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Revue des traditions populaires
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REVUE
DES
TRADITIONS POPULAIRES
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SOaÉTÊ DES TRADITIONS POPULAIRES
AU MUSÉE d'ethnographie DU TROCADÉRO
REVUE
DES
Ttimiiiis nnmm
RECUEIL MEiVSUEL DE MYTHOLOGIE,
LITTÉRATURE ORALE, ETHNOGRAPHIE TRADITIONNELLE
ET ART POPULAIRE
TOME XI— II* ANNÉE
PARIS
EMILE LECHEVALIËR
39, Quai de* Grands -Ang^ntUiit
ERNEST LEROUX
28, rae Bonaparte
1896
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REVUE
R3
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DES
TRADITIONS POPULAIRES
11« Année* — Tome XI. — N<> 1 — Janvier 1896.
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LES ANCIENS CHANTS HISTORIQUES ET LES TRADITIONS
POPULAIRES DE L'ARMÉNIE.
LES SOURCES
\ T 'ÉCRIVAIN le plus ancien, qui ait recueilli les
^' chants et les traditions historiques de l'Armé-
nie ancienne, est le syrien Mar-Abas de Mtzouin.
C*est à sa Chronique Générale que Moïse de
Khorène, selon Fetter, a emprunté Thistoire
de la dynastie Haicienne sous le nom de This-
toire de Mar Abas Katina. Moïse de Khorène a
parfaitement compris Timporlance des chants
historiques et des traditions populaires, et lui-
même en a recueilli plusieurs pour composer
son histoire des Arméniens,
Après lui, c'est le compilateur de l'histoire d*Agathange qui nous
a fourni un petit proverbe.
Ce sont encore Fauslus de Bysance (V s.) et Grégoire Maguistros
(XI s.).
Comme on le voit six écrivains seulement, parmi les nombreux
écrivains arméniens nous ont fourni des fragments de chants histori-
ques et de traditions populaires, extrêmement intéressants que nous
allons voir et étudier.
Se basant sur les renseignements de ces écrivains, le Révérend
Père Gathrdjian. savant de la congrégation des Méchitharistes armé-
niens de Vienne, et Emin, ancien professeur de la langue arménienne
à l'institut des Lasareff des langues orientales à Moscou ont fait en
TOMB XI. — JANVIER 1896, 1
ivi884:i74
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2 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
1851, tout à fait indépendamment l'un de l'autre, sur cette matière,
deux études consciencieuses et d'un réel mérite. Fait important, ils
ont abouti tous les deux à la même conclusion. .
M. Dulaurier, célèbre arméniste français, a critiqué Touvrage de
M. Emin eu 1852, dans le Journal Asiatique.
L'étude de Palassanian traitant la même matière date de 186^.
L'année passée M. Fetter, éminent arméniste etprofesseur de lan-
gue arménienne à Tubingue, a aussi consacré à ce sujet un article
intitulé : « Die nationalen Gesange alten Armenier >.
Outre ces ouvrages, dont Télude était tout indiquée, nous avons
consulté le manuscrit du R. P. Tachian, sur l'histoire de la littérature
arménienne, quand dans ce but nous nous sommes retiré dans la
célèbre congrégation dos Méchitharistes arméniens à Vienne, qui pos-
sède une grande bibliothèque délivres imprimés et manuscrits.
I
l'origine et la date de ces chants. — LES CHANTEURS
Quoique toute TArménie et presque tous les Arméniens aient pris
part à la composition de ces chants historiques et traditions
populaires, la province Koghten, qui, selon les écrivains arméniens
anciens, abondait et abonde même à présent en vins, fut la plus
renommée. Elle a eu des chanteurs célèbres semblables aux bardes
gaulois et elle conserva longtemps après l'introduction du Christia-
nisme en Arménie ses chants et ses traditions païennes, comme
l'indique Moïse de Khorène en disant:
« Ceci est confirmé par les chants métriques, qu'ils conservèrent
avec passion : comme je l'ai appris des habitants du Khoghten,
canton fertile en vins. »
Il y avait deux genres de chanteurs : érgist et goussan. Il nous
semble que le érgist était le chanteur ou musicien, qui chantait
ou jouait sur un instrument quelconque, tandis que le goussan était
l'acteur, qui représentait lesujet de son récit enchantantou en jouant.
Ces chanteurs voyagaient de ville en ville, de village en village, pour -
chanter et réciter la gloire des héros nationaux. Ils étaient admis
partout et connaissaient la vie la plus voilée même de la cour,
puisque l'amour et l'infidélité de la reine Satheinig vers Argam, la
jalousie d'Artavazd, etc., ont été chantés par eux.
On ignore complètement la date de la composition de ces chants
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 3
historiques. Nous avoDs des chants et des traditions qui récitent les
œuvres patriotiques, des patriarches et des rois Arméniens, de Haïg,
premier patriarche Arménien (20 siècles avant J.-Ch.) jusqu'à Arta-
vazd II, roi d'Arménie (2 s. après J.-Ch.) inclusivement. Pourtant
nous ne pouvons pas dire que le peuple Arménien a cessé de chanter
ses rois et ses héros postérieurs, quoiqu'on n ait pas conservé de
fragments. Malheureusement tous les écrivains arméniens ont été des
ecclésiastiques qui non seulement dédaignaient ces œuvres païen-
nes, mais encore tâchaient de les effacer de la mémoire du peuple
comme Tindiquent Korun et Moïse de Koren en disant: Lamé-
moire leur faisait défaut, et ils ne pouvait absolument rien retenir
dans leur esprit; car cet esprit n'était occcupéque de choses inutiles et
vaines. Comme des enfants gâtés dans leur enfance par des jouets, et
peu habitués à songer à Tutile et au nécessaire, ils dépensaient avec
leur esprit inculte et barbare, leur temps et leurs facultés à étudier
les usages et coutumes du paganisme ancien, cette œuvre d'un esprit
pauvre et superficiel. Ils s'adonnaient au contraire aux études de
leur mythologie et de leurs chants épiques avec un amour vif et cons-
tant, avec une foi ardente, d'où découlaient la haine, l'envie, la
discorde, Tanimosité qu'ils nourrissaient avec constance *.
Mais malgré cela ces chants sont chantés pendant très longtemps
et au XI* siècle Grégoire Maguistros nous a transmis un fragment de
ces chants en l'apprenant d'une paysanne. Le clergé lui-même fut
charmé par la beauté de ces chants et on vol t l'influence de ces chants
sur leurs ouvrages et leurs traductions.
LES GENRES LITTÉRAIRES
Presque tous les chants qui ont été conservés jusqu'à nos jours
sont épiques, et s'il y avait eu un compilateur comme Ferdousi, ces
chants auraient pu former un « Chahname », glorifiant les œuvres
poétiques des rois Arméniens.
En ce qui concerne les genres littéraires, Moïse de Khoren en cite
les suivants : Erg, (chantj. Zroïtz (récit), Araspel (fable). Vèp (histoire).
Les chants Erg, étaient de trois espèces: l*' Erg vipassanatz 2" Erg
thvéliatz et 3^ Erg banitz.
Erg vipassanatz signifie chant historique. Pour Erg thvéliatz, Eniin
dit que le nom thvéliatz était attribué à ce chant parce que peut-être
le poète s'astreignait, dans son récit, à l'ordre chronologique. Dulau-
1. Faustus de Bysanoe, Liv. III. Cb. XIII. trad. Emine.
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4 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
rier croit que ceci n*avail été autre chose que des poésies dont la
versificatîoD était basée sur Tobseryation du nombre des syllabes et
peut-être sur la division de ces syllabes en pieds, à la différence
des chants qui ne consistaient qu'en une prose cadencée et qui
furent sans contredit les plus anciens. Pourtant il n'y a aucune
différence entre les chants historiques et ceux de thveliantz^ ou
métriques, parce que Moïse de Khoren les emploie indifféremment
pour désigner les mêmes chants. Par ex. :
« Les entreprises du dernier Artachès te sont la plupart révélées
par les chants historiques... tous ces faits, comme nous Tavons dit,
te sont tous racontés dans les chants métriques... » Moïse de,
Khoren, L. II, ch. XLIX.
Erg banitz ou ergarang banavorg^ littéralement le chant rationelou
raisonné, selon Felter signifie aussi chant historique, et en effçl, seu-
lement par ce sens on peut comprendre la phrase suivante de Moïse
de Khoren :
« Parceque ces chants rationels sur la bravoure et le courage ne
paraissaient pas lui convenir, c'est à dire que les chants historiques
ne convenaient pas à l'Hercule arménien Torgue ».
Zroïtz signiKe récit, tradition vraie ou non, transmise oralement ou
par écrit, métrique ou en prose.
Araspel, selon Emîn, apoursensprimitif celui du « fable» mythe,
ou plutôt du récit réel au fond, présenté sous le voile de Tallégorie.
M. Fetter en comparant toutes les expressions de ce mot, employé
par Moïse de Khoren conclut que ce mot, contient chez Moïse de
Khoren trois points: 1° incertitude d'une chose ; 2** relation avec les
idées religieuses-païennes et 3° la forme de poésie.
Vép, selon Dulaurier, signifie Thistoire. Les composés danslesquels
l'expression de vep entre comme un élément de formation et que
Moïse de Khoren nous fournit, ne laisse aucun doute à cet égard:
ainsi Moïse de Khoren traduit par Basmavep le nom de Thistorien
grec Polyhistor.
Les anciens arméniens ont eu la poésie lyrique que nous étudie-
rons en la divisant en deux genres : Les chants de joie et les chants
de tristesse.
Du premier genre on cite : Noiag, tzoutzg^ et erg paroutz^ et de
l'autre : Guéghongue^ mrmountch^ oghb^ éguérg,
Noiag, d'après Elisée Vardapède, était un air de joie, mais nous
ignorons les détails.
Tzoutzg était la chanson qu'on chantait en représentant quelque
chose par la mime, grimace, etc.
Erg paroutz était le chant de danse qu'on chantait en dansant, et
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES O
jusqu'à nos jours les jeunes ûUes et les jeunes gens arméniens des
villages chantent en dansant.
Pendant les noces, les banquets et les festins, les rois et les grands
personnages invitaient les chœurs des musiciens, parmi lesquels il
y avait aussi des musiciennes, qui chantaient et dansaient et cela
se voit dans le passage suivant.
« Arsace... (roi d'Arménie) mettait toute sa gloire à manger, à
boire et à entendre des chanteuses ^
« Au milieu des joies de Tivresse Tiridale voit une femme d'une
grande beauté qui chantait en s'accompagnant d'un instrument... il
dit à Bagour: « Donne-moi cette chanteuse*.
« Les tambours, les flûtes, les harpes et les trompettes commen-
cèrent à faire entendre leurs fanfares... El le roi (Pap) fixait ses
yeux sur les joueurs des différents instruments '.
Comme pendant la joie et les noces, de même pendant la tristesse
et les obsèques les chants et les danses ne manquaient pas. Tous
les arméniens païens et même chrétiens pleuraient leurs morts, en
chantant des mrmountch (murmure), egherg (élégie) et oghb (lamen-
tation). Il y avait des groupes de pleureuses, vêtues de noir, qui
s'appelaient « dsterg sgo » — les filles de deuil — et leur chef
€ maïr oghbotz » — mère des lamentations. — Celles-ci en disant
et en frappant des mains lune à Tautre, chantaient ou jouaient sur
différents instruments : en même temps en pleurant elles récitaient
la vertu, la force, la bienfaisance du défunt; elles demandaient au
défunt en lui adressant la parole pourquoi il laissait inconsolable
sa jeune femme^ ses petits enfants, etc., ou bien «lies disaient adieu
de la part du défunt en s'adressant à son épouse, aux enfants, aux
amis, etc., et tout ça formait une espèce de poésie.
Jusqu'à présent dans quelques coins de l'Arménie, éloignés du
centre de la civilisation, subsiste encore cette coutume et il y a
des pleureuses.
Pour conflrmer nos paroles, citons quelques témoignages de
Faustus de Byzânce :
« Le roi (Arsace) donna ordre que tous ceux, grands et petits sans
exception, qui se trouvaient au camp, se réunissent pour se lamen-
ter et pleurer Knel.
« ... Le roi en personne se rendit à cette cérémonie funèbre pour
pleurer son neveu... Assis auprès du corps, il pleurait Knel et ordon-
nait en même temps, qu'on fit entendre de grandes et tristes lamen-
1. M. de Khoren L. III. Ch. XIX.
2. Ibid. L. II. Ch. LXIII.
3. Faustus de Byaance L. V. Ch. XXXIU
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0 REVUE DKS TRADITIONS POPULAIRES
tations autour du corps. Pharandzème.la femme de Knel, la tunique
déchirée, les cheveux épars, le sein découvert, pleurait et se lamen-
tait au milieu des pleureurs; elle poussait des gémissements, et ses
larmes amères faisaient verser des pleurs à tous les assistants....
Pharandzème se mit à la tête des pleureuses qui, toutes ensemble,
commencèrent à chanter sur un ton lamentable, la convoitise de
Diritha, le regard amoureux de ses yeux, ses secrètes menées contre
Knel, le meurtre de ce dernier, avec une voix déchirante, pénétrante
et passionnée, qui se faisait entendre au milieu des lamentations
générales. (F. de Bysancc. L. IV, ch. xv).
Le même historien dit encore :
On faisait les obsèques des morts en poussant de grandes lamen-
tations, accompagnées de trompettes, de guitares, de harpes et de
danses. Les femmes et les hommes, ayant les bras ornés de ban-
delettes, le visage bariolé de diverses couleurs se tenant les uns
devant les autres et battant des mains, se livraient à des danses
abominables et monstrueuses*. (Liv. V, ch. xxxi).
DE L ART DRAMATIQUE
11 nous faut dire aussi quelque mots de Tari dramatique, qui selon
M. Letourneau *, étant beaucoup moins abstrait que la poésie, doit être
au moins aussi ancien, sinon plus ancien, qu'elle, ou plutôt il a du
nécessairement, dans le principe, se confondre avec elle; par consé-
quent les anciens arméniens aussi devaient Tavoir, et justement selon
Moïse de Khoren on représentait le sujet des chants par des chanteurs
devant le peuple dans les places publiques ^.
11 me semble même que lâchant. suivant transmis par Moïse de
Khoren est un fragment d une pièce qui représentait la noce du roi
d'Artaschès II, avec Sathinig, fille du roi des Alains.
Pendant le règne de Tigrane le Grand (60 av. J.-Ch.), selon les
écrivains grecs, il y avait à Tigranacerte un théâtre, ou l'on jouait
ordinairement des pièces grecques. Même Artavadz I, le fils de
Tigrane le Grand, selon Plutarque, a écrit une pièce en grec ; Abgare
(10 av. J.-Ch., 35 ap. J.-Ch.) pendant son séjour à, Rome, a fait une
demande à Tempereur Auguste, pour fonder à Mzbin, sa résidence
1. Fetis : Hist. gén. de la musique. V. III, p* 305, 306.
2. Letourneau: Ëvolution littéraire p. 28.
3. M. de Khoren, L. I. ch. vi, cité par^min p. 96.
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 7
an théâtre el un cirque \ Un des écrivains arméniens, Ohan Manda-
kouni attaque les théâtres, mais selon leR. P. Tachian, nous ne pou-
vons pas constater ce fait, parcequ'il n*est pas encore certain si cette
homélie est Tœuvre originale de cet écrivain ou la traduction d*un
écrivain grec ou assyrien^ comme par exemple les homélies de Jean
Cheissostoure contre les théâtres qui sont traduites à la même
époque.
Bref, il est certain, que le théâtre a eu son origine dans Tancienne
Arménie, mais la condition politique de TÂrménie Tempécha de
se développer. Cependant ie théâtre grec a existé à la cour royale
et dans la partie de l'Arménie qui était soumise àTempire Bysantin.
Pourtant le théâtre national subsiste encore dans les jeux de car-
naval et dans les fêtes champêtres.
LES INSTRUMENTS DE MUSIQUE
Si nous ne possédons pas encore de spécimens des instruments
anciens, il faut Tattribuer à ce que TArménie n'a que très peu été
étudiée. Les renseignements des écrivains arméniens à ce sujet
sont très courts, et s'ils ont mentionné ces instruments de musique,
ils ne les ont pas décrit. On voit dan% cette sèche énumération que
parmi les instruments à corde nous avons eu : le « qunar », le
« sthnar », le « vine », le « pendir n et le « bambirn ».
On ne fait pas de différence entre les trois premiers instruments
à cordes et pourtant on peut approximativement les identifier^ le
premier à la lyre, le second à la cithare et le troisième au luth.
Pandirn^ c'était le pandourah grec, (navSora ou nav2oYtc). Le « pan-
dern » était l'instrument le plus employé parles musiciens de Kogh-
then et selon l'historien Jean Yl il était monté de cordes métalli-
ques ou en boyaux, que l'on frappait avec une baguette ou archet.
Au nombre des instruments à vent, nous voyons : « sring » sorte
de chalumeau, dont jouent encore de nos jours les bergers armé-
niens ; nous trouvons encore le « pogh éghegnia > sorte de cornet
et le a pogh peghenstia » la trompette d'airain.
Des instruments de percussion, les arméniens ont eu le tambour,
« temboug », et la cymbale, « tzentzgha». On sait que la cymbale tire
son origine de l'Asie-Mineure, et on l'employait dans le culte deCybèle,
ainsi qu'après en Grèce, dans les fêtes de Bacchus '. 11 est probable
1. VaMllevfky. « Nor-Dar », 92. N* 134.
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HEVUE DES TRADITIONS POPULAIKËS
que cet inslrument fût employé aussi dans le culte païen arménien
parce que c'est seulement cet instrument qui a persisté dans féglise
arménienne jusqu'à nos jours.
LA DANSE
Les danses faisaient partie des chants et étaient inséparables du
culte et des sacrifices, par conséquent les arméniens ont eu les
danses sensitives, les danses mimiques et les danses religieuses.
C'étaient surtout les dames qui dansaient pour amuser les hommes.
On dansait non seulement pendant la réjouissance et les fêtes, mais
encore pendant la tristesse et les obsèques. Même jusqu'à présent
les villageoises arméniennes glorifient en dansant non seulement
les aventures d'un héros, mais encore le malheur et la mort d'un
d'entre eux.
Les historiens mentionnent les danses suivantes : kaguavg, kaîlkg^
vasg, stoustg^ par et paransloukg.
Kaguavg, selon Palassanian était une danse qu'on dansait en
sautillant.
« Kaïthg » ou Vasg — en frappant des pieds et des mains.
« Stoustg » était la danse mimique. On représentait en dansant une
scène mythologique ou historique et, pendant sa durée, le chœur
chantait. La « Par », littéralement, cercle, était une espèce de danse
dans laquelle prenaient part plusieurs personnes. Ils formèrent un
cercle en tenant les mains, et dansèrent en faisant de gracieux pas
en avant, en arrière, à gauche et à droite. Jusqu'à nos jours cette
danse est très répandue dans les villages arméniens. Dans cette
danse prennent part presque tous les gens du village des deux
sexes, formant un grand cercle, au milieu duquel se tiennent les
musiciens et les spectateurs.
l'art et l'esprit de la poésie
Malheureusement les fragments des anciens chants arméniens
sont si peu nombreux, qu'il est fort difficile de juger de Tari et de
l'esprit de la poésie primitive des Arméniens. Plusieurs écrivains
ont écrit sur cette matière, pourtant aucun n'a abouti aune conclu-
sion suffisante. Quelques-uns voulurent en modifier la versification,
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 9
d*auires ajouter de nouvelles syllabes ou des mots, pourtant tous
leurs efforts n'eurent pas de résultat acceptable. Deux de ces critiques
le R. P. Gathrstian et M. Fetter ont fait des études spéciales sur
cette matière, quoique insuffisantes, mais dignes d'attention.
Le premier savant trouve que ces chants ont une grande ressem-
blance avec Tancienne poésie des Hébreux, parceque le trait essen-
tiel de ces deux poésies consiste à répéter dans la deuxième ligne le
contenu de la première, et cela sous une nouvelle forme ajoutant
toujours de nouveaux mots et de nouvelles idées, de façon à former
des répétitions harmonieuses une progression graduée des idées.
Ainsi par exemple :
Cantique hébreu. (Exod. XV, Juges V).
Au souffle de tes narines les eaux se sont amoncelées.
Les courants se sont dressés cqraipe une muraille.
Les flots se sont durcis au milieu de la mer...
0 Eternel ! quand tu sortis de Séir,
Quand tu t'avanças des champs d'Edom,
La terre trembla, et les cieux se fondirent,
Et les nuées se fondirent en eaux;
Les montagnes s'ébranlèrent devant TEternel.
Ce Sinaî devant TEternel, le Dieu dlsrael...
Le torrent de Kison les a entraînés.
Le torrent des anciens temps, le torrent de Rlson.
Chant historique arménien :
Le ciel et la terre étaient dans Tenfantement;
La mer aux reflets de pourpre était aussi en travail,
Dans la mer naquit un petit roseau vermeil,
Du tube de ce roseau sortait de la fumées,
Du tube de ce roseau, jaillissait de la flamme.
De cette flamme, s'élançait un jeune enfant.
Ce jeune enfant avait une chevelure de feu ;
Il avait une barbe de flamme.
Et q^s petits yeux étalent deux soleils.
Pourtant nous devons ajouter que ce trait caractéristique est
commun à la poésie lyrique populaire de toutes les nations ; par
exemple nous le remarquons dans la poésie populaire de TArménie
moderne, que voici :
Cigogne, tu es la bienyenue,
Toi, cigogne, tu es la bienvenue. . .
Cigogne, descends chez nous,
Toi, cigogne, descends dans notre maison. . .
Cigogne, quiuid t^ t'e^ allais,
Qu^kd tif Vpi^ allais de notrç ^bre (f), etc.
1. La Lyre arménienne, p. 150.
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10 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
La même chose se remarque dans les chansons australiennes :
De chaque c6té du feu ils placèrent une femme,
Le feu était entre les femmes ; les femmes étaient mortes...
Les noires cherchèrent des fourmis.
De grasses fourmis bleues,,..
Bientôt survint un brouillard,
Un brouillard noir comme la nuit...
Une grande raie à aiguillon;
Elle était grande la raie à aiguillon (1).
Ces répétitions et ces comparaisons se font de deux manières : ou
par combinaison, c'est-à-dire, que la seconde phrase est en égale
puissance de la première et lui fait suite, comme par exemple ;
Une pluie d'or tombait au mariage d'Artarchès.
Une pluie de perles tombait aux noces de Sathinig.
Où par opposition, c'est-à-dire, que la seconde phrase est opposée
à la première, mais exprime avec elle une seule idée. Cela a lieu
dans les proverbes, comme par exemple :
Si tu as le gosier de Schara,
Nous n'avons pas les greniers de Schlrac.
Passons à M. Fetter :
a Nous voyons avec étonnement, dit-il, que la poésie arménienne
a eu les mêmes lois métriques, qui sont en vigueur dans les vers de
l'Avesta. La versification de TAvesta est des plus simples. Le nombre
de syllabes par une césure, qui n'est pas absolument nécessaire,
forme la ligne, et les lignes forment le couplet. Cette même loi est
en vigueur dans la poésie arménienne où nous pouvons montrer
quelques lignes de huit syllabes, ce qui est très habituel à l'Avesta.
Mais la plupart des fragments ressemblent beaucoup aux chants de
Gathas, c'est-à-dire, les couplets sont composés de lignes comme
nombre de syllabes inégaies. Pourtant les chants arméniens ne nous
paraissent pas être étroitement liés à la loi qui domine dans l'Avesta
à l'égard du nombre des syllabes de chaque ligne. Mais nous pou-
vons penser que Moïse de Khoren a altéré les lignes en y ajoutant
ou en enlevant des mots.
Après cela, M. Fetter tâche de classifier les chants selon leurs
syllabes, ce qui ne nous paraît pas exact, c'est pourquoi nous ne
le citerons pas. Ensuite il continue : La versification arménienne est
prosodique et cela n'est pas habituel aux chants de l'Avesta. Presque
1. Letoumeau, Ev. litt.^ 33.
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES ii
tous les mois de la langue ancienoe arménienne étant accentués sur
U dernière syllabe, la langue prend d'elle-même une tournure ïam-
bique courante^ et vite. Les anciens poètes ont employé cette règle
de l'accent très consciencieusement et en parfaite connaissance de
cause ».
Nous n'avons à dire contre M. Fetter, que les chants primitifs de
TArménie ancienne, ainsi que les chansons populaires de tous les
peuples primitifs, étaient chantés en répétant toutes les lignes trois
ou quatre fois, donc chaque ligne peut être considérée comme un
couplet à part et par conséquent il n'était pas tout-à-fait nécessaire
de garder le même nombre de syllabes dans toute la poésie. C'est
pourquoi, il nous semble qu'il est inutile de chercher à les classi-
fier d'après le nombre des syllabes.
Un autre orientaliste, Schleguel dit : Ces fragments ont l'esprit de
la poésie orientale et par leur éclat, leur splendeur et leur élégance
peuvent égaler et même dépasser la poésie homérique.
Et un autre écrivain, Emin, remarque avec beaucoup de vérité :
En lisant ces chants, il nous semble voir les héros helléniques,
décrits dans l'Iliade ^ Et justement les chants sur Torg se rap-
portent beaucoup aux chants de TOdissée sur Polyphème le
Cyclope.
Dans ces chants arméniens on trouve plusieurs analogies, par ex :
La mer aux reflets de pourpre. Chevelure de feu, une barbe de flam-
mes. Ses' petits yeux étaient deux soleils. Et prompt comme Taigle
au vol rapide, il franchit le fleuve.
Mais ce sont les métaphores et les allégories, le souflle et le génie
de la poésie orientale, qui sont très bien réussis dans ces fragments,
par ex :
Une pluie d'or tombait au mariage d'Artaschés.
Uue pluie de perles tombait aux noces de Sathinig.
Où la dispersion de l'or et des perles est regardée comme la tom-
bée de la pluie, ou bien :
Les descendants des Dragons avaient dérobé Tenfant royal et lui avaient subs-
titué un Dev (démon).
Où Dève est mis au lieu de vicieux. C'est une jolie allégorie que le
fragment suivant :
Le ciel et la terre étaient dans des douleurs d'enfantement, etc. (2).
i. Cité par R. P. Gathrdjian, p. 42,
2. Emin, c. 24.
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12 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
Où Ton décrit allégoriquement la naissance de Vahaken, mais pré-
cisément la levée du soleil de la mer aux reflets de pourpre.
Et le fragment :
Le valeureux roi Artaschès monté sur un beau (coursier) noir.
Tirant la lanière de cuir rouge fi^arnie d'anneaux d'or.
Et prompt comme un aigle qui fend l'air, passant le fleuve,
Lance cette lanière de cuir rouge garnie d'anneaux d'or.
Autour des flancs de la vierge des Alains ;
11 étreint avec douleur par le milieu du corps la jeune princesse.
Et Tentratne brusquement dans son camp.
Ce fragment désigne le mariage d'Artaschès, roi d'Arménie, avec
Sathinig, princesse Alaine.
La lanière de cuir rouge garnie d'anneaux d'or, signiGe même,
d'après Texplication de Moïse de Khorèn, Tappas de cuir rouge et
d*argent :
« La princesse Sathinig convoite avec ardeur des coussins d'Arka-
van, rherbe ardakhour et Therbelte ditz ». Signifie Tinfidélité de
Sathinig et son amour envers Argam.
(A suivre,) Ervand Lalayantz.
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REVUE DES TRADITIONS POrULAlBES 13
LES METIERS ET LES PROFESSIONS
LXXl
LES MARCHANDS AMBULANTS
Marchands de sable
^^^Ùj^ ux environs de Binche (Hainaut), des marchands, accom-
*^1jR!^1)C P^K*^^^ d'ânes de bât portant des sacs de sable, parcourent
' 1^ les villages.
La moitié du sac pend d'un cAté du dos de Tâne, tandis
que Tautre moitié pend de l'autre côté ; on place une dou-
zaine au moins de ces petits sacs, étroits, allongés sur le dos des
ânes. Ordinairement chaq[ue marchand a six ou sept ânes, dix ânes
qui raccompagnent.
Ce sac de sable est destiné a être jeté sur le pavement des maisons.
Marchands de moules
Dans les campagnes Wallonnes [arrondissement de Charleroij, des
industriels parcourent les villages avec des brouettes chargées de
moules, qu'ils vendent couramment. Le peuple prétend que le mar-
chand urine sur ces mollusques pour les conserver frais.
J'ai relevé la même croyance dans le Limbourg belge.
Alfred Harou.
LXXII
LES VIDANGEURS
Dans certaines villes ou villages^ où une canalisation spéciale
n'existe pas, le paysan fait un accord avec la personne qui désire
voir curer sa fosse d'aisance. Suivant la qualité de la denrée^ le prix
qu'il oiÉTre est plus ou moins élevé.
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14 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
Une chose à peine croyable, mais qui existe dans la plupart des
campagnes, le paysan trempe le doigt dans la matière fécale et la
goûte. Après Tavoir goûtée, il l'estime et fixe le prix.
Alfred Harou.
X [suite)
COMMENCEMENT ET FIN DUN OUVÉAGE
Ramoneurs de cheminée
Ko Hainaut les ramoneurs de cheminée — anciennement presque
tons S«vii]^ajrds — lorsqu'ils arriTeai au faîte de la cheminée,
chantent un peCil touplet de circonstance* Us reçoivent, outre la
suie qu'ils ont enlevée^ un lé^er pourboire.
ALFim Harou.
XII {suite)
FÊTES DE MÉTIERS
S*il était permis d employer une comparaison aussi vulgaire en
parlant d'une comtesse, nous dirions que cette riche robe de brocart
descendit Tescalier comme les petits ramoneurs qui, le premier jour
du mois de mars se promènent dans les rues sous une forêt de
branches, où ils sont si bien cachés qu'on ne voit pas là dessous le
petit être quifait marcher tout ce feuillage.
(Dickens. La petite Dorrit XX.)
P. S.
LXI [suite)
CRIS DES RUES
Paris
Parmi les cris d'origine récente, on peut placer le suivant :
— Voilà le gui, le joli gui !
Il est proféré par les hommes qui colportent par les rues des touffes
de gui accrochées à un bâton qu'ils portent sur l'épaule.
P.-S.
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES IS
Anvers
A Anvers, à Tépoque des fraises, des colporteurs \ont, de porte
en porte, offrir en vente des petites fraises de bois, assez savoureu-
ses. UsuiBOiiceDi leur présence danslarae par !eserisde r « Kmtp^m^
Koopen » (à vendre, à vendre).
Ces fraises^ qui proviennent généralement de la Hollande méridio-
nale, sont connues à Anvers sous le nom de « Koopen, Koopen »,
cris employés par ceux qui les vendent.
Alfred Harou.
Rennes
Vers 1864, un marchand ambulant criait la pâte de guimauve :
La pâte de gui gui,
La pâte de guimauve !
Un sou rbâton,
Y a des rouges et des blancs,
L's enfants !
Des marchandes de noix les annonçaient ainsi :
Les noix du grand noyer !
Les noix nouvelles!
Mesdemoiselles !
Vers 1840, on criait la bouillie d'avoine appelée noces :
Aux noces chez la mère Lise,
Rue de Lille.
Nantes
A deux sous les échaudés-ah !
Henriette Monternier.
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16
RBVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
LES ORDALIES
n) En Scandinavie
^^jk uoiQUE abolie de bonne heure, l'épreuve par le fer rouge
\K§)/ c^"^^"^^^ d'être appliquée jusqu'en 1320, comme on le voit
^^^ par la loi de Helsingie *. Le pape Alexandre III avait com-
battu cet usage dans une lettre aux évéques suédois '.
^ Le roi Hakon, fils de Sverrer, étant mort subitement, sa
femme Marguerite fut accusée de lavoir fait empoisonner : son
complice fut arrêté par les Birkibeinetdut se soumettre à Tépreuve
à laquelle il se prépara par le jeûne. 11 porta courageusement le fer
brûlant, mais celui-ci ayant laissé des traces de brûlures, l'accusé
fut emmené hors du golfe de Bergen et noyé *.
Cette épreuve est encore mentionnée comme ayant été subie à
Bergen, par Erling Steinweg, en présence de l'évéque Nicolas et du
roi Valdemar *.
o) Bénédiction du fer rouge
Un texte du X* siècle nous a conservé la formule employée pour
bénir le fer rouge qui devait être employé dans Tordalie.
I. Dieu tout puissant, Dieu d'Abraham, Dieu d'Isaac, Dieu de Jacob,
Dieu de tous ceux qui vivent honnêtement, Dieu, origine et
manifestation de toute justice, qui es seul juge juste, fort et patient,
daigne nous écouter, nous, tes serviteurs, qui te prions de bénir ce
fer. Nous le demandons. Seigneur, juge universel, que tu daignes
envoyer ta sainte et vraie bénédiction sur ce fer : qu'il soit froid pour
ceux qui le porteront et auront le bon droit de leur côté, croyant en
ta justice et en ta force: qu'il soit brûlant pour le méchant qui
commet le mal, croyant en son injustice et dans l'injuste pompe du
1. Suite, voir t. X, p. 24.
2. Geyer. Histoire de Suède, tr. Luodblad. Paris, 1839, ia-8, p. 114.
3. Geyer, op, laud., chap. VII, p. 117, note 2.
4. Historiée regum Hakonis^ Soerreris filii^ Gullormi Sigurdi filii, etc. éd.
Sveinbjôrn Egilpson, t. IX des Scripta historica Islandorum, Copenhague, 1840,
in-8 ch. m, p. 4 ; Historia Guitormi Sigurdi filii, p. 70.
5. Historia regum Hakonis, ch. IV, p. 5. Historia Guttormi Sigurdi filii^ p. 69.
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 17
diable. Seigneur, change Tincrédulité des méchants par ta vertu et
ta bénédiction^ par rinvocation de la sainte Trinité, le Père, le Fils
et le Saint-Esprit; envoie dans ce fer la force de ta vertu et de ta
vérité, pour que toujours la justice très exacte, qui est connue de toi
seul, éclate en lui de la manière la plus évidente, par ta miséricorde
et ta vérité aux yeux de tes Mdèles, pour Tamendement des pécheurs,
quelque soit Tobjet du débat. Que la puissance du démon n'ait
aucun pouvoir pour cacher ou altérer la vérité, mais que ce soit
pour tes serviteurs une raison de croire à ta di\ine majesté et
d'affirmer ta miséricorde très manifeste et ta vérité très exacte.
II. Dieu, juste juge qui es auteur de la paix, qui juges Téquité, nous
te supplions de daigner bénir et sanctifier ce fer destiné à un juste
examen d'un dpute, de telle façon que si l'innocent de Taccusation
dont il a à se purger, prenne dans sa main ou touche du pied ce fer
brûlant, il apparaisse sans brûlure, et s'il est coupable, que ta
puissance très juste se montre ici : qu en cela la vérité soit déclarée,
de façon que l'iniquité ne domine pas la justice, mais que la
fausseté soit soumise à la vérité, que la bénédiction de Dieu le Père,
le Fils et le Saint-Esprit descende sur ce fer pour distinguer le
véritable jugement de Dieu *.
p) Dans les légendes bretonnes
Le roi Marc ayant des soupçons sur la vertu de sa femme Iseult,
se décide, sur le conseil de l'archevêque, à la conduire à la pierre
vermeille, dans l'île de Malufer. La reine doit toucher cette pierre,
puis prendre un fer rouge : si elle n'éprouve pas de dommage, c'est
qu'elle est innocente. Toutefois, à deux reprises, Tristan réussit à
conjurer par avance le danger de l'épreuve qui devait tourner à la
confusion d'Iseult*.
II
PAR l'eau bouillante
i) France
Deux des plus anciennes épreuves par Teau bouillante sont celles
que mentionne un manuscrit de la Bibliothèque Nationaler^. La
\. Monumenta lUurgica apud Wigne, Patrologia latina, t. CXXXVIII. Paris,
1880, gr. in-S, col. 1135-1136.
2. La Tavola Rilonda, éd. F. H, Polidori. Bologne, 18641866, 2 v. in-8, t. I,
p. 237.
3. P. Pari». Les Manuscrits français de la Bibliothèque du Roi, t. Il, no 68, 54.
Paris, 1838, in-8, p. 178.
TOMl XI. — JANVIER 1896, 2
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18 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
première fut pratiquée en 1066 sur la personne d'un serviteur de
Tabbaye de Saint-Florent, près de Saumur ; la seconde, en 1096 sur la
personne de Hernaud, sujet de plusieurs seigneurs qui prétendaient
à la propriété de quelques vignes dépendant de Tabbaye de Notre-
Dame d'Angers.
j) BÉNÉDICTION DE l'eAU BOUILLANTE
I. — Dieu, juste juge, fort et patient, qui es l'auteur de la paix et
juges l'équité, juge ce qui est juste, Seigneur, ton jugement est droit :
tu regardes sur la terre et tu la fais trembler. Dieu tout puissant,
qui as sauvé le monde par l'arrivée de ton Fils N.-S. Jésus-Christ, et
qui as racheté le genre humain par sa très sainte Passion, sanctifie
cette eau bouillante, toi qui as sauvé les trois enfaivts Sydrac, Mysac
et Abdénago que le roi Nabuchodonosor avait fait placer dans une
fournaise embrasée, et qui les en a tirés par ton ange. Maître très
clément, que si des innocents de ce vol ou de cette faute mettent leur
main dans cette eau bouillante, de même que tu as tiré de la four-
naise les trois enfants susnommés et que tu as délivré Suzanne d'une
accusation calomnieuse, fais qu'ils s'en tirent sains et saufs, et sans
avoir souffert de l'eau bouillante. Si au contraire un coupable, poussé
par le diable ose d'un cœur endurci mettre sa main dans cette eau
bouillante, que ta très juste vérité le fasse connaître, manifeste-la
sur son corps pour que son âme soit sauvée par la pénitence. Si le
coupable veut cacher ses péchés à l'aide de quelques maléfices ou
de quelques herbes, que ta main daigne faire disparaître tout cela.
Par Notre-Seigneur Jésus-Christ, ton fils, etc.
II. — Je te bénis, eau bouillante, au nom du Père, du Fils et du
Saint-Esprit de qui procèdent toutes choses, je t'adjure, par celui
qui t'a recommandé d'arroser toute la terre par quatre fleuves, qui
t'a fait sortir de la pierre et t'a changée en vin, que ni les embûches
du diable, ni la malice de l'homme ne puissent t'écarter de la vérité
du jugement; punis le Coupable, purifie Tinnocent. Par celui à qui
rien de caché n'échappe, qui t'a envoyée par le déluge sur tout le
globe pour détruire les pécheurs et qui viendra juger par le feu les
vivants et les morts et le siècle.
III. — Dieu tout puissant, nous te supplions pour l'examen de
.cette affaire, que l'iniquité ne domine pas la justice, mais que la
fausseté soit vaincue par la vérité : Si quelqu'un par quelque maléfice
ou par des herbes veut cacher ou empocher cette épreuve, daigne,
ô juge très juste, le faire échouer par ta Sainte droite.
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES i9
IV. — Dieu éternel, tout puissant, juge universellement juste, qui
distingues tes jugements par une disposition immuable. Dieu clément,
fais connaître à l'invocation de ton Saint nom, par ta très juste
décision ce- que les fidèles implorent de toi *.
III X
PAR LE POISON
ao) Harar
Chez les Oromos ou Gallas établis dans le Harar, la preuve par le
poison (Hadda) existe encore : les prêtres préparent une coupe qu'ils
font boire à Taccusé : mais cette coutume tend à disparaître, car on
la considère de plus en plus comme une imposture des prêtres ^.
PAR LE FEU
p] Hesse
Une tradition encore vivante dans la Hesse, raconte que le comte
Ricperl, ancien compagnon d'armes de l'empereur OLhon dans la
guerre contre les Hongrois, soupçonnant sa femme Halmburg d'avoir
voulu Tempoisonner, l'obligea de prouver son innocence par l'ordalie
du feu. La comtesse sortit victorieuse de cette épreuve ; néanmoins
son mari voulut la faire périr ; elle échappa par miracle et finit ses
jours dans le couvent de S'-Jean bâti par elle, à l'endroit où elle
avait été pour la seconde fois sauvée de la mort '.
René Basset.
1. Monumenta liturgica, coi. 1136-1137.
2. Prœtorius, Harar^ Leipzig, 1888, in-8, p. 285.
3. Lyncker, Deutsche Sagen und Sillen in hessischen Gauen, Casse!, 1854,
iQ-12 § 271, p. 194-196.
«sS—
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20 REYCE DES TBADITIONS POPULAIRES
COUTUMES, CROYANCES ET SUPERSTITIONS DE NOEL^
XII
EN Auxois (suite)
'usage de chanter les Noëls avec accompagnement d'un ins-
trument de musique s'est continué jusqu'à nos jours à Semur
en Auxois. Il y a seulement quatre à cinq ans qu'il a dis-
paru. Le père Gally Borgne avec son violon, et accompagné
de sa femme ou de ses enfants, parcourait chaque veillée
des dimanches de TAvent à la Semaine Sainte les rues de la ville de
Semur. La femme chantait de vieux Noëls du genre de ceux de la
Grande bible renouvelée des Noëls nouveaux de Garnier de Troyes, mais
qui a eu un imitateur à Arnay-le-Duc, (Côte-d'Or), qui imprimait éga-
lement ces petits recueils. Le mari accompagnait sur son violon ; ils
faisaient une pause et un petit arrêt avec ritournelles devant les
niches et statues des saints, fréquentes dans la ville, ainsi que chez les
patrons des confréries chez lequel le saint était déposé chaque année,
et oîi, à l'anniversaire, une procession partant de l'église Notre-Dame
venait le chercher pour le remettre à un autre. C'était bien un hon-
neur, mais qui se payait par les frais de la messe et du pain bénit.
C'était une source de profils pour ce brave homme, lui donnant droit
à faire une quête d'étrennes ; aussi on lui donnait des pièces de
monnaie et divers objets en nature; avec le produit il achetait un
porc pour nourrir sa famille et appelait très naïvement cette quête ;
faire son cochon. Lorsqu'on entendait le violon, les habitants disaient
ce sont les aivan qui passent.
La bûche de Noël s'appelle eune seuche : sûche tronc d* arbre ; plus
elle était grosse, plus elle était prisée ; c'était une grosse affaire pour
la faire pénétrer dans la maison et la placer sous la vaste cheminée ;
on avait recours quelquefois à un cheval et elle restait enflammée plu-
sieurs jours. Les charbons en étaient recueillis et mis sur les greniers
pour faire partir les rats et les souris et c'était aussi un préservatif
contre le tonnerre. L'aïeul frappait la sûche avec une pelle à feu et en
faisait jaillir de nombreuses étincelles, en disant : Bonne année,
bonnes récoltes, autant de gerbes et de gerbillons î
l. Cf. les tables des années 1887, 1888, 1889. et t. VllI, p. 611, t. IX, p. 11,
t. X, p. 656.
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REVUE DES TBADlTIOiNS POPULÂlRfiS 21
Ayant de se rendre à la messe à minnit les familles et les amis se
réunissaient pour passer la veillée, les vieux vidaient des pots de
vin, les jeunes chantaient des Noëls et se livraient à divers jeux et
pronostics. Ils allaient cueillir à reculons des rameaux et branches
de buis et ils devaient revenir dé môme à la maison où se faisait
l'assemblée. Les feuilles en étaient cueillies^ et on les plaçait sur le
careau chaufiTé du foyer devant la souche, une à une ; par son renfle-
ment de chaleur si la feuille tournait vertigineusement comme une
toupie jusqu'à ce qu'elle prît feu, c'était d'un bon augure, une
réponse oui à la question qu'on lui avait posée : Marierai-je cette
année ? Verrons-nous un tel qui est au régiment, un tel amènera -t-il
un bon numéro? etc., etc.
Un charbon était suspendu par un fil 8U plancher et le charbon
était placé à hauteur de la bouche. En face du charbon bien allumé
se plaçaient face à, face à, un mètre de distance deux gaillards qui ne
devaient pas faire un mouvement, mais souffler le charbon, et si l'un
ne souffle pas assez fort il a mille peines à l'éviter et à se laisser
brûler la figure aux grands contentements des veilleurs. Ils y a sou-
vent divers couples qui s'exercent à ce jeu en même temps et placés
sur une même ligne.
On doit au retour delà messe donner à manger aux vaches ; on
prétend que cette nuit elles parlent et se détachent tout.es seules de
leurs liens. On ne doit pas aussi depuis le jour de Noël leur ôter
leur fumier, car tout le bétail deviendrait boiteux dans Tannée.
HlPPOLYTE MaRLOT
XV
ENFANTS NÉS LA VEILLE DE NOËL
C'était anciennement l'usage en Flandre, de donner le nom d'Adam
et d'Eve aux enfants, filles ou garçons, nés la veille de Noël.
On eût cru leur porter malheur en ne se conformant pas à cette
coutume, basée sur une croyance de rachat dans les 24 heures.
Les calendriers belges indiquent le 24 décembre comme fête
d'Adam et Eve.
Alfred Harou.
XVI
les soirées de chant a la noel et a la nouvelle année
Les rues populaires du vieux quartier d'Outre-Meuse, à Liège,
sont curieuses > visiter la nuit de Noël et du Nouvel An, tout le
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ââ RËVCE DES TRADITIONS POPULAIRES
monde est en fête et, à cette époque de l'année, les plus pauvres
ménages se régalent de bouquettes (pâtisserie confectionnée avec du
blé sarrasin), de viande de porc ou d'un Japin chez les plus
opulents.
Dans la plupart des cafés sont organisés des soirées et des assauts
de chant.
On compte dans le quartier d'Outre-Meuse une quarantaine de
cafés chantants, où les amateurs vont exhiber leurs talents et les
richesses de leur gosier. Certains de ces cafés-concerts pour ama-
teurs réunissent jusqu'à trente chanteurs, principalement là ou se
donnent des assauts de chant; toutes les professions sont représen-
tées parmi les exécutants: cigariers, armuriers, tourneurs, tisserands,
peintres en bâtiments, militaires, etc.
Une mode originale existe dans la plupart de ces soirées de chant.
Jadis, on donnait au meilleur chanteur un bouquet ou une caisse de
cigares, mais on ne parvenait pas toujours à mettre tout le monde
d*accord et cela amenait des discussion's sans fin ; aujourd'hui, depuis
une couple d'années surtout, les chanteurs sont invités par le
propriétaire du café à un régal appelé souper à la fourchette d' Adam
ou souper sans fourchette. Voici en quoi consiste ce régal. A la fin de
la soirée, le maître du café fait passer sur d'énormes plats des
pommes de terre en robe de chambre (crompires Bolowes) et du
foie découpé par tranches, que les chanteurs appellent par dérision
« dé jambon sins ohais » (du jambon sans os).
Alfred Harou.
XVII
EN DAUPflINÉ
Jadis, au commencement du XIX* siècle,on donnait aux domes-
tiques, le jour de Noël, un pain rond ou une couronne de pain fait
avec de la farine sassée. Cet usage s'est perdu.
Les boulangers continuent à faire de petits pains ronds gros comme
le poing, appelés poignes de Noël.
On faisait deux fournées de pain avant la Noël. C'était le pain fait
avec la mouture des Chalendes. On tue le porc gras pour les cha-
lendes.
Pour la veillée de la messe de minuit, on brûle la bûche de Noël.
C'est un tronc d'arbre. Si la bûche est grosse, c'est la Groba (patois
d'Eclose) si cette bûche est petite, c'est un grobon, (patois d'Éclose).
A défaut de tronc d'arbre, on brûle une mère-souche de haie appelée
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 23
roilli. Si la souche est petite c'est un roillon. (Rouille, désigne une
souche de haie vivç).
Si on ^n'avait rien de neuf, en vôtements ou en toilette, k Noél, on
pétait à la messe de minuit. On ne devait pas manger de pommes le
jour de Noël, autrement on avait des furoncles dans Tannée.
La fougère fleurit pendant la messe de minuit.
Les meuniers donnaient le pain hénit à la messe de minuit.
Le pain bénit à la messe de minuit doit être gardé toute Tannée.
Les bœufs se mettent à genoux pendant la messe de minuit au
moment de l'élévation.
Si le vent gagne à la messe de minuit^ il fera un hiver mouillé, la
saison sera mauvaise.
Si le vent tenait à la messe de minuit, on ne réveillonnait pas.
S*)l tonnne à la messe de minuit, on moissonne à la Saint-Jean
(24 juin).
Si on se soleille à Noël, on se chauffe à Pâques.
Il vaut mieux entendre le loup hurler que de voir le bœuf pâtu-
rer, ou labourer à la Noël.
Auguste Ferrand.
CROYANCES ET SUPERSTITIONS DU JOUR DE L'AN
XIII
DAUPHINÉ
Se lever matin le jour de Tan porte bonheur pour Tannée.
Les enfants allaient de porte en porte souhaiter la bonne année,
et répétaient Tunique souhait rustique :
Bonjo! la bon' ânné!
Le z'elreinne apré!
Bonjour I la bonne année!
Les étrennes après.
Ces souhaits ont disparu et sont remplacés par des lettres du jour de
Tan, aussi intéressées et plus fades.
Le premier qui allait à Teau à la fontaine y déposait une étrenne
qai consistait en fruits : noisettes, pommes noix.
L^année bissextile est une mauvaise année.
l.'cf. t. II, p. 363; t. III, p. 8; t. IX, p. 35; t. IX, p.
Auguste Ferrand.
p. 120.
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24 REVDE DES TRADITIONS POPULAIRES
MIEITES DE FOLK-LORE PARISIEN
m
XXIV
SUPERSTITIONS PARISIENNES
^^K, ES la fondation de la Revue, nous avons essayé d'attirer
Wi^ l'attention de nos lecteurs sur les traditions, les superstitions
et les coutumes parisiennes; c'est dans ce but que nous
avions ouvert la rubrique Miettes de Folk-Lore parisien, Flu-
^0 sieurs de nos collègues nous ont envoyé d'intéressantes
communications, en moins grand nombre toutefois que nous ne l'au-
rions espéré. Nous pensons en effet que malgré l'envahissement de
Paris par la province, il subsiste encore, dans les quartiers qui n'ont
pas été atteints par les grandes opérations de voirie, des coutumes
et des superstitions, peut-être même des légendes qui mériteraient
d'être relevées. Parmi ces quartiers on peut citer le« Marais, l'Ile
Saint-Louis, les anciennes rues de la Cité dans le voisinage de
Notre-Dame, et la plus grande partie de la montagne Sainte-Gene-
viève, et ce ne sont pas les seuls dans lesquels il y aurait k gla-
ner. Nous signalons cette étude à ceux de nos collègues qui sont
nés à Paris, surtout à ceux dont la famille y habile depuis plu-
sieurs générations. Ils pourront se rappeler ce qu'ils ont vu autour
d'eux dans les différentes circonstances de la vie, les contes, les
chansonnettes et les formuleltesque leur racontaient leurs parents,
si ceux-ci étaient de Paris ; les jeux qui étaient en usage dans les
collèges et dans les jardins publics.
Voici quelques superstitions que je relève dans le Nouveau tableau
de Paris (1835) t. VIL p. 46, et que l'auteur semble indiquer comme
étant courantes à cette époque. Il est vraisemblable qu'elles n'ont
pas disparu, et qu'il y en a bien d'autres qu'on pourrait relever.
— Si deux hommes prononcent ensemble le môme mot, la première
personne venue ne devra point avoir confiance en la tîdélité de sa
femme.
— Un tison roulant du foyer dans la chambre annonce une visite.
— Trois seules gouttes de sang tombant d'un nez qui vous est
parent présagent la mort d'un individu quelconque de votre famille.
— La bouteille vidée par un garçon ou par une demoiselle leur
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REVOE DES TRADITIONS POPULAIRES 25
est à chacun séparément, le signe infaillible d'un très prochain ma-
riage ;
— Se rogner les ongles les jours de la semaine qui ont un r fait
pousser des envies.
— Le secret des amours est dans le bruit sonore ou plat produit
par la feuille d'une rose arrondie entre le pouce et l'index ;
— Rencontrer trois bossus présage de la pluie.
XXV
4EUX AU COMMENCEMENT DU RÈGNE DE LOUlS-PfllLlPPE
Voici le jeu du rat qui enseigne la cruauté : figurez-vous un
pauvre animal fixé sur une planchette adossée à, un mur, étendu
comme saint Sébastien, et servant de point de mire à tous ceux qui
veulent s'exercer à la cible; après mainte et mainte blessure, il
reçoit enfin le coup de la mort que lui décoche le tireur le plus
adroit et les amateurs d'applaudir. Les chats sont moins cruels avec
les rats.
Passant dans la ruelle qui conduit du Montparnasse à la Chaussée
du Maine, j'entendis ces cris prononcés d'une voix aigre : « Cassez,
cassez les carreaux.... cassez, cassez ! Je m'arrête et je vois un petit
édifice en bois percé de plusieurs fenêtres rondes ; une vieille femme
m'engage, toujours pour un sou, à casser les carreaux et toujours
dans la chance de gagner une douzaine de macarons. J'appris que
ce beau jeu avait été inventé en commémoration des journées de
juillet; ainsi les enfants pourront se faire la main de bonne heure
pour briser les vitres. {Le livre des Cent-ei-Un. III. 220.)
Paul Sébillot
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26 REVUE DES TKADITIONS POPULAIRES
ÊTRES FANTASTIQUES ET CHANSONS POUR ENDORMIR
LES ENFANTS ARABES ET BERBÈRES
ANS la région de Drâ~el-mizane, département d'Alger, les
mères indigènes, afin d'obliger leurs enfants à s'endormir, les
menacent de Beauprêtre.
Beauprêtre était un vaillant colonel de Tarmée d'Afrique,
qui,»lors de la conquête de l'Algérie, se fit remarquer par son
courage, son énergie. Lorsqu'il était capitaine chargé de l'annexe de
Drà-el-mizane,la région était le foyer de nombreuses séditions contre
la domination française, les tribus berbères et arabes ne cessaient de
harceler nos troupes. Beauprêtre par son activité, sa bravoure, sa
juste sévérité réussit à pacifier complètement le pays et acquit auprès
des populations indigènes un renom d'intrépidité qui est loin de
s'effacer de leur esprit. Malgré que Beauprêtre soit mort depuis déjà
longtemps, son souvenir est encore si vivace parmi les gens de la
contrée de Drà-el-mizane, que son nom sert encore à calmer les
petits braillards indigènes que leurs mères veulent endormir.
Dans la région de Guelma, département de Constantine, les êtres
fantastiques suivants servent aux mères de familles arabes pour
jeter l'effroi et ramener le calme chez leurs enfants :
El ghoul L'ogre ;
El ousif bou saadia le nègre (déguisé) ;
Bou chekara l'homme au sac ;
El ezghough le revenant ;
Er rohbane Termite ;
El bouloulou le croquemitaine ;
Bou kerche l'homme ventru.
Comme on le voit les sujets d'effroi en usage chez les arabes se
rapprochent sensiblement de ceux dont se servent nos excellentes
mères. S'il pouvait en être ainsi pour tout !
Les mamans arabes ont aussi des chansons qui servent à endor»
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REVUE DBS TRADITIONS POPULAIRES
27
mir leur enfants. Voici une berceuse arabe bien connue dans le dé-
partement de Constantine :
Bari ia Bari
la menaas ed drari
Naas li oulidi
Rebi ia el ali
Daïmene nekhememe ala oulidi
El aziz ali a
Aïchou li ia rebbi
Bach ckhedem alla
Maïbkicbeazizi
La ighïer hall
Sektou ia Rebbi
Enta houa el ali
Abeni ad ihabou
Hâta el bab dar
Kif ad ibki
Djabouli el djar
Oulidi ad idjri
Fi ouest drari
Nethlob men el bari
idjàlou li gbali
Oulidi and el bab
Ilàb mâa sahabou
Ou i]a djed noum
Irequed ild hadjir oumou.
la taleb * hafedhii béni
Bach ikherodjli radjel
Ou ila mehafedhtou chi
Tesethal khebta bel mendjel.
Dieu, 6 mon Dieu!
0 celui qui endort les enfants,
Fais dormir mon fils,
0 Dieu le Très-Haut I
Je songe toujours à mon fils,
Mon bien aimé,
Conserve lui la vie, ô mon Dieu !
Pour qu'il travaille pour moi.
Il ne pleure pas, mon chéri,
Car j'aurais du chagrin;
Fais le taire, ô mon Dieu !
Toi qui es le Très-Haut I
Mon fils commence à se traîner
Jusqu'à la porte de la maison^
Quand il se met à crier.
Le voisin me Tamène.
Mon fils commence à courir.
Au milieu des enfants,
Je demanderai à Dieu
De me le conserver avec soin.
Mon fils est devant la porte
S'amusant avec ses camarades.
Si le sommeil le prend.
Il dormira sur les genoux de sa
[mère
0 lettré, instruis mon fils
Pour qu'il devienne un homme.
Et si tu ne l'instruis pas,
Tu mériteras un coup de faucille.
A. Robert.
\. Taleb, pluriel tolba lettré, maître d^école savant, étudiant.
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28 REVUE DES TBADITIONS POPULAIRES
LE TABAC DANS LES TRADITIONS POPULAIRES
VIII (Suite)
LE TABAC EN AMÉRIQUE *
§24
^^i^ E voyageur italien Benzoni de Milan, qui voyagea en Amé-
Tfi^ rique de 1541 à 1566 nous a donné les détails suivants sur
^Ij^ remploi du tabac par les naturels d'Hispaniola (Haïti) *.
Dans cette île, comme dans d'autres provinces du nouveau
monde, il y a des buissons pas très grands, comme des ro-
seaux, qui produisent une feuille comme celles du noyer, quoiqu'un
peu plus large. Très estimée des indigènes, partout où Ton en use, et
très prisée par les esclaves que les Espagnols ont amenés
d'Ethiopie.
Quand ces feuilles sonl dans leur saison, les indigènes les attachent
en faisceaux et les suspendent près de leurs foyers jusqu'à ce qu'elles
soient très sèches. Lorsqu'ils veulent s'en servir, ils prennent une
feuille de leur grain (le maïs), y font entrer une des autres et les
roulent ensemble ; ils mettent le feu à une extrémité et plaçant l'autre
dans leurs bouches, ils aspirent leur haleine par là, de façon à ce que'*
la fumée entre dans la bouche, la gorge, la tête ; ils la retiennent aussi
longtemps qu'ils peuvent, car ils y trouvent du plaisir et ils se rem-
plissent tellement de cette fumée atroce qu'ils en perdent la raison.
Il y en a qui en prennent tant qu'ils tombent à terre <;omme s'ils
étaient morts et qu'ils restent étourdis la plus grande partie du jour
et de la nuit. Quelques uns se contentent d'en absorber assez pour
causer des vertiges et pas plus. Voyez quel poison dangereux et
mauvais du diable cela doit être 1 II m*est arrivé plusieurs fois quand
je traversais les provinces de Guatemala et de Nicaragua, d'entrer
dans la maison d'un Indien qui avait pris de cette herbe, qu'on
appelle tabacco en langue du mexique, et de sentir immédiatement
l'odeur pénétrante et infecte de cette fumée puante et vraiment
diabolique : j'étais obligé de m'en aller en toute hâte et de chercher
une autre place.
1. Suite. Voir t. X p. 620.
2. Girolaoïo fienzoDi, History of the new World, trad. aDgl. par Smith. Lon-
don, 1857, iu-S, t. XXi des publications de la Hakluyt sociely, p. 80-82.
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REVUE DBS TRADITIONS POPULAIRES 29
La fumée du lahiac était naturellement employée comme remède.
« A Tile d'Hispaniola et dans les autres, quand leurs docteurs vou-
laient guérir un malade, ils se rendaient là ou il était pour lui admi-
nistrer la fumée, et quand elle Vavait complètement intoxiqué, la
guérison était effectuée en grande partie. En revenant à lui, il ra-
contait mille histoires, qu'il avait assisté à l'assemblée des dieux et
d'autres hautes visions. Alors ils tournaient autour du malade, trois
ou quatre fois, frottant bien son dos et ses reins avec leurs mains,
lui faisant beaucoup de grimaces et tenant tout le temps un caillou
ou un os dans leur bouche ».
§25
Antonio de Herrera mentionne aussi remploi de la fumée de tabac
dans la thérapeutique de Haïti, en ajoutant d'autres détails que
ceux donnés par Benzoni. « Lorsque quelqu'vn des principaux
esloit malade, on le portoit au Médecin, lequel estoit obligé de faire
diette comme le malade, et se purgeoit aueque (sic) luy, avec vne
certaine herbe qu'il prenoit par les narines, îusques à ce qu'il deue-
noit imbriacle, et disoit quantité d'extrauagances. Il leur faisoit
entendre qu'il parloit auec les Idoles, et alors ils s'oignoient le visa-
ge auec de la suiye, et lorsque le malade se purgeoit, le Médecin
s'asseoit auprès de luy, obseruant tous le silence et sans voir aucun
iour ny clairté. Il faisoit prendre vne certaine boisson au malade
pour luy faire vomir ce qu'il avoit mangé ; puis ils allumoient de la
chandelle, et le Médecin faisoit deux tours autour du malade et le
tiroient par les jambes et s'en alloit à la porte de la maison, qu'il
fermoit et disoit : Va t'en à la montagne, ou en quelque autre lieu
que tu voudras ; puis il soufTloit et ioignoit les mains et le remUoit ;
et luy ayant serré la bouche, il soutTloit encore les mains, et suççoit
le col du malade, l'estomac, les espaules et autres endroits * ».
Le même auteur cite la première fois où les Espagnols virent du
tabac, lorsque, en 1492, après avoir quitté Guanahani (San Salvador)
et se dirigeant sur Cuba, Christophe Colomb rencontra un Indien en
canot, ayant avec lui « vn morceau d'vne sorte de pain qu'ils man-
gent, de l'eau dans vne calebace, vn peu de terre noire dont ils
se peignent, des feuilles sèches d'vne certaine herbe qu'ils estiment
beaucoup pour estre saine et odorante ^ ». Les Indiens de Cuba avaient
1. A. de Herrera, Histoire générale des voyages et conauestes des Castillans,
dans les Istes et Terre-Ferme des Indes occidentales traa. de M. de la Goste.
Première décad. Paris, 1660 iQ-4, 1. llf, ch. IV p. 182. r
2. /6td. T. 1, ch. Xni p. o6.
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30 REVUE DES TBÂDITIONS POPULAIRES
d'ordinaire « vn tison à la main pour faire du feu, pour se parfumer
auec certaines herbes qu*ils portoient * ».
IX
LE TABAC DE FRAUDE
Dans les environs dç Saint>Malo on appelle le tabac qui est con-
sommé par les fumeurs sans passer par la régie, du tabac de saute-'
fossé. On voit les gens dans les auberges et dans les maisons le
hacher sur une sorte de planchette qui porte le nom de u diable ».
P.-S.
LA DISCORDE ET LE VEM^
m
Dans une légende d'Auvergne, saint Laurent est substitué à la
Discorde. Il rencontra un jour le vent et tous deux firent route en-
semble. Arrivés à la montagne qui porte aujourd'hui le nom de
Puy-Saint-Laurent, au nord de la bourgade de Saînt-Mamet, le saint
dit à son compagnon : Ecoutez : j*ai à prier dans cet oratoire, veuil-
lez m'attendre. Il entra et n'en sortit plus. Depuis ce temps Borée
attend toujours à la porte, et de là vient que cet endroit est conti-
nuellement battu par des rafales de vent froid '.
René Basset.
1. Ibid. T. I, ch. XIV p. 62.
2. Suite, voir t. X, p. 450.
3. Cf. F. de Lanoye, Voyage aux volcans de la France centrale. § 1. Tour du
m<mde, t. XIII, 1866, n» 318; p. 66.
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
31
LES SAINTS MALTRAITÉS
I
ES Petites Sœurs des Pauvres ont une dévotion toute parti-
culière envers saint Joseph; au pays de Charleroi chacune
possède de ce saint une statuette en bronze, à laquelle elle
adresse ses plus ferventes prières.
Dans la chapelle de leur couvent à Charleroi se trouve une
statue de saint Joseph. Lorsque les bonnes sœurs désirent obtenir un
présent, elles attachent au cou du saint un exemplaire de ce qu'elle
désirent : si elles veulent faire bâtir, elles lui attachent le plan de la
bâtisse désirée ; si elles désirent des vivres, elles lui suspendent une
pomme de terre, etc.
Si le saint reste sourd à leur prière, elles lui retournent la figure
du c<)té de la muraille.
Cet usage s'est transmis dans le peuple carolorégien. Certaines
jeunes filles qui désirent obtenir, à bref délai, un bon mari, ou qui
désirent être aimées d'un jeune homme qui ne les recherche guère,
vont jusqu'à enfermer la statuette ou Timage du saint dans leur
table de nuit — s'il ne les exauce pas.
(Charleroi et environs),
0. COLSON.
II
J'ai entendu dire que ce même usage était observé en Bretagne
dans un établissement du même ordre.
P. S.
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32 REVUE DES TRADITIONS POPl'LAIRES
ROUPIOUPIOU
VIEILLE PAYSANNERIE BOULONNAISE
Ch'ëtait la fét* ed no village
Qu' j'étioin' content {bis).
J'étais d la Qeur de mon Age
A quator'ans.
Rou piou piou {bis)
J'avious une belle perruque
En piau d'pourchiau [bis]
Je rdemelais lous leg dimanches
Aveu r ratiau
Rou piou piou
J'avions un biau capiau de paille
Carré, pointu (bis)
Qu a voit coûté chinquante neuf sous
Moins un écu
Rou piou piou (6i^)
J 'avions une belle cravate
Ed' fin can'vas {bis)
Je rattachions a no tourgoule
Aveu r cad'nas
Rou piou piou {bis)
J*avions une belle culotte
Trèuée par l'cul (bis)
Je l'avions trouvée à la potence
D'ein pendu
Rou piou piou {bis)
E. T. Hamy.
Cette chanson, qui a sans doute d autres couplets et à laquelle on
peut d'ailleurs en ajouter de nouveaux suivant les circonstances, se
chantait encore il y a trente et quelques années dans le Boulonnais,
où M. Hamy l'a transcrite vers 1863,
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REVUB. DES TRADITIONS POPULAIRES 33
LES TRADITIONS POPULAIRES ET LES ECRIVAINS
FRANÇAIS
XXVII
BRUEYS
— Tout maître de cabaret que je suis, je sçais mon pain manger.
Les Quiproquos, se. 4.
— Les signes ont cela d^excellent ; ils sont comme les cloches, ils
disent tout ce qu*on leur fait dire.
Le Muet, I. 2.
— Brutal comme un Corsaire qu'il est.
Le Muet, I. 9.
— Je viens, comme on dit, de mettre le loup avec la brebis.
Le Muet. II. 9.
— Le Baron, Quelqu'un aura ensorcelé mon fils.
Frontin. Celte vieille juive qui passe pour sorcière, vint Tautre
jour au logis et parla longtemps au chevalier.
Le Baron. Ah ! la maudite femme.
Le Muet. III. 8
— Pour votre propre intérêt seulement, on peut vous faire voir
que Monsieur vous repaît de châteaux en Espagne.
L'Important. V. 5
— En toutes choses je crois que bien ou mal il faut toujours tenir
le grand chemin battu.
Les Empiriques. I. 5
— Ce monsieur Guillaume est un arabe, qui viendra ici faire le
diable à quatre.
Patelin, l. 9.
— M, Patelin. La Cour remarquera, s'il lui plaît, que la Piryque
étoit une certaine danse, ta rai, la, la, la, dansons tous, dansons
tous, ... Ma Commère quand je danse.
Patelin. II. 3.
TOMB XI. -- JANVIER 4896. '^
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34 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
— Je défie le diable avec ses cornes de découvrir la supposition
que nous avons faite.
La force du sang, ï. 1.
— Où avez^vous trouvé que votre jocrisse de fils puisse se marier
à une autre.
La force du sang, ill. 12."
— Le monde n'est rempli que de ces preneurs d'intérêt, qui dans
le fond ne se soucient non plus de nous que de Jean de Vert.
Le Grondeur. I. 7.
— Il me souvient d avoir entendu dire à ce vieux roquentin.
Le Grondeur, II. 45
XXVIII
CHAPELLE ET BACUAUMONT
Sur une éclipse
Pallas dit :
Sache que ce jour-là mon père
Fit à déjeuner si grand*chëre
Et trouva si bon le nectar,
Que Morne, le Dieu des sornettes,
Le voyant être un peu gaillard
Et dans ses humeurs de goguettes
Lui proposa que les planètes
Jouassent à Colin -Mail lard.
— A Colin-Maillard, dit le maître
Du char biillant et lumineux.
Si, par malheur, je lallois être,
Tous les hommes sont si peureux
Qu'ils se croiroient morts quand mes feux
Commenceroient à disparoltre.
Chacun fermeroit sa fenèlre.
Et Morin, le plus fort d'entre eux
En prédiroit quelque bicètre.
— Quoi tu veux conclure par là
Répond le grand dieu qui foudroie
Qu'un fât pourra troubler ma joie ?
Que m'importe s'il en fera
Des contes de ma mère l'Oye.
Je jure le Styx, dont l'eau tournoie
Dans le pays de Tartara
Qu'à Colin-Maillard on jouera.
Sus qu'on tire au sort et qu'on voie
Qui de vous autres le sera. »
P. S.
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
33
LES VILLES ENGLOUTIE^»
CLXXIX
l'église de gross-morin
[Posnanie)
uand oq suit la nouvelle chaussée de Gross-Morin à AU
Grabia et qu'on a dépassé le village de Morin, on voit à
gauche un étang profond entouré de collines assez élevées.
Du côté nord, on trouve un fossé immense. La légende
raconte qu'un saint homme vint un jour à Morin, fatigué et
couvert de poussière et qu'il demanda de porte en porte un gîte,
mais partout on le repoussa avec des plaisanteries et des railleries ;
11 dut passer la nuit à la belle étoile. Le lendemain était un diman-
che. A l'endroit où se trouve l'étang s'élevait une hauteur sur
laquelle était bâtie l'église. Tous les gens s'y rendirent le matin et
le saint homme fit comme eux, mais il ne put trouver de place et
fut encore raillé ; même un garçon impitoyable lui allongea un coup
qui le laissa à moitié mort. Alors il leva les yeux au ciel, maudit la
foule cruelle et pria Dieu de la punir. Il fut exaucé : à midi, le sol
s'ouvrit et la colline fut engloutie avec l'église et tous ceux qui s'y
trouvaient. Un étang se forma à sa place. Les gens essayèrent de le
mettre à sec et creusèrent le fossé qu'on voit encore, mais il en
sortit une telle quantité d'eau que le pays fut inondé. En même
temps un jeune homme pâle apparut hors des flots et remit une
lettre dont le contenu était qu'il fallait s'abstenir de détourner l'eau
de Vétang. Les noyés ne pouvaient être délivrés que si le jour de la
Saint-Jean, à midi, un jeune homme plongeaitdansTétang, apportant
les os de ce saint et allait prier à Tautel de l'église engloutie pour
obtenir le pardon des noyés. Après avoir lu cette lettre, on chercha
les ossements du saint, mais on ne put les trouver. Le jour de la
Saint-Jean, quand le temps est clair, on peut voir l'église au Jond de
l'étang et entendre les cloches sonner ^.
\, Suite. Voir t. X p. 610.
2. KDOop, Sagen und Erzahlungen ausdet' I*rovtnz Posen. Posen, 1893, in-8 p. 31.
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36 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
CLXXX
GOUBBAT KHARAB
(Abyssinie)
Près de Tadjoura est une sorte de golfe appelé Goubbat Kharab.
Diaprés la légende, cet endroit aurait été autrefois couvert de roches
enflammées, puis tout s*ablma dans la mer et au fond des eaux : là
habitent aujourd'hui des démons qui tirent par les pieds les hommes
qui se baignent en cet endroit. Ceux qui sont ainsi attirés ne
reparaissent plus. ^
CLXXXI
LE LAC DE LUTSCHMIN
(Posnanie)
Près du village de Lutschmin, dans le cercle de Bromberg, existe
un lac qui occupe remplacement d'une ville, engloutie en punition
des péchés de ses habitants. Un jour un pêcheur qui y jeta une
pierre^ Tentendit heurter contre un toit et couler. Dans les temps
d'orage, des charpentes de maison sont souvent jetées sur le bord.
La légende ajoute que les habitants furent changés en écrevisses
aussi n'ose-t-on pas pécher de ces animaux. Quand leurs péchés
seront expiés, ils reprendront la forme humaine et la ville sortira
de Tabime.
Avec ce lac correspond, sous terre, un plus petit étang situé sur
une montagne ronde^ près de là. Un château y serait également
englouti. *
CLXXXII
LE PFAFFENSEE
(Posnanie)
A Gcross-Densen, près de Filehue vivait autrefois une communauté
anti-chrétienne ; même le pasteur qui devait annoncer aux gens la
1. L. de Salma. Obock, Paris, 1893, in-16 p. 51.
2. Rnoop. Sagen und Erzâhlungen p. 39.
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 37
parole de Dieu et les ramener dans le droit chemin, suivait la route
du mal et de Timpiéié. Mais la punition divine ne tarda pas. Un
jour que la communauté était réunie à l'église pour s'acquitter des
devoirs extérieurs de sa religion, l'édifice s'abîma tout-à-coup en
terre avec tous les gens. Un lac couvrit l'emplacement où s'était
élevée l'église des impies, et l'on entend encore de temps à autre le
son des cloches tout au fond du Pfaffensee^
CLXXXIII
LE LAC DE GROSS-CHRZYPOKO
{Posnanie)
Au milieu du lac de Gross-Chrzypoko^ se trouve un tas de pierre
qui sort de Teau. Là aurait été jadis une église qui depuis fut abtmée.
D'autres racontent qu'au milieu du lac, là où est le tas de pierres,
s'élevait une ville, il y a longtemps. Un jour une femme vint au
jour du marché annuel pour y vendre un porc. Elle trouva bientôt
un acheteur, maïs il trompa la femme. Celle-ci se mit en colère et
dans son irritation elle s'écria : Puisse toute la ville périr d'un coup.
Peu après elle fut effectivement engloutie. Tous les gens prétendent
avoir entendu les cloches sonner au fond de l'eau '.
CLXXXIV
LE CHATEAU DE KAMSVIKNO
{Prusse)
D'après une légende mise en vers par Thiele, il existait en
Prusse, sur le mont Kamsvikno un château qui fut englouti com-
plètement à cause des crimes de son seigneur ; outre les mauvais
traitements dont il accablait ses vassaux, il fit emmurer sa femme
vivante '.
1 . Rnoop. Sagen und Erzâhlungen p. 39.
2. Knoop. Sagen und Erzâhlungen p. 40.
3. fiecker, Bosse et Thiele, Lillhauische und pretissiche Volkssaqen, Kœnîirs-
berg, 1847, in-16, p. 1-3. . » e
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38 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
CLXXXV
SUBMERSION DE TROIE .
(Asie-Mineure)
D'après Démoclès, cité par Strabon *, à la suite de terribles trem-
blements de terre en Lydie, en lonie et en Troade, des marécages
furent convertis en lacs et Troie fut couverte par les vagues.
CLXXXVI
DESTRUCTION DE RAGAINE
(Lithuanie)
Une tradition prétend que le château de Ragaine, après la défaite
de ceux qui Thabitaient, s'abima dans la terre avec tout ce qu'il
contenait; quelquefois les spectres reviennent au clair de la lune*.
CLXXXVll
LE LAC DE STECHLINSEE
(Allemagne)
Au fond du lac de Stechlin, dans le comté de Ruppin, se trouve-
rait un village ou une ville engloutie dans des conditions dont la tra-
dition n'a pas conservé le souvenir. Toutefois, si on passe par une
belle après-midi de dimanche, au-dessus de Tendroit où la catastro-
phe a eu lieu, on entend nettement le son des cloches venir du fond
de Teau '.
René Basset.
1. Strabon, Geographica, éd. Melneke, Leipzig, 1866, 3 vol. in-12. L. I, ch. III.
§ 17, 1. 1, p. 76. r
2. Becker, Rosse et Thiele, Lilthauische und preussische Volk$sagen, p. 76.
3. Haase, Sagen aus der Graffschaft Ruppin und Umgegend, 1887, iû-8, § 42,
p. 49.
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RKVDE DES TRADITIONS POPULAIRES 39
LE SURNATUREL ET LES POUVOIRS PUBLICS
I
MAISON HANTÉE
N arrêt du parlement de Bordeaux porte résiliatioD du bail
maison hantée par les lutins.
;*agissait d'un locataire qui prétendait que la maison
^ qu*il occupait était hantée par les esprits, et qui demandait
CS pour cette cause à résilier son bail avec son propriétaire.
Voici textuellement le plaidoyer du propriétaire que M. Carré cite
(p. 90), indiquant qu*il Ta extrait d'un autre ouvrage : Curiosités
judiciaires par B. Warée, p. 174. (Je copie).
— « Quelques esprits que ce soient, s'il est vrai qu'il en vienne
« en cette maison, le locataire devrait plutôt apporter tous les
« remèdes pour y pourvoir, que de décrier cette maison au préju-
« dice du propriétaire ; Dieu et nature nous ayant donné assez de
c< moyen pour ce faire. Que n'aurait-il de laurier, de la Rue plantée,
« ou du sel pétillant dans les flammes, et charbons ardents, des
« plumes de la huppe, de la rhubarbe avec du vin blanc, du soufre,
« d'eau marine^ de rameaux d'olivier, de la valériane^ du cuir du
« front de l'hyène, du fiel de chien que l'on tient être d'une mer-
« veilleuse vertu, et efficace à chasser les démons ?
Et M. Carrée puisant toujours ces renseignements à la même
source ajoute :
— Sur quoi la Cour a débouté le locataire de sa demande, et cepen-
dant députa commissaires pour se transporter sur les lieux et visiter
la maison, afin d'être juges oculaires du droit de la cause, par arrêt
prononcé en robes rouges, le 21 Mars 1599, par M. de Nermond,
second président au parlement de Bordeaux.
LÉON COLLOT.
II
LA CHASSE AUX LUTINS
Le 19 février 1728, un Français qui passait parla petite ville d'He-
chingen, chef-lieu de la principauté allemande du même nom, fut
surpris de l'animation extraordinaire qui régnait dans cette bour-
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40 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
gade, d'ordinaire si calme et si paisible. La nnoitié des habitants
errait par les rues et sur les places, affublée de la plus étrange ma-
nière : on eût dit qu'elle partait en guerre. Les uns, casqués et cui-
rassés étaient armés de pertuisanes remontant aux âges préhisto-
riques ; les autres brandissaient des massues ou des haches ; cer-
tains étaient munis d'arbalètes ; le plus petit nombre maniaient
de respectables arquebuses, augustes souvenirs de l'héroïsme
paternel.
a Dieu du ciel ! que veutdiretout cet attirailbelliqueux? demanda le
Français à son hôte, vieil aubergiste que les défaillances de l'âge
enchaînaient sans doute à. son tournebroche.
— Eh quoi I monsieur, répliqua cet honnête industriel, ignorez-
vous que depuis ce matin la chasse est ouverte dans la principauté.
— Quelle chasse ?
— La chasse contre les farfadets, les fantômes et les lutins. C'est
Son Excellence le Grand- Veneur qui la dirige, et Son Altesse Séré-
nissime, le prince de Hohenzollern-Hechingen, notre gracieux sou-
verain, a promis, par ordonnance, une récompense de cinq florins à
quiconque livrerait un de ces esprits malfaisants, mort ou vif, à Son
Excellence M. le Grand-Veneur. »
Notre Français ne pouvait en croire ses oreilles. Il fallut qu'un
des notables du pays le menât au château pour lui faire lire cette
fameuse ordonnance, signée par le prince, à la date du i8 février
1728, et conservée depuis dans les archives d'Hechingen*.
Malheureusement ces mêmes archives ne nous disent pas si jamais
personne gagna les cinq florins annoncés.
Paul d'Estrée.
Journal des voyages^ 13 nov. 1893.
1. L*auteur de cet article ne dit pas où il a puisé ce renseignement : s'il était
exact il montrerait que M. Berbiguier de Terre-Neuve du Tym, Fauteur des Fur-
fadetSf qui chassait les esprits qui venaient dans sa chambre, aurait eu comme
précurseur une tête couronnée.
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 4t
TRADITIONS ET SUPERSTITIONS DU MORBIHAN*
ENVIRONS DE PONTIVY
(Suite) .
ANS le Morbihan on dit que s'il tombe de la pluie le premier
jour de mai il n'y aura pas beaucoup de pommes. Si elle
tombe le premier jour d'août il n'y aura pas de châtaignes ;
s'il pleut le jour des Rameaux au moment de l'évangile Tété
sera pluvieux ; si pendant tout ce jour il n'y a pas de pluie
l'été sera sec.
Quand on voit trois pies sautiller ensemble sur une route on dit
qu'il y passera un enterrement.
Quand on entend un chien hurler le soir c'est qu'il sentla mort de
son maître ou celle d'un des habitants de la maison.
Lorsqu'on veut mener une vache à la foire, on remarque au
moment où elle sort de Tétable quel pied elle met dehors le premier.
Si c'est le droit, c'est signe qu'elle sera vendue, si c'est le gauche
on est sûr de la ramener à la maison.
Dans certaines communes du Morbihan, on attribue à des femmes
réputées sorcières le pouvoir d'enlever au moyen d'oraisons ou de
paroles magiques, le beurre du lait que leurs voisines barattent. Il
faut que ces sorcières connaissent le nom des vaches qui ont fait le
lait d'où elles veulent soutirer le beurre, mais on peut empêcher le
vol par le moyen suivant ; le voici tel qu'il m'a été raconté par une
fermière des environs de Pontivy : Depuis quelques jours, me dit-
elle, je m'apercevais que le lait que je déposais dans des pots en
terre après Tavoir trait ne rendait plus autant de beurre qu'aupara-
vant. Je vis bien par là que le beurre m'était enlevé par quelque
sorcière. Alors je pris une ronce qui avait des racines aux deux
bouts et je la mis dans l'étable aux vaches, au dessus de la porte^
puis le Dimanche, je mis deux sous dans la tasse des défunts en
l'honneur des âmes du purgatoire, et depuis je ne me suis plus
aperçue que mon beurre m'était enlevé.
Dans certaines communes des environs de Pontivy on attribue
aussi aux personnes qui passent pour être sorcières le pouvoir
1. a. U VIII, p. 178.
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42 REVUE DBS TRADITIONS POPULAIRES
d'enlever Targent au moyen d^oraisons ou encore de certaines
paroles magiques de ceux qui ont la bourse bien garnie. Pour les
empêcher d'opérer, ceux qui se rendent aux foires et marchés,
porteurs d'une certaine somme, ont toujours soin de mettre dans
leur bourse parmi les pièces d'or et d'argent une pièce de dix
centimes destinée à la tasse des défunts pour les âmes «lu purgatoire.
Les sorcières, paraît-il, ont beau dire des oraisons et prononcer
leurs paroles magiques elles ne peuvent rien faire sortir d'une bourse
qui contient cette pièce.
On doit laisser les bœufs en repos le Vendredi-Saint, car ce jour-
là ils n'ont pas de force si on les faisait travailler ils crèveraient
dans l'année.
Il ne faut pas semer le chanvre le jour de Saint-Marc, il devient
fourchu et par conséquent il ne serait bon à rien.
t«'RANçois Marquer.
.>^o^^^^^^«v<^w^^^^#^x<w^
LA NEIGE
1
FORMULBTTE DE LA NEIGE
Autun
Quand il neige, les enfants chantent la petite chanson qui suit.
Ils croient qu'elle a pour effet de faire cesser la tombée de la neige
dès le lendemain.
Pleut, Pleut, Pleut,
Neige, Neige.
Lei sauterelles sont dans la crèche,
Les ouillaux (oiseaux) sont dans Tanhaux (grenier).
Que demande à ton manteau,
Pour demain qui ferait chaud.
M"* J. Lambert.
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RBVtm DBS TRADITIONS POPULAIRES 43
LES CLOCHES*
XII
LE SON DES CLOCHES
Nogent-le-RoIrou il y a trois paroisses, Saiat-Hilaire, Saint-
Laurenl et Notre-Dame. Les enfants se placent dos à dos et
après s'être accrochés par les bras, ils s'élèvent et s'abaisent
alternativement en chantant :
Ban, Bao,
Saint-Hilaire et Saint- Laurent.
Ban, ban.
Notre-Dame, les bonnes dames,
Saint-Laurent les bons enfants,
Saint-Hilaire, les bons frères.
Ban, ban.
Et Ton recommence ; ils appellent ce jeu : Faire ban, ban.
Filleul Petigny.
BLASON POPULAIRE D'EURE-ÈT-LOIR
— Nogent-le-Rotrou n'est appelé dans toutes les campagnes que :
le grand Nogent.
— Nogent la ville aux bonnes gens.
— Nogent le plus gros bourg de France.
— Mortagne sur montagne, le plus haut bourg de France.
— Chartres en Beauce,
Ville normande bâtie en terre et en beauge.
— Bonneval, bonne vallée,
Plus de p... que de cheminées, ou plus de femmes que de che-
minées.
Dicton sur Saint^Jean Pierre-Fixte près Nogent : Quand il gèle à
pien^e fente il gèle k Pierre fixte (Pierre fixte).
1. Cf. t. VI, p. 110, 247, 292, t. VII, p. 206, 273, 444, t. VIII, p. 220, 477, 611.
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4i Revue des traditions populaires
Sur les habitants de la Sarthe.
— Manciau, comben ton viau ?
— Quinze jours.
— Tés fou Manciau.
— J'en rabattrai point.
Dans les environs de Nogent pour se rire du langage du départe-
ment de rOrne où le pronom lelle se dit olle eto, ce qui fait sembler
bizarre le langage de cette contrée, on récite ce dicton :
— Quo qu'olie a, quo quolie a co ? — Quo crie.
(coquollacoquoUacoquocrie).
Qu'est-ce qu'elle a, qu'est-ce qu'elle a encore ? — Elle crie.
A Nogent-le-Rotrou une certaine antipathie règne entre les habi-
tants de la campagne et ceux de la ville qui le leur rendent bien.
Une sorte de légende a cours à ce sujet parmi les ouvriers natifs du
pays.
Lorsque Dieu, racontent-ils, fit l'homme il le fit comme on sait
avec de la terre ; mais quand il voulut faire le paysan, il prit de la
boue SOU& ses souliers se disant que ce serait bien assez bon pour
faire un paisan (paysan).
Dans la campagne environnant Nogent-le-Rotrou, on aime à se
rire de l'accent des habitants purement nogentais qui traînent
longuement les mots où se trouvent un r^ d'où cette phrase incohé-
rente que Ton répète par mépris :
Et ton perrrey et ta merrre et ton frerrre ? Mangent ti corrre du
heurrre dans la rue des Pouparryerrres.
(La rue des Poupardières est une rue de Nogent).
Filleul Petigny.
9i
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 43
LES METEORES
XXII
LA VOIE LACTÉE
I
N Souabe, la voie lactée s'appelle aussi « route de Joseph n
(Josephsstrasse) parce que c'est par ce chemio que saint Joseph
s'enfuit en Egypte avec Marie et Jésus. Dans quelques loca-
lités on l'appelle « route du ciel » [HimmeUstrasse] ^
II
Quelques tribus indiennes croient qu'après leur mort, les âmes
des bons iront dans un excellent pays de chasse, par un chemin qui
passe tantôt sur la voie lactée, tantôt sur la grande Prairie-Médecine
(prairie magique) *.
III
Les Incas s'imaginaienl que les taches noires que l'on remarque
dans cet assemblage d'étoiles que les astronomes appellent vulgai-
rement la Voie de tait représentaient la figure d'une brebis qui allai-
tait un agneau. Ils voulaient même quelquefois me les montrer el
me disaient: Ne voyez-vous pas la tête de la brebis? Voyez-vous
bien l'agneau et le corps de tous les deux ' ?
IV
« J'ai connu chez les Bassoutos, de gros garçons qui ne se hasar-
daient qu'avec beaucoup de répugnance à regarder les étoiles, parce
qu'ils s'imaginaient que la voie lactée était un assemblage mons-
trueux de ces êtres diaphanes dont les apparitions imaginaires sont
tant redoutées ».
Ler Bassoutos appellent la voie lactée le chemin des dieux ^.
René Basset.
1. Birlingen, Volksth&mliches aus Sckwaben, Fribourg ea Brisgau 1861, 2 \.
n^8, t. 1 § 299 p. 190.
2. Koortz, Mârchen und Sagen der Nordameri kanischen Indianer, léDa, 1871,
pet. in-8, p. 21.
3. Garcilasso de la Vega. Histoire des Incas rois du Pérou, Paris, 1830, iii-8, t.
1, 1. Il, ch. 23, p. 262.
4. Casalis. Les Bassoutos. Paris, 1860, in-12, p. 206.
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46 RBVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
LÉGENDES ET SUPERSTITIONS PRÉHISTORIQUES
XL
LA PIERRE AUX DIX DOIGTS
Département de VAube
^s^. ANS un mémoire sur les polissoirs du département de TAu-
^^^tt be *, M. Kmile Pillot indique sur le territoire de la commune
cDJâW de Bercenay-le-Hayer, quatre polissoirs.
Malheureusement^ Tun d'eux, qui se trouvait au sud de
Bercenay, au lieu dit les Etommes, a été détruit depuis
1860. Il mesurait environ 1" 50 de longueur sur 1" de largeur. Il
portait trois rainures très apparentes et d'autres moins visibles.
La tradition rapporte que saint Flavit passant par là, donna trois
coups de bâton sur cette pierre et que les trois principales rainures
sont les traces du bâton de saint Flavit.
Sur le territoire de la commune de Villemaur, un autre polissoir
connu sous le nom de la Pierre aux-dix-doigts^ porte aussi les traces
du passage de saint Flavit; saint Flavit étant berger se coucha
contre cette pierre ; lorsqu'il voulut se relever il s'aida en appuyant
ses mains dessus et ses doigts y demeurent marqués. De là le nom
de la Picrre-aux-dix-doigts.
Ce polissoir qui se trouve sur la lisière, au nord d'un bois dit
BoiS'Luteau^ offre sur la partie gauche dix rainures fort apparentes,
mais en l'examinant attentivement, on peut en voir vingt-deux, dont
plusieurs cuvettes.
Une croix en bois, dédiée à saint Flavit, se trouve placée devant
le polissoir. .
XLl
DOLMENS QUI SE DÉPLACENT
Pendant la nuit de Noël et principalement à Theure de minuit la
légende nous apprend que certaines tables de dolmens se lèvent ou
tournent sur elles-mêmes laissant toujours voir des trésors insaisis-
sables.
1. Les polissoirs mégalithiques du département de l'Aube. Troyes,.188i..
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 47
L'Ami du foyer, almanach du Perche et du Saonnois pour 1895,
dans son chapitre des prédictions comiques, annonce que pendant
la nuit du 25 décembre 1895, le dolmen des Sablons, commune de
Saint-Cyr-la-Rosière, ira rendre visite à sa compagne la Grosse
Pierre de Boissy-Maugis, commune de Boissy-Maugis.
Une gravure représente cette visite et nous montre le monument
tout entier qui se déplace.
XLII
LA PIERRE-AU-POIVRE
Entre Thionville et Chalou-Moulineux (Seine-et-Oise), dans une
petite vallée, se trouvent plusieurs grosses roches naturelles. L'une
d'elles se nomme la Pierre-au-Poivre et sert à attraper les enfants
et les grandes personnes qui ignorent la farce qui suit :
On dit au novice que la pierre sent le poivre et on Tengàge à s'en
assurer. Pendant qu'il aspire, pour s'en rendre compte, on lui cogne
le nez contre la pierre.
Celui qui a été attrapé cherche a en attraper un autre et la tradi-
tion fait qu'il y aura encore des nez cognés contre la Pierre-au-Poivre.
G. Fouju.
XLIli
LES PIERRES DE FOUDRE
Au voisinage de la Fontaine-Sauve à Gernois, près Semur, station
de l'âge de pierre, on a trouvé abondamment des silex et des haches
polies ; ou sait que ces dernières sont appelées pierres de Tonnerre,
il règne sur la fontaine Sauve une légende: on dit qu'elle doit sa
découverte à la foudre qui a fait jaillir l'eau. Cette légende doit
avoir son origine dans les nombreuses haches en pierres polies
trouvées autour.
XLIV
PIERRES APPORTÉES PAR UN SAINT
Sur les limites des commmunes de Genay et Viserng existe un
beau menhir en granit de 3^ 27 de haut ; on raconte qu'une discussion
sur la limite des deux territoires s'étant engagée, la sainte apporta
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48 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
une nuit cette pierre (dite aussi la grande borne) sur le point où
elle est placée et que les habitants s'empressèrent d'accepter le
jugement de cette sainte qui est aussi la patronne de la paroisse de
Viserag. On nous a raconté au sujet d'autres gros blocs qui existent
sur d'autres points une variante : Sainte Christine apportait ces
pierres dans son tablier, mais l'attache ayant cassé, elle les laissa à
cette place.
XLV
PIERRES DU DIABLE
A Laroche en Breuil (Côte-d'Or) existe un énorme rocher dit le
Poron-Merger, couvert de cavités circulaires. C'est une pierre, à
bassins de grandes dimensions : le diable avait été chercher cette
roche dans un pays éloigné avec le dessein d'en fermer la porte de
l'église de Laroche. Le Bon Dieu lui avait promis que s'il pouvait
le faire avant que la cloche ne sonnât, tous ceux qui étaient dans
Téglise lui appartiendraient. La cloche ayant sonné quand il n'était
qu'à cette place, il fut obligé de laisser tomber son fardeau. Les creux
et bassins sont les empreintes de ses épaules, ou les marques des
efforts que dans sa colère il fit pour le ressaisir. Un lieu-dit voisin
s'appelle le Rèbraiement, c'est là qu'à la suite de cette déconvenue
il se retira et où on Tentend quelquefois pousser la nuit des cris
affreux qui n'ont rien d'humain. Dans une commune voisine, à
Saint Léger de Fourcheret, on raconte au sujet d'une roche semblable
couverte de bassins une variante. J^e diable s'était engagé par un
pacte entre lui et les habitants à transporter à Saint-Léger entre
messe et vêpres un énorme rocher pris dans une forêt voisine, il la
charge en effet sur ses épaules et marche en toute hâte, mais arrivé
à l'endroit où on la voit encore, il entendit sonner les vêpres à
toute volée, aussitôt il laissa tomber son fardeau et s'enfuit.
A Sainl-Andeux (Côte-d'Or) on montrait la pierre Sassedin. C'était
encore une pierre avec un bassin qui était attribué au pouce du diable
sur le bout duquel il l'avait apportée et il fut obligé de la laisser tom-
ber, de là l'origine de la cavité.
HiPPOLYTE MaRLOT.
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REVUE DES TKADITIONS POPULAIRE» 49
LA FÊTE DES ROIS'
XIX
LA FÊTE DES ROIS A MARLY, EN 1704
i
tN trouve dans les Mémoires du Marquis de Sourches^ publiés
par le comte do Cosnac et M. Edouard Pontal, tome VUI,
p. 257, à la date du 5 janvier 1704 :
<' Le soir, le roi fît les Rois à Marly avec assez de joie ,
Madame fut reine à la table du roi^ et la comtesse de
Mailly à celle du duc de Berry, car Monseigneur n'y étoit point,
parce qu'il observoit toujours le régime de souper peu, et de bonne
heure. Il y eut' musique pendant le souper, on y chanta des
chansons à boire à deux parties, et le chœiir chanta : la reine boit !
toutes les fois qu'une des deux reines en donna l'occasion.
»... Le 6, au soir, le roi et la reine d'Angleterre vinrent à Marly y
rendre visite au roi et souper avec lui, et ils y furent reçus avec les
honneurs ordinaires. Au souper, on apporta des gâteaux, comme le
jour précédenl, lesquels ayant été coupés, la fève iomba à la reine
d'Angleterre à la table du roi, et elle disposa de sa royauté en faveur
de la comtesse de Grammont, qu'elle chargea d'en faire les fonctions.
La comtesse de Ponlchartrain fut reine à la table de Monseigneur,
qui se débaucha ce soir là. à cause de la cour d'Angleterre, et, à la
petite table, la marquise d'Urfé se trouva reine ; il n'y eut point de
musique ce soir-là, mais par une invention nouvelle, on donna à
tous les conviés des silïlets qui faisoient toutes les parties de la mu-
sique, et on sifïla toutes les fois que les reines burent ».
A Tausserat-Radel.
XX
DE NOËL AUX ROIS
Dauphiné
De Noël aux Rois, les garçons donnaient des amandes aux filles et
les filles donnaient des noisettes aux garçons.
Certains portaient des papillottes aux filles.
l. Cf. t. H, p. 56, 66 ; t. III, p. 116, 167; t. IV, p. 38, 111 ; t. VI, p. 20 ;
t. VU, p. 33;t:X, p. 9.
TOME XI. — JANVIER 1896 \
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50 RfcIVUE DBS TRADITIONS P0PULA1RF.S
On commençait à jouer aux olagnes, alagnes (noisettes) à la messe
de minuit, à la veillée de Noël.
Noms des jeux, en patois d'Éclose. — On jouait :
!•* à churi ou suri = silence. Les noisettes étaient étalées sur la
table ou sur une assiette et les joueurs étaient rangés autour. Â un
signal donné, les joueurs^ moins deux, baissaient la tête; un d*eux
touchait une noisette en disant: churi! puis à tour de rôle, ils tiraient
à eux les noisettes jusqu'à ce qu'ils eussent touché celle marquée
du doigt et du mot : churi !
2" à isolet-mignolet = à un poing fermé.
On faisait deviner le nombre de noisettes renfermées dans son poing
fermé. La différence se soldait au profit de celui qui faisait deviner.
Le nombre exact était au profit du devineur heureux.
3** à grillin-grillettes = à noisettes grillettes, faisant le grelot ren-
fermées dans les mains superposées.
4** à sarrin-sairaille ; aux deux poings fermés, serrés. La serrure
s'appelle sarraille on dit : sarra la porta, pour « ferme la porte ». On
disait sarrin-sarraille.
De que cota i*é mon' alagne.
De quel côté est mon olagne (noisette).
5° à parey, pas parey = à pair, à impaii^, parey = pareil.
Gâteau des Rois, — La brioche des Rois est donnée à Cour par le
boulanger à ses clients. Il reçoit un pourboire pour étrennes.
De Noël aux Rois, ce sont les courses du « rey d'Hérode » avec son
cliquetis de ferrailles, de chaînes et ses chiens chargés de grelots,
que Ton croit entendre en l'air. Les contes de « luberu, louberous »,
iloups-garousl s'en vont et ne rappellent plus que les terreurs de
nos ancêtres à ce temps-là.
ArqrsTE Ferband.
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REVUE DES TRADITIONS POPILAIRES 31
LES EMPREINTES MERVEILLEUSES
ex
LES DOIGTS DES GÉANTS
EUX géants qui habitaient eu face Tun de Tautre, l'uu à Toll-
kamit, l'autre à Kahlberg en Prusse, vivaient en bonne intelli-
gence. Mais l'un d'eux ayant perdu une hache que son ami
lui avait prêtée, celui-ci furieux, se saisit d'un rocher et le
lança contre lui. Le bloc n'alla pas jusqu'au bout, mais tomba
au milieu de la rivière de la Haffe et on voit encore Tempreinte
des doigts du géant dans la partie qui émerge de leau ^.
CXI
LA JUMENT DU PROPHÈTE
Au S. 0. de Ghadamès, vers le Sabkbat el Malah', on voit sur de
gros blocs de grès plats des empreintes de pieds d'animaux qui
paraissent avoir été faites par le sabot d'un cheval. Les gens du pays
les attribuent à la jument du prophète -\
CXIl
LA PIERRE DU GÉANT A SCHWANOW
Il y a un demi-siècle, on voyait sur une hauteur à Schwanow,
dans le comté de Ruppin, un bloc de pierre qui portait l'empreinte
de cinq doigts. La tradition rapportait qu'un géant l'avait arraché
près de Zechow et avait voulu le lancer h Schwanow, mais que la
pierre était tombée là *.
1. Suite, voir t. X, p. 669.
2. Hecker, RooseetTniele, Uithauische und preussische Volkssagen, Kœnigsberg,
1847, in-16, p. 100-102.
3. Largeau, Ae Sahara algérien. Pari?, 1881, iD-16. p. 237.
4. Haase, Sagen aus der Grafschaft Ruppin und Omgegend, Neu-Ruppin, 1887.
in-8, § 15, p. 24.
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32 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
CXIII
LA PIERRE DE ZERNIKOW
Sur la roule du village de Zernikow, en face de l'église, on voit
un bloc de pierre long de huit à dix pieds, et large de quatre à cinq,
portant Tempreinte de cinq doigts énormes qu'on dirait avoir
appartenu à un géant. La légende raconte eu effet, que l'un d'eux
qui habitait à Gransee voulut détruire la première église bâtie à
Zernikow. Il saisit le bloc et le lança avec tant de force que ses
doigts y restèrent imprimés, mais pas assez loin pour atteindre son
but. Dans le pays on appelle cette pierre Schlillerstein parce que
les enfants s'amusent à s'y laisser glisser [Schliliern] *.
René Basset.
L'ORIGINE DES PRENOMS
LÉGENDE ARARE
//^^ N raconte d'après Ibn al Âthir, qu'un roi eut un fils en qui
dîicj; Ton découvraitde la noblesse naturelle, et il l'aimait beaucoup.
v^^ Quand l'enfant eut grandi et qu'il fut en âge d'être instruit,
son père le fit demeurer dans un endroit écarté de toute
habitation de façon qu'il put contracter des manières élégantes
sans fréquenter des gens qui lui feraient perdre son temps. Il lui
bâtit une maison dans le désert, l'y transporta et lui assigna tout ce
dont il avait besoin. Il plaça près de lui les enfants de quelques-uns
de ses proches, de ses cousins et de ses émirs pour lui tenir com-
pagnie, l'instruire et lui faire aimer l'instruction par la conformité
de leur nature. Au commencement de chaque année^ le roi allait
visiter son fils et se faisait accompagner de ceux dont les enfants
étaient élevés avec le sien. Quand ils arrivaient, le prince demandait
qu'on lui fit connaître par des désignalions ceux qui étaient venus
avec son père, on lui disait: celui-ci est le père d'un tel, celui-là le
père de tel autre, désignant par là les pères des jeunes gens qui
étaient avec lui : il les connaissait par les relations de parenté avec
leurs enfants. C'est depuis lors que les prénoms se sont répandus
chez les Arabes ".
René Basset.
1. Haase, Sagen aus der Grafschafl Ruppin^ § 46, p. 52-53.
2. Le prénom dont il ejt question {Konyah) est formé d'un nom propre précédé
des mots Abou^ père, Ibn, fils de. Ainsi Abou'l H'asan AU = Ali père d El H*asao ;
AbouTabbàs Ahiued = Ahmed père d*AbbÙH.
3. Es Soyouti Al Mouna fi'l kouna^ éd. Seybold. Zeilschrifl der deulscken
morgenlfindiachen Geaellschaft, 1895, p. 242.
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REVUE DES TRADITJONS POPULAIRES S3
LES ALMANACflS POPULAIRES
VII
ALMANACaS NORMANDS
Ji la ville de Rouen, représentée par la maisoa Mégard, est le
grand centre de production des almanachs normands, d'au.
t^^^ très villes ont leurs livrets spéciaux dont Tétude complétera
^^ notre dernier article sur cette question.
C'est d'abord VAlmanach du Père Lajoie^ édité par la librairie
Chénel, à Caen, et imprimé chez Mégard, de Rouen, ce qui explique
son air de famille avec les produits personnels de cette maison. — 11
comporte 128 pages in-32,plus 32 pages pour les foires de la région.
On y trouve, indépendamment des calendriers, indications astrono-
miques et météorologiques, pronostics, etc., de a sages conseils »
d'une évidente moralité, les travaux mensuels du jardin, des histo-
riettes et des bons mots. — Couverture bleue.
Voici maintenant VAlmanach du Pays de Bray^ un ancêtre avouant
fièrement sa 45« année d'exislence, publié par Th. Duval, imprimeur-
éditeur à Neufchàtel«en-Bray^ au prix de 30 centimes (in-16del92p.)
— Il contient, avec le calendrier, les heures de la lune et du soleil ;
puis, sous le titre : « Dominicales et fêtes », l'indication de toutes les
fêtes religieuses de Tannée : une sorte dVrdo à Tusage du commun
des fidèles. Viennent ensuite les heures des marées, des historiettes
et bons mots, des recettes utiles, des nouvelles locales de belle allure
et frisant la légende, [Le Poirier-Marie ^ Les canards de Saint- Antoine ^
Jehan le lépreux), des chansons également locales (La Saint-Gorgon
à Canieleu^ Le Cidre); citons surtout Tarticle iaiilulé Le Roi boit ^ où
sont décrites les coutumes de quelques pays normands (Bray et Caux)
relatives à l'Epiphanie, si populaire sous le nom de fête des Rois.
Les foires de la région, un tableau de Tépiscopat français, la liste des
communes du département avec les bureaux de poste, les noms des
maires, adjoints, curés, instituteurs, etc., ceux des autorités départe-
mentales, justifient pleinement la qualification d\< Annuaire » mise en
sous-titre et en font une publication des moins banales. — La couver-
ture verte, donne à sa deuxième page le portrait de l'abbé J.-E. De-
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.14 KEVUE DES TRADITIONS t>ÛP(JLAlHES
corde, auteur de nombreux ouvrages archéologiques sur le pays
de Bray.
Il existe encore VAlmanachdu Calvados^ imprimé par M. Bouchard,
à Condé-sur-Noireau ; nous n'avons pu jusqu'ici nous le procurer.
Le prospectus des almanachs publiés par la maison Mégard pour
1896 n'offre aucune nouveauté ni modification. Toutes les sortes
décrites l'an dernier s'y retrouvent absolument semblables.
11 en est de même des « Almanachs de Troyes » de la maison
Saillard, k Bar-sur-Seine.
Louis Morin.
LES ÉPINGLES'
Il {suite)
les épingles et l'amour
'Dans rimporlante commune de Beauvoir-sur-Mer (Vendée) le
matin du mariage, la toilette de la mariée étant achevée, et immé-
diatement avant le départ pour la mairie, chacun des jeunes gens
des deux sexes pique une épingle à la couronne d'oranger, placée
derrière la coiffe, en ayant soin de la disposer de manière à pouvoir
la reconnaître. Ceux dont l'épingle aura résisté aux courses, aux
danses et à tous les mouvements désordonnés de la journée, et qui
la retrouveront, le soir à la même place, sont certains de se marier dans
Vannée.
F. Charpentier.
1. Cf. t. IX, p. p. 12, 354.
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HEVIIE DES THADITIONS POPULAIRES 55
COUTUMES DE MARIAGE
Saône-et'Loire
XXVII
LA FUTURATION
N certaines de nos localités de Saône-et-Loire, il existe une
coutume qui ne manque ni d'intérêt ni d'attrait.
Quand un garçon et une fille se conviennent et doivent se
prendre pour époux, ils se préparent à une cérémonie préli-
minaire. Presque partout on célèbre, d'une façon quelconque,
les fiançailles des deux jeunes gens. Nos compatriotes songent aussi
à les célébrer. Seulement, chez eux, on ne dit pas qu'ils vont « se
fiancer », mais qu'ils vont se futurer. Ce verbe réfléchi est presque
une locution. Le mot est plus spécial encore, plus clair, et, à cause
de celte clarté, semble avoir convenu à la population de nos villages.
Au jour dit, les amoureux, en habits des dimanches, se rendent
à l'église, et c'est dans la chapelle de la Vierge que la fuluralion a
lieu. Parents et intimes accompagnent les jeunes gens. Une affec-
tueuse allocution du curé, l'anneau passé au doigt de la ben- aimée,
et la partie religieuse de la cérémonie est à sa fin.
Maintenant commence la petite fête extérieure. A la sortie de
l'église les voix s'animent, les félicitations pleuvent de tous côtés,
enfin la poudre parle, et pistolets et fusils acclament ce premier
lien du futur ménage. Les invités rentrent chez les parents, d'oQ
Ton ne sort qu'après s'être attablé pour un repas ou au moins
pour une collation, — et les fiancés (les futures)^ heureux déjà,
n'ont plus qu'à attendre le jour, si lent à venir, de la noce.
F. Fertiault.
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i}i) REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
LES COQUILLAGES DE MER^
IV
Aberdour on fait parfois des colliers de coquillages, le plus
habituellement avec les coquilles du Buccinum undatum^
.^w^j^ lorsque celui-ci est encore jeune. Pour le percer on intro-
^^^^ duit une aiguille parTorifice de la coquille, et on ia pousse
c^ avec soin au travers de façon à ne pas la briser ; il ne faut
pas moins tîe 1400 de ces coquilles pour faire un collier.
Souvent oiv fait de petites boîtes qui sont ornées de coquilles,
tantôt d'uiie seule espèce, tantôt d'espèces variées, qui sont fixées sur
le bois avec de la colle.
Des coquilles de toutes espèces, grandes ou petites, sont employées
comme ornements dans les maisons et dans les jardins; les plus
belles sont arrangées sur le manteau de la cheminée, et les (5lus
communes, mélangées à des galets de quartz blanc, sont mises sur les
pots de fleurs qu'on place sur la fenêtre. Les parterres sont souvent
bordés avec des Buccins des plus grosses espèces, des coquilles
Saint-Jacques et des Solens.
A Rosehearty, à Portessie, les enfants imitant les marchands, se
servent de coquilles comme monnaie; les plus grosses représentent
des pennies ou sous, les plus petites des pièces d'argent.
A Broadsea lorsque les pécheurs sont en mer, ils ont coutume de
prédire le temps qu'il fera d après l'observation du a Big buckie »
{Buccinum undatum ou Cyprinâ islandica). Si l'un d'eux vient dans
les filets, on le place sur l'un des bancs du bateau. S'il se meut, se
lève un peu et se retourne, on peut s'attendre à du vent. S'il se lève
haut et ne se tourne pas, mais se promène en long d'une manière
posée, il n'y aura pas de brise.
Lorsque le temps est à la tempéle, on a coutume de placer un
« big buckie buccinum undatum dans le crochet placé au bout de la
chaine qui sert à suspendre les casseroles, pour faire revenir le beau
temps.
A Rosehearty on se sert du « limpet » patella vulgaris^ pour la gué-
rison des cors. On l'arrache vivant du rocher, et on l'attache forte-
ment sur le cor où on le laisse un certain temps. S'il vient des cre-
vasses au sein d'une mère qui nourrit son enfant, on place dessus
1. Cf. t. Il, p, 297 ; t. IV, p. 210 : t. VU, p. 609.
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES ht
une patelle vivante. Avant qu'on se servit pour ces crevasses d'ap-
pareils en verre ou en caoutchouc, on les remplaçait par des coquilles
de patelles.
A Aberdour on mélange quelquefois à la nourriture donnée k la
volaille des coques de patelle broyées.
A MacdufT les enfants percent des coques de patelle pour s'en faire
des lunettes.
A Pittulie, les enfants se servent de .coquilles de moule pour
prendre les abeilles et se procurer leur miel. Voici comment ils pro-
cèdent. Lorsqu'une abeille est dans une tleur, Tenfant s'approche
avec précaution, et s'efforce de prendre l'insecte entre les valves ;
s'il y réussit il ouvre alors tout doucement jusqu'à ce que l'abeille
ait mis la tôte dehors ; alors il ferme les valves, coupe la tête- de l'a-
beille ; puis il ouvre son corps et avale le miel qu'il contient.
Sur une grande partie du littoral les coquilles Saint-Jacques
(Pecten maximus) servent aux femmes pour écrémer le lait.
La même coquille est encore employée pour prendre le beurre salé
dans le vase où il est conservé.
On fait aussi des pelotes à épingles avec des coquillages sur lesquels
on fixe avec de la colle un morceau de drap ou de coton rempli de
son.
Walter Gregor.
LE SINGE ET LE MISSIONNAIRE
Conte de la Haute- Bretagne
Il était une fois un homme qui avait un singe qui le servait comme
un domestique ; il parlait de lui à tout le monde ; un missionnaire
entendit ce qu'on racontait du singe ; il vint trouver son mattre et
lui dit:
— Ce n'est pas un singe que vous avez chez vous, c'est le diable ;
invitez-moi à dîner et vous verrez.
Il fut convenu que le missionnaire viendrait dîner et le monsieur
ordonna à son singe de faire la cuisine ; mais dès que le singe vit
entrer le missionnaire, il se fourra sous le lit. Le missionnaire alla
chercher son étole et de l'eau bénite ; il passa son étole au coup du
singe et lui jeta de l'eau bénite. Alors le singe disparut.
(Conté en 1880, par F. Marquer).
P. S.
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08 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
VARIÉTÉS
CHARLES PERRAULT AUX AUTEURS DU « JOURNAL DE PARIS »
Des Champs Éiîsées (4 avril 1785}. '
Salut :
N vérité, Messieurs, il y a des destinées bien bizarres et bien
opiniâtres, puisqu'elles nous poursuivent même après notre
mort. Ma famille en est un exemple frappant. Mon frère
Claude^ comme vous savez, professa d'abord la Médecine et
s'y distingua par des cures brillantes. Quelques Ouvrages, que
les Gens de Tart n'ont pas encore oubliés, sembloient lui garantir
une réputation durable.... Eh bien, Messieurs, on lui disputa ses
Ouvrages, on attaqua sa réputation : un de ses Confrères, désespéré
de ne pouvoir mordre sur les cures admirables qu'il avoit faites, s'a-
visa de lui disputer l'honneur d'avoir avancé les jours d'un vieil
Avare dont les héritiers s'étoient déjà partagé la succession. iMon
frère ne put résister à ce dernier trait ; et pour tromper son étoile, il
changea d'état et devint^ n'en déplaise au Satyrique de notre siècle,
d'excellent Médecin un habile Architecte. La Colonade du Louvre,
l'Observatoire, etc. font mieux son éloge que tout ce que je pour-
rois vous écrire sur les succès qu'il eut dans sa nouvelle profession.
Il meurt, et croit pour ce coup, emporter une gloire que personne
ne lui disputera. Espérance vaine I On lui enlève après sa mort les
monumens de son génie ; on va jusqu'à nommer l'auteur auquel on
les attribue, et son détracteur trouve mille partisans.
ftMon frère Nicolas fait tout exprès un mauvais Livre de Morale pour
échapper à la destinée de la famille ; le peu de mérite de l'œuvre et
de l'ouvrier ne le garantissent pas ; on assura dans le temps qu'il n'en
étoitquelepréle-nom. Le croiriez-vous enfin. Messieurs, notre hon-
nète-homme de père, (sic) très modeste Auteur du petit Poucet ^ de Cen"
drillon, la Barbe-Bleue^ etc. n'a pas même eu la satisfaction de jouir
paisiblement du mérite de son ouvrage. Un Cousin Jacques du siècle
dernier prétendit qu'il lui appartenoit, et cent cinquante ans après
sa mort, la fureur de rajeunir tout vient dénaturer ces jolis petits
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HEVUE DES TBADITIONS POPULAlIlES 59
Contes si réjouissans, qui ont fait les délices de votre enfance et de
la mienne. »
(Journal de Paris^ 10 avril 1785).
Le dernier paragraphe de cette Lettre, que le rédacteur du journal
suppose avoir été écrite par Charles Perrault, semble dire que c'est
son père et non lui, qui est Tauteur des contes de Ma Mère TOye ;
c'est, à ma connaissance, la première fois qu'on enlève la paternité
de ces contes à Charles Perrault pour la donner à son père ; alors
qu*on Ta parfois, en partie du moins, altribuée à son fils. On sait
que la première édition de ces contes parut sous le nom de Perrault
d*Arméncour, fils de Charles Perrault l'Académicien, auteur du
PmTatlèle des Anciens et des Modernes,
Quelqu'un de nos collègues pourrait-il nous dire si cette affirma-
tion s'eal produite ailleurs que dans le Journal de Paris ?
Quel est le « Cousin Jacques » du XVII' siècle auquel il est fait
allusion ?
Quel est le « rajeunissement » dont il est parlé ?
P. S.
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60 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
BIBLIOGRAPHIE
Juan B. Ambrosettl. Materiales para el estudo del folk-lore
misionero. Ex. de la Revist. del jardin Zoologico de Buenos-Ayres,
in-8, de pp.32.
Les matériaux de cette brochure ont été réunis dans ce que Tauteur appelle
le territoire des missions, qui comprend non-seulement des provinces de la
République argentine, mais des parties du Brésil et du Paraguay : c'est une ré-
gion montagneuse, boisée, habitée par des Indiens plus ou moins métissée, qui
ont subi des influences européennes, qui ont eu plusieurs points modifié leurs
légendes et leurs superstitions. C'est ainsi que dans un récit, Dieu accompagné
de saint Pierre et de saint Jean, est bien reçu d'un vieillard pauvre qui s'était
retiré à Técart pour que sa fille se conservât toujours pure, il trausforme celle-ci
pour le récompenser, en l'herbe appelée maté. Les cueilleurs de maté appelés
« mineros » ont une autre version d'après laquelle la jeune fille serait devenue la
dame de l'herbe; ils croient qu'elle existe encore, et qu'elle secourt ceux qui ont
fait un pacte avec elle. Ils la nomment la Caâ-Yari ou TAîeule de la plante. Le
« minero » qui veut contracter ce pacte attend la semaine sainte, et s'il est près
d*un bourg, il entre à l'église et promet formellement de vivre toujours dans
les montagnes, de faire amitié avec la Caâ-Yari, et jure en même temps de n'a-
voir aucune relation avec une autre femme. Après ce vœu il s'achemine vers la
montagne et dépose sur une touffe de maté un papier sur lequel est écrit son
nom, avec le jour et l'heure où il désire se rencontrer avec elle. Ce jour-là, il
doit s'armer de courage, car la Caâ-Yari, pour éprouver sa valeur, lui dépêche
des vipères, des serpens, des bètes fauves et tous les monstres de la montagne.
S'il a supporté cette épreuve, elle lui apparaît, jeune et belle, et il lui renouvelle
son serment. A partir de ce moment, quand il va cueillir de l'herbe, il tombe
dans un doux sommeil, et pendant ce temps la Caâ-Yari lui cueille une ample
provision, lui aide à la porter, à la mettre sur la balance, invisible pour tout
autre que pour lui. Mais malheur au « minero » qui lui fait une infidélité , elle
le tue aussitôt. Quand un minero meurt, ses compagnons se murmurent à
l'oreille : Il a été traître à la Caâ-Yari ; la Cact-Yari se venge. Il y a quatre autres
légendes relatives aux hantises des bois et des montagnes. Ces régions aussi
ont des pierres à légendes: M. A. en donne cinq qui sont très curieuses; d'autres
sont relatives à des lieux divers, à des métamorphoses, parmi lesquelles s'en
trouve une qui se rattache à la série des loups-garous. A la suite de ces seize
légendes, l'auteur raconte les pratiques funéraires, les superstitions relatives à
l'amour, et diverses superstitions, dans lesquelles celles de l'Europe et celles des
Indiens se mélangent. Ce travail est très intéressant, les observations bien
recueillies, et il est à désirer que l'auteur continue son exploration dans ces ré-
gions jusqu'ici peu connues.
P. S.
Juan B. Ambrosettl. Apuntes para un folk-lore Argentino (Gau-
cho), in-8' de pp. 21. (Extrait de la même Revue).
Cette nouvelle brochure se rapporte aux superstitions de la régions de gau-
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REVLE DES TIIADITIONS POPULAIRES
61
chos; il y est traité du rôle très important du crapaud dans la médecine populaire,
de la médecine des hommes et des animaux, ainsi que de diverses superstitions
de ce groupe.
PS.
Juan B. Ambrosetti. Los Jndios Kaingangues de San Pedro,
Baenos-Ayres, in-8° de pp. 80.
Cette monographie, est suivie d'un vocabulaire assez éteudu de la langue
de cette tribu, qui fait partie du groupe des Tupis, est accompagnée de photogra-
phie»* qui représentent des types de ces indiens à moitiés européanisés quant au
costume, et certains de leurs ustensiles, entre autres des haches en pierre polie,
encore d'un usage courant chez eux. Leur coutume, leur alimentation et les
diverses phases de leur vie de tous les jours y sont décrits avec beaucoup de
soin.
P. S.
J. Grand Garteret. Vieux papiers, vieilles images. Par suite
SAINT JACÇUES DE COISPOSTELLE.
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d'une erreur, ces gravures qui auraient dû accompagner notre notice
n'ont pas été placées à la suite.
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62 RSYUE DES TRADITIONS POPULAIRES
Spécimens d'imagerie populaire de la fabrique de Basset à Paris (Directoire).
Découpage au ciseau (1818).
LIVRES REÇUS AUX BUREAUX DE LA REVUE
Edmond Le Blant. iXoles sur quelques anciens talismans de
batailles. (Ext. des Mémoires de l'Académie des Inscriptions et
Belles-lettres), ln-4 de pp. 15.
On croyait autrefois, et jusqu'au XVI« siècle, que des phylactres et des objets
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 63
enchantés pouvaient préserver des blessures : en i568, un soldat muni d'un
Agnus dei'et condamné à mort ne put être atteint par le feu de la nnousqueterie,
VEnchiridion Leonis papœ présente un grand nombre de prière» recommandées
n pour conjurer toutes sortes d'armes ». Des épées comme Durandal et Joyeuse
avaient, encastrées dans leur pommeau, des reliques; de simples mots gravés sur
les glaives, préservaient des blessures ; les monnaies à Teffigie d'Alexandre,
des nobles d*or à Terfigie d'Edouard 111 et à inscriptions talismaoiqucs, passaient
pour avoir une puissance magique.
Elude sur la coutume des meuniers de Meung et de Beaugency au
Moyen-âge, par L. Jarry. Orléans, H. Herlûison. 1895. In-8 de
44 p.
Coutumes curieuses ?ur les obligations impo^Ocs aux meuniers dont la
profession était 'en quelque sorte discréditée, ils Taisaient entre autres roflicc de
bourreaux.
André Lefèvre. Les temps homériques. Hommes et dieux^ mœurs
et croyances. Jean Maisonneuve, in-8, de pp. 158 (Extrait de la
« Revue de linguistique »).
PÉRIODIQUES ET JOURNAUX
Ethnologiscbe Mitteilungen aus Ungam. IV. 4-6. — Dr, Fi\ S. Krauss^
Dus Fraulein von Ranizsa. Ein Abenteuer auf der Adria. Ein moilimisches Gus-
larenlied in zwei Fassungen (Kortsetzung). — Dr. Bernhad Munk Icsiy Die altesle
bistorische Erwahnung der Ugrier. — - Vid Vulelic Vukasovic, Alcunc legjicnde
di S. Simeone Protetlore di Zira (Tradizioni popolari). — Franz Gonozi, Die
Kroaten in Murakoz (Mit 25 lllustrationen auf 10 Tafeln) I. Typus uud Ch.irakter.
11. HochzeitFgcbrauche. III. Volksglauben. — Kleinere Miiteitunffen : Geselischafi
far die Volkerkunde Ungarns. Karpatbennmseum in Nagy-Szeben. - /*. Uiin-
falvy, Der Zuname Ralo. — S. Kuj^z, Todtenwache bei deu Hienzen.
Om Volksleven. VU. 9. — Contes populaires. Les trois compagnons de
voyage, /.-//. Vervliet. — Blason populaire. Les « courtes Oreilles ». de Uelhy.
Les Geais de Hamme. Les « Kloddemans >• de Zelc. Les Mangeurs de sable de
Grembergen. Les Oignons, les Tourneurs, les « Pieds blancs » d'.41ost. Les Ca-
rottes de Ninove. Les Fous, les Attrappe-mouches, les « Tireurs de limaçons »
de Renaix. Les Hommes rampants de Grammont. Les Sorcières d'Onkerz^le. Les
Mangeurs de lait de beurre de Winkel-St. Kruis. Les Ecorcheurs d'anguilles de
Mendonk. Les Mangeurs de marmelade de pommes de Desteldonk. Sobriquets des
habitants de quelques autres localités de la Flandre Orientale, Jozef Comelissen.
— Usages et coutumes populaires de la Campine anversoise : Lundi perdu. Le
Poisson d'avril. Le lundi de Pâques, Fran s Zand. Légendes du Pelit-Brabant.
Les Cloches englouties de Bornhcm. L'Homme qui ne retrouve plus son chemin.
Une rencontre de fantômes. La Dame blanche, Alf. J. C. - Usages et Coutumes
populaires du Brabant septentrional (Hollande) (suite) : Coutumeit diverses en
rapport avec des fêtes et des solennités de l'église. Usages et Réjouissances des
« Gildes ». Les chambres de rhétorique, P. N. Panken,
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Bi BEVUE DES TUADITIONS POPULAIRES
Revista lusitana. lY. 1 . — Costumes do tempo d'EUrai D . Maooel, Pedro
d'Azevedo^— Dialectos alemtejano». /. leite de Vasconcellos, — Les travaux pu-
blics et les mines, par Paul Sébillot, Severiano Monteiro (cet article, qui n'occupe
pas moins de seize pages en petit texte, contient des additions très intéressantes).
Volkskunde. VIII. 9. — Usages et croyances populaires relatifs aux animaux
domestiques, aux produit? agricoles et au temps, A, De Cock. — Nos Chauteurs
ambulants flamands, PoL de Mont. — Proverbes et Dictons sur les femmes. —
i. La femme. Ses défauts et ses qualités, A, De Cock.
Wallonia. IV. 1. Le jour de l'an, croyances et usages. G. CoUon, — Li leup,
li gatte et les biquets, fable de Lincé (Sprimont) F. Sluse. — Notes et enquêtes.
La prcmitTC revue de folklore.
NOTES ET ENQUÊTES
/, dominations et distinctions. Parmi les promotions faites dans la Légiou
d'honneur à l'occasion du centeuaire de Tlnstitut, nous ro1rvon$* celles de nos
éniineuts collègues, MM. Jules Claretic. Maspcro, Massonet, Ga«>ton* Paris, promus
commandeurs de la Légion d'honneur, et celle de M. Xavier Charmes, également
promu commandeur, qui, depuis la fondation de la Société n'a cessé d'encou-
rager ses travaux. Parmi les nominations de chevaliers nous constatons avec
bien du plaisir celle de notre collègue J.-F. Bladé.
,*, Contemporains divinisés. A Oris^a, dans la présidence du Bengale, une secte
adore la reine Victoria comme sa principale divinité. Le colonel Graham a aussi
découvert que Sa Majesté était aussi l'objet d'un culte dans le temple du Phodoug-
Lama, à Tumloong au Thibet.
Dans les Punjaub une secte adorait une divinité qu'elle appelait Nilkkal Sen,
et qui n'était autre que le redouté général Nicholson [\ewcastle weekltf Chronicle,
4 janvier 1896).
M. de Saulcy, membre de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, avait
une nièce mariée en Bretagne qui, après sa mort, le Ht inhumer dans une cha-
pelle niiprùs de son château. Celte chapelle fut d'abord appeKe la chapelle de
M. de S«u!cy ; eu 1885, on m'assura à Dinan que les paysans des environs ne
l'appelaient plus que la chapelle de Sainl-Saulcy. J'iguore si depuis le nouveau
canonisé a fait des miracles. P. S.
RÉPONSE
.', Êtres fantastiques pour endormir les enfants. A Abbeville pour faire cou-
cher les enfants, on leur dit : Voilà la mère Saint Valéry qui passe !
En l'absence de M. A. Certeux. momentanément éloigné de Paris^ les cotisations
et abonnements sont reçus chez M. Sébillot, 80^ boulevard Saint-Marcel.
Le Gérant : \, CERTEUX.
Bavf/é {Maine-et-Loire. — Imprimerie Daloux.
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REVUE
DES
TRADITIONS POPULAIRES
11« Année. — Tome XI. — N» 2 — Février 1896.
LA CHANSON DE RENAUD
{Essai de littérature populaire comparée]
AiNTE vieille chanson qui, sur les lèvres
d'une paysanne, nous a charmés par sa
naïveté et dont les rudes sentiments ont
étreiiîl notre cœur, chantée par quelque
lettré délicat, ami des choses populaires,
évoque aussitôt ànotre esprit une lointaine
époque où le trouvère s'en allait, la son-
nant, déjà fameuse, de ferme en ferme,
de manoir en manoir.
Telle la ballade de Jean Renaud.
Aucune de nos anciennes chansons françaises n'a davantage attiré
l'attention ; peu méritent autant d'être encore étudiées : d'une indé-
niable beauté intrinsèque, les considérations d'ordres divers aux-
quelles, d'autre part, elle sollicite, si elles ne permettent pas de don-
ner des conclusions absolument fermes sur son âge vénérable, nous
ouvrent tout au moins de merveilleuses perspectives sur la vie de la
poésie du peuple.
Pour connaître toute Taventure du roi Renaud, il ne suffit pas de
collationner les versions françaises, déjà fort nombreuses cependant
et recueillies uu peu partout, principalement dans les provinces du
Nord et celles de TOuest : il est indispensable de les comparer aux
chansons Scandinaves de « Sire Olaf ». Les versions que nous en
TOMB XI. — FévniRR 1896. 5
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66 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
possédons sont considérables. S. Grundtvig* en donne 68 (dont 8
suédoises, 18 norvégiennes, 4 des Farœer et 12 islandaises, les autres
Ce nombre non-seulement en prouve Textraordinaire expansion, de
rare façon aussi il témoigne de Tétonnante fécondité de Timagination
humaine qui, sur un fond partout le même, a brodé cent motifs et des
plus poétiques.
Le chevalier Olaf se disposant à monter à cheval, sa mère lui
demande où il veut aller : d'autant que sa cotte est restée pendue en
haut dans la chambre. Il s'en va, dit-il, dans les brandes chasser la
biche. « Non, reprend la mère,
<« Tu ne vas paB chasser la biche,
Mais tu vas voir ta maîtresse. » (2)
•
Et, prophétesse et voyante comme toutes les femmes dans lanli-
que Scandinavie, elle cherche à le détourner de son projet. Déjà elle
voit en son esprit qu'on lui apporte la chemise de son fils toute teinte
de sang. Olaf lui tourne le dos et, ne tenant aucun compte de ces
pressentiments, il part.
Ce début, très clair, très humain, n'a été conservé que dans la
seule tradition des Farœer. Nul doute que ce ne soit le plus ancien :
parceque de tous les motifs qui ojit été plus tard imaginés pour
expliquer la chevauchée du héros, qu'il ait nom Olaf ou Renaud^
aucun n'est plus vrai. Dans les autres chansons Scandinaves, la mère
ne paraît point à ce départ. Ce n'est que plus tard qu'incidemment
nous apprenons où Olaf voulait aller. De même les chansons fran-
çaises ne nous le révèlent que d'un mot, d'un vers jeté en passant :
c'est à la guerre ou à la chasse.
Renaud à la chasse est allé,
A la chasse du sanglier ;
11 a manqué le sanglier,
Et le sanglier Ta tué. (3)
D'après la très curieuse version de F. M. Luzel*, le seigneur Com-
te s'est marié à treize ans. Sa femme en a douze. Au bout de neuf
1. Svend^Grundtvig : Danmarks garnie Folkeviser. Il, N<» 47.
2- « Hvort skaltu ridha, Olavur min ? i lofti hongur brynja tin. — Eg fari mcer
à heidhi, ta villini hind at veidha. — Tu fert ikki at veidha hind, Men tu fert til
tina leika-lind. » {Chanson des Farœer).
3. Version bretonne communiquée jjar M. Boucher d*Argis, conseiller à la cour
d'Orléans. E.-J.-B. Rathery. (Revue critique^ S Nov. 1866.)
4. Gwertiou Breii-Izel. 1, p. 5.
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RBVUE DÈR TRADITIONS POPDIiAlliES 67
mois, elle vient de mettre au monde un fils, et Taccouchée exprime
une envie à son mari :
« Uq peu de chair de perdrix ou de lièvre
Provenant du bois me ferait plaisir. »
lui dit-elle.
Il est intéressant de remarquer que les versions bretonnes qu'on
pourrait, sans doute, appeler celtiques, sont seules avec celles des
Farœer à posséder ce début aussi complet. Les motifs, il est vrai, y
sont différents; néanmoins, ils offrent dans les unes et les autres une
ressemblance frappante : le jeune homme y va au bois, soit-^isant
pour chasser ; en réalité^ à cause d'une femme.
Sire Olaf est donc parti. Mais, ce qu'il a pris pour Taube n'était
qu'une lueur trompeuse que les elfes avaient fait briller à ses yeux
pour l'attirer. La nuit est profonde encore et la terre appartient aux
esprits des ténèbres. Sur son vigoureux poulain il s'enfonce dans le
bois, suivi seulement de son petit chien. Comme il approche d'un
monticule, voici que tout à coup il aperçoit une danse.
Y dansent les elfes, et grandes et petites, (1)
Y dan^e la fillo du roi, les cheveux flottants.
Elles y dansent en rond. Elles sont trois, neuf, Tantique nom-
bre sacramentel.
Voilà qu une jeune fille sortit de la danse,
Elle passa son bras autour du cou de sire Olaf.
El, lui disant les mots les plus caressants, elle veut connaître le
but de son voyage. Surpris^ il essaie de se débarrasser : c'est sa
fiancée qu'il veut voir, ou déjà les invitations à ses noces qu'il va
faire. La jeune fille lui tend la main :
« Auparavant, sire Olaf, il faut que vous dansiez avec moi I
— Je ne le puis, ni ne le dois,
Demain se feront mes noces. »
Elle insiste. C'est pour lui qu'elle a tressé ses cheveux. Il lui faut
son amour.
« Sire Olaf, si vous voulez m'aimer,
De si riches cadeaux ]e vous ferai. »
Elle lui donnera un château, un cheval gris, si rapide qu'en une
1. Toutes ces différentes citations sont traduites du recueil de Sv. Gnindtvig.
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ft8 REVUE DES IHADITIONB PO^ULAlRfiS
heure de temps il peut aller k Rome et en revenir ; elle n'oubliera
non plus la selle d'or pour mettre dessus.
« Je vous donnerai une cotte neuve,
Jamais devant personne vous ne fuirez.
Je vous donnerai une si bonne épée.
Jamais seigneur n'en eut une semblable. i>
Elle pense Téblouir de ses richesses : chez elle, tous les bancs sont
garnis d*or. En vain :
« Garde pour toi tout ton or si rouge,
Je veux aUer chez ma fiancée. »
Elle reprend Ténumération de tout ce qu'elle lui donnera encore :
des bottes en peau de chèvre avec des éperons dorés, et, don su-
prême, une chemise de soie que sa mère a blanchie au clair de lune.
Ainsi, de nos jours, dans nos campagnes de France, la jeune
fîUe qui, la veille de ses noces, donne à son futur une chemise
qu'elle a de ses mains filée et taillée. Coutume qui doit être
aussi ancienne qu'elle est répandue : fréquente en Allemagne et en
Italie, elle se retrouve chez les Wendes de la Basse-Lusace comme
chez les Grands-Russiens, en Esthonîe comme en Finlande. Chez
les Indous aussi, d'après l'Atharvaveda (14. 2. 51), l'époux mettait
un vêtement que sa fiancée lui avait tissé ^ Dans les chansons
Scandinaves, d'habitude, quand un homme demande à une femme
de lui faire une chemise : c'est à son amour qu'il en veut.
Olaf reste inébranlable.
« Une chemise de soie, j'en ai moi-même une
Que ma fiancée m'a donnée hier. »
Elle revient à la charge. A toute force, il faut qu'il danse avec
elle : à lui une précieuse chaîne d'or et sept vaisseaux qui vont sur
l'eau ; à lui enfin la plus jeune et la plus belle de ses suivantes.
Toujours le même refus.
Alors aux prières et aux promesses succèdent les menaces et la
violence. D'après certaines versions danoises, la reine des Elfes
force Olaf à descendre de cheval et à danser, à danser jusqu'à
complet épuisement. Puis, le remettant en selle, elle le renvoie chez
lui. Mais, selon les plus anciennes chansons, aussi bien Scandinaves
que bretonnes, Telfe n'ayant pu arriver à ses fins lui donne à choisir
entre la mort immédiate ou une longue maladie.
i. Cf. D^* Leopold von Schrœder : Die Hochzeiisbrâuche der Esten, p. 151.
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRI^ 69
<« Choisissez ou de mourir dans trois jours
Ou de rester sept ans sur votre lit ».
Il aime mieux mourir tout de suite.
Et alors, soit qu'elle lui ait offert une coupe empoisonnée ou
qu'elle lui ait donné un baiser non moins funeste ; soil qu'elle le
touche simplement de la main ou lui enfonce un poignard dans le
cœur; qu'elle le frappe une fois seulement, ou trois fois, ou cinq, ou
neuf: la source de vie est tarie^en lui.
« Lève- toi, sire Olaf ! Retourne-t'en chez toi !
Tu n'as plus qu'uù jour à vivre ».
Cette première partie, tout au long développée dans les
chansons Scandinaves et bretonnes, manque dans les fran-
çaises proprement dites. Est-ce une perte que le temps leur a
iaii subir? Ou bien n'est-eile qu'une excroissance dans les autres?
M . Gaston Paris est d'avis que a la rencontre avec une fée était
l'introduction de la plus ancienne forme, antérieure sans doute à
toute version française. Ce trait mythologique étant tombé, on lui
a substitué des explications diverses. »
Dans les chansons des peuples latins, les motifs que nous avons
trouvés à l'absence de Renaud sont variés, et sa mort inopinée, dès
son retour chez lui, y est fort différemment expliquée, parfois, d'une
façon naïve. S'il est tout naturel qu'il revienne de guerre blessé à
mort, ou encore qu'un sanglier aux abois Tait décousu, il est plus
étrange déjà que ce soit un chien enragé qui, comme dans la version
vénitienne, l'ait mis en cet état.
Mais, môme en l'envoyant à la guerre ou à la chasse, ces chansons
oublient le véritable motif. Les chansons Scandinaves et les breton-
nes s'en souviennent mieux. De toutes les formes vaporeuses par
elles évoquées, il s'en dégage une qui, débarrassée de tous ses
voiles et rendue à la vérité nue, nous donne seule la réalité : le
héros, qu'il vienne de se marier, comme dans les chansons breton-
nes, ou qu'il soit à la veille de le faire comme dans les Scandinaves,
qu'il aille à la chasse pour contenter un désir de sa jeune épousée
ou qu'il veuille faire ses invitations aux noces du lendemain, arrivé
dans un bois, à une heure mystérieuse, il y fait la rencontre d'une
amante jalouse ou d'une maltresse délaissée. Peut-être même avait-
il un dernier rendez-vous avec elle. En tous les cas, c'est bien elle,
elle seule^ qui le frappe : il ue veut plus d'elle, il ne sera pas à une
autre.
Xous- ne vevrions là, nous, qu'un simple fait divers, à peind
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70 REVCE DES TRADITIONS POPULAIRES
capable de nous rester dans la mémoire; et nous avons le droit de
demander ce qui peut bien lui avoir valu une si tenace célébrité.
Ladate de son origine peut seule nous Texpliquer.
Aux époques primitives où le mariage n'était encore qu*un rapt
ou un marché, la femme se trouvait dans des conditions telles
qu'elle devait rester à peu près indifférente au choix de son maître.
La jalousie n'était pas née encore. Cependant, de tout temps des
exceptions ont surgi de la foule. Des cœurs ont battu plus fort et plus
noblement que les autres. Des femmes se sont distinguées : la
vaillance, Tamour, la vengeance les ont sorties du commun, et elles
sont devenues les héroïnes célèbres des plus anciens poèmes.
Qu'il s'en soit donc trouvé une qui, alors que toutes autour d'elle
acceptaient, insensibles, Thomme, quel qu'il fût, se soit, elle,
attachée, donnée tout entière à celui de son choix : plutôt que de le
perdre, elle le tue. Ce fait est alors si nouveau, que tout le monde
en est surpris ; il semble si incroyable, qu'il met toutes les imagi«
nations en travail. Ce ne peut être une femme qui ait fait cela, se
dit-on. Et Ton songe avec effroi à ces êtres surnaturels qui, la nuit,
sortent de leurs souterraines demeures et s'en viennent, à la clarté
de la lune, danser en rond ; on sait quel penchant ils ont pour les
enfants des hommes et que quiconque a commerce avec eux, l'expie
de sa vie ; on se rappelle que tel ou tel déjà a été leur victime au
fond des bois ou dans la solitude des landes, soit qu'il y soit resté
mort, ou qu'il ait été emmené dans leur palais, d'où Ton ne revient
guère. Ce n'est plus douteux : Olaf aussi les a rencontrés.
Là est, croyons-nous, le germe de l'aventure : c'est d'un fait réel
qu'elle est née. Plus tard seulement, l'oubli venant, la mythologie
s'en est emparée : la fiction a pris la place de la réalité.
Chez les Scandinaves, où la croyance aux esprits de la nature a
été aussi profonde que chez aucun autre peuple, et qui l'ont conser-
vée vivace jusqu'à nos jours, ce germe s'est développé au point
d'en faire, pour ainsi dire, une chanson à part.
Or, les Bretons possédant ce même développement de la chanson,
ne serait-ce pas que, peut-être, il s'est produit dans un temps où
Celtes et Scandinaves étaient encore ensemble? De la patrie com-
mune ils ont emporté le chant anceslral ; partout où ils ont passé,
il a retenti ; il s'est arrêté là où ils se sont établis. Les uns, au
bout de leurs courses à travers le monde, fixés dans la péninsule
armoricaine ou dans celle du Jutland, ou plus loin même, de l'autre
côté du Sund^ à l'abri de presque tout contact étranger, l'ont
conservé jusqu'à nos jours intact ; quant aux autres, des plaines de la
Germanie aux Pyrénées, les invasions les ont tant de fois recouverts
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 71
de leurs flots, tant de peuples se sont mêlés à eux, qu'il n'est pas
étonnant que le patrimoine familial y ait été gravement altéré.
Ainsi s'explique donc que dans les chansons françaises toute cette
première partie n'existe pas.
Par contre, la deuxième y a gagné. Aussi est-ce à celle-ci que,
dorénavant, nous allons, en grande partie, emprunter la suite du
récit.
Sire Olaf, il chevauche vers le « gaard » de son père,
Le sang coule de la blessure qu'il a au cœur.
Il coule si abondamment que ses deux bottes en sont remplies. Ce
détail, pour différent qu*il soit de celui donné par la plupart des
chansons françaises,
Quand Jean Renaud de guerre revint
Tenait ses tripes dans sa main,
n*en est pas moins d'un naturalisme cruel.
Quand il arriva à la barrière,
Sa mère chérie s'y tenait appuyée.
Deux vers traditionnels dans la poésie populaire du Nord et dont
la fréquence s'explique par le genre de construction alors en usage.
Le « gaard » Scandinave était au village, comme en pleine campa-
gne la ferme, un espace plus ou moins grand, entouré soit d'un
échalier, soit d'une espèce de mur en tourbe et en pierre, haul
d'environ cinq pieds^ le plus solide possible pour, en cas d'attaque,
servir à la défense. A l'intérieur de cette enceinte se trouvaient la
maison d'habitation et les différents bâtiments d'exploitation. Les
Bobos de l'Afrique Centrale ne construisent pas différemment. A
San, le colonel Monteil * fut hébergé à l'extérieur de la ville, dans
un grand enclos entouré de murs élevés, dans l'intérieur duquel
sont quelques cases en terre très habitables. Pour voir ce qui se
passait au dehors et pour pouvoir causer avec les voisins il fallait
donc venir tout au moins à rentrée de cette cour, et c'est, en effet, là,
que sans cesse, dans les chansons, nous rencontrons les femmes,
« appuyées contre la barrière ».
En France, ce n'est point à la barrière qu'attend la mère de Renaud :
Sa mère qu'est au grenier haut
Voit arriver son fils Renaud.
1. De Saint-Louis à Tripoli par le lac Tchad, p. 35.
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72 RJI^VUE DBS TRADJTiONS K)|»VLAlRfië
La différence vaut d'être signalée. Elle prouve tout d'abord
qn'k Tépoque où les chansons se sont fixées en leur forme actuelle,
la façon de construire n'était pas la même dans les deux pays.
Si la chanson ne datait que du Moyen-Age, il y a fort à parier
que le poète eilt fait monter cette mère^ une reine, sur la plus haute
tour de son château ou tout au moins jusqu'aux créneaux, comme
le dit d'ailleurs une version de Forez :
Sa mère était sur le créneau,
M a TU venir son fils Arnaud.
Mais alors, que la chanson fût née ici ou là, émigrée d'un pays
dans Tautre, Texpression n'en serait pas moins restée partout
la même : parceque partout on Teût comprise et qu'elle a, en outre, un
cachetde poésie aristocratique que le peuple nedédaigne point. Tandis
que plus prosaïque, non, tout simplement plus vieille, notre chanson
dit «au grenier haut». Or ce «grenier haut», c'est, en réalité, la mai-
son elle-même, c'est-à-dire i'antique habitation de bois, haut élevée
sur pilotis, laissant inoccupé l'espace au-dessous ; ou bien ainsi
construite que cet espace soit réservé aux diverses servitudes, la
famille occupant l'étage au-dessus, le grenier par conséquent, autour
duquel court celte espèce de balcon couvert dont parlent tant de fois
les chansons danoises « paa hœjeloftsbro ». L'expression est restée
dans nos chansons, parceque, tout en subissant une légère altération
de sens, elle n'en a pas moins continué d'être claire pour tous. Chez
les Scandinaves, au contraire, l'habitation s*étant transformée,
l'expression aussi a dû changer: maintenue, elle n'eût plus eu pour
eux aucune signification.
Et ainsi ce pourrait bien être la chanson française qui eût gardé
le plus fidèle souvenir de sa lointaine enfance.
Un dialogue s'engage alors, extrêmement pathétique, entre la mère
et le fils. Il n'est pas le même dans les chansons Scandinaves que
dans les françaises : c'est qu'aussi la donnée est toute différente.
Dans les chansons françaises, en effet, Renaud est marié ; dans les
Scandinaves, Olaf n'était que fiancé.
Au fiancé, la mère demande pourquoi il est si pâle, pourquoi le
sang coule tout le long de sa selle. Son cheval, dit-il, a buté ; ou
bien c'est une branche qui l'a fait tomber.
« Non, non, petit Ole, ce n'est pas vrai :
Bien sûr tu as été à la danse des Elfes ! »
Il en convient et raconte ce qui lui est arrivé.
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BEVUE DBS TRADITIONS POPULAltlES * 73
La mère de Renaud, elle, toute entière à la grande nouvelle qu*elle
a à annoncer à son fils, ne remarque ni sa pâleur, ni son affreuse
blessure. « Réjouissez-vous, lui crie-t-elle de tant loin qu'elle le voit,
Vot* dame vient d'avoir un fiU »,
tt Ni de ma femme, ni de mon fils
Je n'en ai le cœur réjoui. ^
Qu'on me fasse ici faire un Ut.
Un chevet blanc, un coussin gris ;
Qu'en secret on me le fasse bien,
Que ma femme n'en sache rien (1) ».
Ce lit, que Renaud recommande de lui faire avec tant de précau-
tion, afin de ne pas troubler le repos de la jeune acccouchée, Olaf
le demande égalemeot à sa soeiur.
<t 0 ma sœur chérie, prépare-moi mon lit !
0 ma mère chérie, conduisez-y moi ! »
Détail encore qui a son prix. Il nous rappelle, un temps où le lit
ne consistait qu'en des coussins qu'on mettait, le soir, sur des
bancs tout autour de ta salle, et qu'on enlevait le lendemain matin:
coutume qui a été commune à beaucoup de peuples, mais à une
époque déjà bien reculée et dont maintes chansons Scandinaves
ont cependant conservé le souvenir.
Alors Olaf, sentant la mort venir, prie son frère d'aller lui chercher
le prêtre. Passage ajouté après coup, mais qui va se trouver aussitôt
suivi d*une scène qui nous transporte en pleine époque païenne. .
Sa mère d'abord cherche à le rassurer :
Tais-toi, sire Olaf I Ne parle pas ainsi !
Plus d'un tombe malade qui n'en meurt pas.
Hélas I tout espoir est perdu. Plus de doute, la mort est là.
n Ecoute, sire Olaf, mon fils si beau :
Que répond rai- je à ta fiancée ? »
« Vous direz que je suis au bois,
A easayer mon cheval et aussi mes chiens. »
Peut-être même sa fiancée est-elle déjà en.route, s'acheminant vers
la demeure de l'époux ; et il s'inquiète de ne pouvoir, en personne,
la recevoir. Il demande qu'on aille à sa rencontre :
« Levez-vous tous, mes sept frères I
Montez à cheval, allez au-devant de ma fiancée ! »
1. Version da Boulonnais. Riv, dw Trad. pop. 111, p. 195.
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74 ' RBVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
Pais, de nouveau, lout un passage Iraditîonnel.
« Ecoutez, ma mère chérie I Allez me chercher mon écrin,
Que je distribue mon or I
Mon père aura mon cheval gris :
Il va si souvent au « gaard » du roi.
IMa mère aura mû voiture suspendue :
Elle m*a porté avec tant de bonheur dans ses bras.
Ma sœur aura mon or si rouge ;
Mon frère aura ma fiancée ».
Dans toute Tantiquité Scandinave nous retrouvons cette habitude
qu'avaient les moribonds de distribuer des cadeaux à leurs proches;
d'autre part, la cession de la femme ou de la fiancée du mourant à
son frère n'existe que chez des peuples primitifs.
Tout à coup, on entend au loin les trompettes du cortège nuptial;
à ce moment môme, Olaf rend le dernier soupir.
Il est étonnant de voir comment les chansons Scandinaves et les
françaises reproduisent exactement les mômes incidents, se servent
pour les raconter d'expressions identiques, tout en restant cepen-
dant, les unes et les autres, fidèles à la donnée différente qu'elles
ont une fois admise.
Olaf ou Renaud est mort.
Il s'agit désormais d'apprendre la triste nouvelle soit à la jeune
femme, soit à la fiancée. Cette pénible tâche incombe à la mère du
défunt.
Le dialogue qui alors s'établit entre les deux femmes peut
compter parmi ce que la poésie humaine a créé de plus réellement
beau. Plus court dans les chansons Scandinaves, les chansons
françaises l'ont allongé et varié à l'infini.
Dès Taube, la fiancée d'Olaf arrive avec son cortège. Toutes les
cloches de la ville sonnaient. Elle s'en étonne :
« Qu'ont donc les cloches à tant sonner ?
Je ne sais ici personne qui soit malade. »
On lui répond que c'est la coutume du pays de sonner ainsi à
l'arrivée d'une fiancée.
Tout à coup, elle aperçoit les flambeaux qui brûlent dans la cham-
bre d'Olaf.
0 Christ, oh I secours-moi dans ma peine !
Des lumières y brillent en plein jour.
0 Christf oh ! secours-moi dans ma détresse I
Je crois bien sûr que sire Olaf est mort.
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RBVUK DBS TRADITIONS POPULAIRES 75
Elle arnve à la porte du « gaard ». Toutes les femmes Ty atten-
daient, en larmes. Qu'ont-elles donc toutes & tant pleurer ? Pourquoi
la mère de son fiancé porte-t-elle les vêtements de deuil ? Est-ce
parce que sa bru arrive ?
« PoîDt Je ne pleure à cause de ton arrivée :
Mais c'est une femme qui est morte dans notre ville ».
Cette réponse ne la satisfait pas. Od dpnc est Olaf, son fiancé ?
Ne devrait-il pas être là pour la recevoir ?
On rintroduit dans la grande salle ; on la fait asseoir sur le banc
nuptial ; et. les chevaliers défilèrent devant elle, lui apportant leurs
cadeaux : de la même façon, avec les mêmes vers sont racontés tous
les mariages dans la poésie populaire Scandinave.
Que dit la fiancée, de Tautre côté de la table,
Elle prononça ces paroles pleines de chagrin :
«( Je vois ici les chevaliers aller et venir,
Je ne vois point sire Olaf, mon maître chéri. »
On versait le vin, on versait l'hydromel. De nouveau elle demande
où est Olaf.
Lui répondit sa mère, du mieux qu'elle put :
« Chevalier Olaf est au bois, à dompter son cheval »,
et à essayer ses chiens.
« Aime-t-il donc mieux son faucon et son chien
Que sa jeune fiancée ? »
Elle ne peut pas le croire ; et, d'ailleurs, leur pâleur à tous lui
indique assez que ce n*est pas la joie qui règne en cette maison.
Le soir, à la nuit, il fallut conduire la fiancée dans sa chambre.
Et, traditionnellement toujours, ils allument les torches nuptiales ;
ils l'accompagnent jusqu'à son lit.
Alors la vérité éclate.
Son fiancé n*est plus. Il faut qu'elle épouse son frère. Elle pousse
un cri. Non, cela ne sera jamais. Maintenant, elle veut voir le
cadavre de celui qu'elle venait épouser ; elle supplie les femmes de
la conduire auprès. D'une main, elle repousse le drap qui le recou-
vrait :
Là gisait sire Olaf et il était mort I
Elle lui caresse la joue, lui disant les choses les plus tendres,
puis, se jetant sur lui, elle lui met un baiser sur la bouche.
Et elle mourut à la même heure.
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76 REVUE DES TRADITIONS POPULAlBES
iQYolontaireiaeQt on pense à laGudrua des Bddas. Assise penchée
sur le corps de Sigurd, elle ne pleurait pas comme font les autres
femmes; mais la douleur faisait presque éclater sa poitrine. Des
hommes et des femmes s*approchèrent pour la consoler ; mais cela
n'était point facile. Alors Gullrœnd^ ûlle de Giuki, fit découvrir le
corps du héros.
u Elle enleva le linceul qui cachait Sigurd, et posa sa tête sur les
genoux de sa femme : « Regarde ton bien-aimé et pose ta bouche
sur ses lèvres, et embrasse-le comme tu faisais quand il vivait
encore. »
a Un instant seulement, Gudrun leva les yeux : elle vit la cheve-
lure du chef raidie parle sang^ les yeux brillants du roi sans regard,
et son cœur, le siège du courage, transpercé.
« La reine tomba en arrière sur les coussins du siège. Ses
cheveux se dénouèrent, ses joues rougirent, et un torrent de larmes
inonda ses genoux.
<r Alors elle pleura, Gudrun, la fille de Giuki, et un flot de larmes
ininterrompu coula de ses yeux, et les oies que possédait la reine
crièrent dans la cour, ces nobles oiseaux K »
Plus pathétiques encore sont les chansons françaises.
La situation y est d'un bout à Tautre exposée avec autant de
précision que de vérité.
La jeune femme est donc accouchée d*un fils. Naturellement, elle
est surprise de ne pas voir son mari. Elle demande à sa mère ce qui
lui est arrivé. Celle-ci répond, comme dans les chansons Scandina-
ves, qu'il est allé chasser au bois, ou encore qu'il a été mandé k
Paris.
Mais, quand sur les minuit il a rendu le dernier soupir,
SoD dernier cri fut tant aigu,
Que sa femme ra-t-entendu.
Elle veut savoir qui a crié si fort. Tantôt on lui répond que ce sont
les enfants qui se plaignent du mal de dents ; tantôt
C*eit un ptit page qu'on a fouetté
Pour un plat d'or qu'est égaré.
Le lendemain, elle voit tout le monde en larmes : domestiques el
servantes.
« Dites- moi, mère, ma mie,
Qu'est-ce que les domestiques pleurant tant ici ?
LE. de Laveleye. Les Eddas, p. 247.
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REVCB DBS TRADITIONS POfULAIRES 77
— Hélas I ma filIO: Je V le dirai :
C'est le plus beau de nos cheyaux
Qui dans Vécurie est tombé mort t
— Consolez-vous, tretous !
Pourvu que Dieu prête la vie à Renaud,
Nous en aurons bien de plus beaux.
Dites-moi, mère, ma mie.
Qu'est-ce que les servantes pleurant tant ici !
— Hélas I ma fille, je t'ie dirai :
C'est le plus beau de nos linceuls
Que la rivière a-t-emmené I »
Et toujours elle cherche à les consoler. Pourvu que Renaud soit
vivant, rien ne saurait être perdu.
Elle entend clouer la bière. Tourmentée de pressentimeuls, elle
s'informe : c'est, lui dit-on, le charpentier qui raccommode le
plancher. Les cloches sonnent le glas funèbre.
«( Dites-moi, mère, ma mie,
Qu'est-ce que j'entends sonner ici ?
— C'est le p'iit dauphin nouveau-ué
Dont le baptême est retardé. »
Ou c*est un roi des alentours qui est mort depuis trois jours.
Elle entend les prêtres chanter.
« Dites-moi, mère, ma mie,
Qu'est-ce que j'entends chanter ici ?
— Hélas ! ma fille, c'est les processions
Qui faisant le tour de nos maisons I »
La chanson bretonne dit que c'est un pauvre qu'on logeait, et qui
vient de mourrir.
Le moment des relevailles est arrivé. Elle doit aller à Téglise.
Elle demande à sa mère quelle robe elle mettra.
« Prenez le blanc prenez le gris.
Le noir est beaucoup plus joli. »
D'ailleurs,
Tout'femme qui relève d'un fils
Du drap de S'-Maur doit se vèti. (t)
Chemin faisant, tous ceux qui la rencontrent ne peuvent s'empê-
cher d'exprimer leur compassion.
I. J. Tiersot. Uist. de la chans, pop, en France^ pp. 14-15,
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78 REVUE DKS TRADITIONS POPULAIRES
Les enfanU la voyant 'passer
Disaient entre eux tout ohagrinés :
C'est la femme de Renaud,
Enterré d'hier au tantôt.
Dites-moi, ma mère, ma mie,
C^ paysans que disent-ils ?
— Mm fiUe, ils disent que les moinaux
On fait iMm nids dans les créneaux. (1)
Plus loin,
Trois laboureurs pe promenant,
Dedans les champs allaiesl disant :
— N'est-ce pas la femme de tt grand roi
Qu'on a enterré hier au soir ?
Enfin elles arrivent à Téglise. Tout de suite, en traversant le
cimetière elle remarque la terre fraîchement remuée. La mère ne
peut plus longtemps lui cacher la vérité :
C'est Jean Henaud qu'est décédé !
Le chanteur populaire avait là une situation tragique qu'il atmftîi ;
il Ta prolongée autant qu'il a pu. Ne pouvant s'en séparer, il en i^
rendu tous les détails et toujours avec la même poésie, inventant
sans cesse invraisemblances sur invraisemblances. Mais, au début, il'
n'en était sûrement pas ainsi. La mère, aussitôt le décès de son fils,
cherchait bien à en cacher la nouvelle, mais elle n'y parvenait pas ;
ses propres larmes la trahissaient.
Mais, dites, ma mère, ma mie,
Pourquoi donc pleurez- vous ainsi ?
— Hélas 1 je ne puis le cacher,
C'cpt Jean Renaud qu'est décédé ! (2)
Et la jeune femme, poussant un cri :
« Ma mère, dit'au fossoyeuz
Qu'il fasse la fosse pour deux.
Et que l'espace y soit si grand
Que l'on y mette aussi l'enfant, » (3)
Mourait aussitôt.
Ce dénouement est le même dans toutes les chansons. Les Scan-
dinaves font en outre mourir la mère d'Olaf.
1. Version tourangelle recueillie a Bléré par M. A. Brachet. (Revue critique,
25 août 1866.)
2. Version du Vermandois, recueillie par Tarbé, citée par M. G. Paris. {Revue
critique, 12 mai 1866.)
3. Bujeaud : Chans. pop. de VOuest, H. p. 213.
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 79
Le matin, de bonne heure, au point du jour,
Sortirent trois cadavres du « gaard » de sire Olaf.
Le premier était sire Olaf, Tautre celui de sa fiancée,
Le troisième celui de sa mère chérie, morte de chagrin.
Mais, c*est encore là un passage traditionnel dans la poésie popu-
laire Scandinave et qui ne prouve rien ici. En tous les cas, aucune
version française, à ma connaissance du moins, n*est aussi com-
plète.
L'examen de ces chansons, Scandinaves et françaises, incontes-
tablement démontre que, toutes, elles ont pour origine le même
motif.
Ce motif est excessivement simple : un jeune homme, nouveau
marié ou à la veille de Tétre, s'en revient du bois, blessé à mort.
Une amante délaissée, une rivale jalouse Ta frappé au cœur. De
retour chez lui, cette situation donne lieu à un très dramatique
dialogue entre la mère du jeune homme et la jeune femme ou la
fiancée, qui, en apprenant la fatale vérité, meurt de chagrin.
11 y a dans tout le sujet un tel enchaînement que toute méprise,
tout changement devient Impossible comme Ta fort bien fait remar-
quer S. Grundtvig. C'est un organisme vivantiqui conserve son uni-
té à travers les temps comme dans les pays les plus éloignés.
Néanmoins, les chansons Scandinaves ne lont pas traité de la
même façon que les chansons françaises.
Les premières ont surtout donné de l'importance au début, à la
première partie de Taventure. L'imagination y a transformé un fait
très ordinaire en une rencontre merveilleuse d'Olaf avec une fée
qui ne lui pardonne pas de préférer à son amour celui d'une mortelle.
Les chansons françaises, au contraire, laissant de côté cette
rencontre, nous présentent, dès les premiers vers, Renaud c tenant
ses tripes dans sa main », sans nous dire le plus souvent comment
il a reçu cette blessure ; et, avec un étonnant sentiment du tragique,
elles ont développé la situation ainsi faite à la jeune femme qui
vient de mettre au monde un ûls de roi.
La différence entre les deux groupes de chansons, on le voit, est
essentielle.
Non moins importante est cette autre différence que les chansons
françaises, considèrent Renaud comme marié, tandis que les
chansons Scandinaves ne le disent que fiancé.
De semblables divergences doivent remonter à Tenfance même de
la chanson. Car, supposons qu'il y ait eu emprunt d*un peuple à l'au-
tre, alors que le sujet était entièrement constitué. Les Français, par
exemple, l'auraient reçu des Scandinaves, au moment des invasions
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80 tlEVUE DES TRA.D1TI0NS POPULAIRES
normandes, je suppose. 11 a suffi d'an mot pour éiayer cette théorie
erratique, trouvé dans une chanson bretonne. Les celtîsants ne le
reconnaissent pas pour appartenir au celtique ; or, il se trouve qu'en
danois, ce mot, a broget », veut dire bariolé, sens qui va avec le
contexte. Donc, ce sont les Danois qui ont apporté la chanson aux
Bretons. Des Bretons elle serait passée chez les Français qui, grâce à
leur instinct dramatique et à leur besoin d'être concis, peu à peu
auraient laissé tomber tout le commencement pour mieux faire
ressortir le dénouement.
Pourquoi auraient-ils aussi transformé les personnages ? Serait-«e
également pour rendre Tim pression du drame plus poignante ?
Nous ne le croyons pas.
Cette jeune fille qui s'en vient avec son cortège nuptial vers sa
nouvelle demeure et qui, surprise de ne point voir à sa rencontre
son fiancé, demande à sa mère ce qu'ont les cloches à tant sonner ;
puis, si vraiment Olaf lui préfère déjà ses chevaux et ses chiens, et
qui, le soir de ses noces, meurt sur le cadavre de celui qui n'a pu
la recevoir dans ses bras, offre une situation d'un intérêt poétique
trop saisissant pour qu'un chanteur, digne du nom, ait songé
un instant ^à remplacer la fiancée par l'épouse, vînt-elle d'accon-
cher.
L'hypothèse contraire ne nous semble guère plus admissible. C'est
cependant l'opinion de S. Grundtyig que, non-seulement les versions
françaises, italiennes, catalanes et celles recueillies dans les îles
Baléares sont- sorties de la chanson bretonne, mais que celle-ci, née
en Bretagne à une époque indéterminée et faisant tache d'huile,
serait passée de là en Normandie, vers le XP siècle, d*où au XII',
les Scandinaves, allant et venant entre leur nouvelle patrie et
l'ancienne, l'auraient transportée dans les pays du Nord. Et alors,
les Danois à leur tour, au XIII* siècle, l'auraient communiquée aux
Wendes, avec lesquels ils avaient de fréquents rapports.
En admettant que ces pérégrinations fussent possibles — et il y
aurait bien des objections à faire, — les différences fondamentales
que nous avons observées n'en resteraient pas moins inexpliquées.
D'autre part, il est évident que toutes ces chansons ont été forte-
ment modernisées : la forme sous laquelle nous les possédons n'est
assurément pas très vieille, et le christianisme y a mis son empreinte.
Mais tout cela n'est qu'extérieur. Si, au fond, les sentiments qui s'y
trouvent exprimés, essentiellement simples et absolument humains,
ne peuvent, par conséquent, pas avoir d'âge, nous avons trouvé
dans l'ensemble des scènes dont l'exact pendant se retrouve dans les
plus anciennes poésies connues des peuples germano-scandinaves ;
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RBVUB DES TRADITIONS POPULAIRES 81
et maiots détails nous reportent aux tout premiers âges de la vie de
ces peuples.
A ces détails déjà signalés nous ne pouvons nous empêcher d en
joindre un dernier.
Dans la plupart des variantes françaises, la femme de Renaud, en
apprenant que son mari est mort, confie à sa belle-mère 4e soin
d'élever son enfant nouveau né, et, pour cela, lui lègue toutes ses
richesses.
« Ma mère, tenez de Tor,
De l'or et de l'argent la clef !
Faites élever mon fils
Avec douceur. y>
Ou, plus simplement, dans la chanson poitevine :
Ma mère, voilà la clef du grenier :
11 y a là du seigle et du froment.
Nourrissez-le, mon cher enfant 1
Mais, dans celte même version, la veuve pousse un cri que nous
n'avons entendu nulle part ailleurs :
Dites-moi donc, mère, ma mie.
Où qu'sont les clefs, que j'aille
Dans son tombeau avec lui (i).
Qu'est-ce que ce tombeau, dont elle veut la clef?
Nous savons que les anciennes sépultures, celles des peuples les
plus antiques, des Egyptiens comme de ces races mystérieuses
qui ont couvert le sol de leurs monuments funéraires, dolmens
et « kœmpehœjer », étaient à l'intérieur, absolument semblables
aux maisons des vivants. Le tout recouvert d'un monceau de sable,
de pierres et de terre. Ne serait-ce pas un tombeau de ce genre,
dont il s'agirait ici ? Si oui, nous comprenons Texclamatioa de la
chanson recueillie par M. Paul Sébillot dans la Haute-Bretagne^ :
Ouvrez, ouvrez, sable et rocher!
Avec mon mari je veux aller.
Telle Sigrun * qui, à la nouvelle qu'Helge le mari bien-aimé
qu'elle pleure nuit et jour, a été vu, le soir, à la tète de ses hommes,
va le retrouver dans son tombeau sous le tertre qu'elle lui a fait
élever, haut comme une colline: là, tous deux ils s'entretiennent en
1. L. Pineau : le Folk-lore du Poitou, p. 400.
2. Revue des Trad. pop. 111, p. 196.
3. Die Edda. Helgakvidha Hundingsbana.
TOMB XI. — FÉVRIBR 1896. 6
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82 KEVUË DES TRADITIONS POPULAIRES
se caressant; elle lui prépare une couche où jusqu'au point du
jour elle repose dans les bras du héros, comme au temps où il était
un prince puissant sur la terre.
Je regrette de n'avoir pas eu sous la main toutes les variantes
conaues de la chanson de Renaud, sans parler de celles qui, igno-
rées, gisent encore au fond de la mémoire de mainte bonne paysanne
de France : certainement elles m'auraient fourni de nouveaux docu-
ments. Même les plus indifférentes d'apparence, les plus mauvaises,
peuvent avoir roulé jusqu'à nous quelque précreuse paillette, a On
voit quelquefois, dit M. Gaston Paris, un trait excellent et authenti-
que conservé uniquement dans une version qui d'ailleurs est très
rajeunie et fort altérée i^^
Néanmoins, de celles que nous avons pu comparer il est sorti un
tel faisceau dlndices, j'allais dire de preuves, que la lointaine origi-
ne, tout enveloppée de nuit^, que dès le début de cette étude, j ai
cru pouvoir attribuer à cette chanson, m'e semble, sinon démontrée,
du moins absolument probable.
Or, ce n*est qu'en entassant les probabilités pour un grand nom*-
bre de chansons populaires que nous aurons chance pour quelques-
unes d'arriver à la vérité sur leur origine. En fait de traditîonisme
le probable, aussi longtemps que des faits précis ne viennent
pas le contredire, équivaut au certain : tant le peuple a su se rester
semblable à lui-même à travers les âges et maintenir, tout en laug-
mentaot, le trésor qu'il s'était constitué dès son enfance.
Avec raison, P. Loti, errant dans les rues de Damas, au milieu des
miliers de petits marchands ambulants « exaltant la qualité de leurs
bonbons, de leur limonade, de leur cresson de fontaine ou de leur
pain frais, par des refrains séculaires, par des plaisanteries éternel-
lement pareilles qui prouvent à la fois la naïve bonhomie et Tim-
muabilitédu peuple », a pu dire : « Et, parmi tant de cris baroques,
consacrés par d'immémoriales traditions, il en est de si vieux que le
nom de Baal s'y retrouve encore » *.
Léon Pineac.
1. Revue Critique, 12 rofiLÏ i8S6.
2. P. Loti : La Galilée, p. 163.
*sS-~
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RBVUB DBS TRADITIONS POPULAIRES 83
LES METIERS ET LES PROFESSIONS'
LXXII
NOMS DONNÉS A CERTAINS MATÉRIAUX
ES carriers de Fontainebleau ont trois mots expressifs pour
^ désigner les qualités de grès. Ils appellent pif, celui qui est
^ J^j ttrès résistant, paf, la pierre simplement de bonne qualité, et
c5j5^ pouf, celui qui se réduit en sable sous le moindre choc.
A. Certeux.
LXI (suite)
LES CRIS DES RUES
Les Cris de Troyes
S'il subsiste encore quelque pittoresque dans notre vieille cité,
qui va se rajeunissant tous les jours sans s'embellir — du
moins au dire des artistes, — ce n'est pas dans les cris de la
rue qu'il faut l'aller, chercher. A-t-elle même jamais brillé
sous ce rapport ? C*est douteux ; les documents qui nous res-
tent ne font mention d'aucune coutume de ce genre, et TAlmanach
pour 1629, imprimé par Claude Briden, dans lequel M. Emile
Socard * croit avoir retrouvé « 36 cris populaii'es de Troyes, » n'est
fort probablement qu'une édition locale des <* 36 cris de Paris»
bien connus des bibliophiles, et que donnèrent, entre autres Yves II
' Girardon et les Oudot.
Les porteurs d*eau, en charrette ou à bras, qui existèrent ici dès
le siècle dernier, n'ont laissé aucun souvenir pittoresque; il fbut
arriver à celui-ci pour trouver des types, et encore, combien peu
intéressants ! aux annonces combien banales 1 si Ton en excepte un
seul.
Celui-là s'appelait Coché; il avait commencé par être sonneur; la
Révolution ayant amené le chômage dans sa profession, il se fit
passer pour un prêtre non assermenté et vécut sous ce titre dans
un village voisin de la ville, jusqu'au jour où, reconnu, il dut quitter
1. Voir la Revue à partir de novembre 1894.
2. Emile Socard. Etude sur les Almanachs et les calendriers de Troyes, p: 85.
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84
REVUE DES TRÀDlflONS PÔPUtÀIR^S
la place et revenir à ses anciennes occupations. De plus, « il devint,
à la suite d'un concours public, juré-crieur de vin. »
« C'était bien alors le plus drôle d'homme et le plus drôle de corps
dans ce nouvel emploi, c'était merveille de l'entendre moduler le
dithyrambe en l'honneur d'un cabaret ou d'un vin nouveau-né, on ne
retrouvera plus cette annonce musicale, pittoresque, espèce de
chanson poétique et burlesque à cent facettes, à cent couplets, se
cahotant sur une tenue d'rrrr redoublés, entrecoupés de notes écla-
tantes, et terminé par le ronflant fortissimo de pas de crédit, mes
enfants ! »
L'article de La Silhouette, journal satirique local (4 octebre 4840)
auquel nous empruntons ces quelques lignes, donne le portrait en
pied de Coché, dessiné par Charles Fichot, et le fait suivre du cou-
plet qu'il lançait, d'une façon inimitable, aux échos de sa vieille
ville sympathique.
Le voici tel quel :
gi^i^mi^iti^
Hum ! hum I
ifiirîr
_N-
m
6 sous lo
îftr'
9 sous le
lilr'
fi--î5-
=Sï^
10 80U3 le lilr'
cx-col-Ient vin rrroug'oil Sou - li - gny d'I'E-pin'
de Lain'&ux bo ois lia- tez-vous d'y"^»! - 1er chez la mèr'Tri- pier
dan) la luo des bons En- fans ou donn'à boir*à man - gor dans la sali' ta- pis -
^^I^^fË^
^
^§3
^
se* c-claUrc' par-fu - mé' en pay-ant pas d'cré-dit .
hum I hum ! Babet 11
mes enfans tl
Depuis Coché, qu'avons-nous eu? Quelques imitations parisiennes^
sans couleur et sans saveur, indignes pour la plupart de Tattenlion
des curieux: En voici d'ailleurs la nomenclature :
11 y a une vingtaine d'années, un porteur de journaux les annon-
çait ainsi : « Demandez VProgrès^ V Figaro ; (puis baissant un peu la
voix) vous baiserez l'bas d'mon dos ! »
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RËVOE DES TRADITIONS POPULAIRES 8^
Un marchand d'oubliés, en faisant cliquotler ses deux poignées de
vole4 Hxées sur une planchette, criait : « Voilà rplaisir, mesdames;
voilà Tplaisir! » avec des intonations fort agréables.
— Une marchande de balais de bouleau : « Baléais, baléais ! »
— Les marchands de morue ; « Morue, morue ! Morue salée, morue
blanche. Morue, morue ! »
— Les limeurs de scies : a A tailler, limer les scies I » ou bien :
« Voilà riimeux d'scies ! »
— Le vitrier : « Voilà T vitrier ! »
— Une vieille femme qui achetait les os disait : « Voilà la
marchande d*os ! »
— Un chififonnier : « Chiffons, ferrailles à vendre ; peaux de lapins,
peaux ! »
Un autre : « Les verres cassés, les os rongés, y a rien à vendre,
par là-haut ? »
— Un autre encore : « Habits, galons, marchand d'habits ! »
— Un marchand de vaisselle : a Cassez, brisez vos ménages ! »
— La marchande de mouron : « Du mouron pour les p'iits oi-
seaux ! »
— Une marchande d'échaudés : « Un sous et deux sous les éçhau-
dés. Ça brûle, ça brûle ; tout chaud, tout chaud ! »
— Un marchand de charbon, du haut de sa voiture, disait en
toute saison : « Voilà Tcharbon, mesdames; dépéchons-noas, i*n'fait
pas chaud ! »
— Le marchand de croquignoUes (sorte de massepains) : « Voilà
les criq et les croq, voilà les croquignoUes ! »
— Le marchand de cerneaux (noix fratches dans leur enveloppe
verte): « Aux cerneaux, aux cerneaux ! »
— Le marchand de coco : « A la fraîche ; qui veut boire ? »
— Les marchandes d'allumettes : « Voilà les allumettes, qu'est-ce
qu'en veut ?» ^
— Le marchand d'articles de fumeurs aux fêtes des environs, sur-
tout aux courses et aux régates annuelles : « Des cigares et du feu,
et du tabac ! »
— Le père Lucas, marchand de cirage, qui mangeait sa marchan-
dise pour en prouver l'innocuité et annonçait son passage à l'aide
d'une cloche.
— Les marchands d'almanachs : « Almanachs curieux, nouveaux:
quand i' pleut i'n'fait pas beau ! » ou bien : <( Almanach d'papîer,
qui dit plus d'mensong' que d'vérités! » ou encore : « Almanachs
d'cabinet : Liégeois, Bàle en Suisse. »
— Le « marchand d'épingles^ qui piquent par la pointe. »
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8ti RËVÙE DES TRADITIONS POPULAIRES
— Le marchand de : t Fromage de Marolles, — qui pue, qu'em-
poisoune. r
— Le père Hutinet, marchand de plantes médicinales : « Voilà
rherboriste ! » Sur la fin de ses jours, ne pouvant plus crier, il appe-
lait la clientèle k laide d'un sifflet.
— Un marchand de sucreries, belle figure et belle prestance, très
proprement habillé en pâtissier, coiffé d'un bonnet de coton, se pro-
menait dans les rues portant prétentieusement sa marchandise sur un
plateau ; il la chantait ainsi, en faisant valoir ses formes et sa jolie
voix :
J*invite tout le monde
A la ronde
A venir auprès de moi,
Acheter d'ma guimauve féconde ;
Et chacun en aura chez soi.
Messieurs et dames, voilà Tmarchand
D'bàtons d'guimauve, régalez-vous.
Accourez-tous, ça n^coûte qu*un sou.
Un sou le bâton, le bâton ne coût' qu'un »ou,
Oui, rien qu'un sou.
Il avait composé un petit recueil de chansons sur sa marchandise,
qui fut imprimé à Tépoque.
Aujourd'hui, les chiiîonniers, les charbonniers, les étameurs, un
cordonnier (vulgo : savetier) se contentent de crier le lydm de leur
profession : « Voilà rchiffonnier, etc. » A part ceux-là, il en reste
peu.
— Les marchands des quatre saisons crient leur marchandise :
« Aux poires, aux pêches, aux prunes, aux abricots! »
— Les marchands de harengs : « Frais! frais! en voulez-vous des
frais ? »
La moule^ la sardine fraîche, et autres marées ; le marchand de
Camembert, la cocotte* des Vosges, s'annoncent par la simple dési-
gnation de la marchandise.
— Un marchand de paillassons, d'origine douteuse : « A zin zous
les baillazons ! Les baillazons, dix zous bièze I »
T- Le rémouleur: «A r'passer couteaux, ciseaux, rasoirs ! » Mais le
type du vieux repasseur, avec sa roue parangonnée dans un bâti de
bois, est à peu près disparu ; les uns viennent en voitures, d'autres
ont un manège mû par de gros chiens et ne crient plus.
— Le raccommodeur d'objets cassés : u On raccommode le cristal,
la faïence, la porcelaine, le marbre, le verre, l'albâtre.... I »
1. Pommes de pin servant à allumer le feu.
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REVCe DES TRADITIONS POPULAIRES 87
Quelques laitières annoacent maintenaat leur passage à Taided'une
corne ou d*uQe cloche ; le chevrier joue de son instrument.
Va vannier court les rues en faisant sa réclame à peu près comme
suit : « Mesdames les ménagères, cherchez dans vos greniers, dans
vos greniers, dans vos salles à manger, vos vieux paniers percés ;
je les raccommode, je les repeins, et je ne prends pas cher I »
C'est tout, et nous n*avons pas de métiers d'alimentation ambu-
lants
^ Louis MoRiN.
Rethel (Ardennes)
Il y a une ireniiiine d années, à Rethel, le marchand de marrons
ambulant parcourait les rues en faisant résonner une sorte de cré-
celle et il chantait :
Avec ma claquette,
Je fais carillon
Pour que Too m'achète
Tous mes gros marrons;
Si l*on me demande
Combien Je les vends ;
Je fais la réponse
A quat* sousTquartr^on.
Lucien Torchbt.
Cm de Lyon
Parmi les cris nombreux des industriels ou marchands ambulants
qui parcouraient la cité et qui ont, pour la plupart, disparu aujour-
d'hui, on se souvient encore de ceux-ci :
— Fraises ! fraises ! ah ! les belles fraises !
Mélodie charmante.
— Abricots d'Ampuis, Mesdames.
. — Mayorques ! Mayorques ! (oranges).
— Navets de Chirouble, oh I les bons navets !
— Aloses fraîches I oh ! les belles aloses !
Pendant les inondations de 1840 et de 1850, où Teau n'était pas
potable, une corporation de porteurs d*eau annonçait, sur un rythme
fort gai :
— De Teau I de Teau ! Voici de Teau !
A l'époque du jeudi saint, on vendait de peliles brioches qu'on
criait :
— Scènes bénites ! bénites scènes !
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88 REVCE DES TBADITIONS POPULAIBES
Pendant de nombreuses années, jadis, j'ai entendu annoncer :
— MaroUe I Marolle I Bon fromage de Marolle !
Et les gamins suivaient en criant sur le même air :
. — Ma grolle I ma grolle 1 Bon fromage de ma grolle ! qui sent le
fond de ma culotte 1 (groi/e, vieux soulier).
Etait-ce la parodie ? était-ce la bonté de la marchandise, mais ce
commerce fut longtemps florissant.
— A repasser les ciseaux 1
— A raccommoder la faïence !
Autrefois les peirerou^ chaudronniers ambulantS) lançaienl ce cri
particulier qui montait jusqu'aux plus hauts étages :
— Ah ! Peyrrou I
Il annonçait aux ménagères que les étameurs étaient prêts à
remettre à neuf leur batterie de cuisine.
— Marchand d'habits I
Le plus bizarre de ces appels était celui-ci :
— Ahrsonyé !
Ce mot sauvage, qui a fort intrigué les étymologistes, était simple-
ment rappelle des gnaff'rons, gnaffres ou regrolUers^ et signifîait :
o A raccommoder les souliers ! » mais avec une concision et une
énergie que la phrase française ne possède pas.
Aimé Vingtrinier.
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REVCE DES TRADITIONS POPULAIRES 89
USAGES DE CARNAVAL
LE CARNAVAL EN HAUTE-AUTRICHE
N Haute-Autriche comme partout, le mardis-gras amène avec
lui des défilés de garçons travestis, parmi lesquels en certains
endroits, Carnaval et sa femme (celle-ci représentée par un
jeune homme déguisé], en habits couverts de pailleltes d'or et
d'argent et sans masques, qu'on a mariés d'abord sur la place
principale avec accompagnement de danses.
Dans certaines localités, des masques, armés de fléaux, traînent
un sac où se trouvent des graines de chènevis vides et des épis de
blé déjà battus. Devant les maisons où habite un couple sans enfants,
ils ouvrent le sac, en répandent le contenu sur un grand drap étendu,
et commencent à le battre en répétant constamment: « Wo nix drin
isy gehi nixausser. D'où il n'y a rien il ne peut rien sortir.»
En ce môme jour aussi, qui clôture la joyeuse saison de Carnaval
commencée aux Rois et qui a été l'occasion de tant de danses — le
plaisir favori du peuple autrichien, — on enterre Carnaval. Les jeunes
gens se réunissent dans une auberge et y revêtent des déguisements
représentant divers métiers ou industries. Puis ils se rendent les
uns en voiture, les autres à cheval, à travers les rues, jusqu'à la
place principale. En tète, une voiture contient des « musiciens »,
tenant, en guise d'instruments, une planche munie d'une corde, une
poêle à frire, et autres ustensiles du même genre, dont ils tirent
des accords rien moins qu'harmonieux. Puis vient un chariot où sont
montées des blanchisseuses secouant sur la foule des draps mouillés;
ou bien des batteurs avec des fléaux en paille dont ils frappent les
spectateurs ; etc. Enfin, ime voiture ou un traîneau portant un
mannequin bourré de paille. Carnaval. Arrivés sur la place, les
chariots se mettent en cercle, Carnaval au milieu. Alors on le jette
à bas de son véhicule, on le tiraille de tous côtés et enfin on le tue
à coups de fusil ou autrement ; puis on l'enterre. En certains endroits,
on le déterre le jour suivant, mercredi des Cendres, on le traîne par
t. VIII
Cf. le 1. 1, p. 75, t. II, p. 178, t. IV, p. 271, t. V, p. 90, t. VI, p. 109, 118,
III, p. 77, l. IX, p. 184, t. X, p. 138.
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90 REVUE DES TRADITIONS POPtLAIRES
les rues au milieu des hurlements et des cris, et on Tenterre de
nouveau, cette fois dans un tas de fumier.
Mais il faut citer spécialement deux usages très curieux, particu-
liers à deux catégories d'ouvriers du pays: ceux qui travaillent aux
salines de la pittoresque contrée du Salzkammergut, et, dans les
mêmes parages, les mariniers du yillage de GrUnau.
La Schwerttanz (danse de l'épée) est surtout usitée dans le petit
village d*Ëbensee, où se trouvent les plus importantes salines du
Salzkammergut. Elle est exécutée par dix hommes, dont un chef,
portant de longues et farouches barbes noires, une veste écarlate
sur laquelle tranchent une ceinture et un baudrier blancs bordés d*un
galon d'or, un pantalon blanc avec passepoii rouge et, sur la tôte, un
shako rouge avec chenille blanche terminée en avant et en arrière
par des glands verts ; à Tépaule, une épée nue. Ils sont accompagnés
d'un « fou de Carnaval », en veste rouge avec ceinture verte munie
de grelots, culotte courte rouge, bas rayés et escarpins à boucles,
bonnet rouge à fanfreluches dorées et à grelots, tenant une latte à
la main. Un tambour et deux flûtes complètent la troupe qui, sous
leur conduite et aux sons d'une mélodie toute primitive, sans
cesse répétée, entre dans la maison et, par une formule spéciale,
salue la société.
Après s'être placés vis-à-vis les uns des autres sur deux rangs,
comme des soldats au port d'armes, les dix a danseurs » commencent
à tourner en rond, puis en spirale, chacun tenant son épée sur
l'épaule, et de l'autre main, la pointe de celle placée sur l'épaule du
précédent, taudis que le fou gambade tout autour^ passant sous les
épées entre les danseurs, accompagnai>t de claquements de sa
batte la musique des flûtes et du tambour. Puis ils reprennent leurs
places sur deux rangs et, la musique s étant tue, le chef appelle et
provoque successivement chaque membre de la troupe ; l'interpellé
se détache du rang, et les deux adversaires marchent en sens
inverse entre les deux lignes, choquant leurs sabres lorsqu'ils se
rencontrent. A la fin, le dernier appelé a été frappé, il tombe mort
étendu tout de son long. Alors le fou assis sur son dos, s'efforce de
le rappeler à la vie en lui soufflant au visage ; n'obtenant pas de
résultat, il imagine enfm de lui donner au bas des reins un bon
coup de batte, ce qui a pour effet de ranimer aussitôt le faux-mort.
Alors, la mélodie sauvage reprend, aiguë et bourdonnante, et la
danse guerrière recommence, tous les dix reliés, comme précédem-
ment, par les pointes des épées ; sans les quitter et tout en conti-
nuant leur ronde, ils viennent se placer successivement vis-à-vis l'un
de l'autre, étendant entre eux comme une barrière l'arme dont
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RËVOE DES TRADITIONS POPULAIRES 91
ils tiennent les bouts et que les suivants franchissent successivement
pour venir ensuite se ranger à c6té et ajouter d'autres barrières,
franchies & leur tour, sans que la chaîne des mains et. des épées se
rompe un moment. Quand tous sont ainsi placés, le fou h son
tour^ saute par dessus les épées. Plusieurs fois cette chaîne et cette
course d'obstacles se déroulent. Après quoi les danseurs entourent
le fou : « Wurstl », lui disent-ils, « tu vas déposer 3.OO0 florins ou
bien on va te faire tomber la télé à tes pieds ». Le pauvre' Hans-
wurst ' en est réduit à s'agenouiller, et tous posent leurs sabres
sur ses épaules, à l'exception du chef qui saute sur son dos. « Me
voici grimpé, dit-il, j'aurais mieux fait de rester en bas : Carnaval
est un prodigue, il a dissipé tout son bien, il a tout gaspillé,
jusqu'à un chapeau déchiré. Il va bien ça et là par le pays, mais ce
qu'il reçoit, il le boit de nouveau, 'Aussi je saute hors de ce cercle.
