Notre-Dame  des 
Marais  fut  démolie  et  le  cimetière  abandonné. 


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REVUB    DKS  TRADITIONS    POPULAIRES  575 

Un  jardinier  utilisait  ce  terrain  pour  des  semis  de  navets  ;  mais 
chaque  matin  il  avait  à  constater  les  larges  brèches  qu'y  faisaient  des 
maraudeurs  pendant  la  nuit. 

L'idée  lui  vint  de  leur  faire  peur.  S'affublant  d'un  long  drap,  il 
alla  se  blottir  un  soir  dans  le  creux  de  deux  fosses  et  s'y  tint  immo- 
bile. Les  voleurs  vinrent  selon  leur  coutume  et  déjà  ils  avaient  fait 
ample  provision  de  navets,  lorsque  le  prétendu  fantôme  se  lève  en 
étendant  les  bras  et  d'une  voix  sépulcrale  il  s'écrie  : 

Depuis  que  ]e  suis  dans  la  bière  (1), 
Je  n'ai  jamais  vu  si  belle  naviëre. 
Depuis  que  je  suis  dans  i*tombeau, 
Je  n'ai  jamais  vu  de  si  beaux  naviaux. 

Les  voleurs,  croyant  voir  un  revenant,  lâchent  les  navets  et  s'en- 
fuient à  toutes  jambes.  Et  jamais  plus  le  jardinier  ne  les  vit  revenir 
à  ses  navets  '. 

Filleul-Pétigny,  . 


^WW<»W^»>W^«M» 


LA  MER  ET  LES  MARINS 


XVII 

LES  APPARITIONS 

A  Kieldrecht  (Flandre  orientale],  sur  les  rives  de  l'Escaut,  une 
gerbe  mystérieuse  et  enflammée,  renfermant  l'âme  d'un  navigateur 
naufragé  et  condamné  à  errer  sur  la  mer,  s'élève  le  soir  des  profon- 
deurs des  eaux  jusque  dans  les  airs,  en  prenant  toujours  sa  direction 
vers  le  village  de  Verrebroeck. 

(CoRKHENS,  dans  le  BulL  de  la  commission  royale  d'histoire^  YIÎ, 
124). 

Alfred  Harou. 

i.  Certains  narrateurs  disent  : 

Depuis  que  je  suis  dans  Vsomquière  (cimetière), 
Jamais  j  nai  vu  bI  belle  navière. 
Depuis  cpie  j'suis  'lans  l' régiment  des  mois  (morts), 
Jamais  j  nai  vu  d'aussi  biaux  naviaux. 

2.  Cr.  t.  IX,  p.  394,  un  conte  de  la  Haute-Bretagne  où  la  formule  est  presque 
identique  ;  mais  c'est  le  voleur  qui  fait  peur  au  bonhomme. 


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576  REVUE  DES   TRADITIONS  POPULAIRES 


LES  METEORES 


VIII  *  {suite) 

LA  VOIE  LACTÉE 

§5 

N  proverbe  yorouba,  compare  les  étoiles  à  des 
poussins  suivant  une  poule,  la  lune,  et  la  voie 
lactée  est  appelée  «  le  groupe  de  poussins*  ». 


§6 

Au  Japon  la  voie  lactée  est  appelée  la  Rimère 
(Vargent  du  ciel,  et  le  7  juillet  est  considéré 
comme  un  jour  de  fête  parce  que  ce  jour  là, 
rétoile  du  berger  (Capricorne)  el  celle  de  la  jeune  fille  qui  file  (Alpha 
de  la  Lyre)  traversent  cette  rivière  pour  venir  à  la  rencontre  Tune 
de  l'autre.  A  l'origine,  d'après  un  conte  japonais,  ce  furent  des  pies 
qui  formèrent  le  pont  sur  la  rivière  d*argent  et  permirent  aux  amou- 
reux de  se  réunir  '. 

§7 

En  Chine,   comme  au  Japon,  la  voie  lactée  est  appelée  la  Rimère 
d'argent  *. 

§8 

Dans  le  pays  wallon^  la  voie  lactée  se  nomme  li  tchâssey-romin-n 
(la  chaussée  romaine)  ou  livoy  sin  Djâk  (le  chemin  de  S.  Jacques)  ^. 


1.  Suite,  V.  t.  XI,  p.  45.  Cet  article  a  été  numéroté  par  erreur  XXII  au  lieu 
de  VIII. 

2.  EUis  The  Yoruba-Speaking  peoples.  Londres,  1894,  in-8,  p.  83. 

3.  W.  Elliot   Gpiffis,  Japanese  fairy  World.   Londres,  1887,  in-16,  ch.   I.    The 
Meeting  of  the  Star  Loves. 

4.  Cf.  St.  Julien,  Les  deux  jeunes  filles  lettrées,   tr.  fr.  Paris,   1864,  2  v.  in-12, 
t.  I,  p.  234. 

5.  Monseur,  le  Folk-lore  wallon.  Bruxelles,  s.  d.,  §  926,  p.  61. 


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RE\'I!E    DES  TRADITIONS    POPULAIRES  571 

IX 

ORION  ET  LE  BAUDRIER  d'oRION 
§1 

Dans  rtle  de  Seeland,  le  baudrier  d'Orion  qui  est  nommé  en  sué- 
dois Friggerock  ou  Freyerock  (fuseau  de  Freya)  est  encore  appelé 
communément  aujourd'hui  Mariœrock  (fuseau  de  Marie)  par  suite  de 
la  subsUtution  de  Marie  à  Freya  *. 

§2 

«  Le  D^  Silva  Countinho  m'a  raconté  que,  non  seulement  les  Indiens 
de  TAmazone  donnent  des  dénomination^  à  un  grand  nombre  de 
corps  célestes,  mais  encore  qu'ils  racontent  des  histoires  à  leur  sujet. 
Ils  disent  que  les  deux  étoiles  formant  Tépaule  d'Orion  sont  un 
vieillard  et  un  jeune  garçon  qui  chassent  une  vache  fluviale  dans  un 
canot  ;  sous  le  nom  de  Manate,  ils  désignent  une  tache  noire  du  ciel, 
située  près  de  cette  constellation.  Tout  d'abord,  ajoutent*ils,  le 
vieillard  (la  grande  étoile)  était  à  la  proue  du  canot,  tandis  que  le 
jeune  homme  (la  petite  étoile),  se  trouvait  à  la  poupe^  tenant  le 
gouvernail.  Lorsque  le  vieillard  aperçut  la  vache  fluviale,  il  se  trou- 
va trop  excité  pour  pouvoir  la  harponner  ;  il  changea  donc  de  place 
avec  le  jeune  homme  '  ». 

§3 

Les  trois  étoiles  du  baudrier  d'Orion  qu'on  nomme  à  Vervins  le 
Ireurwé  (les  trois  rois),  forment,  avec  l'étoile  Rigel  une  figure  qu'on 
appelle  à  Laroche  le  râteau  {H  ristê)  '. 

On  donne  aussi  à  Lunéville  le  nom  de  Bateau  au  baudrier  d'Orion. 


§5 

Le  baudrier  d'Orion  est  appelé  chez  les  Finnois  Wàinàmoinen 
miekka  (l'épée  de  "Wœinaemoinen),  ou  Wàinamoinen  Viitake  (la  faux 
de  Wseinœmoinen)  *. 

t.  Cf.  Rohrusch,  Schvoeiierisches  Sagenbuch,  Leipzig,  18'H,  p.  326. 

3.  F.  de  Santa-Anna  Néry,  Folk-lore  brésilien.  Paris,  188«,  in-12,  p.  252. 

3.  Monseur,  Le  Folk-lore  wallon,  Bruxelles,  s.  d.,  iD-i2,  p.  60. 

4.  Le  Kalevala,  trad.  Léouzon  le  Duc.  Paris,  1879,  in«8,  l'^*  rano,  p.  8,  note  1. 

Ton  XI.  —  IIOVEMBRB  1896.  37 


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Îi78  BEVOe    DES   ÏRADITIONS    POPULAIRES 

§6 

Les  Touaregs  Azger  donnent  à  Orion  le  nom  d'Amanar^  celui  qui 
ouvre,  et  au  baudrier  d^Orion  le  nom  de  Tadjebest  n  Amanar  «  cein- 
ture d'Amanar  »  à  Rigel,  celui  d^Adar  n  elakou  «  le  pied  dans  la 
vase  »,  à  Sirius,  celui  à'Eidi  «  le  chien  »,  c'est-à-dire  le  chien  d'A- 
manar. 

D'après  les  uns,  Orion  {Amanar)  sort  d*un  puils  vaseux  et  Rigel 
(Adar  n  elakov)  est  le  dernier  pied  qu'il  tire  de  la  vase,  c'est-à-dire 
la  dernière  étoile  qui  apparaît  lorsque  la  constellation  monte  dans 
Test. 

D'après  les  autres,  Orion  [Amanar]  est  un  chasseur  ceint  de  sa 
ceinture  ;  il  est  suivi  par  un  chien,  Sirius  (Eidi)  et  précédé  par  des 
gazelles  [Ihenkad)  qui  sont  les  étoiles  de  la  constellation  du  lièvre  *. 

§  7 
Dans  l'ancienne  Egypte,  Orion  portait  le  nom  de  Sah  *. 


X 

LES  ÉTOILES  FIANTES 
§i 

Chez  les  Romains,  les  marins  regardaient  comme  un  présage  de 
tempête  la  multiplicité  des  étoiles  filantes  *\ 

§2 

L'apparition  d'une  étoile  filante  fut  regardée  comme  annonçant  la 
mort  de  l'impératrice  de  Russie,  Catherine  II.  On  remarqua  que  la 
citadelle  et  les  tombeaux  des  souverains  se  trouvaient  vers  les  lieux 
où  l'étoile  avait  paru  tomber*. 

§3 

Aux  environs  de  Lunéville,  on  croit  qu'une  étoile  filante  est  une 
àme  qui  sort  du  Purgatoire  pour  entrer  en  Paradis.  Cette  croyance 
existe  aussi  dans  les  Vosges,  entre  autres  à  Saint-Maurice  ;  mais 


1.  Duveyrier,  Les  Touaregs  du  Nord.  Paris,  1864,  in-8,  p.  424. 

2.  Pierret,    Vocabulaire  hiiroolyphique .  Paris,  1875,  in-8,  p.  522. 

3.  Sénëque,  Questions  naturelles ,  L.  I,  §  1. 

4.  Masson,  Mémoires  secrets  sur  la  Russie,  Paris,  1863,  in^l8  jès.  p.  11-12. 


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ttEVUE  DKS  TKADITIONS    POPULAIRES  579 

TopiDion  générale  pense  que  c'est  une  âme  en  souffrance  qui  réclame 
des  prières.  Aussi,  si  Ton  peut  dire  trois  fois,  avant  qu'elle  ne  soit 
éteinte  :  Requiescant  in  pace,  on  délivre  une  âme  du  purgatoire  ^ 

,§* 

Au  moyen-âge,  en  Orient,  la  chute  des  étoiles  filantes  était  regardée 
comme  un  mauvais  présage.  D'après  le  pseudo-Denys  de  Ïell-Maharé, 
on  crut  que  la  conquête  de  la  Syrie  par  les  Arabes  fut  annoncée  en 
937  (625-626)  par  des  étoiles  filantes  qui  se  dîrrigèrent  vers  le  nord, 
semblables  à  des  traits*.  Une  autre  pluie  d'étoiles  filantes,  arrivée 
en  janvier  743,  présagea  également  de  grandes  calamités  ^.  Dans 
ie  même  mois,  eu  765,  ce  signe  fut  accompagné  de  ta  luttte  de  deux 
étoiles  qui  «  sortirent  au  milieu  du  ciel  et  luttèrent  ensemble,  comme 
des  hommes  qui  se  combattent  ou  qui  luttent  :  en  combattant,  elles 
lançaient  des  traits  et  descendaient  vers  l'Orient.  Quand  celles-ci 
descendirent  et  eurent  cessé  de  briller,  toutes  les  étoiles  du  ciel 
commencèrent  à  filer  sous  Taspect  de  sphères  de  feu,  dans  toutes 
les  directions*  ». 

§5 

C'est  encore  une  croyance  répandue  en  Lorraine,  et  surtout  aux 
envrrons  de  Lunéville,  que,  si  Ton  a  le  temps  de  formuler  un  souhait 
pendant  qu  une  étoile  filante  est  visible,  ce  souhait  est  accompli. 
Dans  les  Vosges,  cette  croyance  est  légèrement  modifiée  :  il  sufit  de 
prononcer  dans  le  temps  voulu  les  trois  mots  :  Paris,  Metz,  Tout  :  un 
dragon  apporte  aussitôt  un  diamant  dont  Téclat  fait  pâlir  celui  des 
plus  riches  couronnes  ^. 

Au  mois  de  septembre,  elles  aunoncent  une  heureuse  vendange  -*. 

René  Basset. 

1.  Sauvé,  Le  Folkrlore  àes  Baules- Vosges,  Paris,  1889,  pet.  in-8  ç.  196. 

2.  Chabot,  Quatrième  partie  de  la  chronique  syriaque  de  Denys  ae  Tell-Maharé. 
Paris,  1895  io-S  p.  6  du  texte,  5  de  la  trad. 

3.  Ihid  p.  51  du  texte,  46  de  la  traductloD. 

4.  Ibid,  p.  78-79  du  texte,  67  de  la  traduction. 

5.  Sauvé,  Le  Folk-tore  des  Hautes-Vosges,  §  197. 

6.  ïhid,  p.  265. 


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o80  REVUE    DES    TRADITIONS    POPLLAIRRS 


CROYANCES  DES  INDIGENES  DES  ENVIRONS  DE 
SEDRATA  ' 


Département  de  Constantine  (Algérie) 
II 

LA    HUPPE 

^^  A  tête  d'une  huppe  ^  enterrée  dans  un  champ  de  blé  ou  d*orge 
tifft9i  fertiliserait  ledit  champ.  Celte  même  tête  de  huppe  attachée 
au  cou  du  bélier  d*un  troupeau  de  moutons,  fait  augmenter 
ledit  troupeau  dans  de  très  notables  proportions.  Les  plumes 
de  la  huppe  sont  aussi  employées  par  les  indigènes  pour 
combattre  Tensorcellement.  Ils  font  à  cet  effet  des  fumigations  en 
brûlant  les  plumes  précitées. 

LE  LAURIER  ROSE  ET  LE  PIN 

Ces  deux  végétaux  sont  employés  par  les  indigènes  pour  empê- 
cher les  gros  vers  blancs  des  terres  cultivées  de  manger  les  grains 
ensemencés.  Des  brauches  de  laurier  rose  et  de  pin  plantées  de 
distance  en  distance  préserveraient  les  cultures  des  ravages  du 
doud  (ver  blanc). 

CHAT  ET  CHIEN 

Les  indigènes  de  la  région  croient  que  lorsque  le  chat  se  passe  la 
patte  sur  le  museau,  il  prie  Dieu,  et  que  ses  prières  n'ont  qu'un  seul 
but,  celui  d'obtenir  la  mort  de  son  maître.  Quant  au  chien,  ils  lui 
attribuent  des  sentiments  diamétralement  opposés,  le  brave  animal 
formerait  des  vœux  pour  la  prospérité  de  celui  qui  le  nourrit.  D'après 
cette  croyance  le  chat  serait  Tembléme  de  la  fausseté,  de  la  traîtrise, 
tandis  que  le  chien  serait  celui  de  la  fidélité,  de  la  loyauté. 

Achille  Robert. 

1.  Cf.  t.  XI,  p.  473. 

2.  En  arabe  Tebbib. 


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REVUE   DES   TRADITIONS    POPULAIRES  584 


LA  SAINT  MARTIN 


I 

ORIGIfîE  DE  l'Été  de  la  SAINT-MARTIN 

Légende  liégeoise 

E  commencement  du  mois  de  novembre  est  souvent 
ensoleillé,  c'est  ce  que  l'on  nomme  Tété  de  saint  Martin  (la 
fête  de  ce  saint  tombe  le  il  de  ce  mois). 
A  ce  propos  voici  une  légende  de  Tété  de  saint  Martin, 
recueillie  dans  le  Luxembourg  belge,  aux  environs  de 
Marche. 

Cette  légende  se  rattache  à  celle  du  manteau  popularisé  par  Tima- 
gerie  religieuse. 

c  Je  n*ai,  avait  dit  le  saint  au  mendiant,  ni  or,  ni  argent,  mais  ce 
que  j'ai,  je  te  le  donne  au  nom  de  N.-S.  J.-Ch.  » 

Or,  à  peine  saint  Martin  avait-il  prononcé  le  nom  du  Sauveur,  que 
la  nature  tressaillit,  et  à  travers  les  nuées  qui  brusquement  s'étaient 
entr  ouvertes,  resplendit  le  plus  magnifique  soleil. 

En  même  temps  se  fit  entendre  du  ciel,  une  voix  qui  disait  :  Mar- 
tin, parce  que  tu  t'es  montré  miséricordieux  pour  le  dernier  des 
miens,  j  ai  voulu  te  donner  un  avant-goût  des  joies  du  paradis.  Il 
y  aura  dans  l'autre  vie  un  printemps  perpétuel  pour  ceux  qui  auront 
pris  soin  de  mes  pauvres  ici-bas. 
Tel  est  l'origine  de  l'été  de  la  saint  Martin. 

II 

COUTUMES   DE   LA   SAINT  MARTIN 

A  Liège,  à  la  S'-Martin  (le  11  novembre],  les  enfants  allumaient 
des  bouts  de  grosses  cordes  goudronnées,  les  faisaient  tournoyer  en 
courant  les  rues,  le  soir,  aux  cris  répétés  de  : 
Vivâ  !  Saint-Martin  î 
Qu'à  vindou  s'cou  d'châsse  po  heure  de  vin  ! 

Traduit  : 

Vive  Saint  Martin 
Qui  a  vendu  sa  culotte  *  de  chasse  pour  boire  du  vin. 

Alfred  Harou. 
i.  Cou  cUch&88e,  culotte  courte  venant  jusqu'aux  genoux. 


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382  REVUE    DES   TlUDÏTiONS    POPULAIRES 


FORMULETTES  ET  JEUX  ENFANTINS 


FORMULETTES   RECUEILLIES  A   TROYES 

Les  yeux  verts, 

Vont  en  enfer  ; 

Les  yeux  gris, 

En  paradis; 

Les  yeux  bleus, 

Dans  les  cieux  ; 

Les  yeux  noirs, 

En  purgatoire  ; 

Les  yeux  jaunes, 

Dans  la  culotte  au  père  Guillaume. 

Petit  bonhomme, 
Du  pain  des  pommes. 

Formulette  employée  par  les  enfants,  en  diverses  circonstances 
indéterminées  et  sans  autre  signification. 

Quand  des  enfants  font  un  échange  ou  se  donnent  quelque  chose, 
ils  disent  : 

Quitte  et  quitte  à  la  boutique  ; 
Si  tu  reprends  tMras  en  enfer, 
Si  tu  ne  reprends  pas  tiras  en  paradis. 

Quand  un  enfant  a  donné  un  objet  quelconque  à  un  autre,  et  veut 
ensuite  le  lui  reprendre,  ce  dernier  lui  dit  : 

Quand  on  donne  on  ne  r'prend  plus. 
Ou  sans  ça  on  est  pendu 
A  la  croix  du  p'tit  bossu 

Ou 
Par  la  corde  du  p'tit  bossu, 

et  garde  l'objet. 

Les  enfants  s'amusent  parfois  à  répéter  mot  à  mot  ce  que  dit  à 
côté  d'eux  un  de  leurs  camarades.  Ce  dernier,  pour  échapper  à  cette 
obsession^  lance  ce  distique  : 


Tu  répètes  tout  ce  que  je  dis. 
Tu  mïingeras  tout  ce  que  je  ch. 


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REVUE    DES  TRADITIONS   POPULAIRES  383 

T'as  raisoo,  moi  j*ai  pas  tort, 
Tu  cour.h'ras  d^ant  la  porte  et  moi  dehors, 
Ou 

T'as  pas  tort,  moi  j'ai  raison, 

Tu  coucheras  d'vant  la  porte  et  ojoi  a  la  maisou. 

Manière  comme  une  autre  de  couper  court  à  une  discussion. 

En  été  comme  en  liiver, 

Qui  quitte  sa  place  la  perd.  * 

Réponse  que  font  les  gamins  quand,  un  des  leurs  ayant  quitté  sa 
place,  la  trouve  prise  ensuite. 
Comparer  avec  : 

C'est  aujourd'hui  la  Saint- Lambert. 
Qui  quitte  sa  place  la  perd  (i). 

Formule  de  serment,  —  On  crache  à  terre,  puis  on  fait  le  signe  de 
la  croix  en  disant  : 

Croix  de  feu,  croix  de  fer, 
Si  je  mens,  j'irai  en  enfer. 

A  l'école,  nous  mettions  sur  la  couverture  de  nos  livres  : 

Ce  livre  est  à  moi 

Comme  la  France  est  au  roi  ! 

(Je  suis  allé  à  Técole  de  1871  à  1878). 
Les  filles  mettaient  : 

Ce  livre  appartient  à  sa  maîtresse, 
Qui  n'est  ni  reine  ni  princesse  ; 
Si  vous  voulez  savoir  son  nom, 
Regardez  dans  ce  petit  rond  (3) . 

Et,  dans  un  petit  rond  à  côté  du  quatrain,  figurait'  le  nom  de  la 
propriétaire  du  livre. 

En  faisant  une  gageure,  un  enfant  dit,  en  frappant  dans  la  main 
de  son  camarade  : 

Tapons  maios  ; 
et  Tautre  répond  : 

Mon  cul  sera  ton  parrain  l 

Un  enfant  demande  à  un  autre  :  «  Où  que  tu  restes  ?  » 
—  J' demeure  dans  la  rue  persil,   numéro   cerfeuil,   escalier  de 
papier  et  maison  de  carton  »,  répond  Tinterpellé. 

i.  Cité   par  Leroux   de  Lincy  {Livre  des  Proverbes,  I,   p.  32)  d'après   Oudiii, 
{ Curiosités  françaises ^  p.  494] . 
2.  Voir  R.  T,  P.,  1889,  p.  395,  et  1892,  p.  242,  625  et  115. 


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584  REVUE  DES  TRADITIONS  POPULAIRES 

Quand  un  gamin  demaude  l'heure  à  un  aulre,  celui-ci  répond  : 
a  II  est  l'heure  perdue,  la  béte  la  cherche.  » 

—  «  L'heure  n'est  pas  perdue,  puisque  la  bête  a  répondu  !  » 
réplique  aussitôt  le  questionneur. 

Quand  un  enfant  a  trouvé  un  objet  quelconque,  il  chante  : 

Qu'est-ce  qu'a  perdu,  moi  j'ai  trouvé, 
C'est  la  bourse  à  Monsieur  V  curé  ; 

Si  je  r  dis  trois  fois, 

Ce  sera  pour  moi. 

Après  avoir  répété  cela  trois  fois  sans  attirer  de  réclamation,  il 
s'attribue  la  propriété  de  la  trouvaille. 

Une  variante  de  la  Haute-Bretagne  a  été  publiée  par  M.  Paul 
Sébillot  {R.  r.  />.,  1892,  p.  54). 

En  voici  une  de  TAube  et  du  Châtillonnais  : 

Qu'a  perdu, 

Qu'a  IrouTé, 
La  valeur  d'un  sou  marqué  ?  (1) 
Si  je  r  dis  trois  fois 
Ce  sera  pour  moi  ! 

Tapez  derrière, 
Y'  a  des  choux  verts  ; 

Tapez  d'vant, 
Y'  a  des  choux  blancs  ! 

Se  dit  au  conducteur  d*une  voiture  derrière  laquelle  un  gamin 
s  est  accroché. 
On  dit  aussi  tout  simplement  :  «  Tapez  derrière  !  » 
A  Chàtillon  :  «  Tapez  derrière,  la  bourrique  est  devant  î  » 

Les  enfants  s's^musent  parfois  à  se  tirer  les  paupières  du  bas  pour 
en  fiiire  voir  Tintérieur. 

Quand  ils  le  font,  un  autre  leur  dit  :  c  Ne  fais  pas  ça,  ça  fait  pleurer 
la  Sainte-Vierge  ». 

Quand  un  enfant  a  une  friandise,  un  de  ses  camarades  lui  dit  : 

—  Donne-moi  z*en  un  peu,  dis  ? 
Et  si  l'autre  en  donne  : 

—  Non  je  n'en  veux  pas  :  c'était  pour  voir  si  tu  avais  bon  cœur. 

1.  Les  sous  «  marqués  »  ou  «  tapés  »,  autrement  dit  pous  parîsis,  valaient 
quinze  deniers  ;  on  appela  aussi  de  ce  nom,  parait-il,  les  petites  pièces  de 
biiioD  du  premier  Empire,  portant  un  N  sur  une  de  leurs  faces.  L'allusion  qui 
y  est  faite  dans  notre  formulette  avait  sans  doute  pour  but  de  faire  entendre 
que  l'objet  n'avait  pas  grande  valeur  et. ne  méritait  pas  l'attention. 


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RBVCB   DBS   TRADITIONS   P0PIJLAIRB8  ^O 

Un  eafaol  monte  à  Taide  de  ses  bras  sur  l'épaule  de  deux 
camarades  ;  si  ceux-ci  le  supportent  sans  fléchir,  c'est  qu*ils  ont  ou 
qu'ils  mangent  «  du  bon  pain  ». 

Louis  MORIN. 


II 

FORMULETTES  RECUEILLIES  PAR  M.  ALPHONSE  BAUDOUIN 
Extraites  de  son  :  Glossaire  du  Patois  de  lu  forêt  de  Clairvaux 

D*lai  loquotte 
Pa  dessus  lai  pâte  ; 
Ein  sieau  d'eau 
Pa  dessus  le  dos  ! 

La  Loquotte  est  un  morceau  de  viande  cuite  que  les  enfants  allaient 
quêter  le  jour  d'un  mariage  à  la  porte  de  la  maison  où  se  faisait  la 
noce  en  chantant  le  refrain  ci-dessus  sur  Tair  des  lampions^  jusqu'à 
ce  que  la  cuisinière  se  montrât. 

Des  ailouches 
Pou  mai  bouche. 
Des  ailies 
Pou  mai  mie 

Refrain  que  chantent  les  gamins  en  cueillant  le  premier  de  ces  fruits 
iSorbus  iorminalis)  et  en  faisant  allusion  au  second  [Sorbus  mna)^ 
beaucoup  moins  agréable. 

Chaudrougoia  matou. 
Qui  met  lai  pièce  au  loug  (à  côté)  du  trou. 

Refrain  dont  les  enfants  poursuivent  les  chaudronniers  ambulants. 

Cul  fouetté  ai  lai  lunotte, 
J*ai  du  pain  dans  ma  pochotte. 
J'ai  du  vin  dans  mon  baril. 
Crois  de  par  Dieu  t'en  as  menti  ! 

Refrain  que  les  enfants  chantaient,  sur  un  air  moqueur,  à  celui  de 
leurs  camarades  qui  avait  été  fouetté  par  sa  mère. 

Louis  MoRIN. 


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o8ti  REVCJB   DBS  TBADITIONS  POPULAIRES 

III 
UNE   CHEVAUCBÉE 

Verdun-sur-Doubs  (Saône^et- Loire), 

Le  grand-père  est  assis.  L'hiver,  c'est  devant  le  fagot  qui  flambe  ; 
l'été,  c'est  sur  le  seuil,  aux  rayons  du  soleiL  Le  marmot  grimpe  sur 
les  genoux  de  l'aïeul,  qu'il  étreint  de  ses  deux  petites  jambes,  et 
se  campe  là  en  «graine  de  cavalier».  Alors,  il  demande  à  son 
«  grand  »  la  chanson  qui  «  fait  aller  •,  et  le  grand  père,  vrai  «  papa 
gâteau  »  qui  ne  sait  rien  refuser,  s'exécute.  D'un  mouvement 
rythmé  il  fait  sauter  le  bambin,  en  s'accompagnant  de  ce  couplet 
dont  les  paroles,  sans  être  en  musvjue,  ont  cependant  une  accentua- 
tion croissante  tellement  vive  qu'elle  finit  par  enivrer  le  garçonnet. 
Ecoutez  : 

A  cheval,  mon  àne. 

Pour  aller  à  Biàne  (Ueaunc) 

Chercher  du  pain  blanc 

Pour  la  mère  gan-gao 

Qui  n'a  plus  de  dents. 

Au  trot  !  au  trot  !  au  trot  ! 

Au  galop  !  au  galop  !  au  galop  ! 

El  souvent  un  premier  voyage  ne  suflît  pas  au  gamin.  Il  en  récla- 
me vite  un  second,  qu'il  obtient  d'emblée  ..  sans  parler  d'un  troi- 
sième très  possible. 

Ce  couplet  n'est  pas  spécial  à  Verdun.  Je  l'ai  entendu  autre  part. 
Cependant  il  doit  venir  ou  de  chez  nous,  ou  d'une  localité  assez 
proche.  Notre  voisinage  de  Beaunesufïit  pour  justifier  la  supposition. 

Un  soir,  sur  la  place  ou  joue  toute  la  prime  jeunesse,  une  demi- 
douzaine  de  filleUes  se  prirent  par  la  main,  et  formèrent  une  ronde 
en  s'en  traînant  par  ces  paroles.  Mais  elles  se  trompaient  pourtant  ; 
ce  rythme  galopant  n'est  point  propre  à  mener  une  ronde.  Seule- 
ment, comme  aux  enfants  tout  est  bon,  la  ronde  n'alla  pas  moins 
son  train. 

F.  Fertiault. 


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HEVUB  0B9  TRADITIONS  rOPlJLÂlBES  5B7 


LE  CHATEAU  HANTE 


LÉGENDE    EN    PATOIS    MORVANDIAl' 

"Nn  t  yaivo  en  c'temps-lai,  un  sàtiau  hanté  que  les 
A  maires  aivint  été  obligés  d'aîbandounné  ai  cause 
\  1  dassaihbats  que,  toutes  las  nues,  le  diabe  orgainiso. 
j  Lai  cor  et  Tgueurné  (grenier)  étint  piens  (pleins), 
chaque  nué  (nuit),  das  ervenantsque  v*nint  dans  lai, 
cuisine,  mezer  (manger),  çanter,  danser  en  rond, 
autor  d'eune  grande  taible.  Totrmondeenaimiolod'peue;on  raicouto 
qu*ai  houme  qu'aivo  v'iu  fére  le  mèlin  en  pairiant  d'y  couicer, 
aivô  été  davitu  (dévêtu),  foutu  diors  de  son  lit  et  jeté  é  r'oubliettes. 
Çore  queurieuse,  le  gros  Linard,  que  paisso  por  éle  sorcier,  âto 
p'téte  le  pu  pouéru  ;  c'que  n'empécho  pas  Tmonde  de  dire  en  dessos 
que  bin  das  fouais  on  Tèvo  vu  rôder  autor  du  sàtiau,  tôt  chu  (seul), 
lai  nué. 

Ain  biau  zor,  un  beurzé  (berger^  de  Tendrel,  qu'aivo  déjai  tué  chix 
loups,  aigaicé  por  las  raicontars  das  fonnes  [femmes),  fié  Tpairi 
d'couicé  tou  chu  au  sàtiau.  Le  màtre  du  ratiau  qu'àto  por  lai,  (par 
là)  entende  Tpairi  et  Ty  preumi  cinquante  pistolles  chî  o  v'no  ai  bout 
das  ervenants  qu'aivinl  envahi  sai  maïon.  Le  beurzé  aicceplé  ai  lai 
condition  qu'on  Ty  douneussà  du  bié  nàr,  du  se  et  eune  toule  (tourie, 
sorte  de  vase  à  huile)  d'huile  por  fére  das  grèpiaux  (crêpes  ou 
galettes^. 

Donc,  chu  Tcoup  d'huit  heures,  ol  se  rende  au  sàtiau  el,  aiprée 
Kaivoir  tenu,  ol  se  couissé  fcouche)  dedans  lai  pu  grande  chambre, 
où  qu'o  yaivo  eune  haute  seumnée.  01  s'endreumé  (s'endormit)  en  ran 
d'temps. 

Las  ervenants  le  laichérent  drenmi  jusqu'ai  maingnué.  Au  douzième 
coup  d'sounnerie,  l'beurzé  fut  révoillé  por  das  pas  que  fiaint  craquer 
l'plancher.  01  rèlleumé  lai  chandéle^  fié  du  feu  dans  Tàlre,  puis 
s'metté  ai  baitte  son  bié  nàr  aivec  de  yau  (de  l'eau)  dans  ain  grand 
creuset  en  tarre. 

Pendiment  qu'o  travaillo,  ain  renard  que  v'not  on  n'sait  por  où, 
vint  s'aichite  (s'asseoir)  ai  côté  d'souai  en  l'y  diant  : 

—  Est-ce  qu'y  peut  m'çauffer  ain  p'so  ? 


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588  REVUE   DES   TRADITIONS    POPULAIRES 

—  Çaufife  lai  donc  ain  gros  p'so  (peux)  chi  t'veux,  l'y  râpouné 
l'beurzé  sans  fére  sembiant  de  rvoui. 

Le  renard  se  botté  dans  Tcaignot  (coin),  dUai  seumméeenTergar- 
dant  fére. 

—  Qu'on  quHe  fâs  lai?  qu'o  l'y  dié  au  bout  d'eune  minute. 

—  Y  fâs  in  grâpîau  (crêpe)  por  moi,  qu'y  dit  Tbeurzé. 

—  Te  m'en  beillerée-t-y  bin  ain  mouciau?  l'y  d'mandé  le  renard, 

—  Y  t'dounneré  bin  lai  poêle  ai  loicer  chi  t'veux. 
Bit  o  continué  ai  haitle  sai  pâte. 

Cinq  minutes  aiprée,  ain  deuixième  renard  vint  s'aichite  ai  côté 
du  premé,  puis  ain  troisième,  un  quatrième,  un  cinquième,  un 
sivième.  Tor  ai  tor  ol  Gèrent  les  moimes  questions  que  Tpreumé  au 
beurzé  quVâpouno  auchitôt  en  baîttant  sai  pâte. 

Dans  un  coup,  un  septième  renard,  pu  gros  qu'las  rautes,  sorte  de 
d'sos  riit  et  vint  s'botter  pianté  chu  sas  pattes  de  darré  au  milieu 
de  l'ai  chambre.  Auchitôt,  tous  las  raules  v'nérent  se  mette  autor  de 
souai  et,  s'peurnant  lai  queue  dans  lai  gueule,  ois  (iérént  lai  ronde. 

Le  beurzé,  sans  fére  ran  voui,  n'pardo  pas  las  peutes  (vilain,  laid), 
bétes  de  vue.  01  mette  tote  Thuile  de  lai  toule  dans  lai  poêle  et, 
quand  elle  coummencé  ai  çanter,  ai  potiller  (pétiller),  ai  aqueumer, 
ol  aittrèpé  sai  poêle  et  ol  fouté  l'huile  bouillante  chu  las  renards. 
Le  gros  du  milieu,  surtout,  eu  feul  inondé. 

Un  cri  coume  jenas  (jamais)  lai  voilée  d'iai  Brouelle  n'en  aivai  en- 
tendu^ rasounné  dans  las  récos..  las  sept  renards  aivint  dispairu  au* 
milieu  d'un  fouro  (fourré). 

—  Bon  voyage  !  queurié  l'beurzé.  Puis,  airpeurnant  sai  toule,  ol 
lié  son  grapiau  tant  bin  qu'mô. 

Le  maitin,  le  mate  du  çâtiau,  qu*aivo  entendu  l'cri  inhumain  d'Iai 
nué,  airrivo  ai  pas  d'Ioup  aivec  tous  las  voisins  airmés  d'gouillards, 
grandes  serpes),  de  dards,  de  sarpes,  por  voui  c'qu'âto  d'venu 
Tpore  beurzé.  Ois  feurent  ran  âtounés  de  Tvoir  chu  lai  porte,  beuvant 
aine  bouteille  ai  leur  santé.  01  leu  raiconté  l'aiventure  de  lai  nué  et, 
aiprée  aivoir  teucé  las  pistoles  preumises  et  Tpairi,  ol  se  rende 
chez  Tsorcier  por  se  fére  expliquer  Tpouvoir  das  renards.  0  Tlroué 
couicé,  j'tant  das  cris  ai  fende  Tâme...  Tout  son  corps  n'âto  qu'eune 
breuleure  et,  c'qu'àto  l'pu  drôle,  ol  empoisounno  l'huile  de  naivotte 
(navette)  frite. 

On  en  neu  l'explication  le  lend'main  en  trouant  sept  piaux  d'er- 
uards,  remplies  d'huile  dans  ain  das  fossés  du  çâtiau. 

Depiée  c'temps-lai,  pu  jaimâs,  au  Châtelet,  (hameau  de  la  com- 
mune d'Arleuf,  Nièvre),  on  n'entende  parler  d'ervenants. 

Jean  Coulas. 


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REVUE  DES   TRADITIONS    POPULAIRES 


589 


RITES  ET  USAGES  FUNERAIRES 


XXI 


ENVIRONS  DE  METZ 

ussiTOT  qu'une  personne  est  morte,  ses  parents  l'appellent 
plusieurs  fois  à  haute  voix.  On  arrête  Fhorloge,  on  voile 
les  miroirs,  on  jette,  hors  de  la  maison,  Teauque  contien- 
nent les  vases  ;  on  enlève  Ta  paille  du  lit  mortuaire  qu*on 
va  brûler  à  un  embranchement  de  chemins. 
Les  voisins  viennent  veiller  le  mort  ',  et  passent  la  nuit  à  manger, 
à  boire,  à  causer  bruyamment  même  gaîment.  Le  cercueil  est  porté 
par  les  voisins  ou  voisines,  par  les  garçons  ou  les  fllles,  suivant  le 
sexe  ou  la  condition  de  la  personne  décédée. 

On  pleure  beaucoup,  on  jette  de  grands  cris,  surtout  au  moment 
de  Tinhumation.  Il  n'y  a  pas  bien  longtemps  qu'on  donnait  le  nom  de 
pleureurs  et  de  pleureuses  aux  fermiers,  fermières,  vignerons,  vigne- 
ronnes qui  devaient  k  Metz  accompagner,  à  sa  dernière  demeure, 
leur  maître,  comme  on  disait  jadis,  leur  Monsieu  comme  on  dirait 
aujourd'hui.  Les  hommes  portaient  un  chapeau  de  forme  basse  à 
très  larges  bords,  entouré  d'un  long  crêpe  pendant  sur  l'épaule.  (Les 
chapeliers  de  la  ville  avaient  grand  nombre  de  ces  chapeaux  qu'ils 
louaient  généralement). 
Après  Tinhumation,  un  verre  d'eaubéniteestplacésur  lafosse(Méy). 
Au  retour  de  la  cérémonie,  on  donne  un  repas  qui  débute  par  une 
prière  dite  à  haute  voix  par  un  des  convives. 

Ce  sont  là  encore  presque  les  funérailles  des  Romains  ;  nous  y 
retrouvons  en  effet,  la  conclamation,  la  veillée,  les  pleureurs,  le 
repris  et  même  jusqu'à  un  souvenir  de  Tincinéralion. 

AURICOSTE  DE  LaZARQUE. 


1.  Cf.  t.  XI,  p.  312. 

2.  A  &]etz,  c'étaient  les  Augustins,  les  Carmes  anciens  et  les  Sœurs  Collettes 
oui  étaient  depuis  bien  longtemps  chargés  de  ce  soip;  ils  assistaient  en  outre  à 
1  enterrement.  Ces  religieux  s'en  affranchirent  en  1664. 

{^rchiw9  municipales,  Registre  de  la  ckamhre  de  police,  Délibér.  du  13  juin 
1664,  f.  87. 


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590  R EVITE    DES    THAlirriONS    POPl'LAIRES 

XXII 

DANS  LE  HAUT-MORVAW 

Comme  dans  les  temps  antiques  le  cerceuil  est  porté  au  cimetière 
sur  les  épaules  par  les  voisins  et  amis  du  défunt.  Après  la  cérémonie 
les  porteurs  vont  à  l'auberge  se  réconforter  avec  la  générosité^  faite 
par  la  famille.  On  appelle  cela  manger  le  fromage.  Si  c'est  une  per- 
sonne laissant  un  héritage,  un  célibataire  par  exemple,  la  générosité 
est  plus  forte.  Et  j'ai  pu  voir  encore  actuellement  à  Arleuf  (Nièvre) 
la  cérémonie  commencée  par  le  deuil  et  les  pleurs,  finie  par  des 
chants  et  des  réjouissances  licencieuses  et  des  coups  de  poings 
avec  blessures  graves,  dignes  de  véritables  brutes. 

A  Coraucy,  près  Chàteau-Chinon,  lorsque  l'on  vient  de  jeter  Teau 
bénite  à  un  mort  on  a  Thabitude  de  se  laver  les  mains.  On  donnait 
aussi  dans  d  autres  communes  à  ce  moment  une  bouteille  de  vin  au 
curé  avec  un  pain  blanc,  et  le  vase  à  eau  bénite  était  déposé  sur  la 
fosse. 

H.  Marlot. 


LA  MORTE  RESSUSCITÉE 


III 

Le  rectification  de  M.  Hedwige  Heinecke  est  parfaitement  exacte. 
Ce  n'est  pas  Aix-la-Chapelle  que  j'ai  voulu  nommer,  mais  bien  Colo- 
gne. C'est  un  «  lapsus  calami  ». 

Alfred  Harou. 