Musicien, commence une joyeuse danse de l'épée». Et, après qu'il est
redescendu, a lieu encore une marche en spirale, mais cette fois
agrémentée d'entrelacements, de tournoiements des plus difficul-
tueux exécutés avec infiniment de souplesse sous les épées
balancées au-dessus des tètes en un lien jamais rompu. Enfin, tous
entrechoquent leurs sabres, accompagnant ce cliquetis d'un joyeux
vivat, puis ils s'en vont comme ils sont venus, tambour et fifres
en tête.
Cette danse noble et caractéristique, qui exige tant d'adresse, et
qui semble remonter aux ancêtres germains du temps de la domina-
tion romaine (cf. Tacite, Germ,, c. 24), tombe malheureusement de
plus en plus en désuétude.
Le mardi-gras aussi, dans le yillage de GrUnau, si joliment situé
dans la vallée de TAlm, affluent de laTraun, les ouvriers occupés au
flottage du bois jeté dans le torrent du haut des montagnes
avoisinantes, organisent une fête spéciale. Au-dessus d'un de ces
forts traîneaux dont se servent les charretiers en hiver, on a
suspendu, en le reliant par des rubans à l'extrémité de petits sapins
qui ornent le véhicule, un bateau en miniature qui, d'ordinaire, est
suspendu au plafond de l'auberge des mariniers au-dessus de leur
table et que, pour la circonstance on a fait radouber, repeindre,
vernir et garnir de rames et de petits personnages, chez le menuisier
de l'endroit. Deux ou trois paires de bœufs, et, au-devant, un bouc,
la tète ornée d'une couronne, des banderoles en papier de couleur
enroulées autour des cornes et des rubans de soie flottant tout
i. Hanewurts (Jean SauciMe), l'équivalent de notre Jean Boudin ou de Poli-
ehio^lle.
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92 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
autour de lui, tirent le véhicule. Les bouviers ont aussi des rubans
éclatants à leurs chapeaux et claquent bruyamment et continuelle-
ment du fouet. Aux deux côtés du traîneau et derrière, des mariniers
marchent armés d'avirons. L'un d'eux a fixé le sien dans le nœud
d une corde attachée en arrière du traîneau, et, de la plate-forme
du véhicule comme de celle d'un bateau, il manœuvre sans cesse
son outil à droite et à gauche, écartant la neige comme les ondes
d'un fleuve. Quand on arrive k un endroit où des curieux attendent
le cortège, on s'arrête et l'on soulève le traîneau au moyen des
avirons en poussant des cris qui se répercutent au loin à travers les
montagnes, comme s'il s'agissait de remettre k flot un radeau
échoué sur un banc de gravier ; si dur est le travail, que souvent un
aviron se rompt ; d'ailleurs pour l'y aider, oh l'avait scié à moitié.
On mesure aussi et on annonce à grands cris la profondeur de l'eau.
Enfin, l'auberge atteinte, on décroche le petit bateau et on le
rapporte dans la salle pour y être suspendu de nouveau jusqu'à Tan
prochain. Un repas et des danses terminent la fête.
Auguste Marguillibr.
LE PETIT LANGADOU
CONTE BOURGUIGNON
^^fj de chœur qui se trouvait derrière l'autel s'amusa à lui répon-
19 <ire : « T'en auré pas », lui dit il en patois Bourguignon. La
paysanne leva les yeux et s'adressant à l'enfant Jésus que la Vierge
teuait dans ses bras ; « Couse te, petit langadou (tais-toi, petit
c< bavard) », lui dit-elle, laisse parler ta mère, elle é pu de raison
« qu'toi I »
Conté par ma grand^mère^ Madame Retz).
Morel-Retz (Stop).
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REVUE DBS TRADITIONS POPL'LAIBES 93
CROYANCES ET SUPERSTITIONS DU JOUR DE L'AN
XIV
ENVIRONS DE METZ
Voici le souhait que les vignerons lorrains adressaient autrefois
le premier jour de Tan :
Je vous souhaite pour ëtrennes
Cent bouteilles de muscat pleines.
L'œuf de l'heure, pain du jour
Toujours plein la bouche, du four ;
Une botte de pistoles,
La flûte et les violes.
Vivre tant que vous voudrez,
Et le paradis quaod vous mourrez.
Le dernier jour de l'an, les femmes sortent de la veillée à huit
heures, vont au caniveau, mettent dans une coquille de noix un peu
d'huile et une petite mèche, allument cette dernière et posent la
coquille dans Teau. Puis elles mettent leurs jupons sur leur têle en
pleurant et criant : Il se noie le Jean ! il se noie le Jean, ce qu'elles
répètent jusqu'à la noyade de la coquille.
Beaucoup de givre avant le nouvel an annonce une année de poires.
Beaucoup de givre après annonce une année de pommes.
Pour savoir si le blé haussera dans tel ou tel mois de Tannée,
prenez douze grains de blé. Chauffez Tâtre pendantles douze jours qui
séparent Noël du jour des Rois. Commencez le 26 décembre à jeter
sur Tâtre un grain de blé en disant: Voilà pour le mois de janvier.
Continuez les jours suivants. Le mois pour lequel le grain de blé
sautera le plus haut sera le mois de la plus grande cherté du blé.
La bûche de Noël doit durer jusqu'à la veille des Rois ; on la met
sur la serviette pour tirer les Rois, la nappe ne brûle pas. Quand il
se présente un orage, on sort la bûche dans la rue ; Torage se
détourne.
M. Poirier.
1. Cf. t. II, p. 363. t. lïl, p. 8, t. IV, p. 330, t. IX, p. 120, t. X, p. 23.
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94 REVUE DBS TRADITIONS POPULAIRES
UNE CHANSON DU X VP SIÈCLE
RESTÉE DANS LA TRADITION POPULAIRE
ANS un précédent numéro de la Revue des
traditions populaires^ comparant un cou-
plet mis en musique au XVI* siècle par
Roland de Lassus avec la poésie d*une
chanson recueillie de nos jours dans la
tradition populaire la chanson : « Pour-
, quoi vouloir qu'une personne chante r,
qui figure dans les Chants populaires re-
cueillis dans le pays messin (par M. de
Puymaigre), j'exprimais le regret qu'une
confrontation analogue ne pût pas être faite au point de vue musical,
le recueil moderne n'ayant pas donné la mélodie sur laquelle les
vers étaient restés populaires en Lorraine.
Par un heureux hazard, j'ai été amené moi-même à remplir cette
lacune. Au cours de mon récent voyage dans les Alpes françaises,
accompli sous les auspices du ministère de Tinstruclion publique
dans le but de recueillir les chansons populaires conservées dans
cette région jusqu'alors inexplorée à ce point de vue, j'ai en effet
retrouvé la chanson de la « Belle Iris » : même la version qui m'en
fut chantée dans le Briançonnais, outre que j'en pus noter l'air,
était, au point de vue des paroles, plus développée que la version
lorraine : elle avait en effet quatre couplets de plus. J'ai tout lieu
de supposer, d'ailleurs, que les trois derniers appartiennent à une
autre chanson, et sont venus artificiellement se souder à la suite de
la précédente, cas fréquent dans la chanson populaire : la forme des
vers et des couplets est la même ; mais le sentiment est tout autre,
et le caractère de ces trois couplets est d'une inspiration bien plus
franchement populaire :
Dedans Paris, il y-a-t-une fontaioe,
Tou!e entourée de lauriers alentours.
Dans mon jardin, le rossignol y chante, etc.
Le principal intérêt de la trouvaille — indépendamment du fait
inattendu que la galante chanson de cour du XVI* siècle s'est con-
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
95
servée dans la mémoire des habitants d un pays 31 éloigné de tout
centre de civilisatron, — réside donc d^ns la notation de la mélodie.
La voici :
Assez leut
Comment vou. 16ir quu - ne pep-son«ne chan.te
Quandell'ua pas son cœur en li.bep. té? — Laissez chwL
.ter ceux que l'amour con . ten . t<*, St — lais-sez moi.
et laissez moi daas mon malheur pieu - rer — Et — laissez
moi^ et lais.sez moi dans mon malheur pieu . rer.
Et maintenant, comparons avec la musique de Roland de Lassus.
On sait quels étaient les procédés de composition les plus fami-
liers aux musiciens qui avaient coutume d'emprunter à un répertoire
spécial une mélodie préexistante et de la faire chanter plus ou moins
textuellement par une voix qu'accompagnaient les contre-points des
autres parties ; puis peu & peu la partie de Superius tendit à l'em-
porter et prit le chant : pourtant il resta toujours quelque chose au
ténor de son ancienne prépondérance. Peu à peu, l'importance du
chant antérieur diminua ; au temps de Lassus, bien que Tusage n'en
eût pas absolument cessé, il arrivait souvent qu'aucun élément
étranger ne s'introduisait dans la composition harmonique, dont
l'invention appartenait dès lors entièrement au compositeur.
En est-il donc ainsi pour la chanson qui nous intéresse? En tous
cas, dès la première inspection, il faut écarter l'hypothèse que la
musique écrite par Roland de Lassus ait pu devenir populaire : elle
est trop savante pour cela, et je tiens pour certain qu'aucun esprit
inculte, comme est celui des chanteurs populaires, n'en put jamais
dégager aucune mélodie précise Si donc nous parvenions à déter-
miner une analogie quelconque entre cette musique et la mélodie
notée dans les Alpes, il faudrait en conclure que c'est Roland de
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRBS
Lassus qui a emprunté le thème de la chanson à la mélodie même
sur laquelle se chantaient antérieurement les paroles.
La composition est d'un style essentiellement polyphonique, et
Ton ne peut guère, tout d'abord, reconnaître une partie pour être
plus mélodique que les autres. En observant avec soin, cependant,
on voit un chant se préciser peu à peu, cela tout justement dans la
traditionnelle partie de ténor. Elaguant les notes parasites, mélis-
mes, répétitions, etc., et donnant à la notation, par l'emploi de
valeurs plus brèves, un aspect plus moderne, voici quelle mélodie
j'ai pu extraire de cette partie.
Las! vouliez • vous qu'u . ne per.son.ne
chan.te A qui le cœur ne fait que soupi., vev?^
Lais.sezchan.ter ce.luyqui se con.ten - te.
^ sez mon seul mal en . du . rer. Et me lais . sez mon
^eul mal en . du , cer, mon seul mal en « du « rer.
L*on ne saurait dire évidemment qu'il y ait identité entre les deux
formes de mélodies. Et cependant malgré les différences considéra-
bles, il existe entre elles de grandes analogies. La tonalité est la
même ; les cadences finales de chaque vers tombent presque tou-
jours sur les mêmes notes ou sur des notes appelant harmonique-
ment le même accord [cela est très important, car si, dans la
transmission des chants populaires, les altérations portent presque
toujours sur les dessins purement mélodiques, par contre le
sentiment harmonique latent, virtuellement contenu en quelque
sorte dans le chant, est toujours fidèlement respecté) : même il est
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BEVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 97
certaios mouvemeats néaDmoins de frappantes analogies : je citerai
notamment le dernier vers : « Et laissez-moi dans mon malheur
pleurer » comme comportant de notables ressemblances, surtout au
commencement et à la cadence finale.
Au reste, il est plus que probable que les paysans des Hautes-
Âipes ne chantent plus la chanson exactement comme on le faisait à
la cour d*Henri II : nul doute qu'ils y aient introduit des intonations
qui correspondent mieux à la rusticité de leur nature ; il se {Pourrait
donc que leur mélodie dérivât elle-même d'un autre chant plus
conforme à celui de Roland de Lassus. Et pour ce dernier il n*est pas
tiouteux que, loin de reproduire exactement Tair antérieur, il en
soit, en passant dans Toeuvre polyphonique, devenu en quelque sorte
la variation.
Quoi qu'il en soit, Tancienneté de la chanson, paroles et musique,
est bien établie, et cet exemple, fût-il unique dans son genre, est
sudisant pour démontrer combien est reculée l'origine des chansons
exclusivement conservées par la mémoire populaire. Car si cette
mémoire a pu garder si longtemps et fidèlement un chaut tout arti-
ficiel, littéraire et hullement destiné à la transmission orale, combien
ne doivent pas être plus anciens ceux qui, sortis du peuple, conçus
pour lui et par lui, nous sont parvenus parfois en si mauvais état,
incomplets, altérés, — en ruines, en quelque sorte, — conservant
toutefois cette forte saveur qui reste toujours à ce que la nature a
produit directement ?
Julien Tiersot.
TOUE XI. — FÉVRIER 1896.
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98 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
CONTES TRO YENS ^
VI
LE ROI AU GRAND NEZ
L était une fois un roi qu'on appelait le roi au grand nez, et
qui était très méchant. Il avait l'habitude de parcourir inco-
gnito son royaume et de faire causer les gens pour voir ce
qu'on pensait de lui, puis il punissait ou récompensait selon
ce qu'il avait vu et entendu.
Un jour, il entre chez une dame fort âgée, et au cours de la
conversation, il vient à parler du roi, et demande à la brave femme
ce qu'elle en pense.
— Ben, monsieur, dit-elle, je vais vous le dire, bien que je ne
vous connaisse pas. Il y en a qui demandent la mort du roi au
grand nez ; eh bien ! moi, je ne suis pas de leur avis : je dis qu'il
vive, au contraire.
— Je ne vous comprends pas. Vous êtes la seule à parler ainsi.
Tout le monde désire sa mort.
— Et bien I je vais vqus dire ma raison. Je suis déjà vieille, j'ai
beaucoup vu. J'ai connu le grand-père du roi au grand nez, il ne
valait pas cher ; j'ai connu son père, il valait encore moins ; lui, il
est encore plus méchant qu'eux ; eh bien ! de peur que son fils soit
plus méchant encore que lui, je préfère qu'il reste.
— Tiens, tiens, tiens ! fit le roi, vos raisons ne sont pas mauvai-
ses.
Rentré dans son palais, le roi fit demander la vieille femme.
Celle-ci fut bien étonnée d'une pareille invitation ; mais elle y alla
tout de même, et le roi lui donna de l'argent afin qu'elle fût
heureuse le reste de ses jours.
Une autre fois, s'étant attardé dans les bois, il frappa à la* hutte
d'un charbonnier et lui demanda à manger^.
— Mais je n'ai rien du tout, monsieur.
— Comment ? vous n'êtes donc pas allé à la chasse ?
1. Cf. t. V, p. 723 ; t. VI, p. 481 ; t. VII, p. 27.
2. Cet épisode, attribué aussi au roi Grand-Nez se trouve dans Sébillot, Contes
de la Haute-Bretagne, t. II. p. 149.
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RF.VUE DES TRADITIONS POPULAIRES 99
— Vous savez bien que le roi au grand nez Ta défendu. S'il savait
que Ton chasse en ce temps-ci, il punirait sévèrement.
— J'ai pourtant bien faim ! Voyons^ vous n'êtes pas sans avoir
attrapé quelque gibier ?
— Oh ! tenez, j'ai là un lièvre, nous allons le manger ; mais je
vous en prie, ne me vendez pas, car j'irais en prison.
— Soyez tranquille^ fit le roi.
Après le repas, le roi dit encore :
— Je ne puis cependant pas m'en aller la nuit. Il faut que je
couche ici.
* — Ma foi, vous coucherez avec moi si vous voulez.
Le roi accepta. Mais voilà que dans la nuit le charbonnier pétait
à chaque instant, ce dont son compagnon se plaignait :
— Ah ! que voulez-vous ; charbonnier est le maître dans sa loge !
De retour au palais, le roi fit demander le charbonnier. Celui-ci
se crut dénoncé et eut peur. Mais le roi au grand nez, bon enfant
pour cette fois, lui donna aussi de l'argent.
{Conté par M^^ Morin mère^ 69 an$).
VI
LE MARCHAND DE BALAIS
H était une fois un marchand de balais, nommé Grillot, très
paresseux, toujours à la recherche de moyens de vivre sans rien faire.
Il va un jour chez un orfèvre :
— Combien me paieriez-vous un morceau d'or gros comme mon
sabot?
— Entrez, entrez, mon ami ! fait l'orfèvre, ébloui ; et il le fait
mettre à table aussitôt.
Puis, quand Grillot eut bien bu et bien mangé, Torfèvre lui dit :
— Et bien ! mon ami, montrez-moi votre morceau d'or.
— Ah ! mais, Monsieur, je n'en ai pas !
— Comment ! vous n'en avez pas ; mais vous m'en proposiez ?
— C'est que, voyez-vous, je suis marchand de balais, et si quel-
quefois j'en trouvais en faisant mes balais, je venais vous demander
combien vous me le paieriez.
— Allez-vous en, maraud ! lui dit l'orfèvre en le mettant à la
porte.
Une fois dehors, Grillot pensa : « C'est égal, j'ai toujours fait un
bon repas! »
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100 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
Le lendemain,' ayant faim de nouveau, il va4ans une «^berge et
y fait un repas de trente sous, après quoi, s'adressanl à la dame :
— Oh ! madame, je suis un coquin, un brigand ; je vais me tuer !
— Mais pourquoi ?
— J'ai consommé pour trente sous et je n*en ai pas un pour
payef I
— Si vous vous tuez, ça ne me rendra pas joaon argent ; allez-
vous en.
Le lendemain il eut encore faim. Il alla dans un village et se mit
à crier : « Au devin ! au devin ! »
Justement, il y avait dans ce village une dame qui avait peVdu
son alliance et n'osait le dire à son mari, de* peur que celui-ci ne
Taime plus. Elle se mit à la fenêtre :
— Monsieur, étes-vous donc devin ?
— Oui, madame.
— J'ai perdu mon alliance ; pourriez-vous me la retrouver?
— Oui, madame.
— Combien me demandez-vous de temps?
— Trois jours.
— Bien ; je vais vous mettre dans une chambre en haut, parce que
mon mari est un ancien soldat et il ne croit pas aux devins. S'il vous
voyait, il vo'us tuerait.
Cette dame avait trois bonnes. Le premier jour, Tune d'elles
apporta à déjeuner au devin, et il ne dit rien ; à diner, il ne dit
rien ; mais quand vint le souper, il s'écria : « Ah ! en voilà déjà
une ! » 11 voulait dire une journée de passée.
Rentrée à la cuisine, la bonne dit à ses compagnes : « Je crois
qu'il le sait, » et elle leur raconta ce qu'avait dit le devin.
— J'irai demain, dit une autre.
«Le lendemain, les choses se passèrent de même, et le soir, le
devin s'écria: « Ah ! en voilà deux ! »
Il fut convenu que la troisième bonne serait de service le jour
suivant. Au souper, le devin dit encore : « Ah I les voilà toutes les
trois ! 7>
— Vous savez donc quelque chose ? lui dit alors la bonne.
— Oui, mademoiselle.
— Vous savez donc que nous avons pris la bague ?
— Oui, mademoiselle.
— Oh ! je vous en prie, ne nous vendez pas : nous vous la ren-
drons !
Il se fit apporter. une dinde, à qui il fit avaler la bague, en recom-
mandant à la bonne de bien remarquer l'animal.
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 101
Le lendemain matin, la dame vint le voir :
— Et bien ! monsieur le devin, avez-vous retrouvé mon alliance ?
— Oui, madame.
— Oh I vraiment? quel bonheur !
— Veuillez envoyer une de vos bonnes chercher une dinde.
Us descendirent eux-mé^es dans la cour, et la bonne leur apporta
une bête : « Ce n'est pas celle-là, » dit Grillot. On lui en apporta
une deuxième : « Gelle-la non plus ». Enfin, quand on lui en eut ap-
porté une troisième (la vraie), il la fit tuer, puis vider, et la bague fut
trouvée dans les tripailles.
La dame était bien contente. Elle porta la bague à son mari :
— Tiens, mon ami, j avais perdu mon alliance, je Tai retrouvée.
— Où donc ?
— C'est un devin qui me Ta retrouvée.
— Un devin !
— Mais oui, un devin.
— Va me le chercher, ton devin.
Le mari n'y croyait pas et voulait l'éprouver. Il mit un grillot ^
entre deux assiettes creuses et dit au devin :
— Si tu ne devines pas ce qu'il y a là dedans, je te brûle le cer-
velle !
— Oh ! mon pauvre Grillot, t'es pris ! t'es pris ! s'écria la malheu-
reux, tout consterné.
Alors le maître : « Allons, tu es un bon devin ! » Et il le fit déjeûner
avec lui et lui donna cent francs.
{Conté par if"* Morin mère).
Nota. — Est-il téméraire de penser que la locution : « pm comme
un grillot », employée dans nos contrées pour dire qu'une personne
est pincée sans espoir d'échapper, est née de ce passage du Mar-
ckand de balais ?
Un conte identique : Le Devin, conte de la Bresse, a été reproduit
par IdL Revue des Traditions populaires^ t. 1, p. 228 (n** 8, août 4886),
sous la signature de Charles Gui lion. C'est le même, avec quelques
variantes.
1. Nom local du grillon.
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\0'2 KEVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
VIII
LE FILEUR D*OR
Il était une fois une dame restée veuve av^c trois fils qui n'avaient
de profession ni l'un ni l'autre. Elle leur dit d'aller chercher de l'ou-
vrage et d'apprendre à travailler, et comme ils n avaient pas d'argent,
elle emprunta trois cents francs au maire du village pour les leur
partager, sous la condition qu'ils reviendraient tous ensemhle au
bout d'un an, rapportant les cent francs qu'ils recevaient chacun.
Arrivés dans un pays, ils demandèrent de Touvrage, mais un seul
en trouva comme boulanger ; dans un autre pays, un deuxième
s'employa comme cordonnier. Le troisième partit alors tout seul.
Sur la route, il rencontra un monsieur qui lui dit :
— Où allez- vous, jeune homme?
— Je ne sais pas, monsieur ; je cherche de l'ouvrage.
— Que voulez-vous faire?
— Ce que je trouverai, pourvu que je gagne ma vie.
— Venez avec moi, lui dit le mohsieur ; je vous apprendrai à tra-
vailler.
— Quel état faites- vous ?
— Mon garçon, je suis fileur d'or.
— Oh I ce doit être un beau métier ! je vais avec vous.
Au bout d'un an, il revint et trouva ses frères sur la route. Ceux-
ci, le voyant bien habillé, lui dirent :
— Oh ! que tu es beau ! Quel métier fais-tu donc ?
— Je suis fileur d'or.
— Nous n'avons pas d'argent pour donner à M. le maire ; que va-
t-il dire ? ]
— Ne vous tourmentez pas : j'ai les trois cents francs.
— Tu es bien heureux d'avoir un bon métier !
La mère fut bien contente de revoir ses fils. Elle les questionna
sur leur profession :
— Je suis boulanger, dit l'un. Et l'autre dit : — Je suis cordonnier.
Et tous les deux avouèrent qu'ils n'apportaient pas d'argent.
— Comment vais-je faire ? dit la mère.
Alors le fileur d'or : — Sois tranquille, maman ; moi, je suis fileur
d'or, et j'ai les trois cents francs.
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 103
— Oh! mon garçon, tu as un bon métier ; je voudrais que tes
frères soient comme toi.
Puis elle alla chez le maire avecjargent.
— Bonjour, monsieur le maire.
— Bonjour madame ; comment allez-vous? et vos garçons ?
— Us vont bien, monsieur le Maire.
— Quels- métiers ont-ils appris?
— Monsieur le maire, Tun est boulanger, un autre cordonnier, et
le troisième est fileur d*or.
— Ëh ! eh I en voilà un métier, fileur d'or I
— Monsieur le maire, je vous rapporte vos trois cents francs.
— Alors, vos enfants vous ont rapporté cet argent?
— Le fileur d'or à lui tout seul ; les autres n'ont rien gagné.
— Eh bien ! allez me chercher votre fileur d'or.
* — Oh monsieur ! c'est un bon métier ; si vous voyiez comme il est
bien habillé.
Rentrée chez elle, ta mère dit au fileur d'or que le maire voulait
ui parler, et il y alla aussitôt.
— Bonjour, monsieur le Maire.
— Bonjour, mon garçon. Il paraît que tu es fileur d'or ?
— Mais oui, monsieur le maire.
— Kh bien, je veux voir si tu es bon fileur d'or. Il faut que cette
Duit tu me prennes mon pain, moi étant dans la chambre à four ^
— Bien, monsieur le maire.
Dans la journée, il fait une ouverture derrière le four, et la nuit
venue, tandis que le maire veillait dans la chambre à four^ il prit le
pain par cette ouverture. Le matin, en ouvrant son four, le maire
fut étonné de le trouver vide : — « Oh ! le coquin ! dit-il ; il m'a pris
tout mon pain et je ne lai pas entendu ! » Le fileur d*or arriva peu
après :
— Bonjour, monsieur le maire.
-r Bonjour, mon garçon. Ce soir, tu prendras les draps de mon
lit, moi étant couché dedans.
— Mais, monsieur le maire, ça ne sera pas facile.
— Arrange-toi comme tu voudras.
Dans la journée le fileur d'or pratiqua une ouverture au-dessus du
lit du maire, et, pendant que celui-ci dormait, il tira les couvertures
et le drap de dessus ; puis, le maire s'étant levé pour les rattraper,
il retira le drap de dessous. Le lendemain, il arriva chez le maire.
1. A partir de cet endroit le conte rentre dans la donnée bien connue du
Fin Voleur.
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loi REVUE DES TRADITIONS POPCLAIRES
— Bonjour, monsieur le maire.
— Bonjour, mon garçon.
— Êles-vous content de moi î
— Oui, mais ce soir, il faut que tu prennes Tâlliance de ma femme
dans son doigt.
— M. le maire, c'est bien difficile, je ferai ce que je pourrai.
Dans la journée, il se fourra dans la ruelle du lit. Quand le mari
fut endormi, il dit à la femme : — « Ma femme, donne-moi ton
alliance ; le fileur d'or te la prendrait ». Puis, quand ils furent en-
dormis tous les deux, il partit.
Le matin, le maire dit à sa femme :
— Eh bien ! le fileur d'or t*a-t-il pris ton alliance. ?
— Mais il n'a pas pu, puisque tu me Tas demandée !
— Comment ? je te Tai demandée ?
— Mais oui, tu m'as dit : « Donne-moi ton alliance, le fileur d or"
te la prendrait ». Je te Tai donnée.
— Tu ne m'as rien donné du tout. C'est le fileur d'or qui te Tas
prise.
Le maire le voulut éprouver une dernière fois ; il lui dit de lui
prendre son cheval quand il serait monté dessus. Le fileur d'or
accepta. 11 se déguisa en vieux et se posta sur une route par laquelle
le maire devait passer. Le voyant venir, il l'accosta :
— Comme voilà un beau cavalier ! ça me rappelle je temps où
j'étais jeune. Je ne pourrais pas en faire autant à présent !
— Dame, mon brave homme, chacun a son temps !
— C'est égal I je suis tout de même content de voir un cavalier;
si nous buvions une petite goutte ?
— Le maire accepta et but la goutte qu'on lui offrait, sans quitter
la selle ; mais s'étant ensuite endormi sous l'influence de l'eau-de-
vie, le fileur d*or le descendit à terre et s'en alla avec l'animal.
Le lendemain il vint revoir le-maire, qui lui dit :
— Je reconnais que tu es un bon fileur d'or ; mais en voilà assez :
tu me ruinerais. Je ne t'arrête pas parce que tu m'as pris tout cela
sur le défi que je t'avais donné, mais ne recommence plus ; tu fais
là un métier de voleur !
(Conté par M^* Morin mère).
IX
LE MÉNÉTRIER FARCEUR
Un ménétrier revenait, légèrement ému, d'une noce. En passant
vers minuit dans le faubourg Sainte-Savine (commune contiguë à
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REVUE DES TRADITIONS POPI^LAIRES lOo
Troyes), il vit une femme, coiffée d'un bonnet, agenouillée devant la
croix de la Mission.
L*idée farce lui vint d*ealever à cette femme son bonnet, ce qu'il
fit après s'être approché doucement et sans qu'elle s'en aperçût.
Rentré chez lui, il mit le bonnet dans un coffre et se coucha. Le
lendemain il dit à sa femme :
— Je t'ai rapporté quelque chose de la noce ; j'ai un beau cadeau
à te faire : va voir dans le coffre.
La femme alla voir et y trouva noi^-seulement le bonnet, mais
aussi la tète de la dévote.
Le mari, fort tourmenté, alla consulter son curé, qui lui conseilla
d'aller, à minait reporter le bonnet avec la tète à l'endroit où il les
avait pris.
Le ménétrier s'exécuta et trouva la femme toujours à genoux,
mais décapitée. Il remit précipitamment la tète sur le cou et s'enfuit.
Mais^ dans sa hâte de s'acquitter de sa tâche, il avait mis la tète
un peu de travers, et depuis ce temps, à la Rivière-de-Corps (com-
mune contigué à Sainte-Savine), il y a toujours une femme dont la
tète est de travers.
(Conté par M. Q. Dauphin),
Il existe à Château-Chinon (Nièvre) une variante de ce conte.
Dans cette variante, il y a plusieurs femmes agenouillées, et c*est
une tète de mort que la femme du ménétrier trouve dans le bonnet.
— En revenant de reporter le bonnet, le ménétrier rencontre des
femmes qui dansent sur la route ; il prend encore le bonnet de l'une
d*elles en disant : « Avec celle-là, du moins, je n'aurai pas une tète
de mort ! »
Mais le lendemain, quand sa femme regarde à nouveau, c'est
encore une tète de mort qu'elle trouve dans le coffre, et qu'il faut
reporter.
(Conté par M. L. Gautheron),
Louis MoRiN.
Sur ce thème, très populaire en Bretagne. Cf. Sébillot. Traditions
et superstitions de ta Haute-Bretagne^ t. I, et suiv.
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106 REVUE DES TRADITIONS P0PULA1B>;S
QUELQUES SUPERSTITIONS DU TARN
M. Gil, instituteur, a fait récemmeat, à Lacapelle-Ségalar (Tarn),
une conférence sur ce sujet. « Erreurs et superstitions locales, sor-
cellerie, ses secrets et mystères, sciences occultes. »
Nous en extrayons le curieux passage suivant, relatif à quelques
superstitions en cours dans le département du Tarn :
Les paysans du Tarn tâchent de se procurer un couteau à manche
blauc^ remède infaillible contre la colique. En faisant porter une
médaille avec les noms de Gaspar, MelchioretBalthazaràun épileptique
on lui retire sa grave infirmité. Contre les verrues, un spécifique très
simple : enfouir une pomme sous un noyer. Quiconque a mal aux
dents, plante un clou dans un mur, la douleur disparait. Appliquer
un soc de charrue au creux de Testomac, préserve du mal de gorge.
En se roulant tout nu dans un champ d'avoine, en arrachant une
poignée d'avoine en grappe et en la laissant sécher sur une haie, on se
prémunit contre la gale. On éloigne la toux en crachant dans la gueule
d'une grenouille vivante. Pour qui plonge ses mains dans le fumier
le premier mai, pas d'engelures possibles. On extirpe les furoncles
en soufflant èi jeun trois fois de suite, 9 jours durant, dans la bouche
du malade.
On enlève les maux d'oreilles en les touchant avec une main de
squelette. On dompte le mal de tête en se liant les tempes avec une
corde de pendu. Pour empêcher de se soûler, il suffit de prononcer
la formule suivante : Jupiter his halla sonnuit clementer alo idœ.
Dans quelques endroits, les cuisinières n'essuient point leurs cas-
seroles avec un morceau de pain, cet acte leur attirerait la pluie le
jour de leur mariage.
Pour chasser la fièvre, on fait sécher à la crémaillère un chou
dérobé dans un jardin voisin. Il ne faut point manger de chou le jour
de Saint-Etienne. Souvent le fiévreux levé de bon matin marche à
reculons et arrache dans un pré une poignée d'herbes, sans se
tourner ni la voir ; il la jette derrière lui, et court toujours sans se
retourner et sa fièvre passe au diable.
Faire sortir les veaux de Tétable à reculons, lorsqu'on les sépare
de leurs mères, est un préservatif. Le premier jour de l'an, la ser-
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES f07*
vante de chaque maison jette un morceau de pMn dans le puits,
pour qu'il ne tarisse pas, quelle que soit la sécheresse.
Les signes de prospérité égalent, en nombre et en variété, les
signes de malheur. Tout le monde se garde d'acheter à prix d'argent
ies abeilles.
Le catalogue des signes funestes tirés des moindres faits serait
interminable. Qu'il suffise de dire que les habitants du Tarn qui se
tiennent bien droits en regardant la lune pour la première fois
éprouvent quelques catastrophes.
En général, pour vaincre la peur, il n'y a qu'à ficher des épingles
dans les souliers d'un mort ou qu'à monter sur un ours.
Afin d'enlever ses rhumatismes, le malade n'a qu'à faire frapper
trois coups d'un marteau de moulin par le meunier ou la meunière
en disant : « In nomine Patris, etc. »
Le Télégramme de Toulouse, 10, 11 février 1896 \
^^^WWWW^W^^»WMMU>iW»WM»W»^»l
LES EPINGLES
II
LES ÉPINGLES ET L' AMITIÉ
{Suite)
Le dicton qu'une épingle pique Tamitié est fort répandu dans
tous les pays sans doute. 11 est usuel en Allemagne où il faut sourire
ou s'embrasser en la recevant pour rompre son charme funeste. En
Angleterre on n'accepte jamais une épingle non plus sans s'em-
brasser on donner un sou en échange.
Hedwige Heinecke
1. Ces deux numéros dous ont été commuoiqués par ud correspondant dont
nous regrettons de ne pas savoir le nom.
^^<irv^
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108 REVDE- DES TRADITIONS POPULAIRES
LE MOÏNE ET LE f ILLAGEOIS
CHANSON DU PAYS DE LALLOEU ^PaS-DE-CaLAIS)
Le Villageois (en patois)
Mais, di m'in po, miû frère,
Quîj qui t*a mis drochi
Pour ti faire si bonne chière
Et avoir tant de plaiji ?
Ch'la surpasse m*nejprit. {hi$)
Le Moine (en Français)
C'est au bon Dieu, mon frère.
Que j*dois c'que je suis.
Exauçant la prière
Que souvent je lui fis,
11 me plaça ici [bii]
Le Villageois
Est che que Dieu donne des gr&ces.
Sin onc pour Tsalut ?
Quoi I pour ti faire ducasse
Des grâces t'airaus réchu ?
Je n*te crois point la déchus ibis)
Le Moine
Croyez-le bien» mon frère
Ce n'est qu*pour le salut
Non pour la bonne chère
Qu'ici je suis venu ;
Soyez en convaincu, [bis]
Le Villageois
Malgré toutes tes raijons,
T'aime mié toutes sortes de bon,
Sans tout ch là, tin gosier
NVi séro mi aller
N'ri séro mi canter [bis]
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RBVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 109
Le Moine
Le plain chant, sois en sûr^
Abime restomac.
Sans boone nourriture
Ne serioDS-nous pas,
Tous réduits au trépas ? {bis)
Le Villageois
E4 mi, din min village.
Malgré qm me faut ouvrer
J*nai focque du potage
Et des pommes cuites à mîé
Al fois du lard salé, {bis)
Le Moine
Vous, dans votre village,
SU vous .faut travailler.
Vous avez Tavantage
De votre liberté
tEt moi j'en suis privé, {bis)
Le Villageois
Ni éro tienn sai qui
Pour te c'mander drochi ?
N'es tu point maît d'ti
Gomme j'suis mait d'mi ?
Pour vràî je Tpinse ainsi, (bis)
Le Moine
La chose n'est pas mon frère
Telle que vous la pensez
Il faut, le front par terre*
Obéira Fabbé
Sans jamais répliquer, (bis)
Le Villageois
Et mi, din min village
L'fem que j'ai épousée
Al crie, ail mène tapage
Al sait bien commander
Aussi bien que tnabbé. [bis)
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110 REVCB DKS TRADITIONS POPULAIRES
Le Moine
Faut souffrir ça, vois-lu.
Pour conserver la paix
Ici, l'oD est tenu
Par le vœu qu'on a fait
D'obéir en sujet (W«)
Le Villageois
Chanjons d' discours, min frère
D'elle chét assez parler
Pourquoi ché biell cahières
Et taus ces biaux créchets
Et ces tapis dorés (bis) ?
/^ Moine
Ces places ne sont faites
Que pour les étrangers
Et pour les jours de fête.
Nous, nous devons rester
Dans de simples quartiers (bis).
Le Villageois
Esche que le roi de France
Et tou^ chés princes aussi ^
Viennent ici faire bombance ?
Che plaches, selon mi
Sont bielles assez pour H (bis).
Le Moine
Les princes pour les fêtes
Ne viennent point ici,
Ces j^laces ne sont faites
Que pour nos bons amis
Et nos parents aussi (bis).
Le Villageois
-/ Mériterojou Thonneur
D'être ichi introduit ?
Te ché bien que m'demeure
* N'est faite qu'en paillotis
Et qu'elle n'est nien blanquie (bis).
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REVUE DES THADItlOKS POPULAIRES
m
• Le Moine
Ce n'est poinl la richesse
Que nous devons chercher
Ni même la noblesse
Lorsqu'elle est séparée
D'avec la probité [b%$].
Le Villageois
Eh bien ! pour un brav'homme
Te sais bien que je V suis
Pache qu*y n'y a personne
Qui peut dire que j'ai pris
Ene se quoy à autrui [bis].
Le Moine
Brisons V discours, mon frère
Nous avons trop causé
Et vidons notre verre,
Buvons à la santé
De toute l'assemblée [bis],
[Recueillie par M, Emile Becquart de Laventie, Pas-de-Calais).
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142
REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
ROU PIOU PIOU '
VIEILLE PAYSANNERIE B0UL0NNAI6E
II
Voici la musique de cette chaosoa dont nous avons publié le texte
dans le numéro de janvier.
Assez animé.
>it I' I MJ j'ji,M| f. f-r |!
Che toit lu tèt' ed no vil lag-equ^j'é-tiom* con.
f ï f'înri'ii'ii J' J^^B?
. tent^qu'j'étiçn con . tent|J*é.tions à la /leur de— notr'
^^
4 — • — a ■ . * ■-
Pi
■■ I m
^c , à qua . tore ans . Rourpiou-piouïRou - piou - piuu!
E. T. Hamy.
L'HABILLExMENT DES STATUES
VI
Je me souviens que le jour de la Saint-Joseph aux Mathurins, ou
labbé de Cerisy prêchait, on avait habillé saint Joseph d'une robe
de M. le Chevalier (Seguier) et la Vierge avait une ôravate de
M. d'Aiguillon.
Tallemant des llÉAUx. Historiettes, T. IV, p. ^22.
P. S.
i. Cf. XI, p. 32.
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 113
LES GATEAUX ET LES BONBONS TRADITIONNELS K
XII
SEINE-INFERIEURE
(Rouen)
§ANS les trois ou quatre derniers jours de rannée, on vend chez
les pâtissiers des gâteaux en pâte feuilletée connus sous le
nom d'Aguignettes dont les prix sont de 5 cent., 10 cent.,
^^ 20 cent., 25 eent., 30 cent., 40 cent., 50 cent., 60 cent.,
\D 75 cent, et 1 fr. Les pâtisseries sont fabriquées dans des
moules en fer blanc, les sujets en sont des plus variés et représen-
tent des cerfs, des poissons, des girafes, des cochons, des chiens,
des coqs, des lions, des renards, des polichinelles, des arlequins,
des bossus, des soldats, des chasseurs, des amazones, des Saint-
Sacrements, des ballons, des trompettes, des moulins, la tour Eiffel,
etc., etc., etc., et même Napoléon, je connais une maison qui
possède une centaine de ces moules'.
Neufchàtel-en-Bray^ Forges -les-E aux et Goumay-en-Bray
On confectionne également pendant les deux ou trois derniers
jours de Tannée des pâtisseries feuilletées dont il n'existe que deux
types, des cerfs et des bonnes femmes.
A NeufchâteUen-Bray, la date peut être avancée à cause du
marché qui se tient le mardi de chaque semaine.
Elbeuf'iur-Seine
On se contenterait, mais je ne puis affirmer mon dire, de vendre
pendant les deux ou trois derniers jours de l'année des galettes en
pâte feuilletée affectant une forme ronde.
E. Pelay.
*. Cf. le t. IV, p. 88, 270, 328, le t. V, p. 448, le t. VI, p. 19^, le t. VHI, p. 303,
le t. IX, p. 156, le t. X, p. 10, 209, 643.
2. Notre collègue dous a envoyé pour le musée de la Société cl celui du
Trocadéro une 'série de ces pâtisseries.
TOaiE XI. — FÉVRIER 1896. 8
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114
REVUE DËb TRADITIONS POPULAIRES
LES DOUZE PAROLES DE VERITE*
IV
DANS LES IMPRIMERIES DE TROYES
Les jeunes gens de mon atelier chantent la parodie suivante,
des Douze paroles de vérité.
Ecoutez ces priocipes-lâ,
Que personn" De bouge ;
La terr*glais* c'est comme Thomard
Quaud c'est cuit c'est rouge.
Qu'est-ce qui va deux ?
Ya deux testaments,
L'ancieu et le nouveau ;
Ya qu'ion ch'veu
Sur la tête à Mathieu !
Ecoutez ces principes-là, etc.
Qu'est-ce qui ya trois ?
Ya Troyes en Champagne,
Ya deu:jè testaments,
L'ancien et le nouveau ;
Ya qu'un ch'veu
Sur la tête à Mathieu.
On continue de la sorte en ajoulant à chaque couplet une des
phrases suivantes.
Ya Ca/A'rine de Russie ;
Ya Saint Père le Pape :
Ya système métrique ;
Ya c'est épatan I ;
Ya huître au vin blanc ;
Ya n'œuf à la coque ;
Ya (/ûputez-vous ;
Ya once de café ;
Ya douzeÀue de mouchoirs ;
Ya très étonnant.
L. MORIN.
1. Cf. t. X p. 650. .
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KEVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 115
LES OFFRANDES AUX SAINTS
II
LE PAIN DE SAINT ANTOINE
M. l'abbé de Terris nous donne dans la Semaine religieuse d'Avi-
gnon un document fort curieux, au sujet du pain de saint Antoine.
H cite la bénédiction : Benedictio ad pondus pueri^ tirée du bréviaire
aptésien du XIV* siècle, qui nous fait connaître un usage du temps :
« Les familles qui voulaient attirer les bénédictions célestes sur
un enfant et en même temps contribuerfau soulagement des pauvres
du bon Dieu, donnaient à un établissement dé charité un poids de
blé égal au poids même de Tenfant qui était censé faire la bonne
œuvre et qui devait en retirer le profil spirituel. Or cette bonne
œuvre se faisait en Thonneur de saint Antoine, dont on invoquait la
protection pour obtenir la faveur demandée.
») Ou je me trompe fort, ajoute M. de Terris, ou voilà par ce texte
de nos archives aptésiennes péremptoirement démontré que la
pratique du pain de saint Antoine est vieille de six cents ans. »
Maria Lecocq.
LE TABAC
les contrebandiers
Dans le Jura ceux qui font la contrebande du tabac sont connus
sous le nom de tabatiers ou carottîers. L'ivrognerie, dit Ch. Toubin,
les contrebandiers de Moismard^ et la débauche sont leurs moindres
vices ; le vol leur est aussi familier que la fraude et les incendiaires
ne sont pas rares parmi eux.
P. S.
1. Cf. t. X, p. 620, t. XI, p. 728.
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116 ' REVlTE DES TRADITIONS POPULAIRES
ALLUSIONS A DES CONTES POPULAIRES
XXI
FORMULE DE CONTES
N sait que dans les coûtes de marins et de soldats revieni
assez fréquemment la formule cric crac ! Au XVIP siècle
on se servait de Tespèce d'interjection crac lorsqu'une
personne racontait une histoire qui paraissait fabuleuse
ou impossible.
(Leroux, Dict, comique).
XXII
UN SIMILAIRE DU PRÉAMBULE DES MILLE ET UNE NUIT
Un seigneur fort riche avait une singulière fantaisie ; il fallait que
la femme qui lui accordait ses faveurs lui donnât sa tabatière ou son
anneau, qu'il payait très cher et étiquetait sur le champ du nom de
celle à qui il en était redevable. On prétend qu'à sa mort on trouva
huit cents tabatières, et jusqu'à 4.000 bagues qui lui étaient parve-
nues de la sorte ^
(NouGARET, Aventures parisiennes y II, 59).
PS.
1 . Uuc noie dit que c'était le prince de Coati.
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REVIjË des TBADITtONS POPULAIRISS 117
JEUX ET JOUJOUX
LE DIABLE DES BOIS. — UN AUTRE DIABLE
ES iastruments de simple curiosilé ont aussi leur intérêt, en
ce qulls se rattachent bien souvent à des particularités de
Texistence dignes d'être conservées et divulguées. Celui que
le titre de cette note annonce, est un pur jouet d'enfant, très
populaire en Flandre, il y a un demi siècle, mais dont la dé-
nomination précise échappe.
Mon savant ami, Karl Krebs, me mande k ce propos, qu*à Berlin,
Tappellation de Waldteufel prédomine. Elle n'aura point différé
grandement, je pense, avec celui que notre Flandre a longtemps
porté.
Il s'agissait de préciser, quant à la forme de Tobjet même, car les
gens d'âge ne s'accordent guère \k dessus. C'est encore M. Krebs
qui a bien voulu s'interposer.
Je lui passe la plume :
A Berlin et dans les alentours, le rommelpot a complètement dis-
paru. En échange, nous en possédons un antre semblable et non
moins étrange le waldteufeld ou diable des bois, qui se vend, au temps
de Noël^ sur tous les marchés. C'est un cylindre en carton, ouvert
d'un côté et fermé de Tautre, par un fragment de vessie. Au milieu
du rond de la vessie, est fixé un bout de ficelle, qui, de l'autre bout,
est attaché, au moyen d'un nœud, à un manche de bois. L'entaille
du manche est frottée avec de la colophane. Quand on prend Tins-
trumenl par le manche, en faisant un mouvement circulaire avec la
main, le cylindre à la ficelle tourne autour du manche, et le frotte-
ment du bois colophanisé contre la ficelle tournante produit un son
bourdonnant, enflé par la résonnance du cylindre vide couvert de
vessie. Je ne doute guère qt\e notre waldteufel ne soit un descen-
dant de notre rommelpot. L'instrument toutefois est déjà en déca-
dence. On a remplacé la vessie par du carton ; mais il fonctionne
tout de même. Avant de s'en servir, il faut mouiller un peu le bout
du manche autour duquel tourne le bout du crin de cheval. Et voilà ! »
Ayant reçu l'instrument môme, j'ai pu constater que la description
technique en est entièrement exacte. Il mérite bien son nom, car
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H8 REVUE DES TRADITIONS I»0PULA1RES
quand il fonctionne, on dirait que tous les êtres du royaume de Plu-
ton sont déchaînés. Bien plus, il semble que tout l'édifice où la ré-
sonnance se fait, s*effbndre sans laisser une pierre debout. C'est ef-
frayant au possible.
Le tube a 44 centimètres de haut et mesure 9 centimètres de dia-
mètre. Il est orné, sur sa surface circulaire, de dentelures alternées
de couleurs rouge et jaune. La partie couverte, par où passent les
crins, est verte.
Instrument de foires, jadis très en vogue, disent les vieillards de
notre localité, et qui passionna vivement lesbébéâ...
L'un d'eux se rappelle vaguement : c< une botte mesurant 4 à 5
centimètres, suspendue par un crin de cheval plié en nœud coulant
à une petite baguette à encoche. Un seul crin pour tout cet élernel
tapage ! »
Ne point confondre, s'il vous plaît, cet intéressant diable avec un
autre qui bourdonne également, mais avec des moyens bien diffé-
rents, comme on pourra voir.
Ëcoutons Berhouble :
f Hochet, jouet qui consiste en deux sphéroïdes ou ovoïdes taillés
dans le même morceau de bois et creusés avec art, que Ton fait rou-
ler sur une corde faiblement tendue, et dont chaque extrémité, atta-
chée à un bâtonnet, reçoit un mouvement alternatif d'une intensité
croissante par degrés, qui établit dans les deux sphéroïdes un cou-
rant d'air, lequel fait un ronflement semblable k celui de la toupie
d'Allemagne. Ce jouet est imité et perfectionné du diable chinois,
instrument beaucoup plus gros et moins commode. »
Telle est la définition d'un jouet d'enfant très répandu en France.
» Toupie d'Allemagne double, que Ton fait tourner rapidement sur
une corde attachée à deux baguettes, et qui ronfle avec beaucoup de
bruit, • dit la Rousse.
Au tour de La Rive et Fleury :
« Sorte de jouet d'enfant analogue à la toupie : on lui a acheté
un diable avec lequel il nous casse la tête. »
On lit sous les initiales G. L., dans la Revue delà nature^ les
lignes suivantes qui clôturent notre esquisse :
c Je vous envoie une photographie que j'ai faite avec un kodak et
qui représente un joueur au moment ou le diable vient retomber
sur la corde.
» La forme de ce diable varie un peu de celle du koiien-geu ; il est
formé de deux cônes en fer blanc réunis par leur sommets et percés
de trous pour produire un ronflement lorsque le diable tourne très
vite.
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES il9
n Un boa joueur, vigoureux, peut facilement le lancer à plus de
i2 mètres de hauteur.
» Dans notre enfance, vers 1853, on jouait beaucoup au diable à
Paris : le diable était fail de deux boules creuses de bois de buis.
» Ce jeu fort amusant, et qui exerçait Tadresse, est presque ou-
blié aujourd'hui, il serait intéressant d'en faire revivre Tusage. »
Il a été également populaire parmi nous.
Edmond Van der Straeten.
MIErrES DE FOLK-LORE PARISIEN
IJHay (Seine)
XXVI
SOUVENIR DE LA REINE BUNCHE
E magnifique parc des Tournelles, aurait été une résidence
royale ; plus tard il appartint à M. Chevreul, le savant
centenaire, qui le céda aux sœurs de S'-Vincent de Paul.
On montre, dans le mur, une pierre en saillie où Blanche
de Castille posait le pied pour monter sur son ànesse, quand
la sainte reine venait à la campagne avec le jeune roi.
Il parait aussi que Téglise paroissiale possédait jadis une relique
insigne de la vraie croix et un reliquaire digne de cet objet précieux.
Pendant la révolution, on enterra ces choses dans le parc des
Tournelles. Depuis lors, dit-on^ L'Hay, malgré son altitude, est à
Tabri de la foudre.
Fra Deuni.
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I:Î0 KFAniE DÈS TRADITIONS POPULAIRES
ASSEMBLÉE GÉiNÉRALE
La onzième assemblée générale a eu lieu le 31 Janvier sous la
présidence de M. E. T. Hamy, président de la société.
M. Paul Sébillot, secrétaire-général, qui pendant Tabsence de
M. Gerteux, trésorier, a été chargé de l'administration, expose la
situation fînancière de la société. En 1895^ les recettes se sont élevées
à 4.863 fr. 09, supérieures de 282 fr. 81, aux prévisions budgétaires,
les dépenses à 3.879 fr. 77, inférieures de 120 fr. 23 aux prévisions
budgétaires. L'exercice 1895 se solde par un excédent de recettes
de 983 fr. 23 ; c'est le plus haut chiffre qui ait été atteint.
La situation est donc très bonne : à un très petit nombre près,
tous nos collègues habitant la France sont en règle ; il reste à
recouvrer les cotisations d'uoe partie de ceux de nos collègues de
rétranger, qui, sans doute, ne voudront pas tarder à s'acquitter vis-
à-vis de la société.
Le nombre des simples abonnés a augmenté, de même que la
vente au numéro et celle des années écoulées, qui entrent mainte-
nant pour une part très sérieuse dans les recettes. Des collections
entières ont été achetées par des bibliothèques de l'étranger. Une
cinquantaine de bibliothèques sont sociétaires ou abonnées.
Pour 1896, les prévisions sont : en recettes 4.898 fr. 23^ en dépen-
ses 4.000 fr.
Pendant que le scrutin reste ouvert, le secrétaire-général présente
les excuses de plusieurs de nos collègues qui n'ont pu assister à la
séance*. Il offre à la société ses Ltgendes et Curiosités des Métiers qui
viennent de paraître.
M. T. Volkov exhibe quelques images russes concernant la reli-
gion. Quelques-uns de ces motifs d'imagerie populaire se font
remarquer par l'introduction d'idées tout-à-fait modernes. Saint
Elie est représenté par exemple en carosse de gala avec un ange en
guise de cocher et un autre de piqueur. Le caractère cosmique
de ce saint (on sait que la foudre et le tonnerre dans le folklore
russe sont produits par le char de feu* dans lequel saint Elie se
promène dans les cieux) n'est représenté que par les flammes
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 121
jaillissant de dessous les roues du véhicule. D'autres images mon-
trent rinfluence évidente des légendes pieuses. Ainsi une des images
représentant la Sainte Vierge à trois mains fait allusion à la main
coupée d'un personnage qui a défendu la sainte image contre la
profanation et remise ensuite miraculeusement à sa place. Une
autre, celle de Notre-Dame du Buisson ardent, sert, à cause des
langues de flammes entourant la Sainte Vierge, pour conjurer les
incendies. Certaines images frappent par la naïveté extrême de leur
conception. La coupe de la tunique de la Sainte Vierge allaitant son
enfant ne manque pas d'originalité, ainsi que les détails de Tirnage
de la Sainte Vierge « consolatrice de tous les souffrants ». Sur celte
dernière, qui se trouve dans une chapelle de N.-D. de Tikhvine à
Vusine de verrerie à Saint-Pétersbourg, la Sainte Vierge est repré-
sentée en train de distribuer ses bienfaits en espèces : les gens du
peuple à genoux tendent les mains pour attraper les pièces de
kopeks et demi-kopeks avec les chiffres de Nicolas I et Alexandre II,
volant dans Tair, tandis que les anges habillent, à côté, des person-
nages nus. L'image du jugement dernier nous fait voir les morts
sortant de leurs tombes^ la baleine rejetant les corps engloutis, les
lions restituant de la même manière des personnages dévorés, des
aigles apportant des ossements dissipés par eux. Les condamnés
passent en file indienne dans la gueule du grand serpent où préside
Lucifer tenant dans ses bras Judas avec Sa bourse traditionnelle. A
la tète du cortège se trouvent des personnages couronnés, vêtus de
manteaux royaux en pourpre et hermine, puis, suivent les repré-
sentants mitres du haut clergé en vêtements sacerdotaux, puis les
moines, les grands fonctionnaires décorés, les gros bourgeois^ etc..
les paysans et les mendiants sont les derniers...
M. Sébillot présente quelques images populaires de diverses
fabriques, qui ont une certaine affinité avec Timage du jugement
dernier au point de vue du rang dans lequel les gens des différentes
professions font leur entrée en enfer.
M. le D' Hamy appelle l'attention de nos collègues sur les placards
mortuaires ornés d'emblèmes qui étaient encore en usage il y a
quelques années et dont quelques-uns sont fort curieux. Il serait
intéressant de savoir à quelle époque on ac<èmmencéàenimprîmer.
Les plus anciens que possède la Bibliothèque Nationale ne remon-
tent qu'au milieu du XVII* siècle.
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122
REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
BUREAU DE 1896
Présidents honoraires
D'Arbois de Jubainville
Frédéric Mistral
Gaston Paris
Ancien Président
Girard de Rialle
Président
E.-T. Hamy
Vice 'Présidents
Cuarles Beauquier.
COMMISSION DE RÉDACTION
LoYs Brueyre
Eugène Muntz
Secrétaire-général
Paul Si^illot
Secrétaires
Lionel Bonnemère
Alexandre Tausserat
Trésorier
A. Certeux
Trésorier- A djoint
Alfred Michau
Félix Frank
Girard de Rialle
N. Quellien
Félix Régamey
Raoul Rosières
Julien Tiersot
COMITÉ CENTRAL
Membres résidant à Paris
Charles Beauquier
Raphaël Blanchard
Prince Roland Bonaparte
Lionel Bonmemère
LoYs Brueyre
Comte de Charencey
A. Certeux
H. CORDIER
J. Deniker
E.-T. Hamy
Alfred Michau
Morel-Retz
Eugène Muntz
Cqmte de Puymaigre
N. Quellien
Arthur Rhoné
Raoul Rosières
Paul Sébillot
Alexandre Tausserat
Julien Tiersot
Membres ne résidant pas à Parts
René Basset
J.-F. Bladé
Emmanuel Cosqutn
A. Le Braz
Achille Millien.
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BEVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 123
BIBLIOGRAPHIE
Les Contes de Pert^ault mis en vers par Charles des Granges, illustra-
tions de M'** Ch. Dufau. Delagrave in-4 de pp. 56.
Plusieurs auteurs ont tenté de mettre en vers la prose si française, si parfaite
dans sa simplicité, si bien coupée, des contes de Perrault; ils n'ont pas fait oublier
la version originale des « Contes de Ma Mère TOye », et on ne peut considérer
leur ouvrage que comme une sorte d'hommage rendu à la popularité de ces contes
qui après deux cents ans paraissent aussi frais que lors de leur publication.
Mettre en vers les contes de Perrault nous parait une entreprise aussi superflue
que celle de réduire en prose les fables de Lafontaine ; ces deux auteurs on
trouvé tous deux des formes définitives, et quelle que soit l'ingéniosité déployée
on est forcé de reconnaître qu'il y a plus de poésie véritable, dans le petit
Chaperon rouge par exemple, que dans toutes les imitations ou paraphrases
en vers qui peuvent en être faites. M. C. D. 6. ne pouvait, pas plus que
personne du reste, échapper, à la terrible comparaison entre des vers, souvent
ingénieux, et une prose qui est un modèle. Des sept contes qu'il a versifiés, les
moins bien venus sont précisément les plus concis, ceux qui se rapprochent
davantage de la forme populaire. Pour ceux-là, il faudrait un Lafontaine pour
en rendre l'esprit naïf et leur donner une forme, sinon supérieure, du
moins égale à celle que Perrault a trouvée, sans s'en douter peut-être. D'autres,
plus longs, se prêtent davantage aux imitations ; c'est ainsi que la version de
la Belle au Bois dormant soutient mieux que le Petit Poucet par exemple la
comparaison avec la prose de Perrault ; en voici un passage :
...Les vingt ans
S'écoulèrent comme un printemps
Pour l'enfant, la belle des belles.
Jusqu'au jour où, fatal destin.
Un fuseau lui perça la main.
Comme un ange perdant ses ailes,
Aussitôt elle chancela.
Jusqu'à son doux lit s'en alla
Pour s'endormir, suivant l'oracle.
Mais, prodige plus étonnant.
Tout s'endort comme par miracle
Autour d'elle au même moment.
Le roi d'abord et puis la reine,
Leurs gardes et le capitaine
Restent dans l'immobilité.
Le coureur qui déjà s'élance
La Jambe en l'air, comme en balance
A l'air d'un pendule arrêté,
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424 REVUE DES TBADITIONS POPULAIRES
Plus loin, c'est le garde champêtre
PriBonnier dans ses attirails
Qui dans un verger pourrait être
Le meilleur des épouYantails :
Les chambrières, les soubrettes
(Pour des femmes quel triste sort !)
Tout à coup deYiennent muettes,
On dirait des marionnettes
Dont on a brisé le ressort.
Le roquet qui tournait la broche
Reste roide et glacé soudain.
Le mitron cuisant sa brioche.
Le boulanger faisant son pain.
Le cuisinier sur sa marmite
Se tient fixe et vitrifié,
La sauce dans la lèche-frite,
Le feu même est pétrifié.
P. S.
LIVRES REÇUS AUX BUREAUX DE LA REVUE
Çt. Pitre. Medicina popolare siciliana. Palerme Carlo Clausen
în-18 de pp. XXYIU, 494 (7 fr.).
Ch. Adolphe d'Avril. Choix de poësies slaves. Paris, Leroux,
în-i8 elzvir de pp. X, 166. (2 fr. 50).
Comte Henri de Castries. Les Moralistes populaires de ris-
lam L Les Gnomes de Sidi Ab-er-Rahman-El-Medjedoub. Paris,
Leroux, p. in-18 de pp. XXYIU, 121.
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 125
PÉRIODIQUES ET JOURNAUX
Ons VolkSleven, VIII. — Encore un mot sur MoU, Baelen et Desslche,
J.-Th, de Raadt, — Légendes : 1. Notre-Dame d'Afflighem. 2. La Vierge qui
parle, A, G. — Le Langage des Oiseaux, Frans Zand, — Contes populaires. La
Trompeuse trompée, A, G, — Rimes et Enfantines anglaises (suite), J. Feskens.
— Usages et Coutumes populaires du Brabant septentrional (Hollande) (suite) :
2. Rites et Usages funéraires, P. N, Panken,
SezÀtoarea, III, 8, L*élément populaire dans la littérature savante, par
Arthur Gorovei, — Traditions populaires de Bucovine, llie Veslovski, — Méde-
cine populaire, M, Lupesco. — Désenchantement?, \/irMi/r Gorovei. - Coutumes
de la nouvelle année, S. Mihdilesco,
111, 9-iO. La grive et la corneille (conte). M, Lupesco. — Sons interjectifs,
Arthur Gorovei. — Traditions populaires : La création du loup, Dieu et la
tante, la légende des bois, T. Balasel. — Prières enfantines, M. Lupesco. —
Désenchantements, Dobré Stefanesco, V. FiUpovici, C. Serbanesco, S. Popesco,
Formules d'élimination, Arthur Gorovei. — Coutumes de la Semaine, M. Lupesco,
— Médecine vétérinaire populaire, M. Lupesco. — Bibliographie du Folk-lore
roumain, Arthur Gorovei. — Chansons, T. Balasel.
NOTES ET ENQUÊTES
,\ Diner de ma Mère VOye. Le 105» dîner a eu
lieu le 31 janvier sous la présidence de M. E. T.
Hamy, président de la société. Les autres convives
étaient MM. 0. Beauregard, D' Raphaël Blanchard,
Henri Cordier, George Doncieux, Lautermann,
Madame Malza, MM. Michau, Napoléon Ney Adrien
Oudin, Paul Sébillot, Alexandre Tausserat-Radel,
Julien Tiersot, Th. Volkov. Le diner a été suivi
d'une très intéressante soirée musicale ; Madame
Malza, très bien accompagnée par M. Lautermann,
s'est fait applaudir en chantant avec beaucoup de
grâce et d'une voix bien timbrée une série de
chansons et d'airs du commencement de ce siècle,
et de la fin du XVIII*, qui ont donné lieu à de
curieuses remarques; MM. Adrien Oudin, George Doncieux, Napoléon Ney ont
récité des poésies. Des chansons populaires de divers pays ont été chantées
par MM. Julien Tiersot, E. T. Hamy. et l'on ne s'est séparé qu'après minuit.
Les dîners de 1896 auront lieu le mardi SI mars, mardi 30 juin^ lundi SO
novembre.
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126 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
«% Oêyancu populaire», à Brienne-la-Vieille {Aube). — Il ne faut pu cuire
de pain pendtal ks jours des Rogations, sans quoi le pain moisit tout Tété.
— Il ne faut pas couler la lasaive dans Toclave de la Fête-Dieu : cela ferait
mourir le mari dans Tannoée.
— Commencer un travail le vendredi ; mettra une chemise propre ce jour-là ;
renverser la salière sur la table, portent malheur.
— Faire boire une goutte de sang d*ao^uille aux ÎTrogiiM leur donne le
dégoût du vin.
— Ne pas manger de viande le jour de Pâques après s'en être abstemu tout le
carême empêche d'avoir mal aux dents.
— A la messe de mariage, plus le mari enfonce Tanneau profondément dans
le doigt de la femme, plus il aura d'autorité dans le ménage. (1)
(Corn, de M. Auguste Marguilluh).
,*, y a-t-il encore des Druides ? Evidemment nous n'avons pas en vue ici les
habitants de Dreux ; ils seraient les premiers à sourire d'une question si naïve.
Nous voulons parler des sectateurs de la vieille religion druidique. Au premier
chapitre d'un livre récent que nous venons de parcourir avec beaucoup d'inté-
rêt : La Vergine Addolorata ou N,-D. de Campovallo (2) nous venons de lire
une page que nous croyons utile de reproduire. L'auteur après avoir rappelé le
culte primitif de la Sainte Vierge à Chartres, et sa statue érigée là par les
druides avant l'ère chrétienne, ajoute ce qui suit :
« ... Disons en passant que !e druidisme, qui paraissait être éteint depuis le
V1I« siècle, dans un chaos de paganisme romain, de sauvagerie celtique et de
christianisme dénaturé, a résisté au concile de Nantes, qui, en 618, le condamna
solennellement.
Sur les confins de l'Allié et de Saône-et-Loire, vers Dompierre et Bourbon-
Lancy, les druides existent encore ; ils sont connus .sous le nom de BUmcs^ à
cause de la couleur de la robe dont leurs prêtres sont revêtus. Leurs réunions
ont lieu la nuit, au fond des bois, sous les chênes séculaires. Ils ont quatre
fêtes par an ; les chefs sont désignés sous le nom d'archevêques et d'évêques
des Blancs. Ce sont les arcbi-dniides et les druides.
Les Blancs sont d'une probité méticuleuse. Les femmes, surtout, sont atta-
chées à leur culte. Ils ne se marient qu'entre eux.
Le druidisme s'est sensiblement épuré. Plus de prêtresses, plus de sacrifices
d'aniuiaux, mTurs douces et honnêtes ! Mais le culte du gui a survécu ainsi
que les danses au clair de lune.
Les Blancs ont une horreur instinctive du baptême. En voici une preuve
récente : En 1894, vers Paray-Ie-Monial, un enfant naquit d'une druidesse. Une
voisine catholique le fit baptiser en cachette. La mère ayant appris ce « crime »,
se jeta sur la coupable et faillit la tuer. La Correctionnelle s'en mêla, dit-on.
Mais on assure — qu'une statue de femme portant un enfant dans ses bra^
figure encore aux fêtes officielles, et qu'elle est l'objet d'une profonde vénéra-
tion. Les jeunes filles chantent en son honneur sous les « arbres-prêtres » une
sorte d'hymne en langue inconnue, qui pourrait bien être du celtique défiguré.
(ta voir de Notre-Dame de Chartres ^ 4 janvier 1896).
(Com. de M^i« Maria Lbgocq).
1. A Paris, plus l'anneau est enfoncé, plus la femme sera fidèle.
2. La Vergine addolorata ou Notre-Dame de Campovallo (Italie) par Albert
Larosse.
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES t21
Il serait intéressant d'&^âir énr reifseignements précis sur cette secte, qui
pourrait bien ètri^ use des « petites églises » non concordataires comme il y en
a encore dMM qoelques parties de TOuest de la France, qui n'ont rien à voir
a»ee le druidisme. La question, réduite à une information de ce genre, nous a
paru curieuse.
,% Saini de plâtre guérisseur (Eure). — Dans une grange est un saint de pl&tre ;
on enlève un peu de son ventre, on le mêle à la bouillie pour faire passer les coli-
ques des enfants. — Inutile de dire que cela demande le renouvellement fré-
quent du ventre de Taimable saint. *
(Com. de M. Fra Dbuki)
/, Crack-nul Sunday (Dimanche de Craque-noix). — A Kingston sur Tamise,
prés Winchester, existait encore il y a peu de temps une singulière coutume :
Le dimanche qui précédait la S^-Michel les fidèles se rendaient à l'église les
poches pleines de noix qu'ils s'am.usaient à briser pendant l'office divin. D'où
craquements continuels et nom bizarre de dimanche de « Craque-noix » donné
à ce jour.
Cette coutume est ancienne, car on a retrouvé un mandement de Tévèque Guil-
laume de Wykeham cherchant à empêcher ce bruit « qui allait jusqu*à couvrir
la voix du prédicateur ».
Cette coutume était connue de Goldsmith qui la cite dans le « Vicaire de Wa-
kefield » comme pratiquée par les paroissiens du docteur Primrose.
(Com. de M. René Stiébel).
,*. Brimade à ^arrivée au collège. — Darsie Latimer à son arrivée au collège
fut bafoué à cause de son accent du sud, salé avec de la neige comme un pour-
ceau d'Angleterre, et roulé dans le ruisseau en recevant l'épithète de boudin
saxon. '
(W. Scott. Regtfauntlet),
^\ Fantômes contemporains. — D'après le Courrier des Etats-Unis, la. statue
de la Liberté (de Bartholdi) à Bedlow's island est hantée et elle est devenue
pendant la nuit un objet de terreur pour les pêcheurs, bateliers et marins de la
rade de New- York.
Le poste militaire qui a été établi à Bedlow's island est devenu parfaitement
inutile, car jamais marin ne s'aviserait d'y aborder après le coucher ou avant
le lever dn soleil. Que la statue soit hantée, aucun doute n'est plus possible
là-dessus. La preuve en est que tous les hommes d'équipage de tous les bateaux
qui ont jeté l'ancre près de Bedlow's island déclarent qu'il est parfaitement
inutile d'essayer de dormir dans le voisinage de « miss Liberty » comme ils
rappellent, attendu qu'elle donne asile, tous les soirs, à tous les fantômes et
esprits qui voltigent sur la rade, et se livrent pendant la nuit à une sarabande
infernale à l'intérieur du monument.
Les soldats du poste eux-mêmes sont tellement effrayés par les bruits que
Von entend la nuit à l'intérieur de la statue que plusieurs d'entre eux ont
demandé à permuter.
Dans le jour tout est calme dans le monument. Mais très souvent le soir,
surtout lorsqu'il se produit de brusques changements de température, on dirait
que miss Liberty appelle elle-même les fantômes et les esprits « en secouant
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128 REVUE DES TBÂDITIONS POPULAIRES
ses jupes d'airain ». Et alors, c'est pendant toute la nuit un vacarme effroyable.
Tantôt on entend des gémissements lugubres, tantôt un bruit de squelette se-
couant des cbaînes qui tes attachent,' et fréquemmeiit aussi des plaintes sinistres
et des cris ressemblant à ceux du chat-huant.
(Le Petit Temps, 22 février 1896).
REPONSES
,*, Figure dans Iti noix, y, t. X, p. 631) — Uu petit clou présentant beaucoup
d'analogie avec les clous ayant fixé Jésus sur la croix, se trouve dans la noix.
Cet instrument de la Passion se trouve dausce fruit, parce que la croix de Jésus
était faite de noyer.
(Hainaut, Anvers et Liège. Comm. de M. Alkhëd IIarou) (1).
,\ Ce qu'on dit aur personnes ennuyeuses. — Le pcu;)lc dit aux importuns qui
demandent et quand ? Quand les canes vont aux champs, la princesse va devant.
(Lkroux. Dictionnaire comique 1724).
1. V. t IX, p. 231, 536, 664, 720, t. X, p. 256).
En Vabsence de M. A. Cbrteux, momentanément éloigné de Paris, les cotisations
et abonnements sont reçus chez M, Sébillot, 80 ^ boulevard Saint-Marcel.
Le Gérant : A. CERTEUX.
Uaugé {Maine-et-ljoire. — Imprimerie Oaloux.
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REVUE
DES
TRADITIONS POPULAIRES
11«» Année.— Tome XI. — N^ 3-4 — Mars- Avril li596t
LES ANCIENS CHANTS HISTORIQUES ET LES TRADITIONS
POPULAIRES DE L ARMÉME '
ËRVAND II ET ARTASCHÈS II
VEC Erouand II commence une longue
série de récits, dont nous possédons
quelques-uns seulement.
D'abord Moïse de Khorèn cite d'après
les récits de la naissance d'Ervand et
de son frère Ervaz, « Une femme de
race arsacide, d'une stature élevée,
d'une figure horrible et repoussante,
que personne n'avait voulu épouser,
met au monde deux fils par suite d'un honteux commerce. » Puis il
raconte qu'après la mort de Sanatroug, Ervand fut proclamé roi,
celui-ci, ayantconçudescraintesducôtédesfilsdeSanatroug,lesexter-
mina tous, seulement un seul, nommé Artaschès, fut sauvé par sa
gouvernante et son gouverneur Sempad Bagratouni. Ervand les pour-
suit, « c'est pourquoi, errant pendaut longtemps sur les montagnes et
dans les plaines, à pied, avec l'enfant sous différents déguise-
ments, Sempad l'élève dans des cabanes, au milieu des bergers, jus.-
qu'à ce qu'enfin, trouvant l'occasion favorable^ il passe près de Darius,
roi des Perses, chez qui l'enfant fut admis parmi les fils du roi.
Ervand sollicita par des ambassadeurs et avec des présents le roi
des Perses de lui livrer Artaschès, en lui disant qu'il n'était point le
fils de Sanatroug, mais d'un Mède et quand il n'a pas réussi il fonda
1. Cf. t. XI, p. 1.
TOME XI. — MARS-AVRIL 1896. 9
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130 HEVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
plusieurs forteresses entre lesquelles celle d'Ervandachad ; il
semble que Moïse de Khorèn décrit ainsi Ervaolaehad d*après les
récits populaires :
« Il remplit le centre de la grande vallée dliabitants et d'édifices
magnifiques^ brillant comme la pmodle de l'œil. A Tentour de
Tendroit habité s'étend uoe eetiiture de jardins fleuris et odorifé-
rants, comme autour de la prunelle se décrit le cercle de Toeil. D*in-
nombrables vignobles imitent le contour frangé et gracieux des pau-
pières. La forme arquée, au nord, est vraiment comparable aux
sourcils de gracieuses jeunes filles ; au sud, la forme unie des prai-
ries ressemble à la beauté des joues bien lisses. Le fleuve avec ses
rives, comme uue bouche entr'ouverte, représente les deux lèvres ;
et ce site si splendide semble regarder fixement le sommet où se
dresse le séjour du monarque, séjour vraiment somptueux et
royal ^ I »
Ervand, selon la magie, avait le mauvais œil : c'est pourquoi, cha-
que matin, les chambellans du palais avaient Thabitude de placer
des pierres très dures en face d'Ervand, et elles se fendaient
(sous Tinfluence) de la malignité de son regard. »
La guerre d*Ervand contre Artaschès et surtout la vie d'Artaschès
furent Tobjet de plusieurs chants et récits, d'après lesquels Moïse
de Khorène a composé l'histoire de ces deux rois, ce qu'il avoue par
ces paroles :
a Les entreprises du dernier Artaschès sont la plupart révélées
par les chants historiques qui se récitent dans le Koghtèn : la cons-
truction de la ville, l'alliance avec les Alains, sa race et sa posté-
rité, l'amour de Satinig pour les descendants des dragons, c'est-à-
dire d'Astyage, comme dit la fable, qui occupent tout le pied du Mas-
sis ; sà'guerre contre eux, la ruine de leur puissance, leur meurtre
et l'incendie de leurs domaines, la jalousie des fils d'Artaschès et
a guerre suscitée par leurs femmes. Tous ces faits, comme nous
l'avons dit, sont racontés dans les chants métriques, mais nous
les rappellerons en peu de mots et nous donnerons Tinterpré
tation vraie de l'allégorie * !
Et certainement Moïse de Khorène raconte que Sempad Bagratouni
vient se battre contre Ervand avec les armées perses, et pendant la
guerre, il « ordonne de faire sonner les trompettes d'airain et fait
avancer son armée comme un aigle qui vient fondre sur des bandes
de perdrix '. » Mais dans cette mêlée des deux camps, Artaschès est
i. Moïse de Khorène : Liv. II cb. XLIl. trad. Langlois.
2. Moïse de Khorène. II. ch. XLIX.
3. M. de Khorène. L. H, ch. XLVI.
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REVOE DES TRADITIONS POPULAIRES 431
surpris par les braves habitants du Taurus, qui au péril de leur vie,
avaient promis à Ervand de tuer Artaschès. Mais Kisag, fils de la
gouvernante d'Artaschès, se précipite à pied à travers leurs rangs
et en fait un grand carnage ; cependant il a la moitié de la figure
emportée, et bien que triomphant, il meurt de cette horrible bles-
sure. C'est pour cet exploit que sa race fut élevée par Artaschès au
rang de Satrapie, nommée Dimaksian, qui devrait se traduire par
« Balafré. » '
Ervand prit la fuite, Artaschès le poursuit et commande à ses
troupes de crier à la fois : Mar Amad, ce qui veut dire : Le Mède est
arrivé, pour rappeler l'insulte qu'Ervand adressa au roi de Perse et à
Sempad en appelant Artaschès Mède. Et en souvenir de ce cri, l'en-
droit fut appelé Marmed. Enfin la ville d'Ervand fut prise, et « un
des soldats, pénétrant aussitôt à Tintérieur, fendit d'un coup d'épée
la tête d'Ervand, dont la cervelle se répandit sur le sol. » Artaschès
fut proclamé roi d'Arménie, et Sempad, allant par ordre du roi à la
forteresse de Bagaran, s'empara de la pei«onne d-Ervaz, « lui fit
attacher une meule au cou et jeter dans un tourbillon du fleuve. * »
Peu de temps après, les Alains* envahissent l'Arménie, et « une
bataille s'engage sur les frontières des deux nations composées
d'hommes braves et habiles à tirer l'arc \ » Les Arméniens vain-
quirent et firent prisonnier le fils du roi des Alains. Celui-ci demanda
la paix en promettant de donner tout ce qu'on exigerait de lui,
mais Artaschès refusa de rendre le jeune prince ; alors la sœur du
prisonnier s'avance au bord du fleuve sur un tertre élevé et crie par
la bouche des interprètes au camp d'Artaschès : « 0 toi, brave guer-
rier, valeureux Artaschès, vainqueur de la valeureuse nation des
Alains, consens à me rendre ce jeune homme, à moi, la vierge des
Alains, la vierge aux beaux yeux. Il n'est pas digne des héros d'ôter,
par vengeance, la vie aux fils des autres héros, ni de les tenir pri-
sonniers, ni de les mettre au rang des esclaves, ni de perpétuer une
éternelle inimitié entre deux peuples braves. »
< Artaschès, ayant entendu ces sages paroles, se rendît sur la rive
du fleuve, et, ayant aperçu la belle jeune fille et écouté ses sages
propositions, brftla d'amour pour elle. Ayant (pour gouverneur Sem-
pad, il lui découvre la flamme de son cœur) prend le consentement de
son gouverneur Sempad, et envoie demander au roi des Alains la
jeune princesse des Alains, Satinig, en mariage. Mais le roi des
Alains répond :
1. Les Alains, nation scytique, habitaient les steppes au nord du Caucase.
(Pline, Hist. nat. Liv. IV, 450
2. M. de Kh. Liv. II, ch. XLVIIL
3. M. de Kh. Liv. II, Ph. L.
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•132 RfiVUE DBS TRADlTIOiNS POPULAIRES
« Pourra-t-il me donner, le brave Artaschès des milliers et des
millions (de trésors) en échange de la noble princesse, de la vierge
des Alains. »
Alors, selon les chants historiques :
« Le valeureux roi Artaschès, monté sur un beau (courtier) noir.
Tirant la lanière de cuir rou^e garnie d'anneaux d'or.
Et prompt comme un aigle qui fend l'air, passant le fleuve,
Lance cette lanière de cuir rouge garnie d'anneaux d'or
Autour des flancs de la vierge des Alains ;
11 étreint avec douleur par le milieu du corps la jeune princesse,
Et l'entraîne brusquement dans son camp (1). »
L'enlèvement, décrit par cechant, était en vigueur, non seulement
chez les Arméniens anciens, mais encore chez les paysans arméniens
modernes, et ce fait n'est jamais blâmé par le peuple arménien si
c'était par amour qu'on enlevait.
Pour ce qui e^t de la Janière de cuir rouge garnie d*anneaux d'or,
voici les explications de Moïse de Khorène : Comme le cuir rouge est
très estimé chez les Alains, Artaschès donne beaucoup de peaux de
cette couleur et beaucoup d'or en dot et il obtient (disons achète) la
jeune princesse Sathinig ^.
Et quant on allait fêter la noce :
« Une pluie d or tombait
Au mariage d'Artaschès
Les perles pleuvaient
Au noce de Sathinig. »
« C'était en effet la coutume de nos rois, dit Moïse de Khorène, à leur
mariage, d'aller, sur le seuil du palais, jeter des pièces de monnaie
à la manière des consuls romains ; c'était aussi la coutume des rei-
nes de jeter des perles dans leur chambre nuptiale. »
Cette coutume est encore usitée en Arménie, seulement dans
certaines provinces au lieu d'argent on jette des fruits et surtout du
froment.
Sathinig mit au monde un Ois, Artavazd, mais « les descendants
le jeune du dragon ^ enlevèrent Artavazd et mirent un dev (démoni
à sa place ^. » C'est pourquoi « ayant grandi il se montra brave, fier
et orgueilleux.^» Cet « Artavazd, le vaillant fils d'Artaschès, ne trou-
1. M. de Khorène, II, ch. L.
2. Moïse de Rhoréne. Hist. d'Arménie. L. H Ch. L.
3. C'est-à-dire d'Astiage Assyrien.
4. M. de Khorène. L. Il Cb. LX.
5. M. de Khorène L. II Ch. LI.
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REVUE DES TRADITIONS POPllLÂlBES 133
vant pas d'emplacement convenable pour un palaia lors de la fonda-
tion d'Artaxata (Àrtaschat) alla bâtir chez les Mèdes Maraguerd,
située dans la plaine appelée Scharoura^
Artaschès a conHé le second rang à Arkam, de la race de Mourat-
zan, qui pendant la bataille contre Ervand avait trahi ce dernier en
passant du côté d'Artaschës.
Artavazd fut jaloux de lui le dépouilla de toutes ses dignités et
s empara du second rang. Artaschès aussi était très irrité coatre
Arkam, parceque :
« La princesse Sathinig convoite avec ardeur des coussias d'Ar-
kavan, Therbe ardakhour et l'herbette ditz. »
Ce qui veut dire selon M. Chalathiantz, que Sathinig étant amou-»
reuse d*Arkam, désirait ardemment à mettre l'herbe magique dans
les coussins d'Arkam, pour qu'il l'aimât.
Et une fois,
« Arkavan (Arkam) donna un festin en Thonneurd' Artaschès, et lui
dressa des embûches dans le temple des dragons. »
Enfin Artavazd tue Arkam et extermine toute sa race.
Artavazd devient jaloux de la dignité de Sempad Bagratouni, qui
était un héros populaire.
Les chansons populaires le décrivent ainsi :
et Sa taille n'était surpassée que par sa valeur et par sa vertu. Sa
beauté était rehaussée par de beaux cheveux blonds, et il avait
dans les yeux une légère tache de sang, comme la paille qui se voit
sur Ypr ou au milieu d'une perle. Très léger de sa personne et agile
de corps, il était prudent en toutes choses ; aussi il était plus heu-
reux dans les batailles que les autres guerriers. »
Pendant ce temps Artaschès devenu vieux se souvient du prin-
temps de sa vie, un matin que la lumière du soleil se répandait avec
la rosée sur les villages et les villes, et se rappelant les plaisirs de
ses chasses s'écrie :
« 0 qui me rendra la fumée de mon foyer,
Et le joyeux matin de Navasard (2)
Et réian des biches et des cerfs. »
Et le peuple en voyant que les plaisirs de son aimable roi étaient
restés incomplets, se met en deuil en chantant :
Noua faisions retentir les trompettes,
(Suivant Tusage des rois)
Nous faisions résonner les tambours. »
i. M. de Ktiorëne («. II. Ch. XXX en vers.
2. Navasard était le premier mois de Tannée dans ranci«n~ calendrier armé-
ien et le premier Jour de ce mois était célébré par des fôtea.
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i34 REVCK DEâ TKADITIOKS POPL'LAtttES
£t quand Ariaschës meurt on va faire ses obsèques ainsi :
La civière était d'or, le trône et le lit d'étoffe fine, le manteau qui
enveloppait le corps, de drap d'or. Une couronne était posée sur la
tète d*Arlaschès; son épée d*or était devant lui. Autour du trône se
tenaient ses fils et toute la foule des parents et des proches. Près
d'eux étaient les généraux, les chefs des satrapies, les classes des
nobles, les corps de troupes armées de toutes pièces, comme si elles
allaient marcher au combat. En avant, les trompettes d'airain
retentissantes ; derrière le cortège, des jeunes filles vêtues de noir,
des femmes éplorées, et enfin la foule du peuple. Autour de son
tombeau eurent lieu bien des morts volontaires, ses femmes bien-
aimées, ses concubines et ses esclaves dévoués ^
Artavazt en voyant ce sang versé parla ainsi avec amertume à son
père :
Tandis que tu es parti emportant avec toi tout le pay9,
Comment régnerais-je, moi, sur ces ruines ? -
Artaschès, irrité de ce langage, maudit Artavazt :
« Tu iras à cheval chasser sur le libre Massis,
Les a Kadche(2) » te saisiront, te conduiront sur le libre Massis,
Tu resteras là et tu ne verras plus la lumière. »
Et certainement après quelques jours Artavazt fut emprisonné
dans une caverne, chargé de chaînes et de fer : deux chiens rongent
continuellement ses chaînes, et il s'efforce de s'échapper pour venir
porter la dévastation dans le monde. Mais au bruit des coups de
marteau des forgerons, ses fers acquièrent, dit-on, une nouvelle force.
C'est pourquoi, explique Moïse de Khorène, môme de nos jours,
beaucoup de forgerons s en rapportant à la fable, frappent l'enclume
trois ou quatre fois le premier jour de la semaine (dimanche) pour
consolider, dfsent-ils, les chaînes d'Artavazt '. »
Il y a une autre variante de ce récit que voici :
Il y avait un roi arménien, nommé Àrtavazd, qui avait un fils du
nom de Chidar. Artavazd en mourant n'a pas laissé son royaume à
son fils Chidar, parcequ'il était fou. C'estpourquoi y eut-il beaucoup
de troubles et de dévastations. Un jour, Chidar monte à cheval,
ordonne de sonner aux trompettes et de publier qu'il veut régner,
et avec des cavaliers d'élite va faire des chasses. A peine était-il
1. Moïse de Rhorène. II Cb. LX.
2. Les esprits. , ^. ^ ., . ,v, * i u .
3. La même coutume subsiste encore à Diougha. Emm, Dissert. surleschanU
populaires de l'Arménie p. 41 (en arménien). Cr. sur une coutume suisse analo-
gue. Sébillot. Légendes des Méliere, Les Forgerons p. 16.
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RBVUE DES ThADITlONS POPULAIRES i3o
monté sur le pont, que Tesprit méchant le frappe et il tombe dans
le fleuve et disparaît. Les cavaliers annoncent que les dieux ont
prit Ghidar et après Tavoir enchafné Tont enfermé dans la montagne
noire d'Ararat. Deux chiens, Tun blanc, l'autre noir, rongent les
chaînes pour les amincir.
A la lin de Tannée ces chaînes n'ont que Tépaisseur d'un cheveu ;
et si ces chaînes se coupent, Chidar sera délivré et dévastera le
monde entier. Et pour empêcher la destruction du monde, les
magiciens ont établi, que le premier jour du nouvel an, c'est-à-dire
du premier mois de Navassard (13 août) tous les forgerons frappe-
raient Tenclume trots fois avec le marteau pour que les chaînes de
Chidar deviennent plus solides et épaisses et que Chidar ne puisse
être délivré et anéantir le monde.
Dans ce récit, Chidar est traité comme un fou, et nous savons,
d'après Moïse de Khorène, qu'Artavazt a eut l'esprit dérangé, et quand *
il passait par le pont de la ville d'Artaschat, il tombait avec son cheval
dans un abime où il disparaît. Par conséquent on a rapporté à son
fils ce qu'on racontait de son père. Et, en outre, ce récit a subi
rintluence du Christianisme, car au lieu de quastg (Fesprit) de
Massis, on parle des dieux de Chidar.
Le Révérend Père Servantztiantz nous fournit un pareil récit que
voici :
II y a trois montagnes au côté oriental de la forteresse de Van.
Le sommet rocheux de la montagne, situé entre les deux autres,
ressemble beaucoup à une porte et s'appelle « la porte de Mhère ».
L'eau coule goutte à goutte de cette porte. On dit que Mhère et son
cheval sont enfermés par ordre de Dieu dans cette caverne, et que
l'eau qui en coule, c'esl Turine du cheval de Mhère. Dans cette
caverne tourne la roue de l'univers. Mhère a toujours les yeux fixés
sur cette roue ; le moment où cette roue s'arrêtera, Mhère sera
délivré, il sortira de sa prison et anéantira le monde. Ce récit a
passé en Ibérie, où il y a plusieurs variantes^ dont nous citerons
quelques-unes :
Une femme, surprise en chemin par les douleurs de l'enfante-
ment, mit au monde un fils, qui reçut le nom d'Amiran. Elle
souhaitait ardemment pour lui le baptême ; mais il n'y avait là
personne qui pût le lui conférer. Elle était en proie à une extrême
perplexité, lorqu*un vieillard se présente à elle, qui imprime à
Tenfant le sceau du christianisme, et promet, d'après le vœu de la
mère, de demander à Dieu pour lui une très grande force corporelle.
La prière du vieillard fut exaucée, et lorsqu'Amiran fut parvenu à
l'adolescence, doué d une vigueur extraordinaire, il accomplit les
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<;36 BEVUE DBS TRADITIONS POPULAIRES
prouftsses les plus extraordinaires, son orgueil, enflé par ses succès,
alla si loin, qu*il osa défier le ciel lui-même. Dieu, irrité, l'attacha
avec des chaînes de fer dans une des parties du Caucase. L^épée
d'Amiran git à terre, tombée près de lui.
Amiran était le paysan de Diea et possédait une incomparable
force. Une fois il enfonça dans la terre une longue barre et ordonna
à tous les passants de Tarracher ; ceux qui ne réussissaient pas
perdaient leurs tètes. La barre était si profondément enfoncée, que
personne ne pouvait Tarracher, et Amiran tuait tout le monde sans
aucun regret. Alors Dieu, sous la flgure d'un vieilllard, descend du
ciel, passe près de la barre d'Amiran. Celui-ci lui crie : « Attends,
arrache la barre, autrement tu seras tué ». Dieu lui répond :
— Je suis un vieillard, je ne peux pas arracher celte barre.
Cependant Timpitoyable Amiran se jette sur ce vieillard comme
jun lion furieux. Alors le vieillard arrache la barre et maudit Amiran.
Dieu construit Une maison de verre sur la montagne, il enchaîne
Amiran et l'enferme dans cette maison, en mettant son épée un peu
loin de lui. Il y a chez Amiran un petit chien qui lèche les chaînes
tous les jours et le jour du jeudi saint les chaînes sont très minces
et peuvent être coupées. Mais le matin de ce jour les forgerons
frappent l'enclume avec le marteau, et les chaînes se consolident de
nouveau. Chaque siècle les portes de la maison s'ouvrent. Une fois
quelques paysans passèrent devant la maison, quand ils virent
Amiran, ils eurent peur et se mirent à fuir. Mais Amiran les appela
en leur disant qu'il était aussi une créature de Dieu. Les paysans
reprirent courage et s'approchèrent.
Amiran les reçoit avec une grande douceur, les interroge sur leur
vie et leurs habitudes et leur demande.
— Qu'est-ce donc que cette barre à laquelle vous attelez huit
couples de bœufs pour aller et venir dans les champs.
— C'est la charrue, un instrument dont nous labourons la terre et
grâce auquel nous avons du pain, répondirent les paysans. Amiran
leur demanda un morceau du pain, il le serra dans sa main, si fort,
que le sang coula du pain. Après il prit le pain qu'il avait reçu de
Dieu et le serrant encore en fit couler du lait. Quand les paysans
voulurent retourner chez eux, Amiran prie l'aîné de ces paysans de
lui apporter un gros fouet de cuir de bœuf et lui dit qu'en rentrant
vers la maison de verre il ne devait pas regarder en arrière, de peur
que les portes ne se fermassent. Ce paysan prend un gros fouet de
cuir et revient vers Amiran; mais sa femme le poursuit et lui de-
mande où et dans quel but il s'en va ? Le paysan, agacé de
cette question continuelle de sa fenime, regarde en arrière et la^
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BEVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 137
chasse vers sa maison. Ensuite il arrive oCi il s^ vu Amiran, n>ais il
ne le trouve plus. Amiran était disparu. Aujourd'hui certains appeK
lent cette montagne qui se trouve dans la province de Djavaghg, la
montagne d*Amiran. Mais d autres appellent la montagne d'Amiran
TElbrousse et l'Ararat. '
Les Cabardiens racontent même aujourd'hui, qu'il y a un grand
rocher conique sur la montagne d'Elbrousse. Sur ce rocher est assis
un vieillard, dont la barbe descend jusqu'aux pieds. Tout son
corps est couvert de poils blonds ; les ongles des doigts et des orteils
sont très longs et ressemblent à des griffes d'aigle ; les yeux rouges
brûlent comme un tison ardent. Il porte sur son dos, sa poitrine,
ses bras et ses pieds de lourdes chaînes qui l'attachent depuis le
temps le plus reculé. Autrefois il était pieux et pouvait à loisir
approcher le grand dieu Echa. Mais quand il tenta de précipiter le
dieu, pour le dominer, il fut vaincu dans la lutte et pour toujours
attaché sur ce rocher. Très peu l'ont vu, parce qu'il est très dange-
reux de s'approcher de lui. Personne ne le voit deux fois, et ceux
qui ont essayé de le faire sont morts.
Ce vieillard est presque toujours dans un état apathique et en-
gourdi; quand il s'éveille, il s'adresse tout de suite à ses gardiens,
en leur demandant : « Le roseau croit-il encore, les brebis mettent-
elles toujours bas ? «
— Oui, le roseau croît et les brebis mettent bas, répondent les
gardiens.
Le vieillard devient furieux, parce qu'il sait qu'il doit souffrir tant
que le roseau croîtra, que les brebis mettront bas. Désespéré, il
essaye de broyer ses chaînes, et alors la terre tremble ; du frotte-
ment des chaînes jaillissent Téclair et le tonnerre ; sa lourde respi-
ration soulève des tempêtes furieuses; ses soupirs produisent des
bruits souterrains et ses larmes forment le fleuve, qui s'élance de la
cime d'Elbrousse avec tant de violence *.
Les Qssètes racontent ce qui suit de leur Promethée :
II y avait un géant du nom d'Amiran, qui était tyran. Comme la
tyrannie était un crime aux yeux de la divinité, Dieu le prit avec
ruse et ordonna de l'enfermer dans une caVerne. Un jour Dieu
amena un chasseur égaré à la pJorte de cette caverne. La porte était
de cuivre, Dieu l'ouvrit. Le chasseur entra dans la caverne et vit
qu'Amiran était assis et avait fi)^é.les yeux sûr lui. Ses yeux étaient
extrêmement grands. Le chasseur recula de peur.
i. Le journal « Kavkaze », 1846, n^ 35.
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i.^8 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
— N'aie aucune crainte, mon soleil, dit le géant ; je suis Amiran,
attaché ici par la malédiction de Dieu.
Quand le chasseur se fut rassuré, il demanda :
— De quelle race es-tu, et que fais-tu ici ?
— Je suis Amiran, de la race de Darésan *, j'étais un tyran et tour-
mentais sans cesse les hommes ; je luttais contre les tzvars (anges)
divins, et même je ne reconnaissais pas Dieu. C'est pourquoi fl s'irrita
contre moi et m'enferma dans cette caverne. Maintenant je suis
attaché ici, et si tu me donnes la ceinture de mon épée, qui est ici
près de nous, je te récompenserai richement. Le chasseur prit la
ceinture de l'épée, il la tira, tira encore, mais ne réussit pas à la
soulever.
— Aie pitié de moi, dit le chasseur, je ne puis pas la lever.
— Attache la ceinture à une de tes mains et allonge l'autre vers
moi, dit Amiran.
Le chasseur le fait. Amiran prit la main et tira si fort que la main
du pauvre chasseur faillit se détacher du corps.
— Par pitié, reprit le chasseur, ne me brise pas les membres.
Amiran eut pitié de lui et lâcha la main.
— Va immédiatement à ta maison, lui dit-il, et apporte -moi la
chaîne de ta charrue, sans dire un mot, et même sans regarder der-
rière toi, quand tu rentreras chez moi, ou bien la porte de ma
caverne sera fermée.
Le chasseur s'en alla, entra dans sa maison, il y prit la chaîne de
la charrue sans rien dire et se hâta vers la caverne. Mais les parents
et tous les paysans le suivirent, en pensant qu'il avait perdu l'esprit.
— Où vas-tu ? Où portes -lu la chaîne ? criaient-ils.
Le chasseur courait vers la caverne et était déjà près de la porte,
mais peut-être était-ce le dessein de Dieu, il se tourna, tout-à-coup la
porte de cuivre de la caverne se referma et Amiran resta dedans
pour toujours.
(A suivre),
ËRWAND LALAYANTZ.
i. C*e8t une famille de géants qui est mentionnée aussi dans les contes aryens.
■3i<î:%^
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 139
CONTES ET LEGENDES DU VALAIS^
/
VII
LA a GRENIÈRE » DE LA FORÊT DE PËILOZ
A forêt de Peiloz tapisse celte arêle qui sépare les deux
impétueux torrents de Bruson et de Versegères dans la
vallée de Bagnes. Elle est restée célèbre dans les annales
du pays par les mines d'argent que les dixains du Haut-
Valais et les évéques de Sion exploitèrent vers le commen-
cement du XVI* siècle. Deux larges éraflures jaunes, taillées dans
répais velours des sapins, indiquent encore les endroits où les
ouvriers venaient vider les débris et les mauvais matériaux.
Il était une fois — après Tabandon de la mine — dans la for^t de
Peiloz, une femme dont on ne sait indiquer les origines. Tout ce que
la tradition peut affirmer c'est qu'on l'appelait la « Grenière » * ;
qu'elle remplissait les fonctions de sage-femme ; qu'elle avait plu-
sieurs autres retraites plus ou moins mystérieuses, et que la cham-
bre qu'elle occupait au village de Bruson était de forme triangu-
laire.
Longtemps les populations des environs rendirent hommage à
son dévouement et à son habileté; mai^ un moment vint où, pour
des causes restées ignorées, sa conduite changea du tout au tout.
Une femme de Bruson, se trouvant seule au logis avec un enfant
au berceau, dut s'absenter un instant durant le sommeil de ce der-
nier. Lorsqu'elle revint elle entendit pleurer, elle courut au berceau,
et elle y vil un enfant singulier avec un seul œil au milieu du front.
Décidément on avait profité de son absence pour substituer ce
phénomène à son véritable enfant. Sur les conseils de ses voisins
elle fit venir le curé.
— Voyez voir, mocheu Tencuré, dit-elle, des mauvaises âmes elles
ont pris mon enfant pour me laisser ce faijon. Savez bin pisque est
vouqu'avez baptisé mon petit... Y n'a qu'un zieu !
— Pas possible ?
— Aregardez....
1. V. cf. t. VI, p. 645.
2. Dans la contrée, ce mot est resté synonyme de vieille sorcière ; on s'en
sert quelquefois pour injurier quelque femme vieille et rusée.
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14.0 REVUE DES TRADlTlOiNS POPULAIRES
Le prêtre lui conseilla de fouetter pendant une heure cet enfant
avec une poignée d'orties, affirmant que ses cris prolongés ramène-
raient la véritable mère,
Le conseil fut fiuivi. Au bout d'une heure la Grenière se présenta,
un enfant dans les bras, et, sans entendre les reproches de la mère
indignée, elle dit :
Tin la tin 1
Balle me lo mio,
Car to me lo depice ! (1)
Et ayant repris son petit monstre, elle se retira.
Cette aventure n'était pas faite pour accroître la confiance en
la Grenière, quelle que fût sa réputation d'habileté. Cependant en
désespoir de cause, il fallait bien recourir à ses lumières. Mais, se
vengeant sur les uns de l'abandon des autres, la sorcière en vint à
faire périr tous les nouveaux-nés qui passaient entre ses mains ;
sans que Ton piH découvrir les moyens quelle employait.
Vers cette époque, les abbés de Saint-Maurice, seigneurs temporels
de la vallée de Bagnes, mettaient à la torture ^ tous ceux qui étaient
suspects de sorcellerie. Les suspects n'étaient pas rares, le seul fait
d'avoir les yeux rouges. — un coup d'air, un brin de poussière —
suffisait souvent à les désigner. Mise à la torture, la Grenière mon-
tra une longue épingle d'argent au moyen de laquelle elle piquait
les enfants dans certaine partie de la tôte pour leur donner la
mort.
Condamnée, ell« fut décapitée au lieu ordinaire des exécutions,
devant la chapelle de Saint-Marc. * C'est là qu'elle rendit sa vilaine
âme à la justice de Dieu. On montre encore tout près de là une
pierre sous laquelle ses restes auraient été enfouis.
VIII
LE DEVIN DE SAINT-TRIPHON
IJ alpage de la Chaux est à la fois le plus vaste^ le moins accidenté
et le plus prospère des vingt-deux pâturages d'été de la vallée de
1. liens le tien ! — Donne moi le mien, — Car tu me le déchires. Ce dermer mot
depice vient du français dépecer.
2. A la maison abbatiale du Chàble on voit encore divers enffins do torture,
notamment d'énormes blocs de minerai de fer munis d'une boucle que Ton
suspendait aux bras ou aux jambes du patient pour lui attacher un aDeu.
3. Ottc chapelle, plusieurs fois restaurée, existe toujours à quelques minutes
du Chàble,
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REVUE DÈS TRADITIONS POPULAIRES 44H
Bagnes. Il nourrit durant trois mois, une moyenne de deux cerft
soixante vaches sur le passage desquelles paissent ensuite des
troupeaux de génisses, de porcs et de moutons.
Le privilège d'y placer le bétail — car c'est un privilège et même
un grand aux yeux des éleveurs montagnards — est presque exclu-
sivement réservé aux habitants du village de Sarreyer qui passent
pour les plus attardés de la vallée, mais en même temps pour les
plus « à la hauteur » de leurs intérêts tant communs que privés.
Ainsi donc, à juste titre, ce rustique hameau aux maisons de bois
enfumées, considère la montagne de la Chaux comme son fief
alpestre.
C'était vers le commencement de notre siècle. On avait remarqué
depuis une série d'années que les bestiaux placés dans les pâturages
de la Chaux périssaient en grand nombre, sans que l'on eût jamais
pu savoir à quels maléfices attribuer celte désastreuse mortalité.
Le curé, le chapelain, le vicaire de l'importante paroisse bagnarde
et plusieurs autres prêtres réputés saints des environs avaient été
mandés sur les lieux sans que des résultats appréciables eussent pu
être enregistrés ; malgré sa foi aussi tenace que traditionnelle la
population sarreyenne se lassa des stériles bénédictions de ses
pasteurs.
A cette époque, il y avaitàSaint-ïriphon un devin dont la renom-
mée avait pénétré jusqu'au fond des dernières solitudes des Alpes.
Perdait-on quelque objet de valeur ? Avait-on une question tant
soit peu délicate à résoudre.... comme de s'assurer des intentions
dernières de quelque oncle fortuné ou bien de tirer quelque horos-
cope conjugal, que, par quelque temps qu'il fît, le profond esprit
accourait en toute hâte....
Les sarreyens s'assemblèrent devant la chapelle, seul bâtiment
en maçonnerie du hameau, présidés par \e charge-ayant * du quart^
et, après une de ces longues délibérations qui leurs sont propres et
auxquelles leurs plus proches voisins sont incapables de rien dé-
mêler, il fut fut décidé que Ton ferait appel aux connaissances du
devin. Une délégation composée de trois hommes et d'un mulet fut
désignée sur le champ pour être envoyée à Saint-Triphon.
' C'était vers la fin du printemps, juste vers l'époque ordinaire dé
« l'alpement ». Un jour les Bagnards émerveillés virent traverser la
vallée par la délégation triomphante que complétait, monté sens
devant derrière sur le mulet, un homme sec, allongé, à demi voûté,
1. Ancienoe appeUtion des conseillers muoicipaux.
2. Le quart ou section est une sorte de division de la commune comme un
quartier dans xsat ville.
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142 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
aux traits accentués. Il était coiffé d'uu chapeau tricorne : ses che-
veux embroussaillés, légèrement argentés, lui descendaient sur les
épaules ; une longue harhe grise flottait sur sa poitrine ; un grand
manteau noir à pèlerine, râpé jusqu'à la corde, recouvrait tout son
corps et des souliers à longue pointe, munis de boucles de cuivre,
complétaient son accoutrement presqu'aussi singulier que sa
manière de chevaucher.
A Sarreyer, l'accueil fut enthousiaste. Le charge-ayant avait « eu
dUtfge » des honneurs de la réception et de Thospitalité. Quant à la
cours» à la montagne, elle fut fixée au surlendemain jeudi, car
l'étranger se refusait net à l'entreprendre un mercredi.
Le jour Qxé» àVexception de trois hommes restés au village pour
la garde locale, « Twit-Sarreyer » suivait à travers les sinuosités
qui découpent les pentes rapides des mayens, le mystérieux cavalier
qui, suivant son habitude, ftiisait conduire son mulet par le chevétre,
car il n enfourchait les bêtes que le éos en avant et la tête tournée
vers la croupe. De plus il s'était fait bander la bouche comme pour
empêcher que la moindre velléité de parler ue vint troubler ses
méditations.
A titre de distinction, le charge ayant avail obtenu l'insigne
faveur d'empoigner la queue du quadrupède ce qui eslune habitude
en honneur dans ce pays et procure un grand soulagement lorsqu'il
s agit de gravir en compagnie d'un mulet chargé les rapides sentiers.
Arrivé sur les lieux, le devin examina tout avec une profonde
attention, il sonda la terre, lit de nombreux gestes plus étranger
les uns que les autres, frappa du pied, regarda le ciel, lit une révé-
rence à chacun de^ quatre points cardinaux, se prosterna, tourna
trois fois sur place, se prosterna de nouveau. Puis, se portant
vers le point o^i Ton parquait les bestiaux durant les premiers
jours de la saison il prescrivit que : Si Ton ne pouvait pas « alper »
le premier maFdi après la Saint-Jean, il fallait rigoureusement
éviter de le faire les jours suivants et attendre patiemment la
semaine d'après, tout en se gardant du mercredi et du vendredi !...
Le curé de Bagnes d'alors, essaya, dit-on, de combattre cette foi
qui s'établissait en concurrence de la foi religieuse, mais ce fut en
vain ; il trouva à qui parler.
On reconnut, de toutes parts, que les intéressés s'étaient bien trou-
vés d'avoir suivi les instructions du devin, lesquelles furent si bien
appliquées qu'aujourd'hui encore, ils ne fixeraient à aucun prix la
montée des bestiaux à un mercredi ou à un vendredi.
Toutefois, certaines rumeurs tendraient à atténuer les mystiques
connaissances de ce devin, en accréditant qu41 pousse sur certains
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IRAUgnOKS POPULAIRES 143
parages de la montagne une herbe dont le sue seml uteéaeax
durant la floraison.
Les injonctions de Tétrange personnage ne seraient ainsi qu^uo
artifice habilement combiné pour empêcher Tarrivée du bétail sur
les lieux avant la complète maturité de cette plante restée incon-
nue.
(Recueilli à Bagnes chez le notaire Filliez) .
L. COURTUION.
LES ALMANACHS POPULAIRES»
VIII
ALMANACHS NORMANDS [Suite)
Un peu tard, mais tout de même le bienvenu, nous arrive
VAimanach du Calvados, édité seulement, et non pas imprimé,
comme nous le croyions, par M. Bouchard, à Condé-sur-Noireau, et
dû lui aussi aux presses de la maison Mégard et C*% de Rouen.
VAimanach du Calvados y un in-32 de 160 pages, y compris les
foires, se distingue par une composition toute spéciale. A la suite
des divers calendriers, des prédictions sur les variations du temps,
des éphémérides et des conseils aux' jardiniers, il donne les heures
des marées, les noms des souverains des principales puissances, le
tableau des garnisons de Tarmée française : puis de petites notices
historiques sur une localité de chacun des arrondissements du dépar-
tement : le commencement d'une notice, signée « Sylvaine », sur les
Fées (les fées normandes, les fées du château de Pirou), des vers,
des historiettes, bons mots» etc., et, enfin, 52 pages de foires et
marchés de la contrée.
VAimanach du Calvados^ revêtu d'une couverture bleue, en est à
sa treizième année et coûte 30 centimes. Disons même qu'il les vaut
pour les indigènes.
Louis Morin.
1. cf. t. xr, p. 53.
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ni
HBVCE DK3i TBaDITIOXS POPCLAIRKS
PRODIGES ET JEUX DE xNATURE
I
L flElT MO.NTHAXT UNE FIGCRE HUMAINE
■) / J
/-' Il l'an (le grâce 1569, les Troyens fde Troyes en Champagne)
, y ^ lurent témoins d'une chose merveilleuse. Une poule, pondit
^ un œuf sur lequel se voyait distinctement une figure humaine !
^ . Que devint l'œuf miraculeux? quels présages furent tiréâ de
^^ M découverte et quelle en fut la suite ? Autant de questions
auxquelles il est impossible de K'pondre. Le fait même ne nous est
connu que par la mention existant à la
fin d'un missel in-folio sur parchemin,
écrit en caractères gothiques par Jean
Perreau, prêtre^ et dont seuls les derniers
feuillets se trouvent à la Bibliothèque de
Troyes, daus un des recueils formés au
I siècle dernier par le notaire Sémillard
{voL IV, aujourd'hui III, foL i 39).
Le brave copiste avait été tellement
frappé par l événement qu'il s'en servit
pour désigner d'une façon plus précise
Tannée où il exécuta son travail 11
l'indique en un quatrain de vers latins et un
de vers français, le premier au-dessus, le
second au-dessous de la représentation du
phénomène. Voici ces textes, avec une
réduction de Timago :
Anno quu racios hoiiiioia latitaviL in ovo
Angiiibus horriiiciis assnciata pimul
Hoc Joannos opus scripMt perdus ad uugiiem
Pru quo (lecantet quisquis fidelis ave.
l/an mil cinq cens soixante neuf
Que l(vuf aïonstra visaf^e humain
Kscriuit ce Hure tout neuf
Jean Perreau pbre et vray chrestiain ,
Natif de Moustierramv (1).
Il serait intéressant do savoir s'il existe d'autres indications sur
celte curieuse histoire et si d'autres villes en possèdent une sem-
blable dans leurs traditions.
Louis MORIN.
I. Monttéramey, Aube.
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REVUE DJSS TRADITIONS POPULAIRES 145
LA VENGEANCE DU MORT
II
LÉGENDE DU LI1CB0UR6 BELGE
Canoë on débite un conte présentant quelque analogie
avec le « ménétrier farceur », de la « Rev. des trad. pop.
XI, 104 ». Le voici.
Trois jeunes filles traversaient, le soir, un cimetière
dans lequel convergeaient plusieurs chemins.
Tout en cheminant elles aperçurent un fantôme assis sur une
tombe et coiffé d'un bonnet de nuit blanc.
L'une d'elles proposa à ses compagnes d'enlever le bonnet du
fantôme et avant, qu'elles se fussent mises d'accord sur ce point, le
bonnet était enlevé.
L'imprudente jeune fille, qui venait de dérober le bonnet au
fantôme, n'eût plus de repos à partir de ce moment.
Une voix intérieure lui conseillait de restituer au fantôme son bien.
Profondément troublée, elle se rendit chez le curé de l'endroit et
lui soumit le cas ; il approuva son idée de restitution.
Notre jeune fille alla donc au cimetière trouver son fantôme qui
occupait toujours la même place.
bille' lui posa à différentes reprises le bonnet sur la tête, mais
chaque fois le fantôme déclarait qu'il était mal placé et qu'il fallait
modifier sa position.
Après de nombreux essais la jeune fille parvint enfin à remettre
le bonnet dans sa position primitive ; le fantôme, se levant aussitôt,
rompit les reins de la jeune téméraire.
(Recueilli à Canne, Limbourg belge],
Alfred Harou.
TOME XI. — MARS-AVRIL 1896. 10
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146 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
USAGES DE CARNAVAL
XI
EN ALSACE
iltzhein est un village du canton de Saar-Union, sur la route
^^^ départementale de Saar-Union à Sarreguemiues et sur la
f limite du département, mais plus accessible depuis l'ouver-
ture de laligne stratégique de Mommenheim àSarreguemines.
Tous les ans, au jeudi-gras, le porcher de la commune
fait le tour du village pour ramasser du lard. Le dos chargé d*Un
ac destiné au produit de sa collecte, il va de maison en maison et
parle à la ménagère à peu près dans ces termes :
Viiici, voici votre porcher,
A qui son droit est toujours cher.
Donc que cela ne vous chagrine,
De prendre un couteau pour trancher
Dans le porc à pleine poitrine.
Ce dicton dont la signification n'est pas équivoque donne sujet Iël
à la ménagère de se montrer libérale et le gardien des habillés de
soie rentre chez lui avec de belles pièces de lard.
P. RiSTELHUBER.
NOTES SUR LES MILLE ET UNE NUITS
II
<^^ n sait qu'il existe plusieurs recensions du recueil des Milh
//^^ et une Nuits * : aucune n'a jamais été traduite intégralement
en français, ni, à part les versions de Burton et de Payne
Smith, que leur prix et leur rareté rendent inaccessibles à la
plupart des folkloristes, dans aucune langue européenne.
1. Suite, voir t. IX p. 377.
2. Les principales versions manuscrites ont été décrites par M. Zotenberg.
Histoire d'Ala al Din, Paris, 1888 in-4 p. 3-27 et 35-52.
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 147
La traduction de Galland ne représente qu'une faible partie de Tou-
vrage, de môme celles de Caussin de Perceval et de Gauthier, en y
joignant les suppléments de Trébulien : celles de Weil et de Lane,
malgré les promesses du titre, sont incomplètes et abrégées :
quant à celle qui est mise sous le nom de Habichl, elle ne reproduit
nullement le texte arabe dont cet orientaliste avait commencé la
publication achevée après sa mort par Fleisoher *.
Je compte donner plus tard un tableau comparé de ces traduc-
tions (allemandes, françaises et anglaises); aujourd'hui, je me
bornerai aux textes ou du moins aux principales éditions des textes:
Le Qaire ( 4 v. in-8, 1302 h.)/Bombay (4 vol. in-4, 1297 h.), Habicht
(Breslau, 42 vol. in-12, 1825-1843) et Beyrout (1889-1890, 5v.in-8).
Chacune d'elles présente une recen^ion différente, sauf celle de
Bombay où le texte se rapporte absolument à celui de Beyrout (sauf
les coupures) et, en général, l'ordre des contes à la recension du
Qaire. Quant à Tédilion inachevée du Cheikh El Yemeni, (Cal-
cutta, 1811 et 1814-1818 en 2 v. in-8), à celle de Macan et de
Macnaghten (Calcutta, 4 v. in-8, 1839), à telle de Boulaq, (1231 hég.
2 v. in-f®, et aux réimpressions du Qaire, elles sont absolument
identiques à celle de 1302 : il m'a semblé inutile de les joindre à ce
tableau.
Je n'ai reproduit que les éditions complètes et (en note) partielles
du texte arabe, sans bien entendu prétendre indiquer tous les moin-
dres extraits qui en ont été faits, comme par exemple les courts frag-
ments que contient l'Anthologie arabe d'Humberl ou le Medjâni
Cadab du P. Cheikho. C'est également k dessein que j'ai laissé de
côté l'énumération des traductions, même dans les langues orienta-
les (persan, hindoustani, turk, berbère) et les rapprochements a.ux-
quels les divers conies ont donné lieu : ce sers^ l'objet de prochai-
nes notes.
1. On confond souvent cette traduction avec le texte: c*est ainsi que M. Bé-
dier [Les Fabliaiur 2« édition, 1895, Paris, in>8, p. 455) indique un conte de même
origine que le Tablenu de Conslant du Hamel, comme formant la nuit 496 du
texte tunisien du XV1« siècle et ajoute que Védition de Breslau i*a supprimé.
Cette édition de Breslau étant précisément celle qui reproduit le texte tunisien,
il y a contradiction entre ces deux aflBrmations. En réalité, le conte dont
M. Bédier donne l'analyse (Aa femme, le Oadhi^ le oualiet le roi) ne se trouve
pas dans la recension du Sindibàh Nâmen oui a été insérée dans le texte ,de
Habicht, mais dans les recensions de Boulaq, au Qaire, de Calcutta, de Bombay
et de Beyrout, elle remplit les nuits 593-596 (et non 496, comme dit M. Bédier.
Dans le man. tunisien reproduit par Habicht, la nuit 496 fait partie de l'histoire
de la Ville d'airain) — Dans un autre passage (Les Fabliaux p. 147) le m^me
auteur semble avoir confondu ce conte avec celui de la nuit d'Ei Qadr, qui se
trouve dans TMition de Breslau (mais non dans la traduction). P. 171, il cite
le conte des Tresses comme existant dans le texle de Breslau : on verra plus
loin qu*il manque dans cette recension arabe : il a été ajouté Comme tant
d^autres à la version allemande par les traducteurs.
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448
RGVOE DES TRADITIONS POPULAIRES
LB QAIRB
T. I.
Introduction.
a) Le taureau, Tàne et le paysan *.
Histoire du marchand et du gé-
nie * n. 4-3.
a) Le vieillard et la gazelle, n. 4-2.
b) Le vieillard et les deux chien-
nes, n. 2.
c) Le vieillard et la mule, n. 2.
Le pécheur et le génie ', n. 3-9.
a) Le roi des Grecs et le médecin
Rouian, n. 4-5.
a*) Le roi Sindbâd et le faucon,
n. 5.
Le portefaix, les trois dames et
les trois calenders, n. 9-18.
a) Histoire du premier calender
borgne, n. 14-42.
b) Histoire du second calender
borgne, n. 42-44.
c) Histoire du troisième calender
borgne *, n. 44-45.
d) La jeune femme et les deux
chiennes noires, n. 46-17.
e) La jeune femme maltraitée par
son mari, n. 47.
La femme coupée en morceaux et
les deux vizirs Chems eddin et Nour
eddin, n. 48-49.
1. Ce conte reproduit par Àb*med ecb
Chirou&oi, NafK'at el Yemen, Le Qaire,
1305, hég., a été donné par Arnold, Chres-
iomalhia arabica. Halle, 1853, in-8 t. 1,
p. 50.
2. Publié avec une traduction par Tibal.
Conte du marchand et du génie, Miiiana,
1893, in-8.
3. Autofirraphté par Combarel, Le pé-
cheur et le génie. Cran, 1857, in-12.
4. Un fragment a été publié sans date
par Withe : Agib sive callender tertius,
fragmentum narrationem per noctes 1001
Oxônii cœptum 20 p. in-4.
BOMBAY
T. I.
Introduction.
a) Le taureau et Tàne.
Histoire du marchand et du génie,
n. 4-3.
a) Le vieillard et la gazelle, n. 4-2.
b) Le vieillard et les deux chien-
nes, n. 2.
■fc Le vieillard et la mule).
Le pécheur et le génie, n. 3-9.
a) Le roi grec et le médecin Dou-
bàn, n. 4.
a'} Le roi et le faucon, n. 5.
b) Le vizir rusé, n. 5.
Le portefaix, les trois dames el
les trois calenders, n. 9-49.
a) Histoire du premier calender
borgne, n. 44-42.
b) Histoire du second calender
borgne, n. 42-44.
a) L'envieux etTenvié, n. 42.
c) Histoire du troisième calender
borgne, n. 45-48.
d) La jeune femme et les deux
chiennes noires, n. 48.
e) La jeune femme maltraitée par
son mari, n. 49.
La femme coupée en morceaux et
les deux vizirs Chems eddin et Nour
eddin, n. 49-24.
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REVUE DES TRADITIONS POPULAlhES
149
HABICHT
T. I.
Introdaction.
a) Le taureau, l'âne et le paysan.
Histoire du marchand et du génie,
n. 1-8.
a) Le vieillard et la gazelle, n. 4-5.
b) Le vieillard et les deux chien-
nes, n. 6-7.
. c) Le vieillard et la mule, n. 8.
Le pêcheur et le génie, n. 8-27.
a) Le roi des Grecs et le médecin
Douban, n. 11-16.
a ) Le jaloux et le perroquet, n. 14.
b') Le vizir rusé, n. 15.
Le portefaix, les trois dames et
les trois calenders, n. 28-69.
a) Histoire du premie]>calender
borgne, n. 36-39
b) Histoire du second calender
borgne, n. 40-52.
a') L'envieux et Tenvié, n. 46-48.
c) Histoire du troisième calender
borgne, n. 53-62.
d) La jeune femme et les deux
chiennes noires, n. 63-66.
e) La jeune femme maltraitée par
son mari, n. 67-69.
La femme coupée en morceaux et
les deux vizirs Nour eddin et Chems
eddin, n. 69-101.
BEYROUT
T.I.'
Introduction.
a) Le taureau, Tàne et le paysan.
Histoire du marchand et du génie,
n. 1-3.
a) Le vieillard et la gazelle, n. 1-2.
b) Le vieillard et les deux chien-
nes, n. 2.
c) Le vieillard et la mule, n. 3.
Le pécheur et le génie, n. 3-9.
a) Le roi des Grecs et le médecin
Douban, n. 4.
a') Le roi Sindbad et le faucon.
b') Le vizir rusé.
Le portefaix, les trois dames et
les trois calenders, n. 9-19.
aj Histoire du premier calender
borgne, n. 11-12.
b) Histoire du second calender
borgne, n. 12-14.
a') L'envieux et Tenvié, n. 13.
c) Histoire du troisième calende
borgne, n. 14-16.
d) La jeune femme et les deux
chiennes noires, n. 17-18.
e) La jeune femme maltraitée par
son mari, n. 18.
La femme coupée en morceaux et
les deux vizirs Nour eddin et Chems
eddin, n. 19-24.
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150
ftKVCE DES TRADITIONS POPULAIRES
LE QAIRE
a) Les trois pommes, n. i8.
BOMBAY
a) Les trois pommes, n. '19-20.
b) Chems eddin et Nour eddio *,
n. 19-24.
Histoire du bossu, du tailleur, du
barbier et de ses frères, n. 24-32.
a) Histoire du pourvoyeur chré-
tien, n. 25-26.
b) Histoire du marchand, n. 27.
c) Le médecin juif et le mutilé,
n. 27-28.
d) Histoire du tailleur, n. 28-30.
e) Le barbier parasite et les bri-
gands^ n. 30.
a) Le premier frère du barbier,'
n. 30.
b) Le second frère du barbier,
n. 30-31.
c) Le troisième frère du barbier,
n. 31.
d) Le quatrième frère du barbier *,
n. 31.
e) Le'cinquième frère du barbier,
n. 31-32.
f ) Le sixième frère du barbier ',
n. 32.
Histoire d*Enis el Djelis et de
Nour eddin ♦, n. 32-36.
1. Publiée plusieurs fois par Cherbon-
neau, mais avec des altérations considéra-
bles : Histoire de Chems el dine et de
Nour eddin (avec une double traduction
française). Paris, 1869, in-12.
2. L^histoire du cinquième frère du bar-
bier\a été reproduite dans la 3« édition
de VArabische Chrestomathie de Michaeli?,
revue par Bemstein, Gœltingen, 1817,
in-8, p. 179-191.
3. Une paitie de ce conte pe trouve
dans Relkassem ben Sedira, Cours de
titléralure arabe. Alger, 1879, in- 12, n»
131, p. 150.
4. Le texte a été publié avec une tra-
b) Chems eddin et Nour eddin
n. 20-24.
Histoire du bossu, du tailleur, du
barbier et de ses frères, n. 24-34.
a) Histoire du pourvoyeur chré-
tien, n. 25-26.
b) Histoire du marchand, n. 27-
28.
c) Le médecin juif et le mutilé,
n. 28-29.
d) Histoire du tailleur, n. 29-31.
e) Le barbier parasite, n. 30.
a) Le premier frère du barbier,
n 31.
b) Le second frère du barbier, n.
31.
c) Le troisième frère du. barbier,
n. 32.
d) Le quatrième frère du barbier,
n. 32.
e) Le cinquième frère du barbier,
u. 32-33.
f) Le sixième frère du barbier, n.
33-34.
Histoire d'Enis el Djelis et de
Nour eddin, n. 34-38.
duction française par M. de Kazimirski;
Enis el Djelis ou histoire de la Belle Per-
sane, Pans, 1863, in-8.
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RBVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
iM
HABICHT
a) Les trois pommes, n. 71-72.
T. II.
b) Chems eddin et Nour eddin,
n. 72-101.
Histoire du bossu, du tailleur, du
barbier et de ses frères, n. 102-108. barbier et de ses frères, n. 24-34.
BEYROUT
a) Les trois pommes, n. 19-20.
b) Chems eddiu et Nour eddin,
n. 20-24.
Histoire du bossu, du tailleur, du
a) Histoire du pourvoyeur^ chré-
tien, n. 107-128.
bj Histoire du roarchandy n. 119-
128.
c) Lç médecin juif et le mutilé,
n. 129-136.
d) Histoire du tailleur, n. 137-
149.
e) Le barbier parasite, n. 149-
150.
a) Le premier frère du barbier,
n. 151-154.
b) Le second frère du barbier, n.
154-156.
c) Le troisième frère du barbier,
n. 157-158.
dj Le quatrième frère du barbier,
n. 158-159.
e) Le cinquième frère du barbier,
n. 160-164.
fj Le sixième frère du barbier, n.
164-166.
Histoire de 'Ali ben Bakkâr et de
Chems en Nahâr, n. 169-198.
(Le tome II finit avec la nuit 180].
Tome m
Histoire d'Enis el Djelis et de
Nour eddin, n. 199-227.
Histoire de Qamar et Zemàn et
de la princesse Badour, n. 228-243.
a; Histoire dAsad et Amdjad fils
de Qamar ez Zemàn, o. 235-243.
a) Histoire du pourvoyeur chré-
tien, n. 25-26.
b) Histoire du marchand, n. 27-
28.
c) Le médecin juif et le mutilé,
n. 28-29.
d) Histoire du tailleur, n. 29-31.
e) Le barbier parasite, n. 3t.
a) Le premier frère du barbier,
n.31.
c) Le 2« (troisième) frère du bar-
bier, n. 32.
d) Le 3* (quatrième) frère du bar-
bier, n. 32.
e) Le 4* (cinquième) frère du bar-
bier, n. 32-33.
f) Le 5« (sixième) frère du barbier,
n. 33-34.
Histoire d'Enis el Djelis et de
Nour eddin Ali, n. 34-38.
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<o2 RBVOE DBS TRADITIONS POPULAIRES
LE QMRE BOMBAY
Histoire de Ghanim b. Ayoub, n. Histoire de Ghanim ben Ayoub,
36-44. n. 38-43.
a) Histoire du premier esclave, n. a) Histoire du premier esclave.
38.
b) Histoire du second esclave, n. b) Histoire du second esclave.
38-39.
Histoire du roi Omar ben En Histoire du roi 'Omar ben En
No'mân et de ses deux fils Charkàn No'mân et de ses deux fils, Charkân
et Dhou'l Makân, n. 44-145. et Dhou 1 Makàn n. 45-145.
A Histoire de Tâdj el Molouk, a) Histoire de Tâdj el Molouk
n. 107-137. n. 107-136.
a) Aziz et Azizah n. 112-128. a') Aziz et Azizah n. 112-123.
Histoire des animaux et des Histoire des animaux et des
oiseaux, n. 146-452. oiseaux n. 146-152.
a) Le paon, le canard, le lionceau a] Le paon, le canard, le lionceau
et l'homme n. 146 147 et Thomme n. 146-147.
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""^
REVUE DBS TRADITIONS P0PCLA1RCS
183
HABICHT
Histoire du chevaL d'ébène, n.
244-250.
Les sept voyages de Sindbâd le
maria \ n. 250-271. ,
(Le t. III finit avec la nuit 253).
Tome nr
Le dormeur et réveillé, n. 271-
290.
Histoire du roi *As'im et de son
fils Seïf el Molouk avec Badi *el
Djemâl, n. 291-320.
Histoire de Khalife le pécheur, n.
321-322.
Histoire de Ghanim ben Ayoub,
n. 332-341.
a) Histoire du premier esclave, n.
334.
b) Histoire du second esclave, n.
334-335.
(Le t. IV s^arréte au milieu de la
nuit 337).
BEYROUT
1. Le texte de SindbAd a été publié par
Langlès à la suite de la Grammaire ardbe^
de Savary. Paris, 1813, in-4, et ensuite
séparément : Les Voyages de Sindbad le
marin, Paris, 1844, in-18. Une version
abrégée se trouve dans la Chreslomalhia
arabica d'Humbert. Paris, 1835, in-8. 11 a
été autographié par Machuel ; Les Voyages
de Sindbaâ le marin. Alger, 1874, 2« éd.
1884, in-12.
Histoire de Ghanim ben Ayoub,
n. 38-45.
b) Histoire du 1*
n. 39.
(second) esclave,
Histoire du roi 'Omar ben En No*
màii et de ses deux fils, Charkàn et
Dhou'l Makàn n. 44-145.
a) Histoire de Tâdj e\ Molouk,
n. 107-138.
a') Aziz et 'Azizah n. 112-123.
Le tome I finit avec la nuit 106.
T. II.
Histoire des animaux et des
oiseaux n. 146-152.
a) Le paon, le canard, le lionceau
et l'homme n. 146-147.
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!5t
REVmi
TRADITIONS POPULAIRES
LE Q AIRE
b) L'ascète et les pigeons, n. 147-
148.
c) L'oiseau aquatique et la tortue,
n. 148
d) Le chacal et le renard, n. 148-
150.
e) La belette et la souris, n. 150.
f) Le corbeau et le chat, n. 150.
g) Le corbeau et le renard, n. 150.
152.
a') La puce et la souris, n. i50-
151.
b') Le faucon, n. 151.
c'j Le moineau et Taigle, n. 152 *.
h) Le hérisson, n. 152.
a') Le marchand et les deux
voleurs, n. 152.
b') Le singe et le voleur, n. 152.
c'j Le tisserand, n. i52.
d*) Le paon et le moineau son
ministre, n. 152 *.
Histoire de' Ali ben Bekkâr et de
Chems en Nahâr, n. 153-169.
BOMBAY
b) L'ascète et les pigeons, n. 147-
148.
c) L'*oiseau aquatique et la tortue,
n. 148.
d) Le chacal et le renard, n. 148-
150.
e) La souris et la belette, n. 130.
f) Le corbeau et le chat, n. 150.
g) Le corbeau et le renard, n. 150-
152.
La puce et la souris, n. 150-
151.
b'
cl
Le faucon, n. 151.
Le moineau et Taigle, n. 152.
h) Le hérisson, n. 152.
a') Le marchand et les deux
voleurs, n. 152.
b') Le singe et le voleur, n.l52.
c*j Le tisserand, n. 152.
d') Le paon et le moineau son
ministre, n. 152.
Histoire de' AH ben Bekkàr et de
Chems en Nahâr, n. 153-170.
Histoire de Qamar ez Zemàn et de
la princesse Badour, n. 170-237.
a] Histoire d'Asad et d'Amdjad
Le 1. 1 finit avec la nuit 186.
Histoire de Qamar ez Zemân et
de la princesse Badour, n. J 70-237.
a) Histoire d*Asad et d'Amdjad
n. 217-237.
Le t. 1 finit au milieu de la nuit
20.
1. Reproduit dans Ben Sedira, Cours de
iiUératureaiabe, n» 137 p. 163. f
2. Reproduit par Ben Sedira, Cours de
îittéiûtvre arabe, n^ 138 p. 164.
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RBVUE DfiS TRADITIONS POPULAfttKS 455
HABICHT BEYROUT
b] L'aspôte et les pigeons, n. 148.
c] L'oiseau aquatique et la tortue,
n. 148.
' d) Le cheval et le renard, n. 148-
150.
ej La souris et la belette, n. 150.
fj Le corbeau et le chat, n. 150.
g) Le corbeau et le renard, n. 150-
152.
a'] La puce et la souris^ n. 150-
151.
b') Le faucon, n. 152.
c') Le moineau et Taigle, n. 152.
h) Le hérisson, u. 152.
a) Le marchand et les deux
voleurs, n. 152.
b') Le singe et le voleur, n. 152.
c'j Le tisserand, n. 152.
d') Le paon et le moineau son
ministre, n. 152.
Histoiredu dormeur et de l'éveillé,
n. 152-171 *.
Histoire de Qamar ez Zemân et
de la princesse Badour^ n.' 171-249.
a) Histoire d'Asad et d'Amdjad,
n. 217-237.
T. V
Histoire de Ouerd fil Akmam et
d'Ons el Oudjoud, n. 341-354.
1. Le texte arabe des autres histoires
3ui se trouvent dans Galland et manquent
ans toutes les édition, a été publié :
celui d'Aladin par M. Zotenberg : Histoire
d'^Ala aldin ou la lampe merveilleuse,
Paris, 4888, in-4 et celui de Zein el Asnàm
Sar M^i* Groff : Zein el Asnam^ Conte des
\ille et une NuiU. Paris, 1889, in-8.
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i56
REVUE DES TRADITIONS P0P0LA1RES
LE QAIRB
T. n
BOMBAY
T. n
c) Histoire de Na'amah et de Na^am ,
n. 237-249.
Histoire de'Ala eddin Abou Cha-
înât, n. 249-269.
H'alim Taï et son tombeau, n. 269-
270*.
Ma'ao benZaïdah, n. 270 27! >.
Le palais de Lebt'a, n. 272 '.
Hichàm hen *Abd ei Melik, n.
272 \
Ibrahim ben el Mahdi,n. 272-275.
Le tombeau de Cheddâd, n. 275-
279.
Histoire de Na'amah et de Na*am,
n. 237-248.
Histoire de'Aia eddin Abou Châ-
mat. n. 249-270.
H'atim Taï et son tombeau, n. 270-
271.
Ma an b. Zàidah, n. 271-272.
Le palais de Lebt'it\ n. 272-273.
Hichâm b. Abd ei Melik, n. 273.
•
Ibrahim ben elMahdi, n. 273-276.
Le Tombeau de Cheddâd, n. 276-
279.
1. Ben Sedira, Cours de littérature
arabe^ qo 1$4, p. 196.
2. Ben Sedira, Cours de Utléralure
arabe, n^ 155 p. 198.
3. Ben Sedira, Cours de littérature ara-
be^ Qo 153 p. 194.
4. Ben Sedira, Cours de littérature ara-
be, Qo 147, p. 181.
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REVCE DES TRADITIONS POPULAIRES
157
HABICHT
Histoire d'Aboifl H'asan el 'Oma-
ni, n. 354-364.
Histoire de H'ayat en Nofous et
d,'Ardéchir, n. 364-386.
Histoire de H'asan de Bas'ra et de
son voyage aux Iles Ouaqouaq, n.
386-431 ».
Le t. Y finit avec la nuit 400.
T. VI
L'esclave de Ha^oun er Rachid,
n. 432.
Les poètes el 'Omar b. 'Abd el
Aziz, u. 432-433.
De Tutilité de Tinstruction, n.434.
Haroun er Rachid et la femme, n.
434.
Histoire des Dix Vizirs, n. 435-
486'.
La ville d*airain, n. 487-500.
T. VII
Histoire de Na^amah et de Na'am,
n 501-509
Histoire de 'Ala eddin Abou Cbâ-
mat, n. 510-531.
H'atim Taï et son tombeau, n. 531-
532.
Ma an ben Zàïdab, n. 532-533.
Le palais de Lebt'a, n. 533-534.
Hichàm ben^'Abd el Melik, n. 534-
535.
Ibrabim ben el Mahdi, n. 535-5387
Le tombeau de Cheddàd, n. 539-
540.
BEYROUT
T. n
Histoire de Na amah et de Na*am,
n. 237-247.
Histoire de Ala eddin Abou Châ-
mat, n. 249-270.
H'atim Taï et son tombeau, n. 270-
271.
Ma an b. Zâidah, n. 272.
Le palais de Lebt'il\ n. 272.
Hiehâm b. «Abd el Melik, n. 272.
Ibrahim ben el Mahdi, n. 272-275.
Le tombeau de Cheddàd, n. 276-
277.
1. Ce texte a été publié plusieurs fois
isolément au Qaire, entre autres en 1299
et en 1304 hég.
2. Le texte a été édité jpar Knœs, liis-
toria decem vezirorum. âœttingen, 1807,
in-12.
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1S8
UVtJE DES TRADITIONS POPULAIHBS
LK QiVUiË
T. II
Ish'aq el Maouseli, n. 279-282.
Prière d'un éqaarrisseur, n. 282-
285.
Le faux Khalife, n. 285-294.
La besace merVeilleuse, n. 294-
296.
Haroun er Rachid et Dja'far, n.
296-297.
Khâled ben 'Abdallah, a. 297-
299.
L'Arabe reconnaissant, n. 299 ^
Haroun er Rachid et Abou Mo-
h'ammed el Keslan, n. 299-305.
Généro.silé des Barmékides, n.
305-306.
Yah'ya ben Khàled el 'Abdallah
b. MMek, n 306-307.
BOMBAY
T.n.
Ish'aq el Maouseli, n. 279-282.
trière d'un équarrisseur, n. 282-'
285.
Le faiir Khalife, n. 285-294
La besace merveilleuse^ n. 294-
296.
Haroun er Rachid et Dja'far, n
296-297.
Khàled ben 'Abdallah, n. »7-299.
L'Arabe reconnaissant, n. 299
Haroun et Rachid et Abou Mo-
h'ammed el Keslan, n. 299-305.
Générosité des Barmékides, n.
305306.
Yah'ya b. KhâîeJ el ^Abdallah
b. Màlek, n. 306-307.
Les examens
n; 308 \
d'El Mansour,
Les examens
n 307-308.
d'Ël Maus'our,
Histoire de *Ali Chfr, n. 308-327.
Histoire d'ibn Mans'our el de
Badour, n. 327-33 i.
Le Yéménite et les six jeunes
filles, n. 334-338.
Abou Noouâs, n. 338-340.
L'homme endetté, n. 340-341.
L'effronté voleur et Hîsam eddin^
n. 341-342.
Histoire de ^Ali Char, n. 308-327.
Histoire d'Ibn Mans'our et de
Badour, n. 327-334.
Le Yéménite et les six jeunes
filles, n. 334-338.
Abou Noouâs, n. 338-340.
L'homme endetté, n. 340-34i.
L'effronté voleur et Hisam eddio,
n. 341.
1. Ben Sedira, Cours de liUéralure ara-
hty DO 452, p. 491. Goriçuop, Cours d'arabe.
Paris, ISoO, iD-12, t. H, u» 48.
2. Gorçuos, Cours d*arabe^ t. Il, n<> 53;
BeD Sedira, Cours de littérature nrabe^
no 143 p. 172.
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
159
HABICHT
T. vn.
ish'aq el Maouseli, n. 540-543.
Le faux. Khalife, n. 54^^54.
Haroun er Rachid et Dja'far, a.
555-556.
Khâled ben 'Abdallah, n. 557-558.
Haroun er Rachid et Abou Mo-
h'ammed el Keslan, d. 558-564.
Générosité des Barmékides, û.565
Yah'ya b. Kbàled et 'Abdallah b.
Mâlek, n. 566.
Haroun er Rachid et son anneau,
n. 567.
Haroun er Rachid et Ibn es Sau-
rak, n. 568.
El Mans'our et Zobaïdah, n. 568.
Histoire de 'Ali Ghîr, n. 569-587.
Histoire dlbn Mans'our et de
Badour, n. 587-594.
Le Yéménite et les six jeunes
filles, n. 594-599.
Abou Noouès, n. 600-602.
L'homme endetté, n. 602-603.
BKYROUT
T. n.
Ish^aq el Maouseli, n. 277-282.
Prière d'un équarrisseur, n. 282-
285.
Le faux Khalife, n. 285-294.
La besace merveilleuse, n. 294-
296.
Haroun er Rachid et Dja'far, n.
296-297.
Khâled b. -Abdallah, n. 297-299.
L'Arabe reconnaissant, n. 299.
Haroun er Rachid et Abou Mo-
haramed el Keslan, n. 299-305.
Générosité des Barmékides, n.
305-306.
Yah'ya ben Khâled el 'Abd Allah
b. Mâlek, n. 306 307.
Les examens d'Ël MansWr, n.
307-308.
Histoire de *Ali-Châr, n. 308 330.
L'homme endetté, n. 330-331.
L'effronté voleur et Hisam eddin,
n. 331-333.
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160
REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
LE QAIRE
Tome II
Les trois gouverneurs d'Egypte,
n. 342-344.
Le voleur et le changeur, o. 344-
345 '.
Ala eddin et le voleur, n. 345-
346 ^
Ibrahin^ ben El Mabdi parasite,
n. 346-347.
BOMBAY
Tçme II
Les trois gouverneurs d'Egypte,
n. 341-344.
Le voleur et le changeur, n. 344-
345.
Ala eddin et le voleur, n. 345-346.
•
Ibrahim ben El Mahdi parasite,
n. 346-347.
1. Ben Sedira, Cours de liUérature ara-
be, n* 126 p. 44i.
2. Ben Sedira, Cours de littérature ara-
be, no 125 p. 140.
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KEVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
161
HABICHT
Tome Vni
Les trois gouverneurs d'Egypte,
n. 603-605.
Le voleur et le changeur, n. 605-
606.
Ibrahim ben El Mahdi parasite,
n. 606^08.
T. vni.
Histoire du roi Kala'ad et de son
vizir Chimâs, n. 609-640 *.
a) Le chat et le rat, n. 609 *.
b) Le dévot et le beurre, n 610 '.
c) Les poissons et Télang, n. 6H.
d) Le corbeau et le serpent, n. 611.
e) Le renard et Tonagre, n.611 *.
f j Le roi et le dévot, n. 612-613.
g) Le faucon et les corbeaux,
n. 6^3^
hj Le sorcier, sa femme et ses
enfants, n. 614.
i) L'araignée et le vent, n. 615*.
j) Le roi juste et le roi injuste, n.
616.
k) L aveugle et le paralytique, n.
616.
l) Le lion et le chasseur, n. 617.
m) L'homme et le poisson ^ n. 626.
1. Des extraits de ce cycle, diaprés
le manuscrit de Genève ont été publiés
par Humbert, Analecta arabica 'médita,
Paris, 1838, in-8 8ect. II.
2. Ben Sedira , Cours de littérature ara-
be^ no 135, p. 158.
3. Ben Sedira, Cours de littérature
arabe, n« 139, p. 165 ; M. Zotenberg a
donné une édition critiaue de ce conte d'a-
près sept manuscrits : L histoire de Gal'dd
et Schimds. Paria, 1886, in-8, p. 19.
4. oBen Sedira, Coi/r^ de lit téraljire ara-
be, n 134 p. 156.
5. Ben Sedira, Cours de littérature ara-
be, no 136, p. 161.
6. Ben Sedira, Cours de littérature ara-
be, no 133 p. 155.
7. Reproduit par Humbert, Analecta
arabica inedila. Pari?, 1838, in-8.
TOME XI. — MARS-AVaiL 1896.
BEYROUT
T. ni.
Les trois gouverneurs d'Egypte,
n. 333-335.
Le voleur et le changeur, n. 335-
336.
Ala eddin elle voleur, n. 336-337.
Ibrahim ben El Mahdi parasite,
n. 337.
11
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162
REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
LE QAIRE
T. n
BOMBAY
T. n
Le roi qui avait interdit l'aumô-
ne «, n. 347-348.
Le Juif charitable, n. 348-349.
Les dettes d'Abou THasan, n.
349-351.
Le joaillier ruiné puis enrichi, n.
351.
Les deux songes vérifiés, n. 351-
352.
El Motaouakkel etHahboubah, n.
352-353.
La femme et Tours, n. 353-355.
La fille du roi et le singe^ n. 355-
357.
Le cheval d'ébène, n. 357-371.
0ns el Oudjoud et Ouerd fil Ak-
mâm, n. 371-381.
Abou Noouàs etHarouo er Hachid,
n. 381-383.
L'esclave amoureuse de son maî-
tre, n. 383.
Histoire d'un amoureux des B.
Odzrah, n. 383-384.
Le professeur et son élève, n.
384.
L'écolier et Técolière amoureux,
n. 384-385.
i. Ben Sedira Coun de lUéérature ara-
be, n» 128 p. 145.
Le roi qui avaitinterditi aumône,
n. 347-348.
Le Juif charitable, n. 348-349.
Les dettes d'Abou THasan, n.
349-351.
Le joaillier ruiné puis enrichi, n.
351,352.
Les deux songes vérifiés, n. 352-
353.
El Motaouakkel et Mahboubah, n.
352-353.
La femme et l'ours, n. 353-355.
La fille du roi et le singe, n. 355-
357.
Le cheval d'ébène, n. 357-371.
0ns el Oudjoud et Ouerd fi'l Ak
mâm, n. 371-381.
Abou Noouâs et Haroun er Rachid,
n. 381-383.
L'esclave amoureuse de son maî-
tre, n. 383.
Histoire d'un amoureux des B.
Odzrah, n. 383-384.
Le professeur et son élève, n.
384. .
L'écolier et Técolière amoureux,
n. 384-385.
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REVUE DES TBÀDITIONS POPULAIRES
163
HABICHT
T. vni
n] Le garçon et les voleurs, n.
627.
o) Le jardiaier et sa femme, n.
628.
p) Le marchand et les voleurs, n.
629.
q) Le renard, le loup et le lion,
n. 630.
r) Le berger et les voleurs, n. 632.
s) Le francolin et les tortues, n.
634.
Le roi qui avait interdit l'aumône,
n. 641-642.
Le joaillier ruiné puis enrichi,
n. 643.
Les deux songes vérifiés, n. 644.
BEYROUT
T. m
Le roi qui avait interdit l'aumô-
ne, n. 339-340.
Le Juif charitable, n. 340-341.
Les dettes d'Abou THasan, n.
341-343.
Le joaillier ruiné puis enrichi, n.
343.
Les deux songes vérifiés, n. 343-
344.
El Motaouakkel et Mahboubah, n.
344-345.
La femme et Tours, n. 345-348.
Le cheval d'ébène, n. 348-366.
Oas el Oudjoud et Ouerd fi'l Ak-
mâ.m, n. 366-381.
Abou Noouàs et Haroun er Rachid,
n. 381-383.
Histoire d'un amoureux des B.
Odzrah, n. 646-647.
L'esclave amoureuse de son maî-
tre, n. 381-383.
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164
REVOE DES TRADITIONS POPULAIRES
LE Q\IRË
T. n
El Motalammis et la femme fidèle,
Q. 385.
Haroun er Rachid et Zobeidah,
n. 385-386.
Haroun er Rachid et la jeune tille,
n. 386.
Mos'ab ben Zobeir et Azza, n.
386-387.
Abou'l Asouad et H'aoulah, n 387.
Haroun er Rachid et les deux
esclaves, n. 387.
Le meunier, la femme et le trésor,
n. 387-388.
Le filou, le négligent et Tâine,
n. 388 *.
Haroun er Rachid, n. 388-389.
El H'akim biamrillah et le mar-
chand, n. 389 «.
Kesra Anouchirwân et la jeune
fille, n. 389-390.
Le porteur d'eau de Bokhara et
sa femme, n. 390-391.
Khosrou, sa femme et le poisson '»
n. 391.
Générosité de Yah ya le Barmé*
kide, * n. 391-392.
Dja'farben Mousa et son esclave)
n. 392.
Sa*id ben Salem et Dja'far n. 392.
BOMBAY
T. n
El Motalammis et la femme fidèle,
n. 385.
Haroun er Rachid et Zobeidah,
n. 385-386.
Haroun er Rachid et la jeune
fille, n. 386.
Mos'ab ben Zobeir et Azza, n.
386-387.
Abou'l Asouad et H'aoulah, n.
387.
Haroun er Rachid et les deux
esclaves, n. 388.
Le meunier, la femme et le trésor,
n. 388.
Le filou, le négligent et Vhxxe
n. 385.
Haroun er Rachid n. 388-389.
El H'akim biamrillah et le mar-
chand n. 389.
Kesra Anouchirwân et la jeune
fille, n. 389-390.
Le porteur d'eau de Bokhara et sa
femme, n. 390-391.
Khosrou, sa femme et le poisson
n. 391.
Générosité de Yah'ya le Barmé-
kide, n. 391-392.
DjàTar ben Mousa et son esclave
n. 392.
Sa'id ben Salem et Dja far, n. 392.
1. Gorguos, Cours d'arabe, n» 58; Ben
Sedira, Cours de littérature arabe, n^ 123,
p. 136.
2. Ben Sedira, Cours de littérature ara-
be, n« 129 p. 146.
3. Gorguo-s, Cours d'arabe vulgaire
n» 61 ; Bresnier, Anthologie arabe. Alger,
1876, in-16, p. 89 ; Ben Sedira, Cours de
litérature arabe, n<> 124 p. 138.
4. Gorguos, Cours a*arabe, n« 62 ;
Bresnier, Antfiologie arabe^ p. 57 ; Ben
Sedira, Cours de littérature arabe, n» 151
p. 188.
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REYOE DES TRADITIONS POPCLAIRES 165
HABICHT BEYROUT
T. VIII T. m
El Motalammis et la femme fidèle, El Molalammis et la femme fidèle,
n. 648. n. 383-384.
Haroun er Rachid et Zobeidah,
n. 648-649.
Mos'ab ben Zobeir et Azza, n.
649-650.
AbouU Asouad le poète et H'aou-
lah, n. 651.
Haroun er Rachid et les deux
esclaves, n. 651.
Le filou, le négligent et Tâne,
n. 652.
HarouD er Rachid, n. 652-653.
El H akim biamrillah et le mar-
chand, n. 653.
Kesra Anouchirwàn et la jeune
fille, n. 653-554.
Le porteur d'eau de Bokhara et
sa femme, n. 654-656.
Khosrou, sa femme et le poisson,
n. 656.
Générosité de Yah'ya le Barméki-
de, n. 656-657.
Dja'far ben Mousa et son esclave,
n. 657.
Le meunier, la femme et le tré-
sor, n. 384-385.
Le filou, le négligent et Tâne,
n. 385-386.
El H'akim biamrillah et le mar-
chand, n. 386.
Kesra Anouchirwàn et la jeune
fille, n. 386-387.
Khosrou, sa femme et le poisson,
n. 387-391.
Générosité de Yah'ya le Barmé-
kide, n. 388-389.
DjaTar ben Mousa et son esclave
n. 389-390.
Sa'id ben Salem et Dja'far, n. 390-
391.
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166
REVUE DÉS TRÀDItlONS POPULAIRES
LE QAIRE
T. n
Ruse dune femme, n. 393-394.
La femme honnête elles vieillards,
n. 394.
Haroun er Rachid et le collyre,
n. 394-395 K
BOMBAY
T. n
Ruse d'une femme, n. 393-394.
La femme honnête et les vieil-
lards, n. 394.
Haroun er Rachid et le collyre,
n. 394-395.
Omar b. El KhatH'àb et le meur-
trier, n. 395-397.
El Mans'our et les pyramides,
n. 397-398.
Le voleur et son ancien confrère,
n. 398-399 «
Haroun er Rachid et Mesrour»
n. 399-401.
Haroun er Rachid etson fils, n.40i_
402.
Le maitre d'école amoureux d'une
chimère, n. 402-403.
Le maître d'école ignorant, n. 403.
Le maître d'école qui ne sait pas
pas lire, n. 403-404.
Le roi et la femme vertueuse,
n. 404 \
L'oiseau Rokh, n. 404-405.
La fille d'En No'mân et Adi b. Zeid,
n. 405-407.
Di'bil le Khozai, n. 407.
ish'aq b. Ibrahim el Maouseli,
n. 407-409.
Er 'Otbi, n. 409-410.
El Qasim b. El Adi, n. 410-411.
1. Ce texte a été reproduit avec des
variantes dans le Miat Amily p. -31,
d'où Ta emprunté Arnold, Chreslomatia
arabica, p. 42 ; Ben Se dira, Cours de litté-
rature arabe, u^ 148 p. 184.
2. Ben Sedira, Cours de littérature ara-
be, no 127 p. 142.
3. Ben Sedira, Cours de littérature ara-
be, no 149 p. 185.
Omar b. el Khat't'âb et le meur-
trier, n. 393-397.
El Mans'our et les pyramides,
n. 397-398.
Le voleur et son ancien confrère,
n. 398-399.
Haroun er Rachid et Mesrour,
n. 399401.
Haroun er Rachid et son fils, n.401-
402.
Le maître d'école amoureux
d*une chimère, n. 402-403.
Le maître d'école ignorant^ n. 403.
Le maître ti'école qui ne sait pas
lire, n. 403-404.
Le roi et la femme vertueuse,
n. 404.
L'oiseau Rokh, n. 404-405.
La fille d'En No'màn et Adi b.
Zeid, n. 405-407.
Di'bil le Khozai, n. 407.
ish'aq ben Ibrahim el Maouseli,
407-409.
El' 'Otbi, n. 410.
El Qasim b. El Adi, n. 410-411.
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KBYUË DES TRADITIONS POPULAIRES
467
HABICHT
T. Vin
Ruse d'uue femme, n. 658-659.
La femme honnête el les vieil-
lards, D. 659.
Harouner Rachid et le collyre,
n. 660.
Le roi No'mân et ses deux com-
mensaux, n. 660-661.
Le voleur et son ancien confrère,
n. 661-662.
Haroun er Rachid et Mesrour,
n. 662-664.
Haroun er Rachid et son fils,
n. 664-665.
Le maître d'école amoureux
d'une chimère, n. 665-666.
Le maître d'école ignorant, n. 666.
♦ Le maître d'école qui ne sait pas
lire, n. 667-668.
BEYROUT
T. ni
Ruse d'une femme, n. 391-392.
La femme honnête et les vieil-
lards, n. 392-393.
Haroun er Rachid et le collyre,
n. 393-304.
'Omar ben El Khat't'âb et le
meurtrier, n. 394-397.
El ^Mans'our et les pyramides,
n. 397-398.
Le voleur et son ancien confrère,
n. 398-400.
Haroun er Rachid et Mesrour, n.
400-401.
Haroun er Rachid et son fils,
n. 401-405.
Le maître d'école amoureux d'une
chimère, n. 405-407.
Le maître d'école ignorant^ n. 407-
408.
Le maître'd'école qui ne sait pas
lire, n. 408.
La fille d'En No'mân et Adi b.
Zeid, n. 668-670.
Di'bil le Khozai, n. 670.
Ish'aq b. Ibrahim el Maouseli,
n. 670-672.
Er 'Otbi, n. 672-673.
El Qasim b. El Adi, n. 673-674.
L'oiseatt Rokh, n. 408-409.
, La fille de No'mân et b. Adi b.
Zeid, n. 408-411.
Ish'aq b. Ibrahim el Maouseli,
n. 411-418.
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i68 RËVDE D)ÙS TRADITIONS POt>IILAtRËd
LE QAIRE BOMBAY
T. n T. n
Abou'l Abbàs el Mobarred, n. 411- Abou l Abbâs el Mobarred, n. 411-
412. 412.
La conversion d'un couvent, n. La conversion d'un couvent, n.
412-414. 412-414.
Aboulsa et Qorrat el' Aïo, n. Abou Isa et Qorrat el'Aïn, n. 414-
414-418. 418.
Ibrahim benEl Mahdiet El Amin, Ibrahim b. El Mahdi et El Amin, n.
n. 418-419. 418-419.
El Motaouakkel et le remède, n. El Motaouakkel et le remède, n.
419. 419.
Supériorité des femmes, n. 419- Supériorité des femmes, n. 419-
429. 423.
Les cheveux blancs, n. 423-424. Les cheveux blancs, n. 423-424.
Ali ben Moh*ammed ibn Taher, Ali ben Moh'ammed ibnlaher, n.
n. 424. 424.
Histoire d*Abou TAina, n. 424. Histoire d'Abou TAina, n. 424.
Histoire du marchand Ali TEgyp- Histoire du marchand Ali l'Egyp-
tien, n. 424-434. tien, n. 424-434.
La liberté est préférable atout, La liberté est préférable atout,,
n. 434-435. n. 434-436.
Histoire de Téoueddoud, n. 436- Histoire de Téoueddoud, n. 436-
462. 462,
Le roi orgueilleux et Tange de la Le roi orgueilleux et Tange de la
mort *, n. 462. mort, n. 462.
Le mauvais riche, n. 462-463. ' Le mauvais riche, n. 463.
La mort du tyran, n. 463-464. La mort du tyran, n. 463-464,
Dzou*l Qaruaïn et le peuple sau- Dzou'l Qarnaïn et le peuple sau-
vage, n. 464. vage, n. 464.
Anouchirwân et son peuple, n. Anouchirwân et son peuple, n.
464-465 «. 464-465.
La femme accusée injustement, La femme accusée injustement,
n. 465-466. n. 465-466.
i. Ben Sedira, Cours de littérature
arabe, n* 140 p. 167.
2. Ben Seaira, Cours de lillérature
arabe, n* 146 p. 180.
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
169
HABICHT
T, vm
Abou'l Abbàs el Mobarred, n. 674-
675.
Le roi et la femme veriueuse,
n. 675^76.
La conversion d'un couvent^ n.
676-678.
Abou'Isa et Qorrat el Aïn, d. 678-
682.
Ibrahim b. El Mahdi et El Amin^
n. 682-683.
El Motaouakkel et le remède, n.
683.
Supériorité des femmes, n. 683-
687.
Les cheveux blancs, n. 687-688.
Ali ben Moh'ammed ibn Taher,
n.688.
Histoire d'Abou*l Qina (sic), n.
688.
Histoire du marchand AU TËgyp-
lien, n. 680-698.
BEYftOUT
T. m
Abou'Isa et Qorrat el Aïn, n.
414-448.
Histoire du marchand Ali l'Egyp-
tien, n. 419 434.
La liberté est préférable à tout,
n. 434-436.
Histoire de Téoueddoud, n . 436-
462.
Le roi orgueilleux et Fange de la
mort, n. 462-464.
Dzou'l Qarnaïn et le peuple sau-
vage, n. 464.
Anouchirwàn et son peuple, n.
464-465.
La femme accusée injustement,
n. 465-466.
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170
REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
LE QAIRE
T. n
La femme vertueuse à la Ka'abah,
n. 366-467.
Mâlek ben Dinar, n. 467-468.
Le pieux Israélite récompensé,
n. 468-470 ^
Evasion d'un captif de Hedjâdj,
n. 470-471.
L'homme vertueux el le forgeron,
n. 471-473.
Le dévot d'Israël et le roi, n. 473-
474.
Le mariage céleste, n. 474-477.
Ibrahim ben El Khouas, n. 477-
478.
Les arrêts de Dieu sont impéné-
trables, n. 478-479 \
L'homme pieux et le matelot, n.
479.
La famille miraculeusement réu-
nie, n. 479-481.
Aboul H'asaned Derràdj, n. 481-
482.
Histoire deH'âsebel Kerim fils de
Daniel, n. 482-536.
Voyages de Sindbâd le marin, n.
536-366.
Mousa ben Nos'air et la ville de
cuivre? n. 566-576.
Le roi, son tils et les sept vizirs
(Sindibâd Nâmeh), n. 578-608.
a) L'anneau du roi, n. 579.
b) Le marchand, la femme et le
perroquet, n. 579.
c) Le foulon et son fils, n. 579 '.
BOMBAY
T. n
La femme vertueuse à la Ka'abah,
n. 466.
Màlek ben Dinar, n. 467-468,
Le pieux Israélite récompensé,
n. 468-470.
Evasion d'un captif de HedjÀdj,
n. 470-471.
L'homme vertueux et le forgeron,
n. 471-473.
Le dévot d'Israël et le roi, n.
473-474.
Le mariage céleste, n. 474-467.
Ibrahim ben El Khouas, n. 477-
478.
Les arrêts de Dieu sont impéné-
trables, n. 478-479.
L'homme pieux et le matelot, n.
479.
La famille miraculeusement réu-
nie, n. 479-481.
Abou'l H'asan ed Derràdj, n. 481-
482.
Histoire de Hàseb fils de Daniel,
n. 483-536.
Voyages de Sindbàd le marin, n.
536-566.
Mousa ben Nos'air et la ville de
cuivre, n. 566-568.
Le roi, son fils et les sept vizirs,
n. 578-608.
a) L'anneau du roi, n. 579.
b) Le marchand, la femme et le
perroquet, n. 579.
c) Le foulon et son fils, n. 579.
1. Gor^uos, Cours* (Varabe^ t. II, n* 36 :
Ben Sedira. Cours de littérature arabe^
no 145 p. 179 (très abrégé).
2. Ben Sedira, Cours de littérature
arabe, n» 150 p. 187.
3. Ben Sedira, Cours de littérature
arabe, n° 117, p. 128.
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REVUE DES TRADITIONS POPOLAIRES 174
HABICHT BEYROUT
T. Vin T. m
La femme vertueuse à la Ka'a-
bah, n. 466-467,
Mâlek ben Dinar, n. 467-468.
Le pieux Israélite récompensé,
n. 468-470.
Evasion d'un captif de Hedjâdj,
n. 470-471.
L'homme vertueux et le forgeron,
n. 471-473.
Le dévot d'Israël et le roi, n. 473-
474.
Le mariage céleste, n. 474-477.
Ibrahim ben El Khouas, n.* 477-
478.
Les arrêts de Dieu. sont impéné-
trables, n. 478-479.
L'homme pieux et le matelot,
n. 479.
La famille miraculeusement réu-
nie, n. 479-481.
Abou'l H'asan ed Derrâdj, n. 48t-
482.
^ Histoire de H'aseb el Kerim fils
de Daniel, n. 482-536.
Voyages de Sindbâd le marin, n.
536-566.
Mousa ben Nos'air et la ville de
cuivre, n. 566-568.
Le roi, son fils et les sept vizirs,
n. 578-608.
a) L'anneau du roi, n. 579.
b) Le marchand, la femme et le
perroquet, n. 579.
c) Le foulon et son fils, n. 579.
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172
REVCE DES TRADITIONS P0PCLA1HES
BOMBAY
T. m
d) Le libertin et la femme^ n. 580.
e) Les deux pains, n. 580-581 *.
f) L'écuyer et la jeune femme, n.
581.
g) La jeune fille, le prince et le
vizir, n. 581-582 ^
h) La goutte de miel, n. 582 '.
i) Le dirhem perdu, n. 582.
j) Le prince et le vizir, n. 582-583.
k) Le baigneur, n. 584.
LE CAIRE
T. m
d) Le libertin et la femme, n. 580.
e) Les deux pains, n. 580-581.
fjL'écuyerel la jeune femme, n.
581.
g) La jeune fille, le prince et le
vizir, n. 581-582.
h) La goutte de miel, n. 582.
i) Le dirhem perdu, n. 582.
j) Le prince et le vizir, n. 582-583.
k) Le baigneur, n. 584.
1) Le séducteur et la femme, n.
584-585.
m) L'orfèvre^ et la chanteuse, n.
586587.
n) L'homme qui a cessé de rire,
n. 587-590 ♦.
o) Le prince et la femme du mar-
chand, n. 591-592.
p) L'esclave et la femme de son
maître, n. 592.
q) La femme, le qadhi, le vizir et
le roi, n. 593-596.
r) Les vœux de la nuit d'Elqadr,
n. 596.
s) La pie voleuse, n. 596-597.
t) Les deux pigeons, n. 597 ^
u) La princesse et le fils du roi,
n. 597-598.
v]La vieille et le fils du marchand,
n. 598-602.
1) Le séducteur et la femme, n.
584-585.
m) L'orfèvre et la chanteuse, n.
586-587.
n] L'homme qui a cessé dé rire,
n. 587-590.
o) Le prince et la femme du mar-
chand, n. 591-592.
p) L'esclave et la femme de son
maître, n. 592.
q) La femme, le qadhi, le vizir, et
le roi, n. 593-596.
r) Les vœux de la nuit d'El Qadr,
n. 596.
s) La pie voleuse, n. 596-597.
t) Les deux pigeons, n. 597.
u) La princesse et le fils du roi,
n. 597-598.
v) La vieille et le fils du marchand,
n. 598-602.
1. Cherbonneau, Anecdotes musulma-
nes, Paris, 1847, in- 8, n» 28, p. 19.
2. Ben Sedira, Cours de littérature
arabe, n« 121. p. 132.
3. CherboDDeau, Anecdotes musulma--
nés, n*» 26 p. 17 ; Ben Sedira, Cours de
littérature arabe, n»» 119 p. 130.
4. Bresnier, Anthologie arabe, p. 112.
5. Ben Sedira, Cours de littérature
arabe, n» 132 p. 155.
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 173
HABlèflT BEYROUT
T. vni! T, ni
e) Les deux pains, n. 580.
g) La jeune fille, le prince et le
vizir, n. 581-582.
h) La goutte de miel, q. 582.
j) Le prince et le vizir, n. 582-583.
fj L'écuyer et !a jeune femme, n.
581.
m) L'orfèvre et la chanteuse, n.
585-587.
n) L'homme qui a cessé de rire,
n. 587-590.
p) L'esclave et la femme de son
maître, n. 581-592.
q) La femme, le qadhi, le vizir et
le roi, n. 593-596.
s) La pie voleuse, n. 596-597.
t) Les deux pigeons, n. 597.
u) La princesse et le lils du roi,
n. 597-598.
ij Le dirhem perdu, n. 598.
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174
REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
LE QAIRE
T. ni.
v/) Le fils du roi, la femme et le
génie, n. 602.
X) Le marchand et ses hôtes \
n. 603.
y) Le vieil aveugle *, n. 603-604.
z) L'enfant de trois ans, n. 605.
aa) L'enfant de cinq ans ', n. 605-
606.
Histoire de Djouder le pêcheur *,
n. 606-624.
'Adjib et Gharib S n. 624-680.
BOMBAY
T. ni.
w) Le fils du roi, la femme et le
génie, n. 602.
x) Le marchand et ses hôtes,
n. 603.
y) Le vieil aveugle, n. 603-604.
z) L'enfant de trois ans, n. 605
aaj L'enfant de cinq ans, n. 605-
606.
Histoire de Djouder le pécheur,
n. 606-624.
'Adjib et Gharib, n. 624-680.
O'tbah et Raya, n. 680-683.
Hind et H'adjâdj. n. 68i-6M.
Khozaimah et 'Ikrimah, u. 689^
684 «.
Younès et sa femme, n. 684-685.
Haroun erBachid et la fille arabe,
n. 685.
El Asma'ï et les trois jeunes filles,
n. 686-687.
La vision d'Abou Ish'aq el Maou-
seli, n. 687-688.
Les deux amants 'Odzrites, n.
688-691.
Lafemfiic fiJùle, n. 691-693.
Dhamrah bent El Moghirah, n.
693-695.
Ish'aq el Maouseli, n. 695-696.v^
OHbah et Raya, n. 680-683.
Hind el H'adjâdj ,n. 681-682.
Khozaimah et 'Ikrimah, n. 683-
684.
Younès et sa femme, n. 684-685.
Haroun er Rachid et la fille arabe,
n. 685.
El Asma'ï et les trois jeunes filles,
n. 686-687.
La vision d'Abou Ish*aq el Maou-
seli, n. 687-688.
Les deux amants 'Odzrites, n.
688-691.
La femme fidèle, n. 691-693.
Dhamrah bent el Moghirah, n.
693-695.
Ish'aq el Maouseli, n. 695-696.
1. Ben Sedira, Cours de lilléralure
arabe, no 118, p. 129.
2. Ben Seoira,. Cours de littérature
arabe, n» 144 p. 173.
3. Ben Sedira, Cours de littérature
arabe, n» 122, p. 134.
4. Le texte a été autographié par Hou-
das : Bisioire de Djouder le pêcheur.
2« éd. Alger, 1884, in-12.
5. Le texte a été publié au Qaire,
4* éd. 1297 hég.
6. Bresnier, Anthologie arabe, p. 60.
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AEYl'E DBS TRADITIONS POPULAIRES
ils
HÂBIGHT
T. vin
BEmOUT
T. m.
'Adjib et Gharib, n. 698-735.
Le tome VII finit avec la nuit 103.
x) Le marchand et ses hôtes,
n. 600.
y) Le vieil aveugle, n. 600-603.
z) L'enfant de trois ans, n. 604.
aa) L'enfant de cinq ans, n. 604-
605.
Histoire de Djouder le pêcheur,
n. 606-624.
'Adjib et Gharib, n. 624-680.
Le tome 111 finit avec la nuit 641.
T. rv.
'Otbah et Raya, n. 680-683.
Hind et Hadjâdj, n. 681-682.
Khozaimah et 'Ikrimah, n. 683-
684.
Younès et sa femme, n. 685-686.
La vision d'Abou Ish*aq el Maou-
seli, n. 686-687.
Les deux amants 'Odzrites, n.
687-691.
La femme fidèle, n. 691-693.
Dhamrah bent el Moghirah, n.
693-693.
Ish'aq el Maouseli, n. 695-696.
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176
REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
LE QAIRE
T. ni
Ish'aq et le page, d. 696-697.
Le vizir Abou 'Aniir el Eu Nas'er,
n. 697-698.
BOMBAY
T. m
Ish'aq et le page, a. 696-697.
Le vizir Abou 'Amir et En Na;s'er,
n. 697-698.
Ah'med ed Dânif et Dalilah *,
n. 698-719.
Ah'med ed Dâoif et Dalilah, n.
698-699.
Haïat en Nefous et Ardéchir,
n. 719-738.
Haïat en Nefous et Ardéchir,
n. 719-738.
Histoire de de Bedr Basiin et de
Djaouherah, n 738-756.
Seïf el Molouk et Badi'at el Dje-
mâl, n. 756-778.
Le tome UI finit avec la nuit 789.
T. IV
Histoire de H'asan de BasVah,
n. 778-831.
Khalife le pécheur, n. 831-845.
Mesrour et ZeYn el Meouas^if, n.
845-863 ^
'Ali Noureddin et Marie la Chré-
tienne, n. 863-894 ^
Histoire de Bedr Basim et de
Djaouherah, n. 738-756.
Seïf el Molouk et Badi'at el Dje-
màl, n. 756 778
Le tome IIL finit avec la nuit 778.
T. IV
Histoire de H*asan de BasVah,
n. 778-831.
Khalife le pêcheur, n. 831-845.
Mesrour et Zeïn el Meouas'if, u.
845-853.
'Ali Nourdeddin et Marie la chré-
tienne, n. 863-894.
Es Sa'uli el la femme franque,
n. 894-896.
Mésaventure de deux amants,
n. 896-899.
Histoire du roi Kala'ad et de son
vizir Chimàs, n. 899-930.
a) Le chat et la souris, n. 900-901.
b) Le dévot et le beurre, n. 902.
1. Le teinte a été publié avec des alté-
rations par CherboDueau : Les fourberies
de Dalilah. Paris, 1856, in-12, cf. un arti-
cle de J. Dubeux, Journal asiatique^
sept.-oct. t859, p. 389-391.
2. Publié en Egypte, sans date, in-8.
3. Le texte a été publié au Qaire, 1297,
bég. iD-8.
Es S'aïdi et la femme franque,
n. 894-899.
Mésaventure de deux amants, n.
896-899.
Histoire du roi Kala'ad et de son
vizir Chimàs, n. 899-030.
a) Le chat et la souris, n. 900-901 .
b) Le dévot et le beurre, n. 902.
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
177
HABIGHT
T. IX.
BEYROUT
T. IV
Ish aq et le page, n. 696-697.
Le vizir Abou 'Amir et En Nas'er,
n. 697-698.
Ah'med ed Dàoif et Dalilah,
n. 756-776.
Ah'med et Dànif et Dalilah, n.
^719.
Basim le forgeron et Haroun er
Rachid, n. J19-738 ».
Djouder le pêcheur, n. 776-794.
Histoire de Bedr Basim et de
Djaouherah, n. 794-811.
Le tome IX finit avec la nuit 799.
T. X
Histoire de Bedr Basim et de
Djaouherah, n. 738-756.
Seïf el Moiouk et Badinât el Dje-
mal, n. 756-778.
Histoire de H'asan de Bas'rah,
n. 778-831.
Mesrour et Zeïn el Meouas'if, n,
812-832.
Ali Nouréddin et Marie la chré-
tienne, n. 832-862.
' Es Sa*'idi et la femme franque,
n. 862-867.
Khalife le pécheur, n. 831-850.
Ali Nourdeddin et Marie la chré-
tienne, n. 850-894.
T. V
Es Sa'ïdi et la femme franque,
n. 894-896.
Mésaventure de deux amants, n.
896-899.
Histoire du roi Kaia*ad Djalaâd et
de son vizir Chimâs, n. 899-930.
a) Le chat et la souris, n. 900-901
b) Le dévot et le beurre, n. 902.
lOVB XU — HARS-AVBIL 1896.
1. Deux textes de ce conte ont été
publiés par M. de Landbcrg: Bâsim le
forgeron et Hâroun er Hachid. Leyde,
1888, in-8.
J2
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178
REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
LE QAIKE
T. rv
cj Les poissons et Técrevisse^
n. 903.
d) Le corbeau et le serpent, n.903-
904.
e) Le renard et Tonagre, n. 904-
905.
f) Le roi et le dév6t, n. 906-906.
g) Le faucon et les corbeaux,
n. 906-907.
h) Le sorcier, sa femme et ses
enfants, n. 907.
i) L'araignée et le vent, n. 908.
j) Le roi juste et le tyran, n. 909-
910.
k) L'aveugle el le paralytique^
n. 910.
1) Le lion et le chasseur, n. 911.
m) L*homme et le poisson, n. 918.
n) Le garçon et les voleurs, n.
918-919.
o) Le jardinier et sa femme, n 919-
920.
p) Le marchand et les voleurs,
n. 920.
q) Le renard, le lion et le loup,
n. 921.
r) Le berger et les voleurs, n.
921-922.
s) Le francolin et les tortues,
n. 924.
Histoire d'Abous'ir et d'Abouqir,
n. 930-940 *.
BOMBAY
T. rv
c) Les poissons et Técrevisse,
n. 903.
d) Le corbeau et le serpent, n.903-
904.
c) Le renard et l'onagre, n. 904-
905.
f) Le roi et le dévot, n. 305-906.
g) Le faucon et les corbeaux,
n. 906-907.
h) Le sorcier, sa femme et ses
enfants, n. 907.
ij L'araignée et le vent, n. 908.
j) Le roi juste et le tyran, n. 909-
910.
k) L'aveugle et le paralytique,
n. 910.
l) Le lion et le chasseur, n. 911.
m) L'homme et le poisson, n. 918.
n) Le garçon et les voleurs, n. 918-
919.
o) Le jardinier et sa femme, n.
919-920.
p) Le marchand et les voleurs,
n. 920.
q) Le renard, le lion et le loup,
n 921.
a) Le berger et les voleurs, n,
921-922.
s) Le francolin et les tortues,
n. 924.
Histoire d'Abous'ir et d'Abouqir,
n. 930-940.
'Abdallah de terre et 'Abdallah de 'Abdallah de terre et 'Abdallah
mer, n. 940-946. de mer, n. 940-946.
4. Le texte de ce conte a été publié
avec une traduction française par Richert :
Conte d'Abousir et (VAboukir, Alger, 1876,
in-8.
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
179
HABICHT
T. X
BEYROUT
T. V
c) Les poissons et récrev'sse, n.
903.
d) Le corbeau et le serpeut, n.
903-904.
e) Le renard et Tonagre, n. 904-
905.
f) Le roi et le dévot, n. 905-906.
g) Le faucon et les corbeaux,
n. 906.
h) Le sorcier, sa femme et ses
enfants, n. 907.
i) L'araignée et le vent, n. 908.
j) Le roi juste et le tyran, n. 909-
910.
k) L'aveugle et le paralytique»
n. 910.
1) Le lion et le chasseur, n. 911.
m) L'homme et le poisson, n.918.
n) Le garçon et tes voleurs, n. 918-
919.
Histoire d'Abous'ir et d'Abouqir,
n. 867-877.
Le tome X finit avec la nuit 870.
T. XI
'Abdallah de terre et 'Abdallah
de mer, n. 877-884.
p] Le marchand et les voleurs,
n. 920.
q) Le renard, le lion et le loup,
n. 921.
tI Le berger et les voleurs, n.
921-922.
s) Le francoliu et les tortues,
n. 924.
Histoire d'Abous'ir et d'Abouqir,
n. 930-940.
'Abdallah de terre et 'Abdallah
de mer, n 940-946.
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180 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
LE CAIRE BOMBAY
Haroun er Rachid et ErOmâni, Haroun er Rachid et El'Omâni,
D. 946-952. n. 946-952.
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REVCE DES TRADITIONS POPULAIRES
i8^
RABICHT
Histoire du roi Chadbakht et de
son vizir Er Rahouan, n. 884-930.
a) Le Khorassanien, son lîls et le
maître d'école, n. 886.
b) Le parfumeur et le riche, n.
888-891.
c) Le roi connaisseur de bijoux,
n. 891-892.
d) L'ouvrier dont le cheïkh épou-
sa la fille, n. 892-893.
e) Le sage et ses trois fils, u. 893-
894.
f) Le roi amoureux d'un portrait,
n. 894-896.
g) Le foulon, sa femme et le sol-
dat, n. 896.
h) Le marchand, la vieille et le
roi, n. 897-898.
i) Le sot qui s'impose ce qui ne
le regarde pas, n. 898.
j) Le roi et le percepteur de la
dlme, n. 899.
k) Le voleur qui fit l'aumône, n.
899-901.
1) Les trois individus et Jésus, n.
901.
m) Le roi qui recouvra son royau-
me, n. 901-903.
n) L'homme victime de sa pré-
caution, n. 903-904.
o) L'homme qui donna sa maison
et sa nourriture à quelqu'un qu'il ne
connaissait pas, n. 904-905.
p) Le sot qui perdit sa fortuna et
sa raison, n. 905-906.
T. XI
q) Khiblis, sa femme et le savant
n. 906.
r) La femme vertueuse injuste-
ment accusée, n. 907-909.
BEYROUT
Haroun er Rachid et El'Omâni,
n. 946-952.
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18â
REVUE DÈS TRADITIONS POPlTLAlRlSS
LE QAIRE
T. IV
BOMBAY
T- V
El Khorassàai et El Mo'tadhed, n.
959-963 *.
Le marchand 'Abder Rah'man et
soD fils Qamar ez Zamàa, n. 963-
978 «.
El Khorassàai et El Mo'tadhed^ n.
959-963.
Le marchand 'Abder Rah'man et
son fils Qamar ez Zamàn, n. 763-
978.
1. Ce conte a été publié par Rosegar-
ten, Chrestomatia arabica, Leipzig, 1828,
in-8, p. 1t21.
2. Le texte a été publié au Qaire 1299,
hég. in-8.
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REVUE DES TRADITIONS POPULâIRBS
483
HABICHT
T,XI
s) Le mercenaire et la femme
dont il fendit le venlre, n. 909.
t) Le médecin malgré lui, n. 909-
911.
u) Les deux filous qui se trompè-
rent mutuellement, n. 911-916.
v). Le faucon et la cigale, n. 916-
917.
w) Le roi et la femme du cham-
bellan, n. 917.
x) La vieille et la femme du fau-
connier, n. 917-918.
y] La belle femme mariée à un
homme laid, n. 918-919.
z] Le roi qui perdit tout et recou-
vra tout, n. 919-922-
aa) Le jeune homme du Khoras-
sàn, sa mère et sa sœur, n. 922-
928.
bb) Le roi de Tlnde et son vizir
envié, n. 928-929.
Histoire du roi Rokn eddin Beï-
barSj Bondoqdar et les seize séan-
ces, n. 929-940.
Haroun er Rachid et Tohfat el
Qoloub, n. 940-957.
Le tome XI finit avec la nuit 951.
BEYROUT
T. rv
T. xn
Aboul H'asan de Damas et son fils
Nour eddin Ali, n. 958-965.
ElKhorassàni et El Mo'tadhed, n.
959-963.
Le marchand Abder Rah'man et
son fils Qamar ez Zamàn, n. 963-
978.
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184 REVDÊ DES TRADITIONS POPULAIRES
LE QAIKB BOMBAY
Tome IV Tome . IV
Histoire de 'Abdallah ben El Histoire de 'Abdallah ben El
Fadhel, d. 978-989. Fadhel, n. 978-989.
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
183
HABÏCHT
TomeXn
La lille du roi 0ns ben Qaïs et le
fils du roi EFAbbâs, n. 965-978.
Le roi, son fils et les sept vizirs,
n. 978-iOOi.
a) Le roi et la femme du vizir, n.
980-981.
bj Le marchand, sa femme et le
perroquet, n. 981-982.
c) Le foulon et son fils, n. 982.
d) Le libertin et la femme, n.
982-984.
e) Les deux pains, n. 984.
f) L'écuyer et la jeune femme, n.
984-985.
g) La jeune fille, le prince et le
vizir, n. 985.
h) La goutte de miel, n. 986.
ij Le dirhem perdu, n. 986.
j) Le prince et le vizir, n. 986-
988.
k) Le baigneur, n. 988-989.
1) Le séducteur et la femme, n.
m) L'orfèvre et la chanteuse, n.
989-991.
n) L'homme qui a cessé de rire,
n. 991-993.
o) Le prince et la femme du mar-
chand, n. 993.
p) Les souhaits de la nuit d*Ël-
qadr, n. 993-994.
q) La pie voleuse, n. 994.
r) La princesse et la fille du roi,
n. 994-995.
s) La vieille et le fils du mar-
chand, n. 995-998.
t) Le marchand et ses hôtes, n.
998.
BEYROUT
Tome V
Histoire de 'Abdallah ben
Fadhel, n. 978-989.
El
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186 Revue des traditions populaires
LE Q\IRE BOMBAY
T. IV T. IV
Le savetier Ma'rouf, n. 989-1000. Le savelîer MaVouf, n. 989-1000.
Conclusion des Mille et une Nuits», Conclusion des Mflle et une nuits,
n. 1001. n. 1001.
1. Ben Sedira, Cours de littérature
arabe ^ n» 156^ p. 200.
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REVCJÊ DES TRADITIONS POPULAIRES
187
HABICHT
T. xn
u) Le vieil aveugle, n. 998.
y) L'enfant de trois ans, n. 998-
999.
x) L'enfant de cinq ans, n. 999-
iOÛO.
y) Le renard qui fait le mort, n .
1000.
Les deux rois, leurs deux femmes
et les deux fils du vizir, n. 1001.
Aventure d'un Khalife, n. 1001.
Aventure d'El Mamoun, n. 1001.
Conclusion des Mille et une nuits,
n. 1001.
BEYROUT
T. V
Le savetier Ma'rouf, n. 989-1000.
Conclusion des Mille et une nuits,
n.lOOl.
René Basset.
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488 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
LES MÉTIERS ET LES PROFESSIONS
LXXII
CRIMES PROFESSIONNELS
Pâtissiers^ charcutiers et aubergistes assassins
^^^^-^ ES légendes de pays divers accusent des aubergistes d'assas-
siner les voyageurs pour s'emparer de leurs dépouilles. Le
CJI^ crime est ordinairement puni par la victime qui hante le lieu
où elle a succombé, et dénonce les coupables à quelque
voyageur plus hardi que les autres, qui n*a pas craint de cou-
cher dans la chambre hantée ; les annales judiciaires montrent
d'ailleurs que ces assassinats, assez fréquents autrefois, surtout dans
les auberges isolées, se sont encore produits de nos jours.
La complainte de saint Nicolas et des trois petits enfants mis au
saloir conserve le souvenir de l'époque où Ton assurait que certains
bouchers mettaient en vente de la chair humaine. A Paris même,
une maison de la rue des Marmouzels, avait été démolie, disait-on,
à la suite d'une série de crimes de ce genre ; j'ai rapporté dans mes
Légendes et curiosités des métiers, (les Pâtissiers) les diverses ver-
sions qui couraient à son sujet ; Tune d'elles où un barbier coupe le
cou à ses clients et livre ensuite leurs cadavres à un pâtissier dont
la cave est contiguë à la sienne, ressemble par certains côtés à la
légende liégeoise qu'on trouvera ci-après; il est possible que celle-ci
soit tronquée, et qu'on ait raconté autrefois que ce barbier-auber-
giste servait à ses hôtes la chair des voyageurs.
On reprochait jadis aux charcutiers bien des méfaits profes
sionnels ; on allait même jusqu'à les accuser de mélanger de la chair
humaine à la viande de porc. Une satire du temps, dit M. Henri
Bouchot, montre un gai convive soulevant son bonnet devant un
plat de charcuterie, et récitant dévotement un Requiem en Thonneur
du chrétien qui pouvait dormir là son dernier sommeil. Une con-
damnation célèbre avait répandu dans le peuple cette croyance
monstrueuse que des charcutiers faisaient cuire des petits enfants
volés à leurs mères. [Histoire anecdoiique des métiers avant la Hévo-
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RKVDE DES TBADITIONS POPULAIRES 489
lution p. 60). Je ne connais pas ]e procès auquel il est fait allusion ;
mais on racontait naguère dans le quartier Saint-Sulpice, qu*un
charcutier avait jadis égorgé de petits enfants, et qu'une femme,
trouvant un petit doigt dans une saucisse, avertit la justice qui
arrêta le coupable. Peut-être ce récit se rattache-t-il au procès dont
parle M. Henri Bouchot. Un de mes amis m'a dit avoir vu autrefois
une image qui représentait le charcutier en train d'égorger un
enfant. Sans doute quelques-uns de nos lecteurs pourront nous
renseigner à ce sujet et nous citer des variantes des divers récits où
figurent bouchers, pâtissiers ou charcutiers ayant vendu la chair des
victimes qu'ils avaient égorgées.
P. S.
Le barbier assassin
LÉOENDE LIÉOBOISB
Aux confins des communes de Jalhay (prov. de Liège) et de
Membach s'élevait la « Petershaus », traduction du vallon Mohôn
Piette, maison de Pierre. — Aujourd'hui il n'y a plus là traces
d'habitation.
D'après la légende, le maître de l'établissement — un cabaret —
faisait l'office de barbier, et égorgeait les voyageurs au lieu de se
contenter de les raser.
Un certain jour, un cavalier entra chez lui laissant sa monture
à la porte; à un moment où le rasoir s'apprêtait à faire une
nouvelle victime, l'enfant du barbier — un enfant terrible comme
il s'en rencontre partout — ne put s'empêcher de s'écrier:
— Fré-v' co fé on si laid visedge à civolà qu'à l'autre ?
« Allez-vous faire encore un si laid visage à celui-ci qu'à l'au-
tre? »
Cet autre n'eut pas de successeur: le nouveau venu, bon enten-
deur, trouva son salut en prétextant des coliques de son cheval, et
en laissant à Tintérieur, pour ne pas éveiller les soupçons, cravate
et chapeau. Il promena son cheval en tous sens, pendant que
les gens de la maison l'examinaient du seuil : soudain sautant en
selle, il descendit la Fagne...
Des coups de fusil tirés sur lui ne l'atteignirent pas et il alla
dénoncer le fait aux autorités de Jalhay qui trouvèrent l'enfant révé-
lateur à moitié carbonisé dans un four, ainsi que des cadavres et
des ossements.
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190 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
Le procès des habitants de la chaumière ne fut pas long, un brin
de chanvre les débarrassa bientôt des soucis de Texistence.
Le voyageur égaré qui s'aventurerait le soir dans ces parages,
entendrait bientôt des gémissements et pour peu qu'il ne hàtàt point
pas, il se verrait poursuivi par un fantôme blanc, armé d'un énorme
rasoir. Aussi cet endroit est-il Tobjet d'une terreur universelle.
Alfred Harou
LXXIll
MÉTIERS DE FORCE EXERCÉS PAR DES FEMMES
Les Bo ter esses
Liège a été surnommée avec raison Tenfer des femmes, car. dans
peu de pays les femmes travaillent autant que dans cette ville.
La Boteresse est une femme de peine, rude à la besogne^ d'un cœur
excellent, mais assez peu retenue dans ses expressions.
On l'emploie à confectionner les <c plaquis » *, dans les rues et les
« hoché » (mélange de charbon et de glaise, façonné dans un moule
et ayant la forme d'une brique) dans les caves ou dans les cours des
habitations.
Aux environs de la ville, la Boteresse porte la hotte et s'en sert à
différents usages. Dans les endroits très montagneux, où la brouette
et le chariot auraient peine à atteindre^ c'est à la hotte de la boteresse
qu'on a recours pour porter les engrais.
X (suite)
COMMENCEMENT ET FIN d'uN OUVRAGE
Avant de commencer un ouvrage quelconque, les ouvriers des
environs de Liège disent: « Allons, houtans icougnèye; » ce qui
pourrait se traduire librement en français : Prenons la cognée, met-
tons la cognée à l'arbre.
Les ouvriers, lorsqu'ils ont dépensé de grands efforts physiques
dans un travail^ disent à la fin, comme cri de joie : « c^est d'à nosse »
(c'est à nous). Ils prononcent ces mots lorsque l'ouvrage s'est
terminé heureusement.
1. Chaque habitant, à Litige et a Namur, fait confectionner son « plaqui$ »,
^élange de charbon, d'eau et de glaise) devant 9a demeure, dans la rue. Les
Boieresses^ les mains sur les hanche?, piétinent cette p&le jusqu'à ce que le mé-
lange se soit bien opéré.
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REVUE DES TBADITIONS POPULAIRES 191
XI
MÉTIERS PARIAS {suile)
Fripiers
A Liège, derrière l'Eglise S'-Aiitoine, autrefois des Mineursy il y a
une rangée d'échoppes. C'est le quartier général des fripiers.
Lorsqu'on veut dire de quelqu'un qu'il a une existence probléma-
tique, on dit qu'il vend des chats borgnes, derrière les Mineurs.
XXI {suite)
CRITERIUM DE CAPACITÉ PROFESSIONNELLE
Armuriers
Voici un dicton très répandu parmi les armuriers de Liège :
I n'y a nolle armuri
Qui k'nohe tôt Tmesti.
a II n'y a aucun armurier qui connaisse tout le métier ».
Cela tient à l'extrême division du travail des armuriers, qui fait
que les ouvriers ont chacun une spécialité et ne s'occupent que de
telle ou telle pièce et non de toutes.
{BulL soc, liég. de litt. Wall. 2' série XIX, p. 220).
LXXI (suite)
LES MARCHANDS
Formules à employer pour recevoir gratis
Quand on implore un négociant ou un pharmacien avec cette formule :
A r honneur de Dieu et de la Vierge » il doit livrer gratuitement
l'objet demandé qui, sans cela, n'opérerait pas. On lui demande
parexemple du iai^d (pour le mal de gorge), du levain (entre dans la
composition de remèdes contre la fièvre lente), etc.
{Bull. Soc. Li(^g. de litt. wall. g'' série, t. 16. p. 108).
Alfred Harou.
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192 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
LXI (suite)
CRTS DES RUES
Paris
Le Marchand de dessus de fers à repasser
C'est moi qui Tai faite (sic),
C'est moi qui les vends.
C*est ma p'tit femme qui boulotte la galette.
C'est pas la peine de s'en passer
On peut bien boire un demi-s'tier.
C'est moi qui les fait,
C'est moi qui les vends.
C'est ma p'tite femme qui boulotte le poignon.
(Marchand de menus objets). — Les rais, les rats de cave deux sous,
la mine de plomb, le s'on (savon) minéral, deux sous, les rats de cave !
(Marchand de portefeuilles, Boulevard Saint-Michel). — La ser-
viette, un franc, les jolies serviettes !
Paul-Yves Sébillot.
Paris-Montrouge
— V'Ià le marchand d'gras double; j'ai des pieds de veau, de la
tête de veau toute cuite !
— Du lait pur, six sous un litre !
— Le marchand de poires cuites au four.
Est là autour, tout àl 'entour.
— Des plats, des jolis plats ! carrés longs et ovales î
— Cop ! cop! copeaux de chêne !
— Marchand d'habits! chiffons! ferraille à vendre!
— Faut-il du cirage à deux sous la boîte!
— J'ai des aiguilles, du fil, du coton, de la laine, des lacets
— Voilà l'marchand dlunettes !
— Treize sous les foulards î
— Faut-il des bonnets de coton!
P. T.
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JVEVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 193
Le marchand de berlingot de Strasbourg
(i A deux liards le berlingot. Il n'y arien au-dessus pour le rhume,
Testomac, la poitrine ! »
Telles sont les paroles qui retentissaient dans les rues de Stras-
bourg entre 1838 et 1848 et qui étaient lancées par la voix grasse-
yante d'un grand homme k l'air paterne et respectable. Si Ton en
croit un biographe, Mathieu-Jérôme Xavier Dieudonné naquit au châ-
teau de Berlingot en Bretagne, fils de Dieudonné marquis de Berlin-
got, issu d'unedes familles les plus anciennes de France. Dèsson bas
âge, Jérôme annonçait les plus heureuses dispositions... à ne rien
faire. Il se décida un beau matin à quitter la maison paternelle et
suivit la route de Paris où il arriva aussi raddé qu'avant. S'étanl
arrêté devant un magasin de sucreries, il y entra et demanda au
propriétaire de l'admettre en condition chez lui. Bientôt on fut d'ac-
cord et dès le lendemain le jeune marquis fut installé au milieu des
biscuits et des croquants.
Au bout de trois ans son maître lui offrit la main de sa fille et son
magasin parfaitement achalandé, Berlingot accepta l'un et l'autre,
mais au milieu de ses occupations une pensée l'obsédait.
Ne serail-il pas possible, se disait-il sans cesse, de fabriquer une
papillote bonne contre toutes les maladies et dont la douceur cache-
rait les vertus médicinales? La trouvaille fut faite et reçut le nom
de Berlingot. Mais tout entier à sa découverte, le marquis avait
déserté son magasin et lavait abandonné à des serviteurs infidèles
qui s'enrichirent à ses dépens. La ruine vint, le marquis résolut
(ilors de quitter la capitale et de s'établir dans une ville de province,
il choisit Nancy où il arriva en 1832, mais il n'y fut guère plus
heureux qu'à Paris. En 1835 il échoua à Strasbourg et alors on vit
un vifMllard, allant comme les saints apôtres de ville en ville, et
montrant d'une voix haute et sonore les merveilleuses vertus du
berlingol, à deux liards, rien au-dessus pour le rhume, l'estomac
la poitrine.
P. RiSTELHUBER.
Rouen
MARCHAND DE GUIMAUVE
Un nommé Ambroise Selmis, qui était une des physionomies popu-
laires de Rouen, est mort cette année.
Tout le monde connaissait à Rouen ce petit bonhomme, marchand
TOMK XI. — MARS-AVRIL 1896. i3
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194 BEVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
de guimauve, qui, chaussé de belles bottes à récuyère, le chef orné
d'une calotte enrubannée, sa boite en cuivre toujours brillante,
remplie de bâtons de guimauve^ parcourait les rues en chantant
d'une voix retentissante les couplets suivants, dont les rîmes, sans
être riches, étaient souvent bizarres.
Voici, du reste, certains couplets que les Rouennais ont maintes
fois entendus :
La dame d'en haut,
La dame d'en bas,
Venez avec vos assiettes et vos plats,
Et le marchand vous servira
La gui, gui, la gui, gui, la guimauve;
Accourez tous, petits et grands.
De la guimau/e en voilà le marchand.
Au chocolat,
Pour les avocats.
A la liqueur,
Pour les imprlmeu rs.
A la vanille,
Pour les jolies Ûlles.
Au citron.
Pour les garçons.
A la chartreuse,
Pour les blanchisseuses.
A la gomme.
Pour les petites bonnes.
Voilà la gui gui, la guimauve I
De la guimauve en voilà le marchand !
Bon pour le rhume,
Bon pour la toux.
P&te de guimauve
Qui guérit tout !
A la réglisse,
Pour les nourrices.
Au chocolat,
Pour combattre Tinfluenza !
Réveil de Cherbourg^ février 1896.
Loudéac
Eugène Vimont.
Au temps des semailles, un marchand criait par les rues :
t A la graine de choux et de uaviaux (navets). Qu'en veut parla! »
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REVUE DBS TRAOITIO.NS POPULAIRES 195
Saint'BHenc
Un marchand de pâte de guimauve chantait :
A la p&te de guimauve !
J)eux sous le bàtoo,
La faridondaioe,
La faridoodon.
En voilà pour les papas,
A la menthe pour les mamans.
K. la vanille pour les jeunes filles,
Au citron pour les garçons
Contentez-les donc.
Un marchand de chiffons et de peaux de lapins criait :
• Ty a pas d'pîaux à vendre par là! Piaux de lièv'es, piaux de
lapins, et de tout ce qui s'écorche I »
M"* Louis Texier.
Belgique wallonne
A la fête de Sainte Balbine, à Liège, les marchands de petits pains,
crient:
« Haie ! mes bais pissants toriai ! »
Ce qui signiûe : « Allons mes beaux appétissants tourteaux ! »
(Bovy, t. I, p. 71-73).
Jadis vers la Sainte-Anne, les Ardennais venaient crier dans les
rues de Vervi'^rs (province de Liège : « A deux cent et (Tmeye les
galets d^Aywaille » (à deux censés et demi les galettes d*Aywaille
(village du Luxembourg).
La galette a la forme carrée ou arrondie, elle se fait avec de la
pâte. On inserre entre les couches de pÀte soit des cerises, soit des
prunes^ soit diverses confitures.
Il y a une cinquantaine d'années, un marchand d'oubliés (pâtisse-
rie fort mince) établi à Liège et d'origine française, vendait sa
marchandise dans les rues, aux cris de :
€ Et rvoilà Tmarchand d'oubliés ! V'ià Tmarchand déplaisir, mes-
« dames I Ils sont tout chauds et tout croquants, achetez-les moi, je
ff vous les vends. Voilà les oublies à une censé la pièce ! »
C'est de cet industriel que procèdent les boulangers Liégeois
quand ils disent des pains : « Ils sont tout chauds, tout croquants,
ils sortent du four du marchand ».
(Bull, soc. liég. de litt. wall. t. 21, p. 277).
Alfred Harov.
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196 REVUE DES TKADlTlOiNS POPULAIRES.
LA CHANSON DE RENAUD*
II
o.\ étude sur la chanson de Renaud était sous presse
quand, dépouillant les « Nyare Bidwg iill Kœnnedom om
(^ de Svenska Landsmaalen ock sveyiskt folklif », j*y trouvai
(Année 1894, B. 52* fasc, p. 369), la chanson suivante, qui
semble être tout à l'appui de mon hypothèse : que c'est
d'un fait réel et purement humain qu'est née l'aventure du roi
Renaud.
Qu'on en juge :
a Ebbe fit un rôve la nuit, dans le lit où il était couché; et, le
lendemain matin à son réveil, il le raconta à sa mère.
— A tort et par grande fausseté, ils ont pris la vie à Ebbe !
« Il m'a semblé que mon manteau bleu était devenu noir, cl les
oiseaux qui étaient au bois, tous, ils me disaient bonne nuit.
— A tort et par grande fausseté, ils ont pris la vie à Ebbe !
« — Ne va pas au bois des roses chasser les bétes ni la biche !
Reste plutôt k la maison à causer avec ta fiancée. »
— A tort et par grande fausseté, ils ont pris la vie à Ebbe !
Mais Ebbe jugeant indigne d'un chevalier de s'inquiéter de vains
rêves, monte sur son cheval rouge et, malgré les avertissements
de sa mère, le voilà parti.
A peine arrivé au bois, il y fait la rencontre de son meurtrier.
« Où est ton faucon, o(i est ton chien? Où sont tes hardis compa-
gnons? Comment chevauches-tu tout seul par la lande verte?
— A tort et par graade fausseté, ils ont pris la vie à Ebbe !
« — Mon chien est au bois des roses, à chasser les animaux sau-
vages et les chevreuils ; et quelques-uns de mes compagnons sont
sur la mer salée et fendent les flots bleus.
— A tort et par grande fausseté, ils ont pris la vie à Ebbe.
« — Mon chien est au bois des roses à chasser les animaux sau-
vages et les biches, et quelques-uns de mes compagnons sont à la
maison qui veillent sur ma fiancée.
1. Cf. t. XI, p. 66.
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REVUE DES TRADITIONS POPILAlRÉS i 97
— A tort et par grande fausseté, ils ont pris la yîe à Ebbe. »
Avec la lance, avec Tépée ils Tassaillent et retendent bientôt
mort sur le sol.
« Ils ramassèrent les vêtements d'Ebbe, ils étaient si lourds de
sang I Et puis, ils laissèrent son bon cheval courir tout à travers la
verte forêt.
— A tort et par grande fausseté, ils ont pris la vie à Ebbe.
« Le cheval s'encourut à récurie où il avait l'habitude ; et dehors
se tient la mère d*Ebbe, et elle Taperçoil.
— A tort et par grande fausseté, ils ont pris la vie à Ebbe.
« Malheur à celui qui t'a dessellé I Que Dieu'ait pitié de celui que
tu portais ! Que Dieu sauve ton àme, Ebbe Tyckeson, toi, qui étais
un si hardi compagnon I
— A tort et par grande fausseté, ils ont pris la vie à Ebbe.
t C'était la mère d'Ebbe. Elle était habillée de brocart et de peau
d'hermine ; elle monte dans la chambre à coucher, trouver belle
Adeline.
— A tort et par grande fausseté, ils ont pris la vie à Ebbe. »
D'abord elle cherche à la préparer à la terrible nouvelle. Mais
Adeline, dont les joues ont soudain pâli, veut, sans plus tarder,
savoir la vérité.
a Que répondit la mère d'Ebbe — les larmes lui coulaient sur les
joues — : C'est Ebbe Skemmelson, le fîlsbien-aimé de ma sœur! »
— A tort et par grande fausseté^ ils ont pris la vie à Ebbe !
u Les uns creusèrent la fosse; les autres allumèrent les flam-
beaux, et fière Adeline était assise et tant elle pleurait Ebbe !
— A tort et par grande fausseté, ils ont pris la vie à Ebbe I
« Malheur à toi, Ebbe Tyckeson, qui devais revenir à la maison !
Ta mère vient d'avoir un si grand chagrin^ à cause du filsbien-aimé
de sa sœur.
— A tort et par grande fausseté, ils ont pris la vie à Ebbe.
« Que répondit la mère d'Ebbe — elles larmes lui coulaient sur
les joues — : Lève-toi, fière Adeline, et reconnais ton fiancé ! »
— A tort et par grande fausseté, ils ont pris la vie à Ebbe I
Le lendemain matin il y avait trois cadavres dans la maison
d'Ebbe.
« L'un était Ebbe Tyckeson et l'autre sa mère ; le troisième étai
sa fiancée: de chagrin elles étaient mortes.
— A tort et par grande fausseté, ils ont pris la vie à Ebbe!
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198 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
Ce sujet est évidemmeat celui de la chanson de Renaud et de la
« vise » d*01af ; les moments principaux en sont les mêmes : pres-
sentiment de ta mère qui ne veut pas laisser partir son fils ; ren-
contre au bois de qui lui donne le coup mortel ; retour du cheval
avec ou sans son maître — on peut croire que les meurtriers ont
chargé sur le dos du cheval le corps ensanglanté d^Ebbe ; désespoir
de sa mère à qui incombe la dure mission d'informer la fiancée du
malheur qui les frappe ; précautions prises pour annoncer cette
nouvelle ; le dénoûment, enfin : trois cadavres.
Or. cette chanson se trouve dans un recueil appartenant à dame
Barbro Margrelka Baner, et qui remonte au milieu du XVII* siècle.
A cette époque donc il y avait dans les pays Scandinaves une ver-
sion de la chanson d*Olaf où manquait tout l'élément mystérieux.
Est-ce Tœuvrede quelque rationaliste qui, sur un thème populaire,
a refondu un sujet nouveau, en éliminant les parties superstitieuses?
il y a trop de détails différents pour qu'on le puisse supposer; et
rien, en somme, ne semble indiquer qu'il y ait eu traduction libre,
ni même imitation. Pourquoi cela ne pourrait-il pas être plus tôt
encore la souche primitive, du moins le rejeton le plus direct qui
en soit sorti ?
En tous les cas, même dans la première hypothèse, il serait
curieux qu'au XVII* siècle, déjà, on eût songé à Torigine purement
humaine et vécue d'une aventure aussi mêlée de fantaisie que celle
d'Olaf : et cela seul prouverait en faveur de ma théorie.
Léon Pineau.
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BEVCE DES THADITIONS POPULAIRES 199
LES EMPREINTES MERVEILLEUSES
ex
LE SABOT d'eL MÂCOHOUR
ans le pays de Madian, à Tendroit appelé Mah'atlat el H'isan
(la station de V étalon), on aperçoit sur des rochers des
empreintes assez semblables à celles des sabots d'un chçval
ce serait celles d'un célèbre étalon qui aurait vécu avant
l'islamisme '.
CXI
LES ÉPERONS DE SIDI ABDALLAH
Sidi *Abd Allah ben Djàfer est encore de nos jours le héros des
traditions populaires de TEst de TAlgérie, relatives à la conquête
arabe '. Dans TAouras on montre encore sur un rocher la trace des
éperons de Sidi Abdallah^.
CXII
LE PIED DE JÉSUS-CHRIST
Kn descendant de la porte du Temple, murée par les Turks, dans
la vallée de Josaphat « on trouve au fond de la vallée une grande
pierre fort dure, sur laquelle on voit plusieurs marques que Ton peut
prendre pour des empreintes de pieds. Les Moines disent que ce
sont celles des pieds de notre bienheureux Sauveur, lorsqu'après
avoir été arrêté, il fut entraîné au Tribunal de ses persécuteurs
sanguinaires » ^.
1. Suite, Toir t. X, p. 669.
2. Burtoo, The land of Midian revuited, Londre», 1879, 2 v. in-8, t. Il, p. 54.
3. Cf. dans mes Contes populaires berbères (Paris, 1887, in-18, jés. n. XXI II,
Conquête de Conslantine par les Arabes, p. 46-47.
4. Masqiieray, Voyage dans VAouras, Bulletin de la société de Géographie de
Pfiris, juillet, 1876, p. 43.
5. Alaundrell, Voyage d'Alep à Jérusalem^ Utrecbt, 1705, in-12, p. 73.
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âOO REVUE DES TRADITIONS POPrr.AlRlîS
CXIII
LA PIERRE DE STOLZENHAGEN
Près du lac de Wandelitz, sur le territoire de StolzeohageD, dans le
baîllage de MQhlenbek, se trouve une pierre gigantesque, sortant
de terre à la hauteur d'un pied, et sur laquelle on voit l'empreinte
d'une très grande main dont on distingue nettement les cinq doigts.
Les habitants de Wandelilz racontent que dans les temps anciens,
un géant souleva cette pierre de ce ciMé-ci du lac, et comme preuve
de sa force, y imprima ses cinq doigts'. Une pareille tradition existe
relativement à des marques semblables sur des pierres à Pétersbourg
et à Wettin et sur celle de Sonnewitz, où Ton voit encore l'em-
preinte de deux mains ^.
CXIV
LA CEINTURE DE LA VIERGE
ff Proche du pied de la montagne (des Oliviers), il y a une grosse
pierre où l'on dit que la bienheureuse Vierge laissa tomber sa cein-
ture après son Assomption, pour convaincre saint Thomas qui eut
encore une attaque d'incrédulité en cette occasion. On voit sur cette
pierre l'empreinte, que fit cette ceinture en tombant, laquelle on
montre à tous ceux qui doutent de la vérité de l'histoire de cette
assomption. » '.
cxv
LA PIERRE DE REIDENITZ
Dans le baîllage de Zehden en Prusse, près du village de
Reidenitz, il existe, sur le sommet d'une montagne, une très grosse
pierre portant l'empreinte du pied gauche d'un enfant de dix ans,
dont les doigts sont très profondément gravés. Toutefois la tradition
populaire est muette à ce sujet*.
René Basset.
1. Beckraaun, Beschreibung der Mark Brandenhurg^ l»"» parUe, p. 776, cité par
Grasse, Sagenbuch des preuimchen Staates Glogau, s. d., 2 vol. iq-8, t. I, § 76,
p. 90.
2. Ureyhaupt. SaaUreis, !•■• partie, p. 650. cité par Grasse loc. laud.
3. Alaundrcll, Voyage d'Alep à Jérusalem, p. 176-177.
4. DeciduaDn, Beschreibung der Mark Brandenburg ^ p. 176-177. 1" partie p,
175, cité par Grasse, Sagenbuch des preussischen Staates, t. 1, § 78, p. 90.
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REVnÉ DES TRADITIONS POPULAIRES
201
COUTUMES SCOLAIRES
VIII
ORDALIES ENFANTINES
Tanligaies dans le Hainaut, lorsque les enfants font des
échanges avec leurs camarades, ils se tiennent par le
petit doigt, c'est ce qu'on appelle faire poison.
La première chose qu'avale celui qui a fait l'échange
doit lui servir de poison, s'il ne tient pas le marché pour
Alfred Harou.
IX
le peloton de congé
A l'issue de la classe, c'est-à-dire à onze heures, avant la prière,
la première élève de l'école sort de sa place, et munie d'un élégant
peloton surmonté d'une magique image coloriée qui porte le nom de
congé, présente à chacune des élèves le peloton, sur lequel chacune
doit piquer une épingle. Ensuite, toutes les fillettes se lèvent, se
placent sur deux rangs et suivent la porteuse de congé, qui se diri-
ge vers le bureau du maître. On offre à celui-ci le peloton étage
d'épingles en chantant en chœur :
Taez, not* mait' voilà t*uii présent:
Donnez congé à vos enfants,
II est onze heures avant midi :
Que Dieu vous rende dans le paradis.
Dans l 'paradis y Tait m beau,
Que y a des cierges et des flambeaux.
La Vierge Marie s'y promenant;
Toujours gr&cieuse, vous attendant,
Le p'tit Jésus entre ses bras,
La porte toute grande vous ouvrira.
Le maître accordait le congé, et cette petite scène se renouvelait
plusieurs fois par an. Les épingles étaient destinées à attacher les
draps blancs le jour de la Fête-Dieu.
(Jules Grenier. La Brie d'autrefois. Coulommiers, 4883 p. 215).
P. S,
i. Cf. le V. VIT, p. 74.
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202 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
LES POURQUOI
CV
l'origine des MYRTILLES
u sud-ouest de la ville d'Autuns^élève uoe colline appelée
; Mont S*-Claude. On y voit encore les ruines d'une maison-
) nette. Là vivait autrefois un saint ermite qui passait son
temps en prières ou à soigner les malades des environs.
^' Un jour trois paysans, ne voyant point sortir de fumée
de sa cheminée, entrèrent chez lui et le trouvèrent mort. Sur son lit
planait un crucifix, une odeur douce sortait de sa bouche et autour
de lui brûlaient six lampes d'or.
Avant de mourir, il avait égrené ses chapelets sur la montagne et
c'est depuis ce temps que les bois des alentours sont remplis de
« pouliots ».
M"* Jules Lambert.
LES CHARITES*
IMAGES DE CONFRÉRIES ET CHARITÉS
e recueille les éléments pour une Iconographie des Confré-
ries religieuses et des Charités (associations pour inhumer
les morts) des départements de la Seine-Inférieure, de l'Eure,
du Calvados, de la Manche et de l'Orne composant Taucienne
province de Normandie et dont un spécimen se trouve repro-
duit à la page suivante.
le n'ai jusqu'à présent rencontré ces images que dans les départe-
ments de la Seine-Inférieure et de l'Eure, je fais appel à la complai-
sance des lecteurs de la Revue des Traditions Populaires pour bien
vouloir m'indiquer les pièces qu'ils pourraient connaître.
Des renseignements sur les autres départements de la France
seraient également accueillis avec reconnaissance. Je sais qu'il
1. Cf. le t. VI, p. 413, le t. VIII, p. 48, 211, 556.
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hBVDB DES TRADITIONS POPULAIRES 203
existe de ces gravures pour Paris et les environs et je citerai Tim-
portant recueil du Cabinet des Estampes à la Bibliothèque Nationale.
£a €\yàvi\i be $aint-€tiettne-Mi-îlau?rûp4éje-Il0Uctt.
Les Hautes- Nfsses se disent tous Us premiers Dimanches de chaque mois.
Les associations de cette nature dans lejmidi de^iaj France devaient
posséder également les planches similaires. Edouard Pelay,
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20i REVUE DES TBADITiONS P0PDLAIBE8
NECROLOGIE
ABEL HOYELACQUE
Abel Hovelacque était né à Paris le 14 novembre 1843 ; il y est
mort le 22 février dernier. Fondateur, avec Chavée, de la Revue de
Linguistique, il y a donné de nombreux articles, et a publié sur
cette science un livre très estimé La Linguistique (1875). Parmi ses
ouvrages, voici les titres de ceux qui se rattachent par quelques
points à ses études: La Morale de rAvesta ÏHIA, La Chien dans
rAvesta(iS16). Le^ Médecins et la Médecine dans VAvesta (1877),
VAvesta^ Zoroastre et le Mazdéisme 1880. Les Nègres de V Afrique sus-
equatonale 1889. Hif. A. H. qui comprenait à merveille l'importance des
traditions populaires, se fit inscrire à. notre société dès la fondation ;
il a donné à la Revue plusieurs articles, et un assez grand nombre
de notes intéressantes.
P. S.
HENRI DU CLEUZIOU
Henri du Cleuziou, né à Lannion, mort à Bicétre à Tâge de 62 ans,
est lauteur d'un ouvrage estimé sur la Potene gauloise^ du livre
tArt national, dans lequel on trouve à côté d*hypothèses hasardées
des vues très justes, de curieux documents et quelques belles pages.
Il avait entrepris sous le titre de la France pittoresque et artistique
une collection de monographies provinciales, dont deux volumes
seulement ont paru : Bretagne : pays de Léon ; il y relève un assez
grand nombre de coutumes et de récits légendaires ; il en avait
d'antres en portefeuille qu'il réservait pour les monographies du
pays de Tréguier et de la Cornouaille, qu'il connaissait mieux encore
que le Léon. Il est à craindre que ses documents, qui remontent à
une quarantaine d'années, ne soient jamais publiés, et c'est dom-
mage, car il avait parcouru la Bretagne à peu près dans tous
les sens, et il y avait recueilli de nombreux récits.
P. S.
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KEVU£ DES TRAD1T10^.S POPULAIRES 205
BIBLIOGRAPHIE
L'abbé F. Charpentier. Les Œufs de Pâques. Fontenay-le-
Comte. L-P. Gourand io-lS de pp. VliM84.
Ce volume forme une monographie très curieuse des œuf« de Pâques; fait par
un prêtre, u contient des détails sur la disp'»nse de? œufs, les opinions religieu-
ses sur la siguiûcation des crwh de Pâques eL leur rôle dans la liturgie. Des
chapitre-» rétrospectifs nou^ montrent cet usagechozies grauds, et les redevances
seigneuriales de Tœuf de Pâques. Tout cela se rattache à no^ études, moins étroi-
tement cependant que les coutumes que l'auteur relève en France et à l'étran-
ger, les chansons où les œufs jouent un rôle, ainsi que les amusements auxquels
ils priaient. Dans un appendice, l'auteur a relevé un assez graud nombre de
superstitions et de proverbes en rapport avec le-' œufs ; et il a parsemé son
ouvrage de légendes et d'anecdotes, parfois typiques et amusautes, dont une
bonne partie sont empruntées au pays vendéen, dont .M. F. C. est originaire. Ce
petit volume, d'une lecture facile, est l'un des premiers essais sur l'ensemble de
cette coutume ; si l'auteur n'a pa^ épuisé le sujet, il est juste de reconnaître
qu'il a réuni et classé un grand nombre de faits, et qu'il fournit de très inté-
ressantes indications pour une monographie plus complète, qui ne pourrait
ôtre faite que par une personne très au courant des coutumes de Pâques dans
l'est de l'Europe, où elles sont mieux conservées que chez nous.
P. S.
H. Moutet-Fortis, Chansons populaires de CAin^ in-8 de pp. 33,
musique notée. Bourg, Ecochard aîné.
Il n'est pas, je pense, de province française où la chanson populaire ait été
l'objet d'une curiosité égale à celle qui lui a été témoignée en tout temps dans le
petit pays de Bresse. Dès le XVll* siècle, des poètes locaux y imprimaient des
noéis en patois ; l'un d'eux, Borjon, a publié un traité de musette dans lequel
sont notées plusieurs mélodies rustiques du répertoire des ménétriers. Vers le
milieu de ce siècle, Philibert Le Duc entreprit la recherche des vestiges de ta
littérature et de l'art populaire ; il réédita les noéL^ bressans, publia un livre de
chansons et lettres patoises, ainxi qu'un recueil de mélodies, qu'il eut la singu-
lière idée de transcrire pour le cor. L'abbé Nyd, de Sermoyer, envoya plusieurs
communications intéressantes au comité chargé de l'enquête sur les chansons
populaires : on les retrouve dans le manuscrit de la Bib. Nat. : Poésies populai-
res de la France. Plus récemment, M. Charles Guillon a publié un gros livre de
Chansons populaires de VAin^ l'un des plus intéressants recueils de ce genre qui
aient été compilés de nos jours. Le poète Gabriel Vicaire l'a enrichi d'une pré-
face ingénieuse et pleine de saveur ; lui-même, non content d'avoir su retrouver
daus ses vers la grâce et le parfum propres à la poésie populaire du pays natal,
a oonsacré à cette poésie môme plusieurs remarquables études parues dans
diverses nvues. A Bourg, le savant historien de la Bresse, M. Ch. Jarrin, tout
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206 bëvue des traditions pqpuiairks
en laissant à d'autres le soio de rechercher les documents, a consacré à la
chanson populaire une magistrale étude d'ensemble qui figure dans le volume
d'introduction de la Géographie de VAin. Enfin, le Courrier de VAin de ces der-
nières années a publié, sous la signature de « Denis Bressan », une longue série
de poésies populaires, dont la Rev. des tr. pop. a parfois reproduit quelques
extraits.
J'ai moi-même recueilli dans ce pays plus de 300 chansons et mélodies, dont
je n'ai, jusqu'à présent, publié qu'un petit nombre d'échantillons.
L'intérêt musical de ces chansons semble avoir séduit particulièrement les
nouveaux venus. C'est ainsi que récemment une suite d'Airs bressans pour le
piano a été publiée par M. Blesset; — une autre composée par M. Modas, pour
orchestre militaire ; et, si l'on cherchait bien sur les programmes de la Société
nationale de musique et des Concerts d'Harcourt, on y trouverait la mention
d'une Rapsodie pour orchestre sûr des chants populaires de la Bresse, dont je
suis l'auteur.
Aujourd'hui, un nouveau recueil noua est offert par M. Moutct-Fortis, profes-
seur À l'Ecole Normale de Bourg. Les chansons sont au nombre de quinze, tou-
tes en patois (avec traduction française en regard). Plusieurs sont modernes ou
ont un caractère plus local que véritablement populaire dans le sens que les
folkloristes attachent à ce mot; mais quelques autres rentrent mieux dans le
cadre de nos éludes. Telles sont : la Saint- Martin, dont les premiers couplets
font allusion à une coutume locale, et dont la suite n'est autre qu'une transpo-
sition de la chanson du Mal marié ; — la chanson bien connue : Mon mari est
bien malade, dont l'adaplation patoL^e suit de près le français original ; — plu-
sieurs autres encore, dont les sujet? sout bien particuliers, mais dont les formes
ont conservé les caractères traditionnels de la poésie populaire. Au reste, an-
ciennes ou modernes, touies ces chansons ont un caractère de rusticité très
accusé.
L'auteur de ce recueil a cru devoir agrémenter les mélodies d'accompagne-
ments de piano, et je ne puis l'en approuver. C'est une règle parmi les folk-
loristes, et une règle fort sage, lorsqu'il s'agit d'une publication ayant essen-
tiellement un intérêt documentaire, comme c'est le cas ici^ de noter les mélo-
dies telles qu'on le» a recueillie?, c'est-à-dire sans aucun accompagnement. Je
sais bien qu'on me répondra par l'argument personnel : que j'en ai fait moi-même
autant. Je répomlrai d'abord en faisant appel au témoignage des lecteurs de la
Revue des Traditions populaires ; ils pavent mieux que personne si j'ai l'habitude
de leur présenter les mélodies populaires autrement que sous leur forme simple
et*nue, et si, dans les documents que je leur al communiqués depuis dix ans
et plus, j'ai jamais cessé de me conformer à la règle qui interdit l'introduction
du moindre élément étranger. J'ai agi de même pour mon Histoire de la chan-
son populaire. S'il en est différemment pour mes recueils de Mélodies populaires
harmonisées, c'est qu'ici mon objectif était autre, ces recueils, loin d'avoir
aucune prétention documentaire, ayant essentiellement un caractère d'antholo-
gie. Mon seul but, en les présentant sous cette forme, a été de faire œuvre d'art,
en associant la fraîcheur et la sincérité du chant primitif aux richesses de
l'harmonie moderne, et en mettant en relief, par cette harmonie même, les
lignes si pures de mélodies choisies tout exprès parmi les plus belles et les
plus rares. Et je sais assez par expérience combien ces mélodies, par leur
simplicité même, sont difficiles à interpréter.
Les incorrections harmoniques, les fautes d*orthographe musicale, sont si
nombreuses dans le travail de M. Moutet-Fortis, elles décèlent une main si
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 207
inexpérimentée, le véritable sens harmonique des mélodies populaires y est si
peu compris, que je ne puis supposer que Tautcur ait eu la penscl'e de faire
œuvre d'art. Si donc, comme il le semble, son intention est de poursuivre la
publication des cbansous populaires de l'Ain Je ne puis lui donner de meilleur
conseil que de s'inspirer des principes énoncés précédemment, et de supprimer
désormais toute espèce d'accompaguement aux mélodies populaires qu'il aura
recueillies.
Julien Tibhsot.
PÉRIODIQUES ET JOURNAUX
ArchiTio perlo studio délie tradizioni popolari. XlV-4 — Saggi del Fol-
klore delllsola di Malta. Voci inrantili. Facezie di Gaban. — Grida di
venditori. Locuzioni storiche o superstiziose. Usi e Superstizioni. Maldicenze
paesane. {Dr. Luigi Bonelll). — Le dodici parole dcUa Verità. Novelliua-Cantilena
popolare ecc. Slanislao Prato. — Usi agrarii della provincia di Caltanissetta :
Coltura e raccolta délie mandorle. Raccolta de* pistacchi, Coltura della vite.
Franc, Pulci. — Canti funebri di Ploaghe in Sardegua. Giuseppe Caltia. — Im-
precazioni, Giuramenti, Saluti nella provincia di Reggio Emilia e nelPAlto Mon-
ferrato. Giuseppe Ferraro. — Le due feste della S. Crooe in Casteltermini. Vinc.
Gaeiani. — 11 primo Maggio in Ozieri [Sardegna] Filipo Valla. — I Gînuu, geni
tutelari nella credenza ebraico-tunisina. Lina Valenza. — 11 Mazapegolo, spirito
folletto neila credenza pop. foriivese. Ida Ro»si. — Leggendc e Tradizioni popo-
lari siciliane. G, Pitre. — Usanze portoghesi nel secolo XVI. — llTerremoto del
1726, Storie popolari in poesia siciliana. Salvatore Salomone- Marina. — Insegne
dellc bottegbe iu Napoli. G. Amalfi. — 1. giuochi dei delinquenti. — Usi nuziali
aristocratie! in Abissinia. — Usi nuziali sardi in Gallura.
Folk-Lore. Vil. 1. — Leprosy Stones in Fiji. — BoUon GlanviU Corney^
— Presideotial Address. Edward Clodd. — Micellanea. — Indian Foiktales.
Suzetle M. Taylor, — Ilazel, poisonous to Soakes. E.J. Uoyd Atkinson. — Second
Sight. Mary H. Debenham. — Easter Day. A. G. Fulcher. — First-foot. E. Sidney
Hartland. — Some Local Names for certain Plants in Golden Valley, Herefordshire.
Harriet C. M. Murray-Aynsley. — North Indian Notes and Queries, Vol. IV. W.
H. D. R.
Journal of American folk lore. VIlI-31. — The Oraibi Flûte AlUr. J. Wal-
1er Feewkes. — Notes on the Folk-Lore of Newtoundland. George Patlerson. ~
Straw. John 0*NeilL — Fortune-Tel ling in America To-Day. Henry Carringlon
Ballon. — Litiz. Charlotte C, Herr. — An Iroquois Condolence. W. M. Beau-
champ. — Record of American Folk-Lore. A. F. C.
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208 HGVUe DES TRADITIONS POPULAIRES
NOTES ET ENQUÊTES
,*, Dinei* de ma Mère VOye. Le 106« Dîner a
eu lieu le 31 Mars au Restaurant des Sociétés
savante?, fous la présidence de M. Paul Sébillot,
secrélaire-général de la Société. Les autres convi-
ves ëlaient MM. Henri Cordier, George Doncieiix.
Morel-Rctz (Stop), Charles Normand, Adrien,
Oudin, Alfred Michau, Pourlier, Arthur Rhône, Raoul
Rofliéres. Alfred Michau. Après une causerie sur
différents sujets de traditions populaires, et sur
l'art populaire ou semi-populaire, A laquelle ont
pris part les convives présents, M. Morel-Rctz a
lu de Irôs-cu rieuses iégend»»^ de l'o^t de la France,
que nous publierons prochainement ; notre collè-
gue, qui comme on sait est un dessinateur de grand
talent, a promis de dessiner un nouveau menu pour le diner prochain, qui
aura lieu le 30 juin,
,% Quelques dictons sur le mois de février. Le laboureur allemand voit avec
grand plaisir un mois de février froid et sec ; il aime le vent qui dessèche la terre
humide et demande qu'il souffle avec tant d'impétuosité » qu'il fasse trembler
les cornes de ses bœufs >. Le froid rigoureux de février promet un printemps
doux et normal, c'est pourquoi le paysau dit <« Si les pierres se fendent en
février, la glace se brisera en mars »>. Ou bien ♦« Quand février apporte neige
au lieu de pluie, toute la terre en sera bér.ie ».
Le laboureur, pour ces raisons, est ennemi du temps brumeux et humide
qu'il rxpic Fi souvent par un printemps glacial. « Quand février fait danser les
mouchcruns » dit-il, « Mars fera geler nos oreilles et nos blés », ou bien encore :
'< Douceur de février sera payée par rigueurs de mai ». Et, cependant, il aime à
entendre le chant de l'alouette au milieu des frimas, car il dit : « Bon gré, mal
gré l'alouette doit chanter en février »>.
Pour les hommes, en générai, il n'y a pas de mois plus joyeux que le mois de
février où les plaisirs mondains battent leur plein. Les jeunes gens surtout sont
amis de ce mois qui leur fournit mainte occasion de se rencontrer et de se
connaître. « 11 n'y a pas de mois où l'on verse moins de larmes », il n'y a pas
de mois où se trament plus de mariages » dit avec raison la bouche du peuple.
(Ck)m. de M"« H. Hbuibckb).
Le Gérant, A. CERTEUX
liauffé (Maine-et-Loire). — Imprimerie Daloux,
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REVUE
DES
TRADITIONS POPULAIRES
^^»^^^^v^^w^^v>»MV^»
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11» Année.— Tome XI. — N° 6 - Mai 1896.
LE TRAINEAU
DANS LES RITES FUNÉRAIRES DE lVkRAÏNE
» M 'usage funéraire du traineau en général a déjà
\ I été étudié très largement par M. le professeur
D. N. Anoutehine dans son excellente monogra-
phie Le traineau, la barque et les chevaux comme
accessoires des rites funéraires *. Ayant à notre
disposition quelques faits nouveaux concernant
cet usage en Ukraine et dispersés dans les
publications ukrainiennes peu connues, nous
avons en vue de reprendre ce sujet en ce qui
regarde ce pays où Fexistence de l'emploi
funéraire du traîneau est constatée historique-
ment depuis le x* siècle, et où il se rencontre encore de nos jours.
Nous croyons que les faits cités par nous et expliqués à Taide
de la théorie de M. Anoutehine confirmeront les conclusions de ce
savant, que nous trouvons utile de rappeler, étant donné surtout
que Touvrage de M. Anoutehine n'a été publié qu'en russe.
La chronique slave, dite de Nestor^ le plus ancien texte local que
nous ayons sur l'Ukraine, nous raconte de la manière suivante les
détails des funérailles de saint Vladimir, le premier prince chrétien
de Kiev, décédé le 15/27 juillet i0i5 : « Il est mort à Berestovo et on
a caché cela parce que Sviatopolk était à Kiev. Mais pendant la nuit
oaa défait le plancher entre les bâtiments, on a enveloppé le corps
avec un tapis, puis on l'a lié avec des cordes, on l'a descendu sur Ic-
1. D. N. Anoutchiue, Sani^ ladia i koni kak prinadlet'nosti pokhoronnaho obriada^
Moscou 1890 (Extr. de Dretmosti publ. par la Société Imp. d'archéologie de Mos-
cou, t. XIV).
TOME XI. - MAI 1896. il
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210 REVUE DES TKADITIONS POPULAIRES
sol, on IVposé dans un traineau et on l'a déposé dans le lemple de
la Sainte Vierge qu'il avait construit lui-même * ». Ses deux (ils
Boris et Hliéb furent assassinés sur l'ordre de leur frère aîné Svialo-
polk qui voulut s'emparer du pouvoir. Dans un manuscrit extrême-
ment intéressant du xiv* siècle, contenant leurs biographies et pu-
blié par l'académicien Ismael Sreznievsky ^, nous trouvons non seu-
lement des détails importants sur leur enterrement, mais des images
très instructives: « et les princes, lisons-nous dans ce document,
prirent d'abord sur leurs épaules le corps de sîiint Boris placé dans
un cercueil en bois... et l'ayant apporté, ils le posèrent dans Téglise.
HîV
Fig. 1
Après cela on prit (le corps) de Hliéb dans le cercueil en pierre, on
le posa sur un traîneau et en prônant les cordes on le traîna dans
l'église et on l'y déposa le deuxième jour du mois de mai». Plus tard
sous Vladimir Monomaque on décida de transporter de nouveau les
reliques des deux princes dans une église de Vychhorod et on choi-
sit aussi pour cela le jour du 2 mai. <t Après avoir posé d'abord le
cercueil de saint Boris dans un beau traineau fait exprès, on le trans-
porta dans l'église en le traînant avec de grandes cordes., de la même
manière on transporta ensuite le corps de saint Hliéb, en le posant
1. Chronique dite de Nestor, d'après le manuscrit Laurentin, sous Tan 1323
(lOi:.).
2. Skazania o svialykh Bori«ié i Hliébié. Silvestrovsky Spissok XVI v. (Rela-
tions sur les saints Boris et Hliéb. Manuscrit Syhrestrien du XVh s.) pubt. par
Sreznievsky, S. Pétersb. 1860.
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
211
sur un autre krtineau. » Les trois gravures ajoutées à ce texte nous
représentent : tej^mîëre, deux serviteurs qui descendent le corps de
saint Vladimir sur iia iraineau à travers l'enclos défait à moitié ; la
deuxièmeftlg. Ij, quatre personnages portant sur leurs épaules lecorps
de saint Boris étendu daas un traîneau également, (la légende au
dessus: « on porte Saint-Borhpou?' t enterrer ») et la troisième (fîg. ^i
le sarcophage de saint Hliéb posé aussi sur un traîneau et introduit
dans Téglise par uù homme qui le lire avec des cordes. Derrière le
cercueil se tiennent un évêque revêtu de ses vêtements sacerdotaux,
Fig. 2
un diacre qui lient la mitre et un homme vêtu d'un manteau, pro-
bablement le prince. Au-dessus la légende : « On porte saint Hliéb
sur un traîneau dans un sarcophage en pierre ». Le corps du prince
Isiastav, tué dans la bataille du 3 octobre 1079 à Nejatina-niva, fut
transporté à Kiev en bateau, mais au bord de Dniepr il fut placé sur
UD traîneau et transporté delà sorte dan** Téglise. Le prince Michel-
Sviatopolk, mort au mois de mai 1113, fut mis aussi sur un traîneau
et transporté dans Téglise de S*-Michel. De la même manière on
transporta sur un traîneau les corps de plusieurs autres princes
kiéviens énumérés avec tous les détails de leur enterrement dans
l*onvrage de M. Anoutchine.
Toute cette série de faits nous montre donc que dans la Russie
ktévienne existait Tusage de transporter les morts en traîneau et que
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212 RBVUE DBS THADITIONS POPULAIRES
cet usage élait bien Tusage rituel^ puisque l'on employait ce mode
de traosporl, non-seulement pendant Thiver, mais encore en été.
L'expression du testament de Vladimir Monomaque, où ce prince dit
qu'il a décidé de rédiger ses derniers conseils à ses enfants » étant
dpjà assis dans le traîneau » ne nous laisse aucun doute : Tusage
funéraire du traîneau était si répandu que cette phrase pouvait être
employée pour désigner la proximité de la mort. En effet nous voyons
dans la chronique que saint Théodose vivant encore, mais sentant
Tarrivée de la mort, fut apporté par les moines dans 1 église assis
dans un traîneau : « les frères le mirent dans un traîneau et le portè-
rent à Téglise». Ayant constaté cet usage au moins depuis le x% siècle
nous pouvons le suivre dans les chroniques jusqu'au Xix^, où il
commence à disparaître, pour reparaître plus tard d'un côté à la
Cour des princes de la Moscovie et de l'autre toujours en Ukraine.
Le XIII' siècle était Tépoque de la formation définitive d'une
nouvelle nationalité slave, des Grands russiens ou des Moscovites,
nationalité formée d'une part de colons slaves et d'autre de divers
peuples pour la plupart fmnois qui habitaient jadis tout l'espace
occupé à présent par la Russie centrale et septentrionale. La Russie
ancienne, celle de Kiev, attaquée par les princes de Souzdalie et
affaiblie par l'invasion tartare,estdevenueunepartie duGrand-Duché
de Lithuanie, tandis que la Russie nouvelle, celle de Nord-Est, centra-
lisée par les Tsars de Moscou, forma l'Etat de Moscovie. A partir de
cette division, nous sommes en présence d'un fait extrêmement
intéressant au poini de vue de l'ethnographie et du folk-lore : Tous
les usages anciens, comme par exemple les usages nuptiaux, funé-
raires, etc., se sont conservés en Moscovie dans la classe supérieure,
à la Cour des Tsars, taudis que, dans la Russie ancienne, qui
commence à cette époque à porter le nom d'Ukraine, au contraire,
les classes supérieures étant plus ou moins européanisées, ou plutôt
polonisées, les usages anciens ne se sont conservés que dans le bas-
peuple, dans les classes inférieures. Et l'usage funéraire du traîneau
a subi le même sort. Tous les Tsars moscovites jusqu'à Pierre I"
étaient portés à leurs tombes sur des traîneaux, en été comme en
hiver. Les recherches très minutieuses de M. Anoutchine nous
révèlent qu'on fabriquait pour ces cérémonies des traîneaux tout
particuliers, richement ornés, qui servaient non-seulement pour le
transport du corps du défunt, mais aussi pour le haut clergé et
surtout pour les princesses qui prenaient part au cortège funèbre.
En dehors de l'enterrement, les traîneaux étaient aussi employés
dans d'autres cérémonies religieuses, comme moyen de transport
plus ou moins rituel. Les métropolitains et les patriarches de
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HEVUE DES TRADITIONS POPVLAIBES âl3
Moscou prenaient place dans les cortèges étant assis dans des
traîneaux.
En Ukraine les choses se sont passées d*une manière toute
opposée. L'usage du traîneau aux funérailles a survécu seulement
dans la classe inférieure : chez les paysans, dans la bourgeoisie et
quelquefois seulement dans la noblesse rurale qui restait encore
fidèle à ses vieilles traditions nationales. Malheureusement les
documents sur les funérailles des xv° et xvi* siècles nous manquent
jusqu'à présent. Un document du xvii® siècle que nous avons à notre
disposition nous montre que Temploi funéraire du traîneau persista
toujours en Ukraine, mais il fait croire en même temps que cet usage a
subi, à ce qu'il paraît, un certain changement. Nous avons vu que
dans les anciennes funérailles princières (les renseignements sur les
obsèques ordinaires ne nous sont malheureusement pas conservés par
les chroniques) les traîneaux funéraires étaient déplacés par les hom-
mes qui les portaient sur leurs épaules ou bien les traînaient avec
des cordes. Notre document du xvii' siècle nous fait voir que pendant
celte époque les traîneaux n'étaient plus transportés par les hommes,
mais étaient attelés de hœufs^ ce qui était rituel et ce qui existe
jusqu'à présent, en dépit des chevaux dont remploi était et quelque-
lois est encore considéré comme peu convenable en cette circons-
tance. Nous verrons plus loin que ce changement apparent est très
douteux, remploi des bœufs devant être très ancien, mais à présent
nous nous occuperons seulement du traîneau dans les rites funé-
raires du XVII* siècle. Dans une protestation judiciaire d'un fonction-
naire de Volynie, présentée au tribunal en novembre 1690, il se
plaint que sa belle-sœur « extra decentiam status nofnliaris^ ordonna
de transporter le corps de son mari (t cadaver mariti sui ») et frère
du plaignant mort au mois de mai de la même année, dans un
tratneau attelé de bœufs^ quoiqu'elle eût à sa disposition des chevaux
qui lui restaient après la mort de son mari... * L'usage funéraire du
traîneau, qui se conservait presque exclusivement dans les classes
inférieures, parut offensant à un fonctionnaire qui se croyait évidem-
ment au dessus des pratiijues populaires...
Un autre document très intéressant, est un dessin se rapportant à
peu prés au milieu de notre siècle et fait par M. de la Flize, médecin
français au service de la Russie ^. Ce dessin (fig. 3j reproduit d'après
1. Bielachev^ky, Sani v pokhoronngch obriadakh (Traîneau dans les rites funé-
raires), Kievskata Starina (Les vieux temps de Kiev) 1893, avril, p. 152.
2. En communiquant ce document si mtéressant conservé pour nous par M.
de la Plize, nous ne pouvons le Taire sans dire quelques mots sur ce perPon>
uage tout à fait inconnu, dunt le nom n'a jamais été cité, mais qui mérite bien
d'être mentionné dans une revue française des traditions populaires. Le D^* de
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211 REVCe DBS TRADITIONS POPrL4IRES
l'onginal qui est inséré dans un manuscrit inédil encore et conservé
au Musée d archéologie chrétienne de Kiev, représente une scène
toute entière du cortège funéraire dans un village du district de
Radomysl du gouvern. de Kiev. La procession sort de Téglise en
bois, derrière laquelle on peut remarquer un jardin dont les arbres
sont couverts de tout leur feuillage, ce qui nous indique que cela se
passe pendant rêlé. Sous un petit clocher deux sonneurs sonnent le
glas funèbre. Précédé par deux assistants portant deux grands cîer>
ges en cire noire (ou peut-être vert foncé comme il est d'usage en
Ukraine jusqu'à présent), un paysan marche en léle du cortège avec
une grande croix drapée d'un essuie-mains brodé. Puis marchent des
hommes portant des bannières surmontées de croix, suivis de deux
autres qui portent, l'un une croix plus petite et l'autre un livre ou
un icône. Ensuite vient le prêtre en ses vêtements sacerdotaux, avec
la croix et fencensoirdans les mains; il est accompagné d*un diacre
ou chantre -d'église. Immédiatement après ces ecclésiastiques suit le
traîneau attelé de deux paires de bœuTs, sur lequel se trouve la trouna
(le cercueil) en planches avec un pain et du sel au-dessus. Derrière
le cercueil se tiennent quelques femmes mariées, dont les tètes sont
couvertes des namitkas blanches, espèce de long voile, et dont le
costume consiste en un vêtement [svyta) de drap également blanc.
Les jeunes filles se font reconnaître dans la foule par leurs têtes non
couvertes et entourées seulement d'un bandeau de couleur. Tout Je
monde, excepté le prêtre et celui qui porte un livre, est chaussé
probablement de posiohfs^ espèce de brodequins en peau de pofc
ou bien peut-être en écorce d'arbre, attachés par de longs lacets.
A côté de l'attelage marche un conducteur de bœufs armé d'un fouet,
des deux côtés du traîneau deux personnages avec des cierges égale-
ment en cire de couleur foncée, et enfin plus loin deux mendiants
la Flize était médecin militaire dans la Garde iirpériale fraDcaii^e, en 1812 à la
bataille do Kra$>noîé il fut fait prisoDDier et trouva Thospitalité dans la maison du
général russe Goud«>vitch. Marié à la nièce de sou protecteur, il acheta plus tard
une petite propriété dans le gouvern. de Kiev et après avoir pasi^é l'examen àl'A-
cadémie de médecine de S. Pétersbourg fut nomme en 18 i3 médecin des Domaines,
prit sa retraiteen 1858et mouruten t86t.ll a laissédeux manuscrits jusqu a présent
inédits : « Description medico-lopographigue des Domaines du district de Kiev «
1854, contenant beaucoup de renseignements sur Tétat sanitaire des paysans,
etc., et « Description ethnoffraphique des paysans du gouvernement de Kiev »
(15i pages in-fotio'; appartenant à présent au Musée des antiquités chrétienues de
l'Académie théologique de Kiev. Ce dernier travail d'où nous extrayons notre
dessin se divise en trois parties : archéologie, histoire et ethnographie. Les deux
premières parties sont très intéressantes, même aujourd'hui ; elles contiennent
quatre planches représentant des objets de l'âge de la pierre et de celui du
brouze, un dessin d un menhir, etc. La troisième partie, la plus importante,
contieut la description très détaillée des habitations, des costumes, etc., de-»
données philologiques et linguistiques, les usages nuptiaux, les rites funéraires,
quelques chansons, proverbes et superstitions, plusieurs traditions populaires
etc. Tous les deux ouvrages sont en français et en russe.
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ai G REVUE DES TRAUITIONS POPtXAlHES
aveugles guidés par leurs petits conducteurs, munis de gros sacs
pour les aumônes. En perspective se fait voir un cimetière situé sur
une élévation et indiqué par des croix sépulcrales.
On peut croire que Tauleur de ce dessin Ta fait parce qu'il n*a
remarqué Tusage du traîneau funéraire, même en été, qu'au district
de Radomysl. Au moins tel est le sens de Tinscription au-dessous du
dessin : « Dans le district de Radomysl les paysans ont la coututfie
d'exporter le corps au cimetière sur un traîneau tramé par des bœufs ^
même en été », On pourrait conclure de cela que M. de la Flize avait
affaire à un usage qui était déjà en train de disparaître. Néanmoins
nous le retrouvons dans le gouvernement de Kiev encore jusqu*à nos
jours. M. Yachtchourjinsky Ta signalé au Congrès archéologique tenu
i\ Yaroslav en 1887 \ et la décrit plus tard dans un article de la Revue
historique de 1 Ukraïne *. Peut-être s'est-il conservé encore dans
quelques endroits, mais en général le traîneau est déjà remplacé
pour le transport des morts en été parla voiture sur toute retendue
de la partie de rUkraïne appartenant à l'Empire russe. Mais dans
Tautre partie, dans l'Ukraïne Carpathienne appartenante la Hongrie,
et en Galicie orientale appartenant à l'Autriche, beaucoup plus
montagneuses et par conséquent beaucoup plus conservatrices, nous
retrouvons cet usage même à présent. D'après les notices de M.
Fenlzik, citées par M. Anoutchine, chez les Ruthènes de la Hongrie,
on porte les morts au cimetière s'ils sont enfants, mais s'ils sont
adultes, on les transporte infailliblement sur un traîneau même en étéy
— tel est l'usage dans tout le pays des Ruthènes des Garpathes '.
Chez les Houtzoules de Houkovina le cercueil est porté... sur deux
perches... ou bien transporté dans une voiture ou dans un traîneau
attelé de bœufs.,, il arrive qu'on le transporte en traîneau même en
été *. Enfin pour la Galicie orientale proprement dite nous avons une
photographie très intéressante que nous reproduisons ici en dessin
(fig. 4) et qui a été faite tout récemment (en 1894), par un savant
ukraïno-ruthène M . le prof. Choukhevitch à Berézov dans le district
de Kolomyia (Kolomeaj '*. Elle représente un cortège funéraire arrêté
en route pour réciter les prières, comme on fait ordinairement en
1. Les restes du pnganisme dans les usages funéraires de la Petite-Russie {Bul-
letin du Congrès archéologique de Yaroslav^ séance du 17 août, cité par M.
Anoutchine, op. cit. p. 5fi).
2. Yachtchourjinsky Oslatki yazytcheskikh obriadov v malorousskom pogrébeniï
(Restes des rltps païens dans les funérailles ukraïnienes). IKievskaïa Slarina.
1890, 1, 130-132.
3. Anoutchine^ op. cit. p. 56.
4. Naouka, ^la Science) revue fondée par M. Naouniovitch. Vienne, 1889, Juin.
5. Celle photographie pour laquelle nons croyons devoir exprimer notre vive
reconnaissance à M. Hrouchevsky, profesî^eur à l'Université de Léopol, a déjà
été reproduite dans une revue ruthène « Zoi^ia », 1895, n» U.
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IlEVUE DES TRADITIONS POnîLAinES 217
UkraYiie. Le cercueil repose sur un traîneau attelé de bœufs. H est
fermé, comme il est d'usage quand le parcours de la procession est
assez grand, et sur son couvercle se trouvent un pain et de la koutxa^
c'est-à-dire des grains de blé oud*orge piles et cuils dans deTeau avec
un peu de miel. Le prêtre, accompagné par quelques personnages
tenant des cierges, récite un chapitre de TEvangile, tandis que la
foule des paysans se tient nu-téte derrière le cercueil. Les femmes
qui forment un groupe tout près de celui-ci sont des platchkys —
pleureuses. — L'absence de neige et la voiture précédant le traîneau
nous montrent que la scène se passe en été (la photographie fut faite
au mois d'août) et que l'emploi du traîneau dans ce cas est bien
rituel aussi.
L'emploi funéraire du traîneau n'est nullement un usage exclusi-
•^ ':- "^-^.-Ji.
Fig. 4. ~ Funérailles eo Galicie orientale
(d'après la photographie de M. Choukhévitch.)
vement ukraïnien. Nous le trouvons presque jusqu'à présent chez
tous les peuples Slaves. M. le professeur Jagic a constaté au Congrès
archéologique de Yaroslav l'existence de cet usage chez les Slaves
méridionaux *, M. Dobsinsky Ta rencontré chez les Slovaques * ; les
Grands-russiens,dans les endroits éloignés du gouvernement de Vo-
logda transportent leurs morts, d'après M. Trouvorov, non autrement
que dans un traîneau, hiver comme été... '. Chez les Polonais nous
retrouvons une survivance de l'emploi funéraire du traîneau dans
une cérémonie très curieuse pratiquée autrefois le jour de S'-Jean à
1. Balletins du Congrès de Yaroslav, cilé par M. Anoutchine, op. cit., p. 52.
2. P. Dobsinsky Proslonarodnie obycaie, povery a hry Slovenske. (iJsages,
croyances et jeux populaires slovaques), 18»0, p. 109 (cité par M. Anoutchine,
p. 56).
3. Rousskata Siarina, (i/Antiquité russe), 1887, Dec. p. 237 (cité par M. Anout-
chine, p. 52).
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218 REVUE DES THaDITIONS IHMW.âmM
MniasewdaAsfeidisUMt^leVMiefiîcy. Dans cet endroit pendant la fête
pOfMénreée Sûhotka, on faisait sur un traîneau une espèce de huUe
en paille et après y avoir introduit le cabaretier du village en compa-
gnie d'un chat (dans d*autrcs endroits on ajoutait encore un coq), on
menait ce traîneau au milieu des champs. Là on Tentouraitde paille
et on y mettait du feu. La paille étant enflammée, le cabaretier bais-
sait le chat se sauver et puis se sauvait lui-même En voyant le chat
en fuite tous les assistants poussaient les cris ; « leci dusza ! » (rame
s'envole) parceque le chat représentait dans ce cas l'âme du caba-
retier. . *.
Le transport des morts sur le traineau étant très répandu chez les
peuples finnois qui occupent tout le Nord de la Russie, M. Anout-
chine se demande avec beaucoup déraison, si cet usage n'a pas été
emprunté par les Slaves aux indigènes qui sont entrés comme un
élément très important dans la formation de la nationalité grandi'-
russienne ? En efl'et les Permiaks, les Votiaques, les Tchérémissos,
les Zyrianes et les Tchouvaches, ainsi que leurs voisins du Nord et
de l'Est, les Lapons, les Tchouktchis et les Samoyèdes transportent
leurs morts toujours en traîneau et très souvent ils ensevelissent celui-
ci avec les corps ou bien ils le déposent au-dessus de la tombe *.
Mais M. Anoutchinecroit qu'étant donné Texistencede cet usage chez U's
Slaves méridionaux et occidentaux dans des temps très éloignés, ol
les traces de cet usage conservées dans les contes et dans les
anciennes images populaires, on peut bien admettre qu'il existait
chez eux indépendamment de toutes les influences voisines.
En présence de quelques indications qui montrent que Tusage du
traineau dans les rites funéraires se rencontre aussi dans certains
pays de l'Europe occidentale, nous avons cru possible d'aller plus loin
et de chercher les origines de cet usage dans l'antiquité aryenne. Dans
les contrées montagneuses de l'Europe et notamment dans les com-
munes montagnardes du Jura, si le cimetière est à une certaine dis-
tance on transporte les morts, en été comme en hiver, sur un traineau
dont on se sert ordinairement pour transporter le foin. Dans les par-
ties montagneuses des Alpes et des Carpathes le traîneau représente
l'unique équipage employé pour le transport du bois, du foin et aussi
des morts \ Ces traces de l'emploi funéraire du traîneau, énumérées
par M. Anoutchine, ne sont ni assez nombreuses ni assez conchi-
\. Wisla, 1892, Vl, p. 689.
2. Anoiitchiuc op cit. p. 'iVlîo, Voir aii4«i Ritlich Naterialy dla rounsLoï
elnugraphii (Matériaux pour IVlhuogrAphie russe). IL 120.
a.'Uochholz, Detttscher Glaube und Hrauch. Berl. i867, 1. p. 199, cité par M.
Anoutchine, p. 57. Il y a quelque;» années les journaux iUustrés ont reproduit un
tableau de M. Brion représentant la trausportatiou du cercueil po9é sur le trai-
neau dans les Vosgc:). .Vu Salon de 189» nous avons remarqué un tableau de .M.
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REVUE DBS THAD1TI0KS MVIII.AlttSS 219
anles^ parcequ'il s'agit de contrées où les véhicules à roues ne i
vent pas être employés, mais il ne faut pas oublier que c*est dans
les pays montagneux que les anciens usages persistent le plus C*est
pour cela probablement que M. Anoutchine a cherché !es traces de
l'existence du traîneau dans les montagnes des Indes et de la Perse,
et s*appuyant sur ropinion de M. le professeur Vs. Muller, a cru
qu'il y était inconnu, en admettant en même temps la possibilité de
Texistence dans ces pays de la forme du traîneau la plus primitive
(p. 45). M. Vs. MûUer communiqua à M. Anoutchine que pour traduire
le mot anglais sledge on a dû inventer exprès dans les Indes des mots
artificiels et descriptifs dans le genre de « niçcakrayâna >y\oiinre
sans roues ou u acah^avahanam » véhicule sans roues, etc. Cepen-
dant dans Touvragc très connu de M. Zimmer qui a étudié Tancien-
ne civilisation des Aryens védiques d'après les livres sacrés, nous
trouvons dans le chapitre cousacré aux funérailles, un fragment de
l'hymne du Rig-Veda qui contient, nous semble-t-il, l'indication un
peu vague, il faut le dire, mais toujours intéressante, qui nous a fait
croire non-seulement à Texistence du traîneau chez les anciens
Aryens^ mais aussi à l'emploi de ce moyen de transport dans les
rites funéraires :
« Tu (le défunt) prends place sans regarder dans une voiture
sans roues, toute neuve, que toi, 6 jeune homme, tu as fabriquée
il laide de Tesprit, dans (la voiture) à un limon, mais tournée
toujours dans tous les côtés. »>
« La voiture que toi, ô jeune homme tuas roulée icidevantleschan-
leurs et après laquelle roula la chanson (sâmon), de là embarquée
sur un bateau. » *
Kn interprétant ce texte, M. Zimmer dit: « il y a beaucoup de
choses dans cet hymne qui restent pour nous obscures et douteuses,
où même les commentaires de Sàyana ne nous viennent pas en
aide. Cette voilure et ce bateau sont-ils seulement une allégorie
du bûcher?.. Ou devons-nous nous rappeler Tusage qui est commun
à lantiquité slave et germanique ? On crigait dans un bateau ou
dans un canot le bûcher, on posait au-dessus de celui-ci le cadavre,
on mettait le feu au bûcher et on envoyait de cette manière le
défunt sur un bateau enflammé dans l'autre monde en suivant le
courant d'eau- ».
Rovel Alsaciens fuyant devant l'ennemi en Août 1870 : le cher de familie descend
dans un tratoeau, sa femme et ses bagages par la roule pratiquée dans une
forêt, dont les arbres pont couverts de tout leur feuillage.
1. Riy-Veda,\, 133, 3 et 4.
2. H. Zimmer, AUindisches Uben. Die Cullur der vedischen Aner, Berl. 1879,
p. 4tO.
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2â0 REVUE nés tbaditions popitlairbs
Ea faisant cette supposition, Taoteur s^appuie sur les faits fournis
par Jac. Grimm, Weinhold, Fraehn et Kotliarevsky dont il cite les
ouvrages en note. En agissant de la même manière et en nous appu-
yant sur les faits mentionnés chez M. Anoulchine et recueillis par
nous-méme, nous avons cru pouvoir faire une supposition non
moins vraisemblable : cette voiture sans roues (acakra ratha) de
l'hymne du Itig-veda n'était autre chose que le traîneau qui a
complètement disparu des Indes après Tinvention de la voiture
à roues et dont le nom même était déjà oublié à Tépoque de la
rédaction littéraire des Vedàs. Pour les rites funéraires slaves, M.
Zimmer s'est servi de l'ouvrage de M. A. Kotliarevsky quia bien connu
Tusage du traîneau funéraire dans Tantiquité russe, mais qui n'étant
pas renseigné sur les faits dont nous disposons à présent (son livre
fut publié en 1868) n'a pas pu s'expliquer cet usage, et supposait
même que le traîneau en question devait être « une espèce de voiture
petite et commode qu'on a employée aussi en été et qu'on a mise
quelquefois dans Téglise avec le corps d*un mort*. » Eu consé-
quence M. Zimmer n'avait à sa disposition que les fails concernant
Tusage funéraire du bateau et ignorait complètement celui du
traîneau, mais il nous semblait qu'en présence des faits men-
tionnés par M. Anoulchine et par nous, il n'hésiterait pas à être
d'accord avec nous.
En trouvant en tout cas cette question au dessus de notre savoir
nous avons eu recours à la haute compétence de M. A. Barth, membre
de l'Institut, qui très obligeamment a voulu nous communiquer son
opinion là-dessus. Cette opinion n'est pas favorable à notre suppo-
sition. (( Le texte de Rig-Veda X, 135 ». dit M. Barth dans son aimable
lettre : « est absolument obscur. On ne sait ni quel est ce jeune
homme (Kumàra), ni ce que représente ce char sans roues [acakrn
ratha)^ ce char merveilleux, qui n'a qu'un timon et se dirige pourtant
en tous sens. Peut-être l'un est-il Agni, le dieu du feu, et l'autre est-
il la flamme du bûcher funèbre ; car Thymne est adressé à Yama, le
dieu des morts. Mais le tout est présenté expressément comme une
énigme, selon un usage fréquent dans cette poésie^ et comme il est
déclaré nettement aux vers 5 et 6. Dés lors il semble qu'un traîneau
funéraire actuellement en usage, soit nettement exclus, car l'éni-
gme eût été dans ce cas trop facile à deviner. Ajoutez que l'image
d'un véhicule sans roues revient plus d'une fois dans le Veda pour
signifier quelque chose de merveilleux, qui roule sans (avoir besoin
1. A. Kotliarevsky, 0 pogrebalnykh obytchdiakh yazylcheskikh Slavian, {Sur les
rites funéraires des Slaves paiens\ Moscou, 1868, p. 222,
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REVUE DES TKADITlOiNS rOPL'LAlRËS 221
de) poues. Un char sans roues «'est Timpossible, qui n'appartient
qu aux dieux... ».
Mais M Barth nous indique un autre texte (Açvalàijana-ffrihyasùtra,
IV, 2), le plusdétaiilésurce sujet ; d'après lequel le transport des morts
chez les anciens Hindous pouvait se faire « au moyen d'un pilhacakra
attelé de bœufs. Pithacakra parait signifier û (une paire de) roues mu-
nies d*un siège n. « Elymologiquement, dit M. Barth, on powi'ait à la
rigueur Vinterpréler : « (une véhicule) ayant le siège pour roues » c'est-
â'dire une sorte de traîneau.,. Mais, ajoute M. Barth, le commentaire
l'explique simplement par paAra/drfi a une charrette ou autre véhicule».
Le pariçishta ou supplément de rAçvalàyana-grihyasùtra (III, 1) laisse
le choix entre une civière (çivika) et une charrette à bœufs (goçakata) ».
M. Barth trouve ces explications et le fait que deux autres textes
[Kàiyàyana-çrautasitlra, XXV, 7, 14 et les Çrautasùtras du Yajur Noire
cités dans le commentaire du Taittiràya Aranyaka VI, I, 4) ne nous
parlent aussi que des chariots pour le transport des morts « nettement
contraire » à notre hypothèse. Mais, demandons nous, est-ce qu'il
n'est pas possible de supposer qu'il y a eu ici une faute du commen-
tateur, faute pareille àcelle qui a été commise par M. A. Kotliarevsky ?
N'est-il pas admissible que le commentateur qui écrivait dans des
temps, où les commentaires étaient déjà nécessaires et où Fusage
du traineau était complètement oublié, ait fait cette explication parce
que, comme Kotliarevsky, il n'avait plus aucune idée de ce « véhicule
ayant le siège pour roues ?» M. Barth appelle notre attention sur
le fait que « la roue védique n'est déjà plus la roue pleine : elle est à
rayons et à jante ». Ce fait ne peut que confirmer notre supposition
que à l'époque des Vedas le traîneau devait avoir complètement dis-
paru et c'est justement à cause de celaque le commentateur explique
ainsi le texte qui a conservé probablement son sens primitif.
Nous laissons donc ouverte la question de l'usage funéraire du. traî-
neau chez les peuples indo-européens aux temps védiques. Maisaprés
cela il nous reste encoreà nous demander d'où vient cet usage ? M . Trou-
vorov et après lui M. Anoutchine, qui a étudié cette question à fond,
croient avec beaucoup de raison, à notre avis, que l'origine de cet
usage doit étrecherchée dans l'idée du grand voyage que l'homme doit
faire après sa mort dans les pays inconnus, mais sûrement lointains,
d'outre-tombe. Les hymnes du ttig-Veda nous parlent aussi de cette
longue route : « Le voyage à l'autre monde, dit M. Zimmer, c'est
une expédition longue et pénible, pour laquelle la protection de
Pûshan ^st nécessaire (R. V. X, 17, 4) '. » Et comme tou^ les peuples
t. H. Zimmer op. cit., 409. L'idée d'un long voyage après la mort est rOpaoduc
chez tous les peuples et se fait remarquer dans beaucoup de rites funéraires. En
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222 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
sont toujours fidèles à leurs rites et leurs choses aneieones, ils ont
employé pour expédier leurs morts les moyens de transport les
plus anciens et par conséquent les plus primitifs. Nous savons que
ks anciens Egyptiens transportaient aussi les cadavres sur des
trafnewnL^ que les peuples nomades avaient Tusage d*enterrer ou
d'incinérer avee k^iaort ses chevaux ; il y a beaucoup de peuples
qui enterraient les cadavres dans des canots ; les anciens Scandi-
naves employaient non seulemeai les bateaux dans leurs funérailles,
mais encore ils construisaient des monaaMuts entiers en pierre repré-
sentant des canots ' ; d'après Weinhold, iîs «terraient quelquefois
leurs morts dans des chars et dans des voitures ' : ht lombe gauloise du
Musée de Saint-Germain contient un chariot deguervt; enfin les
anciens Bretons, d'après M. Le Braz, employaient presque jusqu'à
no3 jours « les charettes grossières et toutes primitives. » Dans eer-
taines régions de la Gornouaille, dit-il, on peut voir encore de ces
charettes grossières et toutes primitives. « Quand j'étais enfant, me
dit mon père, on transportait les morts au cimetière du bourg dans
un tombereau, au-dessus duquel on avait courbé en forme d'arceau
des branches de saule ou d'osier : sur ces arceaux on tendait un
drap blanc. Des draps de môme couleur étaient jetés sur les chevaux
de l'attelage '... » Nous nous rappelons à propos de cette descrip-
tion la reproduction de la voiture gauloise, qu'on a vu à l'Exposition
Universelle de 1889.
Les bceufs comme attelage obligatoire pour le transport des morts
en UkraYne doivent être considérés aussi comme un fait de la survi-
Ukraïne par exemple, ou mettait autrefois dans le cercueil une bonnet en peau
de mouton, une canne et quelquefois une bouteille d'eau-de- vie (/Ctév^AraïaS^ari/ta
1889, t. XXV, p. 636). Dans la cour de la maison de mon père, à Niéjine (^ouv.
de Tchernihov) on a trouvé pendant les travaux de construction une ancienne
tombe qai rcnûrmait entre autre chose une bouteille d e;iu-de-vie, qui fut vidée
naturellement séance teuante par les ouvriers. Chez les Tchèques on donne au
défunt une paire de bottes qui seront usées pendant sou voyage au pays des
ancêtres {Kotliarevsky op. cit. p. 210). Les Russes de la Lithuanie, daprès le
témoignage de Melelîits : « defunctorum cadavera vestibus et calciis induuntur et
erecta locantur super seilam {Hesp. Moscoviae et Urbes^ Lugd. Batav., 1630, p. 184).
1. M. Anoutchine cite à propos de cela une série de documents puisés chez
Wilkiruorit The manner and cueioms of the Ancient Egtfplians^ vol. lif.
2. G. Bœhmer, Prehistoric naval archilecttire of Ihe Sorlh of Europe (Ann. Rep.
of the Smithsouian Institution. Rcp. of U. S. Nat. Muséum) 1891, p. 552-561.
V. Stassov. Zamiélka o Boussakl Ibn-Fadlana (Notice sur les Russes d*Ibn*
Fadlan). Bev. d. Minist. de Vïnstr, pubi. russe, CCXVI, 2, p. 306.
3. Le Braz. La Légende de la Mort. P. 1893, p. 60. Dans certaines contrées de
rukraîne autrichienne (Pokoutié) la tradition exige aue les bœufs qui transpor-
tent le mort au cimetière soient parfaitement blancs. Une série de faits
démontrant que la couleur blanche est le signe du deuil chez plusieurs peuples
est mentionnée chez M. Anoutchine (op. cit. p. 56) et chez M. A. de Gubernatis.
Sloria comparala degli usi funebri. Mil. 1877, p. 53. M. Anoutchine explique
aussi remploi des bœufs blancs par Tancienneté de la race du bétail ukrainien,
qui comme ceux de Hongrie et d'Italie, d'après Rûtimeyer se rapproche le
pluii de Bo$ prirnigenius .
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REVUB DES TRADITIONS POPULAIRES 223
vance de pratiques très ancienaes. L'emploi du traineau, comme
umm Y»nm& dîl^ na M eooserré qne êmts qaeiyM» fJhfoiii d- mI
presque oublié daos toute Téteodue de ce pays ; mais Tusage des
bœufs persiste toujours non seulement eu UkraYoe, mais chez les
autres peuples slaves. Et cela remonte probablement aussi à la très
haute antiquité. Nous le retrouvons même chez les anciens Hindous '.
Si nous ne le rencontrons pas dans les cérémonies des funérailles
princières de la Russie kiévienne, décrites au commencement de
notre article, c'est probablement parce que les premiers princes de
ce pays ont emprunté le rituel byzantin, et que le clergé, qui était
grec aussi, pouvait à son tour s'opposer aux anciens rites slaves peu
conformes à la chrétienté et à la royauté. En Grèce dans les temps ho-
mériques on employait déjà pour le transport des morts les mulets ^.
Au nombre des objets funéraires faisant allusion au long voyage de
Tàme d outre-tombe, il faut rapporter aussi le pain que nous avons
remarqué sur le cercueil daus le dessin des funérailles de Radomysl
fait par M. de la Flize. Quoiqu'on le donne à présent aux serviteurs
de Téglise ", il était destiné jadis à réconforter le mort pendant son
voyage. Au commencement encore de notre siècle on mettait dans les
cercueils mômes un pain, un pot de kacka et une bouteille d'eau-de-
vie ^. L*usage de donner aux morts un pain est aussi très ancien et
quoique M. le prof. Soumtzov prétende que le pain funéraire n'a au-
cune importance dans l'histoire de la civilisalion, n<ius croyons qu'il a
joué un rôle assez considérable dans les rites funéraires de bedtlcoup
de peuples. Les Hindous de l'époque brahmanique plaçaient un pain
dans les mains de leurs morts avant de les mettre sur le bûcher *.
D'après les chroniques, les anciens Tchèques, mettaient une moitié
de pain auprès de la tombe ; les Russes de Lithuanie, selon le témoi-
gnage de Meletius, mettaient aussi près de la tète du cadavre un pain
et un pot rempli de vin, les Tchèques modernes ne manquent pas à
le faire jusqu'à présent ; nous trouvons ie même usage chez les Ser-
bes et chez les Polonais ' ; lés traces de lusage funéraire du paiu
existent aussi chez les peuples germaniques et romans '^. L'église
orthodoxe russe fait porter devant le cercueil pendant les funérailles
un plat de grains cuits d'orge ou de blé [kacha ou koutia) qui repré-
sente le pain dans sa forme probablement la plus ancienne.
1. Açvalayna^ IV, 2.
2. Iliade, XXIV, 697.
3. N. Souintzuv Chlieb v obriadakk i piesniakh (Pain dans l«s rites et obansons
pop.). Rharkov, 1885, p. 67.
4. Kievskaia Slarina, 1890, I, p. 130.
5. A. Kotliarevsky, op. cit. p. 182.
6. A. Kotliarev0kv, op. cit. pp< 143, 149, 207, 217, 221, etc.
7» A. de Gubernatis, op. cit. p. 51, v. aussi Liebrecht, Zur Vàtk8kun<ie, p. 399.
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224 HEVUE DES TRADITIONS POPULAIKCS
Nous voyons donc que c'est à l'antiquité du traîneau comme moyen
de transport qu'il faut attribuer son rôle si important dans les rites
funéraires des peuples Aryens. D'après les légendes de VUkraïne
« au commencement les hommes n'avaient pas de voilures et em-
ployaient toujours rhiver et Télé le traîneau. » C'est le diable qui a
inventé les roues et la voiture ; les autres disent que c'étaient saint
Paul et saint Pierre, d'autres encore que c'était Salomon *. Ici le
folklore ukrainien est d'accord avec les données d'archéologie et
d'ethnographie comparée. Après avoir étudié les diverses formes
du traîneau et des machines à battre le blé qui ont une ressem-
blance évidente avec le traîneau 'comme iribulum ou traka romains et
dikany de tous les peuples balcaniques) et qui sont si répandues dans
tous les pays aux bords de la Méditerranée où elles commencent à être
remplacées par les voitures, M. Anoutchine fait la supposition que le
Fig. 5. Attelage de chien (Canada).
traîneau présente peut-être la forme la plus primitive de la voiture
en général, non-seulement dans les pays septentrionaux où il y a
beaucoup de neige, mais aussi dans les pays méridionaux secs et
chau Is Crllc hypothèse, dit l'éminent professeur de Moscou, est
d'autant plus vraisemblable que la voiture, la plus simple même, est
beaucoup plus compliquée que le traîneau, qui dans ses formes les
plus rudimentaires ne présente que deux perches ou troncs d'ar-
bre réunis, chargés de poids et traînés par l'homme ou l'animal. En
effet dans toutes les parties du monde on peut trouver des traîneaux do
ce genre. Aux exemples cités par M. Anoutchine ^deux perches atta-
chées à la selle d'un cheval chez les Indiens du Texas, un tronc d'ar-
bre bifourché et attelé de bœufs, en Afrique méridionale, etc.) nous
pouvons ajouter encore une manière de transporter les charges à
l'aide de chiens chez les Indiens de l'Amérique du Nord (Canada),
1. Tchoubinsky Troudy Erpeditiii {Travaux de Verpidition ethnographique
dans les provinces du Sud-Ouest de la Russie), 1, p. 104-106. (Cité che« M.
Anoutchine op. cit. p. 60).
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 22S
que nous avons trouvé sur une des photographies rassemblées par
M. Stoddard et publiées dans le Portfolio Colonial de la C* de Wer-
ner à Chicago et à Paris (1895, sér. 12). Sur la reproduction d'une
partie de cette photographie, que nous donnons ici (fig. 5), on peut
voir deux perches attachées au collier d'un chien d'attelage, au mi-
lieu desquelles se trouve une espèce de siège en branches et en cordes
entrelacées, où on met la charge. C'est à peu près la même chose
Kig. 6. Tratneau des Ile» Philippioes (Musée du TrocadérD).
que les diverses espèces de volokouchis russes décrites par M. Ânout-
chine qui se rencontrent très souvent dans les parties septentrio-
nales de la Russie et ne consistent qu'en deux perches réunies par
des traverses. Ces volokouchis peuvent être considérées comme pro-
totype du traîneau. « L'expérience, dit M. Anoutchine, a pu démontrer
les inconvénients de Tusage des longues perches qui pouvaient se
rompre très souvent. En liant avec une corde oujunejcoiirroie les
deux bouts des perches cassées, on a pu remarquer que cela pré-
Fig. 7. Iles Philippines (Musée du Trocadéro).
sentait certaines commodités, et par cela l'invention du traîneau était
déjà faite en principe ; il ne restait qu'à recourber un peu les bouts
antérieurs des patins aOn qu'ils glissent plus facilement sans se
heurter contre le sol... * »
Il n'est pas facile de retrouver toutes ces formes intermédiaires.
Notre article nélanl qu'un supplément à l'ouvrage de M. Anoutchine
nous profitons de l'occasion pour attirer à ce point Je vue l'attention
1. En Haute-Bretagne, les enfants ont comme charrette primitive une sorte
de.traineau, formé d'une branche fourchée, à laquelle ils adaptent parfois des
demi-cercles (comm. par M. Paul Sébillot).
TOMK XI. — IIAI 1896. \ô
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■^î
22(i REVUE DES TUADITIONS POPULAIUES
de nos collègues sur diverses formes du traîneau des Iles Philippines
dont nous donnons ici les dessins d'après les photographies faites
au Musée du Trocadéro grâce à Tautorisation bienveillante de M. le
\y E. T. Hamy. La fig 6. représente un traîneau où les perches pri-
mitives sont déjà divisées en deux tronçons, quoique d'une manière
peu suffisante encore, probablement parce que cet appareil estdesliné
à des routes qui ne sont pas couvertes de neige. La figure 7
nous donne l'exemple du même traîneau pourvu déjà de sa caisse en
forme de panier. Enfin la Hg. 8, représente un véritable traîneau
avec les patins légèrement recourbés, qui a beaucoup de ressem-
blance avec le traîneau de rUkraïne servant pour le transport du foin
Fig. 8. Traîneau des Ue» Philippines (Musée du Trocadéro).
pendant l'hiver. Les brancards sont remplacés ici par des cordes. Ces
traîneaux des Iles Philippines sont d'autant plus intéressants, qu'ils
proviennent du pays où il n'y a jamais dé neige, ce qui nous prou-
ve d'une manière certaine que les traînaux avaient bien pu appa-
raître comme moyen de transport dans les pays chauds et être
rorigine des véhicules à roues.
Quant à ces derniers, M. Ed. Tylor a indiqué depuis longtemps
déjà que leur première origine tloit être cherchée dans les rouleaux
ou morceaux de bois cylindriques sur lesquels on plaçait une charge
et qui se transformèrent plus tard en roues avec un axe immobile ^
Mais ces rouleaux apparaissent primitivement comme un supplément
du traîneau, étant placés sous les patins de celui-ci. Sur les monu-
I. Ed. Tylor. Anlftropology^ p. 199-200. Une nouveUe tliéorie de l'évolution de
la voiture est proposée tout réciuinieut par M. E. Ilahn dans une des séance? de la
Société d'Anthropologie de Berlin (Zeitschrift fur Ethtwloffie XXVM Jahr«jr,
t895. tleft V, p. 342-345;. L'auteur de celle Ihéone un peu inattendue trouve
l'opinion de M. Tylor, adoptée e». développée par M. Reuleaux {TheoreUsche Kine-
maliky Braunschw, 1815, p. 204) peu satiAraisante et croit que la première idée des
roues devait avoir élé donnée, pendant l'époque néolithique encore, par lesfasa'io-
les, qui avaient d'après lui une signification sacrée {heilig waren) « parce qu'elles
étaient souvent faits de matières précieuses comme ambre jaune, par exemple,
et ornés des signes sacrés. « 11 fallait seulement enfiler deux fusaioles sur n
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 227
menis assyriens nous trouvons des bas-reliefs représentant la scène
du transport d'une statue colossale qui repose sur un traîneau, au-
dessous duquel sontsupposésdes rouleaux (fig. 9) Pour faire la voiture il
ne restait qu'à réduire le diamètre du rouleau au milieu et à ratta-
cher au traîneau qui se transforme en caisse de voiture. De là déjà
Fig. 9. Transport d*ua traîneau. Bas relief d'après Flandin (1).
les voitures primitives à axes mobiles indiquées par M. Ed. Tylor à
Rome et en Portugal et par M. Anoutchine au Caucase (fig 10).
Les perches réunies présentent sans doute une forme primordiale
du traîneau ou au moins Tune de ces formes. Mais il est possible
aussi, dans les pays froids et abondants en neige surtout, que la pre-
mière idée du traineau ait été par exemple donnée par combinaison
axe et la voiture était inventée ». L'auteur insiste sur le rôlo sacré des fusaïoles
parce qu'il cherche à prouver un rattachement de la voiture et de la charrue à
certaines divinités mythologiques du Nord de l'Europe auxquelles, croit-il»
étaient consacrés les petits chariots eu bronze qu'on trouve dans les fouilles
halstatiennes et de la période de la Tène. Nous n'avonit pas besoin d'apprécier
cette nouvelle théorie dont la valeur scientiûque ressort d'elle môme.
I. Gravure extraite de V Histoire narrative et descriptive des anciens peuples
de rOrient, par Ch. Seignobos. 1 v. in 18 avec HO gravures et 5 caitcs. Paris,
Armand Colm.
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!Î28 REVUE DES TRADITIONS POPILAIRBS
de deux patins qui ont pu être inventés d*avanee. Il faut se rappeler
seulement ringéniosité elTesprit d*invention avec lesquels les enfants
des pays du Nord savent tout accommoderpour pouvoir patiner ou se
Fig. 10. « Harba » de Caucase (d'après M. Anoutchine).
promener sur la glace pendant l'hiver, pour comprendre combien les
origines du traîneau pouvaient élre variées. Comme exemple nous
nous permettons de reproduire ici une figurine d'un coin de tableau
de Breughel de Velours dont nous possédons la gravure : un petit
gamin se promène sur la glace assis sur la mâchoire inférieure
de bœuf probablement (fig. H). En voyant cette petite image on
se rappelle involontairement le rapprochement remarqué par M.
Anoutchine, entre le traîneau et la mâchoire inférieure, dans les lan-
gues de certains peuples. En ossète le mot dzonigh signifie le traî-
neau et la mâchoire inférieure, ainsi que le mot salazki dans la langue
grand-russienne, et si nous ne nous trompons pas, le mot gryndjoly
dans la langue ukraïnienne. Tu. Volkov.
Fig. 11
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REVrîE DES TRADITIONS POPULAIftRS 229
POÉSIES SUR DES THÈMES POPULAIRES
XXXIX
FLUTES d'ÉCORCE
Au marchA j'ai fait emplette
D'un couteau d'acier poli.
Je m'en vais au Bois joli
Quand chante Talouette...
Ilélého Tého !
La tiédeur d'avril se glisse
Au plus fourré des gaulis.
J'ai choisi dans le taillis
Deux arbres au tronc lisse...
Hélého l'êho !
Deux arbres de bonne taille,
Blanc bouleau, brun merisier,
Que, de mon couteau d'acier,
Très doucement j'entaille.
Hélého i'ého !
Je coupe, en larges rouelles,
L'écorce où la sève bout :
Quelques épines., c'est tout ;
J'ai deux flûtes nouvelle:*...
Hélého I'ého !
Sur ces flûtes primitives
Je répète mes chansons ;
J'en tire de joyeux sons
Et des notes plaintives.
Héléo I'ého.
Vous plairait-il d'en entendre
Quelques-unes ? Les voici !
J'en sais d'un ton triste, aussi
D'un ton gaillard ou tendre...
Héléo I'ého !
Ma musique est peu savante
Et j'en fais l'aveu sans fard ;
Ne cherchez pas beaucoup d'art
En ces airs que j'invente...
Héléo i'ého !
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2<t0 RRVUR DRS TRADITIONS POPULAIRE^
XL
LE GALANT QUI SE NOIE
{D'après la ballade populaire)
La blonde fille est sur la grève,
Baignant ses bras blancs dans la mer ;
Non loin d'elle un jeune homme rêvp
Aux traîtrises du flot amer.
Qu'elle me dise oui ou non
J'aimerai toujours Manon.
Uu cri soudain., qui se lamente?
Vite il regarde : au bord de Teau
La belle blonde se tourmeute,
Ses pleurs coulent comme un ruisseau
Qu'elle me dise oui ou non
J'aimerai toujours Nanon.
Il accourt : « Qu'avez-vous, 6 blonde,
Qu'avez-Yous donc à pleurer tant ? *>
— « J'ai laissé dans la mer proronde
Choir mon anneau d'or éclatant. »
Qu'elle me dise oui ou non
J'aimerai toujours Nanon.
Et leurs regards à l'instant même
Se rencontrent... pour les charmer
C'en est assez : lui sait qu'il l'aime,
Elle sent qu'elle va l'aimer
Qu'elle me dise oui ou non
J'aimerai toujours Nanon.
— « CoDsolez-vous, laissez vos larmes,
0 belle blonde, se tarir ;
L'anneau qui cause vos alarmes.
Je vais aller vous le quérir, m
Qu'elle me dise oui ou non
J'aimerai toujours Nanon.
Et le jeune homme se dépouille.
En un clin d'œii de son manteau,
11 se jette à la mer, il fouille
L'abîme inexploré de l'eau.
Qu'elle me dise oui ou non
J'aimerai toujours Nanon.
Une première fois il plonge
Sans rien trouver ; il plonge encor ;
Comme dans le vague d'un songe
11 croit entrevoir l'anneau d'or.
Qu'elle me dise oui ou non
J'aimerai toujours Nanon.
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hEVi:K DES TRVDITIQNS POPITLAlKES '2'M
11 plonge encore : son àme est ferme,
Mais la force manque à ses bras ;
Sur lui la mer, hélas ! se ferme
Pour jamais., il ne revient pas.
Qu'elle me dise oui ou non
J'aimerai toujours Nanon.
Oh ! quels pleurs versera sa mère.
Comme son cœur sera broyé !
Quoi I pour un amour éphémère,
Son bel enfant ainsi noyé !
Qu'elle me dise oui ou non
J'aimerai toujours Nanon.
Deux cœurs en qui l'espoir succombe
Pour son àme prieront souvent :
La vieille mère sur sa tombe,
La belle blonde eu un couveut I
Qu'elle me dise oui ou non
J'aimerai toujours Nanon.
Achille Millien*.
1. Chez nous (Le long des sentes uivernai^es — Airs de flûte — Le jour qui tombe).
Pûrii», Lemerre, in-18 de pp. 212 (3 fr.). Ce nouveau volume de notre collabora-
teur contient beaucoup de pièces où il s'est inspiré des chansons populaires et
des traditions du Nivernais. C'est à ces dernières que sont empruntées la Pierre
de la fée, Coly et la Wivre, le Caraqui. D'autres, que leur longueur seule nous
empêche de reproduire, parleut des coutumes locales : La Quête des pâtres pour
le moi de Mai, le mai, etc. D'autres enfin, comme le Galant nui se noie, la ballade
du galant qui tua sa mère, l'Infanticide, le Cœur perdu, sont directement inspirées
par des chansons populaires ; à ce point de vue, et en dehors du mérite poéti-
que très réel de certaines pièces, ce livre mérite d'être bien accueilli par ceux
qui aiment la poésie et la tradition populaire. P. S.
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232
REVrE DES TRADITIONS POPULAIRES
CONTES DE LA HAUTE-BRETAGNE
Récits surnaturels
OUATRE-POUCES
^^ L était une fois un homme et une femme qui avaient un
fils ; i] était si petit qu'à dix-huit ans il n'avait que quatre
pouces de hauteur.
Il partit alors avec un petit pain, un petit paquet et
quelques pièces de monnaie. Il vit sur sa route un grand
monsieur bien mis auquel il demanda la charité.
— Je te fournirai autant d'or que tu voudras, répondit le
monsieur, si tu veux me donner ton âme.
Quatre-Pouces vit que le monsieur avait un pied fait
comme celui d*un cheval, et il lui dit :
— Vous pouvez garder votre or, mon pauvre monsieur le diable.
Il se mît à marcher près du diable, et comme celui-ci ne faisait
pas attention à lui, il sauta dans sa poche, lui prit sa bourse et sa
baguette de vertu, et se laissa glisser de la poche.
Un peu plus loin, il rencontra une vieille femme qui avait Tair
bien malheureux ; elle demanda la charité à Quatre-Pouces qui lui dit :
— Tenez, bonne femme, voici ui\e pièce d'or et un morceau de pain.
— Je te remercie, mon petit homme, lui répondit-elle; et aussitôt
elle devint une belle dame, belle comme une fée qu'elle était. Je vou-
lais voir si tu avais bon cœur. Je vais te donner un conseil. Tu as pris
la bourse du diable et sa baguette de vertu, mais ils ne sont pas
encore à toi. Le diable va venir le chercher, et il t'emportera. Va à
l'église, fais bénir par un prêtre la baguette de vertu, et si le diable
t'attrape, tu diras : Par la vertu de ma petite baguette, va en enfer
et ne reparais jamais sur terre. »
Quatre-Pouces remercia la fée, et se hâta d'aller à l'église faire
bénir sa baguette : il prit aussi une petite bouteille d'eau bénite, et
se remit en route. Il n'y avait pas longtemps qu'il était sorti de
l'église quand le diable le prit par le bras. Quatre-Pouces lui jeta
aux yeux de l'eau bénite, et, prenant sa baguette, lui dit :
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BEVUE DK9 TBADITIONS POPULAIRES 233
— Par la verta de ma petite baguette, compère le diable^ disparais
de dessous terre, et va en enfer pour n*en revenir jamais.
Quatre-Pouces retourna chez ses parents, qui furent bien heureux
de le revoir, et de savoir qu*il avait fait fortune, et il resta à vivre
avec eux.
{Conté en i 881 ^ par François Marquer, de Saint-Cast).
II
COMME DE RAISON POUR DE l'aRGENT
Il y avait une fois un soldat qui n'avait jamais d'argent, et il en
était si désolé qu'il voulait se noyer.
Comme il se mettait en route pour aller à la rivière, il rencontra
un homme qui lui dit :
— Où vas-tu ?
— Je vais me noyer parce que je n'ai p&s un sou vaillant.
— Ne te noie pas : quand tu voudras que ta bourse soit pleine de
monnaie, tu diras : « Comme de raison, pour de l'argent. »
Le soldat regarda en l'air et prononça les paroles qui lui avaient
été prescrites, et quand il tàta ses poches elles étaient pleines d'ar-
gent.
Il se mit aloi*s en route, et le soir entra dans une auberge pour y
passer la uuit ; il y avait à l'auberge deux marchands chargés d'fir-
gent, et la maîtresse de la maison qui était une mauvaise femme dit
à son mari :
— Il faut tuer les deux voyageurs et cela passera sur le compte
du soldat.
Le lendemain on alla chercher les gendarmes qui s'emparèrent
du soldat dont les poches étaient pleines d'argent et le conduisirent
en prison. Au procès, il se contentait de répondre que ce n'était pas
lui. Il fut condamné h mort, et le prêtre qui le confessa lui dit :
— Est-ce vous qui avez tué les voyageurs ?
— Comme de raison pour de l'argent î répondit-il. Et à chaque
fois qu*il prononçait ces paroles, ses poches grandissaient et s'em-
plissaient.
Quand il fut sur l'échafaud, il dit encore la même chose.
Il y avait tout auprès de la potence un grand homme à cheval qui
avait le pied semblable à celui de sa monture ; il aperçut l'auber-
giste et sa femme et leur cria:
— Voici les deux coquins : c'est vous qui avez tué les voyageurs 1
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2*U REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
— Moi, s'écria la femme de Tauberge, si c'est moi, je veux bien
que le diable m'emporte.
Aussitôt le grand cavalier, qui était le diable, l'emporta, et le soldat
ae fut pas pendu.
{Conté à Saint-Cast, par J,-M, Hervé, de Pluduno, 1S79).
m
LES CHATS-SORCIERS DE LA CROIX-BRAS *
Au temps jadis, les chats-sorciers allaient danser autour des croix,
et ils récompensaient ceux qui leur rendaient service en passant.
Un soir un homme de la métairie du Bois-Bras qui revenait du
bourg où il était allé faire forger le soc de sa charrue, entendit du
bruit derrière lui, et vit venir sur le chemin une petite troupe; mais
il ne savait pas ce que c'était, car il faisait noir, et il se cacha dans
un champ pour voir ce qui allait se passer.
Quand les chats-sorciers arrivèrent près de la croix, ils s'arrê-
tèrent et se mirent à parler ensemble. LTiomme écouta et entendit
les chats qui disaient :
— OCi étais-tu hier soir, Robin ?
— A la Cour, répondit-il.
— Et toi, Gilles? demanda Robert qui était leur roi.
— Au Biot près du Bé.
Ils parlèrent ainsi pendant une heure et Thomme qui était caché
avait envie de les voir finir^ car il voulait savoir ce qu'ils allaient
faire ensuite.
Quand ils eurent fini de causer, ils se mirent à danser autour de
la croix et ils chantaient :
Samedi, Dimanche et Lundi,
Samedi, Dimanche et Lundi.
L'homme de la métairie s'ennuya de les entendre toujours répéter
la même chose et il cria :
Mardi !
Et que ce soit fini.
1. Cf. Contes populaires de la Haute- Bretagne, t. IT, n. LX. Les Chais sorcier»
et les Bossus, et sur ce fait les jours de la semaine comme refrain de danse, le
n» LIX du même volume et le n<> XLIX du t. TU, et Retme des Traditions popu-
laires, t. X, p. 575.
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R&VLîR DES TRADITIONS l*OPIJLAIRES 231)
Aussitôt les chats sorciers s'écrièrent:
Bofé (bonne foi) nenni,
Ça ne sera pas flni.
— Qui a dit : Mardi ?
— C'est moi, répondit le fermier.
— Où es-tu ?
— Me voici, dit-il en sautant dans le chemin.
— Qui es-tu ?
— Laboureur.
— Hé bien I s'écrièrent les chats, ton soc ne s'usera plus : mets-le
par terre.
Le fermier posa son soc à terre, et les chats passèrent leurs queues
par dessus.
Depuis ce moment il n'eut plus besoin de reporter son soc à la
forge, car il ne s'usait point.
Mais il avait reconnu son chat dans la compagnie des sorciers, il.
lui coupa le bout de la queue pour l'empêcher de retourner au
sabbat. Les autres chats pour le venger crevèrent les yeux à son
maître qui fut aveugle et devint aussi gueux qu'un rat.
{Conté en 1881 par François Marquer, de Saint-Cast, mousse^ âgé
de 14 ans,)
IV
LE REVENANT
Il était une fois un homme qui était bien vieux ; il avait vu mourir
beaucoup de ses parents, et il les avait même ensevelis.
Quelques-uns d'entre eux lui avaient dit avant de mourir que s'ils
allaient en purgatoire, ils reviendraient le voir pour lui recomman-
der de leur faire chanter des messes. Il leur avait mis en les enseve-
lissant une belle robe blanche, afin, disait-il, de les reconnaître quand
ils reviendraient.
Un soir que le bonhomme était tout seul à se chauffer dans son
foyer, et qu'il pensait à eux, un cochon blanc, qui était poursuivi
par un loup, voyant la porte ouverte, entra tout-à-coup dans la
maison pour se sauver. Le bonhomme, en le voyant tout blanc, crut
que c'était un de ses parents qui revenait vêtu de sa robe blanche.
— Tu n'as pas donc été en Paradis, mon pauvre Pierre ? lui deman-
da-t-il.
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2.1H REVCE DES TRADITIONS POPI'LAllieS
A rînstani le cochon dit :,Hon ! Hon ! et il passa la porte. Le bon
homme crut qu'il avait répondu : non 1 et il alla se coucher tout triste.
Le lendemain le bonhomme alla raconter au recteur qu'il avait eu
une vision, et qu'il fallait dire des messes pour son frère Pierre,
jusqu'à ce qu'il lui dise de les cesser. Cela dura longtemps, et un
soir que le bonhomme était encore seul à se chauffer, un cochon
blanc entra chez lui.
— Ah I Pierre, dit-il, croyant que c'était son frère, es-tu encore en
Purgatoire ?
Le cochon alla « sentiner » auprès d'un bassin en disant : Hon !
Hon I puis, comme il passait la porte, elle se referma sur lui, et lui
prit la queue ; il grogna et dit : Houie I
Le lendemain le bonhomme alla chez le recteur et lui dit :
— Mon frère est maintenant en Paradis, vous pouvez cesser les
messes.
{Conté en i 883, par Pierre Esnault, de Saint-Cast, âgé de 14 am).
V
LA VISITE A l'enfer *
il y avait une fois à La Malhoure un recteur qui avait, dit-on, de
mauvais livres comme en ont encore les prêtres, pour tirer de sous
la haire du diable les personnes qui se sont vendues à lui.
Un jour le recteur vint dans la cuisine portant un de ces livres, et
ayant été appelé au dehors, il l'oublia sur une table. Le domestique
qui savait lire et était très curieux, se hâta de l'ouvrir. Mais il y a
dans le Pelit Albert^ dans le Grand Albert et dans le Dragon rouge,
qui sont des livres de l'enfer, une page qu'il ne faut pas tourner, ou
Ton est emporté parle diable. Le domestique ne le savait pas, et il la
tourna. De chacune des lettres de celte page sortit un petit diable,
et le domestique fut vite enlevé. 11 ne resta que son chapeau.
Quand le recteur rentra, il vit que son domestique avait été
curieux ; il retourna la page, en disant les paroles que le domestique
ne connaissait pas, et qu'il aurait dû dire avant de la tourner, puis
il (it le signe de la croix, et le domestique reparut.
1. Cf. sur les descentes en enfer dans les Contes de la Haute-Bretagne.
Contes populairen, t. I, p. i90, t. 11, p. 297, 303, 301. Traditions et superstitions
de la Haute- Bretagne^ t. 1, p. 198, 200. Con/e«de« ^art;i«, extrait de «rArchiviO's
1791, p. 58, et Archivio t. V, p. 259 et sur les livres de la Sorcellerie. Contes
pop,, t. 1, p. 287. Traditions et superstitions, t. I, p. 302,304.
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BEVUE DES TBADITIONS rOPLLAlHES 237
l.c recleur lui demanda ce qu'il avait vu en enfer: — Quand j'y
suis entré, répondit-il, je vis une bonne femme couchée dans un
beau lit. Je m'en approchai en disant : « Vous êtes bien dans ce beau
lit. » — « Pas si bien, dit-elle, touchez-le du bout du doigt. » Aussi-
tôt je sentis une brûlure, et il sortait du feu du bois du lit. Un peu
plus loin, je vis un autre femme qui ribottait (barattait/ — Pourquoi
faites-vous cet ouvrage? lui dis-je » — « Quand j'étais sur terre, j*ai
tué mon petit enfant ; depuis deux cents ans, je nbotte son sang,
et je n'arrêterai ni jour ni nuit, jusqu'à ce que je sois parvenue à
en faire du beurre ; touchez-moi un peu. » Dès que je l'eus tou-
chée avec un bâton, la femme et sa baratte furent tout en feu.
Un jour qu'il'était à la porte de Téglise, un homme, qui était c un
peu chaud de boire », lui demanda si on était heureux en enfer.
— Il faut, répondit-il, aller le demander à ta grand'mère qui est
au fin fond des enfers àécarder de Tétoupe.
Quand le recteur sut que son domestique parlait ainsi des uns et
des autre?!, il lui défendit de raconter à àme qui vive ce qu'il avait
vu chez le diable.
[Conté en i 883, par Alexandre Renault, du Gouray),
VP
LA FAUCILLE LE COQ ET LE HIBOT
Il y avait une fois un pauvre paysan qui mourut ; ses trois fils se
partagèrent son maigre héritage, et le plus jeune, ainsi que cela a
lieu souvent, n*eut pas la meilleure part. Tout son lot se composait
d'une faucille, d'un coq et d*un ribot, ou si vous aimez mieux, d'un
pilon à faire le beurre.
11 se mit à voyager pour chercher de l'ouvrage, et il arriva dans
un pays assez éloigné au moment ofi Ton faisait la moisson. Les
gens n'avançaient guère à la besogne, car pour couper le blé ils se
servaient d'alênes ; le jeune garçon se mit à scier le blé avec su
faucille, et eu quelques minutes, il fit plus que la journée de dix
personnes qui se servaient d'alênes.
1. J ai publié trois autres ver^iuus, moius altérées que celle-ci, des Trois
héritiers chanceiix^ l*une sous le titre de : Les Trois fils qui vont chercher fortune
(AimaDach du Petit Uennais 1881), Tautrc sous celui du Le Marquis de tarabas
dans le Père Gérard, 6 mars 1884 ; une troisième La Faucille, le Chat et le Coq
(Revue de Bretagne, 1892, p. 18 du tirage à part).
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238 IKEWVtù DKS TRADITION» POPULAIRES
Les moissonneurs émerveillés se pressèrent autour de lui en
disant :
— Ah ! quel outil commode I voulez-vous nous le vendre?
— Oui, si vous m'en offrez un bon prix,
— Voulez-vous cinq cents francs ?
Le garçon qui n'avait jamais vu autant d'argent^ se hâta d accep-
ter, et quand il eut les écus dans sa poche, il crut qu*il irait au
bout du monde et se remit à voyager.
Il passa par un pays où les gens allaient chercher le jour ; toutes
les nuits les uns parlaient avec des charrettes, les autres avec des
sacs, et ils marchaient jusqu'à ce qu'ils eussent rencontré le jour;
alors ils retournaient sur leurs pas, s'imaginant rapporter la lumière
avec eux.
Le garçon les rencontra qui allaient ainsi au-devant du jour, et
quand ils lui eurent expliqué ce qu'ils allaient chercher, il leur dit :
— Voici un animal qui vous donnera le jour sans que vous ayez
besoin de vous déranger toutes les nuits. Quand il se met à chanter,
le jour arrive.
— Combien voulez-vous le vendre? demandèrent-ils.
— Cinq cents francs.
Quand il eut touché cet argent, il ne lui restait plus de Théritage
paternel qu'un ribot qu'il gardait toujours avec lui. Il trouva à se
placer comme garçon d'écurie ; mais son bourgeois et les autres
domestiques étaient mal disposés pour ce hors-venu. Ils lui dirent de
curer un puits profond, et quand il fut sur le bord, ils le poussèrent
dedans et son argent tomba. Son ribot qu'il tenait à la main l'em-
pêcha de dégringoler trop vite, et il descendit en s'aidant des pier-
res et des herbes qui garnissaient le bord, au milieu du puits, il
rencontra une vieille bonne femme qui lui ouvrit une porte, et lui
dit de se sauver par là sans essayer de retrouver son argent.
Après avoir cheminé quelque temps, il se trouva dans une vallée,
et, à la nuit tombante, il arriva devant un moulin à eau et il pria le
meunier de vouloir bien le loger.
— Non, répondit-il, personne ne peut rester dans le moulin après
la chute du jour, car il y vient des sorciers et toute une diablerie.
— J'y coucherai bien, moi.
— Hé bien ! si vous êtes encore en vie demain, je vous donnerai
cinq cents francs.
Le jeune garçon se barricada dans le moulin ; un peu avant
minuit il entendit du bruit comme si l'enfer avait été déchaîné, et il
vit une espèce de fantôme qui marchait vers lui en criant horrible-
ment. Mais il prit une faulx et, profitant d'un moment où le fantôme
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UEYUE DKS TKADITIONS POPLLAIRES 239
se baissait^ U lui porla dans le dos ua coup de faulx. Aussitôt le
blessé s'écria :
— Âb ! mon ami, grâce à toi me voilà délivré !
Le lendemain, quand il eut touché son argent, il demanda s'il y
avait d'autres moulins dans la vallée.
— Oui, lui répondit-on, il y eu a un autre, mais il est encore plus
dangereux que celui-ci.
Il y arriva le soir et demanda à coucher.
— Etes-vous fou, dit le meunier, il vient des diables et des sor-
ciers dans le moulin, et je ne voudrais pas y passer la nuit, même
pour mille francs !
— Donnez m'en la moitié seulement et j'y coucherai.
Il ferma soigneusement les portes, et vers minuit il entendit un
tel tapage qu'il croyait pour le moins voir apparaître le Grand
Biquion, ou si vous aimez mieux, le diable en personne *. Il vit
encore un grand fantôme qui lui dit :
— Je vais te coller le long de la muraille.
— Si tu peux, dit le jeune garçon qui s'était armé d'une barre de
fer et en porta un coup sur la tête de l'apparition.
Dès que le sang coula, le blessé s'écria :
— Ah I vous m'avez tiré des griffes du diable ! je veux faire votre
bonheur pour reconnaître ce service.
Le blessé, qui auparavant était loup-garou, maria le jeune garçon
à une de ses filles, à leur grand contentement à tous deux, et moi
quand je les vis heureux, je les laissai-là, et je m'en vins.
I Conté par Joseph André, couturier et chantre à IVébry, i 879).
yii
i
LA MAIRE DC DIABLE
Il était une fois un soldat qui s'en revenait du service. Un soir il
entra dans une maison pour demander un gîte.
— Nous voudrions bien, lui répondit-on, mais tous ceux que nous
logeons dans la maison d*à côté sont enlevés et le lendemain on ne
retrouve que leurs souliers.
Le soldat, qui n'avait pas peur, accepta de coucher dans cet
appartement: on lui fit un bon feu, et on jirépara son lit. Mais le
{. Biquion s bouc.
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2i0 REVUE DES TRADITlOi^S l»OPULAiRES
soldai, craignant quelque embûche, se coucha sous le lit au lieu de
se mettre dans les draps.
A minuit, il entendit gratter à la porte, qui s'ouvrit d'elle-
même, et il vit entrer un grand bœuf qui fouilla le lit avec ses
cornes, puis s*en alla. Quelques minutes après entra une grande
truie qui sauta sur le lit, et se mit à le fouiller avec sou
grouin ; puis comme elle n'y trouvait rien, elle vînt se chauffer ; 1c
soldat la vit 6ter sa peau de truie, et il reconnut la vieille
femme de la maison où il avait demandé un gîte. Il pensa qu'elle
était sous la haire du diable, ets'altirant tout doucement de dessous
le lit, il lui frappa le bras d'un coup de sabre, au moment où,
rayant aperçu, elle rallongeait pour reprendre sa haire. Elle fut
blessée, et elle le supplia de la la'sser toucher la haire avec le petit
doigt. Mais il ne voulut pas, et fit la garde toute la nuit autour de
la peau. Quand vint le jour, la peau s'envola par la cheminée, et la
bonne femme ne fut plus sous la haire du diable.
(Conté en 1881 y par J.-M. Comault).
[A suivre), Paul Sébillot.
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REVuE DBS TRADITIONS POPULAIRES 2il
LES METIERS ET LES PROFESSIONS
LXXY
LE VANNIER
Ed mon enfance, au coun d'une de ces Journées
Que Tautomne assombrit, dans la rumeur des venU,
Ce cri : Les vans, les vans ! raccommodez les vans !
Ketentissait jeté par une voix de basse
Dans la rue. — On disait : c'est le vannier qui passe.
J'accourais... Voici l'homme : il marche lentement,
Sous sa hotte, d'où sort comme un hérissement
De lames de bofs fin, son dos voûté s'incline ;
Sa barbe à reflets roux tombe sur sa poitrine
Qu'un lambeau de vieux cuir pour le travail défend.
Achille Millien. Chez notu^ p. 41.
LXXVI
les armuriers
Les annales chinoises relatent un fait qui s est passé dans le
royaume de Ou à l'époque où la Chine était divisée en trois
royaumes. Le chef des forgerons du roi fut accusé de ne plus four-
nir que des armes d'une qualité inférieure, quand sa fille Ly-Mo se
précipita au milieu des métaux en fusion et sauva ainsi son père. Le
roi ordonna qu'on élevât un temple en son honneur.
Revue de Vhist, des religions^ 1881, I, 227. H. Cordier [Bulletin des
religions de la Chine). V. B.
VUl {Suite)
JEUX DE MÉTIERS
Routeurs de tonneaux
Une course originale a eu lieu, le 22 mars, à Nogent-sur-Marne,
entre des rouleurs de tonneaux de Paris et de la banlieue, pour la
plupart employés de la Halle aux Vins, du port de Bercy et des
Magasins généraux. Uu nombreux public a suivi ce curieux match et
a applaudi les nombreux concurrents qui luttaient de rapidité.
TOME XI. — MAI 1896. Ut
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2i2 REVUfc: DES traditions populaires
LV (Suite)
LES POTIERS
Dans le règlement des potiers lournésiens (Tournai, Haioaul), il
était défendu de travailler pendant les trois mois d'hiver, du 21 dé-
cembre au 21 mars, à peine d'une grosse amende et de voir sa mar-
chandise brisée, on ne pouvait travailler la nuit; le potier était soumis
à des redevances tant en argent qu'en nature ; au jour de la Procession
se prélevait chez lui la meilleure pièce.
Eugène Soil. Potiers et faïenciers Tournaisiens^ Lille, L. Quarré,
in-8, 220 p. et XX planches.
LXIV [Suite)
REDEVANCES ET POURBOIRES
Les « Lanteeren-aanstekers » (allumeurs de réverbères) forment, à
Gand, comme dans toutes nos grandes villes du reste, une petite
corporation.
A partir de Tannée 1803, ils distribuèrent aux habitants, à Tocca-
sion de la nouvelle année, ce qu'ils appelaient et appellent encore
des « nieuwjaai'wenschen », ou « nieuwjaargiften » [pièces de vers
chantant les louanges de la corporation).
Depuis quelques années les vers sont remplacés par des petits
calendriers ou par des cartons représentant l'un ou l'autre monu-
ment de la ville.
Alfred Harou.
LXXI {suite)
LES CRIS
Environs de Paris
Ces cris sont à peu de chose près, les cris que Ton entend dans
les rues de la capitale. Ceux qui suivent ont été recueillis, eu partie,
dans la petite ville de Choisy-le-Roy (Seine) et tlans les communes
de Villeneuve-le-Roi, Ablon et Athis (Seine-et-Oise).
Les marchands de légumes, le plus grand nombre, crient en por-
tant leur main contre l'oreille et en inclinant la tête. Ce n'est pas
pour s'en faire un porte-voix, c'est, d'après ce que l'un m'a dit, pour
ne pas s'entendre. Ils crient :
— Pois verts, pois verts, au boisseau î
— Des pommes de terre, des pommes de terre 1
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 243
— A la hollande, au boisseau, la hollande !
— Ah ! les beaux choux-fleurs, les beaux choux-fleurs î
— Cassez, brisez la noix nouvelle !
— Du pissenlit, à la salade !
— A la tendresse, la verduresse !
— A Toseille, la belle oseille !
Les marchandes de marée, car ce sont les femmes qui le ))lus sou-
vent font ce commerce, viennent, par le premier train du matin,
faire leur provision aux halles. Elles se hâtent de rentrer, car la
vente avant le déjeuner est toujours la meilleure. Elles crient :
— Merlan à frire, à frire !
— Sardines de Nantes, sardines nouvelles !
— A Tanguille de mer, à Tanguilie !
— Qui glace, qui glace, hareng nouveau !
— V*la dla raie tout en vie!
— La moule est fraîche, la moule est bonne, fi la moule, à la
moule !
— Du maquereau, du brillant maquereau I
— Ah ! qu'il est beau rmaquVeau ! Il arrive, il arrive !
— Des coques, des coques, qui veut des coques !
Les petits merciers ceux qui vendent au panier et ceux qui ont
leur marchandise installée sur une légère voilure nommée baladeuse,
qu'ils poussent devant eux, crient en allongeant Tintonalion des
dernières syllabes :
— Du (il, du coton, des aiguilles.
— Des lacets, deux sous les grands lacets.
Allons ! les ménagères, pas cher I
Les marchands plus importants, ceux qui voyagent avec de gran-
des voitures, véritables magasins ambulants, ne crient presque pas.
Us se contentent d'annoncer leur passage avec une corne, comme
les boulangers, et les clients s habituent à reconnaître à ces sons
différents tel ou tel marchand.
D'un marchand qui voyage aussi, on dit « qu'il chine, ou bien,
qu'il va sur les champs ».
J'ai .souvent entendu dire à Choisy-le-roi, un marchand de dessous-
de-plat en fil de fer qui chantait ainsi pour annoncer sa marchandise :
C'est moi qui les fait,
C'est moi qui les vend.
C'est ma petite femme
Qui mange l'argent.
C'est un métier ambulant et celui qui le professe est obligé de
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2ii REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
visiter beaucoup de pays pour arriver à gagner sa journée. Il en est
(le même des vanniers qui chantent :'
— Avez-vous des pannîers à raccommoder ?
— Voilà i'raccomodeur de paniers percés !
Ce sont ces gens qui passent et qui reviennent périodiquement.
Gustave Fouju.
^mmtttwt^t^ttit
LE FOLKLORE DANS LES ÉCRITS ECCLÉSIASTIQUES»
II
LE CONCILE DE SÉLEUCIË
N 410, SOUS la présidence de Maruthas, évoque de Meyafare-
kin, eut lieu, pendant le règne de Yezdedgerd^ roi sassaniJe
de Perse, le second des conciles tenus à Clésiphon et Sélcu-
cie. Ses actes nous ont été conservés en syriaque et le sixième
est ainsi conçu :
« Relativement aux augures, aux divinations, aux autres œuvres
d'impiété et de péché qui touchent au paganisme, aux enchan-
tements et aux incantations, à la magie e( à tout le culte des démons,
que tout cela soit rejeté par Tanathème et les malédictions loin de
nos églises et des enfants de notre foi. Si quelqu'un est trouvé
coupable de quelqu'un de ces crimes, quMl soit chassé sans pitié
de toute Téglise du Christ et qu'il ne lui soit jamais accordé
de pardon » *.
René Basset
1. Suite, voir t. X p. 266.
2. Concilium Seleuciœ et Ctesiphonle kabitum. Ed. Lamy, Louvaiu, 1868, gd.
iu-8, p. 46.
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KEVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 24?
LKS METEORES
VII {Suite),
l'arc EN CIEL*
Chez les Namaquas
'arc en ciel [Tsnviraù ou Aïb] est le beau-père de réclair.
D'après un vieux Namaqua, l'arc en ciel est un feu allumé
yM^ par Gaunab (nom du mauvais esprit et aussi d'une espèce
d*ôrthoptère : latin iwawa*5, français manie) et dans lequel le
dieu du mal précipite et fait périr quiconque se laisse trom-
per par lui. Les individus supposés morts de cette manière sont
appelé Gauna ô Khoïn fie peuple des morts de GaunaD*.
Chez les Waiaou
Dans la tribu des Wajaou, ou Ajawa, sur la côte orientale du lac
Nyassa, on appelle l'arc en ciel Oumloungou, c'est-à-dire Dieu :
c'est par ce mot qu'on désigne l'Être suprême et les pouvoirs surna-
turels. Quand on veut distinguer l'Être suprême de l'arc en ciel, on
l'appelle Lixoka^ l'invisible'.
§8
En Sibérie
L'arc en ciel joue un rôle assez obscur dans la légende altaïque
de^an-Pud&i et de sa lutte contre les deux Môs. Lorsque le matin
1. Suite, voir t. X p. 595.
2. Quatrefages, Croyances de$ Holtenlots et des Bosckimans, Journai des Sa-
vants, mai 1886, p. 2 et 3, d'après Th. Huho. Tsudni-Goam ihe suprême Being of
the KkoiKotu. Londres, 1881 io-8.
Z. Gallaway. The religions system of the Amazulu. NataL 1870 in-S
p. 124.
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ii{} REVUE DE8 TRADITIONS POCCLAIRES
arriva, un arc en ciel s'afiFermit dans le ciel; au milieu était un fil
rouge, visible. Kan-Pûdài l'ajusta avec une flèche. « Noire forêt boisée,
mon château de rochers, donne la bénédiction ; ma mer rocheuse
qui roule et ne roule pas, donne ta bénédiction. Mon château de
fer, donne ta bénédiction ». Kan PUdâi tira, il perdit le sens^
§9
En Bohême
Bechstein rapporte, mais sans citer ses sources, qu'à Prague,
vingt-sept individus ayant été condamnés à mort pour leurs méfaits,
un arc en ciel croisé se montra en signe qu'ils obtiendraient la
grâce et le pardon de Dieu^.
§10
Dans sou Traité de l'amour de Dieu, S' François de Sales fait
allusion à une légende relative à l'arc en ciel. « Comme lare en ciel,
touchant Tespine Aspalathus, la rend plus odorante que les lys,
aussi la Rédemption de Noire-Seigneur, touchant nos misères, elle
les rend plus utiles et plus aimables qui n'eusrt jamais esté Tlnno-
cence originelle » ^.
XII (Suite).
LE FEU SAINT-ELME *
On a VU '^ que les compagnons de Magalhaens (Magellan) furent
assez frappés par la vue du feu S'-Eline sur les côtes de Malaisie
pour faire vœu d'afl'rancbir une esclave. Ils avaient cependant,
au rapport de Herrera'^, été témoins de ce même phénomène au
1. Radloff. Proben der Volkslitteratur der lilrkischend StGmme Sild-Sibirieti^
t. I. St-Pétersbourg. 1886, p. 74-75.
2. Mythe, Sage Murchen und Fabet {Das Deutsche Volk XIV-XVI). Leipziir,
1854-1855, io-12, t. III. p. 12.
3. Cité par Sainte-Beuve, Port-Royal^ Paris, 1878, 7 volumes in-18 jésus l. I,
p. 226.
4. Suite. Voir t. X. p. 338.
5. Voir t. VI p. 488.
6. Histoire générale des voyages et conqvestes des Castillans, dans les hles
et Terre-ferme des Indes occidentales trad. N. 'de la Coste. — Seconde Décade,
Paria, 1660, in-4, 1. IV ch. X p. 280.
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RKVUE DES TRADITIONS POPCLAIRES 247
commencement de leur voyage, tandis qu'ils se trouvaient dans les
parages de la Guinée, -c Au milieu de ces grandes tempestes, les
mariniers dirent que Saint-Elme leur apparoissoit sur les hunes
avec une chandelle allumée, et quelquefois avec deux, dont les gens
receurent les larmes aux yeux vue grande consolation et resiottîs-
sance, et le salttoient ainsi que font ordinairement les mariniers.
Que lorsqu'il paroissoit, il y esloit toujours vn quart d'heure, et
lorsqu'il s'en vouloit aller, il faisoil vn grand esclair qui aveugloit
tous ceux qui le regardoient ».
Le même météore leur étail encore apparu sur le rivage de l'Amé-
rique du Sud, avant qu'ils ne découvrissent le détroit qui porta le
nom de Magellan : « Le dimanche iâ de février, ils surgirent à neuf
brasses et il s'esleva une furieuse teinpeste, accompagnée d'esclairs,
de foudre et de tonnerre, et l'orage qui dura vn bon espace de temps.
Comme la plus grande force en fut passée, il parut, selon l'opinion
des mariniers, le glorieux corps de saint Elme, dont les vus disoient
que c'estoit saint Pierre Gonçales ; d'autres sainte Claire; et d'autres
saint Nicolas. EnGn quelque chose que ce fust qui leur parust, il
leur sembloit que c'estoit vne chose toute céleste et de grande
admiration et consolation spirituelle ; et plusieurs qui s'en estoient
gaussez, le virent, le creurent et l'aflirmerent '. »
René Basset.
LE PETIT LANGADOU*
H
Une personne de Canne (Uimbourg belge), devant laquelle je lisais
le conte bourguignon, rapporté à la p. 92, du t. XI, de la « Revue des
Trad. popul. » m'assure qu'une version complètement identique se
débite couramment dans sa localité.
Alfred Harou.
1. Histoire générale, seconde décade, t. IX, ch. XI, p. «26.
2. Voyez « Revue des Trad. popul. o t. XI, p. 92.
*0*^t^f^t^^*l^0^^0^^f*0*t*0*t^m
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248 RBVCB DRS TRADITIONS POFULA1RKS
TRADITIONS ET SUPERSTITIONS DES' FORÊTS
I
CULTE DES FORÊTS
, PRÈS avoir mangé la dernière victime luée à ThoDoeur du
dieu Inemare, les Voiiaques recueillent tous les os, recou-
vrent ces os d'un linge propre, mettent dessus une
^^ monnaie en cuivre ou bien (très rarement) en argent et
c ' portent tout cela dans l'intérieur de la forél^ au moins à
un kilomètre du lieu où a été fait le sacrifice. Pendant tout leur
chemin ils chantent ; arrivés dans un point éloigné ils pendent
le linge avec les os sur une branche, ensuite ils reviennent chez
leurs amis qui sont restés au lieu du sacrifice. On les reçoit avec
bien des honneurs tout en leur demandant, quel accueil ils ont trou-
vé, et qu*esl-ce que Ton leur a dit.
(P. BoGAÏEVSKY : Religion des Votiaques. {Revue ethnogr.) (en russes
1890, I, 139-140).
11
FORÊTS SACRÉES
« Loude » — c'est chez les Voiiaques un petit bois situé assez près
du village. Au milieu de ce bois se trouve parfois une cabane, ou
bien tout simplement un autel, sur lequel on tue des animaux offerts
aux dieux. Ce bois est considéré comme sacré, on le tient très pro-
pre. Pas un seul arbre ne peut y être abattu, le dieu qui séjourne
dans cet endroit se vengerait cruellement sur celui qui le ferait.
Chez les Yotiaques il y a beaucoup de bois sacrés où vivent des
dieux inférieurs a Loutes ou Quérémètes ». On ne peut pas toucher
à ces bois, si on coupait un seul arbre, les esprits tueraient le mal-
faiteur ou bien lui feraient perdre la raison.
Le dieu « Quérémète » ne peut pas être adoré dans une plaine
sans forêts. Seulement hl oii il y avait autrefois un boiSy coupé ensnile
pour une cause quelconque, on peut prier k lui.
D'après Max Buch quand un groupe de Yotiaques émigré et qu'il
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RBVL'E DBS TRAD1TIO!l8 POPULAIRES 249
veut transporter Tautel du Quérémète, le magicien monte sur un
cheval et se laisse emporter par lui dans la forêt n'importe où. Lk
où le cheval s arrête enfin, on place Tautel.
(P. BoGAïcosKY : 1. c. p. 132, 156, 459, 160).
III
ESPRITS DES FORÊTS
Dans les gouvernements russes situés autour du lac d'Onega il est
recommandé de ne pas se disputer ou s'insulter réciproquement
dans une forêt. Car Wsprit forestier, le « liesavike » peut rapporter
TolTense à lui-même, et à la suite de cela il vous enverra une mala-
die qui ne pourra être guérie que par des prières et des offrandes
^adressées à lui.
(KouLicovsKY : Revye ethnographique fEtuografiteskoTe abosrYeniïe),
1890, ï, fasc. p. 45. .
IV
FORÊT HANTÉE
Dans le village de Gross-Sisbeck deux frères se disputèrent un mor-
ceau de forêt. Pour Tavoir pour lui un des frères fit ^n faux serment,
après quoi on lui attribua la forêt. Mais après sa mort il ne pouvait
pas avoir de repos dans sa tombe; par ordre de Dieu il hante Xbl forêt,
court vers les gens qui y passent et les effraie. Quand on le voiU
on entend toujours son cri : HoUaho, c'est la fausse frontière.
(Vosges : Sagen aus Braunschweig^ Brunsvick, 1895).
V
LES ANIMAUX DES FORÊTS
Les Altaïens d'OurianUiaY racontent qu'après le déluge envoyé par
le dieu Djelbéga sur l'humanité, deux personnes seulement restè-
rent vivantes. C'était un vieillard et sa femme. Ils s'enfuirent dans la
forêt et le vieillard se transforma en un ours. Voilà pourquoi Tours
a de rintelligence quasi-humaine.
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250 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
Les Sammoïèiles croient que l'ours est né de Tunion d'une femme''
et de r « e$pril de la forêt » (liechiï).
(Iadrintzeo : Le culte de Vours. Revue eiknogr, (russe), 1890, I, fasc,
p. i09, 112).
VI
LES SOCIÉTÉS SECRÈTES
La société secrète, chez les peuples des bords du Rio-Nunez, a un
chef, qui est magistrat et que Ton nomme le Simo ; il dicte les lois,
elles sont mises à exécution par ses ordres ; cet homme se tient
dans les bois, et reste inconnu à ceux qui sont étrangers à ses mys-
tères ; il a pour acolytes des jeunes gens, qui ne sont qu'en partie
initiés dans ses secrets.
VU
MALADIE TRANSMISE
Forêts
Quand dans le district de Pétrosavodske (des bords du lac d'Onega
un phtisique est aux abois, on ferme toutes les fenêtres et toutes les
portes, on retourne les vêtements et on jette sur la poitrine du
moribond un chat noir; c'est dans ce chat, que passera la maladie.
Après la mort du phtisique on porte ce chat dans la forêt et on
rattache à. un arbre. Le pauvre animal périt là-bas de faim ou sous
les griffes d'un animal plus fort et c'est ainsi que la maladie restera
définitivement dans la forêt.
(KouLiKOvsKY : Revue ethnogr. [Etnogr, i4 Ao.çr.) 1890, I, fasc. p. 48).
Vl. Bugiel.
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HKVrE DES TRADITIONS POPULAIRES 231
GARGANTUA
XII
LES GRAVOIS DE GARGANTUA
ARGANTUA était uo géaDt d'une grande taille, d*une grande
force et d'une gloutonnerie sans pareille. Il possédait des
biens immenses dont les produits suffisaient à peine pour
le nourrir. Le nombre de ses troupeaux de bœufs et de
moutons était incalculable. Les bergers menaient pâturer
leurs bètes dans les plaines et sur le flanc des coteaux. Comme les
vallées que traversent des cours d'eau sont toujours fertiles en
herbe, Gargantua en avait défendu l'entrée à ses serviteurs. II
parait que c'était lui-même qui coupait Therbe de ses prés. Mais il
fauchait bien 15 à 20 acres par jour. Aussi lui fallait-il une nuée de
faneurs et de botteleurs pour remplir ses fenils.
Un jour (il y a de cela bien longtemps), Gargantua vi.it de Char-
tres à Laigle ; il portait sur son épaule sa gigantesque faulx,et avait
son bihot^ attaché à sa ceinture. La chaleur était grande, attendu
que l'on se trouvait au moment de la moisson. Le géant pressait le
pas, car il avait hâte de couper les herbes des prés qui avoisinent la
Rille.
En arrivant sur les hauteurs d'Ëcublei, il s'aperçut que son
soulier le blessait. « Qu'y a t-il donc dans ma chaussure ! s'écria-t-il.
Mon pied commence à me faire bien mal. En vérité, je ne pourrai
me mettre à faucher tant que je souffrirai comme cela ! »
Gargantua examina la semelle de son soulier et il vit diverses
aspérités qui étaient fort mobiles : <( Bah I dit-il, ce n'est pas grand
chose. Ce sont seulement quelques gravois qui me gênaient I » Il
secoua donc sa chaussure et les gravois allèrent tomber tant dans le
fond de la vallée de Saint-Sulpice que sur ses flancs où ils reposent
encore aujourd'hui.
« J'ai bien soif et bien faim maintenant 1 Que l'on m'apporte à
boire et à manger ! Et promptement, car je suis fort pressé I. »
1. Cf, t. I, p. 198, t. II, p. 175, 186, t. ni, p. 422, t. IV, p. 479, t. VI, p. 387,
t. Vlî, p. 83, 670, t. IX, p. 264, t. X, p. 267.
2. Enveloppe de la pierre à aiguiser.
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252 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
Aussitôt des centaines de domestiques allèrent puiser de Teau
dans les belles fontaines de Saint-Sulpice. Ils remplirent de grandes
cuves semblables à celles dont on se sert pour faire la lessive.
Gargantua vidait d'un trait ces cuves aussi promptement que vous
et moi nous viderions un verre de bon cidre. Les fontaines furent
bientôt à sec et Ton vit le moment où il aurait fallu aller puiser à la
rivière.
Pendant que Gargantua étanchait sa soif, on lui amena une de
ses bergeries. Les moutons furent placés autour de lui, à portée de
sa vaste main. Vous allez peut-être croire qu'il fit cuire ces pauvres
bêtes ! Nullement, le géant était trop affamé et trop pressé. Il saisit
les moutons et les avala tous les uns après les autres.
Se sentant bien dispos après avoir pris un pareil repas. Gargan-
tua afli la sa faulx et descendit la vallée de la Rille en coupant
rherbe des prés. Quand il eut fauché ses 48 acres, le soleil était
prêt de se coucher. Le géant était un peu fatigué et comme il lui
fallait regagner le soir sa demeure située dans la Beauce, il se dit :
« Pourquoi empurterais-je avec moi cette dure affiloire? N'en ai-je
pas assez d'autres dans les carrières qui environnent mon palais?
A quoi bon me gêner dans ma marche I »
Gargantua prit donc sa pierre à faulx, et Tenvoya dans le lointain
où elle tomba sur la rive gauche de la Rille près Neauphle. L'affl-
loire resta piquée debout, dépassant encore le sol de plus de quatre
mètres. Mais pour que cette pierre sur laquelle les paysans vont
aiguiser leurs outils, conserve depuis des siècles sa position verti-
cale dans un terrain humide et sans consistance, il faut qu'elle soit
enfoncée bien avant.
Avant son départ, Gargantua lit semer deux glands entre Saint-
Sulpice et Saint-Santin. De ces deux glands sont sortis deux chênes
géants que Ton désigne dans le pays sous le nom de « chênes à
Gargantua. »
Eugène Vimont.
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REVUE DES THADITIONS TOrULAlKES 2o3
LES ALMANACHS POPULAIRES
VIII
ALMANACHS DE TROYES (16^)
LMANACH pour Tan de grâce mil six cens vingt-neuf. Dilige-
ment calculé par Pierre Delarîvey-le-jeune, Troyen. —
Imprimé à Troyes chez Claude Briden^ et se rendent chez
Louys Thomassin, in-fol. Placard rouge et uoîr (Bibliothè-
que Denlin, d'Epernay).
« Cet almaiiach, aussi curieux que rare est surmonté de La vie
récréative. Au coin, adroite, on lit au-dessus d'une porte de jardin :
Voicy comment od vit dans le monde :
Ceux-là s'estiment plus contents,
A qui plus de plaisir abonde
Et qui y passent mieux le temps.
A Tangle gauche, les lettres majuscules L. T. (Louis Thomassin .
« La grande gravure qui surmonte le texte retrace une fête ou une
orgie champêtre. De chaque coté du texte est une suite de i!2
tableaux correspondant aux 12 mois de Tannée et retraçant les cris
populaires de Troyes à cette époque. Trois personnages criant sont
dans chaque tableau : soit en tout 36 criant. »
(Emile Socard, Etude sur les almanachs et les calendriers de Troyes,
p. 85).
Nous n'avons pu retrouver Texemplaire décrit par M. Socard ',
que nous soupçonnons fort d'avoir pris pour les « cris de Troyes »
une édition locale des « cris de Paris ».
Ceci nous semble d autant plus vraisemblable que Claude Briden
imprimait des calendriers qui n'étaient que des imitations de ceux
publiés à Paris. La preuve en est facile à faire par la comparaison
de deux types conservés aux Archives de TAube : Tun pour i6i3,
contenant les foires de Paris, sans nom d'éditeur ; l'autre pour 1632.
venant de chez Claude Briden et offrant une médiocre mais incon-
testable imitation des fort beaux ornements gravés du précédent.
L. MORIN.
i. La Bibliothèque Nationale ne possède pas cet almanach.
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254
KEVUE DES TKADITIO.N» POPITLAIRES
VIEILLES CHANSONS DU MAINE
LA PETITE iN'ANKTTE
Comme yélaïa petite, tra la la la la la la la laire,
J'avais tant d*amoureux, j'avais tant d*amoureux
A présent que j'suis grande, tra la la la la la la la la laire
Je n*eD ai plut que deux, je n'en ai plus que deux.
Mon papa me demande, tra la la, etc.
— Lequel aimes tu le mieux, lequel aimes-tu le mieux?
— Je ne veux point de Pierre, tra la la, etc.
Car il est trop glorieux, car il est trop glorieux.
J'aimerais mieux Antoine, tra la la, etc.
Mon ancien amoureux, mon ancien amoureux
Il me mène à la danse, tra la la, etc.
Je danse tant que je veux, je dause tant que je veux.
Puis quand la danse est faite, tra la la, etc.
Noua allons boire tous deux, nous allons boire tous deux.
Quand la bouteille est vide, tra la la, etc.
J'nous en allons joyeux, j nous en allons joyeux.
Bonsoir ma p'tite Nanette, tra la la, etc.
A la prochaine revue, à la prochaine revue
Bonsoir ma p'tite Nanette, tra la la, etc.
A la prochaine revue, à la prochaine revue.
il
DEJA MAL MAKIEE
Mon père m'a mariée l
A un planteur de vigne, )
Déjà mal mariée déjà,
Déjà mal mariée.
Dès le lendemain
11 m'envoya aux vignes.
Déjà mal mariée, etc.
Je me suis enivrée
De ce jus de la vigne.
Déjà mal mariée, etc.
6i>.
bis.
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REVUE DKS TKAUmOiSS POI>LXAIRES
2^0
Mon mari est venu
Qu'il m*a tanl battue,^
Déjà mal mariée, etc.
Que je m*eQ suis écriée
Au curé de la ville.
Déjà mal mariée, etc.
Hier vous me fîtes femme
Aujourd'hui faites-moi fille.
Déjà mal mariée, etc.
6m.
bis.
bis.
Il m*a répondu } .
C'est une chose impossible, ]
Déjà mal mariée, etc.
Que d'une jeune femme
En faire une jeune fille.
Déjà mal mariée déjà,
Déjà mal mariée.
m
bis.
LE COUCOU
I
En passant près d'un moulin
Le moulin j'entendis, le moulin j'euteudis ;
Qui dans son langage disait :
Et tic, et tac, et tic et tac,
Et mé j'craydis qu'i' me disait:
De prendre mon sac, de prendre mon sac
Et mé de m'en quatre cou cou
Et m'é de m'en courir.
En passant prés d'un étang
Les canards j'entendis, les canards j'entendis ;
. Qui dans leur langage disaient :
Et can can, et can can,
Et mé je croyais qu'ils me disaient .
Et prend, prend, et prend prend
Et mé de m'en etc.
Ed passant près d'une Eglise.
Le curé j'entendis, le curé jVntendis,
Qui dans son langage disait :
Mea culpa, mea culpa.
Et mé je croyais qu'il me disait :
Qu' fais-tu donc là, qu' fais-tu donc làl
Et mé de m'en etc.
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236 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
En paesaDt près d'un taiUis
Le coucou j'entendif, le coucou j'entendis;
Qui dans sa langue disait :
Et coucou, et coucou,
Et mé je croyais qu'il me disait :
Que j'étais fou que j'étais fou :
Et mé de m'en quatre coucou
Et mé de m'en courir.
IV-
LE ROULIER
['il jour de la Madeleine.
M'en revenant d*0rléans.
J'avais ma bouteille pleine.
Et je chantais en marchant :
Dia, hûo petit, tire cordet tiré.
11 faut qu'un roulier roule, roule, rouie, roule.
Et toujours joyeusement.
Et toujours joyeusement.
J'avais ma bouteille pleine.
Et je chantais en marchant ;
J'aperçois fille bien faite.
Marchant à grands pas devant.
Dia hûo petit, etc.
J'aperçois fille bien faite.
Marchant à grands pas devant.
Vite je touche mes bètes ;
Pour la rejoindre promptcmeut.
Dia, hQo, etc.
Vite je touche mes bête."!.
Pour la rejoindre promptement ;
Montez dedans ma charette.
Vous irez plus sûrement.
Dia, hûo, etc.
Montez dedans ma charette.
Vous irez plus sûrement,
Quoi que placée à son aise.
Elle pleurait amèrement.
Dia, hiio, etc.
Quoique placée à son aise.
Elle pleurait amèrement.
— • Mais qu'avez-vous donc la belle ?
Est-ce que vous manquez d'argent?
Dia, hûo, etc.
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REVUE DBS THVDITIONS POI'ULAIKES 2o7
Mais qu'ayez-vous donc la belle 7
Est-ce que vous manquez d'argent ?
— Oh ! non, me répondit-elle ;
C'est que j'ai perdu mon amant.
Dta, hao, etc.
Oh I non, me répondit-elle.
C'est que j'ai perdu mon amant.
— Ne pleurez pas tant la belle.
Et entrons au Pélican.
Dia, hûOf etc.
Ne pleurez pas tant la belle.
Et entrons au Pélican.
— Bonjour madame Tbôtesse.
Donnez-moi vile des draps blancs.
Dia, htio petit tire cordet, tire cordet
Il faut qu'un roulier roule, roule, roule, roule.
Et toujours joyeusement.
Et toujours joyeusement.
M"« Destrichk.
SI ^^T^
TOMK XI. -- M. M IS'.>G.
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238 REVLK DKS TIVADITIO.NS i»0l»L'LAIHK8
TRADITIONS ET CROYANCKS LORRAINES
Environs de Metz
Le Sotré esl une chimère qui la nuit vient se balaacer dans les
crinières. des chevaux, leur apporte de Tavoine pour qu'ils lui per-
mettent de se balancer, et les étrille. S'il survient un garçon d'écurie,
te Sotré jette son étrille ; mais n'en atteint jamais personne. C'est
pourquoi Ton dit : Tu jettes de travers comme le Sotré.
Il ne faut jamais cuire de pain le jour des Morts ; au lieu de tirer
de la braise du four^ on en lire des os de mort.
Il faut toujours tuer les porcs à la nouvelle lune, pour que le lard
gonfle dans la marmite.
Les trois jours des Rogations ont leur valeur. S'il fait beau le pre-
mier jour, il fera beau pour la fenaison. Le temps du second sera
le temps de la moisson. Le temps du troisième sera celui de vendange.
A la Saint-Jean on fait un feu de joie en brûlant une grande quan-
tité de bois que les garçons du village volent de côté et d'autre ; puis
l'on danse en rond autour du feu. Ensuite les femmes font trois tours
autour du feu qui s'éteint en disant cinq Pater et cinq Ave pour ne
pas avoir mal au dos en coupapt les blés. Puis il y en a qui ramassent
la braise pour semer sur les oignons afin que ces derniers deviennent
gros.
Autant de jours avant la Saint-Jean-Baptiste fleurissent les lys,
autant de jours avant la Saint-Remi d'octobre se font les vendanges.
S'il pleut le jour de l'Ascension, le blé diminue jusqu'à la moisson.
Le jour de la Fête-Dieu, si les branchages ou feuillages ne fanent
pas dans les rues, la fenaison ne sera pas belle.
Il est d'usage que le soir du dernier jour de l'an les garçons vont
répandre le fumier des maisons où il y a des jeunes filles.
Si le soleil luit le jour de la Chandeleur avant la messe, l'ours
retourne à sa caverne pour quarante jours.
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REVLTE DES TRADITIONS POPULAIRES 2o9
Chandli Chandlou — partage son fourrage en dou
Et retiens le miou, (la moitié)
Mars sec et beau
Promet plus de vin que deau.
Saint- Vincent clair et beau
' Promet plus de vin que d'eau.
Pour avoir une bonne année, il faut que mars remplisse les fossés
trois fois et les vide trois fois.
Tonnerre en mars
Vin en ravasse.
Pluie d'avril
N'engendre que des chenilles.
Si la pomme surpasse la poire,
Vends ton vin ou fais le boire.
Si la poire surpasse la pomme,
Garde ton vin, bonhomme.
 la Saint-Martin
Bois ton vin
Et laisse aller Teau au moulin.
M. Poirier.
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260 HEVUE DES TRADITIONS POPULAIKES
COUTUMES ET SUPERSTITIONS bU PAYS DE BR AY
ET DU PAYS DE CAUX
LE FEU DE SAINT-CURISTOPHE
)r^^ RESOL 'entièrement disparue de noire pays la pratique de « feu
<^^ de carrefour », subsiste encore à la Heuze, hameau situé dans
(îl^jl la forêt d'Eawy, canton de Bellencombre, à six ou sept kilo-
.'^sp mètres de Saint-Saëns.
y Ce feu s'allume le 24 juillet, fête de saint Christophe, patron
de la Heuze. Ce jour-là, un immense bûcher fait de bourrées dispo-
sées en pyramide est élevé dans un carrefour de la forêt. Au som-
met de la pyramide on attache un bouquet blanc, destiné sans doute
à rappeler le pigeon blanc qui, dit-on, venait jadis s^abattre dans le
feu de saint Onuphre.
Au moment où le soleil disparait de Thorizon les Heuzois, en habits
de fête, arrivent au carrefour désigné et on met le feu au bûcher.Un
des assistants entonne le Te Deum et fait le tour du bûcher; tous le
suivent en chantant et tenant un gros bâton à la main. Quand la
flamme a atteint le bouquet bhinc les chanteurs font silence ; on se
range autour du feu, puis on entonne le Magnificat ; entre chaque
verset les chanteurs intercalent ce singulier refrain :
Nous chanterons pour eUe,
Pour elle [bis)
Nous chanterons pour elle
Un bracchio suo.
Le Magnificat achevé, tous les porteurs de bâtons placent leur
bâton dans le feu, surveillent la combustion, et selon que le feu fait
plus ou moins vile son œuvre dessaquent (enlèvent;- le tison devenu
miraculeux qui préserve de la foudre, de la grêle, de la peste. On
place ce fétiche à l'entrée de la maison, sur la porte des étables, ou
encore entre le rameau bénit du dimanche des Rameaux.
Pour que le tison possède ses vertus préservatrices, il faut que
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KFAI:E des TBADITIONS POPrr.AlHRS 201
son propnélaire le melle de ses propres mains au feu, et le d(*ssa-
que (l'enlève) sans secours étranger.
Quand le dernier tison est retiré, les assistants se disposent à faire
« pauvre homme ». Pour cela on s'aligne par terre autour du bra-
sier, les hommes les pieds au feu, les femmes en sens inverse. Un
homme, une femme, un homme, une femme. — Les dispositions
prises ainsi, ils imitent le balancement des cloches, en levant tour à
tour les jambes, puis la léte, tout en chantant très lentement celte
espèce d'incantation :
Pauvre hoDiine
Tu es mort
Jeudi
A midi
Din-don
Balan
Sonuons
Pour lui.
Alors que le brasier s'éteint, chacun prend son tison et l'on va
danser dans un pré.
Autrefois le clergé de Bellencombre montait à la Ueuze bannière
en léte, entonnait le Magnificat après avoir béni le feu. Mais
depuis bien des années les excès qui suivaient le bal ont décidé le
clergé à ne plus paraître au feu de Saint-Christophe.
Il
LES FEriLLES DE LIERRE ,
La pratique de la feuille de lierre est en vigueur dans tout le pays
de Bray et à Saint-Saëns, capitale du Caux pouilleux. — Dès qu'on se
sent malade, ou qu'on voit les enfants souflrants, on court chez celui
qui a le don — homme ou femme — et on lui expose le désir de con-
sulter les saints — Le sorcier ou la sorcière, verse alors de l'eau
bénite dans une bassine, ou plat, et en prononçant des « paroles »
et en disant cinq Pater et ciuq Ave y dépose autant de feuilles de
lierre qu'il y a de saints à consulter. Chaque feuille représente un
saint. Les saints en renom sont saint Vimer, saint Mein, saint
Martin, sainte Clotilde, saint Etienne, saint Alexis... — Le lendemain
on regarde les feuilles de lierre, qui sont toujours dans leau bénite
— et selon qu'une feuille présente une ou quelques taches à la
surface, on sait qu'on est tenu du saint représenté par la feuille.
Pour se délivrer de ce saint, on commence par faire une neuvaine.
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ayl REVCB DES TRADITIONS POPULAIRES
au cours de laquelle il ne faut pas manger d œuf, puis le dernier
jour de la neuvaine, on fait pèlerinage à cœur jeun au sanctuaire où
le saint irrité est vénéré. Il faut faire trois fois le tour de Téglise
avant de franchir le porche — on se prosterne devant la statue du
saint et avant de se retirer on noue au bras de la statue un bout
de ruban — (on a eu soin de couper le ruban en deux car on garde
l'autre moitié par devers soi).
Quand on a affaire à saint Vimer pour un enfant au maillot, (ce
saint a la spécialité des maux d^entrailles) on a soin de prendre un
ruban assez long pour en laisser une part à saint Vimer, et on. en-
toure les poignets et les chevilles dudil ruban qu'on se gardera d'en-
lever. La vétusté seule doit le faire tomber. .
N. B. — On peut charger un étranger de faire la neuvaine en
votre lieu et place. Souvent, presque toujours même, celui ou celle
qui a le don accomplit cette mission, on assure que cela vaut mieux
parce que le saint le connaît.
B. Reyac.
LK CONSCRIT DE iSiO'
m
Pays chartrain
C'était un conscrit d'Gorbeil
Qui n'avait pas son pareil
Avant qu' d'être 2'au régiment
Il avait un attachement.
Dit's à ma tant' que son neveu
A amené l'numéro deux.
Si Fauchon vîent mi demander
Dit' lui que j'suis t'engage
.Qu'eir me'gard' son cœur, sa foi,
Si ça se peut quelquefois. |j
Dit's aux fileurs de coton
Que leur brave compagnon
Qui filait bonnets et bas
D'vant l'en'mi ne filera pas.
Luc-Olivu» Mirson.
1. Cf. t. X, p. 220, 347.
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REVrR DES tRADtnONS P01>ULA1RES 263
LE COQ ET LA POULE
Randonnée lorraine
Lunéville, en Lorraine, il existe une randonnée qu'on
récite encore aux enfants pour les amuser. La voici telle que
,-jjj^ je l'ai entendue autrefois.
j^ Un coq et une poule allèrent se promener au bois pour
c/ cueillir des noisettes. Le coq se nommait Jalot et la poule
Senseline
La poule monta sur un noisetier et se mit à cueillir des noisettes,
il manger les amandes et à laisser tomber les coquilles. Le coq se
précipita sur les coquilles et en mangea beaucoup. La poule ne
Tentendant plus descendit de Tarbre et trouva Jalot à moitié pâmé.
Elle courut à la fontaine pour avoir de Teau et dit :
Fontaine donne moi de ton eau
Que je donne de l*eau au petit Jalot
Qui est tombé dans le crafouillot.
La fontaine répondit : Je ne te donnerai pas de mon eau si tu ne
me donnes de la mousse. La poule alla trouver le chêne :
Chêne, donne moi de la mousse,
Que je donne de la mousse à la fontaine,
Que la fontaine me donne de Teau,
Que je donne de Teau au petit Jalot
Qui est tombé dans le crarouillot.
Je ne te donnerai pas de mousse si tu ne me donnes pas de la
poix, La poule alla trouver le cordonnier :
Cordonnier, donne-moi de la poix
Que je donne de la poix au chêne
Que le chêne me donne de la mousse
Que je donne de la mousse à la fontaine
Que la fontaine me donne de Teau,
Que je donne de Teau au peUt Jalot
Qui est tombé dans le crafouillot.
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'2{}ï REVrE DES TRADITIONS POPPLAinËS
Je ne te donnerai pas de poix si tu ne me donnes des soies La
poule s'en alla chez le cochon :
Cochon, donne-iuoi des soies,
Que je donne des soies au cordonnierf
Que le cordonnier me dnnne de la poix,
Que je donne de la poix au chône,
Que le chêne me donne de la mousse,
Que je donne de la mousse à la fontaine
Que la Tontaine me donne de l'eau,
Que je donne de Teau au petit Jalnt
Qui est tombé dans le crafouiltot.
Je ne te donnerai pas de soies si tu ne nie donnes pas d'avoine. La
poule alla trouver le batteur et lui dit :
Batteur, donnez-moi de l'avoine.
Que je donne de l'avoine au cochon.
Que le cochon me donne des soies,
Que je donne des soies au cordonnier.
Que le cordonnier me donne de la poix,
Que je donne de la poix au chêne,
Que le chêue me donne de la mousse.
Que je donne de la mousse à la fontaine.
Que la fontaine nte donne de l'eau,
Que je donne de leau au petit Jalot
Qui est tombé dans le Crafouillot.
Le batteur donna de l'avoine pour le cochon qui donna des soies
pour le cordonnier, qui donna de la poix pour le chêne, qui donna
(le la mousse pour la fontaine, qui donna de Teau à la petite Sense-
line, mais quand elle arriva près de Jalot, le petit coq était mort.
C'est comme on le voit, une variante complète de la randonnée,
La pouillote et le coucherillot, recueillie dans la Meuse par M. Cos-
quin *. La poix que demande le chêne est remplacée par une
bande et un des termes de la série, la dame qui demande des
pantoufles, a disparu ; il en est de même de la gerbe. Pour les ran-
données semblables, cf. les notes de M. Cosquin *.
Resè Basset
*. Conter populaires de Lorraine^ Paris, 2 v. in-S, s.
2. Op. laud. t. I. p. 282-28i et t. I! et t. 111 p. 361.
d. t. I, p. 281-282.
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REVITK DES TRADITIONS POPIILAIRES 26îl
BIBLIOGRAPHIE
"E. Jaoottet, Contes populaires des Bassoutos (Afrique du Sud),
Paris, E. Leroux 1895, in-i8, XXIU, 292 pages, 5 francs. (Forme
le tome XX de la Collection des Contes et Chansons populaires).
Il y a treote-six ans, ud des devanciers de M. Jacoltet, Casalis, un des fonda-
teurs de la mission française dans TAfrique du Sud, publiait dans sob volume
sur les Bassoutos (Paris, 1860, in-12) quatre contes recueillis par lui au milieu de
cette population. A part six autres contes parus dans Tintrouvable Folk-ijore
Journal du Cap (1) et un mémoire de Schrumpf, ce domaine fut négligé jusqu'au
1. Ce recueil qui n'a paru que pendant «eux années étant excps!>ivement rare,
je crois utile d'en faire connaître le contenu : i^^ année 1879, 6 parties iV-lV-
in page» in-8. Janvier: Mac Theal. The storu of Long Snake^ p. 6-10 (texte
kaffir et tr. augl., reproduit dans le Kaffir folk-tore du même auteur. Londres,
s. d., in-8, p. 145-148. Traduction seulei ; A.-J. Wookey. The Lion and the Ostrich
(texte s'tchoiiana et trad. p. 10-12) ; Miss Meeuw^eu, A Nursery taie (texte set-
chouana et trad. p. 12-17. — Mars 187^: A Kropf, Ulusanana (texte kaûr et trad.
g. 20-23) : Mac Theal, Story of Liltle red Stomach (texte kafir et trad. p. 23-28 ;
tory of five heads^ p. 28-31, texte kafir et trad. Ce dernier conte a été repro-
duit en traduction dans le Kaffir Folk-lore p. 47-34) ; Kropf. The Gods of the
Hasulo p. :i2-33 ; Miss Mceuwsen. Customs and superstitions among the Bel-
shuana p. 33-34 ; R. Price, The ceremony of the Dipheku p. 35-36. — Mai : W.
Palgrave, Some Customs of the Ooaherero p. 37-67. — Juillet: Th. Bain, Th.
Story ofa Dam (conte hotteutot, p. 69-73) ; Callaway, The romance of Unyenge-
bule (texte zoulou et trad. an^i. p. "^^"^^ i Stanford, éSews from Zutuland (texte
zoulou et tr. angl. p. 8U-83) ; Carbutt, The story of Ngangezwe and Mnyàmana
ftexte zoulou et trad. angl. p. 81-97). — Septembre : O. Stavem. The bèwitched
KÎng (texte zoulou et trad. an^l. p. 9J-109) ; S. -H. Edwards, Kgolodikane (texte
setchouana et trad. an^i. p. 110-116); Seshuana provcrbs (p.* 116-1!7). Sloere,
Deux contes en soiabili (texte souahili et trad. p. 118-123). — Novembre: Sta-
vem, Usomamekutyo ^texte zoulou et trad. p. 126-133) ; KOck, The onnual Fe:tti-
val of the Zulus (texte zoulou et trad. angl. p. 134-138) ; S.-H. Edwards, Masilo
and Masilonyana (texte setchouana et trad. p. 138-145); Hahn, Herero sayings or
procerbs, texte héréro et tr. p. 146-147. Le texte seul avait paru dans l'ouvrage
de Hahn : Omahongiie Uokuleza Molyiherero, Giiter^loh, 1862).
T. 11, 1880, 116 p. in-8. — Janvier': Bleek, A draught Sketch for an Anthro-
pological Jnslilute p. 1-5; Ireland, The story of Umshalishali and Umlcmosib
uen (texte zoulou et trad angl. p. 6-10) ; H. Lancastcr Carbutt, Some minor
superstitions and customs of the Zulus p. 10-15 ; Bcvau, Much Searching disturbs
sings that were iyingslilt (texte setrhouana eX trad. p. 15-19). - Mars : Th. Bain,
Thé distributions of animais etc., a fier the création, as retated by a Kafir p. 21-25 ;
Ireland, The ox which returned to life (texte znulou et trad. p. 22-261 ; The
slorv of Umkuywana texte zculou et trad. p. 26-30) : Bevan, How the Children
of the Bafurutsi separated from their fathers (texte f^etchouana et trad. angl. p.
30-32^; Snme belieh conceming the Bakgalagati (texte setchouana et trad. angl p.
32-34) , Edwards, Tradition of the Baye p. 34-37. — Mai : Bushman Folk-tore
p. 39-43 ; The Losl Sons of God, Rafolsioe and ïkotofetsy and Imahaka ; The
Manner in which ïkotofetsy and Imonoka came by their Death p. 46-49 trad. par
Miss (3ameron, de trois contes malgaches dont le'texte avait paru dans le recueil
de Dahle, Spécimens of Malagasy Folk- tore, Antananarive, 1877 : une version
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26i> REVDK DBS TRADITIONS POPCLAIBCS
moment où M. Jacottet enrichit la science du folklore du volume le plus impor-
Uot qui ait paru, relativement au bantou, depuis les ouvrages de Callaway (l)i
de Mac Call Tbeal (2) et de Steere (3), exception faite de c^ui de Héli Châtelain*
que n'a pu connaître Tauteur. '
semblable du second a été traduite par M. Ferrand, Conlu populaire* malgùchesy
Pari», 1803, iu-18 p. 216-217) ; W. Murray. Een waarachttg Verhaal p. 49-50;
A true Story p. 50 ; SouM African Art p. 51. — Juillet : Th. Bain, The liùn and
Ihe Jackaly a hottentot Story p. 53-56 ; Callaway, A fragment iUustralive of
religious idean among tké kafirs (texte kafir et tr. an^l. p. 56 -601 ; Carbutt, Six
tulu Riddles (texte zouloa et tr. sngl. p. 60-61) ; Dauuert, Custom^ of ihe Ooa-
herero al ihe blrlh of Ihe Child p. 6l>68. Raatanen, Some sacrificial Cusioms
among ihe Ooambo p. 68-74. ~ Septembre : Beiderbecke, The fleeing Girls and
ihe rock (texte utyibéréro et anfflais p. 76-84i ; Proverbe of ihe ooahêrero (texte
otiyehérèro et trad. p. 84-87) ; Some religious ideas and cusioms of ihe Ovahé-
réro p. 88-î*7. — Novembre: Gordon, \\'ords aboui spiriis itexte zoulôu et tr.
angl. p. 100-104) ; Daunert, The cusioms and Cérémonies of ihe Ooahêrero of ihe
birth of iwini p. 104-114; A few wor/is concerninf ihe Rev. /. G. Chrisiallers
recentty published CoUeciions of ishi prooerbs p. 114-116.
1. The religious System of ihe Amazulu divisé en quatre parties : I. Izinyanga
Zoknbula or Divination. Il, Amaiongo or Ancestor worship ; lil. Izinyanga zokubu-
la or Diviners; IV. Abaiakati or médical magie and toitchcraft, texte' zoulou et
trad. anglaise. Natal, 1870, in-8. Le môuie auteur avait déjà fait paraître en
1868, À Natal, un précieux recueil intitulé Nursery tales^ traditions and historiés
of ihe ZuluSy in-8, texte zoulou et trad. ang. dont le premier volume seul a été
publié. Il comprend les contes suivants, dout quelques uns soot donnés avec
des variantes et des appendices : 1. Uihlakanyana; ^.Usikulumi-Kathiokoihloko ;
3. Uzembeni (1 var.) , 4. (Jtombinde (1 var. et app.) ; 5. Amavukutu ; 6. Usitun-
gusobenthle; 7. Usitungusobenthle and ilve Amajubatenie ; S. Utuihlazase ; 9.
UlonncUasenthla and Ulangalasenzansi ; 10. Ubabuze ; 1 1 . The man and ihe Bird :
\2.Ukcombekcansini (deux app.) ; 13. The Rock of Two-hotes ; 14. The Girl and
ihe Cannibale (var. et app.) ; 15. Umbadhlanyana and ihe Cannibals ; 16. Canni-
bals {upp.) ; 17. Ugunggu-Kubantwana (3 app.); 18. Umkxakaza-Kubaniwana
(3 app.) ; 19. The two Brothers ; 20. Ubongopa-Komagadllela ; 21. Umdhlubu and
ihe trog (2 app.) ; 22. V thlangunihlangu (2 app ) ; 23. The Great Fiery Serpent ;
24. The Rainbow ; 25, Uishinisha and ihe Rambow (var.); 26. Utombiyapansi
(2 app.) ; 27. Umamba ; 28. Vnanaboftele\ 29. The Wise Son of the King ; 30; The
Gréai Tortoise (appenl.) ; 31. The IsHwalangcengce ; 33, The hi^iory of Vdhtok-
uyeni;3Z. The Isiishakimaua. 34. The Utikoloshe; 35. The Abalwa ; 36. The
Dreadfulneis of ihe Abaima; 37. The Hyrax went wiihout a Tail because he sent
for il ; 38. The Hyœna and the !ioon\ 39. The Baboons and the Léopard ; 40. The
taie of Man who threw away some bread ; 41. The laie of a Crow ; 42. Another
laie of a Crow ; 43. The taie of a Oog which made a Song-Enigmes. La valeur de
cette collection a été mi^e en lumière par un article de M. Max Muller, traduit
dans ses Essais sur la mythologie comparée, Paris, 1874, in-12, chap. VI. Contes
zoulous p. 238-2S2.
2. Kaffir folk lore, Londres, s. d., in-8. Il comprend les contes suivants :
1. The story of the bird that made Milk ; 2. The story of Five Heads ; 3. The
story Of Tangalimlibo ; 4. The story of a Girl who disregarded ihe Custom of
Sionjane ; 5. The story of Simbukumbakwana ; 6. The story of Sikulume ; 7. The
story of Hlakanyana ; 8. The story of Demane and Demazana ; 9. The story of
the Runaway Children ; 10. The story of ïronside and his Sister; 11. Tne story
of ihe wonderful Bird of the Canntbal; 12. The story of the Cannibal Mother
and her Children ; 13. The story of the Girl and the Mbulu ; 14. The story of
Mbulukazi; 15. The story of long Snake ; 16. The story ofKenkebe ; 17. The Hory
of Wonderful Horns ; 18. The story of the Glution ; 19. The story of the Great
Chief of the Animais ; 20. The story of the Rare ; 21. The story of Uon and littte
Jackal, — Proverbe.
3. La collection de Steere n'est pas moins importante pour les Bantous du N.-E.
(Souahilisi que les précédentes. Elle est intitulée Swahili taies as lold by natives
of Zanzibar et a été publiée à Londres, 1870, in-8 : elle comprend (texte souahili
et traduction angltti«e) les contes suivants: 1. The story of the Washerman's
Donkey ; 2. Sultan Durai ; 3. An indian taie ; 4. Mohammed the lanquid ; 5. Sul-
tan Majnun ; 6. Goso the teacher ; 7. Sell dear, dont Sell cheap ; 8. The hare^
Ihe hyœna and the lion ; 9. The story of Hasseebu Kareem eddeen and
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nEVUE DES TUADITIO?»» POPIJf.AlRES 267
Je Q'ai pas à préaeoter M. Jacottet aux lecteurs de la Revue : les contes qu'il
a publiés ici tnème sont les meilleurs garanties de la valeur de son livre. Celui-ci
comprend vingt-trois contes cl soixante proverbes ou énigmes. Les premiers
sont donnés pour la première fois bu présentent des variantes importantes de
ceux que nous connaissons.
Le Petit Lièvre, forme archaïque d'un conte semblable donné par Casalis (Les
Bassoulos, p. 366-370) Schrumpf {Sessuto p. 471) avait déjà publié et traduit la
partie de ce conte où le lapin et le lièvre jouent à se brôler : elle est suivie de
la variante indiquée en note par M. Jacottet (p. 16, n» 1) (1). Une partie des
épisodes qui le composent se rencontre aussi dans un conte zoulou (Callaway,
Nursery (aies p. 164-178). La seconde fable, Le chacal et la source existe chez
les Hotlentols {Folk-lore Journal of the Cap, 1879 p. 69-73. The Story of a Dam)
et M. Jacottet croit qu'elle leur a été empruntée à cause du rôle joué par le
chacal. 11 en est de même, selon lui, de la troisième fable : Le chacal, la
colombe et la panthère qui est d'importation récente et que possèdent égale-
ment les Hottentots (2). Si la question d'emprunt n'est pas douteuse, la ques-
tion de provenance l'est davantage.
Le conte se compose de deux épisodes : Un chacal menace une colombe nichée
sur un rocher de pénétrer chez elle et de la dévorer si elle ne lui abandonne pas
un de ses trois petits : l'oiseau cède jusqu'au moment ou un héron lui fait
remarquer que, si elle refuse, jamais le chacal ne pourra mettre sa menace à
exécution. Quand il revient le lendemain, il- échoue ; mais il parvient à savoir
que c'est le héron qui a conseillé la colombe. Il va le trouver et essaie de le
surprendre par des questions captieuses. Enfin, il finit par lui persuader de
lui montrer comment il fait pour dormir. Le héron couvre sa tête de ses ailes et
le chacal en profite pour le saisir (3).
Cette première partie, la seule qui existe dans le texte hottcntot, n'est autre
qu'un chapitre du Kalilah et Dimnah qui manque dans la version arabe (4),
the king of the makes \ 10. The Kites and the Crows ; 11. The hare and the
lion ; 12. ihe Spirit who was cheated by the suUan's son ; 13. Blessing or pi^per-
ty; 14. The Cheat and the Porter % 15. Tobacco; 16. The ape, the lion and the
snake ; 17. The lioness and the anlelope ; 18. The story of Liongo ; i9. Poem of
Liongo ; 20. Gungu dance song. Proverbes et énigmes.
1. Dans une note, p. 4, M. Jacottet remarque que dans le folk-lore bantou du
Sud de l'Afrique, c'est le lièvre oui joue le même rôle que le chacal en Europe.
Cette donnée existe encore chez a'autrcs races, en Afrique : Cf. un conte typique
wolof ; Le lièvre et les moineaux ap. Boilat, Grammaire Wolofe. Paris, 1858, in-8 p.
402-404 ; en haoussa : Le lièvre qui tua te lion ap. Schôn, Magana Hausa, Lon-
dres, 1885, in-16, p. 272; en bambara : Le càiman, le nain et' le lièvre ap. Mon-
tel. Eléments de la grammaire bambara, S.-Joseph de N^asobil, 1887, in-12 , en
berbère. Le lièvre et le chacal, dans mes Contes beroères. Paris, 1887, in-18
p. 5. Parmi les contes inédits que j'ai recueillis au Sénégal chez les Sérères-
Nônes, huit ont le lièvre oour héros : La hyène et le lièvre ; Le hyène, la vache
et le lièvre ; Le lièvre, l éléphant et le chameau ; Le lièvre et la hyène ; Le lièvre,
la gueule- tapée et la biche ; Le cheval, la hyène et le lièvre ; Le lièvre, la hyène
et f oiseau- trompette. Dans le Pantchatanlra (1. 9), le lièvre parvient d faire
périr son ennemi le lion.
2. Bleek, Reineke Fuchs in Afrika, Weimar, 1870, in-8 p. 16-17. La colombe et
le héron,
3. Ce trait est devenu ailleurs la ruf^e des yeux Termes, grâce à laquelle le renard
peut se saisir de sa proie. Cf. Sudre, Les sources du roman de Renart, Paris,
1893, in-8, p. 283-286. Les marnes détails existent chez les Slaves du Sud : Krauss,
Sagen und nârchen der SUd-Slaven, t. I, Leipzig, 1883, in-8, X, Fuchs und Taube.
4. Du moins dans celle que nous possédDUS ; mais Benfey (Pantschatantra,
Leipzig, 1859, 2 vol. in-8, t. I, § 237, p. 609), s'appuyant sur un passage de la
version latine de Raymond de Bézieri, montre que ce conte a passé par un
intermédiaire arabe.
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268 REVrE DES TRADITIONS POPULAIRES
mais qui a été conservé dan? la version hébraïque attribuée à Joël (i) et traduite
en latin par Jean de Capoue (2) : le héron est remplacé par un moineau et le
chacal par un renard. Eu Occident, outre la Aersion slave, nous retrouvons encore
ce conte en finnois : le renard menace le canard sauvage d'abattre avec sa queue
l'arbre où il a son nid s'il ne lui jette pas un de ses petits en pâture. Deux ont été
sacrifiés (comme en sesouto), quand le corbeau démontre au canard sauvage qu'il
n*a rien à craindre du renard. Celui-ci, frustré, veut se venger du conseiller (3).
Un conte allemand de Transilvanie ne dortne qu'une partie du récit : la menace
du renard contre la mésange (4).
C'est donc l'arabe qui est la source, médiate bien entendu, des contes finnois,
bantou et hottentot, comme nous le prouve la présence de ce conte chez d'au-
tres populations africaines en contact avec les Arabes. En Nouba (dialecte de
Fadidja (5), et en Bilin, au nord-est de TAbyssinie (6), le renard effraie le
canard sauvage par la menace d'abattre avec une hache (7) le baobab où il
niche, s'il ne lui donne un de ses petits. Après que deux ont péri, le corbeau
donne au canard le même conseil que dans les autres versions, ma la finis
diffère : le renard fait le mort et saisit ainsi le corbeau qui s'échappe par une
ruse différente dans les deux contes. — A l'autre' extrémité de l'Afrique du
Nord, un conte kabyle des Zouaouas (8) met en scène l'alouette, le chacal et la
cigogne. La première, craignant, comme en sesouto, de voir son ennemi mon-
ter jusqu'à elle, se résoud au sacrifice exigé jusqu'au moment où la cigogne la
rassure contre la menace. Le texte kabyle a conservé un détail qui devait se
trouver dans la version primitive commune : la cigogne demande à l'alouette
de ne pas dire que c'est d'elle que vient le conseil : cette recommandation est
oubliée et, surprise par le chacal, elle s'échappe en le faisant parler, comme
dans d'autres versions citées par M. Sudre.
La fin du conte sesouto a une ressemblance évidente avec le conte kab^ie, et
même avec lui s^^ut, de tous ceux que j'ai cités. Pris par le chacal, le héron
n'obtient la vie qu'en lui indiquant une portée de jeunes panthères dont il
pourra faire aisément sa proie. Le chacal s'offre à les garder pendant que la
mère est à la chasse ; sa proposition est acceptée, et chaque jour il en dévore
une. Pour dissimuler la diminution, il fait sortir plusieurs fois le même petit
pour être allaité par la mère, jusqu'au moment où il a dévoré le dernier. 11
s'enfuit alors, poursuivi par la panthère qu'il amène jusque devant une fente de
rocher où des abeilles se sont établies ; il lui fait croire qu'elle est devant une
école et que le bourdonnement de l'essaim est le murmure de ses petits récitant
leurs leçons (9), après quoi il s'évade. Le conte berbère présente les mêmes
1. J. Derenbourg. Deux versions hébraïques du livre de Kalilah et Dimnah,
Paris, 1881, in-8, p. 306.
2. Directorium humanse vilœ éd. Puntoni, Pise, 1884, in-8, ch. XVIl, p.
264.
3. E. Schreck, Finnkche Miuchen, Weimar, 1887, in-8, p. 189.
4. Haltrich, Zur Voikskunde der SiebenbUrger Sachsen^ Vienne, 1879, in-8.
n. XXL
5. Rtinisch, Die Nuba-Sprache^ 1, Vienne, 1879, in-8, n. IV.
6. Reinisch, Dte Bilin Sprache, I, Leipzig, 1883, in-8 p. 231-234.
7. Et non plus avec sa queue : cette concession faite à la vraisemblance est
une altération de la forme primitive.
8. Mouliéra*», Légendes et contes merveilleux de la Gi^ande Kabylie^ texte kaby-
le. Ile fasc. Paris,1894, in-8, n. XVIl, p. 224.
9. Comme le fait observer M. Jacottet, mais sans en tirer les conséquences
(p. 40 note 1] ce trait est inadmissible chez tes Bassoutos à une période même
peu ancienne. Il s'accorde très bien, au contraire, avec les habitudes arabes.
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REVCE DES TRADITIONS POPCLAIRES 269
particularités avec cette différence que la panthère est remplacée par une laie.
Le chacal 8 engage à 'instruire ses petits (i) ; il les dévore successivement et
fait croire à la mère que le bourdonnement des abeilles dans la grotte où il
habite est produit par les marcassins qui étudient : il parvient ensuite à
3*échapper.
La légende de la Tortue, (^2-46), qui a déjà parue dans la Revue des Traditions
populaires, termine la partie du recueil consacrée aux contes d'anmiaux propre-
ment dits. Les suivants sont des contes de fées empreints du merveilleux parti-
culier à la race bantouc.
Masilo et Masilonyané (p. 47-54) est un conte connu par une variante sesouto
publiée par Casalis [Les Bassoutos p. 335-359), une variante setchouana [Folk-
lore Journal of the Cape, 1879, p. i39-145) et un conte similaire zoulou (Calla-
way, Nursery laies p. 217-220). Le début de Masilo et Thakané (p. 55-68) rappelle
celui du conte Saho : La jeune fille qui ne veut pas épouser son frère (2). Celui
de Tsélané (p. 69-77) existe en Zoulou «Callaway, Nursery taies p. 7i-74, Usitin-
yusobenthle; Mac Thcal, Kaffir folk- tore p. 111-114, Demane et Demazane, et
p, 123-128. L'oiseau merveilleux du Cannibale). Ceux de Mosélantja (p. 78-98} et
de Nyopakatala p. ^99-122; sont égdlemcnt connus par des variantes zouloues
(Callaway. Nursery taies p. 296-315, Utombi-yapansi et p. 105-130 Ukcombek-
cansinij. L'oiseau qui fait du lait p. 123 133, se retrouve en zoulou (Callaway.
Nursery laies. L'homme et Voiseau p. 99-104, Mdc Theal, Kaffir folk-lore p. 29-38);
en Setchouana (Mac Theal, Kaffir folk-lore p. 39-46), en tonga (Torrend, A com-
parative grammar of Ihe south african language. Londres 1892 in-4 p. 295-
300).
Ln épisode du conte de Modisa-ou-dipodi (p. 136-134; rappelle celui de
Psyché jtle mari invisible); la môme donnée existe aussi dans celui de Boulané
et Senképeng (p. 178-180) et dans celui de Mongolie (p. 206-223). L'idée morale
de Tobligé que son bienfaiteur, en punition de son ingratitude rend à sa condi-
tion première, existe dans toutes les littératures, mais nulle part nous ne la
trouvons traitée comme dans le sujet d'Utuf (p. 134-167), où le mari, sorti d*un
œuf grâce à une opération magique faite par sa femme, y rentre quand il s*est
montré ingrat envers elle. C'est la même inspiration qui domine dans le conte
de Siétèlanë (p. 259-262). l)4ns le conte de Polo et Khoahlakhoubedou (p. 168-
177; dont il existe une variante en zoulou (Callaway, Nursery taies, p. 321-331.
Vmambà), nous avons une explication rationaliste du mythe de la femme
â peau de serpent, si répandu dans l'ancien monde.
Le conte de Koumongoé (p. 187-203) est un des plus extraordinaires de la
collection : On y trouve des souvenirs d'anciennes coutumes (le cannibalisme,
le meurtre des filles à leur naissance) mêlés à des imaginations fantastiques (^le
cœur devenu rocher et dévorant les gens qui reviennent à la vie, le pays au
fond d'une source-, quelques traits se retrouvent en Zoulou. Celui de Séilatatsi
oa Mohalé (p. 206-213; est une variante (plus ancienne) de celui de Tangalimlibo
qui existe en Zoulou (Mac Theal, Kaffir Folk-lore p. 54-63). Le début de celui
de Khoédi-Séfoubeng (p. 226-232) rappelle un épisode du conte arabe des Deux
Sœurs jalouses de leur cadette,. La seconde partie de celui de Mosimodi et Mosi-
1. Le trait de l'allaitement qui manque en Kabyle se retrouve, comme épisode,
dans un conte zoulou ; Uhlakanyana et le léopard (variante une chevrette) ;
Callaway, Nursery taies p. 25-27, et à la limite nord des populations de race
bantouc, dans lOunyoro : c'est le chien qui emploie ce stratagème avec le
léopard. Casati, Dix années en Equaloria, Parii. 1892, in- 8, ch. XXI p. 282),
2. iWinisch. Uie Saho-Sprache, I, Vienne, 1889, in-8 p, 156,
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270 REVIE DES TRADITIONS POPULAIRES
molsané (p. 223-244) est une variante du conte des Métamorphoses d'une jeune
fille (Casalis. Les Bassoulos p. 350-362). Celui de Ntoloatsana (p. 245-252) parait,
malgré les traits naervetllcux qui s'y rencontrent, un épisode des relations entre
Basoutos et Matébëlés. La légende des Quatre jeunes gens et la femme, semble
avoir conservé un souvenir de hi polyandrie qui aurait existé autrefois chez les
Basoutos. Enfin le conte de Sekholomi (p. 263-270), dont une variante peu diffé-
rente a paru dans la Bévue des Traditions populaires (1888, p. 654-662} existe en
Zoulou (Mac Theal, Knffir folk-tore, Sikulume p. 74-81).
Le volume se termine par uue très bonne bibliographie du Folk-lore bantou.
Au point de vue des contes, je ne vois à ajouter que les ouvrages suivants :
Du Chaillu. L'Afrique sauvage, Paris, 1858, in-8, (un conte apono, un conte
achira, un conte avira, un conte kama, un conte otando).
Schrumpf, Sessuto, Ein Beitrag zur SUd-Afrikanischen Sprachenkunde (Zeits-
chrift der deutschen morg. GeseUschaft, t. XVI, 1862, p. 448). (La chrestomathie
renferme un fragment de conte et des chansons).
Jcannest. Quatre années au Congo. Paris, 1883, in-18 jés., (un conte fiote).
Wilson et Felkin. Uganda and Ihe egyptian Sudan. Londres, 1882, 2 v. in-8,
(une fable en rouganda).
Duloup. Huit jours chei les Bengas^ Revue d'ethnographie, Paris, 1883, (trois
contes Bengas).
Essai de grammaire ruganda, Paris, 1885, in-12 ;iin conte en rougauda).
J. Becker. La vie en Afrique. Paris, 1887, 2 v. in-8, (coules. souahilis).
V. Giraud. Les lacs de l Afrique équatoriole. Paris, 1890, in-8, (une fable
vouahébé).
Casati. Dix années en Equatoria. Paris, 1892, in-8 (10 fables, dont deux de
rOunyorô).
Elmslie. Folk-lore taies of central Africa (Nyassaland). Folk-lore, t. III, 1892,
p. 92-110. (1)
Macdonald. Bantu Customs and Legends (ibid p. 337-360).
Héli Châtelain. Folk- taies of Angola (Kimboundou). Boston, 1894, in-8. (2).
L. African folk-lore, U. Contributions in lulu (1 fable et un conte). S. I. n. d.,
in-8.
Cette rapide analyse aura donné, j'espère une idée suffisante de Timportance
de Touvrage de M. Jacottet. U nous fait connaître (p. v.) qu'il a encore en
portefeuille les éléments d'un second volume ; puisse le succès du premier hAter
Tapparition du second.
René Basset
Auguste Marguillier. A travers le Salzkammergui^ voyage pitto-
resque dans la Suisse autrichienne, illustré de 80 dessins par Tony
Grulhofer et Alfred von Schrotter. Paris, Hachette, gr. in-4 de
pp. 92.
Ce livre n'a pas été écrit à l'usage des traditionnistes, mais l'auteur qui a
1 . Huits contes : Story of the plan who lived by Overreaching others ; The
story of a Tshewa Hunier ; The story of the Man who was a ueceiver ; The
story of the Coney ; The story of the Man and the reed-Buck ; The story of the
Traveller ; The story of Tangalemilingo ; The story of the Doings of Caktde.
2. Je ne donne pas ici la liste des contes sur lesqueU j'ai 1 intention de
revenir dans la Revue des Traditions populaires. L'ouvrage a paru quand celui
de M. Jacottet était sous presse.
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REVUE DES TKADITIONS TOPILAIRES 27 I
donné à cette revue plusieurs communications intéressantes, a recueilli avec
soin les traditions et les coutumes dans ce curieux pays que les Français
connaissent peu. Pays de montagnes, la Suisse autrichienne a des légendes de
dragons, de burgs hantés par des apparition?, de chercheurs d'or dans les
cavernes, de villes englouties. Uu couvent est le théâtre d'une légende apparen-
tée À celle de Héro et Léandre, en passant M. M. note des danses curieuses,
celle de Tépée 'par exemple, des superstitions et des coutumes singulières en
rapport avec les fêtes de Tannée, des chants populaires d'une naïve poésie, il nous
fait descendre dans les mines de sel, ou pénétrer dans les cabanes des bûcherons,
deux ou trois pages traitent des mœurs et usages de ce groupe forestier si peu
étudié et pourtant si curieux. M. M. a été très heureusement secondé par ses
deux dessinateurs qui ont reproduit avec talent et fidélité les aspects du pays,
les monuments et les scènes de mœurs. P. S.
RaphaSl Blanchard. LAvt populaire dans le Brianronnais. Les
Cadrans solaires, Paris, Soc. d'éditions scientifiques, in-8 de
pp. 51.
C'est une monographie très curieuse, très documentée et accompagnée de 31
reproductions, des cadrans solaires en usage dans le Briançonuais ; ils sont très
nombreux dans ce pays ; les plus anciens remontent au commencement du
XVIII* siècle, le plus moderne porte la date de 1883 ; il s'agit donc d'un usage
naguère encore très vivant, mais qui parait appelé à une destruction prochaine.
L'ornementation de ces petits monuments est curieuse ; curieuses aussi sont les
inscriptions morales qu'on y voit : Vous qui passé souvené-vous en passant que
tout passe comme je passe (1773\ Cesl toujours l'heure de bien fah*e (1830^.
Lheure va naître, elle passe, elle est passée (t868) sans compter l'inscription
latine fréquente. Vulnerant omnes uUima necat. P. S.
O. Pltrè. Medicina popolare siciliana. Palerme, Carlo Clausen,
in-lS de pp. XXVIlI-494. (7 fr.).
Le livre de M. G. P. complète ses intéressants travaux sur la Sicile, qu'il a
fouillée avec une patience et une sagacité qui le placent au premier rang parmi
les explorateurs des traditions populaires. Sa médecine populaire pourra servir
de guide à ceux qui entreprendront des travaux analogues, et ils pourront le
consulter avec d*autant plus de fruit que l'auteur a lui-même pratiqué la méde-
cine pendant une trentaine d'années, et qu'il a eu parmi sei confrères et ses
compatriotes de nombreux correspondants qui souvent lui ont fourni de précieu-
ses notes.
A moins d'entrer dans une étude comparative que mériterait oertaiuenieut le
livre, il est difficile de faire autre chose que de le signaler, «t ^e dire aux
lecteurs de M. G. P., c'est-à-dire à tous ceux qui s'intéressent à l'ensemble
des traditions populaires^ qu'ils y trouveront ' les renseignements les plus
précieux et les plus curieux. P. S.
liOUis Léger. Etudes de mythologie slave^ n^ 2. Svantovit. Maison-
neuve, in-8 de pp. 40.
* M. L. Léger nous avait donné il y a quelques mois un premier fascicule de
ses études de nôythologie slave ; la clarté qu'il avait apportée à dégager les
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272 HEVIJE DES TRADITIONS POPULAIRES
doniinantea de l'énorme qualité de oiatériaui accumulés par les mythologues
des divers pays slaves, nous faisait vivement désirer la continuation de ses
publications. Il étudie aujourd'hui, les dieux en vit ainsi que la façon dont ils
ont cédé la place à des saints, dont les noms se rapprocheut des leurs.
P.
NOTES ET ENQUÊTES
,', La chemise de l'homme heureux. Un de nos collègues désirerait savoir
quelles sont les versions qui se rapprochent d'un conte tunisien que Cherbon-
neau fit paraître dans Vlllitsl ration il y a une trentaine d'années. Un marabout
appelé près du fils malndi* d'un pacha dit qu*il guérira en se revêtant de la
chemise d'un homme heureux ; après de nombreuses recherches un des minis-
tres finit par rencontrer l'homme qu'il cherchait, c'était un charbonnier et il lui
offre mille ducats d'or en échange de sa chemise. — Je vous la donnerais bien
pour rien, dit le charbonnier ; mais je n'en ai jamais porté.
,** Chanter la Chanson du coucou. Cette expression est-elle usitée ailleurs
(|u'en Allemagne ?