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REVUE    DES   TRADITIONS    POPULAIRES  S9i 


BLASON  POPULAIRE  DE  LA  BRETAGNE 


ADDITIONS 


N  trouve  des  blasons  populaires  de  la  Bretagne  dans  Bri- 
zeux,  Sagesse  de  Bretagne^  dans  F.-L.  Sauvé,  Lavarou  Koz^ 
qui  ne  se  sont  occupés  que  de  la  Bretagne  brelonnante.  Le 
Blason  populaire  de  France  y  par  H.  Gaidoz  et  Paul  Sébillot, 
contient  63  blasons  empruntés  aux  sources  ci-dessus,  à 
divers  auteurs,  et  k  la  tradition  orale.  J'ai  publié  dans  la  Revue  de 
Linguistique,  t.  XIY  et  XX,  le  blason  de  62  localités  de  Tllle-et- Vilai- 
ne, et  de  98,  des  Côtes-du-Nord.  (Tirage  à  part.  Maisonneuve,  1888, 
in-8)  ;  La  Revue  des  Traditions  populaires  a  donné  t.  VIII,  p.  548, 
t.  IX,  p.  650,  t.  X,  p.  668,  d'autres  blasons  de  nile-et-Vilaine,  t.  VI, 
p.  368,  648,  de  blasons  de  la  Loire-Inférieure.  Ceux  que  je  donne 
ci-après  ne  figurent  dans  aucun  de  ces  recueils. 


DEVISES  DE  NOBLESSE 

Antiquité  de  Penhoet 
Vaillance  de  Chastel 
Richesse  de  Kerman, 
Chevalerie  de  Kergournadec. 

(Leroux  de  Lincy.  Le  livre  des  Proverbes], 

DICTONS.  SUR    LES    BRETONS 

—  En  Bro-Isel  pa  nen  dan  tud  devahin  a  laquan. 

Si  les  Bas-Bretons  ne  me  voient  pas  chez  eux,  ils  y  trouveront  au 
moins  la  santé. 
(Ane.  proverbe  cité  par  Cambry.  27). 

—  Gallezed  vrein 

Sac'h  ann  diaoul  war  hu  c'hein. 
Galesses  pourries*,  —  Le  sac  du  diable  sur  votre  dos. 
(Lanvollon.  Communiqué  par  M.  d'Armont.) 

1.  Femme  du  pays  gallo. 


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592  REVUE    DBS   TRADITIONS  POPULAIRES 

GÔTBS-DU-NORD 

—  Pa  dezi  ar  Saôzon  éCar  Pors-Gwenn, 
Ha  c*héï  ar  mot  ebars  ar  lenn. 

Quand  l'Anglais  débarquera  au  Port-Blanc  —  la  mer  pourra  se  re- 
tirer dans  le  Lenn  (petite  baie  séparée  de  la  mer  par  une  digue). 

—  Kannonio  Porz  Gwenn  ha  re  Vrest 
Ha  gass  ar  Saôz  da  glask  he  rest. 

Les  canons  de  Port-filanc  et  ceux  de  Brest  —  mettent  TAnglats 
en  déroute. 

—  A  dalek  Treoger  d^ar  Porz-Gwenn, 
Bikeu  ar  Saozon  na  dremenn. 

Entre  Triagoz  et  le  Port-Blanc  —  l'Anglais  ne  passera  jamais. 
(Pleubian^  canton  de  Lézardrieux). 

P.  S. 


«W^lW^^I  »^<  li<»»M»»%^MM<»»»^<» 


LA  CHANSON  DES  NAINS 


SONN  EUR  GORNATVDOUNEN 

Pays  de  Tréguier 

Gant  mm  doumik  el  ridellan. 
Gant  eun  ail  e  Vamatzan 
Tripe  da  loupe  va  hano-mey 
Warc'hoaz  ema  va  eured-me, 
Da  riskeman. 

Avec  une  petite  main  je  sasse,  —  avec  une  autre  je  tamise,  —  Tri- 
ple-Galop est  mon  nom,  —  demain  ont  lieu  mes  noces,  —  elle  est 
à  passer  (la  farine). 

Dans  le  pays  de  Tréguier  cette  petite  chanson  est  chantée  par  les 
femmes  qui  sassent  de  la  farine,  et  plus  souvent  encore  quand  elles 
font  sauter  leurs  enfants  sur  leurs  genoux. 

G.  Le  Calvez. 


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BEVUE  DES   TKADITIONS   POPULAIRES  SO^'Î 


LEGENDES  CONTEMPORAINES' 


VI 

SIDI  MOHAMMED  EL   GRAB  ^ 

^^^C  ANS  la  mecheta  Gourzi  du  douar  Méida  de  la  commune  mixte 
vCJf^  de  Sedrata,  se  trouve  uae  grande  famille  arabe  ne  compor- 
C^ÇgW  tant  pas  moins  de  cent  cinquante  personnes,  qui  est  connue 
^^^   sous   le  nom  de   Haddadine  (forgerons).  Presque  tous  les 

\^  membres  de  cette  famille  sont  cultivateurs  cependant,  il  en 
est  quelques-uns  qui  exercent  encore  la  profession  de  leurs  ancêtres. 

Indépendamment  de  la  tradition  relative  au  métier  de  forgeron 
exercée  par  Sidi  Mohammed  el  Grab,  de  qui  descendraient  tous  les 
Haddadine  du  douar  Méida,  on  raconte  à  son  sujet  une  légende 
dont  il  fut  le  héros  et  qui  lui  valut  le  surnom  d'El  Grab. 

Sidi  M'hammed  el  Grab  exerçait  la  profession  de  forgeron  sous  le 
fameux  Salah  bey,  qui  régna  à  Conslantine  de  1771  à  IH^o. 

Ce  bey  était  un  musuloKin  très  pratiquant  et  doué  en  outre  de 
nombreuses  qualités,  il  apporta  de  sérieuses  réformes  dans  l'admi- 
nistration et  construisit  de  nombreuses  mosquées  et  zaouïas  pour 
servir  de  refuges  aux  pèlerins.  Aussi  est-il  encore  très  populaire  chez 
tous  les  musulmans  du  département  de  Constantine  et  une  certaine 
quantité  de  faits  plus  ou  moins  extraordinaires  lui  sont-ils  attri- 
bués. 

Sidi  Mohammed  el  Grab  était  donc  un  forgeron  qui  ne  manquait 
pas  d'habileté.  Un  jour  ayant  réussi  à  se  procurer  de  la  poudre  d*or 
il  en  vendit  un  peu  à.  un  juif  de  sa  connaissance. 

Le  juif  ayant  avisé  le  bey  Salah  de  son  acquisition,  ce  dernier  dési- 
ra aussitôt  s*approprier  à  bon  compte  le  précieux  métal  possédé  par 
Sidi  M*hammed.  Pour  cela,  il  résolut  simplement  de  faire  disparaître 
Sidi  M'hammed  en  l'enfermant  dans  un  sac  et  en  le  précipitant,  tout 
comme  les  femmes  adultères,  du  Kef  Chekara  (Rocher  du  saci  **  dans 
le  Rumel . 

Sidi  M'hammed,  qui  avait  pris  le  titre  de  marabout  et  jouissait  déjà 

1.  Cf.  t.  XI,  pages  316,  425. 

2.  El  Grab  (corbeau). 

3.  Ce  rocher  est  situé  près  de  l*arsennl  de  Constantiue. 

TOMB  XI.  —  NOVBMBRB  1896.  38 


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f)94  nKVI'K    DKS  TRADITIONS    POfULAlRFlS 

(l*une  certaine  notoriété,  demanda  au  bey  de  lui  laisser  au  moins  une 
main  libre  dans  laquelle  il  tiendrait  son  b&ton. 

Celle  demande  fut  accueillie  favorablement  par  le  bey  Salah,  et 
Sidi  M'hammcd  fut  alors  introduit  dans  un  sac  ayant  seulement  au 
dehors  une  main  tenant  un  bâton. 

Les  bourreaux  turcs  le  projetèrent  du  haut  du  Kef  Chekara  dans  le 
vide,  mais  à  ce  moment  on  aperçut  sortant  du  sac  un  corbeau  qui 
s^enfuil  d'un  vol  rapide,  c'était  Sidi  M'hammed  qui  par  son  pouvoir 
de  magicien  avait  réussi  à  se  transformer  en  corbeau. 

Le  corbeau  après  avoir  franchi  une  distance  de  six  kilomètres, 
s'arrêta,  et  Sidi  M'hammed  reprit  alors  sa  première  forme.  11  frappa 
ensuite  le  sol  de  son  bâton  et  un  palmier  poussa  subitement. 

Salah  bey  ayant  appris  la  transformation  de  Sidi  Mohammed  et  le 
le  miracle  du  palmier,  voulut  voir  le  fameux  marabout.  Il  le  fit  venir 
dans  son  palais  et  lui  demanda  de  lui  démontrer  sa  puissance  ma- 
gique. 

Sidi  M'hammed  ne  se  fit  pas  prier  et  ayant  touché  le  bey  de  sa 
baguette,  ce  dernier  fut  immédiatement  transformé  en  femme  et 
quelques  instants  après  il  reprenait  son  état  primilif. 

Salah  bey  enthousiasmé  reconnut  alors  le  pouvoir,  la  sagesse,  la 
science  de  Sidi  Mohammed  et  lui  demanda  ce  qu'il  désirait  obtenir. 

Sidi  M'hammed  ne  lui  formula  qu'un  seul  désir  :  celui  de  ne  plus 
payer  d'impôt  et  d'étendre  la  mesure  à  ses  descendants. 

Salah  bey  accorda  ce  qui  lui  était  demandé  et  conslruisit  en  outre 
à  ses  frais  une  mosquée  près  de  Constantine  en  l'honneur  de  Sidi 
M'hammed  el  Grab. 

Celte  mosquée  est  encore  le  but  d'un  pèlerinage  qu*effectuent 
annuellement  à  l'automne  les  habitants  de  la  fraction  Iladdadine  de 
Méida. 

Achille  Robert. 


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REVCJE  DES  TRADITIONS  POPULAIRES  o9o 


LES  VILLES  ENGLOUTIES 


CCIII 

l'église  de  buhlow 

{Poméranie) 

/^^  ANS  les  environs  de  Rûhlow,  dans  un  endroit  assez  pauvre  en 

'iviÇ^il  eau,  il  y  a  deux  petits  étangs,  toujours  remplis,  môme  en  été 
lorsque  Teau  a  disparu  des  puits  et  des  fossés.  A  la  place 
d'un  de  ces  étangs  qui  mesure  environ  cent  mètres  carrés, 
il  existait  autrefois,  une  église  avant  qu'on  eût  construit 

celle  de  Gust,  et  le  jour  du  vendredi-saint,  on  entend  encore  sonner 

les  cloches  au  fond  de  Teau  -. 

CCIV 

LE  CHATEAU  DE  ROLLINGEX 

(Luxembourg) 

Dans  la  grande  forêt  près  de  RolUngen  existait  autrefois  un  chA- 
teau  qui  dans  la  suite  fut  englouti  dans  le  sol.  Chaque  nuit  le  pos- 
sesseur de  ce  ch&teau  sort  pour  garder  son  gibier.  11  a  deux  grands 
chiens  et  chasse  toute  la  nuit  ;  on  l'entend  crier  à  ses  chiens  :  tut, 
lut». 

CCV 

LE  LAC  DE  BIWA 

(Japon) 

Autrefois  remplacement  du  lac  actuel  de  Biwa  était  une  plaine 
bien  cultivée  où  le  riz  poussait  en  abondance.  Une  nuit,  ë,  la  suite 
d'un  cataclysme,  la  plaine  s'engloutit  et  un  lac  s'y  forma,  tandis 

1.  Suite,  V.  t.  IX,  p.  430. 

2.  ().  Knoop,  Volkssagen  ErziMunffen,  Aberglauhen,  Cebrùuche  und  Marchen 
au8  dem  Ôstlichen  Hinterpommerriy  Pojien,  1885,  in-S,  §  247,  p.  118. 

3.  Gredt,  Sagenschatz  des  Luremburger  Landes^  Luxembourg,  1885,  in-8, 
§  301,  p.  m. 


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o96  REVUE  DES  TB  EDITIONS    POPULAIRES 

qu*auprès  se  dressait  subitement  le  pic  de  Fouji.  La  légende  est 
muette  sur  la  cause  de  cette  catastrophe  K 

CCVl 

LE   CnATEAU  DE   BEREÎ^D 

{Ltixembourg) 

Entre  Hellerich  et  Leudelingen,  on  voit  une  excavation  ayant  la 
forme  d'un  carré  :  c'est  là  que  s'élevait  autrefois  un  château  célèbre 
pour  sa  splendeur.  Le  maître  du  château  avait  une  nombreuse  suite 
d3  serviteurs,  mais  il  les  traitait  si  mal  qu'ils  abandonnaient  bientôt 
son  service  avec  toutes  sortes  de  malédictions.  Le  maître  n'en  avait 
cure,  mais  un  jour  un  orage  effroyable  éclata  :  le  jour  devint  obscur, 
les  éclairs  déchirèrent  l'air,  un  coup  de  tonnerre  se  fit  entendre  suivi 
d'un  craquement  si  fort  qu'il  semblait;que  le  monde  allait  se  déboiter. 
Quand  l'orage  s'apaisa,  le  château  avait  disparu  englouti  dans  la 
torre  *. 

CCVH 

LE  CHATEAU  DES  GÉANTS  A  KARLSBURG 

(  Transilvanie) 

A  l'endroit  0(1  existe  aujourd'hui  la  ville  de  Karlsburg,  s'élevait 
une  autre  forteresse  bâtie  et  habitée  par  des  géants.  Ils  étaient  si 
grands  que  pour  un  repas,  chacun  d'eux  avait  besoin  de  trois  quar- 
tiers de  grains,  et  leur  charrue  traçait  un  sillon  où  on  aurait  pu 
semer  quatre  quartiers.  Quand  la  race  humaine  actuelle  apparut, 
presque  tous  les  géants  disparurent  :  une  petite  partie  s'était  retirée 
dans  la  forteresse  mais,  avec  le  temps,  celle-ci  fut  engloutie  avec 
tous  ses  habitants  '. 

CCVHi 

LE   MONDSEE 

[Haute^  Autriche) 

Une  tradition  rapporte  qu'à  l'endroit  où  se  trouve  aujourd'hui 
le  Mondsee,  on  voyait  une  colline  surmontée  d'un  château  entouré 

1.  W.  Elli<>t  GriflBs,  Japanese  fairy  worldy  Londre?,  1887,  pet.  ip-4,  p.  210. 

2.  Gredt,  Sagenschalz  des  Luxemburger  Landes^  p.  68U. 

3.  MQller,  Si'ebenbUrgische  Sagen,  Vienne  et  Heirnann«tadt,  1885,  in-8,  §6,  p.  7. 


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REVUE    DKS  TRADITIONS   POPULAIRES  597 

de  prés  et  de  ohamps  magaifiques.  Là  dominait  un  seigneur  avare 
et  impie  :  «  Une  nuit  la  Vierge  Marie  apparut  au  curé  de  Tendroitct 
lui  dit  d'avertir  les  paysans  de  quitter  le  village,  car  la  colère  de 
Dieu  était  suspendue  sur  ces  lieux.  Le  prêtre  obéit  et  le  lendemain 
on  put  voir  tous  les  habitants  s  en  aller,  emportant  toutes  leurs 
choses  précieuses  et  s'arrêter  plus  loin,  là  où  est  aujourd'hui  Mond- 
see.  Le  châtelain,  considérant  du  haut  de  son  burg  cet  exode,  n'eul 
pas  assez  de  moquerie  pour  ces  niais  et  ces  poltrons  et  passa  toute 
la  journée  dans  Torgie  avec  ses  compagnons  de  débauche.  Mais  voici 
que,  le  soir,  des  nuages  s'amassèrent  au-dessus  de  la  vallée,  et  un 
orage  épouvantable  ne  tarda  pas  à  éclater  ;  de  plus  en  plus  violent, 
il  arriva  bientôt  au-dessus  du  manoir  maudit  ;  ses  habitants,  cepen- 
dant, ne  se  laissèrent  pas  troubler  par  les  coups  menaçants  du  ton- 
nerre ;  mais  soudain,  un  éclair  plus  effrayant  que  les  autres  le 
frappa  cl  l'enflamma;  en  même  temps  le  sol  trembla  et  se  fendit,  cl 
l'on  put  voir  le  burg  embrasé  s'abimer  avec  la  plaine  environnante, 
tandis  qu'utie  eau  jaillissant  des  entrailles  de  la  terre  remplissait 
subitement  toute  la  vallée.  Encore  aujourd'hui,  quand  le  temps  est 
resté  longtemps  sec  et  qiic  le  lac  a  baissé,  on  peut,  dit  la  légende, 
apercevoir  sous  les  ondes  les  restes  du  clocher  de  l'église  ».  Comme 
le  fait  remarquer  M.  Marguillier,  cette  légende  peut  avoir  son  origine 
dans  l'existence  d'une  ville  lacustre  emportée  par  la  tempête  :  hypo 
thèse  d'autant  plus  vraisemblable  que  Mondsee  était  une  ancienne 
station  lacustre  et  qu'on  y  a  trouvé  une  collection  d'objets  remontant 
à  3.000  ans  au  moins  *. 

CCIX 

LE  PUITS  PRÈS  DE  AÏN  TAIBA 

{Sahai*a  algérien) 

Au  sud  de  Ouargla,  à  deux  cents  mètres  de  Aïn  Taïba  «  existe  un 
vaste  entonnoir,  depuis  longtemps  à  sec,  et  en  partie  comblé  par  le 
sable.  Les  indigènes  raconte  à  ce  sujet  une  légende  qui  mérite  d'être 
rapportée. 

«  Jadis,  il  n'y  avait  en  cet  endroit  qu'un  seul  puits  où  Teau  se 
trouvait  en  abondance.  Près  du  puits,  un  Cha'anbi  s'était  installé 
avec  sa  femme  et  ses  enfants  pour  faire  paître  ses  chameaux.  Un 
jour,  un  marabout,  revenant  de  la  Mekke,  épuisé  de  fatigue  et  de 
besoin,  vint  se  présenter  à  la  porte  de  sa  tente  et  lui  demanda  l'hos- 

!.  A.  Marguillier,  A  travers  le  Salzkammergut^  Tour  du  Monde,  nouvelle 
série,  lr«  année,  t.  I,  1895,  p.  254, 


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398  REVUE    DES   THAD1T10N8    POPULAIRES 

pilalité  ;  brutalement  repoussé,  le  saint  homme  fut  contraint  de 
continuer  son  voyage,  et  s'éloigna,  non  sans  appeler  la  colère  céleste 
sur  la  tête  de  Tinhospitalier  Cha'anbi.  Aussitôt,  up  ouragan  terrible 
s'éleva^  soulevant  d'épais  nuages  de  sable  et  dispersant  à  travers  le 
désert  les  chameaux  du  Cha'anbi.  Celui-ci  s*élança  à  leur  poursuite 
et  chercha  à  les  rallier,  mais  à  son  retour,  il  ne  trouva  plus,  k  l'en- 
droit où  s'élevait  sa  tente  qu'un  gouffre  profond  qui  s'était  ouvert 
subitement,  engloutissant  sa  femme,  ses  enfants  et  tout  ce  qu'il 
possédait,  et  au  fond  duquel  apparaissait  une  couche  d'eau  pure  et 
tranquille.  L'ancien  puits  était  comblé  parle  sable  »  K 

CCX 

LES  LACS  RISTONIS  ET  APUNITIS 

{Thrace) 

Au  rapport  de  Strabon  *,  les  lacs  Bistonis  et  Aphnitifi  submergè- 
rent jadis  différentes  villes,  attribuées  par  les  uns  à  la  Thrace  et  par 
les  autres  au  pays  des  Trères. 

CCXl 

LE  LAC  COPAIS 

[Grèce] 

D'après  Strabon,  les  deux  villes  d'Arné  et  de  Midée,  qui  existaient 
au  temps  d'Homère,  car  il  les  mentionne  dans  V Iliade  (II,  507),  furent 
englouties  par  le  lac  Copaïs  '. 

CCXII 

LE  LAC  DE  ZELLERSEE 

[Haute- Autriche) 

Le  lac  de  Zellersee,  qu'on  appelle  aussi  Jungfernsee,  aurait,  sui- 
vant la  légende,  englouti  un  village  avec  un  château  que  possédaient 
deux  sœurs,  l'une  bonne,  l'autre  méchante  qui  se  moquait  de  tout, 
même  des  avertissements  d'en  haut  *. 

René  Basset. 

1.  Brosflelard,  Voyage  de  la  mission  FlaUers,  Paris,  1883,  in-16,  p.  86. 

2.  Géographie,  t.  I,'ch.  111,  §  18  (6d.  Meineke,  Leipzig,  1866,  3  vol.  in-12,  t.  1, 
p.  77-78). 

3.  Géographie.  1.  I,  ch.  III,  §  18,  (t.  I,  p.  77). 

4.  A.  Marguillier,  A  travers  le  Salzkammergut,  Tour  du  Monde.  Nouvelle  série, 
l»-»  année,  t.  I,  1895,  p.  254. 


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KEVIE    DBS   THADITIOMS    POPULAIRES 


3y9 


CONTES  DE  LA  HAUTE-BRETAGNE 

Contes  comiques  (suite) 


XLl 


LE  BEAU   LIEVRt: 


L  y  avait  une  fois  uu  homme  qui  attrapa  un  beau 
lièvre. 

—  Ah  !  le  beau  lièvre  !  s'écria-t-il,  je  vais  tâcher 
de  me  procurer  de  Tagrément  avec  lui. 

Il  entra  dans  une  auberge,  et  Thi^tesse  en  le 
voyant  s'écrie  : 

—  Ah  !  le  beau  lièvre  !  voulez-vous  me  le  vendre  ? 

—  Oui,  si  vous  voulez  me  donner  à  manger  mon  content  de  viande. 

—  Volontiers,  répondit  Thôlesse,  qui  mit  devant  lui  un  plat. 
L'homme  Texpédia  en  un  clin  d^œil,  puis  il  dit  à  Thôtesse. 

—  Donnez  m'en  encore  trois  ou  quatre  comme  cela;  je  pense  que 
cela  suffira  à  me  contenter. 

—  il  faut  le  mettre  à  s'en  aller,  pensa  l'aubergiste  :  son   lièvre 
nous  coûterait  plus  cher  qu'au  marché. 

—  Bonhomme,  dit-elle,  reprenez  votre  lièvre  et  vous  en  allez. 
L'homme  entra  chez  un  marchand  de  vin  qui  s*écria  : 

—  Ah  !  le  beau  lièvre  !  voulez-vous  me  le  vendre  ! 

—  Oui,  répondit-il,  si  vous  voulez  me  donner  à  boire  mon  content 
de  vin. 

—  Volontiers,  dit  le  marchand,  qui  posa  devant  lui  une  bouteille 
de  vin. 

L'autre  la  vida  d'un  trait  et  dit  : 

—  Apportez  m'en  d'aulres  ;  avec  cinq  ou  six  autres  bouteilles,  je 
pense  que  j'aurai  mon  content. 

Cet  homme,    pensa  le   marchand  de  vin,  boirait  plus  que  son 
gibier  ne  vaut. 

—  Bonhomme,  dit-il,  reprenez  votre  lièvre  et  vous  en  allez. 
L'homme  continua  sa  route  et  passa  devant  la  maison  d'une  belle 

dame. 

—  Ah  !  s'écria-t-elle,  le  beau  lièvre  ?  voulez-vous  me  le  vendre  ? 


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6U0  REVUE   DES    THADITIONS    FOPULAlHES 

—  Oui,  répondit-il,  si  vous  voulez  me  laisser  vous  embrasser  mon 
content. 

La  dame  y  consentit,  comme  depuis  une  demi-heure  il  ne  cessait 
de  Tembrasser,  elle  lui  dit  : 

—  Allez-vous  en,  mon  mari  va  revenir. 

—  Ah  I  non,  dit-il,  il  faut  que  je  vous  embrasse  mon  content. 

—  Non,  répondit-elle,  reprenez  votre  lièvre  et  vous  en  allez. 

Le  mari  de  la  dame  était  un  chasseur,  il  s'en  revenait  de  la  chasse 
sans  avoir  rien  tué,  quand  il  rencontra  Thomme  au  lièvre. 

—  Ah!  s'écria-t-il,  le  beau  lièvre  !  voulez-vous  me  le  vendre? 
-Oui, 

—  Je  vous  en  offre  cinq  francs. 

—  Cinq  francs,  soit  ;  mais  à  la  condition  qu'à  chaque  personne  que 
vous  rencontrerez,  vous  direz  :  «  Vous  vous  en  souviendrez  du  liè- 
vre. » 

Le  chasseur  s'arrêta  à  Tauberge,  et  Thôtessie  lui  dit  : 

—  Ah  I  monsieur,  le  beau  lièvre  !  la  belle  chasse  que  vous  avez 
faite  !  . 

—  Oui,  répondit-il,  vous  vous  en  souviendrez  du  lièvre  î 

—  Ah  !  la  vilaine  bêle!  c'est  elle  qui  est  cause  que  tantôt  un  gour- 
mand a  eu  un  plat  pour  rien. 

Le  chasseur  poursuivit  sa  route,  et  entra  chez  le  marchand  de  vin  : 

—  Ah  !  monsieur,  le  beau  lièvre  !  la  belle  chasse  que  vous  avez 
faite  ! 

—  Oui,  répondit-il,  vous  vous  en  souviendrez  du  lièvre  ! 

—  Ah  !  la  vilaine  bête,  c'est  elle  qui  est  cause  que  tantôt  un  ivro- 
gne a  bu  pour  rien  une  bouteille  de  vin. 

Quand  il  rentra  chez  lui,  la  dame  s'écria  : 

—  Ah  !  le  beau  lièvre,  la  belle  chasse  que  tu  as  faite  ! 

—  Oui,  répondit-il,  il  vous  en  souviendra,  du  lièvre  ! 

—  Ah  I  dit-elle,  il  ne  m'a  embrassé  rien  qu'un  petit  peu. 
Quand  le  monsieur  entendit  cela,  il  se  mit  en  colère  à  son  tour  et 

s'écria  : 

■ —  Ah  !  la  vilaine  bête  !  elle  est  cause  que  ce  vilain  bonhomme  a 
embrassé  ma  femme. 

[Conté  en  i 881  ^  au  château  de  la  Saudraie  par  Jeanne  Daniel,  de 
Saint^Glen). 

Paul  Sébillot. 


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KËVUE  DES  TKADlTfOISS  rOPULÂJRES  60i 


SUPERSTITIONS  DE  LA  SAINT-ANDRÉ 


IV 
Poméranie 


A  charmanle   nouvelle  de  M"**"   Dhielkie,   la  nuit  de   SainU 
André  publiée  dans  le  Journal  illustré  des  Dames  repose  sans 
1^  doute  sur  une  superstition  du  pays  de  l'auteur,  la  Poméra- 
nie. 

Voici  à  peu  près  le  sujet  : 
Une  jeune  servante,  Tine  (abréviation  de  Christine)  aime  en  secret 
son  maître,  le  beau  Hans  Palzig  qui  ne  fait  nulle  attention  à  elle  ni 
à  une  autre  femme  ;  c'est  un  grand  naïf.  Tine,  tourmentée  par  son 
amour,  va  demander  conseil  k  une  vieille  femme  du  pays  pour  qu'elle 
lui  montre  son  futur  dans  son  miroir  magique. 

—  Mon  miroir  est  cassé,  lui  répond  celle-ci  ;  mais  contre  un  peu 
d'argent  je  te  le  dirai  comment  il  faut  faire  pour  trouver  mari  ». 

Tine  lui  donne  son  argent  et  part  toute  émue  de  ce  qu'elle  a  appris 
sous  le  sceau  du  secret. 

Le  beau  Hans  à  son  tour,  sommé  de  se  marier  et  assez  disposé  à 
le  faire  va,  sur  Tavis  de  son  père,  prendre  conseil  du  pasteur,  qui, 
aimant  beaucoup  à  faire  le  bonheur  de  ses  communiantes,  lui  pro- 
pose à  trois  différentes  visites  les  plus  riches,  les  plus  belles  et  les 
plus  vertueuses  filles  du  village.  Comme  aucune  ne  plait  à  Hans,  le 
pasteur  rudoie  le  grand  nigaud  à  sa  quatrième  visite  et  lui  crie  : 

—  Va  t'en  et  ne  reviens  plus,  tu  ne  trouveras  jamais  de  femme  à 
moins  que  Dieu  ne  te  la  donne  en  dormant  ! 

—  «  Ah  !  monsieur  le  pasteur,  ce  serait  bien  aimable  à  lui  !  » 
répond  Hans  pendant  qu'on  le  met  à  la  porte. 

La  nuit  de  Saint-André  est  venue,  Tine,  sur  les  conseils  de  la 
vieille  femme,  se  pare  dans  sa  chambre  d'une  robe  fraîche,  met  des 
souliers  neufs,  arrange  ses  beaux  cheveux  noirs  et  tire  de  son  tiroir 
un  mignon  voile  blanc  et  une  couronne  de  myrtes  achetés  sur  le 
reste  de  ses  économies.  Elle  prend  en  soupirant  deux  chandelles 
neuves,  les  fixe  sur  une  planche  de  bois  faute  de  bougeoirs  et  sur  le 
coup  de  minuit  elle  les  allume,  elle  attache  sur  ses  cheveux  son 


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ft02  HKVUK    DES   TKADITIONS    POPULàlBES 

voile  et  sa  couronne,  répand  devant  son  lit  une  poignée  d'avoine  et  de 
lin  s'agenouille  dessus  et  dit  : 

Je  sème  Tavoiiie  et  le  iin 
Pour  appeler  mon  bien-aimé  ; 
Comme  il  était  dans  le  jour 
Tel  il  doit  maintenant  paraître  1 

Puis,  vôtue  en  ûancée,  elle  se  couche  pour  atleudre  ;  mais  le 
temps  passe,  personne  ne  vient,  ses  yeux  fatigués  se  fermcut 
malgré  elle,  et  elle  s'endort  doucement. 

Le  père  Patzig,  au  contraire,  ne  peut  trouver  le  repos,  il  s'agite, 
s'impatiente  et  finit  par  se  lever  pour  faire  un  tour  h  l'étable. 
A  peine  arrivé  Uans  la  cour,  il  sent  une  forte  odeur  de  fumée  et. 
levant  le  nez  en  Tair,  il  voit  qu'elle  s'échappe  de  la  mansarde  de  sa 
servante  où  les  chandelles  basses  avaient  entamé  le  bois  de  la  table. 
11  court  réveiller  son  fils,  lui  criant  que  le  feu  a  pris  dans  la  chambre 
de  Tine  et  qu'il  va  chercher  du  secours  au  village. 

Hans  se  frotte  les  yeux  et  se  demanda  s'il  a  bien  compris?  Cepen- 
dant il  s  habille,  maugréant  contre  cette  Tine  négligeante  qui  trouble 
son  sommeil.  Il  monte  eu  tâtonnant  le  noir  escalier  qui  mène  à  sa 
chambre,  et  ne  sait  s'il  doit  donner  cours  à  sa  colère  tm  à  sa  pitié  car 
l'idée  qu'une  brave  fille  aussi  belle  et  laborieuse  que  Tine  pourrai 
mourir  brûlée  le  remplit  d'une  grande  pitié  !  Arrivé  à  sa  chambre, 
il  pousse  la  porte,  une  fumée  noire  l'enveloppe  et  menace  do  l'étouf- 
fer ;  déjà  la  ttamme  lèche  le  bois  de  la  fenêtre  et  à  sa  clarté  il  aper- 
çoit une  forme  inerte  étendue  sur  le  lit,  il  l'emporte  dans  ses  bras. 
Une  servante  plus  avisée  que  lui  le  rejoint  sur  le  palier  avec  une 
lampe  allumée,  et  tous  deux  sont  fort  perplexes  en  apercevant  Tine 
parée  comme  une  mariée  qui  toujours  repose  dans  les  bras  de  Hans. 
L'air  frais  la  fait  revenir  à  la  vie,  elle  ouvre  les  yeux  et,  se  voyant 
dans  les  bras  de  son  aimé,  elle  murmure  : 

cr  Cher  Hans,  te  voilà  enfin  !  » 

Les  voisins  se  sont  rendus  maîtres  du  feu  facilement.  Le  pasteur 
et  la  vieille  bonne  femme  ont  eu  raison  tous  les  deux.  Dans  la  nuit 
de  Saint-André  Tine  a  trouvé  son  futur  et  Hans  a  pris  pour  femme 
celle  que  Dieu  lui  avait  envoyée  en  dormant. 

Hedwige  Heinkcke. 


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IlEVUK  DES   TIIADITIONS    rOPtlLAIBKS  603 


BIBLIOGRAPHIE 


Braulio  Vigon.  Juegos  y  Rimas  infantiles  recogidus  en  los  concejos 
de  Villaviciosa,  Coluntja  y  Caravia.  Villaviciosa,  imp.  de  la 
Opinion,  in-18  de  pp.  IX-167  et  7  pp.  non  chiffrés. 

Le  chapitre  premier  traite  des  jeux  et  umusette»  destinés  aux  enfants  des 
deux  sexes.  Âgés  de  moins  de  quatre  ans  ;  od  y  trouve  plusieurs  variantes  de 
jeux  connus  en  France,  entre  autres  du  geoou  qui  sert  de  cheval,  des  jeux 
des  doigts,  etc.  Vienoeut  ensnite  (ch.  Il;  les  jeux  communs  aux  enfants  de  Vun 
et  de  l'autre  pexe  âgés  de  plus  de  quatre  ans.  .La  main  morte,  les  pigeoDo,  les 
cloches,  cache-cache,  avec  de  nombreuses  formulettes  etc.);  cette  section  com- 
prend la  description  de  39  jeux.  Les  jeux  des  611es  âgées  de  plus  de  quatre  ans 
forment  le  troisième  chapitre,  l'un  des  plus  riches  en  pièces  rimées.  Vingt- 
neuf  divertissements  de  garçons  de  plus  de  quatre  ans  occupent  le  chapitre  IV. 
Dans  de  très  intéressants  appendices,  M.  B.  V.  donne  un  nombre  considérable 
de  formulettes  et  de  rimes  enfantines,  un  inventaire  descriptif  des  joujoux  que 
fabriquent  les  enfants,  des  formules  d'élimination,  quelques  jeux  d'adultes,  et 
des  pénitences  de  jeux,  et  enfin  uu  petit  glossaire  des  termes  du  dialecte  astu- 
rien  employé  dans  le  cours  de  Touvrage.  L'auteur  a  donné  d'assez  nombreuses 
références  aux  jeux  similaires  de  l'Espagne,  du  Portugal  et  de  quelques  autres 
pays  néo-lalins.  Ce  recueil  sera  bien  accueilli  non-senicment  par  ceux  qui 
s'intéressent  à  la  partie  du  fotk-lore  qui  y  est  traitée,  et  bien  traitée,  mais 
encore  par  ceux  qui,  comme  nous,  regrettaient  de  voir  interrompu  le  beau 
mouvement  d'études  tradilionnistes  dont  le  regretté  Machado  y  Alvarez  fut  le' 
promoteur.  M.  B.  V.  tiendra  sans  doute  à  compléter  son  exploration  asturienne, 
quand  il  aura  terminé  le  glossaire  qu'il  fait  paraître  dans  un  journal  local,  par 
la  publication  d'un  recueil  de  contes  asturiens. 

P.  S. 


Pol  de  Mont  et  Alfons  de  Cock.  DU  zijn  Vtaamsche  WoH' 
dersprookjes  hei  volk  naverield  door,  (Contes  .merveilleux, 
flamands).  296  p.  in-S.  Cent,  A.  Siffer.  1896,  Prix  fr.  200. 

Voici  des  anciennetés  populaires,  des  vieilleries  pittoresques  et  lourdement 
flamandes,  des  légendes  grises  et  poussiéreuses.  Voici  tout  un  monde  fabuleux 
et  féerique,  toute  la  splendeur  déployée  par  Timagination  rêveuse  des  Flandres 
calmes  et  simples.  C'est  la  bouche  des  vieilles  gens  de  foyer  qui  parle,  dos 
bonnes  grand'mères  courbées  et  des  grand-papas  ridés  —  toujours  banalement 
les  mêmes,  et  toujours  beaux  malgré  leur  étrange  banalité.  Moi,  quand  je  lis 
l'histoire  de  ces  mille  princesses  blondes  et  de  ces  mille  princes  amoureux,  je 
vois  Its  grandes  cheminées  flamandes  à  cape,  j'entends  dans  l'àtre  craquer  des 
bûches  sèches,  et,  derrière  la  porte,  le  vent  hurler  sa  plainte  automnale... 
MM.  De  Cock  et  De  Mont  ont,  à  mon  avis,  fait  œuvre  utile  et  œuvre  agréable.  11 


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604  REVUE    DES   TRADITIONS    POPULAIRES 

fallait  UD  livre  qui  réunît  ces  vieilloteries  croulantes  et  racontât  ces  contes  tout 
simplement  comme  on  les  racontait  autrefois,  au  coin  du  feu.  Point  n'était 
besoin  de  Heurs  de  rhétorique  ou  d'afféterie  pédantesque  ;  il  s'agissait  de  laisser 
parier  le  peuple  et  de  recueillir  aussi  bien  la  forme  que  l'idée.  Qu'on  me  corn- 
prenne  :  il  faut  avant  tout  rester  correct  et  écrire  une  langue  parfaitement 
compréhensible  pour  la  pluralité  de  nos  lecteurs.  A  ce  point  de  vue  rien  ou  fort 
peu  n'est  à  reprocher  aux  auteurs,  qui,  de-ci  de-là  ont  raboté  un  tantinet  la  trop 
rude  lourdeur  des  expressions  originelle?,  tout  en  conservant  intégralement  la 
piquante  couleur  locale  et  la  tant  originale  saveur  de  terroir.  C'est  bien  un^ 
grande  difficulté  que  de  trouver  le  juste  milieu  entre  le  popularisme  outré  et 
l'exagération  littéraire,  et  quoique  MM.  De  Cock  et  De  Mont  aient  absolument 
compris  cette  importance  de  la  forme,  je  crois  qu'ils  penchent  plus  vers  le 
second  extrême  que  vers  le  premier.  Ainsi...  {ceci  e^t  peut-être  une  question  de 
goiit?)  dans  ces  «  verlrehsels  »  si  ingénus  en  eux-mêmes  et  si  naïfs,  ils  ont 
parfois  éliminé  ce  qu'on  pourrait  nommer  le  «  Charme  «  de  leur  naïveté  :  je 
veux  parler  des  «  répétitions  •>  —  les  répétilious,  ces  petits  dialogues  de  fées  ou 

de  sorcières,   les  mêmes  partout  et   qui  bercent infiniment  admirables  et 

douces  dans  leur  simplesse  monotone...  l^r  cette  remarque  n'est  précisément 
pas  générale  :  «  L'homme  sans  Ame  »  par  exemple  est  un  beau  conte,  et 
les  repétitions  négligées  au  commencement,  sont  reppcctées  vers  la.  fin. 
J'aime  beaucoup  Tétonnantc  'histoire  des  «  Sept  val;i({uojrs  de  la  Reine  de 
Mississipi  »  qui  est  très  gentiment  racontée.  Le  «  Janneken  Tielenlater  »  un 
petit  bijou  de  boulTonnerie  flamande,  si  pa\\san  dans  le  fond,  a  été  rendu  très 
pavsannement,  —  comme  il  le  fallait,  du  reste. 

Parmi  les  trente-six  contes  du  volume  se  trouve  encore  une  lointaine 
variante  de  Cendrillon,  une  «  Sloddekenvuil  »  infiniment  riche  en  détails,  mais 
où  Tunité  n'a  pas  été  ?i  bien  observée.  En  résumé  donc,  ce  «  Sprookjesboek  •» 
vaut  sa  lecture  et  portera  d'excellentes  lumières  aux  folklpristes  philologues 
savants  —  et  à  tous  ceux  qui  veulent  connaître  le  peuple  par  le  peuple. 

H.  Teirlinck. 


Seidel.  Geschiclilen  und  Lieder  der  Afrikaner.  Berlin,  lib.  Schull  et 
Gruad,  s.  d.  (1896',  pet.  in-8,  Xll,  340  p. 

Depuis  quelque  temps,  je  préparais  un  recueil  de  contes  d'Afrique,  sur  le 
modèle  donné  par  M.  Sébillot  dans  ses  Contes  populaires  des  provinces  de  France 
(Paris,  1884,  in-18,  jés.)  lorsque  apparut  le  livre  de  M.  SeideL  En  le  lisant,  j'ai 
eu  la  satisfaction  de  voir  que  la  classification  adoptée  par  lui  (c'est  la  classifi- 
cation par  groupes  de  langues}  (l'est  la  môme  que  j'avais  choisie.  Les  observa- 
tions qui  suivent  portent  donc  non  sur  le  plan  du  livre,  mais  sur  son  exécution  : 
elles  n'ont  trait  d'ailleurs  qu'à  des  points  secondaires. 

Tout  d'abord,  la  question  des  si»urces.  M.  Seidel  n'a  pas  jugé  à  propos 
d'accompagner  chaque  conte  de  raprochements  avec  les  récits  similaires.  C'était 
son  droit  et  il  a  eu  raison,  étant  donné  le  caractère  de  son  ouvrage.  Mais  il  eût 
été  à  propos  d'indiquer  d'une  façon  exacte  les  livres  d'où  il  a  tiré  ses  contes.  Des 


1.  Il  est  inexact  de  dire  (p.  14)  que  l'on  retrouve  dans  les  dialectes  berbères 
des  traces  des  Vandales.  —  La  parenté  du  hottentot  avec  les  langues  hamitiques 
est  au  moins  douteuse.  H  eût  mieux  valu  lui  substituer  le  haoussa. 


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REVLE  DES  TRADITIONS  POPULAIRES  60.1 

références  comme  cellea- ci  «  Aufgeieichnei  von  W,  Spitta-bey  (p.  26)  ;  Gesam- 
melt  und  ueberselzi  von  Dr,  H.  Stumme  (p.  42)  ;  nach  Maspero  (p.  83)  ;  Gesammelt 
und  uebersetU  von  René  Basset  (p.  88)  (I)  «*  etc.,  ne  sepoot  pas  d'un  grand 
secours  à  ceux  que  la  lecture  du  livre  de  M.  Seidel  mettra  en  humeur  de  pousser 
plus  avant  dans  la  connaissance  de  la  littérature  africaine  et  de  se  reporter  aux 
recueils  mêmes  doht  il  leur  présente  des  extraits. 

Une  autre  objection  porte  sur  le  titre  :  Histoires  et  chants  des  Africains.  Il  s'en 
faut  que  toutes  les  littératures  représentées  aient  fourni  des  chansons.  Je 
reconnais  qu'en  ce  qui  concerne  certains  peuples,  la  chose  était  impossible, 
par  suite  de  l'absence  de  tout  document  de  ce  genre  ;  mais  pour  le  berbère,  par 
exemple,  M.  Seidel  aurait  trouvé  dans  le  recueil  du  général  flanoteau  (2)  ou 
dans  celui  de  M.  Stumme  (3)  de  quoi  rombler  une  lacune.  Comme  spécimen  de 
chanson  arabe  d'Egypte,  il  nous  préfteote  la  musique  de  la  première  sourate  du 
Qor«^n  et  celle  de  l'appel  à  la  prière.  Je  ne  sache  pas  que  dans  un  recueil  de  ce 
genre  fait  en  France,  on  ait  l'idée  de  donner  comme  spécimen  de  musique 
populaire  le  Kyrie  eleison  ou  le  Te  Deum.  11  eut  mieux  valu  puiser  dans  le 
recueil  de  M.  Bouriîint  ou  dons  celui  de  M.  Loret. 

Les  langues  représeutées  dans  le  livre  de  M.  Seidel  sont  les  suivantes  : 

Langues  sémitiques  :  arabe  d'Egypte,  arabe  de  Tunis  et  de  Tripoli.  —  Bien 
sur  l'arabe  d'Algérie  et  du  Maroc.  On  s'étoLne  aussi  de  ne  pas  trouver  de 
légendes  éthiopiennes  (gh^ëz)  ni  de  contes  amharlûa  (Cf.  Guidi),  tigrii^a  (Cf.  de 
Vito),  tigré  (Cf.  Schreiber)  (4). 

Langues  hamitiques  :  égyptien  ancien  (un  conte^  pas  de  poésies)  ;  berbère 
d'Algérie  (3.  Menacer,  Zouaoua,  Chelh'a  des  K'çour);  berbère  du  Maroc  (Chelh'a). 
—  Les  contes  touaregs  dont  M.  Seidel  aurait  pu  trouver  des  spécimens  dans 
llanoteau  ou  Krause  manquent  totalement.  —  Somal,  Bilin,  Nama.  On  remar- 
quera que  le  copte  est  négligé,  ainsi  que  le  Galla,  le  Daokali,  le  Bedaouya,  le 
Hadendoa,  le  Saho^  l'Agaou  et  le  Konuama,  langues  dans  lesquelles  nous 
possédons  des  contes  recueillis  pour  la  plupart  par  M .  Reiuisch. 

Langues  bantou  (5)  :  Herero,  Amboundou,  Doualla,  ~  Pokomo  (des  chansons, 
pas  de  contes),  —  Shambala,  Bondéï,  Ganda,  .Souahili,  Nyamouézi,  —  Nyassa  (neuf 
proverbes  :  M.  Seidel  aurait  pu  trouver  des  contes  dans  la  collection  traduite 
par  Elmslie)  ;  Zoulou,  Southo.  —  Le  Ouahébé,  le  Lounda  le  Setchouana,  le  Xosa 
le  fiote,  le  Mbecga,  l'Apono,  l'Achira,  le  Kama,  FOtando,  le  Batéké,  ne  sont 
pas  représentés,  bien  que  nous  possédions  des  spécimens  de  leurs  contes. 

Négres-mcMés  [Misch-neger).  Sous  ce  titre  sont  rassemblées  des  populations 
très  différentes  et  dont  quelques-unes  forment  des  groupes  bien  distincts  :  les 
Mandes,  par  exemple  (Bambara,  Sôsô,  Temné,  Vei,  Mandingue,  Sarrakholé, 
Soninkhé).    Le  groupe  des  n  nègres  mêlés  »    est   celui   qui    offre    le  plus  de 

1.  P.  89,  note  1,  le  couscous  n'est  pas  du  maïs. 

2.  Chansons  zouaoua  dans  les  Poésies  nopulaires.de  la  Kabylie  du  Jurjura, 
Paris,  1867,  in-8.  —  Chansons  touaregs  dans  VEssai  de  grammaire  tamachek\ 
Paris,  1860,  in-8. 

3.  Dichtkunst  und  Gedichle  der  Schluh,  Leipzig,  1895,  in-8. 

4.  Sur  la  bibliographie  des  contes  de  cette  région  jusqu'en  1892,  cf.  mon 
article  :  Contes  d'Abyssinie.  dans  la  Revue  des  Traditions  populaires,  janvier, 
1892.  ^  »  A-  A-  ,   j  » 

5.  On  trouvera  la  bibliographie  des  contes  ban  tous  à  la  suite  des  Contes 
populaires  des  Bassoulos  par  M.  Jacottet  (Paria,  1893)  avec  les  additions  que  j'ai 
données  à  propos  du  compte  rendu  de  ce  livre  dans  la  Revue  des  Traditions 
populaires,  mai  1896.  11  faut  y  ajouter  les  vingt-cinq  contes  traduits  dans 
l'appendice  de  l'ouvrage  du  Rév.  Duff  .Macdonald,  Africa  or  the  heart  of  heathen 
Africa.  Londres,  1882,  2  v.  in-8,  t.  11,  p.  319-371. 


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606  HE  vus  DE8  TRADITIONS    POPULAIRES 

lacunes.  On  n'y  trouve  de  représentés  que  la  Gôte-d'Or  (tshwi),  le  temne,  le 
wolof  (le  recueil  de  B^ilat,  sans  parler  de  la  compilation  de  BérengerFeraud, 
contient  cependant  des  contes)  ;  le  Noupe  (proverbes},  le  Haousda,  le  Bornou 
le  Dinka  (une  chanson  :  Gaeati  nous  a  cependant  donné  un  spécimen  de  conte) 
le  Bari.  On  voit  que  Fauteur  a  laissé  de  côté  le  Lour,  le  Nyamnyam  (A*Sandeh) 
le  Mambettou,  le  Nouba,  pour  l'Afrique  orientale  ;  TAkra,  le  Yorouba,  TEwe, 
le  Foulah,  le  BouUora,  le  Veï,  le  Sôsô,  le  Bambara  pour  l'Afrique  occidentale. 

Une  autre  lacune,  plus  extraordinaire  encore,  c'est  l'absence  de  contes  mal- 
gaches qui  devaient  figurer  dans  une  anthologie  africaine  au  même  titre  que  les 
contes  arabes.  Ce  recueil  aurait  pu  aussi  être  complété  par  l'addition  des  contes 
des  nègres  de  Bourbon,  de  l'Ile-de-France,  des  Antiîles,  des  Etats-Unis  et  du 
Brésil. 

Tel  qu'il  est  cependant,  malgré  des  lacunes  qui  pourront  être  comblées  dans 
une  seconde  édition,  ce  livre  a  sa  valeur,  non-seulement  pour  le  grand  public  & 
qui  il  présente  un  tableau  de  la  littérature  populaire  africaine,  mais  aussi  pour 
les  fotk-Ioristes  de  profession  qui  n'auraient  pas  à  leur  disposition  les  collections 
souvent  très  rares  d'où  la  plupart  de  ces  textes  «ont  tirés. 

René  Basset. 


«AAAM#W«A^^^k^^WMV^ 


LIVRES  REÇUS  AUX  BUREAUX  DE  LA  REVUE 


Juan  B.  Ambrosetti.  El  simbole  de  la  serpente  en  la  alfarreria 
funeraria  de  la  région  Calchaqui,  Buenos-Aires,  in-8  de  pp.  14.  — 
Un  flechago  prehistorico,  ibid,  in-8  de  p.  6. 

Nous  avons  déjà  eu  l'occasion  de  signaler  les  intéressants  travaux  de  M.  A. 
La  première  de  ces  brochures  est  accompagnée  de  19  dessins  é  l'appui  de  sa 
thèse  sur  le  symbole  du  serpent. 

Brun  (J.).  A  propos  du  romancero  roumain,  Paris,  Lemerre.  In-i6, 
de  pp.  n-61  (1  fr.  m], 

Bérenger-Féraud  (L.  J.  B.).  Superstitions  et  survivances  étudiées 
au  point  de  vue  de  leur  origine  et  de  leurs  transformations,  Paris, 
Leroux,  5  vol.  in-8  (50  fr.). 

Henri  Monceaux.  Les  Le  Rouge  de  Chablis,  calligraphes  et  minia- 
turistes, graveurs  et  imprimeurs.  Etude  sur  les  débuts  de  Tillus- 
Iration  du  livre  au  XV'  siècle.  2  vol.  gr.  in-8  avec  200  fac-similés. 
Paris,  A.  Claudin,  1896. 

Cet  ouvrage,  d'uhe  grande  valeur  bibliographique  et  artistique,  intéresse  la 
tradition  par  la  description  très  détaillée  qu'il  contient  des  premières  éditions 
des  Danses  macabres  et  des  Calendriers  des  Bergers^  dont  il  a  reproduit  plusieurs 
planches  ;  l'iconographie  des  métiers  y  est  représentée  aussi  par  quelques  bois 
gravés  fort  curieux. 


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REVUE  DES  TRADITIONS    POPULAIRES  607 


PÉRIODIQUES  ET  JOURNAUX 


ArchiTio  per  lo  studio  délie  tradizioni  popolari.  XV,  If,  lit.  —  Le  ^torie 
popolari  in  poesia  siciliana  messe  a  staoïpa  dal  sec.  XV  ai  di  nostri.  Secoto 
XVII,  S.  Salomone-Marino.  —  La  vecchia  sposa.  Canto  popolare  reggiano  e 
novellina  9arda,  G.  Ferraro.  —  La  Canzone  del  «  Bombabâ  »  in  Dalmazia,  Vid 
VuletiC'Vukasovic.  —  La  feata  di  S.  Mauro  in  Casoria,  Gaetano  Amalfi.  —  Feptc 
picene  :  Primavera,  Michèle  Angelini,  —  H  Ramadan  nella  Colonia  Eritrea, 
Valentino  Simiani,  —  Usi  malabarici  nel  secolo  XVIII,  MaUia  Ui  Martino,  — 
Canti  popolari  del  Casentino  :  Rispetti,  Ida  Rossi.  —  Canti  popolari  fardi  : 
Avvertenza.  —  Battorinas  di  Nuoro,  Filippo  Valla.  —  Usi  e  Gostumi  d*Isnello  : 
I.  L'iocontro  al  sacerdote  novello.  —  IL  L'Atturna.  —  111.  Le  popolane,  Cristo- 
foro  Grisanli.  —  La  scuola  di  Magia.  NovellinfL  fabrianese,  Enrico  Filippini,  — 
Astronomia  e  Meteorologia  popolare  sarda  e  ppecialmente  del  Logudoro  :  Ful- 
mine. —  Nuvole.  —  Pioggia.  —  Stagione  e  mesi,  Guiseppe  Calvia,  —  11  Folk- 
Lore  in  Orazio,  Michèle  Messina-Faulisi.  —  Corne  il  Figlio  del  Raja  oltiene  la 
principessa  Labam.  Novella  indiana  trad.  daU'ioglese,  Maria  Pilrè,  —  11  Folk- 
Lore  in  Orazio,  Michèle  MeMina-Faulisi.  —  Medicina  popolare  basilicatese, 
M.  Pasquarelli,  —  Alctine  voci  di  venditori  ambulanti  del  Vomero,  Fr.  Mango. 

—  Voci  di  venditori  di  Firenze.  —  U?i  e  Co^tumi  d'Isnello  :  L  Convenzioni 
agrarie.  —  II.  Industrie  contadinesche,  Cristoforo  Grisanli.  —  Usi  agrari  siciliani 
délia  provincia  di  Caltanissetta  :  I.  «  Arbilriu  »,  pastorizia.  Continua,  Francesco 
Pulci.  —  Usi  venatorii  in  Italia.  Continua,  Biagio  Punlu^o.  —  La  novella  del 
conto  sbagliato,  G.  Pitre,  -^  Novelliue  popolari  sarde  relative  a  S.  Pietro, 
G.  Ferraro.  —  Noveliine  nylande^i,  Mat  lia  Di  Marlino.  —  Scongiuri  raccolti 
nella  provincia  di  Messina,  F.  A.  Cannizzaro.  —  I  flagcllanti  di  Castion  nel 
Bellunese.  Continua,  Maria  Oslermann.  —  I  Ginun  nella  tradizione  ebraico-tuni- 
sina,  Lina  Valenza,  —  Il  Leone  e  la  Grù,  favola  popolare  indiana.  Maria  Pilrè, 

Revista  de  sciencias  Naturaes  e  Sociaes.  -IV.  15.  —  Tradicoes  populares 
portuguesas.  -  A  caprificaçao,  F,  Adolpho  Coelho.  —  A  nécropole  protohistorica 
da  Fonte  Velha,  em  Bensafrim,  no  concelho  de  Lagos,  A,  dos  Sanfos  Hocha.  — 
Materiaes  para  a  arcbeologia  do  districto  de  Vianna,  F.  Mortins  Sarmento.  — 
Esttidos  de  flora  local- Vas culares  do  Porto,  Gonçalo  Sampaio, 

La  Tradition  nationale,  bulletin  mensuel  de  la  Société  d'Ethnographie  et 
d'art  national.  Ce  numéro,  surtout  documentaire,  ne  contient  qu'un  article  qui 
intéresse  directement  nos  études  ;  il  est  intitulé  :  Instructions  sommaires  rela- 
tives aux  collections  provinciales  d'objets  ethnographiques  par  Armand  Landrin 
et  Paul  Sébillol  (s'adresser  pour  reuFeignements  à  M,  Gustave  Boucher,  2i,  rue 
Visconti,  Paris). 

Wallonia.  IV.  9-^10.  ->  Mathieu  Laeusbergh  et  son  almanach.  I.  Avant-propos. 
H.  Les  précurseurs  liégeois.  III.  Apparition  du  Laensbergh.  IV.  Le  personnage. 

—  La  truie  qui  danse.  Chanson,  air  noté.  Lucien  Colson.  —  Enigmes  populaires. 
VI.  Devinettes  Wallonnes  (suite).  0.  Colson, 


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608  REVUE    DES   TRADITIONS   POPULAIRES 


NOTES  ET  ENQUÊTES 


,',  La  femme  salée.  ~  On  raconte  en  Haute-Bretagne  —  et  l'on  cite  même  la 
famille  dans  laquelle  le  fait  serait  arrivé  —  rhi?toire  d'un  mari  qui  ne  devait 
pas  rendre  compte  de  la  dot  de  sa  femme  tant  qu*il  »  conserverait  »  celle-ci. 
La  femme  étant  venue  à  mourir,  le  mari  pour  ne  pas  restituer  la  dot,  la  fil 
saler,  et  comme  ains^i,  elle  était  «  conservée,  »  il  garda  la  fortune  jusqu^au 
moment  où  lui-même  mourut.  11  me  semble  avoir  lu  quelque  part  une  version 
populaire  de  cette  iogénieuse  interprétation  du  texte  des  contrats. 

(Comni.  de  M.  P.  JouHA^). 

,\  Anne  de  Bretagne  et  lei  biches,  Saint-Foix  cite  Tapologuc  suivant  que 
Louis  XII  adressa  à  Anne  de  Bretagne  :  «  Sachez,  madame,  qu'à  la  création  c:u 
monde.  Dieu  avait  donné  des  cornes  aux  biches,  de  même  qu'aux  cerfs;  mais 
les  biches  se  voyant  un  si  beau  bois  sur  la  tête,  entreprirent  de  faire  la  loi  aux 
cerfs;  le  souverain  créateur  en  fut  indigné  et  leur  ôta  cet  orneuient  pour  les 
punir  de  leur  arrogance  ».  Pourrait  on  nous  citer  une  version  populaire  de  cettt» 
légende  ? 

R.  B. 

,\  Ce  quon  dit  lorsqu'un  enfant  porte  les  cheveux  ras.  —  A  Wiers  (Hainaul), 
ses  camarades  Tinterpellent  en  ces  termes  : 

«  Tiette  tondue,  tiette  rabattue,  quat*  baguettes  au  sond  d*el  tiette  ».  (Tête 
tondue,  tête  rabattue,  quatre  baguettes  au  sommet  de  la  tête). 

(Comm.  de  M.  Alfred  IIarou\ 


REPONSES 


,*,  Briser  le  verre  après  avoir  bu.  -—  En  pays  Flamand  on  retrouve  encore  de 
ci,  de  In,  Tusage  de  retourner  son  verre  après  avoir  bu. 

i.Comm.  de  M.  Alfred  Haroc). 

/,  Formulette  de  la  pluie.  —  A  Liège,  lorsqu*il  pleut,  les  enfants  chantent  : 

Il  pleut  (bis)  bergère, 
Ramenez  vos  moutons  ; 
ll!«  sont  dans  la  chaumière, 
Vite,  bergère,  allons  !! 

Il  nous  a  paru  intéressant  de  constater  que  la  chanson  de  Fabre  d'Eglantine, 
est  devenue,  très  défigurée,  une  formulette  populaire. 

(Comm.  de  M.  Alfred  Harou}. 

Le  Gérant,  A.  CERTEUX 
Haugé  [Maine-et-Loire).  —  Imprimerie  Daloux. 


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REVUE 


DES 


TRADITIONS  POPULAIRES 


11«  Année.  —  Tome  XI.  —  N»  12.  —  Décembre  1896. 


CONTES  ET  LÉGENDES  DE  L'EXTRÊME-ORIENT 


XLVl 


HABILETÉ  DE  P'rA-RUANG 

ES  annales  de  Siam  racontent  que  parmi  les  objets 
apportés  en  tribut  au  roi  de  Kambodje  par  PVa- 
Ruang,  le  roi  de  Satchanalaï,  se  trouvait  un  panier 
qu'on  pouvait  remplir  d'eau,  sans  que  rien  s'en 
échappAt  par  les  fentes.  Le  roi  de  Kambodje  fut 
tellement  émerveillé  de  ce  présent,  qu'il  craignit 
qu'un  homme  capable  de  se  procurer  des  choses 
aussi  surprenantes  ne  vînt  à  le  supplanter,  conformément  h  une 
prédiction  qui  avait  cours  dans  le  pays.  Il  ordonna  donc  que  P'ra- 
Ruang  fût  mis  à  mort  ;  mais  comme  celui-ci  appartenait  à  la  race 
des  Nakh  ',  dont  sa  mère  avait  été  la  reine,  il  s'enfonça  en  terre  et 
disparut  au  moment  où  ses  bourreaux  se  disposaient  à  se  saisir  de 
sa  personne.  Pour  se  venger  de  cette  trahison,  il  revint  quelque 
temps  après  au  Kambodje,  otx  il  surprit  le  roi  à  l'improviste  et  le 
contraignit,  non-seulement  à  renoncer  à  ses  droits  de  suzeraineté, 
mais  encore  à  se  soumettre  à  sa  domination  '. 


1.  Suite,  Toir  t.  XI,  p.  416. 

2.  Sanscrit  nagdf  serpent  ou  demi-dieu  habitant  les  régions  souterraines. 

3.  Pongmvadan  muong  nua^  cité  par  L.  de  Rosny.  Variétés  orientales^   1869, 
in-8,  p.  59-60. 

TOUS  XI.  —  DâCBMBRB  1896.  39 


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610  REVUE  DES  TRADITIONS  POPULAIRES 

XLVII 

LA  PRÉCAUTION  MALADROITE 

Il  y  avait  jadis,  dans  la  ville  royale  de  Caveripaianam,  une  certaine 
casle  villaja  qui  avait  acquis  de  si  grandes  richesses  qu'elle  ne 
voulait  plus  se  prosterner  pour  saluer  le  radja  de  Tendroit.  Le  fils  de 
ce  prince,  pour  l'obliger  à  la  politesse  due  au  maître,  ordonna  à 
tous  les  habitants  de  venir  le  visiter,  et  les  reçut  dans  une  pièce  où 
Ton  ne  pouvait  entrer  que  par  une  porte  fort  basse,  de  telle  sorte 
que,  bon  gré  mal  gré,  il  fallait  bien  courber  la  tête  en  entrant.  Le 
fils  du  radja  rejeta  cependant  Tidée  qu'il  avait  eue,  car  après  la 
visite  de  ses  sujets,  ceux-ci  durent  quitter  la  salle  d'audience,  et 
pour  s'en  retourner  par  la  porte  dont  il  a  été  question,  ils  furent 
dans  la-nécessité  de  se  montrer  au  prince  dans  une  pose  peu  respec- 
tueuse. Cette  pose  ayant  choqué  le  prince,  les  habitants  effrayés 
mirent  le  feu  à  leurs  maisons,  et  s'enfuirent  avec  leurs  dieux  et  tout 
ce  qu'ils  purent  emporter  à  la  main  dans  le  pays  de  Cottar^  au  sud 
de  Maléalom  (Malaeyala),  où  ils  vivent  encore  aujourd'hui,  sans 
vouloir  contracter  aucune  alliance  avec  les  autres  castes  *. 


XLVIII 

l'uÉRÉSIE:  CAUSE  DE  DÉCHÉANCE 

Dans  le  royaume  sur  lequel  régnait  Santana,  il  n'avait  pas  plu 
depuis  douze  années.  Craignant  que  le  pays  ne  devînt  un  désert,  le 
roi  assembla  les  brahmanes  et  leur  demanda  pourquoi  la  pluie  ne 
tombait  pas,  et  quelle  faute  il  avait  commise.  Ils  lui  répondirent  que 
c'était  comme  si  un  frère  plus  jeune  se  mariait  avant  son  frère  aîné  : 
car  il  était  en  possession  d'un  royaume  qui  de  droit  appartenait  à 
son  frère  Dévapi. 

Que  dois-je  faire  ?  dit  le  radja.  11  lui  fut  répondu  :  Jusqu'à  ce  que 
Dévapi  déplaise  aux  dieux  en  s'écartant  du  sentier  de  la  justice,  le, 
royaume  est  à  lui,  et  c'est  votre  devoir  de  le  lui  abandonner.  Asma- 
risarin,  ministre  du  roi,  ayant  entendu  cela,  réunit  un  grand 
nombre  d'ascètes  qui  enseignaient  des  doctrines  contraires  à  celles 
des  Yédas,  et  les  envoya  dans  la  forêt.  Là,  ayant  trouvé  Dévapi,  ils 
pervertirent  le  prince  qui  était  simple  d'esprit,  et  ramenèrent  à 
partager  leurs  opinions  hérétiques.  Pendant  ce   temps,   Santana, 

1.  Papiei's  d'Ariel  ap.  L.  de  Rosny.  Variétés  orientales,  p.  204. 


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REVUE   DES   TRADITIONS   POPULAIRES  6tl 

étant  très  affligé  d*avoir  commis  le  péché  que  lui  avaient  reproché 
les  brahmanes,  les  envoya  devant  lui  dans  la  forêt,  puis  s'y  rendit 
lui-même  pour  restituer  la  couronne  à  son  frère  aîné.  Quand  les 
brahmanes  arrivèrent  à  l'ermitage  de  Dévapi,  ils  Tinformèrent  que 
conformément  aux  doctrines  des  Védas,  la  succession  au  trône  était 
le  droit  du  frère  aîné;  maf^  il  entra  en  discussion  avec  eux,  et  il 
mit  en  avant  divers  arguments  qui  avaient  le  défaut  d*étre  contraires 
à  la  doctrine  des  Védas.  Ayant  ouï  ces  choses,  les  brahmanes 
retournèrent  vers  Santana  et  lui  dirent:  0  radja,  tu  n*as  plus  à 
t'inquiéter  de  tout  ceci  ;  la  sécheresse  touche  à  sa  fin.  Cet  homme 
est  dégradé  de  son  rang,  car  il  a  prononcé  des  paroles  irrespec- 
tueuses contre  Tautorité  des  Védas,  incréés,  éternels  ;  et  quand  le 
frère  aîné  est  dégradé,  il  n'y  a  pas  de  péché  à  ce  que  le  frère  puiné 
se  marie  (ou  règne).-  Alors  Santana  retourna  dans  sa  capitale,  et  son 
frère  aine  Dévapi  fut  dégradé  de  sa  caste  pour  avoir  répété  des 
doctrines  contraires  aux  Védas.  Indra  répandit  une  pluie  abondante 
qui  fut  suivie  de  riches  moissons  *. 


XLIX 

L  ORIGINE  DU  COCOTIER  ' 

On  raconte  qu'un  des  médecins  de  Tlnde  était,  à  une  époque 
reculée,  attaché  à  un  roi  de  cette  contrée,  et  en  très  grande  consi- 
dération près  de  lui  ;  mais  que  ce  dernier  avait  un  vizir,  entre  lequel 
et  le  médecin  régnait  une  inimitié  réciproque.  Celui-ci  dit  un  jour 
au  roi  :  Si  Ton  coupait  la  tète  de  ce  vizir,  et  qu'ensuite  on  l'enterrât, 
il  en  sortirait  un  palmier,  qui  produirait  de  magnifiques  dattes, 
lesquelles  seraient  d'une  grande  utilité  aux  Indiens,  et  autres 
peuples  du  monde.  Le  roi  lui  répondit  :  Et  s'il  ne  sort  pas  de  la 
tête  du  vizir  ce  que  tu  prétends?  —  Le  médecin  répliqua:  Dans  ce 
cas,  fais  de  ma  tête  ce  que  tu  auras  fait  de  celle  du  vizir.  Le  roi 
ordonna  de  couper  la  tête  de  ce  dernier,  ce  qui  fut  exécuté  ;  le 
médecin  la  prit,  planta  un  noyau  de  datte  dans  le  cerveau  et  le 
soigna  jusqu'à  ce  qu'il  devînt  un  arbre  et  qu'il  produisit  cette  noix  ^. 

René  Basset. 

1.  J.-J.  Ampère,  La  science  et  les  lettres  en  Orient^  Paris,  1863,  iD-12,  p.  405- 
407,  d'après  la  traduction  anglaise  du  Vie hnou- Pour ana  par  Wilsoo. 

2.  Ibn  Batoutah,  Voyages,  éd.  et  trad.  de  Defrémery  el  Sanguinetti,  t.  II,  Paris, 
1877,  in-8,  p.  207-208.     ' 


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612  HGVUE  DES  TRADITIONS  POPULAIRES 


LES  AVENTS 


IV 

CHANTS    DE    QUÊTE 

Environs  de  Dôl  [Ille^ei-Vilaine) 

Es  le  premier  dimanche  de  TAvent,  on  commence  à  chanter 
les  Noëls.  Les  jeunes  gens,  après  les  offices  à  l'église^  se 
rendent  par  groupes  auprès  des  fontaines  et  sur  les  buttes, 
est  là  qu'ils  commencent  : 

A  la  claire  fontaine 

Trois  pigeons  blancs  8*y  baignent 

Ils  ont  tanl  battu  de  Taile 

Qu*ils  en  ont  affailli  (sont  devenus  faibles) 

L*un  s'appelle  saint  Jacques 

Et  Tautre  saint  Denis, 

Et  l'autre  s*app^lle 

Saint  Pierre,  porte  clefs  du   Paradis. 

—  Saint  Pierre,  ouvrez  vos  portes 
Au  peuple  à  Jésus-Christ. 

—  Je  n'ouvre  point  mes  portes 
Car  Dieu  ne  Ta  pas  permis. 

'  Marchons  par  villes 

Marchons  par  vaux 
Et  allons  tous  au  mariement 
De  la  Vierge  glorieusement...  (2) 

La  mélopée  se  continue  racontant  la  légende  des  Bançailles  de 
Joseph  avec  Marie,  puis  la  naissance  du  divin  Enfant.  Alors  toutes 
les  voix  reprennent  :  * 

Chantons  tous  en  chœur 
La  nuit  solennelle 
De  Noël. 

François  Duynes. 

4.  Cf.  t.  VII!,  p.  589,  IX,  213,  X,  528. 

2.  Cf.  dans  V Annuaire  de  1888,  p.  14.  Les  trois  pigeons  blancs,  chanson  de  la 
Haute-Bretagne,  recueillie  par  Paul  Sébillot  et  notée  par  Bourgault-Ducoudray, 


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REVCE   DES  TRADITIONS  POPULAIRES 


613 


LES  MÉTIERS  ET  LES  PROFESSIONS 


XCIV 


LES  BIARCHAIVDS  FLEURISTES 


ES  le  xvi*  siècle  les  Flamands  avaient 
fondé  des  associations  en  Tue  de  la  cul- 
ture des  plantes  rares,  et  chaque  fête  de 
sainte  Dorothée  était  pour  leur  «  confré- 
rie »  l'occasion  d'exposer  les  fleurs  les 
plus  belles. 

Aujourd'hui  encore  Gand  est  surnom- 
mée la  Ville  des  Fleurs  à  cause  du  grand 
nombre  de  ses  horticulteurs. 

Sur  la  grand'place  de  Bruxelles,  devant 
VHôiel'de- Ville,    est    installé,    tous    les 
matins  un  marché  aux  fleurs. 

Lors  des  grands  mariages^  les  marchandes  de  fleurs  offrent  à  la 
flancée  un  bouquet  qu'elles  ont  confectionné. 


xcv 

CE  qu'on  dit  lorsqu'on  ENTRE  CHEZ  UN  MARCHAND 

A  Verviers  un  client  entrant  dans  un  magasin  où  il  n'y  a  personne, 
crie  :  a  Kèssi  !  »  pour  attirer  l'attention  du  marchand. 


XCVI 

ENCOURAGEMENTS  ACCORDÉS  A  l'iNTRODUCTION  DE  NOUVELLES 
INDUSTRIES  A  GAND 

Les  échevins  délégués,  assistés  de  leurs  secrétaires,  présidaient  àla 
mise  en  train  du  nouvel  établissement,  en  prenant  part  à  la  confec- 


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614  REVUE   DES   TRADITIONS    POPULAIRES 

tien  du  premier  produit  manufacturé  ou  fabriqué  :  tissage  de  la 
première  pièce  d'étofte,  fabrication  du  premier  brassin  de  bière, 
soufflage  de  la  première  bouteille,  etc. 

La  ville  faisait  à  cette  occasion  don  au  propriétaire  de  Tusine 
d'une  ou  de  plusieurs  pièces  de  vin.  C'est  ce  qu'on  nommait  offrir 
les  a  fresentewynen  ». 

[Messager  des  sciences  hist.^  1888,  480-481). 

A  l'ouverture  d'une  verrerie  à  Gand,  en  1694,  les  échevins  de  la 
ville  soufflèrent  les  «  premières  verres  »  (ghelas). 

{Messager  des  sciences  historiques^  1888,  p.  481). 


XCVIl 

GRACIEUSETÉS  DE   MARCQANDS 

En  Hainaut  les  détaillants  ont  pour  coutume  de  gracieusetés  de 
délivrer  gratis  une  petite  quantité  de  marchandise,  en  outre  de  celle 
achetée.  C'est  ce  qu'on  nomme  «  elrawète  »  (le  surplus). 

Lorsque  le  négociant  mesure  exactement  sa  marchandise,  on  lui 
rappelle  cette  coutume  en  disant  :  «  N'y  a-t-il  rien  pour  la  rawette  ? 

Les  marchands  qui  ne  se  conforment  pas  à  cette  coutume  perdent 
facilement  leurs  clients. 


XCVIII 

LES  FABRICANTS  DE   CHAPEAUX   DE   PAILLE 

Glons  (province  de  Liège)  est  réputé  pour  ses  chapeaux  de  paille. 
Les  ouvrières  qui  tressent  la  paille  ne  sont  jamais  inactives.  Soit 
qu'elles  se  rendent  à  la  ville  voisine,  soit  qu'elles  aillent  en  pèleri- 
nage, on  les  rencontre  toujours  le  tablier  retroussé  dans  lequel  elles 
déposent  la  paille  qu'elles  tressent  le  long  du  chemin.  Le  soir,  durant 
la  belle  saison,  on  les  voit  occupées  à  la  même  besogne  sur  le  seuil 
de  leur  porte. 

Ces  mêmes  ouvrières  se  rendent  quelquefois  le  soir  chez  les  voisins 
où  l'on  travaille  en  commun.  C'est  une  partie  de  cancans  et  de  travail 
en  même  temps,  cela  s'appelle  aller  «  ciser  ». 


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REVUE    DES   TRADITIONS  POPULAIRES  615 

VU  {suite) 

JEUX   DE  MÉTIERS 

Les  débardeurs  bruxellois  — les  voetcapoenen^  comme  on  les  nom- 
me à  Bruxelles  —  obtienueat  chaque  année  les  prix  des  jeux  popu- 
laires, organisés  par  la  ville  sur  le  canal. 

Les  prix  des  jeux  du  Beaupré  et  de  la,  l'oison  leur  sont  acquis 
chaque  année  ;  et  ce  serait  un  deuil  général  dans  toute  la  corpora- 
tion si  l'un  de  ces  prix  venait  à  échapper  aux  Voetcapoenen, 

A  l'année  1456,  la  chronique  de  Lierre  *  mentionne  une  confrérie 
anversoise,  appelée  les  «  compagnons  des  Loges  »,  qui  donnait  des 
représentations  dramatiques  et  allait  dans  les  villes. voisines  égayer 
les  solennités  religieuses  de  ses  «  jeux  et  esbattements  ». 

Voici  d'où  ces  Compagnons  des  Loges  tiraient  leur  nom  :  En  ce 
temps-là,  on  exécuta  à  l'église  de  grands  travaux  de  maçonnerie 
pour  lesquels  on  construisit  dans  Téglise  même,  à  Tusage  des 
tailleurs  de  pierres,  des  loges  qui  subsistent  encore  aujourd'hui 
(1515)  dans  lesquelles  ils  travaillaient  les  pierres,  et  ces  tailleurs  de 
pierres,  maçons  et  charpentiers  jouajent  ensemble  les  jours  dont 
nous  venons  de  parler. 

(E.  Gens.  Histoire  de  la  Ville  d'Anvers^  p.  239). 

L 

LES  COUTURIÈRES  {suîte) 

On  dit,  à  Mons,  qu'une  femme  doit  siffler  lorsqu'elle  répare  un 
pantalon  d'homme. 

Alfred  Harou. 

LXI  {suite) 

les  cris  des  rues 

Amiens 

Un  boulanger  qui  poussait  sa  voiturette  proposait  sa  marchandise 
fraîchement  défournée  :  «  Ils  sont  tout  chaud,  les  pains  d*gruau  !  » 
tandis  qu'un  chiffonnier  perpétuant  aussi  la  tradition  des  cris  de 

1.  Petite  ville  voisine  d^ADvers. 


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616  REVUE   DES  TRADITIONS   POPULAIRES 

jadis,  glapissait  d'une  voix  cassée  au  diapason  des  débris  de  vaiselle 
offert  par  la  ménagère  :  Des  os  I  des  loques  !  (Léon  Duvauchel.  L*Aar- 
iillonne,  1897,  p.  16). 

P.  S. 


LXII 
A  Anvers 

Jadis,  à.  la  porte  de  chaque  marchand  de  vin^  se  tenait  un  crieur 
(Wynroeper),  une  serviette  blanche  sur  le  bras,  tenant  d'une  main 
une  cruche,  de  Vautre  un  gobelet.  Il  annonçait  aux  passants  Tespéce 
de  vin  que  Ton  vendait  ce  jour-là.  Ces  crieurs  formaient  une  corpo- 
ration. Ils  se  tenaient  chaque  matin,  tous  ensemble,  au  coin  de  la 
rue  des  Rôtisseurs,  où  les  taverniers  venaient  les  engager  pour  la 
journée.  On  les  employait  aussi,  comme  les  crieurs  publics  moder- 
nes, à  mer  les  enfants  égarés,  les  chevaux  échappés  et  les  objets 
perdus.  (Eug.  Gens.  Histoire  de  la  ville  d'Anvers^  p.  138). 

Alfred  Harou. 


LE  DIABLE  ET  LE  RECTEUR  D'ELVEN 


N  jour  le  recteur  voulut  exorciser  un  de  ses  paroissiens. 
V-    —  Satané,  dit-il.  Satané,  cgredere  de  hoc  corpo. 
^    —  Non  egredam,  répondit  avec  fureur  le  mauvais  ange. 
1^^     —  Ah,  non  egredas  ? 
(Q       —  Non  egredam,  te  dico. 

—  Cur? 

—  Quia. 

—  Mais  enfin,  cur? 

—  Quia  maie  loquis  latine. 

—  Ah,  aliud  res  ! 

Fra  Deuni. 


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REVUE  DES  TRADITIONS  POPULÂIEES 


617 


CONTES  BRESILIENS* 

TRADUITS  DU  PORTDOAU 


LA  MARATRE 

Conte  d'originfi  européenne 

L  était  une  fois  un  veuf  qui  avait  deux  petites 
filles  et  qui  se  remaria.  Sa  femme  était  très 
méchante  pour  les  enfants:  elle  leur  faisait 
faire  tout  le  travail  comme  à  des  esclaves  et  les 
battait  souvent.  Auprès  de  la  maison  il  y  avait 
un  figuier  qui  donnait  des  fruits  :  la  belle-mère 
envoyait  les  petites  filles  surveiller  les  figues  à 
cause  des  moineaux.  Les  enfants  passaient  des 
journées  entières  à  crier  : 

Cho  !  Cbo  !  moineau 

Ne  touche  pas  toD  petit  bec 

Va-t'en  vers  ton  petit. 

Quand  une  figue  venait  à  être  picorée^  la  belle-mère  punissait  les 
petites  filles.  Aussi  étaient-elles  souvent  maltraitées.  Une  fois,  leur 
père  partit  en  voyage  :  la  marâtre  les  fit  enterrer  vivantes,  et  au 
retour  de  son  mari,  lui  dit  qu'elles  étaient  tombées  malades,  qu'elles 
avaient  pris  beaucoup  de  remèdes,  mais  néanmoins  qu'elles  étaient 
mortes.  —  Le  père  en  fut  très  aflligé. 

Il  arriva  que  dans  les  fosses  des  deux  enfants,  il  poussa  de  leurs 
têtes  un  arbuste  (capinzal)  très  vert  et  très  beau,  qui  répétait,  lors- 
que le  vent  l'agitait  : 

Cho  !  Cho  !  moineau 

Ne  touche  pas  ton  petit  bec 

Va-t'en  vers  ton  petit 

Le  serviteur  de  la  maison,  en  allant  couper  des  feuilles  pour  les 

1.  Extraits  des  Conlos  populares  do  Brazil  colle^^idos  pelo  Db.  Stlvio  Rohkbo. 
Lisboa,  1885,  in-8,  p.  57,  159,  191. 


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618  REVCB  DES  TRADITIONS  POPULAIRI&S 

chevaux,  aperçut  ce  bel  arbuste,  mais  il  craignit  de  le  coupef  lors- 
qu'il entendit  ces  paroles.  Il  courut  tout  raconter  à  son  mattre. 

Celui-ci  refusa  de  le  croire  et  lui  ordonna  de  couper  cet  arbuste, 
puisqu'il  était  très  grand  et  très  vert.  Le  nègre  obéit,  mais  lorsqu'il 
y  mit  la  serpe,  il  entendit  une  voix  sortir  de  dessous  terre  et  chanter  : 

Serviteur  de  mon  père, 

Ne  me  coupe  pas  les  cheveux  : 

Ma  mère  me  peignait, 

Ma  marâtre  m*a  enterrée, 

Pour  une  figue  de  flguier 

Que  le  moineau  a  picorée. 

En  entendant  ces  paroles,  le  nôgre  courut  tout  effrayé  vers  la 
maison  et  s'en  fut  tout  raconter  au  maître  qui  refusa  de  le  croire. 
Mais  le  serviteur  le  pressa  tellement  qu'il  vint  lui-même,  et  ordon- 
nant au  nègre  d'y  mettre  la  serpe,  il  entendit  le  chant  souterrain.  Il 
fît  creuser  en  cet  endroit  et  trouva  ses  deux  filles  vivantes  par  un 
miracle  de  Notre-Dame  qui  était  leur  marraine.  Quand  ils  revinrent 
à  la  maison,  ils  trouvèrent  la  femme  morte  par  punition. 


II 

LE  MACAQUE  ET  LA  CALEBASSE 

(Conte  d'origine  africaine) 

Le  macaque  se  brouilla  avec  fonce  et  ne  marchait  plus  qu'avec 
crainte.  Il  y  avait  une  fôte  dans  un  certain  endroit  et  le  macaque, 
pour  s'y  rendre,  devait  passer  par  la  maison  de  l'once.  Enfin,  il 
imagina  un  moyen  d'aller  à  la  fête  sans  être  vu.  Il  se  mit  à  Tintérieur 
d'une  grande  calebasse,  imprima  un  mouvement  et  partit  ainsi. 

En  passant  devanc  la  maison  du  Kagado,  celui-ci  le  prit  pour  un 
animal  nouveau.  Ils  causèrent  et  le  macaque  prit  congé  de  lui.  En 
partant,  il  dit  : 

Marche,  calebasse, 

Qui  jamais  n'a  marché  ; 

Vendredi,  samedi, 

Dimanche,  lundi, 

Mais  comme  on  te  cherchait, 

Tu  t'es  changée  en  animal. 