Nous lisons dans les Œuvres de Buffon^ annotées par Flourens, t. VU, p. 318,
note A : « Lorsque quelqu'un répète souvent la même chose, cela s*appelle, eu
Allemagne, chanter la cAan«on dt/ coucou (le cri (lu coucou est monotone et sans
aucune variation, il consiste dans la répétition de la syllable cou). « On le
dit aussi de ceux qui, n'étant qu'un petit nombre, semblent se multiplier par la
parole, et fout croire, en causant beaucoup et tous à la fois, qu'ils forment un
assemblée considérable ».
(Comm. de M. Alfubd Harou)
REPONSES
/, Vélocipèdie. — ^Voy. Rev. des Trad. popul. t. X, 64, 192, 255).
A Paris les automobilistes sont désignés sons le sobriquet de « chauffeurs ».
(Gazette de Bruxelles] du 28 fév. 1896).
.\ Noms du gigol (Voyez Rev. des Trad. pop. t. Vllï, A64, 624).
Les osselets. Ce sont ces petits os de forme bien connue qui se trouvent dans la
jointure du gigot. Les petites filles surtout jouent aux osselets. Pour cela, elles
font rebondir sur une pierre plate une bille qu'elles rattrapent, non sans avoir
au préalable déposé sur le sol les osselets ou repris ceux qu'elles y avaient
déposés.
Actuellement ce jeu a pris tant d'extension, qu'on a confectionné des osselets
métalliques, les os de gigot étant insuffisants.
(Comm. de M. Alfrxd Harou).
Le Gérant, A. CERTEUX
Baugi (Maine-el-Loire). — Imprimerie Daloux,
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REVUE
DES
TRADITIONS POPULAIRES
11« Année.— Tome XI. — No 6 — Juin 1896.
fW«M^^^M^^«V\^MMM^^^M«WtM^^^M«W><WW^WWWWWM«mWWMMWWWW
CONTES ARABES ET ORlEiNTAUX
Xli
HISTOIRE Df ROI SABOUR ET DE SON FILS ABOU'n NAZHAR
E conte, corame celui des Trois coffres^ est
traduit sur le texte inédit du manuscrit 1915
de ]a Bibliothèque-Musée d'Alger' où il occupe
les i^* 153-156. L auteur du catalogue de ces
manuscrits, à la suite d*un examen superfi-
ciel, a intitulé ce récit « Histoire du roi Çabour
(ou Sabour) et Hindi et de son vizir et des choses
merveilleuses quils virent dans l'île de Serendib », en traduisant le
titre arabe donné au T 153, il n*a pas reconnu que cette indica-
tion, comme on le verra en lisant cette traduction, ne s'applique
qu'à la moitié de l'histoire, et que cette même moitié se compose
de traits empruntés, par voie orale, à la légende du Voyage
dWlexandre en Paradis terrestre '.
>\ous n'avons pas alTaire ici, il faut le remarquer^ à une version,
1. Cf. 1. 111, p. 561, t. IV, p. 324, 433, 525, t. V, p. 354, t. VI, p. 165, 304. 445,
678, t. Vni, p. 391, t. X, p. 441, 505.
2. Catalogue des manuscrits des bibliolhèoues publiques de France. OéparteineDls,
t. XVIII. Alger, Paris, 1893, ia-S, p. 548. Lo autre texte existe dans le n» 1922.
ilbid., p. 551).
3. La confusion de Serendib (Ceylan) avec le Paradis lerrestre est aisée ârecon-
uallre : c'était encore, au xvii« siècle, une tradition courante que le Paradis avait
existé sur le Pic d'Adam (Argensola, Histoire de la Conquête des Isles Moluques^
tr. fr. Amsterdam, n06, 3 vol. in-12, L. v, t. ],p. 319 ; Gautier Schouten, Voyage
aux Indes Orientales, Rouen, 1725, 2 v. in-12. t. I, p. 33). C'était au moyen-âge,
une croyance générale. Cf. Jordanus, Mirabilia descripta^ the Wonder of the
Bast, trad. Yule, Londres, 1863, in-8, p. 42-43.
TOMB XI. — JUIN 1896. 18
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27 i REVUE DES TRAD1TI0^8 POl»lH-AinES
môme populaire de la légende d'Alexandre comme celle qui avait
cours chez les Maures d'Espagne * ; cette légende a fourni simple-
ment divers traits que le narrateur a fait entrer dans son récit dont
les héros sont Sâbour puis son fils Abou'n Nazhar; le premier
figure d'ailleurs dans un certain nombre de contes populaires
orientaux *. En résumé le récit se divise en deux parties dont la
seconde renferme plusieurs traits communs dans la littérature des
contes et que je signalerai au fur et à mesure.
Les histoires anciennes des nations nous racontent — et Dieu
sait le mieux ce qui est caché, et il est le plus savant — qu'il exis-
tait un roi très âgé. Dieu ne lui avait pas accordé d'héritier de ses
richesses, de son trône, ni de son royaume. Ce prince était puissant et
possédait des richesses immenses, des trésors et de grands biens. 11
craignait que ses Etats ne se perdissent après lui, puisqu'il n'avait
pas d'héritier. Un jour qu'il pleurait beaucoup, ses vizirs et les grands
se réunirent autour de lui, et il leur dit : Enseignez-moi un remède
que j'emploierai, peut-être Dieu m'accordera-t-il un fils qui me suc-
cédera et sera roi à ma place. — Prince, dirent-ils, c'est une chose
1. Cr. la traduction du texte eu aljamiado, publiée par M. Robles : Leyendas
de José hijo de Jacob y de Alejandro Magno, Saraçosse, 1888, in-8.
2. Je citerai eutre autres Thistoire de sa captivité chez les Grecs (Mas'oudi,
Prairies d'or, trad. Barbier de Aleynard et Pavet de Courteilie, Paris, 1867-1879,
9 vol in-8, t. Il, ch. xxiv, p. 181; Ibn Zhafer, Solouân el Mola\ Tunis, 1279, hé«.
in-8, p. 27 el suiv. ; Amari, Solouân el Mola\ Florence, 1851, in-12, p. 61 et suiv.
et notes, p. 261 et suiv., rearoduit par Taqi eddin el iraaiaoui, Thimdrel el
Aourdqy Le Qaire, 1300 hég., in-8, p. 79 ; Ibn Badroun, Commenlaire du poème û'Ibn
\4bdoun, éd. Dozy, Leyde, 18 tÔ, in-8, p. 34-35, Tabari, Annales, t. I, in« partie,
éd. Nôldeke. Leyde, 1881, iu-8, p. 844; Nôldeke, Gesckichte der Perser und Ara-
ber, Leyde, 1879, in-8, p. 65); — sou aveuture avec Daizan, fille du roi de H'adhr,
légende analogue à celle de Nisus et Scylla (Nikbi ben Mas'oud, Histoire des rois
de Persej Irad. et anal, par de Sacy. Notices et extraits des manuscrits t. II.
Paris, 1789, in-4, p. 324. Tabari, Annales, t. !, iir partie, p. 827; Nœldeke, Ges-
ckichte der Araber^ p. 36); — Tanecdote de Sâbour et du Marzoubàn (Mas'oudi.
Prairies d'or, t. V, ch. xciv, p. 283; El Ibchihi, MostaCref, Boulaq, 1292, hég.,
2 vol. in-4, t. 11, p. 297; Belkas^^em ben Sedira, Cours de littérature arabe,
Alger, 1879, in-l2, n» 46); — la naissance de Sàbour, et les circonstances qui l'ac-
compagnèrent et d'où lui vient son nom (ChahpoursChah-pousar, fils de roi', el
(|ui se rattachent d'un côté à la légende de Cyrus telle que la raconte Hérodote
et de l'autre à celle de Combabus, telle qu'on la trouve dans Lucien. (Cf. Nœl-
deke, Gesckichte des Artacksir i Papakan, Gœttineen, 1879, in- 12, p. 57; Tabari,
Annales, t. 1, 111° partie, p. 823, Nœîdeke, Gescnickte der Araber, p. 26; El
Ibchihi, MoslaVref, t. I, p. 116; Ibn Badroun, Commentait*e du poème d'ibn-
Abdoun, p. 24; Quatreniére, Notice de V ouvrage persan qui a pou»' litre Siodjmel
et tawartkkj Journal asiatique, mars 1839, p. 276). Les néros de ces aventures
sont Sàbour I (Chahpour, fils d'Ardéchirj et Sàbour 11 (fils de Hormouz) ; mais
souvent, ils sont confondus. Dans un épisode de la légende d'Alexandre qui se
retrouve dans la version grecque du pseudo Callisthënes, dans la version syria-
que et la version arabe, le combat de ce prince et du dragon est attribué à
Sàbour (II) par le Talmtid de Jérusalem. Cr. Nœldeke, Beitrsege zur Gesckichte
des Alexanaerromans, Vienne, 1890, in-4, p. 22-25. 11 faut aussi citer une his-
toire de Sàbour et de son fils Sélim qui existe en manuscrit, dans un recueil de
contes, à la bibliothèque de Leyde. (De Gœje et Houtsma, Catalogue codicum a-
rabicorum Bibliothecœ academiœ Lugduno-Batavœ, t. I, Leyde, 1888, in-8.
No DXLV, p. 338-339.
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REVUE DBS TRADITIONS POPULAIRES 275
au-dessus du pouvoir de toute créature ; si Dieu ne la crée pas, tout
remède sera inutile. Mais aie recours à l'humilité et à la prière, car
lorsque le serviteur prie avec ferveur, il n'est pas frustré. Le roi
Sàbour commença à invoquer Dieu, ti s'humilier devant lui, à se
vouer entièrement à Tadoration, aux supplications et à la charité
envers les malheureux.
Une nuit qu'il était endormi, il entendit une voix lui dire : Sàbour,
Dieu t'a exaucé : il a accepté ton humilité et il t'accorde un fils,
mais dans la vallée de Serendib. — Le prince s'éveilla et dit : Qu on
m*amène le vizir. Quand il fut arrivé, il lui commanda de faire venir
tous les ministres. Lorsqu'ils furent présents, il leur dit : J'ai vu en
songe telle et telle chose. Ils louèrent Dieu et le remercièrent
puisqu'il avait exaucé sa demande et lui avait accordé un fils. —
Que me conseillez-vous ? demanda-t-il à ses fonctionnaires? Nous
te conseillons de partir pour cette vallée et nous sommes à ta
disposition. — Faites, dit-il, et il prit la résolution de se mettre en
route. On chargea les mules de tout ce qui était nécessaire pour le
voyage, il fit ses préparatifs et partit avec les grands de son royau-
me, ses familiers et ses soldats. Ils marchèrent un mois jusqu'à ce
qu'ils arrivèrent en vue d'une montagne appelée Ëz Zahraouân. Il
considéra sa masse, la quantité de ses arbres, la variété de leurs
fruits, la multitude des cours d'eau et dit à ses vizirs: comment
ferons-nous ? Où est située cette vallée par rapport à cette montagne ;
Y a-t-il parmi vous quelqu'un qui le sache ? — Prince, lui répon-
dirent-ils tous, nul de nous ne le sait ; jamais nous n'avons vu cet
endroit; nousn'en avons pas connaissance. — Que me conseillez-vous?
reprit il (f. 134), que ferai-je ? — Notre avis est que tu ailles trouver
les gens de cette montagne ; peut-être savent-ils quelque chose. Le
roi ordonna de descendre et de dresser les tentes dans un endroit
spacieux et envoya mille hommes aux environs. Ils interrogèrent
beaucoup de geus et les amenèrent au prince. Quand ils furent
arrivés devant lui, il leur souhaita la bienvenue, leur témoigna des
égards et leur dit : Je vous ai envoyé chercher pour que vous m'indi-
quiez le vallon de Serendib: de quel côté est-il? Tous se turent:
personne ne lui répondit. — Il renouvela sa question, mais ne reçut
pas de réponse. — Pourquoi vous taisez-vous quand je vous inter-
roge ? leur demanda-t-il ; pourquoi ne répondez-vous pas ? — Prince,
dirent-ils, personne de nous ne connaît ce vallon et ne sait où il est,
ni dans quel endroit de la terre il se trouve, sinon que nous avons
entendu raconter à nos pères et à nos ancêtres que Dieu y fit des-
cendre notre aïeul Adam. Personne de nous n'y est entré ni ne le
connaît, sinon un vieillard qui a passé cent ans. Il rapporte qu'il l'a
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276 REVUE DES TBADITÏONS POPULAIKES
traversé en suivant une route de celte montagne, qu'il perdit soû
chemin et y erra pendant soixanle-dîx jours sans savoir où il allait,
mangeant des fruits et buvant de Teau. Un jour qu'il marchait ainsi,
il arriva dans une vallée verdoyante, la plus belle de celles qui
existent: chaque arbre était bien proportionné en longueur et en
largeur : aucun ne dépassait Tautre. Il y pénétra jusqu'à ce qu'il fut
arrivé au milieu et dit : Si je savais ce qu'est cette vallée ! il n*y a
pas un endroit pareil au monde. Alors les pierres lui adressèrent la
parole et lui dirent : C'est la vallée de Serendib : tout ce qu'elle
contient en fait de pierres et d*arbreste parlera et t'apprendra leurs
particularités et leurs propriétés.
Quand le roi entendit ces paroles, il fut saisi d'étonnement et dit :
Qu'on m'amène ce vieillard. — Prince, dirent-ils, il est bien âgé et
ne peut pas se lever : nous Tavons laissé à la ville. — Comment s'ap-
pelle-t-il ? demanda Sâbour — El Hindi {VIndien). — Il envoya vers
lui un homme intelligent avec beaucoup de personnes. Quand ils
furent arrivés, ils lui dirent: Vieillard, obéis au roi un tel — Oui,
répondit-il. Puis on l'amena au prince : celui-ci dit à ses vizirs :
Prenez ce vieillard, faites-le descendre et témoignez-lui des égards
jusqu'à ce qu'il soit reposé. Le cheikh demeura trois jours chez les
vizirs qui s'occupèrent de lui.
Le quatrième jour, ils ramenèrent au roi qui le salua et lui dit :
vieillard, j'ai diverses choses à te demander pour que tu m'en
instruises. — Demande, prince, je te satisferai sur tout ce que tu
voudras de moi. — Je désire que tu me renseignes sur la vallée de
Serendib; comment un jour tu as perdu ta foute, comment tu as
aperçu cette vallée, tu y es entré et tu y as vu des choses étranges et
merveilleuses. — Oui, répondit-il, cela m'est arrivé, mais pourquoi
le demandes-tu ? Quel motif as-tu ? — Le roi lui répondit : Vieil-
lard, je vais t'en informer. Alors il lui raconta son histoire depuis
le commencement jusqu'à la fin et ce que la voix mystérieuse lui
avait dit. — Le vieillard reprit : Je ne t'indiquerai pas cette vallée
que je n'aie reçu de toi une promesse, c'est que personne autre que
toi ni moi n'y entrera. — J'accepte, répondit le roi, et le vieillard
reçut de lui sa promesse et son engagement K — Sàbour s'occupa
de se mettre en route et il pensa : Je n'ai pas de garanties de ce
cheikh pour ma vie. — Vieillard, dit-il, c'est à condition que nous
1. Le vieillard qui guide Sàbour est peut-être un souvenir de Khidhr de la
légende arabe : il rappelle aussi les deux vieillards qui dans le Roman cV Alexan-
dre de Lambert li Tort tt la lettre à Arislote proposent à Alexandre de le
conduire auprès d'arbres merveilleux qui lui feront connaîtrez l'époque de sa
mort. (P. Mever, Alexandre le Grand dans la lUléralure française du moyen-
âge, Paris, 1886, 2 v. in-12, t. Il, p. 180).
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REVUE DEâ TRADITIONS POPULAIRES 277
prendrons des vizirs et des chambellans pour nous garder. —Quand
tu seras arrivé à la vallée, tu les laisseras dans le voisinage et nous
entrerons seuls, loi et moi *. — Volontiers, répondit-il.
Puis il partit avec ses familiers, ses vizirs, précédés du vieillard
jusqu'à ce quMl leur eût fait traverser la montagne ; le roi marcha
plusieurs jours et plusieurs nuits, tant qu*à la On ils dominèrent une
belle vallée, dont les arbres étaient des aloès, des girofliers et des
santals ; les cailloux, des agathes« des pierreries et des émeraudes
vertes. Sâbour se réjouit et dit : Vieillard, apprends nous quelle est
cette vallée : peut-être est-ce celle de Serendib, — Roi, dit-il, on
rappelle la vallée d'El Laml ; il reste encore, avant d'arriver à Se-
rendib, une autre vallée plus belle que celle-ci ; il y a aussi, de plus,
une vallée qui lui ressemble. Ne prenez rien d'ici, ajouta-t-il. — Le
roi. fit cette recommandation à ses compagnons. Ils marchèrent
depuis l'aurore jusqu'au milieu do la journée, traversèrent^ cette
vallée et en rencontrèrent une seconde où les arbres étaient égaux ;
aucun d'eux ne dépassait l'autre ; les plantes étaient du safran, des
fleurs, des narcisses, des lis et des violettes. Ils continuèrent leur
marche et arrivèrent à une source d'eau courante, autour de laquelle
étaient des pierres vertes pareilles à des émeraudes, Us y passèrent
la nuit. Le lendemain, ils remontèrent à cheval et marchèrent jus-
qu'à ce que le soleil devint brûlant. Ils rencontrèrent une vallée d'un
aspect agréable, parfumée de musc et dont les cailloux étaient des
onyx et des pierreries ; il y avait un lieu de divertissement construit
en pierres précieuses vertes, rouges, bleues, jaunes, blanches et
noires. L'eau coulait tout autour, pareille à la neige, plus douce que
le sucre ; aux environs étaient des palmiers, des vignes et toutes
sgjr les de fruits. — Qu'est-ce, demanda le roi au vieillard ? — C'est
le vallon des palmiers, et celui où nous avons passé la nuit dernière
esl le vallon des violettes ; demain, s'il plaît à Dieu, nous arriverons
à la vallée de Serendib.
Le roi passa la nuit joyeux et content ; le lendemain matin on par-
lit, et, après avoir marché trois heures de la journée, on arriva à
une vallée. Quand le vieillard l'eût aperçue et eut flairé son parfum,
il dit à Sàbour : Réjouis-toi, prince ; tu est arrivé à cette vallée, tu
as atteint ton désir et ton but : rappelle-toi le serment que tu m'as
fait : laisse tes compagnons à leur place et défends leur d'en bouger.
— Le roi dit à ses vizirs : Restez ici à vos places et n'en bougez pas,
1. C'est également avec un détachement de son armée qu'Alexandre guidé par
les deux vieillards se rend près des arbres qui parlent, dans le Roman d'Alexandre
et \eL Lettre à Arislole, (Meyer, Alexandre le Grand, t. H, p. 46) ; Julius Vale-
rius, ap. Ârrien, éd. Mûller, Paris, 1846, gr. in-8, p. 125.
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ât8 ^ttfiVUE DBS TRADITIONâ POPtJLAIliBS
car je crains la mort pour vous : vous voilà avertis. — Prince, reprit
le vieillard, c'est dans celte vallée que Dieu fit descendre Adam
quand il le ût sortir du Paradis, il n'est permis à personne d'y entrer
sur une monture, par respect et par vénération.
Tous descendirent. Le vieillard s'avança suivi par le roi et ils
marchèrent sur le bord du fleuve, tandis que les arbres leur adres-
saient la parole en langue humaine avec éloquence, par la permis-
sion du Très Haut ^ Chacun disait : Homme, je te conseille telle et
telle chose, jusqu'à ce qu'il arriva à l'un d'eux qui leur dit : Qui-
conque prendra sept de mes feuilles et les mangera aura un enfant
mâle. En entendant ces paroles, Sàbour voulut en prendre : Avance,
lui dit le vieillard, et prends-en ni plus ni moins. — Le roi obéit.
Puis ils continuèrent leur marche et trouvèrent un arbre qui par-
lait : sur lui se tenait un oiseau brun-jaune dont les yeux étaient
des perles. Le roi s'arrêta pour le regarder et l'admirer. L'oiseau
lui dit : Pourquoi t'arrétes-lu pour me regarder etm'admirer? — Je
t'admire ainsi que la beauté de ta forme, et tes paroles augmentent
mon étonnement. Le moineau reprit : Ce qui est plus étonnant, c'est
que vous soyez trois (f° 155) tout en croyant n'être que deux. —
Sàbour se tourna à droite et à gauche et ne vit rien. — Quel est le
troisième ? demanda-t-il. — C'est celui qui se tient debout, caché
derrière cet arbre, derrière vous, et il en désigna avec son bec un
qui ressemblait au santal. Le roi se retourna : il vit son vizir qui
s'avançait rapidement. A cette vue, le vieillard mécontent lui dit :
Prince, ne m'avais-tu pas promis que personne n'entrerait dans cette
vallée, sinon loi et moi? Sàbour demanda à son ministre : Qui t'a
donné l'ordre de pénétrer ici ? — C'est celui qui vous a introduits
dans cette vallée qui m'a commandé d'y entrer, c'est le Mattre des
mondes Prince, ajouta-t-il, mon père a pris de moi cet engagement :
il avait lu les livres anciens et les histoires du temps passé et m'avait
raconté qu'il me fallait absolument pénétrer ici car j'y acquerrais
une science cons'dérable. — Par Dieu, dit Sâbourau vieillard, j'igno-
rais absolument qu'il fût entré. — U est vrai, reprit-il, que personne
n'a pénétré dans cet endroit illustre, sinon ceux que Dieu veut hono-
rer et à qui il en a donné la permission.
Le roi regarda le vizir qui avait une étoffe blanche à la main ; il
ne passait pas devant un arbre, sans que celui-ci ne lui indiquât à
quoi il était bon en fait de remèdes ; il en prenait qu'il serrait djans
i. Les arbres merveilleux qui savent parler, rappellent les arbres du soleil et
de la lune éfiralement doués de la parole et auxquels les deux vieillards condui-
sent Alexandre qui apprend d'eux la date de sa mort. (Meyer, Alexandre le
Grand, t. II, p. 185).
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REVUB DES TKADITIONS POPULAIRES 279
ce vêtement et écrivait son nom et celui de son usage. Sàbotir en
ressentit une grande joie *.
Ils marchèrent jusqu^à ce qu'ils arrivèrent à une place tapissée
de fleurs : il n'en était pas de plus belle ; il y avait des choses incon-
nues, et tout autour, des oliviers dont les uns portaient leurs charges
et les autres se brisaient sous elles ; leurs fruits tombaient ; on y
voyait un pavillon sur quatre piliers de marbre blanc, àTintérieur, il
y avait une lampe suspendue à une chaîne d'or dont la tête était un
rubis rouge ; elle brillait par la permission de Dieu et elle lançait
une lumière éclatante et une lueur brillante. En dehors de ce pavil-
lon était un mihràbd'oCi s'exhalait un parfum de musc. Au-dessous
il y avait une pierre dure, verte, contenant un boeuf rouge comme de
Tor ; un poisson d'une énorme grandeur leur dit d'une voix élo-
quente : « De quoi vous étonnez»-vous ? pourquoi vous arrêtez-vous
devant le mihràb de Seth (Chétbi, fils d'Adam? Entrez et lisez ce
qui est à l'intérieur, car il y a là un enseignement pour qui sait en
profiter et un sujet de pensée pour qui réfléchît. » Quand ils eurent
entendu ces paroles, ils entrèrent, firent quatre génuflexions et
lurent à chacune d'elles ce qui se trouvait dans le mihràb. Voici ce
qui y était écrit :
Ce monde n'est qu'une extrémité ; l'autre est la durée ; la mort
est la suite de la vie. Si je savais ce qu'il y a après la mort I Sera-ce
le paradis élevé? Sera-ce l'enfer brûlant? Homme, vis à ta guise,
car quand tu seras mort, tu iras à la récompense ou au châtiment.
Par Dieu, ne meurs pas sans t'étre repenti, et tremble.
Ils demeurèrent stupéfaits et émerveillés. Le roi dit au vieillard :
Bnlre avec nous dans le pavillon. Il les y introduisit et ils trouvèrent
un oiseau qui ressemblait à un francolin couronné de toutes sortes
de pierreries entremêlées de perles, il se tenait les yeux ouverts
dans le pavillon, regardant la lampe. Il s'envola de son attache vers
le pavillon et se mit à siffler agréablement. Ils étaient à peine à cet
endroit qu'un autre oiseau s'avança tenant dans son bec une olive,
il l'apporta vers la lampe et l'écrasa. Les visiteurs en furent émer-
veillés, louèrent Dieu très haut et le gloriûèrent de sa puissance.
Puis ils marchèrent jusqu'à ce qu'ils arrivèrent à une source d'où
coulait du sang qui débordait à la surface de la terre ; à côté était
une sorte de statue où entrait et d'où sortait le vent et elle criait :
Buvez à cette source. Ils y burent et partirent. Si vous n'en aviez
1. Peut-être est-ce un souvenir des simples et des auiinaux envoyés par
Alexandre à Aristote. Dans quelques versions du romane le philosophe accompa-
eia le prince. Cf. Hertz. ArUiote.'es in der Aleranderdichlvngen des MiUelalters^
unicb, 1890, in-4, p. 126.
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â80 RSVtJK D&S TRADITIONIS K)PrLAtRiîS
pas bu, dit le vieillard, Timage aous aurait tués. Ils marchèrent jus-
qu'à ce qu'ils arrivèrent k une source d'eau à côté de laquelle était
un beau chien qui leur dit : Buvez à celle source. Ils burent et se
remirent en route si 'bien qu'ils arrivèrent à un arbre pareil à un
palmier sur lequel étaient des robes rouges, jaunes, blanches, vertes
et noires. Il y avait aussi un oiseau d'or qui sifflait avec la plus belle
voix du monde et qui disait : Revêtez-vous de ces habillements. Le
vieillard prit une robe blanche et s'en revêtit ; le roi une robe verte,
le vizir une robe noire. Si nous ne l'avions pas fait, dit le premier,
l'oiseau aurait été notre maître.
Ils marchèrent jusqu'à ce qu'ils arrivèrent à une pierre blanche et
creuse ; elle renfermait du lait plus doux que du miel ; à côté d'elle,
il y avait comme une bête féroce ouvrant la gueule. Le vent y
entrait et en sortait et elle disait : Buvez. Ils burent et le vieillard
leur dit : Si nous n'avions pas bu, cette bête féroce nous aurait
dévorés *. Ils se remirent en route et arrivèrent à un fleuve d'eau
courante, la plus pure du monde, surmonté d'un pont et sur le boni
duquel était un oiseau blanc qui sifflait mélodieusement et disait :
Lavez- vous. Le vieillard se jeta dans le fleuve et les autres en Orent
autant. Après s'être baignés, ils reprirent leurs vêtements. Si nous
ne nous étions fas baignés, dit-il, cet oiseau nous aurait fait périr.
Puis ils continuèrent leur marche jusqu'à ce qu'ils arrivèrent à un
arbre verdoyant autour duquel étaient des roses blanches et rouges ;
en haut de l'arbre, un oiseau pareil à un étourneau, aux yeux rouges,
était debout sur une colonne de bronze et parlait. Le vieillard prit
des fruits de cet arbre ; les autres en flrent autant et quand ils
les eurent mangés, il dit à Sâbour : Roi, nous sommes à la fln de
notre excursion dans cette vallée ; tu y as vu ce que tu y as vu ; ne
révèle pas aux insensés ce que tu y as contemplé ; celui-là doit seul
le savoir à qui Dieu Ta fait connaître : c'est l'homme intelligent. Il
réfléchit de plus en plus sur les merveilles de la puissance divine. —
Vieillard, dit le roi, comment se fait-il que ces objets admirables et
ces images soient dans cette vallée ? indique-moi leur sens. — Je te
l'apprendrai quand nous serons revenus vers ton armée^ s'il platt à
Dien.
Ils se remirent en route et arrivèrent à un arbre pareil à un pal-
mier, mais ce n'en était pas un ; le goût de ses fruits était celui des
dattes. Quand ils furent auprès, il parla avec une voix humaine et
\. Cf. dans le Roman cC Alexandre de Lambert li Cort et Alexandre de Paris,
les trois fontaines « faées » dont l'une ramène à l'âge de trente ans tout vieil-
lard qui 8*y baigne; la seconde rend immortel, mais on ne peut lavoir deux foi»
en un an; la troisième ressuscite les morts. (Meyer, Alexandre le Grand, t. Il,
p. 175-183). ' "^ .
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REVUS t>es TRADITIONS POPULAIRES 281
dit : Celui qui prendra une de mes branches et la mootera, s'il se
dirige où il voudra, à lest ou à l'ouest, il y arrivera en un instant
par la puissance de Dieu Très-Haut. En entendant ces paroles^
le vieillard détacha trois branches et dit : Faites comme moi.
Chacun monta sur Tune d'elle, puis quand ils les eurent enfour-
chées, il dit : Rappelez la place de larmée. Us la mentionnèrent. —
Fermez les yeux. — Ils les fermèrent et en moins d'un instant, ils
étaient en vue des troupes, ils louèrent Dieu très haut et le remer-
cièrent. Le roi donna des vêtements d'honneur au vieillard, lui fit
présent d'une sommme considérable et le fit asseoir près de lui.
Puis le cheïkh raconta : Quand j'étais jeune, j'entrai dans cette
vallée ; j'étais beau et gracieux (f° 156.) Je m'égarai dans ma rouie et
j'y pénétrai ; j'y restai longtemps sans savoir où me diriger. Un
jour je pleurai et je demandai à Dieu de me sauver. Il eut pitié de
moi et me délivra par l'intermédiaire des génies croyants. Ils m'ap-
parurent et me dirent : Hélas I comment est il arrivé que tu te sois
égaré en chemin. — J'ai perdu ma route et j'ai marché jusqu'à ce que
j'y suis entré. — Nous sommes les. djinns croyants, reprirent-ils ; Dieu
t'a mis sous notre protection. Nous te ferons une recommandation,
exécute-la et tu seras sauvé. Ils me prescrivirent tout ce que vous
m'avez vu faire. Quand j'arrivai à l'arbre dont nous avions pris deç
branches, j'eu coupai une qui me transporta auprès de ma famille.
Ensuite Sàbour lui fit beaucoup de bien ; le vieillard lui donna l'ex-
plication des figures et des merveilles qui existaient dans la vallée
de Serendib : après avoir reçu du prince des richesses considérables
et un vêtement magnifique, il prit congé de lui et alla rejoindre les
siens.
Le roi se mit en marche avec ses troupes jusqu'à ce qu'il revint
dans son pays. Ses sujets le félicitèrent de son salut ; il entra dans
son palais et, la nuit venue, dormit avec sa cousine ^ Celle-ci
devint enceinte, et lorsque le terme de sa grossesse fut arrivé, elle
mit au monde un fils pareil à la lune apparaissant dans sa perfec-
tion. Son père le nomma Abou'n Nazhar et le remit aux nourrices
et aux femmes chargées de l'élever. On lui donna la meilleure édu-
cation et la meilleure instruction. Quand on eut accumulé eu lui tout
ce qui est nécessaire aux fils des rois ; il devint un jeune Homme
instruit, sage, brave, avisé, éloquent, généreux, doux ; il réunissait
toutes les connaissances ; il était le premier des gens de mérite et
1 . Dans la plupart des contes, ce n'est pas une feuille mais un fruit qui pro-
cure la fécondité ; dans d'autres, c'est un poisson. Cf. les rapprochemeuts indi-
qués dans Cosquin. Contes populaires de Lorraine^ Paris, s. d., 2 vol. in-8, t. 1,
p. 69.
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292 HBVUE DBS TRADITIONS POPULAIRES
des hommes supérieurs ; il n'y avait de son temps personne qui pût
lui tenir tète, parmi ses contemporains. Il était si brave que tous,
grands et petits, femmes et hommes, s'entretenaient de sa bravoure
dans toutes les parties de la terre et dans toutes les contrées. Il
atteignit ainsi Tàge de vingt ans.
Une miit qu'il était endormi, il lui sembla voir autour de lui des
jeunes filles et une image dans un songe agréable. On Tentendit
pousser des gémissements et des plaintes comme s'il était possédé ;
puis il s éveilla éfîrayé^ troublé comme un insensé. Il avait perdu
rintelligence ; ses mains tremblaient. H se cacha le visage, se mit &
pleurer et à se lamenter ; ses plaintes s'élevèrent, il perdit le senti-
ment, puis ses gémissements s'apaisèrent et sa langue devint muette.
On lui parla, mais il ne répondit pas. A cette vue, ses compagnons
allèrent en toute hâte trouver son père et lui apprirent ce qui était
arrivé à son fils. Le roi accourut sur le champ, l'esprit troublé, la
raison égarée, la couleur changée ; il se pencha vers lui en l'embras-
sant et en lui disant : Mon fils, de quoi te plains-tu ?Que t'est-il
arrivé ? mais ce prince ne répondit pas un mot. Sou père manda les
médecins qui se présentèrent devant lui : Hàtez-vous de soigner mon
nis, leur dit-il, et guérissez-le. Quand ils l'eurent enfermé et exa-
miné, ils dirent au roi : Prince, ton fils n'a pas de mal ; du moins
n est-il pas malade; il est seulement en proie à une obsession et il
n'y a pas de crainte à avoir à son sujet, mais il a vu en songe quel-
que chose qui l'a changé et amené là où tu le vois. L'un d'entre eux
ajouta : Laisse-moi avec lui, j'espère que je le guérirai s'il ptaît à
Dieu. — Prends-le avec toi, lui dit le roi.
Le médecin resta seul avec le prince et lui dit : Seigneur, raconte-
moi ce que tu as vu en songe ; je te ferai arriver à ton but, grâce à
Dieu et à sa puissance. Quant Abou'n Nazhar entendit ces paroles, il
ouvrit les yeux et dit : Tu viens de me faire désirer la vie et je te
mettrai au courant de tout. Il m'a semblé, en rêve, être dans un
endroit agréable, rempli de verdure, d'arbres et de ruisseaux. Tan-
dis que je le regardais et que je respirais son parfum, que je con-
templais la beauté de ses rivières, de ses arbres et de ses fruits, de
belles jeunes filles vinrent couper des roses et des fleurs d'oranger
et jouer parmi les arbres ; elles portaient toutes sortes de parures,
des vêtements de brocart et des anneaux d'or rouge ; de ma vie, je
n'en avais vu de pareilles ni de plus belles. Quand je m'approchai
d'elles, elles se mirent à me faire signe avec leurs paupières comme
pour me dire : Retourne sur tes pas de peur que notre maîtresse ne
te voie. Sur ces entrefaites, celle-ci s'avança ; mon regard la fixa, je
fus interdit et peu s'en fallut que la vie ne me fût ravie par l'éclat
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REVCK DBS TRADITIONS POPULAIRES 283
de son ^il ; elle me détourna des jeunes filles k cause de la beauté
qui se manifestait en elle. Elle portait trois robes de couleurs dilTé-
rentes. La stupeur me saisit et mon esprit disparut devant ce que jo
voyais ; je ne pus lui adresser une parole, je ne pus même la regar-
der. En voyant mon ,état, elle dit à une de ses suivantes : Fais-le
approcher. Quand je fus près d'elle, elle me sourit et je lui dis : Ma-
dame, qui es-tu ? Quel est ton nom ? — Je m'appelle Ouah'chyah, tille
d'En No'mân, roi de Sîn (Chine). Puis elle ajouta: Et toi, comment te
nommes-tu? — Abou'nNazhar,filsdeSâbourel Hindi. Tandis que nous
causions ensemble, une jument s'avança portant un voile et une selle
d'or et d'argent. Une jeune fille appela la princesse : Madame, c'est
l'instant de partir ; nous avons été longtemps. Le cheval s'approcha,
elle le monta ; les jeunes filles montèrent en même temps qu elle ;
elle me fit ses adieux et me dit : Tu sais qui je suis ; mets-toi à ma
recherche pour que je te rende heureux et pour que nous soyons
réunis par le destin. Puis elle partit, le regret me prit et je 'suis
devenu tel que tu me vois ; mon cœur s'est attaché à elle ; voilà mon
histoire ^
Jeune homme, dit le médecin, je demanderai là-dessus Tautorisa*
tion de ton père ; il sera d'accord avec toi et ne te refusera pas ce
que tu désires ; je t'aiderai à arriver au pays de Sîn et je verrai
comment réaliser ton songe ; s'il est réel, nous demanderons pour
toi la jeune fille à son père. Il alla trouver le roi, le mit au courant
de l'histoire et du rêve du prince. — Quel est ton avis, demanda
Sàbour ? — Envoie un messager dans le pays de Sin, pour vérifier la
réalité du songe ; s'il est réel, nous demanderons la jeune fille à son
père. Le roi rassembla ses vizirs, les grands fonctionnaires et ses
familierset leur raconta tout. Puis il prit parmi eux des gens intel-
ligents, savants et habiles ; il leur donna des richesses considérables
et des cadeaux (f** 157) magnifiques, parmi ce qui convient aux rois ;
il mit à leur tête l'habile médecin et dit : Je ne veux pas te faire d<^
recommandations ; quand tu seras arrivé en Chine, cherche si le roi
se nomme En No'mân et sa fille Ouah'chyah ; porte-lui les cadeaux
et demande-lui la main de la princesse ; sinon ne parle de ton afi*aire
à personne.
Ils le quittèrent et se mirent à voyager jusqu'à ce qu'ils arrivèrent
en Chine: ils descendirent dans une ville qu'on appelle 'Adzbah et
demandèrent quel était le nom du roi. On leur répondit : En No'màn.
— A-t-il une fille nommée Ouah'chyah ? — Oui. — Quand cette pres-
cription fut vérifiée, ils descendirent dans un palais proche de
12. Cf. dans les Mille et Une Nuits, un épisode semblable dans Thistoire dç
Qamar ez Zem&o et de la fille du roi de la Chine.
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284 RGVUB DES TRADITIONS POPCLAIRISS
celui du roi. Le savant médecin se préseala avec les cadeaux el les
offrit au prince. Celui-ci les trouva superbes et en fut joyeux ; il
témoigna les plus grands égards à Tambassade et lui fit donner les
meilleurs mets et les meilleures boissons.
Un jour, le roi prit le médecin à part el lui dit ; Sage, apprends-
moi ce qui t*a amené dans ce pays. Il lui raconta Thistoire du Gis de
S&bour et son rêve; comment lui-même était venu lui demander sa
fille, il lui fit connaître la passion du jeune hommme, son amour
pour la princesse et ce qui lui était arrivé à cause d'elle. La satis-
faction du roi augmenta; il ressentit une grande joie, puis il dît :
Comment te guider? Ma fîlle ne veut pas se marier; une foule de
rois Tout demandée, elle a refusé; mais je lui exposerai votre
requête et voire demande. 11 en informa la princesse; dès que
celle-ci l'eut appris, elle dit à une de ses suivantes : Va trouver
celui qui m'a demandée à mon père et vois à qui il veut me marier.
La jeune fille s en alla chez le médecin et flt semblant d'être venue
acheter quelques curiosités de Tlnde. Vieillard, dit-elle, apprends-
moi qui a demandé en mariage Ouah'chyah, la fille du roi. Il lui
répondit : Il se nomme Abou'n Nazhar, ills de Sàbour, roi de Tlnde
[sic) ; je ne suis venu dans ce pays qu'à cause d'elle . — La messa-
gère était intelligente et sensée; elle ajouta : Vieillard, je t'en con-
jure, qu'est-ce qui Ta amené dans cette ville et qui t'a fait connaître
la fille du roi En No'màn? — Je te prie, répondit-il, de ne révéler
à personne ce que je le raconterai et de ne le faire connaître à qui
que ce soit. — Soit. — Mors il lui raconta le rêve qu'avait fait le
jeune homme et ce qui lui était apparu dans son sommeil. — Par
Dieu, dit-elle, c'est le même souge qui a laissé notre maîtresse triste
et affligée : elle ne prend goût ni à la nourriture ni à la boisson
depuis son rêve ; mais sois satisfait, car aujourd'hui je mènerai à
bien l'affaire de ton maître avec l'aide de Dieu. Le vieillard apprit
ainsi que la princesse avait fait le même songe qu'Abou'n Nazhar et
il n'en fut que plus désireux de conclure l'affaire.
La suivante entra dans le palais et informa la fille du roi de ce
que le savant médecin lui avait dit, La joie et la satisfaction rentrè-
rent chez elle; elle ne put se tenir d'envoyer dire à son père : Ne
me marie qu'au fils du roi de Tlnde, car il a vu la même chose que
moi. Son père dressa l'acte de mariage avec le prince, conclut l'af-
faire, écrivit au roi Sàbour et remit la lettre au médecin qui prit
congé de lui et partit.
Lorsqu'il fut arrivé et qu'il eut remis la lettre au roi, celui-ci res-
sentit une grande joie. Le cœur du prince fut calmé et sa tristesse
disparut. Sàbour mit sur pied une armée considérable et prépara
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REVUE DES TRADITIONS lOPlJLAlRES 283
beaucoup de magnifiques présents qu'il envoya avec son fils. Celui-ci
se mit en roule pour la Chine; En No'mân alla au devant de lui
avec des troupes nombreuses et se réjouit de le voir. I^a princesse
Ouah'chyah, du haut du palais, aperçut, au milieu des soldats, le
prince pareil à la lune au milieu des étoiles : elle tomba évanouie.
Quand elle revint à elle, elle s'écria : Par Dieu, c'est lui que j'ai vu
en songe. Son père célébra le mariage, remit à Abou'n Nazhar sa
femme; il resta quelque temps chez son beau-père, puis révint dans
sa famille et regagna son pays. A son arrivée, Sâbour ressentit une
grande joie et le prince mena la vie la plus agréable jusqu'à ce que
son père mourut. Il lui succéda sur le trône et goûta tous les plai-
sirs; le peuple et les habitants des grandes villes lui obéissaient.
Il avait aussi une cousine qui désira se marier avec lui. Il Tépousa,
mais elle devint jalouse de sa (première) femme et chercha, sans y
réussir, à la faire périr par tous les moyens. Elle employa la ruse
daas sa magie et sa perfidie et ne cessa d'en vouloir à sa vie jusqu'à
ce qu'un jour Ouah'chyah se trouva comme morte, sans mouve-
ment. Quand le roi s'avança vers elle et qu'il la vit morte, il poussa
des cris, répandit de la poussière sur son visage et sur sa tête en
s'écriant : 0 princesse î ô fraîcheur de mes yeux I et il songea à se
tuer. Les fonctionnaires et les grands de l'Etat allèrent le trouver et
le questionnèrent ; il leur raconta son histoire. Ils l'exhortèrent à la
constance et réussirent à lui faire prendre patience et à le consoler.
Malgré cela, il ne cessait de pleurer et de gémir. Il alla vers elle,
répandit sur elle et sur son visage du musc parfumé et du camphre ;
il la revêtit de ses vêtements et de ses parures et la plaça sur le
trône ; il préposa des gens qui ne devaient pas cesser de prendre
soin d^elle ; chaque fois qu'il sortait pour aller au conseil, il ne com«
prenait ni ne saisissait rien. Quand il entrait, il l'embrassait entre
les yeux, lui lavait les mains, s'asseyait en face d'elle et gémissait.
Il resta ainsi sans rompre avec ces habitudes, pendant un long
espace de temps, ne prenant goût ni à la nourriture, ni à la boisson.
Les génies fidèles eurent pitié de ses larmes et lui apparurent une
nuit qu'il était assis à se lamenter. Ils entrèrent chez lui. Quand il
les vil, il fut très effrayé — Ne crains pas, lui dirent-ils, nous
sommes une troupe de génies croyants ; nous avons eu pitié de loi.
Patiente et ne désespère pas : ta femme Ouah'chyah n'est pas morte.
— Et comment cela ? demanda-t-il : voilà une année entière qu'elle
n'a mangé ni bu.— Elle a été enchantée tout ce temps \ — tt
i . La jeutie fille ou la jeune fetume endormie oa jetée en léthai^ie par rarti-
fiee d'une rivale, quelquefois sa mère, sa sœur et sa belle-mère, se rencontre
fréquemment dans un cycle de coqtes : quelquefois, c'est à Taide d'une épingle.
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286 REVl?E DES TRADITIONS POPULAIRES
comment son corps est-il resté sans nourriture pendant un an
entier ? — Nous avions chargé des femmes de notre race de la nour-
rir et de l'abreuver de temps en temps. Si tu veux la rendre à la vie,
fais venir le vizir de ton père qui est entré avec lui dans le vallon de
Serendib ; il a les moyens de la guérir et fera cesser le charme qui
est en elle. — Puis ils disparurent et il resta stupéfait, essuyant ses
larmes sur son visage.
Il demeura debout jusqu'au lendemain matin ; alors il appela les
esclaves qui l'entouraient et leur dit : Hier, m'avez-vous vu (f* 158)
dormir? — Non, lui répondirent-ils, mais nous avons entendu des
genss*entretenir avec toi, sans voir personne. Il réunit ses vizirs et leur
raconta son aventure. Prince, lui dirent-ils, le vizir de ton père est
entré avec lui dans le vallon de Serendib et il a écrit tout ce qui s\
trouvait en fait de remèdes pour chaque chose. — Qu'on me
ramène, reprit le roi. — On lui présenta le vizir qui savait tout ce
qui était arrivé ^ Abou*n Nazhar avec la fille du roi de Chine. Le
prince lui dit : Vizir, as-tu jamais vu quelqu'un mort depuis un an
revivre après cela et être en bonne santé? — Dans le temps jadis, je
pénétrai avec loti père dans le vallon de Serendib ; un arbre lui parla
et dit : Je puis guérir un mort enchanté depuis une année entière ;
si quelqu'un prend de mes feuilles, les broie, les met dans le feu et
en frotte le mort, si celui-ci n'est qu'enchanté^ il revivra ; s'il est
réellement mort, il ne reviendra pas à la vie. Ton père, que Dieu lui
fasse miséricorde, me dit : Prends des feuilles de cet arbre.
Quand le prince entendit ces paroles, il s'écria : Je jure que si ce
que tu dis est vrai, je te donnerai ce que tu voudras. — Puis il Gt
apporter le vêtement dans lequel étaient ces secrets et commença à
les lire jusqu'à ce qu'il arriva à l'arbre qui défaisait l'œuvre de magie
(imbriani, La NovelUija fiorenlina^ Livouroe, 4817» in-l2, N. XVIII. // re che an-
dova a caccia, p. 232); par un coup de poignard. (Pitre, Novelle popolari toscane^
Florence, 1885, in- 12, p. 57. Le Locandiera di Pariffi), par des fruits ou ôe»
objets empoisonnés. (Imbriani, La Novellaja fiorenlina, N. XIX, p. 239. La belta
ostessina; Marc Monnier, Les Contes populaires en Italie, Paris, 1880, in-i8 j.,
p. 311; Gonxcnbach, Sicitianische Maercheny Leipzig, 1870, 2 v. in-16, t. Vll,
N. 4. Von der schônen Anna, t. I, p. 15; Nerucci, Sessanla novelle popolari mon-
lalesi, Florence, 1880, in-12, La bella ostessina^ p. 43 ; Hahu, Grieçhische und
albanesische Maerchen, Leipzig. 1864, 2 v. in-8, t. 11, N. 103, Scttneewil/chen :
Grimm, Kinder-und Hausmaerchen, Berlin, 1880, in-8, N. 53, p. 206, Sneewittchen) ;
par des fleurs. (A. de Gubernalis, La Novelline di Sanlo btefano, Turin, 1869,
in-8, nov. XII. p. 32. La crudel matrigna); par un anneau magique ou des objets
ensorcelés. Gonzenbach, Sicitianische Maerchen, t. I, n. 2, Maria, die bôse Stief-
mutter und die sieben Raeuber, p. A; u^ 3, Von Maruzzedda, p. 7; Schnelter,
Maerchen und Sagen aus Wetsch/irol,. innsbruck, 1867, in-8, p. 55. Die drei
Schwestern; Dozon, Ccntes populaires albanais, Paris, 1881, in-18, p. 1. Fa limé;
Legrand, Con/e* ;?opM/airM r/7'fw, Paris, 1881, in-1 8, p. 133, Rodia^ celle-ci finit
aussi par 6tre changée en pigeon à Taide d'une épine, par ses sœurs jalouses).
Sur ce dernier genre de métamorphoses, cL une note de Ralston, ap. Maive
Stokes, Indian fairy taleSy Londres, 1880, in 8, p. 253.
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 287
pareille à la mort. Il prit des feuilles, les mil sur le feu, et quand
elles furent refroicTies, il versa sur elles de l'eau de rose; puis il
enleva les vêtements de Ouah'chyah et la frotta avec ce remède.
Elle se leva, par la puissance de Dieu Très-Haut ; les suivantes pous-
sèrent des cris de joie et louèrent Dieu. Abou'n Nazhar les entendit ;
il entra en toute hâte, se jeta sur elle et s^évanouit. Quand il revint
à lui, il questionna la reine sur son état. J'étais comme endormie,
lui dit-elle ; j'étais avec des femmes qui répandaient ma chevelure
sur la surface de la terre, jusqu'à ce qu'un torrent est arrivé sur
moi ; elles ont pris la fuite, je me suis levé et j ai trouvé ces jeunes
filles qui poussaient des crisde joie et célébraii'ntDieu. — Quand elle
eut finison récit, il lui rappela ce qui lui était arrivé et le chagrin qu il
avait ressenti. Puis il loua Dieu, le remercia de l'avoir guérie, donna
des richesses immenses au vizir de son père et le mit au-dessvs des
autres.
11 mena la vie la plus heureuse ; jusqu'à ce qu'arriva le moment
inévitable, contre lequel il n'y a ni remède ni préservatif, qu'aucun
être créé ne peut fuir.
René Basset.
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REVUE DKS TRADITIONS POPULAIRES
SUPERSTITIONS DUCAP-SIZUN'
(Suiie)
1
EVOCATION DU MAUVAIS-(E1L : LE DROUK-AVVIS
(Suite)
mon bureau de percepteur, uoe femme paie une
amende. Une peccadille qui méritait toutes les
circonstances atténuantes : pendant Thiver rigoureux
de 1888, pas de bois à la maison, pour se chauffer,
pour cuire les pommes de terre, seul aliment d'une
nombreuse famille ! Son fils avait dérobé un faix de
4^ '» brindilles sur un terrain gardé : d'où procès-verbal
et condamnation.
Jetant son argent, 12 fr. 65, sur ma table :
— a Cet argent, murmure la bonne femme, dune voix sourde et
scandant ses paroles, — « cet argent-là ne profitera pas. Il sera
toujours entre le Paradis et celui qui me le fait payer ».
Je regarde mon interlocutrice: une femme de soixante ans, cassée
par le travail et les privations. Une cyphose lombaire indice de
multiples parturitions, la tient légèrement courbée. Ses mâchoires
saillantes, entre lesquelles paraissent des dents jaunes, déchaussées
à la base et pointues, démontrent l'énergie et quelque chose de
sauvage. Ses paupières, sanguinolentes, rongées par un ectropion
scrofuleux, découvrent entièrement la sclérotique injectée, enca-
drant, d'une teinte jaune sale, le disque d'un iris verdàtre, au milieu
duquel brille la pupille, au regard acéré et faux. Ses doigts maigres
noueux et terminés en massues, froissent Tavertissement qu'elle a
reçu. C'était un vrai type de sorcière !
Pendant ma rapide inspection de sa personne, nos yeux se croi-
sent. Un flot de sang lui monte à la figure ; un frémissement parcourt
tout son corps ; ses traits se contractent ; ses dents se serrent à se
briser.
Tout à coup elle blêmit.
n a. t. IV, p. 338, 465, t. V, p. 169, 287, t. VI, p. 377, 335, 650.
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RBVU1I DB& TRADITIONS POPULAIRES 299
— « Ma façz a c'hlazo c'hoaz.... ma face verdira eacore, s'écrie-t-
etle, et le mal frappera. »
— « Ah ! vous êtes Drouk-awizères ? vous jetez le « mauvais œil ?»
répondis-je.
A ces mots, les globes de ses yeux oscillent et se convulsent ; ses
muscles se raidisseut. Tout, en elle, indique late\ision de la volonté.
Au bout de quelques instants d'immobilité.
— « Malheur à qui est cause ! s'écrie-t-elle, — Oui ! j'ai « le pou^
voir et j'en use. »
Fuis, se reprenant.
— « Oui ! j'ai le pouvoir! je jette les choses^ (les sorts,) et les ôte...
u quand je veux... Nombreux sont ceux que j'ai frappés.... et ils ont
« tous péri, dans leurs biens, dans leur vie, dans celle de leurs en-
c fants. Rien n'a pu les délivrer. Le mal que je leur ai jeté les a
« poursuivis jusque dans l'autre monde. »
— « Ils ne connaissaient pas le louzou.,.. moi, je le connais. »
— a Vous ?.... vous n'êtes cause de rien.,, il ne vous arrivera rien. »
— « Je vous en sais obligation ! »
— « Mais celui qui est cause,.... le garde qui a fait punir mon Hls
« injustement... il sera justement puni. Il sera frappé bientôt, et
t vous le verrez : »
Et s'animant :
— « Vous le verrez bientôt ! »
— € Bientôt ?... comment cela?... Dans combien de temps? »
— « Vous le verrez !
Se tournant, raide, vers le nord, étendant le bras dans la direction
de la demeure du garde, et s'exaltant davantage :
— t A toi qui es cause, malheur!.... que mon argent soit toujours
« entre toi et le bonheur, dans ce monde !.... entre toi et le Paradis,
« quand lu mourras !...
— « Ah ! il ne portera pas votre argent en Paradis?
— « Non ! je serai toujours, là, pour l'empêcher d'entrer... non,
il n'y entrera pas ! »
— c Mais alors, vous aussi, vous qui serez-là, devant la porte,
« pour Tempêcher de la franchir, vous n'y entrerez pas vous-même ».
— « Peu importe, pourvu qu'il soit puni ! »
Je venais d'assister à révocation d'un sort.
J'avais, devant moi, un sujet intéressant à étudier. Vite, j'avan-
çai une chaise. Vite, je crayonnai les feuilles des neuf plantes qui
composent l'amulette guérissant du mauvais œil, et les présentant à
la vieille :
— « Voilà, fis-je, les neuf plantes du louzou :
TOMB xi« — JuiM 4896. lu
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290 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
La vieille les reconnaît, ses traits se détractent, sa voix devient
naturelle et elle me les nomme en breton :
— « C'est bien cela ! Voilà Vizar^ le flemm-doua)\ le melchen-lri-
« taich^ le blêun-hân, le kleiz, le skier ^ le sklerik-bras^ le skier ik et le
barlen qui est la plus efficace de toutes. » (Le glecoma, le fumeterre,
le trèfle tacheté (T.* pratense, vel subterraneum), la pâquerette, le
mouron, la chélidoine, le géranium mollet ou robert, la ffcaire et la
verveine).
Je venais de gagqer la conBance de ma vieille qui se mit à causer
tranquillement.
C'était une jeteuse de sorts, de la classe la plus puissante, que je
croyais ne plus exister, dans le Cap-Sizun, depuis la mort de la
Kerzéas dont les marins, aujourd'hui encore, après plus de dix ans,
ne prononcent le nom qu'avec un sentiment de frayeur.
Elle avait le double pouvoir de faire des maléfices et de les conjurer
par ses amulettes. Elle tenait sa puissance du fait de sa naissance,
étant née la neuvième enfant de sa mère et venue au monde ^ les pieds
en avant. Son père, lui-même, avait eu, dans les temps, des accoin-
tances avec le diable qui lui apportait souvent de l'argent, sous la
forme d'un chat noir. Mais l'argent du diable ne profite guère : passé
une génération, il se change en son. De riche qu'était devenu son
père, elle, et son frère, sont aujourd'hui réduits à rien.
Le Louzou qu'elle emploie est le même que j'ai déjà décrit, (Rev.
T. P. 1889, page 467). Mais le rite pour le préparer diffère essentiel-
lement. Ici interviennent les prières.
Voici comment elle le compose :
Invocation : Doue auraucq oll ' Dieu avant toutes choses ; Dieu
d'abord, dans le sachet.
Puis trois tiges de chacune des neuf herbes disposées en croix
l'une sur l'autre ;
Trois pater et trois ave, sans inspirer ;
Trois autres tiges de chaque plante, disposées de même ;
Trois pater et trois ave ;
Le reste des herbes ;
Trois autres patei^ et ave;
Neuf grains de sel.
Le tout est cousu, au moyen d'un fil écru, dans un morceau de
toile neuve qui n'a pas été passé à l'eau.
Ma vieille doit avoir une grande pratique du louzou ; pendant les
longues tirades qu elle me débitait, ses doigts allaient au tour,
i. Doue araucq est aussi, d'après le père Grégoire de Rostrenen, la devise de
raocienae famille Carainoo, en breton : Kervaan.
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REVUE DES TBADITIONS POPULAIRES 291
comme pour disposer les herbes de son sachet, el sa respiration
souvent retenue, au delà même du temps qu'il faut pour réciter les
trois paler el les trois ave. Cette condition de ne point reprendre son
haleine est indispensable, faute de quoi, le louzou perd toute
vertu.
Dans le Cap-Sizun, la foi dans le louzou du mauvais œil est bien
vive. Cette croyance existe même dans des familles où Ton s'attend
le moins à la rencontrer. Ainsi je connais la mère d'un prêtre qui
est allée la nuit, de peur d'être reconnue, à trois lieues de sa
demeure, chez une Drouk-Aunzères, chercher le louzou^ pour
lapposer au cou de son petit enfant malade du croup. On m'a
même alïlrmé que des prêtres, originaires du Cap, avaient toutes
peines à se dépouiller des superstitions qu'ils avaient apprises, tel
que le Drouk-awis, dans leur enfance.
Ma vieille initie à ses secrets, le neuvième de ses treize enfants,
une fllle qui est née dans les mêmes circonstances que sa mère, les
pieds en avant.
II
LE VERBL
Outre le pouvoir de jeter le mauvais œil^ ma bonne femme
possède le don de guérir certaines maladies^ au moyen de paroles
spéciales. Elle le doit aussi aux conditions de sa naissance.
Voici quelques-unes de ses formules :
An Verbl, — C'est l'adénite des ganglions de l'aisselle, parfois de
l'aine, le bubon ; alors la maladie s'appelle al laich. Quand une
tumeur s'est formée dans ces régions, elle sera suivie de huit
autres. Si l'une aboutit, toutes le feront, à moins qu'on ne les fasse
déguerpir.
Voici comment procède le ûiskonter ;
Le Verbl est assimilé à une dame qui a neuf filles pour lesquelles
elle a une grande sollicitude. Elle est tout le temps à les compter :
de l'une elle va à deux, de deux à trois ^ etc., à la neuvième, elle les
recompté à rebours pour encore recommencer. Il faut les compter
avec elle, diskonta ar Vei^bl, et les décompter, pour les réduire de
neuf à une, et de une à point, et cela sans reprendre sa respiration.
Voici la formule entière : . ..
€ Ar verbl a devoa nao merc'h : d'Oc'h a eun a ias da Ziou ; d'oc'h
a ziou da deir ; d'oc'h a deir, d'à bedir ; d'oc'h a.bedir, da bemp :
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292 REvee dbs traditions popllaiiib6
d'oc'h a bemp, da fecTi ; d'oc'h a fec*h, da seiz ; d'oc'h a seîz, ou eiz ;
d'oc'h i^eiz da nao ;
« D'oc*h a nao, a teuaz da eiz ; d'oc*h a eiz, da seiz ; d'oc'h a seiz,
da féc*h ; d'oc'h a fec'h da bemp ; d'oc'h a bemp, da bedir ; d'oc'h a
bedir da leir ; d'oc'h a deir, da ziou ; d'oc'h a ziou da eun ; d'oc'h a
eun, da c'houp. »
De une à aucune. Le Verbl ayant perdu ses neuf filles, s en va.
Cette formule se dit trois fois sans respirer aucunement et sans se
tromper, sinon le Verbl retrouve le nombre de ses neuf filles et la
guérison est compromise.
Elle est une des plus ardues à prononcer. Rares sont les
Diskonter qui arrivent à sa fin, sans être obligés de respirer.
m
LE TELOr-DEVED
Ce sont des dermatoses sous deux formes principales : l'Herpès
circiné et surtout le Zona.
On le croit un génie malfaisant qiii s'attache à la peau. Il s'étend
toujours et finit par entourer le membre ou le corps de celui sur
qui il s*est posé : alors c'est la mort.
Voici la formule qui le fait partir :
« Telou-Deved, tec'h, tec'h ;
Neked ama ma da lec'h ;
Nag ama, nag e neb-Iec'h !
Etre oao mor a nao meoe,
Eno ma da vêle I »
« Telou-deved, retire-toi, retire-toi ; Ce n'est pas ici ta place ; ISi
ici, ni ailleurs ! Entre neuf mers et neuf montagnes. Là est Ion gîte. »
Croiser le mal avec une pièce d'argent, et prononcer cette formule
trois fois sans respirer.
Un Diskonter d*Esquibien croise le mal avec son pouce enduit de
sa salive, à jeun. A la formule ci-dessus, il ajoute ces mots :
« Kars da Vene-Are I » — •« Retire-toi aux Montagnes Arrées. »
Chez lui, pour être guéri, il faut retourner trois fois, avant le lever
du soleil.
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BfiVDE BRS TRADITIONS POPULAIRES â93
IV
AN TAICH. — LA TAIE DE lVîETL
Elle indique iapréseace d*ua déoioo, ou.d'ua esprit mauvais, sur
rœil.
Ou le fait partir en Tobjurganl de toutes façons: « Tec'h, men-
argaz ! etc.. Tout le vocabulaire des injures connues dans le Cap, y
passe.
Aux insultes, se joignent encore certaines pratiques:
A Primelin, une vieille femme croise Toeil avec une pièce d'argent
qu'elle garde, et souffle trois fois sur le mal.
Une autre prend neuf grains de blé avec lesquels elle fait le signe
de la croix sur Toeit malade ; puis les jette, un à un, en récitant
trois pater et trois ave, dans une écuellée d'eau. Lorsque, au fond
du vase, une bulle d'air se détache de chaque grain et vient crever
à la surface de Teau, c'est le mal qui s'en va. Le remède le plus
employé est la ficaire^ qu'on appelle aussi Louzaouen an. taich, .
l'herbe à la laie. On la pile avec neuf grains de sel et on l'applique
sur l'auriculaire de la main opposée à l'œil malade.
AN l'RLOU.
C'est l'engorgement des membres pelviens, provenant de toutes
sortes de causes : Goutte, rhumatisme, etc.
Ce mal se guérît par une opération : la scarification du palais.
Il faut être Diskonler pour que cela réussisse.
L'opération consiste à faire, avec un couteau, deux incisions en
V, ou en croix, au voile du palais. Pendant que le patient crache le
sang en abondance, il doit, avec les doigts, détacher le lambeau de
muqueuse, entre les incisions, et l'arracher. Cela fait, il est guéri.
Sinon, il gardera son mal. Au bout d'une heure ou deux, le patient
se gargarise à l'eau salée.
On m'a cité deux accidents mortels survenus après celte opération.
Le Diskonler qui avait celte spécialité et que j'ai vu exercer son
art sur un enfant atteint d'un commencement de rachitisme, et sur
un ivrogne, voulant guérir ses jambes qui ne le tenaient plus debout,
est mort il y a deux ans. La célérité avec laquelle les deux
opérations ont été faites m'a empêché d'intervenir. Il avait une
grande renommée. On venait chez lui, d'au-delà de Douarnenez, se
faire opérer.
H. Le Carguet.
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2Ui BBVtTe DfiS tRADlTlONS POPirL^IRGS
POESIES SUR DES THEMES POPULAIRES
XLI
AUX CHAMPS
Par la pluie et le vent, seutette,
L*enrant grelotte dans les chainpa :
(• Las ! quand je serai grandelette,
On ne m'enverra plus aux champs,
Oui-dà
0 ce bon tems-lA l »
Petite fille est jouvencelle,
Elle s'en va toujours aux champs :
« Quand j'aurai mari, ce dit-elle,
On ne m'enverra plus aux champs,
Oui-dà,
0 ce bon tems-là ! »
Voici l'anneau des fiançailles.
Elle s'en va t(»ujours aux champs :
tt Vienne le jour des relevailles,
On ne m'enverra plus aux champs,
Oui-dà,
0 ce bon tems-lA ! »>
L'épouse est mère devenue,
Elle s'en va toujours aux champs :
« Quand je serai vieille chenue,
On ne m'enverra plus aux champs,
Oui-dà,
0 ce bon tems-là I »
La vieille n'est pas sur sa porte,
Pluie et vent pleurent dans les champs ;
La vieille ud jour s'est Taite morte,
Et puis on l'a portée aux champs,
Oui-dà,
0 ce bon tems-là !
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RBVri? DES TRADITIONS POPULAIRES 29o
XLI
l'herbe o*oldli
Par delà le ruisseau
Je sais une coliioef
Au penchant du coteau
Je sais une herbe fine ;
Une herbe pâle et grise,
Et qui m^le ses brins
Parmi les angéliques.
Parmi les romarins,
La brebis en broutant
A mangé de cette herbe,
La tourlre en voletant
A becqueté sa graine.
Maintenant brebiettes
Oublient les blancs agneaux.
Maintenant tourterelles
Oublient leurs tourtereaux.
Allez, ma mère, allez,
Montez sur la montagne,
Allez vite et cueillez
La fleur de Therbe p&le ;
Faites-en un breuvage,
Je vous dirai pourquoi :
Quand j'aurai rendu Tâme,
Buvez, oubliez-moi.
Mais moi, j'en boirais bien
Des coups,^des coups^sans nombre.
Tout autant qull en tient
Dedans la mer pro ronde :
La blonde à qui je songe
Et pour qui je m'en vas,
La folle fille blonde,
Je ne Toublierai pas !
George Doncieux.
(Extrait de Vidée libre, février iS9o).
La première pièce est faite sur un thème recueilli dans un village du Niver-
nais; la seconde inspirée d'une chanson grecque. Elles ont été mises en musique,
l'une par M. G. Dubreuiih, l'autre par notre collaborateur M. J. Tiersot.
v^m0^0*f*t^0*t*t*f^kf*tv^té^^t0t^t0t0*0*^^^
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âfM) kfiVlJE DE8 TRADtTfOXS t^^PtlLAIftCS
LES ORDALIES
XVIIÏ
PAR LE CALICE D'ÉPREUVE
à) chez les Juifs
E chapitre V des Nombres décrit ainsi l'épreuve que la femme
soupçoiiaée d'infidélité, mais contre laquelle il n'existait au-
cune preuve, avait à subir ; « Si cette femme a péché, mépri-
sant son mari, et dormi avec un autre homme, s'il ne peut la
surprendre, si l'adultère reste caché, si Ton ne peut l'accuser
par témoins, pour ne l'avoir surprise pendant le péché; si Tesprit de
jalousie excite un mari contre sa femme, soit qu'elle ait été souillée,
soit qu'elle soit l'objet de faux soupçons, le mari l'amènera au
prêtre, fera une offrande pour elle, la dixième partie d'une mesure
de farine d'orge, il ne répandra pas d'huile sur elle et ne placera
pas d'encens sur elle, car la jalousie est la cause de ce sacrifice qui
a pour but de rechercher l'adultère. Le prêtre l'offrira au Seigneur
et la placera devant lui; il prendra de l'eau sainte dans un vase
d'argile et y mettra un peu de la terre du sol du tabernacle. Quand
la femme se tiendra en présence du Seigneur, le prêtre découvrira
sa tête, placera sur ses mains le sacrifice du souvenir et l'offrande
de la jalousie, lui-même tiendra des eaux très amères où il entassera
les malédictions avec l'exécration. Il adjurera la femme en ces ter-
mes : Si aucun étranger n'a dormi avec toi, si tu n'as pas souillé le
lit conjugal^ ces eaux très amères où j'ai entassé les malédictions
ne te nuiront pas. Mais si tu t'es séparée de ton mari, si tu as
été souillée, si tu as couché avec un autre homme, tu seras soumise
à ces malédictions. Que le Seigneur Dieu te maudisse et fasse de toi
un exemple pour son peuple: qu'il fasse pourrir ta jambe et que
ton ventre gonflé éclate. Que les eaux maudites entrent dans ton
ventre, et que celui-ci se gonQant, ta jambe pourrisse. La femme
répondra : Ainsi soit-il, ainsi soit-il. Le prêtre écrira sur un billet
ces malédictions et les effacera avec l'eau amère où il a entassé les
1 . Suite, voir t. XÎI, p. 16.
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RBVUB DSS TRADlTlONe POPULAIRES ^97
iôiprécàiions et les lui donnera à boire. Quand elle aura l)u, le
prêtre prendra de ses mains le sacrifice de jalousie, relèvera
devant le Seigneur et la placera sur Tautel : auparavant, il prendra
un peu de ce qui est offert et le brûlera sur lautel : qu'il donne
ainsi à la femme à boire les eaux amères. Quand elle aura bu, si elle
est souillée et coupable d'adultère pour avoir méprisé son mari,
Teau de malédiction passera en elle, son ventre enflera^ sa jambe
pourrira : elle sera maudite et en exemple à tout le peuple. Si elle
n'a pas été souillée, elle n'éprouvera aucun mal » *.
h) chez les Coptes
Antérieurement au XVIP siècle, les Coptes avaient adopté cette
ordalie, comme on le voit dans la description que nous en a laissée
Vansleb :
« Anciennement, le calice de Soupçon était encore en usage chez
eux lorsque le mari doutoit de la fidélité de sa femme.
« Voici de quelle manière ils le préparoient :
« Le Prêtre meltoit dans un pot de terre de l'eau soufifrée, la mê-
lant avec de la poussière qu'il prenoit d'un des endroits de l'Autel
ou des coins du Heikel (sanctuaire). Il découvroitla tête de la femme
soupçonnée, il la fesoit jurer par la vertu du Heikel et par la des-
cenle du Saint-Esprit, qui y opère les mystères, de dire la vérité, si
quelqu'autre que son mari a voit eu commerce avec elle, ou non ?
il lui disoit encore qu'en cas qu'elle fût innocente, cette eau ne lui
feroit aucun mai; mais que si elle étoit coupable et qu'elle jurât
faussement, cette eau ruineroit son ventre et tout son corps, et que
la malédiction de Dieu tomberoit sur elle.
« Voici les cérémonies qu'on observoit lorsqu'on donnoit cette eau
à boire à la femme soupçonnée :
w Le mari alloit auparavant trouver l'Evêque, ou le Curé, et lui
déclaroit le soupçon qu'il avoit de sa femme. Alors l'Evêque l'exhor-
loil de prendre garde de ne rien faire par haine, ou par légèreté; et
si après cette exhortation II persistoit encore à demander cette
épreuve, l'Evêque les obligeoit tous deux de se laver et de jeûner au
pain et à l'eau trois jours de suite ; et le quatrième jour il alloit avec
trois autres prêtres, trois séculiers, et trois femmes à l'EgLse et ils
se présentoient devant la Heikel, oCi l'on fesoit allumer une lampe
seulement; puis on dépouilloit l'autel tout nud, et on mettoit des-
1. Nombres, V, v. l»-28.
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298
REVCB DES TRADITIONS POPULAIRES
SUS les quatre Evangiles; et cela étant fait, TEvêque demandoît à la
femme si elle étoit innocente ou non; et si elle répondoit qu'elle
étoit innocente, alors il découvroit la tête du mari et de la femme;
il haussoit le voile du Heikel jusqu'à la moitié, il prenoit le pot plein
d'eau, il commençoit les Prières, il lisoit le 5* Chapitre du livre des
Nombres jusqu'à la fin, et pendant qu'on disoit cent fois le Kyrie
eleison, il mettoit de la poussière du Heikel dans le pot, avec quel-
ques gouttes d'huile dans la lampe, et il falloit que la femme bût
une partie de cette eau, et si elle étoit coupable, on le connoissoit
aussi tôt, en ce qu'elle commençoit à sentir des douleurs dans le
ventre qui n'étoîent pas concevables. Mais aujourd'hui (1672), ils
n'observent plus cette cérémonie » *.
René Basset.
»»^M»^WMM^VMMW»/W^^V^
COUTUMES SCOLAIRES
X
l'jiabit neuf
Une coutume assez générale existe parmi les collégiens.
Lorsque l'un d'eux met pour la première fois un habit neuf, ses
camarades le frappent à coup redoublés sous prétexte de « rabattre
les coutures » (Collège de la paix, à Namur).
Alfred Harou.
1. Vangleb, Histoire de VEglise d'Alexandrie, Paris, 1677. in-12, p. 107-109.
2. Cf. le t. Vil p. 74, le t. X, p. 201.
M^ëimm,
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RRVIÎR DES TBAOmOiSS POPtLAIRES * 299
CONTES DE LA HAUTE-BRETAGNE
Contes comiques
LE HAUSSE (JR
L y avait une fois un homme qui ne savait comment gagner
sa vie. Comme il était bon farceur, et qu'il avait la langue
bien pendue, il résolut de parcourir les campagnes et de
tromper les diots (sots).
Un jour il passa sous les fenêtres d'un château en criant :
— C'est moi qui les hausse, qui les baisse, qui les laisse
de même I La dame du château dit à sa servante :
— J'aurais bien besoin d'être haussée, moi qui suis si
petite.
— Et moi aussi, dit la servante. Faut-il l'appeler ?
— Oui.
L'homme fut introduit dans la chambre de la dame^ qui lui dit :
— Est-ce que vous haussez les gens ?
— Oui, je les hausse suivant la somme qu'ils me donnent.
— Combien me prendriez-vous pour me grandir de ceci ? deman-
da-t-elle.
— Deux mille francs.
— Je ne vous donnerai pas tant, moi, dit la servante ; je n'ai que
cent écus.
— Ah I répondit-il, je vous hausserai tout de même, mais pas tant
que votre maîtresse. Avez-vous, dit-il, un veau né de ce matin ?
— Oui.
— Allez lui couper la queue et apportez-la ici.
La servante apporta la queue au hausseur qui fit asseoir la dame
sur une chaise, et lui plaça la queue sur la tête, en lui recomman-
dant de rester vingt-quatre heures sans bouger.
11 mit un œuf pondu le matin sur la têle de la servante, en apla-
tissant un peu le bout, et lui dit de rester aussi sur sa chaise vingt-
quatre heures sans bouger. Il leur dit alors qu'il allait au jardin
chercher les plantes nécessaires pour achever l'opération ; mais il
se hâta de détaler.
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300 REvre des traditions populaires
Quand le maître du chÀteau rentra et qu'il vit sa femme et sa
servante si drôlement arrangées, il se fît tout raconter, et il les traita
de sottes. Il ordonna de préparer bien vite un cheval et une voiture
pour poursuivre le voleur.
Il laperçut de loin qui marchait bon pas, mais lui^ qui Tavait
aussi vu, monta sur la couverture d*un moulin dont le meunier
était absent, et se mit à arracher les ardoises. Le monsieur lui
demanda s*ii n*avHit pas vu passer un homme par là.
— Oui, répondit-il, il ne doit pas être bien loin. Je suis à ma jour-
née à arracher des ardoises, si vous voulez monter les arracher à
ma place pendant quelque temps, je vous le ramènerai.
Le monsieur y consentit ; le hausseur monta dans la voiture, et
partit au triple galop. Bientôt le meunier arriva.
— Que faites-vous là ? demanda-t-il ; qui vous a permis de décou-
vrir mon moulin ?
— Je remplace un ouvrier qui vient de partir.
— Je n'ai dit à personne d'enlever mes ardoises ; aussi vous me
paierez la réparation.
Le monsieur vit bien que c'était le hausseur qui lui avait joué ce
tour, et il s'en alla tout penaud à la maison.
{Conté en i SH3 par Alexis Leparc, du Gouray, âgé de i7 an$].
II
L ANE OUI DANSE
Il y avait une fois à Saint-Malo des charpentiers qui travaillaient
Si un navire. Us virent passer une bonne femme qui conduisait un
àne chargé de pots de lait qu'elle allait vendre au marché.
Un des ouvriers s'approcha d'elle et lui dit;
— Y a-t-il moyen, la mère, de dire deux mots à l'oreille de votre
âne?
— Oui, répondit-elle, vous pourrez même en dire dix si vous
voulez.
Le charpentier fit mine de parler à Tàne et lui laissa tomber du
vif-argent dans Toreille. L'àne se mit à danser et à se rouler pour
gagner, comme on dit Tavoine, et tous les pots de lait furent perdus.
La bonne femme fit assigner l'ouvrier devant le juge de paix.
— Pourquoi, demanda-t-il, avez-vous dit deux mots à Toreille de
cet àne ?
— Parce que, monsieur le juge de paix, j'en avais la permission.
— Que lui avez-vous dit ?
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RKVUE DES TRADITIONS rOl>ULAIilE8 301
-— Je lui ai dil que tous ses parents étaient morts, et qu'il étai^
leur seul héritier. C'est pour cela qu'il s'est mis à danser de joie.
Tous ceux qui étaient là se mirent à rire, et même la bonuQ
femme, qui demanda au charpentier :
— Est ce bien vrai que mon âne héritera de ses parents?
— Oui, c'est bien vrai.
— Sont-ils riches?
— Oui, ils ont laissé, outre leurs pâtures, cent mille francs en or.
La bonne femme qui crut que cela était vrai, s'en retourna bien
contente, sans demander le prix de son lait.
{Conté en (882^ par François Marquer de Saint-Casi).
III
JEAN SANS PEUR
Jean Sans Peur était fils d'un bedeau, et tous les matins à cinq-
heures, il allait sonner l'Angelus. Son père se dît :
— n faudra que je tâche de lui faire peur.
Il habilla trois bonshommes de paille, et alla les placer dans le
clocher. Quand Jean Sans Peur arriva le matin pour sonner les
cloches, il vit un bonhomme qui avait le pied sur la première
marche.
— Monte, lui cria Jean Sans Peur.
— Tu ne veux pas monter, répéta-t-il. Et ne recevant pas de
réponse, il lui donna un grand coup de pied qui le renversa.
Un peu plus haut, il vit un autre bonhomme dans l'escalier :
— Veux-tu monter! cria Jean Sans Peur.
— Monte donc 1 Ah ! tu ne veux pas ; je vais t aider.
Il le renversa à son tour, et quand il arriva au lieu où étaient les
cloches, il vit un troisième bonhomme qui tenait la corde de la
cloche comme s*il avait été prêt à sonner.
— Sonne, lui dit Jean Sans Peur.
— Sonne donc, répéta-t-il. Ah ! tu ne veux pas sonner ! je vais te
tirer de là.
II le renversa comme les autres d'un coup de pied, puis il se mita
sonner TAngelus, et sa besogne faite, il retourna chez son père et
lui dit:
— Vous avez voulu me faire peur, mais vous n'y avez pas réussi.
Son père lui donna de l'argent tout plein ses poches^ et Jean Sans
Peur s'en alla par la for^t. Mais depuis qu'il avait de l'argent, il
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302 RBV(JE DES TRADITIONS POPULAIRES
n était plus le même : à chaque feuille qui craquait sous ses pieds^ î
croyait voir un voleur. Ce qui fait que Jeaa Sans Peur, eut tout de
même peur.
(Conlc en 1 880^ par Jean-Louis Roussel^ (TEvcé,)
LE PÈRE BERNARD
Le père Bernard était un bonhomme qui allait chercher son pain
Il arriva dans une ferme et demanda à coucher pour la nuit :
comme il n'y avait pas de place dans les lits et qu'il faisait froid, on
lui dit d aller coucher dans le four, il s'y blottit et s'endormit.
Le lendemain, le fermier, qui ne savait pas que le père Bernard
était là, remplit le four de fascines et y mit le feu, puis il revint à la
maison dire que le four était chaud.
— Ah ! malheureux, s'écria sa femme, tu as mis le feu dans le four !
tu ne sais donc pas que le père Bernard y était couché ?
— Non, dit-il, tu ne m'en avais pas prévenu.
— Jésus ! dit la fermière, nous voilà dans de beaux draps !
qu'allons-nous faire du père Bernard ? Il faut aller demander au
bedeau, qui est un malin, s'il peut noi*s tirer d'embarras.
Quand le bedeau ouït le cas, il dit :
— Je veux bien vous aider, mais il ne sera pas facile de vous
débarrasser du bonhomme.
— Combien voulez-vous pour votre peine ?
— Deux cents francs.
— Deux cents francs, soit.
A la nuit, il prit le cadavre du père Bernard sur son dos et alla le
placer à la porte du presbytère, contre laquelle il l'appuya; il alla
ensuite au clocher, fit sonner deux ou trois fois la cloche et s'en
riGtourna chez lui.
Quand le prêtre entendit le son des cloches, il se hâta de se lever
en pensant qu'il était arrivé quelque chose, et au moment où il
ouvrit la porte, le père Bernard tomba dans la place, et quand il
voulut le relever, il s'aperçut qu'il était mort.
Il courut réveiller sa servante et lui dit :
— Nous voici dans de belles affaires : le père Bernard est mort
cette nuit à la porte ; si en le sait, on ne manquera pas de dire qu'on
Ta laissé mourir de faim devant le presbytère. Que faire de son
cadavre? Il faut aller chercher le bedeau qui nous en débarrassera
sans doute, car il est bien malin.
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HKVUE DCS TRADITIONS POPULAIRES 303
Le bedeau venu, on lui conta Taffaire qu'il écoula d*un air soucieux :
— Ah ! dit-il, je ne sais pas comment faire ; c'est un cas très-
embarrassant.
— A tout prix, dit le recteur, il faut que vous nous tiriez de ce
mauvais pas.
— Si vous voulez me donner quatre cents francs, je me charge
de tout.
La somme lui fut comptée, et la nuit suivante, il chargea le père
Bernard sur ses épaules, et alla le planter debout à la porte du
couvent. Au matin la supérieure ouvrit la porte et le père Bernard
lui tomba dans les bras.
— Ah ! s'écria-t-elle, nous voici bien prises : si on sait que le père
Bernard est mort à la porte du couvent, tout le monde va dire que
nous lui avons refusé assistance II faut allef chercher le bedeau ; il
n'y a que lui qui puisse nous éviter cle fâcheux propos.
Le bedeau arriva, et quand on lui eut conté Taffaire^ U se gratta
l'oreille et dit :
— Mais ma sœur, si je vous aide, je me mettrai dans un mauvais
cas, aussi moi.
— Demandez-moi ce que vous voudrez, vous Taurez.
— Si vous pouvez me procurer un cheval borgne et me donner
huit cents francs, je trouverai moyen de faire sortir le père Bernard
d'ici sans qu'on le sache.
— Voici huit cents francs, dit la supérieure, mais chargez-vous du
cheval borgne.
Le bedeau prit un vieux cheval aveugle, attacha sur son dos le
cadavre du père Bernard, et au point du jour il alla mener le cheval
au coin d'une rue où des marchands avaient étendu par terre de la
poterie et de la vaisselle ; il lui donna un coup de fouet, elle cheval
se mit à courir^ cassant les pots et les écuelles, et faisant des dégâts
pour bien de l'argent.
Les marchands, à cette vue, coururent en colère après le père
Bernard, qu'ils frappèrent à toute volée de coups de bâton, puis
quand ils virent qu'ils ne bougeait plus, ils crurent l'avoir tué. lisse
sauvèrent chacun de son côté, laissant le père Bernard, et je ne
sais pas s'il y est encore '.
(Conté par Elisa Durand, de Saint-Cast, 18 79.)
Paul Sébillot,
1. Ce conte présente plusieurs épisodes qui rappeUenfc celui intitulé : O'un
vieux cheval et d'une vieUle fetnme. Contes populaires de la Haute-Bretagne, l,
n, 36.
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3fti REVUE DES TRADITIONS POPLLAJRES
LKS METIERS ET LES PROFESSIONS
LXXV
LES CHARPENTIERS DANS LA CROYANCE POPULAIRE RUTBÈNE
ANS un article bien intéressant de la revue
rulhène « Jyiié i slovo » de 1896, un jeune
folk-loriste, M. Zoubrytzwi publie des ma-
tériaux très curieux sur les charpentiers.
I Ils ont été recueillis dans le district de
' Stare Miasto aux Carpathes (Galicie); nous
les traduisons en entier en les arrangeant
cependant d'une façon plus systématique et
en rejetant plusieurs iutercalations super-
flues.
Quand on abat un arbre pour une maison, on regarde s*il ne porte
pas quelque part des branches qui d'abord horizontales deviennent
ensuite verticales et forment ainsi comme un autre sommet. Dans
ce cas-là on les coupe et on les rejette, car elles rendent impur le
tronc. Dans une maison dont les parois ou le plancher contien-
nent de telles branches, il craque toujours et cela annonce la mort
ou un malheur prochain.
Ce n'est pas un bon signe non plus, si le premier arbre abattu s'ar-
rête en tombant sur le tronc d'un autre encore intact. Si on s'en sert
tout de même, la maison brûlera tôt ou tard.
Mais voilà déjà les arbres par terre près de la place ofi s'élèvera le
bâtiment. On commence à les façonner. Le premier copeau tombe
du côté recouvert de Técorce. Alors quelqu'un mourra. S'il tombe
par l'autre côté, on célébrera bientôt une noce. Si la hache donne
du feu au premier coup, on brûlera. On jette ensuite les fondements,
mais ceux-ci sont rarement en pierre. Car on craint que la vie de.s
habitants futurs ne soit fort dure. Quelquefois on fait dire oe jour là
une messe. A tous les quatre angles on met souvent un quart d'un
kreuzer et un fil de soie noire. Alors la misère ne s'approchera pas
de la maison et le bétail noir s'élèvera bien. A Zaroudié on met aussi
du mercure — pour que tout augmente — du plomb, de la vinca, de
l'avoine, du sel, de l'arbre blanc et du charbon, ces deux dernières
choses, pour que louf bétail, le blanc et le noir, se porte bien. Au
milieu de la maison on plante dans le sol une croix de saule. Cielte
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 305
coutume s'observe aussi quand on bâtit un enclos pour les brebis:
aux champs.
Après cela on continue les travaux. En érigeant les parois il faut
faire attention à ce que le bas et le haut des planches qui les compo-
sent correspondent au bas et au haut des arbres dont elles sont faites '.
« Qu'on mette, monsieur le curé, le bois comme il croît à la forél v
disait le charpentier de Rybotytché en bâtissant la maison de Babyne
Maintenant encore on fait attention aux premiers copeaux. S'ils tom-
bent en dehors de la maison commencée il y aura mort ou perte, si
en dedans, noce.
Quand le bâitimenl est élevé, il faut éviter d'y ajouter quelque
chose du côté du nord.
Aussi est-il à craindre qu'il n'y ait des punaises, si le charpentier
a commis Timprudence de cracher dans ses mains en commençant
le travail. Pour les chasser il faudrait se déshabiller la veille d'un
jour où on veut se rendre au pardon, courir autour de la maison et
demander du dehors par la fenêtre ouverte : Les cousines sont-elles
chez elles. De l'intérieur on répond : Non, elles sont parties au par-
don de Lypi i ou autre part.
Dans les pratiques énumérées ci-dessus, le charpentier joue un
wle peu important. Ce n*est qu'un personnage superstitieux. Mais
voilà des faits qui démontrent qu'il est quelc^e chose de plus.
Paul Goudze, chantre et écrivain public au village de Ploskié, se
faisait élever une maison. Le charpentier allait commencer le plafond,
quand soudain il s'adressa à Paul, a Voulez-vous, lui demanda-t-il,
avoir une perte maintenant ou plus tard. Maintenant elle ne sera
pas grande. Donnez-moi un quart de litre d'eau-de-vie ».
Paul ne voulait pas entendre parler de cela, mais sa femme épou-
vantée éclata en sanglots et il consentit à donner au charpentier ce
qu'il désirait en y ajoutant encore dix à douze œufs. Le « maître »
ne toucha pas à la boisson. Il souffla dans la bouteille qui la conte-
nait, la recouvrit de sa main et recula ensuite. Au bout de quelques
secondes la bouteille éclata en plusieurs parties et dans Tétable un
veau sursauta et périt. » {Raconté par Fedio Goudze à Mchanelzi^ le
le 7 juillet 1891).
Donc, le charpentier non seulement sait ce qui arrivera aux gens
pour lesquels il travaille^ mais encore il peut conjurer le danger
qu'ils courent.
Voilà un cas qui prouve la science de l'avenir que possèdent
ces artisans. Bien que M. Zoubrytzki (souvent très obscur) ne Tait
1. Cf. une croyance japonaise analogue, t. III, p. t42.
TOME XI. — JUIN 1896. 20
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306 REVUE DES TltADITlONS POI*LLAIUES
pas trop précisé, je crois 'qu'il appartient à la catégorie précitée.
C'était un juif pour lequel on construisait une cabane. Justement
était arrivée la voiture chargée de bois dans ce but, mais le charpen-
tier ne savai*, où la faire entrer, car la place où devait s'élever la
hutte était entourée d'une haie. « Enlevez la haie ici a, luiditHryt-
zouna, un paysan qui passait parla. Le charpentier le regarda d'un
air craintif. Ici? enlîn comme vous voudrez. Hrytzouna partit et
quelques jours plus tard il décéda.
Il est possible que le charpentier sût qu à celui qui lui conseillait
de faire quelque chose d'un certain côté, devait arriver un malheur.
Il essayait de s'y opposer, mais il céda finalement. Peut-être y aurait-
il une autre explication populaire de ce fait (p. e. une rencontre mal-
heureuse), mais M. Zoubrytzki ne précise pas davantage.
En commençant la maison le charpentier fait une incision « sur
les hommes » ou « 9ur le bétail », pour que rien de mauvais ne lui
arrive. A Mykhniouka le charpentier qui coupa chez le curé la fenê-
tre dans une paroi qui en était dépourvue, fit trois incisions en pro-
nonçant : C'est sur le curé ; c'est sur sa femme (les prêtres ruthènes
catholiques grecs se marient) ; c'est sur ses enfants. Au même vil-
lage il tint la hache pendant quelques moments le tranchant tourné
vers sa face. A Bystré il a jeté (probablement au commencement,
bien que l'auteur n'en aise rien) sa hache hors du bâtiment, et c'est
pourquoi les propriétaires de ce dernier moururent bientôt.
En général un charpentier doit être bon ami avec le diable et s'il
n'en a pas le renom^ peu de clients l'appellent.
Si un charpentier se blesse, il sait empêcher le sang de couler.
Comment, on n'en sait rien. Deux charpentiers, le père et le fils, tra-
vaillaient à Ploskié. Soudain la hache échappa au dernier et le blessa
au front et à la jambe. Mais il ne laissa pas le sang sortir. H avait
appris celle science chez un charpentier allemand nommé Guillaume.
Ce Guillaume fut même consulté par le peuple des environs de
Nowe Miasta. Un paysan de Mchanetzi ressentit une douleur violente
au genou. Il lomba sans pouvoir se relever. Alors on fit appeler
Guillaume, celui-ci arriva, ùla son chapeau, s'agenouilla, chuchota
quelque chose et le malade fut guéri.
Si deux charpentiers rivaux se rencontrent, on peut être témoin
d'une lutle curieuse. Les deux sorciers cherchent à se jouer des
lours bien singuliers. Encore Hrytzi avec son fils travaillaient une
fois. En Tabsence du père vient le charpentier Rymanow qui jette un
sort sur le fils, de sorte que celui-ci ne peut plus manier la hache.
Arrive Hrytzi qui défait le sort et se venge, comment? Il fait tomber le
charpentier de Romanow sur quatre pattes et le laisse ainsi pen-
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REVL'B DBS TRADITIONS POPULAIRES 307
danl une bonne heure, jusqu'à ce que celui-ci se rachète moyen-
nant un bock de bière.
W. BUGIEL.
LXXVI
IMrORTUNlTÉS D£ MARCHANDS
Marchands d'habits confectionnés
A Gand, les dimanches et les jours de marché ou de fêtes, les
boutiquiers avoisinant le marché du vendredi (place de la Ville) se
tiennent sur le seuil de leurs portes dès Taube et engagent les
passants, principalement les gens de la campagne, à venir s'appro-
visionner chez eux. C'est surtout dans les magasins d'effets
confectionnés que cet appel aux clients se fait avec le plus d'instance.
Autrefois les a meestercleerverkoopers » (marchands d'habits) em-
ployaient d'autres arguments que la persuasion et l'éloquence pour
attirer les clients. La chasse aux clients se faisait manu militari.
Malheur au paysan qui se risquait à passer devant la boutique de
Tun deux. Il était appréhendé au corps et traîné de gré ou de force
dans le magasin. On allait même si loinque dans les faubourgs se
trouvaient appostés des individu?, à la solde des boutiquiers, qui
s'emparaient du campagnard dès son arrivée aux portes de la ville,
l'escortaient et ne le quittaient que lorsqu'ils l'avaient conduit dans
le magasin de leur patron.
Il y avait même des rues où les paysans n'osaient plus passer de
peur dêtre pris au collet et entraînés dans Tune ou Tautre boutique
où on les dépouillait de leurs vêtements pour leur endosser un
costume tout flambant neuf.
Le 12 mars 1753, les échevins de Gand rendirent une ordonnance
par laquelle ils défendaient dorénavant aux « meesterscleerverkoo-
pers 9 de se livrer aux manœuvres déloyales et aux actes de violence
visés ci-dessus.
{Messager des Sciences historiques^ 1888, p. 231 et suivantes).
LXXVIÏ
LES PILORIS DES FRAUDEURS
J'isserands
Jadis un marché aux toiles, se tenait chaque semaine, au marché
du vendredi, à Gand.
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308 UEVIJE DES TtlADITIONS POPLL.UHE»
Un curieux usage consistait à peodre à la tourelle du marché les
pièces de toiles auxquelles le vendeur avait attribué frauduleusement
une largeur ou une qualité qu elles n*avaient pas.
Cette exposition publique était une peine beaucoup plus eflicace
que la confiscation de la pièce de toile inventée au début.
(Messager des Sciences hist, 1890, p. 346, 347).
LXXVIII
LE MEUNIER IMPIE
A Aerschot (Brabant), sur la montagne nommée Oriasioore^ on
remarque un vieux moulin de pierre, aujourd'hui en ruines, et au-
trefois habité par un impie. A proximité de cet endroit s'élève un
second moulin, en activité.
Toutes les nuits, à minuit sonnant, un fantôme blanc sortait
du vieux moulin et venait frapper à la porle du nouveau moulin.
Le meunier n'avait garde d'ouvrir sa porte, car le fantôme était
menaçant; il aurait sûrement fait un mauvais parti à son confrère.
Maintes fois le spectre a essuyé des coups de feu, sans en être
autrement incommodé.
Les gens de l'endroit assurent que c'est en punition de son im-
piété que le meunier apparaît chaque nuit sur la terre pour y subir
de mauvais traitements; ils ajoutent encore que c'est pour servir
d'exemple au nouveau meunier et l'engager à ne pas falsifier ses
farines que Dieu opère ce miracle.
[Recueilli de la bouche du nommé Van Syngel],
LXXIX
LE TAILLEUR FACÉTIEUX
Douze gais compagnons avaient commandé chez un tailleur douze
costumes de diable qu'ils devaient revêtir certain soir dans le but de
se gausser de la crédulité populaire.
Revêtus de ces costumes, ils devaient faire une apparition sou-
daine dans le cimetière, à l'heure choisie par les fidèles pour faire
leurs dévotions sur les tombes.
Comme il fut convenu, il fut fait.
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 309
Seulement au lieu de se trouver douze au rendez-vous, on comp-.
tait treize diables.
Nos amis se regardèrent avec effroi aussitôt cette constatation faite,
et prirent la fuite dans toutes les directions, persuadés que le trei-
zième diable, l'intrus, était le diable en personne.
On sut plus tard que le treizième diable était le tailleur qui lui
aussi aussi avait voulu s'amuser.
[Recueilli â Anderlecht, faubourg de Bruxelles).
LXXIII {suite)
CRIMES PROFESSIONNELS
Le charcutier assassin
Dans le peuple, à Bruxelles, on rapporte que jadis un homme bien
portant, gros et gras, avait disparu de son domicile sans qu on fût
parvenu à savoir ce qu'il était devenu.
Or il se fit qu'à son lit de mort un charcutier avoua qu'il avait tué
cet homme et nombre d'autres encore pour en débiter les morceaux
en guise de viande de porc.
Sa charcuterie passait pour la meilleure de tout Bruxelles, elle était
la plus achalandée et on recommandait Texcellence de ses produits.
Voici comment ilopérait: Lorsqu'il trouvait un client de son goût, il
l'attirait soujs un prétexte quelconque derrière le comptoir, et d'un
simple coup de pied faisait manœuvrer une trappe et l'homme tom-
bait dans la cave.
LXIV {suite}.
Redevances et pourboires
k Bruxelles lorsque quelqu'un passe, le premier, sur le travail que
viennent d'achever les paveurs, maçons, etc., ceux-ci l'entourent et
se mettent à essuyer ses souliers avec leurs casquettes ou leurs
mouchoirs.
Cette ancienne coutume signifie : « Vous êtes le premier qui pas-
« sez sur le travail que nous venons de terminer, et cet événement
« vaut bien une tournée. »
AxFRED Harou.
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310 REVIJR DES TBilDniONS POPtîLAlHES
XXIV [suite],
LES ENSEIGNES SINGULIt:RES
Au bourg de Montmort (Marne) un perruquier avait pour enseigne
dans ces dernières années, un plat à barbe en cuivre surmonté de
cette inscription :
Ici l'on embellit la jeunesse
Et Ton rajeunit la vieillesse.
Dans une des principales rues de Lorient, il y a quelques années
une boutique de bottier avait pour enseigne un tableau représen-
tant une paire de bottes énormes de l'une desquelles sortait le cou
d'une oie, avec cette légende à double entente : « Prenez vos bottes
et laissez la mon oie » (laissez la monnoie).
A Reims, un autre magasin de chaussures, inauguré à Tépoque de
la visite du shah de Perse en France a pour enseigne un tableau
représentant un chat qui s'escrimait du fleuret contre une botte
pendue au mur : Au chat perçant.
A Paris môme, dans la rue de Rivoli, un cordonnier affiche à sa
porte une peinture figurant un lion acharné sur une paire de chaus-
sures avec cette légende magnifique : « Tu peux la déchirer, mais
non pas la découdre. » *
Ailleurs, sur le quai de l'Hôtel-de-Ville, c'est un loup empaillé qui
orne la devanture, ayant une botte à l'une de ses pattes. Enseigne ;
Au loup botté.
En maint endroit, le conte de Perrault a fourni l'enseigne et
Timage de l'Ogre : Aux bottes de sept lieues,
A. Tausserat-Radel.
i. Le texte exact sous une forme moins concise et poétique^ mais émaillé
(l'une faute de français, est celui-ci : « Tu pourras la déchirer, mais pour la
découdre, je te le défends ! »
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nCVrE DKS TRADlTTOi^S POPULAlReS 31 1
RITES ET USAGES FUNÉRAIRES '
[Seine-et-Marne] ,
XX
DERNIERS ADIEUX
A grande sépararatîon qui s'appelle la mort a toujours été
accompagnée de coutumes, qu'il est intéressant pour les tra-
ditionnistes de recueillir. Voici une des expressions de ce
sympathique souvenir des survivants. Elle a été observée
dernièrement dans une petite localité du département de
Seine-et-Marne.
Aimée de ses parents, de ses amies, de ses voisins, une personne
vient de mourir, autour du cercueil, c'est une douleur générale.
Le service va avoir lieu, et tout le monde se prépare. La famille
serait navrée si le cher entourage n y assistait pas jusqu'à la fin. —
Et ce n'est pas seulement pour le service entier que l'usage affec-
tueux demande la présence de tous ; c'est encore pour les délicates
cérémonies qui le suivent, et qui sont le plus touchant et le plus
gracieux final qui puisse clore des funérailles.
On arrive au cimetière. Là, quand la bière est descendue dans la
fosse, l'usage veut que chacun des intimes jette, sur la première
pelletée de terre, un bouquet composé de fleurs prises en son pro-
pre jardin.
Pour l'enterrement en question, et qui se fit en mai, l'un des assis-
tants envoya à la défunte un bouquet des derniers lilas blancs; une
assistante jeta une poignée de roses blanches ; une jeune fille, des
pâquerettes blanches, etc., etc.
A ce moment c'est toujours, comme symbole, le blanc qui inter-
vient. En outre, dans son bouquet chacun avait introduit une petite
branche de buis bénit.
Et ce n'est pas tout : un dernier mol tombe avec le dernier don.
En jetant leur bouquet les jeunes, qui se croient encore loin de la
fin, disent : « Adieu I » ; les vieux, qui se sentent près des limites,
disent : « Au revoir 1 à bientôt ! », et les croyants en l'eau-delà, qui
prévoient que l'étape n'est qu'interrompue, disent : « Repose-toi ! »
F. Fertiault.
1. Cf. l. m, p. 45, 81, 188, 365, 599, le t. IV, p. 421, 506, le t. VI, p. 48, 628, le
t. VII, p. 225, 420, 558, le t. VIIÏ, p. 700, le t. IX. p. 250, le t. X, p. 108, 224.
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Hi2 RKVI7IS DR!; TRADIttONS PjOPlîLAIliRS
LES EMPREINTES MERVEILLEUSES
CXVl
LA JMERRE DE BELLINGKN
la sortie du village de Darnstaedl, dans la direction de
Bellingen, h un mille de Stendal, dans TAltmark, en
Prusse, il existe une pierre grosse comme un sac de
deux boisseaux de blé où l'on peut voir assez pro-
fondément imprimé un pied de cheval. On raconte
que le mauvais esprit emmena de la, à cheval, une
cabaretière qui avait juré effroyablement, et ce serait
l'empreinte du sabot du cheval.
D'autres prétendentqu'ilseseraitlivrélàune bataille et que le géné-
ral doutant du succès aurait dit qu'aussi sûr que son cheval entre-
rait dans la pierre, il remporterait la victoire. Le pied de sa monture
s*y imprima et il fut victorieux. La bataille à laquelle il est fait allu-
sion serait celle que l'ancien markgrave d'Anhalt, Albert aurail livré
au comte Huder *.
ex Vil
LE GHEV.\L DE MOÏSE
Près du puits de Timissaou, au pied du versant nord-ouest de la
chaîne du Tassili, dans le pays des Touaregs Ifoghas, est une émi-
nence rocheuse, pareille à un château où Ton voit une empreinte
attribuée par la légende au cheval de Moïse \
CXVIII
LA PIERRE D'OSTHERRN
On montre dans les champs du village d'Ostherrn, qui est à un
demi-mille de Darnstaedt, près du chemin de Stendal une pierre où
est imprimé comme dans de la cire un soulier d'enfant ; sur l'autre
1. Suite, voir l. XI. p. i99.
2. Beckniann, Beschreibung der Mark Brandenburg^ Ir« partie, p. 375, Zichnert,
Preussische Volkssagen, t. I, p. 265, cités par Gmpssc, Sagenbuch der preussischen
Staatesy Glocnu, 2 vol. in-8, t. 1, § 79, p. 91 et § i60, p. 147.
3. Brouftsais, De Paris au Soudan^ Alger, 1891, in-8, p. 189.
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HeVUR DES TRADITIONS POPULAIRES 313
côté est marqué de la même manière un soulier de femme. La tradi-
tion est muette sur l'origine de ces deux empreintes *.
CXIX
LA PIERRE DE DEMBLOWO
Surle chemin deSchwontnik àDemblowo,danslecercle de Gaesne,
en Posnanie, on voit une énorme pierre avec des traces de chaines.
Un paysan de Demblowo qui voulait s'en servir pour construire sa
maison, n'ayant pu la charger^ déclara qu'il l'aurait, dût-il donner
son âme au diable. Celui-ci lui apparut et s'engagea à transporter la
pierre. Le paysan effrayé finit par promettre son âme à condition que
le bloc serait apporté dans sa cour. Puis il raconta la chose à sa
femme ; celle-ci alla au devant du démon et le retarda en priant et
en chantant des cantiques. La pierre n'ayant pas été apportée dans
le délai fixé, Tâme du paysan fut sauvée, mais on voit encore l'em-
preinte des chaînes qui servirent au démon pour mouvoir le bloc *.
cxx
LA PIERRE DE REEZ
Entre Reez et Rietzig, en Prusse, est une grosse pierre entourée
d'autres plus petites, portant toutes sortes d'empreintes de mains et
de griffes, parmi lesquelles celles d'un pied d'enfant ou de femme et
d'un sabot de cheval se distinguent nettement. On raconte que Satan
avait enlevé une cabaretière et l'avait placée sur celte pierre ; puis,
avec beaucoup de mauvais esprits à pieds de chevaux et de boucs,
il dansa autour d'elle. — Ce sabbat disparut à l'arrivée de deux
enfants innocents, mais les traces restèrent -^
René Basset.
1. Beckmann, Beschreibung der Mark Brandenburg^ t. Il, p. 376, cité par
Grœsse, Sagenbuch, t. I, § 80, p. 91.
2. 0. Knoop, Sagen und Erzaehlungen aus der Provinz Posen. Posen,1893, in-8,
p. 281.
3. Beckmann, Beschreiburg der Mark Brandenbung, t. II, p. 376, cilé par
Grœsse, Sagenbiichy t. 1, § 81, p. 91.
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3H nEVlIE DES TRADITIONS POPULAIRES
LES ÊTRES FANTASTIQUES EN BELGIQUE
1
LES FEUX FOLLETS
ux eaviroQs de Furn«s, voici ce qu'une
vieille femme disait aux petits enfants
à propos des feux follets :
« Tous ces petits feux sont des âmes.
Lorsque le corps « est décomposé,
rame prend son vol ; si votre vie a
été « pure, Tâme monte vers les cieux,
sous forme d'une petite « flamme,
mais si au contraire vous avez des crimes à vous repro-
« cher, la flamme qui se dégage de Tàme est saisie dans son ascen-
« sion par des esprits invisibles^ qui en obscurcissent Téclat et Talti-
a rent vers les profondeurs de la terre, où elle disparaît. »
[Recueilli à Adinkerke-lez-Furnes, (Flandre occidentale).
Il
LES DAMES BLANCHES
A Wyneghem (Anvers) on raconte que deux paysans se rendant, le
soir, à un village voisin aperçurent une dame blanche qui s'appro-
chait d'eux.
Elle s'approcha si près de ces deux hommes qu'elle les frôla du
bord de sa robe. En même temps, ils étaient enlevés du sol à une
certaine hauteur. L'un d'eux fut tué en retombant sur le sol, l'autre
eut les membres paralysés. Ce dernier revoit, chaque nuit, depuis
cette aventure, la dame blanche.
[Conté par François Gysbruhts, de Wyneghem],
A Anvers j'ai entendu un vieux marin qui déclare avoir aperçu
en mer une dame blanche qui devançait le navire pendant la tem-
pête et semblait vouloir l'entraîner dans des endroits dangereux.
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KBVUË DfiS TRADITIONS HOPULAlHES 34 H
La légende d'une petite dame blanche^ apparaissant *jprès d'un
ruisseau et attirant à elle les petits enfants, est très répandue à An-
vers et aux environs. C'était une personne fort bienfaisante, elle
consolait les enfants et leur donnait les moyens de secourir leurs
parents.
III
LES GÉANTS
On raconte, aux environs de Bruxelles, qu'il existait jadis sur la
Woluwe un géant qui allait de la source à l'embouchure de la rivière.
A minuit il disparaissait sous Teau et se nourrissait de poissons.
(Recueilli â WoluweSaint^Pierre),
IV
LES ANIMAUX FANTASTIQUES
A Wyneghem, près d^Anvers, on parle d'un animal ressemblant
à un bœuf, mais ayant les pieds du cheval, qui avait le pouvoir de
clouer au sol ceux qui le regardaient.
(Rpxueilli à Wineghem),
A DufTel (province d'Anvers) on dit aux enfants qu'on rencontre
dans les blés mûrs de grands loups rouges, qui sucent le sang des
hommes et des animaux. Ces loups disparaissent après la moisson.
{Recueilli à Du/fel).
LES ÉDIFICES HANTÉS
Il existait à Duffel (province d'Anvers) une ferme offrant une cer-
taine paKicularité.
A minuit sonnant, si les étables renfermaient des vaches ou des
bceufs, on voyait apparaître une petite lumière, qui disparaissait
une heure après.
Si au contraire, les étables ne renfermaient que des moutons ou
d'autres animaux la lumière n'apparaissait pas.
(Recueilli à Duffel).
Alfred Harou.
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â4() RBVUE DEft TRADITION» POPL'LAIRfiS
LEGENDES CONTEMPORAINES
l'NE LÉGI2NDE ARABE EN FORMATION
K peuple arabe est, on le sail, un des peuples
les plus crédules du mofide. Il n*y a pas ud
fait merveilleux, pas uae eroyaoce, (surtout
en matière reli^euse) qui n obtienne immmé-
diatement créance auprès des indigènes du
nord de T Afrique.
Aussi dans chaque région, dans chaque loca-
lité algérienne petite ou grande, les musulmans
vous racontent-ils avec le. plus grand sérieux
un miracle quelconque ayant pour héros un
merabet (religieux) local. Si Ton était obligé
de procéder au recensement des choses surnaturelles opérées par
les pseudo-saints arabes, Ténumération en serait d'une longueur
désespérante et laisserait bien loin derrière elle la liste des miracles
effectués par nos saints chrétiens.
Pour le moment nous ne nous occuperons que d'une légende qui
est en train de se créer dans le déparlement d'Alger, et qui dans
quelques années d'ici aura sûrement franchi cette limite adminis-
trative et sera acceptée définitivement par toutes les populations
algériennes.
Voici cette légende, telle que la racontent, d*un air absolument
convaincu, les indigènes.
Le cheikh Si Mohammed beu bel Kassem, un des quatre princi-
paux chefs religieux de l'ordre des Rahmania, réside à la Zaouïa
(chapelle) d'Ël-Hamel, à quarante kilomètres sud-ouest environ de
Bousaada.
Son influence est considérable auprès des Khouans (frères) de sa
secte et s'étend principalement sur les populations musulmanes des
départements d'Alger et de Constantine (région ouest).
Il y a quelques années, Si Mohammed ben bel Kassem se rendait
pn voiture de Bousaada à Alger afin d'assister à une fête que donnait
le gouverneur général, puis voulant retourner chez lui par Blida,
Médéa, Berrouaghia,. Boghari, Djelfa, il prit le chemin de fer à Blida.
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REVUE DES TttADlTlONS POPULAIKRS 317
Ses adeptes racootent k ce sujet que Si Mohammed ben bel Kas-
sem, désirant à Theure de la prière de Tacer (après midi) remplir
ses devoirs religieux, demanda au conducteur du train de faire
arrêter la locomotive un instant.
Le conducteur n ayant pu, vu les règlements, accéder à son désir,
Si Mohammed ben bel Kassem n'aurait eu, d après ses coreligion-
naires, qu'à frapper du pied le plancher du compartiment dans
lequel il se trouvait pour que tout le train s arrêtât subitement.
Ce stationnement dura tant que le chérif d'El Hamel fût en prières
cl la locomotive; malgré les appels réitérés du conducteur du train
et les efforts désespérés du mécanicien, ne s'ébranla qu'après la An
des dévotions de Si Mohammed ben bel Kassem.
Celle histoire est racontée dévotement par les adeptes de Si Mo-
hammed ben bel Kassem à tous les Khooans de l'ordre des Rahma-
nia qui s'empressent naturellement de la propager parmi les popu-
lations arabes ; aussi elle gagne annuellement du terrain et est déjà
parvenue, jusque dans Test du département de Conslanline.
Si Mohammed ben bel Kassem depuis le lancement de cette fan-
taisie, passe aux yeux des moumnine [croyants) non seulement pour
un marabout effectuant exactement toutes les pratiques religieuses
musulmanes, mais encore pour une sorte de saint faisant à volonté
des miracles.
11 est actuellement âgé de plus de 75 ans, de petite taille, le teint
coloré, la barbe blanche, le chef branlant. Il marche avec difOculté ;
aussi apprécie-t-il beaucoup nos moyens de locomotion (chemin de
fer ou voiture).
La vénération dont il est entouré est inimaginable I Lorsqu'il
arrive dans une localité, immédiatement tous les indigènes secouent
leur apathie accoutumée et se rendent en masse au devant du mara-
bout vénéré pour pouvoir embrasser le pan de son burnous, loucher
les étriers de sa monture et lui souhaiter la bienvenue ; L'excitation
augmente bien vite et souvent il arrive aux croyants de Tenlever de
sa voiture et de le porter à bras jusqu'au premier ou au deuxième
étage du logement qu'il doit occuper.
A El Hamel près Bousàada, la Zaouïa du cheikh est le point de
réunion de cent ou deux cents pèlerins par jour (dans la bonne sai-
son). Ces fidèles sont nourris aux frais de Si Mohammed ben bel
Kassem et en retour ce dernier reçoit de nombreuses offrandes.
Dans son remarquable livre « Tableaux algériens^ 9 Guillaumet, le
peintre regretté des Fileuses de laine et de la Seguia^ décrit d'une
façon parfaite les habitations arabes de Bousàada et consacre au
marabout d'Ël Hamel un chapitre ; nous renvoyons le lecteur à ce
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31 h REVUE l)KS TKADITlOrsS POPLLAIKBS
livre, au cas oCi il voudrait avoir des renseignements plus complets
sur le héros de la légende que nous venons de raconter.
Nous ne terminerons pas ces lignes sans faire remarquer la dupli-
cité bien orientale des propagateurs intéressés de cette histoire. Ils
ont choisi comme exemple la locomotive pour bien démontrer aux
crédules musulmans que la science, le progrès émanant des chrétiens
est une quantité négligeable vis-à-vis de la volonté quasi divine
manifestée par un sectateur de Mohammed. Allah akbar ! Dieu est
grand I
AcHUiLE Robert,
COUTUMES DE MI-CAREME
111
lin Indre el' Loire
^^"^^^^ Lx environs de Chinon les enfants ont la coutume d'aller
0 ^ft/IÇ placer sur la grande route, où la Mi-Caréme doit passer,
V^l^ des petites bottes de foin quHs abandonnent en guise de
A^ présents.
c> En rentrant chez eux ils trouven t toujours, soit des jouets,
soit des choses utiles à leur usage, que les parents leur donnent
comme étant des cadeaux apportés par la Mi-Caréme, justement
pendant leur absence.
IV
En Eure-et-Loir
M. A.-S. Morin, dans le Glaneur de 1874 (Almanach pour Eure-«t-
Loir) nous rappelle que celui qui allait le jour de la Mi-Caréme au
pied de la Pierre Tournante d'Ymorville, et y restait un certain iemps^
voyait apparaître la Mi-Caréme en personne qui, moyennant la mo-
dique offrande d'une poignée de foin, gratifiait le visiteur d'une
énorme quantité de harengs salés.
,. Cf. t.. p. 78 u. 185. Gustave Fouiu.
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RBVCB DES TRADITIONS l\^n LAlHES
319
LÉGENDES ET SUPERSTITIONS PRÉHISTORIQUES
XLVI
LA KOCHE Dr JARDON
(Storvan)
ES roches de Glaioe, commune de la Grande-
Verrière dans TAutunois soûl une des curiosités
du département de Saône-et-Loire. Elles sont Tété
le but d'excursions des plus agréables. Les
énormes châtaigniers plusieurs fois séculaires, aux
troncs noueux et aux larges branchages qui les
entourent en font le paysage le plus charmant que
Ton puisse rêver,
(les rochers sont un grand dyke de quartz blancs massifs qui s*é-
tendent sur plus d'un kilomètre sur le flanc d'une petite colline aux
p?ntes rapides. Plusieurs de ces roches ont une forme assez étrange
et capricieuse. Leur puissance est par endroits de plus de 15 mètres
sur 20 de hauteur. Au point le plus élevé ou Ton domine toute la
centrée et où Ton jouit d'une belle vue sur le Mont Beuvray où s'éle-
vait Bibracte ; il reste un pan d'une ancienne et épaisse muraille,
vestige d'un manoir féodal, ayant succédé lui-même à des vestiges
d'habitations Gallo-Romaines dont nous avons reconnu les débris.
Des restes de défenses ou relèvements des terres avec profondes
dépressions creusées arliliciellement dans la roche vive en font un
lieu accidenté et sauvage.
Aussi un pareil lieu a-t-il été toujours aussi bien dans les temps
anciens que même de nos jours, l'objet de récits merveilleux.
Le plus imposant groupe est appelé la roche du Jardon. Au sommet
existe une pierre branlante dite la « Balle » en raison d'une forme
qui rappelle celle du mannequin porté paries marchands colporteurs
ambulants ; tout au pied dans une dépression, sort une petite source,
dite la Fontaine des fées, et quelques pas plus loin une autre beau-
coup plus belle qui ne jouit d'aucune considération. Dans la contrée,
il régne un dicton :
La Roche du Jardon,
Vaut Beaune et Dijou.
Kn effet son sein renferme un trésor immense. KUe s'ouvre seule-
ment un moment le dimanche des Rameaux, dit « dimanche des
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320 KËVt'Ë Dh;» TUADniO>ii$ POPULAIRES
Pâques fleuries dans le Morvan ». Lorsque la procession rentre à Té-
glise et que le prêtre frappe à la porte avec la crosse de la croix eu
chantant rAitotlitre portas^ un grand serpent noir aux yeux brillants
gardien de ces richesses sort alors de cette fracture donnant accès
à la caverne et vient boire et se baigner à la fontaine ; ce serait le
moment propice avant qu'elle se referme pour entrer dansTexcava-
tion ei y puiser. Mais la tradition ne dit pas qu'on l'ait jamais osé.
Dans les moments de grandes sécheresses on y venait aussi en
procession pour obtenir la pluie et les bonnes femmes puisaient
abondamment de Teau qu'on jettait sur le curé^ qui s'en retournait
trempé comme une soupe. Cet agréable divertissement n'aurait cessé
que depuis peu d'années au grand scandale des braves femmes, le
nouveau curé ne voulant plus permettre cette licence.
On y venait aussi prier pour les malades atteints de la lièvre et y
tremper le linge des enfants. On y apportait comme offrande un œuf
ou une pièce de monnaie qui étaient déposés après la prière sur une
pierre à côté et que s'appropriaient les visiteurs mendiants ou autres,
à l'affût de cette aubaine. Ou y vient encore maintenant, mais avec
moins de ferveur qu'autrefois et plus de scepticisme. Aussi les jeunes
plaisantent-ils narqiioisemenl les personnes âgées qui y viennent
encore, en disant qu'elles vont faire : l offrande aux mouches.
H existe au Mont-Beuvray la fontaine de S' Martin qui est égale-
ment le sujet de pratiques semblables et où l'on venait de fort loin.
Au hameau de Vaupitre, commune de Sainl-Germain-des-Champs,
dans le Morvan Avallonais existe aussi une roche énorme où l'on voit
des cuvettes ou pierres à bassins et où I eau de pluie se conserve dans
les cavités. Cette eau est également recherchée pour la guérison de
plusieurs maladies et donnent lieu à de petites offrandes, d'œufs
ou menue monnaie.
HipPOLYTfi Marlot.
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RBVUB DBS TRADITIONS POPULAIRES 32i
DK MAL EN PIS « COMME TRIBUET »
CONTE CHAMPENOIS
A mère de Tribuet Tenvoie au moulin avec une mesure de
grain. — a Tu diras au meunier que voilà assez de seigle
pour que ça rendre unbichet de farine. » — Tribuet se dé-
fie de sa mémoire, et le long du chemin, il s'en va répétant :
« Que ça rende un bichet. » Un semeur Tinterpelle ; mais lui
ne veut pas se laisser distraire, et de toute sa voix redit : < Que ça
rende un bichet. » — « Gomment, malandrin, que ça rende un
bichet, un champ comme celui-ci ! Attends, attends un peu ! — Et
l'homme tombe à bras raccourcis sur Tribuet qui rentre tout pleurant
chez sa mère. — « Eh ben, as-tu meulu? » — « Non, je n'ai pas
meolu, mais j'ai été ben battu » — t Que donc qu't'as dit, que donc
quH'as fait î... — Et Tribuet raconte son aventure. — « Grand bêla,
fallait dire : » Qu'on les mène à la charretée l Retourne au moulin. »
Tribuet reprend son sac, et se remet en route. Il rencontre un con-
voi funèbre : — « Qu'on les mène à la charretée !.. dit-il, docile à
l'avertissement de sa mère — » Hein ! qu'est -ce qu'il a dit I — Et
on le roue de coups.
Retour à la maison, comme lout-à-l'heure.... — « Malheureux,
fallait dire : » — « Que Dieu ait pitié de son âme ! »
Pourquoi Tribuet, à son troisième voyage trouva-t-il des équaris-
seurs enfouissant la carcasse d'un vieux cheval? — « Que Dieu ait
pitié de son Ame I clama-t-il avec componction. — Et une fois de
plus on charge de coups ce mauvais plaisant.
Chez sa mère, nouveau récit, nouvelle leçon. — « Fallait dire » :
€ Fi ! la carne I • va — Il va, le pauvre, et tombe au beau milieu
d'une noce : — « Fi ! la carne î — Vous jugez de la fureur des no-
ceurs et de ce qu'il advint au malheureur Tribuet.
— ft Mon pauvre garçon, fallait dire : « Que tous les autres en
sint ! » — C'eût été bon à dire, en effet, dans une noce, mais pas
dans un incendie. Hélas! Tribuet n'eut pas d'autre occasion, et en
face d'une maison qui flambait: « Que tous les autres en sint !
s'écrie-t-il. — Les pompiers quittent leur manœuvre et assomment
Tribuet.
TO«E XI. — jui» 1896. • 21
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322 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
— « Malheureux enfant, dit la mère désolée, pourquoi qu't'as pas
dit : Que Dieu Téleinde ! — Tribuet, le dos courbé plus bas sous son
sac^ reprend le chemin du moulin. Il passe devant latelier d'un for-
geron qui lirait avec rage son soufflet sur un feu qui commençait
enfin à s*allumer péniblement. Tribuet relevant un peu la télé sous
son fardeau, se campa devant le foyer de la forge et par manière de
salut, dit : » Que Dieu Téteinde ! »
Ma foiS; ce fut la fin des maux de Tribuet. Le forgeron saisit une
barre de fer, et le tua raide.
{Hrcit de Marie-Anne Lucas, de Pargues [Aube). {1799-1 S SO).
LoDis Dart.
LES GATEAUX ET BONBONS TRADITIONNELS
XIII
GATEArX DE FÊTES A CANNES '
Le gâteau de Pâques orné d'œufs durs, — A Cannes, les pâtissiers
confectionnent pour le dimanche de Pâques seulement et sur com-
mande, des couronnes en pâle de brioche avec fleurons d'œufs durs
retenus par une petite bande de la même pâte placée en long el en
travers. Les œufs rouges dominent, mais cependant on voit beaucoup
de couronnes ornées d'œufs de couleurs variées.
 Nice, les gâteaux de Pâques, aux œ.ufs uniformément rouges sont
agrémentés de festons eu pâte blanche sucrée formant des dessins
variés, rehaussés de bonbons argentés, en forme de perles et de pe-
tits radis roses en sucre parfaitement imités.
Le gâteau de la /'• communion. — Il n'est famille si pauvre à Cannes
qui ne fasse l'impossible pour acheter le gâteau traditionnel de
première communion. Ce gâteau, sorte de biscuit de Savoie, a grande
apparence ; très haut, avec des formes architecturales variées, il est
surmonté d'une figurine en carton-pâte représentant un jeune garçon
ou une jeune fille en habits de première communion.
A. Certeux.
1. Cf. t. IV, p. 88, 270, 328, t. V, p. 448, t. VI, p. 191, t. VHI, p. 303. t. IX,
p. 156, t. X, p. 10, 209, 643, t. XI, p. 113.
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REVUE DKS TRADITIONS POPULAIRES 323
LES ANCIENS CHANTS HISTORIQUES
KT LES TRADITIONS POPULAIRES DE L'ARMÉNIE*
^^^ ANS les numéros de janvier et de mars-avril de ia Hevue des
;!B|Nft Traditions populaires^ M. E. Lalatianz a donné une curieuse
^^^tt étude sur les chants populaires de l'Arménie, d'après les his-
b^f toriens arméniens. L'un de ces derniers, le plus fréquemment
^ cité, est Moïse de Khorène. Les récentes recherches de M. Car-
rière, professeur d'arménien à TEcole des Langues orientales ^' ont
démontré que cet écrivain, appelé à tort Y «Hérodote arménien»,
loin d'avoir vécu au v* siècle de notre ère, date en réalité du viii', et
que, pour la période ancienne, son ouvrage, en dépit des sources
fabriquées comme le pseudo-Mar Apas Gatina, n'a aucune valeur.
D'un autre côté, dans un livre récent, publié à Moscou en 1896,
M.JChalatianz {L'épopée arménienne dans l'histoire de V Arménie de
Moïse de Khorène) a pris pour objet de sa démonstration que ce qui
se trouve sous le nom d'épopée dans l'histoire (?) en question ne
repose pas sur des traditions populaires, mais que c'est le produit
d'emprunts littéraires faits particulièrement sur le domaine biblique
ou provenant de traductions étrangères. La question mérite d'être
étudiée à fonds pour savoir quelle valeur on doit réellement donner
attribuer aux citations de Moïse.
René Basset.
1. Cf. t. XI, p. 129.
2. MoUe de Knoren el les généalogies palriarcales. Paris, 1891, in-12. — Nouvelles
sources de Moise de Khoren^ Vienne, lo93, in- 12. — Nouvelles sources de Moïse
de Khoren, supplément. Vienne, 1894, in-12. — La légende d'Abgar dans V histoire
d Arménie de Moïse de Khoren. Paris, 1895, in-4.
3. M. Khalatiauz s'est d'ailleurs lait connaître par des travaux de mérite sur
ce sujet, à propos de Moïse de Khoren, Wiener Zeitschrift fUr die Kunde âes
Morgenlandess t. vu, p. 21 el sur Zéuob de Klag. Le llantess (Handes) revue
artnénienne. Vienne, 1893, p. 75 et suiv.
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324 nuYue uf^s Tii.vi)ino.N6 populaibbs'
USAGES DE PENTECOTE
I
En Alsace
LES COUPS DB FOUKÏ
ARMi les coutumes singulières qui se sont conservées dans
l'ancien pays dit de Hanau [canton de Bouxwiller) en parlicu-
vlï^î lier dans les villages d'Uhrviller, Eugviller, Mietesheim, il
;^p faut mentionner celle des coups de fouet. Après Toffice du
Çj matin, les jeunes gens se réunissent, munis de longs fouets
et parcourent les villages en les faisant claquer. Celui qui sait le
mieux user de son instrument est proclamé roi de la Pentecôte. Ce
claquement symbolise le bruit du vent qui accompagna la descente
de l'Esprit saint. Cet usage pourrait aussi être en rapport avec la
chevauchée de la Pentecôte qui se pratiquait dans certaines contrées
d'Allemagne et qui ne fut pas inconnue en Alsace (Eckwersheim,
Ibsteim).
LE FOU DE PENTECOTE
Aux environs de Bouxwiller la jeunesse promène un garçon caché
dans des branches et des fleurs et recueille de maison en maison
des œufs, du lard, des gâteaux et daulres comestibles qui servent à
un joyeux repas d*après-dinée. Dans le Kocheirsberg la quête se fait
par deux groupes. Celui des petits garçons chante :
La poule de Pentecôte a mangé les œufs.
Elle a oublié les bœufs et les chevaux de l'élable.
Cherche en bas, cherche en haut.
Déniche tous les oiseaux du monde.
Un œuf ! un œuf !
Ou je t'envoie la martre au poulailler.
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REVUE DES rwiomoNs poprîLAmiîs 3251
Puis vient le groupe des adolescents :
Voici les garçons de mai
Qui réclament le droit de Pentecôte,
Trois œufs et un morceau de lard
Pris au côté de la truie ;
Une demi-mesure de vin
Dans le seau
Et les garçons de mai seront contents.
LA COURSE DES (CUFS
Le lundi de PcnteciHe les jeunes gens se rassemblent dans
une prairie et se partagent en deux camps dont chacun choisit dans
son sein le meilleur coureur. Cent œufs sont placés dans un sentier
de manière que chacun est à un pas de Tautre. Le rôle des deux
coureurs est lire au sort. L'un doit rassembler les œufs dans un
panier placé à rexlrémilé du soulier tandis que l'autre a pour
mission de boire chez un aubergiste une chopine de vin et de rappor-
ter le verre dans lequel il a bu. Le camp dont le représentant
s'acquitte îe plus vite de sa besogne, reste vainqueur et le camp
opposé lui faîl les honneurs d'un souper où les œufs ramassés trou-
vent leur emploi, si tant est que le coureur n*aitpas, en les cassant,
devancé la cuisinière.
Dans la vallée de la Moder
Le village de Wiugen dans la vallée supérieure de la Moder, se
fournit d'eau potable à des fontaines munies d'auges qui servent
tant au puisage qu'au lessivage. Comme la violence des sources est
une cause d'ensablement, il faut nettoyer les auges, sinon les ména-
gères, qui tiennent à la blancheur du linge, ne seraient pas conten-
tes du tout ! Ce nettoyage s'opère le samedi avant la Pentecôte ;
leur journée terminée, les jeunes gens se munissent de pelles et de
crocs et nettoient les auges jusque tard dans la nuit. Mais le lundi
suivant ils veulent leur salaire et ils le demandent de maison en
maison en chantant un couplet analogue à ceux que nous avons
cités plus haut.
P. RlSTELHUBER.
En I Ile-et-Vilaine
Dans riHe-el-Vilaine, les paysans]appellent Orc/n'« Vvlgarisu Fleur
de Pentecôte ». .:
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3â6
tlEVUË DES TRADITIOÏ^S t>Ol>ULAIIlfiS
Voici comment ils parodient deux des chants liturgiques de ce
jour. Je mets le texte latin en regard de la parodie.
(Hymne)
Accende lumen sensibus,
lofunde amorem cordibus,
Infirma Dostri corporis
Virtute firmaos perpeti.
Accende lumen cent six bœufs,
Infunde amorem, core dix bœufs !
Infirma nostri corps pourri,
Virtute firmans Père Petit !
In labore roquies
In œstu teroperies
In fletu solatiuni.
(Prose)
A labourer qui qui est 1
Y es-tu, ton père y est !
Y fais-tu collation ?
Fra Deuni.
» ^^^^>^^^^^**^M^^^»^^^>^
LK REFRAIN A COMPLETER
IV
c>Qji- N des invités d*une noce qui avait lieu dans une ferme,
iSii^jîr devant être rentré chez lui pour le lendemain, résolut de
|i||^ partir seul, en prenant le chemin le plus court, malgré
'!ci^£3 l'observation qu on lui faisait que, lorsqu'il faisait clair de
(c) lune, ce chemin était fréquenté par les Korrigans.
Voyant qu'il persistait dans sa résolution, on lui recommanda
seulement, s'il voyait les danj^ereux petits êtres, de dire tout ce
qu'ils diraient ; puis il pîirlit.
Arrivé à moilié chemin, l'homme onlendil derrière lui : « Il
dansera avec nous », mais il ne répondit pas ; alors il se vit entouré
d'une quantité de nains très laids qui dansaient en chantant:
u Lundi, mardi, mercredi, jeudi, vendredi, samedi. » A la fin,
énervé de n'entendre que cela pendant plusieurs heures, il s'écria :
« Et dimanche ! »
Le lendemain, on le trouva mort sur la place. ,
[Conlé par Af'"'' Louis Morin ; source inconnue)
Louis MoRiM
1, Cf. t. m, p. 533, t. IX, p. 375, t. X, p. 234.
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REVIJB DBS TRADITIONS POPCLAIRRS 327
COUTUMES DE MARIAGE
XXVIII
En Saône-et'Loire
c/CJ:
ANS le village de la Grande-Verrière, ont subsisté quelques
|^^|) coutumes anciennes de mariage, assez curieuses.
fOnconfeclionne une sorte d'arbuste pyramidal d*une hauteur
de 0™ 50 avec nombreux rameaux étages, entourés de papier
^0 frisé aux couleurs multicolores. 11 est porté par le garçon
d'honneur en télé du cortège se rendant à la messe et précédé du
joueur d'acordéon. La panse de brebis, la musette et même le violon
y ont à peu près disparu. Cet arbuste, ou autrement appelé gros
bouquet, est cloué à la façade de la maison pour indiquer qu'il s'y
trouve une jeune mariée. Après la cérémonie de l'église, on se rend
au cabaret pour les embrassades et toute la noce est abreuvée le
plus copieusement possible de vin sucré offert par les garçons d'hon-
neur. H y a bien encore quelques salves et coups de fusils ou de
pistolet surle passage du cortège.
L'enlèvement de la jarretière, lorsque le dîner de noce touche à sa
fin, a son coté original. Le garçon s'introduit furtivement sous
la table et au moment où la jeune épousée est distraite, il lui pince
les mollets et enlève la jarretière. Celle-ci surprise pousse un cri
perçant. Alors ce garçon'sort vivement de dessous la table et agitant
une pelote de rubans au dessus de sa tête, crie ; c< A moi la jarre-
tière! ». Ce ruban, petite faveur rose achetée préalablement, est
ensuite divisé et placé à la boutonnière de chaque invité. C'est
aussi le moment de faire une petite quête d'argent pour un but
déterminé.
Dans une autre partie du Morvan voisin de la côte d'Or, l'enlève-
ment de la jarretière se pratiquait autrement. La mariée, elle, était
assise et un plat placé devant elle ou chacun déposait une pièce de
1. a. t. II, p. 521, t. m, p. 107, 446, 609, t. IV, 48, 157, t. V, p. 181, 221, 421,
500, 614, 621, t. VI, p. 627, t. VIT, p. 177, 272, 682, le t. Vlll, p. 219, 290. le
t. IX, p. 51, 565, le t. X, p. 294, le t. XI, p. 55.
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3^8 RBVUK DES tK4DniONS t»OMXAlAËd
monnaie. L'un décrochait la jarretière, Tautre la remettait, jusqu'à
ce que toute la noce y eut passé.
Dans la Côte d'Or et particulièrement dans rAuxois,à tous les dîners
de noce, la quête est faite par le garçon et la demoiselle d'honneur
et le produit remis immédiatement au maire qui est ordinairement
invité au banquet ; il est destiné à Tachât de livres pour la biblio-
thèque scolaire.
H. Marlot.
LA MORTE RESSUSCITEE
LÉGENDE LIÉGEOISE
L y avait une fois un mari dont la femme venait d'éire inhu-*
mée au cimetière de la ville.
Le soir de Tinhumation, le malheureux époux se livrait
aux plus vifs transports de désespoir lorsque, tout à coq]),
il entendit frapper à la porte de sa maison.
Qui est là ? clama t-il.
— Ouvre la porte, je suis ta femme, lui fut-il répondu.
— C'est impossible, ma femme est morte, bien morte, et enterrée.
Et sans plus faire attention aux bruits et aux cris du dehors,
notre homme continue à se livrer à sa douleur.
Le lendemain les mêmes faits se reproduisirent, sans plus de
résultat que le premier jour.
Le troisième jour, sur un nouveau refus du mari d'ouvrir la porto,
la femme ajouta : « Je suis cependant bien réellement ta femme, tu
« ne me crois pas et cependant ce que j'avoue est aussi certain que
« la présence de tes deux chevaux k la fenêtre du grenier. »
Devant une afiirmalion aussi catégorique et aussi facile à vérifier,
le mari fil appeler ses valets, qui eurent bientôt constaté la présence
des chevaux à la fenêtre du grenier.
Il courut alors ouvrir la porte, sa femme se jeta aussitôt dans ses
bras, elle était vivante.
C'est depuis lors qu'on aperçoit, aux fenêtres d'Aix-la-Chapelle
• Prusse), les tètes de bois de deux chevaux, placés en souvenir de
cet événement.
Recueilli à Liège et dans le Nord de la province,
Alfred Haroi*.
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RRVlîB niîS TRADITIONS POPIÎLAIRRS 329
LES EPINGLES
II (suite)
LES ÉPINGLES ET l'aMOUR
A chapelle de Noire-Dame de Boulogne qui s'élève à rentrée
de Saint -Saëns (pays de Bray) est le but d'un pèlerinage tout
particulier.
Quand une jeune fille aime un jeune homme qu'elle vou-
drait épouser, mais qui ne songe point à elle, elle fait une
neuvaine à N.-D. de Boulogne. Chaque matiu elle se rend à
« cœur jeun » à la chapelle, s'agenouille devant la statue miracu-
leuse et récite trois Ave Maria. Entre chaque « Ave » elle jette une
épingle au pied de Tautel.
Ces épingles, selon la tradition, sont agréées parla Sainte- Vierge,
qui les emploie à attacher fortement le cœur du jeune homme désiré
à celui de la jeune fille.
Les filles qui désirent se marier et s'en remettent à la Sainte-
Vierge du soin de choisir pour elles, font aussi une neuvaine et
viennent à la chapelle de N.-D. de Boulogne toujours à « cœur jeun ».
Elles ne jettent point d'épingles, mais après avoir prié dévotement
elles ajoutent aux « Ave » la vieille et efiicace prière :
Bon Dieu ! Bonne Vierge
Donnez-moi un mari j vous donnerai un cierge ;
Donnez Tmoi bientôt
J'vous l'donnerai bien gros.
Donnez m'en un qui n'soit point calleux *,
J'vous en donnerai deux î
B. Reyac.
i. Cf. t. I, p. 82, l. 11, p. 528, 439, t. III, p. 560, 580, t. VU, p. .^83, t. TX,
p. 12, 354, t- XI, p. 54.
2. Calleux, signifie paresseux.
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330 HEVUE DBS TRADITIONS POPULAIRES
LA MER ET LES MARINS
XVi
UN NAVIRE FANTOME
L y a quelques années les pécheurs du Nord de TEcosse avaient
coutume de transporter dans leurs bateaux aux grandes villes
du Sud les pommes quHls avaient cueillies.
Un jour cinq bateaux quittèrent ensemble Broadsea, village
de pêcheurs situé près de Fraserburgh ; une forte brise s'éleva
et ils durent chercher un abri à Pelerhead. Le lendemain le temps
se calma, et le temps parut favorable pour la traversée, mais comme
on était au dimanche, plusieurs ne voulaient pas quitter le port ce
jour-là ; cependant deux bateaux partirent ; mais ils ne s'étaient
pas beaucoup éloignés de la côte, lorsque la conscience de quelques-
uns commença à les tourmenter, et ils proposèrent à leurs camarades
de rentrer au port. Après plusieurs discussions il fui convenu que
Ton irait à Aberdeen ; Ton était à moitié de la traversée, lorsque des
nuages commencèrent à se montrer au Sud-Ouest à l'horizon et la
nuit arrivait, ils résolurent d'aller un peu au large. La tempête ne
tarda pas à éclater, et la nuit tomba aussi noire que de la poix. Le
bateau de G. N. continua bravement sa course et vint s'abriter sous
Girdleness, cap un peu au sud de l'entrée d'Aberdeen. Pendant
environ deux heures G . N. eut en vue un bateau qui brillait à travers
les ténèbres ; il appela sur lui l'attention de ses matelots. Le bateau
se dirigea sur le port d'Aberdeen, et en passant sous le feu de la
jetée, ses voiles furent éclairées par sa lumière ; G.N. voyant que le
bateau avait pu entrer dans le port, résolut de le suivre II arriva
au port, et en côtoyant le premier bateau qui s'y trouvait, il
demanda si l'on avait vu passer un bateau. Personne ne l'avait vu,
l'autre bateau n'était pas dans le port, il avait fait naufrage pendant
l'ouragan ; tous les hommes avaient péri, et l'on n'avait vu que son
ombre.
(Conté par G. iV., âgé de 70 atn],
Walter Grfgor
^f>^^^^t^ft^f^f>f^
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REVrE DES TRADITIONS POPf LAIRRS
33 i
NÉCROLOGIE
JULES SIMON
'illustre écrivain que la France vient de perdre était trop
bon Breton pour ne pas aimer les traditions populaires ; on
^ peut le considérer comme un des précurseurs de nos études ;
il eut quelque part à la rédaction de Guionvac'h études sur la
Bretagne; il a avoué à M. Kervler qu*il en avait écrit « à
la demande de Dufilhol (l'auteur du livre) deux ou trois pages, je ne
sais plus si c'est à la fin ou au commencement ».
Il rendit aussi à Dufilhol le service de demander à ses compatriotes
du Morbihan des renseignements sur les mœurs et les superstitions
et il reçut de ce côté des communications curieuses, parmi lesquelles
plusieurs chansons. Quand la société des traditions populaires fut
fondée, il y adhéra Tun des premiers (8 mars 1886), et lorsque je le
rencontrais aux diners de la « Pomme » il ne manquait presque
jamais de me dire quel intérêt il prenait aux enquêtes ouvertes
par la Revue.
P. S.
L*Ankou (la mort personnifiée), d'après la tradition bretonne
l
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*i32 RKVl'E DRS TBADITIONS POPULAIRES
BIBLIOGRAPHIE
E. Montet. Religion et superstition dans C Amérique du Sud.
Paris, 1895. 16 p. iQ-8.
Amené pour des raisons particulières à parcourir le Hrénil et la République
ArgentiDCf M. E. Montet en a profité pour noter au passage diverses observations
qui se rattachent à ses études, la science des religions. Ses reiuarques sur le
catholicisme et le protestantisme dans les deux Républiques ne sont pas du
domaine de cette revue, mais il importe de signaler ce qu'il rapporte de cer-
taines superstitions populaires et do certains usages qui s'y rapportont : Tauto-
da-fé à Rio et dans Tintérieur de mannequins représentant Judas Iscariote, les
convois d'enfants accompagnés d une joyeuse fanfare, les porteurs du Saint-
Esprit qui vont quêter de fazenda en fazenda ; la croyance au mauvais œil, â la
sorcellerie, aux ruses des serpents. En général, ces croyances sont propres aux
nègres et aux basses classes du peuple bréi^ilien; dans la République Argentine,
il faut citer le velorio^ veillée mortuaire où Tou danse autour du cataralque quand
c'est un enfant qui est mort, la superstition propre aux Indiens et relative aux
nombres néfastes, etc. Cette brochure est une utile addition aux ouvrages publiés
par MM. Coelho, Joaquim Sura, de Magalhaens et de Sante-Anna Néry.
Rbné Bassrt.
Zeitschrift fur afrikanische und oceanische Sprachen publiée par A.
Seidel. 2'' année 1896, fasc. I, Berlin, lib. Reimer.
La nouvelle revue qui a remplacé la Zeîtschnft fnr afrikanische Spf*achen dis-
parue à la mort de Bûttner, contient, comme sa devancière, des matériaux de
toute sorte pour Tétude du folklore. On en jugera par Ténumération suivante :
BôCKiNo : Sagen der Wa-Pokomo, p. 33-39. Les Wa-Pokomo, tribu bantou de TA-
frique orientale, prétendent descendre d'un homme nommé Sangowere qui
n'avait ni père ni mère. Il donna naissance aux Mbouou {Mbuu). Le récit
s'étend ensuite sur les luttes des Wa-Pokomo contre les Gallas et ensuite contre
les Souahilis. 11 se termine par la description de deux sortes d^associations : la
Yaganga et la Ngadsi, et de la coutume du paiement de la femme prise en ma-
riage. — IlÉLi Châtelain : Die Begriffe und Wiyrier fur Leben, Geist^ Stèle und
Tod im Kimbundu, p. 42-45. Il est à remarquer qu'en Kirabundu, langue bantou
de TATrique occidentale, le mot Kalunga n mort » entre dans la composition des
mots signifiant « Océan » (Mu'alunga) « monde des ombres » (Ku'aiunffa) « rôi
du monde des ombres » [Kalunga ngombé)^ éternité {Kalunga). Dans le monde
des ombres, on continua à mener la vie terrestre ; il n est nullement question
de paradis ni d'enfer ; les esprits sont bons pour ceux qui les traitent bien et
méchants pour ceux qui les maltraitent ou les négligent. — J. Tobrknd, contes
en Chwabo ou langue de Quélimane (Mozambique), p. 46-50. — }. Un plein cabas
d'enfants. Une femme ayant mis au monde un plein cabas d'enfants est chassée
par son mari : en route un oiseau dévore successivement les enfants, puis elle-
même et enGn le cabas. — Les chansons dont le conte est mêlé sont en langue
de Séna qui est regardée comme supérieure à celle de la côte. — IL Le lapin et
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tIEVL'E DES TUADlTIOiNS rOlULAlRE^ «333
la hyène. Uq lapin après s'être enivrt^, voulant procurer à sa femme une Jambe
de Uoo, fait un trou dans un tronc d*arbre par lequel il s'échappe, tandis que son
ennemi y reste pris. 11 lui coupe la jambe et la porte à sa femme qui en donne
à celle de la hj^ène. Celle-ci veut imiter la ruse du lapin, mais le lion passe
par le trou qu'elle a creusé dans Tarbre et l'assiège dans sa tanière où la faim
Toblige à manger sa femelle et ses petits. — Christallrr. SprichwÔrler d^r
Tshwi-Neger (côte de Guinée), p. 51 -5t. — A. Wkrnbr, Ràthsel (quatorze énigmes
en langue du Nyassa), p. 82-83.
RENé Basset.
J. Ooldziber et G. de Landberg-Hallberger. Die Légende
vom Mônch BarsUâ, Kirchhaio N. L., 1896, in-8.
La légende du moine Barstsâ est la version orientale d'un fableau bien connu :
Les trois péchés de Vennile^ et MM. Goldziher et de Landberg ont étudié son dé-
veloppement en arabe et en turk, en remontant à fa plus ancienne version
connue, celle d'Abou'l Leith et Samarqandi, mort en 315 ou 385 de l'hégire, dans
son Tanbih el ghafilîn. On la retrouve successivement dans Qazouiui et El Ibchihi
et aujourd'hui encore, elle a cours dans la littérature orale du Hadhramaout.
Elle existe aussi dans le recueil turk connu sous le nom de Qurante Vizirs. Les
noms dcR auteurs de cette étude sont Ips meilleurs garants du soin et de l'exac-
titude avec lesquels elle a été faite. Ils ont parfaitement reconnu que la légende
a son point de départ dans cette idée que l'homme de Dieu est sans cesse ex-
posé aux attaques du démon. Quelques-uns succombent comme Barstsà et Faust ;
les autres triomphent comme Job et les ermites de divers contes dévots. Aux
versions citées par les auteurs et Dunlop-Liebrecht auxquels ils renvoient,
j'ajouterai les suivantes : Pour l'Orient, Ibn Kelhir, mort en 174 hég. (1); Ah'med
el Qalioubi, Naouâdir (2). En Occident, l'archiprèlre de Hita, Poesias, copias
503-507 (3) ; D. Juan Manuel. Le comte Lucanor [iK Dans ces récils, l'ermite paie
ses crimes de sa vie; ailleurs, la protection de Dieu s'étend sur lui et le fait
échapper par un miracle. Dans Jacques de Vitry, dont le conte est analysé dans
les notes de Tédition des Contes moralises de Nicole Boz(m (5) , l'ermite, après
avoir tué la jeune fille, reconnaît qu'il s'est laissé séduire par le diable; il se met
en prière, la morte ressuscite et est rendue à son père. Le récit de Nicole
Bozon(6) diffère davantage; le début de la tentation par le coq, les poules et la
servante est le même, mais une prière de l'ermite fait évanouir tous ces êtres
suscités par le démon (7). Enfin, M. d'Ancona a étudié ce fableau dans son intro-
duction à la Leggenda di SanV Albano (8\
René Basset.
1. La version turke de son histoire inédite contient ce conte d'après Pleischer,
Catalogus Codicum orienlalîum Bibliuthecœ Lipnensis^ n^ 274, p. 519, Grimui,
1838, in-4.
2. Le Qaire, 1302, in-8, p. 22.
3. Sanchez, Poesias castellanas antertores al siglo XY, Paris, 1842, Jn-8,
p. 454-456. Le récit est identique au fableau.
4. Gavanffos, Escritores en prosa anteriores al siglo XV. Madrid, 1859, gr. in-8,
Ex. XLV : De ce qu*it advint d'un homme gui s'était donné au diable. La conclu-
sioD de l'histoire seule est semblable à celle de Barsisà.
5. Ed. Lucy Toulmin Smith et P. Meyer, 1889. iu-8, p. 297.
6. Op. /dwâ., *no GXLV, p. 186; Quod quasi sub virtulis specie diabolus vicia
fréquenter induit.
7. Ce récit a beaucoup de rapports avec un épisode d'un conte des Mille et
Vue Nuit^, Le Berger pieuVy éd de Beyrout, t. 11, p. 120, nuit, 148; éd. du Qaire,
t. I, p. 293, nuits, 147-148.
8. Bologne, 1865, p. 40 et suivantes.
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334 HBVDE DBS THAIimON8 POPULAIRES
Alfred Maury. Croyances et légendes du moyen-âge; nouvelle
édftion des Fées du moyen-âge et des légendes pieuses, publiée
d'après les noie? de Fauteur par Auguste Longnon et G. Bonet-
Maury, avec une préface de Michel Bréal. Honoré Champion,
in-8 de pp. LV-459 (12 fr.).
F^es élévea d*Aifred Maury ont eu la t>onne pensée de rééditer deux des
ouvrages de leur maître : les Fées du moyen-âge^ et les Légendes pieuses du
mQyen-âge, qui avaient paru en 18i3, et étaient devenus extrêmement rares. Ce
n>st pas une pure et simple réimpression, les éditeurs s'étant servis des
not«s' d*A. M. et des adjonctions ou modifications qu'il avait apportées à
soi^ œuvre primitive. Après un demi-siècle, celle-ci conserve encore toute
sa valeur, et Ton peut être surpris de rencontrer dans ces . ouvrages, que
Tauteur écrivit à vingt-six ans, une hardiesse et une maturité de pensée, des
vue9 ^ensemble, des hypothèses ingénie ui^es et bien déduite?, qu'on s'attendrait
plutôt ^ rencontrer dans des livres écriL-^ par des savants d*un &ge mûr, après
de longqes et patientes études. A. M. était avant tout un esprit clair et libre, et
tous ceuj qui s'intéressent ci uos études pourront relire avec fruit ces deux
ouvrages, auxquels on aurait pu donner com:iie épigraphe ce passage de la
préface àe\ Fées du moyen-âge: « J'ai tAché de inoiijrcr couinant dans des
investigations de ce genre, il ne faut négliger aucun élément de la question et
combien il serait dangereux de se ranger tout d'abord pour une opinion
exclusive. Eu matière de légendes et de superstitions populaires, rien n'est
arrêté, limité, tout se confond et fc mêle ; le cercle dont on cherche à s'entourer,
pour les examiner, doit donc se déplacer et s'étendre suivant les époques et les
lieux. »
P. S.
LIVRES RKÇUS AUX BUREAUX DE LA REVUE
Ullland. Poésies choisies^ traduites par André Pottier de Cyprcy.
Didier, in-18 de pp. xxix-246. (3 fr.j.
Hugues Lapaire. Au pays du Berri, A. Lemerre, in-18 de pp.
162. (3 fr.).
M. Messina Faulln. // folk-lore in Orazio. Palerme, in-8 de pp.
30. (Ext. de TArchivio).
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BBVUE DBS THADITIO.Nâ l'O^UL/VlUBS 335
PÉRIODIQUES ET JOURNAUX
« Asgagrakan handess ». (La revue ethnographique), seaiestrielle, illustrée,
en arménien. Rédigée par E. Lalayantz, à Schouscba (Caucase). — ii*» année,
1896. Numéro 1.
SoMNAinB. Premièt*e partie. — Quelques mots de la rédaction. — Evolution
historique de l'Ethnographie arménienne, par E. lafnyanlz. — Le reigne des
Mauiltes par le prof. V. Belque, trad. par Sabàïan, — Les tumultus de Chodjallou,
en Arménie russe par Kësler. — La place du Caucase dans l'histoire de la civi-
lisation, par R. Virchov, trad. par E. Babafan. — La province de Djavachq, en
Arménie russe par J?. Lalayantz, — (1. Les traits historiques.—* 2. La topogra-
phie. — 3. La population. — 4. La Ftalistique. — 5. L'état économique. — 6.
L'instruction pnbliqne. — 7. — Les logements. — 8. L'habillement et la parure.
9. —La vie familiale. — a. Le mariage. — b. La naissance et le baptême. —
c. L'éducation. — d. La vie familiale. — e. Les rapports juridiques des membres
de la famille. — f Les maladies et le traitement. — g. Le rite funéraire. — h.
La vie future). — La mythologie populaire, pages 320-80. -- Les airs populaires
par Kara-Mourza,
Adresse : Rédaction de la revue « Azgagrakan Handess » ou E. Lalayantz.
Schouscka (Caucase).
Arohivio par lo studio délie tradizioni popolariXV. 1. — Montovolo nel
Bolognese e le sue leggende : Leggende cristiane. — I paladein. — 11 tesoro.
— Gli spiriti {Arluro Palmieri). — Zoologia popolare senese {G. B. Corsi). —
A^lronomia e iMeteorologia popolare sarda e specialmentt; del Logudoro : Sole
e Luna. Stelle^ — Comète {Giuseppe Caloln). — Cousuetudini che governano le
proprietà dei terrien coltivate in comune di Caltanissetta : I. Patti colonie! (F*
Putci), — Usi c Costumi de Contadini délia Valdelsa : Battesimo e Puerperio.
(Ijr, Giuseppe Bacci), — Acque miraeolose iu Sicilia : Spigolaturc {G. f*.). —
Croyances et Mœurs popuiareâ du Gessenay (Suisse). — InJovinelli siciliani
raccolti in Castroreale {Paolo Giorg'i). — Indoviuelli di Ba?ilicata raccolti a Mis-
sanello uW. Pasquerelti), — Ninne-nanne del Casenlino {Ida Rossî). — Ninne-
nanne di Tunisi {Lina Valenza). — Sant'Audrea e Sant'Antonio. Novelline sarde
'G. Ferraro), — Le dodici parole delta Verità. Novellina-Gantilena popolare con-
siderata nelle vari redazioni italiane e straniere. Continuazione e fine {Pro/.
Stan. Prato). — Le storie popolari in poesia siciliaoa messe a stampa dae sec.
XV ai di nostri (S. Salomone-Marino). — Sullo scritto <c De Sortilegtis » di
Slariano Sozzini il vecchio (Lodovico Zdekauer). — Miscellanea : Leggenda sopra
quattro altorilievi délia chiesa di S. Marco in Venezia. — La procession del bue
grasso a Parigi. — Mascbere e ma scherati in Germania. — Uua canzone
abissina.
Ia Opinion de Villavioiosa (!«'' avril et no* suivants). — Vocabulario dia-
lectologico del concejo de Colunga Braulio Vigon, (ce vocabulaire asturien est
très intéressant par les locutions, proverbes et formuleltes qu'il contient, ainsi
que par l'explication succincte des superstitions locales).
l
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Xi6 HEVi}^ DES TKADlTiONS P0PULAJRK8
Wallonia, juin. — Légendes liégeoises. — 1. La chaise du bon Dieu. — IL
Charlemagne et les sotaîs, /. Vrindls, — IIL La petit') femme blanche. — lY.
Le corbeau d*or. — V. La chèvre blanche. ^ VI. Le pommier du S^-Esprit,
0. C. — J'ai pris une maîtresse, chanson ]i<^geoise (air noté), 0. Cohon, — La
belle Dondon et le Barbon, chanson dialoguée, Jos. Defrecheux, — Devinettes
wallonnes, 0. Colson, — Humour populaire. ^ Les pièces de monnaie, 0. C.
NOTES ET ENQUÊTES
,\ Natninalions el distinctions. Tous nos collègues apprendront avec plaisir
que M. Gaston Paris, qui fut le premier président de la société, a été élu membre
de l'Académie française.
/, Aventure Tragico-Comigue du Sire de Clignancourt,
Image du genre de celles dites d'Epinal encore pubik'c chez Delhalt à Nancy
sous le no 447.
16 petites images de 4 à la rangée, ornée chacune d'un distique dont voici le
premier. _
« Aux portes de Paris dans un tout petit bourg, naquit Jacques Lîger, sire de
Cligoancourt. »
A quel personnage cette image fait-elle allusion, et quelle est la plus ancienne
counujs?
REPONSES
/, Casser le verre après avoir bu, (V. T. x. p. 654). En 1666, le gouverneur
général des Provinces -Unies se rendant de Gand à Bruges passa par la com-
mune de S^-Georges-ten-Distel, qui était alors en pleine kermesse.
Le curé de S^-Georges présenta à son Excellence le vin d'honneur dans une
coupe aux armes d'Espagne.
La coupe fut ensuite jetée dans ta rioière, et, ô miracle, au lieu de s'enfoncer,
ou la vit surnager, flotter et revenir au bord. Une pièce de vers relatant cet
événement a été imprimée à Bruges, chez Lucas van den Kerchove, en 1668,
c'est de ce document que nous extrayons ce qui précède.
(Comm. de M . Alfred IIarou)
,% Etres fantastiques qui font dormir les enfants. (T. IX, p. 64). Marie Groète^
femme dont on fait peur aux petits enfants. (Hécart. dictionnaire- Uouchi-fran-
rais, p. 291).
En patois de Mons, on dit « Magrite ».
(Cumm. de M. Alfrbd Uarou).
Le Gérant, A. CERTEUX
liaugé {Maine-et-Loire)» — Imjprimerie Daloux,
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^
REVUE
DES
TRADITIONS POPULAIRES
11' Année.— Tome XI. -. No 7 ~ JuiUet 1896.
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LES ANCIENS CHANTS HISTORIQUES
ET LES TRADITIOiNS TOPULAIRES DE L'ARMÉNIE ^
HAÏG
A tradition la plus ancienne, c'est^celle d'Haïg,
que Moïse de Khoren raconte d'après Mar Abas
Katina (Mar Abas de Mtzuinj de la manière
suivante :
a TerriWes, extraordinaires étaient les pre-
miers dieux, auteurs des plus grands biens
dans le monde, principes de l'univers et de la
multiplication des hommes. De ceux-ci se sé-
para la race des géants, doués d'une force ter-
rible, invincibles, d'une taille colossale,* qui
dans leur^orgueil, conçurent et enfantèrent le
projet d'élever la tour. Déjà ils étaient à Toeuvre : un vent furieux
et divin, soufûé par la colère des dieux, renverse l'édifice. Les
dieux, ayant donné à ces hommes un r langage] que les autres ne
comprenaient pas, répandirent parmi eux la confusion et le trouble.
L'un de ces hommes était Haïg, de la race des Japhétos. chef renom-
mé, valeureux, puissant et habile à tirer Tare.
« Haïg, dit-il, célèbre par sa beauté, sa force, sa chevelure bouclée,
par la vivacité de son regard, par la vigueur de son bras, prince va-
leureux et renommé entre les géants, s'opposa à tous ceux qui
I. Cf. t. îl, p. 1, 129.
TOHB XI. — JUIIXIT 1896. 22
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338 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
levaient une main dominatrice sur les géants et les héros. Dans son
audace, il entreprit d armer/ son bras contre la tyrannie de Bélus,
lorsque le genre humain se dispersa sur toute la terre, au milieu
d'une masse de géants furieux d'une force démesurée. Car chacun,
poussé par sa frénésie, enfonçait le glaive dans le flanc de son compa-
gnon ; tous s'efforçaient de dominer les uns sur les autres. Cependant
la fortune aida Bélus à se rendre maître de toute la terre. Haïg,
refusant de lui obéir, après avoir engendré son fils Arménag à. Baby-
lone, s'en va au pays d'Ârarat, situé du côté du Nord, avec ses fils,
ses filles, les fils de ses fils, hommes vigoureux, au nombre d'environ
trois cents, avec les fils de ses serviteurs, les étrangers qui s'étaient
attachés à lui, et avec tout ce qu'il possédait. Il s'arrêta auprès
d'une montagne où quelques-uns des hommes, précédemment dis-
persés, avaient fait halte pour s'y fixer. Haïg les soumit à son auto-
rité, fonda en ce lieu un établissement, et le donna en apanage à
Catmos, fils d'Arménag.
Ceci donne raison aux récits des anciennes traditions non écrites,
ajoute Moïse de Khoren.
Quand à Haïg, il s'en va, avec les restes de sa suite au nord -ouest,
s'établit sur une plaine élevée, appelée Hark (Pères), ce qui veut
dire : Ici habitèrent les pères de la race de Thorgom. Puis il bâtit un
village qu'il appela Haïcachen (construit par Haïg).
« Bel, ce Titan, ayant afl'ermi sur tous sa domination, envoie dans
le nord vers Haïg un de ses fils, accompagné d'hommes fidèles, pour
l'obliger à se soumettre à lui et à vivre en paix :
« — Tu t'es fixé, dit-il (à Haïg), au milieu des glaces et des frimas ;
réchauffe, adoucis Tàpreté glaciale de ton caractère hautain, et
soumis à mon autorité, vis tranquille là où il te plait, sur toute la
terre de mon empire. Mais Haïg, congédiant les envoyés de Bel,
répondit avec dédain, et le messager retourna à Babylone.
« Alors, Bel le Titan^ rassemblant ses forces marcha au nord avec
une nombreuse infanterie contre Haïg, et arriva au pays d'Ararat,
non loin de l'habitation de Gatmos. Celui-ci s'enfuit vers Haïg, et
envoie en avant des rapides coureurs :
« — Sache, dit Gatmos, le plus grand des héros, que Bel vient
fondre sur toi avec ses braves immortels, ses guerriers à la taille
élevée et ses géants. En apprenant qu'ils approchaient de mon
domaine, j'ai pris la fuite. Me voici, j'arrive en toute hâte ; avise
sans plus tarder à ce que tu dois faire.
« Bel, avec son armée audacieuse et imposante, pareil à un torrent
impétueux qui se précipite du haut d'une montagne, se presse d'ar-
river sur les confins des possessions de Haïg. Bel se confiait dans la
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BEVUE DÉS TRADITIONS POPULAIRES 339
valeur el la force de ses soldats ; mais Haïg, ce géant calme et réflé-
chi, à la chevelure bouclée, à Tœil vif, rassemble aussitôt ses fils et
ses petits fils, guerriers intrépides, habiles tireurs d'arc, mais très
peu nombreux, avec les autres hommes qui vivaient sous la dépen-
dance du pays, et arrive au bord d'un lac dont les eaux salées nour-
rissent des petits poissons. Là, haranguant ses troupes, il leur dU :
— En marchant contre Tarmée de Bel, efforçons-nous d'arriver à
Tendroit où il se tient entouré par la multitude de ses braves : si
nous mourons, ce que nous possédons tombera aux mains de Bel ;
si nous nous signalons par l'adresse de nos bras, nous disperserons
son armée et nous serons maîtres de la victoire.
« Aussitôt, franchissant un large espace, les soldats de Haïg s'é-
lancent dans une plaine située entre de très hautes montagnes, et
se retranchèrent sur une hauteur, à droite d'un torrent. Alors, levant
les yeux, ils virent la masse confuse de l'armée de Bel, courant çà et
là avec,une audace farouche et dispersée sur toute la surface.
« Cependant Bel, tranquille et confiant, se tenait, avec une forte
escorte, à la gauche du torrent, sur une éminence, comme dans
un poste d'observation.
« Haïg reconnut le détachement où était Bel en avant de s^s trou-
pes, avec des soldats d'élite et bien armés. Un large espace de terre
le séparait de sa troupe. Bel portait un casque de fer à la crinière
flottante, une cuirasse d'airain qui lui garantissait le dos et la poi-
trine, des cuissards et des brassarts ; au côté gauche et fixée à la
ceinture, une épée à double tranchant ; de la main droite, il portaft
une bonne lance et de la gauche un épais bouclier. A sa droite et à
sa gauche se tenaient ses troupes d'élite. Haïg voyant le Titan ainsi
armé de toutes pièces et flanqué des deux côtés d'une escorte choisie,
place Arménag avec ses deux frères à sa droite, Gatmos et deux
autres de ses fils à sa gauche, parce qu'ils étaient habiles à tirer l'arc
et à manier l'épée ; pour lui, se plaçant à l'avant-gaade, il forma
derrière lui en triangle ses autres troupes, qu'il fit avancer douce-
ment.
(c S'étant rapprochés de tous côtés les uns sur les autres, les
géants, dans leur choc impétueux, faisaient retentir la terre d'un
bruit épouvantable, et par la fureur de leurs attaques ils répandaient
parmi eux la terreur et l'épouvante. Grand nombre de robustes
géants de part et d'autre, atteints par le glaive, tombaient renversés
à terre ; cependant des deux côtés la bataillle restait indécise. A la
vue d'une résistance aussi inattendue et pleine de dangers, le roi
effrayé remonte sur la colline d'où il était descendu, car il croyait
trouver un abri sûr au milieu des siens, jusqu'à ce qu'enfin, toute
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340 RBVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
Tarmée étaot arrivée, il put recommencer Taltagae sur toute la
ligne. Haïg, l'habile tireur d'arc, comprenant cette manœuvre, se
place en face du roi, bande son arc à la large courbure, décoche
une flèche munie de trois ailes, droit à la poitrine de Bel, et le
trait, le traversant de part en part, sort par le dos, et retombe à terre.
C'est ainsi que le fier Titan, abattu et renversé, expire. Ses troupes,
à la vue de ce terrible exploit, prennent la fuite^ sans qu'aucun ne se
retournât en arrière.
Or, notre pays est appelé Haïk du nom de ce brave ancêtre Haïg.
ARAM
Le deuxième héros demi-historique c'est Âram, huitième descen-
dant d'Haïg. C'est de son nom que tous les peuples appellent les
Haïciens Arméniens.
Aram, « ami des labeurs et de sa patrie, eût préféré mourir pour
son pays que de voir les (ils de Tétranger fouler le sol natal et
commander à ses compatriotes et à ses frères.
Cet Âram, inquiété par les nations voisines, rassemble toute la
multitude de ses braves guerriers, habiles à manier Tare et à lancer
le javelot, jeunes, nobles, doués d'une grande adresse et d'une
beauté remarquable, troupe qui, pour le courage et dans l'action,
valait autant que cinquante mille hommes.
Aram rencontre sur les confins de l'Arménie la jeunesse des
Mèdes, sous la conduite de Nioukar, surnommé Madës, guerrier
orgueilleux et vaillant.
Avant le lever du soleil, Aram fondant sur lui à Timproviste,
extermina toute la multitude de son armée. Quant à Nioukar, appelé
Madès, Aram l'ayant fait prisonnier, le conduit k Armavir, et là, au
sommet de la tour des murailles^ le front traversé avec un long clou
de fer, Nioukar est fixé au mur, par ordre d'Aram, à la vue de tous
les spectateurs qui étaient venus là, et des passants.
H nous faut ajouter que cette description est tout-à-fait orientale.
Cependant, Ninus, roi de Ninive, nourrissait dans son cœur un
souvenir de haine, à cause de son ancêtre Bélus, car il connaissait le
passé par la tradition. Il songeait depuis de longues années aux
moyens de se venger, épiant le moment d'exterminer et d'anéantir
jusqu'au dernier rejeton, toute la race de fils du brave Haïg. Mais la
crainte de se voir lui-même dépouillé de son royaume en exécutant
un tel projet, le retint. 11 cache ses perfides desseins et ordonne
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REVUE DES TRADITIONS POM'LAIRES 341
à Aram de conserver la puissance sans inquiétude, lui accorde le
droit de porter le bandeau de perles, et le nomme son second.
Ce même Aram, après avoir (erminé sa guerre contre rOrient,
marche avec les mêmes troupes en Assyrie. Il y trouve un homme
qui ruinait sa patrie avec quarante mille fantassin^ et cinq mille
cavaliers ; il était de la race des géants et avait nom Parscham...
Aram lui livre bataille, le jette, fugitif, au milieu du pays du Gor-
touk, dans la plaine d'Assyrie, et extermine un grand nombre
d'ennemis. Parscham mourut sous les coups des soldats d'Aram...
H marche ensuite sur TOccident, avec quarante mille fantassins et
deux mille cavaliers, arrive en Cappadoce, dans un endroit appelé
aujourd'hui Césarée:.. Baïabis Kaghia lui livre bataille ; ce Titan
occupait tout le pays situé entre les deux grandes mers, le Pont et
rOcéan. Aram fond sur lui, le défait, le refoule jusque dans une île
de la mer asiatique. Puis, laissant un de ses parents, nommé
Mschag, avec dix mille hommes de ses troupes pour garder le pays,
il retourne en Arménie.
Le gouverneur Mschag établit un village^ auquel il donna son nom ;
les anciens habitants du pays le nommaient Majak, ne pouvant bien
prononcer, jusqu'à ce qu'ensuite, agrandi par d'autres ce village
fut nommé Césarée.
On raconte d'Aram, dit Moïse de Khoren, bien d'autres actions
d'éclat ; mais nous en avons dit assez sur ce sujet ^
ARA
Moïse de Khoren raconte d'après les traditions populaires qu'après
Aram, le gouvernement d'Arménie échut à son fils Ara, surnommé
le Beau. Quelques années après la reine d'Assyrie, « la lubrique »
Sjmiramis devint éperdûment amoureuse de lui et le pria à plu-
sieurs reprises de venir la prendre pour épouse. Mais Ara refusa
toutes les fois.
« Outrée de ses dédains, dit Moïse de Khoren, la grande reine des
Assyriens vient en Arménie, à la tête de ses troupes, fondre sur lui.
Mais au moment du combat, elle veut que ses généraux épargnent,
s'il est possible, la vie de l'objet de sa passion. Cependant, au milieu
de la bataille. Ara fut tué en combattant, sans être connu. Alors elle
donne l'ordre k ceux qui dépouillaient les cadavres, de chercher son
corps parmi les morts, et elle le fait transporter sur la terrasse de
i. M. de Kb. I, ch. XIII et XIV.
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34â RBVtJfi DES TRADITIONS POPULAIRlfiS
son palais. Comme les Arméniens revenaient à la charge pour ven-
ger le trépas de leur souverain, elle fait entendre ces paroles : « J*ai
commandé à mes dieux de lécher les plaies d'Ara, et il sera rappelé
à la vie ». Elle espérait, en même temps, par la puissance de ses
enchantements magiques, le ressusciter. Cependant, la putréfaction
ayant gagné le cadavre, elle le fait jeter dans une fosse profonde,
loin de la vue de tons Puis, prenant auprès d'elle un de ses amants
qu'elle avait fait travestir en secret, elle répand cette nouvelle : « Les
dieux ayant léché les plaies d'Ara, lui ont rendu l'existence ». Ces
bruits, propagés en Arménie, persuadent les esprits et mettent un à
la guerre ' ».
Cette tradition correspondait parfaitement à certaine croyan'ce des
Arméniens, aux Aralez. La signiGcation propre du nom d'Aralez est
« léchant continuellement, complètement <« et il parait avoir désigné
une classe d'êtres surnaturels ou de di\inités nées d'un chien ^ et
dont les fonctions étaient de lécher les blessures des guerriers tom-
bés sur le champ de bataille et de les faire revenir à la vie. Cette
croyance a duré jusqu'au V siècle, même dans la classe des nobles,
quoique le christianisme fût devenu la religion dominante du pays.
Faustus de Byzance nous en cite un exemple :
Le général en chef des Arméniens Mouschègh Mamiconian fut
calomnié auprès du roi arménien Yarazdat (384-386) par Saharouni
et tué dans un festin offert par le roi à la noblesse.
« Lorsque l'on eut apporté, dit Faustus, le corps du général Mous-
chègh dans sa mai:^on, chez ses parents, ceux-ci ne croyaient pas à
sa mort, quoiqu'ils lui vissent la tête séparée du tronc. Ils disaient :
« Mouschègh a affronté bien des fois les hasards de la guerre et
jamais il n'a reçu de blessure ; jamais flèche ne Ta atteint ; ni arme
ennemie ne Ta percé ». Quelques-uns d'entre eux espéraient le voir
ressusciter ; ils réunirent la tête et le tronc, qu'ils transportèrent sur
la plate-forme d'une tour. Ils disaient ; « Puisqu'il est un brave, les
Arléz descendront et lui rendront la vie ». Ils restèrent à garder son
corps, jusqu'à ce qu'enfin il tombât en putréfaction ; alors ils le des-
cendirent et, versant des larmes, ils l'enterrèrent suivant l'usage. »
Selon le même Moïse de Khoren, le conte d'Ara était très répandu
et il nous semble qu'Emin a raison de l'identifier avec le conte
d'Er, intercalé par Platon dans sa République ' que voici :
« Er l'Arménien, originaire de Pamphylie, avait été tué dans une
bataille ; dix jours après, comme on enlevait les cadavres déjà défi-
1. Moïf»e, liv. 1, ch. XV.
2. Eznig, Réfutation des secteft, p. 98-100. Edit. arménienne.
3. Platou : La République y t. X, liv. X.
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 343
$2:urés de ceux qui étaient tombés avec lui, le sien fut trouvé sain et
entier; on le porta chez lui pour faire les funérailles, et le dou-
zième jour, lorsqu'il était sur le bûcher, il revécut et raconta ce
qu'il avait vu dans l'autre vie.
Le récit d'Ara ressemble beaucoup aux récits des nations orien-
tales.
Ainsi, chez les Grecs, la déesse Artemis devient amoureuse
d'Orion, un très beau jeune homme, et étant refusée de lui, elle
ordonne à un scorpion de le piquer, mais après elle regrette, le
guérit et l'envoie au ciel, où il forme la brillante constellation
d'Orion.
Encore Hippolyte, Pelée, Phinée, Bellérophon, fils de Glaucon,
o à qui donnèrent les dieux la beauté et une aimable vigueur »
avait résisté aux avances de la divine Anteia, et celle-ci, furieuse,
s'adressa au roi Prœtos : « Meurs, Prœtos,^ ou tue Bellérophon, car
il a voulu s'unir d'amour avec moi qui n'ai point voulu. » Prœtos
envoya le héros en Lycie où il dut combattre la Chimère *.
La tradition hébraïque aussi a conservé un récit analogue : Joseph,
dans la maison de Putiphar, repoussant la passion de la femme de
son maître, fut calomnié par elle et mis en prison.
Il me semble que l'origine de notre récit d'Ara, avec tous les récits
pareils, consiste dans le conte « de deux frères » égyptien, parvenu
dans un manuscrit du xm* siècle avant J.-Ch. et traduit par l'émi-
nent égyptologue Maspero.
« Ce conte se résout à première vue en deux contes différents. Au
début, c'est l'histoire de deux frères, l'un marié, l'autre célibataire,
qui vivent dans la même maison et s'occupent aux mêmes travaux.
La femme d'Anoupou s'éprend de Bitiou sur le vu de sa force et veut
profiter de l'absence du mari pour satisfaire un accès de passion
subite. Il refuse avec indignation; elle l'accuse de viol et manœuvre
si adroitement qu'Anoupou, saisi de fureur, se décide à tuer son
frère en trahison. Celui-ci, prévenu par les bœufs qu'il conduisait,
s'enfuit, échappe à la poursuite grâce à la protection du soleil, se
mutile et se disculpe, mais refuse de revenir à la maison commuue
et s'exile au val de l'Acacia. Le frère aîné, désespéré, rentre chez
lui, met à mort la calomniatrice, puis « demeure en deuil de son
petit frère ».
Jusqu'à- présent, le merveilleux ne tient pas trop de place dans
l'action ; sauf quelques discours prononcés par les bœufs et l'appa-
rition miraculeuse d'une eau remplie de crocodiles entre les deux
i. Iliade f Z. 155-210, cité par iMaspero, o. c. p. Xl-XIL
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344 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
frères, au plus chaud de la poursuite, le narrateur ne s'est guère
servi que de faits empruntés à la vie courante. L'autre conte n'est
que prodiges d'un bout à l'autre. Bitiou s est retiré au Val pour
vivre seul et a déposé son cœur dans une fleur de l'Acacia. C'est
une précaution des plus naturelles : on enchante son cœur, on le
place en lieu sûr au sommet d'un arbre; tant qu'il y restera intact,
aucune force ne prévaudra contre le personnage auquel il appar-
tient *. Cependant, les dieux descendus en visite sur la terre, ont
pitié de la solitude de Bitiou et lui fabriquent une femme. Il l'aime
éperdûment, lui confie le secret de sa vie, et lui recommande de ne
pas quitter la maison, car le Nil qui passe à travers la vallée est
épris de sa beauté et ne manquerait pas de vouloir l'enlever. Cette
conOdence faite, il part pour la chasse, et naturellement la fille des.
dieux agit au rebours de ce qu'il avait dit : le Nil la poursuit et
s'emparerait d'elle si l'Acacia qui joue, on ne sait trop comment, le
rôle de protecteur, ne la sauvait en jetant à l'eau une boucle de ses
cheveux. Cette épave, charriée jusqu'en Egypte, est remise au Pha-
raon, et Pharaon, conseillé par ses magiciens, envoie ses gens à la
recherche de la fllle des dieux. La force échoue une première fois;
à la seconde tentative la trahison réussit, on coupe l'Acacia et la
chute de l'arbre produit la mort immédiate de Bitiou. Trois années
durant, il reste inanimé; la quatrième, il ressuscite avec l'aide de
son frère et songe à tirer vengeance du crime dont il a été victime.
C'est désormais entre l'épouse infidèle et le mari outragé une lutte
d'adresse magique et de méchanceté. Bitiou se change en taureau :
la fille des dieux obtient qu'on égorge le taureau. Le sang, tombé
sur le sol en fait jaillir deux perséas, qui trouvent une voix pour
reprocher à la fille des dieux sa double perfidie; la fille des dieux
obtient qu'on abatte les deux perséas, qu'on en façonne des plan-
ches, et pour être certaine de sa vengeance veut assister à l'opéra-
tion. Un copeau, envolé sous Therminette des menuisiers, lui entre
dans la bouche : elle l'avale, conçoit, accouche d'un fils qui devient
roi d'Egypte à la mort de Pharaon. Ce fils est Bitiou réincarné; à
peine monté sur le trône, il rassemble les conseillers de la couronne,
leur expose ses griefs et condam.ie celle qui, après avoir été sa
femme, est devenue sa mère *.
Moïse de Khoren a conservé un récit sur la mort de Sémiramis.
Cette reine d'habitude passait Télé en Arménie, dans la ville
de Semiramakert, fondée par elle-même, sur le bord du lac de Van.
1. C*est la donnée du Corps sans âme qui se retrouve dans un grand nombre
de contes orientaux et occidentaux.
2. Maspero : Les Conte» populaires de VEgyple ancienne. Paris, 18S9, p. YllI-X.
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BEVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 34a
Et pendant son absence elle laissait la charge du gouvernement de
TÂssyrie au mage Zoroastre (Zradaochd), qui était le chef des Mèdes.
Celui-ci se révolta contre elle et la défit. Sémiramis prit la fuite à
pied et ayant soif, elle se rendit au bord du lac de Van pour se désal-
térer, Mais comme les soldats arrivaient, elle jeta son talisman dans
le lac et se changea en pierre.
« C'est de là, dit Moïse de Khoren, que nous est restée cette
phrase : Les perles de Sémiramis dans la mer » ^
Même jusqu'à nos jours le peuple arménien raconte des secrets sur
Sémiramis. Un de ces récits, mentionné par Ëmin, est le suivant :
Sémiramis rencontre pendant une promenadedans une plaine de la
contrée de Yaspouracan, quelques enfants, qui ont trouvé une perle.
Sémiramis la prend en donnant des présents^ et par la magie de
cette perle elle parvenait à entraîner facilement ceux qui lui plai-
saient, et tuer sans aucunedifficultéceux qui lui déplaisaient. Un vieil-
lard, son conseiller, désirant délivrer le pays de la tyrannie de Sémi-
ramis, et de sa perle, arrache un jour la perle de sa main dans la
ville d'Artamed (en Arménie) et s'enfuit. Sémiramis court après lui,
mais ne peut pas l'attraper ; alors elle défait ses cheveux longs et
épais, tisse une fronde, y met un grand rocher et le lance sur le vieil-
lard. La natte se détache et va tomber avec le rocher dans la fosse,
située près de la ville d'Artamed. Mais le vieillard court jusqu'au
bord de Datvan ^ et jette la perle dans la mer (lac) de Van. Ainsi le
pays est délivré de la fascination de Sémiramis.
TI6RANE I
Le héros demi-historique de la période Haïcienne c'est Tigrane
Premier, Tallié de Cyrus et, selon la tradition, le meurtrier d'Astyage.
Moïse de Khoren énumère les aventures de ce héros national avec
un enthousiasme extrême en empruntant les récits populaires qui le
décrivent de la manière suivante :
Chef et modèle des guerriers, signalaut partout son courage, il
éleva haut notre nation ; nous étions courbés sous le joug, il la
mit en état de subjuguer et de faire payer tribut à de nombreux
peuples. Partout s'élevaient des monceaux d'or et d'argent, de
pierres précieuses ; partout on voyait des vêtements de toute
forme, de toute couleur, pour hommes et pour femmes ; si bien que
i. Moïse de Khoren, L. Il, ch. XVII et XVIII.
2. Ua uilborge au bord du lac de Van.
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346 RKVDE DES TRADITIONS POPULAIRES
la laideur paraissait aussi belle que la beauté, et la beauté, selon
Tesprit des temps, était déitiée. On voyait les fantassins chevaucher,
les frondeurs devenus d*habiles tireurs d*arcs, les hommes aupara-
vant armés de pieux manier le glaive et la lance, les gens autrefois
sans armes couverts de boucliers et d'armures de fer. La vue des
soldats rassemblés, le feu, Téclat resplendissant de leurs armures
et de leurs armes, suffisaient pour dérouter Tennemi. Tigrane inau-
gure la paix, multiplie les édi lices et féconde tout le pays avec des
ruisseaux d'huile et de miel.
Tels sont^ avec beaucoup d*autres encore, les bienfaits dont
gratifia notre patrie Tigrane, fils d'Ervand, prince à la blonde cheve-
lure bouclée, au visage coloré, au regard doux, puissamment
membre, large des épaules, à la marche rapide, le pied bien tourné,
sobre toujours dans le boire et le manger, et réglé dans ses plaisirs.
Nos ancêtres le célébraient au son du pampirn, en chantant sa pru-
dence, sa modération dans les plaisirs de la chair, sa sagesse,
son éloquence et son désir d'être utile à rhumanité '.
Ces épithëtes, aux cheveux blonds, argentés par le bout, au
visage coloré etc., par lesquelles un poète très certainement con-
temporain peint Tigrane, rappellent, comme le fait observer Emin,
la manière d'Homère. Ne croirait-on pas avoir sous les yeux le
portrait d'un des héros de Tlliade * ?
Un grand danger menaçait le Mède Astyage, dit Moïse de Khoren,
par le fait de l'union de Cyrus et de Tigrane. C'est pourquoi, de
relTervescence de ses pensées, lui apparaît dans le sommeil de la
nuit un songe, où il vit ce qu'étant éveillé, il n'a jamais vu ni
entendu. 11 se réveille eu sursaut, et, sans attendre le cérémonial
usité, l'heure du conseil, car il restait encore bien des heures de la
nuit, il appelle ses confidents. Le visage triste, les yeux fixés à
terre, il gémit du plus profond de son cœur et soupire. Pourquoi
cette douleur? demandent les confidents. Et lui, reste plusieurs
heures sans répondre ; enfin, poussant des gémissements, il com-
mence à dévoiler toutes ses secrètes pensées, les soupçons de son
cœur et aussi les détails de l'horrible vision.
« Il advint, ô mes amis, dit-il que je me trouvais aujourd'hui sur
une terre inconnue, près d'une haute montagne dont la cime parais-
sait enveloppée de glaces et de frimas. On dirait que c'était le pays
des descendants d'iïaïg. Mon regard plongeait au loin vers la mon-
tagne, lorsqu'une femme revé'ue de la pourpre, enveloppée d'un
voile bleu céleste, m'apparut assise au plus haut de la cime. Ses
1. Moïse de Khorène. L. I, ch. XXIV.
2. Emin, page 24, cité par Dulaurier, page 34.
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REVÛ« DES TRADmONS POPULAIRES 347
yeux étaient beaux, sa stature était élevée, sont teint était de rose ;
elle était dans les douleurs de Tenfantement. Comme j^avais le
regard tendu vers ce spectacle étonnant, cette femme mit au monde
tout-à-coup trois héros accomplis pour la taille et pour la force. Le
premier, monté sur un lion, prit son vol vers l'Occcident ; le second,
sur un léopard, s'élança vers le nord ; le troisième, sur un énorme
dragon, se précipita avec fureur sur notre empire.
a Au milieu de ces visions confuses, il me semblait que, debout sur
la terrasse de mon palais, j'en voyais la frise ornée de magnifiques
tentures, et la plate-forme couverte de tapis émaillés de diverses
couleurs. Nos dieux, à qui je suis redevable de la couronne, étaient
là présents dans tout Téclat de leur majesté, et moi avec vous, leur
offrant des sacrifices et de Tencens. Tout à coup, levant les yeux, je
vis le héros, monté sur le dragon, prendre son vol avec des ailes
d'aigle, en fondant sur nous : il croyait venir exterminer nos dieux ;
mais moi, Astyage, me précipitant à sa rencontre, je soutins ce choc
formidable et je combattis ce merveilleux héros. D'abord nous nous
frappâmes Tun l'autre de la lance et nous répandîmes des flots de
sang, et la plate-forme du palais, inondée des rayons du soleil, se
transforma en un mur de sang. Puis, recourant à d'autres armes,
nous combattîmes encore des heures entières.
« Mais à quoi bon prolonger ce récit, puisque la fin de tout était
ma ruine ? L'impression du danger me couvrit d'une sueur violente,
le sommeil s'enfuit loin de moi, et depuis ce jour je ne compte plus
parmi les vivants. Car le résultat d'un tel songe n'a d'autre signifi-
cation que la terrible invasion que Tigrane, le descendant d'flaïg,
doit faire chez nous ».
Le songe prophétique, dit Dulaurier*, a quelque chose de l'ins-
piration et du style épiques. La couleur symbolique doupt il est
empreint, la manière si dramatique dont il est amené, attestent que
c'est là une des créations de l'antique poésie arménienne. Autant le
songe de Jacob, dans la Genèse est beau de cette simplicité de
l'esprit patriarcal, autant la pompe et la grandeur du génie oriental
éclatent dans le songe d'Astyage. On dirait un reflet de cette
teinte sombre qui plane sur les visions apocalyptiques d'Ezéchiel
et de saint Jean, une émanation de ce même ordre d'idées qui a
enfanté les monuments de la vieille civilisation assyrienne, tels
qu'ils se sont montrés à nos regards, dans ces derniers temp^,
arrachés du sein de la terre qui les recelait depuis tant de siècles.
Après avoir entendu les avis de ses conseillers, Astyage préfère
1. Journal asiatique 1852, p. 35.
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3iâ RËVtB DES TRADITIONS POPULAIRES
prendre la sœur de Tigrane, la belle Tigranouhî, pour épouse, et
à Taide d'elle, empoisonner son frère Tigrane. Et c'est pourquoi, il
envoie un de ses conseillers à Tigrane avec de riches trésors et
demande la main de Tigranouhi. Tigrane consent à donner sa sœur
et renvoie. Astyage l'élève au premier rang de ses femmes, non
seulement pour le succès des ruses qu'il médite en son cœur, mais
encore à cause de la beauté de Tigranouhi.