Et  ainsi  il  passa  devant  la  maison  de  lonce  et  alla  à  la  fête  sans 
rien  souffrir. 


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REVUE  DES  TRAOITIOMS  POl'CLAIRES  619 


HI 
LK   RENARD   ET   l'bOHME 

Fable  des  Indiens    Tupis 

Le  renard  alla  se  coucher  suc  La  chemin  par  où  un  homme  devait 
passer  et  feignit  d'être  mort.  L'homme  arriva  et  dit:  «Pauvre  renard  !  » 
Il  creusa  un  trou^  l'y  enterra  et  s'en  alla. 

Le  renard  courut  à  travers  les  broussailles,  dépassa  Thomme,  s'é- 
tendit sur  le  chemin  et  fit  le  mort.  Quand  l'homme  arriva,  il  dit  : 
«  Un  autre  renard  mort  !  Le  pauvre  !  »  11  Técartadu  chemin,  le  cou- 
vrit de  feuilles  et  continua  sa  route. 

Le  renard  courut  une  autre  fois  par  la  campagne,  se  coucha  une 
autre  fois  sur  le  chemin  et  feignit  d'être  mort. 

«  Comment  y  a-t-il  tant  de  renards  morts  ?  »  dit  l'homme  en  arri- 
vant. Il  Técarta  un  peu  de  la  route  et  s'en  alla,. 

Le  renard  courut  une  autre  fois  faire  le  mort  sur  le  chemin.  «  Que 
le  diable  emporte  tous  ces  renards  morts  »,  dit  l'homme.  Il  Tempoigna 
par  l'extrémité  de  la  queue  et  le  traîna  par  le  milieu  de  la  roule.  Le 
renard  se  dit  alors  :  «  On  ne  doit  pas  se  jouer  de  celui  qui  nous  fait 
du  bien  >. 

René  Basset 


^w^ww^ww^www^<»*»«%«^»w«w»» 


LA  FÊTE  DES  INNOCENTS 


I 

usqu'au  XVI"  siècle  on  célébra  à  Soignies  (Hainaut)^  la  fête 
des  Innocents. 

A  la  collégiale  de  Saint-Laurent,  le  jour  des  Innocents^  les 
chanoines  cédaient  leurs  places  aux  choraux  pendant  TofTlce. 
L'un  de  ces  enfants  portait  les  habits  du  doyen,  tandis  que 
les  autres  étaient  habillés  en  chanoines. 

Après  la  cérémonie,  le  premier  régalait  ses  compagnons  aVec 
l'argent  provenant  d'une  collecte  faite  dans  l'Eglise  à  son  bénéfice. 

(Archives  du  chapitre  de  Soignies J, 

Alfred  Harou. 


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620 


REVUE  DES  TRADITIONS  POPULAIRES 


LES  ALMANACHS  POPULAIRES 


X 

AKGIEN    ALMANAGH    DE    MATHIEU    LAENSBER6H 

ENDANT  mes  recherches  sur  rhisioire  de  VAlmanach  de  Mathieu 

çSf®  Laensbergh  (1635-1897)  dont  «  Wallonnia  »  publie  en  ce  mo- 

i^^fh  ment  le  résultat,  j'ai  trouvé,  dans  le  volume  pour  1795  un  ar- 

('=^  ticle  qui  ne  me  paraît  sous  cette  forme  rien  moins  que  wallon. 

fej  C'est  un  chapitre  intitulé  :  Divers  Proverbes  et  Maximes  éco- 
nomiques et  rurales. 

Il  est  précédé  d'un  no^a  ainsi  conçu  :  «  Dans  ce  qui  va  suivre,  ce 
«  qui  est  mis  entre  deux  parenthèses  ()  est  l'explication  des  expres- 
«  sions  trop  gauloises  ou  trop  triviales  ». 

Qu'on  ne  s'étonne  pas  du  mot  «  gauloises  >»  ;  l'article  ne  contient 
aucune  gauloiserie.  L'auteur  a  voulu  parler  d'anciennes  formes 
françaises,  peu  accessibles  au  paysan  wallon  —  ce  qui  confirme 
notre  supposition  relative  à  Torigine  de  ces  dictons. 

Voici  le  texte  complet. 

Tu  D'employeras  ton  labeur  (travail) 
En  terre  de  bonne  senteur. 

(Les  terrains  où  croissent  naturellement  le  serpolet,  le  thym, 
l'origan  et  autres  plantes  odoriférantes  sont  mauvais  en  général). 

En  terroir  pendant  (qui  ont  une  pente  rapide) 
Ne  mets  ton  argent. 

(Parce  qu'il  est  difficile  à  cultiver,  que  les  pluies  entraînent  les 
engrais,  la  bonne  terre  et  ses  productions). 

Au  grand  terroir  louange  donne  ; 
A  semer  petit  t'adonne. 

(Les  frais  de  culture  étant  considérables,  il  est  bien  plus  profitable 
d'avoir  un  petit  terrain  bien  cultivé,  qu'un  grand  mal  soigné). 

Le  trop  tarder  en  fait  de  labourage 
Est  la  ruine  entière  du  ménage. 


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RRVUE   DES  TRADITIONS  POPULAIRES  621 

11  faudrait  mieux  faire  le  fou 
Que  de  labourer  en  temps  mou. 

(Dans  les  terres  glaiseuses). 

Pour  devenir  riche,  faut  bien  pattre. 
(Avoir  beaucoup  de  bestiaux). 

Pour  devenir  moyennement  riche 
Moyennement  pattre. 

(On  sait  depuis  longtemps  que  la  richesse  s'accrott  comme  le 
nombre  des  bestiaux). 

La  meilleure  partie  de  la  terre  en  prairie, 
La  moyenne  en  labourage, 
La  moins  bonne  en  vigDoble. 

Qui  laboure  les  fruitiers  (verger) 
Les  prie  de  porter,  (fruits) 
Qui  les  fume»  les  supplie, 
Qui  les  ébranche,  les  contrainL 

Cet  article  est  intercalé  dans  un  excellent  chapitre  c  Agriculture  » 
qui,  à  cette  époque,  figurait  au  Laensbergh  pour  satisfaire  aux  goûts 
officiels  du  temps  et  détourner  la  censure.  On  sait  que  Mathieu 
Laensbergh  est  un  prophète,  et  que  ses  prophéties  n'ont  pas  tou- 
jours été  du  goût  des  grands  et  des  politiciens. 

Quelqu*un  pourra  peut-être  nous  dire  d'où  sont  extraits  ces  pro- 
verbes agricoles,  ou  dans  quelle  contrée  ils  sont  encore  connus. 

0.  COLSON. 


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(>22  «RVUE  DES  THADiriONS  POPIXAIRES 


LE  PAUVRE  RUSE  * 


Conte  de  la  vallCe  d'Aspe 

N  homme  pauvre  avait  une  vache  qui  allait  pailre. 
Un  riche  son  voisin  en  avait  trente.  La  bête  du  pre- 
mier eut  le  malheur  de  se  mêler  à  celles  du  riche  et 
d  aller  paître  avec  elles.  La  vache  du  pauvre  fut 
prise  par  le  riche  qui  la  tua.  Le  propriétaire  de  l'ani- 
mal mort  venait  la  chercher  pour  l'amener  à  son 
élable,  mais  quelle  fut  sa  surprise  quand  il  trouva  sa 
vache  morte.  Enfin  il  prit  sa  peau  et  s'en  alla  à  travers  un  bois  pour 
la  porter  au  marché.  Dans  le  bois  il  rencontra  deux  hommes  qui 
comptaient  des  pièces  d'or.  U  grimpa  sur  un  arbre,  se  couvrit  de  la 
peau  de  sa  vache  et  se  mit  à  meugler.  Les  deux  hommes  qui  comp- 
taient leur  or  eurent  une  telle  peur  qu'ils  s'enfuirent,  abandonnant 
leur  trésor.  Le  pauvre  descend  alors  de  Tarbre  et  emporte  autant 
d'or  que  la  peau  de  sa  béte  pouvait  en  contenir.  Il  revient  chez  lui 
fort  content,  il  rencontre  le  riche  qui  lui  demanda  combien  il  avait 
vendu  la  peau.  «  Un  sou  par  poil.  »  —  «  Oh  !  je  veux  tuer  toutes  les 
miennes,  répondit  le  riche.  »  —  «  Gardes  en  quatre  et  tue  les  vingt-six 
autres.  »  Il  tua  les  vingt-six  et  va  vendre  leurs  peaux,  mais  il  ne  put 
les  vendre  qu'à  un  prix  très  bas. 

Puis  il  vit  que  le  pauvre  avait  un  couteau  au  manche  blanc  et  noir 
avec  lequel  il  avait  le  pouvoir  de  tuer  sa  femme  et  de  la  faire  revivre. 
Un  jour  que  le  riche  passait,  le  pauvre  tenait  sa  femme,  son  cou- 
teau à  la  main,  et  une  terrine  qu'il  avait  préalablement  remplie  de 
sang.  Sa  femme  faisait  la  morte.  Le  riche  s'arrête,  puis  il  entend  le 
pauvre  dire.  «  Couteau  de  manche  blanc  et  noir,  fais  revivre  ma 
femme.  »  Et  celle-ci  commence  tout  à  coup  à  se  mouvoir,  puisa 
articuler  un  faible  «  oui  »  enfin  à  se  relever.  «  Tiens,  dit  le  riche, 
mais  c'est  miraculeux.  Combien  veux-tu  de  ton  couteau?»  —  «  Quatre 
cents  francs  »,  dit  le  pauvre.  «  J'ai  une  femme,  dit  le  riche,  qui  est 
très  mauvaise,  qui  me  fait  toute  sorte  de  mal  ;  je  veux  lui  faire  sen- 

1.  Les  épisodes  de  ce  coDte,  résumé  et  un  peu  écourté,  se  retrouvent  pour 
la  plupart  dans  les  diverses  versions  du  Fin  Voleur. 


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REVUE    DES  TRADITIONS  POPULAIRES  62l\ 

tir  ce  que  c*est  que  la  soufifrance  de  la  mort,  puis  je  la  ramè- 
nerai à  la  vie  quand  bon  me  semblera  ».  Le  couteau  fut  acheté 
et  la  première  fois  que  la  femme  du  riche  se  mit  en  colère,  son  mari 
la  tua,  puis  quand  il  voulut  la  ramener  à  la  vie  il  dit  :  «  Couteau  de 
manche  blanc  et  noir  fais  revivre  ma  femme  î  »  répéta-t-il  cent  fois, 
mais  sa  femme  resta  morte.  Alors  il  fut  furieux  contre  son  voisin  ; 
mais  il  n'osa  se  venger  parce  qu'il  découvrait  toujours  chez  lui  des 
choses  miraculeuses  et  il  les  achetait  encore. 

Un  autre  jour  il  trouva  ce  terrible  voisin  occupé  à  faire  bouillir  le 
pot  au  feu  au  milieu  de  sa  cuisine  sans  feu  apparent  et  le  pot  bouil- 
lait très  bien.  «  Tiens,  dit-il,  on  dépense  tout  mon  bois  à  la  maison. 
Combien  veux-tu  de  ton  pot  ?»  —  «  Quatre  cents  francs.  »  Le  pot  fut 
acheté  et  payé.  Il  voulut  faire  avec  ce  pot  ce  qu'il  avait  vu  faire  au 
pauvre.  Il  le  donne  à  sa  domestique  pour  qu*elle  le  fasse  bouillir  au 
milieu  de  la  cuisine,  le  fouet  à  la  main.  Celle-ci  donnait  do  rudes 
coups  de  fouet,  mais  le  pot  restait  froid.  Le  maitre  rentrant  demanda  : 
a  Est-ce  qu'il  bout  ?»  —  «  Pas  du  tout  c'est  impossible  de  le  faire 
bouillir.  »  Alors  le  maitre  prend  le  fouet  et  fouette  le  pot  qui  n'obéit 
pas.  Il  le  frappe  alors  par  le  manche  et  brise  le  pauvre  pot. 

Alors  furieux  il  part  chez  son  voisin,  mais  sa  colère  se  calme  en 
voyant  chez  ce  dernier  un  lièvre  qui  faisait  des  commissions,  allait 
chez  le  boucher  chercher  la  viande,  etc.,  etc.  Le  riche  Tacheta,  envoie 
le  Lièvre  chez  le  boucher,  après  lui  avoir  mis  dix  centimes  au  cou 
et  un  billet  ;  mais  Tanimal  ne  revient  plus.  Le  riche  va  pour  noyer 
le  pauvre,  il  Tamène  jusqu'au  bord  de  Teau  pour  le  noyer,  mais  le 
pauvre  plus  rusé  le  jette  dans  la  rivière. 

Anselme  Callon. 


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624  REVUE    DES   TRADITIONS    POPULAIRES 


COUTUMES,  CROYANCES  ET  SUPERSTITIONS  DE  NOËL 


XVIII 
En  Champagne 

N  Champagne,  ainsi  que  dans  beaucoup 
d'autres  provinces  de  France,  et  même 
à  Paris,  les  églises  disposent,  au  fond 
de  quelque  chapelle,  une  crèche  entou- 
rée de  rochers  de  carton-pâte  parsemés 
de  mousse,  de  pins  découpés  et  de 
châteaux  couronnant  les  hauteurs,  d*où 
descendent  vers  TEnfant-Dieu  des  Rois- 
Mages  en  caravane,  portant  de  riches 
présents,  et  des  bergers  accompagnés 
de  leurs  troupeaux.  Du  sommet  de  son 

palais,  Hérode  surveille  anxieusement  la  marche  du  cortège,  guidé 

par  Tétoile  merveilleuse. 
Par  les  rues,  les  enfants  vont,  la  veille  de  la  fête,  un  lumignon 

dans  la  main,  en  chantant  ce  refrain  populaire  : 

Allons  à  la  crèche, 
Voir  TEDfaDt  Jésus  ; 
Sur  la  paille  fraîche, 
11  est  étendu, 

Noël! 
La  petite  chandelle  ! 

A.  Tausserat-Radel. 


XIX 

En  Limousin 

Dans  les  campagnes  du  Limousin,  au  commencement  de  ce  siècle, 
c'était  un  usage  général  de  faire  du  pain  la  veille  de  Noël  :  si  Ton  en 
manquait  avant  ce  jour  là,  on  en  empruntait  aux  voisins  ;  si  Ton 
n*en  manquait  pas,  on  en  faisait  quand  même.  Chaque  famille  avait 
soin  de  mettre  en  réserve  un  gâteau  f^it  exprès,  pour  s*en  servir  en 


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REVUE   DES  TRADITIONS  POPULAIRES  62S 

cas  de  maladie,  soit  de  l'homme,  soit  du  bétail.  Ce  gâteau,  disait-on, 
pouvait  se  conserver  sans  altération  d'une  année  à  Tautre,  et  il 
suffisait  d'en  donner  une  parcelle  au  malade  pour  le  guérir 
radicalement. 

Au  retour  de  la  messe  de  minuit,  les  paysans  n'avaient  garde 
d'oublier  le  réveillon,  les  bestiaux  eux-mêmes  devaient  prendre  part 
à  la  fête  :  on  les  éveillait  pour  leur  donnera  manger. 

Dans  TAtre  de  toute  chaumière  flambait  alors  Joyeusement  la 
souche  de  Noël^  dont  un  charbon,  mis  sous  le  lit,  avait  la  vertu  de 
préserver  infailliblement  de  la  foudre  '. 

A.  Tausserat-Radel. 


XX 

Dans  les  Ardennes  Belges 

Dans  les  Ardennes  (Belgique),  les  jeunes  gens  vont,  la  veille  de 
Noël,  la  hotte  au  dos,  quémander  de  maison  eu  maison,  des  victuail- 
les, du  lait,  du  beurre  et  principalement  des  œufs,  d'où  leur  est 
venu  le  nom  donné  à  cette  coutume  :  «  Fé  tveheu  *  (faire  la  fouine  *). 
La  collecte  faite,  ils  se  rassemblent  dans  une  ferme,  où  ils  se 
régalent  ainsi  au  dépens  de  la  générosité. 

{BulL  soc.  lieg.  bit,  wall.,  2*  série,  VII,  p.  200. 

Alfred  Harou. 


XXI 

CADEAUX    DE    NOËL 

En  Allemagne 

La  veille  de  Noël,  juste  au  moment  où  tous  les  ouvriers  par  cen- 
taines sortent  de  l'Arsenal,  lEtat  donne  aux  ouvriers  la  permission 
d'emporter  chacun  autant  de  bois  qu'il  en  peut  mettre  sur  son  dos. 
Ce  faix  tout  entier,  lié  d'une  corde,  s'appelle  bûche  de  Noël.  El 
chacun,  suivant  ses  forces  ou  ses  besoins,  puisant  dans  un  immense 
bûcher  de  bois  hors  d'usage;  se  fait  un  faisceau  de  soliveltes,  de 
poutrelle,  de  débris  de  charpente. 

Hedwïge  Heinecke. 

1.  J.-J.,  Juge.  Changemens  survenus  dans  Us  mœurs  dss  habUûnts  de  Limogés 
depuis    une  cinquantaine  d'années,  Limoges,  1817,  in-8^  p.  12B  et  132. 

2.  On  paît  que  la  fouine  affectionne  partiçulrèrement  les  œufs. 

TOMB  XI.  —  DÉCBMBRl  1896.  40 


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f)2()  REVUfi   DES   TRADITIONS    POPULAIRES 

XXII 

LES   GATEAUX  DE  NOËL  ET   DE   SALNT-SYLVESTRE 

En  Allemagne 

En  Ailemagne  le  gâteau  principal  de  la  Noël  c'est  le  pain  d*épices 
sous  toutes  ses  formes  depuis  Adam  et  Eve  mangeant  au  Paradis  le 
fruit  de  Tarbre  de  la  connaissance  jusqu'aux  animaux  de  toutes  les 
espèces  et  principalement  le  cheval,  le  sanglier  et  l'oie,  qu'on  offrait 
autrefois  aux  dieux  païens. 

D'autres  gâteaux,  faits  de  farine  et  de  beurre,  de  forme  ronde,  ou 
bien  formés  dune  simple  couronne  avec  quatre  raies,  imitent  Tan- 
cienue  roue,  leJul,que  lesGermainsfaisaient  tourner  sur  elle-même 
jusqu'à  ce  qu'elle  s^enflammât  et  qui  leur  représentait  la  rotation  de 
l'année  solaire.  Aux  flammes  de  ce  Jul  on  faisait  rtjtir  le  sanglier 
du  festin  solennel  ;  on  y  allumait  aussi  les  torches  dont  on  parait  le 
sapin  autour  duquel  ou  dansait  les  rondes  joyeuses  qui  devaient  fêter 
le  retour  du  soleil.  Cette  roue  se  transforma  peu  à  peu  en  Bretzel, 
imitant  deux  roues  posées  Tune  sur  l'autre,  comme  un  huit  allongé. 
Ce  Bretzel,  orné  de  lumières  et  de  raisins  selon  le  nombre  des  an- 
nées révolues,  est  aussi  le  gâteau  traditionnel  pour  les  anniversaires 
de  naissance  des  enfants. 

Ces  Bretzels  de  la  Noël  et  des  aniversaires  de  naissance  sont  grands 
et  riches,  faits  de  farine,  d'œufs,  de  beurre  et  de  sucre,  bien  diffé- 
rents des  Bretzels  de  carême  faits  d'une  pâte  sèche  de  farine,  d'eau 
et  de  sel  seulement.  Le  petit  cochon  a  remplacé  l'ancien  sanglier  qui 
ne  manque  sur  aucune  table  de  l'Angleterre  et  des  pays  Scandi- 
naves. On  le  fait  en  sucre  ou  en  marzipan  (massepain  selon  le  dic- 
tionnaire, mais  bien  différent  des  massepains  de  Maubeuge  qui  sont 
plats,  ronds  et  bruns).  Le  marzipan,  célèbre  surtout  à  Dantzig  et 
à  Kœnigsberg,  quoique  répandu  dans  foute  l'Allemagne  du  nord,  est 
fait  d'une  pâte  très  fine  d'un  blanc  neigeux,  composée  surtout  d'a- 
mandes pilées  et  de  socre,  sur  laquelle  on  trace  toutes  sortes  de 
dessins  avec  des  fruits  confits  et  de  l'angélique. 

Ces  cochons,  ces  chevaux,  ces  fruits  et  ces  gâteaux  imitent  et 
rappellent  tous  la  fécondité  de  la  terre  ;  et  ils  étaient  offerts  aux 
dieux  en  remerciments  de  leur  générosité.  Quand  la  religion  chré- 
tienne transforma  la  fête  du  solstice  d'hiver  en  fête  de  la  naissance 
du  Christ,  on  les  pendit  â  l'arbre  de  Noël  qui  était  devenu  le  sym- 
bole de  la  fête  chrétienne.  Les  offrandes,  faites  aux  dieux  païens 


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RBVUE   DES   TRADITIONS  POPULAIRES  627 

devinreut  alors  des  cadeaux  apportés  par  les  Mages,  et  les  torches 
allumées  au  Julfeuer  se  changèrent  en  bougies  pour  représenter 
rétoile  que  suivaient  ces  Mages  dans  la  nuit  sainte. 

Pendant  toute  la  semaine  de  Noël  Tarbre  garde  sa  place  d'honneur  : 
au  milieu  de  la  lable  sur  laquelle  on  étale  les  cadeaux,  s'il  est  petit  ; 
à  la  tête  de  celui-ci,  s'il  va  du  plancher  jusqu'au  plafond,  comme 
cNîst  l'usage  dans  les  familles  aisées.  Au  dernier  jour  de  Tannée,  la 
Saint-Sylvestre,  ou  l'allume  de  nouveau,  et  on  laisse  brûler  les  bou- 
gies jusq'à.  ce  qu'elles  s'éteignent  L'une  après  l'autre  ;  si  l'arbre  brûle 
un  peu,  cela  porte  bonheur.  Tant  que  les  bougies  répandent  leur 
clarté,  grands  et  petits  dansent  autour  de  farbre,  puis  on  le  «  pille  », 
on  lui  ôte  tous  ses  ornements  dont  on  distribue  une  part  aux  enfants  ; 
l'autre  reste  conGée  à  la  mère  pou r  servir  d*en jeu  au  lot  et  à  d'autres 
jeux  de  famille  avec  lesquels  on  se  divertit  pendant  les  longues  soi- 
rées d'hiver. 

On  termine  la  soirée  par  toutes  sortes  de  jeux  réputés  pour 
pouvoir  révéler  le  sort  que  l'année  nouvelle  amène  à  chacun  :  L'usage 
le  plus  répandu  c'est  de  faire  fondre  du  plomb  au-dessus  d'une 
bougie  ou  d'une  lampe  à  esprit  de  vin  ;  quand  il  est  liquide,  on  le 
jette  dans  une  coupe  remplie  d'eau  froide,  et  selon  la  forme  que 
prend  le  métal  ainsi  précipité  on  se  prédit  Tavenir  :  de  la  richesse  si 
la  masse  est  grosse  et  brillante,  des  larmes  si  elle  est  tombée  en 
gouttes,  ou  du  moins  en  plusieurs  morceaux  ;  la  guerre  si  Ton  peut 
distinguer  des  épées,  des  soldats  ou  des  canons  ;  un  mariage  si  l'on 
reconnaît  des  anneaux,  des  vêtements,. un  château  etc. 

Ou  se  sert  aussi  de  coquilles  de  noix  soigneusement  gardées  par 
les  enfants,  dans  lesquelles  on  fixe  de  petites  bougies  et  qu'on  met 
par  deux  dans  une  cuvette  remplie  d'eau  ;  si  les  coquilles  se  rappro- 
chent, c'est  signe  de  bonheur,  d'amitié^  de  mariage,  si  elles  s'éloi- 
gnent il  n'y  a  pas  de  sympathie,  ou  bien  il  faut  attendre  ;  si  elles 
s'éteignent  c'est  signe  de  chagrin,  de  mort,  etc. 

A  propos  de  tous  ces  usages  et  de  ces  superstitions,  une  de  nos  vieilles 
amies  nous  a  raconté  qu'autrefois,  en  Bavière,  les  vieilles  gens  se 
réunissaient  encore  dans  la  nuit  du  31  Décembre  sur  les  carrefours 
des  grandes  routes  où  ils  s'accroupissaient  en  silence  et  attendaient 
la  venue  des  esprits  qui  devaient  leur  annoncer  les  événements  de 
l'année  nouvelle.  L'imagination  aidant  ils  apercevaient  alors  des  cor- 
tèges nuptiaux,  des  fêtes  ou  des  funérailles,  ils  entendaient  des  mu- 
siques joyeuses,  le  son  des  cloches  ou  le  bruit  des  canons,  qu'ils  in- 
interprétaient au  gré  de  leurs  souhaits  et  de  leurs  pressentiments. 
Mais  ce  n'étaientque  les  vieilles  gens,  conservant  les  traditions  ancien- 
nes, les  jeunes  avaient  déjà  {abandonné  toutes  ces  superstitions  et 


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fâ8  REVIÎE  DES  TkAblTlONS  ^ÔflÎLAtHES 

préféraienl  à  ces  longues  attentes  au  milieu  de  la  nuit  et  des  bois  les 
plaisirs  plus  sociables  et  plus  conformes  à  leur  âge. 

Hedwige  Heinecke. 


XXIII 

co'utumes 
En  Espagne 

La  Kiiesse  de  minuit,  dans  beaucoup  de  districts  de  l'Espagne, 
s'appelle  «  Misa  de  gallo  »,  la  messe  aux  coqs,  et  voici  pourquoi. 
Cette  messe  était  célébrée  tout  particulièrement  pour  les  pâtres  en 
souvenir  de  la  bonne  nouvelle  que  les  anges  avaient  apportée  aux 
bergers  de  Bethléem.  Ces  braves  gens  venaient  des  environs  appor- 
tant aux  prêtres  qui  disaient  la  messe  des  œufs,  des  gâteaux  et  des 
poules  en  échange  de  quoi  ils  recevaient  du  pain  béni  et  des  tourtes 
de  Marie  «  tortas  de  Maria  ». 

Une  autre  version,  empruntée  à  un  manuscrit  arabe  du  xii*  siècle, 
raconte  que  les  paysans  des  environs  de  Tolède,  indignés  de  l'indis- 
crétion avec  laquelle  le  coq  avait  révélé  la  trahison  de  Saint  Pierre, 
et  pour  ne  pas  se  brouiller  avec  celui-ci,  n'avaient  su  imaginer  rien 
de  mieux  que  de  torturer  leurs  coqs  la  nuit  de  Noël  et  de  leur  tordre 
le  cou  finalement.  Les  Moslems  de  Tolède,  très  friands  de  ces  bons 
rôts,  s'assemblaient  aux  abords  de  Téglise  pour  leur  acheter  leurs 
coqs  à  bon  compte  et  c'est  ainsi  que  Moslems  et  Chrétiens  se  confon- 
dant peu  à  peu,  le  rôti  de  coq  devint  le  rôti  traditionnel  en  Espagne 
jusqu'à  ce  qu'il  fut  chassé  peu  à  peu  par  le  «  turkey  »  anglais  plus 
succulent  et  plus  volumineux. 

La  «  Misa  de  gallo  »,  dès  qu'elle  ne  fut  plus  la  cérémonie  particu- 
lière des  bergers  et  des  paysans,  dégénéra  bientôt  en  une  Saturnale 
désordonnée  et  bruyante  que  l'archevêque  de  Tolède  dut  interdire 
complètement  au  xvn'  siècle.  La  représentation  des  mystères  de  la 
Nativité  à  l'église  fut  remplacée  par  des  tableaux  ou  sculptures 
correspondantes  «  Nacimenti  ».  Les  danses  et  les  chants  &  travers 
la  ville  durent  toujours,  mais  le  plus  grand  calme  règne  à  l'église, 
grâce  à  des  sacristains  qui  se  tiennent  à  l'entrée  armés  de  longs 
bâtons  pour  chasser  les  «  maie  gente  »  les  mauvais  esprits  ! 

{Noël  dans  Les  pays  de  Caslille^  par  Martin  Fun), 

Hedwige  Heinecke. 


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RfiVUG  DES  TBADITIONS  POPULÂlBES  629 

XXIV 

COLTUMKS  DES  «  RAUCHN^CIJTE  « 

En  Haute- Autriche 

Bien  des  superstitions  se  mêlent  à  là  foi  religieuse  des  paysans  de 
Haute-Autriche.  C'est  surtout  àTépoque  des  fêtes  de  Noël  qu'elles  se 
manifestent,  —  époque  de  choses  merveilleuses,  où  Ton  entend  les 
animaux  parler,  où  Ton  peut  découvrir  des  trésors  et  surtout  deviner 
Tavenir.  Les  quatre  nuits  de  la  Saint  Thomas  (21  décembre),  de  la 
«  Sainte-Soirée  »  (24  décembre),  de  la  Saint  Sylvestre  (31  décembre) 
et  de  la  veille  des  Rois  (5  janvier),  dites  /iauckn^^chle  (probablement 
de  Rauch  (fumée),  parce  que,  ces  soirs-là,  on  promène  par  toute  la 
maison,  jusque  dans  la  grange  et  les  écuries,  des  charbons  sur 
lesquels  brûle  de  l'encens,  afin  de  chasser  les  esprits),  on  peut 
obtenir  cette  précieuse  connaissance,  et,  spécialement  le  premier 
de  ces  soirs,  on  se  livre  à  une  foule  d'usages  amusants  destinés  à 
révéler  les  événements  heureux  ou  malheureux  qui  surviendront 
Tannée  suivante,  surtout  —  ce  qui  intéresse  fort  les  jeunes  filles  — 
le  mariage  futur.  C'est  entre  autres,  le  a  jet  de  la  pantoufle  »  : 
les  lilles  s'assoient  par  terre,  le  dos  tourné  à  la  porte,  et  lancent 
leur  pantoufle  par-dessus  leur  tête  :  la  chaussure  tombe-t-elle 
la  pointe  juste  dans  la  direction  de  la  porte,  cela  indique  que 
la  fille  quittera  la  maison  pour  se  marier;  si,  au  contraire,  elle 
tombe  obliquement  ou  en  sens  inverse,  la  pauvre  fille  devra  encore 
patientçr.  —  Ou  bien,  c'est  la  «  coulée  du  plomb  »  :  on  laisse 
tomber  dans  de  Teau  des  gouttes  de  plomb  fondu,  et  les  diverses 
formes  qu'elles  prennent  en  se  refroidissant  subitement,  et  où, 
avec  beaucoup  de  bonne  volonté,  on  découvre  toute  sorte  de  figures, 
sont  censées  indiquer  les  circonstances  du  mariage  futur,  le  métier 
du  fiancé,  etc.* 

Ces  quatre  nuits-là  aussi,  des  garçons  et  des  filles  vont  dans  la 
campagne  secouer  un  prunier  ou  un  cerisier  ;  si  un  chien  aboie 
pendant  qu'on  ébranle  l'arbre,  la  direction  d*où  vient  cet  aboiement 
indique  celle  du  lieu  où  se  trouve  le  fiancé  ou  la  fiancée  à  venir  ;  si 
l'on  n'entend  rien,  c'est  qu'on  ne  se  mariera  pas  dans  l'année. 

Ou  bien  on  prend  une  poignée  de  petits  éclats  de  bois,  et  on  les 
dépose  ensuite  deux  par  deux  ;  si  le  nombre  était  pair  et  que  par 
conséquent,  il  n'en  reste  pas  dans  la  main,  c'est  signe  de  mariage 

1.  V.  notre  ouvrage  :  A  travers  le  Salzkammergut.  Paris,  Hachette,  1896.  hi-4, 

m. 


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630  REVDE    DES   TRADITIONS    POPULAIRES 

dans  Tannée  ;  s'il  en  reste  un,  au  contraire,  il  faudra  encore  attendre. 

Une  autre  coutume  est  destinée  à  révéler  l'avenir  des  jeunes  gens  : 
on  pose  sur  une  table  neuf  chapeaux,  ou  bonnets,  ou  assiettes,  dans 
lesquels  on  a  placé  une  bague  (mariage),  une  bourse  (richesse),  une 
clef  (grande  exploitation  rurale),  une  poupée  (paternité  ou  maternité), 
un  peigne  (poux),  un  voile  (deuil),  un  petit  paquet  (voyages),  un 
chapelet  (piété  ou  entrée  en  religion)  ;  un  chapeau  reste  vide, 
signifiant  la  mort.  Celui  ou  celle  qui  veut  consulter  l'avenir  \a,  les 
yeux  bandés,  choisir  un  ou  trois  de  ces  chapeaux,  et  ce  qu'ils  con- 
tiennent lui  révèle  son  état  futur.  —  En  certains  endroits,  on 
recouvre  simplement  d'un  bol  renversé  divers  objets  :  chapelet 
(état  religieux),  alliance  (mariage),  biberon  (enfant),  croix  (mort), 
etc.,  et  on  tire  au  hasard  Tun  d'entre  eux. 

Dans  la  contrée  d'Hausruck,  on  pose  sur  une  assiette  pleine  d'eau 
plusieurs  coquilles  de  noix  dans  lesquelles  brûle  une  petite  veilleuse. 
Si  dans  un  certain  espace  de  temps  un  de  ces  lampions  vient  à  se 
renverser  et  à  s'éteindre,  c'est  signe  que  quelqu'un  de  la  maison 
mourra  dans  l'année. 

A  Vindischgarten,  ces  petits  lampions  servent  à  révéler  l'avenir 
des  fiancés  :  si  les  deux  que  ceux-ci  ont  posés  sur  l'assiette  restent 
dans  la  position  où  ils  ont  été  mis,  le  mariage  sera  heureux,  s'ils 
flottent  en  sens  inverse  l'un  de  l'autre,  c'est  signe  de  mésintelligence 
ou  de  malheur,  et  celui  dont  la  veilleuse  s'éteint  la  première  doit 
s'attendre  à  mourir  avant  l'autre  '. 

Le  24  décembre  aussi,  pendant  que  sonne  VAngelus  du  soir,  ou 
se  réunit  autour  d'une  table  éclairée  par  une  chandelle,  et  on 
observe  les  ombres  portées  sur  la  muraille  :  celui  dont  on  ne  voit 
pas  la  léte  mourra,  pense-t-on,  dans  l'année. 

La  «  Sainte  Nuit  »  enfin  est  parfois  employée  à  des  pratiques 
moins  innocentes.  Tandis  que  les  lidèles  sont  à  la  messe  de  minuit, 
vous  verrez  peut-être  un  paysan  s'en  aller  par  la  campagne  évoquer 
les  esprits.  Pour  réussir,  il  a  dû,  pendant  les  trois  jours  précédents, 
s'abstenir  de  prier,  de  prendre  de  l'eau  bénite,  et  il  ne  doit  avoir 
sur  lui  ni  morceau  ni  miettes  de  pain,  car  cet  aliment  est  sacré.  Il 
s'arrête  à  un  carrefour  où  sont  portés  les  morts  de  deux  paroisses, 
qui  se  réunissent  en  forme  de  croix.  Il  porte  à  la  main  un  bâton  de 
coudrier,  et  sous  le  bras  un  coq  ou  une  poule  noire.  Avec  un  mor- 
ceau de  craie  bénit,  il  trace  par  terre  un  cercle  assez  étendu  qui 
ne  doit  avoir  aucune  solution  de  continuité,  et  il  se  place  au  milieu. 
Il  doit  être  là  à  minuit,   seul.  Alors,  à  cette  heure,  il  voit  venir  sur 

1.  Celte  façon  d'interroger  l'avenir  au  moyen  de  veilleuses  posées  dans  des 
coquilles  de  noix  est  aussi  usitée  dans  TAllemagne  du  nord. 


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REVUE  DES  TRADITIONS  POPULAIRES  631 

lui  comme  une  voilure  de  foin  entourée  de  flammes  ;  des  formes 
efifrayautes  apparaissent,  le  saisissent,  lui  parlent;  mais  il  ne  doit 
pas  bouger  de  place  ni  dire  le  moindre  mot,  sans  quoi  il  tombe 
irrémédiablement  au  pouvoir  du  diable.  Pour  apaiser  celui-ci,  il  lui 
jette  sa  poule  noire.  Et  alors,  s'il  est  resté  ferme  en  présence  de  ces 
choses  terrifiantes,  l'avenir  lui  est  dévoilé  et  il  connaît  le  sort  réservé 
à  lui-même,  à  ses  parents,  voisins  et  connaissances...  Mais  ceux  qui 
se  livrent  encore  à  ces  pratiques  magiques  sont  un  objet  de  crainte 
et  d'épouvante  pour  les  autres. 

Auguste  Marguillier. 


XXV 

CROYANCES;  COUTUMES  ET  SUPERSTITIONS  DE  NOËL 

A  Bruxelles 

A  Bruxelles,  au  commencement  du  siècle,  dans  la  riche  bourgeoi- 
sie, on  avait  imaginé  de  célébrer  les  fêtes  de  Noël  en  établissant 
dans  les  habitations  un  «  Bethléem  ».  Dans  la  plus  grande  pièce  de 
la  maison,  on  dressait  une  table  immense,  sur  laquelle  de  petites 
maisons  de  J5  centimètres  de  haut  étaient  rangées  de  manière  à 
former  une  longue  rue  serpentante.  La  construction  la  plus  vaste, 
et  qui  pouvait  bien  avoir  25  centimètres  de  hauteur,  représentait  une 
étable  dans  laquelle  Ton  voyait,  couché  dans  une  crèche,  Tenfant 
Jésus  entouré  de  sa  mère,  de  saint  Joseph  et,  suivant  le  caprice  des 
propriétaires,  des  rois  mages  ou  des  bergers. 

Cette  étable  et  toutes  les  maisons  qui  Tenvironnaieut  étaient 
éclairées  à  l'intérieur  au  moyen  de  petites  bougies  dont  la  lumière 
discrète  donnait  à  l'ensemble  un  aspect  féerique. 

Les  parent?,  les  amis,  les  connaissances,  étaient  invités  à  cette 
exhibition  et  tous  venaient  à  leur  tour  jouir  de  ce  spectacle  et 
admirer,  dans  chacune  des  maisonnettes,  les  petits  bonshommes 
agenouillés,  priant  devant  l'enfant  Jésus. 

(P.  Hymans.  Bruxelles  à  travers  les  âges,  IL  189-190). 

Alfred  Harou. 


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632 


REVUE    DES  TRADITIONS   POPULAIRES 


XXVI 

COUTUMES 

En  Pologne 

A  Cracovie^  le  jour  de  Noël,  les  habitants,  au  sortir  de  la  messe 
entre  onze  heures  et  une  heure,  se  jettent  mutuellement  de  grandes 
poignées  d*avoine,  et  cette  coutume  se  pratique  aussi  par  les  gens 
de  la  meilleure  société.  Ces  graines  d*avoine,  on  les  laisse  volontiers 
sur  ses  vêtements,  et  on  dit  que  plus  on  en  a,  plus  on  aura  d  argent 
dans  le  courant  de  Tannée  future. 

La  quantité  d'avoine  ainsi  jetée  est  si  grande  qu'à  l  heure  du  dîner 
quand  les  messe  dépeuplent,  les  vieilles  gens  et  les  enfants  arrivent 
avec  des  balais  et  des  sacs  et  viennent  ramasser  ces  graines  qu'ils 
emportent  à  la  maison,  ayant  souvent  leurs  grands  sacs  tout  à  fait 
pleins. 

Personne,  au  fond,  ne  peut  expliquer  cet  usage  ni  l'époque  d'où 
il  date.  Un  évêque  russe,  à  qui  nous  avons  demandé  conseil  croit 
qu'il  faut  le  rapporter  au  souvenir  de  la  crèche  dans  laquelle  le 
Christ  fut  couché  ;  il  pense  que  Ton  jette  cette  avoine  à  Tâne  et  au 
bœuf  qui  l'ont  si  bien  accueilli. 

Bruno  Heinecke. 


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KEVCE    DES  TRADITIONS   rurULAJRES 


633 


CONTES  DE  LA  HAUTE-BRETAGNE 

Coules  comiques 


XLII 


L  ANE  QUI  DEVIENT  MOINE 


L  élail  une  fois  h  Sainl-Jacut  un  meunier  qui 
avait  un  âne,  et  tous  les  soirs  il  rattachait  avec 
une  longue  corde  auprès  de  son  moulin  afin 
qu'il  pût  paître  tout  à  son  aise. 

En  ce  temps-là  il  y  avait  aussi  à  Saint-Jacut 
des  moines  qui  allaient  la  nuit  dans  les  champs 
pour  y  voler  ce  qui  se  trouvait  à  leur  conve- 
nance. Une  nuit  qu'ils  retournaient  à  l'Abbaye  chargés  de  butin,  ils 
virent  l'âne  qui  paissait  au  pied  du  moulin,  et  ils  se  dirent  : 

—  Il  faut  prendre  cet  âne  pour  porter  notre  butin,  et,  quand 
nous  n'en  aurons  plus  besoin,  nous  irons  le  vendre. 

—  Bien,  dit  le  supérieur  ;  mais  pour  qu'on  ne  s'en  aperçoive  pas, 
tu  vas,  dit-il  à  un  des  moines,  te  mettre  à  la  place  de  l'âne,  attaché 
comme  lui,  et  quand  le  meunier  viendra,  tu  lui  diras  que  tu  avais 
été  changé  en  âne  et  que  ton  temps  est  fini. 

A  deux  heures  du  matin,  le  meunier  eut  besoin  de  son  àne,  et  il 
sortit  pour  le  prendre  ;  mais  à  sa  place  il  vit  au  clair  de  lune  un 
moine. 
'  —  Qui  est  là?  cria-t-il. 

—  Votre  âne,  répondit  le  moine  d'un  ton  de  pénitent. 

—  Par  ma  fa  mon  /tî,  dit  le  meunier,  mon  âne  prêche  (parle)  donc 
asteure  (maintenant). 

—  J'étais  condamné,  dit  le  moine,  à  faire  pénitence  de  mes 
péchés  sous  la  forme  d'un  âne  ;  mon  temps  est  fini,  et  je  suis 
redevenu  moine. 

—  Par  ma  fa  mon  fâ,  répondit  le  meunier,  tu  peux  t'en  aller  ; 
fnai  pas  affaire  de  ta^  nest  pà  ta  qui  iras  me  querï  des  pouchées  ni 
les  porter  su  ton  dos. 

Le  moine  retourna  à  son  couvent  ;  quand  il  fut  jour,  le  meunier 
dit  à  sa  femme  : 


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634  REVUE  DES  TRADITIONS    POPULAIRES 

—  Dis  donc^  Félie,  sais  tu  ben^  notre  âne  !  He  ben  !  'était  un  moine 
quêtait  a  faire  pénitence  en  âne,  et  quand  il  la  za  zeue  finie,  il  a  été 
démorphosé  et  est  redevenu  moine, 

—  Par  ma  fa^  mon  p'tit  fû^  dit  la  femme,  fêtas  ben  en  païne 
cquil  avait  à  batt'esi  souvent  d'ia  goule,  ^est  qui  disait  son  bréviaire. 

Quand  arriva  Tété,  les  moines  qui  n'avaient  plus  affaire  de  Tâne 
allèrent  pour  le  vendre  à  la  foire  de  Plouër,  et  comme  c'est  le 
pays  aux  ânes,  le  meunier  y  vint  aussi  pour  en  acheter  uo. 
Lorsqu'il  vit  celui  que  les  moines  avaient  amené,  il  dit  à  sa  femme. 

—  Ergarde,  Félie,  Dieu  me  danse,  mon  fit,  parait  que  V  moine  ara 
cor  fait  queuque  bêtise,  le  via  cor  tourné  en  bourrique. 

Et  voyant  un  de  ses  voisins,  il  lui  dit  : 

—  Par  ma  fa,  mon  fû,  n'allez  pas  acheter  une  bêle  de  même  ;  nest 
pas  qu'o  ne  vaut  ren;  mais  en  lieu  d'eune  dne^  dans  huit  j ou  s,  v'arez 
un  moine  à  vof  porte  ;  ergardez-le  ;  ibat  cor  des  lèvres,  il  est  à  dire 
son  bréviaire,         ^ 

Pendant  toute  la  foire,  il  resta  auprès  de  Tàno,  cl  quand  il  voyait 
quelqu'un  s'approcher  pour  le  marchander,  il  lui  racontait  les 
mêmes  choses,  de  sorte  que  personne  ne  voulut  l'acheter,  et  ks 
moines  furent  obligés  de  le  ramener  à  leur  couvent. 

[Conté  en  i  8H5,  par  François  Marquer,  qui  Ca  entendu  contera  une 
dame  de  Dinar d). 


XLIII 

LES  SAINTS  VIVANTS 

Au  lc:iip6  jadis,  OÙ  les  poules  pissaient  dans  un  bassin,  les  Jaguens 
voulurent  avoir  des  saints  vivants  ;  car  ils  se  disaient  entre  eux  : 

—  Par  ma  fa,  mon  fû  (par  ma  foi,  mon  fils),  si  les  saints  qui  sont 
dans  noVe  église  n*étaint  point  morts^  je  leux  demanderions  de  périer 
Vbon  Dieu  de  nous  faire  prenre  du  poisson  ;  mais  que  qutu  veux  lous 
dire  ?  i'  sont  sourds  et  muets,  F  nou'  en  faurait  qu'araint  d's  oraïlles 
pour  ouï,  et  eune  langue  pour  deviser  (parler).  Par  ma  fa,  mon  fû,  i' 
nous  faut  faire  eune  quête,  et  quand  farons  de  qua  f  irons  en  acheter 
à  Saint-Bérieu. 

Il  fut  décidé  que  deux  des  anciens  iraient  dans  chaque  maison  de 
l'Isle  quêter  de  l'argent  pour  acheter  des  saints  vivants.  Quand  ils 
eurent  réuni  une  somme  suffisante,  ils  partirent  pour  Saint-Brieuc, 
accompagnés  des  trois  plus  anciens  de  la  paroisse. 

En  arrivant  à  la  ville,  les  Jaguens  demandaient  à  tous  les  passants 


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BEVUE  DES  TRADITIONS  rUl'tXAlRES  635 

OÙ  demeurait   le   vendeur  de  saints,  et  on  les  conduisit  chez  le 
sculpteur. 

—  Par  ma  fa^  mon  plit  /*«,  lui  dirent-ils,  fen  avons  dans  nof 
pglise,  des  saints^  mais  'est  des  saints  qui  sont  morts^  et  tant  quà 
acheter,  fen  voulons  qui  saint  (soient)  tnvants^  qui  saraint  nous  oui  et 
périer  l'bon  Dieu  d'nou'  envoyer  du  païsson  :  vlà  quasiment  tras  ans, 
mon  p'tit  fil,  que  je  fn  avons  presque  ren  prins. 

Le  sculpteur  voyant  qu'ils  n'étaient  pas  trop  fins,  leur  répondit  : 

—  Mes  amis,  je  n'ai  pas  pour  le  moment  de  saints  vivants,  mais 
revenez  dans  quinze  jours,  j'en  aurai. 

Voilà  les  Jaguens  bien  contents. 

—  Mon  p'tit  /"w,  lui  dirent-ils,  dans  quinze  jou's  je  r'vienrons,  j'en 
prenrons  bien  dnq  ou  six,  mais  V  nfaura  point  en  promettre  à  d'aut'es 
qu'à  nous. 

Au  bout  de  quinze  jours,  ils  retournèrent  chez  le  sculpteur,  qui 
leur  dit  : 

—  Mes  amis,  j'ai  aujourd'hui  des  saints  vivants;  ils  sont  dans 
cette  boite  ;  mais  il  ne  faudra  pas  Touvrir  avan^  d'être  arrivés  dans 
votre  église  ;  car  les  saints,  qui  ne  sont  pas  contents  d'être  enfermés, 
s'échapperaient,  et  vous  ne  pourriez  les  rattraper. 

Les  Jaguens,  bien  contents,  remercièrent  le  sculpteur  et  lui  don- 
nèrent deux  cents  francs,  puis  ils  partirent  pour  Saint-Jacut.  Arrivés 
à  moitié  route,  il  y  en  eut  un  qui  dit  : 

—  Par  ma  fa^  mon  /*«,  ouvrons  h  boupite  pour  va  un  p'tit  les  saints- 
là, 

—  Non  fait,  mon  fu,  répondirent  deux  des  Jaguens,  faut  pas  Vou- 
vri\  Vesculteur  a  dit  qui  fauyait  attenre  à  être  dans  nof  église. 

Mais  les  trois  autres  avaient  tant  d'envie  de  voir  les  saints,  qu'ils 
ouvrirent  malgré  tout  la  boite,  et  les  souris  que  le  sculpteur  y 
avait  enfermées  s'échappèrent.  Les  Jatçuens  coururent  après,  mais 
elles  étaient  plus  lestes  qu'eux,  et  elles  se  sauvèrent  dans  un  puits 
qui  était  près  de  la  route  ;  les  deux  plus  jeunes  disaient  : 

—  Par  ma  fa,  mon  fù,  vlà  ce  que  cpst  de  npas  voûtai  nous  craire  : 
nous  via  bien  parcs  asteure !  (mainlenanl)  j' avons  perdu  nos  saints 
vivants,  et  cor  dépensé  not'e  monnâs  !  (argent). 

—  Ne  vous  dt'menez  pas  tant,  mes  p'Hts  fus,  répondirent  les  vieux 
Jaguens  ;  i'sont  dans  tpu  (puits)  ;  j^allons  descenre  les  quéri\ 

Les  Jaguens  se  prirent  par  les  pieds  et  par  les  mains,  de  façon  à 
former  une  sorte  de  chaîne,  et  ils  descendirent  dans  le  puits.  Com- 
père Jacques  qui   touchait  à  la  surface  de  l'eau,  disait  : 

—  Par  ma  fa,  mon  fû,  je n  les  troue  (trouve)  point.  Dieu  me  danse, 
mon  pauv  compère  André  ;  je  nies  troue  point,  les  saints  vivants/ 


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636  REVUE    DES   TRADITIONS   POPULAIRES 

Cependant  celui  qui  élait  resté  sur  le  bord  du  puits  et  dont  les  bras 
supportaient  le  poids  de  ses  quatre  compagnons,  commençait  à  se 
lasser,  et  il  disait  . 

—  Par  ma  fa,  mon  /m,  mon  pauve  compère  Jean,  la  poignée  m'é- 
chappCj  je  largue  poignée, 

—  Copie  (crache)  dans  tes  mains,  mon  p'tit  fû^  lui  répondit  compère 
André,  copie  dans  tes  mains,  tu  païsseras  mieux  après  ! 

Compère  Désiré  cracha  dans  sa  main  et  les  quatres  Jaguens  tom- 
bèrent dans  le  fond  du  puits,  et  s'y  noyèrent,  à  Texception  de  celui 
qui  avait  voulu  attendre  à  être  dans  l'église  pour  voir  les  saints  vi- 
vants ;  l'autre  était  compère  Désiré. 

Tous  deux  se  mirent  en  route  en  disant  : 

—  Par  ma  fa,  mon  fû,  'est  Vhon  Dieu  qui  Vza  punis  ;  i's  nseraint 
pas  nages  s^ts  avaint  attendu  à  êCe  dans  Véglise,  V^la  ce  que  'est  de 
ne  par  voûtai  craire  le  monde  p'u  savant  qu'sai. 

Quand  les  Jaguines  apprirent  que  leurs  hommes  s'étaient  noyés 
dans  le  puits,  elles  en  eurent  d'abord  beaucoup  du  chagrin  ;  mais  au 
bout  de  trois  jours,  elles  se  réjouissaient  et  disaient  : 

—  Par  ma  fa,  mon  fu,  les  saints  vivants  s'en  allaint  dans  V  Paradis, 
et  nos  hommes  qu  avaint  voulu  y  aller  aussi  les  aront  sieuvis  (suivis). 

(Conté  en  1883,  par  Louis  Macé,  de  Matignon,  menuisier,  âgé  de 
44  ans.) 

Paul  Sébillot. 

Les  Jaguens  sont  les  héro»  d'un  grand  nombre  de  contes  comiques,  dans 
lefiqucis  leur  patois  est  soigneusement  conservé  par  les  conteurs.  J*ai  publié 
une  trentaine  de  cgp^  récits,  dont  les  plus  curieux  sont  ceux  qui  forment  toute 
une  sOne  dans  mes  Conte»  des  Marins,  L'épisode  de  la  visite  au  sculpteur  et  de 
la  deiruuidu  de»  saints  s'y  rencontre,  et  la  chaîne  pour  atteindre  le  Tond  du 
puits  fait  la  fin  d*nn  récit  de  mes  Contes  populaireSy  l^**  série,  p.  243. 


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RBVUÉ  DBS   TRADITIONS   POPULAIRES  637 


COUTUMES,  CROYANCES  ET  SUPERSTITIONS 
DU  CAMBODGE 


I 

LE  TABOU 


N  CalédoQÎe  comme  aux  Nouvelles- 
Hébrides,  les  Kanaques   marquent 
d'un  signe  particulier,  bien  appa- 
rent,   les    objets    auxquels    il    est 
défendu  de  toucher  ;  cela  s'appelle 
le  Tabou.   Mettre  le  Tabou  sur  un 
arbre,  c'est  en   réserver  les  fruits, 
le  poser  sur  une   habitation    c'est 
interdire  Taccès  du  local,  etc.  Cette 
coutume  je  l'ai  retrouvée  au  Cam- 
bodge. En  juillet  93,  comme  je  remontais  le  Mékong,  je  pris  terre 
aux  environs  des  petits  rapides  du  Prec  Kampi,  et  toujours  à  la 
recherche  de  bibelots,  je   m*en    fus   visiter  les  cagnas   (cases  en 
paille}.  Au  moment  oti  je  m'apprêtais  à  franchir  l'échelle  de  meunier 
de  l'une  d'elles,  contrairement  aux  habitudes  reçues,  je  fus  interpellé 
par  une    femme  qui  fit  signe    de  m'éloigner.    Surpris  par    cetle 
défense,  j'en  demandai  la  raison  à  l'interprète,  qui  me  dit  qu'il  ne 
fallait  pas  insister,  deux  feuilles  fraîches  de  cactus  étant  suspendues 
de  chaque  c6té  de  la  porte  d'entrée.  Ces  emblèmes  indiquaient  que 
la  maison  était  consignée,  et  qu'elle  devait  abriter  une  femme  en 
couches  ou  une  personne  malade.  Des  plaintes,  des  gémissements 
venant  de  l'habitation  me  confirmèrent  dans  cette  opinion. 

Les  auteurs  qui  prétendent  que  les  Kanaques  sont  originaires  de 
l'Inde,  et  non  d'un  autre  continent  trouveront  dans  cette  coutume, 
qui  n'est  pas  la  seule,  un  argument  de  plus  en  faveur  de  leurs 
hypothèses. 

Il 

LES  REVENANTS 

J'ai  rapporté  (voir  la  Revue  de  janvier  93,  p.  59)  que  les  Kanaques 
des  Hébrides,  faisaient  la  nuit  un  bruit  infernal  pour  éloigner  les 


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G38  REVUK  DES  TRADITIONS   POPULAIRES 

diables.  En  parcourant  le  Cambodge,  j'avais  présumé,  que  les  nom- 
breux cerfs-volants  armés  de  sifflets,  n'étaient  établis  dans  les 
rizières,  que  pour  écarter,  par  le  bruit  qu'ils  font  en  temps  de  brise, 
les  oiseaux  et  animaux  dangereux.  On  m'a  donné  l'assurance  que 
ces  machines  étaient  surtout  installées  en  vue  d'eflfrayer  les 
revenants. 

Les  clochettes  dont  sont  pourvues  les  coqs  (symbole  de  vigilance) 
en  bois,  qui  ornent  les  pagodes,  et  dont  le  dlin-dlin  est  perceptible 
au  moindre  zéphir,  jouent  le  même  rôle  que  les  cerfs-volants. 

J'ajouterai,  que  c'est  peut-être  dans  un  but  intéressé,  que  les 
bonzes  passent  des  nuits  entières  à  chanter  et  à  louer  Boudha.  Le 
bruit  qu'ils  font  est  extraordinaire,  et  s'il  éloigne  les  esprits,  il 
incommode  les  voisins  européens  qui  ne  peuvent  trouver  le  sommeil. 

En  voici,  et  seulement  pour  mémoire,  un  exemple  récent  :  En  mars 
dernier  j'étais  à  Koropong-Spen,  où  en  compagnie  de  M.  X.  n'ayant 
pu  faire  autrement,  nous  habitions  entre  la  pagode  et  la  bonzerie. 

Les  chants  religieux  se  prolongeaient  si  tard,  que  mon  compagnon 
exaspéré  de  ne  pouvoir  se  reposer,  se  leva  vers  trois  heures  du 
matin  et  fit,  à  blanc,  une  décharge  de  mousqueterie.  Surpris  par 
les  détonations,  les  bonzes  en  demandèrent  la  cause.  Mon  compa- 
gnon satisfait  de  son  espièglerie,  répondit  qu'il  venait  aussi  de 
louer  Boudha,  en  brûlant  de  la  poudre  à  son  intention. 

La  leçon  fut  comprise,  car  le  lendemain  et  jours  suivants,  les 
ministres  de  Boudha  mirent  plus  de  réserve  dans  la  durée  et  l'am- 
pleur de  leurs  chants. 


UI 
l'olympe 

f 

Chacun  sait  au  Cambodge,  que  les  régions  élevées  et  boisées  ne 
sont  pas  habitées.  Il  ne  faut  chercher  la  cause  de  cette  absention 
que  dans  la  croyance  que  ces  sphères  sont  hantées  parles  Divinités. 
En  novembre  93,  comme  j'allais  de  Kampot  à  Pnom-Penh,  j'avais, 
dans  le  but  de  faire  des  observations,  donné  ordre  de  mettre  pied  à 
terre  au  col  du  Pnom  (montagne)  Tria. 

Or  en  même  temps  que  je  m'occupais  à  prendre  des  notes  et 
repérer  ma  station,  j'aperçus  le  cornac  chargé  de  la  conduite  d'un 
éléphant,  qui  dans  une  attitude  respectueuse  semblait  réciter  une 
prière.  Interrogeant  à  la  fois  le  cornac  et  l'interprète,  j'appris  que 
comme  nous  étions  dans  un  massif  montagneux  et  boisé,  le  cornac 


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REVCE   DES  TRADITIONS  POPULAIRES  639 

avait  cru  bon  d'implorer  la  protection  des  Boudhas  de  la  région, 
afin  que  notre  voyage  fût  exempt  de  désagréments. 

Un  autre  indice  de  cette  pratique  me  fut  donné  à  quelques  pas 
de  là,  par  la  présence  sur  le  chemin,  de  papiers  d'offrandes  qu'un 
voyageur  avait  dû  déposer  pour  ne  pas  encourir  la  colère  des  dieux 
du  Phnom-Tria. 


IV 

LA  MÉTEMPSYCOSE 

Au  nombre  des  croyances  répandues  et  accréditées  dans  Tespril 
du  peuple  Kmer,  celle  de  la  transmigration  des  âmes  semble  tenir 
une  grande  place. 

H  n'est  pas  en  effet  de  pagode  autour  de  laquelle  on  ne  trouve 
des  pyramides,  et,  espacées  de  quelques  mètres  les  unes  des 
autres^  de  petites  toitures  en  chaume,  abritant  des  pierres  décorées 
de  Boudhas  ou  autres  génies.  C'est,  paraît-il,  sous  ces  monolithes 
qu'on  trouve  les  objets  symboliques,  dont  les  Cambodgiens  font 
offrande  aux  Divinités,  dans  Tespoir  qu'après  leur  mort  ils  revivront 
dans  des  classes  élevées,  dans  des  conditions  meilleures. 

Les  personnes  qui  ont  Tamour  des  richesses  déposent  des  mon- 
naies, des  barres  d*or,  d'argent,  dès  bijoux  ;  celles  désireuses  d'être 
des  savants,  enfouissent  des  satras  (livres),  du  parchemin,  etc.  C'est 
sous  ces  massifs  de  maçonnerie  qu'on  trouve  aussi  des  vases  en 
porcelaine  renfermant  les  ossements  et  cendres  des  bonzes  et  autres 
personnages. 

Les  travaux  exécutés  en  93,  à  Pnom-Penh,  pour  restaurer  la 
grande  pyramide  et  la  pagode  nationale,  ont  amené  la  découverte 
de  plusieurs  urnes  funéraires,  de  petits  boudhas,  pièces  de  mon- 
naie, etc.,  qui  ne  laissent  aucun  doute  sur  la  croyance  des  indigènes 
à  la  métempsycose. 


V 

LES  TALISMANS 

A  Pnom-Penh,  comme  dans  toutes  les  régions  que  j'ai  visitées 
au  Cambodge,  l'usage  d^s  colliers,  bracelets,  etc.,  en  guise  d'amu- 
lettes et  talismans  est  fort  répandu.  Au  dire  des  indigènes  ces 
objets  préservent  d'une  infinité  de  maux  et  chassent  les  mauvais 
esprits. 


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()iO  REVCE    DES   TRADITIONS  POPULAIRES 

Les  taiismans  les  plus  en  vogue,  qu^on  porte  suspendus  au  cou  ou 
autour  des  poignets,  sont  faits  de  pièces  d'argent,  de  sapèques  en 
cuivre^  de  dents  de  tigres,  de  requins  et  de  caïmans,  ainsi  que  de 
figurines  représentant  des  animaux  (éléphants,  buffles,  etc.). 

J'ai  réussi  à  me  procurer  un  certain  nombre  de  ces  bibelots,  mais 
les  mamans  consentent  difficilement  à  s'en  défaire,  et  invoquent 
toujours  la  raison  de  santé,  pour  ne  pas  dépouiller  leurs  enfants. 
Toutefois  les  résistances  sont  généralement  levées  au  moyen  de 
pièces  d*argent  de  fabrication  récente. 

Un  Penong  (homme  des  bois,  de  l'intérieur)  à  qui  je  demandais  à 
acheter  deux  bracelets  en  fil  de  cuivre  que  son  enfant  portait  aux 
bras,  n*osa  me  refuser.  Tout  en  tirant  les  bijoux,  l'indigène  me 
faisait  dire  que  son  enfant  allait  tomber  malade  et  que  j'en  serais 
la  cause.  Je  le  fis  rassurer  et  remis  une  pièce  blanche  pour  le 
dédommager.  Mon  individu  qui  était  fort  superstitieux,  aspergea  la 
monnaie  de  salive,  la  colla  contre  le  front  du  bébé,  et  ne  la  retira 
qu'après  avoir  récité  une  oraison  destinée  à  écarter  les  esprits  mal- 
faisants. 


Vi 

LES  EXORGISMES 

Au  Cambodge,  les  incantations,  comme  on  dit  en  Corse  où  elles 
se  pratiquent  beaucoup,  sont  étendues  des  personnes  aux  bêtes. 
En  voici  un  témoignage.  Au  mois  de  Novembre  93,  (j'allais  de 
Kampot  à  Pnom-Penh),  un  des  trois  éléphants  qui  composaient  mon 
convoi,  se  trouva  dérangé...  du  ventre.  Au  premier  arrêt,  je  vis 
l'un  des  cornacs  quitter  son  siège  et  se  découvrir  devant  l'énorme 
pachyderme. 

Après  avoir  récité  une  incantation,  le  cornac  usant  de  sa  bouche 
comme  d'un  vaporisateur  ou  d'un  goupillon,  se  mil  à  souffler  le  jus 
de  sa  chique  sur  l'oreille,  les  jambes  et  le  ventre  de  l'éléphant. 
Cette  opération  terminée,  une  deuxième  prière  eut  lieu  et  tout  se 
termina  par  une  nouvelle  aspersion  d'eau  de  tabac  et  de  bétel. 

Ce  fait  s'est  renouvelé  en  janvier  dernier,  alors  que  je  me  rendais 
à  Kompong-Spen,  pour  l'installation  d'un  poste.  Cette  fois  le  Domrey 
(éléphant)  avait  une  épine  dans  le  sabot  ;  c'est  un  mandarin  du  Roi, 
le  Louk  Norine,  qui  a  exorcisé,  comme  je  l'ai  rapporté  plus  haut, 
ce  qui  prouve  que  la  croyance  est  répandue  aussi  bien  dans  les 
classes  élevées  que  dans  le  peuple. 

Je  ne  crois  pas  utile  d'ajouter  que  l'efficacité  du  remède  est  nulle. 


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RBVUB  DfiS   TRADITIONS   POPULAIRES  641 

On  iveut  rapprocher  ces  pratiques  et  ces  croyaiices,  de  celles  en 
vigueur  dans  la  plupart  des  villages  de  la  Corse,  où  muyennaat  une 
honaéte  rétribution,  on  trouve  des  curés  qui  consentent  à  exorciser. 


VII 

LE  SALUT 

Le  cambodgien  prend  au  repos,  Vattitude  accroupie,  celle  d'un 
chien  posé  sur  son  séant.  Généralement  les  coudes  s*appuient  sur  les 
genoux  et  les  mains  soutiennent  la  tête.  Si  deux  indigènes  se  ren- 
contrent et  se  mettent  à  causer,  on  peut  être  certain  de  les  voir 
abandonner  la  position  debout  et  s  entretenir  accroupis. 

Pour  saluer  les  personnages,  la  pose  précitée  se  modlGe;  les 
mains  se  joignent,  les  bras  s^allongeot  et  la  plupart  du  temps  Tiadi- 
vidu  agenouillé,  se  prosterne  à  plusieurs  reprises  en  touchant  terre 
avec  les  mains  et  le  visage.  C'est  ce  qu'on  appelle  faire  des  laïs 
(saluls). 

A  la  repcontre  d'un  européen  d'un  bonze,  mandarin  ou  chef 
quelconque,  le  cambodgien  ferme  son  ombrelle  et  tire  sa  coiffure 
s'il  est  en  possession  de  pareil  objets  ;  dans  tous  les  cas  il  s'efface, 
se  tient  à  l'écart,  jusqu'à  ce  qu'on  soit  un  peu  loin  et  affecte  dans 
cette  rencontre  une  tenue  humblement  soumise,  tète  baissée  et 
mains  jointes. 

A  Pnoro-Penb  même,  cette  coutume  n  est  pas  hors  4*usage.  Au 
passage  des  ministres  du  roi  Nordom,  j*ai  vu  des  gens  d^  peuple,  se 
mettre  quasi  à.  plat-ventre,  en  s'appuyant  sur  les  mains  et  les 
genoux  ;  ces  individus  se  dissimulaient  derrière  les  arbres  et  s'es- 
quivaient dès  que  les  chemins  devenaient  libres.  Les  Cambodgiens 
se  découvrent  ou  font  des  laïs  en  passant  devant  une  pagode  ou 
l'bi^bitation  d'un  personnage. 


yiii 

LES  MESROCS 

Chargé  au  mois  de  mai  de  faire  les  études  de  la  route  qui  doit 
(relier  Kratié  aSambor,  j'arrivai  le  8  mai  au  petit  village  de  Coulop. 

Comme  j'avais  au  préalable  expédié  un  interprête  pour  demander 
une  case  ponr  m^y  abriter,  je  fus  à  men  arrivée,  reçu  par  le  mesroc 
mé  =  chef  et  roc  =  contrée)  ou  maire  de  la  loeatité,  qui  dans  une 

TOMB  XI.  «  DâCBMBRB  1896.  41 


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642  REVUE  DES  TRADITIONS   POPULAIRES 

attitude  fort  respectueuse  vint  me  faire  ses  laïs  et  me  prier  d'accep- 
ter les  cadeaux  qu'il  m'offrait,  des  poulets  et  des  œufs.  J'acceptai  et 
fis  remercier,  en  donnant  à  mon  tour  quelque  monnaie,  do  vîo,  etc. 

Après  le  mesroc,  vinrent  deux  de  ses  prédécesseurs  qui,  eux  aussi, 
voulurent  me  saluer  et  me  firent  les  cadeaux  d'usage,  toujours  des 
poulets  et  des  œufs. 

Au  village  de  Combor,  au  prec  (rivière)  Kampi,  aux  environs  de 
Sambor,  je  reçus  le  même  accueil  qu'à  Coulop. 

IX 

LA  SALA 

Dans  l'intérieur  du  Cambodge,  là  où  s'élève  une  pagode,  on 
trouve  toujours  une  maison  commune,  hangar  ou  case,  abri  pour  les 
voyageurs,  c'est  la  sala.  Fréquemment  c'est  dans  cette  constrution 
que  les  bonzes  instruisent  les  enfants  ou  bonzillons,  ainsi  dénommés 
parce  qu'ils  revêtent  la  robe  jaune. 

Les  ministres  de  Boudha  se  tiennent  à  l'écart,  paraissant  vouloir 
éviter  tout  contact,  surtout  avec  les  Européens.  Cette  affectation 
n'est  qu'apparente,  car  si  on  parle  à  un  bonze  et  si  on  lui  témoigae 
quelque  intérêt  en  donnant  des  vivres  ou  objets  utiles,  papier, 
crayons,  bougies  etc.,  les  relations  s'établissent  sans  diffieultés  et 
on  reçoit  des  cocos,  du  vin  de  palme  etc.,  comme  marque  de 
sympathie. 

En  usant  de  procédés  aimables,  on  peut  grÀce  aux  bonzes,  obtenir 
des  renseignements,  des  explications  que  les  gens  du  peuple  sont 
incapables  de  fournir. 

Aux  pagodes  de  Poucheton,  Presling  et  Sreling  (localités  situées 
non  loin  de  Pnom-Penh]  les  bonzes  ont  été  sensibles  aux  petits 
cadeaux  et  m'ont  témoigné  leur  reconnaissance  en  m'apportanl 
quelques  bibelots.  Ceux  de  Poucheton  ont  poussé  la  complaisance 
jusqu'à  se  laisser  photographier  en  gnmpe. 


X 

BONZES.  LEUR  NOURRITURE 

Les  bonzes  sont  nourris  par  le  peuple.  Lorsqu'on  est  matinal  et 
qu'on  parcourt  la  ville  ou  les  villages,  on  rencontre,  stationnant 
devant  la  porte  des  habitations,  des  groupes  de  bonzes  et  bonzillons 
qui  attendent  l'offrande. 


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REVUE  DRR   TRADITIONS  POPULAIRES  643 

Les  femmes  sortent,  portant  dans  un  bol,  plat  ou  autre  ustensile, 
du  riz  cuit  et  d*autres  aliments,  qui,  très  respectueusement,  sont 
versés  dans  le  récipient  que  chaque  bonze  porte  en  bandoulière. 

Le  récipient  de  forme  sphérique  est  recouvert  d'étoffe  jaune  et  le 
couvercle  a  la  grandeur  d'environ  la  moitié  du  récipient.  A  Theure 
des  repas  les  bonzes  sont  servis  et  les  restes  réservés  aux  bonzillons. 

Jules  Agostini. 


LE  LOUP  RECONNAISSANT 


Une  légende,  citée  par  Strabon  ^  raconte  que  dans  le  pays  des 
anciens  Hénètes  (la  Vénétie  actuelle)  un  homme  que  tout  le  monde 
connaissait  et  plaisantait  pour  son  empressement  à  cautionner  les 
gens,  rencontra  un  jour  des  chasseurs  qui  avaient  pris  un  loup  dans 
leurs  filets  ;  ceux-ci  lui  proposèrent  en  riant  de  se  rendre  caution 
pour  le  loup,  disant  que,  s*il  voulait  s'engager  à  réparer  le  dég&t 
que  leur  prisonnier  pourrait  faire,  ils  lui  rendraient  la  liberté  ; 
rhomme  s*y  étant  engagé,  le  loup  fut  en  effet  rclÀché^  mais,  une 
fois  hors  des  filets,  il  se  mit  à  donner  la  chasse  k  un  fort  troupeau 
de  cavales  non  marquées,  jusqu'à  ce  qu'il  Teut  poussé  tout  entier 
dans  rétable  de  son  généreux  garant.  Ainsi  payé  de  son  bienfait, 
l'homme,  ajoute-t-on,  fit  marquer  le  troupeau  à  Teftigie  d'un  loup  ;  on 
rappela  le  troupeau  des  Lycophores  ;  c'étaient  toutes  bétes,  sinon 
d'une  beauté,  du  moins  d'une  vitesse  incomparable. 

René  Basset. 

1.  Géographie,  L.  V,  ch.  I,  §  9. 


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644  REVUE  DES  TRADITIONS  POPULAIRES 


MEDECINE  POPULAIRE  ARABE 


REMÈDES  CONTRE  LA  RAGE 

J^  ORSOu'uN  indigène  a  élé  mordu  par  un  chien  hydrophobe,  les 

ffî^  membres  de  sa  famille  s'efforcent  de  tuer  le  chien  afin  d'avoir 
0^^.  le  foie  de  fanimal  qui  doit  constituer  le  remède  contre  la  rage. 
©Jj^  Le  foie  est  cuit  et  le  malade  doit  le  manger. 

-^  Dans  le  douar  Méida  de  Sedrata,  les  membres  de  la  famille 
Laraimïa  de  la  Mechta  Chabet  el  Kletkh  srira  ont  une  réputation 
bien  établie  de  guérisseurs  de  la  rage.  La  médication  employée  par 
eux  n'est  pas  très  compliquée  ;  elle  consiste  à  faire  manger  au  ma- 
lade des  pains  confectionnés  avec  de  la  farine  dans  laquelle  un  La- 
raimïa quelconque  a  craché  sept  ou  huit  fois.  En  outre  une  prière 
est  écrite  sur  un  papier  et  remise  au  malade  qui  doit  la  porter  dans 
un  petit  sachet  de  cuir. 

Dans  le  douar  Âïn-Snob,  toujours  de  Sedrata,  les  membres  de 
la  famille  des  Blalta  emploient  le  même  remède  lorsqu'un  indigène 
mordu  par  un  chien  enragé  leur  est  amené. 

Le  marabout  âidi  Abderahmane  ben  el  Hafis,  Mokaddem  de  la 
secte  des  Rahmania,  qui  réside  près  de  Dréa  jouit  d*une  grande 
notoriété  comme  médecin. 

Pour  l'hydrophobie  voici  en  quoi  consiste  le  traitement  qu'il 
emploie  :  H  écrit  une  prière  sur  un  papier,  puis  il  trempe  ce  papier 
dans  un  vase  rempli  d'eau  et  lave  les  caractères  qu'il  vient  de  tracer. 
Ensuite  il  invite  le  malade  à  boire  ce  liquide. 

Les  indigènes  ont  grande  foi  en  ces  divers  traitements  ils  aflir- 
ment  avec  un  grand  sérieux  que  ces  pratiques  sont  infaillibles  et  ils 
les  préfèrent  de  beaucoup  au  traitement  rationnel  de  Pasteur  !  ! 

Achille  Robert. 


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REVUE   DES   TRADITIONS   POPULAIRES  645 


BLASON  POPULAIRE  DE  LA  FRANGHE-COMTÉ 


DICTONS  ET  CONTES  FACÉTIEUX  * 

NTEUiL  (Doubs).  Les  bonnes  gens. 

Cette  ilémomiDation  est  prise  dans  le  sens  de 
simples  et  crédules.  Aussi  en  a-t-on  fait  les  héros  de 
toutes  ces  vieilles  histoires^  types  classiques  de  la 
naïveté  rustique  et  qu'on  retrouve  les  mêmes,  d'un 
bout  de  la  France  à  Tautre. 
Il  y  avait  à  Anteuil  une  vieille  église,  qui,  las  moi  !  tombait  en  ruine. 
Lt^bardeaux  et  les  awr^/fes  craquaient  de  tous  côtés  et  l'herbe  commen- 
(;ait  à  pousserentre  les  laves^  si  bien  qu'un  beau  jour  on  aperçut  un  ma- 
gnifique <oi//;of  d'herbe  s'épanouissant  tout  au  haut  du  clocher.  «  Ma- 
tin îdisaientlesgens,queIdommageque  cette  belle  touffe  soit  si  haute. 
C'est  du  bon  butin  de  perdu,  nos  bêtes  le  mangeraient  bien  !  » 
A  force  de  dire  la  même  chose  et  d'y  penser,  voilà  qu  il  leur  vint 
une  idée:  Si  nous  faisions  manger  la  touffe  d'herbe  au  taureau 
banal  ?  Fut  dit  fut  fait.  Des  gens  montèrent  au-dessus  du  clocher  pour 
y  fixer  une  poulie  et  eu  bas  on  attacha  le  taureau  par  le  cou  avec 
une  corde  à  nœud  coulant.  Puis  on  commença  à  hisser  la  bêle.  Le 
taureau  montait,  montait  aux  applaudissements  de  la  foule  qui 
regardait.  Kt  tout  d'un  coup  il  se  mit  à  tirer  la  langue  long  comme 
le  bras.  Et  les  gens  riaient  en  disant  :  «  Voyez-vous  le  matin  I  il 
sent  l'herbe  fraîche,  il  voudrait  déjà  «  l'agripper  ».  Mais  la  pauvre 
bête  tirait  la  langue  parce  qu'elle  était  tout  simplement  étranglée. 

Un  jour  les  bonnes  gens  d'Anteuil  furent  scandalisés  en  aperce- 
vant des  ordures  qu'on  avait  déposées  le  long  du  mur  de  l'église. 
Ils  résolurent  incontinent  de  déplacer  le  temple  du  Seigneur  pour 
le  soustraire  à  ce  voisinage  malséant.  On  fut  chercher  toutes  les 
étoupes  de  laine  du  village  et  l'on  tressa  une  corde  assez  longue 
pour  entourer  l'édifice.   Alors  les  habitants  des  deux  sexes,   les 

1.  Nous  extrayons  du  volumineux  blason,  que  notre  collègue  M.Charles  Beau- 
quier  va  prochainement  publier,  un  certain  nombre  récits  facétieux  qui  ne  sont 
pas  en  général  particuliers  à  la  Franche-Comté,  mais  qui  sont  racontés,  ici 
comme  ailleurs,  avec  des  traits  et  desi  développements  un  peu  différents  qui 
montrent  le  genre  d'esprit  de  la  province. 


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646  REVUE   DES   TRADITIONS    POPULAIRES 

bœufs  et  les  chevaux  s'atlelèrenl  à  cette  corde  et  se  mirent  à  tirer  ; 
comme  la  laine  s'allongeait,  ils  crurent  que  Téglise  avançait. 

Tandis  quMls  étaient  occupés  k  cette  besogne  un  terrassier  qui 
passait  par  là  avec  sa  pelle  sur  Tépaule  enleva  le  «  cas  »  sacrilège  et 
le  jeta  derrière  lui.  Nos  bonnes  gens,  n'apercevant  plus  au  long  du 
mur  Tobjet  déshonorant,  furent  convaincus  qu'ils  avaient  changé 
Téglise  de  place. 

Une  taupe,  sans  respect  pour  Toint  du  Seigneur,  avait  complète- 
ment ravagé  le  jardin  de  la  cure.  Il  ne  restait  pas  au  pauvre 
desservant  un  poireau  à  mettre  dans  son  pot  au  feu  !  Grand  émoi 
dans  le  village  au  récit  de  ces  méfaits.  Des  paroissiens  dévoués 
guettèrent  la  taupe,  au  lever  du  soleil  et  s'en  emparèrent.  Mais  de 
quel  supplice- punir  ses  crimes?  La  mort  ordinaire  était  trop  douce. 
Le  conseil  municipal,  après  avoir  longuement  délibéré  pour  savoir  si 
on  Técraserait,  si  on  la  brûlerait  ou  si  on  Técorcherait,  décida  pour 
faire  un  exemple  mémorable,  qu'elle  serait  enterrée  vivante. 

La  commune  d'Anteuil  d'ordinaire  assez  pauvre,  se  trouva  un  jour 
pourtant  avoir  quelque  argent  en  caisse.  Où  le  mettre  pour  qu'il 
soit  il  l'abri  des  voleurs  ?  Le  conseil  assemblé  décide  qu'on  le  placera 
dans  un  trou,  à  la  fourche  de  la  vieille  «  tille  »  (tilleul],  située  sur  la 
place  du  village.  De  la  sorte  les  habitants  auront  toujours  leur 
trésor  sous  les  yeux  et  pourront  faire  bonne  garde.  Hélas  !  ces  pré- 
cautions furent  inutiles  !  Le  jour  où  l'on  eut  besoin  de  cet  argent, 
on  monta  sur  Tarbre  et  l'on  ne  trouva  dans  le  creux  de  la  fourche 
que  du  crottin  de  cheval....  Les  conseillers  municipaux  furent 
péniblement  surpris  de  la  perte  de  leuç  trésor  et  ne  purent  s'en 
expliquer  la  disparition.  Mais  ce  qui  les  étonna  le  plus  ce  fut  qu'un 
cheval  eût  pu  monter  sur  l'arbre  et  y  déposer  ses  excréments. 

Arbecey  (Haute-Saône;. 

On  raconte  que  deux  habitants  d'Arbecey  étant  venus  à  une  foire 
de  Besançon  y  achetèrent  chacun  une  montre.  Le  soir  à  l'auberge 
quand  ils  furent  pour  se  coucher  (ils  faisaient  lit  commun),  ils  dépo- 
sèrent les  deux  montres  sur  la  table  de  nuit.  Ils  avaient  déjà  fait  un 
somme  quand  celui  qui  ne  couchait  pas  du  côté  de  la  ruelle  enten- 
dant le  tic-tac  des  montres  réveilla  son  camarade  et  lui  dit  tout 
doucement  :  «  laude  1  entends-tu  les  souris  qui  résilient  '  nos 
montres  !  Attends  voir  !»  Et  il  se  leva  tout  doucement,  prit  un  de 
ses  gros  souliers  ferrés  au  pied  du  lit  et  prêtant  de  nouveau  Toreille, 
il  asséna  de  toute  sa  force  un  coup  sur  les  montres.  N'entendant 

1.  Ronger,  grignotter. 


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RKVL'E  DES  TRADITIONS  POPULAIRES  &i7 

plus  rien  il  se  recoucha  en  disant  :  f  Hein  I  si  je  ne  m'étais  pas  levé 
elles  voulaient  tout  dévorer  ».  Au  matin  ils  furent  bien  surpris  en 
retrouvant  leurs  montres  <t  en  briques  ». 


Bbotte  (Haute-Saône).  Les  Fous, 

Un  homme  de  Droite,  vaniteux  et  avare,  avait  entendu  dire  qu'il 
fallait  qu'un  jeune  homme,  pour  acquérir  science  et  sagesse  et  être 
bien  vu  dans  le  monde,  eût  fait  son  tour  de  France.  Il  avait  un  fils 
et  volontiers  il  l'eût  envoyé  voir  du  pays,  mais  il  ne  pouvait  se 
décider  à  délier  les  cordons  de  sa  bourse.  «  Bast  î  se  dit-il  un  jour, 
pourvu  qu'on  croie  que  mon  Gis  a  voyagé,  ce  sera  la  même  chose  !  » 
Et  après  avoir  enfermé  le  jeune  homme  dans  la  »  soue  »  à  cochons, 
il  s'en  fut  dire  partout  que  son  fils  était  parti  pour  faire  son  tour  de 
France. 