Un jour Astyage dit à Tigranouhi. « Tu ne sais pas, que ton frère
Tigrane, excité par sa femme Zarouhi, est jaloux de te voir com«*
mander aux Arik? Qu'en adviendra-t-il ? D'abord, je devrai mourir,
et ensuite Zarouhi régnera sur les Arik, et occupera la place des
déesses. Donc, il faut que tu choisisses l'un de ces deux partis : ou,
par amour pour ton frère, d'accepter sous les yeux des Arik, la
ruine et l'infamie, ou bien consultant ton propre intérêt, proposer
quelque utile conseil et conjurer les événements.
u La prudente et belle princesse Tigranouhi répond très tendre-
ment à, Astyage, et, aussitôt, par des ûdèles messagers, elle révèle
à son frère les termes perfides de son époux ».
Astyage demande une entrevue àTigrane, mais celui-ci découvre la
perfidie et déclare la guerre, a Astyage se trouve alors en danger
d'avoir à se mesurer avec les descendants d'Haïg ». La lutte se pro-
longea pendant cinq grands mois, car la vivacité, l'ardeur de l'action
se ralentissaient lorsque Tigrane songeait au sort de sa sœur bien
aimée ; aussi il manœuvrait de façon à sauver les jours de Tigra-
nouhi. Cependant l'heure du combat approchait.
« Mais je ne saurais trop louer mon héros, sa taille majestueuse,
son sûr coup de lance, la juste proportion de tous ses membres, la
loyauté parfaite de son visage ; car il était agile, en tout bien con-
formé, et nul ne l'égalait en force. Pourquoi prolonger ce récit?
L'afifaire engagée, le héros, d'un coup de lance, fend comme (une
lame d'eau) la lourde armure d'airain d*Astyage, le transperce avec
le fer de sa longue lance, puis, retirant la main, il ramène avec
l'arme la moitié de ses poumons. Le combat était magnifique, car
c'étaient braves contre braves, ne tournant pas facilement le dos :
aussi l'action dura longtemps. Ce qui mit fin au combat fut la mort
d'Astyage. Cet exploit, ajouté à tous les succès de Tigrane, aug-
menta sa gloire ^
l. M. Kh. l, ch. XXIX.
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RBVDÉ DES TIIADITIONS' POPULAIRES 349
VAHAEEN
Le fifs cadel du roi Tigrane I Vahaken, remporte plusieurs vic-
toires contre les Dragons, c'est pourquoi il fut nommé « Vichapa*
guagh » — Dompteur des dragons ; il monte encore en hiver au
ciel et vole la paille de Dieu de Barcham Assyrien et pendant son
retour il laisse tomber la paille et de cela se forme la voie lactée
qui en arménien s'appelle « la voie du voleur de paille ».
La naissance de cet Hercule arménien était célébrée dans un chant
cosmogonique, où selon Dulaurier, respire en plein le génie symbo-
lique du vieil Orient, Moïse de Khoren en a retenu quelques vers,
où l'expression, d*une concision extrême et d'une admirable beauté,
nous donne une bien haute idée de la perfection à laquelle était
parvenue la langue arménienne dans ces âges reculés, et du talent
des poètes qui surent si bien la mettre en œuvre ^
Le ciel et la terr& étaient dans Tenfantement
La mer aux reflets de pourpre était aussi en travail;
Dans la mer naquit un petit roseau vermeil,
Du tube de ce roseau sortait de la fumée.
Du tube de ce roseau jaillissait de la flamme,
De cette flamme s'élançait un jeune enfant,
Ce jeune enfant avait une chevelure de feu,
l\ avait une barbe de flamme
Et ses petits yeux étaient deux soleils.
On chantait ses louanges au son du pampirn, et nous les entendî
mes de nos propre oreilles ; puis on répétait dans les chants ses
combats ; ses victoires contre les dragons et ses exploits égalant
ceux d'Hercule. On disait même qu'il était placé au rang des dieux,
et, dans le pays des Ibériens (Virk), on lui éleva une statue à laquel-
le on offrit des sacrifices. De lui descendent les Yahnouni '^
Yahaken était élevé aux rang des dieux, et dans le pays des Ibériens
on lui éleva une statue, devant laquelle en offrait des sacrifices '.
Sa femme était Astghik, la déesse de la beauté, qui avait à Asti-
chate un temple, nommé « Le cabinet du Vahaken ». En même
temps il y avait aussi un autre temple consacré à Vahaken et qui
s'appelait Vahevahian ; il était rempli d'or, d'argent et de présents
précieux, donnés par les grands rois *.
Le culte de ces deux divinités était si enraciné dans le peuple,
1. Dulaurier. Journal asiatique 1852. pp. 40-41.
2. M. de Kh. L. 1. ch. XXXI.
3. ai. de Khoren. I. I, ch. XXXI.
4. Rostanian: Le paganisme arménien.
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)jj^
350 REVUE DES TRADITIONS POP.ULAHIES
que jusqu^au temps de Moïse de Khoren on le chantait et même les
traducteurs de la Bible (VS.) ont employé le nom de Vahakea au
lieu de Hercule^ parceque, dit M. de Khoren, ces chants avaient
beaucoup de ressemblance avec les actes de courage d*Hercule.
ARTZROUNl ET SANATROUK
Moïse de Khoren cite un récit sur la satrapie d'Artzrouni, en
disant qu'un enfant dormait exposé à la pluie et au soleil, lorsqu'un
oiseau, (selon le sens un aigle), couvrit de ses ailes Tenfant défaillant.
Il me semble que le texte de ce récit est un fragment d*un chant
historique. •
Moïse de Khoren nous a fourni un récit sur le roi Sanadrouk :
Odée, sœur du roi Abgar, voyageant Thiver en Arménie, fut assaillie
dans les monts Gartouk par un tourbillon de neige qui dispersa tous
les voyageurs. Sanod, la gouvernante de Sanalrouk, prit l'enfant qui
était encore tout petit, le plaça sur son sein^ ot resta avec lui sous
la neige pendant trois Jours et trois nuits. C'est de là qu'est venue
la fable qui dit :
(( Uu animal d'une nouvelle espèce merveilleux et de couleur
blanche, envoyé par les dieux, garda Tenfant. Mais, ajoute Moïse
de Khoren *, d'après nos informations^ voici le fait : un chien blanc^
qui était avec les (gens) envoyés à la découverte, trouva l'enfant et la
gouvernante. Cet enfant fut donc appelé Sanadroug, du nom de sa
gouvernante, c'est à dire don de Sanod *. »
Le Révérend Père Garthrdjiantz suppose qu'en Arménie aussi, où
les avalanches sont très fréquentes, on devait garder des chiens
dressés, comme ceux du mont Saint-Bernard. Mais en général, selon
Strabon, hs voyageurs d'Arménie tenaient dans leurs mains de
longues barres, afin de percer l'avalanche pour laisser entrer l'air et
avertir les passants du malheur.
TORQUE
Un autre héros national et en même temps dieu, c'est Torque
Anguègh. Moïse de Khoren en racontant ses légendes, le préfère à
Hercule, à Samson et à Boston, héros orientaux les plus renommés.
Un homme au visage repoussant, dit Moïse de Khoren, grand, mais
difforme, au nez aplati, à l'œil enfoncé, d'un aspect féroce, de la
t. Moïse de Khoren. II. Ch. XXXVl.
2. Le mot ariQéniea dourg, si^oitie « doa »,
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REVUE DES TRADITIONS POPIJLAIRES 3ol
descendance de Barkam, petit fils de Haigag, appelé Torque, et sur-
nommé à cause de sa laideur Angéghîa (le laid), doué d'une taille et
d'une. force de colosse, est établi gouverneur de l'occident. A cause
de la laideur de Torque, sa race prend le nom de maison d'Angegh.
Mais, si tu veux, je débiterai sur le compte de Torque des fables et
des extravagances, comme ont fait les Perses pour Rcstom Sakdjig,
du']uel on disait que sa force égalait celle de cent vingt éléphants.
Des chants rationnels touchant la force et la valeur de Torque étaient
en vogue et on ne pouvait pas attribuer au même degré la même
chose à Samson, à Hercule et à Sakdjig.
On disait, dans ces chants, qu'ilsaisissaitdaiis ses mains des pierres
très dures, sans aucune fêlure, qu'il les rendait à.volonté grandes ou
petites, les polissait avec ses ongles^ en formait comme des tablettes,
et y traçait, aussi avec Tongle, des aigles et autres figures. Ayant vu
des vaisseaux ennemis s approcher du rivage de la mer de Pont, il
s'élance à leur rencontre, mais les vaisseaux gagnent la haute mer à
une distance de huit stades, et il ne peut les atteindre ; il prend, à
ce que Ton raconte, des pierres grandes comme'des collines et les
lance sur ces navires. L'immense tourbillon engloutit un grand
nombre de vaisseaux, et les flots, soulevés dans le vide, portent à
plusieurs milles au loin le reste des vaisseaux.
Les aventures de Torque ressemblent beaucoup à celles du Cyclope,
que Homère décrit dans VOdijssée de la manière suivante :
Le Cyclope m'enlenfl, et, trani>porté de rage
Brise le haut d'un mont, voisin de ce rivage,
L*arracbe, le soulève, et, d'un bras foudroyant,
Lance à notre vaisseau ce rocher effrayant,
Qui, tombant à la poupe et faisant jaillir Tond^,
S'engloutit à grand bruit dans la vague profonde ;
Le gouffre tourbillonne, et les flots mugissans
Repoussent le vaisseau vers les bords blanchissans.
Et comme Ulysse continuait de se moquer du Cyclope :
Cependant le Cyclope aux montagnes voisines
Arrache un roc suivi d'effroyables ruines,
Et, d*un bras, vigoureux, le lance dans les airi«.
Le rocher, en tombant au sein profond des mers,
Effleura du vaisseau la poupe colorée.
Et fit jusques aux cieux jaillir l'onde azurée.
Le flot se soulevant rend un horrible bruit,
Et vers les bords voisins nous porte et nous conduit. (2)
{A suivre). Ervand Lalayantz.
1. M. de Kh. L. II. ch. VUL
2. L'Odyssée Livre IX. Trad. de Rochcfort, 1717,
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-jfT
352
REVDB DBS TRADITIONS POPOLAIRES
VIEILLES CHAiNSOJNS DU MAINE
LE GALANT DE VILLAGE
J'allas voir ma maîtresse,
Ma mère et mé.
Je* me plentis derrière la porte,
Dré comme un mai,
Toperié,
Dré comme un mai.
J'avas une belle perruque
Dé poil de pourciau,
Que j*pagnais fête et dimanche,
Avec un ratiau,
Toperié,
Avec un ratiau.
J'avas une belle cravatte
De fin canevas,
Que j'attachas dessous la goule
Avec un cadenas,
Toperié,
Avec un cadenas.
J'avas une belle ragagotte
Cousue de fil blanc.
On disait par tout le village :
- Vlà le président,
Toperié,
Vlà président.
J'avas une belle culotte
De toile barrée,
On disait partout le village :
Vlà noute préfet,
Toperié
Vlà noute préfet.
J'avas un biau chapiau de paille
Pointu, boussu ;
On disait partout le village :
Vlà plus cossu,
Toperié,
Vlà plus cossu.
VI
LE BEAU MEUNIER
— Meunier, mon beau meunier,
Veux-tu moudre mon blé ?
— Oui-da, la Jolie fille,
Oui-da quand vous voudrez.
Tic, tic, tac, tac
Mie, mie, mac, mac.
Qu'on fasse tourner la meule,
La meule du moulin,
Train, train.
Chacun aura son tour lourira,
Qui veut moudre, moudra, la, la.
Qui veut pQoudre, moudra.
1. Cf. t. XI, p. 254.
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REVUE DES \TRAD1T10NS POPULAIRES 353
Il la prend, il Tem brasse,
La met de sur son blé,
— Finissez donc meunier.
Vous cassez mon collier.
Tic, tic, tac, etc.
FinisFez donc meunier,
Vous cassez mon collier,
Si ma mère le savait.
Bien grondée je serais.
Tic, tic, tac, etc.
— Vous lui direz, la belle,
Que c'est votre meunier,
Et si votre mère veut
Je vous épouserai.
Tic, tic, tac, tac,
Mie, mie, mac,
Qu'on fasse tourner la meule,
La meule du muulin.
Train, train.
Chacun aura son tour lourira,
Qui veut moudre, moudra, la, la.
Qui ^eut moudre, moudra.
M"' Destriché
Chàteau-du-Loir (Sarthe).
TOUB XI. — JUILLET 1896. l^ L, ^ ■ '^'à
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'0^
354
REVUE DES TRADlTlOiNS POPULAIRES
LES MÉTIERS ET LES PROFESSIONS
LXI [%u\t^
LES GRIS DES RUES
Lez cris de Frayes [suite] *.
La marchande de cartons à chapeaux (1846 à 1853). — 50 à 55 ans,
habillée à l'ancienne mode, cotillon rouge, grand bonnet tuyaut(5,
grand châle sur les épaules, menant sa marchandise sur une brouette.
Elle chantait :
VlVêOê
l
^^
i
Car - tons, car - tons bom - bés ; car - tons, car - tons car - lës ; etr
-•— ^
^ ^ I f 0 0
^— ±=1i:rttd
q?=fe
tf=ii
Jte
mt
lor.s, car-tons ronds. La Toi - là, la voi " là, la mar-chande de car - tons I
(Parlé) : La voilà, la voilà, la marchande de cartons ! Voyez, mesdames !
Le chiffonnier artiste (1858). — Prétentieux ; voix de baryton,
chantant très juste, une chanson dont on ne trouve que le refrain :
Vieux chiffons à vendre,
Vieilles bottes à vendre ;
Des peaux diapin.
Vieux chiffons à vendre ;
Des peau\ d lapin.
Des peaux, des peaux, des peaux.
Des peaux, de^ peaux, peaux, peaux !
Vieux chiffons à vendre ;
Des peaux diapin !
La marchande de poivre [i%o^i^o), — Jeune, coquettement attifée,
tablier blanc, à bavette ; bonnet coquet avec de longs rubans. Elle
se plaçait, le samedi, avec sa petite table, ses pots remplis et ses
balances, rue du Petit-Credo (plus large alors qu'aujourd'hui) au coin
de TEtape-au-Vin, aujourd'hui place Audiffred.
1. V. Xn Revue, t. XI, p. 83-81.
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REVTJB DES TRADITIONS POPULAIRES
355
Âllâgrêtto
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Voi - là la marchande de poi-vre qui vient d'ap-ri- Ter, vo - yez ! tous
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appro - chez, j'vas vous en pe - ser c'est dn poi-vre
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fin loi qu'il est en grain il est ton-jours fin. Poi - vrez donc bien mes-
m m
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^S
^
p=p
dames
poi-vpez vot'fri-cot il se-ra bon.
Elle pesait, servait gracieusement dans des cornets de papier; à
chaque mesurageelle prenait quelques grains supplémentaires et les
mettait peu à peu dans le cornet, tenu de la main gauche, en
chantant ^
En voi- là an peu pour la cni - ti- niëre, en voi- là un peu pour le cui - si -
^ r iTJvS
U-U-U-U
-i-U-iu
tt=U
nier, en voi -là un peu pour la jar-di- nière et la ser- vante de vo-tre eu
JPl #
a
^^
■•— #■
tn^Uv
ré. Poi- vrez donc bien mes- damofly Poi-vrez vot'fri-cot il se-ra bon.
î
C'est moi qui Tmoud c'est moi . qui l'vend c'est mon hom' qu'on mange l'i
^
"r~F~P:
£EE
P=îcr
qu'on mange l'ar-
gentrgourmand Poi- vrez donc bien mesdames poi -vrez vol' fri - cot il se-ra bon.
(Comm. de M. Dauphin.)
Facétie cTun marchand de guimauve. — Ma mère^me raconte sou-
vent la facétie suivante, à laquelle elle fut prise étant enfant :
Un marchand de bâtons de sucre de guimauve criait sa marchan-
1. Voir au sujet de cette partie les cris parisiens reproduits daas la Reoue,
t. XI, p. 192 et 243.
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356 HEVUe DES TB:àDITia«8 POPULAIKES
dise à « deux liards le bout » ^ ; ma mère se présente avec un sou
pensant obtenir deux morceaux de Talléchante sucrerie ; quelle ne
furent pas sa surprise et son désappointement quand le marchand
lui dit que chaque morceau, comportant deux bouts, coûtait un sou
et non deux liards I
Louis MORIN.
Metz
Cn des laitières» — Hauzi las !
Marchand d'oubliés, — Ancien usage qui s'est éteint à Metz avec
un nommé Bordier dont la voix retentissante se faisait entendre, il
n*y a pas longtemps encore, pendadt'îes soirée d'hiver: Voilà
Tplaisir ! Messieurs, Mesdames, voifà Tplaisir ! Régalez donc ces
dames, voilà l^plaisir !
Marchandes de fLawens, — Pains au lait, flons tout chauds, ils sont
tout chauds, tout bouillants !
Marchandes de poissons. -^ Aixx p'chomb! corruption du patois
messin. Aux plchon ! c'est*à-dire, aux poissons 1
Marchands de fagots. — Gots ! Gots ! pour ; aux fagots !
E. AURICOSTB DE LaZARQUE.
1. Ceci se passait vers 1840, et l*on parlait encore couramment, à Troyes, de
Uards, d*aune8, etc.
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RKVUfi Des TRADITIONS POPCLAtRES
387
CONTES DE LA BEAÙCE ET DU PERCHE
BOCÉVAINE
ocÉVAiNE était un paysan rusé, Un jour il ap-
prend que la guerre venait d*éclater, il abat
aussitôt ses deux vaches en met la viande au
saloir et s'en va avec les peaux vers la forêt
pour les faire sécher. Tout à coup il entend un
grand bruit^ ce sont les ennemis, il grimpe en
.toute h&te sur un arbre avee ses peaux et s'y
tient immobile.
jOr il advint que les ennemis firent halte pré-
cisément en cet endroit ; les chefs s'assemblè-
rent au pied même de Tarbre et se prirent à compter un trésor
qu'il avaient dérobé.
Bocévaine ébloui par la vue du précieux métal, perdit la léte ;
dans son trouble il laissa tomber les peaux. Les officiers, croyant à
une surprise, crièrent aux armes et séance tenante Tarmée entière
s'en alla*
Bocévaine, étant descendu de larbre, constata avec joie que les
officiers dans leur trouble avaient abandonné le trésor. Il mit le
tout dans ses poches, et même dans son bonnet et ses sabots et
accourut en toute hâte h sa demeure. Sa femme croyait rêver.
N'ayant point le temps de compter tout cet or. — Bonne femme,
lui dit-il, va chercher la petite mesure de monsieur le curé. Elle y
court ; le curé la questionne alors pour savoir ce que Bocévaine
avait à mesurer si tard. Elle lui dit que c'étaient des pièces d'or.
Intrigué le curé se rend à la demeure de Bocévaine — Où as-tu
pris tout cet or ? lui dit-il.
— C'est le prix de mes deux peaux, dit Bocévaine.
Le curé avait quatre vaches, et pensant gagner le double de
Bocévaine, 11 les fit tuer et envoya sa bonne les vendre au marché.
A chaque acheteur qui se présentait, elle leur répondait: Le
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358 PKVGB DB8 TRADITIONS POPULAlRfiS
même prix que Bocévaiae. Oo la crut folie et elle dat rapporter les
peaux au presbytère.
Voulant tirer veogeanee de cette mystification, le curé accourut
furieux à la demeure de Bocévaioe, mais ce dernier l'ayant aperça
mit au milieu de la chambre sa marmite où bouillait une soupe
appétissante, après avoir éteint le feu avec un seau d'eau. Il s*arme
alors d'un fouet dont il cingle la marmite et lorsque le curé entre.
— Tenez, monsieur le curé, s*écrie-t-il, vous n'avez jamais vu, je
parie, une telle marmite, elle bout sans feu !
Le curé ne voit point la ruse : — Vends moi cette marmite, dit-il.
Bocévaine n*y consent point tout d'abord, mais enfin il s'écrie. —
Tenez, monsieur le curé, parce que c est vous. Je vous la vends,
mais pas moins de cinquante écus.
— Cinquante écus, soit, dit le curé. Il paie cette somme et em-
porte la marmite.
Le dimanche sa bonne n'assistait jamais h la messe sous prétexte
de soigner le pot-au-feu, dorénavant elle n'aura plus cette excuse.
Mais celle-ci lorsqu'on lui montre la prétendue merveille hausse les
épaules disant que c'est encore là un des tours de Bo(révaine.
Le dimanche matin elle met cependant les légumes et la viande
dans la marmite et va à la messe. Le tout était dans le même état à
son retour.
Nouvelle explosion de colère du curé qui bondit vers la demeure
de Bocévaine, bien résolu cette fois à se venger.
Bocévaine l'avait vu venir. Déshabille4oi, dit-il à sa femme, et
fais la morte. La femme obéit en toute hâte, Bocévaine lui rejette le
drap sur la figure, allume une chandelle et lorsque le curé entre, il
éclate en sanglots. ti^^
N'écoutant alors que son devoir, le curé s'efforce de le consoler.
Bocévaine est inconsolable. Mais tout à coup se ravisant :
— J'y pense, dit-il, j'ai là un petit sifflet qui fait revenir les morts.
Et aussitôt il court à son armoire et se met à siffler à plusieurs
reprises dans l'instrument.
Aussitôt la bonne femme se lève comme mue par un ressort et
fait entendre un long soupir. Le curé stupéfait veut à tout prix
acquérir ce sifffet. Bocévaine n'y consent qu'au même prix de
cinquante écus.
Le curé emporte donc le sifflet, mais cette fois il se garde d'en
parler à sa bonne, et pour cause. Elle lui faisait journellement un
bruit d'enfer ; pour y mettre bon ordre, il s'arme d'un manche à
balai dont il lui assène un si vigoureux coup qu'il l'éteod à ses
pieds. Il comptait ne la faire revenir qu'au moment de préparer le
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REVUE DBS TRADITIONS POPULAIRES 359
dtner. L'heure venue il se met à siffler, peine inutile, la pauvre fille
était morte et bien morte. Cette fois, la colère du curé fut effroyable,
s'armant d'un sac il ne fit qu'un saut jusque chez Bocévaine.
Bocévaine était à bout de ruse. Force lui fut donc de se laisser
entraîner par le curé. Parvenus au bord d'une rivière le curé le fit
entrer dans le sac et lui accordant un quart d*heure pour se recoijn-
mander à Dieu il s'éloigna.
Un quidam vint à passer qui voulut savoir pourquoi on Tavait
ainsi enfermé dans un sac.
— C'est, lui dit Bocévaine, parce que je ne sais pas mon pater et
mon ave,
— Je connais ces prières, dit l'individu, je vais me mettre à votre
place. Bocévaine n'eut garde de refuser une telle proposition.
[jorsque le curé revint le malencontreux passant eut beau lui
réciter toutes ces prières, rien n'y fit, il dut faire le plongeon.
Monsieur le curé ne pensait plus à Bocévaine, lorsqu'un beau
jour il entend des claquements de fouets dans la rue. Intrigué il
regarde et que voiU-il ? Bocévaine en chair et en os, conduisant un
troupeau de cochons d'url^ maigreur extrême.
Bocévaine devinant son doute, lui apprend qu'il est bien ce môme
Bocévaine qu'il a jeté dans la rivière, mais, ajoute t-il, si vous
m'aviez jeté plus loin, les cochons seraient tous gras.
Emerveillé, le curé oublie tout ressentiment et prie Bocévaine de
le mettre dans un sac, Bocévaine s'empresse de lui obéir. Il lança le
sac aussi loin qu'il put dans la rivière, mais le curé n'en est jamais
revenu.
11
JEAN-BÊTE
Jean-Béte était un garçon fort bête. Un jour sa mère lui dit de
veiller sur la lessive. « Plus on la fait tomber de haul, lui dit-elle,
meilleure est-elle, n
Jean-Bôte monte sur une chaise pour vider son vide-lessive dé
plus haut. Voulant faire mieux encore il fit un trou au plancher
au-dessus du cuvier et se met à monter la lessive au grenier, la
laissant tomber par ce trou.
L'expérience lui semblait merveilleuse, et selon lui la lessive était
excellente ; se rappelant alors combien leurs vaches avaient les
pieds sales, il alla dans Tétable, et à l'aide d'une serpe leur coupa
les pieds qu'il mit dans la lessive.
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860 nËVOE DES TRADttlONS POPCLAtR«S
A son retour sa mère fat bien en colère et elle se promit bien de
ne plus rien lui commander.
Jean-Bête n'avait jamais été à la messe ; un jour il voulut y aller ;
Qu'y doit-on faire? demande-t-il à sa mère. — Ce que tu verras faire
aux autres.
Muni de ce renseignement et d'un livre de messe, Jean-Béte se
rend à Téglise. Lorsque les gens se levaient, il se levait, et lorsqu'on
s asseyait ou s agenouillait il faisait de même.
Or il arriva qu*un paroissien placé deux rangs en avant de lui
avait son pantalon percé et chaque fois qu*il s'agenouillait cette
déchirure augmentait. Une dévote scandalisée se prit alors à lui
frapper le derrière pour le prévenir de l'accident. Ce que voyant
Jean-Béte se mit à taper sur le derrière de la dévote placée juste
en face de lui. La femme indignée se retourne brusquement et lui
demande ce qu'il lui prend. — Je fais ce qu on m'a recommandé,
dit Jean-Béte, je fais ce que je vois faire.
Une autre fois Jean-Béte voulait se marier. Il demanda à sa mère
comment il lui faudrait s*y prendre.
— A la sortie dé la messe, lui dit-elle ,* quand les fllles sortent, ou
leur jette des coups d'oeil et on voit celle qui vous plait.
Jean-Béte pense en lui-même ; Des coups d'œil, comment faire !
mais aussitôt il a trouvé. U va dans sa bergerie et arrache tous les
yeux des moutons dont il emplit ses poches. Et à la sortie de la
messe il se poste à la porte de Téglise et quand les Olles sortent il
leur lance ses yeux à poignée. Les filles se sauvent en jetant de
grands cris. Jean-Béte les poursuit en leur jetant ses yeux jusqu'à
ce que ses poches soient vides. Et à son retour chez sa mère elle lui
demande s'il a fait son choix, Jean-Bête lui explique que plus il leur
jetait de coups d'œil plus elles se sauvaient. Je les leur jetais pour-
tant à poignée ajoule-t-il. La mère comprend qu'il vient de faire une
nouvelle bêtise, elle court k la bergerie et voit tous les moutons
aveugles. Elle dut les faire tuer.
Une autre fois Jean-Béte et sa mère étaient partis dans les champs.
Jean-Béte n'a point fermé la porte, sa mère le renvoie la fermer, il
rapporte sur son dos de peur que les voleurs ne l'enfoncent. Sa
mère en le voyant ainsi chargé s'emporte de nouveau contre sa
bêtise ; mais comme la nuit est venue ils montent tous deux dans un
arbre. Jean- Bête hisse sa porte qui va leur servir de toit ; mais au
milieu de la nuit des voleurs viennent compter de l'argent au pied
de Tarbre, il leur jette sa porte sur le dos et les tue.
Ils descendent ensuite de l'arbre, prennent l'argent que les voleurs
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REVDE DEâ TRADITIONS POPULAIRES 361
ont sur eux et s'en reviennent à leur maison. Ils vécurent par la
suite comme de gros seigneurs avec Targent des voleurs.
III
LE DIABLE MIS EN DÉFAUT
Un fermier avare avait à son service une fille dont il exigeait beau-
coup d^ouvrage, un jour il lui commanda sous peine d'être chassée
de jeter du fumier dans un vaste champ. C'était l'ouvrage de plusieurs
jours, mais le dur fermier exigeait qu'il fût fait dans la journée.
La pauvre fille se lamentait, désespérant d'en «venir à bout. Elle vit
alors venir à elle un étranger qui lui offrit de faire cet ouvrage ne
demandant en retour que la première botte qu'elle lierait le lende-
main matin.
La fille accepta la proposition. L'inconnu se mit aussitôt à 1 œuvre.
Il volait dans son travail.. Il fit si bien qu'avant midi toute la besogne
était finie. ""
La fille s'en revint bien joyeuse k la ferme et conte aussitôt son
aventure. Chacun fut vivement intrigué de cet étranger.. On comprit
que ce ne pouvait être que le diable et qu'il fallait se méfier de sa
malice ; on avertit aussi la fille qu'elle eût soin le lendemain de ne
point s'habiller, car la première botte dont voulait parler le diable
c'était elle même : en attachant son jupon elle se liait chaque malin.
La fille eut garde de suivre cet avertissement. Elle se leva en
chemise et, montant au fenil, fit une botte qu'elle jeta dans la cour,
mais elle ne tomba point jusqu'à terre, le diable l'avait saisie au vol
et emportée. Il en eût fait de même de la fille sans cette ruse.
IV
l'aveugle-né
Un aveugle de naissance avait un guide pour le conduire. Un
jour cet homme le conduisit dans une forêt et comme il avait assez
de son service, il le perdit et s'en revint disant que des bêtes féroces
l'avaient dévoré.
Le pauvre aveugle, resté seul dans cette forêt ne savait que deve-
nir et comme la nuit était venue, il monta dans un arbre et s'y tint
immobile.
Il b')' était qu'^ depuis un instant lorsqu'il entend venir au pied de
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362 REVUB DBS TRADITIONS POPULAIRES
Tarbre trois animaux, uq Iîod, uq loup et un reaard; trois animaux .
qui ne peuvent grimper, il était dope à Fabri de tout danger. Les
trois animaux, ne soupçonnant point la présence de Taveagle, se
mirent à faire leurs confidences.
— Compère le lion, disent les deux autres, qu'avez-vous appris?
— J*ai appris, dit le lion, que Taveugle qui se frotterait les yeux
avec les feuilles de ce chêne verrait à Tinstant, fut-il aveugle de
naissance.
— Et vous, compère le loup, qu'avez-vous appris?
— J'ai appris, dit le loup, que dans la grande plaine qui est si
desséchée, les habitants n'auraient qu'à enlever ujie grosse pierre
qui se trouve au milieu pour qu'à. Tinstant ils aient une source
abondante.
— Et moi, dit compère le renard, je connais le remède pour
guérir la fille du roi de la lèpre. Il y a sur la montagne une certaine
herbe qui lui rendrait à l'instant la peau plus blanche qu'à sa nais-
sance.
Après s'être ainsi appris leur secret lestroisanimauxseséparèrent
L'aveugle, dès qu'il ne les entendit plus, voulut essayer la vertu
des feuilles de ce chêne. Il ne s'en fut pas plus tôt frotté les yeux
qu'il vit clair.
Il descendit de l'arbre et se dirigea vers la plaine desséchée. Il
apprit aux habitants qu'il connaissait remplacement d'une source.
Et il les conduisit à la grosse pierre que l'on enlève. Aussitôt, il en
sort une source qui forme une rivière et tout le pays est arrosé.
En récompense de ce service, les habitants lui donnèrent sa
charge d'or.
De là^ il alla dans la montagne chercher la plante dont avait parlé
le renard et lorsqu'il l'eut trouvée, il vint à la cour du roi disant
qu^il possédait un remède capable de guérir la jeune princesse.
On accepta ses services avec empressement, et il n'eut pas plus
tôt touché la jeune princesse de sa plante qu'elle était guérie.
Le roi dans sa reconnaissance la lui donna en mariage et il fut
fort heureux.
Cependant son conducteur ayant appris sa bonne fortune voulut
tenter le même sort. Il vint à la forêt, monta sur l'arbre et s'y tint
coi jusqu'à l'arrivée des trois animaux. ^
— Compère le renard, dirent les deux autres, quavez-vous
appris ?
— Jai appris que la fille du roi était guérie de la lèpre.
— Et moi, dit le loup, que la plaine desséchée est devenue fertile.
— Et chose plus grave encore, dit le lion, c'est qu'un aveugle-né
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REVUfi DES TRADITIONS POPULAIRES 363
s'est servi des feuilles de cet arbre et voit clair. II a surpris notre
secret lorsque nous nous sommes assemblés la première fois.
— Mais, ajoute le renard en levant la tète, il me semble qu^il y
est encore.
Les deux autres levèrent également la léte et virent notre homme.
Ils entrent tous trois dans une grande colère et jurent de se venger.
L*homme se croyait en sûreté dans l'arbre, sachant que ces trois
animaux ne pouvaient monter ; mais ils se mirent à gratter la terre
tout autour et à le déraciner. Ils n'eurent point de peine ensuite à
le faire tomber. Le malheureux fut précipité à terre et dévoré en un
instant.
Tandis que celui qui avait été aveugle continua de vivre fort
heureux, et àja mort de son beau-père, il fut roi à son tour.
{A suivre) Filleul PktigiNY.
^WW^W^W«MMMM«^W«A«W«
LES TRADITIONS POPULAIRES
ET LES ÉCRIVAINS FRANÇAIS
XIX
LES SUPERSTITIONS CBAMPÊTRES AU XVI* SIÈCLE
Aussi de ces démons les vds à la ruyne
Tendent de l'univers et des hommes mortelz,
D'autres les secourans ue se montrent pas telz.
Ceux qui tiennent au feu sont volontiers colères,
Et comme les terrains nous causent des misères,
Comme aussi ceux de l'eau ; mais quant aux aériens
Hz ne sont procureurs soigneux que de 'nos biens,
Aydant en plusieurs lieux à faire les mesnagcs.
Comme j*ay entendu de ceux qui aux villages
Se tiennent, mesmement où Ton a faute d'eau,
Telle qu'on la garde ati dedans d'vn vaisseau,
Pour abreuver au soir toute la nourriture
Du bestail reuenant de prendre sa pasture,
Auoir assez de fois curieux obserué
Que leurs timbres vuidez ils les ont retrouués
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'r>^
364 RBVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
Tous plains dé léodeniain sans que pendant la brune.
11 eust pieu nullement, ny que personne aucune
Ëust au puys deuuallé la chaîne ou le cordeau
Qui soustient volontiers de chacun bout un seau.
Clairement néammoins ayant esté ouye
Braire toute la nuit la chaisne ou la pouUie.
Comme aussi vn cheval en l'estable souillé
Qu'on auroit mis au soir, le trouuer estrillé
Et net le lendemain, sans que de créature
Il eust esté touché pour en oster Tordure,
On a fait prou de fois vn tel experiment
A ce que m'a conté homme d'entendement,
Et digne d'eslre creu à sa simple parolle,
Asseurant n'entre chose ou fallau ou frivole.
Mais ie n'aurois paà faict si voulois raporter
Ce qu^en diuers endroitz ici ay ouy conter,
Non plus que des mallins qui faignans de conduire
Au haure désiré la nuit quelque nauire
L'ont fait courir fortune et briser rudement
A rencontre un rocher, sur lequel luisamment
Très meschant ils montpoient une clarté flambante
Paroistre sous couUeur de quelque lampe ardente
Pendue en vue tour qui enseigne le port
La nuit à celuy qui en cherche l'abort.
Faisant bien le pareil assez souvent sur terre
A celuy qui ne sçait en quelle part il erre
Qu'ilz conduisent toujours jusqu'à oe qu'il soit prest
Ou de quelque fossé ou de quelque forest
Le délaissant allors priué de leur lumière
Qu'il est proche d'eulrer au fons d'une rivière
Ou bien d'vn précipice et dangereux et hault
Si tost que la clarté qui le» guidoit luy faut
Trouuaot bien en leur fait cela sur tout estrange
Qu*un chacun d'eux ainsi comme il désire change
Sa forme sa fasson et inuisibleroent
Demeure ou il estoit premier apparamment,
Sans que l'on puisse voir Testât de sa posture,
Contre toutes les loi de la mère nature.
Les Honnestes loisirs de Messire François Le Poulchre, seigneur de la Motte
Messemé. Paris, in-12, 1587, p. 84.
P. S.
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RKVDE DES TRADITIONS rDPULAIRfcS 305
CONTES ARABES ET ORIENTAUX
XIV
LES TROIS FILS DU MARCHAND ET LE CHEIKH 'aRIF
E manuscrit arabe 1915 de la Bibliothèque
du musée d'Alger se compose de deux
parties, de dates et d*écriture .différentes*.
La seconde, très moderne, comprend une
sériede contes et de légendes, dont le rédac-
l.6ur du catalogue n*a pas toujours signalé
rimportance. Ainsi il n a pas reconnu dans
la première moitié du Voyage de Sabour à
Serendib (f. 153-158), une version populaire
de la visile d'Alexandre au Paradis. 11 en
est de même du conte dont on trouvera la traduction. ci-après et qui
est ainsi désigné dans le catalogue : « Conte relatif aux trois fils d'un
marchand de Baghdad dont chacun reçoit un coffre comme héritage
paternel >. Avec un peu d'attention, il était facile à quiconque est
versé dans la littérature arabe, de reconnaître une variante assez
curieuse d'un conte bien répandu en Orient : le partage de l'héritage
entre les quatre fils de Nizàr et leur perspicacité. H y a une dizaine
d'années j'ai étudié dans Mélusme l'histoire de ce conte et sa diffu-
sion dans diverses littératures d'Orient et d'Occident ; cette étude a
été complétée par M. Israël Lévi. De nouvelles recherches m'ont
depuis fait connaîtra d'autres documents. Aux auteurs orientaux
que j'ai cités, il faut joindre une version du sud de l'Inde qui a été
recueillie par M*^ Howard Kingscote et le pandit NatésaSastri ' ; elle
forme le début de l'histoire du roi d'Alakapura et de ses ministres.
Chez les Arabes Ibn el Djouzi, dans \e Kitàb el Azkiâ^ a traité ce
sujet d'après 'Ali ben El Moghirah; il faut y joindre Taqi eddin el
i. Suite. Voir t. ÏII, p. 561, t. IV, p. 324, 433, 52.5, t. V, p. 354, t. VI, p. 163,
304, 445, 678, t. VIII, p. 391, t. X, p. 441, 305, t. XI, p. 273.
2. Catalogue général des manuscrits des bibliothèques publiques de France^
Départements, t. XVIII, Alger, Paris, 1893, in 8, p. 548-549.
3. Taies of the Sun, Londres, I8l0, in-12, ch. XUI, p. 140. The Lost Camel,
Le conte magyar que j'avais cité d'après Stier, a été reproduit par Jones et
Rropf, The folklales of the Magyars. Loodrep, 1889, in-S. The three areams^ p. 117.
4. Le Qaire, 1304, hég. in-8, p. 67.
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S&6 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
Hamaoui ^ Voici le récit dlbu el Djouzi qui est le plus complet.
'Ali ben El Moghirah nous a raconté ceci. Lorsque Nizàr ben
Ma*ad fut sur le point de mourir, il partagea sa fortune entre ses
fils qui étaient au nombre de quatre : Modhar, Rcbi*ah, lyàd et
Anmàr. Mes (ils, leur dit-il, cette tente de cuir rouge et tout ce
qui lui ressemble seront pour Modhar, qui fut appelé Modhar el
Hamra. Cette tente noire et ce qui y ressemble appartiendront à
Rabi'ah, il prit les chevaux noirs et fut appelé Rabi'at el Paras. Cette
servante et ce qui lui est semblable seront le lot d'Iyàd. Il prit ce qui
était bigarré, Anmàr aura cette peau d agneau et ce salon pour s'y
asseoir. — Il prit ce qui lui revenait. Nizar ajouta c Si vous avez
quelque difficulté ou quelque contestation dans le partage, je vous
recommande El Af a le Djorhomite. Ils ne furent pas d'accord et se
rendirent chez lui. Tandis qu'ils étaient en route, Modhar aperçut
un pâturage qui avait été mangé. Le chameau qui paissait ici était
borgne, dit-il. — Il penchait d'un côté, ajouta Rebi'ah. — Il n'avait
pas de queue, dit lyâd. — Il était sauvage, termina Anfnâr. — Ils ne
marchèrent pas longtemps sans rencontrer un homme qui avait per-
du sa monture. Il leur demanda après son chameau. — Il était bor-
gne, dit Modhar. — Oui. — 11 penchait d'un côté, dit Rebi'ah. — Oui.
— H n'avait pas de queue, dit lyàd. — Non. — Il était sauvage,
dit Anmàr. — Oui, c'est bien la description de mon chameau; indi-
quez-moi où il est. Ils jurèrent qu'ils ne l'avaient pas vu. — Il s'atta-
cha à eux et leur dit : Comment vous croirai-je? Vous me l'avez
décrit exactement. Us marchèrent jusqu'à ce qu'ils arrivèrent à
Nedjràn et descendirent chez El Afa le Djorhomite. Le propriétaire
du chameau s'écria : Ils oiTt ma monture; ils me l'ont décrite trait
pour trait. — Nous ne l'avons pas vu, répondirent-ils. Le Djorhomite
leur dit : Comment avez-vous pu le décrire si vous ne l'avez pas vu ?
— Modhar répondit : J'ai vu qu'il avait pâturé d'un côté et qu'il avait
laissé l'autre et j'ai reconnu qu'il était borgne. — Rebi'ah continua :
J'ai vu qu'une de ses pattes laissait une empreinte ferme et l'autre
une empreinte médiocre; j'en ai conclu que c'était à cause de la
• pesanteur de sa marche, parce qu'il penche d'un côté. — lyàd
ajouta : J'ai reconnu qu'il n'avait pas de queue parce que ses crot-
tins restaient en tas ; s'il en avait eu une, ils les aurait dispersés.
Enfin Anmàr dit : J'ai reconnu qu'il était farouche, parce qu'il pais-
sait dans un endroit où l'herbe était touffue ; puis il passait à un
autre où elle était plus rare et plus laide. — Le cheïkh dit à Thomme :
Ils n'ont pas ton chameau ; cherche-le. Il leur demanda'qui ils étaient,
1. Thimâral el Aourâq, Le Qaire, 1300 h. p. 66.
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REVDE DES TRADITIONS POPDLAIRES 367
ils len informèrent. 11 leur souhaita la bienvenue et leur- dit : Tels
que je vous vois, vous avez besoin de moi ! — Puis il leur ût appor-
ter de la nourriture, il mangea et but avec eux. Je n'aurais jamais vu
un vin meilleur qu'aujourd'hui, dit Modhar s'il n'avait été récolté
sur un tombeau. — Je n'aurais jamais vu de meilleure viande qu'au-
jourd'hui, dit Rebi'ah, si l'agneau n'avait été nourri avec du lait
de chienne. — Je n'ai jamais vu d'homme généreux comme aujour-
d'hui, dit lyâd, sauf qu'il n'est pas le fils de celui qu'il prétend étte
son père. — Nous n'avons jamais prononcé de' paroles plus utiles à
nos affaires, dit Ànm&r. Quand leur hAte eut entendu leurs paroles,
il dit : Ce sont des démons. 11 interrogea sa mère : elle lui raconta
qu'étant l'épouse du roi, elle n'avait pas d'enfants ; elle craignit que
la royauté ne luf échappât et se livra à un homme qui était descendu
chez eux. El Af a demanda à son intendant : Qu'est-ce que le vin que
nous avons? — Il provient d'une vigne que j'ai plantée sur le tom-
beau de ton père. Il interrogea le berger sur la viande. — C'est une
brebis que nous avons allaitée avec du lait de chienne. Il n'y avait
pas d'autre agneau dans le troupeau. — Il alla trouver ses hôtes et
leur dit : Racontez-moi voire histoire. Ils lui racontèrent les recom-
mandations de leur père et les contestations qui s'étaient élevées
entre eux. Il leur dit : Tout ce qui ressemble à la qoubbah rouge
appartient à Modhar; il aura les pièces d'or et les chameaux qui
sont rouges : on l'appelle Modhar el Hamrà ; ce qui ressemble à. la
tente noire, en fait de troupeaux et de montureS'^ appartiendra à
Rebi'ah; les chevaux de couleur foncée lui revinrent et il fut appelé
Rebi'ah el Faras : ce qui ressemble à la servante grisonnante est pour
lyàd ; il eut les chevaux et les bestiaux de couleur bigarrée; l'argent
et les terres furent adjugés à Anmàr. Alors les quatre frères parti-
rent de chez lui.
La perspicacité montrée par les quatre fils de Nizâr pendant leur
séjour chez El Afa se manifeste par les mêmes traits dans la légende
de Hamlet, telle que la rapporte Saxo Grammaticus * et dont voici
le résumé : Hamlet (Amletts) arrivé. avec deux compagnons à la cour
du roi d'Angleterre, refuse de prendre part au repas et dit aux
siens que le lard sent le cadavre, que le pain a l'odeur du sang et la
bière un goût de fer. Il ajoute en outre que le roi a des yeux de serf
et la reine des manières de cuisinière. Ce propos est rapporté au roi
qui l'attribue d'abord à la foUe de Hamlet ; ensuite il interroge son
1. Gesla Danorum, éd. A. Hœlder, Strasbourg, 1886, iu-8, L. II!, p. 93-94; 0.
Eeton et F. York Powel. The first nine hooks of Ihe danish historiés of Saxo
Gramînalicust Londres, 1894, in-8, p. 113-114 ; Dobritz, Contes et légendes Scan-
dinaves, Pdri», 1887,10-18, p. 281-^.
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<^
368 REVUE DBS TRADITIONS POPULAIRES
fermier : celui-ci lui déclare que le seigle dont od a fait le paiu vient
d'un champ où Ton a trouvé des ossements humains. Le cochon qui
a fourni le lard s*étaat échappé un jour de Tétable avec d^autres
porcs, ils ont dévoré le cadavre d un assassin. Quant à la bière, elle
a été brassée avec leau d'un puits au fond duquel il y avait des
glaives rouilles. Le roi, étonné de ces révélations, pousse plus loin
son enquête ; il interroge sa mère : elle lui avoue qu'il est le fils d'un
esclave. Quant à la reine, Hamlet justifie son accusation en disant
qu'elle cache sa tète dans un chaperon comme font les serfs, qu'elle
retrousse ses habits en marchant et que quand elle nettoie ses dents
elle avale ce qu'elle en Ole.
Le conte des Trois fils du marchand et du cheikh 'Arif occupe les
derniers folios du manuscrit qui est incomplet de la fin ; ce n'est
pas une version pure et simple du texte arabe popularisé par
Mas'oudi, Meïdàni, Ibn el Djouzi, El Hamaouî; c'est un remaniement
où sont intercalés divers épisodes étrangers à la donnée primitive :
ces derniers font partie du cycle des contes énigmatiques : quelques-
uns existent dans des recueils Kabyles. La langue n'a rien de litté-
raire ; la rédaction est peu correcte et parfois diffuse : c'est un conte
transcrit par un demi-lettré qui a modifié à peine les termes dans
lesquels il l'a entendu, ce qui est uue preuve de son extension dans
la tradition orale.
(f. 220) On raconte — et Dieu sait le mieux ce qui est caché —
parmi les événements anciens, qu'il existait jadis un marchand
d'entre les principaux de la ville de Baghdàd ; il possédait beaucoup
de richesses et des biens nombreux ; il avait une grande quantité de
maisons, de chameaux de race, de chevaux, de dromadaires, d'es-
claves et, en outre toutes sortes de biens, de sorte qu'il n'était
personne do plus riche, ni de plus important que lui. Il avait trois
fils : c'étaient ses seuls enfants, avec lesquels il menait une vie agréa-
ble jusqu'à ce que Dieu décréta sa mort et son départ de cette
demeure périssable pour la demeure immortelle. Il fit venir ses trois
fils et leur dit : Mes enfants, je vous recommande de craindre le
Dieu tout puissant, en secret et ouvertement ; ne vous fiez qu'à lui,
ne formez pas de longues espérances ; je vais vous quitter et partir
pour l'autre vie, car je suis avancé en âge et mon corps est afifaibli.
Il vous faut de l'argent pour vivre après ma mort, je vous laisse ces
trois coffres que vous voyez — ils étaient là près de lui. — Le pre-
mier est pour mon fils atné ; le second est pour mon fils cadet; le
troisième pour mon dernier fils. Chacun porte écrit le nom de son
possesseur. Lorsque je serai mort et que vous m'aurez mis en terre,
que chacun de vous en revenant à la maison prenne son lot.
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BflTUB DB« TRÀtmOllS POPULAIRES 369
Ils écoutèrent la recommandation de leur père qui mourut -* que
la miséricorde de Dieu soit sur vous et sur lui. — Ils rensevelirent
et Tenterrèrent ; trois jours après, ils entrèrent dans la maison
paternelle et trouvèrent les trois coffres. Chacun d'eux prit celui
sur lequel son nom avait été écrit par leur père. L'aîné ouvrit le
sien et le trouva rempli d'or flamboyant ; le coffre du second était
plein d'os ; celui du troisième de terre. L'atné ressentit une grande
joie et resta avec la gaîté et la satisfaction : son contentement ne fît
que s'accroître ; il se moqua de ses frères et leur dit : Mon père
m'aimait plus que vous. Quant aux deux autres, ils éprouvèrent
beaucoup de chagrin et dirent : Notre père (f. 221) était dans les
affres de la mort ; il ne savait ce qu'il disait ; comment se fait-il que
nous soyons trois frères et qu'un de nous prenne toute la fortune !
Sa situation sera élevée ; nous resterons sans rien, dans le travail et
la misère ; cela ne sera pas. — Us soumirent leur affaire, au q&dhi
de la ville.
En entrant chez lui, ils le trouvèrent assis dans sa salle d'audience
et entouré de docteurs. — ^ Salut sur toi, q&dbi, dirent-ils. — Il leur
répondit: Sur vous soit le salut. Quelle est votre affaire? Que dési-
rez-vous ? Que voulez-vous ? — Que Dieu favorise le qâdhi ! notre
père sur le point de mourir nous a légué trois coffres portant chacun
le nom du destinataire. Après qu'il fut mort et quenousTeûmesenterré,
chacun de nous ouvrit son coffre : notre aîné a trouvé le sien rempli
d'or flamboyant ; celui du second était rempli d'os ; celui du troisiô*
me de terre. Explique nous cela, que Dieu te fasse miséricorde.
Comment se fait-il que l'ainé reste riche et un des principaux de la
ville comme était notre père, tandis que nous deux nous serons
pauvres? — La volonté de Dieu le permet-elle? — Le qàdhi qui
était un homme de savoir et d'intelligence fut étonné et dit : Que
Dieu préserve votre père de tout donner à l'un et ne rien laisser aux
autres! c*est interdit : vous êtes tous ses enfants; allez trouver le
ehetkh 'Ârif en tel pays ; c'est un homme perspicace et de bon
conseil ; c'est lui qui décidera entre vous.
Nous obéirons à notre seigneur le qàdhi, répondirent-ils. Ils pri-
rent sur-le-champ les provisions nécessaires et sortirent de la ville.
Ils ne cessèrent de marcher toute la journée jusqu'à la nuit et trou-
vèrent dans le désert un arbre dont la moitié était verte et l'autre
desséchée. Ils s'avancèrent vers la partie verte au-dessous de laquelle
ils passèrent la nuit. Le lendemain matin, ils regardèrent la partie
desséchée de l'arbre et virent qu'elle était redevenue verte : la partie
verte qui était au-dessus de leur tète était devenue sèche. — Louange
à Dieu ! dirent-ils ; comment cela peut-il se faire ? C'est une chose
TOMB XI — JCnXBT 1896 2i
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370 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
étrange. — Ils continuèrent droit devant eux jusqu'à la moitié du
jour et rencontrèrent un berger qui faisait paître son troupeau dans
lequel se trouvait un grand bélier : devant lui était une roche énorme
qu'il frappait avec sa tête, à grands coups de cornes, jusqu'à ce qu'il
fut fatigué ; alors il alla se coucher près de la roche et s'endormit.
Ils furent surpris de ce qu^ls voyaient. En continuant leur chemin,
ils trouvèrent un cheval au milieu d'un pâturage verdoyant où il y
avait beaucoup de plantes ; il semblait qu'il n'en eût jamais mangé;
il était mort de maigreur. Ils en furent encore étonnés et continuè-
rent leur chemin. Ils virent un étalon dans un terrain desséché où
il y avait peu d*herbe ; il était fort comme pne montagne et semblait
avoir passé quarante automnes dans le paradis. Ils en furent surpris
et marchèrent jusqu'à ce qu'ils arrivèrent à une grande ville.
Ils demandèrent après le cheikh 'Arif ; on leur répondit : Il est
dans son château, à une certaine distance de la ville ; c'est là-bas.
— Ils se mirent eu route, et arrivés chez lui, ils demandèrent à être
reçus ; il leur accorda leur demande. Ils entrèrent et trouvèrent un
vieillard très âgé dont les sourcils, à cause de sa vieillesse, retom-
baient sur son visage. — Salut, vieillard, dirent-ils; c'est toi le
cheikh 'Arif ? — Salut sur vous, leur répondit-il, ce n'est pas moi le
cheikh 'Arif, c'est mon grand'père, allez devant vous, vous le trou-
verez. Ils marchèrent droit devant eux et rencontrèrent un vieillard
plus âgé que le premier. — Salut sur toi, vieillard. — Le salut soit
sur vous. — Tu es le cheikh 'Arif ? — Non, c'est mon père, marchez
droit devant vous, vous le trouverez. — Ils furent stupéfaits et se
dirent : Ces gens4à sont les plus vieux des hommes ; comment sera
leur père? — Us entrèrent et trouvèrent un jeune homme d'une
belle figure, à la barbe noire. Salut sur toi, lui dirent ils. — Salut
sur vous. — Tu es le cheikh 'Arif ? — Oui, répondit-il. Leur éton-
nement s'accrut, parce que ses enfants étaient les vieillards les plus
âgés, et lui un beau jeune homme. — Qu'est-ce qui vous amène
chez nous? leur demanda-t-il ; soyez les bienvenus. Us lui répondi-
rent : Seigneur, nous avions un père. Quand la mort l'a surpris, il
nous a laissé trois coffres marqués chacun du nom de leur destina-
taire. En ouvrant le sien, notre aîné l'a trouvé rempli d'or brillant ;
celui du second est plein d'os ; celui du troisième, de terre. Nous
sommes venus te trouver pour que tu décides entre nous, car nous ne
sommes pas satisfaits du partage de notre père, il a enrichi notre
frère aîné et nous a appauvris tous deux. — Sachez, dit le cheikh
'Arif, que le partage de votre père a été fait suivant la justice. Il
savait que votre frère avait du goût pour le commerce (f. 222) et
qu'à cause de cela il a contracté des engagements : il lui a donné de
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REVOB DKS TRADITIONS POPULAIRES 371
largent pour son négoce, ses achats et la prospérité de son trafic.
Quant au second, il savait qu'il aime les chameaux, les chevaux, les
vaches, les mulets, les moutons: votre père qui en possédait beau-
coup, lui a donné tous ces animaux. Pour le troisième, votre père
savait qu'il est porté pour l'agriculture, les jardins, les vergers, les
maisons et tout ce qui tient à la terre : il lui a donné tout cela.
— Tu as raison, cheikh 'Arif, lui dirent-ils, et nous sommes
satisfaits de toi et de tes paroles. — Mais, que Dieu te fasse miséri-
corde, explique nous les choses que nous avons rencontrées en
venant chez toi. — Quelles sont-elles? demanda-t-il. — Nous
sommes arrivés dans une terre déserte, près d*un arbre dont une
moitié était verte et l'autre desséchée, tandis que Tautre était
redevenue verte. — Vous dites vrai, répondit-il, et en voici la raison.
Quand un hommoa deux femmes légitimes dans une seule maison,
s'il passe la nuit chez Tune, elle ressent une grande joie, et son
cœur s'épanouit S elle se parfume et montre une grande satisfaction
après avoir mis ses parures. Quanlàlautre, elle éprouve une grande
jalousie et un vif chagrin ; le monde l'attriste et elle passe ainsi la
nuit, tant que son mari est auprès de sa compagne. Quand son tour
arrive, elle se réjouit, elle est heureuse, reposée, joyeuse, contente,
tandis que sa compagne devient comme elle était, également triste
et jalouse.
— Cest vrai. Puis nous avonsrencontré un grand bélier ; devant lui
élait un rocher énorme, contre lequel il donnait toute la journée
des coups de tète, jusqu'à ce que la nuit fut proche. Alors il se
plaça auprès et s'endormit. Le cheïkh 'Arif leur dit : — Le bélier,
c'est l'homme, et la roche, c'est la femme. L'homme passe toute la
journée à crier fortement contre elle ; quand vient la nuit, il se couche
près d'elle et s'endort à ses côtés, car la femme lui enlève tous ses
soucis*.
— Tuas raison. Explique-nous maintenant ce que c'estque l'étalon
que nous avons vu au milieu d'un vert pâturage, plein d'herbe, de
plantes et de verdure, dans une terre fertile ; et cependant il était
mort de maigreur et ne mangeait pas. — C'est l'homme qui possède
1 . Mot à mot : verdit.
2. Cette rencontre symbolique existe dans deux contes zouaouas, mais IVxpli-
cation est différente. Dans l'un (Rivière, Recueil de contes populaires de la
Kabylie du Jurjura. Paris, 1882, in-18, p. 163, Le Marchand) «» le mouton qui
frappait le rocher avec ses cornes, signifie l'ancien temps où les mauvaises
familles régnaient sur les bonnes, où les hommes corrompus commandaient aux
honnêtes gens *. Dans le second (R. Basset, Contes populaires berbères, Paris,
1887, in-i8, p. 99-100. Rencontres singulières) « le mouton qui donne des cornes
contre le rocher pour y passer la nuit, désigne Fhomme qui a une mauvaise
maison ».
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3^7^ RÇVUE PE8 TRADITION^ pOPUI^^IRCf
de graods biens et qui se dit : si j'en dépense, je les dissiperai ; il
n'en dépense rien et tous les jours sa maigreur augmente jusqu'à la
résurrection. — C'est exact ; mais qu'est-ce que l'étalon dans une
terre déserte, sans verdure ni p&turage et qui semble, tant il est
gras, sortir du paradis. — C'est Thomme dont les moyens d'exis-
tence sont peu considérables ; s'il y a quelque chose devant lui^ il
se dit : J'en mangerai sur-le-champ et Dieu très haut me donnera
ma subsistance ensuite. Pendant toute sa vie, il est dans l'abondance
et la prospérité, car il est content de ce que Dieu lui a donné. '
— Tu as raiiion ; mais parle-nous de toi et de tes fils, car ce que
nous avons vu en vous est bien étrange — Quoi donc ? — Nous
avons vu que tes enfants sont des vieillards avancés en éige et toi tu
es encore tout jeune ! — Vous dites vrai : c'est que mes fils ont
épousé des vieilles femmes ; or, quand un jeune homme dort une
heure avec une vieille femme, il perd la force d'une année, car elle
la lui enlève et ne la lui rend pas ; aussi je le leur ai défendu, mais
ils ne s'en sont pas abstenus; quant à moi, je n'ai épousé que des
jeunes femmes ^ ».
— C'est juste. Il reste encore quelque chose à nous expliquer,
puis nous repartirons dans notre pays. — Dites ce que vous avez
dans le cœur. — Nous désirons que tu nous fasses connaître pour-
quoi tu habites seul et isolé dans ce château avec tes fils, alors que
la ville est voisine. — C'est une aventure surprenante, une chose
étrange. — Raconte-la nous ; dis-nous ce qui t'est arrivé.
— J'étais un des principaux habitants de cette ville, je possédais
1. Dans le conte zouaona des Rencontres singulières^ un homme en voyage
« rencontre une jument qui paissait dan^ les prés : elle était maigre, décharnée
et n'avait que la peau et les os. Il marcha jusqu'à un endroit où il tro «va une
jument grasse, quoiqu'elle ne mangeât pas ». L'interprétation dilTëre de celle
du conte arabe : La jument maigre représente l'homme riche dont les frères ne
possèdent rien ; la jument grasse reprépente l'homme pauvre dont les frères sont
riches ». Dans un conte gascon, l'enfant envoyé par Dieu porter une lettre à la
Vierge rencontre en chemicant à travers la mer « un pré bon à faucher. Les
bestiaux y étaient maig^res, secs. 11 s'en alla loin, loin, loin, loin. Là, il trouva
un pré si maigre» si maigre qu'on y aurait ramassé du sel. Les bestiaux y étaient
gras à tard ». La Vierge lui expliqua que le pré où on aurait Tauché l'herbe et
où les bestiaux étaient maigres représentait les mauvaises herbettes, et le pré
si sec, les bonnes herbettes. (Bladé, Contes populaires de la Gascogne, Paris,
3 V. pet. în-8, 1886, t. H, p. 166. /-€* trois enfants).
2. Cette rencontre et 1 explication sont altérées dans le conte zouaoua du
Marchand ». Parmi les joueurs était un vieillard qui avait un enfant; Penfant
d'un autre homme ne jouiiit pas ; il était triste parce qu'on avait porté son père
au tombeau... Le vieillard est l'image d'un homme qui achète une honnête
femme dans une honnête maison, l'enfant est l'image d'un homme qui achète
une femme mauvaise dans une mauvaise maison ». — Le conte des Rencontres
singulières est plus logique : « Plus loin il vit un homme qui jouait avec une
boule ; ses enfants étaient des vieillards... Celui dont tu as vu les enrants vieillis,
que représente-t-il ? Cet homme a pris une belle Temme et ne vieillit pas ; ses
enfants en ont pris de mauvaises ».
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REV17B DES TRAD1TT0NS POPULAIRES 373
des richesses considérables et je menais la vie la plus agréable du
monde avec mes enfants jusqu'à ce qu'un jour nous fûmes atteints
par la misère et la pauvreté. Je leur dis : Mes chers enfants, je ne
puis plus rien pour vous ; nous allons mourir de faim ; mais
prenez-moi, conduisez-moi au marché et vendez-moi ; mon prix
vous fera vivre jusqu'à ce que Dieu me vienne en aide ainsi qu*à
vous. — 0 excellent père, que Dieu nous préserve que cela arrive !
tu es notre père, notre seigneur et le maître de nos vies ; vends-
nous d'abord, puisque tu es notre père, comme un maître, vis à-vis
de ses esclaves, et plus encore ; il ne convient pas que tu sois vendu,
mais nous d'abord. — Je savais cela avant vous, leur dis-je ; mais
si je suis vendu, vous recevrez mon prix et je reviendrai vers vous ;
si je vous vends, je ne pourrai vous délivrer. — Ils me répondirent:
Ton avis est le plus sage, nous ferons ce que tu voudras. Ils m'en-
menèrent à un marché et crièrent : Qui veut acheter le cheïkh qui
connaît toutes choses. — Les enchères montèrent jusqu'à ce qu'elles
atteignirent un chiffre élevé, (f. 223). Tandis que le courtier criait la
vente, le vizir du roi vint à passer. Il était monté sur son cheval et
traversait le marché. Quand il me vit, il fit des questions sur moi.
On lui dit: C'est le cheïkh connaisseur (Arif; de toutes choses et qui
nous les apprend grandes ou petites. Il pensa: Un tel homme ne
convient qu'au roi qui l'interrogera, car il est habile et intelligent.
Puis il dit aux gens du marché : Ne le vendez pas avant que je vous
en aie donné la permission. Oui, répondirent-ils. Il alla trouver le
roi et lui raconta l'affaire et mon histoire. — Amène-le moi, dit le
prince. — On nous conduisit devant lui ; il me mît à un prix consi-
dérable et mes fils me vendirent à lui. Je restai chez lui à ifiener
une vie délicieuse ; il recommanda à son cuisinier de me donner
chaque jour cinq pains et un plat de viande. Je demeurai chez le
roi dans l'existence la plus agréable ; mes fils prirent l'argent qu'il
avait donné pour moi, achetèrent une maison pour y habiter, des
vêtements pour s'habiller ; quant à la nourrriture, ils la trouvèrent
chez leur père, de ce que le roi lui donnait.
Un jour, ce prince était assis quand un vieil Arabe se présente
devant lui avec un grand cheval comme cadeau. En le voyant, le
prince ressentit beaucoup de satisfaction. Mais après l'avoir regardé,
je dis au roi : Ce cheval a pour père un étalon comme lui et pour
mère une vache; si sa mère n'est pas une vache ou s'il n*a pas été
nourri de son lait, je ne sais rien. — Le roi appela cet homme et lui
dît : Est-il vrai que sa mère était une vache ? — Oui, répondit-il ;
quand ma jument eut mis bas cet étalon, elle mourut, le laissant tout
petit. Alors je pris une vache et je le mis sous sa protection pour
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374 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
qu'elle le nourrit de son lait jusqu^à ce qu'il eut grandi. Il est devenu
magnifique, comme tu le vois. — Tu as raison, me dit le roi, et il
ordonna à son cuisinier d'augmenter ma ration de cinq pains et d'un
plat de viande, de sorte que chaque jour, je recevais dix pains et
un demi mouton.
Quelques jours se passèrent; on amena au prince une jeune
fille en cadeau. Quand il la vit, il me demanda : Cheïkh 'Arif,
que penses-tu de cette jeune fille? — Maître, lui dis-je, ordonne-
lui de marcher devant moi et de revenir. Elle marcha; il la regar-
dait et elle le regardait. — Maître, dis-je, son père était un bala-
din et sa mère une servante, sans noblesse ni orij:,ine. — A quoi
as-tu reconnu cela? — Maître, lorsqu'elle s'est éloignée, elle a remué
fortement les épaules; quand elle est revenue, elle agitait ses han-
ches et nous regardait sans honte. — Tu as raison, mais interrogeons
son maître. Il le fît chercher, l'homme arriva et le salua; le prince
lui dit : Un tel, je t'ordonne de me faire savoir quelle est l'origine
de cette fille et de quelle extraction elle est. — Seigneur, dit- il, son
père était un grand personnage ; mais il aimait le jeu de cannes
comme le pratiquent les baladins; il allait aux fêtes, et partout oti il
y avait une réjouissance, il s'y trouvait; chaque fois on l'en détour-
nait, mais il ne s'en abstenait pas. Quant à sa mère, elle n'avait pas
de noblesse ni d'origine. — C'est exact, reprit le roi: c'est justement
ce qu'avait dit le cheïkh 'Arif. Il augmenta, suivant sa coutume ma
ration de pain et de viande.
Un jour qu'il était assis dans ses jardins, sous un grand arbre, il
réfléchissait à sa situation quand passa un de ses serviteurs. Il lui
ordonna d'appeler son cheïkh 'Arif. Il l'appela*, celui-ci se présenta
et dit : Salut sur toi, — sur toi le salut. — Il l'accueillit bien, le fit
asseoir devant lui et voulut rester seul avec lui. — Je veux, dit-il,
que tu m'éclaircisses sur ma naissance et mon origine. — Maître,
répondit-il, donne-moi l'assurance de la vie. — Tu l'as pleine et en-
tière. — Ton père, dit le cheïkh était un boucher, et ta mère une
boulangère qui vendait du pain. — Comment cela? Mon père était
roi de cette ville et souverain de ce pays, après ses aïeux, comme
j'en ai hérité de lui. — Le cheïkh reprit: lien est certainement
ainsi. Le prince changea de couleur, alla trouver sa mère, la veuve
du Sultan, tira son sabre du fourreau et lui dit : Par le Dieu puissant
et le devoir des rois, si tu ne me révèles qui est mon père et ce qui
s'est passé entre toi et lui, je te fais périr de la pire mort. — Prince,
dit-elle, je suis ta mère, et le roi était ton père. — Laisse ce men-
1. On remarquera le changemeDt de personnes dans le récit.
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BBVUE D|SS TRADITIONS POPULAIRES
37S
songe et dis la vérité. — Donne-moi Tassurance de la vie. — Je te la
garantis par Dieu et son Prophète. — Elle reprit : Ton père était
boucher et la mère boulangère. — Comment cela? — Je suis la
femme de tel roi, ton prédécesseur; je n'avais pas d*enfant mâle; il
passa longtemps dans une violente fureur et craignit que le royaume
(ne passât à une autre famille)....
Ici s'arrête le manuscrit ; il est permis de supposer que la lacune
renfermait l'explication de la découverte du cheïkh 'Arif éclairé sur
Torigine du roi par les cadeaux peu relevés qu'il lui faisait. Sans
doute aussi, pour éloigner ce témoin gênant, Tavait-il relégué dans
le ch&teau où le trouvèrent les trois fils du marchand et ceux-ci
après avoir obtenu les renseignements qu'ils désiraient rentraient
dans leur patrie.
Ce texte montre que les anciens contes arabes circulent encore de
nos jours parmi le peuple, modi6és quant aux incidents et parfois
à la disposition du récit, mais identiques quant au fonds.
René Basset.
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376 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
LES MUSÉES D ETHNOGRAPHIE
IV
L'Ethnographie Française au Musée du Trocadéro
ES colleclions de la section française d'ethno-
graphie du Trocadéro sont Tobjet en ce moment
d'assez importants travaux d'aménagement et
remaniement dirigés par notre collègue, M. Ar-
mand Landrin, conservateur du Musée. Les
collections d'ethnographie nationale s'étant, en
effet, accrues sensiblement depuis quelques
années par suite de dons nombreux et de quel-
ques acquisitions intéressantes, il est devenu
possible de scinder une grande partie des
groupes primitifs pour arriver à une classifica-
tion géographique et ethnique des séries plus exacte et plus saisis-
sante pour le public.
La révision des objets, et la confection d'étiquettes indiquant
l'usage, le nom patois, le pays d'origine et le donateur de chaque
pièce, sont maintenant terminées; et on achève leur installation
dans les vitrines dont le nombre a été doublé.
Un dépouillement rapide de l'inventaire des collections françaises
réunies au Musée d'Ethnographie précisera mieux que toutes phrases
Tétat actuel. Ce relevé nous fournit les chiffres suivants pour les
provinces dont l'Ethnographie est la plus complète :
Auvergne, 657 pièces, données par MM. F. Fabre, F. Faucon,
Kuhn, Aymé Rambert, D' Pommerol, Lefebvre, Grange, Le Rlanc,
D' Bonnet, de la Foulouse, M""* Blanc, etc. — Bretagne, 630 pièces,
achats et dons de MM. Paul Sébillot, Eugène Bonnemère, Landrin,
Rodallcc, Schœlcher, Prince Roland Bonaparte, Lucien Decombe,
D' Closmadeuc, Michel Tirard, Lemonnier, Léon Bureau, Bischoffs-
hein, Martial Imbert, Thomas, Gaston Flobert, A. Certeux, D' Bales-
trié, Prudent, Dandurand, M°" Legoff, A. Durand, Lecomte et Albi-
gise. — Provence et Niçois, 272 pièces, achats et dons de M"'
Eléonore d'Aubergne et de MM. D' Marignon, Bonnemère, Revoit, D'
Pourteyron, Lemonnier, J.-B. Andrews, H. Racine, Verdier, Certeux,
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REVUE DBS TRADITIONS POPULAIRES 377
Cl. Miissier et Faucon. '^ Normandie^ 196 pièces, achats et dons de
MM. Lennier, Drouet, Henri Jonan, F. Roger, E. Rondel, D* Raoall,
Faucon, abbé Lautour, Corbet. — Maine^ 199 pièces, dons de
M»" Destriché, Rocher, Failgon, V. Pié et de MM. T. David, Hen-
riquet, G. Crosnier, Pîé, Lemonnier, etc. — Lorraine et Alsace^
120 pièces, dons de M"* Ménestrel et de MM. Demangeot, Weill
et Jules Sain. •— Champagne, 83 pièces, dons de MM. D' Vincent,
Mélard, Commctndant Vautier, Hanriquet, Durocher, Multier,
D' Raison, D*" Marignon, F. Roger et du musée de Troyes. «--
Bourgogne et Lyonnais^ i\A pièces, achats et dons de MM. i.
Sain, A. Guillon, A. BuUiot, V. BuUiot, Nicaise, Lemonnier, Bauche,
Landrin. — Guyenne et Gascogne^ 73 pièces landaises, achats et
dons de MM. D^ Pourteyron, député, A. Lefebvre, Dubalen, Amau-
dtn, Jumel, député, D^ Duconrnean. — Foix et fioussillon, 69 pièces,
achats et dons de MM. Ch. Meunier, Rufiié, G. Sain, J. Renaud. —
Beam^ 59 pièces, achats et dons de MM. D' Goyénéche, G. Lérem-
boure, Gabade, O'Shea, D' Guilbeau, Merville, M"* Vénat. — Poitou,
Saintonge et Aunis^ 57 pièces, dons de MM. Henri Gélin, Abbé Noguès,
Schœlcher, D' Rochebrune, Lemonnier, L. Bonnemère, M"* Perri-
ncau. — Bourbonnais^ 57 pièces, dons de MM. F. Pérot, Abbé Blet-
terie, Lavergne, AbbéBontemps, D' Bailleul. — Anjou, 53 pièces,
dons de MM. D'Fiévée^ L. Bonnemère, Lemonnier.
Viennent ensuite, avec un nombre moindre d'objet les provinces
suivantes dont il serait bien important de compléter les séries :
Flandre et Artois (donateurs : MM. D^Hamy, Ozenfant, Desrousseaux,
Quarré Reybourbn, E. Gallois, Mérainy) : Languedoc (donateurs:
MM. P. Fagot, D' Marignan, H. Vaschalde, D' Delîsle) ; Picardie
(donateurs : MM. Z. Badin, Wiguîez, Dimpre) ; Franche-Comté (dona-
teurs: MM. Beauquier, député, H. L'Epée, Ch. Thuriet, Grosgogeat,
Colomb) ; Savoie (donateurs : MM. Bauche, Pitavino, Landrin) ; Ile
de France (donateurs: MM. D' Chervin, Frédéric Moreau, Gillet de
Grammont, D' Harmand, Leforestier) ; Limousin (donateurs : MM.
Rupin, Martial Imbert) ; Berry (donateurs : M. Beauvais, M"« Chevril-
lon) ; Dauphiné (donateurs : MM. L. Bonnemère, Lemonnier).
Le Musée ne possède rien de la Corse, de la Marche, du Nivernais,
de la Touraine ni de rOrléanais.
De ce relevé il résulte que, si un nombre important de provinces
sont maintenant représentées au Musée assez richement pour qu*on
ait pu même en certains cas subdiviser les collections en consacrant
des vitrines spéciales à quelques terroirs d'un caractère particulier,
comme la Camargue et la Bresse, il en est quelques autres dont les
séries ethnographiques laissent encore à désirer. Dans les provin«
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378 RBVDE DES TRADITIONS POPCLAIRES
ces mêmes dont le coulingent semble satisfaisant, il y en a quelques-
unes où des régions cependant intéressantes font encore à peu près
défaut, par exemple le Périgord, le Quercy, le Rouergue datis
la Guyenne et Gascogne ; la Haute- Vienne dans le Limousin ;
TAunis et TAngoumois dans le Poitou ; le pays Cévenol dans le
Languedoc ; etc. C'est là une situation regrettable au point-de-vue
des études scientifiques et nous nous permettons d^adresser ici un
chaleureux appel à nos collègues et collaborateurs pour qu'ils veuillent
bien contribuer à combler ces lacunes en adressant au Musée tout ce
qu'ils pourront recueillir dans les départements qu'ils ont occasion
de parcourir et d'étudier. Grâce à leur savant concours, nous ne
doutons pas que les collections si précieuses et si utiles aux tradi-
tionnistes de la section française du Musée d'Ethnographie soient
rapidement complétées et deviennent tout-à-fait dignesdu grand pays
dont elles sont destinées à faire connaître les mœurs et coutumes.
J. S.
9j
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BEVUE DES TRADITIO1N8 POPULAIRES 3T9
LES VILLES ENGLOUTIES'
CLXXXVIII
LE LAC DE BETSCHE
(Posnanie)
ON loinjde la petite ville de Betsche, s'élevait
autrefois un château habité par un seigneur
dont la principale occupation élaitde piller
les passants. Un fils lui étant né, faible de
corps, il le confia aux moines d'un couvent
pour l'élever et continua ses brigandages.
Le jeune homme étant revenu chez son
pèrele supplia un jourd'épargner un convoi
de marchands qu'il s'apprêtait à piller: le
seigneur ne tint aucun compte de ses prières ;
bien plus, le jeune homme s'étant couché en travers de la route
déclarant qu'il aimait mieux mourir que d'être témoin d'un pareil
crime, le père dénaturé éperonna son cheval- et passa sur le corps
de son fils ainsi que ses compagnons. Le jeune homme resta écrasé
sous les sabots des chevaux. Mais aussitôt la terre trembla effroya-
blement et s'ouvrit, le château et la montagne s'abîmèrent dans un
lac formé subitement au fond duquel, par un temps clair, on aperçoit
encore aujourd'hui les débris de la tour.
Il existe une autre légende sur l'origine de ce lac. Une première
ville avait été engloutie et une seconde avait été construite lorsqu'un
pauvre pèlerin vint demander l'aumône. Les habitants impitoyables
le repoussèrent. Après être sorti de la ville, il enfonça son bâton dans
le sable en annonçant qu'il deviendrait un grand tilleul : lorsqu'il
mourrait, la ville devait être détruite en punition de l'inhumanité de
ses habitants. En effet, le bâton est devenu un bel arbre dont on
prend très grand soin de peur de voir la prédiction se xéaliser*.
i. Suite, voir t. Xi p. 35.
2. Knoop, Sagen und Erzâhlungen aus der Provinz Posen. Posen, 1893, in-8,:
p, 41-41.
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380 RBVtrS DfiS TRADtTlONS POHJtAfBGS
CLXxxrx
LE LAC DU DIABLE
{Prusse)
Au pied du Ravensberg se trouve le lac du diable (Teufelssee)^
une mare noire et sans fond^ entourée de vieux pins d*un vert som-
bre qui obscurcissent encore sa surface : aucun oiseau n*y boit et on
n'y trouve qu'une espèce particulière de poisson noir. Là existait
jadis une idole vers laquelle les Vendes, même après leur conver-
sion au christianisme venaient encore en pèlerinage et à laquelle ils
offraient des sacrifices. Le diable substitua un jour sa propre image
à la statue, sans que les Vendes se fussent aperçus de rien. Un
moine chrétien, habile dans Tart de conjurer les démons, résolut de
détruire celte idole et il s achemina, suivi d'une nombreuse proces-
sion, vers Te idroit où les païens adoraient le diable. Le ciel qui
était pur commença à s'obscurcir, l'orage éclata, mais le moine ne
SQ lai$sa pas dominer par les éléments déchaînés. Lorsqu'ilapprocha
BYW lô crucifix et Teau bénite, la terre s'abima tout autour de
l'idolie, et depuis ce temps, cet emplacement est couvert par le lac
du diable K
GXC
LE SCfiWENTESEE PRÈS DE CUWAttNS
{Posnanie)
Sur un plateau, au nord du village de Ghwalîn, s*étend un lac de
dix arpents, d*uue très grande profondeur, dans la partie sud, on
n'a pas encore trouvé le fond. Là, s'élevait à une époque indéter-
minée, un riche village. Un soir, un pauvre voyageur vînt demander
un abri de maison en maison. Repoussé de partout, il ne fut
recueilli que dans la dernière habitation, chez de pauvres gens qui
lui donnèrent à boire et à manger. Le lendemain malin, en sortant
de chez eux, ses hôtes remarquèrent, à leur grande surprise que
tout le village avait disparu et qu'à sa place se trouvait un étang
entouré de hautes montagnes. L'étranger se fit alors reconnaître
pour le seigneur Jésus qui avait voulu mettre à l'épreuve les cœurs
des habitants*.
1. Cf. ReÎDhard. Sagen un4 M^rchen aus PostdanC-t V^g€it, PoHdatM, 1841,
2. knoop. Sageii und Erxâhlungen^ p. 41-42.
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RBTUK DBS TRàBinom rOPULAIBU 'Mi
cxei
LE LAC MORT A POSTDAM
(Prusse)
Autrefois dans le vieux Postdam, où se trouve aujourd'hui la
Wilhelmplatz, existait une mare qui servait k mettre k Tépreuve les
sorciers et sorcières. Ud jour un vagabond dérionça une vieille
femme qui n'avait pas voulu lui donner d'argent, comme lui ayant
demandé de lui amener un enfant de trois ans, dont la langue, le
cœur et le doigt devaient servir à ses opérations magiques. La
vieille femme fut arrêtée et mise à Tépreuve : près du marais sur un
endroit élevé se tenait le vagabond qui prit Dieu à témoin de la
vérité de ce qu'il avançait. Au même moment* le terrain où il se
trouva s'engloutit et à la place apparut un marais noir. Le peuple
cria au miracle et on délivra l'accusée qui fut conduite en procession
à Téglise pour remercier Dieu *.
CXCII
LE LAC DE KLEIN KREUTSCH
[Posnanie)
Entre les villages de Kleinkreutsch, Grosskreutsch et Gollmitz, on
voit un grand lac auquel s'en rattachent d'autres plus petits. Là
existait une ville dont les habitants étaient si impies que les mères se
servaient de croûtes de pain pour nettoyer leurs enfants, et cela
même à l'église. Un tremblement de terre détrusit la ville qui fut
abîmée dans le lac. A plusieurs reprises, on a entendu sous l'eau le
son des cloches : chaque année le lac exige une vie humaine, et
lorsque cela n'arrive pas une année. Tannée suivante, deux per-
sonnes se noient ^
René Basset.
CXCIII
LE STE1NERNE MANNSBERG
{Alsace]
Non loin de Ratzwiller, village du canton de Saar-Union, là où
le moulin de Neuwerk fait retentir la solitude de son joyeux tic-tac,
au milieu de belles forêts de sapins, de chênes et de hêtres, se trouve
1. Cf. Reiohard. Sagen^ und Mûrchen^ p. 90,
3* Kaoop. Sagen und Erzùhlungen, p. 42,
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382 RB^VUE DES TRADITIOTfS POPULAIRES
le Steineme Mannsberg, Cette colline est environnée d'un rempart en
terre très élevé de neuf à dix mètres d'épaisseur et toute l'enceinte
est appelée die Burg, le fort.
Plus loin, à la lisière de la vallée, sont les ruines d'une chapelle
qu'on appelle communément V église païenne. Autour de cette église,
là où s'étendent aujourd'hui des prairies marécageuses que traverse
le ruisseau dit Spiegelbach, la tradition place une ville perdue dont
Torigine est enveloppée de profondes ténèbres. Voici quelle aurait
été la cause de sa ruine :
C'était l'époque où Materne avec ses compagnons Euchaire et
Valère, évangélisait TAlsace. Sur les ruines des idoles et des faux
dieux le saint éleva des trophées à la vraie religion. Il érigea de
nouveaux temples à la gloire de celui qu'il annonçait et reconnais-
sant la main qui l'avait conduit en Alsace, il les consacra à l'honneur
dé l'apôtre Pierre de qui il avait reçu la mission par la voix médiato
de ses successeurs. Les églises de Helvelus, de Novienlum, de
Dompetri lui furent redevables de leur établissement el les popula-
tions des rives de la Sarre elles-mêmes furent touchées par la
nouvelle doctrine. Mais il y avait dans la ville en question un
homme riche et influent qui ne voulait rien savoir du christianisme.
Il était en relations avec l'empereur Dioclélien et se sentait protégé
par lui. Il excita donc le peuple contre les nouveaux apôtres, se
répandit en railleries sur les places et les marchés et enfin réussit à
faire lapider et chasser les ministres de Dieu. Bien plus, ayant
aperçu dans un coin de ses vastes propriétés une petite chapelle
consacrée k la Vierge, et qui avait échappé à la rage des démolis-
seurs, il ordonna à ses gens de Tabatlre et de la remplacer par un
temple païen. Mais à peine la valetaille avait-elle terminé sa sinistre
besogne qu'un éclair traversa le ciel, le tonnerre fît entendre de
sour(i§ grondements et la terre s'enlrouvrant, engloutit la ville sous
les regards du patricien qui, d'effroi^ se changea en froide masse
de pierre. Le Steineme Mannsberg c'est-à-dire le mont de V homme de
pierre^ conserve le souvenir de cette transformation et depuis plus
de quinze siècles il domine tristement la petite église ruinée.
P. RlSTELHUBER
,.:^S^S^
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> REVUE DES TRADITIONS POPTILAIBBS -vSBS
PRODIGES ET JEUX DE NATURE ^
II
LES nARICOTS DU SAINT SACREMENT
{lUe-et-Vilaine)
E recteur de X... allait porter le Saint-Sacrement à un
malade ; c'était après des pluies, et comme la roule était
mauvaise, il voulut passer par un champ ensemencé ; celui
auquel il appartenait lui défendit de fouler sa récolté ; mais il
y avait à côté un autre cultivateur qui lui dit : Monsieur le
recteur, vous pouvez passer par chez moi — Non, répondit le recteur,
cela foulera vqs haricots. — Cela ne fait rien, passez tout de même.
Lorsque vint la récolte, les haricots qui furent cueillis à Tendroit
où avait passé le Saint-Sacrement portaient l'image d*une hostie., On
raconte en Franche-Comté la légende qui suit, à propos de Torigine
de l'espèce connue sous le nom de Haricots du Saint-Sacrement.
Un homme avait un jour commis un larcin ; il avait dérobé un
osteusoir dans la chapelle du Moutherot. C'était au xii* siècle, alors
qu'il existait en ce lieu un prieuré de l'ordre de Saint-Benoît. Afin
de soustraire aux investigations de la justice le fruit de son larcin,
le voleur enterra Tostensoir dans son jardin et sema en cet endroit
des haricots ordinaires. Quand ils parvinrent à maturité, plusieurs
personnes remarquèrent avec surprise que tous les grains de haricots
portaient une image peinte et tout à fait pareille à Tauréole d'un
ostensoir. Cette singularité éveilla le soupçon. On ne tarda pas à
faire une fouille et l'on trouva, à quelques pieds du sol, l'ostensoir
volé. Le coupable fut puni après avoir fait l'aveu de son crime ; mais
cette nouvelle espèce de haricots, que la curiosité populaire multiplia
par de nombreux semis, reçut et conserve encore le nom de Haricots
du Saial-Sacrement. (Cu. Theuriet, Traditions populaires du DoubSy
p. 24).
P. S.
1. Cf. t. XI. p. 144.
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m
taVUS DBS TRADraONS FOPULATftXS
COUTUMES ET SUPERSTITIONS DU PAYS DE BRAY
ETDECAUX*
III
LA SAINT-JEAN
AiNT Jean-Baptiste est en grand honneur en pays
Normand, et tout cultivateur bien avisé lui conGe
le soin d'éloigner les animaux nuisibles de ses
greniers. Pour se délivrer des souris, véritable
fléau des récoltes, il faut se lever le jour de la
Saint-Jean, c'est-à-dire le 24 juin, à la première
lueur de Taube et avant Tapparition du soleil,
recueillir à Taide d'une cuillère de bois, sorte de
spatule plate, la rosée qui recouvre les plantes.
On cherche en même temps et on cueille une
poignée d'herbes de la Saint-Jean, (petite herbe
légère a feuille très découpée).
On rentre alors, on verse la rosée dans un verre à boire bien
propre el qui doit être plein, on le pose sur les herbes où on le
laisse quelques instants, puis on se rend au a tas » (grenier) et là,
on place au milieu et dans les quatre coins les herbes qu'on dispose
en croix de Saint-André. Puis on jette Teau recueillie en aspergeant
partout, et en récitant une prière particulière en Thonneur de saint
Jean. Jamais une souris ne s'aventure dans un grenier ainsi défendu.
Un bouquet de marguerillettes de la Saint-Jean, (sorte de grande
marguerite blanche), coupé 9vant le lever du soleil et déposé sous
le toit de la maison, éloigne la foudre et préserve des mauvais
sorts.
\. Cf. t. IX, p.
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RBVCC DES TBADITIONS POPULAIRES 385
IV
LE BUIS BÉNIT
Une coutume commune au pays de Canx et au pays de Bray se
rapporte au buis bénit.
Le dimanche des Hameaux est en ces pays la fête par excellence
et TafQuence des fidèles à Téglise est plus considérable, même que
le jour de Pâques. Après TofRce de la bénédiction des rameaux les
fidèles vont avec la procession au cimetière et piquent sur les
tombes de leurs parents une branche de buis bénit. Les cultivateurs
après la messe vont à leurs champs et dans chaque champ fixent
un rameau bénit. Ils en placent un autre dans les écuries et dispo-
sent les rameaux qui leur restent dans les chambres de la maison^
sans oublier de garnir la cheminée de la salle.
LA PROCESSION DE SAINT PATERNE A ORIVAL
{Canton de Bellencombre. Seine-Inf.)
Vers le milieu du xvii* siècle une épidémie épouvantable ravagea
le pays de Bray. Les villages de Bures, de BuUy et de Pommeréval
furent particulièrement éprouvés. Dans cette extrémité les pasteurs
de ces paroisses implorèrent le secours de saint Paterne, promettant
en leur nom et au nom de leurs paroissiens d'aller chaque année en
procession honorer le saint dans Téglise d'Orival, son sanctuaire de
prédilection. Ils promirent de plus de faire fondre en Thonneur du
saint un cierge de trente livres qui serait porté par les premiers de
la paroisse et brûlerait pendant tout le trajet. Le lendemain même
le ûéau cessa brusquement.
Le vœu fut accompli et depuis deux siècles chaque mardi de la
Pentecôte voit les paroisses de Bures, de Bully et de Pommeréval
venir en procession à Orival et assister à la messe. Ni la longueur
de la course, ni la fatigue n'arrêtent les pèlerins. Ceux de Bures et
de Bully, les plus éloignés, doivent se mettre en marche vers deux
heures du matin pour arriver à l'heure de la messe du vœu à six
heures.
Chaque paroisse marche sous la bannière de son saint patron et
précédée par la croix. L'honneur de porterie cierge de saint Paterne
est confié au plus « ancien » qui doit veiller à ce que la flamme ne
s'éteigne pas. Telle année où la flamme, en dépit de toutes les pré-
TOVB XI. — JUILLET 1896. 2o
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386 REVUE DES TRADITIONS P0PULAIRB8
cautions, s'est éteinte trois fois, a toujours été une année de malheur.
Telle, Tannée 1870 !
Les processions ne doivent pas s'écarter du chemin suivi par les
premiers pèlerins. Il leur faut prendre le sentier qui traverse la
forêt d'Eavvy, passer devant la mare de saint Paterne. (En 1793
les habitants d'Orival, pour soustraire la statue de leur saint vénéré
aux profanations des a ravageurs d'églises », lavaient, pendant la
nuit, portée dans la forêt et jetée dans cette mare où ils sont allés
la rechercher après la tourmente révolutionnaire. Ils la retrouvèrent,
dit l'histoire, aussi brillante, aussi fraîche que le jour où ils l'avaient
confiée à la mare, Teau n'avait altéré ni l'éclat des peintures ni le
brillant des ors).
Un curé de Bures voulut, il y a quarante-cinq ans à peu près,
rectifier l'itinéraire suivi jusqu'alors, en passant par la grand'route
plus commode et plus directe. Une partie de ses paroissiens le
suivit, l'autre refusa et prit par le sentier. Le lendemain même une
épidémie se déclarait à Bures et frappait particulièrement les
pèlerins dissidents. Le ciiré mourut le premier ! Ceci est ^^ notoriété
publique et les fils des victimes existent encore assez nombreux
pour en porter témoignage.
B. Reyac
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RBVCE DES TRADITIONS POPULAIRES
387
LEGENDES DES VOSGES
LE HONEGK
E Honeck est une montagne des Vosges qui domine
la vallée de Munster, célèbre par ses fromages.
D'après la tradition, les eaux s^étaient accumulées
au sommet de cette montagne et y formaient une
sorte de réservoir. Un géant vint, fendit de sa
cognée le plateau du Honeck, déblaya le couloir
par où les eaux s'échappèrent et forma ainsi la
vallée de Munster. Après quoi il se retira sur le sommet dans une
caverne, où les bûcherons de la forêt l'entendent encore ronfler, le
soir^ quand il fait grand vent.
[Entendu conter au pèlerinage des Frois-Epis, dans les Vosges).
LÉGENDE DES TROIS ÉPIS
Sur le chemin d'AmmerschwiràOrbey, au sommet d'une haute mon-
tagne couverte de vieux sapins, un faucheur, retournant chez lui le
soir, trouva devant ses pieds un limaçon ; il prit le manche de sa
faulx pour l'écraser, mais il se planta le fer dans le cou et se tua.
A sa mémoire on installa dans le creux d'un vieux chêne qui se trou-
vait sur le lieu de l'accident, un petit groupe de pierre représentant
la Vierge tenant le Christ mort sur ses genoux (cet ex-voto existe
encore aujourd'hui dans l'église des Trois-Epis).
Eu 4491, un maréchal-ferrant d'Orbey nommé Théodore Schera,
passant par là, fit une prière à l'intention du mort; la Vierge lui
apparut « reluysanle d'une beauté sortable à la qualité de sa per-
sonne ; » elle tenait trois épis dans la main droite et un lingot de
glace dans la main gauche; elle lui ordonna de se rendre àAmmers-
chwir, d'exhorter les gens à la pénitence et à la vertu, après quoi
elle disparut.
Notre homme se rendit en effet à Ammerschwir, mais, arrivé là, la
peur le prit qu'on ne le crût pas et qu'on ne le traitât d'imposteur,
et il ne dit rien de son aventure.
Or, un jour qu'il avait acheté un sac de blé et qu'il se disposait à
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388 RBVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
le charger sur son cheval, le sac se trouva si lourd qu'il lui fui im-
possible de le soulever; il appela les voisins à son aide, mais le sac
résista à tous les eflForts et ne bougea pas. Schera se souvint alors
de ce que la Vierge lai avait dit et ne doutant pas qu'elle n'eût vou-
lu, par ce fait extraordinaire, lui rappeler ses instructions, il alla
trouver lesEchevins et, en présence du clergé qu'on avait rassemblé
en toute hâte, il raconta son histoire; aussitôt après, étant retourné
prendre son sac de blé, il le souleva sans peine et le chargea sur son
cheval.
Alors, sur le lieu de l'apparition, on éleva une chapelle à la Vierge
des Trois-Epis, et cet endroit devint et est encore un pèlerinage très
populaire en Alsace.
La légende que je viens de résumer est racontée en latin et en
Allemand dans un manuscrit du XP siècle, écrit sur parchemin, et
conservé encore aujourd'hui au presbytère établi dans les vastes
b«^timents d'un ancien couvent.
Il existe une seconde légende, très postérieure à la première, car
elle remonte seulement au commencement du XVIII* siècle; elle a
été relatée pour la première fois par Robert d'Ichlersheîm (Ratis-
bonne, 1710), la voici dans sa grâce poétique.
Un homme allant à la communion, avait gardé l'hostie dans sa
bouche et l'emportait pour la profaner; arrivé près d'un champ de
blé, il fut effrayé de son action et jeta dans le champ l'hostie, qui
demeura suspendu entre trois épis. Des passants le lendemain re-
marquèrent des abeilles qui voltigeaient autour de ces épis; ils s'ap-
prochèrent et virent l'hostie autour de laquelle les insectes avaient
bâti comme un nid de cire et de miel ; et c>st là que la chapelle aurait
été bâtie.
11. MoREL Retz (Stop).
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 389
LES SOCIÉTÉS DES TRADITIONS POPULAIRES
SOCIÉTÉ DU COSTUME POITEVIN
^^^ ous apprenons avec plaisir que cette société, dont la fon-
^1^3 dation remonte à environ deux ans, vient d'entrer eu pleine
^IjW période d'activité. Son siège est à Niort, dans le Musée des
-^Cs^ Costumes poitevins, dont nous parlerons plus longuement
Jp un de ces jours et qui contient déjà beaucoup de costumes
intéressants. Le premier numéro de la Revue des Traditions popu-
laires du Poitou que nous venons de recevoir, contient le rapport du
conservateur — on pourrait dire le créateur — du Musée, M.
H. Gelin, qui montre qu'on y a déjà réuni une nombreuse série de
coiffes poitevines, anciennes et modernes, des costumes, des
bijoux, des vêtements et des objets enfantins (y compris des amu-
lettes, des ustensiles servant au travail^ aux jeux, etc., et des spé-
cimens de pâtisserie traditionnelle). 11 y a lieu d'espérer que de gé-
néreux donateurs voudront venir en aide à ceux qui ont entrepris de
recueillir quand il en est temps encore, des spécimens des a choses
du Poitou 9, qui là, comme partout ailleurs, ont une tendance à
disparaître. La société n'enlend pas se borner à cette œuvre, elle
fera aussi son possible pour diriger des enquêtes sur la littérature
orale el l'ethnographie traditionnelle. Après Bujeaud, après nos
collaborateurs MM. Léon Pineau, R.-M. Lacuve, Léo Desaivre, etc.,
il reste encore beaucoup à glaner en Poitou, et nous sommes cer-
tains que la Revue poitevine présentera à ses lecteurs bien des faits
curieux, iÀtn des morceaux de littérature orale qui sans elle au-
raient risqué de tomber dans l'oubli.
P.-S.
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390 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
CONTES DE LA HAUTE-BRETAGNE^
Contes comiqites
VI
LE SOLDAT DE PARIS
L était une fois un soldat qui revenait de l'ar-
mée ; il alla prier une bonne femme de le loger
pour la nuit, ce qu'elle fit volontiers. Le lende-
main, elle lui demanda d'où il venait :
— De Paris, ma bonne femme, répondit-il.
La bonne femme crut qu'il disait de Paradis,
et elle lui dit :
— Vous venez de Paradis? avez- vous vu mon bonhomme par là?
— Comment s'appelle-t-il?
— Jean, comme vous ?
— Oui, bonne femme, il est dans le Paradis, et il y tient auberge.
— Est-il riche ?
— Pas beaucoup ; il est obligé de vendre une tonne de cidre pour
en acheter une autre^ et il n'a pas de chemise. Quand un train de
chemin de fer arrive, il fait le métier de porte-faix et va chercher
les bagages sur son dos.
— Des chemins de fer 1 dit la bonne femme tout étonnée ; est-ce
qu'il y en a dans le Paradis ?
— Oui, bonne femme, et des voitures aussi, et dès demain matin,
j'y serai rendu.
— Puisque vous allez en Paradis, voulez -vous porter des chemises
et de l'argent à mon bonhomme ?
— Je veux bien, dit le soldat.
Elle lui donna une douzaine de chemises et quinze cents francs
d'argent et quinze francs pour sa peine de faire la commission.
Aussitôt qu'il fut parti, le fils de la bonne femme, qui était prêtre,
arriva à cheval ; sa mère lui dit :
— Mon pauvre gars, si tu étais venu un peu plus tôt, tu aurais vu
un homme qui vient du Paradis ; il y a rencontré ton père qui n'est
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES ^91
guère riche , il y Ueiil auberge, et n'a plus de chemises. J'ai donné à
rhomme des chemises el de 1 argent pour lui remettre.
— Comment Thomme est-il habillé ? demanda le prêtre.
— En soldat.
Aussitôt le prêtre remonta à cheval pour reprendre l'argent et les
chemises. Il arriva à la lisière d'un bois, où il vit un homme qui
semblait occupé à ramasser des branches mortes : c'était le soldat ;
mais comme il avait retourné son habit et s'était mis un mouchoir
sur la tête, il ne le reconnut pas.
— Vous n'avei pas vu un soldat par ici ?
— Si, répondit l'homme, il en est passé un tout à l'heure qui cou-
rait bien ; il doit être au milieu du bois, paria.
Le prêtre qui ne pouvait aller à cheval, au milieu des arbres, dit à
rhomme :
— Gardez mon cheval ; je vous donnerai la pièce quand je revien
drai.
Le prêtre se mit & courir dans le bois ; quand il fut un peu éloi-
'gné, le soldat retourna son habil, monta à cheval et s'enfuît au
grand galop. Un peu plus loin, le prêtre le vit passer et reconnais-
sant son cheval il lui cria d'arrêter ; mais le soldat ne Técouta pas et
frappa sur le cheval qui marcha encore plus vite.
Le prêtre revint à la maison, à pied, et sa mère lui dit :
— Qu'as-tu fait de ton cheval ?
— Ah ! répondit-il, je l'ai donné au soldat, pour qu'il arrive plus
vite au Paradis.
(Conté en i 885, par François Marquer, de Saint-Cast).
VII
LES VOLEURS DE BOTTES
Dans ce temps-là, quand quelqu'un mourait, on le paraît de ses
pins beaux habits, et on l'exposait dans l'église où on le laissait
seul la nuit, et les survivants de la famille recevaient une somme
d'argent.
Un homme qui n'était pas riche, se dit un jour :
— Si je faisais le mort, nous toucherions quelques bons écus et
cela nous aiderait à passer le temps.
Il parla de son projet à sa femme, et qui fut dit fut fait.
On l'habilla comme s'il venait réellement de trépasser, on lui mit
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392 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
une belle paire de bottes toute neuve qu'il avait, et on le porta à
réglise, où il resta exposé.
Deux de ses voisins, qui avaient vu les bottes, conçurent le pro-
jet de les voler. Quant la nuit fut venue, ils se glissèrent dans
Téglise. Ils se croyaient seuls ; mais il y avait par hasard dans
l'église un homme qui s'était endormi dans le confessionnal.
11 se mirent à ôler les bottes du défunt; celui-ci, qui était bien
vivant, crachait les doigts de pied, et ils ne pouvaient les lui enlever.
Mais à force de tirer, ils finirent par ôter une des bottes, et le pré-
tendu défunt s'écria d'une voix lugubre :
— Que tous les morts du cimetière viennent à mon secours I
Ces paroles donnèrent la chair de poule aux voleurs, et réveillè-
rent rhomme qui s'était endormi dans le confessionnal.
— Que tous les morts du cimetière viennent à mon secours ! ré-
péta le défunt pour la seconde fois.
— Combien t'en faut-il, dit l'homme qui était dans le confes-
sionnal, combien t'en faut-il !
Les voleurs à ces mots s'enfuirent sans demander leur reste,
tremblant de peur et les cheveux dressés sur la tête.
(Conté par M, E, Hamonic qui le tient de Roivsin^ menuisier à Mon-
contour^ natif du Mené).
VIII
LE TESTAMENT DE LA CHIENNE
Il y avait une fois un monsieur qui voulait faire faire le testament
d'une chienne qu'il avait, et il envoya son domestique chercher le
recteur pour la confesser. Monsieur le recteur répondit que sûre-
ment il n'irait pas. Comme le domestique était sur le point de s'en
aller, le vicaire se trouva sur son passage et lui dit :
— Qu'étes-vous venu chercher, mon ami ?
— Mon maître m'a envoyé quérir M. le recteur pour confesser sa
chienne et faire son testament; mais M. le recteur s'est fâché, et a
dit qu'il n'irait pas.
— Je vais bien y aller, moi, dit le vicaire.
Le domestique sortit, et le vicaire qui le suivait entrli chez un
cordonnier qui était voisin du presbytère.
— Cordonnier, lui dit-il, donnez-moi les deux alênes les plus
pointues que vous avez.
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 393
Qimad il eut les alênes, 11 vint chez le moqsieur :
— Vous avez quelque chose à me dire ? lui demanda-t-il.
— Oui, je veux que vous confessiez ma chienne, et que vous lui
fassiez faire son testament.
— J'y consens, dit le vicaire ; mais vous savez que les confessions
doivent être secrètes ; il faut que vous me laissiez seul avec votre
chienne.
Il entra dans la chambre oCi elle était, et lui dit :
— Vous voilà donc, ma pauvre chienne, vous repentez-vous de
vos fautes ?
— Houoh I houoh I répondit la chienne à qui le vicaire enfonçait
une alêne dans la chair.
— Vous avez traversé les champs, passé sur les récoltes et endom-
magé les blés noirs ?
— Houoh ! houoh I répondit la chienne.
— Vous en êtes bien repentante, n'est-ce pas ?
— Houoh ! houoh I
— Que désirez-vous donner aux pauvres, pour que vos péchés
vous soient pardonnes ; trois mille francs, ce ne serait pas de trop,
n'est-ce pas ?
— Houoh ! houoh 1
— Et à moi qui suis venu vous confesser, vous donnerez bien
mille francs, n'est-ce pas ?
— Houoh I houoh î,
A mesure qu'il disait cela, il écrivait Le testament sur ua papier ;
quand il eut fini, il revint trouver le monsieur et lui dit :
— Voyez, monsieur, quel bon testament elle a fait, elle donne
trois mille francs aux pauvres et mille à son confesseur.
— Est-ce que le paiement en est bien pressé? demanda le
monsieur.
— Oui, plus il sera vite fait, plus vite elle sera soulagée.
— A qui faut-il donner cela ?
— A moi, je me chargerai de le distribuer aux pauvres.
Le monsieur remit quatre mille francs au vicaire, qui, en s'en
allant, passa chez le cordonnier et lui remit cent francs en même
temps que ses alênes.
— Voilà, dit-il, cent francs que j'ai acquis par mes bonnes œuvres.
Le cordonnier qui raccommodait une paire de souliers à monsieur
le recteur fut si content de recevoir son argent, qu'il jeta les sou-
liers par la fenêtre et s'écria :
— Je ne veux plus travailler aujourd'hui, qu'il les fasse raccom-
moder par qui il voudra I
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394
REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
Quand le recteiir apprit ce qui s'était passée il dit à don vicaire t
— Monseigneur va avoir de tes nouvelles.
— Âh ! répartit le vicaire ; il ne me dira pas grand'chose ; tâchez
plutôt de faire comme moi. En un jour j*ai plus gagné que vous en
vôtre année entière.
(Conté en i88i au château de la Saudraie par Amateur Audet^ de
Saint-Glen, laboureur^ âgé de 2i ans).
iX
LE VOLEUR DE NAVETS
Il y avait une fois un bonhomme à qui on volait chaque nuit ses
navets ; il alla se cacher dans un coin de son champ pour surprendre
le voleur ; mais celui-ci qui l'avait aperçu se mit à dire :
Depuis que je suis sorti de Tenfer,
Jamais je n'ai vu une nuit si nère ;
Depuis que je suis sorti du tombeau,
Jamais je n'ai vu de si gros naveaux;
Je ne veux ni naveaux ni navelière,
Je ne veux que Tbonhomm' qu*est dans la cornière. . .
Le bonhomme croyant avoir affaire au diable s'enfuit au plus vite.
[Conté en 1S8i par M, Emile Hamonie, de Moncontour^ âgé de
20 ans).
Paul Sébillot.
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 39?)
LES DOUZE PAROLES DE VÉRITÉ
DANS LES IMPRIMERIES DE TROYES
Un « trimardeur », embauché dernièrement, chante la parodie des
douze paroles de vérité publiée dans le dernier numéro, avec les
changements suivants :
Oq dit qu'y en a ?
Y a dotice et gracieuse ;
Y a <ft>location ;
Y a huUrea d'Ostende ;
Y a «ep/uagénaire ;
Y a simplification.
Mais y*a qu*un* dent
Dans la m&choire à Jean.
VI
AU QUARTIER LATIN (VCTS 1870)
Y a d*oiit-ce que tu sors ?
Y a on «e tort de rire.
Y a dis.,, que du soleil
Y a Cath,,, erine de Russie
Y a 7ro£ff... cadero.
L. MORIN.
On ajoutait même à cette époque :
Y a treize.,, heureux de vous Toir.
Y a Quatorze et Pollux.
Y a quinz... eul Dieu
Qui règne dans les cieux.
Le Progrés de VEst^ 24 février 1896.
L'auteur de l'article cite cette variante à la suite d*un compte
rendu des versions données par la revue.
B. R.
1. CL L X, p. 650 et t. IX, p. 114.
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396 REVUE DES TRADITIONS POPULAIBKS
BIBLIOGRAPHIE
S. Trébucq. La Chanson populaire en Vendée, Paris, Lecheva-
lier, in-8 de pp. XI.3i2 (7 fr.).
Ce recueil se compose de deux parties ; la première est intitulée la chanson
populaire en Vendée ; la seconde porte le titre de Chansons populaires, çt se
subdivise en les rondes (48}, chansons d'amour (19), chansons de mariage (44),
chansons satiriques et joyeuses (23), les chants de Tannée, complaintes, chaots
historiques (14). Le nombre est plus considérable si Ton y comprend les varian-
tes ; presque toutes ces chansons sont notées ; les textes sont bien établis,
recueillis avec fidélité. Je ne m'occuperai que de la première partie ; elle con-
tient plusieurs indications précieuses sur le patois vendéen des environs de
Fontenayle-Comte, et un chapitre très-curieux sur la chanson populaire et la
vie rurale : M. T. a pensé, et en cela il a eu grandement raison, que les
chansons qu*il essayait de sauver de Toubll, seraient mieux comprises si on ne
les isolait pas des milieux où elles sont le plus habituellement chantées ; dans
une autre section il nous fait la description de ce qu'on pourrait appeler
« Tannée chantante » depuis la chanson du nouvel an jusqu'aux Noëls, et
chemin faisant, il nous indique comment ces diverses fêtes étaient célébrées
autrefois et ce qui s'en est conservé jusqu'à nos jours. Toute cette première
partie est très curieuse au point de vue ethnographique ; nous voyons se
dérouler devant nous tout un tableau de la vie rustique qui sert de cadre à la
chanson populaire, et la fait mieux comprendre ; elle n'est pas pour le paysan
vendéen un simple régal pour les oreilles, elle se li» à son existence, et elle a
parfois un caractère prei»que rituel, au moment du mariage par exemple. Si ce
livre apporte un contingent précieux à l'étude des chansons populaires, sa
préface, de près de 100 pages, est pleiue de renseignements sur les mœurs et
les costumes de la Vendée, et c'esi pour oela qu'il plaira à la fois à ceux qui
aiment les chansons et à ceux qu'inÛresjient ks études ethnographiques.
P. S.
E. Sachau. Ueber die Poésie in der Volkssprache der Nestoria"
ner. Berlin, 1896, 37 p. in-S.
J'ai eu Toccasion de signaler précédemment {pevue des traditions populaires^
1895, p. 626] un travail de M. Sachau qui se rattache par certains côtés à la
science des traditions populaires. La récente publication du savant direoteur de
TEcole dee Langues Orientales de BerMo est une nouvelle contribution à ces
études ; elle a trait à la poésie populaire syriaque des populations nestorien^es
de Tempire ottoman. Le plus ancien de ces textes, précieux au point de vue de
Thistoire du syriaque vulgaire, fut composé entre 1611 et 1632 par le prfttre Israël*
d'Alqoch dont Tœuvre poétique est connue par quelques fragments existant à la
Bibliothèque royale de Berlin. 11 en est de même de Yaousip Djoundàri de
Teikef, qui vivait un peu après lui, dans le milieu et à la fin du x.viii* siècle.
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REVIE DES TRADlTrONS rOPULAlRfik 397
et d*un troisième poète populaire, Tévéque Yoh'aanan de Maouànâ. Il faut y
joindre deux poètes du xix« siècle, Yoh'aiiQan Gouodira. d'Alqoch et Tomâ
Sindjari de Telkef. On avait pu croire que chez ces poètes, la forme aussi bien
que la langue, était nouvelle ; mais, parmi les manuscrits syriaques de la biblio-
thèque royale de Berlin dont il fait le catalogue, M. Sachau a retrouvé le modèle
d'un genre de composition moderne, une lenzonê d*un poète du nom de Narsès
appartenant à la génération qui suivit Théodore de Mopsueste, mort en 428 de
notre ère. Le moule de la poésie moderne existait donc à cette époque de }^
floraison de la langue littéraire et cette observation est d'une importance eapi-
taie pour Thistoire de la poésie syriaque. Il est possible, et c'est un point qui
devra attirer ratteiition et les recherches, que ce phénomène ne soit pas isolé
dans rhistoire des langues sémitiques ; les études 5:nr la poésie populaire arabe
pourront en faire leur profit. Le texte publié, avec une traduction allemande,
par M. Sachau comprend un des neuf poèmes composés par Narsès et conservés
à Berlin — c'est un dialogue entre un chérubin et un brij^and — et la version
en dialecte fellih'i moderne par David de Nouhadhrâ. — Quelle influence la lit-
térature grecque si puissante sur le syriaque, a-t-elle exercée sur ce genre ? —
C'est une question réservée par l'auteur et il est à désirer qu'il la traite avec sa
compétence reconnue dans un prochain mémoire.
René Basset.
Li. Quarré-Reybourbon. Les Monuments mégalithiques dans
les départements du Nord et du Pas-de-Calais, Tournai, Casterman,
in-8 de pp. 14 (avec photogravures).
Bien qu'il n'existe actuellement qu'un assez petit nombre de monuments dans
cette région, elle n'en a pas été aussi dépourvue qu'on le croi^ généralement ;
mais, ain!>i que le constate M. Q. K. on en a détruit plusieurs depuis le com-
mencement de ce siècle. Parmi ceux qu'il décrit, plusieurs éveillent d^s idées
légendaires : Le menhir de Lecluse est appelé •* Pierre du diable », et une
éraflure pa.«se pour être la trace de ses griffes ; des pierres martines à Soire-le-
Château ont été déposées par saint Martin, et un creux a été formé par le dos
du saint. Les pierres jumelles de Cambrai ont surgi du ^o\ k l'endroit où deux
jumeaux, amoureux d'une même femme s'entretuèrenf ; sept petites pierres
qui s'élèvent au-dessus d'un tumulus à N.-D. de Vitry .lont des jeunes filles qui,
ayant été danser sur le tertre au moment où l'on sounaît l'office, ont été ainsi
métamorphosées. P^ S.
Georges Nicolas. — Brins d' Œuvre ^ poésies ouvrières, Paris,
Alphonse Lemerre, 1896 ; in-12 de XVI-204 p.
Ce joli volume, écrit par un ouvrier typographe de Paris, nous intéresse par
quelques pièces, entre autres, La fontaine du Bû, une petite source qui coulait,
dans la rue Audran actuelle,
Au temps où, moins chargé de gloire,
Montmartre n'était pas Paris,
et qui avait la propriété de guérir du choléra. L'auteur raconte comme quoi son
grand-père, en 1819, abandonné du médecin, recouvra la santé en faisant usage
de SCO eaa.
Citons aussi Les cocottes traditionnelles^ un souvenir des vitrines de la Société
des TfaditioDS à l'Exposition des Arts de la Femme, en 1892.
L. MOKIN.
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^98 REVUE DBS TRADITIONS POPULAIRES
PÉRIODIQUES ET JOURNAUX
Folk-Lore, Vil, 2. >- The Barlaam andJosaphat Legend, F. C. Conybeare. —
Folklore Firstfruits from Lesbos, W. H. D, Rosisse. — Fairy Reliefs and other
Folklore Notes from GouQty Leitrim, Leland L, Duncan. — lodian Folktales,
t. Goldmerslein, — Magical Sacrifice in the Jewish Kabbala, L. Goldmerstein.
Volkakunde, IX, i-2. -- La laitière et le pot au lait {A, De Cock.) ~ § i. A
quoi on peut reconnaître les sorcières {A, De Cock), — Proverbes et dictons
sur les femmes {A, De Cock), — Les pourquoi. Pourquoi les meuniers prennent
dans les sacs. Pourquoi Taiglefln a deux taches noires sur le dos {A. De Cock).
— Blason populaire. La création du premier Français (A, de Cock), — Esprits
frappants {A, D, C). — Chanson de nouvel an {A. De Cock),
NOTES ET ENQUÊTES
,*, Diner de ma Mère VOye, Le 107« Dîner a eu
lieu le 30 Juin au Restaurant des Sociétés savantes,
sous la présidence de M. Charles Beauquier, vice-
président de la Société. Les autres convives étaient
MM. Raphaël Blanchard, A. Certeux, Henri Cordier,
Georges Doncieux, Lucien Franche, Adrien Oudin,
Arthur Rhône, Raoul Rosières, Paul Sébillot, M. de
^ Toustain. Le D»- E. T. Hamy, président de la Société,
absent de Paris et quelques autres membres s'excu-
sent de ne pouvoir assister au dîner. M. Raphaël
Blanchard parle de Texploration qu'il a entreprise
dans le Briaoçonnais, et dont le premier résultat a
été la publication de sa curieuse étude sur les
cadrans solaires, dont il a été rendu compte dans
le dernier numéro ; cette année, il assi<*tera à la danse du Ba'^chu-ber. M. A.
Certeux exhibe une petite effigie en plomb de saint Antoine de Padoue » qui
fait retrouver les objets perdus ; b ce saint, qui est chargé de cette mission en
maints endroits de France, a dans le Sud-Est été un peu détrôné par un nou-
veau venu, saint Expédit. M. Adrien Oudin raconte que lorsqull habitait
Carnac, il était d'un usage courant d'offrir à saint Michel un sou pour retrouver
ce qu'on avait perdu. M. de Toustain parle d'une maison hantée en plein milieu
de Paris, 9« arrondissement, qui depuis plusieurs années n'est pas louée. M. Paul
Sébillot cite une maison des environs de Saint-Malo qui a été, il y a une trenr
taine d'années, délaissée par son propriétaire, à cause des bruits qu'on y
entendait ; ce propriétaire fit construire à côté une nouvelle maison. 11 ajoute
qu'étant devenu possesseur par héritage d'un ancien ch&teau dans les Côtes-du-
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RBVUC DE» THAWTIOÎI» poputAms^ 399
Nord, il ET.ait.. choisi pour sa chambre h co[ucher une pièce: <}i]i:'D^Tftii*jaipai8
été habitée parce qu^oo y « oyait ». Oa y eDteodait en effet» et, de Ur seulement,
trois bruits ^ Tun n'était perceptible que quand il faisait du vent ; c*était un
grincement de chaînes, parfaitement explicable d'ailleurs, puisqu'il était produit
par le grincement. d'une girouette, et le cliquetis de la chaîne d*une cloche;
certaines nuits, aus^i quand il faisait du vent, on entendait d'abord quelque
chose de très analogue au bruit qu'aurait fait un cheval qui se serait promené
FOUS la fenêtre ; peu aprè?, il semblait qu'il y avait deux chevaux. Une de ces
nuits M. Sébîllot descendit et s'assura qu'il n'y avait aucun cbevaldans la cour,
au moment où de la même pièce M«« Sébillot entendait parfaitement le bruit.
.11 est probable qu'il était produit par le vent qui se heurtait contre plusieurs
murs de diverses hauteur?, formant des angles irréguliers dans cette partie de
la cour. Quant au troisième bruit, il avait lieu la nuil vers la même heure
dix heures du soir, et il ne pouvait être mieux comparé qu'aux coups de bâton
par lesquels les régisseurs de théâtre annoncent le lever du rideau. Croyant que
des chats ou des rats pouvaient faire basculer dans les greniers des objets en
équilibre, il eut soin de faire déplacer tout ce qui s'y trouvait ; le bruit persista
il se rendit dans le grenier vers l'heure où avait lieu le bruit, ayant recommandé
à M»* Sébillot, restée dans la chambre, de regarder à sa montre le moment
précis où elle entendrait quelque chbse ;' elle l'entendit encore, alors que du
grenier on n'entendait rien. Ce bruit persista pendant cinq ou six ans, sans
qu'il ait été possible de s'en rendre compte. Il n'y avait aucun oiseau dans la
cheminée de la chambre ni dans les cheminées voisines.
«% La pierre qui se détache. Pendant la nuit, si une pierre se détache de la
cheminée et rouie jusque sur le pavement, c'est un présage de malheur.
{Recueilli à IxeUes-lex-Bruxelles).
(Comm. de M. Alfred Hauou).
,\ Les Francs-maçons. Dans le peuple, à Bruxelles, on dit que le Vendredi
Saint le diable assiste aux réunions des Francs -Maçons. Il est masqué ainsi
que le président.
Cette réunion a lieu dans un souterrain, connu des adeptes seuls.
{Recueilli à Ixelles^ près Bruxelles).
(Comm. de M. Alfred Harou).
,*, Une bière trois fois centenaire. La ville de Quedlinbourg^ la patrie de
KIopstock va célébrer cette année le troisième centenaire d'une boisson connue
sous le nom de Broihan. Cette bière très légère qui était en grand renom
autrefois et qui, sous le nom de Kônigsbroîhan, était même bu à la table des
rois, tend à disparaître. Elle fut inventée à Halbersladt en 1574 par un nommé
Andréas Westphal, et l'emplacement de cette ancienne brasserie est connu de
tous les habitants puisque la maison, située dans la Gerberstrasse, est ornée
d'une vieille sculpture en bois, représentant un tonneau derrière lequel se lient
un homme ayant à la main une cruche remplie de Bioïhan. Non moins ancienne
est une autre bière que nous avons bu souvent à Goslar dans le Harz. On
l'appelle Gose^ d'après le ruisseau du même nom qui arrose cette ville et dont
elle a la couleur paie et jaunâtre ; la Gose coule sur un terrain ferrugineux très
fertile, dont elle charrie les dépôts, et comme elle rend quand même de grands
services aux habitants, on n'avait trouvé rien de mieux que de lui emprunter
son nom pour la bière qu'on brassait dans cette ville. Elle est accidulée,
très mousseuse et légèrement gazeuse comme le Champagne.
. (Comm* de M.>i« Hbuwiob Hbimegkb).
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400 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
,*« Ckatiièurs des cours. Vieille plaisanterie classique des ebantétirs daas lés
coars qui reçoivent des sous sur la tète : » Tombez, tyrans, la loi Tordonoe. »
(Comm. de M. A. Cbrtkux).
«% Facéties sur les oies. Au dernier Carnaval, à Nice, figurait Jm fille de ma
mère VOi/e. Cette mascarade nous a remis en mémoire la « Tabatière libérale »
qui fit scandale sous Charles X : elle représentait le roi sous la forme d^uoe oie,
entourée d'oisons très reconnai^sables pour ses ministres. Au bas de ce dessin
allégorique on lisait : « Où peut-on être mieux qu'au sein de sa famille ? »
(Comm. de M. A. Cbrtbux).
,*. Trembletnents de ten^e. En Provence, on dit en parlant des tremblements
de terre : « C est la terre qui secoue ses puces. »
(Comm. de M. A. Csrtbux].
,\ Marine. Les officiers d'un navire de guerre désignent en plaisantant par
ces mots : « garde nationale » les assimilés qui ne portent pas le sabre, le docteur,
le mécanicien, le commissaire ; eu parlant du commandant du bord, ils disent :
le pacha (vers 1856).
(Comm. de M. A. Gbrteux).
REPONSES
«*, Ce qu'on dit quand on laisse une porte ouverte, (V, t. IX, p. 600, 120, t. X,
p. 64, 508).
Au pays v(ra11on, Ton dit de quelqu'un qui entre dans une pièce en laissant
la porte ouverte, qu'i7 est né dans une église ; On sait que le» portes des églises
restent généralement ouvertes à la disposition des fidèles.
(Comm. de M. A. Tacssbrat-Uadbl).
/. La claudication des boiteux. (V. t. IX, p. 600, 720).
Les quatre boiteux nogentais.
Le feu vient de se déclarer dans un des quartiers de la ville. Tous les boiteux
courent à l'incendie.
Premier boiteux (il botte en jetant la jambe).
— Ya Ifeu ! Va l'feu !
Deuxième boiteux (il boite en se penchant en devant).
— Où donc ? Où donc ?
Troisième boiteux survenant (il botte de côté en s'entortillant les jambes).
~ Chez mon beau-père I Chez mon beau-père !
Quatrième boiteux arrivant du lieu de l'incendie (il boite en allongeant le
derrière).
— Ça n'est rien ! Ça n'est rien !
En contant cette prétendue aventure on ne manque pomt d'imiter chacun des
divers boiteux mis en scène.
(Comm. de M. Fillbul-Pétiont).
Le Gérant, A. CERTEUX
Baugi {fiaine-et-hoire). — Imprimerie Daloux,
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REVUE
DES
TRADITIONS POPULAIRES
11<' Année. — Tome XI. — N«> 8-9 — Août-Septembre 1896.
CONTES ARABES ET ORIENTAUX
XV
BALACII ET SES DEUX FEMMES ^
ALACU, lils de Firouz, dit el Kosraoui, écrivit
un jour, au roi de Tlnde, pour lui demander
la main de sa fille ; celui-ci n'accueillit point
sa demande et renvoya son ambassadeur avec
une réponse défavorable. Balach ressentit
vivement cette injure, et se mit en campagne à
la tête de son infanterie et de sa cavalerie.
Quand les deux troupes furent rangées en ordre
de bataille, Balach provoqua le roi de Tlnde à
un combat singulier. Il était honteux, disait-il,
pour des rois, d'envoyer leurs armées à la mort, tandis qu'eux-mêmes
mettaient leur vie à Tabri du danger. Le roi de Tlnde accepta le
1. Ce conte est tiré d'un ouvrage d'el Djahiz, intitulé « Livre des Belles Ac-
tions et des Contraires » et composé vers Tannée 244 de Thégire. On en connaît
trois manuscrits, l'un à Leyde, l'autre à Vienne et le troisit^me à Pétersbourg.
M. le baron Rosen eu a publié le texte arabe avec une traduction russe, dans
le magnifique recueil que la Faculté des Langues Orientales de rUniversité de
Saint-Péterf^bourg vient de publier, à l'occasion du centenaire de TEcole des Lan-
gues Orientales de Paris (p. 153). M. le baronRosena montré, dans une savante
étude, que ce récit est emprunté à une adaptation du Khoqdai Namé : mais
nous n'avons pas à nous occuper ici de cette question, quelque intéresi^ante
qu'elle ?oit pour le folk-lore. Nous résumerons seulement une note de M. Olden-
bourg sur l'origine indoue des deux contes qui Font intercalés dans l'histoire de
Balach : Le Renard et les Oiseaux, ei Le Corbeau et la Colombe.
M. 0. cite sept versions indoues du premier conte. Le thème général est celui-
ci : un animal grand et vigoureux (renard, chacal, chat, corbeau, vieux cygne),
ayant éprouvé un accident, ou simplement ayant faim, ga^ne la confiance d'ani-
maux plus Taibles (oiseaux, souris) et, par une ruse, réussit à en détruire le plus
grand nombre. Au bout de quelque temps, le criminel est pris et puni (dans
une seule version, il échappe au châîimeut. Quant à la morale qui ressort du
récit, elle se présente sous trois formes diiïérentes : !• six versions sont une
satire des gens prétendus bienfaisants, qui se couvrant d'un masque de pitié,
TOME XI — AOUT-SEPTEMBRE 1896 %
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402 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
combat. Après deux engagements, Balach, que protégeait la solidité
de sa cotte de mailles, frappa son adversaire à Tépaule, d'un coup
qui, lui coupant la veine, fit pénétrer le sabre jusqu'au milieu de
la poitrine. Le roi de l'Inde tomba mort, et son armée prit la fuite.
Balach s'empara de la capitale du roi de Tlnde. Sur son ordre, ses
gardes cernèrent le palais de la fille du roi. Il sVmpara de toutes
les richesses qu'il contenait ; puis il fit dire à la fille du roi qu'elle
se présentât devant lui. Celle-ci répondit en pleurant à rotticier,
que le roi lui avait envoyé : « Tu diras au roi, ornement de la
justice, amour de ses sujets, favori de la victoire. Tu es mon maître ;
je suis de ceux qui ont droit de réclamer la bienveillance et ta
clémence. Ne voudras-tu point consentir à t'abstenir de ma vue,
jusqu'au jour où tu rentreras dans la capitale de ton royaume ? »
L'ofïîcier transmît la prière de la jeune fille à Balach, qui l'accueillit
favorablement.
Il se mit en route et la fil porter jusqu'à la capitale de son royau-
me. Là, il fit construire pour elle un appartement séparé des
logements de ses autres femmes, et l'y installa. Puis il lui fit donner
des étoffes anciennes et précieuses, de splendides bijoux, des coffres
d'or, des cadeaux, des objets de prix, des meubles, tels qu'il n'en
avait jamais donné à aucune de ses femmes. Enfin, il lui demanda
la permission d'entrer chez elle, et elle le lui accorda. Il entra donc
chez elle, et y resta sept jours et sept nuits, plein de sou amour,
sans qu'elle lui répondic et sans qu'elle bougeât du lit où elle était
assise. Quand il sortit le huitième jour, il avait sur le cœur qu'elle
n'eut manifesté aucune joie de sa présence, et il resta plusieurs
mois sans la visiter.
Elle dit un jour à sa nourrice:
— Est-il rien de plus étrange que ce roi qui a exposé son sang à
accomplissent les actions les plus noires ; le chat joue un rôle important dans
ce groupe de récHs (Manou IV, 30, 195). 2o Dans THitopadesa, I, 3, la morale est
contenue dans un vers, dont te sens est celui-ci : 11 ne faut point donuer asile
aux gens dont on ne connaît ni la race, ni le caractère. 3<> La version arabe
emprunte un caractère spécial au récit dans lequel elle se trouve enchâssée.
M. 0. ne donne que quatre versions du second conte. Le thème ent l'union
d'un corbeau et d'une colombe, l'un étant pris pour type de la méchanceté,
Tautre pour type de la bonté et de la douceur ; le corbeau trompe la colombe
et e:«t puni de' sa méchanceté. Dans la version que donne notre texte, le corbeau
est puni d'avoir rendu service à la colombe, et celle-ci qui lui joue un fort
méchant tour, a l'audace de lui reprocher « sa trahison ». On ne comprend guère
cette étrange conclusion. 11 semble que notre auteur désireux de fournir à la
princesse indienne un apologue qui réponde à celui de sa rivale, ait été un peu
a court d'imagination ou de mémoire, et qu'U ait pris, faute de mieux, l'histoire
du corbeau et de la colombe en en dénaturant la morale. Nous n'avons encore
entre les mains aucun texte qui permette de discuter l'histoire de Balach dont
il n'est fait qu'une seule mention dans l'ouvrage anonyme intitulé Moudjmil et
Taouarikhe {Mohl in Joum. AsiaL 1842, 3« série, XIV, p. 115 et 135 ; Rosen, op.
laud. p. 172).
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REVUE DBS TRADITIONS POPULAIRES 403
ma poursuite, et qui, quand il m'a obtenu, ne se soucie plus de
moi. Va l'informer du nombre de ses femmes ; sache quelle est
celle qu'il estime le plus, et reviens me l'apprendre. »
La nourrice prit des informations, et quand elle eut appris ce
qu'elle désirait savoir, elle revint auprès de sa maîtresse :
— J'ai appris, lui dit-elle, que le roi a quatre cents femmes tant
libres qu'esclaves, et que celle qu'il estime avant toutes les autres
est la fille d'un de ses palefreniers, qui a excité son amour et qu'il a
épousée.
— Hé bien ! dit la princesse, va la trouver, présente-lui mes
compliments, et dis-lui que je souhaite de devenir son amie et de
me lier avec elle d'une exclusive affection.
La nourrice se rendit auprès de la fille du palefrenier et lui
répéta les paroles dcmt la princesse Tavait chargée.
— Porte, lui dit la jeune femme, mes compliments à ta maîtresse,
et dis-lui que je l'aime déjà, et que je consens volontiers à ce qu'elle
me demande. Qu'elle vienne donc me voir.
La nourrice revint auprès de la princesse, qui, informée des
paroles de la jeune femme, se para de ses plus beaux habits et se
rendit chez elle. Quand elle entra dans son appartement, celle-ci se
leva et vint à sa rencontre. La princesse lui exprima l'amour qu'elle
ressentait pour elle et le désir qu'elle avait de faire sa connaissance.
La fille du palefrenier lui rendit ses compliments de la manière la
plus gracieuse, et lui exprima la joie que ses paroles lui donnaient.
Elles restèrent quelque temps à causer, puis la princesse se retira.
Elle prit l'habitude de faire de temps en temps visite à la jeune
femme, et peu à peu l'intimité s'établit entre elles. Quand la prin-
cesse eut ainsi lié amitié avec elle, elle lui dit :
— Ton mérite nous a toutes vaincues, et tu t'es emparée du cœur
du roi, de façon à ne nous en laisser aucune part. Apprends-moi
par quel moyen tu as acquis cette supériorité sur nous, et augmente
ainsi, avec la joie que je ressens de ton succès, mon amitié et mon
attachement pour toi.
— Quand je considérai, lui répondit-elle, l'humilité de ma nais-
sance et la médiocrité de ma beauté, je compris qu'aucune séduction
ne pourrait ramener le roi auprès de moi, sinon ma complaisance
dans le téte-à-téte. Je devais l'égayer quand il était soucieux, et
m'attirer son cœur par ma douceur et ma soumission. Il me vit
persister dans cette attitude, sflors qu'il trouvait chez toutes ses
autres femmes l'orgueil de la naissance^ la vanité de la beauté ou
l'infatuation de la faveur. J'avais compris que, obtenant, malgré la
bassesse de ma naissance, la médiocrité de mes charmes et la fai-
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40( REVUG DES raADlTlONS POPULAIRES
blesse de mon esprit, tout ce qu'elles avaient obtenu, Tattitud^ qui
était convenable chez elles ne l'était point chez moi. Et c'est ainsi
que le roi ma estimé plus que toutes ses autres femmes.
En Tentendant, la princesse comprit que le cœur des hommes n'est
conquis que par la complaisance et la prompte soumission à leurs
désirs. Elle résolut alors d'employer ce moyen pour gagner le cœur
du roi. Elle revint dans son appartement, et dit à Tune de ses femmes!
— Va-t-en chez la fille du palefrenier et dis-lui, si le roi se trouve
chez elle, que je souffre d'un mal qui vient de me saisir.
La servante s'éloigna, et comme le roi était chez la fille du pale-
frenier, elle informa celle-ci de ce qui était arrivé à sa maîtresse, l^e
roi, saisi de pitié, se rappela qu'elle était étrangère et qu'il avait tué
son père ; et se tournant vers la fille du palefrenier, il lui dit :
— Qu'en penses-tu ? Si j'allais la voir ?
— 0 roi, lui répondit-elle, il n'y a parmi vos femmes personne
dont la présence me soit plus agréable. Allez la voir ; elle est étran-
gère ; elle a quitté sa famille ; elle est dans une situation qui mérite
la pitié.
Le roi se leva, se rendit à l'appartement de la princesse» et arriva
à la porte de la chambre où elle se trouvait. Elle se leva et vint à sa
rencontre. Elle était parée de ses plus beaux habits, couverte de
bijoux et d'ornements, et elle répandait de doux parfums. Elle le
baisa au front, le prit par la main et le fit asseoir au milieu de sou
lit. Puis elle se mit à lui baiser les mains et les pieds, en lui sou-
riant et en manifestant sa joie. Il l'attira à lui, et lui demanda de se
coucher avec elle ; elle y consentit, et il n'y eut rien qu'il ne deman-
dât et qu'elle n'accordât. Quand il eut satisfait son désir, il eut envie
de causer avec elle et lui dit :
— Quel est donc ce mal douloureux, dont parlait ta servante?
— Seigneur, lui répondit-elle, je souffrais de votre absence, et
votre présence m'a guérie. Je parlais des peines où me jetaient votre
amour, votre longue absence et votre négligence.
Le roi, s'abandonnant au plaisir qu'il goûtait avec elle, resta sept
jours dans son appartement. Ils étaient ainsi occupés à jouer, à cau-
ser et à s'embrasser, quand une esclave de la fille du palefrenier
entra, et après avoir salué le roi avec le respect qui lui est dû, elle
dit à la princesse :
— Ma maîtresse m'envoie vous dire : Trois vices sont réunis en
vous : d'abord, la trahison envers celle qui vous a instruite; secon-
dement, l'extrême arrogance; troisièment, l'oubli des bienfaits que
vous avez reçus. Mais bientôt je vous jetterai dans l'angoisse, en
excitant contre vous la colère du roi.
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REVDE DES TRADITIONS POPULAIRES 40o
A ces mots, les sanglots de la princesse la suffoquèrent, et s6â
larmes se mirent à couler en abondance; elle regarda le roi, comme
pour implorer sa protection. Celui-ci lui dit alors :
— 0 mon amie, ne prends point souci des paroles de ton esclave ;
je te la donnerai, avec tout ce qu'elle posssède.
Alors le chagrin de la princesse se dissipa, et elle dit à l'esclave :
— Va trouver ta maîtresse, et dis-lui que le roi me Ta donnée,
avec tout ce qu'elle possède. Dis-lui que la bassesse de son âme ne
pouvait la conduire qu'à une conduite basse et indigne d'une femme
bien élevée. Qu'elle vienne nie trouver, humble et pleine de honte
m'oÊFrir les hommages d'un dévouement sans bornes.
Quand l'esclave eût rapporté ces paroles à la ûllo du palefrenier,
celle-ci se leva et vint aussitôt chez la princesse. Elle salua le roi, et
se tint debout devant lui.
— Rien, lui dit la princesse, u'est tel que l'orgueil que tu as mon-
tré dans les paroles que lu m'as fait porter.
— Madame, répondit- elle, me permettez-vous de parler.
— Parle.
— Madame, en me présentant devant vous, je n'espère point d'au-
tre intercession auprès de vous que votre douceur, d'autre défenseur
que votre bonté. Certes elle n'agit point avec injustice celle qui
s'élève au-dessus de moi parce que son mérite est au-dessus du
mien; toute branche rejoint le tronc et toute fleur s'attache à la lige.
— Tu dis vrai, interrompit la princesse, mais laisse de côté les
paroles de courtoisie. Je t'ai vaincue en dépit de loi ; je te donnerai
en mariage à un tel, mon esclave; tu ne lui es en rien supérieure.
— Quiconque s'est accoutumé aux grandeurs, dit la fille du pale-
frenier, ne saurait être heureux dans une humble situation. L'âme
de celui qui devient le compagnon des grands se détourne de celle
des humbles. J'espère en votre douceur et en la bonté de votre cœur.
Si vous avez pris une pareille résolution, la mort me sera plus douce
que tout; que puis-je, en effet, attendre désormais de vous? 0 roi,
ajouta-t-elle, vos plaisirs ne seront point longtemps paisibles, et la
suite n'en sera pour vous que déception. Prends-garde à cette In-
dienne; elle n'est point loyale envers vous. Est-elle de votre race,
pour que les liens du sang vous unissent à elle? Est-elle de vos su-
jettes, pour que votre générosité envers elle vous attire sa recon-
naissance. Elle est comme quelqu'un qui aurait une vengeance à
exercer et qui n'y saurait parvenir. Vous avez tué son père et vous
avez détruit sa puissance. Prenez garde à elle ; ne vous laissez point
distraire par l'influence qu'elle prend sur votre cœur. Car maintenant
qu'elle cherche une ruse pour vous tuer, nous n'avons pour voua
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406 REVUE DES THADITIONS POPULAIRES
protéger d'autre moyea que de la faire périr. C'est l'histoire du
renard et du roi des oiseaux ^
— Quelle est donc leur histoire ? demanda le roi.
u — On raconte quune nuit, un renard affamé monta sur un arbre
pour en manger les fruits. Mais voilà que le torrent, dans lequel cet
arbre avait poussé, se mit tout-à-coup à rouler des flots énormes, et
engloutit l'arbre, et le renard avec lui. Celui-ci emporté par le cou-
rant, fut jeté sur une terre lointaine. Le matin, quand il ouvrit les
yeux, il vit que le torrent Tavait déposé au pied d*une montagne,
couverte d'arbres aux branches chargées de fruits; des oiseaux d'une
espèce inconnue les habitaient. Le renard, tout tremblant, alla
s*asseoir sur son derrière au pied d'un arbre isolé; il ne reconnais-
sait point son pays, et ne savait comment entrer en relations avec
ces bétes inconnues. Le roi des oiseaux vint à passer près de lui, et
lui dit : « Qui es-tu? — Je suis, répondit le renard, une béte que le
« torrent a emportée et jetée dans vos montagnes, où je suis seul et
t étranger. — As-tu un métier, dit le roi des oiseaux. — Oui, je
« sais reconnaître le moment où les fruits des arbres sont parvenus
« à maturité; je sais aussi construire dans la terre des chambres où
M les petits des oiseaux sont à l'abri du chaud et du froid. — Tu ne
u pouvais atteindre mieux que chez nous le but de tes désirs; reste
« avec nous; nous te consolerons, et tu m'apprendras ta science. >
« Le renard s'installa donc chez le roi des oiseaux. Il leur appre-
nait l'époque où les fruits sont mûrs^ et il leur creusait avec ses griffes
des Irous^ pour qu'ils y fissent leurs œufs. La nuit venue, le renard
quand il avait envie de chair fraîche, passait sa patte dans l'un des
trous, en tirait un oiseau ou un petit, le mangeait, et en enterrait
soigneusement les plumes. Les oiseaux étonnés cherchaient qui
pouvait ainsi les manger les uns après les autres. « Depuis que celte
c béte est installée chez nous, se disaient-ils, nous ne pouvons re-
t trouver les meilleurs d'entre nous. Jamais ils n'ont été si long-
c temps absents, et nous ne savons ce qui leur est arrivé. — Toutes
« vos paroles, leur répondait le roi, viennent de la jalousie que vous
<c ressentez contre cette béte. Vous ne comprenez donc pas que vous
u lui devez une nourriture plus abondante, ainsi que les trous où
« vos petits sont si bien à l'abri du chaud et du froid. — Tu es
« notre maître, dirent les oiseaux, et tu sais mieux que nous com-
f prendre les choses. — C'est à moi en effet, dit le roi, à décider
« cette question et à démêler lé vrai du faux o.
1. La version des Mille et une nuits (le faacon et les corbeaax) est assez diffé-
rente. Edit. Habicht, t. VllI, n. 613 ; édit. Qaire, t. IV, p. 149. - Cf. René
Basset. Revue des Trad, pop.f t. XI, p. 167.
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RKVUE DES TRADltlOiSS POl^ÛLAlftÊS 40l
ff La nuit venue, il descendit de son arbre et se blottit dans Tun des
trous. Le renard, selon son habitude, s'arrêta devant un trou, y fit
entrer sa patte et attrapa la tète du roi. « Les oiseaux, se dit ce der-
« nier en lui-même, m'avaient donné un bon conseil; que n'ai-je su
« le suivre! — Est-ce loi, lui dit le renard. — Oui. — Tu n'avais pas
« cru que telle serait la conséquence de ta sottise. — Laisse-moi
« aller; je te ferai reconduire dans ton pays; j'admire retendue de
« ta science et Télégance de ta ruse. — Mes parents, dit le renard,
a m'ont donné Thabitude de ne point lâcher ce sur quoi j'ai mis une
c fois la dent. Dans ta stupidité, tu n'as pas su te contenter des
« fruits et des nids qui avaient suffi à tes ancêtres. Tu n'as été con-
« tent que quand tu as pu faire toi-même Texpérience des choses,
« Tout cela vient de ton aveuglement. » Puis il le mangea et enterra
ses plumes. Les oiseaux cherchèrent partout leur roi, et furieux de
de douleur, tuèrent le renard à coups de becs et de griffes. Ainsi ils
ne trouvèrent à la mort de leur roi d'autre remède que la mort du
renard. » — Prends donc garde, ô roi, à l'Indienne.
— La femme, dit la princesse, ne peut être heureuse que si elle a
près d'elle quatre hommes : son père, son frère, son fils et son mari.
La meilleure des femmes est celle qui préfère son mari à toute sa
famille, et qui l'estime plus qu'elle-même. Quand une femme a perdu
son père et son frère, et qu'il lui reste son mari, voudra- t-elle le
faire périr? Aura-t-elle comme toi un naturel méchant et un carac-
tère pervers ? C'est bien là l'histoire du corbeau et de la colombe.
— Quelle est donc cette histoire, dit le roi ?
« — On raconte qu'un corbeau fréquentait la cuisine d'un roi. Il
arriva que les meilleures viandes disparaissaient quand elles étaient
toutes préparées. On pensait que c'était le corbeau qui les avait
volées, tant on avait peu de confiance dans son caractère. Les gens
du roi le chassèrent donc, en disant : « Nous ne pouvions rien atten-
a dre de bon de ce corbeau : il est de ces oiseaux qui planent dans
« l'air et dont on tire les mauvais présages ». Le corbeau raconta
son aventure à une colombe, avec laquelle il avait fait connaissance
et dont il suivait tous les conseils. Il lui avait dit quelle bonne nour-
« riture il trouvait dans cette cuisine. « Emmène-moi voir tout cela,
« lui dit la colombe ?. Le corbeau y consentit et l'emmena sur la
terrasse de la cuisine, t Je ne vois, dit la colombe, aucun endroit
« par où je puisse entrer. Creuse-moi un trou assez grand pour que
« j'y puisse passer; mon bec est trop faible pour que je puisse le
« faire moi-même ». Le corbeau perça le plafond de la cuisine
avec son bec, et la colombe put y entrer. Elle y ravit tout le monde
par la beauté de son corps et l'éclat de son plumage. Le chef de la
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
cuisine lui arrangea un endroit où elle fui à Taise pour passer la
Duil; et elle vécut en paix dans celte cuisine. c< Je ne t'aurais pas
• cru capable d'une pareille action, lui dit le corbeau. — Si j*avais
c( abusé de ta confiance, répondit la colombe, tu aurais le droit de
« me traiter en ennemie. Mais les gens savent bien ce qu'ils peuvent
« attendre de ta bonne foi et ce que procure ta société. Ils connais-
<' sent ton caractère fourbe et menteur ».
— Telle est notre histoire à toutes deux, fille du palefrenier. Si
j'avais eu confiance en toi, tu m'aurais.trahie, et ta fourberie m'aurait
tuée. C'est en moi, continua- t-elle, qu'a et : la confiance, et en toi,
la trahison. — Madame, dit la fille du palefrenier, les paroles que
j'ai laissé échapper ne venaient que de mon excès d'orgueil. J'ai
voulu seulement repousser loin de moi votre dessein de me marier
k votre esclave.
— Il le faut, dit la princesse.
— Hélas 1 dit la fille du palefrenier, quiconque s'est habitué aux
grandeurs ne saurait vivre désormais dans l'abaissement. La mort
me sera seule agréable.
A ces mots, elle prit du poison qu'elle portait sur elle, et le versa
dans sa bouche. Elle tomba morte. La princesse indienne resta fidèle
k son mari, et ils furent heureux.
Gaudefroy-Demombynes.
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 40&
LES MÉTIERS ET LES PROFESSIONS
IV [suite]
CHANSONS DES MÉTIERS
La chanson des tailleurs
ETTE chanson est encore connue et se chante,
au moins en partie» dans la presqu'île de
Quibéron. L'unique copie rencontrée jusqu^ici
sortait du presbytère de Locmaria-Quibéron.
Des recherches faites dans la tradition de ce
pays ont appris que la chanson, ancienne-
ment composée par un moine, dont le nom
est perdu, a été refondue et considérablement
augmentée, au commencement de ce siècle,
par le prêtre Mathieu Grouhel, originaire du village de sainte-Barbe
en la commune de Plouharnel, nommé vicaire de Quibéron en 1815,
et mort recteur de Sauzon en Belle-Isle, le 16 mars 1837.
L^idiome breton employé dans ce document est, non seulement
celui du pays vannetais en général, mais encore celui qui se parle
dans la région comprise entre Vannes et Quibéron, un peu différent
déjà]du langage usité dans les environs de Lorient. Le lecteur voudra
bien remarquer que l'orthographe de ce breton n'étant pas encore
i\\ée^ — elle ne le sera jamais — il n'y a rien d'étrange à ce que le
même mot soit écrit de différentes manières.
Quant au fond même, tout l'esprit de la pièce ne respire qu*un
profond mépris pour la race des tailleurs. Les auteurs n'ont fait que
traduire l'impression publique qui persiste toujours, surtout dans
es campagnes bretonnes.
Pour la forme, parfois un peu leste, il faut noter que la langue
celtique, comme la latine^ n'a pas les pruderies de la langue française
de nos jours. On pourrait la comparer au français du temps de
Rabelais. D'ailleurs, les auteurs de la chanson et celui de Gargantua
ont, entre eux, plus d'un point de ressemblance.
La version française, publiée en regard, se tient aussi près que
possible du texte breton. A cet effet, on n'a pas craint de sacrifier à
une rigoureuse exactitude les agréments dont il eût été facile, peut-
être agréable d'ornementer la traduction.
Parfois, le traducteur s'est permis, au profit des lecteurs, croit-il,
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RBVL'E DES TRADITIONS POPtLAIRES
d'ajouter des notes explicatives et de donner quelques rares étymo-
logies ; le tout cependant sans la moindre prétention.
{Ecrit et traduit par Cabhé Lueo, de Vannes, en janvier ISS 8),
GUÉR 6ANMEN ER GAMINERION
Chetui amen, tud a fœcon,
Guér histœr er gaminérioD :
Denaus é mant bet deit ér vro
Aq euo hum strawet tro a tro.
Ë'ty Melkahec a Verous
£* hoai bet gannet Comobus,
Tad Adam er gaminerion,
Hoa Aposlol a Sant Patron.
E* dad e hoai ann antér dal,
Ur fac sioch ag hav bancal.
Ma Tarai open hur bonn famm
E* hoai bet eun diaul guet é vam.
Hou mab Cornobus à groaidur
E hoai minet fal dré natur ;
Ma hoai lesbanwet eaminer
£ signifie min-cam à guer.
A pe hoai Cornobus deit bras,
E hoai barw ha bleu el Judas ;
Ur goal barly, hunn traitour fin,
Haval doh é dad coh Caîu.
Mœs, quement e ras er finot,
Eun doue, er guine ag enn dévot,
Quen a *hounias confianz
Enn duchentil ag enn noblanz.
En amzér hont, é leh dillat,
Ne vezai meit penneu guyat
Ar dro d'en dud, ag, angélleu
El er sœnt eun hou Elesieu.
Nezé, Cornobus peligour,
Eun tamig go ag angeniour,
E zas d'invantein ur veçhér
E zoug é leshanw camenér.
Doh en hirdet ag é vampreu,
Ean e drohas guet coutelleu
Tameu lienn et ré mehér
Aveit hum holein pen a rœr.
VÉRITABLE CHANSON DES TAILLEURS
Voici, bonnes gens,
La véritable histoire des tailleurs :
Comment ils sont venus au pays
Et se sont répandus tout au tour.
Dans la maison de Melkahec de Bernas (f)
Naquit Cornobus,
Père Adam des tailleurs,
Lear apôtre et saint patron.
Son père était un demi aveugle (borgne),
Une figure de singe et un boiteux.
Ce qoi faiMÎt dire, en oatre, ptr noe vieille fomme
Que le diable avait élé avec sa mère.
Leur fils Cornobus, dès son enfance,
Avait mauvaise mine par nature ;
S*il fut surnommé Ca min er
Cela sisrnifie mine d*un boiteux de vtUe.
Quand Cornobus fut devenu grand,
II était barbe et cheveux comme Judas ;
Une forte partie et un traître rusé, ■
Semblable à son grand^père Caîn.
Mais il fit tant le rusé,
Le doux, le gracieux et le dévot,
Qu'il gagna la confiance-
Des Messieurs (bourgeois) et de la noblesse.
Dans ce temps-là, en guise dliabits,
11 n'y avait que des bouts de pièce de toile
Autour des gens, et des couvertures,
Comme les saints dans leurs Eglises (2).
Alors Cornobus chaudronnier,
Un peu forgeron et ingénienr,
Vint à inventer un métier
Qui porte son surnom de Caminer (tailleur).
A la longueur de ses membres.
Il coupa avec des couteaux
Des morceaux de toile et de drap
Pour s'en couvrir tète et derrière (cul^.
1. Bernus est un village voisin de Vanne?.
2. Allusion aux statues voilées pendant le temps de la Passion.
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
4H
E' Gaosortet e zibouasquas
Ha der secour e ziredaa ;
Mœs aben ma boent arriwet,
Ne hoai miri Cornobus er bet.
Beq é voes e laras debé
£' hoai oueit corfhabloh guet Doué,
Ag en hou assamblé canvus
lud er groas sant patron Bernus.
Ino e rer goudé peb blé
Gouil Gornobufl de valardé
Ag e huiler caminerion
Er peu aq er précion.
Er guer zé, hanwet a guetan,
Bet en amzér zé Kergoban,
Hou des bet transhanwet Bernus,
De laret é borb Cornobus.
A viscouab er gaminerion
Ne boent bet meit fripponnerion,
Pautred friand, discueh, didail
Et houî oi en troyeu canaii
Glorius ind el pohonnet
Ha curius ei carellet,
E buél, e gleu ag e cbong tout
Ag e vout hou frieu partout.
Ne ^ai na foer nac assemblé
Hemb caménerion noz a dé ;
Aveit corol et peb canton,
Gonzel ding a Gaminerion.
Guet er merbet u pe grollant,
£' Tai guet bai, é leh argant,
Becbenneu a tacheu gouhab
Dobér carillon en hou sab.
Rac ne gaver den à fœçon
Sawet à rac caminerion ;
Hoah, à fond*, n'hel quet bout un den,
Meit ur bamcnér, ha pas quin (1).
Raçbley, raçsineh, raç quy, raçcab,
Ha rac serpant, goab ar hoab,
Raç bourraw ba raç caminer,
En diaulan seib raç e gaver.
Ses compagnons il éveilla
Et ils accoururent à son secours ;
Mais quand ils furent arrivés,
U n'y avait plus aucun Cornobus.
La bouche de sa femme leur dit
Qu'il était allé corps et tout avec Dieu,
Et dans leur assemblée joyeuse
Ils le firent saint patron de Bernus (1).
Là on fait, depuis, chaque année
La fête de Cornobus à Carnaval,
Et on voit des tailleurs
A la tète de la procession.
Ce village^ nommé d'abord
Jusqu'à ce temps là, Rercohan,
Ils Tout surnommé Bernus,
C'est-à-dire bourg de Cornobus.
De tous temps les tailleurs
N'ont été que des fripons,
Gars friands, désœuvrés, mal bâtis
Qui savent tous les tours de canaille.
Ils sont orgueilleux comme des paons
Et curieux comme des belettes,
Qui voient, entendent et pensent tout
Et qui fourrent leurs nez partout.
Il n'est ni foire, ni assemblée
Sans tailleurs nuit et jour ;
Pour danser dans chaque canton,
Parlez-moi de tailleurs.
Avec les filles quand ils dansent^
U est avec eux, en guise d'argent,
Des dés et des clous de couvreur
Pour faire carillon dans leur sac.
Parcequ'on ne trouve un homme honnête
Issu de la race des tailleurs ;
Encore au fond, il ne peut être un homme,
(Il ne peut éVn) qu'an tailleur et rien de plus.
Race de loup, race de ilnge, raee de chien, race de chat
Et race de serpent^ de pire en pire.
Race de bourreau et race de tailleur,
Les plus endiablées sept races que Ton trooTe.
1. Non loin du bourg communal de Plumelec (Morbihan], autrefois peuplé d'un
grand nombre de tailleurs, on voit encore, dit-on, une statue en pierre de saint
ornobus, perché sur le coin d'un mur, portant d'une main une boule de pierre
figurant une pelote de fil, et de l'autre un morceau de retaille.
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412
REVCB DKS TRADITIONS POPULAIRES
Ean hou staquas guet nedenneu
Ârdran, ha rauq doh é vampreu ;
Mœs, el ne chôment jainœs mat,
E' chugeas penaus hou grouyat.
Eao e guemiras ur spilleo.
En hé feutas dré dal er pen,
Ag é hanwas aben hadoué,
El ur présant deit a,berb Doué.
EY hlaw é passas eun nedden
E glommas queateh dré er pen,
Aq c gommancas de houryad
Aq a ben Caër de huitellad.
MœSf el ma rai hoah drouq dé vis,
E santas ur vechcn requis,
Ag e ras dehi quent é hanw
Ha vechen, poinson ha guitan.
Anfin é tas a ben el ce
D'achèwiu é habit nehué
Ha dlnyantein eun ol vin huer
E zou requis eit er vechér.
De husquas é guetan habit,
E hoai haval doh hun ermit,
Quem ne gredai bloh er réral
Ne hoais qnet ean, mœs ur Ion fal.
Touchant e vezai bet chasset.
De n'eun duézai hum zihusquet ;
Mœs, pe hanawezaot é hoai eon,
£* houantant houi laquât el d'hon.
Bloh é famill dré erbanton
E xai devuut caminerion,
A g eun noblanz, ag er princet
E zai duvout quet bon gusquet.
Int e rai dehon prœsanteu
Ag e voquai dé verlimeu
Forh gracius ag humblement,
Rac mer sellent bloh el ur sant.
Ne larein quet doh ne hoai quet,
Rac en diaul doh t'hon coleret
E za» de noz guet é ziscoué.
Ag er sammas hag é hulé.
Cornobus, é monnet guet bon,
E vucellas el hunn ejon,
Queû ne scontas chass ha brandy
Ha ma crénas ker, é mtnt d*hy.
H les attacha avec des fils
Devant, derrière, contre ses membres ;
Mais, comme ils ne restaient jamais bien,
11 songea comment les coudre.
il prit une épingle,
La fendit auprès de la tête,
Et la nomma aussitôt aiguilUf
Comme un présent venu de la paride Dieu.
Dans la chasse il passa un fil
Qu'il noua immédiatement par le bout.
Et il commença à coudre
Et tout aussitôt à siffler.
Mais, comme elle faisait encore mal & son duigt.
Il sentit qu*un dé lui était requis,
Et il lui donna (pour compagnons), avant son nom
De dé, un poinçon et une grande cisaille.
Enfin il vint à bout ainsi
D'achever son habit neuf
Et d'inventer tout le mobilier
Qui est requis pour le métier.
Quant il mit son premier habit,
U était semblable à un ermite.
Au point que tous les antres ne croyaient pas
Que c'était lui, mais un animal méchant.
Bientôt il eût été chassé.
S'il ne s'était déshabillé ;
Mais, quand ils reconnaissent que c'est lui.
Ils désirent se mettre comme lui.
Toute sa famille (1) par le canton
Devenaient tailleurs.
Et la noblesse et les princes
Venaient pour être par lui habillés.
Il lui faisaient des présents
lit baisaient ses instruments (meules & aiguiser)
Très gracieusement et humblement.
Car tous le considéraient comme un saint.
Je ne vous dirai qu'il ne l'était pas.
Car le diable en colère contre lui
Vint de nuil avec ses épaules
Et le chargea (sur ses épaules) de son lit.
Cornobus, en allant avec lui.
Beugla comme un bœuf
Au point qu'il épouvanta chiens et corbeau x .
Et que la ville trembla, dit-on.
1. Pour : tous les membres de sa famille.
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BEVUE DES TBADÎTIONS POPULAIRES
413
Âveit hoD mé, ne gredan quet
Efael bout caminer er bet
E ^ehai mad, é cas requis,
Sehuel en ur rang à daoi pris.
Quant à moi, Je ne crois pas
Qu'il peut être aucun tailleur
Qu'il soit bon, en cas requis,
D'élever à un rang du moindre prix.
Hur hamenér mar guel bout den Un tailleur, sll peut être homme,
E voé poen d'en douar en douguen ; La terre à peine à le porter ;
E za de vout quer rauc à fier II devient si arrogant et si fier
El hur baron en é vener. Qu'un baron dans son manoir.
Ilur hanener n'en dé quet mad
Mcit dobér droug a de barrad
Doh er réral a vout tranquil;
£' nitra quen n'hel bout habil.
Guel é gueneign Kaminerion
E heli hou vocation,
E vihue en hou mechér gannet
Ag e varhue en é el juifTet.
Bredér a houereziet ha yoh
Ampecbet m'ar bai moyant d'oh,
Hur valignour (1} à vout belec
A gaus dé ben ha dé fal vcc.
Hur haméner, den à bluen,
Ne vou meit chican en é beu ;
Avocat, m'ar bé, pé notair
Miracl' vou, m'ar ne vai ur lair.
Ur haméner, m'ar n'en dé sot
Ne glasquou quet bout martelot,
Rac er mor zou beneguet
Ag ur jiaméner n'en dé quet.
Er varteloded a Guerver (2)
Aoibarquet drè un amzer gaer,
K sondas bag a btoh ér mor
Guet er haméner Sanigor.
Hur haméuer, tam er goal chang.
Ne ra meit mal hur ha dirang
Der réral a pe vai guet hai,
Ar en doar, ar mor, en armé.
Er haménirik Dissonnik
Ui^coah de zen ne sonnai grik ;
Mœs ean e scrappë paud a dra
Hemb gober seblant à nitra.
Un tailleur n'est bon
Que pour faire mal et empêcher
Les autres d'être tranquilles ;
En rien autre il ne peut être habile.
J'aime mieux des tailleurs
Qui suivent leur vocation.
Vivent dans leur métier originel
Et yf meurent comme des Juifs.
Frères et sœurs en grand nombre,
Empêchez, si vous avez moyen.
Un tailleur d'être prêtre
A cause de sa lèle et de sa mauvaise laogue.
Un tailleur, homme de plume,
11 n'y aura que chicane dans sa tête ;
Avocat, s'il est, ou notaire,
.Miracle sera, s'il n'est pas un voleur.
Un lallleur s'il n'est sot,
Ne cherchera pas à être matelot,
Car la mer est bénite
Et un tailleur ne l'est pas.
Les matelots de Bclle-Isle,
Embarqués par un beau temps,
Sombrèrent navire et tout dans la mer
Avec le tailleur Sanigor.
Un tailleur, pièce de mauvaise chance ,
Ne cause que malheur et dérangement
Aux autres quand il est avec eux,
Sur la terre, sur mer, à l'armée.
Le petit tailleur silencieux
Jamais à homme ne disait mot ;
Mais il rapinait bien des choses
Sans faire semblant de rien.
1. Valigne est une grosse couverture de lit, en toile, remplacée maintenant par
les couvertures en laine. Pliêe en plusieurs doubles, elle sert de coussin au tail-
leur qui ne se met jamais sur une chaise.
2. Littéralement, Guerver pour Guerveur^ signifie ville grande. C'est encore le
nom celtique de'3elle>lie-en-Mer.
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414 RBVDB DES TRADITIONS POPULAIRES
Tammeu leyen, coh retailleu, Morceaux de toile, vieilles retailles
De husqueia é vugalégueu, Pour habiller ses petits enfants, '
Dobér hivisieu de Jannik Faire des chemises k Jeannic
Bit me vezai d'er sui propih. Pour qu'elle fût le dimanche proprette.
Chetui azen, é guirion^ Voilà, en vérité,
Buhédegueah Raménerioo ; La vie des tailleurs ;
Ne gaver quet hisloer hirroh On ne trouve pas histoire plus longue
Nac en diaul tam hanni villoh. Ni au diable du tout aucune plus vilaine.
Paul Guieyssb.
XXVI [suite)
COUTUMES DE MARCHÉ
En Hainaut, les marchands de moules ambulants autorisent leurs
clients, réunis autour d'eux, k manger autant de moules quils peu-
vent pour la somme de dix centimes. L*aulorisation cesse dès que
le client a toussé.
Alfred Harou.
LXXX
LES VERRIERS
En 1469, Jean II de Lorraine conféra aux verriers tous les privi-
lèges attachés à la noblesse : on les qualiGait au xvi® siècle, de
gentilshommes verriers.
Les gentilshommes de verre étaient peu estimés du reste dan^ la
noblesse ; témoin cette épigramme de Maynard contre le poëie
Saint-Amand dont les ancêtres étaient verriers :
Votre noblesse est mince
Car ce n'est pas d*un prince,
Daphnis, que vous sortez :
Gentilhomme de verre
Si vous tombez à terre,
Adieu vos qualités.
Les gentilshommes verriers se vengeaient des dédains de la
noblesse sur les roturiers qu'ils appelaient « sacrés^mâtins » ; ceux-ci
leur donnaient le nom de Hazis, c'est-à-dire Havis, desséchés, parce
que le travail des verriers les tient exposés à Tardeur des fours.
(Florentin Tiiierriat, Trois traictez^ Paris, 1606^ 8*)
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 413
Tous les ouvriers indistinctement prétendirent arriver à la no-
blesse, comme les verriers, par le seul fait de leur travail ; ils crurent
qu'il suffisait d'avoir obtenu un privilège de fabrication pour être
anobli et comme le dit le Manuel du verrier (collection Roret), le
peuple les crut sans contrôle, et la noblesse alors, passablement
ignorante, se contenta de les appeler « Savonnette à Vilain ».
Une tradition de TArgonne rapporte que Henri IV, lors du voyage
qu'il fit à Metz, en 1600, apercevant de loin les gentilshommes ver-
riers de la forêt d'Argonne qui accouraient se ranger sur son passage
au pont de la Biesme, demanda ce que c'étaient que ces gens :
« Ce sont les souffleurs de bouteilles » répondit le postillon qui
conduisait la voiture du roi.
— Eh bien ! dis leur de soulHer au c. de tes chevaux pour les
faire aller plus vite.
Aux environs de Charleroi — où Tindustrie verrière est très
développée — les souffleurs (ouvriers qui soufflent le verre) héritent
ce métier de leur père. On est souffleur de père en fils.
Ce métier lucratif (des souffleurs gagnaient naguère 12 ou 1400 fr.
par mois] est réputé très malsain.
Les souffleurs sont des messieurs parmi les ouvriers, aussi leur
morgue est-elle proverbiale.
Alfred Harou.
^.
o
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416
R^YUE DES TRADITIONS POPULAIRES
COiNTES ET LÉGENDES DE L EXTRÊME ORIENT*
XLII
NAISSANCE DE LA TERRE ET DES GÉANTS
VANT la conversion des habitants de Macaçar à
Tislamisme, ils croyaient o que le ciel n avoit jamais
eu de commencement, que le soleil et la lune y
avoient toujours exercé une puissance souveraine, et
vécu en paix Tun avec Tautre, jusqu'à un certain
jour qu'ils se brouillèrent ensemble et que le soleil
poursuivit la lune pour la maltraitter; que s'estant
blessée en fuyant devant luy, elle avoit accouché de la terre, qui étoit
tombée par hazard dans la situation où nous la voyons aujourd*huy :
que ceste lourde masse s'estoit entre-ouverte en tombant, et qu'il en
estoit sorti deux sortes de geans : que les uns s'estoient rendus les
maîtres de la mer, où ils commandoieiU aux poissons, excitoient des
tempêtes quand ils estoient en colère et n'esterntioient jamais sans
y causer quelques naufrages. Que les autres geans sestoicnt
enfoncés jusqu'au centre de la terre pour y travailler à la produc-
tion des métaux, de concert avec le soleil et la lune ; et quand ils
s agiloient avec trop de violence, ils faisoient trembler la terre, el
renversoient quelquefois des villes entières. Qu'au reste la lune
estoit encore grosse de plusieurs autres mondes, qui n'avoient pas
moins d'étendue que celuy-cy ; qu'elle accoucheroît de tous
successivement Tun après l'autre, pour réparer les ruines de ceux
qui seroient consommez de cent mille ans en cent mille ans, par les
ardeurs du soleil ; mais qu'elle en accoucheroit naturellement, et
non plus par accident, comme elle avoit fait la première fois;
parce que le soleil el la lune ayant reconnu par une commune
expérience, que le monde ne pouvoit subsister que par leurs
mutuelles influences, ils s'étoient enfin reconciliez, sous condition
que TEmpire du ciel se partageroit également entre l'un et l'autre,
c'est-à-dire, que le soleil regneroit la moitié du jour, et la lune
l'autre moitié » '.
4. Suite, voir t. X, p. 110, 36o, 411, 663.
2. Gervaise. Description historique du royaume de Macaçar, Ratisbonne, 1700,
iD-12, p. 154-156.
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RSVUE DES TRADITIONS P0PULA1B%;S 417
XLÏII
l'interdiction du vin
Pour expliquer Tinterdictioa du vin, les habitants de Ternate,
dans les Moluques, racontaient la légende suivante ^ : « Dieu
envoioit tous les jours à Mahomet deux de ses anges nommés Harot
et Mirot, qui lui aidoient dans toutes les choses qui dévoient lui
servir à rétablissement de sa religion. Un jour ils furent tous trois
invitez à un festin chez une fort belle femme, qui avoit à parler avec
eux. lis y allèrent et elle leur Gt tant boire de vin qu'ils s'enivrèrent
tous trois. Elle leur offrit alors de coucher avec eux, sous condition
qu'ils lui aprendroient auparavant une prière qui pût la faire monter
au ciel, et redescendre ensuite sur la terre.
Lorsqu'elle fut au ciel, Dieu à qui le péché qu'elle avoit commis
D'étoit nullement caché, commanda aux anges de la prendre par les
cheveux, et de la transporter dans une caverne, qui était proche de
Babilone, où elle devoil demeurer suspendue jusques au jour du
jugement. Or comme le vin avoit donné occasion à ce péché,
Mahomet en défendit l'usage à Tavenir d '.
1. Recueil de voyages qui ont servi à Véiablissemenl et aux proorès de la com-
pagnie des Indes Orientales formées dans les Provinces Unies de Pais-Bas, Rouen,
nte. 1 V. in-12, t. II, p. 243-244.
2. Altération de la légende musulmane de Harout et de Marout. Ceux-ci étaient
deux anges qui, ne pouvant comprendre rendurcissement de la race humaine,
furent envoyés par Dieu sur terre pour juger les hommes. Afin de les mettre à
l'épreuve, il permit qu'ils fussent tentés par une femme d'une rare beauté nom-
mée Zohrah (Vénus). Us étaient prés de succomber quand elle disparut tout-à-
coup et Dieu, pour punir les anges prévaricateurs leur offrit à choisir entre les
peines du monde et celles de l'autre. Us se décidèrent pour les premières et
furent condamnés k repter suspendus la tète en bas, dans un puits, près de
Babylone, jusqu'au jugement dernier; là, ils apprirent aux hommes la magie,
comme il est rapporté dans le Qorân, Sourate, II, verset 96. — El Modjâhid pré-
tend avoir vu Harout et Marout dans la position qui leur était infligée comme
châtiment. J'aimais, dit-il, à voiries choses curieuses, et ayant appris qu*à Baby-
loue (Babil) existait le puits de Harout et de Marout, je partis pour le visiter.
En y arrivant, je trouvai des habitatious; j'entrai dans l'une et je vis un indi-
vidu que je saluai. Il me souhaita la bienvenue et me demanda ce que je dési-
rais, Je rinformai de ce qui m'amenait et il ordonna à un juif de m'accompa-
gner, de me faire arrêter auprès du puits et de me rcnsei^uer sur les deux
anges. Nous allâmes au puits, mon guide ouvrit un souterrain où nous descen-
dîmes, en me recommandant de ne pas prononcer le nom de Dieu. J'aperçus
les deux anges, pareils à deux grandes montagnes et suspendus la tête en bas;
ils portaient des chaînes de fer qui allaient de leurs cous à leurs genoux. En les
voyant, je mentionnai Dieu très haut ; il s'ensuivit un trouble effroyable ; peu
s'en fallut que leurs chaînes ne fussent brisées. Le Juif s'enfuit, je le suivis et il
me dit : Ne t'avais-je pas recommandé de ne pas prononcer le nom de Dieu ? »
(El Ibchihi, UostaVref, Boulaq, 1292 hég., 2 v. in-4, t. 11, ch. LXV, p. 161). Cette
légende de la magie enseignée par deux anges se trouve déjà dans Hermias,
écrivain chrétien du second' siècle de notre ère (cf. Renan, marc-Aurèle^ Paris,
1884, in-8, p. 379-380).
TOMI XI. — AOCT-SBPTBMBRK 1896. 27
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418 REVUff DES TRADITIONS POPULAIRES
XLIV
LE MARU6E DE L'eSPRIT DU FEU
Le voyageur français Dernier, raconte la légende suivante, d'après
les livres sanscrits consultés par le P. Roa : Ils (Les Indiens) disent
aussi que la troisième personne de la Trinité s'est manifestée au
monde ; sur quoi ils content que la Slle d'un roi étant en état d*étre
mariée, et lui ayant été demandé par son père, qui elle vouloil en
mariage, répondit qu'elle ne vouloit être unie qu'à une personne
divine, et qu'en même tems apparut au roi la troisième personne de
la Trinité en forme de feu, que ce roi en donna incontinent avisa sa
fille, qui consentit aussitôt aux noces ; que cette personne de la
Trinité, toute en feu qu'elle étoit, fut appelée au conseil ; et que
voyant que les conseillers du roi s'opposoient à ce mariage, elle se
prit à leurs barbes, et les brûla avec toute la Maison Royale ; après
quoi elle épousa la tille ^
XLV
l'origine du feu
D'après une légende recueillie à Nouka-Hiva, « Mahoike (tremble-
ment de terre), chargé de garder le feu en enfer, s'acquittait de cette
tâche en conscience. Mauï, à qui on avait vanté l'utilité du feu,
descendit en enfer pour en dérober. Mais, ne pouvant tromper la
vigilance du gardien, il fit appel à sa générosité. Mahoike resta sourd
aux prières ; Tautre alors le provoquant, un combat s'engagea et
Mauï s'étant rendu maître de Mahoike, lui arracha un bras et une
jambe. Le malheureux mutilé pour sauver les membres qui lui
restaient, parut consentir enfin à donner son feu et voulut en frotter
la jambe à son vainqueur ; heureusement ce dernier devina la fraude.
Le feu ainsi porté sur la terre n'eût pas été sacré. Il somma vlonc
Mahoike de procéder autrement, et celui-ci enfin se décida k en
frotter la tête de Mauï en lui disant: Retourne d'où tu viens et
touche de ton front tous les arbres excepté le Keïka, tous te
donneront du feu » '.
René Basset.
i. Dernier. Des Gentils de VHindouslan, dans ses Voyages. Amsterdam, 1711,
2 V. in-12, t. II, p. 142-143.
2. Radjguet. l>es derniers sauvages, Paris, s. d., in- 12, p. 230-231 .
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REVUB DES TRADITIONS POPULAIRES
419
LES VEILLERYS AR6ENTEN0IS
ONsiEUR de la Sicotière, notre regretté collègue,
a, dans sa bibliographie des Traditions popu-
\ V^C^fiW ^ laires de TOrne parue dans \s. Revue en 1892
r XJBv V (t. VII p. 669 et 722), parlé de cet ouvrage dont
il possédait le manuscrit dans sa bibliothèque.
Il avait pour auteur Chrétien de Joué-du-Plain,
qui de 1840 k 1845 en avait amassé les maté-
riaux et les avait préparés pour l'impression .
M. Eugène Vimont put prendre chez M. de la
Sicotière copie d'une grande partie de ce travail, et fit des extraits
du reste du volume. La première pièce que nous donnons est
comf)lète, à Texception de quelques paragraphes qui formaient des
hors d'œuvre ; elle donnera une idée de la manière dont l'auteur
arrangeait les légendes, qu'il avait pourtant recueillies de la bou-
che des paysans. Pour les autres, nous nous contenterons d*en
extraire ce qui est véritablement populaire.
BASTIEN ET LES FÉES
Baslieo, gros réjoui de vingt ans, si j'ai bonne mémoire, revenait
un soir de courtiser Rosalie, il était un peu tard car minuit appro-
chait, mais un samedi on peut passer quelque chose, d'ailleurs il
avait reçu les bonnes paroles et gaiment regagnait son village.
Arrivé dans le sentier de Montmilcent-sur-Tournay, il se mit à
chanter, puis à sifller, puis à chanter encore, un son léger frappa
son oreille, il s'arrêta: c'est une musique, se dit-ril, qui pénètre le
cœur, il s'avance et l'harmonie se fait encore mieux entendre,
ayant passé un escalier de pierre qui protégeait, avec un fossé
garni d'une haie épaisse, la pièce d'où il sortait pour entrer dans
l'herbage de Montmilcent, il aperçut, au clair de la lune, près
d'énormes fragments de rochers, gisant au pied d'un massif de
chênes séculaires, des femmes qui lui parurent jeunes et belles ;
toutes portaient des robes blanches, longues, flottantes et seulement
fixées sur la taille par une ceinture bleue, leurs cheveux épars
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420 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
descendaient en longues boucles sur leurs épaules, une couronne
de gui ornait leurs têtes, des guirlandes de fleurs se dessinaient en
festons sur leurs robes et chacune d'elles tenait à la main un
rameau de verveine. Bastien pensa d'abord aux dames du château
voisin qui, dans celte belle soirée, auraient pu venir en ce lieu pour
respirer le frais et se récréer, mais l'heure et le nombre le laissè-
rent dans le doute et piquèrent sa curiosité ; il s'avança encore,
admirant leurs danses naYves, leurs pas variés, lents, puis animés,
qu'elles exécutaient en décrivant un cercle. Quelle musique, quelle
danse, quels........ pensa-t-il en lui-môme ! Si Rosalie était là! elle
danse bien aussi et serait des plus jolies. Ayant pu examiner
chacune d*elle, il se dit encore : mais en voilà une qui est rousse,
une qui est bossue, une il allait continuer sa critique, mais les
fées, (car c'étaient des fées) trouvaient déjà son indiscrétion inconve-
nante ; simples femmes ou déesses ne pardonnent pas sur ce point ;
elles résolurent donc de se venger.
La danse continue, s'approche insensiblement, et notre curieux
se trouvant au milieu, dans un instant fut enlevé au-dessus des
nuées et là lancé à de grandes distances, des mains d'une fée dans
les mains d'une autre; tantôt il croyait monter, tantôt il croyait
descendre et se casser le cou, puis il était renvoyé à droite puis à
gauche, puis d'un côté puis d'un autre, au milieu des éclats de
rire. Le jeu continuait depuis longtemps et le malheureux hors de
lui, comptait sur une fin tragique, lorsqu'il tomba dans les mains
d'une fée pour lui compatissante, ayant calmé ses sœurs, elles le
mirent à la place où elles l'avaient pris en lui reprochant tendrement
son imprudence. Bastien se repentit et voyant la paix faite, il
demanda s'il pouvait connaître le nom de celle à qui il devait la vie.
Je me nomme Artémise, dit la fée, et je présidais autrefois aux
eaux d'une fontaine que l'on appelle aujourd'hui le puits d'enfer.
L'antique usage s'étant conservé dans votre maison de mettre une
serviette blanche sur une petite table avec un couvert pour la fée
qui doit prendre soin du nouveau-né, c'est moi, qui, dans votre
enfance, calmais vos peines par de douces illusions et si quelque
génie malfaisant vous arrachait des cris, c'est encore moi qui, par
mes soins, parvenais à détruire le charme. Bastien ayant exprimé
sa reconnaissance ajouta : ma mère m'a souvent raconté les histoires
de vos sœurs les fées qui ont coutume d'apparaître à Rànes, à
Crevecœur, à Argentan, à la Ferté-Fresnel et autres lieux, merci,
n'ayant rien vu de pareil, je ne savais quelle foi je devais avoir à
ses récils ; du reste, de grâce faites-moi connaître votre demeure.
Notre patrie, répondit Artémise, est l'immensité, nous avons
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hëVCé des traditions populaires 421
aussi habité la terre où nous nous rendons souvent pour visiter des
lieux qui nous sont encore chers, parfois nous nous réunissons
dans des sites qui nous paraissent agréables, pour y célébrer nos
fêtes. Notre puissance est grande, mais nous n'en faisons usage que
pour le bien. Quelques-unes de nos sœurs sont renommées par leur
sévérité qu'on a souvent prise pour de la méchanceté ou des caprices ;
la fée du vieux moulin de Joué-du-Plaîn fait tomber à Veau le mal
poli qui ne la salue pas en Tinvitant de passer la première le
ruisseau où se réunissent les eaux de la fontaine voisine dont elle
prenait soin : celle d'Argentan fait tomber à l'eau les laveuses qui
bavardent ou boivent avec excès ; celle de Rànes corrige les impru-
dents qui ne se retirent pas lorsqu'ils la surprennent faisant sa
toilette ; celle de Tanques punit les fripons ou les arrête dans leurs
courses nocturnes ; celle de la Ferté-Fresnel donne aux méchants
des illusions qui les égarent ; et mes autres sœurs, ajoula-t-elle, ont
des corrections pour toutes les circonstances, nous pensons et nous
agissons comme à Tépoque où nous habitions la terre, tout est
changé, mais ce qui était juste doit toujours l'être, nous suivrons
dans la suite des siècles les préceptes de nos druides si vaillants et
si sages.
Il y a parmi nous des fées qui sont filles du ciel et d'autres filles
de la terre, celles-ci partagent l'immortalité avec les premières,
mais seulement pour quelques milliers de siècles, après lesquels
elles reviennent simples mortelles habiter la terre pour mériter les
mêmes récompenses ; nous sommes si nombreuses que pour vous
citer tous les noms, il me faudrait plus d'une année, nous avons
sous notre protection les forêts, les prairies, les fleurs, les rivières,
les ruisseaux et les fontaines.
Bastien demanda les noms de quelques fées de l'arrondissement
d'Argentan et les lieux qu'elles affectionnaient.
Artémise Marion prend soin des fontaines de notre chef-lieu, c'est
elle qu'on entend parfois frapper du battoir, lorsqu'elle fait sa les-
sive au clair de lune ; Audoine prend soin de la fontaine du bois de
Fil sur Rànes; Plaisance prend soin d'un vallon gracieux où l'on voit
ses pas sur un rocher avec ceux d'enfants qu'elle y amène pour jouer
à la fossette que Ton aperçoit à huit ou neuf pieds de distance : le
but est fixé par un pas d'àne,ce rocher qui porte le nom de la fée est
situé près du village de la Folletière et à peu de distance du Montgad
commune de Joué-du-Plain. Sa fontaine favorite se trouve au midi
et porte à i'Udon le tribut de ses eaux ; Gournoue prend soin d'une
fontaine qui porte son nom dans la commune de Tanques et elle
fréquente dans ses promenades les bords de la Cance. Les rivières
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4ââ RëVUË DBS TRADITIONS POPULAIRES
avaient aussi leurs fées protectrices. Je ne vous citerai que TOrne qu
prend sa source à. Aunou, près Séez, la Baise dont les eaux de cer-
taines fontaines qui s'y trouvent mêlées et qui étaient consacrées à
des fées, mes sœurs^ passent sous terre à Saint-Christuphe-le-Jajolet
avant d'arriver à Téglise et reparaissent à Grogny pour se réunir de
nouveau à la Baise qui se décharge dans l*Orne; TAvre qui roule des
paillettes de couleur d*or ; la Guiel qui prend naissance dans la
fontaine d*enfer passe sous terre au-dessous de la commune
d'Heugon au hameau des fuyards pour reparaître volumineuse dans
la commune de Ternant, continuer sa route et se Joindre à. la
Carentonne ; Tlton qui passe sous terre tout-à-coup vis-à-vis Téglise
de Villatet pour sortir et donner à une lieue plus loin naissance à
plusieurs fontaines dont la plus renommée se nomme fontaine aux
Dames ; la Dives qui partage ses eaux au-dessous de Chambois ; un
des courants conserve son nom, Tautre porte le nom de Vie.
Le son que vous entendez en plaçant l'oreille contre terre dans
les lieux oQ ses eaux disparaissent est produit pas les paroles de
nos sœurs, qui habitent des palais pratiqués dans les bords de ces
conduits souterrains et garnis de vitraux qui reflètent mille
couleurs.
Je ne peux, répéta Arlémise, vous citer tous les autres lieux où
présidaient mes sœurs, je ne ferai que vous indiquer la fontaine du
Bourget, à Avesnes, de Gourgon, de Thion à Sévigny, de Saint-Jean
à Francheville, du Trépied à Neuvy, de Saint-Martin à Rosnay, de
Renette à Moulins, d'Ozon au Sap, de Sainl-EvrouU dans la commune
de ce nom. Les rochers, les bois, les prairies et les campagnes que
protégeaient nos sœurs sont aussi très nombreux et tous ces lieux
sont remarquables par leur fertilité ou leur agréable situation.
LA DEMOISELLE ET LE MONSIEUR HABILLÉ DE ROUGE
Une jeune fille de Nouant se lamentait sur le bord d'un chemin.
Un homme habillé de velours rouge vint à passer et offrit à la jeune
fille de la prendre à son service. Il la fît monter sur son cheval noir
et elle pénétra dans un palais éclairé par une lumière obscure. Elle
devait rester là et faire bouillir une chaudière qu'elle ne devait
jamais ouvrir. Trois ans se passèrent. Un jour entendant des cris,
elle ouvrit et vit sa mère qui brûlait et qui lui dit qu'elle brûlait
pour n'avoir pas corrigé assez tôt sa fille. L'homme rouge chassa la
fille qui revint trouver son père. Elle pria pour sa mère qui fut sau-
vée et qu'elle alla rejoindre.
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RfiVOB DES THADITIONS POPULAIRES 4^3
LA DEMOISELLE DE VRIGNY ET LE VOITURIER
On voyait autrefois pendant les nuits dans un vieux chemin qui
conduit de Flemé à Vrigny une demoiselle se promener au clair de
la lune. Un jeune charretier, Tayant un soir rencontrée, fut saisi
par elle, et forcé de faire cinq ou six culbutes. Elle s'éloigna en-
suite et le jeune homme vit encore un instant sa robe flotter dans
Tobscurité, puis disparaître.
Dans le buisson du bon Dieu, môme commune, près le grand che-
min d'Ecouché à Sées, une lumière luit à certaines heures de la nuit.
Tout près de là, on voit encore, vers la croix du tronc, un être de
forme humaine, compter, vers minuit, à la lumière d'une chandelle
sur une petite table, des louis d'or en grande quantité. Il en a offert
à des voyageurs qui n*ont pas voulu les accepter.
Il y a d'autres lieux hantés : le Pommier au Chat^ à Vrigny ; le
Champ au Diable, sur Argentan ; le réage d'Enfer, sur Sentilly ;
l'acre au Garon, sur Montabard et le Champ Godain sur Croisilles.
LE RESTE AU DIABLE
Un homme d'auprès Ecouché jurait toujours, il se plaisait à dire
des litanies de jurons. Un jour, il termina en souhaitant « que le
diable l'exterminât. » Aussitôt il s'éleva une grande tempête, et au
milieu d'un bruit terrifiant il fut saisi par une main invisible et jeté
avec tant de force dans un buisson d*épines qu'on le crut tué. Il
n'avait cependant que quelques côtes brisées, les bras et une jambe.
On fut obligé de couper le buisson pour le retirer et comme il porte
encore les traces des déchirures d'épines l'on ne le connaît que
sous le surnom de « Reste au Diable. » Cela l'a corrigé.
LE BLATIER, l'arracheur DE DEVISE, LE VALET DE MEUNIER ET LA BIÈRE
Il faut que chacun vive de son métier. Les boulangers vendent à
faux poids, les aubergistes ne donnent pas la mesure et falsifient
leurs boissons. Ceux qui transportaient les bornes des propriétés
étaient punis du fouet et bannis. Le possesseur du Champ de la
Devise ayant arraché des devises pour les replacer plus loin a été
condamné, après sa mort, à les poser aux places qu'elles occupaient.
Souvent on l'entend de nuit, s'écrier d'une voix lamentable : « Où la
remettrai-je ?» La nuit entière il cherche sa place inutilement. Sans
cesse, il pose la devise en disant : « Est-ce là? » mais jamais il n'ar-
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i2i AËVÛË des tftAt)tTIONS POPCLAIBËS
rive juste. Il s*avance, recale, et toujours pose la devise en disant :
« Est-ce là? » Puis le jour arrive et le malheureux damné recom-
mence.
• Un soir un garçon meunier revenant au moulin aperçut dans sa
route une bière avec quatre cierges allumés. Il donna à la bière Veau
bénite avec un calme parfait et la replaça après avoir passé ; elle
renfermait le corps d'un valet de meunier autrefois voleur et qui
avait été damné.
LE FRANC-MAÇON
Un homme s'était fait recevoir franc-maçon en signant un pacte
avec lediable. 11 s'enrichissait de jour en jour et assistait aux réunions
où le treizième couvert était pour le diable. Avant de mourir cet
homme vit chez lui des choses étranges et le diable s'empara de lui
aussitôt après son trépas.
Eugène Vimont.
/
COMMENT ON SOUHAITE LA FÊTE
I
dans le LUXEMBOURG BELGE
^^^^ Haut- Pays (Luxembourg), la veille de la fête d'un habitant
^^■y du village, les amis préparaient, à son insu, ua bouquet,
Uyi^ composé le plus souvent d'une branche d'aubépine ou de
sapin sur laquelle se trouvaient suspendus des biscuits,
des caramels, des macarons et quelquefois un mouchoir.