Il  y  avait  déjà  quelque  temps  que  le  pauvre  garçon  vivait  dans  ce 
réduit  infect  lorsqu'un  beau  matin  une  querelle  très  violente  s'élève 
enlre  son  père  et  un  voisin  à  propos  de  poules  mal  surveillées.  Des 
gros  mots  on  allait  en  venir  aux  coups.  Le  fils  qui  entendait  toute 
cette  dispute,  cogne  contre  la  porte  de  la  soue  et  passant  ses  bras 
par  l'ouverture  du  dessus  se  met  à  crier  en  s'adressant  au  voisin  : 
«  Ah  !  brigand,  coquin,  comme  je  te  tomberais  dessus,  si  je  ne 
faisais  pas  mon  tour  de  France  !  »  * 

GnAMPEY  (Haute-Saône).  Les  fous  de  Champey,  La  lune  de  Champey, 

On  raconte  qu'une  belle  nuit  tout  le  village  fut  réveillé  par  les 
cris  :  A  fue  !  a  fuel  (au  feu  I).  Les  uns  coururent  à  l'église  pour  son- 
ner le  tocsin,  les  autres  coururent  aux  pompes.  Bientôt  les  pompiers 
sont  prêts  et  partent  au  galop  de  leurs  chevaux.  Pendant  ce  branle- 
bas  un  habitant  de  la  commune,  curieux  de  savoir  où  était  le  feu, 
avait  pris  à  travers  champs,  guidé  par  la  rougeur  du  ciel.  En  tour- 
nant le  Tronchet^  la  colline  assez  élevée  qui  domine  le  village,  il  s'a- 
perçoit que  la  cause  de  ce  grand  émoi  était  tout  bonnement  la  lune 
qui  se  levait  dans  son  plein.  Aussitôt  il  rebrousse  chemin  en  criant 
de  toute  la  force  de  ses  poumons  : 

Retounâ  d'gens  (f  Tchampey^  ço  lai  leune  f 

(Retournez  gens  de  Champey,  c'est  la  lune). 

1.  Cf.  Une  histoire  analogue  arrivée  à  un  tailleur,  t.  XI,  p.  502. 


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648  REVUE  DES  TRADlTICnS  POPULAIRES 

Il  y  a  une  quarantaine  d  années  quiconque  se  serait  permis  de 
prononcer  cette  simple  phrase  devant  un  habitant  de  Champey  se 
serait  sûrement  attiré  des  coups. 

Champlitte  (Haute-Saône).  Les  ânes.  Les  compères. 

Ce  village  est  un  de  ceux  sur  lesquels  s'est  le  plus  exercée  la  verve 
railleuse  des  Franc-Comtois. 

On  y  raconte  Tanecdote  bien  connue  et  qui  a  cours  en  maint 
autre  village  de  France,  de  l'ordonnance  par  laquelle  M.  de  Toulon- 
geon  a  aussi  puissant  que  le  roi  si  plus  ne  passe,  »  enjoint  aux  gens 
de  ne  pas  sortir  sans  lanterne  après  le  couvre-feu.  Respectueux  des 
ordres  de  leur  seigneur,  les  Chanitlois  sortent  en  effet  avec  une  lan- 
terne, mais  il  n*y  a  rien  dedans.  Seconde  ordonnance  prescrivant  de 
mettre  une  chandelle  dans  la  dite  lanterne.  Ils  y  mettent  une  chan- 
delle, mais  ils  ne  l'allument  pas.  Troisième  ordonnance  enfin  enjoi- 
guant.d'allumer  la  chandelle. 

A  Champlitte  s'arrête  un  beau  jour  un  régiment  de  dragons.  Un 
cavalier,  tenant  à  la  main  son  billet  de  logement,  se  présente  chez 
une  brave  femme.  Elle  examine  son  hôte  et  déclare  qu'il  lui  est 
impossible  de  le  recevoir.  Le  dragon  insiste,  la  femme  persiste  dans 
son  refus,  et  au  milieu  de  la  discussion  notre  cavalier  descend  de 
cheval. 

—  Ah  !  s'écrie  la  vieille  stupéfaite,  je  ne  savais  pas  que  ça  se 
démontait  !  Maintenant  je  puis  vous  loger,  vous  à  la  maison  et  votre 
cheval  &  l'écurie.  » 


Chemaudin  (Doubs).  Les  pourris  de  Chemaudin. 

0 

l\  y  avait  dans  Tégliâe  de  Chemaudin  un  vieux  saint  en  bois  qui 
tombait  de  vétusté.  On  résolut  de  le  remplacer  par  un  neuf.  Mais 
quand  la  nouvelle  statue  de  bois  fut  faite,  toute  peinte»  toute  dorée, 
les  bonnes  femmes  qui  ne  reconnaissaient  plus  leur  saint  se  mirent 
à  gémir,  à  crier  a  que  c'est  mal  de  remplacer  le  vieux  saint  qui  avait 
fait  tant  de  miracles,  exaucé  tant  de  prières,  que  c'était  faire  preuve 
d'ingratitude  et  qu'on  en  serait  puni.  » 

Le  curé  était  fort  embarrassé  devant  ces  lamentations  et  ne  savait 
quel  parti  prendre.  Enfin  il  eut  une  véritable  inspiration  ;  «  Renou- 
velons, dit-il,  le  jugement  de  Dieu  !  Qu'on  jette  les  deux  saints  à 
l'eau,  le  jeune  et  le  vieux,  celui  qui  surnagera  sera  le  bon.  »  Ce  qui 
fut  foit.  Comme  le  bois  de  la  vieille  statue  était  plein  de  trous,  tout 


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RSVOB  BBS  TBADITIOMS    rOPOLAIlIBS  649 

ciroQoé,  il  s^mplii  d'eau  comme  une  éponge  et  ce  fat  le  vieux  saint 
qui  coula  à  fond.  Les  bonnes  femmes  de  Chemaudin  purent  alors 
adorer  sans  scrupules  leur  nouveau  saint  tout  flambaot  aeuf< 

Chenalottb  (La)  (Doubs).  Las  sautcrés.  (Les  saulerelles). 

Une  nuée  de  saulerelles,  dit-on,  s*abattit  un  jour  sur  le  territoire 
de  ce  village  et  y  causa  de  grauds  dégâts.  Le  curé  les  exorcisa  et 
elles  disparurent  toutes  en  même  temps  dans  un  profond  entonnoir. 

ClerVàl  (Doubs).  Le$  fous  de  Tchervd. 

Voici  une  des  nombreuses  histoires  qu'on  raconte  des  fous  de 
Clerval.  Un  jour,  ou  plutôt  une  nuit,  «  un  clerval  »  aperçut  du  haut 
du  pont  la  pleine  lune  qui  se  reflétait  dans  Teau.  Il  lui  prit  Tidée  de 
lallcr  puiser  avec  un  seau.  Mais  comment  Tatteindre ?  il  rassemble 
un  certain  nombre  de  compagnons  et  les  persuade  de  se  pendre  par 
les  pieds  les  uns  aux  autres,  jusqu'à  ce  que  le  dernier  fut  au  niveau 
de  la  lune  à  pécher.  Lui  s'accroche  à  la  pierre  du  parapet,  le  second 
se  pend  à  ses  pieds  et  ainsi  de  suite.  Cette  grappe  humaine  avait 
déjà  atteint  une  certaine  longueur  lorsque  notre  homme  qui  se  sen- 
tait faiblir,  s'écria  :  «  Attention  !  il  faut  que  je  crache  dans  mes 
mains.  »  C*est  ce  qu1l  Ht.  Et  tout  ses  compagnons  tombèrent  dans 
Teau. 

m 

COMBE-DE-MOBBIER  (Jura). 

Un  loup  faisait  de  grands  ravages  dans  les  troupeaux  de  la  loca- 
lité. On  lui  tendit  des  pièges  et  un  beau  jour  il  fut  pris.  Il  s'agissait 
de  tirer  de  ses  crimes  une  éclatante  vengeance.  Le  conseil  municipal 
s'assembla  et  chacun  fut  appelé  à  donner  son  avis  sur  le  genre  de 
supplice  qu'il  fallait  lui  appliquer.  Seul  un  jeune  conseiller  nouvelle- 
ment marié  et  qui  était  allé  vivre  chez  sa  belle*mère,  n'avait  encore 
rien  dit.  «  Allons,  Dzan,  que  faut^il  lui  faire  au  loup,  parle  !  s'écrie 
le  maire  ?»  —  Fâ  lou  mené  dzindre,  (Il  faut  le  mener  gendre),  dit 
Jean  d'un  ton  convaincu. 

C'est  l'expression  usitée  en  Franche-Comté  lorsqu'on  veut  parler 
d'un  mari  qui  fait  ménage  commun  avec  la  famille  de  sa  femme. 

Crans  (Jura).  Les  Fous^  les  lodots,  les  Bambans, 

Une  année  qu'il  pleuvait  continuellement,  qu'il  faisait  toujours 
mflmvaîs  lempt«,   «  ceux  de  Crans  »  s'assemUèreat  et  diécidèreot 


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630  RBVCJE   DES   TRADITIONS    POPL'LAIKES 

d'eavo^^er  quelques-uns  d*eatre  eux  chercher  le  beau  temps  à 
Besançon.  Puisque  l'on  voit  voleter  des  mouches  en  signe  de  beau, 
tous  pensaient  qu'il  suffirait  d'en  rapporter  de  la  capitale  comtoise. 
Deux  ou  trois  habitants  furent  désignés  pour  cette  mission  de  con- 
fiance. Ils  partirent  munis  d'une  boîte  pour  y  renfermer  les  mouches. 
Naturellement  ils  n'eurent  pas  de  peine  à  se  procurer  ces  bestioles  ; 
ne  trouve-t-on  pas  de  tout  dans  une  grande  ville?  et  ils  reprirent  le 
chemin  de  leur  village.  Quand  ils  furent  arrivés  à  la  côte  de  Rous- 
sillon,  Tun  d'eux  dit  : 
«  Nous  ferions  bien  de  voir  si  nos  mouches  sont  encore  en  vie  !  » 
Ils  ouvrirent  la  boite  et  les  mouches  qui  n'attendaient  que  cela 
s'envolèrent  à  la  barbe  de  nos  ambassadeurs.  Alors  ceux-ci  faisant 
de  grands  bras  et  agitant  leurs  chapeaux  se  mirent  à  crier  de  toutes 
leurs  forces  : 

Beau  temps  contre  Crans ^  beau  temps  contre  Crans! 

L'histoire  ne  dit  pas  si  les  mouches  obéireul  à  cea  iujunctions  et 
si  la  pluie  cessa. 

EcoT  (Doubs).  Les  Savants  d'Ecot. 

On  raconte  que  sept  habitants  de  ce  village  étaient  allés  un  soir 
se  baigner  dans  un  champ  de  lentilles.  La  rosée  abondante  rempla- 
çait l'eau  d'une  rivière  absente.  Pour  savoir  si  après  le  bain  quel- 
qu'un deux  s'étant  noyé,  ne  manquait  pas  à  TappeU  ils  se  mirent 
à  se  compter.  Mais  ils  n'en  venaient  pas  à  bout,  il  en  manquait 
toujours  un.  Pour  faire  la  preuve  de  leur  numération,  un  des 
baigneurs  proposa  que  chacun  fourrerait  son  doigt  dans  une  offrande 
à  l'agncuilure  que  l'un  d'eux  venait  de  déposer  derrière  un  buisson. 
On  compta  les  trous  et  tout  le  monde  fut  rassuré  ;  il  y  en  avait  bien 
sept. 

FouRGS  (Les)  (Doubs).  Les  bourris. 

On  raconte  des  Bouris  que  n'ayant  pas  d'orgue  dans  leur  église 
pour  la  réception  de  l'archevêque  de  Besançon,  ils  imaginèrent  de 
mettre  des  chats  dans  une  caisse  percée  de  trous  par  où  pendaient 
les  queues  de  ces  animaux.  Et  ils  les  tiraient  les  unes  après  les 
autres  ou  toutes  à  la  fois  pour  les  faire  crier. 

Un  jeune  homme  des  Fourgs  était  allé  à  Paris  avec  quelqu'argent 
en  poche  pour  voir  la  capitale  et  se  divertir.  11  fit  la  connaissance 
de  plusieurs  individus  assez  peu  délicats  sur  les  moyens  de  s'amuser- 


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REVCË   DE8  TRÀD1T10N8    rOi'ULÂlRBS  651 

Un  jour  qu'ils  Tavaient  invité  à  faire  un  bon  diner  chez  un  marchand 
de  vins,  ils  s'esquivèrent  au  moment  où  allait  sonner  le  quart- 
d'heure  de  Rabelais  et  le  laissèrent  seul  en  présence  de  la  carte  h 
payer. 'L*hôtesse  voyant  son  embarras  crut  devoir  le  consoler  d'une 
façon  un  peu  goguenarde  en  lui  disant:  «  Mon  pauvre  garçon,  ces 
gens-là  vous  ont  joué  un  tour  de  Paris  ». 

—  Peu  importe,  dit  le  jeune  homme,  je  paierai,  j  ai  de  largent; 
mais  auparavant  serveaj-moi  encore  une  bonne  bouteille. 

La  femme  descend  à  la  cave.  Lui  la  suit  par  derrière  et  Tenferme 
à  clé  ;  après  quoi  il  lui  crie  à  travers  la  porte  :  «  Adieu,  la  Parisienne, 
ceci  est  un  tour  de  «  Bouri  !  •. 


CiOL'x-LES-UsiERS  (Doubs).  Goux  les  Fouines  ou  Les  Plos  (putois). 

Goux 
Les  Fous 

On  raconte  qu'un  des  plus  riches  propriétaires  de  Sombacourt  se 
rendant  à  Goux  vers  la  un  de  mai,  un  jour  que  le  vent  soufflait  très 
fort,  crut,  en  voyant  les  blés  onduler,  qu'ils  s'en  allaient,  qu'ils 
quittaient  le  territoire.  Il  retourna  bien  vite  sur  ses  pas  pour  avertir 
le  maire  de  ce  qui  se  passait. 

Le  même  jour  un  habitant  de  Goux  qui  se  rendait  à  Biaus,  le  vent 
ayant  changé  de  direction,  fit  une  remarque  analogue  et  s'en  vint 
prévenir  en  toute  hàle  le  maire  de  Goux  pour  qu'il  prit  les  mesures 
nécessaires. 

Les  maires  de  Sombacourt  et  de  Goux  s'entendirent  avec  leurs 
curés  respectifs  pour  faire  une  grande  procession  afin  de  demander 
au  ciel  le  maintien  des  blés  dans  les  terrains  qu'ils  oc'cupaient. 

Cette  procession  fut  décidée  pour  le  lendemain  même.  Les  parois- 
siens de  Goux  devaient  venir  à  la  rencontre  de  ceux  de  Sombacourt. 

Les  processionneurs  se  rejoignirent  entre  Bians  et  Goux  à  un 
endroit  où  le  chemin,  assez  resserré,  passe  entre  deux  haies. 

Le  porteur  de  la  bannière  de  Goux  sur  laquelle  était  peint  le 
patron  du  village,  saint  Valère,  ne  voulut  pas  se  ranger  pour  laisser 
passer  celui  de  Sombacourt  portant  l'image  de  saint  Gervais. 

Les  paroissiens  de  Goux  criaient:  Pique  /om,  Volif  (pique-le, 
Valère),  et  ceux  de  Sombacourt  répliquaient:  Tin  bon  Dzarvuis  ! 

Dans  l'espèce  de  lutte  qui  s'engagea  entre  les  deux  porteurs,  le 
manche  de  la  bannière  de  Goux  fut  brisé. 


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632  hEVUB   DES   TRADItlONS    POPULAIRES 

Hérigourt  (Haute*Sâône).  Les  teufiom  (punaises). 

Quand  on  veut  choisir  un  maire,  à  Héricourt,  on  rassemble  les 
hommes  les, plus  barbus  du  copseil,  et  on  les  fait  mettre  à  genoux 
autour  d'un  grand  cuveau,  la  tête  baissée  de  façon  à  ce  que  leur 
barbe  trempe  dans  l'eau.  Puis  le  ministre^  le  pasteur,  (ce  sont  des 
protestants)  va  chercher  une  boite  dans  laquelle  se  trouve  une 
punaise  et  dépose  délicatement  la  petite  béte  au  milieu  de  la  cuve. 
La  punaise  se  met  à  nager  pour  gagner  le  bord.  La  première  barbe 
à  laquelle  elle  se  racroche  est  celle  de  celui  qui  sera  nommé  maire. 

MoNDON  (Doubs).  Les  fous. 

On  assure  que  ceux  qui  marchent  sur  la  pierre  de  Mondon  devien- 
nent fous. 

C'est  un  des  villages  sur  le  compte  duquel  on  met  la  plupart  des' 
histoires  que  nous  avons  déjà  rapportées.  C'est  généralement  «  le 
compère  Gandillot»  qui  en  est  le  héros.  C'est  lui,  par  exemple,  qui, 
un  jour  de  grand  vent  courut  à  la  mairie,  criant,  comme  Thomme 
de  Gouz-les-Uziers,  que  les  blés  s'en  allaient.  Bientôt  tous  les  gens 
du  village  furent  rassemblés  portant  tous  des  cordes  qu'on  noua 
bout  à  bout  pour  ensen-er  les  moissons  vagabondes.  Mais  elles  fai- 
saient toujours  mine  de  s'échapper,  on  tomba  dessus  à  grands  coups 
de  bâton  pendant  la  nuit.  Le  lendemain  tous  les  blés  de  la  commune 
étaient  versés. 

Une  autre  fois  c'est  une  statue  que  Ton  fait  faire  à  Besançon,  la 
statue  du  saint  de  la  paroisse.  Comme  on  était  en  t)iein  hiver  le 
sculpteur  propose  aux  envoyés  de  Mondon  de  leur  faire  leur  saint 
en  glace  ajoutant  qu'il  coûterait  bien  meilleur  marché.  Ils  accep- 
tent et,  la  statue  livrée,  se  mettent  en  route  pour  revenir  chez  eux. 
Au  milieu  du  chemin  ils  entrent  dans  une  auberge  pour  boire  un 
vin  chaud,  et  pris  de  pitié  pour  le  «  pauvre  bougre  de  saint  »  qui 
gèle  dans  la  voiture,  ils  l'emportent  par  les  pieds  et  par  la  tète  et  le 
couchent  dans  un  lit  qu'il  ont  soin  de  faire  bassiner.  Quand  ils  vont 
pour  le  reprendre,  ils  ne  trouvent  qu'une  tache  d'eau  au  milieu  des 
draps.  «  Il  a  pissé  au  lit,  se  disent-ils,  et  comme  il  a  eu  honte,  il 
s'est  «  en  sauvé  ».  Et  ils  retournent  à  Besançon  pour  commander  un 
autre  saint. 

Charles  Beauquier. 


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REVUE    DES   TRADITIONS   POPTJLAIRÇS  6o3 


LÉGENDES  ET  SUPERSTITIONS  PRÉHISTORIQUES 


XL 

iSS  PIERRES  A  LÉGENDES  DE  LA  GOUMUNE  DE  VAUXREKARI^ 

(Rhône) 

A  période  glaciaire  a  laissé  de  nombreuses  traces 
de  son  existence  dans  les  montagnes  du  Beaujo- 
lais, et  nulle  part,  nous  le  croyons,  aussi  caracté- 
risées que  sur  le  territoire  de  la  commune  de 
Vauxrenard. 

D'énormes  blocs  sont  échelonnés  sur  les  flancs 
du  mont  des  Eguillettes  {847")  et  le  sommet  est 
couvert  par  un  de  ces  amas  de  pierres  appelés  par  les  géologues 
chirots  ou  mers  des  rochers.  Les  gens  du  pays  attribuent  le  trans- 
port de  ces  pierres  à  des  êtres  surnaturels  :  diables,  fées  ou 
farfadets. 

iNous  avons  recueilli  deux  légendes  ayant  trait  à  ce  sujet.  L*une 
concerne  la  pierre  dite  de  saint  Martin,  bloc  de  syénite  ayant  la 
forme  d'un  parallèlipipède  rectangle  de  cinq  mètres  de  long  sur 
trois  mètres  de  largç  et  un  i^èt,re  ciaquaat^.  centimètres  de  hauteur 
moyenne  au-dessus  du  sol. 

La  deuxième  légende  est  relative  à  un  amoncellement  de  roches 
occupant  une  surface  de  plusieurs  hectares  sur  le  flanc  septentrional 
d'un  contrefort  de  la  montagne  des  Âlioigners,  et  appelé  par  les 
habitants  du  pays^  Pierres  des  fayules  (fées). 

LÉGENDE  DE  LA  PIERRE  BB  SAINT  MARTIN 

Saint  Martin,  avait,  paraît-il,  autrefois  de  nombreux  démêlés  avec 
messire  Satanas  et  ils  se  jouaient  Tun  àTautre,  d'après  les  légendes, 
d'assez  vilains  tours.  Le  diable  finissait  toujours  par  avoir  le  dessous 
avec  son  adversaire. 

Un  jour  que  Satan  s'occupait  de  transporter  des  pierres  au 
sommet  du  mont  des  Eguillettes,  Martin,  qui  passait,  se  mit  à  le 
railler  sur  son  travail,  en  lui  disant  que  des  pierres  d'aussi  petites 


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6;i4  REvue  des  traditions  populaires 

dimeDsioDS  formaient  un  fardeau  bien  indigne  d'un  si  puis^anl 
personnage.  Salan,  piqué  au  vif  par  le  ton  moqueur  du  saint,  jura 
de  couronner  son  œuvre  par  le  transport  d*un  rocher  placé  au  fond 
de  la  vallée.  Saint  Martin  accueillit  en  souriant  ce  qu'il  considérait 
comme  une  vantardise. 

Cependant  le  diable  se  charge  gaillardement  le  bloc  sur  les  épaules 
et  se  met  à  gravir  la  montagne. 

Goguenard  au  début,  le  saint  se  trouble  en  voyant  le  diable 
approcher  du  but,  et  appelle  alors  à  son  secours  tous  ses  collègues 
de  la  Cour  céleste.  Le  Ciel  ne  permit  pas  qu'un  des  siens  fût  battu 
par  range  des  ténèbres.  Satan  fit  un  faux  pas  et  laissa  tomber  son 
lourd  fardeau  à  peu  de  distance  du  sommet  de  la  montagne. 

Satan,  confus  de  sa  défaite,  fut  encore  condamné  k  monter  avec 
le  gros  orteil  une  série  de  marches  microscopiques,  taillées  ad  hoc 
par  saint  Martin,  dans  la  pierre  qui  porte  son  nom.  Furieux  de 
cette  pénitence  puérile,  le  diable  s'en  venge  en  faisant  exécuter  par 
ses  subordonnés,  et  par  les  nuits  obscures,  des  rondes  infernales 
autour  de  la  pierre  objet  de  sa  défaite.  La  pierre  est  hantée,  disent 
les  paysans,  et  nul  n'oserait  s'en  approcher  après  le  soleil  couché. 

Les  habitants  du  pays  ont  encore  au  sujet  de  la  pierre  de  saint 
Martin  une  autre  tradition  :  ils  disent  qu'elle  a  été  amenée  dans 
l'endroit  où  elle  se  trouve  par  Notre-Seigneur  Jésus-Christ  lui-même 
sur  un  char  attelé  de  deux  veaux.  La  sainte  Vierge  et  saint  Martin 
l'accompagnaient. 


LÉGENDE  DES  PIERRES  DES  FAYULBS 

Les  fées  habitent  les  fissures  des  roches  où  elles  restent  invisibles 
pendant  le  jour,  mais  au  crépuscule  on  les  voit  danser  des  rondes 
silencieuses  autour  de  leurs  habitations.  S'approche-t-on,  elles 
disparaissent  sans  laisser  de  traces,  l'herbe  même  n'est  pas  foulée 
par  leur  pied  léger.  Lavandières  étranges,  elles  choisissent  les  jours 
de  brouillard  pour  faire  leur  lessive  et  étendent  alors  sur  les  roches 
leur  linge  impalpable.  Malheur  à  l'imprudent  qui  vient  les  déranger 
dans  cette  importante  occupation.  Très  pacifiques  en  temps  ordinaire, 
elles  deviennent  furieuses,  tout  disparait  en  un  clin  d'œil,  linge  et 
lessiveuse,  un  sort  est  lancé  sur  le  curieux,  qui  voit  dans  Tannée  un 
malheur  s'abattre  sur  sa  maison. 

Claudius  Savoye. 


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REVL'E   DES   TRADITIONS   POPULAIRES  ()55 

XL  VII 

LA  PIERRE  DU  CHAMP^DOLENT 

A  une  bonne  distance  de  Téglise  du  village  de  Carfantain  près  de 
Dol  s'élève  la  pierre  du  Champ-Dolent,  menhir  d*environ  dix  mètres 
de  hauteur.  «  Sa  forme,  a-t-on  dit  d'une  manière  pittoresque  et  juste, 
est  celle  d*un  magnifique  londrès  piqué  sur  le  gros  bout  *  ».  En  le 
voyant  on  se  demande  comment  ce  roc,  si  éloigné  de  toute  carrière, 
a  pu  se  placer  là. 

Voici  la  réponse  des  paysans,  il  y  a  de  cela  bien  longtemps,  en 
cet  endroit,  fut  livrée  une  bataille  terrible  :  deux  frères  luttaient 
entre  eux.  Le  sang  coulait,  coulait...  si  bien  qu'il  faisait  tourner  avec 
rage  le  mouh'n  du  bas  du  vallon.  Le  ciel  eut  horreur  de  ce  combat 
fratricide  :  avant  que  les  deux  adversaires  se  fussent  massacrés, 
cette  pierre  immense  surgit  du  sol  pour  les  séparer. 

A  Dol  même,  plus  d'une  fois  des  vieilles  femmes  m'ont  dit  en 
branlant  la  tète  :  «  Vous  autres,  vous  ne  croyez  pas  à  cette  histoire  ; 
vos  mères  ne  vous  ont-elles  donc  pas  appris  le  proverbe  du  pays  : 

«  Combat  très  sanglant 
«  Dans  le  grand  Champ-Dolent  ? 

François  Duynes. 

i.  Charles  RoJ^ert  de  l'oratoire  de  Rennes.  Guide  du  touriste  archéologue  à 
Dol,  1892,  p.  57. 


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656  BKVUK  DBS  TRADITIONS  POFIILAIRBS 


LES  MÉTÉORES 
X  (^uite} 


LES  ÉTOILES  FILAMTBS  * 
§6 

A  multitude  d'étoiles  filantes  était  considérée  chez  les  Incas 
du  Pérou  comme  d'un  fâcheux  augure.  Ce  fut  un  des  présa- 
ges qui,  au  dire  d€s  traditions  péruviennes,  annoncèrent  la 
chute  de  Tlnca  Atahualpa  ^ 

§7 

Au  eontraire,  à  Bnach,  en  Souabe,  voir  de  nombreuses  étoiles 
filantes  présage  du  bonheur  '. 

§8 

Ea  pays  wallon,  comme  dans  les  Vosges,  on  croit  aussi  quHine 
étoile  filante  est  une  âme  qu'on  peut  délivrer  dl^  Purgatoire  si,  ^vaot 
qu'elle  soit  tombée,  on  a  pu  dire  trois  fois,  à  Laroche  :  Seigneur  t  ou 
Jésus  !  —  à  Hervé  :  Que  les  âmes  du  purgatoire  reposent  en  paix,  ou 
Loué  soit  Jésus-Christ  au  très  saint  sacrement  de  l'autel/  —  à  Theux  : 
Amen  !  *. 

§9 

Pour  les  Musulmans,  les  étoiles  filantes  sont  des  feux  que  les 
anges  font  pleuvoir  sur  les  démons.  -^  Cette  superstition  s'appuie 
sur  plusieurs  passages  du  Qùran  :  «  Nous  les  défendons  de  l'atteinte 
de  tout  démon  repoussé  à  coupa  de  pierres,  à  moins  qu'il  ne  s'en 
glisse  furtivement  un  pour  écouier  et  alors,  il  est  atteint  par  un 
Irait  de  feu  visible  à  tous  '.  —  «  Nous  avon^  orné  le  ciel  le  plus 

1.  Suite,  voir  t.  XI,  p.  5T8. 

2.  Garcilasuo  de  la  Vega,  Histoire  des  guerres  civiles  des  EspagnoU  dans  les 
Indes,  L.  1,  ch.  XXXIV.  Paria,  1830,  4  v.  in-8,  t.  t,  p.  173. 

3.  Birlînger,  VolkslhUmliches  ans  Schwaben,  Fribourg  eo  Brisgau,  1861-62,  2 
▼.  in-12,  t.  I,  p.  189,  note  2. 

4.  MoQseur,  Le  Folk-lore  viallon.  Bruxelles,  s.  d.,  in-12,  §  924,  p.  61. 

5.  Sourate  XV,  v.  17-18. 


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REVIIB   DSS  TRADITIONS  POPtLÂlRfiS  657 

proche  d'un  ornement  d*étoiles,  qui  servent  de  garde  contre  tout 
démon  rebelle,  afin  qu'ils  ne  viennent  pas  raconter  ce  qui  se  passe 
dans  ]*assemblée  sublime,  car  ils  seraient  repoussés  et  livrés  à  un 
supplice  permanent.  Celui  qui  s  approcherait  jusqu'à,  saisir  à  la 
dérobée  quelques  paroles  est  atteint  d'un  dard  flamboyant  »  ^ 

René  Basset. 


UHOMME  QUI  NE  VOULAIT  PAS  MOURIR 


II 
(  Variante  de  la  finale] 

A  légende  que  nous  rapportons  ici  ressemble  beaucoup  à 
la  finale  du  conte  narré  dans  la  fiev.  des  irad,  pop.^  XI,  569- 
70-71.  La  voici  : 

Saint  Remacle  venait  de  bâtir  Tabbaye  de  Stavelot  (province 
de  Liège)  ;  on  devait  en  faire  la  dédicace  le  lendemain  et  un 
ange  avertit  le  saint  que  Satan  arrivait  avec  une  grosse  pierre  qu'il 
se  proposait  de  laisser  tomber  sur  le  toit  au  bon  moment. 

Saint  Remacle  se  fît  apporter  tous  les  vieux  souliers  que  Ton  put 
réunir  et  s'en  alla  à  la  rencontre  du  diable.  La  rencontre  eut  lieu 
près  de  Vanne,  au-dessus  d'une  rude  montée.  L'autre  ayant  demandé 
le  chemin  de  Stavelot,  et  s'il  en  était  encore  éloigné,  saint  Remacle 
vida  le  sac  aux  souliers  et  dit  : 
— Voilà  ce  que  j  ai  usé  de  chaussures  depuis  que  j'ai  passé  par  là  ! 
—  Màtio  !  dit  le  djal)le,  je  n'arriverai  jamais  à  temps  pour  la  céré- 
monie ! 

Et,  découragé,  il  laissa  tomber  son  bloc  qui  se  brisa  et  s'enfonça 
dans  le  sol,  où  il  est  resté. 
(J.  d'Ardenne.  UArdenne^  guide  du  touriste,  tom.  II,  (1895),  p. 

226-227). 

Alfred  Harou 

1.  Sourate  XXXVII,  v.  6-10.  —  Cf.  Dans  les  notes  de  ma  traduction  de  la 
Bordah  (Paris;  1894,  iD-18,  p.  6M6),  Tbistoire  de  Kbatea  qui  vit  les  démons 
repoussés  à  coups  d'étoiles  dam  la  njuit  de  la  naissance  de  Mohammed. 

TOm  XI  —  DÉCBMBRB  1896  '  42 


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658  RBVDE  DÈS  TRADITIONS    POJ^ULAIl«ES 


LES  ORDALIES 


PAR  LE  FEU 

q).  Chez  les  Tshis 

ES  prêtres  et  les  prêtresses  chez  les  Tshis  de  la  côte  de  Guinée, 

!^  sont  soum.is  à  Tordalie  du  feu  pour  prouver  leur  pureté  et 

;rJi£j  leur  chasteté,  pendant  la  période  où  ils  reçoivent  l'inspira- 

ftion  de  la  divinité.  On  allume  un  large  feu  de  bois  et  quand 
il  a  brûlé  jusqu*au  rouge,  les  débris  enflammés  sont  rangés 
en  cercle,  d'environ  un  demi-yard  à  trois  yards  de  diamètre.  L'inté- 
rieur reste  vide.  Le  prêtre  ou  la  prêtresse  s'avance  dans  cet  espace 
et  immédiatement  on  verse  sur  le  brasier  du  rhum,  de  l'huile  et 
d'autres  liquides  enflammablcs,  de  sorte  que  les  flammes  s'élèvent 
parfois  à  la  hauteur  de  la  tête  d'un  homme.  Elles  durent  à  peu  près 
vingt  secondes  et  le  prêtre  sort  du  cercle.  L'épreuve  se  répète  à 
quelque  intervalle  une  seconde  et  une  troisième  fois.  Si  le  prêtre  a 
pu  rester  dans  le  cercle  sans  éprouver  aucun  dommage  on  croit  qu'il 
est  pur  et  agréable  à  la  divinité.  Mais  si  la  violence  de  la  chaleur 
Ta  obligé  de  sauter  dehors,  ou  s'il  a  reçu  une  brûlure  quelconque,  il 
est  considéré  comme  impur  *. 

b)  Chez  les  Sérères-Sines 

D'après  Burdo,  l'épreuve  par  le  feu  existe  chez  les  Sérères-Sines 
au  Sénégal,  comme  chez  les  Wolofs  ^. 

XVII 

PAR    IMMERSIOxN 

b)  Dans  Vlnde 

Comme  en  France  jusque  dans  les  temps  modernes,  on  employait 
dans  rinde  au  xiv^  siècle,  Tordalie  par  immersion  pour  reconnaître 

1.  Suite,  voir  t.  XI,  p.  16,  296. 

2.  Ellis,  The  Tshi-Speaking  peoples,  Londres,  1887,  in-^,  p.  138-139. 

3.  Niger  et  Dénoué,  Paris,  1880,  io-lS,  jés.  ch.  1,  p.  13. 


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REVUE  DES  TRADITIONS    POPULAIRES  6S9 

les  sorcières  :  Ibn  Batoutah  raconte  ainsi  une  épreuve  dont  il  fut 
témoin.  «  Un  certain  jour  on  m  amena  une  femme  et  Ton  me  dit  :  c'est 
une  Kaftàr(en  persan  hyène)  et  elle  a  dévoré  le  cœur  d'un  enfant  qui 
se  trouvait  près  d'elle.  On  apporta  le  corps  de  cet  enfant.  Par  consé- 
quent^ je  prescrivis  aux  dénonciateurs  de  conduire  cette  femme  au 
vice-roi.  Celui-ci  ordonna  de  lui  faire  subir  une  épreuve.  Voici  en 
quoi  elle  consista  :  on  remplit  d'eau  quatre  jarres,  qu'on  lia  aux 
mains  et  aux  pieds  de  la  femme  :  on  jeta  celle-ci  dans  la  rivière 
Djomna  et  elle  ne  se  noya  pas.  On  sut  ainsi  que  c'était  une  Kaftâr, 
car  si  elle  n'avait  pas  surnagé  au-dessus  de  l'eau,  elle  n'aurait  pas 
été  une  de  ces  misérables.  Alors  le  vice-roi  commanda  de  la  brûler 
toute  vive.  Les  habitants  de  la  ville,  hommes  et  femmes  accoururent 
et  ramassèrent  ses  cendres,  car  ces  gens-là  prétendent  que  quicon- 
que fait  avec  cela  des  fumigations  est  en  sûreté  contre  les  enchante- 
ments des  Kaftàrs  pour  toute  la  durée  de  l'année  '  » 

René  Basset. 

i.  Ibn  Batoutah,  Voyages,  éd.  et  Irad.  Defrémery  et  Sanguinetti,  t.  IV.  Paris  » 
1879,  iu^,  p.  37-38. 


Bretons  se  rendant  à  la  messe  de  minuit. 


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«>60 


REVUE    DES  TRADITIONS  POPrLAIRES 


CROYANCES  ET  LEGENDES  DU  MORBIHAN 

(Suite) 


(s> 


EUX  qui  vont  habiter  les  premiers  une  maison  neuve  n  ooi 
pas  de  chance  ;  un  des  membres  de  la  famille  meurt  dans 
Tannée.  Pour  qu'une  maison  ne  soit  pas- malchancease  il 
faut  qu'elle  soit  habitée  d  abord  par  une  personne  seule, 
de  préférence  par  un  vieux  garçon  ou  par  une  vieille  fille. 

Si  un  garçon  nait  en  décours  il  ne  vivra  pas  ;  ce  n'est  pas  toutefois 
général  aux  environs  de  Pontivy.  Il  en  est  de  même  sur  le  lilloral 
des  Côtes-du-Nord,  s'il  s'agit  d'une  fille. 

Si  un  enfant  nait  (soit  garçon  ou  fille)  au  moment' où  la  lune  se 
lève,  il  devient  innocent  ;faib1e  d'espril). 

Ceux  qui  naissent  au  moment  de  la  pleine  lune  peuvent  être  fous 
quand  ils  deviennent  vieux. 

Quand  on  voit  un  feu  follet  il  faut  s'empresser  de  rentrer  chez 
soi,  car  si  on  reste  à  le  regarder  on  perd  la  vue.  A  Saint-Gérand  on 
dit  que  celui  qui  passe  près  d'un  feu  follet  est  obligé  de  le  suivre, 
car  le  feu  l  attire  après  lui. 

Sur  la  route  de  Saint-Gérand  à  Gueltas  se  trouve  une  fontaine 
qu'on  appelle  la  Fontaine  de  Saint-Gérand.  C*est  là  que  se  rend 
tous  les  ans  le  jour  de  la  fête  Saint-Gérand  la  procession^  d'où 
elle  revient  pour  mettre  le  feu  à  la  fouée  ifeu  de  joie)  à  un  endroit 
situé  à.  environ  cent  mètres  de  la  fontaine  en  tirant  sur  le  bourg. 
On  appelle  communément  cet  endroit  :  Le  lieu  où  on  brûle  la 
fouée.  Celte  fontaine  est,  disent  les  gens  du  pays,  hantée  la  nuit 
par  un  esprit  malfaisant  qui  ne  manquerait  pas  de  faire  du  mal 
aux  passants  s'il  n*en  était  empêché  par  saint  Gérand. 

Ceux  qui  passent  la  nuit  auprès  aperçoivent  un  gros  chien  qui  les 
accompagne.  Si  les  passants  viennent  du  côté  du  bourg  de  Saint- 
Gérand,  ce  chien  les  suit  ju.squ'à  l'endroit  où  on  brûle  la  fouée.  Si 
au  contraire  ils  vont  du  côté  de  Gueltas  ou  de  Saint-Gonnery,  il  leur 
fait  la  conduite  jusqu*à  ce  qu*ils  aient  passé  le  Pont  du  Resto.  H 
paraît  qu'après  que  les  voyageurs  ont  passé  ces  deux  endroits  il  n'a 
plus  pouvoir  sur  eux.  Aussi  le  chien  les  quitte  et  s'empresse  de 
retourner  à  la  fontaine.  Ce  chien  est,  dit-on,  envoyé  par  saint  Géraod 
pour  proléger  les  passants  contre  les  attaques  de  ce  génie  malfaisant 

qui  hante  sa  fontaine. 

François  Marquer. 


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REVUE    DES    TRADITIONS    POPULAIRES  661 


LES  EDIFICES  HANTES 


LA  MÉTAIRIE  AUX    SERPENTS 

A  ferme  des  Mathelins,  près  de  Glux  et  non  loin  des  sources 
de  i'Yonno,  située  au  milieu  des  forets  du  Morvan,  est  appelée 
aussi  la  métairie  des  serpents  et  on  raconte  des  récils  singu- 
liers relatifs  à  l'origine  de  ce  nom. 
Un  voyageur  qui  demandait  Thospilalité  s'y  étant  présenté  y 
fut  mal  reçu.  C'était  justement  un  sorcier  qui,  pour  se  venger,  voua 
la  maison  au  diable  et  aux  serpents,  mais  ceux-ci  ne  devant  faire 
aucun  mal  et  être  inoiTensifs  seulement  pour  effrayer  ce  mauvais 
hôte. 

Aussi  depuis  et  toujours  cette  habitation  a  été  habitée,  fréquentée 
par  des  milliers  de  ces  reptiles  ;  les  murs  en  sont  remplis,  on  les 
voit  venir  familièrement  se  chauffer  au  foyer  et  passer  leur  tète 
éveiHée  et  curieuse  dans  les  trous  des  murs,  goûter  à  la  soupe  et  aux 
aliments,  pénétrer  dans  les  lits  mêmes,  se  promener  et  s'enrouler 
avec  les  enfants  dans  les  berceaux,  mais  jamais  ils  ne  font  de  mal  à 
personne,  et  force  a  été  aux  métayers  de  s'y  habituer  et  de  vivre 
avec  eux. 

Mais  il  y  a  une  cinquantaine  d'années,  fatigués  d'une  promiscuité 
aussi  désagréable,  on  résolut  de  démolir  entièrement  les  anciens 
bâtiments  criblés  de  lézardes  et  d'autres  cavités  et  de  faire  disparaître 
ces  hôtes  sans  gêne  et  par  trop  importuns.  Tout  fut  donc  rasé,  on 
trouva  dans  les  murs  des  quantités  effrayantes  d'œufs  de  serpents, 
de  quoi  charger  plusieurs  chariots  à  bœufs.  Dans  la  cour  un  immense 
brasier  composé  de  plusieurs  cordes  de  bois  fut  préparé  et  tous  ces 
œufs  y  furent  jetés.  Malgré  l'intensité  du  feu,  jamais  on  ne  put  les 
brûler  et  on  reconnut  que  le  feu  ne  pourrait  rien  sur  eux.  La  métai- 
rie fut  reconstruite,  mais  rien  n'a  fait  enlever  le  sort;  malgré  sa 
bénédiction  par  le  curé,  elle  est  toujours  fréquentée  par  les  couleu- 
vres dont  on  ne  se  débarrassera  jamais  jusqu'à  fin  et  confusion  des 
siècles. 

Dans  toute  cette  région  du  Morvan  on  plante  du  reste  le  premier 
jour  de  mai  une  branche  feuillue  pour  éloigner  les  couleuvres  et 
empêcher  qu'elles  y  déposent  leurs  œufs. 

HlPPOLYTE  MaRLOT. 


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662  RBVUE   DES  TRADITIONS  POPULAIRES 


LE  COCHER  DE  LA  MORT 


LÉGENDE  DU  GRAND  DLT.BÉ  DE  LUXEMBOURG 

ADis  vivait  à  Sterpeoich  (Grand  Duché  de  Luxembourg)  un 
seigneur,  peu  compatissant  et  dur  envers  le  petit  monde. 

Certain  jour,  il  fit  appeler  sou  coureur  habituel  et  lui  dit  : 
«  Tu  vas  porter  cette  lettre  à  son  adresse,  à  vingt  lieues  d'ici, 
et  tu  me  rapporteras  la  réponse  avant  la  nuit.  Il  est  bien 
entendu  que  tu  feras  la  route  à  pied  ». 

L'infortuné  messager  se  mit  en  roule  en  pleurant,  car  il  savait 
que  ce  que  le  seigneur  exigeait  de  lui  était  irréalisable. 

Chemin  faisant,  il  fit  la  rencontre  d'un  nain  conduisant  un  char, 
attelé  de  quatre  chevaux  blancs. 

Le  nain,  voyant  le  messager  tout  en  nage,  lui  offrit  de  le  prendre 
sur  son  char  et  de  le  conduire  à  destination. 

Inutile  de  dire  que  loffre  du  nain  fut  aussitôt  acceptée.  Par  ce 
moyen  cette  longue/ distance  put  être  franchie,  et  avant  la  nuit  le 
coureur  rapportait  la  réponse  à  son  maître. 

Le  seigneur,  en  apercevant  son  serviteur,  ne  put  s'empêcher  de 
s'écrier  :  a  II  est  impossible  que  tu  aies  déjà  fait  ta  course,  lu  me 
trompes,  montre  ta  réponse  ». 

Le  coureur,  en  présentant  la  lettre  à  son  maître,  répondit  :  —  a  Si 
je  suis  déjà  de  retour,  je  le  dois  à  un  nain  qui  conduisait  un  char 
attelé  de  quatre  chevaux  blancs  et  qui  a  bien  voulu  me  conduire  à 
destination  ». 

—  Oh  !  la  bonne  plaisanterie,  reprit  le  seigneur,  quel  est  ce  naîo  ? 

—  «  Ce  nain  m'a  dit  qu'il  était  le  cocher  de  la  mort  et  qu'il  viendrait, 
ce  soir,  vous  prendre  avec  son  char  attelé  de  quatre  chevaux  noirs. 

A  ces  mots  le  seigneur  de  Sterpenich  chancela  et  tomba  inanimé  ; 
la  frayeur  l'avait  tué. 

Le  soir,  en  effet,  le  nain,  conduisant  un  char  attelé  de  quatre 
chevaux  noirs,  entre  dans  la  cour  du  castel.  S'étant  dirigé  vers  la 
chambre  mortuaire,  il  emporta  le  corps  du  défunt  et  depuis  lors  on 
ne  le  revit  plus  dans  la  contrée,  pas  plus  que  son  funèbre  équipage. 

[Recueilli  à  Beclange,  Grand  Duché  de  Luxembourg). 

Alfred  Harou. 


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bëvub  des  traditions  populaires  663 

PÈLERINS  ET  PÈLERINAGES 


XXI 

LA  LÉGENDE  DE  SAINT-MERRI  A  LA  SELLE 

^^  UR  la  grande  route  d'Autun  à  Chàteau-Chinon  on  passe  au  pied 

^J$^<  d'une  falaise  de  rochers  granitiques  près  du  village  de  la  Selle. 

UOÎ  ^"  sommet  de  cette  falaise  on  voit  un  calvaire  et  un  peu  ati- 

^^  dessous  une  petite  grotte  servant  de  grosse  niche  ou  abri  aune 

'^'^  statue  d'un  saint,  le  bon  saint  Merri,  patron  de  cette  paroisse. 
On  y  vient  encore  aujourd'hui  de  fort  loin  en  pèlerinage  pour  certains 
vœux  et  surtout  pour  la  guérison  des  maladies  ;  jadis  on  y  faisait  des 
offrandes  d'œufs  ou  de  menue  monnaie  qu'on  disposait  sur  la  pierre 
au  pied  du  saint. 

Donc  on  raconte  qu'une  bonne  femme  très  dévote  d'un  village  voi- 
sin y  était  venue  pour  implorer  le  saint  pour  sa  fille,  mariée  depuis 
plusieurs  années  et  qui  n'avait  pas  encore  d'enfants.  Mais  elle  avait 
aussi  une  autre  fille  célibataire  et  c'est  celle-ci  qui  eut  un  enfant 
dans  l'année  tandis  que  l'autre  restait  stérile. 

La  brave  femme  courroucée  revint  voir  le  saint  et  lui  fît  les  plus 
vifs  reproches  de  s'être  ainsi  moquée  d'elle  et  de  l'avoir  trompée. 
Dans  sa  colère  et  sa  bien  juste  indignation,  avec  son  bâton  elle 
lui  infligea  une  rude  correction  et  même  lui  cassa  le  bras  et  le  fit 
rouler  à  terre  où  il  resta  longtemps.  Les  habitants  plus  tard  se  coti- 
sèrent pour  acheter  un  saint  tout  neuf  qui  est  placé  au  premier  plan 
de  la  grotte  sur  un  piédestal,  tandis  que  le  vieux  saint  fut  relégué 
honteusement  au  coin  où  il  s'appelle  le  pieiirrou,  (le  pleureur). 

XXII 

INVENTION  DE  LA  SAINTE-CROlX 

Les  paysans  du  Morvan  vont  couper  de  jolies  petites  baguettes  de 
coudrier  bien  droites,  et  en  forment  un  petit  paquet  attaché  de  distan- 
ce en  distance  par  de  petits  liens  écorcés  du  plus  gracieux  effet  et  où 
sont  placées  des  brindilles  de  buis  vert  ;  il  n'y  a  pas  de  croisillons  à  ces 
baguettes  comme  dans  l'Auxois.  Elles  sont  portées  à  l'église  pour  y 
être  laissées  le  jour  de  l'invention  de  la  Sainte-Croix.  Après  cette 
bénédiction  elles  sont  placées  à  la  fenêtre  de  la  maison, on  les  place 
sur  les  ruches  d'abeilles,  dans  les  champs  cultivés,  mais  après 
les  récoltes  elles  sont  rapportées  et  brûlées. 

[Arieuf  et  lieux  voisins).  Hippolyte  Marlot. 


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664  REVUE    DES   TRADinONS  POPULAIRES 


LES  SOCIÉTÉS  DE  TRADITIONS  POPULAIRES 


IX 

SOCIÉTÉ   SUISSE   DE    TRADITIONS  POPULAIRES 

A  Société  suisse  des  traditions  populaires  {Sch* 
weizerische  Gesellsckafi  fur  Volskunde),dL  été  créée 
sur  rinitiative  de  trois  savants  distingués,  M.  le  Dr 
Hoffman-Krayer,  Tun  des  rédacteurs  du  Schivei- 
zer  Idiotikon^  M.  le  Dr  E.-A.  StUckelberg,  pri- 
\at-docent  à  l'Université  de  Zurich,  et  E. 
Richard,  secrétaire  de  la  Société  commerciale 
de  Zurich. 

L'un  des  premiers  soins  de  la  Société  consti- 
tuée à  Olten,  le  3  mai  dernier,  a  été  de  lancer 
un  appel  au  peuple  suisse  pour  exposer  l'intérêt  national  que  pré- 
sentent les  études  traditionnistes.  En  voici  quelques  passages. 

«  Un  vent  de  destruction  souffle  sur  le  grand  siècle  qui  va  finir.  Au 
milieu  des  vastes  conceptions  de  notre  âge  industriel,  il  n'y  a  plus 
de  place  pour  l'intime  et  délicieuse  poésie  des  conditions  modestes, 
de  la  vie  familière  et  rustique.  Mœurs  et  coutumes  traditionnelles, 
antiques  fêtes  populaires,  anciens  costumes,  légendes  et  chansons 
tombent  dans  l'oubli,  dans  le  mépris. 

«  Faut-il  ou  non  le  regretter  ?  Les  points  de  vue  peuvent  être  diffé- 
rents :  on  peut  considérer  avec  sympathie  ou  avec  tristesse  Tirrésis- 
tible  tranformation  des  idées  et  des  mœurs.  Mais  tous  ceux  qui,  dans 
le  conflit  des  opinions,  ont  gardé  un  jugement  libre  et  désintéressé, 
s'accorderont  à  reconnaitre  le  grand  intérêt  historique  de  ces  tradi- 
tions où  se  révèle  la  façon  de  penser  et  de  sentir  de  notre  peuple,  et 
l'urgence  qu'il  y  a  de  les  recueillir,  avant  qu'elles  aient  achevé  de 
disparaître. 

«  Depuis  quelques  années,  cette  pensée  a  provoqué  dans  tous  les 
Etats  civilisés  la  fondation  de  sociétés  et  de  revues  spéciales.  Il  est 
surprenant  que  la  Suisse  soit  jusqu'à  présent  le  seul  pays  où  l'on 
n'ait  pris  aucune  mesure  pour  rassembler  d'une  façon  systématique 
le  trésor  encore  si  riche  des  traditions  populaires. 

1.  Cette  notice  est  en  grande  partie  empruntée  à  un  article  du  Journal  de 
Genève, 


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UEVUC  DBS   TRADITIONS   rOPUtAlRBS  665 

«  Cest  pourquoi  soixante-dix  citoyens  de  différents  cantons  ont 
pris  rinitiative  de  fonder  une  société,  dont  le  but  principal  sera 
d*étudier  et.de  faire  connaître  toutes  les  manifestations  de  la  vie 
populaire  suisse. 

«  Ce  but  ne  peut  être  atteint  ni  par  des  efforts  isolés  ni  par  des  tra- 
vaux de  cabinet  et  de  bibliothèque,  mais  seulement  par  la  colla- 
boration de  toutes  les  classes  de  la  nation.  C'est  la  première  fois  que 
s'offre  au  peuple  suisse  l'occasion  de  participer  à  une  entreprise  d*une 
haute  importance  scientifique.  De  leur  côté,  les  représentants  de 
la  scieace  se  sentiront  encouragés  et  fortifiés  par  la  pensée  de  témoi- 
gner au  peuple  leur  reconnaissance,  en  s*intéressant  à  ses  façons  de 
vivre  et  de  penser. 

'(  Le  concours  de  tous  ceux  que  leur  profession  met  en  rapports 
intimes  avec  le  peuple,  de  tous  ceux  qui  ont  de  fréquentes  occasions 
d'observer  les  mœurs  et  les  sentiments  populaires,  importe  tout 
particulièrement  à  la  réussite  de  Tentreprise.  Nous  nous  adressons 
en  premier  lieu  aux  ecclésiastiques,  aux  instituteurs^  aux  médecins, 
qui  ont  souvent  de  si  riches  matériaux  à  leur  disposition.  Nous  les 
prions  instamment  de  prendre  note  des  traditions  populaires  dont 
ils  peuvent  avoir  connaissance,  et  de  nous  les  communiquer  pour 
les  publier, 

«  D'une  façon  générale,  toutes  les  classes,  toutes  les  professions 
peuvent  collaborer  en  quelque  mesure  à  Tœuvre  commune.  Qui 
donc  n'aurait  retenu  dans  sa  mémoire,  depuis  les  jours  de  son 
enfance,  un  jeu,  une  formule  rimée,  une  historiette  de  revenant  ou 
de  sorcière,  une  superstition?  Qui  n'a  eu  l'occasion,  dans  ses  occu- 
pations journalières  ou  en  voyage,  d'observer  quelque  particularité 
d'architecture,  quelque  fête,  quelque  trait  de  mœurs?  Tout  cela 
mérite  d'être  recueilli,  et  la  plus  modeste  contribution  sera  toujours 
accueillie  par  nous  avec  reconnaissance. 

a  11  n'y  a  donc  personne  qui  ne  puisse  concourir  à  cette  patriotique 
entreprise.  La  conscience  de  notre  originalité  nationale  a  toujours 
rempli  les  cœuçs  suisses  de  joie  et  de  fierté.  C'est  dans  ces  senti- 
ments que  nous  adressons  à  tous  nos  concitoyens  une  pressante  invi- 
tation à  faire  partie  de  la  Société  suisse  des  traditions  populaires. 

«  La  revue  que  publiera  notre  Société  (les  Archives  suisses  des  tradi- 
tions populaires)  paraîtra  par  livraisons  trimestrielles.  Chaque 
livraison  contiendra  un  article  étendu,  d'un  caractère  général,  des 
articles  plus  courts  et  des  notices  relatives  aux  traditions  populaires. 
Il  s*y  joindra  des  enquêtes  et  des  réponses,  ainsi  que  des  renseigne- 
ments sur  Taclivité  de  la  Société  (assemblées,  conférences,  excur- 
sions, adhésions,   donations,   etc.).   Nous  espérons  aussi  pouvoir 


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666  RBVUIS   OE8   TRADITIONS   POPULAIRES 

donner  des  illustrations,  représentant  des  habitations,  des  costumes, 
etc. 

«  La  cotisation  est  de  3  francs  par  an.  En  payant  une  fois  pour 
toutes  50  francs,  on  devient  membre  à  vie.  Le  prix  d'abonnement  à 
la  revue  est  réduit  pour  les  membres  de  la  Société  ». 

Gel  appel,  signé  de  noms  connus  appartenant  à  toutes  les  parties 
de  la  Suisse,  a  été  répandu  sous  forme  de  circulaires  et  d'élégantes 
affiches  imprimées  dans  les  deux  langues  par  M.  Maurice  Reymond. 
Il  était  affiché  au  Village  suisse  à  Texposilion  de  Genève.  Grâce  aux 
efforts  tentés  de  toutes  parts,  aux  appels  faits  au  patriotisme  local, 
et  aussi  au  prix  modeste  de  la  cotisation,  le  nombre  de^  membres, 
qui  s'élevait  au  commencement  de  novembre,  au  chiffre  de  298 
atteint  aujourd'hui  405. 

Voici  un  résumé  de  son  programme  : 

i.  Observations  anthropologiques. 

2.  Habitation,  vie  domestique  et  vie  rurale  :  disposition  du  groupe 
de  maisons  et  de  la  maison  isolée,  avec  loutps  ses  dépendances  ; 
architecture  et  distribution  intérieure,  matériaux  de  constructions  ; 
ustensiles  ;  caractères  et  particularités  de  Texploitation  rurale  ;  do- 
mesticité ;  propriété  foncière  et  bétail. 

3.  Nourriture  :  boissons  et  mets  nationaux  ;  repas  :  préparation  et 
façon  du  pain  ;  mets  préparés  à  l'occasion  de  certaines  fêtes,  etc. 

4.  Costume,  parure,  coiffure. 

5.  Industrie  domestique  et  art  populaire. 

6.  Mœurs,  usages  et  fêtes  : 

a)  Naissance,  baptême,  confirmation,  première  communion,  ma- 
riage, maladie,  mort  et  enterrement. 

b)  Noël,  Saint-Sylvestre,  jour  de  Tan,  Rois,  carnaval  et  fêtes  pa- 
tronales, semaine  sainte,  Pâques,  Pentecôte,  Saint-Jean,  fêtes  de  mai, 
de  la  mi-août,  etc. 

c)  Fêtes  locales  d'un  caractère  religieux  et  profane,  spécialement 
fêles  historiques  ;  landsgemeinden  :  fêtes  de  tir,  de  chant  et  de 
gymnastique,  fêtes  de  la  jeunesse. 

d)  Usages  en  vigueur  lors  de  la  construction  des  maisons  et  de 
rengagement  des  domestiques  ;  usages  scolaires  ;  rendez- vous,  veillée. 

e)  Coutumes  rurales,  calendrier,  règles  météorologiques. 

f)  Usages  des  bergers,  des  pêcheurs,  des  ménétriers,  des  artisans, 
des  corporations,  etc. 

7.  Croyances  et  superstitions  populaires  :  culte  des  âmes,  reve- 
nants; sorcières,  magie  ;  préservatifs  et  remèdes  :  croyances  relatives 
aux  animaux,  aux  plantes,  aux  astres  ;  songes  et  présages. 

8.  Us  et  coutumes  de  droit. 


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REVUE   DBS   TRADITIONS    POILLAIRES  667 

9.  Littérature  orale  :  chansons  populaires  et  enfantines,  formules 
rimées  ;  inscriptions  ;  devinettes  ;  contes,  légendes,  anecdotes, 
facéties,  drames  populaires. 

10.  Jeux. 

11.  Musique  et  danse  :  caractère  général  de  la  musique  ;  mélodies, 
particulièrement  de  chansons  populaires  et  enfantines  ;  instruments  ; 
caractère,  époques  et  emplacement  des  danses. 

12.  Plaisanterie  et  raillerie  populaires  :  satires,  moqueries,  farces. 

13.  Locutions  spéciales  :  proverbes  et  expressions  proverbiales  ; 
jeux  de  mots  et  expressions  figurées  ;  formules  de  salut,  de  remer- 
ciement, de  congé,  de  souhait,  de  condoléances  :  tournures  de  poli- 
tesse ;  menaces,  insultes,  jurons,  appels,  etc. 

14.  Noms  et  surnoms  d'hommes,  d'animaux,  de  plantes,  de  maisons, 
de  points  géographiques  et  d'objets  de  toute  espèce. 

io.  Lexique:  collections  de  mots  rangés  par  ordre  de  matière  ; 
histoire  et  distribution  géographique  de  mots  caractéristiques. 

H  n'est  personne,  pour  ainsi-dire,  qui  n'ait  quelque  observation, 
quelque  fait  à  apporter  pour  la  connaissance  de  nos  coutumes  popu- 
laires. 

Les  membres  recevront  à  un  prix  réduit  la  revue  organe  de  la 
société  (Sckweizerisches  Archiv  fur  Voikskunde)^  dont  le  premier  fas- 
cicule vient  de  paraître.  Il  renferme  une  introduction  du  comité  sur 
le  but  poursuivi  et  les  moyens  de  l'atteindre  ;  des  observations  fort 
judicieuses  de  M.  le  Dr  J.  Hunziker,  d'Aarau,  sur  l'architecture  du 
Village  suisse  reconstitué  à  l'Exposition  de  Genève^  qui  n'était  pas  à 
Tabri  de  tous  reproches  au  point  de  vue  archéologique  ;  un  article 
de  M.  le  Dr.  R.  Martin,  à  Zurich,  sur  l'étude  des  races  de  la  Suisse, 
accompagné  d'un  modèle  de  tableau  formulaire  pour  la  notation  des 
mensurations  et  des  observations  anthropologiques;  une  note  de 
M.  le  Dr  Sniger  de  Berne,  sur  un  conte  valaisan,  Karl  unlerden  Wei- 
bern  ;  une  étude  de  M.  G.  Fient,  de  Coire,  sur  les  cérémonies  funè- 
bres dans  le  Praettigau;  un  article  important  de  M.  Hoffmann-Krayer, 
sur  les  usages  du  mardi-gras  en  Suisse,  et  une  contribution  à  l'étude 
des  coutumes  populaires  dans  le  canton  de  Zoug,  par  Mme  Anna 
Ithen. 

Dans  les  miscellanées,  nous  remarquons  un  conte  de  la  Vallée  de 
Bagnes,  Brise-Fer,  publié  par  M.  A.  Taverney  ;  des  extraits  de  regis- 
tres du  Consistoire  et  du  Conseil  de  Genève  sur  les  «  épouses  du 
mois  de  mai  »  et  les  jeux  de  la  rai-été,  à  Genève,  en  1614,  commu- 
niqués par  M.  Eugène  Ritter;  une  prière  pour  le  bétail  provenant 
du  vallon  des  Plans,  publiée  par  M.  W.  Robert,  etc.  Le  fascicule 
se  termine  par  une  petite  revue  de  ce  qui  se  fait  en  ce  moment  en 


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668 


REVUE   DES  TRADITIONS    POPULAIRES 


Suisse  et  à  Tétranger  dans  le  domaine  du  folk-lore^  une  chronique  de 
la  Société  avec  liste  des  membres  et  enGn  deux  articles  nécrologiques 
sur  deux  des  membres  fondateurs,  membres  également  du  Comité, 
Fritz  Staub,  le  rédacteur  en  chef  du  grand  Idiotikon  suisse,  et  le 
curé  von  Âh,  pertes  infiniment  regrettables  pour  les  études  histo- 
riques et  littéraires  suisses. 

A  partir  du  second  numéro,  le  sommaire  sera  en  allemand  et  en 
français. 

A  côté  d'une  bibliothèque,  à  laquelle  beaucoup  de  savants  ont  déjà 
envoyé  leurs  œuvres  et  leurs  tirages  à  part,  et  qui  dès  maintenant 
prête  des  livres  aux  sociétaires,  la  Société  nouvelle  compte  organiser 
une  collection  d*art  populaire,  de  costumes,  de  gravures,  enfin  de 
tout  ce  qui  se  rapporte  au  programme  à  la  fois  archéologique,  anthro- 
pologique et  traditionniste  de  la  Société. 

P.  S. 


Fleuron  de  la  Société  suisse  des  Traditions  populaires 


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REVUE   DES   TRADITIONS    POPULAIRES  G69 


BIBLIOGRAPHIE 


L.  Arturo  Trombatore.  Folk-lore  Catanese.  Turin,  Carlo 
Clausen,  petit  in-lS  de  pp.  127. 

Cet  élégant  petit  volume  se  compose,  comme  son  titre  l'indique,  de  mélanges 
folJ&Ioriques,  dont  les  matériaux  ont  été  recueillis  à  Catane.  Dans  ce  pays,  existe 
la  croyance  aux  «  donne  di  casa  ».  Ce  vont  des  esprits  de  personnes  vivantes 
qui  ont  le  privilège  de  quitter  leur  corps  le  mercredi  et  le  samedi,  pendant  la 
nuit  ou  la  méridienne,  et  d'aller  se  promener  un  peu  partout  avec  une  incroyable 
vélocité  ;  M.  T.  donoe  de  nombreux  détails  sur  cette  croyance  et  il  reproduit  un 
conte  où  un  de  ces  êtres  si  singulièrement  privilégiés  est  mis  en  scène,  et  finit 
d^une  manière  tragique.  On  trouve  aussi  des  détails  sur  le  «  Lupo  mannaro  », 
sorte  de  loup-garQU,  sur  les  pierres  d'avertissement  que  lance  le  bienheureux 
saint  Pasquale.  Un  petit  chapitre  très  curieux  est  consacré  aux  coutumes  et 
croyances  diverses,  qui  terminent  pour  ainsi  dire  la  première  partie,  la  moins 
longue  (48  pp.)  mais  non  la  moins  intéressante  pour  les  étrangers  de  ce  petit 
volume.  Viennent  ensuite  les  «  canzonl  »,  des  proverbes  et  façons  de  dire,  des 
prières  populaires,  des  rimes  et  formulettes  enfantines,  et  quelques  pages  sur 
la  médecine  populaire  et  les  fêtes. 

P.  S. 

Leite  de  Vasoonoellos.  Ensayos  ethnographicos^  vol.  I,  pet. 
in-18  carré  de  pp.  372  (600  reis). 

Le  commencement  de  ce  volume  de  mélanges  se  rapporte  (pp.  22-98)  à  diver- 
ses croyances  et  coutumes  du  Portugal,  aux  divertissements  du  carnaval,  à  la 
fête  de  Saint- Jean,  au  culte  des  morts,  à  la  sorcellerie,  aux  loups -garons,  aux 
Maures  enchantés,  etc.  La  seconde  partie,  la  plus  développée,  contient  une  fort 
intéressante  histoire  des  traditions  populaires  avec  l'analyse  des  divers  recueils 
depuis  la  première  période  (xvi«  siècle)  jusqu'à  nos  jours.  C'est  une  précieuse 
bibliographie,  dans  laquelle  on  trouve  réunis  des  renseignements  que  Ton 
chercherait  vainement  ailleurs,  et  qui  rendent  ce  petit  livre  bien  précieux  pour 
les  traditionnistes.  Je  ferai  à  l'auteur  un  tout  petit  reproche,  c'est  de  n'avoir 
pas  toigours  donné  le  nom  de  l'éditeur,  le  format  et  le  nombre  de  pages  des 
ouvrages  qu'il  cite  ou  qull  analyse. 

P.  S. 

Joseph  Jacobs.  The  book  of  Wonder  Voyages^  avec  illustrations 
de  D.  Batten.  Londres,  D.  Nutt,  gr.  ia-S  carré  de  pp.  YIII,  224 

(6  sh.). 

Ce  livre  contient  un  choix  de  voyages  merveilleux,  qui  sont  en  général  sous 
une  forme  se  mi -populaire  ;  ce  sont  le  Voyage  des  Argonautes,  auqud  Ringitisy 


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670  ^EVOB   DBS   TRADITIONS    POPULAkftSS 

avait  déjà  donné  presque  la,  tournure  d*un  conte  populaire  ;  \%  Voyage  de  Mael- 
duin,  où  Téditeur  a  reproduit  la  version  donnée  par  M.  Whitley  Stokes  des 
surprenantes  aventures  de  ce  héros  celtique  ;  M.  Jacobs  a  quelque  peu  arrangé 
et  abrégé  les  diverses  versions  arabes  de  THistoire  de  Hassan  de  Bassorah  ;  le 
quatrième  morceau  «  Les  Voyages  de  Tborkill  et  d^EIric,  le  traver^eur  de  voies 
périlleuses  »  a  été  rédigé  d*après  une  traduction  de  la  Saga  d'Eric  de  M.  S. 
Sepbton,  et  le  Voyage  de  Thorkill  dans  le  monde  sous-marin,  de  Saxo  Gramma- 
ticus.  Sans  faire  œuvre  d'érudition  dans  ce  volume,  qui  est  surtout  destiné  au 
grand  public,  M.  J.  l*a  pourtant  fait  suivre  de  quelques  notes  intéressantes  sur 
les  sources  auxquelles  il  a  puisé,  et  il  a  brièvement  indiqué  quelques  récits  paral- 
lèles. L'illustration  faite  par  D.  Oatten,  le  collaborateur  habituel  de  M.  J.  Jacobs, 
dans  ses  jolis  volumes  de  fin  d'années  est  très  curieuse,  et  souvent  dans  une 
note  fantastique  très  particulière  si  elle  confine  parfois  à  la  charge,  comme  dans 
le  voyage  de  Maelduin,  dans  les  Argonautes,  il  a  eu  soin  de  donner  à  ses  person- 
nages les  formes  élégantes  et  sobres  qui  convient  à  un  récit  de  l'ancienne  Grèce. 

P.  S. 


TThland.  Poésies  choisies,  traduites  par  André  Pottier  de  Cypîez. 
Paris,  Perrin,  in-i8  de  pp.  XXIX-216. 

Uhland  est  un  des  poëtes  les  plus  populaires  de  l'Allemagne,  et  il  doit  cette 
bonne  fortune,  non  pas  seulement  à  son  très  réel  talent,  mais  aussi  k  la  source 
à  laquelle  il  a  puisé  un  grand  nombre  de  ses  sujets  :  ballades  et  chansons, 
contes  et  légendes  ont  été  mis  à  contribution  par  lui,  et  il  s'était  si  bien  pénétré 
de  leur  esprit  qu'il  a  su,  tout  en  les  traitant  en  véritable  poëte,  leur  conserver 
leur  saveur.  Nous  avons  eu  France  des  légendes  aussi  gracieuses,  aussi  terri- 
bles, aussi  dramatiques  que  celles  d'Outre-Rhin.  De  temps  en  temps,  il 
semble  que  quelques-uns  de  nos  poètes  vont  enfin  tenter  de  mettre  en  œuvre 
notre  trésor  légendaire  ;  mais  jusqu'ici  aucun  ne  l'a  fait  d'une  manière 
suivie.  Quelques  pièces  très  bien  venues  montrent  pourtant  ce  qu'on  pourrait 
faire  dans  cet  ordre  d'idées  :  Richepin,  Gabriel  Vicaire,  d'autres  encore,  ont 
plusieurs  fois  trouvé  la  forme  qui  convient  ;  leur  tort  a  été  de  ne  traiter  que 
rarement  des  sujets  qu'ils  auraient  pu  revôtir  de  formes  aussi  agréables  que  celles 
de  Uhland.  En  le  traduisant  dans  une  langue  à  la  fois  claire  et  familière,  M.  P. 
de  C.  aura  fait  comprendre  mieux  qu'une  longue  dissertation,  quelles  ressources 
d'inspiration  renferme  la  poësie  populaire,  et  la  façon  dont  un  homme  de 
génie  peut  y  imprimer  sa  personnalité,  tout  en  lui  gardant  la  naïveté  et  parfois  la 
rudesse  qui  lui  sont  particulières,  et  qui  en  font  le  charme. 

P.  S. 

J.  Gurtin.  7'ales  of  the  fairies  aud  the  Ghost  World.  Londres, 
D.  Nutt,  1895,  i  vol.  pet.  in-8  de  XIII-198  p.  (Avec  une  préface 
d'A.  Nutt). 

En  dehors  du  monde  slave  et  magyar  dont  les  contes  ont  fourni  à  M.  Curtin 
la  matière  d'un  bon  recueil  (1),  les  recherches  de  l'auteur  ont  été  consacrées 
aux  traditions  irlandaises,  et  ce  nouveau  volume  vient  s'ajouter  à  ceux  qu'il  a 

1.  Mylhs  and  folk-laUs  of  the  Russian,  Western  Slavs  and  Magyars,  Londres, 
t991,  in-8. 


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REVUE   DBS  TRADITIONS   POPULAIRES  61 1 

déjà  publiés  sur  ce  sujet  (1)  et  qui  doivent  former,  pour  les  Celtes  d'irlaade,  uoe 
collection  analogue  à  celle  de  Campbell  pour  les  Gaels  d^Ecosse.  Il  complète 
Touvrage  classique  de  Crooker  et  les  indications  que  M.  Curtin  donne  dans  son 
introduction  ne  laissent  aucun  doute  sur  Tauthenticité  des  traditions  qu'il 
rapporte.  U  a  vécu  dans  un  milieu  où  une  personne  sur  dix  affirme  haute- 
ment sa  croyance  aux  fées  et  où  les  neuf  autres  se  contentent  de  la  dissimuler 
aux  étrangers  dont  ils  craignent  sans  doute  les  railleries  ou  devant  qui  ils 
veulent  faire  les  esprits  forts.  U  ne  faudrait  pas  cependant  limiter  à  T Irlande  ce 
privilège  de 

Marcher  et  respirer  dans  un  peuple  de  dieux 

ou  de  demi-dieux.  D'autres  races,  les  Arabes,  par  exemple,  ont  le  sentiment  du 
surnaturel  aussi  naturellement  développé,  d'autant  plus  que  la  croyance  aux 
démons,  aux  géuies,  aux  afrites,  aux  ghoules,  etc.,  n'a  rien  qui  choque  les  idées 
religieuses  musulmanes.  Si  d'après  une  grande  partie  des  légendes  rapportées  ici, 
nous  voyons  que  les  «  remparts  des  fées  »  sont  d'anciens  tombeaux  dont  la 
sainteté,  suivant  M.  Nutt,  provient  de  la  destination,  et  si  par  conséquent,  ces 
légendes  sont  une  sorte  de  résidu  mythologique  que  le  christianisme  n'a  pu  faire 
disparaître,  il  en  est  d'autres,  par  exemple  celle  de  John  Sheo  et  du  trésor,  qui 
sont  des  adaptations  à  des  contemporains  (le  Béros  de  celle  dernière  histoire 
serait  mort  en  1847)  de  contes  venus  du  dehors.  Le  fait,  du  reste,  n'est  pas  rare  : 
la  première  partie  du  conte  d'Âlibaba  et  des  quarante  voleurs,  avec  ses  princi- 
paux traits  (le  trésor  dans  une  caverne  au  fond  d'un  bols  ;  la  porte  qui  s'ouvre  et 
se  ferme  d'elle-même  à  certaines  paroles,  l'or  mesuré  au  boisseau,  l'avare  jaloux 
perdu  pour  sa  cupidité}  a  été  localisée  en  Prusse,  dans  les  ruines  du  château  de 
Dumenburg  entre  les  couvents  de  Hadersleben  et  d'Adersleben  (2).  Le  volume 
de  M.  Curtin  renrerme  trente  contes  et  légendes,  et  l'on  voit  par  ce  qui  précède, 
qu'il  mérite  un  excellent  accueil. 

René  Basset. 


Stumme.  Neue  tunùUcke  Sammlnngen.  Leipzig,  1896,  in-4, 148  p. 

Les  textes  accompagnés  d'une  transcription  et  d'une  traduction  que  publie 
M.  Stumme  sont  une  addition  à  sou  précieux  recueil  paru  en  1893  (Tunisische 
Mnrcheny  Leipzig,  2  vol.  in-8),  elle  est  spécialement  consacrée  aux  chants,  for- 
mules, devinettes  et  contes  d'enfants  et  sera  d'autant  mieux  accueillie  que  ces 
parties  du  folk-lore  n'ont  pas  été  étudiées  jusqu'ici,  dans  le  monde  musulman 
comme  elle  l'ont  été  en  l'Europe. 

Les  quatre  premiers  couplets  sont  relatifs  é  la  pluie  :  viennent  ensuite  des 
refrains  de  nourrices  et  d'enfants,  suivis  de  chansons  des  rues  qui  ont  plus  de 
rime  que  de  raison:  j'en  citerai  un  exemple  qui,  dans  la  traduction  ne  peut 
rendre  bien  entendu  le  rythme  de  l'original  (no  XVI). 

Rabkabou,  ia  Rabkabou 

Allons  jouer  vers  le  rempart  : 

La  cigogne  est  tombée  et  s'est  brisée  ; 

Réjouis- toi,  capitaine  de  vaisseau, 

Aîcha  est  devenue  pour  toi  une  jeune  fille, 

Elle  danse  avec  des  anneaux  de  jambe  en  or, 

Du  henné  et  un  peloton  de  fil. 

1.  Myth»  and  folk-lore  of  Ireland.  Boston,  1890,  in-8  ;  Bero  taUs  of  Ireland. 
Boston,  1894.  in-8. 

2.  Otmar,  Volksaageti.  Bremen,  1800,  in-8,  p.  225. 


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672  REVUE   DES   TRADITIONS   POPULAIRES 

Les  suivantes  sont  également  des  chansons  des  rues,  mais  elles  ont  plus  de 
suite,  en  particulier  les  n««  25-27  qui  expriment  le  regret  de  .réloignement.  Les 
no*  33-37  sont  des  couplets  de  circonstance.  Les  n»*  38-39  nous  fournissent  des 
spécimens  de  chansons  de  métiers  (vendeurs  d'abricots  et  de  figues).  Les  n«*  42 
et  suivants  renferment  des  séries  de  formulettes  qui  n*ont  de  sens  qu'en  arahe. 
Vient  ensuite  une  série  de  18  énigmes  sur  le  fusil,  la  fumée,  le  rasoir,  la  grappe 
de  raisin,  la  flamme  de  la  lampe,  le  doigt,  le  coquelicot,  la  chaux,  la  mosquée, 
le  papier,  l'encre  et  l'écriture,  le  chemin  de  fer,  le  cabinet,  les  pigeons,  les 
fourmies,  les  dents  et  la  langue,  la  pastèque  (1),  la  mort  et  l'outre.  Ces  énigmes 
sont  suivies  des  chansons  amoureuses  désignées  sous  le  nom  de  ^Arobi  et  trois 
petits  contes  d'enfants  ;  le  dernier  est  une  randonnée  dont  je  n'ai  pas  rencontré 
les  termes  jusqu'ici  :  le  chat  dont  la  queue  a  été  coupée  et  l'œil  arraché  pour  un 
méfait  qu'il  a  commis,  ne  les  recouvrera  qu'en  échange  d'un  plat  de  viande 
qu'il  va  demander  au  boucher  :  celui-ci  exige  un  mouton  qui  réclame  de 
l'herbe,  qui  veut  de  l'eau  pour  laquelle  il  faut  une  outre.  Le  vendeur  d'eau  la 
donne  en  échange  du  service  rendu  par  le  chat  qui  lui  attrape  deux  ou  trois 
cents  souris  ;  mais  en  apportant  un  sac  de  charbon  pour  cuire  la  viande,  le  chat 
est  écrasé. 

Rbné  Basskt. 


LIVRES  REÇUS  AUX  BUREAUX  DE  LA  REVUE 


André  ^  Lefèvre.  Les  Etrusques,  Leçons  professées  àTEcole 
d'Anthropologie.  J.  Haisonneuve,  in-8  de  pp.  82.  (Ext.  de  la  Revue 
de  linguistique). 

Intéressant  et  très  substantiel  tableau  de  ce  qu'on  sait  des  origines  et  de 
l'histoire  de  ce  peuple,  de  ses  mœurs,  industries,  art  et  sépulture,  ainsi  que  de 
sa  religion  et  de  sa  langue. 


Philippe  Salmon.  L'Ecole  d'Anthropologie.  (1895-4896).  Félix 
Alcan,  în-8  de  pp.  48.  (Extr.  de  la  Revue  de  l'Ecole  d* Anthropologie;). 

C'est  à  l'occasion  du  20«  anniversaire  de  l'Ecole  que  M.  Philippe  Salmon  a 
entrepris  de  retracer  son  histoire.  Fondée  par  Broca,  elle  ne  fut  reconnue 
d'utilité  publique  (1889)  qu'après  avoir  fait  ses  preuves  pendaot  près  de  i4  ans. 
Actuellement  ses  cours  sont  suivis  par  plus  de  12.000  auditeurs.  Plusieurs 
d'entre  eux  se  rattachent  aux  traditions  populaires  ;  tel  était  celui  d'Anthropolo- 
gie linguistique  que  notre  collègue  Abel  Hovelacque  professa  brillamment 
de  1876  à  1885  ;  sa  chaire    est  aujourd'hui  occupée  par  M.  André  Lefèvre,  aussi 

1.  Cette  énigme  existe  dans  la  province  de  Gonstantine,  dans  les  mêmes  ter- 
mes cf.  iMejdoub,  Choix  de  fables  en  arabe  parlé,  Constantine,  1890,  in-8,  p.  162, 
énigme  II. 


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REVUE    DES   TRADITIONS   POPULAIRES  673 

notre  coHë«ue»  qui  y  a  traité  nombre  de  questions  de  mythologie,  de  supersti- 
tions et  de  croyances.  M.  Adrien  de  Mortillet,  chargé  de  la  chaire  d'ethnographie 
comparée,  s^occupe  depuis  1889  à  comparer  les  industries  des  populations 
préhistoriques  avec  celles  des  peuples  modernes.  Un  résumé  des  leçons  et  des 
mémoires  originaux  sont  publiés  dans  la  Revue  mensuelle  de  l'Ecole  d'Anthro- 
pologie, fondée  en  1890,  sur  Tiniliative  d'Abel  Ilovelacque. 


Li.  Quarré-Beybourbon.  Le  Cotisée  de  Lille.  Lille,  L.  Quarré, 
in-8  de  pp.  24  avec  figures. 

Notre  collègue  continue  à  consacrer  d'intéressantes  monographies  au  vieux 
Lille.  Le  Cotisée  construit  à  Lille  «  A  l'instar  de  celui  de  Paris  »  était  un  Jardin 
avec  toutes  sortes  de  raines  artificielles,  de  grottes,  de  tombeaux  etc.,  qui 
servait  de  lieu  de  réunion  et  de  plaisir.  Construit  en  1787,  il  fut  détruit 
presque  entièrement  en  1792  pour  la  défense  de  la  place,  et  il  n*en  reste  plus 
que  quelques  vestiges. 


Léon  Duvauohel.  L'Hortillonne,  mœurs  picardes^  roman\ 
Librairie  A.  Lemerre,  Paris,  in-18. 

L'action  de  ce  roman  se  passe  aux  environs  d'Amiens,  dans  le  pays  entrecoupé 
de  canaux  od  ileurit  l'industrie  maraîchère  locale.  Beaucoup  de  dialogues  sont 
en  patois  picard,  et  l'un  y  trouve  un  certain  nombre  de  coutumes  et  de  supers- 
titions, ainsi  que  des  descriptions  des  maisons  et  du  mobilier  rustique  des 
hortillons  ou  maraîchers. 


Ollivier-Beauregardf  Chez  les  Pharaons^  études  égyptiennes, 
histoire,  religion,  cryptographie,  caricature.  Paris,  Thorin,  in-8'  de 
pp.  XLVIII,  165  (avec  figures). 

Nous  nous  contentons  pouf  aujourd'hui  de  signaler  les  chapitres  qui  touchent 
en  quelques  points  à  nos  études  :  La  justice  et  les  tribuuaux  dans  l'ancienne 
Egypte  (Set  à  tète  d'âne  ;  la  légende  de  la  nativité  du  Christ  entre  le  bœuf  et 
l'Âne  ;  le  culte  de  Set  en  Egypte)  ;  pseudo-poupée  et  caricature  égyptienne. 

Paul  EadeL  Un  peu  de  tout.  CHlendorff,  in-i8  de  pp.  XII-485 

(3  fr.  50) 

Cet  nitéressant  volume  de  mélanges,  agréable  et  instructif  à  lire,  renferme 
quelques  passages  qui  intéressent  le  tradilionnlsme,  tels  sont  l'analyse  d'une 
CendrilUm,  adaptation  pour  marionnettes  du  conte  de  Perrault,  faite  parle  père 
de  l'auteur,  et  la  description  très-mouvementée  du  baptême  de  la  ligne,  tel 
qu'il  se  pratiquait  encore  en  1856,  à  bord  des  long-courriers  français. 