Ce bouquet émergeait d'une pomme dans laquelle il était enfoncé
ou d'un paquet de tabac. La fête s'annonçait par une salve tirée par
les voisins, puis on allait ensuite frapper à la porte du héros de la
fête. Celui-ci ouvrait aussitôt; on lui débitait alors ce petit boni-
ment, en lui offrant le bouquet :
Je viens, ici, ce soir, avec un bouquet à la main
Pour vous aoDOUcer la fête de demain ;
Mais s*il y manque une fleur.
Mettez-y celle de votre cœur.
[Reoj^lli à Haut'Foys). Alfred Harou.
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REVUE DES TRADITtONS POPULAIRES 42o
LÉGENDES CONTEMPORAINES^
II
LE MARABOUT QUI ARRÊTE LE TRAIN
oici une légende qui ressemble
beaucoup à celle insérée dans le
numéro 6 de la Bévue des traditions
populaires.
Malgré ses nombreux points de
ressemblance avec la légende de Si
Mohammed-ben-bel-Kassem, nous
n'hésitons pas à la donner, pour
bien démontrer que Tidée d'obs-
truction au progrès fait son chemin
auprès des Arabes et que d'ici à peu de temps il ne se trouvera plus
un seul disciple de Tordre de Sidi-Abderahmane-bou-Kobrine qui ne
revendique son petit miracle.
Près de la gare du Nador ', station située sur la ligne ferrée de
Bône à Guelma, à vingt kilomètres est de cette dernière localité, la
voie traverse la tribu des Nbaïls qui comporte 4031 indigènes, une
superBcie de i4720 hectares et est dirigée par le cheikh (adjoint
indigène) El Arbi ben Mekki ^.
Dans cette tribu existe le nommé Sidi-Amara-ben-bou-Diar^ Mara-
bout vénéré, Khouan de Tordre religieux des Bah mania.
Ce religieux prétend qu'un certain jour se trouvant dans le train
avec une dizaine de ses coreligionnaires, il voulut, vers quatre heu-
res deTaprès-midi, faire arrêter le train afin de dire la prière de Tacer
au milieu de ses Khouans (frères), mais le chef du train n'ayant pas
voulu Técouter, il n'eut qu'à étendre la main pour que la machine
s'arrêtât immédiatement comme par enchantement.
Les admirateurs du marabout ajoutent que tant que la prière ne
fut pas terminée, le mécanicien s'épuisa en vains eÏÏbrts pour
mettre en marche sa machine et qu'il n'y réussit qu'autant queSidi-
i. Cf. t. XI, p. 316.
2. Ne pas confondre avec la montagne Nador près de Médéa.
3. Ck)mmune mixte de la Sé6a département de Constantine.
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426 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
Amara-ben-bou-Diar et ses coreligionnaires eussent terminé leurs
dévotions.
Comme on le voit, la version de'Sidi-Âmara-ben-bou-Diar ne diffère
de celle de si Mohammed-ben-bel-Kassem que par le remplacement
du pied par la main.
Les musulmans de la région de Guelma ne disent pas encore si
Sidi-Amara-ben-bou-Diar a le geste onctueux des patriarches, ils se
contentent de dire qu'il approche de Dieu (qu'il soit exalté) et qu'il
est un des plus puissants marabouts de la région.
III
LE MARABOUT ENLEVÉ AU CIEL
A treize kilomètres au nord de Sedraia, dans le douar Méida de
cette commune, se trouvent les ruines romaines appelées par les
indigènes Henchir-Sidi-Yahia-ben-Affif.
Ces ruines sont situées sur un piton élevé distant de la route de
Guelma d'environ sept cents mètres à louest de la maison canton-
nière et près de la limite des communes mixtes de Sedrata et Ouad-
cherf.
Au milieu de ces ruines qui ont une superficie approximative de
un hectare et demi se trouve une construction sous terre ayant neuf
compartiments de six mètres de long sur un mètre quatre -vingt
centimètres de large, un mètre soixante-dix centimètres de haut et
recouverts de grosses dalles en pierre dont deux sont percées de
trous circulaires pouvant donner passage à un homme.
Les compartiments communiquent entre eux par une ouverture
demi-circulaire située à la base de chaque muraille séparative.
Les indigènes racontent qu'un certain marabout nommé, Sidi-
Yahia-ben-Aflif, très vénéré, s'étant aventuré dans les compartiments
précités s'avança très loin sous le sol et ne pouvant parvenir à
retrouver son chemin y mourut.
Toutes les recherches faites en vue de découvrir son cadavre
demeurèrent vaines, Dieu l'avait enlevé au ciel !
Depuis cette époque les ruines de Sidi-Yahia-ben-AlTif sont l'objet
d*une grande vénération de la part des indigènes.
Ceux de la fraction Oulad Si Affif * de la commune mixte de TOuad-
1. DesceDdants de Sidi-Ydhia-beo-Affîr.
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REVUE DBS TRADITIONS POPULAIRES 427
cherf et ceux de la commuDe mixte de Sedrata s'y rendent chaque
année en pèlerinage.
Ils y font un repas religieux composé de couscouss et de poulets
bouillis, allument quelques petites bougies en cire rouge^ verte et
jaune au pied de Tunique arbre qui se trouve sur les ruines et accro-
chent aux branches de cet arbre un petit morceau de leur gandoura
(chemise) ou de leur haïck (pièce d'étoife qui se place sur la tète).
Puis ils redescendent du piton après avoir récité la prière finale
conformément aux prescriptions du Ktab Allah (le livre de Dieu : le
Coran).
IV
AIN-KHAMISSA
A quatorze kilomètres Nord-Est de Sedrata, existent les ruines
de la ville romaine de Thubursicum Numidarum, que les Arabes
appellent Khamissa.
Ces ruines sont assez importantes et comportent entr'autres
vestiges, lés restes de Thermes près desquels coule une source
donnant un assez fort débit.
Les indigènes prétendent que Teau de cette source charrie du
sang, des entrailles, de la graisse provenant des cadavres romains
dont les tombes se dressent, encore debout, dans la nécropole située
au-dessus et à quelque distance.
Depuis que cette légende a été lancée^ les Arabes du pays se
gardent bien d'employer Teau de TAïn-Khamissa. Ils ne s*en servent
même pas pour leurs ablutions, malgré cependant qu'ils ne soient
pas très exigeants sous ce rapport.
SIDI-BEL6H1T
Ce nom est celui d'un saint homme, très vénéré, qui est enterré
dans une mosquée dont il était le desservant et qui est située à
environ deux kilomètres nord-est de Sedrata. D'après les indigènes,
ce marabout vivait à Tépoque ou le bey Salah régnait à Constan-
tine*.
1 . Salab, soldat turc, fut d'abord caïd des Haracta, puis Kalifat et enfla Bey en
1171 de notre ère.
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428 REVCB DES TRADITIONS POPULAIRES
Le tombeau de Sidi-fielghit est un but de pèlerinage pour les
Arabes du pays ; en outre lorsqu'ils ont entr*eux une discussion
d'intérêt quelconque, ils en appellent au m&nes de Sidi-Belghit. Si un
fuit est contesté par une des deux parties, celle-ci défère à l'autre le
serment, sur la tombe vénérée du marabout ; dès que l'adversaire
a juré dans la forme voulue, le différend est aplani.
Le plus souvent, un arrangement intervient avant que la forma-
lité du serment soit remplie, car les indigènes craignent en mentant
(cela leur arrive fort souvent) d'irriter Sidi-Belghit qui leur ferait
payer cher, par une infortune survenant dans Tannée, leur faux
serment.
Les Arabes attribuent à Sidi-Belghit une masse de choses surnatu-
relles, mais nou3 ne mentionnerons que les plus répandues :
1. Un certain marabout appelé Sidî-Mabrouk dont la djemaa
(mosquée) se trouve à environ cinq kilomètres de celle de Sidi-
Belghit vivait en mauvaise intelligence avec ce dernier.
Un jour, Sidi-Mebrouk eut l'audace de tirer un coup de canon sur
la mosquée de Sidi-Belghit qui brisa un magnifique figuier situé
près de ladite mosquée.
Sidi-Belghit pris de colère, chargea aussitôt un canon qu'il possé-
dait et tira sur la mosquée de son adversaire. D'après la tradition,
ce coup de canon fut si violent, eut des effets si terribles, qu'il suffit
pour démolir complètement l'importante habitation de Sidi-Mabrouk.
Ce dernier essaya bien souvent de reconstruire sa djemaa, mais
il ne put y parvenir. La simple volonté de Sidi-Belghit empêchait
les murs de s'élever au-dessus du sol *.
2. Le bey Salah ayant entendu vanter le pouvoir et Ja piété de
sidi Belghit, résolut de s'en rendre compte par lui-môme. 11 se ren-
dit auprès du célèbre marabout et lui demanda de prouver sa
puissance.
Sidi-Belghit fit alors tuer une vache et l'ayant découpée en mor-
ceaux, il pria le bey d'inscrire sur chaque morceau le nom des
divers marabouts des environs ; le bey fit comme il le désirait ; tous
les morceaux furent alors placés dans une grande marmite pleine
d'eau sous laquelle un bon feu fut allumé. Au bout d'un certain
temps, la viande de tous les morceaux était cuite, sauf celle du
1. Le marabout Sidi Abderahmane ben el Hafsi ût dernièretuent reconstruire
une Roubba (chapelle) sur remplacement de rancienne mosquée de Sidi-
Mebroulc. Le charme de Sidi-Belghit est donc rompu.
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES l29
morceau portant le nom de Sidi-Belghît qui était au contraire, toute
saignante.
Devant cette manifestation de la puissance de Sidi-Belghit le bey
Salah fut convainx;u et le tint alors en grande estime.
3. Le même bey Salah se trouvant à la tête d'une troupe de pèle-
rins se rendant à la Mecque, rencontra sur sa roule un fort cours
d'eau qui empêchait sa troupe de passer. Sidi-Belghit, qui était
parmi les pèlerins, fut appelé et le bey Salah qui avait grande con-
fiance en sa sagesse lui demanda conseil.
Sidi Belghit lui répondit : « Rebbi houa moalana » Dieu est notre
maître, et étendant son bâton de voyage sur les flots, ceux-ci se
divisèrent et laissèrent passer les pèlerins * .
Salah-bey pour marquer sa reconnaissance envers Sidi-Belghit,
lui fit construire à son retour de la Mecque la djemaa qui existe
encore et qui est actuellement administrée par Si Bouziane ben
Tahar descendant direct (6* génération) de Sidi-Belghit.
Achille Robert.
LES HEROS POPULAIRES
BARBE BLEUE
En Remouillé (Loire-Inférieure) se trouve une sorte de camp dont
il est malaisé de déterminer l'âge ; on lui donne dans le pays le nom
de Camp de Barbe-Bleue... Dans le comté nantais la renommée de
César est souvent contrebalancée par celle de Gille de Retz, autre-
ment dit Barbe-Bleue ; tous les châteaux sans propriétaire avéré lui
appartenaient suivant la croyance populaire, toutes les fois que cet
ogre apparaît quelque part, on peut être sûr qu^il s'agit de vesti-
ges anciens. (Léon Maître, dans Revue de Bretagne et de Vendée,
XVL33). F, S.
I. Légende copiée sur celle de Moïse.
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430 REVUE DES TBADITIONS POPULAIRES
LES VILLES ENGLOUTIES *
CXCIV
LE LAC NOIR A SCHOKKEN
(Posnanie)
ON loin de la petite ville de Schokken, il y
a un petit lac circulaire, d'une profoo-
deur démesurée : son eau a un aspect
noir ; de là lui vient son nom. Autrefois
s'élevait là une ville dont les habitants se
distinguaient par leur zèle et leur activité
et étaient arrivés à un grand bien-être :
mais leur impiété s'accrut en même
temps ; ils menèrent une vie dissolue et
raillèrent les choses saintes. Toute la
ville fut engloutie et il n'en reste plus de traces. Mais lorsqu'un
voyageur, en été, longe le lac de bon matin, avant que le soleil se
lève, il peut encore entendre souvent le son mystérieux des cloches
de la ville engloutie ^.
CXCV
DESTRUCTION DE FETL-HUKU
{Nouka-Hiva)
Dans les temps reculés, le rocher de Fetu-Huku était un vaste
plateau, porté comme un champignon sur un pied étroit. Ses habi-
tants, malgré les menaces réitérées de Tiki, s'adonnaient aux plus
extravagantes débauches. Le Dieu, enfin, las de ces débordements,
prit l'île par la base et l'engloutit dans les flots. Depuis cette époque,
il n'en reste plus qu'un îlot aride, environné de poissons maudits et
1. Suite, voir t. XI, p. 379.
2. Rnoop, Sagen una Erzùhlungen ans der Provinz Posen, Poseo, 1893, in 8, p. 4'i.
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 131
I
hantés par les oiseaux noirs de la mer qui sont les &més de ses
anciens habitants ^
CXCVl
l'étang d*ascuenforth
(Posnanie)
A Aschenforlh, dans le cercle de Kolmar, vivait, il y a de
nombreuses années, un homme très riche. Un jour toute sa récolte
fut abîmée ; il en fut si attristé qu'il commençaà injurier Dieu. Pour
sa punition, le Seigneur le fit disparaître avec toutes ses constructions
à la place desquels il existe un étang sans fond '.
CXCVII
le CHATEAU PRÈS DE LOSSLN
[Poméranie]
Près de Lossin, sur la Stolpe, un pont est dominé sur la rive
droite de cette rivière, par une haute montagne sur laquelle
s'élevait autrefois un ch&teau. Les crimes de ses habitants furent
tels qu'il fut abtmé dans la Stolpe avec tout ce qu'il renfermait. Un
jour on aperçut au fond de l'eau la porte en treillis de fer qui
conduisait au château : un flotteur parvint à l'amener à la surface,
mais tandis qu'il appelait ses compagnons à son aide, la porte
disparut tout à coup '.
CXCVIII
LE MARAIS DE BOFFERDANG PRÈS d'oBERKERSCUEN
[Luxembourg]
Sur le territoire d'Oberkerschen, à environ 300 mètres de la pointe
orientale de la forêt communale, existe un marais, dont la surface
i. Badiguet. Les derniers sauvages. Paris, s. d., in-12, p. 231.
2. Knoop. Sagen und Erzâhlungen, p. 43-44.
3. Knoop. Volkssagen, Erzilhlungen, Aherglauben^ Gebrâuche und Mârchen aus
dem Ôsllicnen Hinierpommern, Posen, 1885, in-8, p. 51.
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432 REVUE DK8 TRADITIONS POPULAIRES
occupe de deux à trois arpents et forme un triaogle alloogé. Pen-
dant la saison humide, il est entouré d'eau et il en sort de grands
roseaux. Pendant la saison sèche, on peut s'y aventurer sans
danger; il faut seulement prendre garde k Tendroit où doit se
trouver le puits profond du château englouti. La surface du marais
est couverte d'une mousse qui a poussé si dru qu'on ne pourrait pas
facilement s'enfoncer dans la vase qui se trouve au-dessous. L'eau
s'écoule des deux côtés.
11 y a bien des années, s'élevait là un château dont les maîtres
étaient renommés dans le pays pour leur avarice et leur dureté
envers les pauvres. Ils lâchaient leurs chiens contre les mendiants
qui venaient implorer une aumône, en sorte qu'aucun malheureux
n'osait y solliciter la charité.
Un jour un vieillard vénérable arriva dans la cour du château :
mourant de faim et appuyé sur son bâton, il demanda une aumôae :
mais le seigneur fit lâcher les chiens contre lui. Une servante,
émue à ce cruel spectacle, rappela les chiens, courut dans sa
chambre et apporta au mendiant une partie de ses économies.
Quand il eut reconnu qu'elle avait un cœur compatissant, il la pria
avec insistance de quitter immédiatement le château et de le suivre
rapidement. En même temps, il lui ordonna de ne pas regarder
derrière elle jusqu'à ce qu'il fit halte. Après avoir marché on peu, le
vieillant s'arréla près de deux grands poiriers. La jeune 611e
regania autour d'elle, mais rien n apparaissait plus do magnifique
château qu'elle venait de quitter : il était englouti : seule, la chemi-
née émergeait de Teau profonde. Un superbe berceau en or où se
trouvait un petit enfant surnagea quelque temps sur Teao — quelques
uns disent huit jours — et fut englouti à Tendroît où se trouvait le
puits du château. Lorsque la jeune fille se tourna vers son compa-
gnon, il avait disparu. Elle seule avait été sauvée, tandis que tous les
autres habitants du château avaient été misérablement engioutis.
On prétend qull y a cent vingt ans environ, les mines étaient
enc\>re visibles : le château se serait abimé d'un bloc et se serait
conservé au milieu du marais.
Diaprés d^autres traditions, un valet et une servante offrirent leur
pn^pre déjeuner au vieillard chassé par leur maître. Pour ne pas
laisser leur charité sans récompense, il ordonna au valet de prendre
le meilleur chevaK à la servante, la meilleure vache de Télahle et de
le suivre. Quand il> furent éloignés du château de quelques mètres,
ils regant^reot derrière eux et ne virent plus que les Ianus qai
sVu^ioutissaieut dans le sol. Le coq sVnvola sur le denier pîgnon,
|Kms8a euo\)re un cri et disparut. Au^jourd^liiii tes eubals
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REVUfi DES THADITIONS POPULAIRES 433
diverses places où auraient dû se trouver les puits. — Seul un
enfant, à ce qu'on prétend, aurait été sauvé dans un berceau d'or et
ses descendants doivent de nouveau bâtir un château et être
puissants ^
CXCIX
LE CUATEAU DE KLEHNITZ
[Poméranie]
On raconte à Jershôft qu*il existait jadis sur le rivage de la
Baltique un château du nom de Klemnitz 0(1 vivait un chevalier qui
exerçait le brigandage. Plus tard, il fut détruit par les vagues et
quand le temps est clair, on voit encore les pierres au fond de la
mer^
ce
LE CHATEAU DE LEUDBLIN6EN
{Luxembourg)
Sur le territoire de Leudelingen, âTendroit appelé Heisenkopp, à
dix minutes environ de Kockelscheuer, existe un marais ou poussent
des touffes d'herbe ; à cette place s'élevait autrefois un château dont
les maîtres étaient des gens avares et durs. Quand des pauvres
venaient demander une aumône, on lâchait sur eux une paire de
gros chiens. Un jour quelques mendiants vinrent implorer la charité.
Le maître du château ordonna k ses serviteurs de lancer les chiens
sur cette racaille. Les pauvres gens s'éloignèrent sur pette menace,
mais lorsqu'en route, ils regardèrent derrière eux, il leur sembla
que le château était enfoncé plus profondément qu'auparavant. Il
s'enfonça de plus en plus, jusqu'à ce qu'il ne resta plus de visible
que les tuyaux de cheminée et les tourelles. Les mendiants vinrent
à Leudelingen et racontèrent ce qu'ils avaient vu. Poussés par la
curiosité, les gens du village coururent au château ; il était déjà
profondément englouti '.
1. Gredt. Sagenschalz des Luxemburger Landes^ Luxembourg, 1885, in-8, §21,
p. 14-15.
2. Knoop. Vokssagen, Erzâhlungen. p. 91-92.
3. Gredt. Sagenschalz des Luxemburger Landes § 22, p. 15-16.
TOMB XI. — AOUT- SEPTEMBRE 1896. 28
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434 RBVUE DBS TRADinONS POPULAIRES
CCI
LE LAC DE DOBRITZ
(Poméranie)
Entre Schivelbein et KClstzkow, od voit à gauche du chemin le lac
de Dôbritz. D*après une vieille légende populaire, il aurait existé là
une ville du nom de Dôbritz qui aurait été engloutie dans Teau. Le
bailli Christophe de Poienz. mort en 1497, crut entendre un jour un
son de cloches sortir du lac : il fit construire sur une colline
voisine une chapelle qui fut détruite par un de ses successeurs,
Georges de Drusewitz, en 1540, quand la Réforme s'établit dans
le pays'.
CCII
DESTRUCTION DU PAYS d'ADULIS
{Abyssinie)
Autrefois Adulis était une grande ville : Desset et Dikoa étaient
aussi des villes ; il n'y en avait pas d*autres dans le pays. A Adulis
vivait un magicien : Moïse (Mosa) qu'on appelait le prophète Youla
vint le trouver sur sa flotte. Il lui dit : Les matelots m*ont maltraité.
Alors ce magicien fit un charme et la flotte fit naufrage: tous les
soldats se noyèrent dans la mer. Moïse en fut très affligé : comme il
était triste, les anges le furent aussi, ainsi que Dieu. C'est pourquoi
le Seigneur fit engloutir par un tremblement do terre tout le pays
depuis la vallée d* Adulis jusqu'à Afta et Abboucale ^
René Basset.
1. Knoop. VoLkssagen, Erzâhlungen, § 298, p. 147.
2. Reinisch. Die Saho-Sprache, Vienne, 1889, 2
vol. in-8, t. I, p. 5-6.
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REVUe DES TRADITIONS POPULAIRES
433
CONTES DE LA HAUTE-BRETAGNE
Contes comiques.
LE FILLEUL DU PILLOTOUS
L y avait une fois un pillotous ^ qui vint à Sainl-
Gouéno, et il enlra dans une maison où, suivant
Tusage du pays, les bétes et les gens demeuraient
dans le même appartement. Dans un coin, il y
avait, sauf votre respect, un petit cochon.
— Bonjour, mon ûlleul, dit le chiffonnier.
^ C'est votre filleul ? répéta la bonne femme.
Oui,
— Par ma foi, je n'en savais ri^n,
— Je viens l'inviter à mes noces.
— Ah ! il ne sera guère propre ; attendez un peu, je vais le mettre
beau.
Elle commença à le nettoyer, et quand elle l'eut arrangé, elle dit :
— Comment fera-t-il à s'en revenir?
— Soyez tranquille, répondit le pillotous, son parrain ne Taban-
donnera pas.
Le pillotous s'en fut avec le petit, pourcé, et un peu après l'homme
arriva et dit à sa femme :
— Où est notre pourcé ?
— Son parrain est venu le chercher pour qu'il assiste à ses noces,
et ils s'en sont allés ensemble.
— Âh! ma diote, (sotte) s'écria-t-il, viens m'aider à reprendre
notre cochon, que cet affronteur nous enlève !
Ils se mirent en route, et arrivèrent à un endroit où il y avait trois
chemins:
— Il est allé, dit la bonne femme, par celui-ci, par celui-là, ou
par celui-là. Lequel prendre?
— Diote, lui répondit son homme, prends une des routes et moi
l'autre, et si tu vois le parrain de ton pourcé, tu m^appelleras.
i. Chiffonnier ambulant.
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436 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
Ils se mirent à marcher, et au bout de quelque temps, la femme
hucha (cria) sur son homme^, qui accourut à travers champs.
— Qu'y a*t-U 7 lui âemanda*t-il tout essoufflé,
— : Voilèi un chien qui vient de faire une crotte sur un piquet ; c*est
bien drôle que les piquets ae lui soient pas entrés dans le derrière.
Pendant ce temps là, le pillotous s'en allait avec son filleul.
(Conté en i 88f, au château de ta Saudraxe en PenguUly par J.-M
Comault, du Gouray^ âgé de iô ans).
XI
l'ombre
Il y avait une fois & Saint-Cast un homme, qui était plus connu
sous le nom de Polon, sa signorie *, que par son nom de famille.
Poion, qui n'était pas le plus fin du pays, allait à ses journées, et
mangeait beaucoup quand il revenait le soir : ses sœurs l'appelaient
gourmand, et souvent elles le battaient. Polon, qui aimait la tran*
quillité, les laissait le frapper et l'insulter, et ne répondait mot.
Un soir qu il faisait un beau clair de lune, Polon sortit de chez lui
pour aller faire la cour aux filles ; en passant près du pignon d'une
maison, il vit son ombre sur le mur ; il crut que c'était un homme
vivant qui suivait la même route que lui, et il lui dit en bégayant :
— Al', allez-vous du co, côté du, du bourg de de Saint, Saint-Cast,
l'homme ?
Ne recevant aucune réponse, Polon se mit à courir sur la route,
mais l'ombre courait aussi fort que lui.
— Pour l'amour de Dieu, dit Polon qui commençait à avoir peur,
parlez-moi !
Et Polon s'arrêta, l'ombre s'arrêta aussi, et Polon effrayé se hâta
de rentrer chez lui.
Le lendemain, il raconta à tous ses voisins ce qu'il avait vu et il
leur disait :
— Je crois bien que c'était le diable qui venait pour me chercher,
car j'avais beaucoup juré après lui. Mais ce qui me faisait le plus
de peur, c'est que quand je marchais, il marchait, quand je m'arrê-
tais il s'arrêtait ; quand je lui parlais, il ne me répondait point ; je
crois vraiment que c'était le diable.
Les voisins se moquaient de lui, mais ils lui faisaient peur de
1. Sobriquet.
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RBVUE DES TRAWtlONS POPUtAlRlSS Wi'
l'hotnole quil avait vu, si bien que Polon n'osait plus soriîr'ie soir,
pas même dans sa cour, et il n'allait plus voir les filles.
Il eu était très contrarié, et il se dit: a 11 faut que j'aille à. Mati-
gnon acheter de la poudre et un revolver à six coups; ^ile soir^ je
vois encore ce maudit homme, je le tuerai ».
Un soir quelque temps après avoir acheté son revolver, il se déci-
da à retourner voir les llUes. Il mit des cartouches dans son revolver,
et sortit. Pendant qu'il était en route, la lune sortit des nuages, et
aussitôt il vit Tombre qui marchait à côté de lui.
— Ah ! s*écria Polon ; ce soir je ne veux point de votre compagnie ;
quittez-moi de suite, ou je vous tue.
Mais Tombre continua sa route avec Polon. Tout à coup, il rencon-
tra sa sœur qui revenait de coudre, et quand il la croisa, Tombre
passa sur elle.
— Coquin, dit Polon, tu saules sur ma sœur î c'est fait de toi.
n tira un coup de revolver, mais ce fut sa sœur qu'il atteignit, et
elle tomba raide morte.
Il s'en alla bien content, car la lune étant cachée sous les nuages
il ne voyait plus Tombre, et il croyait avoir tué Thomme qui le
poursuivait. En entrant il dit à ses deux sœurs :
— Ce soir j'ai encore rencontré l'homme que j'avais vu Tautre
jour, mais je Tai tué, et il esl tombé sur la route auprèsde Virginie.
Les sœurs allèrent à Tendroit qu'il leur indiquait, et au lieu d'un
homme, elles virent leur sœur étendue morte. Quelques jours après,
les gendarmes menèrent Polon en prison, et s'il n'est pas mort, il y
est encore.
{Conté en i 88 Ji, par Françoi$ Marquer^ de Saint^Cast).
XII
l'innocent
îl y avait une fois un innocent : tm jour, avant de partir pour le
marché, sa mère lui dit en lui montrant une oie qui couvait:
— Ne vas pas toujours après l'oie; si tu y vas, je le saurai et je te
fouetterai.
Sa mère n'était pas trop partie qu'il alla du côté de l'oie qui allon-
gea en sifflant le cou de son côté ; il prit une trique et tuaToie, puis
quand elle fut morte, il se déshabilla et s'assit sur les œufs qu'il
écrasa sous lui *.
1. Cf. sur Jean le Diot couveur. Contes de la Haute-Bretagne^ t. I ; p. 2^
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438 RCVfJR DES TRADITIONS POPCTLAIRGS
Quand sa mère fat revenue, elle le chercha partout : elle vit foi a
allongée dans la cour, et alla au nid où elle vit Tinnocent assis sur
son omelette :
— Vilain diot, lui dit-elle, tu aurais mieux fait de mettre la poule
dessus.
— Oui, ma mère, répondît-il, je n'y serai pas repris. La bonne
femme le fouetta bien dur.
Un autre jour, en partant, elle lui dit :
— Ne vas pas toujours après les petits quetlim (agneaux) ou tu
te feras fouetter.
Sa mère n'était pas trop partie qu'il alla où étaient les quettins et
il en tua un ; quand il vit qu*il l'avait tué, il alla chercher son petit
frère qui était dans le ber (berceau) et il l'emporta dans l'étable parmi
les quettins.
Quand la mère fut arrivée, elle alla au ber et ne vit plus son enfant ;
elle fut droit dans Tétable, et vit la pauvre garçaille qui était quasi-
ment morte parce que les quettins avaient monté par dessus.
Et elle fouetta encore son innocent de fils.
Un autre jour, elle lui dit :
— Ne vas pas faire tes fredaines par le logis, ou tu le feras encore
fouetter*
Sa mère ne fut pas trop partie, qu'il mit le feu dans une barge de
paille. A son arrivée sa mère vit la barge en feu, et fouetta bien dur
linnocent, en lui disant:
— Mais, vilain fou, quand tu vois le feu comme cela, il faut jeter
de Teau dessus.
— Ne dites rien, ma mère, je n'y serai plus repris.
Une autre fois sa mère avait chauffé le four, et elle était prête k
enfourner le pain dedans, quand il arriva et se mit à arroser le four
avec de l'eau.
Sa mère le fouetta encore en lui disant :
— Quand on met le feu exprès, il ne faut pas jetçr de Teau dessus.
— Ne dites rien, ma mère, je n'y serai plus repris.
Sa mère lui dit :
— Tu n'es point fin, tu ne sais point te faire aimer des filles.
— Comment s'y prend-on ?
— On leur lance des œillades.
Il alla à retable et enleva les yeux des moutons pour lancer des
œillades aux filles S et quand sa mère voulut faire sortir les moutons
1. Cr. un épisode analogue. Contes de la Uaute-Breiagne^ t. T, p. 227. lÀtté-
rature otale, p. 104.
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REVUG DES TRADITIONS POPULAIRES 439
de retable, ils ne savaient comment se conduire, parce qu'ils étaient
aveugles. Elle le fouetta encore et lui dit :
— H faut hanter les filles pour leur plaire.
Il alla chercher des hanies (manches) de faux, et il voulait les jeter
aux filles qui se sauvaient de lui.
Il en trouva pourtant une qui voulait bien de lui ; quand il s'agit
de la demander en mariage, sa mère lui dit :
— Tu la demanderas, mais tu en diras un peu plus long.
Quand il arriva à la ferme, il dit :
— Barattez donc.
— Oui !
— Je sais (suis) venu vous demander si fille à vous sera femme à
ma, ou ben veste (zutj, v'ia le courti que ma mère m'a dit.
(Conté par J. L, Roussel, d'Ercé, Î880).
XIII
JEAN LE FOU
La mère de Jean le Fou l'envoya au bourg pour acheter de la
farine et du cidre.
— Quand tu seras revenu, ajouta-elle, tu mettras cela dans la
place.
A son retour Jean le Fou versa dans la place le sac de farine et le
pot de cidre ; car il prenait au pied de la lettre tout ce qu*on lui
disait'.
— Oti est ta farine ? lui dit sa mère, qui était allée soigner ses
vaches.
— Dans la place.
— Et le cidre ?
— Je l'y ai mis pareillement.
— Ah I pauvre innocent, ne pouvais-tu poser ton sac h terre et
ton pot de cidre à. côté au lieu de tout perdre par ta sottise ! Mais
tu ^tes tout ce que tu touches.
— Ne me grondez pas, ma mère, je serai une autre fois plus fin.
Quelques jours après, la bonne femme eut besoin d'un trépied, et
chargea son fils d'aller le chercher.
Jean s'ennuya bientôt de porter le trépied ; il le posa par terre,
et lui dit :
1. cr. Liiiéralure orale de la Haute- Bretagne, p. 96, et pour ce coûte et les
suivaDtfl les contes de Jean le Dtot, Contes de la Haute^ Bretagne, 1. 1, p. 219, 229,
et LUI. orale, p. 92 et suiv.
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440 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
— Voilà la route, tu n*as qu*à la suivre tout droit pour arriver
chez nous, où tu seras avant moi, puisque tu as trois pieds et le
milieu percé.
Quand la bonne femme revit son fils :
— Où est ton trépied ?
— Comment, il n'est pas encore ici : j'en suis bien surpris, vu
qu'il a trois pieds, et que moi qui n*en ai que deux me voici de
retour. Je lui avais pourtant indiqué la roule.
— Le trépied est perdu ! tu aurais dû prendre ton bissac et
l'apporter dedans.
— Bien, se dit le gars, je saurai une autre fois comment m'y
prendre.
C'était le temps de la récolte, et on avait besoin à la ferme d'un
van pour nettoyer le blé : Jean fut chargé d'en acheter un '.
Il prit son bissac sur son dos, et en sortant de la boutique du
vannier, il coupa le van en petits morceaux et les emporta précieu-
sement dans son bissac.
En voyant cette nouvelle preuve de la sottise de son garçon, la
mère leva les yeux au ciel, et lui reprochant encore sa simplicité,
elle lui dit :
— Ce n'était pas comme cela que tu aurais dû t'y prendre ; il
fallait passer ton bâton dans les oreilles du van.
Quelques jours après, sa mère lui remit de l'argent, et lui dit :
— Nous avons besoin d'un cheval, voici cinquante écus pour en
acheter un ; mais entends bien ce que je te dis, ne mets pas un
sou de plus.
— Soyez tranquille, ma mère, je sais mon affaire.
Sur le champ de foire de Rennes, Jean marchanda plusieurs
chevaux, mais tous les marchands auxquels il s'adressait lui deman-
daient plus de 50 écus ou moins, de sorte qu'il allait retourner chez
lui sans avoir rien acheté, quand il aperçut un paysan qui avait un
cheval aveugle, et avant de sortir du champ de foire, il demanda le
prix, du bidet.
— Cinquante écus, dit le rusé fermier, qui avait remarqué l'air
niais du pauvre gars.
— Marché conclu, dit celui-ci, en frappant dans la main du
vendeur.
Il prit le cheval qui valait à peine le prix de sa peau, et monta
dessus : en passant près d'une auberge, il eut envie de voir quelle
heure il était, et il voulut y entrer sans descendre de cheval; la
pauvre bête qui était aveugle alla frapper de la tète dans le contre-
1. Cf. Lut. orale, p. 93, 99.
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REVUE DES TRADITIOXS POPULAIRES 441
hu (où demi-porte) et le renTersa dans la maison oti il cassa plusieurs
bols à cidre.
L*aubergiste accourut et Jean lui demanda avec tranquillité :
— Quelle heure est-il ?
— L'heure où les fous s'en vont, répondit Thomme.
— Merci bien, monsieur, dit Jean.
— Innocent, lui dît sa mère en voyant la piteuse emplette de son
fils, tu as acheté une béte qui ne vaut pas dix pièces de cent sous et
qui de plus est aveugle.
— Aveugle, dit-il, non, j'étais monté dessus, el il ne m'a pas jeté
par terre ; mais s'il ne vous convient pas, je le revendrai et je parie
bien d'en tirer deux cents francs.
Il alla à la foire au grand Saint-Aubin, et à tous les marchands
qui lui demandaient le prix de sa béte, il répondait :
— Deux cents francs î
— Deux cents sous ! disaient les maquignons en riant et en haus-
sant les épaules ; c'est un cheval qui ne vaut que Targent de sa peau.
Voyant qu'l Saint-Aubin, on ne lui offrait pas une grosse somme
pour son cheval, il demanda à le conduire à Renjies oikil espérait \e
vendre plus avantageusement.
Mais il ne put en trouver que quatre pièces de cent sons, et il le
donna pour ce prix.
A la foire suivante, il acheta pour quarante écos, un cheval assez
bon; mais comme il avait oublié dans son marché de stipuler qu'il
conserverait la bride, son vendeur la garda pour lui.
Jean fit sortir le cheval du champ de foire en le traînant par les
crins ; mais arrivé sur la route, il s'ennuya et se mit à réfléchir au
moyen d'emmener sa béte.
— Ma foi, dit-il^ c'est bien simple pourtant, je vais lui passer mon
bâton à travers les oreilles; ma mère m'a dit l'autre jour que
j aurais dû faire comme cela pour apporter le van.
li essaya de mettre son bâton dans les oreilles du cheval ; mais
l'animal qui était vigoureux, ne se laissa pas maltraiter, il se cabra,
rua, et finit par s'enfuir au galop, laissant Jean tout penaud.
Il vint raconter sa disgrâce à sa mère :
— En bonne conscience, lui dit-elle, tu ne seras jamais plus fin à
une fois qu'à l'autre : ne sais tu donc pas quïl fallait lui passer un
licol au coa et monter dessus.
On renvoya chercher une servante que sa ipère avait gagée :
quand ils furent dans la route, Jean attira un licou de sa poche, le
passa au cou de la fille et monta sur son dos. Elle se laissa faire,
parce qu'il n'y avait là personne, et apporta le garçoa qui était bio»
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442 REVUE DES TBADlTIOxNS POPULAIRES.
lourd. Quand elle arriva à la ferme, elle suait à grosses gouttes ; lui
la mit à Técurie et plaça du foin devant elle ; puis il entra dans la
maison.
— Où est la servante ?
— Dans Técurie.
La bonne femme y courut, et fit venir la servante k la maison ;
mais elle avait eu si peur et avait éprouvé tant de fatigue qu'elle
resta plusieurs jours malade.
[Recueilli à Ercé près Liffré vers i 876),
XIX
CELUI OUI MOURUT AU TROISIÈME PET DE SON ANE
Il était une fois un homme qui avait un &ne ; il mit du fumier
dans deux mannequins et les lui attacha sur le dos pour les porter
dans un de ses champs. Comme il conduisait son àne, il rencontra une
vieille femme qui lui dit :
— Où vas-tu ?
— Cela ne te regarde pas, répondit-il : qu'est-ce qui m*a donné
une vieille sorcière comme toi !
— Tu te repentiras de m*avoir mal parlé, dit la vieille ; avant ce
soir tu auras une jambe démise.
L'homme partit sans trop faire attention aux menaces de la vieille ;
mais en arrivant à son champ, il frappa son àne qui rua et d'un coup
de pied lui cassa la jambe, si bien qu'il tomba dans le fossé.
Un homme qui passait par là l'emporta chez lui et il resta sur son
lit un an et un jour. Quand il fut guéri, il dit :
— Si jamais la vieille me tombe sous la main, je me vengerai
d'elle, elle m'a enfaîné (jeté un sort).
£n allant à son champ avec son àne, il la rencontra et elle lui
demanda encore où il allait :
— Cela ne te regarde pas, vieux tison d'enfer! répondit-il.
— Tu t'en repentiras, de m avoir encore parlé mal I
Il leva son bâton p(»ur la frapper, mais il se retint et lui dit :
. — Hé bien, puisque tu es sorcière, dis-moi quand je mourrai I
— Quand ton àne aura pété trois fois.
Comme elle disait ces mots, l'àne se mit à péter, puis il péta encore,
prout I une seconde fois. Alors l'homme qui avait peur de mourir
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RfiVUE DBS TRADITIONS POPULAIRES 443
prit un morceaa de bois et se mit à renfoncer pour boucher le
derrière de son àne ; mais Tàne fit tant d*eff6rts qu'il péta pour la
troisième fois et le morceau de bois atteignit à la tète l'homme qni
tomba par terre et resta étendu sans mouvement et comme mort.
Tout le monde crut qu'il était trépassé^ et on l'ensevelit dans une
châsse. Dans ce temps là on portait les morts sur les épaules, et pour
aller au cimetière il y avait deux routes, lune qui était bonne, l'autre
mauvaise et rocailleuse.
Ceux qui le portaient ne savaient laquelle prendre, et l'un d'eux
demandait aux autres :
— Par ofi faut-il aller ?
— Du temps que j'étais vivant, dit le bonhomme du fond de sa
châsse, c'est par telle route que j'allais.
En l'entendant parler^ ils démolirent la châsse et le bonhomme
s'en fut chez lui, bien vivant et n'ayant point envie de mourir.
{Conté en i S80, par Joseph Macé, de Saint-Cast, mousse, âgé de
io ans).
XV
L*ANE QUI PÉTE, L'HOMME QUI TUE SEPT BOURDONS
II y avait une fois un homme qui n'était pas bien riche et qui
n'était guère plus fin. Il avait un àne maigre comme un clou qui lui
aidait à porter ses fardeaux.
Un jour qu'il était à ramasser du bois dans la forêt, il avait mis
son âne à pâturer ; un farceur qui passait par là dit à l'homme :
— Que fais- tu là I
— Je cherche du bois pour me chaufiFer.
— Hé bien ! prends garde, au troisième pet que fera ton âne, tu
seras mort.
L'homme prît cette parole pour de l'argent comptant ; il ramassa
de l'herbe pour boucher le derrière de son âne ; mais il ne put l'em-
pêcher de péter. Je suis perdu, pensa-t-il, si cela continue. II prit
un marteau et se mit à lui enfoncer dans le derrière un morceau de
bois rond ; l'âne péta pour la seconde fois ; il essaya encore de bou-
cher le derrière de son âne ; mais l'âne poussa un pet retentissant,
et l'homme se laissa choir tout de son long. Il resta trois ou quatre
jours sans manger et sans bouger ; au bout de ce temps, un de ses
voisins le rencontra et lui dit :
— Que fais-tu là ?
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4ii REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
— Tu ne vois donc pas que je suis mort ; mon àae a pété trois
fois, et au troisième coup je suisi tombé mort.
— Es-tu donc diot, répondit son voisin ; tu vois bien que tu D*es
pas mort, puisque tu parles.
— Si, si, je suis mort.
Us se disputèrent et l'homme qui prétendait être mort battit
Tautre, et même le maltraita très fort, puis il se recoucha.
Un géant vint à passer qui lui dît :
-. Que fais-tu là ?
— Mon àne a pété trois fois, je suis mort.
— Es-tu sot de croire pareille chose, répondit le géant; et, comme
il avait tout pouvoir, il lui envoya neuf à dix bourdons poar le taqui-
ner, lise laissa d'abord faire, mais, Tun d'eux Tayant piqué k l'oreille,
il se leva, et avec une aiguille qu'il avait, il enfila sept bourdons.
ir se dit alors :
— Comme je suis fort, j'ai tué sept bourdons d'un coup.
11 aîla à la cour et dit au roi :
— Sire le roi, c'est moi qui suis fort, j'en ai tué sept d'un coup.
— Bien, répondit le roi, puisque tu es si vaillant, il y a dans la
forêt une bête qu'on appelle la GabouUe ; il faut aller la tuer.
L'homme se rendit dans la forêf, il vit venir à lui la grande bêle
qui avait la forme d'un cheval et deux cornes sur le front ; elle prit
son élan pour le transpercer, mais lui, qui n'était pas sot cette fois,
se cacha derrière Tarbre^ et la bête enfonça ses deux cornes dans le
tronc, et ne put les retirer. Il se mit alors à la tarder avec son aiguille,
et il finit par la tuer.
Il la prit sur son dos, et l'apporta au roi en disant :
— Regardez si je suis fort, maintenant je tuerais bien mille hom-
mes.
— Puisque tu es si fort, répondit le roi, j'ai dans une cave sept
chats marcous (mâles), il faut les tuer tous les sept.
Il alla dans la cave^ mais les chats lui sautèrent aux yeux, puis ils
le tuèrent, et le dévorèrent tout entier, sauf la tête avec laquelle ils
se mirent à jouer en disant :
— Voici la tête de celui qui tue mille hommes.
Le roi tua les sept chats marcous, et les fit enterrer avec la tête de
rhomme, et les chats et les souris se mirent & danser sur la fosse.
[Conté en i 880^ par Joseph Macé, de Saint-Cast).
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REVUE DES TRADITIONS POPCLAIRfiS 445
XVI
LE MEUNIER VOLÉ
Il y avait une fois un menoier de Plessala qui avait besoin d*ar-
gent ; il conduisit son àiie et sa chèvre, et de peur d'être volé, il at-
tacha sa chèvre à la queue de Tàne, et lui mit au cou une clochette,
en disant :
— Tant que j'entendrai sonner la clochette, je serai sûr qu'on ne
m'aura pas volé mes bétes.
Par là passèrent trois voleurs qui firent entre eux la gageure de
voler au bonhomme sa chèvre, son âne et son habit qu'il avait sur
le dos.
L'un d'eux détacha adroitement la chèvre et l'emmena après avoir
attaché la clochette à la queue de l'àne. Le meunier se retourna, et,
voyant le voleur qui emmenait sa chèvre, il dit à l'autre voleur qui
marchait sur la route avec un air d'innocence :
— Voulez-vous garder mon àne, brave homme, pendant que je
cours après ma chèvre ?
— Volontiers, dit l'autre qui se hâta de s'enfuir avec l'âne.
Le troisième larron qui avait parié de voler Thabit, s'assit sur le
bord d'un puits avec une bourse vide k la main et il criait d un ton
lamentable :
— Ah ! la triste jourpée !
— Vous n'avez point vu mon âne ? demanda le meunier.
— Non, mais suis plus malheureux que vous ; j'étais ici à comp-
ter mon argent sur le bord du puits et il est tombé dedans. Ah ! la
triste journée ! Je donnerais bien la moitié de mon argent à celui qui
descendrait dans le puits pour Ten retirer.
Le meunier dépouilla ses habits et descendit dans le puits, pen-
sant y trouver assez d'argent pour compenser la perte de son âne
et de sa chèvre ; mais le voleur lui enleva son habit ainsi qu*il
lavait gagé.
XVH
ORAISON FUNÈBRE
Un bonhomme du côté de Broons tomba malade, et Tune de ses
commères qui demeurait à quelque distance vint pour le voir ; mais
elle ne se pressa pas assez, car lorsqu'elle arriva à l'endroit où de-
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446 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
meurait le bonhomme^ elle apprît qu'il était mort et enterré depuis
la veille.
— C'est égal, dit-elle, je vais aller consoler sa veuve.
— Mon Dieu, s'exclama-*t-elle en entrant dans la maison, le pau-
vre compère qui est mort !
— Hélas ! oui, répondit la veuve en pleurant ; j ai tout perdu en
le perdant. Le pauvre cher homme, il a la barbe olmont (en haut) dans
le cimetière de Broons. Voilà ses hautbois qui ne diront plus :
Lantille, tille, tille
Qui ne diront plus
Lantille, tille, tille
Lantille laridon.
. Mon pauvre homme, il n'avait que faire de mourir à cette heure :
il avait encore quatre chemises et une percée,
Et la dibe dibe
Dibe, dibe, dibe,
Et la dibe daubonnée (raccomodée),
Ma pauvre commère, voilà encore son tabac et sa pipe,
0 quai (avec laquelle) qui pipochait,
Maluré I!
0 quai qui pi pochait I
Ah ! ma pauvre commère, voilà encore ses hannes (culottes) — que
le bon Dieu lui veuille pardonner — à califourchon sur le haut du
fef(lit).
Ma bonne commère, voilà encore son chapeau — que le bon Dieu
lui veuille pardonner — , dans la goule du let. Et voilà son bonnet
— que le bon Dieu lui veuille pardonner —, snr la presse (l'armoire).
[Conté par Joseph André, chantre à Tréby, i 875),
XVIII
VEXILLA
Il y avait une fois deux marchands forains qui voyageaient en-
semble ; c'était le samedi d'avant la Passion, et tout en marchant,
ils vinrent à parler de la fête du lendemain :
— C'est ce jour-là, dit l'un d eu^, que l'on chante : Vexilla régis
prodiis.
— Non répartit l'autre, c'est Vexilla régis produunt,
— Je parie que j'ai raison.
— Je suis sûr que c'est moi qui suis dans le vrai.
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REVUE DÈS TRADITIONS POPDLAIRES 417
-*• Si tu veux, j*ai on cheval qui in*a coûté trois cents francs, je le
parie contre pareille somme.
— Le mien a coûté autant : gageons cheval contre cheval.
II fut convenu qu'en arrivant au premier bourg, on irait consulter
les prêtres.
Le vicaire seul demeurait dans le bourg où ils passèrent, et le rec-
teur était à son presbytère situé à. quelque distance.
— Jugez notre différend, dirent-ils au vicaire, j'ai parié que de-
main on chantait : Vexilla régis prodiU, et mon compère prétend
que c'est Vexilla regû produunt, lequel de nous deux a raison?
— Qu'avez-vous gagé ?
— L'enjeu de chacun de nous est un cheval de trois cents francs.
-— Cela fait six cents francs, dit le vicaire. Si vous voulez, je vais
parier aussi moi. Je ne sais comment chantera monsieur le recteur,
qui est le maître ; mais je parie six cents francs qu'il dira « Vexilla
régis prodeunt ; » et si vous acceptez, voici trois cents francs que je
dépose.
Les marchands acceptèrent, et le lendemain le recteur qui devait
juger la pari, entonna ainsi Thymne du jour :
Vexilla régis prodeunt
A pied Ie.i Anes 8*en iront,
Ce n'est oi prodiùt ni produunt
C'est vejnlla régis prodeunt.
Et voilà les deux marchands attrapés.
(Conté par Joseph Andréa chantre à Trébnj^ 1 879),
XIX
CELUI OUI VIENT DU PARADIS'
Il y avait une fois un mendiant qui alla demander la charité à la
porte d'une veuve qui s'était remariée :
— De quel pays es-tu, brave homme ? dit-elle.
— De Paris, répondit le mendiant.
— Du Paradis? s'écria la bonne femme qui avait mal entendu;
avez-vous ouï par là des nouvelles de mon défunt homme ?
— Oui, dit le mendiant, il tient auberge à la porte ', et il n'a pas
trop chaud.
1. Cf. Le soldat de Paris, t. XI, p. 390.
2. Dans une variante, Thomme vend du «c poiré de naviaux (navets) » à quatre
sous le pot.
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448 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
— Ah ! répondit-eUe, cela ne m*étonne pas : il n'était guère habillé
quand on le mit dans la châsse ; mais attendez, je Tais vous donner
des vêtements pour lui porter.
La femme fît un paquet des meilleures hardes qui fussent à la
maison, et les remit au mendiant en lui recommandant bien d'avoir
soin de les porter à son défunt.
Quand le mendiant fut parti le mari de la femme rentra :
— Tu ne sais pas, lui dit-elle ; il est venu un homme qui m*a
appris des nouvelles de mon défunt mari ; il tient auberge à la porte
du Paradis, et il n'a pas trop chaud ; aussi je lui ai envoyé un
paquet de hardes pour qu'il puisse se vêtir.
— Pauvre innocente ! s'écria le mari ; tu t es laissée bien attraper.
Par où est parti le mendiant ?
La femme lui dit quelle route il avait prise, et il monta à cheval
et se mit à courir sur la route.
Cependant le mendiant rencontra un homme qui cassait des pierres
sur le chemin.
— Vous m'avez Tair fatigué, mon ami, lui dit- il; si vous voulez, je
vais casser des cailloux à votre place pour m'échauffer pendant
que vous ferez un petit tour pour vous dégourdir les jambes.
Le cantonnier accepta, et le mendiant se mit à genoux, la masse
à la main, après avoir caché son paquet dans un creux de fossé.
Le mari ne tarda pas à arriver :
— Cantonnier, lui dit-il, n'avez- vous pas vu passer un homme qui
portait un paquet ?
— Si ; il est entré dans ce champ d'ajoncs.
— Tenez mon cheval, brave homme, je vais courir après lui pour
le rattraper.
Dès que le mari eut franchi l'échalier, le faux cantonnier se hâta
de reprendre son paquet, et de monter sur le cheval, et il ne tarda
pas à disparaître.
Le bonhomme eut beau regarder de tous côtés, il ne vit pas le
voleur, et en arrivant sur la roule, il ne retrouva plus son cheval.
Il rentra bien penaud à la maison, et quand sa femme sut la fin de
Taventure elle lui dit :
— Tu me disais que j'étais une pauvre innocente; si je le voulais,
je pourrais t'appeler Jean le Diot, car lu es bien mieux attrapé que
moi«
Le mendiant vendit le cheval qu'il avait volé, et les habits que la
bonne femme lui avait donnés, puis il continua à mendier, et vint
demander la charité à la porte d'un château :
— Vous n'êtes pas d'ici, lui répondit-on ; qui ètes-vous?
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 449
— Devin.
~ Puisque vous êtes devin, dit le maître du château, vous pouvez
bien me dire qui a pris l'anneau de ma femme.
— Je le veux bien, mais à une condition : c'est que vous me
nourrirez de votre mieux pendant trois jours.
On accepta, et il pensait en lui même : « J'aurai toujours trois
jours de bon temps. »
Le premier jour on le servit copieusement, et le soir, il dit quand
on desservit la table :
— En voilà toujours un de pris.
C'étaient les trois domestiques qui avaient volé l'anneau, et les
deux autres demandèrent à celui qui avait servi le repas ce que le
devin avait dit :
— Ma foi, il a dit en me regardant : En voilà toujours un de pris.
— C'est toi qu'il a voulu désigner, il te connaît, répondirent les
deux autres.
Le lendemain, ce fut un autre domestique qui lui porta à manger,
et le soir le bonhomme s'écria :
— En voilà toujours deux de pris.
Le troisième jour, celui qui le servait eut peur et il emporta avec
lui Tanneau volé ; et quand il fut pour desservir le souper, il entendit
le mendiant s'écrier ;
— Ah I en voilà toujours trois de pris !
— Ahl dit le domestique, voici l'anneau, ne nous dénoncez pas, ne
dites pas que c'est nous qui l'avons ou nous sommes perdus.
Le devin prétendu prit l'anneau, le roula dans de la pâte, et le
jeta à un dindon qui passait par là et qui lavala.
Le seigneur vint voir si son homme savait où était passé
l'anneau :
— Oui, dil-il, c'est cette poule d'Inde qui l'a avalé !
On ouvrit le dindon et l'anneau fut retrouvé dans son jabot.
Le monsieur dit au devin de rester au château, car il voulait
montrer son savoir à des amis qu'il avait invités à dîner.
Quand on fut au dessert, on apporta une petite boite bien fermée :
— Qu'y a-t-il là-dedans?
— Par ma foi, répondit-il, mon pauvre Leral, te voilà bien
attrapé.
Le devin s'appelait Lerat, et quand on ouvrit la boite, on vit qu'il
y avait un rat dedans. Et tous les messieurs frappèrent dans leurs
mains pour applaudir le devin.
(Conté par Pierre Depais, de Saint-Cast^ i 879).
TOME XI. — AOUT-SBPTBMBRB 1896. 20
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4oO REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
XX
LE DEVIN
Un jour un monsieur très riche perdit trois diamants auxquels il
tenait beaucoup, et comme il se promenait dans la campagne en son-
geant aux moyens de les ravoir, il vint à passer devant une petite
cabane, et il entendit une femme qui, b<'ittue par son mari, lui disait :
— Laisse-moi, vilain sorcier !
Il entra à la maison, et dit à Thomme :
— Vous allez me dire tout de suite qui m*a volé mes diamants,
puisque vous êtes sorcier.
— Mais répondait-il, je ne suis pas sorcier.
— Si monsieur, il Test, disait la femme.
Le monsieur Temmena et le mit en prison où il devait rester trois
jours.
Le soir du premier jour, une des servantes de la maison vint lui
porter à dîner, et lui, pensant à la journée qui venait de s'écouler,
dit tout haut :
— En voilà une !
La servante fut bien surprise, car c'était elle qui, avec les autres,
avait pris les diamants, et elle dit k sa compagne d*aller porter à
manger h Thomme.
Le lendemain, à midi, la seconde servante en apportant le repas
entendit le prétendu sorcier qui disait :
— En voilà deux.
La servante, effrayée, vint dire aux autres qu'elle ne retournerait
pas à la prison parce que le sorcier savait tout.
La troisième alla la dernière journée porter à manger, et elle en>
tendit Thomme^dire tout haut :
— Et voici la troisième.
— Comment, dit-elle, vous savez donc bien que c'est nous qui
avons volé les diamants ? Si vous voulez nous tirer d'affaire, nous
vous donnerons de l'argent.
— Hé bien I si vous voulez me remettre les diamants, je me charge
de tout.
fie lendemain, il donne les diamants à avaler à un canard auquel
il avait coupé des plumes à la queue pour le reconnaître.
Le monsieur arriva et demanda quel était le voleur :
— Monsieur, répondit-il, c'est votre canard.
On tua l'animal, et on trouva dans son corps les trois diamants.
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REVUB DES TRADITIONS POPOLÂIRBS 4SI
Le monsieur fut si content, qu'il lui fit présent d'une somme d*ar-
gent, et voilà sa fortune quasiment faite.
En sortant de là, il rencontra un autre monsieur qui avait quel-
que chose dans un sac.
— Sorcier, devine ce que j'ai là ?
, — Merde ! dit l'autre.
— C'est vrai, répondit le monsieur.
(Conté par Françoise Dumont^ d'Ercé, i 880).
XXI
LES TROIS BOSSUS
Il y avait une fois trois frères qui étaient bossus, et tous les trois
étaient fort laids, mais ils se ressemblaient tant qu'on avait peine à
les distinguer l'un de l'autre. Les enfants se moquaient d'eux à
cause de leur difformité, ils étaient devenus hargneux, et souvent ils
poursuivaient les gamins pour les battre.
Un jour les enfants de l'école leur firent une farce plus grosse que
d'habitude, et l'un des bossus sortit et leur distribua une volée de
coups. Parmi ceux qu'il frappa, se trouvait le fils du juge de la ville,
et son père vint faire une enquête pour savoir qui avait battu les
écoliers. Celui qui avait fait le coup se cacha, et le magistrat inter-
rogea les autres.
— Est-ce vous? dit-il à celui qui se présenta le premier.
— Non je viens d'arriver à l'instant.
Survint un autre des frères.
— Ah ! dit le juge, c'est vous qui avez frappé.
— Non, monsieur, j'arrive de route.
Le troisième vint à son tour.
— Ah ! pour cette fois c'est vous.
— Moi, monsieur, j'étais encore loin d'ici il n'y a qu'un instant.
Le magistrat ne sachant quel était le coupable condamna les trois
frères à sortir de la ville, et ils se séparèrent. L'un alla du côté de
l'ouest, et les deux autres vers le nord et l'est.
Celui qui s'était dirigé vers Touest arriva à Paimbœuf, et trouva
de Touvrage chez un coutelier (C'était le métier des trois bossus). A
la mort du coutelier jsa veuve songea à se remarier, et épousa son
ouvrier. Il laissa alors l'état de coutelier et se mit marchand de vin
en gros; il faisait de bonnes affaires, mais s'enivrait souvent, et
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4S2 RBVUS DES TRADITIONS POPULAIRES
quand il laissait sa raison au fond d'un verre, il mettait quelque
temps pour la retrouver.
Ses deux frères ayant appris qu'il se trouvait dans une position
aisée vinrent lui demander db secours. Mais lui qui ne se souvenait
plus d'avoir été pauvre, les reçut fort mal. Il leur donna à chacun
un louis de vingt-quatre francs, en leur disant d'aller au diable, et
il recommanda à sa femme de ne pas les recevoir s'ils se présen-
taient.
Quand les deux bossus eurent dépensé leur argent, et ce ne fut
pas long, ils revinrent à la maison de leur frère qui était absent^ et
leur belie-sœur leur donna à boire et à manger, mais entendant son
mari qui arrivait en faisant du tapage parce qu'il était ivre, elle
ouvrit la porte de la cave et les y enferma en disant que bientôt
elle reviendrait leur ouvrir. Mais son mari arriva de fort méchante
humeur en criant : La soupe n'est encore pas prête ! au reste, viens te
coucher avec moi ; je ne veux pas souper.
La femme fut obligée d'obéir, et les deux bossus qui étaient dans
la cave burent tellement de vin qu'ils en moururent. Quand la femmo
alla dans la cave le lendemain, et qu'elle vit que ses beaux-frères
étaient allés porter des lettres à leur grands-parents, elle se dit :
— Comment faire? je n'en parlerai pas à mon mari, car il me
gronderait. Il y a à Paimbœuf un portefaix qui est fort comme un
Turc, mais qui passe pour un peu fou, ce soir j'irai le trouver et lui
dirai de prendre un sac et de jeter les bossus dans la Loire.
Quand elle vit le portefaix :
— Il est entré un voleur par les grilles de la cave, dit*elle, et il a
tant bu de vin qu'il en est mort ; il faut que vous alliez le porter ce
soir à la rivière.
— Ce n'est pas le premier que je porte, dit le portefaix.
— Voyez par où il a passé, poursuivit-elle en montrant les grilles ;
j'ai peur qu'il ne s'en revienne.
— Jamais ceux que je jette ne reviennent.
— Vous aurez six francs pour votre peine ; je vous en donnerai
trois quand vous emporterez le corps, et les trois autres à votre
retour quand je serai sûr qu'il ne reviendra pas
Le portefaix chargea le bossu sur ses épaules (l'autre bossu était
caché) et alla le jeter dans la Loire où il le vit disparaître, puis il
revint chez la femme.
— Donnez-moi une goutte, dit-il.
— Volontiers, et nous allons voir si le bossu ne serait pas revenu.
Quand ils descendirent à la cave, il y avait encore un bossu étendu
sur le sol.
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 453
— Ah I s'écria le portefaix, il a pour sûr le diable au corps, mais
s'il revient cette fois-ci, cela me surprendra fort.
Il chargea le second bossu sur ses épaules, et alla le jeter dans la
rivière à un endroit où le courant était violent, et resta quelque
temps sur le rivage pour voir s'il ne reparaîtrait pas.
Comme il revenait pour toucher ses trois francs, il rencontra le
bossu marié qui revenait de souper en ville et qui était très ivre.
Il alla à lui, lui mit le sac sur la tête et le fourra dedans avec sa
lanterne et l'ayant lié solidement.
— Cette fois, dit-il, il ne se sauvera pas.
Il jeta le sac dans la Loire, et revint pour se faire payer.
— Allons voir dit la femme.
— C'est inutile, répondit le portefaix, je l'ai rencontré qui s'en
revenait une lanterne à la main en contrefaisant l'homme saoûl^ je
l'ai mis dans un sac, et ai jeté sac et bossu à la rivière.
La femme paya le portefaix et moi je m'en revins.
{Conté par Joseph Andréa de Trébry, 1 879),
XXII
JEANNETTE *
Il y avait une fois un homme qui allait glaner, et dans sa journée
il ne ramassa rien qu'un épi de blé. Comme il était loin de chez lui, il
entra dans une ferme et demanda à coucher.
— Je suis bien lassé, dit-il, et pourtant je n'ai trouvé qu'un seul
épi de blé.
— Mettez-le sur le joûg à nos poules, dit la fermière, et il n'aura
pas de mal.
Quand l'homme fut levé le lendemain, il dit:
— Bonjour.
— Bonjour, lui répondit-on.
— Où est mon épi de blé ?
— Mon pauvre bonhomme, nous avons une mauvaise poule noire
qui l'a mangé.
— Procès, procès, dit l'homme.
— Point de procès, bonhomme, prenez la poule et vous en allez.
11 prit la poule et le soir venu, il entra dans une autre maison
pour demander à coucher.
— Où mettrai-je ma poule ?
— Dans retable au cochon.
1. Cf. Vadoyer, Contes populaires de la Haute-Bretagne, t. I, n. 64.
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4î)i REVUE DES TBADITIONS POPOLAÎRÉS
Le lendemain, quand il fut levé, il dit :
— Bonjour.
— Bonjour.
— Où est ma poule ?
— Mon pauvre bonhomme, nous avons un mauvais cochon qui Ta
mangée.
— Procès, procès !
— Point de procès, mon bonhomme, prenez le cochon et vous en
allez.
Il alla encore plus loin et demanda à coucher, et on mit le cochon
parmi les vaches.
— Quand il fut levé au matin, il dit :
— Bonjour.
— Bonjour.
— Où est mon cochon ?
— Mon pauvre bonhomme, nous avons une méchante vache qui
Ta étripé avec ses cornes.
— Procès, procès I
— Point de procès, bonhomme ; prenez la vache et vous en allez.
Il marcha encore toute la journée, et le soir il demanda à coucher ;
on lui offrit un lit et on lui dît :
— Mettez votre vache avec les nôtres.
Il y avait à la ferme une petite fille qui s'appelait Jeannette, et
qui avait soin de Télable. Elle alla pour traire les vaches, et celle du
bonhomme voulut lui donner des coups de cornes ; alors Jeannette
prit une fourche et élripa la vache du bonhomme.
Lorsqu'il se leva, il dit comme à Tordinaire :
— Bonjour.
— Bonjour.
— Où est ma vache ?
— Mon pauvre bonhomme, nous avons une petite fille qui s'ap-
pelle Jeannette et qui Ta tuée d*uncoup de fourche.
— Procès, procès.
— Point de procès, bonhomme ; prenez plutôt Jeannette et vous
en allez.
11 mit Jeannette dans un sac, et la porta bien loin, et le soir il
entra chez la marraine de la fille et demanda à coucher et à déposer
son sac dans un coin.
Pendant qu'il était sortit, le chien de la maison venait sentir le
sac, et Jeannette qui avait peur d'être mordue criait :
— Marraine ! marraine ! tirez-moi du sac au bonhomme et mettez
à ma place votre grand chien qui veut me mordre.
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BEVUE DES TRADITIONS t^OPULAIRES 4S5
La marraine ôta Jeannette du sac et y mît le chien.
Le lendemain, quand Thomme fut levé, il dit :
— Bonjour.
— Bonjour.
— Où est le sac que j'ai mis là hier ?
— Le voilà, bonhomme.
Il prit sur son dos le sac, et le chien se débattait et lui faisait sen-
tir ses griffes. Le bonhomme posa le sac à terre et Touvrit pour
corriger, à ce qu'il croyait, Jeannette ; mais le chien s'enfuit rapide-
ment, et le bonhomme courait après en criant :
— Jeannette, revenez ici, vous aurez le fouet 1
(Conté par J, M, Hervé, de Pluduno, 1879).
XXIII
JEAN LE FAINÉANT
Il y avait une fois un homme et une femme qui avaient un garçon
qu'on appelait Jean le Fainéant parce qu'il était paresseux comme
une couleuvre ; il avait déjà vingt-cinq ans et ses parents ne pou-
vaient rien en faire.
Un jour le bonhomme dit à sa femme :
— Bonne femme, tu ne penses pas à faire un avenir à notre gar-
çon?
— Quel avenir veux-tu qu'il ait? il est déjà sur vingt-cinq ans,
et il ne sait faire œuvre de ses dix doigts.
— Il faut le marier, dit le bonhomme ; une fois marié, il sera peut-
être plus vaillant à la besogne.
— Le marier, ciel adorable ! s*écria la bonne femme, qui jamais
le voudrait ?
— Mais peut-être bien Marie -Antoinette ; elle m'appelle quelquefois
son beau-père, il faudra essayer.
Quand Jean le Fainéant fut de retour à la maison, ses parents lui
dirent :
— Puisque tu ne veux rien faire, il faut aller voir Marie-Antoi-
nette et la demander en mariage.
— Je veux bien, répondit-il, si cela lui plait aussi,
Voilà le bonhomme et le gars partis pour aller chez Marie-Antoi-
nette qui demeurait auprès de chez eux, dans une maison bourgeoise
où elle était domestique. Elle avait envie de se marier, et elle dit oui
tout de suite.
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4!>6 BEVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
On fit une belle noce où rien ne manquait ; le bourgeois de Marie-
Antoinette lui promit une ferme, et dit qu'il la garnirait de tout, de
chevaux, de Vaches, de cochons et de moutons.
Au bout de quinze jours, les voilà partis à leur ménage ; mais Jean
était aussi fainéant dans la ferme que chez lui. Sa femme lui disait
tous les jours :
— Travaille donc, Jean, ou nous ne pourrons payer notre maître
et il nous mettra dehors.
Une année se passe, le maitre ne dit pas grand chose ; mais la
seconde, il se fâcha un peu :
— Si tu ne travailles pas mieux, je te mettrai hors de ma ferme ;
tu ne fais rien ; il n*y a pas la moitié de mon terrain qui soit
ensemencé.
— Je ne peux pas travailler plus que cela, répondit Jean, je fais
ce que je peux.
Gela dura cinq ans de la sorte, et ils avaient cinq enfants.
A la fin, le maitre se fâcha pour tout de bon, et lui déclara que
celte fois, il le mettrait à la porte.
— Ah ! dit Jean, serez-vous dans le cas de le faire ?
— Nous verrons ; si demain matin je te retrouve ici, je te fais em-
poigner par la justice.
Après avoir réfléchi, Jean partit de la ferme oti il laissa sa
femme et ses enfants ; il ne savait quel métier prendre ; à la fin il se
mit dans l'idée de naviguer.
— Je serai toujours porté étant sur un navire, pensa-t-il.
11 alla s'engager avec un capitaine qui, voyant qu'il avait Tair d'un
gars de métairie, lui dit :
— Es-tu matelot, pour t'embarquer ?
— Oui, oui, je suis dans le cas de faire mon service ; si je ne le
fais pas, vous ne me paierez pas.
— Cela suffit, dit le capitaine qui, voyant son air résolu, pensa
qu'il connaissait le métier.
Le navire se mit en mer, et Jean, qui n'était pas du premier quart,
alla se coucher. Quand on Tappela pour relever les autres, il y avait
de la besogne à le faire se lever, car il ne voulait pas.
— Capitaine, dirent les marins, vous avez un matelot qui refuse
de prendre le quart.
— Comment, s'écria le capitaine quand il fut descendu, tu ne veux
pas te lever ?
— Croyez-vous que je vais travailler la nuit, moi ?
— Par ma foi; me voilà bien gréé ! qui m'a donné un fainéant
comme cela !
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 457
— Vous ne me dites pas de sottises, répondit Jean, j*ai nom Jean
le Fainéant.
Il finit pourtant par se lever, et il monta sur le pont où lui et un
autre matelot devaient faire leur quart. Dès qu'il y fut, il s'installa
pour y faire un somme.
— Ce n*est pas comme cela qu'on fait, lui dit l'autre matelot ; on
se promène sur le pont pour s'engarder de dormir.
— Promèae-toi si tu veux ; crois-tu que je vais passer la nuit à
me promener de même.
Et il se mit à dormir ; on alla chercher le capitaine qui prit une
corde pliée en double^ et frappa Jean.
— Ah I disait Jean, j'en ai attrapé un à terre, j'en attraperai bien
un second ici.
Après sa correction, il ne travaillait pas plus qu'avant, et chaque
fois qu'on lui faisait des reproches, il disait :
— Mettez-moi à terre, je ne vous demande rien.
Mais ils étaient en pleine mer à ce moment ; dès que le capitaine
aborda à un port, il le débarqua sans rien lui donner. Jean resta
dans la ville, il n'y connaissait personne, et comme il n'avait pas un
sou vaillant, il couchait dehors et mourait de misère.
Une nuit qu'il était couché sur une pierre, il sentit qu'elle remuait
il entendit toc, toc, au-dessous, et la pierre se souleva. Cinq ou six
hommes sortirent de dessous terre, et lui dirent :
— Que fais-tu là ; toi ?
— Je dors.
— Veux-tu venir avec nous ?
— Volontiers, mais je n'ai rien dans le ventre et je voudrais
manger.
On lui donna un peu de nourriture, et il les suivit ; mais ils allaient
plus vite qu'il n'aurait voulu.
C'étciient des faiseurs de fausse-monnaie qui étaient établis dans
un souterrain et allaient volerjla nuit. Ils s'en revinrent bien chargés
de butin, et ils mirent un sac pesant sur le dos de Jean qui se plai-
gnait souvent et s'arrêtait. Les voilà arrivés à la pierre :
— Il faut que tu descendes^ dirent les faux-monnayeurs.
— Je ne descendrai pas le premier, répondit-il.
On lui montra la route et il arriva dans le souterrain où il trouva
une centaine de bons sujets qui faisaient de la fausse monnaie. Jean
travailla aussi et il prit le métier à cœur, si bien qu'il devint l'un
des plus habiles.
Il était bien avec eux, mais il avait du regret de sa famille ; il
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458 REVUE ûfiS TRADITIONS POPULAIRES
pensait à sa femme et k ses enfants qui, peutrétre, étaient sur les
roules à chercher leur vie ; mais il ne savait comment sortir
delà.
Le chef de la bande mourut après avoir dit qu*il voulait que Jean
prit le commandement à sa place. Quand il se vit assez riche, il se
disait :
— Si je pouvais m*en aller, je saurais si ma femme et mes enfants
vivent encore.
11 trouva moyen de faire porter une caisse d*or en dehors du sou-
terrain, puis il put en sortir et le voilà bien content, avec son coffre
d'or.
Il se dit « Je vais me mettre charlatan avec cet argent-là. » Ce qui
l'y fit penser, c'est qu'il avait vu les charlatans remuer les pièces de
cent sous à poignées.
Il s'acheta un habit galonné, une belle voiture avec des chevaux
chamarrés, et il prit avec lui un domestique ; il n'allait que dans les
grandes villes, et il y avait du succès, car il avait le bageolet bien
pendu, et il avait appris de la malice dans le souterrain.
Laissons là Jean le Fainéant, et retournons à son ancien bourgeois.
Le maître de la ferme avait laissé la femme et les enfants dans sa
terre. C'était un vieux garçon qui vivait joyeusement.
Il avait avalé une arête qui, depuis deux ans, lui était restée dans
la gorge ; il avait été à tous les médecins, mais aucun n'avait pu
la lui ôter, et il se voyait pour mourir.
Jean le Fainéant vint dans une ville auprès de Tendroit où il de-
meurait, et on parla beaucoup de lui.
— Notre maître, dit la fermière à sou bourgeois, il y a à la ville un
homme qui est si capable qu'il guérit de tout. Si vous vouliez, il vien-
drait ici.
— Que veux-tu que je fasse d'un charlatan? répondit-il. Elle le
pria tant qu'il finit par lui dire d'aller le chercher. 11 était presque
nuit lorsqu'elle arriva devant lui, mais il \b reconnut bien :
— Monsieur, lui dit-elle, jai mon maître qui est bien mal. Si vous
vouliez venir le voir.
Elle tenait à la main son dernier enfant, celui qui était encore au
bers ' quand Jean était parti .
— Vous avez un joli enfant^ lui dit-il ; oQ est votre mari ?
— Je ne sais pas ce qu'il est devenu ; il est parti il y a sept ans,
parce qu'il avait eu le malheur de se mettre mal avec notre maître...
Mais, dit-elle, vous avez un grand air de lui.
i. Berceau.
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REVCB DES TRADITIONS POPULAIRES 459
— Votre mattre est donc bien mal ? qu'est-ce qu'il a ?
— 11 lui est resté une arête dans la gorge et il dit qu'il donnerait
la moitié de son bien à celui qui pourrait la lui ôter.
— Je vais aller le voir, je ne vous promets pas de le débarasser,
mais je ferai ce que je pourrai.
Quand le charlatan fut en présence de son ancien mattre, il lui
dit:
— Vous donneriez beaucoup sans doute pour être guéri?
— Ah I oui, répondit-il.
— Donneriez-vous bien le Val-Orio ?
— Qui vous fait connaître mon Val-Orio? demanda-t-il tout surpris.
— Est-ce que vous ne me reconnaissez pas ?
— Non.
— Vous ne connaissez pas Jean le Painéant ?
— Jean le Fainéant! s'écria-t-il en le regardant, et il s'esclaffa tel-
lement de rire, que Tarête lui sortit de la gorge. Il fut si content
d'être guéri qu'il lui dit : ^
— Je te fais mon héritier, toi et tes enfants.
Il leur signa tous les papiers pour cela. Jugez si Jean le Fainéant
fit une belle affaire.
Ils étaient bien aises, sa femme et lui, et en signe de joie, ils firent
de nouvelles noces où ils convièrent tous leurs amis, et le lendemain
on voyait le long de la route les invités égaillés sur les mètres de
pierres et ronflant comme des bienheureux.
{Conté en i 880^ par Rose Renault^ de Saint-Cast, qui Va appris d'un
cultivateur de Matignon^ nommé Urban, âgé de 40 ans environ),
Paul Sébillot.
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460 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
CONTES TROYENS
VII
LE RUSÉ ET LE SEIGNEUR
eus ce litre, ma mère me contait le récit que M. Filleul-
Petigny, dans le numéro de juillet dernier, intitule Bocévainp,
Quelques variantes sont à signaler. Dans le conte troyen,
le curé est remplacé par le seigneur du lieu ; au lieu de
s'appeler Bocévaine, le paysan s'appelle Jean ; — les farces
qu'il fait au seigneur sont une vengeance de celle que ce dernier lui
avait jouée en lui conseillant de vendre sa vache à raison d'un louis
le poil, prix auquel personne n'en voulut au marché, et pour
cause....
Pour se venger, Jean envoie son fils emprunter le boisseau du
seigneur, puis le lui renvoie en y laissant un louis, avec ordre de
dire que Jean n'en est pas à cela près, car il les mesure au boisseau.
Le seigneur vient pour avoir Texplication d'une telle richesse, et
Jean lui dit qu'il a un âne qui fait des louis au lieu de crottes. Le sei-
gneur le lui achète très cher, et se trouve déçu.
Les épisodes de la marmite et du sifflet sont les mêmes, avec
cette différence que le seigneur tue sa femme ; notre conte se
termine par la noyade d'un individu à la place de Jean.
YIII
JEAN-BÊTE
Jean-Bôte se retrouve aussi dans les contes troyens, avec les
épisodes de la lessive et des œillades ; celui de la messe n'y figure
pas, mais il est avantageusement remplacé par les deux suivants :
Un jour, Jean-Béte, envoyé à la ville pour rapporter des aiguilles,
une marmite et de l'huile, met les aiguilles dans la voilure de foiù
d'un de ses voisins rencontré en route, avec la pensée de les repren-
dre à l'arrivée ; il laisse la marmite sur la route, en faisant cette
réflexion qu'ayant trois pieds elle peut marcher aussi bien que lui,
qui n'en a que deux ; enfin, il donne son huile à boire à la terre,
qui lui parait avoir soif.
Une autre fois, sa mère l'envoie vendre de la toile, en lui recom-
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 461
mandant de ne pas la céder à une babillarde. A toutes les femmes
qui lui demandaient le prix de sa toile il refusait de vendre, sous
prétexte qu*eUes étaient des babîllardes. N^ayant rien vendu, il
revint au logis. En chemin, entrant dans une église, il vit la statue
d'une sainte et lui dit : « Veux-tu ma toile ?» — La sainte ne répon-
dit pas. — « A la bonne heure, tu n'es pas une babillarde, tu auras
ma toile ; d et il Tenroule autour de la statue. Ensuite, il lui réclame
le prix de sa marchandise, et comme elle ne s'exécute pas il lui
donne un coup de pied dans le ventre. La statue était creuse, elle
cassa, et il tomba 4 fr. 50 qui s'y trouvaient. Jean-Béte se crut payé
et revint au logis, où il essuya une dure réprimande pour avoir
rapporté si peu d'argent.
A la fin du conte, Jean-Béle est chassé par sa mère.
Louis MORLN.
USAGES ALSACIENS
E jour de la Saint-Laurent, 10 août, est le jour où l'on ré-
colte le lin dans les communes du canton de Wissembourg.
Ce môme jour on a coutume de remuer la terre pour trouver
du charbon. Sur les bords de la Lauter chaque enfant s'in-
génie à recueillir le plus fort butin et Ton fouille avec fréné-
sie. Ordinairement le théâtre de ces fouilles est le verger ou le pota-
ger et, comme dans ceux-ci, lorsqu'on retourne la terre, souvent
disparaissent des branches qui plus tard se réduisent en charbon,
on est à peu près sûr de trouver la denrée que Ton cherche.
Le charbon trouvé sert de remède dans les douleurs d'entrailles et
les maux de dents. Il doit y avoir un rapport entre cette recherche
du charbon et le martyr de saint Laurent qui, comme on sait, fut
placé sur un gril sous lequel pétillaient des charbons ardents.
Paul RisiELauBER,
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462 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
CONTES D'ANVERS
MIËKE ET JANNEKE
Conte (Tenfants.
"/MSff ^ y ^vait une fois deux enfants, le frère et la sœur, qui se nom-
o^jjB! maient Mxeke (Marie) et Janneke (Jean).
^^^ Un jour qu'ils se promenaient dans les champs, mangeant
leur tartine, ils aperçurent une pauvre petite vieille.
La pauvresse, s'adressant à Janneke, lui demanda de sa
tartine.
— Non, répondit Janneke, si tu as faim, j'ai faim aussi, tu n auras
rien.
La vieille renouvela la même demande à Mieke, qui s'empressa
aussitôt de lui donner sa tartine toute entière.
Notre pauvresse, ayant mangé sa tartine, remit à Janneke une
carte noire et à Mieke une carte blanche. Avec la carte noire il fallait
frapper à la première porte noire qu'on rencontrerait sur le chemin,
et avec la blanche à la première porte blanche.
Comme il fut dit, il fut fait. À la porte noire Janneke fut reçu par
une légion de diablotins qui l'emportèrent dans les entrailles de la
terre; à la porte blanche une foule de petits anges, roses et mignons,
reçut Mieke qui fut transportée au ciel dans une voiture rose et
traînée par les anges.
{Recueilli à Anvers],
11
SEKB ET SYKE
Conte d'enfants.
Seke et Syke, deux sœurs, folâtraient le long des chemins du vil-
lage et cueillaient des mûres aux ronces qu'elles rencontraient.
Comme le soir tombait, Seke dit à Syke : « Retournons k la mai-
son, il se fait tard! »
— Non, répondit Syke, nous avons encore le temps.
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 463
— Ah ! c'est ainsi, lu refuses de m'obéir. Eh bien! je voudrais
voir apparaître un vilain chien qui le morde cruellement.
Le chien apparut, mais ne mordit point Syke, malgré l'ordre de
Seke.
Ce que voyant, Seke de dire :
— Je voudrais voir apparaitre un bâton pour battre ce maudit
chien, qui ne veut pas mordre Syke, qui ne veut pas retourner à la
maison.
Ce fut au tour du bâton d'apparaître et de refuser de battre le
chien.
Seke dit encore :
— Je voudrais voir apparaître un feu violent pour brûler ce bâton,
qui ne veut pas battre le chien, qui ne veut pas mordre Syke, qui ne
veut pas retourner à la maison.
Comme les précédents, le feu apparut et ne brûla pas le bâton.
Seke, hors d'elle-même, fit un dernier souhait :
— Je voudrais, dit-elle, voir apparaître de l'eau qui éteindrait ce
feu qui ne veut pas consumer le bâton, qui ne veut pas battre le
chien, qui ne veut pas mordre Seke, qui ne veut pas retourner à la
maison.
L'eau apparut et aux injonctions de Seke, elle éteignit le feu qui
brûla le bâton, qui bâtit le chien, qui mordit Syke, qui retourna à la
maison ^
{Co7iié par Marie Plaschaert^ née à Anvers, en i 836^ qui le lient de
ses parents) .
Alfred Harou..
1. La randonnée de Bricou, étudiée dans plusieurs numéros de la Revue.
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464
REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
TRADITIONS, SUPERSTITIONS ET COUTUMES
DU MENTONNAIS*
ETUDE COMPARATIVE
>^^. A table suivante indiquerait que les croyances mentonnaises se
v\^^ rapprochent plus de celles de la Provence que de celles de la
^})1^ rivière de Gênes, s accordant ainsi avec la linguistique '. Une
^1]]^ exception apparente se voit dans le Mariage ; elle pourrait
"o résulter d'alliances plus fréquentes avec des Génois. D*ailleurs
les faits qu on a pu collectionner pour celte rubrique sont peu
nombreux ; on y est surtout frappé par la couleur locale. Quant aux
Fêtes, où le rapprochement avec le Provençal est relativement
faible, il est à observer que Menton se trouvait dans le diocèse de
Vintimille jusqu'au Concordat. Une base de comparaison plus
étendue serait sans doute à désirer, mais celle-ci suffit au moins
provisoirement.
Les causes de celte ressemblance pourraient être cherchées dans
rhistoire et la topographie du pays^ selon les connaissancesactuelles.
11 n'y a pas à accuser des influences ethniques.
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et Ment.
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28
24
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68
71
394
Totaux
62
33
34
43
n
93
103
101
530
J.-B. Andrews.
\. Revue des Traditions Populaires t. XII.
2. Romania Xll, 3o4. XYU 543, Archivio OloUologico Italiano XII, 100.
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HEVUE DES TRADITIONS POPILAIUES 462
LA FRATERNISATION PAR LE SANG
<^.
LXI
Scandinavie
Àju^ adlinc ayant été dépouillé de ses états, s'unit à un pirate
piaffe borgne du nom de Liser; tous deux, suivant la coutume
rtj)]^!!^^ des ancêtres, aspergèrent réciproquement de leur sang la
]3 trace de leurs pas *.
LXII
Arménie
C'est sans doute à une pratique analogue qu'il faut rattacher le
trait cité par Valère Maxime '. Sariaster, fils de Tigram, roi d'Armé-
nie, conspira contre son père avec plusieurs de ses amis : les conju-
rés se tirèrent du sang de la main droite et se le firent boire
mutuellement.
LXllI
Australasie
On a vu qu'à plusieurs reprises, Magellan, dans son voyage autour
du monde eut à se soumettre à cette coutume. Herrera^ la mention-
ne dans l'île de Zebu « Le Roy envoya dire à Magellan qu'avant
toutes choses, il vouloit qu'il fist paix avec luy ; et comme Magellan
luy Gt dire qu'il en estoit d'accord, le Roy lui fist dire, qu'il avoit
accoustumé, lorsqu'il faisoit paix avec des Ëstrangers, que les deux
Chefs se tiroient du sang de l'estomac, et qu'ils beuvoient le sang
l'un de l'autre. Magellan luy mande qu'il en estoit content; si bien
que Magellan attendant le Roy le lendemain au matin dans la
Capitainesse pour faire cette cérémonie, il luy envoya dire, qu'il
estoit satisfait de sa bonne volonté, et qu'il tenoit la paix pour
conclue. »
René Basset.
1. Suite. Voir t. X p. 476.
2. Saxo Graminaticus, Gesta Danorutn, éd. A. Holder. Strasbourg, 1886, in-8,
t. 1 p. 23.
3. t. IX, ch. XI, 2« parUe, § 3.
4. Histoire générale des voyages et conauesles des Castillans dans les Isles et
Terre-ferme des Indes occidentales^ tr. N. de ia Coste. Paris, 3 v. in-4, 1660-
1671, t. III, p. U.
TOJIB XI. — AOUT-SEPTEMBRE 1896. 30
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465 HEVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
LA MORTE RESSUSCITEE*
II
ALLEMAGNE
OTRE confrère, M. Alfred Harou, place à Aix-la-Chapelle les
têtes de bois des deux chevaux dont il parle dans sa légende
de la Morte ressuscitéê (juin 1896i. Comme il ajoute « re-
cueillie à Liège et dans le nord de la province, nous croyons
ne pas le désobli>:er en disant que ce n'est pas à Aix-la-Chîi-
pelle, mais à Cologne qu'il faut chercher l'origine de cette légende et
les deux têtes de chevaux qui la symbolisent. Nous croyons même
pouvoir affirmer qu'il n'y a pas de chevaux du tout à Aix-la-Chapelle,
car il est plus que probable qu'on nous les eût montrés lorsque nous
nous y sommes arrêtés.
Les véritables chevaux de bois de toute façon se trouvent à Colo-
gne, sur la place centrale; leurs têtes en grandeur naturelle, sont
peintes en blanc. Ils ne regardent pas par une fenêtre, mais par une
lucarne, tout en haut du loit d'une très belle maison de patricien.
Nous les y avons vus souvent, et lors de notre première visite à
Cologne on nous a raconté k leur sujet à peu près la même légende
que celle que donne M. Harou avec la variante, seulement, que le
riche commerçant qui apprend la nouvelle de la résurrection de sa
femme s'écrie : « Je n'en crois rien, je pourrais aussi bien apercevoir
mes deux chevaux blancs à la lucarne de ma maison lorsque je ren-
trerai. »
Cette légende de la morte ressuscitéê et des chevaux blancs (Schim-
mel) qui annoncent sa résurrection est d'ailleurs fort répandue en
Allemagne. Nous avons vu dans la cathédrale de Magdebourg un très
bel ex-voto en pierre sculptée relalant le même sujet. Tandis qu'à
Cologne, l'homme incrédule était un riche commerçant, c'est un
chanoine à Magdebourg. Vex-volo le représente à genoux, en compa-
gnie de sa femme et de ses enfants, rendant grâce à Dieu devant sa
propre maison où l'on aperçoit tout en haut à une lucarne les têtes
des deux chevaux.
La lucarne offre d'aillleurs une image plus frappante pour la
1. Cf., t. XI, p. 328.
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 467
superstition populaire. Plutôt que d'arriver à une fenêtre quel-
conque du rez-de-chaussée ou du premier, les chevaux ont
accompli le tour de force miraculeux de grimper trois ou quatre
étages, et le dernier sur un escalier raide et étroit comme ceux qui
mènent généralement au grenier, même dans les maisons les plus
luxueuses.
Hedwige Heineckb.
»W^^<*^W^^^«>^<MMM<»WMMW«M
LA FÉE ET LA SAGE-FEMME
CONTE DE LA VALLÉE D*ASPE
Accous Ml y a la grotte des fées. Or la fée de cette très
profonde caverne était en travail d*enfant. Le mari va
chercher Taccoucheuse à Bédous, qui fait de grandes difïi-
^N^ cultes, elle a peur ; mais l'homme lui promet qu'aucun mal
cy ne lui arrivera. Elle part, en arrivant à la porte de la
grotte rhomme commande à un rocher de s'ouvrir. Il obéit. L'accou-
cheuse entre, reste là plusieurs jours très bien nourrie, et opère la
délivrance de la fée. Elle pouvait emporter tout ce qu'elle voulait à
condition de le dire Or le pain qu'on lui donnait était très blanc.
Elle en mil un morceau à la poche sans rien dire, et puis elle s'ap-
proche de la porte pour s'en aller ; mais elle ne peut jamais passer
par cette porte. Vous avez pris quelque chose sans nous le dire, dit
la fée. La femme répond que non, qu'elle n'a rien pris ; mais elle fut
forcée d'avouer qu'elle avait mis du pain dans sa poche. Alors on lui
en donna encore et elle put sortir. Elle a dit depuis qu'elle avait vu
tout un pays dans cette profonde caverne, des plaines, des villages,
et que tout y était très beau : mais elle n'y est jamais revenue.
Anselme Gallon.
i . Accou!», Osse et Bédous sont tous les trois dans le Bassin de Bédous, dans
la vallée d'Aspe (Basses-Pyrénées).
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468 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
THEATRE POPULAIRE^
m
ARRÊT DU PARLEMENT DE RENNES CONCERNANT l'eXERCICE
DES COMÉDIES ET TRAGÉDIES
en date du 24 septembre i733 (ou 53)
^^i, RRÊT de la Cour rendu sur les remontrances et conclusions
^ '^l5^r<' ^® ^' ^® Procureur général du roi. qui fait défense à tout
'iV^^ artisan, laboureur de représenter des tragjédies ou comédies.
^f}^ (Extrait des registres du parlement). Le substitut de M. le
c/ Procureur du roi, entré en la Cour, a dit que dans quelques
paroisses de la Basse-Bretagne, et surtout dans Tévéché de Saint-
Brieuc, les gens oisifs ont imaginé, ou plutôt renouvelé un divertis-
sement public, qui bien qu*il semble indifférent en soi, est très
dangereux dans ses suites.
Les jeunes gens de la campagne veulent représenter dans les
places publiques des comédies et des tragédies en breton ; ce sont
des farces ridicules, mêlées de paroles et de figures indécentes et
souvent obcènes ; quarante ou cinquante enfans de familles de
différent sexe s'attroupent pour cet effet, et abandonnent pendant un
temps assez considérable leur devoir et les travaux de la maison
paternelle pour se mettre en état de jouer leurs rolles.
Le jour de la représentation est annoncé publiquement aux foires
et aux marchés et à l'issue des grand'mesaes des paroisses du lieu.
Les acteurs tirent en cachette de la maison tout ce qui est nécessaire
pour se mettre en état de paraître sur le thcAtre, les curieux pour
se montrer avantageusement au spectacle emploient les mêmes
moyens et tel de ces spectacles dure quelquefois trois ou quatre
jours.
A chaque représentation les acteurs ont soin de faire courir un
plat dans toute l'assemblée et chacun s'empresse d'y donner des
marques de sa générosité, et le produit de ces quêtes est employé à
entretenir la débauche de ceux qui en ont le goût et à le faire naître
en ceux qui ne l'ont pas.
1. Cf. t. Il, 222, 429, vin, 463 ; on peut remarquer une différence entre la
(laie du titre et celle de l'extrait.
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REVrE DES TnADITlONS POPULAIRES 405)
Outre ces abus, la Cour sent bien les inconvénients qui résultent
nécessairement de ces assemblées ; le mélange d'une jeunesse et de
différent sexe et de différente paroisse, qui, pour se rendre au lieu
de rassemblée, voyage pendant une partie de la nuit et qui séjourne
pendant plusieurs jours, ne peut que causer beaucoup de désordres
dans les paroisses et dans les familles.
Les représentations des pères et mères sont inutiles ; les recteurs
et les curés ont beau crier contre ces speclacles et ces spectateurs ;
Tatlrait ou le désir remporte et les assemblées n'en sont pas moins
nombreuses.
Un arrêt du 7 novembre 1714 arrêta ce désordre dans la ville de
Guingamp et les paroisses circonvoisines ; il paraît juste de le
répéter, de renouveler et d'étendre même les peines qu'il prononce.
A ces causes, ledit Substitut a requis qu'il y fut pourvu, et sur ce,
ouï le rapport de M. de Caradeuc, conseiller en la chambre des
vacations et tout considéré.
La Cour, faisant droit sur les remontrances et conclusions du
procureur général du roi, fait défense à tous artisans, laboureurs et
autres personnes semblables, de quelque âge ou sexe qu'elles soient,
de s'attrouper et s'assembler pour représenter des tragédies ou
comédies en français ou en breton, ni d'en représenter soit dans les
places publiques soit dans les maisons, à la peine de 30 1. d'amende
contre chacun des acteurs et de pareille peine contre les ouvriers
qui travailleront à dresser le théâtre et de confiscation des bois au
profit des fabriques des églises des lieux et à toutes personnes de
prêter ou louer leurs maisons et leurs bardes pour ces sortes de
représentations sous pareilles peines ; enjoint aux juges des lieux
et en cas d'absence ou d'éloignement, aux trésoriers en charge de
tenir la main à l'exécution du présent arrêt et de faire démolir les
théâtres que l'on se proposerait de faire élever, et, à ce que personne
n'en ignore, ordonne que ledit arrêt sera imprimé, lu et publié
dans les paroisses de l'évêché de Saint-Brieuc et autres de la Basse-
Bretagne où ses spectacles sont en usage.
Fait au Parlement à Rennes, le 14 septembre 1753.
(Revue de Bretagne et Vendée^ 15 août 1896).
L'Abbé Hery.
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470 KEVUG DES TRADITIONS POPULAIRES
VIEILLES CHANSONS DU MAINE
[suite)
VII
VERSION DE LA PROMENADE
Voilà ma journée faite,
Et ioup là là deridou là là,
Voilà ma journée faite,
Je vais me promeoer,
Voyez, je vais me promener {bis).
Dana mon chemin rencontre.
Et ioup là là deridou là là,
DaDs mon chemin rencontre,
Jolie fille à mon gré.
Voyez, jolie fille à mon gré {bis).
La prends par sa^ main blanche,
Et^ioup là là deridou là là,
La prends par sa main blanche,
Dans le bois la menai,
Voyez, dans le bois la menai {bis).
Quand elle fut dan? le bois,
Et ioup là là deridou là là.
Quand elle tut dans le bois,
Elle s'est mise à pleurer,
Voyez, elle s'est mise à pleurer (bis).
— Ah qu'avez-vous, la belle.
Et ioup là là deridou là là I
Ah qu'avez-vous la belle ?
Qu'avez-vous à pleurer.
Voyez, qu'avez-vous à pleurer? {bis).
— Je pleure, car je suis fille
Et ioup là là deridou là là I
Je pleure, car je suis fille,
Encore à marier,
Voyez, encore à marier {bis).
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RKVUE DES THADITIONS POPULAIKKS 471
La pris par sa main blanche,
Et ioup là là deridou là là,
La pris par ea main blanche,
Hors du bois la menai,
Voyez, hors du bois la menai (bis).
Quand elle fût hors du bois,
Et ioup là là deridou là là,
Quand elle fut hors du buis,
Elle s'est mise à chanter.
Voyez, elle s'est mise à chanter {bis).
— Ah qu'avez-vous, la belle.
Et ioup là là deridou là là
Ah qu'avez-vous la belle,
Qu'avez-vous à chanter,
Voyez, qu'avez-vous à chanter (bis).
Je chante ce lounteau.
Et ioup là là deridou là là,
Je chante ce lourdeau,
Qui n'a pu m'embrasser,
Voyez, qui n'a su m'embrasaer (bis).
Quand on lient l'aloucllp,
Et ioup là là deridou là là
Quaud on tient l'allouette,
11 faudrait la plumer,
Voj^ez, il faudrait la plumer {bis).
Madame Destrichb.
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472 REVUE DES TRADITIONS POPTTLAIRES
DEVINETTES SAVOYARDES
rf^ AS plus gros qu'une amende, qui remplit toute la chambre ?
7^f&^ I-«a flamme d^une lampe.
— Qui passe l'eau sans faire d'ombre ?
Le son.
— Qui est ce qui n'a ni cul, ni queue, mais dont la mère en a?
Un œuf.
— Qui se repose dans un coin après avoir fait le tour de la chambre ?
Le balai.
— Plus il y en a, moins ça pèse.
Des trous.
— Qui se perd le jour et se retrouve la nuit ?
La lumière.
— Comment se nomment ces milliers de demoiselles qui se don-
nent à boire les unes aux autres?
Les tuiles ou les ardoises.
— Quelle est cette dame blanche que je vois en entrant dans la
chambre et que j'éventre aussitôt d'un coup de couteau ?
Une tome (fromage).
— Qui est-ce qui ^ les cornes au derrière ?
Le soufflet.
— Qu'est-ce qui, gros comme un œuf, fait un étron comme une
paille ?
Une taupe.
— Qu'est-ce qui rond comme un pain à la queue longue comme
un ruban ?
La poêle.
— Quelles sont ces quatre dames qui se courent toujours après
sans pouvoir jamais s'attrapper ?
Les roues d'une voiture.
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
473
— Grand le père, mauvaise la mère, noire la nourrice, blanche la
fille?
La châtaigne .
— Qui porte cent gerbes de paille et ne porte pas une aiguille ?
L'eau.
— Tant haut, tant haut qu'on voudra, c'est toujours bas?
Des bas.
— Qui est noir le jour, et blanc la nuit ?
Un curé.
^ Le riz tenta le rat, le rat tàta le riz.
— Qu'est-ce qui est dans un palais entourée de petits tabourets.
La langue.
«
— Si vous ne lavez pas, prétcz-le moi, si vous lavez ne me le
prêtez pas ?
Le battoir.
— Qui pose son ventre pour aller boire ?
Une paillasse.
— Pied contre pied, ventre contre ventre, on met le pendu dans
le fendu.
La clef.
Jean de la Suie.
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414 RKVCE DES TRADITIONS POPULAIRES
COUTUMES DE MARIAGE
\S^
XXV
LE REPAS MONSTRE
ES noces pantagruéliques ne sont pas un mythe, même de
- jC^y nos jours si nous en croyons une notice parue dans le Jour-
i^li^i nal de Salzwedel^ du 14 juin 1896. Il s*agissait de célébrer
Tunion de deux richissimes agriculteurs, M. Fritz Wielman de
Benkendorf et M"* Marie Roloff, de Maxdorf, deux localités
situées dans la vieille maVche brandenbourgeoise dont Salzwedel est
la ville principale.
Dès le matin la fiancée arriva, précédée de ses trente garçons d'hon-
neur, tous montés superbement. Bientôt le cortège nuptial se forma
de la façon suivante : d'abord la musique militaire du 16' hulans,
puis un groupe de 50 fillettes et jeunes filles, vêtues de blanc et
couronnées de fleurs. Derrière elles marchaient les fiancés el ensuite
la longue file des invités du nombre de 500. La cérémonie religieuse,
très imposante par elle-même, se termina par des chants liturgiques
et par TofiFrande d'un superbe calice en argent que la mariée dédia
au maitre-autel.
Pour le festin nuptial, on avait dressé deux grandes tentes qui se
trouvèrent insuffisantes pour la foule accourue de toutes parts, qui
dut se loger tant bien que mal dans la maison et la grange. Trente
cuisinières, venues de Salzwedel, avaient préparé le repas de noce
pour lequel on avait tué : deux vaches, six veaux, trois cochons et
quarante poulets. On servit en outre cent kilos de poissons, deu\-
cent trente gâteaux, cent brezeln et une cinquantaine de kugelhopfs ;
il fallut cent kilogrammes de beurre pour assaisonner les sauces, les
légumes et les rôtis, et une centaine d'œufs pour préparer les plats
sucrés. On but sept cent cinquante bouteilles de vin, quatorze ton-
neaux de bière et une quantité illimitée de spiritueux et de café.
Puis on dansa jusqu'au lever du jour et tandis que les uns allèrent
cuver leur vin, les autres reprirent leur travail des champs comme
si de rien n'avait été.
Hedwige Heinegke.
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 47o
CROYANCES DES INDIGENES DES ENVIRONS
DE SEDRATA
I
Département de Constantine [Algérie]
ES indigènes de Sedrata sont persuadés qu*en plaçant le cada-
vre d'un serpent près d'une ruche, la quantité de miel donpée
par cette ruche sera plus importante.
Les indigènes ont la même croyance pour les moutons. La
dépouille d'un serpent placée dans un parc aurait la propriété de
faire augmenter le nombre des agneaux.
La bergeronnette ou hoche-queue, appelée par les Arabes oum-
sissi, est considérée par eux comme merabta (maraboute) et ne doit
pas être tuée par Thomme.
Celui qui tue cet oiseau est sûrement atteint de fièvres pendant
Tannée et en meurt.
La même croyance existe pour l'hirondelle appelée par les indi-
gènes KhetaYfa.
Le proverbe arabe suivant a trait à ces deux oiseaux :
El MUk ma idrob nich^
Ou el Kebih ma iguess nie h.
L'homme boQ ne me frappe pa»,
L*homme mauvais ne m*atteiiit pas.
Achille Robert.
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470 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
LES ONGLES^
XVII
^ 'est pour les habitants de Macaçar une propreté et même une
obligation indispensable que d'entretenir leurs ongles dans
cette peinture rouge qu'ils ont commencé de leur donner dès
leur enfance, et de les couper une ou deux fois la semaine,
car ils s'imaginent que le diable s'y cache quand ils sont
longs*.
XVIII
Aux Iles Marquises, du temps du paganisme, les ongles humains
étaient employés comme parure. Une idole portait un collier compo-
sé de dents de porc et d^ongles humains alternaltivement efOlés'.
XIX
Dans la Poméranie orientale, on croit que si Ton coupe les ongles
des enfants d:ins leur première année, il seront exposés au malheur.
Quand on se coupe les ongles régulièrement chaque vendredi, on
est préservé contre le mal de dents.
Celui dont les ongles fleurissent (ont de petites taches blanches] a
du bonheur.
Dans un conte populaire, le soldat qui a vendu son àme au diable
ne peut se faire couper les ongles ni les cheveux que lorsque le
pacte est rompu *.
René Basset.
1. Suite, voir t. X, p. 603.
2. Gervaise, Description historique du royaume de Macaçar. Ratisbonoe. 1700.
iD-12 p. 101-102.
3. Cf. Radiguet. Les derniers sauvages. Paris, s. d., in-i2, p. 43>44.
4. 0. Knoop. Volksagen, Erzùhlungen, Aberglauben Gebrnuche und Mûrchen
aus dem Ôstlichen Hinierpommeren. Posen, 1885, in-8 p. IKT, 162. 163, 189.
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REVL'E DES THADITIOS POPULAIRES 477
TRADITIONS ET SUPERSTITIONS DES PONTS
ET CHAUSSÉES*
II
LE CHEMIN DE FER (suite)
ORS de la création du premier chemin de fer belge (de Brux-
elles à Maliaes), les paysans, au passage des trains, accou-
raient le long de la voie, pour regarder passer le monstre de
fer, que les uns, dausleur patois familier, appelaient le « Jan
_ Vapeur » (Jean vapeur), que les autres, effarouchés et supers-
titieux, avaient baptisé de Vuurduivel (diable de feu).
(P. Hymans. Bruxelles à travers les âges, 111, 117, 114).
N
Au Parlement nombre d'orateurs combattirent le projet de créa-
lion des chemins de fer, en Belgique. Parmi les arguments invoqués
contre le projet, relevons les suivants :
— Les chemins de fer ne vaudront jamais les canaux.
— On mettra ainsi les chevaux hors d'usage et Ton privera de
pain des milliers d'ouvriers.
— Le lait transporté par les trains arrivera à Tétat de beurre et
les œufs en omelette.
— Les chevaux n'étant plus employés les plantes fourragères ser-
vant à leur nourriture seront frappées de dépréciation.
Alfred Harou.
1. Cf. le t. VI, p. 10, 99, 218, 220, 363, 40o, 583, t. VII, p. 70, t. VIII, p. 31,
t. X, p. 5o:> et sur les préventions contre les chemins de fer. Paul Sébillot. Les
Travaux publics et les Mines dans le^ superstiLions de tous pays^ p. 276 et suiv.
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478 REVUE DES TRADinONS POPULAIRES
BOTANIQUE POPULAIRE
I
NOMS DE PLANTES EN ARABE VULGAIRE d'aLGÉRIE
Absinthe : Chedjra Meriem (arbre de Marie).
Angélique : H'achichet el malak (herbe d'ange).
Anis vert : Bezr el h*aiou (aromate doux).
Belladone : H'achich el Morr (herbe amère).
Belle de Nuit : Chpbb el lil (beau de nuit).
Bourrache : Le\idn eth ikour (langue de taureau).
Capillaire \ Keçber el bir (cerfeuil de puits).
Capucine : Châbir bâcha (éperon de pacha).
Centaurée : Mrâret el k'anech (bile de serpent).
Chardon : Chouk el h'amir (épine desânes).
Chèvrefeuille : SolVan el Ghàbah (roi de la foret).
Chiendent : Sboulel el fàr (épi de rat).
Clématite : Dalia Souda (vigne noire).
Courge : Bou choukah (celui à Tépine).
Douce-amère : Yasmin el kheln (jasmin sauvage).
Groseille : 'Aneb ed dib (raisin de chacal).
Glaïeul : Sifel Ghoràb (épée de corbeau).
Marguerite : Zhar el loulou (fleur de perle).
Myosotis : Ouden el far 'oreille de rat).
Noix vomique : Bou za'kah (celui à la queue).
Oreille d*ours : Ouden ed debba (oreille d'oursel.
Passionnaire : Bou seba' louân (celui aux sept couleurs).
iBou Chouiber (celui au petit éperon).
Rijl el imàmah (pied de la tourterelle).
Châbir el Ouçif (éperon du nègre).
Pissenlit : Senn el Asad fdent du lion).
Pois de senteur : MoKammed ou 'Ali (Moh*ainmed et 'Ali).
Primevère : Zhar er rebia (fleur du printemps).
Raiponce : Qema' el Qâq (entonnoir de la pie).
Sai-tk PiFiTRPrn • ^ 0mm es Soualef (m^v^ àQ^hoMcX^^].
( Salefel /4 ara (boucle de la Vierge).
SciLLA MARITIMA : Bçol Fera'oun (oignon de Pharaon).
Tamus communis : Ben Meîmoun (fils de bonheur).
Tournesol : fJâret ech chems (tour du soleil).
René Basset.
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BEVUE DES THADITIONS* POPULAIRES 479
BIBLIOGRAPHIE
Henri de Kerbeuzec. — Cojou Dreiz. ^" série, Plougasnou.
Paris, Bouillon, in-8 de pp. IX-16i.
Les matériaux de ce petit livre ont été recueillis au village de Plougasnon, près
de Morlaix. qui depuis quelques années est deveuu une Ptation balnéaire. L'au-
teur, qui est un ecclésiastique, a consacré sa première partie aux petites cha-
pelles de la région; quelques-unes ont été détruites récen.ment, comme celle de
Saint- Nicolas, qui était le théâtre d'une foule d'apparitions, parmi lesquelles
celle du prêtre mort qui revient à minuit pour dire sa messe. La seconde partie,
les Formes, contient la traduction d'une vingtaine de chants populaires, dont il
eiH été intéressant de connaître le texte breton. Enfin, deux enfants de Plougas-
non, Agés de douze et treize ans, ont raconté à l'auteur les douze contes qui fout
la troisième partie. Plusieurs sont des parallèles de récits de Luzel; mais ils
sont beaucoup plus courts; c'est ainsi qu'une version du Pape Innocent, assez
ditférente de la légende chrétienne qui porte ce titre (t. I, p. 282), est environ
quatre fois moins lons^'ue, et l'allure générale est bien plus vive, bien plus rapide
((ue celle des contes de Basse- Bretagne publiés jusqi/jci; ils rappellent plutôt,
non les récits faits en la Haute-Bretagne par des femmes, mais ceux du même
pa3's qui m'ont été racontés aussi par âc-* enfants, dont la mémoire n'était pas
ti'UJours sûre. L'auteur fera sagement à Fa prochaine campa^^ue, d'écouter des
conteuses; il est probable qu'en cherchant -bien, il en rencontrera encore de la
vieille souche, les filles de celles qui dirent à Luzil des récits si touffus.
P. S.
PERIODIQUKS ET JOUKiNAUX
Journal of American Folk-Iore IX. 33. Notes on the Language and
Folk-Usage of the Rio Grande Valley. John G. Bowke. — A Miracle Play in the
West Indies. Alfred M. Williams. — Créole Folk-Lore from Jamaica. William C.
Baies, — An Old Mauma's Fulk-Lore. John Hawkins. — Some Japanized Chi-
nesc Proverbe. Michitaro Hisa. — In Memorîam — John Gregory Bourke. F, W,
Hodge,
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480 REVUB DES TRADITIONS POPULAIRES
VoUukunde IX. 4-5. Nos arbres indigènes dans le Culte des Plantes, U.
Teirlinck, — Proverbes et dictons. Méfiez-vous de ceux que Dieu a marqués A.
de Cock, — Un Diseur de bonne aveulure devant le Tribunal de TOud-Burg à
Gand, en 1632 A. Van Werveke. — Contes. La femme Misère A. de Cock. —
Sorcellerie. § 1. A quoi on peut reconnaître les Sorcières A. de Cock, — Vieuz-
Gand. Différentes acceptions du mot « kinderen » (enfants), A Van Werveke, —
La préciosité chez les paysans, P, d. M, — Proverbes et Dictons sur les fem-
mes. 3. La femme laide. — 4. La jeune Femme. — 5. La vieille Femme. —
La Veuve, par A, de Cock,
Zeitschrift des Vereins fur VoUukunde VI. 3. Kulturgeschicbtliches aus
Iflland. Nach dem Islaendischen M. Lehmann-Pilhés. — Geburt, Hochzeit und Tod
in der Iglauer Sprachinsel in Maehren. Franz Paul Pifjer, — Aus dem Volkstuui
der Berber. Af. Hartmann. — Italienische Volksraetsel. Johannes Tschiedel. —
*Aus dem deiitschen Volks-uod Hechtsieben in All-Steiermark. Theodor Uixfjer
(Fortsetzung). — Kinderreime aus dem Marchfelde. Hans Schukowitz. — Zum
Volkslied, Spruch uod Kinderreim. Anton Englert, — Das Leben in der Auffas-
sung der Gossensasser. Marie Rehsener.
^A^w^^^^/^«AM<s^w«A^M»
NOTES ET ENQUÊTES
,*, Guérison des verrues des animaux. — Verrue je te souhaite le bonjour. —
Tu as autant de racines que le bon Dieu a d'amis. — Les amis du bon Dieu
prospéreront et tes racines périront. — Au nom du père, du fils, et du Saint.
On dit cette prière aux environs d'Autun pour guérir les verrues des animaux,
notant ment df^s \aches. Pour qu'elle réussisse, elle doit £'tre dite avant le lever
du soleil el il faut que les propriétaires de la bête malade y croient fermement.
(Comm. de M™« J. Lambert.)
/« Les œufs trouvés. — Dans l'Autuoois, si on trouve des œufs dans un champ,
il faut se garder d*y toucher. Ils ont été déposés là par le diable ou par un
sorcier qui veut vous jeter un Fort. — D'autres personnes croient au contraire
qu'on doit les casser, un sorcier les ayant mis là pour jeter un sort sur une
personne malade. Si on les casse le malade guérit.
(Comm. de M™« J. Lambert.)
Le Gérant, A. CERTEUX
Baugé {Maine-et-Loire), — Impjnmerie Daloux,
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REVUE
DES
TRADITIONS POPULAIRES
^m0»0»tk^ftttt>^fttt0kt^k^^^0*t*tt0»t»0tH0t0k0>0t0^t0t0<0tÊ
±±^ Année. — Tome XI. — N<» 10. — Octobre 1896,
NIEDRISCHU WIDEWUTS*
Epopée latavienne en !è4 chants
EPUis longtemps déjà, en collectionDanl
des traditions populaires dans les différen-
tes contrées des peuples lataviens, à partir
de la Vistule jusqu'au delà de la Duna, on
avait ren)arqué des traces évidentes d'une
épopée nationale. C'est le poète latavien
magisterJ. Lautenbach-Juhsmin (rYoucemi-
gne), lecteur en langue latavienne à l'Uni-
versité de Youryiéff (Dorpat), qui avait en-
trepris la tâche difficile de recueillir et de
collectionner les matériaux se rapportant aux héros nationaux dont
on trouvait partout les traces dans les traditions du peuple latavien.
Latavien lui-même^, Lautenbach pouvait mieux qu'un autre saisir
les sons des temps passés qui frappaient son oreille dans les dainasj
teikas et pasakas (chansons, légendes et contes).
Néanmoins il a fallu un travail assidu pour pouvoir faire paraî-
tre le volume contenant, en 24 chants avec 11.491 vers dactyliques,
le poème héroïque latavien.
Loennrot donna aux Finnois leur Kalewala, Kreutzwald le Kale-
tvipoeg aux Estoniens ; c'est Lautenbach qui a fait rentrer avec Wi-
dewut les Lataviens (Letloniens) au nombre restreint des peuples
épiques. Pourtant on ne peut pas encore regarder ce travail comme
1. L. Niedrischou Widewouts. Mitau, 1891, 381 pagef<.
TOMB XI. — OCTOBRB 1896. 31
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482 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
définitif. C'est par milliers que se recueillent et se publient chaque
année des matériaux de toutes sortes : chansons, légendes et con-
tes... Ils ouvrent souvent encore un monde nouveau, peu connu
jusqu'ici, un monde rempli de dieux et de héros, de filles du soleil
et de fils de dieux, de guerriers vaillants et de femmes fières, de
combats acharnés et d'exploits héroïques, de souffrances profondes
et de joies élevées. Aussi j'estime que dans quelque temps Thono-
rable auteur devra compléter son œuvre. Toutefois, sans épuiser
toute la richesse épique du peuple latavien, cette œuvre avec ses
joies et ses souffrances, avec ses vœux et ses espérances, n'est pas
moins apte à toucher le cœur de chaque Latavien. La légende de
Wissukuok (1. Wissoukouok) lui rappelle son ancienne noblesse,
anéantie en combattant pour le salut de la patrie ; les noms de vil-
lages, de fleuves, de bourgs en ruines, encore aujourd'hui existant,
tels que Wissukuoki, Pèrkuone (1. Pèrkouoné), SehlpiU^ Saka^
Daugawa (1. Daougava=Duna), Melnupe^ Mèmele, Muhse (1. Moucé),
Lielupe (1. Lieloupé), etc., lui font passer devant les yeux les lieux
des exploits de ses héros qui ne cessent pas de continuer leur vie,
sous des noms différents, dans la mémoire du peuple.
Dans l'épopée de Wideumt nous trouvons une source abondante
pour Tétude des mythes aryens. En effet, il n'y a pas de peuple qui
ait conservé autant d'anciens biens communs aux Aryens, que le
peuple lithuano-latavien. Ce poème nous montre le culte divin et fait
passer devant nos yeux la vie et l'activité de ce peuple jadis grand
et célèbre : nous apprenons comment le Latavien prie ses dieux,
comme il sacrifie à Pèrkun (1. Pèrkoune), comme il croit aux Puhki
(l. Poùki=dragons) et combat contre les Sumpurni (1. Soumpourni=
hommes aux têtes de chiens, réminiscence probable aux incursions
des Huns), comme il s'imagine Tenfer et la vie dans Tautre monde,
comme il prend sa lihgawa (fiancée) et fête trois jours la noce,
comme sa sœur et sa fiancée le décorent au départ à la guerre... en
un mot, la vie avec ses joies et ses tristesses, passent devant nos
yeux.
Mais aussi le côté archéologique nous intéresse, car nous appre^-
nons à connaître les habits et les armes, les outils de travail et les
objets de ménage, les mets et les boissons.
Les traditions iithuano-lataviennes nous montrent jusqu'à l'évi-
dence que ce peuple avait dans Tantiquité ses runes qui se décou-
paient sur des bâtons de bois ou se brodaient sur les drapeaux et les
ceintures. Encore aujourd'hui runa (l. rouna)veut dire en latavien le
discours, ruwa/=parier. Les lettres runiques mêmes (les lettres
alphabétiques également) s'appellent et s'appelaient burti (1. bourti)
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 483
(en lithuan, burtai) ; delà burtinieks en iatav., burtininkas en lithuan.^
dénominations de ceux qui savaient lire, une classe spéciale de
Waïdelotes fprètres). Burlinieks=burwis (1. bourvisse) veut dire
aujourd'hui mage, sorcier.
Résumons maintenant l'œuvre de Lautenbach.
l" CHANT
Au premier printemps Mënesis emmena
Saoulité, fiancée, à la montagne céleste,
Les fils de dieu, les grands guides de Saoulité,
Sellèrent cent chevaux pour le festin ;
Përkons, se mettant à la poursuite, arriva
A la porte, foudroya le chêne d'or.
Tous les dieux sont assemblés aux noces joyeuses. Mènesis (la lune)
danse avec Saoulilé (le soleil), chaussée de souliers d'argent.
Mais voilà que Kiida^j aux yeux étincelanls, invitée à la fête par
Liktenis *, soulève une querelle parmi les dieux assemblés, à la
suite de laquelle ils se partagent en deux groupes ennemis.
D'un côté Mënesis, Yupis (1. Youpice),
DebesskaUsy Welns, d*autres géants puissants ;
D'autre côté Perkons, Lihga, Uhsin (1. Oucigne)
Et les neuf fils du père Pèrkans.
Ils sont définitivement divisés par la trahison de MènesiSy quittant
sa belle épouse Saoulé pour Kilda ^Aoustra).
Pèrkom {Pèrkutis]^ le gardien jaloux et vigilant des bonnes mœurs
et des bonnes actions, devient furieux là-dessus et pourfend Mènesis de
son sabre tranchant, Yupis, Debesskalis et Welus veulent le défendre.
Mais alors les neuf fils de Pèrkons :
Trois grondèrent, trois frappèrent, trois firent des éclairs.
Pèrkons expulsa du ciel les trois partisans de Mènesis et les jeta
avec une telle force sur la terre qu*ils s'y enfoncèrent profondément.
Kilda fut jetée, sur ordre de Pèrkons, à la mer par IViësuls, fils de
Wehja-mahte (1. Wèya-mâté — mère des vents). Alors Pèrkons '
monte à cheval avec ses fils et prend le royaume de la montagne des
airs (Gaïssinou kalnà).
Sur la côte d'ambre habitait un exellent homme du nom de Wis-
1. Kilda, celle qui soulève des querelles ; littéralement la querelle.
2. Liktenis, le sort.
3. J'emploie à dessein les deux formes Pèrkuns et Pèrkons^ car le peuple les
connaît toutes les deux.
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«ti^oA:.(l..Wiss9,ukouok)., C'était un caractère noble et..élQvé. I1|i*<hi-
bliait jamais de faire ses offrandes aux dieux ; aussi fut-il aimé. par
ç.ux et comblé de. bonheur.
Un jour qu'il péchait dans la mer, il aperçi^t dans son filet uoe
femme belle et jolie ; il Ta sauva et.Temmena avec lui.
Son bonheur souleva la jalousie des Sàmi [Souomi), mauvais
esprits des eaux, ils veulent anéantir Wissukuok; à bout de forces
celui-ci doit fuir ; un gouffre marécageux, impossible à franchir, barre
le chemin à Wissukuok. Déjà les Sàmi veulent l'engloutir, quand le
vieux lui-même (Pèrkons) vint à son aide : il, lança une pierre énor-
me^ couvrant la moitié du gouffre, sur la tête des Sàmi» Les esprits
de la terre, ennemis des Sàmi, couvrirent bien vite d'herbe le
gouffre et en firent une prairie fleurissante.
A l'endroit ou il avait été sauvé, Wissukuok éleva le château /tada-
galssa (à l'endroit du village actuel Wissoukoudkou ciëms)^ y planta
un chêne et éleva un autel à ses dieux.
Alors Siëwalka, la femme sauvée des vagues de la mer, deviat
épouse de Wissukuok,
Elle lui donna un fils, Radagalsu Stiprals (1. Radagaïssou).
Le sang de héros ne se dément pas. Dès son enfance il montre
une force peu commune ; à sa quatorzième année H se fait forger
une hache gigantesque avec laquelle, à vingt-et-un an, il abat d'un
seul coup un chêne de dimensions énormes.
Wissukuok avait donc une femme et un fil3 comme personne
n'en avait.
Stiprals s'en alla à travers le monde chercher du b.opheur et delà
gloire.
Entre temps Wissukuok était devenu un vieillard; seule sa fepime
ne viellit pas et resta jeune et jolie, comme auparavant. Tout le
monde en était jaloux, des querelles s'élevèrent partout où apparaît
Siëwalka ; on tenta de l'enlever kWissukuok. Désireuse de rendre la
paix au peuple, elle avoua à son mari qu'elle était Kilda, jetée à la
mer par ordre de Pèrkons. Là elle devint une Lauma (1, Laouma)
(une fée) ; comme telle elle pouvait, d'après les circonstances, ren-
dre les enfants heureux ou malheureux, bons ou mauvais^ suivant
qu'elle les regardait de l'œil droit ou de l'œil gauche.
Après avoir raconté à son mari combien elle l'aimait, elle promit
de faire du bien à sa famille, de rester sa prolectrice ; ^uis elle
reprit sa qualité divine et disparût dans une mer de lumière devant
Wissukuok attristé II pria alors Pèrkuns de le foudroyer, lu^ et son
château. De cette mort, la plus noble aux yeux d'un Latavien, s'en
alla Wissukuok, le progéniteur de héros latavien^ (l^^ouiejs^).
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RÉirèE DES TRADITIONS POPULAIRES 485
Entre temps son fils Stipraïs continuait son chemin.'
Bientôt il arriva dans une grande forêt ; un ure (sumbris) se jeta
sur lui, Radagaïsu Stipraïs le prit par les cornes et le traîna comme
une chèvre après lui. L'ure devint docile et obéit à son maître.
Puis Stipraïs entreprend d'abattre une grande forêt, il arrache les
arbres avec leurs racines, et bientôt il a labouré une énorme éten-
due.
Pïus loin il arrive au bord de la mer qui n'a point de nom encore.
Les pêcheurs y sont en^querelie à cause des puits^ chacun préten-
dant le sien le meilleur et demandant à ce que toute la côte soit
appelée du nom de la qualité de l'eau de son puits.
Stipraïs donne le bon exemple en cultivant la terre, en soignant
les abeilles, en brassant de l'hydromel (miëstinsch), de la bière (alus)
et en se montrant sage dans toutes les questions.
H s'étonîie des querelles constantes de ses voisins. Pèrkons lui-
même en est mécontent. Pour y mettre fin, il envoie sur terre Gie-
dîna *, fille de dieu, pour qu'elle donne à Radagaïsu Stispraïs un fils
qui sera un législateur, un roi et un maître pour son peuple.
La naissance fut assistée des trois Laïmas^ déesses du bonheur. Il
reçut le nom de Niedriitchu Widewut (1. Niëdrischou Widwouts).
A peine né, un ours (lacis) se jeta sur l'enfant — Widewut^ le
prit par les oreilles et lui ôta la peau, comme on ôte un gant de la
main.
Ainsi commença l'enfance de Widewut^ de cet homme au cœur
noble, aux pensées élevées, au courage viril, aux actions puissantes
qui fut dans la suite le roi et le législateur des peuples prousso-
lithuano-lata viens.
Ile CHANT
Une force inaccoutumée, une conception et un esprit supérieurs
se manifestent chez Widewut dès Tâge le plus tendre. Radagaïsu
Stipraïs et Giedina sont pleins de joie en voyant les brillantes qua-
lités de leur fils.
Un jour père, mère et fils passent près de Welna akmens (pierre
du diable), sous lequel ils trouvent Pèrkouna zouobens (le sabre
de Pèrkouns) et Welna arklis (la charrue du diable]. Le sabre était
de dimensions formidables, son poids énorme, mais déjà le petit
Wideumt pouvait le brandir.
Giedina conseille alors à son mari de percer avec la charrue trou-
vée une tranchée à travers les puits jusqu'à la mer d'ambre.
1. Gulëdîna ou Kaouniba=la pudeur.
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486 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
\lors Badagaisu Stipraîs attela un ure (urochj devant la charrue
et fit comme sa femme lui avait dit. L'eau des puits se précipita
dans la tranchée, formant la Sakampe (1. oupé=le fleuve de Saka) et
Sakasleja (1. leya, la vallée de Saka).
Dès ce moment toute la discorde est disparue dans le peuple,
enchanté d'avoir un chemin navigable pour aller à la mer. On
s'adonnait aux travaux pai^sibles.
Radagaisu Stipraîs et son fils Widewut vont souvent à la chasse.
L'enfant aimait la nature et souvent il s'en ^allait dans les forêts,
où les arbres chuchotaient mystérieusement des temps passés, où
les ruisseaux jaillissaient en cascades joyeuses, charmant l'œil du
spectateur, et où les oiseaux faisaient entendre leurs chants prophé*
tiques des temps futurs, plongés encore dans l'inconnu.
Un jour errant ainsi dans la forêt, le jeune Widewul rencontra
un berger, baigné de larmes. Il apprit que le géant ATenft^ qui n'avait
qu'un œil au front, lui avait enlevé son troupeau. Aussitôt Widewul
se met à sa recherche, lui reprend le troupeau et le ramène à l'heu-
reux berger.
Giedina, voyant que la mission dont elle était chargée était accom-
plie, disparaît au -grand chagrin de son mari Radaijaïsu Slipraïs.
Depuis on ne la vit plus. Seulement tous les vendredis elle apportait à.
son fils une chemise blanche de lin et, se montrant à son époux affligé
une nuit pendant un rêve, elle lui dit qu'elle ne reviendrait plus,
qu'elle était la fille de Pèrkons, envoyée par ce dernier pour lui
donner un fils qui deviendrait le bienfaiteur et le souverain des
peuples lataviens.
III* CHANT
Hospitalier est le Latavien. Tel est aussi Widetvut.
Un vieillard entre un jour dans sa maison. Widewut lui donne à
boire et à manger tant qu'il veut et ne lui demande en récompense
que de lui raconter un conte qu'il avait grand désir d'entendre. Le
vieillard s'assit et raconta: « Il y avait une fois deux vieux époux
qui n'avaient pas d'enfants. La vieille épouse en était affligée. Un
jour le vieux mari rencontra dans la forêt un vieillard qui, renseigné
sur sa tristesse, lui dit de se faire une charrue toute neuve, d'y atte-
ler son jeune cheval et d'en labourer la terre fraîche, où il trouverait
neuf œufs que l'on devrait couver à la maison et d'où lui sortiraient
neuf fils. Ainsi les vieux époux eurent neuf fils dont le neuvième
était boiteux et fut appelé pour cette raison Klibais. Mais c'est juste-
ment celui qui devint héros Après avoir enlevé la jument blanche
au moment où elle vient prendre les meules de foin pour en nourrir
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REVUE DBR TRADITIONS POPULAIRES 487
ses neuf fils, il ne la relâcha qu'à la condition d'amener ces derniers
dans l'écurie de Klibais. Ainsi chacun des frères eut un beau cheval ;
seul le cheval de Klibaïs était, laid et maladif. Aussi ne pouvait-il
aller avec ses frères à travers le monde et il resta à la maison
pour aider son père à garder la forêt. Là il rencontra un vieil homme
qui lui enseigna comment il pouvait transformer son cheval et le
faire devenir plus beau et plus splendide que ceux de ses frères.
Ainsi Klibaïs devint Theureux possesseur d*un cheval comme on
n'eu avait jamais vu encore, d*un cheval doué de la faculté de parler.
« Monte, allons vite, tes frères sont en danger », lui dit le cheval, et
aussitôt il emporta Klibaïs à travers les airs et il rejoignit ses frères.
Ils arrivèrent à une maison dangereuse. En y entrant le cheval dit à
Klibais : « Les tètes de tes frères et des filles à ses côtés seront ornées
de couronnes. Quand je hennirai, viens immédiatement chez moi »,
En effet, les têtes des frères étaient ornées de couronnes de laiton,
celles des ûlles de couronnes d'argent. Juste à minuit le cheval
hennit, et le cheval dit à Klibais : a Change les couronnes, celles d'ar-
gent mets les sur la tête des frères, celles de lailon sur la tête des
filles. Aussitôt des couteaux viendront du plafond et couperont les
têtes qui ont les couronnes de laiton ». Klibais fit comme le cheval
le lui avait dit et sauva ainsi la vie de ses frères. Yuodu-maht (mère
des Youodi) était furieuse d'avoir été ainsi trompée. Le soir suivant les
n^uf frères arrivèrent de nouveau devant une autre maison pareille.
Le cheval de Klibaïs lui donna les mêmes instructions. Maintenant
on^mit à ses frères des couronnes d'argent, des couronnes d'or aux
filles avec lesquelles ils couchaient. A minuit sonnant, le cheval or-
donna de changer les couronnes. De nouveau tombèrent les têtes
des filles. Y'uodu-maht vomissait du feu, de la colère qu'elle avait,
car sa sœur avait été également trompée par Klibaïs ; furieuse, elle
se jetta après lui, mais elle ne put le rejoindre. Les neuf frères
continuèrent leur chemin. Le soir ils arrivèrent encore devant une
pareille et terrible maison. Des couronnes d'or furent mises mainte-
nant sur la tête des frères, des couronnes de diamants sur celles des
filles. Les couteaux coupèrent si vile et si terriblement qu'ils cou-
pèrent à Klibais le petit doigt et c'est à peine s'il réussit à changer
les couronnes. Ainsi il avait sauvé pour la troisième fois ses frères, et
trompé aussi la troisième sœur de Ynodu-maki qui jura de tirer de
lui une vengeance terrible.
Enfin les frères arrivèrent dans une grande ville, où Klibais
devint le palefrenier du roi. A l'instigation de son ancien palefrenier,
jaloux de Klibaïs, le roi donna à ce dernier différents ordres difficiles
à remplir et il réussit néanmoins à les exécuter à l'aide de son incom-
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488 REVUE DES TRÂDlTIOiNS POPULAIRES
parable cheval. Klibaïs, fut chargé d*em mener au roi qui était fort
laid, une belle princesse qu'il désirait épouser depuis longlemps.
Klibaïs Tenleva à l'aide de son cheval et la remit au roi. Le
lendemain la princesse dit au roi qu'elle pouvait transformer son
palefrenier en un bel homme. Le roi le lui permit. Elle trancha la
tête de Klibaïs^ coupa son corps en morceaux, les lava dans du lait,
puis les ajusta Tun à l'autre et lui rendit la vie à faide d'un élixir.
Klibaïs n'était plus boiteux ; au contraire c'était maintenant un bel
homme, vigoureux et bien bâti. Le roi, voyant un tel miracle, mani-
festa le vif désir d'être de même transformer en un bel homme, car
il était vraiment trop laid. La princesse lui coupa alors la téte^ mais
elle ne le fit plus revivre. Elle le laissa mort. Son corps fut brûlé
sur un bûcher suivant la coutume du pays. La princesse prit Klibaïs
pour mari et pour roi ; il devint un guerrier célèbre, conquit un
grand nombre de pays et vécut d'une vie longue et glorieuse ».
Ce conte du vieillard réveilla chez le jeune Widewut le désir in-
domptable de suivre l'exemple de Klibais ; aussi le vieillard lui
communiqua une force, destinée à vaincre tout sur terre et lui
recommanda de ne monter jamais qu'un cheval blanc, baigné aupa-
ravant dans les flots d'un fleuve limpide. « Et maintenant sache »,
dit-il à Widewut^ « je ne suis point un pauvre vieillard, mais bien le
dieu lui-même ». Ceci dit, il disparût.
IV* CHANT.
Widewut, mû par un élan indomptable vers l'inconnu, vers les
dangers innombrables à braver, s'en va à travers le monde. Bientôt
il s'égare dans une grande forêt. Le soir venu, il se met à dormir
sous un sapin. Toute la forêt retentit de son ronflement. A minuit
Widewul est réveillé par des gémissements plaintifs. Il se lève pour
aller voir la cause de ces sons lamentables, mais se heurte à chaque
pas contre d'énormes troncs d*arbres — toute la forêt était renver-
sée, déracinée, comme si un ouragan y était passé ! Serré sous un
arbre gigantesque se tordait un grand serpent avec une tête déjeune
fille, ornée d'une couronne.
« Je suis la reine des serpents », dit-ellç, « c'est ton ronflement
qui a renversé les arbres de cette forêt; délivre-moi de ce supplice,
je t'obéirai toute ma vie ».
Aussitôt Wideiout la délivra en enlevant l'arbre qui pesait sur
elle.
Pour récompense Wideiout ne demanda que de lui montrer com-
ment il pourrait sortir de la forêt.
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 489
lors, sur Tordre de la reine des serpents, un ^grand .serpent
ge le reconduisît au bord dé la forêt, et lui dit : « Si queiquefois
Alors,
rouge le reconduisît au bord de la forêt, et lui dit : « Sî quelquef
tu avais besoin du secours de la reine, frappe à un arbre eh disant :
« Entends, fils de la forêt î » et aussitôt les fils de la forêt accour-
ront à ton aide ».
En poursuivant sa route Wideivut s'égara de nouveau dans une
grande forêt. Différents obstacles et dangers se présentèrent à lui.
Entre autres il arrive à la montagne, sur laquelle, dans une forêt^
est situé le château du terrible géant Sarkandars,
Ce dernier enlevait beaucoup de monde cl faisait endurer une
mort terrible à ses prisonniers. Il les attachait par les pieds à deux
grands arbres qui, en se redressant, les déchiraient en deux et
rejetaient au loin leurs membres mutilés.
Sarkandars veut anéantir Widewui en usant de perfidie : il le
charge de trois travaux difficiles ; néanmoins Widewut en sort va.in- ^
queur. Alors, Sarkandars^ furieux de^son insuccès, frappe avec une
massue, d*un coup terrible, la tête de Wideivut : mal lui en prit, il
est tué sur place par les forces que Widewut a su s'asservir.
Notre héros continue son chemin en faisant vibrer Tair de son
chant. Mais voilà qu'il rencontre le géant Knokurûwejs [l.Kouokoura-
veys) qui avait arraché avec toutes les racines les arbres d'une forêt
entière. Il invite Widewut à se mesurer avec lui. Celui qui jetterait
le plus haut une énorme barre de fer (milna), serait le maître,,
l'autre deviendrait son domestique.
Le géant jeta la barre : la barre se courba en retombant sur la
terre. Widewut la jeta à son tour : la barre mit beaucoup plus de
temps pour retomber sur terre et se cassa en deux morceaux.
Kuokurawejs (rarracheurdes arbres) ne savait comment réparer 1^
massue. Alors Widewut se montra habile forgeron. Il prit cincj^^
pouodi (iOO livres] de fer et, les joignant à la massue de dix pouodi,
il les forgea sur son genou avec le coude.
Kuokurawejs devint son valet et le suivit.
Poursufvant son chemin, Widewut rencontre un second çéant
Kalnustumejs {[.KdilnQiisioiitneys) qui était si fort qu'avec sa poitrine ,
il déplaçait des montagnes. Il se montra très hautain envers Wide-^
uîut^ mais il fut bientôt puni — il dut devenir le serviteur de Wide-
tout de même que Kuokurawejs.
Après avoir reforgé sa massue de vingt pouodi, Wifteivut po\xrs\i}i^
son chemin avec ses deux compagnons.
Ils arrivent au bord de la mer, où ils aperçoivent endormi l;e ^
géant Garbakrzdis (barbe longue) dont la barbe mesure soixante
aunes; le corps était dans Teau, seule la tête sortait de^ la mer,.
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4d0 tlEVUB DES TRADITIONS POPULMRtt
C'était un aspect à faire tressaillir le plus brave parmi les hommes.
Ce n*était pas le cas de notre héros : il prit le géant par la barbe et le
secoua vigoureusement. Le géant est furieux de cette hardiesse et
se propose de le broyer littéralement.
Pourtant il est frappé du calme et du sang-froid de Widewut et il
accepte de se mesurer avec lui en jetant en Tair la barre de fer.
Gaaiéakrzdù la jeta le premier et avec une telle force qu'elle prit
deux fois plus de temps que chez les deux premiers géants pour
arriver toute courbée à terre. Mais quand la jeta Widewut^ elle prit
trois fois plus de temps pour arrivera terre et se cassa raide au
milieu. Il ne fallut pas moins de dix pouodi de fer pour réparer les
deux morceaux de la barre qui pesait maintenant trente pouodi. De
même qu'auparavant, Wideioul la forgea avec le coude sur son genou.
De cette manière Widewut était devenu le maître de trois hommes
qui liii devaient une obéissance absolue.
Widewut les amène à son père Radagaïsu Slipraïs, Celui-ci, tout
désolé encore de la perte de sa femme bien-aimée Giedina, résolut
de marcher avec ses hommes vers le « pays chaud » (ussiltuo zemi),
où on ne connaît ni automne, ni hiver.
Radagaïsu Sipraïs^ ceint du sabre de Pèrkons^ que Debesskalis (le
Forgeron du ciel) avait autrefois forgé pour ce dernier, Niédrischu
Widewut et ses trois ^éBLnisAuokurawejs^ Kalnustumejs et Garbahrzdis
se mettent à la tète du corps des braves et le conduisent vers le sud.
V* CHANT
A Tiie de Rugen, dans son château de Kupréné (1. Koupréné),
régnait alors le roi Odus (l. Odousse), heureux et content, avec sa
femme Smaïdina.
Un jouT que Odus chassait au bord de la mer il s'éleva une tem-
pête terrible. Wiesulis * (tourbillon), Auka (tempête;, enfants de
Wehja-mahte * (mère des vents), avaient déchaîné les vagues de la
mer. On voyait un navire luttant contre les éléments furieux ; bien-
tôt il se brisa contre les rochers. Un seul homme réussit à se sauver
du désastre — c'était Niédrischu W idewut qui était en route avec sa
troupe pour Sakas-leja^ sa patrie, sur la côte d'ambre.
Odus et Widewut vont à la chasse. Le roi de Rugen est étonné de
radresse de son hôte et de ses divers faits miraculeux.
Odus comprit qu*il n'avait pas donné Thospitalité à un homme
ordinaire.
1. L. Viëçoulisse.
2: Vèya-mâté.
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 4M
VI' CHANT
WideiDut passe des jours agréables au château de Kuprene, Odus
et sa femme Smaïdina rivalisent pour lui rendre la vie agréable. Sur
les instances de cette dernière). Widewut se laisse persuader de
raconter ses aventures de guerre. .
a Je suis le fils de Radagaisu Stipraîs. Nous partîmes avec nos
guerriers de la côte d*ambre de Sakas-leja^ pour les pays chauds.
Après avoir bravé mille dangers, passé maints fleuves, maintes val-
lées, nous arrivâmes devant des montagnes gigantesques.
« Nous avions beaucoup de peine à les traverser. De Tautre côté
nous trouvâmes des hommes tout petits, mais tout en fer et grands
magiciens que nous dOmes tout d abord mettre hors d*état de nous
nuire. Plus loin nous passâmes â travers un pays peuplé de géants
terribles ; ils avaient un grand oeil <ians le front et un œil plus petil
dans la nuque ; ils mangeaient tout vivants des hommes aussi bien
que des animaux. Quand ils se couchaient la nuit sur le ventre, ils
voyaient avec le petit œil ; quand ils se couchaient le jour sur le dos,
ils voyaient avec le grand œil. Quand nous traversâmes leurs pays,
ils étaient à une fête dans la caverne d*une montagne, aussi nous ne
fûmes pas incommodés.
« Après ce pays nous arrivâmes dans un autre qui était peuplé
d'hommes de la grandeur du pouce. Leur barbe était plus longue
qu'eux-mêmes, ils vivaient dans des cavernes. Mais aussitôt que nos
gens se mirent à dormir, ils sortirent de leurs demeures et ils nous
incommodaient fort. Nous réussîmes à faire prisonnier leur roi â
Taide du miel qu'ils aimaient beaucoup. Entre temps, lès géants
dont nous venions de traverser le pays, avaient remarqué les traces
de notre passage et s'étaient mis à notre poursuite. Notre troupe
était trop petite pour pouvoir leur résister. Alors le roi des petits
poucets, qui étaient les ennemis acharnés des géants, nous donna
des casques miraculeux qui, aussitôt mis sur la tète, nous rendirent
invisibles aux yeux des ennemis. Le combat était acharné. Nous invo-
quions l'aide de notre père Pèrkuns et aussitôt apparut le petit vieil
homme qui nous avait aidé souvent et, enfonçant sa lance dans l'œil
d'un géant, il nous donna l'exemple de finir plus vite la besogne
sanglante. Pas un des géants n'échappa â la mort. Leur saqg se
répandit à flots partout et, s'infiltrant dans la terrç, noya les petits
poucets qui s'y étaient réfugiés. Mais avec leur mort nous perdîmes
les casques miraculeux.
« Puis nous continuâmes notre chemin. Bientôt nous fûmes atta-
qués â la fois par trois nations guerrières. Nous nous battions comme
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492' REVUE DES THADiTIONS P<»PULA1HE9
des ours noirs (melni lahischi}i-.M|iiâie nombre des ennemis nous
devait écraser. Serrés de près, nous invoquons notre père Pèrkons
qiM-nousaidçu à vaincre nos adversaires.
« NouS'. avions perdu beaucoup d'hommes quand nous arrivâmes,
a^ec noire petite troupe, à une ville magnifique, appelée Roma.
Mon père Radagaïsu Stipraïs tomba malade. Il m'appela alors et me '
donna. eajnourant son sabre en disant :
« Voilà, mon fils, ton seul héritage, qui t*élèver« aux grands
<c bonneupsv Quand je serai mort, enterre moi dans un fleuve pour
ce que tu n'aies pas è. garder ma tombe. » Après avoir dit ces mots,
Welumahte (mère de% âmes des morts] éteignit le feu de la vie de
mon. père, un héros était mort. Nous Tenterràmes dans le lit d'un '
fleuve avec les honneurs dûs à uu héros. Je devins rot après mon
père^ Je me mis à la tète de notre troupe pour la ramener à sa
patrie Sakas-leja. Mes hommes étaient aguerris et courageux, aussi
nous balayions notre chemin à travers les nombreux peuples qui
nous ,1e barraient ; le septième été nous arrivâmes au bord du fleuve
PFi^ia (la.Vistule). Là, au milieu de nos compatriotes, mes hommes
fl»èfent leur demeure. Accompagné de mes trois serviteurs Kuoku-
ràwejs^y Kalnusiumejs et Garbakrzdiê, j*y bâtis un navire et nous
partîmes pour regagner Sakasleja, Mais le sort nous était défato-
rdibleiiZiemelis (le vent du nord), le fils le plus fort de Wèhjamahté,
cottVi&«' par, elle pendant trois semaines sur la cime d*un sapin,
s'éleva^^vec grande vigueur ; Bangpùtis * (dieu des vagues) roulait
de3.>vague8 terribles, chassant notre navire à son gré; et nous*
échouâmes sur les rochers de celte fie. Voilà comment j« suis votre
h6te.d.a château de Kupréné, »
Cecii.dit^ Wideiout remercie le roi Odus de son hospitalité et il *
moqUi dansun bateau pour se mettre en route pour sa patrie.
Mais avant d'y arriver il devait essuyer nombre* d^aventn^es périU '-
leiises..
{A suivre] Henri Wissendorff de Wissukuok.
i. L. Bangpoùtisse.
«sSr-
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REVUE DBS TRADITIONS 'POPVbAIRBS •4*93
POÉSIES SUR 'DES THÈMES 'POPtJLAIRES
XïtV
LES CONTES'DUiGAOIUllDiD^VAlVT '
thanson
Avec du'lftr^ae dans KécouU,
La nuit, au vêht, sur le gallïal'd,
Ud vieux eonte que Toû éebûte
Est un compagnon de quart.
— Cric 1 crac I maleJots, il faut être
Toujours parés à manœuvrer.
Ne dormons pas I a dit le maître,
£h bien I attrape À démetrrer
Les langues d'or !... Et droit en rodre
Pour le pays où les boti leurs
Disent qu'on volt sur la dhoùcroule
Les boutons de gu6ir6fe 4m 'Oenn :
Avec du lar|^, etc.
Pays de bombance et de joie
Où Ton reçoit en ration
Du céleri, des cuisses d*oie
Et du vin À discrétion.
La. pas de soin, pas de trislesses,
Toujours de merveilleux fricots ;
Là, les reines et les princesses
N'épousent que ées matelots.
Avec du largue, -etc.
En avant, le vrai fantastique !
Monsieur Satan, le diable noir,
Et la légende apostolique
Des saints qu'honore le bossoir :
Saint Elme, saint Jacques, saiut Pierre,
Et saint Houardon qui, dans Brest,
A bord de son auge de pierre.
Entra par un coup de vent d'Est.
Avec du largue^ etc.
i. Cette chanson est loin d'être un ckef-d'œvftey waâh ëtïe a le mérite d'énu-
mérer un assez grand nombre de croyances el de superstitions de la mer.
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i94 REVUE DBS TRADITIONS POPULAIRES
Kb ft^iant, mesdames les fées,
Les sorcitffs, les géants, les nains,
Les sirènes «t leurs trophées
Pires que ceux dea carabins l
Figurez-vous que e«« ogresses,
Au fond des eaux d'un «àr genti,
Vous attirent par leurs canaaes,
Et puis nous mangent en r6ti s
Avec du largue, etc.
«En avant, Nathan la Flibuste,
£t le Hollandais voltigeur,
Et Sans-Peur qui, comme de Juste
Et de raison, n'eut jamais peur.
Sauf que chez la reine Eau-de-vie
11 eut frayeur, ou peu s'en faut,
Quand un tas de pigeons en vie
S'envolèrent du p&té chaud.
Cric ! crac ! apprenez A la ronde
L'histoire du roi des Anchois,
Qui fit sept fois le tour du monde
Sans éternuer une seule fois,
Quoique plongé dans la moutarde
Qui ne lui monta pas au né.
Mais notre cal fat, par mégarde
. L'avait un peu trop goudronné.
Gric I crac 1 s'agit de la fabrique
Du premier navire à vapeur
Que Piuton se gardant A pique
Sur le diable son inventeur
Gagn^ par une ruse telle
Que Sa^n repic et capot,
Ne vouli^t plus jouer la belle
De peur d'y perdre son sabot.
Après le Grand Chasse-Tonnerre,
Grand ChassorFoudre autrement dit,
Cric î crac ! voici le Reste-à-Terre,
Naviguant sur le Pissenlit,
Rivière de vase Cordée,
Vilaine navigation
De fainéants courant bordée
Avec ces tas de gros... capons
Le dévoûment et le courage.
Dans nos contes gagnent toujours,
La main calleuse a l'avantage
Sur cette patte de velours
Si fameuse par sa traîtrise,
Que Jean Loustic, en ses propos,
Vigoureusement agonise
A grand carillon de gros mots.
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 495
L'honnête bon sens, la morale,
N'ont jamais exclu la gatté ;
Le gaillard d'avant se régale
De pimentade en liberté ;
Le piquant de la rocambole
Emporte la gueule souvent.
Il va jusqu'à la gaudriole
Et parfois même plus avant.
Nos chers conteurs, je le confesse,
Se donnent volontiers le tort
D'épicer avec hardiesse
La sauce des contes de bord.
Mais pourvu qu'en définitive.
Le coupable ait son ch&timent.
Pourvu que l'innocent arrive
A bon port pour le dénouement.
Po\^vu que la chance punisse
Le Crime en vengeant la Vertu
Et que la Princesse s'unisse
A son matelot revêtu
D'un paletot doré sur tranche
Comme un inca péruvien.
Chacun de nous a sa revanche.
Car tout est bien qui finit bien.
Avec du largue, etc.
G. DE LA LaNDELLE.
(Chansons maritimes).
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REVUE DÉS TRADITIONS k>OPULAlRES
SUPPLÉMENT AUX CONTES DE SI DJEH A
1 .
L y a quelques années, j'ai donné, en tète d'une
traduction de la version kabyle des Fourberies de
Si DjeKafKv M. Mouliéras*, un tableau compara-
tif de différentes recensions arabes^ turke et
berbère en les rapprochant des anecdotes du
même genre qui existent dans les diverses littéra-
tures. Ces rapprochements naturellement sont
susceptibles d'additions et j'en ai réuni un certain
nombre sans me flatter d'épuiser la matière.
XIX (version turke), p. 9 (vers, arabe de Boulaq, vers, arabe de
Beyrout) Un Juif adroitement dépouillé. — XX (vers, berbère) Si
DjeKa et le Juif — - cf. Georgeakis et Pineau, Le Folk-lore de Lesbos *
p. 441-115. Le Juif et le Chrétien XXVlfl (version turke, p. 34, (vers.
arabe de Boùlaq) — p. 26 (version arabe de Beyrout) : La lune tirée
du puits, La version d'un conte populaire corse : U ^astelicacciu et
son âne^ est tout à fait semblable à la variante du paysan citée par
Kohler [Tableau p. 33, noie 3). Le récit est plus développé dans un
conte allemand de Transilvanie. Les Seklers voyageant en convoi
s'endorment dans leurs voitures : l'un d'eux s'éveiliant brusquement
près de l'eau où il aperçoit l'image de la lune, croit qu'elle y est
tombée. Il avertit ses compagnons et tous se jettent dans l'eau pour
l'en retirer et tirent sur une perche dont le crochet a rencontré
une souche. Celle-ci cède tout à coup, les Szeklers tombent à la
renverse dans l'eau et quand ils en sortent, ils aperçoivent la lune
au ciel. Leurs descendants sont encore Gers de ce service qu'ils lui
ont rendu *.
XL (version turke), p. 14 (vers, arabe de Boulaq), p. 12 (vers, de
Beyrout) : Excuse tirée d'une échelle. Si Djeh'a surpris avec une
échelle au moment où il va voler dans un jardin répond qu'il est
1. Paris, 1892, in- 12, Cf. Hartmann, Schwanke und Schnurren im islamischen
Orient. Zeitschrift des Vereins fiir Volkskunde^ 1895, p. 40 et suiv.
2. Paris, 1893, pet. in-8.
3. Ortoli, Contes populaires corses. Paris, 1883, pet. in-8, p. 252-234.
4. Mûller, Siebeniurgische Sagen. Vienne, 1885, in-8, § 240, p. 168-169.
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RËVUfi DES TRADITIONS POPULÂfRBS
497
marchand d'échelles — cf. F. Mttller. Grûndriss der Sprachwissens-
chaft t. II. 2*» partie, p. 304 ».
LXXXIV (version turke) La laitière et le pot au lait, — XXXIX
(version berbère) La pastèque.
Un individu d'Obernau en Souabe trouve sur la route une courge
que ses concitoyens prennent pour un œuf de bourrique. On le
fait couver par Tarcher de Técuelle : la courge roule dans une haie
d'où sort un lièvre qu'il prend pour un petit âne -. — Dans une
variante de Poméranie, les œufs de bourrique sont remplacés par
des œufs de chevaux. Hans, du village de Darsikow, célèbre pour
la naïveté de ses habitants, est le héros de l'aventure. Un jour, il va
au marché à Stolp, où il voit une voiture pleine de citrouîlleà.
Qu'est-ce que c'est? demande-t-i). — Des œufs de chevaux. -^ On
lui apprend en outre qu'il doit se rendre sur une haute montagne,
se placer sur un œuf, et au bout de quatre semaines il en sortira un
poulain. Après élre resté longtemps sur la citrouille, Hans veut la
retourner, comme font les oies pour leurs œufs, mais elle roule au
bas de la montagne et se brise contre un buisson de genévriers
derrière lequel il y avait un lièvre. Celui-ci, effrayé, prend la fuite
et Hans se précipite derrière lui en criant : Hîch ! Hich ! Hich I ne
reconnais-tu pas ta mère ? Il croyait que c'était le poulain qui était
sorti de l'œuf.
La donnée du conte est altérée dans les variantes suivantes qui
cependant proviennent du même fonds. Les gens de Dittis n'ayant
que des bœufs et pas de vaches, achètent des fromages en boule que
le marchand leur vend pour des œufs de vaches. Ils les font couver
par leurs femmes, mais les vers qui en sortent au bout de quelques
jours ayant mordu l'une d'elles, elle se remue, le fromage roule
dans une haie d'où s'enfuit un jeune lièvre qu'elle prend pour un
veau *.
Une forme plus altérée encore est celle d'après laquelle il s'agit
d'un œuf de lièvre, ce qui supprime la méprise plaisante de la fîn.
Les Boffînger de Souabe trouvent sur la route des « Rossbollen » le
conseil déclare que ce sont des œufs de lièvre et les font couver par
le bourgmestre : du buisson où on le met, s'échappe un lièvre qu'il
croit sorti de l'œuf ^. La même aventure est attribuée aux gens de
1. Vienne, 1882, in-8.
2. Birlinger, Volksthûmliches ans Schwaben, Fribourg en Brisgau, )861, 2 ▼«
in-8, t. I, § 663, p. 436-447.
3. Knoop, Volkssagen, Erzâhlvngen^ Aberglauberiy Gebr Cache und Mûrchen au9
dem àstlichen Hinterpommem. PoseL, iH85,'in-8. §239, p. il6.
4. Bechstein, Die Sagen des RhÔngebirges. Wurzbourg, 184^, îVcit, p. 9S-93*
5. Birlinger, VolksthUmliches ans Schwaben, t. I, § 661, p. 436-437.
TOHB XI — • OCTOBRE 1896 32
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498 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
Ganslose, à roccasion d'un œuf de cigogDe trouvé sur la route K
Daus une variante de Posnanie, la sottise est une punition divine.
Un homme devenu fou parce qu'il injuriait Dieu, vient dans un
village près de Schrimm : il voit une citrouille. H demande ce que
c'est ; une femme lui dit que c'est un œuf de lièvre sur lequel il
doit rester assis pendant trois semaines : au bout de ce temps, il en
sortira un lièvre. Il prend cet œuf et se met à couver, mais au bout
de quelques jours, la citrouille tombe en morceaux. Au même
moment, un lièvre passe en courant et le fou s'écrie plein de joie :
Chi I Chi ! viens ici, ne connais-tu pas ta mère ? ^.
XCVII. (Version turke) Loreille mordue. Le texte turk de cette
anecdote a été publié par A. Mtiller^ Elle manque dans les versions
arabes de fieyrout et de Boulaq, mais elle existe dans le recueil du
chaïkh 'Abd el Selam el Loqâni n° VI *.
CCXXIX. (Version turke) Danger de tirer sur son propre manteau,
(version arabe de Boulaq, p. 27), n^LVII. (Version berbère) Si Djeh'a
et son burnous. Une autre recension arabe existe dans le recueil
d'Es Soyouti, consacré aux sottises de Qaraqouch (n° I. La chemise
tombée) et dans El Loqàni (n"" VII) ^ Cette version se rattache à la
seconde classe des recensions (El Qalyoubi, Allaoua el la version
kabyle de Bou Qondour).
XXXVI. (Version berbère) Si Djeh'a et la couple de. taureaux. Dans
Jean des pois verts, conte des nègres de la Louisiane, le héros vend
au rot une oie sous les ailes de laquelle il a mis des pièces d'or et
lui fait croire qu'elle dounera de Tor si on lui joue du violon ®.
XXVVIIl. (Version berbère) Si ÛjeWa et le trésor. Une version en
chelb'adu Maroc a été publiée avec une traduction par M. Stumme^ ;
de même une version arabe recueillie chez les Hoouàra*. On y
retrouve les épisodes du conte zouaoua : la vente à une chouette, la
réclamation de Djeh'a, la découverte du trésor, la pluie de crêpes
(remplacée par une pluie de fèves). Dans un conte de Poméranie
dont Hans de Darsikow est encore le héros, les premiers épisodes
{. Birlinger, op. laud., t. I, § 669, p. 445.
2. Kooop, Sagen und Enâhlungen aus dem Provinz Posen. Posen, 1893, in-8,
p. 208.
3. Tûrkische Grammatik. Berlia, 1889, iD-12, p. 65.
4. Publié et traduit par M. Casanova, Mémoires publiés par les membres de la
mission archéologique française au Caire, t. VI, III« fasc. Pari?, 1892, iD-4.
5. Cf. Casanova, op. laud.
6. A. Portier, Louisiana Folk-tales. Boston et New- York, 1895, in-8, conte
XXVI, p. 88.
7. tCf SiUcke im Silha (chelh'a) Dialekt von Tazerwalt. Leipzig, 1894, in-8,
U* vu, histoire de la chouette, p. 12 et 25-26.
8. Socia et Stumme, Der arabische Dialeckt des Houwdra der Wâd Sus in
Marokko. Leipiig, 1894, gr. in-S, n« VI.
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
499
sonl semblables, mais le texte a conservé un trait qui manque en
arabe et en berbère. La mère du niais lui a recommandé de ne pas
faire d'affaire avec les bavards, aussi vend-il sa vache à un cruciOx
qui ne dit pas mol et qu'il brise ensuite en réclamant son argent '.
La pluie de beignets existe dans un conte espagnol introduit par
Frescaly (Palat) dans le roman de Fleur d^Alfa '. La femme du
bûcheron pour prévenir les indiscrétions de son mari Tamène à
croire que la bourse a été trouvée le jour où il est allé à l'école et la
veille de celui cù il a plu des beignets.
XLIX. (Version berbère) Lépée de Si DjeK'a qui tue et qui ressuscite.
Ce conte a passé au Brésil, sans doute par le Portugal. Le pauvre
vend à son frère riche et avare la marmite qui bout toute seule,
puis le couteau qui ressuscite et dont il a fait Texpérîence en fei-
gnant de tuer sa femme ^ On peut en rapprocher un épisode d un
conte du Luxembourg : un paysan vend à trois étudiants qu*il a
plusieurs fois dupés par manière de représailles, et qui veulent se
venger de lui, le bâton par les coups duquel il feint d'avoir été
ressuscité *.
, René Basset.
§ 248, p. 115.
brésilien, Paris, 1889, in-12,
1. Knoop, Volkssagen, Erzàhlungen^
2. F. de Santa Anna Néry, Folk-lore
ch. V, § 1, Les deux frères ^ p. 223-224.
3. Paris, 1884, in-l$ jés., p. 85-88.
4. Gredt, Sagenschati des Luxemburger Landes. Luxembourg, 1885
p. 492-494.
1II« partie.
in-8.
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500
RBVnt DBS TRADITIONS POPULAIRES
LES MÉTIERS ET LES PROFESSIONS
LXXXI
CORPORATIONS DE Mt'SICIENS
L y avait à Metz une corporation de piusiciens dont le
métier était de faire danser, de donner, aux portes des
maisons riches, des aubades ou des sérénades, lors de
la nouvelle année, des fêtes patronales, des mariages,
baptêmes, nominations, prix, etc. Parmi eux se recru-
taient les musiciens de la ville, chargés, moyennant une
rétribution annuelle, d'accompagner les. magistrats
municipaux aux cérémonies publiques. (V. notamment,
pp. 160 et 164 de l'Inventaire des Arch. municipales).
Cette joyeuse corporation fut dissoute, comme les autres, lors de la
Révolution. Deux de ses membres continuèrent néanmoins jus-
qu'après 1830, Tusage des aubades. Mirguet d'abord, grand et maigre
vieillard. Affublé commue au temps du Directoire, il marchait grave-
ment, le violon et Tarchet sous le bras ; se cambrait en attaquant un
morceau ; saluait avec grâce et faisant d'une voix retentissante le
compliment traditionnel ; il ne manquait pas de répartie^ parlait
patois et fêtait souvent la bouteille. C'était un type. Son compagnon
le fidèle Soudan, n'avait rien que de vulgaire. L'as boin po Vambade
(pour jouer) disait Mirguet, ma po l'compliment nani. Soudan donnait
le signal Ensanne Mirguet ! et les deux violons de faire rage. C'étaient
après tout, de braves gens, on les appelait les Béyons,
AURIGOSTE DE LaZARQUE.
M. Louis Morin vient de publier une intéressante élude sur les
Associations coopératives des Musiciens à Troyes au XV 11^ siècle.
(Troyes, Nouel, 1896 in-8 de pp. 33. Exlr, des Mémoires de la Société
archéologique de TAube) ; il publie les statuts en 18 articles des
musiciens associés en divers pays, et il constate l'existence à Troyes,
dès le XVP siècle, de cette association. Les membres s'engageaient
par une période déterminée à aller jouer ensemble ou séparément et
à rapporter fidèlement leurs gains au siège spécial, la répartition avait
lieu à des époques fixées et les malades y avaient part. Ils étaient sous
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RBVUS DfiS TRADITIONS POPCLAIRES SOt
Tautorité d'un lieuteDaDt, qui tenait ses pouvoirs du roi des diéné-
triers ou roi des violons. Il semble que l'association cessa d'exister
au milieu dû XVII* siècle, le dernier acte connu étant de 1662.
P. S,
LXXXII
LES ALLUMEURS DE RÉVERBÈRES x
Au commencement du siècle^ des individus vêtus d'une blouse
bleue, avec un tablier blanc et des gants de laine blanche, circu-
laient à Bruxelles, le 1" janvier, dans les rues et sonnaient à toutes
les portes.
C'étaient des allumeurs de réverbères, les ouvriers de la ferme des
boues (du Mest-Bak), c'était le trompette de l'église de la Chapelle,
qui allaient de porte en porte solliciter des étrennes, en remettant
une image grossière représentant un hoiïime monté sur une échelle
adossée à un réverbère, un ouvrier appuyé sur un balai devaqt la
tète du cheval de sa charrette, un mousquetaire du moyen-àge, son-
nant de la trompette. Les enfants attendaient ces images avec la
plus vive impatience. (P. Hyman. Annales à travers les âges, II, 192).
Alfred Harou.
XII (suite)
fête de métiers
Les tonneliers étaient autrefois chargés d'éteindre les incendiés
(Atour de 1320. Preuves de l'Hist. de Metz, T. III, p. 334) ; ils ne
recevaient aucun salaire pour ce service, par contre, ils jouissaient
de certains privilèges. (V. notamment Preuves de UHist. de Metz, T.
III, 30 Janvier 1298 p. 251 et Baltus, Annales de Metz, p. 2èl, en
note) de plus la ville chaque année les régalait pendant trois jours &
partir du lendemain de la Saint-Barthélémy {Arck, municip,, carton
124, 1320-1780 p. 31 de l'inventaire, cart. 208, p. 48 de l'Inventaire,
cart. 210, p. 49 de l'Inventaire) ce qui ne laissait pas de coûter assez
cher : témoin ces mentions que je trouve dans les Comptes des
Trésoriers conservés aux mômes Archives municipales :
« Il est dheu aux comptables la somme de 144 liv. pour les festins
(( des Mutliers faits en la d" année 1616 au Palais (C. 17, cah. 14).
« Délivré à N* du Dhesne rôtisseur la somme de 100 messins pour
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502 REVUE DBS TRADITIONS POPULAIRES
« les trois festins par lui faicts aux muttiers de la Cité que la ville
« leur doit chacun an (1646-47) (C. 18, cah. 15)
« A Jean Belchamps traiteur, 110 livres pour ces mêmes trois
« repas (1697) (Reg. 570, Inventaire p. 142). Fait dépense de 110
« livres pour le repas que la ville a donné pendant trois jours
« aux maîtres, six et commis des tonneliers à cause de l'obligation
« où ils sont d*aller aux incendies et d'y porter de Teau avec leurs
« muids. » (Reg. 695, année 1760. Inventaire, p. 157).
Une ordonnance de police du 16 août 1725 rappelait aux tonneliers
leurs devoirs et les engageait à les remplir sous peine de 3 fr.
d'amende contre chacun des contrevenants. {Arck, munie. Portf.
intitulé : Police, Ordonnances IJL. Placard imprimé).
E. AURICOSTE DE LAZAKQUb:.
XXX
FACÉTIES SUR LES TAILLEURS
A Gand, comme dans la plupart de nos villes, tout tailleur qui se
respecte se rend ou feint de se rendre une couple de fois Tan à
Paris, pour s'inspirer des modes nouvelles.
Un tailleur gantois, au lieu d*aller à Paris, s'était claquemuré chez
lui pendant huit jours, annonçant à tous ses clients son absence.
Cependant, raconte-t-on, il se trahit un jour de la manière suivante.
Comme la porte de sa maison était restée ouverte, une bande de
petits polissons tapageait bruyamment dans le corridor, incommodant
de leurs cris le voyageur en chambre. Celui-ci n'y tenant plus, des-
cendit du premier étage, armé d'une énorme canne, et tout cour-
roucé : « Ah ! si je n'étais pas à Paris, vous me le paieriez cher » ;
n'osant achever sa poursuite au-delà du seuil de sa porte de crainte
d'être aperçu de ses clients.
Ceci est très répandu, à Gand, oCi on se moque des tailleurs dans
les termes que je viens de rapporter.
LV
LES POTIERS [suite)
Saint Etienne est le patron des potiers ; sa statue qui se trouve
dans l'église de Bouffioulx (près Charleroi — ancienne fabrique de
pots), porte un tablier dans lequel on voit des boules de terre et des
pierres qui ont servi à le lapider.
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RBYUB DES TRADITIONS POPULAIRES 503
Chez les anciens potiers du pays de Gharleroi les tessons de poterie^
dits lestias ou canistias, dans le langage vulgaire, mêlés de vases de
rebuts dits cafuts ou cornus, étaient jetés à la voirie le long des
chemins effondrés et servaient de remblai, ou bien le plus souvent
on les entassait dans de fortes tranchées où ils étaient couverts de
terre et le peuple appliquait à c^s dépôts de décombres le nom carac-
téristique de saloirs de testias et de cafuts, par comparaison aux lieux
d'enfouissement des masses de soldats tués sur les champs de bataille.
Ce fut les scherbengraben des Allemands.
[Documents et Rapports de la société paléontologiqué et archéologi-
que de Charleroi, XI, 70).
Chez les anciens potiers du pays de Charleroi, on payait les
ouvriers par centaines de pots fabriqués. Comme il y a des vases de
différentes grandeurs, on avait pour type ou étalon un pot de compte.
Il y avait des pots de deux comptes, dont il fallait cinquante pour
cent pots de compte. 11 y en avait d'autre part, de plus petits dont
il fallait 2, 3, 4 et jusqu'à 16 pour Tétalon. Le compte des pots était
évalué un peu arbitrairement. C'était cependant proportionnel à la
quantité de terre employée.
(Doc. et rapp, de la socpaléont. et archéoL de Charleroi, XI, 52)
Alfred Harou.
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504 REV&I DBS TRADITIONS P0PCLA1RB8
CONTES DE LA HAUTE-BRETAGNE
Contes comiques *
XXV
JEAN LE DIOT
E mère de Jean le Diot Tenvoya à la foire, pour ven-
dre une \ache, et elle lui recommanda bien de ne
pas la donner à un sou de moins de deux cents
francs.
Voilà mon Jean le Diot qui part pour la foire
avec sa vache ; il rencontra un marchand qui lui
demanda le prix de sa vache.
— Ma mère, répondit-il, m'a dit de ne pas la donner à moins de
deux cents francs.
— Marché conclu ! s'écria le marchand qui compta l'argent à Jean
le Diot.
— Voilà une journée qui commence bien, dit Jean le Diot en ser-
rant ses pièces d'argent.
Il retourna à la foire el paya le même prix que la vache un lièvre
qui était attaché par les pattes.
Quand Jean le Diot arriva auprès de sa maison, il détacha le liè-
vre pour le mettre à pâturer, et courut dire à sa mère :
— Ah ! mamau, venez voir comme notre petite vache mange bien :
elle sera bientôt grasse.
— Va t'en la chercher et amène-la que je la voie.
Mais quand il arriva à la prairie, il n'y trouva plus de lièvre et îi
revint dire à sa mère que la vache était partie.
— Gomment, dit-elle, as-tu pu la laisser échapper ? Va-t'en à sa
recherche.
— Vas-y toi-même, dit Jean le Diot, p'est à ton tour.
Le lendemain, sa mère lui dit d'aller vendre un cochon ; il entra
menant la bête avec lui dans une église^ et demanda à haute voix si
î. Cf. t. IX, p. 299/J90, 433.
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REVUE DES TBADl-nONS POPULAIRES 505
quelqu'un voulait loi acheter sott cochon. Il ne reçut pas dô réponse,
mais en parcourant Téglise il aperçut dans une chapelle un saint
de bois et lui dit :
— Veux-tu m'acheter mon cochon, toi ? Je ne veux pas chipoter
avec loi, et je le vais te le donner au prix que ma mère m*a dit de le
vendre. Tu ne réponds rien ? Qui ne dit mot consent : le marché est
conclu.
Il laissa là son cochon, et s*en retourna chez lui. Il dit à sa mère
qu'il avait vendu son cochon à un homme de bon compte qui ne l'a-
vait pas payé, mais qui viendrait sûrement le payer le lendemain.
Le lendemain se passe et Ton ne voit pas venir l'acheteur. Voilà
mon Jean le Diot parti pour aller réclamer son argent. Il entre dans
Téglise et va à la chapelle où était le saint :
— Bonjour, lui dit-il ; je suis venu chercher de largpnl. Si tii ne
veux pas m'en donner gare au bâton. Tu ne me réponds pas ? Il m'en
faut de suite. Je vais te frapper. Parle donc 1 Ah ! tu ne veux rien dire ;
je vais te donner un coup de bâton.
Il frappa le saint et Tabattit à ses pieds : la statue était pleine de
louis d or. Il les ramassa et vint tout joyeux dire à sa mère en lui
montrant :
— Je suis payé et bien payé ; il ne voulait ni parler, ni me donner
de largent, mais je Ty ai bien forcé.
(Conté par J. M, Pluet de Saint-Cast, iS79).
Dans un autre conte c'est une vache que Jean le Diot va vendre.
— Jean, nous n'avons plus d'argent : voici une vache que tu vas
aller vendre.
En passant pour se rendre au marché ; il vit une église ouverte, et
offrit sa vache à un saint. Comme il ne répondait pas.
— Qui ne dit rien, consent ! s'écria Jean. Tu as ma vache, mais
donne-moi de l'argent.
Gomme le saint ne se pressait pas de payer, Jean se mit à le
frapper, et la statue brisée laissa tomber de Targent à terre. Jean le
ramassa et alla à l'auberge où on le lui vola.
— Où est ton argent, dit la mère.
— Je ne sais pas, répondit-il.
Sa mère tomba malade.
— Va quérir le médecin, lui dit-on.
Le médecin ordonna des bains chauds. Jean mit de Teau à chauf-
fer et quand elle fut bouillante, il descendit la mère du lit, et la mit
dans lé bain.
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506 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
Comme elle se brûlait, elle grinçait des dents et criait.
— Venez voir, disait Jean le Fou, comme ma mère rit bien.
Mais la pauvre vieille était trépassée.
(Conté par Jean Piou de Gosné.)
XXVI
LE MEUNIER
Il était une fois un meunier dont la vache passait à. tout instant
en dommage dans la prairie d'un seigneur :
— Meunier, disait le seigneur, si lu continues à ne pas mieux
garder ta vache, je la tuerai.
La vache fut tuée en effet ; le meunier Técorcha et porta la peau
au marché ; il ne la vendit point, et comme il s'en revenait le soir
la peau sur le dos et les cornes de la vache sur la tête, il passa par
un champs de genêts où des voleurs étaient en train de compter leur
or, et h sa vue, ils s'enfuirent, croyant voir le diable.
Le meunier laissa là sa peau de vache et ramassa Tor, puis quand
il fut de retour chez lui, il envoya son petit garçon chez le seigneur
emprunter une mesure.
— Qu'est-ce que ton père veut en faire ! demanda le seigneur au
petit garçon.
— C'est pour mesurer l'or que sa vache lui a rapporté.
— Il l'a donc vendue bien cher ?
— Oui, on la lui a payée cent sous le poil.
Le scigricar lit tuer toutes les vaches de ses métairies, et quand
il fut rendu au marché, il voulut les vendre cent sous le poil ; mais
personne n'en acheta à ce prix et on se moqua de lui.
Le seigneur entra un dimanche chez le meunier, il le vil qui
donnait de grands coups de fouet à sa marmite.
— Que fais-tu là ?
— Je fais bouillir ma soupe avec ce fouet.
— Veux-tu me le vendre ?
— Oui, si vous voulez me donner cent sous.
— Tiens, les voilà, dit le seigneur, qui tout joyeux emporta le fouet.
Le dimanche d'après, il dit à ses gens d'aller à la messe, qu'il se
chargeait de faire bouillir la soupe. Il mit la marmite dans le milieu
de la place, et pendant plus de deux heures il cingla la marmite de
coups de fouet sans pouvoir, bien entendu, faire bouillir la soupe.
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REVUE DBS TRADITIONS POPULAIRES 507
Le meunier trouva ua loup qu'un homme conduisail, et il le lui
acheta, et comme il passait devant le château en le tenant en laisse,
le seigneur lui dit :
— Quel est cette bête ?
— C'est un chie-brebis.
— Combien veux-tu me le vendre.
— Cent sous.
Le seigneur enferma le loup dans la bergerie, et pendant la nuit
il étrangla tous les moutons. Quand le seigneur ouvrit la porte pour
voir ce qui s'était passé, le loup se précipita entre ses jambes, et il
resta à cheval sur son dos en criant :
— Au secours ! voilà chie-brebis qui m'emporte.
Le seigneur, outré de tous ces tours, résolut de se venger du meu-
nier ; il le fit mettre dans un sac, et le porta sur le bord d'un étang
pour l'y jeter. Mais il s'éloigna quelque peu, et pendant ce temps
le meunier entendit passer sur la route un chaudronnier dont la
marchandise faisait du bruit ; il se mit à crier :
— Je ne veux pas coucher avec madame.
En entendant ces paroles, le marchand descendit de sa voiture, et
dit:
— Je veux bien y coucher, moi.
Il délia le sac, et se mit à la place du meunier qui emmena la
charrette et les chaudrons.
Quand le seigneur revint, le chaudronnier criait :
— Je veux bien coucher avec madame.
— Oui, oui, dit le seigneur, je vais t'y mener.
Et il le précipita dans Tétang.
Le meunier mit les bassins dans son jardin, et il se mit à frapper
dessus, en faisant un tel vacarme que le seigneur accourut :
— Où as-tu pris tout cela ? tu n'es donc pas noyé !
— Non^ dit-il, l'étang est plein de chaudronnerie, et j'en ai appor-
té quelque peu.
Le seigneur ordonna à ses domestiques de se jeter dans l'étang,
et comme ils coulaient sous l'eau, le meunier disait :
— Voyez comme ils sont chargés !
Et, profilant d'un moment où le seigneur ne s'attendait à rien, il
le poussa dans l'étang, où il le laissa se noyer.
f Conté à la Saudraie, par Pierre Derou^ de Collinée, i 879},
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508 REVUB DES TRADITIONS POPULAIRES
XXVIl
PAÏPIN (poil fin)
Un jour Païfîn tua sa femme, puis il la mit dans son lit, et il pleu-
rait comme si elle 'avait été réellement morte. Son bourgeois arriva
et lui dit.
— Païftn^ tu t'es mal conduit, tu as tué ta femme.
Païfin se mit à jouer du hautbois, et sa femme se leva du lit et elle
dansait dans la place.
— Prête-moi ton hautbois, lui dit son bourgeois ; j'ai chez moi une
cpiinzaine de coiffes (femmes), je vais toutes les tuer, parce qu'elles
sont mauvaises, et je les ressusciterai après.
Le bourgeois emporta le hautbois, et dit aux femmes de se mettre
au Kt. Quand elles furent couchées, il fuma son cigare, aiguisa son
couteau et leur coupa la tête à toutes, puis il se reposa un peu.
Il commença ensuite à jouer du hautbois ; mais aucune des fem-
mes ne donnait signe de vie.
— C'est étonnant, disail-il^ celle de Païfm dès qu'elle entendit le
son du hautbois se leva et se mît à danser par la place.
Il prit les femmes et les jeta hors du lit, puis recommença à son*
ner, mais sans plus de succès.
Il alla chez Païfin et lui dit :
— Quel malheur tu m'as fait faire, Païfin, tu es cause que j'ai tué
mes quinze femmes.
Païfin se mit à casser toutes les marmites qu'il avait chez lui, puis
il joua du hautbois, et voilà toutes les marmites qui ressuscitent et
qui se recollent.
Le bourgeois emprunta encore le hautbois à Païfin, et brisa toute
sa vaisselle, et toute sa batterie de cuisine, mais il avait beau jouer,
ce qui était cassé ne se recollait point.
Il retourna chez Païfin et lui dit :
— Païfin, tu es cause de mon malheur. Tu m'as fait couper le cou
à mes quinze femmes et casser toutes mes marmites et mes assiet-
tes, mais je vais te tuer.
Il le mit dans une châsse (bière), et avec un autre homme, il alla le
porter auprès de la rivière pour le noyer ; mais comme ils avaient
appétit, ils s'en allèrent dîner, laissant Païfin dans sa botte.
Païfin entendit un cavalier et lui cria :
— Descendez de cheval et me tirez de là, car mon bourgeois et son
camarade veulent me jeter à la rivière quand ils auront dîné.
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 509
Le cavalier tira Païfin de sa châsse, mais Païfin le mit à sa place,
et le laissa là, et il fut jeté h Teau.
Un peu plus tard PaïGn se présenta à son bourgeois.
— Comment, Païfin, tu n'es pas noyé ?
— Non, dit-il, je suis tombé à la rivière, jamais vous n'avez vu
autant d'argent comme il y en a dans le fond.
— Je pensais bien, dit le bourgeois qu'il y avait quelque chose là,
car à chaque instant je voyais les canes s'y plonger.
Le bourgeois alla sur le bord de la rivière, et il s'y jeta, mais com-
me il ne savait pas nager, il ^'écriait :
— Je me nà, je me nà (je me noie).
— Ecoutez-le, disait Païfin, aux deux camarades du bourgeois
qui étaient là, il dît : Queue monna queue monna (quelle monnaie !).
Les deux autres prirent leur élan et sautèrent dans la rivière, mais
ils ne tardèrent pas à boire plus qu'ils n'auraient voulu ; Païfin avec
un bâton les empêchait de s'approcher du rivage en les repoussant
avec son bâton et ils se noyèrent.
[Conté par J, M. Hervé, de Pluduno, i879.)
XXVIIl
LE FERMIER RUSÉ
II y avait un fermier dont la récolte avait été mauvaise, et qui ne
pouvait payer son maître. Celui-ci lui dit qu'il le tiendrait quitte de
tout, s'il voulait vendre sa vache et lui en donner le prix.
11 alla à la foire, conduisant sa vache avec une corde, et portant
son chat sur l'épaule.
— Combien la vache 9 demandaient les marchands.
— Un écu, répondait-il, et le chat quarante écus; mais je ne
les vends pas l'un sans l'autre.
Cela parut bizarre aux acheteurs ; toutefois comme la vache était
bonne, il s'en trouva un qui Tacheta ainsi que le chat et lui donna
quarante et un écus pour le tout.
Après la foire, le fermier alla trouver sqn maître, et lui réunit un
écu, en lui ofl'rant de prouver par témoins que c'était bien là le prix
réel de la vache qu'il avait vendue, et le maître, lié par sa promes-
se, fut obligé de s'en contenter.
Le domestique d'un recteur qui avait entendu leur conversation
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310 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
et appris qu*un seul chat avait été payé quarante écus, ramassa
dans UQ sac tous les chats qu'il put trouver>, et les porta k la foire.
— O^'as-tu dans ton sac ?
— Des chats à quarante écus la pièce.
— Tu n*as pas honte, disaient les marchands en riant de lui et en
haussant les épaules.
— Non^ messieurs, pas aujourd'hui.
Il ne trouva point à. vendre sa marchandise, qu'il remporta en
en disant :
— La foire n^était pas bonne pour les chats, mais il paraît qu'elle
était bonne pour la honte, puisque tout le jnonde me demandait si
j'en avais.
A quelque temps de là, le recteur qui avait du monde à diner
envoya son garçon chercher des huitres.
En revenant avec son panier au bras, il rencontra un chasseur
qui lui demanda ce qu'il portait.
— Ma foi, dit-il, ce sont de drôles de bêtes que mon maître m'a
dit d'aller lui checher.
— Te les a-t-on données avec des boyaux?
— Oui.
— Ah I mon pauvre garçon, on s'est moqué de toi ; mais je vais
les étriper, moi.
11 ôta effectivement le dedans des huitres et lui donna les écailles,
qu'il alla porter à la cuisinière.
— Où avez-vous pris cela? dit-elle, sur quelque tas de fumier?
— Non, répondit-il ; mais j'ai été bien heureux de trouver en
route }în brave monsieur qui les a étripées.
Peu après, le chasseur qui venait dîner au presbytère, entra et le
domestique lui dit :
— Ah I monsieur, c'est notre servante qui est béte ! elle prétend
que j'ai pris ces petites bétes sur un tas de fumier. Je sais bien que
ce n'est pas vrai, puisque vous avez eu l'obligeance de leur ôter les
tripes.
En entendant cela, le chasseur se contracta la bouche et dit :
— Celui qui t'a aidé avait-il la bouche de travers ?
— Non, monsieur.
— Alors ce n'est pas moi.
[Conté par Constant Joulaud, de Go$né),
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES SU
XXIX
LE UON ET LE VOLEUR
Un fermier qui allait porter à son maître l'argent de ses fermages
traversait à cheval une forêt. Quand il fut arrivé vers le milieu, il
entendit des cris d'hommes qui semblaient implorer son secours ; il
se dirigea du côté d'oîi ils venaient, et il vit qu'ils partaient d'une
fosse profonde. Il détacha la corde qui servait à lier un sac qu'il
portait en croupe, mit un morceau de bois à chacun des bouts, et
se tenant ferme à un arbre, il jeta la corde dans la fosse.
Il sentit bientôt qu'elle se raidissait, et il vit sauter à ses pieds un
singe, qui le remercia, et lui promit de lui rendre service si jamais
il avait besoin de lui.
Le fermier la lança une seconde fois, et retira de la fosse un loup
qui lui dit, en se frottant contre lui en signe de joie :
— Tu m'as rendu aujourd'hui un service que je n'oublierai pas,
et que je te paierai à la prochaine occasion ; mais il y a encore d'au-
tres personnes à secourir.
Le paysan descendit sa corde pour la troisième fois, et il vit pa-
raître un ours, qui lui dit de ne rien craindre, qu'il serait son zélé
serviteur. Jette encore ta corde, ajouta-t-il.
Cette fois le fermier vit avec épouvante un lion.
— N'aie pas peur de moi ; je ne te ferai aucun mal, dit-il en
adoucissant sa voix, mais garde-toi de lancer encore une fois ta cor-
de, dans le précipice, car tu t'en repentirais, et c'est alors que tu
aurais besoin de mon secours.
En disant cela, il s'éloigna, et le fermier allait remonter à cheval
et continuer sa route, quand il entendit une voix humaine qui l'im-
plorait.
— Je ne peux pourtant laisser périr mon semblable, pensa-t-il,
après avoir tiré d'affaires des bêtes non baptisées.
Il jeta encore une fois sa corde, et vit paraître un homme^ qui,
dès qu'il fut hors de la fosse, s'enfuit sans lui adresser un seul mot
de remerciement.
— C'est singulier, dit le fermier, en rattachant son sac avec la
corde, ces animaux m'ont tous parlé de leur reconnaissance, et seul
l'homme que j'ai sauvé ne m'a pas même dit merci. Enfin, je ne
regrette pas tout de même de lui avoir fait du bien.
En continuant sa route, le fermier vit paraître l'homme qui lui
demanda à marcher près de lui.
— Volontiers, répondit-il.
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S12 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
Mais au bout de peu de temps, cet homme renversa de cheval son
bienfaiteur, qui était sans défiance, et le frappant, il lui demanda
son argent et ses habits.
— Au secours I au secours ! cria le fermier.
— Tu peux Végosiller à crier, dit le voleur, il n'y a âme qui vive
à plus de deux lieues à la ronde.
Mais à ses cris, le lion accourut, ainsi que les autres animaux et
le voyant à terre dépouillé et maltr^^ilé,
— Est-ce vous, dit-il, qui m'avez sauvé de la fosse ?
— T Oui, répondit-il d'une voix faible.
— Je vous avais conseillé de ne pas jeter une corde au voleur qui
ét^it dans la fosse, et vous n'avez pas voulu m'écouter. Mais je vais
tâcher de reconnaître le service que vous m'avez rendu.
11 courut après le voleur, et lui dit d'une voix terrible :
— C'est toi qui a volé ton sauveur : rends-lui son argent et ses
habits ou je te tue.
Le voleur épouvanté tomba par terre : le lion le dévora, et le fer-
ipier put reprendre ses habits et son argent.
Et pour le protéger contre de nouvelles aventures, le lionTaccom-
p^gQft jusqu'à, une petite distance de la maison de son maître.
(Conté en i 878, par Jean Bouchery^ de Dourdain),
XXX
LES BATEAUX A VAPEUR ET LE JAGUEPf
C'était dans les premiers temps où les bateaux à vapeur commen-
çaient à naviguer. Il y avait à Saint-Jacut un pécheur qui n'était
pas des plus malins.
(Jn jour que son petit garçon travaillait aux champs, un navire à
vapeur qui passait fit entendre sa trompe ; et comme c'était la pre-
mière fois que le garçon entendait un pareil bruit, il eut peur et
courut à la maison. Le Jaguen suivit son fils, et comme en se ren-
dant à son champ il passait près d'une pièce d'orge qui appartenait
au maire, la corne se fit de nouveau entendre. Il eut peur à son tour
en entendant ces mugissements, et il pensa que c'était ceux d'une
grosse béte qui se cachait dans la peaumelle ^ Le Jaguen n'était cou-
rageux que lorsqu'il avait son fusil ; mais alors il n'avait peur de rien.
1. Orge.
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BEVLK DES TRADITIONS POPULAIRES 51 3
Il se hâta d'aller le prendre, et, après Tavoir chargé, il sauta dans le
champ de M. le maire, où il pensait que la bêle était cachée. Mais il
eût beau le parcourir en tous sens, il ne découvrit rien et brisa bien
des tiges d'orge. Il se disposait à s'en aller, quand survint le garde-
champêtre qui lui dressa procès-verbal, et le pauvre homme dutpayer
chèrement le dommage qu*il avait fait.
Les autres Jaguens rirent beaucoup de sa mésaventure et il se
moquèrent souvent de lui.