TOMB  XI.  —  DÉGBMBRI  1896.  43 


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674  RBVUB   DES  TRADITIONS  POPULAIRES 


PÉRIODIQUES  ET  JOURNAUX 


Joamal  of  American  Folk«lore,  IX,  34.  —  Popular  Célébrations  in 
Mexico,  Frederick  Starr,  —  Micmac  Magic  and  Medicioe,  Slansbury  Hagar.  — 
Christmas  Maskings  in  Boston.  W.  W.  Newell.  --  Pupular  American  Plant- 
Names,  Pany  D,  Bergen,  —  Two  Negro  Taies,  Mrs,  William  Preslon  Johnaton. 
—  Account  respecting  Beliefs  of  Australian  Aborigines.  —  Record  of  American 
Folk-lore,  A,  P.  C.  —  Negro  Hymn  of  the  Judgment  Day.  —  Navaho  Legend?, 
W.  W,  NevoelL 

Ons  Volkleven  VlII.  5  et  6.  Usages  et  Coutumes  populaires  de  la  Camptne 
anversoise.  Le  Déménagement  des  valets  et  des  servantes  (avec  des  chaussons 
et  des  airs  notés),  Frans  Zand,  —  Contes  populaires:  4.  (61.)  L'Oiseau  d'or,  le 
Cheval  d*or  et  la  Princesse.  3.  (62.)  La  Bourse,  la  Baguette  et  le  Ch&peau 
enchantés,  Jozef  Comelissen,  —  Légendes  :  8.  (207.)  La  Fille  qui  sautait  d'un 
arbre  sur  l'autre.  9.  (208.)  L*  A  ni  mal- fan  tome  de  Wyaeghem.  10.  (209).  L'Animal 
fantastique  et  le  Nain.  11.  (210).  La  Dame  blanche  de  Wyneghem.  12.(211).  La  Dame 
blanche  et  les  Lapins.  13.  (212.)  La  Ferme  hantée,  Alfred  Harou.  —  Proverbes 
et  Dictons  populaires  relatifs  au  temps,  Frans  Zand.  —  Saint-Antoine  (suite), 
Alfred  Uarou.  —  Usages  et  Coutumes  populaires  du  Brabant  septentrional 
(Hollande)  (suite)  :  VI.  2.  Les  Courses  de  Chevaux.  3.  Coutumes  de  chasse.  4. 
Réjouissances  sur  Teau,  sur  la  glace  et  dans  la  neige,  réjouissances  aériennes. 
VU.  Jeux  des  enfants  et  jeux  populaires.  1.  Jeux  des  enfants,  P.-N.  Panken.  — 
Les  Saints  des  différents  peuples  (suite),  Alfr.  Harou.  —  Un  mot  de  l'histoire 
des  pommes  de  terre,  L.  Mees.  —  Blason  populaire:   10.  (78.)  Veerle  la  fiére. 

11.  (79.)  Les  Veaux  de  Breendonck.  —  12.  (80.)  Les  Ch de  Hobokcn.  13.  (81.) 

Heindonk  :  le  rebut  ou  le  bout  du  monde.  14.  (82.)  Les  Mangeurs  de  Iliogene. 
15.  (83.)  Sempst  la  Riche.  16.  (84.)  Les  Porcs  ou  les  Hiboux  de  Sempst-Bosch.  17. 
(85.)  Les  Taupes  de  Kieidrecht.  —  18.  (86.)  Les  T^tes  de  Pierre  «le  Poperinghe. 
19.  (87.)  Sobriquets  des  habitants  de  quelques  autres  localités,  J.^F.  Vincx,  -^ 
La  petite  Vieille  et  son  cochon,  randonnée  anglaise,  J.  Feskens. 

Volkakunde,  IX,  5-6.  —  Chansons  populaires,  A.  De  Cock,  —  Encore  le 
cheval,  A.  De  Cock.  —  Pèlerinage  à  Wanneghem-Lede,  pour  le  «  Kock  » 
gâteau  =  carreau),  A.  De  Cock.  —  Contes-.Menteries.  Gagner  la  fllle  du  roi  par 
la  plus  belle  menterie,  A.  de  Cock.  —  Proverbes  et  dictons  sur  les  femmes.  — 
La  veuve  {Suite).  —  La  femme  de  mauvaise  vie  et  la  femme  publique,  A.  De 
Cock. 


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REVUE    DES  TRADITIONS   POPULAIRES  675 


NOTES  ET  ENQUÊTES 


.•^  Biner  de  ma  Mère  VOye,  —  Le  108«  dîner  a  eu 
lieu  le  30  novembre  à  THÔtel  des  Sociétés  savantes, 
sous  la  présidence  de  M.  Charles  Beauquier,  vice- 
président  de  la  Société  des  Traditions  populaires. 
Les  autres  convives  étaient  MM.  G.  Beauregard, 
Airred  Michau,  Adrien  Oudin,  Raoul  Rosières,  Paul 
Sébillot,  Julien  Tiersot.  MM.  A.  Certeux,  E.-T.  Hamy, 
Morel-Retz  (Stop),  etc.,  s'excusent  par  lettres  de  ne 
pouvoir  assister  au  d!ner. 

M.  Paul  Sébillot  annonce  qu'au  Comité  Central 
qui  a  précédé  le  dîner,  quatre  nouveaux  sociétaires 
ont  été  présentés.  Le  dtner  décide  que  pour  douner 
plus  d'attrait  aux  quatre  dîners  annuels  une  com- 
mission des  fêtes  sera  instituée.  Elle  est  ainsi  com- 
posée :  George  Doncieux,  Morel-Retz  (Stop),  Napoléon  Ney,  Adrien  Oudin, 
N.  Quellien,  Félix  Régamey,  Julien  Tiersot. 

Au  dessert,  on  boit  à  la  prospérité  de  la. Société  des  Traditions  populaires  de 
la  Suisse  tout  récemment  fondée,  et  à  laquelle  nous  consacrons  un  article. 


*  » 


Nominations  et  Distinctions.  Notre  collaborateur  A.  Giry,  professeur  à 
TEcole  des  Chartes,  a  été  élu  membre  de  l'Académie  des  Inscriptions  et  belles- 
lettres  ;  M.  Girard  de  Rialle,  ancien  Président  de  la  Société,  prend  la  direction 
de  l'Intermédiaire  des  chercheurs  et  des  curieux, 

,%  Coutumes  relatives  au  bétail.  —  A  Arleuf  (Nièvre).  Lorsqu'on  sépare  un  veau 
de  sa  mère  pour  le  vendre  au  boucher,  on  a  soin  de  lui  couper  une  touffe  de 
poils  de  la  queue  qu'on  met  dans  le  foin.  Cela  empêche  la  mère  de  bramer, 
(pleurer  son  veau]  et  lui  fait  donner  son  lait  lorsqu'on  la  trait. 

—  Un  paysan  qui  vient  d'acheter  un  bœuf  ou  une  vache  doit  toujours  la  faire 
entrer  à  reculons  la  première  fois  qu'elle  entre  dans  sa  nouvelle  étable  pour 
qu'elle  prospère  et  n'attrape  pas  de  maladies. 

(Comm.  de  M.  H.  Marlot). 

,•»  Chansonnette  pour  faire  rentrer  les  vaches,  —  En  llle-et-Vilaine,  quand  il 
est  temps  d'emmener  les  vaches  à  l'étable,  on  chante  : 

Tiaolo, 
Le  soleil  est  couché, 
La  barrièrre  est  à  bas, 
11  est  temps  d'emmener, 

Taiolo. 

(Comm.  de  M.  Paul  Yvbs  Sébillot). 


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(ilt)  REVUE    DES  TRADITIONS    POPULAIRES 

/•  Origine  de  la  fleur  «  Edelweifz  >.  ^  Mon  aïeule  me  l'avait  dit  et  les 
gens  de  ces  bois  me  Tont  coofirmé  souvent  que,  dans  le  soleil,  la  Sainte- Vierge 
est  assise  avec  son  rouet.  Elle  Gle  la  laine  des  agnelets  blancs  qui  paissent 
dans  le  paradis.  Une  fois,  qu'elle  s'était  endormie  en  filant,  rêvant  aux  hommes, 
un  flocon  de  sa  laine  tomb^  mr  la  terre  où  il  resta  accroché  à  un  rocher  élevé. 
Les  gens  qui  Tout  trouvé  là  haut,  au  danger  de  leur  vie,  Tout  appelé  Edelweifz, 
blanc  pur  ou  noble. 

(Recueilli  dans  Die  Schriften  des  Waldschulmeisters  de  Peter  Rosegger,  par 
Hrdwioe  Hbinbckb). 

,%  Les  Disettes,  Le  peuple  croit  que  le  tombeau  de  Marie  de  Brabant,  épouse 
de  Louis  V,  duc  de  Bavière,  enterréa  à  Donawerth,  garantit  de  la  disette  les 
populations  qui  en  touchent  la  pierre. 

(Compte-rendu  des  Séances  de  la  Commission  royale  d'histoire,  IV,  362). 
*  (Comm.  de  M.  Alfred  Harou). 

,\  Les  Somnambules.  Les  somnambules  sont  des  enfants  nés  pendant  que 
luit  Vétoile  du  soir.  Ils  sont  plus  heureux  le  soir  et  la  nuit  que  pendant  le  jour, 
bien  qu'ils  soient  gens  d'esprit. 

(CoRBMAivs.  L'année  de  Vancienne  Belgique^  dans  le  Bulletin  de  la  Commission 
royale  d'histoire,  VII,  49). 

(Comm.  de  M.  Alfred  Harou). 

,%  Se  moquer  de  quelqu'un.  «  Vous  me  la  faites  à  V oseille  »,  pour  dire  vous 
vous  moquez,  vous  plaisantez.  (Bruxelles).  On  dit  aussi  «  Vous  me  tiret  en  bou- 
teille ». 

(Comm.  de  M.  Alfred  Harou). 

,*«  Ver tréme-onc lion  et  les  sacrements.  Du  Fief,  écrivain  tournaisien  du 
xvio  siècle,  parle  d'un  ancien  préjugé  populaire  d'après  lequel  un  malade  oe 
pouvait  plus  lester  dès  qu'il  avait  reçu  les  derniers  sacrements. 

De  nos  jours,  le  peuple  ajoute  encore  fois  à  cette  ancienne  croyance. 

(Comm.  de  M.  Alfred  Harou). 


*  « 


Eructation.  Lorsqu'une  personne  se  permet  une  éructation,  ou  émission 
sonore  de  gaz  par  la  bouche,  son  voisin  de  lui  dire  : 
ff  L&che  la  corde,  le  cochon  s'étrangle  ». 
(Entendu  à  Bruxelles). 

(Comm.  de  M.  Alfred  Harou). 


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TABLE  ANALYTIQUE 


MTTHOLOOIE  ET  LITTÉRATURE  COMPARÉE 

Les  anciens  chants  historiques  et  les  traditions 
populaires  de  l'Arménie „ Ervand  Lalayantz.  René  Bas-       ^^-  ^^  '  ^^ 

set.  i^337,  asr  -,     ;  /^^ 

La  chanson  de  Renaud,  essai  de  littérature  ''iS^^n  ^v^: 

populaire  comparée ' Léon  Pineau,  65 

Le    traîneau    dans    les    rites    funéraires    de 

l'Ukraine Th.  Volkov.  209 

Le  lai  d'Aristote,  I  En  Perse Gaudefroy-Demonbynes.  530 

Niedishu  Widewuts,  épopée  latavienne H,  Wissendorff  de  Wissu- 

kuok.  481,  545 

La  légende  de  Didon  XTI Alfred  Harou,  524 

LES  MÉTIERS  ET  LES  PROFESSIONS 

Les  métiers  :  IV  (8uite),chansons  de  métiers  :  la 

chanson  des  tailleurs Paul  Guieyese.  409 

Les  pillotous,  elc Paul  SébilloL  564 

Le  matelot  préféré Alfred  Harou,  565 

VIII  (suite).  Jeux  de  métiers Alfred  Harou.  241,  309,  615 

X  (suite).  Commencement  et  fin  d'un  ouvrage.  Alfred  Harou.  14,  190 

XI  (suite).  Métiers  paria.s ,  fripiers Alfred  Harou,  191 

XII  (suite).  Fêtes  de  métiers P.  S,^  E.  Auricoste  de  Lazar- 

que,  Alfred  Harou.  14,  501,  566 

XVII.  Présents  à  certaines  époques Alfred  Harou.  567 

XXi  (suites.  Critérium  de  capacité Alfred  Harou.  191 

XXIV  (suite).  Les  enseignes A.  Tauaserat-Radel,  Alfred  Ha- 
rou. 310,  567 

XXVI  (suite).  Coutumes  démarché Alfred  Harou.  414 

XXX  (suite).  Facéties  sur  les  tailleurs Alfred  Harou.  502 

L  (.suitej .  Les  couturières Alfred  Harou.  615 

LXIV  (suite).  Redevances  et  pourboires Alfred  Harou.  242,  309,  568 

LV  (suite).   Les  potiers Alfred  Harou.  242,  :)02 

LXI  (suite).  Cris  des   rues.  Paris P.  S.,  Paul-Yves  Sébillot.    15,  192 

Anvers Alfred  Harou.  15,  616 

Rennes,  Nantes Henriette  Monternier.  1 5 

Troyes Louis  Morin.  83,  354 

Rethel  (Ardennes) Lucien  Torchet,  87 


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678  REVUE    DES   TRADITIONS  POPULAIRES 

Lyon Aimé  Vingtrinier.  87 

Liège Alfred  Harou,  567 

Cris  des  environs  de  Paris G.  Fouju,  242 

Cris  de  Metz Auricoste  de  Lazarque.  3-56 

Amiens P.  S.  615 

LXIV  (suite).  Redevances  et  pourboires Alfred  Harou,  307,  570 

LXXI.  Les  marchands  ambulants Alfred  Harou.  13,  191 

Paris-Montrouge  .s l\  T,  192 

Marchand  de  berlingot  de  Strasbourg P.  Ristelhuber,  193 

Rouen Eugène  VitnonL  193 

Loudéac.  Saint-Brieuc M^^  L,  Texier.  195 

Belgique  wallonne Alfred  Harou,  193 

LXXII.  Les  vidangeurs Alfred  Harou,  13 

LXXin.  Crimes  professionels Paul  Sébillot,  188 

Le  barbier  assassin.  Le  charcutier  assassin..  Alfred  Harou.  189,  309 

LXXni  bis.  Noms  donnés  à  certain»  matériaux.  A  Certeux.  83 
LXXIll  ter.  Métiers  de  force  exercés  par  des 

femmes Alfred  Harou.  190 

LXXiV.  Le  vannier Achille  Millien.  241 

LXXV  bis.  Les  charpentiers  dans  la  croyance 

populaire  ruthène W.  Bugiel.  304 

LXXV.  Importunités  de   marchands Alfred  Harou.  307 

LXXVL  Les  armuriers VI.  Bugiel.  241 

LXXVII.  Les  piloris  des  fraudeurs Alfred  Harou.  307 

LXXVIH.  Le  meunier  impie A  If  nd  Harou.  308 

LXXIX.  Le  tailleur  facétieux Alfred  Harou.  308 

LXXX.  Les  verriers .'. Alfred  Harou.  414.  568 

LXXXI.  Corporations  de  musiciens E.  Auricosle  de  Lazarque  el 

P.  S.  500 

LXXXI  1.  Les  allumeurs  de  réverbères Alfred  Harou.  501 

LXXXin.  Dangers  de  métiers Alfred  Harou.  561 

LXXXIV.  Hausse  et  baisse  des  salaires Alfred  Harou.  561 

LXXXV.  Vente  des  minerais  de  fer Alfred  Harou.  561 

LXXXVI.  Les  ouvriers  congédiés Alfred  Harou.  562 

LXXXVn.  Les  valets  de  ferme Alfred  Harou.  562 

LXXXVIII.  Les  écrivains : .  Alfred  Harou.  562 

LXXXIX.  Les  tisserands Alfred  Harou.  563 

XC.  Les  marchands  de  village A  Ifred  Harou.  563 

XCr.  Lefe  arracheuses  de  poils Alfred  Harou.  563 

XCII.  Les  chefs-d'œuvre  impossibles Louis  Morin.  564 

XCIII.  Les  bouchers Alfred  Harou.  564 

XGIV.  Les  marchands  fleuristes Alfred  Harou.  613 

XCV.  En  entrant  chez  le  marchand Alfred  Harou.  613 

XCVI.  Eocouragement  à  Tindustrie Alfred  Harou.  613 

XCVIL  Gracieusetés  de  marchands Alfred  Harou.  614 

XCVIII.  Les  fabricants  de  chapeaux  de  paille.  Alfred  Harou,  614 

FOLK-LORE 

Les  Cloches.  XII.  Le  son  des  cloches Filleul  Pétigny.  43 

Le  tabac.  VU  (suite).  En  Amérique René  Basset.  28 


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REVUE  DES  TRADITIONS  POPULAIRES  679 

IX.  Le  tabac  de  fraude P.  S.  30 

X.  Les  contrebandiers P,  S,  1 15 

Le  surnaturel  et  les  pouvoirs  publics.  —  I. 

Maison  hantée Léon  Collot,  39 

II.  La  chasse  aux  lutins Paul  d'Eslrée,  39 

Su  perditions  champêtres  au  xvi*'  siècle  dans 

François  le  Poulchre P,  S,  363 

Les  saints  maltraités.  MI 0.  Colson  et  P.  S.  31 

Lea  ordalies  (suite) René  Basset.  16,  296,  6o8 

Êtres  fantastiques  et  chansons  pour  endormir 

les  enfants  arabes  et  berbères Charles  Robert,  26 

Les    traditions    populaires    et    les  écrivains 

français.  XXVII.  Brueys P,  S,  33 

XXVIII.  Chapelle  et  Bachaumont P.  S,  34 

Les  villes  englouties.  CLXXIX-CXCXII-GXCIV- 

CCXll René  Basset.  33,  379,  429,  595 

Le  Manpberg.  CXCXIH Paul  Rislelhuber,  381 

Les  offrandes  au.\  saints.  —  11.   Le  pain  de 

saint  Antoine Maria  Jjecocq.  115 

Jeux  el  joujoux.  —  I.  Le  diable  des  bois Edmond  Van  der  Straeten,      117 

L'habillement  des  statues.  VI P.  S.  112 

Les  almanachs   populaires.    Vlll.   Almanachs 

normands.  VIII  (IX).  Almanach  de  Troyes..  Louis  Morin.  53,143,253 

IX.  Almanach  de  Mathieu  Laensherg 0.  Colson.  620 

Leî»  empreintes  merveilleuses.  CX-CXXXIV..  René  Basset.        151,  199,  312,  525 

CXXXV.  Les  genoux  de  la  Vierge Fra  Deuni.  529 

CXXX VI.  Les  souliers  du  bon  Dieu £/.  Marlot.  529 

Prodiges  et  jeux  de  nature.  I.  OËuf  montrant 

une  figure Louis  Morin.  144 

IT.  Les  haricots  du  Saint-Sacrement P.  S.  383 

La  fratemi$tation/par  le  sang.  LXI-LXIII René  Basset.  465 

Le  folk-lore  dans  les  écrits  ecclésiastiques.  — 

II.  Le  concile  de  Séleucie René  Basset.  .  244 

Les  ongles.  XVII-XIX René  Basset.  476 

Traditions  de  Lorraine M.  Poirier.  262 

Traditions  et  superstitions  des  Ponts-et-Chaus- 

sées.  II.  Les  Chemins  de  fer  (suite) Alfred  Harou.  477 

Botanique  populaire.  I René  Basset.  478 

Les  êtres  fantastiques  en  Belgique Alfred  Harjou.  314 

Traditions  du  MentonnaiR.  Etude  comparative.  /.  B.  Andrews.  464 

Les  esprits  forts  à  la  campagne,  III.  Hainaut.  Alfred  Harou.  560 

IV.  Ille-et- Vilaine Fra  Deuni.  560 

Coutumes,  croyances  et  superstitions  du  Cam- 
bodge   /.  Agostini.  637 

Croyances  et  légendes  du  Morbihan F.  Marquer.  660 

LA  MER  ET  LES  EAUX 

Les  coquilles  de  mer.  IV Walter  Gregor.  56 

XVI.  Un  navire  fantôme Walter  Gregor.  330 

XVII.  Les  apparitions Alfred  Harou.  575 


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680  REVUB  DES   TRADITIONS   POPULAIRES 


ORIGINES.  —  MONDE  PHYSIQUE 

La  neige,  l.  Formulette  de  la  neige Af»«  /.  Lambert.  42 

Le«  pourquoi.  CV.  Origine  des  Myrtîllesl 3fn««  /.  Lambert.  202 

Les  météores.  VIIL  La  voie  lactée  VIT.  L'arc- 

en-cieL  XIL  Le  feu  de  Sainte-Elme René  Basset.  45,  531,  576 

Orion  et  le  baudrier  d'Orion,  IX René  Basset.  577 

X.  Les  étoiles  filantes René  Basset.  378,  656 

Les  forêts VI.  Bugiet.  248 

TRAVAUX  PUBLICS 

Les  rites  de  la  construction.  XXIV René  Basset.  533 

Les  mines  et  les  mineur?.  XXVI René  Basset.  334 


PARIS 

Miettes  de  folk-Iore  parisien.  XXIV.  Supers- 
titions parUiennes.  XXV.  Jeux  au  commen- 
cement du  régne  de  Louis- Philippe Faut  Sébiltot.  24 

XXVI. FraDeuni.  119 


COUTUMES 

Coutumes,  croyances  et  superstitions  de  Noël. 

XII  (suite).  En  Auxois Hippotyie  Marlot.  20 

XV.  Enfants  nés  la  veille  de  Noël Alfred  Harou.  21 

XVI .  Les  soirées  de  chant Alfred  Uarau.  21 

XVII.  En  Dauphiné Auguste  Ferrand.  22 

XVIII.  En  Champagne A.  Tausserat-Radel.  624 

XIX.  En  Limousin A.  Tausserat-Radel.  624 

XX.  Dans  les  Ardeones  belges Alfred  Harou.  625 

XXL' Cadeaux  de  Noël  en  Allemagne Hedwige  Heinecke.  625 

XXIL  Gâteaux  de  Noël  et  de  la  Saint-Syl- 
vestre    Hedwige  Ueinecke.  626 

XXIIL  Coutumes  en  Espagne Hedwige  Heinecke.  628 

XXIV.  Coutumes  des  RaucbniBcht  en  Haute-  . 

Autriche '. Auguste  MarguHlier.  629 

XXV.  Coutumes  de  Bruxelles Alfred  Harou.  631 

XXVI.  Coutumes  en  Pologne Bruno  Heinecke.  632 

Croyances  et  superstitions  du  jour  de  Tan. 

XVII.  En  Dauphiné Auguste  Ferrand.  23 

XIV.  Environs  de  Metz M.  Poirrier.  93 

Les  gâteaux  et  bonbons  traditionnels.  —  XII. 

Seine-Inférieure Edouard  Pelay          ,  113 

Gftteaux  de  fôte  à  Cannes.  XIII A.  Certeux.  322 

Coutumes  de  mariago.  XXVII.  La  futuration. .  François  Fertiault.  55 

XXVIII.  En  Saône-et- Loire //.  Marlot.  327 

XXIX.  Le  repas  monstre Hedwige  Heinecke.  474 

La  fête  des  Rois.  XIX.  A  Marly,  en  1704 A.  TausseraL  49 


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aEVD£  DE3  TRADITIONS  POPULAIRES                               681 

XX.  De  Noël  aax  Rois  (Dauphiné) A.  Ferrand,                              49 

X.  Ed  Haute-Autriche Auguste  MarguilUer.                 89 

Usages  de  carnaval.  XI.  En  Alsace P.  RUtelhuber.                         146 

Coutumes  de  Mi-Garème.  —  111.  En  Indre-et- 
Loire.  —  IV.  En  Eure-et-Loir Guêtaxm  Fouju.                        318 

Coutumes  pcolaires.  VI 11.  Ordalies  eufantines. 

IX.  Le  peloton  de  congé Alfred  Barou.  P.  S.               201 

X.  L'habit  neuf Alfred  Barou.                          298 

Les  Charités.  V.lmages'de  confréries  et  charités.  Edouard  Pelay.                        202 

Usages  de  Pentecôte.  —  1.  En  Alsace P.  RUtelhuber^                         324 

H.  lUe-et-Vilaine Fra  Deunt.                               325 

Coutumes  et  superstitions  du  pays  de  Bray  et 

du  pays  de  Caux...... B.  Beyac,                          260,  384 

Rites  et  usages  funéraires.    —  XX.   Derniers 

adieux F.  Fertiault.                             312 

XXI.  Environs  de  Metz Auricotte  de  Lazarque,            589 

XXII.  Haut-Morvan Hippolyte  Marlot.                    590 

Comment    on   souhaite  la  fête.    I.   Dans  le 

Luxembourg  belge Alfred  Barou.                          424 

La  Saint  Martin.  —  T.  Origine.  —  IL  Croyan- 
ces et  coutumes Alfred  Barou.                          581 

Usages  alsaciens Paul  BUlelhuber.             461,  568 

Les  Avents.  IV.  Chant  de  quête.  Ille-et- Vilaine  .  François  Duynes.                     612 

SUPERSTITIONS 

Les  Epingles.  II.  Les  épingles  et  Tamour F.  Charpentier ,  B.  Beyac. 

Bedwige  Beinecke.  10, 54, 107, 329 

Traditionset  superstitions  du  Morbihan  (ftuite).  François  Marquer.                    41 

Quelques  superstitions  du  Tan» Le  Télégramme.                        106 

Superstitions  du  cap  Sizun  I.  L'évocation  du 

mauvais  œil  (suite).  —  IL  Le  verbh  —  111. 

LeTelou-Devcd.  —  IV.  La  taie.  —  V.  An  Uriou.  H.  U  Carguel.                         288 
Croyances   des    Indigènes    des    environs   de 

Sedrata • Achille  Bohert.                  473,  580 

Superstitions  de  la  Saint  André.  —  IV.   Po- 

méranie ^ Hedwigê  Beinecke.                    601 

Médecine  populaire  arabe.  I Achille  Robert.                         644 

Les  édifices  hantés.  I Bippolyte  Marlot.                     661 

Pèlerins  et  pèlerinages.  XXI-XXII Btppolyle  Marlot.                    661 

CONTES  ET  LÉGENDES 

La  discorde  et  le  vent.  III-IV r René  Basset^  P.  Ristelhuber. 

30,  554. 
Légendes  et  superstitions  préhistoriques.  XL. 

La  pierre  aux  dix  doigts.  XLI.  Dolmens  qui 

se  déplacent.  XLll.  La  pierre  au  poivre...  G.  Fouju.                                  46 
XLIII.  Les  pierres  de  foudre.  XLIV.    Pierres 

apportées  par  un   saint.   XLV.   Pierres  du 

diable.  XLYl.  La  Roche  du  Jordan Bippolyte  Marlot.               47,  319 


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682  REVUE  DBS  TRADITIONS  POPULAIRES 

XL VII.  Les  pierres  à  légendes  de  Vauxrenard 

(Rhône) Claudiuê  Savoye,  653 

XLVIII.  La  pierre  du  Champ-Dolent François  Duynes.  655 

L'origine  des  prénoms.  I.  Légendes  arabes. . .  René  Basset,             ^  52 

Le   singe  et   le  missionnaire,   conte    de    la 

Haute-Bretagne P.  S,  57 

Le  petit  Langadou.  I.  Conte  bourguignon Morel-Retz  (Stop).  92 

H .  Limbourg  belge Alfred  Havou.  247 

Contes  troyens.  —  VI.  Le  roi  au  grand  nez. 
—  VII.  La  marchande  de  balais.  —  VIU.  Le 

fiieur  d'or.  —  IX.  Le  ménétrier  farceur Louis  Morin.  98,  460 

Allusions  à  des  contes  populaires.  —  XXL  For- 
mule de  contes.  —  XXIi.  Un  similaire  du 

préambule  des  Mille  et  une  Nuits P.  S.  118 

Notes  sur  les  Mille  et  une  Nuits.  II René  Basset.  146 

Contes  et  légendes  du  Valais.  VU- Vlll L.  Courihion,  139 

La  vengeance  du  mort.  Légende  du  Limbourg 

belge Alfred  Harou.  145 

Le  barbier  assassin,  légende  liégeoise Alfred  Harou.  189 

Contes  de  la  Haute-Bretagne,  contes  merveil- 
leux. I-VII Paul  Sibillui.  232 

Contes  comiques.  NXLU Paul  Sébillot.    299,  390,  435,  504, 

599,  633 

Contes  arabes  et  orientaux  :  Histoire  du  roi 

Sabour  et  de  son  fils  Abou'n  Nazhar René  Basset.  273,  363 

XIV-XV.  Balach  et  ses  deux  femmes Oaudefroy  Demombynes,  481 

Légendes  contemporaines.  —  I.  Une  légende 
arabe  en  formation.  —  II.  Le  marabout  qui 
arrête  le  train.  III.  Le  marabout  enlevé  au 

ciel,  etc.  Si  M'hammed  el  Grab Achille  Robert.  316,  425,  393 

La  morte  ressuscitée.  1.  Légende  liégeoise  . .  Alfred  Raron.  328,  590 

II.  En  Allemagne Hedwige  Heinecke.  466 

De  mal  en  pis  comme  Tribuet,  conte  champenois.  jA)uis  Dart.  221 

I.  Contes  de  la  Beauce  et  du  Perche.  1-IX Filleul  Petigny.  357,  569 

Légende?  des  Vosges Morel  Retz  (Stop).  387 

Contes  et  légendes  de  l'Extrême-Orient.  XLIl- 

XLIX René  Basset.  416,  609 

Les  Veillerys  argentenois Eugène  Vimont.  419 

Contes  d'Anvers Alfred  Harou,  462 

La  fée  et  la  sage-femme Anselme  Cation.  467 

Supplément  aux  contes  de  Si  Djeha.  I René  Basset.  496 

Le  château  hanté,  légende  en  patois  morvan- 

diau Jean  Coulas.  587 

Contes  brésiliens  traduits  du  portugais René  Basset.  617 

Le  pauvre  rusé,  conte  de  la  vallée  d'Aspe...  Anselme  Caillon.  622 

Le  loup  reconnaissant René  Basset.  643 

Blason  populaire  de  la  Franche-Comté.  Dic- 
tons et  contes  facétieux Charles  Beauquier.  645 

L'homme  oui  ne  voulait  pas  mourir.  Il Alfred  Harou.,  657 

Le   cocher   de  la   mort,  légende  du  Grand 

Duché  du  Luxembourg Alfred  Harou.  662 


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REVUE  DES  TRADITIONS   rO?CJLAIRRS  683 


CHANSONS  ET  MUSIQUE 

Rou  pioupiou,  vieille  paysannerie  bouîonnaise.  E,-T.  Hamy.  32,112 

Cris  populaires  notés t.  Morin .  83,  354 

Une  chanson  du  XV1«  siècle,  restée  dans  la 

tradition  populaire Julien  Tieraol.  94 

Le  moine  et  le  villageois ,  chanson  du  pays 

de  Lallœu  (Pas-de-Calais) Emile  Becquart,  ÏOS 

La  chanson  de  Renaud.  11 Léon  Pineau.  196 

Le  conscrit  de  1810.  III.  Pays  chartrain L.-O.  Merson,  262 

Le  refrain  à  compléter.  IV Louis  Morin.  326 

Vieilles  chansons  du  Maine  (suite) AfB«  Deslnché,  254,  352,  470 

Les  douze  paroles  de  vérité.  —  IV.  Dans  les 

imprimeries  de  Troyes L»  Morin,  144,  395 

H.  Au  quartier  Latin B.-fl.  395 

La  vieille,  ronde  I.  Dijon Morel  Betz  (Stop).  555 

II.  Haute-Bretagne Paul  SébilloL  557 

La  chanson  des  nains G.  Le  Calvez,  592 


PROVERBES,  DEVINETTES,  FORMULETTBS 

Devinettes  savoyardes Jean  de  la  Suie,  472 

Le  coq  et  la  poule,  randonnée  lorraine Bené  Basset,  263 

Blason  populaire  d'Eure-et-Loir .........    Filleul  Petigny,  45 

Blason  populaire  de  la  Bretagne.  Additions.    P.  S.  592 
Formulettes  et  jeux  enfantins.   I.    Formulet- 
tes  recueillies  à  Troyes.  ï.  F.  recueillies  par 

M.  A .  Baudouin Louis  Morin.  582,  585 

III.  Une  chevauchée,  Verdun  sur  Doubs....     F.  PertiauU,  586 

Le  diable  et  le  recteur  d'Elven Fra  Deuni.  616 


THÉÂTRE  POPULAIRE 

III.  Arrêt  du  parlement  de  Rennes Bet.  de  Bretagne  et  de  Vendée.  468 

IV- V.  Le  poëme  alpestre A.  Certeux.  535 

POÉSIE  POPULAIRE 

Poésies  sur  des  thèmes  populaires.  XXXIX. 

Flûtes  d*écorce.  XL.  Le  galant  qui  se  noie.  Achille  Millien.  229 

XLI.  Aux  champs.  —  XLII.  L'herbe  d'oubli.  George  Doncieux.  294 

XLIII.  Contes  du  gaillard  d'avant G.  de  la  Landelle,  493 

HÉROS  POPULAIRES 

Les  héros  populaires  :  Barbe-Bleue P,'S.  429 

Gargantua  dans  les  traditions  populaires.  XII. 
Gargantua  dans  l'Orne Eugène  Vitnont,    . .  251 


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684  REVUE   DES   TRADITIONS   POPULAIRES 


VARIÉTÉS 

Charles  Perrault  au  Journal  de  Paris  (1185)..    P-S, 

Assemblée  générale 120 

Les  Musées  d*Ethnographie.  —  IV.  Musée  du 
Trocadéro A.  Landrin,  376 

Les    Sociétés  de  Traditions  populaires.  VIII. 

Société  du  Costume  poitevin P,-S,  389 

IX. Société  Suisse  des  Traditions  populaires    P.- S.  664 


NÉCROLOGIE 

A.  Hoyelacque,  H,  du  Cieuziou P.-S,  204 

Jules  Simon P,-S»  331 

F.nJ.  Child Henry  Gréville.  540 


BIBLIOGRAPHIE 

J,-B.  Ambrosetti.  Materlales  para  el  es  tu- 
do  del  f.  1.  missionero.  P.  S.  Apuntes  para 
un  f.  L  argentino.  — -  Los  Indios  Kaingan- 

gués P,'S.  60 

Raphaël  Blanchard.  Les  cadrans  solaires P,-S.  271 

P.  Charpentier,  Les  œufs  de  Pâques P.-S.  205 

J.  Curlin,  Taies  of  fairies Bené  Basset.  670 

F.  Fertiault.  Glossaire  du  verdunochalonnais.  P.-S,  541 

E,  Jacottet,  Contes  bassoutos René  Basset,  265 

/.  Goldziher,  Die  Légende  vom  Monch  Barsisa.  R.-B,  332 

Abbé  M,  Gorse,  Au  pays  de  Bas-Limosin P,-S.  542 

Ch,  des  Granges.  Les  contes  de  Perrault  mis 

en  vers ; P.-S,  123 

/.  Jacobs,  W'ouder  Voyages P,'S,  669 

Henri  de  Kerbeuiec,  Cojou-Breiz P.-S,  479 

L,  Léger,  Etudes  de  mythologie  slave P.-S.  271 

A,  Marguillier,  A  travers  le  Salzkammergut.  P,-S,  270 
Alfred    Maury,    Croyances    et    légendes    du 

moyen-âge P.-S.  271 

Leite  de  Vasconcellos,  Ensayos  ethnographicos  P.-5.  663 
Pol  de  Mont  et  A.  de  Cock,  Wlaamske  Won- 

dersproolkes H.  Tevrlinck.  603 

Montet,   Religion   dans   T Amérique    du  Sud.  René  Basset.  332 

Motitet'Fortis  Chansons  populaires /.  Tiersot.  205 

G.  Nicolas.  Brins  d'œuvre L.  Morin.  333 

G.  Pitre.  Medicina  popolare  siciliana P.-S.  271 

Quan'é-Reybourbon.  Les  monuments  mégali- 
thiques du  Nord  P.-S.  333 

Léo  Rouanet,  Chansons  populaires  de  l'Espa- 
gne    P.-S.  541 


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RF.V(IE    DES    TUADITIONS    POPl  LAIHES  t>8;l 

E.  Sachau.   Ueber  die  Poésie  in  der  Volks- 

prache  der  Nés  torianer R^mé  Basset.  332 

Seidelj  Geschictiteû  des  Afrikaner René  Basset,  604 

Siume.  Tunische  Sammiungen René  Basset.  671 

S.  Trébucq.  La  chanson  populaire  en  Vendée.  P.-S.  396 

Arluro  Trombatore.   Folk-lore  catanese P.-S.  669 

Uhland.  Poésies  choisies P.-S.  670 

Braulio  Vigon.  Juegos  infantiles P.  S.  603 

Zeitschrift  fOr  afrikanische  Sprachen René  Basset.  332 


ILLUSTRATIONS 

Onze  figures  pour  Tarticle  :  Le  traîneau 
dans  les  rites  funéraires 210  à  228 

Saint  Etienne.  Image  de  confréries  de  cha* 
Filé; 203 

Saint  Jacques  de  Gompostelle,  image  popu- 
laire   61 

Spécimens  d'imagerie  populaire  parisienne.  62 

Découpages  au  ciseau 62 

L*œuf  à  figure  humaine U4 

Une  fée  indienne  d'après  Old  Deccan  Days, 
Miss  Krère 

Culs-de-lampes,  lettres  ornées 

Six  culs-de-lampe,  lutins  et  fées,  d'après  une 
ancienne  édition  de  Croker.  Legends  of  Ireland.      356,  394,  434,  475,  477,  499,  632 

Lettres,  I,  d'après  les  vignettes  de  l'édition 
des  contes  de  Perrault,  de  Collin  de  Plancy, 
représentant  le  Petit  Poucet  qui  ôte  les  bottes 
au  géant,  et  la  Rencontre  du  Loup  et  du 
Chaperon-Rouge 435,  569 

Fleuron  de  la  société  suisse  des  Traditions 
populaires 666 


Le  Gérant,  A.  CERTEUX 


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PUBLICATIONS  DE  LA  SOCIÉTÉ 


Revne  des  traditions  populaires 

Tome  I,  (1886),  lV-407  p.,  avec  25  airs  de  musique  et  3  illustrations.  (Presque 

épuisé) 30  fr. 

Tome  11,  (1887),  596  p.,  40  airs,  30  illustrations '. . .  25  fr. 

Tome  m,  (1888),  688  p.,  60  airs  et  110  illustrations 20  fr. 

Tome  IV,  (1889),  100  p.,  50  airs  et  80  illustrations 20  fr. 

Tome  V,  (1890),  776  p.,  43  airs  et  74  illustrations 20  fr. 

Tome  «VI,  (1891),  784  p.,  40  airs  et  16  illustrations 20  fr. 

Tome  VU,  il892),  792  p.,  49  airs  gravés,  39  illustrations 20  fr. 

Tome  VllI,  (1893),  632  p.,  22  airs  gravés,  60  illustrations 20  fr. 

Tome  IX,  (1894),  728  p.,  32  airs,  52  illustrations 15  fr. 

Tome  X,  (1895),  696  p.,  27  air.*»,  30  illustrations 15  fr. 

Six  annuaires  ont  été  publiés  :  eu  1886  (épuisé).  1887,  pet.  in-8  de  pp.  XXX- 
184,  avec  6  airs  et  20  illustrations  (3  fr.  50,  Hollande  5  tr.).  1888,  pp.  XXVlIl-66, 
4  airs  et  12  illustrations  (2  fr.  50,  sur  Hollande  4  fr.).  1889,  pp.  32  (1  fr..  Hollande 
2  fr.).  1890,  pp.  44  (1  fr.  50,  Hollande  2  fp.  50).  1894,  pp.  XV-166,  avec  9  portraits 
et  92  illustrations  (3  fr.  50,  Hollande  5  fr.).  Les  Annuaires  87  à  89,  pris  ensemble 
6fr. 

La  Société  a  en  outre  publié  : 

Les  Instructions  et  Questionnaires,  par  Paul  Sébillot.  1  vol.  in-8  écu  de 
76  pages 2  fr. 

Le  Congrès  des  Traditions  populaires ,  in-8  de  168  p.,  avec  dessins  et  musique 
gravée 5  f r 

La  table  analytique  et  alphabétique  des  dix  premières  années  de  la  Revue,  par 
Paul  Sébillot  et  A.  Tausserat-Radel  paraîtra  en  janvier. 

Les  sociétaires  ont  droit  à  renvoi  gratuit  de  la  Revue  et  des  Annuaires  ordi- 
naires. Leur  cotisation  est  de  13  francs,  sans  distinction  de  nationalité. 

Les  abonnés  non-sociétaires  ne  reçoivent  que  la  Revue.  Les  abonnements 
(15  francs  pour  la  France,  17  francs  pour  Tunion  postale),  sont  reçus  dans  tous 
les  bureaux  de  poste,  et  chez  M.  Paul  Sébillot,  80,  boulevard  Saint-Marcel. 

Pour  recevoir  un  numéro  spécimen,  il  suffit  d'en  faire  la  demande  en  ajoutant 
15  centimes  pour  frais  d'affranchissement. 

Toutes  les  communications  intéressant  la  rédaction  doivent  être  adressées  à 
M.  Paul  Sébillot,  80,  boulevard  Saint-Marcel,  Paris. 


Baugi  (Maine^t'Loire).  —  Imprimerie  Dalaux, 


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