On raconte aussi que plusieurs Jaguens qui pochaient aux Bourdi-
neaux ; près la pointe de Saint-Cast, ayant vu un bateau à vapeur-qui
marchait sans voiles et sans rames, en faisant du bruit et en lançant
de la fumée, s'imaginèrent que c'était le bateau du diable, monté
par Satan en personne ; ils se hâtèrent de lever l'ancre et de chercher
un refuge à Saint-Jacut.
XXXI
JEAN LE MATELOT
H y avait une fois un jeune garçon qui se nommait Jean le Mate-
lot ; il entra au service dans la marine à Tàge de dix-huit ans.
Comme il aimait beaucoup le tabac et qu'il avait toujours une grosse
chique dans la bouche, on lui donna le surnom de père la Chique.
Un jour le maître canonnier du vaiseau lui dit :
— Père la Chique, tordez-moi ce faubertlà.
— Non, je ne suis pas ici pour tordre les fauberts.
— Tordez-le, je vous le commande.
— C'est toi que je vais tordre, répondit le père la Chique, si tu
continues à m'embêter.
Et ayant pris le maître canonnier par les jambes, et par le cou, il
le fit passer par dessus bord et le jeta à la mer.
Les autres matelots allèrent raconter au commandant ce que le
père la Chique avait fait ; le commandant fit venir le père la Chique
et lui dit :
— Je vais vous envoyer en prison, puisque vous ne faites que de
mauvais coups.
Père la Chique ôta sa chique de sa bouche, et la jetant sur la
figure du commandant, il lui dit :
— Eh bien, cap'taine, avant de me faire mettre en prison, avalez
ma chique.
Dès qu'on fut à terre, le commandant donna l'ordre è, deux gen-
TOUS XI. — OCTOBRE 1896. 33
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514 REVCE DES TRADITIONS POPULAIRES
larmes de cohclùire père la Chique en prisoii. Père la Chique se
laissa faire, mais quand il fut rendu, il donna au gardien un grand
coup de pied dans le ventre, lui ôta ses clés, et renferma lui et les
deux gendarmes.
Il retourna ii bord, et présentant les clés au commandant il lui dit :
-- Tenez, commandant, ramassez les clés de votre étable, lés trois
cochons sont dedans,
I^e capitaine prit les clés, et il dit à, Père là Chic^W :
— Avant qu'on vous reconduise en prison, avez-vous quelque
réclamation à faire ?
— 6ui, répondit la Ôhique, et montrant tous les officiers, les
lieutenants et les enseignes qui étaient là, il dit: Je veux qu'oti
apporte un seau d'eàù et une boite de foin pour tous ces «Ânes-làî
qui m'entourent.
— Âh I dit un officier ; il est fin, lui ; demandez-lui donc quel vent
il vente.
Or il ne ventait pas du tout.
— Par ma foi, s'écria père la Chique, il ne vente pas plus que dans
le trou de mon derrière.
— C*est bien, dit un amiral qui se trouvait là ; vous n'irez pas en
prison. Père la Chique, si vous voulez continuer le service jusqu'à
cinquante ans.
Père là Chique accepta ; il continua le service, et devint coih-
mandant de vaisseau. Quand il eut sa retraite, il revint chet lui ,*
et s'il n'est pas mort, il y est encore.
(Conté en i 88i y par François Marquer^ de Saint-Casi),
XXXII
LA PRÊME
Il ëtailuné fois des pêcheurs de Saint-Cast qui s'embarquaient
pour aller pécher le maquereau à la pointé de là Garde. Le bateau
était prêt à partir du Port-Jacquet, et il ne manquait plus qù'ud
des hommes de Téqûipage ; ils Tappelèi^ent, mais comme il ne ve-
nait point, le patron s'ennuya d'attendre, et il donna Tordre de
partir.
Quelque temps après, le pécheur qui était eh retard arriva sur la
cale du Port-Jacquet, et quand il vit que son bateàii était déjà loin,
il se mit à s'arracher les cheveux, et à montrer le poing à riord-
Est.
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REVOe DES TRADITIONS POPULAIRES oli)
— Ah ! maudit Nord-Est, s'écria-t-il, c'est torqui es eaitsé ef*e jai
manqué ma marée ; mais je ne la manquerai pas tout de métne, je
vais aller tout seul à la pèche.
II se mit à réfléchir pour savoir comment il pourrait bien faire ;
mais le temps se passait et il ne trouvait rien. A la fin, il lui vint ùtie
idée. 11 se déshabilla, fit un paquet de ses lignes et de ses hardes, se
les attacha sur la tète, et se mit à nager ters son bateati qui était
bien à une demie-lieue de là.
Quand les autres pécheurs le virent, de loin ils le prenaient pour
Nicole S et ils disaient qu'il allait faire peur au poisson et qu'ils ne
prendraient plus rien ; mais au contraire le poisson suivait le pé-
cheur, et il y en avait tout autour de lui. Il finit par atteindre son
bateau, et quand il fut à bord, il se rhabilla, puis il mit ses lignes à
la mer.
Le premier poisson qu'il prit était une brème qui avait trois pieds
de large et cinq de lodg ; jamais on n'en avait vu une pareille dans le
pays; on fut obligé de la couper en trois morceaux pour la faire
cuire ; car il n'y avait a Saint-Cast aucdn vase assez grand pour la
mettre entière, pas même les poêles à lessive.
Et avec les lançons qu'elle avait dans sa panse, on affara pendant
plus de huit jours et on prit du poisson en abondance.
{Conté en i 880 y par François Hunault^ matelot)
XXXIII
LES PETITS BIQUETS
Il y avait une fois trois petits biquets et une maman chèvre. Le
petit biquet blanc ressemblait beaucoup à sa maman. La maman
leur dit :
— Je vais aller à la ville, mes petits biquets, acheter une mar-
mite pour cuire ma soupe. Il ne faudra pas sortir, parce que compère
le loup est par là, qui vous mangerait.
Voilà la maman qui part : les petits biquets en commençant
jouaient à la^ cache-cache ; mais à la fin ils s'ennuyèreut. Il y en eut
un qui dit :
— Si j'allais voir si maman arrive ?
Les petits frères dirent :
— Non, non, mon petit frère, car il y a là compère le loup qui te
mangerait.
i. Nicole est un pohson^luUn.
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otg RjSVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
— Mais si, j'ai envie d'aller voir.
Le voilà qui ouv^e la porte et re;;;arcle ; mais il ne voyait point sa
maman. Il vit compère be loup, il n'eut que juste le temps de s'en
aller. Il ferma la porte. Le loup frappa à la porte. Les petits biquets
dirent :
— Qui est-ce qui est là ?
— C'est moi, votre maman chèvre.
-^ Montrez la patte blanche, on vous ouvrira.
Le loup avait une patte noire et il montra sa patte noire; mais
les petits biquets dirent :
— Non, noQ, nous n'ouvrirons point, tu n'es pas notre maman.
Le loup s'en fut au moulin. Il monta dans le grenier pendant que
le meunier dormait et il trempa sa patte dans le sac de farine, et 11
ne marchait que sur trois pattes de peur de salir sa blanche. Le
voilà qui arrive à la petite maison, il frappe à la porte:
— Qui est-ce qui est là ? dirent les petits biquets.
— C'est votre maman.
— Montrez la patte blanche, on vous ouvrira.
Il montre sa patte blanche : les petits biquets ouvrirent en
croyant que c'était leur maman. Ils eurent grand peur en voyant le
loup. L'un sauta sur la cheminée, l'autre sur le haut de l'armoire,
l'autre se mit dans la met (huche}. Voilà le loup qui n'était pas leste,
qui ne pouvait pas sauter, et il ne pouvait pas non plus ouvrir la
met.
Voilà la maman chèvre qui arrive, qui trouve la^ porte ouverte et
le loup qui était là. Elle fit un grand trou avec ses cornes dans le
ventre au loup, puis elle creusa un grand trou dans la terre et
enterra le loup.
Et le petit biquet qui était sur la cheminée sauta dans la place,
l'autre sauta du haut de l'armoire, la maman ouvrit à celui qui était
dans la met, et ils furent bien contents de se retrouver ensemble.
(Conté en 1883^ par Marguerite Escàlan^ de Montauban, ma nièce
âgée de huit ans),
XXXIV
LE FAUX MOINE
La fille d'une fermière qui était allée au marché s'en retournait un
soir chez sa mère, à qui elle rapportait trente francs qu'elle avait
touchés pour un cochon vendu.
A la tombée de la nuil, elle entra dans un bois par où passait le
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REVUE DES TRADITIONS POPILAIRES uf?
sentier qui conduisait chez elle. Elle yit venir un moine qui lui
dit:
— Vous êtes bien tard par les chemins, ma fille ?
— C'est que je voudrais bien rentrer à la maison d'où je suis par-
tie ce matin.
— Où allez-vous ? . .
— Chez ma mère.
' — Et comment se nomme-t-elle ?
Quand la jeune fille eut dit son nom.
— Ah ! s*écria le moine, je la connais bien, c'est à moi qu'elle va
à confesse. Mais n'éles-vous pas fatiguée *.
— Si, répondit-elle.
— Venez avec moi; j'ai ici près une cabane où je viens pendant le
beau temps, et il y a tout ce qu'il faut pour manger et pour boire.
Elle se fit un peu prier, puis elle suivit le moine qui lui donna à
manger et à boire. Quand elle eut fini, il lui dit d'une voix rude :
— Déshabille-loi.
— Me déshabiller, et pourquoi?
— Déshabille- toi que je le tue, dit-il en posant un sabre sur la
table.
— Ah I dit la fille, auriez-vous bien le cœur de me tuer ? Prenez
mes trente francs et laissez-moi la vie.
— Oui, je vais te tuer ; nul de ceux qui entrent ici n'en sort vi-
vant.
11 ouvrit une porte et lui montra un appartement rempli de cada-
vres.
La fille commença à se déshabiller, elle ôtait ses vêtements un à
un, lentement, et les pliait avec soin. Quand il ne lui resta plus que
sa chemise à ôter, elle lui dit :
— Par pitié, tournez au moins la tête pendant que je tire ma che-
mise.
Le faux moine se détourna, et la fille sauta sur le sabre et le tua,
puis elle s'en alla bien promptement, affolée par la peur, et sans sa-
voir où elle allait.
Elle rencontra deux gendarmes à cheval qui rarrêtérent :
— D'où venez-vous, la fille ?
— Je viens de tuer un prêtre, répondit-elle et elle leur raconta
toute son aventure.
— Il y a longtemps, dit le gendarme, que nous cherchions ce bon
apôtre ; conduisez-nous à sa cabane.
1. Cf. sar uoe ruse analogue, Contos de la HauteSreiagnêy t.- 1, n<> 60; . .
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iS18
FKYUE DBS TRADITIONS Pf*'
^.,..^îit.^
La fille dtoonta sur un des chevaux que
bride, et quand ils arrivèrent à ]a cabar^
la table, et le brigand 4(ait étendu raid€
<C*él;ait un voleur qui avait tué un moi
on fit une perquisition dans la cabane, <
de plus de cent cadavres. Quand le bri^r
le mettait dans de la chaux vive pour en
(Conté par Etienne Piron, i 877, Saihi
XXXV
GRAND VENT
Il y avait unéfois un laboureur qui î'w
il vint un ouragan qui lui ravagea tout, j
avait fait le mal. ^ j
— C'est le Grand Vent, lui répondit-v-i |
— Je vais le tuer, dit-il. v •
'Il arriva à la demeure des vents, en t ^t
— Le Grand Vent est-il ici ?
— Won, lui répondit-on, il n'y a que
Lorsque le Grand Vent revint, le 1..'-
payer le dégât ; le Grand Vent, lui don m
— Toutes les fois que tu lui diras : ^
crottera de l'or.
Le laboureur s'en alla bien content, mî
il faisait crotter sa chèvre. Vers le soir i.
dit â l'hôte :
— Soignez bien ma chèvre et donna-
faut pas lui dire : « Crotte ma chèvre.
Pendant la nuit l'aubergiste se leva v\
mais comme elle faisait de Tor, il empru ci
sins et la Mit à la place de celle du bonlioi
sa chèvre ne faisait plus d'or, îlretourm» m
—'Ma chèvre ne crotte plus d'or.
— C'est qu'on te Ta volée, mon bon? ii
1. Ce conte présente de grandes ressembl 'W
Vents, Contes des Marina, n«» 23-30 ; c'est le /:
loin de<ki<cète oÀ les v«iito soient peisonaifii ^
CD
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C7S-
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REVUE DES TRADITIONS POPOLAÎRES 519
quand in diras : « Fais ce que je veux, mon bâton, » il frappera sur
ceux que tu voudras.
Le laboureur retourna à Tauberge et il dit. ^
— Vous allez loger mon bâton ; mais il ne faut pas lui dire :
« Fais ce que je veux, mon bâton. »
L'aubergiste pensant que le bâton avait comme la chèvre une
vertu cachée, se leva au milieu de la nuit et dit au bâton : t Fais ce
que je veux, mon bâton.
Mais aussitôt il lui tombe sur le dos une grêle de coups, et il
criait miséricorde ; le laboureur se réveilla au bruit et Taubergiste
lui dit :
— Bonhomme, ramassez votre bâton. »
— Rendez-moi ma chèvre, répondait le bonhomme.
L aubergiste finit par lui rendre sa chèvre, et le laboureur s'en
retourna bien content ».
(Conté en 1881 , au château de la Soudraie, par J. M. ComauU, du
Gouray^ âgé de 1 ô ans).
^XXVl
LE PETIT BONHOMME PAS TROP FIN ET LA PETITE BONNE FEMME
PAS GUÈRE FINE
Il y avait une fois un petU bonhomme et une petite bonne femm
qui avaient trente ans de mariage.
Le petit bonhomme tomba malade et la petite bonne femme fut
chercher le médecin qui lui dit :
— Vous allez lui mettre sur le côté une douzaine de sangsues.
La petite bonne femme alla quérir des sangsues et les mit â frire.
Quand elles furent bien cuites, elle les posa toutes chaudes sur les
cotes du .bonhomme qui criait : i
— Oh I que ça me brûle ! que ça me brûle ! Retourne promptement
chercher le médecin.
La petite bonne femme se dépécha d'y courir ;,le médeciu vint,
regarda les sangsues et s'écria :
— Piable de bonne femme I je favais dit qu'il fallait lui mettre les
sangsues, mais je ne t'avais pas dit de les frire. Tu vas aller cher-
cher du chiendent, et en faire de la tisane à ton bonhomme.
La petite bonne femme qui avait entendu de travers regarda
partout pour voir si elle apercevait un chien blanc ; à force de
chercher, elle en trouva un qui n'avait de noir que le pçtit bout de
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O20 REVUE DES TBADITIONS POPULAIRES
là queue. Elle le mit à cuire et en fit de la tisane au bonhomme.
Mais il ne put en boire, tant il lui trouvait mauvais goût.
Il fallut encore aller chercher le médecin qui goûta la tisane et
dit à la bonne femme :
— Pauvre bonne femme, votre bonhomme va mourir, et moi je
vous Tabandonne.
XXXVII
A REBOURS
Une bonne femme s*en allait sur une route ; un monsieur passait
auprès d*elle, et elle pétait de gros coups. Le monsieur lui dit :
— Bonne femme, vous pétez donc !
— Oui, monsieur, je cherche mes moutons.
— Je disais que vous pétiez.
— Je disais, monsieur, que vous les voyiez. »
— Je disais que vous allez pétant.
— Oui,* monsieur, ils sont bruns et blancs.
— Le Diable scie la vieille et son eu !
— Pas de moitié, monsieur, qu'ils soient tous perdus !
— Au diable la vieille, le diable l'emportera !
— Oui, monsieur, mon fils est marécha. (maréchal).
{Conté en i 880, par Françoise Dumoni^ dCErcé).
XXXVllI
l'épreuve
Il y avait une fois une bonne femme de Saint-Jacut qui avait fait
de beaux draps de lit de brin sur brin : elle voulait être ensevelie
dedans, et pour les garder neufs, elle couchait sur la paille.
— 0 (Elle) tient bien à ses draps de lit, disait son bonhomme ; si
je mouràs, o ne m'en mettrait pas vantiez (peut-être) iun.
Pour l'éprouver, il fît la mine d'être mort, après avoir recommandé
à son compère le menuisier qui devait faire la châsse, de ne rappor-
ter que quand les prêtres seraient sur le point d'arriver.
Voilà le bonhomme étendu sans mouvement sur son lit, et les yeux
fermés ; sa femme alla chercher une voisine pour l'ensevelir :
— Je n'ai ren, dit-elle, pour cela; j'ai bien des beaux linceirx
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BEVUE DES TBADÏTI0N8 POrULAlRES 321
neufs, mais ce serait {>'ché de les mettre dans la terre, pas vrà ! J*ai
eune vieille seûne (filet) à haut, est-ce qui ne serait pas bien dedans ?
Personne ne le verra.
— Oui, dit la voisine, cela ne l'étranglera point, les mailles sont
larges.
Voilà les prêtres qui arrivent, et la châsse en même temps ; ils
dirent au menuisier r
— Est-ce que vous n'auriez pu rapporter plus tôt ?
Le menuisier mit son compère dans la châsse, et cogna sur le
couvercle deux ou trois pointes.
— Adieu, mou pauv'bonhomme, criait la femme en pleurant, où
vas-tu ?
— A la seune, vieille rosse ! répondit le prétendu mort en faisant
sauter le couvercle de la châsse.
{Conté à Saint'Cast^ en i 880^ par Rose Guinel),
XXXIX
LE DIABLE ET LE RECTEUR
Il y avait une fois un recteur qui avait une vieille église qui tom-
bait en ruines; il aurait bien voulu la rebâtir; mais il n'avait pas
d'argent.
Un jour, il trouva le diable qui lui dit :
— Si tu veux me donner tous ceux qui mourront entre la grand*
messe et les vêpres le jour où tu chanteras la première messe dans
la nouvelle église, je t'en bâtirai une neuve.
Le recteur y consentit ; mais dè^ que la grand'messe fut finie^ il
entonna les vêpres, et le diable n*eul rien.
(Conté en i 880^ par François Marquei\ de St-Cast),
XL
LES TROIS AMIS
Il y avait une fois trofs amis qui voyageaient ensemble, Pourcéve-
nigo qui était, en vous respectant, un cochon, et deux petites poules :
Piretle et Poulette.
Pourcévenigo pria ses amies de lui aider à construire une maison,
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§22 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
et quand eUe fut faite, il y entra : mais il D*en sortit point et leur
dit :
J*y suis si bel et si bien
Que J* n*én sortirai point.
Piratte dit à Poulette :
— Pourcévenigo a mal agi ; aide-moi à me eopalrvilre \ine ^naison
et je t'aiderai à mon tour.
Quand la maison fut faite, Pirette .y finlvBL ; 4ps^is ^ UiTf^^ la
porte sur elle et dit :
J'y suis si bel et si bien
Que j* n'en sortirai point.
Gomme Poulette se désolait, elle vit passer un Leau monsieur qui
lui demanda ce qu'elle .avait :
— Ah ! dit-elle, j'ai aidé Pourcévenigo et Poulette à se construire
une maison, et quand elle a été faite, ils m'ont fermé la porte au nez.
— Hé bien ! Poulette, si tu veux me pondre une bassinée d'œufs,
je te bâtirai une jolie maison tout en fer* blanc.
— Je veux bien, régondit-elle.
Elle fit des œufs plein un bassin, et le monsieur lui bâtit sa
.f|}^jsp.a. Q(i.apd elle fut dedans, elle s'écria à son^tpUir :
J'y suis si bel et si bien
Que je n'en sortirai point.
Glaume le loup qui se promenait vint frapper à la porte de la
maison de Pourcévenigo, et lui dit :
— Ouvre-moi, Pourcévenigo.
— Nenni, tu me mangerais.
— Je vais monter sur Caubeile (le toit).
— Nenni, tuj'^bï^ltirais.
Je frapperai tant
Je cognerai tant
Que j'abattrai le beau bâtiment.
Il démolit la maison et mangea Pourcévenigo.
Il s'en vint ensuite à la cabane de Pirette.
—^Quvre^ffjoi, ma, petite jPj^ette.
r- >?|e,nflii, tu ,|Re .pj^ngerais.
— Je vais monter sur l'aubette.
— jff^f^i, ^tp,i'^hattr|^is.
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Je frapperai tant
Je cognerai tant
Que jaïifit^ai ^e ^Qf u.MUwent,
.4îl Glaume en ^oatont sur la ^Mai^oa. Il ral;^ttU,et ,9;^i^^ Picetie.
.GlfLume le <iQup alla frapper à la por,le de la uiais^n de Po^uIeUe :
— Ouvre-moi, ma petite Poulette.
— NoD, mon Glaume, t\i me man^er^is.
— Tu ne veux pas ? hé bien !
Je frapperai tant
Je cognerai tant
Que J'abattrai le beau bâtiment.
— Tu peux monter, Glaume, dit Poulette.
Le loup monta sur la maison en répétant :
Je frapperai tant
Je .cûgi|.Qrai tant
Que j'abattrai le beau bâtiment.
Mais il y avait des clous pointus sur la petite maison, et le loup
qui s*écorchait disait :
— Ah ! Poulette, que je^^e piq^e,dur !
— Tant mieux, mon Glaume.
Quelque temps après, le loup .reviql et dit à la poule :
— Veux-tu venir à la foire. avec moi ?
— Nenni, tu me mangerais.
— Non, je, te le promets.
— Hé bien ! j'irai, mais je ne partirai que tard ; ai tu »vepx, nous
nous mettrons en route à midi.
Dès le matin, Poulette partit, et elle alla h la ^ville.où .elle ach^lA
un trépied, une timbale (bassine) .et une marmite. En s*en revenant,
elle aperçut. Glaume qui. courait sur la lande. lËlle po^atS^sc^pl^t^js
à terre et se cacha sous la marmite. Quand le loup eut passé auprès
et se «fut éloigné, Poulette rentra à sa maison, et peu après Glaume
le loup lui raconta qu'il avait vu sur La route uqe mqrmite^renyersée.
— C'est moi qui étais sous la marmite, dit Poulette à GLaume le
loup.
— Ah ! s écria-t-il, si je Ta vais su, je Saurais mangée !
Cependant la maison commença à se vieillir, et Glaume le loup
vint frapper k la porte :
— Ouvre-moi, ma petite Poulie tte.
— Nenni, tu me mangerais.
— Ouvre-moi.
— Non.
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82 i REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
Je frapperai tant
Je cognerai tant
Que j*abattrai le joli bAtimeot.
De fait il fiait par démolir la petite maison; mais Poulette se
sauva dans un arbre et depuis ce temps-là on n*a jamais entendu
parler d'elle.
{Conté en 1 881 y par M. E. Hamonic, Il tient ce conte de Maihurin
Rucllan^ sabotier à Moncontour).
Paul Sébillot.
LA LEGENDE DE DIDON'
VII
délimitation par la poire
Le jet de la poire
N jeune homme, choisi parmi les plus robustes et les plus
\[o alertes de Fallais (Hesbaye, Belgique), lançait une poire du
haut dé la colline de Saint-Sauveur dans la direction du bois
Robert, et une autre dans la direction du ruisseau qui sépa-
rait la seigneurie de Fallais de celle de Fumai. Les endroits
où la poire tombait marquaient les limites de la seigneurie de Fal«
lais II était fait mention, tous les ans, au rôle de la Gourde Justice,
de racj>mpliss3ni3nt de cette cérémonie, qui eut lieu pour la der-
nière fois, au mois d'août 1793. (Bovy, Promenades historiques^ //,
28Ô).
Alfred Harou.
1. Cf. t. 11, p. 295, t. V, p. 186, 717, VI, 52, 333, 420, Vil, 549, VUl, 381, 489.
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R£VUC DES TRADITIONS POPULAIRES 525
LES EMPREINTES MERVEILLEUSES
CXXI
LE TAS DE PIERRES DU LAC GARDESCB
N Poméranie, an voit dans le lac Gar-
desch une petite île de granit et Tun
des blocs porte Tempreinte d'un pied de
cheval d'une profondeur de deux pouces.
D'après la légende, un pêcheur avait
conclu avec Satan un pacte par lequel
celui-ci devait lui construire dans l'Ile
une église avant le chant du coq, moyen-
nant quoi, il recevrailson&me. Le pécheur
qui croyait avoir demandé l'impossible,
s'aperçut bientôt que Téglise allait être
terminée avant le délai fixé : dans son effroi, il se mit à chanter
comme un coq ; les autres lui répondirent. Le Diable, furieux d'avoir
perdu, détruisit l'œuvre coipmencéeet l'empreinte de son pied resta
gravé sur la pierre où il se tenait. '
CXXII
LE GRAUENSTEIN
Près de Grevenmacher, dans le Luxembourg, il existait un bloc de
pierre appelé le Grauenstein, aujourd'hui brisé en plusieurs mor-
ceaux : on y aperçoit encore, creusés par la pluie et le vent, des trous
quelque peu semblables à des traces d'animaux. D'après la légende,
le Diable ayant apris qu*on construisait à Trêves une maison de
plaisir, y transportait ce bloc sur une route, lorsqu'en chemin, il fut
informé que c'était une église que Ton bâtissait et à la construction
de laquelle il allail contribuer. Dans sa fureur, il lança le bloc sur la
4. Suite, t. XI, p. 312.
2. Cf. 0. Kqood, Volksaagen^ Erzàhlungen^ Aberglauhtn^ Gebrâuche und Mâr^
chen atts dem Ôstiichen Hinterpommem^ Posen, 1887, in-8, p. 71.
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5â'& RKVOS D«S TltADrriOXS POPULAtRRS
hauteur où il existe encore, après avoir trépigné dessus, ce qui laissa
des traces apparentes encore aujourd'hui.
Suivant une autre légende^ il s'était engagé à transporter cette
pierre k Trèvét^ k^àth qdè toAiftii rre soAnàC. Le' paysan qui avait
traité avec lui avait mis son âme comme enjeu. Mais en route, le
diable entendit sonner minuit et if TàcTia la pierre, trépigna dessus
et disparut '.
cxxin
LA PIERRE DU DIARLE A SCHOJOW
Sur Jè' chemin de Soichow à Schojûw,dans là J^omérsnle orientale,
oh aperçoit âiir ultle pierre c(ùi auf-âii été apportée pB.t le diable, les
efflpFëinteâ d'ùti pièà de cheval et d'une patte de pottlei tl^asl que
celle d^tfïté fàie p^odUite par sa cravache *.
CXXIV
LE DEIWELSLEH
Stir Ife Hàâfd, entj'e Diekirch et Ettelbrock^ dans le Luxembourg,
existe le Déiwèsléh (téufelsfelâen) où le diable avait coutume de
s'arrêter et qui porté Tempreinté de Sdn pied ^
CXXV
LA PIERRRE DU DIABLE A BEWERSDORF
En Poméranie, près de Bewersdorf, il existait autrefois une grosse
pîé'rr'ë sur Idqiièlle oh Voyait Tempreinlé d'un pied dé cheval et d'une
pàtté dé poulet. Le diable dit-on, avait fait marché avec un paysan
de Ëèweïèddrf qtli lui avait phomiè èori âme si une digde était cohà-
trfiitè à tracera fè lac avant le i:haht du coq. Lé diable ii aVait paô
fitfl tôrsqtië le tio4 chanta. Il dut laisser tomber le bloc qu'il tenait
et difeparul après y avoir làiàsé ses traces *.
1. Cf. Gredt, Sagentchatz des Luxemburger Landes^ Luxembourg, 1835, in-S,
g 144, p. 81-82.
2. Kuoop, Volkssagen^ Erzûhlungen, § 146, p. 73.
3. Gréiit, SàgehÈcftutz des Luxemburger Landes, § 145, p. 82.
4. Rnoop, Volksstigéh, Ertrihltingény i 153, p. 75-76.
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RGVDE DES TRADITIONS POPULAIRES 527
cttifi
LE l^IED DB PHARAON
Une légende de TAouràs rapporte que les Romains demand(
à Pharaon, leur roi, de leur dresser àGuela'a une pierre qu'ils
reraient. Il y consentit et la pierre subsista longtemps portant 1
preinte du pied de Pharaon. De nos jours elle a complètement
paru * .
CXXVll
LA PIERRE DE PERSANZIO
Près de Persanzig, en Poméranie, on voit un las de pierres r€
sentant un berger et son troupèâtr: ils auraient été ainsi meta
phosés parce que les moutons avaient fait du dégât dans un cl
appartenant à une sorcière de Klingbeck dont les plaintes n'aur
oi)tènti' qâ''urïë réponse ^fossJêfè. Vhé pîèffë ftôrtë rehi|)fè*irfée
pleâ : c'est ck\Ûi hit bèr^ef qui fa^àit posé sur cette ^iëfi*è fiéii
^ii'«}flitifîàUfàs6rciérS*.
CXXVIII
LE CHEVAL DE ROLAND
On montre près de6avarn|e,dans les Pyrénées, Tempreinte la
parle cheval de Roland pendant que son mattre taillait dans lai
la^Hë îa fcVèclî'è Ijtîl jp'oftfe sb'â nom ^
tiitii
LE REITERLEH A MARIENTHAL
En face de Tancien couvent dé Hariénthal dans le Luxembourg
la rive droite de TEisch.à environ deux mètres du mur de rochi
trouve un bloc de trente mètres de haut, appelé Reiterleh. -
râcbiiité qii'ttn BrâVfe dieVillër Jjodrsiiivi pat* les ehrifeiûis èl kcc'i
i. Masqueray, TradiiUm de TAourds oriental. Bulletin de Correspondance
cûifie, t. lu, l»85,.psg24. .. ...,,.,..>,. „ . 't. , . i.. Wu v.;i^.*»
2. Rasiski, Beschreibuhp ,der naterlândischefi AflerthUm^ i^ IS^euatellme
ScMochauer Kreise, p. 75, cité dm Knooo. Vollcssc^^, Ô^^Ô^jp. .139, ^^m
3. Ampèhe, La Sciefkce et les lettrée en Orient, Paris, 1863, m-12, p, 463.
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S28 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
cet iibime oe trouva d'autre moyen de salut que de s'y précipiter
avec son cheval. Il échappa miraculeusement, et l'on voit encore sur
le rocher d'où il s'élança les traces des fers de son cheval *.
cxxx
l'empreinte du géant
Près de Heidendorf, dans le cercle de fiistrîlz en Transilvanie,
sur la montagne appelée Hûgei (Ja colline), on voit la Heintrappe
(Hiinen trappe) ; un géant qui passait y imprima sur la pierre dure
Tempreinte de son pas ^.
CXXXI
LA PIERRE QUI PROTÈGE CONTRE LA FATIGUE
Sur la hauteur de Draufelt, à l'endroit nommé Brétschent, dans le
Luxembourg, il existait sur une route bordée à droite par une forêt,
à gauche par des champs, une énorme pierre qui portait l'empreinte
d'un pied. Quand un passant y mettait son pied, il ne ressentait
plus de fatigue de toute la journée. Maintenant la pierre a disparu '.
CXXXII
LE PAS DU GÉANT
Un géant qui demeurait à Ungersch, en Transilvanie, était venu à
Moldau, en temps de famine, pour chercher des provisions. De son
premier pas, il atteignit une montagne située entre Baierdorf et
Heidendorf : on distingue encore sur une pierre la trace de son pied,
d'où toute la montagne a pris le nom de Haintrapp ^.
CXXXIII
l'empreinte d'arzilla
A Ârzilla, au Maroc, les habitants montrent sur une roche les traces
d'un pied gigantesque, souvenir de leur ancêtre •.
1. Gredt, Sagenschaiz des Luxemburger Landes, § 895, p. 460.
2. Mûller, Siehenbûrgische Sagen^ Vienne, 1885, in-8, | 13, p. 10.
3. Gredt, Sagenschaiz des Luxemburger Landes^ § 1170, d. 626.
4. Mûller, ^tebenbUrgische Sagen, § 12, d. 9-10.
5. C. de Gampou, Un empire qui croule. Paris, s, d., in-18 jés., p. 233.
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REVnE DES TRADITIONS POPULAIRES 529
CXXXIV
LE CHEVAL DE SALOMOX
Sur le sommet d'une roche calcaire qui porte, près de Kronstadt,
en Transilvanie, le nom de pierre deSalomon, on voit une excava-
tion : c'est la trace laissée par le sabot du cheval deSalomon, roi de
Hongrie, lorsque celui-ci, poursuivi par les Bulgares, ou suivant
d'autres, par les Byzantins, fit franchir d'un saut à sa monture le
Waldbachlein et échappa ainsi à ses ennemis ^
René Basset.
CXXXV
les genoux de la vierge
Dans le canton de Passis, (département de TOrne], au pied d'une
croix, l'on montre une pierre où sont deux cavités. L'on dit que
c'est la marque des genoux de la Vierge qui s'arrêtait là pour
prier quand elle allait h la messe à Saint-Mars d'Egrenne.
Fra Dbune.
CXXXVI
LES SOULIERS DU BON DIEU
Dans la commune d'Arleuf, au hameau des Barras, près du château
de la Tournelle, on remarque sur deux grosses roches porphyriques
deux empreintes ayant la forme de semelles. On les connalf sous
le nom de souliers du bon Dieu.
H. Marlot.
1. Mûller, Siebenbargische Sagen, § 367, p. 242-243.
TOME XI. — OCTOBRE 1896. 34
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*)30 REVUE. Dfc;S TRADITIONS POPULAIRES
LE LAI D'ARISTOTE
I
EN PERSE
^^ K Kttab el Mahassin d'el Djahize contient de nombreuses anec-
Mfw) dotes et contes sur les rois de Perse. L'une d'elles est une
variante d'une histoire bien connue et très répandue dans la
littérature européenne du moyen âge, celle de la femme
experte qui se moque du philosophe et l'oblige à lui servir
de monture (lai d'Aristote). Le rôle du philosophe est rempli ici
par le grand mobed. Quand ce personnage se présentait devant
le roi Kesra Pervis, il avait coutume de le saluer par les paroles
suivantes : « Puisses-tu vivre longtemps, ù roi, dans un bonheur
« absolu. Puisses- lu remporter une victoire complète sur tes
« ennemis. Puisses-tu te délivrer de la domination des femmes. »
Ces remontrances finirent par exaspérer la femme du roi, Chirina,
qui résolut de ruiner la réputation du mobed. Elle lui envoya une
belle esclave, chargée de dompter par ses charmes le farouche
misogyne. La jeune femme accomplit sa mission avec un remarqua-
ble succès: et un jour, Chirina put emmener le roi à Tune des
fenêtres de son palais et lui montrer le grand mobed, sellé et bridé,
qui marchait à quatre pattes et portait sur son dos la charmante
écuyère. Le roi l'appela et lui dit : « Que fais-tu là? — Je montre,
u lui répondit le mobed, ce qu'est cette soumission aux femmes
a contre laquelle je te mettais en garde. »
Gaidefroy-Demonbynes.
i. Baron Ro?en : étude sur les traductious arabes du Rhoudai Namé,
p. 180, dans le recueil de mémoires publiés (en russe) par rAcadémie Impé-
riale de SaiDt-Péiersbourg à Toccasion du cenleuaire de TEcole des Langues
Orieulales de Parii». — V. sur el Djahiz, une note du conte de Balach et ses
deux femmes (Revue des Trad. Pop. t. XI, p. 401). La traduction complète du
passage d'el Djahiz a été donnée par B. Rosen dans son introduction a Tétude
de Schiefur ; Mahakatjajana und Koini Tsbanda — Fradjota (Mém. de l'Ac. Imp.
des Sciences de S^-P. VII« Série, t. XXH, u» 7) que nous n'avons pas eue sous
les yeux. M. René Basset a donné, dans sou introduction à la traduction des
contes de Si Djeha (version kabile) de M. Mouliéras (p. 29), une bibliographie
complète du lai d'Aristote. Il serait iutéressant d'en faire l'iconographie ; tout
le monde notamment connaît le chapiteau de Téglise Saint-Pierre de Caen
(xiii^ siècle).
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REVUE OËS TRADITIONS POPULAIRES iVM
LES METEORES
Vil {suitej
l' ARC-EN-CIEL '
§"
En Guinée
iiEZ les Yopouba ', Oshuroare [Ochoumare)^ Tarc-en-ciel est le
(w^ serviteur de Shango [Chango] : son office coosisle à porter
cV)^J|- de Teau de la terre au palais dans les nuages. On retrouve là
\>^ une trace de la tradition d'après laquelle l'arc-en-ciel aspire
(5 l'eau. Il a un messager appelé a*ra (coup de tonnerre) ou cre^
qui est une variété de python. Oshuinare est le grand serpent sou-
terrain qui vient de temps à autre au bord de la terre pour boire
l'eau du cieP. Son nom est formé de shu (clioui, rassembler de
sombres nuages, devenir obscur; et de mare ou maye une des
épithètes d'Olorun, dont le sens est incertain.
§12
Au Dahomey et chez les peuples de race ewé, Anyi-èwo est le
dieu de rarc-en-ciel et se manifeste sous l'apparence d'un serpent ;
il n'apparaît que lorsqu'il a soif et veut boire. Le nom d'Anyi-èwo
signiûe le grand serpent [èwo] du monde souterrain (Anyi), On lui
attribue l'origine des chapelets de popo, sorte de mosaïques dont
l'origine est incertaine. Ses excréments ont le pouvoir de changer
1. Suite, voir t. XI p. 245.
2. Ellis, The Yoruba-Speaking peuples, Lomlres, 1894, io-S p. 48, 81.
3. Cf. tes vers de Ttbulle [Elégies t. 1 el. IV v. 43-44}
Quamvis prœtexen» picea ferrugtne cœlum
Venturam admittal imbrifer arcus aquaoi
Malgré Tare, signe de pluie, qui teignant le ciel de sombres couleurs, aspire
Tondée future.
Et ce vers de Martial [Epigrammes. I. XII, ép. 29 v. 6).
Casuras alla sic rapit iris aquas
De roéme Iris absorbe eu haut les eaux qui vont tomber (en pluie).
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532 REVUE DES TWAnmONS POPULAIRES
les graios de maïs en cauries. Les temples qui lui soat consacrés
sont peints de raies de couleur imitapt celles de Tarc-en-ciel, et au
milieu, est un serpent grossièrement représenté. Son messager est
une variété de boa, mais Timmunité n'est accordé qu'à ceux que
les prêtres ont désignés. Son emblème spécial est un serpent
grossièrement façonné en argile, avec deux appendices en forme de
cornes, replié dans un pot de terre peu profond : on le blanchit à la
chaux et on le place communément sous les cotonniers ^
§13
Dans la Pharsale ^ Lucain fait allusion à la croyance populaire
d'après laquelle Tarc-en-ciel boit la mer : « De là, Tare embrasse les
airs d'un cercle imparfait; coloré de faibles nuances, ilboitTOcéan,
apporte aux nuages les flots qu'il ravil et rend au ciel cette mer qui
en tombe sans cesse ».
§14
Chez les Saxons de Transilvanie, l'apparition d'un arc-en-ciel au
mois de décembre est considérée comme un fâcheux présage ',
§15
En 1080 de Tère des martyrs (768-769) l'apparition d'un arc-en-ciel
au mois de mai annonça des calamités de toute sorte en Syrie parce
qu'il paraissait renversé. « Sa courbure était tournée en bas et ses
extrémités vers le haut, et il ressemblait à un arc tendu pour le
combat par la main d'un homme * ».
§16
Quand les nuages ont cessé de pleuvoir, l'arc-en ciel apparaît
dans les cieux. Ses extrémités s'abaissent, sans qu'on le voie
toujours, dans un fleuve, dans un lac ou dans une mer et attirent
l'eau. De loin, on aperçoit très bien Teau qui monte dans le ciel.
Dieu a parfaitement établi que les nuages ne resteraient jamais
1. Cf. Ellia The Ewe-Speaking peuples^ Londres, Ï890, in-8, p. 47-49.
2. L. IV, V. 79-82.
3. Mùller, Siebenbargiscfte Sngen.Alennc, iSSi, in-8, §102, p. 71.
4. Chabot. Quatrième partie de la chronique de Denya de Tell-Mahré, Paris,
1893, ia-8 p. 132 du texte, 111 de b traduction.
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REVL'E DES TKADITIONS POPULAIRES 533
longtemps vides, mais qu^ilsse rempliraient de nouveau après s*être
épuisés.
Un jour un berger qui faisait paître un grand troupeau de moutons
sur la pente d'une montagne, voulut par une coupable curiosité,
voir Tarc-en-ciel attirer Teau. Il fît descendre son troupeau près du
fleuve. Mais lui-même fut aspiré avec toutes ses bêtes et maintenant
il les fait paître dans le firmament pour Téternité. Dans les chaudes
journées de printemps et d'été, on peut Tapercevoir avec ses mou-
tons. Les parents le montrent à leurs enfants et leur racontent sa
triste histoire* ».
René Basset
.^W^^^^W^^^^WWWMVMWM»
LES RITES DE LA COlNSTRUCTION
XXIV
FONDATION DE CHAH DJEHANABAD
^^ NE tradition rapporte que lorsque le Gfrand Moghol Chah
^Itr ^J^^^" voulut faire construire aux Indes la ville à laquelle
pljliifc îl donna son nom, il fit verser le sang de plusieurs criminels
^^^ qu'on égorgea dans les fondements de Chah Djehànabàd *.
Une cérémonie semblable eut lisu en 1881 à Coumassie chez les
Achantis. Un tremblement de terre ayant détruit une partie des
remparts de cette ville, le roi Mensah, sur l'avis des prêtres, calma
la colère du dieu Sasabonsum en faisant rebâtir ces remparts avec
de Targile imprégnée du sang de cinquante jeunes filles. — Souvent
des esclaves sont égorgés au moment d'une construction et leur
sang est versé dans les fondations pour en assurer la durée. Quand
il s'agit d'un édifice peu important, on se contente de sacrifier une
brebis '.
On raconte que les gens murèrent vivant un étudiant avec une
lampe et une toge dans la ville basse d'Hermanstadt en Transilvanie,
pour en assurer la solidité ^.
René Basset.
1. Mûller. SiebenbUrgische Sar/ev § 235, p. 166.
2. Catrou, Histoire générale de Vempire du MogoL La Haye, 1708, in-12, p. 218.
3. Ellis, The Tahi-speaking neoples, Londres, 1887, in -8, p. 36.
4. MûUer Siebenbargische Sagen^ Vienne, 1885, in-8, § 157, p. 99.
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534 REVUE DES TKADITIONS POPULAIRES
LES MINES ET LES MLNEURS^
XXVI
DIVINITÉS DES MINES
^^k 'ES Tshis de rAchanli partagent la croyance des nègres de
'1^ l'Afrique occidentale sur les divinités à qui Ton doit les mines
l^j ^^^' ^^ ^^^ sacrifices qu'elle exige. Dans les districts auri-
fères, connme Essaman dans le Wassan, les gens croient que
Tor est apporté par une divinité locale qui récompense ainsi
son peuple de son culte et de ses offrandes. Les naturels recherchent
seulement Tor d'alluvion, et d'ordinaire ils procèdent en creusant
une fosse circulaire de six pieds de diamètre. Ces fosses sont souvent
profondes de vingt à vingt-cinq pieds et comme on ne fait pas
attention aux parois, les gens qui y travaillent sont souvent enseve-
lis vivants ou aplatis par la chute de la terre. En pareil cas, on ne
songe pas à les délivrer, car on croit que l'accident a été causé par
Itf divinité qui réclame l'aide de ceux qu'elle a fait périr, pour
apporter Tor des profondeurs souterraines : on s'imagine que les
esprits de ceux qui ont rencontré la mort de cette façon, entrent au
service d'outre-tombe du dieu qui produit l'or. On pense que c'est
une lourde tâche de le transporter de l'intérieur de la terre, aussi
l'exploitation, grâce aux prêtres, est limitée à deux ou trois mois
par an. Le reste du temps on ne touche pas aux fosses pour donner
au dieu le temps d'apporter plus d'or. Si les résultats sont médio-
cres, les naturels ont l'habitude de sacrifier deux ou trois esclaves
au dieu, dans la croyance qu'il est mécontent ou fatigué. Dans le
premier cas, le sacrifice a pour but de lapaiser ; dans le second, de
lui fournir des aides *.
René Basset
\. Cf. t. 1, p. 2 : II, 61, 413, :îOO ; IM, 300 b ; IV, 392 ; V. 323 ; VI, Ui. 240,
312, 338, 436, 485, 634, 669, 612 ; VII, 490 ; VIII, 75 ;IX, 522, 655 ; X, 478, 593.
2. EIUs. The Tshi-speaking peoples, Londres, 1887, in-8, p. 70-71.
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REVUE DES TUADITIONS POPULAIIIES 533
THEATRE POPULAIRE
LE POÈME ALPESTRE
Aloccasion de TExposition de Genève, les Suisses ont
eu ridée de faire représenter au théâtre par des
tableaux et des scènes symboliques, Thistoire de leur
pays dans ses coutumes traditionnelles et ses ancien-
nes croyances. C'est à ce titre que le Poëme alpestre
nous a paru pouvoir être mentionné dans la Revue
des Traditions populaires.
L'auteur du poëme est M. Daniel Baud-Bovy, la musique est du
compositeur iacques Delcroze, qui conduit lui-même un orchestre de
cent cinquante musiciens et les chœurs dont les exécutants amateurs
ne sont pas moins de quatre cents, tous costumés aux couleurs
locales anciennes des vingt-deux cantons Suisses. Les auditions au
nombre de six, ont été données dans la grande salle des fêtes de
l'Exposition qui a pu contenir chaque fois près de trois mille
personnes.
Au lever du rideau on voit le décor d'un village suisse entouré de
montagnes. L'orchestre et les chœurs célèbrent la montagne caracté-
ristique de la Suisse. Un orage s'annonce, les Bergers ramènent
leurs troupeaux, en achevant le ranz des vaches ; ils invoquent le
Génie de la montagne afin qu'il les préserve de la foudre et de
l'inondation.
C'est que le Génie, le bon génie a toujours été pour les Suisses et
est même encore dans les villages alpestres, le tout puissant, on
pourrait dire le Créateur.
CHOEUR DES BERGERS
Dieu gardien de notre montagne,
Toi dont l^eUe est le messager,
Toi dont l'oréade, Tondine,
Et le servant qui nous lutine
Vont accomplir la loi divine
0 consens à nous protéger.
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33G KEVUE DES TBADITIONS POPULAIRES
Pour tes farfadets, en échange,
Le meilleur du beurre et du lard,
Et tous les soirs, sur le toit même
Pour ta fée un plein bol de crème *
Afin que ta bonté suprême
Soit favorable aux montagnards.
Les bergers se retirent, le Génie parait et cherche à apaiser la
tempête ; il appelle à son aide les esprits, les gnomes, les follets, les
elfes, les fées, les servants*, les sylphes, les ondines. Il termine ainsi
son évocation :
A moi ! fervers, colbods, dracs, trolls, syl vains, follets !
Tous les esprits ainsi interpellés, accourent successivement à sa
voix. Les fées sont en robes longues à traîne blanches et roses, les
ondines en gaze verte, les sylphes ont de longues et hautes ailes
etc.. La nnise en scène est vraiment saisissante.
CHOEUR DES ESPRITS
Heureux, trois fois heureux, le peuple de génies
Admis à servir tes projets divins,
A te seconder. Nature infinie,
Parfaite harmonie,
Déité fécondante, Gros au front serein.
LBS FOLLETS
Nos tremblantes chandelett^s
La nuit, quand la peur le guette.
Guideront le bûcheron.
LES SERVANTS
Quand le fruitier, las, sommeille.
Nos balais feront merveille
Dans la boïlle et le chaudron.
LES SYLPHES
Nous ornerons de rosée
Et de lueurs irisées
Tous les rayons du matin.
1. « La coutume de poser sur U toit du chalet une jatte de lait pour la fée
f>rotectrice était encore, presque de nos jours, observée dans certaines parties de
a Suisse ». — (Note de 1 auteur du poërae alpestre).
2. Les servants sont des protf'cteurs qui peudaut la nuit ou l'absence de ceux
auxquels ils s'intéressent font leur travail; ils balaient les écuries, rangent daQ<
la maison. On les représente sous la forme de naius à la physionomie enjouée.
Les Suisses ont fait uii servant leur porte-bonheur ; beaucoup de commerçants
placent daus la vitrine de leur magasin un petit bonhomme en carton-pâte, qui
porte un plateau sur lequel sont rangés quelques échantillons des produits les
plus appétissants. H y avait des servants en quantité à 1 exposition de Genève.
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES o37
LES ONDtIfBS
Nos flots OÙ le soleil joue
Feront s'animer la roue
Et le blutoir du moulin.
LES FÉES
La fraîcheur de notre haleine
Fleurir^ Talpe de la plaine
Qu'embelliront nos regarda*.
Maître aimé, pour te complniro,
Nous rendrons calme et prospère
Le Destin des montagnards.
La deuxième partie qui symbolise rhisloire de la Suisse commence
par la fête du travail ; on voit le défilé des corporations ouvrières
des vingt-deux cantons, avec leurs bannières et les pittoresques
costumes.
Les bûcherons, les chasseurs, les bateliers, les laboureurs, les
horlogers, les tisserands chantent tour à tour. La chanson des
tisserands nous à paru la plus intéressante à citer :
LA CHANSON DES TISSERANDS
Au cliquetis du. métier, Au cliquetis des anneaux,
Beau roi, donne-moi ta 01', Je veux brocher pour ta ÛV
Si gentil' ; Si gentil' ;
Au cliquetis du métier. Au cliquetis des anneaux,
Bel', voulez-vous m'épouser? Du brocard pour son manteau.
Au cliquetis du métier, Au cliquetis du métier.
Non, tu n'auras pas ma fil' Beau roi, donne-moi ta fiP
Si gentil' ; Si gentil' ;
Au cliquetis du métier, Au cliquetis du métier,
Garde-toi, passementier. Bel', voulez-vous m'épouser?
Au cliquetis du battant, Au cliquetis du battant,
Je veux tisser pour ta fil' Mon père, adieu votre fil'.
Si gentiP ; Si gentil' ;
Au cliquetis du battant. Au cliquetis du battant.
Un ruban d'or et d'argent. Prends ma main, beau tisserand.
Refrain
Courez, courez la navette,
L'écbelette,
Le tacot.
Courez, courez la navette,
Mignoonette,
La navette
Et le sabot 1
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o38 REVUE DES TKADITiONS POPULAIRES
Dans la chanson des horlogers un couplet rappelle une coutume
encore en usage au commencement du siècle: Lorque le cadran
solaire de Saint-Pierre marquait midi, on sonnait une cloche spéciale
afin que les horlogers de Saint-Gervais pussent régler leur montre.
Qand midi
Sonne aux tours Saint-Pierre :
Arriére, avant, le volant,
Le retard, Féchappement :
Rëglons-nous sur te cadran,
Le cadran solaire.
Les enfants viennent à leur tour chanter une de ces rondes qui
autrefois, les dimanches et les jours de fête, faisaient les délices des
jeunes gens et des jeunes filles, réunis l^après-diner^ sur la place
du village.
LA ROXDE ENFANTINE DES MÉTIERS
Prends trois grains de rhénevis,
Ma gentille hirondelle,
Prends trois grains de chénevis,
Mets-les par là,
Mets- les par ci,
Ce»i pour faire à mon habit
Des revers de dentelle.
Ah I soleil, soleU joli,
Vire, vire, vire, vire.
Ah ! soleil, soleil joli,
Fais mûrir mon chénevis.
C'est bien cela,
Mûr me voilà
Qui ni*aime m*cmbrassera.
Coupe les trois plus beaux brins,
Pose-les sur Therbette,
(k^upc les trois plus beaux brins,
Etends-les là,
Etends-les bien,
C'est pour tisser des draps fins,
Des draps pour ma couchette.
Ah ! soleil, soleil joli,
Vire, vire, vire, vire,
Ah '. soleil, soleil joli,
Fais sécher mon chénevis,
C'est bien cela.
Sec me voilà,
Qui m'aime m'embrassera.
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REVDE DES THADITIONS rUilUlKES o39
Prends en main ton gai fuseau,
Fais tourner la bobine,
Prends en main ton gai fuseau,
Tiens-le plus bas.
Tiens-le plus haut,
C'est pour lisser un rideau
De blanche mousseline.
Ah ! rouet, rouet joli
Vire, vire, vire, vire.
Ah ! rouet, rouet joli,
Change en fil mon chêne vis
C'est bien cela,
Fil me voilà,
Qui m'aime, m'embrassera.
Fais voyager les anneaux
Et la navette ailée,
Fais voyager les anneaux
De haut en bas,
De bas en haut,
C'est pour tisser un manteau
Un manteau d'épousée.
Ah ! métier, métier joli,
Vire, vire, vire, vire,
Ah ! métier, métier joli,
Mon manteau Tas-tu fini ?
C'est bien cela.
Tiens, le voilà.
Ton manteau de chénevis, *
Maintenant prend pour mari.
Prend celui-ci.
Prend celui-là,
Celui qui t'embrassera.
Celte ronde est chantée par des fillettes et des garçonnets en
nombre égal
Une des fillettes, placée au centre, choisit à chaque couplet —
durant lequel la ronde mime l'action chantée — autant d'autres
fillettes qu'il y a d'objets nommés : grains de chénevis, brins de
chanvre, bobine, etc., à la fin elle s'entoure de toutes celles qui
restent et représentent les anneaux. -
A chaque refrain, la ronde tourne dans un sens et chante les
quatre premiers vers, auxquels les fillettes du centre, tournant dans
l'autre sens, répondent par les trois derniers.
Au dernier couplet, chaque fillette prend la main d'un des petits
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oiO BEVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
garçons, danse avec lui et rentre dans la ronde, qui se déroule en
coquille.
La fête des métiers se lernîine par l'hymne traditionnel : A la Patrie,
avec apothéose.
A. Certeux.
NÉCROLOGIE
F.-J. CUILD
E professeur Francis-JamesChild, de Jlar\ard Collège,
Université de Cambridge, Etats-Unis d'Amérique,
vient de mourir à Tâge de 71 ans. Depuis plus d'un
demi-siècle dévoué à l'instruction universitaire, ses
cours d'anglo-saxon, ses leçons sur Chaucer, Sha-
kespeare et tous les grands écrivains du temps d'Eli-
sabeth ont été suivies avec enthousiasme par tous les étudiants dési-
reux de bien connaître les origines, les richesses et les ressources
de la langue et de la littérature anglaises.
En 1857 il publia huit volumes de ballades anglaises et écossaises
(English and Scotch Ballads) avec des annotations critiques et histo-
riques. En 1894 parut le neuvième tome de ce « magnum opus » et lo
dixième, contenant le glossaire, avec les tables des matières et des
titres, devait paraître cette année même. Il a aussi fourni « Des
observations sur le langage de Chaucer et de Gower » appréciations
qui éclairent définitivement des questions obscures. On lui doit la
grande édition américaine des « Bristish Poets » avec une rédaction
toute spéciale des œuvres d'Edmund Spenser.
Dans le monde universitaire de sa ville natale de Cambridge cet
érudit 8*est fait aimer et respecter par sa chaleur de cœur, sa no-
blesse d'àme, sa haine de toute corruption et injustice, ses ardentes
sympathies, son dévouement au devoir, ses vives convictions, son
profond sentiment religieux, sa sincérité et son humour original
et inépuisable. Sa combativité même, ses préjugés, sa sauvagerie ne
servaient qu'a rendre sa conversation plus intéressante et lui-même
plus sympathique. Peilrans'ùl benefaciendo,
Henry Gréville.
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BEVUE DES TRADITIONS POPLXAIRES 341
BIBLIOGRAPHIE
Léo Rouanet. Chansons populaires de VEspagne, traduites en
regard du texte original. Paris, A. Charles, 18%, in-i8 de pp.
XVI-265 (3 fr. 50).
Les chansons héroïques de l'Espagne ont été Tobjet de travaux fort intéres-
sants depuis 1822, date de la publications des Romances historiques, faite par
Abri Hugo jusqu^à ceux de notre collègue M. le comte de Puymaigre ; mais, si
Ton en excepte quelques morceaux traduits par M. Achille Fouquier et le comte
de Puymaigre, on ne s'était guère occupé des chansons populaires proprement
dites. D'après M. L. R., les traducteurs auraient été détournés de cette t&che
par la brièveté des chansons espagnoles qui, sauf les trobos qui forment une
exception, ne comptent qu'uue seule strophe, de sept vers au plus. L'auteur
donne dans sa préface de curieux détails sur la passion des Espagnols pour la
musique populaire, qu*il a pu observer sur place dans ses séjours en Espagne.
H rend pleine justice aux deux auteurs dont il a surtout mis les recueils à
contribution, notre regreté collègue Machado y Alvarei (Demofilo) et Francesco
Rodriguez Marin, dont la collection est un véritable monument, et il donne la
bibliographie des autres recueils à consulter. 11 a divisé sa traduction suivant
le genre des pièces. Les Soleares corruption de Soledadea, pluriel de soledad,
solitude, sont de courtes strophes, le plus souvent de trois et quelquefois de
quatre vers, qui expriment en général des idées tristes, et dont la musique a
aussi un accent poignant et douloureux. M. Machado pourtant fait dériver ce
titre du nom d'une cantatrice célèbre dans le genre, la Soledad (4-23). Les
Copias ou couplets sont des strophes de quatre vers auxquelles peuvent s^adapter
différents rythmes musicaux (28-141). Les Se^iitdt7/0S ou séguedilles se composent
eu général de sept vers, les premier, troisième et sixième de sept syllabes, les
deuxième, quatrième et septième de cinq syllabes. Les quatre premiers doivent
contenir l'idée principale, les trois derniers ne font que la commenter ou la
répéter (146-191). Plusieurs strophes se succédant et unies par le sens consti-
tuent un trobo ; dans les chansons espagnoles, ce sont celles qui se rapprochent
le plus des nôtres ; mais c'est une des formes les plus rares en Espagne. M. R.
nous a donné la traduction de 34 seulement de ces pièces Ce recueil sera le
très bien venu en France, et il forme un complément agréable à lire et utile
aux publications antérieures sur la poésie populaire en Espagne. Il aurait été
à désirer — ceci au point de vue purement musical, — que l'auteur eût donné
quelques spécimens des mélodies espagnoles qui accompagnent les poésies qu'il
a traduites. Souhaitons à son livre une seconde édition, qui lui permette de
donner satisfaction à ce désir. P. S.
Fertiault (F.). Dictionnaire du langage populaire verduno-chalon'
nais (Saône-et-Loire). Paris, Bouillon. In-8, 473 p. (15 fr.).
Notre collègue a, dans ses longs séjours à Verdun-sur-Doubs, son pays nataL
et & Chalon-sur-Saône, recueilli patiemment, pieusement, les termes populaires et
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5i2 REVUE DES TKÂDITIONS POPULAIRES
patois qu'il entendait, et il nous donne aujourd'hui le résultat de sa récolte
dans un gros et intéressant volume où il a souvent comparé les formes des
mots de cet idiome à ceux des autres dialectes de la langue doit. Chemin fai-
sant M. F. qui donnait, en 1842, une bonne édition des Noêls de La Monnoye
et fournissait à divers recueils dtê articles sur les coutumes de la Bourgogne,
a noté nombre de dires pittoresques ou proverbiaux, des formuleUes ainsi
que des coutumes, des superstitions et de curieuses anecdotes qui font que
son livre se rattache par plusieurs points aux études tradttionnisles, en même
temps qu'il constitue un document linguistique d'un incontestable intérêt.
P. S.
Abbé MM. Oof se. Au ba$ pays de Limosin, Etudes et tableaux,
[llustrations de J . Ravoux. Paris, Leroux, in-8 de pp. Xn-327.'
(6 fr.)
Ce livre n'a pas été écrit pour les traditionnistes ; ils y trouveront toutefois
beaucoup à glaner ; des centaines de proverbes, et des détails nombreux et
circonstanciéi sur les diverses phases de la vie limousine, surtout de la vie
rustique, que l'auteur, curé d'une paroisse rurale, a vue de prés, et bien étudiée,
avec une tendance parrois à l'optimisme. Il y a des tableaux très réussis, comme
celui de la veillée à la campagne. L'auteur nous donne quelques couplets des
chansons qu'on y chante, des devinettes qu'on y propose, et des divers jeux
qui y sont en usage. On y dit aussi des contes, souvent d'une nature très
graveleuse ou scatologique. Le patois limousin brave l'honnêteté autant et plus
que le latin ; il n a pas toutefois le monopole de la licence ; j'ai entendu en
Haute- Bi*etagne des jeunes filles qui se tenaient bien et des pères de famille très
estimable raconter des facéties que Ton ne peut imprimer que dans des recueils
spéciaux. J'imagine pourtant qu'il s'y en dit dont la note n'est que comique,
et que l'auteur aurait pu donner parmi les autres échantillons de la littérature
orale de la veillée, comme en un autre chapitre il nous raconte de gracieuses
légendes sur les oiseaux. L 'avant-dernier chapitre est consacré à la médecine
des campagnes, et il nous donne maintes recettes pour la guérison des botes et
des gens. L'ouvrage, qui est d'une lecture facile, constitue une bonne contribu-
tion à l'étude de la vie rustique en Limousin, que l'auteur aime de tout son
cœur, ce dont je suis loin de le biumer en ma qualité d'originaire d'un pays
dont le patriotisme local est proverbial ; il aurait pu toutefois songer que
tous ses lecteurs ne seraient pas nés au pays où « ûeurit le châtaignier, n et
donner la traduction françai9e des morceaux en patois. Je souhaite au livre
une nouvelle édition qui permette à l'auteur de le mettre un peu plus à
la portée des lecteurs non-limousins. Chemin faisant il est souvent question
des costumes et des ustensiles, que le dessinateur a représentés avec plus de
bonne foi que de science du dessin ; peu familier avec la reproduction par la
photogravure, il a souvent alourdi ses compositions en accumulant les petits
détails, au détriment parfois de la ligne et de l'effet.
P. S.
^^»»/o«»w/«»»»<»»/\/ww>»»#wwv<»>»»<»»<»>*w»»M»
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REVLE DES TRADITIONS POPULAIRES 543
LIVRES REÇUS AUX BUREAUX DE LA REVUE
E. S. Hartland. The legend of Persetis, a study in story custom
aad belief. vol. III. Andromeda-Medusa. Loodon, David Nutt,
in-Sde pp. XXXVI-224. (Grimm Library).
Louis Morin. Les Assodations coopératives de joueurs dHnstruments
à Troyesau XVIl^ siècle. Troyes, Nouel, 1796, in-8 de pp. 38.
(Extrait des Mémoires de la Société archéologique de l*Aube. XLIX^.
Cf. sur quelques parties de cette intéressante brochure les pp. du présent
numéro qui renseigue sur l'engagement des apprenti?, les divers statuts, l'icono-
graphie et mt>me le mobilier professionnel.
Paul SéblUot. Bibliographie des traditions populaires de la Breta-
gne, 1882-1894. Paris, Lechevalier, 1896, in-8 de pp. 42. (1 fr. 50)
(Extrait de la Revue de Bretagne, de Vendée et d*An]ou, t. XII, n. 2, 3, 4, 5).
Ce mémoire est la suite de celui paru en 1882 dans la Revue Celtique. Après
rénumération sommaire des œuvres principales antérieures à 1882, on trouve
à chaque section l'indication de quelques ouvrages qui avaient échappé aux
auteurs de la première bibliographie. P. 25 un lapsus a fait attribuer au
premier recueil de Luzel, 1870 sept contes alors qu'il n'eu comptait que six.
Giuseppe Pitre. La Novella del conto sbagliato. Palerme, in-8
de pp. 32.
Essai sur la légende de l'homme, qui croyant n'avoir qu'un certain temps à
vivre, dissipe ses biens et est contraint, son existence s'étant prolongée au-delà
de ses prévisions ou des prédictions qu'on lui a faites, d'implorer la charité des
passants. G. P. cite de nombreuses variantes italiennes de ce thème, deux
versions portugaises et deux françaises, ces dernières de source littéraire.
PERIODIQUES ET JOURNAUX
Folk-Lore Vil. 3. — Fairy Taies from inedited Hebrew MSS. of the Ninth
and Twelfth Centuries, M, Gaster, — The Genesis of a Romance-Hero as
illustrated by the Development of Taillefer de Léon, F. -H. Bourdillon. —
Executed Criminals and Folk-Medicine, Mabel Peacock, — Easter Day, A, -P.
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044 RKVUE DES TRADITIONS FOPI'LAIRES
MockUr-Ferryman. — Charming for the Hiog^s Evil, A. -G, Fulcher. — Easter
Sunday at Mypdus, Asia Minor, W.-R. Paton. — A Survival of Odin-worship
ÎD Kent, T.'W.'E. Biggens, — Notes on Irish Folklore from Connaught, /. Cooke.
— The Plôughoian and fhe Fairies, P. -H. Emerson. — Gleft Ashes lor lafaDtile
Uernia (with two plates), E. Sidney Harttand. — Berber Gora Festival, J.-B.
Round. — De vil Dances in Ceylon, J.-B. Andrews. — Personal Expériences in
Witchcraft, Alex. Jf. Mcaldowie. — Norlh Indian Notes and Queries, Vol. V.,
7-9, W. a. D. B.
Revue des Traditions populaires du Poitou, organe de la société du
costume poitevin (Niort) n. 1 juin. Statuts de la société, — Simples considérations,
Gustave Boucher. — Rapport du conservateur du musée sur les coiffes poitevines,
etc. B. Gelin.
NOTES ET ENQUÊTES
,*. Nominations et distinctions, — Nous apprenons tfvec le plus grand plaisir
que notre collègue, M. Félix Frank, a été nommé chevalier de la Légion
d'honneur.
,% Les gens mariés^ En parlant des gens mariés, on dit, à Mons : « Leur char-
retée est vendue. » Cela signifie : ils ont leur affaire, ils n'ont pas besoin de se
tourmenter pour la trouver. Cette expression ne s'emploie guère qu*en parlant
de gens mariés.
(Comm. de M. Alfred Harou).
,% Formulette du chien. — En Auxois, en lui Jetant un morceau de pain, on
lui dit : Attention ! — Bon pain — Bon chien. — Attrappe bien.
(Comm. de M. H. Marlot).
REPONSES
/, Us bélemnites (cf. t. VIII, p. 304, 576, 624, t. IX, p. 172). Les bélemnites,
outre le nom de fuseaux de la bonne sainte Beine^ sont encore appelées par les
paysans de l'Auxois « chandelles du diable, doigt du diable, pierres du tonnerre,
et tue-chevaux », la pointe de la bélemnite étant regardée comme un dard lancé
par la foudre. (Notes de M. Ch. Nodot, pharmacien à Seniur, vers 1840).
Dans le Bazols et le Haut-Morvan, les bélemnites apportées des terrains liassi-
ques sont dénommées fuseaux de Saint-Antoine et sont comme spécifique»
appliquées sur les yeux malades pour les guérir.
(Comm. de M. H. Marlot).
,\ Peler le ventre. (V. t. IX, p. 71). On ajoute dans certaines localités de la
Belgique, avec un couteau de bois.
L*expression devient donc : « Vous me pelez le ventre avec un couteau de
bois »•
(Comm. de M. Alfred Harou).
Le Gérant, A. CERTEUX
Baugé {Maine-et-Loire). — Imprimerie Daloux,
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REVUE
DES
TRADITIONS POPULAIRES
11« Année. — Tome XI. — N* 11. — Novembre 1896.
NIEDRISCHU WIDEWUTS^
Epopée latavienne en J^4 chants
(soitb)
VIP CHANT
N pleine mer Widewut entend chanter
une voix douce. Irrésistiblement il est
attiré dans les profondeurs de la mer
d'où partent les sons enchanteurs. C'était
Nièce * qui attirait ainsi les hommes
dans les profondeurs et les faisait périr
dans les flots. Son frère Nieks faisait la
même chose avec les femmes. Ils agis-
saient ainsi par un sentiment de ven-
geance, car les deux fils d'Antinivars
assaillirent un jour, avec les hommes du village, leur père Zalktis^ le
roi de la mer, au moment où celui-ci accompagnait sa femme, fille
de Dzirciems, qui allait voir son père dans le village, au bord de la
mer. Un combat terrible s'était engagé et Zalktis, privé, hors des
eaux, de ses meilleures forces, fut serré de près par les fils d'An-
tinwars qui étaient forts comme des ours noirs. Pour échapper aux
mains de ses ennemis, Zalklis se jeta dans le bûcher, allumé au bord
de la forêt de pins; au même moment sa femme se transforma en un
sapin ; encore aujourd'hui elle cherche son mari en chuchotant.
Voilà pourquoi Nieks et Nièce devinrent juhras laumas (l. yoùrasse
laoumasse = fées de la mer) et cherchent à faire périr le genre
humain dans les flots froids de la mer incommensurable.
i. L. Niedrischou Widewouts. Mitau, 1891, 381 pagep.
2. L. Niëtzé.
TOHB XI. — NOVBIIBRB 1896. 3o
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Si6 REVCE DES TRADITIONS POPULAIRES
Mais Nièce ne réussit pas à faire périr le héros et jaaleawBt elfe
eu conclut qu'il oe pouvait être autre que WHewnt^ le fils du
courageux Radagaïsu Stipraîs et de sa femme Gtedina^. Elle ne veut
pas le laisser partir et lui pose nombre d'énigmes que Widewut
résout avec facilité. Niece^ voyant la mauvaise réussite de ses efforts
pour retenir le héros, jure d'en tirer vengeance et fait soulever par
Bangputis des vagues terribles qui l'emportent à la côte du roi-
sorcier, à, travers un serpent noir, moulant, au milieu de la mer, de
la farine sur une pierre.
VIII" CHANT
Ainsi Widewut arrive dans un pays plein de sorcellerie et de cho-
ses ensorcelées. Le roi de ce pays est un grand tyran et un sorcier.
Il a trois filles qui^ chaque nuit, usent ses souliers. Le roi ne parve-
nant pas à en découvrir la cause, charge Widewut de la surveillance.
S'il ne parvenait pas à lui dévoiler le secret, sa tête devait tomber
comme celle de beaucoup de ceux qui l'avaient précédé.
Mais voilà que Widewut rencontre le petit vieil homme qu'il avait
hospitalièrement' accueilli dans sa maison aux bords de la Hùr/a
(Yistule) et qui lui avait donné une bague qui l'avait préservé de
beaucoup de malheurs. Le vieux enseigna à Wideivut comment il
parviendrait à dévoiler le secret des ûlles du roi. En quittant ce pays
ensorcelé trois bonheurs devaient se présenter à Widewut, mais il
n'en fallait prendre aucun ; il gagnerait alors un quatrième bonheur
dont il faudrait profiter.
Wideivut agit conformément aux conseils du vieillard, et parvient
en effet à savoir que les trois filles du roi s'en allaient chaque nuit
danser dans un palais en diamants avec trois jeunes gens aux tètes
cornues.
Mais le despote ne s'en contente pas. Il envoie Widewut à Ruojoa ^
atwars (le gouffre de Rouoya) chercher le coffre d'argent qui y est
gardé par un Puhkis (l. Poùkisse). dragon à trois tètes.
mdewut sort de nouveau vainqueur et apporte au roi le dragon
avec le trésor. Enfin le roi-sorcier laisse partir Wideivut.
Mais voilà qu'en route il se heurte partout aux barres d'argent
dont est parsemé le chemin. Il se rappela le conseil du vieillard
concernant les trois bonheurs et n'y toucha pas. Plus loin il vit sur
la route des pièces d'or, il n'y fît pas plus d'attention. Bientôt après,
toute la route était parsemée de diamants. — Widewut n'avait pour
i. L. GuiëdiDa.
2. L. Rouoyasse.
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REVC£ DfiS TRADITIONS POPULAIRES 547
ces derniers qu'un regard dédaigneux et poursuivait tranquillement
son chemin. En se retournant il voit monter, en forme de cheval
noir, des nuages menaçants. Au môme moment le pays ensorcelé fut
inondé. Les eaux approchaient avec des roulements et fracas sinis-
tres ; alors, résolument, Widetvut enfonça dans la teire un bâton de
sorbier — les eaux s'y arrêtèrent et formèrent désormais le lac de
Tasmare.
Mais le bâton de sorbier devint un arbre à neuf tiges sous lequel
on apportait des offrandes aux dieux.
IX' CHANT
Un jour, à la pèche, Widewut prend un poisson d'or qui le
supplie de ne pas le tuer ; en récompense il lui donnerait Télixir du
roi des poissons pour comprendre la langue des oiseaux.
Wideumt accepte Toffre et, après avoir bu de Télixir merveilleux,
il continue son chemin le long de la mer. Un navire qui aborde à la
côte, accueille Widewut. Bangpùtis^ reconnaissant envers Widewut
qui lui a rendu son poisson d'or, cesse de le poursuivre et s'en va de
l'autre côté de la mer, voir les filles de Zemes-mahie * (mère de la
terre).
De l'autre côté de la mer, dans les profondeurs de la terre, tout est
comme chez nous. Quand le soleil se couche sur la terre, il se lève
soui elle. Quand il fait jour chez nous, il fait nuit sous la terre. Seul
Pèrkons n'y est pas. C'est Vùpis (l.Youpice) qui règne sous la terre.
De sa liaison avec Zemes-mahie naqdirent deux filles — Rassina (la
rosée) et Liésmina (la flamme).
Ce que Liésmina brûlait, Rassina le rafraîchissait.
Liésmina donna du feu à Debesskalis (forgeron du ciel) pour qu'il
puisse forger des sabres et des massues.
Rassina arrosait les flews et toutes les plantes. Bangpùtis devint
amoureux d'elle. Les vagues cessèrent, la mer se calma quand il
était chez sa bien-aimée — c'était alors qu'il faisait bon naviguer.
Le navire qui avait accueilli Hideivut appartenait au prince
Zemgalien Meschuotnis^ qui, avec sa fiancée, était parti en route
pour son pays Zemgalie. Sa bien-aimée était orpheline. Sa mère ne
lui avait laissé qu'une vache bigarrée. Restée seule elle devait faire
paitre le troupeau d'une sorcière ; puis on lui donnait tanl à filer
qu'elle ne savait comment en venir à bout. Alors c'était sa vache qui
lui faisait ce travail, en recevant ce qu'il y avait à filer par l'oreille
1. L. Zemesse maté.
2. L. Mejouutnisse.
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348 RKVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
gauche el rendant un fil très mince par l'oreille droite. Mais la sor-
cière surprit le secret à Taidc de sa fille Trihs-acé^ (trois yeux), qui
avait un troisième œil sur le derrière de la tête, et elle résolut de tuer
la vache bigarrée. Alors celle-ci recommanda k la jeune fille d'ôter
de son intérieur.deux diamants qm y étaient cachés et de les planter
à côté de la porte de la maison — c'est de là que lui viendrait son
bonheur d'orpheline.
En effet, au troisième jour on vit à la porte un pommier magni-
fique aux pommes d'or, tandis que le puits était plein du meilleur
vin. Le même jour arrivèrent des jeunes gens de haute naissance
dans une voiture brillante, attelée de chevaux bruns et ils demandè-
rent des pommes d'or et du vin.
La sorcière envoya ses filles en offirir aux hôtes. Mais le pommier
s'élera en Tair, le puits s'en alla sous la terre aussitôt qu'elles s'en
approchèrent.
La sorcière dut faire sortir la belle orpheline du poêle, où elle
avait été enfermée. Aussitôt le pommier et le puits se mirent à sa
disposition ; elle en offrit aux nobles hôtes qui la firent monter dans
leur voiture et l'enlevèrent à la sorcière ; le pommier et le puits de
vin les suivirent.
Ce ravisseur n'était autre que Meschuolnis^ le prince zemgalien^
avec ses compagnons. C'étaient eux qui avaient accueilli Widewut.
En pleine mer un grand oiseau s'assit sur le navire et prédit
qu'arrivés dans leur pays une sorcière à trois tôtes tuerait la
première nuit même le jeune couple ; mais celui qui entendrait
cette prédiction et en parlerait seVait immédiatement transformé en
pierre jusqu'aux genoux.
Après quelque temps vint un autre grand oiseau prédisant
qu'arrivés chez eux un lièvre courrait dans le jardin, ce serait le
frère de Meschuotnis ; le père lui-même tuerait le lièvre, son propre
fils ; mais celui qui en parlerait deviendrait à moitié en pierre.
Après un certain temps vint un oiseau plus énorme encore,
renversant presque le bateau ; il prédit qu'une sorcière à neuf têtes
viendrait la deuxième nuit et tuerait le jeune couple ; mais celui qui
entendrait ceci et en parlerait, serait transformé en pierre.
Widewut comprit tout ce que ces oiseaux racontaient.
Le navire ayant touché un bas-fond près d'une île, on alla voir la
côte.
Les voyageurs arrivèrent dans la maison d'un géant plus terrible
encore que KentU, En un instant il avait avalé un des marins,
i. L. Trice-atzé.
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REVUE DBS TBADrnONB POPULAIRES 549
après quoi il se mit à dormir en barrant la porte de son corps, se
réseryanl ainsi les autres pour les manger plus tard.
Son ronflement était pareil à un ouragan soulevé par une tem-
pête boréale. Aucun moyen de sortir. Ënfm Widewut trouva dans
un coin une bâche énorme du géant. Personne ne put la soulever.
Mais Widewut la brandit avec facilité et d'un coup terriWe il trancha
la tète du géant. Ainsi délivré on rentra sur le bateau et s'embarqua.
Toute une troupe de géants les poursuivit, soulevant des vagues
énormes en se jetant à la mer après le navire. C'est avec peine que
les voyageurs échappèrent au péril. Le bateau marchait maintenant
bien, car ^an^/)ù/?>, absorbé dans ses amours avec ^amna, n'iaquié-
tait pas les eaux.
Pendant que Mesckuotnis était dans l'île, Meks, le frère de Nièce
(l. Nietzé) s'était eflForcé par son chant d'attirer la fiancée du roi
zemgalien dans les profondeurs de la mer. Heureusement Laîmina
(Laïma ou Laïmîna — déesse du bonbeur) l'en préserva. Les servan-
tes de Jukras-mahie (mère de la mer) Taidèrent.
Sains et saufs ils arrivèrent dans le port zemgalien, au pays des
magiciens, au chAteau de la lumière d'or. Le pommier et le puits de
vin s'arrêtèrent devant la porte du château.
Au moment de l'arrivée des voyageurs, un lièvre courut dans le
jardin. Le vieux roi zemgalien voulut tirer sur lui son arc. mais
Widewut l'empêcha d'accomplir son dessein en lui criant de ne pas
tuer son propre fils. Aussitôt les pieds de Widewut se transformè-
rent en pierre.
On fêta royalement les noces du prince zemgalien Meschuotnis avec
l'orpheline. La première nuit Widewut se cacha dans la chambre à
coucher du jeune couple.
' Aussitôt les jeunes gens endormis, un Puhkis (dragon) à trois
têtes de feu vint par la fenêtre. Widewut saisit son sabre et trancha
les trois têtes avec une telle force que le feu jaillit de tous les
côtés. Le lendemain on s'étonna beaucoup de trouver la chambre
ensanglantée.
La deuxième nuit Widewut prit les trois sabres les plus tran-
chants du roi zemgalien et se cacha de nouveau dans la chambre
nuptiale.
Soudain toute la chambre se remplit de feu. Un Puhkis à neuf
têtes, vomissant du feu, entra par la fenêtre. Widewut se mit coura-
geusement à la besogne sanglante : les têtes tombaient l'une après
l'autre, le feu jaillissait terriblement, les trois sabres s'étaient tous
cassés ; enfin de son propre sabre Wideivut fit tomber la neuvième
tête.
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550 REVUE DBS TRADITIONS POPULAIRES
Le lendemain on fit des recherches pour découvrir d'où venait te
sang dont était éclaboussée toute la chambre. On sut enfin que
Widewui en était la cause. En racontant, sur les instances du roi et
de sa cour, ce qu'il avait entendu des grands oiseaux et comment il
avait sauvé la vie au jeune couple, Widewut tomba soudain par
terre, devenu une masse glaciale de pierre.
Le deuil était maintenant grand au palais zemgalien. Seul hurmis *
(la taupe), un des proches du roi s'en réjouissait, car il avait remar-
qué TafTection que portait à Widewut la belle Skatsiite, Tunique fille
du roi zemgalien, sœur du prince Meschuolnis, Elle était affligée par
dessus toute mesure du triste sort de Widewut,
Mais la pierre, en laquelle il fut transformé, fut déposée à Tendroit
le plus joli du jardin, près d'une source d'argent, ombragée de
chênes et de fleurs.
X* CHANT
Au bout d'un an l'épouse bien-aimée du jeune roi zemgalien J/e«-
chnotnis * lui donna des jumeaux — deux fils, à qui on donna le nom
Mufuc ^ et Mèmele. Ils grandirent, à la grande joie du père et de la
mère. Mais voilà que trois nuits de suite Wideumt se montra au
jeune roi en lui disant : « Je deviendrai vivant si tu tues tes fils ».
Le roi et la reine, trop désireux de rendre la vie à leur sauveur
devenu pierre à cause d'eux, résolurent après beaucoup de pleurs,
de tuer leurs fils chéris. Le père lui-même, leur trancha la tête avec
son sabre. Au môme moment la pierre et le corps des eufanls se
transformèrent en un grand fleuve que l'on appela Lielupe, avec
deux confluents Muhse et Mèmele,
Et voilà que dans l'après-midi arriva un beau cavalier, accompa-
gné de deux jeunes gens, tous vêtus en or, ornés de diamants —
c'était Widewut avec les deux fils du roi et de la reine zemgaliens.
La joie en fut grande ; on fêta splendidement Theureux événement.
Le roi offrit à Widewut la moitié de son royaume de Zemgalie ; en
outre il avait en vue de lui donner pour femme sa sœur, la belle
princesse Skatstité^ fille unique du roi de Zemgalie et de la reine
Zwaïgznité.
Zwaïgznité était la fille du roi d'Augschgaie * dont la résidence était
au château de Sehlpils. Et voilà comment elle était devenue la femme
du roi Zemgalis: son père, le roi de Sehlpils, après la perte de sabelle
1. L. Kourmisse.
â. L. Mejouotntsse.
3. L. Moùcé.
4. L. Aougschgalé.
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REVUB DBS TRADITIONS POPULATBBS 0;)1
femme, ne pouvant trouver une autre femme aussi jolie, résolut
d'épouser sa propre fille qui était belle comkne sa mère. Pour éviter
ce mariage celle-ci se fit faire cadeau d'une simple pelisse, d'un
vêtement d'argent, d'une bague en diamants et de souliers d'or.
La veille des noces, sur le conseil d'une vieille femme, elle s'en-
fuit de la maison paternelle.
Après plusieurs aventures elle rencontra dans une forêt, un vieil-
lard qui, par compassion, lui donna un bâton et une noix. En frap-
pant avec le bâton on pouvait tout avoir ; en ouvrant la noix on y
trouvait trois vêtements différents : vêtements des astres, de la lune
et du soleil.
Le soir venu la princesse, enveloppée dans sa pelisse, se glissa
dans un grand arbre pour dormir. Mais voilà que deux rois qui
étaient à la chasse, la découvrirent. L'un d'eux la prit pour sa ser-
vante et pour femme ensuite. C'était le roi de Zemgalie lui-même.
De leur union étaient issus deux fils, Meschuotms elJaunutis (1. Yaou-
noulisse) et une fille Skaïstitt^^ le plus beau présent de Dehkla,
Kahrla et Laima * relevèrent heureusement à la montagne, quoique
launadiena fie mauvais jour) s'efforçait de la perdre.
Kurmis^ le compagnon des jeunes princes Meschuotnis et Jaunu-
lis devint amoureux de Skaïstité qui le détestait. A la première vue
de Wideiruty arrivé avec son frère Meschuotnis ^ elle s'éprit d'amour
pour lui. Son chant, plein d'une tristesse touchante, se fit entendre
quand Widewut, son bien-aimé fut transformé en pierre.
Le matin des noces de son frère MeschuotniSy ne sachant rien
encore de ce qui arriverait^ Skaïstité, attiré par le bleu azuré d'un
ciel doux et ensoleillé, sortit dans le jardin et y s'assit en proie à de
tristes méditations. Le joli chant d'un petit oiseau la réveilla de ses
rêveries. Elle descendit au bord du ruisseau pour voir le petit chan-
teur ; mais celui-ci s'éloignait, en le suivant Skaïstité s'égara dans
la forêt. Elle y fut surprise par un terrible ouragan ; les éclairs par-
taient de tous les c<Hés. Skaïstité se sduva dans une chaumière, mais
WiesiUis (1. Wiessoulisse) (le tourbillon), le fils de Wehja-mahte
(mère des vents) l'emporta dans un pays inconnu.
Avec la disparition de Skaïstité, le deuil entra au château du roi
zemgalien. Le peuple tout entier était profondément affligé. Les
feuilles des arbres pâlirent, les fleurs se courbèrent et se flétrirent
les ruisseaux pleurèrent, les oiseaux devinrent silencieux et SauU
(1. Saoulé = le soleil) elle-même se couvrit de nuages, car Skaïstité^
le bijou zemgalien, était emportée par Nelabats (le mauvais) ou Tiws
1. Déesses du sort.
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Soâ RGVU£ De& TAADltlONS POPULAIRES
{ideotique avec Typhon) dsûs Tautre moade, ddns Likienabedre (le
gouffre du sort).
Le roi zemgaiien promit la belle SkaUiiié pour femme à celui qui
la ramènerait.
mdewut^ comprenant que ce devait être le quatrième bonheur,
fit son offrande aux dieux et se mit immédiatement en route à la
recherche de la belle princesse, accompagné des trois hommes
zemgaliensles plus forts : Kyrmis, Uogiunesefi (1. Ouoglounesseys) et
Simtpuhrusehjejs (l. Simtpoùrouceyeys), pendant que ZveUgzniteleixT
invoquait la protection de Celamahie (1. Tzelyamàlé = protectrice
des voyageurs).
XI" CIUNT
Une série de dangers commence pour Widewul^ et il a besoin de
tout son héroïsme, de toute sa vigilance.
Après une marche assez longue, il arrive avec ses compagnons à
un vieux château, situé dans une grande forêt. Dans la cour de ce
château il y avait beaucoup de bœufs, mais on ne voyait pas une
seule âme d'homme.
Widewut s'en alla avec deux de ses compagnons dans la forêt à la
recherche de la princesse, laissant Uoglunesejs au château, avec
ordre d'abattre un bœuf et d'en préparer un repas pour leur retour.
Mais à peine Uoglunespjs avait-il préparé le manger que de la
terre sortit un nain-mendiant, à la barbe longue et blanche, et, il
se transforma en homme de grande force, et commença à battre
Uogtuneêejs qui tomba presque mort. Après avoir avalé le repas, le
mendiant disparut.
Widewut arrive avec ses compagnons et est fort mécontent de ne
rien trouver à manger. Uoglunesejs prétendit qu'il était subitement
tombé malade, se gardant de dire ce qui s'était passé.
Le deuxième et le troisième jour la même chose se répéta avec
Simipuhrusehjejs et Kurmis,
Ceci parut très suspect à Widewut, aussi resta-t-il le quatrième
jour lui-même au château, envoyant ses compagnons seuls à la
recherche de Skaïstité
Après avoir abattu un bœuf et en avoir préparé le repas, Widewut
se trouva tout-à-coup en face du même filou-mendiant qui voulut
recommencer avec lui la même manœuvre. Mais mal lui en prit. H
fut tout d'abord impitoyablement rossé, sa barbe fut enfoncée dans
un bloc de bois. Widewut sortit et quand il rentra, le vieux mendiant
avait disparu, laissant sa barbe blanche dans le bloc. Widewut \r
garda et attendit ses compagnons ; mais ce fut en vain, ils ne vinrent
pas. Alors Widewut se mit à la recherche des égarés.
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R£VUS DES TfiÀDlTIONS P0ri;4.AtRBS 553
Dans uii bosquet, sur uue pelit^e moaiia^e, était un énarine yI^ux
chèoe donile tronc était tout creux. C'était là la demeure dun
diévredzisy un prophète-magicien.
Le soleil, au soir, montait déjà dans son canot d'or^ au milieu de
la mer, quand arriva Widewut chez le vieil astrologue.
Entre temps ses compagnons, poursuivant une biche, s'égarèrent
et furent transformés eu pierres bleues par une sorcière.
Sur la demande de Widewut le sage lui dit que Skaïstité avait été
enlevée par Nelabaïs (le Mauvais) qui habite Liklenabedre [la fosse
(gouffre) du sort]. Pèrkons le poursuit aussitôt qu'il se montre sur
terre. Mais quand le dieu des tonnerres s'en va à travers la mer se
chercher une épouse, yelabais^ s'élevant dans Tair, pareil au Puhkis
(dragon), emporte chaque année une àme de la terre. Si on la lui
refusait, toutes (es eaux dans la terre dessécheraient. Cette fois
c*était la belle Skaïstité qu'il avait emportée ; autrement il aurait
entraîné dans la terre tout le château zemgalien. Quoique Pèrkons
lança ses foudres après Nelabaïs, celui-ci ne fut pas atteint, car
elles ne se croisèrent pas. — Debesskalis avait forgé une massue
dont les éclairs ne se croisaient pas, par vengeance d'avoir été
séparé par Pèrkons de sa lihgawa (fiancée) Liesmina (la flamme),
fille du soleil.
€ Pour sauver Skaïstité », dit le mage, x il faut vaincre Nelabaïs^
mais avant d engager la lutte avec ses géants^ il faut vaincre le roi
des serpents qui habite les gouffres du grand Dzenu purws (1. Dzenyou
pourvce, marais des piverts). Le roi des serpents est très âgé, il est
tout noir, couvert de mousse et d'herbe, avec trois lignes de feu au
dos, une couronne d'or ornée de diamants et d'autres pierres précieu-
ses, sur la tête! La crête de la couronne fera de celui qui en
goûtera le premier, Ihomme le plus intelligent qui saura tout ce
qui se passe sur la terre. Celui qui la mettra en sa possession, ne
mourra jamais ; il pourra en outre trouver Nekté qui connaît la
demeure de Skaïstitf^, Cette couronne de serpent vaut plus que tout
un royaume. Le roi des serpents ne se montre qu'une fois tous les
cent ans. A maintes reprises on avait déjà tenté de lui enlever la
couronne, personne n'était encore revenu vivant. L'entreprise est
d'autant plus périlleuse et diilicile que le roi des serpents ne s'en-
dort que pendant une minute, il faui profiter de ce court instant
pour enlever la couronne. Dans Liktena bedré le roi des serpents
avec les géants gardent 5to.v^i/<?. On ne peut les vaincre que sépa-
rément. Et quand lu auras sauvé Ska:ist?té, quand tu rentreras dans
ta patrie, au château du soleil, n'oublie pas, mon fîls, d'y planter
ton chêne et de donner tes offrandes aux dieux qfM irègn.ent à la
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554 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
montagoe des deux ; honore ce chéoe qui m'abrite, quand Welu-
mahmina m*aura éteint le feu de la vie ». Ceci dit, diévredzis
disparut.
(A suivre). H. Wissendorff de Wissukuok.
»«MW««^W^>W»WWWW^M»»WWMWW»
LA DISCORDE ET LE VENT
ÏV
LA LÉGENDE DE LA CATHÉDRALE DE STRASBOURG
t fouette la figure. Le fait a son analogue devant tous les
édiQces élevés et isolés ; il n*en reste pas moins qu'un souffle
aussi violent s'observe rarement. Cette circonstance a donné lieu à
la légende suivante qu'une vieille femme raconta jadis à un
journaliste.
Satan s'ennuyanl dans le marais des enfers fit ve«ir un Vent du
Harz pour s'en servir comme de cheval et voir du pays. S'étant
abattu sur le Lottelfelsen dans les Vosges, il aperçut dans le lointain
la flèche de la cathédrale. Poussé par la curiosité, il lira vers
Strasbourg, descendit de sa monture et entra dans la nef
majestueuse.
Tandis qu'il faisait attendre le Vent sur la place, il visita les
curiosités de la cathédrale, le Roraffe, c'est-à-dire une figure grima-
çante placée au bas des orgues et mise en jeu par le mécanisme de
rinstrument, la chaire, enfin sa propre image. Pendant ce temps
le temple se remplissait de 6dèles et parmi ceux-ci Satan reconnut
des hypocrites avec lesquels il se réjouit de faire plus ample
connaissance dans son royaume souterrain. Tout à coup un enfant
de chœur sonna et le prêtre éleva Thoslie. Satan se vit au même
moment emprisonné dans un pilier, dans lequel ? on l'ignore. Mais
au dehors le Vent attend toujours son retour et lorsqu'il s'impatiente
il remue les portes et les fenêtres et occasionne aux passants, surtout
aux femmes, des mésaventures fort désagréables.
P. RiSTELHUBER.
1. Cf. t. m, p. 137, t. X, p. 450.
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REVUS DBS THADITIONS l'OPULAIBES
5So
LA VIEILLE
rondh:
Dijon
Jài de . man-dè à la vieiLle Quelle robeeLlevoo.
y \ I iii 'niii! h) riii p I,
Jait La vieD ,1e jn'a-ré-pon.-duiUn* rob' de soie s'y en a ,
.vait
Une robe.de soie! Pour la vieille! Ah!
^'ii.j j'(i^j'ij j j[.jjij j||i ^^
Et vous en aurez.vieill^et vousjen aurez doncBeqùînquez vous la
i' H^j'n
ï j, J' I j, I, i
^s
Re . quin.quez vous
vieille^et requinquez vous donc.
^Vj. j'U i'iJ. nT^ij. Jij ^
donc la vieil, le. La vieill' . re ._quin.quez„vous donc!
J'ai demandé à la vieille
Quelle robe elle voulait.
La Tieille m*a répondu :
Un' rob' de soie s'il y en avait.
Un' rob' de soie ! Pour la vieille î Ah !
Et vous en aurez, vieille.
Et vous en aurez donc.
Requinquez-vous. la vieille,
Et requinquez-vous donc !
Requinquez vous donc, la vieille,
La vieille, requinquez-vous donc \
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556
REVUE DES TRADITIONS POPITLAIRES
J'ai demandé à la Tieille
Quel ch&le elle voulait.
La vieille m'a répondu :
Un chàl* tapis s'y eu avait.
Un ch&le tapis ! Pour la vieille ! Ah I
Et vous en aurez, etc.
J'ai demandé à la vieille
Quel chapeau elle voulait.
La vieille m'a répondu :
Un chapeau ros* s'y en avait.
Un chapeau rose ! Pour la vieille ! Ah !
Et vous en aurez, etc.
J*ai demandé k la vieille
Quels souliers elle voulait.
La vieille m'a répondu :
Eu peau de chévr' s'y en avait.
En peau de chèvre ! Pour la vieille ! Ah !
Et vous en aurez, etc.
J'ai demandé à la vieille
Quel manteau elle voulait.
La vieille m'a répondu :
En velours s'y en avait.
En velours I Pour la vieille ! Ah î
Et vous en aurez, etc.
J'ai demandé à la vieille
Quel jupon elle voulait.
La vieille m'a répondu ;
Un' crinoUn' s'y en avait.
Une crinoline ! Pour la vieille ! Ah !
Et vous en aurez, etc.
J'ai demandé à la vieille
Quels gants elle voulait.
La vieille m'a répondu :
Des gants de peau s'y en avait.
Des gnnt4 de peau ! Pour la vieille ! Ah '
Et vous en aurez, etc.
J'ai demandé à la vieille
Quelle chemise elle voulait.
La vieille m'a répondu :
En batiste s'y en avait.
En batiste ! Pour la vieille ! Ah !
Et vous en aurez, etc.
J'ai demande à la vieille
Quelle collerette elle voulait.
La vieille m'a répondu :
En dentelle s'y en avait.
En dentelle ! Pour la vieille ! Ah !
Et vous en aurez, etc.
J'ai demandé à la vieille
Quels bas elle voulait.
La vieille m'a répondu :
En filoseir s'y en avait.
En filoseile I Pour la vieille ! Ah !
. Et vous en aurez, etc.
J'ai demandé à la vieille
Quel pantalon elle voulait.
La vieille m'a répondu ;
A petits plis s'y en avait,
petits pllis ! Pour la vieille î Ah !
Et vous en aurez, etc.
J'ai demandé à la vieille
Quel manchon elle voulait.
La vieille m'a répondu :
En astrakan s'y en avoit.
En astrakan ! Pour la vieille I Ah !
, Et vous en aurez, vieille.
Et vous en aurez donc,
Requioquez-vou?, la vieille.
Et requinquez-vous donc I
Requinquez-vous donc, la vieille,
La vieille, requiuquez-vous donc !
Morel-Retz (Stop).
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REVUB DES TBADITIONS POPdtAIRES 557
Cette ronde était populaire au XYII* sièete et probablement elle
remonte plus haut. Tallemant des Réaux rapporte, t. 11, p. 6 (éd.
Monmerqué), qu'un jour que Maugars, célèbre joueur de viole, était
chez la comtesse de Tonnerre, la vicomtesse d'Auchy y vint. « Il
quitte aussitôt ce qu*il a commencé, et quoiqu'il ne chantât pas
autrement, tant qu'elle fut là, il ne Ht que chanter et jouer sur sa
viole une chanson dont le refrain est :
Hsquioquez-voui, yiciUe,
Requinquez-TOUB donc. »
Monmerqué ajoute en note que c'est le refrain de la quatorzième
chanson de Gaultier de Garguille.
P. S.
H
(ffaute-Bretagne)
On demande à la vieille ^ i^- /
Quels souliers elle voulait. )
La vieille a répondu :
— Des souliers en peau de chèvre.
Des souliers!
En peau d 'chèvre I
Pour la vieille !
Oh ! (f)
Requinquez-vous donc, la vieille,
Vieille, requinquez-vous donc ! (2)
On demande à la vieille | . .
Quels bas elle voulait. (
La vieille a répondu :
— Des bas blancs s'il y en avait.
Des bas blancs !
Pour la vieille !
Oh!
Vous en aurez, vieille,
Vous en aurez donc,
Requinquez- vous, vieille,
Requioquez-vous donc I
Requinquez- vous donc, la vieille,
Vieille, requinquez-vons donc i
*
1. Arrêt.
2. On se balance deux par deux.
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35ft BEVIJK DES TRADITIONS POPULAIRES
Oa demande à U vieille }
QfmSoà chemise elle voulait ) ^^'
tm ^«ilfa» a répondu :
— Une ciMié» d» calicot s'il y en avait.
- Chemi8»^«^ttQot!
Pour la vieille t
Oh!
Vous en aurez, vieille,
Vous en aurez donc !
Requinquez-vous, vieille, etc.
On demande & la vieille, J . .
Quel jupon elle voulait. ) *'
La vieille a répondu :
— Un jupon d'crin s'il y en avait :
Jupon d'crin !
Pour la vieille !
Oh!
Vous en aurez, etc.
On demande à la vieille, )
Quelle robe elle voulait. ) ***•
La vieille a répondu :
— Une rob' d' satin s'il y en avait.
Robe de satin !
Pour la vieille !
Oh!
Vous en aurez vieille, etc.
On demande a la vieille, i
Quel mouchoir elle voulait. ) *"'
La vieille a répondu :
— Un mouchoir cachmtr* s'il y en avait.
Mouchoir de cachemire !
Pour la vieille !
Qh!
Vous en aurez, vieille, etc.
On demande à la vieille, ) . .
Quel tablier elle voulait, j
La vieille a répondu :
— Un tablier dsoie s'il y en avait.
Tablier d'soie I
Pour la vieille I
Oh!
Vous en aurez, etc.
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 3o9
On demande à la TieiJle, ^ . .
Quel col elle voulait. \
La vieille a répondu :
— Un col piqué sll y en avait.
Un col piqué I *
Pour la vieille !
Oh !
Vous en aurez, etc.
On demande à la vieille, ) . .
Quelle coiffure elle voulait. )
La vieille a répondu :
— Une coiffe brodée s'il y en avait.
Une coiffe brodée I
Pour la vieille !
Oh!
Vous en aurez, etc.
On demande à la vieille
Quel diadème elle voulait.
La vieille a répondu :
-- Un diadème vert s'il y en avait.
t. \ '"
bis
Diadème vert !
Pour la vieille I
Oh!
Vous en aurez, etc.
On demande à la vieille
Quel bouquet elle voulait.
La vieille à répondu :
— Un bouquet à traîne sll y en avait
Bouquet à traîne î
Pour la vieille !
Ohl
Vous en aurez, etc.
bU
On demande à la vieille
Quelle bague elle voulait
La vieille a r3p o ndu :
— Une bague d'or s'il y en avait
Une bague d'or I
Pour la vieille 1
Ohl
Vous en aurez, ete.
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aBO RKVOB DES TRADITIONS POPULAIRES
On demande à la vieille >
Quels jartiers elle voulait ) **
La Tieîlle a répondu :
— Des jartien de dentelles s*il en a^ait.
Jartiers d'dentelles I
Pour la yieilie !
Oh!
Vous en aurez, vieille,
Vous en aurez donc,
Requinquez-Tous, vieille.
Requinquez -vous donc !
Requinquez-vous donc, la vieille !
Vieille, requinquez-vous donc !
Paul Sébillot.
LES ESPRITS FORTS A LA CAMPAGNE '
IV
ILLK-BT-V1LAINB
— Dis-don, ma Perrioe, faudrait que j*ôgîoDS à TEglise.
— Yan, (Oui) moD houme.
— Allons, Jean, viens d'o (avec) nous.
— Ma, jamen ! (jamais). L'Eglise c'est une grand*maison qui nour-
rit trop de faignanls.
Petit dialogue populaire, — Canton de Dol).
Frâ Deuni.
11 y a aussi en Haute- Bretagne une devinette^ dont le mol est
l'église :
Qui n*a ni feu ni cheminée, et nourrit deux fainéants toute Tannée ?
P. S.
III
DAINALT
K la messe, lorsque le prélre chante : « Oremus », les paysans
disent — mentalement s^ntend ^* « gralie tes puces ».
Alfred Haaoc.
!. Cf. t VII, p. 293.
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REVUE DBS TRADITIONS POPULAIRES 361
LES MÉTIERS ET LES PROFESSIONS
LXXXIII
DANGERS DE MÉTIERS
A tradition populaire veut que l'ouvrier qui forgea
le cylindre de la première machine à feu (pompe
à feu) introduite en Belgique pour Tépuisement de
Teau des houillères, soit mort par suite de la cha-
leur à laquelle il fut exposé dans cette opération.
[Doc, et rapp. de la soc. paléontol. et arch. de
Charleroi^ JT, 563 y note).
LXXXIV
LA QAUSSE ET LA BAISSÉ DES SALAIRES
A Tournai, lorsqu'on promet à Touvrier une augmentation de
salaire, il n'attache aucune importance à cette promesse et répond
infailliblement : « A côté de ta bouche ^ ce sera ton oreille, » C'est-à-
dire, il n'y aura rien de changé.
LXXXV
LA VENTE DES MINERAIS DE FER
. La vente des minerais de fer s'opère de la façon suivante.
Le minerai se met en tas à base carrée. La mesure des côtés de
la base, dite vergey et la hauteur dite poignard, sont deux tiges en
fer fort anciennes qui reposent au siège de certaines administrations
communales, où l'on tire le minerai depuis longtemps, telles que
Florenne, Flaire, Morialmé, etc.
Dans plusieurs communes le minerai se vend toujours brut, jamais
lavé. En revanche dans quelques autres villages le minerai est tou-
jours lavé.
Dans le premier cas, on mesure au poignard^ dans le deuxième
TOa XI — NOYIMBM 1896 36
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a62 REVUE DES TRADlTIOiNS POPULAIRES
cas, au Bon Dieu ou au rassis. Le nom de Bon Dieu vient de la trousse
clouée en forme de croix sur le poignard^ pour empêcher qu'on ne
l'enfonce trop en terre quand on le planle dans le minerai pour me-
surer le tas.
{Province de Nàmur.)
LXXXVl
LES OUVRIERS CONGÉDIÉS
A Tournai, lorsque les buresses (lessiveuses) et autres journalières
sont renvoyées d'une maison bourgeoise où elles ont été employées,
elles ont coutume de dire en quittant leur service : « Il faudrait des
bras de fer et une gueule de bois », (c'est-à-dire il faut travailler beau-
coup et manger peu).
LXXXVll
LES VALETS DE FERME
Le 6^ dimanche après Pâques, les valets de ferme, (les varlets, en
Wallon) parcourent au grand galop de leurs chevaux le tour de la
Vierge^ c'est-à-dire le trajet que parcourt la procession d'une statue
miraculeuse de la Vierge, dans la journée.
Cette course effrénée se termine au point de départ, à Téglise,
autour de laquelle les cavaliers effectuent leurs dernières évolutions^
[Deux-Acren^ Hainaui).
LXXXVIU
LES ÉCRIVAINS
On dit en proverbe, à Liège : un écrivain va au diable tout droit.
Le peuple oppose d'une manière générale, l'homme de plume, le
commis, l'employé de bureau aussi bien que le lettré, à l'artisan.
Le c( scrieu » (l'écrivain), est à la fois l'objet d'un certain respect
et d'une grande défiance. Il semble que son devoir soit incompatible
avec la franchise et la droiture : de là le proverbe.
[Bull, soc, liég,, liit, Wall, ,2' série, /. XVII, p. 316),
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REVïJE DES TRADITIONS POPULAIRES ;)08
LXXXIX
LES TISSERANDS
Il faut être dévideur avant de monter sur le métier. (Vieux pro-
verbe du tisserand touruaisien).
A rSaint-Blaise,
Les léheu sont maissfî.
(A la Saint-Blaisc,
Les tisserands sont maîtres).
Saint-Biaise (3 fév.). En vertu de ce dicton dont Torigine est igno-
rée, la plupart des tisserands s'abstenaient de tout travail le jour de
la Saint-Biaise. (Gobert. Les f*ues de Liège^ 1890) •
XG
LES MARCHANDS DE VILLAGE ^
Les marchands de dindons
Dans Tarrondissement de Gharleroi, des marcbands de dindons
parcourent les villages, à la tète de troupeaux composés de plusieurs
centaines de ces volailles. Ge sont de véritables troupeaux, conduits
et dirigés à la façon des troupeaux de moutons.
Ges industriels sont pour la plupart originaires de Ronquières,
où rélève du dindon est la principale industrie locale.
XGI
LES ARRACHEUSES DE POILS
A Molembeck, près Bruxelles, dans le monde des travailleurs, on
donne couramment le nom c< d'arracheuses de poils » aux « èf/ar-
retAses » ou éplucheuses, c'est-à-dire à cette catégorie d'ouvrières,
jeunes filles et femmes mariées, qui préparent les peaux de lapins,
de lièvres, etc., et notamment^ enlèvent les jarres ou gros poils
pour ne laisser que le duvet, qui seul peut convenir pour la
chapellerie. Les ouvrières en matières premières pour la chapellerie
peuvent être classées en deux groupes principaux : les éjarreuses
(arracheuses), et les coupeuses de poils dont le labeur est aussi
pénible et insalubre que faiblement rétribué.
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o64 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
Il y a aussi les monteuses^ les trieuses et les mouilleuses. Dans les
ateliers les éja^Teuses sont assises sur des bancs placés de chaque
côté de tables allongées, elles <( épluchent » à Taide d'un couteau
« ad hoc » les peaux qui leur ont été confiées et qu'elles bnttent au
préalable pour en dégager la poussière.
Le mouvement rapide et continu de la lame frottant sans cesse
contre le tissu de leur corsage, use et déchire rapidement celui-ci,
de sorte que toutes portent, épingle à la hauteur du sein gauche, un
petit plastron en cuir.
Alfred Haroi.
XCII
les CHEFS-^'(EUVRE IMPOSSIBLES
A Troyes, on dit facétieusement qu'aucun compagnon boulanger
pour son chef-d'œuvre, n*est parvenu à faire du pain à trois croûtes.
Louis MORIN.
, XCIII
LES BOUCHERS
11 y a quelques années, les bouchers étrangers à la ville étalaient
leur viande, sur le marché aux Herbes, à Mons. On les nommait
Binchoux, parce que la plupart de ces bouchers venaient de Binche.
(H. Delmotte, œuvres facétieuses^ Glossaire, p. 107).
Lorsque les ménagères se plaignent aux bouchers qu'on leur
donne trop d'os, ceux-ci répondent :
tt Achetez des limaçons, madame, il n'y aura pas d'os. »
(Sigart. Dictionnaire du Wallon de Mons (Hainaut), 1870).
Alfred Harou.
IV
chansons de métiers
La chanson des chiffonniers
A Saiiil-Gouéno A Langourla
11 y en a que trop. *Est là qu*y en a.
Gai, gai, deliron delirette. Gai, gai, deliron delirette.
Ah ! ah ! deliron délira. Ah ! ah î deliron délira.
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 565
A Saint-Gilles,
11 y en a pille (1)
A Mélin
Il n*y en a point.
Gai, gai, etc.
A Tregenètre
Ils sont les maîtres .
Gai, gai, etc.
La Chanson du Pillotous^
C'est le pillotous qui est jaloux, A Trébry
II bat sa femme trois fois le jour, Encore 'emme petit,
Gai, gai, deliron, delirette Gai, gai deliron delirelle etc.
Ah ! ah I deliron délira ; ^ Saint-Glen
A Moncontour ils le sont tous, U y en a tout plein
Gai, gai, deliron delirette Gai, gai, etc.
Ah ! ah I deliron délira. x GoUinée, à la chapelée (3)
A Hénon ^*^' «**' ^^*^-
Il y en a des bons A Plénée
Gai, gai, deliron, delirette - A la rouablée (4)
Ah ! ah ! deliron délira Gai, gai, etc.
Au Gouray
Tout en est net.
Paul Sébillot.
Le Matelot préféré ^
En haut, à la petite fenêtre,
Se trouvait une belle jeune fille.
Un forgeron vint à passer.
« Jeune fille, lui dit-il, voulez-vous de moi ?
(Voulez-vous être ma femme) ?
« Mon, forgeron, noir animai,
<( Retourne à la maison et lave- toi d'abord ».
« Vous ne serez pas mon mari,
« Vous ne serez pas mon mari •».
\. Beaucoup.
2. Chiffonnier ambulant.
3. Plein les chapeaux.
4. A remuer à la pelle.
5. Iraduction littérale du flamand.
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S66 REVUE DES THADlTlOxNS POPULAIRES
En haut, à la petite fenêtre,
Se trouvait une belle jeune fille.
Vint à passer un cordonnier.
« Jeune flUe, lui dit-il, Toulez-vous de moi ? »
« Non, cordonnier, noir comme poix,
M Vous qui tirez tant de fils,
» Vous ne serez'pas mon mari,
u Vous ne serez pas mon mari *>.
En haut, à la petite fenêtre.
Se trouvait une belle jeune fiUe.
Un meunier vint à pasj^er. .
» Jeune fille, lui dit-il, voulez-vous de moi ? »
« Non, meunier, blanc comme farine,
n Vous qui volez tant de petits pains.
• Vous ne serez pas mon mari,
« Vous ne serez pas mon mari •.
En haut, à la petite fenêtre.
Se trouvait une belle jeune fille,
Un boulanger vint à passer.
M Jeune fille, lui dit-il, voulez-vous de moi ? »*
« Non, boulanger, pâle comme la mort,
« Vous qui trompez tant de gens,
« Vous ne serez pas mon mari,
« Vous ne serez pas mon mari »,
En haut, à la petite fenêtre,
Se trouvait une belle jeune fille.
Un matelot vint à passer.
« Jeune fille, lui dit-il, voulez-vous de moi ? »
« Oui, matelot, mon doux amant,
« Vous qui savez veiller et naviguer,
« Vous serez mon mari,
« Vous serez mon mari ! »
[Recueilli à Eccloo, Flandre Orientale),
A. Harou.
Xll [suite)
FÊTES DE MÉTIERS *
En Flandre, la lumière de l'hiver s'allumait pour la première fois à
la Saint-Martin, (10 Novembre) ; les ouvriers commençaient à travailler
1. Cf. i. X, p. 329,
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REVUE DES TRADITlOIfS P0PULA1BBS 567
à la lumière, et chez les artisans, qlii formaient des corporations de
métiers, la dame maîtresse donnait un repas, où Toie, entourée de
lumières, jouait un rôle obligatoire.
A Groningue (Hollande], le lundi perdu est le grand jour d'amuse-
ment des imprimeurs et des relieurs.
(CoREMANS. L Année de r anciennes eigique^ dans les bulletins delà
Commission royale d'histoire VII, 41, 54).
XVII (suite)
PRÉSENTS A CERTAUfES ÉPOQUES
Les inarchands de beurre des environs de Liège offrent à leurs
clients de la ville, la veille des fêles paroissiales, des « Floyon », flan
ou tarte à la crème.
XXiV [suite)
LES ENSEIGNES
Les roues attachées à la porte delà maison ou à tout autre endroit
portent bonheur. C'est pourquoi beaucoup de charrons^ tant Wallons
que Flamands, suspendent aux murs de leurs maisons les roues à
réparer.
Beaucoup de pharmaciens^ tant Flamands que Wallons, ont pour
enseigne une licorne, souvent couleur d'or.
La licorne de mer(zee-eenhoorndes Flamands) s'approchait souvent
des nautonniers et payait de sa vie son imprudence. Sa corne mer-
veilleuse était vendue, fort cher, aux pharmaciens des princes, elle
ranimait les forces du corps^ prolongeait la vie et était efficace en cas
d'empoisonnement.
LXI (suite]
LES CRIS DES RUES
A Liège
Todi pus gros] (Toujours plus gros). Cris des vendeurs de
poissons à la minque (halle aux poissons), à Liège.
[Bull. soc. liég, de litt. WalL 2« série, XVII, p. .5),
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568 REVUE DE^ IHAOITIONS POPULAIRES
LXIV {suite)
REDEVANCES ET POURBOIRES
Il est d*usage dans les briqueteries des enviroos de Bruxelles,
lorsqu'une brigade de travailleurs a atteint le chiffre d'un millimde
briques^ que le patron remette un pourboire à ses ouvriers.
LXXX (suite)
LES VERRIERS
Parmi les verriers des environs de Charleroi (Jumet) l'expression
Jambes de bois sert à qualifier ceux d'entre eux qui manquent de
courage.
Ces ouvriers sont très sensibles à cette injure, expression de
leur plus profond mépris.
ALFRED HaROL*.
USAGES ALSACIENS
II
^^^ Schleithal et dans d'autres communes du canton de Lauter*
^(rl{% ^^"^S ^^*^* comme les gens déterminent la température de
llpjte toute Tannée : la nuit de Noël, ils tracent douze anneaux
r^ dans un grand oignon et sèment du sel dans les ouvertures
(;■) ainsi produites. Les douzes ouvertqres signifient les douze
mois de Tannée. A la fête des Trois Rois, 6 janvier, Toignon ainsi
salé doit donner réponse. Les ouvertures où le sul est resté entier,
indiquent des mois secs et les ouvertures où ils*est fondu, indiquent
des mois humides. Il y a des vieilles gens qui prétendent que ce
baromètre alimentaire a toujours été reconnu juste; cependant Tan-
née présente semble démentir les prophéties de Toignon météorolo-
gique, car il annonçait de la sécheresse pour septembre, et des quinze
premiers jours du mois, il y en a onze qui furent des jours de pluie.
Néanmoins les baromètres à bulbe n'ont pas cessé d'être en usage
dans la campagne alsacienne.
P. RiSTELHCBER.
l. Cf. t. IX, p. 460,
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BEVUE DES TRADITIONS P01»LLA1RES 369
CONTES DE LA BEAUCE ET DU PERCHE
LUOMME QUI NE VOULAIT PAS MOURIR
L y a de cela bien longlemps. Un garçon de
ferme nommé Pierre ne pouvait se faire à son
humble condition ; il ne rêvait que grandeur et
richesses. Il se fit soldat et comme il était assez
courageux, il obtint bientôt un grade et le roi,
rayant remarqué, lui confia le commandement de
son armée.
Il remporta de nombreuses victoires. Le roi en récompense le
nomma son premier ministre. Dès lors Torgueil de notre homme ne
connut plus de bornes.
Les courtisans le voyaient d'un mauvais œil et jurèrent de l'abais-
ser. L'un d'eux eut l'imprudence de lui reprocher sa basse origine ;
Pierre en fut courroucé et obtint du roi qu'il soit enfermé dans un
sombre cachot.
L'ordre fut exécuté ; mais comme onTentraînaitil jette à l'orgueil-
leux parvenu ces mots :
« Tu as beau être puissant, il ne l'en faudra pas moins mourir. »
Ces paroles frappèrent Pierre. « Non, se dit-il, je ne mourrai pas! »
et il prit congé du roi et partit à la recherche d'un pays où l'on ne
mourait pas.
Après avoir longtemps marché il trouva enfin ce pays fortuné.
Aucun des habitants n'y était encore mort depuis la création du
monde. Pierre s'y fixa et il vécut sans soucis.
Il y avait déjà trois cents ans qu'il était dans ce pays lorsqu'un
jour, on vit s'abattre un oiseau si gros qu'il obscurcissait le ciel. Cet
oiseau se nourrissait de sable et de terre, et les habitants du pays
apprirent à Pierre que lorsqu'il aurait mangé tout le pays ce serait
pour eux la fin du monde ; mais ils étaient tous si vieux que la vie
leur était à charge et ils n'appréhendaient point la mort.
1. Cf. t. IX, p. 357.
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570 REVUB DBS TRADITIONS POPULAIRES
Tel n'était point Tavis de Pierre, il quitta aussitôt ce pays et par-
tit à la recherche d'un autre où la vie serait également indéfinie ;
mais où il n'y aurait point d'oiseau pour y mettre un terme.
Il arriva dans une lie où Ton ne mourait point. Il y resta six
cents ans. Et certes il ne pensait pas mourir lo/feque Ips habitants
lui signalèrent un poisson d'une grosseur monstrueuse qui buvait
d'énorme quantité d'eau ; quand il aurait bu toute la mer qui entou-
rait cette Ile ce serait pour eux la fin du monde.
Pierre, effrayé de cette révélation, prit son bâton et partit à la
recherche d'un pays plus favorisé que ces deux premiers. Mais il eut
beau parcourir la terre en tous sens il ne put en découvrir.
Combien il regrettait alors d'avoir quitté l'Ile où les habitants
avaient encore de longues années à vivre avant que le poisson n'eût
épuisé toute la mer !
Il prévoyait que sa fin était proche ; il s'assit tristement sur l'herbe
les yeux fixés au sol. Tout à coup son attention est attirée par la vue
d'une mouche qui se débattait dans une toile d'araignée. Machinale-
ment il enlève la toile et délivre la mouche. Il avait fait cela sans y
penser; sa bonne action n'en fut pas moins récompensé. La mouche se
transforma aussitôt en une fée richement vêtue qui lui demanda de
souhaiter ce qui lui plaira pour sa récompense.
— Je voudrais ne jamais mourir, lui dit Pierre.
— Ce n'est point sur la terre que tu trouveras cela, dit la fée ; mais
je vais te transporter dans une étoile où nous demeurons. Là, on ne
meurt jamais.
La fée le toucha aussitôt de sa baguette et il se trouva transporté
dans l'étoile.
Des siècles et des siècles se passèrent, Pierre était devenu immor-
tel ; mais on s'ennuie de tout, même d'être trop heureux. Il désirait
revoir son village ; il parla à la fée de son désir. Elle s'efforça de l'en
dissuader ; mais, voyant que c'était bien son idée, elle lui donna un
cheval qui devait Ty conduire. Mais surtout, lui recommanda-t-elle,
garde-toi bien de descendre sous aucun prétexte.
Le cheval fendit l'air et bientôt Pierre arrive à son village, mais il
ne put le reconnaître, tellement tout était changé. C'était maintenant
une grande ville et tous ceux à qui il voulut raconter qu'il y avait
demeuré quelque chos^ comme mille à douze cents ans avant eux,
outre qu'ils avaient peine à comprendre son langage, le prirent pour
un fou et le chassèrent.
Pierre poussa le galop plus loin. Il fit alors rencontre d'un char-
retier embourbé qui lui demanda de venir Taider.
« Je n'aurai pas cette simplicité » se dit Pierre, Mais le charretier
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REVUE DBS TRADITIONS rOHULAIRfiS 571
est si iDsinuanl que force lui est de céder ; il met pied à terre et se
met en devoir d aider le charretier.
Ce charretier était la Mort. Elle reprend sa forme habituelle, tan-
dis que sa voiture devient un tas ie souliers.
— Voilà bien du temps que je te cherche, toi, lui dit-elle, mais
cette fois tu ne m'échapperas pas.
Pierre veut remonter sur son cheval, mais il s'est enfui. La Mort
s'apprête à le trancher de sa faux.
— Au moins me diras-tu, lui demande Pierre, ce que sont tous
ces souliers?
— Ce sont tous ceux que j ai usé à te chercher, lui dit-elle et elle
le Iranche de sa faux^
VI
LE DUBLE ET LA CHANDELLE
A l'époque où régliseSa'.nt-Agnan, à Chartres, renaissait de ses
cendres, vivait un homme du nom de Magloire. Il exerçait la profes-
sion de tailleur, et son échoppe était adossée auprès de Tédifice.
Ce bonhomme avait une fille, nommée Colette, de la plus grande
beauté ; elle venait d'avoir dix-huit ans.
Le fils d'un riche drapier, épris de ses charmes, vint la demander
en mariage. Le père Magloire accepta favorablement celte deman-
de ; mais le drapier ne l'entendait point ainsi. Son fils ne s'allierait
qu'à une riche héritière.
Colette en ressentit un vif chagrin ; chaque jour on la voyait
dépérir. Sa mère dut Temmener chez un parent à la campagne où
elle devait rester quelques jours.
Jamais le père Magloire n'avait autant envié de devenir riche. Un
soir, par un temps affreux, il entend frapper un coup sec à sa porte ;
il va ouvrir et se trouve en présence d'un inconnu, vêtu d'écarlate,
et coiffé d'une toque de même couleur; ses habits trempés par la
pluie exhalaient une épaisse vapeur.
• Bonsoir, bonhomme, lui dit-il en le foudroyant de son regard
d'acier ; je viens de roussir mon manteau, tu vas m'y mettre une
pièce, car je dois aller en soirée, »
Le père Magloire prit le manteau, et se mit à chercher dans ses
1. Un conte corse recueilli par Ortoli. Conles de Vile de Corse, n. XXVIJI,
présente de sranden ressemblances avec ce récit. C'est la première fois, croyons-
nous, qa'on l'a relevé dans la France continentale.
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o7â REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
retailles un morceau pour Vy appareiller ; mais aucune étoffe n'était
assez rouge. Il en trouva pourtant une qui approchait ; mais plus il
rognait le morceau plus il semblait s'agrandir, et le fil brûlait à
mesure qu'il cousait. Jamais il n'arriverait à boucher le trou. Enfin
il put, tant bien que mal, mettre la pièce.
a Tu me parais bien maladroit » lui dit le mystérieux personnage ;
ce n'est pas ainsi que tu amasseras une dot à ta fille, et il lui jette
une pièce d'or pour sa peine. Puis il ajoute, en sortant une bourse
qui s'arrondissait à mesure qu'il l'approchait des yeux du bonhomme :
Avec cela tu pourrais la marier ; mais comme je ne donne rien pour
rien, signe moi ce papier, dans un an j'aurai ton â.me.
C'était le diable. Le père Magloire en sursauta sur son établi, mais
pensant à sa fille, il accepta et signa la fatale obligation.
Lorsque sa femme et sa fille revinrent, il leur dit qu'un riche
étranger lui avait fait don d'une bourse pour marier leur fille.
Colette fut bien joyeuse et recouvra la santé. Bientôt la nouvelle se
répandit de la fortune du père Magloire. Le drapier, revenu à de
meilleurs sentiments, vint lui-même demander Colette en mariage.
La noce eut lieu. Mais si chacun s'abandonnait à la joie, il n'en était
pas de même de Magloire qui ne riait que du bout des lèvres.
Le jeune couple vivait heureux et déjà un enfant était né de ce ma-
riage. Le père Magloire eût été lui aussi heureux si le terme fatal
n'eût été là pour le torturer. Il dépérissait chaque jour, hanté
d'horribles cauchemars.
Sa femme, voyant son profond chagrin, lui en demanda un jour la
cause. Magloire s'ouvrit à elle et avoua sa faute.
La mère Magloire était pieuse ; elle n accabla point son homme de
reproches, mais elle alla prier la bonne Notre-Dame de Chartres de
leur preler son appui.
Enfin le délai fatal était expiré. Ce soir-là comme le jour du pacte
maudit, il faisait un temps affreux, la pluie fouettait les vitres et le
vent s'engouffrait par la cheminée en sifflements lugubres. Magloire
attendait avec la résignation d'un condamné. Tout-à-coup la porte
s'ouvre comme poussée par le vent et messire Satanas apparaît.
« Eh bien, dit-il, sommes-nous prêt?»
Magloire se lève d'un bond convulsif. Mais la femme s'interpose et
désignant la chandelle sur la table, c Je ne vous demande qu'une
grâce, dit-elle à Satan, c'est de me laisser mon mari jusqu'à ce que
cette chandelle soit consumée ».
— Volontiers, dit le diable, en s'asseyant ; mais la femme souffla
aussitôt la chandelle et s'enfuit dans la rue. Satan se met à sa pour-
suite, mais ses pieds fourchus le gênent pour couriret la bonne femme
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REVDE DES TRADITIONS POPULAIRES 373
avait de Tavance sur lui. Elle peut atteindre Téglise en réparation et
cacher sa chandelle dans un des piliers.
Le diable, se voyant bafoué, disparut en poussant un cri de rage.
Les maçons enfermèrent cette chandelle dans leur ouvrage. Elle
existe toujours dans un des piliers de Téglise, lequel est marqué
d'une croix.
Vil
M. DE MONTDRAGON *
Le château de Montdragon, situé commune de la Bosse (Sarthe) et
en grande partie ruiné, appartenait autrefois à une famille du mémo
nom.
Un des possesseurs avait fait de grandes dépenses pour Tembellir
et s'y était ruiné. Ses créanciers réclamaient avec instance et mena-
çaient de faire vendre le château.
M. de Montdragon, ne sachant où donner la tête, sortit faire une
promenade dans ses bois. Il fit alors rencontre d'un charbonnier, le
père Mathurin, dont le visage renfrogné Tintrigua vivement.
Qu'as-lu-donc, lui demande-t-il ?
— C'est que, lui dit Mathurin, ma femme est bien malade et j'ai
bien peur de la perdre ; mais vous non plus^ monsieur, vous ne pa-
raissez pas gai.
— Peu t'importe. Mon chagrin et le tien sont deux, et certaine-
ment que ce n'est pas toi qui pourrais me fournir Targent dont j'ai
besoin.
— A savoir, reprend le bonhomme d'un air malicieux, de l'argent,
moi j'en ai autant que je veux; je connais un particulier qui ne m'en
laisse point manquer^ et si vous le voulez bien, je vous l'enverrai
demain sur les deux heures.
Les deux interlocuteurs se séparent alors, mais M. de Montdragon
n'ajoutait guère foi au dire du charbonnier. Il attendit pourtant le
lendemain à l'heure indiquée.
Tout-à-coup un bruit de voiture lui fait mettre la tète à la fenêtre.
Un superbe carosse attelé de deux chevaux couleur feu et conduit
par un cocher, aux cheveux et aux favoris carotte, vient de s'arrêter
à la porte. Un monsieur vêtu de noir en descend, qui demande
M. de Montdragon. On le fit monter à son appartement.
Après avoir foudroyé le châtelain du regard, cet inconnu s'assied
1. Variante du précédent conte et qui se raconte dans le Maine.
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.'i7i REVUB DES TRADITIONS POPULAIRES
et lui dit sans autre préambule : a Vous êtes ruiné, vous voulez de
Targent ! je puis vous en donner autant que vous voudrez, mais à
une condition, c*est que votre âme m'appartienne dans vingt ans,
jour pour jour ».
•— Soit, dit M. de Montdragon, heureux de faire face à ses dettes.
La fortune élut dès lors domicile au ch&teau de Montdragon ; les
coffres du riche seigneur regorgaient d'or et semblaient inépuisables.
Mais les vingt ans prirent fin. Depuis huit jours M. de Montdragon
no dormait plus. Un soir le même carosse, attelé des mêmes chevaux
couleur feu, et conduit par le cocher aux cheveux et aux favoris
carotte, s'arrêtait k la porte du château ; le visiteur en habit noir en
descendit, demandant M. de Montdragon.
M*"* de Montdragon, vivement intriguée de cette visite, vint en
prévenir son mari. « Je sais, dit-il, c'est le diable. Voici aujourd'hui
vingt ans, j'ai fait un pacte avec lui, et en échange de mon àme il
m'a procuré l'aisance qui règne ici ».
M"* de Montdragon aimait son mari, elle résolut de le sauver; elle
alluma une torche déjà en partie consumée et descendit à la rencontre
du visiteur. « Mon mari, lui dit-elle, est en train de faire son testament,
il sera prêt d'ici un instant. Accordez-lui seulement le temps que
durera cette torche ».
— Soit, dit le diable, j'attendrai.
Alors, la dame soufflant la torche, lui dit d'un air de défi : « Vous
attendrez longtemps, car je vais ranger précieusement cette torche
et elle n'est point près d'être consumée ».
Le diable, se voyant joué, entra dans une colère effroyable ; mais îl
était lié par sa promesse ; il prit le parti de s'en retourner, et à peine
élait^il monté en voiture que le cocher aux favoris carotte fouette
les chevaux avec rage. Ceux-ci bondissent à travers la muraille et y
font une brèche énorme et le carosse s'enfonce sous terre.
Cette brèche se voit encore aujourd'hui ainsi fue le précipice.
Tous les seigneurs du château ont vainement tenté de boucher cette
brèche et de combler le précipice. Cne pierre jetée dans ce gouffire
sans fond y roule longuement et disparait on ne sait où.
IX
LKS VOLEIRS DE NAVETS
l/endroit des promenades de Nogent-le-Rotrou, dit le Road-Point,
était autrefois un cimetière. A la Révolution, Téglise Notre-Dame des
Marais fut démolie et le cimetière abandonné.
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REVUB DKS TRADITIONS POPULAIRES 575
Un jardinier utilisait ce terrain pour des semis de navets ; mais
chaque matin il avait à constater les larges brèches qu'y faisaient des
maraudeurs pendant la nuit.
L'idée lui vint de leur faire peur. S'affublant d'un long drap, il
alla se blottir un soir dans le creux de deux fosses et s'y tint immo-
bile. Les voleurs vinrent selon leur coutume et déjà ils avaient fait
ample provision de navets, lorsque le prétendu fantôme se lève en
étendant les bras et d'une voix sépulcrale il s'écrie :
Depuis que ]e suis dans la bière (1),
Je n'ai jamais vu si belle naviëre.
Depuis que je suis dans i*tombeau,
Je n'ai jamais vu de si beaux naviaux.
Les voleurs, croyant voir un revenant, lâchent les navets et s'en-
fuient à toutes jambes. Et jamais plus le jardinier ne les vit revenir
à ses navets '.
Filleul-Pétigny, .
^WW<»W^»>W^«M»
LA MER ET LES MARINS
XVII
LES APPARITIONS
A Kieldrecht (Flandre orientale], sur les rives de l'Escaut, une
gerbe mystérieuse et enflammée, renfermant l'âme d'un navigateur
naufragé et condamné à errer sur la mer, s'élève le soir des profon-
deurs des eaux jusque dans les airs, en prenant toujours sa direction
vers le village de Verrebroeck.
(CoRKHENS, dans le BulL de la commission royale d'histoire^ YIÎ,
124).
Alfred Harou.
i. Certains narrateurs disent :
Depuis que je suis dans Vsomquière (cimetière),
Jamais j nai vu bI belle navière.
Depuis cpie j'suis 'lans l' régiment des mois (morts),
Jamais j nai vu d'aussi biaux naviaux.
2. Cr. t. IX, p. 394, un conte de la Haute-Bretagne où la formule est presque
identique ; mais c'est le voleur qui fait peur au bonhomme.
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576 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
LES METEORES
VIII * {suite)
LA VOIE LACTÉE
§5
N proverbe yorouba, compare les étoiles à des
poussins suivant une poule, la lune, et la voie
lactée est appelée « le groupe de poussins* ».
§6
Au Japon la voie lactée est appelée la Rimère
(Vargent du ciel, et le 7 juillet est considéré
comme un jour de fête parce que ce jour là,
rétoile du berger (Capricorne) el celle de la jeune fille qui file (Alpha
de la Lyre) traversent cette rivière pour venir à la rencontre Tune
de l'autre. A l'origine, d'après un conte japonais, ce furent des pies
qui formèrent le pont sur la rivière d*argent et permirent aux amou-
reux de se réunir '.
§7
En Chine, comme au Japon, la voie lactée est appelée la Rimère
d'argent *.
§8
Dans le pays wallon^ la voie lactée se nomme li tchâssey-romin-n
(la chaussée romaine) ou livoy sin Djâk (le chemin de S. Jacques) ^.
1. Suite, V. t. XI, p. 45. Cet article a été numéroté par erreur XXII au lieu
de VIII.
2. EUis The Yoruba-Speaking peoples. Londres, 1894, in-8, p. 83.
3. W. Elliot Gpiffis, Japanese fairy World. Londres, 1887, in-16, ch. I. The
Meeting of the Star Loves.
4. Cf. St. Julien, Les deux jeunes filles lettrées, tr. fr. Paris, 1864, 2 v. in-12,
t. I, p. 234.
5. Monseur, le Folk-lore wallon. Bruxelles, s. d., § 926, p. 61.
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RE\'I!E DES TRADITIONS POPULAIRES 571
IX
ORION ET LE BAUDRIER d'oRION
§1
Dans rtle de Seeland, le baudrier d'Orion qui est nommé en sué-
dois Friggerock ou Freyerock (fuseau de Freya) est encore appelé
communément aujourd'hui Mariœrock (fuseau de Marie) par suite de
la subsUtution de Marie à Freya *.
§2
« Le D^ Silva Countinho m'a raconté que, non seulement les Indiens
de TAmazone donnent des dénomination^ à un grand nombre de
corps célestes, mais encore qu'ils racontent des histoires à leur sujet.
Ils disent que les deux étoiles formant Tépaule d'Orion sont un
vieillard et un jeune garçon qui chassent une vache fluviale dans un
canot ; sous le nom de Manate, ils désignent une tache noire du ciel,
située près de cette constellation. Tout d'abord, ajoutent*ils, le
vieillard (la grande étoile) était à la proue du canot, tandis que le
jeune homme (la petite étoile), se trouvait à la poupe^ tenant le
gouvernail. Lorsque le vieillard aperçut la vache fluviale, il se trou-
va trop excité pour pouvoir la harponner ; il changea donc de place
avec le jeune homme ' ».
§3
Les trois étoiles du baudrier d'Orion qu'on nomme à Vervins le
Ireurwé (les trois rois), forment, avec l'étoile Rigel une figure qu'on
appelle à Laroche le râteau {H ristê) '.
On donne aussi à Lunéville le nom de Bateau au baudrier d'Orion.
§5
Le baudrier d'Orion est appelé chez les Finnois Wàinàmoinen
miekka (l'épée de "Wœinaemoinen), ou Wàinamoinen Viitake (la faux
de Wseinœmoinen) *.
t. Cf. Rohrusch, Schvoeiierisches Sagenbuch, Leipzig, 18'H, p. 326.
3. F. de Santa-Anna Néry, Folk-lore brésilien. Paris, 188«, in-12, p. 252.
3. Monseur, Le Folk-lore wallon, Bruxelles, s. d., iD-i2, p. 60.
4. Le Kalevala, trad. Léouzon le Duc. Paris, 1879, in«8, l'^* rano, p. 8, note 1.
Ton XI. — IIOVEMBRB 1896. 37
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Îi78 BEVOe DES ÏRADITIONS POPULAIRES
§6
Les Touaregs Azger donnent à Orion le nom d'Amanar^ celui qui
ouvre, et au baudrier d^Orion le nom de Tadjebest n Amanar « cein-
ture d'Amanar » à Rigel, celui d^Adar n elakou « le pied dans la
vase », à Sirius, celui à'Eidi « le chien », c'est-à-dire le chien d'A-
manar.
D'après les uns, Orion {Amanar) sort d*un puils vaseux et Rigel
(Adar n elakov) est le dernier pied qu'il tire de la vase, c'est-à-dire
la dernière étoile qui apparaît lorsque la constellation monte dans
Test.
D'après les autres, Orion [Amanar] est un chasseur ceint de sa
ceinture ; il est suivi par un chien, Sirius (Eidi) et précédé par des
gazelles [Ihenkad) qui sont les étoiles de la constellation du lièvre *.
§ 7
Dans l'ancienne Egypte, Orion portait le nom de Sah *.
X
LES ÉTOILES FIANTES
§i
Chez les Romains, les marins regardaient comme un présage de
tempête la multiplicité des étoiles filantes *\
§2
L'apparition d'une étoile filante fut regardée comme annonçant la
mort de l'impératrice de Russie, Catherine II. On remarqua que la
citadelle et les tombeaux des souverains se trouvaient vers les lieux
où l'étoile avait paru tomber*.
§3
Aux environs de Lunéville, on croit qu'une étoile filante est une
àme qui sort du Purgatoire pour entrer en Paradis. Cette croyance
existe aussi dans les Vosges, entre autres à Saint-Maurice ; mais
1. Duveyrier, Les Touaregs du Nord. Paris, 1864, in-8, p. 424.
2. Pierret, Vocabulaire hiiroolyphique . Paris, 1875, in-8, p. 522.
3. Sénëque, Questions naturelles , L. I, § 1.
4. Masson, Mémoires secrets sur la Russie, Paris, 1863, in^l8 jès. p. 11-12.
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ttEVUE DKS TKADITIONS POPULAIRES 579
TopiDion générale pense que c'est une âme en souffrance qui réclame
des prières. Aussi, si Ton peut dire trois fois, avant qu'elle ne soit
éteinte : Requiescant in pace, on délivre une âme du purgatoire ^
,§*
Au moyen-âge, en Orient, la chute des étoiles filantes était regardée
comme un mauvais présage. D'après le pseudo-Denys de Ïell-Maharé,
on crut que la conquête de la Syrie par les Arabes fut annoncée en
937 (625-626) par des étoiles filantes qui se dîrrigèrent vers le nord,
semblables à des traits*. Une autre pluie d'étoiles filantes, arrivée
en janvier 743, présagea également de grandes calamités ^. Dans
ie même mois, eu 765, ce signe fut accompagné de ta luttte de deux
étoiles qui « sortirent au milieu du ciel et luttèrent ensemble, comme
des hommes qui se combattent ou qui luttent : en combattant, elles
lançaient des traits et descendaient vers l'Orient. Quand celles-ci
descendirent et eurent cessé de briller, toutes les étoiles du ciel
commencèrent à filer sous Taspect de sphères de feu, dans toutes
les directions* ».
§5
C'est encore une croyance répandue en Lorraine, et surtout aux
envrrons de Lunéville, que, si Ton a le temps de formuler un souhait
pendant qu une étoile filante est visible, ce souhait est accompli.
Dans les Vosges, cette croyance est légèrement modifiée : il sufit de
prononcer dans le temps voulu les trois mots : Paris, Metz, Tout : un
dragon apporte aussitôt un diamant dont Téclat fait pâlir celui des
plus riches couronnes ^.
Au mois de septembre, elles aunoncent une heureuse vendange -*.
René Basset.
1. Sauvé, Le Folkrlore àes Baules- Vosges, Paris, 1889, pet. in-8 ç. 196.
2. Chabot, Quatrième partie de la chronique syriaque de Denys ae Tell-Maharé.
Paris, 1895 io-S p. 6 du texte, 5 de la trad.
3. Ihid p. 51 du texte, 46 de la traductloD.
4. Ibid, p. 78-79 du texte, 67 de la traduction.
5. Sauvé, Le Folk-tore des Hautes-Vosges, § 197.
6. ïhid, p. 265.
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o80 REVUE DES TRADITIONS POPLLAIRRS
CROYANCES DES INDIGENES DES ENVIRONS DE
SEDRATA '
Département de Constantine (Algérie)
II
LA HUPPE
^^ A tête d'une huppe ^ enterrée dans un champ de blé ou d*orge
tifft9i fertiliserait ledit champ. Celte même tête de huppe attachée
au cou du bélier d*un troupeau de moutons, fait augmenter
ledit troupeau dans de très notables proportions. Les plumes
de la huppe sont aussi employées par les indigènes pour
combattre Tensorcellement. Ils font à cet effet des fumigations en
brûlant les plumes précitées.
LE LAURIER ROSE ET LE PIN
Ces deux végétaux sont employés par les indigènes pour empê-
cher les gros vers blancs des terres cultivées de manger les grains
ensemencés. Des brauches de laurier rose et de pin plantées de
distance en distance préserveraient les cultures des ravages du
doud (ver blanc).
CHAT ET CHIEN
Les indigènes de la région croient que lorsque le chat se passe la
patte sur le museau, il prie Dieu, et que ses prières n'ont qu'un seul
but, celui d'obtenir la mort de son maître. Quant au chien, ils lui
attribuent des sentiments diamétralement opposés, le brave animal
formerait des vœux pour la prospérité de celui qui le nourrit. D'après
cette croyance le chat serait Tembléme de la fausseté, de la traîtrise,
tandis que le chien serait celui de la fidélité, de la loyauté.
Achille Robert.
1. Cf. t. XI, p. 473.
2. En arabe Tebbib.
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 584
LA SAINT MARTIN
I
ORIGIfîE DE l'Été de la SAINT-MARTIN
Légende liégeoise
E commencement du mois de novembre est souvent
ensoleillé, c'est ce que l'on nomme Tété de saint Martin (la
fête de ce saint tombe le il de ce mois).
A ce propos voici une légende de Tété de saint Martin,
recueillie dans le Luxembourg belge, aux environs de
Marche.
Cette légende se rattache à celle du manteau popularisé par Tima-
gerie religieuse.
c Je n*ai, avait dit le saint au mendiant, ni or, ni argent, mais ce
que j'ai, je te le donne au nom de N.-S. J.-Ch. »
Or, à peine saint Martin avait-il prononcé le nom du Sauveur, que
la nature tressaillit, et à travers les nuées qui brusquement s'étaient
entr ouvertes, resplendit le plus magnifique soleil.
En même temps se fit entendre du ciel, une voix qui disait : Mar-
tin, parce que tu t'es montré miséricordieux pour le dernier des
miens, j ai voulu te donner un avant-goût des joies du paradis. Il
y aura dans l'autre vie un printemps perpétuel pour ceux qui auront
pris soin de mes pauvres ici-bas.
Tel est l'origine de l'été de la saint Martin.
II
COUTUMES DE LA SAINT MARTIN
A Liège, à la S'-Martin (le 11 novembre], les enfants allumaient
des bouts de grosses cordes goudronnées, les faisaient tournoyer en
courant les rues, le soir, aux cris répétés de :
Vivâ ! Saint-Martin î
Qu'à vindou s'cou d'châsse po heure de vin !
Traduit :
Vive Saint Martin
Qui a vendu sa culotte * de chasse pour boire du vin.
Alfred Harou.
i. Cou cUch&88e, culotte courte venant jusqu'aux genoux.
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382 REVUE DES TlUDÏTiONS POPULAIRES
FORMULETTES ET JEUX ENFANTINS
FORMULETTES RECUEILLIES A TROYES
Les yeux verts,
Vont en enfer ;
Les yeux gris,
En paradis;
Les yeux bleus,
Dans les cieux ;
Les yeux noirs,
En purgatoire ;
Les yeux jaunes,
Dans la culotte au père Guillaume.
Petit bonhomme,
Du pain des pommes.
Formulette employée par les enfants, en diverses circonstances
indéterminées et sans autre signification.
Quand des enfants font un échange ou se donnent quelque chose,
ils disent :
Quitte et quitte à la boutique ;
Si tu reprends tMras en enfer,
Si tu ne reprends pas tiras en paradis.
Quand un enfant a donné un objet quelconque à un autre, et veut
ensuite le lui reprendre, ce dernier lui dit :
Quand on donne on ne r'prend plus.
Ou sans ça on est pendu
A la croix du p'tit bossu
Ou
Par la corde du p'tit bossu,
et garde l'objet.
Les enfants s'amusent parfois à répéter mot à mot ce que dit à
côté d'eux un de leurs camarades. Ce dernier, pour échapper à cette
obsession^ lance ce distique :
Tu répètes tout ce que je dis.
Tu mïingeras tout ce que je ch.
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 383
T'as raisoo, moi j*ai pas tort,
Tu cour.h'ras d^ant la porte et moi dehors,
Ou
T'as pas tort, moi j'ai raison,
Tu coucheras d'vant la porte et ojoi a la maisou.
Manière comme une autre de couper court à une discussion.
En été comme en liiver,
Qui quitte sa place la perd. *
Réponse que font les gamins quand, un des leurs ayant quitté sa
place, la trouve prise ensuite.
Comparer avec :
C'est aujourd'hui la Saint- Lambert.
Qui quitte sa place la perd (i).
Formule de serment, — On crache à terre, puis on fait le signe de
la croix en disant :
Croix de feu, croix de fer,
Si je mens, j'irai en enfer.
A l'école, nous mettions sur la couverture de nos livres :
Ce livre est à moi
Comme la France est au roi !
(Je suis allé à Técole de 1871 à 1878).
Les filles mettaient :
Ce livre appartient à sa maîtresse,
Qui n'est ni reine ni princesse ;
Si vous voulez savoir son nom,
Regardez dans ce petit rond (3) .
Et, dans un petit rond à côté du quatrain, figurait' le nom de la
propriétaire du livre.
En faisant une gageure, un enfant dit, en frappant dans la main
de son camarade :
Tapons maios ;
et Tautre répond :
Mon cul sera ton parrain l
Un enfant demande à un autre : « Où que tu restes ? »
— J' demeure dans la rue persil, numéro cerfeuil, escalier de
papier et maison de carton », répond Tinterpellé.
i. Cité par Leroux de Lincy {Livre des Proverbes, I, p. 32) d'après Oudiii,
{ Curiosités françaises ^ p. 494] .
2. Voir R. T, P., 1889, p. 395, et 1892, p. 242, 625 et 115.
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584 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
Quand un gamin demaude l'heure à un aulre, celui-ci répond :
a II est l'heure perdue, la béte la cherche. »
— « L'heure n'est pas perdue, puisque la bête a répondu ! »
réplique aussitôt le questionneur.
Quand un enfant a trouvé un objet quelconque, il chante :
Qu'est-ce qu'a perdu, moi j'ai trouvé,
C'est la bourse à Monsieur V curé ;
Si je r dis trois fois,
Ce sera pour moi.
Après avoir répété cela trois fois sans attirer de réclamation, il
s'attribue la propriété de la trouvaille.
Une variante de la Haute-Bretagne a été publiée par M. Paul
Sébillot {R. r. />., 1892, p. 54).
En voici une de TAube et du Châtillonnais :
Qu'a perdu,
Qu'a IrouTé,
La valeur d'un sou marqué ? (1)
Si je r dis trois fois
Ce sera pour moi !
Tapez derrière,
Y' a des choux verts ;
Tapez d'vant,
Y' a des choux blancs !
Se dit au conducteur d*une voiture derrière laquelle un gamin
s est accroché.
On dit aussi tout simplement : « Tapez derrière ! »
A Chàtillon : « Tapez derrière, la bourrique est devant î »
Les enfants s's^musent parfois à se tirer les paupières du bas pour
en fiiire voir Tintérieur.
Quand ils le font, un autre leur dit : c Ne fais pas ça, ça fait pleurer
la Sainte-Vierge ».
Quand un enfant a une friandise, un de ses camarades lui dit :
— Donne-moi z*en un peu, dis ?
Et si l'autre en donne :
— Non je n'en veux pas : c'était pour voir si tu avais bon cœur.
1. Les sous « marqués » ou « tapés », autrement dit pous parîsis, valaient
quinze deniers ; on appela aussi de ce nom, parait-il, les petites pièces de
biiioD du premier Empire, portant un N sur une de leurs faces. L'allusion qui
y est faite dans notre formulette avait sans doute pour but de faire entendre
que l'objet n'avait pas grande valeur et. ne méritait pas l'attention.
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RBVCB DBS TRADITIONS P0PIJLAIRB8 ^O
Un eafaol monte à Taide de ses bras sur l'épaule de deux
camarades ; si ceux-ci le supportent sans fléchir, c'est qu*ils ont ou
qu'ils mangent « du bon pain ».
Louis MORIN.
II
FORMULETTES RECUEILLIES PAR M. ALPHONSE BAUDOUIN
Extraites de son : Glossaire du Patois de lu forêt de Clairvaux
D*lai loquotte
Pa dessus lai pâte ;
Ein sieau d'eau
Pa dessus le dos !
La Loquotte est un morceau de viande cuite que les enfants allaient
quêter le jour d'un mariage à la porte de la maison où se faisait la
noce en chantant le refrain ci-dessus sur Tair des lampions^ jusqu'à
ce que la cuisinière se montrât.
Des ailouches
Pou mai bouche.
Des ailies
Pou mai mie
Refrain que chantent les gamins en cueillant le premier de ces fruits
iSorbus iorminalis) et en faisant allusion au second [Sorbus mna)^
beaucoup moins agréable.
Chaudrougoia matou.
Qui met lai pièce au loug (à côté) du trou.
Refrain dont les enfants poursuivent les chaudronniers ambulants.
Cul fouetté ai lai lunotte,
J*ai du pain dans ma pochotte.
J'ai du vin dans mon baril.
Crois de par Dieu t'en as menti !
Refrain que les enfants chantaient, sur un air moqueur, à celui de
leurs camarades qui avait été fouetté par sa mère.
Louis MoRIN.
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o8ti REVCJB DBS TBADITIONS POPULAIRES
III
UNE CHEVAUCBÉE
Verdun-sur-Doubs (Saône^et- Loire),
Le grand-père est assis. L'hiver, c'est devant le fagot qui flambe ;
l'été, c'est sur le seuil, aux rayons du soleiL Le marmot grimpe sur
les genoux de l'aïeul, qu'il étreint de ses deux petites jambes, et
se campe là en «graine de cavalier». Alors, il demande à son
« grand » la chanson qui « fait aller •, et le grand père, vrai « papa
gâteau » qui ne sait rien refuser, s'exécute. D'un mouvement
rythmé il fait sauter le bambin, en s'accompagnant de ce couplet
dont les paroles, sans être en musvjue, ont cependant une accentua-
tion croissante tellement vive qu'elle finit par enivrer le garçonnet.
Ecoutez :
A cheval, mon àne.
Pour aller à Biàne (Ueaunc)
Chercher du pain blanc
Pour la mère gan-gao
Qui n'a plus de dents.
Au trot ! au trot ! au trot !
Au galop ! au galop ! au galop !
El souvent un premier voyage ne suflît pas au gamin. Il en récla-
me vite un second, qu'il obtient d'emblée .. sans parler d'un troi-
sième très possible.
Ce couplet n'est pas spécial à Verdun. Je l'ai entendu autre part.
Cependant il doit venir ou de chez nous, ou d'une localité assez
proche. Notre voisinage de Beaunesufïit pour justifier la supposition.
Un soir, sur la place ou joue toute la prime jeunesse, une demi-
douzaine de filleUes se prirent par la main, et formèrent une ronde
en s'en traînant par ces paroles. Mais elles se trompaient pourtant ;
ce rythme galopant n'est point propre à mener une ronde. Seule-
ment, comme aux enfants tout est bon, la ronde n'alla pas moins
son train.
F. Fertiault.
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HEVUB 0B9 TRADITIONS rOPlJLÂlBES 5B7
LE CHATEAU HANTE
LÉGENDE EN PATOIS MORVANDIAl'
"Nn t yaivo en c'temps-lai, un sàtiau hanté que les
A maires aivint été obligés d'aîbandounné ai cause
\ 1 dassaihbats que, toutes las nues, le diabe orgainiso.
j Lai cor et Tgueurné (grenier) étint piens (pleins),
chaque nué (nuit), das ervenantsque v*nint dans lai,
cuisine, mezer (manger), çanter, danser en rond,
autor d'eune grande taible. Totrmondeenaimiolod'peue;on raicouto
qu*ai houme qu'aivo v'iu fére le mèlin en pairiant d'y couicer,
aivô été davitu (dévêtu), foutu diors de son lit et jeté é r'oubliettes.
Çore queurieuse, le gros Linard, que paisso por éle sorcier, âto
p'téte le pu pouéru ; c'que n'empécho pas Tmonde de dire en dessos
que bin das fouais on Tèvo vu rôder autor du sàtiau, tôt chu (seul),
lai nué.
Ain biau zor, un beurzé (berger^ de Tendrel, qu'aivo déjai tué chix
loups, aigaicé por las raicontars das fonnes [femmes), fié Tpairi
d'couicé tou chu au sàtiau. Le màtre du ratiau qu'àto por lai, (par
là) entende Tpairi et Ty preumi cinquante pistolles chî o v'no ai bout
das ervenants qu'aivinl envahi sai maïon. Le beurzé aicceplé ai lai
condition qu'on Ty douneussà du bié nàr, du se et eune toule (tourie,
sorte de vase à huile) d'huile por fére das grèpiaux (crêpes ou
galettes^.
Donc, chu Tcoup d'huit heures, ol se rende au sàtiau el, aiprée
Kaivoir tenu, ol se couissé fcouche) dedans lai pu grande chambre,
où qu'o yaivo eune haute seumnée. 01 s'endreumé (s'endormit) en ran
d'temps.
Las ervenants le laichérent drenmi jusqu'ai maingnué. Au douzième
coup d'sounnerie, l'beurzé fut révoillé por das pas que fiaint craquer
l'plancher. 01 rèlleumé lai chandéle^ fié du feu dans Tàlre, puis
s'metté ai baitte son bié nàr aivec de yau (de l'eau) dans ain grand
creuset en tarre.
Pendiment qu'o travaillo, ain renard que v'not on n'sait por où,
vint s'aichite (s'asseoir) ai côté d'souai en l'y diant :
— Est-ce qu'y peut m'çauffer ain p'so ?
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588 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
— Çaufife lai donc ain gros p'so (peux) chi t'veux, l'y râpouné
l'beurzé sans fére sembiant de rvoui.
Le renard se botté dans Tcaignot (coin), dUai seumméeenTergar-
dant fére.
— Qu'on quHe fâs lai? qu'o l'y dié au bout d'eune minute.
— Y fâs in grâpîau (crêpe) por moi, qu'y dit Tbeurzé.
— Te m'en beillerée-t-y bin ain mouciau? l'y d'mandé le renard,
— Y t'dounneré bin lai poêle ai loicer chi t'veux.
Bit o continué ai haitle sai pâte.
Cinq minutes aiprée, ain deuixième renard vint s'aichite ai côté
du premé, puis ain troisième, un quatrième, un cinquième, un
sivième. Tor ai tor ol Gèrent les moimes questions que Tpreumé au
beurzé quVâpouno auchitôt en baîttant sai pâte.
Dans un coup, un septième renard, pu gros qu'las rautes, sorte de
d'sos riit et vint s'botter pianté chu sas pattes de darré au milieu
de l'ai chambre. Auchitôt, tous las raules v'nérent se mette autor de
souai et, s'peurnant lai queue dans lai gueule, ois (iérént lai ronde.
Le beurzé, sans fére ran voui, n'pardo pas las peutes (vilain, laid),
bétes de vue. 01 mette tote Thuile de lai toule dans lai poêle et,
quand elle coummencé ai çanter, ai potiller (pétiller), ai aqueumer,
ol aittrèpé sai poêle et ol fouté l'huile bouillante chu las renards.
Le gros du milieu, surtout, eu feul inondé.
Un cri coume jenas (jamais) lai voilée d'iai Brouelle n'en aivai en-
tendu^ rasounné dans las récos.. las sept renards aivint dispairu au*
milieu d'un fouro (fourré).
— Bon voyage ! queurié l'beurzé. Puis, airpeurnant sai toule, ol
lié son grapiau tant bin qu'mô.
Le maitin, le mate du çâtiau, qu*aivo entendu l'cri inhumain d'Iai
nué, airrivo ai pas d'Ioup aivec tous las voisins airmés d'gouillards,
grandes serpes), de dards, de sarpes, por voui c'qu'âto d'venu
Tpore beurzé. Ois feurent ran âtounés de Tvoir chu lai porte, beuvant
aine bouteille ai leur santé. 01 leu raiconté l'aiventure de lai nué et,
aiprée aivoir teucé las pistoles preumises et Tpairi, ol se rende
chez Tsorcier por se fére expliquer Tpouvoir das renards. 0 Tlroué
couicé, j'tant das cris ai fende Tâme... Tout son corps n'âto qu'eune
breuleure et, c'qu'àto l'pu drôle, ol empoisounno l'huile de naivotte
(navette) frite.
On en neu l'explication le lend'main en trouant sept piaux d'er-
uards, remplies d'huile dans ain das fossés du çâtiau.
Depiée c'temps-lai, pu jaimâs, au Châtelet, (hameau de la com-
mune d'Arleuf, Nièvre), on n'entende parler d'ervenants.
Jean Coulas.
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
589
RITES ET USAGES FUNERAIRES
XXI
ENVIRONS DE METZ
ussiTOT qu'une personne est morte, ses parents l'appellent
plusieurs fois à haute voix. On arrête Fhorloge, on voile
les miroirs, on jette, hors de la maison, Teauque contien-
nent les vases ; on enlève Ta paille du lit mortuaire qu*on
va brûler à un embranchement de chemins.
Les voisins viennent veiller le mort ', et passent la nuit à manger,
à boire, à causer bruyamment même gaîment. Le cercueil est porté
par les voisins ou voisines, par les garçons ou les fllles, suivant le
sexe ou la condition de la personne décédée.
On pleure beaucoup, on jette de grands cris, surtout au moment
de Tinhumation. Il n'y a pas bien longtemps qu'on donnait le nom de
pleureurs et de pleureuses aux fermiers, fermières, vignerons, vigne-
ronnes qui devaient k Metz accompagner, à sa dernière demeure,
leur maître, comme on disait jadis, leur Monsieu comme on dirait
aujourd'hui. Les hommes portaient un chapeau de forme basse à
très larges bords, entouré d'un long crêpe pendant sur l'épaule. (Les
chapeliers de la ville avaient grand nombre de ces chapeaux qu'ils
louaient généralement).
Après Tinhumation, un verre d'eaubéniteestplacésur lafosse(Méy).
Au retour de la cérémonie, on donne un repas qui débute par une
prière dite à haute voix par un des convives.
Ce sont là encore presque les funérailles des Romains ; nous y
retrouvons en effet, la conclamation, la veillée, les pleureurs, le
repris et même jusqu'à un souvenir de Tincinéralion.
AURICOSTE DE LaZARQUE.
1. Cf. t. XI, p. 312.
2. A &]etz, c'étaient les Augustins, les Carmes anciens et les Sœurs Collettes
oui étaient depuis bien longtemps chargés de ce soip; ils assistaient en outre à
1 enterrement. Ces religieux s'en affranchirent en 1664.
{^rchiw9 municipales, Registre de la ckamhre de police, Délibér. du 13 juin
1664, f. 87.
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590 R EVITE DES THAlirriONS POPl'LAIRES
XXII
DANS LE HAUT-MORVAW
Comme dans les temps antiques le cerceuil est porté au cimetière
sur les épaules par les voisins et amis du défunt. Après la cérémonie
les porteurs vont à l'auberge se réconforter avec la générosité^ faite
par la famille. On appelle cela manger le fromage. Si c'est une per-
sonne laissant un héritage, un célibataire par exemple, la générosité
est plus forte. Et j'ai pu voir encore actuellement à Arleuf (Nièvre)
la cérémonie commencée par le deuil et les pleurs, finie par des
chants et des réjouissances licencieuses et des coups de poings
avec blessures graves, dignes de véritables brutes.
A Coraucy, près Chàteau-Chinon, lorsque l'on vient de jeter Teau
bénite à un mort on a Thabitude de se laver les mains. On donnait
aussi dans d autres communes à ce moment une bouteille de vin au
curé avec un pain blanc, et le vase à eau bénite était déposé sur la
fosse.
H. Marlot.
LA MORTE RESSUSCITÉE
III
Le rectification de M. Hedwige Heinecke est parfaitement exacte.
Ce n'est pas Aix-la-Chapelle que j'ai voulu nommer, mais bien Colo-
gne. C'est un « lapsus calami ».
Alfred Harou.
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES S9i
BLASON POPULAIRE DE LA BRETAGNE
ADDITIONS
N trouve des blasons populaires de la Bretagne dans Bri-
zeux, Sagesse de Bretagne^ dans F.-L. Sauvé, Lavarou Koz^
qui ne se sont occupés que de la Bretagne brelonnante. Le
Blason populaire de France y par H. Gaidoz et Paul Sébillot,
contient 63 blasons empruntés aux sources ci-dessus, à
divers auteurs, et k la tradition orale. J'ai publié dans la Revue de
Linguistique, t. XIY et XX, le blason de 62 localités de Tllle-et- Vilai-
ne, et de 98, des Côtes-du-Nord. (Tirage à part. Maisonneuve, 1888,
in-8) ; La Revue des Traditions populaires a donné t. VIII, p. 548,
t. IX, p. 650, t. X, p. 668, d'autres blasons de nile-et-Vilaine, t. VI,
p. 368, 648, de blasons de la Loire-Inférieure. Ceux que je donne
ci-après ne figurent dans aucun de ces recueils.
DEVISES DE NOBLESSE
Antiquité de Penhoet
Vaillance de Chastel
Richesse de Kerman,
Chevalerie de Kergournadec.
(Leroux de Lincy. Le livre des Proverbes],
DICTONS. SUR LES BRETONS
— En Bro-Isel pa nen dan tud devahin a laquan.
Si les Bas-Bretons ne me voient pas chez eux, ils y trouveront au
moins la santé.
(Ane. proverbe cité par Cambry. 27).
— Gallezed vrein
Sac'h ann diaoul war hu c'hein.
Galesses pourries*, — Le sac du diable sur votre dos.
(Lanvollon. Communiqué par M. d'Armont.)
1. Femme du pays gallo.
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592 REVUE DBS TRADITIONS POPULAIRES
GÔTBS-DU-NORD
— Pa dezi ar Saôzon éCar Pors-Gwenn,
Ha c*héï ar mot ebars ar lenn.
Quand l'Anglais débarquera au Port-Blanc — la mer pourra se re-
tirer dans le Lenn (petite baie séparée de la mer par une digue).
— Kannonio Porz Gwenn ha re Vrest
Ha gass ar Saôz da glask he rest.
Les canons de Port-filanc et ceux de Brest — mettent TAnglats
en déroute.
— A dalek Treoger d^ar Porz-Gwenn,
Bikeu ar Saozon na dremenn.
Entre Triagoz et le Port-Blanc — l'Anglais ne passera jamais.
(Pleubian^ canton de Lézardrieux).
P. S.
«W^lW^^I »^< li<»»M»»%^MM<»»»^<»
LA CHANSON DES NAINS
SONN EUR GORNATVDOUNEN
Pays de Tréguier
Gant mm doumik el ridellan.
Gant eun ail e Vamatzan
Tripe da loupe va hano-mey
Warc'hoaz ema va eured-me,
Da riskeman.
Avec une petite main je sasse, — avec une autre je tamise, — Tri-
ple-Galop est mon nom, — demain ont lieu mes noces, — elle est
à passer (la farine).
Dans le pays de Tréguier cette petite chanson est chantée par les
femmes qui sassent de la farine, et plus souvent encore quand elles
font sauter leurs enfants sur leurs genoux.
G. Le Calvez.
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BEVUE DES TKADITIONS POPULAIRES SO^'Î
LEGENDES CONTEMPORAINES'
VI
SIDI MOHAMMED EL GRAB ^
^^^C ANS la mecheta Gourzi du douar Méida de la commune mixte
vCJf^ de Sedrata, se trouve uae grande famille arabe ne compor-
C^ÇgW tant pas moins de cent cinquante personnes, qui est connue
^^^ sous le nom de Haddadine (forgerons). Presque tous les
\^ membres de cette famille sont cultivateurs cependant, il en
est quelques-uns qui exercent encore la profession de leurs ancêtres.
Indépendamment de la tradition relative au métier de forgeron
exercée par Sidi Mohammed el Grab, de qui descendraient tous les
Haddadine du douar Méida, on raconte à son sujet une légende
dont il fut le héros et qui lui valut le surnom d'El Grab.
Sidi M'hammed el Grab exerçait la profession de forgeron sous le
fameux Salah bey, qui régna à Conslantine de 1771 à IH^o.
Ce bey était un musuloKin très pratiquant et doué en outre de
nombreuses qualités, il apporta de sérieuses réformes dans l'admi-
nistration et construisit de nombreuses mosquées et zaouïas pour
servir de refuges aux pèlerins. Aussi est-il encore très populaire chez
tous les musulmans du département de Constantine et une certaine
quantité de faits plus ou moins extraordinaires lui sont-ils attri-
bués.
Sidi Mohammed el Grab était donc un forgeron qui ne manquait
pas d'habileté. Un jour ayant réussi à se procurer de la poudre d*or
il en vendit un peu à. un juif de sa connaissance.
Le juif ayant avisé le bey Salah de son acquisition, ce dernier dési-
ra aussitôt s*approprier à bon compte le précieux métal possédé par
Sidi M*hammed. Pour cela, il résolut simplement de faire disparaître
Sidi M'hammed en l'enfermant dans un sac et en le précipitant, tout
comme les femmes adultères, du Kef Chekara (Rocher du saci ** dans
le Rumel .
Sidi M'hammed, qui avait pris le titre de marabout et jouissait déjà
1. Cf. t. XI, pages 316, 425.
2. El Grab (corbeau).
3. Ce rocher est situé près de l*arsennl de Constantiue.
TOMB XI. — NOVBMBRB 1896. 38
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f)94 nKVI'K DKS TRADITIONS POfULAlRFlS
(l*une certaine notoriété, demanda au bey de lui laisser au moins une
main libre dans laquelle il tiendrait son b&ton.
Celle demande fut accueillie favorablement par le bey Salah, et
Sidi M'hammcd fut alors introduit dans un sac ayant seulement au
dehors une main tenant un bâton.
Les bourreaux turcs le projetèrent du haut du Kef Chekara dans le
vide, mais à ce moment on aperçut sortant du sac un corbeau qui
s^enfuil d'un vol rapide, c'était Sidi M'hammed qui par son pouvoir
de magicien avait réussi à se transformer en corbeau.
Le corbeau après avoir franchi une distance de six kilomètres,
s'arrêta, et Sidi M'hammed reprit alors sa première forme. 11 frappa
ensuite le sol de son bâton et un palmier poussa subitement.
Salah bey ayant appris la transformation de Sidi Mohammed et le
le miracle du palmier, voulut voir le fameux marabout. Il le fit venir
dans son palais et lui demanda de lui démontrer sa puissance ma-
gique.
Sidi M'hammed ne se fit pas prier et ayant touché le bey de sa
baguette, ce dernier fut immédiatement transformé en femme et
quelques instants après il reprenait son état primilif.
Salah bey enthousiasmé reconnut alors le pouvoir, la sagesse, la
science de Sidi Mohammed et lui demanda ce qu'il désirait obtenir.
Sidi M'hammed ne lui formula qu'un seul désir : celui de ne plus
payer d'impôt et d'étendre la mesure à ses descendants.
Salah bey accorda ce qui lui était demandé et conslruisit en outre
à ses frais une mosquée près de Constantine en l'honneur de Sidi
M'hammed el Grab.
Celte mosquée est encore le but d'un pèlerinage qu*effectuent
annuellement à l'automne les habitants de la fraction Iladdadine de
Méida.
Achille Robert.
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REVCJE DES TRADITIONS POPULAIRES o9o
LES VILLES ENGLOUTIES
CCIII
l'église de buhlow
{Poméranie)
/^^ ANS les environs de Rûhlow, dans un endroit assez pauvre en
'iviÇ^il eau, il y a deux petits étangs, toujours remplis, môme en été
lorsque Teau a disparu des puits et des fossés. A la place
d'un de ces étangs qui mesure environ cent mètres carrés,
il existait autrefois, une église avant qu'on eût construit
celle de Gust, et le jour du vendredi-saint, on entend encore sonner
les cloches au fond de Teau -.
CCIV
LE CHATEAU DE ROLLINGEX
(Luxembourg)
Dans la grande forêt près de RolUngen existait autrefois un chA-
teau qui dans la suite fut englouti dans le sol. Chaque nuit le pos-
sesseur de ce ch&teau sort pour garder son gibier. 11 a deux grands
chiens et chasse toute la nuit ; on l'entend crier à ses chiens : tut,
lut».
CCV
LE LAC DE BIWA
(Japon)
Autrefois remplacement du lac actuel de Biwa était une plaine
bien cultivée où le riz poussait en abondance. Une nuit, ë, la suite
d'un cataclysme, la plaine s'engloutit et un lac s'y forma, tandis
1. Suite, V. t. IX, p. 430.
2. (). Knoop, Volkssagen ErziMunffen, Aberglauhen, Cebrùuche und Marchen
au8 dem Ôstlichen Hinterpommerriy Pojien, 1885, in-S, § 247, p. 118.
3. Gredt, Sagenschatz des Luremburger Landes^ Luxembourg, 1885, in-8,
§ 301, p. m.
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o96 REVUE DES TB EDITIONS POPULAIRES
qu*auprès se dressait subitement le pic de Fouji. La légende est
muette sur la cause de cette catastrophe K
CCVl
LE CnATEAU DE BEREÎ^D
{Ltixembourg)
Entre Hellerich et Leudelingen, on voit une excavation ayant la
forme d'un carré : c'est là que s'élevait autrefois un château célèbre
pour sa splendeur. Le maître du château avait une nombreuse suite
d3 serviteurs, mais il les traitait si mal qu'ils abandonnaient bientôt
son service avec toutes sortes de malédictions. Le maître n'en avait
cure, mais un jour un orage effroyable éclata : le jour devint obscur,
les éclairs déchirèrent l'air, un coup de tonnerre se fit entendre suivi
d'un craquement si fort qu'il semblait;que le monde allait se déboiter.
Quand l'orage s'apaisa, le château avait disparu englouti dans la
torre *.
CCVH
LE CHATEAU DES GÉANTS A KARLSBURG
( Transilvanie)
A l'endroit 0(1 existe aujourd'hui la ville de Karlsburg, s'élevait
une autre forteresse bâtie et habitée par des géants. Ils étaient si
grands que pour un repas, chacun d'eux avait besoin de trois quar-
tiers de grains, et leur charrue traçait un sillon où on aurait pu
semer quatre quartiers. Quand la race humaine actuelle apparut,
presque tous les géants disparurent : une petite partie s'était retirée
dans la forteresse mais, avec le temps, celle-ci fut engloutie avec
tous ses habitants '.
CCVHi
LE MONDSEE
[Haute^ Autriche)
Une tradition rapporte qu'à l'endroit où se trouve aujourd'hui
le Mondsee, on voyait une colline surmontée d'un château entouré
1. W. Elli<>t GriflBs, Japanese fairy worldy Londre?, 1887, pet. ip-4, p. 210.
2. Gredt, Sagenschalz des Luxemburger Landes^ p. 68U.
3. MQller, Si'ebenbUrgische Sagen, Vienne et Heirnann«tadt, 1885, in-8, §6, p. 7.
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REVUE DKS TRADITIONS POPULAIRES 597
de prés et de ohamps magaifiques. Là dominait un seigneur avare
et impie : « Une nuit la Vierge Marie apparut au curé de Tendroitct
lui dit d'avertir les paysans de quitter le village, car la colère de
Dieu était suspendue sur ces lieux. Le prêtre obéit et le lendemain
on put voir tous les habitants s en aller, emportant toutes leurs
choses précieuses et s'arrêter plus loin, là où est aujourd'hui Mond-
see. Le châtelain, considérant du haut de son burg cet exode, n'eul
pas assez de moquerie pour ces niais et ces poltrons et passa toute
la journée dans Torgie avec ses compagnons de débauche. Mais voici
que, le soir, des nuages s'amassèrent au-dessus de la vallée, et un
orage épouvantable ne tarda pas à éclater ; de plus en plus violent,
il arriva bientôt au-dessus du manoir maudit ; ses habitants, cepen-
dant, ne se laissèrent pas troubler par les coups menaçants du ton-
nerre ; mais soudain, un éclair plus effrayant que les autres le
frappa cl l'enflamma; en même temps le sol trembla et se fendit, cl
l'on put voir le burg embrasé s'abimer avec la plaine environnante,
tandis qu'utie eau jaillissant des entrailles de la terre remplissait
subitement toute la vallée. Encore aujourd'hui, quand le temps est
resté longtemps sec et qiic le lac a baissé, on peut, dit la légende,
apercevoir sous les ondes les restes du clocher de l'église ». Comme
le fait remarquer M. Marguillier, cette légende peut avoir son origine
dans l'existence d'une ville lacustre emportée par la tempête : hypo
thèse d'autant plus vraisemblable que Mondsee était une ancienne
station lacustre et qu'on y a trouvé une collection d'objets remontant
à 3.000 ans au moins *.
CCIX
LE PUITS PRÈS DE AÏN TAIBA
{Sahai*a algérien)
Au sud de Ouargla, à deux cents mètres de Aïn Taïba « existe un
vaste entonnoir, depuis longtemps à sec, et en partie comblé par le
sable. Les indigènes raconte à ce sujet une légende qui mérite d'être
rapportée.
« Jadis, il n'y avait en cet endroit qu'un seul puits où Teau se
trouvait en abondance. Près du puits, un Cha'anbi s'était installé
avec sa femme et ses enfants pour faire paître ses chameaux. Un
jour, un marabout, revenant de la Mekke, épuisé de fatigue et de
besoin, vint se présenter à la porte de sa tente et lui demanda l'hos-
!. A. Marguillier, A travers le Salzkammergut^ Tour du Monde, nouvelle
série, lr« année, t. I, 1895, p. 254,
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398 REVUE DES THAD1T10N8 POPULAIRES
pilalité ; brutalement repoussé, le saint homme fut contraint de
continuer son voyage, et s'éloigna, non sans appeler la colère céleste
sur la tête de Tinhospitalier Cha'anbi. Aussitôt, up ouragan terrible
s'éleva^ soulevant d'épais nuages de sable et dispersant à travers le
désert les chameaux du Cha'anbi. Celui-ci s*élança à leur poursuite
et chercha à les rallier, mais à son retour, il ne trouva plus, k l'en-
droit où s'élevait sa tente qu'un gouffre profond qui s'était ouvert
subitement, engloutissant sa femme, ses enfants et tout ce qu'il
possédait, et au fond duquel apparaissait une couche d'eau pure et
tranquille. L'ancien puits était comblé parle sable » K
CCX
LES LACS RISTONIS ET APUNITIS
{Thrace)
Au rapport de Strabon *, les lacs Bistonis et Aphnitifi submergè-
rent jadis différentes villes, attribuées par les uns à la Thrace et par
les autres au pays des Trères.
CCXl
LE LAC COPAIS
[Grèce]
D'après Strabon, les deux villes d'Arné et de Midée, qui existaient
au temps d'Homère, car il les mentionne dans V Iliade (II, 507), furent
englouties par le lac Copaïs '.
CCXII
LE LAC DE ZELLERSEE
[Haute- Autriche)
Le lac de Zellersee, qu'on appelle aussi Jungfernsee, aurait, sui-
vant la légende, englouti un village avec un château que possédaient
deux sœurs, l'une bonne, l'autre méchante qui se moquait de tout,
même des avertissements d'en haut *.
René Basset.
1. Brosflelard, Voyage de la mission FlaUers, Paris, 1883, in-16, p. 86.
2. Géographie, t. I,'ch. 111, § 18 (6d. Meineke, Leipzig, 1866, 3 vol. in-12, t. 1,
p. 77-78).
3. Géographie. 1. I, ch. III, § 18, (t. I, p. 77).
4. A. Marguillier, A travers le Salzkammergut, Tour du Monde. Nouvelle série,
l»-» année, t. I, 1895, p. 254.
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KEVIE DBS THADITIOMS POPULAIRES
3y9
CONTES DE LA HAUTE-BRETAGNE
Contes comiques (suite)
XLl
LE BEAU LIEVRt:
L y avait une fois uu homme qui attrapa un beau
lièvre.
— Ah ! le beau lièvre ! s'écria-t-il, je vais tâcher
de me procurer de Tagrément avec lui.
Il entra dans une auberge, et Thi^tesse en le
voyant s'écrie :
— Ah ! le beau lièvre ! voulez-vous me le vendre ?
— Oui, si vous voulez me donner à manger mon content de viande.
— Volontiers, répondit Thôlesse, qui mit devant lui un plat.
L'homme Texpédia en un clin d^œil, puis il dit à Thôtesse.
— Donnez m'en encore trois ou quatre comme cela; je pense que
cela suffira à me contenter.
— il faut le mettre à s'en aller, pensa l'aubergiste : son lièvre
nous coûterait plus cher qu'au marché.
— Bonhomme, dit-elle, reprenez votre lièvre et vous en allez.
L'homme entra chez un marchand de vin qui s*écria :
— Ah ! le beau lièvre ! voulez-vous me le vendre !
— Oui, répondit-il, si vous voulez me donner à boire mon content
de vin.
— Volontiers, dit le marchand, qui posa devant lui une bouteille
de vin.
L'autre la vida d'un trait et dit :
— Apportez m'en d'aulres ; avec cinq ou six autres bouteilles, je
pense que j'aurai mon content.
Cet homme, pensa le marchand de vin, boirait plus que son
gibier ne vaut.
— Bonhomme, dit-il, reprenez votre lièvre et vous en allez.
L'homme continua sa route et passa devant la maison d'une belle
dame.
— Ah ! s'écria-t-elle, le beau lièvre ? voulez-vous me le vendre ?
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6U0 REVUE DES THADITIONS FOPULAlHES
— Oui, répondit-il, si vous voulez me laisser vous embrasser mon
content.
La dame y consentit, comme depuis une demi-heure il ne cessait
de Tembrasser, elle lui dit :
— Allez-vous en, mon mari va revenir.
— Ah I non, dit-il, il faut que je vous embrasse mon content.
— Non, répondit-elle, reprenez votre lièvre et vous en allez.
Le mari de la dame était un chasseur, il s'en revenait de la chasse
sans avoir rien tué, quand il rencontra Thomme au lièvre.
— Ah! s'écria-t-il, le beau lièvre ! voulez-vous me le vendre?
-Oui,
— Je vous en offre cinq francs.
— Cinq francs, soit ; mais à la condition qu'à chaque personne que
vous rencontrerez, vous direz : « Vous vous en souviendrez du liè-
vre. »
Le chasseur s'arrêta à Tauberge, et Thôtessie lui dit :
— Ah I monsieur, le beau lièvre ! la belle chasse que vous avez
faite ! .
— Oui, répondit-il, vous vous en souviendrez du lièvre î
— Ah ! la vilaine bêle! c'est elle qui est cause que tantôt un gour-
mand a eu un plat pour rien.
Le chasseur poursuivit sa route, et entra chez le marchand de vin :
— Ah ! monsieur, le beau lièvre ! la belle chasse que vous avez
faite !
— Oui, répondit-il, vous vous en souviendrez du lièvre !
— Ah ! la vilaine bête, c'est elle qui est cause que tantôt un ivro-
gne a bu pour rien une bouteille de vin.
Quand il rentra chez lui, la dame s'écria :
— Ah ! le beau lièvre, la belle chasse que tu as faite !
— Oui, répondit-il, il vous en souviendra, du lièvre !
— Ah I dit-elle, il ne m'a embrassé rien qu'un petit peu.
Quand le monsieur entendit cela, il se mit en colère à son tour et
s'écria :
■ — Ah ! la vilaine bête ! elle est cause que ce vilain bonhomme a
embrassé ma femme.
[Conté en i 881 ^ au château de la Saudraie par Jeanne Daniel, de
Saint^Glen).
Paul Sébillot.
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KËVUE DES TKADlTfOISS rOPULÂJRES 60i
SUPERSTITIONS DE LA SAINT-ANDRÉ
IV
Poméranie
A charmanle nouvelle de M"**" Dhielkie, la nuit de SainU
André publiée dans le Journal illustré des Dames repose sans
1^ doute sur une superstition du pays de l'auteur, la Poméra-
nie.
Voici à peu près le sujet :
Une jeune servante, Tine (abréviation de Christine) aime en secret
son maître, le beau Hans Palzig qui ne fait nulle attention à elle ni
à une autre femme ; c'est un grand naïf. Tine, tourmentée par son
amour, va demander conseil k une vieille femme du pays pour qu'elle
lui montre son futur dans son miroir magique.
— Mon miroir est cassé, lui répond celle-ci ; mais contre un peu
d'argent je te le dirai comment il faut faire pour trouver mari ».
Tine lui donne son argent et part toute émue de ce qu'elle a appris
sous le sceau du secret.
Le beau Hans à son tour, sommé de se marier et assez disposé à
le faire va, sur Tavis de son père, prendre conseil du pasteur, qui,
aimant beaucoup à faire le bonheur de ses communiantes, lui pro-
pose à trois différentes visites les plus riches, les plus belles et les
plus vertueuses filles du village. Comme aucune ne plait à Hans, le
pasteur rudoie le grand nigaud à sa quatrième visite et lui crie :
— Va t'en et ne reviens plus, tu ne trouveras jamais de femme à
moins que Dieu ne te la donne en dormant !
— « Ah ! monsieur le pasteur, ce serait bien aimable à lui ! »
répond Hans pendant qu'on le met à la porte.
La nuit de Saint-André est venue, Tine, sur les conseils de la
vieille femme, se pare dans sa chambre d'une robe fraîche, met des
souliers neufs, arrange ses beaux cheveux noirs et tire de son tiroir
un mignon voile blanc et une couronne de myrtes achetés sur le
reste de ses économies. Elle prend en soupirant deux chandelles
neuves, les fixe sur une planche de bois faute de bougeoirs et sur le
coup de minuit elle les allume, elle attache sur ses cheveux son
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ft02 HKVUK DES TKADITIONS POPULàlBES
voile et sa couronne, répand devant son lit une poignée d'avoine et de
lin s'agenouille dessus et dit :
Je sème Tavoiiie et le iin
Pour appeler mon bien-aimé ;
Comme il était dans le jour
Tel il doit maintenant paraître 1
Puis, vôtue en ûancée, elle se couche pour atleudre ; mais le
temps passe, personne ne vient, ses yeux fatigués se fermcut
malgré elle, et elle s'endort doucement.
Le père Patzig, au contraire, ne peut trouver le repos, il s'agite,
s'impatiente et finit par se lever pour faire un tour h l'étable.
A peine arrivé Uans la cour, il sent une forte odeur de fumée et.
levant le nez en Tair, il voit qu'elle s'échappe de la mansarde de sa
servante où les chandelles basses avaient entamé le bois de la table.
11 court réveiller son fils, lui criant que le feu a pris dans la chambre
de Tine et qu'il va chercher du secours au village.
Hans se frotte les yeux et se demanda s'il a bien compris? Cepen-
dant il s habille, maugréant contre cette Tine négligeante qui trouble
son sommeil. Il monte eu tâtonnant le noir escalier qui mène à sa
chambre, et ne sait s'il doit donner cours à sa colère tm à sa pitié car
l'idée qu'une brave fille aussi belle et laborieuse que Tine pourrai
mourir brûlée le remplit d'une grande pitié ! Arrivé à sa chambre,
il pousse la porte, une fumée noire l'enveloppe et menace do l'étouf-
fer ; déjà la ttamme lèche le bois de la fenêtre et à sa clarté il aper-
çoit une forme inerte étendue sur le lit, il l'emporte dans ses bras.
Une servante plus avisée que lui le rejoint sur le palier avec une
lampe allumée, et tous deux sont fort perplexes en apercevant Tine
parée comme une mariée qui toujours repose dans les bras de Hans.
L'air frais la fait revenir à la vie, elle ouvre les yeux et, se voyant
dans les bras de son aimé, elle murmure :
cr Cher Hans, te voilà enfin ! »
Les voisins se sont rendus maîtres du feu facilement. Le pasteur
et la vieille bonne femme ont eu raison tous les deux. Dans la nuit
de Saint-André Tine a trouvé son futur et Hans a pris pour femme
celle que Dieu lui avait envoyée en dormant.
Hedwige Heinkcke.
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IlEVUK DES TIIADITIONS rOPtlLAIBKS 603
BIBLIOGRAPHIE
Braulio Vigon. Juegos y Rimas infantiles recogidus en los concejos
de Villaviciosa, Coluntja y Caravia. Villaviciosa, imp. de la
Opinion, in-18 de pp. IX-167 et 7 pp. non chiffrés.
Le chapitre premier traite des jeux et umusette» destinés aux enfants des
deux sexes. Âgés de moins de quatre ans ; od y trouve plusieurs variantes de
jeux connus en France, entre autres du geoou qui sert de cheval, des jeux
des doigts, etc. Vienoeut ensnite (ch. Il; les jeux communs aux enfants de Vun
et de l'autre pexe âgés de plus de quatre ans. .La main morte, les pigeoDo, les
cloches, cache-cache, avec de nombreuses formulettes etc.); cette section com-
prend la description de 39 jeux. Les jeux des 611es âgées de plus de quatre ans
forment le troisième chapitre, l'un des plus riches en pièces rimées. Vingt-
neuf divertissements de garçons de plus de quatre ans occupent le chapitre IV.
Dans de très intéressants appendices, M. B. V. donne un nombre considérable
de formulettes et de rimes enfantines, un inventaire descriptif des joujoux que
fabriquent les enfants, des formules d'élimination, quelques jeux d'adultes, et
des pénitences de jeux, et enfin uu petit glossaire des termes du dialecte astu-
rien employé dans le cours de Touvrage. L'auteur a donné d'assez nombreuses
références aux jeux similaires de l'Espagne, du Portugal et de quelques autres
pays néo-lalins. Ce recueil sera bien accueilli non-senicment par ceux qui
s'intéressent à la partie du fotk-lore qui y est traitée, et bien traitée, mais
encore par ceux qui, comme nous, regrettaient de voir interrompu le beau
mouvement d'études tradilionnistes dont le regretté Machado y Alvarez fut le'
promoteur. M. B. V. tiendra sans doute à compléter son exploration asturienne,
quand il aura terminé le glossaire qu'il fait paraître dans un journal local, par
la publication d'un recueil de contes asturiens.
P. S.
Pol de Mont et Alfons de Cock. DU zijn Vtaamsche WoH'
dersprookjes hei volk naverield door, (Contes .merveilleux,
flamands). 296 p. in-S. Cent, A. Siffer. 1896, Prix fr. 200.
Voici des anciennetés populaires, des vieilleries pittoresques et lourdement
flamandes, des légendes grises et poussiéreuses. Voici tout un monde fabuleux
et féerique, toute la splendeur déployée par Timagination rêveuse des Flandres
calmes et simples. C'est la bouche des vieilles gens de foyer qui parle, dos
bonnes grand'mères courbées et des grand-papas ridés — toujours banalement
les mêmes, et toujours beaux malgré leur étrange banalité. Moi, quand je lis
l'histoire de ces mille princesses blondes et de ces mille princes amoureux, je
vois Its grandes cheminées flamandes à cape, j'entends dans l'àtre craquer des
bûches sèches, et, derrière la porte, le vent hurler sa plainte automnale...
MM. De Cock et De Mont ont, à mon avis, fait œuvre utile et œuvre agréable. 11
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604 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
fallait UD livre qui réunît ces vieilloteries croulantes et racontât ces contes tout
simplement comme on les racontait autrefois, au coin du feu. Point n'était
besoin de Heurs de rhétorique ou d'afféterie pédantesque ; il s'agissait de laisser
parier le peuple et de recueillir aussi bien la forme que l'idée. Qu'on me corn-
prenne : il faut avant tout rester correct et écrire une langue parfaitement
compréhensible pour la pluralité de nos lecteurs. A ce point de vue rien ou fort
peu n'est à reprocher aux auteurs, qui, de-ci de-là ont raboté un tantinet la trop
rude lourdeur des expressions originelle?, tout en conservant intégralement la
piquante couleur locale et la tant originale saveur de terroir. C'est bien un^
grande difficulté que de trouver le juste milieu entre le popularisme outré et
l'exagération littéraire, et quoique MM. De Cock et De Mont aient absolument
compris cette importance de la forme, je crois qu'ils penchent plus vers le
second extrême que vers le premier. Ainsi... {ceci e^t peut-être une question de
goiit?) dans ces « verlrehsels » si ingénus en eux-mêmes et si naïfs, ils ont
parfois éliminé ce qu'on pourrait nommer le « Charme « de leur naïveté : je
veux parler des « répétitions •> — les répétilious, ces petits dialogues de fées ou
de sorcières, les mêmes partout et qui bercent infiniment admirables et
douces dans leur simplesse monotone... l^r cette remarque n'est précisément
pas générale : « L'homme sans Ame » par exemple est un beau conte, et
les repétitions négligées au commencement, sont reppcctées vers la. fin.
J'aime beaucoup Tétonnantc 'histoire des « Sept val;i({uojrs de la Reine de
Mississipi » qui est très gentiment racontée. Le « Janneken Tielenlater » un
petit bijou de boulTonnerie flamande, si pa\\san dans le fond, a été rendu très
pavsannement, — comme il le fallait, du reste.
Parmi les trente-six contes du volume se trouve encore une lointaine
variante de Cendrillon, une « Sloddekenvuil » infiniment riche en détails, mais
où Tunité n'a pas été ?i bien observée. En résumé donc, ce « Sprookjesboek •»
vaut sa lecture et portera d'excellentes lumières aux folklpristes philologues
savants — et à tous ceux qui veulent connaître le peuple par le peuple.
H. Teirlinck.
Seidel. Geschiclilen und Lieder der Afrikaner. Berlin, lib. Schull et
Gruad, s. d. (1896', pet. in-8, Xll, 340 p.
Depuis quelque temps, je préparais un recueil de contes d'Afrique, sur le
modèle donné par M. Sébillot dans ses Contes populaires des provinces de France
(Paris, 1884, in-18, jés.) lorsque apparut le livre de M. SeideL En le lisant, j'ai
eu la satisfaction de voir que la classification adoptée par lui (c'est la classifi-
cation par groupes de langues} (l'est la môme que j'avais choisie. Les observa-
tions qui suivent portent donc non sur le plan du livre, mais sur son exécution :
elles n'ont trait d'ailleurs qu'à des points secondaires.
Tout d'abord, la question des si»urces. M. Seidel n'a pas jugé à propos
d'accompagner chaque conte de raprochements avec les récits similaires. C'était
son droit et il a eu raison, étant donné le caractère de son ouvrage. Mais il eût
été à propos d'indiquer d'une façon exacte les livres d'où il a tiré ses contes. Des
1. Il est inexact de dire (p. 14) que l'on retrouve dans les dialectes berbères
des traces des Vandales. — La parenté du hottentot avec les langues hamitiques
est au moins douteuse. H eût mieux valu lui substituer le haoussa.
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REVLE DES TRADITIONS POPULAIRES 60.1
références comme cellea- ci « Aufgeieichnei von W, Spitta-bey (p. 26) ; Gesam-
melt und ueberselzi von Dr, H. Stumme (p. 42) ; nach Maspero (p. 83) ; Gesammelt
und uebersetU von René Basset (p. 88) (I) «* etc., ne sepoot pas d'un grand
secours à ceux que la lecture du livre de M. Seidel mettra en humeur de pousser
plus avant dans la connaissance de la littérature africaine et de se reporter aux
recueils mêmes doht il leur présente des extraits.
Une autre objection porte sur le titre : Histoires et chants des Africains. Il s'en
faut que toutes les littératures représentées aient fourni des chansons. Je
reconnais qu'en ce qui concerne certains peuples, la chose était impossible,
par suite de l'absence de tout document de ce genre ; mais pour le berbère, par
exemple, M. Seidel aurait trouvé dans le recueil du général flanoteau (2) ou
dans celui de M. Stumme (3) de quoi rombler une lacune. Comme spécimen de
chanson arabe d'Egypte, il nous préfteote la musique de la première sourate du
Qor«^n et celle de l'appel à la prière. Je ne sache pas que dans un recueil de ce
genre fait en France, on ait l'idée de donner comme spécimen de musique
populaire le Kyrie eleison ou le Te Deum. 11 eut mieux valu puiser dans le
recueil de M. Bouriîint ou dons celui de M. Loret.
Les langues représeutées dans le livre de M. Seidel sont les suivantes :
Langues sémitiques : arabe d'Egypte, arabe de Tunis et de Tripoli. — Bien
sur l'arabe d'Algérie et du Maroc. On s'étoLne aussi de ne pas trouver de
légendes éthiopiennes (gh^ëz) ni de contes amharlûa (Cf. Guidi), tigrii^a (Cf. de
Vito), tigré (Cf. Schreiber) (4).
Langues hamitiques : égyptien ancien (un conte^ pas de poésies) ; berbère
d'Algérie (3. Menacer, Zouaoua, Chelh'a des K'çour); berbère du Maroc (Chelh'a).
— Les contes touaregs dont M. Seidel aurait pu trouver des spécimens dans
llanoteau ou Krause manquent totalement. — Somal, Bilin, Nama. On remar-
quera que le copte est négligé, ainsi que le Galla, le Daokali, le Bedaouya, le
Hadendoa, le Saho^ l'Agaou et le Konuama, langues dans lesquelles nous
possédons des contes recueillis pour la plupart par M . Reiuisch.
Langues bantou (5) : Herero, Amboundou, Doualla, ~ Pokomo (des chansons,
pas de contes), — Shambala, Bondéï, Ganda, .Souahili, Nyamouézi, — Nyassa (neuf
proverbes : M. Seidel aurait pu trouver des contes dans la collection traduite
par Elmslie) ; Zoulou, Southo. — Le Ouahébé, le Lounda le Setchouana, le Xosa
le fiote, le Mbecga, l'Apono, l'Achira, le Kama, FOtando, le Batéké, ne sont
pas représentés, bien que nous possédions des spécimens de leurs contes.
Négres-mcMés [Misch-neger). Sous ce titre sont rassemblées des populations
très différentes et dont quelques-unes forment des groupes bien distincts : les
Mandes, par exemple (Bambara, Sôsô, Temné, Vei, Mandingue, Sarrakholé,
Soninkhé). Le groupe des n nègres mêlés » est celui qui offre le plus de
1. P. 89, note 1, le couscous n'est pas du maïs.
2. Chansons zouaoua dans les Poésies nopulaires.de la Kabylie du Jurjura,
Paris, 1867, in-8. — Chansons touaregs dans VEssai de grammaire tamachek\
Paris, 1860, in-8.
3. Dichtkunst und Gedichle der Schluh, Leipzig, 1895, in-8.
4. Sur la bibliographie des contes de cette région jusqu'en 1892, cf. mon
article : Contes d'Abyssinie. dans la Revue des Traditions populaires, janvier,
1892. ^ » A- A- , j »
5. On trouvera la bibliographie des contes ban tous à la suite des Contes
populaires des Bassoulos par M. Jacottet (Paria, 1893) avec les additions que j'ai
données à propos du compte rendu de ce livre dans la Revue des Traditions
populaires, mai 1896. 11 faut y ajouter les vingt-cinq contes traduits dans
l'appendice de l'ouvrage du Rév. Duff .Macdonald, Africa or the heart of heathen
Africa. Londres, 1882, 2 v. in-8, t. 11, p. 319-371.
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606 HE vus DE8 TRADITIONS POPULAIRES
lacunes. On n'y trouve de représentés que la Gôte-d'Or (tshwi), le temne, le
wolof (le recueil de B^ilat, sans parler de la compilation de BérengerFeraud,
contient cependant des contes) ; le Noupe (proverbes}, le Haousda, le Bornou
le Dinka (une chanson : Gaeati nous a cependant donné un spécimen de conte)
le Bari. On voit que Fauteur a laissé de côté le Lour, le Nyamnyam (A*Sandeh)
le Mambettou, le Nouba, pour l'Afrique orientale ; TAkra, le Yorouba, TEwe,
le Foulah, le BouUora, le Veï, le Sôsô, le Bambara pour l'Afrique occidentale.
Une autre lacune, plus extraordinaire encore, c'est l'absence de contes mal-
gaches qui devaient figurer dans une anthologie africaine au même titre que les
contes arabes. Ce recueil aurait pu aussi être complété par l'addition des contes
des nègres de Bourbon, de l'Ile-de-France, des Antiîles, des Etats-Unis et du
Brésil.
Tel qu'il est cependant, malgré des lacunes qui pourront être comblées dans
une seconde édition, ce livre a sa valeur, non-seulement pour le grand public &
qui il présente un tableau de la littérature populaire africaine, mais aussi pour
les fotk-Ioristes de profession qui n'auraient pas à leur disposition les collections
souvent très rares d'où la plupart de ces textes «ont tirés.
René Basset.
«AAAM#W«A^^^k^^WMV^
LIVRES REÇUS AUX BUREAUX DE LA REVUE
Juan B. Ambrosetti. El simbole de la serpente en la alfarreria
funeraria de la région Calchaqui, Buenos-Aires, in-8 de pp. 14. —
Un flechago prehistorico, ibid, in-8 de p. 6.
Nous avons déjà eu l'occasion de signaler les intéressants travaux de M. A.
La première de ces brochures est accompagnée de 19 dessins é l'appui de sa
thèse sur le symbole du serpent.
Brun (J.). A propos du romancero roumain, Paris, Lemerre. In-i6,
de pp. n-61 (1 fr. m],
Bérenger-Féraud (L. J. B.). Superstitions et survivances étudiées
au point de vue de leur origine et de leurs transformations, Paris,
Leroux, 5 vol. in-8 (50 fr.).
Henri Monceaux. Les Le Rouge de Chablis, calligraphes et minia-
turistes, graveurs et imprimeurs. Etude sur les débuts de Tillus-
Iration du livre au XV' siècle. 2 vol. gr. in-8 avec 200 fac-similés.
Paris, A. Claudin, 1896.
Cet ouvrage, d'uhe grande valeur bibliographique et artistique, intéresse la
tradition par la description très détaillée qu'il contient des premières éditions
des Danses macabres et des Calendriers des Bergers^ dont il a reproduit plusieurs
planches ; l'iconographie des métiers y est représentée aussi par quelques bois
gravés fort curieux.
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 607
PÉRIODIQUES ET JOURNAUX
ArchiTio per lo studio délie tradizioni popolari. XV, If, lit. — Le ^torie
popolari in poesia siciliana messe a staoïpa dal sec. XV ai di nostri. Secoto
XVII, S. Salomone-Marino. — La vecchia sposa. Canto popolare reggiano e
novellina 9arda, G. Ferraro. — La Canzone del « Bombabâ » in Dalmazia, Vid
VuletiC'Vukasovic. — La feata di S. Mauro in Casoria, Gaetano Amalfi. — Feptc
picene : Primavera, Michèle Angelini, — H Ramadan nella Colonia Eritrea,
Valentino Simiani, — Usi malabarici nel secolo XVIII, MaUia Ui Martino, —
Canti popolari del Casentino : Rispetti, Ida Rossi. — Canti popolari fardi :
Avvertenza. — Battorinas di Nuoro, Filippo Valla. — Usi e Gostumi d*Isnello :
I. L'iocontro al sacerdote novello. — IL L'Atturna. — 111. Le popolane, Cristo-
foro Grisanli. — La scuola di Magia. NovellinfL fabrianese, Enrico Filippini, —
Astronomia e Meteorologia popolare sarda e ppecialmente del Logudoro : Ful-
mine. — Nuvole. — Pioggia. — Stagione e mesi, Guiseppe Calvia, — 11 Folk-
Lore in Orazio, Michèle Messina-Faulisi. — Corne il Figlio del Raja oltiene la
principessa Labam. Novella indiana trad. daU'ioglese, Maria Pilrè, — 11 Folk-
Lore in Orazio, Michèle MeMina-Faulisi. — Medicina popolare basilicatese,
M. Pasquarelli, — Alctine voci di venditori ambulanti del Vomero, Fr. Mango.
— Voci di venditori di Firenze. — U?i e Co^tumi d'Isnello : L Convenzioni
agrarie. — II. Industrie contadinesche, Cristoforo Grisanli. — Usi agrari siciliani
délia provincia di Caltanissetta : I. « Arbilriu », pastorizia. Continua, Francesco
Pulci. — Usi venatorii in Italia. Continua, Biagio Punlu^o. — La novella del
conto sbagliato, G. Pitre, -^ Novelliue popolari sarde relative a S. Pietro,
G. Ferraro. — Noveliine nylande^i, Mat lia Di Marlino. — Scongiuri raccolti
nella provincia di Messina, F. A. Cannizzaro. — I flagcllanti di Castion nel
Bellunese. Continua, Maria Oslermann. — I Ginun nella tradizione ebraico-tuni-
sina, Lina Valenza, — Il Leone e la Grù, favola popolare indiana. Maria Pilrè,
Revista de sciencias Naturaes e Sociaes. -IV. 15. — Tradicoes populares
portuguesas. - A caprificaçao, F, Adolpho Coelho. — A nécropole protohistorica
da Fonte Velha, em Bensafrim, no concelho de Lagos, A, dos Sanfos Hocha. —
Materiaes para a arcbeologia do districto de Vianna, F. Mortins Sarmento. —
Esttidos de flora local- Vas culares do Porto, Gonçalo Sampaio,
La Tradition nationale, bulletin mensuel de la Société d'Ethnographie et
d'art national. Ce numéro, surtout documentaire, ne contient qu'un article qui
intéresse directement nos études ; il est intitulé : Instructions sommaires rela-
tives aux collections provinciales d'objets ethnographiques par Armand Landrin
et Paul Sébillol (s'adresser pour reuFeignements à M, Gustave Boucher, 2i, rue
Visconti, Paris).
Wallonia. IV. 9-^10. -> Mathieu Laeusbergh et son almanach. I. Avant-propos.
H. Les précurseurs liégeois. III. Apparition du Laensbergh. IV. Le personnage.
— La truie qui danse. Chanson, air noté. Lucien Colson. — Enigmes populaires.
VI. Devinettes Wallonnes (suite). 0. Colson,
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608 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
NOTES ET ENQUÊTES
,', La femme salée. ~ On raconte en Haute-Bretagne — et l'on cite même la
famille dans laquelle le fait serait arrivé — rhi?toire d'un mari qui ne devait
pas rendre compte de la dot de sa femme tant qu*il » conserverait » celle-ci.
La femme étant venue à mourir, le mari pour ne pas restituer la dot, la fil
saler, et comme ains^i, elle était « conservée, » il garda la fortune jusqu^au
moment où lui-même mourut. 11 me semble avoir lu quelque part une version
populaire de cette iogénieuse interprétation du texte des contrats.
(Comni. de M. P. JouHA^).
,\ Anne de Bretagne et lei biches, Saint-Foix cite Tapologuc suivant que
Louis XII adressa à Anne de Bretagne : « Sachez, madame, qu'à la création c:u
monde. Dieu avait donné des cornes aux biches, de même qu'aux cerfs; mais
les biches se voyant un si beau bois sur la tête, entreprirent de faire la loi aux
cerfs; le souverain créateur en fut indigné et leur ôta cet orneuient pour les
punir de leur arrogance ». Pourrait on nous citer une version populaire de cettt»
légende ?
R. B.
,\ Ce quon dit lorsqu'un enfant porte les cheveux ras. — A Wiers (Hainaul),
ses camarades Tinterpellent en ces termes :
« Tiette tondue, tiette rabattue, quat* baguettes au sond d*el tiette ». (Tête
tondue, tête rabattue, quatre baguettes au sommet de la tête).
(Comm. de M. Alfred IIarou\
REPONSES
,*, Briser le verre après avoir bu. -— En pays Flamand on retrouve encore de
ci, de In, Tusage de retourner son verre après avoir bu.
i.Comm. de M. Alfred Haroc).
/, Formulette de la pluie. — A Liège, lorsqu*il pleut, les enfants chantent :
Il pleut (bis) bergère,
Ramenez vos moutons ;
ll!« sont dans la chaumière,
Vite, bergère, allons !!
Il nous a paru intéressant de constater que la chanson de Fabre d'Eglantine,
est devenue, très défigurée, une formulette populaire.
(Comm. de M. Alfred Harou}.
Le Gérant, A. CERTEUX
Haugé [Maine-et-Loire). — Imprimerie Daloux.
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REVUE
DES
TRADITIONS POPULAIRES
11« Année. — Tome XI. — N» 12. — Décembre 1896.
CONTES ET LÉGENDES DE L'EXTRÊME-ORIENT
XLVl
HABILETÉ DE P'rA-RUANG
ES annales de Siam racontent que parmi les objets
apportés en tribut au roi de Kambodje par PVa-
Ruang, le roi de Satchanalaï, se trouvait un panier
qu'on pouvait remplir d'eau, sans que rien s'en
échappAt par les fentes. Le roi de Kambodje fut
tellement émerveillé de ce présent, qu'il craignit
qu'un homme capable de se procurer des choses
aussi surprenantes ne vînt à le supplanter, conformément h une
prédiction qui avait cours dans le pays. Il ordonna donc que P'ra-
Ruang fût mis à mort ; mais comme celui-ci appartenait à la race
des Nakh ', dont sa mère avait été la reine, il s'enfonça en terre et
disparut au moment où ses bourreaux se disposaient à se saisir de
sa personne. Pour se venger de cette trahison, il revint quelque
temps après au Kambodje, otx il surprit le roi à l'improviste et le
contraignit, non-seulement à renoncer à ses droits de suzeraineté,
mais encore à se soumettre à sa domination '.
1. Suite, Toir t. XI, p. 416.
2. Sanscrit nagdf serpent ou demi-dieu habitant les régions souterraines.
3. Pongmvadan muong nua^ cité par L. de Rosny. Variétés orientales^ 1869,
in-8, p. 59-60.
TOUS XI. — DâCBMBRB 1896. 39
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610 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
XLVII
LA PRÉCAUTION MALADROITE
Il y avait jadis, dans la ville royale de Caveripaianam, une certaine
casle villaja qui avait acquis de si grandes richesses qu'elle ne
voulait plus se prosterner pour saluer le radja de Tendroit. Le fils de
ce prince, pour l'obliger à la politesse due au maître, ordonna à
tous les habitants de venir le visiter, et les reçut dans une pièce où
Ton ne pouvait entrer que par une porte fort basse, de telle sorte
que, bon gré mal gré, il fallait bien courber la tête en entrant. Le
fils du radja rejeta cependant Tidée qu'il avait eue, car après la
visite de ses sujets, ceux-ci durent quitter la salle d'audience, et
pour s'en retourner par la porte dont il a été question, ils furent
dans la-nécessité de se montrer au prince dans une pose peu respec-
tueuse. Cette pose ayant choqué le prince, les habitants effrayés
mirent le feu à leurs maisons, et s'enfuirent avec leurs dieux et tout
ce qu'ils purent emporter à la main dans le pays de Cottar^ au sud
de Maléalom (Malaeyala), où ils vivent encore aujourd'hui, sans
vouloir contracter aucune alliance avec les autres castes *.
XLVIII
l'uÉRÉSIE: CAUSE DE DÉCHÉANCE
Dans le royaume sur lequel régnait Santana, il n'avait pas plu
depuis douze années. Craignant que le pays ne devînt un désert, le
roi assembla les brahmanes et leur demanda pourquoi la pluie ne
tombait pas, et quelle faute il avait commise. Ils lui répondirent que
c'était comme si un frère plus jeune se mariait avant son frère aîné :
car il était en possession d'un royaume qui de droit appartenait à
son frère Dévapi.
Que dois-je faire ? dit le radja. 11 lui fut répondu : Jusqu'à ce que
Dévapi déplaise aux dieux en s'écartant du sentier de la justice, le,
royaume est à lui, et c'est votre devoir de le lui abandonner. Asma-
risarin, ministre du roi, ayant entendu cela, réunit un grand
nombre d'ascètes qui enseignaient des doctrines contraires à celles
des Yédas, et les envoya dans la forêt. Là, ayant trouvé Dévapi, ils
pervertirent le prince qui était simple d'esprit, et ramenèrent à
partager leurs opinions hérétiques. Pendant ce temps, Santana,
1. Papiei's d'Ariel ap. L. de Rosny. Variétés orientales, p. 204.
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 6tl
étant très affligé d*avoir commis le péché que lui avaient reproché
les brahmanes, les envoya devant lui dans la forêt, puis s'y rendit
lui-même pour restituer la couronne à son frère aîné. Quand les
brahmanes arrivèrent à l'ermitage de Dévapi, ils Tinformèrent que
conformément aux doctrines des Védas, la succession au trône était
le droit du frère aîné; maf^ il entra en discussion avec eux, et il
mit en avant divers arguments qui avaient le défaut d*étre contraires
à la doctrine des Védas. Ayant ouï ces choses, les brahmanes
retournèrent vers Santana et lui dirent: 0 radja, tu n*as plus à
t'inquiéter de tout ceci ; la sécheresse touche à sa fin. Cet homme
est dégradé de son rang, car il a prononcé des paroles irrespec-
tueuses contre Tautorité des Védas, incréés, éternels ; et quand le
frère aîné est dégradé, il n'y a pas de péché à ce que le frère puiné
se marie (ou règne).- Alors Santana retourna dans sa capitale, et son
frère aine Dévapi fut dégradé de sa caste pour avoir répété des
doctrines contraires aux Védas. Indra répandit une pluie abondante
qui fut suivie de riches moissons *.
XLIX
L ORIGINE DU COCOTIER '
On raconte qu'un des médecins de Tlnde était, à une époque
reculée, attaché à un roi de cette contrée, et en très grande consi-
dération près de lui ; mais que ce dernier avait un vizir, entre lequel
et le médecin régnait une inimitié réciproque. Celui-ci dit un jour
au roi : Si Ton coupait la tète de ce vizir, et qu'ensuite on l'enterrât,
il en sortirait un palmier, qui produirait de magnifiques dattes,
lesquelles seraient d'une grande utilité aux Indiens, et autres
peuples du monde. Le roi lui répondit : Et s'il ne sort pas de la
tête du vizir ce que tu prétends? — Le médecin répliqua: Dans ce
cas, fais de ma tête ce que tu auras fait de celle du vizir. Le roi
ordonna de couper la tête de ce dernier, ce qui fut exécuté ; le
médecin la prit, planta un noyau de datte dans le cerveau et le
soigna jusqu'à ce qu'il devînt un arbre et qu'il produisit cette noix ^.
René Basset.
1. J.-J. Ampère, La science et les lettres en Orient^ Paris, 1863, iD-12, p. 405-
407, d'après la traduction anglaise du Vie hnou- Pour ana par Wilsoo.
2. Ibn Batoutah, Voyages, éd. et trad. de Defrémery el Sanguinetti, t. II, Paris,
1877, in-8, p. 207-208. '
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612 HGVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
LES AVENTS
IV
CHANTS DE QUÊTE
Environs de Dôl [Ille^ei-Vilaine)
Es le premier dimanche de TAvent, on commence à chanter
les Noëls. Les jeunes gens, après les offices à l'église^ se
rendent par groupes auprès des fontaines et sur les buttes,
est là qu'ils commencent :
A la claire fontaine
Trois pigeons blancs 8*y baignent
Ils ont tanl battu de Taile
Qu*ils en ont affailli (sont devenus faibles)
L*un s'appelle saint Jacques
Et Tautre saint Denis,
Et l'autre s*app^lle
Saint Pierre, porte clefs du Paradis.
— Saint Pierre, ouvrez vos portes
Au peuple à Jésus-Christ.
— Je n'ouvre point mes portes
Car Dieu ne Ta pas permis.
' Marchons par villes
Marchons par vaux
Et allons tous au mariement
De la Vierge glorieusement... (2)
La mélopée se continue racontant la légende des Bançailles de
Joseph avec Marie, puis la naissance du divin Enfant. Alors toutes
les voix reprennent : *
Chantons tous en chœur
La nuit solennelle
De Noël.
François Duynes.
4. Cf. t. VII!, p. 589, IX, 213, X, 528.
2. Cf. dans V Annuaire de 1888, p. 14. Les trois pigeons blancs, chanson de la
Haute-Bretagne, recueillie par Paul Sébillot et notée par Bourgault-Ducoudray,
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REVCE DES TRADITIONS POPULAIRES
613
LES MÉTIERS ET LES PROFESSIONS
XCIV
LES BIARCHAIVDS FLEURISTES
ES le xvi* siècle les Flamands avaient
fondé des associations en Tue de la cul-
ture des plantes rares, et chaque fête de
sainte Dorothée était pour leur « confré-
rie » l'occasion d'exposer les fleurs les
plus belles.
Aujourd'hui encore Gand est surnom-
mée la Ville des Fleurs à cause du grand
nombre de ses horticulteurs.
Sur la grand'place de Bruxelles, devant
VHôiel'de- Ville, est installé, tous les
matins un marché aux fleurs.
Lors des grands mariages^ les marchandes de fleurs offrent à la
flancée un bouquet qu'elles ont confectionné.
xcv
CE qu'on dit lorsqu'on ENTRE CHEZ UN MARCHAND
A Verviers un client entrant dans un magasin où il n'y a personne,
crie : a Kèssi ! » pour attirer l'attention du marchand.
XCVI
ENCOURAGEMENTS ACCORDÉS A l'iNTRODUCTION DE NOUVELLES
INDUSTRIES A GAND
Les échevins délégués, assistés de leurs secrétaires, présidaient àla
mise en train du nouvel établissement, en prenant part à la confec-
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614 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
tien du premier produit manufacturé ou fabriqué : tissage de la
première pièce d'étofte, fabrication du premier brassin de bière,
soufflage de la première bouteille, etc.
La ville faisait à cette occasion don au propriétaire de Tusine
d'une ou de plusieurs pièces de vin. C'est ce qu'on nommait offrir
les a fresentewynen ».
[Messager des sciences hist.^ 1888, 480-481).
A l'ouverture d'une verrerie à Gand, en 1694, les échevins de la
ville soufflèrent les « premières verres » (ghelas).
{Messager des sciences historiques^ 1888, p. 481).
XCVIl
GRACIEUSETÉS DE MARCQANDS
En Hainaut les détaillants ont pour coutume de gracieusetés de
délivrer gratis une petite quantité de marchandise, en outre de celle
achetée. C'est ce qu'on nomme « elrawète » (le surplus).
Lorsque le négociant mesure exactement sa marchandise, on lui
rappelle cette coutume en disant : « N'y a-t-il rien pour la rawette ?
Les marchands qui ne se conforment pas à cette coutume perdent
facilement leurs clients.
XCVIII
LES FABRICANTS DE CHAPEAUX DE PAILLE
Glons (province de Liège) est réputé pour ses chapeaux de paille.
Les ouvrières qui tressent la paille ne sont jamais inactives. Soit
qu'elles se rendent à la ville voisine, soit qu'elles aillent en pèleri-
nage, on les rencontre toujours le tablier retroussé dans lequel elles
déposent la paille qu'elles tressent le long du chemin. Le soir, durant
la belle saison, on les voit occupées à la même besogne sur le seuil
de leur porte.
Ces mêmes ouvrières se rendent quelquefois le soir chez les voisins
où l'on travaille en commun. C'est une partie de cancans et de travail
en même temps, cela s'appelle aller « ciser ».
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 615
VU {suite)
JEUX DE MÉTIERS
Les débardeurs bruxellois — les voetcapoenen^ comme on les nom-
me à Bruxelles — obtienueat chaque année les prix des jeux popu-
laires, organisés par la ville sur le canal.
Les prix des jeux du Beaupré et de la, l'oison leur sont acquis
chaque année ; et ce serait un deuil général dans toute la corpora-
tion si l'un de ces prix venait à échapper aux Voetcapoenen,
A l'année 1456, la chronique de Lierre * mentionne une confrérie
anversoise, appelée les « compagnons des Loges », qui donnait des
représentations dramatiques et allait dans les villes. voisines égayer
les solennités religieuses de ses « jeux et esbattements ».
Voici d'où ces Compagnons des Loges tiraient leur nom : En ce
temps-là, on exécuta à l'église de grands travaux de maçonnerie
pour lesquels on construisit dans Téglise même, à Tusage des
tailleurs de pierres, des loges qui subsistent encore aujourd'hui
(1515) dans lesquelles ils travaillaient les pierres, et ces tailleurs de
pierres, maçons et charpentiers jouajent ensemble les jours dont
nous venons de parler.
(E. Gens. Histoire de la Ville d'Anvers^ p. 239).
L
LES COUTURIÈRES {suîte)
On dit, à Mons, qu'une femme doit siffler lorsqu'elle répare un
pantalon d'homme.
Alfred Harou.
LXI {suite)
les cris des rues
Amiens
Un boulanger qui poussait sa voiturette proposait sa marchandise
fraîchement défournée : « Ils sont tout chaud, les pains d*gruau ! »
tandis qu'un chiffonnier perpétuant aussi la tradition des cris de
1. Petite ville voisine d^ADvers.
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616 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
jadis, glapissait d'une voix cassée au diapason des débris de vaiselle
offert par la ménagère : Des os I des loques ! (Léon Duvauchel. L*Aar-
iillonne, 1897, p. 16).
P. S.
LXII
A Anvers
Jadis, à. la porte de chaque marchand de vin^ se tenait un crieur
(Wynroeper), une serviette blanche sur le bras, tenant d'une main
une cruche, de Vautre un gobelet. Il annonçait aux passants Tespéce
de vin que Ton vendait ce jour-là. Ces crieurs formaient une corpo-
ration. Ils se tenaient chaque matin, tous ensemble, au coin de la
rue des Rôtisseurs, où les taverniers venaient les engager pour la
journée. On les employait aussi, comme les crieurs publics moder-
nes, à mer les enfants égarés, les chevaux échappés et les objets
perdus. (Eug. Gens. Histoire de la ville d'Anvers^ p. 138).
Alfred Harou.
LE DIABLE ET LE RECTEUR D'ELVEN
N jour le recteur voulut exorciser un de ses paroissiens.
V- — Satané, dit-il. Satané, cgredere de hoc corpo.
^ — Non egredam, répondit avec fureur le mauvais ange.
1^^ — Ah, non egredas ?
(Q — Non egredam, te dico.
— Cur?
— Quia.
— Mais enfin, cur?
— Quia maie loquis latine.
— Ah, aliud res !
Fra Deuni.
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REVUE DES TRADITIONS POPULÂIEES
617
CONTES BRESILIENS*
TRADUITS DU PORTDOAU
LA MARATRE
Conte d'originfi européenne
L était une fois un veuf qui avait deux petites
filles et qui se remaria. Sa femme était très
méchante pour les enfants: elle leur faisait
faire tout le travail comme à des esclaves et les
battait souvent. Auprès de la maison il y avait
un figuier qui donnait des fruits : la belle-mère
envoyait les petites filles surveiller les figues à
cause des moineaux. Les enfants passaient des
journées entières à crier :
Cho ! Cbo ! moineau
Ne touche pas toD petit bec
Va-t'en vers ton petit.
Quand une figue venait à être picorée^ la belle-mère punissait les
petites filles. Aussi étaient-elles souvent maltraitées. Une fois, leur
père partit en voyage : la marâtre les fit enterrer vivantes, et au
retour de son mari, lui dit qu'elles étaient tombées malades, qu'elles
avaient pris beaucoup de remèdes, mais néanmoins qu'elles étaient
mortes. — Le père en fut très aflligé.
Il arriva que dans les fosses des deux enfants, il poussa de leurs
têtes un arbuste (capinzal) très vert et très beau, qui répétait, lors-
que le vent l'agitait :
Cho ! Cho ! moineau
Ne touche pas ton petit bec
Va-t'en vers ton petit
Le serviteur de la maison, en allant couper des feuilles pour les
1. Extraits des Conlos populares do Brazil colle^^idos pelo Db. Stlvio Rohkbo.
Lisboa, 1885, in-8, p. 57, 159, 191.
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618 REVCB DES TRADITIONS POPULAIRI&S
chevaux, aperçut ce bel arbuste, mais il craignit de le coupef lors-
qu'il entendit ces paroles. Il courut tout raconter à son mattre.
Celui-ci refusa de le croire et lui ordonna de couper cet arbuste,
puisqu'il était très grand et très vert. Le nègre obéit, mais lorsqu'il
y mit la serpe, il entendit une voix sortir de dessous terre et chanter :
Serviteur de mon père,
Ne me coupe pas les cheveux :
Ma mère me peignait,
Ma marâtre m*a enterrée,
Pour une figue de flguier
Que le moineau a picorée.
En entendant ces paroles, le nôgre courut tout effrayé vers la
maison et s'en fut tout raconter au maître qui refusa de le croire.
Mais le serviteur le pressa tellement qu'il vint lui-même, et ordon-
nant au nègre d'y mettre la serpe, il entendit le chant souterrain. Il
fît creuser en cet endroit et trouva ses deux filles vivantes par un
miracle de Notre-Dame qui était leur marraine. Quand ils revinrent
à la maison, ils trouvèrent la femme morte par punition.
II
LE MACAQUE ET LA CALEBASSE
(Conte d'origine africaine)
Le macaque se brouilla avec fonce et ne marchait plus qu'avec
crainte. Il y avait une fôte dans un certain endroit et le macaque,
pour s'y rendre, devait passer par la maison de l'once. Enfin, il
imagina un moyen d'aller à la fête sans être vu. Il se mit à Tintérieur
d'une grande calebasse, imprima un mouvement et partit ainsi.
En passant devanc la maison du Kagado, celui-ci le prit pour un
animal nouveau. Ils causèrent et le macaque prit congé de lui. En
partant, il dit :
Marche, calebasse,
Qui jamais n'a marché ;
Vendredi, samedi,
Dimanche, lundi,
Mais comme on te cherchait,
Tu t'es changée en animal.
Et ainsi il passa devant la maison de lonce et alla à la fête sans
rien souffrir.
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REVUE DES TRAOITIOMS POl'CLAIRES 619
HI
LK RENARD ET l'bOHME
Fable des Indiens Tupis
Le renard alla se coucher suc La chemin par où un homme devait
passer et feignit d'être mort. L'homme arriva et dit: «Pauvre renard ! »
Il creusa un trou^ l'y enterra et s'en alla.
Le renard courut à travers les broussailles, dépassa Thomme, s'é-
tendit sur le chemin et fit le mort. Quand l'homme arriva, il dit :
« Un autre renard mort ! Le pauvre ! » 11 Técartadu chemin, le cou-
vrit de feuilles et continua sa route.
Le renard courut une autre fois par la campagne, se coucha une
autre fois sur le chemin et feignit d'être mort.
« Comment y a-t-il tant de renards morts ? » dit l'homme en arri-
vant. Il Técarta un peu de la route et s'en alla,.
Le renard courut une autre fois faire le mort sur le chemin. « Que
le diable emporte tous ces renards morts », dit l'homme. Il Tempoigna
par l'extrémité de la queue et le traîna par le milieu de la roule. Le
renard se dit alors : « On ne doit pas se jouer de celui qui nous fait
du bien >.
René Basset
^w^ww^ww^www^<»*»«%«^»w«w»»
LA FÊTE DES INNOCENTS
I
usqu'au XVI" siècle on célébra à Soignies (Hainaut)^ la fête
des Innocents.
A la collégiale de Saint-Laurent, le jour des Innocents^ les
chanoines cédaient leurs places aux choraux pendant TofTlce.
L'un de ces enfants portait les habits du doyen, tandis que
les autres étaient habillés en chanoines.
Après la cérémonie, le premier régalait ses compagnons aVec
l'argent provenant d'une collecte faite dans l'Eglise à son bénéfice.
(Archives du chapitre de Soignies J,
Alfred Harou.
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620
REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
LES ALMANACHS POPULAIRES
X
AKGIEN ALMANAGH DE MATHIEU LAENSBER6H
ENDANT mes recherches sur rhisioire de VAlmanach de Mathieu
çSf® Laensbergh (1635-1897) dont « Wallonnia » publie en ce mo-
i^^fh ment le résultat, j'ai trouvé, dans le volume pour 1795 un ar-
('=^ ticle qui ne me paraît sous cette forme rien moins que wallon.
fej C'est un chapitre intitulé : Divers Proverbes et Maximes éco-
nomiques et rurales.
Il est précédé d'un no^a ainsi conçu : « Dans ce qui va suivre, ce
« qui est mis entre deux parenthèses () est l'explication des expres-
« sions trop gauloises ou trop triviales ».
Qu'on ne s'étonne pas du mot « gauloises >» ; l'article ne contient
aucune gauloiserie. L'auteur a voulu parler d'anciennes formes
françaises, peu accessibles au paysan wallon — ce qui confirme
notre supposition relative à Torigine de ces dictons.
Voici le texte complet.
Tu D'employeras ton labeur (travail)
En terre de bonne senteur.
(Les terrains où croissent naturellement le serpolet, le thym,
l'origan et autres plantes odoriférantes sont mauvais en général).
En terroir pendant (qui ont une pente rapide)
Ne mets ton argent.
(Parce qu'il est difficile à cultiver, que les pluies entraînent les
engrais, la bonne terre et ses productions).
Au grand terroir louange donne ;
A semer petit t'adonne.
(Les frais de culture étant considérables, il est bien plus profitable
d'avoir un petit terrain bien cultivé, qu'un grand mal soigné).
Le trop tarder en fait de labourage
Est la ruine entière du ménage.
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RRVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 621
11 faudrait mieux faire le fou
Que de labourer en temps mou.
(Dans les terres glaiseuses).
Pour devenir riche, faut bien pattre.
(Avoir beaucoup de bestiaux).
Pour devenir moyennement riche
Moyennement pattre.
(On sait depuis longtemps que la richesse s'accrott comme le
nombre des bestiaux).
La meilleure partie de la terre en prairie,
La moyenne en labourage,
La moins bonne en vigDoble.
Qui laboure les fruitiers (verger)
Les prie de porter, (fruits)
Qui les fume» les supplie,
Qui les ébranche, les contrainL
Cet article est intercalé dans un excellent chapitre c Agriculture »
qui, à cette époque, figurait au Laensbergh pour satisfaire aux goûts
officiels du temps et détourner la censure. On sait que Mathieu
Laensbergh est un prophète, et que ses prophéties n'ont pas tou-
jours été du goût des grands et des politiciens.
Quelqu*un pourra peut-être nous dire d'où sont extraits ces pro-
verbes agricoles, ou dans quelle contrée ils sont encore connus.
0. COLSON.
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(>22 «RVUE DES THADiriONS POPIXAIRES
LE PAUVRE RUSE *
Conte de la vallCe d'Aspe
N homme pauvre avait une vache qui allait pailre.
Un riche son voisin en avait trente. La bête du pre-
mier eut le malheur de se mêler à celles du riche et
d aller paître avec elles. La vache du pauvre fut
prise par le riche qui la tua. Le propriétaire de l'ani-
mal mort venait la chercher pour l'amener à son
élable, mais quelle fut sa surprise quand il trouva sa
vache morte. Enfin il prit sa peau et s'en alla à travers un bois pour
la porter au marché. Dans le bois il rencontra deux hommes qui
comptaient des pièces d'or. U grimpa sur un arbre, se couvrit de la
peau de sa vache et se mit à meugler. Les deux hommes qui comp-
taient leur or eurent une telle peur qu'ils s'enfuirent, abandonnant
leur trésor. Le pauvre descend alors de Tarbre et emporte autant
d'or que la peau de sa béte pouvait en contenir. Il revient chez lui
fort content, il rencontre le riche qui lui demanda combien il avait
vendu la peau. « Un sou par poil. » — « Oh ! je veux tuer toutes les
miennes, répondit le riche. » — « Gardes en quatre et tue les vingt-six
autres. » Il tua les vingt-six et va vendre leurs peaux, mais il ne put
les vendre qu'à un prix très bas.
Puis il vit que le pauvre avait un couteau au manche blanc et noir
avec lequel il avait le pouvoir de tuer sa femme et de la faire revivre.
Un jour que le riche passait, le pauvre tenait sa femme, son cou-
teau à la main, et une terrine qu'il avait préalablement remplie de
sang. Sa femme faisait la morte. Le riche s'arrête, puis il entend le
pauvre dire. « Couteau de manche blanc et noir, fais revivre ma
femme. » Et celle-ci commence tout à coup à se mouvoir, puisa
articuler un faible « oui » enfin à se relever. « Tiens, dit le riche,
mais c'est miraculeux. Combien veux-tu de ton couteau?» — « Quatre
cents francs », dit le pauvre. « J'ai une femme, dit le riche, qui est
très mauvaise, qui me fait toute sorte de mal ; je veux lui faire sen-
1. Les épisodes de ce coDte, résumé et un peu écourté, se retrouvent pour
la plupart dans les diverses versions du Fin Voleur.
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 62l\
tir ce que c*est que la soufifrance de la mort, puis je la ramè-
nerai à la vie quand bon me semblera ». Le couteau fut acheté
et la première fois que la femme du riche se mit en colère, son mari
la tua, puis quand il voulut la ramener à la vie il dit : « Couteau de
manche blanc et noir fais revivre ma femme î » répéta-t-il cent fois,
mais sa femme resta morte. Alors il fut furieux contre son voisin ;
mais il n'osa se venger parce qu'il découvrait toujours chez lui des
choses miraculeuses et il les achetait encore.
Un autre jour il trouva ce terrible voisin occupé à faire bouillir le
pot au feu au milieu de sa cuisine sans feu apparent et le pot bouil-
lait très bien. « Tiens, dit-il, on dépense tout mon bois à la maison.
Combien veux-tu de ton pot ?» — « Quatre cents francs. » Le pot fut
acheté et payé. Il voulut faire avec ce pot ce qu'il avait vu faire au
pauvre. Il le donne à sa domestique pour qu*elle le fasse bouillir au
milieu de la cuisine, le fouet à la main. Celle-ci donnait do rudes
coups de fouet, mais le pot restait froid. Le maitre rentrant demanda :
a Est-ce qu'il bout ?» — « Pas du tout c'est impossible de le faire
bouillir. » Alors le maitre prend le fouet et fouette le pot qui n'obéit
pas. Il le frappe alors par le manche et brise le pauvre pot.
Alors furieux il part chez son voisin, mais sa colère se calme en
voyant chez ce dernier un lièvre qui faisait des commissions, allait
chez le boucher chercher la viande, etc., etc. Le riche Tacheta, envoie
le Lièvre chez le boucher, après lui avoir mis dix centimes au cou
et un billet ; mais Tanimal ne revient plus. Le riche va pour noyer
le pauvre, il Tamène jusqu'au bord de Teau pour le noyer, mais le
pauvre plus rusé le jette dans la rivière.
Anselme Callon.
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624 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
COUTUMES, CROYANCES ET SUPERSTITIONS DE NOËL
XVIII
En Champagne
N Champagne, ainsi que dans beaucoup
d'autres provinces de France, et même
à Paris, les églises disposent, au fond
de quelque chapelle, une crèche entou-
rée de rochers de carton-pâte parsemés
de mousse, de pins découpés et de
châteaux couronnant les hauteurs, d*où
descendent vers TEnfant-Dieu des Rois-
Mages en caravane, portant de riches
présents, et des bergers accompagnés
de leurs troupeaux. Du sommet de son
palais, Hérode surveille anxieusement la marche du cortège, guidé
par Tétoile merveilleuse.
Par les rues, les enfants vont, la veille de la fête, un lumignon
dans la main, en chantant ce refrain populaire :
Allons à la crèche,
Voir TEDfaDt Jésus ;
Sur la paille fraîche,
11 est étendu,
Noël!
La petite chandelle !
A. Tausserat-Radel.
XIX
En Limousin
Dans les campagnes du Limousin, au commencement de ce siècle,
c'était un usage général de faire du pain la veille de Noël : si Ton en
manquait avant ce jour là, on en empruntait aux voisins ; si Ton
n*en manquait pas, on en faisait quand même. Chaque famille avait
soin de mettre en réserve un gâteau f^it exprès, pour s*en servir en
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 62S
cas de maladie, soit de l'homme, soit du bétail. Ce gâteau, disait-on,
pouvait se conserver sans altération d'une année à Tautre, et il
suffisait d'en donner une parcelle au malade pour le guérir
radicalement.
Au retour de la messe de minuit, les paysans n'avaient garde
d'oublier le réveillon, les bestiaux eux-mêmes devaient prendre part
à la fête : on les éveillait pour leur donnera manger.
Dans TAtre de toute chaumière flambait alors Joyeusement la
souche de Noël^ dont un charbon, mis sous le lit, avait la vertu de
préserver infailliblement de la foudre '.
A. Tausserat-Radel.
XX
Dans les Ardennes Belges
Dans les Ardennes (Belgique), les jeunes gens vont, la veille de
Noël, la hotte au dos, quémander de maison eu maison, des victuail-
les, du lait, du beurre et principalement des œufs, d'où leur est
venu le nom donné à cette coutume : « Fé tveheu * (faire la fouine *).
La collecte faite, ils se rassemblent dans une ferme, où ils se
régalent ainsi au dépens de la générosité.
{BulL soc. lieg. bit, wall., 2* série, VII, p. 200.
Alfred Harou.
XXI
CADEAUX DE NOËL
En Allemagne
La veille de Noël, juste au moment où tous les ouvriers par cen-
taines sortent de l'Arsenal, lEtat donne aux ouvriers la permission
d'emporter chacun autant de bois qu'il en peut mettre sur son dos.
Ce faix tout entier, lié d'une corde, s'appelle bûche de Noël. El
chacun, suivant ses forces ou ses besoins, puisant dans un immense
bûcher de bois hors d'usage; se fait un faisceau de soliveltes, de
poutrelle, de débris de charpente.
Hedwïge Heinecke.
1. J.-J., Juge. Changemens survenus dans Us mœurs dss habUûnts de Limogés
depuis une cinquantaine d'années, Limoges, 1817, in-8^ p. 12B et 132.
2. On paît que la fouine affectionne partiçulrèrement les œufs.
TOMB XI. — DÉCBMBRl 1896. 40
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f)2() REVUfi DES TRADITIONS POPULAIRES
XXII
LES GATEAUX DE NOËL ET DE SALNT-SYLVESTRE
En Allemagne
En Ailemagne le gâteau principal de la Noël c'est le pain d*épices
sous toutes ses formes depuis Adam et Eve mangeant au Paradis le
fruit de Tarbre de la connaissance jusqu'aux animaux de toutes les
espèces et principalement le cheval, le sanglier et l'oie, qu'on offrait
autrefois aux dieux païens.
D'autres gâteaux, faits de farine et de beurre, de forme ronde, ou
bien formés dune simple couronne avec quatre raies, imitent Tan-
cienue roue, leJul,que lesGermainsfaisaient tourner sur elle-même
jusqu'à ce qu'elle s^enflammât et qui leur représentait la rotation de
l'année solaire. Aux flammes de ce Jul on faisait rtjtir le sanglier
du festin solennel ; on y allumait aussi les torches dont on parait le
sapin autour duquel ou dansait les rondes joyeuses qui devaient fêter
le retour du soleil. Cette roue se transforma peu à peu en Bretzel,
imitant deux roues posées Tune sur l'autre, comme un huit allongé.
Ce Bretzel, orné de lumières et de raisins selon le nombre des an-
nées révolues, est aussi le gâteau traditionnel pour les anniversaires
de naissance des enfants.
Ces Bretzels de la Noël et des aniversaires de naissance sont grands
et riches, faits de farine, d'œufs, de beurre et de sucre, bien diffé-
rents des Bretzels de carême faits d'une pâte sèche de farine, d'eau
et de sel seulement. Le petit cochon a remplacé l'ancien sanglier qui
ne manque sur aucune table de l'Angleterre et des pays Scandi-
naves. On le fait en sucre ou en marzipan (massepain selon le dic-
tionnaire, mais bien différent des massepains de Maubeuge qui sont
plats, ronds et bruns). Le marzipan, célèbre surtout à Dantzig et
à Kœnigsberg, quoique répandu dans foute l'Allemagne du nord, est
fait d'une pâte très fine d'un blanc neigeux, composée surtout d'a-
mandes pilées et de socre, sur laquelle on trace toutes sortes de
dessins avec des fruits confits et de l'angélique.
Ces cochons, ces chevaux, ces fruits et ces gâteaux imitent et
rappellent tous la fécondité de la terre ; et ils étaient offerts aux
dieux en remerciments de leur générosité. Quand la religion chré-
tienne transforma la fête du solstice d'hiver en fête de la naissance
du Christ, on les pendit â l'arbre de Noël qui était devenu le sym-
bole de la fête chrétienne. Les offrandes, faites aux dieux païens
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RBVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 627
devinreut alors des cadeaux apportés par les Mages, et les torches
allumées au Julfeuer se changèrent en bougies pour représenter
rétoile que suivaient ces Mages dans la nuit sainte.
Pendant toute la semaine de Noël Tarbre garde sa place d'honneur :
au milieu de la lable sur laquelle on étale les cadeaux, s'il est petit ;
à la tête de celui-ci, s'il va du plancher jusqu'au plafond, comme
cNîst l'usage dans les familles aisées. Au dernier jour de Tannée, la
Saint-Sylvestre, ou l'allume de nouveau, et on laisse brûler les bou-
gies jusq'à. ce qu'elles s'éteignent L'une après l'autre ; si l'arbre brûle
un peu, cela porte bonheur. Tant que les bougies répandent leur
clarté, grands et petits dansent autour de farbre, puis on le « pille »,
on lui ôte tous ses ornements dont on distribue une part aux enfants ;
l'autre reste conGée à la mère pou r servir d*en jeu au lot et à d'autres
jeux de famille avec lesquels on se divertit pendant les longues soi-
rées d'hiver.
On termine la soirée par toutes sortes de jeux réputés pour
pouvoir révéler le sort que l'année nouvelle amène à chacun : L'usage
le plus répandu c'est de faire fondre du plomb au-dessus d'une
bougie ou d'une lampe à esprit de vin ; quand il est liquide, on le
jette dans une coupe remplie d'eau froide, et selon la forme que
prend le métal ainsi précipité on se prédit Tavenir : de la richesse si
la masse est grosse et brillante, des larmes si elle est tombée en
gouttes, ou du moins en plusieurs morceaux ; la guerre si Ton peut
distinguer des épées, des soldats ou des canons ; un mariage si l'on
reconnaît des anneaux, des vêtements,. un château etc.
Ou se sert aussi de coquilles de noix soigneusement gardées par
les enfants, dans lesquelles on fixe de petites bougies et qu'on met
par deux dans une cuvette remplie d'eau ; si les coquilles se rappro-
chent, c'est signe de bonheur, d'amitié^ de mariage, si elles s'éloi-
gnent il n'y a pas de sympathie, ou bien il faut attendre ; si elles
s'éteignent c'est signe de chagrin, de mort, etc.
A propos de tous ces usages et de ces superstitions, une de nos vieilles
amies nous a raconté qu'autrefois, en Bavière, les vieilles gens se
réunissaient encore dans la nuit du 31 Décembre sur les carrefours
des grandes routes où ils s'accroupissaient en silence et attendaient
la venue des esprits qui devaient leur annoncer les événements de
l'année nouvelle. L'imagination aidant ils apercevaient alors des cor-
tèges nuptiaux, des fêtes ou des funérailles, ils entendaient des mu-
siques joyeuses, le son des cloches ou le bruit des canons, qu'ils in-
interprétaient au gré de leurs souhaits et de leurs pressentiments.
Mais ce n'étaientque les vieilles gens, conservant les traditions ancien-
nes, les jeunes avaient déjà {abandonné toutes ces superstitions et
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fâ8 REVIÎE DES TkAblTlONS ^ÔflÎLAtHES
préféraienl à ces longues attentes au milieu de la nuit et des bois les
plaisirs plus sociables et plus conformes à leur âge.
Hedwige Heinecke.
XXIII
co'utumes
En Espagne
La Kiiesse de minuit, dans beaucoup de districts de l'Espagne,
s'appelle « Misa de gallo », la messe aux coqs, et voici pourquoi.
Cette messe était célébrée tout particulièrement pour les pâtres en
souvenir de la bonne nouvelle que les anges avaient apportée aux
bergers de Bethléem. Ces braves gens venaient des environs appor-
tant aux prêtres qui disaient la messe des œufs, des gâteaux et des
poules en échange de quoi ils recevaient du pain béni et des tourtes
de Marie « tortas de Maria ».
Une autre version, empruntée à un manuscrit arabe du xii* siècle,
raconte que les paysans des environs de Tolède, indignés de l'indis-
crétion avec laquelle le coq avait révélé la trahison de Saint Pierre,
et pour ne pas se brouiller avec celui-ci, n'avaient su imaginer rien
de mieux que de torturer leurs coqs la nuit de Noël et de leur tordre
le cou finalement. Les Moslems de Tolède, très friands de ces bons
rôts, s'assemblaient aux abords de Téglise pour leur acheter leurs
coqs à bon compte et c'est ainsi que Moslems et Chrétiens se confon-
dant peu à peu, le rôti de coq devint le rôti traditionnel en Espagne
jusqu'à ce qu'il fut chassé peu à peu par le « turkey » anglais plus
succulent et plus volumineux.
La « Misa de gallo », dès qu'elle ne fut plus la cérémonie particu-
lière des bergers et des paysans, dégénéra bientôt en une Saturnale
désordonnée et bruyante que l'archevêque de Tolède dut interdire
complètement au xvn' siècle. La représentation des mystères de la
Nativité à l'église fut remplacée par des tableaux ou sculptures
correspondantes « Nacimenti ». Les danses et les chants & travers
la ville durent toujours, mais le plus grand calme règne à l'église,
grâce à des sacristains qui se tiennent à l'entrée armés de longs
bâtons pour chasser les « maie gente » les mauvais esprits !
{Noël dans Les pays de Caslille^ par Martin Fun),
Hedwige Heinecke.
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RfiVUG DES TBADITIONS POPULÂlBES 629
XXIV
COLTUMKS DES « RAUCHN^CIJTE «
En Haute- Autriche
Bien des superstitions se mêlent à là foi religieuse des paysans de
Haute-Autriche. C'est surtout àTépoque des fêtes de Noël qu'elles se
manifestent, — époque de choses merveilleuses, où Ton entend les
animaux parler, où Ton peut découvrir des trésors et surtout deviner
Tavenir. Les quatre nuits de la Saint Thomas (21 décembre), de la
« Sainte-Soirée » (24 décembre), de la Saint Sylvestre (31 décembre)
et de la veille des Rois (5 janvier), dites /iauckn^^chle (probablement
de Rauch (fumée), parce que, ces soirs-là, on promène par toute la
maison, jusque dans la grange et les écuries, des charbons sur
lesquels brûle de l'encens, afin de chasser les esprits), on peut
obtenir cette précieuse connaissance, et, spécialement le premier
de ces soirs, on se livre à une foule d'usages amusants destinés à
révéler les événements heureux ou malheureux qui surviendront
Tannée suivante, surtout — ce qui intéresse fort les jeunes filles —
le mariage futur. C'est entre autres, le a jet de la pantoufle » :
les lilles s'assoient par terre, le dos tourné à la porte, et lancent
leur pantoufle par-dessus leur tête : la chaussure tombe-t-elle
la pointe juste dans la direction de la porte, cela indique que
la fille quittera la maison pour se marier; si, au contraire, elle
tombe obliquement ou en sens inverse, la pauvre fille devra encore
patientçr. — Ou bien, c'est la « coulée du plomb » : on laisse
tomber dans de Teau des gouttes de plomb fondu, et les diverses
formes qu'elles prennent en se refroidissant subitement, et où,
avec beaucoup de bonne volonté, on découvre toute sorte de figures,
sont censées indiquer les circonstances du mariage futur, le métier
du fiancé, etc.*
Ces quatre nuits-là aussi, des garçons et des filles vont dans la
campagne secouer un prunier ou un cerisier ; si un chien aboie
pendant qu'on ébranle l'arbre, la direction d*où vient cet aboiement
indique celle du lieu où se trouve le fiancé ou la fiancée à venir ; si
l'on n'entend rien, c'est qu'on ne se mariera pas dans l'année.
Ou bien on prend une poignée de petits éclats de bois, et on les
dépose ensuite deux par deux ; si le nombre était pair et que par
conséquent, il n'en reste pas dans la main, c'est signe de mariage
1. V. notre ouvrage : A travers le Salzkammergut. Paris, Hachette, 1896. hi-4,
m.
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630 REVDE DES TRADITIONS POPULAIRES
dans Tannée ; s'il en reste un, au contraire, il faudra encore attendre.
Une autre coutume est destinée à révéler l'avenir des jeunes gens :
on pose sur une table neuf chapeaux, ou bonnets, ou assiettes, dans
lesquels on a placé une bague (mariage), une bourse (richesse), une
clef (grande exploitation rurale), une poupée (paternité ou maternité),
un peigne (poux), un voile (deuil), un petit paquet (voyages), un
chapelet (piété ou entrée en religion) ; un chapeau reste vide,
signifiant la mort. Celui ou celle qui veut consulter l'avenir \a, les
yeux bandés, choisir un ou trois de ces chapeaux, et ce qu'ils con-
tiennent lui révèle son état futur. — En certains endroits, on
recouvre simplement d'un bol renversé divers objets : chapelet
(état religieux), alliance (mariage), biberon (enfant), croix (mort),
etc., et on tire au hasard Tun d'entre eux.
Dans la contrée d'Hausruck, on pose sur une assiette pleine d'eau
plusieurs coquilles de noix dans lesquelles brûle une petite veilleuse.
Si dans un certain espace de temps un de ces lampions vient à se
renverser et à s'éteindre, c'est signe que quelqu'un de la maison
mourra dans l'année.
A Vindischgarten, ces petits lampions servent à révéler l'avenir
des fiancés : si les deux que ceux-ci ont posés sur l'assiette restent
dans la position où ils ont été mis, le mariage sera heureux, s'ils
flottent en sens inverse l'un de l'autre, c'est signe de mésintelligence
ou de malheur, et celui dont la veilleuse s'éteint la première doit
s'attendre à mourir avant l'autre '.
Le 24 décembre aussi, pendant que sonne VAngelus du soir, ou
se réunit autour d'une table éclairée par une chandelle, et on
observe les ombres portées sur la muraille : celui dont on ne voit
pas la léte mourra, pense-t-on, dans l'année.
La « Sainte Nuit » enfin est parfois employée à des pratiques
moins innocentes. Tandis que les lidèles sont à la messe de minuit,
vous verrez peut-être un paysan s'en aller par la campagne évoquer
les esprits. Pour réussir, il a dû, pendant les trois jours précédents,
s'abstenir de prier, de prendre de l'eau bénite, et il ne doit avoir
sur lui ni morceau ni miettes de pain, car cet aliment est sacré. Il
s'arrête à un carrefour où sont portés les morts de deux paroisses,
qui se réunissent en forme de croix. Il porte à la main un bâton de
coudrier, et sous le bras un coq ou une poule noire. Avec un mor-
ceau de craie bénit, il trace par terre un cercle assez étendu qui
ne doit avoir aucune solution de continuité, et il se place au milieu.
Il doit être là à minuit, seul. Alors, à cette heure, il voit venir sur
1. Celte façon d'interroger l'avenir au moyen de veilleuses posées dans des
coquilles de noix est aussi usitée dans TAllemagne du nord.
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 631
lui comme une voilure de foin entourée de flammes ; des formes
efifrayautes apparaissent, le saisissent, lui parlent; mais il ne doit
pas bouger de place ni dire le moindre mot, sans quoi il tombe
irrémédiablement au pouvoir du diable. Pour apaiser celui-ci, il lui
jette sa poule noire. Et alors, s'il est resté ferme en présence de ces
choses terrifiantes, l'avenir lui est dévoilé et il connaît le sort réservé
à lui-même, à ses parents, voisins et connaissances... Mais ceux qui
se livrent encore à ces pratiques magiques sont un objet de crainte
et d'épouvante pour les autres.
Auguste Marguillier.
XXV
CROYANCES; COUTUMES ET SUPERSTITIONS DE NOËL
A Bruxelles
A Bruxelles, au commencement du siècle, dans la riche bourgeoi-
sie, on avait imaginé de célébrer les fêtes de Noël en établissant
dans les habitations un « Bethléem ». Dans la plus grande pièce de
la maison, on dressait une table immense, sur laquelle de petites
maisons de J5 centimètres de haut étaient rangées de manière à
former une longue rue serpentante. La construction la plus vaste,
et qui pouvait bien avoir 25 centimètres de hauteur, représentait une
étable dans laquelle Ton voyait, couché dans une crèche, Tenfant
Jésus entouré de sa mère, de saint Joseph et, suivant le caprice des
propriétaires, des rois mages ou des bergers.
Cette étable et toutes les maisons qui Tenvironnaieut étaient
éclairées à l'intérieur au moyen de petites bougies dont la lumière
discrète donnait à l'ensemble un aspect féerique.
Les parent?, les amis, les connaissances, étaient invités à cette
exhibition et tous venaient à leur tour jouir de ce spectacle et
admirer, dans chacune des maisonnettes, les petits bonshommes
agenouillés, priant devant l'enfant Jésus.
(P. Hymans. Bruxelles à travers les âges, IL 189-190).
Alfred Harou.
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632
REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
XXVI
COUTUMES
En Pologne
A Cracovie^ le jour de Noël, les habitants, au sortir de la messe
entre onze heures et une heure, se jettent mutuellement de grandes
poignées d*avoine, et cette coutume se pratique aussi par les gens
de la meilleure société. Ces graines d*avoine, on les laisse volontiers
sur ses vêtements, et on dit que plus on en a, plus on aura d argent
dans le courant de Tannée future.
La quantité d'avoine ainsi jetée est si grande qu'à l heure du dîner
quand les messe dépeuplent, les vieilles gens et les enfants arrivent
avec des balais et des sacs et viennent ramasser ces graines qu'ils
emportent à la maison, ayant souvent leurs grands sacs tout à fait
pleins.
Personne, au fond, ne peut expliquer cet usage ni l'époque d'où
il date. Un évêque russe, à qui nous avons demandé conseil croit
qu'il faut le rapporter au souvenir de la crèche dans laquelle le
Christ fut couché ; il pense que Ton jette cette avoine à Tâne et au
bœuf qui l'ont si bien accueilli.
Bruno Heinecke.
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KEVCE DES TRADITIONS rurULAJRES
633
CONTES DE LA HAUTE-BRETAGNE
Coules comiques
XLII
L ANE QUI DEVIENT MOINE
L élail une fois h Sainl-Jacut un meunier qui
avait un âne, et tous les soirs il rattachait avec
une longue corde auprès de son moulin afin
qu'il pût paître tout à son aise.
En ce temps-là il y avait aussi à Saint-Jacut
des moines qui allaient la nuit dans les champs
pour y voler ce qui se trouvait à leur conve-
nance. Une nuit qu'ils retournaient à l'Abbaye chargés de butin, ils
virent l'âne qui paissait au pied du moulin, et ils se dirent :
— Il faut prendre cet âne pour porter notre butin, et, quand
nous n'en aurons plus besoin, nous irons le vendre.
— Bien, dit le supérieur ; mais pour qu'on ne s'en aperçoive pas,
tu vas, dit-il à un des moines, te mettre à la place de l'âne, attaché
comme lui, et quand le meunier viendra, tu lui diras que tu avais
été changé en âne et que ton temps est fini.
A deux heures du matin, le meunier eut besoin de son àne, et il
sortit pour le prendre ; mais à sa place il vit au clair de lune un
moine.
' — Qui est là? cria-t-il.
— Votre âne, répondit le moine d'un ton de pénitent.
— Par ma fa mon /tî, dit le meunier, mon âne prêche (parle) donc
asteure (maintenant).
— J'étais condamné, dit le moine, à faire pénitence de mes
péchés sous la forme d'un âne ; mon temps est fini, et je suis
redevenu moine.
— Par ma fa mon fâ, répondit le meunier, tu peux t'en aller ;
fnai pas affaire de ta^ nest pà ta qui iras me querï des pouchées ni
les porter su ton dos.
Le moine retourna à son couvent ; quand il fut jour, le meunier
dit à sa femme :
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634 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
— Dis donc^ Félie, sais tu ben^ notre âne ! He ben ! 'était un moine
quêtait a faire pénitence en âne, et quand il la za zeue finie, il a été
démorphosé et est redevenu moine,
— Par ma fa^ mon p'tit fû^ dit la femme, fêtas ben en païne
cquil avait à batt'esi souvent d'ia goule, ^est qui disait son bréviaire.
Quand arriva Tété, les moines qui n'avaient plus affaire de Tâne
allèrent pour le vendre à la foire de Plouër, et comme c'est le
pays aux ânes, le meunier y vint aussi pour en acheter uo.
Lorsqu'il vit celui que les moines avaient amené, il dit à sa femme.
— Ergarde, Félie, Dieu me danse, mon fit, parait que V moine ara
cor fait queuque bêtise, le via cor tourné en bourrique.
Et voyant un de ses voisins, il lui dit :
— Par ma fa, mon fû, n'allez pas acheter une bêle de même ; nest
pas qu'o ne vaut ren; mais en lieu d'eune dne^ dans huit j ou s, v'arez
un moine à vof porte ; ergardez-le ; ibat cor des lèvres, il est à dire
son bréviaire, ^
Pendant toute la foire, il resta auprès de Tàno, cl quand il voyait
quelqu'un s'approcher pour le marchander, il lui racontait les
mêmes choses, de sorte que personne ne voulut l'acheter, et ks
moines furent obligés de le ramener à leur couvent.
[Conté en i 8H5, par François Marquer, qui Ca entendu contera une
dame de Dinar d).
XLIII
LES SAINTS VIVANTS
Au lc:iip6 jadis, OÙ les poules pissaient dans un bassin, les Jaguens
voulurent avoir des saints vivants ; car ils se disaient entre eux :
— Par ma fa, mon fû (par ma foi, mon fils), si les saints qui sont
dans noVe église n*étaint point morts^ je leux demanderions de périer
Vbon Dieu de nous faire prenre du poisson ; mais que qutu veux lous
dire ? i' sont sourds et muets, F nou' en faurait qu'araint d's oraïlles
pour ouï, et eune langue pour deviser (parler). Par ma fa, mon fû, i'
nous faut faire eune quête, et quand farons de qua f irons en acheter
à Saint-Bérieu.
Il fut décidé que deux des anciens iraient dans chaque maison de
l'Isle quêter de l'argent pour acheter des saints vivants. Quand ils
eurent réuni une somme suffisante, ils partirent pour Saint-Brieuc,
accompagnés des trois plus anciens de la paroisse.
En arrivant à la ville, les Jaguens demandaient à tous les passants
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BEVUE DES TRADITIONS rUl'tXAlRES 635
OÙ demeurait le vendeur de saints, et on les conduisit chez le
sculpteur.
— Par ma fa^ mon plit /*«, lui dirent-ils, fen avons dans nof
pglise, des saints^ mais 'est des saints qui sont morts^ et tant quà
acheter, fen voulons qui saint (soient) tnvants^ qui saraint nous oui et
périer l'bon Dieu d'nou' envoyer du païsson : vlà quasiment tras ans,
mon p'tit fil, que je fn avons presque ren prins.
Le sculpteur voyant qu'ils n'étaient pas trop fins, leur répondit :
— Mes amis, je n'ai pas pour le moment de saints vivants, mais
revenez dans quinze jours, j'en aurai.
Voilà les Jaguens bien contents.
— Mon p'tit /"w, lui dirent-ils, dans quinze jou's je r'vienrons, j'en
prenrons bien dnq ou six, mais V nfaura point en promettre à d'aut'es
qu'à nous.
Au bout de quinze jours, ils retournèrent chez le sculpteur, qui
leur dit :
— Mes amis, j'ai aujourd'hui des saints vivants; ils sont dans
cette boite ; mais il ne faudra pas Touvrir avan^ d'être arrivés dans
votre église ; car les saints, qui ne sont pas contents d'être enfermés,
s'échapperaient, et vous ne pourriez les rattraper.
Les Jaguens, bien contents, remercièrent le sculpteur et lui don-
nèrent deux cents francs, puis ils partirent pour Saint-Jacut. Arrivés
à moitié route, il y en eut un qui dit :
— Par ma fa^ mon /*«, ouvrons h boupite pour va un p'tit les saints-
là,
— Non fait, mon fu, répondirent deux des Jaguens, faut pas Vou-
vri\ Vesculteur a dit qui fauyait attenre à être dans nof église.
Mais les trois autres avaient tant d'envie de voir les saints, qu'ils
ouvrirent malgré tout la boite, et les souris que le sculpteur y
avait enfermées s'échappèrent. Les Jatçuens coururent après, mais
elles étaient plus lestes qu'eux, et elles se sauvèrent dans un puits
qui était près de la route ; les deux plus jeunes disaient :
— Par ma fa, mon fù, vlà ce que cpst de npas voûtai nous craire :
nous via bien parcs asteure ! (mainlenanl) j' avons perdu nos saints
vivants, et cor dépensé not'e monnâs ! (argent).
— Ne vous dt'menez pas tant, mes p'Hts fus, répondirent les vieux
Jaguens ; i'sont dans tpu (puits) ; j^allons descenre les quéri\
Les Jaguens se prirent par les pieds et par les mains, de façon à
former une sorte de chaîne, et ils descendirent dans le puits. Com-
père Jacques qui touchait à la surface de l'eau, disait :
— Par ma fa, mon fû, je n les troue (trouve) point. Dieu me danse,
mon pauv compère André ; je nies troue point, les saints vivants/
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636 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
Cependant celui qui élait resté sur le bord du puits et dont les bras
supportaient le poids de ses quatre compagnons, commençait à se
lasser, et il disait .
— Par ma fa, mon /m, mon pauve compère Jean, la poignée m'é-
chappCj je largue poignée,
— Copie (crache) dans tes mains, mon p'tit fû^ lui répondit compère
André, copie dans tes mains, tu païsseras mieux après !
Compère Désiré cracha dans sa main et les quatres Jaguens tom-
bèrent dans le fond du puits, et s'y noyèrent, à Texception de celui
qui avait voulu attendre à être dans l'église pour voir les saints vi-
vants ; l'autre était compère Désiré.
Tous deux se mirent en route en disant :
— Par ma fa, mon fû, 'est Vhon Dieu qui Vza punis ; i's nseraint
pas nages s^ts avaint attendu à êCe dans Véglise, V^la ce que 'est de
ne par voûtai craire le monde p'u savant qu'sai.
Quand les Jaguines apprirent que leurs hommes s'étaient noyés
dans le puits, elles en eurent d'abord beaucoup du chagrin ; mais au
bout de trois jours, elles se réjouissaient et disaient :
— Par ma fa, mon fu, les saints vivants s'en allaint dans V Paradis,
et nos hommes qu avaint voulu y aller aussi les aront sieuvis (suivis).
(Conté en 1883, par Louis Macé, de Matignon, menuisier, âgé de
44 ans.)
Paul Sébillot.
Les Jaguens sont les héro» d'un grand nombre de contes comiques, dans
lefiqucis leur patois est soigneusement conservé par les conteurs. J*ai publié
une trentaine de cgp^ récits, dont les plus curieux sont ceux qui forment toute
une sOne dans mes Conte» des Marins, L'épisode de la visite au sculpteur et de
la deiruuidu de» saints s'y rencontre, et la chaîne pour atteindre le Tond du
puits fait la fin d*nn récit de mes Contes populaireSy l^** série, p. 243.
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RBVUÉ DBS TRADITIONS POPULAIRES 637
COUTUMES, CROYANCES ET SUPERSTITIONS
DU CAMBODGE
I
LE TABOU
N CalédoQÎe comme aux Nouvelles-
Hébrides, les Kanaques marquent
d'un signe particulier, bien appa-
rent, les objets auxquels il est
défendu de toucher ; cela s'appelle
le Tabou. Mettre le Tabou sur un
arbre, c'est en réserver les fruits,
le poser sur une habitation c'est
interdire Taccès du local, etc. Cette
coutume je l'ai retrouvée au Cam-
bodge. En juillet 93, comme je remontais le Mékong, je pris terre
aux environs des petits rapides du Prec Kampi, et toujours à la
recherche de bibelots, je m*en fus visiter les cagnas (cases en
paille}. Au moment oti je m'apprêtais à franchir l'échelle de meunier
de l'une d'elles, contrairement aux habitudes reçues, je fus interpellé
par une femme qui fit signe de m'éloigner. Surpris par cetle
défense, j'en demandai la raison à l'interprète, qui me dit qu'il ne
fallait pas insister, deux feuilles fraîches de cactus étant suspendues
de chaque c6té de la porte d'entrée. Ces emblèmes indiquaient que
la maison était consignée, et qu'elle devait abriter une femme en
couches ou une personne malade. Des plaintes, des gémissements
venant de l'habitation me confirmèrent dans cette opinion.
Les auteurs qui prétendent que les Kanaques sont originaires de
l'Inde, et non d'un autre continent trouveront dans cette coutume,
qui n'est pas la seule, un argument de plus en faveur de leurs
hypothèses.
Il
LES REVENANTS
J'ai rapporté (voir la Revue de janvier 93, p. 59) que les Kanaques
des Hébrides, faisaient la nuit un bruit infernal pour éloigner les
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G38 REVUK DES TRADITIONS POPULAIRES
diables. En parcourant le Cambodge, j'avais présumé, que les nom-
breux cerfs-volants armés de sifflets, n'étaient établis dans les
rizières, que pour écarter, par le bruit qu'ils font en temps de brise,
les oiseaux et animaux dangereux. On m'a donné l'assurance que
ces machines étaient surtout installées en vue d'eflfrayer les
revenants.
Les clochettes dont sont pourvues les coqs (symbole de vigilance)
en bois, qui ornent les pagodes, et dont le dlin-dlin est perceptible
au moindre zéphir, jouent le même rôle que les cerfs-volants.
J'ajouterai, que c'est peut-être dans un but intéressé, que les
bonzes passent des nuits entières à chanter et à louer Boudha. Le
bruit qu'ils font est extraordinaire, et s'il éloigne les esprits, il
incommode les voisins européens qui ne peuvent trouver le sommeil.
En voici, et seulement pour mémoire, un exemple récent : En mars
dernier j'étais à Koropong-Spen, où en compagnie de M. X. n'ayant
pu faire autrement, nous habitions entre la pagode et la bonzerie.
Les chants religieux se prolongeaient si tard, que mon compagnon
exaspéré de ne pouvoir se reposer, se leva vers trois heures du
matin et fit, à blanc, une décharge de mousqueterie. Surpris par
les détonations, les bonzes en demandèrent la cause. Mon compa-
gnon satisfait de son espièglerie, répondit qu'il venait aussi de
louer Boudha, en brûlant de la poudre à son intention.
La leçon fut comprise, car le lendemain et jours suivants, les
ministres de Boudha mirent plus de réserve dans la durée et l'am-
pleur de leurs chants.
UI
l'olympe
f
Chacun sait au Cambodge, que les régions élevées et boisées ne
sont pas habitées. Il ne faut chercher la cause de cette absention
que dans la croyance que ces sphères sont hantées parles Divinités.
En novembre 93, comme j'allais de Kampot à Pnom-Penh, j'avais,
dans le but de faire des observations, donné ordre de mettre pied à
terre au col du Pnom (montagne) Tria.
Or en même temps que je m'occupais à prendre des notes et
repérer ma station, j'aperçus le cornac chargé de la conduite d'un
éléphant, qui dans une attitude respectueuse semblait réciter une
prière. Interrogeant à la fois le cornac et l'interprète, j'appris que
comme nous étions dans un massif montagneux et boisé, le cornac
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REVCE DES TRADITIONS POPULAIRES 639
avait cru bon d'implorer la protection des Boudhas de la région,
afin que notre voyage fût exempt de désagréments.
Un autre indice de cette pratique me fut donné à quelques pas
de là, par la présence sur le chemin, de papiers d'offrandes qu'un
voyageur avait dû déposer pour ne pas encourir la colère des dieux
du Phnom-Tria.
IV
LA MÉTEMPSYCOSE
Au nombre des croyances répandues et accréditées dans Tespril
du peuple Kmer, celle de la transmigration des âmes semble tenir
une grande place.
H n'est pas en effet de pagode autour de laquelle on ne trouve
des pyramides, et, espacées de quelques mètres les unes des
autres^ de petites toitures en chaume, abritant des pierres décorées
de Boudhas ou autres génies. C'est, paraît-il, sous ces monolithes
qu'on trouve les objets symboliques, dont les Cambodgiens font
offrande aux Divinités, dans Tespoir qu'après leur mort ils revivront
dans des classes élevées, dans des conditions meilleures.
Les personnes qui ont Tamour des richesses déposent des mon-
naies, des barres d*or, d'argent, dès bijoux ; celles désireuses d'être
des savants, enfouissent des satras (livres), du parchemin, etc. C'est
sous ces massifs de maçonnerie qu'on trouve aussi des vases en
porcelaine renfermant les ossements et cendres des bonzes et autres
personnages.
Les travaux exécutés en 93, à Pnom-Penh, pour restaurer la
grande pyramide et la pagode nationale, ont amené la découverte
de plusieurs urnes funéraires, de petits boudhas, pièces de mon-
naie, etc., qui ne laissent aucun doute sur la croyance des indigènes
à la métempsycose.
V
LES TALISMANS
A Pnom-Penh, comme dans toutes les régions que j'ai visitées
au Cambodge, l'usage d^s colliers, bracelets, etc., en guise d'amu-
lettes et talismans est fort répandu. Au dire des indigènes ces
objets préservent d'une infinité de maux et chassent les mauvais
esprits.
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()iO REVCE DES TRADITIONS POPULAIRES
Les taiismans les plus en vogue, qu^on porte suspendus au cou ou
autour des poignets, sont faits de pièces d'argent, de sapèques en
cuivre^ de dents de tigres, de requins et de caïmans, ainsi que de
figurines représentant des animaux (éléphants, buffles, etc.).
J'ai réussi à me procurer un certain nombre de ces bibelots, mais
les mamans consentent difficilement à s'en défaire, et invoquent
toujours la raison de santé, pour ne pas dépouiller leurs enfants.
Toutefois les résistances sont généralement levées au moyen de
pièces d*argent de fabrication récente.
Un Penong (homme des bois, de l'intérieur) à qui je demandais à
acheter deux bracelets en fil de cuivre que son enfant portait aux
bras, n*osa me refuser. Tout en tirant les bijoux, l'indigène me
faisait dire que son enfant allait tomber malade et que j'en serais
la cause. Je le fis rassurer et remis une pièce blanche pour le
dédommager. Mon individu qui était fort superstitieux, aspergea la
monnaie de salive, la colla contre le front du bébé, et ne la retira
qu'après avoir récité une oraison destinée à écarter les esprits mal-
faisants.
Vi
LES EXORGISMES
Au Cambodge, les incantations, comme on dit en Corse où elles
se pratiquent beaucoup, sont étendues des personnes aux bêtes.
En voici un témoignage. Au mois de Novembre 93, (j'allais de
Kampot à Pnom-Penh), un des trois éléphants qui composaient mon
convoi, se trouva dérangé... du ventre. Au premier arrêt, je vis
l'un des cornacs quitter son siège et se découvrir devant l'énorme
pachyderme.
Après avoir récité une incantation, le cornac usant de sa bouche
comme d'un vaporisateur ou d'un goupillon, se mil à souffler le jus
de sa chique sur l'oreille, les jambes et le ventre de l'éléphant.
Cette opération terminée, une deuxième prière eut lieu et tout se
termina par une nouvelle aspersion d'eau de tabac et de bétel.
Ce fait s'est renouvelé en janvier dernier, alors que je me rendais
à Kompong-Spen, pour l'installation d'un poste. Cette fois le Domrey
(éléphant) avait une épine dans le sabot ; c'est un mandarin du Roi,
le Louk Norine, qui a exorcisé, comme je l'ai rapporté plus haut,
ce qui prouve que la croyance est répandue aussi bien dans les
classes élevées que dans le peuple.
Je ne crois pas utile d'ajouter que l'efficacité du remède est nulle.
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RBVUB DfiS TRADITIONS POPULAIRES 641
On iveut rapprocher ces pratiques et ces croyaiices, de celles en
vigueur dans la plupart des villages de la Corse, où muyennaat une
honaéte rétribution, on trouve des curés qui consentent à exorciser.
VII
LE SALUT
Le cambodgien prend au repos, Vattitude accroupie, celle d'un
chien posé sur son séant. Généralement les coudes s*appuient sur les
genoux et les mains soutiennent la tête. Si deux indigènes se ren-
contrent et se mettent à causer, on peut être certain de les voir
abandonner la position debout et s entretenir accroupis.
Pour saluer les personnages, la pose précitée se modlGe; les
mains se joignent, les bras s^allongeot et la plupart du temps Tiadi-
vidu agenouillé, se prosterne à plusieurs reprises en touchant terre
avec les mains et le visage. C'est ce qu'on appelle faire des laïs
(saluls).
A la repcontre d'un européen d'un bonze, mandarin ou chef
quelconque, le cambodgien ferme son ombrelle et tire sa coiffure
s'il est en possession de pareil objets ; dans tous les cas il s'efface,
se tient à l'écart, jusqu'à ce qu'on soit un peu loin et affecte dans
cette rencontre une tenue humblement soumise, tète baissée et
mains jointes.
A Pnoro-Penb même, cette coutume n est pas hors 4*usage. Au
passage des ministres du roi Nordom, j*ai vu des gens d^ peuple, se
mettre quasi à. plat-ventre, en s'appuyant sur les mains et les
genoux ; ces individus se dissimulaient derrière les arbres et s'es-
quivaient dès que les chemins devenaient libres. Les Cambodgiens
se découvrent ou font des laïs en passant devant une pagode ou
l'bi^bitation d'un personnage.
yiii
LES MESROCS
Chargé au mois de mai de faire les études de la route qui doit
(relier Kratié aSambor, j'arrivai le 8 mai au petit village de Coulop.
Comme j'avais au préalable expédié un interprête pour demander
une case ponr m^y abriter, je fus à men arrivée, reçu par le mesroc
mé = chef et roc = contrée) ou maire de la loeatité, qui dans une
TOMB XI. « DâCBMBRB 1896. 41
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642 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
attitude fort respectueuse vint me faire ses laïs et me prier d'accep-
ter les cadeaux qu'il m'offrait, des poulets et des œufs. J'acceptai et
fis remercier, en donnant à mon tour quelque monnaie, do vîo, etc.
Après le mesroc, vinrent deux de ses prédécesseurs qui, eux aussi,
voulurent me saluer et me firent les cadeaux d'usage, toujours des
poulets et des œufs.
Au village de Combor, au prec (rivière) Kampi, aux environs de
Sambor, je reçus le même accueil qu'à Coulop.
IX
LA SALA
Dans l'intérieur du Cambodge, là où s'élève une pagode, on
trouve toujours une maison commune, hangar ou case, abri pour les
voyageurs, c'est la sala. Fréquemment c'est dans cette constrution
que les bonzes instruisent les enfants ou bonzillons, ainsi dénommés
parce qu'ils revêtent la robe jaune.
Les ministres de Boudha se tiennent à l'écart, paraissant vouloir
éviter tout contact, surtout avec les Européens. Cette affectation
n'est qu'apparente, car si on parle à un bonze et si on lui témoigae
quelque intérêt en donnant des vivres ou objets utiles, papier,
crayons, bougies etc., les relations s'établissent sans diffieultés et
on reçoit des cocos, du vin de palme etc., comme marque de
sympathie.
En usant de procédés aimables, on peut grÀce aux bonzes, obtenir
des renseignements, des explications que les gens du peuple sont
incapables de fournir.
Aux pagodes de Poucheton, Presling et Sreling (localités situées
non loin de Pnom-Penh] les bonzes ont été sensibles aux petits
cadeaux et m'ont témoigné leur reconnaissance en m'apportanl
quelques bibelots. Ceux de Poucheton ont poussé la complaisance
jusqu'à se laisser photographier en gnmpe.
X
BONZES. LEUR NOURRITURE
Les bonzes sont nourris par le peuple. Lorsqu'on est matinal et
qu'on parcourt la ville ou les villages, on rencontre, stationnant
devant la porte des habitations, des groupes de bonzes et bonzillons
qui attendent l'offrande.
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REVUE DRR TRADITIONS POPULAIRES 643
Les femmes sortent, portant dans un bol, plat ou autre ustensile,
du riz cuit et d*autres aliments, qui, très respectueusement, sont
versés dans le récipient que chaque bonze porte en bandoulière.
Le récipient de forme sphérique est recouvert d'étoffe jaune et le
couvercle a la grandeur d'environ la moitié du récipient. A Theure
des repas les bonzes sont servis et les restes réservés aux bonzillons.
Jules Agostini.
LE LOUP RECONNAISSANT
Une légende, citée par Strabon ^ raconte que dans le pays des
anciens Hénètes (la Vénétie actuelle) un homme que tout le monde
connaissait et plaisantait pour son empressement à cautionner les
gens, rencontra un jour des chasseurs qui avaient pris un loup dans
leurs filets ; ceux-ci lui proposèrent en riant de se rendre caution
pour le loup, disant que, s*il voulait s'engager à réparer le dég&t
que leur prisonnier pourrait faire, ils lui rendraient la liberté ;
rhomme s*y étant engagé, le loup fut en effet rclÀché^ mais, une
fois hors des filets, il se mit à donner la chasse k un fort troupeau
de cavales non marquées, jusqu'à ce qu'il Teut poussé tout entier
dans rétable de son généreux garant. Ainsi payé de son bienfait,
l'homme, ajoute-t-on, fit marquer le troupeau à Teftigie d'un loup ; on
rappela le troupeau des Lycophores ; c'étaient toutes bétes, sinon
d'une beauté, du moins d'une vitesse incomparable.
René Basset.
1. Géographie, L. V, ch. I, § 9.
:3i^<t%^^
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644 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
MEDECINE POPULAIRE ARABE
REMÈDES CONTRE LA RAGE
J^ ORSOu'uN indigène a élé mordu par un chien hydrophobe, les
ffî^ membres de sa famille s'efforcent de tuer le chien afin d'avoir
0^^. le foie de fanimal qui doit constituer le remède contre la rage.
©Jj^ Le foie est cuit et le malade doit le manger.
-^ Dans le douar Méida de Sedrata, les membres de la famille
Laraimïa de la Mechta Chabet el Kletkh srira ont une réputation
bien établie de guérisseurs de la rage. La médication employée par
eux n'est pas très compliquée ; elle consiste à faire manger au ma-
lade des pains confectionnés avec de la farine dans laquelle un La-
raimïa quelconque a craché sept ou huit fois. En outre une prière
est écrite sur un papier et remise au malade qui doit la porter dans
un petit sachet de cuir.
Dans le douar Âïn-Snob, toujours de Sedrata, les membres de
la famille des Blalta emploient le même remède lorsqu'un indigène
mordu par un chien enragé leur est amené.
Le marabout âidi Abderahmane ben el Hafis, Mokaddem de la
secte des Rahmania, qui réside près de Dréa jouit d*une grande
notoriété comme médecin.
Pour l'hydrophobie voici en quoi consiste le traitement qu'il
emploie : H écrit une prière sur un papier, puis il trempe ce papier
dans un vase rempli d'eau et lave les caractères qu'il vient de tracer.
Ensuite il invite le malade à boire ce liquide.
Les indigènes ont grande foi en ces divers traitements ils aflir-
ment avec un grand sérieux que ces pratiques sont infaillibles et ils
les préfèrent de beaucoup au traitement rationnel de Pasteur ! !
Achille Robert.
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 645
BLASON POPULAIRE DE LA FRANGHE-COMTÉ
DICTONS ET CONTES FACÉTIEUX *
NTEUiL (Doubs). Les bonnes gens.
Cette ilémomiDation est prise dans le sens de
simples et crédules. Aussi en a-t-on fait les héros de
toutes ces vieilles histoires^ types classiques de la
naïveté rustique et qu'on retrouve les mêmes, d'un
bout de la France à Tautre.
Il y avait à Anteuil une vieille église, qui, las moi ! tombait en ruine.
Lt^bardeaux et les awr^/fes craquaient de tous côtés et l'herbe commen-
(;ait à pousserentre les laves^ si bien qu'un beau jour on aperçut un ma-
gnifique <oi//;of d'herbe s'épanouissant tout au haut du clocher. « Ma-
tin îdisaientlesgens,queIdommageque cette belle touffe soit si haute.
C'est du bon butin de perdu, nos bêtes le mangeraient bien ! »
A force de dire la même chose et d'y penser, voilà qu il leur vint
une idée: Si nous faisions manger la touffe d'herbe au taureau
banal ? Fut dit fut fait. Des gens montèrent au-dessus du clocher pour
y fixer une poulie et eu bas on attacha le taureau par le cou avec
une corde à nœud coulant. Puis on commença à hisser la bêle. Le
taureau montait, montait aux applaudissements de la foule qui
regardait. Kt tout d'un coup il se mit à tirer la langue long comme
le bras. Et les gens riaient en disant : « Voyez-vous le matin I il
sent l'herbe fraîche, il voudrait déjà « l'agripper ». Mais la pauvre
bête tirait la langue parce qu'elle était tout simplement étranglée.
Un jour les bonnes gens d'Anteuil furent scandalisés en aperce-
vant des ordures qu'on avait déposées le long du mur de l'église.
Ils résolurent incontinent de déplacer le temple du Seigneur pour
le soustraire à ce voisinage malséant. On fut chercher toutes les
étoupes de laine du village et l'on tressa une corde assez longue
pour entourer l'édifice. Alors les habitants des deux sexes, les
1. Nous extrayons du volumineux blason, que notre collègue M.Charles Beau-
quier va prochainement publier, un certain nombre récits facétieux qui ne sont
pas en général particuliers à la Franche-Comté, mais qui sont racontés, ici
comme ailleurs, avec des traits et desi développements un peu différents qui
montrent le genre d'esprit de la province.
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646 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
bœufs et les chevaux s'atlelèrenl à cette corde et se mirent à tirer ;
comme la laine s'allongeait, ils crurent que Téglise avançait.
Tandis quMls étaient occupés k cette besogne un terrassier qui
passait par là avec sa pelle sur Tépaule enleva le « cas » sacrilège et
le jeta derrière lui. Nos bonnes gens, n'apercevant plus au long du
mur Tobjet déshonorant, furent convaincus qu'ils avaient changé
Téglise de place.
Une taupe, sans respect pour Toint du Seigneur, avait complète-
ment ravagé le jardin de la cure. Il ne restait pas au pauvre
desservant un poireau à mettre dans son pot au feu ! Grand émoi
dans le village au récit de ces méfaits. Des paroissiens dévoués
guettèrent la taupe, au lever du soleil et s'en emparèrent. Mais de
quel supplice- punir ses crimes? La mort ordinaire était trop douce.
Le conseil municipal, après avoir longuement délibéré pour savoir si
on Técraserait, si on la brûlerait ou si on Técorcherait, décida pour
faire un exemple mémorable, qu'elle serait enterrée vivante.
La commune d'Anteuil d'ordinaire assez pauvre, se trouva un jour
pourtant avoir quelque argent en caisse. Où le mettre pour qu'il
soit il l'abri des voleurs ? Le conseil assemblé décide qu'on le placera
dans un trou, à la fourche de la vieille « tille » (tilleul], située sur la
place du village. De la sorte les habitants auront toujours leur
trésor sous les yeux et pourront faire bonne garde. Hélas ! ces pré-
cautions furent inutiles ! Le jour où l'on eut besoin de cet argent,
on monta sur Tarbre et l'on ne trouva dans le creux de la fourche
que du crottin de cheval.... Les conseillers municipaux furent
péniblement surpris de la perte de leuç trésor et ne purent s'en
expliquer la disparition. Mais ce qui les étonna le plus ce fut qu'un
cheval eût pu monter sur l'arbre et y déposer ses excréments.
Arbecey (Haute-Saône;.
On raconte que deux habitants d'Arbecey étant venus à une foire
de Besançon y achetèrent chacun une montre. Le soir à l'auberge
quand ils furent pour se coucher (ils faisaient lit commun), ils dépo-
sèrent les deux montres sur la table de nuit. Ils avaient déjà fait un
somme quand celui qui ne couchait pas du côté de la ruelle enten-
dant le tic-tac des montres réveilla son camarade et lui dit tout
doucement : « laude 1 entends-tu les souris qui résilient ' nos
montres ! Attends voir !» Et il se leva tout doucement, prit un de
ses gros souliers ferrés au pied du lit et prêtant de nouveau Toreille,
il asséna de toute sa force un coup sur les montres. N'entendant
1. Ronger, grignotter.
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RKVL'E DES TRADITIONS POPULAIRES &i7
plus rien il se recoucha en disant : f Hein I si je ne m'étais pas levé
elles voulaient tout dévorer ». Au matin ils furent bien surpris en
retrouvant leurs montres <t en briques ».
Bbotte (Haute-Saône). Les Fous,
Un homme de Droite, vaniteux et avare, avait entendu dire qu'il
fallait qu'un jeune homme, pour acquérir science et sagesse et être
bien vu dans le monde, eût fait son tour de France. Il avait un fils
et volontiers il l'eût envoyé voir du pays, mais il ne pouvait se
décider à délier les cordons de sa bourse. « Bast î se dit-il un jour,
pourvu qu'on croie que mon Gis a voyagé, ce sera la même chose ! »
Et après avoir enfermé le jeune homme dans la » soue » à cochons,
il s'en fut dire partout que son fils était parti pour faire son tour de
France.
Il y avait déjà quelque temps que le pauvre garçon vivait dans ce
réduit infect lorsqu'un beau matin une querelle très violente s'élève
enlre son père et un voisin à propos de poules mal surveillées. Des
gros mots on allait en venir aux coups. Le fils qui entendait toute
cette dispute, cogne contre la porte de la soue et passant ses bras
par l'ouverture du dessus se met à crier en s'adressant au voisin :
« Ah ! brigand, coquin, comme je te tomberais dessus, si je ne
faisais pas mon tour de France ! » *
GnAMPEY (Haute-Saône). Les fous de Champey, La lune de Champey,
On raconte qu'une belle nuit tout le village fut réveillé par les
cris : A fue ! a fuel (au feu I). Les uns coururent à l'église pour son-
ner le tocsin, les autres coururent aux pompes. Bientôt les pompiers
sont prêts et partent au galop de leurs chevaux. Pendant ce branle-
bas un habitant de la commune, curieux de savoir où était le feu,
avait pris à travers champs, guidé par la rougeur du ciel. En tour-
nant le Tronchet^ la colline assez élevée qui domine le village, il s'a-
perçoit que la cause de ce grand émoi était tout bonnement la lune
qui se levait dans son plein. Aussitôt il rebrousse chemin en criant
de toute la force de ses poumons :
Retounâ d'gens (f Tchampey^ ço lai leune f
(Retournez gens de Champey, c'est la lune).
1. Cf. Une histoire analogue arrivée à un tailleur, t. XI, p. 502.
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648 REVUE DES TRADlTICnS POPULAIRES
Il y a une quarantaine d années quiconque se serait permis de
prononcer cette simple phrase devant un habitant de Champey se
serait sûrement attiré des coups.
Champlitte (Haute-Saône). Les ânes. Les compères.
Ce village est un de ceux sur lesquels s'est le plus exercée la verve
railleuse des Franc-Comtois.
On y raconte Tanecdote bien connue et qui a cours en maint
autre village de France, de l'ordonnance par laquelle M. de Toulon-
geon a aussi puissant que le roi si plus ne passe, » enjoint aux gens
de ne pas sortir sans lanterne après le couvre-feu. Respectueux des
ordres de leur seigneur, les Chanitlois sortent en effet avec une lan-
terne, mais il n*y a rien dedans. Seconde ordonnance prescrivant de
mettre une chandelle dans la dite lanterne. Ils y mettent une chan-
delle, mais ils ne l'allument pas. Troisième ordonnance enfin enjoi-
guant.d'allumer la chandelle.
A Champlitte s'arrête un beau jour un régiment de dragons. Un
cavalier, tenant à la main son billet de logement, se présente chez
une brave femme. Elle examine son hôte et déclare qu'il lui est
impossible de le recevoir. Le dragon insiste, la femme persiste dans
son refus, et au milieu de la discussion notre cavalier descend de
cheval.
— Ah ! s'écrie la vieille stupéfaite, je ne savais pas que ça se
démontait ! Maintenant je puis vous loger, vous à la maison et votre
cheval & l'écurie. »
Chemaudin (Doubs). Les pourris de Chemaudin.
0
l\ y avait dans Tégliâe de Chemaudin un vieux saint en bois qui
tombait de vétusté. On résolut de le remplacer par un neuf. Mais
quand la nouvelle statue de bois fut faite, toute peinte» toute dorée,
les bonnes femmes qui ne reconnaissaient plus leur saint se mirent
à gémir, à crier a que c'est mal de remplacer le vieux saint qui avait
fait tant de miracles, exaucé tant de prières, que c'était faire preuve
d'ingratitude et qu'on en serait puni. »
Le curé était fort embarrassé devant ces lamentations et ne savait
quel parti prendre. Enfin il eut une véritable inspiration ; « Renou-
velons, dit-il, le jugement de Dieu ! Qu'on jette les deux saints à
l'eau, le jeune et le vieux, celui qui surnagera sera le bon. » Ce qui
fut foit. Comme le bois de la vieille statue était plein de trous, tout
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RSVOB BBS TBADITIOMS rOPOLAIlIBS 649
ciroQoé, il s^mplii d'eau comme une éponge et ce fat le vieux saint
qui coula à fond. Les bonnes femmes de Chemaudin purent alors
adorer sans scrupules leur nouveau saint tout flambaot aeuf<
Chenalottb (La) (Doubs). Las sautcrés. (Les saulerelles).
Une nuée de saulerelles, dit-on, s*abattit un jour sur le territoire
de ce village et y causa de grauds dégâts. Le curé les exorcisa et
elles disparurent toutes en même temps dans un profond entonnoir.
ClerVàl (Doubs). Le$ fous de Tchervd.
Voici une des nombreuses histoires qu'on raconte des fous de
Clerval. Un jour, ou plutôt une nuit, « un clerval » aperçut du haut
du pont la pleine lune qui se reflétait dans Teau. Il lui prit Tidée de
lallcr puiser avec un seau. Mais comment Tatteindre ? il rassemble
un certain nombre de compagnons et les persuade de se pendre par
les pieds les uns aux autres, jusqu'à ce que le dernier fut au niveau
de la lune à pécher. Lui s'accroche à la pierre du parapet, le second
se pend à ses pieds et ainsi de suite. Cette grappe humaine avait
déjà atteint une certaine longueur lorsque notre homme qui se sen-
tait faiblir, s'écria : « Attention ! il faut que je crache dans mes
mains. » C*est ce qu1l Ht. Et tout ses compagnons tombèrent dans
Teau.
m
COMBE-DE-MOBBIER (Jura).
Un loup faisait de grands ravages dans les troupeaux de la loca-
lité. On lui tendit des pièges et un beau jour il fut pris. Il s'agissait
de tirer de ses crimes une éclatante vengeance. Le conseil municipal
s'assembla et chacun fut appelé à donner son avis sur le genre de
supplice qu'il fallait lui appliquer. Seul un jeune conseiller nouvelle-
ment marié et qui était allé vivre chez sa belle*mère, n'avait encore
rien dit. « Allons, Dzan, que faut^il lui faire au loup, parle ! s'écrie
le maire ?» — Fâ lou mené dzindre, (Il faut le mener gendre), dit
Jean d'un ton convaincu.
C'est l'expression usitée en Franche-Comté lorsqu'on veut parler
d'un mari qui fait ménage commun avec la famille de sa femme.
Crans (Jura). Les Fous^ les lodots, les Bambans,
Une année qu'il pleuvait continuellement, qu'il faisait toujours
mflmvaîs lempt«, « ceux de Crans » s'assemUèreat et diécidèreot
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630 RBVCJE DES TRADITIONS POPL'LAIKES
d'eavo^^er quelques-uns d*eatre eux chercher le beau temps à
Besançon. Puisque l'on voit voleter des mouches en signe de beau,
tous pensaient qu'il suffirait d'en rapporter de la capitale comtoise.
Deux ou trois habitants furent désignés pour cette mission de con-
fiance. Ils partirent munis d'une boîte pour y renfermer les mouches.
Naturellement ils n'eurent pas de peine à se procurer ces bestioles ;
ne trouve-t-on pas de tout dans une grande ville? et ils reprirent le
chemin de leur village. Quand ils furent arrivés à la côte de Rous-
sillon, Tun d'eux dit :
« Nous ferions bien de voir si nos mouches sont encore en vie ! »
Ils ouvrirent la boite et les mouches qui n'attendaient que cela
s'envolèrent à la barbe de nos ambassadeurs. Alors ceux-ci faisant
de grands bras et agitant leurs chapeaux se mirent à crier de toutes
leurs forces :
Beau temps contre Crans ^ beau temps contre Crans!
L'histoire ne dit pas si les mouches obéireul à cea iujunctions et
si la pluie cessa.
EcoT (Doubs). Les Savants d'Ecot.
On raconte que sept habitants de ce village étaient allés un soir
se baigner dans un champ de lentilles. La rosée abondante rempla-
çait l'eau d'une rivière absente. Pour savoir si après le bain quel-
qu'un deux s'étant noyé, ne manquait pas à TappeU ils se mirent
à se compter. Mais ils n'en venaient pas à bout, il en manquait
toujours un. Pour faire la preuve de leur numération, un des
baigneurs proposa que chacun fourrerait son doigt dans une offrande
à l'agncuilure que l'un d'eux venait de déposer derrière un buisson.
On compta les trous et tout le monde fut rassuré ; il y en avait bien
sept.
FouRGS (Les) (Doubs). Les bourris.
On raconte des Bouris que n'ayant pas d'orgue dans leur église
pour la réception de l'archevêque de Besançon, ils imaginèrent de
mettre des chats dans une caisse percée de trous par où pendaient
les queues de ces animaux. Et ils les tiraient les unes après les
autres ou toutes à la fois pour les faire crier.
Un jeune homme des Fourgs était allé à Paris avec quelqu'argent
en poche pour voir la capitale et se divertir. 11 fit la connaissance
de plusieurs individus assez peu délicats sur les moyens de s'amuser-
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REVCË DE8 TRÀD1T10N8 rOi'ULÂlRBS 651
Un jour qu'ils Tavaient invité à faire un bon diner chez un marchand
de vins, ils s'esquivèrent au moment où allait sonner le quart-
d'heure de Rabelais et le laissèrent seul en présence de la carte h
payer. 'L*hôtesse voyant son embarras crut devoir le consoler d'une
façon un peu goguenarde en lui disant: « Mon pauvre garçon, ces
gens-là vous ont joué un tour de Paris ».
— Peu importe, dit le jeune homme, je paierai, j ai de largent;
mais auparavant serveaj-moi encore une bonne bouteille.
La femme descend à la cave. Lui la suit par derrière et Tenferme
à clé ; après quoi il lui crie à travers la porte : « Adieu, la Parisienne,
ceci est un tour de « Bouri ! •.
CiOL'x-LES-UsiERS (Doubs). Goux les Fouines ou Les Plos (putois).
Goux
Les Fous
On raconte qu'un des plus riches propriétaires de Sombacourt se
rendant à Goux vers la un de mai, un jour que le vent soufflait très
fort, crut, en voyant les blés onduler, qu'ils s'en allaient, qu'ils
quittaient le territoire. Il retourna bien vite sur ses pas pour avertir
le maire de ce qui se passait.
Le même jour un habitant de Goux qui se rendait à Biaus, le vent
ayant changé de direction, fit une remarque analogue et s'en vint
prévenir en toute hàle le maire de Goux pour qu'il prit les mesures
nécessaires.
Les maires de Sombacourt et de Goux s'entendirent avec leurs
curés respectifs pour faire une grande procession afin de demander
au ciel le maintien des blés dans les terrains qu'ils oc'cupaient.
Cette procession fut décidée pour le lendemain même. Les parois-
siens de Goux devaient venir à la rencontre de ceux de Sombacourt.
Les processionneurs se rejoignirent entre Bians et Goux à un
endroit où le chemin, assez resserré, passe entre deux haies.
Le porteur de la bannière de Goux sur laquelle était peint le
patron du village, saint Valère, ne voulut pas se ranger pour laisser
passer celui de Sombacourt portant l'image de saint Gervais.
Les paroissiens de Goux criaient: Pique /om, Volif (pique-le,
Valère), et ceux de Sombacourt répliquaient: Tin bon Dzarvuis !
Dans l'espèce de lutte qui s'engagea entre les deux porteurs, le
manche de la bannière de Goux fut brisé.
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632 hEVUB DES TRADItlONS POPULAIRES
Hérigourt (Haute*Sâône). Les teufiom (punaises).
Quand on veut choisir un maire, à Héricourt, on rassemble les
hommes les, plus barbus du copseil, et on les fait mettre à genoux
autour d'un grand cuveau, la tête baissée de façon à ce que leur
barbe trempe dans l'eau. Puis le ministre^ le pasteur, (ce sont des
protestants) va chercher une boite dans laquelle se trouve une
punaise et dépose délicatement la petite béte au milieu de la cuve.
La punaise se met à nager pour gagner le bord. La première barbe
à laquelle elle se racroche est celle de celui qui sera nommé maire.
MoNDON (Doubs). Les fous.
On assure que ceux qui marchent sur la pierre de Mondon devien-
nent fous.
C'est un des villages sur le compte duquel on met la plupart des'
histoires que nous avons déjà rapportées. C'est généralement « le
compère Gandillot» qui en est le héros. C'est lui, par exemple, qui,
un jour de grand vent courut à la mairie, criant, comme Thomme
de Gouz-les-Uziers, que les blés s'en allaient. Bientôt tous les gens
du village furent rassemblés portant tous des cordes qu'on noua
bout à bout pour ensen-er les moissons vagabondes. Mais elles fai-
saient toujours mine de s'échapper, on tomba dessus à grands coups
de bâton pendant la nuit. Le lendemain tous les blés de la commune
étaient versés.
Une autre fois c'est une statue que Ton fait faire à Besançon, la
statue du saint de la paroisse. Comme on était en t)iein hiver le
sculpteur propose aux envoyés de Mondon de leur faire leur saint
en glace ajoutant qu'il coûterait bien meilleur marché. Ils accep-
tent et, la statue livrée, se mettent en route pour revenir chez eux.
Au milieu du chemin ils entrent dans une auberge pour boire un
vin chaud, et pris de pitié pour le « pauvre bougre de saint » qui
gèle dans la voiture, ils l'emportent par les pieds et par la tète et le
couchent dans un lit qu'il ont soin de faire bassiner. Quand ils vont
pour le reprendre, ils ne trouvent qu'une tache d'eau au milieu des
draps. « Il a pissé au lit, se disent-ils, et comme il a eu honte, il
s'est « en sauvé ». Et ils retournent à Besançon pour commander un
autre saint.
Charles Beauquier.
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REVUE DES TRADITIONS POPTJLAIRÇS 6o3
LÉGENDES ET SUPERSTITIONS PRÉHISTORIQUES
XL
iSS PIERRES A LÉGENDES DE LA GOUMUNE DE VAUXREKARI^
(Rhône)
A période glaciaire a laissé de nombreuses traces
de son existence dans les montagnes du Beaujo-
lais, et nulle part, nous le croyons, aussi caracté-
risées que sur le territoire de la commune de
Vauxrenard.
D'énormes blocs sont échelonnés sur les flancs
du mont des Eguillettes {847") et le sommet est
couvert par un de ces amas de pierres appelés par les géologues
chirots ou mers des rochers. Les gens du pays attribuent le trans-
port de ces pierres à des êtres surnaturels : diables, fées ou
farfadets.
iNous avons recueilli deux légendes ayant trait à ce sujet. L*une
concerne la pierre dite de saint Martin, bloc de syénite ayant la
forme d'un parallèlipipède rectangle de cinq mètres de long sur
trois mètres de largç et un i^èt,re ciaquaat^. centimètres de hauteur
moyenne au-dessus du sol.
La deuxième légende est relative à un amoncellement de roches
occupant une surface de plusieurs hectares sur le flanc septentrional
d'un contrefort de la montagne des Âlioigners, et appelé par les
habitants du pays^ Pierres des fayules (fées).
LÉGENDE DE LA PIERRE BB SAINT MARTIN
Saint Martin, avait, paraît-il, autrefois de nombreux démêlés avec
messire Satanas et ils se jouaient Tun àTautre, d'après les légendes,
d'assez vilains tours. Le diable finissait toujours par avoir le dessous
avec son adversaire.
Un jour que Satan s'occupait de transporter des pierres au
sommet du mont des Eguillettes, Martin, qui passait, se mit à le
railler sur son travail, en lui disant que des pierres d'aussi petites
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6;i4 REvue des traditions populaires
dimeDsioDS formaient un fardeau bien indigne d'un si puis^anl
personnage. Salan, piqué au vif par le ton moqueur du saint, jura
de couronner son œuvre par le transport d*un rocher placé au fond
de la vallée. Saint Martin accueillit en souriant ce qu'il considérait
comme une vantardise.
Cependant le diable se charge gaillardement le bloc sur les épaules
et se met à gravir la montagne.
Goguenard au début, le saint se trouble en voyant le diable
approcher du but, et appelle alors à son secours tous ses collègues
de la Cour céleste. Le Ciel ne permit pas qu'un des siens fût battu
par range des ténèbres. Satan fit un faux pas et laissa tomber son
lourd fardeau à peu de distance du sommet de la montagne.
Satan, confus de sa défaite, fut encore condamné k monter avec
le gros orteil une série de marches microscopiques, taillées ad hoc
par saint Martin, dans la pierre qui porte son nom. Furieux de
cette pénitence puérile, le diable s'en venge en faisant exécuter par
ses subordonnés, et par les nuits obscures, des rondes infernales
autour de la pierre objet de sa défaite. La pierre est hantée, disent
les paysans, et nul n'oserait s'en approcher après le soleil couché.
Les habitants du pays ont encore au sujet de la pierre de saint
Martin une autre tradition : ils disent qu'elle a été amenée dans
l'endroit où elle se trouve par Notre-Seigneur Jésus-Christ lui-même
sur un char attelé de deux veaux. La sainte Vierge et saint Martin
l'accompagnaient.
LÉGENDE DES PIERRES DES FAYULBS
Les fées habitent les fissures des roches où elles restent invisibles
pendant le jour, mais au crépuscule on les voit danser des rondes
silencieuses autour de leurs habitations. S'approche-t-on, elles
disparaissent sans laisser de traces, l'herbe même n'est pas foulée
par leur pied léger. Lavandières étranges, elles choisissent les jours
de brouillard pour faire leur lessive et étendent alors sur les roches
leur linge impalpable. Malheur à l'imprudent qui vient les déranger
dans cette importante occupation. Très pacifiques en temps ordinaire,
elles deviennent furieuses, tout disparait en un clin d'œil, linge et
lessiveuse, un sort est lancé sur le curieux, qui voit dans Tannée un
malheur s'abattre sur sa maison.
Claudius Savoye.
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REVL'E DES TRADITIONS POPULAIRES ()55
XL VII
LA PIERRE DU CHAMP^DOLENT
A une bonne distance de Téglise du village de Carfantain près de
Dol s'élève la pierre du Champ-Dolent, menhir d*environ dix mètres
de hauteur. « Sa forme, a-t-on dit d'une manière pittoresque et juste,
est celle d*un magnifique londrès piqué sur le gros bout * ». En le
voyant on se demande comment ce roc, si éloigné de toute carrière,
a pu se placer là.
Voici la réponse des paysans, il y a de cela bien longtemps, en
cet endroit, fut livrée une bataille terrible : deux frères luttaient
entre eux. Le sang coulait, coulait... si bien qu'il faisait tourner avec
rage le mouh'n du bas du vallon. Le ciel eut horreur de ce combat
fratricide : avant que les deux adversaires se fussent massacrés,
cette pierre immense surgit du sol pour les séparer.
A Dol même, plus d'une fois des vieilles femmes m'ont dit en
branlant la tète : « Vous autres, vous ne croyez pas à cette histoire ;
vos mères ne vous ont-elles donc pas appris le proverbe du pays :
« Combat très sanglant
« Dans le grand Champ-Dolent ?
François Duynes.
i. Charles RoJ^ert de l'oratoire de Rennes. Guide du touriste archéologue à
Dol, 1892, p. 57.
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656 BKVUK DBS TRADITIONS POFIILAIRBS
LES MÉTÉORES
X (^uite}
LES ÉTOILES FILAMTBS *
§6
A multitude d'étoiles filantes était considérée chez les Incas
du Pérou comme d'un fâcheux augure. Ce fut un des présa-
ges qui, au dire d€s traditions péruviennes, annoncèrent la
chute de Tlnca Atahualpa ^
§7
Au eontraire, à Bnach, en Souabe, voir de nombreuses étoiles
filantes présage du bonheur '.
§8
Ea pays wallon, comme dans les Vosges, on croit aussi quHine
étoile filante est une âme qu'on peut délivrer dl^ Purgatoire si, ^vaot
qu'elle soit tombée, on a pu dire trois fois, à Laroche : Seigneur t ou
Jésus ! — à Hervé : Que les âmes du purgatoire reposent en paix, ou
Loué soit Jésus-Christ au très saint sacrement de l'autel/ — à Theux :
Amen ! *.
§9
Pour les Musulmans, les étoiles filantes sont des feux que les
anges font pleuvoir sur les démons. -^ Cette superstition s'appuie
sur plusieurs passages du Qùran : « Nous les défendons de l'atteinte
de tout démon repoussé à coupa de pierres, à moins qu'il ne s'en
glisse furtivement un pour écouier et alors, il est atteint par un
Irait de feu visible à tous '. — « Nous avon^ orné le ciel le plus
1. Suite, voir t. XI, p. 5T8.
2. Garcilasuo de la Vega, Histoire des guerres civiles des EspagnoU dans les
Indes, L. 1, ch. XXXIV. Paria, 1830, 4 v. in-8, t. t, p. 173.
3. Birlînger, VolkslhUmliches ans Schwaben, Fribourg eo Brisgau, 1861-62, 2
▼. in-12, t. I, p. 189, note 2.
4. MoQseur, Le Folk-lore viallon. Bruxelles, s. d., in-12, § 924, p. 61.
5. Sourate XV, v. 17-18.
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REVIIB DSS TRADITIONS POPtLÂlRfiS 657
proche d'un ornement d*étoiles, qui servent de garde contre tout
démon rebelle, afin qu'ils ne viennent pas raconter ce qui se passe
dans ]*assemblée sublime, car ils seraient repoussés et livrés à un
supplice permanent. Celui qui s approcherait jusqu'à, saisir à la
dérobée quelques paroles est atteint d'un dard flamboyant » ^
René Basset.
UHOMME QUI NE VOULAIT PAS MOURIR
II
( Variante de la finale]
A légende que nous rapportons ici ressemble beaucoup à
la finale du conte narré dans la fiev. des irad, pop.^ XI, 569-
70-71. La voici :
Saint Remacle venait de bâtir Tabbaye de Stavelot (province
de Liège) ; on devait en faire la dédicace le lendemain et un
ange avertit le saint que Satan arrivait avec une grosse pierre qu'il
se proposait de laisser tomber sur le toit au bon moment.
Saint Remacle se fît apporter tous les vieux souliers que Ton put
réunir et s'en alla à la rencontre du diable. La rencontre eut lieu
près de Vanne, au-dessus d'une rude montée. L'autre ayant demandé
le chemin de Stavelot, et s'il en était encore éloigné, saint Remacle
vida le sac aux souliers et dit :
— Voilà ce que j ai usé de chaussures depuis que j'ai passé par là !
— Màtio ! dit le djal)le, je n'arriverai jamais à temps pour la céré-
monie !
Et, découragé, il laissa tomber son bloc qui se brisa et s'enfonça
dans le sol, où il est resté.
(J. d'Ardenne. UArdenne^ guide du touriste, tom. II, (1895), p.
226-227).
Alfred Harou
1. Sourate XXXVII, v. 6-10. — Cf. Dans les notes de ma traduction de la
Bordah (Paris; 1894, iD-18, p. 6M6), Tbistoire de Kbatea qui vit les démons
repoussés à coups d'étoiles dam la njuit de la naissance de Mohammed.
TOm XI — DÉCBMBRB 1896 ' 42
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658 RBVDE DÈS TRADITIONS POJ^ULAIl«ES
LES ORDALIES
PAR LE FEU
q). Chez les Tshis
ES prêtres et les prêtresses chez les Tshis de la côte de Guinée,
!^ sont soum.is à Tordalie du feu pour prouver leur pureté et
;rJi£j leur chasteté, pendant la période où ils reçoivent l'inspira-
ftion de la divinité. On allume un large feu de bois et quand
il a brûlé jusqu*au rouge, les débris enflammés sont rangés
en cercle, d'environ un demi-yard à trois yards de diamètre. L'inté-
rieur reste vide. Le prêtre ou la prêtresse s'avance dans cet espace
et immédiatement on verse sur le brasier du rhum, de l'huile et
d'autres liquides enflammablcs, de sorte que les flammes s'élèvent
parfois à la hauteur de la tête d'un homme. Elles durent à peu près
vingt secondes et le prêtre sort du cercle. L'épreuve se répète à
quelque intervalle une seconde et une troisième fois. Si le prêtre a
pu rester dans le cercle sans éprouver aucun dommage on croit qu'il
est pur et agréable à la divinité. Mais si la violence de la chaleur
Ta obligé de sauter dehors, ou s'il a reçu une brûlure quelconque, il
est considéré comme impur *.
b) Chez les Sérères-Sines
D'après Burdo, l'épreuve par le feu existe chez les Sérères-Sines
au Sénégal, comme chez les Wolofs ^.
XVII
PAR IMMERSIOxN
b) Dans Vlnde
Comme en France jusque dans les temps modernes, on employait
dans rinde au xiv^ siècle, Tordalie par immersion pour reconnaître
1. Suite, voir t. XI, p. 16, 296.
2. Ellis, The Tshi-Speaking peoples, Londres, 1887, in-^, p. 138-139.
3. Niger et Dénoué, Paris, 1880, io-lS, jés. ch. 1, p. 13.
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 6S9
les sorcières : Ibn Batoutah raconte ainsi une épreuve dont il fut
témoin. « Un certain jour on m amena une femme et Ton me dit : c'est
une Kaftàr(en persan hyène) et elle a dévoré le cœur d'un enfant qui
se trouvait près d'elle. On apporta le corps de cet enfant. Par consé-
quent^ je prescrivis aux dénonciateurs de conduire cette femme au
vice-roi. Celui-ci ordonna de lui faire subir une épreuve. Voici en
quoi elle consista : on remplit d'eau quatre jarres, qu'on lia aux
mains et aux pieds de la femme : on jeta celle-ci dans la rivière
Djomna et elle ne se noya pas. On sut ainsi que c'était une Kaftâr,
car si elle n'avait pas surnagé au-dessus de l'eau, elle n'aurait pas
été une de ces misérables. Alors le vice-roi commanda de la brûler
toute vive. Les habitants de la ville, hommes et femmes accoururent
et ramassèrent ses cendres, car ces gens-là prétendent que quicon-
que fait avec cela des fumigations est en sûreté contre les enchante-
ments des Kaftàrs pour toute la durée de l'année ' »
René Basset.
i. Ibn Batoutah, Voyages, éd. et Irad. Defrémery et Sanguinetti, t. IV. Paris »
1879, iu^, p. 37-38.
Bretons se rendant à la messe de minuit.
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«>60
REVUE DES TRADITIONS POPrLAIRES
CROYANCES ET LEGENDES DU MORBIHAN
(Suite)
(s>
EUX qui vont habiter les premiers une maison neuve n ooi
pas de chance ; un des membres de la famille meurt dans
Tannée. Pour qu'une maison ne soit pas- malchancease il
faut qu'elle soit habitée d abord par une personne seule,
de préférence par un vieux garçon ou par une vieille fille.
Si un garçon nait en décours il ne vivra pas ; ce n'est pas toutefois
général aux environs de Pontivy. Il en est de même sur le lilloral
des Côtes-du-Nord, s'il s'agit d'une fille.
Si un enfant nait (soit garçon ou fille) au moment' où la lune se
lève, il devient innocent ;faib1e d'espril).
Ceux qui naissent au moment de la pleine lune peuvent être fous
quand ils deviennent vieux.
Quand on voit un feu follet il faut s'empresser de rentrer chez
soi, car si on reste à le regarder on perd la vue. A Saint-Gérand on
dit que celui qui passe près d'un feu follet est obligé de le suivre,
car le feu l attire après lui.
Sur la route de Saint-Gérand à Gueltas se trouve une fontaine
qu'on appelle la Fontaine de Saint-Gérand. C*est là que se rend
tous les ans le jour de la fête Saint-Gérand la procession^ d'où
elle revient pour mettre le feu à la fouée ifeu de joie) à un endroit
situé à. environ cent mètres de la fontaine en tirant sur le bourg.
On appelle communément cet endroit : Le lieu où on brûle la
fouée. Celte fontaine est, disent les gens du pays, hantée la nuit
par un esprit malfaisant qui ne manquerait pas de faire du mal
aux passants s'il n*en était empêché par saint Gérand.
Ceux qui passent la nuit auprès aperçoivent un gros chien qui les
accompagne. Si les passants viennent du côté du bourg de Saint-
Gérand, ce chien les suit ju.squ'à l'endroit où on brûle la fouée. Si
au contraire ils vont du côté de Gueltas ou de Saint-Gonnery, il leur
fait la conduite jusqu*à ce qu*ils aient passé le Pont du Resto. H
paraît qu'après que les voyageurs ont passé ces deux endroits il n'a
plus pouvoir sur eux. Aussi le chien les quitte et s'empresse de
retourner à la fontaine. Ce chien est, dit-on, envoyé par saint Géraod
pour proléger les passants contre les attaques de ce génie malfaisant
qui hante sa fontaine.
François Marquer.
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 661
LES EDIFICES HANTES
LA MÉTAIRIE AUX SERPENTS
A ferme des Mathelins, près de Glux et non loin des sources
de i'Yonno, située au milieu des forets du Morvan, est appelée
aussi la métairie des serpents et on raconte des récils singu-
liers relatifs à l'origine de ce nom.
Un voyageur qui demandait Thospilalité s'y étant présenté y
fut mal reçu. C'était justement un sorcier qui, pour se venger, voua
la maison au diable et aux serpents, mais ceux-ci ne devant faire
aucun mal et être inoiTensifs seulement pour effrayer ce mauvais
hôte.
Aussi depuis et toujours cette habitation a été habitée, fréquentée
par des milliers de ces reptiles ; les murs en sont remplis, on les
voit venir familièrement se chauffer au foyer et passer leur tète
éveiHée et curieuse dans les trous des murs, goûter à la soupe et aux
aliments, pénétrer dans les lits mêmes, se promener et s'enrouler
avec les enfants dans les berceaux, mais jamais ils ne font de mal à
personne, et force a été aux métayers de s'y habituer et de vivre
avec eux.
Mais il y a une cinquantaine d'années, fatigués d'une promiscuité
aussi désagréable, on résolut de démolir entièrement les anciens
bâtiments criblés de lézardes et d'autres cavités et de faire disparaître
ces hôtes sans gêne et par trop importuns. Tout fut donc rasé, on
trouva dans les murs des quantités effrayantes d'œufs de serpents,
de quoi charger plusieurs chariots à bœufs. Dans la cour un immense
brasier composé de plusieurs cordes de bois fut préparé et tous ces
œufs y furent jetés. Malgré l'intensité du feu, jamais on ne put les
brûler et on reconnut que le feu ne pourrait rien sur eux. La métai-
rie fut reconstruite, mais rien n'a fait enlever le sort; malgré sa
bénédiction par le curé, elle est toujours fréquentée par les couleu-
vres dont on ne se débarrassera jamais jusqu'à fin et confusion des
siècles.
Dans toute cette région du Morvan on plante du reste le premier
jour de mai une branche feuillue pour éloigner les couleuvres et
empêcher qu'elles y déposent leurs œufs.
HlPPOLYTE MaRLOT.
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662 RBVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
LE COCHER DE LA MORT
LÉGENDE DU GRAND DLT.BÉ DE LUXEMBOURG
ADis vivait à Sterpeoich (Grand Duché de Luxembourg) un
seigneur, peu compatissant et dur envers le petit monde.
Certain jour, il fit appeler sou coureur habituel et lui dit :
« Tu vas porter cette lettre à son adresse, à vingt lieues d'ici,
et tu me rapporteras la réponse avant la nuit. Il est bien
entendu que tu feras la route à pied ».
L'infortuné messager se mit en roule en pleurant, car il savait
que ce que le seigneur exigeait de lui était irréalisable.
Chemin faisant, il fit la rencontre d'un nain conduisant un char,
attelé de quatre chevaux blancs.
Le nain, voyant le messager tout en nage, lui offrit de le prendre
sur son char et de le conduire à destination.
Inutile de dire que loffre du nain fut aussitôt acceptée. Par ce
moyen cette longue/ distance put être franchie, et avant la nuit le
coureur rapportait la réponse à son maître.
Le seigneur, en apercevant son serviteur, ne put s'empêcher de
s'écrier : a II est impossible que tu aies déjà fait ta course, lu me
trompes, montre ta réponse ».
Le coureur, en présentant la lettre à son maître, répondit : — a Si
je suis déjà de retour, je le dois à un nain qui conduisait un char
attelé de quatre chevaux blancs et qui a bien voulu me conduire à
destination ».
— Oh ! la bonne plaisanterie, reprit le seigneur, quel est ce naîo ?
— « Ce nain m'a dit qu'il était le cocher de la mort et qu'il viendrait,
ce soir, vous prendre avec son char attelé de quatre chevaux noirs.
A ces mots le seigneur de Sterpenich chancela et tomba inanimé ;
la frayeur l'avait tué.
Le soir, en effet, le nain, conduisant un char attelé de quatre
chevaux noirs, entre dans la cour du castel. S'étant dirigé vers la
chambre mortuaire, il emporta le corps du défunt et depuis lors on
ne le revit plus dans la contrée, pas plus que son funèbre équipage.
[Recueilli à Beclange, Grand Duché de Luxembourg).
Alfred Harou.
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bëvub des traditions populaires 663
PÈLERINS ET PÈLERINAGES
XXI
LA LÉGENDE DE SAINT-MERRI A LA SELLE
^^ UR la grande route d'Autun à Chàteau-Chinon on passe au pied
^J$^< d'une falaise de rochers granitiques près du village de la Selle.
UOÎ ^" sommet de cette falaise on voit un calvaire et un peu ati-
^^ dessous une petite grotte servant de grosse niche ou abri aune
'^'^ statue d'un saint, le bon saint Merri, patron de cette paroisse.
On y vient encore aujourd'hui de fort loin en pèlerinage pour certains
vœux et surtout pour la guérison des maladies ; jadis on y faisait des
offrandes d'œufs ou de menue monnaie qu'on disposait sur la pierre
au pied du saint.
Donc on raconte qu'une bonne femme très dévote d'un village voi-
sin y était venue pour implorer le saint pour sa fille, mariée depuis
plusieurs années et qui n'avait pas encore d'enfants. Mais elle avait
aussi une autre fille célibataire et c'est celle-ci qui eut un enfant
dans l'année tandis que l'autre restait stérile.
La brave femme courroucée revint voir le saint et lui fît les plus
vifs reproches de s'être ainsi moquée d'elle et de l'avoir trompée.
Dans sa colère et sa bien juste indignation, avec son bâton elle
lui infligea une rude correction et même lui cassa le bras et le fit
rouler à terre où il resta longtemps. Les habitants plus tard se coti-
sèrent pour acheter un saint tout neuf qui est placé au premier plan
de la grotte sur un piédestal, tandis que le vieux saint fut relégué
honteusement au coin où il s'appelle le pieiirrou, (le pleureur).
XXII
INVENTION DE LA SAINTE-CROlX
Les paysans du Morvan vont couper de jolies petites baguettes de
coudrier bien droites, et en forment un petit paquet attaché de distan-
ce en distance par de petits liens écorcés du plus gracieux effet et où
sont placées des brindilles de buis vert ; il n'y a pas de croisillons à ces
baguettes comme dans l'Auxois. Elles sont portées à l'église pour y
être laissées le jour de l'invention de la Sainte-Croix. Après cette
bénédiction elles sont placées à la fenêtre de la maison, on les place
sur les ruches d'abeilles, dans les champs cultivés, mais après
les récoltes elles sont rapportées et brûlées.
[Arieuf et lieux voisins). Hippolyte Marlot.
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664 REVUE DES TRADinONS POPULAIRES
LES SOCIÉTÉS DE TRADITIONS POPULAIRES
IX
SOCIÉTÉ SUISSE DE TRADITIONS POPULAIRES
A Société suisse des traditions populaires {Sch*
weizerische Gesellsckafi fur Volskunde),dL été créée
sur rinitiative de trois savants distingués, M. le Dr
Hoffman-Krayer, Tun des rédacteurs du Schivei-
zer Idiotikon^ M. le Dr E.-A. StUckelberg, pri-
\at-docent à l'Université de Zurich, et E.
Richard, secrétaire de la Société commerciale
de Zurich.
L'un des premiers soins de la Société consti-
tuée à Olten, le 3 mai dernier, a été de lancer
un appel au peuple suisse pour exposer l'intérêt national que pré-
sentent les études traditionnistes. En voici quelques passages.
« Un vent de destruction souffle sur le grand siècle qui va finir. Au
milieu des vastes conceptions de notre âge industriel, il n'y a plus
de place pour l'intime et délicieuse poésie des conditions modestes,
de la vie familière et rustique. Mœurs et coutumes traditionnelles,
antiques fêtes populaires, anciens costumes, légendes et chansons
tombent dans l'oubli, dans le mépris.
« Faut-il ou non le regretter ? Les points de vue peuvent être diffé-
rents : on peut considérer avec sympathie ou avec tristesse Tirrésis-
tible tranformation des idées et des mœurs. Mais tous ceux qui, dans
le conflit des opinions, ont gardé un jugement libre et désintéressé,
s'accorderont à reconnaitre le grand intérêt historique de ces tradi-
tions où se révèle la façon de penser et de sentir de notre peuple, et
l'urgence qu'il y a de les recueillir, avant qu'elles aient achevé de
disparaître.
« Depuis quelques années, cette pensée a provoqué dans tous les
Etats civilisés la fondation de sociétés et de revues spéciales. Il est
surprenant que la Suisse soit jusqu'à présent le seul pays où l'on
n'ait pris aucune mesure pour rassembler d'une façon systématique
le trésor encore si riche des traditions populaires.
1. Cette notice est en grande partie empruntée à un article du Journal de
Genève,
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UEVUC DBS TRADITIONS rOPUtAlRBS 665
« Cest pourquoi soixante-dix citoyens de différents cantons ont
pris rinitiative de fonder une société, dont le but principal sera
d*étudier et.de faire connaître toutes les manifestations de la vie
populaire suisse.
« Ce but ne peut être atteint ni par des efforts isolés ni par des tra-
vaux de cabinet et de bibliothèque, mais seulement par la colla-
boration de toutes les classes de la nation. C'est la première fois que
s'offre au peuple suisse l'occasion de participer à une entreprise d*une
haute importance scientifique. De leur côté, les représentants de
la scieace se sentiront encouragés et fortifiés par la pensée de témoi-
gner au peuple leur reconnaissance, en s*intéressant à ses façons de
vivre et de penser.
'( Le concours de tous ceux que leur profession met en rapports
intimes avec le peuple, de tous ceux qui ont de fréquentes occasions
d'observer les mœurs et les sentiments populaires, importe tout
particulièrement à la réussite de Tentreprise. Nous nous adressons
en premier lieu aux ecclésiastiques, aux instituteurs^ aux médecins,
qui ont souvent de si riches matériaux à leur disposition. Nous les
prions instamment de prendre note des traditions populaires dont
ils peuvent avoir connaissance, et de nous les communiquer pour
les publier,
« D'une façon générale, toutes les classes, toutes les professions
peuvent collaborer en quelque mesure à Tœuvre commune. Qui
donc n'aurait retenu dans sa mémoire, depuis les jours de son
enfance, un jeu, une formule rimée, une historiette de revenant ou
de sorcière, une superstition? Qui n'a eu l'occasion, dans ses occu-
pations journalières ou en voyage, d'observer quelque particularité
d'architecture, quelque fête, quelque trait de mœurs? Tout cela
mérite d'être recueilli, et la plus modeste contribution sera toujours
accueillie par nous avec reconnaissance.
a 11 n'y a donc personne qui ne puisse concourir à cette patriotique
entreprise. La conscience de notre originalité nationale a toujours
rempli les cœuçs suisses de joie et de fierté. C'est dans ces senti-
ments que nous adressons à tous nos concitoyens une pressante invi-
tation à faire partie de la Société suisse des traditions populaires.
« La revue que publiera notre Société (les Archives suisses des tradi-
tions populaires) paraîtra par livraisons trimestrielles. Chaque
livraison contiendra un article étendu, d'un caractère général, des
articles plus courts et des notices relatives aux traditions populaires.
Il s*y joindra des enquêtes et des réponses, ainsi que des renseigne-
ments sur Taclivité de la Société (assemblées, conférences, excur-
sions, adhésions, donations, etc.). Nous espérons aussi pouvoir
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666 RBVUIS OE8 TRADITIONS POPULAIRES
donner des illustrations, représentant des habitations, des costumes,
etc.
« La cotisation est de 3 francs par an. En payant une fois pour
toutes 50 francs, on devient membre à vie. Le prix d'abonnement à
la revue est réduit pour les membres de la Société ».
Gel appel, signé de noms connus appartenant à toutes les parties
de la Suisse, a été répandu sous forme de circulaires et d'élégantes
affiches imprimées dans les deux langues par M. Maurice Reymond.
Il était affiché au Village suisse à Texposilion de Genève. Grâce aux
efforts tentés de toutes parts, aux appels faits au patriotisme local,
et aussi au prix modeste de la cotisation, le nombre de^ membres,
qui s'élevait au commencement de novembre, au chiffre de 298
atteint aujourd'hui 405.
Voici un résumé de son programme :
i. Observations anthropologiques.
2. Habitation, vie domestique et vie rurale : disposition du groupe
de maisons et de la maison isolée, avec loutps ses dépendances ;
architecture et distribution intérieure, matériaux de constructions ;
ustensiles ; caractères et particularités de Texploitation rurale ; do-
mesticité ; propriété foncière et bétail.
3. Nourriture : boissons et mets nationaux ; repas : préparation et
façon du pain ; mets préparés à l'occasion de certaines fêtes, etc.
4. Costume, parure, coiffure.
5. Industrie domestique et art populaire.
6. Mœurs, usages et fêtes :
a) Naissance, baptême, confirmation, première communion, ma-
riage, maladie, mort et enterrement.
b) Noël, Saint-Sylvestre, jour de Tan, Rois, carnaval et fêtes pa-
tronales, semaine sainte, Pâques, Pentecôte, Saint-Jean, fêtes de mai,
de la mi-août, etc.
c) Fêtes locales d'un caractère religieux et profane, spécialement
fêles historiques ; landsgemeinden : fêtes de tir, de chant et de
gymnastique, fêtes de la jeunesse.
d) Usages en vigueur lors de la construction des maisons et de
rengagement des domestiques ; usages scolaires ; rendez- vous, veillée.
e) Coutumes rurales, calendrier, règles météorologiques.
f) Usages des bergers, des pêcheurs, des ménétriers, des artisans,
des corporations, etc.
7. Croyances et superstitions populaires : culte des âmes, reve-
nants; sorcières, magie ; préservatifs et remèdes : croyances relatives
aux animaux, aux plantes, aux astres ; songes et présages.
8. Us et coutumes de droit.
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REVUE DBS TRADITIONS POILLAIRES 667
9. Littérature orale : chansons populaires et enfantines, formules
rimées ; inscriptions ; devinettes ; contes, légendes, anecdotes,
facéties, drames populaires.
10. Jeux.
11. Musique et danse : caractère général de la musique ; mélodies,
particulièrement de chansons populaires et enfantines ; instruments ;
caractère, époques et emplacement des danses.
12. Plaisanterie et raillerie populaires : satires, moqueries, farces.
13. Locutions spéciales : proverbes et expressions proverbiales ;
jeux de mots et expressions figurées ; formules de salut, de remer-
ciement, de congé, de souhait, de condoléances : tournures de poli-
tesse ; menaces, insultes, jurons, appels, etc.
14. Noms et surnoms d'hommes, d'animaux, de plantes, de maisons,
de points géographiques et d'objets de toute espèce.
io. Lexique: collections de mots rangés par ordre de matière ;
histoire et distribution géographique de mots caractéristiques.
H n'est personne, pour ainsi-dire, qui n'ait quelque observation,
quelque fait à apporter pour la connaissance de nos coutumes popu-
laires.
Les membres recevront à un prix réduit la revue organe de la
société (Sckweizerisches Archiv fur Voikskunde)^ dont le premier fas-
cicule vient de paraître. Il renferme une introduction du comité sur
le but poursuivi et les moyens de l'atteindre ; des observations fort
judicieuses de M. le Dr J. Hunziker, d'Aarau, sur l'architecture du
Village suisse reconstitué à l'Exposition de Genève^ qui n'était pas à
Tabri de tous reproches au point de vue archéologique ; un article
de M. le Dr. R. Martin, à Zurich, sur l'étude des races de la Suisse,
accompagné d'un modèle de tableau formulaire pour la notation des
mensurations et des observations anthropologiques; une note de
M. le Dr Sniger de Berne, sur un conte valaisan, Karl unlerden Wei-
bern ; une étude de M. G. Fient, de Coire, sur les cérémonies funè-
bres dans le Praettigau; un article important de M. Hoffmann-Krayer,
sur les usages du mardi-gras en Suisse, et une contribution à l'étude
des coutumes populaires dans le canton de Zoug, par Mme Anna
Ithen.
Dans les miscellanées, nous remarquons un conte de la Vallée de
Bagnes, Brise-Fer, publié par M. A. Taverney ; des extraits de regis-
tres du Consistoire et du Conseil de Genève sur les « épouses du
mois de mai » et les jeux de la rai-été, à Genève, en 1614, commu-
niqués par M. Eugène Ritter; une prière pour le bétail provenant
du vallon des Plans, publiée par M. W. Robert, etc. Le fascicule
se termine par une petite revue de ce qui se fait en ce moment en
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668
REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
Suisse et à Tétranger dans le domaine du folk-lore^ une chronique de
la Société avec liste des membres et enGn deux articles nécrologiques
sur deux des membres fondateurs, membres également du Comité,
Fritz Staub, le rédacteur en chef du grand Idiotikon suisse, et le
curé von Âh, pertes infiniment regrettables pour les études histo-
riques et littéraires suisses.
A partir du second numéro, le sommaire sera en allemand et en
français.
A côté d'une bibliothèque, à laquelle beaucoup de savants ont déjà
envoyé leurs œuvres et leurs tirages à part, et qui dès maintenant
prête des livres aux sociétaires, la Société nouvelle compte organiser
une collection d*art populaire, de costumes, de gravures, enfin de
tout ce qui se rapporte au programme à la fois archéologique, anthro-
pologique et traditionniste de la Société.
P. S.
Fleuron de la Société suisse des Traditions populaires
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES G69
BIBLIOGRAPHIE
L. Arturo Trombatore. Folk-lore Catanese. Turin, Carlo
Clausen, petit in-lS de pp. 127.
Cet élégant petit volume se compose, comme son titre l'indique, de mélanges
folJ&Ioriques, dont les matériaux ont été recueillis à Catane. Dans ce pays, existe
la croyance aux « donne di casa ». Ce vont des esprits de personnes vivantes
qui ont le privilège de quitter leur corps le mercredi et le samedi, pendant la
nuit ou la méridienne, et d'aller se promener un peu partout avec une incroyable
vélocité ; M. T. donoe de nombreux détails sur cette croyance et il reproduit un
conte où un de ces êtres si singulièrement privilégiés est mis en scène, et finit
d^une manière tragique. On trouve aussi des détails sur le « Lupo mannaro »,
sorte de loup-garQU, sur les pierres d'avertissement que lance le bienheureux
saint Pasquale. Un petit chapitre très curieux est consacré aux coutumes et
croyances diverses, qui terminent pour ainsi dire la première partie, la moins
longue (48 pp.) mais non la moins intéressante pour les étrangers de ce petit
volume. Viennent ensuite les « canzonl », des proverbes et façons de dire, des
prières populaires, des rimes et formulettes enfantines, et quelques pages sur
la médecine populaire et les fêtes.
P. S.
Leite de Vasoonoellos. Ensayos ethnographicos^ vol. I, pet.
in-18 carré de pp. 372 (600 reis).
Le commencement de ce volume de mélanges se rapporte (pp. 22-98) à diver-
ses croyances et coutumes du Portugal, aux divertissements du carnaval, à la
fête de Saint- Jean, au culte des morts, à la sorcellerie, aux loups -garons, aux
Maures enchantés, etc. La seconde partie, la plus développée, contient une fort
intéressante histoire des traditions populaires avec l'analyse des divers recueils
depuis la première période (xvi« siècle) jusqu'à nos jours. C'est une précieuse
bibliographie, dans laquelle on trouve réunis des renseignements que Ton
chercherait vainement ailleurs, et qui rendent ce petit livre bien précieux pour
les traditionnistes. Je ferai à l'auteur un tout petit reproche, c'est de n'avoir
pas toigours donné le nom de l'éditeur, le format et le nombre de pages des
ouvrages qu'il cite ou qull analyse.
P. S.
Joseph Jacobs. The book of Wonder Voyages^ avec illustrations
de D. Batten. Londres, D. Nutt, gr. ia-S carré de pp. YIII, 224
(6 sh.).
Ce livre contient un choix de voyages merveilleux, qui sont en général sous
une forme se mi -populaire ; ce sont le Voyage des Argonautes, auqud Ringitisy
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670 ^EVOB DBS TRADITIONS POPULAkftSS
avait déjà donné presque la, tournure d*un conte populaire ; \% Voyage de Mael-
duin, où Téditeur a reproduit la version donnée par M. Whitley Stokes des
surprenantes aventures de ce héros celtique ; M. Jacobs a quelque peu arrangé
et abrégé les diverses versions arabes de THistoire de Hassan de Bassorah ; le
quatrième morceau « Les Voyages de Tborkill et d^EIric, le traver^eur de voies
périlleuses » a été rédigé d*après une traduction de la Saga d'Eric de M. S.
Sepbton, et le Voyage de Thorkill dans le monde sous-marin, de Saxo Gramma-
ticus. Sans faire œuvre d'érudition dans ce volume, qui est surtout destiné au
grand public, M. J. l*a pourtant fait suivre de quelques notes intéressantes sur
les sources auxquelles il a puisé, et il a brièvement indiqué quelques récits paral-
lèles. L'illustration faite par D. Oatten, le collaborateur habituel de M. J. Jacobs,
dans ses jolis volumes de fin d'années est très curieuse, et souvent dans une
note fantastique très particulière si elle confine parfois à la charge, comme dans
le voyage de Maelduin, dans les Argonautes, il a eu soin de donner à ses person-
nages les formes élégantes et sobres qui convient à un récit de l'ancienne Grèce.
P. S.
TThland. Poésies choisies, traduites par André Pottier de Cypîez.
Paris, Perrin, in-i8 de pp. XXIX-216.
Uhland est un des poëtes les plus populaires de l'Allemagne, et il doit cette
bonne fortune, non pas seulement à son très réel talent, mais aussi k la source
à laquelle il a puisé un grand nombre de ses sujets : ballades et chansons,
contes et légendes ont été mis à contribution par lui, et il s'était si bien pénétré
de leur esprit qu'il a su, tout en les traitant en véritable poëte, leur conserver
leur saveur. Nous avons eu France des légendes aussi gracieuses, aussi terri-
bles, aussi dramatiques que celles d'Outre-Rhin. De temps en temps, il
semble que quelques-uns de nos poètes vont enfin tenter de mettre en œuvre
notre trésor légendaire ; mais jusqu'ici aucun ne l'a fait d'une manière
suivie. Quelques pièces très bien venues montrent pourtant ce qu'on pourrait
faire dans cet ordre d'idées : Richepin, Gabriel Vicaire, d'autres encore, ont
plusieurs fois trouvé la forme qui convient ; leur tort a été de ne traiter que
rarement des sujets qu'ils auraient pu revôtir de formes aussi agréables que celles
de Uhland. En le traduisant dans une langue à la fois claire et familière, M. P.
de C. aura fait comprendre mieux qu'une longue dissertation, quelles ressources
d'inspiration renferme la poësie populaire, et la façon dont un homme de
génie peut y imprimer sa personnalité, tout en lui gardant la naïveté et parfois la
rudesse qui lui sont particulières, et qui en font le charme.
P. S.
J. Gurtin. 7'ales of the fairies aud the Ghost World. Londres,
D. Nutt, 1895, i vol. pet. in-8 de XIII-198 p. (Avec une préface
d'A. Nutt).
En dehors du monde slave et magyar dont les contes ont fourni à M. Curtin
la matière d'un bon recueil (1), les recherches de l'auteur ont été consacrées
aux traditions irlandaises, et ce nouveau volume vient s'ajouter à ceux qu'il a
1. Mylhs and folk-laUs of the Russian, Western Slavs and Magyars, Londres,
t991, in-8.
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REVUE DBS TRADITIONS POPULAIRES 61 1
déjà publiés sur ce sujet (1) et qui doivent former, pour les Celtes d'irlaade, uoe
collection analogue à celle de Campbell pour les Gaels d^Ecosse. Il complète
Touvrage classique de Crooker et les indications que M. Curtin donne dans son
introduction ne laissent aucun doute sur Tauthenticité des traditions qu'il
rapporte. U a vécu dans un milieu où une personne sur dix affirme haute-
ment sa croyance aux fées et où les neuf autres se contentent de la dissimuler
aux étrangers dont ils craignent sans doute les railleries ou devant qui ils
veulent faire les esprits forts. U ne faudrait pas cependant limiter à T Irlande ce
privilège de
Marcher et respirer dans un peuple de dieux
ou de demi-dieux. D'autres races, les Arabes, par exemple, ont le sentiment du
surnaturel aussi naturellement développé, d'autant plus que la croyance aux
démons, aux géuies, aux afrites, aux ghoules, etc., n'a rien qui choque les idées
religieuses musulmanes. Si d'après une grande partie des légendes rapportées ici,
nous voyons que les « remparts des fées » sont d'anciens tombeaux dont la
sainteté, suivant M. Nutt, provient de la destination, et si par conséquent, ces
légendes sont une sorte de résidu mythologique que le christianisme n'a pu faire
disparaître, il en est d'autres, par exemple celle de John Sheo et du trésor, qui
sont des adaptations à des contemporains (le Béros de celle dernière histoire
serait mort en 1847) de contes venus du dehors. Le fait, du reste, n'est pas rare :
la première partie du conte d'Âlibaba et des quarante voleurs, avec ses princi-
paux traits (le trésor dans une caverne au fond d'un bols ; la porte qui s'ouvre et
se ferme d'elle-même à certaines paroles, l'or mesuré au boisseau, l'avare jaloux
perdu pour sa cupidité} a été localisée en Prusse, dans les ruines du château de
Dumenburg entre les couvents de Hadersleben et d'Adersleben (2). Le volume
de M. Curtin renrerme trente contes et légendes, et l'on voit par ce qui précède,
qu'il mérite un excellent accueil.
René Basset.
Stumme. Neue tunùUcke Sammlnngen. Leipzig, 1896, in-4, 148 p.
Les textes accompagnés d'une transcription et d'une traduction que publie
M. Stumme sont une addition à sou précieux recueil paru en 1893 (Tunisische
Mnrcheny Leipzig, 2 vol. in-8), elle est spécialement consacrée aux chants, for-
mules, devinettes et contes d'enfants et sera d'autant mieux accueillie que ces
parties du folk-lore n'ont pas été étudiées jusqu'ici, dans le monde musulman
comme elle l'ont été en l'Europe.
Les quatre premiers couplets sont relatifs é la pluie : viennent ensuite des
refrains de nourrices et d'enfants, suivis de chansons des rues qui ont plus de
rime que de raison: j'en citerai un exemple qui, dans la traduction ne peut
rendre bien entendu le rythme de l'original (no XVI).
Rabkabou, ia Rabkabou
Allons jouer vers le rempart :
La cigogne est tombée et s'est brisée ;
Réjouis- toi, capitaine de vaisseau,
Aîcha est devenue pour toi une jeune fille,
Elle danse avec des anneaux de jambe en or,
Du henné et un peloton de fil.
1. Myth» and folk-lore of Ireland. Boston, 1890, in-8 ; Bero taUs of Ireland.
Boston, 1894. in-8.
2. Otmar, Volksaageti. Bremen, 1800, in-8, p. 225.
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672 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
Les suivantes sont également des chansons des rues, mais elles ont plus de
suite, en particulier les n«« 25-27 qui expriment le regret de .réloignement. Les
no* 33-37 sont des couplets de circonstance. Les n»* 38-39 nous fournissent des
spécimens de chansons de métiers (vendeurs d'abricots et de figues). Les n«* 42
et suivants renferment des séries de formulettes qui n*ont de sens qu'en arahe.
Vient ensuite une série de 18 énigmes sur le fusil, la fumée, le rasoir, la grappe
de raisin, la flamme de la lampe, le doigt, le coquelicot, la chaux, la mosquée,
le papier, l'encre et l'écriture, le chemin de fer, le cabinet, les pigeons, les
fourmies, les dents et la langue, la pastèque (1), la mort et l'outre. Ces énigmes
sont suivies des chansons amoureuses désignées sous le nom de ^Arobi et trois
petits contes d'enfants ; le dernier est une randonnée dont je n'ai pas rencontré
les termes jusqu'ici : le chat dont la queue a été coupée et l'œil arraché pour un
méfait qu'il a commis, ne les recouvrera qu'en échange d'un plat de viande
qu'il va demander au boucher : celui-ci exige un mouton qui réclame de
l'herbe, qui veut de l'eau pour laquelle il faut une outre. Le vendeur d'eau la
donne en échange du service rendu par le chat qui lui attrape deux ou trois
cents souris ; mais en apportant un sac de charbon pour cuire la viande, le chat
est écrasé.
Rbné Basskt.
LIVRES REÇUS AUX BUREAUX DE LA REVUE
André ^ Lefèvre. Les Etrusques, Leçons professées àTEcole
d'Anthropologie. J. Haisonneuve, in-8 de pp. 82. (Ext. de la Revue
de linguistique).
Intéressant et très substantiel tableau de ce qu'on sait des origines et de
l'histoire de ce peuple, de ses mœurs, industries, art et sépulture, ainsi que de
sa religion et de sa langue.
Philippe Salmon. L'Ecole d'Anthropologie. (1895-4896). Félix
Alcan, în-8 de pp. 48. (Extr. de la Revue de l'Ecole d* Anthropologie;).
C'est à l'occasion du 20« anniversaire de l'Ecole que M. Philippe Salmon a
entrepris de retracer son histoire. Fondée par Broca, elle ne fut reconnue
d'utilité publique (1889) qu'après avoir fait ses preuves pendaot près de i4 ans.
Actuellement ses cours sont suivis par plus de 12.000 auditeurs. Plusieurs
d'entre eux se rattachent aux traditions populaires ; tel était celui d'Anthropolo-
gie linguistique que notre collègue Abel Hovelacque professa brillamment
de 1876 à 1885 ; sa chaire est aujourd'hui occupée par M. André Lefèvre, aussi
1. Cette énigme existe dans la province de Gonstantine, dans les mêmes ter-
mes cf. iMejdoub, Choix de fables en arabe parlé, Constantine, 1890, in-8, p. 162,
énigme II.
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 673
notre coHë«ue» qui y a traité nombre de questions de mythologie, de supersti-
tions et de croyances. M. Adrien de Mortillet, chargé de la chaire d'ethnographie
comparée, s^occupe depuis 1889 à comparer les industries des populations
préhistoriques avec celles des peuples modernes. Un résumé des leçons et des
mémoires originaux sont publiés dans la Revue mensuelle de l'Ecole d'Anthro-
pologie, fondée en 1890, sur Tiniliative d'Abel Ilovelacque.
Li. Quarré-Beybourbon. Le Cotisée de Lille. Lille, L. Quarré,
in-8 de pp. 24 avec figures.
Notre collègue continue à consacrer d'intéressantes monographies au vieux
Lille. Le Cotisée construit à Lille « A l'instar de celui de Paris » était un Jardin
avec toutes sortes de raines artificielles, de grottes, de tombeaux etc., qui
servait de lieu de réunion et de plaisir. Construit en 1787, il fut détruit
presque entièrement en 1792 pour la défense de la place, et il n*en reste plus
que quelques vestiges.
Léon Duvauohel. L'Hortillonne, mœurs picardes^ roman\
Librairie A. Lemerre, Paris, in-18.
L'action de ce roman se passe aux environs d'Amiens, dans le pays entrecoupé
de canaux od ileurit l'industrie maraîchère locale. Beaucoup de dialogues sont
en patois picard, et l'un y trouve un certain nombre de coutumes et de supers-
titions, ainsi que des descriptions des maisons et du mobilier rustique des
hortillons ou maraîchers.
Ollivier-Beauregardf Chez les Pharaons^ études égyptiennes,
histoire, religion, cryptographie, caricature. Paris, Thorin, in-8' de
pp. XLVIII, 165 (avec figures).
Nous nous contentons pouf aujourd'hui de signaler les chapitres qui touchent
en quelques points à nos études : La justice et les tribuuaux dans l'ancienne
Egypte (Set à tète d'âne ; la légende de la nativité du Christ entre le bœuf et
l'Âne ; le culte de Set en Egypte) ; pseudo-poupée et caricature égyptienne.
Paul EadeL Un peu de tout. CHlendorff, in-i8 de pp. XII-485
(3 fr. 50)
Cet nitéressant volume de mélanges, agréable et instructif à lire, renferme
quelques passages qui intéressent le tradilionnlsme, tels sont l'analyse d'une
CendrilUm, adaptation pour marionnettes du conte de Perrault, faite parle père
de l'auteur, et la description très-mouvementée du baptême de la ligne, tel
qu'il se pratiquait encore en 1856, à bord des long-courriers français.
TOMB XI. — DÉGBMBRI 1896. 43
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674 RBVUB DES TRADITIONS POPULAIRES
PÉRIODIQUES ET JOURNAUX
Joamal of American Folk«lore, IX, 34. — Popular Célébrations in
Mexico, Frederick Starr, — Micmac Magic and Medicioe, Slansbury Hagar. —
Christmas Maskings in Boston. W. W. Newell. -- Pupular American Plant-
Names, Pany D, Bergen, — Two Negro Taies, Mrs, William Preslon Johnaton.
— Account respecting Beliefs of Australian Aborigines. — Record of American
Folk-lore, A, P. C. — Negro Hymn of the Judgment Day. — Navaho Legend?,
W. W, NevoelL
Ons Volkleven VlII. 5 et 6. Usages et Coutumes populaires de la Camptne
anversoise. Le Déménagement des valets et des servantes (avec des chaussons
et des airs notés), Frans Zand, — Contes populaires: 4. (61.) L'Oiseau d'or, le
Cheval d*or et la Princesse. 3. (62.) La Bourse, la Baguette et le Ch&peau
enchantés, Jozef Comelissen, — Légendes : 8. (207.) La Fille qui sautait d'un
arbre sur l'autre. 9. (208.) L* A ni mal- fan tome de Wyaeghem. 10. (209). L'Animal
fantastique et le Nain. 11. (210). La Dame blanche de Wyneghem. 12.(211). La Dame
blanche et les Lapins. 13. (212.) La Ferme hantée, Alfred Harou. — Proverbes
et Dictons populaires relatifs au temps, Frans Zand. — Saint-Antoine (suite),
Alfred Uarou. — Usages et Coutumes populaires du Brabant septentrional
(Hollande) (suite) : VI. 2. Les Courses de Chevaux. 3. Coutumes de chasse. 4.
Réjouissances sur Teau, sur la glace et dans la neige, réjouissances aériennes.
VU. Jeux des enfants et jeux populaires. 1. Jeux des enfants, P.-N. Panken. —
Les Saints des différents peuples (suite), Alfr. Harou. — Un mot de l'histoire
des pommes de terre, L. Mees. — Blason populaire: 10. (78.) Veerle la fiére.
11. (79.) Les Veaux de Breendonck. — 12. (80.) Les Ch de Hobokcn. 13. (81.)
Heindonk : le rebut ou le bout du monde. 14. (82.) Les Mangeurs de Iliogene.
15. (83.) Sempst la Riche. 16. (84.) Les Porcs ou les Hiboux de Sempst-Bosch. 17.
(85.) Les Taupes de Kieidrecht. — 18. (86.) Les T^tes de Pierre «le Poperinghe.
19. (87.) Sobriquets des habitants de quelques autres localités, J.^F. Vincx, -^
La petite Vieille et son cochon, randonnée anglaise, J. Feskens.
Volkakunde, IX, 5-6. — Chansons populaires, A. De Cock, — Encore le
cheval, A. De Cock. — Pèlerinage à Wanneghem-Lede, pour le « Kock »
gâteau = carreau), A. De Cock. — Contes-.Menteries. Gagner la fllle du roi par
la plus belle menterie, A. de Cock. — Proverbes et dictons sur les femmes. —
La veuve {Suite). — La femme de mauvaise vie et la femme publique, A. De
Cock.
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 675
NOTES ET ENQUÊTES
.•^ Biner de ma Mère VOye, — Le 108« dîner a eu
lieu le 30 novembre à THÔtel des Sociétés savantes,
sous la présidence de M. Charles Beauquier, vice-
président de la Société des Traditions populaires.
Les autres convives étaient MM. G. Beauregard,
Airred Michau, Adrien Oudin, Raoul Rosières, Paul
Sébillot, Julien Tiersot. MM. A. Certeux, E.-T. Hamy,
Morel-Retz (Stop), etc., s'excusent par lettres de ne
pouvoir assister au d!ner.
M. Paul Sébillot annonce qu'au Comité Central
qui a précédé le dîner, quatre nouveaux sociétaires
ont été présentés. Le dtner décide que pour douner
plus d'attrait aux quatre dîners annuels une com-
mission des fêtes sera instituée. Elle est ainsi com-
posée : George Doncieux, Morel-Retz (Stop), Napoléon Ney, Adrien Oudin,
N. Quellien, Félix Régamey, Julien Tiersot.
Au dessert, on boit à la prospérité de la. Société des Traditions populaires de
la Suisse tout récemment fondée, et à laquelle nous consacrons un article.
* »
Nominations et Distinctions. Notre collaborateur A. Giry, professeur à
TEcole des Chartes, a été élu membre de l'Académie des Inscriptions et belles-
lettres ; M. Girard de Rialle, ancien Président de la Société, prend la direction
de l'Intermédiaire des chercheurs et des curieux,
,% Coutumes relatives au bétail. — A Arleuf (Nièvre). Lorsqu'on sépare un veau
de sa mère pour le vendre au boucher, on a soin de lui couper une touffe de
poils de la queue qu'on met dans le foin. Cela empêche la mère de bramer,
(pleurer son veau] et lui fait donner son lait lorsqu'on la trait.
— Un paysan qui vient d'acheter un bœuf ou une vache doit toujours la faire
entrer à reculons la première fois qu'elle entre dans sa nouvelle étable pour
qu'elle prospère et n'attrape pas de maladies.
(Comm. de M. H. Marlot).
,•» Chansonnette pour faire rentrer les vaches, — En llle-et-Vilaine, quand il
est temps d'emmener les vaches à l'étable, on chante :
Tiaolo,
Le soleil est couché,
La barrièrre est à bas,
11 est temps d'emmener,
Taiolo.
(Comm. de M. Paul Yvbs Sébillot).
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(ilt) REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
/• Origine de la fleur « Edelweifz >. ^ Mon aïeule me l'avait dit et les
gens de ces bois me Tont coofirmé souvent que, dans le soleil, la Sainte- Vierge
est assise avec son rouet. Elle Gle la laine des agnelets blancs qui paissent
dans le paradis. Une fois, qu'elle s'était endormie en filant, rêvant aux hommes,
un flocon de sa laine tomb^ mr la terre où il resta accroché à un rocher élevé.
Les gens qui Tout trouvé là haut, au danger de leur vie, Tout appelé Edelweifz,
blanc pur ou noble.
(Recueilli dans Die Schriften des Waldschulmeisters de Peter Rosegger, par
Hrdwioe Hbinbckb).
,% Les Disettes, Le peuple croit que le tombeau de Marie de Brabant, épouse
de Louis V, duc de Bavière, enterréa à Donawerth, garantit de la disette les
populations qui en touchent la pierre.
(Compte-rendu des Séances de la Commission royale d'histoire, IV, 362).
* (Comm. de M. Alfred Harou).
,\ Les Somnambules. Les somnambules sont des enfants nés pendant que
luit Vétoile du soir. Ils sont plus heureux le soir et la nuit que pendant le jour,
bien qu'ils soient gens d'esprit.
(CoRBMAivs. L'année de Vancienne Belgique^ dans le Bulletin de la Commission
royale d'histoire, VII, 49).
(Comm. de M. Alfred Harou).
,% Se moquer de quelqu'un. « Vous me la faites à V oseille », pour dire vous
vous moquez, vous plaisantez. (Bruxelles). On dit aussi « Vous me tiret en bou-
teille ».
(Comm. de M. Alfred Harou).
,*« Ver tréme-onc lion et les sacrements. Du Fief, écrivain tournaisien du
xvio siècle, parle d'un ancien préjugé populaire d'après lequel un malade oe
pouvait plus lester dès qu'il avait reçu les derniers sacrements.
De nos jours, le peuple ajoute encore fois à cette ancienne croyance.
(Comm. de M. Alfred Harou).
* «
Eructation. Lorsqu'une personne se permet une éructation, ou émission
sonore de gaz par la bouche, son voisin de lui dire :
ff L&che la corde, le cochon s'étrangle ».
(Entendu à Bruxelles).
(Comm. de M. Alfred Harou).
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TABLE ANALYTIQUE
MTTHOLOOIE ET LITTÉRATURE COMPARÉE
Les anciens chants historiques et les traditions
populaires de l'Arménie „ Ervand Lalayantz. René Bas- ^^- ^^ ' ^^
set. i^337, asr -, ; /^^
La chanson de Renaud, essai de littérature ''iS^^n ^v^:
populaire comparée ' Léon Pineau, 65
Le traîneau dans les rites funéraires de
l'Ukraine Th. Volkov. 209
Le lai d'Aristote, I En Perse Gaudefroy-Demonbynes. 530
Niedishu Widewuts, épopée latavienne H, Wissendorff de Wissu-
kuok. 481, 545
La légende de Didon XTI Alfred Harou, 524
LES MÉTIERS ET LES PROFESSIONS
Les métiers : IV (8uite),chansons de métiers : la
chanson des tailleurs Paul Guieyese. 409
Les pillotous, elc Paul SébilloL 564
Le matelot préféré Alfred Harou, 565
VIII (suite). Jeux de métiers Alfred Harou. 241, 309, 615
X (suite). Commencement et fin d'un ouvrage. Alfred Harou. 14, 190
XI (suite). Métiers paria.s , fripiers Alfred Harou, 191
XII (suite). Fêtes de métiers P. S,^ E. Auricoste de Lazar-
que, Alfred Harou. 14, 501, 566
XVII. Présents à certaines époques Alfred Harou. 567
XXi (suites. Critérium de capacité Alfred Harou. 191
XXIV (suite). Les enseignes A. Tauaserat-Radel, Alfred Ha-
rou. 310, 567
XXVI (suite). Coutumes démarché Alfred Harou. 414
XXX (suite). Facéties sur les tailleurs Alfred Harou. 502
L (.suitej . Les couturières Alfred Harou. 615
LXIV (suite). Redevances et pourboires Alfred Harou. 242, 309, 568
LV (suite). Les potiers Alfred Harou. 242, :)02
LXI (suite). Cris des rues. Paris P. S., Paul-Yves Sébillot. 15, 192
Anvers Alfred Harou. 15, 616
Rennes, Nantes Henriette Monternier. 1 5
Troyes Louis Morin. 83, 354
Rethel (Ardennes) Lucien Torchet, 87
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678 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
Lyon Aimé Vingtrinier. 87
Liège Alfred Harou, 567
Cris des environs de Paris G. Fouju, 242
Cris de Metz Auricoste de Lazarque. 3-56
Amiens P. S. 615
LXIV (suite). Redevances et pourboires Alfred Harou, 307, 570
LXXI. Les marchands ambulants Alfred Harou. 13, 191
Paris-Montrouge .s l\ T, 192
Marchand de berlingot de Strasbourg P. Ristelhuber, 193
Rouen Eugène VitnonL 193
Loudéac. Saint-Brieuc M^^ L, Texier. 195
Belgique wallonne Alfred Harou, 193
LXXII. Les vidangeurs Alfred Harou, 13
LXXin. Crimes professionels Paul Sébillot, 188
Le barbier assassin. Le charcutier assassin.. Alfred Harou. 189, 309
LXXni bis. Noms donnés à certain» matériaux. A Certeux. 83
LXXIll ter. Métiers de force exercés par des
femmes Alfred Harou. 190
LXXiV. Le vannier Achille Millien. 241
LXXV bis. Les charpentiers dans la croyance
populaire ruthène W. Bugiel. 304
LXXV. Importunités de marchands Alfred Harou. 307
LXXVL Les armuriers VI. Bugiel. 241
LXXVII. Les piloris des fraudeurs Alfred Harou. 307
LXXVIH. Le meunier impie A If nd Harou. 308
LXXIX. Le tailleur facétieux Alfred Harou. 308
LXXX. Les verriers .'. Alfred Harou. 414. 568
LXXXI. Corporations de musiciens E. Auricosle de Lazarque el
P. S. 500
LXXXI 1. Les allumeurs de réverbères Alfred Harou. 501
LXXXin. Dangers de métiers Alfred Harou. 561
LXXXIV. Hausse et baisse des salaires Alfred Harou. 561
LXXXV. Vente des minerais de fer Alfred Harou. 561
LXXXVI. Les ouvriers congédiés Alfred Harou. 562
LXXXVn. Les valets de ferme Alfred Harou. 562
LXXXVIII. Les écrivains : . Alfred Harou. 562
LXXXIX. Les tisserands Alfred Harou. 563
XC. Les marchands de village A Ifred Harou. 563
XCr. Lefe arracheuses de poils Alfred Harou. 563
XCII. Les chefs-d'œuvre impossibles Louis Morin. 564
XCIII. Les bouchers Alfred Harou. 564
XGIV. Les marchands fleuristes Alfred Harou. 613
XCV. En entrant chez le marchand Alfred Harou. 613
XCVI. Eocouragement à Tindustrie Alfred Harou. 613
XCVIL Gracieusetés de marchands Alfred Harou. 614
XCVIII. Les fabricants de chapeaux de paille. Alfred Harou, 614
FOLK-LORE
Les Cloches. XII. Le son des cloches Filleul Pétigny. 43
Le tabac. VU (suite). En Amérique René Basset. 28
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REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES 679
IX. Le tabac de fraude P. S. 30
X. Les contrebandiers P, S, 1 15
Le surnaturel et les pouvoirs publics. — I.
Maison hantée Léon Collot, 39
II. La chasse aux lutins Paul d'Eslrée, 39
Su perditions champêtres au xvi*' siècle dans
François le Poulchre P, S, 363
Les saints maltraités. MI 0. Colson et P. S. 31
Lea ordalies (suite) René Basset. 16, 296, 6o8
Êtres fantastiques et chansons pour endormir
les enfants arabes et berbères Charles Robert, 26
Les traditions populaires et les écrivains
français. XXVII. Brueys P, S, 33
XXVIII. Chapelle et Bachaumont P. S, 34
Les villes englouties. CLXXIX-CXCXII-GXCIV-
CCXll René Basset. 33, 379, 429, 595
Le Manpberg. CXCXIH Paul Rislelhuber, 381
Les offrandes au.\ saints. — 11. Le pain de
saint Antoine Maria Jjecocq. 115
Jeux el joujoux. — I. Le diable des bois Edmond Van der Straeten, 117
L'habillement des statues. VI P. S. 112
Les almanachs populaires. Vlll. Almanachs
normands. VIII (IX). Almanach de Troyes.. Louis Morin. 53,143,253
IX. Almanach de Mathieu Laensherg 0. Colson. 620
Leî» empreintes merveilleuses. CX-CXXXIV.. René Basset. 151, 199, 312, 525
CXXXV. Les genoux de la Vierge Fra Deuni. 529
CXXX VI. Les souliers du bon Dieu £/. Marlot. 529
Prodiges et jeux de nature. I. OËuf montrant
une figure Louis Morin. 144
IT. Les haricots du Saint-Sacrement P. S. 383
La fratemi$tation/par le sang. LXI-LXIII René Basset. 465
Le folk-lore dans les écrits ecclésiastiques. —
II. Le concile de Séleucie René Basset. . 244
Les ongles. XVII-XIX René Basset. 476
Traditions de Lorraine M. Poirier. 262
Traditions et superstitions des Ponts-et-Chaus-
sées. II. Les Chemins de fer (suite) Alfred Harou. 477
Botanique populaire. I René Basset. 478
Les êtres fantastiques en Belgique Alfred Harjou. 314
Traditions du MentonnaiR. Etude comparative. /. B. Andrews. 464
Les esprits forts à la campagne, III. Hainaut. Alfred Harou. 560
IV. Ille-et- Vilaine Fra Deuni. 560
Coutumes, croyances et superstitions du Cam-
bodge /. Agostini. 637
Croyances et légendes du Morbihan F. Marquer. 660
LA MER ET LES EAUX
Les coquilles de mer. IV Walter Gregor. 56
XVI. Un navire fantôme Walter Gregor. 330
XVII. Les apparitions Alfred Harou. 575
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680 REVUB DES TRADITIONS POPULAIRES
ORIGINES. — MONDE PHYSIQUE
La neige, l. Formulette de la neige Af»« /. Lambert. 42
Le« pourquoi. CV. Origine des Myrtîllesl 3fn«« /. Lambert. 202
Les météores. VIIL La voie lactée VIT. L'arc-
en-cieL XIL Le feu de Sainte-Elme René Basset. 45, 531, 576
Orion et le baudrier d'Orion, IX René Basset. 577
X. Les étoiles filantes René Basset. 378, 656
Les forêts VI. Bugiet. 248
TRAVAUX PUBLICS
Les rites de la construction. XXIV René Basset. 533
Les mines et les mineur?. XXVI René Basset. 334
PARIS
Miettes de folk-Iore parisien. XXIV. Supers-
titions parUiennes. XXV. Jeux au commen-
cement du régne de Louis- Philippe Faut Sébiltot. 24
XXVI. FraDeuni. 119
COUTUMES
Coutumes, croyances et superstitions de Noël.
XII (suite). En Auxois Hippotyie Marlot. 20
XV. Enfants nés la veille de Noël Alfred Harou. 21
XVI . Les soirées de chant Alfred Uarau. 21
XVII. En Dauphiné Auguste Ferrand. 22
XVIII. En Champagne A. Tausserat-Radel. 624
XIX. En Limousin A. Tausserat-Radel. 624
XX. Dans les Ardeones belges Alfred Harou. 625
XXL' Cadeaux de Noël en Allemagne Hedwige Heinecke. 625
XXIL Gâteaux de Noël et de la Saint-Syl-
vestre Hedwige Ueinecke. 626
XXIIL Coutumes en Espagne Hedwige Heinecke. 628
XXIV. Coutumes des RaucbniBcht en Haute- .
Autriche '. Auguste MarguHlier. 629
XXV. Coutumes de Bruxelles Alfred Harou. 631
XXVI. Coutumes en Pologne Bruno Heinecke. 632
Croyances et superstitions du jour de Tan.
XVII. En Dauphiné Auguste Ferrand. 23
XIV. Environs de Metz M. Poirrier. 93
Les gâteaux et bonbons traditionnels. — XII.
Seine-Inférieure Edouard Pelay , 113
Gftteaux de fôte à Cannes. XIII A. Certeux. 322
Coutumes de mariago. XXVII. La futuration. . François Fertiault. 55
XXVIII. En Saône-et- Loire //. Marlot. 327
XXIX. Le repas monstre Hedwige Heinecke. 474
La fête des Rois. XIX. A Marly, en 1704 A. TausseraL 49
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aEVD£ DE3 TRADITIONS POPULAIRES 681
XX. De Noël aax Rois (Dauphiné) A. Ferrand, 49
X. Ed Haute-Autriche Auguste MarguilUer. 89
Usages de carnaval. XI. En Alsace P. RUtelhuber. 146
Coutumes de Mi-Garème. — 111. En Indre-et-
Loire. — IV. En Eure-et-Loir Guêtaxm Fouju. 318
Coutumes pcolaires. VI 11. Ordalies eufantines.
IX. Le peloton de congé Alfred Barou. P. S. 201
X. L'habit neuf Alfred Barou. 298
Les Charités. V.lmages'de confréries et charités. Edouard Pelay. 202
Usages de Pentecôte. — 1. En Alsace P. RUtelhuber^ 324
H. lUe-et-Vilaine Fra Deunt. 325
Coutumes et superstitions du pays de Bray et
du pays de Caux...... B. Beyac, 260, 384
Rites et usages funéraires. — XX. Derniers
adieux F. Fertiault. 312
XXI. Environs de Metz Auricotte de Lazarque, 589
XXII. Haut-Morvan Hippolyte Marlot. 590
Comment on souhaite la fête. I. Dans le
Luxembourg belge Alfred Barou. 424
La Saint Martin. — T. Origine. — IL Croyan-
ces et coutumes Alfred Barou. 581
Usages alsaciens Paul BUlelhuber. 461, 568
Les Avents. IV. Chant de quête. Ille-et- Vilaine . François Duynes. 612
SUPERSTITIONS
Les Epingles. II. Les épingles et Tamour F. Charpentier , B. Beyac.
Bedwige Beinecke. 10, 54, 107, 329
Traditionset superstitions du Morbihan (ftuite). François Marquer. 41
Quelques superstitions du Tan» Le Télégramme. 106
Superstitions du cap Sizun I. L'évocation du
mauvais œil (suite). — IL Le verbh — 111.
LeTelou-Devcd. — IV. La taie. — V. An Uriou. H. U Carguel. 288
Croyances des Indigènes des environs de
Sedrata • Achille Bohert. 473, 580
Superstitions de la Saint André. — IV. Po-
méranie ^ Hedwigê Beinecke. 601
Médecine populaire arabe. I Achille Robert. 644
Les édifices hantés. I Bippolyte Marlot. 661
Pèlerins et pèlerinages. XXI-XXII Btppolyle Marlot. 661
CONTES ET LÉGENDES
La discorde et le vent. III-IV r René Basset^ P. Ristelhuber.
30, 554.
Légendes et superstitions préhistoriques. XL.
La pierre aux dix doigts. XLI. Dolmens qui
se déplacent. XLll. La pierre au poivre... G. Fouju. 46
XLIII. Les pierres de foudre. XLIV. Pierres
apportées par un saint. XLV. Pierres du
diable. XLYl. La Roche du Jordan Bippolyte Marlot. 47, 319
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682 REVUE DBS TRADITIONS POPULAIRES
XL VII. Les pierres à légendes de Vauxrenard
(Rhône) Claudiuê Savoye, 653
XLVIII. La pierre du Champ-Dolent François Duynes. 655
L'origine des prénoms. I. Légendes arabes. . . René Basset, ^ 52
Le singe et le missionnaire, conte de la
Haute-Bretagne P. S, 57
Le petit Langadou. I. Conte bourguignon Morel-Retz (Stop). 92
H . Limbourg belge Alfred Havou. 247
Contes troyens. — VI. Le roi au grand nez.
— VII. La marchande de balais. — VIU. Le
fiieur d'or. — IX. Le ménétrier farceur Louis Morin. 98, 460
Allusions à des contes populaires. — XXL For-
mule de contes. — XXIi. Un similaire du
préambule des Mille et une Nuits P. S. 118
Notes sur les Mille et une Nuits. II René Basset. 146
Contes et légendes du Valais. VU- Vlll L. Courihion, 139
La vengeance du mort. Légende du Limbourg
belge Alfred Harou. 145
Le barbier assassin, légende liégeoise Alfred Harou. 189
Contes de la Haute-Bretagne, contes merveil-
leux. I-VII Paul Sibillui. 232
Contes comiques. NXLU Paul Sébillot. 299, 390, 435, 504,
599, 633
Contes arabes et orientaux : Histoire du roi
Sabour et de son fils Abou'n Nazhar René Basset. 273, 363
XIV-XV. Balach et ses deux femmes Oaudefroy Demombynes, 481
Légendes contemporaines. — I. Une légende
arabe en formation. — II. Le marabout qui
arrête le train. III. Le marabout enlevé au
ciel, etc. Si M'hammed el Grab Achille Robert. 316, 425, 393
La morte ressuscitée. 1. Légende liégeoise . . Alfred Raron. 328, 590
II. En Allemagne Hedwige Heinecke. 466
De mal en pis comme Tribuet, conte champenois. jA)uis Dart. 221
I. Contes de la Beauce et du Perche. 1-IX Filleul Petigny. 357, 569
Légende? des Vosges Morel Retz (Stop). 387
Contes et légendes de l'Extrême-Orient. XLIl-
XLIX René Basset. 416, 609
Les Veillerys argentenois Eugène Vimont. 419
Contes d'Anvers Alfred Harou, 462
La fée et la sage-femme Anselme Cation. 467
Supplément aux contes de Si Djeha. I René Basset. 496
Le château hanté, légende en patois morvan-
diau Jean Coulas. 587
Contes brésiliens traduits du portugais René Basset. 617
Le pauvre rusé, conte de la vallée d'Aspe... Anselme Caillon. 622
Le loup reconnaissant René Basset. 643
Blason populaire de la Franche-Comté. Dic-
tons et contes facétieux Charles Beauquier. 645
L'homme oui ne voulait pas mourir. Il Alfred Harou., 657
Le cocher de la mort, légende du Grand
Duché du Luxembourg Alfred Harou. 662
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REVUE DES TRADITIONS rO?CJLAIRRS 683
CHANSONS ET MUSIQUE
Rou pioupiou, vieille paysannerie bouîonnaise. E,-T. Hamy. 32,112
Cris populaires notés t. Morin . 83, 354
Une chanson du XV1« siècle, restée dans la
tradition populaire Julien Tieraol. 94
Le moine et le villageois , chanson du pays
de Lallœu (Pas-de-Calais) Emile Becquart, ÏOS
La chanson de Renaud. 11 Léon Pineau. 196
Le conscrit de 1810. III. Pays chartrain L.-O. Merson, 262
Le refrain à compléter. IV Louis Morin. 326
Vieilles chansons du Maine (suite) AfB« Deslnché, 254, 352, 470
Les douze paroles de vérité. — IV. Dans les
imprimeries de Troyes L» Morin, 144, 395
H. Au quartier Latin B.-fl. 395
La vieille, ronde I. Dijon Morel Betz (Stop). 555
II. Haute-Bretagne Paul SébilloL 557
La chanson des nains G. Le Calvez, 592
PROVERBES, DEVINETTES, FORMULETTBS
Devinettes savoyardes Jean de la Suie, 472
Le coq et la poule, randonnée lorraine Bené Basset, 263
Blason populaire d'Eure-et-Loir ......... Filleul Petigny, 45
Blason populaire de la Bretagne. Additions. P. S. 592
Formulettes et jeux enfantins. I. Formulet-
tes recueillies à Troyes. ï. F. recueillies par
M. A . Baudouin Louis Morin. 582, 585
III. Une chevauchée, Verdun sur Doubs.... F. PertiauU, 586
Le diable et le recteur d'Elven Fra Deuni. 616
THÉÂTRE POPULAIRE
III. Arrêt du parlement de Rennes Bet. de Bretagne et de Vendée. 468
IV- V. Le poëme alpestre A. Certeux. 535
POÉSIE POPULAIRE
Poésies sur des thèmes populaires. XXXIX.
Flûtes d*écorce. XL. Le galant qui se noie. Achille Millien. 229
XLI. Aux champs. — XLII. L'herbe d'oubli. George Doncieux. 294
XLIII. Contes du gaillard d'avant G. de la Landelle, 493
HÉROS POPULAIRES
Les héros populaires : Barbe-Bleue P,'S. 429
Gargantua dans les traditions populaires. XII.
Gargantua dans l'Orne Eugène Vitnont, . . 251
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684 REVUE DES TRADITIONS POPULAIRES
VARIÉTÉS
Charles Perrault au Journal de Paris (1185).. P-S,
Assemblée générale 120
Les Musées d*Ethnographie. — IV. Musée du
Trocadéro A. Landrin, 376
Les Sociétés de Traditions populaires. VIII.
Société du Costume poitevin P,-S, 389
IX. Société Suisse des Traditions populaires P.- S. 664
NÉCROLOGIE
A. Hoyelacque, H, du Cieuziou P.-S, 204
Jules Simon P,-S» 331
F.nJ. Child Henry Gréville. 540
BIBLIOGRAPHIE
J,-B. Ambrosetti. Materlales para el es tu-
do del f. 1. missionero. P. S. Apuntes para
un f. L argentino. — - Los Indios Kaingan-
gués P,'S. 60
Raphaël Blanchard. Les cadrans solaires P,-S. 271
P. Charpentier, Les œufs de Pâques P.-S. 205
J. Curlin, Taies of fairies Bené Basset. 670
F. Fertiault. Glossaire du verdunochalonnais. P.-S, 541
E, Jacottet, Contes bassoutos René Basset, 265
/. Goldziher, Die Légende vom Monch Barsisa. R.-B, 332
Abbé M, Gorse, Au pays de Bas-Limosin P,-S. 542
Ch, des Granges. Les contes de Perrault mis
en vers ; P.-S, 123
/. Jacobs, W'ouder Voyages P,'S, 669
Henri de Kerbeuiec, Cojou-Breiz P.-S, 479
L, Léger, Etudes de mythologie slave P.-S. 271
A, Marguillier, A travers le Salzkammergut. P,-S, 270
Alfred Maury, Croyances et légendes du
moyen-âge P.-S. 271
Leite de Vasconcellos, Ensayos ethnographicos P.-5. 663
Pol de Mont et A. de Cock, Wlaamske Won-
dersproolkes H. Tevrlinck. 603
Montet, Religion dans T Amérique du Sud. René Basset. 332
Motitet'Fortis Chansons populaires /. Tiersot. 205
G. Nicolas. Brins d'œuvre L. Morin. 333
G. Pitre. Medicina popolare siciliana P.-S. 271
Quan'é-Reybourbon. Les monuments mégali-
thiques du Nord P.-S. 333
Léo Rouanet, Chansons populaires de l'Espa-
gne P.-S. 541
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RF.V(IE DES TUADITIONS POPl LAIHES t>8;l
E. Sachau. Ueber die Poésie in der Volks-
prache der Nés torianer R^mé Basset. 332
Seidelj Geschictiteû des Afrikaner René Basset, 604
Siume. Tunische Sammiungen René Basset. 671
S. Trébucq. La chanson populaire en Vendée. P.-S. 396
Arluro Trombatore. Folk-lore catanese P.-S. 669
Uhland. Poésies choisies P.-S. 670
Braulio Vigon. Juegos infantiles P. S. 603
Zeitschrift fOr afrikanische Sprachen René Basset. 332
ILLUSTRATIONS
Onze figures pour Tarticle : Le traîneau
dans les rites funéraires 210 à 228
Saint Etienne. Image de confréries de cha*
Filé; 203
Saint Jacques de Gompostelle, image popu-
laire 61
Spécimens d'imagerie populaire parisienne. 62
Découpages au ciseau 62
L*œuf à figure humaine U4
Une fée indienne d'après Old Deccan Days,
Miss Krère
Culs-de-lampes, lettres ornées
Six culs-de-lampe, lutins et fées, d'après une
ancienne édition de Croker. Legends of Ireland. 356, 394, 434, 475, 477, 499, 632
Lettres, I, d'après les vignettes de l'édition
des contes de Perrault, de Collin de Plancy,
représentant le Petit Poucet qui ôte les bottes
au géant, et la Rencontre du Loup et du
Chaperon-Rouge 435, 569
Fleuron de la société suisse des Traditions
populaires 666
Le Gérant, A. CERTEUX
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PUBLICATIONS DE LA SOCIÉTÉ
Revne des traditions populaires
Tome I, (1886), lV-407 p., avec 25 airs de musique et 3 illustrations. (Presque
épuisé) 30 fr.
Tome 11, (1887), 596 p., 40 airs, 30 illustrations '. . . 25 fr.
Tome m, (1888), 688 p., 60 airs et 110 illustrations 20 fr.
Tome IV, (1889), 100 p., 50 airs et 80 illustrations 20 fr.
Tome V, (1890), 776 p., 43 airs et 74 illustrations 20 fr.
Tome «VI, (1891), 784 p., 40 airs et 16 illustrations 20 fr.
Tome VU, il892), 792 p., 49 airs gravés, 39 illustrations 20 fr.
Tome VllI, (1893), 632 p., 22 airs gravés, 60 illustrations 20 fr.
Tome IX, (1894), 728 p., 32 airs, 52 illustrations 15 fr.
Tome X, (1895), 696 p., 27 air.*», 30 illustrations 15 fr.
Six annuaires ont été publiés : eu 1886 (épuisé). 1887, pet. in-8 de pp. XXX-
184, avec 6 airs et 20 illustrations (3 fr. 50, Hollande 5 tr.). 1888, pp. XXVlIl-66,
4 airs et 12 illustrations (2 fr. 50, sur Hollande 4 fr.). 1889, pp. 32 (1 fr.. Hollande
2 fr.). 1890, pp. 44 (1 fr. 50, Hollande 2 fp. 50). 1894, pp. XV-166, avec 9 portraits
et 92 illustrations (3 fr. 50, Hollande 5 fr.). Les Annuaires 87 à 89, pris ensemble
6fr.
La Société a en outre publié :
Les Instructions et Questionnaires, par Paul Sébillot. 1 vol. in-8 écu de
76 pages 2 fr.
Le Congrès des Traditions populaires , in-8 de 168 p., avec dessins et musique
gravée 5 f r
La table analytique et alphabétique des dix premières années de la Revue, par
Paul Sébillot et A. Tausserat-Radel paraîtra en janvier.
Les sociétaires ont droit à renvoi gratuit de la Revue et des Annuaires ordi-
naires. Leur cotisation est de 13 francs, sans distinction de nationalité.
Les abonnés non-sociétaires ne reçoivent que la Revue. Les abonnements
(15 francs pour la France, 17 francs pour Tunion postale), sont reçus dans tous
les bureaux de poste, et chez M. Paul Sébillot, 80, boulevard Saint-Marcel.
Pour recevoir un numéro spécimen, il suffit d'en faire la demande en ajoutant
15 centimes pour frais d'affranchissement.
Toutes les communications intéressant la rédaction doivent être adressées à
M. Paul Sébillot, 80, boulevard Saint-Marcel, Paris.
Baugi (Maine^t'Loire). — Imprimerie Dalaux,
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